ARCHIVES
DE E
NEUROLOGIE
ARCHIVES
DE
NEUROLOGIE
REVUE MENSUELLE
DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES
Fondée par J.-M. CHARCOT
PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE MM.
A. JOFFROY
Professeur de clinique
des
maladies mentales
a la Faculté de médecine
de Paris. '
V. MAGNAN
Membre de l'Académie e
de médecine
Médecin de l'Asile clinique
(Sle-Anne).
F. RAYMOND
Professeur de clinique
des maladies
du système nerveux
à la Faculté de médecine
de Paris.
COLLABORATEURS PRINCIPAUX
MM. ABADIE (J.), ATHANASSIO, BABINSKI UALLET, BLANCHARD (It.), BLIN,
B01SSlEI\ (F.3, BONCOUR (P.), BOYEIt (J.), BltlANU 1011SSAUD (E.),
BHOUAItDEL (P.), BRUNET (D.), BUVAT (J.-C.), CAHEN, CATSAIIAS, CESTAN,
CHABBERT, CHAIION, CIiIiISTIAN, COLOLIAN, CUUCHET, CULLEXHE, DEBOYE (M.),
UENY, UEVAY, IJUGAMP, DUVAL (MuII1AS), FAUCHER, FEBYRE, FERE (Cu.),
FENAYROU, FERMER, FItANCOTTE, GILLES UE I,A TOUI\ETTE, GARNIE ! ! (S.),
GO1111SA11LT, GRASSET, KERAVAL, ICOOINUJY, LADAME, lAiNDOUZY, LEGItAIN,
LENOBLE, LEROY, LVVOFF, MABILLE, MARANDON DE MONTYEL, MARIE (A.),
N1RALLIE, âlUSGItAVE-ClAY, NOIR, PARIS (A.), PETIT, P1CQUÉ, P1E)U(ET, PITRES,
REGIS, III : GNARU (P.), RÉGNIER (P.), RELLAY (P.). ItICIII : It jP.), IIOTH (W.),
SÉGLAS. SÉRIEUX, SOLL1ER, SOUKHANOFF, SOUQUES, SOURY (J.), TAGUET,
TEINTURIER (E.), THILO (Or.), THULIE (H.), TIIUELLE, URRIOLA. VALLON,
VASCHIDE, Y1LLARU, VOISIN (J.), VURPAS, YVON (P.).
Rédacteur en chef : BOURNEVILLE
Secrétaires de la rédaction : J.-B. CHARCOT ET J. NOIR
Deuxième série, tome XII. 1901.
Avec 19 figures dans le texte.
' PARIS
BUREAUX DU PROGRÈS MÉDICAL
' 14, rue des Carmes.
1901
Vol. XII. Juillet 1901. - N° 67.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE MENTALE.
Hallucinations psycho-motrices dans la paralysie
générale;
A. MARIE, n J.-B. BIJVAT,
Médecin en chef il VllleJulr. Inlerne des Asiles.
, ,
On connaît le rôle prépondérant que joue l'hallucination
en séméiologie mentale. Ainsi que l'a dit Séglas, l'hallucina-
tion « est une perception sans objet » « une perception sans
impression » a répliqué Vallon. Elle est à la base de tous
les délires, elle en est le facteur prédominant, un des signes
capitaux, sinon toujours facile à dépister. Elle peut frap-
per tous les sens, être auditive, visuelle, olfactive, gusta-
tive, motrice, frapper. la sensibilité générale ou spéciale. Sa
durée est une des conditions de sa différenciation, sa diffé-
renciation est aussi fonction des aptitudes et des tendances
du sujet.
Les hallucinations de divers ordres se combinent entre
elles, s'associent et servent ainsi de charpente au délire.
Suivant Séglas, « les malades atteints d'hallucinations ver-
bales de l'ouïe et de la vue sont déjà des auditifs ou des
visuels, les hallucinés moteurs verbaux sont, au préalable,
des moteurs. Mais, malgré cette tendance du malade à verser,
au point de vue de l'hallucination, du côté où il penche, on
connaît l'influence des toxiques dans la production des fallu-
cinations. L'alcool produit surtout des hallucinations de la
Archives, 2e série, t. XII. 1
2 CLINIQCE MENTALE.
vue, la cocaïne des hallucinations de la sensibilité générale,
sans qu'on puisse connaître la genèse de cette élection du
trouble morbide sous l'influence de tel ou tel toxique.
Y aurait-il spécificité élective pour des. centres déterminés ?
On ne sait.
Les délirants mystiques théomanes ont des visions carac-
téristiques combinées souvent à de l'automatisme verbal ou
graphique (illuminés, inspirés, prophètes, etc.) que l'un de
nous a mis en relief récemment dans une étude faite avec
M. Vallon (in Archiv. O'eicroL., 1SGG-'J i, nos 1, 13, 1S).
Les persécutés systématiques ont surtout des hallucina-
tions auditives : c'était même là, pour Lasègue, un critérium
qui, aujourd'hui, paraît moins certain.
Les folies systématisées religieuses, dépressives ou expan-
sives se traduisent souvent par des troubles psycho-moteurs
précoces chez les mélancoliques possédés (Marie et Vallon,
Arch. ? aezc ? rol., 1898, nos29,30), secondaires et tardifs chez les
délirants partiels mystiques ; de là les idées de dédoublement
et de possession ou au contraire d'inspiration divine directe
(Marie, Mysticisme et folie, Arc/¡. Neurol., 1899, nos'4.0, 43).
La pathogénie des hallucinations se prête à des interpréta-
tions nombreuses. D'abord, on en a fait un trouble périphé-
rique purement sensoriel, puis oni en a fait un trouble psy-
chique pur. Baillarger fusionna ces deux interprétations et
attribua comme base à l'hallucination un trouble psycho-senso-
riel. Plus récemment, Tamburini, étendant à l'hallucination
les acquisitions relatives à l'aphasie corticale, en fit un trouble
fonctionnel des centres corticaux. « L'hallucination serait
aux altérations des centres sensoriaux ce que les mouvements
épileptoïdes sont à celles des centres moteurs. » Cette opi-
nion est acceptée par Séglas qui l'a appliquée à l'analyse
psychologique des phénomènes psycho-moteurs dans les
délires systématisés ; mais les hallucinations se combinent
le plus souvent entre elles et leur analyse devient plus com-
plexe lorsqu'elles touchent à des fonctions pour lesquelles
concourent plusieurs centres corticaux. Il en est ainsi, pour
le langage, produit d'une longue éducation et synthèse de
fonctions de centres superposés ; le trouble hallucina-
toire peut porter sur les images motrices d'articulation,
et on a l'hallucination, psycho-motrice verbale'proprement
dite, le trouble hallucinatoire peut porter sur les images
HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES : DANS LA PARALYSIE. 3
graphiques, et on a l'hallucination psycho-motrice graphi-
que. Chez -les délirants systématisés, le trouble hallucina-
toire va généralement du simple au composé; il frappe
d'abord les acquisitions les plus anciennes pour atteindre les
plus récentes, par extension. Nous observons actuellement
un persécuté qui a commencé par les hallucinations auditives,
puis est arrivé au stade psycho-moteur verbal : ses persécu-
teurs voyaient sa pensée, la violaient, la faisaient parler
malgré lui; actuellement, il en est au stade graphique : ses
persécuteurs le font écrire et ses manuscrits présentent un
mélange curieux de pensées à lui et de pensées à eux, et
l'écriture est modifiée quand elle traduit la pensée des « vio-
lateurs cérébraux ».
Séglas a bien décrit' le mécanisme de ces hallucinations'
psycho-motrices verbales graphiques chez les aliénés en z
général, montrant que beaucoup d'hallucinations dites psy-
chiques peuvent être considérées comme des cas de troubles
psycho-moteurs. Il a surtout étudié les mélancoliques et les
persécutés, il ne signale pas le phénomène chez les paraly-
tiques généraux.
Nous publions ici trois observations de paralytiques géné-
raux avec hallucinations psycho-motrices. Si « l'hallucination
est aux altérations des centres sensoriaux ce que les mouve--
ments épileptoïdes sont à celles des centres moteurs », l'étude
de la paralysie générale, dont les lésions diffuses frappent
indistinctement tous les territoires, devrait être un champ
d'observations fertile.
Les hallucinations simples chez les paralytiques généraux
sont connues et signalées depuis assez longtemps. Girma en
a présenté dans sa thèse, sous l'inspiration de Chrislian, de
Luys et de Ritti, une étude d'ensemble, en 1881. Voici sa
conclusion :
« Les hallucinations sont très fréquentes dans la paralysie
générale, elles peuvent être observées dans toutes les périodes
de cette affection, mais principalement dans la période
de démence. Dans la première période, elles peuvent revêtir
le caractère psychique; plus tard, après les congestions
cérébrales épileptiformes ou apoplectil'ormes qui semblent
avoir sur leur production une véritable influence, elles sont
plutôt sensorielles, fugaces et variées dans les formes expan-
sives ; elles sont assez souvent persistantes et identiques à
4 CLINIQUE MENTALE.
elles-mêmes dans les formes dépressives, dans les rémissions
incomplètes et dans la démence. Elles entraînent des actes
impulsifs, mais il est bien rare qu'elles soient, comme chez
les hallucinés simples, le .point de départ de déduction
logique. » - ,
Donc, suivant Girma, chez les paralytiques généraux les
hallucinatians peuvent revêtir le caractère psychique dans la
première période alors qu'elles sont plutôt psycho-senso-'
rielle plus tard, après les ictus dont il a bien vu l'importance ;
au cours de son travail, nous relevons trois observations où
le caractère psycho-moteur de l'hallucination existe très net-
tement.
A l'heure actuelle encore,les hallucinations psycho-motrices
verbales graphiques sont considérees comme rares dans la
paralysie générale. Cela tient peut-être, d'une part, à ce que
l'affection évoluant avec rapidité ne permet pas à l'hallucina-
tion d'arriver à ce degré de différenciation que la durée du
trouble favorise, et, d'autre part, à l'état démentiel très vite
accentué dans lequel tombent les malades; démence au sein
de laquelle le clinicien dépiste mal l'hallucination psycho-
motrice verbale, enfin, l'excitation parfois fort violente et
qui persiste durant assez longtemps ne permet pas l'investi-
gation clinique, tandis que le mélancolique ou le persécuté
viennent parfois eux-mêmes vous conter leurs infortunes.
C'est par poussées à l'apogée de la phase de dynamie fonc-
tionnelle initiale de la paralysie générale au début ou au
déclin de périodes de calme relatif de l'affection, dans les cas
de rémissions plus ou moins complètes qu'on trouvera de pré-
férence l'hallucination psycho-motrice verbale et graphique.
Ajoutons que, chez les paralytiques généraux, l'hallucina-
tion psycho-motrice n'aboutit pas nettement en général au
phénomène si curieux du dédoublement de la personnalité ;
la maladie évolue trop rapidement, les facultés mentales sont
trop touchées pour qu'il en soit ainsi.
Nous rassemblons ici les rares observations que nous avons
pu recueillir dans les auteurs sur ce trouble morbide au
cours de la paralysie générale.
La première observation est tirée d'Esquirol, par Baillar-
ger, qui l'a publiée dans les Annales médico-psychologiques
de 1881. Il s'agit d'une paralytique qui a eu des hallucinations
multiples et qui était possédée par deux démons.
HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES DANS LA PARALYSIE. 5
Nous empruntons à l'historique, dont Sérieux a fait précé-
der sa très complète observation publiée dans les Archives
de Neurologie de 1894, les faits suivants :
« Mendel, dans son livre (1SS0), fait allusion à l'existence,
chez un sujet atteint de paralysie générale (diagnostic con-
firmé à l'autopsie) d'obsessions au cours d'un accès mélanco-
lique et hypocondriaque. Le patient se plaignait d'être obsédé
' sans cesse par des maximes latines et de ne pouvoir qu'à
grand peine s'empêcher d'e les prononcer, puis c'était des
refrains de chansonnettes qui le poursuivaient : « c'est comme
si ces voix me venaient à la langue ». Mendel ajoute qu'il n'y
a pas trace d'hallucinations. Sérieux croit qu'il s'agit là d'o-
nomatomanie compliquée d'hallucinations psycho-motrices.»
Sérieux a publié une observation personnelle complète
avec examen microscopique de paralysie générale avechallu-
cinations psycho-motrices verbales dans les Archives de
Neurologie de 1894 ; en voici le résumé :
« Signes somatiques et psychiques de paralysie générale. Accès
mélancoliques passagers, accès maniaques avec idées ambitieuses
et de persécution. Internement, persistance durant trois mois
d'idées de persécution très actives provoquées par des hallucina-
tions de t'ouïe. Rémission très accentuée. Hallucinations motrices
verbales de nature pénible. Absence d'autres troubles hallucina-
toires et en particulier d'hallucinations auditives. Permanence et
activité de= hallucinations motrices verbales pendant plus d'un an.
Leur association étroite avec un état d'éréthisme des centres mas-
ticateurs : l'hallucination motrice verbale s'accompagne de mou-
vements involontaires de mastications ou de grincement de dents.
Ces troubles jouent un rôle dans la genèse des idées de persécu-
tions avec tendances à la systématisation, interprétations et réac-
tions caractéristiques. Bouffées secondaires épisodiques à forme
mélancolique (auto-accusation, idées de suicide), accès d'agitation
maniaque avec idées de grandeur et de persécution. Hallucinations
multiples motrices verbales, kinesthésiques, visuelles, auditives,
gustatives, état de confusion hallucinatoire. Pneumonie ; mort.
Autopsie. Encéphalite interstitielle avec adhérences méningées
localisées systématiquement dans les deux hémisphères à l'extré-
mité intérieure des circonvolutions rolandiques, à la troisième
frontale interne. »
Et Sérieux fait ressortir :
a) L'existence des hallucinations motrices verbales dans la para-
lysie générale. b) Leur association étroite avec des convulsions
6 CLINIQUE MENTALE. ,
des muscles masticateurs. c) Leur apparition au cours 'd'une
période de rémission il l'état de symptôme isolé sans association
d'autres trou blés hallucinatoires, leur durée prolongée de seize mois,
leur reproduction incessante. d) Leur rôle dans la genèse, au
cours d'une rémission, d'idées de persécution avec tendances à la
systématisation, Enfin, à l'autopsie,, des lésions de méningo-encé-
phalite intéressant le pied de la troisième frontale (centre moteur
verbal) et l'extrémité inférieure de la frontale ascendante (centre
masticateur).
Dans une thèse récente sur les hallucinations psycho-
motrices dans la paralysie générale (Paris. n° 334, mai 1900),
Maurice Ricu a fait une étude d'ensemble des cas d'halluci-
nations psychiques ou psycho-motrices publiées par divers
auteurs, Leroy, Sérieux, en y ajoutant un cas inédit. Il
estime que, dans la paralysie générale, les hallucinations
- motrices verbales sont extrêment rares. Cliniquement, les
hallucinations psycho-motrices de paralytiques généraux se
présentent avec les mêmes caractères que les hallucinations
psycho-motrices observées dans les divers états vésaniques.
Elles influent sur le délire des malades suivant des modalités
diverses et peuvent s'accompagner d'hallucinations senso-
rielles soit auditives, soit visuelles. .
.Les faits cliniques d'hallucinations psycho-motrices ver-
bales, observés au cours de la paralysie générale, sont très
peu nombreux jusqu'ici dans la littérature médicale, en
. raison : de leur rareté au cours de cette maladie, de l'ab-
sence de recherche systématique de ces phénomènes dans la
plupart des cas, de la difficulté d'arriver à un diagnostic
positif. Le diagnostic de ces phénomènes est, en effet, le
plus souvent très malaisé, soit à cause de leur fugacité, soit
à cause de l'état de démence du sujet ; parfois aussi ces hal-
lucinations psycho-motrices ne se révèlent au médecin que
dans les périodes de rémission du paralytique général. D'où
l'indication, chez un tel malade, toutes les fois qu'une amé-
lioration se produit de chercher systématiquement à faire un
diagnostic rétrospectif des hallucinations psycho-motrices
(cas de Sérieux).
En raison des lésions anatomiques habituellement obser-
vées dans la paralysie générale, certains auteurs se sont
demandés'si la production d'hallucinations psycho-motrices,
au cours de l'encéphalite parenchymateuse ne pouvait
HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES DANS LA PARALYSIE. 7
s'expliquer par une prédominance des altérations patholo-
giques au niveau des centres psycho-moteurs, et notamment
des centres sensorio-moteurs verbal et masticateur (interpré-
tation de Sérieux et Marinesco). Malheureuse ment, cette théorie
se trouve en contradiction avec le défaut des lésions anatomo-
pathologiques des centres corticaux et notamment des centres
incriminés plus haut chez les hallucinés psycho-moteurs
vésaniques ; avec le manque d'hallucinations psycho-motrices
dans les cas de lésions microscopiques des centres psycho-
moteurs verbaux chez la plupart des paralytiques généraux,
avec la généralisation très précoce dans l'immense majorité
des cas de paralysie générale.
M. le professeur Joffroy, dans la thèse de son élève,
M. Ricu, applique la théorie générale des phénomènes hallu-
cinatoires pour donner une explication plausible des faits.
« Il ne suffit pas, pour produire une hallucination, d'activer
un centre sensoriel par une lésion irritative, quelque chose
de plus est nécessaire, il faut'que ce centre soit modifié, il
faut qu'il' soit préparé d'une manière originelle ou acquise, il
doit avoir cette disposition anormale qui le rend hallucino-
gène et c'est pour cela qu'il n'y a pas de lésion produisant
d'emblée les hallucinations. Ce qui semble légitimer cette
hypothèse dans le cas des hallucinations motrices de la para-
lysie générale, c'est la période de la maladie à laquelle on
les observe. Il semble qu'on assiste à la désintégration des
neurones centraux d'où résultent les troubles psycho-moteurs
et leur paraphrase délirante.
Normalement, le courant cellulifuge actionnant les myo-
neurones se produit dans l'arc nerveux à la suite d'incitations
venues des protoneurones. Le sujet se reconnaît alors objet de
sensation et cause de mouvement. 1
L'usure fonctionnelle qui résulte du phénomène normal se
répare dans l'état de maladie, l'altération morbide des neuro-
nes centraux les fait passer par un état analogue suscitant le
courant cellulifuge sans son complément préalable ordinaire;
la deuxième portion de l'arc nerveux entre seule en mouve-
ment, le malade assiste à ce déclanchement automatique
dont il ne se reconnaît pas l'auteur en l'absence du courant
centripète normal, mais l'altération est plus profonde et
marque le début ou l'aboutissant du processus destructif des
zones corticales-motrices. Tels sont les documents que nous
8 CLINIQUE MENTALE. 1
avons pu rassembler dans la littérature médicale. Nous
apportons ici trois observations nouvelles : -
Observation I. L... (Henri), trente-cinq ans, entré à Villejuif,
le 17 juillet 1900, venant de l'hôpital Saint-Antoine avec un certi-
ficat du U' Londe, faisant mention de paralysie générale, et, après
être passé par le service de l'admission où M. Magnan a délivré le
certificat suivant : « Paralysie générale avec idées ambitieuses
incohérentes; hésitation de la parole. Inégalité pupillaire. »
Antécédents.- Père en très bonne santé. Mère morte à cinquante
ans, a été internée deux fois ; monomane et peut-être paralytique
générale. On trouva chez elle des armoires pleines d'objets neufs
inattendus, et avait laissé 50000 francs de dette de tailleur a
dépensé 3 millions en quatre ans, vivait séparée de son mari.
Un oncle mort de paralysie générale.
Le malade est marié, a deux enfants, l'aîné a trois ans, le
deuxième quinze mois, ils se portent bien, la femme du malade
est en bonne santé. Un frère maternel du malade, âgé de vingt-
trois ans est excentrique, dépensier, a eu six semaines de prison
pour tentative d'escroquerie envers son père, est allé deux fois à
Madagascar. Uans les antécédents personnels, on relève la syphilis,
le malade a eu cette affection en pleine adolescence, à seize ans.
A eu une existence très mouvementée qui dénote une certaine
déséquilibration, Polyglotte, il se présente à l'école navale, il est
reçu en 1.881, il démissionne pour se présenter à l'école polytech-
nique où il échoue, il s'engage dans l'infanterie de marine, quitte
le service militaire après être allé en Algérie, au Tonkiu où il est
blessé à la tête ; passe sa licence en droit et erre à travers l'Eu-
rope, il habite Sofia trois ans, s'y marie en 1895. Peu de temps
après a coup sur coup trois attaques épileptiformes. Grand fumeur,
il ne fait aucun excès alcoolique, mais travaille beaucoup, pas
d'excès génitaux : il présente un tic de la mâchoire inférieure,
depuis ses attaques. A la suite de sa vie errante où il a dilapidé
une grosse fortune, il a des difficultés sociales qui l'ébranlent assez
fortement; en 1899, est obligé d'accepter un emploi dans un
bureau pour gagner sa vie, il se sépare à l'amiable de sa femme
et de ses enfants aux besoins desquels il ne peut subvenir. Mais
déjà le travail du bureau excède ses forces, il sent ses facultés
l'abandonner et il a par instant la vision de sa déchéance, il écrit
à sa femme qu'il « est atterré du gouffre où il va s'engloutir » puis,
peu de temps après, il commence à vendre ses bijoux, ses meu-
bles, il a une satisfaction de lui-même qui fait contraste avec sa
situation.
A la fin juin 1900, il est pris d'une bouffée délirante avec agita-
tion, il va à Saint-Antoine, d'où on le renvoie bientôt à l'asile.
A son arrivée il est en pleine excitation avec des idées ambitieuses
HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES DANS LA PARALYSIE. 9
et de richesse, ayant perdu complètement le snmmeil. 11 présente
tous les signes somatiques de la paralysie générale : ses pupilles
sont inégales et ne réagissent plus à la lumière, sa parole présente
des accrocs 'manifestes, sa langue est animée de tremblement
fibrillaire et de mouvements de trombone; il a une dissociation
mimique nette avec un léger degré de parésie faciale gauche, du
tremblement des extrémités, de l'exagération des réflexes rotu-
liens, de l'instabilité dans la station debout ; les idées sont inco-
hérentes, mobiles, l'agitation continue, la mémoire très affaiblie.
L'écriture trahit manifestement le trouble de la mémoire par les
mots qu'il oublie et l'incoordination motrice de ses muscles.
Au mois d'août, l'agitation persiste quoique atténuée ; il a des
idées de négation : « il dit qu'il n'a plus de cerveau, on le lui a
enlevé et on a omis de le lui rendre, on lui a aussi ôté le coeur, le
sang, les viscères et les organes génitaux et les organes qu'il a en
ce moment sont ceux d'un autre. » Voici littéralement transcrite
une lettre qu'il écrit à cette époque.
« Mon cher docteur, '
« Je ne sais pas comment se fait que je sens la langue, les dents,
les bras, le coeur et l'estomac tout mon être dans toi.
· Je suis profondément en toi mon Bob chéri. Je ne com-
prends ce qui m'arrive, mais je ne sais qui m'arrive, écoute, en
somme je ne souffre pas et je sais que nous nous adorons, depuis
plus de quatre ans que tu ne m'as jamais trompée, ni moi non plus,
je te le jure tu le sais maintenant, tu restes je ne sais pas pour-
quoi : je sais qu'un homme qui s'appelait le D'' Marie te reçut
de la femme et te retenait toutes tes lettres cependant je t'écrivais
tous les cinq jours et jamais tu ne me répons parce que tu étais
dedans. ,
« Lors, amenée à l'hôpital, je suis en toi tu pleures de douleur et
je suis terriblement étonnée... (quelques mots illisibles)... et que
tu es désespéré d'avoir dans le corps ta Suzanne chérie, ton pigeon
rose ta chérie, tu chantais Suzanne, mugnificatrice et jolie en
anglais et il parait je pense qu'on fera une consécration et je l'es-
père ; nous serons deux différents et je crois qu'il le pense ; tu sais
nous pensons qu'il y a chose magique dans cette affaire. Enfin
mon chéri demandes la permission de L'habiller... et qu'il ne le
demande rien tu es l'homme...
« Enfin dis au docteur qu'il y a probablement quelque d'obscur et
extraordinaire dans ce qui nous arrive. Au fond tu sais mon Bob
aimé que au fond on peut nous faire deux êtres et sortir de ton
corps, nous fuirons Paris et nous irons en Algérie et faire encore
de bonnes affaires. Entends. « Suz. de C. »
Dans cette lettre, malgré l'incohérence, on s'aperçoit que le
10 O CLINIQUE MENTALE.
malade parle de lui parfois à la troisième personne, qu'il a quel-
qu'un, une femme en dedans de lui-même qui lui parle et lui écrit
par sa propre main et à qui il parle. Nous l'interrogeons et il nous
répond qu'il a deux femmes dans la poitrine qui ne le quittent
pas et qui parlent.
Il est en conversation continuelle avec elles, et elles lui disent le
plus souvent des choses agréables, érotiques. Parfois même ces
' femmes empruntent sa voix et causent par sa bouche et ce n'est
plus lui qui parle : ils sont deux.
Il écrit encore deux lettres ou les mêmes préoccupations sont
traduites. L'agitation est continuelle, le malade est violent, déchire'
et brise, et aucun calmant n'a prise sur son état. Septembre,
octobre, novembre se passent ainsi, mais la déchéance physique
s'accentue. Au commencement de décembre il doit être alité, il
reçoit à cette époque la visite de ses parents. « L... (lui-même)
leur dit-il, n'est pas la », et il parle de lui à la troisième personne.
Malgré son état d'affaiblissement et-son gâtisme, l'agitation per-
siste, il marmotte continuellement. penchant de temps en temps
l'oreille dans l'attitude de l'homme qui écoute contre sa poitrine,
succombe le 25 décembre à une broncho-pneumonie rapide, arrivé
à l'extrême cachexie paralytique. La famille ne nous a pas permis
l'autopsie.
Observation Il. fi..., âgé de quarante-sept ans, entre à Vil-
lejuif le le, août, avec le certificat suivant de M. Garnier : « Para-
lysie générale à la première période. Excès alcooliques probables.
Démence. Embarras de la parole. Mélange d'idées de persécution
et de grandeur. Inconscience de sa situation. »
Antécédents. Père mort à cinquante ans d'une pneumonie ;
mère morte à quarante-huit ans, très nerveuse, commettait des
actes excentriques. Deux soeurs bien portantes, nerveuses. Marié,
a perdu sa femme en 1899, n'a jamais eu d'enfant. Sur les anté-
cédents personnels nous n'avons noté que des excès alcooliques et
génitaux très nombreux, et depuis 1895 une affection intestinale
qui semble être de l'entérite muco-membraueuse.
On s'est aperçu dans son entourage des modifications de son
habitus extérieur dès le début de mai 1900. Il néglige ses affaires,
perd la mémoire, erre à travers Paris le jour et la nuit, fait des
achats inconsidérés. Il est riche, raconte-t-il, et des puissants
veulent le déposséder. En 489a, il avait eu un ictus qui aurait été
suivi d'une paralysie de l'oeil gauche.
A son entrée, il se présente avec un embarras de la parole mani-
feste, sa langue tremble en masse et a des mouvements vermicu-
laires, il a un ptosis à gauche et un certain degré de paralysie
faciale qui donne une dissociation mimique très nette; pas de
phénomènes paralytiques de la musculature externe ; les pupilles
HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES DANS LA PARALYSIE. H
I
sont légèrement inégales, la gauche un peu plus grande, mais
elles réagissent bien à la lumière. La mémoire est très diminuée,
il a peine à nous rappeler son âge. Il a des tremblements des
extrémités, qui sont traduites par l'écriture. Les réflexes rotuliens
sont exagérés surtout à droite, il n'y a pas de signe de Romberg,
mais instabilité dans la station debout, aucun trouble de la mar-
che, aucun trouble de la sensibilité.
Au point de vue somatique, athérome artériel qui se traduit par
un éclat du deuxième bruit de la base, et une légère rigidité des
artères radiales. Obésité, pas de troubles des sphincters, a engraissé
beaucoup pendant son séjour à l'asile. A côté des troubles de la
mémoire, de l'attention, nous notons des hallucinations psycho-
motrices, il annonce que le a don » va parler. La voix change et
il parle de lui-même comme d'une personne étrangère : ce « don »
parle par sa langue, dans ses dents, il a une conversation
avec le, malade et avec ceux qui lui parlent. Ce « don » lui dit par-
fois des choses fort désagréables, et G... s'emporte, se met en
colère, il est en continuel marmottement, tout le jour, se tenant à
l'écart des autres malades et parlant sans cesse ; ce « don », ce
« ventriloque » l'oblige à manger énormément, il est fort glouton
« puisque nous sommes deux ». 11 a un dédoublement de la per-
sonnalité, mais sans cohérence. -
Voici les lettres qu'il a écrites et où il traduit son état par deux
sortes d'écritures, l'une émanant de lui-même, l'autre attribuée à
une personnalité étrangère, maîtresse de sa main comme de sa
bouche.
1. « J'ai quelqu'un qui parle dans ma Bouche; don.
2. « Je veux faire mourir monsieur G... c'est pour avoir ces 40 mille
francs. '
« Ce monsieur est un cochon, roche assassin je lui liens lumuin.
3. « M. G... est brave garçon j'ai voyagé avec lui, Bordeaux,
Marseille, Toulon. J'ai beaucoup voyagé à toutes mes facultés ». '
Dans ses écrits, comme dans ses paroles, on saisit le dédou-
blement de la personnalité du malade et le tour tantôt
désagréable, tantôt agréable des propos que le « don » lui
tient. ' /
Il est intéressant de noter la gradation qui se manifeste :
d'abord le malade signalant le fait et signant : Don. Le Don
le tourmente ensuite et veut lui voler sa fortune imaginaire
la mégalomanie se trahit ici en même temps que l'affirma-
tion d'une force étrangère agissant sur la main. En dernier
lieu, l'euphorie prend le dessus et l'intrus complimente en se
félicitant niaisement de voyages multiples faits ensemble
auparavant (délire rétrogade).
12 CLINIQUE MENTALE.
Cet état n'a persisté que quelques semaines; l'état général
est actuellement bon et l'affection est pour l'instant station-
naire (démence simple).
Observation III. 13r..., trente-huit ans, entré à Villejuif, venant
de l'Asile clinique avec le diagnostic de paralysie générale,
G mars 1900.
Antécédents. Père vivant, soixante-dix ans, mère soixante-
cinq ans en excellente santé, dix frères ou soeurs assez bien por-
tants, quelques-uns ont des stigmates de scrofule. Trois sont morts
en bas-âge.
Le malade a eu la syphilis et a été traité : il s'est marié en 1886
et en 1891 a eu une paralysie faciale. Depuis cette date il a eu de
fréquents étourdissements, ses jambes s'effondraient sous lui, et
son caractère était devenu sombre et indifférent. Au début de 1899
a eu de violentes douleurs intercostales qui furent traitées à l'io-
dure, mais il refuse bientôt tout médicament. Il quitte sa situation
commerciale en juillet 1899, commence a tenir des propos bizarres
et à agir de même, il va à Dubois, on lui fait des injections de
calomel, en sort le G décembre et va dans une maison de santé de
la Loire-Inférieure. Il rentre à Paris le le" mars, très déprimé avec
des idées de ruine, du mutisme et du refus d'aliments. Pas d'alcoo-
lisme, a femme a eu quatre fausses couches, la première au bout
de la sixième année à deux mois et demi, la deuxième à sept mois,
la troisième à six mois, enfant macéré, la quatrième à six mois.
A son entrée, l'examen somatique ne révèle rien d'anormal, le
pouls est rapide, bat à 120. Mais il n'y a aucune lésion au coeur,
l'état général est assez bon, le malade pèse 85 kilos ; les voies
digestives trahissent leur malaise par une langue assez sale et de
la constipation avec une légère teinte subictérique, les urines ne
contiennent ni sucre, ni albumine.
Les réflexes rotuliens sont exagérés surtout le droit, et il y a de
la trépidation épileptoïde à droite, pas de trouble de la marche,
instabilité légère les yeux fermés, pas d'incoordination motrice;
au dynamomètre 40 à droite et à gauche, aucun trouble sensitif.
La pupille droite est plus grande que la gauche, aucun phéno-
mène paralytique du côté de la musculature extrinsèque. Les
pupilles réagissent mal à la lumière et à l'accommodation, disso-
ciation mimique et parésie faciale gauche. Aspect triste, le malade
parle peu, répond par monosyllabes, mais la lecture trahit un
achoppement de la parole, que les mouvements vermiculaires
constatés sur la langue expliquent : ondulations vermiculaires des
muscles péri-buccaux. Pendant l'examen, a un air de défiance très
net, il jette un regard de travers, semble être halluciné de l'ouïe,
il a la raie vaso-motrice et pendant l'examen urine sous lui.
Le 7 mars est mis au traitement spécifique, le 15, il refuse la
HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES DANS LA PARALYSIE. 13
nourriture, parle peu, a un aspect inquiet et triste, change conti-
nuellement de place, il gâte et il est impossible de le maintenir
au lit, il cherche à se faire du mal en se frappant la tête contre les
murs, s'arrache les moustaches, puis cet état s'amende un peu.
Le 12 avril, a un ictus avec perte complète de connaissance pen-
dant une demi-heure; quand il sort de son coma, il a de la gêne
des mouvements dans tout le côté gauche.
Le 13, l'hémiparésie gauche a disparu, la 'pupille gauche est
contractée, 14 diamètre filière Charrière, li droite très dilatée 21,
pendant la marche léger affaissement du côté gauche.
Le 16, paraît mieux, mais de temps en temps écoute des voix
qui lui disent des gros mots.
Le 19, apparition d'une parésie faciale droite avec ptosis droit,
énorme dilatation pupillaire droite, aucun signe paralytique dans
les membres droits.
Le 24 mai, le malade s'agite, et refuse absolument la nourriture,
ne dort plus et marmotte continuellement des injures à son
adresse : « tu es allé à Dubois, tu es un c..., un sal..., faut-il que
tu sois coch... » il faut lutter avec lui pour lui passer la sonde :
« on t'empoisonne », on veut te c saouler » dit-il en grinçant et en
serrant les dents.
Le 13 juin, s'alimente seul, mais est toujours agité le jour et la
nuit ; marmotte en grinçant des dents sans cesse.
« Que fais-tu, B... dans cette maison retourne chez toi ».lui dit
cette voix. Interrogé, il répond qu'une femme lui parle sans cesse
dans la bouche, l'ait remuer sa langue, malgré lui et lui dit des
injures, il serre les dents pour ne pas parler, mais il parle malgré
lui. Mouvements de pandiculations.
Le 25 juillet, marmotte toujours, sa voix parle sans cesse dans
sa bouche ; ptosis complet à droite avec déviation de l'oeil en
dehors, déviation corrigeable par la volonté, le ptosis ne peut être
modifié par la même influence. Est soumis aux injections de sérum
ioduré et à l'hypochloruration.
Même état pendant septembre, octobre; le 12 novembre 1900,
interrogé à nouveau, il dit qu'une personne, une femme lui dit par
sa propre bouche : « B... tu es un homme foutu, tu n'avais aucune
raison de venir avec ces gens-là le mettre à table; c'est bien fait
pour toi, tu as commis un crime en venant ici, demande un laisser
passer à ce Monsieur qui vient te voir, tu as accompli ta mission
dans cette maison. »
Quand on lui fait des piqûres de sérum il marmotte sans cesse
en grinçant des dents : « on t'empoisonne, mon vieux B... » et
interrogé sur la nature de cette voix qui parle par sa bouche sans
cesse le jour et la nuit et avec laquelle, dit-il, il est en conversation
malgré lui, il dit que c'est celle d'une personne qu'il est allé voir
avant d'entrer à l'asile; mais. il ne la désigne pas autrement.
14 CLINIQUE MENTALE.
Quand on l'interroge, il répond assez correctement aux questions,
mais bientôt le style change, et la voix, en s'adressant à lui,
reprend son monotone monologue de propos désagréables.
Le malade conserve un état général assez ^satisfaisant et
paraît tirer profit des piqûresde sérum ioduré. Les signes
somatiques restent les mêmes et l'évolution de la maladie
paraît devoir garder une marche assez lente.
Du sens génital étudié chez les' mêmes malades : aux
trois périodes de la paralysie générale';
Par le D' E. 11.1Ra\UO\ DE \fONT1'EL,
Médecin en chef des asiles publics d'aliénés de la Seine.
De ce que nous venons de dire, il ressort nécessairement
que le maximum des altérations en moins, 100 p. 100, s'est
trouvée avec les trois formes mentales où il n'y a eu ni alté-
ration en plus ni normalité ; démence agitée et les deux
dépressives; immédiatement après viennent les mixtes agitées
(87 p. 100) dans lesquelles, si nous avons constaté l'altéra-
tion en plus, nous n'avons jamais noté non plusde normalité.
On peut mettre au troisième rang, se suivant de près les
expansives calmes et agitees (77 et riz p. 100) et aussi les
démences calmes (71 p. 100). Au quatrième rang se place-
raient les rémissions (64 p. 100) et les mixtes calmes
(G0 p 100).
Avec le tableau suivant nous-aurons l'influence que peut
exercer l'âge sur les altérations du sens génital chez les para-
lytiques généraux : .
DU SENS GÉNITAL DANS LA PARALYSIE GENERALE. 15'
Il résulterait de nos constatations que l'état normal du sens
génital se trouve surtout dans la paralysie générale de l'âge
moyen; en effet, notre tableau semble bien indiquer que la
normalité croît d'abord parallèlement à l'âge jusqu'à qua-
rante-cinq ans puis décroît au contraire pour disparaître
complètement après cinquante ans. De même, on constate
très nettement dans notre tableau que l'altération en plus
croît, elle aussi, parallèlement à l'âge jusqu'à quarante ans
où elle atteint son maximum, puis décroît progressivement
pour disparaître également après cinquante ans. Il résulte
de ces deux faits que dans la paralysie générale tardive, celle
survenant à la cinquantaine ou après, le sens génital est tou-
jours aboli, et que, les altérations en moins se présentant de
toute nécessité en sens inverse de la normalité et des altéra-
tions en plus, décroissent parallèlement aux progrès de l'âge
jusqu'à quarante ans pour croître ensuite progressivement
jusqu'à cinquante ans où elles sont seules.
Chacun sait le rôle énorme de l'instinct génital dans la
genèse et le développement de la personnalité physique, de
l'idée que chacun de nous se fait de sa force et de sa valeur,
il est donc intéressant de rechercher dans quels états s'est
trouvé cet instinct lors des diverses transformations de la
personnalité chez nos paralytiques généraux. Le tableau sui-
vant nous l'apprendra :
16 CLINIQUE MENTALE.
vrai de prétendre que la self-satisfaction des paralytiques
et leurs conceptions délirantes de forces physiques sont
engendrées par une suractivité génitale. D'ailleurs il suffît de
suivre comme nous l'avons fait un certain nombre de para-
lytiques généraux durant toute la maladie pour s'assurer
qu'il n'existe aucun rapport entre les transformations de la
personnalité physique et le sens génital, car on trouvera des
sujets chez lesquels ce sens passera successivement et alter-
nativement par les quatre états de normalité, d'exaltation,
d'affaiblissement et d'abolition sans que le délire du malade
en soit modifié, le sujet continuant à avoir la même idée de
lui-même quel que soit l'état de ses organes génitaux. Ces
faits, très nombreux, jugent, il me semble, sans répliquer la
question ; ce qu'on a pris pour un rapport de cause à effet
n'était qu'une coïncidence.
On a prétendu aussi que les troubles du sens génital
n'étaient pas sans rapports avec les altérations des autres
sensibilités, sensibilité au toucher, sensibilité à la douleur.
Or avec la première il ne saurait de toute évidence exister de
rapports qu'à titre tout à fait exceptionnel puisque dans
notre mémoire relatif au sens tactile nous n'avons trouvé ce
sens altéré que dans la proportion très faible de 12 p. '100 au
maximum de nos constatations, tandis que le sens génital
l'est dans celle huit fois plus considérable de 94 p. 100. Néan-
moins voyons si même à titre exceptionnel il existe un rap-
port quelconque. Or nous obtenons le tableau qui suit, fourni
par 144 constatations dans lesquelles l'état du sens génital a
pu être relevé, le sens tactile étant altéré.
DU SENS GÉNITAL DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 17
altérations des deux sens quand on aura remarqué que très
souvent, ils sont altérés en sens inverse ; ainsi c'est seule-
ment dans la faible proportion de z16,1-) p. 100 qu'ils ont été
exallés en même temps ; dans l'énorme proportion de 83,8
p. 100 tandis que le sens tactile étant exagéré le sens génital
était altéré en moins. Si avec les altérations en moins nous
avons trouvé au contraire des troubles identiques dans l'im-
mense majorité des constatations, cela tient uniquement à la
prédominance marquée des affaiblissements et des abolitions
du sens génital, et encore voyons-nous dans 8,9 p. 100 des
/constatations ce dernier sens exalté avec le tact affaibli ou
aboli. Nos recherches établissent donc sans conteste croyons-
nous, qu'il n'existe aucun rapport avec les altérations du tact
et les altérations du sens génital dans la paralysie générale.
Le sens atgésique a été trouvé par nous beaucoup plus sou-
vent altéré que le sens tactile ; la proportion de ses altéra-
tions fut en effet de G5 p. '100 de nos constatations, proportion
inférieure de 28 p. 100 à celle fournie par le sens génital,
mais encore très élevée et y a-t-il entre les troubles de ces
deux sens des rapports étroits ? Dans '1 080 cas nous avons
pu relever l'état du sens génital, le sens algésique étant
altéré, cas qui fournissent le tableau suivant :
18 CLINIQUE MENTALE.
les ont vivement frappés ; si, comme nous, ils avaient eu la
patience de suivre un nombre assez considérable de paraly-
tiques du début à la terminaison de la maladie, ils auraient
constaté l'indépendance absolue des troubles de ces trois
sens ? -
Il semble plus* rationnel de supposer que les conceptions
génitales, expansives et dépressives, sont en intime relation
avec les troubles du sens génésique, les premières, relevant
des altérations en plus et les secondes, des altérations en
moins. Sept de nos 108 sujets ont eu un délire génital intense.
Certes si on demande à un paralytique général à forme*
expansive, quelle est la puissance'de ses organes génitaux,
il est certain qu'il la vantera comme il vante toutes ses forces
et qu'il s'avouera au contraire bon à rien si la maladie revêt
chez lui la forme dépressive. Il n'y a pas lieu à mon avis, de
tenir grand compte de ces malades dans la question qui nous
occupe; il convient surtout de porter les recherches sur ceux-
là, qui ont un délire spécial relatif aux organes génitaux et
spontanément en parlent. Or, avons-nous dit, tel fut le cas
pour sept des 108 sujets dont voici à cet égard les observa-
tions résumées.
I. - Emile Turb..., quarante-deux ans, gazier, entré le 20 juil-
let 1891. Première période. Syphilis, alcool et excès vénériens,
forme surtout démentielle avec agitation. Le malade ne délire
que sur les organes génitaux. Il est complètement impuissant
depuis cinq mois et il ne s'en cache pas, car la chose le laisse
indifférent attendu qu'il a le secret d'une drogue qui lui permet,
quand il a une femme de coïter cinq fois de file sans faiblir. Après
moins d'une heure de repos, il lui suffit de reprendre un peu de sa
drogue pour recommencer cinq fois de suite. Il refuse de donner
le secret du remède, car il a par celui-ci le monopole de toutes
les belles femmes de la terre. Ses conversations ne roulent que
sur ce sujet. Il est à remarquer que toute sa vie il a été un grand
coureur et un grand amateur de conversations obscènes. En
octobre l'agitation se calme en même temps que se manifeste une
exaltation érotique intense avec fréquentes pollutions involon-
taires en dépit d'une masturbation réitérée; le malade abandonne
alors complètement son ancien délire génital; quand on lui en
parle, il parait ne plus s'en souvenir. En mai 1892, il redevient
complètement impuissant et cette fois l'impuissance est définitive
jusqu'à la mort; le délire génital ne reparait pas.
II. -Jules Mail..., quarante-quatre ans, journalier, entré le
DU SENS GÉNITAL DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 19
20 octobre 1891. Première période. Syphilis et hérédité congestive.
Impuissance depuis plusieurs mois, mais à entendre le malade
cette impuissance est due au manque de femmes ; il est d'autant
plus désolé de ne pas en avoir que faute de fonctionner, ses
organes génitaux se sont atrophiés; il les exhibe pour montrer
que ses testicules se sont rabougris et que son gland est devenu
pas plus gros qu'une noisette. En dehors de cette conception
hypocondriaque forme expansive classique, Mail... trouve le
mot milliard insuffisant pour donner une idée de sa fortune et
il vante sa force physique. Il en est ainsi jusqu'en mars 189. A A
cette époque le délire expansif de richesses avec agitation persiste
et le malade est toujours impuissant et conscient de son impuis-
sance qu'il explique de la même manière par le manque de
femmes, mais il est devenu très fier de ses organes génitaux car
il affirme que sa verge en érection mesure 70 centimètres et que
son gland est aussi volumineux que la grosse tête du gros chat du
quartier. En juin son délire' expansif s'accroît en même temps
qu'apparaissent de nouvelles conceptions hypocondriaques relatives
cette fois à son tube digestif., n'est plus seulement l'homme le
plus riche de la terre, mais encore le plus puissant; il forme à lui
tout seul conseil des ministres car il a tous les minislères; tou-
tefois en ce qui concerne la sphère génitale aucune modification
ni de l'impuissance ni du délire expansif décrit ci-dessus, tandis
que le malade se lamente de n'avoir pas été du corps depuis un
semestre parce que ses boyaux sont bouchés et qu'il est anémique.
En janvier 1893 passage à la seconde période; Mail... devient
gâteux, le délire hypocondriaque disparaît, seul persiste le délire
expansif des richesses et des grandeurs, et alors survient une
excitation génitale intense avec absence presque complète d'éja-
culation ; Mail... qui ne se gêne pas pour se masturber en
public et a continuellement des érections, se touche à se faire
mal sans obtenir aucun résultat; force est de lui mettre le maillot
pour l'empêcher de se blesser. Or on constate à ce moment la dis-
parition du délire génital. Quand son attention est appelée du
côté de ses organes, il vante sans doute sa verge comme il vante
toutes les autres parties de son corps, mais il n'est plus question
ni des 70 centimètres de longueur, ni de la grosse tête du gros
chat. Cette excitation génésique intense sans éjaculation ni délire
génital dure jusqu'en mai; à cette date retour définitif de l'impuis-
sance qui persiste jusqu'à la mort sans aucune conception délirante
adéquate.
III. Alexancre Mau..., trente-deux ans. mécanicien, entré le
9 novembre 1893. Première période. Alcool et surmenage cérébral.
A son entrée il avoue que depuis cinq ans il est complètement
impuissant et il reste tel d'ailleurs jusqu'à la mort. Or en février
20 CLINIQUE MENTALE.
et mars 189, il eut durant deux mois des hallucinations et un
délire génitaux très intenses; il se plaignait vivement qu'un
homme venait le toucher et se livrer sur lui à la pédérastie; il en
était d'autant plus incommodé qu'il affirmait avoir été fécondé
par cet individu qu'il connaissaitjort bien, mais qu'il refusait de
nommer; il sentait l'enfant remuer dans son rectum et il l'enten-
dait crier par son anus; aussi toute la journée se livrait-il à d'in-
cessants et vigoureux efforts de défécation pour lâcher de s'en
débarrasser. Au point de vue mental il avait la forme expansée
calme; il se prétendait Philippe-Auguste et devait épouser une
héritière de douze cents milliards. En avril éclata une ci i,e de vio-
lente agitation et dans la tourmente le délire génito-anal disparut
pour ne plus se montrer.
IV. Louis Raff...', trente-huit ans, mécanicien; entré le
27 avril 1891. Première période. Syphilis et surmenage cérébral.
Forme expansive calme avec abolition du sens génital et en jan-
vier et février 1892 au contraire avec une excitation génésique si
intense que sa femme qui l'avait prise en permission de huit jours
était contrainte de le ramener au bout de quarante-huit heures.
Pas de délire génital. En mars, de nouveau impuis-ance absolue
et définitive jusqu'à la mort et passage à la seconde périorle; le
malade gâte. Alors s'ajoute au délire expansif un délire hvpo-
condriaque relatif aux organes génitaux. HalL.. se plaint de n'être
plus un homme; il prétend que le traitement à l'asile lui a sup-
primé la verge qui est devenue pas plus grosse que son petit
doigt; il réclame avec larmes l'abandon des remèdes qu'on lui
donne et l'application du système Raspail pour se restaurer. Ce
délire génital persiste durant seulement une vingtaine de jours et
disparait pour ne plus revenir malgré la persistance de l'impuis-
sance.
V. Jean Car ? trente-six ans, comptable, entré le 14 sep-
tembre 1891. Pas de causes bien définies : ni syphilis, ni alcool.
Première période, forme mixte. Délire d'inventions et de richesses,
mais en même temps délire d'empoisonnement par les Juifs pour
s'emparer de celles-ci. Le malade se dit capable de remuer des
montagnes et ajoute que par le poison juif, ses urines puent et
son sang est bouilli. Délire génital expansif très accusé : depuis
plusieurs mois le malade est totalement impuissant; il vante au
contraire ses prouesses, il se déclare le père de tous les enfants,
car il a une verge si puissante et un sperme tout à la fois si abon-
dant et si fécondant qu'il engrosse toutes les femmes de la terre
en lançant sa semence à la ronde. La paralysie générale a évolué
chez ce malade avec une extrême rapidité; en quatre mois, Car...
a parcouru les ti ois périodes et s'est éteint dans le marasme. Or
DU SENS GÉNITAL DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 21 1
la fin il a conservé son impuissance et son délire génital
d'exagération.
V1.-LéonardMill).... trente-huit ans, bijoutier ; entré le 25 juil-
let 4891 . Première période. Syphilis et misère. Forme expansive
calme avec exagération marquée du sens génital sans conception
délirante adéquate En octobre, adjonctiou de conceptions déli-
rantes bypocondi iaques avec impuissance et délire -génital. Le
malade se sent rapetisser; il est moins haut, dit-il, d'une tète et
demie; tout en lui s'est réduit, mais il est surtout très affecté de
la réduction de sa verge; c'est à peine, af(irme-t-il, s'il lui en
reste un petit bout pour uriuer; il en redoute fo; la disparition
totale. En décembre, ou ne constate plus aucune trace de ce
délire hypocondriaque et génital ; la forme mentale est redevenue
exclusivement expansive avec délire de richesses gagnées au jeu
de bouchon et à la mandoline, choses pour lesquelles il ne craint
pas de rival; pourtant l'impuissance persiste et dure jusqu'à la
mort.
Vil. Lucicn Bi..., trente-cinq ans, menuisier; entré le 2 août
1892. Première période. Syphilis et alcool. Forme mixte. Le ma-
lade a des conceptions délirantes de grandeurs et un délire
physique dépressif; il est roi et empereur, riche à milliards de
milliards. Mais il se dit usé jusqu'à la corde; il prétend n'avoir
pas de force et il marche toute la journée; à l'entendre son tube
digestif ne digère plus et il a de la boulimie avec vol d'aliments :
de même il se lamente sur l'état piteux de ses organes génitaux
qui ne sont plus bons qu'à uriner et il se masturbe dans les cabi-
nets ; de plus sorti en permission de huit jours il a vaillamment
rempli son devoir conjugal. Au bout de quelques mois la forme
expansive est seule restée tandis que le malade était frappé d'im-
puissance, or à ce moment où ses lamentations génitales eussent
été pleinement justifiées, bien loin de se plaindre, il se décla-
rait sur interrogation aussi satisfait de ce côté que de tous les
autres.
Qui lit ces sept observations avec impartialité sera con-
vaincu que le délire génital des paralytiques n'est pas à base
physique, est sans rapport autre que de coïncidence avec
l'état des organes génitaux. Emile Turb... dans la première
observation est impuissant et il a un délire génital expansif
qui disparaît quand il a réellement de l'excitation génésique
et ne reparaît pas quand derechef l'impuissance s'établit.
Emile Mail... dans la seconde observation est impuissant et
il a d'abord un délire génital dépressif puis expansif. A ces
22 CLINIQUE MENTALE.
conceptions délirantes de grandeurs et de richesses s'ajoulent
des conceptions délirantes hypocondriaques et il reste impuis-
sant, néanmoins il a toujours le même délire génital expansif
dont la disparition coïncide précisément quelque temps après
avec une crise de fureur génésique et dont le retour ne se
produit pas quand l'impuissance revient. Alexandre Mau...
dans la troisième observation est frappé d'impuissance du
début à la terminaison de la maladie et il a durant deux mois,
sans qu'aucun changement se soit produit du côté des orga-
nes génitaux, un délire génital aussi étrange qu'intense, qui
disparaît dans une crise d'agitation pour ne plus revenir.
Dans la quatrième observation nous voyons Louis Raff...
avoir sans aucun délire génital de l'altération en moins et de
l'altération en plus du sens génésique. L'impuissance revient
pour durer jusqu'à la mort et seulement durant une ving-
taine de jours ce paralytique a un délire génital dépressif.
Dans la cinquième observation, c'est avec de l'impuissance
que se montre un délire génital des plus expansifs tandis
'qu'au contraire dans la septième observation le délire géni-
tal est très dépressif alors que le sens génésique est plutôt
exalté. Sans doute dans la sixième observation le malade
impuissant a gémi quelque temps sur une réduction de sa
verge, mais il prétendait à ce moment que tout son corps
était réduit, ses organes génitaux ne pouvaient dès lors
échapper à cet amoindrissement et ses lamentations plus
marquées de ce côté s'expliquent facilement par l'impor-
tance qu'a pour tous cette fonction. D'ailleurs, avant, son
sens génital avait été exalté et cette exaltation n'avait amené
aucune conception délirante et quand le délire hypocon-
driaque ainsi généralisé à tout le corps disparut, la verge ne
fit pas exception à cette disparition, bien que l'impuissance
fût restée la même.
Nous nous croyons donc pleinement autorisé à conclure
qu'il n'y a aucun rapport entre l'état des organes génitaux et
les conceptions délirantes génitales des paralytiques géné-
raux. Nous répéterons ici ce que nous avons dit plus haut à
l'occasion du tact et de la douleur : quelques coïncidences
ont attiré l'attention et induit en erreur. Qu'on ait la patience
de suivre les mêmes paralytiques de la période prodromique
à la période marasmatique et on vérifiera l'exactitude de nos
assertions.
DU SENS GÉNITAL DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 23
Nous n'avons trouvé non plus aucune relation entre l'état
du sens génital et les sensations subjectives ressenties dans
la peau par certains paralytiques. Dans 72 de nos constata-
tions nous avons réussi à connaître exactement l'état de l'ins-
tinct génésique en même temps que les malades accusaient
des fourmillements, des engourdissements, des décharges
électriques cutanées, etc., or 22 fois le sens génital était exa-
géré, 43 fois il était aboli et 7 fois il était normal.
Ces résultats sont très probants, mais nous avons une
preuve plus décisive encore à fournir. D'ordinaire ces sen-
sations subjectives n'ont qu'une durée assez courte de jours,
rarement de semaines, mais parmi nos malades qui les
éprouvèrent il s'en est trouvé un chez lequel par exception
elles durèrent, sans discontinuer, onze mois, et bien le sens
génital fut exagéré six mois, normal trois mois, puis aboli
deux mois, et quand elles eurent disparu, l'abolition persista
jusqu'à la mort qui n'arriva qu'un an et demi après. Ce fait
prouve sans réplique que chez le même individu ces sensa-
tions subjectives peuvent se trouver associées successivement
à tous les états du sens génital. La question est dès lors jugée.
Serons-nous plus heureux en recherchant si les altérations
du sens génital aux deux premières périodes de la paralysie
générale sont proportionnelles à l'intensité des troubles
moteurs qui est, comme chacun sait très variable à ces deux
phases initiales selon les individus. Le tableau suivant basé
sur 1.495 constatations est fort intéressant car il prouve clai-
rement que dans nos constatations nous avons trouvé le sens
génital d'autant plus souvent normal que les troubles
moteurs étaient moins accusés.
24 CLINIQUE MENTALE.
On sait combien à la seconde période surtout certains para-
tiques ont l'habitude de se dépouiller complètement de leurs
vêtements et de se mettre nus. Je ne parle pas de ceux qui
agissent ainsi parce qu'ils lacèrent leurs habits, j'ai en vue
ceux qui ne déchirent pas et qui se mettent nus uniquement
pour être ainsi. Jamais je n'ai pu obtenir d'eux une explica-
tion de cette bizarre manie que l'on constate en toutes sai-
sons, aussi bien lors des froids rigoureux de l'hiver que des
chaudes journées d'été. Je ne crois pas qu'il y ait rien de
lubrique dans cet acte ; quoi qu'il en soit dans 184 de nos
constatations, nos sujets se déshabillaient ainsi pour aller
nus, or dans ces 184 cas l'impuissance était absolue. J'ajou-
terai que ces 184 constatations ont porté sur 24 de nos
108 paralytiques, les autres n'ayant eu à aucun moment celte
passion du nu et que plusieurs d'entre eux avaient eu avant
et après de l'excitation génitale sans se déshabiller ainsi.
Mais pourquoi alors l'impuissance engendrerait ce besoin
d'aller nu ? J'avoue l'ignorer; je signale'simplement le fait
que j'ai constaté et qui n'est sans doute qu'une coïncidence,
étant donnée l'extrême fréquence de l'impuissance à cette
période de la maladie.
Un dernier rapport est à rechercher. Il convient de se
demander si les causes qui ont déterminé la paralysie géné-
rale n'exercent pas une influence sur les altérations du sens
génital. A cet égard nous obtenons le tableau suivant :
DU SENS GENITAL DANS LA PARALYSIE GENERALE. 20
1er et il ne paraît pas que l'étiologie ait une influence bien
marquée sur les troubles du sens génital .
Reste la question du pronostic et du diagnostic. Il n'est
pas douteux pour nous qu'à la période prodromique, les
troubles génitaux par leur précocité, leur accentuation et
leurs caractères particuliers ne permettent souvent de prévoir
la maladie longtemps avant son éclosion. Les troubles sont
très précoces et quand ils sont constitués par des alterna-
tives d'excitation et d'impuissance, comme c'est le cas le
plus fréquent, ils ont une signification des plus nettes. L'im-
puissance totale persistante a aussi sa valeur au point de vue
du diagnostic quand la santé est bonne. De même la persis-
tance des troubles durant la rémission est bien la preuve
que la guérison n'est qu'apparente : un paralytique pria-
pique ou impuissant n'est pas un malade guéri. Quant au
pronostic, il ne nous a pas semblé beaucoup 'éclairé par les
troubles du sens génital; nous avons eu, en effet, toutes les
évolutions du mal avec les trois états aux phases initiales
de normalité, d'altérations en plus et d'altérations en
moins.
Nous tirerons donc de nos recherches, les conclusions sui-
vantes relatives aux seuls hommes puisque, quoique ayant
un service immense, nos 108 sujets étaient tous du sexe mas-
culin.
I. En suivant les mêmes paralytiques aux trois périodes de
la paralysie générale et en utilisant l'observation directe, les
renseignements iournis par les malades et ceux fournis par
leurs femmes nuus avons réussi dans 95 p. 100 de nos cons-
tatations à nous assurer de l'état du sens génital. Nos échecs
ont été en diminuant de la première à la seconde période et
de la seconde à la troisième, le paralytique général perdant
toute retenue avec les progrès de la maladie.
II. D'une manière générale nous avons trouvé le sens géni-
tal attiré dans l'énorme proportion de Z p. '100.
III. Les altérations relevées ont toujours été des altérations
simples, jamais nous n'avons trouvé de perversion génitale
provenant du fait de la maladie.
IV. Les troubles fondamentaux observés furent l'exagéra-
tion ou au contraire l'affaiblissement et l'impuissance.
26 CLINIQUE MENTALE. ·
V. En dehors de ces trois troubles fondamentaux nous
avons noté d'autres secondaires s'ajoutant à eux. Parmi les
paralyliques à sens génital excité, les uns accomplissaient
normalement le coït, quelques-uns éjaculaient par le fait seul
de l'introduction de la verge dans le vagin ou même avant, à
la vulve, tandis que chez certains au contraire l'éjaculalion
était indéfiniment retardée. Parmi ceux atteints d'impuis-
sance, si beaucoup perdaient en même temps le libido, d'au-
tres le conservaient et cherchaient à le satisfaire, mais parmi
eux quelques-uns seulement pouvaient encore éjaculer à
l'état flasque.
VI. Aux troubles énumérés ci-dessus, il convient d'ajouter
les pertes séminales involontaires, sthéniqucs et asthéniques.
.
VII. Nous avons trouvé à l'asile l'altération en moins près
de quatre fois plus fréquente que l'altération en plus.
VIII. L'anormalité du sens génital a été constamment en
croissant du début' la terminaison de la paralysie géné-
rale. ,
IX. Il résulte de nos renseignemements que l'altération en
moins serait contrairement à l'opinion ayant cours, égale-
mentplus fréquente à la période prodromique que l'altération
en plus; mais il est assez habituel que les deux états alter-
nent entre eux avec prédominance toutefois du premier sur
le second. Le retard dans l'éjaculation est ensuite le trouble
qui s'est surtout présenté à cette période, deux fois plus fré-
quent que le trouble inverse et l'impuissance avec libido et
possibilité d'éjaculation- Nous n'avons pu avoir d'indications
précises sur les pertes séminales à ce moment.
X. D'après nos constatations on aurait : 1° Aux trois périodes
delà maladie : l'exagération, l'éjaculation' retardée et l'im-
puissance totale 2° Aux seules périodes prodromiques, pre-
mière et deuxième : l'affaiblissement, l'impuissance avec
libido associé ou non à la possibilité d'éjaculer. 3° Aux seules
périodes prodromiques et première les pertes séminales,
l'éjaculation précipitée et l'état normal.
XI. D'un côté l'impuissance totale sans libido et de l'autre
l'exagération avec éjaculation normale ainsi que l'affaiblisse-
ment ont évolué en sens inverse, la première augmentant et
DU SENS GÉNITAL DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 27 -1
les deux autres diminuant de fréquence avec les progrès de
la maladie. ,
XII. Nous avons relevé durant les rémissions même très
marquées le sens génital altéré dans l'énorme proportion de
86 p. 100 de nos constatations et l'altération en plus a été
alors trois fois moins fréquente que l'altération en moins.
XIII. Contrairement à l'opinion ayant cours c'est dans les
formes démentielles et lors des périodes de calme que nous
avons observé le maximum d'altérations en plus du sens
génital. Seule l'expansive agitée a présenté un chiffre de
troubles plus élevé que l'expansive calme.
XIV. Nous n'avons jamais trouvé d'altération en plus, ni
d'état normal avec les formes dépressives, calmes ou agitées,
ni non plus avec la forme démentielle agitée.
XV. La forme démentielle avant le maximum des altéra-
tions en plus, le maximum des en moins a été dans les trois
formes précédentes.
XVI. D'après nos constatations la normalité du sens génital
et l'altération en plus croissent parallèlement aux progrès de
l'âge jusqu'à la quarantaine pour décroître rapidement »
ensuite au point de ne plus se montrer, à cinquante ans.
XVII. Nous n'avons noté aucun rapport entre les divers
états du sens génital et les transformations de la personna-
lité physique, les troubles du sens tactile et du sens algésique,
voire même les conceptions délirantes génitales des paraly-
tiques généraux. "' :
XVIII. Aux deux premières périodes de la maladie, nous
avons trouvé le sens génital d'autant plus souvent normal
que les troubles moteurs étaient moins accusés. Le maximum
des altérations en plus a été avec les troubles moteurs
modéré, le minimum avec les troubles moteurs excessif et
vice versa pour les altérations en moins.
XIX. Le sens génital était toujours aboli chez les paraly-
tiques qui se déshabillaient, non pour déchirer, mais pour
rester nus, et ce chez des sujets qui avaient parfois de l'exci-
tation génitale durant laquelle ils gardaient leurs vête-
ments.
28 REVUE CRITIQUE.
XX. L'étiologie alcoolique est celle qui engendrerait le
plus d'altérations du sens génilal. Les causes ne nous ont
pas semblé avoir d'influence notable sur la nature des alté-
rations.
XXI. Les altérations du sens génital ne sont d'aucune uti-
lité pour le pronostic, mais par leur précocité et leur accen-
tuation, elles peuvent grandement aider au diagnostic de la
paralysie générale à la période prodromique, de même leur
persistance lors des rémissions est la preuve de la non-gué-
rison.
REVUE CRITIQUE.
Anatomie cérébrale et Psychologie ;
Par Jules SOURY,
Directeur d'études : , l'École pi-atiquo des Hautes Études à la Sorhonnc.
Voilà bien des années que nous enseignons que, pour penser
physiologiquement (ou psychologiquement, c'est tout un), il
faut penser anatomiquement. L'histoire des théories des fonc-
tions psychiques, dans la série des êtres vivants, est surtout
une histoire des progrès de la connaissance de la structure du
système nerveux centrai. Des esprits étrangers à ces études
pourraient seuls méconnaître l'importance philosophique de
l'anatomie du cerveau. Connaître le cerveau, le connaître
toujours mieux, depuis ses origines jusqu'au moment de
son évolution actuelle, voilà la fin de toute science de l'in-
telligence. Tout Edinger. qu'il s'agisse de ses Leçons sur
la Structure des organes du système nerveux central de
l'Homme et des Animaux', de ses nombreux mémoires
d'anatomie comparée de la Société de Senckenberg, de sa
dernière publication intitulée Anatomie cérébrale et Psycho-
' L. Edinger. Vorlesunçien iibcr den Ban (1er )e-v6seli Cenlralorgane
des Jlenschcn und der Thiere, 50 édition, 1896 Leipzig, Vogel.
ANATOMIE CÉRÉBRALE ET PSYCHOLOGIE. 29
. .
logie', tout Edinger est dans l'anatomie et la psychologie
comparées. S'appuyant sur ses recherches originales, pour-
suivies depuis tant d'années, le savant médecin de Francfort-
sur-le-Mein a résumé tout ce qu'il est possible de savoir et
d'écrire aujourd'hui touchant la structure et le développe-
ment du système nerveux dans la série des vertébrés. Sur-
prendre, comme à l'état naissant, les premières formes orga-
niques des fonctions primordiales de la vie psychique,
suivre leurs variations dans le temps et dans l'espace, voilà
la pensée-mère d'où est sorti tout ce grand labeur.
Personne, avant Edinger, n'avait écrit une histoire
ancienne aussi complète du manteau cérébral ou pallium.
Depuis son origine chez les poissons jusqu'à l'organe énorme
des hémisphèl es de l'homme, le développement si extraor-
dinaire de cette province du névraxe peut aujourd'hui être
suivi. Si le corps strié et l'appareil olfactif, aussi bien d'ail-
leurs que' la moelle épinière, le cervelet et le cerveau moyen,
ne présentent, dans la série, que des différences non essen-
tielles, il n'en est point de même de l'écorce cérébrale. « Je
ne connais, dit Edinger, aucune autre partie du cerveau qui,
si l'on remonte toute la série, présente de beaucoup des
changements aussi considérables que l'écorce cérébrale,
qu'elle ait évolué ou involué » ; or, comme l'existence des
fonctions psychiques supérieures est attachée à cette écorce,
on conçoit qu'aucune étude d'anatomie comparée ne possède
un intérêt plus élevé.
Formé chez quelques vertébrés inférieurs (poissons
osseux), dans sa plus grande partie, d'une simple couche de
cellules épithéliales, membrane qui se plisse déjà chez les
cyclostomes, ce n'est que chez les sélaciens, les raies, les
squales, que le manteau se développe, et que les parties
antérieures, aussi bien que les régions latérales, prennent
même un développement énorme Chez les sélaciens, le
manteau « frontal ». c'est-à-dire la partie antérieure du
cerveau, est toutefois seule de nature nerveuse ; suivant
l'espèce, telles régions plus ou moins étendues de là portion
postérieure n'ont plus la simple structure épithéliale. Mais,
à partir des amphibiens, on constate toujours l'existence
d'un pallium qui, dans la plus grande partie de son étendue,
1 L. Edinger. llirttaattlomie mttl Psychologie. Uerlil1. Ilirseliwald, 1900.
30 REVUE CRITIQUE.
à
est de nature nerveuse. Quant au cerveau des vertébrés
supérieurs, il se distingue de celui des poissons osseux et
des ganoïdes par quelque chose de très essentiel : il n'est
plus seulement purement épithélial, il est constitué de
nombreuses cellules nerveuses d'où partent des faisceaux
de -projection et autour desquelles se ramifient et s'arbo-
risent des terminaisons de cylindraxes ascendants. C'est
bien le substratum d'un appareil nerveux. Encore rudi-
mentaire chez les amphibiens, il apparaît, pour la première
fois, chez les reptiles, sous l'aspect d'une écorce cérébrale
véritable. Le pallium tout entier s'est tra5sformé 'en subs-
tance nerveuse cérébrale; seule, la région la plus posté-
rieure du cerveau antérieur conserve, comme toile choroïde,
son ancien caractère de membrane purement épithéliale.
Tel est le manteau chez les amphibiens et les reptiles, les
oiseaux et les mammifères. Ces études sur l'anatomie com-
parée des différentes régions du névraxe, du cerveau en par-
ticulier, dans la série animale, forment, selon nous, le plus
sûr fondement de ce qu'il est possible de savoir touchant
l'histoire de la vie psychique, ou de l'intelligence, sur cette
planète :
La connaissance des fonctions du système nerveux n'a
donc pu avancer et n'avancera dans l'avenir qu'autant que
l'anatomie du névraxe a été et sera plus avancée. La doctrine
moderne de l'hétérogénéité fonctionnelle de l'écorce céré-
brale n'a point de plus haute certitude que la démonstration
de l'hétérogénéité correspondante de structure et de texture
du manteau des hémisphères. Si la physiologie expérimen-
tale et l'observation clinique ont quelquefois affecté de ne
relever que d'elles-mêmes et ont paru dédaigner l'anatomie,
ces velléités d'indépendance se sont vile dissipées. Encore
que la considération de l'élément anatomique ne puisse rien
nous apprendre sur ce qu'est en soit une sensation, une
perception, une image, un concept, il demeure constant
que toute représentation ou idée implique non seulement
l'existence d'un. substratum anatomique, mais varie avec
l'état de ce substratum, avec la qualité et la quantité des élé-
ments qui le constituent, à n'importe quel moment de la
durée de ée substratum, dans sa période d'évolution comme
dans ses phases d'involution. Si une fonction, n'est que l'ac-
tivité d'un organe ou d'un groupe d'organes, il est incorn-
ANATOMIE CÉRÉBRALE ET PSYCHOLOGIE. 31
préhensible qu'on prétende étudier l'un sans connaître
l'autre. Malheureusement le nombre est grand encore des
psychologues qui croient pouvoir se passer des données de
l'anatomie dans l'étude et l'interprétation des fonctions du
système nerveux central. Ces fonctions, ils les considèrent
comme des manières d'entités distinctes des organes, à la
façon des spirites ou des sauvages. Ils parlent ainsi d'intel-
gence, de conscience, de volonté, etc., comme les docteurs
scholastiques parlaient d'humanité, de pierréité (la remarque
est de Spinoza). Que de physiologistes et de cliniciens parlent
encore cette langue, et combien de philosophes, après eux,
croyant avoir été à bonne école, perpétuent ces erreurs !
Anatomie cérébrale et Psychologie, dont la solidité scien-
tifique et la portée doctrinale rappellent les célèbres dis-
cours de Du Bois-Reymond et d'Huxley, est précédé de con-
sidérations sur l'histoire des théories et des doctrines du
système nerveux où apparaissent en pleine lumière les
noms de Descartes, de Soemmerring, de Gall, de Flourens, de
Burdach, de Meynert, de Fritsch et IIitzig, Munk et Golz,
Ferrier, Charcot, IIorsley, Flechsig t. La psychologie expéri-
mentale, aussi bien que la clinique et l'anatomie normale et
pathologique, ont bien établi que le cerveau antérieur est,
du moins chez les mammifères, l'organe des fonctions psy-
chiques supérieures, mais quel est le rapport de ces fonc-
tions avec les dispositions anatomiques ? En d'autres termes,
et tout d'abord, existe-t-il quelque relation entre l'anatomie
et la psychologie, demande Edinger ? On a souvent tenté de
suivre, en une série continue, les structures de l'appareil ,
nerveux parallèlement aux manifestations psychiques,
depuis les rudiments de la sensibilité jusqu'aux phénomènes
d'idéation et de conscience. Mais, à en croire Edinger, il y
aurait toujours un moment où, dans cette étude, le terrain
manque tout à coup : on ne voit plus comment une partie
du travail accompli par le système nerveux peut devenir ou
deviendrait conscient. Qu'est-ce d'ailleurs que la conscience ?
Le problème est d'autant plus ardu qu'on ne peut étudier
à part la conscience et le monde, les choses ne nous appa-
' Voy. Jules Soury. Le Système nerveux central. Structure et fonctions.
Paris, G. Carré et C. Naud, 1899, t. I. Cf. Les fonctions du cerceau. His-
toire des doctrines de psychologie physiologique contemporaines. Paris,
Progrès Alcali, 1892, ? a 2° édition.
32 REVUE CRITIQUE.
raissant que telles que nos organes des sens et nos sensa-
tions nous les représentent : « La science, dit Edinger, ne
peut que s'orienter dans le domaine de la conscience, elle ne
saurait étudier le monde lui-même. » Les sensations, voilà
les éléments derniers de notre connaissance et de nous-
mêmes et du monde. De la nature et des rapports de ce qu'on
appelait l'âme et le corps, il ne saurait plus être question.
Le savant doit connaître la théorie de la connaissance. Ce
que nous pouvons connaître, ce ne sont ni les choses elles-
mêmes ni leurs images réelles, mais leurs signes ou sym-
boles Toutefois, dès que les phénomènes s'ordonnent en
lois, l'homme en acquiert une intelligence scientifique; c'est
même là, au témoignage d'llelmholtz, toute la science.
C'est en ce sens que nous saurons un jour ce que nous
ignorons encore. Mais pourquoi Edinger écrit-il sur sa ban-
nière : Nescimus, sed non 'igno1'abimus ? L'axiome de Du
Bois-Reymond ne s'appliquait pas aux découvertes des lois
mécaniques de l'univers : il visait les énigmes insolubles,
celles d'origine et de fin, et, d'une manière générale, de la
nature des choses, de la sensation, par exemple, et de la
pensée. Pas plus que Claude Bernard, Du Bois-Reymond n'a
confondu les conditions des phénomènes, qui relèvent de la
science, avec leur nature, qui est le propre de l'inconnais-
sable.
Edinger laisse paraître une critique plus pénétrante
lorsqu'il se détourne du monisme : l'hypothèse d'une cons-
cience immanente à la matière, et qui progresserait avec la
série animale, manque d'autant plus de fondement que rien,
suivant lui, ne prouve que les manifestations psychiques
des animaux inférieurs impliquent l'existence d'une cons-
cience. Cette hypothèse est d'origine anthropomorphique :
« On a, dit-il, tacitement admis que ce que nous nommons
conscience chez l'homme n'a pu apparaître tout à coup et
que pour celte raison les actions même des êtres les plus
inférieurs pourraient bien être l'effet d'un rudiment de
conscience. Mais il serait également possible que la cons-
cience n'pût apparu en réalité pour la première fois que là
où son admission devient vraisemblable, du fait de certaines
manifestations vitales déterminées des animaux qui pos-
sèdent une écorce cérébrale, et que la conscience ne se
développât que dans la mesure où cette écorce s'accroît
ANATOMIE CÉRÉBRALE ET PSYCHOLOGIE. 33
progressivement dans la série jusqu'à ce qu'elle atteigne
chez l'homme le plus haut développement connu. »
Abstraction faite des idées de conscience et d'intelligence,
le naturaliste doit uniquement poser la question suivante :
Jusqu'à quel point peut-on expliquer la nature générale et
les actions d'un animal par la connaissance de sa structure
anatomique et des propriétés de cette structure ? L'objet de
l'anatomie, c'est d'étudier les mécanismes en vertu desquels
des impressions reçues, sont conservées et transformées en
mouvements. L'étude physiologique, expérimentale, des
fonctions, doit d'ailleurs accompagner celle de la connais-
sance de ces mécanismes, des organes élémentaires et de
leurs connexions. Il ne suffit pas de pouvoir expliquer, par
la connaissance de la structure anatomique d'un mécanisme,
la nature du travail qu'il accomplit : il faut encore prédire
ce que sera ce travail dans telle circonstance. Rien d'uto-
pique, selon 'Edinger, dans l'idée que le système nerveux
sera un jour aussi bien connu qu'un ingénieur connaît un
appareil magnéto-électrique. La conviction du savant anato-
miste de Francfort, telle que nous la lui' avons entendu
exprimer, c'est que, si l'observateur ne veut s'en tenir qu'à
ce qu'il sait, sans rien de plus, son rôle est uniquement
d'essayer de comprendre les actions des animaux, consi-
dérés comme de pures automates. Si, chez un reptile, par
exemple, on constate qu'une même excitation, lumineuse,
olfactive, etc . produit toujours, dans les mêmes conditions,
la même réaction, c'est à celui qui soutient que ce mouve-
ment est accompagné de conscience d'en administrer les
preuves. Il n'est pas scientifique d'inférer priori que ce
qui s'observe chez l'homme, dans les mêmes circonstances,
doit se passer chez ce reptile. Edinger possède un jouet très
connu, un lézard en fer-blanc, rapporté d'Italie, dont les
réactions provoquées lui semblent imiter avec une telle per-
fection celles qu'il a observées chez les lézards vivants qu'on
ne saurait, à l'en croire, échapper à l'idée qu'un mécanisme
préétabli entre ici également en jeu sous l'influence d'une
excitation déterminée. Dans les mêmes conditions, les réac-
tions demeurent aussi constantes que celles de la -limaille
de fer à proximité d'un aimant.
Nombre de réactions motrices de ce genre, où l'on a cru
voir des actions volontaires, appelées tropismes, dépendent
Archives, 2e série, t. XII. 3
34 REVUE CRITIQUE.
certainement, chez les végétaux comme chez les animaux, de
la nature et de l'intensité des stimuli pu excitants capables
d'orienter dans un sens ou dans l'autre la matière vivante
sous l'action de la lumière, de la chaleur, de l'électricité, de
la pesanteur. Les expériences à ce sujet de I'feffer, d'Engel-
mann, de Loeb, de Max Verworn, et de beaucoup d'autres
auteurs sont, pensons-nous, connues. Force substances
chimiques, définies et dosées avec exactitude, exercent une
action élective de même nature sur les spores et les orga-
nismes inférieurs. Parce qu'un protophyte ou un proto-
zoaire, un infusoire,faitun départ et un choix entre les subs-
tances de son milieu ambiant, lui accordera-t-on une
faculté de discernement et de discrimination ? En réalisant
expérimentalement des conflits entre les forces naturelles
favorables ou nuisibles aux organismes vivants, Loeb a pu
déterminer des réactions destructives de leur conservation.
Les amibes artificielles de Rumbler se comportaient tout à
fait, affirme Edinger, quant à la construction de leurs habi-
tacles formés de grains de quartz, comme des êtres vivants ;
comme ceux-ci, elles englobaient des particules de corps
étrangers, quand la nature de ces corps convenait à leur cons-
titution chimique; elles les absorbaient et les rejetaient à
la manière des amibes vraies : « Comme il ne peut venir à
l'esprit de personne d'attribuer de l'intelligence à ces auto-
mates, il n'existe jusqu'ici aucun motif pour attribuer les
mêmes actions, quand elles sont accomplies par des êtres
inférieurs, à rien d'autre qu'à leur structure et à leurs pro-
priétés. » Edinger ne saurait pourtant suivre Loeb jusqu'au
bout. Pour ce dernier, le système nerveux n'est qu'un
appareil de régulation et un multiplicateur d'énergie ; sa
destruction n'empêche pas l'animal de réagir d'une ma-
nière appropriée aux fins de son organisation. Edinger
doute aussi que, dans ses expériences sur les larves de gre-
nouilles, Schaper ait réussi à supprimer complètement les
fonctions de la moelle épinière : la partie de la moelle
indépendante du cerveau détruit a pu persister, si bien que
ces larves ne seraient comparables qu'à des animaux décé-
rébrés *. L'acuité, la rare pénétration de l'esprit critique
' Alfred Schaper. Experinxenlelle Sllldien an Amphibie nlarven. Mit
Taf., Leipzig, 1398.- Lie frilheslen DifJ'el'en=il'llIlgsvol'[Jünge im Central-
- ANATOMIE CEREBRALE ET PSYCHOLOGIE. j5
d'Edinger perce ici avec une force qui est pour nous l'évi-
dence même. En somme, il paraîtrait aujourd'hui certain
qu'un grand nombre de phénomènes relativement com-
plexès et«qui impliquaient, estimait-on, l'interventioh d'une'
conscience, d'une volonté, etc., sont réductibles à de purs
réflexes.
Des idées nouvelles d'Apathy, de Bethe, de Nissl, sur la
structure de la cellule nerveuse qui, grâce à ses connexions
inter et intrafibrillaires serait déjà, en un certain sens, « un
organe central », Edinger dit peu de choses dans le dernier
travail que nous analysons ; sa réserve pourrait encore, ce
nous semble, être plus prudente. Il estime que les corpus-
cules chromophiles de Nissl, liés à la vie et à la fonction
de la cellule, recèlent des sources d'énergie chimique
employées au cours de l'activité cellulaire, doctrine de Mari-
nesco. C'est toujours une question de savoir, du moins pour
les novateurs vers lesquels incline Edinger, si les cellules
nerveuses, avec leurs prolongements, sont des unités phy-
siologiques, des individus doués d'énergie propre, auto-
nome, ou si ces corpuscules ne sont que des centres de force
et des stations d'embranchement pour les fibrilles primi-
tives qui, par hypothèse, traverseraient tout le système ner-
veux.
La première manière de voir prévaut toujours chez la plu-
part des biologistes. Comme il est démontré que les cellules
nerveuses, avec leurs prolongements, sont bien des unités
anatomiques, qui meurent et dégénèrent individuellement,
on ne saurait leur dénier une individualité vraie, quand
même de futures découvertes devraient attribuer essentielle-
ment la production des réflexes, c'est-à-dire de la vie psy-
chique, non plus aux corps cellullaires, mais au réseau fiblril-
laire du névraxe.
Quelle solution l'anatomie du système nerveux peut-elle
donner à ce problème capital de la psychologie, la mémoire ?
Comment les processus nerveux peuvent-ils être modifiés,
consécutivement àcertaines stimulations, modifications, dont
l'effet reparaît quand des événements semblables ou divers
ont lieu ? Ce problème de la mémoire, on peut l'aborder sans
11e1'vel1syslem. Leipzig. 1897. Cf. Jacques Loeb. Einleitung in die ce ?
gleichende Gehimphysiologie und vergleichende Psychologie mit beson-
der. Beriicksiclitigung der tvirbellosen l'hiere. Leipzig, 1899.
36 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. '
que la question de la conscience soit épuisée. Les phénomènes
désignés sous le nom de Bahnung, si bien étudiés par
Semer', firent faire les premiers pas vers la solution du pro-
blème. (A suivre.)
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
I. Fausse grossesse chez une névropathe dégénérée ; par
1\IARANDON DE MONTHYEL. (Journal de médecine et de chirurgie
pratiques, janvier 1901, p. 02.) .
11 s'agit d'une jeune femme de trente-six ans, bizarre, incon-
sidérée, présentant en outre dans la sphère génito-urinaire,
diverses anomalies, dont l'une tout à fait singulière. Depuis la
puberté, elle ne peut pas uriner, non seulement en présence des
gens, mais encore seule si quelqu'un l'attend; bien plus, si elle
sait que, sans l'attendre, quelqu'un sait qu'elle urine2. La miction
ne se produit que dans la solitude et à l'insu de tous. Cette
bizarre anomalie l'a plus d'une fois mise au supplice. C'est, en
somme, une névropathe dégénérée.
Elle était mariée depuis quinze ans avec un homme dont elle
avait été la maîtresse pendant dix-huit mois, sans avoir jamais eu
d'enfant, bien qu'elle eût désiré vivement en avoir, quand son
mari, qu'elle aimait beaucoup, fut frappé de paralysie générale et
placé à l'Asile de Ville-Evrard où elle venait le voir constamment.
Là, M. Marandon de lllontyel reçut toutes ses confidences.-
« Depuis l'internement de son mari, dit-il, cette femme avait à
lutter contre les poursuites d'un séducteur, riche et libre, qui lui
promettait de l'épouser dès qu'elle serait devenue libre de son
côté. A l'occasion de cette dernière confidence, je constatai chez
cette jeune femme une idée fixe qui la dominait complètement,
celle que, bien que n'ayant jamais eu d'enfant, elle serait immé-
diatement engrossée si elle avait le malheur de tromper son
mari. Aussi, elle me déclarait qu'à défaut de tout autre sentiment,
cette certitude suffirait à l'empêcher d'écouter les propositions de
' Sigm. Exner. Entwll1'f' ? 11 eizzer physiologischen EI'kliil'll11g (le), psy-
chischezz Ersclieinungen. I. Th. Leipzig und Wien, 1894.
- Les exemples de ce genre, plus ou moins complets, ne sont pas très
rares. , (B.) .)
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 37
son adorateur, et qu'elle aimait encore mieux, malgré sa vive
sympathie pour lui et l'avenir sombre qui l'attendait, le perdre,
s'il n'avait pas la patience d'attendre, que d'être rendue mère par
lui du vivant de son mari malade, car plutôt que de supporter un
tel déshonneur, d'autant plus infamant, que son époux était
enfermé dans un cercle de fous, elle se tuerait sans hésiter
Quelques mois après, cependant, son état moral s'était complè-
tement modifié, et comme elle exprimait des idées de suicide, je
l'interrogeai et, éclatant alors en sanglots, elle me confessa qu'elle
était grosse de trois mois. Elle avait commis la faute impardonnable
de céder aux instances de celui qui. depuis deux ans, la poursuivait
de ses assiduités et de ses promesses de mariage, et ce qu'elle
redoutait ne s'était pas fait attendre : elle avait été d'emblée
engrossée.
Elle n'était pas sortie des bras de celui à qui elle venait de se
livrer que l'idée fixe l'obsédait. C'est dans une anxiété des plus
vives qu'elle attendait l'époque delà menstruation, attente longue,
car elle cessait d'être précisément réglée quand elle fauta. Les
règles ne vinrent pas : sinapismes, bains chauds, injections
chaudes et autres moyens conseillés dans ces cas par les bonnes
femmes pour sortir d'embarras, restèrent inefficaces. Ses craintes
et sa certitude s'accrurent et elle n'eut plus aucun doute quand le
mois d'après l'aménorrhée persista, d'autant plus qu'elle com-
mença à avoir les divers symptômes qu'elle avait maintes fois cons-
tatés chez ses amies au début de leur grossesse : gonflement des
seins avec picotements, anorexie, nausées et vomissements le
matin, salivation abondante, bâillements, répétés, faiblesse géné-
rale avec menace de syncope, vertiges. Le troisième mois l'affola :
non seulement la menstruation ne parut pas davantage, bien que
l'époque fût écoulée depuis quatre jours déjà, non seulement tous
les symptômes précédents s'accrurent, mais le ventre grossit ; elle
se vit contrainte d'élargir ses vêtements.
Il est incontestable qu'une grossesse était dans l'ordre des
choses possibles. Je l'examinai et trouvai l'utérus avec un volume
de beaucoup inférieur au volume normal : il avait évidemment de
ce côté une anomalie de conformation susceptible d'expliquer et
la stérilité et les atroces douleurs de la menstruation depuis la
puberté. De toute évidence, j'avais affaire à une fausse grossesse
déterminée, à l'inverse des autres, par la crainte de devenir mère
du vivant de son mari malade.
Je lui déclarai que son cas était bien amusant. Et avant qu'elle
ne fut revenue de sa stupéfaction, je lui expliquai que ce qui
empêchait son sang de couler c'était exactement ce qui empêchait
ses urines de couler quand elle était devant le monde, qu'on
l'attendait ou qu'on savait qu'elle urinait. « N'ayez plus peur
d'être grosse, car je vous jure que vous ne l'êtes pas, lui dis-je, et
38 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
vos règles viendront absolument comme vos urines viennent quand
vous êtes dans la solitude et à l'insu de tous. Cette comparaison
éclaira son esprit; en me servant de l'anomalie urinaire dont elle
se savait atteinte pour lui expliquer le mécanisme de son absence
de menstruation, j'avais employé le meilleur moyen de la con-
vaincre. Elle devint radieuse, se rhabilla avec une joie d'enfant et
partit embrasser ce pauvre mari malade que, pour la première
fois depuis dix-huit ans, affirma-t-elle, elle trompait lâchement,
mais que pourtant elle aimait bien tout de même...
Une heure s'était à peine écoulée, qu'elle revenait en courant
dans mon cabinet. Je crus que son mari avait eu une attaque.
Non, mais depuis un instant elle se sentait mouillée et venait
s'assurer si ce n'était pas ses règles qui étaient arrivées. C'étaient
bien les règles, en effet. Il avait donc suffi d'enlever, par une
simple suggestion à l'état de veille, l'obsession qui jouait le rôle
d'arrêt, et le sang avait coulé comme coule l'eau quand on ouvre
le robinet.
Depuis, le mari est mort, sa femme s'est remariée avec celui qui
la mit à deux doigts du suicide et vit heureuse, riche et consi-
dérée. Qui sait ce qui serait advenu de cette jeune et jolie femme
qu'une simple suggestion à l'état de veille a rendue à la joie de
vivre, si elle n'avait pas été débarrassée de son obsession et de sa
fausse grossesse ?
Ce fait s'ajoute à ceux que nous avons publiés dans le der-
nier numéro des Archives (p. 490). Ceux de nos lecteurs que
cette question intéresse trouveront dans le Progrès médical
du 25 mai (p. 342) un article intéressant de M. Cyrille Jamin.
IL Deux cas d'arthropathie syringomyélique ; par P.-A. PIIEO13Rk-
JENSKY. (OGorénié p51cltiatl'ii, IV, 1899.)
La première observation est particulièrement importante, à
cause d'arthropathies multiples, dont, notamment, l'articulation
du genou et l'articulation thoraco-claviculaire sont le siège. C'est,
dit l'auteur, un cas exclusif, parce que, chez la malade en question,
âgée de cinquante-cinq ans, la syringomyélie est indubitable, à
raison de l'autopsie, et qu'il s'agit d'une forme absolument clas-
sique d'arthropathie du genou. En outre, la lésion de l'articulation
thoraco-claviculaire n'a été décrite que par Luun (Clinical Sociely
of Lotzdoit, Lancet, 19 mai 1894), et Schlesinger (Die Syritzgomye-
lie, 189,). Les observations publiées prouvent indubitablement
que les articulations des extrémités supérieures et de la ceinture
scapulaire supérieure sont fréquemment atteintes dans la syringo-
myélie. Comment expliquer qu'on ait décrit si rarement les altéra-
tions de l'articulation thoraco-claviculaire ? Parce qu'elles ne
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 39
sautent pas aux yeux, et qu'elles dérangent peu la fonction des
extrémités supérieures.
Ces arthropathies doivent être considérées comme tout à fait
analogues à celles des tabétiques; c'est dire qu'on en ignore le e
mécanisme, car tout ce qui avait été avancé sur la pathogénie des
arthropathies tabétiques est abandonné par tout le monde : impos-
sible donc de parler de la même cause efficiente de l'arthropathie
syringomyélique, puisque dans l'étiologie de cette dernière maladie,
la syphilis ne joue aucun rôle.
On a dit que ces arthropathies sont une arthrite déformante
originale sur un terrain tabétique ou gliomateux, dont la genèse
est due aune cause mécanique, traumatique. Mais l'examen des
os parlerait plutôt contre cette opinion : on y trouve des altérations
telles, et en de tels points, qu'il n'y a pas à mettre en cause le trau-
matisme. La forme si personnelle des altérations ne rappelle nul-
lement l'arthrite déformante. C'est donc l'opinion de Charcot et
de ses élèves qui prévaut : c'est une altération purement trophiqué,
qui dépend de l'affection du système nerveux. P. KERAVAL.
III. Des formes frustes de la sclérose en plaques ; par M. Scn.u-
b.EW1T; : CIJ. (Oborénié psichialrii, III, 1898.)
Revue complétée par deux observations personnelles. Conclusions.
Tout ce qui a été dit, en particulier les observations d'Hippel et de
Bechterew, montrent que la sclérose en plaques est une affection
multiloculaire ; que les cas typiques sont caractérisés par la com-
pression des éléments nerveux sans dégénérescence, que les cas
frustes proviennent de la rapide dégénérescence de ces éléments.
Toute autre interprétation des faits ruinerait la doctrine de la
sclérose en plaques. P. KERAVAL.
IV. De l'immobilité des pupilles dans les attaques hystériques;
par Karplus. Ueber PU}Jillellsta1'1'e im hysterischen .tln(alte (Jahr-
buch. f. Psychiatrie, 1898, t. XVII, fasc. 1 et 2).
La plupart des auteurs (sauf Féré et Pausier) ont admis comme
démontré qu'il n'y avait pas dans l'attaque hystérique d'immobi-
lité des pupilles, et que l'on pouvait, en se basant sur ce fait,
distinguer les manifestations hystériques des états dus à l'épilep-
sie. Karplus, montre. en s'appuyant sur de nombreuses observa-
tions, que l'immobilité des pupilles est un symptôme observé dans
les grandes attaques hystériques, et qu'on ne peut utiliser ce signe
pour le diagnostic différentiel de l'hystérie et de l'épilepsie. On
observe en général la dilatation et l'immobilité des pupilles dans
les deux premières périodes de l'attaque ; l'immobilité pupillaire a
été noté en outre dans des attaques hystériques non convulsives,
z / , REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
et chez certains sujets, sans que la conscience fitt profondément
troublée (petites attaques avec troubles respiratoires, etc.). On
peul s'étonner, dit Karplus, que l'immobilité pupillaire qui est si
fréquente, si manifeste dans les divers paroxysmes hystériques
ait été si longtemps méconnue : sans doute, on avait l'idée pré-
conçue que l'immobilité des pupilles et l'attaque hystérique
étaient deux manifestations de nature tout à fait différente.
Il n'y a cependant rien qui empêche de considérer les troubles
pupillaires de l'attaque hystérique comme un phénomène cortical : -.
la dilatation et le rétrécissement des pupilles sont représentés
dans l'écorce, et, si l'innervation qui préside à ces mouvements
est soustraite â la volonté, on doit admettre que certains états
d'excitation de l'écorce peuvent déterminer un spasme du muscle
dilatateur de la pupille. Paul Sérieux.
V. Accès d'asthme violent, d'origine hypo-thyroïdienne; par LEY.
(Journ. de neurologie, 1901, n° 9.)
Observation d'une malade qui depuis sa jeunesse était sujette à
des accès d'asthme avec faiblesse générale disparaissant chaque
fois qu'elle devenait enceinte pour reparaître trois semaines après
l'accouchement. Pensant que ces accidents étaient dus à une
insuffisance de la sécrétion thyroïdienne, que la grossesse faisait
momentanément disparaître, on administra à cette malade des
tablettes de thyroïdine et depuis cette époque sa santé s'est com-
plètement rétablie. ,G. D.
VI. Etude sur l'ophtalmoplégie congénitale (ophtalmoplégie com-
plexe) ; par Carannes et Barnefe. (Nouv. Iconogr. de la Salpé-
trière, n° G, 4900.)
Les travaux antérieurs sur ce sujet permettent de diviser les
paralysies congénitales des muscles oculaires en deux catégories :
in Paralysies isolées; 2° Paralysies associées. Après étude d'un cas
très intéressant observé par eux et analyse de 43 observations
d'ophtalmôplégies congénitales recueillies dans la littérature médi-
cale, les auteurs proposent d'ajouter à la classification indiquée
plus haut une troisième catégorie : 3° Paralysies complexes, carac-
térisées par la réunion des éléments suivants : ptosis (paralysie du
droit supérieur), paralysie ou parésie des droits interne, externe
et inférieur, paralysie ou parésie des obliques (plus rare), intégrité
de la musculature interne (sphincter pupillaire et muscle ciliaire).
R. C.
VII. Une observation de trophoedème chronique héréditaire ;
par LAN.-401S. (Nouv. Iconogr. de la Salpélrière, n° 6, 1900.)
Relation de 1 cas dans la même famille, contribuant à démontrer
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 41
l'importance de l'hérédité dans les causes de cette très rare affec-
tion.
VIII. Un cas de dermo-neuro-fibromatose compliquée de phéno- ,
mènes spinaux et de déformation considérable de la colonne
vertébrale; parP. Hansualter. (Nouv. ]C01Wgl'. de la Sclpêtriére,
n° 0, 1900.) ,
Observation d'une forme anormale ayant pu faire croire tout
d'abord à une variété de syringomyélie.
IX. Forme rare de syringomélie vasculaire avec méningite
tuberculeuse ; par C. ltwow. (Il Morgagni, 1900, mai.)
Autopsie d'un enfant de trois ans, opéré de méningocèle, mort
huit jours après l'opération. L. D.
X. Contribution à l'étude de la paralysie post-tabétique ; par
, GARBINI. (Il Manicomio, 1899, 3.)
Travail long et minutieux qui a conduit l'auteur aux conclusions
suivantes : affection rare en Italie (3,43 p. 100 des parai, géné-
raux), se développant surtout chez l'homme, de préférence entre
30 et 40 ans et dans les classes pauvres qui sont deux ou trois fois
plus atteintes que les classes aisées.
La syphilis, l'alcoolisme, les excès variés, les causes morales
constituent des causes prédisposantes très importantes mais dont
aucune ne suffit à produire la maladie. Le tabes héréditaire ne fait
jamais défaut; il débute le plus souvent par des phénomènes dorso-
lombaires.
La forme clinique la plus fréquente de la paralysie générale
post-tabétique est la forme maniaque. La durée de la maladie
dans son ensemble, depuis le début du tabes, est éminemment
variable d'un an et moins a quinze ans. En général, il s'écoule de
trois à cinq ans entre le début du tabes et celui de la paralysie
générale qui évolue plus repidement que dans la forme commune
et amène la mort en douze ou vingt-quatre mois.
La période d'incubation est impossible il déterminer, étant
donné le caractère particulier des causes invoquées, sauf pour la
syphilis. Les premiers symptômes du tabes se montrent six ou dix
ans après l'infection. Les lésions anatomiques réunissent celles des
deux affections tabes et paralysie générale. L. D.
XI. Sur l'analgésie épigastrique profonde ; par Rossi
G. Lamonda. (Riu. clin, therap., 1900, avril.)
L'auteur confirme les résultats indiqués par Pitres sur la fré-
42 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
quence de l'analgésie épigastrique profonde dans l'épilepsie et le
tabes ; et sur ses rapports avec l'état des réflexes superficiels. Il a
cependant trouvé la sensibilité épigastique profonde plus souvent
augmentée que diminuée dans l'hystérie. L'hyperesthésie, plus
'fréquente, se rencontre souvent dans l'anémie, les états dyscra-
siques, les cachexies, la convalescence de maladies débilitantes.
Elle reconnaîtrait pour cause la dénutrition qui provoquerait une
réaction exagérée des éléments nerveux il l'excitation. En somme,
l'auteur n'aboutit a aucune conclusion bien neuve. L. D.
XII. Une épidémie de paralysie spinale infantile ; par SmONL1.
(Gaz : , degliosped., 1899,43.)
L'auteur rapporte cinq cas de paralysie spinale infantile obser-
vés dans le même village en quarante-quatre jours. De ces obser-
vations d'après l'auteur, il résulterait qu'on doit accorder une
certaine importance au rhumatisme articulaire aigu dans l'étio-
logie de la paralysie infantile.
Ces cinq cas furent observés dans des familles différentes et
débutèrent tous par une fièvre assez élevée. Mais la durée et le
degré de la fièvre n'ont aucune influence sur la marche et l'issue
de la maladie. En effet, celui des cinq enfants qui guérit presque
complètement avait eu précisément une fièvre très élevée qui
persista longtemps.
Chez les quatre autres, la paralysie s'établit définitivement avec
atrophie musculaire et abaissement de la température du membre
abdominal atteint. Deux d'entre eux aboutirent au pied-bot
varus équin. , L. D.
XIII. Un cas d'anesthésie généralisée et presque totale; par
G. FERON. (jours. de Neurologie, 1900, n° 7.)
11 s'agit d'un homme de trente-huit ans qui présentait une abo-
lition de la sensibilité dans tous ses modes, non seulement au niveau
de la peau et des muqueuses, mais encore au niveau des os.
Comme il n'existait, chez ce malade, aucun signe de lésion
organique en dehors d'un commencement d'atrophie de la papille
gauche, l'auteur pense que cette anesthésie généralisée doit être
mise sur le compte de l'hystérie. G. D.
XIV. Un cas de sclérose cérébro-spinale disséminée; par J. CRocQ.
- (Joumz. de Neurologie, 1901, n° 7.)
Il s'agit d'une femme de quatre-vingt-un ans qui fut atteinte, à
la suite d'une frayeur, de contractions musculaires répondant à
trois types distincts :
1° Des oscillations rythmiques siégeant aux lèvres, au cou, aux
REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 43
mains et aux pieds, diminuant sous l'influence de la volonté ou des
mouvements volontaires ;
2° Des contractions fibrillaires localisées dans la plupart des
muscles du corps;
3° Un état d'incoordination spasmodique qui se manifeste à
l'occasion des mouvements volontaires.
D'après l'auteur, tous ces troubles moteurs sont dus à des
lésions [scléreuses d'origine artérielle disséminées sur le névraxe.
Le diagnostic anatomique serait donc sclérose cérébro-spinale
disséminée et le diagnostic clinique : tremblement sénile avec
symptômes de sclérose en plaques. G. DENY.
XV. Syndrome syringomyélique étendu unilatéral; par F. Sano.
(Joum. de Neurologie, 1901, n° 8.)
Observation d'un homme de trente-un ans chez lequel on cons-
tate tous les signes de la syringomyélie, mais localisés au côté
droit du corps. Cette syringomyélie étant survenue sans cause
appréciable, l'auteur croit qu'elle est sous la dépendance d'un
arrêt de développement des centres nerveux qui aurait été lui-même
la cause des réactions névrogliques et des dilatations épendy-
maires. ' G. D.
REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.
I. L'affaire Waldstein à Prague : deux lettres adressées aux
membres de l'Association médico-psychologique de la Grande-
Bretagne et de l'Irlande ; par le professeur Monrrz Benedikt.
(The Journal of Mental Science, janvier 1899.)
La première de ces lettres est une critique des psychologistes
qui ont joué un rôle dans le procès Walstein, procès qui a fait un
certain bruit en Autriche. L'auteur y examine les rapports de la
faiblesse mentale avec la folie morale, le damier de créer une
législation de classe, par une conception fausse de la folie morale, la
question de la surveillance de l'Etat sur les choses relatives à la folie.
Dans la seconde, l'auteur revenant plus spécialement sur Id
question de la folie morale déclare espérer que le mot et la chose
disparaîtront de la science. Ce qu'on appelle la folie morale n'est,
suivant lui, qn'une dépravation, une corruption innée ou acquise,
et, sauf le cas de complications, ne représente pas une forme de
4 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.
folie : c'est une modification de l'état physiologique, un état anti-
social, naturel ou acquis, mais non pas une maladie 1. R. de M.-C.
II. Etat névropathique héréditaire et instabilité et maladie
acquises associées au crime, avec une observation; par Henry
- Lile WtTFR. (The New I'o· ! c Médical Journal, G novembre 1897.)
Homme de trente-neuf ans : père et grand-père paternel alcoo-
liques, grand'mère maternelle aliénée; convulsions dans l'enfance;
alcoolique depuis l'âge de seize ans. Syphilitique ( ? ) (un chancre il
y a treize ans sans accidents consécutifs). Anémique ; muscula-
ture pauvre. Constipation, pas d'appétit. Instruction rudimen-
taire : intelligence ordinaire; mémoire faible. Caractère triste et
par moments irascible. Réflexes normaux. IL y a quatre ans,
céphalalgies, et engourdissement, puis paralysie d'abord des doigts,
ensuite de la main, enfin de tout le côté gauche. Cet état dure
trois jours, puis survient une crise convulsive et tout rentre dans
l'ordre ; depuis, il a eu d'autres convulsions, toujours précédées
d'une aura visuelle, qui dure de vingt minutes à deux heures ; la
crise convulsive débute par la main gauche. Il y a perte de cons-
cience, écume à la bouche et miction involontaire : la période
consécutive de stupeur est suivie d'une grande agitation, pendant
laquelle le malade est dangereux pour lui-même et pour les
autres. Puis il revient à son état normal, ne se souvenant de rien
si ce n'est qu'il a été agité. L'auteur le retrouva plus tard dans
une prison, après une condamnation pour un délit sans grande
importance : le médecin de la prison avait porté le diagnostic de
syphilis cérébrale et tumeur cérébelleuse.
L'auteur indique ici les mensurations anthropométriques aux-
quelles le sujet a été soumis, et leurs résultats, et en terminant, il
montre l'intérêt que présente : un tel malade au point de vue médico-
légal, en supposant que cet homme ait commis un crime grave, un
meurtre par exemple, et en examinant les hypothèses et les
embarras, auxquels il aurait donné lieu. R. de lIIuSGRAVE-CLAY.
III. Sur l'irresponsabilité chez les criminels; par A.-R. WI ! ITEWAY.
(The Journal of Mental Science, octobre 1899.)
La question fondamentale qui se pose, en matière de châtiment
pénal, est celle de la dose de responsabilité possédée par le crimi-
nel, et, pour la résoudre, il faut faire l'analyse quantitative de son
état mental et moral; et cette analyse est nécessaire, quelle que
soit celle des doctrines, actuellement régnantes et de plus en plus
libérales en matière de responsabilité, que l'on adopte personnel-
' Nous ne pouvons accepter absolument cette opinion de notre éminent
ami, le professeur Benedikt. (B.)
REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 45
lement. Ces doctrines se divisent, en somme en deux groupes
principaux, le groupe spiritualiste et le groupe positiviste : les
spiritualistes croient à une obligation morale abstraite, les posi-
tivistes à une simple responsabilité envers la Société. La théorie
positiviste se présente d'ailleurs sous diverses formes : il y a une
école qui réduit la responsabilité aux simples nécessités de nos
relations sociales, que celles-ci soient considérées comme nées
d'un contrat social ou non, et dans ce cas elle nie formellement le
libre arbitre (Fouillée) , il y en a une autre qui place le droit de
punir sous la dépendance des nécessités de la défense sociale; une
troisième se base pour excuser l'aliéné sur ce qu'il est une unité
non identique aux autres unités sociales. Von Liszt de son côté
estime que la base de la responsabilité se trouve dans le pouvoir
d'agir normalement, indépendamment de tout exercice du libre
arbitre. D'autres encore distinguent entre la responsabilité subjective
et la responsabilité objective, déclarant que nous ne savons rien de
sûr de la première, mais que la seconde dépend certainement du
danger que l'exemple donné par le criminel fait courir Ma Société
(Lévy-Bruhl). Mais, que l'on croie ou non avec Schopenhauer que
l'impératif catégorique de Kant est un « vieux reste du Décalogue »
il est certain qu'un homme ne peut se sentir responsable qu'au-
tant qu'il- a conscience de sa personnalité; et cette conscience, il
peut l'avoir en dehors de tout sentiment net d'une obligation
abstraite, comme aussi en dehors de tout libre arbitre. S'il est
pleinement conscient de « l'identité et de la permanence de sa
sa propre existence » c'est-à-dire de sa personnalité, il est capable
de comprendre celle des autres, et il est, en fait, un être normal
auquel une infraction à la loi peut être imputée comme une faute
dont il est coupable. Eu d'autres termes il mérite d'être châtié
dans l'exacte mesure où il est, ou n'est pas, un être normal tant
au point de vue physique qu'au point de vue psychologique. Les
hommes de science trouvent difficile d'admettre la folie partielle
parce qu'ils ne paraissent pas se rendre compte que la responsa-
bité ne dépend pas à proprement parler du discernement du bien
et du mal, mais de la présence ou de l'absence chez le délinquant
des qualités nécessaires pour acquérir et conserver cette faculté de
discernement. La culpabilité des individus peut donc varier indé-
finiment du minimum au maximum. R. DE 11CSGR.1VE-CL9Y.
IV. Notes sur l'exécution d'un testament dans un cas d'hémiplé-
gie avec aphasie; par James EDMUJSDS. (British Médical Journal,
31 mars 1900.)
Une femme de soixante ans polyglotte, fort intelligente, est
frappée d'une hémiplégie droite avec aphasie et agraphie, l'hémi-
plégie, l'aphasie et l'agraphie se complètent. 11 s'agit d'aphasie mo-
46 6 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.
trice ; l'intelligence reste intacle, elle comprend et s'exprime par
gestes, elle lit. En avril 1896, elle a une arthropathie du genou
droit. En août 1898 accès de goutte avec tophus. Assez bon état
jusqu'au 10 juillet 1899. Ce jour là nouvel ictus avec aggravation
des phénomènes parétiques du côté droit, intelligence toujours
.intacte, le 3 et 4 août la malade l'ait son testament. Le 20 août,
mort après une série de petits ictus qui ne touchèrent l'intelligence
que dans les 2 ou 3 derniers jours.
La malade avait désiré tester, le médecin imagina l'emploi de
cartes à jouer sur lesquelles on écrivit très visiblement et les diffé-
rentes propriétés à léguer et le nom des légataires éventuels. C'est
par le choix de ces cartes différentes que la malade fit connaître
ses instructions. Le notaire transcrivait à mesure et, quand elle eut
achevé, il lui lut à haute voix la pièce et la malade montra par sa z
mimique et ses gestes qu'elle approuvait. Le testamennt fut atta-
qué, mais par un jugement de la Cour de Londres il fut déclaré
valable. J. B. BUVAT.
V. Sur l'irresponsabilité des criminels; par Charles Mercier.
' (Tlee Journal of Mental Science, avril 1900.)
Nous ne pouvons qu'indiquer ce court mémoire de M. Mercier,
qui est une réplique à l'article de M. Whiteway paru dans l'avant-
dernier numéro du Mental Science, et qui concerne tout spéciale-
ment le procès criminel de Mary Ansell. R. de Musgrave-Clay.
VI. Assassinat d'un fonctionnaire public par un aliéné atteint de
paranoïa chronica ; par W. M. BECIITLREW. (Obo : réaié psichiatrii,
III, 1898.
Le malade en question tua à coups de revolver le président du
tribunal territorial du gouvernement de Wiatka. Une des chambres
médicales du gouvernement, malgré les résultats de l'examen
pratiqué à l'asile des aliénés de Wiatka, conclut à la pleine respon-
sabilité. Pour départager quatre experts, divergents d'opinion
deux à deux, l'aliéné fut renvoyé devant la Société de médecine,
la plus haute institution médicale de la Russie. Etude complète et
rapport de M. Bechterew. C'est un délire systématique chronique
originel. P : 11ERAV.aL.
VII. Rôle de la suggestion dans la vie publique; par W.-M.
Bechterew (Obo·énié psiclciatrü, 111, 1898).
Discours fort documenté sur le contage psychique qui produit
la contagion psychique : ses microbes, quoique invisibles au
microscope, n'en n'agissent pas moins, comme les microbes phy-
siques, partout et en tout lieu. Ils se transmettent par les paroles
REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 47
et les gestes des personnes environnantes, par les livres, les
journaux, etc., en un mot, où que nous nous trouvions, nous
sommes déjà soumis à l'action des microbes psychiques, et, par
conséquent, nous nous trouvons en danger d'être contaminés men-
talement.
Il est facile de s'imaginer le thème brillant et brillamment
développé que M. Bechterew a su fournir, mais scientifiquement
il ne nous apprend rien de nouveau. Sa péroraison mérite cepen-
dant d'être citée, parce qu'elle est une réfutation de l'opinion de
Tolstoï, sur le rôle nul des individualités dans les événements his-
toriques. La voici : 1
« Le thème que j'ai choisi, dit l'orateur, exigerait un plus long
développement, car il est universel ; ce que j'ai dit donne, pour le
moins, le canevas des réflexions que comporte l'importance de la
suggestion dans la vie sociale des peuples, et le rôle qu'elle doit
jouer aux moments graves de l'histoire à toutes les époques. Le
temps ne m'a pas permis de m'arrêter sur la question des indivi-
dualités séparées dans l'histoire. Beaucoup inclinent à nier abso-
lument le rôle de l'individualité dans la marche des événements
historiques. D'après eux, l'individu n'apparaît que comme l'ex-
pression des manières de voir de la masse, comme la plus .haute
personnification d'une époque, il ne peut donc avoir d'influence
active sur la marche des événements historiques. Ces événe-
ments, par la force des choses, font surgir à la surface de la foule,
telle ou telle individualité, mais ils se déroulent à leur rang en
dehors et indépendamment des individualités qui n'exercent pas
d'influence sur eux.
« Mais l'on oublie la suggestion, cette force importante, qui sert
notamment d'arme puissante entre les mains de natures heureu-
sement douées dès la naissance, de celles pour ainsi dire créées
pour être des chefs des masses populaires. Il est certainement
impossible de nier que l'individualité par elle-même n'apparaisse
comme réfléchie par un milieu, par une époque; il est impossible
de nier qu'aucun événement ne se puisse réaliser tant qu'à sa
réalisation ne préside pas, au préalable, un terrain suffisamment
préparé, et l'action de circonstances favorables. Mais il est hors de
doute également que les orateurs brillants, les démagogues
fameux, les favoris d'un peuple, les capitaines célèbres, et les
grands hommes d'Etat, enfin les publicistes en renom, tiennent
entre leurs mains une force puissante, qui est capable de coor-
donner les masses populaires, d'en former une unité appliquée à
un but général unique, qui possède la vertu de les entraîner à des
exploits, de les conduire à des événements dont les conséquences
se répercutent sur la suite des générations futures. "
. P. KEDAVAL.
ASILES D'ALIÉNÉS.
I. Les soins des femmes auprès des hommes aliénés ;
par N.-A. Joaaiaw. (06oréaié psichiatrü, III, 1898.)
A l'hôpital militaire Saint-Nicolas de Saint-Pétersbourg des
soeurs de charité sont préposées aux sections de faibles qui con-
tiennent, à raison du traitement par le repos au lit continu, aussi
des psychoses aiguës ; elles assurent également le service dans les
sections d'agités. Elles soignent les malades et maintiennent
l'ordre, sous le commandement et la surveillance des autorités
médicales et administratives. Leur traitement est de 15 à 20 rou-
bles par mois, plus table et logement. Chacune des sections de fai-
bles possède une soeur, qui y loge et vit continuellement. Chacune
des sections d'agités en a trois ; elles y sont relevées, par détache-
ments : le premier, va de 9 heures du matin à 3 heures après-midi;
le second, de 3 heures il 9 heures du soir ; le troisième, de 9 heures
du soir à 3 heures du matin ; le quatrième, de 3 heures à 9 heures
du matin.
Pendant le service, les soeurs portent une robe de chambre
blanche sur leur costume religieux. Elles exécutent toutes les pres-
criptions des ordonnateurs, surveillent l'administration des bains,
d'après leurs instructions, observent les malades afin, en cas de
changements graves, de prévenir aussitôt l'assistant de service
dans la section, ou, par extraordinaire, l'ordonnateur de service,
le surveillant de garde. Elles veillent à la distribution des portions
alimentaires prescrites, commandent aux infirmiers. Elles inscri-
vent sur un registre les modifications qui se produisent chez les
malades. A chaque visite des malades, par les ordonnateurs, le
médecin principal, le directeur de la section, elles les accompa-
gnent dans les quartiers, les informent des changements survenus
chez les malades,' leur montrent les nouveaux entrants, et inscri-
vent sur le registre du quartier toutes les dispositions prises par
les ordonnateurs.
Pendant le temps de leur service, elles se guident, pour soigner
les malades, sur les indications du surveillant et de son aide. Les
soeurs de service aux agités- hommes sont relevées, au moment
des repas, par les soeurs libres.
Elles choisissent parmi elles une soeur qui sert d'intermédiaire
entre elles et le personnel de service de la section, pour les ques-
d- .t" L i ?
ASILES D'ALIENES. ~ ? < 49
tions qui touchent à leur existence (table, logement, etc.). Elles
doivent suivre les leçons faites par l'un des ordonnateurs de la
section. P. Keraval.
II. Soins donnés aux aliénés dans' l'État de New-York; par
G. Shrady. (Médical Record.)
Conformément à la loi de 1889 les aliénés de l'état de New-York
sont traités dans onze asiles répartis dans onze districts différents.
La répartition s'y fait de telle sorte que les malades ont toute com-
modité pour rester en relations constantes et faciles avec leur fa-
mille et leurs amis.
Mais, avant la répartition, les malades restent en observation soit
à l'hôpital, sont dans le famille, soit en prison. Les inconvénients
de ce. mode d'observation sautent aux yeux, seule l'observation
dans des sections spéciales d'hôpitaux généraux a donné d'excel-
lents résultats et a encouragé l'administration à créer des sections
de réception pour aliénés dans des hôpitaux publics. Dans la pro-
vince d'Albany, cette méthode fonctionne déjà. Dans ces sections, il
est possible de faire le départ entre aigus curables et chroniques;
les premiers restent jusqu'à guérison à la section spéciale de l'hô-
pital, les autres sont évacués sur l'asile. L'avantage de ce nouveau
mode d'hospitalisation, pour les alcooliques en particulier, est
manifeste et l'auteur conclut que ce qui vient d'être fait à l'hôpital
d'Albany devrait être généralisé systématiquement non seulement
dans l'état de New-York mais dans le reste du monde civilisé.
J. B. Buvat.
III. La nécessité d'un musée et d'un laboratoire de pathologie et de
physiologie cérébrale; par A. H. NEwTdt. (The j01tmal of Mental
Science, avril 1899.) 1 .
Une grande somme de travail accomplie dans les asiles, demeure
effectivement sans profit faute de pouvoir être connue de ceux
qu'elle intéresserait. On pourrait au contraire, lui faire porter tous
ses fruits, par la création d'un musée destiné à recevoir les pièces
macroscopiques ou microscopiques, se rapportant à la pathologie
et à la physiologie du cerveau. Chaque chercheur suivrait sa voie,
mais s'attacherait aussi à combler les lacunes, et les travailleurs
seraient stimulés à la fois par la pensée que leurs recherches ne
seront pas perdues pour leurs collègues, et aussi très légitimement
par l'honneur qu'ils en retiraient. Le rapprochement matériel des
études faites en divers endroits par des travailleurs isolés et origi-
naux ne manqueraient pas de donner des résultats avantageux et
ce musée serait également instructif pour ceux qui savent déjà et
pour ceux qui ne savent par encore. Cette institution devrait être
Archives, 2° série, t. XII. 4
50 ASILES D'ALIÉNÉS.
complétée par un laboratoire où certaines recherches de physiolo-
gie et de pathologie cérébrales pourraient être faites avec un outil-
lage plus complet que celui des asiles et par un pathologiste d'une
compétence reconnue. R. de Musgrave-Clay.
IV. Les punitions sont-elles justifiées dans les asiles ; par Thomas
Drapes. (The joumal of Mental Science, juillet 1899.)
L'auteur ne dissimule pas que ce petit problème en masque un
plus grand, celui- de la responsabilité de aliénés, déjà traité dans
le Journal of Mental Science, par 11111. fercier,iVoott et bien d'autres.
Il développe sa pensée à cet égard dans des pages assez longues,
qu'il résume lui-même dans les conclusions suivantes :
1° 11 existe une folie partielle, et la forme et le degré du trouble
mental influent directement, dans chaque cas particulier, sur la
question de responsabilité ;
2° Si cette hypothèse admise, on a des raisons valables de con-
' sidérer un aliéné comme partiellement responsable de sa conduite,
alors, dans le cas où cet aliéné commet un méfait qui est sans rap-
port avec la sphère limitée de conduite dans laquelle sa folie évo-
lue, une punition est légitime;
3° Le mot punition doit être considéré comme désignant toute
mesure prise en vue de la correction d'une faute, soit par la pri-
vation d'une chose qui donne du plaisir, soit par l'infliction d'une
chose qui cause de la douleur 1.
En terminant, l'auteur rappelle qu'à Warwich, en 1892, un
magistrat, M. Justice Wright disait que « la réponsabilité d'un
accusé devait défendre de la réponse qui pouvait être faite à cette
question. Pouvait-il faire autrement ? ». Le critérium proposé par
ce magistrat est simple et juste : sa phrase contient la solution
entière du problême. C'est du pur bon sens.
R. DE Musgrave-Clay.
V. Garde de nuit et surveillance dans les asiles ; par F. ASHEY
ELKINS et JAMES 1\hDDLE : .IASS. (The Journal of Mental Science, octo-
bre 1899.)
Le système préconisé par l'auteur, et non d'une manière théo-
rique, car il l'a depuis longtemps mise en pratique, consiste
principalement à traiter les malades d'asile comme des malades
d'hôpital, et à prendre autant que possible pour modèle les dis-
positions adoptées dans ces derniers établissements. C'est ainsi
que les malades bruyants ne sont pas relégués par M. Elkins. dans
j
1 Causer de la douleur à un malade, nous ne saurions que protester;
voir page 53. (B.).
ASILES D'ALIÉNÉS. 51 I
un dortoir spécial, mais demeurent au milieu des malades calmes,
dont le bruit qu'ils font ne trouble pas le sommeil, il l'a maintes
fois constaté. Il peut cependant être troublé dans des cas excep-
tionnels, mais un aliéné qui passe dix heures au lit. peut sans incon-
vénient perdre, exceptionnellement, une heure ou deux de som-
meil. L'auteur ajoute que si ce système est sans inconvénient pour
l'entourage, il est avantageux pour le malade qui n'est pas aban-
donné seul dans une pièce obscure à ses idées délirantes ; en
outre, l'infirmier de garde de nuit dispose toujours de quelques
aliments destinés aux malades qui pourraient en avoir besoin et
l'on sait que rien ne favorise le sommeil comme l'ingestion d'une
petite quantité d'aliments. L'infirmier peut aussi s'occuper un ins-
tant du malade, causer avec lui un instant, l'aider à s'endormir (ce
qu'il fera d'autant plus volontiers qu'il y a lui-même tout intérêt).
Un autre avantage, c'est que les malades sont moins bruyants dans
la journée, parcequ'ils ont bien dormi ; des malades à instincts de
destruction peuvent être soumis utilement à ce système, la preuve
c'est que dans une année trois chemises seulement ont été déchi-
rées par deux aliénés. Pour les malades malpropres, il y a encore
un avantage, celui de prévenir, dans une certaine mesure bien
entendu, leur malpropreté, en devançant. En somme l'auteur
estime que dans un asile, les chambres isolées ne doivent être attri-
buées qu'aux aliénés à tendances homicides. Un seul veilleur de
nuit est suffisant pour vingt-cinq malades aigus et affaiblis, et pour
quarante et cinquante chroniques tranquilles. En résumé, l'auteur
voudrait : 1 Que les dispositions prises pour la surveillance de
nuit dans les asiles se rapprochent beaucoup de celles qui sont en
usage dans les hôpitaux généraux ; 2° Que tous les malades aigus,
bruyants, malpropres et à tendances destructives (à l'égard des
choses) soient placés la nuit dans des dortoirs soumis à une sur-
veillance constante, et n'en soient retirés que lorsqu'il est
devenu évident qu'ils ont cessé d'avoir besoin de cette surveillance
spéciale. R. DE MUSGRAVE-CLAY.
VI. Le système Brabazon dans un asile, histoire de son établisse-
ment et de son fonctionnement pendant une année : par Ha-
MII,TON C. Marr. (The Journal of Mental Science. juillet 1899.)
Il y a vintg ans que Lady Brabazon proposa une subvention pécu-
niaire à l'infirmerie ou au « Work house » qui consentirait à faire
l'essai d'un système qui consistait à apprendre aux infirmes de
ces établissements à se servir utilement de leurs mains, et à chasser
ainsi l'ennui par le travail. La proposition fut acceptée en 1883, et
aujourd'hui ce système fonctionne dans 156 établissements. En jan-
vier 1898, il a été introduit dans un des asiles de Glasgow, où réside
l'auteur. Un comité de dames s'est formé pour enseigner aux
52 asiles d'aliénés. 1
malades impropres à tout autre travail, ou paralysés et alités, de
petits travaux qui les occupent et les amusent; ce comité de dames
est indispensable, car elles seules peuvent apporter à cet enseigne-
ment volontaire le temps et la patience qui feraient forcément
défaut au personnel de l'asile si on essayait de l'en charger. La
^variété des travaux permet d'utiliser ce que chaque malade peut
avoir d'aptitudes spéciales : un idiot peint des cartes et des boites
à allumettes, d'après un modèle bien entendu, mais avec zèle et
exactitude; d'autres font des tricots de fantaisie, des fleurs et des
abat-jour en papier. On a ajouté récemment la sculpture sur bois
et le tissage des corbeilles. Ces occupations ne servent pas seule-
ment à désennuyer les malades, elles ont paru utiles à leur état
mental 1. A la fin de l'année, on a fait une vente des objets ainsi
fabriqués, et le produit a servi à payer les matières premières
employées d'abord, et à faire ensuite aux travailleurs et travailleuses
un léger cadeau d'argent.
Enfin l'auteur voit à ce système un autre avantage, accessoire à
la vérité, mais pourtant réel; il trouve avantageux que des dames
pénètrent ainsi de temps en temps dans les asiles, et se rendent
compte de leur fonctionnement; ce sont elles peut-être qui contri-
bueront par la à dissiper les préjugés qui règnent encore au sujet
des asiles, et à faire comprendre au public qu'un asile n'est pas
autre chose qu'un hôpital spécial pour le traitement des maladies
du cerveau. H. de Musgrave-Clay.
VII. L'évolution de l'architecture des asiles et les principes qui de-
vraient diriger la construction moderne de ces établissements ;
par R.-ll. SnEEIV. (The Journal of Mental Science, janvier 1900.)
Ce travail très intéressant, très détaillé, est accompagné de plans;
il est malheureusement trop long pour que nous puissions en
donner une idée : le rôle important que jouent les détails dans les
études de ce genre en rend toujours l'analyse tout à fait insuffisante
et nécessiterait presque une traduction; nous nous bornons à re-
produire les conclusions générales de l'auteur qui sont les sui-
vantes :
1° Les plans établis d'après le système de villas, et ceux qui
comportent des blocs détachés situés à distance du bâtiment cen-
tral présentent des inconvénients qui surpassent les avantages
qu'on leur attribue : ces systèmes ne paraissent pas devoir se gé-
néraliser dans notre pays avec les conditions actuelles d'adminis-
tration. »
« 2° La division d'un asile en deux portions, de dimensions
' C'est la pratique que nous n'avons cessé de recommander pour les
asiles de la Seine. Elle existait, autrefois, à l'asile de Bassens. (B.)..
asiles d'aliénés. 53
presque égales, l'une pour les cas aigus, et l'autre pour les cas
chroniques, est passible de diverses objections ;
« 3° Le plan le mieux approprié à un asile dans notre pays est
celui qui le compose de pavillons distincts, formant chacun un en-
semble complet dans ses détails, et reliés entre eux et aux services
administratifs au moyen de corridors. R. DE DUSGIt4VE-CLAT.
VIII. Résumé d'un mémoire sur la nécessité d'isoler les aliénés
phthisiqnes; par Eric France. (The Journal o( 111ental Science,
janvier 1900.)
Par des documents précis et indiscutables, par des statistiques
démonstratives et des graphiques qui ne sont que trop clairs, l'au-
teur montre les ravages que cause la tuberculose pulmonaire dans
les asiles, et pense que le moment est venu de tenter un effort
précis pour réduire le taux excessif de la mortalité par phthisie
chez les aliénés. Le moyen fondamental qui s'impose pour attein-
dre ce résultat, c'est l'isolement après un diagnostic précoce, les
malades devant être isolés avant que leur tuberculose devienne
une tuberculose ouverte. R. DE MusGRAVE-CLAY.
IX. Enquête historique sur le personnel de surveillance des
aliénés en Allemagne ; par A. Pisniatsciiewski. (Obozrénié
psichiatrü, IV, 1899.
L'histoire montre comment- les soins que l'on donne aux aliénés
réfléchissent les manières de voir des contemporains sur les
maladies mentales : on y saisit aussi le degré de leur conscience et
de leur initiative, ainsi que la dose de moralité et de culture intel-
lectuelle de la société, aux différents âges. D'abord on punit les
malades de leur conduite, on les considère comme responsables.
Il est évident qu'il n'y a que l'idée de la force et non le sentiment
de la justice qui puisse conduire à transporter la responsabilité de
gens sains à des malades. Les infirmiers eux-mêmes châtiaient
les malades pour diminuer les fatigues de la surveillance. Ce n'est
que très tard qu'on se mit à imposer la responsabilité des désordres
aux infirmiers et à les punir, mais le personnel de surveillance
supérieur et l'administration demeurent irresponsables. Le droit
du plus fort se décharge de ses obligations sur autrui. « Aucune
société ne se laisse inoculer les idées les plus humaines que peut
lui prêcher un de ses membres, tant que le terrain n'a pas été
préparé d'avance par une culture générale suffisante. »
P. 11ER.1\'.1L.
X. La question des infirmiers dans les asiles d'aliénés ; par
M. A.-W. TI3fOPEIEV (Oboz/'énié psichiatrii, III, 1898.)
Après avoir décrit tous les essais faits à la maison de santé de
54 -il asiles d'aliénés.
l'empereur Alexandre 111, pour obtenir un personnel convenable,
M. Timoféiew, qui a d'ailleurs longuement visité les asiles d'Eu-
rope, s'exprime ainsi : De toutes les panacées, plus ou moins
essentielles, proposées pour améliorer et garder les infirmiers, il
n'en est pas une seule qui n'ait été l'objet d'une expérience suivie
-en cet établissement. Le résultat a été en vérité déplorable. Voici
maintenant comment on procède.
On prend des serviteurs, qui n'ont pas à s'occuper des malades;
ce sont des domestiques, chargés exclusivement, sous peine de
punitions, du ménage. Les soins immédiats des aliénés (alimenta-
tion, toilette, arrangement des lits, ablutions, bains, service
de jour et de nuit), sont confiés à des surveillants et à des aides-
surveillants; ils peuvent, dans quelques circonstances être exécutés
par des serviteurs et des garde-malades, mais en la présence du
personnel de surveillance, avec sa permission et ses indications. La
difficulté a été de former des aides-surveillants et de les faire
agréer des surveillants. On les choisit parmi des aides-chirurgiens,
des instituteurs, de petits employés. 11 y eut de l'antagonisme
entre les surveillants et leurs aides, puis ils finirent par faire bon
ménage, surtout lorsque le personnel des surveillants fut con-
vaincu que ces aides, en lui allégeant ses peines, ne lui causaient
pas de détriment. On subdivisa heureusement les aides en anciens
et nouveaux. Les services et les capacités dont ont fait preuve les
nouveaux dans le cours d'un an les élèvent au grade'supérieur qui
comporte les appointements les plus élevés. Comme de juste, ces
aides furent d'abord introduits dans les sections où se fait le plus
sentir la nécessité de soins plus intelligents} ainsi, dans les quar-
tiers d'observation, dans ceux des agités, dans les salles de faibles.
Dans les quartiers' de faibles, on ne tarda pas à remplacer le
personnel masculin par des femmes, des soeurs de charité, qui con-
viennent mieux à ce genre de soins, mais en leur associant, dans
les salles d'hommes, des serviteurs chargés de les aider, pour les
gros travaux et les besognes qui exigent de la force musculaire.
Les soeurs remplissent aussi dans les quartiers de femmes les
fonctions des aides-surveillants dans les quartiers d'hommes.
Evidemment les aides-surveillants élèvent le taux de la dépense,
mais dans une proportion encore acceptable, à cause surtout de
l'amélioration des résultats. Ainsi, jadis le quartier d'observation
(vingt-trois malades) occupait sept serviteurs, qui coûtaient, à
90 roubles par an chacun, 030 roubles (1.638 fr.) ; actuellement, on
y emploie trois aides, dont l'un, l'ancien, coûte 20 roubles par
mois, et les autres 15 ; en tout 600 roubles annuels (1.560 fr.); on
y utilise aussi quatre serviteurs à 90 roubles par an, soit 360 rou-
bles. Ce quartier coûte donc 960 roubles (2.496 fr.) au lieu de 630
(1 .638 fr.). Ce sacrifice. qui a porté ses fruits, était indispensable,
car il n'y avait rien à faire avec les domestiques. Il n'y a plus qu'à
1 asiles d'aliénés. 55
obtenir pour les aides anciens le titre de serviteurs de l'Etat avec
les droits correspondants (pensions de retraites, etc.).
Dans les quartiers de tranquilles, le surveillant n'est assisté que
.d'un aide. P. KEaAVAL.
XL Le patronage familial en Hollande; par le Dr PEETERS.
(l3ull. de la Soc. semez. mentale de Belgique, mars 1901.)
Il résulte de cette note que le patronage familial des aliénés qui
n'existe pour ainsi dire pas encore en Hollande sera bientôt organisé,
le ministre de l'intérieur ayant inscrit au budget de 1900 un crédit
de 3 000 florins destiné à l'entretien des malades placés sous le
régime familial. Le ministre s'est en outre engagé à faire des
essais de ce régime dans les établissements de l'Etat, à Medenblik
et à Grave, et à subventionner les asiles privés qui s'engageront
dans la même voie. G. D.
LE président DU conseil, ministre DE L'INTÉRIEUR
ET DES cultes A messieurs les préfets.
J'ai été frappé des inconvénients considérables qui résultaient
parfois pour les finances départementales des réclamations présen-
tées tardivement par un déparlement à un autre en vue du recou-
vrement des sommes avancées par lui pour le paiement des frais
d'entretien des aliénés indigents.
Trop souvent, l'autorité préfectorale qui avait prescrit l'hospi-
talisation d'un malade étranger au territoire de son ressort ne
s'enquérait du lieu du domicile de secours de cet indigent qu'au
jour de son décès ou de sa sortie, par suite de guérison, de l'asile
où il avait reçu des soins.
Alors même que le domicile de secours paraissait établi dès l'épo-
que à laquelle la mesure d'assistance avait été prise, les réclama-
tions de l'asile créancier n'étaient adressées au département de ce
domicile qu'à une époque très ultérieure.
Parfois un délai de trente années s'est écoulé entre l'hospitalisa-
tion dans l'asile d'un département et la réclamation il un autre
département de la somme dont cette mesure d'assistance le rendait
redevable, cette somme ayant alors grossi d'année en année jus-
qu'au total considérable de 15 iL 20.000 francs.
Je n'ai pas à insister sur les difficultés résultant pour une admi-
nistration préfectorale de l'obligation d'incorporer, au budget d'un
exercice, une charge aussi considérable que celle résultant de l'ac-
quittement du contingent départemental lorsqu'il- s'agit d'une
pareille somme réclamée en dehors de toutes prévisions. Les diffi-
cultés financières sont encore plus grandes et presque insurmon-
tables quand le recouvrement doit avoir lieu sur le contingent
communal. '
56 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Mais cette façon de procéder, souvent suivie, a donné lieu à un
autre inconvénient. Le domicile de secours d'un malade, facile il
établir lorsque ce malade, récemment hospitalisé, a quitté depuis
peu le lieu de sa résidence habituelle, devient, quelques années
plus tard, beaucoup plus difficile à déterminer, quand les témoi-
gnages se font plus rares et que les traces du séjour déjà ancien du
malade dans telle ou telle localité et les éléments d'appréciation de
sa durée ont pour ainsi dire disparu. Dans ce cas, les contestations
deviennent beaucoup plus fréquentes et les litiges naissent avec
une facilité bien plus grande.
Je vous invite, en vue de mettre fin à ces inconvénients qui ont
préoccupé plusieurs assemblées départementales, à rechercher le
domicile de secours de tout aliéné indigent dès l'année qui suivra
son internement et à aviser dans le môme temps de l'objet de ces
recherches l'autorité départementale du lieu du domicile présumé.
Vous voudrez bien m'accuser réception des'présentes instruc-
tions.
- Pour le président du Conseil,
Ministre de l'Intérieur et des Cultes :
- Le conseiller d'Etal, secrétaire général,
M... .
SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE.
Séance du 6 juin 1901. Présidence DE M. LE Professeur RAYMOND.
Une application nouvelle de la méthode de l'élongation trophique.
L'ulcère chronique de jambe.
M. CHIPAULT. Je vous ai exposé, il y a un an, les résultats de
l'élongation trophiqne des nerfs dans le mal perforant. Elle en
donne de non moins intéressants dans l'ulcère chronique de jambe,
variqueux ou non, dont trente cas ont été aujourd'hui traités par
cette méthode : 9 cas personnels et 21 dus à Bardesco, Jonnesco,
Paul Delbet, de Buck et Vanderlinden, Otero Acevédo, Gérard-
Marchant.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 57 Î
Ici aussi la technique comprend deux temps : un temps d'élon-
gation nerveuse, que l'on fera porter sur les nerfs musculo-cutané;
saphène interne, sciatique poplité externe, c'est il dire à distance
moyenne de l'ulcère; un temps de traitement de l'ulcère, consis-
tant dans son ablation totale avec réunion, si c'est possible, et
dans son curettage si, comme d'ordinaire, c'est impossible.
Les résultats ont été : Résultats primitifs. Sur quatre
ulcères enlevés et suturés, quatre réunions par première intention;
sur vingt-six ulcères curetés : vingt-deux réunions par seconde
intention; quatre non-réunions dont une totale et trois partielles.
Résultats tardifs. Sur les vingt-six réunions. soit primitives,
soit secondaires, neuf cas n'ont pas été suivis, dix-sept ont été
suivis, dont six plus d'un an, deux plus de deux ans, deux plus
de trois ans. Chiffres remarquables pour un procédé aussi nou-
veau. Ils paraitront encore plus probants si l'on remarque : que
tous les ulcères traités étaient anciens, rebelles et étendus; que
sur les quatre insuccès, trois ont trait à des cas où ma technique
n'a pas été intégralement suivie. On sait, en effet, que je juge
essentiel pour le résultat que l'élongatiou soit faite à distance
moyenne. Or, dix-neuf cas traités de cette manière n'ont donné
qu'un insuccès ; dans onze cas, l'élongation a porté à grande dis-
tance sur le sciatique : ils ont donné trois insuccès, dont deux
tout particulièrement instructifs ; il s'agissait de malades porteurs
d'ulcères superposés; or, l'élongation du sciatique a guéri leur
ulcère supérieur, le plus près de l'élongation, et n'a pas guéri leur
ulcère inférieur, le plus éloigné, qui pourtant se trouvait dans les ,
mêmes conditions d'état préopératoire et de soins locaux. Rien ne
prouve mieux la nécessité, pour obtenir les remarquables résultats
que donne l'élongation trophique dans l'ulcère de jambe, de s'en
tenir à la technique même que j'ai indiquée.
Les résultats semblent prouver que l'ulcère de jambe rappelle
beaucoup plus qu'on ne le dit d'ordinaire des troubles trophiques.
On y note, du reste, souvent des troubles de la sensibilité, surtout
de la sensibilité thermique et des troubles de la calorification. "
D'autre part, l'importance du rôle qu'y joue d'ordinaire la lésion
vasculaire n'est plus pour embarrasser, aujourd'hui' qu'il est
admis que les dystrophies des plaies trophiques dépendent de
lésions des nerfs vaso-moteurs par l'intermédiaire des altérations
artério-veineuses que ces lésions produisent.
Adipose douloureuse.
MM. Acuann et LAUBRY présentent une malade de soixante-huit ans,
atteinte de la maladie de Dercum, les pieds et les mains sont
indemnes, la malade est notablement obèse, mais sur le tronc et
les bras l'adipose est diffuse et indolore; c'est aux jambes seule-
58 SOCIÉTÉS SAVANTES.
ment qu'elle est lobulée et douloureuse. Il s'agit donc d'une
forme légère, d'un cas dans lequel la dystrophie est peu marquée,
de tels sujets peuvent facilement passer inaperçus et laissent
croire que cette affection est plus fréquente qu'on ne le croit. La
patiente présente, en outre, un petit diabète. Les auteurs n'ont
pas dit si elle avait ou non présenté d'hémorragies.
Hypertrophie de la queue de cheval.
M. Thomas présente les pièces d'un cas de névrite hypertro-
phique interstitielle et progressive de l'enfance, intéressant toutes
les racines qui constituent la queue de cheval; l'affection a été à
la fin suivie d'atrophie. '
- Arthropathie dans l'amyotrophie.
M. Etienne (de Nancy) présente une pièce provenant d'un malade
atteint d'amyotrophie type Aran-Duchenne. On y voit à la fois
de l'arthropathie, destruction de la tète humérale avec rupture
spontanée de la capsule et de la périarthropathie avec nodules
ostéophytiques sur les tendons d'insertion des muscles périarticu-
laires, notamment du deltoïde.
Syphilis des centres nerveux chez les indigènes de l'Algérie.
, M. ScuEaB (d'Alger). La syphilis est extrêmement fréquente
parmi les indigènes de l'Algérie. Par contre, les accidents syphi-
litiques des centres nerveux y sont très rares.
La paralysie générale et le tabès ne se rencontrent jamais dans
cette partie de la population, alors que les européens et les juifs
du pays, paralytiques et tabétiques anciens syphilitiques y abon-
dent. Ceci pourrait tenir à ce que la syphilis a été importée en
Algérie à une date relativement récente. Le mal français a été
donné aux Arabes avant que les autres bienfaits de la civilisation
aient eu le temps de collaborer avec lui pour produire ces deux
affections. Mais celles-ci deviendront leur apanage quand ils se
seront suffisamnent détachés des préceptes du Koran pour user
des boissons alcooliques. Leur terrain n'est pas prêt pour que la
syphilis y évolue dans ce sens. Qnant aux lésions gommeuses et
aux artérites des centres nerveux, les quatre cas observés se
divisent ainsi : le premier chez une hétaïre hystérique et intoxiquée
par l'alcool et le tabac ; le deuxième chez un descendant de Turc,
alcoolique et fumeur de chanvre dont le père était vésanique; le
troisième chez un ouvrier du port, alcoolique; le quatrième chez
un Arabe de 27 ans, à syphilis grave sans tare antérieure. D'une
manière générale, ce ne sont pas les syphilis graves qui entraînent
SOCIÉTÉS SAVANTES. 59
des accidents nerveux. Si les gommes des centres sont rares, par
contre, le tertiarisme est commun chez les indigènes, mais les
gommes atteignent surtout les membres inférieurs de ceux qui,
marchant les jambes nues, vont dans la brousse et dans les
chaumes où ils se font des éraillures. Chez les indigènes syphili-
tiques, les troubles des réflexes oculaires n'ont jamais été ren-
contrés ; il n'y a donc pas même de tabès frustes.
M. Ballet. Ceci montre bien que l'argument de la rareté de
la paralysie générale chez les Arabes syphilitiques n'infirme pas
l'origine spécifique de cette affection, puisque les gommes du
cerveau elles-mêmes sont si rares chez eux. Une statistique numé-
rique, précise, comparée, serait d'un haut intérêt.
M. RAY10,-iD. - Bolenski a fait la même remarque chez les
Abyssins, presque tous sont syphilitiques et l'on ne rencontre
jamais chez eux la paralysie générale, ni le tabès. Leur terrain
n'est pas encore fait.
Sur la physionomie et le moment d'apparition des lésions cadavé-
riques dans l'écorce cérébrale de l'homme, méthode de Nissl.
(Ti avait du laboratoire de J11. Ballet.)
1111. Maurice Faure ET L : 11GVEL LAVASTINR ont recherché systé-
matiquement, dans le laboratoire de M. Gilbert Ballet, à quel
moment apparaissent les lésions cadavériques dans l'écorce
cérébrale des cerveaux recueillis deux ou trois jours après la
mort et abandonnés pendant plusieurs jours dans le laboratoire,
à une température constante de 16 degrés sans aucune précaution
d'assepsie, le cerveau étant seulement enveloppé d'une compresse
humectée d'eau bouillie, pour éviter la dessication de l'écorce. Ce
n'est guère que du troisième au sixième jour que des lésions
cadavériques se sont produites. Elles étaient, du reste, généra-
lement légères, et des cerveaux de cinq jours ont pu être étudiés
sans aucune difficulté. Les auteurs présentent des préparations
de cellules pyramidales absolument normales dans des cerveaux
de trois et quatre jours et à peu près normales dans des cerveaux
de cinq jours. Il faut attendre six, sept et huit jours pour trouver
des altérations considérables dont voici les caractères : la sub-
stance blanche et les éléments interstitiels ne prennent plus
aucune coloration, ils sont en bouillie; les petites cellules pyra-
midales ne sont presque plus visibles, les grandes cellules sont
beaucoup mieux conservées. Elles ont gardé leur forme mais,
leurs contours sont ondulés, irréguliers et peu nets. Les grains
chromophyles sont disparus ou beaucoup diminués de volume.
Entre les grains s'étend une sorte de réticulum coloré donnant au
contenu de la cellule l'aspect d'une toile d'araignée. Le noyau et
GO SOCIÉTÉS SAVANTES.
le nucléole sont à leur place mais, le noyau est gonflé et coloré,
ses limites disparaissent dans la substance de la cellule. Le
nucléole est très gros et ses contours sont irréguliers. Ces lésions
sont donc très différentes d'aspect de celles que l'on observe dans
les cas pathologiques et peuvent en être facilement distinguées.
... Après le huitième jour, les pièces ne prennent plus la couleur
ou ne la gardent que trop peu de temps pour être utilisée.
D'ailleurs, en règle générale, les pièces sont d'autant plus difficiles
à colorer et perdent d'autant plus vite la couleur qu'elles sont
plus anciennes. Il est bien évident que ces résultats ne s'entendent
que pour les cerveaux placés dans les conditions indiquées par les
auteurs. Il est vraisemblable que les pièces s'altèreraient plus vite
si elles étaient abandonnées dans le cadavre surtout pendant les
temps chauds et orageux. -
Conclusions : 1° Les lésions cadavériques de l'écorce cérébrale
étudiées par la méthode de Nissl se produisent à une date assez
tardive pour qu'elles soient négligeables dans les conditions
habituelles des recherches anatomo-pathologiques; ° Leur physio-
nomie diffère radicalement de celle des lésions pathologiques.
Elles ne peuvent donc pas constituer une cause d'erreur.
Amyotrophie et syringomyélie comparées.
M : GUILLAIN présente trois malades du service de M. Marie.
Deux amyotrophiques type Charcot-Marie conservent les fonctions
de leurs membres, un syringomyélique, au contraire, est frappé
d'impotence absolue quoique l'aspect des membres soit le même.
OEdème hystérique.
M. CESTAN présente avec M. RAYMOND une malade de quatorze
ans, réglée, qui a eu, il y a quelque temps, deux tournioles à la
main gauche; dans la suite s'est produite une enflure énorme,
violàtre et chaude de la main, tandis que les tournioles ne se
cicatrisaient pas et se couvraient de sphacèles. On appliqua des
pansements intensifs, l'oedème augmenta et des sphacèles appa-
rurent en haut près du pli du coude, un chirurgien et un médecin
fort instruits crurent à un phlegmon grave et pensèrent à l'ampu-
tation, mais avant de la pratiquer ils envoyèrent le malade
consulter à la Salpêtrière où la contracture énorme de la main, la
dureté de l'oedème, la nervosité de la malade et un bracelet de
phlyctènes situé sur l'avant bras firent reconnaître un oedème
hystérique, le traitement approprié l'a beaucoup amélioré. Cet
oedème était chaud, la main atteinte avait 6° de plus que la
main saine.
M. LEVY présente un malade de M. Babinsky, atteint d'amyo-
troylaie du type (tndou : y ? 6t' ! Ke.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 61 1
M. G. AUI3RY lit une observation de péî,ii2évi,ite qu'il considère
comme étant de nature tuberculeuse.
Contribution à l'étude al1alomopathologique de la myélite syphilitique.
MM. H.4.usERetTnoMAS.A propos d'un cas où les lésions des fibres
étaient nettes, celles des vaisseaux et des méninges importantes,
mais où malgré l'intégrité relative des cordons de Goll la sensi-
bilité était abolie, les auteurs admettent qu'il faut, dans les symp-
tômes, faire une place considérable en dehors des lésions réelles
à l'irritation produite par l'agent morbide sur le parenchyme
nerveux lui-même. (Les lésions névrogliques étaient nulles.)
M. Touche montre les pièces d'un cas d'hémorragie cérébrale
optico-bulbaire avec ptosis, et d'un cas de paraplégie douloureuse
des cancéreux. ,
M. 13 0 1 : "1 ET (de Marseille) envoie une note sur deux cas de mou-
vements athétosiques dans le tabes.
M. LASTARAC (de Toulouse) envoie une note sur les torticolis
spasmodiques et spasmes fonctionnels (crampe des écrivains associée
à un torticolis, etc.).
M. IEIGE demande qu'on ne confonde pas spasme fonctionnel
avec spasme professionnel. F. BOISsIER.
SOCIETE DE NEUROPATHOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE
DE MOSCOU
Séance du 17 mars 1900.
P. Nmrmr. - De l'assistance des idiots et des épilepliqzies.
M. Nikitine présente un rapport détaillé sur les établissements
médico-pédagogiques pour les idiots et les épileptiques, qui exis-
tent dans l'Europe Occidentale et aux Etats-Unis. En ce qui con-
cerne la Russie, les statistiques de M. Jakowenko montrent que le
district de Moscou contient 55 épileptiques et 70 idiots par
100000 habitants. MM. Bieliakoff et Kastcllenko donnent presque
les mêmes chiffres pour les districts (gouvernements) de Saint-
Pétersbourg et de Nijni-Nowgorod. Et cependant le nombre d'asiles
et d'établissements pour ce genre de malades est très limité.
En 185, le D1' Platz fonda à Riga le premier établissement « mé-
dico-pédagogique pour les épileptiques, arriérés, imbéciles et
62 SOCIÉTÉS SAVANTES.
idiots ». En 1882, le docteur Malarewski fonda un établissement t
pareil à Saint-Pétersbourg. En 1885 fut créée à l'asile d'Oudielnaïa
une division des idiots, contenant en tout 50 malades des deux
sexes, dont 25 épileptiques; mais cette division no possède ni école
ni ateliers. Il existe là-bas encore un autre asile contenant 40 idiots
des deux sexes et fondé par les soins de la Société Evangélique de
Saint-Pétersbourg. En 1895, l'évêque Ignace fonda à Saint-Péters-
bourg un asile contenant 48 pensionnaires et 15 externes, avec
école et ateliers de reliure, de menuiserie et de tapisserie. A noter
encore un petit asile de charité à Woroniège'et un petit établisse-
ment 'privé à Mitawa. Moscou possède depuis une vingtaine d'an-
nées un asile contenant 40 enfants idiots; un médecin visite les
malades une fois par semaine. L'hôpital Troilzky pour les chro-
niques possède une division d'épileptiques de tout âge, depuis l'âge
de douze ans. L'asile (des aliénés) départemental de Moscou entre-
tient 10 enfants idiots sur des fonds de charité privée. Mais bientôt
Moscou va avoir un grand établissement médico-pédagogique des-
tiné aux idiots et épileptiques. Cet établissement va être bâti dans
la « propriété Kanatchikofi », près l'asile Alexeïeff. D'après les
données de M. le professeur ROTH, Moscou possède environ
3'j0 idiots, âgés de deux à quatorze ans ; 200'de ces malades ont
besoin d'assistance et d'instruction.
Discussion. M. ROSSOLIMO fait ressortir l'importance du côté
pédagogique, à côté du côté médical. L'éducation préalable du
personnel pédagogique est nécessaire, si l'on veut faire bien les
choses.
M. l\IOURATOW croit que l'établissement doit posséder une infir-
. merie avec un service d'observation où l'on puisse faire des dia-
gnostics précis. M. POSTOWSKY insiste sur la nécessité de séparer
les épileptiques des idiots. En outre, ont pris part à la discussion
MM. TOFARShY et HOTH.
G. RossoLlMo. Une forme particulière du trouble de la déglu-
lition.
Sous le nom de dysphagie amyotaxique, l'auteur comprend un
trouble spécial de la déglutition, occasionné par un trouble de la
fonction des appareils nerveux correspondants du cerveau. C'est un
ensemble de phénomènes analogue au bégaiement, au spasme des
écrivains et autres tics d'ordre supérieur, avec prédominance de
troubles moteurs, sensitifs ou'psychiques (dysphagie amiotaxique,
motrice, sensitive, psychique). En se basant sur huit observations,
l'auteur conclut que le trouble en question s'observe oïdinairement
chez des personnes d'àge moyen, plus fréquemment chez des
femmes que chez des hommes, principalement chez des personnes
instruites, entachées d'hérédité tuberculeuse et alcoolique ; il existe
en même temps des troubles vasculaires très prononcés. On observe
SOCIÉTÉS SAVANTES. 63
parfois chez ces malades des phénomènes hystériques, d'autres
troubles amyotaxiques et des obsessions. Parmi les troubles sen-
sitifs, observés en rapport avec cette dysphagie, l'auteur a noté :
la sensation de la boule (globus), paresthésies diverses dans la
bouche, le nez, le voile du palais, le pharynx, le cou et la nuque,
pesanteur dans le creux de l'estomac, oppression. Parmi les causes
prédisposantes il faut mettre au premier plan les conditions qui
soutiennent un état de sensibilité exagérée, le plus souvent l'état
d'attente anxieuse, les chagrins et les émotions violentes, les irré-
gularités de la vie sexuelle. Les causes immédiates de la dysphagie
consistent : 1° dans l'affaiblissement de l'appareil de la déglutition
par suite d'un travail exagéré; 2° dans l'apparition des paresthésies
ci-dessus indiquées; 3° dans une appréhension particulière liée à
l'acte de déglutition. Le traitement de cette dysphagie est peu effi-
cace ; dans les cas légers, on obtient de bons résultats avec la médi-
cation tonique (fer, arsenic, hydrothérapie, travail physique) et
calmante (bromures avec codéine). En présence d'un état hysté-
rique bien prononcé, il faut essayer le traitement psychique, y
compris la suggestion hypnotique.
Discussion. M. TOKARSKY fait remarquer que les cas de dys-
phagie amyotaxique s'observent très souvent, et même dans le jeune
âge. Parmi les phénomènes concomitants, il n'est pas rare d'obser-
ver des vomissements qui suivent immédiatement la déglutition, et
qui sont provoqués par la peur et l'idée que la déglutition est
impossible. Les malades de cette catégorie se rendent le plus sou-
vent chez des chirurgiens qui les soumettent à l'épreuve de la
sonde et qui emploient même la sonde plus tard dans le but d'un
traitement psychique. Mais l'opération agit toujours dans le sens
contraire, car elle entretient chez les malades l'idée d'un cancer,
de sorte qu'il faut condamner l'usage de la sonde et ne l'employer
que dans le but diagnostiquer
W. MOURAWIIIFF croit que la sonde n'est même pas nécessaire
pour faire le diagnostic, car l'interrogatoire seul suffit pour établir
l'existence d'un trouble fonctionnel daus le mécanisme de la
déglutition.
M. VERSILOFF croit au contraire qu'il faut soumettre le malade à
un examen interne des plus minutieux. Ainsi, chez une malade
atteinte de dysphagie on découvrit une tuberculose laryngée, chez
une autre l'examen révéla la tuberculose des sommets.
M. le professeur ilotii voit tout l'intérêt de la communication de
M. Rossolimo dans la tendance de diviser en plusieurs groupes
bien distincts le symptôme général connu sous le nom de dysphagie
nerveuse ; en effet, on trouve la dysphagie chez les hystériques, cher
les hypochondriaques, dans l'asthénie bulbaire et enfin dans les
affections organiqups vraies les paralysies bulbaires. Chez les
G4 -il SOCIÉTÉS SAVANTES.
uns la cause principale du trouble réside dans la suggestion
psychique, chez d'autres dans une excitation périphérique ou dans
une anesthésie locale, etc.
Des remarques ont été également faites par MM. Lountz, Préo-
brajensky et Mouratow.
W P. 1'ooTOSCe : mE fait une communication sur l'évolutionnisme
moderne et la dégénérescence. '
Secrétaires des séances : A. Bernstein ; V. lOUR.AVIEI·'1.
Séance du 21 avril 1900.
V. Wassilieff. Un cas d'épilepsie corticale (avec présentation
des préparations). -
Il s'agit d'un malade admis dans l'Asile départemental de Moscou
et présentant des accès de convulsions dans la moitié gauche de la
face et dans les extrémités du même côté. Le côté atteint est para-
lysé (paralysie de la face et du bras, parésie de la jambe). Les
accès sont tellement fréquents que le malade désire être opéré.
Pas de syphilis, ni de traumatisme, ni d'alcoolisme dans les anté-
cédents du malade. L'affection a débuté, il y a quinze ans, par des
accès de paresthésie dans la main, puis des accès rares des
crampes dans les doigts. Plus tard la crampe s'est étendue à la face
(toujours du côté gauche). Il n'y a que depuis un mois que les
accès sont devenus très fréquents. Depuis une quinzaine de jours
le côté atteint est frappé de paralysie. Le nombre des accès pen-
dant le séjour du malade à l'hôpital est allé jusqu'à 221 dans
une journée, avec perte de connaissance et généralisation des
convulsions à l'acmé de l'accès. La vue est bien conservée. L'examen
ophtalmoscopique donne des résultats négatifs. L'ouïe est affaiblie
des deux côtés. La sensibilité est affaiblie du côté paralysé. Le
malade meurt d'une pneumonie franche. A l'autopsie, on trouve au
fond de la scissure de Rollando, un foyer hémorrhagique ancien,
gros comme un pois, occupant les circonvolutions antérieure et
postérieure et n'atteignant pas la substance blanche. Macroscopi-
quement, le foyer est d'aspect apoplectique ; l'endroit qu'il occupe
correspond aux numéros 53, 54, : i9 et 61 du schéma d'Exner.
' Le cas est intéressant au point de vue chirurgical, car si le ma-
lade avait été opéré, on n'eût pas trouvé le foyer, même si les
deux circonvolutions centrales étaient mises à nu ; il aurait fallu
les écarter et aller au fond de la scissure de l3olando.
Discussion. M. ;\10URATOW fait remarquer que généralement
l'épilepsie jacksonienne s'accompagne de convulsions cloniques.
Or, le malade de M. Wassilieff présentait des accès de convulsions
toniques, ce qui indique l'existence de lésions dégénératives. Quant
aux troubles de la sensibilité, la plupart des auteurs admet actuel-
lement leur existence dans l'épilepsie corticale.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 65
M. Weidenhammer croit qu'il aurait fallu faire l'examen complet
du cerveau et chercher d'autres foyers qui dans des cas pareils
sont souvent multiples.
A. ToKARSKY.CoH<)'t6 : ;<t')K expérimentale à l'étude de la mémoire.
La communication de M. Tokarskv a suscité une discussion
animée à laquelle ont pris part : lDI. l3Eeuaa, POSTOWSKY, Wono-
bieff, Roth, Jakowenko, 11OLrTCIIEII, Sciuch-Nasaroff et Rossolimo.
Séance extraordinaire du 5 mai 1900, provoquée par la mort du
vice-président de la société, le professeur S. Ko7-saliog».
Des discours ont été prononcés, consacrés à la mémoire du
défunt, par M. le professeur Roth, A. Korniloff, Serbsky, Tokarsky,
Bajenoff et Rossolimo. Les orateurs ont été unanimes à admirer la
haute valeur morale du défunt, les grandes qualités de son ensei-
gnement et de son activité sociale et scientifique. De nombreux
télégrammes de condoléances sont parvenus à la Société de la part
des diverses sociétés et corps constitués, de même que de la part
des particuliers. On a discuté la question de perpétuer la mémoire
du défunt et on a décidé :
1° D'éditer un journal portant le nom de S. Korsakoff ; ce journal
dont le défunt avait rêvé depuis longtemps, sera en même temps
l'organe de la Société ; 2° d'exposer dans l'auditoire de la Clinique
psychiatrique, qui sert également de salle des séances de la Société,
le buste du défunt; 3° de fonder un prix en sa mémoire ; 4° de
fonder un capital, destiné à subventionner de jeunes médecins qui
désirent faire des voyages à l'étranger dans le but de se perfection-
ner dans l'étude des maladies nerveuses et mentales; 5° d'appeler
désormais la séance ordinaire du mois de janvier du nom de
S. Korsakoff ; 6° d'exprimer des compliments de condoléance à la
veuve du défunt.
Séance du 19 mai 1900.
S. NALBANDOFF. Déformation de la colonne vertébrale dans la
syringomyélie.
Sur 38 cas de syringomyélie observés par lui, l'auteur trouve ce
symptôme dans 73,6 p. 100 des cas. Sur 13 autres cas notés dans
les archives de la clinique, il le trouve dans 69,2 p. 100 des cas.
Mais ce n'est pas dans tous les cas qu'on peut mettre le symptôme
sur le compte de la syringomyélie et le qualifier de syringomyé-
lique. Ce sont au contraire pour la plupart (dans 52,6 p. 100) des
déformations primitives, d'origine rachitique ou des scolioses
habituelles. Pour confirmer ses dires, l'auteur relate l'observation
d'un syringomyélique, chez lequel l'autopsie a révélé des altérations
rachitiques très accusées. Des déformations vertébrales réellement t
Archives, 2° série, t. XII. 5
66 SOCIÉTÉS SAVANTES.
svringomyéliques Kalbaudoffne compte que dans 21 p. 100; leur
caractéristique consiste dans leur apparition tardive, le développe-
ment progressif, la déformation intense et, pour la plupart, l'évo-
lulion indolore. Ces déformations sont de nature ostéo-arthropa-
thiqup. Il est probable que la syringomyélie et le rachitisme, que
l'auteur trouve combinés très'souvent, relèvent des mêmes causes
étiologiques, notamment de la syphilis, de l'alcoolisme et de la
tuberculose.
Discussion. L. Minor présente un malade chez lequel tous les
symptômes de la syringomyélie sont très accusés, à savoir, arthro-
pathies, cyphose,, scoliose, etc. M. le professeur Roth ne croit pas
que dans les 52 p. 100 de M. Nalhandoff la scoliose n'ait aucun
rappoitavec la syringomyélie. Déjà la théorie des probabilités
s'oppose à cette manière d'envisager les choses, et il n'est guère
probable que dans un nombre aussi élevé de fois (52 p. 100) le
symptôme morbide n'ait d'autre rapport que celui qui relie le
rachitisme ou la tuberculose avec la syringomyélie. Il n'est pas
juste non plus de refuser la nature syringomyélique aux scolioses
dans les cas où l'autopsie ne révèle pas l'existence des arthropa-
thies. Cela prouve seulement qu'en dehors des arthropathies, les
déviations vertébrales dans la syringomyélie reconnaissent une
autre origine. ill. Mouratow a eu l'occasion d'observer une défor-
mation de la colonne vertébrale chez deux enfants atteints d'hydro-
céphalie et d'hydromyélie (non traumatique) et il incline il considé-
rer ce symptôme, comme un symptôme essentiel de l'hydrocéphalie
et de la syringomyélie. v
M. SOLOVTZOFF présente les préparations anatomiques de trois cas
d'ozezcép7a«lie congénitale. L'examen des deux premiers mons-
tres permet de conclure que les parties de l'encéphale, situées en
avant du cervelet, ont peu d'influence sur l'évolution des autres
parties, sauf les voies pyramidales. L'hydrocéphalie d'une région
centrale reste sans influence sur le développement des autres
régions. Il existait dans les deux premiers cas une hydrocéphalie
des deux ventricules latéraux et du troisième ventricule, mais le
quatrième ventricule et le canal central médullaire n'étaient pas
dilatés. Sous l'influence de la dilatation des ventricules latéraux,
les neifs optiques se sont montrés très amincis.
Secrétaires des séances : V. MOURAYIEFF et N. YERSILOFF.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 67
.SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE.
Séance du 21 mai 1901. Présidence DE M. Voisin.
Rétrécissement spasmodique de l'urèllere. M. BATEAU rapporte
le cas d'un étudiant en médecine qui, atteint depuis trois mois
mois d'un rétrécissement spasmodique de 1'urètre, en fut guéri
par la suggestion hypnotique.
Supesti61lité et suggestion. M. Félix REGNAULT signale l'abus
que certains auteurs ont fait de ces deux termes. Les discussions
s'éternisent parce qu'on ne s'entend pas sur les définitions. Pour
des raisons de clarté et de précision, le mot suggestion doit être
pris toujours au sens restreint et ne pas désigner indifféremment
tout ce qui tend à susciter l'imitation, à provoquer l'automatisme,
à créer des habitudes psychiques.
La lrczazsverbération de Sainte-Thérèse d'Avila. M. Henry Le-
mesle. Sainte-Thérèse présentait, même dans l'intervalle de ses
extases et de ses hallucinations, des stigmates avérés d'hystérie.
C'est à la suite d'un entraînement extatique qu'elle a provoqué la
scène de la transverbération.
Un violoniste prodige. - VI. Lionel DAURIAC fait une étude psy-
chologique du cas de Kun Arpad, violoniste de sept ans, qui, doué
d'une extraordinaire précocité musicale, compose et surtout
exécute des morceaux très difficiles avec une vélocité et une sûreté
étonnantes.
Hypnotisme spontané. 111. Bcnn.r.oy. L'hypnotisme spontané
peut survenir fortuitement, sans intervention suggestive quel-
conque, à la suite de chocs ou d'accès convulsifs. Il est caractérisé
soit par la catalepsie, soit par l'automatisme somnambulique. La
suggestion, souvent, ne peut, dans ces cas, intervenir comme agent
thérapeutique qu'après une très longue éducation du sujet. lin 1742.
Sauvage de la Croix (de Montpellier) a communiqué à l'Académie
. des sciences un curieux cas de ce genre. 11 observait déjà à cette
époque les phénomènes somatiques décrits par Charcot ; la cata-
lepsie et le somnambulisme se succédaient régulièrement, sans
aucune suggestion, en dehors de toute action physique ou psy-
chique.
BIBLIOGRAPHIE.
I. La pratique de la médecine mentale; par P. KERA V AL.
(1901, Vigot frères, éditeurs.)
Tout ce qu'un précis peut contenir d'original, sans risquer
d'entraîner le lecteur en dehors du champ de la science stable
et acquise, caractérise ce nouveau travail. On sent que l'homme
qui l'a écrit, versé à fond dans le sujet qu'il traite l'a composé
avec l'aisance d'une expérience des plus riches; qu'il a su éviter
toutes les complexités, tous les écueils; et le seul effort qui trans-
paraisse, est celui qui a tendu à dire tout ce qui est utile et rien
que ce qui est utile. A sa longue pratique, M. Keraval joint la
connaissance de toutes les langues et de toutes les littératures ce
qui donne à son enseignement une lumière toute particulière, et
ses auditeurs de la Faculté de Lille ont rendu un réel service en
l'engageant à publier ses conférences dont l'ensemble constitue
ce manuel. Point de théories hypothétiques, point de controverses
doctrinales, mais de la clinique toujours, clinique basée sur la
physiologie, telle est la formule dont l'auteur s'est inspiré, pour
donner aux élèves et aux praticiens un extrait substantiel et
vraiment concret de la psychiatrie. La classification qu'il propose
essentiellement naturelle et ingénieusement démonstrative con-
tient quelques dénominations très heureuses et satisfait l'esprit
sans boulverser en rien les cadres généralement admis. Elle est
une bonne introduction au développement du livre qui, sous le
contrôle de la pratique très personnelle de M. Keraval, constitue
à la fois une page très élevée et très moderne de pathologie
générale et un guide très professionnellement médical pour qui-
conque a besoin de se renseigner vite. Pas de philosophie
superflue : tout est ramené au terrain strictement pathologique et
on trouve juste ce qu'il faut de psychologie pour la bonne com-
préhension de la pathogénie mentale dans les deux chapitres sur
le mécanisme des sentiments. Le terme de plus en plus discrédité
de « folie » est réduit à sa juste valeur et distingué de celui
d'aliénation mentale, et chaque type morbide est étudié en lui-
même d'abord puis dans les formes qu'il caractérise, ainsi les
chapitres « manie et mélancolie » sont suivis d'une étude des
folies maniaques et mélancoliques; ce qui facilite l'étude ultérieure
des états mentaux survenant comme symptômes ou épiphénomènes
BIBLIOGRAPHIE. 69
de maladies infectieuses ou diathésiques où ces états ne jouent
qu'un rôle effacé et non constant. Nous avions déjà en France
d'excellents manuels avec ceux de Cullerre, de Bra, de Sollier et
de Régis; celui de Keraval ne fera double emploi avec aucun de
ceux-ci, ce qui n'étonnera personne de ceux qui connaissent
l'auteur, ses oeuvres antérieures et ses méthodes habituelles. Et si
les médecins y trouvent un précieux guide, les spécialistes eux-
mêmes le licont avec grand intérêt et avec avantage. F. B.
IL L'éducation par l'instruction et les théories pédagogiques de
Hel'ba¡.t; par M. Mauxion, professeur de philosophie à la Faculté
des Lettres de Poitiers. Vol. in-18 de 188 pages. Paris, 1901.
Félix Alcan, éditeur.
Les théories pédagogiques de Herbart, bien que datant du début
du xixe siècle, n'en ont pas moins conservé toute leur vitalité, au
moins au delà du Rhin. Depuis ces dernières années de conscien-
cieuses traductions les ont fait connaître à Bologne, Pavie, Londres,
et New-York ; en France les quelques ouvrages qui se sont occupés
d'elles ont presque passé inaperçus. M. Mauxion estime que les
doctrines de Herbart méritent bien cependant d'attirer chez nous
l'attention de ceux qui s'occupent de cette philosophie pratique qui
a nom pédagogie. Dans son ouvrage, consciencieusement édifié, il
résume les idees du grand pédagogue, en insistant particulièrement
sur les déductions qu'on doit en tirer au point de vue éducatif.
Herbart (1776-1841) naquit à Oldenburg. 11 fut d'abord précef
teur dans la famille de Steiger, qui lui avait confié trois enfants.
C'est en poursuivant cette tâche délicate, qu'il s'initia à la pratique
de la pédagogie. A l'encontre de nos psychologues de cabinet, ce
n'est pas de son imagmation qu'il tira sa méthode d'éducation,
mais de sa propre expérience journalière. Son chef-d'oeuvre est la
Pédagogie générale déduite du but de l'éducation, parue en 1806.
Pour bien comprendre les théories émises par Herbart, il est
indispensable de connaitre sa philosophie.
Au point de vue métaphysique Herbart considère la nature comme
un monde d'apparences, qui ont leur fondement et leur applica-
tion dans l'existence d'ètres simples véritablement réels, mais dont
l'essence nous est inconnue. Ces êtres simples, ces monades, ne
sont pas des agrégats matériels : elles peuvent se pénétrer, et ces
pénétrations donnent lieu à des actes de perturbation et de con-
servation individuelle.
Notre ûm,e est une monade entrant en connexion constante avec
d'autres monades, d'où les représentations. Il n'existe pas d'idées
innées, pas de prédispositions, pas de facultés. La psychologie
construit l'esprit avec des représentations, comme la physiologie
construit le corps avec des fibres. Deux représentations peuvent
70 O BIBLIOGRAPHIE.
coexister et former, si elles sont différentes, une complexion; si
elles sont de même nature, elles cherchent à se détruire, mais,
comme il y a impossibilité, elles se transforment en une simple
tendance, et forment fusion. Chassées par les nouvelles, elles tent
dent toujours à revenir au seuil de la conscience, sous l'influence
d'une nouvelle représentation identique ; les efforts peuvent aboutir,
il y a alors reproduction (association, mémoire). Chaque représen-
tation est une force, c'est la plus puissante qui triomphe dans ces
rivalités incessantes. Les phénomènes que nous attribuons à l'ima-
gination ne résultent que de la manière dont s'entrecroisent les
diverses séries de représentations. Les fusions donnent lieu aux
idées générales, que le langage réalise. Si la fusion est laborieuse,
il y a douleur, si, au contraire, elle est facile, il y a plaisir. La
facilité de la fusion entraine une tendance à se renouveler, d'où le
désir. La volonté n'est qu'une forme particulière du désir. Pour
Herbart, il n'y a pas de liberté; l'illusion que nous en avons n'est
que le résultat de notre ignorance du mécanisme psychique. Le
..corps n'est pour l'âme qu'un instrument, qui a besoin d'être sain
pour être exact. En sa qualité d'être simple, l'âme ne peut périr;
dépouillée de son enveloppe mortelle, elle conserve ses représen-
tations qui, n'étant plus troublées par la production de nouvelles,
forment un tout harmonieux et donnent à l'âme un tranquille
bien-être.
Pour Herbart, le bien n'est qu'une forme du beau; notre volonté
est faite pour vouloir le bien. Dans l'état primitif les troubles pro-
fonds produits par des représentations violentes, guident seuls la
vie ; puis apparait la prudence pratique, à laquelle succède, sous
l'influence de l'évolution, la moralité. On voit quelles ressources
on peut tirer de ces théories au point de vue de l'éducation.
Avec le système des monades, n'ayant ni commencement, ni fin,
avec le déterminisme psychologique, l'idée d'un dieu créateur et
. rémunérateur devient inutile et cependant Herbart accorde une
grande place à l'enseignement religieux : c'est sur ce point seul
que son système est défectueux. Il faut y voir une concession faite
aux idées de l'époque. Il reconnaît toutefois qu'il s'agit là non plus
de science, mais de croyance.
Si Herbart n'admet pas' les théories transformistes qui de son
temps, commençaient avec Lamarck à se répandre dans le monde
scientifique, s'il nie le progrès dans la nature, il l'affirme dans
l'humanité, et c'est l'éducation qui en presse la marche, en mettant
en jeu et en dirigeant le mécanisme psychique. Comme ce méca-
nisme peut être faussé par des circonstances individuelles (tempé-
rament, état de l'organisme, maladies aiguës), il est indispen-
sable d'accorder dans l'éducation une large place à l'hygiène et à
l'éducation physique.
L'éducation, comme la médecine, est un art qui s'appuie sur une
BIBLIOGRAPHIE. 71
science, la pédagogie. Cette science s'édifie sur deux bases : la
morale qui fournit la conception du but à atteindre ; la psycho-
logie qui enseigne les moyens et signale les obstacles.
Herbart ne voit dans l'éducation que l'individu. La moralité de
l'être est la lin suprême de l'éducation ; mais pour ne pas aboutir
à l'égoïsme universel, il faut tenir compte des autres êtres au
milieu desquels l'individu aura à évoluer, d'où nécessité de donner
le goût de toute chose et non de pousser à une exclusive spécialité.
Il faut d'abord maintenir l'enfant et lui imposer le bien jusqu'au
moment où il le connaîtra. Peu à peu ce gouvernement de l'enfant
cédera la place à la culture morale, laquelle s'arrêtera à son tour,
tandis que continuera l'enseignement. Dans la première phase de
l'éducation, nous avons à contenir et à diriger l'activité de l'enfant;
l'occupation continuelle sera de rigueur, et la surveillance pro-
duira de meilleurs effets si elle ne se manifeste que par intervalle,
à l'improviste, sans témoigner d'une défiance inutile. L'autorité
et l'amour sont les deux forces du gouvernement de l'enfant. Her-
bart faisant encore une concession aux préjugés de son temps, va
jusqu'à admettre lès punitions corporelles, usitées du reste encore
en Allemagne et en Angleterre.
Si le gouvernement de l'enfant rend l'éducation possible, l'ensei-
gnement ou la didactique, en constitue la partie essentielle. Il faut
un enseignement qui excite et accroisse l'activité psychique ; il
faut que l'intérêt naisse de la chose enseignée et non de la méthode
employée. A cette condition il sera durable et provoquera l'attention
spontanée. L'attention volontaire suscitée par la crainte d'un châti-
ment ou l'attrait d'un récompense, doit être le moins possible
utilisée, de même que la mémoire pure, dont les exercices ne sont
qu'une nécessité fâcheuse. Pour ne pas faire de l'élève un égoïste,
un sectaire, ou un botaniste n'entendant rien aux choses en
dehors de sa spécialité, il est urgent de susciter l'intérêt multiple : .'
l'intérêt empirique venant de l'expérience personnelle ; l'intérêt
sympathique, qui naitra du commerce avec ses semblables; l'in-
térêt spéculatif, produit de l'attention subjective ; l'intérêt esthé-
tique, qui fait naître l'amour du beau ; et enfin l'intérêt reli-
gieux qui sera le couronnement du tout.
L'enseignement sera d'abord intuitif (leçons de choses, images,
descriptions); pour devenir analytique, afin de produire l'abstrac-
tion, et enfin synthétique. L'enfant doit suivre dans son évolution
la même marche qu'a suivie l'humanité dans l'histoire. Il faudra
lui parler des anciens avant de s'occuper des modernes, lui faire
lire Homère avant Platon, l'initier aux beautés simples de l'archi-
tecture grecque, avant de lui présenter les beautés, complexes de
l'art gothique et du romantisme.
L'éducation de la volonté fait naturellement suite à l'éducation
des idées. Vouloir, c'est désirer le possible ; il implique l'assurance;
72 ' BIBLIOGRAPHIE.
l'éducation physique aura servi de préliminaires à l'éducation
de la volonté. Comme dans la volonté, il y a deux éléments un
subjectif, qui doit être déterminant et un objectif; pour qu'il n'y
ait pas entre eux une lutte trop vive, il faut soigner les passions,
le coeur autant que la raison.
- ? La culture morale entretiendra la bonne volonté. Elle usera du
blâme et de l'approbation, et nécessitera par suite la perfection,
la sympathie, l'amour même de l'éducateur.
Herbart attribue un rôle considérable à l'organisme et au tem-
pérament ; c'est là une nouveauté pour l'époque, qui est bien près
d'être méconnue encore de nos jours.
Le philosophe allemand avait une prédilection pour l'éducation
particulière, estimant que la famille seule, et non l'État, peut faire
couvre d'éducation. Cependant il reconnaît utile l'école collective,
à cause de la spécialisation qu'y peuvent présenter les professeurs.
Son rêve serait de voir la famille s'occuper de la culture morale,
les écoles publiques faire l'enseignement synthétique, et des répé-
titeurs, ayant accès dans la famille, se charger de l'enseignement
analytique.
M. Mauxion nous fait remarquer qu'un grand nombre des idées
que la pédagogie moderne a la prétention d'avoir inventées, se
trouvent dans le système de Herbart. Ce dernier lui-même n'a pas
tout tiré de lui ; on reconnait çà et là l'influence de Pestalozzi. Ce
qui restera le grand honneur de Herbart, c'est d'avoir conçu la
pédagogie sous une forme systématique et de l'avoir présentée
comme une science ; ce sera aussi d'avoir donné à la psychologie
une base scientifique, sans recourir aux théories paresseuses des
idées innées ; ce sera encore d'avoir substitué à l'impératif catégo-
rique de Kant, ainsi qu'à la morale intéressée des religions, la
douce attraction de l'idéal moral qui n'implique nullement la
liberté et demeure compatible avec le déterminisme; ce sera enfin
d'avoir précisé le rôle de l'enseignement dans la constitution de
cet idéal moral.
Il était difficile de condenser dans un volume le système philo-
sophique que Herbart avait développé dans de nombreuses publi-
cations ; M. Mauxion y a réussi et avec une clarté telle qu'on oublie
en le lisant qu'il s'agit d'un philosophe d'origine germanique.
Encore uu livre que nous ne saurions trop recommander à tous
ceux qui « ont à coeur la grande oeuvre de l'éducation, et qui s'in-
téressent à cette jeunesse, au sein de laquelle se réfugient toutes
nos espérances effrayées. » J. BOYER.
III. Rapports de l'aliénation mentale cl de la tuberculose; par le
Dr L. la Bonnaudière. (Thèse de Lyon.)
La tuberculose peut créer l'aliénation mentale. - A cette propo-
BIBLIOGRAPHIE. 73
sition on peut faite deux objections qui naissent chaque fois que
se pose la question des rapports entre l'aliénation mentale et une
maladie infectieuse. Voici la réfutation de ces objections :
1° Objection tirée de la prédisposition du sujet : en admettant
que la folie puisse se développer sous l'influence d'une maladie
infectieuse, cela n'arrivera qu'autant que le sujet sera prédisposé.
Il y a ici un locus minorais resisteaatix, mais pourquoi ne pas
admettre que la prédisposition peut résulter simplement de l'ac-
tion successive et progressive de l'agent infectieux sur le système
nerveux ? C'est ce qui se passe pour les folies toxiques (alcoolisme,
saturnisme), pourquoi n'en serait-il pas ainsi pour les toxines ?
Tous les tuberculeux ne deviennent pas aliénés. Cette proposition
ne contredit pas la conclusion : car si, dans beaucoup de cas, on
peut constater chez le tuberculeux aliéné des atteintes antérieures,
héréditaires, congénitales ou acquises, faisant de son cerveau le
point faible, il ne s'ensuit pas nécessairement qu'il en sera toujours
ainsi ; il ne paraît pas trop audacieux de concevoir des cas où
l'agent infectieux fera d'abord son emprise cérébral. Rien ne peut
établir que le cerveau doive toujours être touché en dernier lieu
après le reste du corps. '
D'ailleurs l'idée de prédisposition entraîne après elle une con-
séquence fâcheuse. Elle conduit à penser aux fatalités mystérieuses
qui pèsent sur les individus, et dès lors, à se condamner souvent
trop tôt à l'inaction, alors qu'il serait peut-être utile et certaine-
ment courageux de poursuivre la maladie, quelle que soit sa gra-
vité et le lieu où elle se manifeste.
2° Objection tirée de la coïncidence accidentelle des deux objec-
tions. On dit : la maladie infectieuse n'est qu'un épisode, un acci-
dent de l'aliénation mentale. Elle n'arien créé, elle s'est surajoutée
simplement.
M. La Bonnardière répond : A l'aide des recherches historiques
nous répondrons d'abord que depuis plus d'un siècle des aliénistes
éminents ont pressenti la question. A la lumière de leurs travaux
Bail la résolvait dans le sens affirmatif (1880 à 1883).
Depuis cette époque, les auteurs ont, il est vrai, été plus timorés,
moins fermes dans leurs affirmations. On a observé, on a fait des
statistiques; mais quand on a dû formuler des conclusions nettes,
on s'est borné à reproduire la leçon' de Ball. Cependant le profes-
seur Grasset, en 1884, signale les rapports de l'hystérie avec la
diathèse tuberculeuse, Marfan constate que la phtisie rallume une
hystérie éteinte, Crocq signale deux cas de folie hystérique alliée
à la tuberculose et on voit s'affirmer de jour en jour cette doctrine
qu'un état infectieux peut engendrer de toutes pièces des troubles
mentaux et non seulement des délires aigus, mais de véritables
psychoses; les liens entre la pathologie mentale et la pathologie
générale se serreut de plus en plus étroitement. Avec les observations
74 VARIA.
jointes à ce travail, l'auteur se défend contre l'objection de simple
coïncidence.
La tuberculose crée des formes spéciales et favorites de maladies
mentales. Cette proposition est appuyée sur un nombre trop
restreint de faits.- C'est un délire de persécution à allures particu-
fièrement dépressives (manie de suspicion) ; c'est une folie de type
hystérique avec tendance à la stupeur ; c'est parlois une manie
par accès. La première de ces formes se produirait de préférence
quand l'apparition des troubles psychiques est tardive; la deuxième
quand le délire précède les manifestations diathésiques. DEVAY.
IV. Etiologie de l'épilepsie dite essentielle. Rôle de l'hérédité en
général et de l'hérédité tuberculeuse en particulier ; par le Dr
H. Lhote, ancien externe des hôpitaux de Lyon. Th. Lyon, 1900.
Ce travail est basé sur 160 observations du service des épilepti-
ques du Perron dirigé par M. le professeur agrégé Pic. Parmi
les causes prédisposantes l'hérédité tuberculeuse occupe le premier
rang avec une proportion de 55,fi3 p. 100. Les parents tubercu-
leux dans certains cas transmettent non seulement le terrain,
mais la graine à leurs descendants. Les enfants subissant l'impré-
gnation bacillaire ont leur système nerveux central impressionné
par la toxine tuberculeuse. Cette toxine entraine-t-elle des troubles
vaso-moteurs, des troubles dynamiques simplement ou crée-t-elle
des lésions. Ce point est encore hypothétique et il n'appartient pas
au clinicien de le découvrir. Mais de quelque manière qu'elle agisse,
elle prédispose le terrain et le rend apte à réagir par des décharges
lorsque les causes quelconques, infectieuses le plus souvent, toxi-
ques, réflexes quelquefois, viendront rompre l'harmonie de ce sys-
tème nerveux éminemment vulnérable.
Après la tuberculose, comme causes prédisposantes viennent
l'hérédité névropathiques avec 51,00 p. 100 et l'hérédité alcoolique
avec une proportion de 4G,2 p. 100. . t DEVAY.
VARIA.
CONGRÈS international POUR l'amélioration DU SORT
DES aveugles (Paris, 1900).
Le Congrès international pour l'amélioration du sort des aveugles
tenu à Paris du 4 au 5 août 1900, présentait ceci de particulier,
qu'il comptait parmi ses membres, des clairvoyants et des aveugles;
VARIA. 75
aussi la tâche du président a-t-elle été particulièrement délicate;
ils s'agissait en effet de diriger la discussion de facon à ne froisser
aucune susceptibilité, et personne n'ignore combien est grande
celle des aveugles, bien qu'elle n'égale pas la susceptibilité méfiante
que présentent les personnes atteintes de surdité, M. Dussouchetl,
président du Congrès, a parfaitement su conduire les débats, et,
grâce à la concision avec laquelle. il résumait impartialement eu
quelques mots les rapports souvent opposés sur les questions sou-
mises à la discussion, le congrès a abouli à des voeux émis à l'una-
nimité : sur le meilleur patronage des aveugles sortis ou non des
écoles spéciales, sur les avantages qu'il y aurait à confier dans
beaucoup de cas aux professeurs aveugles l'éducation des enfants
aveugles, sur les soins particuliers à donner l'éducation physique
de l'aveugle et enfin sur la création d'écoles maternelles annexées
aux écoles spéciales d'aveugles. Parmi les voeux émanant des
congressistes, nous en relevons un ayant trait a la création d'asiles-
écoles spéciaux pourles aveugles arriérés. A notre avis, il vaudrait
mieux, vu le nombre restreint des intéressés, les envoyer dans les
asiles-écoles qu'on devrait organiser dans tous les départements
pour les enfants idiots et arriérés et là installer une^classe spéciale
d'idiots aveugles, comme l'a essayé M. Bourneville à Bicêtre. Ce
serait moins coûteux et d'une utilité plus générale. J. BOYER.
Congrès DES neurologistes ET des aliénistes
DES pays DE langue française.
Nous rappelons à notre lecteurs que ce Congrès aura iieu au
commencement du mois d'août à Limoges sous la présidence de
M. Gilbert Baller. (Voir le numéro d'avril, page 3t.) Nous' prions
ceux d'entre eux qui ont l'intention d'y faire des communications
de bien vouloir nous en envoyer le résumé avant le 10 août.
Programme.
Jeudis août. - 10 heures. Séance solennelle d'ouverture du
Congrès à l'hôtel de ville. 2 heures. Séance à l'hôtel de ville,
installation du bureau ; Nomination des Présidents d'honneur :
Discussion de la première question du programme : le Délire aigu,
rapport de M. Carrier. Jeudi «soir, punch offert aux Membres
du Congrès par le corps médical de Limoges.
Vendredi 2 août. Excursion à Saint-Priest-Taurion ; départ
pour Saint-Priest-Taurion, en chemin de fer ou en voiture au
choix des congressistes. A 9 h. 1/2, séance à l'école communale;
1 M. Dussouchet, professeur au Lycée Henri IV, est un pédagogue des
plus distingués; il est l'auteur d'une Grammaire, qui est d'un usage
courant dans la plupart des établissements d'enseignement secondaire.
76 VARIA. '
communications; déjeuner individuel. A 2 heures, séance à l'école;
communications. Retour, à Limoges en voiture pour le dîner.
Samedi 3 août. A 9 heures, séance à l'hôtel de ville ; discus-
sion de la deuxième question ; rapport de M. Crocq (Tonus, ré-
flexes tendineux et contractures). A 2 heures, continuation de la
discussion; communications. Le [soir, banquet du Congrès par
souscription.
Dimanche4 août. - Excursion à Saint-Goussaud (Creuse). Départ
de Limoges en chemin de fer; déjeuner à Saint-Gaussaud ; retour
à Limoges en voiture par les vallées du Taurion et de la Vienne.
Lundis août. A 9 heures, séance à l'hôtel de ville; discus-
sion de la troisième question ; rapport de M. Taguet. A 2 heures,
séance à l'Ecole de médecine; communications avec projections.
Mardi 6 août. Matinée, visite de l'asile de Naugeat; déjeuner
au Cluzeau, propriété de l'asile. A 4 heures, visite d'une fabrique
de porcelaine.
Mercredi 7 août. Excursion à Uzerche (Corrèze).
I. Les membres du Congrès sont priés de faire connaitre immé-
diatement s'ils sont dans l'intention de prendre part au punch du
corps médical de Limoges, à l'excursion de Saint-Priest-Taurion,
au banquet du Congrès, à l'excursion de Saint-Goussaud, à la
réception de l'asile et à l'excursion d'Uzerche. II. Messieurs
les adhérents au Congrès qui désireront profiter de la réduction de
demi-place que consentent habituellement les Compagnies de
chemins de fer, sont invités à joindre à leur adhésion, ou à adres-
ser directement avant le 8 juillet, à M. Gilbert Ballet, président
du Congrès (39, rue du Général-Foy, à Paris), l'indication : 1° De
leur gare de départ, et, si le voyage exige un trajet sur plusieurs
réseaux, de la gare de départ sur chaque réseau ; 2° De la classe
en laquelle ils désirent effectuer le voyage ; 3° Des membres de
leur famille qui les accompagnent, pour le cas où les Compagnies
consentiraient à étendre la réduction de demi-place aux membres
de la famille. 111. Nous rappelons également la nécessité d'en-
voyer avant le 10 juillet les titres de communications ou lectures
que les congressistes se proposent de faire. IV. Les rapports
vont être distribués prochainement en fascicules séparés.
V. Nous prions MM. les Congressistes qui ne nous ont pas encore
envoyé les cotisations de vouloir bien le faire, le recouvrement par
la poste nous obligeant à faire une majoration d'un franc pour
frais. Adresser les réponses à M. le Dl' Doursout, médecin
directeur de l'Asile de Naugeat, près Limoges.
Les aliénés en liberté.
Les drames de la folie. Une demoiselle Angèle Chemin, âgée
de trente-trois ans, demeurant 14, avenue Hoche, a jeté, hier à
, VARIA. ' 77 7
midi, du cinquième étage, sur le trottoir, sa fillette qu'elle était
allée voir chez une dame Pichon, 2, rue Durban" où l'enfant était
en nourrice. La pauvre petite est morte sur le coup.
Angèle Chemin paraît atteinte d'aliénation mentale. Elle a tenté,
hier, de se suicider en se tirant un coup de revolver et, il y a huit
jours environ, se trouvant en visite à Neuilly, elle voulut se jeter
dans la rue. M. Bacot, commissaire de pliee, a fait conduire à
l'infirmerie du Dépôt cette pauvre folle. (Le Soleil, du 2 mars 1901.)
Ainsi huit jours avant que cette malheureuse ne tuât sa
fille, elle a\ait essayé de se suicider; c'est alors que le com-
missaire de police aurait dû intervenir et provoquer l'inter-
nement.
Le fou de Notre-Dame. Un individu très élégamment vêtu
entrait, avant-hier soir, à cinq heures, dans l'église Notre-Dame.
Après s'être promené paisiblement pendant quelques minutes, il
monta soudain sur une chaise et entonna d'une voix de stentor, le
Credo. Le suisse, après avoir parlementé quelques instants, parvint
à le faire sortir.
Hier matin, à six heures, le même individu, affublé cette fois
d'un bonnet de coton et armé d'un énorme gourdin, pénétra de
nouveau dans la cathédrale et se dirigea vers un autel où un prêtre
officiait. Puis avant qu'on pût l'en empêcher, il gravit les marches
de l'autel et, se tournant vers les fidèles, il s'écria : Je suis l'arche-
vêque de Paris ! Brebis prosternez-vous. Je vais vous donner ma
bénédiction.
Comme le prêtre, le suisse et quelques autres personnes vou-
laient le faire descendre, le pseudo-archevêque entra dans une vio-
lente fureur. Il se mit à courir dans l'église en brisant avec son
bâton tout ce qu'il rencontra. Des gardiens de la paix, qu'on était
allé chercher, ne parvinrent qu'avec les plus grandes difficultés à
le maîtriser. Ils durent le ligoter solidement pour le conduire
devant M. Briy, commissaire de police.
Il a refusé de faire connaître son identité. < Je suis l'archevêque
de Paris ! Que cela vous suffise, a-t-il répondu à toutes les ques-
tions qui lui ont été posées ». Le magistrat l'a envoyé à l'infirme-
rie spéciale du Dépôt (Le Matin, 9 février 1901.)
Un journalier de Navarre, nommé Biou, ne jouissant pas de
toutes ses facultés mentales, avait pris la détermination de se tuer.
Il se rendit dans la forêt où il se larda de coups de couteau. Trouvé
tout saignant par des passants, il fut conduit à l'hôpital où le doc-
teur Veslin lui prodigua tous ses soins. Mais, le lendemain, tou-
jours sous le coup de sa surexcitation et n'ayant reçu en somme
que de légères blessures, il profita d'un instant où tout le person-
78 VARIA.
nel de service était employé au conseil de réforme pour sortir
dans la cour : la grille étant ouverte il rentra tranquillement chez
lui. (Rappel de l'Eure, 9 février 1901).
Cet homme « ne jouissant pas de toutes ses facultés men-
tales », habitait Navarre où se trouve l'asile' d'aliénés de
l'Eure. C'est là où on aurait dû le conduire. Au lieu de le
faire on le mène à l'hospice d'Evreux d'où il s'échappe, tant
la surveillance est rigoureuse. Pourquoi n'a-t-il pas été interné
à l'asile d'aliénés, lui aliéné, c'est parce que l'asile du dépar-
tement de l'Eure préfère hospitaliser les aliénés de la Seine
qui paient, au lieu des aliénés du département pour lesquels
il faut payer. Il est donc du devoir du département de la
Seine d'hospitaliser chez lui, dans ses asiles, ses malades et
de ne pas se prêter à une exploitation qui se fait au détri-
ment des malades des départements.
Sévérin G authier, demeurant à la Chapelle-en- Vercors (Drôme),
était marié avec une veuve, la dame Bouillanne. Dans un accès
d'aliénation mentale, il s'est précipité sur l'enfant de sa femme, le
petit Pierre Bouillanne, âgé de treize ans, et l'a frappé de plu-
sieurs coups de couteau à la tête. L'enfant n'a pas tardé à succom-
ber. Gauthier s'est suicidé ensuite. (Le Bonhomme Normand du
27 février.)
Tentative de suicide. On a trouvé, baignant dans son sang, la
femme Vastine, née Henriette Touet, quarante-sept ans, ménagère
à Saint-Pierre-sur-Dives. L'infortunée, atteinte de la manie de laper-
sécution s'était tailladé lagorge et les deux poignets avec un couteau.
Son état est désespéré. (Le Bonhomme Normand, du 28 février au
0 mars 1901.)
Les réflexions que nous avons faites au sujet du départe-
ment de l'Eure s'appliquent au département du Calvados. Ce
département, riche, n'a pas d'asile à lui. Il a recours à l'asile
privé du Bon-Sauveur, qui reçoit aussi des aliénés de la Seine.
Folie patriotique. Le commissaire de police du quartier du
Palais-Royal a constaté, hier, le suicide d'un jeune homme qui
poussait le patriotisme jusqu'à la folie : le malheureux s'était
coupé la gorge avec un rasoir. Sur sa table, on a trouvé une lettre
dans laquelle il déclare « qu'il ne saurait survivre au désespoir de
voir la flotte française se rendre à Kiel ». Sur une autre feuille il a
écrit son testament. Parmi les legs de bibelots qu'il fait à tous
ceux qu'il connaissait, on lit celui-ci : « Je lègue ma mère à mes
amis. » (Le Journal, 15 mars 1895.)
«BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 79
. A Grenoble, une fille-mère, Pauline Gauthier, trente-sept ans,
ouvrière gantière, a étranglé dans un accès de folie sa fille Berthe,
dix ans; elle a ensuite essayé de s'étrangler. Elle a été arrêtée et
conduite au parquet escortée par la foule, qui voulait la lyncher.
(Indicateur de Cognac, 17 mars 1901.)
D'où la nécessité de procéder d'urgence à l'hospitalisation
des aliénés. B.
FAITS DIVERS.
Asiles d'aliénés. Nomination et promotions : M. le Dr CnARON,
directeur-médecin à Saint-Alban (Lozère), nommé à l'asile de
Sainte-Catlierine à Moulins (Allier); M. le Dol' NOLÉ, directeur-
médecin à Sainte-Catherine,' nommé diJecteur-médecin à Saint-
Alban; M. le D1' Boiteux, médecin en chef à l'asile de Clermont,
promu il la première classe du cadre.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
DEaroors (J.). -La chorée mentale el son traitement Brochure in-8"
de 7 pages. Bruxelles. 1900. Bulletin de la Société royale des sciences
médicales et naturelles de Bmaelles.
Duehren (E.). Le marquis de Seule el son temps. Avec une préface :
L'idée de sadisme el l'érofologie scientifique, par 0. Uzawr. - In-80 de
xwn-501 pages. Broché en parchemin, prix : 10 francs. Helié en toile,
prix : 12 francs. Le me'me, édition de luxe, grand in-4°. Prix : 25 francs.
- Pans, 1901. Librairie A. lichalon.
FniEDLAM)En (A.). Ueber den Ein/lzess des Typhus abdominalis auf
clas Nervensyslem Klinische 1111lleitungen und Krilische Besprachun7
der eillschldgigen Lilleratur von 1S13 bis Anfang des Jahres 1900. In-8»
de 222 pages. Prix : 8 francs. Berln, 1901. Verlag von S. Karger.
Horrww (A.). Pathologie und thérapie der Huzneurosen und de ? '
functionellen kreislansslorungen. Iu-S° de ix-367 pages. Prix : 9 francs.
Wiesbaden, 1901. Verlag von J.-F. Bergmann.
HuGO LU1CACS. Diplegia facialis hyslel'ica. In-8° de 6 pages. Buda-
pest, 1901, chez l'auteur. ,
80 AVIS A NOS ABONNÉS.
Lipps (Th.). - Das selb et bew'usslsein; empofindul1.r¡ und {fefÜ ?
]n-8° de 42 pages. Prix : 1 fr. 25. Wiesbaden, 1901. Verlag von .1.-F.
Bergmann. ,
RAÏCHLINE (de Paris). Le priapisme chronique nocturne (Etude cli-
nique). In-8° de 31 pages. Paris, chez l'auteur.
Sacki (S.) un SCI ! 11ANS (IL). Vorlesungen iibei- die l'alleologische
anatomie des iiiielceliiiiciks. In-8» de xxi-589 pages, avec 187 figures.
Prix : 20 francs. Wiesbaden, 1901. Verlan von J.-F. Bergmann.
SPERINO (G.). L'encefalo dell'analomico Carlo Giacomini. ]n-8o de
72 pages, avec 4 planches hors texte. -1'orins, 1900, Unione lipografico-
etliloice. - -
`T.1TSON (Ch.). On disease of l ! ! e ztezvous system in horses. 111-8- de
16 pages, avec 7 planches hors texte. - Velerinary Journal.
Nous appelons vivement l'attention de nos lecteurs sur
l'annonce des livres qui accompagne le Sommaire.
AVIS A NOS ABONNÉS, - L'échéance du let. JUILLET
étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions
instamment nos souscripteurs dont l'abonnement cesse et
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de leur renouvellement . Ils pourront nous adresser ce
montant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur
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Le l'édaclelll'-géNml : BOUII1OEYILLE.
Bvrew, Cli. flémssev, imp -G-IJ01.
Vol. XII. Août 1901. N° 68.
ARCHIVES-DE NEUROLOGIE
CHIRURGIE DES ALIÉNÉES.
Considérations statistiques sur le service « d'ob-
servations gynécologiques » de l'asile public de
Ville-Evrard en 1899 ;
Lucien PICQUÉ, : T FEBVRE,
Chirurgien en chef des amles publics Médecin en chef de l'asile public d'aliénés
d'aliénés du département de la Seine. de Villc-E, l'art ! .
Nous avons examiné en 1899 à l'asile de Ville-Evrard
66 femmes. Pour des raisons diverses (absence d'autorisa-
tion d'examen sous chloroforme, indocilité des malades,
hymen infranchissable, obésité), cet examen est resté incom-
plet chez 12 de ces malades. Néanmoins ces cas sont comptés
dans la statistique, parce que dans 11 cas sur 12, on à trouvé
des lésions évidentes même sans examen complet.
Parmi ces 66 femmes examinées, nous en avons trouvé 4
qui, avant leur entrée à l'asile, avaient subi une opération
gycécologique, trois de ces malades ne présentaient aucune
lésion nouvelle au moment de l'examen : la quatrième avait
de la vaginite. Si l'on met à part ces 4 malades, on trouve
que sur les 61 autres qui ont été examinées 59 présentaient
des lésions gynécologiques, 2 n'en présentaient pas.
Parmi les 59 malades ayant des lésions génitales 11 n'ont
pu être examinées complètement. En général les annexes
n'ont pas été explorées sous chloroforme. Dans ce nombre
nous faisons entrer 3 malades qui présentaient des troubles
Archives, 2' série, t. XII. 6
82 CHIRURGIE DES ALIÉNÉES.
génitaux manifestes mais dont l'origine n'a pu être précisée ;
2 avaient des métrorrhagies sérieuses, une troisième pré-
sentait une tumeur abdominale dont le diagnostic pour les
raisons déjà indiquées n'a pu être établi. Des 2 malades
n'ayant pas de lésions apparentes l'une n'a pu être examinée
au pointde vue des annexes (la famille n'ayant pas donné
l'autorisation). ,
Les lésions constatées ont été les suivantes. Nous ferons
remarquer que beaucoup de ces malades ont présenté des
lésions multiples pouvant rentrer dans plusieurs catégories
suivantes. Pour plus de simplicité, nous les avons indiquées
une seule fois dans le chapitre de la lésion principale.
OBSERVATIONS GYNÉCOLOGIQUES. 83
Or, ce chiffre de malades examinées nous a donné une
proportion de 96,72 p. 100 d'affections gynécologiques, deux
sujets sur ce nombre étant indemnes. Dans notre mémoire de
'1898 à la Société de chirurgie, notre pourcentage avait été
de 89 p. 100 et nous remarquions les chiffres de 60 p. 100
donnés par Rohé;(de Baltimore), de 80 p. 100 de Isabel Da-
veupert, de 93 p. 100 de Hobbs. -
Depuislongtemps déjà les aliénistes français Azam,Loiseau
Mairet avaient insisté sur les relations étiologiques entre les
affections pelviennes de la femme et la folie, opinion qui se
trouve corroborée par nos chiffres, ceux des chirurgiens
américains et aussi par les résultats opératoires obtenus.
Nous avons déjà insisté d'ailleurs sur les raisons qui nous
ont engagé à recourir à la demande des familles et aussi sur
les motifs qui poussent l'entourage des malades à ne pas
répondre ou à répondre négativement dans un trop grand
nombre de cas. Il est réellement pénible de songer qu'au-
jourd'hui où l'on connaît bien en France l'influence des
lésions physiques sur la production de certains délires et où
l'on en arrive à établir sur des bases solides la doctrine in-
fectieuse de la folie on est astreint de rester dans l'ignorance
des lésions physiques de nature infectieuse parfois, chez
des malades dont nous sommes responsables au point de
vue scientifique et médical et qui seraient certainement les
premiers à réclamer nos soins s'ils avaient leur compos
sui.
Il est vraiment triste qu'on en soit réduit à une impuis-
sance si funeste aux malades pour respecter un droit qui
n'est ni légal ni humain et auquel on n'a pas encore osé
toucher. Il y a là une situation bien digne d'attirer l'atten-
tion des pouvoirs publics qui seuls peuvent réglementer cette
délicate question des droits et des devoirs des médecins dans
' le traitement des malades atteints d'affections mentales et
confiés à la société.
N'est-il pas affligeant de penser que la société qui a pris
l'initiative d'interner un malade et exerce un droit de pro-
tection légale, sur ses biens est actuellement dépourvue de
tout moyen d'action sur le maintien de la santé. Nous nous
trouvons en effet actuellement dans l'impossibilité de recon-
naître le plus souvent les maladies dont peuvent être atteintes
les aliénées au point de vue gynécologique, et partant d'éta-
84 CHIRURGIE DES ALIÉNÉES.
blir même dans un certain nombre de cas une des causes de
certains délires.
Mais si le défaut de réglementation présente des inconvé-
nients au point de vue du seul examen, sous le rapport thé-
rapeutique, ces inconvénients deviennent encore plus
sérieux.
Si l'on se reporte à notre statistique, on voit que sur 59
malades nécessitant un traitement chirurgical, cinq seule-
ment ont pu être opérées. Certes certaines malades n'ont pu
bénéficierde l'intervention à cause de l'absence d'installation
chirurgicale spéciale. Mis dans l'obligation d'opérer à Ville-
Evrard dans une infirmerie médicale, nous sommes astreint
souvent pendant de longs mois à nous abstenir d'une façon
absolue quand des fièvres typhoïdes ou des érysipèles y sont
en traitement. t.
L'ouverture du pavillon de chirurgie va obvier à ce grave
desiderata. Mais il n'en est pas moins vrai que dans pres-
que tous les cas, ce sont les familles qui refusent l'opération.
C'est ainsi que sur 28 cas de métrite 2 seulement ont pu être
traités.
Sur 7 annexites, une seule opération a pu être pratiquée.
Aucun déplacement utérin (21 cas) n'a pu être traité. Aucune
des cas de lésions du col et de déchirure du périnée n'a été
l'objet d'un traitement chirurgical. II en est de même de
toute la chirurgie générale. C'est ainsi'que l'an dernier l'un
de nous clans son rapport au Préfet, signalait que sur 9
cancers du sein, un seul avait été opéré. C'est là une situation
grave et qu'on ne saurait trop tôt envisager.
Certes quand il s'agit d'opérations urgentes nous ne rele-
vonsquede notre conscience. Sauver une malade, dontl'exis-
tence est menacée à brève échéance, est un devoir qui ne
peut être soumis à aucune réglementation. Mais où est la li-
mite de l'urgence ? L'un de nous a dit ailleurs que l'urgence
était généralement comprise clans une formule trop restreinte
et malheureusement on a trop de tendance à confondre une
opération non immédiatement urgente avec une opération
de complaisance. A notre sens, toute opération chirurgicale
présente quand elle est justifiée par une lésion véritable un
caractère d'urgence. C'est ainsi que les inflammations de la
vésicule biliaire peuvent aboutir tôt ou tard à une angiocho-
lite ascendante mortelle. Les inflammations de l'utérus non
OBSERVATIONS GYNÉCOLOGIQUES. 85
soignées à temps conduisent au pyosalpinx et à ses compli-
cations mortelles. Les rétrécissements de l'urèthre peuvent
engendrer les lésions les plus graves de l'appareil urinaire.
Les néoplasmes quelque soit leur siège deviennent bientôt
inopérables par leur extension et ne tardent pas par les
progrès de la généralisation à entraîner la mort.
Mais en dehors de cette chirurgie qui pour n'être pas
d'une extrême urgence ne demande pas moins à être prati-
quée dans le délai le plus bref et vient montrer combien en
somme les limites de la chirurgie d'urgence doivent être
étendues de nos jours. ·
Nous devons envisager une chirurgie que nous appelle-
rons velonliers facultative et qui trouve des indications spé-
ciales dans les asiles d'aliénés,. Pour n'en citer qu'un exemple
nous rappellerons que dans l'ordre orthopédique les attitudes
vicieuses donnent lieu à des troubles variés souvent irrépa-
rables et apportent une gêne fonctionnelle toujours fâcheuse
mais qui chez l'aliéné présente en plus l'inconvénient de le
condamner à une immobilité qui peut aggraver son état
mental. L'un de nous se propose prochainement d'envisager'
sous ce rapport toutes les catégories d'affections chirurgi-
cales dans leurs indications spéciales chez les aliénés et de
montrer en définitive combien chez ces malades, reste étendu
le domaine de la chirurgie.
Une chirurgie doit à notre sens être exclue rigoureusement
dés asiles, c'est celle qui n'a pas encore reçu la sanction de
l'expérience. Telle'intervention basée sur une conception
théorique mais rationnelle peut amener un résultat' favo-
rable mais n'a pas encore été tentée. On ne peut dès lors la
pratiquer que chez des malades sains d'esprit, qui attristés
de leur état, sollicitent une opération nouvelle dont ils
savent d'avance le résultat aléatoire. Nous faisons allusion
surtout aux opérations proposées dans ces derniers temps
contre l'épilepsie et certains malades de l'encéphale. Or nous
estimons qu'on n'a pas le droit de pratiquer chez un aliéné
aucune opération de ce genre. Quoique ainsi limité le champ
de la chirurgie chez les aliénés est immense et il est à dési-
rer que des mesures soient prises, qui en facilitent la pra-
tique pour le grand bien des malades.
CLINIQUE NERVEUSE.
Sur un cas d'amnésie continue, consécutif à une ten-
tative de suicide par l'oxyde de carbone ;
Par MM. TRUELLE et PETIT.
Parmi les troubles mentaux qui peuvent surveniràlasuite
d'une intoxication aiguë par l'oxyde de carbone, l'amnésie
est un de ceux dont les différents auteurs s'accordent à
signaler la plus grande fréquence. Il nous a paru cependant
intéressant de relever le cas suivant parce que l'amnésie, à
la fois rétro et antérograde, débarrassée à peu près de tout
'autre phénomène mental y a persisté au delà des limites
signalées jusqu'à présent.
Il s'agit d'un homme de cinquante-quatre ans, ébéniste, entré
,dans le service de M. le docteur Magnan.au bureau d'admission
de l'Asile clinique (Sainte-Anne), le 3 avril 1900, pour des troubles
intellectuels consistant surtout en affaiblissement de la mémoire.
Cette amnésie remontait au 8 mars, date à laquelle notre malade
fit une tentative de suicide par inhalation de vapeurs de charbon.
Voici, rapidement résumée, son histoire antérieure :
R... est né à Bruxelles le 20 avril 1845. Marié dans cette ville, à
l'âge de vingt-quatre ans, il y vécut jusqu'en octobre 1894, puis
vint à Paris, laissant ses enfants aux soins de sa femme qu'il
abandonnait pour avoir eu avec elle des difficultés que nous
n'avons pu préciser. Ici, il fit la connaissance d'une femme avec
qui il vécut, travaillant régulièrement à son métier d'ébéniste,
sobre et de bonne conduite.
Le 6 janvier 1900, comme il n'y avait plus chez son patron
suffisamment d'ouvrage pour l'employer, il resta sans travail.
Il continua bien quelque temps de s'occuper pour des camarades,
et ce qu'il faisait à cette époque ne laissait pas plus à désirer que
par le passé, mais il lui fut impossible de trouver un emploi
stable. Dès lors, IL. changea complètement d'allures. Lui, jadis
d'un caractère gai, s'assombrit rapidement. Il se désolait d'avoir
perdu sa place, affirmait qu'il devenait vieux, que sa vue baissait
UN cas d'amnésie CONTINUE. 87
et que jamais plus il ne serait capable de travailler. 11 lui arriva
même de refuser d'entreprendre de l'ouvrage qu'il n'aurait pas la
force de terminer, disait-il, et il concluait : mieux vaudrait tout de
suite mourir.
Cette idée de suicide revenait presque journellement dans ses
conversations avec sa maîtresse. Celle-ci d'ailleurs, en présence de
la misère chaque jour grandissante, partageait cette opinion. Si
bien que le 8 mars, se voyant sans argent il leur restait
10 centimes et sans travail, malgré le retour de la saison
ouvrable, tout fut décidé. IL. adressa une lettre à ses enfants de
Bruxelles, leur expliquant sa détermination, et de concert avec sa
maîtresse, il fit tous les préparatifs : ils calfeutrent soigneusement
les ouvertures, allument un poêle dont les deux grilles sont
chargées de charbon de bois, puis tous deux se couchent. Il était
trois heures du matin.
Le lendemain 9 mars, à 7 heures du soir, le commissaire de
police prévenu tété-raphiquement de Bruxelles par les enfants de
13...,'pénèlre dans la chambre et trouve notre malade étendu sur
son lit, sans connaissance. La femme était à terre, éveillée, mais
incapable de faire un mouvement. Tous deux furent transportés à
l'hôpital Saint-Louis, où on les soumit au traitement habituel :
café à haute dose, respiration artificielle, inhalation d'oxygène, etc.
La femme, rapidement et complètement guérie put sortir le len-
demain. Quant à H..., il ne reprit connaissance que le 10 seule-
ment. Et aussitôt sa femme s'aperçut qu'il avait totalement oublié
sa tentative de suicide, de même que le lendemain, il n'avait conservé
aucun souvenir de sa visite reçue la veille. 11 faut ajouter que Il...
était, en outre, un peu obtus et apathique. Les opérations intel-
lectuelles se faisaient lentement. Le malade resta dans cette
situation, à Saint-Louis, pendant vingt-un jours; puis l'état
demeurant stationnaire, il sortit, mais pour être le jour même
conduit par sa femme à l'infirmerie spéciale du dépôt d'où il
arriva le 3 avril à l'Asile clinique dans le service de M. Magnan où
nous pûmes l'examiner.
IL.. est un homme grand; bien musclé, un peu gras, sans vice
de conformation autres que trois petits noevi sur le bord libre du
prépuce, son teint est mat, comme bronzé au visage, le front
complètement dégarni de cheveux. Le système pileux très déve-
loppé, notamment sur la poitrine.
Le pouls, à 80, est plein, un peu serré, le deuxième bruit
retentissant à l'aorte. Les urines peu abondantes - 750 grammes
par vingt-quatre heures sont claires, leur réaction acide; elles
ne contiennent ni sucre, ni albumine, ni pigment biliaire, ni
lI['obill ! 1c, légère phosphaturie : 1 gramme 35 d'acide phospho-
rique par litre pour 19 grammes d'urée seulement.
En dehors de quelques symptômes d'artériosclérose énumérés
88 CLINIQUE NERVEUSE.
plus haut, on ne trouve aucune tare physique chez notre malade.
Les pupilles sont égales, plutôt rétrécies, réagissant bien; les
réflexes cutanés et le réflexe pharyngien sont conservés; les
réflexes tendineux du genou et du poignet notablement diminués.
La sensibilité générale dans tous ses modes, tactile, douloureuse
et thermique est intacte; les sensations sont bien localisées; le
- `malade, les yeux bandés, énonce avec seulement de rares erreurs,
les chiffres tracés sur sa peau. Le sens musculaire est conservé.
Les sensibilités spéciales sont également indemnes : en particulier
l'acuité visuelle est normale; pas de rétrécissement du champ
visuel, pas de dyschromatopsie. Bien que le malade n'accuse
aucune faiblesse musculaire, il ne donne au dynamomètre que
trente et un pour la main droite et trente pour la gauche; si on le
prie de fixer son attention, de faire le maximum d'effort, il
indique quarante-trois à droite et trente-deux à'gauche.
Les traits sont réguliers, un peu affaissés, à peine mobiles; la
physionomie exprime un mélange de tristesse et d'apathie,
comme celle d'un mélancolique résigné. La parole est monotone,
basse, peu éclatante. Les opérations intellectuelles sont ralenties,
le malade ne répond qu'après un petit temps de réflexion; les
associations d'idées, même simples, nécessitent un temps direc-
tement appréciable, sans qu'il soit besoin d'instrumentation ni
d'expériences spéciales pour le déceler. L'émotivité apparaît un
peu émoussée. H... a une conscience imparfaite de sa maladie, il
ne se rendra pas, les premiers jours du moins, un compte exact de
son amnésie, et il ne s'en émeut pas. Plutôt apathique, il se laisse
diriger et reste ordinairement passif. Ceci dit, cette légère dépres-
sion intellectuelle signalée, ce qui frappe avant tout, ce qui cons-
titue de beaucoup la note dominante. c'est la perte de la mémoire.
Cette amnésie, en partie rétrograde, porte sur la tentative de
suicide, et les circonstances qui l'ont immédiatement précédée, sans
qn'il ait été possible d'établir une délimitation nette, une date à
laquelle se soit produite une coupure brusque dans la chaîne des
souvenirs. R... se souvient avoir cessé son travail le 6 janvier, il
se rappelle, après quelques hésitations, la rue où il habitait, mais
il ne peut tout d'abord indiquer le numéro. La mémoire visuelle
de son appartement est mieux conservée : il sait le nombre des
pièces, deux chambres et une cuisine; il revoit la place des
' meubles, la couleur du papier. Par contre, il se trompe sur le
nom de son ancien patron, citant le dernier et l'avant-dernier sans
pouvoir les placer dans leur ordre de succession réel. D une façon
générale, du reste, les dates et les noms sont ce qu'il a le plus
oublié : ainsi il se croit en 1898, trois jours après il dira 92 ou 03
« je ne sais pas au juste », il ne peut préciser la durée de son
séjour à son dernier domicile. Cette amnésie rétrograde, d'une
intensité irrégulière, s'étend donc d'une manière confuse et pour
UN cas d'amnésie continue. 89 'q
une période mal déterminée sur les évènemeuts antérieurs à la
tentative de suicide, mais sans remonter très loin cependant.
R... est capable, en effet, de préciser sa vie passée, les détails de
son mariage, de son séjour à Bruxelles; il sait qu'il est venu une
première fois à Paris à l'âge de quinze ans, qu'il est retourné en
Belgique pour se marier, puis qu'il a quitté sa femme pour s'ins-
taller définitivement à Paris, il y a six ans, et il donne de tout
cela des dates fort justes; il nous renseigne très exactement et
avec des détails suffisants sur ses parents, sur son mode d'exis-'
tence à Paris. Il est vrai de dire que chez notre malade, à diverses
reprises, on notera une certaine lluctuatiou dans les souvenirs,
donnant un jour le numéro exact de sa rue, l'oubliant le, len-
demain, ne se rappelant pas aujourd'hui le nom d'un camarade
qu'il saura retrouver demain.
Mais les événements qui ont immédiatement précédé la déter-
mination prise, la lettre écrite, les préparatifs d'asphyxie, tout
cela est lettre morte pour lui. « Non, je n'ai jamais cherché à me
tuer », dit-il, et il est sincère, « je sais seulement que j'avais des
idées noires, ne pouvant plus trouver de travail et étant dans la
misère. » En outre, et c'est là le caractère le plus curieux à notre
avis, cette amnésie est anlèrograde, ou pour employer l'expression
plus complète de M. Janet, elle est continue.
H ? n'a conservé aucun souvenir de son séjour à Saint-Louis, ni
de sa sortie de l'hôpital, ni de son passage à l'infirmerie du dépôt.
Depuis le moment où le 10 mars il a repris connaissance au sortir
de son long évanouissement, il semble ne rien avoir acquis, ou
plus exactement, tout se passe comme s'il n'avait rien acquis,
c'est-à-dire qu'il est incapable d'éveiller aucune dessensations reçues
depuis lors. Et pendant tout le temps qu'il nous a été donné de
suivre le malade, c'est-à-dire jusqu'au 18 janvier 1901, date à
laquelle il fut transféré en Belgique à l'asile de Tournai ; pendant
tout ce temps, l'amnésie continue persista. Mais de même que
pour l'amnésie rétcograde nous avons signalé qu'il n'y avait pas
de coupure brusque entré la série des faits oubliés et celle des
faits dont le souvenir persiste, de même pendant cette période'de
neuf mois, nous avons assisté à des fluctuations curieuses de la
mémoire.) ! )) a pas en elretchez fi... absence absolue d'acquisitions,
mais celles-ci sont difficiles et rudimentaires. Un certain nombre
de faits plusieurs fois répétés peuvent être fixés. Mais le réveil de
ces souvenirs a lieu le plus souvent sans aucune précision et ici
encore, la notion de temps manque. C'est ainsi qu'au début 1... ne
se souvient plus avoir causé avec nous la veille ; deux jours après
son entrée, dira « je suis ici depuis 8 jours » ; sa femme vient le
voir, et plus d'une semaine après, il croira l'avoir vue le matin
même. Quelque soit la variété de mémoire interrogée, quelques
soient les sensations perçues que l'on cherche à faire revivre,on se
90 CLINIQUE NERVEUSE.
heurte au même défaut de précision, ou l'on tombe dans le même
néant. R... ne peut se rappeler aujourd'hui ce qu'il a mangé la
veille ; conduit au dortoir,il ne sait pas les premiers jours retrouver
son lit, de même qu'il faut à chaque repas pendant la première
semame lui indiquer sa place à table. On lui fait écrire son nom
et son âge : cinq minutes après, il ne s'en souvient plus et « ne
croit pas que ce soit lui qui ait écrit cela ».
Il lit sur un journal un article concernant la guerre du Trans-
vaal ; la lecture finie, il sait qu'il est question des Boers, et c'est
tout. Une demi-heure après avoir pris un bain, il ne s'en souvient
plus. Une fois au cours de l'énumération de son ancien mobilier,
il termine par « une commode, deux tables » ne se rappelant plus
qu'il a commencé par là. Plusieurs fois par jour, il allume sa
cigarette dans la salle où chaque fois on lui dit qu'il est interdit de
fumer,et il recommence sans cesse. Un jour qu'il s'était plaint du
froid, on lui donne une couverture supplémentaire ; et le lende-
main il l'a oublié. On lui dit et redit qu'il est à Sainte-Anne ;
interrogé là-dessus, il répond : « c'est ici Bicêtre, ou c'est Villejuif. »
L'examen détaillé des différentes mémoires donne les résultats
suivants : La mémoire organique, c'est-à-dire celle qui correspond
au groupe de faits désignés par Hartley sous le nom d'actions
automatiques secondaires est conservée : marche,exercices manuels,
professionnels, etc...
Le langage est indemne ; l'écriture est correcte. Tout au plus
pourrait on signaler que le malade, les yeux bandés, ne parvient
qu'à grand'peine à former son nom ; mais peut-être doit-on à
cela donner cette interprétation que, peu entraîné à se servir d'une
plume, la mémoire motrice graphique a toujours été chez lui très
rudimentaire. Il lit sans la moindre hésitation les caractères d'im-
primerie, comme l'écriture courante. Le calcul est bon, dans les
limites de sa très faible instruction ; de même, le souvenir des
quelques faits d'histoire et de géographie qu'il a jadis connus. Ici
pourtant, il faut signaler deux erreurs grossières qui paraissent
bien relever de l'amnésie ; pour lui F. Faure a été assassiné par
un Italien et Gambetta était général. Les quelques morceaux de
musique qu'il a appris, il s'en souvient. 11 reconnaît au goût et à
l'odorat les substances courantes. Par contre, on lui fait sentir du
menthol iodé qu'il ne connaît pas : on lui dit le nom, et quelques
minutes après il ne s'en souvient plus et dit : « c'est du goudron »,
se basant, prétend-t-il, non sur ce qu'on lui a dit, mais sur l'odeur
même ( ? )
On lui fait au front deux piqûres et après un intervalle de dix
minutes, une autre à la main : une minute après, il se rappelle
seulement celle des doigts ; pourtant, interrogé si on ne l'a pas
piqué dans un autre endroit, il répond : a Oui,à la figure».
La mémoire visuelle commune, qui, nous l'avons dit, était une
UN cas d'amnésie CONTINUE. 91
des mieux conservées chez notre malade pour les faits antérieurs
au 8 mars, est pourtant très imparfaite encore : entre autres
exemples citons ce fait, que, prié à deux reprises différentes de
donner une description du médecin qu'il voit tous les jours, il le
dépeint chaque fois d'une façon différente, et les deux fois la
description qu'il donne est également fausse.
Sans doute, d'une façon générale, il y a une amélioration appré-
ciable dans l'état du malade pendant son séjour àl'asile, puisqu'en
somme il a pu acquérir quelques souvenirs. C'est ainsi par exemple
qu'au bout d'un mois environ il finit par se reconnaître dans le
service, par s'y diriger même, il est capable d'accomplir au dehors
quelques corvées ; c'est ainsi que sa femme lui ayant plusieurs
fois parlé de sa tentative de suicide, lui en ayant à diverses
reprises raconté toutes les péripéties, R... finit par savoir qu'il a
cherché à se tuer et qu'il a été à l'hôpital Saint-Louis avant de
venir ici. Toutefois la mémoire laisse beaucoup à désirer encore,
la reviviscence des souvenirs est bien imparfaite et pour ce qui est
uotamment de sa tentative de suicide, il en fait à deux reprises
un récit absolument fantaisiste, et chaque fois différent : il raconte
par exemple que lui et sa maîtresse se sont réveillés au milieu de
la nuit, que sa femme a ouvert les fenêtres parce qu'il souffrait
trop, que quelqu'un est venu à ce moment ; il est évident que ce
récit qu'il nous donne n'est pas le résultat de souvenirs personnels;
ce n'est que d'après ce que sa femme lui a raconté ultérieurement
que le malade parle, puisqu'il cite des faits qui se sont passés
pendant son évanouissement, comme son transport en brancard à
l'hôpital Saint-Louis.
Comme nous le disions au début,en dehors de cette amnésie, et
d'une légère dépression mélancolique avec apathie qui d'ailleurs
ne tarda pas à disparaître, en dehors de cette lenteur dans les
opérations cérébrales, surtout appréciable le premier mois, on ne
constate chez Il... aucun autre trouble intellectuel ; pas trace de
délire, aucune illusion ou hallucination sensorielle, pas de symp-
tômes d'affaiblissement généralisé des facultés ; sa conduite est
régulière à l'asile, le jugement est sain, l'affectivité n'est pas
émoussée ; la conscience de son trouble de mémoire lui est bien
vite revenue.
Voici par exemple ce qu'il écrit peu de jours avant son départ :
« Je me suis marié à vingt-cinq ans. J'ai six enfants dont quatre
garçons et deux filles. Je suis entré à Sainte-Anne au mois de
mars approximativement, mon séjour à l'asile qui je crois remonte
à cette époque (répétition de la même idée et phrase inachevée
par amnésie). Jai passé une vie monotone en me couchant le soir
à 7 heures', et en fumant et en causant à l'occasion quand je
trouvais quelqu'un de raisonnable. A part cela je me tenais à
l'écart et cherchais à tuer le temps en jouant aux cartes et aux
92 clinique nerveuse.
dominos,etc... » et plus loin : « Je demande ma sortie pour cher-
cher du travail pour contenter mes enfants afin de pouvoir leur
dire que je suis sorti de l'hospice. »
On le voit, ce n'est donc en somme, même dix mois après
le début, qu'un affaiblissement spécialisé des facultés men-
tales portant sur la mémoire.
Sans doute, les exemples d'amnésie survenant à titre de
trouble mental isolé ou prédominant, à la suite d'une intoxi-
cation aiguë par l'oxyde de carbone ne sont pas rares dans
la littérature médicale. Déjà en 1843, Bourdon l'indique dans
sa thèse. Puis pouillard ('1585), Cacarrié (1887) la signalent.
M. Briandl insiste plus particulièrement sur la fréquence du
caractère rétrograde de cette amnésie et sur les conséquences
médico-légales que peut avoir cet oubli de l'accident et des
circonstances immédiatement antérieures; la même année,
il publie dans la semaine médicale l'observation d'une jeune
fille chez qui survint dans ces conditions un affaiblissement
très prononcé de la mémoire. Fallût 2 signale chez une femme
de soixante-trois ans une amnésie rétrograde, ayant porté
sur les trois jours qui ont précédé l'intoxication. Enfin, et
dès lors, nous entrons dans la forme psychologique de notre
amnésie, de Beauvais" montre qu'elle peut porter sur les faits
postérieurs à l'empoisonnement. Thomsen rapporte de même
l'histoire d'une femme de soixante-quatre ans, atteinte après
intoxication oxycarbonée de psychose aiguë à forme de con-
fusion hallucinatoire, et chez laquelle ultérieurement survint
un affaissement très marqué de la mémoire, mais avec dé-
chéance généralisée des facultés intellectuelles : D'autres
encore, MM. Brouardel Trénel6, Avramoff', etc... ont signalé
la persistance possible d'une amnésie après l'empoisonne-
ment par les vapeurs de charbon. 1 .
1 Briand. Compte rendu du Congrès international de médecine men-
tale, 1889.
fallut. Annales d'hygiène publique el de médecine légale, 1893.
$De Beauvais. Bulletin de la Société de médecine légale, 1885.
Tli,)msen. ctH ? <7<) ? Wbc/te/ ! sc/i)' ? /7, 1888.
5 Brouardel. Bulletin de l'Académie de médecine, 1893.
° 'lrénel. Intoxication par C 0. (Gaz. hebdom. de méd., juillet 1895.)
1 Avramoff. Contribution ù l'élude des affections nerveuses chroniques
consécutives aux inloxicalions aiguës. (Th. de Nancy, 1900.)
un 'cas d'amnésie continue. 93
Il n'en est pas moins exceptionnel de voir, comme chez no-
tre malade, durer l'exclusion de presque tout autre symp-
tôme mental, une amnésie de forme continue. Ce qui géné-
ralement, est considéré comme la règle, c'est de constater,
lorsqu'il persiste après un aussi long temps des troubles
mentaux, un affaiblissement généralisé des facultés intellec-
tuelles, une démence progessive, fonction de foyers multiples
de ramollissement'. Récemment, M. Greidenberg2 reprenant
cette question des troubles mentaux consécutifs aux empoi-
sonnements aigus par l'oxyde de carbone, en donnait en effet
la classification suivante, déjà admise en substance depuis la
classique leçon de Charcot dont nous aurons à reparler plus
loin : .
1° Accidents immédiats : manie transitoire -ou plus exac- *
tement comme l'a signalé M. Magnan, confusion mentale
avec ou sans amnésie rétrograde.
2° Accidents consécutifs ou secondaires, survenant dans un
laps de deux à quinze jours, évoluants d'après ce mode habi-
tuel : troubles de la mémoire mal déterminés, puis amnésie
marquée, puis incohérence, indifférence, apathie et démence
terminale.
Or, le cas de notre malade ne semble pas absolument ren-
trer dans cette conception. De ce qui s'est passé chez R...
immédiatement au sortir du coma, nous n'avons connais-
sance à vrai dire que par ce que nous en a raconté la maî-
tresse du malade. Ces renseignements suffisent néanmoins
pour faire connaître qu'outre un certain degré de confusion
mentale, caractérisée surtout par de l'apathie et de la lenteur
dans les opérations cérébrales, ce qui d'abord a frappé, c'est
l'amnésie. Amnésie, non seulement portant sur l'accident et
les circonstances antécédentes, mais s'installant dès cette
époque'pourse prolonger dans l'avenir, sous forme d'amnésie
continue. Dans sa partie rétrograde, dans ce qu'on pourrait
appeler sa fonction passive, destructive ( ? ), cette perte de la
mémoire semble remonter au delà de plusieurs semaines,
puisque des souvenirs datant de cette époque ne peuvent être
' Malgaigne. Gaz. met., 1825. Ferrus. Gaz. méd., 1836. Charcot.
Leçons du mardi, 1888-1889. (Leçon XVI.) Ilarduie. ll'eslnicl. sur
Psychiatrie, 1S85, t. 1.
. Gl'eidenberg. Des psychoses consécutives aux intoxications oxydai,-
bouées. (Ann. 7)zécl. psch., 1900.)
94 -il CLINIQUE NERVEUSE.
réveillés; mais on peut aussi se demander si cet oubli appa-
rent de certaines acquisitions anciennes nom du dernier
patron, numéro de la rue, etc. ne doit pas être mis sur le
compte de cette confusion mentale dont M. Magnan a mon-
tré la fréquence dans ces cas, et qui fut encore manifeste
chez notre malade un mois après l'accident. Nous avons ten-
dance à admettre cette interprétation, confirmée par ce fait
que nous voyons dans la suite renaître ces souvenirs primi-
tivement effacés en apparence. En résumé donc, R... pré-
senta cette amnésie classique des suicidés par l'oxyde de car-
bone portant sur la tentative de suicide elle-même, avec un
état passager de confusion mentaleégalement classique; mais
en outre il est apparu chez notre malade, immédiatement au
sortir du coma, une forme spéciale d'amnésie antérograde à.
laquelle M. Janet 1 adonné le nom de continue.
Or, ce psychologue distingué a montré, par une série d'ob-
vations très fouillées, la relation qui existe entre cette amnésie
continue et l'hystérie. D'un autre côté, Charcot nous aenseigné
la possibilité du réveil d'une hystérie latente sous l'influence
d'une intoxication aiguë; et notamment chez le malade qui a
fait le sujet de sa seizième leçon (1888-'1889); il considère les
phénomènes d'abasie trépidante comme de nature hystérique.
Il se présentait donc immédiatement à l'esprit cette hypo-
thèse que, dans notre cas, l'amnésie continue pouvait bien
être, elle aussi, de nature hystérique. Et cela d'autant mieux
qu'au point de vue de la forme même, il y a de grandes ana-
logies psychologiques entre l'amnésie continue des hystéri-
ques et celles de notre malade. Il semble même que dans son
mécanisme intime cette amnésie procède chez R... et chez les
hystériques de M. Janet d'une façon analogue. '
Cet auteur conclut, en effet, forl ingénieusement que dans
cette forme particulière la lésion de la mémoire ne réside
pas dans la perte de la conservation des souvenirs, ni dans
celle de la reproduction des images, mais qu'elle consiste
plutôt dans la perte d'un troisième élément qu'on s'accorde
assez généralement à reconnaître à la mémoire=, la pe1'cep-
tion personnelle ; c'est ce troisième élément qui rattache
' Janet. L'amnésie hystérique. Névroses el idées fixes. (Archives de
neural.. 189 ? .)
Janet. Névroses el idées fixes. Dugas. La perle de la mémoire et
la perte de la conscience. (Revue philosoph., juillet 1899.)
UN CAS D'AMNÉSIE CONTINUE. 95
l'image éveillée aux autres images, la fait rentrer dans le
moi par un travail de synthèse, fait que le sujet a conscience
de son souvenir en tant que souvenir personnel. Chez R..., en
effet, les images ou du moins certaines images peuvent se
fixer, bien que difficilement, elles peuvent aussi dans une
certaine limite être réveillées, mais le malade ne paraît pas
en avoir une conscience nette en tant que souvenirs per-
sonnels, témoin ce conte qu'il nous fait de sa tentative de
suicide, d'après les récits de sa femme, et qu'il nous donne
comme souvenir propre.
Mais à côté de cela, nous n'avons pu relever chez R... aucun
stigmate hystérique; rien dans ses antécédents personnels ou
héréditaires ne permet de soupçonner la névrose : pour toute
maladie, il a fait une fièvre typhoïde étant jeune, ses parents,
étaient bien portants, on ne relève aucune tare dans ses as-
cendants directs ou collatéraux. De plus l'amnésie ne s'est
jamais accompagnée chez lui de ces troubles concomitants
relevés chez les malades de 11Z..Ianet : phénomènes d'aboulie,
idées fixes, attaques de délire, etc. ; il n'y a pas eu chez lui ces
« variations intermittentes dans la rapidité et la profondeur
de l'amnésie » que l'on observe volontiers chez les hystéri-
ques ; même la seule malade de M. Janet qui aitprésenté une
amnésie continue d'une durée aussi longue (neuf mois), a été
pendant tout ce temps pour ainsi dire fermée à toute nou-
velle acquisition; chez R..., ce qu'on voit plutôt, c'est une
lente amélioration progressive.
Pour toutes ces raisons nous ne croyons donc pas que l'on
soit autorisé ici à incriminer l'hystérie.
D'ailleurs, cette forme continue de l'amnésie a été signalée
par différents auteurs dans des affections où l'hystérie ne
pouvait être invoquée. En outre, M. le professeur Jolfroy l'a
signalée l'année dernière chez un malade qui avait fait une
tentative de suicide par pendaison. M. Toulousel l'indique
aussi à la suite d'un choc moral; de même M. Vaschide2 'l-
après ce qu'il appelle un « choc initial émotif ». Régis',
1 Toulouse. Amnésie rclro-anlérograde il type continu et progressif f
par choc moral. (Archives de neurol" 1894.)
Va3eliiLle. Amnésie antérograde émotive. (Rev. de psychiatrie, sep-
tembre 1900.)
' Régis. Note sur des tentatives de suicide par pendaison. (arc. cli-
niques de Bordeaux, 1895.)
96 CLINIQUE NERVEUSE.
Féré signalent également des cas d'amnésie rétrograde et pour
quelques jours antérograde après des tentatives de suicide
par pendaison. Seiamanna pense que l'amnésie rétro-antéro-
grade «peut s'observer indépendamment de toute attache
d'hystérie, d'alcoolisme ou de traumatisme dans les maladies
infectieuses fébriles, KorsalcolT rappelle des cas analogues
dans sa psychose polynévrilique ou céréhropathie psychique
- toxhémique. 111. Séglas1 signale l'amnésie continue dans la
convalescence de la confusion mentale primitive ou comme
prolongement de la maladie, tout en la rattachant au méca-
nisme de M. Janet : perte de la perception personnelle des sou-
venirs ou de l'assimilation psychologique des images. Enfin
l'un de nous= a présenté au congrès de psychologie de 1900
l'observation d'un homme atteint de syphilis cérébrale chez
qui à la suite d'une attaque épileptiforme suivie de délire
hallucinatoire passager s'est déclarée une amnésie retro-
antérograde persistante sous forme continue pendant dix
mois, jusqu'à la mort
Tous ces faits prouvent donc qu'un même symptôme peut
relever de causes morbigènes différentes. Resterait à trouver
la cause immédiate de cette amnésie, à savoir comment un
empoisonnement aigu par l'Oxyde de carbone peut provoquer
un trouble partiel de l'entendement aussi persistant. Ici le
champ est largement ouvert à toutes les hypothèses. Nous ne
savons que trop peu de choses encore sur le mécanisme in-
time de la mémoire, sur les cellules qui entrent en jeu et sur
leur mode de fonctionnement pour pouvoir émettre autre
chose que des possibilités plus ou moins ingénieuses. Nous
ne savons même pas au juste quelles transformations l'oxyde
de carbone apporte dans les éléments de l'organisme et quand
avec Dreser3 nous avons dit que « son action réductrice ne
s'arrête pas au seul globule sanguin, mais s'exerce de la
même façon sur tous les tissus de l'économie »,. il ne nous
reste plus guère qu'à nous lancer dans la spéculation.
Séglas. Leçons.
- Truelle. Sur deux cas d'amnésie continue. (Congres de ps ? lcle., 1900.)
3 Dreser. Arch. ? expier. Palhol. und Pharmuc, XXIX.
REVUE CRITIQUE.
Anatomie cérébrale et Psychologie 1 ;
Par Jules SOURY,
Directeur d'études à l'École pratique des Hautes Études à la SorLonnc.
Mais ce sont surtout les recherches de Loeb, de Friedlander,
de Bethe, de Preyer, d'Uexliüll, qui ont montré comment,
chez les animaux inférieurs, des réactions d'apparence volon-
taires sont réductibles à l'existence de simples dispositions
anatomiques : l'activité' de tel arc réflexe déterminé répond
toujours à certains stimuli déterminés. Ainsi le stimulus
chimique en rapport avec l'acte de manger provoque les mou-
vements correspondants des diverses parties de l'orifice buc-
cal : la trompe de l'abeille dont la tête a été complètement
séparée du thorax continue à sucer le miel. Dans sa jeunesse
Edinger éprouva à son dam que la partie abdominale séparée
du thorax, et placée sur le porte-objet du microscope, de ces
hyménoptères, réagit au contact avec son aiguillon. C'est le
contact, non un sentiment de colère, de vengeance ou de
défense, qui explique ici cette réaction. Dans nombre de
crustacés et de vers, Bethe et Loeb ont pu déterminer de
pareils réflexes isolés dont le mécanisme anatomique est
fort connu.
Il nous paraît juste et équitable de rappeler que Huxley,
en comparant chaque ganglion nerveux d'une écrevisse à une
boîte à musique, établit des premiers qu'une seule impulsion
portée par un nerf sensitif à un ganglion peut provoquer
une contraction musculaive isolée, quoique plus communé-
ment elle en provoque toute une série, combinée en vue d'un
but défini, et cela, sans qu'aucune « perception consciente
soit nécessaire à la production d'une foule de mouvements
combinés par lesquels le corps s'adapte aux variations des
' Voir Archives de Neurologie, n° fii, 1901, t. XII, p. 28.
Archives, 2° série, t. XII. 1
98 , REVUE CRITIQUE.
conditions extérieures ' ». Huxley avait résolument écarté les
interprétations anthropomorphiques. Lorsque nous disons,
écrivait-il, que l'écrevisse a « conscience » du danger ou
« sait » que la viande est bonne à manger, nous ne pouvons
supposer qu'elle se dit à elle-même comme nous le ferions :
« Ceci est dangereux; cela est bon ». L'écrevisse, privée de
langage ne dit rien, ni à elle-même, ni à n'importe qui. La
discussion de cette proposition, peut-être plus humoristique
que vraie, nous écarterait du sujet. Il y a, en effet, bien des
sortes de langage intérieur qui doivent correspondre aux
signes]et manifestations externes de toutgenre chez les inver-
tébrés et les vertébrés. L'écrevisse, selon Huxley, ne cons-
truit pas de syllogismes : « On doit éviter les choses dange-
reuses ; cette main est dangereuse, donc il faut l'éviter. »
C'est pousser bien loin, il me semble, en sens contraire, les
préjugés de la raison humaine, qui n'est et ne peut être qu'un
vaste complexus de réflexes organisés. Toute réaction phy-
siologique est un syllogisme en acte. C'est une question de
savoir si, pour être souvent inconscient, il n'a jamais été
conscient. On aperçoit clairement que j'incline clans ce sens
contre Edinger et la nouvelle école de l'automatisme des
animaux.
Il est constant pour Edinger que le système nerveux des
animaux inférieurs représente essentiellement une' colonie
d'appareils réflexes, centraux et périphériques, qui, encore
que plus ou moins solidarisés, sont susceptibles de fonc-
tionner isolément. Il avait déjà illustré par des exemples
l'autonomie relative de ces appareils dans la chaîne du sym-
pathique et dans celle de la moelle épinière des vertébrés.
L'estomac, les intestins, le coeur, la peau, etc ? possèdent
nombre d'appareils réflexes indépendants du même genre,
quoique plus ou moins étroitement reliés à l'organe nerveux
central..
Edinger réserve beaucoup de questions que Bethe et d'au-
tres auteurs croient déjà avoir résolues expérimentalement.
Il ne manque point, affirme-t-il, d'actes accomplis par les
animaux inférieurs encore irréductibles à des facteurs con-
nus : tels les- mouvements de fuite, manifestés déjà chez
les embryons de poissons comme chez les larves décérébrées
' Th. Huxley. L'Écrevisse. Introduction ci ta zoologie. Paris, 1880,
p. 66, 81, passim.
ANATOMIE CÉRÉBRALE ET PSYCHOLOGIE. 9S
de grenouilles. Telles encore les causes de migration et
d'orientation des animaux.
Il faut bien prendre garde que l'hérédité,' non seulement
des mécanismes, mais celle de leurs fonctions réflexes, voire
d'associations réflexes fort complexes, est aujourd'hui un fait
d'observation scientifique. Ce sont ces modes d'activité, soit
simples, soit complexes, que résume d'ordinaire le concept
vulgaire d'instinct. Un individu qui paraît pourvu d'associa-
tions réflexes innées semblables à celles de tous les autres
exemplaires de son espèce, peut-il en acquérir individuelle-
ment de nouvelles au cours de sa vie ? C'est ce que Bethe et
d'autres auteurs ont recherché dans leurs expériences. Toute
réaction de l'animal doit pouvoir être attribuée, soit à ces
réflexes simples ou complexes communs à toute son espèce,
soit à une acquisition individuelle, et il faudrait alors pou-
voir dire dans quelle mesure le système nerveux de cet être
a été capable de recevoir et de fixer de nouvelles impres-
sions, de les reproduire ensuite dans un ordre semblable ou
différent. En son mémoire sur la biologie des abeilles, von
Buttel-Reepen est arrivé à la conclusion, reproduite par
Edinger, que ces hyménoptères ne sont point de pures ma-
chines réflexes (conclusion que nous avions déjà soutenue
nous-même contre Albrecht Bethe), répondant d'une manière
constamment uniforme aux excitations; qu'au contaire, en
discerne, à côté de nombre d'actions réflexes héréditaires,
des signes assurés d'une mémoire individuelle; bref, que ces
invertébrés peuvent apprendre et former des associations à
la suite d'impressions reçues et fixées. Mais tout cela, selon
Edinger, peut parfaitement s'entendre sans l'hypothèse d'une
conscience.
L'anatomie et la physiologie expérimentale ont établi que
les appareils de la moelle épinière et de la moelle allongée ne
fonctionnent que suivant le mode ou le « type » réflexe. La
moelleépinièresurtoutappartient aux parties les mieux etles
plus clairement connues du névraxe. D'innombrables expé-
riences instituées sur les réflexes spinaux sont ainsi devenues
anatomiquement intelligibles, et il a suffi ici de penser ana-
tomiquement pour s'élever à l'intelligence physiologique des
phénomènes. Une-question reste pourtant encore irrésolue :
la moelle épinière peut-elle apprendre, fixer, conserver les
impressions, les élaborer et les transformer en actes ou en
100 REVUE CRITIQUE.
actions adaptées ? Les observations et expériences portant
même sur des mouvements de nature assez compliquée incli-
nent Edinger à répondre par l'affirmative. Des recherches
spéciales sur ce sujet seraient pourtant fort utiles; on sait
toutefois qu'après la décapitation, ne fût-ce que durant quel-
ques minutes, certains -mouvements bien organisés s'exécu-
tent encore : les lapins galopent, les canards nagent, etc.
Les relations anatomiques que soutiennent entre eux les
mécanismes nerveux à complexité croissante dans la série
expliquent ces faits. Le mode de cet accroissement de l'appa-
reil nerveux consiste essentiellement, enseigne Edinger, dans
la superposition aux centres inférieurs de nouveaux appa-
reils qui en partie relient entre eux les anciens, en partie
créent de nouveaux centres et de nouvelles voies d'associa-
tion. '
Toutes les observations des vingt dernières années ont
démontré que ce la plupart des centres et des appareils d'as-
sociation s'étendant de la moelle épinière jusqu'aux corps
striés possèdent, chez tous les vertébrés. une structure très
semblable» . A des mécanismes semblables doivent cor-
respondre des fonctions semblables, et cela malgré le fait que,
en vertu de l'apparition de nouveaux appareils nerveux sura-
joutés, la fonction des appareils plus anciens peut et doit
rétrocéder. A considérer la structure du système nerveux
d'un animal, il est toujours possible de conclure à la fonction
dès qu'on connaît chez un autre animal une structure et une
fonction analogues. On sait très peu de chose encore des fonc-
tions des parties du cerveau situées entre la moelle allongée
et l'écorce cérébrale. Pour les bien connaître, il faudrait étu-
dier les réactions d'un animal décortiqué : l'activité des
centres inférieurs de l'encéphale, masquée naturellement par
celle de l'écorce, apparaîtrait alors en quelque sorte comme
les étoiles dans un ciel nocturne.
De semblables réflexions ont inspiré à Edinger sa célèbre
enquête sur les fonctions psychiques des poissons. Il a été
constaté que ces vertébrés n'étaient capables que d'un
nombre extraordinairement restreint d'associations : ce sont
des « machines réflexes » (·eJlextasclaitea), en possession
d'un certain nombre de coordinations motrices qui, fonc-
tionnellement, se manifestent comme des instincts, mais
dont la faculté d' « apprendre » est fort médiocre. Les mou-
1
ANATOMIE CÉRÉBRALE ET PSYCHOLOGIE. '101
vements dirigés vers la nourriture, les poissons ne laissent
pourtant pas d'apprendre à les orienter dans une direction
nouvelle lorsque les circonstances accompagnant la distri-
bution de la nourriture ont été assez souvent répétées pour
qu'ils la « connaissent ». Ils apprennent aussi à déposer
toute « crainte » éprouvée antérieurement. Tels sont à peu
près les résultats d'une enquête qui a porté sur plusieurs
centaines d'observations généralement bien conduites.
Ces résultats témoignent, du moins, selon nous. que des ver-
tébrés encore dépourvus d'écorce proprement dite ne sont pas
seulement capables de réactions appropriées, adaptées à des
fins, dont les conditions peuvent être artificiellement modi-
fiées au cours de la vie de l'animal : ils peuvent encore, du
fait de la répétition des impressions, apprendre à con-
naître, à reconnaître, à agir en conséquence. Il y a plus;
une émotion aussi complexe que la peur, dont l'origine et
l'organisation reposent certainement, nous l'avons montré
ailleurs, sur des impressions optiques, tactiles, olfac-
tives, etc., associées en représentations symboliques, plus ou
moins vagues ici et rudimentaires, peut se modifier progres-
sivement au point de disparaître, quitte à reparaître sous
l'influence de causes nouvelles, naturelles ou provoquées.
Edinger ne me paraît pas assez frappé de la complexité de
ces processus psychiques, qui forment le minimum des
fonctions d'adaptation nécessaires à la vie de relation d'un
animal, partant à la persistance dans l'être de l'individu
et de l'espèce. Or, les mécanismes de ces fonctions n'existant
point ici, chez les poissons osseux tout au moins, selon
Edinger, dans l'écorce du télencéphale, il suit que le mésen-
céphale et les divers cerveaux postérieurs de l'encéphale
suffisent à la réalisation de synergies et de coordinations
psychiques dont l'écorce, centre nouveau superposé aux
anciens, a hérité simplement, tout en multipliant, par
la division du travail physiologique, les mêmes effets de
de plus en plus différenciés et complexes, chez les vertébrés
supérieurs aux poissons. C'est c'e qu'après Steineret Edinger
lui-même, quelques auteurs, L. Neumayer entre autres, dans
un travail entrepris sous les auspices de von Kupffer, ont
déjà fort bien indiqué : le leclum loborum opticorum, le
toit du mésencéphale, n'est pas seulement l'analogue de la
paire antérieure des tubercules quadrijumeaux quant aux
]02 . REVUE CRITIQUE.
fonctions centrales de la vision ; on doit considérer cette
ancienne province du névraxe comme le siège de l'exercice
des fonctions psychiques de l'ancienne vie de relation des
vertébrés inférieurs, fonctions qui ont plus tard émigré,
=chez les vertébrés supérieurs, dans le manteau des hémis-
phères du télencéphale, dans les parties du cerveau anté-
rieur qui ne sont pas encore développées chez les poissons
osseux.
La scène change tout à fait quand, chez les amphibiens
et les reptiles, l'écorce apparaît. « Lorsque cet appareil, qui
pour la première fois atteint chez les reptiles un fort déve-
loppement, se superpose aux autres parties du cerveau, lors-
qu'il s'augmente progressivement de parties bien déter-
minées, l'individu acquiert alors un nombre très notable de
mécanismes nouveaux, tous reliés entre eux et avec les
appareils inférieurement situés du système nerveux cen-
tral. » Quels sont ceux de ces derniers centres qui se sont
reliés aux plus anciens territoires corticaux du manteau ?
Ce furent d'abord, chez les vertébrés inférieurs, les termi-
naisons du nerf olfactif. Les faisceaux optiques s'irradièrent
ensuite, chez les oiseaux, à ces territoires du manteau. Chez
l'homme encore, Edinger a pu retrouver quelques-unes de
ces antiques voies. Ce qui étonne surtout ce savant anato-
miste, c'est la complexité des conditions ou, comme il s'ex-
prime, des « possibilités d'association » que décèle déjà la
plus ancienne écorce : celles du cerveau des mammifères
eux-mêmes n'en diffèrent que par une simple question de
quantité. Déjà chez les amphibiens, sûrement chez les rep-
tiles, la quantité des fibres se rendant à l'écorce ne pré-
sentent absolument aucun rapport avec le puissant appareil
cortical, aux cellules et aux fibres nerveuses extrêmement
nombreuses, dans lequel s'irradient ces faisceaux de projec-
tion. L'impression qui s'impose,' c'est que ce mécanisme
cortical réalise, dans une mesure énorme, les conditions ou
les possibilités d'association des ébranlements nerveux pro-
pagés jusqu'à ces centres par un nombre relativement petit
de fibres afférentes ; c'est que l'écorce tout à fait au
sens où, pour la première fois, l'a postulé Flechsig quant
aux animaux supérieurs, - est bien, considérée dans l'en-
semble, « un appareil d'association » (p. 21). Cette proposi-'
tion doctrinale d'Edinger, dérivée de l'étude directe, com-
ANATOMIE CÉRÉBRALE ET PSYCHOLOGIE. ' '103
parée, de la constitution anatomique de l'écorce cérébrale
dans la série des vertébrés, a pour la psychologie une portée
considérable, car c'est de toute antiquité, et dès son origine
en quelque sorte, que l'écorce, chez les batraciens et les
reptiles, apparaît essentiellement comme « un appareil
d'association »,- et non pas seulement chez les vertébrés
supérieurs, tels que les mammifères.
Sans doute, les différents centres d'association constituant
cet appareil suivront le développement des centres de pro-
jection, développement en rapport avec l'accroissement en
surface des appareils périphériques des sens et de leurs sta-
tions intracéphaliques. Mais, entre un anthropoïde et un
homme, un hamster ou un chien, un oiseau, un reptile ou
un batracien, il ne s'agira toujours que de différences
« quantitatives », non qualitatives, relativement aux fonc-
tions d'association proprement dite, c'est-à-dire quant à
l'intelligence. Dès lors, la raison humaine elle-même, pour
indéfiniment supérieure qu'elle soit, du fait d'une division
physiologique du travail toujours plus avancée et dont la
plus haute a été le langage humain, ne sera jamais séparée
de celle du plus humble vertébré par un de ces abîmes
qu'avait rêvés notre ignorance et que notre orgueil avait
toujours creusés plus profonds. Les résultats provisoires des
belles études de Flechsig sur la myélinisation successive des
diverses régions de la corticalilé devront être modifiées en
ce sens pour l'histoire des centres d'association, ainsi que
l'avait déjà pressenti van Gehuchten, et c'est à un anato-
miste dont les recherches ont porté principalement sur le
télencéphale des poissons, des reptiles et des oiseaux, à
Edinger, que l'homme devra de connaître enfin les origines,
et partant la nature, de sa vie mentale, de ses instincts, de
ses passions, de son entendement.
Parmi les propriétés ou fonctions de l'écorce cérébrale,
c'est-à-dire de 1' « appareil psychique d'association », il en
est deux tout au moins qu'Edinger croit pouvoir lui attri-
buer de science certaine : 1° elle possède la propriété de
conserver les impressions transmises par les faisceaux ner-
veux de projection; 2° les voies d'association, en nombre si
considérable, qui parcourent l'écorce, rendent possible et
réalisent l'association entre elles de ces impressions, soit
sensitives, soit sensorielles. En outre, l'appareil cortical a
104 REVUE CRITIQUE.
le pouvoir, non pas seulement de transformer en mouve-
ments, au moyen des voies efférentes, les sensations reçues
ou perçues, mais d'arrêter ou d'inhiber ces mouvements. Que
l'écorce télencéphalique ou toute autre partie quelconque
du système nerveux, de soi et par soi, c'est-à-dire sans
impression ou sensation préalable, puisse produire un mou-
vement, c'est, contrairement à ce qu'avait pensé Alexandre
Bain, ce dont il n'existe aucune preuve. Tout ce qu'on sait
nous force d'admettre que « ce qui nous apparaît comme
volonté libre, n'est que le stade ultime d'une longue série
de processus qui a débuté, à quelque moment donné, par
l'effet de sensations perçues ».
Chez l'homme, notre connaissance des connexions de
l'écorce cérébrale avec les centres inférieurs et de celles des
différents territoires de l'écorce elle-même est aujourd'hui
assez étendue et précise pour qu'on ait tenté avec succès la
localisation anatomique d'activités ou fonctions psychiques
fort complexes, telles que le langage, la lecture, la vision.
.. "tion mentales. Chaque jour, au sentiment d'Edinger
;me, nous rapproche dû but qu'il a indiqué plus haut :
naissance du mécanisme des diverses parties du puis-
ippareil entier d'association représenté par l'écorce
encéphale. Déjà l'analyse psychologique et l'observa-
natomique, parties de voies différentes, se rencontrent
nissent en systèmes dont la connaissance n'a été si : mps retardée qu'en suite de l' « immense complexité des
mènes psychologiques et des structures analomiques ».
inger révèle pourquoi, en dépit des efforts séculaires
us grands hommes, la psychologie est une discipline
si peu avancée. Ceux-là même qui, parmi les psychologues.
ont voulu pénétrer dans la vie de l'âme humaine par l'étude
de la structure du cerveau, avaient visé trop haut; ils
devaient échouer. Pour les mêmes raisons, la psychologie
des animaux n'a point fait de progrès : ici encore on ne
s'est guère attaché qu'à l'étude de mammifères, partant des
êtres d'une organisation cérébrale beaucoup trop élevée. Il
fallait commencer par les vertébrés les plus inférieurs, qui,
comparés à l'homme et à d'autres mammifères, sont d'une
admirable simplicité. L'observation de la vie psychique de
ces animaux, à l'aide de méthode plus précises, ne pré-
sente plus qu'un problème, sinon simple, du moins « sim-
ANATOMIE CÉRÉBRALE ET PSYCHOLOGIE. 105
plifié ». La raison en est que, depuis une dizaine d'années,
les travaux d'Edinger et de ses émules ont si fort avancé
l'anatomie du cerveau des vertébrés inférieurs, qu'en beau-
coup de points, atteste ce maître, « le cerveau d'un lézard,
par exemple, lui est mieux connu que celui de l'homme. »
Et c'est de la connaissance de ces structures du cerveau des
poissons, des amphibiens, des reptiles, des oiseaux, que sor-
tira la science comparée de leurs fonctions psychologiques.
Cette tâche ne serait point aussi' difficile qu'elle l'a paru.
11 faudrait d'abord observer sans préjugés, en d'autres termes,
il faudrait se garder d'interpréter les réactions de ces orga-
nismes, de ces vertébrés inférieurs, comme des instincts.
des désirs, des sentiments plus ou moins semblables à ceux
de l'homme. Voilà du moins ce que postule Edinger. Ainsi,
la quête et la prise de la nourriture seraient, chez les
poissons et les amphibiens. des actions réductibles à des
processus réflexes : « La grenouille ne cherche pas le ver;
c'est le ver qui, par ses mouvements, s'il est perçu à distance
convenable, par la vue ou par l'ouïe, provoque la capture
de la proie zip. 23). C'est un fait d'observation vu
que la plupart de ces animaux ne s'emparent que de ;
mouvantes, que le mouvement de ces proies soit natu
aitificiel, et que, comme dans la pêche au moyen d'1
çons, tout soit disposé pour créer l'illusion. Edinger in
une seconde cause qui serait favorable à ce genre d'
valion. Tous les vertébrés inférieurs « mènent essen
ment une existence léthargique d'où ils ne sortent, pc
temps relativement court. que lorsque la faim ou l'in
sexuel, ou encore l'état de la température ou de l'a
phère réveille leur excitabilité assoupie. Les tritons
salamandres, dont le système nerveux, anatomiquement,
n'est pas supérieur à celui d'un embryon humain de deux
mois, ne sont en fait que des embryons à vie libre, qui
passent dans le sommeil plus des 11/12 de l'année. La plu-
part des serpents indigènes demeurent à peine éveillés
beaucoup plus d'heures, distribuées d'ailleurs sur un plus
long espace de temps. D'après ce qui m'apparaît, on a par-
tout exagéré, surfait, l'intensité et l'extensité de l'activité
des animaux inférieurs parce qu'on les a presque toujours
observés dans un état où le train de vie de l'animal était
troublé, et surtout parce qu'on n'a pris garde qu'à l'événe-
-106 REVUE CRITIQUE.
ment dont on constatait la manifestation actuelle, sans
tenir un compte suffisant de l'énorme durée qui s'écoule
dans l'inaction. » Cette commune façon d'observer les phé-
nomènes psychiques des animaux, Edinger la déclare con-
traire il toute méthode véritable d'investigation scientifique.
Elle n'a pas laissé pourtant de produire quelques résultats.
La question de la mémoire, on l'a vu, se ramène à des consi-
dérations qui peuvent être discutées sans qu'on fasse inter-
venir l'hypothèse d'une conscience : il suffirait de donner au
concept de mémoire un sens plus étendu, une acception qui
excède et dépasse les images conscientes. De même pour la
douleur. Les animaux inférieurs connaissent-ils la douleur ?
Edinger se le demande, après avoir rappelé les expériences
de Norman sur les réactions des vers à la division de leur
corps en segments. Les états que l'on appellerait doulou-
reux s'ils étaient perçus avec conscience, l'homme n'en
garde aucun souvenir s'il les a traversés dans la narcose
chloroformique. Quelle que soit l'opinion générale. Edinger
trouve assez faibles et chancelantes les raisons sur lesquelles
on s'est de tout temps appuyé pour affirmer que ces ani-
maux sentent la douleur. Nous voici donc revenus aux
beaux jours de Descartes, de Malebranche, de Messieurs de
Port-Royal-des-Champs. Toutes les analogies sont trom-
peuses : les mouvements de fuite ou de défense qui, chez
l'homme» et les animaux supérieurs, accompagnent les
lésions douloureuses ne justifieraient pas la conclusion
qu'on transporte aux vertébrés inférieurs encore privés
d'écorce cérébrale : « Nous savons cependant qu'il y a des
circonstances où, par l'effet des mêmes excitations, des
mouvements identiques à ceux que provoque la douleur
s'accomplissent lors même qu'il n'existe absolument aucune
sensation. Peut-être convient-il de citer ici les mouvements
de défense qu'exécutent les malades opérés durant la nar-
cose ; il est plus significatif encore de rappeler qu'un homme
dont la moitié inférieure du corps est anesthésique retire
spasmodiquement la jambe, quand on pique la plante des
pieds avec une épingle, aussi rapidement qu'au temps où il
sentait cette piqûre. »
En résumé, pour faire avancer l'intelligence des questions
que la psychologie humaine pose à l'anatomiste du cerveau,
la méthode la plus sûre est l'étude de la psychologie des
ANATOMIE CÉRÉBRALE ET PSYCHOLOGIE. 107
animaux dont les actes, aussi bien que l'encéphale, sont
relativement très simples. , '
Avant tout, il convient d'établir dans quelles limites les
actions d'un vertébré lui-même sont réductibles à des méca-
nismes anatomiquement connus, et cela sans évoquer l'hypo-
thèse d'une conscience, qui n'explique rien, et dont l'interpré-
tation scientifique des faits observés se peut passer. Ce n'est
que lorsqu'apparaîtront dans la série des modes d'activité qui
ne seront plus explicables sans conscience qu'il sera temps
de s'essayer à définir ce qui demeure encore entouré d'une
sorte de nuage mystique, la conscience. Certes, « la cons-
cience ne saurait apparaître tout d'un coup ». Edinger le
confesse. Seulement, l'erreur où l'on tombe en attribuant aux
manifestations psychiques des animaux des procédés de
conscience que l'homme peut seul connaître directement,
indique qu'on doit, à l'avenir, suivre la voie inverse. En d'au-
tres termes, il faut, en psychologie, non plus descendre de
l'homme à l'animal, mais remonter des animaux à l'homme.
L'anatomie du système nerveux central et la psychologie
ne sont que deux méthodes d'investigation appliquées aux
mêmesproblèmes; ces deux disciplines sont destinées à s'unir
un jour pour la solution de ces questions suprêmes. J'estime
même que cette évolution parallèle de la science des struc-
tures et des fonctions du névraxe a existé de tout temps, je
l'ai même démontré, et se trouve beaucoup plus avancée que
ne semble le supposer Edinger. Des psychologues d'école, je
ne parle pas. Ces psychologues vont répétant, de générations
en générations, que la connaissance des organes de la sensi-
bilité et de l'intelligence est encore et toujours trop arriérée,
trop incertaine et changeante, pour que la psychologie puisse
s'aventurer sur ce terrain et tenter d'y jeter les fondements
de ses futures constructions. Pour qui possède quelque prati-
que des psychologues d'école, ce sont là de vaines paroles.
Les anatomistes et les physiologistes devront faire la psy-
chologie, car les psychologues ne la feront jamais. Ils igno-
rent les faits, et ils n'ont ni le temps, ni le goût, ni les
moyens de les apprendre. Il importe peu, d'ailleurs par qui
la science se fasse, pourvu qu'elle soit. Les livres de Dejerine
et de François-Franck, de Flechsig, de Munk et de von Mona-
kow, renferment, comme ceux de Galien, de Descartes, de
Flourens, de Broca, de Charcot, la vraie science anatomique
108 REVUE CRITIQUE.
et physiologique de l'intelligence. L'histoire naturelle de
l'esprit humain est donc bien plus avancée qu'Edinger, je le
répète, ne se l'imagine. Il suffit, pour s'en persuader, de lire
l'histoire des doctrines et des théories sur la structure et les
fonctions du système nerveux des invertébrés et des verté-
brés, l'histoire comparée, dans la série des vertèbrés, des
organes des sens, des centres de projection et des appareils
d'association de l'encéphale. Or, depuis les amphibiens tout
au moins, pour ne rien dire ici des poissons, Edinger signale
l'existence de rudimen Ls d'appareils d'association dans l'écorce
télencéphalique, c'est-à-dire d'organes tributaires, quant à
leurs fonctions, de l'exislence de centres de projection. Que
l'élaboration des sensations soit accompagnée de ces états
internes que nous connaissons directement, états suscepti-
bles de tous les degrés de clarté ou d'obscurité consciente,
c'est-à-dire de connaissance, je ne saurais le mettre un seul
instant en doute. Le subconscient et l'inconscient apparents,
ou plutôt réels, du moins par rapport au siège actuel, cen-
tralisé, de la conscience générale d'un organisme, de sa
cénesthésie, si celle-ci existe encore, comme chez les vertébrés
supérieurs, impliquent de la conscience antérieure, sinon
primitive, de quelque nature qu'elle ait été. Les réflexes et
les actes les plus automatiques, inconscients pour le té)en-
céphale, ont été et peuvent redevenir conscients, même dans
les machines vivantes dont les rouages jou'ent séculairement
avec le plus de facilité et de sûreté, tels que les systèmes
nerveux des hyménoptères.
Voilà mon interprétation des faits les plus élémentaires du
mécanisme nerveux de ces poissons, de ces amphibiens, de
ces reptiles, dont l'étude constitue désormais le fondement
d'une psychologie vraiment scientifique. Grâce à une expé-
rimentation méthodique, la vérification de ce que j'avance et
pose en principe demeurera toujours possible. La conscience,
à tous ses degrés, en tant que simple phénomène d'accompa-
gnement des processus nerveux, ne saurait d'ailleurs modi-
fier en quoique ce soit le déterminisme absolument fatal de
l'enchaînement des phénomènes, et c'est une vue très juste,
très légitime, d'écarter résolument comme l'a fait Edinger
après Descartes, l'intervention d'un simple état de l'orga-
nisme, non d'une force ou d'un être, dans l'explication des
mécanismes de la vie. -
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
PATHOLOGIQUES.
I. Malformation congénitale de l'oreille; par Hugh KEnn. (77ee
Journal of Mental Science, juillet 1899.)
Il s'agit d'une jeune femme de vingt-cinq ans, ayant une double
hérédité mentale très accentuée entrée à l'asile avec des idées de
persécution, et qui présentait une malformation curieuse de
l'oreille droite : les seules parties existantes de l'oreille externe
sont le lobule, le tragus et l'antitragus; le lobule est à peu près
normal, mais son bord supérieur se fond obliquement avec la
peau; à sa partie supérieure et antérieure, ou sent un peu de car-
tilage qui correspond à l'antitragus : le tragus est plus petit que
d'ordinaire. Le conduit auditif est représenté par un étroit canal
ou méat, en cul-de-sac, et qui laisse tout juste pénétrer à environ
3/8 de pouce un stylet ordinaire. L'oreille tout entière se meut
librement avec la peau. L'oreille gauche est normale et entend
très bien; mais la malade est absolument sourde de l'oreille droite.
· R. de Musgrave-Clay.
Il. Un cas de décomposition rapide avant et après la mort; par
E. 13. M'IIITCOM13E. (The Journal of Mental Science, octobre 1899).
Il s'agit d'un homme de trente-neuf ans, admis à l'asile en
février 1898, atteint d'une paralysie générale qui se termina rapi-
dement : le 14 octobre, le malade parait souffrant, sa respiration
est courte, on l'examine et on ne trouve rien de particulier, néam-
moins on le met au lit à trois heures : à sept heures, Fauteur va le
voir, la jambe gauche avait doublé de volume, sa surface était
noire et couverte de bulles de la grosseur du poing : la putréfac-
tion commençait. Le malade mourut une heure plus tard. Qua-
torze heures après la mort le corps tout entier avait doublé de
volume et on se serait cru en présence du cadavre d'un nègre. L'au-
topsie pratiquée par le professeur de médecine légale donna des
résultats nuls, à cause de l'état de putréfaction du cadavre.
Ce cas présente un intérêt particulier au point de vue médico-
légal ; en effet, un expert commis par la justice, n'aurait pas hésité
à faire remonter à trois ou quatre semaines un décès qui datait en
110 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
réalité de seize heures. Il est regrettable que l'examen bactéréo-
logique n'ait pas été fait. Il. de Musgrave CI,Ax.
III. La méthode d'Unna au bleu de méthylène polychrome; par
T. ALDUUS CL1 ! '\cu. (The Joul'nal of Mental Science, juillet 1899.)
Courte notesurles avantages de cette méthode accompagnée de
détails sur sa technique. Il. de Luscn.w-CLx.
IV. Écoulement spontané par le nez de liquide cérébro-spinal ;
par W. F1OEUDENIIiAL. (l'ho Neo-York Médical Journal, 31 mars
1900.)
Il s'agit d'un fait extrêmement rare : des cas de ce genre ont
été quelquefois confondus avec l'hydrorrhée natale dont il convient
de les séparer nettement. L'étude la plus complète qui ait été
publiée sur la question est celle de Saint-Clair Thomson, de Lon-
dres. -
M. Freudenthal rapporte d'abord l'observation d'un cas analogue
par l'écoulement à celui qui sert de base à ce travail : c'est celui
d'une femme de vingt-neuf ans qui depuis cinq ans a tous les ma-
tins des éternuments à la suite desquels son nez commence à couler
abondamment; quelquefois c'est un véritable filet d'eau qui s'en
échappe, et dont la quantité atteint quelquefois quatre onces.
L'examen de ce liquide montra qu'il s'agissait d'une véritable
hydrorrhée nasale, sans lésion du nez, et paraissant d'origine pure-
ment nerveuse. '
Le cas que l'auteur décrit dans le présent travail est tout diffé-
rent : La malade a cinquante ans; il y a deux ans,'après une bron-
chite.'son nez s'est mis à couler sans relâche : un an auparavant
elle s'était plainte de douleurs frontales au-dessus de la racine du
nez. La sensibilité qui était très émoussée parut se réveiller avec
l'apparition de l'écoulement; l'ouïe surtout devint meilleure, mais
elle perdit l'odorat. Après une bronchite fébrile, l'écoulement
diminua, et la sensibilité générale redevint obtuse : elle était agitée
nerveuse, et cependant indifférente à tout. Elle redevint elle-même
quand l'écoulement nasal recommença : elle mouillait plus de
20 mouchoirs par jour, et l'écoulement persistait jour et nuit,
augmentant quand elle penchait la tête en avant ; ou quand elle
se couchait il plat-ventre. Si elle se couchait sur le dos, l'écoule-
ment.s'arrêtait, mais elle toussait car le liquide passait dans sa
gorge. L'auteur a pu constater que, à un moment où l'écoulement
s'était interrompu, il existait des signes de compression du cer-
veau.
Quelle est la lésion qui peut donner lieu à cet écoulement nasal
qui duie depuis plus de deux ans, et dont la suppression passagère
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 111
donne régulièrement naissance à des symptômes cérébraux graves.
11 y a donc quelque chose qui comprime le cerveau, et l'on a toutes
les raisons possibles de supposer que c'est une tumeur : ces symp-
tômes se seraient aggravés, si la nature n'était venue au secours
de la malade eu ouvrant un passage au liquide cérébro-spinal : Il
est probable que la tumeur siège au niveau du chiasma des nerfs
optiques ; la névrite optique qui a été constatée plaide en faveur de
cette localisation. Cette hypothèse admise, il est évident que le
liquide qui s'écoule ne peut être que du liquide céphalo-rachidien
la continuité de l'écoulement vient à l'appui de cette manière de
voir (l'hydrorrhée nasale s'arrête la nuit). L'analyse chimique a
démontré (surtout par la proportion du sucre) qu'il s'agissait bien
de liquide cérébro-spinal.
Quant à la voie suivie par le liquide, il est vraisemblable sans
qu'on en ait la preuve formelle, que le passage s'effectue au travers
de la lame criblée de l'ellimoïde.
11 est assez curieux de remarquer que l'écoulement se fait
presque toujours par la narine gauche ; la malade dont il vient
d'être question ne faisait pas exception à cette règle.
Il. DE Musgraye-Clay.
V. Les sentiments; par Harry Campbell. (The Journal of Mental
Science, avril 1900.) 1
L'auteur divise son travail en deux parties l'une psychologique,
l'autre psycho-physiologique. Au début de la première il définit le
sujet et les termes employés de la manière suivante : il est com-
mode de considérer la partie mentale de l'homme, ou le moiT
comme composé de sentiment, de volonté et de pensée : la pensée
consiste à formuler les idées ; et tout processus mental ayant pour
fin l'acte, nous appelons volonté ce qui détermine cet acte. Le mot
sentiment (feelinu) dans la pensée de l'auteur comprend les sensa-
tions et les émolions. Dans ce chapitre psychologique, l'auteur
étudie plusieurs points intéressants : la différence considérable
qui existe entre les divers individus au point de vue de la nature
et de l'étendue de leurs sentiments ; la diversité de cette capacité à
l'égard des sentiments au point de vue sociologique ; l'influence
des sentiments sur les pensées et sur la conduite : Ce chapitre est
résumé dans les conclusions suivantes : 1° Les sentiments com-
prennent les sensations et les émotions ; 2° les sensations sont les
sentiments que l'on peut rapporter d'une façon précise au corps ;
3° les émotions qui sont en réalité composées de sensations, et
particulièrement de certaines sensations ressenties dans les parties
du corps ébranlées par les émotions, ne peuvent pas être nettement
rapportées au corps, et c'est pourquoi on les appelle quelquefois
« sensations de l'esprit » (feelings of tlie Olianl.); 4" les émotions
112 REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
composées de sensations (corporelles), lorsque celles-ci sont agréa-
bles, ellcs sont susceptibles d'éveiller des émotions agréables, et
inversement ; 5° les divers individus présentent des différences con-
sidérables dans leur capacité de sentir, qu'il s'agisse de simples
sensations ou de simples émotions ; 6° cette différence dans la capa-
cité de sentir a pour effet : a) de déterminer de la diversité dans
les dispositions que l'on observe chez les hommes, et 6) d'empê-
cher les hommes de se comprendre d'une manière satisfaisante,
et par là elle devient la cause de beaucoup de froissements et de
malentendus sociaux; î, ceux qui n'ont qu'un pouvoir limité de
sentir sont limités aussi dans leurs sympathies et ne possèdent que
peu la nature humaine ; et réciproquement ; 8° Il est important
pour le médecin de prendre contact avec la manière de sentir du
malade, sans quoi il ne réussira pas à bien saisir le cas qui lui est
soumis et pourra ignorer des indications précieuses pour le traite-
ment ; 9° de même que les sensations tendent à éveiller des sensa-
tions en harmonie avec elles-mêmes, ainsi les sentiments en géné-
ral (sensations et émotions réunies) tendent à provoquer des idées
conforme à leur propre nature : les sentiments agréables éveillent
des idées agréables, et inversement : d'où la grande influence des
sensations corporelles sur les pensées; 10° les sentiments influent
sur la' conduite : la vie consciente, vue de haut, est un effort per-
pétuel pour obtenir des sentiments agréables et pour en éviter de
pénibles ; 11° de toutes ces données il résulte évidemment que les
sentiments constituent une portion très considérable de la person-
nalité mentale, ou du Moi.
Dans le deuxième chapitre de ce travail, consacré à la psycho-
physiologie, l'auteur étudie successivement la genè.-e des sensa-
tions, les différentes sortes de coenesthésie, les stimulants chimi-
ques, la classification de ces stimulants suivant l'influence qu'ils
exercent sur la coenesthésie, les rôles respectifs du tissu nerveux et
des stimulants chimiques dans la détermination de la coenesthésie
et il propose les conclusions suivantes : 1° l'instrument nerveux
sensoriel, en d'autres termes la partie du système nerveux qui
concerne la sensation, peut être comparée à un orgue : l'écorce
sensorielle est représentée par les tuyaux, et les organes sensoriels
terminaux par le clavier : quand on joue sur le clavier de l'orgue,
il en résulte de la musique; quand on joue sur le clavier sensoriel
il en résulte des sensations ; 2" si l'on frappe sur certaines notes du
clavier sensoriel (rétine, épanouissement du nerf auditif) on éveille
des sensations intellectuelles (sensation de la vue, de l'ouïe) ; si l'on
frappe sur les autres notes, on éveille des sensations qui, relative-
ment, ne sont ni spécialisées ni intellectuelles, et qui, collective-
ment, constituent une corde sensorielle volumineuse que nous
appelons la coenesthésie, ou sens de l'existence corporelle; 3° il y
a bien des variétés de coenesthésie ; mais on peut sommairement
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 113
les diviser en deux catégories : a) sensation de bien-être ; b) sen-
sation de malaise; 4° dans le chapitre psychologique on a montré
comment les sensations influencent ces émotions, et comment les
sensations et les émotions associees influencent la pensée et la
conduite. Aussi, lorsque la coenesthésie est agréable, c'est-à-dire
lorsqu'il existe une sensation de bien-être, on voit apparaître une
émotivité agréable et des pensées heureuses; mais si la coenesthésie
est douloureuse, c'est-à-dire s'il y a malaise, les émotions devien-
nent pénibles et les pensées tristes ; 5u les agents qui en jouant
sur le clavier sensoriel, déterminent la coenesthésie consistent la
plupart du temps en stimulants chimiques circulant dans les
liquides de l'organisme ; 6° les agents de stimulation peuvent être
divisés sommai.ement en agents stimulants et toniques d'une
part, et en agents déprimants d'autre part : si les premiers prédo-
minent, la coenesthésie est agréable ; si les derniers sont en excès,
elle est pénible; 7° de tout ce qui vient d'être exposé, il résulte que
la coenesthésie ne dépend pas uniquement de la constitution de
l'instrument sensoriel, mais aussi de la manière dout on joue de
cet instrument, c'est-à-dire de la quantité et de la nature des sti-
mulants chimiques existant dans les liquides organiques; et
puisque ce facteur est déterminé par le métabolisme du corps vis-
a-vis du monde extérieur, il en résulte que la coenesthésie dépend
dans une large mesure de ce métabolisme; 8u et entin puisque la
coenesthésie exerce une influence sur les émotions, la conduite et
la pensée, il en résulte que le moi, qui est la trinité du sentiment,
de la volonté et de la pensée, est, dans une large mesure, déter-
miné par le métabolisme du corps vis-à-vis du monde extérieur.
- H. DE MUSGRAVE CLAY.
VI. La psychologie nouvelle ; par Henry NI UD3LI,'Y.
(The Journal of Mental Science, juillet 1900.)
Ce travail est un discours prononcé à la réunion de l'Association
médico-psychologique.
L'auteur s'y est proposé de considérer deux genres nouveaux de
recherches : 1° l'étude systématique de l'esprit de l'enfant; 2° les
études dites psycho-physiques.
1° Psychologie des enfants. On a consacré à cette étude beau-
coup d'attention et beaucoup de soin, dans l'espoir de fonder sur
les données ainsi obtenues une psychologie positive. On a essayé
d'interpréter les opérations mentales des nouveau-nés et des jeunes
enfants; malheureusement toute interprétation suppose un inter-
prète possédant également la langue qu'il traduit et celle dans
laquelle il traduit : l'homme fait qui essaye de connaitie la men-
talité de l'enfant est-il bien capable, avec sa pensée et ses senti-
ments mûris et conscients, de concevoir ce qui se forme à peine
Archives, 2' série, t. XII. 8
114 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
et ce qui est à peine conscient dans un esprit sans maturité ? Il
est exposé à lire dans l'esprit de l'enfant ce qui est dans le sien. A
vrai dire le seul moyen de savoir ce qui se passe dans l'esprit d'un
enfant, ce serait de pénétrer dans le cerveau de l'enfant, sans être
l'enfant, ce qui est impossible même à un métaphysicien.
11 est naturel de croire que l'expression d'une pensée ou d'un
sentiment v chez l'enfant la même signification que l'expression
d'une pensée ou d'un sentiment similaire chez l'adulte : il n'en
est rien pourtant, et il s'en faut de toute la différence qui sépare
un esprit qui se forme d'un esprit formé. Dans l'esprit en voie
de formation, le mot comme l'idée ou le sentiment qui lui sont
sous-jacents, est simple, unique, sans associations, nu, pour ainsi
dire, tandis que dans l'esprit mûri, il est compliqué, il repose sur des
couches superposées d'expériences, il a des connexions intimes et
enchevêtrées : l'homme qui prononce ce mot ou qui l'entend pro-
noncer par l'enfant, sent s'éveiller en lni, clairement ou obscurément
toute une foule d'associations conscientes ou inconscientes. l'eut-il
faire les corrections nécessaires ? Non, il lui faudrait mutiler son
esprit, et, même cela, il le faudrait faire dans une mesure qu'il ignore
11 est aussi incapable de penser comme l'enfant que de marcher ou
de parler comme lui. La vérité c'est que si l'esprit de l'enfant parait
simple et innocent, s'il va droit au but, c'est que l'enfant n'a pas à
proprement parler de mentalité ; sa réaction vis-à-vis d'une
impression est directe, unique, sans obstacles, parce qu'elle n'est
ni entravée par des associations modificatrices, ni viciée par des
erreurs et des préjugés conventionnels. Mais ce que l'enfant peut
posséder de mentalité est plutôt laid et vicieux; voyez sa colère,
son égoïsme, son despotisme ; si sa force correspondait à ses
volontés le bébé serait la plus dangereuse des bêtes féroces. Tout
cela diffère singulièrement des qualités de l'enfant idéal, mais tout
cela constitue les véritables attributs du bébé réel, et il est naturel
qu'il en soit ainsi, puisqu'il est le produit de l'être le plus puissant
le plus tyrannique et le plus égoïste du monde.
On voit que la méthode qui consiste à étudier la psychologie de
l'enfant nouveau-né ou très jeune est vicieuse dans son essence, et
ne doit par conséquent donner que des résultats en grande partie
stériles. La méthode qui consiste à étudier la psychologie des
animaux est naturellement passible des mêmes objections encore
renforcées. M. Maudsley conclut que le meilleur moyen se rendre
compte de l'origine, de l'accroissement, du fonctionnement pri-
mitif de l'esprit de l'enfant, ne consiste pas à employer la méthode
d'intuition psychologique ; mais bien, d'abord, à se servir de la mé-
thode biologique qui remonte progressivement à l'origine de l'es-
prit pour en suivre le développement jusqu'aux complications pro-
gressives les plus élevées de structure et d'activité le long de
l'échelle animale ascendante ; et ensuite à observer directement
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 115
les formations et les associations successives des mouvements de
l'enfant dans leurs rapports bien définis avec les objets, ainsi que
ses sensations.
2° Psychophysique. Passant à la seconde partie de son- sujet,
l'auteur s'occupe de la méthode des recherches psychophysiques
et se demande ce qu'elle obtient, ce qu'elle espère obtenir, et ce
qu'elle ne peut pas espérer obtenir : en d'autres termes il se de-
mande s'il y a une limite à ses ambitions, car on a parfois soutenu
qu'il n'y en avait pas. Au-dessous de tous les actes mentaux, il y
a des courants ou des ondulations très subtiles d'énergie nerveuse
de nature encore inconnue, mais qui, comme tous les mouvements
physiques sont influencés par les états physiques. On a toujours
dit de la sensation qu'elle etait vive ou obtuse; de la pensée, qu'elle
était rapide ou lente; et si l'on songe au sens dérivé des termes
même employés en psychologie (émotion, reflexion, délibération)
on s'aperçoit que leur origine et leur sens primitif sont absolu-
ment physiques. On sait parfaitement aussi que les facultés men-
tales diffèrent chez des'sujets différents, ou chez un même sujet à
des moments différents.
Des causes extérieures à l'organisme, aussi bien que des causes
intérieures influencent la rapidité de la pensée ou la qualité des
sensations : un orage peut éclaircir ou une tourmente de neige
obscurcir l'atmosphère mentale aussi bien que l'atmosphère phy-
sique. Sans doute ce sont là des faits bien connus et d'expérience
commune et familière : mais les psychologues les passaient sous
silence comme attentatoires à la majesté de l'intelligence humaine
Mais actuellement les choses changent rapidement de face. Les
expériences précises par lesquelles on a déterminé et mesuré les
conditions physiques de la sensation et de la pensée, ont fait des-
cendre la psychologie des sphères élevées de la spéculation dans
le domaine positif de l'observation et de l'expérimentation; mais
il ne faudrait pas non plus trop se hâter, ni ouvrir trop de labo-
ratoires dits de psychologie; ou pourrait se souvenir que la phy-
siologie des sens, dans le grand ouvrage de Mûller, est en grande
partie psychologique, et la plupart des expériences actuelles dites
de psychologie sont en grande partie physiologiques : c'est que,
en effet, la physiologie et la psychologie ne sont pas réellement
séparées dans la nature, mais seulement pour la commodité de la
pensée humaine.
On peut reconnaître les avantages de la méthode expérimentale
en psychologie sans conclure immédiatement que tout ce qui a été
lait jusqu'ici est mauvais, et aussi sans se dissimuler les difficultés
qu'elle va rencontrer. Supposons par exemple que l'on détermine
exactement chez deux personnes différentes la durée d'un même
processus mental par la notation rigoureuse de son commence-
ment et de sa fin : on n'aura tranché que la question de vitesse,
' 16 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
sans être renseigné sur les modalités spéciales du trajet : deux
trains peuvent partir au même instant pour un même point, et y
arriver au même moment en ayant suivi des routes différentes.
Plus importante et moins facile encore à calculer, est l'équation
personnelle. -
Les variations individuelles sont si étendues dans les expériences
les plus simples (tous les médecins constatent ce fait, en théra-
peutique courante, par l'inégale action des médicaments et des
doses) que l'on n'entrevoit guère comment la multiplication des
mensurations mécaniques élargira beaucoup le cercle de nos con-
naissances. On objecte qu'on évite les causes d'erreur en expéri-
mentant un grand nombre de fois sur la même personne et en pre-
nant des moyennes; cela serait bien si la « même personne » res-
tait effectivement la « môme personne » d'un jour à l'autre ; mais
on sait bien qu'il n'en est pas ainsi. En fin de compte, c'est au
substratum physique, et non à l'état mental lui-même que s'atta-
quent les mensurations les plus ingénieuses et les plus délicates
L'auteur conclut que l'homme est un ensemble trop vaste, trop
complexe et trop mystérieux pour qu'une méthode unique de
rechercherqu'elle soit chimique, physique, pathologique, micros-
copique ou psycho-physique parvienne à le débrouiller, et
qu'il reste encore place et besogne pour les vieilles méthodes
d'investigation ; il est seulement regrettable qu'elles ne soient pas
employées d'une manière plus suivie et plus systématique. Il ne
manque pas de travail pour toutes les méthodes d'étude de l'esprit
qui reposent sur des bases rationnelles : « ayez pour but défini,
dit, en terminant, M. llaudsley, l'étude d'une organisation mentale
concrète, et travaillez à cette étude, d'une manière précise et pro-
gressive, par l'observation des faits ; et parmi ces faits n'en
excluez aucun, sachant que finalement, leurs résultats doivent né-
cessairement s'harmoniser. » R. deMu=graye Clan.
Un cas de méningo-myélite tuberculeuse avec autopsie ;
par J. CRocQ. (Journal de Neurologie, 1901, n° 4.)
Il s'agit d'un enfant de dix ans qui présentait une paralysie
complète des membres inférieurs avec abolition des réflexes tendi-
neux, incontinence d'urine et des matières etc. A l'autopsie ontrouva
la cervelle entourée d'une gaine gélatinitoi,me constituée par
une multitude de petits tubercules miliaires qui remontait jusqu'à
la base du cerveau.
L'examen histologique de la moelle à démontré l'existence de
lésions inflammatoires de la substance blanche et de la substance
grise plus marquées au niveau de la région lombaire et allant en
décroissant de la périphérie au centre.
Les méninges contenaient également un nombre considérable de
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. I l î
vaisseaux gorgés de globules rouges, entourés d'une hyperdiapé-
dèse excessive. Les globules blancs serrés les uns contre les autres
au voisinage des vaisseaux infiltraient en masses considérables
tous les espaces libres ; au sein de ces masses on rencontrait de
nombreux tubercules à des stades différents de leur évolution. Les
ganglions spinaux étaient également le siège de lésions inflam-
matoires et on y constatait en outre un certain degré de proliféra- ,
tion des cellules fines des capsules endothéliales. G. OE1';Y.
VIII. Dissociation et antagonisme de réflexes tendineux et cutanés;
par J. Cnocc. (jours. de Neurologie, 1901, 110 3.)
De l'examen d'un certain nombre de malades présentant la dis-
sociation des réflexes tendineux et cutanés l'auteur a été amené
il conclure que dans la paralysie spasmodique s'il y a toujours une
exagération des réflexes tendineux il n'est pas exact, comme le
prétend von Gehuchten qu'il y ait toujours une abolition complète
des réflexes cutanés ceux-ci sont tantôt affaiblis, tantôt forts. Les
modifications des réflexes cutanés n'auraient donc pas une valeur
pathognomonique aussi précise que le soutient von Gehmhten et
la seule constatation de ces modifications ne saurait suffire pour
affirmer l'existence d'une lésion médullaire. Les réflexes cutanés
sont en effet trop variables chez les différents individus et aussi
chez le même individu suivant le moment où on l'examine, pour
qu'on puisse toujours reconnaître avec certitude quand ces réflexes
cessent d'être normaux. Quant au réflexe inguinal décrit chez la
femme par von Gehuchten il ne serait pas l'homologue du réflexe
crémastérien chez l'homme, et pourrait s'observer dans les deux
sexes. Afin d'éviter cette confusion, M. Crocq le désigne sous le
nom de réflexe inguino-abdominlli.. G. OE1';Y,
IX. A propos de certaines modifications nucléaires du muscle ;
par les DIS DE l3ucr ET DLUOOn. (Journal de .Yeurologie, 1901, iio 3.)
En examinant des coupes de muscles de la patte d'un lapin,
ayant reçu du virus rabique dans le bout périphérique du nerf
sédatique, les auteurs constatèrent la présence d'un grand nombre
de conglomérats nucléaires, aussi bien à 1 intérieur des fibres
atrophiés, mais ayant conservé leur striation, qu'au milieu du
périmysium interne. Les fibres musculaires ont donc réagi à la
section du sciatique et peut-être en partie à l'irritation déterminée
parle virus rabique, par la multiplication directe de leurs noyaux.
Mais d'après ]3ucl et Demoor, ce phénomène a été arrêté par
la présence de la toxine rabique d'où le processus anormal de la
division directe incomplète, c'est-à-dire la formation de noyaux
géants, processus analogue à celui de la formation de certaines
118 REVUE d'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
cellules géantes, des myocaryocytes rencontrés dans des états
pathologiques d'autres tissus. Le début du processus est intra-
musculaire, mais quand les masses deviennent trop grandes, la
fibre atrophiée ne parvient plus à les loger et elles font hernie dans
le périmysium. G. DENY.
X. Tactiomètre. Instrument propre à déterminer la sensibilité
du toucher ; par 0. 0. jlO1'SCIiOU1KO\YSKY. (Obozrénié psicltictlrü,
Il, 1898.) 0
Petite râpe à compartiments numérotés, dans lesquels les grains
sont de volumes inégaux et diversement éloignés les uns des
autres. P. KERAYAL.
XI. Des centres myosiques et accommodateurs de l'écorce céré-
brale ; par W. de 13l< : ellTEtliè\\". (Neurolog. Ceutrul6lutt, XIX,
1 ! jojo,)'
Confirmant son mémoire russe de l'Obozrénié psichiatrii de 1899,
le professeur rappelle que. dans la partie postérieure de l'écorce
du cerveau des singes, il a trouvé : immédiatement en avant du
sillon inférieur ou externe de la scissure perpendiculaire externe
(pariéto-occipitale externe), un centre, dont l'excitation détermine
le rétrécissement des deux pupilles, avec déviation simultanée des
yeux en bas et en dedans, l'oeil du même côté se portant un peu
plus en dedans que l'oeil du côté opposé. Dans la région pariétale,
immédiatement en avant de l'extrémité supérieure ou interne de
la scissure de Sylvius, après sa réunion avec le sillon temporal
supérieur, c'est-à-dire sur le pli courbe, existe un second centre
de rétrécissement des pupilles, avec déviation des yeux en haut et
un peu du côté opposé.
Ce sont deux centres myosiques, à innervation bilatérale, l'exci-
tation agissant à la fois sur les deux pupilles, quoique à un moin-
dre degré. Chacun d'eux a, il côté de lui, un centre dilatateur des
pupilles : l'un d'eux occupe le voisinage immédiat de l'extrémité
externe de la scissure pariéto-occipitale, il dévie en même temps
les yeux dans un sens opposé : l'autre, sur le pli courbe, dilate les
pupilles, et fait diverger les axes oculaires, comme pour la vision
de loin. Tous ces centres possèdent manifestement des relations
directes avec les fonctions optiques des hémisphères et doivent
être pris en considération pour juger des réflexes psychiques de
ilaab et Pilz.
Le centre dilatateur des pupilles qui occupe le bord antérieur
du lobe occipital, doit simultanément tendre l'accommodation des
yeux ; du moins dans son voisinage immédiat doit-il se trouver
un centre destiné à l'accommodation. l31clitzl;i vient de le trouver
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. '119
chez le chien. Il introduit par les parties externes des deux cornées
des aiguilles dans les capsules cristallnieunes : toute modification
du cristallin se manifeste alors par un déplacement de la hampe
de l'aiguille qui indique les conditions de la tension de l'accommo-
dation des globes occulaires. Si l'on faradise le cerveau, on cons-
tate que les centres de l'accommodation du chien sont situés dans
les régions postérieures de l'écorce des hémisphères cérébraux.
P. KRAV,\L.
XII. Contribution à l'étude de la pensée qui prend la forme de voix ;
par A. Ylswa'rscmvvhi. (06oréraié psichiatrii, III, 1898.)
Si le délirant chronique est le jouet de l'hallucination psycho-
motrice, il est des gens qui ont à l'égard de ce phénomène la
même attitude qu'on a à l'égard d'illusions auxquelles on ne croit
pa, mais cela est rare. Ce genre de voix se rencontre dans la folie
systématisée, dans la folie périodique, chez les hystériques, les
paralytiques, les déséquilibrés. En tous cas, toujours chez des
dégénérés. Toutes nos observations concernent des psychoses
dégénératives, ou des-lésions anatomiques grossières du cerveau
susceptibles de s'y ajouter.
Ce phénomène pathologique ne s'accompagne pas toujours du
même ton sentimental. Il n'atfecte généralement pas le paraly-
tique général moralement, le délirant systématique en est positi-
vement empoisonné, l'hystérique peut y pui-er un ton sentimental
positif, comme dans une des observations du présent mémoire :
cette femme conversait soi-disant, à tout propos, avec son ancien
médecin dans sa pensée; musicienne, elle percevait du reste réel-
lement toute mélodie en dedans d'elle-même. Quelquefois, pour
entendre sa pensée, le malade dit prêter attention : en d'autres
cas, la résonnance est si précise qu'elle absorbe toute l'attention
du sujet. Tantôt les aliénés s'en plaignent, tantôt ils la déclarent
simplement, tantôt enfin ce sont leurs allures et leurs discours
qui la trahissent : ainsi en est-il peut-être pour les déments, qui
dialoguent souvent avec des interlocuteurs imaginaires.
P. KERAVAL,
Phi. L'écriture de Léonard de Vinci; contribution à l'étude de
l'écriture en miroir; par Gilbert Ballet. (Nouv. Iconogr. de la
Salpêtrière, n° 6, 1900.)
Tous les monuments du grand artiste et du grand savant que
fut Léonard de Vinci sont écrits de droite il gauche, selon l'écri-
ture dite en miroir. Ce mode d'écriture était donc habituel à Léo-
nard. L'auteur veut démontrer dans ce travail que ce mode d'écri-
ture était non seulement habituel mais normal, et point du tout
120 REVUE M'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
en rapport avec une mode raffinée du temps ni avec le souci de
rendre des écrits inintelligibles pour les profanes. Il ressort bien
en clret d'uue observation' personnelle très intéressante, que l'écri-
ture en miroir est l'écriture normale des gauchers dont l'éducation
n'a pas faussé la tendance naturelle. Or des témoignages de
valeur permettent d'affirmer que Léonard de Vinci était gaucher,
et ce que nous savons de son enfance et de son caractère autorise
à admettre qu'il écrivit à l'envers, simplement parce qu'il était
gaucher et qu'il avait appris à écrire sans maître et sans contrainte.
H. C
XIV. De l'écriture en miroir et de sa signification physiologique :
recherches expérimentales ; par 1 \. IL Sc)tN[TZER.(06o : ? (;'t : «'pi;t-
chiulrü, V. 1900.) 1
1° Chez l'enfant, l'écriture en 'miroir est un phénomène si fré-
suent. si naturellement vicariant, qu'il est impossible de le consi-
dérer comme un symptôme pathologique. Cette écriture n'est donc
pas uniquement propre à ceux qui présentent un trouble marqué
des facultés intellectuelles; 2° elle est en revanche assez rare chez
l'adulte, mais nous n'avons aucun élément, basé sur des faits, qui
nous permette delà rattacher à des particularités physiologiques
quelconques de notre système nerveux ; 3° l'anatomie ne nous
fournit à son égard aucun point de repère, d'ordre pathologique
ou physiologique. Elle dépend de causes tenant à l'individualité
des écrivains. Tout dépend des moyens à l'aide desquels; ceux-ci
facilitent l'écriture inaccoutumée de leur main gauche.
Supposons qu'on soit obligé de faire avec la main gauche un
travail qui s'exécute d'habitude avec la main droite, et qui exige
des mouvements dans une seule direction, comme de tourner la
manivelle d'un orgue. Nous appelons, par la pensée, à notre aide
les leçons de notre main droite : les images des mouvements cor-
respondants nous servent de guides pour mettre en mouvement la
main gauche. C'est alors qu'apparaît l'aptitude individuelle à uti-
liser correctement ou nonces images. Celui-ci se représente les
mouvements de la main droite dans leurs rapports avec le
tronc et il les exécute servilement de la gauche : il n'atteint donc
pas son but, puisqu'ainsi il ne leur donne pas la direction néces-
saie. Celui-là emprunte ces mouvements à sa main droite, non
dans leurs rapports avec le tronc, mais dans leurs rapports avec
l'espace, il se rappelle, non pas tant les mouvements de la main
que le résultat de ces mouvements, c'e.1-à-(Iire le sens dans lequel,
par la pensée, se déplace tel ou tel appareil de la mécanique à
faire mouvoir : le travail s'exécute parfaitement. Il en est de
même pour qui essaie d'écrire avec la main gauche, mais la ques-
tion d'habitude graphique intervient à son tour.
REVUE D'ANATOMIE El' DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 121 1
A. Les gens exercés depuis longtemps au mécanisme de l'écri-
ture, n'ont pas besoin du guide immédiat de- la main droite, car
tous ses mouvements, nécessaires à l'écriture, de même que les
images optiques de toutes les configurations des lettres, sont soli-
dement imprimés dans leur souvenir et sont toujours à leur dis-
position, pour servir en temps et lieu de guides à leur main gauche.
Chez eux, l'écriture en miroir est absolument impossible, car le
sujet, mis dans la nécessité d'écrire desa main gauche, transporte
et projette sur le papier, par la pensée, les figures de l'écriture,
aussitôt qu'il s'en souvient, il contrôle donc rigoureusement les
mouvements de sa main gauche, chaque trait, chaque lettre. C'est
pourquoi les adultes et les gens sachant bien lire et écrire n'écri-
vent en miroir que dans des cas rares, exceplionnels. Ceux d'entre
eux qui écrivent en miroir sont doués d'une attention faible et
d'une mémoire visuelle affaiblie.
B. Les gens peu exercés ri l'écriture, enfants, ou adultes peu
lettrés, ont une aptitude particulière à exécuter de la main gauche
les travaux analogues à l'écriture. Par la pensée, ils mettent en
position agissante leur main droite, et lui font effectuer les lettres
nécessaires : alors seulement ils commencent à écrire de la main
gauche. Et, selon les combinaisons mentales qu'ils adoptent, les
uns écrivent correctement, les autres écrivent en miroir. Tels ne
voient mentalement que les diverses positions de la main droite
par rapport au tronc, et, les imitant de la main gauche, ils abou-
tissent à l'écriture en miroir. D'autres se guident sur les mouve-
ments de la main droite par rapport, non au tronc, mais au plan
sur lequel ils écrivent, ils reproduisent non pas tant les mouve-
ments de la main que les résultats de ces mouvements par la pen-
sée, les motifs intellectuels.de ces mouvements : leur écriture est
normale. Ce raisonnement exige de l'écrivain une beaucoup plus
grande attention, une bien plus grande énergie intellectuelle que
la première combinaison, c'est pourquoi l'écriture en miroir s'ob-
serve principalement chez l'enfant, et'chez l'enfant jeune, plus
souvent chez la fillette que chez le petit garçon '. P. KERAVAL.
XV. Des lésions delà corne d'Ammon dans l'épilepsie; parl\IIl1C P. 1.
BOI\OZDIIOE-RobENSTEIN, et S. la Lrouumow. (0&0'e)t ! epStC/t : a<t't !
V, 1900.)
Dix observations, avec autopsies et examen microscopique, de
malades d'hospice d'enfants trouvés : commémoratifs nuls ou
1 Voir dans les Comptes rendus de la section de Xeurologie du Congr.
intel ? de médecine de 1900. deux intéiessantes communications de
MM. Gilbert, Ballet et Sollier, p. GO et 0.
'122 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
vagues. Dans l'observation IV. le père semble avoir été aussi épi-
leptique ; dans l'observation VII. les excès alcooliques sont niés.
Dans toutes les observations, sauf la septième, les attaques avaient
commencé dès l'enfance : dans celle-ci, elles avaient débuté a
trente ans, sans cause appréciable. Les observations IX et X mon-
trent des lésions de la corne d'Ammon, dans la paralysie progrès
sive des aliénés et la démence secondaire, sans attaques d'épilep-
sie. Dans la dernière, la corne faisait une grosse saillie dans le
ventricule. Dans toutes les observations il y avait altérations
microscopiques des cornes d'Ammon, qui, généralement avaient '
marché de pair avec des altérations d'autres parties de l'écorce du
cerveau. Toutes elles dépendent de causes générales particulières
à l'épilepsie. Les lésions des coines d'Ammon ne sont pas pnmi-
tives, elles ne sont pas génératrices de l'épilepsie, quoi qu'eu ait
dit M. Chaslin, en 1890 : ce sont .bien ses lésions qui ont été
retrouvées ici. P. Keuaval.
XVI. Le phénomène de la chromatolyse après la résection du nerf
pneumogastrique; par Ch. LADAUE. (Nouv. Iconogr. de la Salpé-
trière, nos i, 5, G, 1900.)
L'auteur passe en revue détaillée tout ce qui intéresse la mor-
phologie de la cellule nerveuse : 1° méthodes de recherches.
méthode de Nissl, modifications de von Gehuchten, procédé de
l'auteur ; 2° anatomie fine de la cellule nereu>e, phénomènes de
la chromatolyse en général. Après cet exposé, il nous donne l'en-
chaînement des recherches très minutieuses auxquelles il s'est
livré sur le chien, le lapin et le chat et qui lui ont permis de suivre
les différentes phases du phénomène de la chromatolyse ; ces
recherches l'ont conduit aux conclusions suivantes :
1° La chromatolyse des ganglions plexdbrmes et des noyaux
bulbaires du vague est un phénomène constant après la résection
du nerf pneumogastrique ou vago-sympathique (chien) au cou;
2° La chromatolyse est caractérisée par la désagrégation et la
fonte des blocs chromatiques et par la fonte du noyau ;
3° La turgescence n'est nullement un phénomène régulier de
la chromatolyse ;
4° Chez le chien au 122e jour et chez le chat au 147° jour après
la résection du vague, le noyau dorsal pathologique de la 10" paire
ne présente pas de diminution dans le nombre de ses éléments;
5° Le chien au 22e et au 122° jour présente la chromatolyse dans
le ganglion dont le nerf n'a pas été lésé aussi bien que dans celui
dont le pneumogastrique a été réséqué ;
G° La vacuolisation est une des formes du processus de dégéné-
ration cellulaire. IL C.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 12a
XVII. Recherches cytométriques et caryométriques sur les cellules
radiculaires motrices après la section de leur cylindre-axe :
par Marinesco. (Jourlz. de neurologie, 1901, nos 5 et G.)
Les recherches exposées dans ce travail montrent que les phé-
nomènes de réaction et de réparation des cellules nerveuses après
la section de leur cylindre-axe présentent une très grande variété
suivant le niveau de cette section, suivant que les neurones ont un
long ou court trajet et suivant l'étendue du nerf réséqué. '
La condition de la réparation complète est la régénérescence du Lui
nerf sectionné. Un neurone ne peut vivre qu'à la condition d'avoir
l'intégrité de ses prolongements et lorsqu'une cellule perd son
cylindreaxe d'une manière définitive, comme il arrive dans les
cas de résection avec une grande perte de substance, elle finit par
disparaître.
Les recherches de M. Marinesco mettent en outre en valeurla par-
ticipation du noyau et du nucléole de la cellule nerveuse aux pro-
cessus de réaction et de réparation, après les solutions de conti-
nuité du cylindre-axe.
Elles montrent enfin, qu'il y a une association réactionnelle des
parties constituantes de la cellule, car lorsque le corps cellulaire
s'hypertrophie, le noyau et le nucléole subissent les mêmes phéno-
mènes et vice-vcrsc2. G. Deny.
Hill. De l'état des réflexes chez les syphilitiques ; par le D r 11)1. N ET-
Sanglé. (./0 : ;ni. de neurologie, 1901, nul 9.)
Une enquête faite sur l'état des réflexes de 13 syphilitiques
appartenant à un régiment du génie a donné les résultats suivants :
abolition du réflexe pharyngien (2 fois), du réflexe olécranien
(3 fois), du réflexe abdominal (1 fois), du réflexe patellaire z fois).
Dans un certain nombre d'autres cas, les réflexes étaient seule-
ment diminués. En somme, il semble résulter de ces recherches
que les réflexes sont toujours modifiés chez les syphilitiques, ce qui
permet de supposer que le poison syphilitique agit d'une façon
précoce sur les neurones et particulièrement sur les prolongements
cylindreaxiles du protoneurone centripète où commencent et où
prédominent les lésions nerveuses du tabes. Mais avant d'adopter
cette conclusion, il serait nécessaire d'étudier les réflexes chez les
sujets non syphilitiques du même âge et de la même constitution
que les précédents. G. Deny.
XIX. Contribution à la casuistique des tumeurs du système
nerveux central; par Micuelzzi. (Il IIÉtî,g(tg711, 1900, mais.)
Résumé de trente cas de tumeurs cérébrales avec autopsie.
124 REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
L'auteur les fait suivre de quelques considérations sur la <ympto-
matologie de quelques cas, les relations entre les symptômes et
la localisation de la tumeur, enfin sur la possibilité d'une inter-
vention. ' L. D.
XX. Des réflexes vaso-moteurs, dans l'érythromélalgie ; par C,I 1',12-
zw et 13RACCI. (Il 1l1ol' ! Jug1Ji, 1900, janvier.)
Les auteurs ont eu l'occasion d'examiner à la clinique de Pise *
un cas d'crythromélalgie typique qui leur a permis de prendre
des tracés plétismographiques.
Dans les antécédents ils ont relevé une infection malarienne
ancienne avec hyperthrophie de la rate. L'action du sulfate de
quinine ayant amené la guérison de l'érythromélalgie en même
temps que la disparition de la tumeur splénique, les auteurs
croient, au moins dans ce cas particulier, à l'influence étiologique
du paludisme pas de syphilis ; comme cause déterminante,
à l'action du froid humide.
Les phénomènes douloureux et les troubles trophiques pré-
cèdent de longtemps les troubles vaso-moteurs. La position
déclive des membres provoquant les accès, démontre la faible
tonicité des vaisseaux sanguins qui se révèle dans les tracés plé-
tismographiques par la présence des ondes respiratoires. Ces
tracés indiqueraient, en outre, une hyperesthésie des vaisseaux ou
des tissus limitrophes dont l'irritation provoquerait les accès à la
façon de phénomènes réflexes. Toutefois, il faut admettre, en
outre, une hyperexcitabilité des centres algiques et vaso-moteurs
dont l'origine, selon les auteurs, serait l'action toxique lente et
prolongée de produits anormaux de la nutrition, troublée par
l'infection paludique chronique. On sait du reste combien cette
infection est apte à produire des troubles névralgiques et vaso-
moteurs de diverse nature.
Quant au mécanisme de ces troubles vasculaires, les auteurs
ne pensent pouvoir invoquer une paralysie des centres ou des
nerfs vaso-constricteurs qui réagissent très énergiquement à toute
excitation. Il y a une diminution du tonus vasculaire qui peut per-
sister après la guérison et n'a pas, par conséquent, une grande
influence dans la production des accès.
L'accès doit donc être considéré comme un processus de vaso-
dilatation active et l'affection pourrait être définie : névrose vaso-
motrice à type névralgique avec hypotonicité du système vaso-
constricteur et hyperexcitabilité des centres vaso-dilatateurs.
L'érythromélalgie serait donc la contre-partie exacte de la maladie
de Haynaud, Travail intéressant dont les conclusions ne reposent
que sur un seul cas. L. DELMAS.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 128 5
XXI. Les altérations du système nerveux central dans l'intoxica-
tion par le bromure de potassium, la caféine, la picrotoxine,
l'uré et le chlorure de potassium; par l'oR1'IOI.I. (Il 11101'{J(/gni,
1899, octobre.)
Travail du laboratoire de pathologie expérimentale de l'Univer-
sité de Bologne. L. U.
XXII. Des effets du suc de capsules surrénales sur les animaux
décapsulés; par Fauazzi. (Il 1900, mars.)
L'auteur a pratiqué une série d'expériences sur le lapin : non
opéré, décapsulé d'un côté, privé de ses deux capsules ; dans cha-
cune de ces trois séries, quelques lapins ayant été gardés comme
témoins, les autres reçurent dans la veine marginale de l'oreille
des injections du suc capsulaire à dose plus ou moins considé-
rable, et à des moments plus ou moins éloignés de la décapsula-
tion. Il a été amené à formuler les conclusions suivantes :
La décapsulation, en un temps ou en deux, amène toujours
la mort après un temps qui varie d'après la résistance indivi-
duelle. De petites doses de suc capsulaire produisent des troubles
respiratoires et. circulatoires qui deviennent mortels avec des
doses plus élevées et s'accompagnent alors de lésions des centres
nerveux.
Contrairement à l'opinion de Cybulsk, des doses répétées de
20-30 centigrammes n'aboutissent pas à l'immunisation de l'ani-
mal, mais s'accumulent et amènent la mort. L'ablation d'une cap-
sule est compatible avec la vie ; l'autre s'hypertrophiant a une
action vicariante. L'animal décapsulé survit plus longtemps s'il ne
reçoit pas d'injections de suc capsulaire. Quant aux troubles ob-
servés pendant la vie : respiratoires, circulatoires, thermiques et
nerveux, et aux lésions des centres nerveux, l'auteur reconnaît
qu'il est difficile en l'état d'en donner une interprétation satisfai-
sante. L. D.
XXIII. Sur le développement de l'hypophyse et les rapports pri-
mitifs de la corde dorsale et de l'intestin ; par le professeur
U. Rosti. (Lo Sperimenlale, t. IV, 2, 1900.)
Des recherches qu'il a entreprises sur des larves de diverses
espèces des genres liana et l3ul'o, à différent^ stades de dévelop-
pement, l'auteur conclut que, au moins chez les batraciens anoures
l'endoderme ne prend aucune part à la formation de l'hypophyse
qui dérive tout entière de la couche profonde de l'ectoderme. Les
points où la corde dorsale conserve des connexions avec l'intestin
sont au nombre de deux : l'un correspondant à la partie caudale
126 REVUE d'aNATOMIE ET DE* PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
de la courbure endodermique ventrale; l'autre .à l'endroit où les
deux branches, ascendante et descendante, de la corde dorsale se
réunissent en formant un angle; c'est-à-dire, à la courbure endo-
dermique dorsale. La première de ces connexions est tout à fait
transitoire, l'autre persiste plus longtemps.
En somme, comme, l'endoderme ne prend aucune part à la for-
mation de l'hypophyse, ce qui revient à dire qu'il n'existe ni union
ni même communication entre l'intestin primitif et l'hypophyse,
l'auteur se refuse à voir dans ce dernier organe le rudiment d'une
bouche ancestrale. Ni morphologiquement ni physiologiquement
l'hypophyse ne peut être considérée comme un organe rudimen-
taire. L. D.
XXIV. De quelques fonctions nerveuses dans l'inanition complète
(tee communication). Excitabilité sécrétoire de la corde du
tympan, du sympathique cervical et du vague ; par Barber \,
(l3cclletino delle Scicnze zzedic%e, 1900, juin.)
Dans l'inanition complète et prolongée, l'excitabilité électrique
des nerfs sécrétoires et l'excitabilité réflexe de nature chimique ne
subissent que des modifications quantitatives. Les fibres sécré-
toires de la glande sous-maxillaire contenues dans le sympathique
cervical sont cependant presque inexcitables./ Les sucs obtenus
dans ces conditions possèdent, sinon quantitativement au moins
qualitativement, la même composition chimique et les mêmes
propriétés digestives que chez les animaux nourris. L : D.
XXV. Les glandules parathyroïdiennes. Recherches cytologiques;
par F. Ltl't1>iJ. (Lo Sperimentale.)
L'auteur après avoir montré l'insuffisance de nos connaissances
sur la structure fine de ces organes et leur valeur fonctionnelle,
nous donne le résultat des recherches qu'il a poursuivies sur le
lapin. La technique qu'il a employée consiste dans la fixation
dans le liquide de Hermann, et la double coloration à la fuchsine
et au vert môthyle.
Les glandules parathys sont essentiellement constituées par des
éléments épithéliaux qu'il faut considérer comme de véritables
cellules glandulaires. Ces cellules élaborent deux substances ; la
plus abondante se montre sous l'aspect de granules ou de masses
de volume variable colorés en vert intense comme la substance
colloïde ; l'autre est constituée par de petits granules colorés en
rouge vineux comme la substance chromatique du noyau. Dans
certaines conditions qu'il n'a pu déterminer, ces cellules peuvent
produire, en outre, une substance grasse, peut-être même une
autre si les vacuoles que l'on observe alors entre les cellules con-
tiennent un produit de sécrétion spéciale.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 127
Il existe une concordance complète entre les phénomènes de
sécrétion des cellules de la thyroïde et des parathyroïdieunes, de
même que la ressemblance est parfaite entre les produits de l'ac-
tivité cellulaire des deux organes. Ces éléments cellulaires répon-
draient aux mêmes stimulants (pilocarpine) d'après l'auteur qui
incline a l'identité des deux organes. La sécrétion. des parathyr se
déverse dans les espaces lymphatiques péricellulaires et parvient
dans le sang par la voie lymphatique. Les parathyr seraient donc
des glandes il sécrétion interne. Leur valeur fonctionnelle corres-
pondrait à celle de la thyroïde. L. Delmas.
XXVII. De l'anastomose des cellules nerveuses et quelques particu-
larités de structure du bulbe olfactif ; par F. CRIIV A 11 : -1. (Rlllielino
délie Science )MC6c/tC, 1900, juillet.) .
L'auteur décrit et figure quelques cas d'anastomose entre cel-
lules nerveuses qu'il a rencontrés chez quelques mammifères,
dans la couche granuleuse du cervelet et la seconde couche du
bulbe olfactif. Il décrit en outre les diverses formes des cellules
mitrales qu'on peut observer dans le bulbe d'un même animal.
Parmi ces cellules il en est qui envoient deux ou plusieurs prolon-
gements protoplasmatiques à plusieurs glomérules ou à un seul
glomérule, et d'autres qui. comme l'affirment Ramon y Cajal et
Gehuchten, n'envoient aux glomérules qu'un seul prolongement
protoplasmatique. L. D.
XXVIII. Le vague dans ses rapports avec les formes malignes de la
rougeole ; par Cioffi. (informa medica. 5 mars 1900.)
L'auteur, analysant les symptômes des formes malignes de la
rougeole, les rapporte à l'irritation du pneumogastrique par les
toxines microbiennes versées dans la circulation. Les cas fréquents
compliqués d'otite purulente seraient une preuve de l'action élec-
tive directe du virus morbilleux sur le vague. Il ne nous paraît
pas utile ni surtout exact d'invoquer l'intermédiaire d'une irrita-
tion des rameaux méningiens du pneumogastrique pour expli-
quer que ces otites purulentes ainsi que la méningite simple ou
tuberculeuse qui suit parfois la rougeole. L. Il.
XXIX. Sur la réaction électrique myasthénique ou d'épuisement;
par FLORA, (Iiivista C'1(iCÉI di clinica, 19JU, n° 21.) .)
Lorsque chez un sujet normal on excite un muscle ou un nerf
par un courant faradique apte à produire une contraction éner-
gique, si on continue l'excitation on provoque le tétanos. Ce
tétanos ne persiste pas indéfiniment; au bout d'un temps, variable
128 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
selon les sujets mais toujours assez long, 10 à 30 minutes, le
muscle peu à peu cesse de réagir et se relâche. Si l'on enregistre
le tracé, on obtient une ligne horizontale, qui s'abaisse peu il peu,
soit par échelons, soit par une courbe régulière. Après un repos
de quelques secondes le tétanos peut se reproduire par excitation
du même point. -
Chez les sujets au contraire, qu'on pourrait appeler électrique-
ment myasthéniques, le relâchement musculaire survient très
rapidement, au bout de quelques secondes. Le tracé myogra-
phique présente une ascension brusque, puis une chute à angle
aigu sans trace de plateau. De plus, on ne peut obtenir le retour
du tétanos qu'après un repos de quelques heures. Le sujet éprouve
une sensation pénible de fatigue et d'inertie invincible ainsi
qu'une douleur et une tuméfaction légère qui peuvent persister
plusieurs jours.
L'auteur a obtenu cette réaction dans trois cas de maladie d'Erb-
Goldflamm ; dans la sclérose en plaques il l'a trouvée assez mar-
quée ; dans les tabes, inconstante; fréquente et très manifeste
dans les cas de neurasthénie et d'hystérie accompagnés de myas-
thénie prononcée, de parésie et d'impotence motrice volontaire.
Dans ces derniers cas la réaction disparaissait après guérison et
pouvait subir le transfert comme la parésie.
Dans deux cas de pseudo-h3'pertroplrie musculaire, la réaction
était extrêmement prononcée. Par contre, elle n'existerait pas
dans l'hémiplégie cérébrale organique. L'auteur conclut que cette
réaction n'est pas particulière à la maladie d'l : rb-CoIdPamm. Si
on peut la trouver dans les affections organiques du système ner-
veux, on peut la rencontrer aussi, et bien plus marquée dans des
formes simplement névrosiques. L. D.
XXIX. Altération des sensibilités tactile, et thermique consécu-
tives à une lésion d'un rameau digital palmaire du médian ;
par P'I;nn,n. (ltiv. sperirre di et dt .lLed. leg., 1900, 1.)
La sensibilité thermique a-t-elle des voies de transmission dis-
tinctes de la sensibilité tactile' ? La question n'a pas encore reçu
de solution. Quelques observations paraissent cependant démon-
trer qu'il en est ainsi. L'auteur a eu l'occasion d'observer le cas
suivant. A la suite d'une blessure à la face palmaire de la main
droite, au niveau de l'articulation métacarpo-phaiangienne de
l'index, un rameau digital palmaire du médian fut lésé et l'on
eut deux plaques d'anesthésie inégales, dont la plus étendue cor-
respondait à l'anesthie thermique. Ce manque de concordance
semble exclure l'existence de fibres communes aux deux sensibi-
lités, car alors les deux champs auraient dû être exactement
superposables. Il faudrait donc admettre pour les deux sensibilités
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 129
l'existence de fibres distinctes, diversement distribuées dans les
troncs nerveux. Remarque qui a son importance, la malade était
indemne de toute tare hystérique. L. DEL3fAS.
XXX. Dés rapports existant entre les réflexes et la tonicité mus-
culaire ; par de RcNzi et Coop. (AIGi. délia R. Accad. med.-chiin.
di Napoli, LUI, 4.) .
Les auteurs ont étudié avec le myotonomètre deMosso, le degré
de tonicité du triceps sural chez des sujets atteints de myélite
transverse avec exagération considérable des réflexes. Ils concluent
que dans la paralysie spasmodique due à une myélite dorso-
lombaire il y a hypotonicité musculaire et non hypertonicité. Elle
est d'autant plus nette que les troubles de la motilité sont plus
marqués. La résistance exagérée opposée à la flexion et à l'exten-
sion passives des membres inférieurs est due non à l'hypertonicité,
mais à des contractions réflexes des muscles dont la contraction
cesse bientôt pour faire place à la flaccidité. Il n'y a donc aucun
rapport intime entre la tonicité musculaire et l'état des réflexes,
ceux-ci pouvant être très exagérés avec une hyportonicité muscu-
laire très' marquée. L. D.
XXXI. Polynévrite et réflexes; par le D1' de BURK. (JOUI-il. de Neu-
urologie, 1891, n° 8.)
Observation d'un malade qui présentait une atrophie muscu-
laire très marquée 'de la totalité des deux membres inférieurs
avec conservation de la sensibilité générale, exagération de la
sensibilité réflexe tendineuse," abolition des réflexes cutanés, etc.
Les deux affections susceptibles de donner lieu à ce complexus
symptomatique, seraient, d'après l'auteur, la sclérose latérale
amyotrophique à début paraplégique et la polynévrite. Finalement
l'absence de contracture et de contractions fibrillaires dans les
muscles atrophiés et aussi l'absence du phénomène des orteils en
même temps que l'état stationnaire de la maladie depuis un an
lui ont paru des raisons suffisantes d'admettre qu'il s'agit plutôt
d'une polynévrite. / G. DENY.
a
XXXII. Brûlure électrique du nerf cubital, tumeur cicatricielle,
opération ; par M. DECROLY. (Journ. de Neurologie, 1901, n° 8.)
Il s'agit d'un homme qui eut le coude droit brûlé par un cou-
rant électrique. Immédiatement après l'accident, le blessé s'aper-
çut d'une gêne dans les mouvements de la main et d'une insensi-
bilité au niveau des doigts, et quelques mois plus tard il vit
apparaître au-dessus du coude une petite tumeur non douloureuse,
Archives, 2° série, t. XII. 9
leO7 REVUE ^ DE ; PATHOLOGIE. MENTALE.
mais dont la compression provoquait une sensation d'engourdis-
sement de l'avant-bras et de la main.- *
Pensant qu'il s'agissait là d'une tumeur cicatricielle comprimant
le nerf cubital et non d'un névrome. on fit une opération libéra-
trice qui démontra l'exactitude de ce diagnostic.
Immédiatement après cette intervention, les troubles sensitifs
disparurent, seuls, les troubles moteurs ont persisté, ce qui n'a
pas lieu de surprendre, les muscles étant déjà en voie de dégéné-
rescence très prononcée au moment de l'opération. G. DENY.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE
I. Lesr absences , psychiques chez. les hystériques ; par LUZlèN ?
BERGI R. (Itiv. mens, de i psich. for, 1900-1.)
Travail intéressant, dont il est inutile de faire ressortir l'impor-
tance médico-légale. Il repose sur l'élude de quatre cas, diagnos-
tiqués d'abord épilepsie, et que leur évolution permit de rattacher
à l'hystérie. Il est bon de savoir que cette dernière névrose peut
produire de véritables absences, semblables aux vertiges qui sont
regardés par tous les auteurs comme caractéristiques du mal
comitial.
L'auteur a pu les différencier par les caractères suivants :
Les absences hystériques reconnaissent toujours comme cause
occasionnelle de fortes émotions ou le surmenage intellectuel;
elles ne s'accompagnent pas d'altération de l'intelligence, ont ten-
dance à diminuer plutôt qu'a augmenter. Dans l'un des cas ce fut
l'attaque convulsive qui permit de faire le diagnostic. L. D.
II. Cas* d'automatisme alcoolique extrêmement prolongé ; par
M.-S. UOBROTWORSKY (00 : )'eHt<'pt'cAtUt)'t't, IV, 1899).
Il's'agit d'un homme de vingt-huit ans, alcoolique chronique,
qui, revenant de ses occupations, le 20 octobre '1894 (il est inspec-
teur des télégraphes), boit passablement et tombe dans l'automa-
tisme. Il peut encore faiie.tout son service, de sorte que 'personne'
ne s'aperçoit de son état, d'autant qu'il a l'air de jouir encore de'
l'intégrité. de sa.décision, ou que, s'il commet des actes incons-
cients, ceux-ci ne se.distinguent pas des actions irréfléchies com-
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 131"
munes. En février 1895, les hallucinations se mettent de la partie;
il est persécuté, mais pas au point qu'au début, cet état^attire
l'attention de ceux qui l'entourent ; il conserve, quoique automate,
une apparence normale : il évite la société de ses collègues. En
avril, il fait connaître son délire. En juillet, subitement, il tombe
dans la stupidité, mais c'est une stupidité dans laquelle l'activité
mentale n'est pas suspendue complètement, tandis que la cons-
cience est profondément obscurcie. Le malade ne répond pas aux'
questions, il ne réagit pas aux fortes excitations douloureuses, les
pupilles ne répondent pas à la lumière. Les mouvements n'ont pas
l'indécision, la nonchalance de ceux de la stupidité simple ordi-
naire ; le place-t-on sur ses jambes, il se met à marcher avec fer-
meté et assurance à travers la chambre; rencontre-t-il un obs-
tacle, il se retourne aussitôt du côté opposé et continue à marcher
fermement jusqu'à ce qu'on le couche. Lui met-on- entre les mains
une cuiller, il exécute les mouvements propres à l'homme qui
mange, quoiqu'il n'ait rien à manger devant lui. Aucun de ces
mouvements n'est ni indolent, ni indécis ; ils rappellent une ma-
chine remontée. En mars 1896, le 8, au matin, l'expression de son
visage se modifie franchement, le malade se met causer, à répon-
dre convenablement, il joue au billard, converse avec -les autres,
lit les journaux. Les 8, 9, 10, il passe la nuit dans la section des
aliénés difficiles, mais le jour dans celle des tranquilles. Le 15,
après avoir causé longuement avec lui de sa situation, le médecin
le prie d'écrire son autobiographie, il le fait ce jour même et ne
manifeste rien de particulier dans la conversation; or, le 20 mars,
il ressort de son interrogatoire que du temps écoulé compris entre
le 8 et le 15, il n'a aucun souvenir : il a donc aussi, du 8 au 15
mars, agi automatiquement. Son amnésie porte du reste non seu-
lement sur toute la période morbide apparente qui va de février
1895 jusqu'au 15 mars 1896, mais sur les quelques mois qui ont
précédé la maladie ; elle commence à octobre 1894, juste au mo-
ment où il est revenu de son travail. 11 ignore la mort d'Alexandre 111
et l'élévation au trône de Nicolas II, qu'il ignorait en rentrant chez
lui à cette époque-là. Le dernier épisode automatique final n'est
pas le moins curieux. P. Keraval.
III. Contribution- à l'étude de. la pathogénie des symptômes de .
lésions en foyers dans la' paralysie générale des aliénes; par
W. A. I)IOUIIITOW : (Obo : ;î-é2ziépsichi(tirii, III, 1898.) .
. l
Voyez XIIe Congrès international de médecine : Zur Pathogenese
der Ilerderscheinungen bei der allgemeinen Paralyse der Irren.
P. KER.W.4L.
132 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
IV. Les rapports de l'alcoolisme et du suicide en Angleterre, sur-
tout d'après les statistiques récentes; par W.-C. Sullivan. (The
Journal of Mental Science, avril 1900).
Ce travail est très documenté et appuyé sur des statistiques bien
faites, puisées aux bonnes sources et qui paraissent bien interpré-
tées : il se termine par des conclusions que nous résumons ici :
l'accroissement récent du suicide en Angleterre a coïncidé avec
un développement considérable des tentatives de suicide avortées :
or, ces tentatives, au moins dans ceux de leurs caractères que l'on
a pu établir, se rapprochent du type du suicide alcoolique, confir-
mant ainsi les preuves cliniques du rôle prédominant que joue
l'alcoolisme dans les suicides avortés. On a vu en outre que le
plus important de ces caractères l'âge peu avancé des suicidés
se remarque dans l'augmentation actuelle des cas de suicide. Il
est donc légitime d'admettre que cette augmentation dépend en
grande partie de l'influence de l'alcoolisme, influence qui, dans la
même période, ainsi que l'attestent les statistiques de mortalité, a
subi elle-même un accroissement. Les données recueillies et exa-
minées par l'auteur lui ont permis en outre d'établir, à l'état de
variété spéciale, le type du suicide alcoolique et de le différencier
des autres suicides. L'intoxication alcoolique^ chronique pro-
voque des troubles généraux des fonctions viscérales qui modifient
et perturbent les stimulants organiques qui forment le fond de
notre personnalité. La dépression de la tonicité émotive ainsi pro-
voquée prépare l'impulsion au suicide, laquelle, dans les cas carac-
téristiques, aboutit à l'exécution lorsqu'il est survenu un surcroit
d'intoxication qui a encore abaissé le fonctionnement du cerveau
affaibli, en même temps qu'il exaltait dans une semblable propor-
tion l'influence des stimulations organiques sur les processus céré-
braux. Le suicide alcoolique est donc plus impulsif que les autres
suicides, plus directement et plus immédiatement lié aux condi-
tions organiques du sujet. Si l'on passe du point de vue clinique et
statistique au point de vue social, on voit apparaître avec une
égale netteté les conséquences de ce mode spécial d'évolution.
Ainsi les facteurs les plus capables de déterminer le suicide ordi-
naire, jouent dans le suicide alcoolique un rôle effacé ou différent
et les caractères que les facteurs impriment à l'acte sont absents
ou obscurcis dans la forme alcoolique. Il faut reconnaitre qu'il y a
quelques-uns de ces factenrs qui poussent simultanément à l'al-
coolisme et au suicide, et agissent de concert; ils en est ainsi de
l'influence des saisons. L'auteur examine ensuite les influences
sexuelles, religieuses, et enfin celle de l'âge ; le suicide alcoolique
est beaucoup plus précoce que l'autre. ,
Ainsi les conclusions fournies parla statistique sont en parfait
accord avec les inductions de l'expérience clinique. Le suicide
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 133
impulsif de l'alcoolique caractérisé en tant que fait individuel par
l'obscurcissement de la conscience et l'absence de délibération, est
pareillement marqué, en tant que fait social, par une indépen-
dance relative à l'égard des facteurs ordinaires du suicide, et par
une sorte d'obscurcissement des activités plus complexes de la
conscience collective. II est probable d'ailleurs que la différen-
ciation n'est absolue ni au point de vue social ni au point de vue
individuel, et que les influences subies ne sont pas aussi nettement
délimitées en fait qu'en théorie, et sont modifiées par des réac-
tions réciproques de l'individu et de la collectivite. Il reste que le
suicide alcoolique présente des caractères spéciaux qui indiquent
qu'il est sous la dépendance des forces qui gouvernent l'alcoolisme
et non des forces qui gouvernent le suicide.
R. DE MUSGRAVE CLAY.
V. Sur une méthode systématique de recueillir les observations ;
par A.-I3. NEwTn. (The Journal of Mental Science, avril 1900.)
L'auteur regrette que les observations recueillies dans les asiles
d'aliénés ne le soient pas avec plus de méthode et d'uniformité ;
il n'est le premier ni à exprimer ce regret, ni à proposer une mé-
thode uniforme : il met d'ailleurs beaucoup de bonne grâce à
déclarer qu'il ne se fait pas illusion sur le sort réservé à sa propo-
sition'. R. DE 111oscnavE CLAY.
VI. Une attaque d'épilepsie (status epilepticus) suivie au bout de
six semaines d'une attaque de chorée, chez une malade atteinte
de folie- puerpérale aiguë; par C. C. EASTERBROOE. (The Journal of f
Mental Science, janvier 1900.)
Le cas est intéressant à cause de sa rareté ét de la curieuse asso-
ciation de névroses qui s'est manifestée chez cette malade dans un
temps relativement court. Les remarques dont l'auteur fait suivre
l'observation détaillée en résument suffisamment les points impor-
tants ; nous reproduisons ces deux séries de remarques dont la
première porte surtout sur les faits, et la seconde sur leur inter-
prétation : -
A. 1° La malade était atteinte de folie puerpérale, forme de
maladie mentale qui n'est pas rare chez les femmes. 2° Pendant
sa maladie on a vu apparaître chez elle d'abord de l'épilepsie,
ensuite de la chorée, affections qui sont rares pendant l'état puer-
péral, et rares aussi (surtout la chorée) consécutivement à la folie.
- 3° L'épilepsie s'est présentée sous la forme relativement rare de
1 Voir dans le Compte rendu de Bicêtre de 1874, le schéma en usage
pour les internes et les infirmiers.
13 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
,status epilepticus, et la chorée- a été remarquable en ce qu'elle n'est
pas devenue chronique. Il résulte de ceci qu'on n'est pas fondé
à baser des généralisations, relatives à l'association des, névroses,
sur des fait aussi rares. Mais on peut tirer de l'ensemble des phé-
nomènes les conclusions suivantes :
B. 1° La malade~avait de fâcheux antécédents de famille.
2° Elle était personnellement névropathe, ce qui, dans l'état actuel
) de nos connaissances, indique probablement une instabilité
- chimique très accentuée dans les centres nerveux. 3° Chez une
- telle malade l'apparition de la manie aiguë, de l'épilepsie on de la
chorée n'a rien qui doive surprendre. 4° Le fait de l'apparition
1 successive de ces trois maladies dans un court espace de temps
chez le même sujet-est en faveur de l'opinion suivant laquelle ces
trois maladies auraient un siège commun, à savoirles plans supé-
rieurs corticaux (portion pré-rolandique). 5° En l'absence d'une
. anatomie pathologique précise, le fait même de la curabilité de
ces trois affections montre qu'elles sont essentiellement des névroses
fonctionnelles, dépendant d'une activité moléculaire pathologique.
des centres nerveux, et nullement de grandes modifications de nutri-
tion ou de structure. 6° En l'absence de toute démonstration
nette de l'existence d'un agent auto-toxique, toxique ou micro-
bien, la raison dernière des trois névroses doit être cherchée
dans une instabilité chimique des centres nerveux et une tendance
consécutive de la part de ces centres à une activité et à-un fonc-
tionnement chimiques morbides lorsqu'ils se trouvent soumis à l'in-
c flnence d'un agent irritant (au sens large du mot irritant), cet
gagent agissant ici comme l'étincelle sur la poudre. L'auteur n'admet
pas l'opinion qui cherche la cause de la chorée et de l'épilepsie
dans un état toxique ou microbien du sang. La grande fréquence
de ces névroses et des folies pendant la période de développement
de la vie, et surtout pendant la période de maturation des fonctions
' nerveuses plaide fortement en faveur de l'opinion suivant laquelle
ces désordres nerveux auraient leur /bras et origo dans l'écorce céré-
- braie, C'est le métabolisme des centres nerveux, et non pas le
'métabolisme du sang, qui est au fond des névroses de développe-
ment, et il est légitime de croire que les toxines que l'on a rencon-
trées étaient le résultat, et non la cause, de l'activité chimique mor-
bide des neurones supérieurs. R. de âlUSGIIIVE-CLkY.
VII. Les signes physiques de la folie; par F. GRAHAM Caooxsuaw.
(The Journal of Mental Science, janvier 1900.)
L'auteur pense que les signes physiques de la folie sont à l'heure
actuelle trop négligés : on étudie beaucoup à la vérité les stigmates
de dégénérescence; mais ces stigmates sont les indices d'un vice
protoplasmique général et non des signes proprement dits de folie.
. REVUE-.DE pathologie : mentale. ' 135
Il est légitime de supposer, pourtant que les .activités, cellulaires
spéciales qui accompagnent les états d'aliénation .mentale,, doivent
retentir sur l'économie physique.
Après des considérations générales intéressantes, l'auteur tente
d'énumérer en les classant de son mieux, car ils-ne se prêtent pas à
une classification rigoureuse, les signes physiques de la folie. 1 ICI
.considère d'abord les nerfs crâniens et leur trajet du noyauta
l'écorce : nid. Perversions de l'odorat dans la folie avec délusions,
indiquant un trouble de fonction ou.un défaut d'association dans
les. centres les plus élevés, probablement dans le gyrus fornicatus.
Emoussement de l'odorat dans la démence. 2° Perversions de la
vue dans les mêmes formes de folie, rayant la 'même signification
que plus haut, mais relevant des circonvolutions marginales.
Hémianopsie dans les folies post-hémiplégiques et dans les folies
associées à de.grosses lésions unilatérales, indiquant une altération
des lobes occipitaux ou des tractus inférieurs. Affaiblissement
général de l'acuité visuelle, du sens des couleurs, etc., marqué sur-
tout chez les déments : insuffisance générale des tractus nerveux
de la vision. Cécité verbale et mentale dans les cas de démence' et
de manie : insuffisance des fonctions corticales autour des circonvo-
lutions marginales. 3° Paralysies et spasmes temporaires et réci-
divants : mydriase (unilatérale), ptosis; strabisme, myosis et rétrac-
.tion des paupières (supérieures); indiquant un trouble fonctionnel
' dans le troisième noyau ou l'un de ses éléments constituants, *-se
rencontrant souvent dans les manies. 4° Strabisme (oblique) quel-
quefois dans l'excitation maniaque. 5o Dans la démence émousse-
ment des processus sensoriaux qui se rattachent à la cinquième
paire. 6° Strabisme interne, fréquent dans la manie, ordinairement
dû à l'affaiblissement temporaire de l'un des droits externes : alté-
ration de la sixième paire ou d'une partie du noyau. 7° Spasme de
la face : asymétrie des muscles frontaux, indiquant des altérations
du septième noyau. 8° Hallucinations et délusions de l'ouïe : le plus
souvent défectuosité d'association ou autre des centres les plus
élevés; lobes temporo-sphénoïdaux. Même siège pour la^surdité
.générale, la surdité aux mots et l'aphasie amnésique, dans la
,manie chronique, la démence, etc. Nerf ph7,éizo-glosso pharyngé :
tremblement et déviation de la langue. Nerf spinal accessoire :
respiration creuse et lente ? sans variation émotionnelle, dans' la
.démence. Impossibilité d'expectorer (absence des réflexes laryngés
et palatins) dans la démence avancée. Système sympathique (gan-
glions cervicaux). Myosis paralytique : rougeur de la face, uni ou
bilatérale, sueurs unilatérales, dans diverses formes ' de' manie et
^spécialement chez les épileptiques.
Tractus sensoriels : on sait que dans la mélancolie, davantage
dans la manie,.et plus encore dans la démence, les sensations de
contact, de température, de douleur, sont émoussées : elles sont
136 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
abolies dans le coma. Les réflexes spinaux sont paresseux dans la
mélancolie, exagérés dans la manie par absence d'inhibition céré-
brale. ilioituemeiits : dans la mélancolie, difficulté d'imiter des mou-
vements nouveaux (altération des centres supérieurs); dans la
manie aiguë avancée, impossibilité d'exécuter des mouvements
complexes autres que ceux qui sont purement automatiques : dans
1n démence les mouvements se restreignent à quelques actes bien : anisés (volontaires). L'auteur étudie ensuite quelques états mus-
aires, puis il va au-devant de quelques objections et critiques.
R. de MUSGRAVE-CLAY.
I. Un cas de folie syphilitique; par R. D. HOTCRKIS, (The Journal
of Mental Science, avril 1900.)
lomme de cinquante-deux ans, carie étendue du tibia gauche,
*rée déjà sept fois : il reconnaît avoir eu il y a trente ans une
nnorrhagie, paraissant avoir été accompagnée de symptômes
'actéristiques de la syphilis : au point de vue mental, perte de
mémoire, incohérence, idées délirantes de forme soupçonneuse.
Hallucinations et illusions de la vue. Nouvelle opération sur le tibia
dont l'ablation presque totale est pratiquée; guérison sans com-
plication. An bout d'environ un an, amélioration de l'état mental;
le malade obtient sa sortie, et continue à se bien porter pendant
une année, au bout de laquelle il est frappé d'hémorragie cérébrale
avec hémiplégie droite, et réapparition des troubles mentaux : il
rentre à l'asile, en état d'hémiplégie droite, d'aphasie partielle, et
d'excitation maniaque.
La question du rôle étiologique de la syphilis dans la folie est
obscure et controversée : ce rôle d'ailleurs, en se rapprochant de
celui d'autres poisons, tels que l'alcool, prête facilement à la con-
fusion. Mais dans le cas actuel, en l'absence de toute hérédité
fâcheuse, mentale ou somatique, en l'absence de tout alcoolisme,
il semble bien que la syphilis ait joué un rôle prépondérant sinon
exclusif. La folie n'a pas eu ici le caractère des folies post-opéra-
toires ; et d'ailleurs l'opération, beaucoup plus grave que les précé-
dentes, subie pendant le séjour à l'asile, est restée sans retentisse-
ment aucun sur l'état mental; d'autre part l'hémorragie cérébrale
survenue un an plus tard, en nous révélant la dégénérescence des
vaisseaux, vient encore plaider en faveur de l'étiologie syphilitique.
On a décrit plusieurs formes de folie syphilitique ; celle-ci corres-
pondrait, mais non à tous égards cependant, à la folie avec délu-
sions que l'on rencontre à la période tertiaire de la maladie et dans
laquelle les délusions sont si variables que l'on ne peut guère leur
trouver qu'un caractère commun, qui se rencontrait précisément
ici, la manie soupçonneuse. R. de Musgrave-Clay.
- REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 137
IX. Sur la parole des épileptiques; par CAèIPBELL CLARK. (The
Journal of Mental Science, avril 1900.)
La faculté du langage chez les épileptiqnes n'a été que trop peu
et trop rarement étudiée. L'aphasie est considérée comme la plus
commune des altérations du langage chez les épileptiques, mais
le mot aphasie a actuellement une signification trop étendue, et '
conception qu'il éveille comprend certaines variétés qui ne se n
contrent pas dans l'épilepsie. Le mot dysphasie s'appliquer
mieux aux troubles épileptiques du langage : l'auteur admettra de
ce travail les trois catégories suivantes : 1° Aphémie ou impossi
lité de parler par suite d'une affection du centre de coordinati
des muscles producteurs du son articulé; 2° Amnésie ou perte
la mémoire des mots; 3° Agraphie ou impossibilité d'écrire.
L'auteur a pris soin de formuler lui-même les conclusions de
intéressant mémoire; nous les résumons ici :
Il est généralement admis que des troubles du langage d'une c
taine importance se rencontrent dans l'épilepsie, que ces troubles
sont analogues entre eux, et cependant divers suivant les sujets, et
que lorsque l'état mental normal se rétablit, après une de ces
explosions périodiques d'excitation mentale motrice qui caracté-
risent la folie épileptique, la faculté du langage reste diminuée.
11 est parfaitement établi,10 que pendant et après l'attaque, l'am-
nésie et la dysphasie sont bien accusées; 2° que lorsqu'il existe de
l'excitation émotive, ces deux états se modifient proportionnellement
à cette excitation; 3° que lorsque l'état mental habituel a reparu et
lorsque la tension nerveuse a disparu, le malade subit une réaction
qui agit sur la faculté du langage en abaissant l'énergie des centres
du mouvement et dela mémoire.
Ordinairement, les malades, bien qu'ils soient enclins sur ce
point à des dénégations, finissent par reconnaître eux-mêmes les
altérations de la parole qu'ils présentent. L'expression de leur
visage, pendant qu'on les examine sur ce point', montre suffisam-
ment l'inquiétude et le trouble que leur cause cet examen, et leurs
efforts pour ne pas faire de fautes en parlant sont manifestes. Le
tremblement est souvent plus marqué et la chute de la voix plus
accentuée quand le sujet est ému par la conscience d'une difficulté
de langage à surmonter. De même que l'on peut voir l'aphonie
hystérique résulter d'un trouble émotif, ainsi l'on peut trouver chez
l'épileptique un spasme respiratoire de même origine, et il faut tenir
grand compte de l'élément émotif dans les variations que le lan-
gage subit à des moments différents chez les épileptiques. En ce
qui touche l'amnésie chez ces malades, on remarque qu'elle dépend
en grande partie des sensations spéciales, des états émotifs parti-
culiers (bonheur, colère, etc.) et du degré suivant lequel la faculté
de se souvenir est stimulée ou inhibée. L'auteur a signalé dans son
',138 REVUE DE- PATHOLOGIE lIiENTALE.-
travail que le vocabulaire des épileptiques est ordinairement plus
ou moins limité, ce qui est probablement dû à. une insuffisance
de la mémoire qui retient plutôt que de la mémoire qui reproduit.
L'aphémie est rare, et quand elle : existe,- elle est temporaire et
se montre ordinairement avant et après l'accès Le mot' dysphasie
s'applique mieux aux troubles épileptiques de la parole. On peut
'admettre d'une façon générale, qu'il y a ordinairement un abais-
sement de l'énergie d'émission des. mécanismes vocaux et respira-
toiles, par suite .d'une innervation défectueuse, en même temps
qu'une absence de coordination synchronique. Le tremblement des
muscles de la face, et'spécialement des lèvres, la trémulation de la
voix révèlent l'instabilité de l'innervation. L'auteur ne fait que
mentionner la bradylalie et l'éclaolulie. Quant à l'agraphie elle n'a
pas été constatée, mais chez les malades sachant écrire, et à qui
. l'on a demandé leur signature, on a constaté dans l'écriture un
tremblement quelquefois continu, mais le plus souvent interrompu,
qui suggérait naturellement l'idée d'alcoolisme. ' IL de M.
X. Sur les maladies corporelles considérées comme cause et
. comme complication delà folie ; par G.-J. CONFOIID. (The Journal
of Mental Science, avril 1900.)
L'auteur étudie successivement les maladies de l'appareil vas-
culaire, de l'appareil respiratoire, la phtisie, les affections du
tube digestif, la glycosurie, et il montre l'importance des influences
modificatrices réciproques des maladies organiques et des mala-
dies mentales.
Il montre que les lésions anatomiquesqui entravent la nutrition
régulière des divers organes, arrivent par là à surmener les centres
nerveux régulateurs de l'activité organique, et peuvent ainsi
devenir le point de départ d'une défectuosité mentale qui ne
s'éteindra qu'avec le groupe familial dans lequel elle a pris nais-
sance. On ne peut évidemment déterminer qu'avec une grande
incertitude la mesure dans laquelle les symptômes mentaux chez
un sujet donné dépendent d'une maladie organique, mais il est
probable que celle-ci n'existe jamais sans être accompagnée d'un
contre-coup psychique, variable suivant la susceptibilité du sujet.
R. DE uIUSGRAVE-CL.1YE.
s
- XI. Sur l'état mental' d'Auguste Comte; par William-W. IRELAND,
' (7'/te</otfr/ : «o ? f;K<f(/e ! eHce, janvier 1900.)
M. W. Ireland, qui, si nous avons bonne, mémoire, est coutu-
mier de ces curieuses études de psychologie et de psychiatrie
rétrospectives, consacre aujourd'hui (après le Dr< G. Dumas, dans
la Revue Philosophique), un ac ticle intéressant à l'état mental
d'Auguste Comte. Il résume tout d'abord la vie singulière du grand
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 139'
philosophe, et nous le montre faisant à vingt-quatre ans, le plan
de ce grandiose système de philosophie qui embrassera, en les
.hiérarchisant selon l'ordre naturel, toutes les connaissauces hu-
maines. linons raconte son mariage- avec une femme dont le
caractère, peut-être la conduite, le rendirent peu heureux, que
Littré a toujours défendue, mais qui paraît bien avoir trompé le
philosophe : d'ailleurs ce mariage, purement civil, conformément
aux opinions d'Auguste Comte lui créa des difficultés pénibles avec
sa famille. En 1826, il commence des cours publics, donne pour
gagner sa vie des leçons de mathématiques ; mais sa vie intellec-
tuelle est interrompue par une attaque d'aliénation mentale, pour
laquelle il est enfermé pendant sept mois chez Esquirol. Puis sa
femme le reprend, sans qu'il soit guéri, puisqu'il essaie de se jeter
dans la Seine; il fait, malgré lui et sur les instances de sa mère,
régulariser religieusement son mariage, et sur le registre, ajoute
à son nom ceux de l3rutus Bonaparte, et malgré tout cela, finit
par guérir, en 1828, à l'âge de trente ans, assez complètement
pour que quatre ans plus tard il soit nommé à l'élection examina-
teur de mathématiques à l'Ecole Polytechnique, fonction pour
laquelle il était parfaitement qualifié, mais qu'il n'accepte que
comme un gagne-pain pour pouvoir travailler librement à son Sys-
tème de Philosophie positive. Littré nous a donné des renseigne-
ments intéressants sur sa méthode de travail, qui ne le conduisit
pas toujours à la clarté, si bien que beaucoup des adeptes de sa
doctrine préfèrent la chercher dans les oeuvres de ses vulgarisa-
teurs. Lorsque, en 1842, il perdit sa place d'examinateur, il fut
mis à l'abri 'de la misère par l'intervention de Stuart qui
obtint de trois de ses amis, l'historien Grote, sir William Moles-
worth et M. Raikes Currie de contribuer à lui fournir l'équivalent
du salaire qu'il avait perdu. Comte trouva ce subside tout naturel,
et continua de le trouver tel, car il fut toujours pécuniairement
aidé par ses disciples : il avait en effet un sentiment très élevé de
sa propre valeur, se trouvait à peine flatté d'être comparé à
Bacon, et se considérait comme au moins égal, sinon supérieur, à
Descartes et à Leibnitz, opinion dans laquelle il était d'ailleurs
soutenu par Stuart Mill et Littré. Il trouvait en somme légitime
que, d'une manière ou'd'une autre, indifférente en soi, mais né-
cessaire et continue, on veillât aux besoins d'un homme qui travail-
lait pour l'humanité. A diverses reprises, il fut menacé de récidive
des troubles mentaux dont il avait été atteint; il essayait d'en pré-
venir le retour, et il parait y avoir réussi, par une hygiène judi-
cieuse et sévère. .
En 1842, il se sépara complètement de sa femme, avec qui la vie
, parait être devenue impossible, au moins pour l'homme qu'il était,
et c'est deux ans après que l'on voit'entrer dans sa vie Clotilde de
Vaux, avec laquelle il eut une liaison, qui resta platonique malgré
140 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
lui, peut-être par une série de fausses manoeuvres et de malen-
tendus, s'il faut en croire les renseignements que nous donne le
Dr Dumas. Cette liaison morale dura deux ans, entre cette
femme qui ne parait pas avoir été une créature supérieure et cet
homme, qui, lui, était supérieur, mais qui ne connaissait guère le
coeur des femmes, 'et Clotilde de Vaux mourut phtisique dans les
bras du philosophe. Bien que le plan de son grand ouvrage ait été
conçu bien avant qu'il connût Clotilde, il semble que sa passion
pour elle ait modifié à divers égards le caractère de ses spécula-
tions philosophiques.
Auguste Comte n'était pas un esprit universel, car nul homme
ne peut être maître de toutes les sciences : en biologie, il est
faible ; en psychologie, il manque de profondeur ; il a voulu réor-
ganiser la société sans connaître la nature humaine : il essayait
de préparer le salut des hommes sans vouloir consentir à tâter le
pouls au monde, Il attachait de l'importance à de minuscules rè-
gles de vie, et n'avait pas le sens du ridicule ; il a imaginé des
prières et un rituel compliqué sans Dieu.
C'est surtout lorsqu'il mourut, d'un cancer, en 1857, que la
question de son état mental fut soulevée à propos de son testament
dont 111 ? Comte poursuivit l'annulation devant les tribunaux pour
cause de folie : on se basa en partie sur un orgueil qui, après tout
n'était pas sans fondement, et qu'on essaya de faire passer pour
de la mégalomanie dont il n'avait pas les caractères. Un de ses
disciples a publié un certificat signé de sept médecins qui décla-
rent l'avoir connu de 1850 à 1857 et « n'avoir jamais constaté chez
lui, ni dans sa conversation, ni dans ses actions ni dans ses écrits,
la moindre trace de trouble intellectuel ou moral- ou d'aliénation
mentale ; que bien au contraire ils ont été frappés, jusqu'aux der-
niers moments de sa vie, de sa parfaite lucidité, de sa mémoire
étendue et bien équilibrée; de son jugement sain, de sa raison
correcte, de sa calme fermeté, de son énergique persévérance et
enfin de son très généreux désintéressement, toutes qualités aussi
contraires que possible à l'idée de la folie ». v.
Le tribunal en 1870 refusa d'admettre l'aliénation mentale et
valida le testament. « Sans mettre en doute la justice de la décision
du tribunal, dit, en terminant M. Ireland, on peut dire que, du-
rant les dernières années de sa vie, la belle intelligence d'Auguste
Comte a été troublée d'une manière notable. Même de chauds
admirateurs, comme J. Stuart Mill et Littré pleurent en lui la
décadence d'un grand génie. Suivant l'expression du Dr Dumas,
après son attaque de manie de 1 826, ilcôtoya la folie ; et si par son
système d'hygiène et par son régime mental, il réussit à éviter
une nouvelle attaque, il resta sujet à des crises nerveuses intenses
et demeura, pour le reste de sa vie un « névropathe. »
. R. DE Ï11USGRAYE CLAY.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
XVI. Relation entre la névralgie du trijumeau et la migraine ;
par J.-J. Putnam. (jours. of Nerv. and Ment. Desease,. Mars 1900).
La différence entre migraines et névralgies n'est pas toujours
bien marquée.
Certaines névralgies et plus particulièrement lanévralgie sus-or-
bitaire récidivante diffère beaucoup des névralgies siégeant sur les
autres branches du trijumeau, et présenle au contraire des res-
semblances avec la migraine.
Plusieurs observations ont été présentées dans un travail du
même auteur publié dans le Boston Med. and. Surg. Jr. en 1896.
Il vient d'en observer un nouveau cas. Il s'agit d'un jeune homme
de 19 ans atteint de névralgie opthalmique de forme typique, sur-
venue à la suite d'un coryza, et se reproduisant pendant plusieurs
jours à 9 heures du matin pour disparaître à 2 heures de l'après-
midi. Elle s'accompagnait de brouillard dans la vue, d'hémia-
nopsie temporale, et de nausées.
Plaident encore en faveur de l'analogie entre la migraine et
la névralgie ophtalmique certains faits comme les suivants : la
névralgie ophtalmique survient assez souvent chez des individus
ou dans des familles migraineuses ; la migraine du premier âge
peut se transformer dans la suite en névralgie ophtalmique ;
rarement enfin on voit les névralgies des autres branches de la V°
paire présenter des caractères migraineux.
Pour toutes ces raisons, J. Putnam pense que dans certaines
névralgies, mais surtout dans la névralgie sus-orbitaire, il existe
des symptômes qui indiquent une atteinte portée aux centres ner-
veux, ou tout au moins la prise en commun des centres et des
troncs nerveux. La névralgie sus-orbitaire récidivante, corrobore
cette manière de voir en nous montrant l'existence de formesinter-
médiaires pour lesquelles il est difficile de dire s'il s'agit d'une
névralgie ophtalmique ou d'une migraine. P.
XVII. Lésions de chiasma optique, avec la relation de trois cas
cliniques ; par William M. LESZYNSKY, (Jot/1'Il. of Nerv. and Ment.
Desease, Mars 1900).
Après la relation de trois observations cliniques W. Leszynsky
142 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
passe en revue quelques-unes des statistiques faites sur les lésions
du chiasma optique. Il en conclut que les lésions du chiasma
peuvent se subdiviser en quatres classes : 1° celles qui sont asso-
ciées à des tumeurs intra-craniennes dont elles s'adjoignent la
symptomatologie ; 2° celles qui sont consécutives à une augmen-
tation de volume de l'hypophyse, comme dans l'acromégalie ;
3° celles qui surviennent dans la méningite syphilitique de la
base ; 4° celles qui ont pour cause un processus pathologique
circonscrit, qui produit graduellement une atrophie complète des
deux nerfs optiques sans symptômes cérébraux concomittants.
Dans les cas appartenant à la 4° classe où il n'y a pas de papil-
lite évidente, il semblerait que les éléments constitutifs du nerl
sont le siège d'une dégénération lente due à une pression graduelle
et persistante, oblitérant sa conductibilité ; et cela est probable-
ment le résultat d'un processus inflammatoire local adjacent.
' Sans nécropsie, le diagnostic de la nature des lésions primitives
ne saurait être qu'hypothétique; quant au pronostic, quelle que
soit la cause, il est toujours fatal pour la vision. Il y a destruction
progressive et permanente des deux nerfs optiques.
XVIII. Automatisme ambulatoire épileptique ; par D. J. Me CARa-nY,
(Journal of Neruous and mental Besease, Mars 1900.)
L'automatisme ambulatoire est un syndrome qu'on rencontre
assez fréquemment dans l'épilepsie, quelquefois dans la neuras-
thénie et rarement chez les alcooliques, les dégénérés, etc.. Le
diagnostic étiologique est souvent difficile.
Dans l'automatisme hystérique l'attaque est rarement ou même
jamais, de courte durée. Elle dure d'ordinaire des heures, des jours
ou même des semaines. On constate en général des stigmates
d'hystérie, mais les troubles sensitifs dus à l'hystérie peuvent se
rencontrer chez les épileptiques. L'automatisme alterne avec, ou
peut être immédiatement suivi par; uue convulsion hystérique. Le
malade peut se rappelercequi s'est passé durant son attaque, ou s'il
y a amnésie, il est possible de retrouver l'histoire complète de
l'attaque par l'hypnotisme. Ce dernier caraclère a une importance
à la fois clinique et médico-légale. L'automatisme de la neuras-
thénie diffère de celui de l'hystérie, en ce que le malade a cons-
cience de ce qu'il fait, mais poussé par le désir de marcher d'une
place à une autre, il est incapable avec sa volonté affaiblie et son
indécision de résister à cette impulsion morbide.
Dans le cas présenté par l'auteur, le diagnostic d'automatisme
ambulatoire repose sur les faits suivants : commémoratifs de con-
vulsions avec perte de connaissance dans le premier âge, la réap-
parition de troubles psychiques à la puberté, la déviation conju-
guée des yeux dans l'une au moins des attaques; l'inconscience
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.' 143 *
absolue, la courte durée des périodes ambulatoires et enfin l'ab--
sence de manifestations hystériques. l'OULARD,
XIX. Cas anormal ' de paralysie saturnine, suivi d'autopsie par" w
Dr B." "' 0,NLJF. (Tlte Journal o' ' Nel'vous and mental Desease,
Alarch 1900.)
L'intoxication saturnine : donna lieu à une paralysie ' flaccide
complète des deux extrémités inférieures avec absence des deux.
réflexes patellaires, et une sensibilité marquée des troncs nerveux
et des muscles deces deux membres. En même temps, il y avait para-
lysie des muscles fléchisseurs du bras gauche et des extenseurs
des doigts. Mort par congestion pulmonaire au cours de ces
accidents, dans un accès de dyspnée. A l'autopsie, les extenseurs
et les fléchisseurs du bras droit étaient altérés, ainsi que les mus-
cles péroniers et les fléchisseurs de la cuisse.
L'examen. microscopique delà moelle montra des lésions sem-
blables à celles de la. poliomyélite des'cornes antérieures. Les-
parties examinées étaient la 2e et la 5c lombaires. 11 y avait une-
- énorme infiltration des parois des vaisseaux par des cellules ron-
des : Les cornes antérieures étaient très- nettement affectées,
mais les racines postérieures de la région' lombaire étaient nor-
males. Le nerf plantaire présentait une augmentation de tissu
coojunctif et de l'endartérite oblitérante. P.
XX. Deux cas de tumeur comprimant la queue de cheval ; abla-
tion ; guérison, par le D1' B. Sacrrs. (1'heJoum. of' NervotlS and
l11entai Desease.)
Deux fois le diagnostic de tumeur de la queue de cheval fut posé,
deux fois il y eut intervention chirurgicale suivie de guérison au^.
moins momentanée. Dans ces deux cas on nota les particularités
cliniques et anatomiques suivantes :
Premier cas. Malade de 5G ans, venu à l'hôpital avec le dia-
gnostic de névralgie : Douleur dans les' extrémités inférieures
depuis 18 mois ; spasmes musculaires ; cachexie* marquée. La~
douleuriavail le caractère névralgique et irradiait de la. région,
lombaire, le long de la face postérieure de la cuisse jusqu'au talon ? )
Colonne vertébrale sensible au niveau de la 2" vertèbie lombaire.;
En ce point la pression était douloureuse. Diminution appréciable.'
de la sensibilité au contact, à la douleur, à la température dans.
' la partie supérieure et interne de la cuisse' droite. Réflexe rotu-
lieu droit fait défaut. Réflexes rectal et vésical normaux. En rai-
son idu peu de symétrie des symptômes, l'auteur pense que le ,
néoplasme est probablement extra-dural. -
L'opération fit trouver une tumeur, du volume d'une petite cerise..
144 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
adhérente à la dure-mère et à l'os ; au point de vue histologique
c'était un sarcome alvéolaire.
Deuxième cas. Homme de 39 ans, venu à l'hôpital avec le
diagnostic d'ataxie locomotrice. Cyphose marquée au niveau de la
120 dorsale et des .trois premières lombaires. Point douloureux
localisé entre la 3° et 4° vertèbres lombaires. Réflexes rectal et
vésical intacts. Pas de symptômes ataxiques sérieux, mais parésie
marquée des extrémitées inférieures. Troubles sensitifs d'un seul
côté, dénotant une tumeur de la partie tout inférieure de la
colonne spinale. A l'opération : masse gélatineuse envahissant le
corps de la 3e vertèbre lombaire, s'étendant seulement jusqu'au
bord inférieur de la 2° vertèbre, et qui évidnmment avait com-
primé la queue du cheval. Histologiquement, c'était un sarcome à
petites cellules.
Réflexions. Dr B. Sachs, pour poser le diagnostic du siège au
niveau de la queue de cheval s'est basé sur la distribution bila-
térale de la douleur, l'absence de troubles rectaux et vésicaux. Le
point sensible de la colonne a été dans les deux cas un guide de
valeur. Il y a peu de maladies spinales chroniques qui suivent la
marche lente de ces tumeurs spinales. Une laminectomie explora-
trice, bien faite, est sans inconvénient, particulièrement dans les
régions lombaires ou dorsale. P.
XXI. Relations entre la migraine et l'épilepsie; par le docteur
William G. SrItLEa. (Journal of nervous and Mental Desease,
février 1900.)
Les formes graves de migraine complexe peuvent être regardées,
si on veut, comme « associées » à l'épilepsie, mais quand l'épi-
lepsie survient au cours d'une migraine, il faut reconnaître qu'il y
a probablement une certaine connection entre les deux affections,
et que ce n'est pas simplement une réunion fortuite de deux affec-
tions chez la même personne. -Le fait important c'est, qu'une per-
sonne qui a une forme complexe de migraine, avec aphasie
temporaire, paralysie et paresthésie, peut un jour avoir des
attaques convulsives jacksonniennes. L'auteur donne, de ce fait,
deux observations personnelles. Avant de déterminer si, dans ces
conditions, il s'agit d'épilepsie « associée » à la migraine, ou bien'
si le tout doit être considéré comme une manifestation épilep-
tique, il faudra connaître mieux la pathologie de ces deux
affections.
Il peut se faire que la migraine complexe et l'épilepsie aient la
même cause dans quelques cas, et il se peut également que la
migraine modifie la structure du cerveau et le prépare au mal
épileptique. Dans beaucoup de cas d'épilepsie on retrouve la
migraine dans l'histoire des ascendants. P.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 145
XXII. Paralysie de Landry; par Philip COOMBS KNAPP et John Jenks
Thomas. (Journal of Ne¡'vous and Mental Desease, février 1900.)
Il s'agit de trois nouveaux cas de paralysie de Landry dont un
avec autopsie. ·
Résumé du premier cas : Une jeune femme bien portante est
subitement prise de faiblesse et plus tard de paralysie des
membres inférieurs, s'étendant aux bras, aux yeux, à la gorge,
avec une certaine atteinte des sphincters, de légers troubles de la
sensibilité (douleur, sensibilité exagérée et paresthésie), perte des
réflexes et diminution de la réation faradique; mort au bout de
quinze jours.
L'autopsie montra la dégénération des cellules nerveuses des
cornes antérieures, la dégénération des racines nerveuses anté-
rieures et postérieures et la dégénération des principaux nerfs
périphériques, avec dilatation des vaisseaux sanguins dans la
moelle et autour d'elle. Méthodes d'examen employées : Carmin,
Weigert, Nisol, Marchi., / ·
Résumé du deuxième cas : Homme bien portant subitement
pris de faiblesse des jambes, puis de paralysie complète s'étendant
aux muscles abdominaux, aux bras et au côté gauche de la face,
avec perte des réflexes, atteinte des sphincters, et hypoalgésie sans
hyperesthésie. Plus tard, il y eut une atrophie musculaire mar-
quée, et la guérison se fit incomplète.
Résumé du troisième cas : Homme bien portant, jeune, est
subitement pris de faiblesse dans les jambes, augmentant jusqu'à
la paralysie complète et s'étendant aux muscles abdominaux et
respiratoires, aux muscles de la face, à ceux de la mastication et
de la déglutition. Réflexes perdus. Pas de troubles marqués de la
sensibilité. Il y eut plus tard de l'atrophie musculaire avec
guérison complete.
Discussion : Ces trois cas présentent trois terminaisons diffé-
rentes de la paralysie de Landry, et en même temps invitent à
quelques remarques sur les caractères cliniques delà maladie. Les
lésions pathologiques montrent une connection serrée entre cette
affection d'une part, la névrite multiple et la poliomyélite aiguë
d'autre part. Au point de vue pathologique, elle est ces deux
choses; au point de vue clinique, elle diffère du type habituel de
l'une et l'autre de ces deux affections. La marche de la poliomyé-
lite antérieure habituelle est tout à fait différente; commençant,
comme la maladie de Landry peut elle-même le faire, par des
signes d'une affection fébrile aiguë, elle affecte un nombre consi-
dérable de muscles du même coup et n'a pas l'allure progressive;
les muscles abdominaux et respiratoires et ceux qui sont sous la
dépendance des nerfs craniens sont rarement atteints et les
Arcuives, 26 série, t. XII. 10
146 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
sphincters demeurent intacts. Les troubles sensitifs, sauf des
sensations douloureuses, font défaut. Dans la névrite, les troubles
sensitifs sont plus marqués. Le mal est moins souvent progressif
et les nerfs crâniens sont d'ordinaire épargnés. Dans aucune de
ces deux affections -nous ne notons la marche nettement progres-
sive de la maladie de Landry, partant des pieds et remontant
jusqu'aux nerfs crâniens. '
Bien que la substance toxique qui produit la paralysie de Landry
soit, comme le plomb, élective, et se localise de préférence sur le
neurone moteur, il faut se souvenir que des troubles sensitifs,
consistant en une anesthésie des pieds et des extrémités des
doigts, existaient dans le cas original de Landry. Les troubles
sensitifs sont beaucoup moins marqués, mais ils ne sont pas très
rares et la présence de dégénération des racines nerveuses posté-
rieures, dans un de nos cas, en donne une explication partielle. La
névrite qui existe si souvent peut affecter les fibres sensitives
comme les motrices, bien qu'il y ait prédominance sur les libres
motrices. Le trouble des sphincters noté dans deux des cas, n'est
pas habituel, mais il peut être expliqué en- partie par la faiblesse
des muscles abdominaux qui empêchaient tout effort effectif.
Ces caractères se sont vus, bien que rarement, dans des cas de
paralysie de Landry. Dans les deux cas qui guérirent il y eut une
atrophie musculaire considérable et dans le cas fatal, une dimi-
nution dans la réaction des muscles au faradisme. Un des carac-
tères les plus frappants de la paralysie de Landry, qui fut donné
par Landry lui-même et confirmé- depuis par la majorité des
auteurs, est l'existence de paralysie complète sans atrophie mus-
culaire et sans changements dans les réactions électriques.
Westphal, en 48 îfi, définissant la paralysie de Landry, disait
qu'elle était caractérisée par sa marche ascendante progressive
avec terminaison fatale, par le fait que les muscles paralysés
conservaient intacte leur excitabilité électrique et par les résul-
tats négatifs de l'autopsie. La marche ascendante progressive est
essentielle; mais, comme le montrent deux de nos cas, la termi-
naison n'est pas inévitablement fatale et les résultats de l'au-
topsie ne sont pas négatifs. La question de l'atrophie et des
modifications électriques restent à élucider. Depuis qu'il est établi
que les lésions anatomiques dans la paralysie de Landry sont une
dégénération des neurones moteurs périphériques, nous devons
admettre a priori, si les notions modernes touchant la symplo-
matologie des affections nerveuses sont justes, qu'il doit résulter
de ces lésions une atrophie musculaire et une modification dans
les réactions électriques. Cependant l'atrophie musculaire et les
modifications électriques demandent un certain temps pour se
développer, et dans la paralysie de Landry la mort peut survenir
avant que ses symptômes soient devenus appréciables. Les mé-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 147
thodes ordinaires ne nous permettent pas de distinguer facilement
de légers changements dans les réactions électriques. L'atrophie
musculaire et les modifications électriques se rencontrèrent
d'ailleurs dans un bon nombre de cas, et plus particulièrement
dans ceux dont la terminaison ne fut point fatale. Il.est plus aisé
de croire que de légères modifications électriques sont passées
inaperçues que d'admettre qu'une dégénération prononcée des
neurones moteurs périphériques puisse exister sans modifications
électriques. Dans les cas graves qui guérissent, l'atrophie et les
modifications électriques doivent être recherchées, mais dans
beaucoup de cas la mort survient avant que l'atrophie atteigne
un degré appréciable. Poulard.
CI 1
XXIII. Traumatismes de la région cervicale simulant la syringo-
myélie ; par James Hendrie Lloyd. (Journ. of Nerv. and Mental
Desease, février 1900.)
Premier cas. Le malade, vu plusieurs années après sa
fracture de la colonne cervicale, présentait avec une ressemi
blance très marquée, les symptômes de la synngomyélie, atrophie
et paralysie des muscles de l'épaule, avec des contractions fibril-
laires, et une paraplégie spasmodique sans atrophie des muscles
de la jambe, et sans aucun trouble vésical ou rectal. La dissocia-
tion des sensibilités était bien marquée. Il y avait conservation de
la sensibilité tactile, avec perte de la sensibilité à la chaleur, au
froid et à la douleur; et, ce qui est plus remarquable, cette disso-
ciation sensitive était unilatérale. La paralysie revêtait le type
hémiplégique, et le symptôme de dissociation sensitive était
entièrement limité au côté opposé à celui de la paralysie. C'était
le syndrome Brown-Séquard, modifié cependant par l'absence de
daneothésie tactile.
Autopsie. Les lésions étaient unilatérales et intéressaient une
moitié de la moelle presque tout entière. Mais à côté des autres
régions fortement prises, le cordon postérieur, peu intéressé,,
jouissait d'uue immunité relative. - L'hémiplégie existait du côté
de la lésion, la^dissociation sensitive du côté opposé. .
Deuxième cas. Comme le précédent ce malade examiné dix.
ans après son traumatisme, présentait des symptômes analogues.
à ceux de la syringomyélie. Atrophie avancée des muscles des;
deux épaules, comprenant le deltoïde, le grand pectoral, les sus
et sous-épineux, et la partie inférieure du trapèze ; les muscles
des bras,- des avant-bras et presque tous ceux des mains étaient
également pris. Contractions fibrillaires marquées dans certains
muscles atteints.Irritabilité musculaire beaucoup augmentée. Bras
complètement ou presque complètement paralysés. Diminution de
l'excitabilité aux courants électriques dans la plupart des muscles.
148 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
atteints, tandis qu'on constatait une hyperexcitabilité pour les
autres. Pas de chute de la tête. Jambes parétiques et contractu-
rées. Exagération du réflxe rotulien. Trépidation épileptoïde. Pas
d'atrophie musculaire aux membres inférieurs, pas de lésions
trophiques ; pas de symptômes bulbaires ; rien du côté de la
vessie.
Symptômes sensitifs : Douleur névralgique au niveau du cou et
de l'occiput. Sensibilité tactile partout conservée. Thermoanes-
thésie, ou mieux, anesthésie au froid, dans la moitié droite du
corps.Le malade distinguait mieux le chaud que le froid, et tou-
jours appelait le froid, chaud. Analgésie marquée dans certains
points decette zone, mais ne s'étendant pas parallèlement à l'anes-
thésie au froid. ,
Autopsie. La moelle dans la région correspondant à la frac-
ture était déformée et un peu aplatie. A l'examen microscopique,
on constata une déformation et une dégénération étendue. La
substance grise est plus particulièrement atteinte. Les cornes pos-
térieures le sont moins cependant que les antérieures. La subs-
tance blanche est également très dégénérée. Les lésions portent
plus spécialement sur les cordons antéro-latéraux ; par consé-
quent les faisceaux pyramidaux latéraux, les cérébelleux directs,
les fondamenteux antéro-latéraux, et les faisceaux de Gowers, des
deux côtés, sont profondément atteints. Par contre les cordons
postérieurs sont intacts et les faisceaux pyramidaux directs ne
sont que peu altérés.
Au-dessous de la région cervicale, on trouve dans les cordons
post érieurs une sclérose légère et très limitée,sans importance, etil il
n'en reste pas moins vrai qu'à côté des lésions constatées dans le reste
de la moelle, celles des cordons postérieurs sont insignifiantes.
Discussion. La comparaison des faits cliniques avec les
recherches anatomiques, permet quelques considérations :
Dans le second cas il y a une destruction de la substance grise,
et des faisceaux cérébelleux directs et des faisceaux de Gowers
tandis que les cordons postérieurs sont relativement intacts. Cette
intégrité des cordons postérieurs est probablement suffisante pour
expliquer la conservation de la sensibilité tactile. Ainsi se trouve
confirmée, dans ce cas comme dans le premier, l'opinion suivant
laquelle les fibres préposées à la conduction du chaud, du froid
et de la douleur suivent la substance grise dans les faisceaux de
Gowers ; tandis que, la sensibilité tactile est transmise par les
fibres des cordons postérieurs.Il n'y a aucune cavité dans la moelle,
mais le siège des lésions dans la substance grise est en'réalité le
même que dans la plupart des cas de syringomyélie. Cette déduc-
tion est d'accord en partie au moins, avec celle d'observateurs de
la plus haute compétence. (Van Gehuchten, Brissaud, Déjerine,
Edinger.)
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 149
Van Gehuchten a résumé nos connaissances, sur ce point, de
la façon suivante : Les fibres des cordons postérieurs, provenant
des neurones des gauglions postérieurs servent à la conduction de
la sensibilité tactile ; ces fibres sont directes c'est-à-dire non croi-
sées et se terminent dans les noyaux des cordons postérieurs,
autrement dit les noyaux grêles et cunéiformes. D'autre part, les
impressions de froid, de chaud, de douleur sont transmises par
l'intermédiaire de la substance grise, au moyen d'un second ordre
de neurones, dont les corps cellulaires sont situés dans les cornes
postérieures et dont les névraxes croisent la ligne médiane -et
remontent vers l'encéphale en suivant les cordons de Gowers.
Van Gehuchten regarde les lésions de la syringomyélie comme
démontrant cette marche des divers faisceaux sensitifs.Dans notre
premier cas, cette disposition était clairement mise en évidence
par le l'ait que la lésion était presque entièrement unilatérale, et
que la thermo-anesthésie siégeait du côté opposé à la lésion, tandis
que l'anesthésie tactile et l'hémiplégie étaient du même côté que la
lésion.
Dans le second cas, la lésion n'est pas unilatérale, bien que la
thermo-anesthésie soit confinée à un seul côté - condition qui
peut s'expliquer par le fait que l'étude clinique fut faite quelques
années avant la mort, et, dans ce cas, une dégénération progres-
sive peut bien, dans cet espace de temps, avoir enveloppé la subs-
tance grise des deux côtés.
Dans la troi-ième édition de son livre Van Gehuchten, résumant
nos connaissances sur le trajet des fibres sensitives dans la
moelle, conclut que les impressions de douleur, de chaud et
de froid sont transmises par les faisceaux de Gowers. Comme
ces faisceaux sont formés en grande partie de fibres provenant
des cellules nerveuses de la substance grise du côte opposé, cette
conclusion est d'accord avec les faits pathologiques du premier
cas surtout. Dans le second, la lésion de la substance grise n'est
pas suffisamment unilatérale pour autoriser cette déduction, mais
le cas prouve du moins que ces modes de sensation ne sont pas
transmis par les cordons postérieurs.
Van Gehuchten, tend à adopter les résultats des expériences de
Langendorff, lesquelles semblent prouver que les cordons posté-
rieurs ne transmettent pas les impressions tactiles, mais que ces
impressions doivent aussi passer par la substance grise, et attein-
dre l'encéphale par les faisceaux cérébelleux directs. L'auteur
pense que cette conclusion, contraire à l'expérience clinique, n'est
pas suffisamment établie par les expériences de Lagendorff. Il
vaut mieux encore regarder les cordons postérieurs comme la voie
des sensations tactiles. ' Poulard.
150 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
XXIV. Un cas d'amaurose hystérique monoculaire chez une jeune
fille de onze ans ; par C. A. VEASEY. (J02lTn. of 1'erv. and. Ment.
Diseuse, août '1900.)
Elle survint chez une petite fille de onze ans. Quelques semaines
avant l'attaque de cécité elle se plaignit de douleurs sus-orbitaires
et rétro-oculaires du côté gauche. Un matin elle se leva disant
qu'elle ne voyait plus rien de l'oeil gauche. Plusieurs jours après
elle fut examinée. V (OD)= 6 V (OG) = Nulle. Elle ne peut pas
'distinguer une lumière concentrée. Aucun signe extérieur d'affec-
tion oculaire. Aucune douleur. Pas de lésions ophtalmoscopiques
du fond de l'oeil. Réaction pupillaire normale. Un certain degré
d'anesthésie Je la cornée et de laconjonctive avoisinante. L'épreuve
de Harlan fut employée, et la malade put lire facilement avec
l'oeil soi-disant « aveugle », les caractères correspondant à une
acuité visuelle de . Rétrécissement marqué du champ visuel pour
les couleurs dans les deux yeux, avec inversion complète des
champs visuels pour le rouge et le bleu. Même pendant la men-
suration du champ visuel l'enfant ne parut pas s'apercevoir qu'elle
voyait avec l'oeil gauche,bien que le droit nécessaire ment, fût couvert.
Il n'y avait pas de zones d'anesthésie de la face, si ce n'est sur la
cornée et la conjonctive. La sensibilité sur le reste du corps ne
fut pas explorée. -
La malade partit avec l'assurance que son mal guérirait très
vite. Le lendemain, la vision rétablie la veille, persistait. Quelques
jours plus tard la vision restait normale dans les deux yeux, il
n'y avait plus d'anesthésie cornéenne et conjonctivale, mais les
champs visuels étaient encore quelque peu contractés et inversés.
On pourrait dire que l'enfant simulait, mais son âge, sa bonne
disposition d'esprit, l'existence d'une anesthésie cornéenne et
conjonctivale, l'inversion des champs visuels pour les couleurs,et
ce fait qu'aucun effort ne fut fait pour dissimuler la vision après
son rétablissement, ne permettent pas d'avoir cette opinion.
, P.
XXV. Une forme de névrite subaiguë par compression; par Th. -IL
KELLOGG. (Jour, of 11'crv. and Ment. Disease, nov. 1900.)
Définition. Névrite subaiguë par compression des branches
du plexus brachial, consistant plus spécialement en troubles
sensitifs et moteurs dans la région de distribution du nerf cubital.
Etiologie. La cause immédiate est la compression des nerfs
intéressés bien que des états autotoxiques et diathésiques puissent
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 151
-agir comme causes prédisposantes. Cette affection se rencontre
souvent chez les déments auxquels on met des camisoles de force
et chez les personnes qui portent des habits aux manches trop
étroites (« the coat sleeve arm »). On la qualifie souvent de
rhumatismale ou névralgique, mais l'amélioration ne survient
qu'après découverte et éloignement de la cause mécanique; ce
sont des exemples de névrite subaiguë par compression. La
.paralysie brachiale des nouveau-nés, la paralysie musculo-spinale
des buveurs, la paralysie des porteurs de béquilles sont des
affections analogues bien que souvent plus sévères.
Symptômes. Suivant l'intensité de la compression, le début
est soudain ou graduel; le summum de paralysie est atteint en un
jour ou après des semaines. D'abord, engourdissement dans le
petit doigt et l'annulaire, avec picotement et fourmillement. Puis
paresthésie de toutes les parties de la zone de distribution cubi-
tale. Douleur considérable ou insignifiante. Enfin une anesthésie
bien marquée peut survenir, avec vaso-constriction dans les
doigts, ensemble qui ressemble au phénomène du « doigt mort ».
Quelquefois, sensibilité sur le trajet du nerf cubital, mais sans
points sensitifs au poignet et au coude comme dans la névralgie
cubitale.
Dans les cas plus sévères, la motilité est atteinte ; il y a diffi-
culté dans l'adduction et l'abduction, ainsi que dans la flexion
des quatrième et cinquième doigts. Dans les cas très sévères les
nerfs musculo-spinal et médian peuvent être pris, ce que l'auteur
n'a pas personnellement observé. «
Marche clinique. Durée de quelques semaines ou même des
mois, quand la cause n'est pas éloignée. Récidives faciles sous la
même influence mécanique.
Traitement. Avant tout, l'éloignement de la cause mécanique.
P.
XXVI. Etudes sur l'astéréognose ; par F.-X. Dercum. (7oM)') : . of
' Ne¡'v. and Mental Disease, novembre 1900.)
Ces études ont porté sur 114 cas variés de maladies nerveuses
dont le plus grand nombre étaient des hémiplégies, des diplégies, /
des scléroses postérieures, des paraplégies ataxiques, des névrites
multiples, etc... Elles ont permis de tirer certaines conclusions
sur la nature des facteurs qui créent l'astéréognose et sur la
valeur clinique de ce symptôme.
Facteurs de l'asté1'éognose : 1° La perte ou l'affaiblissement du
sens de l'espace est le plus important des facteurs de l'asté-
réognose. Cependant l'astéréognose peut exister avec conservation
du sens de l'espace. Ce fait a été observé dans un seul cas
d'hémiplégie, dans lequel il y avait, cependant, perte de la loca-
g2 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
lisation, perte de la notion de position des doigts et une contrac-
ture secondaire marquée; 2° après le sens de l'espace, vient par
ordre d'importance la notion de position des doigts et l'ataxie du
mouvement; 3° la seule conservation de l'aptitude à percevoir les
impressions tactiles et la conservation des sens de pression de
température et de douleur sont suffisantes pour prévenir la perte
du sens stéréognostic.
Importance clinique de ce symptôme : Il est certain que l'asté-
réognose peut être due à des lésions du cerveau, de la moelle
ou des nerfs périphériques. L'astéréognose peut être périphé-
rique ou centrale. Dans beaucoup de cas l'astéréognose a une
origine indubitablement corticale. C'est le cas dans la démence;
c'était le cas dans une observation de tumeur cérébrale intéressant
le cortex, rapportée par D1S Mills et Keen (26° congrès annuel
de l'American Neurological Association 1900). Mais, s'il est certain
que l'astéréognose peut être tantôt corticale, tantôt périphérique,
il est difficile de donner des signes différentiels entre ces deux
variétés. Il n'est cependant pas impossible d'essayer d'établir une
distinction : les impressions variées reçues par le cortex des
diverses sources qui concourent à la perception stéréognostique
doivent être combinées dans le cortex pour donner naissance à
l'image mentale de l'objet senti. Supposons un cas dans lequel les
divers facteurs importants de la perception stéréognostique sont
tous conservés; et malgré cela l'astéréognose existe. On aura,
dans ce cas, de sérieuses raisons pour admettre une origine
corticale. De plus, si avec astéréognose, on constate des pertes
spécifiques ou isolées comme, par exemple, la perte du sens de la
pesanteur, de la position des doigts ou l'ataxie du mouvement
sans aucun signe d'affection nerveuse périphérique ou médullaire,
il sera assez juste d'admettre une lésion cérébrale. De telles
manifestations n'indiqueraient pas seulement une lésion corticale;
elles dénoteraient la lésion d'une région plus précise de l'écorce,
la partie postérieure du lobule pariétal supérieur.
Il est impossible de dire dans quelle mesure la perte du sens
de l'espace dépend de lésions nerveuses, médullaires ou céré-
brales. Bien que la fonction remplie par le sens de l'espace soit
probablement d'origine exclusivement corticale, on constate sa
disparition, aussi bien dans les lésions nerveuses périphériques,
que médullaires ou corticales. POULAno.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE
Séance du 4 juillet 1901. -PRÉSIDENCE DE M. LE professeur RA YMOND.
Abcès du cerveau.
MM. HEITZ et BENDER présentent l'hémisphère droit du malade
mort à la suite d'une série de crises d'épilepsie jacksonienne
gauche. Ce malade était porteur d'un vaste épanchement pleural
purulent à streptocoques. Les crises survinrent brusquement, dé-
butant invariablement par la déviation conjuguée de la tête et des
yeux à gauche, puis convulsant la moitié gauche de la face, et se
généralisant enfin. Il y en eut en tout 21, toutes semblables. La
lésion était un abcès gros comme une noisette, placé à la partie
profonde de l'écorce, et où l'examen histologiquemontra des chaî-
nettes de streptocoques. Il siégeait à la partie postérieure de la
2° temporale. Cette localisation diffère de celles trouvées dans des
cas cliniques semblables par les observateurs précédents (partie
postérieure de la si et 2° frontale, gyrus sous marginal). On peut
être tenté de rapprocher cette localisation au lobe temporal des
résultats expérimentaux de Ferrier et de Sch11fer (, qui par l'exci-
tation dela FO et dela2°temporale, ont obtenu delà déviation conju-
guée, sans doute par action réflexe évoquée par une sensation au-
ditive, d'origine irritative et expérimentale.
Aphasie ,
M. BRISSAUD présente un vieillard non hémiplégique, mais dont
les réflexes sont altérés d'un côté et dont la face est asymétrique.
Après quelques troubles mentaux très légers (idées vagues de
persécution, crainte de devenir fou), cet homme fut renversé par
un omnibus et eut un ictus à la suite de cet accident. Depuis lors,
lorsqu'il veut parler, il émet sur un ton amphatique et oratoire
des syllabes associées en désordre et sans aucun sens parmi les-
quelles les seuls mots intelligibles sont« sire, roi, devoir », il ne
comprend ni ce qu'on lui dit, ni ce qu'il dit, ni le geste. On pour-
rait le prendre pour un délirant. Il n'est pourtant qu'un aphasique.
154 SOCIÉTÉS SAVANTES.
' Sclérodermie.
M. Brissaud présente un homme qui a eu aux deux mains et
présente encore à la main gauche une sclérodermie très marquée
des doigts rétractés en griffes ; la sensibilité n'est altérée qu'aux
dernières phalanges selon le type syringo-myélique (dernier mé-
tamère périphérique). La main droite seule traitée par les cata-
plasmes est guérie, la main gauche va être traitée. Les longues
applications de cataplasmes, et* les boues de Dax sont très
efficaces dans de tels cas. , 1
Tic et Paralysie.
M. Ballet rapporte le cas d'un homme de soixante-dix ans qui avait
un tic vulgaire non douloureux de la face depuis trente-sept ans.
Survint une paralysie faciale, le tic disparut et ne reparut pas après
la guérison de la paralysie.
Paralysie- totale et isolée de la troisième paire par ramollissement
pédonculaire. ... '
MM. AcuARD et LOPOLD LEVI. Lorsqu'une lésion pédonculaire
produit une paralysie de la 3° paire, elle détermine le plus souvent
en même temps une hémiplégie croisée ; c'est le syndrome de
Weber. Pour qu'elle produise seulement une paralysie isolée de la
3" paire, il faut qu'elle soit limitée, ce qui est exceptionnel.
Nous en avons observé un cas chez une vieille femme, à la suite
d'une attaque apoplectique. La paralysie de la 3e paire était
totale; la face et les membres étaient indemnes. La mort survint
au bout de trois semaines par gangrène sénile et l'autopsie mon-
tra l'existence d'un petit foyer de ramollissement à la partie
interne du pédoncule cérébral du même côté. Ce foyer pénétrait
dans la profondeur de la calotte pédonculaire et se terminait entre
l'aqueduc de Sylvius et le noyau rouge, sectionnant dans. l'inté-
rieur du pédoncule les filets d'origine du moteur oculaire
commun.
Sclérose en plaques.
M. TOUCIIE montre les coupes d'un cas de sclérose en plaques
étendu à tout le névraxe, ayant déterminé des mouvements
choréïques sans nystagmus; il insiste sur la coexistence dans ce
cas du rire spasmodique avec une destruction complète du vermis
inférieur.
' L'encéphalite aiguë sénile.
MM. F. HA DIOND et CL. Philippe ont pu observer chez des vieilles
femmes à la Salpêtrière, quatre cas avec autopsies d'encéphalite
SOCIÉTÉS SAVANTES. 155
aiguë, caractérisée incontestablement par une véritable inflamma-
tion de la substance cérébrale (écorce, faisceaux blancs, même
noyaux opto-striés) ; encéphalite ordinairement limitée à un seul
hémisphère.
Cliniquement, il existe une période prQdroznique qui peut se dé-
rouler brusquement en pleine santé, mais aussi souvent dans le
cours d'une affection pulmonaire (douleurs de tête ; asthénie
physique et psychique ; parfois incohérence légère dans les idées
et la conversation). Puis survient le symptôme capital, l'hémi-
plégie motrice, du type cérébral, précédée ou non d'un ictus apo-
plectique et accompagnée parfois de phénomènes spasmodiques
rappelant les contractures précoces* de certains hémiplégiques.
La mort survient rapidement avec une fièvre progressivement
croissante et le coma terminal.
Certes, cette symptomatologie rappelle la symptomatologie clas-
sique du ramollissement cérébral ischémique à évolution pro-
gressive. Et cependant les auteurs ont trouvé des lésions poly-
morphes variant d'un point à l'autre et sûrement non ischémiques
puisque les oblitérations vasculaires font défaut.
Ils décrivent deux types histologiques principaux. Dans l'encé-
plialite aiguë, type dégènératif, dénomination que MM. F. Itay-
mond et Cl.Plulippe préfèrent celle d'encéphalite hémorrhagique
surtout employée en Allemagne, à la suite du travail fondamental
de Wernicke, les altérations ne se limitent pas aux hémorrhagies
bien connues, à la fois périvasculaires et interstitielles; toujours,
grâce aux nouvelles techniques (méthodes de Nissl, de Marchi) il
est possible de trouver de grosses lésions au niveau des cellules
et des tubes nerveux (cellules d'abord petites avec chromatolyse et
même achromatose, homogénéisation du noyau et perte des
prolongements ; plus tard, destruction totale ; cylindre-axes
démyélinisés, nus et moniliformes, finalement détruits; corps
granuleux et granulations myéliniques répandus partout, quoique
moins abondants que dans un foyer de ramollissement vrai);
dans cette forme, la névroglie subit, elle aussi, une dégénération
progressive, ce qui amène l'élargissement des mailles de son
réticulum; bref, ce type rappelle, trait pour trait, les altérations
de la myélite aiguë de Ley den, encore appelée myélite à corps
granuleux. L'autre type, encéphalite aiguë hype1'plastique, décrite
il y a déjà près de trente-cinq ans par le professeur Hayem et trop
oubliée depuis, présente, outre les altérations dégénératives précé-
dentes des amas de cellules volumineuses, polygonales et surtout
épithélioïdes, bien tassées les unes contre les autres et fréquemment
chargées de granulations graisseuses : toutes cellules en voie de
prolifération très marquée comme le démontrent les nombreuses
figures de division, directe et indirecte, constatée en pleine subs-
tance nucléaire. .
156 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Les relations entre ces deux types d'encéphalite aiguë ne sont
pas faciles à déterminer pour l'instant, mais dès maintenant la
clinique et l'anatomie pathologiques permettent d'admettre en
pathologie humaine l'inflammation aiguë, non suppurée, de la
substance cérébrale, inflammation si longtemps niée; cette encé-
phalite est au moins aussi fréquente que la myélite aiguë et elle
tient sous sa dépendance beaucoup des hémiplégies et autres
phénomènes cérébraux observés chez le vieillard.
Rire et pleurs spasmodiques par ramollissement nucléo-capsulaire
antérieur, syndrome pseudobulbaire par désintégration locunaire
bilatéral du putamen. '
MM. E. Dupré et Dcvaus. L'observation anatomique et cli-
nique de ce cas présente un double intérêt : d'une part elle
confirme la localisation établie par Brissaud de la lésion du rire
et du pleurer spasmodique dans le bras anlérieur de la capsule
interne. D'autre part, elle offre un exemple instructif de l'associa-
tion sur le même cerveau de lésions multiples de désintégration
lacunaires, récemment étudiées par Marie et dont le siège bilaté-
ral dans le putamen à déterminer chez le malade, l'apparition
du syndrome pseudo-bulbaire.
Hommeartério-scléreux, soixante-trois ans. Deux ictus apoplecti-
ques antérieurs. Hémiplégie droite incomplète avec contracture,
troubles dysarthriques et dysphasiques,écoulement de salive, léger
affaissement dementiel; rire et pleurer spasmodique : cachexie,
gâtisme, coma, mort. A l'autopsie, trois petits( foyers de ramollis-
sement siégeant dans la partie antéro-externe du noyau et
intéressant le bras antérieur de la capsule interne que la cavité de
l'un des foyers traverse, en passant de la tête du noyau caudé à
celle du noyau lenticulaire. Présence multiple et bilatérale de
petits foyers de désintégration lacunaire dans le putamen. Etat
criblé, disséminé dans le centre ovale, Dégénération pyramidal
gauche. Intégrité du thalamus.
Cette observation confirme, après celles de Brissaud, Remuno
Riuzgio Mingozzini, etc., la localisation centrale de la lésion du
rire et du pleurer spasmodique. Elle montre différents états
existant du cerveau, et leurs conséquences cliniques en rapport
avec leur distribution topographique.
Mli. II. AIEIGE et Feindel rapportent un cas de tics multiples
chez un jeune homme dégénéré infantile.
Lymphocytose dans la paralysie générale et la méningite
tuberculeuse.
MM. ANGLADE et CnocRAux montrent par des préparations d'un
SOCIÉTÉS SAVANTES. 157
haut intérêt que cette lymphacytose prend naissance par lésion de
l'endothelium des vaisseaux qui rompent au fond des sillons des
hémisphères et par lésion endothéliale des vaisseaux sous-épithé-
liaux de l'épendyme. Ce signe de début plaidait donc en faveur
de la lésion vasculaire précoce dans la paralysie générale.
La nèvroglie dans la paralysie générale.
M. ANGLADE au moyen de son procédé personnel qu'il a récem-
ment perfectionné, montre la prolifération névroglique se faisant
de la périphérie vers le centre et rompant les neurondes.
Hémispasme et torticolis.
M. 1,lBt\SRY présente un cas d'hémispasme avec torticolis spas-
modique chez un polisseur de pierres précieuses, dont le travail
exige une attitude analogue à celle qu'impose la maladie. Il existe
chez le malade des signes d'irritation du faisceau pyramidal.
MM. LAIGNEL-LAVASTINL et Vigouroux rapportent l'histoire d'un
malade atteint de ptosis gauche avec strabisme externe, hémiparésie
droite et déviation à droite de la langue lésion pédonculaire par
tubercule isolé probable. Ils citent aussi un cas d'ophtalmoplégie
totale et complète gauche avec cécité. Gliome probable de la base
avec compression de toutes les origines oculomotiices.
. Paralysie du grand hypoglosse.
MM. P. Marie et GUIL.11N présentent un malade atteint d'une
hémitrophie de la langue ; celle-ci tirée est déviée du côté de
l'atrophie, au repos dans la bouche elle est déviée du côté sain. Il
s'agit d'une paralysie périphérique par compression du grand
hypoglosse (ganglions tuberculeux).
Thennogénèse des tabétiques.
MM. Marie et GUILOIN ont constaté que la température des ta-
bétiques est constamment au-dessous de la normale.
Adipose douloureuse et arthropathies.
MM. Hb.IT7 et REYNON présentent une malade dont l'adipose
douloureuse est devenue indolore lors de l'apparition d'arthrites.
Deux autopsies de maladie de Friedreich.
MM. CL. PUILIPPE et J. Obertiicr apportent l'examen histolo-
gique de deux autopsies de maladie de Friedreich, dont l'une
158 SOCIÉTÉS SAVANTES. 1
présente cette particularité intéressante de s'être développée dans
les premières années del'infection, tardivementaprèsl'âge de vingt
ans, chez un syphilitique.
Rapprochant leurs observations des autres cas authentiques,
déjà publiés au nombre de la ou 20, ils signalent la constance
de la sclérose des cordons et racines postérieurs et surtout l'inten-
sité des altérations de la substance grise (corne postérieure, cellules
cordonales, colonnes de Clarl : e); la variabilité de la sclérose des
cordons anlé1'o-laléruux., depuis l'atteinte légère du faisceau pyra-
midal croisé jusqu'à la prise considérable de tous les faisceaux
(f. moteur; f. de Gowers; f. cérébelleux direct ; fibres commis-
surales courtes) ; très vraisemblablement, cette variabilité de la
sclérose antéro-latérale, rend compte du développement plus ou
moins considérable des phénomènes spasmodiques constatés en
clinique. La maladie de Friedreich est bien une affection médu ! -
laire différente du tabes et indépendante d'une sclérose ou d'une
dysgénésie du cervelet, lésion toujours absente dans les cas
authentiques, comme les auteurs ont pu encore'le constater en
étudiant surtout l'état des pédoncules cérébelleux. Elle est égale-
ment remarquable par le grand développement de la sclérose
névroglique, sclérose toujours très végétante, non seulement dans
les zones dégénérées, mais encore sous l'épendyme du ,4 ventricule
et de l'aqueduc de Sylvius et sous la pie-mère médullaire. ,
Tumeur cérébrale à forme psycho-paralytique.
*
1\1111. CESlAi'i et Lejeune rapportent l'observation d'une femme
ayant présenté de la névrite optique oedémateuse, des céphalées et
dés vomissements, signes révélateurs d'une tumeur cérébrale. Le
diagnostic de siège fut fait d'une part par l'existence d'attaques
partielles du côté droit d'autre part, par la présence de troubles
psychiques particuliers. En effet, à l'autopsie, les auteurs ont
trouvé un sarcome fasciculé avec formations pseudo-kystiques, de
la grosseur d'une orange, ayant comprimé la F I, la F la F2, la
partie moyenne de la 1 et la F , du cerveau gauche. Ils existent
sur l'engagement du cervelet dans le trou occipital sous l'influence
de l'hypertension de liquide céphalo-rachidien et du développement
énorme de la tumeur ; d'autre part, ils montrent que les désordres
mentaux présentés par la malade sont différents de ceux que
produisent en général les tumeurs cérébrales quel qu'en soit le
siège, et permettaient ainsi, associés aux troubles moteurs, de lo-
caliser la tumeur dans le lobe frontal.
Contribution à l'étude histologique du mal de Pott cancéreux.
M. 013ERTII[JR. Dans beaucoup de cas les accidents de com-
SOCIÉTÉS SAVANTES. ' lg9
pression carcinomateuse de la moelle et des racines ne relèvent
pas d'une localisation secondaire, comme le pensait Tripier, au
niveau des corps vertébraux, gagnant de là les enveloppes et la
moelle. Il s'agirait bien plutôt d'une invasion méningée au niveau
de l'émergence des racines dans les trous de conjugaison par l'en-
tremise des lymphatiques venus des organes thoraciques et
abdominaux. L'ordre d'apparition des symptômes cliniques plaide
déjà en faveur de cette manière de voir.
Les cas d'évolution peu avancée comme celui présenté ici sont
favorables à la théorie méningée. Ce cas présente en outre des
lésions des racines qui permettent d'étudier l'invasion des tubes
nerveux par les tumeurs épithéliales. ' .
Etude d'un cas de paraplégie diabétique.
M. G. Marinesco. 11 s'agit d'un paysan âgé de vingt et un ans,
qui au mois d'octobre 1899 fut pris d'une soit'impérieuse. Laquan-
titéd'eau qu'il absorbait par jour depuis, avariéentre 10 et20 litres.
En même temps a paru la polyure ; l'urine était claire et la
quantité évacuée est allée jusqu'à 19 litres en xi heures. La
polydypsie et la polyurie se sont accompagnées de polyphagie et
d'autophagie ; de sorte que le malade a maigri d'une façon consi-
dérable. L'urine contient lit) grammes de sucre par litre. Les
réflexes patellaires sont abolis, les réflexes crémastériens affaiblis,
les réflexes pupillaires persistent. En dehors de l'émaciation des
muscles qui est générale, on constate une atrophie des muscles
de la jambe, prédominant dans les extenseurs. Le malade ne peut
marcher qu'appuyé des deux côtés; la démarche ressemble au
steppage ; cependant, ainsi que l'analyse cinématographique le
démontre, le malade aborde la terre par le talon et jamais par la
pointe, comme cela arrive ordinairement dans le steppage. '
L'examen du système nerveux central et périphérique ainsi que
celui des muscles nous a décelé les lésions suivantes : le bulbe est'
d'apparence normale, et la méthode de 1\issl ne décèle pas de lé-
sions du côté des cellules nerveuses. Par contre, il existe sur toute'
la région lombaire sacrée de la moelle et particulièrement dans le
groupe postéro-latéral, des cellules altérées, qui présentent une
ressemblance surprenante avec les cellules auxquelles on a coupé
le cylindraxe, c'est-à-dire elles offrent le type des lésions secon-
daires qui consistent, ainsi qu'on le sait. dans la chromatolyse
périnucléaire avec émigration du noyau. Les nerfs périphériques
des membres inférieurs sont dégénérés, mais cette dégénérescence
peu accentuée dans la région des nerf= sciatique et crural, est au
contraire extrêmement accusée dans les nerfs sciatique poplité
externe, où sur les coupes transversales des faisceaux nerveux
on ne voit pas beaucoup de fibres saines. -
160 ' SOCIÉTÉS SAVANTES.
En résumé, l'altération, qui a déterminé la paraplégie avec step-
page dans ce cas, c'est la dégénérescence primitive des nerfs péri-
phériques ; tandis que les lésions des cellules radiculaires sont
secondaires il cette dégénérescence.
MM. CL. PIIILIPPE et B. ElDE ont pu étudier par la méthode de
Nissl les allures des ganglions rachidiens dans cinq cas de poly-
névrite très variables quant à leurs symptômes moteurs et sensitifs
et également quant à leur durée. Ils arrivent à cette conclusion :
Au cours des polynévrites, les cellules des ganglions rachidiens ne
sont pas prises avec la même constance que les grandes cellules
radiculaires des cornes antérieures de la moëlle épinière. Cela
parait dépendre de l'intensité et de la durée de la polynévrite.
Les lésions incontestables paraissent être surtout dues aux formes
à prédominance sensitive et de longue durée. En outre, les types
lésionnels sont plus nombreux que ceux rencontrés dans la cellule
radiculaire motrice.
M. DUPRÉ rapporte un cas de pachiméningite chez un malade
atteint de méningite tuberculeuse soupçonné à tort de mal de
Pott. F. BoissiER.
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du 18 juin 1901. Présidence de M. Voisin.
Deux cas d'incontinence nocturne d'urine guéris en une seule séance
. de suggestion pendant le sommeil naturel.
M. Bourdon (de Méru). Il s'agit d'un garçon de neuf ans et
d'une fillette de onze ans. Pendant qu'ils dormaient de leur som-
meil normal, je les ai suggestionnés, suivant la technique décrite
par M. Paul Farez. La guérison, obtenue en une seule séance, s'est
maintenue depuis plusieurs années.
M. Paul FA : 1.EZ. Le cas d'incontinence que j'ai récemment rap-
porté avait aussi été guéri en une séance. La rapidité et la persis-
tance de ces guérisons est à signaler à ceux qui, systématique-
ment, déclarent la suggestion pendant le sommeil naturel
impraticable ou inefficace. Ce mode d'intervention sera souvent
mieux accepté et même plus facilement applicable que la sugges-
tion hypnotique proprement dite; peut-être même deviendra-t-il
la méthode de choix contre l'incontinence d'urine.
SOCIETES SAVANTES. c 161
M. PAU de SdINT-MARTI1V. J'ai aussi traité une incontinence
d'urine par suggestion pendant le sommeil naturel, en me confor-
mant à la technique de M. Farez. Il m'a, il est vrai, fallu plusieurs
séances, mais la guérison a été complète et définitive.
M. BÉRILLO,'4. C'est la suggestion sous toutes ses formes qui
modifie le plus sûrement l'incontinence ; les nombreux médica-
ments prônés comme spécifiques n'agissent ici que par suggestion.
Influence du psychique sur les fonctions utérines. ,
M. Félix REGNAULT étudie l'influence du psychique sur les mé-
trorragies, les aménorrhées, l'avortement, les hémorragies, les
contractions utérines, les fausses grossesses, etc.
M. Jules Voisin. Une jeune fille de mon service avait des
règles qui duraient douze ou quinze jours et elle en était devenue
très anémique. Parla suggestion hypnotique, j'ai limité ses règles
à une durée de cinq jours et c'est ainsi qu'indirectement j'ai guéri
cette anémie.
Un cas de rêve obsédant.
M. 131lILL01\ présente une jeune fille qui, à la vue d'un incendie,
a été prise d'attaque convulsive hystérique. Depuis lors, chaque
nuit, elle revoit en rêve la scène de l'incendie. Ce rêve émotionnel
provoque des crises très fréquentes. Iiypnoptisée, cette jeune fille
présente les trois États et les phénomènes somatiques qui les
caractérisent; on peut renouveler sur elle les expériences classi-
ques de la Salpêtrière.
OEdème bleu des hystériques.
M. Jules Voisin rapporte un cas d'oedème bleu qui occupait la
main, le poignet, le tiers inférieur de l'avant-bras et qu'il a fait dis-
paraître en vingt minutes par la suggestion.
M. Hikmet (de Constantino,ple) rapporte un cas analogue d'oedème
bleu du pied chez une hystérique qui, après ses attaques convul-
sives, présentait des hémoptysies.
M. BGRILLON. Dans les oedèmes qui surviennent chez les car-
diaques, M.IIuchard enseigne que les diurétiques n'agissent guère
qu'après une mise en train. Celle-ci s'obtient, soit par le massage,
soit par la suggestion. Je me rappelle le cas d'un individu qui,
atteint d'anasarque, n'urinait pas depuis plusieurs jours, malgré
de nombreux diurétiques. Je l'ai vu avec Mesnet; en employant la
suggestion, nous avons pu le dégonfler et provoquer une très
abondante diurèse.
Ahuuves, 2° série, t. XII. 11 t
'1G BIBLIOGRAPHIE.
M. Félix Regnault. - Il faut, en effet, bien spécifier, et de nom-
. breux exemples le prouvent, que la digestion n'agit pas seulement
sur le psychique, sur des idées, des obsessions, des impulsions.
Elle peut ou produire ou faire rétrocéder des épanchements, des
collections séreuses, des modifications organiques visibles et tan-
gibles. -
, M. Jules VOISIN : - J'ai pu, de nombreuses fois, supprimer par
suggestion une hydarthrose à répétition qui survenait au genou
chez une jeune fille de mon service toutes les fois qu'elle avait
envie de ne pas travailler et de rester couchée.
- DI. Bourdon (de Méru). J'ai modifié également par la sugges-
tion une petite tumeur de la région axillo-mammaire décrite jadis
par Potain sous le nom de pseudo-lipome des arthritiques.
BIBLIOGRAPHIE.
V. Swedenborg (Histoire d'un Visionnaire au XVIIIe siècle) ;
, par G. Ballet. (Paris, Masson, 1899.)
Il n'est personne parmi les neurologistes et les psychologues qui
n'ait été arrêté par l'étrange ligure de Swedenborg, mais sans
avoir pu s'en faire une idée explicitement précise. Le terme flou
d'illuminé ne satisfait pas plus l'esprit que l'indéci.sion dans laquelle
nous laisserait la lecture de la foule d'écrits publiés à propos de
cette personnalité. La plupart de ceux-ci ne sont que des relations
d'admirateurs animés du plus vif prosélytisme, auxquels se mêlent
quelques détracteurs passionnés. Si d'autre part beaucoup de phi-
losophes, comme Kant, ont incidemment abordé l'étude de ce carac-
tère en des passages plus ou moins importants de leurs travaux,
ils en sont restés comme Gorrès et Ideler à une vague pathologie.
Morel lui-même ne consacre qu'une faible part de son court
mémoire à la mentalité de Swedenborg et cherche plutôt à s'ex-
pliquer l'influence de cet esprit bizarre sur ses nombreux adeptes.
Aucune synthèse ne se dégage de cette abondante littérature, en
laquelle il est même facile de s'égarer, et, le champ restant libre
à la critique scientifique, M. Ballet en a pris possession avec une
heureuse sagacité. Il a dû, pour en venir à bout, dépouiller le fouillis
de toutes les productions ci-dessus mentionnées au milieu duquel
il a par bonheur trouvé la biographie consciencieuse due à Matter.
' BIBLIOGRAPHIE. '163
puis il a fallu lire les innombrables autant que volumineuses oeuvres
de Swedenborg lui-même, et ne s'en tenant pas encore là, il s'est
mis en rapport avec quelques sectateurs de la religion swedeubor-
gienne allant jusqu'à assister parmi eux à un de leurs offices. Aussi
M. Ballet a-t-il atteint le fond de son sujet et trouvons-nous dans
son livre tout ce que fut le prophète suédois et la formule exacte
de ce qu'il en faut penser.
Connaissant suffisamment Swedenborg on est porté à croire qu'il '
y a eu en lui deux hommes bien distincts et que cette manière de
dédoublement s'était produite dans le temps et dans l'espace. Dans
la première moitié de sa vie il aurait été un savant exact, génial
et fécond, dans la seconde un pur visionnaire ; d'autre part au
moment même où il aurait vécu en pleine hallucination, l'homme
de science, le parlementaire disert et l'homme du monde auraient
persisté intacts, à côté du délirant.
M. Ballet, en nous conduisant à travers les détails successifs de
cette existence, nous montre qu'il n'y a eu en réalité aucun chan-
gement soudain, aucune scission brusque dans la carrière de Swe-
denborg. Tous les événements grands et petits qui distinguent
celle-ci sont tout simplement le résultat logique et en quelque
sorte prévu, les étapes régulières d'une évolution mentale univoque.
Commençant en 1088 l'enfance même de Swedenborg a été rem-
plie d'une religiosité foncière qui en a marqué et dirigé tous les
actes, entretenant dans son esprit une sollicitude spéciale. C'est
cette religiosité même qui a lancé dans l'étude acharnée cette belle
intelligence. Anxieux de trouver par la voie des sciences l'explica-
tion des mystères divins et la confirmation des données de la foi,
le jeune homme se donna tout entier aux sciences exactes, à l'as-
tronomie, à la géologie, à l'histoire naturelle et l'homme mûr il
la métaphysique jusqu'en 1736. publiant sur toutes ces matières
quantité de volumes dont beaucoup, pour l'époque, étaient des
modèles. Mais n'ayant pas trouvé de ce côté les solutions si ardem-
ment poursuivies il se confine de 1736 à 1745 dans la physiologie,
espérant être plus heureux en cherchant l'âme dans « le micro-
cosme qu'elle habite ». Bien qu'il fut d'ailleurs un mauvais physio-
logiste étant imbu déjà de mysticisme et hanté de l'idée des causes
finales, il eut pourtant des aperçus intéressants sur divers sujets et
particulièrement sur le foie et le poumon et conçut l'idée du lobule
hépatique et pulmonaire. Il ajoutait encore des traités considéra-
bles à la somme déjà extraordinaire de ses ouvrages antérieurs,
fécondité qui à elle seule eut suffi dès ce moment à caractériser
une véritable anomalie.
Ici se terminerait la prétendue première période de cette vie,
pendant laquelle M. Ballet nous fait voir un esprit, prédisposé dès
le berceau, s'infiltrer tous les jours davantage de tendances théo-
sophiques, le savant naître de ces mêmes tendances et se stimuler
164 BIBLIOGRAPHIE.'
par elles. Nous le voyons voyager sans cesse et s'isoler en des
méditations et des rêves interminables extra-sicentifiques souvent
et déjà peut-être alimentés par de vagues hallucinations encore
inconnues. Aussi la transition nous semble-t-elle malgré tout
naturelle quand nous le voyons pénétrer dans la période dite
seconde et franchement délirante de sa carrière à la suite de la
, fameuse hallucination de Londres. On sait comment cette dernière
se produisit, préparée par une longue retraite de contemplation
mentale intensive, par un travail cérébral excessif, par une fruga-
lité extrême et peut-être par l'âge même de soixante-huit ans qu'il
venait d'atteindre. Dînant seul, dans une chambrette retirée que
son restaurateur lui réservait, il vit, précédé de phénomènes lumi-
neux et zooptiques, Dieu qui lui dit d'une voix irritée : « ne mange
pas tant ! » Il lui fallut dès ce moment avoir recours à l'exégèse
spéciale, à l'aide de laquelle déjà il trouvait un sens particulier et
connu de lui seul aux textes sacrés, pour ôter à cette parole ce
qu'elle paraît avoir de trivial et même d'un peu ridicule et puéril
pour une première visite de la divinité. Tel fut pourtant le chemin
de Damas de Swedenborg dont les visions, de ce jour incessantes,
furent connues de tous et lui inspirèrent après les « Arcane
coeleslit¡ » les innombrables et énormes publications religieuses,
fruit de ses extases et des hallucinations compliquées où il se com-
plut pendant tant d'années. L'équilibre, depuis toujours instable et
tous les jours ébranlé davantage, avait achevé de se rompre. Swe-
denborg cause avec des personnages historiques et autres, morts
depuis des siècles ou depuis peu mais seulement avec ceux dont
les noms au moins lui sont connus; il s'entretient avec l'esprit des
habitants des planètes, il assiste à des cérémonies dans le ciel, à
des scènes de l'enfer, au jugement dernier.
Entre temps, il éprouve plusieurs fois des phénomènes de télé-
pathie et donne au moment même où il se produit les détails d'un
incendie qui éclate à des centaines de lieues.
Aussi actif à quatre-vingts ans qu'à quarante ans, écrivant et fai-
sans sans cesse le trajet de Londres à Stockholm, il conserve une
attitude correctement zélée au parlement et dans le monde, s'iso-
lant seulement volontiers en dehors de ses devoirs sociaux.
Vers la fin de cette vie hallucinatoire de vingt-sept ans, un ictus
survient en 1'771 amenant une guérison temporaire au grand cha-
grin du théosophe qui regrette ses visions. -
Les- hallucinations de Swedenborg tiennent surtout du rêve;
toujours mystiques dans leur contenu, elles sont visuelles, générales
et verbales, combinées à toutes les formes des hallucinations de
l'ouïe, aux hallucinations psychiques à forme de langage cogitatif
interne et psychomotrices et à celles de la sensibilité générale.
Il amenait par le recueillement de la prière le degré de distrac-
tion nécessaire pour amener ces phénomènes oniroïdes et extati-
BIBLIOGRAPHIE. )G3
ques. Son état d'esprit fut d'autre part celui des anormaux de la
même catégorie. L'indifférence à l'égard de sa famille qu'il aban-
donne dénote bien l'état affeclil' typique en pareil cas ; la convic-
tion de la mission céleste pour laquelle il est choisi et son dédain
pour les autres prophètes met en évidence la partie mégaloma-
niaque d'un délire auquel n'ont pas manqué les persécutions mys-
tiques par le.diable et les mauvais esprits, tout cela sans que chez
lui la désagrégation mentale ait jamais été complète, sans démence
terminale même, mais toujours avec une critique seulement insuf-
fisante. Swedenborg n'a pas été un hystérique pas plus que les
grands mystiques purs qu'on a pu rapprocher des érotiques et
dont il faut aussi le distinguer; chez lui en effet l'élément intellec-
tuel précède et domine l'élément affectif et Matter cherchant à
séparer les mystiques de théosaphes, dit que : « leur objet est le
même » ; Dieut su, vu, et atteint.
«Mais le mysticisme va du sentiment où il débute à la haute spé-
culation où il ne s'arrête plus ; la théosophie va de l'idée spécula-
tive où elle débute, au sentiment où elle aime à ne trouver plus
ni fin ni limite. Aussi ces deux doctrines se rencontrent-elles pres-
que toujours et se confondent-elles quelquefois ». (Ballet., p. 10'j).
Le voyant de Stockholm se rapprocherait donc plutôt du théosophe
de Matter, mais il faut aussi le distinguer du délirant systématisé
progressif dont la marche diffère et dont tout l'ensemble de la
mentalité est altérée par les conceptions délirantes. 1\1.. Ballet pro-
pose pour le cas de Swedenborg et de ses pareils la dénomination
très heureuse de Théomanie raisonnante. Il compare cet état à celui
des régicides étudiés par Régis : même pathogénie, même évolu-
tion, mêmes étapes, même apostolat. Après avoir rappelé les traits
de tous les grands hallucinés, il établit un lumineux parallèle
entre divers Théomanes raisonnants et surtout entre sainte Thé-
rèse d'Avila et Swedenborg, parallèle aboutissant à un étroit rap-
prochement. Si dans les mêmes entités délirantes le temps a
imprimé le cachet de nuances différentes selon les époques et les
milieux, « si entre sainte Thérèse et Swedenborg il y a toute la
distance qui peut séparer le mysticisme de la catholique Espagne
du xvi° siècle de la théosophie du protestant Suédois du xvlne »,
les analogies n'en sont pas moins significatives et l'identité n'en
ressort pas moins : même origine, mêmes phénomènes, même
marche, mêmes effets. ' *
Nous voyons là combien les termes précis ont de valeur, combien
devrait être restreint et combien est mauvais l'emploi du mot folie
que trop souvent la pathologie arrache à son sens véritable pour
lui faire désigner, des anomalies ne méritant pas une telle appella-
tion. Ici encore prennent place une réhabilitation du génie et bien
d'autres aperçus scientifiques d'un haut intérêt, notamment sur
les hallucinations psychiques, qui rendent indispensable la lecture
166 BIBLIOGRAPHIE.
de ce livre où M. Ballet avec une délicatesse extraordinaire a réussi
à mettre toutes choses rigoureusement au point sans que des con-
victions religieuses quelconques, fussent-elles swenderborgiennes,
puissent prendre ombrage de sa judicieuse argumentation.
Il n'y avait donc pas à glaner dans l'histoire du voyant, il y avait
un beau chapitre de pathologie mentale à édifier. C'est ce que
M. Ballet a si complètement accompli. F. BOISSIER.
VI. La statistique des aliénés du canton de Zurich; par
P. Sérieux. (Revue de Psychiatrie, juin 1899.)
Le bureau de statistique de Zurich secondé par des médecins
compétents a procédé le 1 ? décembre 1898 au recensement simul-
tané de la population et des malades internés, ce qui a donné en
chiffres ronds : Population : 339 056 habitants. Aliénés, idiots et
épileptiques : 3 261 soit un pour 103, dont un pour 310 seulement
dans les asiles publics. Les idiots et débiles représentent la moitié
du total des malades, les aliénés proprement dits l'autre moitié.
Parmi ces derniers on relève : curables 10 0/0, alcooliques 5 0/0,
épileptiques 10 0/0, incurables environ 60 0/0.
D'après le sexe on aurait : femmes 52 0/0, hommes 48 0/0. Un
tiers des aliénés est à la charge de l'Assistance publique.
Un tiers est interné dans les asiles publics, 10 0/0 dans les éta-
blis,ements' privés ; 41 0/0 restent dans leurs familles. Parmi les
aliénés 80 0/0 sont des célibataires ; 2,4 0/0 sont des étrangers.
Les aliénés travailleurs sont au nombre de 28 0/0 dont la moitié
travaillent aux champs. 10 0/0 sont dangereux, 10 0/0 agités tur-
bulents, 33 0/0 tranquilles, 10 0/0 bons travailleurs, 10 0/0 mal-
propres, 2,5 0/0 délinquants. Le canton possède deux asiles dont
un asile de traitement (358 malades), et un asile de chroniques (650
malades). Le nombre des admissions à l'asile de traitement a été
en 1888 de 236 malades. Le nombre des asiles privés recevant
plus de 19 malades est de huit. F. Boisson.
V11. Réfraction and ILow lo refract. Includinrl Sections on OpLics,
Retinoscopy, llze filling of Spectacles aud Eye [¡lasses, etc. ; par
James Tiiorington, A. M. M. D. avec 200 illustrations, dont
13 coloriées. Philadelphie : P. lJlakiston : s son and Co, 1900.
Il n'existe point en France de livre vraiment pratique sur la
réfraction de l'oeil. Des auteurs éminents ont étudié cette partie
intéressante de l'ophtalmologie, mais d'une manière trop com-
plète et aussi trop complexe pour les débutants. Il faut avoir des
connaissances mathématiques étendues et posséder déjà des
notions élémentaires sur la réfraction pour lire et apprécier le
traité classique de Donders. L'auteur poursuit avant tout un but
BIBLIOGRAPHIE. 167
pratique. C'est sur le désir exprimé par les étudiants qui fréquen-
taient sa clinique et pour leur être utile qu'il a écrit ce livre.
Laissant de côté beaucoup des problèmes mathématiques et
physiologiques de l'optique, il expose clairement et simplement les
notions théoriques indispensables pour le diagnostic et le traite-
ment des troubles de la réfraction. Son livre a le grand avantage
de ne point rebuter les jeunes gens aux prises avec les premières
difficultés de la réfraction. De petits défauts sont grandement
compensés par l'excellence de la méthode employée. Peut-on lui
reprocher d'être, dans certaines circonstances, trop affirmatif,
trop dogmatique' ? Ce défaut est une nécessité pour tous ceux qui
enseignent à des débutants dans l'esprit desquels il importe de ne
pas jeter le désarroi et l'incertitude.
Dans l'ouvrage de M. Thorington se trouvent : une étude som-
maire mais suffisante des lois qui régissent la marche des rayons
lumineux (réllection et réfraction), la description de l'oeil schéma-
tique, la description et le diagnostic différentiel des amétropies,
les règles qu'il faut suivre pour les corriger. L'examen ophtalmos-
copique, la skiascopie occupent la place importante qu'ils méritent.
Un chapitre spécial est consacré à l'étude des muscles de l'oeil et
particulièrement aux troubles de convergence et de divergence si
souvent et si intimement liés à ceux de la réfraction. POULARD.
VIII. Du sérum artificiel en aliénation mentale; par le De E. FAURE,
ex-interne de l'asile de Bron.
Les injections sous-cutanées de sérum artificiel, et à leur défaut
les injections intrarectales, peuvent rendre des services en alié-
nation mentale. Elles paraissent agir de deux façons : 1° En éli-
minant les toxines, en les diluant et en rétablissant les sécrétions.
Elles sont alors indiquées dans tous les cas où les troubles men-
taux paraissent liés à des infections, à des auto-intoxications,
c'est-à-dire à un empoisonnement de l'organisme et par suite du
cerveau, et aussi chez les épileptiques en état de crises subin-
trantes. ? ° En exercant une action stimulante sur touteslescellules
et en particulier les cellules nerveuses. Elles sont indiquées dans
les états de dépression mélancolique, dans les états épileptiques
avec ralentissement des fonctions de nutrition. Elles pourront
être employées dans la démorphinisation. Elles ont une action
spéciale sur la fonction urinairè qu'elles rétablissent rapidement et
sur la sitiophobie qu'elles l'ont souvent disparaître. D. 1
ASILES D'ALIÉNÉS.
Isolement des malades atteints de la tuberculose.
LE PRÉSIDENT DU CONSEIL, MINISTRE DE, L'INTÉRIEUR
ET DES CULTES A MONSIEUR LE PRÉFET,
J'ai l'honneur de vous signaler, en appelant sur elles toute votre
attention, les observations auxquelles a été amenée la commis-
sion de la tuberculose dans ses recherches sur la propagation de
cette maladie dans les asiles d'aliénés et sur les moyens de s'y
opposer. La Commission a été particulièrement frappée de ce fait
que les lieux où sévissait cette affection redoutable étaient relati-
vement limités, et que dans les milieux mêmes où les hommes
vivent en collectivité, les uns étaient décimés, tandis que d'autres,
dans une situation identique, étaient à peine touchés. Cette
remarque d'ordre général s'applique d'une façon toute particu-
lière aux asiles d'aliénés. Les ravages exercés par le fléau, n'y
sont, pour l'ensemble des établissements, que trop considérables,
puisqu'au cours des années 1894 à 1898 et pour une population
moyenne annuelle de 61.685 aliénés, la proportion des décès
attribués annuellement à la tuberculose s'est élevée à 689, soit
111 pour 10.000 malades hospitalisés.
Mais ce qui ressort, avant tout, de l'enquête poursuivie, c'est
l'étrange disproportion qui s'observe entre un asile et un autre,
quant à l'étendue du mal et au nombre de ses victimes. Alors que
dans une vingtaine d'asiles publics ou privés la mortalité par
tuberculose est tantôt nulle, tantôt peu élevée, et ne. dépasse
jamais 30 décès pour 10.000 malades, on la voit dans les autres
s'élever rapidement- au chiffre moyen de 111, dépasser celui de
200 dans quatre asiles, celui dé 300 dans deux autres, pour
atteindre jusqu'aux chiffres extrêmes de 540 et 556 dans les deux
asiles les plus éprouvés.
. Cette disproportion saisit d'autant plus que les décès si fré-
quents.attribués à la tuberculose dans de trop nombreux asiles ne
se trouvent pas expliqués par une situation plus particulièrement
mauvaise du département ou des départements voisins, dans les-
quels se trouvent recrutés les malades hospitalisés.
Il' faut alors reconnaître, dans les asiles eux-mêmes à ce point
contaminés, de véritables foyers d'infection tuberculeuse, et c'est
asiles d'aliénés. 169
contre un tel état de choses, dont les chiffres cités plus haut vous
auront montré toute la gravité, que j'ai le devoir de faire appel
à toute votre énergie. ^ 1
Des mesures prophylactiques s'imposent que la Commission n'a
pas perdues de vue. Il en est d'ordre général qui peuvent trouver
dans les asiles une facile exécution. En premier lieu, une mesure
d'hygiène publique, à l'observation de laquelle vous devrez prêter -
votre sollicitude, c'est la « défense de cracher à terre ». ,
Les crachats desséchés étant reconnus par la science comme les
plus actifs agents de propagation bacillaire, je vous invite à pres-
crire aux établissements publics ou privés d'aliénés de votre dépar-
tement, l'adoption des dispositions suivantes, qui pourront obvier
à une cause fréquente entre toutes de la contamination tuber-
culeuse.
1° Affichage dans tous les locaux occupés par le personnel où
les malades de la « défense de cracher à terre » dont il y aura lieu
d'étudier, en outre la réglementation et la sanction dans les
conditions où elles paraîtront pouvoir s'exercer. 2° Installation
dans ces locaux, et en nombre suffisant, de crachoirs hygiéniques
à uu mètre du sol, bien en vue et au voisinage des dites affiches.
3° Balayage humide de toutes les salles et lavage des parois.
Cet ensemble de mesures préventives dès maintenant réalisables *
ne sera pas par lui-même entièrement suffisant, à raison de la fai-
blesse d'esprit des aliénés auxquels il sera particulièrement diffi-
cile, dans bien des cas, d'inculquer avec la crainte du fléau les
notions' d'hygiène propres à lui faire sa part. Aussi, est-ce au
dévouement et à l'intelligence du personnel de tout ordre que je
vous prie de faire avant tout appel, afin que par les exemples
individuels que ses membres seront appelés à donner journelle-
ment aux malades, ainsi que dans les limites de l'autorité qui leur
sera impartie sur eux, ils puissent, en toute occasion, se livrer à
une propagande antibacillaire eflicace.
Dans cet ordre d'idées, et conformément au voeu émis par la
Commission de la tuberculose, je vous invite à apporter votre soin
à ce que le personnel des asiles et particulièrement celui des
agents préposés à la garde et au traitement des aliénés tubercu-
leux, reçoive une instruction suffisante touchant les dangers de la
tuberculose et la prophylaxie à y opposer. Ceux des agents à qui
incombera le soin des tuberculeux devront être obligés au port de
la blouse hygiénique dans les salles, au lavage soigné des mains
et de la bouche avant le repas, à la toilette scrupuleuse du corps.
Une instruction technique détaillée devra être aussi donnée
aux blanchisseurs pour la désinfection du linge contaminé ! Enfin, ,
pour mettre obstacle à une cause particulière aux établissements
hospitaliers et notamment aux asiles d'aliénés, celle provenant de
la promiscuité des malades contaminés et de ceux qui ne le sont
170 asiles d'aliénés.
pas, je vous invite à prescrire, dans les asiles publics ou asiles
privés faisant fonctions d'asiles publics de votre département,
autant que les locaux le permettront, l'établissement d'un quar-
tier spécial destiné à l'isolement des aliénés tuberculisés.
En vous priant de porter les présentes instructions à la connais-
sance de qui de droit et de tenir la main à leur exécution, je vous
invite à rappeler aux directeurs-médecins et médecins en chef des
asiles, qu'ils devront, dans leurs rapports médicaux annuels,
fournir des indications détaillées sur les ravages exercés par la
tuberculose dans leurs asiles et les remèdes opposés par eux au mal.
Vous voudrez bien m'accuser réception de la présente circu-
laire. ·
Pour le président du Conseil,
Le conseiller d'Etat, secrétaire général,
Demagny.
Assistance des aliénés A domicile.
Hier soir, à sept heures, la rue de Penlhièvre était mise en émoi
par la chute d'une femme', qui, tombant du quatrième étage de la
maison portant le numéro 12, se brisait le crâne sur l'angle du
tro*toir. Des passants s'approchèrent, ainsi que la concierge de
l'immeuble qui reconnut une de, ses locataires, iNI-0 U'Indecourt.
111 ? d'Indecourt, âgé de cinquante et un ans, et demeurant dans
sa famille, était depuis quelque temps atteinte de fièvre chaude.
C'est dans une crise'que, trompant la surveillance que l'on avait
établie autour d'elle, elle se précipita par la fenêtre. Un médecin,
aussitôt appelé, déclara que la mort avait été instantanée.
M. Belouino, commissaire de police du quartier de l'Elysée, a fait
les constatations d'usage. (Le Temps, du 23 mars 1901.)
Ce fait s'ajoute à tant d'autres pour montrer la difficulté
de soigner les aliénés à domicile sans s'exposer à de graves
accidents. Le traitement à domicile n'est applicable qu'à des
malades tout à fait tranquilles, sans idées de persécution,
sans hallucinations, offrant des garanties de sécurité. Les
médecins qui, par ignorance des maladies mentales, consen-
tent à soigner de. tels malades à domicile, encourent une
grande responsabilité.
VARIA.
Congrès des 1\EUROLOGISI'ES et des aliénistes DES pays
DE langue française
Nous rappelons à nos lecteurs que ce Congrès aura lieu au com-
mencement du mois d'août, à Limoges, sous la présidence de
M. Gilbert Ballet (voir le numéro d'avril, page 361, et celui de
juillet, page 75). Nous prions ceux d'entre eux qui ont l'intention
d'y faire des communications de bien vouloir nous en envoyer le
résumé avant le 10 août.
Parmi les communications annoncées, nous citerons : Arnaud.
Sur la théorie de l'obsession. G. Ballet. Sur les lésions corticales
et médullaires dans la fièvre typhoïde. Boumeville. Noies sur
l'étiologie et le traitement îles différentes formes de l'idiotie; hémor-
l'agies cutanées liées aux accès épileptiques ; photographie et radio-
graphie de quelques malformations dans l'idiotie. Dontrehenne.
Sur quelques points relatifs a la discussion des asiles. - Lemaistre.
Quelques cas d'hystérie anormale chez les en/'ants. Pausol. Consi-
dérations médico-légales sur le tabes traumvzliqzcr ; de la phobie épi-
leptnïcle. Laffornue. Hystérie à évolution psychique exclusive.
Hartemberg. La lécithine dans le traitement des affections du sys-
tème nerveux. - Granjuz. Les épileptiques militaires méconnus et
condamnés. Vallon. Les délires consécutifs ci l'empoisonnement.
Noguès. Un cas de spasme de l'oesophage de nature hystérique.
Martin. Observations sur un cas de torticolis mental. - Pailhas.
1° De la dégénérescence dans les vieilles localités ; 2° Modifications
favorables du caractère et des tendances comme seuls prodromes appré-
ciables d'un cas de paralysie générale survenu à la suite de l'écrase-
ment d'un bras et d'accidents infectieux aigus chez un alcoolique.
L. Marchand. Tumeur cérébelleuse et épilepsie. Il. Cestan. Cas
de compression lente de la moelle avec autopsie; contribution à l'élude
de la paraplégie par destruction de la moelle Ct;ru : 'KO-df))'sa/e ?
Maurice Faure et Laignel-Lavastine. 1° Sur la présence de microbes
dans l'écorce cérébrale et lé liquide céphalo-rachidien (projections) ;
2° Nouveaux cas de troubles mentaux toxi-infeetieux avec examen
histologique de l'écorce cérébrale (projections). - I.annois et G. Pau-
tet. Hémimimie faciale d'origine otique. Lannuis. Observation de
sein hystérique. P. Farez. Un cas de double désuggeslion.
172 varia.
Laïcisation de l'asile DE N : 1UGE.11', près Limoges.
Les soeurs de la Charité de Nevers, au nombre de huit, dont une
supérieure, étaient autrefois chargées de la surveillance des sec-
tions de femmes .et de la direction de divers services généraux
(buanderie et repassage, lingerie et vestiaire, pharmacie). En ces
dernières années, elles avaient dû abandonner ces services à l'ex-
ception de la pharmacie, et n'avaient conservé que la surveillance
de la division des femmes.' A la fin de l'an dernier, ce service lui-
même n'était assuré que très imparfaitement par suite du départ
de plusieurs religieuses que la Congrégation de Neveis n'avait pas
remplacées ; on ne comptait plus, en effet, que quatre soeurs de
charité et leur supérieure. L'administration de l'Asile ayant
dénoncé le traité existant entre elle et les religieuses de la Charité
de Nevers, ces dernières ont quitté l'Asile le 24 février.
Actuellement, les services généraux, sont confiés à des ouvrières
laïques; la pharmacie est faite par un aide-pharmacien, déjà au
courant des manipulations ordinaires, surveillé et dirigé par le
personnel médical de l'Asile.
Quant au service de surveillance, il a été organisé de la façon
suivante : Un emploi de surveillante en chef a été ci Cé ; de plus, à
la tête des quatre principaux quartiers, ont été placées des sur-
veillantes-chefs de quartier, qui séjournant de jour et de nuit dans
leurs sections respectives, exercent sur le personnel une action
constante et président d'une façon effective aux soins et à la sur-
veillance des malades. A. F.
Dixième Conférence SUR L'IDIOTIE ET LES Écoles POUR faibles
D'ESPRIT (du 17 au 20 septembre 1901) à Elberfeld. Programme.
I. Mardi, 17 septembre, à 7 heures du soir, réunion prépa-
ratoire au hall municipal, salle des banquets. Sounaits de bien-
venue par le président de la neuvième Conférence, rapport
sur les trois années écoulées, reddition des comptes du trésorier,
choix du président de la dixième Conférence.
Remarque : Des cartes de membres au prix de 6 marcks, et de
participants au prix de 2 marcks, seront délivrées à la réception,
dans la susdite salle. Les participants ne prennent pas part aux
votes, mais ils reçoivent un rapport de la conférence.
IL Mercredi, 18 septembre, de 9 heures à 1 h. 1/2, première
séance solennelle dans la salle du dôme de l'hôtel de ville. a) Sou-
- hais de bienvenue par les autorités ; b) Rapport : de 9 h. 1/4 à
10 h. 1/2, « Les établissements pour idiots et les écoles d'assis-
tance, projet de réglementation » ; par le directeur Barthold de
Munich-Gladbach ; de 10 h. 1/2 à 11 h. 1/2, « Essai de classifi-
cation des idiots » ; par le directeur Iïülle de Regensberg (Suisse);
-VARIA. 173
de 11 h. 1/2 à 12 heures, suspension (déjeuner à la buvette du
Conseil) ; de 12 heures à 1 heure, réunion ordinaire au même
endroit. -
a) Pour les représentants des établissements d'idiots ; «.L'occu-
pation des imbéciles ». Le directeur pasteur Bernhard de Stettin-
Grùnhof; b) pour les' représentants des écoles d'assistance
(salle 19 de l'hôtel de ville), « Vanité des voeux émis en faveur de
l'extension des écoles d'assistance » ; l'inspecteur des écoles
De Boodstein d'Elberfeld ; - de 1 heure à 1 h. 1/2, « Coup d'oeil
sur l'augmentation et le nombre actuel des idiots en Danemark »,
le directeur ltolsted de Copenhague; 2 h. 1/2, banquet dans le
hall municipal (prix, 3 marcks, sans vin). Le soir, à 8 heures,
réunion de la société dans la grande salle de l'hôtel de ville, et,
en cas de beau temps, dans le jardin. Rapport de l'union des pro-
fesseurs de chant d'Elberfeld.
III. -Jeudi, 19 septembre, de 9 h. à 1 h. 1/2, deuxième séance
solennelle dans l'hôtel de ville, salle rouge. a) Rapports : de
9 heures à 40 heures, « Idéal du traitement des idiots ». Le direc-
teur Herberich de Gemûnder; de 10 heures à,10 h. 1/2, « Sur
quelques groupes particuliers d'idiots », l'inspecteur d'hygiène
De Berkhan de Brunschwig ; - de 10 h. 1/2 à 11 h. 1/2, « les
débuts de l'imbécillité », le directeur 1'rüper d'Iéna ; de 11 h. 1/2
à 12 heures, suspension (déjeuner); de' 12 heures à 1 heure,
réunion ordinaire.
a) Pour les représentants des établissements pour idiots (110 salle).
« Les décrets du 2G mars 1901 », le directeur Schwenk d'Idstein ; «
b) Pour les représentants des écoles d'assistance : « Comment
.sont préparés aux travaux manuels pour imbéciles, les normaliens
et les maîtres », le professeur agrégé Ilowix de Dusseldorf ; - de
1 heure à 1 h. 1/2, « Etat actuel du traitement des idiots en Au-
triche», le directeur A ntensteiner de 131edermannsdorf, près Vienne.
Choix d'un lieu où se fera la onzième conférence. Après-
midi, excursions diverses, visite de l'asile Ilepliata.
Sont invités à prendre part à la conférence tous ceux qui s'inté-
ressent aux idiots : magistrats, médecins, prêtres ,'et professeurs.
Comité de la neuvième conférence : Directeur Barthold ,de Glad-
boit, président d'honneur. Inspecteur Piper de Dalldorf, président.
Abbé Gerger de Morbach, vice-président. D' Berkhan, Richter,
Weichert, membres. Comité local : représentant D Boodstein.
Nous nous empressons de faire connaître le programme
de ce dixième 'Congrès sur l'assistance, le traitement et l'édu-
cation des enfants idiots de ladite catégorie. Nous espérons
que le Comité voudra bien nous envoyer le rapport du neu-
vième congrès et le rapport du congrès de septembre. B. z
174 VARIA.
Représentation DE gala A l'asile DE VILLFJUIP.
Le samedi 16 mars était jour de grande liesse à l'asile de Ville-
juif. Ah ! dam, ce n'était pas de la petite bière... 11 s'agissait d'une
représentation de gala composée de deux pièces la première en
deux actes à ! ! rand spectacle la seconde, Un Monsieur et une
Dame, un acte de Duvert et Lauzanne, jouée à titre gracieux par
- des artistes de l'Odéon, M. Frère et 1111e Kesly et Bonnet. Cette
dernière pièce a été rendue à la perfection, cela va sans dire, d'au-
tant plus qu'elle était interprétée par des artistes de talent, choisis
par M. Ginisty. Nous nous dispenserons à l'égard des profession-
nels de leur adresser de plus amples éloges, qui, cependant, seraient
des mieux mérités, car nous voulons surtout parler de la pièce locale.
Ce qui nous occupe principalement en l'occurrence, c'est l'Agence
Beallmillet, fantaisie-vaudeville tirée, dit le programme d'un vieux
manuscrit, par... un inconnu dans lequel nous avons reconnu le
sympathique médecin en chef de l'établissement, M. le D1' Marcel
Briand... Où diable l'esprit des médecins va-t-il se nicher pour
dénicher d'aussi vieillrs ( ? ? ) choses qui deviennent soudainement
d'une incroyable actualité ? Peu importe. L'essentiel, et ce qui est
bon à savoir, c'est que la pièce était désopilante et qu'elle a eu
pour seul* et uniques interprètes un certain nombre de malades
de l'asile : quarante environ, des dames en grande majorité. Voici
la donnée de la pièce : un certain Zéphyrin Beauminet, agent d'un
bureau de nourrices, sous l'influence de l'impression que lui a
causée la représentation au théâtre Antoine de la pièce de
M. Brieux, Les Remplaçantes, arrache son enseigne et la remplace
par une autre que le hasard fait tomber sous sa main; cette nou-
velle enseigne qu'il appelle une remplaçante est ainsi libellée :
Agence lyrique et dramatique pour les deux sexes. A peine cette
enseigne est-elle posée à la façade de la maison que les artistes
affluent, défilent, chantent ou déclament chez notre nouvel agent
théâtral; tous les genres ont été abordés, hors le genre ennuyeux,
par des artistes de toutes catégories et en costumes appropriés,
parmi lesquels : un clown, un minotrel, voire même un ours et un
éléphant, jusqu'à une princesse Canari, artiste lyrique naine qui
vient seriner sa mélodie dans une fastueuse chaise à porteur.
N'oublions pas un majestueux commissaire de police qui vient
verbaliser au premier acte pour défaut d'autorisation et mention-
nons aussi une bonne à tout faire qui, au deuxième acte, se trans-
forme en femme athlète jonglant avec des poids, aidée dans ses
exercices par un petit bébé à moustaches, de six pieds de haut,
présenté par sa nourrice, une petite bonne femme qui avait l'air
de lui sortir de la poche. '
En outre des pensionnaires de l'asile, le public était composé de
bon nombre de personnes du monde select conviées à cette solen-
VARIA. 175
nité peu banale. L'intrigue se compliquait d'un imbroglio fourni
par le directeur de l'Odéon, qu'on croyait venu à l'agence pour y
chercher des nourrices et qui s'y rencontrait avec trois, venus pour
chercher un engagement et qu'on avait aussi pris pour de bons
bourgeois en quête de nourrices.
Dans une salade finale, tout s'expliquait; les nourrices, jetant
leurs nourrissons par dessus les moulins, entraient à l'Odéon
comme... ouvreuses. De son col, le directeur de l'Odéon signait
chez les nourrices un engagement aux trois artistes qui interpré-
taient à l'acte suivant Un Monsieur et une Dame.
Tous les cosmmes, accessoires, conçus et exécutés à l'asile avec
de vieux costumes gracieusement offerts par M. Ginisty, des toi-
lettes, fleurs, etc., à l'asile, par de généreuses habituées, le tout
rafistolé dans les quartiers. Nombre de toilettes neuves ont été
entièrement faites, à cette occasion, dans les ateliers de l'asile
avec des étoffes achetées en solde dans les grands magasins par
M. Gorin, l'économe de l'établissement, qui, avec le sympathique
directeur, M. Luùipia, s'est multiplié pour donner à la fête tout
son éclat. M. Lucipia s'étant rappelé fort à propos qu'il avait été
longtemps le représentant d'un des quartiers les plus industrieux
de Paris, avait obtenu du haut commerce quelques dons de fleurs
artificielles, bijoux et accessoires féminins, qui furent des mieux
accueillis. Parmi les spectateurs les plus enthousiastes, nous
signalerons notamment le directeur de l'Odéon, qui accompagnait
ses trois pensionnaires, applaudissait à tour de bras et trou-
vait que les fous faisaient « sagement » leur devoir. Bref, tout a
marché à souhait et les bravos et les applaudissements n'ont pas
manqué à ces artistes improvisés. Le Préfet de la Seine et le Préfet
de police s'étaient fait représenter à cette fête. Le secrétaire géné-
ral de la Préfecture de la Seine, ainsi que M. Defrance, directeur
des affaires départementales, y assistaient également en compa-
gnie de MM. Dehenne, président de chambre, Prestal, avocat,
membres de la Commission de surveillance des asiles. Ca et là cir-
culaient, très intéressés, quelques journalistes, ainsi qu'un grand
nombre d'invités et d'amis, trop rares privilégiés triés sur le
volet, parmi lesquels nous mentionnerons le peintre Jambon, qui
s'est obligeamment offert à restaurer les décors du théâtre.
M. Maret, député, qui a passé la journée à l'asile pour assister au
bal du soir, faisait paraître dans le Radical du lendemain un arti-
cle des plus élogieux sur la fête.
La note humoristique était donnée par Ginisty dans la Liberté
du 21 mars'. Rien ne manquait donc à cette première, qui fut,
hélas ! sans lendemain. Un pensionnaire convalescent.
1 Plusieurs autres journaux tels que le Petit Parisien, le Temps, la
Fronde, le Soleil, du Dimanche, etc., ont donné un compte rendu plus
ou moins exact de la fête de Villejuif.
FAITS DIVERS.
Asiles d'aliénés. Nominations et promotions : M. le Dr Brunet,
médecin-adjoint à l'asile de Pains (meus), nommé en la même
- qualité à Moulins (poste créé) ; M. le D1' Ricoux (concours de
Lille) nommé, médecin-adjoint à l'asile de Fains (Meuse) ;
111. le De b : GRAIN, médecin en chef à Ville-Evrard, promu à la
classe exceptionnelle du cadre; M. le De Bacul, médecin-
adjoint à Saint-Venant (Pas-de-Calais), promu il la li classe du
cadre ; M. le Du VERNET, médecin en chef de Maréville, promu
à la 1'° classe du cadre (janvier 1901).
' SUICIDE d'adolescent. Un jeune homme de dix-sept ans, Leduc,
s'est donné la mort hier soir, en se tirant un coup de revolver dans
la tête. La balle a pénétré dans la tête par la tempe gauche. C'est
ce matin seulement que le cadavre de ce malheureux a été décou-
vert dans un carré de luzerne du jardin. Le jeune Leduc était por-
teur de pain. La soeur de Leduc s'est asphyxiée l'année dernière à
l'âge de quinze ans. Lui-même, peu de temps après, avait tenté de
s'asphyxier. Le père de ces infortunés est un excellent ouvrier, de
conduite irréprochable, mais la mère, paraît-il, était alcoolique. (Le
Progrès de l'Lzcre, 7 mai.) > .
Folie subite d'un médecin. - Coups de couteau. Huit victimes.
(Londres, 7 mai). Les Central News racontent un incident tragique
'qui s'est produit, dans la nuit de samedi à dimanche, dans la
.petite ville de Grenna, près de Stockholm. Une veuve, nommée
Augusta von Duben, se trouvait en traitement dans une maison
de santé particulière, où elle était soignée par ses trois filles.
Samedi soir, le docteur Nebrman, propriétaire de l'établissement,
fut pris d'un accès de folie furieuse et, s'armant d'un long couteau,
.il se précipita sur la veuve et ses trois, filles. L'une de celles-ci fut
tuée, les deux, autres et. la mère; furent grièvement blessées. Le
.docteur lrehrman'sortit alors de la maison, et, pendant toute la
- la nuit, il parcourut. les rues '.de. la ville. et frappa à coups de cou-
teau cinq passants, dont trois furent dangereusement blessés. Le
fou furieux put -enfin; être arrêté et enfermé. Les huit victimes
(encore vivantes du médecin ont été transportées à l'hôpital. (Le
Journal du 8 mai.) . ,
Le rédacteur-gérant : UOcnXE\ ville.
Evreux, Ch. lléuisscv, im. - 7-J DO 1.
Vol. XII. Septembre 1901. ' N° 69.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE NERVEUSE.
CLINIQUE DE M, LE professeur André Moussons.
Hystérie juvénile chez une fillette de douze ans.
Hémianesthesie sensitivo-sensorielle gauche com-
plète. - Neuf crises d'amaurose double absolue.
Perversion de la vision binoculaire : discussion :
Par René CRUCIIET,
Interne des hôpitaux de Bordeaux.
Depuis qu'on a songé à rechercher la présence de l'hystérie
chez l'enfant, on l'a rencontrée très couramment, et le tableau
statistique dressé déjà par Clopatt en '1888 portant sur
272 cas, nous dispensera de statistiques plus récentes. Mais
si, poussant plus loin l'examen, on passe en revue les diffé-
rents modes cliniques sous lesquels se présente cette hystérie,
on est frappé de remarquer que, dans l'enfance, elle se
montre avec certains caractères spéciaux et que, en parti-
culier, ce sont surtout les troubles d'ordre spasmodique qui
sont le plus souvent observés.
Parmi les modifications du côté de la sensibilité, si l'hy-
peresthésie sous ses diverses formes est assez fréquemment
notée, l'anesthésie, par contre, l'est d'une façon beaucoup
plus rare. A ce titre, l'observation que nous allons rapporter
nous a paru intéressante, et c'est pourquoi, sur les conseils
Archives, 2' série, t. XII. 12
el78 CLINIQUE NERVEUSE.
de notre maître M. le Prof. André Moussous, nous nous déci-
dons à la publier.
Observation (recueillie par M. Ludovic de Boucaud, externe du
service).-11 s'agit d'une fillette, Marthe-Marie P..., âgée de douze
ans, entrée à l'Hôpital des Enfants, salle 15, le 12 février 1901,
pour une perte complète de la vision qui remonte à huit jours.
, Antécédents héréditaires. Sa mère, qui est morte il y a un an,
à l'âge de trente-sept ans, était, paraît-il, asthmatique et devint
phtisique. C'était une femme très nerveuse, très irascible, qui aurait
eu un tic convulsif de la face, surtout marqué au niveau des
arcades sourcilières, et dont le père mourut, à vingt ans, tuber-
culeux.
Son père est vivant, bien portant ; il a eu des migraines fré-
quentes avec vomissements jusqu'à l'âge de vingt et un ans ; il a
été réformé à cause d'une surdité gauche survenue à neuf ans,
après une chute sur la tète. Depuis une dizaine d'années, il serait
sujet à des crises de rhumatisme. Pas de syphilis, pas de tuber-
culose, pas d'éthylisme : mentionnons toutefois qu'il exerce la pro-
fession' de liquoriste.
Sa grand'mère maternelle est âgée de soixante-sept ans : elle
est atteinte de coliques hépatiques depuis environ trente ans. Elle
est d'un caractère nerveux et susceptible. Son grand-père maternel,
boucher, est mort à soixante-quatorze ans : il était sujet il de fré-
quentes crises d'asthme, avait un tempérament nerveux; il aurait
lui aussi, conservé toute sa vie un tic palpébro-facial. Du coté des
grands parents paternels, il n'y a aucun antécédent nerveux à
relever.
La malade a un frère âgé de dix-sept ans qui est en bonne santé,
n'a jamais été malade, mais qui s'emporte facilement pour la
moindre contrariété. Elle a perdu un frère à l'âge de trois mois :
il n'avait jamais eu de convulsions.
Antécédents personnels. Elle est venue au monde quinze jours
environ avant terme, par suite d'un accident de voiture survenu il
sa mère. L'accouchement s'est fait malgré tout normalement, sans
aucune complication. Elle a été nourrie au sein par une nourrice,
elle a été sevrée vers quinze mois.
A part la rougeole à huit ans et la variole à dix ans, qui n'ont
été suivies d'aucun phénomène anormal, elle n'a jamais eu d'au-
tres affections. Jamais de convulsions ou de crises de nerfs.
histoire de la maladie. - Elle fait sa première communion le 17
mai 1900 : cette cérémonie a lieu sans incident et sans qu'on puisse
noter aucune exaltation particulière du côté du sujet. Le ·2 mai
surviennent ses premières règles, qui durent une journée à peine, et
s'accompagnent de quelques maux de tête. Le 27 mai, étant au
couvent, pendant une récréation vers 10 heures du matin, sans
hystérie juvénile CHEZ UNE FILLETTE. 179
aucune contrariété et sans cause appréciable, elledevientsubitement t
aveugle. Cette perte de la vision est absolue et, pendant quatre jours,
elle ne distingue plus aucun objet. Elle présente en même temps à
cette époque une céphalalgie intense, des vomissements, de lacousti-
pation, si bien que le médecin qui est appelé auprès d'elle émet, de
prime abord, l'hypothèse de troubles méningés. Mais ces phé-
nomènes aigus ne tardent pas à s'amender et, le cinquième jour,
brusquement elle s'écrie un matin : « tiens ! je vois du rouge.1 » »
Elle venait de reconnaitre l'étiqueLLe pharmaceutique : Pour l'usage
externe rouge, en effet, collée sur une poche de farine de moutarde
prescrite en révulsion pour sa tête, et qui était posée sur une table
à quelques mètres d'elle. A partir de ce moment précis, elle avait
recouvré la vue : elle était guérie. A
C'est au cours de cette première atteinte de cécité que la malade
devient hémiparésiée du côté gauche : Le 30 mai, vers 4 heures
de l'après-midi, en voulant couper un morceau de viande, elle
laisse tomber sa fourchette ; elle constate alors une diminution
considérable de la force de la main gauche. Le lendemain, à son
réveil, elle demeure durant quelques minutes, dans l'impossibilité
de remuer les membres supérieur et inférieur gauches. Cette hé-
miplégie reste très passagère et se transforme en une hémiparésie
persistante qui n'est point modifiée par la guérison de la cécité.
Cet état est stationnaire jusqu'au mois de juin 1900 ; le 13 de ce
mois, le lendemain de sa seconde communion, elle est prise d'une
seconde atteinte de cécité dans les conditions suivantes : elle
refuse à une de ses maîtresses du couvent de remplir un devoir
qui lui est imposé ; on la menace alors de la renvoyer dans sa
famille et, sous l'effet possible de cette contrariété, quelques heures
plus tard, vers 7 heures et demie du soir, elle devient brusque-
quemenl aveugle. Quatre jours apres, dans la matinée. elle était
descendue dans le magasin de son père et se tenait assise sur une
chaise causant avec sa tante, lorsqu'un client entra pour acheter
une bouteille de rhum : c'est alors que brusquement elle aperçut
sur une étagère des étiquettes rouge foncé, avec « illium » écrit en
grosses lettres, collées sur plusieurs bouteilles ; elle se leva aus-
sitôt, guérie, et c'est elle-même qui servit le client.
Le lendemain 18 juin, elle vient à la clinique ophtalmologique
de M. le professeur Badal, où elle est examinée en détail par notre
camarade et ami M. Aubaret, interne du service, qui a bien voulu
nous donner les renseignements suivants.
On constate à ce moment qu'elle présente une hémianesthésie
totale gauche avec hémiparésie : la pression au dynamomètre
indique une force de 15 kilos pour la main droite contre ! i kilos
seulement pour la gauche. La conjonctive et la cornée sont insen-
sibles du côté gauche, les réflexes pupillaires existent normale-
ment des deux côtés. Pas de lésion ophtalmoscopique, pas de
180 CLINIQUE NERVEUSE.
trouble de la vision des couleurs. L'acuité visuelle indique V = 2
à gauche et V = 1 à droite. Le champ visuel présente un rétrécis-
sement concentrique accentué. Pour les couleurs, il est encore plus
marqué et il y a inversion pour le rouge, qui est la couleur dont le
champ visuel est le-moins rétréci, par rapport au bleu, puis au
vert (le plus rétréci). Au niveau de l'oeil droit, les champs visuels
pour le rouge et le bleu se confondent.
On prie alors le père de la malade de la reconduire à la clinique
dès qu'elle présentera une nouvelle crise.
Cette troisième crise se produit quelque temps après, vers
le 10 juillet. La petite malade se trouvait à la pension lorsque,
dans l'après-midi, elle est prise brusquement de céphalée et de
maux d'estomac. Elle va à l'infirmerie : là, on lui donne quelques
pilules, puis elle sort, accompagnée par une soeur et va se pro-
mener dans le jardin du couvent. La soeur se met alors à cueillir
des fleurs et les lui montre pour la distraire en lui demandant si
elle en sait le nom ; Marthe les reconnaît toutes sans difficulté,
mais, à un moment donné, comme elle se retourne et se baisse
même pour voir de plus près le pied d'une plante que lui indique
la soeur : « Je ne le vois pas, dit-elle. C'est un pied de douce-
amère : ne le reconnaissez-vous pas ? Je ne vois pas, je n'y vois
plus... », et, comme une aveugle, on dût la ramener à la maison.
C'est à la suite de cette crise qu'elle revient à la clinique ophtal-
mologique de M. le professeur Badal. Il lui est absolument impos-
sible de se conduire elle-même, mais ne parait nullement
s'inquiéter de son état : elle semble même enchantée qu'on s'oc-
cupe d'elle.
M. Aubaret, qui l'examine alors avec soin, ne constate rien
d'anormal du côté des pupilles : pas d'inégalité, pas de mydriase
ni myosis. Réaction très nette à la lumière.
La malade prétend ne rien distinguer du tout : elle a la sensa-
tion du noir absolu. On essaye de lui suggestionner avec force que .
ce n'est pas possible, qu'elle se trompe, et on cherche en même
temps à se rendre compte s'il n'y a pas de simulation.
Le poing dirigé avec violence sur l'oeil n'entraîne aucun recul
réflexe de la tête, et le réflexe palpébral n'a lieu que si l'on touche
réellement les cils. A la chambre noire, la réflection de la lumière
sur les globes oculaires par le miroir de l'ophtalmoscope, en même
temps qu'elle permet de voir (avec interposition de la lentille) un
fond d'oeil absolument normal, ne produit aucune sensation. Il en
est de même avec une lampe électrique dirigée brutalement sur
les yeux, allumée et éteinte ensuite alternativement.
On se décide à tenter alors quelques manoeuvres directes ; à cet
effet, on instille d'abord dans les deux yeux du sulfate de zinc,
sans résultat, puis dans l'oeil droit de l'atropine, qui provoque une
hystérie JULENILE CHEZ UNE FILLETTE. 181
mydriase accentuée mais sans amélioration de la vue. On essaie
ensuite d'endormir la malade en pressant doucement pendant quel-
ques minutes sur les paupières fermées : vaine tentative ! On tente
l'électrisation par le courant faradique, en plaçant les électrodes
au niveau des tempes : le passage du courant incommode forte-
ment le sujet, mais n'entraîne pas plus de succès que les autres
manoeuvres.
C'est alors que M. Aubaret songe à la soumettre à un traitement
hydrothérapique local : un jet d'eau froide, assez fort, lancé sur-
le-champ dans ses yeux à l'aide d'une seringue, provoque une
sensation à laquelle elle se prête volontiers ; après quelques mi-
nutes, elle déclare même qu'elle vient d'apercevoir une lueur dans
l'oeil droit. On recommence une série de douches et peu à peu
l'acuité semble revenir : elle distingue un doigt, puis deux, puis la
main, puis le visage des personnes qui l'entourent. On lui met
ensuite des lunettes avec des verres neutres et faiblement négatifs,
en lui déclarant qu'elle aura la vue considérablement améliorée :
elle déclare, en effet, qu'elle voit de mieux en mieux et peut dis-
tinguer une grosse lettre d'une échelle d'acuité type Snellen, cor-
respondant à une acuité de 1/10.
Ayant ainsi amélioré la vision de l'oeil droit d'une façon notable,
on la prie de lire les gros caractères des échelles colorées de Stil-
ling en lui mettant les lunettes à verre coloré. Cette épreuve, ainsi
que celle de la boite de Fiées, permettent de conclure que la
malade a bien véritablement de l'amaurose de l'oeil gauche et font
éliminer toute supercherie possible : elles indiquent en même
temps que la vision binoculaire n'existe pas ; on la recherche
encore par deux nouvelles épreuves, celles du prisme et de la
règle ; mais l'acuité de l'oeil droit est trop faible et l'atropine ins-
tillée la diminue considérablement : Marthe distingue difficilement
les lettres des optotypes, les unes après les autres, et ne peut lire
d'une façon suivie.
On en reste là pour le moment; quelques jours après, le 18 juil-
let, elle revient à la clinique complètement guérie et raconte
qu'elle a recouvré la vue de l'oeil gauche, en caressant un chat
grimpé sur ses genoux, qui portait un ruban rose attaché autour
du cou.
C'est vers cette époque, le 21 juillet, qu'elle va à la consultation
de M. le professeur Pitres qui lui conseille un traitement hydro et
électro-thérapique. Mais environ un mois après, le 18 août, elle
retombe dans le même état d'amaurose double à la suite d'une
légère contrariété : elle avait donné rendez-vous chez elle, une
après-midi, à une de ses petites camarades; celle-ci ne vient pas :
le lendemain matin elle se réveille complètement aveugle pour la
quatrième fois.
M. Aubaret, qui la revoit à ce moment, essaie de 'nouveau les
z CLINIQUE NERVEUSE.
mêmes manoeuvres que précédemment, en particulier les douches
et l'électrisatioll : mais les résultats, cette fois, demeurent complète-
ment négatifs. Cette cécité dure une huitaine de jours; au bout
de ce temps, Marthe était en train de prendre un bain de pieds
dans saclamhre,lorsque, subitement, elle aperçut un christ d'ivoire
qui se détachait, en face d'elle, sur un fond en velours rouge sus-
pendu à la muraille : elle fût aussitôt guérie.
Le mois de septembre se passe sans crises, mais il y en a trois
pendant le mois d'octobre (du 10 au 2a). La première (5e crise).
qui dure trois jours, survient deux heures après une remontrance
que fait la grand'mère de la malade à celle-ci. Elle recouvre la vue
en distinguant le velours rouge d'un coussin sur lequel elle était
appuyée. La deuxième (60 crise), survenue sans cause bien connue,
dure deux jours : Marthe récupère la vision en apercevant le dos
rouge d'un livre posé sur une table. '
La troisième (7° crise) se produit dans des conditions assez
curieuses.- La malade couchait chez sa grand'mère et s'était
endormie paisiblement quand, se réveillant brusquement au milieu
de la nuit, elle dit : « Grand'mère, passe-moi les allumettes pour
que j'éclaire. Mais la lampe est allumée. Je ne la vois pas, je
n'y vois rien... » Le lendemain, à son réveil, la première chose
qu'elle aperçût fut un corsage doublé de rouge : elle était guérie ! 1
Le mardi 5 février 1901, la malade qui, depuis trois mois s'était
parfaitement bien portée, est prise d'une nouvelle atteinte de cécité
(la 8°), mais de façon un peu moins brusque que les précédentes.
Elle était à la pension et, pendant une récréation, à 4 heures de
l'après-midi, courait, s'amusait, quand tout à coup elle s'arrête,
dit voir trouble de l'oeil gauche ; quelques minutes après, elle ne
distingue plus rien de cet oeil ; mais ce n'est qu'un peu plus tard,
vers 7 heures un quart, au moment de rentrer chez elle, qu'elle
perd aussi la vue de l'oeil droit, devient complètement aveugle.
11 est à noter que ses règles ont fait seulement leur apparition,
pourla seconde fois, l'avant-veille de la dernière crise, le 3 février :
elles ont duré trois jours, jusqu'au 6 février, et leur disparition n'a
entraîné aucune modification dans l'état du sujet. Notons encore
que ce même 6 février au soir, la jeune Marthe a eu une véritable
crise de rires suivie de larmes, qui a duré près d'un quart d'heure,
sans qu'elle ait pu en donner une explication quelconque. Il y a
huit jours que cette crise de cécité dure sans aucune amélioration :
le père se décide alors à conduire sa fille à l'Hôpital des Enfants,
où elle est admise, salle 15, dans le service de M. le professeur
A. Moussous. ,
Etat actuel (16 fév. 1901.- A l'examen, on se trouve en présence
d'une enfant grande et bien développée pour son âge (elle me-
sure 1m,57), qui répond vivement et avec intelligence à toutes les
questions qui lui sont posées.
HYSTÉRIE JUVÉNILE CHEZ UNE FILLETTE. 183
Tête et éou. La face ne présente pas d'asymétrie, les muscles
de la physionomie se contractent bien ; il n'y a pas de spasmes to-
niques ou cloniques des paupières, mais la résistance opposée au doigt
par la paupière supérieure gauchefermée, est unpeu plusfaibleque
la droite. La sensibilité de la cornée gauche, aussi bien dans sa por-
tion centrale que dans ses segments interne et externe, est absolu-
ment nulle de même que celle de la conjonctive : mais sa recherche
provoque la sécrétion des larmes. La pression du globe oculaire
est douloureuse et normale à droite; elle ne provoque aucune
réaction à gauche (signe d'Abadie-Rocher). Le nez est bien con-
formé ; les plis naso-géniens, égaux des deux côtés, se creusent
dans le rire ou dans la moue d'une façon sensiblement compa-
rable. Les oreilles n'offrent aucune difformité : les lobules en sont
adhérents ; pas de tubercule de Darwin. La bouche est petite, les
lèvres sont un peu éversées, les dents en bon état : les deux inci-
sives supérieures et médianes sont larges, longues, sans canne-
lures, et dépassent les incisives latérales situées sur. un plan pos-
térieur ; la langue est étalée, tous ses mouvements s'exécutent
parfaitement. La voûte palatine est profonde mais pas ogivale; les
piliers du voile du palais sont symétriques : les amygdales, en
partie enlevées dans une opération récente, se cachent facilement
derrière eux Le réflexe pharyngien ne se produit que si on cha-
touille la moitié droite du pharynx ; la moitié gauche, même au
niveau de l'epiglotte, reste insensible à toute excitation ; on
remarclue aussi que les muscles du voile de ce même côté gauche
ne se contractent qu'imparfaitement : il y a hémiparésie inter-
mittente sans que toutefois la voix soit nasonnée ou qu'il y ait
reflux des liquides par la narine gauche. L'examen du larynx
et des cordes vocales effectué par M. Moure, ne présente rien de
particulier à mentionner : aucune parésie. Il semble cependant,
malgré la difficulté de cette recherche, rendue telle par les mou-
vements incessants du sujet empli d'effroi, qu'il y a anesthésie de
la muqueuse laryngée gauche. Les mouvements de la tête se font
d'une façon aisée ; le cou est assez fort ; il n'y a pas d'augmenta-
tion exagérée de la glande thyroïde. La sensibilité trachéale, abolie
à gauche, est conservée à droite.
Le thorax est normalement conformé : il n'y a pas de voussure,
pas de déviation de la colonne vertébrale. L'examen des poumons
n'offre rien de particulier à signaler : la sonorité et le rythme res-
piratoires sont partout 'normaux ; on note seulement quelques
petits accès de toux, de temps à autre, d'ordre laryngé et certaine-
ment nerveux. Le coeur présente quelques irrégularités : les bat-
tements en sont un peu sourds; le premier claquement en parti-
culier est assez étouffé ; pas de bruits anormaux, ni frottements, ni
souffles. Pouls à 76.
L'abdomen est souple, se laisse facilement déprimer sous lamain.
184 CLINIQUE NERVEUSE.
Le foie ne dépasse pas les fausses côtes ; la recherche du reflux
hépato-jugulaire est négative. Pas de dilatation apparente de
l'estomac. Pas de mégalosplénie. Le creux épigastrique est insen-
sible dans sa moitié gauche : la moitié droite seule réagit sous
l'effet de la pression. Les réflexes abdominaux supérieur et infé-
rieur sont conservés, un peu ralentis et atténués à gauche, assez
exagérés à droite. Abolition complète de toute sensibilité ova-
rienne gauche ; la palpation réveille au contraire une vive douleur
au niveau de la région ovarienne droite : cette douleur, de carac-
tère superficiel, n'est pas absolument fixe, elle remonte dans
le flanc et l'hypochondre droits, gagne la région hépatique et s'ir-
radie même jusqu'à la base du poumon droit; elle gêne par
sa présence la recherche de la zone segmentaire hyperesthé-
sique de Lied qui, dans les troubles organiques de l'ovaire, cor-
respond généralement au territoire du dixième nerf intercostal.
Ici, cette zone d'hyperesthésie, en rapport vraisemblablement avec
des troubles fonctionnels seuls, semble empiéter un peu plus haut
sur le territoire du neuvième nerf, s'étendre un peu plus bas sur
celui du onzième nerf : elle décrit une bande en arc de cercle à
concavité supérieure, qui mesure 5 à G centimètres delarge, et va,
par sa limite inférieure, depuis la ligne blanche à 3 centimètres
au-dessus de l'ombilic, jusqu'à la colonne vertébrale au niveau des
deux dernières dorsales ; dans la partie moyenne de son parcours,
elle se rapproche de la crête de l'os coxal, où elle emprunte même
sa sensibilité à quelques filets du douzième nerf intercostal.
La région lombaire, anesthésiquo à gauche, réagit à droite assez
vivement à la pression. Les fonctions rénales s'exécutent parfaite-
ment. L'examen des urines fait à plusieurs reprises n'indiquent ni
sucre ni albumine. L'analyse complète effectuée par M. Lemaire,
pharmacien- de l'hôpital des Enfants, cinq jours après la
dernière crise, indique pour 1.430 centimètres cubes d'urine
(dans les 24 heures) : densité à + 15 = 10 18, réaction acide, cou-
leur jaune pâle et peu de sédiment ; l'urée atteint 14sir,70, le chlo-
ruie de sodium 1'76 ? 22, les composés xantho-uriques = 0,74 ;
l'acide phosphorique total = l6r,G2, dont 191,52 pour les phos-
phates alcalins et 0,10 pour les phosphates terreux : il n'y a donc
pas inversion de la formule des phosphates. Pas d'albumine,\ ni
glucose, ni pigments biliaires.
Le membre supérieur droit n'offre rien de particulier à signaler :
tous les mouvements en sont faciles ; il n'y a pas de diminution
de'volume : la mensuration de l'avant-bras, à 10 centimètres au-
dessous de l'interligne articulaire du coude indique 23 centimètres
de circonférence ; celle du bras, à 15 centimètres au-dessus de
l'olécrâne = 23m,5; la pression dynamométrique est de 17 kilos.
Les sensibilités musculaire, tendineuse, osseuse, ainsi que les
HYSTÉRIE JUVÉNILE CHEZ UNE* FILLETTE. ] 85
réflexes, sont conservés et normaux ; la sensibilité cutanée est
légèrement exagérée.
Le membre supérieur gauche est également bien conformé; il n'y
a pas d'atrophie; la mensuration, effectuée dans les mêmes points
que les précédents, montre seulement une différence d'un demi
centimètre : 22cm,5 pour l'avant-bras, 23 centimètres pour le bras
(et la malade n'est pas gauchère). Mais la force est presque nulle :
calculée au dynamomètre à main, elle ne dépasse pas 2 kilos.
De plus, on remarque que tous les mouvements s'exécutent avec
une certaine hésitation et une certaine lenteur. Si on commande
à la malade de soulever les épaules, on voit que les muscles de
l'épaule gauche sont parcourus un instant de petits mouvements
fibrillaires, mais l'épaule reste inerte, alors que du côté droit, elle
se hausse paifaitement. Y a-t-il vraiment impotence absolue de
l'épaule gauche ? Non, car si on prend la précaution de s'opposer
ferme avec les mains au soulèvement de l'épaule droite, on voit la
gauche se hausser, quoique très légèrement, mouvement qui se
produit encore, avec la même intensité atténuée, si on commande
un peu sé\èrement à la malade de ne soulever que cette épaule-là.
Divers autres mouvements commandés s'exécutent d'une manière
imparfaite et molle : la malade arrive mal a mettre la pulpe de son
index sur le bout de son nez, et si on lui dit de lever le bras au-
dessus du plan du lit, elle ne le fait que très incomplètement :
presque aussitôt la main, flaccide, revient lentement, progressive-
ment au point de départ, sans tremblement, ni secousses, ni inco-
ordination, les extrémités digitales atteignant les premières la
surface du drap, trente secondes après l'avoir quittée. D'autre part,
si, en causant avec la malade et à son insu, on met le bras à angle
droit avec la paroi thoracique, celui-ci revient au repos comme
précédemment dans l'espace de quarante-cinq secondes environ,
sans demeurer nullement fixé dans cette position donnée ni sans
retomber brutalement comme dans la paralysie flasque. On ne
constate pas de diathèse de contracture ni de contraction idio-
musculaire. Les réflexes musculaires et tendineux sont conservés.
Que les mouvements soient actifs ou qu'ils soient effectués pas-
sivement, qu'ils soient réflexes, qu'ils se produisent en flexion ou
extension, adduction ou abduction, pronation, supination ou cir-
cumduction, la malade n'a nullement conscience de leur exécution
ni ne peut apprécier aucunement l'étendue de leur déplacement.
Le sentiment de l'existence du membre est absent. Cette abolition
de la sensibilité musculaire n'est pas modifiée par le passage d'un
courant faradique ou galvanique; et si la contraction des muscles
existe normalement, elle n'est nullement perçue par la malade.
Cette anesthésie, également périostique et osseuse -comme on
peut s'en convaincre surtout avec un diapason (Hgger) -, est
aussi nerveuse (réaction douloureuse nulle par pression du cubi-
'LÔ(j CLINIQUE NERVEUSE.
tal), ainsi que ligamenteuse et articulaire, ce qui permet de donner
au membre des positions presque anormales. Enfin, elle est encore
superficielle, et les sensibilités tactile, douloureuse, thermique ou
électrique sont complètement abolies à la surface cutanée.
Par suite, le sens stéréognostique est perdu : la malade se
trouve dans l'impossibilité d'apprécier le volume, la forme et les
dimensions des objets divers qu'on lui place dans la main. La
perte des notions de poids et de résistance est également complète :
Marthe ne fait aucune différence entre des poids de 1 à 500 gram-
mes ou plus : elle nie leur présence dans sa main. On lui met
alors dans la main ouverte et reposant par son dos sur une table,
un poids suffisamment lourd pour empêcher tout mouvement des
phalanges digitales, puis on lui dit de fermer la main : on voit
aussitôt les muscles de l'avant-bras et des éminences thénar et
hypothénar se contracter, mais l'effort est impuissant à vaincre la
résistance, et la flexion ne se produit pas ; cependant, le sujet
reste absolument persuadé que ses doigts ont obéi à l'incitation
volontaire. Si maintenant on enlève le poids, et qu'on commande
le même mouvement, la main ne se ferme pas complètement mais
la flexion a lieu, sans que la malade fasse aucune différence entre
les deux épreuves.
Les masses musculaires du membre inférieur droit sont bien
conformées ; les divers mouvements s'exécutent parfaitement. La
circonférence de la cuisse, mesurée à 17 centimètres au-dessus du
bord supérieur de la rotule, est égale à 43 centimètres ; celle de la
jambe, à 12 centimètres au-dessous du becrotulien est de 30 ? 5.
Le réflexe rotulien et la sensibilité plantaire sont vifs; le réflexe du
tendon d'Achille existe ; pas de phénomène de Babinski ni de signe
de Schoeffer. La sensibilité cutanée sous ses divers modes est un
peu exagérée. ·
Le membre inférieur gauche n'offre aucune malformation ni
atrophie ; la mensuration faite dans des points symétriques aux
précédents indique une circonférence de 42clII, 5 pour la cuisse et de
30 centimètres pour la jambe, soit une différence de un demi-
centimètre avec le membre inférieur droit. Quand on dit à Marthe
de remuer le pied, de lever la jambe au-dessus du plan du lit ou
d'écarter la cuisse, elle fait tous ces mouvements, quoique avec
lenteur et d'une manière très imparfaite. Elle n'a pas, d'ailleurs,
le sentiment de leur exécution, et il en est de même des mouve-
ments passifs. Le sens de l'orientation est complètement aboli : la
perte du membre, aussi bien dans le lit qu'en dehors de lui est
continuelle; elle le porte comme un corps mort qui tient parfois une
place inutile, et souvent on le pousse et on y marche carrément
dessus, sans qu'elle en éprouve la moindre sensation. La résistance
aux divers mouvements de flexion, d'extension, d'adduction, etc.,
imprimés au membre est assez faible. Les réflexes rotulien et
HYSTÉRIE JUVÉNILE CHEZ UNE FILLETTE. 187 1
achilléen sont normaux, la sensibilité plantaire est nulle. Pas de phé-
nomène de Babinski ni de signe de Schoeffer. Dans la marche, le
membre ne décrit pas d'arc de cercle, il traîne sur le sol au niveau
de la base des orteils, sans qu'il y ait « draguage » à proprement
parler, ni boiterie concomitante.
La sensibilité aussi bien profonde que superficielle est abolie :
l'anesthésie est tactile, douloureuse, thermique, électrique au
niveau du tégument; elle existe aussi pour les nerfs, les os, les
ligaments et articulations. Il n'y a aucune douleur subjective dans
es divers segments du membre.
Uémianeslhésie. L'anesthésie est localisée à tout le côté gau-
che du corps, ainsi qu'il résulte des détails qui précèdent ; sa recher-
che minutieuse montre qu'elle s'arrête exactement au niveau de
la ligne médiane; mais il y a de haut en bas, en avant comme en
arrière, une zone d'hypoesthésie de un centimètre de large envi-
ron, qui s'étend à droite de la ligne médiane et forme comme une
transition entre le côté gauche insensible et le côté droit, sensible,
qui est plutôt hyperesthésique.
L'hémianesthésie gauche superficielle est totale : on peut de
ce côté tirer les cheveux, les sourcils ou l'oreille de la malade, lui
électriser le bras ou lui mettre de la glace sur le flanc, lui pincer
la cuisse ou lui chatouiller la plante du pied, elle ne réagit en
aucune façon.
Certains réflexes et certaines sensibilités profondes sont conser-
vés (réflexes pupillaire lumineux, abdominaux, du bras et, du poi-
gnet, rotulien, achilléen), d'autres abolis (sensibilités conjonctive-
cornéenne, oculaire profonde, mammaire, ovarienne, plantaire) :
en particulier, il est intéressant de noter que le réflexe pharyngien,
les sensibilités épigastrique profonde, trachéale et volvaire ont
complètement et seulement disparu dans leur moitié gauche,
c'est-à-dire dans la partie qui correspond à la région anesthésique.
Il n'y a pas de dermographisme pas plus à gauche qu'à droite.
La malade prétend avoir toujours plus froid à gauche qu'à droite,
mais il n'y a pourtant pas de différence entré les températures de
chaque côté.
Nous avons déjà indiqué l'abolition de la sensibilité gauche
profonde : musculaire, nerveuse, osseuse, ligamenteuse et articu-
laire ; nous n'y reviendrons pas. Mais nous insisterons davantage
sur les troubles de sensibilités plus spéciales, celles des organes
des sens.
Le goût, l'odorat et l'audition sont entièrement perdu s gauche.
La sensibilité exquise du conduit auditif externe est nulle ; les
muqueuses nasale, linguale, et palatine sont insensibles à tout
chatouillement ou pincement, à toute réaction thermique ou élec-
trique.
JS8 CLINIQUE NERVEUSE.
L'anosmie est complète : les vapeurs d'ammoniaque, le parfum
de l'eau de Cologne, l'odeur de l'éther, de l'acide acétique ou du
chloroforme ne sont aucunement perçus, ce qui n'existe point pour
la narine droite dont la muqueuse a conservé sa sensibilité olfac-
tive. De même, on peut placer quelques grains de sel, un peu
de sucre ou de sulfate de quinine sur toute la moitié gauche de la
langue, sans que Marthe ne goûte rien ; mais si on met ces mêmes
substances sur la moitié droite de l'organe, elle reconnaît volon-
tiers le goût du sucre, fait la grimace pour le sel, et crache vio-
lemment le sulfate de quinine en s'écriant : « que c'est amer ! »
La surdité est également complète : non seulement la malade
n'entend pas la parole à,voix haute ou basse, mais encore ne dis-
tingue aucun son, aussi grave ou aigu qu'il soit, comme on peut,
s'en convaincre, en particulier avec le sifflet de Galton. Il en est
de même du tic-tac de la montre, qui n'est nullement perçu dans
toute la moitié gauche de la tête, en quelque point qu'elle soit
placée. Les vibrations du diapason ne sont pas perçues davantage,
qu'on l'applique sur l'apophyse mastoïde ou qu'on l'approche du
pavillon de l'oreille (épreuve de Pinne), qu'on le mette en rapport
avec n'importe quelle surface osseuse du côté anesthésié, que ce
soit au niveau de la tête, du poignet ou du tibia. 'L'examen à
l'otoscope montre un canal auditif externe et un tympan en état
tout à fait sain. 11 n'y a jamais eu à aucun moment ni vertiges ni
bourdonnements. En somme, comme nous le disait M. le D1' Moure,
qui voulut bien examiner la petite malade, ce cas représente comme
la négation parfaite de la fonction de l'ouïe.
Les troubles du côté de l'appareil de la vision sont extrême-
ment intéressants, en ce sens qu'ils affectent les deux yeux à la fois
et qu'il y a cécité complète. Marthe a ce regard voilé et vague,
sans expression, qu'on remarque chez les aveugles; elle ne distin-
gue absolument rien et se cogne brutalement aux objets qu'elle
rencontre, en marchant, sur son chemin. Si on approche, par
surprise alternativement, à 1 ou 2 centimètres de ses yeux la
pointe d'un thermocautère chauffée au rouge blanc, elle ne bron-
che, pas et accuse simplement une sensation de chaleur au niveau
de l'oeil droit, le gauche participant (comme nous l'avons dit) à
l'hémianesthésie; il n'y a donc pas de simulation.
Jusqu'à hier après-midi trois heures, la malade avait exclusi-
vement la sensation du noir; à partir de ce moment, sans cause
connue, elle a recouvré la sensation du clair. *'
L'examen pratiqué par notre ami M. Ginestous, interne de M.le le
D'' Lagrange, confirme aujourd'hui les détails enregistrés déjà par
M. Aubaret dans des conditions anologues : pupilles égales, réa-
gissant bien à la lumière; ancune lésion du fond de l'oeil. Nous
songeons alois, vers il heures du matin, à utiliser l'affection
particulière qu'a Marthe pour la couleur rouge; à cet effet, nous
HYSTÉRIE JUVÉNILE CHEZ UNE FILLETTE. 189
l'amenons dans une chambre noire et la plaçons la face tournée
vers un grand carreau rouge qui lui est d'abord caché par un
volet fermé, interceptant les rayons lumineux. Alors brusquement,
on ouvre le volet; le visage de la fillette s'illumine aussitôt d'un
reflet rouge intense, mais elle ne distingue rien ; elle continue à
avoir la sensation du noir. On remplace le carreau rouge par un
vert : elle voit blanc ; on met ensuite un carreau de vitre ordinaire :
elle a encore la même sensation de blanc. En somme, l'expérience
demeure négative, et le sujet conseive toujours les seules sensa-
tions élémentaires du clair et de l'obscur.
Et cependant, quelques heures plus tard, vers 3 heures de
l'après-midi, comme elle se trouvait sur un banc au fond de la
salle 15 et causait avec ses petites compagnes, en traitement
comme elle à l'hôpital, elle s'écria brusquement : « Des pantoufles
rouges ! des pantoufles rouges ! J'y vois ! » Elle venait d'apercevoir,
en effet, aux pieds d'une de ses camarades assise en face d'elle, une
paire de pantoufles d'une belle couleur rouge. Et c'est ainsi qu'elle
recouvra la vue pour la huitième fois, après dix jours de cécité.
En résumé, à la date du 16 février, Marthe P... présente une
hémianesthésie gauche sensitivo-sensorielle complète, superficielle
et profonde, avec hémiparésie dû même côté, hémi-hyperesthésie
droite légère, exaltée principalement en certaines régions (mam-
maire, ovarienne, plantaire), amaurose double enfin.
La cécité ayant disparu brusquement ce jour-là, les autres phé-
nomènes anormaux ont-ils offert de leur côté des modifications
concomitantes ? C'est ce que nous avons recherché soigneusement
à diverses reprises dans les semaines suivantes. Toujours nous
avons trouvé identiques, constants, les troubles de sensibilité géné-
rale ou spéciale ; les troubles parétiques seuls se sont montrés
moins accentués,' la malade pouvant maintenant surveiller ses
mouvements par le regard, caractère sur lequel a insisté M. le
professeur Pitres 1.
Notre attention s'est plus particulièrement portée vers l'appareil
visuel qui semble, au premier abord, complètement revenu à l'état
normal et qui, en réalité, nous présente il considérer quelques
phénomènes assez curieux (dont la remarque est due eu grande
partie à la sagacité de notre ami M. Ginestous).
L'examen indique qu'il n'y a aucun trouble de réfraction ;
emmétropie des deux yeux; pas d'astigmatisme; aucune lésion
du fond de l'oeil. Les pupilles égales, réagissent à la lumière et à
l'accommodation, la gauche un peu plus lentement que la droite;
elles se dilatent également quand on pince fortement la peau, soit
dans sa moitié anesthésique soit dans l'autre moitié. Si on pro-
' Leçons cliniques sur l'hystérie, t. I, p. 111-12.
190 CLINIQUE NERVEUSE.
duit la même excitation sur le côté anesthésique seul, les pau-
pières étant fermées, la malade accuse une sensation de vert, ici
au niveau de- l'oeil droit exclusivement (signe de Le Dantec).
L'acuité visuelle normale à droite, est de un demi a gauche : elle
n'est corrigée par aucun verre. A l'optomètre, la puissance accom-
modative est de 13,5 dioptries il droite, contre 4 dioptries à gau-
che, ce qui parait indiquer un spasme du ciliaire gauche. Divers
objets vus par l'oeil gauche paraissent quelques fois plus grands,
mais généralement plus petits que les mêmes objets vus par l'ccii
droit; ils ne sont pas déformés ; il n'y a donc pas métamorphopsie,
mais plutôt macropsie et surtout micropsie portant proportion-
nellement sur les trois dimensions. On ne note pas -de diplopie ou
de polyopie,monoculaire.
La micromégalopsie gauche existe également pour les objets
colorés.
Le sens chromatique est perverti pour les deux yeux ; il n'y a
que le rouge que le malade reconnaît toujours sans la moindre
hésitation ; mais le vert, le bleu, le jaune ne sont distingués que
par comparaison. Interrogée il ce sujet, Marthe répond que ces
couleurs lui paraissent blanches, sans l'être cependant nettement,
et que pour les reconnaître, elle doit les comparer avec le blanc.
Dans d'autres cas, le raisonnement est plus compliqué, comme elle
l'avoue ingénuement d'elle-même, quand on lui demande de l'expli-
quer ; si, par exemple, on lui montre la feuille verte d'une plante
en lui demandant qu'elle est sa couleur, .elle se dit : « puisque
c'est une feuille, et que les feuilles sont ordinairement vertes, la
couleur de cette feuille est verte », et c'est la réponse qu'elle
fait.
Le champ visuel, rétréci (surtout à gauche) pour le blanc, l'est
davantage pour le rouge, davantage encore pour le bleu, et un peu
plus pour le vert, ce qui montre bien que l'impression transmise à
la rétine par ces deux dernières couleurs est un peu différente pour
chacune d'elles, quoique le sujet semble les confondre.
Enfin, la vision binoculaire, recherchée par l'épreuve de la règle
ou avec le stéréoscope de Holmes et les tests de Javal, est très
imparfaite ; il n'y a pas fusionnement des images. Ce fusionne-
ment ne s'effectue pas mieux avec des points ou des images de
diverses couleurs. Nous reviendrons plus loin en détail sur ces
diverses particularités au moment de la discussion.
La plupart de ces troubles paraissent sous la dépendance d'une
hypoesthésie rétinienne gauche, en rapport avec l'hémianesthésie
du même côté. L'anesthésie du début ou amaurose a fait place
maintenant à de l'hypoesthésie, mais celle-ci est encore suffisante
pour entraîner une perversion dans l'appréciation de la perspec-
tive et des trois dimensions. Cette hypothèse serait démontrée le
jour où la disparition de l'hémianesthésie serait accompagnée de
HYSTÉRIE JUVÉNILE CHEZ UNE FILLETTE. 191
la disparition de l'hypoesthésie rétinienne : nous espérons avant
peu la voir se réaliser.
Pendant tout le temps que Marthe est restée à l'hôpital des
Enfants, nos tentatives (douches, électrothérapie, frictions, etc.) pour
la débarrasser de son anesthésie, sont demeurées infructueuses.
Elle a même eu, le 13 mars, une nouvelle crise de cécité complète
(la neuvième) qui l'a prise brusquement et sans cause, pendant
son repas du soir. Le 15 au matin, on lui prescrivit des pilules de
mica punis avec forte suggestion a l'état de veille ; le lendemain
elle distinguait déjà le clair, et le surlendemain, elle recouvra la
vue après son réveil, tandis qu'elle se frottait avec un grand mou-
choir à carreaux rouges. -
Elle a quitté le service le 26 mars, très améliorée pour son
hémiparésie : on lui a ordonné en traitement de l'extrait glycérine
d'ovaire il raison de 10 grammes par jour, et de l'hydro et électro-
thérapie. Si ces moyens ne réussissent pas, nous aurons recoursà
d'autres, mais la guérison est certaine, elle n'est qu'une question
de plus ou moins de jours.
Cette observation nous a paru intéressante à rapporter en
son entier, pour un certain nombre de raisons que nous
allons maintenant faire connaître.
I. Si l'hystérie infantile ou juvénile est fréquente, elle ne
se montre pas très souvent avec un appareil aussi complet.
Il est important de noter ici, qu'elle semble avoir fait son
apparition à l'occasion des premières règles, et que ces
règles n'ont reparu, pour la seconde fois, que l'avant-veille
de la huitième crise de cécité, c'est-à-dire après une inter-
ruption de près de neuf mois. Entre ces deux époques, les
crises d'amaurose double sont survenues à des quantièmes
divers, mais presque toujours du 18 au 25 (13-18 juin 1900,
'10-'18 juillet, 18-26 août, 10-23 octobre).
Faut-il penser que les modifications physiologiques qu'en-
traîne habituellement l'âge de la puberté avec l'établissement
de la menstruation, et qui ont vraisemblablement provoqué
la première crise de cécité, ont été suffisantes pour retentir
ultérieurement de manière identique sur l'appareil oculaire,
même la menstruation ne s'effectuant plus ? Il est certain que
ces crises se sont produites à des dates relativement fixes,
mais l'irrégularité menstruelle est si ordinaire dans les cas de
ce genre, qu'on ne peut guère s'en autoriser qu'à titre d'in-
dication. Ce qui est plus probant, c'est que la malade, chez
laquelle les crises avaient complètement cessé pendant trois.
1 92 CLINIQUE NERVEUSE.
mois, a été prise brusquement, au moment de l'apparition
de sa seconde menstruation, d'une nouvelle crise (la huitième,
du 5 au 16 février '190'1) bientôt suivie d'une neuvième, à 1t
peine un mois après la fin de la précédente (14-17 mars).
' On ne peut nier, dans ces conditions, une relation véritable
de cause à effet : et c'est pourquoi, nous avions pensé pres-
crire à notre malade des composés ferrugineux. Mais M. le
D'' Régis, dans la discussion à laquelle donna lieu la présen-
tation de Marthe P... 1, ayant rapporté les résultats heureux
qu'il avait obtenus avec l'ovairine, dans des cas d'hystérie
juvénile provoqués de façon analogue, nous avons donné la
préférence à ce médicament.
Cette coïncidence de l'amblyopie avec la menstruation a
été déjà signalée. Mendel a cité un cas chez une femme de
quarante ans où la cécité survenait à l'apparition de chaque
règle. Colin va plus loin : il prétend que la menstruation est
la cause directe de.l'amaurose hystérique et rapporte plu-
sieurs cas à l'appui de sa thèse; dans l'un d'eux (cas de Sou-
quière), qui rappelle assez le nôtre, il s'agit d'une fillette de
douze ans qui n'avait été réglée que deux fois, et chez laquelle
survint subitement une perte complète de la vision avec
anesthésie de la partie gauche du corps. Douze jours plus
tard, les règles apparurent et l'amaurose s'évanouit. Dans un
autre cas (cas d'Amann), il s'agit d'une fille hystérique, qui à
vingt-sept ans, eût une crise de cécité qui dura une heure au
moment des règles. De vingt-sept à trente-sept ans elle eût
six crises de même genre, qui survinrent dans des conditions
analogues et durèrent de quelques minutes à une heure.
II. Ainsi qu'il ressort des recherches de notre maître,
M. Pitres, confirmées depuis par divers auteurs et surtout par
Charcot3, « rien n'est plus rare que l'hémianesthésie-sensi-
tivo-sensorielle complète dans l'hystérie. On n'observe guère
que des hémianesthésies cutanées avec prédominance plus ou
moins marquée des troubles sensoriels du côté où le tégu-
ment externe est insensible M.
1 Cruchet et Aubaret. Un cas de cécité hystérique (Soc. de médecine
et de chirurgie de Bordeaux, séance du 22 mars 1901, Gaz. hebdom. des
sciences médic. de Bordeaux, 7 avril 1901, p. 165 et 14 avril 1901, p. 173-74.
2 Cité par Pansier. Th. de Montpellier, '1892, p. 80.
3 Leçons du mardi. 1889, p. 517.
' Leçons clin, sur l'hyst., p. 140.
HYSTÉRIE JUVÉNILE CHEZ UNE FILLETTE. - 193
Notre observation, au premier abord, semble constituer une
de ces raretés. Et cependant si on y regarde de près, on voit
que l'épithète de complète, que nous avons donnée à cette
hémianesthésie gauche, est encore susceptible de critique,
puisque le réflexe abdominal de Rosenbach existe du côté
anesthésique. Néanmoins, nous pensons qu'il est bien diffi-
cile de rencontrer une hémianesthésie, qui se rapproche plus
près que celle-là, de la description schématique; c'est pour-
quoi, avec cette petite réserve, nous lui conservons le terme
de complète.
A cette hémianesthésie est superposée une hémiparésie ou
mieux hémiamyosthénie sur laquelle nous n'avons rien de
très particulier à signaler. Elle pourrait cependant jouer un
certain rôle dans la dissociation de la vision binoculaire dont
nous parlerons plus loin.
III. « Il y a un rapport constant entre l'insensibilité cuta-
née et l'insensibilité sensorielle», a dit Ch. Féié 1. Ce rapport
est loin d'être constant ainsi que l'ont prouvé Thomsen et
Oppenheim surtout MM. Pitres et Lichtwitz' ; ce dernier
auteur a tout particulièrement insisté sur la rareté de l'anes-
thésie sensitive complète au niveau de la muqueuse nasale.
Rappelons simplement, qu'ici, elle était absolument insensible
du côté anesthésié et qu'il en était de même des muqueuses
linguate, palatine, épiglottique, pharyngo-laryngée. Il y
avait anosmie et ageusie totales à gauche.
Le plus souvent, dans l'hémianesthésie complète, il existe
de la surdité unilatérale complète, et les diapasons placés sur
le front ou sur les dents, ne sont perçus que parle côté sain.
En même temps, on trouve une anesthésie complète du tym-
pan5. C'est exactement noire cas, ce qui n'est pas fréquent,
d'après tous les auteurs. « La diminution de l'ouïe peut être
plus ou moins prononcée et aboutir à la surdité complète...
mais dans la grande majorité des cas, la surdité hystérique
' Noie pour servira l'histoire 4le l'lcysléro-épileysie. (Archives de neu-
rologie. -1882.)
°- Article in Arch. sur Psych. iiiicl i\-craeral ? 1884.
3 Loc. cil., t. I, 8c et 9* leçons.
4 Th. de Bordeaux, lSJî. Recherches clin, sur les aneslh. hyst. des
mis. el de quelques organes des sens.
° \1'alton. Deafness in hyslerical liemianeslhesia. (Brain, 1883, p. 4G3-
Gi.) ,
Archives, 2° série, t. XII. 13
194 CLINIQUE NERVEUSE.
est incomplète ». C'est l'opinion de Collet', après celles de
Briquet, Pitres, Gilles de la Tourette 2, etc.
De fait, si l'on élimine tous les cas dans lesquels il y avait
des troubles auditifs propres concomitants (bouchon de
cérumen, otite catharrale, etc.), comme dans plusieurs faits
de Habermann, Litchtwitz, Gradenigo 3, 'VVÜrdemann" ou
Uspenski ? le nombre des surdités hystériques, même unila-
térales, es t très restreint. Il l'est même certainemen t beaucoup
plus que la réalité, parce que, comme le fait observer Gilles
de la Tourette, « les malades ne songent pas à se plaindre de
cette infirmité ° » et que « pour reconnaître leur surdité, il faut
la rechercher méthodiquement (Pitres)7 ». C'est ce qui nous
est arrivé, ici, où nous n'avons dépisté la perte de l'ouïe qu'en
prenant soigneusement l'observation : la fillette, jusque-là,
ne s'était jamais doutée qu'elle fut sourde.
Plusieurs cas ont été rapportés : un' par Rabenau 8, un par
Rosenthal 9, deux par Wallon10, un par Uspenski 11, un par
lIabermann 12, deux par Lichlwitz, un par Lemoine 1') avec
mutité, un autre par Cartaz Il avec mutité, un par Collet ? un
par Bourlier 16 avec cécité et mutité; mais parmi ces divers
cas, il n'y a que ceux de Walton, Rosenthal, Collet et l'un
1 Les troubles auditifs dans les maladies nerveuses. Gneycl. Léauté,
p. 140-41.
. « Il est très peu de cas dans lesquels il y ait surdité absolue ».
(Briquet in Traité clin, et lliér. de l'hyst., p. 2 ! J : i). - « Cette forme depara-
lysie de l'audition est fort rare ». (Pitres, loc. cil. t. 1, p, 92.), etc.
3 « Salle manifeslazioni a1ll'icolw'Í den' islerismo » Turin , 1895,
p. 12-1E0.
* A case of ltyste¡'icat deaf'ness, Médical News. 14 fée. 1891, p. 186-87.
5 Cité par Walton (p. 462).
0 Traité clin, et th. cle l'lc.sl., t. I, p. 192.
7 Loc. cit., t. I, p. 92.
8 Cité par Lichtwitz (p. 78).
0 Id. p. 79.
10 Loc. cil. p. 467 et 468.
" Second cas cité par Walton (p. 462).
19 Prseger med. 11Tocltenschl'Îf't, 1880.
13 Un cas de surdité hystérique. (.1fédec. moderne, 1893.)
" Annales des maladies de l'oreille et du larynx, juin 1894.
15 Loc. cil., p. 143.
10 Cécité hystérique et szooli-mztlilé. (Bulletin nzéclie. de l'Algérie, 18DL)
HYSTÉRIE JUVÉNILE CHEZ UNE FILLETTE. j
des deux de Lichwitz qui soient en rapport, comme le nôtre,
avec une hémianesthésie du même côté; et encore parmi
ceux-ci. seul celui de Litchwitz mentionne, comme chez
Marthe P..., une anesthésie du pavillon et de la muqueuse
qui tapisse le canal auditif externe.
IV. Les modifications en rapport' avec l'appareil visuel,
nous demandent des considérations un peu plus étendues.
a). « L'amaurose unilatérale, dit Bardol, est relativement
fréquente, quoique les hystériques s'en plaignent rarement.
Il n'en est pas de même de l'amaurose bilatérale et on peut
compter dans la science les cas de cécité hystérique 1 ».
Briquet- en rapporte trois cas, Mendel3 en a vu deux cas,
Dujardin-Beaumetz et Abadie '' un cas, Fieuzal * un cas,
Terson 6 un cas, Sevestre un cas, Jacobson un cas, Saint-
Ange 9 un cas, Marlow 10 un cas, Landouzy lt deux cas,
Oppenheim U un cas Claiborne' 13 un cas, Bourlier11 un cas,
Adamuck 1 : ; un cas, Déjerine 16 deux cas, ce qui porte à une
vingtaine de cas le nombre de cécités complètes hystériques
publiées.
En général, cette amaurose double n'a qu'une durée tem-
poraire elle disparaît brusquement comme elle est venue, au
bout de quelques heures, mais elle peut persister plus long-
1 Th, de Paris, 1893, p. (je, ,
5 Loc. cit.
3 Deulsche Zeitchrift sur prakt. Med. 1874, no 47. Un autre cas avec
,T. Lévy : Uebcr hysl. Amaurose. 1890.
. Bulletin de la Soc. znécl. des h6pil. de Paris, 187(J, p. lra.
11),ogi-ès i ? zé(lical, 1879, no 1.
1 Clinir¡,ophlalmologiqllc. 1879.
7 Soc. médic. des hôpitaux, 188.
" Cité par Strzeminski. Troubles ocul. de l'hystérie. (Recueil d'oph-
0 Revue médicale de Toulouse, 188. n° 6, p. 161-176.
,0 New York Illcdic..Jo1l1'lwl. 9 fév. 1sus;1, p. lot.
Cité par Gilles de la Tourette, loc : cit., t. I, p. 337. '
t3 Ncw YoOc policl, 1S ! J ? p. 299.
' Loc. cil.
" Maladies de l'appareil visuel, t. II, 472, 1897. '
10 7'milé de palhol. générale, 1901, t. V, p. 1125. ·
196 CLINIQUE NERVEUSE.
temps, huit mois (Mendel), quatre mois (Saint-Ange), un an
et demi (Oppenheim), plusieurs semaines (Jacobson). (
b). La dyschromatopie hystérique est typique chez notre
malade. Marthe qui avait conservé la vision des couleurs
quoique avec inversion dans leur perception et avec rétré-
cissement concentrique accentué du champ visuel dans le
premier examen pratiqué chez elle par M. Aubaret, ne l'a
plus à partir de sa huitième crise. Seul le rouge est reconnu
parfaitement, ce qui est le caractère propre de cette dys-
chromatopsie hystérique.
Ici, cette prédilection est même particulièrement nette et
originale, puisque si on ne peut pas dire que la vision du
rouge ait provoqué la cessation de la crise, c'est elle cepen-
dant qui a été la première récupérée au moment précis de la
guérison. Ainsi, à la fin de chaque crise, la première percep-
tion de la malade a toujours été celle d'un objet rouge : éti-
quette rouge, coussin rouge, dos rouge d'un livre, pantoufles
rouges, mouchoir à carreaux rouges, etc.
c). Il nous reste à parler de la vision binoculaire : 1° Dans
un premier examen, la malade étant restée aveugle de l'oeil
gauche seulement, les expériences faites démontrent que cet
oeil est totalement amaurotique, et que par conséquent, la
vision binoculaire peut être quelquefois abolie dans l'hys-
térie ; -
2° Dans un deuxième examen, il paraît évident au pre-
mier abord, que Marthe possède la vision binoculaire, puis-
que la convergence s'effectue parfaitement, que les pupilles
réagissent bien à la lumière et à l'accommodation, qu'elle
peut lire ou reconnaître les objets, à peu près aussi bien de
l'oeil droit que de l'oeil gauche, quand elle lesferme alterna-
tivement. Au reste, si elle a une diminution de l'acuité
gauche égale à la moitié et voit, avec l'oeil gauche, les objets
un peu plus petits ou un peu plus grands qu'avec l'oeil droit,
nous savons bien que ces troubles ne sont pas assez consi-
dérables ordinairement, pour empêcher la vision binoculaire
et le fonctionnement des images.
Et cependant, si on la soumet aux diverses expériences
pour la recherche de cette vision binoculaire, on est fort
surpris de constater que toutes sont négatives : aux épreuves
de la règle, du prisme, de la boîte de Fiées, de l'écran, du
stéréoscope avec les cartons les plus simples de Javal, elle
HYSTÉRIE JUVÉNILE CHEZ UNE FILLETTE. 197 I
répond comme si elle avait vraiment une cécité gauche
totale.
Elle semble donc se comporter d'une façon absolument
contraire à la règle ordinaire. Généralement, en effet, l'oeil
qui est amaurotique quand l'autre oeil est fermé, ne l'est plus
quand les deux sont ouverts, et la vision binoculaire existe.
Ici l'oeil amblyope qui voit bien quand l'autre est fermé, n'y
voit plus quand les deux yeux sont ouverts.
Il résulterait déjà de ceci, que les expériences ordinaires
pour la recherche de la vision binoculaire tendent à démon-
trer chez notre sujet : 1° qu'en certains cas, la vision bino-
culaire n'existe pas réellement (lor examen) ; 2° qu'en certains
autres, la vision binoculaire n'est qu'apparente et qu'il y a
plus exactement vision monoculaire alternante (2° examen).
La première proposition nous paraît justifiée ; nous revien-
drons plus loin sur la seconde qui, sous cette forme, ne
répond pas à tous les faits.
Les faits sont donc posés : il s'agit de les interprêter ; pour
cela, partons d'abord du plus simple et prenons la définition
générale de Fuels : « Lorsque quelqu'un voit simple avec
les deux yeux, cela peut s'expliquer de deux manières : ou
bien il fixe exactement des deux yeux et reçoit les impres-
sions des deux yeux au même endroit -vision binoculaire
simple; ou bien il ne voit pas de l'un de ses yeux, parce que
celui-ci est aveugle, ou parce qu'il fait abstraction de l'im-
pression reçue vision monoculaire 1. »
De même que l'hystérique fait abstraction de l'impression
auditive reçue dans la surdité hystérique complète, des im-
pressions olfactive, gustative et cutanée dans l'anosmie,
l'ageusie et l'anesthésie hystériques complètes, de même il
serait logique que l'abstraction de l'impression visuelle
entraînât une amaurose complète.
Seulement si l'anosmie, l'ageusie, la surdité totales sont
rares, comme l'a bien montré Lichtwitz, si l'anesthésie com-
plète est très rare aussi commel'a prouvé surtout M. Pitres,
l'amaurose absolument complète avec abolition de la
' E. Fucus. Manuel d'ophtalmologie, 2c édit. française. 1897, p. 630.
198 CLINIQUE NERVEUSE.
vision binoculaire est encore plus rare, sans que cependant on
puisse en nier l'existence.
Cette cécité totale peut exister, elle existe même, puisqu'on
en connaît plusieurs cas e t il nous paraît admissible d'accepter
la réalité de cette anesthésie rétinienne avec absence de la
vision binoculaire, au même titre que les autres anesthésies
sensitivo-sensorielles hystériques complètes. Comme l'écrit
Antonelli, après tous les autres auteurs qui se sont occupés
de l'amblyopie hystérique : « Cette inconscience de l'amblyo-
pie ou de l'amaurose monoculaire, lorsque le malade ne
ferme pas le bon oeil, est du reste en rapport avec les carac-
tères généraux de l'anesthésie hystérique. En effet, même
avec une hémianesthésie complète, les hystériques sont sou-
vent fort surpris si on leur fait remarquer le phénomène, car
ils ne s'en doutaient pas, et venaient consulter pour tout
autre espèce de troubles1 ».
C'est bien là le caractère particulier noté dans tous ces
désordres fonctionnels, qu'ils soient d'ordre auditif, gustatif,
cutané... De même qu'il peut y avoir négation des fonctions
auditive, gustative, etc., de même il peut y avoir négation
de la fonction visuelle. Mais de même que l'on voit l'anesthé-
sie, la surdité, l'ageusie, l'anosmie se transformer en hypo-
esthésie, hypoacousie, hypogeusie, hypoosmie, disparaître
complètement ou faire place à l'hyperesthésie, l'hyperacousie,
l'hypergeusie, l'hyperosmie, de même on peut appliquer ces
modifications en plus ou en moins à l'appareil visuel, et
nous serions très disposés à admettre la série des phéno-
mènes suivants : .
le' stade. - Cécité ou amaurose complète avec abolition
de la vision binoculaire. Les cas de ce genre sont extrême-
ment rares, probablement parce que la cécité, presque tou-
jours monoculaire, n'est généralement que mal ou pas perçue
par le sujet, et que le médecin ne l'observe presque jamais
au début. Il faut des circonstances toutes particulières,
comme celles qui ont amené notre malade à la clinique de
M. Badal, pour qu'on puisse étudier la vision monoculaire
hystérique. A ce titre, notre observation (1 ? examen) est
probante, et nous ne saurions trop remercier notre ami
* A. AntoneHi. a f/tMoczcon (/e /a UMMK & : ) : oeMa</'e c/;e f/MeMes
' A. Antonelli. La dissociation de la vision binoculaire chez quelques
stabiques et quelques hystériques, il propos d'un cas d'amallrose mono-
culaire hystérique. (Archives d'ophtalmologie, 1897, p. z27.)
HYSTÉRIE JUVÉNILE CHEZ UNE FILLETTE. 1999
M. Aubaret d'avoir bien voulu nous faire profiter de ces pré-
cieux documents. z
Mais si ces cas de cécité complète avec absence de la vision
binoculaire sont rares, on en connaît cependant quelques-
uns(Booth', Ginestous2), etles ophtalmologistes en admettent
la réalité ou la possibilité. Ainsi Parinaud écrit : « Chez cer-
tains malades, l'amaurose monolatérale ne disparaît pas dans
la vision binoculaire, soit que l'amblyopie soit trop pro-
noncée dans l'autre oeil, soit que la vision binoculaire
n'existât pas ou existât imparfaitement avant la maladie ».
Mais nous ne croyons pas que ces raisons puissent s'appli-
quer à tous les cas. C'est l'opinion de M. Lagrange : « Les
observations d'hystériques amblyopes d'un oeil qui ne
peuvent recouvrer la vision binoculaire aux épreuves de la
règle, du crayon, du prisme, etc., ne sont pas fréquentes,
mais elles peuvent très bien se présenter. Le fait général, il
est vrai, est que la vision de l'oeil amblyope reparaît dans la
vision binoculaire, mais il n'yapaslàde règle absolue v...» Et
c'est encore l'opinion d'Antonelli qui l'appuie sur un raison-
nement serré, logique, dont voici les conclusions : « La preuve
du prisme est douteuse... L'examen aveclaboite de Fiées est
également douteux... Si le malade répond négativement à
l'épreuve de Snellen ou aux cartons les plus simples de la
collection 'Java), les autres épreuves réussiront beaucoup
plus difficilement à démontrer la vision binoculaire5. »
Et plus loin : « La simple fixation d'un point ou gros objet,
même dédoublé par le prisme, ou encore la fusion au stéréos-
cope, vis-à-vis duquel le malade ne sait pas ce qu'il doit
voir, en restant presque indifférent aux phénomènes qui
1 J.-A. Bootli in Tite Jouma.of nerv. and menl. Diseuses, New-7orl : ,
1893 (p..t6t-7t), rapporte trois cas d'amaurose unilatérale chez des
femmes de trente-trois, dix-huit et quatorze ans qui n'avaient pas de
vision binoculaire (p. 473) : il est vrai qu'elle ne fût recherchée qu'avec
la seule épreuve du prisme.
°- Ginestous et de Fornel. Soc. anal. el phys. de Bordeaux. (Journ.
de médecine de Bordeaux, 2r juin 1900, p. kJH-o7.)
3 Il. Parinaud. Les troubles ocul. de l'hystérie. (Annales d'oculistique,
juillet 1900, p. 38.
* Soc. d'anat. et de phys. de Bordeaux, séance du 14 mai 1900.
(JOl/1'1 ! . de médec. de Bordeaux, na 27, 8 juillet 1900, p. 486.)
° Loc. cil., p. 225-26. '
200 CLINIQUE NERVEUSE. -
vont se passer, ne suffit pas toujours pour guérir l'espèce
d'aboulie de la vision qui affecte l'un des deux yeux 1 »-
Cette guérison peut être complète et durable : c'est le
retour à l'état normal ; mais elle peut être incomplète et
passagère : nous arrivons au deuxième stade.
2e stade. - La cécité est alors incomplète : c'est le stade
amblyopie faisant suite au stade amaurose, avec conservation
intermittente et généralement pervertie de la vision binocu-
laire. Cet état est de beaucoup le plus fréquemment observé;
c'est celui qui correspond aux. cas de presque tous les au-
teurs : Parinaud, Pitres, Bernheim, etc...
L'hystérique amblyope vrai, dans le cours de sa vie quo-
tidienne, ne prend conscience que des impressions reçues
par le bon oeil. Mais qu'une émotion, l'attention, un danger,
une cause quelconque enfin, viennent secouer l'individu et
agir sur lui par suggestion (et nous croyons que les épreuves
du prisme, de la boîte de Fiées, du stéréoscope, etc., agissent
de cette façon), il peut récupérer tout ou partie de savision,
suivant l'intensité de cette cause et son état de suggesti-
bilité 2. f ! . 1
Et alors : 1°ou bien le réveil de la conscience visuel le endor-
mie sera complet; c'est ce qui a eu lieu notamment avec la
boîte de Fiées (cas d'Armaignac) ou avec le prisme (cas de
Harlan), etc.; c'est ce qui arrive encore lorsque le sujet am-
blyope, étant obligé de subir une opération sur le bon oeil,
récupère aussitôt la vision de son oeil amblyope (plusieurs
cas de M. Badal) etc.
2° Ou bien le réveil de la conscience visuelle n'est qu'un
demi réveil; la récupération de la vision est épisodique, in-
termittente : elle montre que le sujet à un certain moment,
' Loc. cit., p. 231.
« Il semble, dit Gilbert Ballet, que les efforts variables qu'exigent les
diverses expériences de vision avec les deux yeux n'aient pas toujours
tous la même influence. Et c'est ainsi que peuvent s'expliquer les résul-
tats différents et contradictoires en apparence, dans quelques cas, que
donnent ces expériences... Il n'est même pas fatal, on le conçoit, que la
même expérience donne toujours à des moments différents, des résul-
tats identiques » (p. 313).
Gilbert Ballet. L'amaurose hystérique unilatérale. (Presse médicale,
1897, t. II, p. 309-313. Leçon faite à l'hôpital Saint-Antoine le 14 mars
1897, à propos d'un garçon de treize ans dont l'examen a servi de point
de départ à l'article d'Antonelli. '
HYSTÉRIE JUVÉNILE CHEL UNE FILLETTE. 201 1
à l'instant précis de l'expérience, a la vision binoculaire, mais
elle semble montrer aussi que la suggestion n'est pas suffi-
sante, pour que la conscience de cette vision dépasse le
moment de l'expérience. La sensation inconsciente devient
un instant consciente, pour retomber bien vite dans le champ
de l'inconscience, une fois l'obstacle écarté, le danger passé,
la suggestion envolée.
Voici Marthe, par exemple ; à l'état ordinaire elle ignore,
pour ainsi dire, son oeil gauche comme elle ignore toutes ses
sensations du côté gauche : elle en fait abstraction. Si nous
la faisons regarder dans la boîte de Fiées, c'est bien l'oeil droit
qui voit ; si nous la faisons lire avec la règle ou l'écran, il
n'y a toujours que l'oeil droit qui voit; avec le prisme placé
devant l'oeil droit nous n'obtenons pas de double image ; avec
le stéréoscope elle ne voit toujours que l'image de droite.
Donc, elle ne voit qu'avec l'oeil droit. Fermons le lui ; et
c'est le gauche qui voit maintenant presque aussi bien que
l'autre : ellepeut lire, voir l'image degaucheau stéréoscopeet
le point à droite avec la boîte de Fiées, etc. Ainsi, l'oeil
gauche voit aussi, et si nous voulons maintenant faire
ouvrir l'oeil droit, il semble que la vision binoculaire va
avoir lieu. Faisons donc ouvrir cet oeil droit : aussitôt le
gauche retombe dans l'inconscience et la malade ne se sert
plus que du droit (comme on peut s'en convaincre en recom-
mençant les épreuves précédentes).
L'expérience suivante cependant, les deux yeux étant
ouverts, montre que l'oeil gauche peut, dans certaines condi-
tions, voir simultanément avec le droit. Si on met sur les
yeux de Marthe des lunettes à verres colorés, de façon que le
vert soit devant l'oeil gauche amblyope et le rouge devant
l'oeil droit,puis, qu'on lui fasse lire ensuite l'échelle de Stilling,
elle distingue exclusivement les lettres rouges, c'est-à-dire
qu'elle ne voit que de l'oeil droit, observation conforme aux
observations précédentes. Mais si on change les verres de
façon que le rouge soit devant l'oeil amblyope et le vert
devant l'oeil droit, elle ne distingue d'abord que les lettres
vertes grandes et petites, puis ensuite les grandes lettres
rouges, ce qui indique qu'elle voit à la faveur du rouge
simultanément avec les deux yeux.
A-t-elle pour cela la vision binoculaire ? Une autre expé-
rience va nous répondre. Un carton avec deux pains à cache-
202 CLINIQUE NERVEUSE.
ter rouges, distants de 6 centimètres l'un de l'autre, est
placé au stéréoscope de Holmes. Marthe aperçoit tout de
suite le pain de droite, et semble n'apercevoir que celui-ci
exclusivement. Puis, si on insiste un peu, si on lui dit de
« bien regarder-», tout en veillant à ce qu'elle ait toujours
les deux yeux ouverts, elle finit par distinguer le pain à
cacheter de gauche : « celui-là est plus petit», dit-elle. Et si
on lui demande ce qu'elle voit, elle répond alors sans hési-
tation : « Je vois deux points rouges, un petit et un gros ».
Nous avons répété cette expérience 20, 0 fois et plus, en
variant la position des deux pains à cacheter : elle en a
toujours vu deux et les a chaque fois situés dans leur posi-
tion véritable. Cette épreuve est donc concluante et montre,
de façon évidente, qu'il n'y a pas à proprement parler, vision
binoculaire, mais vision monoculaire simultanée (puisque
le fusionnement des images ne se fait pas).
Ainsi, dans le cas de Marthe, la vision est toujours mono-
culaire ; monoculaire presque constamment par le bon oeil,
elle peut, sous certaines influences, devenir alternante ou
même donner l'apparence de la vision binoculaire mais,
en réalité, cette vision binoculaire n'est qu'une vision mono-
culaire simultanée.
Il y a plus. Antonelli rapporte l'observation d'un garçon de
treize ans et demi qui, au stéréoscope « lisait sans hésitalion
les lignes ou les numéros composés, tandis que très difficile-
ment il arrivait à fusionner les figures. C'était seulement
quelquefois et après des incitations répétées, presque une
suggestion à l'état de veille, qu'il pouvait voir par exemple
la sentinelle et la guérite, ou le cadran et les aiguilles de
l'horloge en même temps'» ; il cite également un cas analogue
observé chez une femme hystérique : c'est ce phénomène que
cet auteur a désigné sous le nom de dissociation de la vision
binoculaire. ,
Ainsi les phénomènes sont beaucoup plus complexes qu'on
ne l'avait cru tout d'abord, et les deux propositions que
nous avons formulées plus haut deviennent très insuffisantes
pour s'adapter à tous les cas ; c'est pourquoi, après considéra-
tion des faits précédents, nous croyons devoir établir les
cinq propositions suivantes :
1 Loc. cil., p. 220.
HYSTÉRIE JUVÉNILE CREIEZ UNE FILLETTE. 203 3
Dans l'oeil amblyope arrivé au second stade :
a) La vision monoculaire exclusivement par lebon oeil est
la règle ; 1 -
fi) A certains moments et sous certaines causes, la vision
monoculaire par le bon oeil devient monoculaire par l'oeil
amblyope : elle est dite alternante ;
y) A certains moments et sous certaines causes, la vision
monoculaire semble devenir binoculaire, mais cette vision
n'est binoculaire qu'en apparence : elle est en réalité simul-
tanée, et le fusionnement des images ne se fait pas ;
8) A certains moments et sous certaines causes, la vision
monoculaire devient binoculaire, puisqu'il y a iusionnement
des images ; mais si on étudie de plus près ce fusionnement,
on voit qu'il existe pour certaines images et pas pour d'autres :
on dit alors que la vision binoculaire est dissociée (Anto-
nelli) ; .
) Enfin, à certains moments et sous certaines causes, la
vision monoculaire' devient réellement binocnlaiJ'e... avec
fusionnement complet de toutes les images ; mais nous le
répétons, le caractère particulier de cette vision, est qu'elle
est essentiellement temporaire et ne dépasse pas le moment
de l'expérience.
Parmi ces divers phénomènes, les plus intéressants sont
ceux d'alternance, de simultanéité et de dissociation; ils ne
sont pas totalement inconnus, puisqu'on en rapporte des
exemples : dans les cas de Dor 1 et de Landesber la vision
est alternante, dans le nôtre elle est tantôt alternante ettan-
tôt simultanée, dans ceux d'Antonelli elle est dissociée.
De ces trois phénomènes particuliers, c'est encore celui de
dissociation qui est évidemment le plus curieux; mais s'il
est rare, nous ne croyons pas qu'il le soit tout autant qu'on
le croit. Comme le dit Antonelli : « La dissociation de la
vision binoculaire, tout en étant un phénomène rare, n'en
est pas moins assurée dans nos observations concernant des
hystériques... elle pourrait se montrer fréquente dans l'hys-
térie, si l'amaurose unilatérale n'était déjà elle-même rela-
tivement rare, et si, après avoir constaté la persistance de
' t. Dor (fils). Une observation de persistance de la vision binoculaire
dans un cas d'amblyopie monocul. hystérique, Rev. eër. d'oculistique,
fév. 1897, p. 51.
2 Journal of ne1'VOllS and mental diseases, 2 fév. 1886.
204 CLINIQUE NERVEUSE.
la vision binoculaire, qui semble constante dans ces cas, on
se donnait la peine d'examiner les caractères de ce dernier
mode de vision, au stéréoscope et aux autres épreuves ».
Quoi qu'il en soit, ces diverses considérations étant con-
nues, peut-être -pourrons-nous maintenant nous expliquer
un peu mieux toute lacomplexité qui entoure, dansl'hystérie,
cette question si aride de la vision binoculaire.
Nous avons montré comment l'amaurose complète du pre-
mier stade pouvait insensiblement s'améliorer, et passer,
dans un second stade, par l'alternance, la simultanéité, la
dissociation, pour arriver à une vision binoculaire vraie, mais
toujours intermittente et passagère, dans le cas le plus favo-
rable.
3e Stade. Un pas de plus, et la vision binoculaire, d'in-
termittente et passagère, devient constante : nous arrivons
au troisième stade qui correspond à l'état normal de la vision :
c'est le stade de guérison.
4° Stade. - Enfin dans un quatrième stade, la modification
sur l'appareil visuel au lieu de se faire en moins, peut se
faire en plus, et la sensibilité rétinienne devient hyperes-
thésie rétinienne, dont le signe le plus constant est la pho-
tophobie -.
C'est ainsi que nous comprenons, en allant du simple au
complexe, cette curieuse question de l'amblyopie hystérique.
Cette systématisation n'est pas purement hypothétique, mais
rigoureusement basée, au contraire, sur de nombreux faits
cliniques. Nous nous sommes contentés de voir les faits, de
les exposer, de les sérier, mais nous avons laissé à dessein
de côté jusqu'à présent toute doctrine ou toute théorie.
Sans nous départir d'une certaine réserve, nous essaierons
pour terminer, de considérer la question d'une façon plus
générale, de la poser sur son véritable terrain physiolo-
gique.
r.o. cil., p. 228-29.
° Bien entendu, il est infiniment rare que les termes de transition
soient tous conservés, dans un cas donné, suivant l'ordre que nous
venons d'indiquer. La guérison peut survenir d'emblée et le 2° stade
manquer, ou bien certains degrés de passage peuvent ne pas se pro-
duire : dans tel cas. il y aura vision simultanée, dans tel autre, vision
alternante, dans celui-ci, tantôt vision alternante et tantôt vision disso-
ciée, etc. ; on peut imaginer mille variantes.
HYSTÉRIE JUVÉNILE CHEZ UNE FILLETTE. 205
Après avoir dénié toute valeur probante à chacune des
épreuves qu'on emploie ordinairement pour la recherche de
la vision binoculaire, après avoir admis qu'elles peuvent
démontrer son absence complète. Antonnelli ajoute aussitôt
ceci : « La persistance n'en est pas moins certaine... L'ap-
pareil sensoriel de la vision continue à fonctionner malgré
l'amblyopie ou même l'amaurose monoculaire. Cette inté-
grité nous explique : d'abords que l'oeil amblyope ou amauro-
tique ne dévie pas, car le réflexe rétinien de convergence
continue à se produire, s'il était bien établi auparavant. En
second lieu, que le trouble visuel ne gêne pas l'hystérique,
lorsqu'il se promène ou s'occupe les deux yeux ouverts... »
Et plus loin : « Si le réflexe rétinien de convergence s'éta-
blit, chez ces hystériques, même lorsque la conscience de la
vision binoculaire fait défaut, cela est en accord avec les
caractères généraux des anesthésies, complètes ou dissociées
de l'hystérie; ne voyons-nous pas, en effet, la pupille d'une
hystérique se dilater si nous lui piquons fort le bras anes-
thésique, malgré l'absence de tout signe de douleur ! ? »
Un raisonnement identique pousse le même auteur à
écrire encore : « L'oeil amaurotique fonctionne inconsciem-
ment, en accord avec l'autre, comme d'une façon analogue la
périphérie de la rétine fonctionne inconsciemment, lorsque'
l'hystérique se promène librement, malgré le rétrécissement
considérable du champ visuel que l'examen périmétrique
nous montre. » Et plus loin : « Chez ces hystériques avec
amblyopie ou amaurosc monoculaire il ne s'établit pas de
vision simultanée, ni décision monoculaire ou alternante,
justement parce que l'appareil sensoriel de la vision binocu-
laire proprement dite continue à fonctionner, quoique
inconsciemment= ».
En effet, nous savons bien, chez l'hystérique, qu'une im-
pression quelconque, reçue par un appareil sensoriel qui
paraît normal au point de vue anatomo-physiologique, peut
n'être pas perçue par le sujet, nous savons que la sensation
qui en résulte demeure alors inconsciente, qu'elle est exacte-
ment pour le sujet comme si elle n'existait pas réellement,
et qu'on la considère comme telle en clinique.
' Loc. cil., p. 226-28.
2 Loc. cit., p. 227. Voir le raisonnement analogue de Parinaud. (Art.
cité des Annales d'oculistiq., p. 36-37. '
206 CLINIQUE NERVEUSE.
* Et cependant la persistance de la sensibilité de l'appareil
sensoriel n'en est pas moins certaine. A ce titre, à titre in-
conscient, la persistance de la sensibilité générale est aussi
certaine dans l'anesthésie cutanée, que la persistance des
sensibilités olfactive, gustative, auditive est certaine dans
l'anosmie, l'ageusie, la surdité, que, dans le cas présent, la
persistance de la sensibilité visuelle est certaine dans la
cécité. l '
Comprenons-nous mieux pour cela cette non-perception
de la sensation visuelle ? Trois théories sont en présence pour
tenter de nous l'expliquer ; Antonelli les accepte même
toutes les trois : «L'interprétation anatomique (Pitres, Pari-
naud, etc.), la dynamogénique (Binet, Féré) et la psycholo-
gique (Bernheim, Janet) sont toutes justifiées, si nous consi-
dérons, respectivement, le système de neurones qui doit
constituer l'appareil sensoriel et conscient de la vision bino-
culaire, ou bien la fonction de ce système, ou enfin les
troubles qui peuvent venir rétrécir, plus ou moins, le champ
de conscience de cette fonction ' ».
Mais qu'on se rallie à l'une de ces trois théories ou qu'on
les accepte toutes les trois, il ne nous paraît pas indispen-
sable pour expliquer ces phénomènes, de faire intervenir
s'il existe - l'appareil cortical de la vision binoculaire.
Pour nous, avec le centre monoculaire gauche pour la vision
droite, et le centre monoculaire droit pour la vision gauche,
on peut tout expliquer. ,
Reprenons les faits pour la démonstration.
1° Si, dans le premier stade, il y a amaurose monoculaire
complète, c'est que le centre monoculaire correspondant est
perdu (peu importe comment) pour la conscience du sujet,
et ce dernier possède exclusivement la vision monoculaire
de l'oeil sain.
2° Dans le deuxième stade, le sujet peut récupérer tempo-
rairement la conscience de son centre monoculaire amblyope,
et cela ne se traduit pas à proprement parler par la vision
binoculaire, mais plus exactement par une vision mono-
culaire alternante ou encore par deux visions monoculaÍ1'es,
l'une, complète, en rapport avec l'oeil sain, l'autre presque
toujours incomplète, en rapport avec l'oeil amblyope : il en
' hoc. cil., p. 231-32.
HYSTÉRIE JUVÉNILE CHEZ UNE FILLETTE. 207
résulte des modifications particulières dont les plus ordi-
naires sont la vision simultanée et la vision dissociée.
Si la récupération consciente du centre monoculaire am-
blyope est vraiment complète, elle ne l'est jamais, dans ce
stade, que passagèrement et ne dépasse pas le moment d'une
expérience ou d'une suggestion : nous avons alors la vision^
binoculaire vraie intermittente.
3° Enfin, si cette récupération complète du centre mono-
culaire amblyope, au lieu d'être intermittente devient cons-
tante, et dépasse en d'autres termes le moment d'une expé-
rience, d'une suggestion, nous avons la vision binoculaire
vraie constante : c'est le stade de guérison qui correspond
à la vision normale.
C'est ainsi que nous comprendrions volontiers les diverses
particularités de la vision binoculaire dans l'hystérie.
Cela tendrait à prouver que les troubles hystériques de
l'appareil visuel sont absolument comparables aux troubles
hystériques des autres appareils sensoriels, et qu'ils doivent
rentrer dans la loi commune.
S'il y a vraiment un centre pour la vision binoculaire, ce
ne sont pas les phénomènes déconcertants considérés jus-
qu'à ce jour, dans l'hystérie, du côté de l'appareil visuel,
qui nous aideront beaucoup à affirmer ou nier son existence.
Peut-être faut-il chercher ailleurs ou autrement... mais
nous n'avons pas ici, à prendre ou non part ; il nous a semblé
simplement que, telle qu'elle est, l'observation de notre jeune
hystérique était intéressante : elle nous a servi surtout
à voir un peu différemment des faits curieux que personne
ne conteste.
Avons-nous eu raison ou tort ? Attendons.
La folie d'un hégicide.
Le meurtrier du roi Humbert. Bresci dans son cachot. Mauvais
traitements. - Bresci, le régicide, vient d'être subitement frappé
d'aliénation mentale. La police italienne a fait tous les efforts pos-
sibles pour empêcher la divulgation de cette nouvelle, qui pour-
rait donner lieu à une enquête sur l'attitude des agents de l'auto-
rité. Il paraît en effet, aujourd'hui, établi que c'est par suite de
mauvais traitements que Bresci est devenu fou. (Le Français,
avril 1901). )..
PSYCHOLOGIE MORBIDE.
Recherches sur les troubles psychologiques consé-
cutifs à des hallucinations provoquées ;
rnr n
N. VASCHIDE ci 1 Cl. VURPAS
Clief des Travatix à 1'lcole des 1 la,tLes-Ettides. Interne des Asiles de la Seine.
(Ecole de VillejUif).
I
Lorsque les sciences s'adressent à des phénomènes de
complexité croissante leurs lois sont d'autant plus difficiles à
déterminer rigoureusement, que les éléments nombreux qui
constituent un seul phénomène se combinent les uns aux
autres et sont en définitive noyés dans les résultats synthé-
thiques qui s'offrent à l'observateur ; les difficultés de l'expé-
rimentation augmentent en raison de cette multiplicité.
Relativement simple en physique et en chimie, l'organi-
sation d'expériences précises devient plus délicate en bio-
logie et en physiologie. En psychologie, les éléments sont
souvent si complexes qu'il faut attendre certains cas heu-
reux, certaines conditions avantageuses que fournit la nature
et dans lesquelles il arrive ainsi, que certains éléments se
trouvent isolés naturellement de façon à rendre possible
une expérimentation qui, normalement est irréalisable. Lapa-
thologie mentale fournit parfois l'étude delapsychologieetde
la psychiatrie expérimentale des cas favorables, dont l'étude
aide à déterminer le mécanisme et les conditions de certains
actes mentaux particuliers.
Nous avons eu la bonne fortune d'observer, dans le service
de M. Briand, à Villejuif, une malade chez laquelle on pouvait
déterminer pour ainsi dire à volonté des hallucinations d'in-
tensité diverse. Nous avons tenté d'étudier expérimentale-
RECHERCHES SUR LES TROUBLES PSYCHOLOGIQUES. 209
ment, ce que pouvait provoquer dans une conscience,' ne
présentant aucun Irouble morbide, l'existence d'hallucina-
tions. Nous avons essayé également de saisir les rapports
qu'il y avait entre les troubles psychologiques et la quantité
d'une part et la qualité de l'intensité des hallucinations de
l'autre.
. Il
Afin de mieux connaître les conditions, dans lesquelles
l'observation a été faite et de juger ainsi de la valeur à
accorder aux résultats, voici résumée brièvement l'histoire
de notre sujet.
G... CL, âgée de trente-huit ans, sans profession.
G... donne peu de renseignements sur ses antécédents hérédi-
taires et sur le passé clinique et psychologique de sa famille. La
malade passa la plus grande partie de sa jeunesse chez des reli-,
gieuses; elle avait peu de mémoire et travaillait sans aucun succès
à son instruction. Actuellement elle ne sait même pas écrire ; elle
réussissait assez bien divers travaux manuels, la couture princi-
palement. G ? a passé une grande partie de sa vie dans les hôpi-
taux et les asiles. Soignée à l'Hôtel-Dieu et à Tenon, elle prit dans
l'hospice des crises d'hystérie à la vue d'une attaque présentée par
une jeune femme de ses compagnes. Elle l'ut soignée successive-
ment à l'asile clinique (Sainte-Anne) (un an), à la Salpêtrière (qua-
torze ans), à Villejuif (cinq ans).
Lors de son premier séjour à Sainte-Anne et à la Salpêtrière, la
malade fut traitée pour des accidents hystériques caractérisés prin-
cipalement par des crises convulsives. Ces crises étaient presque
toujours suivie de délire. G... prétendait voir des fleurs, des oiseaux,
elle était très agitée, brisait les vitres d'excitation, était si violente
que l'emploi de la camisole devenait nécessaire. M. Voisin ne lui
rendait la liberté de ses mouvements qu'après l'avoir plongée dans
le sommeil hypnotique, qui seul la rendait tranquille. Il arriva
plusieurs fois que le sujet fut laissé n'étant pas complètement
réveillé. L'excitation était alors extrême. La malade grimpait sur
les toits. Lorsque le réveil était complet le calme revenait.
Après quelques années, les crises motrices diminuèrent de fré-
quence. C'est alors que graduellement et comme par compensa-
tion se développèrent les crises d'agitation. A ce moment la malade
ne connaissait plus M. Voisin, le sommeil hypnotique n'était plus
possible. Cette crise d'agitation était annoncée deux ou trois jours
à l'avance par de la tristesse et du refus de nourriture.
Archives, 2" série, t. XI 1. 14
'210 PSYCHOLOGIE 11ORBIDE.
Il -arrivait parfois que soit les crises motrices, soit les crises
d'agitation'étaient suivies d'un sommeil très prolongé (cinq, six
jusqu'à quatorze jours). Il était alors très difficile de-réveiller,G ?
,11 fallait parfois l'aire usage de grosses piles. électriques pour obte-
nir ce résultat. Il arrivait aussi a la malade de tomber dans un
état d'être, à de certains moments, en proie à un état soporeux
particulier, état très différent par les sensations qu'il provoquait
du sommeil suit ordinaire, soit hypnotique. C'était de l'engour-
dissement plutôt que du vrai sommeil ; G... était alors comme
assommée, comme abasourdie ». Ce trouble persiste toujours. Les
.crises de sommeil auraient à cette époque alterné avec des crises
d'agitation ; 1;... demeure deux ans paralytique, n'éprouvant nulle-
ment envie ou le besoin de marcher, elle guérit brusquement de
cette all'ection.
A l'examen physique, nous relevons surtout l'existence d'unevocite
palatine de forme ogivale et un thorax en carène. Malgré une étude
minutieuse des diverses fonctions organiques nous n'avons observé
rien d'anormal, sinon l'existence d'undermographisme net. Envi-
ronnant la raie, légèrement surélevée, une zone large et diffuse se
colore en rouge.
Le suji't se plaint de ressentir de très vives céphalées, la douleur
*est surtout accusée au niveau du vertex; il -semble à G ? qu'elle d
en ce point une vaste plaie, que son crâne est ouvert. Les dou-
leur» s'étendent également dans le dos. La malade a la même
sensation, que si l'on y versait de l'eau tres froide ;.il lui semble
qu'elle a de la glace dans l'estomac. Cette céphalée et ces douleurs
dans le dos sont à peu près continuelles. '
G... présente de certains moments des idées obsédantes. Ainsi
ayant entendu parler de quelques sévices infligés par une certaine
personne, chaque fois qu'elle la voit approcher, elle est prise de
peur et craint d'avoir eu à subir quelques désagréments.
Lorsque G... entre dans le bureau, un certain appartement déter-
miné, elle -e demande avec anxiété, s'il n'y a pas une «, soupape» »
sous le parquet qui pourrait s'ouvrir et l'ensevelir. Dan-, sa crainte
elle se cramponne à la table pour ne pas tomber, dans le cas où il
en serait ainsi.
L'histoire pathologique de notre sujet a évolué avec l'âge.
Les crises d'hystérie ont actuellement complètement disparu,
ainsi que les crises d'agitation. Mais un autre phénomène
s'est produit, c'est l'apparition de crises sensorielles consti-
tuées par des hallucinations de toutes les sensibilités.
Ces hallucinations revêtent'souvent un caractère, terrifiant.
La malade voit des personnes al tachées à sa perte qui l'inju-
rient, lui représentant des spectacles terrifiants, la mettent
RECHERCHES SUR LES TROUBLES ! PSYCHOLOGIQUES. 211 1
à la torture. Lorsqu'on s'approche d'elle, il arrive parfois à
.G... d'entendre des voix lui Refendre de parler et lui dire que
.celui qui s'avance est attaché à sa perte, qu'il vient^pour
l'espionner. Aussi une certaine émotion s'empare d'elle qui
.lui fai fuir le nouvel arrivant et explique ses regards effrayés,
'son mutisme, l'allure de résistance qu'elle présente.
Dans l'intervalle de ses hallucinations G... est parfaite-
ment lucide, sa mémoire est à peu près normale, le jugement
est juste. La malade ne présente aucun trouble mental. Elle
se rend parfaitement compte de son état, convient de l'état
maladif, de ses hallucinations et demande à ce qu'on l'en
.guérisse.
Ces hallucinations naissen t brusquempnl. Dans les examens
cliniques longs et répétés qu'il nous a été donné de pratiquer
pendant plusieurs mois, nous avons eu l'occasion de voir
naître très souvent sous nos yeux des hallucinations, dont
voici, pour fixer les idées, un exemple choisi entre beaucoup
d'autres. Brusquemement G... se lève, elle aperçoit un ser-
pent qui projette son dard pour la piquer. Elle voit des
hommes qui vont se jeter sur elle, entend leurs voix qui la
menacent, lui défendent de parler, lui annoncent toutes les
souffrances qu'elle va subir. L'un dit : « Qu'on lui coupe les
bras et les jambes, moi je me charge du reste. » Tous les
supplices qu'on lui inflige, elle les ressent avec autant d'in-
tensilé que si ces tourments étaient réels et actuels. Les
hommes qu'elle ne faisait naguère que voir et entendre, elle
les sent maintenant ; ils lui « arrachent l'estomac, les yeux »,
ils la torturent; ils lui sortent les épingles qui retiennent sa
coiffure, nouent ses cheveux à leurs bras et -les tirent de
toutes leurs forces ; ils la lardent de coups de canif.
Puis, G... sent qu'on la terrasse, il lui semble qu'elle est
étendue à terre (à ce moment elle est parfaitement assise- à
nos côtés), ses bourreaux lui compriment la poitrine de.leurs
genoux ; ils lui arrachent la peau elles ongles. A ces souf-
frances, antipyrine ni morphine n'apportent aucun sou-
lagement.
III
Ces hallucinations terrifiantes, que nous venons de décrire,
semblent ne s'être développées que depuis le mois de février
ou mars 1900.
212 PSYCHOLOGIE MORBIDE.
Depuis lors elles ont notablement augmenté de quantité.
Si bien qu'au mois de juillet 1900, G... vint nous trouver en
nous priant de la guérir de ses hallucinations par un moyen
, quelconque (tous lui étaient bons) ou bien de lui ôter la vie.
Ses souffrances devenaient intolérables. « J'aimerais mieux
être morte, nous disait-elle, que d'endurer tout ce que je
souffre. »
Sur ses instances réitérées, nous eûmes l'idée d'essayer sur
elle de la suggestion hypnotique. Dans le sommeil hypno-
tique, nous lui suggérons qu'elle n'aura plus à souffrir de ses
persécuteurs, que ni elle ne les verra, ni elle les entendra,
ni elle ne les sentira. Au début l'effet de cette suggestion
durait peu. Mais peu à peu le temps de calme qui suivait le
sommeil devint plus long. Actuellement, après une séance
d'hypnotisme de un quart d'heure à vingt minutes, la malade
reste jusqu'à six jours sans avoir de nouvelles hallucinations.
Endormie à des intervalles réguliers G... n'est plus tour-
mentée par ses hallucinations et jouit d'une tranquillité
ardemment désirée. La malade est alors tout à fait normale,
raisonne bien et nous est reconnaissante de « l'immense
service » dit-elle, que nous lui rendons en la délivrant de
ses hallucinations, véritable poison de son existence.
Le début de la séance d'hypnotisme est généralement mar-
qué par une hallucination. Celle-ci se produit le plus souvent
avant que le sommeil soit produit. Dans ces conditions, il
est inutile de continuer les passes on n'arrive pas à endor-
mir la malade; il faut attendre que l'hallucination soitpassée;
après quoi le sommèil arrive assez rapidement. D'autres fois
l'hallucination a lieu pendant le sommeil hypnotique. Celle-
ci est alors bien plus tenace, surtout si l'on n'a pas soin de
réveiller immédiatement le sujet. Car cette hallucination agit
sur la phase de veille comme une véritable suggestion.
Enfin, on peut dire à G... pendant son sommeil, d'avoir
telle hallucination après son réveil.
Il est donc possible de provoquer de la sorte soit à loisir,
soit lorsque la nature nous l'offre, des hallucinations dans
une conscience apparemment normale. Il est alors possible
d'étudier, comme en une véritable expérimentation, les
troubles dus aux hallucinations et imputables seulement à
l'hallucination, puisque tous les termes restant les mêmes,
ce facteur seul varie dans des conditions déterminées.
RECHERCHES SUR LES TROUBLES PSYCHOLOGIQUES. 1.3
IV '
Voici maintenant les résultats auxquels nous sommes
arrivés.
Nous devons distinguer trois états différents dans les
descriptions qui vont suivre : a) les hallucinations sont
d'intensité faible ou moyenne ; b) les hallucinations sont très
intenses; c) le passage du trouble hallucinatoire de la
conscience à l'état normal.
a) La faible intensité de l'hallucination marque ordi-
nairement la phase de début. A ce moment l'hallucina-
tion est surtout visuelle et auditive; plus rarement la sensi-
bilité générale est atteinte.
Le premier phénomène que l'on observe, c'est d'abord de
la distraction. G..., qui jusqu'alors répondait immédiate-
ment, fait des réponses plus lentes, moins justes. A ce mo-
ment, si nous lui demandons ce qu'elle ressent, elle nous
décrit parfaitement son hallucination, nous dit ce qu'elle
voit, ce qu'elle entend, ce qu'elle ressent. Elle nous recon-
naît facilement, juge bien ce que nous lui disons, discute
avec nous. Dans ces conditions il nous est possible de lui
faire convenir que ses hallucinations, n'ont aucun fonde-
ment réel, et qu'elles n'ont pas plus de réalité que des scènes
terrifiantes qui se produiraient ;'pendant un cauchemar et
auxquelles elles sont absolument comparables.
« Je comprends bien tout ce que vous me dites, nous
répondit-elle. je suis même, toute disposée à le croire ;
mais voyez-vous je vois, j'entends, je ressens tout avec une
telle netteté, comme si c'était là, que je ne peux pas croire
que ce n'est pas vrai. Ces hommes je les vois et je les en-
tends aussi bien que vous qui êtes là ; je les vois à côté
de vous, et je sens ce qu'ils me font, aussi nettement que
lorsque vous me touchez. »
A ce moment, touche-t-on, pince-t-on la malade, même
faiblement, elle a des mouvements de défense exagérés, qui
ne se produisent pas normalement. Ces mouvements res-
semblent à des mouvements de crainte qu'elle fait pour se
protéger, et en même temps elle se rejette en arrière et
cherche à fuir. On dirait que toute impression provoque à
214 zut PSYCHOLOGIE MORBIDE.
ce moment chez elle, des images mentales terrifiantes, ana-
logues à celles que la plupart des individus éprouvent après
un accident, après un danger, et qu'ils expliquent en disant
qu'ils ont l'esprit « frappé ». 1
b) Les hallucinations sont' extrêmement intenses. Dans
ces conditions, le tableau que nous présente la malade est
absolument différent. Nos questions restent toutes sans
réponses. Quoique nous lui disions, elle ne répond rien. Si
nous produisons- des impressions à la surface du corps,
(piqûres, pincements) si nous faisons un bruit, ou si nous
provoquons chez elle une sensation quelconque plus ou
moins intense ou bien aucune réaction ne se produit, ou bien
le mouvement de défense est exagéré, et cette exagération
est poussée beaucoup plus loin que dans le cas précédent.
Car ici la malade se lève'et essaye de fuir, et de s'échapper
de nos mains.
En dehors de ces réactions particulièrement intenses à
certaines impressions, réactions qui d'ailleurs sont rares,
l'état de distraction le plus,absolu règne chez notre malade.
Plus rien du monde actuel n'existe pour elle, elle ne saitplus
où elle est, et lorsqu'elle réagit certaines impressions, c'est
lorsque celles-ci rentrent dans le cadre de son délire et
viennent s'incorporer à ses'hallucinations. Elle vit dans un
monde, d'hallucinations et d'illusions. Nous-mêmes, qui dans-
le cas précédent, lui restions familiers, elle ne nous reconnaît
plus, elle ne sait plus qui nous sommes, elle nous prend pour
des brigands et des assassins attachés'à sa perte : nous ren-
trons dans son délire, nous y sommes complètement incor-
porés, tous nos actes qu'elle perçoit sont interprétés dans le
sens délirant. « Qu'est-ce que vous me voulez, espèce de grand
brigand. Vous êtes le plus grand assassin de tous, qu'est-ce
que je vous ai fail pour que vous me-- teniez de la sorte. Si
vous.ne me lâchez pas, je vous fiche un coup de pied. Non,
lâchez-moi, s'il vous plaît, deux minutes seulement... » Tels
sont les propos, que nous tient G... au moment de ses grandes
hallucinations.- '
Les actes ne sont pas moins désordonnés que les paroles.
Tant que durent les-. hallucinations, le sujet est en proie à1
une agitation intense, qui nécessite le déploiement d'une
certaine force pour la maintenir : Brusquement elle se lève
et court dans le laboratoire, elle cherche à s'emparer de cer-'
RECHERCHES SUR. LES. TROUBLES- PSYCHOLOGIQUES. 215
tains objets qui sont à sa portée. Elle semble néanmoins
avoir une certaine préférence pour les instruments conton-
dants, comme des scalpels ou des ciseaux. Elle cherche
également à briser tout ce qui lui tombe sous la main. Elle
se précipite parfois du côté de la fenêtre, puis après un
instant d'agitation motrice, elle se calme, reste assise sans
bouger, la tête immobile, l'oeil fixe et largement ouvert. Elle
semble écouter ou voir quelque spectacle étrange. G... semble
complètement insolite au milieu qui l'entoure, mais bien-
tôt elle se lève brusquement et se précipite de nouveau dans
le laboratoire, comme une personne qui chercherait à fuire
une scène terrifiante. Elle est en proie à la même agitation
motrice que précédemment, et les phénomènes que nous
venons de décrire, recommencent jusqu'à ce qu'une nouvelle
période de calme se produise ; et ainsi de suite pendant un
temps variant entre une demi-heure ou une heure et demie.
Nous avons des renseignements sur 'ses états-, psychiques,
pendant ces périodes hallucinatoires. d'abord parles phrases
qu'elle prononce dans son délire, et par certains renseigne-
ments sun ce qu'elle ressent en ces moments et qu'elle nous
donne particulièrement, lorsqu'elle est plongée dans le som-
meil hypnotique..
c) Il ressort de ce que nous avons pu, recueillir sur ses- phé-
nomènes de conscience, que G... est en proie à des hallucina-
tions terrifiantes de la vue, de l'ouïe, de la. sensibilité géné-
rale ; elleivoit une guillotine, des hommes avec des. haches,
on dresse un-bûcher, on. lui. annonce les tortures qu'elle va
endurer, puis le feu arrive jusqu'à'elle; elle.est.dans,les
flammes : « Je brûle, laissez-moi me jeter par la fenêtre,,»
nous criait-elle pendant ses- hallucinations. Nous-mêmes-,
elle nous prend pour ses bourreaux, elle ne nous reconnaît
plus, ne nous voit plus habillés tels que nous sommes, ni
avec notre figure habituelle. En ces moments, dit-elle, elle
ne sait plus ce qu'elle fait, elle ne raisonne plus, ne peut
plus dit-elle. se retenir; elle se compare à une lionne prête à
se jeter sur ceux qui l'entourent. Ses actes ne sont plus
arrêtés pour être jugés, ils suivent immédiatement l'idée. ou
même plus exactement l'image mentale. L'hallucination par
son intensité trouble la plupart des, processus psychiques. et
provoque un : bouleversement dans les idées et dans les-
actes.
216 6 PSYCHOLOGIE MORBIDE.
V
. /
Ce tableau nous semble intéressant pour la psychiatrie
expérimentale. En effet, ici ce que nous pouvons provoquer
c'est l'état mental, qui dans le cas particulier est principale-
ment causé par des hallucinations très intenses, et le délire
consécutif, qui se manifeste par du désordre dans les idées et
les actes, est le résultat de cet état mental. Il se passe donc à
peu pi es le contraire, de ce qui a lieu normalement, quand
nous inférons des désordres présentés par un malade à son
état mental et surtout aux causes génératrices de ce désordre.
Ici, nous sommes maîtres de la situation et les causes du
désordre nous sont parfaitement connues. Dans quel cadre
clinique placer ce tableau symptomatique ? Ce cas de psy-
chiatrie expérimentale pourra de la sorte apporter une cer-
taine contribution à la pathogénie de la maladie, ou plutôt
du trouble morbide, dans le cadre duquel l'observation cli-
nique l'aura classé, ne tenant évidemment compte que de
l'aspect symptomatique.
Ce qui caractérise ce tableau symptomatique, c'est en
résumé l'état de distractions mentales du sujet joint à de
l'agitation motrice, le désordre des idées et des actes, le tout
sont la dépendance des hallucinalions.
Il ne s'agit évidemment pas du tableau de la manie vraie.
Le diagnostic symptomatique posé en présence de cette
malade serait plutôt excitation maniaque avec confusion
dans les idées et hallucinations. D'autres auteurs propo-
seraient pour cet état le diagnostic de confusion mentale
hallucinatoire.
On sait que la confusion mentale présente elle-même
plusieurs formes cliniques dont la forme maniaque, c'est la
place qu'on lui assignerait dans ce cadre nosologique. Une
variété nosologique a été décrite en Allemagne et dans laquelle
nous devons nous demander, si notre cas ne devrait pas
être placé.
C'est la pamnoia aigue. Sous ce nom les auteurs décrivent
des cas, dans lesquels on observe des hallucinations (les
auteurs l'ont appelée paranioa aiguë hallucinatoire) et une
certaine systématisation dans le délire ou plutôt une simple
RECHERCHES SUR LES TROUBLES PSYCHOLOGIQUES. 217
orientation constante dans les conceptions délirantes. Mais
ici il y a une idée fixe, une histoire qui demeure invariable.
Chez notre malade il n'y a pas d'idées persistantes ni fixes,
tout l'état mental est sous la dépendance de nombreuses
hallucinations; il est mobile avec elles. On ne peut pas dire
à proprement parlerr qu'il s'agit d'idées de persécution ; la
malade a devant ses yeux des tableaux effrayants auxquels
elle réagit automatiquement, mais elle n'a pas pendant l'accès "
l'idée qu'elle est persécutée. Elle souffre, mais elle ne peut
pas assez sytématiser, analyser, ni revenir sur elle-même,
s'examiner et réfléchir pour avoir la conception nette et sys-
tématique qu'on la persécute.
Il s'agit donc ici d'une véritable confusion mentale, dans
laquelle les hallucinations se succèdent comme en une véri-
table fantasmagorie kaleidoscopique. L'état mental de G...
indépendamment des réactions motrices, ressemble assez à
celui d'un individu atteint de delirium tremens auquel on a
souvent comparé la confusion mentale hallucinatoire.
La connaissance de l'état mental de notre sujet, peut donc
assez bien nous faire pénétrer, dans celui qui doit présider à
l'évolution de certaines confusions mentales, quelque soit
l'élément étiologique qui ait causé son développement, et
indépendamment de lui. Ces crises hallucinatoires durent
une heure et demie environ. Lorsqu'elles finissent les hallu-
cinations ne disparaissent pas mais, diminuent progressive-
ment ; ce sont les hallucinations de la sensibilité générale
qui cessent les premières, mais bientôt toutes disparaissent.
Cependant la conscience n'est pas encore normale. La malade
reste 'plongée pour un certain temps dans un monde fictif
encore tout impreigné des tableaux dont l'avaient peuplé
tant d'hallucinations. Les illusions demeurent un certain
temps; G... ne sait plus où elle est. Quand nous lui deman-
dons qui nous sommes, tout'd'abord elle ne nous répond pas
puis elle nous dit que nous sommes ses bourreaux. Il faut
qu'elle se rende compte des objets, qu'elle étudie le milieu
ambiant. ,
Nous lui disons de nous reconnaître, de regarder qui
nous sommes. Pour commencer, elle ne porte que timide-
ment la main sur nous, puis elle s'enhardit, touche nos
vêtements, nos mains, notre visage, notre chevelure ; alors
ce n'est qu' elle nous reconnait et bientôt tout est jugé à sa
218 t; PSYCHOLOGIE MORBIDE.
valeur..G... comprend- ce qui. vient de se passer, sa.cons-
cience est de nouveau normale. '
Cet état de réveil, pendant lequel malgré la disparition des
hallucinations, les illusions durent toujours en raison de la,
persistance des points de repère qui, les avaient engendrées,
existe également à la suite des états de confusion mentale
hallucinatoire. La.- durée seule, est plus- longue.. Dans ces
conditions tout semble étrange au.- malade ; il faut qu'il
refasse connaissance avec le monde et les divers phénomènes
de la nature. IL faut qu'il se rende compte de tout ce qui
l'environne et principalement de ce qui. peut Iuhrappelerles
scènes, que ses illusions et ses hallucinations avaient placéesi
dans son.délire. Il faut que. le malade se fasse une nouvelle
éducation, se ressaisisse, fasse une étude de tout ce qui se
présente à lui et arrive à le reconnaître.
Un état analogue, quoique d'une durée un peu plus rapide,
ne se produit-il pas physiologiquement à la'suite d'un rêve ?
Pendant une période très courte qui s'étend entre le sommeil
et la veille, l'individu qui vient d'avoir un cauchemar revoit,
dans- les nouvelles sensations qui s'offrent à lui, la continua-
tion de son rêve, qu'il poursuit ainsi encore pendant un,cer-
tain temps dans la vie de la veille. Il faut qu'il se ressaisisse,
fasse une analyse minutieuse de toutes ses sensations, juge
'tous les phénomènes qui se présentent à sa conscience et
fasse une nouvelle synthèse des sensations présentes avec
toute sa vie passée. Il lui faut donc faire effort d'attention,
d'examen, de mémoire, de jugement, de synthèse pour qu'il
arrive à se- placer dans la vie réelle avec la -vraie place qu'il
y occupe. Ce n'est qu'après ces efforts que la conscience du
sujet est redevenue normale.
VI
En. d'autres termes les faits que nous. rapportons consti-
tuent, croyons nous, des vraies recherches expérimentales;
s'adressant à la valeur, et au rôle actif d'une image ou d'une
idéation sur unu synthèse normale préalablement prédis-
posée. Chez notre sujet nous retrouvons les phénomènes qui
se passent dans le mécanisme psychologique des.faits d'a-
daptation et de distractions, habituels à l'indïvidu. bien.
RECHERCHES SUR LES) 1'1tOVBLESJ PSYCHOLOGIQUES. 2 19"
portant; sans doute ces phénomènes sont exagérés, -la struc-
ture en est plus élastique et précisément à cause de- cette
structure psychopathique ils prennent à nos yeux» une im-
portance capitale, puisqu'ils permettent de saisir les., élé-
ments intimes de ce mécanisme.
Voici quelles conclusions nous croyons être en droit de* /
formuler.
'in L'étude'de la vie psychologique de notre sujet', suivi'
dans son évolution, nous montre que les crises hystériques du -
début ont été remplacées par de l'agitation motrice à laquelle i
a succédé cette disposition spéciale de la malade à un état\
hallucinatoire. Elle présente en somme une succession dans
le temps de trois catégories de troubles morbides, qui parais-
sent avoir chez G... la valeur de termes équivalents.
Les hallucinations actuelles peuvent être considérées
« largo senso » comme des crises psychiques. Ainsi une
fois de plus on pense à l'existence d'une agitation psychique' J
indépendante et bien distincte d'une agitation motrice et,
d'une crise ccnvulsive.
L'explication intime du-phénomène échappe à notre con-
naissance et malgré tous nos efforts d'analyses et d'expé-
riences nous n'avons pas pu surprendre le mécanisme de ?
cette évolution, fait d'autant plus difficile à étudié que les'
états antérieurs de : la malade nous étaient totalement incon-
nus. Les auteurs citent d'ailleurs de nombreux faits tendant
à démontrer la réalité de ces équivalents psychiques de la-
crise motrice, notamment dans l'épilepsie. Ces documents ont'
en outre le mérite d'apporter quelque contribution à la psy- '
chologie de l'hallucination.
2° Notre cas précise, d'autre part, comme nous l'avons dit
plus haut, le mécanisme de la psychologie de la distractioni
et de l'attention. A l'état soi-disant normal l'état mental'de^
G... présente à peu près la puissance d'attention, que l'on'
retrouve chez tous les sujets normaux. Une image plus in-
tense, une idéation qui s'extériorise détruit le pouvoir d'atten-
tion et la synthèse mentale s'oriente intimement et presque
instantanément vers l'image et s'y adapte. Cette image im-
posée occupe la conscience et provoque un état de distraction,
lorsque l'hallucination est d'intensité moyenne.
Lorsque l'hallucination est très intense, à la distraction fait
place un véritable état de confusion mentale. Le rapproche-
220 PSYCHOLOGIE MORBIDE.
ment, que cette expérience naturelle permet entre deux états
psychiques, semble jeter quelque lumière sur le mécanisme
et la structure mentale qui préside à l'état de confusion.
L'idéation provoquée est rapidement adaptée et à mesure
que la distraction grandit, un état de croyance en la réalité
de l'image accompagne son extériorisation.
Dans l'hallucination l'image impose pour ainsi dire, par
les idéations qu'elle évoque, un arrêt à la pensée, arrête
l'éclosion de tout souvenir et à mesure que l'hallucination
gagne d'intensité, la distraction grandit pour bienlôt évoluer
vers un état de confusion, qui n'en est que la plus haute
expression, état dans lequel les images se succèdent rapide-
ment, voltigent autour de l'objet de l'hallucination provoquée.
La coexistence des images devient toujours plus obtuse,
tandis que l'éréthisme psychique va en augmentant.
3° Le passage de cet état à la vie psychologique normale
est intéressant, en ce qu'il montre les nombreux processus
psychiques qui concourent à une structure et une synthèse
mentales normales.
La distraction est ébranlée dans son adaptation par des
excitations sensorielles venues du milieu extérieur, qui
gagnent d'intensité et rendent possible le retour de la mé-
moire et du souvenir grossier mais précis. La lueur de cons-
cience, revenue d'elle-même, cherche des points d'appui; la
croyance en la réalité de la scène des hallucinations s'éli-
mine par les contrôles des différentes données sensorielles,
dont chacune apporte un coefficient d'images, toujours plus
complètes et mieux définies, qui achèvent le réveil définitif.
Sans pouvoir expliquer la génèse et la nature de l'hallu-
cination, les quelques résultats, que nous venons de résumer,
peuvent contribuer, pensons-nous, à l'etude de la génèse
et de l'évolution des états de conscience provoqués par des
hallucinations.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
- PATHOLOGIQUES.
XXXIII. Altérations de la sensibilité tactile et thermique à la suite
de la lésion d'un rameau digital du nerf médian; par G. Ferrari.
(Riv. sp. di frai., 1900, fasc. 1.)
L'étendue du champ de l'anesthésie thermique plus grande que
celle du champ de l'anesthésie tactile porte l'auteur à admettre
l'existence de fibres distinctes pour les diverses sensibilités, et
distribuées différemment dans les troncs nerveux. J. SÉGLAS.
XXXIV. De l'élimination rénale du bleu de méthylène dans les
diverses formes de psychoses; parBoDONi. (lliv. sp. di (l'en., 1899,
fasc. 3-4.)
Le bleu de méthylène a une action considérable sur l'organisme,
particulièrement sur le système nerveux, action qui se reflète sur
l'élimination du bleu lui-même. La forme psychopathique influe
toutefois sur l'élimination; et la moralité de l'élimination varie de
l'une à l'autre forme, comme elle varie suivant le moment du pro-'
cessus morbide, principalement chez les paralytiques généraux.
Chez beaucoup d'aliénés, le bleu de méthylène est éliminé non
seulement par les urines, mais encore par les fèces.
L'auteur a observé ce fait dans 4 cas sur 12. Plus qu'à l'état
anatomique des reins, la fonction rénale est liée chez les fous aux
troubles généraux qui produisent et maintiennent chaque forme
morbide; et c'est en raison deces troubles que varient la qualité et
la quantité de l'élimination. Le bleu de méthylène ne peut servir à
contrôler l'état anatomique et fonctionnel des reins chez lesaliénés,
pas plus que chez les autres malades ou même chez les individus
sains. , d. SÉCLas.
XXXV. Du réflexe oculo-pupillaire ; par S1'Er.aNI et NORDER.1. (Riv.
sp. di {l'en., 18\)\), fasc. 3-4.)
Le réflexe que les auteurs dénomment oculo-pupillaire se
manifeste à la suite de l'action de stimulus excitant la cornée et
la conjonctive, ou, à un degré beaucoup moindre, d'excitation des
222 REVUE d'anatomie ET DE physiologie pathologiques.
parties tout à fait voisines de l'oeil. Il manque lorsque le stimulus,
de quelque nature et de quelque intensité qu'il soit, porte
sur d'autres régions.
Pour provoquer ce réflexe, il suffit de frotter légèrement les
paupières ou de titiller la conjonctive ou la cornée, avec la pulpe
du doigt ou une sonde; le réflexe peut être aussi déterminé par
un stimulus électrique, par des excitations thermiques portant sur
la région oculaire, bien que dans ces derniers cas, des aetions plus
complexes entrent en jeu.
A la suite de l'attouchement de lacornée ou de la conjonctive, les
.deux pupilles peuvent revenir subitement sur elles-mêmes, comme
à la suite des excitations sensitives en général. Lorsqu'il s'agit
d'une irritation-prolongée, la dilatation des pupi'les, qui suit
immédiatement l'action première du stimulus, fait subitement
- place,à-un rétrécissement; ensuite, si l'irritation persiste, les
pupilles subissent un élargissement léger progressif. C'est là-le
véritable réflexe oculo-indien. Après un temps variable, d'ordi-
naire au bout de deux minutes environ, succède une constriclioD
manifeste de durée variable, mais généralement plus prolongée.
Lorsque l'excitation cesse, les pupilles reprennent leur largeur
première. Les vacations de l'orifice pupillaire intéressent d'une
façon égale les deux iris : quelquefois durant l'observation, on note
des o-cillalions du diamètre pupillaire, mais elles ne troublent en
rien l'évolution complexe du mouvement de l'iris.
Le réflexe oculo-pupillaire qui se distingue du-réflexe sensitif
- ordinaire par la lenteur du mouvement de l'iris et par la localisa-
tion du stimulus provocateur dans la 'région oculaire, comporte
comme lui deux phases de dilatation et de cor)slr ig[ioii. Mais, à
l'inverse de l'autre, la phase vraiment caractéristique du réflexe
oculo-iridien, est la conariction.
Pour constater le premier mouvement du réflexe oculo-pupillaire
(dilatation), il convient d'examiner les pupilles à une lumière
intense (lumière solaire); la dilatation qui s'observe est cepen-
dant presque toujours très legère. Pour constater le second mou-
vement (constriction) il est opportun de faire l'examen à lumière
faible, auquel cas le phénomène est très évident. L'examen se pra-
tique soit directement soit à l'aide du pupillomètre de Schwei-
gert.
L'existence du réflexe oculo-iridien et de la réaction pupillaire
aux excitations thermiques a été vérifiée par les auteurs dans
toutes les nombreuses observations .faites -sur. les individus nor-
maux. Chez les aliénés au contraire, et surtout chez les paraly-
tiques généraux, ces phénomènes ont toujours été trouvés itères
ou abolis, alors même qu'à l'examen ordinaire les pupilles ne pré-
sentaient aucune altération, ou des altérations à peine percep-
tibles. Aussi''les auteurs pensent-ils que la recherche de ces
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 223
phénomènes peut être utile dans certaines affections nerveuses et
spécialement dans la paralysie Dénérale..1. SGLA=.
XXXVI. Modifications de structure de la cellule nerveuse de l'écorce
dans la fatigue ; par GUIDO GUEIIRINL (Rio. di pat. nerv. et ment.,
1900, fasc. 1.)
,Y1VII. Sur les modifications, que le processus de putréfaction
peut imprimer aux cellules, nerveuses déjà altérées pathologi-
quement ; par Luigi Comparini Bardsky. (Rie. di put. nerv. et
ment., 1900, fa=c. 2.)
XXXVIII. Sur la pathologie des cellules des ganglions sensitifs;
par Luz.no. (Riv. di pul. 7zeiv. et ment., 1900, fasc. 4 et 6.)
XXXIX. Un cas de porencéphalie; par UacBERro DEGA1'OELLO. (Riv.
di pal. et ment., 1900, fasc. 5.)
1L. Importance du prognatliisme et utilité des^ mesures linéaires
XL. Importance du prognathisme et utilité des mesures linéaires
du squelette facial pour la détermination du sexe ; par le
or G1LFF ! \ID.\-HUGG¡ ? \I. (RIV. cp. di (1'en., 1900, fasc. 1.)
XLI. Influence du sang des épileptiques sur le développement
embryonnaire avec considérations particulières sur la théorie
toxique de l'épilepsie; par Cené. (Riv. -"p. difren., 1899, fasc. 3-4).
Le sang des épileptiques, en général, contient constamment des
principes toxiques, fabriqués par l'organisation même, et qui ont
une influence nuisible sur- le développement de l'embryon. Le degré
de cette propriété tératologique du sang se maintiendrait constante
et uniforme pour chaque individu dans les diverses phases de sa
maladie, tandis qu'elle serait en rapport direct avec l'âge ' de
l'individu, et spécialement avec la gravité des manifestations épi-
leptiques et avec la date de leur apparition. D'une façon générale,
à la présence et a la gravité de manifestations épileptiques, dans
la sphère motrice correspondrait une propriété tératologique du
sang moins accentuée que celle qui accompagne'tes'mantfestations
épileptiques dans la sphère psycho-sensorielle. J. Séglas.
XLII. La sensibilité chez les sourds-muets- du rapport avec l'âge
et le genre de surdi-mutité; par'FERRAI. (Riv. sp. di fren., 1899,
fasc. 3-i.)
Les différentes sensibilités, 'excepté la sensibilité tactile et aussi,
bien qu'à un degré moindre, la sensibilité générale, vont en se
perfectionnant chez les sourds-muets avec le progrès de l'âge.
224 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
Les sourds-muets affectés de surdité acquise sont constamment
plus sensibles que les sourds-muets congénitaux. Le mancinisme
sensoriel (sensibilité générale et à la douleur) est très fréquent chez
les sourds-muets et plus encore chez les congénitaux que chez les
acquis. Les variations individuelles de la sensibilité sont très
étendues. - J. Vécus.
XLIII. Sur l'anatomie pathologique de la paralysie de Landry;
par le Dr P. GUIZZETTI. (Rio. sp. di fren., fasc. 3-4.)
La paralysie de Landry est d'ordinaire, peut-être même toujours,
la conséquence d'une infection. Les espèces de bactéries qui peuvent
la provoquer sont multiples et chacune dans la détermination des
altérations du 'système nerveux, suit ses propriétés particulières,
de la même manière que dans les autres organes ou tissus, sans
tenir compte du siège fonctionnel. Suivant la présence ou l'absence
constantes des germes dans le tissu nerveux, on doit distinguer
deux classes de paralysies de Landry : 1° l'une, directement para-
sitaire, produite par la présence directe des germes dans le' système
nerveux : 2° l'autre, toxi-infectieuse, déterminée par l'action des
substances toxiques produites par les germes qui ont leur siège au
dehors du système nerveux. L'anatomie pathologique a des carac-
tères différents dans la première ou la seconde classe.
Dans la forme directement parasitaire, les caractères anatomiques
peuvent changer quelque peu d'une espèce à l'autre : mais, au
fond, ils ont l'aspect inflammatoire. Le siège en ce cas est plus
fréquemment spécial, et alors anatomiquement on se trouve en
face de formes incomplètes de myélites ou de méningo-myélites,
formes incomplètes, soit parce que la rapidité de la mort en a
interrompu le développement, soit pour d'autres causes, atténua-
tion ou rareté des germes, résistance exceptionnelle de l'orga-
nisme...
. Dans la forme toxi-infectieuse, la caractéristique anatomique
n'est pas l'absence d'altérations, ainsi que le croient encore certains
auteurs, mais leur physionomie spéciale ; il s'agit alors d'altéra-
tions principalement ou presque exclusivement dégénératrices,
diffuses, ayant leur origine dans les parties les plus délicates de
l'élément nerveux. Dans tout cas de paralysie de Landry, pour
l'appréciation des altérations, il faut toujours tenir compte des lois
anatomo-pathologiques du neurone, dans le but de distinguer,
autant que possible, les altérations primitives des secondaires.
Aussi, dans le cas de dégénération des nerfs périphériques, faudra-
t-il voir s'il s'agit d'une névrite parenchymateuse ou de dégénéres-
cence wallérienne secondaire : et, dans les lésions des cellules ner-
veuses, s'il s'agit d'altérations directes ou indirectes, secondaires
à l'interruption du cylindraxe.
REVUE D'ANATOMIE.ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. g;21)
Les lésions de la paralysie de Landry paraissent toujours
récentes en raison même de la rapidité de l'évolution clinique. Ce
fait justifie l'absence contradictoire de certaines lésions secondaires
(lésions des racines postérieures avec intégrité des cordons posté-
rieurs), parce que ces derniers n'auraient pas eu le temps de se
développer. Il convient aussi de remarquer l'existence de paralysies
développées dans des territoires nerveux où les altérations ana-
tomiquessont très légères. Cela peut expliquer les cas sine maté-
ria, et mieux encore les améliorations rapides, partielles ou
générales des paralysies.
Au point de vue technique, dans les cas de paralysie de Landry,
surtout à symplômes spinaux, pour découvrir les germes, on devra
recourir à la ponction lombaire. Si l'on retardait les recherches
après la mort, on pourrait n'obtenir qu'un résultat négatif en
raison de leur disposition. Pour reconnaître avec exactitude cer-
tains états dégénératifs des cylindraxes de la moelle épinière.
surtout dans leurs degrés légers, on doit recourir méthodiquement
aux coupes microscopiques longitudinales de la moelle, parce que
dans les coupes transversales, ces états dégénératifs peuvent
échapppr ou en tout cas ne se peuvent voir avec tous leurs carac-
tères. D'ailleurs, les recherches anatomiques doivent être étendues
atout le système nerveux et ne pas se limiter à une on quelques
parties. 1 J. Séglas.
XLIV. Recherches expérimentales sur la mémoire des impressions
visuelles; par A.-W. GUERWLR. (OiJo ? 1'I}nié psichiatrii, IV. 1899).
Expériences très fines de psychologie, desquelles il résulte ce
qui suit : 1° Le souvenir des impressions visuelles, dans le cours
des trois premières minutes qui suivent la réception, se modifie
peu : au bout de cinq minutes, il s'affaiblit notahlement ; après
dix minutes, il parait avoir tout à fiit disparu ; 2" Les personnes
en expérience donnent les réponses les plus exactes, quand on met
entre l'impression et la demande un intervalle de quinze à vingt
secondes ; si l'inlervalle est de deux à dix secondes, quantité de
réponses sont moins exactes que si l'on met une pause de quinze
à vingt secondes : 3° Quand on passe d'un objet moins éclairé
à un objet plus éclairé, le nombre des réponses exactes est plus
grand que lorsque l'on passe d'un objet plus éclairé à un objet
moins éclairé. P. Kiiraval.
XLV. Des lésions de la queue de cheval ; par W.-M. 13¡¡CIITEREW.
(Obozréi21é psichiuti-ii, IV, 1899.)
L'auteur rappelle ses expériences avec Host ! XB\CH (Neurolog
Cetatralbl. 188r). La section de la queue de cheval chez les animaux
Archives, 2e série, t. XII. la
226 revue d'anatomie ET DE physiologie pathologiques.
détermine : 1° de l'anesthésie limitée aux régions de l'orifice anal,
du périnée, des organes sexuels, et de la face postéro-interne
des extrémités postérieures. 2° De la paralysie du mouvement des
deux pattes postérieures, avec réaction dégénérative des muscles
paralysés. 3° De la paralysie des sphincters, de la vessie, et du
rectum. Chez l'homme, les lésions de la queue de cheval et du
cône médullaire produisent : de la douleur et de la paresthésie
au périnée, à l'anus, dans le membre sexuel, dans les extrémités
inférieures. Il existe, en outre : 1° Une insensibilité, qui porte sur
tout le périnée, sur l'anus, sur les organes sexuels, sur la région
des fesses, sur les segments postérieurs et en partie internes des
cuisses, parfois, quand la lésion monte, sur les parties posté-
rieures des jambes, et, dans quelques cas même, sur la face
antérieure de la jambe. ,u.° De la paralysie du mouvement aux
extrémités inférieures, avec modification de la réaction électrique
des muscles paralysés innervés par les nerfs dans la région des-
quels existe l'anesthésie : lorsque la lésion est limitée, et que
.l'anesthésie ne descend pas franchement aux extrémités infé-
rieures, il peut ne pas y avoir du tout de paralysie motrice de ces
membres. 3° De la paralysie du rectum et de la vessie. 4° De l'im-
potence sexuelle. 5° Une diminution ou une complète disparition
des réflexes des extrémités inférieures. H.\YMO : \D a suivi la forma-
tion cumulative des symptômes à mesure que la lésion monte de
la partie inférieure du canal sacré jusqu'à la première vertèbre
sacrée (Velle iconographie de la Salpêtnère 1893) : il place la limite
supérieure du cône médullaire immédiatement au-de-sus du
centre ano-vésical, lequel est au niveau de la sortie des troisième
et quatrième paires sacrées. De sorte que la lésion du cône
médullaire se caractériserait seulement par l'atteinte de la sphère
d'innervation de la vessie et du rectum : cela confirme ce qui
vienl'd'ètre dit. t. P. Klraval.
lI.VI : Du souvenir des mouvements passifs ; par M.-N. JOUKOwsKY.
(Obo : rénié psichialrü, IV, 1899.)
D'ingénieuses expériences, au nombre de 1000, résumées par
des chiffres disposés en des tableaux, il résulte que l'pmmagasi-
nement des sensations issues des mouvements passifs se fait
remarquer par une grande précision, et que le souvenir en est
assez complet. Le souvenir de ces sensations ne commence à s'af-
faiblir que lorsque les intervalles entre des mouvements séparés
varient au moins de deux minutes ; quand ces intervalles sont
moindres, les sensations correspondant aux mouvements revien-
nent assez fidèlement. Quand les intervalles de temps qui séparent
deux mouvements sont de cinq minutes, le sujet met deux fois
plus de temps à se rappeler leurs sensations. Le souvenir se modifie
REVUE D'ANATOMIE Er DE PHYSIOLOGIE pathologiques. 227
presque identiquement pour les grands et les petits mouvements.
L'augmentation d'un mouvement passif est perçue bieu plus exact
tement que sa diminution. La limite de perception du mouvement
croît avec 'la grandeur du mouvement effectué. La disposition
d'esprit exerce une influence sur la modification du souvenir ;
celui-ci disparait plus vite dans le cas de mauvaise humeur que
dans le cas inverse. ' P. KEHAVAL.
XLVII. Altérations spinales dans la paralysie agitante; par Max
Nonne. (The hree·icca7z Journal of medical Sciences, juin 1900.)
Ch.-A.'Dana avait publié dans ce même journal (Nov. 1899) un
article sur un cas de paralysie agitante, dont il avait fait une
étude anatomique complète. Par la méthode de Nissl, Dana
tronva des altérations des grandes cellules des cornes antérieures :
« pigmentation marquée du corps cellulaire, cbromatol3·se, perte
et déplacement des noyaux, atrophie et absence d'un certain
nombre de deutrites ». Cellules des colonnes de Charke intactes.
Par la méthode de Marchi. il découvrit une dégénération des cel-
lules des cornes antérieures. Les vaisseaux sanguins de la moelle
étaient légèrement altérés; légère prolifération du tissu interstitiel.
De ces faits, Dana tire une opinion pathogénique sur la paralysie
agitante. Cette maladie résulterait d'une altération fonctionnelle
des extrémités des dentrites des fibres nerveuses provenant des
cellules corticales, au point où elles atteignent les cellules motrices
des cornes antérieures et en même temps une lésion fonctionnelle
de cellules motrices spinales elles-mêmes. De plus, dans les cas
avancés, une lésion anatomique peut être constatée. Enfin la
cause du tremblement pouvait être attribuée aux troubles venant
modifier l' « influx égal des impulsions motrices » qui se transmet
du cerveau à la meelle.
Aux constatations et conclusions de Dana, Max Nonne qui n'em-
ploya pas le Marchi, fait les critiques suivantes : Les modifications
que permettent de trouver la méthode de Nisst sont les mêmes que
celles vues par Dana ; mais il n'y a pas de différence entre les
altérations qu'on trouve dans les moelles séniles et celles qu'on
voit dans le cas de paralysie agitante. Les modifications décrites
par Dana rie sont nullement différentes de celles qu'on rencontre
ordinairement dans la cachexie. De telles altérations ont été
maintes fois décrites par des auteurs allemands qui n'y ont atta-
ché aucune importance pathognomonique. Ces constatations ont
été faites par Goebel et Sander.
De l'étude faite sur ce point par Sonder, il résulte : 1° que
presque tous les auteurs ont observé une prolifération de la
névroglie dans la substance blanche de la moelle, en même
temps que des altérations scléreuses des artères et des petits vais-.
228 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques.
seaux sanguins; 2° que la majorité des auteurs ne considèrent pas
ces modifications comme différentes de celles qu'on rencontre
dans les cas sénilité. et que, en conséquence, ils hésitent a
admettre que ces constatations puissent être en corrélation avec
la paralysie agitante. D'après Sander, il serait bon. puisqu'il y a
prolifération de névroglie dans tons les cas de paralysie agitante
ceux de Dana et d'Oppenheim excptés - d'utiliser la colora-
tion névroglique de Weigert, Les études de Dana et celles de
Nonne, dans lesquelles cette méthode n'a pas été employée doivent
être considérées comme incomplètes. Sander arrive cependant à
une conclusion presque semblable à celle de Dana : il y a obs-
\ tacle au passage de l'influx nerveux allant du cerveau à la moelle,
mais Sander ne place pas cet obstacle dans les cellules nerveuses.
FOULARD.
XLVtIL autopsie dans un cas d'adipose douloureuse, avec examen
microscopique; par Fi. X-DERcm. (7'/tc Joziî-nal of Nervous and
Mental Deseasc, août 1900.)
L'adipose douloureuse, affection qui porte encore le nom de
l'auteur de cet article, maladie de Dercum, fut déjà décrite
cliniquement un certain nombre de fois; dans deux cas l'autopsie
fut faite, mais sans examen microscopique; c'est donc la première
fois qu'une étude anatomique complète de cette maladie a été
faite.
. Voici les principales constatations qui ont été faites : Le tissu
adipeux très abondant ne présentant dans sa structure rien qui
pnisse le différencier du tissu adipeux normal. Les nerfs périphé-
riques étaient évidemment le siège de. névrite interstitielle. Il y
avait diminution marquée et atrophie des fibres nerveuses, eu
même temps qu'une grande prolifération du tissu conjonctif à la
périphérie et dé l'épaisseur du nerf. Ces modilications siégeaient
dans les nerfs périphériques, ceux qui cheminent dans le tissu
cellulaire sous-cutané; les troncs nerveux plus volumineux n'of-
frant aucune lésion. La moelle présente quelques modifications
dans les régions thoracique supérieure et cervicale inférieure ; il
s'agit d'une dégénération peu accentuée des cordons de Goll. Dans
l'encéphale, aucune modification, si ce n'est une pigmentation
anormale des cellules corticales. Le corps pituitaire est macrosco-
piquementet microscopiquement normal.
Il en est autrement de glande thyroïde. Son volume était
diminué. A l'examen microscopique, on nota une série de modili-
,cations, dont l'ensemble dénote une hypertrophie du tissu thyroï-
dien. Dercum, sans émettre une opinion absolue, pense qu'il
s'agit dans ce cas d'une hypertrophie compensatrice semblable à
celles obtenues par Halstedsurle chien, après extirpation partielle
REVUE d'anatomie et DE PHYSIOLOGIE pathologiques. 229
de la glande thyroïde. La glande, en effet, était petite et sans
doute assez pour déterminer une hypertrophie compensatrice. Il
est probable, cependant, que d'autres facteurs tels que des
troubles fonctionnels ont aussi joué un rôle dans la production de
l'adipose et des autres symptômes présentés par la malade. On
peut concevoir, en effet, que, par suite d'un trouble fonctionnel
de la glande thyroïde, une substance soit jetée dans la circulation,
qui en même temps empêche l'oxydation des hydrocarbonés et
agisse comme ceux de névrite et de dégénération nerveuse. Quelle
que soit l'explication, ,il est intéressant de rappeler la diminution
des sueurs, la lenteur de parole et l'irritabilité mentale présentées
par notre malade et également observées dans une autre maladie
de la glande thyroïde, le myxoedème.
Il est également intéressant de noter que dans les deux autopsies
antérieures d'adipose douloureuse (bien que les pièces anato-
miques aient été perdues par accident et non examinées microsco-
piquement) les deux glandes thyruïdes présentaient des lé-ions
évidentes. Ainsi, dans un cas, la glande était « petite, indurée et
infiltrée de substance calcaire dans les deux lobes », et dans
l'autre cas elle était « plus grande que normalement, plus dure au
toucher et très calcifiée, surtout dans le lobe droit » L'observa-
tion clinique de cette malade fut décrite, il y a deux ans, dans le
même journal américain (mars 189L.) PorrLnan.
XL. Contribution à l'étude du réflexe plantaire basée sur l'étude
de sept cent malades chez lesquels on rechercha spécialement
le signe de Babinski; par G. L. VaLTO et W. E. PAUL. (Tite
Journal of' Nc1"vOUS and mental Deseuse, juin 1900.)
On peut résumer de la façon suivante les conclusions auxquelles
ont abouti les soigneuses recherches des auteurs sur le signe de
Babinski :
1° A l'état de santé, la recherche du réflexe plantaire peut
donner lieu aux -phénomènes suivants : a) flexion de tous les
orteils; b) flexion de quelques orteils (les externes en général);
c) flexion de tous les orteils d'un côté et de quelques orteils (les
externes en général) de l'autre côté; d) aucun mouvement des
deux côtés (10 p. 100 des cas) ; e) flexion de tous ou de quelques
orteils (généralement les externes) d'un côté, avec absence de
mouvement de l'autre côté (au moins 10 p. 100 des cas); /) quel-
quefois, chez les individus très sensibles, mouvements rapides
semi-volontaires, indéterminés, tantôt de flexion, tantôt d'ex-
tension ;
2° Dans la première enfance, aucun mouvement constant ou
caractéristique des orteils ne peut être constaté, bien que l'exten-
sion soit un peu plus fréquente que la flexion;
230 REVUE d'anatomie ET DE physiologie pathologiques.
' 3° Le réflexe de. Babinski s'obtient chez environ 0 p. 100,
des hémiplégiques et diplégiques et avec la même proportion
dans le cas de maladies intéressant le faisceau pyramidal ,dans
la moelle;
4° Le réflexe de Babinski ne se voit jamais à l'état de santé et
nos observations nous conduisent- à douter de son- existence dans
les maladies nerveuses fonctionnelles ou organiques ou autres
n'intéressant pas la voie pyramidale;
5° Ce réflexe^ est souvent le premier à apparaître dans les
maladies du faisceau pyramidal; par exemple, au début d'une
attaque d'hémiplégie avant l'établissement du réflexe rotulien
exagéré et de la trépidation épileptoïde ; ' il peut persister un
certain temps après la disparition des autres réflexes, par exemple,
quand le réflexe rotulien et la trépidation épileptoïde font défaut,
par suite d'ankylose, de contracture ou d'altération musculaire,
comme dans la diplégie permanente ou par suite de dégénérations
comme dans les affections combinées du système nerveux. Ce
réflexe est alors d'un grand "=eeours pour le diagnostic;
6° Ce réflexe, très exceptionnellement, se montre dans des cas
qui, ne sont pas conformes aux types reconnus' d'affections pyra-
midales (méningite, hydrocéphale, intoxication, alcoolisme, uré-
mie). Ces exemples sont réellement trop peu nombreux pour
atténuer la valeur diagnostique de ce phénomène qui reste un
des meilleurs signes permettant de reconnaître les lésions pyra-
midales. Foulard.
L. Veines spinales variqueuses : une -rareté'nécroscopique; par
CL.sci\c1; E. CooN. ( 7'Ae New l'oi-1; Médical Journal, 17 mars 1900.)
Il s'agit d'un homme de cinquante-huit ans, ni fumeur, ni
buveur, mais syphilitique, ayant souffert de constipation opiniâtre
et de masses hemorrlioidairesi et aussi d'une cystite par hyper-
trophie de la prostate avec rétention d'urine : à diverses reprises
il y avait eu des collutions purulentes périnéales, s'étant généra-
lement évacuées par l'urèthre, et une fois par le scrotum : la
saphène interne droite, à la cuisse et à la jambe, était énormé-
ment dilatée et flexueuse. Depuis environ 'quinze anis. il avait eu
des douleurs fulgurantes épouvantables dans les extrémités infé-
'Qnres, douleurs que la fatigue exaspérait. Pas de paralysie, pas
d'incoordination des'mouvements, pas d'anesthésie ; les réflexes
du genou sont légèrement exagérés. Dans les derniers' temps de
sa vie, surtout le dernier mois, il se repose; et'les douleurs dimi-
nuent ; le séjour au lit les fait disparaître presque complètement.
En septembre 1899, il' est pris de zona à droite; et les dou-
leurs du zona sont représentées par lui comme" absolument
semblables à celies du membre inférieur. Il' meurt'de tuber-
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 13l
culose en octobre 1899. A l'autopsie le corps parait être celui
d'un homme de soixante-dix ans au moins (il en a cinquante-
huit) : l'examen des poumons montre des lésions tubercu-
leuses : aucune autre grosse lésion. La moel.e est mise à nu ;
assez haut dans la région dorsale on trouve une petite surface
,congestionnée au pomt de jonction des vertèbres dorsales et
lombaires, on voit à travers la dure-mère une large ligne violette,
d'environ trois pouces de longueur, s'étendant parallèlement à la
moelle. On détache la moelle, on la sectionne à l'extrémité supé-
rieure de la région dorsale, et on enlève la dure-mère. On trouve
alors une portion de la veine spinale postérieure très dilatée et'
remplie de sang veineux très foncé. Au-dessus de la dilatation,
qui se termine très brusquement, la veine est mince et on peut à
peine la suivre sur la surface postérieure de la moelle. L'extré-
mité inférieure de la dilatation se trouvait au point où la veine
émerge de la surface interne de la dure-mère. La longueur de la
portion dilatée était de 5 centimètres et son diamètre, uniforme
sur toute la longueur, de trois millimètres.
A la surface antérieure de la moelle, à l'extrémité inférieure de
la région lombaire, et descendant assez bas dans la queue de
cheval, on trouve deux veines dilatées, mais d'un calibre bien
moins fort que celle qui a été décrite. L'examen microscopique de
la moelle n'a rien révélé de particulier. - ,
L'auteur estime qu'il est vraisemblable que la compression
exercée par cette veine postérieure dilatée a été la cause- des dou-
leurs fulgurantes : en effet, 1° les douleurs fulgurantes figurent
parmi les symptômes précoces d'une compression exercée par
une tumeur sur la région postérieure -de la moelle; 2° le siège
de la dilatation s'accorde avec les douleurs senties dans les extré-
mités inférieures ; 3° les douleurs s'aggravaient toujours par la
fatigue ; 4° le séjour au lit, très favorable à la circulation en
retour du sang veineux les faisait presque entièrement dispa-
raître.
On s'explique que les petites dilatations variqueuses de la face
antérieure n'aient pas causé de troubles moteurs par cette double
considération qu'elles siégeaient à la queue de cheval, région où
le canal vertébral est vaste, et d'autre part que leur calibre beau-
coup plus petit ne leur permettait pas d'exercer une compression
assez considérable pour déterminer des troubles fonctionnels.
R. DE Musgrave-Clay.
Ll. L'étude de l'inhibition; par J.-Y. GONZALFZ. (The 1\-etv York
Médical Journal, 27 janvier 1900.)
Après avoir indiqué les diverses tliéories de l'itiliibition, quiiiele
satisfont pas, M. Gonzalez en propose une nouvelle, qui se résume
232 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
de la manière suivante : Il interprète la force d'inhibition dans les
termes d'un mouvement moléculaire qui n'est pas sans analogie
avec la redistribution isomérique des molécules dans les subs-
tances colloïdes, l'out organe vital qui présente des phénomènes
d'inhibition recoit constamment deux courants de vibrations ner-
veuses de sens opposé, et, comme ces courants se neutralisent
partiellement, la résultante agit dans le sens de l'activité fonc-
tionnelle habituelle à ces organes. Les deux ondes nerveuses, bien
que de sens contraire, sont de nature identique, car il n'y a
aucune différence fondamentale de structure entre les nerfs qui.
transmettent l'inhibition et ceux qui transmettent l'accélération.
L'auteur, pour rendre sa pen-ée plus claire, prend le muscle
pour exemple, et intercale un schéma qui montre l'effet de deux
courants moléculaires agissant sur le muscle en sens oppo-é, et
déterminant, suivant leur énergie respective, les états de tonicité,
de contraction ou d'inhibition.
Les fonctions des organes non musrulaires dépendent de la cir-
culation du sang, laquelle dépend elle-même de l'action muscu-
laire du système vasculaire, il parait légitime de leur appliquer
les mêmes règles qu'au muscle; et bien que certains expérimen-
tateurs aient cru trouver des nerfs spéciaux d'inhibition agissant
en dehors de toute influence vasculaire, il n'y a aucune difficulté
à appliquer le principe des courants moléculaires aux cellules
paroiicliyinaue uses. '
L'inhibition est une manifestation tardive dans la série des
transformations évolutionnelles de l'espèce. On ne sait pas exac-
tement à quelle période de l'évolution de la vie organique elle fait
se première apparition, mais c'est probablement au moment où
le système nerveux se spécialise et se complète pour coordonner
les fonctions vitales des autres organes. Elle est l'un des moyens
par lesquels le système nerveux peut régler l'activité de chaque
organe pour l'harmoniser avec l'activité des autres. Et ici l'auteur
donne un exemple : supposons, dit-il, qne par suite d'une stimu-
lation accidentelle, le coeur batte avec une rapidité extrême, chas-
sant ainsi plus de sang qu'il n'en faut pour l'action normale des
organes vitaux : la mort surviendrait si, des organes ainsi conges-
tionnés, ne partait une impulsion afférente vers le centre d'inhibi-
tion du coeur, et si ce centre, réfléchissant l'onde nerveuse dans
le sens opposé il l'onde accélératrice du coeur, ne rétablissait l'équi-
libre normal. La loi de survivance des plus aptes assure l'établis-
sement de cette corrélation de fonctions, en même temps qu'elle
pourvoit aux modifications ultérieurement utiles. La vie n'est pos-
sible que s'il existe dans tout le corps une ju-te compensation
entre les deux courants, légèrement rompue au profit du courant
accélérateur. R. DE 111uscanvn-Cuns'.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
XF CONGRÈS DES ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES
DE FRANCE ET DES PAYS DE LANGUE FRANÇAISE
Le XIe Congrès des médecins aliénistes et neurologistes
de France et des pays dé langue française s'est ouvert le
jeudi 1 ? août, à l'hôtel de ville de Limoges, mis gracieu-
sement à la disposition du Congrès par M. L II3USSIÈRE, maire
de Limoges, député de la Haute- Vienne. Une centaine de
congressistes avaient répondu à l'appel du comité d'organi-
sation ; ils ont été reçus par la municipalité de Limoges,
M. le Préfet de la Haute-Vienne, notre ami Edgard Monteil,
les médecins de la Ville, et un grand nombre de person-
nalités de la magistrature et des grandes administrations.
M. Labussière, maire de Limoges, assisté du président du
Congrès, M. le or Gilbert Ballet, de M. le Dr Drouineau, repré-
sentant le ministre de l'Intérieur, et de M. le D'' Chénieux,
directeur de l'École de Médecine de Limoges, a présidé la
séance d'ouverture à 10 heures. C'est en ces termes que
M. L.\l3ussIÈm; a souhaité la bienvenue aux congressistes :
Messieurs,
Aux termes du règlement de votre Association, les médecins
aliénistes et neurologistes se réunissent chaque année dans une
des villes de France, et un vieil usage. veut que le maire de la
localité où se tient la réunion préside la séance d'ouverture.
Limoges ayant été désigné comme le siège du congrès de 1901, j'ai
le très grand honneur de vous adresser nos compliments de bien-
venue. Ces compliments soyez-en bien persuadés, ne sont pas
banals.
Mon collègue de Marseille, le vôtre aussi, messieurs, en inaugu-
rant le congrès de 1900, vous disait que votre ardeur à chercher
la vérité était sans bornes, et, après avoir décrit les principales
découvertes qui vous étaient dues, il saluait en vous « il la fois les
234 sociétés savantes.
savants, les hommes de coeur dont les fonctions constituent un
véritable sacerdoce, et qui honorent autant l'humanité par leur
dévouement, leur abnégation, qu'ils honorent la science par l'éclat
de leur savoir ou de leur enseignement. »
Je ne saurais mieux faire que de m'approprier les éloges qui
vous étaient ainsi adressés, car je sais combien ils sont mérités.
..............................
Messieurs, vous êtes des savants, et vous vous efforcez d'obtenir
la guéri-on, mais vous devez faire davantage, et vos congrès dot-
vent avoir un but plus large. 11 est beau de combattre le fléau et
de le vaincre ; il est encore mieux de l'empêcher de naître. Dans
beaucoup de cas, on connaît aujourd'hui la cause de la maladie.
C'est le surmenage, c'est l'abus de la vie facile, c'est l'alcool ! ...
...............................
Tenez donc vos assises, messieurs. Dans vos délibérations, ins-
pirez-vous des exemples laissés par les ancêtres, et que de vos
discussions, jaillisse quelque découverte, quelque fait nouveau
dont l'humanité aura à profiter. (Applaudissements.)
M. le D'' Ciiénieux, directeur de l'Ecole de Médecine, pro-
nonce le discours suivant :
Mon cher président,
Si la ville de Limoges s'applaudit de votre présence et est sur-
tout flattée de voir l'un de ses distingués compatriotes nommé à
la présidence de ces assises scientifiques, le corps médical de notre
pays limousin, et en particulier celui de l'Ecole de médecine, qui
vous compta parmi ses élèves; et que je représente ici, vous salue
avec une légitime fierté, et j'ai l'honneur et le vif plaisir de vous
apporter l'expression de ses sympathies et de ses cordiales félicita-
tions, et de m'associer avec lui à l'hommage rendu à l'auleur des
psychoses et affections nerveuses, de l'hygiène des neurasthéni-
ques, du langage intérieur, de l'histoire swedeuborgienne d'un
visionnaire au xviu0 siècle, etc., pour ne ciler que vos titres essen-
tiels à figurer parmi les neuro-patloloâi5tes les plus éminents.
Nous ne pouvons, du reste, que doublement nous féliciter d'un
choix qui a probablement entraîné du même coup celui de Limoges
comme lieu de réunion du XIe congrès des médecins aliénistes et
neurologistes.
Mes chers collègues,
(Permettez-moi de vons appeler ainsi, en ma qualité de membre
adhérent à votre congrès et pour rappeler le souvenir, qui me
rattache à beaucoup d'entre vous), mes chers collègues, vous êtes
venus ici de tous les points de la France et des pays de -langue
SOCIÉTÉS SAVANTES. ? 3Õ
française, tous connus par d'importants travaux et porteurs de
noms qu'il faudrait tous citer. C'est encore au nom de l'Ecole de
médecine et du corps médical de cette région que je vous adresse
collectivement les meilleurs souhaits de bienvenue.
Messieurs,
,
En dehors du sympathique directeur de notre grand établisse-
ment départemental d'aliénés, vous ne rencontrerez probablement
parmi nous que peu de collaborateurs. Non pas que vos travaux
nous laissent indifférents, ou que les sujets d'étude nous fassent
défaut; mais, à vrai dire, les uns et les autres rentrent de plus en
plus, et ajuste titre, dans le cadre des spécialisations, à mesure
qu'une lumière plus vive, venue en partie du foyer de la Salpê-
trière, éclaire de ses lueurs distinctes l'antique chaos de la patho-
logie nerveuse. Quand les notions étaient vagues et imprécises, le
chapitre des maladies nerveuses était court et leur thérapeutique
sommaire.
Sommaires étaient aussi l'étude de leurs causes elles déductions
pratiques concernant leur prophylaxie. Ce sera l'honneur de votre
génération, messieurs, que d'avoir tenté de ce côté un grand
effort dont la société toute entière devra se montrer reconnais-
sante. Aujourd'hui, les cadres de la neuro-pathologie et des
affections mentales sont mieux dessinés et mieux remplis.
Mais que de divisions et de subdivisions, depuis les affections
des cordons nerveux et de l'axe médullaire, jusqu'à celles des cen
tres psycho-moteurs : depuis les troubles de la sensibilité liés à
d'évidentes altérations, jusqu'à ses perversions subjectives : depuis
les manifestations émotives, paragnéiales peut-être, d'un dégénéré
supérieur, jusqu'au délire aigu du maniaque, jusqu'aux halluci-
nations de l'impulsif et du persécuté. Chacun de vous, suivantses
tendances et ses goûts personnels, poursuit des recherches dans
ces directions diverses, et il est bien difficile, au plus ardent,
d'embrasser la vaste complexité de la pathologie nerveuse. A ne
considérer que le département de jour en jour plus peuplé, hélas !
de l'aliénation mentale, indépendamment du riche domaine qui
lui appartient en propre, n'exerce-t-il pas un certain protectorat,
que dis-je, n'étend-il pas ses droits sur cette zone neutre, où évo-
luent une foule de candidats éventuels à la folie, et dont les
limites indistinctes pour le public, ne peuvent être déterminées
que par des spécialistes tels qu'il en existe parmi vous ? Rien que
de ce côté quel immense champ d'observation ?
Messieurs, il serait téméraire, de la part d'un profane comme
moi, de s'égarer plus longtemps sur ce terrain dangereux, si
variable d'aspect, et qui pourrait me fournir un thème à longs
développements. 1
236 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Je ne veux songer qu'au but de vos réunions, de vos travaux, au
but de ce congrès, et je ne puis m'empêcher de penser qu'en
dehors des services' rendus comme médecins à vos semblables,
vous avez comme marque distinctive dans le corps médical, un
rôle philosophique et social qui est, à mes yeux, votre plus beau
titre de gloire. Si ce rôle, dans le passé, s'est affirmé dans de nom-
breuses et intéressantes publications, aujourd'hui, plus que
jamais, vous vous préoccupez des conditions à remplir, des
moyens à mettre en oeuvre pour l'aire disparaître les causes qui
mènent au naufrage de la raison. Qui pourrait nier votre rôle
humanitaire et votre salutaire influence pour écarter du préci-
pice, quand il en est temps encore, les esprits désemparés ? En
attendant, vous avez déjà fait de grandes choses et réalisé d'im-
menses progrès. Vous avez dissipé l'apparente magie de l'occul-
tisme et éclairé les ténèbres où opéraient les esprits. Le monde du
merveilleux et du supra naturel s'est, à votre approche, évanoui
comme un vain fantôme. D'autre part, à mesure que le mobile de
nos actes a paru relever clairement d'un déterminisme réfléchi ou
d'une impulsion plus ou moins suggestive, se sont affirmées, en
même temps avec vous et par vous, la responsabilité ou l'irrespon-
sabilité humaiue. Vous avez mis et continuerez de mettre dans leur
vrai jour les figures mal éclairées de l'histoire. Laissez-moi exprimer
ce -voeu : celui de vous voir porter dans l'art et la littérature le
flambeau lumineux qui doit les guider vers le beau et vers le bien.
« Les livres et les oeuvres d'art, dit MaxNordau, exercent sur les
masses une puissante suggestion. C'est enjeux qu'une époque
puise son idéal de morale et de beauté. » C'est aussi mon humble
avis. L'alcool et certaines maladies spécifiques, le surmenage dans
la lutte pour la vie, ne sout pas les seuls coupables. Il y a' aussi le
poison moral versé à flots par certains écrits. C'est à vous de
montrer la tare de dégénérescence de ces oeuvres malsaines et le
déséquilibre d'esprit de ceux qui les produisent.
Vous seuls avez qualité pour les mettre à l'index au nom de la
raison humaine, dont vous avez la garde et que vous devez
défendre; la raison humaine qui nous conduira sans doute à une
science de la vie, planant au-dessus des conventions et des dogmes
éphémères et qu'il vous appartient, plus qu'à tous autres, de
dégager, des obscurités qui l'environnent pour le bonheur des
humanités futures. (Applaudissements .)
Le président du Congrès, M. Gilbert-Ballet prononce alors
le discours suivant :
Monsieur le Maire,
, Je vous remercie, au nom du congrès, de vos souhaits gracieux
" SOCIÉTÉS SAVANTES.. 237
de bienvenue ; je remercie la ville de Limoges et sa municipa-
lité du cordial accueil qui nous est fait; je remercie le comité local
d'organisation qui a préparé cet accueil et le conseil général de la
Haute-Vienne qui s'y est généralement associé. Vous avez tenu à
nous donner asile dans cet hôtel de ville somptueux dont vous
avez de bonnes raisons d'être fiers : votre réception nous touche
et votre hospitalité nous apparaît plus intime dans le cadre de
votre « maison commune ». Lorsqn'il y a deux ans, dans la ses-
sion de Marseille, le congrès s'est empressé d'accepter l'mvitation
qu'on voulait bien lui adresser au nom de Limoges, il sa\ait qu'il
serait bien ici. Limoges est accueillante à tous ceux qui, hommes ou
collectivités, se présentent à elle sous la bannière du progrès. Qu'il
s'agisse du progrès économique, artistique ou scientifique, peu im-
porte ! Tous les progrès ne sont-ils pas solidaires les uns des autres' ? ' ?
Le président du congrès se trouve, cette année, pour dire ce
qu'il pense de la ville qui nous reçoit, dans une situation un peu
délicate. On ne manquerait pas de sourire s'il disait de Limoges
trop de bien et personne ne lui tien'drait rigueur s'il se risquait à
en dire un peu de mal : ce ne serait pas de la médisance, ce serait
de la modestie. Pourtant je n'en dirai point de mal. la à ceux de
nous qui, parcourant ce qui reste de vos vieilles rues, remarque-
raient plutôt l'aspect misérable que le cachet pittoresque, je serais
tenté de rappeler qu'elles sont les derniers témoins de votre
ancienneté et que cette ancienneté est peut-être pour quelque
chose dans l'accueil empressé que vous faites aujourd'hui à un
congrès scientifique.' .
Si vous êtes ville neuve avec le merveilleux essor industriel d'une
cité très moderne, vous êtes aussi ville antique avec une histoire
et des traditions qui vous ont fait une longue habitude de jeter
parfois des regards au-dessus des contingences immédiates de la
vie quotidienne : tradition d'art'qui remonte, dit-on, jusqu'à saint
Eloi, au temps de-Dagobert, et qui, agrandie et transmise par les
illustres émailleurs du XVIe siècle, s'est perpétuée jusqu'à notre
époque; tradition littéraire, dans ce pays où l'on garde le sou-
venir des premiers troubadours et où le parler régional est encore
imprégné des vestiges de la poétique langue d'oc... J'en pourrais
citer d'autres. Vous les avez symbolisées dans les quatre figures
que des artistes de talent ont peintes sur la céramique au fronton
de cette maison : Jourdan, la tradition du patriotisme ; d'Aguessau
et Vergmaud, celle de l'éloquence et du civisme ; Léonard Limosin,
dont le nom évoque le souvenir de la plus battante époque artis-
tique en ce pays. Et ce ne sont pas vos seuls grands hommes.
Monsieur le Directeur de l'Ecole de médecine,
Au nom de l'Ecole de Limoges vous nous avez, vous aussi,
238 SOCIÉTÉS SAVANTES.
souhaité la bienvenue. A vous aussi et aux maîtres au nom des-
quels vous avez parlé, merci ! Nous voici en l'amille au milieu du
corps médical d'élite qu'est celui de Limoges et dont vous avez été
le porte-parole autorisé. Mon remerciement ne va pas sans une
certaine émotion, dont vous m'excuserez de ne pas souligner les
motifs qui m'imposent quelque discrétion. On ne m'en voudra pas,
du moins, de rappeler que vous aussi vous êtes les continuateurs
d'une tradition et qu'autour de vous plane le souvenir de Dupny-
tren, de Gay-Lussac et de Cruveilhier.
Mes chers collègues, .
Le travail n'exclut ni la curiosité ni les distractions. A ce point
de vue, le Limousin n'aura à vous offrir aucune des splendeurs
auxquelles nos sessions précédentes vous ont accoutumés : vous
ne trouverez ici, ni les séductions de la mer comme à La Rochelle
et à Marseille, ni le spectacle attrayant d'un grand port ou d'un
grand fleuve comme à Liouen, à Lyon et à Bordeaux, ni la mon-
tagne majestueuse et grandiose que Toulouse, à qui tout est pos-
sible, a trouvé moyen de vous montrer bien qn'elle soit ville de
plaine; vous n'aurez ici ni ce bijou qui s'appelle la place Stanislas,
ni le voisinage, comme à Clermont, d'une délicieuse ville d'eaux,
ni les châteaux enchanteurs que Blois et Angers ont étalés à nos
regards émerveillés, mais vous trouverez à Limoges, assez pour
charmer vos yeux, si vous n'êtes pas insensibles aux séductions
des arts décoratifs et de la céramique et, si un soleil trop ardent
vous porte à regretter qu'il n'y ait pas sur les boulevards plus
d'ombrage, vous serez dédommagés, je l'espère, dans nos excur-
sions, par les charmes d'une nature douce et reposante. Vous
trouverez dans ce coin du plateau central qui est le haut Limousin,
des collines d'où le regard s'étend agréablement au loin, des val-
lées fraîches et vertes où vous serez à l'aise et dont la prétention
sera moins de provoquer chez vous l'admiration que le désir, en
les quittant, de venir les revoir.
Notre Congrès inaugure aujourd'hui sa XI" session. Son passé
est assez ancien.pour que nous soyons, dès maintenant, en droit,
de nous demander s'il a répondu aux espérances qu'avaient con-
çues ceux qui ont eu la pensée de l'instituer. Il ne me semble pas
que la réponse puisse être douteuse. A ceux qu'un scepticisme
facile porte à nier l'utilité des congrès, il suffirait, pour montrer
les avantages et le rôle du nôtre, de présenter les volumes de nos
comptes rendus : je ne crois pas que parmi les réunions analo-
gues, françaises ou étrangères, il s'en trouve de plus active ni de
plus vivace.
Il n'en pouvait êlre autrement. Ce Congrès répond, en effet, à
un besoin très'réel en donnant a ceux qui, dans les pays de langue
SOCIÉTÉS SAVANTES. 239
française, s'intéressent à l'une des branches de la médecine qui
ont le plus progressé à notre époque, le moyen de se réunir pério-
diquement pour échanger leurs idées sur les questions à l'ordre du
jour; il donne, en outre satisfaction à une très heureuse tendance
de l'heure présente : la tendance à la décentralisation. S'il m'est
permis d'émettre un regret, c'est que quelques-uns de ceux pour
qui il semble avoir été plus spécialement organisé n'en soient pas
toujours des membres assidus. A ces tirailleurs isolés on a voulu
fournir le moyen de rallier de temps en temps le gros de la troupe;
s'il en est qui semblent ne pas se le rappeler assez, j'aime à croire
qu'on ne sera pas en droit de leur appliquer les paroles du Koran :
« Sourd*, muets, aveugles, ils ne se convertiront pas. » Je préfère
espérer, suivant la promesse de l'Evangile, que les aveugles ver-
ront, que les sourds entendront nos appels, que les muets se
décideront à parler. ,
Parmi les avantages de ce congrès, il en est un sur lequel, après
plusieurs de mes prédécesseurs, il me semble bon de m'arrêter.
Grâce à l'heureuse initiative prise à La Rochelle, notre réunion est
la première où les aliénistes et les neurologistes français se soient
habitués à fusionner. Elle a ainsi consacré dans la pratique une
alliance qu'on était surpris de ne pas voir plus intime, que la
logique commandait, et dont la section de neurologie du congrès
international de médecine de 1900 a proclamé la légitimité, par
un vote qui marque une date, la date d'une évolution. Plusieurs
fois, vous avez tenu vous-mêmes à affirmer, par le choix de vos
présidents, la nécessité de cette union, et ce souvenir me rend
moins embarrassé pour démêler les motifs qui m'ont valu l'hon-
neur, dont j'ai été profondément touché, d'être appelé aujourd'hui
à diriger vos discussions.
On a médit, et non toujours sans raison, de la spécialisation ;
que n'aurait-on pas le droit de dire de la spécialisation dans la
spécialité ? Elle est légitime, dans une certaine mesure, car elle
facilite les études minutieuses qui rendent possible la récolte des
faits, mais n'oublions pas, comme l'a dit justement Renan, que
« que les spécialités n'ont de sens qu'euue des généralités ».
Messieurs, c'est avec une profonde satisfaction qu'au début de
ce nouveau siècle, les aliénistes et les neurologistes réunis peuvent
jeter un regard en arrière et mesurer l'étendue des progrès réa-
lisés au siècle dernier, par la pathologie du système nerveux. Le
bilan de ces progrès a été dressé trop magistralement l'an passé,
au Congrès international, par les présidents des sections de neu-
rologie et de psychiatrie, pour que je me hasarde à vous le pré-
senter de nouveau. Laissez-moi du- moins vous rappeler que,
parmi les causes du mouvement remarquable qui a si largement
accru le champ de nos connaissances, et auquel notre pays a pris,
avec les noms que vous savez, une part incontestablement prépon-
240 * SOCIÉTÉS SAVANTES.
dérante, il en est deux dont l'influence semble avoir été domi-
nante : plus de rigueur dans la méthode, plus de précision et de
délicatesse dans la technique. La technique c'est l'outil, la méthode
c'est l'ensemble des règles qui nous guident dans le maniement
de cet outil.
Plus que toute autre, la pathologie mentale a eu à pàtir, dans
son développement, des vices de méthodes, qui étaient à la fois
des vices de doctrine. Est-il, surprenant que l'étude des maladies
de « l'esprit » se soit ressentie des idées qu'une métaphysique
conventionnelle avait repandues sur la nature de « l'esprit )J ' !
Comme l'a dit Bacon, nous ne recevons pas avec sincét'i'é la
la lumière des choses, nous nous faisons une science à notre goût.
« car la vérité que l'homme reçoit la plus volontiers c'est celle
qu'il dés're ». Et longtemps, il faut bien le dire, l'homme semble
avoir désiré ne pas voir clair. Considérer les fonctions intellectuelles
comme aussi étroitement dépendantes de leur organe que le sont
celles du coeur ou du foie, n'était-ce pas les ravaler ? N'y voir que
le résultat du perfectionnement continu et de l'évolution progres-
sive d'aptitudes organiques qui existent déjà à l'état élémentatre
chez l'actinie et le lombric, n'était-ce pas se laisser aveugler par
une étroite conception matérialiste des plus nobles facultés ? Or si
l'intelligence était autre chose qu'une fonction organique vulgaire,
ses maladies ne pouvaient être des maladies comme les autres.
On sait à quelles pratiques conduisit ce parti pris à peu près géné-
ral d'ennoblir l'esprit et ses affections : à sanctifier les aliénés
d'abord, àles brûler ensuite, plus près de nous à les traiter comme
de simples malfaiteurs. Ces tristes temps ne sont plns. L'observa-
tion clinique, mieux disciplinée et plus complètement soustraite
aux « préjugés chéris » dont parle l'auteur du Novum organum,
plus tard la méthode anatomo-clinique ont ramené pour toujours
dans la voie qu'avaient entrevue quelques précurseurs de génie,
la pathologie du cerveau. Proclamons comme une des grandes
conquêtes réalisées pas à pas au dernier siècle, l'émancipation
définitive des études qui concernent « l'esprit », ses fonctions et ses
maladies. Elles n'ont plus rien de commun avec la métaphysique.
Ce travail graduel d'émancipation a été puissamment secondé
par les progrès de la technique. Si nos prédécesspurs et nos con-
temporains ont vu plus de choses que nos ainés, ce n'est pas seu-
lement parce qu'ils ont su mieux gouverner leur intelligence, c'est
parce qu'ils ont été mieux outillés pour voir. Le jour où Hanno-
ver, il y a de cela soixante ans, eut l'idée de placer dans une solu-
tion d'acide chromique un fragment de tissu nerveux afin de le
durcir et d'y pouvoir pratiquer des coupes fines, il a fait plus pour
la pathologie du cerveau et de la moelle que n'eussent pu faire le
génie philosophique et les plus ingénieuses spéculations d'un
Platon, d'un Descartes ou d'un Leibnitz.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 241
N'avons-nous pas vu dans ces derniers temps les résultats nou-
veaux et vraiment remarquables qu'ont donnés les études histolo-
tiques, grâce il la découverte d'apparence bien modeste qui nous
a montré que les cellules d'un fragment de tissu nerveux, durci dans
l'alcool à 96 degrés, se colorent d'une façon particulièrement déli-
cate par couleurs d'aniline ? Reconnaissons toutce que nous devons
àces perfectionnements de la technique, j'entends aussi hien la tech-
nique clinique et expérimentale que la technique histologique. Ils
sont eux aussi l'une des caractéristiques de la seconde moitié du
dernier siècle : ils ont contribué à démontrer la vérité de ce qu'avait
dit Claude Bernard, que « dans les sciences expérimentales en
évolution, et particulièrement dans celles qui sont aussi complexes
que la biologie, la découverte d'un nouvel instrument d'observation
ou d'expérimentation rend beaucoup plus de services que beaucoup
de dissertations systématiques ou philosophiques ». Mais laissons
là le passé et permettez-moi en ce premier congrès du siècle, de
jeter un coup d'oeil, peut-être un peu téméraire, sur l'avenir.
Certes, chercher à prédire la voie où s'engagera demain la
science, est plutôt un passe-temps de chroniqueur qu'une préoc-
cupation de savant les événements et l'histoire qui les relate se
chargent de nous montrer la puérilité et l'impuissance de ces ten-
tatives divinatoires. Au moins peut-on s'aventurer à prévoir les
résultats des tendances et des elloi ts qui d'ores et déjà s'affirment.
Si je ne m'abuse, la tâche du siècle où nous entrons, sera l'utili-
sation pratique des notions que nos devancier et nos contemporains
ont recueillies depuis moins de cent ans, et dont beaucoup, il faut
bien le dire, sont jusqu'à présent restées stériles en applications.
Certes, je ne veux point dire que le système nerveux nous ait
déjà, livré tout ses secrets. N'y a-t-il pas dans l'écorce du cer-
veau des territoires entiers dont nous ignorons encore les fonc-
tions.
Et sommes-nous complètement éclairés sur les connexions et le
rôle des ganglions centraux et de toutes les parties du mésencé-
phale ? Savons-nous seulement par quel mécanisme intime le
courant centripète se transforme dans les neurones en courant
centrifuge, et n'est-ce pas là pourtant le phénomène le plus élé-
mentaire, par conséquent le 'plus général, de la physiologie du
système nerveux ? Si nous connaissons, grâce aux efforts réunis
de l'expérimentation et de la clinique, la part que prennent les
intoxications et les infections dans la genèse de la plupart des
myélites, de beaucoup de délires ou d'états de confusion mentale,
n'ignorons-nous pas encore quelle est, par exemple, la cause de
la sclérose en plaques' ? Et si nous sommes fixés sur le rôle capital
que jouent en pathologie nerveuse l'hérédité et la prédisposition,
avons-nous dégagé avec une suffisante précision les lois de la
première, et sommes-nous arrivés à déterminer la nature de la
Archives, 2° série, t. XII 16
242 SOCIÉTÉS SAVANTES.
seconde ? Sur ce dernier point, il ne me semble pas que nous ayons
le droit de nous tenir pour satisfaits du peu que nous savons. Se
borner à opposer la prédisposition, cette explication complaisante,
à l'infection et à l'intoxication, c'est-à-dire la cause originelle aux
causes accidentelles des affections du névraxe, c'est, ce me semble,
se laisser prendre au mirage d'un contraste plus apparent que
réel- Cette prédisposition qui rend compte de tant de troubles,
n'est-elle pas elle-même, le plus souvent, comme le montrent la
clinique et l'expérimentation, le résultat d'une intoxication ou
d'une infection, quelquefois chez le sujet qui la présente, plus fré-
quemment chez ses ascendants ? En tous cas, à la notion empirique
que nous en avons, ne se substituera une notion véritablement
scientifique, que le jour où nous serons arrivés à préciser les con-
ditions, ou morphologiques ou histo-chimiques, et peut-être à la
fois histo-chimiques et morphologiques qui la constituent.
Aux efforts des travailleurs le fonds n'est pas près de manquer,
et le champ reste large pour ceux dont la principale préoccupation
est la recherche de la vérité pour la vérité. Ce n'est pas ici qu'il
est nécessaire de montrer qu'il n'y a pas de découverte inutile.
Les esprits superficiels ont pu douter qu'il fit oeuvre pratique
l'observateur génial qu'on vit, il y a quelque cinquante ans, par-
courant les hôpitaux, sa boite électrique ù-la main, et fixant les
caractères symptomatiques d'une affection, en présence de laquelle
notre impuissance thérapeutique devait apparaître d'autant plus
éclatante que sa phénoménologie allait devenir mieux connue. Et
quelle utilité pouvait-il y avoir àce que des anatomo-patholugistes
de talent vinssent préciser avec minutie la nature et le siège de
lésions que nous sommes restés incapables d'arrêter dans leur évo-
lution progressive ? N'avaient-ils pas fait oeuvre vaine, eux aussi,
ceux qui, à Charenton, s'étaient attachés a mettre en relief les
symptômes d'une lésion nouvelle du cerveau, sur laquelle pendant
cinquante ans les histologistes, à l'horizon circonscrit et borné,
allaient s'user les yeux et dépenser des trésors de patience et de
labeur pour découvrir, plaisante préoccupation, si l'altération
débute par la névroglie, par les cellules ou par les vaisseaux ? A
quoi bon tant d'efforts que devait couronner un échec thérapeu-
tique si lamentable et si humiliant ?
Mais voici que bientôt ces efforts de curieux, presque de dilet-
tantes, vont avoir un résultat inattendu. La connaissance des
symptômes et des lésions va conduire à celle des causes; ici encore
une infection se révèle, comme l'élément étiologique, unique et
spécifique, anx dires des uns, prépondérant en tout cas, au dire de
tous. Et dès lors, le tabes et la paralysie générale vont nous appa-
raître, sinon comme des affections curables, au moins comme des
affections évitables. Evitable le tabes ! qui encombre les consul-
tations et les services spéciaux de nos hôpitaux ! Evitable la para-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 243
lysie générale qui contribue si puissamment il peupler les asiles,
surtout les asiles urbains ! Evitables ces deux fléaux qui anéantis-
sent tant de valeurs intellectuelles en pleine production ! N'oublions
pas que la ligue qui vient de se former, sous de puissants patro-
nages, pour rechercher les moyens d'empêcher la propagation de
l'infection, n'aurait pas eu l'occasion de se constituer si, dans une
salle d'hôpital ou d'asile, ou au fond d'un laboratoire, des cher-
cheurs désintéressés ne s'étaient appliqués à regarder avec le seul
souci de voir ce que Chevreul appelait la vérité vraie. Souhaitons
à la ligue dont je viens de parler longue vie et efficace activité. Elle
s'inspire des tendances qui marquent l'aurore du nouveau siècle.
Si l'on pouvait espérer qu'elle aboutit, la pathologie du système
nerveux, s'en trouverait du coup décapitée.
Une autre ligue est déjà à l'oeuvre. Les aliénistes en ont été les
promoteurs, ou moins, les promoteurs les plus actifs, et déjà ils
voient s'associer à leurs efforts de nombreuses bonnes volontés.
Des divers points de l'horizon accourent, pour prendre part à la
campagne, de nouvelles recrues. Si les savants ont poussé les pre-
miers le cri d'alarme, ceux que le danger menace le plus ne sont
pas loin de l'entendre et de l'écouter. ,
Parler dans un congrès de médecine mentale du péril alcoolique,
c'est s'exposer au reproche de rééditer un lieu commun. Lieu
commun, soit, mais notre devoir n'est-il pas, suivant un mot
connu, de redire toujours la même chose ? Jusqu'à ce que Carthage
ait été détruite, nous ferons entendre nos protestations et nos
plaintes. Certes, les causes de dégénérescence et d'abatardissement
qui guettent notre pauvre espèce sont nombreuses; mais il en est
qui, semblables aux lichens et aux mousses, s'attaquent aux élé-
ments vieillis et à demi usés.
La goutte, le diabète et toutes les affections de même famille,
dont on a pu dire avec raison qu'elles étaient la rançon de la
supériorité sociale, jouent leur rôle - j'allais dire ont leur utilité
dans ce mouvement d'évolution continu en vertu duquel les -
couches supérieures se renouvellent saus cesse, empruntant aux
couches sous-jacentes les éléments de leur perpétuelle rénovation.
Mais que dire de l'alcoolisme qui sévit aux sources de rajeunisse-
ment de notre espèce, qui mine et vicie nos réserves ! Ce n'est pas
ici qu'il serait utile de rappeler qu'il est un des plus redoutables
parmi les fléaux dont l'Europe a eu à pâtir. De divers, côtés, on
parait aujourd'hui le comprendre. Je ne crois pas que la ligne de
ceux qui pensent avoir intérêt à maintenir et à propager le mal soit
longtemps la plus forte, et j'entrevois le moment où les pouvoirs,
de l'Etat pourront protéger l'intérêt public sans avoir besoin de
déployer d'héroïsme contre ce qu'on appelle l'opinion publique.
C'est le cas de rappeler le mot de Gaethe : « On ne meurt que
quand on le veut bien. » Persévérons dans nos efforts pour ne pas
244 SOCIÉTÉS SAVANTES.
mourir et continuons à faire contre l'alcoolisme la campagne que,
d'autre part et par des moyens appropriés on mène si ardemment
contre la tuberculose.
Ne nous le dissimulons pas : contre les lésions constituées,
, qu'elles soient, congénitales ou acquises, nous pouvons peu de
chose; d'habitude en atténuer tout au plus les conséquences et en
pallier les fâcheux effets. Si notre thérapeutique est défectueuse,
orientons-nous le plus possible vers la prophylaxie. La prophy-
laxie d'une affection suppose la connaissance des conditions de sa
genèse; n'a-t-on pas dit que « connaître véritablement, c'est con-
naître par les causes » ? 2
Mais les recherches dont nous avons été presque les témoins ne
nous ont-elles pas révélé l'influence d'un grand nombre de ces
dernières ? Il en est ainsi du moins de celle qu'on a appelée la
cause des causes. Je ne pense pas que les nations modernes
veulent imiter Sparte; et ce n'est pas aux pouvoirs publics que
nous avons à demander les moyens directs, de prévenir l'influence
néfaste de l'hérédité défectueuse. Ne nous berçons pas, d'ailleurs,
de l'illusion de la voir disparaître. Mais n'avons-nous pas le droit
d'espérer que la vulgarisation du péril et les conseils privés
puissent, en ce qui la concerne, avoir de sensibles résultats ? Ne
perdons pas de vue, en tout cas, que ces conseils ne peuvent avoir
d'autorité qu'à la condition de s'inspirer des notions précises et
bien établies.
Pour avoir chance de prévenir le danger là où il est, sachons
éviter avec résolution de le signaler là où il n'est pas. N'oublions
pas qu'il y a des affections du système nerveux accidentelles et
que rien ne prouve qu'elles entachent le produit de la conception
quand elles succèdent à celle-ci. N'est-il pas à la fois périlleux et
téméraire, par exemple, de jeter l'anathème en bloc, un anathème
que, personnellement, je crois injustifié, sur les descendants
d'ataxiques, de paralytiques généraux, d'hémiplégiques par
lésions circonscrites ? '1
Je n'ignore pas qu'en intervenant pour entraver les effets
fâcheux de l'hérédité pathologique, nous semblons seconder les
tendances de la nature qui sacrifie résolument les intérêts de
l'individu à ceux de l'espèce, et que le rôle de la civilisation est,
au contraire, de défendre l'individu contre les conséquences ter-
ribles pour le faible du sLru,ggle for life. Mais notre sollicitude
pour l'infirmité ne peut pas aller jusqu'à l'aider à se reproduire et
à se perpétuer.
Messieurs, si les réflexions que je me suis permis de vous sou-
mettre sont exactes, on est en droit de dire que la tendance du
siècle qui s'ouvre sera d'envisager, comme le conseille Maudsley,
la pathologie du système nerveux, en particulier la pathologie
mentale, au point de vue social. Pour ma part, je vois son rôle
SOCIÉTÉS SAVANTES. 245
grandissant, je la vois achevant d'expliquer des phénomènes psy-
chologiques qu'une éducation insuffisante, et dès longtemps
viciée par les conceptions de l'ontologie, nous avait fait envisager
d'un point de vue inexact; je vois, à côté de la psychologie des
foules, qui est en train de se constituer, se dégager dejà une
pathologie dont les gouvernants devront faire leur profit, de cet
être complexe qui est autre chose qu'un agglomérat d'unités, qui
a son individualité propre, ses émotions particulières, ses réac-
tions spéciales, ses obsessions bien à lui et ses impulsions vrai-
ment morbides, j'entrevois les résultats nouveaux de cette science
mieux établie, ou au moins d'une application mieux réglée, qui
s'appelle la statistique, nous montrant avec plus de précision la
transformation et les évolutions de la pathologie.
Ces types que nous voyons aujourd'hui sont-ils ceux qui exis-
taient aux siècles passés ? Je n'en suis pas certain : sans doute, si
nous reconnaissons des scléroses spinales, des encéphalites
diffuses que ne diagnostiquaient pas nos aînés, c'est parce que
nous avons appris à les voir. Mais n'est-ce pas aussi parce qu'elles
ont augmenté de fréquence et peut-être changé de physionomie et
d'allures ?
J'entrevois enfin (que les magistrats qui nous font l'honneur
d'assister à cette séance excusent cette hardiesse), j'entrevois la
pathologie mentale contribuant, de concert avec l'anthropologie
criminelle, à modifier d'une façon radicale les assises de notre
droit pénal : je vois la notion de nocuité se substituer à celle de
culpabilité, et la Société, renonçant à punir, ne se préoccupant
plus que de se défendre.
Notre pays prendra-t-il à cette oeuvre la part prépondérante qui
a été la sienne au siècle dernier ? Souhaitons-le, sans oublier que
le mouvement créé par les grands initiateurs qui s'appellent
Pinel, Esquirol, Morel, Duchenne, Charcot, s'est propagé partout
et que la neuro-pathologie ne peut pas plus rester une science
française que la microbiologie de Pasteur. Ne nous en plaignons
pas d'ailleurs : plus les efforts seront nombreux, plus riche sera
la moisson et la moisson aujourd'hui profite à tous, car le rêve de
Leibniz est réalisé : « Les savants sont unis à travers le monde. »
Tâchons, en tout cas, de contribuer avec honneur à la tâche
commune. Apportons-y, si possible, les qualités et les dispositions
d'esprit qui ont fait, sinon toujours notre force matérielle, au
moins notre prestige. Sachons rester fidèles aux destinées que
l'histoire nous a faites : que le légitime souci de notre préémi-
nence ne nous porte jamais à négliger celui du progrès général.
Ne perdons pas de vue que, si l'on peut être un peuple puissant
quand on conquiert des territoires et quand on couvre le monde
des produits de son industrie et de son négoce, on n'est vraiment
un grand peuple qu'autant qu'on contribue à activer la marche du
246 SOCIÉTÉS SAVANTES.
monde moral dans la voie de sa continuelle évolution. (Applaudis-
sements répétés.)
M. DROUllOEAU, représentant le Ministre de l'Intérieur,
s'exprime en ces termes :
Messieurs,
J'ai reçu de M. le président du conseil, l'agréable mission de le
représenter au XIe congrès des médecins aliénistes et je ne saurais
vous cacher que je suis personnellement heureux du choix que
M. le Ministre a bien voulu faire en cette circonstance puisque je
me retrouve en pays de connaissance, au milieu de confrères et
amis et sur la bienveillance desquels je puis compter.
Mais, messieurs, votre oeuvre ne m'intéresse pas seul; je vous
donne l'assurance que cette sympathie est partagée par les hauts
fonctionnaires de l'assistance publique : je puis vous en fournir
la preuve. A mon retour du congrès de Marseille, je lis part à
M. Monod, directeur de l'assistance publique, du désir que plu-
sieurs d'entre vous m'avaient manifesté afin d'assurer, pensaient-
ils, d'une façon définitive et certaine l'avenir financier de vos
congrès; la science a quelquefois besoin d'argent. Il s'agissait
d'inviter les asiles à participer effectivement à votre oeuvre en
s'inscrivant personnellement parmi vos souscripteurs; M. le direc-
teur s'y est prêté de la meilleure grâce, connaissant la valeur de
vos travaux, l'importance de vos réunions, et appréciant, comme
moi, l'intérêt réel, considérable qu'il y aurait pour tous les asiles
à posséder, dans la bibliothèque de chacun d'eux, l'ensemble de
ces documents, non seulement en vue du présent et de nos jeunes
collaborateurs, mais surtout en raison de l'avenir et des tra-
vailleurs futurs.
Votre oeuvre, après l'épreuve concluante du passé, ne saurait
maintenant s'amoindrir ni disparaître, elle ne peut que grandir et
prospérer et par suite, toutes ces monographies si étudiées,
. toutes ces discussions si intéressantes, si fructueuses, constitue-
ront un faisceau de documents scientifiques et administratifs où
tous les médecins aliénistes, quelle que soit leur propre érudition,
seront certainement heureux de puiser. Je ne sais si cet appel a
été entendu et si l'invitation a été suivie d'effet, M. le secrétaire
général nous le dira; mais le but n'est pas encore tout à fait
atteint, nous insisterons à nouveau, bien persuadés, qu'en face du
résultat à obtenir, il ne saurait y avoir de la part de l'administra-
tion des asiles de résistance irréductible. Enfin, messieurs, j'ajoute
que dans l'état actuel de la psychiatrie, en présence des travaux
étrangers, de l'évolution des esprits en ce qui touche les aliénés,
leur traitement, la façon de comprendre les asiles et les appro-
, SOCIÉTÉS SAVANTES. 247
priations spéciales qu'ils comportent, il nous faut suivre avec plus
de soins scrupuleux que jamais vos travaux, connaître vos voeux,
vos résolutions, car c'est sur eux que nous pensons asseoir notre
jugement et dégager l'intervention administrative, quand elle est
sollicitée ou nécessaire, de toute incertitude et l'absoudre de tout
reproche; c'est vous dire, messieurs, quelle attention je veux
apporter à vos réunions, quel parti fructueux j'ai mission d'en
retirer. (Applaudissements).
A la fin de cette première séance, il a été procédé aux
nominations suivantes : -
Présidents d'honneur : 1\1. le Président du Conseil, ministre de
l'intérieur; M. Monod, directeur de l'Assistance et de,l'Hygiène
publiques; M. le Préfet de la Haute-Vienne; M. Labussière, maire
de Limoges; M. le De Théophile Raymond, conseiller général de
Limoges; M. le D'' Urouineau, délégué du Ministre de l'Intérieur;
M. le De Raymondaud, père, directeur honoraire de l'Ecole de
médecine; M. le 1)" Chénieux, directeur de l'Ecole de médecine;
M. le professeur Bouchard ; M. le D1' Bourneville, médecin de
Bicêtre; M. le professeur Brissaud; M. le professeur Grasset; M. le
professeur Joffroy; M. Je professeur Mendelssohn, de Saint-Péters-
bourg ; M. le De Motet, membre de l'Académie de médecine; M. le
professeur Pitres; M. le professeur Raymond.
Vice-présidents : Dl. le D'' Boubila, médecin de l'asile de Marseille ;
M. le De Lannois, professeur agrégé à la Faculté de Lyon.
Secrétaires : MM. Laignel-l.avastine, interne des hôpitaux de
Paris; D1' Lelong, ancien interne des agiles de la Seine : Dr Mar-
chand, interne à l'asile de Villejuif ; Dr Parant fils, interne des asiles
de la Seine.
Commission .des questions pour 4902 : MM. Briand, ltrissaud,
Parant père, Pitres, Vallon, les présidents du Congrès de 1901 et
de 1902. -
Ail heures, la séance est levée.
Séance du jeudi ICI' août 1901 (soir). -PRÉSIDENCE DE 1\1. E. BRISSAUD.
Du délire aigu au point de vue clinique, azatonzo-patizologique et
bactériologique. -Rupport purlli. A. Carrier avec la collaboration
de Mi. G. Carrier et E. Martin.
La commission du Congrès a été bien inspirée en mettant à
l'ordre du jour cette question si complexe du délire aigu-LA.
,Carriera- su réunir en un faisceau compact et avec la plus grande**
clarté les différents éléments épars dans la science. L'anatomie
248 SOCIÉTÉS SAVANTES.
pathologique, la bactériologie de cette affection viennent corrobo-
rer d'une façon très nette l'assertion que les faits cliniques ont fait
émettre au rapporteur : que le délire aigu est un syndrome de
1 nature toxi-infectieuse. Son histoire est une des plus confuses de
la pathologie mentale. Avant 1881, les opinions sur la nature de
cette affection furent les plus diverses. Pour Calmeil, Foville,
c'était une inflammation aiguë du cerveau : pour Thulié, de l'ané-
mie cérébrale; pour Lucas, Marie, Lunier, Dagol1et, la forme la
plus grave de l'exaltation maniaque; Baillarger rattachait le délire
aigu à la manie vésanique, à la manie congestive, à la paralysie
générale. Brierre de lioismont le séparait de l'aliénation mentale
et de l'encéphalite, et en faisait une entité mordide.
1 En 1881, la thèse de Briand owre une ère nouvelle dans l'his-
toire du délire àigu. S'appuyant sur l'aspect clinique de cette
affection et sur des recherches anatomiques qui lui permirent
d'isoler des micro organismes, cet auteur rapprocha le délire aigu
Ides affections microbiennes ou toxi-infectieuses. Depuis cette
'époque, les travaux publiés sur cette affection établissent que l'on
doit considérer sa nature infectieuse comme confirmée. Krafft-
1'îbing, en 1888, place le délire aigu dans les maladies avec lé-ions
* à côté des intoxications. Kraepelin, en 1889, le place à côté du
\ délire toxique et fébrile, et en 1898 dans les états toxi-infectieux.
D'autre part, les travaux récents en pathologie mentale établissent
l'existence de troubles mentaux particuliers accompagnant les
infections et les intoxications. Ces troubles sont constitués par la
confusion mentale décrite d'abord par Delasiauve, puis par Chaslin,
Séglas, Régis. Ces données ont précisé la conception que l'on se
faisait du delire aigu et permettent de l'envisager comme un syn-
drome dû à des phénomènes toxi-infectieux.
Clinique. - Tableau filmique. Le délire aigu peut être primi-
tif, il se manifeste alors spontanément, ou secondaire à une psy-
chose préexistante. Il ne se développe jamais que chez des sujets
dont le système nerveux a été affaibli soit héréditairement, soit
par suite de maladies antérieures.
Période prodromique. - Cette période est plus ou moins longue.
Elle s'accompagne de céphalalgie, d'inappétence, de constipation,
d'embarras gastrique, d'amaigrissement et d'un malaise général
. indéfinissable. Le sommeil est troublé par des rêves terribles, des
, cauchemars effrayants, une agitation inaccoutumée; souvent, l'in-
\ somnie est absolue. Pendant la veille, les sujets ont déjà des hal-
' lucinations terrifiantes; ils éprouvent une irritation croissante,
j une inquiétude continuelle, un besoin incessant de changer de
place, quelquefois ils se plaignent d'une angoisse violente.
P,Ja : i,otc d'élut. Cette période se compose de deux phases de
..clique aiguë. Lasègue en a fixé le caractère en l'appelanl un délire
de rêve, Régis, un délire onirique. On peut expliquer cette forme
SOCIÉTÉS SAVANTES. 249
de délire et l'excitation qui l'accompagne par l'action directe d'un
agent infectieux sur les éléments nerveux qui réagissent en exagé-
rant leur fonction jusqu'à l'épuisement terminal. Les hallucinations,
les illusions, l'hyperesthésie sensorielle et l'agitation motrice peuvent
s'expliquer par l'action d'un poison qui vient troubler le fonction-
nement cellulaire et dont le degré d'activité mesure l'intensité des
réactions fonctionnelles qui en résultent. La fièvre est constante et
offre le type rémittent. Elle a le caractère des fièvres toxi-infec-
tieuses ; elle peut être le résultat soit de l'action directe de l'agent
pathogène ou de ses toxines, dont la virulence mesure son inten-
sité, soit des modifications apportées dans l'élaboration des sécré-
tions internes. L'qccélération du pouls, véritable tachycardie, serait
due aux altérations plus ou moin profondes du pneumogastrique
et des centres bulbaires. Comme dans lés maladies infectieuses, il
y a des modifications de la pression artérielle, dues à l'action de
l'agent toxique sur les vaisseaux. l ? 0t : tW'PlwlÚ..e est un symptôme e
très important d'après le rapporteur, et qui ne manque-presque
jamais. Il serait dû, d'après lui, à l'état défectueux des voies
digestives supérieures, presque toujours observé. On peut ajouter
à cela, d'après Schùle et Krafft-Ebing, l'hyperexcitabilité muscu-
laire dans la première période, la paralysie toxique du pharynx et
du voile du palais dans la seconde période. La constipation est
habituelle. Elle peut être considérée, comme dans les états infec-'
tieux et toxiques, comme une conséquence de l'infection, et vient
ajouter un élément nouveau à l'intoxication préexistante. Il en est
de même de l'insuffisance hépatique et surtout de l'insuffisance
rénale qui peut aller jusqu'àTanurie. Ce qui confirme cette manière
de voir, c'est la débâcle urinaire avec hypertoxicité que l'on
observe dans les cas de guérison et qui coïncide avec l'atténuation
des symptômes morbides. La constipation, l'insuffisance hépa-
tique et l'insuffisance rénale expliquent les phénomènes de dénu-
trition rapide qui vont jusqu'au dernier degré de l'épuisement et de
la consomption.
Le diagnostic du délire aigu, en général facile grâce à s 1
sionomie caractéristique, doit être fait cependant avec deux états :
dâus'1 ôr râ é p`syclngue, avec les$tts mapiaques aigus; dans
l'ordre somatique, avec les états typhoïdes^ Le delirium tremens
est un'delire"aigu"3'origine alcoolique. --
ANATOMIE-PATHOLOGIQUE. - Système nerveux. - L'hyperémie des »
méninges que l'on constate à l'ouverture de la boîte crânienne
avait fait penser à Calmeil et Foville à une périencéphalite. Briand
n'y ajoute pas une telle importance et l'on sait aujourd'hui que
ce n'est qu'une lésion réactionnelle banale. Les auteurs allemands,
et Schüle en particulier, attachent une grande importance à la
stase de la circulation cérébrale amenant l'oedème et la congestion
active du cerveau. Se basant sur cette manière de voir, Schiile
250 SOCIÉTÉS SAVANTES.
décrit trois formes du délire aigu suivant qu'il y a oedème, con-
gestion ou anémie du cerveau. Tous les observateurs après Calmeil
ont retrouvé et décrit la teinte hortensia de certains points de la
substance grise dans différentes régions des hémisphères céré-
braux. Les noyaux centraux peuvent être frappés de la même
. ré'éinégal- : TiII1 ? d'excitation, l'autre de collapsus. ?
1° Phase d'excitation. Le début en est rapide; un jour à peine
- suffit pour qu'elle atteigne son apogée. Les sujets présentent l'as-
pect du type maniaque avec phénomènes de dépression par inter-
valles. Leur physionomie exprime des sentiments divers suivant la
filature des hallucinations; les hallucinations de la vue dominent
très sensiblement. Ils montrent une lcyPénest7césie sensorielle très
'accentuée intéressant tous les sens.
Le trouble mental consiste en un délire général dont l'incohérence
est absolue. C'est un verbiage désordonné, une'sorte'de* rêvasserie
èIÕÏ1L1ë's-sensations indécises externes'ou internes et les hallucina-
tions font les principaux frais. Les malades expriment leur pensée
comme dans un rêve; ils n'articulent parfois que des syllabes qu'ils
répètent sans cesse en les assemblant par assonnance. Leur.5-cris,
leurs vociférations altèrent le timbre de leur voix, qui devient
rauque, enro 'e5-nasillarde ; par moments, ils paraissent tomber
en stupeur. Des symptômes somatiques importants se montrent
dès le début de la période d'excitation ; les plus constants sont la
sitioplaobie et la fièvre. L'embarras gastrique s'accentue rapidement,
les malades maigrissent à vue d'oeil, leur bouche se sèche, les
dents et les lèvres se couvrent de fuliginosités, ce qui donne à
l'aspect général celui des états typhoïdes. Ils refusent toute inges-
tion de solides ou de liquides. ?
La fièvre est un symptôme qui ne manque jamais; elle est irré-
gulière et oscille entre 38°, 39° et 40°. On constate en outre de la
dyspnée et surtout une accélération extrême du pouls (120 à 160).
"Les urines sont rarës;°soùvent albumineuses; on peut constater de
l'anurie. La constipation est habituelle. -
2° Période de collapsus. Au bout de huit à dix jours, si les
phénomènes morbides ne s'atténuent' pas, le collapsus succède à
l'excitation. Le délire et l'agitation cessent; les malades tombent
dans la stupeur ; les troubles trophiques apparaissent avec des sou-
oerbcesauts de tendons, de la carphologie, enfin de la diarrhée. Le
pouls devient miahle , la température monte fi-10 et les
malades meurent dans le coma. Il est très rare que cette,période
dépasse deux jours, le plussouventelle ne dure qu'un jour, parfois
même quelques./heures. Cette terminaison est presque la règle;
cependant il peut y avoir guérison. La rémission commence alors
vers le cinquième ou sixième jour, quelquefois plus, de la période
d'excitation. La terminaison peus.ejaire parla guérison complète
ou le délire aigu n'est que le prélude de l'ijasio7d'une-vésanic : -
. SOCIÉTÉS SAVANTES. 251
D'après le tableau clinique, M. Carrier reconnaît deux formes
au délire aigu : l'une relativement bénigne et curable, rare (deux
observations à l'appui); l'autre très grave et presque' toujours
mortelle. D'après l'aspect elimquele"délire-aigu est une maladie
générale, dans laquelle le délire, s'il en est le symptôme le plus
bruyant, n'est cependant pas celui auquel la maladie doive parti-
culièrement sa gravité. 1
Séméiologie. - Le délire offre le type maniaque ; ses caractères
saillants sont la confusion, les hallucinations, la perte de con-
science. C'est la confusion mentale hallucinatoire de Delasiauve,
Chaslin, Séglas, Régis, que l'ou'retrouve'dansl'intoxication alcoo-
v hyperhémie. Ces lésions sont les seules décrites avec précision jus-
qu'aux-reeherches de Cristiani en 1898. Cet auteur a examiné dans
trois cas de délire aigu l'écorce cérébrale des lobes préfrontaux,
des circonvulutions centrales, l'écorce cérébelleuse, le corps den-
telé, le bulbe, la moelle spinale, les racines antérieures et posté-
rieures, le nerf moteur oculaire commun, le grand hypoglosse, le
sciatique et le médian.. Pour les cellules, il a employé les méthodes
de Nissl et de Golgi ; pour les fibres, les méthodes de Weigert et
de Weigert-Pal, de la nigrosine en solution aqueuse à 1 p. 100,
après durcissement dans le Muller, enfin le carmin aluné. Les cel-
lules nerveuses présentent des altérations constantes et diffuses.
Elles consistent en une chromatolyse qui frappe d'abord la zone
marginale de la cellule puts'se'drffusû-et se généralise. La cellule
est alors décolorée, bleu clair, avec un aspect pulvérulent; les
contours sont bleu pâle, indécis, confus. Le noyauest peu, coloré,
indistinct et orienté vers la périphérie au point juelquefois de faire
hernie et de s'énucléer. Le nucléole est tantôt normal, tantôt déco-
loré. Les prolongements en chromatolyse il leur cône d'origine sont
courts, décolorés, sans division et subdivision, tortueux, atrophiés
ou variqueux, granuleux et segmentés. La cellule peut présenter
aussi de la dégénérescence granuleuse et jaune globulaire (Colucci)
ainsi que les prolongements qui paraissent alors segmentés. Cette
dégénérescence granuleuse ou jaune globulaire est tantôt partielle,
périphérique, basale, peu nucléaire ou siégeant à l'apex, tantôt
diffuse et générale. Beaucoup de cellules finissent ainsi par dispa-
raître sans laisser de traces; aussi rencontre-t-on des tractus de
tissu jaune avec ou sans éléments cellulaires. Les prolongements
nerveux sont moins altérés, ils sont pourtant le siège d'une atro-
phie variqueuse et sont segmentés.
En résumé, comme altérations cellulaires, on rencontre autant
la chromatolyse que la dégénérescence jaune globulaire dans
toutes leurs formes et à toutes leurs phases.
Le corps dei2lelé (lu cei-velet, les noyaumbulbaires, les cellules des.
cOI'l1l ! li.oant¡ ! ¡'ieür- présentenl*les mêmes lésions quélê-cortexcÚé-
bral. Dans les cellules des cornes postérieures on observe seule-
2o2 ri SOCIÉTÉS SAVANTES.
ment la chromatolyse. Le cortrx cérébelleux parait moins altéré;
la chromatolyse y est moins diffuse. La coloration au carmin
aluné permet d'observer de fréquentes dilatations des espaces lym-
phatique, péri-cellulaires. On note aussi une infiltration nucléaire
autour des cellules altérées, et cette infiltration est plus grande
aux endroits où les cellules altérées sont en plus grand nombre
et plus gravement lésées. Les vaisseaux sont gorgés de globules
rouges qui ne sortent jamais des vaisseaux et ne font pas de véri-
tables hémorrhagies. Dans les espaces lymphatiques périvascu-
laires, quelques grains fins de pigments. Les méninges cérébrales et
spinales sont normales, ainsi que la névroglie.
Les fibres nerveuses des écorces cérébrale et cérébelleuse, du
corpslleiiLelë ? sotWto ? e.l1.sg ? tantôt grêletrol2.hiie : i, tautôt
grossies avec des renflements en grains de chapelet, tantôt déco-
lorées, tantôt segmentées, granuleuses. De très nombreuses fibres
sont détruites surtout dans les couches superficielles du cortex
cérébral et cérébelleux. Dans le bulbe, la moelle, les racines spi-
nales et les nerfs, la gaine de myéline est diminuée, réduite à de
fines granulations, elle disparaît parfois. La méthode à la nigro-
sine montre la persistance du cylindre-axe qui apparaît renflé,
estom lé et non plus brillant. Ces altérations ont les caractères des
dégénérescences systématiques.
Le délire aigu, dit Cristiani, apparait comme une maladie géné-
rale du système nerveux. Les méthodes de Nissl et de Golgi met-
tent en évidence un processus de dégénérescence cellulaire primitive.
Les fibres nerveuses sont le siège d'une dégénérescence primitive,
systématique dans la moelle (m. à la nigrosine). L'infiltration
nucléaire (m. au carmin) est un processus secondaire de réaction
contre les lésions cellulaires . Les vaisseaux et la névrogliese mon-
trent normaux, ce qui ne serait pas, si le processus inflammatoire
était primitif. La forme initiale des lésions cellulaires est en pleine
harmonie avec l'origine infectieuse et toxique du délire aigu,
d'après les recherches anatomiques et expérimentales de Mari-
nesco. La marche des lésions histologiques répond à l'évolution
clinique. Au premier temps, envahissement des éléments nerveux
qui réagissent en donnant la phase d'excitation; au deuxième
temps, la destruction progressive de l'élément nerveux donne la
phase de collapsus.
Coeu1' et vaisseaux. - Briand indique une coloration spéciale de
la tunique externe de l'aorte ordinairement au niveau de la grande
courbure. Cette altération, d'après M. Carrier, ne serait pas d'ori-
gine inflammatoire, mais d'origine cadavérique et due au décubi-
tus. Ceni a trouvé dans une de ses autopsies une endocardite végé-
tante au niveau des sigmoïdes aortiques. Pas d'altération du
muscle cardiaque.
Tube digestif. - Les auteurs ont signalé de la congestion de la
SOCIÉTÉS SAVANTES. 253
muqueuse intestinale, des ulcérations, des altérations des voies
digestives supérieures. Le fuie présente de la dégénérescence
graisseuse, et une atrophie pigmentaire dla cellule hépatique. La
rate quelques foyers de nécrobiose; les reins des altérations du
glomérule et des tuhes. (Cappelletti). I<'urstner a signalé des lésions
musculaires sembl ? Les à.celJesque-l'ou rencontre dans les mala-
dies infectieuse.. (Dégénérescence cireuse [vitreuse]).
Bactéiuologie. - Les premières recherches remontent à 1881 ;
Briand signala la présence de microorganismes en quantité consi-
dérable dans l'urine des malades. Leur forme était celle de petits
bâtonnets et de corpuscules punctiformes. L'examen du sang lu
révéla aussi la diminution des globules rouges et la présence de
bactéries. Rezzonico en 1884, décrivit dans un cas de délire
aigu des embolië"s*"de ? microcoques dans les vaisseaux du cer-
veau. Pour pilzka, le délire aigu est une auto-intoxication produite
par les ptornaïnes ou autres substances toxiques provenant de
l'altération des échanges matériels.
En 1n93, Bianchi i <iLt ? CC ! n i n o examinèrent le sang de deux ma-
lades morts de délire aigu. Les ensemencements de ce sang don-
nèrent des cultures où ils trouvèrent des bacilles disposés en
chaîne formant de longs filaments. Le sang d'animaux (chien-lapin)
inoculés avec ces cultures reproduisit les mêmes cultures. Ils
retrouvèrent ces bacilles dans les différents organes (poumons,
dure- mère). Ils montrèrent que c'était un microorganisme
autonome se rapprochant morphologiquement des bacilles du
charbon et du bacUlus subtilis. Iu 1894, les mêmes auteurs admet-
tent qu'on ne trouve pas dans tous les cas de délire aigu le bacille
qu'ils ont décrit. Dans sept observations qu'ils rapportent, ils trou-
vent dans quatre cas le streptocoque pyo; : ène, dans deux cas, le
staphylocoque doré, et its"en*concrSnt'qu'0[i*doit différencier de
toutes les autres Informe . de délire aigu (delirio acuto bacillare),
dans laquelle on retrouve dans le sari,, et les centres nerveux le
bacille particulier qu'ils ont décrit. Rasori en 1893, dans un cas
de délire ailu trouve dans le liquide céphato-ractndien un bacille
petit, à extrémité arrondie, plus large que long et différent du
bacille de Bianchi. Potts, i\1.II'linoltl, Cabitto, ne retrouvèrent pas
dans leurs recherches le bacille de blanchi, mais des microorga-
nismes cllm muns. Ceni, en 1897, trouva constamment dans plusieurs
cas de délire aiim le staphylocoque pyogène blanc et jamais le
bacilie de Blanchi et Piccinino. Il conclut de ses recherches que, si
l'on duit admettre le délire aigu bacillaire de Bianchi, l'etiologie
n'est pas unique, que les différents microorganismes rencoutiés
dans le délire aigu ne ree8ènt1'11r : qu'une ilJreclionSëcoudaire-
d'origine intësiuatë'probabiè'et'qu'rts ne'peuvent avoir de'valeur
étiologique dans la forme morbide en question.
Kolzowsky (1898) signala deux cas de délire aigu d'origine sta-
254 SOCIÉTÉS SAVANTES.
phylococcique; l'infection aurait eu son point de départ au niveau
d'ulcérations intestinales. Le Dr Audemard, en 1898, a rapporté
quatre observations, sous la rubrique de cérébro-typhus à forme
de délire aigu, et qui seraient des délires [aigus d'origine' éber-
thienne. -
Les recherches de Cappelleti, en 1899, viennent confirmer celles
de Ceni et Kotzowsky. Dans trois cas de délire aigu, il ne put trou-
ver le bacille de Bianchi, mais il isola le staphylocoque pyogène
aureus et albus et le b : ictérium coli ? Pour cet auteur, ~il*s'agit de-
bâcilles êntl'és"dans la circulation à la dernière période de la mala-
die. La possibilité de cette émigration a été admise par Ceni,
Charrin, Roger, Bouchard et Sanarelli. Les recherches de Wurtz,
Achard et Phulpln7Xoca.rtÍ,r Porcher, confirment cette opinion. En
J..6.illl...pour répondre aux différents auteurs qui sont venus contre-
dire leurs assertion-, Bianchi et Picc ? 1\'UJ : l.p.ublièI'ent un troisième
mémoire dans lequel IIsTS'onnent trois observations nouvelles.
Dans deux cas mortels, ils trouvèrent leur bacille, dans un cas
moins grave des cocci communs, enfin dans un autre cas'leurs
recherches furent négatives. Ils concluent que leurs recherches
confirment les conclusions de leurs deux premiers mémoires. Ils
en déduisent qu'il existe une forme cocciquc du délire aigu outre
Informe bacillaire. De ces différentes recherches bactériologiques,
il résulte ce fait d'une importance capitale : c'est que le délire aigu
est une manifestation clinique toxi-infectieuse. Les recherches
bactériologiques ne prouvent qu'une chose : c'est que les symp-
tônJes complexes du délire aigu peuvent^être provoqués par diffé-
rente germes pathogènes; diantre part, il est à croire' que la
gravité*du'"pronostic n'est pas seulement due à la prédisposition
uévropathique plus ou moins grande, mais encore à la variabilité
des agents microbiens, ayant tous une action éminemment infect
tieuse ou tc £ iqe,ou bien une action mixte.
Aperçu P,\Ti ! ÕG¡'NIQUE. Le déliré aigü ëst subordonné à trois
ordres de conditions pathogéniques essentielles : la prédisposition
névropathique, l'épuisement. nerveux, occasionnel et la toxi-infec-
Lion., Le mécanisme de l'infection et de l'intoxication qrü'pèôdûisent
le délire aiu peut s'expliquer ainsi : les causes effectives et déter-
minantes de ce syndrome, dit M. Carrier, mais dans lesquelles
nous comprenons les maladies infectieuses antérieures, aussi bien
que la prédisposition névropathique nécessaire, ont déterminé
dans l'organisme un état de réceptivité pathologique particulier,
en agissant surtout sur les glandes à sécrétion interne qui ont pour
mission d'offrir normalement une barrière infranchissable aux £
agents infectieux. Si, du fait de cette action, cette barrière n'existe
plus ou est devenue insuffisante, l'organisme est envahi par des
toxines qui jouent le principal rôle dans la genèse du syndrome
délire aigu. D'autre part, la diminution des sécrétions résultant de
SOCIÉTÉS SAVANTES. 255
la fièvre et de l'infection empêchant la libre élimination des
toxines, détermine des auto-intoxications secondaires venant se
surajouter à l'intoxication primitive d'origine microbienne ou autre.
Cette opinion permet d'expliquerla variabilité des microbes, aussi
bien que la production des auto-intoxications résultant ]des insuf-
fisances hépatique ét rénale. La conception de la nature toxi-infec-
tieuse du délire aigu entraîne à elle seule des indications spéciales
qui dominent toute sa thérapeutique. Puisqu'il y a infection, il faut
s'opposer à l'évolution des microbes pathogènes et puisqu'il y a
intoxication, il faut favoriser l'élimination des toxines nocives.
L'auteur conclut que : 1° le délire aigu est un syndrome de
nature toxi-infectieuse. Ce n'est Rasune..tnaladie une, ce n'est pas
une entité morbide au sens nosologique du mot, parce qu'il dépend
essentiellement d'infections et d'intoxications diverses; 2° il a son
point de départ daus'1 âltécâtïbn primitivé dés éléments nerveux
par l'agent pathogène et, par suite, intéresse l'organisme tout
entier en permettant la production d'auto-intoxications secondaires
qui constituent toute la gravité de la maladie; 3° des recherches
nouvelles sont à poursuivre pour déterminer lanature s.divers
. agents infectieux qui peuvent le produire, et pour expliquer le
mécàniW1ëéiëëë"tte . toxi-in fectio Ii.
M. Régis. Il résulte du remarquable rapport de M. A. Carrier
que la clinique, l'anatomie pathologique, la bactériologie, sont
d'accord pour établir que le délire aigu est un état de nature
toxique. Il me semble que c'est encore la clinique qui apporte le
meilleur élément de preuves de cette assertion.
Les psychoses toxiques, comme je le disais dans les Archives de
neuroloi/ie de janvier 1899, ont en effet une symptomatologie spé-
ciale qu'il est impossible de méconnaître. '
Les principaux symptômes qui les caractérisent généralement
sont : au point de vue physique : la céphalalgie, les attaques hysté-
riformes ou épileptiformes, les états cataleptiformes ou catato-
niques, les troubles des réflexes, l'inégalité pupillaire, le tremble-
ment généralisé, l'altération de la parole, les troubles des
fonctions organiques (gastro-intestinale, circulatoire, respiratoire).
des sécrétions et des excrétions, de la nutrition générale, de la
température (hyperthermie), l'aspect général ; au point de vue
psychique : la confusion mentale avec torpeur ou agitation, le
délire onirique ou de rêve, les idées fixes post-oniriques, enfin
l'amnésie.
Dans le délire aigu, on rencontre précisément tous ces symp-
tômes, je voudrais insister sur certains d'entre eux, à savoir : la
céphalalgie, les troubles des fonctions organiques, la confusion
mentale, le délire onirique, l'amnésie (céphalée). Il est exceptionnel
de voir la céphalalgie chez les vésaniques, or, elle ne manque jamais
dans les délires toxiques. C'est un symptôme constant de la
256 SOCIÉTÉS SAVANTES.
période prémonitoire et qui persiste encore dans la période d'état.
Elle s'observe dans le délire aigu, comme en témoigne la première
observation du rapport de M. Carrier.
J'ai pu en observer moi-même plusieurs cas personnels. On peut
voir de même dans la période prémonitoire du délire aigu des
attaques hystéri formes ou épilp.ptifo1'1nes. Audemard a cité plusieurs
'faits de ce genre.- L'inégalité pupillaire s'observe également, mais
avec cette particularité qu'elle est extrêmement mobile et variable,
pouvant paraître et disparaître plusieurs fois dans la même
journée.
On rencontre souvent aussi un tremblement généralisé intéressant
la langue, fait qui détermide une parole tremblée et bredouillée
qui peut donner au malade le cachet d'un paralytique général.
Les troubles des fonctions organiques sont très importants dans
les délires toxiques et particulièrement dans le délire aigu. Ils
peuvent s'accompagner, comme l'a fort bien signalé 11. Carrier, de
troubles circulatoires et respiratoires. Les urines sont très dimi-
nuées, leur taux peut descendre au-dessous d'un litre, en même
temps qu'elles sont altérées dans leurs éléments normaux (hyper-
acidité, hyperazoturie, etc...) et qu'elles contiennent des éléments
anormaux : de l'albumine en petite quantité, beaucoup d'indican,
de l'urobiline, de l'acétone, etc...
Lorsque la convalescence survient, on assiste à une véritable
crise~urinaire au sujet de laquelle les rapporteurs ont bien fait il
d'insister.
La température est toujours très élevée, mais dans la conva-
lescence qui peut être longue, on observe parfois de l'hypother-
mie. Quant aux symptômes psychiques : la confusion mentale est
de règle, parfois elle peut être marquée par l'agitation extrême et
le délire que présentent les malades.
Ce délire a tous les caractères du délire onirique, du rêve. Il est
fréquent de constater des idées fixes post-oniriques, à savoir
qu'une idée délirante fixe persiste chez le malade, alors qu'il est
ast i evenu à la raison.
- L'Am sie est un symptôme qui existe exceptionnellement dans
les vesanies. Les maniaques, lorsqu'ils reviennent à eux se rap-
pellent de ce qu'ils ont fait, quelquefois avec des détails remar-
quables. Or, dans le délire aigu, on observe une amnésie totale ou
partielle. permanente, définitive, ou au contraire passagère;
tantôt elle est rétrograde et porte sur l'accès qui vient de se pas-
ser, tantôt elle est antérograde. En somme, la clinique nous
permet bien d'affirmer que le délire aigu est un délire toxique.
Mais il ne semble pas que le délire aigu soit, comme l'ont sou-
tenu Biancchi et Piccinino, une infection bacillaire spéciale, soit
même la manifestation psychopathique d'une intoxication ou
d'une infection déterminée.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 357 1
Cliniquement, il ne diffère pas en effet, sauf par le degré d'in-
tensité et d'acuité, des autres -délires toxic[ues : ,anat61-ni-ùêïÎïênt,
il offre ièS1 ? n-s-"de méningo-encéphalite, de dégénérescence des
cellules nerveuses communes à la plupart des intoxications, bac-
tériologiquement enfin, on y peut trouver non seulement le
bacille de Biancchi et Piccinino mais encore d'autres espèces
microbiennes tels que le streptocoque, le staphylocoque, ou même
encore, on peut n'y trouver aucun microorganisme.
Dans deux cas récents que j'ai pu observer, il a été trouvé, dans
le premier (thèse Delmas) des streptocoques peu virulents qui dis-
parurent au moment de l'amélioration; dans le second, où l'expé-
rimentation fut faite par mon ami le D' Férié, des staphylocoques -
blancs sans autres espèces microbiennes. Mais je n'ai jamais -,
retrouvé le bacille de Biancchi et Piccinino. Le délire aigu nous
apparaît donc comme un délire d'origine toxique susceptible de '
survenir, dans des conditions étiologiques favorables, dans la
plupart des toxi-infections; on, peut, en effet, l'observer dans les I
exo-intoxications, telles que l'alcoolisme, dans les auto-intoxica- 1
tions telles que la coprostase et l'urémie, dans les infections et i
toxi-infections, telles que fièvre typhoïde, grippe, et aussi la rage, I
le paludisme, l'inanition, l'insolation, etc..., sans qu'il soit possible |
de lui reconnaître dans chaque cas des différences nosologiques
appréciables. Je dois signaler spécialement le délire aigu qui, par
le fait d'une toxi-infection, survient à titre de complication dans
une vésanie préexistante. L'intérêt du fait réside non dans la
physionomie du délire aigu, qui reste la même, mais dans son
influence tantôt aggravante, mais souvent aussi favorable sur la
vésanie alors même que celle-ci est ancienne et pour ainsi dire
chronique. Il y a là un exemple de l'action dérivative exercée par
les processus infectieux sur un organisme malade, action qui' est
devenue le point de départ de la méthode de traitement de la
folie par des infections provoquées, préconisées ces derniers temps
en Allemagne par Wagner, von Jauregg, par Boeck, Ernst.
Au sujet du traitement du délire aigu, je dirai d'abord, afin de
s'abstenir de placer dans les asiles des délires aigus masquant une
lièvre typhoïde ou une pneumonie, qu'il faut savoir attendre et \
s'abstenir autant que possible de recourir à l'internement de ces `s
malades dont la place est dans les hôpitaux et non dans les t
asiles. On pourrait aussi côté des médications antiseptiques et
reconstituantes, telles que les grandes injections de sérum artifi-
ciel, pratiquer dans le traitement du délire aigu, la ponction
lombaire qui permettrait de provoquer une décompression favo-
rable des centres nerveux, en même temps qu'elle rendrait pas-'
sible l'examen cytologique du liquide céphalo-rachidien. Enfin, je
suis heureux d'avoir vu Antonio Marro, en 1898, recommander le
lavage de l'estomac, ce qui confirme l'excellence de cette méthode
Akchives, 2' série, t. XII. 17 î
258 SOCIÉTÉS SAVANTES.
de traitement que j'ai préconisée dans la thérapeutique des mala-
dies mentales et dont M. S. Maleit a montré, en 1882, l'efficacité
dans un cas de délire aigu.
M. BRIAND. Les temps sont changés depuis le jour où, pour la
première fois, j'ai établi et cherché à démontrer l'origine infec-
tieuse du délire aigu, dit sans lésion. En effet, s'il y a vingt ans,
cette opinion, envisagée avec défiance n'était considérée que
comme une hypothèse, on peut affirmer qu'elle est aujourd'hui
acceptée par tous les auteurs dont les travaux font autorité. Le
très savant rapport de MM. A. Carrier, G. Carrier et A. Martin
apporte aujourd'hui la consécration officielle de la doctrine que je
m'efforce d'établir depuis plusieurs années.
Est-ce à dire, pour cela, qu'on doive considérer le délire aigu
comme une affection spécifique caractérisée par l'envahissement
d'un organisme nettement déterminé et toujours identique à lui-
même ? Je ne crois pas qu'on soit autorisé à formuler une sem-
blable conclusion, bien que j'aie été le premier à signaler la pré-
sence d'un bacille dans le sang de certains délirants aigus. Pour
soutenir cette opinion, il faudrait apporter la preuve expérimentale
que le bacille inoculé produit le délire aigu. Or, dans aucune des
expériences que j'ai tentées sur l'animal, je ne suis arrivé à obte-
nir un état maladif qu'on puisse scientifiquement comparer au
délire aigu.
J'ai aussi suivi avec le plus grand intérêt les travaux de Bianchi
et de ses élèves sur le même sujet, sans me résoudre à considérer
comme démontré l'identification du microbe isolé depuis par le
savant professeur de Naples.
La .question de la spécifité du délire aigu doit donc rester posée,
car il serait d'une part ou prématuré de conclure par l'affirmative
ou d'autre part, présomptueux de clôturer le débat par une fin de
non-recevoir.
Il est un point que j'admets sans réserve : c'est que le syndrome
délire aigu peut être provoqué par des bacilles pathogènes très
divers et même par des auto-infections non bacillaires.
. Le délire aigu vrai est difficile à caractériser par ce trait qui lui
boit propre : l'ensemble des phénomènes observés et l'ordre de
leur succession permettent seuls de donner une idée de ce qu'on
toit entendre par délire aigu. Si l'on tient un compte rigoureux,
Ne la marche de la maladie et de son aspect cliniqne, on s'expose
à considérer comme du délire aigu vrai toute manifestation fébrile
survenue dans le cours de la manie simple. Cette confusion a déjà
été cause de débats aussi stériles que si chaque auteur eùt parlé
une langue différente.
, Les délirants aigus se présentent sous un aspect très différent de
celui des maniaques simples. Ils se distinguent surtout de ces der-
niers par la frayeur qui caractérise toutes leurs réactions. Ils sont
SOCIÉTÉS SAVANTES. 259
en proie à une élévation de température que n'explique aucune
localisation organique ; leur agitation ne fait que s'accroître avec
la fièvre qu'ils supportent d'abord allègrement, alors que celle-ci
calme souvent un accès de manie.
Chez le maniaque, l'incohérence est plus apparente que réelle.
Elle tient à ce que la parole du maniaque ne pouvant suivre d'as-
sez près une idéation trop rapide, n'exprime pas assez vite la
pensée. Dans le délire aigu, véritable chaos sensoriel, rappelant un
peu le délire vigile des fébricitants, la parole sollicitée de divers
côtés par la multiplicité des hallucinations de tous les sens,
exprime des idées heurtées qui, arrivant par des chemins diffé-
rents, sont étrangères les unes aux autres.
Dans la manie, le cinématographe tourne trop vite ; dans le
délire aigu, la pellicule a été impressionnée par des objets dispa-
rates. L'agitation, qui est plus violente dans le délire aigu, est tou-
jours accompagnée de frayeurs. '
Le délirant aigu refuse les aliments, va, vient, se précipite au
hasard de ses hallucinations, toujours terrifiantes. Comme l'hydro-
phobe, il souffre, d'hyperesthésies sensorielles qui lui font fuir la
lumière et sursauter au moindre bruit. Sa peau devient aride, son
visage amaigri exprime la terreur, la parole s'embarrasse, la langue
s'ulcère parfois, devient fuligineuse, le pharynx se dessèche; la
température dépasse 40. Parfois l'albumine se montre en petite
quantité dans l'urine souvent rare. La constipation est opiniâtre.
L'excitation est 'à son apogée. Bientôt le malade fait preuve
d'une indifférence peu en harmonie avec la gravité de son état et
qui est un signe précurseur de la mort prochaine. 11 tombe ensuite
dans le collapsus, sa température baisse parfois au-dessous de la
normale, la diarrhée apparaît, les extrémités se cyanosent, et le
malade succombe dans le marasme.
On ne peut nier que ce tableau ne se rapproche ''de celui
qu'offrent tous les états infectieux. Est-ce à dire pour cela, que la
toxi-infection soit due à un microbe particulier ? Evidemment non.
S'il est une entité morbide nettement définie, c'est la peumonie,
et cependant il est admis aujourd'hui qu'elle peut être produite
par d'autres agents pathogènes que le peumocoque. Délire aigu et V
pneumonie ne sont que le mode de réaction de l'organe infecté. \
La pathologie générale donne à penser que si tout syndrome
observé n'est pas absolument indépendant de la nature de la toxi-
infection, qui en a provoqué l'apparition, il est bien plus la consé-
quence de la localisation de la toxine dans tel ou tel organe que
de la nature de celle-ci. L'alcool, l'éther, le pétrole, la cocaïne,
etc., provoquent chez l'homme des manifestations délirantes sinon
absoiument semblables et en tous cas très comparables les unes
aux autres. C'est ce qui explique qu'on ait comparé le délire aigu
au délire fébrile, à l'urémie, au delirium tremens, la rage.
260 SOCIÉTÉS SAVANTES.
En ce qui concerne la place que doit occuper le- délire aigu dans
le cadre neurologique des maladies mentales, trois courants se
partagent l'opinion : les uns le considèrent comme une entité
morbide avec ou sans lésions nettement définies, pour les autres,
il n'est que le syndrome d'une maladie inflammatoire du cerveau,
pour d'autres enfin, c'est un épiphénomène ou un accident surve-
nant dans le cours d'une vésanie.
Tout le monde est cependant d'accord, en France comme à
l'étranger, pour rapporter aux auteurs français la découverte, les
remières descriptions du délire aigu et la conception de sa patho-
génie infectieuse.
Délire aigu à début paranoïaque.
M. HOUIJIXOWITCH (Paris). - Au point de vue de l'évolution cli-
nique, il est intéressant de signaler la possibilité assez rare de voir
débuter le délire aigu pccr une phase à forme paranoïaque. J'ai eu l'occa-
sion d'observer, en 1898, une jeune femme de trente-deux ans atteinte
pendant l'allaitement, de septicémie consécutive à un gros abcès
du sein. Les troubles mentaux initiaux ont consisté, après une
insomnie de plusieurs nuits, en un délire à apparence systéma-
tisée.-La malade se croyait poursuivie pour ses opinions politiques
et religieuses; elle avait des illusions et des hallucinations visuelles,
auditives et tactiles qui se rattachaient nettement à ce délire de
persécution, auquel sont venues se joindre des idées de grandeur :
on la poursuivait parce qu'elle était riche, parce qu'elle portait un
nom célèbre. Pendant trois jours on crut assister à une de ces
bouffées délirantes d'emblée, à apparence systématique, qui ont
été décrites chez des déséquilibrés, en France par Magnan et ses
élèves, en Allemagne par un grand nombre d'auteurs, sous le nom
de paranoïa aiguë. Mais au bout du troisième jour, le délire aigu
prit sa forme ordinaire de confusion, et six jours après la malade
mourut. Tous les autres symptômes psychiques et physiques
étaient ceux indiqués par les honorables rapporteurs.
Il semble donc que le délire aigu peut débuter parfois par un
syndrome d'aspect systématisé de courte durée. Dans le cas par-
ticulier, il s'agissait d'une femme à tares arthritiques. Elle était
obèse. De plus, à l'âge de dix-sept ans, il l'occasion de la mens-
truation, la malade avait déjà présenté un accès de troubles psy-
chiques d'une durée de trois semaines, caractérisé par une exalta-
tion maniaque avec préoccupations mystiques et métaphysiques,
suivie d'une phase dépressive avec abattement.
Le terrain était donc préparé par l'arthritisme et l'affection psy-
chique antérieure. Peut-être ces antécédents expliquent-ils, jusqu'à
un certain point, la raison de l'apparition du délire systématisé
comme prélude au délire aigu.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 261 1
M. Marchand. On ne trouva dans les observations du délire
aigu aucun symptôme constant. L'agitation, la dépression, les
hallucinations, l'hyperesthésie sensorielle, la fièvre sont dissem-
blables. L'évolution, la pathogénie, l'étiologie, sont également
différentes suivant les cas. En outre, les délires décrits dans les
maladies toxi-infectieuses, dans la pneumonie, dans les fièvres
éruptives, le rhumatisme articulaire aigu, la granulie, dans les
septicémies ressemblent aux divers tableaux que l'on a donnés
sous le nom de délire aigu. Si on considère maintenant les lésions
que l'on rencontre dans le système nerveux des malades morts de
délire aigu, on est encore frappé de la ressemblance des lésions.
A ce sujet, l'auteur présente des coupes provenant du système
nerveux d'une malade morte de broncho-pneumonie avec délire.
On ne peut pas trouver dans l'examen des coupes de caractères
différentiels entre les lésions du système nerveux d'un malade
mort à la suite d'un délire apparu dans le cours d'une maladie
aiguë toxi-infectieuse et celle du système nerveux d'un sujet mort
de délire aigu proprement dit.
M. Crocq. - Le délire aigu 'est très variable, non seulement
dans ses manifestations symptomatiques, mais aussi dans ses
lésions anatomiques. On peut à la fois rencontrer des lésions
inflammatoires et des lésions toxiques ou seulement une seule
variété de ces lésions. Il est vrai, comme il a pu l'observer dans
les myélites, que les lésions toxiques peuvent se transformer en
lésions inflammatoires. Il insiste sur ce fait que l'on peut voir de
graves lésions cellulaires et analogues à celles signalées dans le
rapport de M. Carrier, sans que cliniquement, il y ait eu de phé-
nomènes délirants, de même que l'on a pu voir cliniquement des
délires sans pouvoir constater aucune lésion des cellules nerveuses.
M. BRIAND. - M. Roubinowitch a insisté avec raison sur la pré-
disposition névropathique que l'on rencontre chez les sujets atteints
de délire aigu. Cette prédisposition dans le' cas de délire aigu est
d'après lui actionnée surtout par le surmenage, la vie agitée, etc.
Quant à la diversité des symptômes signalés par M. Marchand, je
répondrai qu'elle est plus apparente que réelle. De plus, il est
évident que souvent on a pris pour des délires aigus des cas qui
n'étaient pas justiciables de ce diagnostic.
M. GILBERT-B2.LLET. - Il faut, en effet, bien préciser ce que l'on
entend cliniquement par délire aigu, et ne pas le confondre avec
les délires toxiques, toxi-infectieux, ou septicémiques qui s'en rap-
prochent beaucoup. Je ne peux croire que M. Crocq a voulu
opposer les lésions inflammatoires, aux lésions toxiques, dans le
délire aigu, car qu'il survienne ou non une poussée inflammatoire,
c'est toujours de l'infection. Evidemment, il peut y avoir beaucoup
de délire et peu de lésions de chromatolyse cellulaire, et inverse-
262 SOCIÉTÉS SAVANTES.
ment des lésions et peu de délire. On peut avoir un délire intense
sans lésions chromatolytiques, mais à condition que ce délire soit
transitoire. Il ne peut croire qu'avec des lésions très marquées des
cellules très nerveuses, on ne puisse constater cliniquement aucun
trouble nerveux.
M. FAURE. Comme l'a fort bien mis en relief M. Carrier dans
son rapport, la cellule nerveuse est lésée primitivement dans le
délire aigu, par le processus toxique, mais il s'étonne de la fré-
quence avec laquelle on a pu trouver, et si facilement, des bacilles
dans le sang, l'écorce cérébrale, le liquide céphalo-rachidien des
délirants aigus. Dans différentes infections, il a recherché les
microbes dans le cerveau, et sur près de 200 observations, il n'a
jamais pu en trouver. Les seuls microbes qu'il a trouvés étaient
dus à la putréfaction.
M. Crocq répond à M. Ballet qu'il n'a pas voulu opposer les
lésions d'inflammation à celles d'infection.
M. AItNAULT insiste sur la physionomie douloureuse et souffrante
que présentent les délirants aigus. Elle a une grande importance
pour le diagnostic et on la trouve non seulement dans la période
prémonitoire, mais aussi dans la période d'état. On dirait des
maniaques par leur extrême agitation, et cependant leurs paroles,
le sens des idées que l'on peut surprendre, les feraient prendre
pour des mélancoliques. Ils peuvent du reste avoir des idées de
suicide. '
M. le professeur BRISSAUD, qui présidait cette séance, résume très
.heureusement la discussion et la séance est levée..
, Le punch.
- Le corps médical de Limoges offrait, le soir du le, août,
aux congressistes, un punch, qui avait lieu dans l'immense
salle du Grand Continental.
Tous les docteurs venus à Limoges à l'occasion du Con-
grès, M. Edgar Monteil, préfet de la Haute-Vienne, et une
vingtaine de 'dames, avaient accepté l'invitation aimable-
ment faite par le sympathique docteur Delotte, au nom de
ses confrères. Au champagne, M. le docteur DELOTTE, pro-
fesseur à l'Ecole de Médecine, a pris la parole en ces termes :
Mesdames, Messieurs les congressistes, il est déjà trop tard pour
vous adresser des paroles de bienvenue. Ce matin, M. le maire de
la ville de Limoges, M. le directeur de l'école de médecine, vous
ont ouvert solennellement les portes de notre vieille cité. Votre
.président, le docteur Ballet, et M. le délégué du ministre de l'ins-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 263
truction publique ont répondu dans des termes élogieux et d'une
remarquable éloquence.
Il devait en être ainsi, votre présence et la présence au milieu de
vous de maîtres éminents prouve assez l'importance de la branche
scientifique dans laquelle se développent vos efforts et se multi-
plient vos travaux.
Ce soir, c'est avec plus de simplicité, de familiarité et, le dirai-
je, avec un peu de cette camaraderie, dont l'esprit n'abandonne
jamais le médecin au cours de sa vie professionnelle, que vos col-
lègues de la Haute-Vienne ont désiré vous recevoir.
Si nous n'avons pas tous l'entrain de la jeunesse, comme au
temps de nos études, nous possédons la franche et bonne humeur,
qualité bien française et qui convient surtout à la réunion pré-
sente.
Les dames ont bien voulu répondre à notre invitation; elles
donnent un attrait spécial à cette fête, elles sèment, dans l'assem-
blée, des teintes de fraîche nuance et nous offrent, avec leur esprit
particulier, la grâce inhérente à leur sexe.
Messieurs les médecins de Limoges, le corps médical du Limou-
sin vous remercient de nouveau d'avoir fait choix de leur ville
pour y tenir vos séances. C'est pour eux un grand honneur. à enre-
gistrer.
Permettez-moi de lever mon verre à notre président, le Dr Gil-
bert Ballet, à nos anciens maîtres et camarades que j'aperçois
parmi vous et à vous tous. Je tiens aussi à remercier M. le préfet
d'avoir honoré de sa présence notre fête de famille.
M. le D'' Ballet, en quelques mots, a répondu que dans
toutes les réceptions faites d'ordinaire aux congressistes au
cours de leurs pérégrinations annuelles, il n'en était pas de
plus agréables que celles organisées par le corps médical des
villes où s'arrêtait le Congrès.
M. G. Ballet a dit tout le plaisir qu'il éprouvait person-
nellement à se retrouver au milieu d'anciens camarades et
même d'anciens élèves. Puis, très spirituellement, se retran-
chant derrière sa qualité de Limousin, reçu par des compa-
triotes, il a cédé la parole à son confrère et ami, M. le
Dr Brissaud.
Le distingué professeur, bien -que pris au dépourvu et
Limousin lui-même le berceau de sa famille est en effet à
Saint-Benoît-du-Sault a prononcé une fort intéressante
allocution au cours de laquelle il a remercié les docteurs de
Limoges d'un accueil qui laissera dans les coeurs une impres-
.sion ineffaçable. Et par une transition toute naturelle, il a
264 .SOCIÉTÉS SAVANTES.
évoqué le souvenir de Cruveilhier et de Dupuytren, deux
grands neurologistes, a-t-il dit, dont il a salué la mémoire.
En terminant, il a rappelé le souvenir du gentilhomme
limousin qui autrefois se rendait à Paris pour* voir le docte
corps médical. Aujourd'hui, les rôles sont intervertis, ce
sont les docteurs parisiens qui viennent à Limoges.
M. le professeur Brissaud remercie donc ses gentils con-
frères du Limousin et souhaite à leur école les succès dont
elle a déjà donné de si nombreux exemples. De chaleureux
applaudissements ont salué ce toast.
M. le Dr Door;souT, dépouillant à son tour son caractère
officiel de secrétaire général du Congrès, s'est rappelé qu'au-
trefois étudiant, il aimait la charge et cette réminiscence
nous a valu un certain nombre de vers libres, sorte de revue
dans laquelle ont défilé tous nos docteurs de Limoges.
M. le D' CHARDONNiER a dit'enfin une de ces patoiseries
improvisées dont il a le secret et qui sont si goûtées de nos
concitoyens. Le punch était terminé vers onze heures et
demie.. , ,
Séance du vendredi malin 2 août, à Sai21l-Piiest-Ttiz( ? ,ion.
Présidence de M. G. Ballet
A 8 heures du matin les congressistes sont partis de la
place Jourdan et se sont rendus en voitures à Saint-Priest-
Taurion en remontant la rive droite de la Vienne qui offre
une succession de points de vue des plus pittoresques. Saint-
Priest, au confluent du Taurion et de la Vienne, est l'une des
contrées les plus fréquentées par les habitants de Limoges ;
elle le mérite par ses sites aussi variés qu'agréables. La
séance a été ouverte à 10 heures dans la salle d'école mise à
la disposition des congressistes. Le Maire, ancien condis-
ciple de M. Gilbert Ballet, a prononcé une charmante allo-
cution dans laquelle il a fait, en termes pleins d'humour,
l'éloge mérité du président du Congrès. Après d'unanimes
et chaleureux applaudissements les communications ont eu
lieu dans l'ordre suivant :
Des hémol'l'hagies de la peau et des muqueuses pendant et après les
accès d'épilepsie et de leur analogie avec les stigmates des exta-
tiques.
M. BOURNEVILLE. Quelques auteurs ont signalé des hémorrha-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 265
gies de la peau immédiatement après l'accès épileptique. Tels sont
Herpin, Kaposi, Apert, Gowers, etc. Elles consistent en un poin-
tillé hémorrhagique, confluent, semblable à des piqûres de puce
et constituant une variété de purpura. Bien que nous ayons vu un
grand nombre d'épileptiques, hommes et femmes, adultes et
enfants, nous n'avons que par exception observé cette complica-
tion de l'accès. -
Dans un seul cas, celui de Van den P..., l'éruption était généra-
lisée. Les photographies que nous vous présentons en donnent
une idée, mais non la représentation exacte. Le 14 août 1897, il a
un accès d'intensité moyenne, à la suite duquel il se produit rapi-
dement une éruption composée de petites taches occupant la face,
le tronc et les membres. L'étendue des téguments occupée par
elles paraît au moins égale à l'étendue de'la peau restée normale.
Les plus grandes taches ont à peine les dimensions d'une petite
lentille. Elles ont une coloration rouge, pourprée, ne disparaissent
pas par la pression. Leur maximum de confluence est au niveau
des chevilles et des poignets. Il existe un léger oedème des pau-
pières et des malléoles. 11 ne s'est produit aucune hémorrhagie des
muqueuses. Le 17 août, l'éruption est très atténuée ; le pointillé et
les taches sont jaunâtres, l'oedème a disparu. Elle s'efface complè-
tement au bout de deux ou trois jours. Il n'y a eu aucun symp-
tôme général, les urines ne contenaient ni sucre ni albumine.
Le plus souvent l'éruption est localisée au front, aux paupières,
à la partie voisine des tempes, au cou, d'une apophyse mastoïde
à l'autre ; elle s'étend parfois un peu au-dessus et au-dessous des
clavicules. L'éruption a cessé en quelques jours, 10 ou 12 maximum.
Les accès auxquels elle a succédé n'ont point paru plus violents
que d'ordinaire. Les accès survenus pendant l'éruption ne semblent
pas la modifier. Le père de l'une de nos malades, Cast..., nous a
affirmé avoir eu à 17 ou 18 ans un purpura tout à fait comparable,
comme aspect, siège et marche, à celui de sa fille, consécutivement
à une violente colère (purpura émotif). !
Nous rapprocherons de ces cas les hémorrhagies de la conjonctive
oculaire formant de véritables ecchymoses, siégeant soit dans l'angle
interne, soit dans l'angle externe des yeux. Celles-ci, au contraire
des précédentes, c'est-à-dire du purpura, sont assez communes et
peuvent faire penser aux personnes non prévenues que dans l'accès
il y a eu un traumatisme grave de la base du crâne.
Chez une jeune épileptique, Gir..., atteinte d'une kérato-conjonc-
tivite aiguë, nous avons remarqué que, dans lés accès survenus au
cours de l'affection oculaire, la vascularisation de la conjonctive
oculaire augmentait considérablement, au point de faire craindre
un épanchement sanguin, avec ecchymose.
Les épileptiques qui tombent en avant se blessent le visage :
contusions avec ou sans plaie, éraflures, excoriations ; il y a intérêt
266 .SOCIÉTÉS SAVANTES.
à noter ce qui se passe, durant des accès ultérieurs, au niveau des
plaies superficielles.
Un de nos malades, Ennemond X... appartient à cette catégorie.
Le 16 juillet, il se fait une éraflure du nez. Le 16, dans un.accès
très léger, à la période congestive, le sang a coulé de l'éraflure,
-formant une sorte de traînée le long du nez. Chez le même malade,
auparavant, dans un grand accès, ce n'est pas quelques gouttes de
sang que nous avons vues sous l'influence de. la congestion de la
face ; le sang a giclé d'une excoriation antérieure. Z>
Ces faits nous ont fait penser aux phénomènes qui se produisent
chez certains mystiques, les stigmatisées. Leur esprit est absolu-
.ment concentré sur le siège des plaies du Christ : front, mains,
pieds, côté. Elles voudraient les voir saigner. D'où aussi, volon-
tairement ou non, des attouchements, des frictions au niveau de
ces régions, voire même des excoriations, en tout cas une dimi-
nution de la résistance de la peau et, finalement, au cours de
l'attaque extatique, l'écoulement sanguin si ardemment désiré. Il
s'opère de la même façon que l'épanchement de sang sous la con-
jonctive, que le suintement ou le giclage du sang d'une éraflure
ou d'une excoriation au cours des accès épileptiques.
M. CROco (de Bruxelles), a pu observer un malade analogue aux
cas signalés par M. Bourneville. Il s'agit d'un épileptique, qui après
les crises présentait des taches purpuriques sur le front, et qui en
outre a présenté des hématuries qui firent penser à une tumeur
de la vessie. Ces hémorrhagies post-critiques disparurent après
l'administration de perchlorure de fer.
M. DOUTRF,13ErÇTE (de Blois) demande à M. Bourneville si ses ma-
lades n'étaient pas hémophiles. Pour sa part, il a pu observer des
hémorrhagies diverses après les crises épilepliques, mais chez des
sujets hémophiles. ' 4
M. BOURNEVILLE. - Les épileptiques chez lesquels il a pu observer
les faits signalés n'étaient non seulement pas hémophiles, mais
jouissaient d'un état général parfait : De plus le purpura qu'ils
ont présenté, est un purpura spécial. /
, Ecriture en miroir. -
M. Meige (de Paris). Lorsque l'on écrit des deux mains en
même temps en faisant abstraction de l'image visuelle du mot que
l'on veut écrire, chacun écrit spontanément de la main gauche en
écriture en miroir. Si l'on écrit de la main gauche seule, les carac-
tères de l'écriture droite reviennent souvent au milieu de ceux qui
constituent l'écriture en miroir. Cette écriture en miroir de la
;main gauche est pour ainsi dire physiologique, et en s'exerçant
, un peu on arrive à écrire couramment. L'éducation du centre pour
.SOCIÉTÉS SAVANTES. 267 Î
l'écriture droite fait en même temps celle de l'autre côté pour
'l'écriture en miroir.
L'auteur conclut de ces faits à l'application pratique suivante.
Les individus privés accidentellement, à la suite d'une fracture du
bras droit, par exemple, de leur écriture normale pourraient
employer l'écriture en miroir qu'ils possèdent de leur main gauche
et après un court exercice, arriveraient aussi à écrire facilement.
M. G1LBGRT-B.1LL6T confirme les conclusions de M. Meige, il insiste
sur ce fait que les individus qui écrivent en copiant les images
visuelles arrivent très difficilement à écrire de leur main gauche
en écriture en miroir, et ils arriveraient assez facilement à écrire
de leur main gauche en écriture droite normale.
M. Meige reconnaît, en effet, que pour écrire de la maiu gauche
en miroir, il est indispensable de faire abstraction des images
visuelles, il ne faut pouvoir ne pas copier le mot ou les lettres. Il
fait remarquer en outre, que lorsqu'on écrit des deux mains, alors
l'écriture de la main gauche est en miroir, le caractère typogra-
phique de 1 écriture ordinaire de la main droite change complète-
ment.
Psychose )o-ope)'a<0 ! ')'e.
M. DEVAY (de Lyon). La question des rapports entre l'acte
opératoire et le développement des troubles psychiques a été dis-
'cutée au Congrès d'Angers, après un rapport de M. Rayneau, qui
n'admet pas l'existence d'un type spécial que l'on puisse étiqueter
de psychose post-opératoire. Contrairement à cette opinion admise
par la plupart des aliénistes M. Régis, en se basant sur des obser-
vations personnelles, décrit un type clinique qui est le suivant : un
fond de confusion mentale sur lequel se greffe un état délirant
onirique constitué par des associations automatiques et hallucina- ,
tions d'images et de souvenirs antérieurs. L'observation que je
rapporte rentre dans ce cadre clinique. '
V..., 24 ans, cultivateur, ne présente dans ses antécédents héré-
ditaires ou personnels aucune affection nerveuse ou mentale, ni
syphilis, ni alcoolisme. Porteur d'un kyste dermoïde du sourcil,
il demande à en être débarrassé.
Il est chloroformisé le 14 septembre. La dissection du kyste très
adhérent à l'os, a été laborieuse, et l'opération a duré une
vingtaine de minutes environ. Au réveil chloroformique, l'opéré a
pleuré longuement. Questionné sur le motif de ses pleurs, il
répondit qu'il n'avait rien. Cette particularité fixa l'attention du
chirurgien. La réunion par première' intention fut tentée sans
succès, il y eut un léger mouvement fébrile. A partir du 22 sep-
tembre, le malade fut pris de nostalgie, manifestant le désir de
quitter l'hôpital. Son état mental alla en s'aggravant jusqu'au
268 ' SOCIÉTÉS SAVANTES.
29 septembre; il était caractérisé par des idées mélancoliques,
des, hallucinations de la vue et de l'ouïe, et des impulsions homi-
cides. L'état délirant apparaissait surtout la nuit. Rentré dans sa
famille, il manifeste des idées de persécution. Il est interné
8 jours après sa sortie de l'hôpital. Depuis son entrée, il a pré-
senté un état mental caractérisé par de la confusion mentale, des
idées de persécution, des alternatives de calme et d'excitation, et
des accès impulsifs. En somme, je note immédiatement après
l'opération un trouble mental passager, puis, le huitième jour,
un véritable accès mélancolique, suivi quelques jours après d'un
état hallucinatoire, nocturne surtout. La psychose' est établie
lli jours après l'opération. 1
M. Régis fait remarquer que depuis le rapport de M. Rayneau
au Congrès de Toulouse, il a observé de nouveaux cas de psy-
choses post-opératoires qui rentrent absolument dans le cadre des
délires toxiques. 1
11 a expliqué par cette pathogénie le délire qui suit très fré-
quemment l'opération de la cataracte chez les vieillards artério-
scléreux qui plus que tout autre, sont exposés à l'auto-intoxi-
cation.
La lécithine dans la thérapeutique des affections du système
nerveux.
M. P. HARTENBERG (de Paris). - Depuis quatre années. M. Har-
tenberg a expérimenté la lécithine dans le traitement des affections
du système nerveux. Le produit est retiré du jaune d'oeuf, conserve
dans une solution de chlorure de sodium, et employé en injections
hypodermiques. Sur 24 malades ainsi traités, il y avait 1 tabes,
1 paralysie générale, 4 psychoses, 6 tics, obsessions, phobies, etc.,
qui ont tous été améliorés; puis 8 neurasthéniques, dont ont
été guéris et 3 améliorés; enfin 6 hystériques, dont ont été
- guéris et 1 amélioré. De l'ensemble de ces expériences, M. Harten-
berg tire les conclusions suivantes :
1° La lécithine est toujours inoffensive ;
2° On peut l'employer, sans inconvénients, en injections hypo-
dermiques, à doses assez élevées, telles que 1 gramme par jour;
3" Dans les affections du système nerveux, son action thérapeu-
tique paraît porter beaucoup plus sur la nutrition générale que
sur le tissu nerveux en particulier : c'est seulement en relevant
l'état général du malade que la lécithine améliore l'état nerveux.
Elle ne saurait donc être considérée comme un médicament spéci-
fique du système nerveux.
Voeu concernant les employés des asiles.
M. le Dr Doutrebente présente une pétition signée par 15 com-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 269
mis et employés de 39 asiles d'aliénés qui sollicitent un avis
favorable de leurs supérieurs hiérarchiques présents au Congrès
de Limoges. Dans cette pétition, ces modestes employés, qui tra-
vaillent sans avenir et sans possibilité d'améliorer leur situation,
réclament qu'à l'avenir les emplois d'économe et de receveur qui
deviendraient vacants leur soient attribués au lieu d'être donnés,
comme cela arrive le plus souvent, à des personnes étrangères au
personnel administratif de ces établissements. Le D' Doutrebente
estime que les directeurs-médecins ne doivent pas rester indiffé-
rents au choix de ces fonctionnaires et que, d'ailleurs, ainsi qu'il
résulte d'une décision du Ministre de l'Intérieur, en date du 5 dé-
cembre 1843, ils ont un droit de présentation au Préfet, concur-
remment avec la commission de surveillance.
Le voeu de M. Doutrebente est adopté.
Un membre du Congrès fait remarquer qu'il serait bon d'émettre
un voeu analogue pour les médecins en chef qui devraient toujours
fournir les directeurs : ce ne serait que justice. ,
La séance est levée à midi.
Séance du vendredi 2 août (soir) à Saint-Priesl-Taurion
' Présidence DE M. Gilbert Ballet.
Tumeur cérébelleuse et épilepsie.
M. L. Marchand. - Les cas de tumeurs du cervelet non diagnos-
tiquées sont rares; cependant l'observation suivante est intéres-
sante par ce fait que malgré la grosseur de la tumeur et sa
situation bulboprotubérantielle, le seul symptôme relevé était la
présence de crises revêtant les caractères des accès épileptiques.
11 s'agit d'un homme, sans antécédents héréditaires et personnels,
qui a une première crise d'épilepsie à l'âge de 30 ans. Pendant
plusieurs années, les accès sont très rares. Il meurt à l'âge de
38 ans, après avoir présenté une série d'accès convulsifs suivis de
délire violent. A l'autopsie, on trouve une tumeur cérébelleuse,
de la grosseur d'une noix développée au niveau du lobule du
pneumo-gastrique et qui comprime le bulbe et la protubérance.
L'examen histologique montre qu'on est en présence d'un sar-
come à petites cellules fusiformes, et qu'il ne contient que des
traces de glycogène. La glycogenèse étant une des fonctions les
plus constantes des cellules en voie de multiplication, on peut en
conclure que le néoplasme a dû croître lentement et mettre de
nombreuses années pour atteindre son volume.
Ceci s'accorde avec ce fait que l'épilepsie n'a eu lieu que huit
ans avant la mort et explique pourquoi les nerfs voisins de la
tumeur ont pu être repoussés lentement par elle sans donner lieu
au syndrome décrit dernièrement, par M. Babinski.
270 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Deux cas de torticolis mental chez des aliénées, observations
relatives au traitement de cette affection.
M. Etienne MARTIN (de Lyon). Le premier cas est relatif à un
dégénéré atteint de délire mélancolique avec idées hypochon-
driaques. 3 mois après le début de son affection, et sous l'influence
de ses idées délirantes, le malade fut pris de contracture avec
spasmes des muscles du cou. La tête était abaissée, portée sur
l'épaule gauche, et lorsqu'on lui adressait la parole, à l'aide de la
main, il pouvait remettre sa tête en position normale. Dès que
celle-ci était privée du secours illusoire de cette main, elle retom-
bait dans l'attitude première. La psychose évoluait ainsi depuis
un an et demi. Le traitement opiacé et l'hydrothérapie n'avaient
fourni 'aucuns résultats. Les phénomènes de contracture légère
s'étaient développés au niveau des membres. A ce moment le trai-
tement indiqué par M. le professeur Brissaud pour le torticolis
mental est institué. Le malade est soumis à des séances de gym-
nastique, de massage et d'électricité, à la rééducation du système
musculaire par la suggestion à l'aide du mouvement. On constata
d'abord une amélioration très rapide des symptômes soma-
tiques énumérés, l'état psychique ne tarda pas à être modifié.
Néanmoins, il a fallu prolonger pendant plus d'un an le traite-
ment pour arriver à une guérison qui, depuis 4 mois nous parait
définitive. M. Martin fait remarquer que dans les observation ? de
torticolis mental publiées jusqu'à présent, l'état mental, ne parait
pas aussi modifié et aussi profondément atteint que dans le cas
qu'il vient de présenter. Il s'agit de dégénérés dont le déséqui-
libre n'est que peu apparent et dont l'affection semble en entier
constituée par le torticolis dont ils sont porteurs. Chez ces malades,
la suggestion par le mouvement est beaucoup plus facile à
entreprendre que chez des délirants absorbés par leur délire. Une
autre difficulté se présente lorsque l'état d'affaiblissement du
sujet est tel qu'il est impossible de capter sa confiance et d'agir
sur sa volonté. L'autre malade observé par M, Martin est dans ce
cas. Il s'agit d'un dégénéré interné depuis plusieurs années et
atteint d'imbécillité. Toute tentative de rééducation musculaire a
dû être abandonnée dans ce dernier cas.
En somme, le traitement du torticolis mental par l'éducation des
mouvements n'est pas applicable dans tous les cas et on aura
d'autant plus de chance de réussir que l'affection physique dépen-
dra d'un état mental moins atteint. La prolongation du traite-
ment médical doit- être en tous cas poursuivie avec la plus
grande patience. Toute intervention chirurgicale doit être
rejetée quelle que soit l'intensité du spasme, comme absolument
inutile.
M. MEIGE est très heureux de voir M. Martin confirmer les
SOCIÉTÉS SAVANTES. ' , 271 1
idées de son maître, M. le professeur Brissaud, reprises par lui
dans plusieurs travaux, en collaboration avec M. Feindel. Le
torticolis mental est en effet curable dans- la grande majorité des
cas et les insuccès sont souvent dus à la trop courte durée dut i
traitement. C'est une affection qui n'apparaît que chez des dégé-
nérés, tant au point de vue physique que mental, qui ne présentent
pas de graves troubles mentaux mais qui cependant frisent la
vésanie. Chez le malade présenté par M. Martin, les contractures
siégeant au niveau du tronc et des membres inférieurs sont des
contractures d'attitude que M. Meige n'hésite pas à assimiler aux
tics. Le torticolis mental ne serait qu'une variété de cette affec-
tion et l'état mental des malades atteints de torticolis mentaux.
rentre dans l'étude de l'état mental des tiqueurs. Comme l'a dit .
M. Martin, il est bon de rappeler que le traitement de ces
malades doit être prolongé pendant longtemps avant d'obtenir un
succès.
M. BRISSAUD fait remarquer que non seulement dans le torticolis
mental, mais que dans beaucoup d'affections du système ner-
veux, l'influence de la gymnastique et de la rééducation des mou-
vements amène dans l'état mental des modifications salutaires. Il
a toujours constaté que l'amélioration physique précédait l'amé-
lioration des symptômes mentaux.
M. Briand. - J'ai observé plusieurs cas de ce qu'on appelle le
torticolis mental et dont M. le professeur. Brissaud a donné une; J
magistrale description. Je le considère comme un stigmate de
dégénérescence mentale. En effet, si .l'on se donne la peine de
fouiller dans l'hérédité et dans la vie des malades qui en sont
atteints,.on trouve toujours une hérédité névropathique plus ou-
moins chargée et une foule de bizarreries de caractère, et souvent
des phobies plus ou moins accusées. Un jeune homme, que j'ai
suivi pendant plusieurs années, avait été lrappé de torticolis men-
tal à la suite d'une chute de bicyclette. Il ne présentait aucun signe
d'hystérie. Cet état durait depuis deux ans sans amélioration
lorsque je le vis pour la première fois. Comme il se préparait à
une école du gouvernement, j'utilisai le désir qu'il avait d'être
admis, faisant l'éducation de sa volonté et des suggestions à l'état
de veille et en employant les moyens habituels, j'obtins une gué-
rison qui était complète au moment où il se présentait à- son
école. Bientôt le torticolis était remplacé par un tic de l'épaule
avec tiraillement de la bouche et clignements de l'oeil' du même
côté. A l'approche des vacances annuelles, le tic disparut et le tor-
ticolis reparut sous une influence banale. Les vacances furent uti-
lisées au traitement du torticolis qui, disparaissant encore à la ren-
trée de l'école, lut de nouveau remplacé par le tic de l'épaule. Il
en fut .de même à plusieurs reprises, et, chaque fois, l'intervalle
de guérison séparant. la période de torticolis de celle du tic aug-[
272 SOCIÉTÉS SAVANTES.
mentait de durée. Le malade finit par guérir complètement, mais
il reste ce qu'il était avant, un craintif et un obsédé.
Les malades affectés de torticolis mental sont souvent des neu-
rasthéniques, J'en connais un autre présentant' du torticolis alter-
nant avec une sorte d'astasie-abasie que je qualifierais volontiers
de paraplégie mentale incomplète.
Le malade qui en est atteint ne voyage jamais sans une paire de
béquilles et une minerve dont il se sert pendant ses crises pour
assurer sa marche ou redresser sa tête. Il n'a aucun stigmate
d'hystérie, mais il reste un neurasthénique avéré entre chaque
période. Le père était un névropathe, un de ses frères est faible
d'esprit, l'autre, neurasthénique, et la soeur mélancolique hypo-
chondriaque.
Le torticolis mental peut se montrer sous des influences très
diverses : j'en ai observé un cas à la suite d'anthrax de la nuque;
certains tics ont une cause analogue, une simple blépharite a pu
donner lieu à un tic des paupières, un faux-col mal ajusté a déter-
miné un tic de l'épaule.
Quelques aliénés, ayant des hallucinations unilatérales de
l'ouïe, portent la tête inclinée d'une certaine façon simulant le
torticolis. Je connais un vieux délirant qui, s'imaginant être trans-
formé en horloge, balançait les bras avec la régularité d'un pen-
dule et indiquait les heures d'un son rauque, véritable tic rythmé
des organes phonateurs.
Torticolis mental et tics divers ne sont donc que l'apanage de
la dégénérescence mentale. Ils sont de nature essentiellement
récidivante. Ils peuvent se montrer simultanément ou se remplacer
chez le même individu. On doit en outre les considérer comme un
stigmate plutôt psychique que physique de la dégénérescence.
L'état mental de ceux qui en sont porteurs est celui des dégénérés.
M. Lannois (de Lyon) rapporte un cas de torticolis mental chez
une jeune fille et dont la cause déterminante était un papillome
situé sur le bout du nez et qui fut guéri de son torticolis après
l'ablation de la petite tumeur.
M. MEIGE. -- C'est en effet souvent une cause de ce genre qui
détermine le torticolis mental, aussi bien que les tics. Comme l'a
dit M. Briand il est fréquent de voir récidiver le torticolis mental.
Mais ces récidives sont de courte durée et facilement curables par
la même suggestion. De plus le torticolis mental s'accompagne
parfois de tics de l'épaule et du bras qui sont moins facilement
curables que le torticolis.
M. Martin ajoute que son malade présentait en même temps que
son torticolis un tic de la face qu'il a présenté aussi plusieurs réci-
dives de son torticolis qui ont été de courte durée et que, comme
le dit M. le professeur Brissaud, il a bien pu remarquer que l'amé-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 273
lioration de l'état mental a été précédée de l'amélioration de l'état
physique.
M. Briand met en relief le caractère des troubles psychiques des
malades atteints de torticolis mental.
M. Meige insiste sur les troubles mentaux chez ies dégénérés
atteints de torticolis mental. Il assimile cet état psychique à l'état
mental des liqueurs. Tous ces malades ont une instabilité psychique
remarquable, une versalité extrême dans les idées, en même temps
qu'ils offrent un certain degré d'incohérence dans leurs actes.
C'est sur cet, état mental bien particulier que viennent se greffer
des délires quels qu'ils soient, mais ce sont très souvent des dégé-
nérés supérieurs.
M. DUPRÉ rappelle que c'est à M. Magnan que l'on doit la descrip-
tion de l'état particulier des dégénérés. Quelques membres rap-
pellent les travaux de Morel, de Lucas, etc.
Paralysie générale juvénile.
M. Devay. - La paralysie générale survenant chez les jeunes
sujets longtemps méconnue, n'est plus contestée. Depuis la pre-
mière observation de M. Régis, une centaine de cas ont été publiés.
l'apporte deux cas nouveaux, dont voici le résumé :
Ous. I. - P.... dix-neuf ans, manoeuvre, entre le 30 décembre
1897. Dans les antécédents héréditaires il faut citer l'alcoolisme et
la syphilis du père. Pneumonie à cinq ans. Développement normal
jusqu'à dix-sept ans. A dix-sept ans, première manifestation de
l'affection, qui est méconnue : il commet des vols sans importance,
dont il ne tirait aucun bénéfice. Il est condamné à la prison. La
même année, en 1895, il est mordu par un chien enragé et envoyé
à l'Institut Pasteur, où il subit pendant vingt jours les injections
de sérum. Un mois après la cessation du traitement il accuse des
douleurs intestinales et de la faiblesse dans les jambes, l'intelli-
gence subit une baisse progressive. D'ouvrier intelligent, il devient
un manoeuvre.
En décembre 1897, il entre dans le service de M. le professeur
Lépine, qui l'envoie à l'Asile avec le diagnostic de paralysie géné-
rale.
A l'entrée, étal mental. On constate des .lacunes dans la mé-
moire surtout des faits récents, une diminution marquée de l'intel-
ligence, et du délire de persécution intermittent, il croit qu'on le
vole. Etat physique. - Tremblement fébrillaire des lèvres, des
muscles de la face, de la langue, des extrémités digitales. Inégalité
pupillaire. A droite et en mydriase difforme, ne réagit ni à la
lumière, ni a l'accomodation. Parole ânonnée. Ecriture tremblée.
Faiblesse dans les jambes. Marche difficile. Réflexes rotuliens exa-
illiCIIIIES, 2e série, t. XII. 18
274 4 SOCIÉTÉS SAVANTES.
gérés. Quelques secousses de trépidation épileptoide. Pas d'atro-
phie musculaire. Diminution de la force musculaire. Depuis cette
époque, aucune modification ne s'est produite. Alternatives de
calme et de dépression et quelquefois bouffées délirantes et idées
de persécution. C'est un dément qui s'occupe le plus souvent, mais
à un travail toujours le même.
Cas. II. B..., vingt ans, célibataire, sans profession Antécé-
dents héréditaires nuls.
Antécédents personnels. - A trois ans, lésion tuberculeuse de
l'articulation tibio-tarsienne qui dure trois ans - et qui laisse de
l'atrophie du membre gauche - Education facile - bonne mé-
moire. A quatorze ans, tuberculose pulmonaire avec hémoptysie.
A quinze ans, en même temps que le début de l'amélioration de la
phtisie, apparition de troubles de l'intelligence. Diminution de
l'attention, accès de colère sans cause, idées mégolomaniaques,
veut réussir dans le dessin et n'arrive déjà pas à faire une ligne
droite. Les phénomènes intellectuels se sont aggravés depuis cette
époque. A vingt ans, à son entrée, voici l'état physique et mental :
Tremblement fébrillaire de la langue, des lèvres, des extrémités
digitales. Parole lente, ànonnée. Inégalité pupillaire. Troubles de
l'écriture. Léger nystagmus, exagération des réflexes rotuliens.
Affaiblissement intellectuel, trouble de la mémoire, délire de satis-
- faction. Accès impulsifs fréquents : crises de larmes ou de gémis-
sements. Mort à la suite d'une poussée aiguë de tuberculose.
Ces deux observations, différentes par leur étiologie, dans
l'une, la syphilis héréditaire doit être mise en cause; dans l'autre,
l'infection tuberculeuse, agent causal exceptionnel dans la paraly-
sie générale. Elles se rapprochent l'une de l'autre par la forme
démentielle habituellement notée dans la paralysie générale juvé-
nile.
M. Régis. La paralysie générale juvénile,- quoique rare, est
plus fréqnente qu'on ne le croyait autrefois.
Il insiste sur ce que ces malades ne présentent pas de délire,
mais le plus souvent s'effondrent lentement dans une démence
tranquille. ,11 fait remarquer à M. Devay que certains de ces ma-
lades sont un peu trop âgés pour être des P. G. juvéniles et que
l'on devrait n'employer ce terme que pour les paralytiques âgés de
moins de vingt ans. D'autre part la P. G. juvénile est bien plutôt
le résultat de la syphilis héréditaire que de la syphilis ac-
quise.
M. Marchand insiste sur ce fait que la forme démente d'emblée
est de beaucoup la plus fréquente dans la P. G. juvénile.
M. DEVAY a signalé ce cas surtout parce que ses malades ayant
contracté la syphilis étant jeunes, sont devenus de très bonne
heure après leur infection syphilitique des paralytiques généraux.
SOCIÉTÉS SAVANTES. , 275
1\11\1.. B.\LLET et Brissaud sont persuadés en effet que la paralysie
générale, les affections parasyphiliques, de même que les manifes-
tations syphilitiques tertiaires, semblent avoir une tendance à appa-
raitre plus tôt qu'autrefois à la suite de l'infection syphilitique.
Recherches expérimentales et cliniques sur l'hédonal, hynoptique
du groupe des uréthanes. '
MM. Roubinowitch et Philippet (Paris). - D'une part, des expé-
riences faites au laboratoire de pathologie expérimentale du pro-
fesseur Chantemesse, à la faculté de médecine de Paris, et, d'autre
part, des recherches cliniques poursuivies dans le service du
Dr Landrieux, à Lariboisière, nous ont amenés aux 'constatations
suivantes :
1° En ce qui concerne son action physiologique : a) L'hédonal
détermine, aussitôt après l'absorption une hyperthermie de deux à
cinq dixièmes de degré; puis, après une période stationnaire, il
produit, au contraire, une hypothermie de deux à trois dixièmes
de degré, toujours par rapport à la température primitive. Nous
croyons que ce fait n'a pas été signalé jusqu'à présent. Il mérite
d'autant plus d'attirer l'attention que l'hydrate de chloral, auquel
on le compare, abaisse toujours la température, soit immédiate-
ment après l'absorption, soit au réveil.
b) L'hédonal a, relativement au chloral, très peu d'action sur la
respiration et la pression sanguine ^pour ralentir la première et
diminuer la seconde, il faut employer des doses environ dix fois
plus fortes du nouvel hynoptique que si on se servait du chloral.
c) La toxicité mortelle de l'hédonal semble être de un gramme
par kilogramme d'animal ; mais il faut tenir grand compte du
mode d'introduction du médicament dans l'organisme, c'est ainsi
que nous avons pu, sans déterminer la mort faire à un chien de
9 kilogs, une injection intra-musculaire de 2 gr. 66 par kilogramme,
soit 2 grammes d'hédonal en solution huileuse.
d) L'hédonal augmente le taux de l'urée.
2° En ce qui concerne son action hynoptique. a) L'hédonal, quand
il endort, le fait assez rapidement, en moyenne une heure et demie
ou deux heures après l'absorption,[sans phase préalable d'agitation.
Le sommeil produit est calme, il n'est pas de très longue durée,
au maximum quatre heures, du moins à la dose de un ou deux
grammes; le réveil ne s'accompagne d'aucun malaise.
b) L'action de l'hédonal est plus sûre contre l'insomnie des affec-
tions dans lesquelles n'entrent pas d'éléments mentaux ; ainsi, un
rhumatisant aigu, un tuberculeux, un choréique, untabétique ont
profité de l'action hynoptique de ce médicament, tandis que de
tous les aliénés soumis à son action (délirant chronique, hydochon-
driaque, mélancolique, circulaire) un seul (persécuté hystérique)
a eu, grâce à l'hédonal, quelques nuits de sommeil.
276 G BIBLIOGRAPHIE.
En somme, nous avons dans l'hédonal un hypnotique inoffensif.
A dose égale, il paraît moins actif que le chloral et le sulfonal. Mais,
à cause même de sa faible toxicité, la comparaison ne devrait pas
se faire à dose égale, et des expériences ultérieures plus hardies
donneraient, sans doute, des résultats plus probants.
Beaucoup de congressistes n'étaient pas sans une certaine
inquiétude, au départ, au sujet des séances projetées à Saint-
Priest, comme on le voit elles ont été bien remplies. Après la
séance de l'après-midi, les congressistes se sont rendus à
Saint-Martin et ont fait une promenade des plus attrayantes
sur la rive gauche du Taurion, bordé de magnifiques paysages
qui ont fait l'admiration de tous. (A suivre.)
BIBLIOGRAPHIE.
IX. Thèses DE la Faculté DE MÉDECINE DE Bordeaux SUR les maladies
mentales ET nerveuses (1899-1900) ; par le Dr L. de PERRY.
1. L'Équitation, ses effets physiologiques, psychiques et pédago-
giques ; par le Dr A. Monteilh.
L'auteur, par une étude approfondie de la question, est arrivé
à prouver que l'équitation a une grande influence sur l'organisme
sain. Cet exercice peut avoir une influence utile pour combattre
certains états morbides : quelques affections nerveuses trouve-
raient en elle un adjuvant puissant de la thérapeutique ordinaire.
2. Les dégénérés hystériques au point de vue médico-légal ;
par le D' Pureau.
Les dégénérés hystériques sont la plupart du temps bénéficiaires
d'ordonnances de non-lieu' en raison de leur trouble mental et
envoyés dans un asile d'aliénés. De la sorte la société n'est qu'in-
suffisammént protégée vis-à-vis de ces individus particulièrement
dangereux. De l'asile ils sortent facilement en raison de leur luci-
dité ; de la prison ils sortent trop tôt par suite de la diminution de
pénalité dont ils ont bénéficié. Pour sauvegarder la société, vrai-
ment, efficacement, le mieux serait de les placer dans les asiles-
BIBLIOGRAPHIE. 277 Î
prisons, en soumettant leur sortie aux formalités prévues par la
future loi sur les aliénés. En attendant il serait à désirer que ces
individus ne puissent sortir des asiles que sur avis conforme et
motivé du parquet, prononcé après un nouvel examen médico-
légal. ,
3. Contribution à l'étude de la dépendance des paralytiques géné-
raux; par le Dl' Philippe RICARD.
Reprenant les travaux du De Régis, l'auteur étudie dans une
cinquantaine de cas la question importante de la descendance des
paralytiques généraux. Cette descendance se caractérise par les
particularités suivantes : 1° Multiplicité dès fausses-couches et
mort-naissances ; fréquence, chez les survivants, des stigmates dys-
trophiques de l'hérédo-syphilis. Rareté relative, chez eux, de la
folie proprement dite, des vésanies.
Ces caractères distinguent donc la descendance des paralytiques
généraux de la descendance des vésaniques et de la descendance
des alcooliques. lis la rapprochent au contraire entièrement de la
descendance des syphilitiques.
Ces résultats constituent un argument irréfutable en faveur du
rôle prépondérant joué par la syphilis dans la production de la
paralysie générale : en même temps ils accentuent la différence
nosologique qui la sépare de la folie proprement dite.
4. Nouvelles recherches sur l'Étiologie de la paralysie générale; par
le or Gaston BoYER.
L'Etiologie de la paralysie générale offre un intérêt considérable
tant au point de vue scientifique qu'au point de vue plus utilitaire,
en aidant à diriger le traitement de la maladie par une thérapeu-
tique appropriée, ou en indiquant la prophylaxie de la maladie
initiale.
De l'avis de tous les auteurs, la syphilis est une cause principale
de la paralysie générale qui apparait de préférence chez des indi-
vidus prédisposés par l'hérédité nerveuse ou congestive. La syphi-
lis, en effet, se retrouve presque constamment dans les antécé-
dents des époux paralytiques. Elle débute le plus souvent chez le
mari, qui a été le premier contaminé. Quand la femme a été la
première syphilisée, c'est elle qui, de préférence, devient première
paralytique.
La syphilis est si bien la cause de la paralysie générale qu'elle
peut produire cette dernière chez des individus contaminés d'une
manière indirecte ou par voie extra-génitale. Dans ce cas, la para-
lysie apparaît dans les limites de temps ordinaires, qui sont de
quelques années après l'infection, quel que soit l'âge du sujet.
Elle peut, par exemple, se développer chez des enfants ou des
278 S . BIBLIOGRAPHIE.
jeunes gens syphilisés en bas âge, bien qu'elle ne soit pas une ma-
ladie de l'enfance. L'auteur fait suivre cette étude de quelques
considérations sur le traitement de la syphilis traitement spé-
cifique habituel et sur la prophylaxie de la syphilis.
tp. Céphalées et intoxications ; par le Dr André Boutes, ancien
, interne des hôpitaux.
La céphalée n'a pas de caractères essentiels suivant l'intoxication
qui lui donne naissance. Il y a avant tout des céphalalgiques et
non des céphalées. La modalité de la céphalée ne dépend pas
directement du poison qui l'engendre, mais de la réaction qu'il il
provoque sur un système nerveux à impressionnabilité différente,
selon les individus. - '
Parmi les intoxications primitives, causes de la céphalée, il faut
distinguer : 1° des intoxications spéciales systématiques (intoxica-
tions gastro-intestinales, rénales, hépatiques, etc.) ; 2° des intoxi-
cations générales (diathèse, surmenage, etc.). Parmi les intoxica-
tions secondaires, il faut considérer celles qui sont secondaires à
des infections (aiguës ou chroniques), et celles qui sont secon-
daires à des poisons exogènes (oxyde de carbone, alcool, etc.).
L'étude des symptômes, l'analyse du chimisme humoral orga-
nique pourront préciser la source toxique. Dès lors, la thérapeu-
tique de la céphalée dans ces états deviendra une thérapeutique
pathogénétique et non plus empirique.
' 6. Contribution à l'Étude du délire des Inventions; par le
Dr Albert DELARRAS.
Entre l'inventeur normal et l'inventeur malade existe une tran-
sition pour ainsi dire insensible. Il y a là une véritable frontière
où vivent des individus intelligents mais déjà porteurs d'une tare
et qu'on ne peut classer ni parmi les fous ni parmi les raison-
nables.
M. Delarras divise son étude en trois parties : : 1° l'obsession patho-
logique des inventions est une idée fixe, automatique, irrésistible,
qui en s'imposant à l'autorité des malades entraine une lutte qui
ne fait qu'accentuer l'angoisse; 2° l'idée fixe est inconsciente et
n'est plus reconnue par le malade comme fausse et pathologique;
3° le délire des inventions est l'ensemble des conceptions délirantes
ayant pour objet l'invention. Ce délire qui forme un tout bien net,
bien complet, se rencontre presque exclusivement chez les dégé-
nérés. Le délire envahit toutes les idées du malade et se traduit
par des actes en rapport avec les conceptions délirantes. Le malade
peut devenir dangereux par ses vols ou ses crimes.
L'hérédité, soit névropathique, soit alcoolique, est la principale
bibliographie. : 2ï9
cause prédisposante. Les phénomènes d'intoxication alcoolique
constituent la principale cause occasionnelle.
M. Delarras s'arrête au diagnostic du délire des inventions qui
peut souvent être assez difficile; puis après avoir dit un mot du
pronostic dont la gravité varie selon l'étiologie et les circonstances,
il signale comme seul moyen thérapeutique sérieux l'internement.
Enfin pour terminer son étude, l'auteur aborde la délicate question
médico-légale soulevée par le délire des inventions.
7. Le pavillon de l'oreille : valeur de ses anomalies comme stigmates
de dégénérescence ; par le De Lucns, médecin militaire des colo-
nies.
Les malformations qui pourraient servir à différencier nettement
le criminel ou les divers dégénérés, de l'homme normal et sain
d'esprit, sont peu nombreuses, car les stigmates physiques peuvent
se rencontrer même fréquentes chez cet homme normal. Mais les
anomalies du pavillon peuvent acquérir une égale et grande valeur,
par leur coincidence avec d'autres stigmates physiques et psychi-
qnes de réversion. Ces stigmates nombreux et importants forme-
ront alors un bloc caractéristique rendant évident, indiscutable,
l'état dégénératif du sujet observé. 11 ne faut donc pas, comme le
fait remarquer l'auteur, chercher à tirer une signification absolue
de l'observation du seul stigmate de l'oreille : il est indispensable
de rechercher tous les autres signes individuels, héréditaires,
organiques et mentaux de l'individu avant d'en faire un dégénéré.
8. Contribution à l'étude de l'amusie et de la localisation des centres
musicaux (9 février 1900) ; par le Dr Bronislawski.
Pour M. Bronislawski l'amusie est la perte ou la perversion
de la faculté musicale sans troubles de l'intelligence ni des organes
de la phonation. L'anatomie et la clinique démontrent l'indépen-
dance des troubles de la faculté musicale.
De l'ensemble des faits jusqu'à ce jour connus, il résulte que le
siège des lésions en rapport avec l'amusie est : 1° presque tou-
jours dans les parties antérieures de la première et de la deuxième
circonvolution temporale gauche pour l'amusie sensorielle ;
2° dans la deuxième circonvolution frontale gauche pour l'amusie
motrice ; 3° dans le lobe pariétal gauche pour la lecture de la
musique. '
9. Psychologie de l'expertise médico-légale (février 1900);
par le Dr Betoulières.
La caractéristique d'une expertise médico-légale est l'inter-
vention des procédés scientifiques et médicaux, dans une affaire
280 bibliographie.
judiciaire. Or, pour apporter une solution à un problème de res-
ponsabilité, une réponse à une tentative de meurtre ou d'empoi-
sonnement, il ne suffit pas d'être un bon praticien, il faut égale-
ment posséder à fond les sciences accessoires qui expliquent et
justifient les données de la pathologie. C'est surtout dans les
questions de responsabilité qu'un aliéniste est nécessaire, car lui
seul peut trancher les énormes difficultés qui jaillissent à chaque
instant au cours d'une expertise.
Pour obtenir des expertises ayant toutes les garanties de sécu-
rité, M. Betoulières réclame la spécialisation des études médico-
légales. Enfin, durant l'expertise, l'adjonction au médecin-expert
d'un autre docteur sera utile, car la collaboration apporte des faci-
lités d'exécution, une somme de connaissances plus étendues, plus
de soins et de précision dans les recherches.
10. Essai sur la pathogénie du suicide (2 février 1900);
, par le D1' REBOUL.
11. La sensibilité oculaire à la pression et ses modifications dans le
tabes (avril 1900) ; par le Dr LE Merle.
L'auteur, après avoir passé en revue l'anatomie topographique
du globe oculaire et l'innervation de l'oeil, étudie ensuite la sensi-
bilité oculaire à la pression, ses caractères normaux et son inter-
prétation physiologique. `
Des observations cliniques rapportées par M. Le Merle, et clas-
sées en groupes différents selon que cette sensibilité a été, ou
absente, ou exagérée, ou diminuée, ou abolie, il résulte que la
sensibilité oculaire à la pression peut être modifiée dans des mala-
dies d'ordre plus général, en particulier dans le tabes. Ces modifi-
cations sont : 1° l'augmentation qui constitue l'hyperalgésie ocu-
laire à la pression ; 2° la diminution ou hypoalgésie oculaire à ha
pression; 3° l'abolition ou analgésie ci la pression.
Si l'hyperalgésie est rare, l'analgésie est plus fréquente, car on
la rencontre dans un peu plus de la moitié des cas à toutes les
périodes du tabès. Cette analgésie, qui est de recherche facile,
pourra servir à éclairer les cas douteux.
L'interprétation pathogénétique de cette analgésie reste hypo-
thétique : on peut en rechercher la cause dans des névrites ciliaÙ'e;,
analogues aux névrites viscérales, d'ordre sympathique du tabes.
12. Le délire d'auto-accusation (étude médico-légale); par le
Dr Pierre OUDARD, médecin de la Marine.
Le délire d'auto-accusation, consistant à s'accuser soi-même
diffère du délire de culpabilité en ce que le malade, dans ce cas,
bibliographie. 281 1
se voit coupable, sans pour cela s'accuser toujours, tandis que
dans le délire d'auto-accusation, le malade s'accuse sans se croire
toujours coupable. Ce délire d'auto-accusation s'observe surtout
dans la mélancolie, les dégénérescence, l'alcoolisme, l'hystérie.
L'auteur abordant le côté médico-légal - point le plus intéres-
sant de son étude - admet les divisions proposées par 1\l. Régis :
1° cas où un individu s'accuse d'un crime inexistant ; 2° cas où
un individu s'accuse d'un crime réel, mais que de toute évidence il
ne peut avoir commis ; 3° cas où un individu s'accuse d'un crime
réel et qui peut parfaitement lui être imputé ; 4° cas où un indi-
vidu s'accuse d'un délit qu'il a commis en le grossissant démesu-
rément.
Ces auto-accusations délirantes, qu'elles s'accompagnent ou non
d'examen médico-légal, aboutissent presque constamment soit à
l'internement, soit à la mise en liberté par non-lieu.
Enfin, M. Oudard se demande si l'auto-accusateur, une fois
reconnu aliéné, doit être interné ? Oui, s'il a réellement commis
un délit ou un crime, et surtout si, l'ayant commis ou non, il reste
délirant et susceptible d'être dangereux ; non, si son méfait a été
purement imaginaire et si son délire n'a été que de courte durée.
13. La paralysie générale chez les religieux (contribution à l'étude
de l'étiologie de la paralysie générale) ; par le Dr A. CABOUREOU.
L'étiologie de la paralysie générale reste encore discutée et con-
troversée. Les deux causes surtout incriminées sont l'alcoolisme
et la syphilis. Longtemps niée, l'influence de la syphilis apparaît
de jour en jour plus prépondérante, car elle tend à être considérée
comme le facteur essentiel de la maladie.
Afin d'éclairer cette étiologie, l'auteur a étudié spécialement la
paralysie générale chez les religieux. De son enquête, il apparaît
qu'on ne rencontre qu'un seul cas de paralysie générale sur 50 alié-
nés, encore ne s'agit-il que des religieux hommes, car chez les
religieuses, la paralysie générale est totalement inconnue.
La rareté de la paralysie générale chez les religieux ne tient qu'à
la rareté chez eux de la cause vraiment efficiente de la paralysie
générale : la syphilis. L'existence'de la syphilis dans plusieurs cas
de paralysie générale chez les religieux, où on a pu la rechercher
suffisamment, vient à l'appui de cette opinion.
14. De la paralysie générale simple, démente ou sans délire ; par
le Dr Dorrou, médecin de la Marine. ,
Il existe réellement une paralysie générale simple, démente ou
sans délire. Du grand nombre d'observations rapportées par l'au-
teur, il ressort que cette forme de paralysie générale est très fré-
quente, car on la rencontre non seulement dans les asiles, plus
282 ") varia.
particulièrement dans les sections destinées aux femmes, mais
encore et surtout en dehors des asiles.
Pour M. Duffou, la paralysie générale sans délire constitue la
forme type de la maladie. Quant à la démence elle existe toujours
à un degré plus ou moins marqué, sans être cependant globale et
absolue dès le début.
lo. Les délires systématisés secondaires. Etude psychologique,
pathogénétique et clinique; par le Dr Louis PROUST, ex-interne de
l'asile des aliénés du Gers.
Entre les délires systématisés primitifs et les délires systématisés
secondaires, il existe des différences cliniques importantes. Ces
différences portent : 1° sur la plus grande partie des symptômes
morbides, les illusions, les hallucinations, l'explication délirante,
les idées de grandeur ; 2° sur les manifestations de la vie cons-
ciente de l'individu, c'est-à-dire sur la mémoire, la volonté, le rai-
sonnement, l'attention, etc. Ces différences symptomatologiques
sont explicables par l'affaiblissement de la conscience, conséquence
même de la psycho-névrose.
. Les délires systématisés secondaires se rapprocheront d'autant
plus des délires primitifs que l'altération de la conscience aura été
moindre. Mais, poussée à un degré suffisant, cette altération abou-
tira logiquement aux délires systématisés secondaires de négation
et d'énormité.
1G. Histoire médicale de J.-Jacques Rousseau ; par le Dr Georges
l Sibiril, médecin de la Marine.
L'auteur admettant les conclusions du Dr Régis, fait de J .-Jacques
Rousseau un artério-scléreux et un neurasthénique.
17. De l'oni1'ocl'itie comitiale : les rêves chez les épileptiques;
par le Dr Fournie.
VARIA.
Les aliénés EN LIBERTÉ.
Un jeune homme du village de Colombières-sur-Orb, pris d'un
accès subit de folie furieuse, tira plusieurs coups de revolver sur
des passants, blessant grièvement une femme de la localité. Le
varia. 283
maire manda aussitôt la gendarmerie. On usa cependant de pru-
dence pour arrêter ce fou furieux, et cette arrestation ne fut pas
sans difficulté. On vint pourtant à bout de lui et, solidement
garrotté, il fut amené à la gare pàr trois hommes vigoureux qui
avaient mission de le conduire à l'asile de Saint-Pons.
Sur le quai de la gare, le malheureux dément demanda à man-
ger. On crut sa crise calmée, et on lui délia les mains ; mais aus-
sitôt, il sortit un rasoir de sa poche et en porta un terrible coup à
la tête d'un des hommes qui l'accompagnaient. Les deux autres
se portaient au secours de leur collègue, mais l'un d'eux fut encore
mis dans un état pitoyable par le fou, brandissant toujours son
rasoir ensanglanté.
On juge de la panique dont furent pris les témoins de ce drame
épouvantable. Le troisième gardien, armé d'un fusil, tira à bout
portant sur le fou, qui s'abattit. L'un des blessés a été transporté
à l'hôpital de Bédarieux. Son état serait grave. On s'accorde à dire
que le dément était alcoolique. (Journal, 23 mars 1901.)
Terrible drame de la folie. Un père qui tue son enfant et se
suicide. - Le nommé Bouchet, propriétaire à Rochepaul, donnait,
depuis quelque temps, des signes d'aliénation mentale. Mais comme
il était de son naturel très doux, sa famille n'avait pas cru devoir
le faire interner dans une maison de santé. Hier après-midi, pen-
dant que sa femme était absente, Bouchet prit son jeune enfant,
âgé de cinq ans, et se dirigea vers les bords de la rivière. Après
avoir erré quelque temps, il saisit l'enfant par les pieds, lui écrasa
la tète contre un rocher et le jeta ensuite dans la rivière. Son
crime accompli, Bouchet se précipita à son tour dans le vide et
vint s'écraser sur. les rochers formant le lit de la rivière. (Echo de
Paris, 23 mars 1901.)
Boulevard des Batignolles, la dame Jules M..., atteinte de
troubles cérébraux, a mélangé à du thé une infusion de pavots et a
empoisonné son mari et ses enfants en s'empoisnnnant elle-même.
Elle a été arrêtée. On l'a sauvée ainsi que son mari et ses enfants.
(Le Bonhomme Normand du 19 au 25 avril 1901.)
Frappé de folie. Un ancien conseiller-municipal du quartier
de la Roquette, M. Marius Fourest, a été interné, hier soir, à
Sainte-Anne. Le malheureux, qui donnait depuis quelque temps
des signes de dérangement cérébral, vient d'être frappé d'aliéna-
tion mentale. M. Fourest demeurait avenue Parmentier. Hier matin
il se mit à pousser des cris terribles. Sa femme, épouvantée, alla
vers lui pour le calmer, mais elle ne put y parvenir. Elle sortit
alors pour prévenir le concierge qui alla avertir le commissaire
de police. Bientôt des agents arrivèrent et mirent le pauvre fpu en
28 i VARIA.
voiture pour le conduire à l'infirmerie spéciale du Dépôt, d'où il
fut transféré à l'hospice Sainte-Anne dans la soirée.
M. Fourest est né à Chomerac (Ardèche) en 1856. Il a, par con-
séquent, quarante-cinq ans. Fils d'un maréchal ferrant, il suivit
jusqu'à l'âge de douze ans les cours de l'école communale. Plus
tard, il entra à l'Ecole vétérinaire d'Alfort et reçut son diplôme. Il
était, depuis plusieurs années, vétérinaire à la Compagnie des
Petites voitures, lorsqu'il se présenta avec succès dans le XIe arron-
dissement, contre M. Longuet. Il exerça pendant longtemps les
fonctions de secrétaire du Conseil général de la Seine et s'appliqua,
notamment, à combattre la propagation de la tuberculose en fai-
sant voter, par ses collègues, des mesures relatives à la rigoureuse
inspection des viandes livrées à la consommation publique. (Le
Temps, 1 ? avril.) 1
Tous ces faits, contrairement à une thèse néfaste soutenue
dans quelques journaux politiques, montrent la nécesssité,
qui s'impose, au point de vue de la sécurité publique et dans
l'intérêt direct des malades aliénés, de l'internement, dès que
l'on a constaté ies premiers signes de la folie.
- La femme Reynier, habitant Pau (Basses-Pyrénées), a, dans
un accès de folie, tué son fils et ses deux filles, et elle s'est ensuite
suicidée (Bonhomme Normand, avril). - En présence de tels faits,
il y a encore des médecins qui réclament la liberté pour les
aliénés et protestent contre leur internement aussi rapide que pos-
sible après les premiers signes d'aliénation !
A Nouvoitou (Ille-et-Vilaine), le fils Legall, ancien instituteur
adjoint, récemment sorti d'un asile d'aliénés, a essayé d'étrangler
sa mère. Son père intervenant, il le renversa et lui fracassa le
crâne. Il a été arrêté. (Le Bonhomme Normand, 3 mai.)
Un épouvantable drame s'est déroulé hier, au Monastier, petite
commune de l'arrondissement de Marvejols, dit le Temps du
26 mai. Le sieur Cahuzac, âgé de trente-trois ans, journalier, pris
subitement de folie furieuse, s'est armé d'une hache et s'est pré-
cipité sur les membres de sa famille. Ceux-ci, couverts de bles-
sures, n'ont dû leur salut qu'à la fuite. Sortant à leur suite, dans
le village, toujours armé de son terrible instrument, le fou s'est
rué sur la foule accourue aux cris des blessés et a fait d'autres
victimes. Les habitants ont dû se barricader dans leurs maisons.
La gendarmerie prévenue n'a pu se rendre maître de Cahuzac
qu'après deux heures de lutte acharnée et au prix des plus grands
dangers. Les blessés sont au nombre de sept dont quatre griève-
ment.
VARIA. 283
Le nomme Bardet, soixante-deux ans, cultivateur à Villedomer
(Indre-et-Loire), qui ne jouissait pas de ses facultés mentales, s'est
suicidé d'une singulière façon. Le malheureux s'était attaché une
grosse corde au cou, puis avait fixé cette dernière à l'arrière de sa
voiture et s'est laissé traîner sur un parcours de 500 mètres. Quand
on vint arrêter le cheval, Bardet avait cessé de vivre. (Bonhomme
normand, 31 mai 1901.)
- Sous ce titre : « Drame de la folie », l'Echo de Paris du 8 juin,
publie une dépêche de Langres ainsi conçue : Un drame de la folie
vient de se produire à Saulles. Le nommé Royer donnait, depuis
quelque temps, des signes d'aliénation mentale. Comme il revenait
des champs, hier, portant un croc, il s'approcha soudain de
M. Pierre Clément et lui donna un grand coup de son outil dans la
poitrine. M. Clément a le poumon perforé et sa vie est en danger.
Le meurtrier a été arrêté et conduit dans une maison de santé.
L'alcoolisme A VIENNE.
Le tableau suivant donne une idée du nombre de malades
alcooliques dans la période qui va de 1885 à 1900; d'autre part le
relevé du nombre de malades enfermés dans les asiles d'aliénés et
la proportion d'alcooliques.
28G VARIA.
1
Drames DE l'alcoolisme ·
Contrairement à l'opinion émise par certains de nos hommes
politiques qui prétendent que, pour bien travailler, l'ouvrier
normand doit absorber une certaine quantité d'alcool, voici une
déclaration adressée parles 69 médecins du Finistère à leurs com-
patriotes : Nous soussignés, résidant dans le département du Finis-
tère : Considérant que l'alcool porte des atteintes de plus en plus
graves aux forces vitales de la France, et se révèle comme l'ennemi
le plus dangereux que notre pays ait encore rencontré : - Considé-
rant que les ravages causés par l'alcoolisme menacent l'existence
même de la patrie française ;
Ne pouvant rester spectateurs inpassibles d'un fléau, dont plus
que personne nous pouvons scruter les profondeurs, et qui menace
de destruction prochaine notre race tout entière : Tenons à l'hon-
neur de prendre hautement parti pour les généreux citoyens qui
ont déclaré à l'alcool une guerre sans merci, et tant pour éclairer
les pouvoirs publics que pour prévenir nos concitoyens des dangers
qu'ils courent : Parlant au nom de l'hygiène, de la santé publique
et de l'intérêt national;
Nous déclarons publiquement : L'alcool, sous toutes ses formes, est
un poison. L'alcool ne soutient ni ne réchauffe : c'est un excitant
dangereux, qui dégrade tous les organes, les affaiblit, les rend
incapables de résister efficacement aux atteintes de maladies légè-
res. L'alcool est la cause directe d'un grand nombre d'affections
mortelles. L'usage habituel de l'alcool, même à doses modérées
peut conduire à l'alcoolisme.
L'alcoolisme attaque le buveur non seulement dans sa personne,
mais dans sa postérité. L'usage 'habituel des apéritifs, et particu-
lièrement de l'absinthe, est la cause de l'affaiblissement progres-
sif de la santé même chez les personnes qui ne se sont jamais
enivrées, conduit à une vieillesse prématurée et abrège l'existence.
L'usage habituel des apéritifs et de l'alcool (même à doses non
énivrantes), facilite l'invasion de la tuberculose et de la phtisie pul-
monaire. L'alcool est la cause directe et immédiate de la plus
grande partie des accidents observés sur les chantiers de travail-
leurs et dans la navigation à laquelle se livrent les pêcheurs de nos
côtes. L'alcool en multipliant dans la classe ouvrière les journées
de chômage, facilite l'invasion des travailleurs étrangers et porte
atteinte à la richesse nationale. L'alcool remplit d'aliénés les asiles
publics. L'alcool est la cause de plus de la moitié des crimes et
des délits contre les personnes. L'alcool remplit de criminels les
prisons et les établissements pénitentiaires. L'alcool atteint le pays
dans sa grandeur morale : il obscurcit les consciences en même
temps qu'il diminue nos forces.
VARIA. 287
Comme corollaire de ces vérités que nul ne peut contester, nous
adressons aux pouvoirs publics, tant civils que militaires, un res-
pectueux mais énergique appel, les sollicitant, par tous les moyens
en leur pouvoir, de mettre un terme à l'invasion du pays de l'alcool
et de s'opposer à la dégénérescence nationale et prochaine si des
mesures efficaces ne sont pas bientôt prises. Nous adressons à nos
compatriotes les plus chaleureuses, les plus pressantes, les plus
patriotiques exhortations les suppliant, s'ils veulent que la France
reste Grande et que leurs fils restent français, de se garder de
l'alcool et des apéritifs comme du plus dangereux de tous ses
ennemis.
Un drame ci Orléans. - Notre correspondant d'Orléans nous
écrit : Un sieur Farges, coiffeur à Orléans, a eu hier une discussion
avec sa femme, discussion à la suite de laquelle Mme Farges des-
cendit dans la boutique pour se recoiffer devant une glace. Son
mari l'y suivit et, avant même que les garçons qui se trouvaient
dans la boutique eussent remarqué sa présence, il avait saisi sa
femme par les cheveux et lui donnait un coup de rasoir d'une
violence telle que l'instrument se cassait contre la colonne verté-
brale. La mort a été instantanée. Son crime accompli, Farges prit
la fuite avant que ses garçons fussent revenus de leur stupeur.
Lorsque ceux-ci voulurent courir après lui, il avait disparu.
La police et le parquet se sont transportés sur les lieux pour
faire les constatations. La police se mit aussitôt à la recherche de
l'assassin, que les agents découvrirent, deux heures plus tard,
dans un débit de tabac de la rue de Bourgogne. Farges fut aus-
sitôt conduit au commissariat central, où il a passé la nuit. Il a
été écroué ce matin à la maison d'arrêt. Après son arrestation,
Farges a manifesté tantôt du chagrin en pleurant, tantôt de l'in-
conscience en plaisantant. Cet individu est un alcoolique, qui a
déjà été condamné pour coups portés à sa femme. (Le Temps, du
6 décembre 1900.)
A Chateau (Saône-et-Loire), le nommé Carjat, un alcoolique,
a jeté sa mère dans un puits, puis a essayé de se faire sauter la
cervelle. Il n'a réussi qu'à se faire une horrible blessure. (Le Bon-
homme Normand, du il au 17 janvier 1901.)
Dans un café du Kremlin à Bicêtre, Pierre Callot, quarante
ans, carrier, paria qu'il boirait, coup sur coup, vingt-cinq absin-
thes. A la quinzième, il est tombé mort. (Le Bonhomme Normand,
du 11 au 17 janvier 1901.)
Emile Frogier, trente-six ans, ouvrier fumiste, abandonné
par sa femme, se livrait à la boisson. Etant gris, il a tiré plusieurs
coups de revolver sur le portrait de sa femme. Puis, convaincu
288 FAITS DIVERS.
qu'il venait de commettre un assassinat, il s'est logé une balle
dans la poitrine. Son état est très grave. (Bonhomme Normand,
31 janvier 1901.)
La veuve Antoine, née Clémentine Auger, journalière à
Fierville-la-Campao,ne, canton de l3retteville-=ur-Laize, s'adonnait
à la boisson. Samedi, on l'a trouvée morte chez elle. Elle avait
succombé à une congestion déterminée par ses libations de la veille.
(Le Bonhomme Normand, 7 février 1901.)
- A Frontenex (Savoie), un italien s'endormit près de son feu
après avoir bu plus que de raison. Pendant son sommeil, il ren-
versa une bouteille d'alcool qu'il avait laissée débouchée devant lui
et qui tomba dans le feu. Le liquide s'enflamma et se répandit sur
les vêtements de i'ivrogne qui ne tardèrent pas à entrer en com-
bustion. La malheureuse victime et de son ivresse et de son impru-
dence a été littéralement réduite à l'état de charbon sanguinolent
et a expiré dans d'atroces souffrances. (Le Bonhomme Normand, du
28 décembre 1900 au 1er janvier 1901.)
Suicides. - Le sieur Alcide Cointre, quarante-neuf ans, bûcheron
à Saint-Hymer, s'est pendu dans un fournil, au Torquesne, près
Blangy-le-Chàteau. L'abus de l'alcool avait détraqué le cerveau du
malheureux. (Le Bonhomme normand du 29 mars 1901.)
FAITS DIVERS
Asiles d'aliénés. - Nominations et promotions (juillet) : M. Gw,
directeur de l'asile d'aliénés de Saint-Robert (Isère), promu à la
4 ? classe du cadre; M. le D' DODERO, médecin adjoint à Saiut-1'lie,
promu à la 11'0 classe du cadre.
' Distinctions honorifiques. Ont été nommés chevalier de la
Légion d'honneur : M. le D'' Garnier, médecin en chef, directeur
de l'asile d'aliénés de Dijon ; M. Balet, directeur de l'asile d'a-
liénés de Ville-Evrard.
' Asile d'aliénés DE 1\aoGEaT (Haute-Vienne). - Un poste d'interne
en médecine est vacant dans cet asile. Traitement argent 800 francs;
logement, nourriture et blanchissage. S'adresser à M. le D1' Dour-
sout, médecin-directeur de l'asile. '
' Le ? 'ët<ae/e ? f/ë< ? < Bourneville.
Etreux, Ch. IIÉnlssEY, imp. - 9-1901.
Vol. XII. Octobre 1901. N° 70.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
PHYSIOLOGIE.
Note relative à l'étude des effets physiologiques de
la'rachicocaïnisation et de la fonction lombaire ;
Par MM. A. TITRES et J. ABADIE (de Bordeaux).
On a signalé et décrit, après les injections de cocaïne dans
le cul-de-sac sous-arachnoïdien lombaire, divers phénomènes
dont le plus important, l'analgésie des parties inférieures du
corps, constitue aujourd'hui une façon élégante d'anesthésie
chirurgicale et un mode de traitement de quelques douleurs
d'origine radiculo-médullaire. Nous avons eu, pour notre
part, l'occasion de pratiquer, à plusieurs reprises, de sem-
blables injections intra-rachidiennes. Indépendamment des
renseignements diagnostiques ou des résultats thérapeutiques
que nous avons obtenus, nous avons pu étudier quelques-
uns des phénomènes dus à l'action directe de la cocaïne sur
les éléments nerveux. C'est le résumé de nos observations
que nous nous proposons de faire ici.
Nos recherches ont porté sur une cinquantaine de cas
environ : dans chacun d'eux, nous nous sommes servis d'une
solution parfaitement stérilisée de cocaïne à 2 p. 100 et nous
avons injecté chaque fois un demi à deux centimètres cubes
de cette solution. Les quelques phénomènes, étudiés spé-
cialement dans nos expériences sont de plusieurs ordres.
Phénomènes d'ordre sensitif. l° Nous avons déjà établi
que l'analgésie consécutive à l'injection sous-arachnoïdienne
lombaire de cocaïne n'est pas due, comme le pensaient cer-
ARCIIIVES, 2' série, t. XII. 19
290 PHYSIOLOGIE.
tains auteurs, à une action directe de la cocaïne sur la
moelle, et à une modification fonctionnelle consécutive de
cette dernière, mais bien à une altération de la conductibi-
lité des racines sensitives. Dans la rachicocaïnisation, la
cocaïne agit en imprégnant les racines postérieures, irrégu-
lièrement et inégalement atteintes par l'injection poussée à
des niveaux et à des profondeurs variables d'un cas à l'autre,
tantôt au centre, tantôt à la périphérie du faisceau des
radicelles lombo-sacrées, dont le groupement forme la
queue de cheval. Aussi n'est-il pas étonnant de voir l'anal-
gésie débuter, tantôt par la région périnéo-scrotale, tantôt
par une région quelconque des cuisses, des pieds ou des
jambes et envahir, de proche en proche, les parties voisines
jusqu'à confluence des îlots analgésiques primitifs. Ces
premières conclusions cliniques ont été déjà publiées dans
une note communiquée à la Société de biologie, dans sa
séance du 2b mai 1901. Elles confirment pleinement les
recherches expérimentales faites sur 'le même sujet par
MM. Tuffier et Ilallion ;
1° L'analgésie s'installe progressivement et, non d'emblée.
Il existe d'abord de l'hypoalgésie légère qui augmente
ensuite et devient enfin analgésie. De même, quand la sen-
sibilité reparaît, à l'analgésie complète succède de l'hypoal-
gésie de plus en plus légère jusqu'au retour intégral de la
sensibilité;
3° La sensibilité cutanée à la douleur (pincement, piqûre),
disparaît la première. La sensibilité cutanée à la tempéra-
ture s'abolit ensuite : Enfin la sensibilité à la pression est
perdue. Le pincement, la piqûre, la pression sont longtemps
perçus comme tels puis comme sensations de contact. Le
chaud, le froid sont d'abord mal sentis, ensuite confondus
ou pris l'un pour l'autre, enfin incapables de provoquer
autre chose qu'une sensation de contact. L'évaluation des
différences de poids placés sur les régions analgésiées donne
lieu d'abord à des erreurs grossières, puis totalement impos-
sible : le malade ne distingue pas des différences de plusieurs
kilogrammes, et n'accuse qu'une sensation de contact;
4° La sensibilité au contact persiste en effet la dernière :
elle peut même ne jamais disparaître complètement, il
existe alors une véritable dissociation syringomyélique. Le
malade sent et reconnaît le contact de corps de natures très
EFFETS PHYSIOLOGIQUES DE LA RACHICOCAÏNISATION. 291
différentes : brindilles d'ouate, main, velours, métal, corps
gras, liquides quelconques, eau, alcool, huile. L'évapora-
tion de l'éther répandu sur la peau analgésique donne lieu
à une sensation de chaleur. Le contact du chloroforme n'est
pas perçu et parfaitement toléré ;
5° La sensation de chatouillement de la plante des pieds
est perçue pendant longtemps comme sensation de chatouil-
lement, mais elle ne provoque plus de mouvements réflexes.
Elle peut même persister pendant toute la durée de l'anal-
gésie ; 6° Pendant l'hypoalgésie envahissante du début,
on peut observer une erreur manifeste de localisation des
sensations (piqùre ou pincement). Dans l'analgésie com-
plète, les sensations de contact sont de même quelquefois
mal localisées ; z
7° La sensibilité cutanée au contact reparaît la première,
puis apparaissent successivement la sensibilité à la pression,
la sensibilité thermique, les sensations de chatouillement,
la sensibilité à la douleur, c'est-à-dire dans l'ordre inverse
de leur disparition; - 8° Chez quatre de nos malades qui,
avani toute injection de cocaïne, possédaient une sensibilité,
électrique parfaite, nous avons vu cette sensibilité s'abolir :
les courants intenses n'étaient nullement sentis, alors qu'ils
provoquaient de très violentes contractions musculaires ;
9° La sensibilité profonde s'abolit au sur et à mesure de
l'installation de l'analgésie cutanée. Quand celle-ci est com-
plète, la pression énergique des muscles, la percussion forte
des os, le tiraillement même brutal des articulations ne
provoque pas la moindre douleur ; 10° La notion de posi-
tion des membres est en général conservée. Nous l'avons vue
s'abolir cependant chez un tabétique, qui, avant l'injection,
n'avait aucun trouble du sens des attitudes ;
'l'Il' Les sensibilités viscérales profondes (testiculaire,
épigastrique) peuvent ne jamais s'abolir. Même dans les
analgésies remontant jusqu'aux épaules, la sensibilité épi-
gastrique profonde s'affaiblit mais ne disparaît point tota-
lement. La sensibilité testiculaire à la pression peut per-
sister dans une analgésie dépassant l'ombilic : dans un cas,
le froissement du testicule restait douloureux, alors que le
cordon spermatique avait perdu toute sensibilité au pince-
ment et à la pression.
Modifications DES réflexes. 1° L'abolition des réflexes
292 PHYSIOLOGIE. ,
cutanés est la règle dans toutes les régions analgésiées.
L'ordre de cette abolition suit exactement l'envahissement
des zones analgésiques et suivant que la racine des cuisses
et la région périnéo-scrotale, l'abdomen, ou la plante des
pieds sera d'abord insensible, on verra s'abolir respective-
ment le réflexe crémastérien, les réflexes abdominaux ou le
réflexe plantaire. Ils reparaissent dans le même ordre que la
sensibilité cutanée, avec laquelle ils semblent étroitement
liés. Cependant dans deux cas, nous avons noté une conser-
vation intégrale des réflexes abdominaux supérieurs et
inférieurs et des réflexes testiculaires avec une abolition
complète de la sensibilité douloureuse des régions des
cuisses ou de l'abdomen excitées et perte incomplète de la
sensibilité au contact de ces mêmes régions ;
2° Nous avons constaté dans un cas la conservation du
réflexe pupillaire à la douleur par pression d'une région
pathologiquement douloureuse mais analgésiée complète-
ment par une injection lombaire de cocaïne. Il s'agissait
d'une femme atteinte de lésions annexielles (hémato-salpynx
droit avec ovarite scléro-kystique) chez laquelle le toucher
vaginal était extrêmement douloureux. Pendant la rachico-
caïnisation, on put pratiquer le toucher et explorer tout à
l'envi les organes génitaux internes sans provoquer la
moindre souffrance, mais la pression de l'utérus ou des
annexes droites faisait apparaître' chaque fois une dilatation
pupillaire très manifeste ;
3° Les réflexes tendineux (rotuliens et achilléens) sont
toujours modifiés par l'injection sous-arachnoïdienne lom-
baire de cocaïne. Exception doit être faite seulement pour
tous les cas de tabès, dans lesquels les réflexes rotuliens et
achilléens, abolis avant l'injection, sonttoujours restés nuls
pendant toute la durée de la cocaïnisation;
4° Les modifications imprimées aux réflexes tendineux
par la rachicocaïnisation varient suivant l'état antérieur de
ces réflexes. Si les réflexes sont normaux, ils s'exagèrent
pendant l'action de la cocaïne : cette exagération est pro-
gressive, quelquefois précédée d'une courte période de
diminution, elle atteint son maximum au moment de la plus
grande extension de l'analgésie ; elle diminue progressive-
ment et les réflexes reprennent insensiblement leurs carac-
tères normaux antérieurs. Si, au contraire, les réflexes sont
EFFETS PHYSIOLOGIQUES DE LA RACHICOCA1NISATION. 293
exagérés avant l'action de la cocaïne, on observe alors une
diminution progressive qui peut aller jusqu'à l'abolition
complète ; abolition et diminution ne sont encore que tran-
sitoires et les réflexes retrouvent à la fin de la cocaïnisation
leurs caractères antérieurs d'exagération. Enfin si les réflexes
sont faibles, on les voit graduellement diminuer, s'abolir
même quelquefois, puis revenir lentement à leur état primitif
et reprendre leurs caractères antérieurs de faiblesse. Ces lois
nous ont paru à peu près constantes : les observations con-
tradictoires étant en très petit nombre.
Troubles des sphincters. - Avec les doses modérées de
cocaïne que nous avons employées, nous n'avons jamais
observé de troubles des sphincters. Dans aucune de nos obser-
vations, il n'a été signalé d'incontinence d'urine. Chez aucun
malade, on n'a constaté d'incontinence des matières fécales,
même dans l'effort. Une seule fois, nous avons pu noter
l'émission de quelques gaz par l'anus, à l'occasion d'efforts
de vomissements, et encore s'agissait-il d'un malade atteint
de paraplégie spasmodique et ayant présenté à plusieurs
reprises durant sa maladie de l'incontinence fécale.
Érections. Dix-sept fois notre attention s'est portée sur
la possibilité d'érections pendant la rachicocaïnisation. Sur
ces dix-sept malades, six ont présenté des modifications de
volume de la verge. Ce n'était le plus souvent qu'une légère
turgescence ; jamais l'érection n'a été complète. Dans un cas
où elle fut plus intense, on vit s'écouler lentement par le
méat quelques gouttes de liquide blanc très transparent,
onctueux, filant : ce liquide, soumis à l'examen microscopi-
que, ne présentait aucune trace de spermatozoïde.
La turgescence de la verge ainsi observée peut se produire
et disparaître à plusieurs reprises dans le cours de la cocaï-
nisation. Elle se montre d'habitude quand l'analgerie a envahi
déjà les membres inférieurs et le tronc; elle a pu se montrer
cependant avec l'installation complète de l'analgésie cuta-
née, elle n'accompagnait alors d'analgésie manifeste de la
région périnéo-scrotale et du pénis.
Phénomènes d'ordre moteur. -1° Chez un très grand nom-
bre de nos malades, les deux tiers environ, nous avons vu
survenir, pendant la rachicocaïnisation de la trépidation
épileptoïde. Cette trépidation s'est montrée tantôt à un pied
294 PHYSIOLOGIE.
seul, tantôt aux deux pieds, tantôt aux rotules à l'exclusion
des pieds, tantôt enfin aux pieds et aux rotules à la fois. Elle
consistait dans certains cas en quelques secousses trépida-
toires facilement provoquées mais vite disparues; dans cer-
tains autres, elle était intense et persistente, analogue aux
plus fortes trépidations spasmodiques. Il nous a été difficile
d'établir, d'après les données que nous possédions, les rela-
tions de cette trépidation épileptoïde avec les autres phéno-
mènes dûs à l'action de la cocaïne. Nous pouvons affirmer
cependant qu'elle n'affecte aucun rapport direct avec l'état
des réflexes tendineux : elle n'accompagne pas en particulier
l'exagération de ces réflexes; elle peut même se montrer,
alors qu'ils sont failles ou nuls. Elle parait au contraire
affecter des relations plus étroites avec l'état général du
malade ; on la voit souvent en effet précéder immédiatement
l'état nauséeux, disparaître avec les vomissements et réappa-
raître avec eux ; elle persiste rarement après les dernières
nausées ; 2° Indépendamment de la trépidation épileptique,
on peut observer aussi du tremblement trépidatoire des mem-
bres inférieurs, tantôt localisé à un seul, tantôt étendu aux
deux. Il peut-être continuel et persister même dans la
station debout ; il peut être intermittent et les crises sont
provoquées alors par le moindre mouvement du malade.
Enfin il peut gagner le tronc, les membres supérieurs et se
généraliser à tout le corps. Il est à remarquer que les mala-
des chez lesquels ont apparu ces phénomènes de tremble-
ment trépidatoire étaient tous des hystériques ; 3° Nous
avons noté trois fois l'installation d'une contracture passa-
gère, affectant soit un membre seul, soit les deux membres
inférieurs. Cette contracture a consisté deux fois en une
raideur articulaire plus ou moins accentuée, mais elle a pu
prendre aussi la forme tétanique et immobiliser pendant
plusieurs minutes les membres dans une extension forcée im-
possible à vaincre. Elle est survenue suivant les cas avec
l'exagération des réflexes, avec l'état nauséeux, elle a suivi
enfin la trépidation épileptoïde; 4° Dans une observation, il
est noté l'apparition de mouvements fibrillaires dans les
muscles des membres inférieurs, surtout apparents aux mus-
cles du mollet. Ces mouvements n'ont duré que quelques
minutes ; 5° Au début de la rachicocaïne et après l'installa-,
tion de l'analgésie, le malade se plaint de ne pouvoir remuer
EFFETS PHYSIOLOGIQUES DE LA RACHICOCAÏNISATION. 295
ses jambes engourdies. Mais il est cependant capable d'exé-
cuter, quoique plus lentement, tous les mouvements volon-
taires ; 6° Dans tous les cas où elle a été recherchée, la force
de résistance des membres inférieurs est restée indemne,
pendant toute la durée de la cocaïnisation; 7° La station
debout a toujours été possible. Nous n'avons jamais pu
observer de signe de Romberg. Chez deux tabétiques dépour-
vus de ce symptôme, et cocaïnisés à plusieurs reprises pour
leurs douleurs fulgurantes, la rachicocaïnisation ne l'a
jamais fait apparaître, même temporairement ; 8° Nous
n'avons jamais observé non plus chez nos malades d'incoor-
dination motrice des membres inférieurs. Les deux tabétiques
précédents qui, à l'état normal ne présentaient aucune trace
d'ataxie, n'en ont pas eu davantage sous l'influence de la
cocaïne; 9° La marche atoujours été possible chez nos mala-
des. Elle était néanmoins un peu difficile, hésitante parfois,
en raison de la lourdeur des jambes, disaient les malades ;
10° Dans quelques cas, les malades ont présenté une véri-
table titubation pendant la marche. Mais tous ces malades
étaient en proie à un état nauséeux très intense.
Phénomènes VASO-MOTEURS. 1.° Pendant la rachicocaïni-
sation, nous n'avons jamais noté de changement de colora-
tion des téguments dans les zones analgésiques ; 2° Nous
n'avons jamais remarqué non plus de refroidissement des
téguments de ces mêmes zones appréciable à la palpa-
tion ; 3° Les piqûres faites dans le territoire analgésié dans
le but de rechercher- l'état de la sensibilité n'ont presque
jamais saigné. Souvent nous les avons vues s'entourer d'une
papule très apparente; 4° L'application d'un sinapisme sur
un point quelconque de la peau analgésique ne provoque
aucune tubéfaction, aucune sensation de chaleur : il est toléré
indéfiniment, alors que chez le même sujet, l'application d'un
sinapisme sur une région non atteinte par l'analgésie amène
les phénomènes de chaleur, de rougeur et de douleur nor-
males.
Phénomènes sécrétoires. - '10 Dans un assez grand nombre
de cas, les malades ont présenté des sueurs abondantes.
Mais cette sudation atteignait presque exclusivement la par-
tie supérieure du tronc, les membres supérieurs, la face
surtout. Les régions inférieures du tronc, les membres infé-
rieurs étaient épargnés : la peau analgésiée restait sèche et
296 PHYSIOLOGIE.
fraîche et constrastait étrangement avec la peau humide et
chaude des parties épargnées par la cocaïne, à tel point
qu'on pouvait suivre facilement la ligne supérieure envahis-
sante de l'analgésie; 2° Quelquefois la sudation a été géné-
ralisée d'emblée à tout le corps, mais elle se localisait dans
ces cas aux régions supérieures saines, après avoir aban-
donné rapidement les régions inférieures analgésiques.
Phénomènes observés après la PONCTION lombaire simple.
Nous avons voulu, en présence des phénomènes précédents
observés pendant le cours de rachicocaïnisations, nous assu-
rer de la part à faire dans la production de ces phénomènes,
à la fonction lombaire simple et à l'évacuation d'une cer-
taine quautité de liquide céphalo-rachidien.
Nos observations, moins nombreuses que les précédentes,
ont porté sur une quinzaine de cas environ. Les ponctions
ont été pratiquées suivant le procédé aujourd'hui classique
et il a été soustrait dans chacun des cas une quantité de
liquide céphalo-rachidien variant de 5 centimètres cubes à
duo centimètres cubes. Malgré le nombre restreint de nos
observations, nous pensons être en droit de poser déjà les
conclusions suivantes : -.
1° La ponction lombaire simple n'ajamais entraîné de mo-
difications de la sensibilité cutanée profonde ou viscérale;
2° La ponction lombaire et la soustraction du liquide cépha-
lo-rachidien modifient toujours l'état des réflexes. Mais ces
modifications sont bien moindres que celles observées dans
la rachicocaïnisation. Il nous paraît difficile d'établir leurs
lois. On peut affirmer cependant que les réflexes cutanés
sont peu modifiés et quand ils le sont, c'est d'une façon
variable d'un cas à l'autre. Les réflexes tendineux (rotu-
liens et achilléens) semblent presque toujours subir une
diminution progressive mais passagère : nous avons pu cons-
tater même leur abolition totale temporaire ; 3° Dans la ponc-
tion lombaire simple, nous n'avons jamais observé de trou-
bles des sphincters ni l'apparition d'érections; 4° Jamais,
dans la ponction lombaire simple, nous n'avons rencontré
de véritable trépidation épileptoïde. Souvent cependant il'
nous a été possible de noter quelques secousses trépidatoi-
res, qui semblaiant constituer comme une esquisse de clowns
du pied ou de la rotule; 5° Nous n'avons jamais observé de
tremblement spontané, de contracture des membres, de
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 297 7
mouvements fibrillaires ; 6° Nous avons toujours noté la
conservation des mouvements volontaires, de la force de
résistance, la possibilité de la station debout et de la mar-
che, l'absence de signe de Romberg et d'ataxie; 7° Il n'a été
remarqué, chez nos malades, ni phénomènes vaso-moteurs,
ni troubles secrétoires ; 8° Les nausées, les vomissements
sont rares dans la ponction lombaire simple. Au contraire la
céphalée est la règle et cétte céphalée est absolument com-
parable dans tous ses caractéres (date d'apparition, durée,
localisation, intensité, etc.) à la céphalée décrite par tous les
auteurs à la suite de rachicocaïnisations et attribuée par
eux à l'intoxication parla cocaïne.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
XXVII. Hémitonie apoplectique, par V.-111. Becutkrew. (Obozrénié
psiclzicatrü, IV, 1899.)
Trois observations. Elles ont de commun que l'affection se déve-
loppa pendant l'enfance, avant dix ans, et commença par une apo-
plexie. L'apoplexie fut très peu marquée dans le premier cas, la
perte du sentiment n'ayant duré que quelques minutes ; elle fut
plus marquée dans le second, le malade ayant été dans le coma
vingt-quatre heures. Dans la troisième observation, la malade
demeura sans connaissance cinq jours. Toujours il y eut ictus
subit sans prodromes. L'hémitonie, caractérisée par la contraction
tonique des muscles des membres et même de la face du côté
frappé, peut s'étendre à toute la moitié du corps, soit immédia-
tement après l'ictus, soit au bout d'un certain temps : elle peut
arrivera lorsque le malade semble guéri. Elle diminue lorsque l'on
détourne l'attention du patient, augmente quand on s'occupe de
lui, ou sous l'influence d'une excitation mécanique des muscles, de
l'émotion. En ce dernier cas se produisent des mouvements forcés,
qui changent le caractère de la contracture. Mais ce sont toujours
des spasmes actifs qui n'ont rien à voir avec la contracture secon-
daire ; ils entraînent l'hypertrophie musculaire de quelques.
muscles, de sorte que chez le même sujet, on trouve de l'hyper-
trophie des muscles hypertoniques, et, à côté, de l'atrophie des os
298 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
et des muscles non hypertoniques due à une atrophie parétique
précoce du malade hémiplégique.
Ce sont là des troubles du mouvement post-hémiplégiques, puisque
les convulsions prédominent du côté hémiplégique ou hémiparé-
tique, et ont succédé à un ictus cérébral. Il s'agit presque certai-
nement d'une hémorragie cérébrale limitée, qui s'est effectuée
tout près des fibres du faisceau pyramidal ; celles-ci sont assez
comprimées pour déterminer de la paralysie, mais elles sont sur-
tout excitées. Leur excitation a été consécutive aux phénomènes
anatomiques en rapport avec la cicatrisation de la plaie de l'or-
gane central. L'affection étant uni-latérale, la lésion doit siéger
au niveau des ganglions centraux, au voisinage du segment posté-
rieur de la capsule interne, où passent les fibres pyramidales sous
forme d'un faisceau compact. Deux des observations permettent
de penser à une maladie infectieuse. P. Keraval.
XXVIII. De l'aphasie sensorielle et motrice transcorticale; par
W. LARIONOW. (Obozrellié psichiutrü, IV, 1899.)
Deux observations soigneusement prises et analysées, sans
autopsie. Les malades pouvant répéter les mots, l'arc réflexe infé-
rieur du langage, avec les centres de Wernicke et de Broca et avec
leurs conducteurs, n'est pas altéré. Ces centres sont séparés du
centre de la compréhension objective (centre d'association posté-
rieur de Flechsig), car les malades ne peuvent ni comprendre les
mots qu'on leur dit, et qu'ils répètent, ni parler de leur propre
initiative. Les malades de ce genre, bien qu'à la longue ils se sou-
viennent de quelques mots et^apprennent à montrer et à nommer
quelques objets, sont d'ordinaire condamnés au silence, comme le
montre l'observation I. Les deux observations prouvent que les
faisceaux du centre de Wernicke, qui vont au centre d'association
postérieur, et, de ce dernier au centre de Broca, que ceux du
centre des images visuelles des lettres et des mots (pli courbe),
qui vont au centre moteur de l'écriture (2e circonvolution frontale)
et au centre de Broca, et servent à l'écriture et à la lecture, tous
ces faisceaux passent près les uns des autres. C'est pourquoi ils
sont frappés simultanément. Le faisceau arciforme doit être la
clef de voûte de ces tractus. P. IZEnAVAL.
XXIX. Echinocoque du cerveau; par 1\1.-1\1. Resnikow. (Obozrénié
psichiatrii, IV, 1899.)
Observation d'un homme de quarante-neuf ans. A. Phénomènes
généraux : 1° Céphalalgie ; 2° Modification de la papille du nerf
optique de l'oeil droit. B. Phénomènes de lésions en foyer. 10 Hé-
mianopsie homonyme gauche ; 2° Parésie de la moitié gauche du
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 299
corps avec rigidité des extrémités gauches ; 3° Désordre de la
coordination des mouvements à gauche, surtout des mains ;
4° Diminution de la sensibilité musculaire ; 5° Affaiblissement de
l'ouie du côté gauche ; 6° Démence marquée caractérisée par nne
diminution de la mémoire et de la faculté d'orientation.
Lésions. La dure-mère, des deux côtés de la scissure longitu-
dinale, est adhérente, par places, à la pie-mère, de sorte que, en
l'enlevant, on rompt les parties sous-jacentes. La pie-mère se
sépare avec peine de l'écorce des circonvolutions ascendantes et de
la circonvolution pariétale supérieure. La partie postérieure du
sillon interpariétal de l'hémisphère droit fait saillie en dehors,
tandis que la pariétale supérieure est un peu augmentée de
volume. Au niveau delà partie postérieure de l'avant-coin, existe,
tout près du sillon pariéto-occipital, une tuméfaction brillante,
d'un bleu-gris, kystique, fluctuante, du volume d'un oeuf de
poule ; dans la même cavité, creusée aux dépens du cerveau, un
second kyste gros comme une noix. La cavité occupe la substance
blanche de la région pariétale ; par son extrémité postérieure
elle touche au coin, elle gagne en haut l'écorce de la pariétale
supérieure, en bas, elle est séparée du ventricule latéral par une
bande de substance blanche, qui possède une épaisseur, de
2 à 3 millimètres et plus, vers la corne postérieure du ventricule, et
se confond avec les fibres du corps calleux. En avant, la cavité va
jusqu'à la pariétale ascendante. Figures. P. KERAVAL.
XXX. Etude clinique des symptômes oculaires dans la sclérose
postérieure de la moelle [tabès); par Charles A. Olivier. (The
Amel'ican Journal of the Médical Sciences, juillet 1900.)
L'auteur, pendant une période de cinq années, a examiné systé-
matiquement tous les tabétiques qui se sont présentés dans les
deux hôpitaux auxquels il est attaché. L'examen systématique des
yeux a porté sur cent malades. ,
Au point de vue ophtalmologique, on peut adopter la subdivi-
sion du tabes en « forme spinale » et « forme cérébrale » ou
« forme optique». Dans la « forme optique » du tabes, on voit
apparaitre, au début, sans symptômes généraux marqués et
même sans modifications pupillaires dans la majorité des cas,
des paresthésies visuelles, et un rétrécissement du champ visuel
léger pour le blanc, nettement marqué pour les couleurs. Il s'y
joint des mouvements spasmodiques des muscles extrinsèques du
globe oculaire.
A cette période, dans la majorité des cas, la pupille est un peu
tuméfiée, les bords du disque légèrement brumeux ; les artères
rétiniennes, particulièrement dans les formes syphilitiques de
l'affection, montrent des lésions périvasculaires; les veines réti-
300 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
niennes sont plus ou moins tortueuses ; on perçoit de légers
troubles dans la choroïde.
Au bout d'un temps plus ou moins long, ces symptômes d'irri-
tation et d'inflammation sont suivis par des signes de dégénéra-
tion. On Voit alors survenir une période d'amélioration apparente
des symptômes objectifs et subjectifs. Elle dure un temps variable en
rapport avec le degré de la maladie, l'hygiène et la thérapeutique.
Puis l'atrophie s'empare graduellement du nerf optique. La
pupille prend une teinte gris verdàtre nettement marquée, parti-
culièrement dans la moitié temporale. La circulation capillaire
générale s'atténue, les bords de la papille redeviennent visibles,
sa surface se déprime légèrement et presque également dans toute
son étendue, la lame criblée apparaît quelquefois; les tissus
rétiniens et choroïdiens au voisinage des bords semblent un peu
épaissis et dégénérés. S'il y a eu périvascularité, les parois des
vaisseaux lymphathiques restent épaissis et opaques, et les
lumières vasculaires sont fréquemment rétrécies. S'il n'y a pas eu
de lésions périvasculaires, les vaisseaux sanguins, plus particu-
lièrement les artériels, deviennent étroits et présentent une colo-
ration qui contraste peu avec les tissus voisins.
La vision pour la forme et la couleur, après la période d'amé-
lioration dont nous avons parlé, diminuent graduellement jusqu'à
ce que, finalement, toute perception lumineuse ait disparu. Le
champ visuel qui s'était momentanément agrandi et amélioré, se
rétrécit de nouveau en général très régulièrement, sans scotomes,
jusqu'à ce que toutes les portions conservées aient disparu, secteur
par secteur, pour aboutir à la cécité absolue.
Durand cette période, la période préataxique, comme on l'ap-
pelle improprement, ou même plus tôt, quelques-uns des symptômes
pupillaires, ciliaires et musculaires font leur apparition. Absence
temporaire et permanente de la réaction irienne à la lumière;
pupilles ovales, ovoïdes, non rétrécies; inaptitude commençante à
maintenir la fixation latérale monoculaire ou binoculaire, avec
tremblement dans les mouvements palpébraux ; parésie légère de
la convergence; diplopies parétiques variées.
Plus tard, mais à une époque très variable, quelquefois même
en l'absence 'des grandes manifestations habituelles du tabes, les
deux yeux deviennent complètement aveugles. Parmi les meil-
leurs guides qui puissent être donnés au clinicien pour établir le
diagnostic de l'affection, il faut signaler : le regard vague, sans
but, la pupille contractée, l'absence du réflexe lumineux, les
mouvements de l'iris qui deviennent de plus en plus incertains
dans les efforts d'accommodation et de convergence, les parésies
des muscles extraoculaires, la diminution de la fente palpébrale,
quelquefois même l'épiphora, les tressaillements fibrillaires des
muscles orbiculaires lorsqu'ils entrent en action.
t
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 301
La « forme spinale » se voit moins souvent dans les cliniques
ophtalmologiques, plus souvent dans les cliniques de maladies
nerveuses. Pendant une longue période, en dépit de lésions
objectives très nettes de la papille, la vision est bonne ou même
normale dans une bonne étendue du champ visuel; celui-ci est en
général nettement rétréci; le champ visuel pour les couleurs dans
la grande majorité des cas, est irrégulier et légèrement dentelé
dans sa forme. Pupilles myoliques, souvent punctiformes; réaction
à la lumière absente par intermittence, jusqu'à ce que, finalement,
l'iris devienne absolument immobile sous l'action lumineuse la
plus intense. Ataxies précoces variées en rapport avec les sixième,
troisième, quatrième, cinquième et septième paires nerveuses,
tout à fait irrégulières en caractère (asthénopie la plus légère,
à peine marquée de l'accommodation) très variables en intensité,
instables et changeantes. Elles semblent quelquefois prendre une
place importante dans le tableau clinique de la maladie, tandis
que les manifestations moins importantes du fond de l'oeil, comme
une décoloration gris verdâtre du disque optique, des dépressions
peu profondes mais larges de la papille, s'étendant en profondeur
jusqu'à la lamina cribrosa (qui est souvent visible), une diminu-
tion de la circulation rétinienne sans périvascularité ou hémor-
ragie rétinienne, représentent les modifications ophtalmosco-
piques les plus accentuées. POUL,RD.
XXXI. Un cinquième cas de paralysie familiale périodique ; par
Léo M. Crafts. (The American Journal of the médical Sciences,
juin 1900.)
L'auteur rapporte un cas de paralysie familiale périodique, qui
joint aux observations semblables déjà publiées, font de cette
affection une entité morbide distincte. La périodicité des attaques,
la paralysie motrice flaccide, la perte des réflexes, les modifica-
tions électriques bien marquées, l'absence complète de troubles
sensitifs,et la santé parfaite dans l'intervalle des attaques rendent
très caractérisque le tableau clinique.
L'examen d'une parcelle de muscle, prise à la partie interne du
gastrocnémien droit montre une augmentation évidente du tissu
libreux avec une hypertrophie modérée et un état vacuolaire des
fibres musculaires. L'examen du sang, des urines et des matières
fécales a été fait au moment et dans l'intervalle des accès. La
toxicité fut expérimentée sur des animaux, et les résultats furent
intéressants en ce qui concerne les matières fécales. Celles-ci, après
avoir été soumises aux méthodes ordinaires d'isolement (l3rieger,
Stas Otto et Dragendorff), furent traitées par l'éther et aban-
données à l'évaporation spontanée. On obtient une substance
huileuse qui, injectée (à la dose de un gramme) à des lapins et
302 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
des cobayes, amena chez ces animaux une paralysie, qui disparut
graduellement en quarante-huit heures. Cette constatation plaide
fortement en faveur de l'origine toxique de cette paralysie pério-
dique. P.
XXXII. Un cas de paralysie de Brown-Séquard ; par Richard-F.
WooDS. (The Ane·ic : cta Journal of the médical Sciences, juillet
1900.)
Ce cas de paralysie de Brown-Séquard eut pour cause un coup de
couteau porté dans la nuque sur la ligne médiane entre la 5e et 6"
vertèbres cervicales.
Le malade fut examiné un an après le traumatisme ; les princi-
paux symptômes étaient : 1° perte de la motilité dans le bras et la
jambe du côté correspondant à la lésion; 2° anesthésie pour toutes
les sensibilités dans le membre inférieur du côté opposé à la lésion.
Dans le membre supérieur du côté opposé à la lésion, il y a bien
perte de la sensibilité tactile ; 3° hyperesthésie au toucher et à
toutes impressions douloureuses du même côté que la lésion ;
4° Sens musculaire diminué du côté paralysé, normal de l'autre
côté; 5° Réflexes profonds exagérés du côté paralysé. Trépidation
épilepsoïde; la zone étroite d'anesthésie qui se voit au-dessus de
la zone hyperesthésiée n'existait pas chez ce sujet. P.
XXXIII. Valeur des symptômes optiques et auditifs dans les
tumeurs du cerveau; par William H. WILDER. (Journal of nervous
and Mental Desease, août 1900.)
La névrité optique vient par rang d'importance symptomatique
immédiatement après la céphalée. Sa fréquence est très grande
(104 fois sur 140 cas, environ 75 p. 100 des cas). La névrite a
peu de valeur comme signe de localisation des lésions. Un autre
symptôme oculaire important, bien qu'il soit moins fréquent que
le précédent, c'est une cécité temporaire périodique,, survenant
dans premières périodes de la maladie.Ces attaques de cécité sont
secondaires, et durent de quelques secondes à une demi-minute
ou plus longtemps.
L'hémianopsie est un symptôme important pour la localisation
de la tumeur. Il en est de même de la cécité pour les couleurs,
pour les mots écrits, etc... quand ses symptômes existent. Les
symptômes auditifs portent sur le labyrinthe et sur le nerf audi-
tif, et consistent en bruits subjectifs et une surdité à divers degrés.
Il faut préalablement avoir soin d'exclure les affections de l'oreille
moyenne. P.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 303
XXXIV. Un cas d'aphonie hysthérique dans un grand mal épilep-
tique ; par Pierce CLAHK. (Journal of Nenuous and Mental Desease,
octobre 1900.)
La perte du langage survenait tantôt après une sérieuse attaque
du grand mal épileptique, d'autres fois après une attaque de petit
mal, quelquefois indépendamment de toute attaque convulsive.
Dans ce dernier cas, une forte suggestion suffisait pour rétablir,
en quelques minutes, la faculté du langage, et une nouvelle
suggestion pouvait ramener l'aphonie. La parole est revenue
après toutes les manifestations variées de l'épilepsie, de telle
sorte qu'on ne peut conserver la dénomination d'aphasie post-
convulsive.
En présence de l'aphonie au cours de l'épilepsie, il faut
rechercher les stigmates hystériques, essayer une forte suggestion
et même l'hypnose. Il n'est pas douteux que beaucoup de cas
d'aphonie mis jusqu'ici sur le compte de l'épuisement ou de
l'inhibition doivent être en réalité de l'aphonie hystérique. P.
XXXV. Syphilis du cerveau; par J.-T. Esmtdge. (The New York
Médical Journal, 14 juillet 1900.)
La syphilis cérébrale est héréditaire ou acquise, et sous cette
dernière forme elle est environ trois fois plus fréquente chez
l'homme que chez la femme : les symptômes de la syphilis héritée
se manifestent avant ou de suite après la naissance, ou encore
dans les premières années de la vie extra-utérine, ou enfin, mais
exceptionnellement, jusque vers la douzième ou la treizième année.
Quant à la syphilis acquise, elle parait atteindre le cerveau dans
environ 1 ou 1,5 p. 100 des cas (la démence paralytique et le tabes
exclus). Les symptômes cérébraux d'origine syphilitique apparais-
sent dans 12 p. 100 du cas, suivant Hjelmann, et dans 21 p. 100
des cas, suivant Fournier, de syphilis tertiaire.
Combien de temps après la lésion ininiale voit-on apparaître
les symptômes cérébraux ? le délai est variable : les altérations et
dégénérescences des vaisseaux se montrent ordinairement après
cinq à douze ans; les gommes sont plus précoces : mais il y a des
syphilis cérébrales hâtives (de un à quelques mois après l'infection)
et d'autres tardives (trente à quarante ans après le chancre). D'autre
part, si longue que soit la période écoulée depuis l'infection, on
ne peut jamais déclarer le malade à l'abri de la syphilis cérébrale.
Il est à peu près admis que toutes les causes qui modifient le fonc-
tionnement normal du cerveau contribuent à faire éclater des
lésions cérébrales jusque-là latentes.
Les effets directs de la syphilis sur le cerveau, les lésions spéci-
fiques, amendables par le traitement sont peu nombreuses : plus
304 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
fréquentes sont les altérations de dégénérescence d'origine toxé-
mique. Dans le cerveau le type de la lésion spécifique est la
gomme : c'est un produit inflammatoire, déterminé par la syphilis
et diffère des autres produits inflammatoires par un moindre
degré d'organisation et une tendance vers la dégénérescence. il
faut toutefois que la gomme ait un certain âge pour revêtir les
caractères spéciaux, car son premier processus de formation est
inflammatoire, et le second seulement qui est hyperplasique. La
dégénérescence de la gomme peut prendre la forme caséeuse ou
la forme fibreuse. Ces tumeurs siègent de préférence à la base du
cerveau et principalement dans l'espace inter-pédonculaire. On
en trouve cependant assez souvent dansl'écoice, surtout dans celle
de la région motrice, rarement dans l'épaisseur de la substance
cérébrable, plus rarement encore dans le cervelet.
L'auteur s'attache ensuite à décrire les lésions non spécifiques
qui résultent des lésions spécifiques, et à tracer la ligne de démar-
cation qui sépare en deux ordres de lésions. Il étudie ensuite l'état
des vaisseaux dans la syphilis du cerveau : toute cette partie de
son travail consiste surtout en un résumé de la question d'après
les divers auteurs qui l'ont traitée. il aborde ensuite la question
du diagnostic, et insiste sur la valeur que l'on peut attribuera à
la céphalalgie et sur les caractères distinctifs de la céphalalgie
syphilitique. Puis il examine sommairement le diagnostic dillé-
rentiel de la syphilis cérébrale avec les autres affections organiques
intra-craniennes. Enfin le mémoire se termine par des considé-
rations sur le pronostic et le traitement. R. DE I)IUSGRAVE-CL.IY.
XXXVI. Quelques remarques sur les symptômes oculaires dans
l'ataxie locomotrice; par Paul Torner-Vaugiian. (The New York
Médical Journal, 18 août 1900.)
Les recherches de l'auteur ont porté sur 10 malades : dans
40 p. 100 des cas il y avait paralysie des muscles oculaires; dans
GO p. 100 il y avait de l'inégalité pupillaire ; dans 40 p. 100 de la
rigidité réflexe des pupilles ; et dans 50 p. 100 de l'atrophie du
nerf optique.
Dans 6 cas sur 10, on a noté la coexistence de plusieurs lésions
oculaires : dans 2 cas, on a constaté une lacrymation abondante,
et dans 1 cas du nystagmus. Le reste du mémoire est consacré à
peu près exclusivement à un résumé analytique de la littérature
médicale de cette question. R. DE Musgiuve-Clay.
XXXVII. L'hystérie, sa nature et son étiologie ; par Charles-Louis
Ailx. (The New York Médical Journal, 4 août 1900.)
L'hystérie est une maladie sans définition, que l'on classe ordi-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 305
nairement parmi les névroses, alors qu'elle est en réalité une psy-
chose, ou peut-être une psycho-névrose. Bien qu'elle n'ait pas
d'anatomie pathologique, on peut lui assigner une localisation
précise et exclusive, à savoir les couches corticales du cerveau :
l'amblyopie ou amaurose hystérique contribue à le démontrer
puisque le trouble ou la perte de la vision ne sont pas le résultat
d'une lésion matérielle, mais sont des phénomènes mentaux, des
phénomènes de perception mauvaise ou nul, et cette perception
a son siège dans l'écorce occipitale.
De même pour la moelle : dans la paralysie hystérique les cel-
lules motrices individuelles ne sont pas atteintes, car il n'y a pas
d'atrophie consécutive : ce ne sont pas les muscles qui sont affectés,
mais les mouvements d'ensemble, c'est-à-dire les actes : ce sont les
cellules pyramidales de l'écorce motrice qui sont en fautes, et non
les cellules subordonnées de la moelle : la même forme de rai-
sonnement est applicable aux troubles de la sensibilité spéciale ou
générale : la peau sent, l'écorce ne perçoit pas.
L'hystérie est donc un processus psychique.
L'écorce cérébrale étant le siège d'une perturbation, quel est
l'effet produit sur cette écorce ? Cet effet est toujours fonctionnel,et
se rattache à trois types : 1° affaiblissement de l'excitabilité senso-
rielle de l'écorce cérébrale (hypo-esthésie, anesthésie, hypalgésie et
analgésie) ou affaiblissement de la décharge cortico-motrice (pa-
résie, paralysie) ; 2° exagération de l'impulsion entrante (hyper-
algésie et hyperesthésie) ou exagération de l'énergie de la décharge
motrice (spasmes, convulsions; souvent de nature réflexe ; 3° con-
fusion des impulsions entrailles (paresthésie) ou confusion dans la
décharge des cellules corticales (ataxie hystérique et contractures
par distribution imparfaite des impulsions motrices à des groupes
musculaires asynergiques).
Le premier type (affaiblissement de l'excitation corticale physio-
logique) se rencontre chez les sujets sains (l'esprit absorbé par une
chose demeure insensible à une autre) et chez les animaux hiber-
nants. Mais ce n'est pas seulement l'excitabilité sensorielle, c'est
aussi l'excitabilité motrice de l'écorce qui est atteinte, mais c'est
l'excitabilité sensorielle qui disparaît la première.
L'excitabilité de l'écorce peut être très exagérée, et il ne faut pas
voir là de simulation : les hyperesthésies et hyperalgésies, les
spasmes et les convulsions réflexes méritent la même créance que
les anesthésies. Le troisième type est caractérisé par la confusion :
entre la volonté d'agir et les muscles qui doiveut exécuter l'acte, il
exisle par l'intermédiaire des neurones supéiieurs et inférieurs
un rapport parfaitement défini. Entre la peau et ses modifications
sensorielles et les couches corticales, il existe une relation non
moins définie. Très souvent, dans l'hystérie, si souvent que .divers
auteurs ont parla caractérisé l'hystérie dans les définitions qu'ils
Archives, 2' série, t. XII. 20
306 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
en ont données, l'équilibre de ces rapports est rompu et la confu-
sion s'établit. Ces dispositions en deviennent inexactes, car la con-
fusion de rapports que nous venons de signaler, se prête à un élar-
gissement presque illimité de l'objet défini.
On a pu penser un instant que la théorie des neurones allait
éclairer la nature de l'hystérie, mais depuis qu'il a été constaté
qu'on n'observait, chez l'homme du moins, aucune augmentation
de longueur des dendrites, il a fallu reconnaître que la lumière ne
viendrait pas de là, au moins la lumière anatomique. Mais l'au-
teur, partisan résolu de la théorie des neurones et de l'avenir
qu'elle nous ouvre, se demande si la rupture des rapports anato-
miques réciproques des neurones, ou si des déformations de neu-
rones trop délicates pour être reconnues par nos moyens actuels
d'investigation, ne pourraient pas donner lieu à des phénomènes
tels que ceux qui caractérisent l'hystérie, et il apporte quelques
arguments en faveur de cette manière de voir, tout en reconnais-
sant finalement qu'il n'y a là que des conjectures et que la nature
vraie de l'hystérie demeure encore enveloppée dans une obscurité
profonde.
La première remarque de l'auteur à propos du diagnostic, c'est
que l'hystérie, comme l'a fort bien dit Leube, ne s'apprend pas
dans les livres, mais en voyant des hystériques et en envoyant beau-
coup. Il indique la manière d'examiner les malades et les princi-
paux symptômes à rechercher, en faisant remarquer que ce qui
domine les manifestations hystériques, c'est leur multiplicité et
leur variabilité : bien que la maladie, d'ailleurs très variable dans
son intensité, soit parfois presque mono-symptomatique, c'est d'or-
dinaire sur l'ensemble des symptômes, et non sur un seul qu'il
convient d'établir le diagnostic. Les causes de l'hystérie sont en
prédisposantes ou déterminantes.
Parmi les causes prédisposantes, l'hérédité joue un rôle prédo-
minant, que Charcot va jusqu'à déclarer exclusif. La race a aussi
son importance : les races latines, les Slaves, les Juifs et surtout
les Juifs russes y seraient plus exposés que les autres peuples. Il y
a des âges de prédilection pour l'hystérie ; il n'y en a pas qui soit
indemne. On sait que l'hystérie est plus fréquente chez les fem-
mes, mais on sait aussi maintenant que le sexe masculin n'en est
point exempt et fournit même un contingent assez fort. Les ma-
ladies constitutionnelles prolongées et épuisantes sont des causes
prédisposantes, mais l'auteur est d'avis qu'on a exagéré le rôle
provocateur des lésions de l'appareil génital et qu'elles n'exercent
aucune action spéciale différente de celle des autres maladies. Les
erreurs d'éducation. de discipline familiale constituent des causes
prédisposantes très importantes.
Les causes déterminantes se réduisent à un petit nombre : ce sont
les traumatismes psychiques, .les traumatismes physiques, la sug-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 307
gestion (ou l'auto-suggestion) et accessoirement l'imitation, et
enfin, certaines toxémies, dont l'action hystérogène toutefois n'est
pas nettement démontrée.
L'auteur conclut dans les termes suivants : « Si nous récapi-
tulons mentalement les causes déterminantes (traumatisme phy-
sique, traumatisme psychique, toxémie) il est évident que ce sont
là simplement des modes d'action spéciaux de la seule grande
cause déterminante, la suggestion. Dans le cas de traumatisme
psychique, c'est en dernière analyse, la suggestibilité du malade
qui fait éclater l'hystérie; dans le traumatisme physique l'élément
de suggestion est si net qu'il n'a besoin d'aucune démonstration ;
dans les états toxémiques la suggestion a toutes les raisons pos-
sibles d'entrer enjeu. Et c'est ainsi que, ramenées à leur dernier
terme, toutes les causes déterminantes se résument en un mot :
suggestion. » R. DE filUSGRAVE-CLH.
XXXVIII. L'hystérie et la neurasthénie chez les jeunes sujets;
par Charles-L. de iIIERRTTT. (The New York Médical Journal,
16 juin 1900.) -
L'auteur estime que beaucoup de défauts de caractère des enfants
ne reçoivent pas du médecin une attention suffisante, qu'ils sont
assez souvent des signes de névrose, et que beaucoup de cas d'hys-
térie ou de neurasthésie chez les adultes ont eu dans l'enfance un
début insidieux. Dans bien des cas aussi, l'hérédité joue un rôle,
direct ou indirect, et par rôle indirect, l'auteur entend désigner
cette irritabilité qui s'éveille trop souvent chez les enfants, par con-
tagion imitative, au spectacle de l'irritabilité et de la nervosité des
parents. Le surmenage scolaire, si souvent invoqué, n'est pas nié
par l'auteur, mais il pense qu'on ne doit lui accorder qu'un rôle
faible et surtout rare. Le manque d'air et d'exercice est un
facteur bien plus puissant dans la création de ces états névro-
pathiques.
Les symptômes sont nombreux : parmi les principaux, on peut
citer : les terreurs nocturnes, l'insomnie, l'irritabilité excessive, la
tendance à mentir et à tromper sans motif intéressé, « pour
l'amour de l'art », la masturbation (qu'on a tort de traiter comme
une névrose primitive, alors qu'elle est le plus souvent le signe
d'un trouble nerveux profond), les crises de larmes ou de colère
sans motif suffisant, ou même absolument sans motif, la simula-
tion d'un état de maladie, la recherche excessive de la sympathie
des autres, et bien d'autres phénomènes qui se rencontrent égale-
ment dans les états névropathiques des adultes. Quant au trai-
tement, on s'apercevra assez souvent qu'il n'est ni moins utile, ni
moins pressé de traiter les parents que les enfants, et s'ils sont
névropathes, irritables, hypocondriaques, il convient tout d'abord
308 . REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
de leur expliquer que leurs propres défauts réagissent sur leurs
enfants : on obtient quelquefois par cette méthode une double gué-
rison. Les médicaments ne jouent ici qu'un rôle secondaire, cepen-
dant les toniques et les agents hématogènes sont naturellement
indiqués. Si l'enfant est dans une école, on a coutume de lui
faire abandonner tout travail ; le plus souvent, c'est une faute, el
il ne faut conseiller cet abandon du' travail et surtout de la vie el
du milieu scolaires que dans les cas vraiment sérieux.
R. DE \lUSGR : 1'E-CL : 11'.
XXXIX. Relation d'un cas de tumeur du cervelet avec écoulement
- de liquide par le nez; par G.-W. Mac CASKi;Y. (The New York
Médical Record, 31 mars 1900.)
Jeune fille de v ingt-deux ans, faisant remonter sa maladie à une
attaque de grippe, survenue il y a quatre ans, à laquelle survient
une céphalalgie intense et rebelle : plus lard, tintements d'oreille,
puis anesthésie partielle et paresthésie de la zone innervée par le
trijumeau : puis affaiblissement des muscles masticateurs à
gauche, parésie de la langue, déviée à gauche, régurgitation des
liquides par le nez, paralysie partielle du côté gauche de la face.'
et tic douloureux à gauche. Plus tard encore douleur localisée il
la tempe gauche. Puis troubles de la \ue (diminution processive
- à gauche du champ visuel de bas en haut). On trouve une névrite
optique double, plus-accusée à gauche. Quand l'auteur l'examine,
il n'existe aucune perception de la lumière. Six semaines aupara-
vant, diminution de l'ouïe à gauche, aboutissant promptement à
la surdité totale. Abolition à gauche du sens du goût. Réflexe du
genou actif des deux côtés. Pas de signe de Romberg. Dynamo-
mètre : U. 3^, G. 27. Presque pas de vomissements. Etat mental
parfait. On porte le diagnostic de tumeur de la base du cerveau,
siégeant à gauche dans la protubérance ou sou voisinage, et inac-
cessible à toute intervention chirurgicale.
Environ deux mois avant la mort. il commence à s'écouler de
la narine droite un liquide séreux, dont la quantité atteint plu-
sieurs onces par jour : une heure après le début de cet écoulement,
l'oreille dioite recouvre l'audition (un peu imparfaite, il est vrai)
et la conserve jusqu'à la mort. Le flux avait été assez abondant
pour presque suffoquer la malade. Mort par convulsions cloniques
et coma en janvier 1899 (trois ans après que l'auteur a vu la
malade pour la première fois).
A l'autopsie, on constate que la tumeur part du bord antérieur
du lobe gauche du cervelet, qu'elle comprime fortement la protu-
bérance et la moelle, qu'elle a d'ailleurs sensiblement déplacées.
Sa consistance est plus ferme que celle du tissu cérébral, et autour
d'elle s'est collectée environ une once de liquide cérébro-spinal
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 309
limpide. Au point de vue de sa nature, c'était un angiome mixte,
peut-être avec début de dégénérescence sarcomateuse.
L'écoulement du liquide cérébro-spinal à travers la lame criblée
de l'ethmoïde, par la narine droite, est un fait intéressant. Il est
remarquable en effet qu'un ne; dont les fonctions ont été pendant
plusieurs mois complètement abolies par le fait d'une compression,
puisse récupérer ces fonctions instantanément d'une manière
presque complète. Ce fait nous montre aussi la possibilité de
recourir à la ponction lombaire comme méthode palliative, s'il
nous était possible de diagnostiquer avec précision l'existence
d'une excessive accumulation de liquide céphalo-rachidien.
R. de Musgrave-Clay.
XL. Le diagnostic de l'hystérie ; par Charles-W. l3ul\l\. (The New
York Médical Journal, 28 avril 1900.)
On a eu raison de dire que quand on sait la syphilis et l'hystérie,
on sait toute la médecine, car la syphilis détermine des lésions, et
l'hystérie des symptômes, dans tous les organes. L'auteur se
demande d'abord ce qu'il faut entendre par hystérie : cela on ne le
saura que quand on saura toute la psychologie, toute l'histoire des
relations de la matière et de l'esprit : jusque-là, il faut se con-
tenter, - si peu satisfaisante qu'elle soit, - de la définition de
Mobius : « L'hystérie est un état dans lequel les idées commandent
au corps et déterminent dans ses fonctions des modifications
pathologiques. » Le diagnostic de l'hystérie se fait, comme la plu-
part des diagnostics, d'abord par la constatation des symptômes,
puis par exclusion ; et les données négatives n'ont pas ici moins
de valeur que les positives. Les symptômes vraiment propres à
l'hystérie ne sont pas nombreux, ce qui peut avoir une vraie valeur
symptomatique. C'est leur mode d'apparition et leur groupement :
par exemple, la contracture n'apparaît ni brusquement, ni au
début, dans une paraplégie organique, ce qui peut parfaitement
arriver dans l'hystérie. On se trouve souvent en présence, chez les
hystériques, d'associations de symptômes qui ne se rencontrent
dans aucune lésion localisée des centres nerveux, et c'est cette dis-
cordance symptomatique qui devient caractéristique. Quelquefois
pourtant la nalure même d'un symptôme isolé peut attester son
origine hystérique : c'est souvent le cas pour ces anesthésies à
géographie bizarre, qui violent toutes les règles de localisation
cérébrale, spinale ou 'périphérique. Ajoutons que ces anesthésies
diffèrent des anesthésies organiques en ce qu'elles sont tort sou-
vent ignorées de la malade et découvertes seulement par le mé-
decin qui les recherche. Mais bien que ces anesthésies soient fré-
quentes, elles peuvent manquer. Il n'y a pas de symptôme constant
dans l'hystérie, et l'on n'est jamais fondé à la nier sur l'absence
310 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
\
de tel ou tel phénomène : le diagnostic ne peut se faire qne par
l'étude de tous les symptômes. Au lieu d'anesthésie on trouve
souvent de l'hyperesthésie, des zones hystérogènes dont la com-
pression arrête une crise, et possédant des lieux d'élection, ce qui
prouve qu'elles obéissent à des lois et ne sont si accidentelles ni
simulées. Une des. formes les plus intéressantes de l'hyperalgie
hystérique est-celle qui simule les inflammations articulaires
(coxalgie hystérique) en épargnant toutefois presque toujours les
petites articulations.
Quant au diagnostic de la crise hystérique, il peut être fort aisé
ou très difficile : de plus l'hystérie n'est pas toujours simple et se
complique assez souvent d'épilepsie. L'auteur ici fait une remarque
intéressante, c'est que la race peut influer sur la modalité de
l'accès, et que, par exemple, à Philadelphie, il est rare de rencon-
trer des cas présentant les quatre périodes décrites par les auteurs
français et fréquent au contraire d'observer des formes abortives.
La paralysie, sans indication de nature, n'a aucune valeur dia-
gnostique. Il y a pourtant une forme de paralysie fiasque qui ne
se rencontre que dans l'hystérie : c'est celle dans laquelle, malgré
l'abolition complète des mouvements volontaires, le malade peut
néanmoins maintenir le membre paralysé dans n'importe quelle
position où il a été passivement placé.
En somme, quand l'hystérie existe seule, son diagnostic est rela-
tivement facile; malheureusement elle est souvent accompagnée
de lésions organiques ou même provoquée par ces lésions, et le
problème du diagnostic peut alors devenir singulièrement com-
pliqué. IL de Musgrave-Clay.
XLI. La question de la neurasthénie à la Société de thérapeu-
tique. (Bulletin Médical, avril IU01).
Les principaux points mis en lumière ont été : Impossibilité de
soigner les neurasthéniques par suggestion, nécessité de les
traiter en malades atteints d'hypovttalité nerveuse et non comme
des vésaniques; indications fournies par l'urologie au point de
vue de l'alimentation et utilité de la médication phosphatique.
M. Il.
L11. La nature de la neurasthénie, par M. Ladova. (Clcicpo
Médical recorder, septembre 1900.)
L'auteur croit que dans la neurasthénie il y aurait d'abord épui-
sement nerveux par fatigue amenant secondairement un défaut de
nutrition de la cellule nerveuse par pénétration de substances
toxiques entravant l'action centripète. il. II.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. c ? ll'1
XLIII. Troubles nerveux intermittents d'origine palustre ;
par Broquit. (Revue le Médecine, mai 1901.)
Observation prise à l'hôpital militaire de Marseille d'un malade
atteint de paralysie intermitlente des sphincters anal et vésical
survenant après des poussées fébriles dues au paludisme, les
poussées étaient également accompagnées de parésie transitoire.
L'ensemble a'bien cédé à la quinine. M. Il.
XLIV. Polynévrite palustre ; par BorwT. (Revue de Médecine,
- mai 1901.)
Un cas de polynévrite dû au paludisme. Le début par douleurs
sourdes puis aiguës, suivies de parésie et d'atrophie des membres
avec présence de zônes d'anesthésie ont été les symptômes les plus
notables. M. liauEL.
XLV. La névrose d'angoisse : par HAMEMBERG. (Revue de Médecine,
juin 1901.)
Frend a décrit déjà sous ce nom un syndrome qu'il sépare fran-
chement de la neurasthénie et qui présente comme symptômes
caractéristiques, une irritabilité générale avec attente anxieuse
entrecoupée de crises aiguës d'angoisse souvent précédées d'accès
paresthésique, ou bien de crises rudimentaires : crises cardiaque,
respiratoire, vertige, etc....
Cet état d'augoisse est le plus souvent concomitant de phobies
et d'obsessions diverses.
D'après Frend cette affection serait le plus souvent liée il des
habitudes anormales ou il des pratiques irrégulières dans la vie
sexuelle.
L'excitation sexuelle qui n'aboutit pas il l'orgasme, le coït
réservé ou interrompu ont souvent été suivis aussi bien chez
l'homme que chez la femme d'un état syndromique d'angoisse.
La pathogénie doit en être recherchée dans une dérivation sur les
centres nerveux de l'excitation sexuelle non satisfaite.
L'auteur qui en rapporte une observation détaillée, se range à
l'opinion de Frend quant l'indépendance clinique de cette forme
de névrose mais fait des réserves au point de vue de l'origine
sexuelle. M. Hamel.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
XI' CONGRES DES ALIÉNISTES ET N E U Il 0 LOG l S T ES
DE rti : 1\Cli'ET DES PAYS DE LANGUE FRANÇAISE
Session de Limoges (suite 1).
Séance du 2 août (soir) à Saint-Pricsl- Taurion (suite).
Paralysie générale juvénile.
Voici le texte complet des remarques présentées par M. le
D'' Régis sur la communication de M. le Dr DEVAY.
M. Régis. Les faits que nous apporte M. Devay viennent aug-
menter le nombre progressivement croissant des cas de paralysie
générale juvénile qui, aujourd'hui, s'élèvent en effet à 100 au moins,
dontplus de la moitié avec autopsie conlirmative.
Je signale à ce propos que, quelques jours après la publication
de ma dernière observation dans les Archives de neurologie, le
malade est mort après une série d'attaques épileptiformes et que
les lésions macroscopiques de l'autopsie, pratiquée par M. Lalanne,
ont démontré jusqu'à l'évidence, en attendant les preuves micro-
graphiques, qu'il s'agissait bien réellement. de paralysie générale.
Dans les cas de M. Devay, la syphilis héréditaire se retrouve,
comme cela a lieu presque toujours. J'ai trop insisté sur ce point
pour y revenir encore. Mais je relève aussi dans ces cas l'existence
de la tuberculose, ce qui m'amène à dire que la tuberculose existe
avec une fréquence relativement grande, soit chez les paralytiques
généraux adolescents, soit dans leur famille. Parfois même, les
deux infections, syphilitique et tuberculeuse, s'y trouvent asso-
ciées. Ce point mérite d'être signalé et examiné de plus près.
En ce qui concerne l'âge de la paralysie générale juvénile, je
crois qu'il importe de bien s'entendre suri ses limites. Cela est
d'autant plus nécessaire que la paralysie générale juvénile, avec sa
symptomatologie et son étiologie habituellement hérédo-syphili-
4 Voir Archives de Neurologie, n° G9, 1901, t. XII, p. 233.
SOCIÉTÉS SAVANTES.. 313
tique, aujourd'hui bien établies, n'appartient à la même série de
faits que la paralysie générale survenant entre vingt-cinq et trente
ans. Pour ma part, je serais disposé à admettre une paralysie
générale juvénile, débutant entre douze et vingt ans ; une paraly-
sie générale précoce, entre vingt et trente ans, enfin et si l'existence
vient à en être réellement démontrée, une paralysie générale
infantile. , ,
De la dégénérescence dans les vieilles localités.
1 11. B. PAILIIAS (d'Albi). Les vieilles localités, tout comme les
vieilles races et les anciennes familles, ont-elles leur dégénéres-
cence ? Une étude minutieuse de la répartition, par lieux d'origine,
de nos aliénés natifs du Tarn et admis à l'asile d'Albi, depuis 184a,
m'a permis, je crois, de répondre affirmativement à cette ques-
tion. En effet, il m'a semblé que, dans un bon nombre de localités
jusqu'ici isolées par le fait d'insuffisants moyens de communica-
tion, autrefois pour des raisons d'ordre surtout stratégique, les
tares dégénératives s'affirmaient d'une façon particulièrement mar-
quée, surtout en ce' qui concerne la forme mentale. Dans une
excellente monographie du Tarn, le docteur Maurice l3astié, de
traulhet, signale qu'il y a moins de cent ans, vu l'absence presque
complète de routes dans ce département et les difficultés de com-
munication, surtout dans la partie montagneuse, les habitants des
communes émigraient peu et se mariaient entre eux, dans leur
localité. D'où il suit que l'hérédité consanguine, ainsi favorisée
dans ces centres de population stagnante, a dû progresser dans
un sens d'autant plus morbide que l'accumulation des siècles lui
permettait de fixer plus profondément l'influence des diverses
causes locales de la dégénérescence. Dès lors, seront le plus tarées
celles des anciennes localités qui auront le plus souffert des condi-
tions fâcheuses des temps passés, des privations, des luttes, de
toutes les défectuosités hygiéniques et morales d'une aggloméra-
tion compacte ou même resserrée dans les limites'étroites d'une
enceinte fortifiée. Tel semble avoir été entre autres, le cas du
petit village d'Ambialet, jadis place forte considérable et première
résidence des vicomtes d'Albi, refuge au moyen âge des principales
familles de la contrée qui vinrent y chercher un asile durant les
guerres du pays albigeois. '
Le nombre d'aliénés originaires d'Ambialet rapporté à celui
de la population actuelle de celte commune donne une proportion
de 1,23 p. 100 que n'atteignent pas nos villes principales : Castres,
0,60 ; Albi, 0,97 ; Gaillac, 0,68 ; Lavaur, 0,-il.
Comme contre-épreuve de l'aptitude dégénérative de cette loca-
lité, je signalerai le fait remarquable et logique de la coexistence
dans la commune d'Ambialet d'un nombre relativement impor-
314 SOCIÉTÉS SAVANTES.
tant de sourds-muets. C'est ainsi qu'une statistique officielle de
183G relative à la surdi-mutité relevait 5 sourds-muets à Ambia-
let, alors qu'Albi n'en présentait que 2, Castres, 1, Villefranche, 3. 3.
La proportion élevée du chiffre des aliénés d'Ambialet ne saurait
donc être considérée comme un fait de hasard, pas plus que celle
d'autres localités tarnaises qui, comme Lautrec (1,12), Montfa
(1,10), Cordes (1,88), ont autrefois constitué d'importantes places
fortes.
Je n'insisterai pas sur cet aspect éliologique de la folie. En
1899, j'ai cru devoir le mettre en lumière à propos d'une étude
d'ensemble sur la folie dans le département du Tarn. Peut-être ne
trouverez-vous pas inutile qu'il en ait été dit un mot à l'occasion
de ce Congrès.
Nous avons toujours encouragé les médecins qui faisaient
de telles publications qui ont une tendance cependant à se
multiplier. Aussi est-ce avec plaisir que nous avons entendu
le Président relever l'intérêt de la communication de
M. Pailhas et lui adresser de vives félicitations.
. Un cas de paralysie générale à début anormal ;
par M. le D'' Pailhas (d'Albi).
Séance du samedi 3 août (matin). Présidence de M. G. Ballet.
Physiologie et pathologie du tonus musculaire des réflexes et de la
contracture. \I. CROCQ (de Bruxelles), rapporteur.
Tonus musculaire. Après avoir donné un aperçu historique de
la question, l'orateur expose et critique les nombreuses théories
éditiées dans le but d'expliquer le mécanisme 'du lonus muscn-
laire. Pour résoudre cette question, il établit les faits suivants :
1° la section des racines postérieures donne lieu à l'abolition du
tonus musculaire ; 2° la section de la moelle, à la région cervicale,
chez la grenouille, ne diminue pas le tonus musculaire ; 3° la sec-
tion ou la ligature de la moelle cervicale ou dorsale supérieure,
chez le chien et chez le lapin, diminue le tonus des muscles volontai-
res et exagère le tonus des sphincters ; 4° la section ou la ligature
de la moelle cervicale on dorsale supérieure, chez le singe, diminue
considérablement le tonus des muscles volontaires et exagère le to-
nus des phincters; Reliez l'homme,les lésions transversales complètes
de la moelle, à la région cervicale ou dorsale supérieure, provoquent
l'abolition permanente et complète du tonus 'des muscles volon-
taires, et l'exagération de la tonicité sphinctérienne; 61 les lésions
destructives des lobes cérébraux donnent des résultats différents
suivant les animaux sur lesquels on opère. De l'examen attentif de
SOCIÉTÉS SAVANTES -. 315
ces faits, le rapporteur conclut que : 10 chez la grenouille, la toni-
cité musculaire, tant volontaire que sphinctérienne, est réduite à
l'arc réflexe élémentaire (Tr. 1) ; 2° chez le lapin et chez le chien,
le tonus des muscles volontaires se fait presque exclusive-
ment par les voies longues; le centre de ce tonus peut être loca-
lisé dans le mésocéphale ({if]. 2) ; le tonus sphinctérien se pro-
duira, au contraire, par les voies courtes, mais il est régularisé
par une influence corticale; 3° chez le singe, l'importance des voies
longues est plus grande encore ; le centre du tonus volontaire
peut être placé à la fois dans les ganglions basilaires et dans
l'écorce cérébrale. Le tonus sphinctérien se maintient comme
chez le chien (fig. 3) 4° chez l'homme, les voies longues sont
seules chargées de transmettre les courants toniques des muscles
volontaires ; le centre de ce tonus est exclusivement cortical
(fig. 4). Le tonus sphinctérien se produit encore par les voies
courtes, mais l'influence corticale est plus marquée que chez les
animaux; 5° chez le nouveau-ne, le faisceau pyramidal n'existe
pas fonctionnellement; le tonus musculaire se produit, comme chez
les vertébrés inférieurs, par les voies courtes.
Les lois suivantes permettent de comprendre les modifications
pathologiques du tonus : 1° l'excitation d'un muscle volontaire
produit ['inhibition de son antagoniste ; 2° l'inhibition du tonus
d'un muscle volontaire provoque Vhypertonie de son antagoniste;
3° la destruction complète des neurones moteurs centraux ou péri-
phériques ou de leurs prolongements cylindroïdes, provoque
l'utonie des muscles correspondants; 4° leur destruction partielle
316 SOCIÉTÉS SAVANTES.
provoque l'hypotonie; 5° les altérations péricellulaires et péricylin-
ctroïdes des neurones moteurs centraux et périphériques produi-
sent, lorsque le fonctionnement du neurone est gêné, un éréthisme
Ft ? 2.
1
SOCIÉTÉS PAVANTES. ' 317
fonctionnel qui donne lieu à une exagération du tonus musculaire.
Ces lois servent de base à la compréhension des modificat'ons
du tonus musculaire dans les différentes maladies que l'auteur
Fif ! . 3.
318 / SOCIÉTÉS SAVANTES.
passe en revue : myopathies, polynévrites, poliomyélites, tabes,
hémiplégie organique, maladie de Freidreich, hérédo-ataxie céré-
belleuse, tabes dorsal spasllloclili ue, sclérose latérale amyotro-
Fiy. 4.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 319 9
phique, scléroses combinées, compressions médullaires, sclérose
en plaques, états paréto-spasmodiques infantiles, nécroses, para-
lysie générale, infections et intoxications.
IL Réflexes : Après avoir développé les nombreuses théories for-
mulées par ses prédécesseurs, le rapporteur démontre les faits
suivants : 1° La section des racines postérieures provoque l'abo-
lition de tous les réflexes ; 2° la section de la moelle cervicale,
chez la grenouille, donne lieu a l'exagération des réflexes sous-
jacents à la lésion (ftg. 5); 3e la section ou la ligature de la moelle
cervicale ou dorsale supérieure, chez le lapin et chez le chien, donne
lieu à l'exagération immédiate des réflexes tendineux et à l'aboli-
tion temporaire des réflexes cutanés (lig. G); 4° la section ou la
ligature de la moelle cervicale ou dorsale supérieure, chez le singe,
donne lieu à une abolition plus ou moins prolongée des réflexes
tendineux et cutanés (fi : ]. 7); 5° chez l'homme, la section complète
de la moelle, à la région cervicale ou dorsale supérieure, provoque
l'abolition permanente et complète des réflexes tendineux et cuta-
nés (fiq. 8) ; G° les lésions destructives de l'écorce cérébrale don-
nent lieu, chez tous les animaux, à une exagération plus ou moins
marquée des réflexes tendineux et chez quelques-uns d'entre eux,
à un affaiblissement des réflexes cutanés ; 7° les lésions destruc-
tives du cervelet entraînent l'exagération des réflexes tendineux.
De l'examen attentif de ces faits, le rapporteur conclut que :
Il chez la grenouille, des réflexes se réduisent à l'axè réflexe élé-
mentaire ; leurs centres médullaires sont inhibés par les centres
supérieurs ; 2° chez le lapin et chez le chien, les réflexes tendineux
Fig. J.
320 SOCIÉTÉS SAVANTES.
se font encore par les voies courtes ; leurs centres médullaires sont
inhibes par le cerveau et le cervelet ; les réflexes cutanés parco : : -
Fig. G.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 321 1
rent normalement les voies longues, leur centre principal est
mésocéphalique ; certains réflexes défensifs rapides se font par les
voies courtes ; 3° chez le singe, les centres des réflexes tendineux
Archives, 2° série, t. XII. 21
Fig. 7.
M2 SOCIÉTÉS SAVANTES.
sont bacillaires et soumis à l'action inhibitrice du cerveau et du
cervelet ; ceux des réflexes cutanés sont à la fois basilaires et cor-
ticaux. Certains réflexes défensifs continuent à parcourir
I% i. 8. '
SOCIÉTÉS SAVANTES. 323
les voies courtes; 4° chez l'homme, les centres des réflexes tendi-
neux sont basilaires et soumis à l'action inhibitrice du cerveau et
du cervelet ; ceux des réflexes cutanés sont corticaux. Ici encore,
certains réflexes défensifs rapides se font par les voies courtes ;
5o chez le nouveau-né, les réflexes se produisent, comme chez les
vertébrés inférieurs, par des voies courtes. '
L'orateur fait ensuite la physiologie des réflexes tendineux et
cutanés; puis il décrit les réflexes pathologiques (réflexe fémoral,
de Babinski, clonus). 11 montre que l'antagonisme des réflexes ten-
dineux et cutanés est fréquent et possède une importance clinique
indéniable, il examine enfin les modifications des réflexes dans les
maladies des névrosés et il s'efforce de les expliquer par sa théo-
rie.
III. Contracture. L'orateur expose et critique les théories sui-
vantes : il démontre que le mécanisme de la contraction est indis-
solublemeut lié à celui du tonus musculaire, la contracture étant
l'expression de l'hypertonie. L'expérimentation confirme cette
hypothèse; les lésions irritatives de l'écorce ne provoquent aucune
contracture chez lés batraciens, le lapin, le chien, le chat, chez
lesquels le tonus se produit sans une intervention notable du cor-
tex ; elles donnent lieu, au contraire, à des contractures chez le
singe et chez l'homme, chez lesquels le mécanisme du tonus
dépend de l'écorce cérébrale. Le= contractures particulières que
l'on observe chez le singe, à la suite de la destruction complète de
la zone motrice, peuvent être assimilées à celles qui se produisent
par des lésions incomplètes non irritatives de la zone motrice de
l'homme. La distinction entre la contracture vraie et la pseudo-
contracture présente de sérieuses difficultés ; généralement, la
seconde résulte de la première.
L'une résulte de la lésion des neurones moteurs centraux,
l'autre de l'altération des neurones moteurs périphériques. La
contracture vraie e=t produite, d'une part, par les altérations
péri-cellulaires et péri-cylindroïdes des neurones moteurs cen-
traux : d'autre part, par les lois de l'antagonisme musculaire.
Le type si constant des contractures dépend de raisons histolo-
giques ; à l'état normal, certains groupes musculaires sont pré-
dominants ; une lésion diffuse ayant pour résultat d'abaisser d'une
manière uniforme la tonicité musculaire amènera la flaccidité
complète des muscles les moins développés et seulement l'hypoto-
nicité des muscles les plus forts. Cette hypotonicité deviendra bien-
tôt une hypertonicité réelle, grâce aux lois établies précédemment ;
certains neurones corticaux s'affaibliront et s'atrophieront, l'ac-
tion irritative péri-cellulaire ne sera bientôt plus capable de
réveiller leur vitalité, tandis qu'elle exagérera de plus en plus
l'hypertonicité des neurones antagonistes.
324 Il SOCIÉTÉS SAVANTES.'
»
Le rapporteur passe ensuite en revue, comme précédemment,
les différentes maladies des névrosés, et il s'efforce d'expliquer la
production des contractures dans chacune d'entre elles.
IV. Dans la grande majorité des cas, il existe un rapport
étroit entre l'état des réflexes tendineux et celui du tonus muscu-
laire. -
Les recherches expérimentales de l'auteur, ainsi que les don-
nées cliniques, prouvent clairement que ce rapport n'est pas cons-
tant. L'indépendance clinique du tonus et des réflexes confirme
leur indépendance anatomique.
M. Grasset. Je ne crois pas qu'on soit en droit d'établir un
mécanisme simple du tonus et par suite de la contracture. On ne
saurait dire, par exemple, que le centre du tonus est purement
cortical. En réalité, le maintien du tonus a besoin de l'intégrité de
plusieurs systèmes médullaires, et il semble que l'on puisse décrire
trois étages de neurones intervenant dans la manifestation du
tonus muscullaire. Il existerait d'abord un premier étage médul-
laire formé parle neurone sensitif rachidien et le neurone moteur
centrifuge de l'étage correspondant; on-fera rentrer ensuite dans
ce groupe le neurone de l'origine réelle des nerfs craniens. Le
deuxième étage serait formé par les masses grises du mésocéphale
(cervelet, noyau rouge, masses grises du pont, noyaux centraux),
dont nous connaissons et des voies centripètes (faisceau cérébel-
leux ascendant, ruban de Goll) et des voies centrifuges (faisceau
cérébelleux descendant, faisceau rubro-spiual, etc.).
Enfin, le troisième étage serait cortical. Ce système développe-
rait, d'une part, .une' action excitatrice, d'autre part, une fonction
inhibitrice, mais ces actions sont complexes et c'est ainsi que le
nerf labyrinthique et autres agissent sur les centres mésocépha-
liques dans le maintien normal du tonus musculaire.
M. Pitres. - Les expérimentations faites sur le système nerveux
des animaux et en particulier celles que M. Crocq relate dans son
très remarquable rapport, sont d'un très grand intérêt, mais elles
ne peuvent servir à poser des conclusions définitives de physiolo-
gie nerveuse chez l'homme. Conclure de la série animale à ce der-
nier est une tendance bien naturelle, mais qui me parait fâcheuse
au plus haut chef, même avec les quelques réserves que l'on s'em-
presse de formuler d'abord et d'oublier ensuite. Cette tendance
n'est pas particulière à la physiologie nerveuse, mais s'étend à
toute la physiologie humaine. Il est regrettable, en effet, de voir
des traités, qui s'intitulent traités de physiologie humaine, rap-
porter soigneusement de longues et intéressantes recherches expé-
rimentales sur tel ou tel appareil de tel ou tel animal, mais omettre
complètement les données que nous possédons sur le fonction-
nement de ce même appareil chez l'homme : de pareils ouvrages
SOCIÉTÉS SAVANTES. 325
trompent par leur titre sur la nature de leur contenu. Pour en
revenir à la physiologie du système nerveux de l'homme, il nous
semble que, seule,' la méthode anatomo-clinique pourra servir il
établir ses lois. Je ne veux pas ici critiquer les conclusions du
rapport de M. Crocq, mais je veux faire quelques remarques au
sujet de la contracture, de la trépidation épileptoïde et des réflexes
tendineux.
La contracture ne me semble pas une et toujours identiques à
elle-même, ni dans sa distribution topographique, ni dans sa nature.
dans tous les cas où on peut l'observer. Tout d'abord elle varie
dans sa distribution topographique, certains muscles sont préfé-
rablement contracturés que d'autres qui le sont rarement ou
jamais. Je regrette de ne pas voir ce point indiqué et développé
dans le rapport de M. Crocq et de ne pas y trouver une explica-
tion de cette variabilité.
Ensuite, la contracture ne me parait pas une dans sa nature
elle-même, partout et toujours. J'ai l'habitude, dans mon enseigne-
ment, de distinguer plusieurs variétés de contracture. L'une, que
j'appelle volontiers contracture myotonique, se trouve réalisée notam-
ment chez les malades atteints de maladie de Parkinson. L'autre, à
laquelle je donne le nom de contracture myotéttmiqllc, est le type
de la contracture. Ces deux types ne sont pas les seuls et en par-
ticulier leur association peut se rencoutrer chez un même malade,
dans l'hémiplégie organique avec contractures secondaires ou
dans la sclérose latérale amyotrophique par exemple. Il n'est
pas rare de constater, en effet, chez un hémiplégique organique,
le matin, au réveil, dans son membre paralysé, un léger degré de
contracture facile à vaincre ; chez le même malade, observé à
plusieurs reprises dans la journée, on peut s'apercevoir d'une
exagération notable de la contracture survenue dans le membre
paralysé : il la contracture première, myotonique, est venue se
surajouter une contracture myotétanique. Cette dernière peut
quelquefois apparaître subitement, sous l'influence de fatigue, d'un
effort, d'une simple émotion, et abolir complètement par sa
brusque apparition les fonctions d'un membre incomplètement
paralysé. Ce sont des faits d'observation courante qu'il serait bon
de retenir dans une étude sur la contracture. Ils sont peut-être de
nature à élucider la pathogénie de ce symptôme si important. Il
se pourrait, en effet, que la forme myotonique soit le résultat d'une
simple exagération du tonus et que la forme myotétanique soit au
contraire la conséquence d'une véritable contraction des fibres
musculaires.
On a tendance à considérer encore la trépidation épileptoïde et
l'exagération des réllexes tendineux comme deux phénomènes de
même ordre. Or, je me suis élevé depuis longtemps contre cette
manière de voir par trop exclusive. Et je regrette de ne pas voir
326 6 SOCIÉTÉS SAVANTES.
figurer dans la bibliographie du rapport de M. Crocq. par ailléurs
très complète, l'indication d'un travail publié en 1884, dans la
lieviie de médecine, par 11. Maurice de Fleury, alors mon interne,
et celle d'une thèse, faite l'année suivante sous mon inspiration par
M. Delcrme-Sorbé et soutenue devant la Faculté de Bordeaux. La
distinction à faire entre ces deux ordres est réelle et les arguments
de grande valeur en faveur de cette opinion ont été développés
par M. Maurice de Fleury dans son travail. La non-identité de
nature de la trépidation épileptoïde et de l'exagération des réflexes
tendineux est démontrée par deux séries de preuves. La première
comprend des preuves cliniques : elle réside dans ce fait que
souvent dans la convalescence des maladies infectieuses et en par-
liculier de la lièvre typhoïde, on constate de la trépidation épilep-
toïde du pied et de la rotule, alors que les réflexes tendineux
sont diminués ou même totalement abolis. La seconde est tirée
des résultats fournis par l'application de la bande élastique d'Es-
march. Sous l'influence de cette application, en effet, on voit la
trépidation épileptoïde s'abolir complètement au bout de quelques
minutes, alors que les réflexes tendineux persistent inaltérés. il
ne faut pas cependant, dans cette expérience, comme l'ont fait
certains auteurs qui la répétaient après moi, atteindre une isché-
mie trop complète, car alors les réflexes s'abolissent à leur tour.
M. ;'IIENDFLSSoIIN(lle Saint-Pétersbourg). La thèse soutenue par
M. Crocq relativement à une -localisation cérébrale exclusive des
réflexes chez certains animaux et chez l'homme ne me parait être
conforme ni aux faits physiologiques ni aux données cliniques.
L'acte réflexe doit être considéré comme une propriété générale du
système nerveux central et particulièrement de la partie médul-
laire de l'axe cérébro-spinal. Il n'existe pas à mon avis des centres
réflexes, cenx-ci pouvant se produire à un niveau quelconque de
toute la hauteur de la moelle épinière. Partout où l'élément péri-
phérique récepteur entre en communication avec l'organe moteur
réactionnel. les conditions pour la production des réflexes se
trouvent par là même réalisées. Cependant, comme cela résulte de
mes expériences, certaines voies, notamment les voies longues
sont plus praticables et présentent moins de résistance au passage
des réflexes que d'autres voies plus courtes et plus directes. Ausi
les réflexes normaux, c'est-à-dire provoqués par des irritations
minima, passent-ils par la partie supérieure de la moelle cervicale.
Lorsque cette région est détruise, les réflexes provoqués par des
irritations minima sont supprimés, mais il suffit d'augmenter
l'intensité de l'irritant pour que les réflexes réapparaissent en se
frayant un chemin par d'autres voies moins praticables. La sépa-,
ration de la moelle ducerveau ne supprime donc pas définitivement
les réflexes, dont la production dépend de l'intensité de l'irritant.
Les faits cliniques ne parlent pas non plus tout à fait en faveur de
SOCIÉTÉS SAVANTES. 327' >
la localisation de tous les réflexes dans le cerveau. Rien ne
prouve que la disparition des réflexes à la suite d'une lésion de la
partie cervicale de la moelle soit le résultat d'une interruption des
voies conductrices; elle peut être l'effet de causes multiples et plus
ou moins complexes. Du reste, il existe déjà quelques observations
cliniques, dans lesquelles une lésion de la partie cervicale de la
moelle, équivalant à une véritable section de cet organe a eu pour
effet la conservation et même l'exagération des réflexes médul-
laires. Le réflexe n'étant pas à symptôme à localisation exclusive,
sa valeur séméiologique et pathognomonique doit être à mon avis
très restreinte d'autant plus que les moyens d'investigation usités
en clinique pour déterminer les réflexes sont très défectueux.
M. BRI551UD. - Le centre des tonus est exclusivement vertical
d'après \I. Crooq. Cette théorie n'explique pas les faits de lésion de
la capsule interne ayant séparé la corticalité de la moelle, ayant
détruit le faisceau pyramidal, et cependant ayant déterminé'une
contracture spasmodique. D'autre part, les lésions aiguës trans-
verses de la moelle cervicale déterminent une paraplégie flaccide,
soit par un état de shock, soit par un trouble circulatoire par
l'intermédiaire de l'arbre spinal antérieur, mais les destructions
lentes trans verses de la moelle peuvent déterminer une paraplégie
spasmodique. La main de l'hémiplégique se contracture presque
toujours en flexion; si cette contracture est due à l'irritation des
fibres pyramidales intactes, il faudrait donc admettre que, dans
les lésions à localisation variée qui créent l'hémiplégie cérébrale,
les fibres destinées aux extenseurs seraient toujours plus intéressées
que les fibres destinées aux muscles fléchisseurs.
M. CCST.1N. -J'approuve d'autant plus le rapport de 111. Crocq
dans son exposé critique des théories que, déjà en 1899, j'étais
arrivé, pour des raisons semblables, à soutenir que nous ne pos-
sédions pas une théorie de la contracture capable d'en expliquer
les modalités cliniques. Mon opinion n'a pas changé et je n'accepte
pas la théorie de lI. Crocq. Je ne puis concevoir en effet que tandis
que chez l'enfant le tonus est exclusivement médullaire, il devienne
chez l'adulte définitivement et exclusivement cortical. D'autre
part, nous possédons des cas de destruction complète du faisceau
pyramidal suivie cependant de contracture spasmodique ; or,
111. Crocq attribue la contracture à l'irritation des cylindres-axes
de ce faisceau pyramidal. J'apporte en collaboration avec le pro-
fesseur Raymond, deux cas de tumeur du quatrième segment t
dorsal, ayant déterminé une paraplégie spasmodique pendant
plusieurs années. Je ne veux pas discuter si les quelques cylindres-
axes encore épargnés au niveau de la lésion sont capables de déter-
miner la contracture, mais je puis dire que dans ces deux cas, les
faisceaux pyramidaux ont complètement disparu au-dessous de la
328 SOCIÉTÉS SAVANTES.
lésion et pourtant la paraplégie était spasmodique. La théorie de
M. Crocq ne saurait donc expliquer tous les faits cliniques. Con-
trairement à M. Crocq, j'attribue une grosse importance à la
recherche du réflexe achilléen dont la recherche est toujours facile
et positive à l'état normal.
J'ai étudié les réflexes cutanés des maladies nerveuses diverses :
d'une manière générale, ils sont surtout supprimés dans le tabes
et les affections spasmodiques. Ils n'ont pas une grave valeur
diagnostique : peut-être permettront-ils dans certains cas, de
différencier les tabes des pseudotabes polynévritiques car dansces
derniers, le reflexe crémastérien est conservé.
Le réflexe de Babinski n'est pas forcément associé à la trépidation
spinale; il est constant en effet dans la maladie de Friedreich, et
d'autre part, je l'ai constaté plusieurs fois après les accès d'épi-
lepsie, malgré la disparition à ce moment-là des réflexes tendineux.
Jenecroispas enfin que dans les névrites périphériques motrices,
et les poliomyélites aiguës ou chroniques, les déformations soient
dues à une hypertonicité des muscles conservés que l'on puisse
comparer à l'hypertonicité des maladies spasmodiques. Quant à
la contracture hystérique, on ne saurait encore l'assimiler à la
contracture organique. M. Babinski a montré au contraire combien
sur le terrain clinique elle en était différente.
Séance du samedi 3 août (soir). - Présidence DE M. G. Ballet.
De quelques considérations sur le mécanisme physiologique des
réflexes.
MM. L. Marchand et Cl. VURPAS. L'observation de plusieurs cas
cliniques ont engagé les auteurs à entreprendre quelques expé-
riences touchant le mécanisme et les conditions de production des
réflexes. C'est en parliculier le cas d'une jeune fille paralytique
générale et tabétique. Chez cette malade qui présentait des accès
épilepliformes on constatait pendant l'intervalle de ceux-ci l'absence
des réflexes patellaires et pendant les crises l'exagération des
réflexes.
Différentes catégories de malades chez lesquels les réflexes
patellaires étaient normaux, abolis ou exagérés ont été le sujet des
expériences des auteurs. Un myographe appliqué sur la partie
moyenne de la cuisse était en communication avec un tambour
enregistreur de Marey. Il en était de même pour une mince ampoule
de caoutchouc placée en avant de la partie qu'on devait percuter.
Les auteurs ont aussi, au moyen du même dispositif, étudié chfz
une nrerede le réflexe cutané plantaire. Des expériences entreprises
semblent découler les quelques considérations suivantes : il il peut
y avoir contraction du quadriceps sans projection du pied en
SOCIÉTÉS SAVANTES. 32U 9
avant. Faut-il dire dans ces cas que les réflexes n'existent pas ;
2° on remarque que le temps écoulé entre la percussion et le début t
de la contraction musculaire varie suivant chaque sujet et semble
augmenter chez notre hémiplégique à réflexes patellaires très
exagérés; 3° le temps écoulé entre le choc du marteau et le début 1.
de la contraction est le même, que l'on percute le tendon rotulien
au-dessus ou au-dessous de la rotule, ou que la percussion ,arlaa : ...-
sur le muscle lui-même, soit à sa partie inférieure, soit à,a naeGï ?
de la cuisse; 1° il semble que la contraction qui fjl ! 1"9'u'tie à la
secousse musculaire varie peu d'intensité dans les digère a ? U1'n
qui suit la percussion du tendon rotulien varie au c6nLl : ¡¡,ire'l : ièh : : I-
coup chez les différents sujets. arie au </> , j g
Le réflexe cutané plantaire qui passe sûrement par les centres » -
nerveux (25 centièmes de seconde) a donc un tout autre mécanisme
que le réflexe patellaire (3 centièmes de seconde).
En résumé, il semble que le temps écoulé entre le choc et ],
début de la contraction musculaire soit le même que l'on percute
« le tendon du muscle lui-même à différentes hauteurs, alors que
le réflexe cutané plantaire exige pour se produire un temps au
moins huit fois plus long. Le réflexe patellaire et la secousse mus-
culaire du quadriceps seraient donc de même nature. La différence
des réactions musculaires dans les réflexes tendineux et les
secousses musculaires chez les différents sujets tient peut-être à ce
que dans le premier cas le muscle est tiraillé suivant la longueur
même de ses fibres, dans le second à ce que le choc est transmis
perpendiculairement à ses fibres. Les réflexes patellaires, qui ne
seraient ainsi que des réactions musculaires dépendraient de la
tonicité du muscle, qui elle-même, serait sous la dépendance de
l'état du système nerveux.
Tumeurs gazeuses de l'abdomen.
M. Justin Lemaistre fait, sous ce Litre, une communication très
intéressante, concernant des tumeurs gazeuses survenues' chez des
névropathes. Dans deux cas, il y a eu intervention opératoire. Nous
aurons l'occasion probablement de revenir sur ce travail :
Deux observations d'algidité centrale d'assez longe durée, chez deux
paralytiques généraux.
M. JOFFROY rappelle d'abord les principaux états morbides dans
lesquelles on a noté de basses températures : athrepsie, sclérème
des nouveau-nés, maladie bleue, urémie, intoxication alcoolique,
attaques d'apoplexie, etc., et il insiste sur ce point que de nom-
breuses constatations de basse température ont déjà été faites soit
chez des aliénés, soit chez des maniaques ou des mélancoliques
atteints de diarrhée cholériforme, soit chez des déments, etc. Il
330 SOCIÉTÉS SAVANTES.
donne ensuite le détail de ses deux observations relatives à des
paralytiques généraux.
Dans le premier cas, il s'agit d'un paralytique général, dont le
diagnostic n'était possible que depuis peu de temps. Ce malade
ayant eu attaque apoplectilorme, on prit alors sa température
rectale et l'on constata qu'elle n'était que de 3j°3. Le lendemain, le
malade étant resté dans le coma, la température resta au même
chiffre de 35°3. Le surlendemain, la température rectale n'est plus
au matin que de 27°2 et peu à peu elle descend à 23°S pour se
relever à 26° c. au moment de la mort survenue 58 heures après
la première constatation de l'algidité centrale.
La seconde observation est relative à un paralytique général
paraissant classique, mais présentant (comme l'autopsie l'a démon-
tré) un syringomyélie gliomateuse. Ce malade étant alité fit des
eschanres et l'on constata alors que sa température rectale n'était
que de 3'501. Progressivement et assez régulièrement la tempéra-
rature s'abaissa les jours suivants jusqu'à 26 c. La mort survintle
huitième jour après la première constatation de l'algidité centrale,
sans coma, ni convulsions.
Ce dernier malade présentait dans le sang examiné la veille de
sa mort, des coli-bacilles de petites dimensions qui ont sans doute
joué un rôle dans la production de l'algidité dont le l'acteur prin-
cipal parait devoir être surtout recherché dans les altérations du
système nerveux. -
Cette intéressante communication a été l'occasion d'une discus-
sion à laquelle ont pris part MM. Bourneville, Dupré, et Briand z
M. Bourneville a rappelé que, outre les cas d'urémie et d'apo-
plexie cérébrale, accompagnés d'un abaissement de la température,
dont il s'est occupé naguère comme M. Jofl'roy l'a dit, il a signalé
une hypothermie très notable dans un cas de refroidissement durant
l'hiver de 1870, un autre, dans un cas d'ivresse comateuse, tous
deux consignés dans les Comptes rendus de la Société de biologie.
En outre, il a noté un abaissement de la température rectale,
en maintes circonstances chez les idiotes, en dehors des idiots
myxoedémateux chez lesquels la température rectale est toujours
au-dessous de 37° : 1° Feld..., idiote microcéphale à un haut
degré, âgée de cinq ans, morte avec des symptômes de bron-
cho-pneumonie avec une température de 2f¡.0 (Israélite, opposi-
tion à l'autopsie) ; 2° Bauclr... (Jeanne), huit ans, idiotie com-
plète, morte de cachexie avec 35°; 3° Thom... (Louise), deux
ans, idiote myxoedémateuse, morte de broncho-pneumonie (au-
topsie) avec 35°,1 ; 4° Binvi... (Germaine), cinq ans et demi,
imbécillité hydrocéphalique, morte de brûlures superficielles, avec
35°,2; 5° Gren... (Marcellin), six ans, idiotie congénitale, mort
de tuberculose pulmonaire avec 3fin. Tous ces enfants sont morts
durant les jours les plus froids de l'hiver. La température a été
SOCIÉTÉS SAVANTES. 331 i
prise avec plusieurs thermomètres et les thermomètres vérifiés
avec soin, ainsi que nous avons l'habitude de le faire en présence
de températures anormales.
Noie sur l'influence de la syphilis héréditaire, de l'alcoolisme et de
quelques professions insalubres sur la production des maladies
chroniques du système nerveux chez les enfants (idioties, épilepsies,
aliénation mentale.)
M. Bourt-il ? VILLF. - Ainsi qu'en font foi les Comptes rendus de
notre service de Bicêtre de 1880 il 1900, nous prenons toujours
grand soin de relever toutes les causes des maladies nerveuses et
chroniques de l'enfance qui produisent les différentes formes
d'idiotie, d'imbécillité, d'arriération intellectuelles et morale. Nous
procédons de même pour les différentes formes d'épilepsie, d'hys-
térie et d'hébéphrénie. Aujourd'hui nous désirons appeler l'atten-
tion de nos collègues seulement sur trois'de ces causes : la syphilis,
l'alcoolisme, les professions insalubres.
1° Syphilis héréditaire. Sur 2.702 observations de garçons
atteints de maladies chroniques du système nerveux, nous n'avons
relevé la syphilis des parents que dans 20 cas, soit 1 p. 100. Nous
interrogeons les parents à part ; nos questions portent d'abord sur
l'existence ou non, dans les antécédents, des manifestations spéci-
fiques et ce n'est qu'ensuite que nous posons catégoriquement la
queslion de syphilis. Sur 482 filles atteintes des mêmes maladies,
nous n'avons que deux cas de syphilis héréditaire avouée. La pro-
portion est encore moindre dans ce second groupe.
Sur les 420 garçons présentés dans le service, nous avons constaté
19 fois des lésions dentaires, susceptibles d'être rattachées à la
syphilis héréditaire. De ces 19 cas, une seule fois nous avons relevé
la syphilis chez l'un des géniteurs. Nous avons fait une revision
avec notre ami le Il Hallopeau sans parvenir à déceler la syphilis
chez les parents. Comment expliquer cette rareté de la syphilis
héréditaire comme cause de l'idiotie ou mieux des idioties' ?
Les effets de la syphilis du père ou de la mère se traduisent
d'abord par des fausses-couches, puis par des enfants nés un peu
avant terme, des enfants nés à terme, les uns et les autres devien-
nent d'ordinaire athrepsiques et meurent dans les premiers mois
ou dans la première année de la naissance. Ultérieurement la
syphilis s'atténuant soit spontanément, soit sous l'influence du trai-
tement, les enfants survivent. Ils ne viennent dans les services spé-
ciaux que si, à la suite de convulsions, de méningite, de maladies
infectieuses, ils sont atteints d'idiotie, d'imbécillité ou d'arriération
intellectuelle. Ces considérations nous paraissent expliquer le
nombre très restreint des cas d'idiotie susceptibles d'être rattachés
à 1'liérédo-sypililis.
332 SOCIÉTÉS SAVANTES.
2° Alcoolisme. L'enfant subit les conséquences de l'alcoolisme
sous une série de formes : 1° l'alcoolisme chronique du père ou de
la mère, ou des deux; - 2° l'alcoolisme à l'état d'ivresse au
moment de la conception; 3° durant la vie foetale, par suite des
coups reçus par la mère ou des émotions éprouvées par elle durant
la grossesse; - 4° les mêmes émotions au cours de l'allaitement
et ultérieurement.
2.072 garçons et 482 filles, idiots, épileptiques, imbéciles ou hys-
tériques sont entrés, les premiers, à Bicêtre, depuis octobre 1879;
les secondes, à la Fondation Vallée, depuis mars 1890, jusqu'au
31 décembre 1900, soit un total de 2.554 entrées.
Le tableau statistique ci-après résume nos constatations sur
l'alcoolisme.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 333
Cette statistique, mise à jour à la date dn 31 décembre 1900,
complète et résume nos statistiques antérieures. Elle met nettement
en évidence l'action néfaste de l'alcoolisme. Ceux qui s'intéressent
à cette question pourront lire un grand nombre d'observations dé-
taillées, au point de vue clinique et anatomique, dans les Comptes
rendus de Bicêtre (1880-1900).
Chaque fois que nous voyons les mères de nos malades, mariées
à des alcooliques, nous appuyant sur l'histoire même de leurs
enfants, nous leur recommandons d'éviter tout rapport sexuel avec
leurs maris en état d'ivresse. Il en est qui comprennent l'impor-
tance de nos conseils et agissent en conséquence..., quand cela est
possible. Trop souvent les malheureuses cèdent sous la menace
des coups, ou sous les coups mêmes.
3° Professions insalubres. Parmi les causes des idioties, des
épilepsies, etc., figurent aussi, avec raison, certaines professions
réputées insalubres exercées par les parents. Au premier rang, se
placent celles dans lesquelles on manie la céruse, le mercure, le
phosphore, le cuivre, etc. Nombreuses sont les observations dans
lesquelles nous avons relevé cette étiologie.
Les discussions dont le blanc de céruse a été l'objet dans ces
derniers temps au Comité d'hygiène publique de France1 et dans la
presse politique nous ont engagé à faire un relevé aussi exact que
possible des cas de maladies nerveuses de l'enfance que nous
venons d'énumérer, dans lesquelles il est possible d'invoquer l'action
des professions insalubres.
Nous avons dressé des tableaux comprenant : le nom des enfants,
les professions insalubres du père ou de la mère, ou des deux, le
nombre des enfants décédés et vivants, enfin, dans une dernière
colonne les conditions étiologiques qui se surajoutent aux profes-
sions insalubres, alcoolisme et syphilis.
Nous ne vous lirons pas ces tableaux, nous ne demandons pas
non plus leur reproduction dans les comptes rendus du Congrès,
nous nous bornerons à vous en donner le résumé 2.
1° Cette statistique montre que 87 familles ont fourni 420 enfants
soit près de 5 enfants par famille.
2° Sur ces 420 enfants, 220 sont décédés, soit une mortalité de
5 p. 100; sur ces 420 enfants 200 ont survécu ;
3° Si au chiffre des 220 décédés nous ajoutons les 87 enfants
idiots, épileptiques, etc., nous voyons que 73 p. 100 de ces enfants
sont atteints mortellement ou gravement par les différentes profes-
sions insalubres exercées par les parents.
' Voir Bourneville, Substitution du blanc de zinc au blanc de céruse.
(Progrès il- 10 de 1901, p. 1G3.)
z On trouvera ces tableaux dans le Compte rendu de notre service
pour 1900, qui doit paraître prochainement.
dût SOCIETES SAVANTES.
Au point de vue des « professions » ces cas se répartissent ainsi :
SOCIÉTÉS SAVANTES. 33t5 5
illusions morbides, des perceptions visuelles d'un caractère équi-
voque, auxquelles sont sujets des gens bien portants et raisonna-
bles. Ce sont des formes, des images, des figures inattendues,
résultant d'un assemblage fortuit de lignes, de surfaces, d'effets
de lumière, émanées d'un objet réel, ou produites en l'absence de
tout objet déterminé. Ces phénomènes forment un groupe à part.
Pour les distinguer, nous les comprendrons sous le nom générique
de zigs. Ils ont tous, entré eux, un air de famille ; quelques spé-
cimens les feront reconnaître.
Dans un ciel orageux, les nuages figurent de vagues formes
d'animaux, de monstres,' de fantômes. Dans les voyages noc-
turnes, les arbres de la route fuient ou se précipitent sur le voya-
geur, en prenant des aspects grotesques ou menaçants. Un
homme, au repos sous un arbre, distingue, dans un bouquet de
feuilles, un pantin, dont le moindre souffle agite les jambes et les
bras Ces spectacles, dont nous connaissons le mécanisme, ne
laissent pas de nous inléresser et nous y ajoutons volontiers quel-
que chose de nous-mêmes, quelques traits de notre imagination.
Le concours instinctif de l'imagination à l'ébauche offerte par le
hasard, voilà le trait caractéristique des phénomènes que nous
étudions. L'étude systématique de ces phénomènes, constitue ce
que nous appelons Phanlagènie physiologique.
Autre exemple : au milieu d'un travail qui absorbe votre atten-
tion, un point lumineux vous impressionne : c'est un clou du
plancher. Il brille comme un oeil. A côté, quelques ondulations
des fibres ligneuses esquissent la courbe d'un ovale et les lignes de
la bouche et du nez. Vous ajoutez mentalement quelques traits
complémentaires... La figure s'achève, le zig est constitué.
Nous trouvons des zigs dans le feu du foyer, sur le tapis du
parquet, sur les tentures de l'appartement, dans les rideaux, dans
une guipure, dans une serviette suspendue.
Les vieux murs, les enduits dégradés fourmillent de zigs. On eu
voit dans les marbres naturels. Quelques peintres s'amusent à en
produire dans les marbres imités. L'approche du repas est très
favorable à la découverte des zigs. Cette recherche porte à la gaité
qui convient à ce moment : Il y a un zig dans le noeud de votre
serviette ; il y en a dans les reflets de votre verre, dans le moutar-
dier, dans la tranche du pain, dans le morceau de nougat. Un
plat de beignets est une pépinière de zigs. Coupez une pomme en
deux, en trois, en quatre : chaque segment vous offre un zig diffé-
rent. Une orange partagée en deux, prend sur chaque moitié
l'aspect d'un coquillage.
Une poire Duchesse, un peu tourmentée, vous présente, sur le
bon côté, l'aspect normal. A droite, c'est le visage d'un vieillard,
il gauche, l'image de la décrépitude. Comme les pécheurs et les
chasseurs, le ziguisle possède une aptitude particulière à décou-
336 SOCIÉTÉS SAVANTES. ·
vrir sa proie. Comme eux aussi, il éprouve un irrésistible plaisir
à signaler ses découvertes et à s'en faire honneur.
La phantagénie est attrayante ; elle peut être contagieuse. II
est vrai qu'elle n'a pas prise sur tous les profanes. Celui qui est
naturellement doué, y prend intérêt et peut devenir ziguiste à son
tour. Cette faculté créatrice, qui peuple la solitude et dissipe l'en-
nui, cet immense cinématographe dont les vues varient à l'infini
est donc, à l'origine un exercice agréable, on pourrait presque
dire bienfaisant. Dans certaines conditions sociales il peut être
avantageux :
N'est-il pas éminemment propre à développer l'imagination ? '1
Dans les arts d'imitation, il peut fournir aux praticiens, d'innom-
brables matériaux. Nul doute que J. Callot, G. Doré et tant
d'autres, n'aient dû à l'observation des phénomènes qui nous
occupent, une part de leur brillante originalité. Mais cet exer-
cice a aussi ses inconvénients et ses dangers. Le premier écueil
qui se présente ici est l'entraînement. Il faut s'en défier. Un goût,
d'abord innocent, peut devenir une passion dominante comme
celle de fumer, de boire sans soif, de faire des calembours, de
farcir son discours de ces vaines locutions que la mode a mises
en faveur. Ce ne sont là, il est \rai, que des conséquences de peu
d'importance. Nous ne relèverons pas les taches que l'histoire des
zigs a laissées dans le passé. Les sacrificateurs d'autrefois voyaient
dans certains aspects de l'autopsie des victimes, des présages qui
ne pouvaient être qu'illusoires. Nous en avons fini de ces aberra-
tions. Quelques investigations analogues ont servi et servent
encore de base à l'industrie des devins et des devineresses de tous
les temps. Nous n'avons pas à nous occuper de ces pratiques. Le
danger, c'est qu'après s'être contenté de constater les phénomènes,
on peut être entrainé à en chercher les causes, à édifier des théo-
ries. Les anciens avaient à ce sujet une explication toute faite qui
cadrait avec leur théogénie : Phantate, troisième fils du sommeil,
était une divinité d'ordre inférieur qui avait la puissance d'appa-
raitre aux hommes, sous toutes sortes de formes, soit pendant le
jour, soit durant la nuit. De nos jours, il n'y a guère que le mys-
ticisme et l'occultisme qui pourraient revendiquer les phénomè-
nes dont il s'agit et la tentative serait périlleuse. En cela, comme
en toutes choses, il faut donc se surveiller. Le trouble de l'esprit
peut pénétrer par les yeux, par les divers sens, comme par toute
autre voie. Si minimes que soient les phénomènes qui viennent
d'être exposés, ils peuvent avoir une certaine influence en hygiène
morale, et la sage appréciation qu'il convient d'en faire peut ser-
vir utilement, dans certains cas, à la prophylaxie intellectuelle.
Le soir a eu lieu le banquet du Congrès auquel assistaient
M. Edgard Monteil, préfet de la Haute-Vienne, M. Labus-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 337
sière, maire de Limoges, M. Chénieux, directeur de l'école
de médecine, la plupart des médecins de la ville, parmi les-
quels nous avons été heureux de retrouver d'anciens amis,
Th. Raymond et Justin Lemaistre.
Excursion du dimanche (4 août).
Dès le matin les congressistes sont partis par le chemin
de fer pour Saint-Sulpice-Laurière ; là ils ont trouvé des voi-
tures qui les ont conduits à travers les collines du Limousin
jusqu'à Saint-Goussaud dans la Creuse. Après un excellent
déjeuner servi en plein air le retour s'est effectué par les
vallées du Taurion et de la Vienne. Ils ont eu sans cesse
sous les yeux à l'aller le panorama des collines et en reve-
nant les sites aussi variés que pittoresques de la vallée du
Taurion, puis de la Vienne.
Séance du 5 août (matin). Présidence DE AI. GILBERT Ballet.
1
Personnel secondaire des asiles d'aliénés.
Nous publierons le résumé du rapport de M. T1GUET, et la
discussion dont il a été l'objet, dans notre prochain numéro.
Séance du 5 août (soir). Présidence DE M. Chénieux.
Sur la théorie de l'obsession.
M. L. ARNAUD (de Vanves). - On a appliqué à l'obsession l'une
et l'autre des deux théories principales de l'émotion, la théorie
intellectuelle et la théorie physiologique. Les deux théories nous
paraissent également insuffisantes pour expliquer cet état mor-
bide. La théorie intellectuelle néglige presque absolument les
symptômes organiques; admettant que tout vient d'en haut, elle
considère l'ensemble des symptômes comme de simples réactions
de l'idée. On lui objecte que l'idée ne devient obsédante que grâce
à l'existence d'un trouble préalable : les obsédés sont des malades
avant d'avoir des obsessions précises. En outre, dans certains cas
d'obsession, les symptômes émotifs précèdent et annoncent l'ap-
parition de l'idée. D'un autre côté, la marche de l'obsession par
accès, le défaut de rapports constants entre la nature de l'idée obsé-
dante et l'intensité de l'angoisse, la variabilité de l'idée (dans la
panophobie, par exemple), comparée à l'identité des symptômes
émotionnels, etc., tout cela s'accorde mal avec l'hypothèse qui
attribue à l'idée un rôle toujours prépondérant dans l'obsession.
ARUnrves, 2' série, t. XII. 22
338 SOCIETES SAVANTES : ,
Inversement, la théorie physiologique ou émotive (Lange, H. James,
Ribot, etc.) exagère l'influence des troubles vaso-moteurs et de
1,'expression émotive, au détriment des centres cérébraux supé-
rieurs. Il n'est pas du tout prouvé que, toujours, nous soyons
tristes parce que nous pleurons, ou effrayés parce que nous trem-
blons ; il s'en faut qu'il y ait toujours parallélisme entre l'intensité
de l'émotion et son expression. Dans bien des cas, il parait évident
que l'émotion n'est qu'une conséquence de l'idée ; à plus forte
raison pour l'obsession, dans laquelle l'élément intellectuel est plus
important que dans l'émotion simple, etc. Nous pensons que le
.rôle essentiel, dans la genèse de l'obsession morbide, appartient
aux troubles de la volonté. En étudiant l'état des obsédés en dehors
de leurs crises angoissantes, on reconnaît que ces malades sont
tous des abouliques, qu'il s'agisse des mouvements ou des idées.
L'élude des mouvements volontaires est, à cet égard, très instruc-
tive chez les obsédés. On retrouve ces troubles moteurs dans la
folie du doute, type des obsessions dites intellectuelles, aussi bien
que dans les diverses phobies. C'est la perte ou l'amoindrissement
considérable du contrôle de la volonté qui permet la formation de
systèmes psychologiques, produits de l'automatisme, qui s'impo-
sent à la conscience et qui l'obsèdent.
En résumé, l'obsession morbide est un phénomène très complexe,
dont la condition fondamentale est un trouble primitif et généra-
lisé, affectant les éléments communs à la volonté et il l'intelligence;
ce trouble est une aboulie permanente qui préexiste aux obsessions
et les prépare. L'influence des idées et des émotions s'exerce dans'
le développement, dans l'orientation et dans l'intensité de l'obses-
sion, ainsi que dans l'apparition et le rappel des accès. Mais l'ob-
session est avant tout une maladie de la volonté.
li. Régis. - Quel est, dans l'obsession, l'élément prépondéiant,
l'élément intellectuel ou l'élément émotif Tel est le très intéres-
sant problème que vient de remettre en question la communica-
tion de 11. Arnaud. Notre collègue accorde comme on voit cette
prépondérance. l'élément intellectuel, puisqu'il fait de l'obsession,
avec Billod et tant d'autres, une maladie de la volonté. Sans nier
l'altération de la volonté dans l'obsession, sur laquelle j'ai, en ce
qui me concerne, tout particulièrement insisté, je rappelle que
nous n'en considérons pas moins, ils. Pitres et moi l'émotion
comme le fondement de l'obsession et que nous en avons longue-
ment exposé les raisons dans divers travaux=.
.. Je me bornerai à en indiquer quelques-unes : 1° Dans les cas
1 E. Régis. Manuel pratique de médecine mentale, 2 édition, 1892.
2 Pitres et Régis. L'Ir'z·eullzoPltobie ou Phobie de la rougeur. (Congrès
des aliénistes et neurologistes, Nancy, 1s9 ? - Seméiologie des obsessions.
(Congrès de Moscou, 1897.) .
SOCIÉTÉS SAVANTES. 3 i·
.. 1
de phobies pures, par exemple dans l'agoraphobie, tout se borne
à la crise d'angoisse devant l'obstacle à franchir et, s'il y a idée-
obsédante, cette idée ne survient que comme accompagnement et
comme conséquence de l'anxiété topophobique ; 2° Dans les obses-
sions proprement dites, même les plus intellectualisées, les obses-
sions du doute, par exemple, que M. Arnaud continue d'appeler à
tort « folie du doute », qll'oJ)serve-t-on ?
On observe ceci. L'obsession peut se manifester par plusieurs
idées, soit au même moment, soit successivement, tandis que
l'émotion, malgré cette diversité intellectuelle, reste toujours la
même. L'idée obsédante est donc, dans l'obsession, l'élément
vaiiable et changeant ; L'anxiété, elle, y est l'élément fixe et im-
muable. Et c'est là non pas une simple vue théorique, mais la
conclusion même qui découle des faits. '
Tout récemment encore, je voyais une malade atteinte d'obses-
sion du doute et comme je l'engageais, pour triompher plus aisé-
ment de la peur des couteaux qui la torturait, non à les fuir, mais
au contraire à s'habituer le plus possible à leur vue et à leur con-
tact. elle me répondit : « Oui, je pourrai peut-être vaincre de la
sorte cette obsession. Mais je le sais par expérience, quand j'y
serai parvenue, une autre prendra la place, celle des allumettes,
des chiens, des chiffres, par exemple. Car l'idée n'est rien chez
moi, c'est l'émotion qui est tout, et, en guérissant mon idée, je
n'auiai pas guéri mon (motivité, qui se portera sur autre chose.
On ne saurait, à mon sens, mieux indiquer ce qui se passe dans
l'obsession. · '
3° Il est des cas enfin où l'on voit la maladie partir de l'angoisse
pure et ne s'accompagner que plus tard, par le fait même de sa
progression, de l'idée obsédante.
L'éreuctophobie ou obsession de la rougeur, que nous avons
récemment étudiée, nous offre des exemples fréquents et frappants
de cette évolution. L'éreuthophobie naît le plus souvent chez un
prédisposé, à l'occasion'd'une circonstance de sa jeunesse dans
laquelle il a rougi de façon plus particulièrement pénible. A dater
de ce moment, toutes les fois que le sujet se retrouve dans la même
circonstance ou dans le même milieu, il rougit de nouveau et son
angoisse est telle qu'elle se manifeste non seulement à ce moment,
mais avant même, à la peur seule de rougir.
Les choses peuvent en rester là et dans ce cas, il y a phobie sans
idée obsédante. Mais certains malades vont plus loin. Non seule-
ment ils éprouvent la crainte angoissante de rougir à chaque
retour de la circonstance originelle ou d'autres analogues, mais ils
én arrivent peu à peu. songer dans l'intervalle à leur infirmité,
à la honte qu'ils en éprouvent, aux déboires et aux moqueries
qu'elle peut leur attirer. Bientôt ils y pensent nuit et jour et ne
s'occupent plus que d'inventer des moyens- pour guérir, allant
340 SOCIÉTÉS SAVANTES.
même jusqu'à souhaiter la mort pour se débarrasser du tourment
- qui les ronge. Alors, mais alors seulemeut, l'idée obsédante est
venue se joindre à l'anxiété, l'élément intellectuel s'est greffé sur
l'élément émotif pour constituer l'obsession complète.
De cet ensemble de faits, qu'on pourrait multiplier, il résulte
nettement, à notre avis,-que dans l'obsession, l'élément antérieur,
constant, invariable, c'est-à-dire l'élément fondamental, c'est l'élé-
ment émotif.
C'est pourquoi nous rejetons l'opinion de Westphal et de la plu-
part des auteurs allemands sur, la nature foncièrement intellec-
tuelle de l'obsession et, heureux de reprendre une opinion qui fut
celle de l'illustre More], nous considérons l'obsession comme un
état pathologique à base essentiellement émotive, comme une
névrose d'angoisse (tugtsneurose) pour nous servir d'une vivante
expression empruntée à Freud.
Sur la physionomie el la progression de certaines lésions cellulaires
corticales accompagnant les accidents mentaux des maladies géné-
rales (Laboratoire de M. le Professeur agrégé Gilbert Ballet).
M. Maurice FAURE (Paris). Je présente 15 photographies
microscopiques reproduisant l'aspect des cellules pyramidales
(grandes cellules du lobule paracentral) chez douze malades, morts
de maladies générales (pneumonie, tuberculose, lésions du foie,
lésions du rein), avec des troubles mentaux plus ou moins accen-
tués. On constate que, dans cinq cas, les cellules ont conservé le
type normal, ce qui démontre une fois de plus, que l'on peut avoir
certains troubles fonctionnels cérébraux, même accentués, sans
que la lésion correspondante de l'organe soit appréciable à nos
investigations. Dans sept cas, au contraire, les cellules sont mani-
festement altérées et cette altération présente exactement les
mêmes caractères dans tous les cas. Nous avons, dans des publi-
cations antérieures, insisté sur la physionomie typique de cette
lésion, dont nous rappellerons seulement ici les caractères fonda-
mentaux : forme globuleuse de la cellule, migration périphérique
du noyau, décoloration centiale de la cellule. Ce qui nous parait
aujourd'hui particulièrement digne d'être signalé, c'est qu'en
réunissant ainsi, dans une étude d'ensemble, ces divers cas aux-
quels nous venons de faire allusion, nous pouvons mettre très
nettement en évidence le parallélisme d'intensité des lésions
corticales, des troubles mentaux et des accidents généraux de la
maladie.
Si donc l'hypothèse qui impute l'apparition des troubles men-
taux dans les maladies générales (délire fébrile, confusion men-
iale, hallucinations, etc.) à l'action cérébrale des poisons fabriqués
dans un organisme infecté ou intoxiqué est une hypothèse exacte,
SOCIÉTÉS SAVANTES. 341
elle peut s'appliquer avec la même vraisemblance à l'explication
des lésions que nous avons rencontrées.
Ces lésions, que nous avons vainement recherchées dans un
grand nombre d'autres autopsies d'origine variée, dont le type est
fort différent des lésions banales que l'hyperthermie, l'agonie, la
décomposition cadavérique peuvent réaliser, paraissent devoir être
rencontrées dans les cas où une toxi-infection, quels qu'en soient
la nature et le siège, agira sur les cellules nerveuses pour en modi-
fier la structure et la fonction. Dans les neurones spino-périphé-
riques, de semblables actions donneront naissance aux polyné-
vrites, qui s'accompagnent précisément fort souvent d'altérations
cellulaires spinales, exactement semblables à celles que nous venons
de montrer dans les cellules cérébrales. De même que les polyné-
vrites sont formées de symptômes et de lésions toujours les mêmes
ou à peu près, quelle que soit leur cause (alcoolisme, tubercu-
lose, etc.), de même les lésions corticales, que nous signalons
resteront les mêmes, bien que dues à des causes variées (fièvre,
injection, intoxication, etc.); il en est ainsi, d'ailleurs, pour les
troubles mentaux qui les accompagnent, et qui varient peu malgré
la variété des maladies qui les engendrent (délire de fièvr z
typhoïde, de pneumonie, d'infection puerpérale, etc.).
DU IIIsSIE auteur. La cellule nerveuse et le neurone ; structure et
fonction à l'état normal et pathologique (Revue générale). Gazette des
hôpitaux. 29 juillet 1899. - Les poliomyélites (Revue générale). Gazette
des hôpitaux du 8 octobre 1898. Lésions cellulaires dans la maladie
de Païkinson (en collaboration avec 111. le professeur ag. Gilbert Ballet).
Revue neurologique, octobre 1897. Atrophie des grandes cellules pyra-
midales dans la zone motrice de l'écorce cérébrale, après la section expé-
rimentale des fibres de projection chez le chien (en collaboration avec
M. le professeur a-. GILBERT Ballet). Médecine moderne, 29 mars 1899.
Contribution à l'anatomie pathologique de la psychose polynévritique
et de certaines formes de confusion mentale primitive (en collaboration
avec M. le professeur ag. GILBERT Ballet). Presse médicale, 30 novem-
bre 1898. - Sur les lésions cellulaires corticales observées dans G cas de
troubles mentaux toxi-infectieux. Revue neurologique, décembre 1899.-
Le délire dans les maladies aiguës (en collaboration avec G. DES%'AULX).
Médecine moderne, août 1899. Sur un syndrome mental fréquemment
lié à l'insuffisance des fonctions hépstorénales (1 vol., Ruef, éd., Paris).
Importance des lésions hépatiques dans les cas de délire au cours des
maladies infectieuses (Communications au Congrès de 1900, Palis, et
Médecine moderne, août 1900).
M. Gilbert* Ballet affirme l'importance des lésions cellulaires.
Leur extrême fréquence n'infirme en rien leur valeur, comme on
serait tenté de le supposer. Autrefois, Charcot pensait qu'il ne
fallait pas attacher grande importance aux signes analomo-patho-
logiques de dégénérescence observés dans les nerfs atteints de
névrite post-typhique.
342 SOCIÉTÉS SAVANTES.
On connaît aujourd'hui l'importance de ces lésions ariatomiqués.
Il en est de même pour les lésions cellulaires, que l'on est tenté de
considérer comme insignifiantes, simplement parce qu'on les
trouve très souvent. C'est un tort. Leur fréquence ne leur enlève
rien de leur valeur ni de leur importance. ,
- Deux cas de troubles mentaux loxi-infeclicux avec examen
hislotogique.
1\1. L.\IGXEL Lavastine, interne des hôpitaux de Paris, rapporte
deux cas de troubles mentaux toxi-infectieux avec lésions cellu-
laires corticales. Chez deux malades qu'il a observés, l'un dans le
service de M. le D1' Gilbert Ballet, l'autre dans le service de 111. le
D'' Béclère à l'hôpital Saint-Antoine, il a constaté pendant la vie
les symptômes suivants : pouls rapide, état saburral du
tube digestif, faciès hagard, perte des notions de temps et de
lieu, délire avec hallucinations et refus d'alimentation. A l'au-
topsie, les lésions macroscopiques étaient banales : mais l'examen
de l'écorce cérébrale à l'hématosyline, éosine, au picro-carmin et
par la méthode de Nissl a montré, en même temps que l'absence
d'inflammation des grandes cellules pyramidales, décrites pour la
première fois par Al. Ballet et consistant essentiellement dans la
forme globuleuse de la cellule, la chromatulyse et la migration
périphérique du noyau. Des projections successives des prépara-
tions de l'auteur et de celles de MM. Ballet et Faure permettent de
se rendre compte de l'identité des lésions. Ce syndrome anatomo-
clinique parait relativement fréquent. t.
La psychose d'insolation ; par M. le Dr E. Régis.
Traitement des douleurs du tabès par l aspirine et la
· rachi-cocuïrzisulion sous -arachnoïdienne.
1\1. MARCHAND. Dans 4 cas sur 5 de douleurs tabétiques, l'as-
pirine nous a donné une sédation presque complète de la douleur.
Les doses ont été de 1 à 3, 4 et même 5 grammes, suivant la tolé-
rance. L'intolérance gastrique ne se montre généralement qu'après
un long emploi. Nous pensons que l'aspirine pourra rendre de
grands services dans le traitement des douleurs fulgurantes du
tabes et prendre place à côté de l'antipyrine et de l'exalgine dans
l'arsenal thérapeutique du neurologiste. Dans deux cas de crises
gastriques violentes, nous avons eu recours à l'injection sous-'
arachnoïdienne de cocaïne suivant le procédé de Tuffier. Nous
avons eu deux succès et cela sans inconvénients d'aucune sorte
consécutivement à l'injection. Dans le premier cas le malade souf-
frait depuis quinze jours et fut calmé complètement. n'a pas eu
SOCIÉTÉS SAVANTES. 343
de reprise de douleurs depuis, trois semaines. Dans le second cas.
un vomissement léger suivit l'injection, la douleur disparut com-
plètement. Nous avons injecté environ 2 centimètres cubes de
rachicocaïne Carrion à 0,5Ù p. 100 à chacun de nos malades.
Nos deux observations contribuent à montrer la puissance anal-
gésiante de doses minimes de cocaïne ainsi injectée sur les dou-
leurs viscérales tenaces du tabes. Ce résultat est explicable si l'on
songe que la cocaïne agit ainsi, localement, pour ainsi dire, sur la
source même de l'évolution et de ses troubles, sensitifs, les racines
postérieures. Or d'après 1\L\1. 'J'rumer et Hallion, c'est précisé-
ment sur ces racines que s'exerce d'une i'eçon presque exclusive
l'action paralysante de la cocaïne. '
A côté de ces avantages, l'injection sous-arachnoïdienne de^
cocaïne présente des inconvénients, asepsie, technique, etc..., qui
limitent ses indications. Nous croyons qu'il faudra la réserver pour
les cas, très peu fréquents, où l'on se trouvera en .présence d'un
de ces états de crise douloureuse, périphérique ou viscérale, qui
souvent dure huit, dix, quinze jours et que rien ne calme. Les
médications intenses, les piqûres de morphine même il dose dan-
gereuse échouent . C'est alors que l'on pourra recourir à l'injection
sous-arachnoïdienne de cocaïne.
111. LUGXEL LAY ASTIXE dit qu'il a pratiqué avec succès, à diverses
reprises, l'injection sous-arachnoïdienne de cocaïne chez des
tabétiques dans le service de JI. le professeur Landouzy.. ,
Traitement médico-péda[]ogi'1ue des enfants idiots.
11. BOUIIIOE"ILLE. En raison de l'organisation défectueuse de
l'enseignement clinique, beaucoup de médecins n'ont qu'une con-
naissance imparfaite des maladies chroniques du système nerveux
chez les enfants. D'où leur hésitation, de bonne foi, sur ce
qu'il y a à faire pour cette catégorie de malades, pourtant si nom-
breuse. Dans nos Congrès précédents, au Congrès international
de 1900, nous avons essayé de combler cette lacune, en montrant
les améliorations réalisées chez les microcéphales. D'où encore cette
nouvelle communication destinée à montrer, par des faits que, chez
les enfants, même les plus malades, il est possible d'obtenir une
amélioration sérieuse. A plus forte raison chez les enfants imbé-
ciles on simplement arriérés.
A l'appui, nous faisons passer sous vos yeux 18 photographies
collectives d'enfant idiots complets, c'est-à-dire ne tenant pas,
debout où ne marchant pas à l'entrée, gâteux, ne parlant point,-
incapables de manger seuls, de s'habiller, de se laver, etc. ; en un
mot, 6s/res tout à fait végétatifs. Leurs photographies ont été prises
de deux en deux ans. L'examen de ces photographies collectives-
les montre successivement marchant et propres, se développant
- 3 xj -. -' ?
344 ? . ' SOCIÉTÉS SAVANTES.
- " f. \1 ?
physiquement et'intellectuellement. Voici le résumé de l'observation
de nos malades :
Bign... (Georges), âgé de treize ans. Cet enfant, atteint d'idio-
tie complète à. l'entrée, ne marchait pas, la parole était nulle, le
gâtisme complet. Aujourd'hui, il est amélioré : la parole est bonne,
l'enfant cependant conserve une prononciation défectueuse, mais
il répond exactement quand on lui parle, fait des phrases et com-
prend bien tout ce qu'on lui dit. Il s'habille, se déshabille seul et
proprement. Il se rend utile à tous les travaux du ménage. Son
travail à la classe est bon, il écrit assez lisiblement, commence à
syllaber et sait le nom des objets usuels, fait sur le cahier des
barres et des 0 et travaille bien à la gymnastique. Apprenti
' cordonnier, il est chaque semaine récompensé. Au réfectoire, il a
appris à se servir de la cuiller et de la fourchette, et il mange
très proprement. Il se rend également utile à table, en aidant les
plus petits à manger, à débarrasser sa table et ranger son petit
panier de cuillers. 11 commence à se débarbouiller seul. Il est
devenu prévenant, gai, très joueur; n'est pas méchant pour les
petits. -
Bezo... (Jean), quatorze ans et demi. Atteint d'imbécillité pronom-
noncée. A son entrée, il ne connaissait aucune lettre, ne pouvait,
sur le cahier, reproduire que des 0, et n'avait aucune notion sur
les opérations arithmétiques. Actuellement, l'enfant lit couram-
ment, écrit lisiblement, fait des devoirs et des dictées, sans trop
de fautes, peut écrire lui-même à sa famille et sans le concours
de personne. Il fait les trois premières opérations en arithmé-
tique, a quelques notions élémentaires de grammaire [et de géo-
graphie et connaît très exactement la division du temps. En
résumé, cet enfant est arrivé à un degré presque normal. -
Apprenti tailleur, il travaille bien, fait partie de la fanfare. (Il
est heureux d'y être et connait les notes.)
Lambe... (Louis), quatorze ans. Atteint d'idiotie complète, grand
gâteux jour et nuit, ne parlant pas, ne se servant pas de la cuil-
ler, très Craintif : on ne pouvait pas s'approcher de lui sans qu'il
sursautât. Attention difficile à fixer, aucune notion sous le rapport
de l'habillement et de la toilette. Aujourd'hui, il n'est plus gâteux,
s'habille et se déshabille seul, commence à se nettoyer assez bien,
aide même les infirmières à habiller les enfants, est très complai-
sant et doux envers les enfants plus petits que lui, est très affec-
tueux. Il aime à se rendre utile. Mange proprement, se sert de la
cuiller et de la fourchette. A la classe les progrès sont plus
lents; il a peu de mémoire, cependant il est parvenu a placer les
lettres et les chiffres et à reconuaitre les légumes. Pour la parole,
il a fait des progrès, il cause assez convenablement, mais la pro-
nonciation est assez défectueuse. Il fait assez bien les commis-
sions.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 345
Lam... (('.aston), quatorze aus et demi, atteint d'idiotie pro-
fonde avec gâtisme, avait de l'écholalie, prononçait mal quelques
mots : du panpin pour pain, ci barre pour à boire, mimmin pour
maman. Aucune notion, ne savait pas s'habiller, se déshabiller,
se nettoyer, ne connaissait pas les parties de son corps, il mon-
trait son nez pour sa tête, son pied pour sa main, etc.
Actuellement, il est propre, s'habille, se déshabille, se nettoie
seul, mange proprement, se sert de la cuiller et de la fourchette,
débarrasse le couvert au réfectoire et commence à laver la vais-
selle. Répond bien aux questions qui lui sont posées et com-
mence à tenir conversation.
Pierre (Louis), onze ans. Enfant atteint d'idiotie profonde,
n'ayant aucune notion à son entrée, Il ne prononçait que les mots
papa et maman, ne savait pas s'habiller, se déshabiller, se net-
toyer, n'avait aucune notion sous le rapport des exercices clas-
siques.
Aujourd'hui, il est complètement propre, s'habille, se désha-
bille et se nettoie seul. Il place les lettres et les reconnaît. Parle
assez à propos et prononce assez bien les mots.
Troec... (Edouard), cinq ans et demi. Cet enfant attteint d'i-
diotie profonde et d'épilepsie, était grand gâteux, ne parlait pas,
ne savait pas manger seul. L'attention était difficile à fixer, une
vraie petite bête. Il est parvenu il manger seul, à se servir de la
cuiller et de la fourchette. Est propre le jour et la nuit, va seul au
siège. Sa parole s'est notablement améliorée, sa prononciation est
assez bonne, à l'exception de quelques mots défectueux; il chante
tous les airs des chansons qu'il entend, se débarbouille seul, mais
le fait encore maladroitement. Suppression des vertiges et des accès
épileptiques depuis environ deux ans. (Cet enfant avait élélrépané
et avait subi la résection du sympathique au cou, sans aucun
résultat.) -
Georg... (Fernand), huit ans. Atteint d'imbécillité, avec colères
fréquentes, et manie de ronger les vêtements, était, à son entrée,
dans l'impossibilité de lire, il ne savait pas non plus écrire et avait
peu de notions sur les choses usuelles. Son état s'est bien amé-
lioré, les colères sont moins fréquentes, et la manie de ronger a
disparu. De notables progrès sont à signaler à la classe et, aujou1'-
d'hui, il lit couramment en se rendant bien compte de ce qu'il lit,
écrit lisiblement, fait la dictée avec les grands, etcommence à faire
des problèmes sur l'addition et la soustraction. Il reproduit aussi
quelques traits de dessin et y apporte un certain goût. En
résumé l'enfant se rapproche de plus en plus en plus de l'état
normal.
Maur... (Pierre), 10 ans, enfant atteint d'idiotie profonde, mar-
chait à peine; la parole était nulle, et il gâtait la nuit et le jour.
Incapable de se vêtir, de manger seul, il procède aujourd'hui
346 SOCIÉTÉS SAVANTES.
à ces soins d'une manière convenable. Il parle, comprend et
tient bien une conversation. A la classe, il est arrivé à pouvoir
écrire assez lisiblement, -a fait quelques progrès concernant les
leçons de choses et la gymnastique.
Provo..^ (Edmond), neuf ans. Est entré dans-le service atteint
d'idiotie complète, avec gâtisme ; marche et parole nulles. Accjo2n'-
d'hui, il parle, marche, s'habille et se déshabille seul, et se rend
utile aux travaux du ménage. - Il écrit lisiblement, mais est lent
à la lecture. -
13tupi... (Louis), douze ans, atteint d'idiotie complète, ne mar-
chait pas à son entrée, et se tenait difficilement debout, toujours
dans un coin, l'air attristé. ne se retournant même pas quand on
l'appelait (ce qui l'avait l'ait surnommer par les autres la petite
misère). Il était grand gâteux, la parole était nulle, et à table il ne
savait pas manger seul (même avec les mains.) - Actuellement,
l'enfant prononce mal, il est vrai, mais il connaît le nom des per-
sonunes qui sont avec lui, les reconnaît même quand elles quittent
le service et qu'elles y reviennent.
Ilicqu... (Emile), sept ans, atteint d'idiotie profonde et d'hémi-
plégie. A son arrivée, en mai 1899,il gâtait jour et nuit. Parole à
peu près nulle, limitée à papa, maman, pa pour pain. Aujour-
d'hui, il ne gâte plus; il exprime ses besoins. La parole a fait de
grands progrès; il dit tous les jours des mots nouveaux mais avec
une articulation encore très défectueuse. Il s'habille et se désha-
bille seul sans pouvoir cependant lacer, nouer, boutonner.
Cet enfant,atteint à son arrivée de clccrzonzanie (ou manie de
mordre), sans colère, sans cause aucune, pour le seul plaisir de
mordre, est enfin guéri de ce penchant.
Pard... (Marcel), qnatre ans et demi, atteint d'idiotie du second
degré compliquée d'hémiplégie. - A son arrivée (mars 1899), il
serait resté des journées entières sans bouger de place, se balau-
çant continuellement d'avant en arrière, en poussant une sorte de
plainte ininterrompue. Il ne parlait pas ou du moins ne disait que
papa et pain avec beaucoup de peine et très rarement. - il mar-
chait lorsqu'on lui donnait la main mais, le quittait-on un instant.
il restait immobile, ne faisant plus un seul pas; nous faisions mine
alors de nous éloigner et l'appellions; il pleurait, ne bougeait pas
davantage el serait resté ainsi indéfiniment.
Aujour l'hzci, Pard... marche seul et court souvent; monte et
descend les escaliers sans aide. Très en progrès également pourla
parole, il répète et comprend maintenant tout ce qu'on lui dit,
commmence à parler un peu de lui-même. La voix est basse,
caverneuse et'1'articulation laisse beaucoup à désirer, mais enfin il
parle, avec à propos, et nous comprenons ce qu'il veut dire. Le
caractère devient plus enjoué, plus affectueux. Pard.. commence
à jouer avec ses camarades,
SOCIÉTÉS SAVANTES. 347
Del... plarcel). cinq ans, atteint d'idiotie compliquée d'impul-
sions violentes, que nous avons signalé l'année dernière comme
amélioré pour la parole, a continué ses progrès; il dit tous les
jours des mots nouveaux, qu'il prononce mieux, avec moins de
volubilité et une articulation plus franche. Le regard, toujours
vague, et ne reposant sur rien, se fixe davantage. A table, il remarque
les plats, tend son assiette et réclame bien sa part si on larde à le
servir; lorsque le paiu est un peu plus petit que d'habitude il s'en
aperçoit de suite et le jette avec colère. De)...est arrivé à manger
seul en se servant delà cuiller; il se déshabille mais ne peut encore
s'habiller.
Laure.. prarce]), onze ans. Microcéphale atteint d'idiotie et
d'ustthilité mentale, d'une turbulence excessive, reste maintenant
volontiers en classe, est heureux que l'on s'occupe de lui et tra-
vaille avec plaisir. L'amour-propre semble s'éveiller mais, plus
sensible aux louanges qu'aux reproches, il faut constamment lui
prodiguer des encouragements.
Le vocabulaire de Laure.. s'étend chaque jour : il emploie les
pronoms, les verbes à propos et forme des phrases qui souvent nous
étonnent par les expressions nouvelles qui y sont contenue;. Il a
réalisé de grands progrès pour l'écriture. Suivant en cela la mé-
thode préconisée par Séguin nous avons essayé avec nos trois mi-
crocéplmles (dont Laure...) de faire débuter l'enseignement de l'écri- ^
ture par quelques notions de dessin; c'est ainsi que nous leur
avons enseigné à reconnaître et tracer les lignes verticale, horizon-
tale, oblique, courbe pour passer à leurs combinaisons : triangle,
carré, cercle, etc., et enfin, à la formation des lettres. - Cette
manière de procéder nous a donné des résultats assez satisfaisants.
Latter... forme maintenant toutes les petites lettres et quelques
grandes dérivées de o telles que d, q, g; il trace également tous les
chiffres dont il a appris la valeur avec beaucoup de peine.
Grande difficulté toujours pour la lecture au Syllabaire et cepen-
dant cet enfant, à l'aide des lettres mobiles, place les consonnes
devant une voyelle quelconque et iecounait bien les sons obtenus
ainsi. - Il lit un certain nombre de mots imprimés, isolément, tels
que ceux qui sout relatifs aux couleurs, nombres, surfaces, etc.
Chai... (Louis), dix ans est entré en janvier 1898.
Microphale à un degré prononcé, atteint d'idiotie et d'instabilité
mentale. L'instabilité est un peu moins grande qu'à l'arrivée; il
apporte un peu plus d'attention aux exercices classiques : il vient
maintenant en classe avec plaisir et travaille volontiers si l'on s'oc-
cupe exclusivement de lui, mais dès que l'on passe à un autre
enfant, il cesse de travailler, regarde à droite et gauche et, fina-
lement, se dérange de sa place pour aller taquiner ou happer ses
petits camarades. Et cependant Chai... n'est pas foncièrement
méchant mais il a le goût du commandement et lui, qui est l'indi
348 SOCIÉTÉS SAVANTES.
discipline en personne, morigène et corrige continuellement les
autres enfants.
Apportant néanmoins une attention un peu plus soutenue, il a
réalisé de notables progrès. Chai... trace régulièrement les princi-
pales lignes, quelques surfaces d'une façon très élémentaire mais
donnant parfaitement l'idée de la figure que l'enfant a voulu
représenter, enfin il forme presque toutes les lettres et commence
à les assembler,
Cet enfant qui, ayant quelques dispositions pour l'écriture,
reproduit assez fidèlement un modèle donné, est incapable de
suivre un tracé. (Nous avons plusieurs enfants dans ce cas).
La mémoire, des plus fugitives, fait oublier à Chai... ce qu'il a
appris assez vite la veille, aussi constatons-nous peu de progrès
pour la lecture au syllabaire. Nous obtenons davantage à l'aide des
lettres mobiles. La parole, chez cetenfant, continue à s'améliorer.
Sterlin... (Georges), douze ans, est entré en mai 1894. -11licl'o-
céphale atteint d'idiotie et d'instabilité. A son arrivée, cet enfant
avait la monomanie des fugues. Dès qu'une porte était ouverte, il
disparaissait et nous étions toujours à sa recherche. Chez lui, le
langage faisait absolument défaut par absences d'idées, croyons-
nous, car bien que l'articulation laissât à désirer, principalement
pour le k, prononcé t, et le changé en n, elle n'était pas totale-
ment défectueuse. Sterl..., s'isolait, ne jouait avec ses camarades,
leur parlait encore moins. A nos questions il répondait par mono-
syllabes. Recevait-il un coup, ne criait pas, ne se plaignait pas et il
était difficile de savoir où et comment il l'avait recu. Son caractère
sombre, un peu sournois, s'est heureusement modifié. Il prend
part maintenant aux jeux de ses camarades, sait se plaindre et
même se défendre lorsque ceux-ci veulent le battre; enfin il vient
souvent vers nous et, sans être interrogé, nous cause avec à pro-
pos. Sa parole nous surprend souvent par la longueur des phrases
qu'il forme et les idées qu'elles expriment. '
Très mal doué sous le rapport de la mémoire, Sterlin... éprouve
une grande difficulté pour la lecture; les progrès sont plus sen-
sibles pour l'écriture : il trace tous les chiffres, se rend compte des
quantités qu'ils représentent, forme bien les petites lettres, com-
mence à les assembler.
Tier... (Pierre), seize ans, est entré en mai 189. - Sml1'd-muetren-
voyé de l'école d'Asnières comme arriéré et incapable d'apprendre.
Les progrès sont sensibles mais l'articulation continuant à ne pas
nous donner entière satisfaction, nous nous appliquons surtout àap-
prendre à cet enfantle nom de tout ce qui l'entoure ainsi que les quel.
ques connaissances pratiques qui nous semblent devoir lui être
utiles, telles que : exprimer ses besoins, la soif, la faim, le chaud,le
froid, la souffrance. Il a appris, dans le courant de cette année son
nom, son âge, la date de sa naissance, les jours'de la semaine, les
SOCIÉTÉS SAVANTES. 349
mois, l'heure, les nombres, la valeur des sous et centimes ce qui,
ajouté aux connaissances acquises précédemment, porte à près de
500 le nombre de mots que nous avons appris à cet enfant. Ces
mots, notre élève les comprend, lit et écrit ; il cherche à les arti-
culer, plus souvent mal que bien, mais enfin arrive à se faire com-
prendre, si ce n'est pas parla parole, du moins par l'écriture.
Nous devons joindre à cela l'addition, la soustraction et la mul-
tiplication que notre élève fait bien, mais sans en comprendre
encore l'application. Etant parvenus à lui faire prendre goût au
dessin, nous lui faisons reproduire, chaque jour, quelques objets
usuels, au-dessous desquels il doit écrire les noms correspondant.
Tier ? travaille toujours à l'atelier des tailleurs, où son patron
est satisfait de son travail.
Mil... (Emile), neuf ans, est entré le 10 août 1895. A son arrivée,
il était atteint d'idiotie complète, gâtait, ne savait pas s'habiller,
mangeait à pleine main, était d'une nature extrêmement pares-
seuse, somnolente et n'avait aucune notion classique. En 1896,
il est rendu propre, mange plus convenablement, commence à s'ha-
biller. En 1897 il a appris à lacer, nouer, boutonner, à se laver
les mains seul, à reconnaître les couleurs, les principales parties
de son corps, presque tout le contenu de la boite aux leçons de
choses. - En 1898, il reconnaît et nomme les lettres, chiffres,
surfaces; place bien les bâtonnets dans le casier; exécute bien les
mouvements de la petite gymnastique.-Dans le courant de 1899,
il commence seulement à prendre goût à la lecture et à l'écriture,
lit un certain nombre de nos mots imprimés et s'intéresse davantage
à tous les exercices classiques. ' .
Enfin, cette année (1900), les progrès ont été très sensibles pour la
lecture, l'écriture et le calcul. Cet enfant, dont l'amour-propre s'est
éveillé, est heureux des progrès réalisés et travaille avec plaisir. Il
lit et écrit un grand nombre de mots imprimés isolément; syllabe
assez facilement; fait l'addition, la soustraction, commence la
multiplication. L'écriture, très améliorée, est très lisible. Cet
enfant est en bonne voie pour la lecture courante.
Fél... (Léon), treize ans et demi, est entré en mai 1890. Il
était atteint d'idiotie prononcée compliquée d'épilepsie et d'hémi-
plégie droite.
A son arrivée, Fél... se tenait à peine debout et gâtait jour et
nuit. La parole, très défectueuse, était presque incompréhensible.
Cet enfant a été rendu propre en 1893 et sa parole, très améliorée,
commence, à cette époque, à être bien distincte, il forme de petites
phrases. En 1894, il s'habille et se déshabille seul, place les lettres,
les surfaces, les couleurs. 11 commence à former quelques lettres et
chiffres en 1895. Toujours en mouvement, Fél... se balançait
d'avant en arrière dès qu'on l'obligeait à rester assis.
En 1898, notre élève commence à prendre goût à la lecture.
350 SOCIÉTÉS SAVANTES.
En 1899, sous l'influence du traitement, les accès -d'épilepsie se
raréfient et nous constatons en même temps une sensible amélioration
dans l'intellect de cet enfant. A partir de cette époque, la mémoire
a paru se développer et les progrès en toutes choses s'en sont res-
sentis, principalement pour la lecture qui semblait être pour Fél...,
d'une difficulté insurmontable, car nous avancions d'une page
pour retourner de deux en arrière le lendemain. Enfin cette année
notre élève a fini par passer à la lecture courante; il comprend ce
qu'il lit, pas toujours ce qu'il écrit. Il commence cependant à faire
de petits devoirs de grammaire qu'il comprend. L'écrilure est
bonne etfrèslisibte. bien que' l'enfant écrive de la main gauche, le
coté droit étant paralysé. Pour le calcul, il fait l'addition avec
retenues et commence la soustraction mais nous éprouvons une
difficulté très grande à lui faire saisir le plus simple calcul men-
tal. Tout ce qu'on est parvenu à apprendre à cet enfant n'a été
obtenu qu'avec une grande dépense de peine et de temps, car il est
beaucoup plus dépourvu qu'il ne le parait de prime abord.
Lemait... (Georges), treize ans et demi, est entré en avril 1890.
A son arrivée, cet enfant atteint d'idiotie profonde se trouvait
presque au dernier degré de l'échelle intellectuelle ayant tous les
tics et manies des idiots; parole nulle, poussanl des cris sauvages;
mordant ceux qui l'entouraient, gâtant jour et nuit.
' Cet enfant, signalé dans le Compte rendu de 1899 comme très
amélioré, [est enfin arrivé il lire couramment, grâce à l'emploi
simultané du syllabaire et des mots imprimés isolément.
L'écriture, ayant marché de front, il copie chaque jour la leçon
de lecture et écrit de mémoire un certain nombre de mots, tels que
ceux concernant les couleurs, nombres, jours de la semaine, vêle-
ments, famille. Lemait... éprouve une grande difficulté pour le
calcul; il commence cependant à faire seul l'addition.
La parole est encore défectueuse. Néanmoins notre élève a réalisé
de sensibles progrès; il a acquis pendant cette année cl, g, v, z,j,
r, ill, gn, bl ; mais tous ces sons, bien articulés au commence-
ment ou dans le corps des mots, sont nuls lorsqu'ils forment la
syllabe finale muette; ainsi Lemait..., qui dit : très bien blanc,
bleu, tableau, dira : « ta » pour table « por » porte; de même il
dira « papa » pour paille; « vi » pour vigne alors qu'il dit facile-'
ment bouillon, gagné.
Mazie... -(Henri), né le 2 juillet 1884 est entré dans notre service
le 3 décembre 1887 : idiotie complète avec microcéphalie très pio-
noncée.^4 l'entrée (trois ans et demi) : station verticale impossible;
attention, parole et préhension nulles ; il ne s'aide en rien, ne
mâche pas ses aliments, gâte nuit et jour. Tics.
Aujourd'hui Maz ? n'a besoin de personne pour ses besoins per-
sonnels ; il est- très soigneux; on peut même dire coquet. Il se
livre à tous les jeux avec agilité et adresse. 11 a l'ait de sensibles
SOCIÉTÉS SAVANTES. , 351
progrès en gymnastique. Il parle couramment alors que la parole
était nulle jusqu'à la fin de sa troisième année ; tout ce qu'il dit est
raisonnable et a un sens précis. S'il avance lentement dans l'en-
seignement purement intellectuel, il avance avec continuité et l'on
doit espérer qu'avec l'application persistante de la méthode appli-
quée jusqu'ici, il possédera dans un certain temps les connais-
sances indispensables dans la vie sociale.
Les photographies que nous avons fait passer sous vos yeux,
nous semblent, Messieurs, tout à fait démonstratives. Elles mettent
en évidence la possibilité d'une amélioration considérable pouvant
aller jusqu'à la guérison. De tels résultats no peuvent être obtenus
qu'à certaines conditions : 1° appliquer le traitement 7)iétlic(i-pétia-
goqiqllc le plus tôt possible dès que les premiers signes de l'idiotie
ont été reconnus, à deux ans, même avant. Les médecins embar-
rassés consolent les parents en leur disant qu'à sept ans il sur-
viendra une amélioration. Cet âge arrive, 'mais pas l'amélioration
promise. Ils l'ajournent il douze, treize ans, sans motif fondé. Cet
âge arrive aussi, mais l'état s'est aggravé : à la maladie nerveuse
et mentale se sont ajoutées des habitudes vicieuses.
La deuxième condition à remplir, c'est de continuer le traite-
ment avec persistance pendant un long temps au point de vue
intellectuel et au point de vue physique, afin de modifier profon-
dément l'état nerveux fondamental, la diathèse nerveuse si l'on
veut.
Voici rapidement comment il faut procéder : apprendre à l'en-
fant à se tenir debout, à marcher, courir, sauter, monter et des-
cendre les escaliers, à se servir de ses mains, à devenir propre ; -
puis éducation des sens, de la main en particulier, ce qui permet
d'apprendre à l'enfant à se déshabiller, à s'habiller, à se laver, à
manger seul : l'enfant, peut, à ce moment, se suffire à lui-même.
Cen'est quaprèsl'obtention de ces résultais qu'il convientll'abor-
der l'instruction, eu commençantpar les leçons de choses, l'enseigne-
ment des notions usuelles, par exemple, le nom des régions^ du corps,
des parties du vêlement, des meubles du dortoir, desobjets du réfec-
toire, de la classe ; la reconnaissance des animaux domestiques, des
personnes de l'entourage, etc. Ceci acquis, mais seulement alors,
on arrive à l'instruction primaire et parallèlement ou plus tard à
l'enseignement manuel.
Les faits que nous venons de résumer brièvement . ne laissent
aucun doute sur la possibilité de parvenir à apprendre à lire,
écrire, compter, chanter, à coudre, rempailler des chaises, faire
des brosses, de la vannerie, etc., et cela à des enfants qui, à
l'arrivée, étaient des idiots complets, en apparence tout à fait
incurables. C'est donc à tort qu'on a prétendu exclure du traite-
ment médico-pédagogique l'instruction primaire, dont, d'ailleurs,
profitent dans une beaucoup plus large mesure les enfants moins
352 SOCIÉTÉS SAVANTES.
profondément atteints, les imbéciles et les arriérés. La distinction
qu'on a voulu établir entre les idioties congénitales et les idioties
acquises, considérant les premières comme étant seules curables,
n'est pas non plus fondée. Elle ne l'est, et encore qu'en partie,
que pour les enfants atteints de méningites ou de méningo-encé-
phalites chroniques.
Si cette communication peut apporter la conviction dans l'esprit
de nos collègues, il est certain qu'ils pourront alors être utiles à
leurs jeunes malades, en conseillant, comme il convient, leurs
familles. Ils supprimeront des incurables .
Photographies et radiographies de diverses malformations des mem-
bnes chez les idiots ; par BOUnNEYILLE (sera publié ultérieurement).
Troubles unilatéraux de la mimique faciale (hEmi.mintie) chez les
nerveux et sur l'importance qu'il convient de leu r accorder.
M11. LANNOS et Pautet (de Limoges). Après avoir montré
l'importance que les aliénistes et les neurologistes attachent à ces
troubles en leur donnant.une origine centrale, les auteurs, tout en
faisant quelques réserves, montrent qu'il est une cause plus sim-
ple, à savoir : les altérations du nerf facial dans l'oreille moyenne.
Ils rappellent la fréquence des paralysies et aussi, et c'est là le
côté important de la question, des parésies et des contractures sys-
tématisées dues à une lésion de l'oreille moyenne, lésion pouvant
passer inaperçue. MM. Lannois et Pautet présentent de nombreuses
observations avec photographies à l'appui, lés unes tirées d'un tra-
vail déjà publiée les autres prises récemment pour donner plus de
poids à cette communication. Comme conclusion, les auteurs
disent que la fréquence des paralysies, des parésies et des spasmes
d'origine otique enlève une grande partie de leur valeur aux trou-
bles unilatéraux de la mimique, en tant que signes de dégénéres-
cence ou symptomatique d'une égalité des hémisphères cérébraux.
En tous cas, lorsqu'on aura à examiner des malades qui présen-
tent ces troubles, même s'ils sont hystériques, il est indispensable
de noter chez eux l'examen de l'oreille.
Peptones des carnivores dans la neurasthénie et manière de se les pro-
curer ; par le Dr Prosper Leuarsrar, membre correspondant de
l'Académie de médecine.
Catatonie et insuffisance rénale.
N11. RLCrs et L\LANt<E. Sous le nom de « Catatonie n, Iiablbaum
' G. Pautet. La mimique faciale. Paris, Baillière, 1900.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 353
a décrit, comme on sait, en 1874, un état pathologique constitué
à la fois, cliniquement, par des symptômes psychiques reprodui-
sant successivement ceux de la mélancolie, de la manie, de la stu-
peur. avec confusion mentale, finalement de la démence, et par
des symptômes somatiques consistant en phénomènes moteurs
variables caractérisés surtout par la raideur musculaire catalep-
toïde.
Kahlbaum considère la Catatonie comme une entité morbide
spéciale et cette opinion est partagée par certains auteurs à l'étran-
ger. En France, on regarde généralement la Catatonie, avec
MM. Charlin, Séglas et avec M. Roubinowitcll, comme un syn-
drome susceptible de se rencontrer sous diverses formes psycho-
patliques, en particulier de la stupeur. Quelle que soit la vérité à
cet égard, il est un point de l'histoire de la Catatonie sur lequel
on n'a pas, à notre connaissance, attiré l'attention jusqu'à ce jour
et qui nous parait cependant d'une réelle importance : il s'agit des
rapports de la Catatonie avec l'auto-intoxication. On sait déjà, par
des faits publiés par Brinaud et Laury, Dupré et Rabé, Latrou
qu'on peut observer des attitudes cataleptiques dans l'urémie
délirante, aiguë ou chronique. Il était donc naturel de penser que
la Catatonie, dont la caractéristique symptomatique au point de
vue physique est précisément la raideur cataleptique, pouvait être
en rapport avec une auto-intoxication, surtout rénale.
O&Mt'uah'O) ? Le malade dont ils'agit est un homme de vingt-qua-
tre ans, sans profession, sans hérédité pathologique bien marquée et
sansantécédents personnels dignes d'être notés.Aumilieudebonne
santé habituelle, tout à coup, le 12 mai 1897, il se plaint de cépha-
lée, d'embarras gastrique, de lassitude générale. Il entre dans une
période d'inappétence et d'insomnie qui dure jusqu'au 23 juin,
jour où apparaît une excitation anormale. Le malade est pris d'un
besoin impérieux de mouvement et d'excitation désordonnée avec
bouffées délirantes variées. Bientôt, son état prend un aspect fran-
chement mélancolique, à type hypocondriaque, et il fait plusieurs
tentatives de suicide. C'est dans ces conditions qu'il est pris de
contractures généralisées à tout le corps, mais siégeant de préfé-
rence aux mains et aux muscles de l'abdomen. Il y a de véritables
crises cataleptoïdes, dans lesquelles le corps est raidi, le regard
fixé dans le vide, les pupilles démesurément grandies, le corps
froid. Au point de vue mental, la stupeur est profonde ; le malade
profère des sons inarticulés, véritable verbigération : il déchire tout
ce qui lui tombe sous les mains ; puis un jour, il sort de sa torpeur,
entre dans une phase d'agitation maniaque, brise les glaces de sa
chambre, etc. En un mot, il réalise de façon complète le tableau
clinique de la Catatonie de Kahlbaum.
La nature des phénomènes observés amène notre attention sur
la fonction rénale et nous constatons des perturbations qui nous
Archives, 2e série, t. XII. 23
354 SOCIÉTÉS SAVANTES.
mettent sur la voie du diagnostic pathogénique. Les nombreuses
analyses faites nous révèlent, en effet, les particularités suivantes :
1° faible quantité d'urines émises (100 c. c. et au-dessous) ; 2° réac-
tion alcaline ; 3° forte proportion d'ammoniaque ; 4° décomposition
de l'urée .dans la vessie ; 5° présence de traces d'albumine ; 60 pré-
sence d'acétone ; 'il, présence de corps appartenant à la série aro-
matique, probablement la tyrosine ; 8° enfin la présence de phos-
phore incomplètement oxydé, pouvant aussi être sous la dépendance
des troubles profonds que nous constatons.
A partir de ce moment-là, et en raison des troubles constatés du
côté de la fonction "rénale, nous instituons un traitement visant
essentiellement l'auto-intoxication rénale (diurétiques, laxatifs
répétés, diète lactée, etc.).' Sous l'influence de cette médication, la
fonction rénale ne tarda pas à s'améliorer progressivement ; le taux
de l'urine se releva, et la composition en redevint de plus en plus
normale; parallèlement, l'état catatonique s'amenda par degrés,
les attitudes cataleptoïdes disparaissant tout d'abord, puis l'agita-
tion, enfin la confusion mentale, et le malade arrriva ainsi à une
guérison complète qui ne s'est pas démentie depuis trois ans.
Réflexions. Il résulte de ce cas, dont nous n'avons donné ici
qu'un simple résumé, que l'état pathologique désigné sous le nom
de Catatonie peut être sous la dépendance d'une auto-intoxication
rénale. Sans vouloir généraliser, à propos d'un simple fait, nous
croyons qu'il doit en être fréquemment ainsi et nous appelons sur
ce point important de pathogénie, susceptible de fournir à la thé-
rapeutique une voie efficace, l'attention des observateurs.
M. Régis rappelle l'existence de troubles cérébraux consécutifs !
une insolation. Les troubles observés furent d'abord de la confu-
sion mentale, puis de l'amnésie, surtout de l'amnésie de fixation.
L'auteur pense que l'insolation provoque un état d'intoxication
ainsi que l'aspect clinique des troubles mentaux semble le mon-
trer.
Astoso-basophie.
AL11. Dura et DELARUE rapportent sept cas d'astoso-basophobie.
Ils distinguent trois formes : simple, associee, mixte. Au point de
vue de l'aspect clinique, ils reconnaissent deux formes, l'une con-
tinue, l'autre par accès. Ils distinguent enfin trois types : l'un
paralytique, l'autre spasmodique, le troisième ataxique.
De la barbe chez les femmes aliénées. *
MM. Dupré et Aimé. Les auteurs ont remarqué la fréquence
plus grande de la moustache et de la barbe chez les femmes alié-
nées. Sur mille femmes aliénées et mille normales examinées àce
point de vue, les auteurs ont trouvé parmi les premières 290 rem-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 355
mes barbues, les secondes 479. Si l'on fait le pourcentage on
obtient ainsi 29 p. 100 dans les cas normaux, 47,9 p. 100 en alié-
nation mentale.
Epilepsie consciente, etc., par le Dr LALANKE.
Observation de sein hystérique.
M. Lamois présente la photographie d'une femme atteinte de
sein hystérique. Tandis que le sein gauche est relativement petit
et flasque, en rapport avec l'âge et l'habilus général de la malade,
le droit est volumineux, piriforme et tendu avec une aréole beau-
coup plus marquée. La pression du sein en masse, le pincement
de l'aréole, sont hystérogènes. La malade éprouve dans l'organe
des sensations de pesanteur, des lancées parfois si violentes
qu'elle entra dans un service de chirurgie ou la question d'inter-
vention pour tumeur fut discutée et résolue d'ailleurs par la néga-
tive. ,
Les faits de ce genre, où un symptôme banal comme la zone
hystérique du sein prend une importance capitale et constitue une
hystérie presque mono-symptomatique, sont rares et méritent de
fixer l'attention des neurologistes et des chirurgiens.
Le prochain Congrès se réunira en 190` à Grenoble,
sous la présidence de AI. le Dr Régis (de Bordeaux); secré-
taire général, Dr Bonnet, de l'asile Saint-Robert, et, en 1903 à
Pau. Voici les questions générales qui seront discutées à
Grenoble :
Question de pathologie mentale : Des états anxieux dans
les maladies mentales, M. le Dr Lalanne, rapporteur.
Question de pathologie nerveuse : Les tics en général,
M. le Dr Noguès, rapporteur.
Question de médecine légale : Les auto-accusateurs au
point de vue médico-légal, 111. le Dr E. Dupré, rapporteur.
Le Congrès s'est terminé le 6 août par une excursion à
Uzerche : « Qui a maison à Uzerche, dit un proverbe, a châ-
teau en Limousin. »
Nous faisons appel à tous nos collègues du Congrès pour
combler les lacunes de notre Compte rendu 1.
Bourneville.
1 Nous dirons un mot de la visite de l'asile de Naugeat.
356 SOCIÉTÉS SAVANTES. ·
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du ' 16 juillet 1901. Présidence DE M. JULES Voisin
Le traitement psycho-mécanique de la chorée, des tics et des
. habitudes automatiques.
AI. Bc;an.r.oN expose le traitement psychomécanique de la chorée,
des tics, et liabitudes automatiques; il insiste sur la nécessité de
créer un centre d'arrêt psychique. Il présente deux malades qu'il
a guéris par la suggestion hypnotique : 1° un jeune garçon atteint
de kleptomanie et d'onychophagie ; 2° une femme qui, depuis son
enfance, présente le tic du grincement des dents. Il présente, en
outre, une chanteuse qui offre une émotivité morbide telle qu'une
fois en scène, elle ne peut émettre aucun son. La suggestion
hypnotique l'a totalement guérie de ce trac.
Les agents provocateurs de l'hystérie chez les animaux.
M. Lépinay rapporte de nombreux faits desquels il résulte que
des accidents hystériques tels que mutisme, aphonie, tics, chorée,
paralysie, paraplégie, contracture, convulsions, dysphagie, po-
lyurie, peuvent être causés chez les animaux comme chez les
humains par diverses causes, telles que : émotions morales vives,
traumatismes, électricité (foudre et plots), maladies générales,
castration, réprimandes vigoureuses, etc. De nombreux animaux
sont abattus comme inutilisables ou dangereux, souvent même
somme atteints de la rage, alors que, par exemple, ils présentent
seulement des convulsions hystériques passagères. Des faits
analogues sont rapportés par 1\I1. Bérillon, l'aul lllaâniu, Baraduc
et Lionel Dauriac.
Deux cas de vomissements incoercibles guéris par suggestion.
M. PAUL PAREZ. Une jeune fille de vingt ans est prise de vomis-
sements qu'on rapporte à une péritonite ou à une appendicite.
Quand l'affection abdominale aiguë est passée, les vomissements
subsistent à l'état chronique ; ils se maintiennent en vertu d'une
sorte d'habitude acquise; ils sont entretenus par l'influence sug-
gestive d'un milieu psychiquement septique. Pendant plusieurs
mois, cette jeune fille vomit régulièrement à cliaque repas; elle
devient maigre, affaiblie et ne pèse que soixante-treize livres. Un
changement de milieu amène une amélioration ; mais la perni-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 357 Î
cieuse influence suggestive étant survenue à nouveau, les vomis-
sements réapparaissent à chaque repas. Je vois alors cette malade
et, en quelques jours, j'arrive à supprimer tout à fait ces vomis-
sements en badigeonnant de collodion au bleu de méthylène les ' *
régions cutanées qui correspondent à l'estomac et à l'oesophage.
Dès lors, cette jeune fille supporte toute espèce d'alimentation et
ne tarde pas à engraisser.
' Le deuxième cas est celui d'une femme de trente-cinq ans,
mère de deux enfants. Il y a trois mois, ses règles ne viennent^
pas. Cette aménorrhée lui fait croire à l'existence d'une grossesse.
Désolée, elle recourt il toutes sottes d'emménagogues, mais les
règles ne réapparaissent pas. Bientôt elle présente tous les symp-
tômes qui font croire à la probabilité d'une grossesse. Pendant
un mois entier, elle vomit toute espèce de nourriture, sauf le lait.
Depuis une semaine, le lait lui-même est rejeté aussitôt après son
ingestion. Cette femme est exténuée, épuisée ; elle ne peut se
tenir debout et garde le lit. En outre, elle présente un ptyalisme
extrêmement abondant. Sans me prononcer sur l'existence ou la
nou-existence d'une grossesse, je m'attaque aux vomissements et -
au ptyalisme. Cette fois encore, j'ai recours au collodion coloré
par le bleu de méthylène. Par des badigeonnages de la région
stomacale, je suis arrivé en trois ou quatre jours à supprimer
complètement les vomissements; par des badigeonnages des ré-
gions cervicale et sous-maxillaire répondant à la situation des
glandes salivaiies, j'ai, d'un jour à l'autre, considérablement
atténué le ptyalisme qui, aujourd'hui est insignifiant.
Le collodion au bleu de méthylène joue un très grand rôle en
thérapeutique psychique. La coloration intense qui dure plusieurs
jours, frappe le malade qui croit à la persistance constante d'une
action médicamenteuse. Quant au collodion, il provoque par sa
rétraction une gêne et parfois même une petite douleur qui ramène -
à chaque instant la pensée du malade sur la suggestion qui lui a
été faite ; celle-ci est ainsi maintenue, amplifiée, renforcée. J'ai eu
aussi des succès avec le collodion coloré par l'acide picrique.
De l'emploi de la suggestion dans l'éducation artistique et en
particulier dans l'étude de la musique.
M. PAUL Joire (de Lille). La suggestion rend plus facile la lec-'
ture rapide et complète de l'écriture musicale souvent si compliquée;
elle permet de se déprendre de ses propres phénomènes indivi-
duels pour pénétrer l'esprit de l'auteur, pour vivre la situation des
personnages, pour accroître l'aptitude à recevoir des impressions
fortes. De même, en ce qui concerne la traduction des idées ex-
primées par la musique, la suggestion augmente la précision et la -
souplesse des mouvements; elle donne la maîtrise de soi; elle
358 SOCIÉTÉS SAVANTES.
réprime celle phobie du public qu'on appelle le trac et qui
paralyse tous les moyens de l'exécutant ; elle modifie heureusement
l'étendue, la souplesse, le timbre et la justesse de la voix.
La suggestion pédagogique dans le sommeil hypnotique et le
sommeil normal.
M. Bourdon (de Méru). L'application de l'hypnotisme à la péda-
gogie, prévue par Durand de Gros, puis réalisée par M. 13érrllon,
qui a formulé les principes de la pédagogie suggestive, se recom-
mande par un très grand nombre de succès. La suggestion pen-
dant le sommeil normal, mise eif honneur par âl. Faiez, est aussi
un puissant agent moralisateur et éducateur. Grâce à ces deux
modes de suggestion, j'ai pu un grand nombre de fois, non seu-
lement développer chez des enfants leurs facultés et aptitudes
normales, mais encore faire de l'orthopédie mentale et morale
dans les cas suivants : troubles du caractère, mensonge, klepto-
manie, onanisme, impulsions à la débauche, vices de toute sorte.
Analgésie suggérée pendant le sommeil normal.
lI. Ange MANFRONJ (de Turin) Un jeune homme de quinze ans a
un cor au pied qui s'est infecté et donne lieu à une lymphangite;
il en souffre au point qu'il ne peut ni marcher, ni monter à bicy-
clette, ni même poser le pied à terre. Me trouvant un jour aupiès
de lui pendant qu'il dort, je lui suggère l'analgésie, en suivant à
la lettre la technique décrite par M. Farez. Au réveil, l'amnésie
est' complète et notre jeune homme est très étonné de ne plus
éprouver aucune douleur. Au cours de ma séance de suggestion,
j'ai observe le phénomène décrit par lI. Farez : pendant que mon
sujet dormait, j'ai pu, à volonté, modifier son rythme respiratoire £
et le rendre synchrone à mon rythme vocal.
Fausses grossesses et grossesses nerveuses.
D'' Henry Lr31ESr.r (de Paris). Les récents événements dont la
Cour de Serbie a été le théâtre ont appelé l'attention sur les gros-
sesses nerveuses. Il faut considérer : de les pseudo-grossesses ci subis-
tralum organique (c'est-à-dire pour lesquelles des lésions de l'utérus
ou des annexes sont le point de départ de l'idée de grossesse; 2° les
pseudo-cyr'ossesses pur suggestion (crainte ou désir de maternité).
Le cas de la reine Voga participe à la fois de l'une et de l'autre de
ces classifications.
Deux cas de silophobie obstinée chez des aliénés.
Dr Gino MAJOR ? (de Sienne). La sitophobie est le plus ordinai-
SOCIÉTÉS, SAVANTES. 339
rement pas5agère; mais dans certains cas, tels que ceux dont
l'auteur présente l'observation, elle trouve son interprétation dans
une fausse sensation, dans une idée morbide entretenue et
confirmée par des hallucinations et transformée en idée fixe. La
sitophobie d'origine psychique est pour cette raison toujours plus
rebelle.
La suggestion hypnotique dans un cas d'éclamj)51e puerpérale.
AI. Lu Menant des rapporte un cas d'éclampsie puerpé-
rale dans lequel la suggestion hypnotique a permis à la malade
de reprendre conscience d'elle-même et a mis fin aux crises
convulsives.
Rôle psychique des cautérisations dans la thérapeutique des Arabes.
M. IlrrucT (de Constantinople). En Tripolitaine, en Egypte, en Ara-
bie, enAsle-.\IlUeure, en Perse, dans leliurdistanet auxlndes, j'ai vu
pratiquer les cautérisations par des spécialistes qui se transmettent
la profession de père en fils. Leur action est, la plupart du temps,
uniquement suggestive; elles sont appliquées, sans lieu d'élection,
pour les maladies les plus diverses. Un médecin des hôpitaux de
Constantinople les emploie systématiquement pour toutes les ma-
ladies ; il récite en même temps des versets du Coran. Ses succès
thérapeutiques sont très nombreux et il jouit d'une très -eau le
réputation.
Communications diverses : M. WATEAU. Kleptomanie guérie par
suggestion hypnotique. 11. E3ur,rumi : ne. L*hyl»io-pédcigogie et
les habitudes vicieuses. AI. 1>;m 111,.(N.-IULr. Le dédoublement de
la personnalité. - 11. Bourdon (de Méru). Spleen et alcoolisme
guéris par la suggestion. AI. Blanchi (de Parme). Phonendos-
copie cérébrale. - AI. ARAGON. Etude anédico-1éy«le sur le doute. -
M. 111011l0UD. 11(,sthésie dr nG«ire par suggestion ]J1J5t-hypnotiqlle. -
M. PAUL rll,cnm. Affectivité morbide traitée par l'hypnotisme .
M. Jules Voisin. Traitement hypnotique des contractures spasmo-
diques. .\f. Ci : nILLO\. Pathologie du sommeil : les rêves prolongés.
- M. l'au de Si'-Mari'in. Catalepsie compliquée traitée et guérie par z·
l'hypnotisme. 0
BIBLIOGRAPHIE.
X. L'hypnotisme. Son traitement ; par CRocQ (2° édition).
L'auteur a fait dans ce volume un exposé de toutes les questions
se rapportant il l'hypnotisme et à la suggestion.
Dans cette seconde édition, il a essayé de mettre la question au
courant des données actuelles de la science et y a apporté un cer-
tain nombre d'observations personnelles.
Après un court aperçu historique sont exposées et discutées les
opinions des Ecoles de Nancy et de Paris sur la pratique de l'hyp-
notisation, les causes du sommeil hypnotique, les zones hypno-
gènes, l'étude de la sensibilité chez les hypnotisés, la suggestibilité
et les suggestions hypnotiques envisagées au point de vue médico-
légal. Consacrant une longue étude au chapitre des suggestibilités,
l'auteur croit que la suggestibilité il l'état de veille est toujours
indépendante de la suggestion il l'état d'hypnose.
Des sujets dont la suggestibilité à l'état de veille est minime
peuvent devenir par l'hypnotisation de véritables machines. Les
nevrosés très suggestionnables a l'état de veille sont souvent très
rebelles à l'hypnotisation à cause du peu de fixité de leur attention
et de l'impossibilité d'exercer une action inhibitoire sur un centre
nerveux. Au chapitre des suggestions hypnotiques est traitée la
question des suggestions criminelles. Les suggestions du vol, du
viol, du meurtre, du faux témoignage sont envisagées l'une après
l'autre. Ces suggestions criminelles semblent possibles dans
quelques cas ; elles ont pu être réalisées en laboratoire et sont
possibles même dans l'état posthypnotique, mais dans la pratique
il est probable que l'impunité de l'hypnotiseur pourra toujours
être facilement déjouée.
L'ouvrage se termine par un chapitre de psychothérapie où sont
exposées et discutées les opinions des Ecoles de Nancy et de Paris,
avec quelques observations personnelles. L'hypnotisme semble
avoir donné quelques résultats comme anesthétique chirurgical,
et dans les maladies organiques comme calmant de la douleur ;
mais ici son résultat curatif est très problématique et il peut être
dangereux s'il désillusionne des malades impressionnables qui
attendaient leur guérison de l'hypnotisme. Dans l'hystérie l'hyp-
notisme semble avoir un pouvoir curatif, dans les autres névroses
son action est moins évidente.
BIBLIOGRAPHIE. 301
C'est surtout la suggestion à l'état d'hypnose qui semble avoir
des résultats. Contrairement à l'opinion de l'école de Nancy, la
suggestion à l'état de veille est utile dans certains cas, elle n'est
d'ailleurs souvent qu'une forme d'hypnotisation indirecte.
M. Hamel.
XI. Contribution à l'élude des délires transitoires séniles ; par le
Dr L. MICHAUD, ancien externe des hôpitaux de Lyon. Th. de
Lyon, 1\)00.
Ce travail, inspiré par 11. le professeur Pierret, a pour but
l'étude de la pathogénie des délires transitoires chez les vieillards.
Il se termine par les conclusions suivantes :
On voit apparaître fréquemment chez les vieillards athéromateux
des délires transitoires revêtant de préférence les types : confusion
mentale ou mélancolie anxieuse, avec hallucination de la vue,
idées de ruine, d'indignité, de persécution.
Ces délires sont souvent consécutifs à un état infectieux (grippe,
affections broncho-pulmonaires, etc.). Ils disparaissent avec le
traitement approprié au bout d'un temps relativement court (deux
à trois mois) et se terminent généralement par la guérison, si la
maladie infectieuse n'a pas été d'une gravité suffisante pour
entraîner la mort, ne laissant derrière eux que l'état mental sénile
antérieur parfois un peu aggravé. Des conséquences importantes
au point de vue clinique découlent de ce fait clinique :
1° Au point de vue du pronostic : un accès aigu surajouté a des
chances sérieuses de s'amender.
2° Au point de vue thérapeutique : ces accès sont justifiables
d'un traitement destiné à éliminer les toxines ou les produits
d'auto-intoxication : Régime lacté, bains, lavements ou injections
de sérum artificiel combinés avec l'emploi de l'iodure de potassium
et de la spartéine.
3° Au point de vue médico-légal : l'internement dans un asile
d'aliénés et ses conséquences sociales pourront être parfois évités
au moins aux malades de la classe aisée et des mesures hâtives. de
protection légale tendant à l'interdiction, pourront être ajournées.
12 observations inédites. - DEVAY.
Xfl. Médecine légale des aliénés ; par VON KluFFT-EmNG. Trad.
Uémond, grand in-8°. Paris et Toulouse Doin, Larose et Gimet-
Bisseau, 1900.
La première édition allemande de cet excellent ouvrage était un
manuel, cette seconde édition réunit la commodité du manuel à
la richesse d'un véritable traité. Qu'on ne s'attende pas à en trou-
ver ici une analyse, la seule table incomplète des matières dépas-
362 ' " bibliographie.
serait de beaucoup les limites d'un compte rendu même long. En
effet, bien que ce volume ne soit que le premier fascicule, la partie
criminelle de l'ouvrage total, iL condense dans ses cinq cent cin-
quante pages tout ce qui peut avoir Irait à cet objet. Chaque caté-
gorie de faits est éclairée par des observations très bien choisies.
Le traducteur, .M. Hémond, a cru devoir ajouter de nombreuses
annotations, des compléments et observations de son chef ; très
heureuse idée car en matière de disposition légales par exemple,
ce livre se tient naturellement surtout au point de vue autrichien
et allemand. Les adjonctions ainsi intercalées le rendent ainsi plus
français, plus international et aussi sur bien des points plus expli-
cite et plus complet.
Toutes les questions délictueuses ou criminelles du chef d'alié-
nés ou de personnes atteintes constamment ou momentanément
d'anomalies psychiques sont envisagées sous toutes leurs faces,
ainsi que les dommages somatiques, causés par des personnes
saines à des aliénés ou anormaux, le travail se termine par l'étude
légale des maladies mentales provoquées par des tiers,
A noter la partie historique montrant combien est relativement
récente la protection des aliénés criminels devant les rigueurs des
codes et le retard dans cette voie de certains pays tels que l'Angle-
terre. Le. présent n'est d'ailleurs pas parfait et il n'est pas témé-
raire de penser que les temps futurs rougiront peut-être de l'ap-
plication actuelle de certaines peines, comme nous avons honte
des supplices infligés naguère aux prétendus sorciers.
Krafft-Ebing repousse la liberté absolue de la volonté en faveur
de la volonté relative à l'origine ancestrale, à l'éducation, aux
milieux et aux hasards de la vie, plaidant en faveur de la variabi-
lité du degré de la capacité d'imputation. La classification est très
serrée, les divisions très poussées ; voir parmi les arriérés la caté-
gorie intéressante des simples bornés. Krafit-Ebiug distingue les
représentations impulsives, des impulsions et obsessions, ratta-
chant les unes à la neurasthénie, les autres à la dégénérescence,
peut être y a-t-il même sur certains points excès de division. Quel-
ques aperçus nouveaux au sujet de faiblesse mentale post-vésa-
.nique, de l'influence de la menstruation, de l'ivresse du sommeil,
des états passionnels normaux font entrer dans la médecine légale
des faits qu'on n'en rapproche en général pas assez. Ce livre (sur-
tout quand il sera complété du second fascicule) rendra de très
grands services. F. J301SSIEU.
XIII. La Cura Pralica délie J1Jaleltie veneree, s/ïli(iclae e délia Pelle;
par le D1' V. d'Al.\To. (Home, Tipographia Foreuse, 1901.)
Ce livre constitue un excellent manuel de thérapeutique pratique
des maladies vénériennes et cutanées. -
BIBLIOGRAPHIE. 363
L'auteur évite à dessein les digressions théoriques pour n'envi-
sager que le côté pratique de la question. La blennorragie avec
ses diverses complicatiuns chez l'homme et chez la femme, le
chancre mou, la syphilis avec ses accidents divers, les principales
affections de la peau sont successivement passées en revue, et les
méthodes de traitement les plus modernes s'y trouvent exposées
avec détails.
L'ouvrage commence par un important article, consacré à la
prophylaxie des maladies vénériennes. Considérant le danger social
de la blennorrhagie et de la syphilis, l'auteur insiste sur la néces-
sité d'une réglementation réellement efficace de la prostitution
clandestine. L'Etat a le devoir de prendre à l'égard des maladies
vénériennes les mêmes mesures préventives lu'à l'égard de la
peste et du choléra. Salues publica sitlii-e2n 1 tex, répond l'auteur
aux anti-réglemental istes. l'. Itl'LLaS-.
XIV. Epilepsie. Traitement, ass'sia/lce, médecine légale : par
P. liov : l.cvsco. 1 vol. in-13. Paris, 1901. Vigot frères.
C'est de thérapeutique qu'il s'agit et non de pathologie. L'épi-
lepsie doit être considérée comme une névrose, une altération
moléculaire et chimique du système nerveux central, donnant à
celui-ci la capacité d'accumuler l'énergie nerveuse et de la dépen-
ser ensuite sans mo'il' périodiquement par accès, dans telle ou
telle portions de l'appareil nerveux. A cette opinion peu aventurée
ne s'ajoute aucune hypothèse physiologique spéciale. Toujours
est-il que l'auteur voit dans cette maladie une affection générale
ayant sa source dans les racines les plus profondes de l'organisme
et émanant des opérations les plus intimes de la vie. C'est à ce
fonds morbide constitutionnel que doit s'adresser le traitement
autant et plus qu'à l'élément convulsif qui n'est qu'un symptôme
et auquel s'attaquent trop exclusivement les médications jusqu'ici
employées. Mais pour atteindre ainsi le mal dans son essence
même nous n'avons en attendant mieux que la ressource de modi-
fier rationnellement la nutrition et seule la diététique peut donner
des résultats appréciables dans cet ordre de faits. C'est tout.un
régime spécial d'existence que doit suivre ponctuellement l'épi-
leptiqne dès que l'explosion d'un premier symptôme le trahit. Tant
que l'état mental le permet, il doit autant que possible continuer
la vie sociale normale. Enfant il ira à l'école avec les écoliers sains
(le mal comitial n'est point contagieux comme l'hystérie et la
chorée) ; jeune homme, il exercera la carrière de son libre choix
. scientifique ou commerciale; il ne se refusera pas les rapports
sexuels mais sera modéré; il évitera le bal et le théâtre; il ne se
mariera point. Sauf un peu de viande blanche de temps il autres,
sa nourriture sera surtout végétarienne et lactée, aussi peu azotée
364 BIBLIOGRAPHIE.
que possible; il ne prendra aucune boisson excitante et s'abstien-
dra de tabac. Après les systèmes diététiques, tous les procédés
pharmaceutiques proposés par les divers auteurs sont cités et sou-
mis à la critique des vingt-cinq ans d'expérience de l2.Iiovalevslcy.
De cette multitude, c'est encore la médication bromique, qui
presque seule doit être retenue pour aider à l'action du régime,
sans oublier ce qu'on doit demander de services auxiliaires aux
agents physiques et mécaniques. Mais chaque cas doit inspirer des
modifications particulières, le doigté du médecin le guidera pour
le choix du médicament à adjoindre aux bromures dont les doses
seront graduées au cours de la maladie selon les circonstances;
l'adjuvant le plus fréquent sera l'iodure à faible dose. Quant à
l'intervention chirurgicale cérébrale, crânienne ou autre, elle
n'aura de raison d'être que devant la certitude de l'existence d'une
cause matérielle à écarter. La partie la plus intéressante de l'ou-
vrage est celle qui a trait à l'assistance. Si les épileptiques sains
d'esprit et suivant le régime rationnel qui les améliore doivent
avec les quelques restrictions indiquées vivre en pleine société ;
par contre, beaucoup de ces malades ne peuvent échapper aux
plus malheureuses conditions de vie que dans des établissements
spécialement aménagés pour eux. Les asiles d'aliénés pas plus
que les hospices ordinaires ne doivent être leur véritable place.
C'est dans les colonies pour épileptiques qu'ils trouveront l'état le
plus favorable. Encore faudra-t-il que celles-ci soient comme le
veut Wildermuth divisées en sections adoptées à chaque catégorie
d'épileptiques selon l'étal mental et physique et les aptitudes de
ces malades. Déplorant qu'en Hussie le comitial ne soit admis
dans aucun espèce d'établissement d'assistance, louant les services
d'épileptiques publics et privés de Paris, citant les colonies de la
Force et de la Teppe en France, l'auteur admire surtout les très
nombreuses et vastes colonies spéciales de l'Allemagne où celle de
Bethel n'abrite pas moins de 3 000 de ces malades, seul le service
médical est insuffisant à Bethel, mais l'organisation générale, le
travail, l'activité, le bien-être y sont excellents. Les bonnes colo-
nies sont celles qui, dirigées par des médecins, imposent le régime
thérapeutique et diététique rationnel et l'abstinence totale des
boissons alcooliques. Au point de vue médico-légal M. Kovolewsky
envisage toutes les situations si délicates de l'épilepsie notamment
l'amnésie retardée, et l'abus qu'un épileptique sain d'esprit peut
faire de sa situation. Le caractère épileptique est fort heureuse-
ment traité. Mais, combien n'est-il pas regrettable que l'auteur ait
négligé de faire revoir son manuscrit par un de ses amis Français ;
il eut évité ainsi d'innombrables incorrections de langue qui vont .
jusqu'à obscurcir l'intelligence de son texte en bien des passages
importants. F. Boissier.
VARIA.
Les aliénés EN liberté.
- A Frouard (i\feurthe-et-\foselle), la dame Heyneu, vingt-sept
ans, s'est littéralement tailladé le ventre à l'aide d'un rasoir. La
malheureuse, qui s'était, d'abord, ouveit les veines, a bientôt suc-
combé. Ce suicide est attribué à un accès de folie. (Le Bonhomme
Normand, du 10 mai 1901.) '
Rue Descartes, en l'absence de son mari, la dame Gilet, vingt-
huit ans, relieuse, atteinte de folie, s'est asphyxiée avec son enfant
de huit ans. (Le Bonhomme Normand, du 10 mai 1901.)
Une dépêche de Saint-Ptelsbonr" en date du 24 mai, annonce
que le révolutionnaire russe polonais Piletzky, qu'on accusait
d'avoir été l'auteur de l'attentat de Borki en 1888 (déraillement du
train du tzar Alexandre III) s'est évadé de l'asile des aliénés de
Saint-Nicolaï où il était depuis quinze jours. Il y a six semaines
environ que Piletzky qui en 1888 avait réussi à traverser la
frontière était revenu en Russie ; il y avait été arrêté. On dit
que son évasion a été favorisée par un jeune médecin polonais,
M. Alazurkewitsch, qui tout récemment avait été nommé médecin
assistant de l'asile Saint-Nicotaï. (La Nouvelle Presse du 26 mai 1901.)
Le drame de la rue Montorgueil. - Hier soir, vers 8 heures, un
cordonnier italien, Joseph Ferrari, âgé de quarante-sept ans et
demeurant 67, rue Montorgueit, marié depuis cinq mois avec une
ouvrière culottière de vingt-huit ans, a tué cette dernière de deux
coups de revolver et s'est ensuite fait justice en se frappant de
huit coups de tranchet dans le ventre. Les agents, appelés par les
voisins, n'ont pu que constater la mort de la victime et celle du
meurtrier. L'enquête, ouverte par M. Landel, commissaire de
police du quartier du Mail, semble devoir établir que Ferrari était
atteint d'aliénation mentale et qu'il a agi sous l'empire du délire
de la persécution : (Le Temps, du 20 juin 1901.)
Drame de la folie. Un effroyable drame s'est passé l'avant-
dernière nuit, à Bourges, dans un ménage ouvrier de l'agglomé-
ration de Mazières. Un père de famille nommé Blondeau, qui,
depuis quelque temps, paraissait souffrant, a été pris subitement
366 VARIA.
de coliques violentes auxquelles a succédé une accès de folie
furieuse. Il est allé surprendre dans leurs lits sa femme, sa fille
âgée de seize ans et son fils âgé de onze ans, et les a assommés à
coups de marteau. Après quoi, sortant en chemise de la maison,
il est allé se'jeter dans une carrière voisine. Ce n'est qu'au matin
qu'une voisine, appelée par \1=" Blondeau, a pu donner l'alarme.
Les trois malheureux blessés, l'enfant surtout, sont dans un état
désespéré. Quant à Blondeau, il s'était tué sur le coup. (Le Temps,
du 26 juin 1901.)
Un garçon limonadier, Alexandre Malinge, demeurant 12S,
rue d'Aboukir, au cours d'un accès d'aliénation mentale, a blessé
grièvement sa femme d'un coup de marteau. Malinge avait été
déjà interné à l'agile de Ville-Evrard. Les agents qui l'ont arrêté
ont dû entamer une lutte très vive avec lui avant de s'en emparer.
(Le Soleil du 28 juillet 1901.) .
Drames DE l'alcoolisme.
- Lejury de la Manche a acquitté le nommé Poutre), dix-neuf ans,
domestique aux Champs-de-Losques, qui, étant gris, avait, sans
aucun motif, logé une balle de revolver dans la poitrine d'un pau-
vre marchand de moules, qui n'en est pas mort, mais qui restera
infirme. (Le Bonhomme Normand, 14 au 20 mars 1901.)
Victime de l'alcool. Le sieur Louis Suzanne, soixante-trois ans,
cultivateur à Litteau, près Balleroy, s'est suicidé en se jetant dans
le puits qui se trouve dans la cour de son habitation. Alcoolique
invétéré, il avait plusieurs fois parlé d'en finir avec la vie. (Le Bon-
homme Normand du 19 au 2a avril 1901.)
Brûlé par l'alcool, ne pouvant plus ingurgiter la moindre nour-
riture, un nommé Ballay, âgé de cinquante-huit ans, cafetier à ,
Ezy, s'est fait sauter la cervelle d'un coup de fusil. Le docteur ,
Leroy, de Navarre, pourra se servir de ce triste sujet à l'appui de
sa campa'gne contre l'abus de l'alcool. (Le Rappel de l'E111 ?
13 avril 1901.)
Hier soir, à six heures, le nommé Jules Sirigue, âgé de quarante
et un ans, marchand de vins et épicier, 10o, rue. Grange-aux-
Belles, pris d'un accès de folie alcoolique, a tiré un coup de
revolver sur sa femme, sans l'atteindre. Sirigue donnait depuis
quelque temps des signes d'aliénation mentale, et proférait souvent
des menaces de mort à l'adresse de sa femme. Après l'attentat il
s'est enfermé dans sa chambre. On ne l'a pas arrêté sans une vive
résistance. 11 .a été conduit à l'infirmerie spéciale du dépôt. (La
Lanterne, 20 mai.) .. -
faits divers. 367
Assistance des IDIOTS
Infanticide. -La filleAdolpliine Launay, trente ans, née à Mittois,
arrondissement de Lisieux, a eu trois enfants naturels dont un est
mort. Elle fait élever les deux autres. Fiant en place à Sainte-
Marie-aux-Anglais, elle se trouva de nouveau enceinte. Une nuit,
elle accoucha dans un appartement où couchaient deux autres
servantes qui n'entendirent rien, la malheureuse ayant eu assez de
force pour étouffer ses cris de douleur. Mais l'enfant ayant crié elle
l'étrangla avec les cordons de son tablier et déposa le cadavre dans
un placard. Les témoins donnent de très bons renseignements sur
l'accusée d'une nature grossière et d'une intelligence très bornée.
Le jury, pen-aut qu'elle avait commis son crime dans un moment
d'égarement, l'a acquittée. Défenseur : 11° Ozanne, du barreau de
Lisieux. (Bonhomme Normand, du 16 au 22 août 1901.) ,
FAITS DIVERS.
Asiles d'aliénés. Nominations et promotions. M. le D'' Colin,
médecin-adjoint des asiles, en disponibilité, médecin du quartier
spécial de Caillou, est nommé médecin en chef des asiles de la
Seine et chargé, en cette qualité, de l'organisation du service des
aliénés vicieux et criminels. Il est compris dans la 3° classe du
cadre. AI. le 1)' 1 ? aDreR, médecin de lr° classe à Rodez, est
promu àla classe exceptionnelle du cadre (effet du 1 ? octobre 1901).
Suicides d'Enfants. A Assé-le-Coisne (Sarthe), un enfant de
onze ans, qui avait perdu son père et sa mère, s'est pendu. (Bon-
homme Normand du 16 au 22 août.)
Sous le titre : Jeune désespéré, la. Petite Gironde du 8 septembre
rapporte que vendredi dernier, le jeune Clément, du Maine-de-
Boixe, âgé de quatorze ans, s'est pendu à un arbre, à la suite d'une
réprimande de ses parents.
L'OD1'SI.P : d'un Fou. La gendarmerie d'Estaing, écrit-on de
ltodez, vient d'arrêter un pauvre fou, nommé Guyot, qui s'était
évadé de l'asile de Rodez, il y a quelques jours. Depuis son éva-
sion, ce malheureux avait mené l'existence la plus étrange, ne
voyant dans lous les passants que des gens prêts à le saisir, il
courait à toutes jambes dès qu'il apercevait quelqu'un, et cher--
chait à l'éviter. La nuit, il couchait à la belle étoile. Quand il ne
pouvait plus résister à la faim, il entrait dans les auberges de
campagne, et là, impérativement, se faisait porter à manger,
368 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
menaçant au besoin ceux qui voyant sa mine singulière hésitaient
à le servir, et, enfin, dès qu'il s'était un peu sustenté, il détalait
prestement, sans bien entendu avoir demandé l'addition. Il avait
ainsi parcouru tout un arrondissement, semant partout la frayeur,
et son agilité était telle que nul ne pouvait mettre la main sur
lui. Il a fini pourtant par être capturé après l'odyssée la plus
invraisemblable et on va le réintégrer à l'asile (La Petite Gironde,
7 sept.).
Arrestation d'un aliéné évadé. La gendarmeiie de Pons
a arrêté jeudi matin un aliéné, évadé de l'asile de Lafond, et qui
était allé se réfugier dans sa famille, à Pons. Cet aliéné se nomme
Ferdinand Guillard et s'est enfui de Lafoud le 2 septembre, à
5 heures du soir (Petite Gironde, G sept.). ,
L\ guerre au TRANSVtAL ET la FOLIE. De Londres au Rappel :
Le rapport de la commission des asiles du conseil du comté de
Londres constate qu'en 1901 le nombre des aliénés s'est augmenté
de 16 353 à 21 369. Le D' Claye Shaw attribue cet accroissement
d'aliénation mentale aux influences de la guerre du Transvaal.
Beaucoup de gens revenus de l'Afrique du Sud sont en proie à une
surexcitation nerveuse qui se manifeste par l'insomnie et par
des regards fuyants (Le Matin, 11 sept.).
Aoelzivos del consejo de hijiene a Valpariso. Anno 1899 y primer se-
mestre de 1900'. In-8° de'276 pages. Valpariso, 1900. Imprimerie Gillet.
CATALA. Essai d'un nouveau traitement des maladies mentales el
de l'épilepsie. In-8° de 92 pages. Toulouse, 1901. ImhriuLerie \laruès etC ?
Isliluzioni di anthropologia crinxinale illustrale. Lezioni. Parte I Ca-
ratteri tli conformazione dei dalinquentl. ln-8o de 10 pages, avec 10 ligures.
Napoli, tipografia Metfi et Joebre. '
LADAVE (Charles). Le phénomène de la ch¡'omatol ! Jse après la résec-
tion du nerf pneumogastrique. 111-8° de 56 pages, avec 3 planches.
Extrait de la Nouvelle Iconographie de la Salpélrière.
OBERSTEINER (IL). lf7LZeLlanrlhel9ci sludium des bauel der Nel'viisen
ceniralorgane im Gesllnden und Kranken ziestande. In-8o de 680 pages,
avec 250 ligures. Leipzig, 1901.
Roux. Diagnostic des maladies nerveuses. In-16 de xvt 560 pages.
J.-B. Baillière, 1901. *
SPITZKA (E.-A.). A preliminary communication of a study of the
brains o f two distixzuishecl plLsicians, Catherand Son. ln-8° de 4 papes,
avec 4 figures. New-Yolk, 1901.
Le rédacteur-gérant : Bourneville.
Évreux, Cil. 119gisazy, imp. - 9-1901.
Vol. XII.. Novembre 1901. N° 71.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
L'influence de l'alcool et du tabac sur le travail;
Par CH. FÉRÉ, médecin de Bicêtre.
Lorsqu'on considère avec quelque attention les buveurs de
boissons alcooliques et les fumeurs de tabac comparativement
avec leurs congénères abstinents, on arrive bienvite à conclure'
que les boissons alcooliques et le tabac sont nuisibles à la'
fois à l'individu et à sa descendance. Les hygiénistes ont fait
des tableaux plutôt sombres de l'alcoolisme et du tabagisme,;
ces tableaux ont peu impressionné la foule qui continue à
boire et à fumer. ,
Les expériences des physiologistes, considérées dans leur
ensemble, indiquent que l'alcool et le tabac dépriment
l'énergie. Cette constatation semble indiquer que l'alcool et
le tabac n'apportent à l'homme aucune satisfaction puisque
le plaisir est intimement lié à l'activité facile. Cependant la
foule trouve du plaisir à boire et à fumer.
En réalité, l'action exaltante et agréable et l'action dépres-
sive et pénible sont intimement liées. L'étude des excitants
sensoriels et de quelques narcotiques 1 montre que ces deux
' Ch. Féré. Études expérimentales sur le travail chez l'homme et sur
quelques conditions qui font varier sa valeur. (Journ. de l'azzat. et de
la phys., 1901, p. 1.) - Etudes expérimentales sur l'influence des exci-
tations agréables et des excitations désagréables sur le travail. (Année
psychologique, 1901, p. 88.) - L'excitabilité comparée des deux hémis-
phères cérébraux chez l'homme. (Ibid., p. 143.) De l'influence de
Archives, 2a série, t. XII. 2
370 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
- t - n - si - .
actions se succèdent nécessairement suivant îa dose et sui-
vant l'état du sujet; les excitants sensoriels fatiguent d'au-
tant plus vite qu'ils ont plus excité; les narcotiques excitent
momentanément à une dose faible. " ,
L'alcool et le tabac n'agissent pas autrement, et si on pro-
longe suffisamment l'expérience, si on varie convenablement
les conditions, on observe clairement la réalité de l'action
excitante donnant un plaisir momentané qui provoque et
entretient les habitudes et l'action dépressive qui justifie les
cris d'alarme des hygiénistes. -
Il est facile de mettre en évidence la concordance des
résultats en apparence discordants de l'expérimentation.
I. Voyons d'abord les faits qui concernent l'alcool.
On est d'accord pour admettre que les habitudes alcoo-
liques ont un effet dépressif sur le travail. Quant à l'effet
immédiat de l'alcool, les expériences de M. Dèstrée montrent
qu'il estfavorable soit à l'état de repos, soit à l'état de fatigue'.
Celles de M. Frey indiquent que cet effet favorable n'existe
que dans la fatigue 2. Dans les expériences de M. Scheffer, on
voit qu'une même dose d'alcool a un effet excitant si on
travaille tout de suite après l'ingestion, un effet dépressif si
on ne travaille qu'une demi-heure après 3. L'effet de l'alcool
se dissipe rapidement : l'excitation momentanée ne compense
pas l'effet dépressif consécutif qui nécessite de nouvelles doses
et entraîne l'intoxication. Plus l'intoxication et la dégradation
réchauffement artificiel de la tête sur le travail. (Jouon. de l'anat., etc.,
1901, p. 291.) - Note sur la fatigue par les excitations de l'odorat.
(C. R. soc. de Biologie, 1901. p. 566.) Recherches expérimentales sur
la fatigue par les excitations de l'odorat. (Nouv. Iconographie de la
Salpêtrière, 1901, p. 327.) - Note sur la fatigue par les excitations
visuelles. (Ibid., p. 668.) Note sur l'influence du haschisch, sur le
travail. (Ibid., p. 696.) Note sur la fatigue par les excitations du
goût. (Ibid., p. 722.) Note sur l'influence de l'opium sur le travail.
(Ibid., p. 725.) Note sur la fatigue par les excitations auditives. (Ibid.,
p. 749.) -Note sur la fatigue par les excitations cutanées. (Ibid., p. 753.)
1 E. Destrée. Influence de l'alcool sur le travail musculaire. (Journ.
méd. de Bruxelles, 1897, p. 537-573.) .
. * II. Frey. Ueber den Einfluss des Alkohols auf die illusk-elinüclllng.
(Mitlheiltingen aus klinischen und medicinischen lnstituten der Schweiz.
Bd. IV, .II. I.)
- 3 J.-C.-Th. SchelTel'. De invloed van alcohol op Spierarbeid. (Weekblad
'van het Aederlaudsch T;7dsclcrift voor Geîzeeskuitde, 1898, lin 25.)
L'INFLUENCE DE L'ALCOOL ET DU TABAC SUR LE TRAVAIL. 371
alcooliques sont intenses, moindre est l'effet stimulant de
l'alcool ; il peut même déterminer d'emblée et à faibles doses
des effets dépressifs Il n'agit pas plus heureusement sur la
rapidité des mouvements que sur leur énergie, sur le temps
de réaction que sur le travail 2. Il n'est pas plus favorable au
travail mental qu'au travail physique3. Les effets de l'alcool
ne sont pas plus heureux sur le travail des animaux que sur
celui de l'homme*. Les différences relativesaux effets immé-
médiats peuvent s'expliquer par l'excitabilité différente des
sujets en expérience, et il n'est guère douteux que l'alcool ait
sur le travail intellectuel les mêmes effets d'excitation que z
sur le travail manuel. Lauder Brunton raconte que lord
Derby lorsqu'il travaillait, avait l'habitude de prendre dans
sa bouche des cerises à l'eau-de-vie.
Noecke a fait remarquer que les alcooliques séquestrés et
privésde leurpoison habituel éprouvent une faim de sel' dont
la satisfaction se traduit par une augmentation de la consom-
mation. Bien que je n'aie jamais été qu'un buveur modéré,
il n'est pas douteux que depuis que je m'abstiens de toute
boisson fermentée j'ajoute à mon alimentation une quantité
de sel inusitée auparavant. Cette substitution n'étonne pas
quand on sait que l'action excitante immédiate de l'alcool, si
légère d'ailleurs, est due surtout à l'excitation sensorielle
qu'il produit 6.
J'ai refait quelques expériences qui me paraissent bien
propres à montrer l'action de l'alcool sur le travail, tant au
repos que dans la fatigue.
1 De Bock et L. Gùnzburg. De l'influence de l'alcool sur le muscle
fatigué. (Bull. de la Soc. de méd. mentale de Belgique, 1899, p. 307.)
°- J.-W. \Varren. The effect of purealcohol on llze réaction lime, wilh
a description of a new chronoscope. (The Jourrz. of physiology, 1887,
t. VIII, p. 311.)
E. Kllrz und E. Kroepelin : Ueber die Beeinflussung psychischel'
Voryange dzzrclz regelnuissigen Alkoholgenuss. (ilsych. Arbeiten, 111, 1900.)
1 A. Chauveau. La production du travail musculaire ulilise-t-elle
comme po<e;tt ëtterye< ! Me raeoo istue M utte par/;e de ? '6[< : o ? t
comme potentiel énergétique l'alcool substitué à une partie de la ration
alimentaire ? (C. Zt. tlcad. des Sciences, etc., 1901, p. 65.) -Influence de
lasutislilution de l'alcool au sucre alimentaire en quantité isodynamique
sur la valeur du travail musculaire, etc. (Ibid., p. 110.)
' P. Nacke. Die Epilepsiebehandlung nach ,Toulouse und Richet.
(.Veuz'ologisclze Centralblalt, 1900, p. 648.)
G L'influence de l'alcool sur le travail. (C. R. Soc. de Biol., 1900, p. 825.)
372 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
On travaille avec l'ergographe de Mosso : le médius droit
soulève unpoids de trois kilogr. chaque seconde. On fait des
séries de 4 ergogrammes qui ne se terminent que quand le
poids ne peut plus être soulevé dans le temps convenu. Les
séries sont séparées par des repos de cinq minutes, les
les ergogrammes de chaque série par des repos de une
minute. Neuf séries de ce genre, sans excitation d'aucune
sorte et au repos, donnent un travail de 143 à 150 kilogram-
mètres. Dans une expérience récente, une première série au
repos, sans excitation, a donné 22kil. 47. C'est ce chiffre qui
nous servira de comparaison pour le travail de chaque série.
Du reste, nous allons rapporteur intégralement cette expé-
rience qui montre bien l'accumulation de la fatigue et la
décroissance lente du travail lorsque aucune excitation n'est
venue le troubler.
Expérience I. Au repos, sans excitation.
L'INFLUENCE DE L'ALCOOL ET DU TABAC SUR LE TRAVAIL. 373
374 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
Le travail total des 9 séries est est de 144 kil. 94. C'est le
travail ordinaire dans les expériences faites sans excitation :
toutes celles qui ont été faites dans diverses circonstances
ont donné, avons-nous dit, un travail variant entre 143 et 150.
Expérience II. Au début .de la première série on ingère un
mélange de 0,10 cm3 d'alcool absolu et de 0,10 cm3 d'eau dis-
tillée.
L'INFLUENCE DE L'ALCOOL ET DU TABAC SUR LE TRAVAIL. 375' ·
376 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
\'·',1 ? 4 r. é ?
l'influence DE l'alcool ET DU tabac SUR LE TRAVAIL. 377
378 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.'
L'INFLUENCE DE l'alcool ET DU tabac SUR LE travail. 379
380 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
L'INFLUENCE DE L'ALCOOL ET DU TABAC SUR LE TRAVAIL. 381
eS7 1 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. 4 - .
début de la 14° série la même quantité du même mélange qui
sera rejeté à la fin du quatrième ergogramme. -
L'INFLUENCE DE L'ALCOOL ET DU TABAC SUR LE TRAVAIL. 383
384 CLINIQUE MENTALE.
surtout à l'irritation des organes sensitifs et particulièrement
du goût.
J'ai déjà indiqué que l'introduction par la sonde gastrique
de la même quantité du même mélange, produisait une
dépression immédiate du travail 1.
La déglutition, qui n'est qu'un résultat automatique de la
recherche de l'irritation, est parfaitement inutile à ce point
de vue, et elle entraîne l'intoxication. (A suivre.)
CLINIQUE MENTALE,
Contribution à l'étude des réactions de la peau
chez les aliénés ;
Par le D' E. MARANDON DE MOXTYEL,
Médecin en chef de Ville-Evrard.
Les réactions de la peau chez les aliénés ont été jusqu'ici
très peu étudiées. Une seule, la plus curieuse et la plus inté-
ressante il est vrai, la dermographie, a attiré l'attention et
divers auteurs en ont rapporté des observations isolées. Seul,
à ma connaisssance, M. Féré l'a recherchée d'une façon sys-
tématique chez les hystériques et les épileptiques tout d'abord
avec le concours de M. Lamy, puis, quelques années après,
chez les autres aliénés avec le concours de l\1.-Lance. -
J'ai repris ces recherches dans mon service de Ville-Evrard
de concert avec mon interne, M. Capgras, et nous nous som-
mes vite aperçus que la dermographie à des degrés divers
n'était pas la seule altération dont était susceptible chez les
aliénés la réaction de la peau ; nous avons tout de suite vu
qu'à côté des altérations en plus ou dermographie, existaient
et même plus fréquentes que celles-ci des altérations en
' L'influence de l'alcool sur le travail. (C. R. Soc. de Biologie, 1900,
p. 825.).
RÉACTIONS DE LA PEAU CHEZ LES ALIÉNÉS. 385
moins qui se présentent à deux degrés; le simple affaiblisse-
ment plus ou moins marqué de la réaction normale et l'ab-
sence totale de cette dernière. Ce sont les résultats que nous
avons obtenus qui font l'objet de ce mémoire.
I. On désigne, comme on sait, sous le nom de del'11w-
graphie un phénomène particulier, étudié avec détails pour
la première fois par Gull en 1859, décrit minutieusement en
z1875 par Zunker, qui consiste dans l'apparition de saillies
oedémateuses, entourées de rougeur, semblables aux plaques
ortiées; pouvant former des figures variées à volonté, sous
l'influence des excitations du tégument. La nature de cette
singulière réaction cutanée est encore entourée d'une grande
obscurité; il semble, à en juger par les observations publiées,
qu'une tare névropathique en favorise la production; toute-
fois on n'a pas le droit d'affirmer la nécessité absolue de cette
tare puisque Michelson et Axenfeld ont rapporté, le premier
trois cas et le second un relatifs à des sujets vigoureux et
exempts de tout nervosisme héréditaire ou acquis. Il est vrai
que quatre observations constituent un ensemble de faits
insuffisant à autoriser une affirmation quand on songe aux
difficultés dont est hérissée la recherche des antécédents per-
sonnels et de famille.
L'étude de la dermographie chez les aliénés de toutes caté-
gories a été entreprise seulement par M. Féré et M. Lance
en 1898. Il n'est donc pas sans intérêt de reprendre cette
question et d'ajouter d'autres faits à ceux publiés par ces deux
auteurs. Sur 229 malades, ils l'ont trouvée 48 fois à des degrés
divers, soit dans la proportion de 20,96 p. 100 et ils ont
groupé leurs observations dans le tableau suivant d'autant
plus intéressant à reproduire qu'il est jusqu'ici unique et
dans lequel les malades se trouvent divisés par catégories.
Sous la dénominationd'alcooliques, ils n'ont compté que ceux
dont les troubles mentaux ne s'étaient produits qu'à la suite
d'excès alcooliques, sans autre manifestation vésanique
préalable et dont le délire avait présenté les caractères spé-
ciaux du délire éthylique ; sous celle de dégénérés ils ont
englobé les fous raisonnants, les impulsifs, instinctifs, spas-
modiques ; les délirants systématiques étaient pour la plu-
part des persécutés ; les déments, des déments secondaires et
les faibles d'esprit des imbéciles et des idiots... f . .
Archives, 2° série, t. XII. 25
386 . CLINIQUE MENTALE.
Voici ce très instructif tableau :
RÉACTIONS DE LA PEAU CHEZ LES ALIÉNÉS. 387
Antérieurement, en 1889, M. Féré avec l'aide de M. Lamy
avait recherché la dermographie chez les épileptiques et les
hystériques. Sur 130 malades examinés, ils l'avaient trouvé
46 fois soit dans la forte proportion de 35,3 p. 100 ; aussi
souvent donc que dans la paralysie générale; mais bien plus
souvent le phénomène avait présenté une grande intensité,
soit 7 fois, ce qui donne une proportion de 5,3 p. 100, tandis
qu'il était 18 fois à un degré moyen et 21 fois très faible.
Enfin, je dirai que MM. Féré et Lance concluent de leurs
recherches que les faits qu'ils ont constatés ne leur parais-
sent apporter aucun éclaircissement à la pathologie générale
de la dermographie, mais que en mettant en lumière sa fré-
quence chez des malades chez qui son existence était peu
connue ou même inconnue tout à fait, ils élargissent le champ
de l'expérience.
IL L'année dernière, mon interne M. Capgras et moi,
nous avons recherché la dermographie durant l'hiver sur
36 aliénés de toutes catégories. Désireux de nous assurer si
les saisons n'influençaient pas le phénomène nous avons
renouvelé nos investigations six mois après, en plein été, sur
les mêmes malades, seulement dans l'intervalle 18 étaient
morts, 13 étaient sortis, 1 avait été transféré et 3 ont refusé
de se prêter une seconde fois aux recherches. Il en est résulté
qu'il ne nous est plus resté que 291 sujets.
Nous avons toujours opéré le matin à la visite de 10 à
11 heures. Les aliénés étaient nus jusqu'à la ceinture et à
l'aide d'un coupe-papier M. Capgras traçait des lignes sur la
poitrine, les bras et le dos. Nous avons ainsi procédé pour
tous de la même manière. Jamais aucune réaction doulou-
reuse ne s'est produite, avons-nous déjà dit et il nous a paru
impossible de rattacher le phénomène à une hyperesthésie
superficielle ou profonde. D'un autre côté, aucun de nos
sujets n'était atteint d'urticaire, d'eczéma, ni de, toute autre
affection cutanée.
Nous avons pu en outre vérifier l'exactitude de l'assertion
de Gull, que toutes les régions du tégument ne sont pas éga-
lement favorables à l'expérience et qu'il faut choisir une
partie riche en fibres lisses. C'est au bras que le phénomène
s'est toujours montré le moins accusé et d'ordinaire le plus
marqué dans la région dorsale, cependant deux fois la der-
mographie était aussi accentuée en avant qu'en arrière et six
'388 · " CLINIQUE MENTALE. C
'fois beaucoup plus à la poitrine qu'au dos. Il n'y a donc pas
de règle invariable à cet égard.
Ce que nous avons observé est conforme à la description
donnée du phénomène par Gull et Zunker et reproduite par
MM. Féré et' Lance. Toutefois, comme ces deux observateurs,
nous avons constaté de grandes variations individuelles et à
nous aussi l'examen des malades a montré que toutes les
transitions pouvaient s'observer dans les degrés que présente
la dermographie selon les sujets. Nous n'avons pas constaté
au thermomètre le degré d'élévation thermique, néanmoins
quand la dermographie était très accusée, cette élévation était
sensible même au toucher, mais il ne nous a été donné de
voir ni le pouls capillaire signalé par IIirtz au niveau de
l'éruption ni la pigmentation consécutive observée une fois
par les deux médecins de Bicêtre.
Il est assez difficile, écrivent MM. Féré et Lance, d'établir
l'évolution de ce phénomène singulier chez les individus qui
en sont porteurs, en raison de l'absence d'observation long-
temps poursuivie. Dans l'espace de un à deux mois, ils n'ont
pas noté sur leurs malades de changement important et
durable, aussi penchent-ils à croire qu'il s'agit là vraisembla-
blement d'une manière d'être de la peau, d'un état perma-
nent et à ce propos ils rappellent que le sujet de Dujardin-
Beaumetz, surnommé la femme cliché, tenue en observation
pendant six mois n'a pas présenté de modification appré-
ciable et que seul Zunker a noté la disparition de la dermo-
graphie chez un saturnin qui présenta le phénomène en ques-
tion d'une façon passagère, alors seulement qu'il était sous
l'influence du poison. Nous avons constaté au-contraire, à six
mois d'intervalle, de grandes variations dans les réactions de
la peau chez 104 des 291 aliénés de toutes catégories qui
furent examinés deux fois, dans la forte proportion de
35,7 p. 100, et en ce qui concerne plus particulièrement la
dermographie sur 62 sujets qui présentèrent le phénomène
et purent être suivis, il n'en est que 17 chez lesquels il' ne
varia pas, soit la proportion minima de 27,4 p. 100 ; chez
29 malades nous ne l'avons plus constaté après l'avoir trouvé
et chez 17 nous l'avons trouvé alors que tout d'abord nous
ne l'avions pas constaté. Il nous paraît donc établi par ces
résultats qu'il ne s'agit pas là d'un état permanent de la peau,
mais bien d'un état transitoire apparaissant et. disparaissant
RÉACTIONS DE LA PEAU CHEZ LES ALIÉNÉS. 389
sous l'influence de causes qui nous sont encore inconnues.
Et il en est de même pour les altérations en moins.
Je pense avec MM. Féré et Lance qu'il serait fort intéressant
d'étudier les variations passagères de la dermographie. Chez
deux de leurs malades, l'un présentant des poussées d'urti-
caire, l'autre d'eczéma, ils ont noté que celle-ci était plus
intense au moment des recrudescences de l'affection cutanée.
Aucun de nos sujets n'ayant de manifestations du côté de la
peau, nous n'avons pas pu nous assurer de cette particula-
rité ; mais nous avons réussi à contrôler leurs assertions rela-
tives à l'influence exercée par les accès épileptiques chez
trois malades. Pendant la stupeur on n'obtient même pas la
simple raie rouge érythémateuse qui se montre sur tout le
monde. Après l'accès non seulement immédiatement mais
même au bout de trois et quatre heures chez des sujets qui,
à l'état normal, ont de la dermographie très accusée il n'y a
plus qu'une simple rougeur sans saillie ou avec une saillie
très faible. Ce n'est guère que le lendemain que le phéno-
mène reparaît dans toute son intensité. Il y a là, me semble-t-
il, un argument sérieux en faveur de sa nature névropa-
thique.
Resterait à expliquer celle-ci. On a voulu la rattacher à
l'urticaire vrai en se basant sur la coexistence fréquente des
deux chez les mêmes individus. Je ne crois guère à cette
parenté, car aucun de mes malades n'était sujet, ai-je déjà
dit, ni à l'urticaire, ni à d'autres manifestations du côté de
la peau. La parenté avec la névropathie me semble bien plus
probable. En effet, sauf les trois malades de Michelson et
celui d'Axenfeld, tous les autres dont les observations ont
été publiées étaient des névropathes avérés et les récentes
recherches de MM. Féré et Lance comme les nôtres confir-
ment cette opinion. Aussi serait-il à désirer que les mêmes
constatations fussent opérées dans un service de femmes;
ces deux aliénistes et nous n'ayant eu à leur disposition que
des hommes.
Si le sexe féminin fournissait un contingent beaucoup plus
élevé de dermographies que le masculin, il y aurait là un
nouvel argument de grande valeur en faveur de la nature
névropathique du phénomène et on serait alors peut-être en
droit de se demander si les malades de Michelson et d'Axen-
feld étaient en réalité aussi sains qu'ils le prétendent et s'ils
390 CLINIQUE MENTALE.
n'auraient pas été porteurs d'un nervosisme méconnu par ces
observateurs, 1
III. Quoi qu'il en soit, voici les résultats fournis par les
326 aliénés de toutes catégories que nous avons examinés
la première fois en hiver. On voit dans les tableaux qui sui-
vent que parmi les sujets qui n'avaient pas de dermographie
il en est un certain nombre chez lesquels la réaction de la
peau n'était pas pour cela normale : certains ne présentaient
que très affaiblie la raie rouge érythémateuse qui doit nor-
malement se produire 'et quelques-uns même n'avaient
aucune manifestation : la peau conservait sa coloration habi-
tuelle. Il y a donc lieu de distinguer, ce qui, je crois, n'a pas
encore été fait jusqu'ici, des altérations en moins comme des
altérations en plus et de former quatre groupes différents.
En outre il convient de distinguer également deux degrés
dans la dermographie selon qu'elle est d'intensité modérée
ou excessive.
. RÉACTIONS DE LA PEAU CHEZ LES ALIÉNÉS. 391
la dermographie excessive la proportion est la même, à deux
dixièmes près en faveur de la saison chaude.
J'ai dit plus haut que sur 104 de nos 291 malades suivis toute
l'année, nous n'avions pas retrouvé l'été les réactions de la
peau que nous avions constatées l'hiver. Yoici par ordre de
fréquence les différences que nous avons relevées :
392 . CLINIQUE MENTALE. -
Mais si ces tableaux nous permettent d'apprécier les varia-
tions apportées par les saisons dans les réactions de la peau
chez les mêmes aliénés, ils ne nous donnent pas la proportion
absolue d'altérations que sont susceptibles de présenter ceux-
ci quand on les suit durant toute l'année, car tel malade qui
aura une réaction normale l'hiver présentera une réaction
altérée l'été, c'est ainsi avons-nous dit plus haut que
17 sujets qui n'avaient pas de dermographie durant la saison
froide en eurent durant la saison chaude. Malheureusement
nous n'avons pu suivre tous nos malades, puisque, par suite
de décès, transferts, sorties ou refus de se prêter à de nou-
velles constatations, 35 nous faussèrent compagnie ; de
ceux-là, 21 avant de nous quitter avaient eu diverses altéra-
tions soit en plus, soit en moins, nous les retiendrons;
mais 14 n'avaient présenté que des réactions normales, qui,
peut-être, si ces sujets avaient pu être examinés durant
l'été, auraient été trouvées altérées ; il convient donc d'éli-
miner ces 14 aliénés et ne tabler que sur 312 cas. Ils nous
fournissent le tableau suivant :
RÉACTIONS DE LA PEAU CHEZ LES ALIÉNÉS. 393
l'absence de toute réaction et celle qu'on rencontre le plus
souvent, le simple affaiblissement plus ou moins marqué de
la réaction normale ; entre les deux se place la dermogra-
phie dont la fréquence se rapproche beaucoup de celle de
l'affaiblissement, puisque la différence entre eux n'est que de
9 p. 100. Toutefois la réaction normale est plus fréquente
que la réaction altérée qui l'est le plus.
Nous avons constaté un peu moins de dermographies chez
nos aliénés que M. Féré chez les siens. Dans le tableau de cet
aliéniste reproduit plus haut, la proportion qui s'y trouve
n'est, il est vrai, qne de 20,96 p. 100, mais les épileptiques
et les hystériques qui avaient fait l'objet de son précédent
mémoire n'y figurent pas, or ces deux catégories d'aliénés
fournissent un très fort contingent d'altérations en plus des
réactions de la peau comme nous l'établirons un peu plus
loin. Pour comparer ses résultats aux nôtres, il convient par
conséquent de fusionner toutes ses constatations. Si nous
opérons cette fusion nous trouvons que sur 359 sujets M. Féré
a relevé 94 cas de dermographie d'intensité variable, ce qui
fournit pour toutes les catégories d'aliénés une proportion
de 26,2 p. 100, supérieure par conséquent à la nôtre de
5 p. 100. Mais il n'en résulte pas moins tant des recherches
de ce médecin que des nôtres que si la dermographie est un
peu moins fréquente chez les aliénés que l'affaiblissement de
la réaction normale, elle se montre encore chez eux dans un
quart des cas, puisque sur 672 malades examinés à Bicêtre
et à Ville-Evrard, elle a été relevée 162 fois, soit dans la pro-
portion de 24,1 p. 100, qu'on ne trouverait certainement pas
chez le sain d'esprit.
Enfin notre tableau établit que quand l'altération en plus
alterne chez le même malade avec l'altération en moins,
l'alternance se produit plus de deux fois plus souvent avec le
simple affaiblissement de la réaction normale qu'avec l'ab-
sence totale de celle-ci.
IV. Cependant nous pouvons pousser plus loin et ne pas
nous contenter de cette étude d'ensemble chez les aliénés de
toutes catégories, nous pouvons étudier les altérations en
plus et en moins des réactions de la peau dans chacune des
variétés mentales. Une pourtant nous fait défaut : l'alcoo-
lisme, et cette lacune est d'autant plus regrettable que préci-
sément MM. Féré et Lance sur 19 alcooliques n'ont rencontré
394 CLINIQUE MENTALE.
aucun cas de dermographie. Mais nous n'avons plus aucun
buveur à soigner, car, depuis z1897, nous avons demandé et
obtenu la division de notre service qui était vraiment trop
surchargé et les ivrognes ont depuis cette époque un médecin
spécial. Voici le tableau que fournissent nos 3112 sujets. Mal-
heureusement pour deux variétés mentales, l'hystérie et la
sénilité, le nombre de ceux que nous eûmes à notre disposi-
tion fut fort limité : 6 hystériques et 7 séniles. Quoiqu'il
en soit nous voyons que le maximum de dermographie a été
fourni par l'hystérie que suit de très près la démence et
d'assez près encore la débilité mentale. Ces trois aliénations
constituent le groupe riche en dermographie. - A l'extrême
opposé se trouve la sénilité qui est la seule variété mentale
sans dermographie aucune, ni modérée, ni excessive, tandis
que les trois autres forment un groupe intermédiaire avec
entre, elles des différences proportionnelles assez peu sen-
sibles. Nous sommes loin de la proportion de 35,71 que four-
nissent les paralytiques de M. Féré; les nôtres occupent au
contraire le dernier rang parmi les six variétés mentales qui
ont eu de la dermographie. Pour la débilité mentale notre
proportion est à peu de chose près celle du médecin de
Bicêtre, mais alors qu'il donne pour les déments seulement
18,5 p. 100, nous, nous obtenons 30 p. 100 soit une diffé-
rence supérieure de 1/1,8 p. 100. Notre proportion de vésa-
niques est aussi plus élevée ; nous comprenons sous ce voca-
ble ceux que M. Féré détaille sous les dénominations de
dégénérés, délirants et mélancoliques. Si, d'après son tableau
nous faisons la somme de ces trois catégories d'aliénés nous
trouvons 92 sujets qui ont présenté 12 cas de dermographie,
soit une proportion de z13 p. 100 ; or, la proportion de nos
vésaniques est supérieure de 6,3 p. 100.
Nous avons noté la dermographie bien plus souvent dans
l'hystérie que dans l'épilepsie puisque notre tableau donne
en faveur de la première une différence de 10,9 p. 100. Il
semble que dans leurs recherches de 1899, MM. Féré et Lamy
ont réuni ensemble ces deux catégories de malades. Leur pro-
portion, 35,3 p. 100 est presqu'identique à celle que nous
avons obtenue pour les hystériques seuls, mais si nous englo-
bons ensemble hystériques et épileptiques nous n'avons plus
pour les deux réunis, ceux-ci ayant été à Ville-Evrard moins
souvent dermographiqùes que ceux-là, qu'une proportion de
: : <1
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396 . CLINIQUE MENTALE.
23 p. 100 ; inférieure, par conséquent, de 12,3 p. 100 à celle
de Bicêtre. Pour les vieillards chez lesquels nous n'avons
trouvé aucun cas de dermographie, ils ne figurent pas dans
le tableau de MM. Féré et Lance. '
Les hystériques qui ont le maximum de dermographie en
général sont aussi ceux qui ont de beaucoup le maximum de
dermographie excessive, soit quatre fois plus environ que les
ésaniques qui viennent immédiatement après eux. A noter
que lés déments qui ont une très forte proportion du degré
modéré de l'altération n'ont pas présenté une seule fois le
degré excessif. Quant aux quatre autres variétés mentales
qui restent, elles n'ont entre elles que de faibles écarts dans
les proportions.
Nos constatations diffèrent encore sur ce point avec celles
de M. Féré. Dans ses recherches de 1898, de concert avec
M. Lance, chez les aliénés autres que les convulsifs, il n'a
trouvé, avons-nous dit plus haut, que deux cas de dermo-
graphie au degré excessif, un chez un paralytique et un autre
chez un dément. Mais en 1889, chez les épileptiques et les
hystériques, il a noté avec M. Lamy sept fois le phénomène
très marqué sur 130 sujets, soit la proportion de 5,3 p. 100
qui s'écarte un peu de celle que nous avons obtenue pour
les épileptiques mais se rapproche assez de celle que four-
nissent tous nos convulsifs réunis, épileptiques et hystériques.
Si nous envisageons maintenant l'état normal nous consta-
tons que dans toutes les variétés mentales il a été inférieur à
l'état anormal, toutefois c'est surtout dans l'hystérie que
l'anormalité l'a emporté avec une formidable proportion.
Pour les autres aliénations mentales l'état normal a été plus
fréquent. Après l'hystérie, c'est dans la sénilité et la démence
qu'il s'est montré le moins souvent. La débilité mentale est
l'aliénation avec la normalité la plus forte, les trois autres
formes se suivent de très près. Les paralytiques sont les
malades qui se rapprochent le plus du maximum de norma-
lité obtenu. Nouvelle preuve qu'il n'est pas possible de les
considérer comme plus particulièrement sujets aux altérations
des réactions de la peau.
Restent les altérations en moins. Envisageons d'abord celle
du degré inférieur : le simple affaiblissement de la réaction
normale et nous constaterons, fait auquel on ne s'attendrait
pas, qu'elle a son maximum de fréquence dans l'hystérie qui
MÉNINGO-ENCÉPHALITE. 397
possède déjà le maximum de fréquence de la dermographie.
Ainsi les hystériques sont de tous les aliénés ceux qui ont
tout à la fois le plus d'altérations en moins et le plus d'alté-
rations en plus ; aussi avons-nous constaté plus haut qu'ils
présentaient un minimum excessif de normalité. Ajoutons
que chez eux on trouve encore plus de réactions affaiblies
que de dermographie. C'est dans la débilité mentale que le
phénomène qui nous occupe est le plus rare ; il y est même
relativement très rare. Ici encore nous constatons que les
paralytiques n'occupent qu'un rang inférieur dans l'anor-
malité. Au rang supérieur après l'hystérie vient la sénilité
qui comme nous savons n'a pas d'altérations en plus. Les
deux autres variétés mentales ne diffèrent pas beaucoup entre
elles à cet égard. (A suivre.)
RECUEIL DE FAITS.
Méningo-encéphalite diffuse chronique du côté gau-
che, avec oblitération de la cavité de l'arachnoïde
cranienne par des filaments fibreux. Forme épi-
leptiforme. Démence simple, sans euphorie. Cons-
cience de l'état maladif. Troubles de la motilité à
droite. Durée de la maladie dix ans ;
Par le Dr DAKIEL BRUNET.
Le nommé B..., né le 8 août 1817 à Seure (Côte-d'Or), marinier,
est entré à l'asile de Dijon, le 25 octobre 1863, où il a succombé le
20 décembre 1864.
Voici les renseignements contenus dans le certificat médical
d'admission : « Le nommé B... a toujours été adonné aux boissons
alcooliques, et il a commis beaucoup d'excès vénériens. Il était,
dit-on, d'une faculté génésique exagérée. Il a été atteint de plu-
sieurs affections vénériennes sur lesquelles on n'a pas de rensei-
gnements précis. -
A la suite d'un sauvetage opéré en z3, pour sauver le père et
398 RECUEIL DE FAITS.
le fils qui se noyaient dans la Saône, il fut pris d'une telle émotion
qu'immédiatement après, il fut atteint d'ictère, puis d'une violente
céphalalgie, qui persista jusqu'au développement de l'affection
mentale, qui a commencé en 1854. A cette époque, il eut un ictus
avec symptômes épileptiformes. Une deuxième attaque épilepti-
forme survint dix-huit mois après, à la suite de laquelle, la cépha-
lalgie reparut plus intense que la première fois. Jusque-là il avait
continué son état de marinier.
Pendant l'année 1857, les attaques épileptiformes se renouvelè-
rent presque tous les huit jours, et, à partir de 1858, l'intelligence
et la mémoire s'affaiblirent de plus en plus, au point qu'il devint
incapable de rien faire. Son caractère irritable le portait à s'armer
sans cesse de couteaux ou d'autres instruments tranchants, pour
frapper les étrangers et même les membres de sa famille. Jusqu'à
présent les nombreuses voies de fait qu'il commettait, ont été
passées sous silence, mais la dernière, plus violente que les autres
a déterminé l'administration municipale à demander son admis-
sion dans un asile d'aliénés. Depuis 1861 il n'a plus eu, jusqu'à
cette admission, d'attaques convulsives.
A son entrée à l'asile de Dijon, on constate chez lui un notable
affaiblissement de l'intelligence. Ses souvenirs sont peu précis, et
il a conscience, jusqu'à un certain point, de son état démentiel. Il
nous dit qu'il a les idées brouillées, qu'il a la tête perdue, qu'il ne
sait pas où il est. Il pleure, se lamente sur son sort. Dans d'autres
moments, il nous dit qu'il va mieux, qu'il espère recouvrir sa con-
naissance, et peut-être guérir. Il est incapable en raison de son
affaiblissement intellectuel de nous donner beaucoup de détails
sur lui. Presque toujours il nous fait les mêmes réponses : je n'ai
plus conscience de rien, c'est malheureux d'être comme cela. Il ne
sait plus même son âge. Il marche difficilement; les membres du
côté droit sont rigides et il les remue avec peine. L'articulation des
mots est assez nette, mais la parole est traînante ; souvent il laisse
écouler de la salive par la bouche. Il est de petite stature, présente
un embonpoint notable, les muscles sont très développés. La face
est rouge, congestionnée.
1 CI' août 1864. Tout le temps qu'il a passé à l'asile son état
cérébral a toujours été à peu près le même. Il restait assis la plus
grande partie de la journée, sans rien dire, ayant une physionomie
hébétée. Très irritable, il frappait souvent les malades de la divi-
sion. Il était gâteux. Jamais nous n'avons constaté chez lui aucun
délire ambitieux ni ancun autre délire. Il nous faisait souvent les
réponses que nous avons mentionnées plus haut, quand on l'inter-
rogeait. Tantôt il nous disait son nom, tantôt il ne se le rappelait
pas. 11 prétendait ordinairement ne plus se souvenir de son âge
ou bien disait qu'il avait trente-trois ans. Les membres du côté
droit étaient très rigides, ce qui rendait la marche difficile.
MÉNINGO-ENCÉPHALITE. 399
15 novembre 1864. - Il est plus hébété que d'habitude, se tient
plus difficilement sur ses jambes.
6 décembre. Attaque épileptiforme avec perte de connais-
sance, ressemblant entièrement à une attaque d'épilepsie ordi-
naire. 15. Deux attaques épileptiformes. 16. Il ne peut plus
se tenir debout. La face est très colorée, les yeux sont très injec-
tés. Il ne peut plus prendre que de la soupe. - 18. Même état.
L'embonpoint se maintient. Trois soupes. 19. Les forces vont
en diminuant chaque joui'. Ce matin, il est encore levé. 20.
Même état. Il reste assis, comme d'habitude, sur son banc. Teint
très coloré. Je lui prescris une saignée de 800 grammes. L'interne
ne peut lui tirer que 200 grammes de sang. Il succombe à deux
heures de l'après-midi, au bout d'une heure de coma.
Autopsie vingt-quatre heures après la mort. Les os du crâne
sont excessivement épais, au moins moitié plus qu'à l'état normal.
Leur épaisseur est plus grande à gauche qu'à droite. Ils sont très
injectés et se détachent assez facilement de la face externe de la
dure-mère. Voici le poids des différentes parties de l'encéphale
avec les membranes qui les recouvrent :
400 RECUEIL DE FAITS.
L'hémisphère droit s'enlève facilement de la boite cranienne, la
cavité de l'arachnoïde étant libre de ce côté. Cet hémisphère pré-
sente à sa face externe des suffusions sanguines de date récente et
quelques rares opalescences. Les membranes se détachent, du
reste avec la plus grande facilité de la couche corticale et n'entrai-
nent avec elles aucune parcelle de cette couche.
Le cervelet présente quelques adhérences avec la face interne de
la dure-mère dans un point très limité, au niveau de la partie mé-
diane et supérieure. A part cela, il paraît sain, ainsi que la protu-
bérance et le bulbe.
Poids des autres organes : Coeur 350 grammes, foie 1,380 gram-
mes, rate 272 grammes, rein droit 150 grammes, rein gauche
160 grammes.
. La rnéningo-encéphalite diffuse chronique prédomine
souvent sur l'un des deux hémisphères cérébraux, mais il
est très rare qu'elle soit limitée à un seul d'entre eux, en
s'étendant sur la plus grande partie de sa face externe,
comme dans cette observation. Il est non moins rare de voir,
dans cette affection, la cavité de l'arachnoïde oblitérée par
des tractus fibreux, comme cela est si fréquent dans les in-
flammations des autres séreuses. La maladie a débuté à la
suite d'une violente émotion par des attaques épileptiformes,
qui ne se sont compliquées de démence notable qu'au bout
de quatre ans; elles ont cessé au bout de sept ans pour ne
reparaître que le mois où il succomba. Les excès alcooliques
qu'il commettait doivent être considérés comme une cause
prédisposante très grave. Il n'a présenté, à aucun moment
de la maladie, aucune idée délirante expansive ou dépressive,
et la démence n'était pas accompagnée d'euphorie, ce qui
s'observe ordinairement. La marche était très gênée, et, du
côté opposé à l'inflammation cérébrale, les membres étaient
très rigides. L'embarras de la parole était peu marqué.
Les aliénés en LIBERTÉ. Une dépêche de Privas (25 septembre)
nous annonce qu'une femme Julie Labrosse, cinquante ans, inter-
née à plusieurs reprises dans un asile d'aliénés, a, dans un accès
de folie, tué son jeune enfant, âgé de deux ans. Profitant de l'ab-
sence de son mari, elle prit l'enfant et le pendit à l'espagnolette
de la fenêtre. Un autre petit garçon, de cinq ans, aurait subi
le même sort s'il n'avait pu s'enfuir et se réfugier chez des voisins.
Quand ceux-ci arrivèrent, ils trouvèrent la femme Labrosse, riant
aux éclats, à côté du corps de son enfant. (Le Républicain d'Orléans,
du 27 septembre 1901.) .
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
XII. Discours présidentiel prononcé à la cinquante-neuvième
réunion annuelle de l'Association Médico-Psychologique, tenue
à Londres le 26 juillet 1900; par Fr ? TCHEa Beach. (The Journal of
Mental Science, octobre 1900.) . ,
Dans ce discours, l'orateur s'est proposé de relater les progrès
accomplis depuis soixante ans dans le traitement des malades
appartenant à quelques catégories sociales défectueuses, à savoir :
les idiots, les imbéciles, les faibles d'esprit, les épileptiques et les
jeunes délinquants. Au début de cette période de soixante années,
il existait à Paris deux écoles pour les idiots, celle de Ferrus à
Bicêtre, et celle de Falret à la Salpêtrière. Toutes deux avaient
pour origine l'enseignement donné par,Itard au sauvage de l'Avey-
ron. Mais trois ans auparavant, Seguin sur le conseil d'Itard et
d'Esquirol, avait entrepris le traitement d'un idiot, et son pre-
mier travail sur ce sujet date de 1838. C'est à lni que revient
l'honneur d'avoir posé les premières règles de l'éducation des
idiots et des imbéciles. L'orateur expose avec détail les efforts si
méritoires de Seguin et relate brièvement l'histoire de cet homme
remarquable, qu'il a eu, dit-il, l'honneur de connaître, et chez
lequel il a rencontré l'indomptable énergie nécessaire pour mener
à bien une pareille tâche. En 1812, une partie de l'Institution des
sourds-muets de Berlin, que dirigeait M. Saegart, fut attribuée à
l'hospitalisation des idiots, et ce médecin, assisté par un maître et
deux maîtresses, réussit à instruire douze idiots avec des résultats
encourageants. Vers la même époque, le De Guggenbuhl, établit
sur l'Abendberg, en Suisse, à 1.200 mètres d'altitude, un hôpital
pour le traitement des crétins, et obtenait, lui aussi, des résultats
satisfaisants, dont la publication fut probablement la cause déter-
minante de l'ouverture, en 1846, à Bath, d'une petite école pour
les imbéciles, sous la direction des demoiselles White.
La Grande-Bretagne' né s'était jusque-là que peu intéressée à
cette question, lorsque, en 184 ? le Dr Scott, médecin principal de
l'Institution pour l'éducation des sourds-muets dans l'ouest de
l'Angleterre, publia quelques observations sur l'éducation des
enfants idiots et faibles d'esprit, et invita Lord Ashley, plus tard
Lord Shaftesbury à créer en Angleterre une institution pour les
idiots. La même année paraissaient dans la British and Foreign
Archives, 2° série, t. XII. 26
Il. 0 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
Medico- Chirurgical Revint) un article du Dr Conolly, et dans le
Chcemhecrs' Edil1bul'g Journal deux arlicles de M. Gaskell, appelant
l'attention sur l'oeuvre excellente qu'accomplissait Seguin à Bicétre.
Ces articles attirèrent l'attention d'un médecin philanthrope, le
Dr Andrew Reed, qui, avec l'assistance de Conolly et de quelques
autres personnes, ouvrit en 1848 un asile à l'ark-Iluuse, Ililhgate.
Cette institution devint promptement insuffisante, et dut s'agrandir,
si bien qu'en 1853, le Prince Consort posait la première pierre de
l'asile d'Earlswood, près de Iledhill, qui fut ouveit en 1835, et
reçut les pensionnaires des établissements précédemment indi-
qués, et dont le dernier devint l'asile des idiots et des imbéciles
pour les Comtés de l'Est. En 1864 l'asile pour les Comtés de l'Ouest
était fondé, et en 1868 celui des Comtés du Centre. En 1870 on
ouvrait l'asile Royal Albert pour les idiots et les imbéciles des
Comtés du Nord, et en 1875 la première école d'enfants pauvres
pour les imbéciles. Ce dernier établissement subit actuellement des
modifications importantes : on le dédouble pour le débarrasser de
sa population non éducable qui s'était accrue et accumulée jusqu'à
devenir encombrante et nuisible à l'instruction des sujets édu-
cables. En 1886 une loi a été votée pour débarrasser ces établisse-
ments de certaines obligations et formalités légales qui étaient un
obstacle à leur fonctionnement et à leurs progrès. Aucune nou-
velle institution n'a été créée depuis, mais à l'asile du Comté de
Northampton, un bâtiment a été spécialement affecté à 50 enfants
imbéciles, et à l'asile du Comté de Middlesex- une annexe a été
établie pour 200 imbéciles. Plusieurs autres asiles contiennent des
salles spéciales réservées à ces mandes. Il y a eu Ecosse deux
établissements publics du même genre : l'un a été construit par
Sir John et Lady Jane Ogilvy et reçoit 40 malades ; l'aulre est dû à
la libéralité du Dr David Brodie, et s'est transformé en vue de
recevoir une population de 200 idiots. L'Irlande ne possède qu'un
seul établissement public fondé par le Dr Stewart en 18G9 : il
renferme 62 idiots.
Aux Etats-Unis, sur un rapport fait en 1847 par le or Howe, et
dans lequel l'oeuvre de Seguin était l'objet de commentaires élo-
gieux, une école'pour les idiots était ouverte dans l'Etat de Massa-
chussetts : elle fonctionne encore. Deux mois après une nouvelle
école était ouverte par le Dr Wilbur, dans le même état. En 184G,
le Dr Backus avait fait une tentative pour obtenir la création
d'écoles analogues dans l'Etat de Piew-Yôrlc ; cette tentative échoua,
fut vainement renouvelée en 1847 et n'aboutit qu'en 1851, époque
à laquelle une école fut ouverte à Albany. L'exemple, dès lors, devint
contagieux, et fut suivi d'abord par les Etats de Pennsylvania,
d'Ohio, de Connecticut, de Kentucky et d Illinois, si bien qu'il
existe aujourd'hui 24 institutions publiques, soutenues par 19 Mats,
et venant en aide à 8.492 idiots et imbéciles.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 403
Revenant ensuite en France, l'orateur remarque qu'il existe
dans le département de la Seine cinq institutions qui reçoivent des
enfants idiots, imbéciles ou épileptiques, à savoir : 131cètrc, la
colonie de Vaucluse, la Salpêtrière, Vallée et Villejuifi, auxquelles
il faut ajouter l'Institution du De Bourneville à Vilry, recevant
ensemble 1.000 malades. On trouve quelques autres établissements
à destination partiellement analogue, tels que les asiles John liost,
à Laforce.
En Allemagne il existe 29 établissements qui reçoivent 3.070 en-
fants idiots et épileptiques, et 1.831 malades adultes de même
ordre : on voit que l'oeuvre de Saegart a fructifié. L'Autriche a
cinq institutions, la Belgique quatre, la Hollande quatre, l'Italie
deux, la Suisse cinq (depuis le chiffre de quatorze a été atteint;,
le Danemark trois, la 1\'orwège trois, la Suède seize, la Russie cinq - "
et la Finlande un.
Le Canada possède à Orillia (Ontario) un établissement qui
contient 010 malades.
L'orateur examine ensuite ce qui a été fait au profit des imbé-
ciles : nous ne pouvons pas le suivre dans les détails qu'il donne
sur la marche des idées et des lois en Angleterre à propos de cette
question, et nous ne retiendrons que quelques points relatifs sur-
tout aux enfants arriérés. Il constate que l'Angleterre s'est occupée
très tardivement de l'instruction pratique à donner aux enfants
faibles d'esprit. Dès 1863, en Allemagne, à Halle, il existait une
classe auxiliaire pour les enfants qui ne pouvaient pas suivre les
programmes ordinaires, et en 1867 on en créait une semblable à
Dresde. L'exemple était bientôt suivi par Leipzig et Brunswick : et
en 1898, Wintermann pouvait annoncer que des écoles auxiliaires
de ce genre existaient dans 52 villes d'Allemagne, qu'elles compor-
taient 202 classes, contenant 4.281 enfants, auxquels l'instruction
était donnée par 225 maîtres. Des appréciations plus'récentes
encore permettent de penser que le nombre des élèves atteint pré-
sentement 6.000. En 1\orwège, en Danemark on trouve des institu-
tions analogues.
C'est seulement en 1892 que l'Angleterre a créé ses premières
écoles pour cette catégorie d'enfants : il y en a aujourd'hui, sans
compter, d'assez nombreuses écoles de province, 53 qui fonctionnent
et instruisent de 2 à 3.000 enfants.
Sur le continent, la Belgique et la Suisse ont spécialement affecté
des écoles à l'éducation des enfants faibles d'esprit , l'Autriche se
prononce en faveur de ce mouvement, et, dans ses dernières
Recherches cliniques et thérapeutiques, M. Bourneville réclame la
création de classes spéciales annexées aux écoles primaires de
' La section d'idiotes de Villejuif a été supprimée il y a plusieurs
années loisqu'on a construit un bâtiment de 100 lits à Vallée.
404 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
Paris et de la France, et à l'appui de cette réclamation, il signale
avec détails les résultats du fonctionnement de ces institutions en
Suisse, en Angleterre et en Belgique. En Italie, des colonies ont
déjà été formées pour ces enfants, et une ligue de protection s'est
créée à leur profit sous la présidence du professeur Baccelli. A Mel-
bourne, à Victoria, des écoles viennent de s'ouvrir, et enfin une
petite institution du même genre a été créée à Tokio par
M. R. Osuga.
L'orateur arrive ensuite à la partie de son discours qui concerne
les épileptiques : il y a soixante ans ils étaient mêlés aux autres
malades dans les asiles, et la première mesure prise pour amé-
liorer leur état consista à les en séparer. Il indique les modifica-
tions qui ont été apportées dans ce but au fonctionnement de
certains asiles. Mais il n'y a pas à s'occuper seulement des épilep-
tiques aliénés, il faut penser aussi à ceux qui sont de simples
malades, sans trouble mental. Le premier asile pour les épilep-
tiques de cet ordre a été ouvert à La Force, en 1862, par John Bost,
qui en a ultérieurement ouvert d'autres dont le dernier a été fondé
en 1881. Il faut signaler ensuite la Colonie de Bielefield, en Alle-
magne, qui reçoit 1.400 malades et qui comporte : 1° un sanato-
rium ; 2° une institution pour l'éducation et l'instruction des enfants
épileptiques : 3° une institution destinée à employer les épilep-
tiques ; 4° un asile pour les épileptiques imbéciles. On trouve
encore en Allemagne l'asile de Dalldol'ff, pour les aliénés chro-
niques, où se rencontrent beaucoup d'épileptiques, et l'asile de
Wahlgarten, près de Berlin, pour les épileptiques et les imbéciles.
On trouve en Autriche-Hongrie trois de ces asiles spéciaux, en
Russie trois, en Danemark deux, en Hollande un, en Suisse trois,
en Italie cinq et en France cinq : ' en outre de ces cinq asilee fran-
çais les épileptiques sont admis à Bicétrè et à la Salpêtrière. Aux
Etats-Unis il y en a six, parmi lesquels il faut citer la colonie de
Craig, à Somyea, qui comprend environ 1.000 pensionnaires. Enfin
l'orateur signale nombre de refuges plus ou moins importants et
dont la création en Angleterre est due à l'initiative et à la charité
privées. On a beaucoup fait, mais il reste beaucoup à faire, car il
y a dans le Royaume-Uni au moins 40.000 épileptiques, dont la
plupart sont recueillis dans les « Work houscs » où ils ne sont pas
à leur place.
Enfin l'orateur termine cet intéressant discours par l'étude des
mesures de progrès prises ou à prendre en faveur des jeunes délin-
quants 1. R. DE IUSGRAVE-CL.JLY.
R. DE Musgrave-Clay.
1 Voir pour plus de détails : Bourneville, Assistance, traitement el
éducation des enfants idiots et dégénérés, 1891;-Reclaerc%es cliniques
et thérapeutiques de 1890 à 1900.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 405
XIII. Quelques remarques sur les différentes modifications phy-
siques que l'on observe dans les périodes aiguës et subaiguës
de la mélancolie; par Lewis BRUCE et H. de Maine ALEX.1,NDE[t.
(The Journal of Mental Science, octobre 1900.)
Au cours d'une série de recherches sur la pression artérielle
chez les aliénés, les auteurs ont été frappés de ce fait que, dans
les cas de mélancolie aiguë au début, la pression artérielle pré-
sentait une marche plus ou moins définie. Au début de l'attaque,
à la période d'agitation et de troubles mentaux aigus, cette pres-
sion était élevée et équivalait à 140 et 180 millimètres de mercure-
quand les malades étaient maintenus au lit, se calmaient, dor-
maient mieux, elle tombait au chiffre de 120 à 130 millimètres. On
étudia alors l'état physique des malades dans ses rapports avec la
tension artérielle : dans la période aiguë la quantité moyenne
d'urine émise était de 29 onces et demi et l'urée de 200 grains
(12 grammes). Dans la période subaiguë la quantité d'urine attei-
gnait 41 onces et demi et la dose d'urée était de 430 grains
(25 grammes). Dans la période aiguë, sécheresse de la peau ; dans
la subaigue, peau souple et moite. Etat aigu : pouls de 90 Il 120 par
minute : état subaigu de n0 à 80. Le fonctionnement mécanique et
chimique de l'estomac s'ameliore à mesure que le malade passe
de l'état aigu à l'état subaigu. Dans tous les cas aigus, on a trouvé
les réllexes cutanés très actifs et une grande facilité des muscles
des membres à être pris de tremblement fibrillaire incoordonnés.
Cet état s'atténue dans la période subaiguë. Les hallucinations,
très vives, influençant la conduite du malade, se rencontrent dans
la période aiguë : et dans la subaiguë, elles manquent, ou sont
moins accusées, et sans action sur la conduite du malade.
En somme, il semble que la majorité des cas de mélancolie suive
une marche définie avant de guérir ou de devenir chronique. Dans
la période aiguë, on constate les symptômes suivants : 1° grande
dépression, agitation, hallucinations vives, insomnie; 2° pouls
rapide, dur, avec tendance à l'irrégularité, atteignant 90 à 120 par
minute. Pression artérielle élevée 140 à 180 millimètres ; 3° tem-
pérature tendant à devenir fébrile ; 4° urine rare, urée insuffisante,
traces d'albumine; 5° langue sale, chargée, ni faim, ni soif; pou-
voir digestif de l'estomac sur l'albumine coagulée pratiquement
nul : activité motrice faible : 6° peau sèche.
L'état subaigu est caractérisé par les 'phénomènes suivants :
1° Symptômes mentaux moins accentués. Sommeil généralement
bon; hallucinations pouvant manquer et n'influant pas sur la
conduite ; 2° pouls régulier, plus souple, 70 à 80 par minute. Pres-
sion artérielle 120 à 130 millimètres; 3° température non fébrile;
4° urine plus abondante, augmentation considérable de l'excrétion
de l'urée. Pas d'albumine; 5° langue propre, alimentation mieux
406 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
acc' ptée. Pouvoir digestif du suc gastrique, faible d'abord mais se
relevant progressivement; 6° peau devenue moite; quelquefois
sucurs abondantes.
Si ces données sont exactes, les auteurs estiment qu'elles doivent
conduire aux indications thérapeutiques suivantes chez les mélan-
coliques à l'état aigu : 1° diminution de la pression sangnine;
1° augmentation de l'excrétion de l'urée; 3° utilité d'activer les
fonctions de la peau ; 4° nécessité d'aider la digestion et l'assimila-
tion par la digestion artificielle de la nourc iture et Ils indiquent
sommairement les moyens les plus propres à obtenir ces multiples
résultats. B. de Musgrave-Clay.
ll1'. L'homicide alcoolique; par W.-C. Sullivan. (The Journal of
Mental Science. Octobre 1900.)
L'auteur conclut des recherches qu'il a faites sur l'homicide
alcoolique que, dans les phénomènes dont il s'agit, le facteur fon-
damental est le trouble de la sensation organique : ce trouble
engendre une action morbide et une pensée morbide, mais l'action
est engendrée la première, et la pensée n'est qu'un rejeton tardif
et faible. L'auteur n'a pas le temps de discuter la question de res-
ponsabilité légale des alcooliques, et il se borne à indiquer que les
observations cliniques d'homicide alcoolique démontrent excellem-
ment combien est insignifiant et dépourvu de valeur le critérium
de responsabilité qui ne serait tiré que de la conscience des actes
accomplis par le sujet. R. de lI1USGRAVE-CL,\ Y.
XV. Le juif aliéné ; par Cécil-F. IiEADLES. (The Journal of Mental
Science. Octobre 1900.)
Il ne résulte pas des détails d'ailleurs intéressants, recueillis par
l'auteur, que l'aliénation mentale se présente dans la race juive
avec des caractères sensiblement différents de ceux qu'on lui recon-
naît daus les autres races. Le seul point important à noter, et
il ne fait que confirmer des faits déjà observés, c'est l'extrême
.fréquence de la paralysie générale chez les Israélites.
Il. DE luSGRA VE-CLA y,
XVI. L'ivrognerie, ses causes et sa guérison; par William Gyrin
Westcott. (The Journal of Mental Science. Octobre 1900.)
L'auteur se propose de rechercher quelles sont les vraies raisons
pour lesquelles l'ivrognerie existe, si les causes qui la déterminent
peuvent être supprimées, et enfin si l'ivrogne est un malade sus-
ceptible de guérison.
Il n'est pas douteux que les habitudes d'intempérance soient
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 407
fréquemment, héréditaires; mais elles peuvent parfaitement être
acquises. La race est un facteur à ne pas négliger. La qualité de
l'alcool consommé joue un rôle bien connu, enfin le milieu ambiant
a une importance considérable. L'influence du sexe est très nette.
Quant à l'àge, la période de trente à quarante ans est la période
de prédilection des excès alcooliques. Au point de vue de la reli-
gion, le UI' Morman Kerr est arrivé à la conclusion que l'ivrognerie
augmente plus vite chez les catholiques que chez les protestants,
et surtout parmi les femmes, et que la sobriété des juifs est de
nature à couvrir de confusion les chrétiens. L'influence souvent
invoquée du tabac est nulle.
Un somme, à moins de prêcher l'abstinence complète qui ne fait
pas de bien grand : , progrès et dont la puissance de persuasion est
faible, il est difficile de supprimer les causes de l'ivrognerie, ces
causes étant à peu d'exceptions près, et sauf la question de degré,
les mêmes que celles qui font le buveur modéré.
Iteste à examiner le traitement : il consiste : 1° à remédier aux
ellets des excès alcooliques, à soigner la dyspepsie et la débilité, à
enrayer les progrès des affections organiques d'origine alcoolique;
2° à remédier au besoin d'alcool, aux troubles intellectuels, à
l'abaissement moral, à la tendance aux rechutes. Pour réaliser le
premier de ses desiderata, le médecin dispose de nombreux et
utiles moyens thérapeutiques. Le second est beaucoup plus diffi-
cile à résoudre, ou plutôt sa solution réside dans l'isolement du
malade et la prohibition absolue de l'alcool, et l'auteur entre à ce
sujet dans des considérations étendues et intéressantes .
R. DE Musgrave-Clay.
XVII. L'influence des psychoses sur les glycosuries nerveuses; par
David BL.vrR. (The Journal of Mental Science. Octobre 1900.)
Contrairement à ce qu'il serait naturel de supposer, la glycosurie
est rare dans les asiles (de 2 à 5 p. 100 suivant les asiles). Les gly-
cosuries nerveuses peuvent se diviser en deux groupes, celles qui
sont associées à des lésions organiques des systèmes cérébro-
spinal et lymphatique, et celles qui accompagnent des troubles
nerveux fonctionnels. Ces dernières sont celles dont l'auteur entend
s'occuper ici. L'examen comparatif de la glycosurie, suivant les
races, nous montre qu'elle est la maladie des gens très nerveux et
très émotifs, et la prédisposition nerveuse, d'ailleurs, est la plus
commune des influence» héréditaires qui jouent un rôle important
dans son étiologie : c'est probablement surtout par cette voie de
l'hérédité nerveuse qu'elle est transmissible, et elle est souvent ainsi
l'indice d'antécédents névropathiques de famille. Elle peut aussi
alterner avec les névroses, disparaissant par exemple quand la
folie se manifeste, ce qui expliquerait sa rareté chez les aliénés.
408 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
Mais l'émoussement considérable de la sensibilité que l'on ren-
contre si souvent dans la folie avancée constitue pour les aliénés
une cause d'immunité. En ce qui touche les formes de folie où se
rencontre la glycosurie, le ur Bond l'a constatée onze fois dans
114 cas récents de mélancolie, tandis qu'il ne l'a pas rencontrée
une seule fois~dans 82 cas récents de manie. On a avancé que l'épi-
lepsie s'accompagnait de glycosurie; l'auteur ne peut rien dire
concernant l'épilepsie chez les malades non aliénés, mais chez les
épileptiques aliénés il a pu constater qu'elle était tout à fait excep-
tionnelle. On a accusé la médication thyroïdienne de donner de la
glycosurie; l'auteur a largement employé cette médication sans
rien observer qui pût appuyer cette manière de voir.
R. DE hIUSGRAVE-CL.1Y.
XVIII. Contribution à l'anatomie morbide et à la pathologie de la
paralysie générale des aliénés; par David ORR et Thomas Philip
Corsez. (The Journal of Mental Science, Octobre 1900.)
Cet intéressant travail est accompagné de planches : il se résume
dans les conclusions suivantes que nous reproduisons' : « Nous
savons qu'il y a plusieurs points que nous n'avons fait qu'effleurer.
Nous voulons parler des fibres très délicates qui se rencontrent
dans la substance grise corticale, de la couche tangentielle, et des
lésions tabétiformes des colonnes postérieures de la moelle. Sur
ce dernier point il reste beaucoup à faire, et jusqu'à ce que nous
ayons rencontré plus de cas présentant des lésions tabétiformes
définies, nous hésitons à nous former sur leur nature une opinion
précise. En ce qui touche la pathologie de la paralysie générale,
il semble qu'il y ait là une affection primitive des cellules ner-
veuses de l'écorce du cerveau, limitée presque entièrement aux
aires motrices, et que, en même temps que les altérations de dégé-
nérescence de ces cellules, il se produise des substances toxiques
qui affectent primitivement les fibres nerveuses dans toute l'é-
tendue du système nerveux. C'est de cette manière seulement que
l'on peut expliquer les dégénérescences qui se rencontrent dans les
nerfs craniens et dans les racines postérieures des nerfs, et il est
probable que les lésions diffuses que l'on trouve disséminées dans
les cordons postérieurs ont la même source. A ces lésions primi-
tives, il vient s'en ajouter de secondaires, et nous sommes d'accord
avec les observateurs qui admettent que les lésions des tractus
pyramidaux sont consécutives à la destruction des cellules nerveu-
ses corticales, et que les altérations descendantes peuvent être
suivies tout le long du trajet moteur depuis l'écorce cérébrale
jusqu'à la moelle lombaire, et augmentent d'intensité lorsque de
grandes destructions de cellules nerveuses corticales succèdent à
des états convulsifs. Il est encore trop tôt pour donner une opi-
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 409
nion dogmatique sur l'étiologie de la paralysie générale, maladie
encore si peu connue ; mais il semble raisonnable, d'après les
faits constatés d'émettre une proposition telle que celle-ci : il y a
des individus dont les cellules nerveuses sont susceptibles de dé-
chéance prématurée, et cette déchéance peut être hâtée et aggra-
vée par certaines causes déterminantes, de nature toxique, telles
que l'alcool, la syphilis, l'influenza, l'intoxication saturnine, et'
d'autres facteurs analogues. A l'heure actuelle, il n'y a aucune
preuve pathologique que l'on puisse attribuer une influenceprédo-
minante à l'une ou l'autre de ces causes sur la détermination du
début de la maladie, à l'exception de ce qui concerne une seule de
ses formes, à savoir, la paralysie générale associée au tabes vrai.
Dans cette maladie, qui, d'après notre expérience personnelle, est
loin d'être commune, il existe des preuves, tant cliniques qu'ana-
tomo-pathologiques, que la syphilis est un des antécédents les
plus fréquents, et probablement la cause déterminante. »
R. DE Musgrave-Clay.
XIX . Sur les anomalies pupillaires chez les enfants idiots, paralysés
et non paralysés et sur leurs rapports avec la syphilis héré-
ditaire ; par W.-J. KOENIr.. (The Journal of mental Science, juillet
1900.)
L'auteur rappelle sommairement ses propres travaux sur la
question des réactions pupillaires et se propose dans le présent
travail de se borner il l'étude des muscles oculaires internes con-
sidérée comme caractère dominant dans treize cas d'idiotie,
sans faire de distinction entre les cas où il y avait de la paralysie
et ceux où il n'en existait pas. Il divise ces treize cas en trois
groupes, dont les deux premiers ne comprennent qu'un seul cas :
le cas du premier groupe, déjà publié ailleurs par l'auteur est un
cas de mydriase alternant avec des réactions pupillaires nor-
males, chez un sujet jeune (17 ans) probablement atteint d'affec-
tion organique congénitale du cerveau, avec symptômes cliniques
consistant en un abaissement des facultés mentales de nature
non progressive, de la paraparésie spasmodique, des mouvements
athétoïdes des muscles de la bouche et des orteils et de l'atrophie
optique post-névritique. L'observation du malade dont il s'agit
montre que la mydriase alternante et l'activité réactionnelle nor-
male et la pupille peuvent pendant plusieurs années coexister avec
une lésion organique du cerveau. Elle nous donne aussi quelques
indications sur la valeur pronostique de ce symptôme : la mydriase
alternante, en effet, n'a d'importance spéciale que si elle est
associée à une sensibilité pupillaire normale, car la présence d'une
modification même très légère des réflexes à la lumière, avec ou
sans mydriase alternante, suffit à nous mettre en garde contre un
410 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
pronostic trop hâtif. D'au Li part, quand les réflexes pupillaires
sont normaux, l'apparition de la mydriase alternante n'est pas
nécessairement de mauvais augure : mais on devra pourtant se
souvenir dans ce cas que la mydriase alternante se rencontre dans
la paralysie générale au début, et aussi qu'elle peut coïncider
pendant des -années avec la réaction pupillaire normale chez un
sujet atteint de lésion organique du cerveau. Enfin il y a lieu de
tenir compte d'un symptôme que l'auteur désigne sous le nom de
pseudo-mydriase alternante, et qui n'est en réalité qu'une illu-
sion ; on le rencontre lorsque des pupilles, de largeur et d'irrita-
bilité réflexe inégales, sont soumises à l'influence d'une lumière
dont la vivacité varie. Le second groupe de l'auteur se compose
lui aussi d'une, observation solitaire : il s'agit d'un cas de paresse
pupillaire transitoire, associée il est vrai à de l'ophtalmo-parésie
externe, et s'écartant un peu par là de l'objet du présent mémoire.
Enfin le troisième groupe comprend onze cas dont l'auteur
rapporte les observations résumées, et qui portent sur huit gar-
çons et trois filles, dont l'âge variait de sept à quinze ans. Neuf
étaient des cas de paralysie cérébrale infantile, et dans tous les
cas, sauf trois, l'insuffisance mentale remontait il la naissance.
Tous ces malades étaient plus ou moins déments lors de leur
admission, et chez tous le langage manquait ou était embarrassé,
sans rien toutefois qui rappelât les troubles d'articulation de la
paralysie générale. Le réflexe du genou était exagéré chez tous.
Tous avaient eu des crises convulsives.
Les anomalies pupillaires chez ces malades ont été binoculaires,
presque toujours, et monoculaires une seule fois : dans les cas
binoculaires, on a constaté : 1° la perte totale des réactions, deux
fois ; 2° les pupilles restant fixes à la lumière, impossibilité de
mesurer leur action pendant la convergence, trois fois ; 3° des
pupilles rigides à la lumière et paresseuses dans la convergence,
une fois ; 4° la réaction à la lumière disparue, le réflexe de conver-
gence paresseux dans un oeil et normal dans l'Autre, une fois;
5° absence de contraction à la lumière et de convergence dans un
oeil, lenteur de ces actes dans l'autre, deux fois ; fin insuffisance de
réflexe à la lumière dans les deux yeux, la réaction de conver-
gence et d'accommodation demeurant énergique.
Un point important à noter dans ces observations, c'est la
grande fréquence de l'absence simultanée de toutes les réactions.
C'est l'inverse de ce que l'on observe dans la paralysie générale où
le plussouvent la réaction de convergence est conservée.
L'auteur aborde enfin la question des rapports des troubles
pupillaires avec l'hérédité syphilitique. L'origine spécifique n'est
pas toujours facile à démêler, parce que les facteurs étiologiques
de l'idiotie et de la paralysie cérébrale infantile sont nombreux :
mais on est frappé de ce fait que, en analysant les onze cas dont
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 411
il s'agit, on constate qu'il n'y en a qu'un seul où l'hérédité syphi-
litique puisse être écartée avec quelque vraisemblance. Dans la
majeure partie des cas où cette hérédité est admissible ou pro-
bable, d'autres causes prédisposantes figurent à ses côtés.
Il résulte donc des recherches de l'auteur que puisque nous
rencontrons la syphilis des parents, dans la majorité des cas de
démence précoce avec altération des réactions pupillaires, soit
comme cause prochaine, soit comme l'un des éléments prédispo-
sants, l'insuffisance ou la perte de la réaction pupillaire, dans les
cas d'affaiblissement mental infantile, doit nécessairement diriger
notre attention vers l'hérédité syphilitique, sans toutefois nous
permettre d'écarter les causes autres que la syphilis, et cette
opinion est d'ailleurs en parlait accord avec celle de Babinsky et
Charpentier. Le mémoire se termine par quelques considérations
sur les cas, au nombre de six, où l'autopsie a été pratiquée. Cinq
fois on a trouvé à l'oeil nu des étals analogues à ceux que l'on a
coutume de rencontrer dans les périodes avancées de la paralysie
générale : un seul cas était un cas de syphilis cérébrale.
R. de MU5Gl\.\\'E-CL\Y.
Xi. Emphysème du tissu aréolaire sous cutané dans un cas de
mélancolie avec stupeur; par Thomas-Philip Cowcv. (The Jour-
1(al of Mental Science, juillet 1900.)
Voici le résumé de cette observation : matelot de vingt ans, céli-
bullaire, atteint de manie avec stupeur. Retient sa respiration tant
qu'il peut jusqu'à ce qu'il semble qu'il va éclater : on note de l'em-
plsènie sous-cutané de la face et du cou, sans traumatisme, sans
phtisie pulmonaire. L'emphysème se propage le lendemain à une
partie du thorax et aux épaules, symétriquement : le malade con-
tinue à retenir sa respiration et à gonfler ses joues, manoeuvre
dont la cessation au bout de quelques jours est suivie d'une dimi-
nution de l'emphysème. Il sort guéri. Il. de i\IUSGIà.1\'E-CLaT.
XXI. Une théorie relative aux états physiques du système ner-
veux qui sont nécessaires à la production des états de mélan-
colie, de manie, etc.; par John i'URVER. (The Journal ouf mental
Science, juillet 1000.)
C'est une question très embarrassante en pathologie mentale
que celle de savoir comment se produisent les états d'exaltation et
de dépression, et, physiquement, à quelles modifications du sys-
tème nerveux ces états correspondent, si leurs localisations sont
différentes dans la mélancolie et dans la manie, et en cas de
réponse affirmative, où siègent les altérations respectivement créa-
trices de l'exaltation et de la dépression.
412 - REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
C'est à ces questions que l'auteur veut essayer de répondre par
une hypothèse dans le développement de laquelle il serait difficile
de le suivre ici, mais qui peut être sommairement résumée de la
manière suivante : l'auteur suppose que, la mélancolie et la manie
étant toutes les deux associées à un état de dissolution du système
nerveux, la réduction, dans-le premier cas (mélancolie) se fait le
long des lignes sensorielles de l'arc nerveux réflexe, et dans le
second cas (manie) le long des lignes motrices. Et après l'exposé
de cette opinion, il ajoute que cette hypothèse est appuyée par les
seules lésions analomiques capables de démonstration qui aient
été jusqu'ici constatées dans la mélancolie; en effet, il y a un
groupe assez bien défini de cas de mélancolie qui se terminent
ordinairement et rapidement par la démence, et dans lesquels il
existe une altération bien définie de la majorité des cellules ner-
veuses géantes et pyramidales de l'écorce : or, ces cellules, surtout
les premières, sont considérées avec vraisemblance comme des
cellules motrices du niveau le plus élevé, et l'altération constatée
est identique à cellle qui se produit expérimentalement après la
section des axones des cellules motrices. 1. de Musgrave-Clay.
XXII. Épilepsie associée à la folie ; par Ernest-W. \VIIITC. (The Jour-
nal of Mental Science, janvier 1900).
Le but de ce travail est d'examiner les diverses formes de folie
que l'épilepsie peut compliquer : l'auteur les considère aux divers
âges de la vie : enfance, puberté, adolescence, ménopause, et vieil-
lesse. Dans l'enfance, lorsque la folie et l'épilepsie coexistent, c'est
qu'elles ont ordinairement une source héréditaire commune. La
puberté avec les perturbations organiques qu'elle comporte est
favorable au développement des affections mentales ou convul-
sives. L'auteur toutefois n'a vu que très peu de cas de folie primi-
tive de la puberté : presque tous étaient consécutifs à l'épilepsie
ou à la chorée. Pendant l'adolescence, il est très commun de ren-
contrer la folie associée à l'épilepsie, celle-ci ayant probablement
paru la première pendant la puberté : ces malades ont souvent des
hallucinations, et il n'est pas rare qu'ils soient violents et dange-
reux. L'auteur donne de ces malades une description détaillée et
intéressante : il montre ensuite les caractères spéciaux des malades
chez lesquels l'épilepsie chronique a finalement déterminé une
folie qui aboutit à la démence. L'apparition des crises épileptiques
dans les cas de manie ou de mélancolie ayant déjà une certaine
durée est ordinairement un très mauvais signe; mais il y a des
exceptions, et l'attaque d'épilepsie peut quelquefois au contraire
être un « tournant » dans la maladie, qui marche dès lors vers la
guérison. On connaît la fréquence de l'épilepsie au début de la
paralysie générale : elle est caractérisée par l'absence de tonicité
' REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 413
dans les attaques, la brièveté du stade tonique par rapport au
stade clonique, la tendance des crises à s'imbriquer, et l'épuise-
ment général qui leur succède. La folie de la ménopause se com-
plique rarement d'épilepsie ; cette combinaison est au contraire
commune dans la manie et la mélancolie séniles, et l'épilepsie se
présente alors souvent sous la forme de petit mal. Ces cas se ter-
minent par la démence. L'auteur termine ce travail par quelques
considérations sur l'influence de la lune, des époques menstruelles,
des saisons, sur le nombre des attaques épileptiques, et enfin sur
le traitement. R. de Musgrave-Clay.
XXIII. Sur quelques affections cutanées assez rares chez les aliénés ;
par Thes.-B. HYSLOP. (The Journal of Mental Science, jan-
vier 1900.)
Tous les médecins d'asile connaissent certaines modifications de
couleur, de souplesse de la peau dans certaines maladies mentales :
l'auteur se propose dans ce travail de n'étudier que quelques affec-
tions cutanées peu nombreuses chez les aliénés, à savoir : les ano-
malies de pigmentation, la pseudo-pellagre, l'herpès, le pemphigus,
l'adénome sébacé, les maladies simulées : il entre à propos de ces
diverses affections dans des détails intéressants, et son texte est
rendu plus clair par des figures bien faites. II termine par quelques
considérations sur les rapports des affections de la peau avec les
modifications des maladies mentales et leur pronostic ; ces conclu-
sions se résument ainsi : on voit assez souvent les maladies men-
tales alterner avec les affections cutanées; des récidives d'aliéna-
tion coïncident avec des récidives d'éruptions : il n'est pas rare de
voir des fous curables avoir des maladies cutanées curables, et des
fous incurables avoir des dermatoses incurables aussi : souvent la
marche de l'un des éléments soit cutané, soit mental,-fournit
le pronostic de l'autre élément; car ainsi que l'a fait justement
remarquer le Dr Savage « si vous voyez la peau s'éclaircir graduel-
« lement, vous ne tarderez pas à voir apparaitre l'amélioration
« mentale ; mais une peau rebelle présage une guérison tardive et
« difficile. » - Il. de MUSGRA'yE-CLAY.
XXIV. Notes sur 206 cas consécutifs de manie aiguë traités sans le
secours de la médication, sédative ; par C.-K. HITCHCOCK. (The
Journal o/' Olentcal Science, janvier 1900 )
Voici le détail de ces 206 cas qui comprennent 29 récidives :
guérisons, 171 ; décès survenus pendant l'accès par le fait de la
manie, 8; décès survenus pendant l'accès par le fait de maladies
intercurrentes, 3 ; malades améliorés et confiés aux soins de leur
famille, 12 ; malades transférés dans d'autres asiles, 7; malades
encore en traitement, 5.
414 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
Ces guérisons qui donnent une proportion de 83 p. 100 ont été
obtenues sans le secours d'aucun agent sédatif ou narcotique.
L'auteur, qui a passé par six asiles avant de diiiger celui de
York, est convaincu que l'abus et même l'usage des médications
stupéfiantes dans la manie est non seulement inutile, mais nui-
sible, que l'insomnie, même continue, n'est pas incompatible avec
la guérison, qu'il faut chercher pour chaque cas particulier la
cause de l'excitation maniaque (un purgatif fait quelquefois mer-
veille), enfin que par l'abstention systématique de tout médica-
ment de cet ordre il a obtenu, chez ses malades, un nombre stipe-
rieur de guérison^,' peut-être une diminution de mortalité, et
probablement aussi une vie plus calme chez les malades qui n'ont
pas guéri. R. de Musgrave-Clay.
XXV. L'hystérie et ses rapports avec la folie ; par Geoffrey Hun-
gerfohd. (The Journal of Mental Science, janvier 1900.)
On peut poser en principe que l'hystérique est un être anormal
qui évolue sur la frontière de la lolie. Chez un tel malade les idées
dominent les organes et y provoquent des modifications fonction-
nelles nombreuses et imprévues. L'hystérie a deux causes princi-
pales, l'hérédité et l'éducation : celle-ci, bien comprise et bien
dirigée, pourrait reléguer celle-là sur un plan de plus en plus
éloigné et finir par l'éliminer. L'éducation, donnée par des parents
qui sont quelquefois neurasthéniques eux-mêmes, est certainement
coupable de l'éclosion de bien des cas d'hystérie. Un esprit bien
équilibré subit, plus ou moins, mais toujours, dans une certaine
mesure l'influence du milieu ambiant ; à plus forte raison les z
esprits mobiles dont il est ici question. D'ailleurs chez les hysté-
riques, la faculté d'imitation se développe d'une manière exagérée,
ainsi que l'impressionnabilité. Ils arrivent à se créer des idées
erronées, qu'ils cultivent soigneusement jusqu'à les transformer
en idées fixes, et dès lors ils cessent de pouvoir être considérés
comme sains d'esprit. R. de Musgrave-Clay.
DRAMES de l'alcoolisme. - A Bénies (Gironde), un alcoolique,
Dourche, a blessé mortellement sa femme d'un coup de fusil, puis
il l'a achevée à coups de couteau. (Bonhomme Normand, 23-29 août.)
Léopold Duquesnel, trente-huit ans, nacrier, et Célestine
Goury, trente-neuf ans, vivaient ensemble à Belleville. Tous deux
se grisaient. L'autre jour, étant ivres, ils se sont querellés et
Duduesnel a tué sa concubine à coups de sabot. (Bonhomme Nor-
mand, 29 octobre.)
SOCIÉTÉS SAVANTES.
XI- CONGRÈS DES ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES
DE FRANCE ET DES PAYS DE LANGUE FRANÇAISE
Session de Limoges (suite 1).
Séance du lundi 5 août (matin). Présidente DE if.GIL13 EH Ballet.
Personnel secondaire des asiles d'aliénés.
Rapporteur : M. le Dr II. Taguet.
M. le Dl' TAGUET commence par établir que le recrutement du
personnel secondaire devient de plus en plus difficile dans les asiles
de province, où il passe comme des voyageurs à travers une
auberge. « Comment pourrait-il en être autrement ? Le métier d'in-
firmier est un véritable sacerdoce, dont l'espèce se fait de plus en
plus rare. Qu'on veuille bien meltre en parallèle ce qu'on lui donne
en compensation de ce qu'on exige de lui. » Il ne voit qu'un moyen
de remédier il un état de choses aussi déplorable : augmenter le
salaire des serviteurs et leur assurer, en cas de bons services, une
retraite pour leur vieillesse.
Le département de la Seine est entré largement dans cette voie
et en moins de vingt ans, le traitement a presque doublé. Le recru-
tement s'en est rapidement senti; sans doute, le personnel n'est
pas parfait, mais on peut affirmer qu'il est, en général, bien supé-
rieur à celui des hôpitaux et de la plupart des asiles de province.
Ce traitement varie, pour les surveillants et surveillantes, chefs
d'ateliers et assimilés de 2.550 fr. par an à 2.300 suivant la classe,
y compris les avantages en nature ; pour les sous-surveillants,
sous-surveillantes et assimilés, il varie de 2.120 à 1.875; pour les
suppléants et suppléantes de 1.853 à 1,815 ; et, enfin, pour les
infirmiers et infirmières de 1.700 à 1.500.
Les sous-surveillants, les sous-surveillantes, les infirmiers et les
' Voir Archives de Neurologie, non 69 et 10, t. XII, p. 233 et 312.
416 SOCIÉTÉS SAVANTES.
infirmières de services spéciaux (infirmeries, gâteux, agités, épi-
leptiques, quartiers cellulaires) reçoivent, en outre, une gratifica-
tion mensuelle de 10 francs. Il en est de même du service de veille.
Les agents de tout ordre qui ont obtenu le diplôme d'infirmier ou
d'infirmière reçoivent en plus de leur traitement 5 francs par
mois. -1
La retraite, après vingt-cinq années de services, est de la moitié
du traitement. Une indemnité proportionnelle, en cas d'infirmités,
est accordée après dix ans d'exercice. Après six ans de présence
dans les asiles, les agents peuvent faire compter, leurs services
dans l'armée, ou l'Assistance publique.
M. le Dr Taguet regrette que cette indemnité de repos ne soit pas
reversible sur la tête des veuves et des enfants mineurs. Il rappelle
les diverses propositions qui ont été adoptées par la spus-commis-
sion chargée d'étudier l'organisation des asiles de la Seine : créa-
tions d'infirmiers de visite, durée du stage, diplôme obligatoire;
admissions d'infirmières en remplacement d'infirmiers dans cer-
tains quartiers ; logement du personnel en dehors des quartiers,
mais de préférence dans l'asile, conformément à un roulement à
établir ; repos journalier de deux heures à chaque agent du service
médical ; aménagement d'une salle pour le personnel secondaire :
augmentation du personnel de jour et du personnel de veille;
nomination du personnel de surveillance ; stage dans les quartiers
imposé aux agents des services généraux. '
Bien que ces diverses propositions n'aient rien qui soit spécial
aux asiles de la Seine, M. le De Taguet les élimine pour ne traiter
que les questions qui sont applicables à tous les asiles sans excep-
tion, ces questions sont les quatre suivantes : .
10 Il fait ressortir combien est variable dans les asiles le nombre
des infirmiers et des infirmières, par rapport à la population trai-
tée, nombre notoirement insuffisant, si l'on tient compte surtout
des absences, des cas de maladie, des vacances, etc. Il propose la
rédaction adoptée par la sous-commission des asiles de la Seine,
qui est la suivante :
Le personnel des infirmiers de jour sera d'un agent par douze
malades. Dans ce nombre, ne seraient compris ni les sous-surveil-
lants ni les veilleurs. » La proportion de un gardien pour douze
malades sera établie sur le chiffre réel de la population et non sur
les effectifs budgétaires prévus. Il sera créé dans chaque service
un poste de sous-surveillant ou sous-surveillante de remplace-
ment 1.
2° Organisation du service de veille, en laissant à chaque asile
' L'administration a été plus loin et a créé cette année deux sup-
pléants ou suppléantes par service, à la suite des propositions formulées
par M. Bourneville et acceptées par la Commission de surveillance.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 417
le soin de le régler, suivant les convenances et les nécessités du
moment.
3° La situation de reposant et de reposante, qui dans beaucoup
d'asiles a quelque chose de pénible et de dégradant, serait rem-
placée, pour tous les asiles sans exception, qu'ils admettent ou
n'admettent pas de reposants, par une indemnité de repos [qui
serait, comme dans la Seine, la moitié du traitement d'activité, y
compris le traitement en argent, l'évaluation des avantages en
nature, indemnité déterminée comme il est dit dans les asiles de
la Seine, avec cette réserve qu'en cas de décès la moitié de l'in-
demnité de l'ayant droit est réversible sur la tête de la veuve en
tant qu'elle ne jouit pas elle-même d'un traitement d'activité
comme infirmière ou assimilée. (Voir page 429, 1°.)
4° Elévation du traitement, qui devrait toujours être supérieur à
celui de la domesticité de la région et n'être jamais inférieur à
360 francs par an.
M. Gir\ud. : \1. daguet, dans son rapport, a constamment en
vue les infirmiers. Or, d'après ce que j'ai observé, il faut faire une
distinction dans le personnel secondaire des asiles. Tandis qu'un
grand nombre d'infirmiers passent, suivant l'expression de Dagron,
rapportée par M. Taguet, « comme des voyageurs à travers une
auberge », sont paresseux et ivrognes, le personnel ouvrier, dans
les asiles, a une valeur morale de beaucoup supérieure. Ce sont
généralement des gens du pays, mariés, ayant une famille, s'atta-
chant à l'établissement ; ils sont d'une fixité qui forme contraste
avec le personnel des infirmiers. Ainsi, j'ai sous les yeux la liste
du personnel de l'asile de Quatre-Mares. Dans le personnel secon-
daire, en dehors des infirmiers, je ne trouve qu'un homme, sur 32,
entré en 1901, c'est-à-dire dans l'année courante, soit une propor-
tion d'environ 3 p. 100. Dans la liste des infirmiers, au contraire,
on relève 26 sur 79, entrés depuis le premier janvier 1901, soit une
proportion de 26 p. 100 et je ne compte pas les mutations de ceux
qui sont entrés depuis le premier janvier et sont sortis aujourd'hui.
Et encore dans ce personnel, qui, d'une manière générale est
médiocre, il y a une distinction à faire, car on trouve dans les
asiles des infirmiers qui ont dix, vingt, trente ans et plus de
services dans le même établissement. Ce sont des hommes qui ont
échappé au vice de l'ivrognerie, et se contentent d'une vie facile où
ils trouvent le vivre et le couvert, et n'ont pas à se préoccuper du
lendemain. La grosse difficulté réside dans le recrutement des
infirmiers, parce que ce sont des hommes qui n'ont pas de métier
et, s'ils n'ont pas de métier, c'est qu'ils n'ont pas eu la constance
d'en apprendre un. De là leur infériorité morale vis-à-vis des
ouvriers. Les infirmières peuvent généralement être plus facilement
recrutées et ont habituellement reçu une éducation qui leur permet
d'évitér l'oisiveté, ce qui est une supériorité vis-à-vis des infirmiers.
Archives, 2e série, t. XII. 27
418 SOCIÉTÉS SAVANTES.
J'estime que tout le problème du recrutement des infirmiers et
infirmières ne réside pas dans l'augmentation des salaires, et on
ne peut pas poser de règle absolue, car il faut tenir compte des
diverses régions. Le salaire doit être suffisant pour permettre de
constituer de petites ressources dans les vieux jours, et peut être
en rapport avec la moyenne de ce que gagne un ouvrier dans la
région. L'esprit d'ordre et d'économie de l'individu joue un grand
rôle. J'ai vu des infirmières qui avec un salaire de vingt francs par
mois arrivaient à s'acheter des rentes, tandis que la plupart des
infirmiers, gagnant beaucoup plus, étaient toujours à court d'ar-
gent, parce qu'ils employaient tout leur argent à boire dans leurs
sorties. On est peu encouragé iL augmenter le salaire de cette caté-
gorie d'infirmiers parce que plus on leur donne, plus on leur
donne le moyen de boire.
M. TAGUET estime que cette question ne peut être discutée. C'est
aussi l'avis de M. Ballet, président, qui invite le Congrès à se pro-
noncer successivement sur chacune des conclusions développées
dans le rapport de M. Taguet. Le Congrès a donc à se prononcer
sur les points suivants :
10 Il y a lieu de remplacer les mois de « gardiens » de « gardiennes »,
par ceux d' « infirmiers el d'infirmières » ?
M. Doutrebente demande qu'elle dénomination servira à dési-
gner les agents qui, remplissant dans les infirmeries des asiles les
fonctions d'infirmiers, sont les seuls et véritables infirmiers ou
infirmières. -Plusieurs membres du Congrès font observer que ce
n'est qu'une question de mots et qu'en réalité, les agents chargés
de soigner les aliénés ont tous droit au même titre d'infirmiers ou
infirmières.
M. Bourneville déclare qu'il s'attendait, ce qui paraissait logique,
à une discussion générale, mais puisqu'on a préféré immédiate-
ment la discussion des propositions ou des voeux formulés par
M. le rapporteur, il s'incline. En ce qui concerne le voeu en discus-
sion, il appuie vivement cette substitution qui, au point de vue
moral, a beaucoup plus d'importance qu'on ne le suppose. Elle est
l'analogue de la substitution, qu'il a fait prévaloir dans les hôpi-
taux de Paris, après des années d'insistance, des mots infirmiers
et infirmières aux appellations ancieunes, un peu humiliantes, de
serviteurs et servantes. -
2° Y a-t-il lieu de créer des infirmiers dits de visite ?
M. Doutrebente demande ce que sera l'infirmier de visite.
M. TAGUET lui répond que les infirmiers .de visite seront ceux
chargés spécialement de tous les détails d'ordre médical des ser-
vices, tandis que les autres seront occupés aux gros travaux.
M. DouTREBENTE fait remarquer que cela existe déjà en réalité.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 419
M. Bourneville. Tous les agents qui sont en contact avec les
malades, dans tous les quartiers, ne sont pas seulement chargés
des gros travaux ; ils sont appelés aussi à soigner les malades, à
leur porter secours à chaque instant, à collaborer au traitement
moral, à leur administrer les médicaments prescrits, à les aider
aux bains, aux douches, en un mot ce sont des infirmiers. Ils doi-
vent recevoir l'instruction professionnelle. C'est parmi les meilleurs
d'entre eux qu'on doit recruter les infirmiers de l'infirmerie pro-
prement dite. Il n'y a donc pas lieu de faire de distinction entre eux.
M. 'l'acueT retire sa proposition.
3° Le diplôme d'infirmier est-il facultatif ou obligatoire pour cer-
tains membres du personnel secondaire ou pour tous ?
M. 130URNE'ILLE croit qu'il est nécessaire de faire suivre des
cours à toutes les personnes qui sont en rapport avec les malades,
même aux chefs d'ateliers ; nul doute pour les agents des quar-
tiers. Quant aux chefs d'atelier, en contact prolongé avec les aliénés,
ils peuvent se trouver dans la nécessité de leur donner des soins,
il est donc indispensable qu'ils sachent ce qu'ils ont à faire ; par
suite, ils devraient faire un stage en qualité d'infirmiers dans l'un
des services de l'asile; on aura alors en eux des agents capables
de savoir quelle attitude ils doivent adopter' en présence des
malades, bien qu'ils n'aient qu'une idée sommaire de ce qu'est un
aliéné. Actuellement les chefs d'ateliers, ignorant les devoirs qui
leur incombent, ne sont que trop rarement de véritables auxiliaires
du médecin ; c'est ainsi qu'ils se formalisent des injures ou des
grossièretés qui peuvent leur être adressées, et que lorsque les
malades placés sous leurs'ordres deviennent un peu gênants, il les
renvoient de l'atelier.
11 est juste d'améliorer la situation matérielle des infirmiers,
dont le traitement est véritablement dérisoire, dans un grand
nombre d'asiles, et, sur ce point, nous faisons appel à tous nos
collègues pour nous donner des renseignements précis. Il faut
aussi s'efforcer d'améliorer leur situation intellectuelle et morale.
Pour cela la création d'écoles s'impose. Ces écoles existent à
l'étranger ; elles devraient exister en France, mais il n'y en a pas.
Un essai tenté par M. le D1' Rey, directeur-médecin de l'Asite
d'Aix, n'a pas réussi. M. Bourneville expose en détail ce qui se
fait dans cet ordre d'idées en Angleterre, où existent des écoles
d'infirmiers dans tous les asiles, organisées sur un modèle uni-
forme. Elles sont dues à l'Association 7nédieo-sgclcologiyue d'An-
gleterre qui a rédigé un Manuel spécial. Des examens ont lieu
chaque année. Les diplômés doivent se conformer au Règlement
'qui a été rédigé pour' les maintenir dans une voie régulière. Il
insiste sur la nécessité de la création d'écoles d'infirmières dans
toutes les villes où existent des Facultés ou des Ecoles prépara-
420 SOCIÉTÉS SAVANTES.
toires de médecine ; sur l'utilité qu'il y aurait à ce que le programme
de ces écoles fût le même partout, ainsi que le mode d'examen
pour l'obtention du diplôme. C'est dans ces écoles, dont le pro-
gramme doit comprendre la connaissance des soins à donner aux
aliénés, que devrait être recruté le personnel des asiles. Supposons
une Ecole d'infirmières à Limoges, un cours spécial devrait être
fait à l'asile de Naugeat, et ainsi partout où, à côté de la ville qui
a une Faculté ou une Ecole de médecine, il y a un asile.
SI. BRIAND met en parallèle les plaintes de M. Taguet au sujet.
du peu d'autorité qu'exercent les médecins sur le personnel des
services généraux, et l'opinion de M. Giraud, qui se déclare satis-
fait de ce personnel. D'après lui, ces divergences d'idées peuvent s'ex-
pliquer par les situations différentes qu'occupent ces deux méde-
cins, l'un étant exclusivement médecin en chef- et l'autre directeur-
médecin. Il estime que le diplôme rendra le personnel des services
généraux plus subordonné à l'égard des médecins et plus conscient
de ses devoirs à l'égard des malades. Il demande, en conséquence,
l'obligation du diplôme pour tous, quitte à faire des exceptions,
si elles s'imposent dans tel ou tel cas particulier ; ces exceptions
ne pourraient, au reste, avoir lieu qu'avec l'assentiment du
médecin. ,
M. Drouineau demande que l'on précise ce qu'il faut entendre
par personnel secondaire ; il lui semble que l'on doit distinguer le
personnel secondaire et le personnel inférieur.
M. Ballet répond qu'il ne saurait être question du personnel
administratif, mais de tous les autres agents.
M. GIRAUD est d'accord avec M. Bourneville pour reconnaître
qu'il serait avantageux d'améliorer la situation morale du per-
sonnel secondaire ; mais il ne pense pas qu'il faille exiger le
diplôme à l'heure actuelle; cette obligation entrainerait dans le
service des perturbations sérieuses et le rendrait peut-être même
impossible. (Voir page 429, 2°.)
M. Ballet le rassure; le Congrès peut voter sans crainte cette
mesure dont la lenteur administrative bien connue ne permetlrait
pas la réalisation immédiate.
M. GiRAuD demande qu'on se préoccupe de solutions pra-
tiques. Il y a des écoles d'infirmiers et d'infirmières à Paris, mais
pour les établissements de Paris seuls. Il faudrait d'abord créer
des écoles dans les départements et dans des conditions où ceux
qui sortent de ces écoles ne soient pas forcés de rester fixés à un
seul asile. En d'autres termes, on ne peut pas créer ces écoles dans
tous les asiles, et on n'en voit pas bien le fonctionnement à Saint-
Alban. On ne peut pas avoir d'infirmiers diplômés en province,
car ceux qui sont mis à la porte des asiles de la Seine, malgré
SOCIÉTÉS SAVANTES. 4 : H 1
leur diplôme, parce qu'ils sont mauvais infirmiers, ne sont pas
meilleurs dans les asiles de province, et on n'en trouve pas d'autres.
Il ne faut pas généraliser actuellement l'exigence du diplôme,
puisqu'on se heurte à une impossibilité actuelle.
M. Ballet lui répond que le voeu soumis au Congrès comporte
deux questions'. 1° une question de principe ; 2° une question pra-
tique sur la réalisation de ce voeu. C'est sur la question de prin-
cipe qu'il importe de se prononcer actuellement.
M. Drouineau qualifie ce voeu d'un peu platonique et se demande
si la réalisation en sera possible ; dans ces conditions, les deux
questions signalées par M. Ballet ne peuvent être séparées. Il
ajoute que à son avis, il faudrait pour toutes ces écoles un règle-
ment unique dont tous les points devraient être précisés.
M. Bourneville se déclare d'accord avec M. Drouineau, en ce
qui concerne le règlement unique pour toutes les Ecoles d'infir-
miers et d'infirmières. Quant à la création de ces Ecoles elle est
facilement réalisable dans toutes les villes que nous avons indi-
quées. Le Conseil supérieur de l'assistance publique en a adopté le
principe, fixé le programme, en un mot le fonctionnement. C'est
au gouvernement à donner l'impulsion, à favoriser l'exécution
par des subventions sur le pari mutuel. Paris, Lyon, le Havre,
Reims, etc. ont donné l'exemple. Demain, nous l'espérons, Mar-
seille aura une Ecole d'infirmières. Les asiles d'aliénés pourront
recruter leur personnel non seulement à Paris, mais dans toutes
les villes où il y aura des Ecoles d'infirmières. Il est question d'en
créer une à Rouen. Là, aussi le cours sur les soins à,donner aux
aliénés pourrait être fait par l'un des médecins des deux asiles
et, à l'occasion, M. Giraud prêterait assurément son concours.
M. TAGUET maintient ce qu'il a a exposé antérieurement.
Plusieurs membres du Congrès déclarent irréalisable le voeu pro-
posé. -
M. Bourneville s'étonne qu'on ne puisse faire en France ce qui,
depuis longtemps, se fait à l'étranger, en Angleterre, aux Etats-
Unis en particulier. Dans ces pays, les médecins des asiles font
des cours à leur personnel. Les élèves subissent un examen devant
un jury spécial, fixé par l'Association médico-psychologique. « Les
diplômes accordés par l'Association sont ordinairement bien vus
par la généralité du personnel et le système d'examen étant uni-
forme, dans tout le pays, ces diplômes ont une réelle valeur 1. » Il
y a une inscription légale des infirmières diplômées, ce qui est
une garantie pour le public. Un registre des candidats reçus est
' Procès-verbaux de la Commission de surveillance des asiles de la
Seine, 1890 et années suivantes.
422 G), SOCIÉTÉS SAVANTES.
tenu. Les diplômés, dont la conduite a été reconnue mauvaise
sont rayés du Registre. (Voir page 429, 3°.)
M. RAYNEAU propose que des leçons. pour les infirmiers et infir-
mières soient organisées dans les asiles.
M. DOURSOUT est d'avis que des écoles d'infirmiers et d'infirmières
soient organisées dans les Asiles situés au voisinage des Facultés
ou des écoles de Médecine.
M. BouRNEVILLE répète que c'est dans les villes-écoles 'que l'en-
seignement professionnel doit être fait et que les leçons sur les
soins à donner aux aliénés pourraient être faites par l'un des méde-
cins de l'asile voisin, avec assistance de tous les élèves, par séries,
aux visites des médecins qui devraient leur donner des conseils pra-
tiques, complétant les leçons théoriques.
M. Ballet met aux voix le voeu de M. Bourneville tendant à la
création de ces écoles. Le voeu est admis à l'unanimité.
Comme complément, il met aux voix également le voeu tendant
à ce qu'un programme minimum d'enseignement (celui qui a été
élaboré par le Conseil supérieur de l'assistance publique ebt tout
indiqué) soit imposé à ces écoles. (Adopté).
Sont également adoptés le voeu tendant à la création d'un certi-
ficat d'aptitude aux fonctions d'infirmiers ou d'infirmières, et celui
d'après lequel l'examen devrait être subi devant un jury partout
composé des mêmes éléments.
M. TAGUET demande si ce voeu s'étend au personnel des services
généraux.
M. BRIAND propose que les infirmiers et infirmières -ne puissent
être nommés aux emplois supérieurs (surveillants ou sous-surveil-
lants) dans les services médicaux ou généraux que s'ils sont pour-
vus du diplôme.
M. TAGUET demande la division de cette proposition.
Elle est adoptée en ce qui concerne les services médicaux.
M. Drouineau se demande si, en province, il ne sera pas impos-
sible d'avoir des chefs d'ateliers diplômés. Il pense que le travail
est le but essentiel des ateliers; le chef d'atelier doit être d'abord
un ouvrier, or pourra-t-on avoir en une seule et même personne
un ouvrier et un infirmier ? (Voir page 429, 4°.)
M. BRIAND insiste pour que le diplôme soit exigé pour le per-
sonnel des services généraux. Un ouvrier doit avoir la mentalité
médicale. Les craintes de M. Drouineau ne doivent pas nous éloi-
gner du but à atteindre. Selon M. Briand, les difficultés de l'exa-
men ne sont pas telles que n'importe qui ne puisse obtenir le
diplôme. Le stage dans un service médical est indispensable. Mais
SOCIÉTÉS SAVANTES. 423 3
dans la pratique, certains tempéraments peuvent être apportés à
cette règle dans les occasions exceptionnelles.
De nombreuses protestations se font entendre contre ces excep-
tions. z
M. Vallon pense que l'article 8 du projet élaboré par la sous-
commission nommée par le préfet de la Seine pour étudier l'orga-
nisation des asiles de la Seine, article cité'dans le rapport de
M. Taguet, donnerait satisfaction à tous.
M. DOUTREBENTE fait une restriction pour le cuisinier; il ne peut
attendre pour faire manger ses malades que le cuisinier ait fait le
stage réclamé dans un service médical.
M. RRIAIOE, retire son voeu et se range à l'avis de M. Vallon.
M. Vallon donne lecture de l'article 8 précité... (Adopté.)
4° Question du logement du personnel secondait e hors de l'Asile ou
dans l'Asile.
M. Bourneville pense que le logement à l'asile en dehors des
quartiers qu'il a toujours réclamé afin d'assurer le repos du per-
sonnel, ou hors de l'asile n'a qu'une importance relative. La ques-
tion qui prime tout c'est la création d'une équipe de jour et d'une
équipe de nuit pour assurer le bon fonctionnement du service.
M. Drouineau fait remarquer qu'il faut tenir compte du chiffre
du personnel.
M. DOUTREBENTE dit que la question du logement du personnel
secondaire dans l'asile ou hors de l'asile ne peut se poser que si le
service de nuit est assuré.
Le voeu de M. Taguet tendant à loger dans l'asile le personnel
de jour est adopté.
5° Nombre du personnel.
M. Taguet propose le chiffre de 1 infirmier pour 12 malades
pour le personnel de jour.
M. DOUTREBI;N1'E estime que c'est insuffisant, du moins pour les
services d'infirmerie, de gâteux et d'agités.
M. DouRsoUT est d'avis que c'est excessif.
M. 13RIA¡>;D, estimant que la proportion proposée par 1\1. Taguetest
trop faible, propose celle de 1 infirmier pour 10 malades.
M. GiRAuD rappelle que l'an dernier, au Congrès d'Assistance,
on a voté la proportion de 1 pour 5.
M. TAGUET admet la proposition de 1 infirmier pour 10 malades
(non compris les sous-surveillants et le veilleur dans chaque quar-
tier). (Ce voeu est adopté.)
424 SOCIÉTÉS SAVANTES.
6° Organisation du service de veille. '
M. 'l'AGUET pense qu'il faut laisser chacun libre de s'organiser à
sa façon.
M. BOURNEVILLE est d'avis que l'organisation de ce service doit
être réglementée en vue d'un minimum, quitte à ce que l'asile ait
la faculté de dépasser ce minimum d'autant plus qu'il n'existe pas
encore de service de veille dans certains asiles et qu'il n'y a pas
longtemps qu'il existe dans la Seine, sauf dans son service où il
fonctionne, complet, depuis 1883.
M. TRÉNEL demande un service de veille permanent, qui doit
être distingué des rondes de nuit que l'on organise parfois et qui
achèvent d'épuiser un personnel déjà surmené. 11 demande égale-
ment que ce service soit fait par un personnel spécial. Il est inad-
missible que des gens soient de service vingt-quatre heures par
jour. Les services que peut rendre le personnel de veille sont indé-
niables ; il suffit de citer dans cet ordre d'idées la diminution du
nombre des gâteux.
M. BOURNEVILLE pense qu'il y a avantage à combiner les rondes
par un sous-employé ou une sous-employée avec les veilles par des
infirmiers veilleurs ou des infirmières veilleuses. '
M. Doutrebente fait remarquer qne dans ces conditions, il y
aura trois services dictincts : service de jour, service de nuit et
service de veille : c'est peut être excessif, à son avis.
M. Bourneville. Nullement : un service de jour tel qu'il existe
aujourd'hui et un service de veille (ou de nuit) analogue.
M. Taguct donne lecture de son voeu, d'après lequel il y aura
dans chaque quartier un veilleur ou une veilleuse et un surveillant
ou une surveillante de ronde. (Ce voeu est adopté.)
M. 1'neaeL demande qu'on précise que le personnel de nuit sera
différent du personnel de jour ét que ce service de veille sera per-
manent.
M. Drouineau demande quelle sera la proportion du personnel
de veille. M. Briand fait observer qu'elle ne peut être établie :
elle doit varier nécessairement suivant la disposition des locaux.
M. Vallon propose qu'on admette le chiffre de au moins un par
quartier. M. 1'cosT précise à nouveau son voeu en spécifiant
que le service de veille sera permanent et complètement distinct
du service de jour. (Ce voeu ainsi complété est adopté.)
7° Suppression de la repoiance, qui sera remplacée par une in-
demnité égale à la moitié du traitement, y compris les avantages en
nature.
M. Bourneville rappelle que la pension de repos en nature ou en
SOCIÉTÉS SAVANTES. ' 425
argent existe depuis longtemps dans les hôpitaux de Paris, et c'est
à l'honneur de cette administration. Elle n'a pas été instituée de
suite quand on a enlevé le service des aliénés à l'Assistance pu-
blique. Sur sa demande', elle a été organisée en 1883 pour tout le
personnel secondaire des asiles, après des discussions répétées,
certains proposant des pensions de retraites au lieu de pensions de
repos. La difficulté de l'organisation des premières a fait adopter
les secondes. Aujourd'hui, dans la Seine, il y a 75 bénéficiaires
des pensions de repos en argent. M. Bourneville a réclamé l'orga-
nisation de ces pensions pour tous les établissements hospitaliers
publics, nationaux, départementaux et municipaux. Lorsqu'elles
existeront et cela répond à une partie de l'argumentation pré-
cédente de M. Giraud, tous les asiles et hôpitaux de province trou-
veront parmi les infirmiers et infirmières diplômés de Paris et de
la Seine tout le personnel dont ils ont besoin. Les agents du per-
sonnel secondaire de Paris n'abandonneront pas les droits qu'ils
ont déjà acquis à une pension de repos pour aller là où il n'y
en a pas. Il ajoute que les années de services passés dans n'im-
porte quelle catégories d'établissements publics doit compter. En
résumé, il appuie, en principe le voeu de M. Taguet.
M. Giraud. Je partage l'opinion de M. Taguet, que la position
de reposant ne peut pas être l'idéal pour un agent ayant de bons
et longs services à l'asile. Les Conseils généraux n'admettent pas
le personnel' secondaire des asiles d'aliénés au bénéfice de la
Caisse départementale des retraites du département. Il n'y a donc
rien à faire de ce côté. D'autre part, l'indemnité de repos ne me
parait pas non plus à l'abri des critiques. C'est d'abord une loi
générale qu'il est mauvais d'assurer une situation sans que l'indi-
vidu y ait contribué au moins pour partie, sinon c'est encourager
l'imprévoyance. Puis l'indemnité de repos telle qu'elle est présen-
tée par M. Taguet est allouée sans tenir compte de la durée des
services après vingt-cinq ans, et ce n'est pas équitable. Enfin,
l'indemnité de repos exige que les services aient toujours lieu dans
le même asile, et ne permet pas l'avancement dans un autre
établissement, ce qui est encore un inconvénient. Je crois qu'il
serait bien préférable d'organiser quelque chose d'analogue à ce
qui existe pour les cantonniers du service vicinal de la Seine-Infé-
rieure, qui sont obligatoirement affiliés à une société de secours
mutuels, ou encore exiger, comme on le faisait pour les canton-
niers des routes nationales quand ils dépendaient du service des
Ponts et Chaussées, des versements réguliers à -la caisse de la
vieillesse. L'asile pourrait contribuer pour partie aux versements,
' Rapport sur la fondation d'une Caisse de prévoyance au profit du
personnel secondaire des asiles. Conseil général de la Seine, 1883, n° 2.
426 SOCIÉTÉS SAVANTES.
ce qui' rendrait possible une retraite convenable sans charges trop
lourdes, eu égard au salaire du personnel secondaire, et resterait
un encouragement à la prévoyance. Quoique ce soit une question
indépendante de la retraite, je dois signaler ce qui a été fait pour
le personnel attaché aux aliénés de la Seine-Inférieure et ayant
des charges de famille. Toute personne mariée et ayant des
enfants reçoit cinquante francs par an et par enfant au-dessous
de seize ans, comme supplément de traitement et à titre d'indem-
nité pour charges de famille.
M. Doutrebente n'a jamais pu obtenir que ses agents soient admis
à la caisse départementale des retraites. Il pense que la reposance
peut être conservée; pour lui, il voit des agents du personnel
secondaire qui considèrent l'asile comme leur véritable famille et
qui demandent à y rester jusqu'à la fin de leurs jours; à ceux qui
ne veulent pas être reposants, il donne une indemnité de 500 frans.
M. BOURNEVILLE trouve excellente cette manière de faire. Il
demande donc, soit des pensions de repos (à l'asile), soit des in-
demnités de repos (pour ceux qui veulent vivre hors de l'asile).
' M. Taguet ne voit pas d'inconvénient à ce que les reposants
restent dans l'établissement, si cela leur fait plaisir.
M. BRIAND l'ait observer qu'on doit faire en sorte que l'on puisse
en cas de nécessité se débarrasser de vieux employés qui, pour
divers motifs, principalement pour ivrognerie, ne font plus l'affaire
de leurs chefs. Il propose qu'on organise pour les agents du per-
sonnel secondaire des asiles quelque chose d'analogue à ce qui se
fait au Touring-Club ; on s'arrangerait, par exemple, de façon que
les asiles versassent au livret d'épargne créé pour chaque employé
autant que les employés auraient versé eux-mêmes. On aurait
ainsi l'avantage d'encourager l'épargne. De plus les livrets pour-
raient se transmettre d'un asile à l'autre.
M. Drouineau demande qu'on insère dans le voeu un mot réser-
vant la possibilité de la retraite.
Prolestulions. Il ne faut pas de retraites départementales
M. Taguet modifie son voeu. La reposance, à défaut de
retraite, est maintenue; il sera créé des pensions et des indem-
nités de repos. Adopté.
8° Traitement du personnel.
M. Taguet propose un traitement minimum de 360 francs pour
le personnel des deux sexes. -
M. GIItALD demande qu'on tienne compte des charges de famille
et qu'on accorde aux employés mariés et pères de famille des
indemnités en rapport avec le nombre de leurs enfants.
Adopté.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 427 7
M. Bourneville demande au Congrès d'approuver l'emploi de
femmes dans certains services d'hommes. Il ajoute qu'il a toujours
vu, depuis 1860, des femmes attachées au service de l'infirmerie
des sections d'aliénés de Bicêtre; que dans son service, considéré
comme section d'aliénés, le nombre des infirmières l'emporte sur
celui des infiimiers ; que dans certains asiles étrangers on a déjà
substitué dans plusieurs quartiers des femmes aux hommes.
M. DOUTREBENTE fait remarquer que c'est contraire au règlement
des asiles.
M. Bourneville propose donc au Congrès d'émettre le voeu que
le règlement soit revisé sur ce point. ,
M. LwoFF appuie la proposition de M. Bourneville. Il emploie
sans inconvénient des femmes dans le service d'hommes qu'il
dirige dans la colonie à laquelle il est attaché dans le département
du Cher. Les femmes sont particulièrement utiles dans les infir-
meries. Le voeu de. ! Il. Bourneville est adopté.
M. le D1' DOUTREBENTE présente une pétition signée par 152 com-
mis et employés de 39 asiles d'aliénés qui sollicitent un avis favo-
rable de leurs supérieurs hiérarchiques présents au Congrès de
Limoges. Dans cette pétition, ces modestes employés, qui tra-
vaillent sans avenir et sans possibilité d'améliorer leur situation,
réclament qu'à l'avenir les emplois d'économe et de receveur qui
deviendraient vacants leur soient attribués au lieu d'être donnés,
comme cela arrive le plus souvent, à des personnes étrangères au
personnel administratif de ces établissements. Le 0'' Doutrebente
estime que les directeurs-medecins ne doivent pas rester indiffé-
rents au choix de ces fonctionnaires et que, d'ailleurs, ainsi qu'il
résulte d'une décision du ministre de l'intérieur, en date du
5 décembre 1843, ils ont un droit de présentation au Préfet, con-
curremment avec la commission de surveillance. A. Fenayrou.
Nous croyons utile de reproduire le texte des voeux adop-
tés au cours de la discussion :
1° Le Congrès émet le voeu qu'il soit créé des écoles pour les
infirmiers et infirmières dans les villes où siègent les Facultés ou
les Écoles préparatoires de médecine ; Que ces écoles aient un
programme minimum uniforme; Que la délivrance du certificat
d'aptitude ou du diplôme soit faite dans des conditions uniformes;
Que les examens aient lieu devant un jury partout composé des
éléments indiqués par le Conseil supérieur de l'assistance pu-
blique ;
2° Le Congrès émet le voeu que les infirmiers et infirmières ne
puissent être nommés aux emplois supérieurs tels que sous-
surveillants ou surveillants des services médicaux et des services
428 SOCIÉTÉS SAVANTES.
généraux qu'à la condition d'être munis du diplôme d'infirmiers.
Exception sera faite pour les cuisiniers ;
3° Le Congrès émet le voeu que le personnel'des infirmiers et
infirmières soit logé en dehors des quartiers, le service de veille
étant assuré ;
5° Le Congrès émet le voeu qu'il y ait un infirmier pour dix
malades non compris le sous-surveillant ;
5° Dans tous les asiles on organisera un service permanent de
veille par un personnel complètement distinct de celui de jour. Le
traitement minimum sera de 30 francs par mois pour les sous-
employés des deux sexes ;
6° Les reposants sont maintenus mais ils seront libres de faire
convertir cette situation en une indemnité de repos qui sera de
moitié du traitement y compris les avantages en nature ;
7° Le Congrès émet le voeu qu'il y a lieu de reviser le règlement
du service intérieur notamment en ce qui concerne l'emploi des
femmes dans le service des hommes.
Le 4 août, à 9 heures du soir, la ville de Limoges a offert aux
membres du Congrès un vin d'honneur dans la belle salle des
fêtes de l'hôtel de ville. Le maire de Limoges, M. Labussière,
entouré de ses adjoints et de quelques conseillers municipaux,
recevait les invités à leur arrivée. M. le général en chef de Brye,
avec son officier d'ordonnance, de nombreux fonctionnaires, assis-
taient également à ce vin d'honneur. '
M. Labussière a pris la ^parole pour féliciter les membres du
Congrès et remercier les dames qui avaient bien voulu rehausser
par leur présence l'éclat de cette réception. M. le docteur Ballet a,
dans une heureuse improvisation,, répondu au maire de Limoges.
La musique du 63°, sous la direction de M. Lacoste a, pendant
toute la soirée, joué les plus beaux morceaux de son répertoire.
Entre temps M. Cholet, cédant aux instances des dames invitées,
a dû dire quelques-unes de ses fines patoiseries.
Séance du 6 août. Visite de l'asile de Naugeat.
M. le docteur Doursout, médecin-directeur, et 111. le docteur
FENAYROU, adjoint, ont fait visiter aux membres du Congrès les
différents quartiers de l'asile de Naugeat ainsi que ses annexes :
Bel-Air, Belle-Vue et le Cluzeau. Les visiteurs se sont montrés
vivement intéressés. A cette occasion, M. Pineau, photographe, les
a pris en groupe. A midi, un déjeuner a été offert dans les dépen-
dances de l'annexe du Cluzeau. Une immense table avait, à cet
effet, été dressée sous la magnifique charmille qui domine la ligne
SOCIÉTÉS SAVANTES. 429 9
du chemin de fer, la nouvelle route d'Aixe, la Vienne et ses rives
souriantes. A gauche, apparaissait Limoges, dont les principaux
monuments se détachaient nettement à l'horizon et offraient aux
convives un panorama merveilleux.
M. le docteur Gilbert Ballet présidait, ayant à ses côtés)\[. Edgar
Monteil, préfet de la Haute-Vienne, et M. Drouineau, représentant
le Ministre de l'intérieur. Divers membres de la commission de sur-
veillance de l'asile et du Conseil général de la Haute-Vienne, assis-
taient au banquet.
A 4 heures moins un quart, les invités prenaient place dans les
voitures, retenues à leur intention, et se dirigeaient vers l'impor-
tante fabrique de porcelaines de MM. W. Guérin et Cio, qu'ils ont
visitée par groupes séparés et en détail. MM. Guérin, avec une
amabilité dont on ne saurait trop les louer, ont fourni aux visi-
teurs tous les renseignements de nature à les intéresser sur la
fabrication de la porcelaine limousine. La visite n'a pris fin qu'à
six heures par les ateliers de peinture et le cabinet d'échantillons.
Les congressistes se sont alors retirés enchantés d'avoir pu ad-
mirer les beautés de l'industrie limousine, dont plusieurs ont tenu
à emporter des spécimens.
Le 7 août, excursion il Uzfrche et clôture officielle du Congrès.
B.
NOTES additionnelles.
1° La situation de reposant à Bicêtre, de reposante à la
Salpêtrière, n'a jamais été considérée comme pénible et dégra-
dante.
2° Il va de soi que le diplôme ne pourra être exigé des per-
sonnes qui se présentent comme infirmiers ou infirmières
que lorsque des Écoles professionnelles auront été créées en
nombre suffisant.
3° Aux derniers examens qui ont eu lieu cette année en
Angleterre, il y avait 51 candidats venant de 56 asiles de la
Grande-Bretagne. 410 ont obtenu leur certificat ou diplôme,
11 se sont retirés, les autres ont échoué.
4° Le travail dans les asiles doit être considéré comme un
moyen efficace de traitement, le résultat financier, bien
qu'intéressant, est secondaire. Les chefs d'atelier, s'ils étaient
de véritables auxiliaires du médecin, ce que nous essayons
de réaliser, contribueraient à la guérison des malades. Un
tel résultat ne peut être atteint que s'ils savent comment ils
doivent se comporter envers les aliénés. D'où la nécessité
de suivre les cours, d'assister pendant quelques mois à la
430 ASILES d'aliénés.
visite du médecin qui leur donnera des conseils en vue de leur
rôle de chefs d'atelier. Celte opinion, émise il y a plus de
vingt ans par nous, s'appuie sur des faits très nombreux.
Actuellement un maître brossier et un maître jardinier sui-
vent les cours de l'école de Bicêtre.
BOURNEV1LLE.
ASILES D'ALIÉNÉS.
I. Le 25° anniversaire de l'ouverture de l'asile d'aliénés d'Alt-
Scherbitz ; par v. 13UCllK\. (l'scla. Vochenscli·., 6 juillet 1901.)
Le 28 juin 1901, l'établissement d'aliénés d'Alt-Scherhitz a fêté
le' 25° anniversaire de sa fondation. Les jubilés de ce genre sont
en général des fètes d'un caractère intime, mais dans l'espèce il
s'agissait d'un anniversaire mémorable, puisqu'on célébrait par là
même la création du système des asiles-colonies et le début d'une
ère nouvelle dans l'histoire de l'assistance des aliénés.
La caractéristique du nouveau système est l'union intime d'un
petit établissemeni central, installé avec tous les perfectionnements
modernes, et d'une colonie libre. Il existait, bien avant Alt-Scher-
bitz, des colonies d'aliénés où les malades, employés aux travaux
des champs, jouissaient de plus de liberté, avec un prix de revient
moins élevé. Mais ces colonies étaient ou trop éloignées de l'asile,
ou exclusivement réservées aux incurables : elles manquaient aussi
des installations nécessaires pour les malades ayant besoin d'une
surveillance médicale plus ou moins longue. Le développement de
ces colonies avait été ainsi entravé et le nombre des malades qu'elles
comprenaient était resté assez restreint. C'est à feu le professeur
Koeppe que-revient le mérite d'avoir, par la fondation de l'asile-
colonie d'Alt-Scherbitz, associé d'une façon étroite à un asile
admirablement aménagé une colonie pour le traitement libre l,
L'opcn-door fut appliqué dans tous les pavillons formant la colonie,
pour éviter aux malades travailleurs l'impression pénible de
rentrer, une fois leur travail terminé, dans une prison munie de
murs et de grilles : on mit en vigueur ce principe de donner à
chaque malade le plus de liberté possible. Au début on crut néces-
saire de conserver pour l'établissement central des murs et des
grilles; mais on finit par reconnaître que mieux valait se passer de
1 Rappelons que Ferrus a fait créer la ferme Sainte-Anne comme
annexe de l'asile de Bicêtre. (B.).
asiles d'aliénés. ' 4 : : 1'1
-ces aménagements. Dans la distribution des locaux de chaque
pavillon, le système du corridor (chambres donnant toutes sur un
large corridor) fut également mis de côté. On remplaça toutes les
dispositions spéciales des anciens asiles par une surveillance per-
manente des malades. Le système du corridor, défectueux à ce
dernier point de vue, fut remplacé par une disposition spéciale des
locaux, permettant une surveillance constante, grâce à la répar-
tition des chambres autour d'une salle de réunion commune.
Le traitement par le lit ne tarda pas à être introduit à Alt-Scher-
bitz. Le D1' Paetz utilisa d'abord dans ce but une infirmerie destinée
aux malades atteints d'affections intercurrentes. Mais la promiscuité
des sujets séjournant au lit, les uns pour des maladies incidentes,
les autres pour la cure des psychoses, ayant présenté des inconvé-
nients, M. Paetz installa un pavillon de surveillance spécialement
réservé à ces derniers. Il y avait bien, à cette époque, dans certains
établissements des salles de surveillance analogues à celles qu'avait
depuis longtemps préconisées Parchappe, des sections cliniques,
mais c'est à Alt-Scherbitz qu'on vit pour la première fois un pavil-
lon indépendant spécialement créé et aménagé pour la surveil-
lance des aigus.
En résumé, union d'une grande colonie agricole avec un hôpital
d'aliénés muni de tous les aménagements. les plus perfectionnés;
application de l'open-doo/' dans la plus grande partie de l'établisse-
ment, suppression complète des murs et des grilles et aussi du
système du corridor, création de pavillons de surveillance indépen-
dants, tels sont les caractères originaux d'Alt-Scberbitz qui font
aujourd'hui de cet établissement que viennent visiter les aliénistes
du monde entier, un modèle non seulement au point de vue de
son plan et de son aménagement, mais sous le rapport du traite-
ment général des malades. Ajoutons que pour la réalisation de
ses projets le Dr Paetz a trouvé le concours le plus absolu dans les
autorités provinciales. P. S.
IL Société de patronage des aliénés du canton de Zurich.
A Zurich, la Société d'assistance aux aliénés, dans son dix-
huitième rapport annuel (1894) fournit les renseignements sui-
vants : La Société se propose comme objectifs :
1° De venir en aide aux aliénés sortis guéris ou améliorés des
asiles du canton en leur procurant du travail, en leur donnant des
secours (argent, aliments, vêtements), des soins médicaux gra-
tuits et de faciliter l'internement des sujets atteints de maladies
mentales en temps opportun, dès le début de l'atfection ;
2e De faciliter aux personnes peu fortunées, mais non reconnues
indigentes, le paiement des frais de séjour;
3° De répandre des idées justes sur la nature des maladies
432 asiles d'aliénés.
mentales et sur les mesures qu'elles exigent; de détruire les pré-
jugés par des écrits populaires, des conférences;
4° De développer l'assistance des aliénés dans son acception la
plus large, de combattre l'alcoolisme.
Les membres de la Société payent une cotisation annuelle de
2 francs au minimum ; un comité de sept membres nommé par
l'assemblée générale, et renouvelé tous les trois ans, est chargé
des affaires de la Société.
Des correspondants sont chargés, dans les différents centres, de
la propagande et de tout ce qui concerne les mesures à prendre
pour l'assistance des aliénés.
Au 15 mars 1894, le nombre des membres était de 568.
Chaque secours en argent ne dépasse pas habituellement
20 francs ; certains malades dignes d'intérêt ont obtenu 40, 50,
100 francs en plusieurs fois.. En 1894, 170 aliénés sortis ont été
secourus : 138 ont reçu jusqu'à 25 francs et 32 de 25 à 100 francs.
A 9 épileptiques, on a distribué gratuitement pour 104 francs
de bromure. '
La Société a versé 968 fr. 50 pour 10 aliénés internés à Burg-
holzli. Les recettes s'élèvent à 47.444 francs. Les dépenses s'élèvent
à 5.950 francs. P. S.
III. Le pavillon d'aliénés criminels de Düren. (Psychiat.
Wochenschr., 2 février 1901.)
La Province Rhénane, sans se laisser arrêter par les divergences
d'opinion ayant trait aux mesures spéciales que nécessitent les
alienés .criminels, a pris la détermination de mettre à exécution
le projet qui lui semblait le plus pratique. -
L'internement dans les services d'aliénés ordinaires des détenus
devenus aliénés et des aliénés ayant commis des actes réputés
crimes, a donné lieu à des plaintes très vives de la part des
parents, des familles et des médecins. Dans ces derniers temps ces
réclamations sont devenues très pressantes : plus on cherchait à
donner aux asiles une organisation en rapport avec les conceptions
nouvelles, en accordant aux malades le plus de liberté possible,
plus l'opinion publique déplorait la promiscuité de malades avec
des meurtriers, des voleurs : on considérait comme incompatibles
le rôle qu'avait à remplir un hôpital de traitement et les exigences
d'un établissement pénitentiaire.
Eliminer des asiles rhénans les aliénés criminels, qui sont des
éléments de trouble et de désordre, et les rassembler dans un
quartier spécial annexé à l'asile provincial de Düren, tel fut le
voeu de tous les cercles s'intéressant à la question. Au printemps
de l'année 1897, le Conseil provincial adoptait à l'unanimité le
projet qui donnait satisfaction à ce voeu.
-asiles d'aliénés. 433
Les propositions suivantes furent votées dans le but de délimiter
la tâche qu'on poursuivait :
1° Il ne pouvait être question de s'occuper des aliénés criminels
(détenus encours de peine) dont l'Etat a le devoir d'assurer le traite-
ment. L'établissement provincial ne pouvait être tenu d'hospita-
liser les aliénés criminels qu'en tant que ceux-ci ne pouvaient plus
être considérés comme en cours de peine : pendant la durée de
la peine c'est en effet à l'Etat qu'incombe le soin de traiter et de
surveiller les détenus devenus aliénés. Le service provincial de
l'assistance des aliénés n'a pas à s'en occuper. Sous le rapport
strictement légal, il en est de même des inculpés en observation au
point de vue de l'état mental, malgré qu'en pratique il soit passé
outre parfois à ces considérations ;
2° Restent à considérer les catégories suivantes pour lesquelles
un quartier spécial est nécessaire :
a) Les criminels aliénés qui sont mis en liberté ou qui ont purgé
leur peine.
b) Les aliénés ayant commis des actes criminels, auxquels il
faut joindre les aliénés qui ont manifesté des tendances homi-
cides. '
Pour les deux dernières catégories, le placement dans l'asile de
sûreté peut n'être ordonné que si la chose est rendue nécessaire
par les particularités de chaque cas;
3° D'après une enquête faite dans les asiles rhénans, il résulte
(ce que des statistiques antérieures avaient déjà montré) que le
nombre des femmes rentrant dans les catégories ci-dessus énoncées
est très peu élevé. Au contraire, pour les hommes, il fallait pré-
voir le chiffre de 48 places ;
4° Par dérogation au règlement des asiles rhénans qui laisse au
directeur-médecin de l'asile le droit de se prononcer sur l'admis-
sion des entrants, il fut décidé que l'admission des malades dans
le pavillon de sûreté serait exclusivement attribué au gouverneur,
afin d'assurer, pour chaque cas individuellement, une enquête
complète ;
5° Le prix de journée des malades traités dans le pavillon de
sûreté devait être plus élevé que le prix de journée des aliénés
ordinaires, en raison des frais spéciaux d'entretien et d'installation :
2,50 M. au lieu de 1,35 M.
Le pavillon de sûreté est, comme il a été dit plus haut, annexé
à un asile d'aliénés et non à un établissement pénitentiaire. 11 est
placé sous l'autorité du médecin-directeur de l'asile, comme tous
les autres quartiers de l'établissement. On a prévu un assistant,
spécialement chargé du pavillon, et un surveillant en chef.
Le nom de « Bewahrunghaus » (pavillon de surveillance ou de
sûreté) fut choisi en raison des termes de la loi prussienne du
H juillet 1891, suivant laquelle les Provinces ont l'obligation d'as-
Archives, 1° séiie, t. XII 28
434 asiles d'aliénés, -
surer l'assistance, le traitement et la surveillance (Beiuahrung) des
aliénés.
L'établissement a été ouvert en 1900 : il ne comptait au début
de l'année 1901 que 15 malades venus des autres asiles provin-
ciaux, On voulait d'abord tenter un essai avec un nombre restreint
de sujets et aussi faire l'éducation du personnel de surveillance.
Pour stimuler le zèle de ses agents le directeur a obtenu un crédit
lei permettant de leur allouer des indemnités spéciales.
Le plan du pavillon a été élaboré à l'aide des données fournies
par les personnalités les plus compétentes d'Allemagne. Le but
principal qu'on a cherché à atteindre a été de répartir les malades
de façon à permettre d'en isoler le plus grand nombre.
Le pavillon est élevé d'un étage sur rez-de-chaussée. Il com-
prend deux sections de vingt-quatre malades chacuue, complète-
ment indépendantes l'une de l'autre, et situées, l'une au rez-de-
chaussée, l'autre au premier étage. Chaque section possède quatre
à cinq infirmiers (soit la proportion de un infirmier pour quatre
ou cinq malades), et, pour la nuit, deux veilleurs.
L'entrée du pavillon est placée entre une chambre d'infirmiers
et l'office. Pour pénétrer dans le pavillon, il faut franchir d'abord
une grille, puis traverser la chambre des infirmiers. Les veilleurs
de chaque étage peuvent faire facilement leur ronde de nuit, les
portes qui font communiquer les salles de jour avec le réfectoire
central restant ouvertes. Grâce à cette disposition on a pu éviter
d'avoir recours à un corridor central, ce qui aurait rendu la sur-
veillance plus difficile. Les quatre dortoirs de six lits chacun que
possède chaque étage sont situés sur la façade, symétriquement.
Les trois salles de jour sont placées au centre du pavillon ; elles
ont vue sur la façade postérieure. Dans les ailes du pavillon se
trouvent, de chaque côté, deux chambres d'isolement et deux
chambres particulières ; on a ainsi pour les deux étages 4x2x2,
soit 16 chambres à un lit pour un total de 48 malades. Le corridor
sur lequel ouvrent ces chambres est séparé du reste du pavillon
par une grille.
Toutes les portes et fenêtres ont été construites d'une façon par-
ticulièrement solide. Les fenêtres possèdent des barreaux. : Chaque section (c'est-à-dire chaque étage) possède un jardin
qui lui est spécialement affecté, avec une entrée particulière. Le
mur qui entoure le jardin a quatre mètres de hauteur; on a pris
soin d'éviter, aux points où il se raccorde avec le pavillon, tout ce
qui aurait pu faciliter les évasions.
Il n'y a ni grenier ni caves. Le toit est fait de bois et ciment.
Chauffage central, avec installation des appareils dans un sous-sol
ayant une entrée particulière. Les plafonds et les escaliers sont
de construction massive, dans le double but d'éviter les dangers
.d'un, incendie et d'empêcher les évasions.
asiles d'aliénés. 435
Le pavillon de sûreté est situé à cent mètres environ du quartier
des agités de la division des hommes de l'asile. Il en est séparé par
des plantations. 1
Les frais, en raison de la solidité qu'il a fallu donner à l'ensemble
des constructions et aux améliorations qui ont été ultérieurement
nécessaires, se sont élevés à 237 000 francs.
Ce pavillon spécial est, à coup sûr, pour la direction de l'asile,
une source de préoccupations sérieuses. Dès les premiers mois
nombre de difficultés se produisirent : plusieurs évasions eurent
lieu, par suite de certaines défectuosités dans l'installation des
grilles, des fenêtres, etc. Certains malades essayèrent de terroriser
le personnel par leurs menaces et leurs violences. Comme il fallait
l'attendre dans un essai de ce genre, il y a encore beaucoup à
apprendre et bien des améliorations à introduire.
, - Paul SÉRIEUX.
IV. Les sorties précoces chez les aliénés : par le docteur ZovoLI.
(Riv. sp. cli /'ren., 1899, fasc. 3-4.)
L'auteur insiste sur l'utilité à différents points de vue (indivi-
duel, moral, social, économique), des sorties précoces des aliénés.
Bien des aliénés tranquilles peuvent être assistés en dehors de
l'asile, dans la famille, et pour bien d'autres une sortie précoce
accélère la guérison ou détermine une amélioration alors que le
séjour à l'asile n'eût pu que prolonger l'état morbide ou favoriser
le passage à l'incurabilité et à la démence. Cette mesure est appli-
cable à toutes les variétés nosologiques, mais notamment aux
formes maniaques légères, aux périodes de dépression de la folie
circulaire, à certaines formes de folies sensorielles et surtout à la
confusion mentale pour laquelle l'internement, ainsi que nous
l'avons souvent écrit nous-même, ne doit se faire qu'à toute extré-
mité et doit cesser le plus vite possible. J. Séglas.
V. Ecoles pour enfants anormaux en Suède; par DINIEL.
(Policlin., octobre'1901.) .
Aperçu général. Ecoles pour sourds, aveugles, idiots.
Pour les idiots, 34 internats divisés en écoles pour enfants édu-
cables, ouvroirs pour ceux sortis des écoles; asiles pour idiots
non éducables. Il y avait en 1899, 813 élèves. La plupart de ces
établissements sont dirigés par des femmes. M. il.
VI. Législation comparée des aliénés ; par A.-Wood REUTON. (The
Journal of Mental Science, janvier 1900.)
Selon notre coutume, nous nous bornons à indiquer.- ce travail
,"436 asiles d'aliénés.
de comparaison, qui, pour être compris du lecteur français,
,demanderait la connaissance des législations diverses et compli-
quées qui régissent les aliénés dans le Royaume-Uni.
R. DE Musgrave-Clay.
VII. Règlement du concours de l'internat en médecine des asiles
c publics d'aliénés de la Seine.
Par suite des modifications qui ont été introduites dans l'orga-
nisation de ce concours, nous croyons utile de reproduire en entier
l'arrêté préfectoral en date du 15 novembre 1900.
Vu le projet de réglementation du concours de l'internat en
médecine des asiles publics d'aliénés de la Seine, adopté par la
Commission de surveillance desdits asiles dans ses séances des 8
novembre et 13 décembre 1898. 10. janvier et 7 février 1899. et
' portant modification de l'arrêté réglementaire du 8 mars 1880 ;
Vu le rapport du Directeur des Affaires départementales; Sur
-la proposition du Directeur du Personnel; Le Secrétaire général
de la Préfecture entendu ; arrête : -
Article premier. Il sera ouvert, chaque année, à Paris, au
mois de décembre, un concours public pour la nomination aux
'emplois d'interne en médecine dans les asiles publics d'aliénés de
la Seine. Les concours seront annoncés un mois à l'avance par des
affiches apposées dans Paris, notamment aux abords de l'École de
médecine et dans les hôpitaux et hospices.
- ART. 2. Pourront prendre part aux concours les docteurs en
médecine munis du diplôme délivré par les Facultés de l'État et
les étudiants en médecine possédant seize inscriptions de doc-
torat.
ART. 3. Les candidats, pour être inscrits au concours, devront
jouir de leurs droits civils et politiques et n'avoir pas atteint l'âge
de trente ans révolus au 1 cr décembre de l'année où aura lieu le
concours. Ils devront produire les pièces suivantes à la Préfecture
de la Seine, service des aliénés : 1° expédition d'acte de naissance;
2° extrait de casier judiciaire; 3° certificat de revaccination';
certificat constatant seize incriptions ou le grade de docteur en
médecine, et, en outre, pour les étudiants en médecine, constatant
qu'ils n'on pas subi de peines disciplinaires graves ; 5° un certificat
de bonne vie et moeurs, délivré par le maire de la commune ou le
commissaire de police du quartier; 6° un certificat de l'Assistance
' Nous avons enfin obtenu gain de cause sur ce point, comme nous
l'avons déjà obtenu, non sans peine pour le concours de l'internat des
hôpitaux; il ne devrait pas y avoir de décès par la Variole dans les hôpi-
taux. Le ministre de l'instruction publique s'est, lui aussi, décidé à pres-
crire la revaccination de tous les étudiants en médecine; cette mesure
devrait être appliquée à tous les étudiants à l'entrée de toutes les Facultés.
asiles d'aliénés. 437
publique indiquant les services hospitaliers du candidat et témoi-
gnant qu'il n'a pas subi de peines disciplinaires graves; la liste
des candidats sera close quinze jours avant la date de l'ouverture
du concours.
ART. 4. Le jury sera composé, par voie de tirage au sort, de
sept membres, savoir : Quatre médecins en chef désignés parmi les
médecins titulaires ou honoraires des asiles publics d'aliénés de la
Seine et de l'infirmerie spéciale du Dépôt près la Préfecture de
police; un médecin en chef des quartiers d'hospice de Bicêtre et de
la Salpêtrière; un médecin des hôpitaux; un chirurgien des asiles
de la Seine, ou, à son défaut, un chirurgien des hôpitaux. Le
jury devra, pour délibérer, être composé de cinq membres au
moins. La voix du Président est prépondérante.
ART. 5. Dès que la liste des candidats sera close, les membres
du jury seront tirés au sort par le délégué du Préfet de la Seine,
assisté de deux membres de la Commission de surveillance des
asiles publics d'aliénés du département.
ART. 6. Les fonctions de membre du jury sont obligatoires; nul
ne peut en être relevé que pour une cause grave, et tout membre
qui abandonnerait ses fonctions ou qui refuserait de faire partie du
jury serait considéré comme renonçant désormais à siéger dans
les conconrs. -
ART. 7. Tout degré de parenté ou d'alliance, jusques et y com-
pris le sixième degré entre un concurrent et l'un des membres du
jury ou entre les membres du jury, donne lieu à récusation d'office
de la part de l'Administration.
ART. 8. Les épreuves du concours sont les suivantes : 1° une
composition écrite de trois heures sur un sujet de pathologie
interne et de pathologie externe (médecine et chirurgie). Il sera
accordé trente points pour cette épreuve. Elle pourra être élimi-
natoire si le nombre des candidats dépasse le triple des places va-
cantes ; 2° une épreuve orale de quinze minutes sur un sujet d'ana-
tomie et de physiologie du système nerveux, après quinze minutes
de préparation. 11 sera accordé vingt points pour cette épreuve;
3° une épreuve orale de dix minutes sur une question de garde. Il
sera accordé quinze points pour cette épreuve.
ART. 9. Le sujet de la composition écrite est le même pour
tous les candidats. Il est tiré au sort entre trois questions qui sont
rédigées et arrêtées par le jury immédiatement avant l'ouverture
de la séance. Pour les épreuves orales, la question sortie est la
même pour ceux des candidats qui sont appelées dans la même
séance. Elle est tirée au sort comme il est dit ci-dessus. L'épreuve
orale peut être faite en plusieurs jours si le nombre des candidats
ne permet pas de la faire subir à tous dans la même séance; dans
ce cas, les questions sont rédigées par le jury chaque jour d'épreues,
au nombre de trois, immédiatement avant d'entrer en séance. Les
438 asiles d'aliénés.
candidats qui doivent subir les épreuves orales sont tirés au sort à
l'ouverture de chaque séance.
ART. 10. - Les candidats sont surveillés pendant la composition
écrite par un des membres du jury. Les compositions sont
recueillies et mises sous cachet par le membre délégué du jury :
elles sont lues publiquement par leurs auteurs sous la surveillance
de l'un des concurrents. Tout concurrent qui s'est servi pour sa
composition de livres ou de notes apportés à la séance, ou qui en
lisant sa composition, en a changé le texte primitif, est exclu du
concours. Les épreuves orales sont publiques. Seront seuls admis
dans les locaux consacrés aux épreuves écrites les candidats admis
au concours.
Ai;l. 11. A la fin de chaque séance, il sera donné publique-
ment connaissance aux candidats du nombre de points qui leur
sont attribués.
ART. 12. Le jugement définitif porte sur l'ensemble des
épreuves.
ART. 13. II pourra être nommé des internes provisoires en
nombre égal au nombre des internes titulaires.
ART. 14. Les internes nommés dans l'ordre de classement
établi par le jury d'examen entreront en fonctions le 4 ? février de
l'année suivante. -
. ART. 15. La durée des fonctions des internes titulaires est de
trois ans ; celle des fonctions d'interne provisoire, d'une année.
Les fonctions d'interne dans les asiles sont incompatibles avec les
fonctions d'interne ou externe dans les hôpitaux, hospices ou
autres établissements.
Art. 16. Les internes provisoires peuvent se présenter au
concours pour les places d'internes titulaires, sous réserve des con-
ditions exprimées dans l'article 3.
ART. 17. La répartition des internes dans les divers services
d'aliénés se fait le lor février de chaque année. Les internes de
première année choisissent leurs places d'après l'ordre de classe-
ment. Pour les années suivantes, le choix se fait suivant l'ordre
d'ancienneté.
ART. 18. A l'expiration de leurs fonctions, les internes qui
auront soutenu leurs thèses pourront être autorisés à faire une
quatrième année d'internat et ceux qui auront passé avec succès
le concours de l'adjuvat pourront être maintenus en fonctions une
cinquième année. Ces prorogations seront autorisées par décisions
préfectorales sur demandes motivées du chef de service.
ART. 19. Un interne ne pourra rester plus de deux ans dans
le même service ; toutefois, cette règle ne sera pas appliquée aux
internes prorogés.
.ART. 20. Les traitements alloués aux internes sont fixés de la
manière suivante :
asiles d'aliénés. 439
4.40 asiles d'aliénés.
spéciale dés aliénés à la Préfecture de Police. Ces internes recevront
une indemnité de 1.000 fr. Ils auront droit en outre au logement,
au chauffage, à l'éclairage et à l'indemnité de nourriture, dans les
proportions fixées par la Préfecture de police. L'emplacement des
salles où auront lieu les diverses épreuves du concours sera indi-
qué ultérieurement.
VIII. Les hôpitaux d'aliénés urbains, d'après les communications
de MM. SoLI et DANNEMANN, au Congrès des médecins aliénistes
de Francfort, 1900.
Les grands avantages que retirent les villes universitaires de
leurs cliniques psychiatriques, non seulement au point de vue de
l'enseignement, mais encore sous le rapport de l'hospitalisation
rapide, immédiate, des sujets atteints de maladies mentales, ces
avantages ont rappelé l'attention sur l'utilité pour les grandes villes
d'avoir, dans leur enceinte même, des hôpitaux pour le traitement
des aliénés aigus.
' La question des petits asiles urbains, ou mieux des hôpitaux
urbains pour le traitement des aliénés, a fait l'objet, en Allemagne,
de nombreux travaux (Fùrstner, Kraepelin, Sommer, Lührmann,
Sioli, Dannemann). On ne s'est pas contenté de l'étudier dans les
Sociétés savantes, mais un certain nombre d'établissements ont
été créés dans quelques grandes villes.
Nous croyons devoir en dire un mot, la question étant pour
ainsi dire inconnue en France.
M. le Dr Sioli, médecin en chef de l'asile d'aliénés urbain de
Francfort a fait, sur le point qui nous intéresse, une communication
au Congrès de Francfort, 1900 (1. Zeilsch. f. Psychiatrie, 1900,
p. 600).
1° Les grandes villes, dit M. Sioli, ont d'autant plus besoin d'une
'hospitalisation immédiate des aliénés que leur population est plus
dense et plus élevée. La proportion des cas aigus exigeant une
admission d'urgence, est en effet quatre fois plus considérable
que dans les pays ruraux.
Dans les asiles provinciaux, et plus particulièrement dans les
asiles desservant les districts ruraux, le nombre proportionnel des
admissions, est, par an, de 3 par 10.000 habitants. Dans le Wur-
temberg on a relevé 640 admissions pour 2 millions d'habitants
(1897). Dans la Province Rhénane le nombre des admissions s'est
élevé à 1677 (en 1898) pour 5 millions d'habitants. Il en est de
même dans les districts ruraux. Il faut remarquer que le district
dans lequel est situé un asile provincial fournit proportionnelle-
ment plus d'entrées dans.l'asile que les districts limitrophes. Si on
prend la proportion des entrées fournies par le district- dans
lequel est situé l'asile proportion qui doit être la proportion
asiles d'aliénés. 441
maxima on obtient également le rapport de 3 p. 10.000.
Dans les grandes agglomérations urbaines, au contraire (Berlin,
Breslau, Francfort) le rapport s'élève à 15 et 20 p. 10.000. Il en
est de même dans les villes qui, comme Nuremberg, ont un service
d'admission provisoire. Cette dernière ville (160.000 habitants) a
reçn, en 1897, dans son quartier d'admission, 221 malades dont 44
ont été transférés à l'asile. -
Dans les villes de 200 à 300.000 habitants il faut compter sur
500 à 600 admissions (Berlin, Breslau. Francfort). Les villes n'at-
teignant même pas 100.000 habitants auront chaque année de 100
à 200 entrées.
D'ailleurs il faut tenir compte non seulement du chiffre de la
population, mais de sa densité, des conditions sociales; ces derniers
facteurs augmentant la proportion des cas aigus nécessitant une
hospitalisation immédiate. '
2° Cette catégorie de cas aigus dont la proportion, est beau-
coup moins élevée dans les pays ruraux se compose : pour 1/4
d'alcooliques; pour 1/4 de maladies mentales organiques (para-
lysie générale, démence sénile) ; pour 1/8 d'epileptiques et d'hys-
tériques ; pour 1/8 d'imbéciles et de dégénérés.
Les malades de ces différentes catégories sont relativement peu
nombreux dans les asiles ruraux, tandis que dans les villes ils
fournissent les 2/3 des admissions. Le dernier quart des entrées
est fourni parles psychoses dites simples (psychoses d'épuisement,
hébéphrénie, catatonie) qui se développent le plus souvent sur un
terrain dégénéré ou épuisé.
3° Dans les grandes villes, qui ne possèdent pas d'hôpitaux
urbains d'aliénés, la plus grande partie de ces malades qui ont
besoin de soins immédiats, ne peuvent être hospitalisés d'une
façon satisfaisante : ils sont en partie internés provisoirement
dans les dépôts de police, les hospices, les cellules d'observation
des hôpitaux, etc.
4° Quand l'assistance dans un milieu approprié peut être immé-
diatement réalisée, on constate que la moitié des malades admis
peuvent être mis en liberté après 6 à 8 semaines de traitement :
après 4 à 5 mois les 2/3 des malades admis sont mis en liberté ;
seul, le tiers restant doit être transféré à l'asile.
5° C'est un préjugé que de croire à une influence fâcheuse pro-
voquée par le translèrement des malades curables à l'asile.
60 L'hôpital urbain ne doit pas être situé à une heure de chemin
de fer, pas même à une heure de voiture de la ville. 11 ne doit pas
être plus éloigné que les autres hôpitaux, le transport des sujets
agités, sans connaissance, ou délirants, des malades ayant fait une
tentative de suicide, étant chose aussi difficile et aussi urgente que
celui des autres malades, les blessés par exemple.
Le chemin de fer, les tramways électriques ne se prêtent pas au
442 ' BIBLIOGRAPHE.
transfèrement de ces sujets, non plus que le fiacre, ce qu'il faut
c'est une voiture d'ambulance comme le font à Francfort les voi-
tures de la Société des Samaritains.
7° On peut obtenir, même dans les petits hôpitaux de 40 à 50
lits, un classement suffisant des malades, dans les catégories sui-
vantes : a) Tranquilles (mélancoliques, etc.). 6) Paralytiques
(séniles, etc.). c) Agités.
Cette dernière section peut être petite et réservée aux sujets très
agités ; on peut ainsi conserver pour l'hôpital la division en pavil-
lons et adopter le « traitement libre », en traitant en malades les
sujets qui ont conscience plus ou moins de leur état maladif.
8° Pour les villes dont la population atteint ou dépasse légère-
ment 100.000 habitants un quartier spécial, composé de deux
pavillons pour un total de 40 malades environ peut être annexé à
l'hôpital. Ce quartier suffit pour un chiffre annuel d'admissions
de 200. Le séjour des malades ne doit pas dépasser 3 ou 4 mois.
Si un traitement plus prolongé est nécessaire, les malades doivent
être transférés à l'asile provincial. Le transfèrement peut avoir
lieu plus tôt s'il s'agit de cas chroniques. Pour des villes plus con-
sidérables, M. Sioli considère comme suffisants 4 pavillons avec
un total de 60 à 80 lits. '
M. le or Dannemann a étudié en même temps que M. Sioli la
question de l'installation d'un hôpital psychiatrique urbain.
L'auteur est convaincu que l'hôpital urbain peut ne pas exiger
des dépenses plus considérables que les grands asiles provinciaux.
D'ailleurs si l'organisation d'un établissement de ce genre néces-
site une dépense assez considérable de la part d'une municipalité,
elle a pour résultat très appréciable de permettre de donner aux
malades, dans un délai très court, les soins psychiatriques dont
ils ont un besoin urgent et qu'ils risqueraient, faute decette orga-
nisation spéciale, d'attendre plus ou moins longtemps. Il s'agit en
somme d'apporter dans la façon dont actuellement fonctionne
l'assistance des aliénés une amélioration qui s'impose, et qui natu-
rellement ne peut être réalisée sans un surcroit de dépenses.
Il est un fait évident, c'est que dans maintes grandes villes les
quartiers d'observation réservés aux aliénés laissent considérable-
ment à désirer au point de vue de l'aménagement : on constate que la
seule préoccupation qui s'y révèle est d'assurer la séquestration de
l'interné : quant au traitement des malades il en est peu question.
Les municipalités qui ont admis la nécessité d'un quartier spé-
cial d'aliénés, doivent comprendre qu'il est indispensable d'avoir
un terrain d'une superficie suffisante pour donner satisfaction aux
exigences de la psychiatrie contemporaine. La ville de Hanovre
ayant projeté la création d'un hôpital urbain de 60 lits, M. Dan-
nemann expose le programme et le plan qui lui paraissent
répondre au but qu'on s'est proposé. Il a disposé les diverses sec-
asiles d'aliénés. 443
tions de l'hôpital de façon à obtenir, avec le moins de personnel
possible, un maximum de surveillance. ,
M. Dannemann insiste sur la possibilité d'organiser, avec des
ressources modestes, des petits pavillons, annexés à un hôpital,
qui peuvent réunir les conditions nécessaires au traitement des
maladies mentales. Il montre comment doit être assuré le service
de surveillance de ce quartier d'observation en miniature et donne
les plans d'un pavillon pour cinq hommes et cinq femmes, et d'un
bâtiment comprenant 10 lits pour chaque sexe. L'ensemble de ce
quartier-constitue un service spécial, dirigé par un médecin n'ayant
pas d'autre section.
D'autres plans sont donnés qui concernent des hôpitaux d'aliénés
de 30, 40, 50 et 100 lits. Les deux premiers n'ont qu'un quartier
de surveillance pour chaque sexe.
Les deux derniers en possèdent deux dans lesquels les malades
sont répartis suivant leur réaction au point de vue de la sociabi-
lité. Il existe en outre des quartiers pour les convalescents.
Il est nécessaire pour ces petits asiles de ne pas trop multiplier
le nombre des quartiers afin de rendre la surveillance constante,
sans être obligé d'augmenter notablement le personnel. Un classe-
ment des malades en trois catégories est suffisant :
1° Convalescents et malades n'ayant pas besoin d'une surveil-
lance constante, 20 p. 100 ; 2° Malades (sociables) à surveiller,
40 p. 100; 3° Malades insociables à surveiller, 40,p. 100.
Des chambres d'isolement doivent être annexées aux salles de
surveillance.
M. Dannemann donne le plan d'un pavillon à 1 étage sur rez-
de-chaussée, de 44 lits, organisation à laquelle on peut avoir
recours quand le terrain est insuffisant. Une policlinique pour les
maladies mentales et nerveuses doit être annexée à l'hôpital.
L'auteur insiste sur la nécessité pour l'architecte de s'inspirer de
considérations d'ordre psychiatrique dans la construction de ces
hôpitaux spéciaux i. Paul Sérieux.
,
1 En France, M. Bourneville, dans ses articles dans le Progrès médical
et dans les Archives de neurologie, puis M, nlonod dan sa communication
au Congrès international de psychiatrie de 1889, ont à maintes reprises
insisté sur l'organisation défectueuse, pour ne pas dire plus, des cellules
d'observation des hôpitaux.
BIBLIOGRAPHIE.
XV. La suggestion, son rôle dans l'éducation ; par M. F. Thomas,
in-18 de 148 p. Félix Alcan, éditeur.
M. F. Thomas, s'adressant en particulier au personnel ensei-
gnant, n'use pas de la terminologie technique, qui rend si difficile
à lire les ouvrages traitant le même sujet. Il se propose un but
éminemment pratique : il veut nous montrer ce qu'on doit entendre
par la suggestion, terme si général aujourd'hui, et nous énumérer
les avantages que peut retirer de la méthode suggestive, la/péda-
gogie.
Notre être est soumis à une sorte d'automatisme physiologique
et mental, quels que soient d'ailleurs le rôle et le pouvoir de la
volonté. C'est sur cet automatisme qu'a prise la suggestion, ou
inspiration d'une croyance dont les vrais motifs nous échappent
et qui, avec plus ou moins de force, tend d'elle-même à se réaliser.
Cette inspiration peut avoir sa source dans notre organisme, dans
notre sensibilité, dans notre imagination, dans notre volonté.
Quand elle émane de nous-même, elle s'appelle l'auto-suggestion.
Elle peut provenir du monde extérieur et se manifester sous la
forme d'une imitation inconsciente, allant du mimétisme physique
et moral, à l'impression féconde que peut produire en nous le
beau, sous quelque forme qu'il se présente ; elle peut enfin être
produite au moyen du sommeil hypnotique.
L'hygiène, la bonne tenue, les exercices physiques, la pratique
de la réflexion, la surveillance et la direction du travail combat-
tront les auto-suggestions nuisibles. L'affection et le respect que
saura inspirer tout maitre digne de ce nom, ménageront des con-
ditions favorables aux suggestions utiles. « Le scepticisme des
maîtres, dit avec raison M. Thomas, est dans l'enseignement plus
dangereux que leur ignorance ». Le bon exemple, le talent de pro-
portionner l'enseignement à l'intelligence des élèves, seront les
meilleurs moyens de diriger le penchant à l'imitation. La culture
dû goût chez l'enfant facilitera l'oeuvre importante de la suggestion
esthétique. Quant à la suggestion hypnotique, qui exige autant de
prudence que d'expérience, elle ne devra servir que dans les cas
où il y aurait à combattre des tares originelles ou des perversions
d'instincts.
L'auteur ne prétend pas que la méthode suggestive soit la seule
VARIA. 445
que doivent employer les maîtres de la jeunesse. « A côté de l'édu-
cation que l'enfant reçoit, pour ainsi dire à son insu, il y a celle
qu'il acquiert de lui-même, lorsque nous l'amenons à raisonner
ses sentiments et ses pensées... L'enseignement suggestif appelle
un enseignement démonstratif et doctrinal qui le complète ».
Cet ouvrage, d'une lecture intéressante et facile, témoigne de
la solidarité qui se manifeste, depuis quelque temps, entre les
trois degrés d'enseignement; tous ceux qui s'occupent d'éducation
ne pourront que tirer profit des conseils judicieux et documentés,
dont est rempli le livre de M. F. Thomas. J. BOYER
,,VI. Annuaire de l'Internat en Médecine des Asiles d'aliénés de la
Seine, cinquième année, édition de 1901. Prix : 2 francs.
Vigot frères, édit., Paris.
Cette nouvelle édition publiée par l'Association amicale des
Internes et Anciens Internes des Asiles de la Seine, est, pour le
médecin aliéniste, un véritable vade-mecum où il trouvera réunis
les principaux renseignements concernant sa spécialité. L'annuaire
de 1901 contient notamment le tableau d'avancement du personnel
médical des Asiles publics d'aliénés, la nomenclature détaillée de
tous les établissements publics ou privés destinés au traitement de
la folie, de nombreuses indications relatives à l'Association mutuelle
des médecins ahénistes de France, à l'enseignement de la psychia-
trie, aux concours de médecin adjoint des asiles d'aliénés, aux
prix de l'Académie des sciences, de l'Académie de médecine, de la
Société médico-psychologique, etc. C'est surtout par l'exactitude de
ses informations et la commodité de leur groupement que cette
publication annuelle se recommande à tous les médecins aliénistes.
VARIA.
LES mendiants ET .les vagabonds DES grandes VILLES;
par BOUilOFFElL -
L'examen a porté sur 400 sujets de la ville de Breslau. 70 p. 100
d'entre eux avaient été déclarés impropres au service militaire. On
a relevé dans la moitié des cas l'existence chez les ascendants de
tares héréditaires nerveuses : alcoolisme (29 p. 100), épilepsie,
hystérie et psychoses. Le niveau intellectuel est très bas : 53 p. 100
n'ont pu terminer leur instruction primaire. Dans un tiers des cas
446 VARIA.
on a noté des arrêts de développement, congénitaux ou posté-
rieurs il la naissance, imbécillité, épilepsie. Les maladies mentales
acquises sont dans la proportion de 6 p. 100; il s'agit surtout de
paralysie générale. La plupart des sujets examinés sont des buveurs
d'habitude ; dans 60 p. 100 des cas on a constaté l'alcoolisme
chronique. Le plus souvent l'alcoolisme s'est développé sur un
terrain psychopathique préexistant. Les époques de la vie auxquelles
les sujets ont commencé à se livrer au vagabondage et à la men-
dicité sont en premier lieu : 1° la période de seize à vingt ans, à
laquelle l'homme doit, seul, subvenir à ses besoins; 2° la période
de la plus grande concurrence (de vingt-cinq à trente ans, d'après
la statistique de l'Empire allemand) ; 3° la période de trente-cinq
.à quarante ans, à laquelle l'intoxication par l'alcool fait le plus
sentir ses effets. Enfin, à la période plus tardive, prennent place
les individus immigrés.
Certaines différences existent entre les sujets suivant la période
à laquelle ils ont adopté leur genre de vie : les défectuosités psy-
chiques congénitales sont plus fréquentes (45 p. 100) chez les
vagabonds précoces, que chez ceux qui le sont devenus tardive-
ment (25 p. 100). Dans cette dernière catégorie prédominent les
psychopathies acquises et l'alcoolisme. Tandis que, dans la pre-
mière catégorie, c'est la faiblesse intellectuelle congénitale qui
tient la première place parmi les facteurs étiologiques, dans la
seconde, c'est surtout l'influence du milieu qui se fait sentir.
(Congr. de ? 7 ? ec.-tft') ! tst. allemands. Francfort-s.-M., 20-21 avril 1900.
Atlg. Zeilzclen., 1900, 570-571.)
LES. ALIÉNÉS EN LIBERTÉ.
Suicide à Amilly. M110 Jeanne Hauard, 21 ans, demeurant chez
ses parents, marchands de vin, a profité du sommeil de ceux-ci
pour se suicider, à l'aide d'un réchaud de charbon dans un four-
nil situé derrière la maison d'habitation. Cette jeune fille ne jouis-
sait pas de la plénitude de ses facultés et avait été internée dans
une maison de santé à Orléans. (Le Républicain d'Orléans, du
25 septembre 1901.)
Quels malades (aliénés) faut-il placer dans les familles; par
A. Marie et A. VIGOUROUX. (Revue de Psychiatrie, 1900, n° 1.)
Ce ne sont pas seulement les déments séniles, comme le pen-
saient les fondateurs de la colonie de Dun-sur-Auron. Ces déments
séniles sont peu recherchés par les nourriciers. Ceux-ci en effet
aiment mieux les déments vésaniques, les débiles, les imbéciles et
même les persécutés ou mégalomanes que leur état permet d'en-
voyer dans une colonie ; ce genre de malades comme certains
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 447 Î
mélancoliques (mélancoliques a miseria) et les anciens alcooliques
s'ils sont préférés par les nourriciers sont aussi ceux qui profitent
et jouissent le plus du traitement dans les familles. F. B.
FAITS DIVERS.
Suicide d'un garçon de quatorze ANS. Le sieur Gaudeaux,
quincaillier à Gacé, avait promis à son fils, âgé de quatorze ans,
de l'emmener avec lui à Orbec. Mais l'enfant, ayant désobéi, fut
privé du voyage. C'était le samedi. Le lendemain dimanche, le
jeune Gaudeaux s'en fut jouer aux loteries et aux tirs installés sur
la place de Gacé. Quand il revint, une femme chargée du soin de
la maison le gronda et le menaça de la colère de son père. Le
jeune garçon monta à sa chambre. Quand la femme de ménage v
s'y rendit pour voir si l'enfant dormait, elle le trouva déshabillé,
gisant sur le parquet,- ne donnant plus signe de vie. 11 s'était tiré
une balle de revolver dans l'une des tempes. La mort avait été
instantanée. (Le Bonhomme Normand, 19-25 juillet 1901).
Médecine légale psychiatrique. M. le Dr Paul GnnrvrEa, méde-
cin en chef de l'infirmerie spéciale des aliénés, reprendra la série
de ses conférences cliniques de psychiatrie médico-légale, le ven-
dredi 8 novembre, à 1 h. 1/2, et les continuera le mercredi et le
vendredi de chaque semaine à la même heure. les docteurs en
médecine, les internes des hôpitaux et les étudiants parvenus au
terme de leur scolarité peuvent, dès maintenant, se faire inscrire
au Secrétariat de l'infirmerie spéciale, 3, quai de l'Horloge. Après
trois mois d'assiduité à cette clinique, un certificat de stagemédico-
légal psychiatrique est régulièrement délivré.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Bnmrtssr. Ilémiasyzzergie et leémilremblemezzl d'origine cérébello-
prolubéranlielle. (Extrait de la Revue de Neurologie, 1901.)
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448 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
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Doit SAUTOX. La Léprose. In-8- raisin de 506 pages, avec 60 figures
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Prix : 7fr. 50. J.-B. Bailliere, 1901.
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Prix : 3 francs. Paris, 1901. Libraüie J.-B. Baillière et fils.
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6 pages. Prix : 1 fr. 50. Librairie J.-B. l3aillière.
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de la Salpêtrière, années 1898-1899, cinquième série. Iu-8» de 680 pages,
avec 77 ligures et 5 planches en couleurs. Prix : 16 francs. Librairie Doin,
8, place de l'Odéon.
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Dur E. de Coox. Les bases naturelles de la géométrie d'Euclide. -
F. LE DA"TEC, La méthode déductive en biologie (1" article). GoBLOT.
La musique descriptive. BLU.11. L mouvement pédotogique et pédago-
gique. Analyses et comptes rendus. Abonnement du 1° janvier : un
an, Paris, 30 francs; départements at étranger, 33 francs. La livraison :
3 francs. F. Alcan, éditeur.
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and Athells, In-8° de 50 pages, avec 31 ligures et 1 planche. London, 190U.
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per limitare o izzxpedire la riproduzione dei maggiormente dégétteratio.
Brochure de 4 pages. Napoli, 1901.
t
Le rédacteur-gérant : Bourneville.
\r""\, Cil. IIEPIS98Y 1177. - 10-1901.
Vol. XII. Décembre 1901. N° 72`.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE MENTALE.
Délire aigu et urémie ;
Par le D' A. CULLERRE.
Le délire aigu est un syndrome d'origine variable ; la
toxi-infection qu'il révèle peut provenir de sources diverses :
épuisement du système nerveux, inanition prolongée, auto-
intoxication par rétention fécale, par lésion des organes
digestifs, estomac,' foie, intestin. Le plus souvent elle pro-
vient des ces causes réunies et diversement combinées. Elle
- peut encore être la conséquence d'un mauvais état des reins
ou même d'une néphrite méconnue et dans certains cas le
délire aigu n'est, à la lettre, qu'une folie urémique sur aiguë.
Cette opinion, que M. Carrier, dansson remarquable rap-
port au Congrès de Limoges, a bien voulu m'attribuer, d'après
une communication orale, demande à être appuyée sur des
faits. Des circonstances indépendantes de ma volonté m'ayant
empêché de prendre part aux discussions du Congrès, je
présenterai ici sommairement deux observations cliniques
qui, entre autres, me paraissent particulièrement favorables
à mon opinion.
Observation I. La nommée M..., femme G..., âgée d'environ
cinquante-cinq ans, ramassée sur la voie publique et placée
d'abord à l'hôpital de la Ilocbe-sur-I'on est évacuée sur l'asile, le
27 mars 1897, en raison de son état mental, caractérisé, d'après
le certificat d'admission, « par du délire avec hallucinations de la
vue et agitation incoercible ».
Le certificat de vingt-quatre heures a été ainsi formulé : « État
Archives, 20 série, t. XII. 23
,450 1 CLINIQUE MENTALE.
démentiel avec confusion complète des idées, agitation, désordre
des actes, mouvements de fuite, impulsions inconscientes ».
Les jours qui suivent, refus complet d'aliments; la malade est
nourrie à la sonde : l'obtusion mentale est très profonde, le délire
confus, les paroles insaisissables, les hallucinations de la vue
intenses ; la fièvre s'allume, une diarrhée profuse et fétide se
déclare. Le certificat de quinzaine est ainsi conçu : « Mélancolie
compliquée de délire ai,r¡u; adynamie profonde, fièvre, diarrhée,
état typhoïde des plus graves ».
Sous l'influence d'injections de sérum de Chéron i, je constate,
le 27 avril, une légère amélioration dans l'état général avec dimi-
nution de la confusion des idées ; la malade a même eu deux ou
trois moments clairs très courts.
Le 4 mai, les symptômes s'aggravent de nouveau, le délire et la
fièvre redoublent ainsi qne la diarrhée; une escarre se forme au
sacrum et la malade succombe le 6 mai dans le coma terminal.
Autopsie. -Poumons sains, coeur sain et petit, à part quelques
plaques d'athérome sur la valvule mitrale. Foie un peu graisseux;
calculs dans la vésicule biliaire. Reins petits, congestionnés, avec
substance corticale granuleuse ne pesant chacun que 80 grammes.
Vessie rétractée, sans urine.
' Pas de lésions cérébrales macroscopiques sauf un épanchement
abondant de liquide sous-arachnoïdien.
Ici; le diagnostic de délire aigu- d'origine urémique ne
saurait même être discuté, en présence des révélations de
l'autopsie. Une seule lésion est constatée, la néphrite chro-
nique arrivée à une phase avancée de son évolution puisque
les reins ont perdu presque la moitié de leur poids normal.
Cette affection n'a pas été diagnostiquée pendant la vie,
sans doute, parce que la malade laissant aller sous elle, les
urines n'ont put être ni surveillées, ni recueillies ; mais, par
un examen plus attentif, elle aurait peut-être pu l'être, bien
qu'à part la diarrhée, phénomène d'ailleurs banal et sans
signification pathognomonique, aucun symptôme n'orientât
le diagnostic dans cette direction.
Observation II. P..., quarante-un ans, est admis une pre-
mière fois le 14 décembre 1887. Père mort à soixante ans, mélau-
' Je n'avais pas encore, à cette époque, mis en usage les grandes
injections salines qui m'ont donné depuis des résultats si remarquables
en pareille circonstance. (A. Cullerre. De la transfusion séreuse sous-
cutanée dans les psychoses aiguës avec auto-intoxication. (Progrès
médical, 30 septembre 1899.)
DÉLIRE AIGU ET UREMIE. 4SI
colique, suicidé. Mère aliénée et internée pendant de nombreuses
années l'asile d'aliénés ; un frère atteint d'une crise de délire
passagère, sous l'influence d'excès alcooliques.
Le malade n'est pas alcoolique. Le trouble mental actuel est la
conséquence d'une vive déception à propos d'un héritage qu'il
comptait toucher. Excitation maniaque très vive, se traduisant
surtout par des idées religieuses incohérentes d'abord, puis par
une gesticulation désordonnée, des poses et une mimique extrême-
ment variées avec mutisme presque complet. Le malade est
maigre, pâle, à l'oeil effrayé et hagard; haleine horriblement
létide, constipation, refus complet d'aliments.
Pendant plusieurs semaines, phénomènes catatoniques, ralen-
tissement du pouls qui tombe au-dessous de cinquante pulsations,
contorsions, grimaces, poses extatiques ; attitudes violentes comme
s'il voulait poursuivre quelqu'un ou se livrer il la boxe.
Au bout de quatre mois, la phase catatonique cesse pour faire
place à une dépression mélancolique profonde avec impulsions
subites au suicide. Il veut se couper le cou, se jeter à l'eau ; il
essaye de se briser la tête contre les murs.
Vers le sixième mois, les symptômes s'amendent et P... peut
sortir guéri le 19 août 1888.
Neuf ans après, le 12 juin 1897, il est de nouveau admis en
proie à une agitation mélancolique violente avec impulsions à
l'homicide et au suicide. Angoisse incoercible, mouvements déses-
pérés ; il cherche à se briser la tête contre lès murs, refus d'ali-
ments.
Le 14, la fièvre s'allume, le malade tombe dans une prostration
profonde avec anurie, vomissements continuels, mussitation, car-
phologie, refroidissement, coma. La mort survient le 17, trois
jours après le début de la crise de délire aigu. L'autopsie n'a pu
être laite.
Chez ce malade, bien que nous manquions des preuves
matérielles qu'eût pu fournir l'autopsie, l'urémie s'est
révélée dans les trois derniers jours de la maladie, par des
symptômes trop éloquents pour être révoqués en doute.
D'autre part, la clinique autorise à admettre qu'elle existait
même avant l'explosion des symptômes révélateurs. Nous
sommes donc en présence d'une psychose aiguë au dévelop-
pement de laquelle l'urémie latente a participé probablement
dans une large mesure et qui s'est terminée au point de vue
mental par le syndrome du délire aigu, et au point de vue
- somatique par le syndrome de l'urémie. ,
D'où le diagnostic de psychose urémique suraiguë qui nous
z asiles d'aliénés.
paraît justifié ou si l'on préfère, de délire aigu d'origine uré-
mique. ,
Bien plus, si on examine attentivement cette observation,
on est conduit à une hypothèse des plus intéressantes, à savoir
que le mauvais fonctionnement des reins, en d'autres termes
l'urémie latente, a pu jouer un certain rôle dans la produc-
tion du premier accès de folie observé neuf ans plus tôt chez
cet héréditaire. En effet, ce qui a dominé pendant plusieurs
mois la symptomatologie de cet accès, ce sont des phéno-
mènes catatoniques, des poses extatiques, des altitudes cala-
leptif01'mes, signes que j'ai contribué, avec divers auteurs,
à rattacher dans certaines psychoses à l'auto-intoxication
d'origine rénale '.
La catatonie ou stupeur cataleptiforme n'est pas un symp-
tôme des psychoses de l'âge mûr. Quand on la rencontre
chez un individu qui a passé quarante ans, il y a bien des
chances pour qu'elle relève de l'urémie latente, et tel nous
paraît avoir été le cas de notre malade.
ASILES D/ALIÉNÉS.
Le pavillon de chirurgie des asiles publics d'aliénés
du département de la Seine, à l'Asile clinique;
Par Lucien PICQUÉ,
Chirurgien en chef des asiles publics d'aliénés.
Le 9 avril, à neuf heures et demie du matin, les membres
de la Commission de surveillance des asiles, présidée par
M. Athalin, conseiller à la Cour de cassation, M. Prestat,
1 A. Cullerre. Quelques observations de folie briyhlique. (Congrès des
aliénistes et neurologisles, La Roclrelle, 1893.) Note sur un cas de
folie urémique consécutif Ii un 1'étl'écisserJlenttl'{lulilalir/ue de l'urèthre.
(Archives de neurologie, 1891.) - Voyez aussi la thèse de mon interne
Guélou : Des psychoses dans leurs rapports avec les affections des reins.
Bordeaux, 1897.
Fiy. 1/,
45 i asiles d'aliénés.
Maucomble, Béhenne, Bourneville, Caron, membres de la
commission ; M. Defrance, directeur des affaires départe-
mentales ; M. Pelletier, chef du service des aliénés à la pré-
fecture ; la plupart des médecins en chefs des asiles de la
Seine, M. Magnan, membre de l'Académie ; MM. Dubuisson et
Vallon, de l'Asile clinique; MM. Briand, Marie, Pactet et Tou-
louse, médecins en chef à Villejuif.
- M. Dupain, de Vaucluse; M. Baudard, directeur de Vau-
cluse, M. Lucipia, ancien président du Conseil général,
directeur de l'asile de Villejuif ; M. Guillot, directeur de
l'Asile clinique; M. Gillet, économe, 1\1. Péronne, architecte,'
sont venus visiter le pavillon de chirurgie de l'Asile clinique.
Ce pavillon se distingue de tous les pavillons similaires en
ce qu'il constitue un pavillon exclusivement opératoire et
entièrement séparé du service des malades. Cette séparation
absolue qui n'existe pas dans nos hôpitaux présente cepen-
dant des avantages réels sur lesquels on ne saurait trop
insister. .
Au point de vue du fonctionnement, cette séparation évite
les chances de contamination par les malades et leurs
familles, par les infirmiers qui vont trop souvent et malgré
toutes les recommandations du service des malades au ser-
vice opératoire.
Le malade est amené sur un brancard et reconduit de
même dans le service d'où il vient, pour y achever sa con-
valescence. Il reste donc dans son lit pendant toute la
durée de son séjour au pavillon, séjour qui doit toujours être
court. Dans ces conditions, les chances de contamination se
trouvent réduites au minimum.
Dans ce pavillon opératoire, le personnel a donc une fonc-
tion unique et bien définie. Il ne s'occupe que d'opéier et de
tout ce qui intéresse le résultat opératoire.
Mais les avantages du pavillon opératoire, séparé, sont sur-
tout remarquables au point de vue du mode de construction
générale, de la répartition des services, de leur agencement
et de leur importance relative.
D'une facon générale, dans un pavillon d'hospitalisation,
tout doit être construit en vue du séjour prolongé du malade
et du bien-être auquel il a droit pendant ce temps. La plus
grande place est réservée aux salles de malades, on doit pré-
voir des promenoirs, des salles de repos, des water-closets.
Fig. 12.
456 asiles d'aliénés.
Les services généraux y occupent aussi un large espace. Dans
ces conditions, les services opératoires sont toujours sacrifiées.
On se trouve amené à construire des salles opératoires plus
ou moins petites et ordinairement mal orientées. Je tiens d'un
de mes collègues, qu'à l'hôpital Bichat, qui date de vingt
ans, l'architecte avait oublié la salle d'opération ! elle ne fut
établie qu'après, sur la demandedu titulaire.
Quant aux annexes des salles d'opérations, elles sont par-
fois insuffisantes : dans certains services ou j'ai passé,' elles
manquent absolument : à l'hôpital Bichat, qui a passé pendant
vingt ans pour un service modèle, elles sont trop restreintes
et en tout cas très éloignées de la salle d'opération. Elles se
trouvent à un étage différent et dans des locaux dépendant
du service de la pharmacie. Dans un hôpital tout récent,
l'architecte les avait oubliées et ce n'est qu'une fois construit
qu'on désaffecta un laboratoire pour y installer les étuves et
les autoclaves. Il convient toutefois de faire remarquer que
partout nos collègues sont arrivés à avoir dans leurs services
des installations qui leur permettent de pratiquer la chirur-
gie aseptique avec un maximum de sécurité. Mais si l'on est
arrivé sous ce rapporta des résullatssatisfaisaiits, il ne saul'1.lit
en être de même pour la pratique des opérations septiques.
Pour ne citer que l'hôpital Bichat, le chirurgien est obligé
d'opérer dans une salle de pansements. Quant aux annexes
de ce service, elles manquent totalement.
Voilà les desiderata souvent excusables des service d'hos-
pitalisation qui, primitivement, ont été construits pour les
malades, et non en vue des opérations à y pratiquer.
Tout au contraire, dans un pavillon opératoire, les condi-
tions sont radicalement changées. Tout doit y être disposé
en vue de l'intervention chirurgicale. La salle opératoire, qui
en est la raison d'être, doit être spacieuse et bien orientée. Les
annexes opératoires doivent y être largement établies, com-
modément répartieset bien agencées. Le bien-être du malade,
qui doit rester au lit tout le temps de son séjour au pavillon,
se résume aux conditions aseptiques prises contre l'infection
au cours des opérations et dans les pansements consécutifs
contre l'infection de la literie par les malades, et inversement
contre l'infection du malade par la literie mal désinfectée.
Les chambres des malades ne sont plus qu'une annexe
de la salle d'opération au lieu de constituer la partie princi-
l% ar. l.5
Fil. 1.4.
1 ir, 15.
460 asiles d'aliénés.
pale du bâtiment. Ce sont toutes ces conditions qui ont été
réalisées au pavillon de chirurgie de l'Asile clinique. -
De plus, les deux services septique et aseptique existent,
présentent la même importance et sont bien séparés. Il faut
réserver aux malades septiques les mêmes avantages qu'aux
malades aseptiques, une double installation est nécessaire
. ainsi que je disais plus haut, dans tout service de chirur-
gie : celle-ci devient une nécessité de premier ordre, dans un
pavillon comme le nôtre. Alors que dans les pavillons d'iso-
lement de nos hôpitaux on ne reçoit que des malades asepti-
ques, nous devons, au contraire, recevoir toutes les catégories
de malades infectés et non infectés.
C'est la seconde condition que nous avions à remplir : elle
nous a naturellement vivement préoccupé car il fallait à tout
prix éviter la contamination du deuxième groupe par le pre-
mier, et c'est pour avoir le maximum de sécurité sous ce rap-
port, que nous avons dû prendre les dispositions en appa-
rence luxueuse, mais rigoul eusement nécessaires, qui distin-
guent ce pavillon des constructions similaires. On eût pu, à la
rigueur, construire deux pavillons séparés ou simplement
accolés. Il m'a paru plus économique, mais aussi plus scien-
tifique et tout aussi sûr de consacrer le principe moderne de
l'infection chirurgicale, dans notre pavillon, en n'établissant
aucune muraille matérielle entre les deux catégories de ma-
lades, mais en attachant à chacun d'eux un personnel et un
matériel spécial.
De là, par conséquent, l'utilité de deuxsalles opératoires avec
leurs annexes indépendantes (salle de stérilisation de l'eau et
des instruments, salle de désinfection des malades et de pré-
paration pour les opérations, chambres séparées pour les
malades des deux catégories, salle de pansement pour les ma-
lades aseptiques), service de désinfection pour la literie et les
vêtements des malades. Ainsi se trouve réalisée la formule :
Pas de contamination des malades par les objets de panse-
ment, les instruments, les infirmiers et la literie. Pas de
contamination de la literie par les malades. Nous avons dû
également prévoir dans le pavillon une petite maternité pour
les femmes, peu nombreuses d'ailleurs, qui accouchent à
l'asile. Là encore nous pouvions trouver de nouvelles cau-
ses de contamination. Nous avons résolu la question en
créant un service autonome, absolument distinct dans le
462 asiles d'aliénés.
pavillon et se suffisant à lui-même au point de vue de la sté-
rilisation de l'eau et des instruments.
Depuis quelques années, tout chirurgien d'hôpital s'appli-
que à stériliser les pansements dont il se sert; nous n'avons
pas à insister ici sur les avantages de cette pratique au point
de vue de la sécurité et de l'économie.
Ayant à faire usage d'une quantité considérable de pièces
de pansement pour le service du pavillon et celui de tous les
asiles d'aliénés du département, nous avons pensé qu'il était
indispensable d'organiser au pavillon un véritable service de
pensement. Ce service comprend un atelier de découpage
avec un oulillage spécial pour le dégraissage du catgut et
le lessivage des soies, une salle de stérilisation et un labora-
toire bactériologique pour le contrôle scientifique des
opérations de la stérilisation. Ce service fonctionne depuis
le 8 mai et a donné des résultats réellement inattendus. Avec
un personnel restreint (2 personnes) on a pu pendant le pre-
mier mois, avec un travail régulier, réaliser des bénéfices
réellement énormes sur les prix de revient du commerce et
obtenir du premier coup des produits qui, vérifiés dans les
bouillons de culture, se sont montrés constamment stériles.
Les divers services que je viens d'énumérer devaient être
répartis dans le pavillon d'une façon régulière. Le rez-de-
chaussée (flg. 13) comprend les divers services opératoires,
la maternité et le service des pansements. Le sous-sol (/7. Il)
comprend le service de stérilisation de la literie, le labora-
toire de bactériologie et les divers services scientifiques
(radiographie, histologie, etc.). Le premier étage (figez) est
réservé aux malades. Un plan idéal médian et vertical divise le
pavillon en ses deux parties septique et aseptique. La lecture
du plan annexé à cet article montrera mieux que toute des-
cription l'agencement et la répartition des deux services.
Note. La description du pavillon ayant été faite dans un tra-
vail spécial (Voir Recueil des travaux, t. 1, 1901, P. Masson, éditeur),
nous avons tenu simplement, dans l'article qui précède, à mettre
en lumière quelques points spéciaux de nature à intéresser plus
particulièrement les médecins. Les figures 14, i : i, et 16 représentent
les façades du pavillon.
PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
L'influence de l'alcool et du tabac sur le travail ' ;
Par Cii. FÉRÉ, médecin de Bicêtre.
II. En ce qui concerne le tabac à fumer, Warren Lom-
bard, Vaughan llarley, Ilouâh, qui ont expérimenté sur ses
propriétés relativement au travail musculaire, s'entendent à
reconnaitre ses effets dépressifs. J'ai signalé son action éxci-
tante primitive soit au repos, soit dans la fatiguer
La psychologie physiologique nous montre que la sensa-
tion de plaisir est inséparable d'un accroissement de puis-
sance. On ne peut donc guère expliquerautrement que par
uneexcitation, au moins momentanée, le goût si répandu de
fumer. D'autre part, on ne peut pasmettre en doute la compé-
tence et la sincérité des expérimentateurs que je viens de
citer. La contradiction ne peut être due qu'à une observation
incomplète, Si on varie les conditions de l'expérience, on voit
que les fumeurs se trompent quand ils croient à un bien-être
définitif, et que les expérimentateurs, qui n'ont vu que la
dépression, ont laissé échapper une partie de l'effet.
Expérience IV. On commence à fumer la cigarette cinq minutes
avant le travail et on continue pendant la première série d'er-
gogrammes (une cigarette caporal ordinaire).
464 physiologie pathologique.
INFLUENCE DE l'alcool ET DU tabac SUR LE travail. 468
466 ' PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
EXPÉRIENCE V. -On commence à fumer la cigarette 5 minutes avant
le travail et on continue pendant la première série d'er-
gogrammes (une cigarette).
INFLUENCE DE L'ALCOOL ET DU TABAC SUR LE TRAVAIL. 461- 1"
468 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
INFLUENCE DE L'ALCOOL ET DU TABAC SUR LE TRAVAIL. 469
470 . PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE... - , -.
INFLUENCE DE L'ALCOOL ET DU TABAC SUR LE TRAVAIL. 471
472 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
Expérience VII. On commence à fumer 15 minutes avant le tra-
vail et on continue pendant la première série d'ergogramme
(trois cigarettes).
INFLUENCE DE L'ALCOOL ET DU TABAC SUR LE TRAVAIL. 473
474 Il PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
INFLUENCE DE L'ALCOOL ET DU TABAC SUR LE TRAVAIL. 475
476 PATHOLOGIE NERVEUSE.
l'activité intellectuelle nous montrent qu'elles provoquent
un véritable surmenage suivi d'une dépression' corrélative.
On n'a pas de bonnes raisons de croire qu'elles agissent
autrement sur les activités viscérales.
PATHOLOGIE NERVEUSE
Hospice de 131CÜRE, - Service du D1' J. Séglas
Contribution à, l'étude des Stéréotypies
Par ALBERT CAIIEN, interne des hôpitaux.
I. D'une façon générale, les troubles moteurs chez les
aliénés sont bien étudiés. C'est que, depuis longtemps, on a
reconnu les liens qui unissaient les phénomènes somatiques
aux phénomènes psychiques. Toutefois, une variété de mou-
vements est passée quelque peu sous silence au moins dans
les travaux français : ce sont les stéréotypies. Ordinaire-
ment confondues avec les tics ou les spasmes, les chorées
ou les actes impulsifs, elles méritent pourtant de former un
groupe à part, moins par leur rareté que par leur impor-
tance psychologique.
C'est Guislain 1, qui le premier a décrit des cas semblables
dans sa leçon sur la « folie », sans toutefois leur donner le
nom de stéréotypies. Celles-ci sont citées également par
Esquirol2, Tardieu3, Morel 1, Griesinger 5. Dans le traité de
' Guislain. Leçons orales sur les phi-énopathies. Ilelbelinclc, Gand, 1852,
tome I, p. 224 et seq.
* Esquirol. Mal. mentales, t. I.
3 Tardieu. Traité de médecine légale.
blorel. Traité des Maul, mentales, p. 360.
Ci,iesinger. Mal. mentales, p. 285.
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES STÉRÉOTYPIES. 477 Î
Dagonet ? dans l'article « Folie » de Costard2, elles sont net-
tement dénommées. Enfin M. A. Marie en a cité quelques
observations dues à notre maitre M. Séglas, qui nous a ins-
piré ce travail et nous a grandement aidé à son accomplis-
sement.
En Allemagne et en Autriche, on les trouve citées et
dénommées dans les ouvrages classiques de Schüle', de
Meynert °, d')Iagent 6, de Wernicke1, de Irafft Ebing 8. Kroe-
pelin 9 en parle dans la partie générale de sa « Psychiatrie »
et y revient à propos de la catatonie. Iahlhaum 1° y revient
à plusieurs reprises dans son ouvrage fameux sur la « Cata- -
tonie ». Enfin Binder'1, dans une leçon, donne une étude
spéciale des stéréotypies, particulièrement dans la catatonie.
. En Italie, Morselli 1= en fait également mention. Deux
études importantes, qui nous ont beaucoup servi dans ce
travail, ont paru dans deux revues de psychiatrie ita-
lienne : l'une est due à Brugia et Marzocchi13, l'autre à
' Dagonet. Traité des Mal. mentales. Paris, 1894. -
° Cotard. Art. Folie. Dict. encyclopédique des sciences médicales de
Dechambre.
1 A. Marie. Etude sur quelques symptômes des délires systématisés et
sur leur valeur, 0. Doin. Paris, 1892, 144" p. -
' Scinde. Traité des Maladies mentales, traduit par J. Dagonet et
Duhamel, Paris.
1 Meynert. Klinische Vo1'lesungen über Psychiatrie. Braumuller Rien.
1 vol., 304 p., p. 57 et 58.
6 Havent. Cité par Binder.
7 Wernicke. Die paranoischen Zustiinde, Leipzig, 1896, II' partie.
8 Krafft-Ebing. Traité clinique de psychiatrie, traduit sur la 5° édition
allemande par le Dr Emile Laurent. 1 vol. 758 p. Maloine, Paris, 1897.
1 Kroepelin. Psychiatrie, en 2 volumes, 6° ed. J. A. Barth. Leipzig.
1899, t. I, p. 215 et t. II, p. 159.
'° Kattibaum. La Catatonie. Voir Séglas et Chaslin. Revue générale,
Arch. de Neurologie, 1888, n° 44 el. 45.
" Binder. Ueber motorische Slorungen slereolgheza Charaklers bei Gei-
teskrazlken mit beso2clerer Beriicksichtigung de), Katatonie. Leçon du
19 février 1886. Archiv. sur Psycliiatiie und Nervenkranckheiten, t. XX.
Berlin, 1889, p. 628-644.
" lIIorsel11. Séméiologie des Maladies mentales, vol. II, p. 826.
" vit. Brugia et S. Marzocchi. Dei movimenti sislemalizzali in alcune
forme di indebolimento mentale. Archivio 1taliano per le malatie ne1'vose
e pih parlicolarmenle per le Alienazioni mentali. (Organe de la Société
de psychiatrie italienne). Milan, sept. 1887. Fasc. V. Anno XXIV.
418 ' PATHOLOGIE NERVEUSE. '
Riccie. Enfin, blondio=, tout récemment a fait paraître un
article sur la question.
. Malgré ce nombre de travaux, les stéréotypies sont res-
tées dans l'ombre. Nos connaissances sont assez confuses
sur ce sujet. Cela tient en grande partie à ce que l'on ne
s'entend pas bien sur ce qu'on doit appeler stéréotypies.
La plupart des auteurs (même Binder et Kroepelin) ne
donnent pas de définition des stéréotypies. Ricci, d'une part,
Brugia et Marzocchi de l'autre, font seuls exception. Le pre-
mier dit : « ce sont des mouvements automatiques, de longue
- durée, qui consistent à répéter les mêmes actes musculaires
longtemps, fréquemment, toujours de la même façon, mou-
vements qui, produits par des motifs obscurs ou peu clairs
se prolongent ensuite au delà d'un besoin quelconque ».
Brugia et Marzocchi les appellent « mouvements systémati-
sés » et disent que ce sont « des mouvements circonscrits,
souvent rythmiques et coordonnés, qui s'accomplissent sans
le concours de la volonté, mais qui peuvent pourtant à un
certain degré être sous la détermination de la volonté, qui
ne correspondent à aucun but extérieur, quoiqu'ils aient
l'apparence de mouvements intentionnels, et qui servent à
suppléer à l'absence de toute activité proprement volitive, en
servant de décharge aux états d'excitation de l'organe céré-
bral. »
Nous croyons que la définition de Ricci est trop vague et
trop large, puisqu'elle comprend « tous les mouvements qui
se répètent longtemps »; celle de Brugia et Marzocchi nous
semble trop préjuger de la nature des stérotypies. Aussi
proposerons-nous la définition suivante : Les stéréotypies
sont des altitudes, des mouvements, des actes de la vie de
relation ou de la vie végétative, qui sont coordonnés,
qui, n'ayant rien de convulsif, ont au contraire l'ap-
p(l1'ence d'actes intentionnels ou professionnels, qui se
' C. Ricci. Le sléoeotypie nelle demen;;e e specialmenle nelle deinenze
consécutive. (Rivista spel'i1aenlale di Frenialria e medicina légale délie
alienazioni mentale. 1899, vol. XXV. Fasc. I et IL)
2 Mondio. Hérédité et dégénérescence dans le développement de la
démence consécutive et dans celui des stéréotypies que l'on y rencontre.
La démence consécutive mérite-t-elle un chapitre particulier en noso-
graphie mentale ? (Rivista mentale di neuropatologia et psychiatre.
Rome, 1900. No 4 et 5.
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES STÉRÉOTYPIES. 479
répètent longtemps, fréquemment, toujours de la même
façon, qui, au début, sont conscients, volontaires et qui
deviennent plus tard automatiques et subconscients par le
fait même de leur longue durée et de leur répétition.
II. Les classifications données des stéréotypies sont
aussi peu nombreuses que les définitions.
Binder, après les avoir étudiées dans la catatonie (stéréo-
typies de l'attitude), examine successivement : 1° les stéréo-
typies du langage, 2° les stéréotypies des différentes parties
du corps, 3° les stéréotypies de la marche, 4° certains actes
automatiques ( ? ). Il ne s'agit pas là d'une vraie classifica-
tion ; c'est seulement pour citer quelques exemples que Bin-
der a mis « ces têtes de chapitre ».
Dans le travail de Brugia et Marzocchi, nous trouvons une
classification basée sur l'idée même que ces auteurs se font
de la nature des stéréotypies. Celles-ci sont des réactions
automatiques qui résultent d'excitations d'origine interne
portant sur les centres nerveux. Se basant sur la nature de ·
l'excitation qui met en jeu l'automatisme des centres ner-
veux, les auteurs ont édifié la classification suivante :
480 PATHOLOGIE NERVEUSE.
typies dyspraxiq2tes. Pour exposer ses observations, il
dresse le tableau suivant : -. .
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES STÉRÉOTYPIES. 481
les unes comme les autres se rapportent en définitive à des
mouvements qui ne diffèrent que par leur caractère plus ou
moins complexe.
Aussi, proposerons-nous de simplifier la classification de
Ricci et de diviser seulement les stéréotypies en deux varié-
tés : 1° Les attitudes stéréotypées ou stéréotypies akyné-
tiques ; 2° Les mouvements stéréotypés ou stéréotypies
pai-aky2zéliqîtes. Et nous considérons qu'on peut ranger les
différentes stéréotypies dans l'ordre suivant :
482 - PATHOLOGIE NERVEUSE.
hanche, la jambe droite croisée devant la gauche, le pied
droit relevé verticalement.
3° Sléréotypie dans la station assise. Un malade (cité
par Binder) s'assied par terre toute la journée, balance con-
tinuellement son tronc, passe son temps à boutonner et à
déboutonner ses vêtements.
B. STÉRÉOTYPIES P.RAKYNÉTIQUES. Non moins variées sont
les stéréotypies dans les mouvements ou stéréotypies para-
kynétiques. Elles sont très nombreuses, ce qui se conçoit
très facilement si l'on songe au nombre infini de mouve-
ments qui peuvent être faits soit par une partie du corps,
soit par tout le corps. Binder, Brugia et Marzocchi, Ricci,
A. Marie en ont publié un grand nombre d'observations. On
en trouvera d'autres dans la suite. Nous nous bornerons à
citer ici quelques exemples pris dans le service de M. Séglas.
'1° Mouvement stéréotypé d'une' partie déterminée du
corps. Q... Auguste, trente-cinq ans, estompeur, entré à
Bicêtre le 23 mai 1891. Dès son entrée, on a noté qu' « il
répète continuellement avec ses mains les gestes que font les
estompeurs 1. » .
Actuellement (décembre '1900) il est tombé dans la dé-
mence complète. Il comprend pourtant ce qu'on lui dit, mais
ses réponses ne sont le plus généralement qu'une suite de
mots incompréhensibles. Toute la journée, quelque position
qu'il occupe, qu'on essaie de lui parler ou non, il accomplit
son ancien geste professionnel d'estompeur ou du moins ce
geste s'est simplifié, car, en réalité, il ne fait plus qu'agiter
l'un ou l'autre de ses doigts. Si on lui demande ce qu'il fait,
il répond en quelques termes incohérents « qu'il travaille
pour faire marcher la terre par les aiguilles, etc... ».
2° Mouvements slérolypés de tout le corps. R... vingt-
six ans, ancien gymnaste, verrier, entré à Bicêtre en 1893
avec le certificat suivant « Excitation maniaque. Désordre
dans les idées et dans les actes. Agitation incessante avec
cris, chants, déclamations... » P. Garnier. Le 20 décem-
bre 1898, M. Deny fournissait le certificat trimestriel :
' Ph. Chaslin. La confusion mentale primitive. Annales médico-psy-
cytologiques. 50' année. 1892. 71 série, t. XVI, p. 225-273. On trouvera
là une observation complète de ce malade.
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES STÉRÉOTYPIES. 483
« Dégénérescence mentale avec excitation. Désordre complet
dans les idées et dans les actes. »
Actuellement c'est un dément précoce. En fait on voit que
le malade exécute constamment des mouvements habituels
aux gymnastes. Nous avons vu plus haut sa position à l'état
de repos. Ajoutons qu'il met constamment sa veste dans
son pantalon, ses pantalons dans ses souliers, qu'il se serre
les poignets avec des tresses.
Il n'est presque jamais tranquille. On le voit sauter les
escaliers, grimper après les arbres, les colonnes, les grilles,
faire des mouvements rythmiques et réguliers avec ses bras,
et dans ces mouvements on reconnaît encore des exercices
de gymnastique. Il présente dans le langage une autre sté-
réotypie. Ainsi il répète constamment ces mots : « M'sieu,
Madame », disant par exemple : « Bonjour, M'sieu Madame.
Donnez-moi une cigarette, M'sieu Madame. »
3° Stéréotypies dans la marche 1, - Un malade se promène
constamment dans un endroit déterminé, dans un couloir ou
bien il parcourt la même allée d'une manière si uniforme
que les traces de ses pas formentun sentier. Il marche « pour
faire perdre sa piste. » D'autres malades scandent leurs pas
de paroles (voir plus loin l'observation du gémisseur de
Morel). Un autre fait plusieurs pas en avant puis en arrière.
En général dans tous ces cas, les malades ne peuvent pas
dire au juste pourquoi ils marchent de telle ou telle façon ;
en fait, il y a ou il y a eu un motif ; mais ce motif a disparu
et l'acte est passé à l'état d'habitude automatique que le
malade n'explique plus. ,
4° Stéréotypies dans le langage parlé. Les stéréoty-
pies dans le langage parlé sont d'ordres différents. Certains
individus sifflent constamment une phrase musicale, telle
que celle notée dans le travail de M. A. Marie (p. 61).
D'autres chantent en dansant constamment, comme autre-
fois dans le théâtre antique. Il y a enfin les stéréotypies dans
les paroles ordinaires. Ces stéréotypies peuvent être en rap-
port avec le thème délirant principal.
1 On pourrait supprimer cette classe de mouvements stéréotypés et la
faire rentrer dans les mouvements d'une partie du corps. Nous mainte-
nons toutefois cette division, à cause du grand nombre de stéréotypies
existant dans la marche et surtout parce que la marche est à la fois un
mouvement partiel et un mouvement total du corps.
484 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Une femme internée à la Salpêtrière termine toujours ses
phrases par « en tout et pour tout ». Une malade de M. A.
Marie' commençait toutes ses phrases par « Araken-Doken-
Zoken. » Quelquefois les stéréotypies du langage sont des
réactions de défense. Une persécutée chronique et mégalo-
mane= attache une certaine influence à certains mots qu'elle
croit devoir neutraliser par d'autres. En particulier, si elle
entend dire « vendredi malheur 13 » elle s'empresse d'ajou-
ter « samedi bonheur 14 ».
Enfin, il faut citer comme stéréotypies certains néolo-
gismes que créent les persécutés pour exprimer d'une
manière précise ses convictions erronnées. Ces néologismes
« fixent sa pensée... Le mot dit tout....Une persécutée qui se
plaint qu'on la regarde de travers se dit en but aux pour-
suites des « Reluquets ». Une autre, souffrant de troubles de
la sensibilité générale, se plaint de sensations douloureuses
le long de l'épine dorsale, qu'elle attribue aux agissements
d'un forçat « épine d01'salier » (Séglas).
Au bout d'un certain temps, le lien d'association qui
reliait l'idée'première au néologisme qui devait l'exprimer,
disparaît; et le malade ne peut plus guère expliquer le sens
du langage spécial dont il continue à se servir.
Nous devons rapprocher de ces stéréotypies du langage le
mutisme stéréotypé. Un malade garde le silence pour expier
des fautes imaginaires qu'il se reproche. D'autres se taisent
pour ne pas compromettre un ami en parlant. Ce mutisme
en pareil cas est véritablement un acte stéréotypé.
5° Stéréotypie dans le langage écrit. Le langage écrit
comprend l'écriture et le dessin. Dans les deux cas, nous
allons rencontrer des stéréotypies diverses mais assez sem-
blables il celles du langage parlé. Nous en trouvons d'abord
un certain nombre qui sont en rapport avec le délire. Tel est
le cas d'un malade du service de M. Séglas.
S... Antoine est entré à Bicêtre en novembre 1894 avec le dia-
gnostic de délire de persécution. Depuis cette époque, son délire a
peu changé. Les idées de persécution prédominent toujours, à peu
près sous la même forme, mais des idées de grandeur sont appa-
' Cit. par J. Séglas. Les troubles du langage chez les aliénés. Rueff.
Paris, 1892 (1 vol. de 304 p.), p. 63.
2 Marie, loc. cil., p. 36.
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES STÉRÉOTYPIES. 485
rues. Il est prophète, roi. Le contour de son royaume est tracé sur
une tache qu'il porte sur son cou. Il est averti de tout d'avance,
parce qu'on lui fait comprendre par l'Esprit,
Quatre anciens sous-officiers de son régiment, qui sont peut-être
les quatre sergents de la Rochelle, lui en veulent. C'est eux qui le
font parler écrire, l'obligent à se casser la tête et à écrire avec son
sang s'il résiste.
Ses écrits offrent de beaux types de stéréotypie. Depuis des
années, en effet, il envoie régulièrement chaque semaine des lettres
volumineuses. L'enveloppe, qu'il timbre toujours, porte invariable-
ment l'adresse suivante :
' Lettre, Papiers d'Affaires.
A Messieurs les Professeurs de l'Ecole de Droit de
Paris,
Monsieur Alglave et à Messieurs les Ministres et Députés
(et à qui de droit), \
Chambre des députés,
. Paris (Seine).
Ces lettres, qui comprennent au moins une vingtaine de pages,
sont écrites sur papier ministre. Elles sont adressées d'abord aux
personnes inscrites sur l'enveloppe et en plus « aux principaux
représentants de chacune des nations de l'univers entier, soit à
tout roi et sujet (ici quelques mots illisibles sur toutes les
lettres) de avant 1300 ou de 1800 et de naissance dans les inter-
valles d'année de f800 à 1870-1871 et après 1870-71 et à qui de
droit (armées, polices, cultes, religions de l'univers entier) » Ces
lettres commencent toujours par « Je fais connaitre que hier... »
Dans cette lettre, il y a toujours des lignes en blanc recouvertes
de traits, de tirets. La page 13 est toujours laissée en blanc.
Constamment il y a des accolades simples, doubles, triples. Enfin
il y en a qui sont écrites en rouge. Ce sont celles qui sont tracées
avec son sang. La signature est. invariablement la même : De
Senez de Mésange. Grand prince Napoléon, grand prince de sang
royal et impérial de l'univers entier, grand amiral, grand maré-
chal de mes armées, polices... grand procureur de la République
royale et impériale, grand président de la République, grand pape,
grand duc, grand roi, grand empereur. Jupiter, Louis XIV et
Louis XV.
D'autres fois la stéréotypie est en rapport avec d'autres
idées délirantes. C'est un moyen de défense qu'emploie le
malade pour se débarrasser de ses persécuteurs. Dans les
486 PATHOLOGIE NERVEUSE.
i
écrits d'une' aliénée « il y a répété sept fois en deux pages
la phrase « Dieu et son droit, maudit dans tout ce qu'il y a
de plus maudit qui mal y pense... C'est une sorle de con-
juration, de formule cabalistique permettant à cette persé-
cutée de se défendre contre l'attaque de l'esprit du mail ».
Enfin, dans quelque cas l'écriture stéréotypée est complè-
tement modifiée : les aliénés emploientune écriture hiérogly-
phique, comme ils emploient des néologismes. « Une ma-
ladre 2, depuis la guerre du Tonkin, croit jouer un rôle dans
la conquête de cette colonie, et ne se sert plus pour écrire
que' de caractères qui rappelent ceux que l'on voit sur les
boîtes à thé. »
Etant donné le rapport étroit qui existe entre l'écriture et
le dessin, on ne sera pas étonné de trouver dans les dessins
des aliénés des stéréotypies d'ordres semblables à celle de
l'écriture. Le,s unes en effet sont en rapport avec leur thème
délirant. Ils y peignent leurs tortures, les scènes de leur
existence, les portraits de leurs persécuteurs.
Une persécutée, que nous avons observée il y a deux ans,
dans le service de notre 'maître M. Gilbert Ballet, passe
maintenant sa journée à faire de la tapisserie. Celle-ci
représentait toujours les mêmes personnages qui lui ont
fait subir, pense-t-elle, toutes sorles de souffrances et con-
tinuent maintenant à la persécuter.
D'autres fois, on rencontre des dessins absolument incom-
préhensibles comme précédemment les hiéroglyphes. Un de
nos malades avait dessiné une « planche d'âme », dessin
qu'il répète à l'infini, toujours de la même façon et qu'il a
la prétention d'expliquer sans jamais y parvenir.
6° Stéréotypies dans la mimique et les gestes. Outre le
langage parlé ou écrit, nous pouvons encore communiquer
. avec nos semblables par le langage mimique. Nous avons
déjà donné des exemples de gestes, d'attitudes, de physio-
nomie. On en verra d'autres dans la suite. Aussi ne faisons-
nous que les signaler ici.
III. La forme typique des stéréotypies se trouve dans
les délires systématiques. Aussi les prendrons-nous comme
' J. Seglas. Troubles du langage, p. 230.
' J. Séglas. 1(l., p. 241. '
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES STÉRÉOTYPIES. 487
exemple pour expliquer leur pathogénie. D'abord, comment
naissent-elles ?
Lorsqu'on observe une stéréotypie au début et que l'on
recherche les causes psychiques qui ont pu lui donner nais-
sance, on trouve d'ordinaire .qu'elle est provoquée par une
idée délirante. C'est là un point sur lequel Wernicke a tout
particulièrement insisté, et nous avons eu maintes fois l'occa-
sion de vérifier pour notre part l'exactitude de cette opinion.
Toutes les idées délirantes peuvent en être la cause provo-
catrice. Or, dans les délires systématiques, on trouve des
idées délirantes diverses : idées 'de persécution, hypochon-
driaques, mystiques, de grandeur, de défense.
Voyons d'abord dans quelle mesure chacune d'elles peut
occasionner une stéréotypie. Il est relativement rare que les
idées de persécution donnent à elles seules et par elles-
mêmes des stéréotypies. Assurément, le fait se rencontre
mais assez peu fréquemment. Un malade se, replie sur lui-
même, fait continuellement des contorsions, parce qu'on
l'électrise.
Un autre 1, observé par M. Seglas, présentait plusieurs tics
« l'un consistait à fermer d'une façon saccadée les yeux en
allongeant rapidement le bras droit et en prononçant une
série de mots incompréhensibles; l'autre était un tic aéro-
phagique, caractérisé par un ensemble de mouvements de
déglutition très rapides, accompagnés d'un bruit pharyngien
et suivis d'une éructation sonore et prolongée. Ces différents
mouvements se produisaient plusieurs fois par minute pen-
dant un certain temps sous forme d'une sorte de décharge
convulsive. La malade prétendait exécuter ces mouvements
malgré elle, en dehors de sa volonté. Ce sont, disait-elle, les
sorciers qui les lui font accomplir, absolument comme ils
lui font fermer les yeux ou prononcer des mots qu'elle ne
comprend pas en lui remuant la langue à leur fantaisie. »
Non moins rares sont les stéréotypies causées par des
idées hypochondriaques, accompagnant un délire systéma-
tisé. A titre d'exemple, on peut pourtant citer comme actes
stéréotypés les malades qui restent immobiles parce qu'ils
se croient de verre.
1 J. Séglas. Paralysie générale et tic aerophagique. Semaine médicale,
n° 2, p. 9, 11 janvier 1899.
488 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Les idées délirantes mystiques occasionnent aussi quel-
quefois des stéréotypies. Une mystique restera à genoux des
heures entières. Une autre (obs. 52 de A. Marie) dans ses
écrits souligne de trois croix toutes les épithètes s'adressant
aux destinataires imaginaires de ses épitres; elle emploie
souvent aussi le point d'exclamation trois fois répété.
Les idées de grandeur sont plus souvent le point de
départ de ces phénomènes. Voici un exemple fourni à
M. A. Marie par M. Séglas. Une débile se croit reine ; elle a
les Tuileries. Elle répète continuellement la même phrase :
« Je suis la couronne de France Zazie. » Cela est modulé et
scandé, en même temps qu'elle lève le bras par un geste
uniforme. Celte incantation est précédée d'une sorte de som-
mation préalable « cinq fois cinq vingt-cinq » par exemple.
Mais de toutes les idées délirantes, celles qui le plus sou-,
vent provoquent des stéréotypies sont certainement les
idées de défense. Nous pourrions reprendre et citer les
observations que M. A. Marie a publiées dans son mémoire
déjà cité. Presque toutes les observations relatent des sté-
réotypies comme phénomènes réactifs. Nous n'en choisis-
sons que quelques-unes des plus typiques.
Une ancienne religieuse (obs. 30) voit fréquemment Jésus-
Christ la poursuivre de propositions inconvenantes. Elle ne
réussit pas toujours à y échapper, malgré ses efforts défen-
sifs. Elle se plaint surtoutde coïts ab ore auxquels on l'oblige ; -,
aussi crachote-t-elle continuellement pour rejeter le sperme
absorbé. Ces phénomènes s'accompagnent d'orgasme véné-
rien spontané. -
Un autre (obs. 9) (délire de persécution durant depuis
huit ans) tient constamment entre ses dents un fragment de
verre à angles émoussés et sous ses pieds des morceaux de
vitre. Il a inventé le « système du coussinet isolateur » pour
'se défendre de l'électricité que ses ennemis lui envoient
pour le faire souffrir. Voici une autre observation citée par
M. Séglas 1.
Une systématique de quarante-sept ans, persécutée depuis 1880
raconte qu'en 1883 des « Messieurs » sont apparus pour la guérir.
Elle est restée au début longtemps sur une chaise, sans parler,immo-
' J. Séglas. Sociélé médico-psychologique (Discussion sur le délire
chronique). Séances des 30 janvier et 27 février 1888.
contribution A l'étude DES stéréotypies. 489
bile, ne remuant que les doigts 1, 2, 3, cat· tout doit aller par trois... Il
lui arrive aussi de cligner les yeux trois fois de suite. Quand elle ne
pouvait dormir, elle buvait trois verres d'eau. Les deux premiers
ne produisaient aucun effet, mais le troisième l'endormait de
suite. 11 lui est arrivé aussi de marcher dans un certain sens et
dans certaines positions, les bras immobiles ou bien animés d'une
sorte de mouvement cadencé, les yeux fixés à une certaine hau-
teur, et en sifflant un refrain monotone et scandé, puis elle
marchait de même en sens inverse, les yeux toujours à la même
hauteur, et il ne fallait pas faire plus de pas d'un côté que de
l'autre. 1
Ainsi toutes les idées délirantes peuvent occasionner des
stéréotypies. Isolément, prises à elles seules, les idées de
persécution, hypochondriaques et mystiques en sont assez
rarement la raison. Les idées de grandeur et surtout les
idées de défense sont au contraire les deux grandes causes '.
Mais les idées de grandeur, de défense, de persécution ont
chez les systématiques des liens étroits. Aussi peuvent-elles
s'adjoindre lès unes aux autres pour provoquer une ou plu- 1
sieurs stéréotypies. En voici un exemple=.
Une débile a à la fois des idées de persécution et des idées mys-
tiques. Ses idées mystiques lui font accomplir des gestes, « qui se
mélangent à des pratiques religieuses avec génuflexions, prières à
la Vierge ». Ses idées de persécution ont amené des idées de
défense. Pour la récompenser des épreuves que ses ennemis lui
ont fait subir et auxquelles elle a résisté grâce à ses « formules
excavalatiques », un grand docteur l'apamta s'est installé en elle.
« Aussi maintenant a-t-elle acquis le don des langues, peut-elle causer
dans tous les idiomes connus. Les phrases qu'elle prononce sont
alors un assemblage bizarre de syllabes à consonnances burlesques
et sonores; elle fait aussi d'un ton emphatique des incantations
accompagnées de « signes excavalatiques » pour magnétiser tout
ce qui l'entoure ».
Plus tard, elle s'est donnée tous les titres qu'elle attribuait au
docteur Papanita, son ancien défenseur imaginaire. Elle répète
constamment qu'elle est docteur en médecine, membre de l'Acadé-
mie. Elle est magnétisée et fait des « signes excavalatiques ».
' Cela tient sans doute à ce que les premières se voient au début des
délires systématisés, alors que la conscience est encore entière, tandis
que les idées de grandeur et de défense apparaissent plus tardivement,
quand la volonté et la conscience commencent à disparaitre.
' A. Marie, loc. cit. Obs. VI, due à M. Séglas.
490 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Ainsi, voilà réuni chez une même malade un ensemble
d'idées délirantes et de stéréotypies.
Quoi qu'il en soit, on voit que les stéréotypies sont pro-
duites au début par une idée délirante. Cette idée est à ce
moment pleinement consciente et le mouvement ou l'acte,
corrélatifs sont aussi conscients. Le malade sait pourquoi il
agit, il en donne-une raison valable. La stéréotypie est née.
Comment, maintenant, va-t-elle évoluer ?
D'une manière générale, on peut dire que les stéréotypies
évoluent parallèlement au délire. Les diverses phases de
l'évolution du délire ont été bien tracées par J.-P. I'alret 1. ,
D'après cet auteur, le délire après avoir passé par une phase
d'incubation se précise. Le malade est « toujours susceptible
de délirer dans une foule de directions, mais l'idée princi-
pale à laquelle il s'est arrêté -devient le centre commun
autour duquel convergent la plupart de ses pensées et de
ses réflexions... il arrive petit à petit à une véritable systé-
matisation de son délire... Aussitôt que l'idée prédominante
est arrivé à un degré complet de développement », le malade
n'y ajoute plus rien, il ne cherche plus à l'étayer de preuves
nouvelles, « il se borne à la répéter à tout venant, exacte-
ment sous la même forme, et avec les mêmes expressions...
le délire est stéréotypé. »
Les stéréotypies passent par des phases semblables. Quand
le délire se systématise, les actes se systématisent égale-
ment, ils semblent appuyer l'idée délirante qui leur a donné
naissance. C'est la période où les stéréotypies se montrent
dans toute leur ampleur, où elles sont le plus facile à étudier
et à expliquer. Leurs traits sont bien accentués, leur répé-
tition fréquente et le malade a encore une conscience suffi-
sante pour expliquer la finalité de ses actes.
Mais cet état ne dure pas. A la phase de délire systématisé
succède la phase de délire stéréotypé. A cette phase, dit
toujours Falret père, « on voit successivement disparaître
avec l'activité intellectuelle des périodes précédentes le fonds
maladif de la sensibilité sur lequel... s'étaient graduelle-
ment développées les idées délirantes. » Alors qu'à cette
période, survient la ruine mentale du sujet, les stéréotypies
' ' J. P. Falret. Leçons cliniques de médecine mentale (faites à l'hospice
de la Salpêtrière). 1r. partie, Baillière, Paris, 185, p. 93.
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES STÉRÉOTYPIES. 491
ne disparaissent pas : elles persistent; mais un élément,
présent à la période précédente, vient à faire défaut; c'est
la conscience personnelle qui ne peut plus subsister dans
son intégrité chez ce malade dont les facultés intellectuelles
sont en voie de déchéance. La synthèse psychique volontaire
et consciente, qui rattachait primitivement l'acte à l'idée
déterminée, fait place à une simple association automatique.
L'idée délirante s'estompe, s'affaiblit ; toutefois elle ne dis-
paraît pas de suite totalement : elle reste subconsciente. En
revanche, l'acte ou plutôt sa représentation s'enregistre
dans la mémoire organique, cette représentation persiste,
se solidifie ; c'est pour cela que l'acte va continuer à se répé-
ter dans la suite. Mais alors, les aliénés ne pourront plus
dire le pourquoi de leurs mouvements, de leurs paroles. Ils
continueront seulement à les exécuter et ils ne les exécute-
ront plus volontairement, consciemment, mais par simple
habitude; les stéréotypies seront devenues de véritables
actes automatiques, c'est-à-dire « des actes anciens, déjà
exécutés autrefois, qui à un certain moment ont été exacte-
ment en rapport avec l'ensemble des circonstances, mais
qui aujourd'hui ne sont plus adaptés à la situation pré-
sente... En outre de tels actes ne sont pas complètement
rattachés à notre personnalité, souvent même ils se pro-
duisent en dehors d'elle. Quoiqu'ils ne soient peut-être pas
complètement conscients..., ils sont dépourvus de cette
conscience personnelle, grâce à laquelle nous nous rendons
compte des phénomènes psychologiques, nous les ratta-
chons à notre personne. En un mot, les actes automaticjues
sont involontaires, non combinés pour la situation présente
et plus ou moins subconscients 1 ». Un malade du service de
M. Séglas nous offre un exemple typique de la marche qui
vient d'être décrite.
B..., est entré en 1891, comme délirant, persécuté. A cette
époque on n'a pas remarqué qu'il présentait des mouvements ou
des actes bizarres. Un peu plus tard, on a vu que par moments
il s'arrêtait dans la cour, regardait le soleil et- en même temps
faisait tourner ses mains autour d'un axe idéal. A ce moment
quand on lui demandait la raison de ce mouvement, il répon-
dait : « Je fais tourner le soleil ». Le malade a fourni cette expli-
cation pendant un temps assez long.
' Pierre Janet. Névroses et Idées fixes, I, p. 398. Alcan, Paris, 1898.
492 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Actuellement devenu dément, il continue à fixer le ciel, à faire
tourner ses mains comme autrefois, mais par simple habitude
automatique et sans plus pouvoir donner de cet acte familier une
explication quelconque. ' '
En résumé quand le délire est systématisé, les actes sont
volontaires et conscients, systématisés eux aussi, mais se
répétant sous la même forme, c'est-à-dire déjà fixes, stéréo-
typés. Quand le délire s'est stéréotypé, les actes conservent
d'autant plus le même caractère, mais ils s'accomplissent
par une sorte d'habitude involontaire, sans même attirer
l'attention du sujet, ils sont en un mot devenus automa-
tiques et subconscients. -
Nous voyons donc que l'acte contracte avec le délire les
rapports les plus étroits. Né d'une idée délirante, il suit une
évolution parallèle à celle du délire. Il semble donc bien que
c'est le délire qui cause l'acte, qui fait la stéréotypie. Toute-
fois la théorie contraire a été soutenue : on a prétendu que
les actes et les stéréotypies étaient primitifs et que le délire
ne venait qu'ensuite pour expliquer l'acte. Cette théorie peut
suffire dans certains cas pour interpréter quelques stéréo-
typies. Dans d'autres cas', elle peut se combiner à la pre-
mière théorie. Mais, d'une part, dans la grande majorité dés
cas, elle est manifestement insuffisante ; d'autre part, le
simple examen des faits nous montre que le délire est en
général primitif, et que les actes et les stéréotypies ne
viennent que plus tard. -
Yoilà comment se produisent les stéréotypies dans les cas
typiques de délires systématiques 2.
1 F. Iiayrnond et P. Janet. Névroses et Idées fixes, II, Paris, p. 385.
Alcan, Paris, 1898.
' Nous repoussons donc les autres hypothèses proposées pour expli-
quer les stéréotypies. Nous avons indiqué plus haut celle de Brugia et
Marzocchi. Quant aux autres théories, nous ne ferons que les signaler et
les critiquer en quelques mots.'
I. Certaines stéréotypies sont des actes réflexes (Binder). Mais un acte
réflexe est « une excitation périphérique d'un nerf sensible qui détermine
un mouvement de réponse ». Or, les stéréotypies ne sont certainement
pas dues toujours aux organes périphériques, ni à la moelle. Elles sont
ordinairement d'origine centrale. Donc elles ne sont pas des actes réflexes
II. Les stéréotypies sont des actes ataviques, Ilicci, Mondio se basent,
pour appuyer leur dire, sur quelques faits rappelant les phénomènes
propres aux animaux, aux sauvages, aux enfants (attitude, dandinement,
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES STÉRÉOTYPIES. 493
Nous voyons qu'en réalité, elles se produisent assez tard
dans le cours de la maladie. Ce fait s'explique assez facile-
ment. Au début des différentes psychoses, les malades peu-
vent avoir une conscience, une volonté amoindries, ilestvrai,
mais encore suffisantes pour empêcher les stéréotypies. Plus
tard, il n'en est plus de même. Les malades tendent vers la
démence : ils ont alors une vie intellectuelle de plus en plus
restreinte, ils n'ont plus d'états de conscience complète :
l'habitude, seconde nature, tient lieu de volonté et de raison
les actes, les mouvements pour boire, manger, aller, venir se
reproduisent par simple habitude, sans que rien vienne faire
échec à leur répétition.
En résumé, c'est vers la fin de la maladie mentale que les
stéréotypies apparaissent. Il faut donc qu'il existe un certain
état d'affaiblissement des facultés psychiques pour qu'elles
se produisent..
Cette considération incline déjà à faire penser qu'on peut
les rencontrer dans des états vésaniques autres que les
délires systématiques. Si l'étude de ces derniers est plus
propre à faire pénétrer leur origine, leur mode de dévelop-
pement, on peut les observer cependant dans les diverses
formes de démence. C'est ainsi qu'elles ne sont pas rares dans
les démences précoces. En voici un exemple.
C... de quarante-cinq ans, entre à Bicêtre (service de M. le
D1' Séglas) le 13 juin 1900. Il est malade, nous dit son père,
depuis l'âge de quinze ans. Avant cette époque il travaillait bien,
avait eu un prix de la Ville de Paris à l'école, et avait appris rapi-
dement le métier de peintre.
A la puberté (vers quinze ans) il a eu des étouffements, sans ver-
tiges, sans cri, sans pertes de connaissance, ni attaques de nerfs. Il
semblait littéralement asphyxié Alors pour se soulager, s'asseyait
dans un fauteuil, fléchissait ou défléchissail sa tête, ou la tournait
à droite ou à gauche, en ouvrant la bouche pour mieux respirer.
répétition uniforme, rythmique de mots, de gestes). Mais il ne semble
pas qu'il s'agisse là, à proprement parler, d'atavisme. Ce qu'on retrouve
dans ces exemples, ce sont les instincts; c'est le fond -instinctif qui
réapparaît après la perte de la personnalité. '
111. Les stéréotypies nous révèlent toujours la disposition congénitale-
ment faible du cerveau de l'individu chez lequel elles se montrent. (Mon-
dio). Binder a déjà signalé avant lui la dégénérescence dans 70 p. 100
des cas. Mais dire que le cerveau est congénitalement faible n'explique
pas la production de la stéréotypie.
494 PATHOLOGIE NERVEUSE.
A ce moment, il s'agitait beaucoup, battait sa mère, faisait de
grands gestes. Il devint orgueilleux, il se trouvait mieux que tout
le monde.
Depuis trente ans, son délire a conservé à peu près,ces mêmes
caractères. Sa morgue n'a pas diminué. Lui seul est bien, intell-
gent. H parle avec quelque dédain de Gambetta, de Victor Hugo.
Le caractère hautain a amené une vraie stéréotypie d'attitude. Il se
tient assis, le buste penché en avant, la tête haute, les mains sur les
cuisses, regardant fixement son interlocuteur. Cette attitude est
toujours la même, nous dit son père, depuis qu'il est malade.
Il a aussi conservé depuis cette époque sa stéréotypie de la tête
et bien qu'il n'ait plus d'étouffements, on le voit fréquemment
tourner sa tête ou la fléchir, ordinairement assez brusquement.
Puis, au bout de quelque temps, il remet sa tête droite. Ce mou- --
vement, il ne peut l'expliquer à présent. Du reste, ce malade a tou-
jours été très réticent et se trouve maintenant dans un état de
démence manifeste.
A propos des démences précoces, il convient de citer la
catatonie, comme pouvant s'accompagner de stéréotypies.
Sans vouloir discuter la valeur ni la réalité de la catatonie,
considérée comme entité morbide, on peut pourtant étudier
les stéréotypies dans les états catatoniques. Pour la plupart,
des psychiatres, et Binder en particulier, les stéréotypies
y sont fréquentes. Mais remarquons qu'au début de l'affec-
tion, d'une part, les périodes (mélancolie, aLLonilæt, ma-
nie), sont passagères et que par conséquent les attitudes,, les
mouvements, les actes changent avec ces périodes ; d'autre
part, les gestes et les positions sont variables; c'est le
geste, la position donnée au malade-que celui-ci conserve.
Au début de la catatonie, il n'y a donc rien qui nous rap-
pelle de près la systématisation, la répétition que l'on est
habitué à trouver dans les stéréotypies. -
Il n'en est plus de même à la fin de la maladie. Là on peut
rencontrer de vraies stéréotypies. Mais alors le malade n'est
plus seulement un catatonique, c'est un dément et comme tel
il est tout à fait apte à avoir des actes stéréotypés.
Les actes stéréotypés se rencontrent aussi dans les
démences vésaniques secondaires caractérisées et même
dans ces formes d'affaiblissement intellectuel désignées sou-
vent du nom de délires systématisés secondaires, indiquant
le passage à l'état chronique e t l'acheminement à une démence
plus complète.
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES STÉRÉOTYPIES. 493
Tel est le cas par exemple du délire des négations systé-
matique. Une malade de ce genre, observé par M. Séglas à
la Salpêtrière avait fini par ne plus prononcer qu'une seule
phrase absolument stéréotypée, résumant presque tout son
délire en quelques mots.
Certains de ces malades, ainsi que l'a signalé Cotard, en-
traînés par leur habitude dénégation systématique finissent
souvent par réduire tout leur vocabulaire au mot « non »
qu'ils répètent à tout propos. '
La folie d'opposition si fréquente chez les négateurs et qui
résulte d'abord chez eux de leur idée particulière, finit sou-
vent à la longue par devenir chez eux une sorte d'habitude,
en vertu de laquelle ils continuent à exécuter leurs actes
d'opposition stéréotypée sans plus même songer à en donner
une raison quelconque. Une malade de ce genre avait eu
en 1897 une conjonctivite. A ce moment elle se frottait cons-
tamment les yeux avec ses mains, en même temps qu'elle
répétait : « J'ai les yeux trop petits; je n'ai pas d'yeux... »
En 1900, elle a conservé invariablement son attitude néga-
tiviste, elle ne se laisse pas approcher, et la famille fait
remarquer que son unique préoccupation journalière, c'est
de se toucher et de se frotter les yeux 1.
Les stéréotypies sont aussi très marquées dans une autre
forme délirante qu'on pourrait rapprocher de la précédente :
les gémisseurs de Morel2. « Il se tenait habituellement assis,
la main gauche tordant convulsivement le pan de son habit.
Le bras droit continuellement en mouvement répondait au
rythme qu'il imprimait à son pied droit avec lequel il frap-
pait le sol. Les yeux étaient convulsivement fermés, il ne
desserrait pas-les dents et poussait de longs gémissements.
Lorsqu'on lui en demandait la raison, il disait : C'est pour
conserver mon allure ; il pensait que sans cela ses ennemis
avaient droit de mort sur lui. Souvent, ajoute l'auteur, ces
malades sont moins explicites et leurs actes comme leur
langage ne peuvent être .compris que de ceux [qui ont assisté
à l'évolution du délire ». Tel est le cas d'un malade du service,
qui réalise bien le type du gémisseur tel que l'a décrit Morel.
1 De Sanctis. Idées de négation. (Il Manicomio mode1'llo. Année XVI,
n°3).
' Morel. Traité des Maladies mentales, p. 360.
496 PATHOLOGIE NERVEUSE
André L..., âgé de cinquante-six ans, mécanicien entré à
Bicêtre le 25 novembre 189S.
Antécédents personnels. Etant enfant, il était comme somnam-
bule, se promenait la nuit. Toute sa vie, il aurait eu de l'ané-
mie et des faiblesses( ? ) A la suite de discussion avec ses cama-
rades, il tombait par terre, restait sans connaissance, ne poussait
pas de cris, ne se débattait pas. Depuis quinze ans, a des maux de
tête et des bourdonnements d'oreille. '
C'etait un bon ouvrier, très sobre. Il aimait la solitude, mais il
n'était pas triste : il était simplement calme, pas exubérant. Il
était un peu méfiant, et, nous dit sa femme, « ce n'était pas un
imbécile, il aurait voulu savoir davantage; mais;ça n'entrait pas,
et il souffrait de ne pas savoir ».
Histoire de la maladie actuelle. La maladie actuelle semble
remonter déjà à quelque temps, puisque le médecin qui a rédigé
son certificat d'admission signale que « depuis cinq ans, les
craintes d'accusation auraient commencé à le hanter ». Il revenait
alors de son travail en disant qu'un tel lui avait fait ceci ou
cela.
En réalité, c'est seulement pendant l'été de 1898 que le délire
s'est quelque peu précisé. D'abord, il ne s'intéresse plus ù. ses dis-
tractions ordinaires (dessin, lecture). Puis ses camarades d'atelier
le surveillent, ils sont jaloux. Ils veulent le compromettre et lui
faire perdre sa place. Ils lui demandent des pièces pour les
cacher, l'accuser et le faire prendre.
Sa concierge aussi le regardait de travers. Il ne voulait plus du
lait qu'elle lui apportait, disant : « Je n'en veux pas, elle met
quelque chose dedans ». Il prétendait aussi qu'il y avait quelque
chose dans les murs, que les voisins l'écoutaient, le surveillaient.
Pas d'hallucinations vraies de l'ouïe ou de la vue. Il disait : « Je
ne sais pas ce que j'ai dans la tète. Je me figure tout cela, je ne
peux m'en empêcher ». -
Quelques jours seulement avant son entrée (c'est alors qu'il a
quitté son travail), il a commencé à dire qu'il était criminel, qu'il
allait être exécuté. D'après sa femme, le crime dont il s'accuse
serait d'avoir vécu avec la femme de son frère, au retour du régi-
ment. Il a eu alors des idées de suicide. Il refusait la nourriture
pour mourir. Il voulait s'asphyxier avec sa femme et celle-ci croit
qu'il l'aurait fait, si elle avait consenti. Il a essayé une fois de
s'étrangler avec un foulard.
C'est alors qu'il est entré à Bicêtre; aptes son entrée, il se
montre tantôt déprimé, tantôt anxieux, manifestant des idées de
culpabilité prédominantes, des tendances au suicide ». Peu à peu,
il s'est mis à gémir et actuellement voici son état : Lorsqu'il est au
repos, on le trouve blotti dans un coin, assis sur sa chaise, le
visage caché dans ses mains,' les traits semblant pleurnicher et
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES STÉRÉOTYPIES. 497
continuellement en train de gémir « Mon Dieu ! que je suis mal-
heureux ! » Cette plainte revient uniforme, toujours émise dans
les mêmes termes, sur un ton et avec un rythme invariables.
Le jour comme la nuit, notamment, ces paroles reviennent.
Lorsqu'il descend dans la cour de l'hospice, il s'arrête dans
l'escalier, se met dans un coin et répète son antienne.
Arrivé dans la cour, il se sépare des autres malades. Jamais il
ne leur a causé. Il va se placer devant la provision de charbon, et
là, marche rythmiquement, accompagnant chaque pas de sa
plainte « Mon Dieu ! ah ! mon Dieu ! a - Son anxiété est perpé-
tuelle ; elle a résisté à la thérapeutique ordinaire. Sans cesse, il
semble pleurer, mais on n'a jamais vu couler une seule larme.
Quand on l'interrogeait au commencement de 1900, on obtenait
encore quelques mots d'explication, se rapportant plus ou moins
à son délire et particulièrement à une histoire de filière qui s'est
passée à l'atelier et qui n'a pu être bien élucidée. Actuellement
il est très affaibli, ne répond plus aux questions qu'on lui pose
que par ses exclamations stéréotypées. Il ne s'occupe plus de rien;
on est même. obligé d'aller le chercher pour le faire manger.
Les stéréotypies pouvant se produire dans les cas oit il y a
de l'affaiblissement psychique, on ne sera pas étonné d'en
trouver chez les paralytiques généraux 1. En fait elles y sont t
assez rares. Les caractères du délire, sa variabilité, sa diffu-
sion, ses contradictions perpétuelles empêchent leur produc-
tion. Toutefois on peut en rencontrer surtout au début de la
paralysie générale. Déjà, M. E. Brissaud2 avait dit : « Parmi
les spasmodiques à simple torticolis, à renversement de la
tête en arrière, à convulsions qui ne sont ni toniques, ni clo-
niques, méfiez-vous, quand ils font preuve d'un état mental
défectueux, de quelque chose de bien plus redoutable que le
phénomène en soi, les accidents appartiennent en effet, par-
fois à la période prodromique de la paralysie générale pro-
gressive. »
M. Séglas a publié une observation de stéréotypie (tic
aérophagique) survenue au début d'une paralysie générale.
Voici une autre observation recueillie également dans le ser-
vice de M. Séglas.
Eugène C..., tonnelier, quarante-huit ans, entré à Bicêtre le
12 septembre 1900.
' Knecht, cité par Binder.
1 E. Brissaud. Leçons sur les maladies nerveuses, faites à la Salpê-
trière, 1893-94. 21' leçon. 0. Doin, Paris, 1895.
Archives, 2' série, t. XII. ' 32
498 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Le début de l'affection est assez mal 'déterminé. En tous cas,
quatre mois avant son entrée, il a été enflé pendant huit jours, son
ventre et ses jambes étaient gros et c'est alors qu'il prétendit avoir
une grosse tête, répétant qu'il lui faudrait un chapelier spécial.
Vers la fin de. novembre, c'est-à-dire deux mois après son
entrée, il s'est mis à exécuter des mouvements bizarres, au pre-
mier abord. Ces mouvements étaient localisés à la tête. Le plus
fréquent est celui de la déflexion. Il jette sa tête en arrière, de
sorte que sa face regarde en haut. D'autres fois, cela dépend des
jours, il fait des mouvements de latéralité. En tous cas, dès que la
projection de la tête en arrière ou de côté s'est accomplie, il replace
sa tête dans la position directe. Pendant toute la durée du mou-
vement, les yeux sont fixés au plafond.
Les mouvements sont exécutés brusquement et rapidement,
mais ils ne sont pas spasmodiques. Il semble plutôt qu'ils sont
exécutés au commandement. Et en fait, le malade paraît se les
commander. On l'entend constamment répéter les paroles sui-
vantes : « En haut, tout en haut la tête, restez debout. Tout votre
gros corps debout. Ne vous occupez pas de la tête. Elle est re-
montée. Laissez les gros pieds en bas. Laissez votre corps blanc-. »
Chaque membre de phrase est répété un certain nombre de fois,
surtout : « En haut, tout en haut, la tête », qui revient constam-
ment et qui est répété vingt fois de suite.
Ces paroles sont dites sur le même ton, en accentuant surtout
la dernière syllabe. Il semble réciter une litanie. Il y a une cer-
taine coïncidence entre les paroles qu'il murmure et son mouve-
ment de la tête. Mais cette concordance n'est pas absolue. On ne
peut l'arrêter quand on le désire. Quand on lui demande la raison
de ce mouvement, il répond : « C'est que ma tête est trop
grosse ». D'autres fois, il ne répond pas.
De temps en temps, il passe sa main sur sa nuque, caresse ses
cheveux. Quand on lui en a demandé la raison, il avait dit « qu'il
avait une petite tête par derrière » et l'on avait cru comprendre à
ses explications qu'il faisait son mouvement pour regarder « sa
petite tête ». Nous n'avons pu obtenir de réponse catégorique
pour cè mouvement qui se répète encore fréquemment.
Quoi qu'il en soit, il nous semble qu'il s'agit bien là de
stéréotypies. Jusqu'à présent, nous avons vu que les stéréo-
tpyies se produisaient chez des malades dont les fonctions
intellectuelles sont très amoindries. Cette baisse intellec-
tuelle n'a pas besoin d'être, si considérable pour que sur-
vienne une stéréotypie.
C'est ainsi qu'on peut en rencontrer au cours de certaines
obsessions, en particulier dans la folie du doute (bien que le
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES STERÉOTYPIES. 499
cas soit assez rare), lorsque la maladie dure déjà depuis
longtemps. Cette stéréotypie, provoquée d'abord par l'idée
obsédante, finit par faire en quelque sorte corps avec elle, à
tel point qu'elle peut s'y substituer et revêtir elle-même les
caractères de l'obsession, si l'on vient par hasard à mettre
obstacle à son exécution.
M. Séglas nous a communiqué le fait d'une malade, atteinte z
de folie du doute se manifestant à propos des moindres actes
de la vie journalière. Cette dame avait habité un appartement
exposé au soleil. Le moindre rayon de soleil sur les meubles
ou tentures lui était insupportable. Aussi prend-elle l'habi-
tude de fermer toutes ses fenêtres d'une certaine façon. C'était,
là pour elle une obsession tyrannique etla moindre variation'
dans la fermeture de ses fenêtres la plongeait dans un état
émotif des plus pénibles, qui prenait seulement fin alors que
les volets se trouvaient remis dans leur position immuable.
Cette malade vint à changer d'appartement. Elle va habiter
dans un autre, où le soleil ne vient pas la gêner. Malgré cela
elle continue à fermer ses fenêtres exactement de la même
façon qu'auparavant, par une sorte d'habitude machinale et
sans y réfléchir. Mais si on. venait par hasard à contrarier
cette habitude, elle se sentait de nouveau angoissée jusqu'à
ce qu'elle eût été satisfaite.
D'autres fois, la stéréotypie est constituée par un de ces
« trucs » grâce auxquels les malades réagissent contre l'obses-
sion, et qui finissent à la longue par les remplacer.
Les faits do ce genre paraîtront moins exceptionnels si
l'on réfléchit que la stéréotypie peut se retrouver en dehors
du domaine pathologique, dans le simple lie d'habitude.
Que de gens ne peuvent faire un discours sans y intercaler
des interjections diverses, certains mots, certaines expres-
sions ! D'autres lèvent ou abaissent leurs bras, balancent leur
tronc ou leurs membres toute la journée. D'autres sifflent
presque continuellement. « On peut dire sans être taxé d'exa-
gération qu'il n'est personne qui n'ait dans le commerce
ordinaire de la vie un geste habituel, un mouvement de pré-
dilection'. » Brugia etllarzocchi ont dit que ces mouvements
ne se produisaient que chez des gens tarés, débiles cérébra-
lement, chez lesquels le pouvoir inhibitoire serait moins
1 M. Letulle. Aiticle Tic, in Nouveau Dictionnaire de méd. et de c7tir.
prraliques (Dictionnaire JaCCOUd;, t. XXV. 13a118re, Paris, 1883.
500. PATHOLOGIE NERVEUSE.
énergique que normalement, qu'ils étaient une sorte de dé-
charge, de la tension nerveuse accumulée dans certaines
zones encéphaliques et que leurproduction semblait apporter
un soulagement aux opérations intellectuelles, en dispersant
ainsi la tension nerveuse. Mais aucune preuve n'est venue
confirmer ces dires, qui, du reste, sont assez difficilement
concevables. Aussi ne croyons-nous pas que l'origine de ces
mouvements doit être cherchée là.
. Comme M. Letulle l'a fait remarquer, à l'origine ces tics
dans leur complexité ». Bientôt ils deviennent inconscients.
« C'est ainsi que par transitions insensibles, le geste habituel
et voulu tourne au tic coordonné, systématique et entre de
plein-pied dans la pathologie ». Donc, ces tics d'habitude
sont coordonnés, se répètent toujours de la- même façon,
sont conscients et volontaires au début et ne deviennent
inconscients que dans la suite. Parfois, ils sont quelque peu
spasmodiques, mais souvent ils ne présentent pas ce carac-
tère. Ce sont donc bien des stéréotypies survenues chez des
personnes saines.
'. De tout ce qui précède, il résulte que les stéréotypies se
voient surtout dans les délires systématiques, évoluant dans
ces cas parallèlement au délire. Mais on peut les rencontrer
encore chaque fois que les facultés intellectuelles s'affaiblis-
sent dans les démences diverses.-Plus rarement les stéréo-
typies se montrent en dehors de la démence dans des états
d'asthénie, de déséquilibration psychique tels que ceux qui
servent de substratum aux obsessions. Enfin on les ren-
contre à l'état normal dans les tics d'habitude.
- IV. Considérées en elles-mêmes, d'une façon objective,
dans leurs manifestations extérieures, les stéréotypies pré-
sentent des ressemblances avec d'autres' phénomènes con-
nexes, avec lesquels il faut faire le diagnostic.
Nous éliminerons d'abord les mouvements athétosiques.
Évidemment la différenciation est facile lorsqu'il s'agit de
contractions lentes, monotones, régulières, limitées aux
mains et aux pieds. Lorsqu'au contraire les mouvements athé-
tosiformes sont généralisés, ils peuvent être pris pour des
stéréotypies. Mais ils s'en distinguent parce que l'athétose
est en général liée à d'autres symptômes moteurs ou surtout
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES STÉRÉOTYPIES. 501
sensitifs (hémianesthésie) indiquant des lésions cérébrales,
parce que la volonté ne peut les arrêter à aucun moment,
pas même à leur apparition, et enfin parce que ordinairement
les mouvements athétosiques ne revêtent pas la forme de
mouvements intentionnels. ,
Ce sont ces mêmes caractères qui servent à différencier
les stéréotypies des tremblements. Il est vrai toutefois qu'on
a vu des tremblements sans qu'il y ait de lésions cérébrales
et qui sont dus à une idée fixe ou à une idée délirante cons-
ciente ou subconsciente. Mais, dans le premier cas, il est
rare qu'ils aient la longue durée des stéréotypies; et dans les
deux cas, ils ne ressemblent pas comme forme aux mouve-
ments stéréotypés.
Les différentes myoclonies, en particulier le tic convulsif,
sont d'une différenciation facile, ne serait-ce qu'en raison de
leur caractère nettement spasmodique. Quant aux 1'aptus
intp2clsi's,,ils se différencient facilement des stéréotypies.
.Ce sont des mouvements ou des actes brusques, explosifs,
se produisant soudainement par l'effet d'une force intérieure
irrésistible qui oblige l'individu à accomplir l'acte. Ils n'ont
d'ailleurs ni la fréquente répétition, ni la durée des mouve-
ments stéréotypés.
Dans ces'différentes hypothèses, le diagnostic est très facile.
Voici maintenant des cas où il est déjà plus difficile.
Un paralytique général mâchonne ou grince des dents.
Son mâchonnement, son grincement de dents sont perma-
nents. Ils se répètent toujours de la même façon. Un idiot
balance son corps toute la journée, pendant des mois et des
mois, exécutant constamment un mouvement identique. Un
confus ou un maniaque frotte perpétuellement sa cuisse avec
sa main. S'agit-il de stéréotypies dans ces différents cas ?
Oui, dit Ricci, qui place le grincement de dents des para-
lytiques généraux et les mouvements automatiques des idiots
dans les stéréotypies. Pour notre part, nous ne le croyons pas.
Ces mouvements répondent bien en effet à la première partie
de la définition que nous avons donnée plus haut : ils semblent
coordonnés, ils n'ont rien de convulsif, ils ont l'apparence
d'actes intentionnels; ils se répètent longtemps, fréquem-
ment, toujours de la même façon. - Mais ces actes n'ont
jamais été conscients, ni volontaires. Les malades n'ont
jamais su la raison pourlaquelle ils les exécutaient;' d'emblée
502 PATHOLOGIE NERVEUSE.
ils ont été automatiques. Par là le grincement de dents du
paralytique général, le tic de l'idiot, l'automatisme moteur
des confus et des maniaques se séparent des actes stéréo-
typés, qui sont, eux, des actes automatiques secondaires
(Ilartley). -
Après avoir éliminé ces diagnostics qui sont en somme
faciles, il nous reste à aborder des points plus délicats, les
mouvements automatiques des hystériques, des épileptiques
et enfin les tics mentaux.
Chez l'hystérique, c'est surtout dans les chorées et dans
certains tics qu'on peut rencontrer des mouvements pouvant
en imposer pour des [stéréotypies. En réalité, ils s'en distin-
guent cliniquement et psychologiquement.
Cliniquement en effet, il y a chez l'hystérique de longues
périodes sans aucun mouvement, fait rare dans les stéréoty-
pies ; en second lieu, les mouvements choréiformes rythmi-
ques ou les tics se trouvent presque toujours chez des hysté-
riques ayant des stigmates ; de plus ces mouvements se pro-
duisent ou tout au moins s'exagèrent sous l'influence de cer-
taines conditions : émotions, bruits, etc. La volonté du sujet
d'ailleurs amoindrie, est le plus souvent impuissante à les
réfréner ; beaucoup d'entre eux enfin revêtent un caractère
spasmodique évident.
Psychologiquement les tics et les chorées hystériques dif-
fèrent encore des stéréotypies. Ces manifestations hystéri-
ques se rattachent souvent à une idée fixe subconsciente. Or
il importe à ce propos de se rappeler les caractères de la
division de la conscience telle qu'on l'observe dans l'hystérie
Les études récentes de M. Pierre Janet montrent que les
phénomènes psychologiques se séparent alors nettement en
plusieurs groupes indépendants l'un de l'autre, produisant
ainsi une division de la conscience- de caractère permanent
et complet. Les idées parasites, qui figurent à l'origine de
.certains symptômes physiques, se développent complètement
à l'abri du contrôle de la conscience personnelle. Elles ne
sont pas exprimées, ni même connues du sujet qui ne com-
prend et n'assimile que les actes, tics ou mouvements divers
. auxquels elle peut donner naissance sans pouvoir s'expli-
quer l'origine et la raison d'être de ces actes.
Bien qu'il existe réellement, lorsqu'un tic se produit chez
un hystérique, un lien intime entre ce tic et une idée déter-
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES STÉRÉOTYPIES. 503
minée, la scission du processus psychique en deux parties se
présente comme complète ; il y a formation de deux synthèses
psychiques de caractère différent, dont l'une seule est enre-
gistrée dans la conscience personnelle : c'est la manifesta-
tion extérieure de l'idée fixe. Cette idée fixe, au contraire,
reste subconsciente, ignorée du sujet..
Les considérations dans lesquelles nous sommes entrés
précédemment, montrent combien ce processus psycholo-
gique diffère de celui des stéréotypies, phénomènes d'auto-
matisme secondaire dont l'évolution se fait en deux temps.
Dans un premier temps une idée déterminée, dont le sujet a
conscience provoque l'exécution d'un mouvement, d'un acte
également conscient, voulu, systématique. Dans un second
temps, l'idée première s'efface, elle n'est plus nécessaire à
l'exécution de l'acte ou du mouvement qui continue à s'ac-
complir par une sorte d'habitude, sous une forme désormais
immuable, automatique et stéréotypée.
Le diagnostic des stéréotypies peut encore être fait avec
certains symptômes, se rattachant à l'épilepsie. Tout d'abord
on pourrait faire remarquer que chez le même épileptique,
toutes les crises se ressemblent : l'aura est presque toujours
le même, la généralisation des mouvements se fait d'une
façon identique, les stades toniques et cloniques ont presque
toujours une grande similitude dans les différents accès ainsi
que les actes ou mouvements automatiques accomplis dans
la période d'hébétude qui suit le vertige ou l'accès (épilepsie
procursive par exemple). Mais évidemment dans ces cas on
ne peut pas dire qu'il s'agit de stéréotypies au sens ou nous
avons défini le mot. On peut pourtant citer quelques cas plus
voisins des stéréotypies. Tel est le suivant. dû àM.Jofl'roy1 :
« Une malade avait dans ses accès, outre la pâleur, des mou-
vements volontaires du bras droit. C'était une cuisinière et
lorsque je lui demandai : «Que faites-vous ? », elle me répon-
dit : « Je plume mon poulet », une autre fois « J'écaille mon
poisson ». Il nous suffira de rappeler en pareil cas l'obnubi-
lation de la conscience propre à tous les phénomènes de
nature comitialeet regardée d'.ordinaire comme la caractéris-
' Joffroy. Annales médico-psychologiqlles. Paris, 1894. C. R. de la
Société médico-psychologique. Séance du 28 mai 1894, t. XX. 7° série,
p. 123.
504 - PATHOLOGIE NERVEUSE. '\
tique de l'acte épileptique. Des mouvements de ce genre, se
produisant en rapport avec la décharge comitiale, semblent
inconscients ou tout au moins subconscients d'emblée et ne
peuvent être, pour ces raisons, confondus avec les stéréoty-
pies.
Il nous reste à éliminer les diagnostics les plus difficiles,
les tics et les spasmes. Nous avons parlé plus haut des tics
d'habitude. Il nous reste àparler des tics dits mentaux. « Le
tic, a dit Charcot, est une maladie psychique. Il y a des tics
de la pensée qui se traduisent par des tics du corps... Les
tics sont des mouvements systématisés, qui reparaissent
toujours les mêmes chez les mêmes sujets, et de plus fort
souvent au moins, reproduisent en les exagérant cependant
certains actes automatiques d'ordre physiologique appliqués
a un but fonctionnel ». « C'est un acte automatique coor-
donné », dit M. Brissaud 1. On voit par ces définitions qu'il y
a les plus grandes ressemblances entre les tics et les stéréo-
typies. Cette similitude est d'autant plus accentuée que sou-
vent sous le tic mental, il y a une idée inconsciente qui fait
exécuter le mouvement. - Mais faisons remarquer que,
d'abord, en règle générale, les tics mentaux peuvent être
arrêtés par des efforts d'attention et de volonté, si toutefois
le malade veut bien s'appliquer, et c'est même là la base
d'un traitement psychothérapique souvent utile et efficace.
Citons en passant le résumé d'une observation de M. Fein-
del 2. Il s'agit d'un garçon d'office de trente-deux ans qui
depuis sept mois éprouve des douleurs dans la nuque, trou-
blant son sommeil et l'ennuyait beaucoup. Aussi y pensait-il
beaucoup. Un mois avant son entrée à l'hôpital, il prit l'ha-
bitude pour « reposer sa tête » de la tourner de temps en
temps à gauche. Le malade affirme que les mouvements de
rotation furent d'abord voulus et qu'il les accomplissait
par ce qu'il éprouvait un grand [soulagement. Dans l'espace
d'un mois, le tic enestarrivé à sereproduire involontairement
et constamment. Il consiste en un mouvement de rotation
de la tête à gauche. En un mois et demi le traitement psy-
chothérapique a amené la guérison. :
' 13rissaud. Loco citato, p. 502. -
1 E. Feindel. Gaz. hebdom. de méd. et de chir. 20 février 9895, n° 15,
p. 169.
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES STÉRÉOTYPIES. 505
Les stéréotypies, au contraire, ne peuvent pas s'amender.
Elles se simplifient parfois par suite de leur longue durée ou
diminuent de fréquence, mais une fois. qu'elles sont passées
à l'état d'habitude, elles persistent d'une façon indéfinie.
Voilà déjà un premier caractère différenciant le tic de la
stéréotypie : il y en a un deuxième. Le tic, en effet, est tou-
jours spasmodique. « C'est une variété du genre spasme »,
a dit M. Brissaud. Or, par définition les mouvements stéréo-
typés ne le sont pas. Ils pourront bien s'accomplir rapide-
ment, avec une certaine vivacité; ils n'auront jamais le
caractère réflexe, convulsif du tic ou du spasme ^vrais. Par
conséquent quelque ressemblance que présentent les stéréo-
typies avec les tics ou les spasmes, ils diffèrent les uns des
autres : les stéréotypies sont des tics d'habitude qui ne sont
ni spasmodiques, ni améliorables par la volonté.
V. -Les stéréotypies peuvent constituer un signe pronostic
d'une certaine valeur. On conçoit en effet que survenant à..
une époque où il y a déjà un certain degré d'affaiblissement
psychique, les stéréotypies soient du. plus fâcheux auguré ? .'
elles peuvent être généralement considérées comme un si 911
de chronicité et d'incurabilité. ? ,S
Mondio prétend aussi que les stéréotypies sont dans l'étude ""
des démences des signes précieux pour nous faire diagnosti-
quer la forme de la psychose primitive, puisqu'elles sont en
rapport avec l'idée délirante dominante dans le cours de l'af-
fection. En fait, il n'en est pas ainsi, sans doute parce que
les stéréotypies sont en assez petit nombre, qu'elles ont de
grandes ressemblances entre elles, que chacune d'elles sous
la même forme peut résulter d'idées différentes et peut- être
aussi parce qu'on les observe à une période trop tardive de
la maladie, pour pouvoir préciser leur origine.
CLINIQUE NERVEUSE.
Le mutisme hystérique dans l'histoire ' ;
. Par le D' RAOUL LEROY,
Médecin adjoint de l'asile des aliénés tl'EHenx.
L'histoire de l'hystérie au point de vue documentaire s'est
enrichie depuis soixante ans d'une foule de matériaux extrê-
mement intéressants. Calmeil, Littré, Charcot, Bourneville,
Paul Richer, Gilles de la Tourette et tant d'autres ont mer-
veilleusement mis en lumière les manifestations de la grande
névrose dans la suite des temps. Grâce à ces travaux, les
maladies invraisemblables, les épidémies d'hystéro-démo-
nopathie, les guérisons miraculeuses, qui ont pendant des
siècles dérouté leurs contemporains, ne nous apparaissent
plus que comme des faits pathologiques relevant du Protée
hystérique.
Parmi les phénomènes de ce genre le mutisme est rare-
ment relaté. « Eu égard au grand nombre de malades,
hommes et femmes, atteints d'hystérie, dit Cartaz dans son
excellente monographie 2, on peut dire que le mutisme est un
phénomène relativement rare. On le trouve à peine men-
tionné dans les travaux anciens... Si l'on voulait dépouiller
toutes les observations de névrose hystérique, si l'on cher-
chait dans les documents historiques, on trouverait à coup
sûr un plus grand nombre de faits qui répondent aux carac-
tères de ce syndrome clinique. » -
1 Les faits relatés ici n'ont pas la valeur d'une observation médicale, il
y manque des détails fort importants que nous aurions besoin de con-
naître pour faire un diagnostic rétrospectif certain. Notre unique but est
de consigner dans ces notes quelques cas intéressants, peu ou pas
connus, antérieurs au xixe siècle et que l'on peut considérer avec la plus
grande vraisemblance comme des syndromes hystériques.
' Cartaz. Du mutisme hystérique. (Progrès médical, 1886.)
LE MUTISME HYSTÉRIQUE DANS L'HISTOIRE. 507
D'après Landouzy 1, Hippocrate aurait observé le mutisme
hystérique. « La femme de Polémaque, ayant une affection
arthritique, éprouva une douleur subite de la hanche, les
règles n'étant pas venues; ayant bu de l'eau de bettes, elle
fut sans voix toute la nuit jusqu'au milieu du jour; elle
entendait, comprenait, elle indiquait avec la main que la
douleur était à la hanche2 ». -
La plupart des traités classiques citent l'histoire du fils
de Crésus racontée par Hérodote. Crésus avait un fils doué
des plus brillantes qualités mais muet. Tous les remèdes
s'étaient montrés impuissants pour le guérir. Or Crésus,
vaincu par Cyrus, allait être égorgé par un des soldats victo-
rieux lorsque son fils, effrayé du danger qu'il courait, recou-
vra brusquement la parole, en s'écriant : « Soldat, ne tue pas
Crésus 3 ».
Valère Maxime fait mention d'un lutteur nommé Eglis, de
l'île de Samos, qui était muet. A la suite d'une victoire dont
on lui refusait injustement le prix, cet homme fut si indigné
qu'il proféra tout à coup d'amères récriminations, à la grande
surprise des personnes qui connaissaient son infirmité. Il
continua, dès lors, à pouvoir s'exprimer ?
Nous avons recherché dans les auteurs du XVIe, du hvli°
et du XVIIIe siècle les cas que l'on peut rattacher au mutisme
hystérique. Les livres du XVIe siècle ne nous offrent aucun
fait intéressant à ce sujet, l'ouvrage d'Ambroise Paré, si
riche en curiosités médicales, ne présente rien à signaler.
Avec le xvite siècle, nous nous trouvons en présence d'un
certain nombre d'observations importantes. L'une d'elles
nous semble assez intéressante pour que nous la rapportions
intégralement. Il s'agit d'un homme atteint de surdi-mutité
hystérique, affection très rare, d'après M. Gilles de la Tou-
rette qui dit à ce propos : « Les cas^de surdi-mutité hystéri-
que sont peu nombreux puisque Lemoine, qui ignore le cas
de Mendel, paraît n'en avoir pas rencontré dans la littéra-
ture b ». 1
, Landouzy. Traité de l'hystérie, 18\6.
, Hippocrate, Epidémie, livre V.
3 Hérodote, liv. I.
. Valère Maxime, liv. 1, cl1ap. vin.
5 Gilles de la ïourette. Traité clinique et thérapeutique de l'hystérie,
tome II.
508 ' . CLINIQUE NERVEUSE.
Perte de l'ouïe pendant deux ans et de la parole pendant quatorze
recouvrées subitement. -
On ne saurait trop admirer les ouvrages du Tout-Puissant au
sujet du corps de l'homme ; car s'il est sujet à des maladies nom-
breuses et chroniques, Dieu sait les guérir subitement et à l'im-
proviste, quand il lui plaît, quoique par des moyens naturels. Nous
en avons un exemple frappant dans l'observation suivante qu'un
médecin de mes amis avait apprise de son frère.
Un paysan, âgé de quarante ans, appelé Gilbert, était devenu
sourd et muet. Comme ce pauvre homme n'était pas fainéant,
une veuve qui avait l'oreille un peu dure en eut pitié et le retira
chez elle pour y travailler. 11 aimait à s'occuper et faisait exacte-
ment tout l'ouvrage de la maison.
Après deux ans de travaux et de peines, un jour qu'il faisait un
fossé, il entendit le son d'une cloche ; ce qu'il faisait connaître à
ses camarades en frappant avec ses doigts. Depuis ce temps-là, il
continua de bien entendre.
Douze ans après, étant sorti avec quelqu'un de ses camarades
le 12 avril 1680, le jour des Rameaux, la servante de la maison,
ferma la porte à son ordinaire, croyant qu'il était rentré et elle
s'en alla coucher. Celui-ci étant arrivé trop tard, et trouvant la
porte fermée, se retira dans la maison voisine et se coucha dans
un grenier à foin. On le pria d'éveiller de bonne heure les domes-
tiques le lundi pour aller au marché. Gilbert donc étant couché
dans ce grenier, entendit une voix, à ce qu'il raconta, ou rêva
d'avoir entendu ces paroles : « Gilbert, lève-toi et parle ». 11 se
leva, alla frapper trois fois à la porte de ce voisin, chez qui il
était, sans qu'on lui répondît. Il alla frapper à celle de sa mai-
tresse ; la servante, qui s'éveilla, demanda qui c'était ? Il répondit
« C'est. Gilbert, Dieu m'a rendu la parole. » Cette fille croyant que
c'était des libertins ne voulut point ouvrir, cela l'obligea à retour-
ner d'où il venait. La femme, qui se levait alors pour aller au
marché, entendit du bruit devant la porte et y courut et, enten-
dant prononcer un nom qu'elle connaissait, dit : C'est toi Gilbert
et tu parles », il répondit en l'embrassant : « c'est Dieu qui m'a
rendu la parole, qu'il soit loué et glorifié ». Cette femme était si
étonnée qu'elle ne pouvait parler. Mais étant revenue de sa sur-
~ prise, elle lui demanda comment il avait recouvré l'usage de la
parole. Il lui raconta ce qui s'était passé. Le temps de partir pour
cette femme étant venu, Gilbert alla au mari pour lui faire part
de son bonheur.
Gilbert épousa la servante avec qui il avait demeuré si long-
temps. 11 devint valétudinaire et vécut peu de temps marié. Il
mourut au mois de mars de l'année 1G81. , ·
LE MUTISME HYSTÉRIQUE DANS L'HISTOIRE. 509
On ne saurait douter de la véracité de cette histoire puisque,
dans le besoin, cent personnes l'attesteraient véritable 1.
Personne ne peut mettre en doute aujourd'hui la bonne
foi de l'observateur, mais il est inutile de faire intervenir la
divinité dans cette guérison, si extraordinaire puisse-t-elle
paraître. Le paysan Gilbert était très vraisemblablement
atteint de surdi-mutité, puis de mutité hystérique. Les acci-
dents de cette nature se prolongent pendant des années sans
amener aucune altération dans les organes. Puis un jour ou
l'autre, brusquement, sous l'influence d'une vive émotion,
d'un traumatisme, d'une contrariété ou d'une cause inconnue,
ils peuvent disparaître instantanément sans laisser de traces.
La guérison semble être survenue ici à la suite d'un rêve,
cela se voit quelquefois. Indépendamment de la coexistence
pendant deux années de la surdité et du mutisme hystérique,
cette observation est remarquable par la durée du mutisme
qui est de quatorze années. Les cas de mutisme les plus
prolongés cités par les auteurs'sont ceux de Pitres, dix ans, et
de Sédillot, douze ans. - .
Il est curieux de transcrire l'explication que donne de cette
guérison le médecin du xvne siècle. -
Ne peut-on pas attribuer le rétablissement de l'ouïe aux efforts
que faisait Gilbert en creusant la terre. Le mouvement, qu'il se
donnait en travaillant, agitait le sang, le brisait, le rendait plus
fluide et les nerfs auditifs n'ayant plus que des esprits affinés, se
trouvèrent désobstrués et si ce paysan entendit avant que de parler,
c'est parce que l'obstruction des nerfs auditifs n'était point si
grande que celle des nerfs de la langue. C'est pourquoi la matière
visqueuse qui embarrassait le passage des esprits d'un côté a plu-
tôt été dissoute et atténuée que de l'autre.
Ce qui n'a pas peu contribué encore à lui rendre la parole,
c'est la joie qu'il avait de se trouver avec ses camarades et le vin
qu'il avait bu qui lui avait donné de la gaieté. Les esprits en
étaient devenus plus agités et plus subtils. Peut-être aussi, d'un
autre côté, se croyait-il dans son sommeil avec ses compagnons
dans quelque action violente, qui mettait les esprits en mouve-
ment (car c'est pendant le sommeil qu'ils sont en plus grande
abondance intérieurement puisqu'ils ne sont pas dissipés par les
sens externes). -
1 Observations rares de médecine, d'anatomie et de chirurgie, traduites
du latin de M. Vander-Wiel, par M. Planque, docteur en médecine, liv. II,
obs. V, 1698.
510 - CLINIQUE NERVEUSE.
On trouve dans Bartholin une histoire à peu près analogue.
L'illustre médecin danois rapporte qu'un citoyen de Copen-
hague avait perdu complètement la parole et ne pouvait plus
émettre aucun son. Quatre ans après le début de son affec-
tion, il passait'un jour sur un pont de bois qui sépare la
ville, lorsqu'il rencontra une vieille femme qu'il détestait
depuis longtemps. Plein de colère et de haine, il s'écria brus-
quement : « que le diable t'emporte ». Le son de sa voix lui
causa une émotion extrême et il fut fort mortifié d'avoir
commencé à faire usage de sa langue par une imprécation.
« Il est probable, dit Bartholin, qu'un grumeau de sang ou
une pituite épaisse s'était arrêté à l'entrée de l'artère de la
langue et avait comprimé les nerfs voisins, mais que le mou-
vement de colère,'où il s'était mis, avait agité le sang, l'avait
brisé et avait détruit l'obstacle '. » -
Cette aphonie totale, guérie subitement par un violent
accès de colère, ne peut relever que de l'hystérie. Elle répond
'à la magistrale description deCharcot : « Bien que le malade
ait conservé l'exécution intégrale des mouvements vulgaires
de la langue et des lèvres, qu'il puisse mouvoir ces organes
avec agilité dans toutes les directions de façon à souffler,
siffler, comme dans l'état normal, il lui est désormais impos-
sible d'articuler un mot même à voix basse, de chuchoter
autrement dit, et qui plus est, même en y apportant la plus
grande attention, d'imiter les mouvements d'articulation,
qu'il voit faire devant lui. Le malade est donc muet dans
l'acception la plus rigoureuse du mot, en ce sens qu'il ne
peut proférer aucune parole. J'ajouterai qu'il est plus que
muet ; car tandis qu'il est possible au sourd-muet de pousser
des cris même violents, le muet hystérique remarquez
bien ce caractère singulier est aphone le plus souvent
d'une façon absolue, au point de ne pouvoir émettre le
moindre cri 2. »
Les Ephémérides des curieux de la nature, ans IX et X,
1678 et 1679, relatent un cas de mutisme hystérique inter-
mittent remarquable par sa systématisation et sa durée.
Georges Algajer, âgé de vingt-cinq ans, perdit peu à peu la fa-
culté de parler à la suite de maux de coeur suivis' de plusieurs
' Th. Bartholin. Act. Hafnia, 1671, obs. 71.
* OEuvres complètes de J.-M. Charcot, publiées par Ilourneville, t. III
LE MUTISME HYSTÉRIQUE DANS L'HISTOIRE. 511
vomissements. L'extinction de la voix n'était d'abord que momen-
tanée, ensuite elle persista, se prolongeant davantage de jour en
jour jusqu'à une heure, trois heures, huit heures, vingt-trois
heures de suite sans régularité. Enfin le retour de la parole garda
un ordre si constant que depuis quatorze ans, le malade ne pou-
vait parler que pendant une heure, depuis midi jusqu'au commen-
cement de la première heure du soir. D'après l'auteur, il était im-
possible de tromper cet homme par la transposition arbitraire des
heures sur le cadran des horloges; quoiqu'on fit, son accès de
mutisme ne revenait jamais qu'à l'heure véritable. Pendant le
temps qu'il avait l'usage de la parole, Algajer répondait à toutes
les demandes et parlait sur tous les sujets avec netteté et préci-
sion, il lisait même à haute voix, mais dès qu'une heure de
l'après-midi était arrivée, il lui était impossible de se faire
entendre autrement que par signes.
Cette observation de mutisme intermittent est analogue à
celle très classique de Mendel, où le malade parlait tous les
jours de six heures à neuf heures du matin et restait muet
tout le reste de la journée'.
La collection de l'Histoire de l'Académie royale des
Sciences contient un certain nombre de faits du même genre.
Voici un cas intéressant datant de 1700. -
Une fille, âgé de vingt à vingt-deux ans, d'un bon tempérament,
après une fièvre intermittente qu'on arrêta par les remèdes or-
dinaires, fut attaquée d'une extinction de voix qui lui dura saut
interruption pendant un an et demi. Les remèdes qu'on a cou-
tume de faire pour cette incommodité ne la soulagèrent pas; seu-
lement quand on lui faisait prendre le demi-bain, elle recouvrait
quelquefois la parole dans l'eau, mais avec beaucoup d'enroue-
ment. Quand elle avait la fièvre, elle parlait dans le chaud. M. Le-
mery, qui avait ordonné plusieurs remèdes qui délivrèrent la
malade de quelques incommodités restées après la fièvre mais
non pas de son extinction de voix, en ordonna un, presque par
hasard, qui fit un effet étonnant. Ce furent des herbes vulnéraires
en guise de thé.
Dès qu'elle en eut pris la première fois, sa voix revint pour une
demi-heure, puis s'éteignit de nouveau. Mais en continuant l'usage
de cette infusion soit chaude, soit froide, elle fit revenir sa parole
peu à peu de sorte qu'elle ne la perdait plus que le soir, principa-
lement si elle se promenait au frais, mais enfin dans ce cas-là
même, elle en était quitte pour prendre deux cuillerées de ses
vulnéraires. A peine a-t-elle cessé de boire qu'elle parle.
1 Pitres. Leçons cliniques sur l'hystérie et l'hypnotisme, t. I.
512 CLINIQUE NERVEUSE.
- On a cru que la vertu des vulnéraires pouvait n'être que celle
de l'eau chaude, mais elle a bu plusieurs fois de l'eau chaude
inutilement. Les décoctions d'herbes qui abondent en acides et
même le café, le chocolat, la salade, les fruits crus, le poisson, la
soupe maigre, le trop d'intervalle entre le temps où elle mange
lui éteignent la voix. La viande, le lait ni le vin ne font point cet
effet. Elle porte toujours une bouteille de son infusion de vulné-
raire, pour s'en servir dans l'occasion et elle dit qu'elle a sa voix
dans sa poche '. -
Cette observation de Lemery père conduisit plus tard
son fils à employer le même traitement dans le cas suivant.
Le résultat fut également excellent, et il est bien permis de
penser que la suggestion seule avait occasionné ces deux
cures merveilleuses de mutisme. 1
Une fille âgée de vingt-quatre ans est sujette depuis l'âge de
seize ans à une extinction de voix qui lui prend dans le temps de
ses règles et lui dure deux ou trois jours, pendant lesquels elle
use fréquemment d'une tisane de chiendent et de coquelicot. Cette
boisson humecte la poitrine qui en a grand besoin, mais sans lui
rendre la voix qui ne revient que quand les règles sont passées et
parait revenir d'elle-même. Un coup qui lui cassa le bras dans le
temps de ses règles et un chagrin vif qu'elle eut en même temps
les arrêtèrent et lui causèrent des étouffements et des vapeurs vio-
lentes. Elle en fut guérie par un grand nombre de saignées du
bras, du pied, par l'émétique et parplusieurs médecins, mais l'effet
de tous ces remèdes fut suivi d'une extinction de voix continue. A
peine se faisait-elle entendre quoiqu'on approchât l'oreille tout
près de sa bouche ; pour peu qu'elle parlât elle en était si fatiguée,
qu'elle était obligée de s'arrêter, elle sentait un poids considé-
rable à la région de l'estomac et elle ne pouvait se donner le moin-
dre mouvement sans perdre presque la respiration. Elle était bien
réglée, mais toutes ses incommodités redoublaient dans ce
temps-là. Du reste elle avait le visage bon, de l'appétit et faisait
bien toutes les autres fonctions.
Cet état dura trois mois malgré tous les remèdes qu'on put
imaginer. Enfin M. Lemery, sur l'exemple d'une pareille observa-
tion rapportée en 1700 et guérie par feu monsieur son père avec
des vulnéraires pris en infusion, en ordonna à la malade. Dès
qu'elle eut pris une seule tasse, sa voix revint forte et vigoureuse et
telle qu'elle était avant la maladie ; plus d'oppression ni de diffi-
culté d'agir et de se mouvoir et une circonstance singulière qui
accompagpa encore une guérison si subite, c'est que le poids que
1 Histoire de l'Académie royale des Sciences, 1700.
LE MUTISME HYSTÉRIQUE DANS L'HISTOIRE. 513
cette fille se sentait à l'estomac, elle le sentit dans le moment se
précipiter sur le nombril où il s'arrêta '.
\
Avec le xviiie siècle nous rencontrons du reste des docu-
ments de plus en plus nombreux. Bonet raconte qu'un pas-
teur se trouva muet en sortant d'un profond sommeil et que
quatorze jours après, rêvant qu'il se noyait et appelait au
secours, le malade s'éveilla dans ce trouble et se servit de sa
propre voix pour rendre grâce à Dieu2. N'est-ce pas là un
cas semblable à celui de Bateman : un malade, aphasique
depuis six jours, se réveille un matin en criant : A )Mj ! t
ihe·ive·; il avait rêvé qu'un homme était tombé dans 1-
rivière et le choc mental produit par ce rêve avait suffi pour\
lui rendre la parole ?
Dans une lettre adressée à l'Académie des sciences*,
M. le comte de Bièvre garantit avoir observé le fait suivant :
Une paysanne du bourg de Villantrois, en Berry accoucha dans
l'été de 1737 ; mais l'arrière-faix ne vint point après l'enfant. Quel-
ques jours ensuite la parole lui manqua. Quoiqu'elle ne fût pas
délivrée, la santé lui revint et elle se remit à travailler dans son
ménage comme à l'ordinaire, à cela près qu'elle gardait un pro-
fond silence. Au bout d'un mois, il arriva un accident qui la mit
tout d'un coup dans une telle colère contre son mari, qu'elle en
recouvra la parole pour le gronder et, apparemment, il fut bien re-
pentant. Depuis ce temps elle parle aussi souvent et aussi libre-
ment qu'avant ses couches, ayant toujours son arrière-faix dans le
corps. Il y a là bien de l'extraordinaire et de plus d'une espèce.
11 semble assez vraisemblable que nous sommes ici en
présence d'un. cas de mutisme hystérique occasionné par
l'accouchement. Bien que l'accouchement soit un fait physio-
logique, il n'en est pas moins quelque fois un agent provo-
cateur de la névrose en raison du très grand traumatisme
produit, ainsi que l'indique ! I1acario5. '
Nous n'avons pas l'intention de citer ici toutes les obser-
vations de mutisme hystérique que nous ont laissées l ? s jl.U7.
¥ \ 1
1 Histoire de l'Académie royale des Sciences, 1719. ,' - .
' Médian, septenl. lib. de Pect. affect. ? '' ?
3 Cartaz. Du mutisme hystérique. (Progrès médical, 1886.) ' .
4 Histoire de l'Académie royale des Sciences, 1738. ' , .
° lllacario. Des paralysies dynamiques ou nerveuses, 1859. - "
Archives, 2e série, t. XII. 33
514 CLINIQUE NERVEUSE.
teurs du XVIIE siècle ; la plupart sont reproduites dans les
traités classiques contemporains. Rappelons cependant le
fait si typique de Watson, cité par Briquet : une jeune femme,
après une attaque d'hystérie convulsive, perdit la parole et
resta absolument muette pendant quatorze mois.' Durant ce
temps elle n'eut pas de nouvelles attaques convulsives et
jouit d'une parfaite santé. Un soir qu'elle s'était fortement
échauffée en dansant pendant quatre heures, elle recouvra la
parole et continua dès lors à parler 1.
Les faits que nous venons de rapporter indiquent surabon-
damment que le mutisme hystérique a été observé de tout
temps. Il appartenait au xixe siècle d'en élucider la nature
et d'en étudier les caractères pathognomoniques. La lumière
est faite aujourd'hui sur ce point. L'attrait du merveilleux
est cependant si grand que nos contemporains du xx° siècle
s'extasient encore devant l' « histoire miraculeuse » qui rem-
plit les journaux anglais du mois d'avril 1901.
Il s'agit d'un matelot français, nommé Jean Mafurlin. qui, il y
a quatorze ans, vint à tomber du haut d'un mât dans la rade de
Porstmouth et séjourna sous l'eau pendant une dizaine de minu-
tes. Lorsqu'on le ramena à demi-mort à la surface, le malheureux
se trouva avoir complètement perdu l'usage de la parole. On le
soigna et un jardinier de Barking le prit à son service.
Il est à noter que Jean Mafurlin, au moment de sa chute ne con-
naissait que quelques mots d'anglais, mais parlait couramment,
outre le français, l'italien et le portugais.
Donc l'infortuné était depuis quatorze ans au service d'un jar-
dinier et depuis quatorze ans il était muet, lorsque il y a quelque
jours, il subit une forte commotion à là suite d'un coup %de canon
qui fut tiré brusquement près de lui. La commotion lui rendit
presque instantanément la parole et Jean Mafurlin se mit à parler
anglais, français, italien et portugais. L'anglais lui est même
maintenant plus familier que les autres langues qu'il a en partie
oubliées.
Ce fait, qui défraye la chronique des gazettes des deux
mondes, n'est pas difficile à expliquer, Jean Mafurlin avait
été atteint de mutisme hystérique à la suite d'une violente
émotion; une autre émotion l'a guéri.
Une pareille chose ne saurait nous surprendre. C'est le
Witson. Philosoph. Irans., vol. XIV.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 513
propre des affections hystériques de survenir et de dispa-
raître avec une égale brusquerie. « Les accidents hystériques,
dit Pitres, peuvent être soudainement provoqués, modifiés
ou supprimés par des influences psychiques ou par des
causes physiques qui n'ont aucune action sur les aecidents
similaires dépendant des lésions organiques... L'hystérie est
la grande pourvoyeuse des cures imprévues et extraordinaires.
Même dans les cas qui paraissent les plus invétérés, une
émotion morale vive, une frayeur, une colère, une contra-
riété, un chagrin, une joie peuvent provoquer tout à coup la
guérison. »
A propos du cas de Jean Mafurlin observé au xx° siècle, il
n'est sans doute pas inutile de rappeler celui de Gilbert au
XVIIe siècle ; tous les deux peuvent être mis en parallèle. Le
plus intéressant pour le philosophe est de comparer les
interprétations du même fait émises à plus de deux siècles
d'intervalle. -
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
PATHOLOGIQUES.
LI1. Le liquide céphalo-rachidien et les injections intrarachi-
diennes ; par RÉCHOLY. (Polie/in., mai 1901).
Court aperçu général.
LUI. Abcès du cerveau à pneumocoques ; par BOJ,4FT. (Revue de
Médecine, 1901.)
Deux cas d'abcès du cerveau avec pneumocoques l'un consécutif
à une broncho-pneumonie, l'autre est un cas de méningite avec
abcès central, consécutive à une pneumonie compliquée d'arthrite.
M. H.'
LIV. Des foyers lacunaires de désintégration ; par P. Marie.
' (Revue de Médecine, avril 1901.)
L'hémiplégie des vieillards n'est pas le plus souvent due à une
hëmorrhagie ou à un ramollissement, mais comme le démontrent
516 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
de nombreux cas observés par l'auteur, à des foyers lacunaires
siégeant de préférence sur les noyaux gris et très souvent conco-
mitants de lésions d'hémorrhagie ou de ramollissement sur
50 cerveaux porteurs de lacunes, 23 présentaient soit un ramollis-
sement, soit une hémorrhagie concomitante.
Ces lacunes consistent en de petites cavités à contours plus ou
moins irréguliers. A leur niveau le tissu cérébral semble avoir été
déchiré et détruit. On les rencontre surtout chez les vieux arterio-
scléreux.
Les symptômes correspondant à ces lacunes ont été le plus sou-
vent l'hémiplégie, mais une hémiplégie incomplète souvent bilaté-
rale et accompagnée non d'aphasie mais plus ordinairement de
dysarthrite.
Il peut y avoir aussi dysphagie avec diminution du réflexe pha-
ryngé. La diminution des facultés psychiques est la règle.
M. HA1úEL.
LV. Etat actuel de l'anatomie pathologique dans les psychoses
fonctionnelles; par Hellbuonner (de Halle). Congrès annuel
des aliénistes allemands. Session de Berlin. Séance du 22 avril
1901.)
La notion de la psychose fonctionnelle est aujourd'hui purement
conventionnelle. Nissl a été le premier qui proclamât qu'il fallait
que cette opinion disparût et que dans toutes les maladies men-
tales on devait nécessairement constater des lésions organiques.
Si nous laissons de côté naturellement la paralysie générale, la
syphilis cérébrale, l'alcoolisme, l'épilepsie et les psychoses à
grosses affections en foyers, il nous reste pour sujets d'études des
cas aigus qui représentent la pluralité des observations faites à
cet égard. On a également tenté d'appliquer à l'homme les cons-
tatations faites chez les animaux soumis à des intoxications
subaiguës.
Examinons successivement : 1° les lésions qui ont été relevées;
2° dans quelle mesure ces lésions sont l'expression de la psychose ; -,
3° dans quelle mesure elles permettent de conclure au genre de la
folie et jusqu'à quel point elles suffisent à expliquer le tableau
morbide.
J. Les lésions Il ne s'agit ici que de l'écorce. Verworn et
autres ont établi que la méthode de Golgi, qui a donné de magni-
fiques résultats en anatomie normale, est inapplicable à l'étude
des altérations pathologiques. Les principes de Nissl sont plus
importants. Maintes différences dans les aspects micrographiques
ont pu être expliquées par les diverses méthodes d'inclusion,
ainsi que par les altérations cadavériques, vis-à-vis desquelles les
cellules corticales et spinales se comportent très différemment, et
REVUE D'ANATOMIE Er DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 517
dont on n'avait pas assez tenu compte. La question des images et
des éléments histologiques artificiels est résolue par l'examen de
la forme équivalente de la cellule. On peut ranger sous trois chefs
les résultats positifs. On constate dans les altérations trouvées des
différences non de qualité mais simplement d'intensité (Meyer).
On relève des altérations primitives ou secondaires selon que le
corps de la cellule ou l'axone sont atteints. (Marinesco, etc.). Il
reste une masse presque innombrable de faits que l'auteur n'a
pas réussi à classer systématiquement. Ce sont eux que Nissl a
tenté de coordonner en décrivant des formes particulières de cel-
lules morbides : il en a distingué sept, plus six espèces différentes
de cellules mortes. Les difficultés deviennent inextricables quand
on considère non seulement les cellules pyramidales mais en
outre les petites cellules. Plus M. Heibronner a prolongé ses
recherches, plus le nombre^ des formes lui a paru s'accroître.
Jamais il n'a trouvé une seule espèce de lésion uniformément
répandue dans le cerveau entier. Alzheimer a été sous ce rapport
plus heureux : il a pu, à côté de types pathologiquement uni-
formes de cellules nerveuses, discerner des altérations parallèles
de la névroglie; en tout quatre formes définies. Nissl a été lui
aussi favorisé : il a trouvé quelque chose d'assez analogue pour
les cellules de la névroglie, dont la manière d'être lui a rappelé
les leucocytes. On a jusqu'ici, à tort, accordé peu de valeur aux
altérations des fibres nerveuses : tout récemment, Siemerling,
Starlinger, Benhoelfer, ont insisté sur les résultats que peut donner
à ce sujet la méthode de Marchi.
IL-Pour apprécier comme il convient la valeur de ces lésions,
il faut avant tout peser certaines influences qui n'appartiennent
pas à la psychose même, et qui sont susceptibles d'altérer les cel-
lules. La fatigue, l'insuffisance d'alimentation, des éléments infec-
tieux et, en tête, l'agonie modifieront le caractère spécifique de la
psychose plus ou moins longtemps avant la mort. Nissl ne vient-il
pas d'affirmer qu'aucune des altérations cellulaires décrites en
grand nombre n'est spécifique, qu'il n'existe pas le moins du
monde de caractères histologiques permettant de diagnostiquer
post mortem si le sujet dont provenait les pièces anatomiques jouis-
sait pendant la vie d'une parfaite santé mentale ou s'il était
malade ? La poursuite des altérations quantitatives ne semble pas
non plus très brillante. Les lésions enregistrées par la méthode de
Marchi ne se sont rencontrées que dans les cas les plus graves,
dans les formes les plus aiguës : jamais, jusqu'à présent, on ne
les a trouvées dans les formes chroniques, ni dans les observa-
tions où l'agonie est seule en jeu. L'enthousiasme général par
lequel on avait accueilli au début les premiers travaux de Nissl a
fait place à un scepticisme assez prononcé.
518 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
III. - Puisqu'on ne sait différencier les tissus corticaux des
gens sains d'esprit de ceux des gens qui sont aliénés, il ne faut pas
penser à établir le diagnostic anatomopathologique des psychoses
fonctionnelles. Tout au plus pourrait-on essayer de poser les bases
de l'évolution sous une forme générale. Ainsi Alzheimer et Rins-
wanger ont formulé que dans les formes mentales légères il existe
des altérations de la substance chromatique, tandis que, dans les
formes mentales graves, dans la démence, etc., il y a des altéra-
tions de la substance non colorable. On est provisoirement obligé
- d'abandonner l'espoir de trouver des altérations spécifiques. Les indi-
cations rares relatives aux constatations de bactéries spécifiques
Bianchi et Picinino, - ne nous ont pas davantage menés loin sur
ce terrain. La théorie des fibrilles ne fait pas avancer la question,
elle ne fait que doubler les difficultés.
Ce qu'il faut commencer par créer, c'est une pathologie intelli-
gible à tous de la cellule nerveuse et de la névroglie. C'est chez
l'homme et non chez les animaux qu'il faut faire des. travaux pré-
paratoires. Il faut s'occuper de toute l'écorce et non point unique-
ment de la cellule en particulier, et de la propagation des altéra-
tions à chacun des territoires corticaux, dans tous les éléments
en question. La méthode de Marchi appliquée à de grandes coupes
peut, quoiqu'elle n'ait pas de cachet spécial, peut-être déblayer le
terrain.
On pourra alors espérer dans un avenir prochain parvenir à
distinguer anatomiquement les psychoses aiguës des psychoses
chroniques, peut-être aussi les psychoses curables des psychoses
incurables.
Discussion. M. Nissl se rallie sans réserve aux conclusions du
rapporteur. On ne saurait être trop sceptique, les espérances de
la première heure n'ayant pas été satisfaites. Peut-être les allures
des cellules plastiques de Alarschallco dans la paralysie générale
fournissent-elles une indication à la direction des recherches de
l'avenir. Il faut soumettre chaque cas au plus grand nombre de
méthodes de recherches possible : c'est ainsi que l'on arrivera à
la formule des formes des lésions de l'ensemble de l'écorce.
Tel est également l'avis de MM. Meyer (E.) et Oppenheim.
P. KERAVAL.
LVI. La glande pituitaire considérée comme l'un des facteurs de
l'acromégalie et du gigantisme; par Woods HUTCIIIISON. (The
New Y01' ! c Médical Journal, 28 juillet 1900.)
Nous reproduisons ici les conclusions de ce mémoire étendu :
1° le corps pituitaire est un organe fonctionnel; 2° les modifica-
tions de son métabolisme sont les principaux facteurs de l'acro-
mégalie et du gigantisme, la différence entre les résultats étant
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES, 519
due simplement à la période de développement individuelle à
laquelle débute le trouble fonctionnel ; 3° la nature de l'excès de
développement, dans ces deux états pathologiques, appartient pri-
mitivement à l'ordre des hypertrophies purement fonctionnelles ;
plus tard, toutefois, elle perd quelque chose de la précision de sa
marche, et peut, soit produire des tissus à développement impar-
fait et de type mixte, soit aboutir à un simple exsudât hémorrha-
gique avec formation kystique ou dégénérescence complète de la
masse du tissu ; 4° il parait probable, bien qu'ici les preuves soient
moins certaines, que la glande pituitaire joue un rôle dans le
nanisme, le rachitisme et les formes naines du crétinisme; 5° il est
possible qu'un trouble réflexe des fonctions de cet organe ait une
part étiologique dans la dystrophie qui accompagne les états adé-
noïdes du pharynx; 6° il semble que le corps pituitaire soit une
sorte de « centre de l'accroissement » ou de régulateur des pro-
portions de l'ensemble du squelette appendiculaire.
Ce travail se termine par une excellente bibliographie du sujet.
R. DE IUSGRAVE-CLAY.
LVII. La perception psycho-physique; par F.-W. Edridge-Green.
(The Journal of lIlentat Science. Octobre 1900.)
Dans la perception d'une sensation, il faut tenir compte des fac-
teurs suivants : 1° le stimulus physique ; 2° l'organe sensoriel qui
reçoit ce stimulus; 3° les nerfs qui transmettent les effets'du sti-
mulus ; 4° le centre de mémoire qui reçoit la totalité de l'impres-
sion ; 5° les centres de perception qui transmettent à l'intelligence
des renseignements sur les parties individuelles de l'impression.
L'imperfection de la perception peut par conséquent être due à
une défectuosité de l'union de plusieurs de ces facteurs.
1° Le stimulus physique est la force qui, en agissant sur le corps,
donne naissance à une sensation : on la confond souvent avec la
sensation elle-même, bien qu'elle en soit distincte ; par exemple la
même force qui, agissant sur l'oeil, donne la sensation de lumière,
donnera, si elle agit sur la peau, la sensation de chaleur, et
pourra ne pas donner de sensation du tout si elle agit sur la tête
couverte de cheveux. Il est probable qu'il y a de nombreuses forces,
peut-être très importantes, que nous ne connaissons pas parce
qu'elles n'agissent sur aucun organe sensible à leur action. Tous
les stimulants physiques ont un caractère mal défini, et peuvent
être disposés en une série dont ni le commencement ni la fin ne
sont définis et dont l'unité n'est pas précise; 2° l'effet de l'or-
gane sensoriel sur cette série dont on vient de parler est précisé-
ment de lui donner un commencement et une fin qui sont nets;
3° l'auteur indique ensuite le rôle, dans la vision prise pour
exemple, des nerfs qui transmettent les effets du stimulus
520 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
physique; 4° il croit, mais ne dispose pas de la place nécessaire
pour donner les raisons de cette opinion, que le centre de la
mémoire qui reçoit l'impression totale est situé dans les couches
optiques ; 5° enfin l'impression totale étant amenée au centre de
mémoire, les différentes parties de cette impression (couleur,
forme, volume, etc.) sont transmises à l'intelligence par des cen-
tres définis de perception.
Par série psycho-physique, l'auteur entend désigner une série
physique, telle qu'elle apparaît à l'esprit : c'est une sensation rap-
portée à des objets externes : et dans la dernière partie de ce tra-
vail, il étudie la question de l'unité psycho-physique absolue, et
de l'unité psycho-physique approchée. R. de Musgrave-Clay.
LV111. Démonstration de préparations, et projections lumineuses
provenant du laboratoire d'anatomie pathologique des asiles de
Londres, à Claybury ; par J. 5nw Boston. (The Journal of
Mental Science, Octobre 1900.)
LIX. Démonstration par projections lumineuses des modifications
des cellules nerveuses corticales dans la paralysie générale ;
par George A. WATSON. (The Journal of Mental Science, octobre
1900.)
LX. Quelques altérations pathologiques observées dans les grandes
cellules nerveuses des aliénés, avec étude spéciale de l'état
connu sous le nom de,« réaction à distance » ; par John 'foRNER.
(The Journal of Mental Science, octobre 1900.) Travail accom-
pagné de planches.
Ces trois mémoires sont des démonstrations faites au moyen de
projections lumineuses et échappent à l'analyse.
R. DE MUSGRAVE-CLH.
LXI. Démonstration microscopique de l'histologie normale et
pathologique des cellules de la névroglie ; par Ford, Rodertson.
(The Journal of Mental Science, octobre 1900.)
L'auteur a imaginé une méthode nouvelle pour étudier les tissus
nerveux qui consiste à y déposer du platine. A l'aide de cette
méthode il a démontré entre autres choses, que la névroglie se
compose de deux séries d'éléments, et non pas d'une seule. La
névroglie est attachée aux artères, aux fibres et aux cellules ner-
veuses, auxquelles elle forme un milieu général de soutien : l'au-
teur y a trouvé une autre série de cellules qu'il appelle cellules de
la mésoglie et qui sont constituées par un corps cellulaire de
forme typique, un noyau et plusieurs prolongements, lesquels
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 82 L
n'ont aucune connexion ni avec le tissu vasculaire, ni avec les
cellules nerveuses ni avec les fibres nerveuses. Les cellules de la
mésoglie ont un aspect absolument différent de celui des cellules
de la névroglie, se rencontrent également dans la substance blan-
che et dans la substance grise et paraissent aussi nombreuses dans
le cerveau que celles de la névroglie. Nous ne connaissons pas
encore avec certitude les fonctions des cellules de la mésoglie,
mais elles jouent assurément un tout autre rôle qu'un rôle de sou-
tien dans la structure générale du cerveau. Dans certaines condi-
tions pathologiques, elles paraissent exercer une action phagocy-
tique. Elles fournissent sinon la totalité, au moins la majeure
partie des corpuscules amyloïdes qui se rencontrent dans quel-
ques-unes des dégénérescences chroniques du cerveau.
R. DE MUSGRAVE-GLAY.
LXII. Angiome de la. circonvolution de Broca ; par A.-F. SnOYER.
(The Jozcrnccl o/'J)j6H<u/ Science, octobre 1900.)
Ces angiomes ne sont pas communs, et l'auteur n'en connaît que
sept cas dans le cerveau.,Les remarques de l'auteur sur ce fait rare
se résument ainsi : l'état curieux des vaisseaux de la pie-mère,
observé dans le cas actuel et dans celui de M. Beadles, ainsi que le
cas de Starr et Mac Cosh où les membranes seules étaient affectées
viennent à l'appui de l'opinion du D'' Ohlmacher que cet état
débute par les membranes molles; mais dans le cas actuel comme
dans celui du D' Beadles, le sang était surtout fourni par la céré-
brale moyenne. On a souvent attribué aux angiomes du foie une
origine traumatique, et il est intéressant de remarquer que dans
plusieurs des cas connus d'angiome du cerveau, on note dans les
antécédents une lésion de la tête, et que, dans le cas actuel il y
avait une hémiplégie antérieure, en sorte qu'il se peut que cet état
prenne naissance au siège d'une vieille hémorrhagie et soit dû à
un trouble de la circulation cérébrale. R. DE MusGRAVE-CLAY.
LXIII. Deux cas de leptoméningite ; par J.-O. W AKELIN BARRATT.
(The Journal of Mental Science, octobre 1900.)
Dans ces deux cas on a pu étudier non seulement les états his-
tologiques, mais encore les états bactériologiques ; dans tous les
deux, il y avait coexistence d'altérations de la pie-mère et de
l'arachnoïde antérieures à l'apparition de la leptoméningite finale.
Dans ces deux cas la leptoméningite n'a pu être reconnue pendant
la vie, la coexistence d'autres lésions ayant rendu le diagnostic
très difficile. Les particularités les plus intéressantes de* ces deux
cas sont fournies et résumées de la manière suivante par l'auteur
lui-même :
522 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
Observation I. -A. Deux états pathologiques coexistaient au mo-
mentde la mort dans la pie-mère et l'arachnoïde, l'un récent, l'autre
ancien. a) Il y avait une exsudation leuco-séreuse distribuée en ma-
nière de plaques dans les mailles de la pie-mère et de l'arachnoïde,
avec des espaces intercalaires paraissant indemnes de toute inflam-
mation, bien que distendus, comme les ventricules du cerveau, par
un liquide clair jaunâtre. L'exsudat contenait des streptocoques en
grand nombre, dont la morphologie et les réactions de coloration
se rapportaient au streptococcus pyogenes albus. On trouvait aussi
sur l'épendyme revêtant les ventricules de la lymphe contenant des
streptocoques de même aspect et se colorant de même. L'écorce
cérébrale sous-jacente colorée par la méthode de V. Giesen ne
présentait pas de grosse lésion. b) La pie-mère et l'arachnoïde
présentaient en outre les altérations qui se rencontrent commu-
nément dans les asiles, 'c'est-à-dire qu'elles étaient épaissies et
opaques, distendues par un liquide clair dans les espaces qui sépa-
raient les foyers semi-purulents ; au microscope elles montraient
une abondance de tissu connectif, dans les mailles duquel se trou-
vaient de nombreuses cellules, mono-nucléées et avec cytoplasme
abondant, toutes altérations évidemment antérieures au début de
la leptoméningite terminale. - B. La leptoméningite est survenue
vers la fin d'une tuberculose largement diffuse, affectant les tissus
osseux et pulmonaire et accompagnée de lésions amyloïdes éten-
dues du foie, de la rate, des reins et de l'intestin. Il n'y avait
aucune lésion suppurative ouverte à la surface, exception faite
pour un sinus au niveau du sternum, et la probablement a été la
source de l'infection des méninges cérébrales : un dépôt caséeux a
été rencontré entre la dure-mère et l'os, à la région temporale
gauche, mais on n'a pas trouvé de bacilles tuberculeux dans la
pie-mère et l'arachnoïde. C. Pendant la vie on n'a noté nul
symptôme pouvant suggérer la possibilité d'une leptoméningite.
OBSERVATION II. -A. Deux états pathologiques coexistaient dans
la pie-mère et l'arachnoïde, l'un récent, l'autre de date ancienne.
a). On trouvait dans les mailles de la pie-mère et de l'arachnoïde
un exsudat fibrineux, irrégulièrement distribué. Cet exsudat con-
tenait des diplocoques présentant l'aspect morphologique, les
réactions de coloration et les caractères de culture du Diplococcus
pneumonie de Fraënkel. Des micro-organismes semblables se ren-
contraient dans la lymphe qui revêtait l'épendyme des ventricules.
L'écorce cérébrale sous-jacente colorée par la méthode de V.
Giesen paraissait exempte de grosses lésions. b) Au microscope,
la pie-mère et l'arachnoïde étaient épaissies et infiltrées de cel-
lules à cytoplasme abondant, états qui sont communément asso-
ciés à l'atrophie chronique du cerveau et à l'excès de liquide dans
l'espace sous-arachnoïdien et les ventricules. B. La leptoménin-
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 523
gite est survenue en même temps que la suppuration du tissu
hépatique : il existait un papillome à l'ouverture dans le duodé-
num du canal cholédoque commun, lequel était dilaté, ainsi que
la vésicule, qui contenait des calculs. La tête du pancréas était le
siège d'une pancréatite chronique. Les foyers de suppuration du
foie contenaient des diplocoques analogues à ceux de la pie-mère.
et constitnaient probablement la source de l'infection de cette
membrane. - C. Pendant la vie les symptômes que l'on aurait pu
rapporter à l'état de la pie-mère ont été obscurcis par ceux qui
appartenaient aux lésions abdominales. R. DE MUSGRAVE-CLAY.
LXIV. Corps étrangers dans les deux bronches ; broncho-pneu-
monie. Mort; par Francis-O. SimpsoN. (The Journal of Mental
Science, juillet 1900.)
Malade atteint de démence épileptique. Pneumonie lobulaire à
début brusque. Orthopnée. Mort. A l'autopsie, on trouve dans
chacune des deux bronches, à un demi-pouce au-dessous de leur
bifurcation trachéale, un fragment de fourneau de pipe en terre.
- Il. DE AlUSGRAVE-CLAY.
LXV. Un cas de gliome du corps calleux; par C. Mahel BLACKWOOD.
(The Journal of Mental Science, juillet 1900.)
Les tumeurs de la substance cérébrale déterminant des affec-
tions mentales sont relativement rares; le nom de gliome a été
attribué à diverses sortes de tumeurs de cet ordre, et plus spécia-
lement à une variété de sarcome à petites cellules rondes. Virchow
a décrit sous ce nom une tumeur composée de tissu analogue à la
névroglie ordinaire; ce type ne paraît pas être le plus commun.
Payne signale la possibilité d'une combinaison des deux types. La
tumeur observée par l'auteur parait appartenir au second type et
être par conséquent assez rare. Elle siégeait dans les deux tiers
postérieurs du corps calleux, d'où elle s'étendait en haut et laté-
ralement jusqu'à un demi-pouce de l'écorce cérébrale, intéressant
dans une certaine mesure le gyrus fornicatus. Elle comprimait les
ventricules latéraux qu'elle fermait en partie : l'épendyme de leur
plancher et de leur plafond était affecté; mais les ganglions de la
base étaient normaux. La tumeur n'était pas enkystée et paraissait
plonger librement dans la substance blanche. La plus grande par-
tie de la tumeur était située au-dessus du plafond de chacun des
ventricules et chaque moitié avait la grosseur d'un oeuf de
pigeon : elle était de consistance molle et de couleur grisâtre ou
rougeâtre, en partie gélatineuse, en partie translucide.- La protu-
bérance était molle et désorganisée, mais la moelle ne parais-
sait pas altérée. ·
524 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
Au microscope, les cellules corticales de la circonvolution fron-
tale ascendante gauche étaient en état de dégénérescence granulo-
graisseuse. Les parois des vaisseaux étaient épaissies. L'auteur
donne ici le détail de l'examen histologique de la tumeur à des
grossissements différents et par diverses méthodes.
Le malade porteur de cette tumeur était un homme de cin-
quante-six ans, héréditairement prédisposé à la folie, ayant déjà
eu des « attaques » sur la nature desquelles il n'a pas été possible
d'obtenir de renseignements précis. Il était très faible pendant son
court séjour à l'asile, sa démarche était incertaine, et il avait un
tremblement bien net des lèvres et des membres. Exagération des
réflexes rotuliens et superficiels. Mentalement, intelligence très
affaiblie, mémoire très faible. Il fut pris de somnolence habituelle
et mourut daus un état semi-comateux, sans avoir eu de convul-
sions.
Ce cas montre le caractère vague des 'symptômes dans le cas de
tumeur du corps calleux, et, par suite, les difficultés du dia-
gnostic. R. DE DIUSGRAVE-CL.1Y.
LXVI. Continuité de travail dans des conditions différentes ; par le
Rev. H. HAWKINS. (The Journal of Mental Science, juillet 1900.)
L'auteur s'attache à démontrer de quelle manière les fonction-
naires médicaux ou autres des asiles d'aliénés, pourraient encore,
lorsque l'heure de la retraite a sonné pour eux, collaborer utile-
ment pour leurs confrères, agréablement pouf eux, et charitable-
ment pour les malades à l'oeuvre qui a été l'occupation de leur
vie active. R. M. C.
LXVIf. Sur la meilleure méthode à appliquer aux travaux anatomo-
pathologiques des asiles irlandais; par W. R. D.%WSON. (The
Journal of Mental Science, juillet 1900.
Etude intéressante, mais spéciale à ces asiles, et que nous ne
pouvons par conséquent qu'indiquer. R. M. C.
LXVIII. Relation d'un cas de névrite faciale associée à une névrite
' rétro-orbitaire unilatérale ; par William M. LESZYNSKY. (The New
Yorl. Médical Journal, 10 novembre 1900.)
Femme de trente-huit ans, ayant toujours eu une bonne santé
générale : il y a un an, trois hémoptysies. Il y a cinq semaines,
douleur vive et tintements à l'oreille gauche, puis paralysie du
côté gauche de la face, aveclagophthalmos et perte de l'irritabilité
faradique. Sens du goût émoussé sur les deux tiers antérieurs
gauches de la langue. Pupilles normales. Otite catarrhale chro-
nique bilatérale. Rien à l'auscultation. Pas de syphilis. Traitement
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 525
galvanique. Amélioration de la'paralysie faciale; mais bientôt
douleur vive à la région temporale gauche et dans la zone de dis-
tribution du nerf susorbitaire; puis une semaine après diminution
de la vision de l'oeil gauche, et deux jours plus tard cécité complète
de cet oeil.
Aux dernières nouvelles de la malade (octobre 1900) la motilité
des muscles de la face ne s'est pas améliorée. L'atrophie du nerf
optique est très avancée, et la vision du côté malade est limitée à
la perception de la lumière. L'état de la pupille n'est pas modifié.
. R. DE iIIUSGItAVE-CL : 1Y.
LXIX. Altérations nerveuses dans la cirrhose; par le D1' de BUCK.
(Journ. de Neurologie, 1901, n° 13.)
L'observation qui sert de base à ce travail est celle d'une femme
de trente-huit ans atteinte de cancer du sein, qui fut prise d'une
paraplégie douloureuse avec exagération, puis plus tard, abolition
des réflexes tendineux. On crut à une compression de la moelle
dorso-lombaire par un processus néoplasique métastatique par-
tant du corps vertébral ou des méninges. L'autopsie démontra
l'absence complète de compression médullaire. La moelle qui,
microscopiquement, paraissait normale, de même que ses enve-
loppes, était en réalité le siège d'altérations dégénératives diffuses
prédominant sur les cordons postérieurs et pyramidaux. G. D.
LXX. Réflexe achilléen paradoxal; par le Dr Debray. (Journ. de
1 Neurologie, 1901, n° 14.)
Le phénomène sur lequel l'auteur appelle l'attention est une
flexion du pied (au lieu de l'extension normale) consécutivement à
la percussion du tendon d'Achille. 11 l'a observé chez une femme
atteinte de polynévrite du membre inférieur gauche et chez un
homme atteint de paralysie spinale syphilitique de Erb. Ce réflexe
achilléen paradoxal serait dû, d'après l'auteur, à un état hyperto-
nique, vis-à-vis de ceux de la région postérieure, des muscles flé-
chisseurs du pied, peiinettant ainsi à la percussion du tendon de
mettre en action leur contractilité, avant que celle de leurs antago-
nistes ne soit éveillée. G. D.
LXXI. Cellules nerveuses à deux noyaux; par Sano. (Journ. de Nets-
rologie, 1901, n° 2.)
LXXII. Etude sur le clonisme tendineux; par CROCQ. (Journ. de
Neurologie, 1901, n° 2.)
Ce travail contient huit observations de lésions du faisceau pyra-
midal soit dans sa portion cérébrale, soit dans sa portion médul-
526 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
laire. Sur ces huit cas, l'auteur a trouvé le clonus rotulien six fois
par percussion et deux fois par abaissement de la rotule, six fois
le clonus du pied et trois fois le clonus du poignet par percussion.
Il résulte [de cette comparaison que le clonus de la rotule et du
poignet se produit plus facilement par la percussion des tendons
que par les manoeuvres recommandées jusqu'ici, c'es t-à-dire,l'a bais-
sement brusque de la rotule d'une part, et l'extension brusque
de la main de l'autre. L'auteur tire en outre de ces constatations
la conclusion que le clonisme tendineux a la même signification
que le réflexe de Babinski, à savoir une perturbation dans le sys-
tème pyramidal. ' G. D.
LXXIII. Sur la raison physiologique et la localisation probable du
réflexe patellaire; par le D1' LAUREYs. (Journ. de Neurologie,
1900, n° 25.) .
D'après l'auteur de ce travail, les réflexes rotuliens 'et achilliens
auraient chez l'homme un rôle plus important que celui de proté-
ger les articulations. Ces réflexes mettent en cause les muscles
dont dépend chez l'homme l'équilibre de tout le corps dans la sta-
tion et dans la marche : ils entreraient en jeu par exemple dans
une chute surles pieds, une chute d'un corps pesant sur les épaules,
une pression se produisant brusquement dans le creux du jar-
ret, etc.) Chez l'animal, dont l'équilibre est infiniment plus stable
que celui de l'homme, ces réflexes jouent un rôle beaucoup moins
important.
Quant à la localisation du réflexe rotulien, M. Laureys se rallie
à la nouvelle théorie de van Gehuchten, qui fait jouer au noyau
rouge le rôle excitateur qui, dans la théorie de Bastiau, était attri-
bué au cervelet. Cette théorie lui semble cependant en contradic-
tion avec le fait que, chez l'homme aussi bien que chez l'animal,
le pouvoir réflexe de la moelle peut être conservé après sa section
cervicale ou dorsale. G. D.
LXXIV. Un procédé spécial pour provoquer le sommeil artificiel ;
par P. 11 ? RTE ? BELIG. (Journ. de Neurologie, 1900, nu 22.)
En présence de malades atteints de troubles nerveux, contre les-
quels la suggestion dans le sommeil artificiel est indiqué, mais à
qui cependant pour des raisons spéciales, ce sommeil artificiel ne
peut pas être proposé, on peut avoir recours à la suggestion hypno-
tique indirecte. Le procédé que recommande le Dr Ilarleiiberg
consiste à faire exécuter aux malades de larges inspirations en
même temps qu'on leur applique sur le front et sur la poitrine les
deux électrodes d'une petite machine faradique, dont on fait fonc-
tionner le trembleur, mais sans faire passer le courant. Les sujets
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 527
ne tarde pas à se fatiguer et à s'endormir ; le moment est alors
venu de formuler les suggestions thérapeutiques. On les exprime
dans les mêmes conditions qu'avec le sommeil suggéré verbalement
et suivant les indications particulières de chaque cas. G. D.
LXXV. Réflexes tendineux et réflexes cutanés ; par le Dr LAunEYs.
(Journ. de Neurologie, 1900, n°24.)
Contrairement à l'opinion de quelques auteurs (nossbach et
Nothnagel, Guelliot) l'auteur a constaté au cours d'une vingtaine de
chloroformisations chez l'homme, que les réflexes cutanés, surtout
l'abdominal et le crémasterien, disparaissent avant les réflexes
tendineux. Dans plusieurs cas les réflexes tendineux non seulement
n'étaient pas abolis en même temps que les cutanés, mais leur
recherche produisait une véritable trépidation épileptoïde, alors
qu'on ne parvenait pas à démontrer les réflexes cutanés. Ces faits
confirment donc les idées de Van Gehutchten sur la nature corticale
des réflexes cutanés et leur antagonisme avec les réflexes tendineux.
G. D.
LYYVI. De l'état des réflexes chez les syphilitiques; par le Dr Bi-
1\ET-S11\GLL. (Journ. de Neurologie, 1901, n° 14.)
Voici un tableau comparatif de l'état des réflexes chez 13 sujets
sains et chez 13 sujets syphilitiques pris dans les mêmes condi-
tions :
528 REVUE DANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
LXXVII. Considérations sur les réflexes cutanés et les réflexes
tendineux; par Van GEHUTCHEN. (Journ. de Neurologie, 1900,
n° 24.) .
De l'examen attentif d'un certain nombre de cas de lésions du
cerveau et de la moelle, M. Van Gehuchten croit pouvoir conclure
à l'indépendance des réflexes cutanés et des réflexes tendineux, les
premiers étant d'origine corticale, les seconds d'origine sous-cor-
ticale, probablement mésencéphalique (noyau rouge). L'auteur
admet en outre que dans le réflexe de Babinski il y a deux phé-
nomènes distincts : l'abolition du réflexe plantaire normal et la
production d'un phénomène nouveau, l'extension du gros orteil, et
il estime, qu'au point de vue du diagnostic notamment entre
une hémiplégie organique et une hémiplégie hystérique, l'aboli-
tion des réflexes cutanés (abdominal et crémasterien) a une impor-
tance tout, aussi considérable que l'existence du réflexe de
Babinski. G. D.
LXXVIII. Les effets de la ligature de la moelle cervico-dorsale chez
les animaux; par CROCQ. (Journ. de Neurologie, 1901, n° 14.)
Pour démontrer que la gêne circulatoire provoquée par la com-
pression de la moelle à la région cervico-dorsale n'est pour rien
dans les modifications des réflexes que l'on observe consécutive-
ment, Crocq a lié la moelle cervicale ou dorsale supérieure chez
quatre lapins, deux chiens et un singe.
Chez les lapins et les chiens, cette ligature a été suivie d'une exa-
gération des réflexes tendineux ; chez le singe, au contraire, d'une
abolition des mêmes réflexes. L'auteur en conclut que cette aboli-
tion ne peut pas être le fait de troubles circulatoires et que les
artères spinales antérieure et postérieure ne jouent qu'un rôle secon-
daire dans la vascularisation de la moelle lombaire qui serait irri-
guée avant tout par l'aorte abdominale.
LXXIX. L'atrophie olivo-ponto-cérébelleuse; par Dejerine
et Thomas. (Nouv. Iconogr. de la Salpêtrière, n° 4, 1900.)
Deux observations dont une avec autopsie qui se trouvent résu-
mées dans ces conclusions. « Il existe une affection cérébelleuse
caractérisée anatomiquement par l'atrophie de l'écorce, des olives
bulbaires et de la substance grise du pont, par la dégénérescence
totale du pédoncule cérébelleux moyen et par la dégénérescence
partielle du corps restiformé, par l'intégrité relative des noyaux
gris centraux ; c'est une atrophie primitive dégénérative systéma-
tique, ni scléreuse, ni inflammatoire. Cliniquement, elle est moins
bien caractérisée, elle se manifeste par le syndrome cérébelleux
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. ' 1 529
commun à toutes les atrophies cérébelleuses. Elle n'est ni hérédi-
taire, ni familiale, ni congénitale ; elle survient à un âge avancé.
Son étiologie est obscure. Elle rentre dans le cadre des atrophies
cellulaires primitives. Nous la désignons sous le nom d'atrophie
olivo-ponto cérébelleuse. » R. C.
LXXX. Contribution à l'étude de l'anatomie pathologique et de l'is-
topathologie de la paralysie générale; par SOURnANOFF et GEIER.
(Nouv. Iconogr. de la Salpétrière, n° 5, 1900.)
Examen histologique des différentes régions des centres cérébro-
spinaux de deux paralytiques généraux d'après le procédé de
Bush, après durcissement au formol. Les auteurs ont recontré,
dans les différentes régions examinées, les altérations dégénéra-
tives déjà signalées des cellules de leurs prolongements dendriti-
ques et de la névroglie. Ces altérations présentaient des accentua-
tions et des localisations en rapport avec la durée de l'évolution de
la maladie, avec les accidents aigus intercurrents et la prédomi-
nance des symptômes cliniques dans le sens moteur ou sensitif.
- , li. C.
LXXXI. Réflexes tendineux dans la fièvre typhoïde ;
par HEUIlLl1\GER.
Les réflexes ont été étudiés chez un assez grand nombre de
typhiques. Ordinairement ils étaient modifiés, souvent exagérés,
d'autrefois diminués ou-abolis, l'état normal était conservé dans
les formes bénignes.
La trépidation épileptoïde existait quelque fois, mais moins fré-
quemment. Il y avait en outre trépidation du tendon d'Achille et
une trépidation rotulienne.
Ces différents symptômes sont très souvent dissociés ; ils appa-
raissent à la convalescence et ont pou de valeur au point de vue
du pronostic. M. Il.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
I. Étude sur l'action du gelsemium sur les noyaux des nerfs
cérébraux moteurs; par R.-H. \1'mTemnn. (The New 1'01 IL Me-
dical Journal, 18 août 1900.)
Les conclusions de l'auteur sont les suivantes : 1° les doses toxi-
.lrscurvES, 2' série, t. XII. 3+
530 ' REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
ques de gelsemium déterminent la chromatolyse des cellules qui
constituent les noyaux des nerfs moteurs cérébraux; 2° les altéra-
tions ainsi provoquées n'ont aucun caractère spécifique ; elles sont
absolument semblables à celles que déterminent les divers autres
agents qui exercent une action novice sur les cellules nerveuses
motrices. R. de IUSGIlAV4;-OL1Y.
II. Étiologie et guérison de l'hystérie; par F. WALTER. (The New
Yorls Médical Journal, 21 juillet 1900.)
Si, dans un cas d'hystérie, du type actif ou convulsif, on admi-
nistre une culture massive de bacillus coli d'origine infectieuse,
on voit les symptômes (à l'exception des phénomènes latents ou
post-hystériques tels que la paralysie) disparaître dans un délai
qui varie de vingt-quatre à quarante-huit heures, et le malade est
rendu à la santé, en ce qui concerne l'état hystérique ; quant à la
débilité et aux phénomènes neurasthéniques, leur survie peut être
indéfinie. L'uniformité avec laquelle la guérison s'opère peut faire
classer ce médicament parmi les agents spécifiques : l'action de la
quinine, dans le paludisme n'est ni plus sûre ni plus invariable.
- Ce phénomène clinique, rapproché de ce que nous savons sur la
bactériologie du canal intestinal paraît légèrement paradoxal. Le
bacillus coli existe invariablement dans les déjections des hysté-
riques : comment se fait-il qu'il se transforme en agent curatif ?
Deux interprétations se présentent : ou bien il existe un orga-
nisme spécifique générateur de l'hystérie que nos méthodes
actuelles ne nous permettent pas encore de différencier du bacillus
coli communies ; ou bien le bacillus coli, généralement inoffensif,
est susceptible de revêtir chez les sujets prédisposés des propriétés
toxiques. Dans l'une ou l'autre hypothèse la méthode de traite-
ment que l'auteur préconise a simplement pour effet de déplacer
le micro-organisme nocif. R. DE Musgrave-Clay.
III. Le traitement de l'habitude de la morphine : la guérison
est-elle possible ? par James H. M\c-Bride. (The New York
Médical Journal, 18 août 1900.)
La guérison de la morphinomanie n'est pas aussi simple qu'on
l'a souvent prétendu, et les cures radicales sont rares. Le but à
- atteindre est assurément de faire renoncer le malade à son poison,
mais il faut l'atteindre en réduisant au minimum les souffrances
qui résultent de la privation du médicament, et il faut se souvenir
que ces souffrances sont réelles, bien que variables suivant les
sujets. Le traitement n'est guère possible que dans des établisse-
ments spéciaux ; dans les familles les rechutes sont trop faciles.
Il ne faut jamais supprimer brusquement la morphine, mais
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 531
réduire les doses plus ou moins rapidement suivant les cas. Quand
on les réduit rapidement, il est bon de maintenir le malade au lit,
ou tout au moins dans la position étendue. Un point important
dans le réglage de la diminution des doses, c'est de toujours
laisser le malade se remettre des effets d'une diminution de dose
avant de prescrire une nouvelle réduction. C'est ordinairement
quand le médicament est réduit à des doses minimes que les effets
les plus douloureux et les plus pénibles se manifestent. Les bains
chauds sont alors très utiles, ainsi que le massage. Parmi les mé-
dicaments, on donnera la préférence aux bromures, en évitant le
bromisme. Parmi les toniques et les stimulants on choisira la
quinine, et mieux encore, la noix tonique ou son alcaloïde, à
petites doses ; on donnera aussi l'extrait de coca. La caféine n'a
pas paru rendre de services. L'insomnie est difficile à combattre,
et l'on ne sait à quel narcotique s'adresser tant leurs effets sont
variables et incertains chez ces malades. Le renoncement à la
morphine, la possibilité de s'en passer sans souffrir, ne sont que
le commencement de la guérison, qu'il faut achever en la rendant
durable et définitive. Ces malades étant presque toujours de
volonté faible, c'est à reconstituer leur caractère et leur volonté
qu'il faut s'attacher si l'on veut que la cure soit vraiment radicale.
R. de Musgrave-Clay.
IV. La chirurgie du ganglion sympathique cervical supérieur ;
par George-F. Suker. (The New York Médical Journal, 24 fé-
vrier 1900.)
L'excision du ganglion sympathique cervical supérieur a été
tentée dans ces derniers temps comme traitement du glaucome,
de la maladie de Basedow, de l'épilepsie, et tout à fait dernière-
ment, de l'atrophie simple du nerf optique. Les cas sont peu nom-
breux, mais les résultats ont été si avantageux, et autant qu'on
peut le dire pour des faits récents, si durables que cette opération
a soulevé un véritable enthousiasme. L'auteur toutefois estime
que daqs l'épilepsie, elle n'est pas rationnelle, et que les résultats
favorables sont susceptibles d'autres interprétations plus logiques.
Elle constitue au contraire un mode de traitement rationnel du
goitre exophthalmique, et l'auteur développe les raisons anato-
miques sur lesquelles il appuie cette opinion. Dans 32 cas de
maladie de Basedow traités par l'excision il a eu : guérison dans
28,1 p. 100 des cas; amélioration marquée dans 80 p. 100; insuccès
dans 12,5 p. 100, et mort dans 9,3 p. 100.
C'est à Jonnesco, de Bucarest, que revient l'honneur d'avoir le
premier conseillé l'excision de ce ganglion dans le glaucome, et
c'est certainement un des plus importants progrès réalisés récem-
ment par la chirurgie. L'auteur entre ici dans des considérations
532 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
détaillées sur la pathogénie du glaucome et constate que, sauf
dans la forme hémorragique, l'excision du ganglion sympathique
cervical supérieur est indiquée dans tous les cas de glaucome, où
' elle a pour résultat d'abolir la douleur, de contracter la pupille,
d'augmenter la vision quand l'atrophie de la papille n'est pas
complète, de réduire la tension.
En résumé, la résection de l'un ou des deux ganglions sympa-
thiques cervicaux supérieurs constitue dans le cas de glaucome,
d'atrophie simple du nerf optique, de maladie de Basedow, et
peut-être après tout d'épilepsie, une intervention chirurgicale net-
tement définie, et donnant dans les cas appropriés des résultats
positifs. R. DE Musgrave-Clay.
V. Chirurgie cérébrale moderne; par G. l : nnsoN Brewer. (New-
York MedlCal.Vews, 23 décembre 1899.)
Six observations d'opérés du trépan dont trois pour traumatisme
crâniens et trois pour épi ! £ 111.traumatique trois succès, un décès
et deux résultats douteux ? - - A. M.
VI. Traitement de la maladie de Little. Observations cliniques ;
par D : 1N1&L. (Policlinique, Bruxelles, décembre 1900.)
VII. De l'emploi de la lécithine dans les maladies nerveuses ;
par \V.Danr.n ? wsY (06ooéiié psichiati-ii, IV, 1899.)
L'auteur a observé que les petits chiens auxquels on donne de
la lécithine sont remarquablement plus développés, plus vigou-
reux, et plus vifs que les autres; ils sont aussi plus intelligents,
plus précoces. La lécithine stimule donc le développement du
système nerveux. Si l'on donne à la lécithine la possibilité de péné-
trer, par le sang, dans la substance cérébrale, on favorise le réta
blissement de l'équilibre chimique rompu du tissu nerveux. Peut-
être la lécithine exerce-t-elle aussi une action pharmacodynamique
sur le cerveau. Quant à ses produits de décomposition, choline et
neurine, leur toxicité, de la dernière en particulier, est depuis
longtemps dejà établie.
En administrant la lécithine à jeun et en mélangeant sa solution
alcoolique forte à de l'eau, il est possible d'espérer que toute la
quantité en est absorbée, à la condition que l'ingestion d'aucune
nourriture, d'aucun aliment acide n'excite la sécrétion du suc
pancréatique qui décomposerait la lécithine. Doses quotidiennes
buccales : 20 à 30 centigrammes pendant deux à trois semaines.
P. Keraval.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 533
VIII. Nature et traitement de la myélite aiguë; parn'L1RINESCO.
, (Nouv. Iconogr. de la Salpétrière, n° 6, 1900.)
Communication au congrès international de 1900, portant sur
des recherches anatomo-pathologiques délicates et tendant à éta-
blir le véritable processus pathogénique de la myélite aigué. Les
différentes phases de ce processus apparaissent sur des coupes
microscopiques très intéressantes (congestion vasculaire plus ou
moins intense, formation de nodules leucocytiques périvasculaires
ou péricellulaires, foyer de ramollissement myélitique avec pré-
sence d'agents infectieux dans les leucocytes, staphylocoques).
Des expériences faites chez les animaux (injections de différents
microbes dans le canal arachnoïdien), en permettant de réaliser à
volonté presque tous les types anatomo-cliniques de la myélite
selon des localisations ou des degrés de gravité dépendant seule-
ment des conditions de virulence plus ou moins actiie du microbe,
ou de résistance plus ou moins grande du sujet, sont un nouvel
appoint à théorie infectieuse des myélites et éclairent la marche
de l'infection. Au point de vue du traitement, l'auteur se borne à
signaler l'impuissance, vérifiée par lui, des antiseptiques et des
sérums connus jusqu'à ce jour. C'est de la découverte d'un sérum
efficace contre le staphylocoque, le pneumocoque, le microbe de
l'influenza, agents les plus communs de la myélite aiguë, qu'il faut
attendre la guérison de cette affection. R. C.
IX. Sur l'acroparesthésie et son traitement ,'par l'électricité ;
par Luzenberger. (OErte medica, 1899, n° 40.) ,
Courte revue critique à l'occasion d'un cas observé par l'auteur.
L'examen électrique a montré que le médian et le radial présen-
taient des modifications qualitatives à la réaction. De la critique
de son propre cas et de l'étude au diagnostic différentiel, l'auteur
conclut que dans l'acroparesthésie il s'agit vraisemblablement
d'une névrite périphérique. Le cas guérit à la suite de quelques
applications à tous les muscles de l'avant-bras de courants galva-
niques interrompus et de courants faradiques. L. D.
X. Thérapeutique de la folie; par IIARRINGTON SAINSBURY- (1'lae
Journal of Mental Science, juillet 1900.)
On ne peut qu'indiquer ici ce travail utile à consulter, sans
l'analyser, parce qu'il n'est lui-même qu'une analyse de quelques
travaux récents sur les diverses médications adoptées ou propo-
sées dans le traitement des différentes formes d'aliénation men-
tale. R. de Musgrave-Clay. -
534 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
XI. Nouveau traitement des vertigineux de l'oreille ; parll. LIDOTTE.
(Journ. de Neurologie, 1901, n° 10.)
Le traitement que l'auteur préconise contre les états vertigineux
chroniques dépendant de l'oreille consiste dans l'application de
l'électricité statique au~ moyen d'une électrode spéciale, le
patient étant isolé sur le tabouret. Cette électrode représente
une tige en bois terminé par un bout en ébonite et renfermant en
son centre un fil en graphite. En rapport avec le pôle positif de la
machine, le sujet reçoit par l'électrode auriculaire, l'aigrette du
pôle négatif qui va impressionner directement le tympan, les osse-
lets et les muscles. G. UENY.
1
XII. Traitement des cas récents de folie; par C.-I. l3una. (The
amerieun Journal of 111sa111ty, 1900, p. GG9-G80.)
Il n'y a plus de praticien qui ait le droit de dire : « Je ne con-
nais rien à la folie », ni qui puisse se borner à dire : « Ce malade
est fou ". Tout médecin doit, en remontant dans les antécédents,
assigner à chaque cas d'excitation ou de dépression, sa place noso-
graphique. C'est pour ces praticiens que l'auteur résume dans
l'article les indications de la thérapeutique : isolement du malade,
de ses proches ; inutilité de discuter les concepts molbides, etc.
Smolv.
XIII. Traitement du malade et du fou en Perse; par Jame
P. COCHRAN. (Ame¡'ican Joul'11al of 111SC1111ly, juillet 1899, p. l0a-
107.)
Pas d'asiles, sauf quatre hôpitaux dépendant des missions étran-
gères, un seul petit soigne à Téhéran les maladies aiguës. Les
idiots restent chez eux avec le reste de leur famille et se mêlent
aux autres enfants du village. Quant aux fous et nerveux, ici les
esprits sont manifestement présents, et il faut donc pour les traiter
quelque chose de plus spirituel que les matières médicales ordi-
naires. Il y a pour cela une classe spéciale de médecins, dits doc-
teurs priants, qui vendent au malade dans ce but des citations
des livres sacrés de.lllahomet; on en écrira une, par exemple, dix
fois avec du musc et du safran il l'intérieur de quelque vase, après
quoi on lave avec de l'eau pure et l'on donne à boire au patient.
Heureusement la folie est relativement peu fréquente. Car après
que les amis du malade ont essayé quelques moyens semblables
au précédent, il est autorisé à errer alors, vêtu ou nu, à la risée
des enfants, ou s'il est dangereux, attaché à quelque pilier de
maison ou poteau d'étable, il y reste jusqu'à sa mort.
L'article contient aussi quelques renseignements sur les procédés
de la médecine et de la chirurgie générales). SIMOUN.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 535
XIV. Extrait thyroïdien. Revue des résultats obtenus dans le trai-
tement de 4032 cas de folie; par William MABON et Warren
L. BABMCK. (American Journal .of Insanity, octobre 1899, p. 257
à 273.) -
Les auteurs ont procédé en adressant aux médecins de tous les
asiles d'aliénés des Etats-Unis et du Canada le questionnaire
suivant : 1° L'extrait thyroïde est-il employé par vous ? Si oui, dans
quelles maladies est-il essayé ? 2° L'avez-vous employé dans les
troubles chroniques avec de bons résultats ? 3° Quel est le
nombre de malades traités ? - Guéris ? Améliorés ? Non
améliorés ? - 4° Avec quelles préparations de thyroïde ? 2 - 5° Avez-
vous observé quelque fâcheux résultat de son usage; 6° Consi-
dérez-vous le traitement thyroïdien comme un aide utile à la thé-
rapeutique de certaines variétés de folie ?
L'article donne en outre un tableau résumant les résultats con-
signés dans 24 articles de divers auteurs empruntés à des périodiques
anglais; un autre tableau analysant G1 cas, une feuille de poids et
des heures de sommeil, que je crois devoir signaler pour cette der-
nière indication, et un troisième tableau enfin indiquant l'état du
sang avant et après le traitement. De l'étude des documents ainsi
recueillis, les auteurs concluent par les propositions suivantes :
1° La dose d'extrait à donner dépend entièrement du cas indivi-
duel. Dans quelques cas, 25 grains, trois fois par jour peuvent être
nécessaires pour déterminer une réaction circulatoire ou de tempé-
rature, tandis que dans d'autres, les mêmes résultats peuvent être
obtenus de l'usage de 5 grains. Chaque cas doit être à lui-même sa
loi; 2° Il est essentiel que le malade soit mis au lit pour obtenir les
meilleurs résultats et qu'il continue ainsi pendant le traitement et
pendant une semaine après sa cessation; 3° Le traitement sera
prolongé au moins trente jours; 4° Ne pas se laisser décourager
par un échec suivant la première administration, mais avoir recours
à deux, trois essais ou plus, si nécessaire ; 5° Les résultats les plus
favorables du traitement thyroïdien sont à espérer dans les cas de
manie aiguë et de mélancolie avec accès prolongés, foires puer-
pérales ou du retour d'âge, états de stupeur et démence primaire,
particulièrement quand ces formes d'aliénation mentale ne répon-
dent pas aux méthodes ordinaires de traitement ; 6° Une forte réac-
tion de température n'est pas essentielle, puisque nous avons
trouvé que la température maxima moyenne dans les cas recueil-
lis sur des hommes était de 9906; 7° L'amélioration physique s'ob-
tient dans la plupart des cas qu'une'amélioration ait lieu ou non ;
8° La proportion d'individus, qui, guéris par le traitement thyroï-
dien, ont ensuite une rechute est moindre que la proportion qui
retombe malade après guérison par les autres méthodes de traite-
ment. Simon.
536 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
.XVI. La valeur pratique de la prophylaxie dans les maladies
mentales; par A.-B. RICHARDSON. (Amenean Journal of lnsanity,
octobre 1899, p. 307 à 316.) -
Pratiquement la prophylaxie de la folie peut être assurée par les
principes suivants : 1° Reconnaître l'existence chez les individus
habituellement sains d'un degré variable dans leur capacité à sup-
porter des charges et à faire effort ; 2° Reconnaître que beaucoup
de maladies mentales ont leur origine dans le surmenage, c'est-à-
dire en l'imposition de charges supérieures au pouvoir de l'indi-
vidu ; 3° Ne pas penser faciliter la prévention de la folie en limitant
les recherches aux phénomènes de la maladie déclarée ou en mul-
tipliant les traitements ; 4° Il est à peine raisonnable d'espérer
beaucoup de profit d'une législation ou de quelques mesures res-
trictives, sans le support de l'opinion publique éclairée; 5° Une
grande proportion des cas de folie ont leur source dans des condi-
tions qui, justement comprises et bien estimées permettraient aux
intéressés de parer l'attaque ; 6° Des mesures préventives devraient
s'occuper d'abord et avant, de répandre la connaissance des causes
de la folie parmi le commun peuple, afin qu'il devienne capable
d'estimer les dangers inhérents à une condition donnée; 7° Cette
éducation comporterait une étude soigneuse du caractère de l'en-
fant et du développement des phénomènes mentaux pendant la
croissance ; 8° Les agents principaux de telles notions devraient
être d'abord les gardiens chargés de l'éducation de l'enfant et
secondement les médecins de famille ; 9° La condition présente
réclame une instruction plus soigneuse du médecin en tout ce qui
concerne les maladies mentales et leur développement et une meil-
leure préparation des maîtres de la jeunesse à estimer sûrement la
capacité, la variabilité et les diverses tendances du caractère des
enfants ; 10° Le dernier objet des mesures préventives serait d'ajus-
ter autant que possible le fardeau à la capacité de l'individu, afin
qu'il puisse le porter sûrement ; si cela ne se peut, que la défectuo-
sité du moins, ne puisse pas aller plus loin et qu'elle cesse avec
l'individu. SIMON.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.
Séance solennelle du 29 avril 1901. Présidence DE M. JoFFROY.
' Rapports des Commissions des prix.
Prix Bellcomme. - Sur le rapport de M. ROCBINOV1TCH, une men-
tion honorable est décernée à M. Deswarte, médecin-adjoint de
l'asile de Bailleul.
Prix Esquirol. - M. ANTHEA UME donne lecture du rapport de la
Commission du prix Esquirol. Conformément aux conclusions pro-
posées, leprix Esquirol est décerné à. Petit, interne en médecine,
à l'Asile clinique, et une mention très honorable est accordée à
MM. Buvat et Vurpas, internes, à Villejuif.
Prix Moreau (de Tours). M. Dur- .un fait une analyse des mé-
moires proposés pour le prix Moreau (de Tours). Les conclusions
de M. Dupain sont adoptées etle prix est accordé à : lPlcTobolowska,
pour une étude sur les illusions du temps dans le rêve du som-
meil normal. Des mentions honorables sont décernées à MM. Far-
narier et Ducoste. '
Prix Sémelaigne . - Conformément aux conclusions du rapport
de M. Febvré, le prix Sémelaigne est partagé entre MM. Samuel
Garnier, médecin directeur de l'asile de Dijon, et Lalanne, mé-
decin adjoint de l'asile de Maréville. Les 500 francs, constituant
le prix, sont ainsi partagés : 300 francs sont accordés à M. Lalanne,
et 200 à M. S. Garnier.
Questions à traiter.
Prix Belhoaatme (1902). Du sens de l'ouïe chez l'idiot.
Prix Sémelaigne (1903). Historique de la paralysie générale.
hI. B.
Séance du 20 mai 1901. Présidence DE M. JOFFROY. '
LE président fait part à la Société de la perte qu'elle vient de
faire en la personne d'un de ses anciens présidents et d'un de ses
538 SOCIÉTÉS SAVANTES.
membres des plus sympathiques, M. Meuriot. Au nom de la Société,
M. Joffroy adresse un dernier adieu au regretté D1' Meuriot, et
adresse à sa famille, le témoignage ému de la vive et respectueuse
sympathie de tous les membres de la Société.
LE Secrétaire général donne lecture du discours qu'il a pro-
noncé sur la tombe de M. Meuriot. - La séance est levée en signe
de deuil. M. B.
Séance du 20 mai 1901. Pérsidence DE M. JoFFROY.
Hallucinations psychomotrices et sialorrhée paroxysmale.
M. Trénel communique, au nom de M. Crété et au sien, l'obser-
vation d'une femme présentant des hallucinations psychomotrices
et de la sialorrhée. La voix d'un de ses parents parlait par sa bouche,
ce qui lui faisait croire qu'elle était ventriloque. La voix lui parlait
si fort pendant la nuit, que la malade se réveillait effrayée, se
demandant si ses voisines n'avaient pas entendu ce qu'on lui disait.
A ce moment il lui venait même un flot de salive à la bouche.
Cette malade a pu guérir et quitter l'asile.
M. Trénel pense que la coexistence des hallucinations psycho-
motrices et de la sialorrhée peut s'expliquer par l'excitation simul-
tanée de centres certicaux très voisins.
Les lésionszzéuropatlciyues du cortex dans la paralysie générale.
M. Marchand expose que la méthode de Weigert, élective pour la
névroglie, peut permettre de voir si, dans la paralysie générale,
la lésion débute par la cellule ou le tissu de soutien. Il a toujours
trouvé des lésions névrogliques chez les paralytiques généraux
morts au début de la maladie. D'une façon générale, M. Marchand
pense que, plus la démence est accentuée, plus les lésions névro-
gliques sont accusées. Il rapporte l'observation d'un paralytique,
ayant été l'objet d'un examen histologique, caractéristique à cet
égard. Les lésions névrogliques peuvent d'ailleurs être très accu-
sées, alors que la cellule reste saine. En résumé, M. Marchand
estime que la théorie parenchymateuse et la théorie interstitielle
peuvent être soutenues l'une et l'autre avec des arguments de
même valeur.
Des injections de sérum chez les aliénés.
M. PACTET donne, au nom de M. Marie, lecture de conclusions
auxquelles 11. Buvat et lui ont été conduits par la pratique des
injections de sérum chez les aliénés. -
Le sérum'est applicable à toutes les affections mentales. C'est
SOCIÉTÉS SAVANTES. 539
un stimulant de toutes les fonctions. Des mélancoliques, des ma-
niaques, des confus, ont été guéris par le sérum et le repos. Plu-
sieurs épileptiques et paralytiques généraux ont aussi été amé-
liorés.
M. Joffroy constate que s'il n'a pas toujours trouvé dans le
sérumthérapie les résultats thérapeutiques désirés, la méthode est
d'une innocuité absolue.
M. 13nlnvn, qui fait, pour la première fois, en 1894, des injec-
tions de sérum artificiel dose massive chez les aliénés, n'a jamais
eu qu'à se louer de cette pratique. -
M. Vallon demande qu'en l'absence de M. Marie, la discussion
soit remise à une autre séance.
Etude cytologique du liquide céphalo-mchidiell.
M. JOFFROY rapporte l'observation d'un alcoolique nullement
soupçonné de paralysie générale dans le liquide céphalo-rachidien
duquel la ponction lombaire révéla la présence de nombreux élé
ments cytologiques.
Quelque temps après, le malade fut pris d'agitation et présenta
pour la première fois des signes de paralysie générale qui se sont
graduellement complétés.
M. Magnan rappelle que, dans certains cas, le diagnostic d'al-
cooliques chroniques avec lésions méningitiques et de paralysie
. générale au début, est extrêmement délicat. Il se demande si l'exa-
men du liquide céphalo-rachidien pourrait donner des renseigne-
ments utiles.
M. P. GARNIER. - Les ponctions ont-elles été faites pendant
l'accés délirant ? Combien en a-t-on pratiqué ?
M. CIIRISTIAN voudrait connaître le résultat des recherches de
M. Joffroy, relatives à la fréquence des lymphocytes dans la para-
lysie générale.
M. JOFFROY, répond qu'il n'a été pratiqué qu'une ponction chez
son malade, et qu'à ce moment il était en plein accès. En ce qui
concerne la fréquence des lymphocytes, il a remarqué que ces
éléments, très rares dans le liquide céphalo-rachidien normal,
deviennent extrêmement nombreux chez les paralytiques généraux.
M. NAGEOTTE confirme l'opinion de M. Joffroy. M. B.
Séance du 24 juin 1901. Présidence DE M. Jorrccor.
Folie 2nyxcedénzateuse et traitement thyroïdien des psychoses.
M. LEGRAIN donne lecture d'un rapport sur le mémoire de
540 SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. Pilez, relatif au traitement des psychoses par le liquide thyroï-
dien. -
En face d'un myxoedémateux avec troubles mentaux, trois
questions peuvent se poser : la psychose est-elle un symptôme du
myxoedème ? En est-elle indépendante ? Quels sont les signes qui
peuvent différencier les-deux espèces ? Tels sont les points que
l'auteur examine. M. Pilez donne l'observation d'une mélancolique
avec agitation anxieuse, idées de négation et pachydermie, dont
l'état s'améliorait dès qu'elle était soumise à la médication thyroï-
dienne, alors que son état s'aggravait quelques jours après la ces-
sation du traitement, pour guérir enfin définitivement après l'avoir
repris.
L'auteur termine son mémoire par une étude d'ensemble de
tous les cas de folie non myxoedémateuse dans lesquels, pour des
raisons d'analogie clinique, certains médecins ont institué, avec
succès, la médication thyroidienne.
M. RA.YKEAU. J'ai dans mon service un myxoedémateux chez
lequel la torpeur intellectuelle et la bouffissure de la face dispa-
raissent sous l'influence de la médication thyroïdienne, pour repa-
raitre dès qu'on suspend le traitement.
Considération sur le délire des actes dans la paralysie générale.
M. Truelle communique une étude sur le délire des actes
dans la paralysie générale, d'où il résulte que les troubles de
l'activité, dans l'encéphalite diffuse chronique, peuvent porter sur
les trois catégories d'actes automatiques, instinctifs, volontaires.
Or, nous sommes à peu près incapables de définir l'acte automa-
tique. - Les actes instinctifs des paralytiques généraux seraient
contraires a l'instinct, si l'instinct existait d'une façon précise et
parfaite chez l'homme. Il ne reste donc pour constituer la majeure
partie des actes morbides, dans la paralysie générale, que les
actes volontaires. Selon l'origine de la solution qui les commande,
on peut les différencier en démentiels et délirants avec cette
réserve que ces derniers participent à certains caractères des pre-
miers. Leur caractère (impulsivité, absurdité, répréhensibilité)
est dans l'immense majorité des cas, sous la , dépendance de
l'affaiblissement spécial des facultés intellectuelles. Ainsi, dans la
paralysie générale la démence globale et progressive donne la
note fondamentale à toutes les discordances de l'activité, comme
elle le fait pour les troubles intellectuels proprement dits.
M. Marie a observé de l'automatisme psychologique chez deux
paralytiques généraux : l'un d'eux se croyait transformé en sa
femme et écrivait au médecin pour réclamer la sortie de son
mari; l'autre croyait avoir quelqu'un dans la gorge et en écrivant
se substituait à cet individu.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 541 t
Imbécillité et paralysie générale juvénile.
M. 'l'oULOUSE fait, au nom de \L-Marchand et au sien, commu-
nicàtion d'une observation de paralysie générale chez une jeune
fille de quinze ans, chez laquelle les symptômes de démence
avaient été attribués à un état d'imbécillité congénitale compliqué
d'épilepsie. La malade mourut à l'âge de dix-sept ans. L'examen
micrographique prouva qu'il s'agissait réellement d'un cas de
paralysie générale juvénile.
L'observation montre combien le diagnostic de paralysie géné-
rale est difficile, quand cette maladie se présente chez un adoles- ,
cent et que- les antécédents du malade font défaut. Le diagnostic
d'imbécillité, porté tout d'abord, était inexact, puisque la faiblesse
intellectuelle progressa. Il ne s'agissait davantage d'un cas de
démence épileptique bien que la malade ait eu des attaques con-
vulsives, car les accès se sont surtout montrés à la fin de la vie.
Enfin elle avait subi une diminution de poids comme on en ren-
contre dans la paralysie générale. Le diagnostic s'étayait d'ailleurs
sur les autres signes habituels de la méningo-encéphalite chro-
nique.
M. Vallon. - 11 me semble que le diagnostic qui résulte de
l'observation est celui de paralysie générale survenue chez une
imbécile.
M' TOULOUSE. Nous n'avons pu obtenir aucun renseignement
sur le passé de la malade; mais je reconnais que sa faiblesse
intellectuelle pouvait être rapportée à une imbécillité congénitale.
Méningite tuberculeuse ci forme mélancolique.
M. Vigouroux communique l'observation d'un homme, ayant
succombé à une méningite tuberculeuse et qui; plusieurs mois
avant sa mort, avait présenté un état mélancolique d'une forme
clinique un peu spéciale.
M. ViGouRoux se demande si l'on doit comme la méningite à
laquelle a succombé son mélancolique, comme la phase terminale
de son infection tuberculeuse ou bien si l'on doit rapporter le
syndrome mélancolie à une évolution chronique de processus
tuberculeux dans les méninges, le malade n'ayant succombé qu'à
une poussée inflammatoire aiguë ? -Ce qui inclinerait à faire
admettre la dernière hypothèse, c'est que les troubles mentaux
observés se rapprochent beaucoup du tableau que M. Chante-
messe trace des troubles intellectuels de la méningite tubercu-
leuse. ,
542 SOCIÉTÉS SAVANTES. ·
Un cas de gliome cérébral.
M. ViGouRoux rapporte une autre observation relative à un cas
de gliome cérébral l'amenant-aux remarques suivantes : malgré
son volume, expose M. Vigouroux, et l'envahissement du lobe
- sphéroïdal et d'une partie du lobe frontal, cette tumeur n'a donné
lieu qu'à des attaques épileptiformes ne présentant aucun carac-
tère particulier. L'aphasie sensorielle qui a été constatée, à la
période terminale, semble due à des hémorrhagies du tissu glio-
mateux. Enfin, M. Vigouroux rappelle, en terminant, combien est
délicat le diagnostic entre l'incohérence véritable de l'aliéné et
l'incohérence apparente du malade atteint seulement de surdité
verbale.
Il a dans son service un aphasique sensoriel qui, malgré une
jargonophasie incompréhensible, s'occupe raisonnablement. Il
voudrait savoir si ces cas sont fréquents.
112. DupkiN répond qu'il observe en ce moment un malade offrant
des symptômes à peu près semblables à ceux qui viennent d'être
signalés.
M. Brigand. Je puis répondre à M. Vigouroux que nombreux
sont les aphasiques nullement aliénés, au sens propre du mot, et
qui viennent échouer dans les asiles. Leur langage est tellement
bizarre qu'on les prend facilement pour des déments vésaniques.
La confusion esl d'autant plus facile que ces individus s'excitent
facilement, dans leur étonnement de ne pas être compris de leurs
interlocuteurs. Ce sont de simples affaiblis, à lésions circonscrites,
avec lesquels on arrive à pouvoir causer, quand on les connaît
bien. En tenant uniquement compte de leurs intonations on finit
par les comprendre.
M. PACTET. - Le diagnostic de tumeur cérébrale n'est souvent
fait qu'à l'autopsie, malgré qu'il s'agisse de tumeurs volumi-
neuses. Je me rappelle un malade, traité comme épileptique
simple, qui succomba à la suite d'accès sub-intrants. L'autopsie
fit découvrir une tumeur du cervelet.
M. Colin a observé un cas analogue chez une jeune fille, sujette
à de violents maux de tête et à quelques accidents convulsifs. On
la considérait comme hystérique. Elle mourut subitement. A
l'autopsie on trouva une tumeur du cervelet.
Les injections de sérum chez les aliénés.
M. Marié, revenant sur la communication lue à la dernière
séance par M. Pactet, dit qu'il s'est servi dans son expérimentation
de sérum fabriqué d'après la formule d'Hayem. A cette méthode
était adjointe l'alimentation faiblement chlorurée. '
BIBLIOGRAPHIE. 543
M. BRiAND. Ainsi que je l'ai fait remarquer ici dès 1894, qu'il
me soit permis ici de le rappeler, afin de conserver la priorité de
cette thérapeutique chez les aliénés, je considère que le traitement
des psychoses, par la serumtliérapie, n'est efficace qu'à la condi-
tion d'employer des doses assez élevées (de 500 à 1500 par injec-
tion). Les injections doivent être répétées quotidiennement. Après
bien des tâtonnements, je suis arrivé aux formules suivantes :
Dans les formes cachectiques j'emploie le sérum d'IIayem. S'il,
y a de l'agitation et surtout de l'agitation anxieuse, je remplace
le chlorure par 6 ou 7 grammes de bromure de potassium ou de
sodium. J'emploie aussi le sérum à l'iodure de potassium et
même l'eau ordinaire stérilisée ou l'eau distillée, toujours à doses
massives.
Depuis longtemps j'ai renoncé aux injections intra-veineuses si
avantageusement remplacées par les injections intra-musculaires
qui sont absolument inoffensives à la condition d'être pratiquées
aseptiquement et lentement. A cet effet j'ai fait construire un
ballon 'stérilisateur automatique, qu'après avoir longuement
expérimenté, j'ai présenté ici il y a quelques années. Sans vouloir
entrer dans un exposé détaillé de la question, je puis signaler dès
maintenant que ce sont les cas suraigus qui sont les plus justi-
ciables de la méthode.
A titre de curiosité, je veux cependant citer le cas d'une déli-
rante chronique chez laquelle les troubles de la sensibilité géné-
rale et les interprétations délirantes cessent dès qu'on la soumet
au traitement dit de lavage du sang. Les injections sérum bro--
muré ou ioduré, restent sans retentissement du côté de la peau
et ne produisent jamais d'acné. C'est, à ce titre, la méthode de
choix chez certains individus épileptiques, syphilitiques, etc., qui
ne peuvent prendre de bromure ou d'iodure sans avoir une érup-
tion d'acné, malgré l'antiseptie intestinale la plus rigoureuse.
. Marcel BRIAND.
BIBLIOGRAPHIE.
XVII. La suspension comme méthode de traitement des maladies
nerveuses ; par le Dr OSTANKOFF. (Recueil des travaux de la cli-
nique des maladies nerveuses et mentale du professeur 13FCIiTCnEV,
Saint-Pétersbourg, 1900, n° 2.)
L'auteur a appliqué la suspension dans le traitement de 37 cas
544 BIBLIOGRAPHIE.
des différentes affections du système nerveux. Les résultats
obtenus par l'auteur sont présentés par le tableau suivant :
FAITS DIVERS. 545
inutile- dans la syringomyélie et la.myélite transverse, où elle
aggrave parfois la situation. Par contre, dans les myélites par'
compression elle donne de bons résultats. ' i > ;
Quelle est l'action de la suspension ? L'auteur proteste contre'
l'opinion de quelques neuropathologistes qui prétendent que la-
suspension agit par son effet suggestif. Pour l'auteur, la suspen-'
sion, appliquée avec précaution et dans les limites déterminées,,
provoquent des modifications dans la circulation générale et dans
celle qui alimente le système nerveux. La suspension brutale et
forcée occasionne des modifications de la circulation qui peuvent
déterminer la mort du malade. Les expériences ont montré que
sous l'influence de la suspension.il se produit, des modifications
dans la' circulation du cerveau.
L'auteur a constaté que la suspension produit une diminution du' »
calibre des artères cérébrales, une élévation de la pression arté-
rielle et une diminution de la pression interne du crâne. Après
la suspension ces phénomènes changent, il se produit alors' un '
agrandissement du calibre des artères cérébrales, un abaisse-
ment de la pression artérielle et une élévation de la pression.
interne du crâne. Il résulte une hyperémie du système nerveux,
qui est surtout prononcée dans la portion lombaire de la moelle
et dans le bulbe. Les modifications du pouls sont les suivantes :
sous l'influence de la suspension il devient d'abord fréquent ; sa
tension diminue. Après' la suspension les pulsations sont moins
fréquentes et la tension artérielle augmente. La respiration subit) \
également des modifications sous l'influence de la suspension ; .
mais ces modifications sont moins constantes que pour le pouls..
Les modifications de la circulation produite par la suspension,
entraînent des contre-indications de ce traitement chez les car-
diaques, chez les artério-scléreux, les anémiques, les tuberculeux
et chez tous ceux qui souffrent d'une affection pouvant s'aggraver,
par les modifications précédentes. P. 110U11VD)Y. ,
FAITS DIVERS.
1 Asiles d'aliénés. .iVom/Mh'OM et p)'OMOh'M ! S M. le Dr MUS ! N,
médecin-adjoint à Armentières, est nommé à l'asile de Dury; -,
M. le Dr Raviart, médecin adjoint à Dury, est nommé à l'asile d'Ar-
mentières (Nord); M. le Dr THIBAI1T, médecin adjoint à Quâtre-,
Mares (Seine-Inférieure), est promu à la classe exceptionnelle du'
cadre; M. le Dr DousooT, médecin directeur de l'asile 'de Naugeat,'
est admis à faire valoir ses droits à la retraite.
Archives, 2' série, t. XII. 35
546 avis A NOS abonnés.
COURS DE CLINIQUE DES maladies mentales ET DES maladies DE
l'encéphale, asile clinique. M. le Pr JoFFROY a commencé le
cours de Clinique des maladies mentales le lundi 18 novembre 1901,
à deux heures et demie, à l'Amphithéâtre de l'Asile clinique, et
le continuera les vendredis et lundis suivants, à la même heure.
1° Conférences sur l'Anatomie normale ou pathologique du cer-
veau, ou sur la Séméiologie des maladies mentales, les lundis et
vendredis, à deux heures, avant le cours, par MM. les docteurs
Mignot et Mercier, chefs de clinique; 2° Exercices ophtalmolo-
giques sur les malades, les mercredis, à dix heures du matin, par
M. le docteur Schrameck, chef des travaux d'ophtalmologie.
Enseignement de la médecine légale psychiatrique. M. le Dr
Paul GARNIER, médecin en chef de l'Infirmerie spéciale des aliénés :
conférences cliniques de psychiatrie médico-légale le mercredi et le
vendredi de chaque semaine à 1 h. 1/2. MM. les docteurs en méde-
cine, les internes des hôpitaux et les étudiants parvenus au terme
de leur scolarité peuvent se faire inscrire au secrétariat de l'Infir-
merie spéciale, 3, quai de l'Horloge. Après trois mois d'assiduité
à cette clinique, un certificat de stage médico-légal physchiatl'ique
est régulièrement délivré.
AVIS A NOS ABONNÉS. - L'échéance du 1er JANVIER
étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions
instamment nos souscripteurs dont l'abonnement cesse à
cette date, de nous envoyer le plus tôt possible le montant
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montant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur
localité, qui leur remettra un reçu de la somme versée.
Nous prenons à notre charge les frais de 3 p. 100 prélevés
par la poste, et nos abonnés n'ont rien à payer en sus du
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mentée des frais de recouvrement, à partir du
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SUITE leur renouvellement par un mandat-poste.
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tif des Archives de Neurologie et du Progrès Médical
est réduit à 30 francs pour la France et l'Étranger.
. Le rédacteur-gérant : BOUIiNEVILLE.
TABLE DES MATIERES
Absences psychiques chez les hysté-
riques, Luzenberger, 130.
ACROPARESTHÉSIE, par Luzenberger,
533.
Adipose douloureuse, par Achard et
Laubry, 57. Autopsie dans un
cas d ? par Dercum, 128.
Affaire WaldsteIn à Prague, par
Benedikt, 43.
Alcool. Influence de 1'- et du
tabac sur le travail, par Féré.369,
463.
Alcoolique. Homicide -, par Sul-
livan, 406.
Alcoolisme. Rapports de l'- et des
suicides en Angleterre, par Sul-
livan, 132. L'- à Vienne, 285.
Drames de l ? 286, 366, 414.
Influence de la syphilis hérédi-
taire de 1'- et de quelques pro-
fessions insalubres sur la produc-
tion des maladies chroniques du
système nerveux chez les enfants, 1
par Bourneville, 331.
Aliénation. Rapports de l'- et de
la tuberculose, par La Bonnar-
dière, 72c
Aliénés. Soins des femmes auprès
des hommes , par Jurmann,
48. Soins donnés aux dans
l'Etat de New-York, par Shrady,
49. en liberté, 76, 282, 365,
446, 545. Statistique des - du
canton de Zurich, par Sérieux,
166. Réactions de la peau chez les
, par Marandon de Montre),
384. De la barbe chez les femmes
- , par Dupré et Aimé, 354. Mé-
decine légale des , par Krafft-
Ebing, 361. Juif , par Beadles,
406. Affections cutanées chez les
- , par llyslop, 413. Société de
patronage des - du canton de
Zurich, 431. Pavillon des - cri-
minets de Duren, 432. Sorties
précoces chez les -, par Zonoli,
435. Législation comparée des -,
Renton, 435. Hôpitaux d' ur-
bains, par Sioli et Dannemann,
440.
Amaurose hystérique monoculaire
chez une jeune fille, par Veasev,
150.
Amnésie. Un cas d'- continue
consécutif à une tentativt de sui-
cide par l'oxyde de carbone, par
Truelle et Petit. 86.
Amusie. Etude de l ? par Bronis-
lawski, 279.
Amyotrophie. Arthropathies dans
Il-, par Etienne, 58. et syrin-
gomyélre compaiées, par Guillain,
60.
AwLCésre. Sur l'- épigastrique
profonde, par Rossi, 41. sug-
gérée pendant le sommeil, par
Manfroni, 358.
Aa TOnue cérébrale et psychologie,
par J, Soury, 28, 97.
Anestiiésie généralisée et presque
totale, par Féron, 42.
Angoisse, La névrose d ? par Har-
tenter ? 311. 341. /
Anormaux. Ecoles pour enfants -
en Suède, par Daniel, 435.
Aphasie, par Brissaud, 152. - sen-
sorielle et motrice transcorticale,
par Larionow, 298.
Aphonie hystérique dans un grand
mal épileptique, par Clarlce, 303.
Arthropathies syruyomyéliques,
par Preobrajenski, 38. dans
l'amyotrophie, par Etienne, 58.
Adipose douloureuse et -, par
Heitz et Renon, 157.
Asiles. Les punitions sont-elles
justifiées dans les , par Drapes,
50, Gardes de nuit et surveillance
dans les -, par Elkins et Mid-
dlemass, 50. Système Brabazon
dans un -, par Marr, 51. Evolu-
tion de l'architecture des -
par Steen, 52. La question des
infirmiers dans les -, par Timo-
felew, 53. d'aliénés, 79, 168.
Laïcisation de l'- de Naugeat,
548 TABLE DES MATIÈRES.
' 172. Représentation de gala à
l'- de Villejuif, 171. - nomina-
tions, 175. Voeu concernant les
employés des - par Doutre-
hente, 268, - 2SS, 367. Person-
nel secondaire des -, par Taguet.
il5. Anniversaire de I'd'Ait-
Scherbitz, par Buchka. 430. Ré-
glement du concours d'internat
des - de la Seine, 436. Annuaire
de l'internat des - de la Seine,
445. Le pavillon de chirurgie des
- d'aliénés de la Seine, par Pic-
' que, 452.
Aspirine. Traitement des douleurs
du tabès par 1 ? par Marchand,
312.
Assassinat d'un fonctionnaire par
un aliéné, par de Bechterew, 46.
Assistance des idiots et des épilep-
tiques, par Nikitine, 61. - des
aliénés à domicile, 170. - des
idiots, 367,
Association ' médico-psychologique
de Londres. Discours de Fletcher
Beach, 401.
AST\SO-BASOPIIOBIE, par Dupré et
Delarue, 354.
ASTÉBÉOGNOSE. Etudes sur l ? par
Dercum, 151.
Ataxie locomotrice. Symptômes
oculaires dans 1 ? par Turner
Vaughan, 304.
Atrophie olivo-ponto-cérébelleuse.
par Déjerine et Thomas, 528.
Auto-accusation. Délire d ? par
Oudard, 280.
Automatisme alcoolique extrême-
ment prolongé, par Dobrotwor-
sky, 130. ambulatoire épilep-
leptique, par Mac Carthy, 142.
Bleu DE Méthylène. Méthode d'Unna
. au -, par Cluich. 140. );limina-
du - dans les psychoses, par
Bodani, 221.
Brûlure électrique du nerf cubital,
par Decroly,129.
Bulletin bibliographique, 79.
Catatonie et insuffisance rénale,
- par Réôis et Lalanne, 352.
Cautérisation. Rôle psychique de
la dans la thérapeutique des
Arabes, par Hickmet, 359.
Cellulaires. Lésions corticales
dans les accidente mentaux des
maladies générales, par Faure,
. 340.
Cellules radiculaires motrices après
section de leur cylindraxe, par
Mannesco, 123. Anastomoses des
- nerveuses, par · Crevatin, 127.
Modifications des - par la putré-
faction, par Banlsky, 223. Patho-
logie des - des ganglions sen-
sitifs, par Luzaro, 23 ? ner-
veuses à deux noyaux, par Sano,
525.
Cépiulées et intoxications, par i-
Bouyer, 278.
Cérébelleuse. Tumeur - et élii-
lcpsie, par Marchand, 269.
Cérébrale. Tumeur - à forme
psycho-par;lytique. par Cestan
et Lejeune, 158. Chirurgie-
moderne, par Brewer, 532.
Cerveau. Abcès du -, par ll(,itz et
Bender, 153. Echinocoque du -
par Resnillow, 298, Symptômes
optiaues et auditifs dans les
tumeurs du , par Wilder, 302.
'Abcès du - à pneumocoques,
par Itecroly, 515. -
Cervelet. Relation d'un cas de
tumeur du -, par Mac Caskev,
308.
CIiROM.ITOLYSE après la résection du
pneumogastrique, par Ladame,
127.
Chiasma. Lésions du -optique, par
Leszmshy, 141.
Circonvolution. Angiome de la-
de Broca, par Shoyer, 5'l.
Cirrhose. Altérations nerveuses
dans la -, par de Buck, 1,25.
Clonisme. Etude sur le tandi-
neux, par Crocq, 525.
Crime. Etat névropathique hérédi-
taire associé au -, par Winter,
44,
Congrès pour l'amélioration du sort
des aveugles, 74. des neurolo-
gistes et des aliénistes des pa)s
de langue française, 75, 170,233.
Discours de M.' Labussere 233;
de 1\l. Chenieux, 234; de )11. Ballet,
236 ; de M. Drouiueau, r6. La
punch, 262,312, 415.
Contracture. Physiologie et patho-
logie du tonus musculaire, des
réflexes et de la -, par Crocq,
314.
Corps calleux. Gliome du -. par
Blackwood. 523.
Corps étrangers des bronchés, par
Simpson, 523.
TABLE DES MATIÈRES. ¡H9
Décomposition rapide avant et après
la mort, par Wihtcombe, 109.
Dégénérés hystériques au point de
vue médico-légal, par Pareau,
276.
Dégénérescence. De la - dans les
vieilles localités, par Pailhas, 313.
Béglltition. Forme particulière du
trouble de la -, par Rossolimo,
62.
Délire. Du aigu au point de vue
clinique, anatomo-pathologique,
et bactériologique, par A. Carrier,
G. Carrier et E. Martin, 247.
aigu à début paranoïaque, par
Iloubinowtch, 260. Etude du -
des inventions, par Delarras, 278.
- systématisés secondaires, par
Proust, 282. - transitoires sé-
iules, par llrchaud, 361. - aigu
et urémie, par Cullerre, 449.
Démonstrations de préparations
d'anatomie pathologique, par
. Botton, 520. des modifications
des cellules dans la paralysie é-
nérale, par Watson, 520. - des
altérations des grandes cellules
nerveuses chez les aliénés, par
'J'uruer, 50. - de l'histologie des
cellules de la névroglie, pd ! ' 1\0-
bertson, 520.
llrnno-w;urso-cmttouerose. Un cas de
, par llauslialter, 41.
Désintégration. Des foyers lacu-
naires de -, par P. Malle, 515.
Diabétique. Etude d'un cas de para-
lysie -, par Marinesco, 1 ;'9.
Ecorce cérébrale. Sur la physio-
nomie et le moment d'apparition
des lésions cadavériques de l'-
par Faure et Laignel-Lavastiiie.
59. Centres myosiques et accomo-
clateurs de 1 ? par de Bechterew,
118. Modifications des cellules de
l'- dans la fatigue, parGuenini,
223.
Ecriture de Léonard de Vinci. -
en m\loir, par G. Ballet, 119. -
en miroir, par Schn,tzer, 120.
- en miroir, par : lleige, 266.
Education et instruction, théories
pédagogiques de Herbart,. par
9lauxion, 69.
El.0 ? CATIO ? trophique appliquée à
l'ulcère chronique de la jambe,
par Chipault, 50.
Ec(rnALllJ; aiguë sénile, par Ray-
mond et Philippe, lui.
Epileptiques. De l'assistance des
idiots et des -, par Nikitine, 61.
Sur la parole des -, par Clark,
137. Inlluence du sang des-sur
le développement embl yonnail'e"
par Cené, 223.
Epilepsie. Etiologie de l'- dite
essentielle, par Lhote, 74. cor-
ticale, par Vassilieff, 64. Lésions
de la corne d'Ammon dans l ?
par Borozdine et Lioubimow, 121.
Attaque d'- suivie de chorée
dans une folie perpuérale aiguë,
par Easterbrook, 133. Relations
entre la migraine et 1 ? par
Spiller, 144. Des hémorrhagies
de la peau et des muqueuses
pendant et après les accès d'- et
de leur analogie avec les stig-
mates extatiques, par Bourne-
ville, 264. Tumeur cérébelleuse
et -, par Marchand, 269.
consciente, par Lalanne, z
traitement, assistance, etc., par
Kovalevskv, 363. associée à la
fohe, par White,'412.
Equitation. L' et ses effets, par
illonteil, 276.
Eiiy'ilIR0,11ÉLALGIE. Réflexes dans t ?
par Cavazzani et Brocci, 124.
Etai1 mental d'Auguste Comte, par
Ireland, 135,
Expertise. Psychologie de Il- z
dico-légale, pat Betouheres, 279.
Famille. Quels malades aliénés
faut-il placer dans les -, par
A. Marie pela. Vigoul'oUX. 4\6.
Folie. Signes physiques de la -
par Crookshand, 131. - syphth-
tique, par Ilotchl.is, 136. Mala-
dies corporelles considérées
comme cause et complications
de la , par Conford, 138.
subite d'un médecin. 176. d'un
régicide, 207. Guene du Trans-
vaal et la -, 368. Thérapeutique
de la , par Sainsbury, S3 : t.
Traitement des cas récents de ,
par Burr, 534.
Fou. Odyssée d'un , 367. Traite-
ment du en Perse, 534. par-
ricide, 546. ,
Ganglion sympathique. Chirurgie
du cervical supérieur, par
Tul.er, 531.
Gelsemium, Action du sur les
550 TABLE DES MATIÈRES.
noyaux des nerfs moteurs, par
Whitehead, 529.
Gliome. Un cas de - cérébral, par
Vigouroux, 542.
Glycosurie. Influence des psychoses
sur les - nerveuses. par Blair,
407.
Grossesse. Fausse - chez une né-
vropathe dégénérée, par Maran-
don de Montyel, 36. Fausses - et
nerveuses, par Lemesle, 358.
Gynécologiques. Considérations sta-
tistiques sur le service d'observa-
tions de l'asile de Ville-Evrard.
par ricqué et Febvré, 81. 1
Hallucinations. Troubles psycholo-
giques consécutifs à des pro-
voquées, par Vaschide et Vurpas,
308. psychomotrices et sialor-
rhée paroxysmale, par Trénel et
Crété, 538.
Hédonal. Recherches sur l ? par 1
Houbinowitch et Philippet, 275. ,
Hemispasme et torticolis, par Ba-
binski, 157. 1
Hemitonie apoplectique, par de
Bechterew, 397.
Hémorragies de la peau et des mu-
queuses pendant et après les
accès d'épilepsie et leur analogie
avec les stigmates des extatiques,
par Bourneville, 264.
Histoire médicale de J.-J. Rousseau,
par Sibiril, 282.
Hypnotisme spontané, par Bérillon,
67. L'- et son traitement, par
Crocq, 360.
HYPOGLOSSE. Paralysie du grand -.
part'.Marie et Guillain, 157.
Hypophyse. Développement de l ?
par Rossi, 125.
HYSTÉRIE juvénile chez une fillette
de douze ans, par Cruchet, 177.
L ? sa nature, son étiologie,
par Mix, 304. L'- et la neuras-
thénie chez les jeunes sujets, par
de Merritt, 307. Diagnostic de
1 ? par Burr, 309. Agents provo-
cateurs de 1 ? par Lépinay, 356.
Etiologie et guérison de l ? par
Walter, 530. ses rapports avec
la folie, par IIunerford, 414.
Hystérique. Immobilité des pupilles
dans les attaques -, par Iïarples,
39. Sein -, par Lannois, 355.
1 .
Idiots. De l'assistance des - et des
épileptiques, par Nikitine, 61.
Traitement médico-pédagogique
des enfants -, par Bourneville,
343. Photographies et radiogra-
phies de malformations des
membres chez les par Bour-
neville, 352. Anomalies pupil-
pillaires chez les , par Koemg,
409.
IDIOTIE. Dixième conférence snr f-
à Elberfeld, 172.
Inanition complète. Fonctions ner-
veuses dans 1 ? par Barbera,
126.
Incontinence d'urine guérie par sug-
gestion, par Bourdon, 160.
Infirmiers. La question des - dans
les asiles d'aliénés, par Timofe-
lew, 53.
11\111 BlTIO N. L'étude de I ? par
Gonzalès, 231.
Intoxication du système nerveux
central par le bromure, la ca-
féine, etc., par Portioli, 125.
Irresponsabilité chez les criminels,
par Whiteway, 44. -, par Mer-
cier, 46.
IVROGNERIE. L ? ses causes, sa gué-
rison, par Westcott. 406.
Lécithine dans la thérapeutique du
système nerveux, par Hartenberg;
268, - dans les maladies ner-
veuses, par Damliewsky, 532.
LEPT03fÉNINf,ITE. Deux cas de -,
par Barratt, 521.
Liquide. Ecoulement par le nez du
cérébro-spinal, par Frenden-
thai, 110. Etude du céphalo-
rachidien, par Joffroy, 539.
Maladie DE FRIEDREICH. Deux autop-
sies de , par Philippe et Ober-
thur, 157.
Maladie de LITTLE. Traitement de la
- , pal Daniel, 532.
MAL DE POTT. Etude histologique du
- cancéreux, par Oberthür, 158.
Manie. Théorie relative à la mélan-
colie et à la , par Turner. 411.
Cas de traités sans médica-
tion sédative, par Hitchcock, 413.
Médecine mentale. Pratique de la
- , par Kéraval, 68.
I nIIsDICO-PÉD.1GOGIQUE. Traitement -
des enfants idiots, par Bourne-
ville, 343.
Mélancolie. Modifications physiques
dans la -, pa.i Bruce et Alexander,
405. Emphysème sous cutané dans
TABLE DES MATIÈRES. 551
la -, par Cowen, 411. Théorie
relative à la - et à la manie, par
Turner, 411.
Mendiants et vagabonds dans les
grandes villes, par Bonhoffer,
445.
Méningite tuberculeuse forme mé-
lancolique, par Vigouroux, 541.
MÉNINGO-ENCÈPIIALITE diffuse chro-
nique du côté gauche, par Brunet,
397.
MËMNGO-MyEUTE tuberculeuse avec
autopsie, par Crocq, 116.
Mentaux. Troubles - toxi-infec-
ticux, par Lalgnel-Lavastine,
342.
Méthode systématique pour recueil-
lir les observations, par Newth,
. 133.
Migraine. Relations entre la névral-
gie du trijumeau et la -, par
l'utnam, 141. Relations entre la
et l'épilepsie, par Spiller, 144.
Mimiques. Troubles unilatéraux de
la -- faciale, par Lannols et Pau-
tet, 352.
Moelle. Ligature de la chez les
' animaux, par Crocq, 528.
Morphine. Traitement de l'habitude
de la -, par Mac Bride, 530.
Muscle. propos de certaines modi-
fications du , par de Buck et
Demour, 117.
Musée. Nécessité d'un - et d'un
laboratoire de pathologie et de
physiologie cérébrales, par Newth,
49.
Muitsme. Le - hystérique dans
l'histoire, «par Leroy, 506.
M y 1,STIIF.NIQUE. Réaction électrique-,
par Flora, 127.
Myélite syphilitique, par Hauser et
Thomas, 61. Nature et traitement
de la aiguë, par Marmesco,
533.
Myxoedémateuse Folie -,traitement
thyroïdien, par Legrain, 539.
Neurasthénie. L'hystérie et la -
chez les jeunes sujets, par de Mer-
rit, 307. La nature de la , par
Ladova, 310. '
Névralgie. Relation entre la du
trijumeau et la migraine, par
Putnam, 111.
Névrite subaigue par compression,
par Kellogg, 150. Relation entre la
faciale et la rétro-urbitaire,
par Leszinski, 524.
Obsession. Théorie de l' -, par
Arnaud, 337.
OEDJ ! ME hystérique, par Cestan et
Raymond, 60, par Voisin, 161.
ONIROCRITIE comitiale, par Fournie,
282.
Opiitalmoplégie. Étude sur Il- cou-
génitale, par Cabannes et Barneff,
40.
Oreille. Malformation congénitale
de l' -, par Kerr, 109. Pavillon
de l' - valeur de ses anomalies,
par Lucas, 279. Traitement des
vertigineux de l' -, par Libotte,
534.
Palustre. Troubles nerveux d'ori-
'gille -, par Brocquet, 311. Poly-
névrite, par Boinet, 311.
Paralytiques généraux. Etude de la
dépendance des - par Ricard,
277. Algidité centrale chez ces
par Joffroy, 329.
P.11S4LYSIE générale. Hallucinations
psycho-motrices dans la -, par
A. Marie et Buvat, 1. Du sens
génital étudié chez les mûmes
malades, aux trois périodes de la
- , par Marandon de Montyel, 4r. i.
Pathogénie des symptômes de
lésions en foyer dans la -, par
Mouratow, 131. Lymphocytose
dans la -, par Anglade et Cho-
craux, 156. Névroglie dans la -
par Anglade, 157. - juvélllle, par
Devay, 273. Recherches sur l'étio-
logie de la , par G. Boyer, 277.
La chez les religieux, par
Caboureau, 281. De la - simple,
par Duffou, 281. juvénile, par
Régis, 312. à début anormal,
par Pailhas, 31+. Anatomie et
pathologique de la -, par Orr et
Cowen, 108. Anatomie et hisio-
pathologie de la - par Soukha-
noff et Geier, 529. Lésions du cor-
tex dans la -. par Marchand,
538. Délire des actes dans la -,
par Truelle, 540. Imbécillité et -
juvénile, par Toulouse, 541.
Paralysie. Une épidémie de spi-
nale infantite, par Simonini, 42,
Saturnine anormale, par Onuf.
143. - de Landry, par Knapp et
Jenks Thomas, 145. Tic et , par
Ballet, 154. totale et isolée de
la troisième paire, par Achard et
L. Lévi, 151. - du grand hypo-
glosse par P. Marie et Guillam,
552 TABLE DES MATIÈRES.
157. Anatomie pathologique de la
- de Landry, par Guizetti, 224.
Altérations spinales dans la -
agitante, par Nonne, 227. - fami-
liale périodique, par Crafts, 301.
Un cas de - de Buown Sequard,
par Woods, 302.
Par \lI1YHOIDICNXES. Glandules-, par
Livini, J26.
P4THOLOGIE. Nécessité d'un musée
et d'un laboialoii-e de - et de
physiologie cérébrale, pai Newth,
49
Patronage familial en IIollande,
par Peeters, 55,
Pensée. Contribution à l'étude de
la qui prend la forme de voix,
par Piniatchewski, 119.
PLRSONEL. Enquête historique sur
le de surveillance des aliénés
en Allemagne, par Piniatschew-
ski,53,
I'u»nacl : wE physiologique, par Ray-
mondeau, 334.
Phtisiques. Nécessité d'isoler les
aliénés, par France, 53.
Pituitaire. Glande considérée
comme un facteur de l'acromé-
galle et du gigantisme, par Hut-
dllllson, 518.
Polynévrite palustre, par Boinet,
311.
Ponction Louctn,E. Effets physiolo-
giques de la raciiicocaiiiisatioiiel
de la -, par Pitres et Abadie,
28'J.
I'Ol ? E\CI.PH 1LIE. Un cas de -, par
Deganello, 223.
Professions. Influence de la syphilis
héréditaire, de l'alcoolisme et de
, quelques -insalubres sur la pro-
dnction des maladies chroniques
du système nerveux chez les en-
fants, par Bournemlle, 331.
Prophylaxie dans les maladies
mentales, par Richardson, 554
Psychologie. Anatomie cérebrale et
- par Soury, 28, La nouvelle,
par lllaudsley, 113.
1 l'sycHo-m1cANlOuE. Traitement -
des tics et des habitudes, etc., par
Bérilloii, 356.
Psycho-physique. La perception -,
par Edrtdge, 519.
Psychose post-opératoire, par Devay,
267. Anatomie pathologique dans
les fonctionnelles, par Heil-
bronner, 516.
Puerpérale. Attaque d'épilepsie sui-
vie de chorée dans la folie -, par
Easterbrook, 133.
Pupilles. Immobilité des dans
les attaques hystériques, par
Karples, 39.
QUEUE DE cheval. Hypertrophie de
la -, par Thomas, 58. Tumeur
comprimant la-, par Sachs, 143.
Des lésions de la -, par Bechte-
rew, 225.
R ,CHICOCAÏKISATION. Effets physio-
logiques de la - et de la ponc-
tion lombaire, par Pitres et Abadie,
289. Traitement des douleurs du
tabès par l'aspull1e et la -, par
Marchand, 342.
Ramollissement, Rires et pleurs
spasmodiques par - nucléo-
capillaire antérieur, par E. Dupre '
et Devaux. 156.
Réflexes. Dissociation et antago-
nisme de -tendineux et cutanés,
par Crocq, 1 l7. -chez les sypl-
litiques, par Binet-Sanglé, 128.
Rapports entre les- et la tonicité
musculaire, pai de Benzy et Coop,
129. Polynévrites et -, par de
Burd" 129. - oculo-pupllhire,
pat Stefaui et lVorcle : r,t. ? ` ? 0. Con-
tribution à l'étude (]il -
par Wallon et Paul, 229. Physio-
toge et pathologie du tonus, des
- et de la contracture, par Crocq,
31 4. Mécanisme physiologique des
, par Marchand et Vurpas, 328.
acllllléens paradoxal, par De-
bray, 526. Raison et localisation
du - patellaire. par Laureys, 526.
- tendineux et - cutanés, par
Lauieys, 527. Etat des - chez les
syphilItiques, par Emet-Sanglé,
527. cutanés et tendineux par
Van Gehuchten, 528. dans la
fièvre typhoïde, par Reumlinger,
529.
Réfraction and how to refract, par
Tliorington, 166.
Rêve obsédant, par Bérillon, 161.
Rires et pleurs spasmodiques par
ramollissement nucléo-capsulau'e
antérieur, par Dupe. et Devaux,
156.
Sclérodermie, par Brissaud, 154.
Sclérose cérébro-spmaie dissémi-
née, par Crocq, 42. Symptômes
TABLE DES MATIÈRES. 553
oculaires de la - postétieure de 1
la moelle, par Olivier, 299.
Sclérose en plaques. Des formes
bustes de la-. parScl7ackewitsch,
39. -, par Touche, 151.
Sensibilité. Altération des - tac-
tile et thermique, par Ferrarl,
128, 21. La - cher les sourds-
muets, pal Ferrai, 223.
Sentiments. Les -, par Campbell,
111.
Sérum artificiel en aliénation men
taie, par E. Faure, 167.
Sérum. Injections de - chez les
aliénés, par Pactet. 5'38. -, par
A. Marie, 542.
Sexes. Influence du prognathisme
pour la détermination des -, par
Guilîriria, 223.
SlTOPllOi31u observée chez des aliénés,
par Maiorfi, 358.
Société D'IIYI'NOLOGII. ET DE PSSCIIO-
logie, 67, 160, 350.
Société médico-psychologique, par
brisant, 537.
Société DE neurologie, par Boissier,
5G, 153.
Société DE NEUROp1HOLOGIE ET de
psychiatrie DE Moscou, par Barn-
steiu, llourawielf et Versilof1', 61.
Sommeil. Procédé pour piovoquer
le - artificiel, par Hartenberg,
526.
SGUnns-ocETS. La sensibilité chez
les -, par Ferrai, 223.
Souvenir des mouvements passifs,
par d0ulcowshy, 226.
Stéréotypies. Contribution à l'étude
des -, par Cohen, 4zig.
Stigmates. Des hémorragies de la
peau et des muqueuses pendant
et après les accès «l'épilepsie et de
leur analogie avec les des ex-
tatiques, par Bourneville, 261.
Suggestion. Rôle de la dans la
vie publique, par de Bechterew,
46. Suggestibilité et , par He-
gnault, 67. Emploi de la - dans
l'éducation artistique, par Joire,
357. - pédagogique dans le som-
meil, par Bourdon, 358. h1p-
notique dans l'éclampsie, par Le
Menant des CI7PSlIiIIS, 358. -, son
rôle dans l'éducation pal Thomas,
444.
Suicide. Rapports de l'alcoolisme
et des en Angleterre, par Sul-
livan, 132. - d'un adolescent,
116. Pathogénie du -. par Re-
boul, 280. - d'enfants, 367.
Suspension. La -comme traitement
des maladies nerveuses, parOstan-
koff, 543.
Swcnrworsc. Histoire d'un vision-
naire, par Ballet, 162.
Syphilis du système nerveux en
Algérie, par Scherh. 58. - Du
cerveau, par Eslmdge, 303. In-
fluence de la héréditaire, de
l'alcoolisme et de quelques pro-
fessions insalubres sur les mala-
dies nerveuses des enfants, par
Bourueville, 331.
Syringomyelie. Forme rare de -
avec méningite tuberculeuse, par
lienoni, 41. Amyotrophie et -
comparées, par Guillain, 60.
Déformation de la colonne verté-
brale dans la -, par Naluaiidofl*.
65. Traumatisme de la région
cervicale simulant la -, par
Lloyd, 147.
SYRlKGOmÜIQuEs. Arthropathies-,
par Préobrajenski. 38. Syndrome
- étendu unilatéral, par Sano,
43.
TAB1C. Influence de l'alcool et du
- sur le travail, par Féré, 369,
463.
Tabès. Sensibilité oculaire dans
le , par Le Merle, 280. Traite-
ment des douleurs du par
l'asperine et la rachicocaïnisa-
tion, par Marchand, 342.
TABi' : TIQUE. Etude de la paralysie
post -, par Gardini, 41. Ther-
mogenèse des -, par Marie et
Guillain, 157.
T.1CTIO11TRE, par lllotschoutlcowslci,
118.
Testament. Exécution d'un dans
un cas d'hémiplégie avec aphasie,
par Edmunüs, 45.
Thèses de Bordeaux, 276.
Thyroïdien. Accès d'asthme violent
d'origine hypo , par Ley, 40.
Extrait dans la folie, par Ba-
brocq, 535.
Tic et paralysie, par Ballet, 154.
Torticolis. Deux cas de mental
chez les aliénés, par E. Martin,
270.
Tonus. Physiologie et pathologie
du - musculane, des réflexes et
de la contracture, par Ctocq, 314.
5S4 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.
TRANSVER13F*,RATIO'Ç de Sainte-Thé-
rèse d'Avila, par Lemesle, 67.
TROPHOEDlhlE chronique héréditaire,
par Lannois, 40.
Tuberculose. Rapports de l'aliéna-
tion et de la -, par La Bonnar-
dière, 72. Isolement des malades
atteints de -, 168.
Tumeurs du SI stème nerveux cen-
tral, par Michelzzi, aga-
zeuses de l'abdomen, par Le-
maistre, 329.
Ulcère. Application de l'élongation
trophique à l' - de la jambe,
par Chipault, 56.
Urémie. Délire aigu et -, par
Cullerre, 449.
UUÉTIIRE Rétrécissement spamo-
dique de 1'11rèthL'e, par Wateau,
67.
Utérines. Influence du' psychique
sur les fonctions, par Regnault,
161.
V\GAROWS. Mendiants et - des
grandes villes, par Bonhûlïer, 445.
Vague. Le dans ses rapports avec
les formes malignes de la rou-
geole, par Cioffi, 127.
VEINES spinales variqueuses, par
Coon, 230.
Violoniste prodige, par L, Dauriac,
67. ,
Visuelles. Recherches expérimen-
tales sur la mémoire des im-
pressions, par Guerwer, 225.
Vomissements incoercibles guéris par r
la suggestion, par Farez, 356.
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS
Abadie, 389.
Achard, 57, 154.
Aimé, 354.
Alexander, 405.
Amata. 362.
Anglade, 15G, 157.
Arnaud, 262, 337.
Aubry, 61.
Babinski, 157.
Babroch. 535.
Ballet (Gilbert), 59, 119,
9.i+, 962, 236, 261,
267,375, 3r1, 420;
421, 429.
Baibiera, 126.
Bardisky. 223.
Barnef, 40.
Barrât, 521.
Beadles, 406.
Beclterew (de), 16,118,
225, 397.
Mendier, 153.
Benedikt, 43.
Berillon, G7, IGI. 35G.
Betoulières, 279.
Binet-Sanglé, 123, 527.
Blackwoo¡J, 523.
Blair, 407.
l3odoni, 221.
lioiiiet, 61. 311, 515.
Boissier, 61, 160, 166,
167, 364,
Bonhoffer, 445. ,
Borozdiiie, 121.
Botton, 520.
Bourdon, 160, 358.
Bourneville, 264, 266,
330, 331, 343, 352,
418, 419, 421, 422,
423, 424, 426, 427.
Botiyer, 278
Boyer, 75, 277, 444.
Biacci, 124.
l3riaud, 258, 261, 271,
273, 420. 422, 423,
426, 539, 512, 543.
Brissaud, 153, 154, 271,
275, 327.
Brewer, 532.
Brocquet, 311, '-
Bronislawski, 279.
Bruce, 405.
Brunet, 397. j
Buckka, 431.
Buck (do), 525.
liurk «le), 129.
Burr, 309, 534.
Buvat, 1.
Cabannes, 40.
Caboureau, 281.
Cahen,476.
Campbell, 111, 137,
Carrier (A), 247.
Cariier (G),247.
Cavazzani, 124.
Cené, 223.
Cestan, 60. 158, 327.
Chénieux, 234.
Cliipault, 5G.
Chocraux, 156.
Christian. 539.
Cioffi, 127.
Claik, 137.
Clarke, 303.
Punch, 190.
Cochran. 53 i.
Colin, 542.
Con('ord, 138.
Coon, 230,
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS. 555
Coop, 199.
Cowen, 408. 411.
Cmfts, 301.
Crété, 538.
Crevatin, 127.
Crocq, 42. 116, 117,
261, 266, 314, 360,
525. 526.
Crookshank, 134.
Cruchet. 177.
Cullerre, 449.
Daganello, 223.
Dannemann, 440.
Daniel, 435, 532.
Danihewski, 532.
Dauriac (L.), 67.
Dawson, 524.
Dabrav, 525.
Decroly, 129.
Dèjeiine, 528.
Délarras, 278.
Delarue, 334.
Delmas, 127.
Demagny. 170,
Demoor, 117.
Deny, 118, 123, 130,
Dercum, 151, 228.
Devaux, 157.
Devav, 74, 267, 273,
274.
Do bot worsky. 130.
Doursout, 422, 423,
428.
Doutrebente, 266, 268,
418, 423, 426, 427.
Drapes, 50.
Drouineau, 246, 420,
421, 424, 426.
Duffon, 281.
Dupain, 542.
Dupré, 157,160,273, 354.
Easterbrook, 133.
Edmunds, 45.
Edridge-Green, 519.
Eide, 160.
Elkins, 50.
Eskridge, 303.
Etienne, 58.
Farazzi, 125.
Farez, 160, 356.
Faure, 59, 167, 262, 340.
Oeuvré, 81.
Feindel,156.
Fenayrou, 428.
Fere, 369, 463.
Féron, 42.
Ferrai, 223.
Ferrari, 129.
Flechter-Beach, 401.
Flora, 127.
Fourme, 282.
France, 53.
Frendenthal, 110.
Garbini, 41.
Garnier, 539.
Gebuchten (van), 5 ? 8.
Geier, 529.
Giraud, 117, 4-10, 423,
425.4 : 6.
Gialfrida Ruggeri, 223.
Gonzalès, 231.
Guerwer, 225.
Guerrini, 223.
Guillain, 60, 157.
Guizzetti, 224.
Grasset, 324.
Hamel, 311, 361.
Hartenberg, 268, 311,
526.
Hauser, 61.
Ilanshalter, 41.
lIawlnns, 524.
Heitz, 13, 157.
Helbronner, 516.
Hikmet. 161, 359.
Hitchcock, 413.
Ilotchkiss, 136.
Hungerford, 414.
Hutchinson, 518.
Hyslop, 413.
Ireland, 138.
Jenks (Thomas), 145.
i JofTrov, 329, 537, 539.
Joire, 357.
Joukowski, 226.
Jurmann. 48.
Karples, 39.
Kellog, 150.
Keraval, 68, 121, 122,
131, 226.
Kerr, 109.
Knapp, 145.
Zig, 409.
Korsakoff, 65.
Iiovalewskv, 363.
Kouindjy, '545.
La Bonnardière, 72.
Labussière, 233.
Ladame, 123.
Ladova, 310.
Laignel-Lavastine, 59.
z. 343.
Lalanne, 352.
Launois, 40, 271, 352,
355.
Larionow, 298.
Lastarac, 61. ,
Laubry, 57.
Laureys, 526, 527.
Legram. 539.
Lejeune, 158.
Lemaistre, 329.
Le Menant des Ches-
nais, 359.
Lemerle, 280.
Lemesle, 67.
Lépinay. 356.
Leroy, 506,
Leszinsky, 141, 521.
L(vi (L.), 154.
Lévy, 60.
Ley, 40.
Lhote, 74.
Libott, 534.
Lioubimow, 121.
Livini, 126.
Lloyd, 147..
Lucas, 279.
Lutzenberger, 130, 533.
Lwoff, 427.
Luzaro, 223.
Mac Bride, 530.
Mac Carthy, 142.
Mac Caskey, 308.
Magnan, 539.
Maiorfi, 358.
Manfroni, 358.
Marandon de Montyel,
14, 36, 384.
Marchand, 261, ` ? 69, 274,
328, 342, 538.
Marie (A.), 1, 446, 5s0,
542.
Marie (P.), 157, 515.
Marinesco, 123, 159,
533,
Marr, 51.
Martin (E.), 217, î0,
271.
Maudsley, 113.
Mauxion, 69.
111ei;;e, Gl, 157, 266, 267,
270, 271, 272.
Mendelssohn, 326.
Mercier, 46,
Merri (de), 307.
Michauri, 361.
556 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.
i\ficlielzzi, 123
Middtemass, 50.
minot, 66.
mis, 304.
Monteil, 276.
5 ! otschoukowsk', 118.
Mouralow, 62, 64, 131.
Iourawefl, 63.
111usrave Claye, 109,
lia, 111, 113, 133,
232, 436, 519, 530.
Nageotte, 539.
NalbandofT, 65.
Newth, 49, 133.
Nikitllle, 61.
Nonne, 227.
Nordera, 221.
Oberthûr. 157, 158.
Olivier. 299.
Onuf, 143.
Orr, 408.
Ostankoff, 543.
Soudard, 250.
Pactet, 538, 542.
Pailhas, 313, 314.
Paru au , 276.
Pau de Saint-Martin,
161.
Paul, 229.
Pautet, 352.
Peeters, 55.
Petit, 86.
Philippe, 154, 157, 160.
Philippet, 275.
Preobrajenski, 38.
Proust, 282.
Picyué, 81, 452.
Pmmtschewshi, 53, 119.
Pitres, 324, 389.
Portioli, 125.
I>osto%vski, 62.
toularcl, 147, 167, 228.
Putnam, 141.
Raymond, 59, 154.
Raymondeau, 325.
Rayneau, 422, 540.
Reboul, 2S0.
Récroly, 515.
Régis, 235. 268, 274,
338. 352.
Regnault, 67, 161.
Rellay. 363.
Itenoni, 41.
Reutun, 435.
Henni, 129-
Hesl11kow, 298.
Reulinger, 529.
Revnou, 17.
Rlèhan ! son, 536.
ltobertson, 520.
Rossi, 41.
Rossolimo, 62.
Roth, 62, 63.
Rouhinowitch, 60. ïa.
Sachs, 143..
Sainsbury. 533.
Sano, 43, 525.
Schackewilsch, 39.
Sclerb, 53.
Schmt.er, 120.
Séglas, 435.
Sérieux, 1GG, 435, 443.
Shrady, 49.
Shoyer, 521.
Sibiril, 282.
Simon. 534.
Simonini, 42.
Simpson, 523.
Sioli, 1140.
Solovtzoff, 66.
Soukhanow, 529.
Soury,, 28. 97.
Spiller, 1 H.
Steen, 52.
Stefani, 221.
Suker, 531..
Sullivan, 132, 406.
Taguet, 115, 418, 421,
423, 424, 426.
Thomas, 58. 61, 414 ? 28.
Thorington, 166.
'l'mofelew, 53.
Tol : arsl;5, 62, 63.
Touche, 61, 154.
Toulouse. 541.
Toutvschkine. 64.
'l'renël, 12., 538.
Truelle, 8G, 5·'rO.
Turner, .411. 520.
Turner-Vaughan, 204.
Vaschide. 208.
Vallon, 423, 424. 539.
541.
Veasey. 150.
Versiloff, 63.
Vigoureux, 157, 416,
bil, 542.
Voisin, G7. 4G1.
Vurpas, 208, 328.
Walter, ;'30.
Wassiliefî, 64.
Wateau, 67.
Watson, 520.
Weirienhammer, 05.
Westcott, 106.
White, 412.
\\'hithead, 529.
Whiteway, 44. i.
Wihtcombe. 109.
Wilder, 302.
Winther, 44.
Woeds, 302.
Zonoli, 435.
Evreux, Cli. lltmsssx, imp.- 12- IqO 1.