(1901) Archives de neurologie [2ème série, tome 12, n° 67-72] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales
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(1901) Archives de neurologie [2ème série, tome 12, n° 67-72] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales

ARCHIVES

DE E

NEUROLOGIE

ARCHIVES

DE

NEUROLOGIE

REVUE MENSUELLE

DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES

Fondée par J.-M. CHARCOT

PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE MM.

A. JOFFROY

Professeur de clinique

des

maladies mentales

a la Faculté de médecine

de Paris. '

V. MAGNAN

Membre de l'Académie e

de médecine

Médecin de l'Asile clinique

(Sle-Anne).

F. RAYMOND

Professeur de clinique

des maladies

du système nerveux

à la Faculté de médecine

de Paris.

COLLABORATEURS PRINCIPAUX

MM. ABADIE (J.), ATHANASSIO, BABINSKI UALLET, BLANCHARD (It.), BLIN,

B01SSlEI\ (F.3, BONCOUR (P.), BOYEIt (J.), BltlANU 1011SSAUD (E.),

BHOUAItDEL (P.), BRUNET (D.), BUVAT (J.-C.), CAHEN, CATSAIIAS, CESTAN,

CHABBERT, CHAIION, CIiIiISTIAN, COLOLIAN, CUUCHET, CULLEXHE, DEBOYE (M.),

UENY, UEVAY, IJUGAMP, DUVAL (MuII1AS), FAUCHER, FEBYRE, FERE (Cu.),

FENAYROU, FERMER, FItANCOTTE, GILLES UE I,A TOUI\ETTE, GARNIE ! ! (S.),

GO1111SA11LT, GRASSET, KERAVAL, ICOOINUJY, LADAME, lAiNDOUZY, LEGItAIN,

LENOBLE, LEROY, LVVOFF, MABILLE, MARANDON DE MONTYEL, MARIE (A.),

N1RALLIE, âlUSGItAVE-ClAY, NOIR, PARIS (A.), PETIT, P1CQUÉ, P1E)U(ET, PITRES,

REGIS, III : GNARU (P.), RÉGNIER (P.), RELLAY (P.). ItICIII : It jP.), IIOTH (W.),

SÉGLAS. SÉRIEUX, SOLL1ER, SOUKHANOFF, SOUQUES, SOURY (J.), TAGUET,

TEINTURIER (E.), THILO (Or.), THULIE (H.), TIIUELLE, URRIOLA. VALLON,

VASCHIDE, Y1LLARU, VOISIN (J.), VURPAS, YVON (P.).

Rédacteur en chef : BOURNEVILLE

Secrétaires de la rédaction : J.-B. CHARCOT ET J. NOIR

Deuxième série, tome XII. 1901.

Avec 19 figures dans le texte.

' PARIS

BUREAUX DU PROGRÈS MÉDICAL

' 14, rue des Carmes.

1901

Vol. XII. Juillet 1901. - N° 67.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE MENTALE.

Hallucinations psycho-motrices dans la paralysie

générale;

A. MARIE, n J.-B. BIJVAT,

Médecin en chef il VllleJulr. Inlerne des Asiles.

, ,

On connaît le rôle prépondérant que joue l'hallucination

en séméiologie mentale. Ainsi que l'a dit Séglas, l'hallucina-

tion « est une perception sans objet » « une perception sans

impression » a répliqué Vallon. Elle est à la base de tous

les délires, elle en est le facteur prédominant, un des signes

capitaux, sinon toujours facile à dépister. Elle peut frap-

per tous les sens, être auditive, visuelle, olfactive, gusta-

tive, motrice, frapper. la sensibilité générale ou spéciale. Sa

durée est une des conditions de sa différenciation, sa diffé-

renciation est aussi fonction des aptitudes et des tendances

du sujet.

Les hallucinations de divers ordres se combinent entre

elles, s'associent et servent ainsi de charpente au délire.

Suivant Séglas, « les malades atteints d'hallucinations ver-

bales de l'ouïe et de la vue sont déjà des auditifs ou des

visuels, les hallucinés moteurs verbaux sont, au préalable,

des moteurs. Mais, malgré cette tendance du malade à verser,

au point de vue de l'hallucination, du côté où il penche, on

connaît l'influence des toxiques dans la production des fallu-

cinations. L'alcool produit surtout des hallucinations de la

Archives, 2e série, t. XII. 1

2 CLINIQCE MENTALE.

vue, la cocaïne des hallucinations de la sensibilité générale,

sans qu'on puisse connaître la genèse de cette élection du

trouble morbide sous l'influence de tel ou tel toxique.

Y aurait-il spécificité élective pour des. centres déterminés ?

On ne sait.

Les délirants mystiques théomanes ont des visions carac-

téristiques combinées souvent à de l'automatisme verbal ou

graphique (illuminés, inspirés, prophètes, etc.) que l'un de

nous a mis en relief récemment dans une étude faite avec

M. Vallon (in Archiv. O'eicroL., 1SGG-'J i, nos 1, 13, 1S).

Les persécutés systématiques ont surtout des hallucina-

tions auditives : c'était même là, pour Lasègue, un critérium

qui, aujourd'hui, paraît moins certain.

Les folies systématisées religieuses, dépressives ou expan-

sives se traduisent souvent par des troubles psycho-moteurs

précoces chez les mélancoliques possédés (Marie et Vallon,

Arch. ? aezc ? rol., 1898, nos29,30), secondaires et tardifs chez les

délirants partiels mystiques ; de là les idées de dédoublement

et de possession ou au contraire d'inspiration divine directe

(Marie, Mysticisme et folie, Arc/¡. Neurol., 1899, nos'4.0, 43).

La pathogénie des hallucinations se prête à des interpréta-

tions nombreuses. D'abord, on en a fait un trouble périphé-

rique purement sensoriel, puis oni en a fait un trouble psy-

chique pur. Baillarger fusionna ces deux interprétations et

attribua comme base à l'hallucination un trouble psycho-senso-

riel. Plus récemment, Tamburini, étendant à l'hallucination

les acquisitions relatives à l'aphasie corticale, en fit un trouble

fonctionnel des centres corticaux. « L'hallucination serait

aux altérations des centres sensoriaux ce que les mouvements

épileptoïdes sont à celles des centres moteurs. » Cette opi-

nion est acceptée par Séglas qui l'a appliquée à l'analyse

psychologique des phénomènes psycho-moteurs dans les

délires systématisés ; mais les hallucinations se combinent

le plus souvent entre elles et leur analyse devient plus com-

plexe lorsqu'elles touchent à des fonctions pour lesquelles

concourent plusieurs centres corticaux. Il en est ainsi, pour

le langage, produit d'une longue éducation et synthèse de

fonctions de centres superposés ; le trouble hallucina-

toire peut porter sur les images motrices d'articulation,

et on a l'hallucination, psycho-motrice verbale'proprement

dite, le trouble hallucinatoire peut porter sur les images

HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES : DANS LA PARALYSIE. 3

graphiques, et on a l'hallucination psycho-motrice graphi-

que. Chez -les délirants systématisés, le trouble hallucina-

toire va généralement du simple au composé; il frappe

d'abord les acquisitions les plus anciennes pour atteindre les

plus récentes, par extension. Nous observons actuellement

un persécuté qui a commencé par les hallucinations auditives,

puis est arrivé au stade psycho-moteur verbal : ses persécu-

teurs voyaient sa pensée, la violaient, la faisaient parler

malgré lui; actuellement, il en est au stade graphique : ses

persécuteurs le font écrire et ses manuscrits présentent un

mélange curieux de pensées à lui et de pensées à eux, et

l'écriture est modifiée quand elle traduit la pensée des « vio-

lateurs cérébraux ».

Séglas a bien décrit' le mécanisme de ces hallucinations'

psycho-motrices verbales graphiques chez les aliénés en z

général, montrant que beaucoup d'hallucinations dites psy-

chiques peuvent être considérées comme des cas de troubles

psycho-moteurs. Il a surtout étudié les mélancoliques et les

persécutés, il ne signale pas le phénomène chez les paraly-

tiques généraux.

Nous publions ici trois observations de paralytiques géné-

raux avec hallucinations psycho-motrices. Si « l'hallucination

est aux altérations des centres sensoriaux ce que les mouve--

ments épileptoïdes sont à celles des centres moteurs », l'étude

de la paralysie générale, dont les lésions diffuses frappent

indistinctement tous les territoires, devrait être un champ

d'observations fertile.

Les hallucinations simples chez les paralytiques généraux

sont connues et signalées depuis assez longtemps. Girma en

a présenté dans sa thèse, sous l'inspiration de Chrislian, de

Luys et de Ritti, une étude d'ensemble, en 1881. Voici sa

conclusion :

« Les hallucinations sont très fréquentes dans la paralysie

générale, elles peuvent être observées dans toutes les périodes

de cette affection, mais principalement dans la période

de démence. Dans la première période, elles peuvent revêtir

le caractère psychique; plus tard, après les congestions

cérébrales épileptiformes ou apoplectil'ormes qui semblent

avoir sur leur production une véritable influence, elles sont

plutôt sensorielles, fugaces et variées dans les formes expan-

sives ; elles sont assez souvent persistantes et identiques à

4 CLINIQUE MENTALE.

elles-mêmes dans les formes dépressives, dans les rémissions

incomplètes et dans la démence. Elles entraînent des actes

impulsifs, mais il est bien rare qu'elles soient, comme chez

les hallucinés simples, le .point de départ de déduction

logique. » - ,

Donc, suivant Girma, chez les paralytiques généraux les

hallucinatians peuvent revêtir le caractère psychique dans la

première période alors qu'elles sont plutôt psycho-senso-'

rielle plus tard, après les ictus dont il a bien vu l'importance ;

au cours de son travail, nous relevons trois observations où

le caractère psycho-moteur de l'hallucination existe très net-

tement.

A l'heure actuelle encore,les hallucinations psycho-motrices

verbales graphiques sont considérees comme rares dans la

paralysie générale. Cela tient peut-être, d'une part, à ce que

l'affection évoluant avec rapidité ne permet pas à l'hallucina-

tion d'arriver à ce degré de différenciation que la durée du

trouble favorise, et, d'autre part, à l'état démentiel très vite

accentué dans lequel tombent les malades; démence au sein

de laquelle le clinicien dépiste mal l'hallucination psycho-

motrice verbale, enfin, l'excitation parfois fort violente et

qui persiste durant assez longtemps ne permet pas l'investi-

gation clinique, tandis que le mélancolique ou le persécuté

viennent parfois eux-mêmes vous conter leurs infortunes.

C'est par poussées à l'apogée de la phase de dynamie fonc-

tionnelle initiale de la paralysie générale au début ou au

déclin de périodes de calme relatif de l'affection, dans les cas

de rémissions plus ou moins complètes qu'on trouvera de pré-

férence l'hallucination psycho-motrice verbale et graphique.

Ajoutons que, chez les paralytiques généraux, l'hallucina-

tion psycho-motrice n'aboutit pas nettement en général au

phénomène si curieux du dédoublement de la personnalité ;

la maladie évolue trop rapidement, les facultés mentales sont

trop touchées pour qu'il en soit ainsi.

Nous rassemblons ici les rares observations que nous avons

pu recueillir dans les auteurs sur ce trouble morbide au

cours de la paralysie générale.

La première observation est tirée d'Esquirol, par Baillar-

ger, qui l'a publiée dans les Annales médico-psychologiques

de 1881. Il s'agit d'une paralytique qui a eu des hallucinations

multiples et qui était possédée par deux démons.

HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES DANS LA PARALYSIE. 5

Nous empruntons à l'historique, dont Sérieux a fait précé-

der sa très complète observation publiée dans les Archives

de Neurologie de 1894, les faits suivants :

« Mendel, dans son livre (1SS0), fait allusion à l'existence,

chez un sujet atteint de paralysie générale (diagnostic con-

firmé à l'autopsie) d'obsessions au cours d'un accès mélanco-

lique et hypocondriaque. Le patient se plaignait d'être obsédé

' sans cesse par des maximes latines et de ne pouvoir qu'à

grand peine s'empêcher d'e les prononcer, puis c'était des

refrains de chansonnettes qui le poursuivaient : « c'est comme

si ces voix me venaient à la langue ». Mendel ajoute qu'il n'y

a pas trace d'hallucinations. Sérieux croit qu'il s'agit là d'o-

nomatomanie compliquée d'hallucinations psycho-motrices.»

Sérieux a publié une observation personnelle complète

avec examen microscopique de paralysie générale avechallu-

cinations psycho-motrices verbales dans les Archives de

Neurologie de 1894 ; en voici le résumé :

« Signes somatiques et psychiques de paralysie générale. Accès

mélancoliques passagers, accès maniaques avec idées ambitieuses

et de persécution. Internement, persistance durant trois mois

d'idées de persécution très actives provoquées par des hallucina-

tions de t'ouïe. Rémission très accentuée. Hallucinations motrices

verbales de nature pénible. Absence d'autres troubles hallucina-

toires et en particulier d'hallucinations auditives. Permanence et

activité de= hallucinations motrices verbales pendant plus d'un an.

Leur association étroite avec un état d'éréthisme des centres mas-

ticateurs : l'hallucination motrice verbale s'accompagne de mou-

vements involontaires de mastications ou de grincement de dents.

Ces troubles jouent un rôle dans la genèse des idées de persécu-

tions avec tendances à la systématisation, interprétations et réac-

tions caractéristiques. Bouffées secondaires épisodiques à forme

mélancolique (auto-accusation, idées de suicide), accès d'agitation

maniaque avec idées de grandeur et de persécution. Hallucinations

multiples motrices verbales, kinesthésiques, visuelles, auditives,

gustatives, état de confusion hallucinatoire. Pneumonie ; mort.

Autopsie. Encéphalite interstitielle avec adhérences méningées

localisées systématiquement dans les deux hémisphères à l'extré-

mité intérieure des circonvolutions rolandiques, à la troisième

frontale interne. »

Et Sérieux fait ressortir :

a) L'existence des hallucinations motrices verbales dans la para-

lysie générale. b) Leur association étroite avec des convulsions

6 CLINIQUE MENTALE. ,

des muscles masticateurs. c) Leur apparition au cours 'd'une

période de rémission il l'état de symptôme isolé sans association

d'autres trou blés hallucinatoires, leur durée prolongée de seize mois,

leur reproduction incessante. d) Leur rôle dans la genèse, au

cours d'une rémission, d'idées de persécution avec tendances à la

systématisation, Enfin, à l'autopsie,, des lésions de méningo-encé-

phalite intéressant le pied de la troisième frontale (centre moteur

verbal) et l'extrémité inférieure de la frontale ascendante (centre

masticateur).

Dans une thèse récente sur les hallucinations psycho-

motrices dans la paralysie générale (Paris. n° 334, mai 1900),

Maurice Ricu a fait une étude d'ensemble des cas d'halluci-

nations psychiques ou psycho-motrices publiées par divers

auteurs, Leroy, Sérieux, en y ajoutant un cas inédit. Il

estime que, dans la paralysie générale, les hallucinations

- motrices verbales sont extrêment rares. Cliniquement, les

hallucinations psycho-motrices de paralytiques généraux se

présentent avec les mêmes caractères que les hallucinations

psycho-motrices observées dans les divers états vésaniques.

Elles influent sur le délire des malades suivant des modalités

diverses et peuvent s'accompagner d'hallucinations senso-

rielles soit auditives, soit visuelles. .

.Les faits cliniques d'hallucinations psycho-motrices ver-

bales, observés au cours de la paralysie générale, sont très

peu nombreux jusqu'ici dans la littérature médicale, en

. raison : de leur rareté au cours de cette maladie, de l'ab-

sence de recherche systématique de ces phénomènes dans la

plupart des cas, de la difficulté d'arriver à un diagnostic

positif. Le diagnostic de ces phénomènes est, en effet, le

plus souvent très malaisé, soit à cause de leur fugacité, soit

à cause de l'état de démence du sujet ; parfois aussi ces hal-

lucinations psycho-motrices ne se révèlent au médecin que

dans les périodes de rémission du paralytique général. D'où

l'indication, chez un tel malade, toutes les fois qu'une amé-

lioration se produit de chercher systématiquement à faire un

diagnostic rétrospectif des hallucinations psycho-motrices

(cas de Sérieux).

En raison des lésions anatomiques habituellement obser-

vées dans la paralysie générale, certains auteurs se sont

demandés'si la production d'hallucinations psycho-motrices,

au cours de l'encéphalite parenchymateuse ne pouvait

HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES DANS LA PARALYSIE. 7

s'expliquer par une prédominance des altérations patholo-

giques au niveau des centres psycho-moteurs, et notamment

des centres sensorio-moteurs verbal et masticateur (interpré-

tation de Sérieux et Marinesco). Malheureuse ment, cette théorie

se trouve en contradiction avec le défaut des lésions anatomo-

pathologiques des centres corticaux et notamment des centres

incriminés plus haut chez les hallucinés psycho-moteurs

vésaniques ; avec le manque d'hallucinations psycho-motrices

dans les cas de lésions microscopiques des centres psycho-

moteurs verbaux chez la plupart des paralytiques généraux,

avec la généralisation très précoce dans l'immense majorité

des cas de paralysie générale.

M. le professeur Joffroy, dans la thèse de son élève,

M. Ricu, applique la théorie générale des phénomènes hallu-

cinatoires pour donner une explication plausible des faits.

« Il ne suffit pas, pour produire une hallucination, d'activer

un centre sensoriel par une lésion irritative, quelque chose

de plus est nécessaire, il faut'que ce centre soit modifié, il

faut qu'il' soit préparé d'une manière originelle ou acquise, il

doit avoir cette disposition anormale qui le rend hallucino-

gène et c'est pour cela qu'il n'y a pas de lésion produisant

d'emblée les hallucinations. Ce qui semble légitimer cette

hypothèse dans le cas des hallucinations motrices de la para-

lysie générale, c'est la période de la maladie à laquelle on

les observe. Il semble qu'on assiste à la désintégration des

neurones centraux d'où résultent les troubles psycho-moteurs

et leur paraphrase délirante.

Normalement, le courant cellulifuge actionnant les myo-

neurones se produit dans l'arc nerveux à la suite d'incitations

venues des protoneurones. Le sujet se reconnaît alors objet de

sensation et cause de mouvement. 1

L'usure fonctionnelle qui résulte du phénomène normal se

répare dans l'état de maladie, l'altération morbide des neuro-

nes centraux les fait passer par un état analogue suscitant le

courant cellulifuge sans son complément préalable ordinaire;

la deuxième portion de l'arc nerveux entre seule en mouve-

ment, le malade assiste à ce déclanchement automatique

dont il ne se reconnaît pas l'auteur en l'absence du courant

centripète normal, mais l'altération est plus profonde et

marque le début ou l'aboutissant du processus destructif des

zones corticales-motrices. Tels sont les documents que nous

8 CLINIQUE MENTALE. 1

avons pu rassembler dans la littérature médicale. Nous

apportons ici trois observations nouvelles : -

Observation I. L... (Henri), trente-cinq ans, entré à Villejuif,

le 17 juillet 1900, venant de l'hôpital Saint-Antoine avec un certi-

ficat du U' Londe, faisant mention de paralysie générale, et, après

être passé par le service de l'admission où M. Magnan a délivré le

certificat suivant : « Paralysie générale avec idées ambitieuses

incohérentes; hésitation de la parole. Inégalité pupillaire. »

Antécédents.- Père en très bonne santé. Mère morte à cinquante

ans, a été internée deux fois ; monomane et peut-être paralytique

générale. On trouva chez elle des armoires pleines d'objets neufs

inattendus, et avait laissé 50000 francs de dette de tailleur a

dépensé 3 millions en quatre ans, vivait séparée de son mari.

Un oncle mort de paralysie générale.

Le malade est marié, a deux enfants, l'aîné a trois ans, le

deuxième quinze mois, ils se portent bien, la femme du malade

est en bonne santé. Un frère maternel du malade, âgé de vingt-

trois ans est excentrique, dépensier, a eu six semaines de prison

pour tentative d'escroquerie envers son père, est allé deux fois à

Madagascar. Uans les antécédents personnels, on relève la syphilis,

le malade a eu cette affection en pleine adolescence, à seize ans.

A eu une existence très mouvementée qui dénote une certaine

déséquilibration, Polyglotte, il se présente à l'école navale, il est

reçu en 1.881, il démissionne pour se présenter à l'école polytech-

nique où il échoue, il s'engage dans l'infanterie de marine, quitte

le service militaire après être allé en Algérie, au Tonkiu où il est

blessé à la tête ; passe sa licence en droit et erre à travers l'Eu-

rope, il habite Sofia trois ans, s'y marie en 1895. Peu de temps

après a coup sur coup trois attaques épileptiformes. Grand fumeur,

il ne fait aucun excès alcoolique, mais travaille beaucoup, pas

d'excès génitaux : il présente un tic de la mâchoire inférieure,

depuis ses attaques. A la suite de sa vie errante où il a dilapidé

une grosse fortune, il a des difficultés sociales qui l'ébranlent assez

fortement; en 1899, est obligé d'accepter un emploi dans un

bureau pour gagner sa vie, il se sépare à l'amiable de sa femme

et de ses enfants aux besoins desquels il ne peut subvenir. Mais

déjà le travail du bureau excède ses forces, il sent ses facultés

l'abandonner et il a par instant la vision de sa déchéance, il écrit

à sa femme qu'il « est atterré du gouffre où il va s'engloutir » puis,

peu de temps après, il commence à vendre ses bijoux, ses meu-

bles, il a une satisfaction de lui-même qui fait contraste avec sa

situation.

A la fin juin 1900, il est pris d'une bouffée délirante avec agita-

tion, il va à Saint-Antoine, d'où on le renvoie bientôt à l'asile.

A son arrivée il est en pleine excitation avec des idées ambitieuses

HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES DANS LA PARALYSIE. 9

et de richesse, ayant perdu complètement le snmmeil. 11 présente

tous les signes somatiques de la paralysie générale : ses pupilles

sont inégales et ne réagissent plus à la lumière, sa parole présente

des accrocs 'manifestes, sa langue est animée de tremblement

fibrillaire et de mouvements de trombone; il a une dissociation

mimique nette avec un léger degré de parésie faciale gauche, du

tremblement des extrémités, de l'exagération des réflexes rotu-

liens, de l'instabilité dans la station debout ; les idées sont inco-

hérentes, mobiles, l'agitation continue, la mémoire très affaiblie.

L'écriture trahit manifestement le trouble de la mémoire par les

mots qu'il oublie et l'incoordination motrice de ses muscles.

Au mois d'août, l'agitation persiste quoique atténuée ; il a des

idées de négation : « il dit qu'il n'a plus de cerveau, on le lui a

enlevé et on a omis de le lui rendre, on lui a aussi ôté le coeur, le

sang, les viscères et les organes génitaux et les organes qu'il a en

ce moment sont ceux d'un autre. » Voici littéralement transcrite

une lettre qu'il écrit à cette époque.

« Mon cher docteur, '

« Je ne sais pas comment se fait que je sens la langue, les dents,

les bras, le coeur et l'estomac tout mon être dans toi.

· Je suis profondément en toi mon Bob chéri. Je ne com-

prends ce qui m'arrive, mais je ne sais qui m'arrive, écoute, en

somme je ne souffre pas et je sais que nous nous adorons, depuis

plus de quatre ans que tu ne m'as jamais trompée, ni moi non plus,

je te le jure tu le sais maintenant, tu restes je ne sais pas pour-

quoi : je sais qu'un homme qui s'appelait le D'' Marie te reçut

de la femme et te retenait toutes tes lettres cependant je t'écrivais

tous les cinq jours et jamais tu ne me répons parce que tu étais

dedans. ,

« Lors, amenée à l'hôpital, je suis en toi tu pleures de douleur et

je suis terriblement étonnée... (quelques mots illisibles)... et que

tu es désespéré d'avoir dans le corps ta Suzanne chérie, ton pigeon

rose ta chérie, tu chantais Suzanne, mugnificatrice et jolie en

anglais et il parait je pense qu'on fera une consécration et je l'es-

père ; nous serons deux différents et je crois qu'il le pense ; tu sais

nous pensons qu'il y a chose magique dans cette affaire. Enfin

mon chéri demandes la permission de L'habiller... et qu'il ne le

demande rien tu es l'homme...

« Enfin dis au docteur qu'il y a probablement quelque d'obscur et

extraordinaire dans ce qui nous arrive. Au fond tu sais mon Bob

aimé que au fond on peut nous faire deux êtres et sortir de ton

corps, nous fuirons Paris et nous irons en Algérie et faire encore

de bonnes affaires. Entends. « Suz. de C. »

Dans cette lettre, malgré l'incohérence, on s'aperçoit que le

10 O CLINIQUE MENTALE.

malade parle de lui parfois à la troisième personne, qu'il a quel-

qu'un, une femme en dedans de lui-même qui lui parle et lui écrit

par sa propre main et à qui il parle. Nous l'interrogeons et il nous

répond qu'il a deux femmes dans la poitrine qui ne le quittent

pas et qui parlent.

Il est en conversation continuelle avec elles, et elles lui disent le

plus souvent des choses agréables, érotiques. Parfois même ces

' femmes empruntent sa voix et causent par sa bouche et ce n'est

plus lui qui parle : ils sont deux.

Il écrit encore deux lettres ou les mêmes préoccupations sont

traduites. L'agitation est continuelle, le malade est violent, déchire'

et brise, et aucun calmant n'a prise sur son état. Septembre,

octobre, novembre se passent ainsi, mais la déchéance physique

s'accentue. Au commencement de décembre il doit être alité, il

reçoit à cette époque la visite de ses parents. « L... (lui-même)

leur dit-il, n'est pas la », et il parle de lui à la troisième personne.

Malgré son état d'affaiblissement et-son gâtisme, l'agitation per-

siste, il marmotte continuellement. penchant de temps en temps

l'oreille dans l'attitude de l'homme qui écoute contre sa poitrine,

succombe le 25 décembre à une broncho-pneumonie rapide, arrivé

à l'extrême cachexie paralytique. La famille ne nous a pas permis

l'autopsie.

Observation Il. fi..., âgé de quarante-sept ans, entre à Vil-

lejuif le le, août, avec le certificat suivant de M. Garnier : « Para-

lysie générale à la première période. Excès alcooliques probables.

Démence. Embarras de la parole. Mélange d'idées de persécution

et de grandeur. Inconscience de sa situation. »

Antécédents. Père mort à cinquante ans d'une pneumonie ;

mère morte à quarante-huit ans, très nerveuse, commettait des

actes excentriques. Deux soeurs bien portantes, nerveuses. Marié,

a perdu sa femme en 1899, n'a jamais eu d'enfant. Sur les anté-

cédents personnels nous n'avons noté que des excès alcooliques et

génitaux très nombreux, et depuis 1895 une affection intestinale

qui semble être de l'entérite muco-membraueuse.

On s'est aperçu dans son entourage des modifications de son

habitus extérieur dès le début de mai 1900. Il néglige ses affaires,

perd la mémoire, erre à travers Paris le jour et la nuit, fait des

achats inconsidérés. Il est riche, raconte-t-il, et des puissants

veulent le déposséder. En 489a, il avait eu un ictus qui aurait été

suivi d'une paralysie de l'oeil gauche.

A son entrée, il se présente avec un embarras de la parole mani-

feste, sa langue tremble en masse et a des mouvements vermicu-

laires, il a un ptosis à gauche et un certain degré de paralysie

faciale qui donne une dissociation mimique très nette; pas de

phénomènes paralytiques de la musculature externe ; les pupilles

HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES DANS LA PARALYSIE. H

I

sont légèrement inégales, la gauche un peu plus grande, mais

elles réagissent bien à la lumière. La mémoire est très diminuée,

il a peine à nous rappeler son âge. Il a des tremblements des

extrémités, qui sont traduites par l'écriture. Les réflexes rotuliens

sont exagérés surtout à droite, il n'y a pas de signe de Romberg,

mais instabilité dans la station debout, aucun trouble de la mar-

che, aucun trouble de la sensibilité.

Au point de vue somatique, athérome artériel qui se traduit par

un éclat du deuxième bruit de la base, et une légère rigidité des

artères radiales. Obésité, pas de troubles des sphincters, a engraissé

beaucoup pendant son séjour à l'asile. A côté des troubles de la

mémoire, de l'attention, nous notons des hallucinations psycho-

motrices, il annonce que le a don » va parler. La voix change et

il parle de lui-même comme d'une personne étrangère : ce « don »

parle par sa langue, dans ses dents, il a une conversation

avec le, malade et avec ceux qui lui parlent. Ce « don » lui dit par-

fois des choses fort désagréables, et G... s'emporte, se met en

colère, il est en continuel marmottement, tout le jour, se tenant à

l'écart des autres malades et parlant sans cesse ; ce « don », ce

« ventriloque » l'oblige à manger énormément, il est fort glouton

« puisque nous sommes deux ». 11 a un dédoublement de la per-

sonnalité, mais sans cohérence. -

Voici les lettres qu'il a écrites et où il traduit son état par deux

sortes d'écritures, l'une émanant de lui-même, l'autre attribuée à

une personnalité étrangère, maîtresse de sa main comme de sa

bouche.

1. « J'ai quelqu'un qui parle dans ma Bouche; don.

2. « Je veux faire mourir monsieur G... c'est pour avoir ces 40 mille

francs. '

« Ce monsieur est un cochon, roche assassin je lui liens lumuin.

3. « M. G... est brave garçon j'ai voyagé avec lui, Bordeaux,

Marseille, Toulon. J'ai beaucoup voyagé à toutes mes facultés ». '

Dans ses écrits, comme dans ses paroles, on saisit le dédou-

blement de la personnalité du malade et le tour tantôt

désagréable, tantôt agréable des propos que le « don » lui

tient. ' /

Il est intéressant de noter la gradation qui se manifeste :

d'abord le malade signalant le fait et signant : Don. Le Don

le tourmente ensuite et veut lui voler sa fortune imaginaire

la mégalomanie se trahit ici en même temps que l'affirma-

tion d'une force étrangère agissant sur la main. En dernier

lieu, l'euphorie prend le dessus et l'intrus complimente en se

félicitant niaisement de voyages multiples faits ensemble

auparavant (délire rétrogade).

12 CLINIQUE MENTALE.

Cet état n'a persisté que quelques semaines; l'état général

est actuellement bon et l'affection est pour l'instant station-

naire (démence simple).

Observation III. 13r..., trente-huit ans, entré à Villejuif, venant

de l'Asile clinique avec le diagnostic de paralysie générale,

G mars 1900.

Antécédents. Père vivant, soixante-dix ans, mère soixante-

cinq ans en excellente santé, dix frères ou soeurs assez bien por-

tants, quelques-uns ont des stigmates de scrofule. Trois sont morts

en bas-âge.

Le malade a eu la syphilis et a été traité : il s'est marié en 1886

et en 1891 a eu une paralysie faciale. Depuis cette date il a eu de

fréquents étourdissements, ses jambes s'effondraient sous lui, et

son caractère était devenu sombre et indifférent. Au début de 1899

a eu de violentes douleurs intercostales qui furent traitées à l'io-

dure, mais il refuse bientôt tout médicament. Il quitte sa situation

commerciale en juillet 1899, commence a tenir des propos bizarres

et à agir de même, il va à Dubois, on lui fait des injections de

calomel, en sort le G décembre et va dans une maison de santé de

la Loire-Inférieure. Il rentre à Paris le le" mars, très déprimé avec

des idées de ruine, du mutisme et du refus d'aliments. Pas d'alcoo-

lisme, a femme a eu quatre fausses couches, la première au bout

de la sixième année à deux mois et demi, la deuxième à sept mois,

la troisième à six mois, enfant macéré, la quatrième à six mois.

A son entrée, l'examen somatique ne révèle rien d'anormal, le

pouls est rapide, bat à 120. Mais il n'y a aucune lésion au coeur,

l'état général est assez bon, le malade pèse 85 kilos ; les voies

digestives trahissent leur malaise par une langue assez sale et de

la constipation avec une légère teinte subictérique, les urines ne

contiennent ni sucre, ni albumine.

Les réflexes rotuliens sont exagérés surtout le droit, et il y a de

la trépidation épileptoïde à droite, pas de trouble de la marche,

instabilité légère les yeux fermés, pas d'incoordination motrice;

au dynamomètre 40 à droite et à gauche, aucun trouble sensitif.

La pupille droite est plus grande que la gauche, aucun phéno-

mène paralytique du côté de la musculature extrinsèque. Les

pupilles réagissent mal à la lumière et à l'accommodation, disso-

ciation mimique et parésie faciale gauche. Aspect triste, le malade

parle peu, répond par monosyllabes, mais la lecture trahit un

achoppement de la parole, que les mouvements vermiculaires

constatés sur la langue expliquent : ondulations vermiculaires des

muscles péri-buccaux. Pendant l'examen, a un air de défiance très

net, il jette un regard de travers, semble être halluciné de l'ouïe,

il a la raie vaso-motrice et pendant l'examen urine sous lui.

Le 7 mars est mis au traitement spécifique, le 15, il refuse la

HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES DANS LA PARALYSIE. 13

nourriture, parle peu, a un aspect inquiet et triste, change conti-

nuellement de place, il gâte et il est impossible de le maintenir

au lit, il cherche à se faire du mal en se frappant la tête contre les

murs, s'arrache les moustaches, puis cet état s'amende un peu.

Le 12 avril, a un ictus avec perte complète de connaissance pen-

dant une demi-heure; quand il sort de son coma, il a de la gêne

des mouvements dans tout le côté gauche.

Le 13, l'hémiparésie gauche a disparu, la 'pupille gauche est

contractée, 14 diamètre filière Charrière, li droite très dilatée 21,

pendant la marche léger affaissement du côté gauche.

Le 16, paraît mieux, mais de temps en temps écoute des voix

qui lui disent des gros mots.

Le 19, apparition d'une parésie faciale droite avec ptosis droit,

énorme dilatation pupillaire droite, aucun signe paralytique dans

les membres droits.

Le 24 mai, le malade s'agite, et refuse absolument la nourriture,

ne dort plus et marmotte continuellement des injures à son

adresse : « tu es allé à Dubois, tu es un c..., un sal..., faut-il que

tu sois coch... » il faut lutter avec lui pour lui passer la sonde :

« on t'empoisonne », on veut te c saouler » dit-il en grinçant et en

serrant les dents.

Le 13 juin, s'alimente seul, mais est toujours agité le jour et la

nuit ; marmotte en grinçant des dents sans cesse.

« Que fais-tu, B... dans cette maison retourne chez toi ».lui dit

cette voix. Interrogé, il répond qu'une femme lui parle sans cesse

dans la bouche, l'ait remuer sa langue, malgré lui et lui dit des

injures, il serre les dents pour ne pas parler, mais il parle malgré

lui. Mouvements de pandiculations.

Le 25 juillet, marmotte toujours, sa voix parle sans cesse dans

sa bouche ; ptosis complet à droite avec déviation de l'oeil en

dehors, déviation corrigeable par la volonté, le ptosis ne peut être

modifié par la même influence. Est soumis aux injections de sérum

ioduré et à l'hypochloruration.

Même état pendant septembre, octobre; le 12 novembre 1900,

interrogé à nouveau, il dit qu'une personne, une femme lui dit par

sa propre bouche : « B... tu es un homme foutu, tu n'avais aucune

raison de venir avec ces gens-là le mettre à table; c'est bien fait

pour toi, tu as commis un crime en venant ici, demande un laisser

passer à ce Monsieur qui vient te voir, tu as accompli ta mission

dans cette maison. »

Quand on lui fait des piqûres de sérum il marmotte sans cesse

en grinçant des dents : « on t'empoisonne, mon vieux B... » et

interrogé sur la nature de cette voix qui parle par sa bouche sans

cesse le jour et la nuit et avec laquelle, dit-il, il est en conversation

malgré lui, il dit que c'est celle d'une personne qu'il est allé voir

avant d'entrer à l'asile; mais. il ne la désigne pas autrement.

14 CLINIQUE MENTALE.

Quand on l'interroge, il répond assez correctement aux questions,

mais bientôt le style change, et la voix, en s'adressant à lui,

reprend son monotone monologue de propos désagréables.

Le malade conserve un état général assez ^satisfaisant et

paraît tirer profit des piqûresde sérum ioduré. Les signes

somatiques restent les mêmes et l'évolution de la maladie

paraît devoir garder une marche assez lente.

Du sens génital étudié chez les' mêmes malades : aux

trois périodes de la paralysie générale';

Par le D' E. 11.1Ra\UO\ DE \fONT1'EL,

Médecin en chef des asiles publics d'aliénés de la Seine.

De ce que nous venons de dire, il ressort nécessairement

que le maximum des altérations en moins, 100 p. 100, s'est

trouvée avec les trois formes mentales où il n'y a eu ni alté-

ration en plus ni normalité ; démence agitée et les deux

dépressives; immédiatement après viennent les mixtes agitées

(87 p. 100) dans lesquelles, si nous avons constaté l'altéra-

tion en plus, nous n'avons jamais noté non plusde normalité.

On peut mettre au troisième rang, se suivant de près les

expansives calmes et agitees (77 et riz p. 100) et aussi les

démences calmes (71 p. 100). Au quatrième rang se place-

raient les rémissions (64 p. 100) et les mixtes calmes

(G0 p 100).

Avec le tableau suivant nous-aurons l'influence que peut

exercer l'âge sur les altérations du sens génital chez les para-

lytiques généraux : .

DU SENS GÉNITAL DANS LA PARALYSIE GENERALE. 15'

Il résulterait de nos constatations que l'état normal du sens

génital se trouve surtout dans la paralysie générale de l'âge

moyen; en effet, notre tableau semble bien indiquer que la

normalité croît d'abord parallèlement à l'âge jusqu'à qua-

rante-cinq ans puis décroît au contraire pour disparaître

complètement après cinquante ans. De même, on constate

très nettement dans notre tableau que l'altération en plus

croît, elle aussi, parallèlement à l'âge jusqu'à quarante ans

où elle atteint son maximum, puis décroît progressivement

pour disparaître également après cinquante ans. Il résulte

de ces deux faits que dans la paralysie générale tardive, celle

survenant à la cinquantaine ou après, le sens génital est tou-

jours aboli, et que, les altérations en moins se présentant de

toute nécessité en sens inverse de la normalité et des altéra-

tions en plus, décroissent parallèlement aux progrès de l'âge

jusqu'à quarante ans pour croître ensuite progressivement

jusqu'à cinquante ans où elles sont seules.

Chacun sait le rôle énorme de l'instinct génital dans la

genèse et le développement de la personnalité physique, de

l'idée que chacun de nous se fait de sa force et de sa valeur,

il est donc intéressant de rechercher dans quels états s'est

trouvé cet instinct lors des diverses transformations de la

personnalité chez nos paralytiques généraux. Le tableau sui-

vant nous l'apprendra :

16 CLINIQUE MENTALE.

vrai de prétendre que la self-satisfaction des paralytiques

et leurs conceptions délirantes de forces physiques sont

engendrées par une suractivité génitale. D'ailleurs il suffît de

suivre comme nous l'avons fait un certain nombre de para-

lytiques généraux durant toute la maladie pour s'assurer

qu'il n'existe aucun rapport entre les transformations de la

personnalité physique et le sens génital, car on trouvera des

sujets chez lesquels ce sens passera successivement et alter-

nativement par les quatre états de normalité, d'exaltation,

d'affaiblissement et d'abolition sans que le délire du malade

en soit modifié, le sujet continuant à avoir la même idée de

lui-même quel que soit l'état de ses organes génitaux. Ces

faits, très nombreux, jugent, il me semble, sans répliquer la

question ; ce qu'on a pris pour un rapport de cause à effet

n'était qu'une coïncidence.

On a prétendu aussi que les troubles du sens génital

n'étaient pas sans rapports avec les altérations des autres

sensibilités, sensibilité au toucher, sensibilité à la douleur.

Or avec la première il ne saurait de toute évidence exister de

rapports qu'à titre tout à fait exceptionnel puisque dans

notre mémoire relatif au sens tactile nous n'avons trouvé ce

sens altéré que dans la proportion très faible de 12 p. '100 au

maximum de nos constatations, tandis que le sens génital

l'est dans celle huit fois plus considérable de 94 p. 100. Néan-

moins voyons si même à titre exceptionnel il existe un rap-

port quelconque. Or nous obtenons le tableau qui suit, fourni

par 144 constatations dans lesquelles l'état du sens génital a

pu être relevé, le sens tactile étant altéré.

DU SENS GÉNITAL DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 17

altérations des deux sens quand on aura remarqué que très

souvent, ils sont altérés en sens inverse ; ainsi c'est seule-

ment dans la faible proportion de z16,1-) p. 100 qu'ils ont été

exallés en même temps ; dans l'énorme proportion de 83,8

p. 100 tandis que le sens tactile étant exagéré le sens génital

était altéré en moins. Si avec les altérations en moins nous

avons trouvé au contraire des troubles identiques dans l'im-

mense majorité des constatations, cela tient uniquement à la

prédominance marquée des affaiblissements et des abolitions

du sens génital, et encore voyons-nous dans 8,9 p. 100 des

/constatations ce dernier sens exalté avec le tact affaibli ou

aboli. Nos recherches établissent donc sans conteste croyons-

nous, qu'il n'existe aucun rapport avec les altérations du tact

et les altérations du sens génital dans la paralysie générale.

Le sens atgésique a été trouvé par nous beaucoup plus sou-

vent altéré que le sens tactile ; la proportion de ses altéra-

tions fut en effet de G5 p. '100 de nos constatations, proportion

inférieure de 28 p. 100 à celle fournie par le sens génital,

mais encore très élevée et y a-t-il entre les troubles de ces

deux sens des rapports étroits ? Dans '1 080 cas nous avons

pu relever l'état du sens génital, le sens algésique étant

altéré, cas qui fournissent le tableau suivant :

18 CLINIQUE MENTALE.

les ont vivement frappés ; si, comme nous, ils avaient eu la

patience de suivre un nombre assez considérable de paraly-

tiques du début à la terminaison de la maladie, ils auraient

constaté l'indépendance absolue des troubles de ces trois

sens ? -

Il semble plus* rationnel de supposer que les conceptions

génitales, expansives et dépressives, sont en intime relation

avec les troubles du sens génésique, les premières, relevant

des altérations en plus et les secondes, des altérations en

moins. Sept de nos 108 sujets ont eu un délire génital intense.

Certes si on demande à un paralytique général à forme*

expansive, quelle est la puissance'de ses organes génitaux,

il est certain qu'il la vantera comme il vante toutes ses forces

et qu'il s'avouera au contraire bon à rien si la maladie revêt

chez lui la forme dépressive. Il n'y a pas lieu à mon avis, de

tenir grand compte de ces malades dans la question qui nous

occupe; il convient surtout de porter les recherches sur ceux-

là, qui ont un délire spécial relatif aux organes génitaux et

spontanément en parlent. Or, avons-nous dit, tel fut le cas

pour sept des 108 sujets dont voici à cet égard les observa-

tions résumées.

I. - Emile Turb..., quarante-deux ans, gazier, entré le 20 juil-

let 1891. Première période. Syphilis, alcool et excès vénériens,

forme surtout démentielle avec agitation. Le malade ne délire

que sur les organes génitaux. Il est complètement impuissant

depuis cinq mois et il ne s'en cache pas, car la chose le laisse

indifférent attendu qu'il a le secret d'une drogue qui lui permet,

quand il a une femme de coïter cinq fois de file sans faiblir. Après

moins d'une heure de repos, il lui suffit de reprendre un peu de sa

drogue pour recommencer cinq fois de suite. Il refuse de donner

le secret du remède, car il a par celui-ci le monopole de toutes

les belles femmes de la terre. Ses conversations ne roulent que

sur ce sujet. Il est à remarquer que toute sa vie il a été un grand

coureur et un grand amateur de conversations obscènes. En

octobre l'agitation se calme en même temps que se manifeste une

exaltation érotique intense avec fréquentes pollutions involon-

taires en dépit d'une masturbation réitérée; le malade abandonne

alors complètement son ancien délire génital; quand on lui en

parle, il parait ne plus s'en souvenir. En mai 1892, il redevient

complètement impuissant et cette fois l'impuissance est définitive

jusqu'à la mort; le délire génital ne reparait pas.

II. -Jules Mail..., quarante-quatre ans, journalier, entré le

DU SENS GÉNITAL DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 19

20 octobre 1891. Première période. Syphilis et hérédité congestive.

Impuissance depuis plusieurs mois, mais à entendre le malade

cette impuissance est due au manque de femmes ; il est d'autant

plus désolé de ne pas en avoir que faute de fonctionner, ses

organes génitaux se sont atrophiés; il les exhibe pour montrer

que ses testicules se sont rabougris et que son gland est devenu

pas plus gros qu'une noisette. En dehors de cette conception

hypocondriaque forme expansive classique, Mail... trouve le

mot milliard insuffisant pour donner une idée de sa fortune et

il vante sa force physique. Il en est ainsi jusqu'en mars 189. A A

cette époque le délire expansif de richesses avec agitation persiste

et le malade est toujours impuissant et conscient de son impuis-

sance qu'il explique de la même manière par le manque de

femmes, mais il est devenu très fier de ses organes génitaux car

il affirme que sa verge en érection mesure 70 centimètres et que

son gland est aussi volumineux que la grosse tête du gros chat du

quartier. En juin son délire' expansif s'accroît en même temps

qu'apparaissent de nouvelles conceptions hypocondriaques relatives

cette fois à son tube digestif., n'est plus seulement l'homme le

plus riche de la terre, mais encore le plus puissant; il forme à lui

tout seul conseil des ministres car il a tous les minislères; tou-

tefois en ce qui concerne la sphère génitale aucune modification

ni de l'impuissance ni du délire expansif décrit ci-dessus, tandis

que le malade se lamente de n'avoir pas été du corps depuis un

semestre parce que ses boyaux sont bouchés et qu'il est anémique.

En janvier 1893 passage à la seconde période; Mail... devient

gâteux, le délire hypocondriaque disparaît, seul persiste le délire

expansif des richesses et des grandeurs, et alors survient une

excitation génitale intense avec absence presque complète d'éja-

culation ; Mail... qui ne se gêne pas pour se masturber en

public et a continuellement des érections, se touche à se faire

mal sans obtenir aucun résultat; force est de lui mettre le maillot

pour l'empêcher de se blesser. Or on constate à ce moment la dis-

parition du délire génital. Quand son attention est appelée du

côté de ses organes, il vante sans doute sa verge comme il vante

toutes les autres parties de son corps, mais il n'est plus question

ni des 70 centimètres de longueur, ni de la grosse tête du gros

chat. Cette excitation génésique intense sans éjaculation ni délire

génital dure jusqu'en mai; à cette date retour définitif de l'impuis-

sance qui persiste jusqu'à la mort sans aucune conception délirante

adéquate.

III. Alexancre Mau..., trente-deux ans. mécanicien, entré le

9 novembre 1893. Première période. Alcool et surmenage cérébral.

A son entrée il avoue que depuis cinq ans il est complètement

impuissant et il reste tel d'ailleurs jusqu'à la mort. Or en février

20 CLINIQUE MENTALE.

et mars 189, il eut durant deux mois des hallucinations et un

délire génitaux très intenses; il se plaignait vivement qu'un

homme venait le toucher et se livrer sur lui à la pédérastie; il en

était d'autant plus incommodé qu'il affirmait avoir été fécondé

par cet individu qu'il connaissaitjort bien, mais qu'il refusait de

nommer; il sentait l'enfant remuer dans son rectum et il l'enten-

dait crier par son anus; aussi toute la journée se livrait-il à d'in-

cessants et vigoureux efforts de défécation pour lâcher de s'en

débarrasser. Au point de vue mental il avait la forme expansée

calme; il se prétendait Philippe-Auguste et devait épouser une

héritière de douze cents milliards. En avril éclata une ci i,e de vio-

lente agitation et dans la tourmente le délire génito-anal disparut

pour ne plus se montrer.

IV. Louis Raff...', trente-huit ans, mécanicien; entré le

27 avril 1891. Première période. Syphilis et surmenage cérébral.

Forme expansive calme avec abolition du sens génital et en jan-

vier et février 1892 au contraire avec une excitation génésique si

intense que sa femme qui l'avait prise en permission de huit jours

était contrainte de le ramener au bout de quarante-huit heures.

Pas de délire génital. En mars, de nouveau impuis-ance absolue

et définitive jusqu'à la mort et passage à la seconde périorle; le

malade gâte. Alors s'ajoute au délire expansif un délire hvpo-

condriaque relatif aux organes génitaux. HalL.. se plaint de n'être

plus un homme; il prétend que le traitement à l'asile lui a sup-

primé la verge qui est devenue pas plus grosse que son petit

doigt; il réclame avec larmes l'abandon des remèdes qu'on lui

donne et l'application du système Raspail pour se restaurer. Ce

délire génital persiste durant seulement une vingtaine de jours et

disparait pour ne plus revenir malgré la persistance de l'impuis-

sance.

V. Jean Car ? trente-six ans, comptable, entré le 14 sep-

tembre 1891. Pas de causes bien définies : ni syphilis, ni alcool.

Première période, forme mixte. Délire d'inventions et de richesses,

mais en même temps délire d'empoisonnement par les Juifs pour

s'emparer de celles-ci. Le malade se dit capable de remuer des

montagnes et ajoute que par le poison juif, ses urines puent et

son sang est bouilli. Délire génital expansif très accusé : depuis

plusieurs mois le malade est totalement impuissant; il vante au

contraire ses prouesses, il se déclare le père de tous les enfants,

car il a une verge si puissante et un sperme tout à la fois si abon-

dant et si fécondant qu'il engrosse toutes les femmes de la terre

en lançant sa semence à la ronde. La paralysie générale a évolué

chez ce malade avec une extrême rapidité; en quatre mois, Car...

a parcouru les ti ois périodes et s'est éteint dans le marasme. Or

DU SENS GÉNITAL DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 21 1

la fin il a conservé son impuissance et son délire génital

d'exagération.

V1.-LéonardMill).... trente-huit ans, bijoutier ; entré le 25 juil-

let 4891 . Première période. Syphilis et misère. Forme expansive

calme avec exagération marquée du sens génital sans conception

délirante adéquate En octobre, adjonctiou de conceptions déli-

rantes bypocondi iaques avec impuissance et délire -génital. Le

malade se sent rapetisser; il est moins haut, dit-il, d'une tète et

demie; tout en lui s'est réduit, mais il est surtout très affecté de

la réduction de sa verge; c'est à peine, af(irme-t-il, s'il lui en

reste un petit bout pour uriuer; il en redoute fo; la disparition

totale. En décembre, ou ne constate plus aucune trace de ce

délire hypocondriaque et génital ; la forme mentale est redevenue

exclusivement expansive avec délire de richesses gagnées au jeu

de bouchon et à la mandoline, choses pour lesquelles il ne craint

pas de rival; pourtant l'impuissance persiste et dure jusqu'à la

mort.

Vil. Lucicn Bi..., trente-cinq ans, menuisier; entré le 2 août

1892. Première période. Syphilis et alcool. Forme mixte. Le ma-

lade a des conceptions délirantes de grandeurs et un délire

physique dépressif; il est roi et empereur, riche à milliards de

milliards. Mais il se dit usé jusqu'à la corde; il prétend n'avoir

pas de force et il marche toute la journée; à l'entendre son tube

digestif ne digère plus et il a de la boulimie avec vol d'aliments :

de même il se lamente sur l'état piteux de ses organes génitaux

qui ne sont plus bons qu'à uriner et il se masturbe dans les cabi-

nets ; de plus sorti en permission de huit jours il a vaillamment

rempli son devoir conjugal. Au bout de quelques mois la forme

expansive est seule restée tandis que le malade était frappé d'im-

puissance, or à ce moment où ses lamentations génitales eussent

été pleinement justifiées, bien loin de se plaindre, il se décla-

rait sur interrogation aussi satisfait de ce côté que de tous les

autres.

Qui lit ces sept observations avec impartialité sera con-

vaincu que le délire génital des paralytiques n'est pas à base

physique, est sans rapport autre que de coïncidence avec

l'état des organes génitaux. Emile Turb... dans la première

observation est impuissant et il a un délire génital expansif

qui disparaît quand il a réellement de l'excitation génésique

et ne reparaît pas quand derechef l'impuissance s'établit.

Emile Mail... dans la seconde observation est impuissant et

il a d'abord un délire génital dépressif puis expansif. A ces

22 CLINIQUE MENTALE.

conceptions délirantes de grandeurs et de richesses s'ajoulent

des conceptions délirantes hypocondriaques et il reste impuis-

sant, néanmoins il a toujours le même délire génital expansif

dont la disparition coïncide précisément quelque temps après

avec une crise de fureur génésique et dont le retour ne se

produit pas quand l'impuissance revient. Alexandre Mau...

dans la troisième observation est frappé d'impuissance du

début à la terminaison de la maladie et il a durant deux mois,

sans qu'aucun changement se soit produit du côté des orga-

nes génitaux, un délire génital aussi étrange qu'intense, qui

disparaît dans une crise d'agitation pour ne plus revenir.

Dans la quatrième observation nous voyons Louis Raff...

avoir sans aucun délire génital de l'altération en moins et de

l'altération en plus du sens génésique. L'impuissance revient

pour durer jusqu'à la mort et seulement durant une ving-

taine de jours ce paralytique a un délire génital dépressif.

Dans la cinquième observation, c'est avec de l'impuissance

que se montre un délire génital des plus expansifs tandis

'qu'au contraire dans la septième observation le délire géni-

tal est très dépressif alors que le sens génésique est plutôt

exalté. Sans doute dans la sixième observation le malade

impuissant a gémi quelque temps sur une réduction de sa

verge, mais il prétendait à ce moment que tout son corps

était réduit, ses organes génitaux ne pouvaient dès lors

échapper à cet amoindrissement et ses lamentations plus

marquées de ce côté s'expliquent facilement par l'impor-

tance qu'a pour tous cette fonction. D'ailleurs, avant, son

sens génital avait été exalté et cette exaltation n'avait amené

aucune conception délirante et quand le délire hypocon-

driaque ainsi généralisé à tout le corps disparut, la verge ne

fit pas exception à cette disparition, bien que l'impuissance

fût restée la même.

Nous nous croyons donc pleinement autorisé à conclure

qu'il n'y a aucun rapport entre l'état des organes génitaux et

les conceptions délirantes génitales des paralytiques géné-

raux. Nous répéterons ici ce que nous avons dit plus haut à

l'occasion du tact et de la douleur : quelques coïncidences

ont attiré l'attention et induit en erreur. Qu'on ait la patience

de suivre les mêmes paralytiques de la période prodromique

à la période marasmatique et on vérifiera l'exactitude de nos

assertions.

DU SENS GÉNITAL DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 23

Nous n'avons trouvé non plus aucune relation entre l'état

du sens génital et les sensations subjectives ressenties dans

la peau par certains paralytiques. Dans 72 de nos constata-

tions nous avons réussi à connaître exactement l'état de l'ins-

tinct génésique en même temps que les malades accusaient

des fourmillements, des engourdissements, des décharges

électriques cutanées, etc., or 22 fois le sens génital était exa-

géré, 43 fois il était aboli et 7 fois il était normal.

Ces résultats sont très probants, mais nous avons une

preuve plus décisive encore à fournir. D'ordinaire ces sen-

sations subjectives n'ont qu'une durée assez courte de jours,

rarement de semaines, mais parmi nos malades qui les

éprouvèrent il s'en est trouvé un chez lequel par exception

elles durèrent, sans discontinuer, onze mois, et bien le sens

génital fut exagéré six mois, normal trois mois, puis aboli

deux mois, et quand elles eurent disparu, l'abolition persista

jusqu'à la mort qui n'arriva qu'un an et demi après. Ce fait

prouve sans réplique que chez le même individu ces sensa-

tions subjectives peuvent se trouver associées successivement

à tous les états du sens génital. La question est dès lors jugée.

Serons-nous plus heureux en recherchant si les altérations

du sens génital aux deux premières périodes de la paralysie

générale sont proportionnelles à l'intensité des troubles

moteurs qui est, comme chacun sait très variable à ces deux

phases initiales selon les individus. Le tableau suivant basé

sur 1.495 constatations est fort intéressant car il prouve clai-

rement que dans nos constatations nous avons trouvé le sens

génital d'autant plus souvent normal que les troubles

moteurs étaient moins accusés.

24 CLINIQUE MENTALE.

On sait combien à la seconde période surtout certains para-

tiques ont l'habitude de se dépouiller complètement de leurs

vêtements et de se mettre nus. Je ne parle pas de ceux qui

agissent ainsi parce qu'ils lacèrent leurs habits, j'ai en vue

ceux qui ne déchirent pas et qui se mettent nus uniquement

pour être ainsi. Jamais je n'ai pu obtenir d'eux une explica-

tion de cette bizarre manie que l'on constate en toutes sai-

sons, aussi bien lors des froids rigoureux de l'hiver que des

chaudes journées d'été. Je ne crois pas qu'il y ait rien de

lubrique dans cet acte ; quoi qu'il en soit dans 184 de nos

constatations, nos sujets se déshabillaient ainsi pour aller

nus, or dans ces 184 cas l'impuissance était absolue. J'ajou-

terai que ces 184 constatations ont porté sur 24 de nos

108 paralytiques, les autres n'ayant eu à aucun moment celte

passion du nu et que plusieurs d'entre eux avaient eu avant

et après de l'excitation génitale sans se déshabiller ainsi.

Mais pourquoi alors l'impuissance engendrerait ce besoin

d'aller nu ? J'avoue l'ignorer; je signale'simplement le fait

que j'ai constaté et qui n'est sans doute qu'une coïncidence,

étant donnée l'extrême fréquence de l'impuissance à cette

période de la maladie.

Un dernier rapport est à rechercher. Il convient de se

demander si les causes qui ont déterminé la paralysie géné-

rale n'exercent pas une influence sur les altérations du sens

génital. A cet égard nous obtenons le tableau suivant :

DU SENS GENITAL DANS LA PARALYSIE GENERALE. 20

1er et il ne paraît pas que l'étiologie ait une influence bien

marquée sur les troubles du sens génital .

Reste la question du pronostic et du diagnostic. Il n'est

pas douteux pour nous qu'à la période prodromique, les

troubles génitaux par leur précocité, leur accentuation et

leurs caractères particuliers ne permettent souvent de prévoir

la maladie longtemps avant son éclosion. Les troubles sont

très précoces et quand ils sont constitués par des alterna-

tives d'excitation et d'impuissance, comme c'est le cas le

plus fréquent, ils ont une signification des plus nettes. L'im-

puissance totale persistante a aussi sa valeur au point de vue

du diagnostic quand la santé est bonne. De même la persis-

tance des troubles durant la rémission est bien la preuve

que la guérison n'est qu'apparente : un paralytique pria-

pique ou impuissant n'est pas un malade guéri. Quant au

pronostic, il ne nous a pas semblé beaucoup 'éclairé par les

troubles du sens génital; nous avons eu, en effet, toutes les

évolutions du mal avec les trois états aux phases initiales

de normalité, d'altérations en plus et d'altérations en

moins.

Nous tirerons donc de nos recherches, les conclusions sui-

vantes relatives aux seuls hommes puisque, quoique ayant

un service immense, nos 108 sujets étaient tous du sexe mas-

culin.

I. En suivant les mêmes paralytiques aux trois périodes de

la paralysie générale et en utilisant l'observation directe, les

renseignements iournis par les malades et ceux fournis par

leurs femmes nuus avons réussi dans 95 p. 100 de nos cons-

tatations à nous assurer de l'état du sens génital. Nos échecs

ont été en diminuant de la première à la seconde période et

de la seconde à la troisième, le paralytique général perdant

toute retenue avec les progrès de la maladie.

II. D'une manière générale nous avons trouvé le sens géni-

tal attiré dans l'énorme proportion de Z p. '100.

III. Les altérations relevées ont toujours été des altérations

simples, jamais nous n'avons trouvé de perversion génitale

provenant du fait de la maladie.

IV. Les troubles fondamentaux observés furent l'exagéra-

tion ou au contraire l'affaiblissement et l'impuissance.

26 CLINIQUE MENTALE. ·

V. En dehors de ces trois troubles fondamentaux nous

avons noté d'autres secondaires s'ajoutant à eux. Parmi les

paralyliques à sens génital excité, les uns accomplissaient

normalement le coït, quelques-uns éjaculaient par le fait seul

de l'introduction de la verge dans le vagin ou même avant, à

la vulve, tandis que chez certains au contraire l'éjaculalion

était indéfiniment retardée. Parmi ceux atteints d'impuis-

sance, si beaucoup perdaient en même temps le libido, d'au-

tres le conservaient et cherchaient à le satisfaire, mais parmi

eux quelques-uns seulement pouvaient encore éjaculer à

l'état flasque.

VI. Aux troubles énumérés ci-dessus, il convient d'ajouter

les pertes séminales involontaires, sthéniqucs et asthéniques.

.

VII. Nous avons trouvé à l'asile l'altération en moins près

de quatre fois plus fréquente que l'altération en plus.

VIII. L'anormalité du sens génital a été constamment en

croissant du début' la terminaison de la paralysie géné-

rale. ,

IX. Il résulte de nos renseignemements que l'altération en

moins serait contrairement à l'opinion ayant cours, égale-

mentplus fréquente à la période prodromique que l'altération

en plus; mais il est assez habituel que les deux états alter-

nent entre eux avec prédominance toutefois du premier sur

le second. Le retard dans l'éjaculation est ensuite le trouble

qui s'est surtout présenté à cette période, deux fois plus fré-

quent que le trouble inverse et l'impuissance avec libido et

possibilité d'éjaculation- Nous n'avons pu avoir d'indications

précises sur les pertes séminales à ce moment.

X. D'après nos constatations on aurait : 1° Aux trois périodes

delà maladie : l'exagération, l'éjaculation' retardée et l'im-

puissance totale 2° Aux seules périodes prodromiques, pre-

mière et deuxième : l'affaiblissement, l'impuissance avec

libido associé ou non à la possibilité d'éjaculer. 3° Aux seules

périodes prodromiques et première les pertes séminales,

l'éjaculation précipitée et l'état normal.

XI. D'un côté l'impuissance totale sans libido et de l'autre

l'exagération avec éjaculation normale ainsi que l'affaiblisse-

ment ont évolué en sens inverse, la première augmentant et

DU SENS GÉNITAL DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 27 -1

les deux autres diminuant de fréquence avec les progrès de

la maladie. ,

XII. Nous avons relevé durant les rémissions même très

marquées le sens génital altéré dans l'énorme proportion de

86 p. 100 de nos constatations et l'altération en plus a été

alors trois fois moins fréquente que l'altération en moins.

XIII. Contrairement à l'opinion ayant cours c'est dans les

formes démentielles et lors des périodes de calme que nous

avons observé le maximum d'altérations en plus du sens

génital. Seule l'expansive agitée a présenté un chiffre de

troubles plus élevé que l'expansive calme.

XIV. Nous n'avons jamais trouvé d'altération en plus, ni

d'état normal avec les formes dépressives, calmes ou agitées,

ni non plus avec la forme démentielle agitée.

XV. La forme démentielle avant le maximum des altéra-

tions en plus, le maximum des en moins a été dans les trois

formes précédentes.

XVI. D'après nos constatations la normalité du sens génital

et l'altération en plus croissent parallèlement aux progrès de

l'âge jusqu'à la quarantaine pour décroître rapidement »

ensuite au point de ne plus se montrer, à cinquante ans.

XVII. Nous n'avons noté aucun rapport entre les divers

états du sens génital et les transformations de la personna-

lité physique, les troubles du sens tactile et du sens algésique,

voire même les conceptions délirantes génitales des paraly-

tiques généraux. "' :

XVIII. Aux deux premières périodes de la maladie, nous

avons trouvé le sens génital d'autant plus souvent normal

que les troubles moteurs étaient moins accusés. Le maximum

des altérations en plus a été avec les troubles moteurs

modéré, le minimum avec les troubles moteurs excessif et

vice versa pour les altérations en moins.

XIX. Le sens génital était toujours aboli chez les paraly-

tiques qui se déshabillaient, non pour déchirer, mais pour

rester nus, et ce chez des sujets qui avaient parfois de l'exci-

tation génitale durant laquelle ils gardaient leurs vête-

ments.

28 REVUE CRITIQUE.

XX. L'étiologie alcoolique est celle qui engendrerait le

plus d'altérations du sens génilal. Les causes ne nous ont

pas semblé avoir d'influence notable sur la nature des alté-

rations.

XXI. Les altérations du sens génital ne sont d'aucune uti-

lité pour le pronostic, mais par leur précocité et leur accen-

tuation, elles peuvent grandement aider au diagnostic de la

paralysie générale à la période prodromique, de même leur

persistance lors des rémissions est la preuve de la non-gué-

rison.

REVUE CRITIQUE.

Anatomie cérébrale et Psychologie ;

Par Jules SOURY,

Directeur d'études : , l'École pi-atiquo des Hautes Études à la Sorhonnc.

Voilà bien des années que nous enseignons que, pour penser

physiologiquement (ou psychologiquement, c'est tout un), il

faut penser anatomiquement. L'histoire des théories des fonc-

tions psychiques, dans la série des êtres vivants, est surtout

une histoire des progrès de la connaissance de la structure du

système nerveux centrai. Des esprits étrangers à ces études

pourraient seuls méconnaître l'importance philosophique de

l'anatomie du cerveau. Connaître le cerveau, le connaître

toujours mieux, depuis ses origines jusqu'au moment de

son évolution actuelle, voilà la fin de toute science de l'in-

telligence. Tout Edinger. qu'il s'agisse de ses Leçons sur

la Structure des organes du système nerveux central de

l'Homme et des Animaux', de ses nombreux mémoires

d'anatomie comparée de la Société de Senckenberg, de sa

dernière publication intitulée Anatomie cérébrale et Psycho-

' L. Edinger. Vorlesunçien iibcr den Ban (1er )e-v6seli Cenlralorgane

des Jlenschcn und der Thiere, 50 édition, 1896 Leipzig, Vogel.

ANATOMIE CÉRÉBRALE ET PSYCHOLOGIE. 29

. .

logie', tout Edinger est dans l'anatomie et la psychologie

comparées. S'appuyant sur ses recherches originales, pour-

suivies depuis tant d'années, le savant médecin de Francfort-

sur-le-Mein a résumé tout ce qu'il est possible de savoir et

d'écrire aujourd'hui touchant la structure et le développe-

ment du système nerveux dans la série des vertébrés. Sur-

prendre, comme à l'état naissant, les premières formes orga-

niques des fonctions primordiales de la vie psychique,

suivre leurs variations dans le temps et dans l'espace, voilà

la pensée-mère d'où est sorti tout ce grand labeur.

Personne, avant Edinger, n'avait écrit une histoire

ancienne aussi complète du manteau cérébral ou pallium.

Depuis son origine chez les poissons jusqu'à l'organe énorme

des hémisphèl es de l'homme, le développement si extraor-

dinaire de cette province du névraxe peut aujourd'hui être

suivi. Si le corps strié et l'appareil olfactif, aussi bien d'ail-

leurs que' la moelle épinière, le cervelet et le cerveau moyen,

ne présentent, dans la série, que des différences non essen-

tielles, il n'en est point de même de l'écorce cérébrale. « Je

ne connais, dit Edinger, aucune autre partie du cerveau qui,

si l'on remonte toute la série, présente de beaucoup des

changements aussi considérables que l'écorce cérébrale,

qu'elle ait évolué ou involué » ; or, comme l'existence des

fonctions psychiques supérieures est attachée à cette écorce,

on conçoit qu'aucune étude d'anatomie comparée ne possède

un intérêt plus élevé.

Formé chez quelques vertébrés inférieurs (poissons

osseux), dans sa plus grande partie, d'une simple couche de

cellules épithéliales, membrane qui se plisse déjà chez les

cyclostomes, ce n'est que chez les sélaciens, les raies, les

squales, que le manteau se développe, et que les parties

antérieures, aussi bien que les régions latérales, prennent

même un développement énorme Chez les sélaciens, le

manteau « frontal ». c'est-à-dire la partie antérieure du

cerveau, est toutefois seule de nature nerveuse ; suivant

l'espèce, telles régions plus ou moins étendues de là portion

postérieure n'ont plus la simple structure épithéliale. Mais,

à partir des amphibiens, on constate toujours l'existence

d'un pallium qui, dans la plus grande partie de son étendue,

1 L. Edinger. llirttaattlomie mttl Psychologie. Uerlil1. Ilirseliwald, 1900.

30 REVUE CRITIQUE.

à

est de nature nerveuse. Quant au cerveau des vertébrés

supérieurs, il se distingue de celui des poissons osseux et

des ganoïdes par quelque chose de très essentiel : il n'est

plus seulement purement épithélial, il est constitué de

nombreuses cellules nerveuses d'où partent des faisceaux

de -projection et autour desquelles se ramifient et s'arbo-

risent des terminaisons de cylindraxes ascendants. C'est

bien le substratum d'un appareil nerveux. Encore rudi-

mentaire chez les amphibiens, il apparaît, pour la première

fois, chez les reptiles, sous l'aspect d'une écorce cérébrale

véritable. Le pallium tout entier s'est tra5sformé 'en subs-

tance nerveuse cérébrale; seule, la région la plus posté-

rieure du cerveau antérieur conserve, comme toile choroïde,

son ancien caractère de membrane purement épithéliale.

Tel est le manteau chez les amphibiens et les reptiles, les

oiseaux et les mammifères. Ces études sur l'anatomie com-

parée des différentes régions du névraxe, du cerveau en par-

ticulier, dans la série animale, forment, selon nous, le plus

sûr fondement de ce qu'il est possible de savoir touchant

l'histoire de la vie psychique, ou de l'intelligence, sur cette

planète :

La connaissance des fonctions du système nerveux n'a

donc pu avancer et n'avancera dans l'avenir qu'autant que

l'anatomie du névraxe a été et sera plus avancée. La doctrine

moderne de l'hétérogénéité fonctionnelle de l'écorce céré-

brale n'a point de plus haute certitude que la démonstration

de l'hétérogénéité correspondante de structure et de texture

du manteau des hémisphères. Si la physiologie expérimen-

tale et l'observation clinique ont quelquefois affecté de ne

relever que d'elles-mêmes et ont paru dédaigner l'anatomie,

ces velléités d'indépendance se sont vile dissipées. Encore

que la considération de l'élément anatomique ne puisse rien

nous apprendre sur ce qu'est en soit une sensation, une

perception, une image, un concept, il demeure constant

que toute représentation ou idée implique non seulement

l'existence d'un. substratum anatomique, mais varie avec

l'état de ce substratum, avec la qualité et la quantité des élé-

ments qui le constituent, à n'importe quel moment de la

durée de ée substratum, dans sa période d'évolution comme

dans ses phases d'involution. Si une fonction, n'est que l'ac-

tivité d'un organe ou d'un groupe d'organes, il est incorn-

ANATOMIE CÉRÉBRALE ET PSYCHOLOGIE. 31

préhensible qu'on prétende étudier l'un sans connaître

l'autre. Malheureusement le nombre est grand encore des

psychologues qui croient pouvoir se passer des données de

l'anatomie dans l'étude et l'interprétation des fonctions du

système nerveux central. Ces fonctions, ils les considèrent

comme des manières d'entités distinctes des organes, à la

façon des spirites ou des sauvages. Ils parlent ainsi d'intel-

gence, de conscience, de volonté, etc., comme les docteurs

scholastiques parlaient d'humanité, de pierréité (la remarque

est de Spinoza). Que de physiologistes et de cliniciens parlent

encore cette langue, et combien de philosophes, après eux,

croyant avoir été à bonne école, perpétuent ces erreurs !

Anatomie cérébrale et Psychologie, dont la solidité scien-

tifique et la portée doctrinale rappellent les célèbres dis-

cours de Du Bois-Reymond et d'Huxley, est précédé de con-

sidérations sur l'histoire des théories et des doctrines du

système nerveux où apparaissent en pleine lumière les

noms de Descartes, de Soemmerring, de Gall, de Flourens, de

Burdach, de Meynert, de Fritsch et IIitzig, Munk et Golz,

Ferrier, Charcot, IIorsley, Flechsig t. La psychologie expéri-

mentale, aussi bien que la clinique et l'anatomie normale et

pathologique, ont bien établi que le cerveau antérieur est,

du moins chez les mammifères, l'organe des fonctions psy-

chiques supérieures, mais quel est le rapport de ces fonc-

tions avec les dispositions anatomiques ? En d'autres termes,

et tout d'abord, existe-t-il quelque relation entre l'anatomie

et la psychologie, demande Edinger ? On a souvent tenté de

suivre, en une série continue, les structures de l'appareil ,

nerveux parallèlement aux manifestations psychiques,

depuis les rudiments de la sensibilité jusqu'aux phénomènes

d'idéation et de conscience. Mais, à en croire Edinger, il y

aurait toujours un moment où, dans cette étude, le terrain

manque tout à coup : on ne voit plus comment une partie

du travail accompli par le système nerveux peut devenir ou

deviendrait conscient. Qu'est-ce d'ailleurs que la conscience ?

Le problème est d'autant plus ardu qu'on ne peut étudier

à part la conscience et le monde, les choses ne nous appa-

' Voy. Jules Soury. Le Système nerveux central. Structure et fonctions.

Paris, G. Carré et C. Naud, 1899, t. I. Cf. Les fonctions du cerceau. His-

toire des doctrines de psychologie physiologique contemporaines. Paris,

Progrès Alcali, 1892, ? a 2° édition.

32 REVUE CRITIQUE.

raissant que telles que nos organes des sens et nos sensa-

tions nous les représentent : « La science, dit Edinger, ne

peut que s'orienter dans le domaine de la conscience, elle ne

saurait étudier le monde lui-même. » Les sensations, voilà

les éléments derniers de notre connaissance et de nous-

mêmes et du monde. De la nature et des rapports de ce qu'on

appelait l'âme et le corps, il ne saurait plus être question.

Le savant doit connaître la théorie de la connaissance. Ce

que nous pouvons connaître, ce ne sont ni les choses elles-

mêmes ni leurs images réelles, mais leurs signes ou sym-

boles Toutefois, dès que les phénomènes s'ordonnent en

lois, l'homme en acquiert une intelligence scientifique; c'est

même là, au témoignage d'llelmholtz, toute la science.

C'est en ce sens que nous saurons un jour ce que nous

ignorons encore. Mais pourquoi Edinger écrit-il sur sa ban-

nière : Nescimus, sed non 'igno1'abimus ? L'axiome de Du

Bois-Reymond ne s'appliquait pas aux découvertes des lois

mécaniques de l'univers : il visait les énigmes insolubles,

celles d'origine et de fin, et, d'une manière générale, de la

nature des choses, de la sensation, par exemple, et de la

pensée. Pas plus que Claude Bernard, Du Bois-Reymond n'a

confondu les conditions des phénomènes, qui relèvent de la

science, avec leur nature, qui est le propre de l'inconnais-

sable.

Edinger laisse paraître une critique plus pénétrante

lorsqu'il se détourne du monisme : l'hypothèse d'une cons-

cience immanente à la matière, et qui progresserait avec la

série animale, manque d'autant plus de fondement que rien,

suivant lui, ne prouve que les manifestations psychiques

des animaux inférieurs impliquent l'existence d'une cons-

cience. Cette hypothèse est d'origine anthropomorphique :

« On a, dit-il, tacitement admis que ce que nous nommons

conscience chez l'homme n'a pu apparaître tout à coup et

que pour celte raison les actions même des êtres les plus

inférieurs pourraient bien être l'effet d'un rudiment de

conscience. Mais il serait également possible que la cons-

cience n'pût apparu en réalité pour la première fois que là

où son admission devient vraisemblable, du fait de certaines

manifestations vitales déterminées des animaux qui pos-

sèdent une écorce cérébrale, et que la conscience ne se

développât que dans la mesure où cette écorce s'accroît

ANATOMIE CÉRÉBRALE ET PSYCHOLOGIE. 33

progressivement dans la série jusqu'à ce qu'elle atteigne

chez l'homme le plus haut développement connu. »

Abstraction faite des idées de conscience et d'intelligence,

le naturaliste doit uniquement poser la question suivante :

Jusqu'à quel point peut-on expliquer la nature générale et

les actions d'un animal par la connaissance de sa structure

anatomique et des propriétés de cette structure ? L'objet de

l'anatomie, c'est d'étudier les mécanismes en vertu desquels

des impressions reçues, sont conservées et transformées en

mouvements. L'étude physiologique, expérimentale, des

fonctions, doit d'ailleurs accompagner celle de la connais-

sance de ces mécanismes, des organes élémentaires et de

leurs connexions. Il ne suffit pas de pouvoir expliquer, par

la connaissance de la structure anatomique d'un mécanisme,

la nature du travail qu'il accomplit : il faut encore prédire

ce que sera ce travail dans telle circonstance. Rien d'uto-

pique, selon 'Edinger, dans l'idée que le système nerveux

sera un jour aussi bien connu qu'un ingénieur connaît un

appareil magnéto-électrique. La conviction du savant anato-

miste de Francfort, telle que nous la lui' avons entendu

exprimer, c'est que, si l'observateur ne veut s'en tenir qu'à

ce qu'il sait, sans rien de plus, son rôle est uniquement

d'essayer de comprendre les actions des animaux, consi-

dérés comme de pures automates. Si, chez un reptile, par

exemple, on constate qu'une même excitation, lumineuse,

olfactive, etc . produit toujours, dans les mêmes conditions,

la même réaction, c'est à celui qui soutient que ce mouve-

ment est accompagné de conscience d'en administrer les

preuves. Il n'est pas scientifique d'inférer priori que ce

qui s'observe chez l'homme, dans les mêmes circonstances,

doit se passer chez ce reptile. Edinger possède un jouet très

connu, un lézard en fer-blanc, rapporté d'Italie, dont les

réactions provoquées lui semblent imiter avec une telle per-

fection celles qu'il a observées chez les lézards vivants qu'on

ne saurait, à l'en croire, échapper à l'idée qu'un mécanisme

préétabli entre ici également en jeu sous l'influence d'une

excitation déterminée. Dans les mêmes conditions, les réac-

tions demeurent aussi constantes que celles de la -limaille

de fer à proximité d'un aimant.

Nombre de réactions motrices de ce genre, où l'on a cru

voir des actions volontaires, appelées tropismes, dépendent

Archives, 2e série, t. XII. 3

34 REVUE CRITIQUE.

certainement, chez les végétaux comme chez les animaux, de

la nature et de l'intensité des stimuli pu excitants capables

d'orienter dans un sens ou dans l'autre la matière vivante

sous l'action de la lumière, de la chaleur, de l'électricité, de

la pesanteur. Les expériences à ce sujet de I'feffer, d'Engel-

mann, de Loeb, de Max Verworn, et de beaucoup d'autres

auteurs sont, pensons-nous, connues. Force substances

chimiques, définies et dosées avec exactitude, exercent une

action élective de même nature sur les spores et les orga-

nismes inférieurs. Parce qu'un protophyte ou un proto-

zoaire, un infusoire,faitun départ et un choix entre les subs-

tances de son milieu ambiant, lui accordera-t-on une

faculté de discernement et de discrimination ? En réalisant

expérimentalement des conflits entre les forces naturelles

favorables ou nuisibles aux organismes vivants, Loeb a pu

déterminer des réactions destructives de leur conservation.

Les amibes artificielles de Rumbler se comportaient tout à

fait, affirme Edinger, quant à la construction de leurs habi-

tacles formés de grains de quartz, comme des êtres vivants ;

comme ceux-ci, elles englobaient des particules de corps

étrangers, quand la nature de ces corps convenait à leur cons-

titution chimique; elles les absorbaient et les rejetaient à

la manière des amibes vraies : « Comme il ne peut venir à

l'esprit de personne d'attribuer de l'intelligence à ces auto-

mates, il n'existe jusqu'ici aucun motif pour attribuer les

mêmes actions, quand elles sont accomplies par des êtres

inférieurs, à rien d'autre qu'à leur structure et à leurs pro-

priétés. » Edinger ne saurait pourtant suivre Loeb jusqu'au

bout. Pour ce dernier, le système nerveux n'est qu'un

appareil de régulation et un multiplicateur d'énergie ; sa

destruction n'empêche pas l'animal de réagir d'une ma-

nière appropriée aux fins de son organisation. Edinger

doute aussi que, dans ses expériences sur les larves de gre-

nouilles, Schaper ait réussi à supprimer complètement les

fonctions de la moelle épinière : la partie de la moelle

indépendante du cerveau détruit a pu persister, si bien que

ces larves ne seraient comparables qu'à des animaux décé-

rébrés *. L'acuité, la rare pénétration de l'esprit critique

' Alfred Schaper. Experinxenlelle Sllldien an Amphibie nlarven. Mit

Taf., Leipzig, 1398.- Lie frilheslen DifJ'el'en=il'llIlgsvol'[Jünge im Central-

- ANATOMIE CEREBRALE ET PSYCHOLOGIE. j5

d'Edinger perce ici avec une force qui est pour nous l'évi-

dence même. En somme, il paraîtrait aujourd'hui certain

qu'un grand nombre de phénomènes relativement com-

plexès et«qui impliquaient, estimait-on, l'interventioh d'une'

conscience, d'une volonté, etc., sont réductibles à de purs

réflexes.

Des idées nouvelles d'Apathy, de Bethe, de Nissl, sur la

structure de la cellule nerveuse qui, grâce à ses connexions

inter et intrafibrillaires serait déjà, en un certain sens, « un

organe central », Edinger dit peu de choses dans le dernier

travail que nous analysons ; sa réserve pourrait encore, ce

nous semble, être plus prudente. Il estime que les corpus-

cules chromophiles de Nissl, liés à la vie et à la fonction

de la cellule, recèlent des sources d'énergie chimique

employées au cours de l'activité cellulaire, doctrine de Mari-

nesco. C'est toujours une question de savoir, du moins pour

les novateurs vers lesquels incline Edinger, si les cellules

nerveuses, avec leurs prolongements, sont des unités phy-

siologiques, des individus doués d'énergie propre, auto-

nome, ou si ces corpuscules ne sont que des centres de force

et des stations d'embranchement pour les fibrilles primi-

tives qui, par hypothèse, traverseraient tout le système ner-

veux.

La première manière de voir prévaut toujours chez la plu-

part des biologistes. Comme il est démontré que les cellules

nerveuses, avec leurs prolongements, sont bien des unités

anatomiques, qui meurent et dégénèrent individuellement,

on ne saurait leur dénier une individualité vraie, quand

même de futures découvertes devraient attribuer essentielle-

ment la production des réflexes, c'est-à-dire de la vie psy-

chique, non plus aux corps cellullaires, mais au réseau fiblril-

laire du névraxe.

Quelle solution l'anatomie du système nerveux peut-elle

donner à ce problème capital de la psychologie, la mémoire ?

Comment les processus nerveux peuvent-ils être modifiés,

consécutivement àcertaines stimulations, modifications, dont

l'effet reparaît quand des événements semblables ou divers

ont lieu ? Ce problème de la mémoire, on peut l'aborder sans

11e1'vel1syslem. Leipzig. 1897. Cf. Jacques Loeb. Einleitung in die ce ?

gleichende Gehimphysiologie und vergleichende Psychologie mit beson-

der. Beriicksiclitigung der tvirbellosen l'hiere. Leipzig, 1899.

36 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. '

que la question de la conscience soit épuisée. Les phénomènes

désignés sous le nom de Bahnung, si bien étudiés par

Semer', firent faire les premiers pas vers la solution du pro-

blème. (A suivre.)

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

I. Fausse grossesse chez une névropathe dégénérée ; par

1\IARANDON DE MONTHYEL. (Journal de médecine et de chirurgie

pratiques, janvier 1901, p. 02.) .

11 s'agit d'une jeune femme de trente-six ans, bizarre, incon-

sidérée, présentant en outre dans la sphère génito-urinaire,

diverses anomalies, dont l'une tout à fait singulière. Depuis la

puberté, elle ne peut pas uriner, non seulement en présence des

gens, mais encore seule si quelqu'un l'attend; bien plus, si elle

sait que, sans l'attendre, quelqu'un sait qu'elle urine2. La miction

ne se produit que dans la solitude et à l'insu de tous. Cette

bizarre anomalie l'a plus d'une fois mise au supplice. C'est, en

somme, une névropathe dégénérée.

Elle était mariée depuis quinze ans avec un homme dont elle

avait été la maîtresse pendant dix-huit mois, sans avoir jamais eu

d'enfant, bien qu'elle eût désiré vivement en avoir, quand son

mari, qu'elle aimait beaucoup, fut frappé de paralysie générale et

placé à l'Asile de Ville-Evrard où elle venait le voir constamment.

Là, M. Marandon de lllontyel reçut toutes ses confidences.-

« Depuis l'internement de son mari, dit-il, cette femme avait à

lutter contre les poursuites d'un séducteur, riche et libre, qui lui

promettait de l'épouser dès qu'elle serait devenue libre de son

côté. A l'occasion de cette dernière confidence, je constatai chez

cette jeune femme une idée fixe qui la dominait complètement,

celle que, bien que n'ayant jamais eu d'enfant, elle serait immé-

diatement engrossée si elle avait le malheur de tromper son

mari. Aussi, elle me déclarait qu'à défaut de tout autre sentiment,

cette certitude suffirait à l'empêcher d'écouter les propositions de

' Sigm. Exner. Entwll1'f' ? 11 eizzer physiologischen EI'kliil'll11g (le), psy-

chischezz Ersclieinungen. I. Th. Leipzig und Wien, 1894.

- Les exemples de ce genre, plus ou moins complets, ne sont pas très

rares. , (B.) .)

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 37

son adorateur, et qu'elle aimait encore mieux, malgré sa vive

sympathie pour lui et l'avenir sombre qui l'attendait, le perdre,

s'il n'avait pas la patience d'attendre, que d'être rendue mère par

lui du vivant de son mari malade, car plutôt que de supporter un

tel déshonneur, d'autant plus infamant, que son époux était

enfermé dans un cercle de fous, elle se tuerait sans hésiter

Quelques mois après, cependant, son état moral s'était complè-

tement modifié, et comme elle exprimait des idées de suicide, je

l'interrogeai et, éclatant alors en sanglots, elle me confessa qu'elle

était grosse de trois mois. Elle avait commis la faute impardonnable

de céder aux instances de celui qui. depuis deux ans, la poursuivait

de ses assiduités et de ses promesses de mariage, et ce qu'elle

redoutait ne s'était pas fait attendre : elle avait été d'emblée

engrossée.

Elle n'était pas sortie des bras de celui à qui elle venait de se

livrer que l'idée fixe l'obsédait. C'est dans une anxiété des plus

vives qu'elle attendait l'époque delà menstruation, attente longue,

car elle cessait d'être précisément réglée quand elle fauta. Les

règles ne vinrent pas : sinapismes, bains chauds, injections

chaudes et autres moyens conseillés dans ces cas par les bonnes

femmes pour sortir d'embarras, restèrent inefficaces. Ses craintes

et sa certitude s'accrurent et elle n'eut plus aucun doute quand le

mois d'après l'aménorrhée persista, d'autant plus qu'elle com-

mença à avoir les divers symptômes qu'elle avait maintes fois cons-

tatés chez ses amies au début de leur grossesse : gonflement des

seins avec picotements, anorexie, nausées et vomissements le

matin, salivation abondante, bâillements, répétés, faiblesse géné-

rale avec menace de syncope, vertiges. Le troisième mois l'affola :

non seulement la menstruation ne parut pas davantage, bien que

l'époque fût écoulée depuis quatre jours déjà, non seulement tous

les symptômes précédents s'accrurent, mais le ventre grossit ; elle

se vit contrainte d'élargir ses vêtements.

Il est incontestable qu'une grossesse était dans l'ordre des

choses possibles. Je l'examinai et trouvai l'utérus avec un volume

de beaucoup inférieur au volume normal : il avait évidemment de

ce côté une anomalie de conformation susceptible d'expliquer et

la stérilité et les atroces douleurs de la menstruation depuis la

puberté. De toute évidence, j'avais affaire à une fausse grossesse

déterminée, à l'inverse des autres, par la crainte de devenir mère

du vivant de son mari malade.

Je lui déclarai que son cas était bien amusant. Et avant qu'elle

ne fut revenue de sa stupéfaction, je lui expliquai que ce qui

empêchait son sang de couler c'était exactement ce qui empêchait

ses urines de couler quand elle était devant le monde, qu'on

l'attendait ou qu'on savait qu'elle urinait. « N'ayez plus peur

d'être grosse, car je vous jure que vous ne l'êtes pas, lui dis-je, et

38 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

vos règles viendront absolument comme vos urines viennent quand

vous êtes dans la solitude et à l'insu de tous. Cette comparaison

éclaira son esprit; en me servant de l'anomalie urinaire dont elle

se savait atteinte pour lui expliquer le mécanisme de son absence

de menstruation, j'avais employé le meilleur moyen de la con-

vaincre. Elle devint radieuse, se rhabilla avec une joie d'enfant et

partit embrasser ce pauvre mari malade que, pour la première

fois depuis dix-huit ans, affirma-t-elle, elle trompait lâchement,

mais que pourtant elle aimait bien tout de même...

Une heure s'était à peine écoulée, qu'elle revenait en courant

dans mon cabinet. Je crus que son mari avait eu une attaque.

Non, mais depuis un instant elle se sentait mouillée et venait

s'assurer si ce n'était pas ses règles qui étaient arrivées. C'étaient

bien les règles, en effet. Il avait donc suffi d'enlever, par une

simple suggestion à l'état de veille, l'obsession qui jouait le rôle

d'arrêt, et le sang avait coulé comme coule l'eau quand on ouvre

le robinet.

Depuis, le mari est mort, sa femme s'est remariée avec celui qui

la mit à deux doigts du suicide et vit heureuse, riche et consi-

dérée. Qui sait ce qui serait advenu de cette jeune et jolie femme

qu'une simple suggestion à l'état de veille a rendue à la joie de

vivre, si elle n'avait pas été débarrassée de son obsession et de sa

fausse grossesse ?

Ce fait s'ajoute à ceux que nous avons publiés dans le der-

nier numéro des Archives (p. 490). Ceux de nos lecteurs que

cette question intéresse trouveront dans le Progrès médical

du 25 mai (p. 342) un article intéressant de M. Cyrille Jamin.

IL Deux cas d'arthropathie syringomyélique ; par P.-A. PIIEO13Rk-

JENSKY. (OGorénié p51cltiatl'ii, IV, 1899.)

La première observation est particulièrement importante, à

cause d'arthropathies multiples, dont, notamment, l'articulation

du genou et l'articulation thoraco-claviculaire sont le siège. C'est,

dit l'auteur, un cas exclusif, parce que, chez la malade en question,

âgée de cinquante-cinq ans, la syringomyélie est indubitable, à

raison de l'autopsie, et qu'il s'agit d'une forme absolument clas-

sique d'arthropathie du genou. En outre, la lésion de l'articulation

thoraco-claviculaire n'a été décrite que par Luun (Clinical Sociely

of Lotzdoit, Lancet, 19 mai 1894), et Schlesinger (Die Syritzgomye-

lie, 189,). Les observations publiées prouvent indubitablement

que les articulations des extrémités supérieures et de la ceinture

scapulaire supérieure sont fréquemment atteintes dans la syringo-

myélie. Comment expliquer qu'on ait décrit si rarement les altéra-

tions de l'articulation thoraco-claviculaire ? Parce qu'elles ne

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 39

sautent pas aux yeux, et qu'elles dérangent peu la fonction des

extrémités supérieures.

Ces arthropathies doivent être considérées comme tout à fait

analogues à celles des tabétiques; c'est dire qu'on en ignore le e

mécanisme, car tout ce qui avait été avancé sur la pathogénie des

arthropathies tabétiques est abandonné par tout le monde : impos-

sible donc de parler de la même cause efficiente de l'arthropathie

syringomyélique, puisque dans l'étiologie de cette dernière maladie,

la syphilis ne joue aucun rôle.

On a dit que ces arthropathies sont une arthrite déformante

originale sur un terrain tabétique ou gliomateux, dont la genèse

est due aune cause mécanique, traumatique. Mais l'examen des

os parlerait plutôt contre cette opinion : on y trouve des altérations

telles, et en de tels points, qu'il n'y a pas à mettre en cause le trau-

matisme. La forme si personnelle des altérations ne rappelle nul-

lement l'arthrite déformante. C'est donc l'opinion de Charcot et

de ses élèves qui prévaut : c'est une altération purement trophiqué,

qui dépend de l'affection du système nerveux. P. KERAVAL.

III. Des formes frustes de la sclérose en plaques ; par M. Scn.u-

b.EW1T; : CIJ. (Oborénié psichialrii, III, 1898.)

Revue complétée par deux observations personnelles. Conclusions.

Tout ce qui a été dit, en particulier les observations d'Hippel et de

Bechterew, montrent que la sclérose en plaques est une affection

multiloculaire ; que les cas typiques sont caractérisés par la com-

pression des éléments nerveux sans dégénérescence, que les cas

frustes proviennent de la rapide dégénérescence de ces éléments.

Toute autre interprétation des faits ruinerait la doctrine de la

sclérose en plaques. P. KERAVAL.

IV. De l'immobilité des pupilles dans les attaques hystériques;

par Karplus. Ueber PU}Jillellsta1'1'e im hysterischen .tln(alte (Jahr-

buch. f. Psychiatrie, 1898, t. XVII, fasc. 1 et 2).

La plupart des auteurs (sauf Féré et Pausier) ont admis comme

démontré qu'il n'y avait pas dans l'attaque hystérique d'immobi-

lité des pupilles, et que l'on pouvait, en se basant sur ce fait,

distinguer les manifestations hystériques des états dus à l'épilep-

sie. Karplus, montre. en s'appuyant sur de nombreuses observa-

tions, que l'immobilité des pupilles est un symptôme observé dans

les grandes attaques hystériques, et qu'on ne peut utiliser ce signe

pour le diagnostic différentiel de l'hystérie et de l'épilepsie. On

observe en général la dilatation et l'immobilité des pupilles dans

les deux premières périodes de l'attaque ; l'immobilité pupillaire a

été noté en outre dans des attaques hystériques non convulsives,

z / , REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

et chez certains sujets, sans que la conscience fitt profondément

troublée (petites attaques avec troubles respiratoires, etc.). On

peul s'étonner, dit Karplus, que l'immobilité pupillaire qui est si

fréquente, si manifeste dans les divers paroxysmes hystériques

ait été si longtemps méconnue : sans doute, on avait l'idée pré-

conçue que l'immobilité des pupilles et l'attaque hystérique

étaient deux manifestations de nature tout à fait différente.

Il n'y a cependant rien qui empêche de considérer les troubles

pupillaires de l'attaque hystérique comme un phénomène cortical : -.

la dilatation et le rétrécissement des pupilles sont représentés

dans l'écorce, et, si l'innervation qui préside à ces mouvements

est soustraite â la volonté, on doit admettre que certains états

d'excitation de l'écorce peuvent déterminer un spasme du muscle

dilatateur de la pupille. Paul Sérieux.

V. Accès d'asthme violent, d'origine hypo-thyroïdienne; par LEY.

(Journ. de neurologie, 1901, n° 9.)

Observation d'une malade qui depuis sa jeunesse était sujette à

des accès d'asthme avec faiblesse générale disparaissant chaque

fois qu'elle devenait enceinte pour reparaître trois semaines après

l'accouchement. Pensant que ces accidents étaient dus à une

insuffisance de la sécrétion thyroïdienne, que la grossesse faisait

momentanément disparaître, on administra à cette malade des

tablettes de thyroïdine et depuis cette époque sa santé s'est com-

plètement rétablie. ,G. D.

VI. Etude sur l'ophtalmoplégie congénitale (ophtalmoplégie com-

plexe) ; par Carannes et Barnefe. (Nouv. Iconogr. de la Salpé-

trière, n° G, 4900.)

Les travaux antérieurs sur ce sujet permettent de diviser les

paralysies congénitales des muscles oculaires en deux catégories :

in Paralysies isolées; 2° Paralysies associées. Après étude d'un cas

très intéressant observé par eux et analyse de 43 observations

d'ophtalmôplégies congénitales recueillies dans la littérature médi-

cale, les auteurs proposent d'ajouter à la classification indiquée

plus haut une troisième catégorie : 3° Paralysies complexes, carac-

térisées par la réunion des éléments suivants : ptosis (paralysie du

droit supérieur), paralysie ou parésie des droits interne, externe

et inférieur, paralysie ou parésie des obliques (plus rare), intégrité

de la musculature interne (sphincter pupillaire et muscle ciliaire).

R. C.

VII. Une observation de trophoedème chronique héréditaire ;

par LAN.-401S. (Nouv. Iconogr. de la Salpélrière, n° 6, 1900.)

Relation de 1 cas dans la même famille, contribuant à démontrer

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 41

l'importance de l'hérédité dans les causes de cette très rare affec-

tion.

VIII. Un cas de dermo-neuro-fibromatose compliquée de phéno- ,

mènes spinaux et de déformation considérable de la colonne

vertébrale; parP. Hansualter. (Nouv. ]C01Wgl'. de la Sclpêtriére,

n° 0, 1900.) ,

Observation d'une forme anormale ayant pu faire croire tout

d'abord à une variété de syringomyélie.

IX. Forme rare de syringomélie vasculaire avec méningite

tuberculeuse ; par C. ltwow. (Il Morgagni, 1900, mai.)

Autopsie d'un enfant de trois ans, opéré de méningocèle, mort

huit jours après l'opération. L. D.

X. Contribution à l'étude de la paralysie post-tabétique ; par

, GARBINI. (Il Manicomio, 1899, 3.)

Travail long et minutieux qui a conduit l'auteur aux conclusions

suivantes : affection rare en Italie (3,43 p. 100 des parai, géné-

raux), se développant surtout chez l'homme, de préférence entre

30 et 40 ans et dans les classes pauvres qui sont deux ou trois fois

plus atteintes que les classes aisées.

La syphilis, l'alcoolisme, les excès variés, les causes morales

constituent des causes prédisposantes très importantes mais dont

aucune ne suffit à produire la maladie. Le tabes héréditaire ne fait

jamais défaut; il débute le plus souvent par des phénomènes dorso-

lombaires.

La forme clinique la plus fréquente de la paralysie générale

post-tabétique est la forme maniaque. La durée de la maladie

dans son ensemble, depuis le début du tabes, est éminemment

variable d'un an et moins a quinze ans. En général, il s'écoule de

trois à cinq ans entre le début du tabes et celui de la paralysie

générale qui évolue plus repidement que dans la forme commune

et amène la mort en douze ou vingt-quatre mois.

La période d'incubation est impossible il déterminer, étant

donné le caractère particulier des causes invoquées, sauf pour la

syphilis. Les premiers symptômes du tabes se montrent six ou dix

ans après l'infection. Les lésions anatomiques réunissent celles des

deux affections tabes et paralysie générale. L. D.

XI. Sur l'analgésie épigastrique profonde ; par Rossi

G. Lamonda. (Riu. clin, therap., 1900, avril.)

L'auteur confirme les résultats indiqués par Pitres sur la fré-

42 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

quence de l'analgésie épigastrique profonde dans l'épilepsie et le

tabes ; et sur ses rapports avec l'état des réflexes superficiels. Il a

cependant trouvé la sensibilité épigastique profonde plus souvent

augmentée que diminuée dans l'hystérie. L'hyperesthésie, plus

'fréquente, se rencontre souvent dans l'anémie, les états dyscra-

siques, les cachexies, la convalescence de maladies débilitantes.

Elle reconnaîtrait pour cause la dénutrition qui provoquerait une

réaction exagérée des éléments nerveux il l'excitation. En somme,

l'auteur n'aboutit a aucune conclusion bien neuve. L. D.

XII. Une épidémie de paralysie spinale infantile ; par SmONL1.

(Gaz : , degliosped., 1899,43.)

L'auteur rapporte cinq cas de paralysie spinale infantile obser-

vés dans le même village en quarante-quatre jours. De ces obser-

vations d'après l'auteur, il résulterait qu'on doit accorder une

certaine importance au rhumatisme articulaire aigu dans l'étio-

logie de la paralysie infantile.

Ces cinq cas furent observés dans des familles différentes et

débutèrent tous par une fièvre assez élevée. Mais la durée et le

degré de la fièvre n'ont aucune influence sur la marche et l'issue

de la maladie. En effet, celui des cinq enfants qui guérit presque

complètement avait eu précisément une fièvre très élevée qui

persista longtemps.

Chez les quatre autres, la paralysie s'établit définitivement avec

atrophie musculaire et abaissement de la température du membre

abdominal atteint. Deux d'entre eux aboutirent au pied-bot

varus équin. , L. D.

XIII. Un cas d'anesthésie généralisée et presque totale; par

G. FERON. (jours. de Neurologie, 1900, n° 7.)

11 s'agit d'un homme de trente-huit ans qui présentait une abo-

lition de la sensibilité dans tous ses modes, non seulement au niveau

de la peau et des muqueuses, mais encore au niveau des os.

Comme il n'existait, chez ce malade, aucun signe de lésion

organique en dehors d'un commencement d'atrophie de la papille

gauche, l'auteur pense que cette anesthésie généralisée doit être

mise sur le compte de l'hystérie. G. D.

XIV. Un cas de sclérose cérébro-spinale disséminée; par J. CRocQ.

- (Joumz. de Neurologie, 1901, n° 7.)

Il s'agit d'une femme de quatre-vingt-un ans qui fut atteinte, à

la suite d'une frayeur, de contractions musculaires répondant à

trois types distincts :

1° Des oscillations rythmiques siégeant aux lèvres, au cou, aux

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 43

mains et aux pieds, diminuant sous l'influence de la volonté ou des

mouvements volontaires ;

2° Des contractions fibrillaires localisées dans la plupart des

muscles du corps;

3° Un état d'incoordination spasmodique qui se manifeste à

l'occasion des mouvements volontaires.

D'après l'auteur, tous ces troubles moteurs sont dus à des

lésions [scléreuses d'origine artérielle disséminées sur le névraxe.

Le diagnostic anatomique serait donc sclérose cérébro-spinale

disséminée et le diagnostic clinique : tremblement sénile avec

symptômes de sclérose en plaques. G. DENY.

XV. Syndrome syringomyélique étendu unilatéral; par F. Sano.

(Joum. de Neurologie, 1901, n° 8.)

Observation d'un homme de trente-un ans chez lequel on cons-

tate tous les signes de la syringomyélie, mais localisés au côté

droit du corps. Cette syringomyélie étant survenue sans cause

appréciable, l'auteur croit qu'elle est sous la dépendance d'un

arrêt de développement des centres nerveux qui aurait été lui-même

la cause des réactions névrogliques et des dilatations épendy-

maires. ' G. D.

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

I. L'affaire Waldstein à Prague : deux lettres adressées aux

membres de l'Association médico-psychologique de la Grande-

Bretagne et de l'Irlande ; par le professeur Monrrz Benedikt.

(The Journal of Mental Science, janvier 1899.)

La première de ces lettres est une critique des psychologistes

qui ont joué un rôle dans le procès Walstein, procès qui a fait un

certain bruit en Autriche. L'auteur y examine les rapports de la

faiblesse mentale avec la folie morale, le damier de créer une

législation de classe, par une conception fausse de la folie morale, la

question de la surveillance de l'Etat sur les choses relatives à la folie.

Dans la seconde, l'auteur revenant plus spécialement sur Id

question de la folie morale déclare espérer que le mot et la chose

disparaîtront de la science. Ce qu'on appelle la folie morale n'est,

suivant lui, qn'une dépravation, une corruption innée ou acquise,

et, sauf le cas de complications, ne représente pas une forme de

4 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

folie : c'est une modification de l'état physiologique, un état anti-

social, naturel ou acquis, mais non pas une maladie 1. R. de M.-C.

II. Etat névropathique héréditaire et instabilité et maladie

acquises associées au crime, avec une observation; par Henry

- Lile WtTFR. (The New I'o· ! c Médical Journal, G novembre 1897.)

Homme de trente-neuf ans : père et grand-père paternel alcoo-

liques, grand'mère maternelle aliénée; convulsions dans l'enfance;

alcoolique depuis l'âge de seize ans. Syphilitique ( ? ) (un chancre il

y a treize ans sans accidents consécutifs). Anémique ; muscula-

ture pauvre. Constipation, pas d'appétit. Instruction rudimen-

taire : intelligence ordinaire; mémoire faible. Caractère triste et

par moments irascible. Réflexes normaux. IL y a quatre ans,

céphalalgies, et engourdissement, puis paralysie d'abord des doigts,

ensuite de la main, enfin de tout le côté gauche. Cet état dure

trois jours, puis survient une crise convulsive et tout rentre dans

l'ordre ; depuis, il a eu d'autres convulsions, toujours précédées

d'une aura visuelle, qui dure de vingt minutes à deux heures ; la

crise convulsive débute par la main gauche. Il y a perte de cons-

cience, écume à la bouche et miction involontaire : la période

consécutive de stupeur est suivie d'une grande agitation, pendant

laquelle le malade est dangereux pour lui-même et pour les

autres. Puis il revient à son état normal, ne se souvenant de rien

si ce n'est qu'il a été agité. L'auteur le retrouva plus tard dans

une prison, après une condamnation pour un délit sans grande

importance : le médecin de la prison avait porté le diagnostic de

syphilis cérébrale et tumeur cérébelleuse.

L'auteur indique ici les mensurations anthropométriques aux-

quelles le sujet a été soumis, et leurs résultats, et en terminant, il

montre l'intérêt que présente : un tel malade au point de vue médico-

légal, en supposant que cet homme ait commis un crime grave, un

meurtre par exemple, et en examinant les hypothèses et les

embarras, auxquels il aurait donné lieu. R. de lIIuSGRAVE-CLAY.

III. Sur l'irresponsabilité chez les criminels; par A.-R. WI ! ITEWAY.

(The Journal of Mental Science, octobre 1899.)

La question fondamentale qui se pose, en matière de châtiment

pénal, est celle de la dose de responsabilité possédée par le crimi-

nel, et, pour la résoudre, il faut faire l'analyse quantitative de son

état mental et moral; et cette analyse est nécessaire, quelle que

soit celle des doctrines, actuellement régnantes et de plus en plus

libérales en matière de responsabilité, que l'on adopte personnel-

' Nous ne pouvons accepter absolument cette opinion de notre éminent

ami, le professeur Benedikt. (B.)

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 45

lement. Ces doctrines se divisent, en somme en deux groupes

principaux, le groupe spiritualiste et le groupe positiviste : les

spiritualistes croient à une obligation morale abstraite, les posi-

tivistes à une simple responsabilité envers la Société. La théorie

positiviste se présente d'ailleurs sous diverses formes : il y a une

école qui réduit la responsabilité aux simples nécessités de nos

relations sociales, que celles-ci soient considérées comme nées

d'un contrat social ou non, et dans ce cas elle nie formellement le

libre arbitre (Fouillée) , il y en a une autre qui place le droit de

punir sous la dépendance des nécessités de la défense sociale; une

troisième se base pour excuser l'aliéné sur ce qu'il est une unité

non identique aux autres unités sociales. Von Liszt de son côté

estime que la base de la responsabilité se trouve dans le pouvoir

d'agir normalement, indépendamment de tout exercice du libre

arbitre. D'autres encore distinguent entre la responsabilité subjective

et la responsabilité objective, déclarant que nous ne savons rien de

sûr de la première, mais que la seconde dépend certainement du

danger que l'exemple donné par le criminel fait courir Ma Société

(Lévy-Bruhl). Mais, que l'on croie ou non avec Schopenhauer que

l'impératif catégorique de Kant est un « vieux reste du Décalogue »

il est certain qu'un homme ne peut se sentir responsable qu'au-

tant qu'il- a conscience de sa personnalité; et cette conscience, il

peut l'avoir en dehors de tout sentiment net d'une obligation

abstraite, comme aussi en dehors de tout libre arbitre. S'il est

pleinement conscient de « l'identité et de la permanence de sa

sa propre existence » c'est-à-dire de sa personnalité, il est capable

de comprendre celle des autres, et il est, en fait, un être normal

auquel une infraction à la loi peut être imputée comme une faute

dont il est coupable. Eu d'autres termes il mérite d'être châtié

dans l'exacte mesure où il est, ou n'est pas, un être normal tant

au point de vue physique qu'au point de vue psychologique. Les

hommes de science trouvent difficile d'admettre la folie partielle

parce qu'ils ne paraissent pas se rendre compte que la responsa-

bité ne dépend pas à proprement parler du discernement du bien

et du mal, mais de la présence ou de l'absence chez le délinquant

des qualités nécessaires pour acquérir et conserver cette faculté de

discernement. La culpabilité des individus peut donc varier indé-

finiment du minimum au maximum. R. DE 11CSGR.1VE-CL9Y.

IV. Notes sur l'exécution d'un testament dans un cas d'hémiplé-

gie avec aphasie; par James EDMUJSDS. (British Médical Journal,

31 mars 1900.)

Une femme de soixante ans polyglotte, fort intelligente, est

frappée d'une hémiplégie droite avec aphasie et agraphie, l'hémi-

plégie, l'aphasie et l'agraphie se complètent. 11 s'agit d'aphasie mo-

46 6 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

trice ; l'intelligence reste intacle, elle comprend et s'exprime par

gestes, elle lit. En avril 1896, elle a une arthropathie du genou

droit. En août 1898 accès de goutte avec tophus. Assez bon état

jusqu'au 10 juillet 1899. Ce jour là nouvel ictus avec aggravation

des phénomènes parétiques du côté droit, intelligence toujours

.intacte, le 3 et 4 août la malade l'ait son testament. Le 20 août,

mort après une série de petits ictus qui ne touchèrent l'intelligence

que dans les 2 ou 3 derniers jours.

La malade avait désiré tester, le médecin imagina l'emploi de

cartes à jouer sur lesquelles on écrivit très visiblement et les diffé-

rentes propriétés à léguer et le nom des légataires éventuels. C'est

par le choix de ces cartes différentes que la malade fit connaître

ses instructions. Le notaire transcrivait à mesure et, quand elle eut

achevé, il lui lut à haute voix la pièce et la malade montra par sa z

mimique et ses gestes qu'elle approuvait. Le testamennt fut atta-

qué, mais par un jugement de la Cour de Londres il fut déclaré

valable. J. B. BUVAT.

V. Sur l'irresponsabilité des criminels; par Charles Mercier.

' (Tlee Journal of Mental Science, avril 1900.)

Nous ne pouvons qu'indiquer ce court mémoire de M. Mercier,

qui est une réplique à l'article de M. Whiteway paru dans l'avant-

dernier numéro du Mental Science, et qui concerne tout spéciale-

ment le procès criminel de Mary Ansell. R. de Musgrave-Clay.

VI. Assassinat d'un fonctionnaire public par un aliéné atteint de

paranoïa chronica ; par W. M. BECIITLREW. (Obo : réaié psichiatrii,

III, 1898.

Le malade en question tua à coups de revolver le président du

tribunal territorial du gouvernement de Wiatka. Une des chambres

médicales du gouvernement, malgré les résultats de l'examen

pratiqué à l'asile des aliénés de Wiatka, conclut à la pleine respon-

sabilité. Pour départager quatre experts, divergents d'opinion

deux à deux, l'aliéné fut renvoyé devant la Société de médecine,

la plus haute institution médicale de la Russie. Etude complète et

rapport de M. Bechterew. C'est un délire systématique chronique

originel. P : 11ERAV.aL.

VII. Rôle de la suggestion dans la vie publique; par W.-M.

Bechterew (Obo·énié psiclciatrü, 111, 1898).

Discours fort documenté sur le contage psychique qui produit

la contagion psychique : ses microbes, quoique invisibles au

microscope, n'en n'agissent pas moins, comme les microbes phy-

siques, partout et en tout lieu. Ils se transmettent par les paroles

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 47

et les gestes des personnes environnantes, par les livres, les

journaux, etc., en un mot, où que nous nous trouvions, nous

sommes déjà soumis à l'action des microbes psychiques, et, par

conséquent, nous nous trouvons en danger d'être contaminés men-

talement.

Il est facile de s'imaginer le thème brillant et brillamment

développé que M. Bechterew a su fournir, mais scientifiquement

il ne nous apprend rien de nouveau. Sa péroraison mérite cepen-

dant d'être citée, parce qu'elle est une réfutation de l'opinion de

Tolstoï, sur le rôle nul des individualités dans les événements his-

toriques. La voici : 1

« Le thème que j'ai choisi, dit l'orateur, exigerait un plus long

développement, car il est universel ; ce que j'ai dit donne, pour le

moins, le canevas des réflexions que comporte l'importance de la

suggestion dans la vie sociale des peuples, et le rôle qu'elle doit

jouer aux moments graves de l'histoire à toutes les époques. Le

temps ne m'a pas permis de m'arrêter sur la question des indivi-

dualités séparées dans l'histoire. Beaucoup inclinent à nier abso-

lument le rôle de l'individualité dans la marche des événements

historiques. D'après eux, l'individu n'apparaît que comme l'ex-

pression des manières de voir de la masse, comme la plus .haute

personnification d'une époque, il ne peut donc avoir d'influence

active sur la marche des événements historiques. Ces événe-

ments, par la force des choses, font surgir à la surface de la foule,

telle ou telle individualité, mais ils se déroulent à leur rang en

dehors et indépendamment des individualités qui n'exercent pas

d'influence sur eux.

« Mais l'on oublie la suggestion, cette force importante, qui sert

notamment d'arme puissante entre les mains de natures heureu-

sement douées dès la naissance, de celles pour ainsi dire créées

pour être des chefs des masses populaires. Il est certainement

impossible de nier que l'individualité par elle-même n'apparaisse

comme réfléchie par un milieu, par une époque; il est impossible

de nier qu'aucun événement ne se puisse réaliser tant qu'à sa

réalisation ne préside pas, au préalable, un terrain suffisamment

préparé, et l'action de circonstances favorables. Mais il est hors de

doute également que les orateurs brillants, les démagogues

fameux, les favoris d'un peuple, les capitaines célèbres, et les

grands hommes d'Etat, enfin les publicistes en renom, tiennent

entre leurs mains une force puissante, qui est capable de coor-

donner les masses populaires, d'en former une unité appliquée à

un but général unique, qui possède la vertu de les entraîner à des

exploits, de les conduire à des événements dont les conséquences

se répercutent sur la suite des générations futures. "

. P. KEDAVAL.

ASILES D'ALIÉNÉS.

I. Les soins des femmes auprès des hommes aliénés ;

par N.-A. Joaaiaw. (06oréaié psichiatrü, III, 1898.)

A l'hôpital militaire Saint-Nicolas de Saint-Pétersbourg des

soeurs de charité sont préposées aux sections de faibles qui con-

tiennent, à raison du traitement par le repos au lit continu, aussi

des psychoses aiguës ; elles assurent également le service dans les

sections d'agités. Elles soignent les malades et maintiennent

l'ordre, sous le commandement et la surveillance des autorités

médicales et administratives. Leur traitement est de 15 à 20 rou-

bles par mois, plus table et logement. Chacune des sections de fai-

bles possède une soeur, qui y loge et vit continuellement. Chacune

des sections d'agités en a trois ; elles y sont relevées, par détache-

ments : le premier, va de 9 heures du matin à 3 heures après-midi;

le second, de 3 heures il 9 heures du soir ; le troisième, de 9 heures

du soir à 3 heures du matin ; le quatrième, de 3 heures à 9 heures

du matin.

Pendant le service, les soeurs portent une robe de chambre

blanche sur leur costume religieux. Elles exécutent toutes les pres-

criptions des ordonnateurs, surveillent l'administration des bains,

d'après leurs instructions, observent les malades afin, en cas de

changements graves, de prévenir aussitôt l'assistant de service

dans la section, ou, par extraordinaire, l'ordonnateur de service,

le surveillant de garde. Elles veillent à la distribution des portions

alimentaires prescrites, commandent aux infirmiers. Elles inscri-

vent sur un registre les modifications qui se produisent chez les

malades. A chaque visite des malades, par les ordonnateurs, le

médecin principal, le directeur de la section, elles les accompa-

gnent dans les quartiers, les informent des changements survenus

chez les malades,' leur montrent les nouveaux entrants, et inscri-

vent sur le registre du quartier toutes les dispositions prises par

les ordonnateurs.

Pendant le temps de leur service, elles se guident, pour soigner

les malades, sur les indications du surveillant et de son aide. Les

soeurs de service aux agités- hommes sont relevées, au moment

des repas, par les soeurs libres.

Elles choisissent parmi elles une soeur qui sert d'intermédiaire

entre elles et le personnel de service de la section, pour les ques-

d- .t" L i ?

ASILES D'ALIENES. ~ ? < 49

tions qui touchent à leur existence (table, logement, etc.). Elles

doivent suivre les leçons faites par l'un des ordonnateurs de la

section. P. Keraval.

II. Soins donnés aux aliénés dans' l'État de New-York; par

G. Shrady. (Médical Record.)

Conformément à la loi de 1889 les aliénés de l'état de New-York

sont traités dans onze asiles répartis dans onze districts différents.

La répartition s'y fait de telle sorte que les malades ont toute com-

modité pour rester en relations constantes et faciles avec leur fa-

mille et leurs amis.

Mais, avant la répartition, les malades restent en observation soit

à l'hôpital, sont dans le famille, soit en prison. Les inconvénients

de ce. mode d'observation sautent aux yeux, seule l'observation

dans des sections spéciales d'hôpitaux généraux a donné d'excel-

lents résultats et a encouragé l'administration à créer des sections

de réception pour aliénés dans des hôpitaux publics. Dans la pro-

vince d'Albany, cette méthode fonctionne déjà. Dans ces sections, il

est possible de faire le départ entre aigus curables et chroniques;

les premiers restent jusqu'à guérison à la section spéciale de l'hô-

pital, les autres sont évacués sur l'asile. L'avantage de ce nouveau

mode d'hospitalisation, pour les alcooliques en particulier, est

manifeste et l'auteur conclut que ce qui vient d'être fait à l'hôpital

d'Albany devrait être généralisé systématiquement non seulement

dans l'état de New-York mais dans le reste du monde civilisé.

J. B. Buvat.

III. La nécessité d'un musée et d'un laboratoire de pathologie et de

physiologie cérébrale; par A. H. NEwTdt. (The j01tmal of Mental

Science, avril 1899.) 1 .

Une grande somme de travail accomplie dans les asiles, demeure

effectivement sans profit faute de pouvoir être connue de ceux

qu'elle intéresserait. On pourrait au contraire, lui faire porter tous

ses fruits, par la création d'un musée destiné à recevoir les pièces

macroscopiques ou microscopiques, se rapportant à la pathologie

et à la physiologie du cerveau. Chaque chercheur suivrait sa voie,

mais s'attacherait aussi à combler les lacunes, et les travailleurs

seraient stimulés à la fois par la pensée que leurs recherches ne

seront pas perdues pour leurs collègues, et aussi très légitimement

par l'honneur qu'ils en retiraient. Le rapprochement matériel des

études faites en divers endroits par des travailleurs isolés et origi-

naux ne manqueraient pas de donner des résultats avantageux et

ce musée serait également instructif pour ceux qui savent déjà et

pour ceux qui ne savent par encore. Cette institution devrait être

Archives, 2° série, t. XII. 4

50 ASILES D'ALIÉNÉS.

complétée par un laboratoire où certaines recherches de physiolo-

gie et de pathologie cérébrales pourraient être faites avec un outil-

lage plus complet que celui des asiles et par un pathologiste d'une

compétence reconnue. R. de Musgrave-Clay.

IV. Les punitions sont-elles justifiées dans les asiles ; par Thomas

Drapes. (The joumal of Mental Science, juillet 1899.)

L'auteur ne dissimule pas que ce petit problème en masque un

plus grand, celui- de la responsabilité de aliénés, déjà traité dans

le Journal of Mental Science, par 11111. fercier,iVoott et bien d'autres.

Il développe sa pensée à cet égard dans des pages assez longues,

qu'il résume lui-même dans les conclusions suivantes :

1° 11 existe une folie partielle, et la forme et le degré du trouble

mental influent directement, dans chaque cas particulier, sur la

question de responsabilité ;

2° Si cette hypothèse admise, on a des raisons valables de con-

' sidérer un aliéné comme partiellement responsable de sa conduite,

alors, dans le cas où cet aliéné commet un méfait qui est sans rap-

port avec la sphère limitée de conduite dans laquelle sa folie évo-

lue, une punition est légitime;

3° Le mot punition doit être considéré comme désignant toute

mesure prise en vue de la correction d'une faute, soit par la pri-

vation d'une chose qui donne du plaisir, soit par l'infliction d'une

chose qui cause de la douleur 1.

En terminant, l'auteur rappelle qu'à Warwich, en 1892, un

magistrat, M. Justice Wright disait que « la réponsabilité d'un

accusé devait défendre de la réponse qui pouvait être faite à cette

question. Pouvait-il faire autrement ? ». Le critérium proposé par

ce magistrat est simple et juste : sa phrase contient la solution

entière du problême. C'est du pur bon sens.

R. DE Musgrave-Clay.

V. Garde de nuit et surveillance dans les asiles ; par F. ASHEY

ELKINS et JAMES 1\hDDLE : .IASS. (The Journal of Mental Science, octo-

bre 1899.)

Le système préconisé par l'auteur, et non d'une manière théo-

rique, car il l'a depuis longtemps mise en pratique, consiste

principalement à traiter les malades d'asile comme des malades

d'hôpital, et à prendre autant que possible pour modèle les dis-

positions adoptées dans ces derniers établissements. C'est ainsi

que les malades bruyants ne sont pas relégués par M. Elkins. dans

j

1 Causer de la douleur à un malade, nous ne saurions que protester;

voir page 53. (B.).

ASILES D'ALIÉNÉS. 51 I

un dortoir spécial, mais demeurent au milieu des malades calmes,

dont le bruit qu'ils font ne trouble pas le sommeil, il l'a maintes

fois constaté. Il peut cependant être troublé dans des cas excep-

tionnels, mais un aliéné qui passe dix heures au lit. peut sans incon-

vénient perdre, exceptionnellement, une heure ou deux de som-

meil. L'auteur ajoute que si ce système est sans inconvénient pour

l'entourage, il est avantageux pour le malade qui n'est pas aban-

donné seul dans une pièce obscure à ses idées délirantes ; en

outre, l'infirmier de garde de nuit dispose toujours de quelques

aliments destinés aux malades qui pourraient en avoir besoin et

l'on sait que rien ne favorise le sommeil comme l'ingestion d'une

petite quantité d'aliments. L'infirmier peut aussi s'occuper un ins-

tant du malade, causer avec lui un instant, l'aider à s'endormir (ce

qu'il fera d'autant plus volontiers qu'il y a lui-même tout intérêt).

Un autre avantage, c'est que les malades sont moins bruyants dans

la journée, parcequ'ils ont bien dormi ; des malades à instincts de

destruction peuvent être soumis utilement à ce système, la preuve

c'est que dans une année trois chemises seulement ont été déchi-

rées par deux aliénés. Pour les malades malpropres, il y a encore

un avantage, celui de prévenir, dans une certaine mesure bien

entendu, leur malpropreté, en devançant. En somme l'auteur

estime que dans un asile, les chambres isolées ne doivent être attri-

buées qu'aux aliénés à tendances homicides. Un seul veilleur de

nuit est suffisant pour vingt-cinq malades aigus et affaiblis, et pour

quarante et cinquante chroniques tranquilles. En résumé, l'auteur

voudrait : 1 Que les dispositions prises pour la surveillance de

nuit dans les asiles se rapprochent beaucoup de celles qui sont en

usage dans les hôpitaux généraux ; 2° Que tous les malades aigus,

bruyants, malpropres et à tendances destructives (à l'égard des

choses) soient placés la nuit dans des dortoirs soumis à une sur-

veillance constante, et n'en soient retirés que lorsqu'il est

devenu évident qu'ils ont cessé d'avoir besoin de cette surveillance

spéciale. R. DE MUSGRAVE-CLAY.

VI. Le système Brabazon dans un asile, histoire de son établisse-

ment et de son fonctionnement pendant une année : par Ha-

MII,TON C. Marr. (The Journal of Mental Science. juillet 1899.)

Il y a vintg ans que Lady Brabazon proposa une subvention pécu-

niaire à l'infirmerie ou au « Work house » qui consentirait à faire

l'essai d'un système qui consistait à apprendre aux infirmes de

ces établissements à se servir utilement de leurs mains, et à chasser

ainsi l'ennui par le travail. La proposition fut acceptée en 1883, et

aujourd'hui ce système fonctionne dans 156 établissements. En jan-

vier 1898, il a été introduit dans un des asiles de Glasgow, où réside

l'auteur. Un comité de dames s'est formé pour enseigner aux

52 asiles d'aliénés. 1

malades impropres à tout autre travail, ou paralysés et alités, de

petits travaux qui les occupent et les amusent; ce comité de dames

est indispensable, car elles seules peuvent apporter à cet enseigne-

ment volontaire le temps et la patience qui feraient forcément

défaut au personnel de l'asile si on essayait de l'en charger. La

^variété des travaux permet d'utiliser ce que chaque malade peut

avoir d'aptitudes spéciales : un idiot peint des cartes et des boites

à allumettes, d'après un modèle bien entendu, mais avec zèle et

exactitude; d'autres font des tricots de fantaisie, des fleurs et des

abat-jour en papier. On a ajouté récemment la sculpture sur bois

et le tissage des corbeilles. Ces occupations ne servent pas seule-

ment à désennuyer les malades, elles ont paru utiles à leur état

mental 1. A la fin de l'année, on a fait une vente des objets ainsi

fabriqués, et le produit a servi à payer les matières premières

employées d'abord, et à faire ensuite aux travailleurs et travailleuses

un léger cadeau d'argent.

Enfin l'auteur voit à ce système un autre avantage, accessoire à

la vérité, mais pourtant réel; il trouve avantageux que des dames

pénètrent ainsi de temps en temps dans les asiles, et se rendent

compte de leur fonctionnement; ce sont elles peut-être qui contri-

bueront par la à dissiper les préjugés qui règnent encore au sujet

des asiles, et à faire comprendre au public qu'un asile n'est pas

autre chose qu'un hôpital spécial pour le traitement des maladies

du cerveau. H. de Musgrave-Clay.

VII. L'évolution de l'architecture des asiles et les principes qui de-

vraient diriger la construction moderne de ces établissements ;

par R.-ll. SnEEIV. (The Journal of Mental Science, janvier 1900.)

Ce travail très intéressant, très détaillé, est accompagné de plans;

il est malheureusement trop long pour que nous puissions en

donner une idée : le rôle important que jouent les détails dans les

études de ce genre en rend toujours l'analyse tout à fait insuffisante

et nécessiterait presque une traduction; nous nous bornons à re-

produire les conclusions générales de l'auteur qui sont les sui-

vantes :

1° Les plans établis d'après le système de villas, et ceux qui

comportent des blocs détachés situés à distance du bâtiment cen-

tral présentent des inconvénients qui surpassent les avantages

qu'on leur attribue : ces systèmes ne paraissent pas devoir se gé-

néraliser dans notre pays avec les conditions actuelles d'adminis-

tration. »

« 2° La division d'un asile en deux portions, de dimensions

' C'est la pratique que nous n'avons cessé de recommander pour les

asiles de la Seine. Elle existait, autrefois, à l'asile de Bassens. (B.)..

asiles d'aliénés. 53

presque égales, l'une pour les cas aigus, et l'autre pour les cas

chroniques, est passible de diverses objections ;

« 3° Le plan le mieux approprié à un asile dans notre pays est

celui qui le compose de pavillons distincts, formant chacun un en-

semble complet dans ses détails, et reliés entre eux et aux services

administratifs au moyen de corridors. R. DE DUSGIt4VE-CLAT.

VIII. Résumé d'un mémoire sur la nécessité d'isoler les aliénés

phthisiqnes; par Eric France. (The Journal o( 111ental Science,

janvier 1900.)

Par des documents précis et indiscutables, par des statistiques

démonstratives et des graphiques qui ne sont que trop clairs, l'au-

teur montre les ravages que cause la tuberculose pulmonaire dans

les asiles, et pense que le moment est venu de tenter un effort

précis pour réduire le taux excessif de la mortalité par phthisie

chez les aliénés. Le moyen fondamental qui s'impose pour attein-

dre ce résultat, c'est l'isolement après un diagnostic précoce, les

malades devant être isolés avant que leur tuberculose devienne

une tuberculose ouverte. R. DE MusGRAVE-CLAY.

IX. Enquête historique sur le personnel de surveillance des

aliénés en Allemagne ; par A. Pisniatsciiewski. (Obozrénié

psichiatrü, IV, 1899.

L'histoire montre comment- les soins que l'on donne aux aliénés

réfléchissent les manières de voir des contemporains sur les

maladies mentales : on y saisit aussi le degré de leur conscience et

de leur initiative, ainsi que la dose de moralité et de culture intel-

lectuelle de la société, aux différents âges. D'abord on punit les

malades de leur conduite, on les considère comme responsables.

Il est évident qu'il n'y a que l'idée de la force et non le sentiment

de la justice qui puisse conduire à transporter la responsabilité de

gens sains à des malades. Les infirmiers eux-mêmes châtiaient

les malades pour diminuer les fatigues de la surveillance. Ce n'est

que très tard qu'on se mit à imposer la responsabilité des désordres

aux infirmiers et à les punir, mais le personnel de surveillance

supérieur et l'administration demeurent irresponsables. Le droit

du plus fort se décharge de ses obligations sur autrui. « Aucune

société ne se laisse inoculer les idées les plus humaines que peut

lui prêcher un de ses membres, tant que le terrain n'a pas été

préparé d'avance par une culture générale suffisante. »

P. 11ER.1\'.1L.

X. La question des infirmiers dans les asiles d'aliénés ; par

M. A.-W. TI3fOPEIEV (Oboz/'énié psichiatrii, III, 1898.)

Après avoir décrit tous les essais faits à la maison de santé de

54 -il asiles d'aliénés.

l'empereur Alexandre 111, pour obtenir un personnel convenable,

M. Timoféiew, qui a d'ailleurs longuement visité les asiles d'Eu-

rope, s'exprime ainsi : De toutes les panacées, plus ou moins

essentielles, proposées pour améliorer et garder les infirmiers, il

n'en est pas une seule qui n'ait été l'objet d'une expérience suivie

-en cet établissement. Le résultat a été en vérité déplorable. Voici

maintenant comment on procède.

On prend des serviteurs, qui n'ont pas à s'occuper des malades;

ce sont des domestiques, chargés exclusivement, sous peine de

punitions, du ménage. Les soins immédiats des aliénés (alimenta-

tion, toilette, arrangement des lits, ablutions, bains, service

de jour et de nuit), sont confiés à des surveillants et à des aides-

surveillants; ils peuvent, dans quelques circonstances être exécutés

par des serviteurs et des garde-malades, mais en la présence du

personnel de surveillance, avec sa permission et ses indications. La

difficulté a été de former des aides-surveillants et de les faire

agréer des surveillants. On les choisit parmi des aides-chirurgiens,

des instituteurs, de petits employés. 11 y eut de l'antagonisme

entre les surveillants et leurs aides, puis ils finirent par faire bon

ménage, surtout lorsque le personnel des surveillants fut con-

vaincu que ces aides, en lui allégeant ses peines, ne lui causaient

pas de détriment. On subdivisa heureusement les aides en anciens

et nouveaux. Les services et les capacités dont ont fait preuve les

nouveaux dans le cours d'un an les élèvent au grade'supérieur qui

comporte les appointements les plus élevés. Comme de juste, ces

aides furent d'abord introduits dans les sections où se fait le plus

sentir la nécessité de soins plus intelligents} ainsi, dans les quar-

tiers d'observation, dans ceux des agités, dans les salles de faibles.

Dans les quartiers' de faibles, on ne tarda pas à remplacer le

personnel masculin par des femmes, des soeurs de charité, qui con-

viennent mieux à ce genre de soins, mais en leur associant, dans

les salles d'hommes, des serviteurs chargés de les aider, pour les

gros travaux et les besognes qui exigent de la force musculaire.

Les soeurs remplissent aussi dans les quartiers de femmes les

fonctions des aides-surveillants dans les quartiers d'hommes.

Evidemment les aides-surveillants élèvent le taux de la dépense,

mais dans une proportion encore acceptable, à cause surtout de

l'amélioration des résultats. Ainsi, jadis le quartier d'observation

(vingt-trois malades) occupait sept serviteurs, qui coûtaient, à

90 roubles par an chacun, 030 roubles (1.638 fr.) ; actuellement, on

y emploie trois aides, dont l'un, l'ancien, coûte 20 roubles par

mois, et les autres 15 ; en tout 600 roubles annuels (1.560 fr.); on

y utilise aussi quatre serviteurs à 90 roubles par an, soit 360 rou-

bles. Ce quartier coûte donc 960 roubles (2.496 fr.) au lieu de 630

(1 .638 fr.). Ce sacrifice. qui a porté ses fruits, était indispensable,

car il n'y avait rien à faire avec les domestiques. Il n'y a plus qu'à

1 asiles d'aliénés. 55

obtenir pour les aides anciens le titre de serviteurs de l'Etat avec

les droits correspondants (pensions de retraites, etc.).

Dans les quartiers de tranquilles, le surveillant n'est assisté que

.d'un aide. P. KEaAVAL.

XL Le patronage familial en Hollande; par le Dr PEETERS.

(l3ull. de la Soc. semez. mentale de Belgique, mars 1901.)

Il résulte de cette note que le patronage familial des aliénés qui

n'existe pour ainsi dire pas encore en Hollande sera bientôt organisé,

le ministre de l'intérieur ayant inscrit au budget de 1900 un crédit

de 3 000 florins destiné à l'entretien des malades placés sous le

régime familial. Le ministre s'est en outre engagé à faire des

essais de ce régime dans les établissements de l'Etat, à Medenblik

et à Grave, et à subventionner les asiles privés qui s'engageront

dans la même voie. G. D.

LE président DU conseil, ministre DE L'INTÉRIEUR

ET DES cultes A messieurs les préfets.

J'ai été frappé des inconvénients considérables qui résultaient

parfois pour les finances départementales des réclamations présen-

tées tardivement par un déparlement à un autre en vue du recou-

vrement des sommes avancées par lui pour le paiement des frais

d'entretien des aliénés indigents.

Trop souvent, l'autorité préfectorale qui avait prescrit l'hospi-

talisation d'un malade étranger au territoire de son ressort ne

s'enquérait du lieu du domicile de secours de cet indigent qu'au

jour de son décès ou de sa sortie, par suite de guérison, de l'asile

où il avait reçu des soins.

Alors même que le domicile de secours paraissait établi dès l'épo-

que à laquelle la mesure d'assistance avait été prise, les réclama-

tions de l'asile créancier n'étaient adressées au département de ce

domicile qu'à une époque très ultérieure.

Parfois un délai de trente années s'est écoulé entre l'hospitalisa-

tion dans l'asile d'un département et la réclamation il un autre

département de la somme dont cette mesure d'assistance le rendait

redevable, cette somme ayant alors grossi d'année en année jus-

qu'au total considérable de 15 iL 20.000 francs.

Je n'ai pas à insister sur les difficultés résultant pour une admi-

nistration préfectorale de l'obligation d'incorporer, au budget d'un

exercice, une charge aussi considérable que celle résultant de l'ac-

quittement du contingent départemental lorsqu'il- s'agit d'une

pareille somme réclamée en dehors de toutes prévisions. Les diffi-

cultés financières sont encore plus grandes et presque insurmon-

tables quand le recouvrement doit avoir lieu sur le contingent

communal. '

56 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Mais cette façon de procéder, souvent suivie, a donné lieu à un

autre inconvénient. Le domicile de secours d'un malade, facile il

établir lorsque ce malade, récemment hospitalisé, a quitté depuis

peu le lieu de sa résidence habituelle, devient, quelques années

plus tard, beaucoup plus difficile à déterminer, quand les témoi-

gnages se font plus rares et que les traces du séjour déjà ancien du

malade dans telle ou telle localité et les éléments d'appréciation de

sa durée ont pour ainsi dire disparu. Dans ce cas, les contestations

deviennent beaucoup plus fréquentes et les litiges naissent avec

une facilité bien plus grande.

Je vous invite, en vue de mettre fin à ces inconvénients qui ont

préoccupé plusieurs assemblées départementales, à rechercher le

domicile de secours de tout aliéné indigent dès l'année qui suivra

son internement et à aviser dans le môme temps de l'objet de ces

recherches l'autorité départementale du lieu du domicile présumé.

Vous voudrez bien m'accuser réception des'présentes instruc-

tions.

- Pour le président du Conseil,

Ministre de l'Intérieur et des Cultes :

- Le conseiller d'Etal, secrétaire général,

M... .

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE.

Séance du 6 juin 1901. Présidence DE M. LE Professeur RAYMOND.

Une application nouvelle de la méthode de l'élongation trophique.

L'ulcère chronique de jambe.

M. CHIPAULT. Je vous ai exposé, il y a un an, les résultats de

l'élongation trophiqne des nerfs dans le mal perforant. Elle en

donne de non moins intéressants dans l'ulcère chronique de jambe,

variqueux ou non, dont trente cas ont été aujourd'hui traités par

cette méthode : 9 cas personnels et 21 dus à Bardesco, Jonnesco,

Paul Delbet, de Buck et Vanderlinden, Otero Acevédo, Gérard-

Marchant.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 57 Î

Ici aussi la technique comprend deux temps : un temps d'élon-

gation nerveuse, que l'on fera porter sur les nerfs musculo-cutané;

saphène interne, sciatique poplité externe, c'est il dire à distance

moyenne de l'ulcère; un temps de traitement de l'ulcère, consis-

tant dans son ablation totale avec réunion, si c'est possible, et

dans son curettage si, comme d'ordinaire, c'est impossible.

Les résultats ont été : Résultats primitifs. Sur quatre

ulcères enlevés et suturés, quatre réunions par première intention;

sur vingt-six ulcères curetés : vingt-deux réunions par seconde

intention; quatre non-réunions dont une totale et trois partielles.

Résultats tardifs. Sur les vingt-six réunions. soit primitives,

soit secondaires, neuf cas n'ont pas été suivis, dix-sept ont été

suivis, dont six plus d'un an, deux plus de deux ans, deux plus

de trois ans. Chiffres remarquables pour un procédé aussi nou-

veau. Ils paraitront encore plus probants si l'on remarque : que

tous les ulcères traités étaient anciens, rebelles et étendus; que

sur les quatre insuccès, trois ont trait à des cas où ma technique

n'a pas été intégralement suivie. On sait, en effet, que je juge

essentiel pour le résultat que l'élongatiou soit faite à distance

moyenne. Or, dix-neuf cas traités de cette manière n'ont donné

qu'un insuccès ; dans onze cas, l'élongation a porté à grande dis-

tance sur le sciatique : ils ont donné trois insuccès, dont deux

tout particulièrement instructifs ; il s'agissait de malades porteurs

d'ulcères superposés; or, l'élongation du sciatique a guéri leur

ulcère supérieur, le plus près de l'élongation, et n'a pas guéri leur

ulcère inférieur, le plus éloigné, qui pourtant se trouvait dans les ,

mêmes conditions d'état préopératoire et de soins locaux. Rien ne

prouve mieux la nécessité, pour obtenir les remarquables résultats

que donne l'élongation trophique dans l'ulcère de jambe, de s'en

tenir à la technique même que j'ai indiquée.

Les résultats semblent prouver que l'ulcère de jambe rappelle

beaucoup plus qu'on ne le dit d'ordinaire des troubles trophiques.

On y note, du reste, souvent des troubles de la sensibilité, surtout

de la sensibilité thermique et des troubles de la calorification. "

D'autre part, l'importance du rôle qu'y joue d'ordinaire la lésion

vasculaire n'est plus pour embarrasser, aujourd'hui' qu'il est

admis que les dystrophies des plaies trophiques dépendent de

lésions des nerfs vaso-moteurs par l'intermédiaire des altérations

artério-veineuses que ces lésions produisent.

Adipose douloureuse.

MM. Acuann et LAUBRY présentent une malade de soixante-huit ans,

atteinte de la maladie de Dercum, les pieds et les mains sont

indemnes, la malade est notablement obèse, mais sur le tronc et

les bras l'adipose est diffuse et indolore; c'est aux jambes seule-

58 SOCIÉTÉS SAVANTES.

ment qu'elle est lobulée et douloureuse. Il s'agit donc d'une

forme légère, d'un cas dans lequel la dystrophie est peu marquée,

de tels sujets peuvent facilement passer inaperçus et laissent

croire que cette affection est plus fréquente qu'on ne le croit. La

patiente présente, en outre, un petit diabète. Les auteurs n'ont

pas dit si elle avait ou non présenté d'hémorragies.

Hypertrophie de la queue de cheval.

M. Thomas présente les pièces d'un cas de névrite hypertro-

phique interstitielle et progressive de l'enfance, intéressant toutes

les racines qui constituent la queue de cheval; l'affection a été à

la fin suivie d'atrophie. '

- Arthropathie dans l'amyotrophie.

M. Etienne (de Nancy) présente une pièce provenant d'un malade

atteint d'amyotrophie type Aran-Duchenne. On y voit à la fois

de l'arthropathie, destruction de la tète humérale avec rupture

spontanée de la capsule et de la périarthropathie avec nodules

ostéophytiques sur les tendons d'insertion des muscles périarticu-

laires, notamment du deltoïde.

Syphilis des centres nerveux chez les indigènes de l'Algérie.

, M. ScuEaB (d'Alger). La syphilis est extrêmement fréquente

parmi les indigènes de l'Algérie. Par contre, les accidents syphi-

litiques des centres nerveux y sont très rares.

La paralysie générale et le tabès ne se rencontrent jamais dans

cette partie de la population, alors que les européens et les juifs

du pays, paralytiques et tabétiques anciens syphilitiques y abon-

dent. Ceci pourrait tenir à ce que la syphilis a été importée en

Algérie à une date relativement récente. Le mal français a été

donné aux Arabes avant que les autres bienfaits de la civilisation

aient eu le temps de collaborer avec lui pour produire ces deux

affections. Mais celles-ci deviendront leur apanage quand ils se

seront suffisamnent détachés des préceptes du Koran pour user

des boissons alcooliques. Leur terrain n'est pas prêt pour que la

syphilis y évolue dans ce sens. Qnant aux lésions gommeuses et

aux artérites des centres nerveux, les quatre cas observés se

divisent ainsi : le premier chez une hétaïre hystérique et intoxiquée

par l'alcool et le tabac ; le deuxième chez un descendant de Turc,

alcoolique et fumeur de chanvre dont le père était vésanique; le

troisième chez un ouvrier du port, alcoolique; le quatrième chez

un Arabe de 27 ans, à syphilis grave sans tare antérieure. D'une

manière générale, ce ne sont pas les syphilis graves qui entraînent

SOCIÉTÉS SAVANTES. 59

des accidents nerveux. Si les gommes des centres sont rares, par

contre, le tertiarisme est commun chez les indigènes, mais les

gommes atteignent surtout les membres inférieurs de ceux qui,

marchant les jambes nues, vont dans la brousse et dans les

chaumes où ils se font des éraillures. Chez les indigènes syphili-

tiques, les troubles des réflexes oculaires n'ont jamais été ren-

contrés ; il n'y a donc pas même de tabès frustes.

M. Ballet. Ceci montre bien que l'argument de la rareté de

la paralysie générale chez les Arabes syphilitiques n'infirme pas

l'origine spécifique de cette affection, puisque les gommes du

cerveau elles-mêmes sont si rares chez eux. Une statistique numé-

rique, précise, comparée, serait d'un haut intérêt.

M. RAY10,-iD. - Bolenski a fait la même remarque chez les

Abyssins, presque tous sont syphilitiques et l'on ne rencontre

jamais chez eux la paralysie générale, ni le tabès. Leur terrain

n'est pas encore fait.

Sur la physionomie et le moment d'apparition des lésions cadavé-

riques dans l'écorce cérébrale de l'homme, méthode de Nissl.

(Ti avait du laboratoire de J11. Ballet.)

1111. Maurice Faure ET L : 11GVEL LAVASTINR ont recherché systé-

matiquement, dans le laboratoire de M. Gilbert Ballet, à quel

moment apparaissent les lésions cadavériques dans l'écorce

cérébrale des cerveaux recueillis deux ou trois jours après la

mort et abandonnés pendant plusieurs jours dans le laboratoire,

à une température constante de 16 degrés sans aucune précaution

d'assepsie, le cerveau étant seulement enveloppé d'une compresse

humectée d'eau bouillie, pour éviter la dessication de l'écorce. Ce

n'est guère que du troisième au sixième jour que des lésions

cadavériques se sont produites. Elles étaient, du reste, généra-

lement légères, et des cerveaux de cinq jours ont pu être étudiés

sans aucune difficulté. Les auteurs présentent des préparations

de cellules pyramidales absolument normales dans des cerveaux

de trois et quatre jours et à peu près normales dans des cerveaux

de cinq jours. Il faut attendre six, sept et huit jours pour trouver

des altérations considérables dont voici les caractères : la sub-

stance blanche et les éléments interstitiels ne prennent plus

aucune coloration, ils sont en bouillie; les petites cellules pyra-

midales ne sont presque plus visibles, les grandes cellules sont

beaucoup mieux conservées. Elles ont gardé leur forme mais,

leurs contours sont ondulés, irréguliers et peu nets. Les grains

chromophyles sont disparus ou beaucoup diminués de volume.

Entre les grains s'étend une sorte de réticulum coloré donnant au

contenu de la cellule l'aspect d'une toile d'araignée. Le noyau et

GO SOCIÉTÉS SAVANTES.

le nucléole sont à leur place mais, le noyau est gonflé et coloré,

ses limites disparaissent dans la substance de la cellule. Le

nucléole est très gros et ses contours sont irréguliers. Ces lésions

sont donc très différentes d'aspect de celles que l'on observe dans

les cas pathologiques et peuvent en être facilement distinguées.

... Après le huitième jour, les pièces ne prennent plus la couleur

ou ne la gardent que trop peu de temps pour être utilisée.

D'ailleurs, en règle générale, les pièces sont d'autant plus difficiles

à colorer et perdent d'autant plus vite la couleur qu'elles sont

plus anciennes. Il est bien évident que ces résultats ne s'entendent

que pour les cerveaux placés dans les conditions indiquées par les

auteurs. Il est vraisemblable que les pièces s'altèreraient plus vite

si elles étaient abandonnées dans le cadavre surtout pendant les

temps chauds et orageux. -

Conclusions : 1° Les lésions cadavériques de l'écorce cérébrale

étudiées par la méthode de Nissl se produisent à une date assez

tardive pour qu'elles soient négligeables dans les conditions

habituelles des recherches anatomo-pathologiques; ° Leur physio-

nomie diffère radicalement de celle des lésions pathologiques.

Elles ne peuvent donc pas constituer une cause d'erreur.

Amyotrophie et syringomyélie comparées.

M : GUILLAIN présente trois malades du service de M. Marie.

Deux amyotrophiques type Charcot-Marie conservent les fonctions

de leurs membres, un syringomyélique, au contraire, est frappé

d'impotence absolue quoique l'aspect des membres soit le même.

OEdème hystérique.

M. CESTAN présente avec M. RAYMOND une malade de quatorze

ans, réglée, qui a eu, il y a quelque temps, deux tournioles à la

main gauche; dans la suite s'est produite une enflure énorme,

violàtre et chaude de la main, tandis que les tournioles ne se

cicatrisaient pas et se couvraient de sphacèles. On appliqua des

pansements intensifs, l'oedème augmenta et des sphacèles appa-

rurent en haut près du pli du coude, un chirurgien et un médecin

fort instruits crurent à un phlegmon grave et pensèrent à l'ampu-

tation, mais avant de la pratiquer ils envoyèrent le malade

consulter à la Salpêtrière où la contracture énorme de la main, la

dureté de l'oedème, la nervosité de la malade et un bracelet de

phlyctènes situé sur l'avant bras firent reconnaître un oedème

hystérique, le traitement approprié l'a beaucoup amélioré. Cet

oedème était chaud, la main atteinte avait 6° de plus que la

main saine.

M. LEVY présente un malade de M. Babinsky, atteint d'amyo-

troylaie du type (tndou : y ? 6t' ! Ke.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 61 1

M. G. AUI3RY lit une observation de péî,ii2évi,ite qu'il considère

comme étant de nature tuberculeuse.

Contribution à l'étude al1alomopathologique de la myélite syphilitique.

MM. H.4.usERetTnoMAS.A propos d'un cas où les lésions des fibres

étaient nettes, celles des vaisseaux et des méninges importantes,

mais où malgré l'intégrité relative des cordons de Goll la sensi-

bilité était abolie, les auteurs admettent qu'il faut, dans les symp-

tômes, faire une place considérable en dehors des lésions réelles

à l'irritation produite par l'agent morbide sur le parenchyme

nerveux lui-même. (Les lésions névrogliques étaient nulles.)

M. Touche montre les pièces d'un cas d'hémorragie cérébrale

optico-bulbaire avec ptosis, et d'un cas de paraplégie douloureuse

des cancéreux. ,

M. 13 0 1 : "1 ET (de Marseille) envoie une note sur deux cas de mou-

vements athétosiques dans le tabes.

M. LASTARAC (de Toulouse) envoie une note sur les torticolis

spasmodiques et spasmes fonctionnels (crampe des écrivains associée

à un torticolis, etc.).

M. IEIGE demande qu'on ne confonde pas spasme fonctionnel

avec spasme professionnel. F. BOISsIER.

SOCIETE DE NEUROPATHOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE

DE MOSCOU

Séance du 17 mars 1900.

P. Nmrmr. - De l'assistance des idiots et des épilepliqzies.

M. Nikitine présente un rapport détaillé sur les établissements

médico-pédagogiques pour les idiots et les épileptiques, qui exis-

tent dans l'Europe Occidentale et aux Etats-Unis. En ce qui con-

cerne la Russie, les statistiques de M. Jakowenko montrent que le

district de Moscou contient 55 épileptiques et 70 idiots par

100000 habitants. MM. Bieliakoff et Kastcllenko donnent presque

les mêmes chiffres pour les districts (gouvernements) de Saint-

Pétersbourg et de Nijni-Nowgorod. Et cependant le nombre d'asiles

et d'établissements pour ce genre de malades est très limité.

En 185, le D1' Platz fonda à Riga le premier établissement « mé-

dico-pédagogique pour les épileptiques, arriérés, imbéciles et

62 SOCIÉTÉS SAVANTES.

idiots ». En 1882, le docteur Malarewski fonda un établissement t

pareil à Saint-Pétersbourg. En 1885 fut créée à l'asile d'Oudielnaïa

une division des idiots, contenant en tout 50 malades des deux

sexes, dont 25 épileptiques; mais cette division no possède ni école

ni ateliers. Il existe là-bas encore un autre asile contenant 40 idiots

des deux sexes et fondé par les soins de la Société Evangélique de

Saint-Pétersbourg. En 1895, l'évêque Ignace fonda à Saint-Péters-

bourg un asile contenant 48 pensionnaires et 15 externes, avec

école et ateliers de reliure, de menuiserie et de tapisserie. A noter

encore un petit asile de charité à Woroniège'et un petit établisse-

ment 'privé à Mitawa. Moscou possède depuis une vingtaine d'an-

nées un asile contenant 40 enfants idiots; un médecin visite les

malades une fois par semaine. L'hôpital Troilzky pour les chro-

niques possède une division d'épileptiques de tout âge, depuis l'âge

de douze ans. L'asile (des aliénés) départemental de Moscou entre-

tient 10 enfants idiots sur des fonds de charité privée. Mais bientôt

Moscou va avoir un grand établissement médico-pédagogique des-

tiné aux idiots et épileptiques. Cet établissement va être bâti dans

la « propriété Kanatchikofi », près l'asile Alexeïeff. D'après les

données de M. le professeur ROTH, Moscou possède environ

3'j0 idiots, âgés de deux à quatorze ans ; 200'de ces malades ont

besoin d'assistance et d'instruction.

Discussion. M. ROSSOLIMO fait ressortir l'importance du côté

pédagogique, à côté du côté médical. L'éducation préalable du

personnel pédagogique est nécessaire, si l'on veut faire bien les

choses.

M. l\IOURATOW croit que l'établissement doit posséder une infir-

. merie avec un service d'observation où l'on puisse faire des dia-

gnostics précis. M. POSTOWSKY insiste sur la nécessité de séparer

les épileptiques des idiots. En outre, ont pris part à la discussion

MM. TOFARShY et HOTH.

G. RossoLlMo. Une forme particulière du trouble de la déglu-

lition.

Sous le nom de dysphagie amyotaxique, l'auteur comprend un

trouble spécial de la déglutition, occasionné par un trouble de la

fonction des appareils nerveux correspondants du cerveau. C'est un

ensemble de phénomènes analogue au bégaiement, au spasme des

écrivains et autres tics d'ordre supérieur, avec prédominance de

troubles moteurs, sensitifs ou'psychiques (dysphagie amiotaxique,

motrice, sensitive, psychique). En se basant sur huit observations,

l'auteur conclut que le trouble en question s'observe oïdinairement

chez des personnes d'àge moyen, plus fréquemment chez des

femmes que chez des hommes, principalement chez des personnes

instruites, entachées d'hérédité tuberculeuse et alcoolique ; il existe

en même temps des troubles vasculaires très prononcés. On observe

SOCIÉTÉS SAVANTES. 63

parfois chez ces malades des phénomènes hystériques, d'autres

troubles amyotaxiques et des obsessions. Parmi les troubles sen-

sitifs, observés en rapport avec cette dysphagie, l'auteur a noté :

la sensation de la boule (globus), paresthésies diverses dans la

bouche, le nez, le voile du palais, le pharynx, le cou et la nuque,

pesanteur dans le creux de l'estomac, oppression. Parmi les causes

prédisposantes il faut mettre au premier plan les conditions qui

soutiennent un état de sensibilité exagérée, le plus souvent l'état

d'attente anxieuse, les chagrins et les émotions violentes, les irré-

gularités de la vie sexuelle. Les causes immédiates de la dysphagie

consistent : 1° dans l'affaiblissement de l'appareil de la déglutition

par suite d'un travail exagéré; 2° dans l'apparition des paresthésies

ci-dessus indiquées; 3° dans une appréhension particulière liée à

l'acte de déglutition. Le traitement de cette dysphagie est peu effi-

cace ; dans les cas légers, on obtient de bons résultats avec la médi-

cation tonique (fer, arsenic, hydrothérapie, travail physique) et

calmante (bromures avec codéine). En présence d'un état hysté-

rique bien prononcé, il faut essayer le traitement psychique, y

compris la suggestion hypnotique.

Discussion. M. TOKARSKY fait remarquer que les cas de dys-

phagie amyotaxique s'observent très souvent, et même dans le jeune

âge. Parmi les phénomènes concomitants, il n'est pas rare d'obser-

ver des vomissements qui suivent immédiatement la déglutition, et

qui sont provoqués par la peur et l'idée que la déglutition est

impossible. Les malades de cette catégorie se rendent le plus sou-

vent chez des chirurgiens qui les soumettent à l'épreuve de la

sonde et qui emploient même la sonde plus tard dans le but d'un

traitement psychique. Mais l'opération agit toujours dans le sens

contraire, car elle entretient chez les malades l'idée d'un cancer,

de sorte qu'il faut condamner l'usage de la sonde et ne l'employer

que dans le but diagnostiquer

W. MOURAWIIIFF croit que la sonde n'est même pas nécessaire

pour faire le diagnostic, car l'interrogatoire seul suffit pour établir

l'existence d'un trouble fonctionnel daus le mécanisme de la

déglutition.

M. VERSILOFF croit au contraire qu'il faut soumettre le malade à

un examen interne des plus minutieux. Ainsi, chez une malade

atteinte de dysphagie on découvrit une tuberculose laryngée, chez

une autre l'examen révéla la tuberculose des sommets.

M. le professeur ilotii voit tout l'intérêt de la communication de

M. Rossolimo dans la tendance de diviser en plusieurs groupes

bien distincts le symptôme général connu sous le nom de dysphagie

nerveuse ; en effet, on trouve la dysphagie chez les hystériques, cher

les hypochondriaques, dans l'asthénie bulbaire et enfin dans les

affections organiqups vraies les paralysies bulbaires. Chez les

G4 -il SOCIÉTÉS SAVANTES.

uns la cause principale du trouble réside dans la suggestion

psychique, chez d'autres dans une excitation périphérique ou dans

une anesthésie locale, etc.

Des remarques ont été également faites par MM. Lountz, Préo-

brajensky et Mouratow.

W P. 1'ooTOSCe : mE fait une communication sur l'évolutionnisme

moderne et la dégénérescence. '

Secrétaires des séances : A. Bernstein ; V. lOUR.AVIEI·'1.

Séance du 21 avril 1900.

V. Wassilieff. Un cas d'épilepsie corticale (avec présentation

des préparations). -

Il s'agit d'un malade admis dans l'Asile départemental de Moscou

et présentant des accès de convulsions dans la moitié gauche de la

face et dans les extrémités du même côté. Le côté atteint est para-

lysé (paralysie de la face et du bras, parésie de la jambe). Les

accès sont tellement fréquents que le malade désire être opéré.

Pas de syphilis, ni de traumatisme, ni d'alcoolisme dans les anté-

cédents du malade. L'affection a débuté, il y a quinze ans, par des

accès de paresthésie dans la main, puis des accès rares des

crampes dans les doigts. Plus tard la crampe s'est étendue à la face

(toujours du côté gauche). Il n'y a que depuis un mois que les

accès sont devenus très fréquents. Depuis une quinzaine de jours

le côté atteint est frappé de paralysie. Le nombre des accès pen-

dant le séjour du malade à l'hôpital est allé jusqu'à 221 dans

une journée, avec perte de connaissance et généralisation des

convulsions à l'acmé de l'accès. La vue est bien conservée. L'examen

ophtalmoscopique donne des résultats négatifs. L'ouïe est affaiblie

des deux côtés. La sensibilité est affaiblie du côté paralysé. Le

malade meurt d'une pneumonie franche. A l'autopsie, on trouve au

fond de la scissure de Rollando, un foyer hémorrhagique ancien,

gros comme un pois, occupant les circonvolutions antérieure et

postérieure et n'atteignant pas la substance blanche. Macroscopi-

quement, le foyer est d'aspect apoplectique ; l'endroit qu'il occupe

correspond aux numéros 53, 54, : i9 et 61 du schéma d'Exner.

' Le cas est intéressant au point de vue chirurgical, car si le ma-

lade avait été opéré, on n'eût pas trouvé le foyer, même si les

deux circonvolutions centrales étaient mises à nu ; il aurait fallu

les écarter et aller au fond de la scissure de l3olando.

Discussion. M. ;\10URATOW fait remarquer que généralement

l'épilepsie jacksonienne s'accompagne de convulsions cloniques.

Or, le malade de M. Wassilieff présentait des accès de convulsions

toniques, ce qui indique l'existence de lésions dégénératives. Quant

aux troubles de la sensibilité, la plupart des auteurs admet actuel-

lement leur existence dans l'épilepsie corticale.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 65

M. Weidenhammer croit qu'il aurait fallu faire l'examen complet

du cerveau et chercher d'autres foyers qui dans des cas pareils

sont souvent multiples.

A. ToKARSKY.CoH<)'t6 : ;<t')K expérimentale à l'étude de la mémoire.

La communication de M. Tokarskv a suscité une discussion

animée à laquelle ont pris part : lDI. l3Eeuaa, POSTOWSKY, Wono-

bieff, Roth, Jakowenko, 11OLrTCIIEII, Sciuch-Nasaroff et Rossolimo.

Séance extraordinaire du 5 mai 1900, provoquée par la mort du

vice-président de la société, le professeur S. Ko7-saliog».

Des discours ont été prononcés, consacrés à la mémoire du

défunt, par M. le professeur Roth, A. Korniloff, Serbsky, Tokarsky,

Bajenoff et Rossolimo. Les orateurs ont été unanimes à admirer la

haute valeur morale du défunt, les grandes qualités de son ensei-

gnement et de son activité sociale et scientifique. De nombreux

télégrammes de condoléances sont parvenus à la Société de la part

des diverses sociétés et corps constitués, de même que de la part

des particuliers. On a discuté la question de perpétuer la mémoire

du défunt et on a décidé :

1° D'éditer un journal portant le nom de S. Korsakoff ; ce journal

dont le défunt avait rêvé depuis longtemps, sera en même temps

l'organe de la Société ; 2° d'exposer dans l'auditoire de la Clinique

psychiatrique, qui sert également de salle des séances de la Société,

le buste du défunt; 3° de fonder un prix en sa mémoire ; 4° de

fonder un capital, destiné à subventionner de jeunes médecins qui

désirent faire des voyages à l'étranger dans le but de se perfection-

ner dans l'étude des maladies nerveuses et mentales; 5° d'appeler

désormais la séance ordinaire du mois de janvier du nom de

S. Korsakoff ; 6° d'exprimer des compliments de condoléance à la

veuve du défunt.

Séance du 19 mai 1900.

S. NALBANDOFF. Déformation de la colonne vertébrale dans la

syringomyélie.

Sur 38 cas de syringomyélie observés par lui, l'auteur trouve ce

symptôme dans 73,6 p. 100 des cas. Sur 13 autres cas notés dans

les archives de la clinique, il le trouve dans 69,2 p. 100 des cas.

Mais ce n'est pas dans tous les cas qu'on peut mettre le symptôme

sur le compte de la syringomyélie et le qualifier de syringomyé-

lique. Ce sont au contraire pour la plupart (dans 52,6 p. 100) des

déformations primitives, d'origine rachitique ou des scolioses

habituelles. Pour confirmer ses dires, l'auteur relate l'observation

d'un syringomyélique, chez lequel l'autopsie a révélé des altérations

rachitiques très accusées. Des déformations vertébrales réellement t

Archives, 2° série, t. XII. 5

66 SOCIÉTÉS SAVANTES.

svringomyéliques Kalbaudoffne compte que dans 21 p. 100; leur

caractéristique consiste dans leur apparition tardive, le développe-

ment progressif, la déformation intense et, pour la plupart, l'évo-

lulion indolore. Ces déformations sont de nature ostéo-arthropa-

thiqup. Il est probable que la syringomyélie et le rachitisme, que

l'auteur trouve combinés très'souvent, relèvent des mêmes causes

étiologiques, notamment de la syphilis, de l'alcoolisme et de la

tuberculose.

Discussion. L. Minor présente un malade chez lequel tous les

symptômes de la syringomyélie sont très accusés, à savoir, arthro-

pathies, cyphose,, scoliose, etc. M. le professeur Roth ne croit pas

que dans les 52 p. 100 de M. Nalhandoff la scoliose n'ait aucun

rappoitavec la syringomyélie. Déjà la théorie des probabilités

s'oppose à cette manière d'envisager les choses, et il n'est guère

probable que dans un nombre aussi élevé de fois (52 p. 100) le

symptôme morbide n'ait d'autre rapport que celui qui relie le

rachitisme ou la tuberculose avec la syringomyélie. Il n'est pas

juste non plus de refuser la nature syringomyélique aux scolioses

dans les cas où l'autopsie ne révèle pas l'existence des arthropa-

thies. Cela prouve seulement qu'en dehors des arthropathies, les

déviations vertébrales dans la syringomyélie reconnaissent une

autre origine. ill. Mouratow a eu l'occasion d'observer une défor-

mation de la colonne vertébrale chez deux enfants atteints d'hydro-

céphalie et d'hydromyélie (non traumatique) et il incline il considé-

rer ce symptôme, comme un symptôme essentiel de l'hydrocéphalie

et de la syringomyélie. v

M. SOLOVTZOFF présente les préparations anatomiques de trois cas

d'ozezcép7a«lie congénitale. L'examen des deux premiers mons-

tres permet de conclure que les parties de l'encéphale, situées en

avant du cervelet, ont peu d'influence sur l'évolution des autres

parties, sauf les voies pyramidales. L'hydrocéphalie d'une région

centrale reste sans influence sur le développement des autres

régions. Il existait dans les deux premiers cas une hydrocéphalie

des deux ventricules latéraux et du troisième ventricule, mais le

quatrième ventricule et le canal central médullaire n'étaient pas

dilatés. Sous l'influence de la dilatation des ventricules latéraux,

les neifs optiques se sont montrés très amincis.

Secrétaires des séances : V. MOURAYIEFF et N. YERSILOFF.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 67

.SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE.

Séance du 21 mai 1901. Présidence DE M. Voisin.

Rétrécissement spasmodique de l'urèllere. M. BATEAU rapporte

le cas d'un étudiant en médecine qui, atteint depuis trois mois

mois d'un rétrécissement spasmodique de 1'urètre, en fut guéri

par la suggestion hypnotique.

Supesti61lité et suggestion. M. Félix REGNAULT signale l'abus

que certains auteurs ont fait de ces deux termes. Les discussions

s'éternisent parce qu'on ne s'entend pas sur les définitions. Pour

des raisons de clarté et de précision, le mot suggestion doit être

pris toujours au sens restreint et ne pas désigner indifféremment

tout ce qui tend à susciter l'imitation, à provoquer l'automatisme,

à créer des habitudes psychiques.

La lrczazsverbération de Sainte-Thérèse d'Avila. M. Henry Le-

mesle. Sainte-Thérèse présentait, même dans l'intervalle de ses

extases et de ses hallucinations, des stigmates avérés d'hystérie.

C'est à la suite d'un entraînement extatique qu'elle a provoqué la

scène de la transverbération.

Un violoniste prodige. - VI. Lionel DAURIAC fait une étude psy-

chologique du cas de Kun Arpad, violoniste de sept ans, qui, doué

d'une extraordinaire précocité musicale, compose et surtout

exécute des morceaux très difficiles avec une vélocité et une sûreté

étonnantes.

Hypnotisme spontané. 111. Bcnn.r.oy. L'hypnotisme spontané

peut survenir fortuitement, sans intervention suggestive quel-

conque, à la suite de chocs ou d'accès convulsifs. Il est caractérisé

soit par la catalepsie, soit par l'automatisme somnambulique. La

suggestion, souvent, ne peut, dans ces cas, intervenir comme agent

thérapeutique qu'après une très longue éducation du sujet. lin 1742.

Sauvage de la Croix (de Montpellier) a communiqué à l'Académie

. des sciences un curieux cas de ce genre. 11 observait déjà à cette

époque les phénomènes somatiques décrits par Charcot ; la cata-

lepsie et le somnambulisme se succédaient régulièrement, sans

aucune suggestion, en dehors de toute action physique ou psy-

chique.

BIBLIOGRAPHIE.

I. La pratique de la médecine mentale; par P. KERA V AL.

(1901, Vigot frères, éditeurs.)

Tout ce qu'un précis peut contenir d'original, sans risquer

d'entraîner le lecteur en dehors du champ de la science stable

et acquise, caractérise ce nouveau travail. On sent que l'homme

qui l'a écrit, versé à fond dans le sujet qu'il traite l'a composé

avec l'aisance d'une expérience des plus riches; qu'il a su éviter

toutes les complexités, tous les écueils; et le seul effort qui trans-

paraisse, est celui qui a tendu à dire tout ce qui est utile et rien

que ce qui est utile. A sa longue pratique, M. Keraval joint la

connaissance de toutes les langues et de toutes les littératures ce

qui donne à son enseignement une lumière toute particulière, et

ses auditeurs de la Faculté de Lille ont rendu un réel service en

l'engageant à publier ses conférences dont l'ensemble constitue

ce manuel. Point de théories hypothétiques, point de controverses

doctrinales, mais de la clinique toujours, clinique basée sur la

physiologie, telle est la formule dont l'auteur s'est inspiré, pour

donner aux élèves et aux praticiens un extrait substantiel et

vraiment concret de la psychiatrie. La classification qu'il propose

essentiellement naturelle et ingénieusement démonstrative con-

tient quelques dénominations très heureuses et satisfait l'esprit

sans boulverser en rien les cadres généralement admis. Elle est

une bonne introduction au développement du livre qui, sous le

contrôle de la pratique très personnelle de M. Keraval, constitue

à la fois une page très élevée et très moderne de pathologie

générale et un guide très professionnellement médical pour qui-

conque a besoin de se renseigner vite. Pas de philosophie

superflue : tout est ramené au terrain strictement pathologique et

on trouve juste ce qu'il faut de psychologie pour la bonne com-

préhension de la pathogénie mentale dans les deux chapitres sur

le mécanisme des sentiments. Le terme de plus en plus discrédité

de « folie » est réduit à sa juste valeur et distingué de celui

d'aliénation mentale, et chaque type morbide est étudié en lui-

même d'abord puis dans les formes qu'il caractérise, ainsi les

chapitres « manie et mélancolie » sont suivis d'une étude des

folies maniaques et mélancoliques; ce qui facilite l'étude ultérieure

des états mentaux survenant comme symptômes ou épiphénomènes

BIBLIOGRAPHIE. 69

de maladies infectieuses ou diathésiques où ces états ne jouent

qu'un rôle effacé et non constant. Nous avions déjà en France

d'excellents manuels avec ceux de Cullerre, de Bra, de Sollier et

de Régis; celui de Keraval ne fera double emploi avec aucun de

ceux-ci, ce qui n'étonnera personne de ceux qui connaissent

l'auteur, ses oeuvres antérieures et ses méthodes habituelles. Et si

les médecins y trouvent un précieux guide, les spécialistes eux-

mêmes le licont avec grand intérêt et avec avantage. F. B.

IL L'éducation par l'instruction et les théories pédagogiques de

Hel'ba¡.t; par M. Mauxion, professeur de philosophie à la Faculté

des Lettres de Poitiers. Vol. in-18 de 188 pages. Paris, 1901.

Félix Alcan, éditeur.

Les théories pédagogiques de Herbart, bien que datant du début

du xixe siècle, n'en ont pas moins conservé toute leur vitalité, au

moins au delà du Rhin. Depuis ces dernières années de conscien-

cieuses traductions les ont fait connaître à Bologne, Pavie, Londres,

et New-York ; en France les quelques ouvrages qui se sont occupés

d'elles ont presque passé inaperçus. M. Mauxion estime que les

doctrines de Herbart méritent bien cependant d'attirer chez nous

l'attention de ceux qui s'occupent de cette philosophie pratique qui

a nom pédagogie. Dans son ouvrage, consciencieusement édifié, il

résume les idees du grand pédagogue, en insistant particulièrement

sur les déductions qu'on doit en tirer au point de vue éducatif.

Herbart (1776-1841) naquit à Oldenburg. 11 fut d'abord précef

teur dans la famille de Steiger, qui lui avait confié trois enfants.

C'est en poursuivant cette tâche délicate, qu'il s'initia à la pratique

de la pédagogie. A l'encontre de nos psychologues de cabinet, ce

n'est pas de son imagmation qu'il tira sa méthode d'éducation,

mais de sa propre expérience journalière. Son chef-d'oeuvre est la

Pédagogie générale déduite du but de l'éducation, parue en 1806.

Pour bien comprendre les théories émises par Herbart, il est

indispensable de connaitre sa philosophie.

Au point de vue métaphysique Herbart considère la nature comme

un monde d'apparences, qui ont leur fondement et leur applica-

tion dans l'existence d'ètres simples véritablement réels, mais dont

l'essence nous est inconnue. Ces êtres simples, ces monades, ne

sont pas des agrégats matériels : elles peuvent se pénétrer, et ces

pénétrations donnent lieu à des actes de perturbation et de con-

servation individuelle.

Notre ûm,e est une monade entrant en connexion constante avec

d'autres monades, d'où les représentations. Il n'existe pas d'idées

innées, pas de prédispositions, pas de facultés. La psychologie

construit l'esprit avec des représentations, comme la physiologie

construit le corps avec des fibres. Deux représentations peuvent

70 O BIBLIOGRAPHIE.

coexister et former, si elles sont différentes, une complexion; si

elles sont de même nature, elles cherchent à se détruire, mais,

comme il y a impossibilité, elles se transforment en une simple

tendance, et forment fusion. Chassées par les nouvelles, elles tent

dent toujours à revenir au seuil de la conscience, sous l'influence

d'une nouvelle représentation identique ; les efforts peuvent aboutir,

il y a alors reproduction (association, mémoire). Chaque représen-

tation est une force, c'est la plus puissante qui triomphe dans ces

rivalités incessantes. Les phénomènes que nous attribuons à l'ima-

gination ne résultent que de la manière dont s'entrecroisent les

diverses séries de représentations. Les fusions donnent lieu aux

idées générales, que le langage réalise. Si la fusion est laborieuse,

il y a douleur, si, au contraire, elle est facile, il y a plaisir. La

facilité de la fusion entraine une tendance à se renouveler, d'où le

désir. La volonté n'est qu'une forme particulière du désir. Pour

Herbart, il n'y a pas de liberté; l'illusion que nous en avons n'est

que le résultat de notre ignorance du mécanisme psychique. Le

..corps n'est pour l'âme qu'un instrument, qui a besoin d'être sain

pour être exact. En sa qualité d'être simple, l'âme ne peut périr;

dépouillée de son enveloppe mortelle, elle conserve ses représen-

tations qui, n'étant plus troublées par la production de nouvelles,

forment un tout harmonieux et donnent à l'âme un tranquille

bien-être.

Pour Herbart, le bien n'est qu'une forme du beau; notre volonté

est faite pour vouloir le bien. Dans l'état primitif les troubles pro-

fonds produits par des représentations violentes, guident seuls la

vie ; puis apparait la prudence pratique, à laquelle succède, sous

l'influence de l'évolution, la moralité. On voit quelles ressources

on peut tirer de ces théories au point de vue de l'éducation.

Avec le système des monades, n'ayant ni commencement, ni fin,

avec le déterminisme psychologique, l'idée d'un dieu créateur et

. rémunérateur devient inutile et cependant Herbart accorde une

grande place à l'enseignement religieux : c'est sur ce point seul

que son système est défectueux. Il faut y voir une concession faite

aux idées de l'époque. Il reconnaît toutefois qu'il s'agit là non plus

de science, mais de croyance.

Si Herbart n'admet pas' les théories transformistes qui de son

temps, commençaient avec Lamarck à se répandre dans le monde

scientifique, s'il nie le progrès dans la nature, il l'affirme dans

l'humanité, et c'est l'éducation qui en presse la marche, en mettant

en jeu et en dirigeant le mécanisme psychique. Comme ce méca-

nisme peut être faussé par des circonstances individuelles (tempé-

rament, état de l'organisme, maladies aiguës), il est indispen-

sable d'accorder dans l'éducation une large place à l'hygiène et à

l'éducation physique.

L'éducation, comme la médecine, est un art qui s'appuie sur une

BIBLIOGRAPHIE. 71

science, la pédagogie. Cette science s'édifie sur deux bases : la

morale qui fournit la conception du but à atteindre ; la psycho-

logie qui enseigne les moyens et signale les obstacles.

Herbart ne voit dans l'éducation que l'individu. La moralité de

l'être est la lin suprême de l'éducation ; mais pour ne pas aboutir

à l'égoïsme universel, il faut tenir compte des autres êtres au

milieu desquels l'individu aura à évoluer, d'où nécessité de donner

le goût de toute chose et non de pousser à une exclusive spécialité.

Il faut d'abord maintenir l'enfant et lui imposer le bien jusqu'au

moment où il le connaîtra. Peu à peu ce gouvernement de l'enfant

cédera la place à la culture morale, laquelle s'arrêtera à son tour,

tandis que continuera l'enseignement. Dans la première phase de

l'éducation, nous avons à contenir et à diriger l'activité de l'enfant;

l'occupation continuelle sera de rigueur, et la surveillance pro-

duira de meilleurs effets si elle ne se manifeste que par intervalle,

à l'improviste, sans témoigner d'une défiance inutile. L'autorité

et l'amour sont les deux forces du gouvernement de l'enfant. Her-

bart faisant encore une concession aux préjugés de son temps, va

jusqu'à admettre lès punitions corporelles, usitées du reste encore

en Allemagne et en Angleterre.

Si le gouvernement de l'enfant rend l'éducation possible, l'ensei-

gnement ou la didactique, en constitue la partie essentielle. Il faut

un enseignement qui excite et accroisse l'activité psychique ; il

faut que l'intérêt naisse de la chose enseignée et non de la méthode

employée. A cette condition il sera durable et provoquera l'attention

spontanée. L'attention volontaire suscitée par la crainte d'un châti-

ment ou l'attrait d'un récompense, doit être le moins possible

utilisée, de même que la mémoire pure, dont les exercices ne sont

qu'une nécessité fâcheuse. Pour ne pas faire de l'élève un égoïste,

un sectaire, ou un botaniste n'entendant rien aux choses en

dehors de sa spécialité, il est urgent de susciter l'intérêt multiple : .'

l'intérêt empirique venant de l'expérience personnelle ; l'intérêt

sympathique, qui naitra du commerce avec ses semblables; l'in-

térêt spéculatif, produit de l'attention subjective ; l'intérêt esthé-

tique, qui fait naître l'amour du beau ; et enfin l'intérêt reli-

gieux qui sera le couronnement du tout.

L'enseignement sera d'abord intuitif (leçons de choses, images,

descriptions); pour devenir analytique, afin de produire l'abstrac-

tion, et enfin synthétique. L'enfant doit suivre dans son évolution

la même marche qu'a suivie l'humanité dans l'histoire. Il faudra

lui parler des anciens avant de s'occuper des modernes, lui faire

lire Homère avant Platon, l'initier aux beautés simples de l'archi-

tecture grecque, avant de lui présenter les beautés, complexes de

l'art gothique et du romantisme.

L'éducation de la volonté fait naturellement suite à l'éducation

des idées. Vouloir, c'est désirer le possible ; il implique l'assurance;

72 ' BIBLIOGRAPHIE.

l'éducation physique aura servi de préliminaires à l'éducation

de la volonté. Comme dans la volonté, il y a deux éléments un

subjectif, qui doit être déterminant et un objectif; pour qu'il n'y

ait pas entre eux une lutte trop vive, il faut soigner les passions,

le coeur autant que la raison.

- ? La culture morale entretiendra la bonne volonté. Elle usera du

blâme et de l'approbation, et nécessitera par suite la perfection,

la sympathie, l'amour même de l'éducateur.

Herbart attribue un rôle considérable à l'organisme et au tem-

pérament ; c'est là une nouveauté pour l'époque, qui est bien près

d'être méconnue encore de nos jours.

Le philosophe allemand avait une prédilection pour l'éducation

particulière, estimant que la famille seule, et non l'État, peut faire

couvre d'éducation. Cependant il reconnaît utile l'école collective,

à cause de la spécialisation qu'y peuvent présenter les professeurs.

Son rêve serait de voir la famille s'occuper de la culture morale,

les écoles publiques faire l'enseignement synthétique, et des répé-

titeurs, ayant accès dans la famille, se charger de l'enseignement

analytique.

M. Mauxion nous fait remarquer qu'un grand nombre des idées

que la pédagogie moderne a la prétention d'avoir inventées, se

trouvent dans le système de Herbart. Ce dernier lui-même n'a pas

tout tiré de lui ; on reconnait çà et là l'influence de Pestalozzi. Ce

qui restera le grand honneur de Herbart, c'est d'avoir conçu la

pédagogie sous une forme systématique et de l'avoir présentée

comme une science ; ce sera aussi d'avoir donné à la psychologie

une base scientifique, sans recourir aux théories paresseuses des

idées innées ; ce sera encore d'avoir substitué à l'impératif catégo-

rique de Kant, ainsi qu'à la morale intéressée des religions, la

douce attraction de l'idéal moral qui n'implique nullement la

liberté et demeure compatible avec le déterminisme; ce sera enfin

d'avoir précisé le rôle de l'enseignement dans la constitution de

cet idéal moral.

Il était difficile de condenser dans un volume le système philo-

sophique que Herbart avait développé dans de nombreuses publi-

cations ; M. Mauxion y a réussi et avec une clarté telle qu'on oublie

en le lisant qu'il s'agit d'un philosophe d'origine germanique.

Encore uu livre que nous ne saurions trop recommander à tous

ceux qui « ont à coeur la grande oeuvre de l'éducation, et qui s'in-

téressent à cette jeunesse, au sein de laquelle se réfugient toutes

nos espérances effrayées. » J. BOYER.

III. Rapports de l'aliénation mentale cl de la tuberculose; par le

Dr L. la Bonnaudière. (Thèse de Lyon.)

La tuberculose peut créer l'aliénation mentale. - A cette propo-

BIBLIOGRAPHIE. 73

sition on peut faite deux objections qui naissent chaque fois que

se pose la question des rapports entre l'aliénation mentale et une

maladie infectieuse. Voici la réfutation de ces objections :

1° Objection tirée de la prédisposition du sujet : en admettant

que la folie puisse se développer sous l'influence d'une maladie

infectieuse, cela n'arrivera qu'autant que le sujet sera prédisposé.

Il y a ici un locus minorais resisteaatix, mais pourquoi ne pas

admettre que la prédisposition peut résulter simplement de l'ac-

tion successive et progressive de l'agent infectieux sur le système

nerveux ? C'est ce qui se passe pour les folies toxiques (alcoolisme,

saturnisme), pourquoi n'en serait-il pas ainsi pour les toxines ?

Tous les tuberculeux ne deviennent pas aliénés. Cette proposition

ne contredit pas la conclusion : car si, dans beaucoup de cas, on

peut constater chez le tuberculeux aliéné des atteintes antérieures,

héréditaires, congénitales ou acquises, faisant de son cerveau le

point faible, il ne s'ensuit pas nécessairement qu'il en sera toujours

ainsi ; il ne paraît pas trop audacieux de concevoir des cas où

l'agent infectieux fera d'abord son emprise cérébral. Rien ne peut

établir que le cerveau doive toujours être touché en dernier lieu

après le reste du corps. '

D'ailleurs l'idée de prédisposition entraîne après elle une con-

séquence fâcheuse. Elle conduit à penser aux fatalités mystérieuses

qui pèsent sur les individus, et dès lors, à se condamner souvent

trop tôt à l'inaction, alors qu'il serait peut-être utile et certaine-

ment courageux de poursuivre la maladie, quelle que soit sa gra-

vité et le lieu où elle se manifeste.

2° Objection tirée de la coïncidence accidentelle des deux objec-

tions. On dit : la maladie infectieuse n'est qu'un épisode, un acci-

dent de l'aliénation mentale. Elle n'arien créé, elle s'est surajoutée

simplement.

M. La Bonnardière répond : A l'aide des recherches historiques

nous répondrons d'abord que depuis plus d'un siècle des aliénistes

éminents ont pressenti la question. A la lumière de leurs travaux

Bail la résolvait dans le sens affirmatif (1880 à 1883).

Depuis cette époque, les auteurs ont, il est vrai, été plus timorés,

moins fermes dans leurs affirmations. On a observé, on a fait des

statistiques; mais quand on a dû formuler des conclusions nettes,

on s'est borné à reproduire la leçon' de Ball. Cependant le profes-

seur Grasset, en 1884, signale les rapports de l'hystérie avec la

diathèse tuberculeuse, Marfan constate que la phtisie rallume une

hystérie éteinte, Crocq signale deux cas de folie hystérique alliée

à la tuberculose et on voit s'affirmer de jour en jour cette doctrine

qu'un état infectieux peut engendrer de toutes pièces des troubles

mentaux et non seulement des délires aigus, mais de véritables

psychoses; les liens entre la pathologie mentale et la pathologie

générale se serreut de plus en plus étroitement. Avec les observations

74 VARIA.

jointes à ce travail, l'auteur se défend contre l'objection de simple

coïncidence.

La tuberculose crée des formes spéciales et favorites de maladies

mentales. Cette proposition est appuyée sur un nombre trop

restreint de faits.- C'est un délire de persécution à allures particu-

fièrement dépressives (manie de suspicion) ; c'est une folie de type

hystérique avec tendance à la stupeur ; c'est parlois une manie

par accès. La première de ces formes se produirait de préférence

quand l'apparition des troubles psychiques est tardive; la deuxième

quand le délire précède les manifestations diathésiques. DEVAY.

IV. Etiologie de l'épilepsie dite essentielle. Rôle de l'hérédité en

général et de l'hérédité tuberculeuse en particulier ; par le Dr

H. Lhote, ancien externe des hôpitaux de Lyon. Th. Lyon, 1900.

Ce travail est basé sur 160 observations du service des épilepti-

ques du Perron dirigé par M. le professeur agrégé Pic. Parmi

les causes prédisposantes l'hérédité tuberculeuse occupe le premier

rang avec une proportion de 55,fi3 p. 100. Les parents tubercu-

leux dans certains cas transmettent non seulement le terrain,

mais la graine à leurs descendants. Les enfants subissant l'impré-

gnation bacillaire ont leur système nerveux central impressionné

par la toxine tuberculeuse. Cette toxine entraine-t-elle des troubles

vaso-moteurs, des troubles dynamiques simplement ou crée-t-elle

des lésions. Ce point est encore hypothétique et il n'appartient pas

au clinicien de le découvrir. Mais de quelque manière qu'elle agisse,

elle prédispose le terrain et le rend apte à réagir par des décharges

lorsque les causes quelconques, infectieuses le plus souvent, toxi-

ques, réflexes quelquefois, viendront rompre l'harmonie de ce sys-

tème nerveux éminemment vulnérable.

Après la tuberculose, comme causes prédisposantes viennent

l'hérédité névropathiques avec 51,00 p. 100 et l'hérédité alcoolique

avec une proportion de 4G,2 p. 100. . t DEVAY.

VARIA.

CONGRÈS international POUR l'amélioration DU SORT

DES aveugles (Paris, 1900).

Le Congrès international pour l'amélioration du sort des aveugles

tenu à Paris du 4 au 5 août 1900, présentait ceci de particulier,

qu'il comptait parmi ses membres, des clairvoyants et des aveugles;

VARIA. 75

aussi la tâche du président a-t-elle été particulièrement délicate;

ils s'agissait en effet de diriger la discussion de facon à ne froisser

aucune susceptibilité, et personne n'ignore combien est grande

celle des aveugles, bien qu'elle n'égale pas la susceptibilité méfiante

que présentent les personnes atteintes de surdité, M. Dussouchetl,

président du Congrès, a parfaitement su conduire les débats, et,

grâce à la concision avec laquelle. il résumait impartialement eu

quelques mots les rapports souvent opposés sur les questions sou-

mises à la discussion, le congrès a abouli à des voeux émis à l'una-

nimité : sur le meilleur patronage des aveugles sortis ou non des

écoles spéciales, sur les avantages qu'il y aurait à confier dans

beaucoup de cas aux professeurs aveugles l'éducation des enfants

aveugles, sur les soins particuliers à donner l'éducation physique

de l'aveugle et enfin sur la création d'écoles maternelles annexées

aux écoles spéciales d'aveugles. Parmi les voeux émanant des

congressistes, nous en relevons un ayant trait a la création d'asiles-

écoles spéciaux pourles aveugles arriérés. A notre avis, il vaudrait

mieux, vu le nombre restreint des intéressés, les envoyer dans les

asiles-écoles qu'on devrait organiser dans tous les départements

pour les enfants idiots et arriérés et là installer une^classe spéciale

d'idiots aveugles, comme l'a essayé M. Bourneville à Bicêtre. Ce

serait moins coûteux et d'une utilité plus générale. J. BOYER.

Congrès DES neurologistes ET des aliénistes

DES pays DE langue française.

Nous rappelons à notre lecteurs que ce Congrès aura iieu au

commencement du mois d'août à Limoges sous la présidence de

M. Gilbert Baller. (Voir le numéro d'avril, page 3t.) Nous' prions

ceux d'entre eux qui ont l'intention d'y faire des communications

de bien vouloir nous en envoyer le résumé avant le 10 août.

Programme.

Jeudis août. - 10 heures. Séance solennelle d'ouverture du

Congrès à l'hôtel de ville. 2 heures. Séance à l'hôtel de ville,

installation du bureau ; Nomination des Présidents d'honneur :

Discussion de la première question du programme : le Délire aigu,

rapport de M. Carrier. Jeudi «soir, punch offert aux Membres

du Congrès par le corps médical de Limoges.

Vendredi 2 août. Excursion à Saint-Priest-Taurion ; départ

pour Saint-Priest-Taurion, en chemin de fer ou en voiture au

choix des congressistes. A 9 h. 1/2, séance à l'école communale;

1 M. Dussouchet, professeur au Lycée Henri IV, est un pédagogue des

plus distingués; il est l'auteur d'une Grammaire, qui est d'un usage

courant dans la plupart des établissements d'enseignement secondaire.

76 VARIA. '

communications; déjeuner individuel. A 2 heures, séance à l'école;

communications. Retour, à Limoges en voiture pour le dîner.

Samedi 3 août. A 9 heures, séance à l'hôtel de ville ; discus-

sion de la deuxième question ; rapport de M. Crocq (Tonus, ré-

flexes tendineux et contractures). A 2 heures, continuation de la

discussion; communications. Le [soir, banquet du Congrès par

souscription.

Dimanche4 août. - Excursion à Saint-Goussaud (Creuse). Départ

de Limoges en chemin de fer; déjeuner à Saint-Gaussaud ; retour

à Limoges en voiture par les vallées du Taurion et de la Vienne.

Lundis août. A 9 heures, séance à l'hôtel de ville; discus-

sion de la troisième question ; rapport de M. Taguet. A 2 heures,

séance à l'Ecole de médecine; communications avec projections.

Mardi 6 août. Matinée, visite de l'asile de Naugeat; déjeuner

au Cluzeau, propriété de l'asile. A 4 heures, visite d'une fabrique

de porcelaine.

Mercredi 7 août. Excursion à Uzerche (Corrèze).

I. Les membres du Congrès sont priés de faire connaitre immé-

diatement s'ils sont dans l'intention de prendre part au punch du

corps médical de Limoges, à l'excursion de Saint-Priest-Taurion,

au banquet du Congrès, à l'excursion de Saint-Goussaud, à la

réception de l'asile et à l'excursion d'Uzerche. II. Messieurs

les adhérents au Congrès qui désireront profiter de la réduction de

demi-place que consentent habituellement les Compagnies de

chemins de fer, sont invités à joindre à leur adhésion, ou à adres-

ser directement avant le 8 juillet, à M. Gilbert Ballet, président

du Congrès (39, rue du Général-Foy, à Paris), l'indication : 1° De

leur gare de départ, et, si le voyage exige un trajet sur plusieurs

réseaux, de la gare de départ sur chaque réseau ; 2° De la classe

en laquelle ils désirent effectuer le voyage ; 3° Des membres de

leur famille qui les accompagnent, pour le cas où les Compagnies

consentiraient à étendre la réduction de demi-place aux membres

de la famille. 111. Nous rappelons également la nécessité d'en-

voyer avant le 10 juillet les titres de communications ou lectures

que les congressistes se proposent de faire. IV. Les rapports

vont être distribués prochainement en fascicules séparés.

V. Nous prions MM. les Congressistes qui ne nous ont pas encore

envoyé les cotisations de vouloir bien le faire, le recouvrement par

la poste nous obligeant à faire une majoration d'un franc pour

frais. Adresser les réponses à M. le Dl' Doursout, médecin

directeur de l'Asile de Naugeat, près Limoges.

Les aliénés en liberté.

Les drames de la folie. Une demoiselle Angèle Chemin, âgée

de trente-trois ans, demeurant 14, avenue Hoche, a jeté, hier à

, VARIA. ' 77 7

midi, du cinquième étage, sur le trottoir, sa fillette qu'elle était

allée voir chez une dame Pichon, 2, rue Durban" où l'enfant était

en nourrice. La pauvre petite est morte sur le coup.

Angèle Chemin paraît atteinte d'aliénation mentale. Elle a tenté,

hier, de se suicider en se tirant un coup de revolver et, il y a huit

jours environ, se trouvant en visite à Neuilly, elle voulut se jeter

dans la rue. M. Bacot, commissaire de pliee, a fait conduire à

l'infirmerie du Dépôt cette pauvre folle. (Le Soleil, du 2 mars 1901.)

Ainsi huit jours avant que cette malheureuse ne tuât sa

fille, elle a\ait essayé de se suicider; c'est alors que le com-

missaire de police aurait dû intervenir et provoquer l'inter-

nement.

Le fou de Notre-Dame. Un individu très élégamment vêtu

entrait, avant-hier soir, à cinq heures, dans l'église Notre-Dame.

Après s'être promené paisiblement pendant quelques minutes, il

monta soudain sur une chaise et entonna d'une voix de stentor, le

Credo. Le suisse, après avoir parlementé quelques instants, parvint

à le faire sortir.

Hier matin, à six heures, le même individu, affublé cette fois

d'un bonnet de coton et armé d'un énorme gourdin, pénétra de

nouveau dans la cathédrale et se dirigea vers un autel où un prêtre

officiait. Puis avant qu'on pût l'en empêcher, il gravit les marches

de l'autel et, se tournant vers les fidèles, il s'écria : Je suis l'arche-

vêque de Paris ! Brebis prosternez-vous. Je vais vous donner ma

bénédiction.

Comme le prêtre, le suisse et quelques autres personnes vou-

laient le faire descendre, le pseudo-archevêque entra dans une vio-

lente fureur. Il se mit à courir dans l'église en brisant avec son

bâton tout ce qu'il rencontra. Des gardiens de la paix, qu'on était

allé chercher, ne parvinrent qu'avec les plus grandes difficultés à

le maîtriser. Ils durent le ligoter solidement pour le conduire

devant M. Briy, commissaire de police.

Il a refusé de faire connaître son identité. < Je suis l'archevêque

de Paris ! Que cela vous suffise, a-t-il répondu à toutes les ques-

tions qui lui ont été posées ». Le magistrat l'a envoyé à l'infirme-

rie spéciale du Dépôt (Le Matin, 9 février 1901.)

Un journalier de Navarre, nommé Biou, ne jouissant pas de

toutes ses facultés mentales, avait pris la détermination de se tuer.

Il se rendit dans la forêt où il se larda de coups de couteau. Trouvé

tout saignant par des passants, il fut conduit à l'hôpital où le doc-

teur Veslin lui prodigua tous ses soins. Mais, le lendemain, tou-

jours sous le coup de sa surexcitation et n'ayant reçu en somme

que de légères blessures, il profita d'un instant où tout le person-

78 VARIA.

nel de service était employé au conseil de réforme pour sortir

dans la cour : la grille étant ouverte il rentra tranquillement chez

lui. (Rappel de l'Eure, 9 février 1901).

Cet homme « ne jouissant pas de toutes ses facultés men-

tales », habitait Navarre où se trouve l'asile' d'aliénés de

l'Eure. C'est là où on aurait dû le conduire. Au lieu de le

faire on le mène à l'hospice d'Evreux d'où il s'échappe, tant

la surveillance est rigoureuse. Pourquoi n'a-t-il pas été interné

à l'asile d'aliénés, lui aliéné, c'est parce que l'asile du dépar-

tement de l'Eure préfère hospitaliser les aliénés de la Seine

qui paient, au lieu des aliénés du département pour lesquels

il faut payer. Il est donc du devoir du département de la

Seine d'hospitaliser chez lui, dans ses asiles, ses malades et

de ne pas se prêter à une exploitation qui se fait au détri-

ment des malades des départements.

Sévérin G authier, demeurant à la Chapelle-en- Vercors (Drôme),

était marié avec une veuve, la dame Bouillanne. Dans un accès

d'aliénation mentale, il s'est précipité sur l'enfant de sa femme, le

petit Pierre Bouillanne, âgé de treize ans, et l'a frappé de plu-

sieurs coups de couteau à la tête. L'enfant n'a pas tardé à succom-

ber. Gauthier s'est suicidé ensuite. (Le Bonhomme Normand du

27 février.)

Tentative de suicide. On a trouvé, baignant dans son sang, la

femme Vastine, née Henriette Touet, quarante-sept ans, ménagère

à Saint-Pierre-sur-Dives. L'infortunée, atteinte de la manie de laper-

sécution s'était tailladé lagorge et les deux poignets avec un couteau.

Son état est désespéré. (Le Bonhomme Normand, du 28 février au

0 mars 1901.)

Les réflexions que nous avons faites au sujet du départe-

ment de l'Eure s'appliquent au département du Calvados. Ce

département, riche, n'a pas d'asile à lui. Il a recours à l'asile

privé du Bon-Sauveur, qui reçoit aussi des aliénés de la Seine.

Folie patriotique. Le commissaire de police du quartier du

Palais-Royal a constaté, hier, le suicide d'un jeune homme qui

poussait le patriotisme jusqu'à la folie : le malheureux s'était

coupé la gorge avec un rasoir. Sur sa table, on a trouvé une lettre

dans laquelle il déclare « qu'il ne saurait survivre au désespoir de

voir la flotte française se rendre à Kiel ». Sur une autre feuille il a

écrit son testament. Parmi les legs de bibelots qu'il fait à tous

ceux qu'il connaissait, on lit celui-ci : « Je lègue ma mère à mes

amis. » (Le Journal, 15 mars 1895.)

«BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 79

. A Grenoble, une fille-mère, Pauline Gauthier, trente-sept ans,

ouvrière gantière, a étranglé dans un accès de folie sa fille Berthe,

dix ans; elle a ensuite essayé de s'étrangler. Elle a été arrêtée et

conduite au parquet escortée par la foule, qui voulait la lyncher.

(Indicateur de Cognac, 17 mars 1901.)

D'où la nécessité de procéder d'urgence à l'hospitalisation

des aliénés. B.

FAITS DIVERS.

Asiles d'aliénés. Nomination et promotions : M. le Dr CnARON,

directeur-médecin à Saint-Alban (Lozère), nommé à l'asile de

Sainte-Catlierine à Moulins (Allier); M. le Dol' NOLÉ, directeur-

médecin à Sainte-Catherine,' nommé diJecteur-médecin à Saint-

Alban; M. le D1' Boiteux, médecin en chef à l'asile de Clermont,

promu il la première classe du cadre.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

DEaroors (J.). -La chorée mentale el son traitement Brochure in-8"

de 7 pages. Bruxelles. 1900. Bulletin de la Société royale des sciences

médicales et naturelles de Bmaelles.

Duehren (E.). Le marquis de Seule el son temps. Avec une préface :

L'idée de sadisme el l'érofologie scientifique, par 0. Uzawr. - In-80 de

xwn-501 pages. Broché en parchemin, prix : 10 francs. Helié en toile,

prix : 12 francs. Le me'me, édition de luxe, grand in-4°. Prix : 25 francs.

- Pans, 1901. Librairie A. lichalon.

FniEDLAM)En (A.). Ueber den Ein/lzess des Typhus abdominalis auf

clas Nervensyslem Klinische 1111lleitungen und Krilische Besprachun7

der eillschldgigen Lilleratur von 1S13 bis Anfang des Jahres 1900. In-8»

de 222 pages. Prix : 8 francs. Berln, 1901. Verlag von S. Karger.

Horrww (A.). Pathologie und thérapie der Huzneurosen und de ? '

functionellen kreislansslorungen. Iu-S° de ix-367 pages. Prix : 9 francs.

Wiesbaden, 1901. Verlag von J.-F. Bergmann.

HuGO LU1CACS. Diplegia facialis hyslel'ica. In-8° de 6 pages. Buda-

pest, 1901, chez l'auteur. ,

80 AVIS A NOS ABONNÉS.

Lipps (Th.). - Das selb et bew'usslsein; empofindul1.r¡ und {fefÜ ?

]n-8° de 42 pages. Prix : 1 fr. 25. Wiesbaden, 1901. Verlag von .1.-F.

Bergmann. ,

RAÏCHLINE (de Paris). Le priapisme chronique nocturne (Etude cli-

nique). In-8° de 31 pages. Paris, chez l'auteur.

Sacki (S.) un SCI ! 11ANS (IL). Vorlesungen iibei- die l'alleologische

anatomie des iiiielceliiiiciks. In-8» de xxi-589 pages, avec 187 figures.

Prix : 20 francs. Wiesbaden, 1901. Verlan von J.-F. Bergmann.

SPERINO (G.). L'encefalo dell'analomico Carlo Giacomini. ]n-8o de

72 pages, avec 4 planches hors texte. -1'orins, 1900, Unione lipografico-

etliloice. - -

`T.1TSON (Ch.). On disease of l ! ! e ztezvous system in horses. 111-8- de

16 pages, avec 7 planches hors texte. - Velerinary Journal.

Nous appelons vivement l'attention de nos lecteurs sur

l'annonce des livres qui accompagne le Sommaire.

AVIS A NOS ABONNÉS, - L'échéance du let. JUILLET

étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions

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Le l'édaclelll'-géNml : BOUII1OEYILLE.

Bvrew, Cli. flémssev, imp -G-IJ01.

Vol. XII. Août 1901. N° 68.

ARCHIVES-DE NEUROLOGIE

CHIRURGIE DES ALIÉNÉES.

Considérations statistiques sur le service « d'ob-

servations gynécologiques » de l'asile public de

Ville-Evrard en 1899 ;

Lucien PICQUÉ, : T FEBVRE,

Chirurgien en chef des amles publics Médecin en chef de l'asile public d'aliénés

d'aliénés du département de la Seine. de Villc-E, l'art ! .

Nous avons examiné en 1899 à l'asile de Ville-Evrard

66 femmes. Pour des raisons diverses (absence d'autorisa-

tion d'examen sous chloroforme, indocilité des malades,

hymen infranchissable, obésité), cet examen est resté incom-

plet chez 12 de ces malades. Néanmoins ces cas sont comptés

dans la statistique, parce que dans 11 cas sur 12, on à trouvé

des lésions évidentes même sans examen complet.

Parmi ces 66 femmes examinées, nous en avons trouvé 4

qui, avant leur entrée à l'asile, avaient subi une opération

gycécologique, trois de ces malades ne présentaient aucune

lésion nouvelle au moment de l'examen : la quatrième avait

de la vaginite. Si l'on met à part ces 4 malades, on trouve

que sur les 61 autres qui ont été examinées 59 présentaient

des lésions gynécologiques, 2 n'en présentaient pas.

Parmi les 59 malades ayant des lésions génitales 11 n'ont

pu être examinées complètement. En général les annexes

n'ont pas été explorées sous chloroforme. Dans ce nombre

nous faisons entrer 3 malades qui présentaient des troubles

Archives, 2' série, t. XII. 6

82 CHIRURGIE DES ALIÉNÉES.

génitaux manifestes mais dont l'origine n'a pu être précisée ;

2 avaient des métrorrhagies sérieuses, une troisième pré-

sentait une tumeur abdominale dont le diagnostic pour les

raisons déjà indiquées n'a pu être établi. Des 2 malades

n'ayant pas de lésions apparentes l'une n'a pu être examinée

au pointde vue des annexes (la famille n'ayant pas donné

l'autorisation). ,

Les lésions constatées ont été les suivantes. Nous ferons

remarquer que beaucoup de ces malades ont présenté des

lésions multiples pouvant rentrer dans plusieurs catégories

suivantes. Pour plus de simplicité, nous les avons indiquées

une seule fois dans le chapitre de la lésion principale.

OBSERVATIONS GYNÉCOLOGIQUES. 83

Or, ce chiffre de malades examinées nous a donné une

proportion de 96,72 p. 100 d'affections gynécologiques, deux

sujets sur ce nombre étant indemnes. Dans notre mémoire de

'1898 à la Société de chirurgie, notre pourcentage avait été

de 89 p. 100 et nous remarquions les chiffres de 60 p. 100

donnés par Rohé;(de Baltimore), de 80 p. 100 de Isabel Da-

veupert, de 93 p. 100 de Hobbs. -

Depuislongtemps déjà les aliénistes français Azam,Loiseau

Mairet avaient insisté sur les relations étiologiques entre les

affections pelviennes de la femme et la folie, opinion qui se

trouve corroborée par nos chiffres, ceux des chirurgiens

américains et aussi par les résultats opératoires obtenus.

Nous avons déjà insisté d'ailleurs sur les raisons qui nous

ont engagé à recourir à la demande des familles et aussi sur

les motifs qui poussent l'entourage des malades à ne pas

répondre ou à répondre négativement dans un trop grand

nombre de cas. Il est réellement pénible de songer qu'au-

jourd'hui où l'on connaît bien en France l'influence des

lésions physiques sur la production de certains délires et où

l'on en arrive à établir sur des bases solides la doctrine in-

fectieuse de la folie on est astreint de rester dans l'ignorance

des lésions physiques de nature infectieuse parfois, chez

des malades dont nous sommes responsables au point de

vue scientifique et médical et qui seraient certainement les

premiers à réclamer nos soins s'ils avaient leur compos

sui.

Il est vraiment triste qu'on en soit réduit à une impuis-

sance si funeste aux malades pour respecter un droit qui

n'est ni légal ni humain et auquel on n'a pas encore osé

toucher. Il y a là une situation bien digne d'attirer l'atten-

tion des pouvoirs publics qui seuls peuvent réglementer cette

délicate question des droits et des devoirs des médecins dans

' le traitement des malades atteints d'affections mentales et

confiés à la société.

N'est-il pas affligeant de penser que la société qui a pris

l'initiative d'interner un malade et exerce un droit de pro-

tection légale, sur ses biens est actuellement dépourvue de

tout moyen d'action sur le maintien de la santé. Nous nous

trouvons en effet actuellement dans l'impossibilité de recon-

naître le plus souvent les maladies dont peuvent être atteintes

les aliénées au point de vue gynécologique, et partant d'éta-

84 CHIRURGIE DES ALIÉNÉES.

blir même dans un certain nombre de cas une des causes de

certains délires.

Mais si le défaut de réglementation présente des inconvé-

nients au point de vue du seul examen, sous le rapport thé-

rapeutique, ces inconvénients deviennent encore plus

sérieux.

Si l'on se reporte à notre statistique, on voit que sur 59

malades nécessitant un traitement chirurgical, cinq seule-

ment ont pu être opérées. Certes certaines malades n'ont pu

bénéficierde l'intervention à cause de l'absence d'installation

chirurgicale spéciale. Mis dans l'obligation d'opérer à Ville-

Evrard dans une infirmerie médicale, nous sommes astreint

souvent pendant de longs mois à nous abstenir d'une façon

absolue quand des fièvres typhoïdes ou des érysipèles y sont

en traitement. t.

L'ouverture du pavillon de chirurgie va obvier à ce grave

desiderata. Mais il n'en est pas moins vrai que dans pres-

que tous les cas, ce sont les familles qui refusent l'opération.

C'est ainsi que sur 28 cas de métrite 2 seulement ont pu être

traités.

Sur 7 annexites, une seule opération a pu être pratiquée.

Aucun déplacement utérin (21 cas) n'a pu être traité. Aucune

des cas de lésions du col et de déchirure du périnée n'a été

l'objet d'un traitement chirurgical. II en est de même de

toute la chirurgie générale. C'est ainsi'que l'an dernier l'un

de nous clans son rapport au Préfet, signalait que sur 9

cancers du sein, un seul avait été opéré. C'est là une situation

grave et qu'on ne saurait trop tôt envisager.

Certes quand il s'agit d'opérations urgentes nous ne rele-

vonsquede notre conscience. Sauver une malade, dontl'exis-

tence est menacée à brève échéance, est un devoir qui ne

peut être soumis à aucune réglementation. Mais où est la li-

mite de l'urgence ? L'un de nous a dit ailleurs que l'urgence

était généralement comprise clans une formule trop restreinte

et malheureusement on a trop de tendance à confondre une

opération non immédiatement urgente avec une opération

de complaisance. A notre sens, toute opération chirurgicale

présente quand elle est justifiée par une lésion véritable un

caractère d'urgence. C'est ainsi que les inflammations de la

vésicule biliaire peuvent aboutir tôt ou tard à une angiocho-

lite ascendante mortelle. Les inflammations de l'utérus non

OBSERVATIONS GYNÉCOLOGIQUES. 85

soignées à temps conduisent au pyosalpinx et à ses compli-

cations mortelles. Les rétrécissements de l'urèthre peuvent

engendrer les lésions les plus graves de l'appareil urinaire.

Les néoplasmes quelque soit leur siège deviennent bientôt

inopérables par leur extension et ne tardent pas par les

progrès de la généralisation à entraîner la mort.

Mais en dehors de cette chirurgie qui pour n'être pas

d'une extrême urgence ne demande pas moins à être prati-

quée dans le délai le plus bref et vient montrer combien en

somme les limites de la chirurgie d'urgence doivent être

étendues de nos jours. ·

Nous devons envisager une chirurgie que nous appelle-

rons velonliers facultative et qui trouve des indications spé-

ciales dans les asiles d'aliénés,. Pour n'en citer qu'un exemple

nous rappellerons que dans l'ordre orthopédique les attitudes

vicieuses donnent lieu à des troubles variés souvent irrépa-

rables et apportent une gêne fonctionnelle toujours fâcheuse

mais qui chez l'aliéné présente en plus l'inconvénient de le

condamner à une immobilité qui peut aggraver son état

mental. L'un de nous se propose prochainement d'envisager'

sous ce rapport toutes les catégories d'affections chirurgi-

cales dans leurs indications spéciales chez les aliénés et de

montrer en définitive combien chez ces malades, reste étendu

le domaine de la chirurgie.

Une chirurgie doit à notre sens être exclue rigoureusement

dés asiles, c'est celle qui n'a pas encore reçu la sanction de

l'expérience. Telle'intervention basée sur une conception

théorique mais rationnelle peut amener un résultat' favo-

rable mais n'a pas encore été tentée. On ne peut dès lors la

pratiquer que chez des malades sains d'esprit, qui attristés

de leur état, sollicitent une opération nouvelle dont ils

savent d'avance le résultat aléatoire. Nous faisons allusion

surtout aux opérations proposées dans ces derniers temps

contre l'épilepsie et certains malades de l'encéphale. Or nous

estimons qu'on n'a pas le droit de pratiquer chez un aliéné

aucune opération de ce genre. Quoique ainsi limité le champ

de la chirurgie chez les aliénés est immense et il est à dési-

rer que des mesures soient prises, qui en facilitent la pra-

tique pour le grand bien des malades.

CLINIQUE NERVEUSE.

Sur un cas d'amnésie continue, consécutif à une ten-

tative de suicide par l'oxyde de carbone ;

Par MM. TRUELLE et PETIT.

Parmi les troubles mentaux qui peuvent surveniràlasuite

d'une intoxication aiguë par l'oxyde de carbone, l'amnésie

est un de ceux dont les différents auteurs s'accordent à

signaler la plus grande fréquence. Il nous a paru cependant

intéressant de relever le cas suivant parce que l'amnésie, à

la fois rétro et antérograde, débarrassée à peu près de tout

'autre phénomène mental y a persisté au delà des limites

signalées jusqu'à présent.

Il s'agit d'un homme de cinquante-quatre ans, ébéniste, entré

,dans le service de M. le docteur Magnan.au bureau d'admission

de l'Asile clinique (Sainte-Anne), le 3 avril 1900, pour des troubles

intellectuels consistant surtout en affaiblissement de la mémoire.

Cette amnésie remontait au 8 mars, date à laquelle notre malade

fit une tentative de suicide par inhalation de vapeurs de charbon.

Voici, rapidement résumée, son histoire antérieure :

R... est né à Bruxelles le 20 avril 1845. Marié dans cette ville, à

l'âge de vingt-quatre ans, il y vécut jusqu'en octobre 1894, puis

vint à Paris, laissant ses enfants aux soins de sa femme qu'il

abandonnait pour avoir eu avec elle des difficultés que nous

n'avons pu préciser. Ici, il fit la connaissance d'une femme avec

qui il vécut, travaillant régulièrement à son métier d'ébéniste,

sobre et de bonne conduite.

Le 6 janvier 1900, comme il n'y avait plus chez son patron

suffisamment d'ouvrage pour l'employer, il resta sans travail.

Il continua bien quelque temps de s'occuper pour des camarades,

et ce qu'il faisait à cette époque ne laissait pas plus à désirer que

par le passé, mais il lui fut impossible de trouver un emploi

stable. Dès lors, IL. changea complètement d'allures. Lui, jadis

d'un caractère gai, s'assombrit rapidement. Il se désolait d'avoir

perdu sa place, affirmait qu'il devenait vieux, que sa vue baissait

UN cas d'amnésie CONTINUE. 87

et que jamais plus il ne serait capable de travailler. 11 lui arriva

même de refuser d'entreprendre de l'ouvrage qu'il n'aurait pas la

force de terminer, disait-il, et il concluait : mieux vaudrait tout de

suite mourir.

Cette idée de suicide revenait presque journellement dans ses

conversations avec sa maîtresse. Celle-ci d'ailleurs, en présence de

la misère chaque jour grandissante, partageait cette opinion. Si

bien que le 8 mars, se voyant sans argent il leur restait

10 centimes et sans travail, malgré le retour de la saison

ouvrable, tout fut décidé. IL. adressa une lettre à ses enfants de

Bruxelles, leur expliquant sa détermination, et de concert avec sa

maîtresse, il fit tous les préparatifs : ils calfeutrent soigneusement

les ouvertures, allument un poêle dont les deux grilles sont

chargées de charbon de bois, puis tous deux se couchent. Il était

trois heures du matin.

Le lendemain 9 mars, à 7 heures du soir, le commissaire de

police prévenu tété-raphiquement de Bruxelles par les enfants de

13...,'pénèlre dans la chambre et trouve notre malade étendu sur

son lit, sans connaissance. La femme était à terre, éveillée, mais

incapable de faire un mouvement. Tous deux furent transportés à

l'hôpital Saint-Louis, où on les soumit au traitement habituel :

café à haute dose, respiration artificielle, inhalation d'oxygène, etc.

La femme, rapidement et complètement guérie put sortir le len-

demain. Quant à H..., il ne reprit connaissance que le 10 seule-

ment. Et aussitôt sa femme s'aperçut qu'il avait totalement oublié

sa tentative de suicide, de même que le lendemain, il n'avait conservé

aucun souvenir de sa visite reçue la veille. 11 faut ajouter que Il...

était, en outre, un peu obtus et apathique. Les opérations intel-

lectuelles se faisaient lentement. Le malade resta dans cette

situation, à Saint-Louis, pendant vingt-un jours; puis l'état

demeurant stationnaire, il sortit, mais pour être le jour même

conduit par sa femme à l'infirmerie spéciale du dépôt d'où il

arriva le 3 avril à l'Asile clinique dans le service de M. Magnan où

nous pûmes l'examiner.

IL.. est un homme grand; bien musclé, un peu gras, sans vice

de conformation autres que trois petits noevi sur le bord libre du

prépuce, son teint est mat, comme bronzé au visage, le front

complètement dégarni de cheveux. Le système pileux très déve-

loppé, notamment sur la poitrine.

Le pouls, à 80, est plein, un peu serré, le deuxième bruit

retentissant à l'aorte. Les urines peu abondantes - 750 grammes

par vingt-quatre heures sont claires, leur réaction acide; elles

ne contiennent ni sucre, ni albumine, ni pigment biliaire, ni

lI['obill ! 1c, légère phosphaturie : 1 gramme 35 d'acide phospho-

rique par litre pour 19 grammes d'urée seulement.

En dehors de quelques symptômes d'artériosclérose énumérés

88 CLINIQUE NERVEUSE.

plus haut, on ne trouve aucune tare physique chez notre malade.

Les pupilles sont égales, plutôt rétrécies, réagissant bien; les

réflexes cutanés et le réflexe pharyngien sont conservés; les

réflexes tendineux du genou et du poignet notablement diminués.

La sensibilité générale dans tous ses modes, tactile, douloureuse

et thermique est intacte; les sensations sont bien localisées; le

- `malade, les yeux bandés, énonce avec seulement de rares erreurs,

les chiffres tracés sur sa peau. Le sens musculaire est conservé.

Les sensibilités spéciales sont également indemnes : en particulier

l'acuité visuelle est normale; pas de rétrécissement du champ

visuel, pas de dyschromatopsie. Bien que le malade n'accuse

aucune faiblesse musculaire, il ne donne au dynamomètre que

trente et un pour la main droite et trente pour la gauche; si on le

prie de fixer son attention, de faire le maximum d'effort, il

indique quarante-trois à droite et trente-deux à'gauche.

Les traits sont réguliers, un peu affaissés, à peine mobiles; la

physionomie exprime un mélange de tristesse et d'apathie,

comme celle d'un mélancolique résigné. La parole est monotone,

basse, peu éclatante. Les opérations intellectuelles sont ralenties,

le malade ne répond qu'après un petit temps de réflexion; les

associations d'idées, même simples, nécessitent un temps direc-

tement appréciable, sans qu'il soit besoin d'instrumentation ni

d'expériences spéciales pour le déceler. L'émotivité apparaît un

peu émoussée. H... a une conscience imparfaite de sa maladie, il

ne se rendra pas, les premiers jours du moins, un compte exact de

son amnésie, et il ne s'en émeut pas. Plutôt apathique, il se laisse

diriger et reste ordinairement passif. Ceci dit, cette légère dépres-

sion intellectuelle signalée, ce qui frappe avant tout, ce qui cons-

titue de beaucoup la note dominante. c'est la perte de la mémoire.

Cette amnésie, en partie rétrograde, porte sur la tentative de

suicide, et les circonstances qui l'ont immédiatement précédée, sans

qn'il ait été possible d'établir une délimitation nette, une date à

laquelle se soit produite une coupure brusque dans la chaîne des

souvenirs. R... se souvient avoir cessé son travail le 6 janvier, il

se rappelle, après quelques hésitations, la rue où il habitait, mais

il ne peut tout d'abord indiquer le numéro. La mémoire visuelle

de son appartement est mieux conservée : il sait le nombre des

pièces, deux chambres et une cuisine; il revoit la place des

' meubles, la couleur du papier. Par contre, il se trompe sur le

nom de son ancien patron, citant le dernier et l'avant-dernier sans

pouvoir les placer dans leur ordre de succession réel. D une façon

générale, du reste, les dates et les noms sont ce qu'il a le plus

oublié : ainsi il se croit en 1898, trois jours après il dira 92 ou 03

« je ne sais pas au juste », il ne peut préciser la durée de son

séjour à son dernier domicile. Cette amnésie rétrograde, d'une

intensité irrégulière, s'étend donc d'une manière confuse et pour

UN cas d'amnésie continue. 89 'q

une période mal déterminée sur les évènemeuts antérieurs à la

tentative de suicide, mais sans remonter très loin cependant.

R... est capable, en effet, de préciser sa vie passée, les détails de

son mariage, de son séjour à Bruxelles; il sait qu'il est venu une

première fois à Paris à l'âge de quinze ans, qu'il est retourné en

Belgique pour se marier, puis qu'il a quitté sa femme pour s'ins-

taller définitivement à Paris, il y a six ans, et il donne de tout

cela des dates fort justes; il nous renseigne très exactement et

avec des détails suffisants sur ses parents, sur son mode d'exis-'

tence à Paris. Il est vrai de dire que chez notre malade, à diverses

reprises, on notera une certaine lluctuatiou dans les souvenirs,

donnant un jour le numéro exact de sa rue, l'oubliant le, len-

demain, ne se rappelant pas aujourd'hui le nom d'un camarade

qu'il saura retrouver demain.

Mais les événements qui ont immédiatement précédé la déter-

mination prise, la lettre écrite, les préparatifs d'asphyxie, tout

cela est lettre morte pour lui. « Non, je n'ai jamais cherché à me

tuer », dit-il, et il est sincère, « je sais seulement que j'avais des

idées noires, ne pouvant plus trouver de travail et étant dans la

misère. » En outre, et c'est là le caractère le plus curieux à notre

avis, cette amnésie est anlèrograde, ou pour employer l'expression

plus complète de M. Janet, elle est continue.

H ? n'a conservé aucun souvenir de son séjour à Saint-Louis, ni

de sa sortie de l'hôpital, ni de son passage à l'infirmerie du dépôt.

Depuis le moment où le 10 mars il a repris connaissance au sortir

de son long évanouissement, il semble ne rien avoir acquis, ou

plus exactement, tout se passe comme s'il n'avait rien acquis,

c'est-à-dire qu'il est incapable d'éveiller aucune dessensations reçues

depuis lors. Et pendant tout le temps qu'il nous a été donné de

suivre le malade, c'est-à-dire jusqu'au 18 janvier 1901, date à

laquelle il fut transféré en Belgique à l'asile de Tournai ; pendant

tout ce temps, l'amnésie continue persista. Mais de même que

pour l'amnésie rétcograde nous avons signalé qu'il n'y avait pas

de coupure brusque entré la série des faits oubliés et celle des

faits dont le souvenir persiste, de même pendant cette période'de

neuf mois, nous avons assisté à des fluctuations curieuses de la

mémoire.) ! )) a pas en elretchez fi... absence absolue d'acquisitions,

mais celles-ci sont difficiles et rudimentaires. Un certain nombre

de faits plusieurs fois répétés peuvent être fixés. Mais le réveil de

ces souvenirs a lieu le plus souvent sans aucune précision et ici

encore, la notion de temps manque. C'est ainsi qu'au début 1... ne

se souvient plus avoir causé avec nous la veille ; deux jours après

son entrée, dira « je suis ici depuis 8 jours » ; sa femme vient le

voir, et plus d'une semaine après, il croira l'avoir vue le matin

même. Quelque soit la variété de mémoire interrogée, quelques

soient les sensations perçues que l'on cherche à faire revivre,on se

90 CLINIQUE NERVEUSE.

heurte au même défaut de précision, ou l'on tombe dans le même

néant. R... ne peut se rappeler aujourd'hui ce qu'il a mangé la

veille ; conduit au dortoir,il ne sait pas les premiers jours retrouver

son lit, de même qu'il faut à chaque repas pendant la première

semame lui indiquer sa place à table. On lui fait écrire son nom

et son âge : cinq minutes après, il ne s'en souvient plus et « ne

croit pas que ce soit lui qui ait écrit cela ».

Il lit sur un journal un article concernant la guerre du Trans-

vaal ; la lecture finie, il sait qu'il est question des Boers, et c'est

tout. Une demi-heure après avoir pris un bain, il ne s'en souvient

plus. Une fois au cours de l'énumération de son ancien mobilier,

il termine par « une commode, deux tables » ne se rappelant plus

qu'il a commencé par là. Plusieurs fois par jour, il allume sa

cigarette dans la salle où chaque fois on lui dit qu'il est interdit de

fumer,et il recommence sans cesse. Un jour qu'il s'était plaint du

froid, on lui donne une couverture supplémentaire ; et le lende-

main il l'a oublié. On lui dit et redit qu'il est à Sainte-Anne ;

interrogé là-dessus, il répond : « c'est ici Bicêtre, ou c'est Villejuif. »

L'examen détaillé des différentes mémoires donne les résultats

suivants : La mémoire organique, c'est-à-dire celle qui correspond

au groupe de faits désignés par Hartley sous le nom d'actions

automatiques secondaires est conservée : marche,exercices manuels,

professionnels, etc...

Le langage est indemne ; l'écriture est correcte. Tout au plus

pourrait on signaler que le malade, les yeux bandés, ne parvient

qu'à grand'peine à former son nom ; mais peut-être doit-on à

cela donner cette interprétation que, peu entraîné à se servir d'une

plume, la mémoire motrice graphique a toujours été chez lui très

rudimentaire. Il lit sans la moindre hésitation les caractères d'im-

primerie, comme l'écriture courante. Le calcul est bon, dans les

limites de sa très faible instruction ; de même, le souvenir des

quelques faits d'histoire et de géographie qu'il a jadis connus. Ici

pourtant, il faut signaler deux erreurs grossières qui paraissent

bien relever de l'amnésie ; pour lui F. Faure a été assassiné par

un Italien et Gambetta était général. Les quelques morceaux de

musique qu'il a appris, il s'en souvient. 11 reconnaît au goût et à

l'odorat les substances courantes. Par contre, on lui fait sentir du

menthol iodé qu'il ne connaît pas : on lui dit le nom, et quelques

minutes après il ne s'en souvient plus et dit : « c'est du goudron »,

se basant, prétend-t-il, non sur ce qu'on lui a dit, mais sur l'odeur

même ( ? )

On lui fait au front deux piqûres et après un intervalle de dix

minutes, une autre à la main : une minute après, il se rappelle

seulement celle des doigts ; pourtant, interrogé si on ne l'a pas

piqué dans un autre endroit, il répond : a Oui,à la figure».

La mémoire visuelle commune, qui, nous l'avons dit, était une

UN cas d'amnésie CONTINUE. 91

des mieux conservées chez notre malade pour les faits antérieurs

au 8 mars, est pourtant très imparfaite encore : entre autres

exemples citons ce fait, que, prié à deux reprises différentes de

donner une description du médecin qu'il voit tous les jours, il le

dépeint chaque fois d'une façon différente, et les deux fois la

description qu'il donne est également fausse.

Sans doute, d'une façon générale, il y a une amélioration appré-

ciable dans l'état du malade pendant son séjour àl'asile, puisqu'en

somme il a pu acquérir quelques souvenirs. C'est ainsi par exemple

qu'au bout d'un mois environ il finit par se reconnaître dans le

service, par s'y diriger même, il est capable d'accomplir au dehors

quelques corvées ; c'est ainsi que sa femme lui ayant plusieurs

fois parlé de sa tentative de suicide, lui en ayant à diverses

reprises raconté toutes les péripéties, R... finit par savoir qu'il a

cherché à se tuer et qu'il a été à l'hôpital Saint-Louis avant de

venir ici. Toutefois la mémoire laisse beaucoup à désirer encore,

la reviviscence des souvenirs est bien imparfaite et pour ce qui est

uotamment de sa tentative de suicide, il en fait à deux reprises

un récit absolument fantaisiste, et chaque fois différent : il raconte

par exemple que lui et sa maîtresse se sont réveillés au milieu de

la nuit, que sa femme a ouvert les fenêtres parce qu'il souffrait

trop, que quelqu'un est venu à ce moment ; il est évident que ce

récit qu'il nous donne n'est pas le résultat de souvenirs personnels;

ce n'est que d'après ce que sa femme lui a raconté ultérieurement

que le malade parle, puisqu'il cite des faits qui se sont passés

pendant son évanouissement, comme son transport en brancard à

l'hôpital Saint-Louis.

Comme nous le disions au début,en dehors de cette amnésie, et

d'une légère dépression mélancolique avec apathie qui d'ailleurs

ne tarda pas à disparaître, en dehors de cette lenteur dans les

opérations cérébrales, surtout appréciable le premier mois, on ne

constate chez Il... aucun autre trouble intellectuel ; pas trace de

délire, aucune illusion ou hallucination sensorielle, pas de symp-

tômes d'affaiblissement généralisé des facultés ; sa conduite est

régulière à l'asile, le jugement est sain, l'affectivité n'est pas

émoussée ; la conscience de son trouble de mémoire lui est bien

vite revenue.

Voici par exemple ce qu'il écrit peu de jours avant son départ :

« Je me suis marié à vingt-cinq ans. J'ai six enfants dont quatre

garçons et deux filles. Je suis entré à Sainte-Anne au mois de

mars approximativement, mon séjour à l'asile qui je crois remonte

à cette époque (répétition de la même idée et phrase inachevée

par amnésie). Jai passé une vie monotone en me couchant le soir

à 7 heures', et en fumant et en causant à l'occasion quand je

trouvais quelqu'un de raisonnable. A part cela je me tenais à

l'écart et cherchais à tuer le temps en jouant aux cartes et aux

92 clinique nerveuse.

dominos,etc... » et plus loin : « Je demande ma sortie pour cher-

cher du travail pour contenter mes enfants afin de pouvoir leur

dire que je suis sorti de l'hospice. »

On le voit, ce n'est donc en somme, même dix mois après

le début, qu'un affaiblissement spécialisé des facultés men-

tales portant sur la mémoire.

Sans doute, les exemples d'amnésie survenant à titre de

trouble mental isolé ou prédominant, à la suite d'une intoxi-

cation aiguë par l'oxyde de carbone ne sont pas rares dans

la littérature médicale. Déjà en 1843, Bourdon l'indique dans

sa thèse. Puis pouillard ('1585), Cacarrié (1887) la signalent.

M. Briandl insiste plus particulièrement sur la fréquence du

caractère rétrograde de cette amnésie et sur les conséquences

médico-légales que peut avoir cet oubli de l'accident et des

circonstances immédiatement antérieures; la même année,

il publie dans la semaine médicale l'observation d'une jeune

fille chez qui survint dans ces conditions un affaiblissement

très prononcé de la mémoire. Fallût 2 signale chez une femme

de soixante-trois ans une amnésie rétrograde, ayant porté

sur les trois jours qui ont précédé l'intoxication. Enfin, et

dès lors, nous entrons dans la forme psychologique de notre

amnésie, de Beauvais" montre qu'elle peut porter sur les faits

postérieurs à l'empoisonnement. Thomsen rapporte de même

l'histoire d'une femme de soixante-quatre ans, atteinte après

intoxication oxycarbonée de psychose aiguë à forme de con-

fusion hallucinatoire, et chez laquelle ultérieurement survint

un affaissement très marqué de la mémoire, mais avec dé-

chéance généralisée des facultés intellectuelles : D'autres

encore, MM. Brouardel Trénel6, Avramoff', etc... ont signalé

la persistance possible d'une amnésie après l'empoisonne-

ment par les vapeurs de charbon. 1 .

1 Briand. Compte rendu du Congrès international de médecine men-

tale, 1889.

fallut. Annales d'hygiène publique el de médecine légale, 1893.

$De Beauvais. Bulletin de la Société de médecine légale, 1885.

Tli,)msen. ctH ? <7<) ? Wbc/te/ ! sc/i)' ? /7, 1888.

5 Brouardel. Bulletin de l'Académie de médecine, 1893.

° 'lrénel. Intoxication par C 0. (Gaz. hebdom. de méd., juillet 1895.)

1 Avramoff. Contribution ù l'élude des affections nerveuses chroniques

consécutives aux inloxicalions aiguës. (Th. de Nancy, 1900.)

un 'cas d'amnésie continue. 93

Il n'en est pas moins exceptionnel de voir, comme chez no-

tre malade, durer l'exclusion de presque tout autre symp-

tôme mental, une amnésie de forme continue. Ce qui géné-

ralement, est considéré comme la règle, c'est de constater,

lorsqu'il persiste après un aussi long temps des troubles

mentaux, un affaiblissement généralisé des facultés intellec-

tuelles, une démence progessive, fonction de foyers multiples

de ramollissement'. Récemment, M. Greidenberg2 reprenant

cette question des troubles mentaux consécutifs aux empoi-

sonnements aigus par l'oxyde de carbone, en donnait en effet

la classification suivante, déjà admise en substance depuis la

classique leçon de Charcot dont nous aurons à reparler plus

loin : .

1° Accidents immédiats : manie transitoire -ou plus exac- *

tement comme l'a signalé M. Magnan, confusion mentale

avec ou sans amnésie rétrograde.

2° Accidents consécutifs ou secondaires, survenant dans un

laps de deux à quinze jours, évoluants d'après ce mode habi-

tuel : troubles de la mémoire mal déterminés, puis amnésie

marquée, puis incohérence, indifférence, apathie et démence

terminale.

Or, le cas de notre malade ne semble pas absolument ren-

trer dans cette conception. De ce qui s'est passé chez R...

immédiatement au sortir du coma, nous n'avons connais-

sance à vrai dire que par ce que nous en a raconté la maî-

tresse du malade. Ces renseignements suffisent néanmoins

pour faire connaître qu'outre un certain degré de confusion

mentale, caractérisée surtout par de l'apathie et de la lenteur

dans les opérations cérébrales, ce qui d'abord a frappé, c'est

l'amnésie. Amnésie, non seulement portant sur l'accident et

les circonstances antécédentes, mais s'installant dès cette

époque'pourse prolonger dans l'avenir, sous forme d'amnésie

continue. Dans sa partie rétrograde, dans ce qu'on pourrait

appeler sa fonction passive, destructive ( ? ), cette perte de la

mémoire semble remonter au delà de plusieurs semaines,

puisque des souvenirs datant de cette époque ne peuvent être

' Malgaigne. Gaz. met., 1825. Ferrus. Gaz. méd., 1836. Charcot.

Leçons du mardi, 1888-1889. (Leçon XVI.) Ilarduie. ll'eslnicl. sur

Psychiatrie, 1S85, t. 1.

. Gl'eidenberg. Des psychoses consécutives aux intoxications oxydai,-

bouées. (Ann. 7)zécl. psch., 1900.)

94 -il CLINIQUE NERVEUSE.

réveillés; mais on peut aussi se demander si cet oubli appa-

rent de certaines acquisitions anciennes nom du dernier

patron, numéro de la rue, etc. ne doit pas être mis sur le

compte de cette confusion mentale dont M. Magnan a mon-

tré la fréquence dans ces cas, et qui fut encore manifeste

chez notre malade un mois après l'accident. Nous avons ten-

dance à admettre cette interprétation, confirmée par ce fait

que nous voyons dans la suite renaître ces souvenirs primi-

tivement effacés en apparence. En résumé donc, R... pré-

senta cette amnésie classique des suicidés par l'oxyde de car-

bone portant sur la tentative de suicide elle-même, avec un

état passager de confusion mentaleégalement classique; mais

en outre il est apparu chez notre malade, immédiatement au

sortir du coma, une forme spéciale d'amnésie antérograde à.

laquelle M. Janet 1 adonné le nom de continue.

Or, ce psychologue distingué a montré, par une série d'ob-

vations très fouillées, la relation qui existe entre cette amnésie

continue et l'hystérie. D'un autre côté, Charcot nous aenseigné

la possibilité du réveil d'une hystérie latente sous l'influence

d'une intoxication aiguë; et notamment chez le malade qui a

fait le sujet de sa seizième leçon (1888-'1889); il considère les

phénomènes d'abasie trépidante comme de nature hystérique.

Il se présentait donc immédiatement à l'esprit cette hypo-

thèse que, dans notre cas, l'amnésie continue pouvait bien

être, elle aussi, de nature hystérique. Et cela d'autant mieux

qu'au point de vue de la forme même, il y a de grandes ana-

logies psychologiques entre l'amnésie continue des hystéri-

ques et celles de notre malade. Il semble même que dans son

mécanisme intime cette amnésie procède chez R... et chez les

hystériques de M. Janet d'une façon analogue. '

Cet auteur conclut, en effet, forl ingénieusement que dans

cette forme particulière la lésion de la mémoire ne réside

pas dans la perte de la conservation des souvenirs, ni dans

celle de la reproduction des images, mais qu'elle consiste

plutôt dans la perte d'un troisième élément qu'on s'accorde

assez généralement à reconnaître à la mémoire=, la pe1'cep-

tion personnelle ; c'est ce troisième élément qui rattache

' Janet. L'amnésie hystérique. Névroses el idées fixes. (Archives de

neural.. 189 ? .)

Janet. Névroses el idées fixes. Dugas. La perle de la mémoire et

la perte de la conscience. (Revue philosoph., juillet 1899.)

UN CAS D'AMNÉSIE CONTINUE. 95

l'image éveillée aux autres images, la fait rentrer dans le

moi par un travail de synthèse, fait que le sujet a conscience

de son souvenir en tant que souvenir personnel. Chez R..., en

effet, les images ou du moins certaines images peuvent se

fixer, bien que difficilement, elles peuvent aussi dans une

certaine limite être réveillées, mais le malade ne paraît pas

en avoir une conscience nette en tant que souvenirs per-

sonnels, témoin ce conte qu'il nous fait de sa tentative de

suicide, d'après les récits de sa femme, et qu'il nous donne

comme souvenir propre.

Mais à côté de cela, nous n'avons pu relever chez R... aucun

stigmate hystérique; rien dans ses antécédents personnels ou

héréditaires ne permet de soupçonner la névrose : pour toute

maladie, il a fait une fièvre typhoïde étant jeune, ses parents,

étaient bien portants, on ne relève aucune tare dans ses as-

cendants directs ou collatéraux. De plus l'amnésie ne s'est

jamais accompagnée chez lui de ces troubles concomitants

relevés chez les malades de 11Z..Ianet : phénomènes d'aboulie,

idées fixes, attaques de délire, etc. ; il n'y a pas eu chez lui ces

« variations intermittentes dans la rapidité et la profondeur

de l'amnésie » que l'on observe volontiers chez les hystéri-

ques ; même la seule malade de M. Janet qui aitprésenté une

amnésie continue d'une durée aussi longue (neuf mois), a été

pendant tout ce temps pour ainsi dire fermée à toute nou-

velle acquisition; chez R..., ce qu'on voit plutôt, c'est une

lente amélioration progressive.

Pour toutes ces raisons nous ne croyons donc pas que l'on

soit autorisé ici à incriminer l'hystérie.

D'ailleurs, cette forme continue de l'amnésie a été signalée

par différents auteurs dans des affections où l'hystérie ne

pouvait être invoquée. En outre, M. le professeur Jolfroy l'a

signalée l'année dernière chez un malade qui avait fait une

tentative de suicide par pendaison. M. Toulousel l'indique

aussi à la suite d'un choc moral; de même M. Vaschide2 'l-

après ce qu'il appelle un « choc initial émotif ». Régis',

1 Toulouse. Amnésie rclro-anlérograde il type continu et progressif f

par choc moral. (Archives de neurol" 1894.)

Va3eliiLle. Amnésie antérograde émotive. (Rev. de psychiatrie, sep-

tembre 1900.)

' Régis. Note sur des tentatives de suicide par pendaison. (arc. cli-

niques de Bordeaux, 1895.)

96 CLINIQUE NERVEUSE.

Féré signalent également des cas d'amnésie rétrograde et pour

quelques jours antérograde après des tentatives de suicide

par pendaison. Seiamanna pense que l'amnésie rétro-antéro-

grade «peut s'observer indépendamment de toute attache

d'hystérie, d'alcoolisme ou de traumatisme dans les maladies

infectieuses fébriles, KorsalcolT rappelle des cas analogues

dans sa psychose polynévrilique ou céréhropathie psychique

- toxhémique. 111. Séglas1 signale l'amnésie continue dans la

convalescence de la confusion mentale primitive ou comme

prolongement de la maladie, tout en la rattachant au méca-

nisme de M. Janet : perte de la perception personnelle des sou-

venirs ou de l'assimilation psychologique des images. Enfin

l'un de nous= a présenté au congrès de psychologie de 1900

l'observation d'un homme atteint de syphilis cérébrale chez

qui à la suite d'une attaque épileptiforme suivie de délire

hallucinatoire passager s'est déclarée une amnésie retro-

antérograde persistante sous forme continue pendant dix

mois, jusqu'à la mort

Tous ces faits prouvent donc qu'un même symptôme peut

relever de causes morbigènes différentes. Resterait à trouver

la cause immédiate de cette amnésie, à savoir comment un

empoisonnement aigu par l'Oxyde de carbone peut provoquer

un trouble partiel de l'entendement aussi persistant. Ici le

champ est largement ouvert à toutes les hypothèses. Nous ne

savons que trop peu de choses encore sur le mécanisme in-

time de la mémoire, sur les cellules qui entrent en jeu et sur

leur mode de fonctionnement pour pouvoir émettre autre

chose que des possibilités plus ou moins ingénieuses. Nous

ne savons même pas au juste quelles transformations l'oxyde

de carbone apporte dans les éléments de l'organisme et quand

avec Dreser3 nous avons dit que « son action réductrice ne

s'arrête pas au seul globule sanguin, mais s'exerce de la

même façon sur tous les tissus de l'économie »,. il ne nous

reste plus guère qu'à nous lancer dans la spéculation.

Séglas. Leçons.

- Truelle. Sur deux cas d'amnésie continue. (Congres de ps ? lcle., 1900.)

3 Dreser. Arch. ? expier. Palhol. und Pharmuc, XXIX.

REVUE CRITIQUE.

Anatomie cérébrale et Psychologie 1 ;

Par Jules SOURY,

Directeur d'études à l'École pratique des Hautes Études à la SorLonnc.

Mais ce sont surtout les recherches de Loeb, de Friedlander,

de Bethe, de Preyer, d'Uexliüll, qui ont montré comment,

chez les animaux inférieurs, des réactions d'apparence volon-

taires sont réductibles à l'existence de simples dispositions

anatomiques : l'activité' de tel arc réflexe déterminé répond

toujours à certains stimuli déterminés. Ainsi le stimulus

chimique en rapport avec l'acte de manger provoque les mou-

vements correspondants des diverses parties de l'orifice buc-

cal : la trompe de l'abeille dont la tête a été complètement

séparée du thorax continue à sucer le miel. Dans sa jeunesse

Edinger éprouva à son dam que la partie abdominale séparée

du thorax, et placée sur le porte-objet du microscope, de ces

hyménoptères, réagit au contact avec son aiguillon. C'est le

contact, non un sentiment de colère, de vengeance ou de

défense, qui explique ici cette réaction. Dans nombre de

crustacés et de vers, Bethe et Loeb ont pu déterminer de

pareils réflexes isolés dont le mécanisme anatomique est

fort connu.

Il nous paraît juste et équitable de rappeler que Huxley,

en comparant chaque ganglion nerveux d'une écrevisse à une

boîte à musique, établit des premiers qu'une seule impulsion

portée par un nerf sensitif à un ganglion peut provoquer

une contraction musculaive isolée, quoique plus communé-

ment elle en provoque toute une série, combinée en vue d'un

but défini, et cela, sans qu'aucune « perception consciente

soit nécessaire à la production d'une foule de mouvements

combinés par lesquels le corps s'adapte aux variations des

' Voir Archives de Neurologie, n° fii, 1901, t. XII, p. 28.

Archives, 2° série, t. XII. 1

98 , REVUE CRITIQUE.

conditions extérieures ' ». Huxley avait résolument écarté les

interprétations anthropomorphiques. Lorsque nous disons,

écrivait-il, que l'écrevisse a « conscience » du danger ou

« sait » que la viande est bonne à manger, nous ne pouvons

supposer qu'elle se dit à elle-même comme nous le ferions :

« Ceci est dangereux; cela est bon ». L'écrevisse, privée de

langage ne dit rien, ni à elle-même, ni à n'importe qui. La

discussion de cette proposition, peut-être plus humoristique

que vraie, nous écarterait du sujet. Il y a, en effet, bien des

sortes de langage intérieur qui doivent correspondre aux

signes]et manifestations externes de toutgenre chez les inver-

tébrés et les vertébrés. L'écrevisse, selon Huxley, ne cons-

truit pas de syllogismes : « On doit éviter les choses dange-

reuses ; cette main est dangereuse, donc il faut l'éviter. »

C'est pousser bien loin, il me semble, en sens contraire, les

préjugés de la raison humaine, qui n'est et ne peut être qu'un

vaste complexus de réflexes organisés. Toute réaction phy-

siologique est un syllogisme en acte. C'est une question de

savoir si, pour être souvent inconscient, il n'a jamais été

conscient. On aperçoit clairement que j'incline clans ce sens

contre Edinger et la nouvelle école de l'automatisme des

animaux.

Il est constant pour Edinger que le système nerveux des

animaux inférieurs représente essentiellement une' colonie

d'appareils réflexes, centraux et périphériques, qui, encore

que plus ou moins solidarisés, sont susceptibles de fonc-

tionner isolément. Il avait déjà illustré par des exemples

l'autonomie relative de ces appareils dans la chaîne du sym-

pathique et dans celle de la moelle épinière des vertébrés.

L'estomac, les intestins, le coeur, la peau, etc ? possèdent

nombre d'appareils réflexes indépendants du même genre,

quoique plus ou moins étroitement reliés à l'organe nerveux

central..

Edinger réserve beaucoup de questions que Bethe et d'au-

tres auteurs croient déjà avoir résolues expérimentalement.

Il ne manque point, affirme-t-il, d'actes accomplis par les

animaux inférieurs encore irréductibles à des facteurs con-

nus : tels les- mouvements de fuite, manifestés déjà chez

les embryons de poissons comme chez les larves décérébrées

' Th. Huxley. L'Écrevisse. Introduction ci ta zoologie. Paris, 1880,

p. 66, 81, passim.

ANATOMIE CÉRÉBRALE ET PSYCHOLOGIE. 9S

de grenouilles. Telles encore les causes de migration et

d'orientation des animaux.

Il faut bien prendre garde que l'hérédité,' non seulement

des mécanismes, mais celle de leurs fonctions réflexes, voire

d'associations réflexes fort complexes, est aujourd'hui un fait

d'observation scientifique. Ce sont ces modes d'activité, soit

simples, soit complexes, que résume d'ordinaire le concept

vulgaire d'instinct. Un individu qui paraît pourvu d'associa-

tions réflexes innées semblables à celles de tous les autres

exemplaires de son espèce, peut-il en acquérir individuelle-

ment de nouvelles au cours de sa vie ? C'est ce que Bethe et

d'autres auteurs ont recherché dans leurs expériences. Toute

réaction de l'animal doit pouvoir être attribuée, soit à ces

réflexes simples ou complexes communs à toute son espèce,

soit à une acquisition individuelle, et il faudrait alors pou-

voir dire dans quelle mesure le système nerveux de cet être

a été capable de recevoir et de fixer de nouvelles impres-

sions, de les reproduire ensuite dans un ordre semblable ou

différent. En son mémoire sur la biologie des abeilles, von

Buttel-Reepen est arrivé à la conclusion, reproduite par

Edinger, que ces hyménoptères ne sont point de pures ma-

chines réflexes (conclusion que nous avions déjà soutenue

nous-même contre Albrecht Bethe), répondant d'une manière

constamment uniforme aux excitations; qu'au contaire, en

discerne, à côté de nombre d'actions réflexes héréditaires,

des signes assurés d'une mémoire individuelle; bref, que ces

invertébrés peuvent apprendre et former des associations à

la suite d'impressions reçues et fixées. Mais tout cela, selon

Edinger, peut parfaitement s'entendre sans l'hypothèse d'une

conscience.

L'anatomie et la physiologie expérimentale ont établi que

les appareils de la moelle épinière et de la moelle allongée ne

fonctionnent que suivant le mode ou le « type » réflexe. La

moelleépinièresurtoutappartient aux parties les mieux etles

plus clairement connues du névraxe. D'innombrables expé-

riences instituées sur les réflexes spinaux sont ainsi devenues

anatomiquement intelligibles, et il a suffi ici de penser ana-

tomiquement pour s'élever à l'intelligence physiologique des

phénomènes. Une-question reste pourtant encore irrésolue :

la moelle épinière peut-elle apprendre, fixer, conserver les

impressions, les élaborer et les transformer en actes ou en

100 REVUE CRITIQUE.

actions adaptées ? Les observations et expériences portant

même sur des mouvements de nature assez compliquée incli-

nent Edinger à répondre par l'affirmative. Des recherches

spéciales sur ce sujet seraient pourtant fort utiles; on sait

toutefois qu'après la décapitation, ne fût-ce que durant quel-

ques minutes, certains -mouvements bien organisés s'exécu-

tent encore : les lapins galopent, les canards nagent, etc.

Les relations anatomiques que soutiennent entre eux les

mécanismes nerveux à complexité croissante dans la série

expliquent ces faits. Le mode de cet accroissement de l'appa-

reil nerveux consiste essentiellement, enseigne Edinger, dans

la superposition aux centres inférieurs de nouveaux appa-

reils qui en partie relient entre eux les anciens, en partie

créent de nouveaux centres et de nouvelles voies d'associa-

tion. '

Toutes les observations des vingt dernières années ont

démontré que ce la plupart des centres et des appareils d'as-

sociation s'étendant de la moelle épinière jusqu'aux corps

striés possèdent, chez tous les vertébrés. une structure très

semblable» . A des mécanismes semblables doivent cor-

respondre des fonctions semblables, et cela malgré le fait que,

en vertu de l'apparition de nouveaux appareils nerveux sura-

joutés, la fonction des appareils plus anciens peut et doit

rétrocéder. A considérer la structure du système nerveux

d'un animal, il est toujours possible de conclure à la fonction

dès qu'on connaît chez un autre animal une structure et une

fonction analogues. On sait très peu de chose encore des fonc-

tions des parties du cerveau situées entre la moelle allongée

et l'écorce cérébrale. Pour les bien connaître, il faudrait étu-

dier les réactions d'un animal décortiqué : l'activité des

centres inférieurs de l'encéphale, masquée naturellement par

celle de l'écorce, apparaîtrait alors en quelque sorte comme

les étoiles dans un ciel nocturne.

De semblables réflexions ont inspiré à Edinger sa célèbre

enquête sur les fonctions psychiques des poissons. Il a été

constaté que ces vertébrés n'étaient capables que d'un

nombre extraordinairement restreint d'associations : ce sont

des « machines réflexes » (·eJlextasclaitea), en possession

d'un certain nombre de coordinations motrices qui, fonc-

tionnellement, se manifestent comme des instincts, mais

dont la faculté d' « apprendre » est fort médiocre. Les mou-

1

ANATOMIE CÉRÉBRALE ET PSYCHOLOGIE. '101

vements dirigés vers la nourriture, les poissons ne laissent

pourtant pas d'apprendre à les orienter dans une direction

nouvelle lorsque les circonstances accompagnant la distri-

bution de la nourriture ont été assez souvent répétées pour

qu'ils la « connaissent ». Ils apprennent aussi à déposer

toute « crainte » éprouvée antérieurement. Tels sont à peu

près les résultats d'une enquête qui a porté sur plusieurs

centaines d'observations généralement bien conduites.

Ces résultats témoignent, du moins, selon nous. que des ver-

tébrés encore dépourvus d'écorce proprement dite ne sont pas

seulement capables de réactions appropriées, adaptées à des

fins, dont les conditions peuvent être artificiellement modi-

fiées au cours de la vie de l'animal : ils peuvent encore, du

fait de la répétition des impressions, apprendre à con-

naître, à reconnaître, à agir en conséquence. Il y a plus;

une émotion aussi complexe que la peur, dont l'origine et

l'organisation reposent certainement, nous l'avons montré

ailleurs, sur des impressions optiques, tactiles, olfac-

tives, etc., associées en représentations symboliques, plus ou

moins vagues ici et rudimentaires, peut se modifier progres-

sivement au point de disparaître, quitte à reparaître sous

l'influence de causes nouvelles, naturelles ou provoquées.

Edinger ne me paraît pas assez frappé de la complexité de

ces processus psychiques, qui forment le minimum des

fonctions d'adaptation nécessaires à la vie de relation d'un

animal, partant à la persistance dans l'être de l'individu

et de l'espèce. Or, les mécanismes de ces fonctions n'existant

point ici, chez les poissons osseux tout au moins, selon

Edinger, dans l'écorce du télencéphale, il suit que le mésen-

céphale et les divers cerveaux postérieurs de l'encéphale

suffisent à la réalisation de synergies et de coordinations

psychiques dont l'écorce, centre nouveau superposé aux

anciens, a hérité simplement, tout en multipliant, par

la division du travail physiologique, les mêmes effets de

de plus en plus différenciés et complexes, chez les vertébrés

supérieurs aux poissons. C'est c'e qu'après Steineret Edinger

lui-même, quelques auteurs, L. Neumayer entre autres, dans

un travail entrepris sous les auspices de von Kupffer, ont

déjà fort bien indiqué : le leclum loborum opticorum, le

toit du mésencéphale, n'est pas seulement l'analogue de la

paire antérieure des tubercules quadrijumeaux quant aux

]02 . REVUE CRITIQUE.

fonctions centrales de la vision ; on doit considérer cette

ancienne province du névraxe comme le siège de l'exercice

des fonctions psychiques de l'ancienne vie de relation des

vertébrés inférieurs, fonctions qui ont plus tard émigré,

=chez les vertébrés supérieurs, dans le manteau des hémis-

phères du télencéphale, dans les parties du cerveau anté-

rieur qui ne sont pas encore développées chez les poissons

osseux.

La scène change tout à fait quand, chez les amphibiens

et les reptiles, l'écorce apparaît. « Lorsque cet appareil, qui

pour la première fois atteint chez les reptiles un fort déve-

loppement, se superpose aux autres parties du cerveau, lors-

qu'il s'augmente progressivement de parties bien déter-

minées, l'individu acquiert alors un nombre très notable de

mécanismes nouveaux, tous reliés entre eux et avec les

appareils inférieurement situés du système nerveux cen-

tral. » Quels sont ceux de ces derniers centres qui se sont

reliés aux plus anciens territoires corticaux du manteau ?

Ce furent d'abord, chez les vertébrés inférieurs, les termi-

naisons du nerf olfactif. Les faisceaux optiques s'irradièrent

ensuite, chez les oiseaux, à ces territoires du manteau. Chez

l'homme encore, Edinger a pu retrouver quelques-unes de

ces antiques voies. Ce qui étonne surtout ce savant anato-

miste, c'est la complexité des conditions ou, comme il s'ex-

prime, des « possibilités d'association » que décèle déjà la

plus ancienne écorce : celles du cerveau des mammifères

eux-mêmes n'en diffèrent que par une simple question de

quantité. Déjà chez les amphibiens, sûrement chez les rep-

tiles, la quantité des fibres se rendant à l'écorce ne pré-

sentent absolument aucun rapport avec le puissant appareil

cortical, aux cellules et aux fibres nerveuses extrêmement

nombreuses, dans lequel s'irradient ces faisceaux de projec-

tion. L'impression qui s'impose,' c'est que ce mécanisme

cortical réalise, dans une mesure énorme, les conditions ou

les possibilités d'association des ébranlements nerveux pro-

pagés jusqu'à ces centres par un nombre relativement petit

de fibres afférentes ; c'est que l'écorce tout à fait au

sens où, pour la première fois, l'a postulé Flechsig quant

aux animaux supérieurs, - est bien, considérée dans l'en-

semble, « un appareil d'association » (p. 21). Cette proposi-'

tion doctrinale d'Edinger, dérivée de l'étude directe, com-

ANATOMIE CÉRÉBRALE ET PSYCHOLOGIE. ' '103

parée, de la constitution anatomique de l'écorce cérébrale

dans la série des vertébrés, a pour la psychologie une portée

considérable, car c'est de toute antiquité, et dès son origine

en quelque sorte, que l'écorce, chez les batraciens et les

reptiles, apparaît essentiellement comme « un appareil

d'association »,- et non pas seulement chez les vertébrés

supérieurs, tels que les mammifères.

Sans doute, les différents centres d'association constituant

cet appareil suivront le développement des centres de pro-

jection, développement en rapport avec l'accroissement en

surface des appareils périphériques des sens et de leurs sta-

tions intracéphaliques. Mais, entre un anthropoïde et un

homme, un hamster ou un chien, un oiseau, un reptile ou

un batracien, il ne s'agira toujours que de différences

« quantitatives », non qualitatives, relativement aux fonc-

tions d'association proprement dite, c'est-à-dire quant à

l'intelligence. Dès lors, la raison humaine elle-même, pour

indéfiniment supérieure qu'elle soit, du fait d'une division

physiologique du travail toujours plus avancée et dont la

plus haute a été le langage humain, ne sera jamais séparée

de celle du plus humble vertébré par un de ces abîmes

qu'avait rêvés notre ignorance et que notre orgueil avait

toujours creusés plus profonds. Les résultats provisoires des

belles études de Flechsig sur la myélinisation successive des

diverses régions de la corticalilé devront être modifiées en

ce sens pour l'histoire des centres d'association, ainsi que

l'avait déjà pressenti van Gehuchten, et c'est à un anato-

miste dont les recherches ont porté principalement sur le

télencéphale des poissons, des reptiles et des oiseaux, à

Edinger, que l'homme devra de connaître enfin les origines,

et partant la nature, de sa vie mentale, de ses instincts, de

ses passions, de son entendement.

Parmi les propriétés ou fonctions de l'écorce cérébrale,

c'est-à-dire de 1' « appareil psychique d'association », il en

est deux tout au moins qu'Edinger croit pouvoir lui attri-

buer de science certaine : 1° elle possède la propriété de

conserver les impressions transmises par les faisceaux ner-

veux de projection; 2° les voies d'association, en nombre si

considérable, qui parcourent l'écorce, rendent possible et

réalisent l'association entre elles de ces impressions, soit

sensitives, soit sensorielles. En outre, l'appareil cortical a

104 REVUE CRITIQUE.

le pouvoir, non pas seulement de transformer en mouve-

ments, au moyen des voies efférentes, les sensations reçues

ou perçues, mais d'arrêter ou d'inhiber ces mouvements. Que

l'écorce télencéphalique ou toute autre partie quelconque

du système nerveux, de soi et par soi, c'est-à-dire sans

impression ou sensation préalable, puisse produire un mou-

vement, c'est, contrairement à ce qu'avait pensé Alexandre

Bain, ce dont il n'existe aucune preuve. Tout ce qu'on sait

nous force d'admettre que « ce qui nous apparaît comme

volonté libre, n'est que le stade ultime d'une longue série

de processus qui a débuté, à quelque moment donné, par

l'effet de sensations perçues ».

Chez l'homme, notre connaissance des connexions de

l'écorce cérébrale avec les centres inférieurs et de celles des

différents territoires de l'écorce elle-même est aujourd'hui

assez étendue et précise pour qu'on ait tenté avec succès la

localisation anatomique d'activités ou fonctions psychiques

fort complexes, telles que le langage, la lecture, la vision.

.. "tion mentales. Chaque jour, au sentiment d'Edinger

;me, nous rapproche dû but qu'il a indiqué plus haut :

naissance du mécanisme des diverses parties du puis-

ippareil entier d'association représenté par l'écorce

encéphale. Déjà l'analyse psychologique et l'observa-

natomique, parties de voies différentes, se rencontrent

nissent en systèmes dont la connaissance n'a été si : mps retardée qu'en suite de l' « immense complexité des

mènes psychologiques et des structures analomiques ».

inger révèle pourquoi, en dépit des efforts séculaires

us grands hommes, la psychologie est une discipline

si peu avancée. Ceux-là même qui, parmi les psychologues.

ont voulu pénétrer dans la vie de l'âme humaine par l'étude

de la structure du cerveau, avaient visé trop haut; ils

devaient échouer. Pour les mêmes raisons, la psychologie

des animaux n'a point fait de progrès : ici encore on ne

s'est guère attaché qu'à l'étude de mammifères, partant des

êtres d'une organisation cérébrale beaucoup trop élevée. Il

fallait commencer par les vertébrés les plus inférieurs, qui,

comparés à l'homme et à d'autres mammifères, sont d'une

admirable simplicité. L'observation de la vie psychique de

ces animaux, à l'aide de méthode plus précises, ne pré-

sente plus qu'un problème, sinon simple, du moins « sim-

ANATOMIE CÉRÉBRALE ET PSYCHOLOGIE. 105

plifié ». La raison en est que, depuis une dizaine d'années,

les travaux d'Edinger et de ses émules ont si fort avancé

l'anatomie du cerveau des vertébrés inférieurs, qu'en beau-

coup de points, atteste ce maître, « le cerveau d'un lézard,

par exemple, lui est mieux connu que celui de l'homme. »

Et c'est de la connaissance de ces structures du cerveau des

poissons, des amphibiens, des reptiles, des oiseaux, que sor-

tira la science comparée de leurs fonctions psychologiques.

Cette tâche ne serait point aussi' difficile qu'elle l'a paru.

11 faudrait d'abord observer sans préjugés, en d'autres termes,

il faudrait se garder d'interpréter les réactions de ces orga-

nismes, de ces vertébrés inférieurs, comme des instincts.

des désirs, des sentiments plus ou moins semblables à ceux

de l'homme. Voilà du moins ce que postule Edinger. Ainsi,

la quête et la prise de la nourriture seraient, chez les

poissons et les amphibiens. des actions réductibles à des

processus réflexes : « La grenouille ne cherche pas le ver;

c'est le ver qui, par ses mouvements, s'il est perçu à distance

convenable, par la vue ou par l'ouïe, provoque la capture

de la proie zip. 23). C'est un fait d'observation vu

que la plupart de ces animaux ne s'emparent que de ;

mouvantes, que le mouvement de ces proies soit natu

aitificiel, et que, comme dans la pêche au moyen d'1

çons, tout soit disposé pour créer l'illusion. Edinger in

une seconde cause qui serait favorable à ce genre d'

valion. Tous les vertébrés inférieurs « mènent essen

ment une existence léthargique d'où ils ne sortent, pc

temps relativement court. que lorsque la faim ou l'in

sexuel, ou encore l'état de la température ou de l'a

phère réveille leur excitabilité assoupie. Les tritons

salamandres, dont le système nerveux, anatomiquement,

n'est pas supérieur à celui d'un embryon humain de deux

mois, ne sont en fait que des embryons à vie libre, qui

passent dans le sommeil plus des 11/12 de l'année. La plu-

part des serpents indigènes demeurent à peine éveillés

beaucoup plus d'heures, distribuées d'ailleurs sur un plus

long espace de temps. D'après ce qui m'apparaît, on a par-

tout exagéré, surfait, l'intensité et l'extensité de l'activité

des animaux inférieurs parce qu'on les a presque toujours

observés dans un état où le train de vie de l'animal était

troublé, et surtout parce qu'on n'a pris garde qu'à l'événe-

-106 REVUE CRITIQUE.

ment dont on constatait la manifestation actuelle, sans

tenir un compte suffisant de l'énorme durée qui s'écoule

dans l'inaction. » Cette commune façon d'observer les phé-

nomènes psychiques des animaux, Edinger la déclare con-

traire il toute méthode véritable d'investigation scientifique.

Elle n'a pas laissé pourtant de produire quelques résultats.

La question de la mémoire, on l'a vu, se ramène à des consi-

dérations qui peuvent être discutées sans qu'on fasse inter-

venir l'hypothèse d'une conscience : il suffirait de donner au

concept de mémoire un sens plus étendu, une acception qui

excède et dépasse les images conscientes. De même pour la

douleur. Les animaux inférieurs connaissent-ils la douleur ?

Edinger se le demande, après avoir rappelé les expériences

de Norman sur les réactions des vers à la division de leur

corps en segments. Les états que l'on appellerait doulou-

reux s'ils étaient perçus avec conscience, l'homme n'en

garde aucun souvenir s'il les a traversés dans la narcose

chloroformique. Quelle que soit l'opinion générale. Edinger

trouve assez faibles et chancelantes les raisons sur lesquelles

on s'est de tout temps appuyé pour affirmer que ces ani-

maux sentent la douleur. Nous voici donc revenus aux

beaux jours de Descartes, de Malebranche, de Messieurs de

Port-Royal-des-Champs. Toutes les analogies sont trom-

peuses : les mouvements de fuite ou de défense qui, chez

l'homme» et les animaux supérieurs, accompagnent les

lésions douloureuses ne justifieraient pas la conclusion

qu'on transporte aux vertébrés inférieurs encore privés

d'écorce cérébrale : « Nous savons cependant qu'il y a des

circonstances où, par l'effet des mêmes excitations, des

mouvements identiques à ceux que provoque la douleur

s'accomplissent lors même qu'il n'existe absolument aucune

sensation. Peut-être convient-il de citer ici les mouvements

de défense qu'exécutent les malades opérés durant la nar-

cose ; il est plus significatif encore de rappeler qu'un homme

dont la moitié inférieure du corps est anesthésique retire

spasmodiquement la jambe, quand on pique la plante des

pieds avec une épingle, aussi rapidement qu'au temps où il

sentait cette piqûre. »

En résumé, pour faire avancer l'intelligence des questions

que la psychologie humaine pose à l'anatomiste du cerveau,

la méthode la plus sûre est l'étude de la psychologie des

ANATOMIE CÉRÉBRALE ET PSYCHOLOGIE. 107

animaux dont les actes, aussi bien que l'encéphale, sont

relativement très simples. , '

Avant tout, il convient d'établir dans quelles limites les

actions d'un vertébré lui-même sont réductibles à des méca-

nismes anatomiquement connus, et cela sans évoquer l'hypo-

thèse d'une conscience, qui n'explique rien, et dont l'interpré-

tation scientifique des faits observés se peut passer. Ce n'est

que lorsqu'apparaîtront dans la série des modes d'activité qui

ne seront plus explicables sans conscience qu'il sera temps

de s'essayer à définir ce qui demeure encore entouré d'une

sorte de nuage mystique, la conscience. Certes, « la cons-

cience ne saurait apparaître tout d'un coup ». Edinger le

confesse. Seulement, l'erreur où l'on tombe en attribuant aux

manifestations psychiques des animaux des procédés de

conscience que l'homme peut seul connaître directement,

indique qu'on doit, à l'avenir, suivre la voie inverse. En d'au-

tres termes, il faut, en psychologie, non plus descendre de

l'homme à l'animal, mais remonter des animaux à l'homme.

L'anatomie du système nerveux central et la psychologie

ne sont que deux méthodes d'investigation appliquées aux

mêmesproblèmes; ces deux disciplines sont destinées à s'unir

un jour pour la solution de ces questions suprêmes. J'estime

même que cette évolution parallèle de la science des struc-

tures et des fonctions du névraxe a existé de tout temps, je

l'ai même démontré, et se trouve beaucoup plus avancée que

ne semble le supposer Edinger. Des psychologues d'école, je

ne parle pas. Ces psychologues vont répétant, de générations

en générations, que la connaissance des organes de la sensi-

bilité et de l'intelligence est encore et toujours trop arriérée,

trop incertaine et changeante, pour que la psychologie puisse

s'aventurer sur ce terrain et tenter d'y jeter les fondements

de ses futures constructions. Pour qui possède quelque prati-

que des psychologues d'école, ce sont là de vaines paroles.

Les anatomistes et les physiologistes devront faire la psy-

chologie, car les psychologues ne la feront jamais. Ils igno-

rent les faits, et ils n'ont ni le temps, ni le goût, ni les

moyens de les apprendre. Il importe peu, d'ailleurs par qui

la science se fasse, pourvu qu'elle soit. Les livres de Dejerine

et de François-Franck, de Flechsig, de Munk et de von Mona-

kow, renferment, comme ceux de Galien, de Descartes, de

Flourens, de Broca, de Charcot, la vraie science anatomique

108 REVUE CRITIQUE.

et physiologique de l'intelligence. L'histoire naturelle de

l'esprit humain est donc bien plus avancée qu'Edinger, je le

répète, ne se l'imagine. Il suffit, pour s'en persuader, de lire

l'histoire des doctrines et des théories sur la structure et les

fonctions du système nerveux des invertébrés et des verté-

brés, l'histoire comparée, dans la série des vertèbrés, des

organes des sens, des centres de projection et des appareils

d'association de l'encéphale. Or, depuis les amphibiens tout

au moins, pour ne rien dire ici des poissons, Edinger signale

l'existence de rudimen Ls d'appareils d'association dans l'écorce

télencéphalique, c'est-à-dire d'organes tributaires, quant à

leurs fonctions, de l'exislence de centres de projection. Que

l'élaboration des sensations soit accompagnée de ces états

internes que nous connaissons directement, états suscepti-

bles de tous les degrés de clarté ou d'obscurité consciente,

c'est-à-dire de connaissance, je ne saurais le mettre un seul

instant en doute. Le subconscient et l'inconscient apparents,

ou plutôt réels, du moins par rapport au siège actuel, cen-

tralisé, de la conscience générale d'un organisme, de sa

cénesthésie, si celle-ci existe encore, comme chez les vertébrés

supérieurs, impliquent de la conscience antérieure, sinon

primitive, de quelque nature qu'elle ait été. Les réflexes et

les actes les plus automatiques, inconscients pour le té)en-

céphale, ont été et peuvent redevenir conscients, même dans

les machines vivantes dont les rouages jou'ent séculairement

avec le plus de facilité et de sûreté, tels que les systèmes

nerveux des hyménoptères.

Voilà mon interprétation des faits les plus élémentaires du

mécanisme nerveux de ces poissons, de ces amphibiens, de

ces reptiles, dont l'étude constitue désormais le fondement

d'une psychologie vraiment scientifique. Grâce à une expé-

rimentation méthodique, la vérification de ce que j'avance et

pose en principe demeurera toujours possible. La conscience,

à tous ses degrés, en tant que simple phénomène d'accompa-

gnement des processus nerveux, ne saurait d'ailleurs modi-

fier en quoique ce soit le déterminisme absolument fatal de

l'enchaînement des phénomènes, et c'est une vue très juste,

très légitime, d'écarter résolument comme l'a fait Edinger

après Descartes, l'intervention d'un simple état de l'orga-

nisme, non d'une force ou d'un être, dans l'explication des

mécanismes de la vie. -

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

I. Malformation congénitale de l'oreille; par Hugh KEnn. (77ee

Journal of Mental Science, juillet 1899.)

Il s'agit d'une jeune femme de vingt-cinq ans, ayant une double

hérédité mentale très accentuée entrée à l'asile avec des idées de

persécution, et qui présentait une malformation curieuse de

l'oreille droite : les seules parties existantes de l'oreille externe

sont le lobule, le tragus et l'antitragus; le lobule est à peu près

normal, mais son bord supérieur se fond obliquement avec la

peau; à sa partie supérieure et antérieure, ou sent un peu de car-

tilage qui correspond à l'antitragus : le tragus est plus petit que

d'ordinaire. Le conduit auditif est représenté par un étroit canal

ou méat, en cul-de-sac, et qui laisse tout juste pénétrer à environ

3/8 de pouce un stylet ordinaire. L'oreille tout entière se meut

librement avec la peau. L'oreille gauche est normale et entend

très bien; mais la malade est absolument sourde de l'oreille droite.

· R. de Musgrave-Clay.

Il. Un cas de décomposition rapide avant et après la mort; par

E. 13. M'IIITCOM13E. (The Journal of Mental Science, octobre 1899).

Il s'agit d'un homme de trente-neuf ans, admis à l'asile en

février 1898, atteint d'une paralysie générale qui se termina rapi-

dement : le 14 octobre, le malade parait souffrant, sa respiration

est courte, on l'examine et on ne trouve rien de particulier, néam-

moins on le met au lit à trois heures : à sept heures, Fauteur va le

voir, la jambe gauche avait doublé de volume, sa surface était

noire et couverte de bulles de la grosseur du poing : la putréfac-

tion commençait. Le malade mourut une heure plus tard. Qua-

torze heures après la mort le corps tout entier avait doublé de

volume et on se serait cru en présence du cadavre d'un nègre. L'au-

topsie pratiquée par le professeur de médecine légale donna des

résultats nuls, à cause de l'état de putréfaction du cadavre.

Ce cas présente un intérêt particulier au point de vue médico-

légal ; en effet, un expert commis par la justice, n'aurait pas hésité

à faire remonter à trois ou quatre semaines un décès qui datait en

110 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

réalité de seize heures. Il est regrettable que l'examen bactéréo-

logique n'ait pas été fait. Il. de Musgrave CI,Ax.

III. La méthode d'Unna au bleu de méthylène polychrome; par

T. ALDUUS CL1 ! '\cu. (The Joul'nal of Mental Science, juillet 1899.)

Courte notesurles avantages de cette méthode accompagnée de

détails sur sa technique. Il. de Luscn.w-CLx.

IV. Écoulement spontané par le nez de liquide cérébro-spinal ;

par W. F1OEUDENIIiAL. (l'ho Neo-York Médical Journal, 31 mars

1900.)

Il s'agit d'un fait extrêmement rare : des cas de ce genre ont

été quelquefois confondus avec l'hydrorrhée natale dont il convient

de les séparer nettement. L'étude la plus complète qui ait été

publiée sur la question est celle de Saint-Clair Thomson, de Lon-

dres. -

M. Freudenthal rapporte d'abord l'observation d'un cas analogue

par l'écoulement à celui qui sert de base à ce travail : c'est celui

d'une femme de vingt-neuf ans qui depuis cinq ans a tous les ma-

tins des éternuments à la suite desquels son nez commence à couler

abondamment; quelquefois c'est un véritable filet d'eau qui s'en

échappe, et dont la quantité atteint quelquefois quatre onces.

L'examen de ce liquide montra qu'il s'agissait d'une véritable

hydrorrhée nasale, sans lésion du nez, et paraissant d'origine pure-

ment nerveuse. '

Le cas que l'auteur décrit dans le présent travail est tout diffé-

rent : La malade a cinquante ans; il y a deux ans,'après une bron-

chite.'son nez s'est mis à couler sans relâche : un an auparavant

elle s'était plainte de douleurs frontales au-dessus de la racine du

nez. La sensibilité qui était très émoussée parut se réveiller avec

l'apparition de l'écoulement; l'ouïe surtout devint meilleure, mais

elle perdit l'odorat. Après une bronchite fébrile, l'écoulement

diminua, et la sensibilité générale redevint obtuse : elle était agitée

nerveuse, et cependant indifférente à tout. Elle redevint elle-même

quand l'écoulement nasal recommença : elle mouillait plus de

20 mouchoirs par jour, et l'écoulement persistait jour et nuit,

augmentant quand elle penchait la tête en avant ; ou quand elle

se couchait il plat-ventre. Si elle se couchait sur le dos, l'écoule-

ment.s'arrêtait, mais elle toussait car le liquide passait dans sa

gorge. L'auteur a pu constater que, à un moment où l'écoulement

s'était interrompu, il existait des signes de compression du cer-

veau.

Quelle est la lésion qui peut donner lieu à cet écoulement nasal

qui duie depuis plus de deux ans, et dont la suppression passagère

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 111

donne régulièrement naissance à des symptômes cérébraux graves.

11 y a donc quelque chose qui comprime le cerveau, et l'on a toutes

les raisons possibles de supposer que c'est une tumeur : ces symp-

tômes se seraient aggravés, si la nature n'était venue au secours

de la malade eu ouvrant un passage au liquide cérébro-spinal : Il

est probable que la tumeur siège au niveau du chiasma des nerfs

optiques ; la névrite optique qui a été constatée plaide en faveur de

cette localisation. Cette hypothèse admise, il est évident que le

liquide qui s'écoule ne peut être que du liquide céphalo-rachidien

la continuité de l'écoulement vient à l'appui de cette manière de

voir (l'hydrorrhée nasale s'arrête la nuit). L'analyse chimique a

démontré (surtout par la proportion du sucre) qu'il s'agissait bien

de liquide cérébro-spinal.

Quant à la voie suivie par le liquide, il est vraisemblable sans

qu'on en ait la preuve formelle, que le passage s'effectue au travers

de la lame criblée de l'ellimoïde.

11 est assez curieux de remarquer que l'écoulement se fait

presque toujours par la narine gauche ; la malade dont il vient

d'être question ne faisait pas exception à cette règle.

Il. DE Musgraye-Clay.

V. Les sentiments; par Harry Campbell. (The Journal of Mental

Science, avril 1900.) 1

L'auteur divise son travail en deux parties l'une psychologique,

l'autre psycho-physiologique. Au début de la première il définit le

sujet et les termes employés de la manière suivante : il est com-

mode de considérer la partie mentale de l'homme, ou le moiT

comme composé de sentiment, de volonté et de pensée : la pensée

consiste à formuler les idées ; et tout processus mental ayant pour

fin l'acte, nous appelons volonté ce qui détermine cet acte. Le mot

sentiment (feelinu) dans la pensée de l'auteur comprend les sensa-

tions et les émolions. Dans ce chapitre psychologique, l'auteur

étudie plusieurs points intéressants : la différence considérable

qui existe entre les divers individus au point de vue de la nature

et de l'étendue de leurs sentiments ; la diversité de cette capacité à

l'égard des sentiments au point de vue sociologique ; l'influence

des sentiments sur les pensées et sur la conduite : Ce chapitre est

résumé dans les conclusions suivantes : 1° Les sentiments com-

prennent les sensations et les émotions ; 2° les sensations sont les

sentiments que l'on peut rapporter d'une façon précise au corps ;

3° les émotions qui sont en réalité composées de sensations, et

particulièrement de certaines sensations ressenties dans les parties

du corps ébranlées par les émotions, ne peuvent pas être nettement

rapportées au corps, et c'est pourquoi on les appelle quelquefois

« sensations de l'esprit » (feelings of tlie Olianl.); 4" les émotions

112 REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

composées de sensations (corporelles), lorsque celles-ci sont agréa-

bles, ellcs sont susceptibles d'éveiller des émotions agréables, et

inversement ; 5° les divers individus présentent des différences con-

sidérables dans leur capacité de sentir, qu'il s'agisse de simples

sensations ou de simples émotions ; 6° cette différence dans la capa-

cité de sentir a pour effet : a) de déterminer de la diversité dans

les dispositions que l'on observe chez les hommes, et 6) d'empê-

cher les hommes de se comprendre d'une manière satisfaisante,

et par là elle devient la cause de beaucoup de froissements et de

malentendus sociaux; î, ceux qui n'ont qu'un pouvoir limité de

sentir sont limités aussi dans leurs sympathies et ne possèdent que

peu la nature humaine ; et réciproquement ; 8° Il est important

pour le médecin de prendre contact avec la manière de sentir du

malade, sans quoi il ne réussira pas à bien saisir le cas qui lui est

soumis et pourra ignorer des indications précieuses pour le traite-

ment ; 9° de même que les sensations tendent à éveiller des sensa-

tions en harmonie avec elles-mêmes, ainsi les sentiments en géné-

ral (sensations et émotions réunies) tendent à provoquer des idées

conforme à leur propre nature : les sentiments agréables éveillent

des idées agréables, et inversement : d'où la grande influence des

sensations corporelles sur les pensées; 10° les sentiments influent

sur la' conduite : la vie consciente, vue de haut, est un effort per-

pétuel pour obtenir des sentiments agréables et pour en éviter de

pénibles ; 11° de toutes ces données il résulte évidemment que les

sentiments constituent une portion très considérable de la person-

nalité mentale, ou du Moi.

Dans le deuxième chapitre de ce travail, consacré à la psycho-

physiologie, l'auteur étudie successivement la genè.-e des sensa-

tions, les différentes sortes de coenesthésie, les stimulants chimi-

ques, la classification de ces stimulants suivant l'influence qu'ils

exercent sur la coenesthésie, les rôles respectifs du tissu nerveux et

des stimulants chimiques dans la détermination de la coenesthésie

et il propose les conclusions suivantes : 1° l'instrument nerveux

sensoriel, en d'autres termes la partie du système nerveux qui

concerne la sensation, peut être comparée à un orgue : l'écorce

sensorielle est représentée par les tuyaux, et les organes sensoriels

terminaux par le clavier : quand on joue sur le clavier de l'orgue,

il en résulte de la musique; quand on joue sur le clavier sensoriel

il en résulte des sensations ; 2" si l'on frappe sur certaines notes du

clavier sensoriel (rétine, épanouissement du nerf auditif) on éveille

des sensations intellectuelles (sensation de la vue, de l'ouïe) ; si l'on

frappe sur les autres notes, on éveille des sensations qui, relative-

ment, ne sont ni spécialisées ni intellectuelles, et qui, collective-

ment, constituent une corde sensorielle volumineuse que nous

appelons la coenesthésie, ou sens de l'existence corporelle; 3° il y

a bien des variétés de coenesthésie ; mais on peut sommairement

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 113

les diviser en deux catégories : a) sensation de bien-être ; b) sen-

sation de malaise; 4° dans le chapitre psychologique on a montré

comment les sensations influencent ces émotions, et comment les

sensations et les émotions associees influencent la pensée et la

conduite. Aussi, lorsque la coenesthésie est agréable, c'est-à-dire

lorsqu'il existe une sensation de bien-être, on voit apparaître une

émotivité agréable et des pensées heureuses; mais si la coenesthésie

est douloureuse, c'est-à-dire s'il y a malaise, les émotions devien-

nent pénibles et les pensées tristes ; 5u les agents qui en jouant

sur le clavier sensoriel, déterminent la coenesthésie consistent la

plupart du temps en stimulants chimiques circulant dans les

liquides de l'organisme ; 6° les agents de stimulation peuvent être

divisés sommai.ement en agents stimulants et toniques d'une

part, et en agents déprimants d'autre part : si les premiers prédo-

minent, la coenesthésie est agréable ; si les derniers sont en excès,

elle est pénible; 7° de tout ce qui vient d'être exposé, il résulte que

la coenesthésie ne dépend pas uniquement de la constitution de

l'instrument sensoriel, mais aussi de la manière dout on joue de

cet instrument, c'est-à-dire de la quantité et de la nature des sti-

mulants chimiques existant dans les liquides organiques; et

puisque ce facteur est déterminé par le métabolisme du corps vis-

a-vis du monde extérieur, il en résulte que la coenesthésie dépend

dans une large mesure de ce métabolisme; 8u et entin puisque la

coenesthésie exerce une influence sur les émotions, la conduite et

la pensée, il en résulte que le moi, qui est la trinité du sentiment,

de la volonté et de la pensée, est, dans une large mesure, déter-

miné par le métabolisme du corps vis-à-vis du monde extérieur.

- H. DE MUSGRAVE CLAY.

VI. La psychologie nouvelle ; par Henry NI UD3LI,'Y.

(The Journal of Mental Science, juillet 1900.)

Ce travail est un discours prononcé à la réunion de l'Association

médico-psychologique.

L'auteur s'y est proposé de considérer deux genres nouveaux de

recherches : 1° l'étude systématique de l'esprit de l'enfant; 2° les

études dites psycho-physiques.

1° Psychologie des enfants. On a consacré à cette étude beau-

coup d'attention et beaucoup de soin, dans l'espoir de fonder sur

les données ainsi obtenues une psychologie positive. On a essayé

d'interpréter les opérations mentales des nouveau-nés et des jeunes

enfants; malheureusement toute interprétation suppose un inter-

prète possédant également la langue qu'il traduit et celle dans

laquelle il traduit : l'homme fait qui essaye de connaitie la men-

talité de l'enfant est-il bien capable, avec sa pensée et ses senti-

ments mûris et conscients, de concevoir ce qui se forme à peine

Archives, 2' série, t. XII. 8

114 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

et ce qui est à peine conscient dans un esprit sans maturité ? Il

est exposé à lire dans l'esprit de l'enfant ce qui est dans le sien. A

vrai dire le seul moyen de savoir ce qui se passe dans l'esprit d'un

enfant, ce serait de pénétrer dans le cerveau de l'enfant, sans être

l'enfant, ce qui est impossible même à un métaphysicien.

11 est naturel de croire que l'expression d'une pensée ou d'un

sentiment v chez l'enfant la même signification que l'expression

d'une pensée ou d'un sentiment similaire chez l'adulte : il n'en

est rien pourtant, et il s'en faut de toute la différence qui sépare

un esprit qui se forme d'un esprit formé. Dans l'esprit en voie

de formation, le mot comme l'idée ou le sentiment qui lui sont

sous-jacents, est simple, unique, sans associations, nu, pour ainsi

dire, tandis que dans l'esprit mûri, il est compliqué, il repose sur des

couches superposées d'expériences, il a des connexions intimes et

enchevêtrées : l'homme qui prononce ce mot ou qui l'entend pro-

noncer par l'enfant, sent s'éveiller en lni, clairement ou obscurément

toute une foule d'associations conscientes ou inconscientes. l'eut-il

faire les corrections nécessaires ? Non, il lui faudrait mutiler son

esprit, et, même cela, il le faudrait faire dans une mesure qu'il ignore

11 est aussi incapable de penser comme l'enfant que de marcher ou

de parler comme lui. La vérité c'est que si l'esprit de l'enfant parait

simple et innocent, s'il va droit au but, c'est que l'enfant n'a pas à

proprement parler de mentalité ; sa réaction vis-à-vis d'une

impression est directe, unique, sans obstacles, parce qu'elle n'est

ni entravée par des associations modificatrices, ni viciée par des

erreurs et des préjugés conventionnels. Mais ce que l'enfant peut

posséder de mentalité est plutôt laid et vicieux; voyez sa colère,

son égoïsme, son despotisme ; si sa force correspondait à ses

volontés le bébé serait la plus dangereuse des bêtes féroces. Tout

cela diffère singulièrement des qualités de l'enfant idéal, mais tout

cela constitue les véritables attributs du bébé réel, et il est naturel

qu'il en soit ainsi, puisqu'il est le produit de l'être le plus puissant

le plus tyrannique et le plus égoïste du monde.

On voit que la méthode qui consiste à étudier la psychologie de

l'enfant nouveau-né ou très jeune est vicieuse dans son essence, et

ne doit par conséquent donner que des résultats en grande partie

stériles. La méthode qui consiste à étudier la psychologie des

animaux est naturellement passible des mêmes objections encore

renforcées. M. Maudsley conclut que le meilleur moyen se rendre

compte de l'origine, de l'accroissement, du fonctionnement pri-

mitif de l'esprit de l'enfant, ne consiste pas à employer la méthode

d'intuition psychologique ; mais bien, d'abord, à se servir de la mé-

thode biologique qui remonte progressivement à l'origine de l'es-

prit pour en suivre le développement jusqu'aux complications pro-

gressives les plus élevées de structure et d'activité le long de

l'échelle animale ascendante ; et ensuite à observer directement

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 115

les formations et les associations successives des mouvements de

l'enfant dans leurs rapports bien définis avec les objets, ainsi que

ses sensations.

2° Psychophysique. Passant à la seconde partie de son- sujet,

l'auteur s'occupe de la méthode des recherches psychophysiques

et se demande ce qu'elle obtient, ce qu'elle espère obtenir, et ce

qu'elle ne peut pas espérer obtenir : en d'autres termes il se de-

mande s'il y a une limite à ses ambitions, car on a parfois soutenu

qu'il n'y en avait pas. Au-dessous de tous les actes mentaux, il y

a des courants ou des ondulations très subtiles d'énergie nerveuse

de nature encore inconnue, mais qui, comme tous les mouvements

physiques sont influencés par les états physiques. On a toujours

dit de la sensation qu'elle etait vive ou obtuse; de la pensée, qu'elle

était rapide ou lente; et si l'on songe au sens dérivé des termes

même employés en psychologie (émotion, reflexion, délibération)

on s'aperçoit que leur origine et leur sens primitif sont absolu-

ment physiques. On sait parfaitement aussi que les facultés men-

tales diffèrent chez des'sujets différents, ou chez un même sujet à

des moments différents.

Des causes extérieures à l'organisme, aussi bien que des causes

intérieures influencent la rapidité de la pensée ou la qualité des

sensations : un orage peut éclaircir ou une tourmente de neige

obscurcir l'atmosphère mentale aussi bien que l'atmosphère phy-

sique. Sans doute ce sont là des faits bien connus et d'expérience

commune et familière : mais les psychologues les passaient sous

silence comme attentatoires à la majesté de l'intelligence humaine

Mais actuellement les choses changent rapidement de face. Les

expériences précises par lesquelles on a déterminé et mesuré les

conditions physiques de la sensation et de la pensée, ont fait des-

cendre la psychologie des sphères élevées de la spéculation dans

le domaine positif de l'observation et de l'expérimentation; mais

il ne faudrait pas non plus trop se hâter, ni ouvrir trop de labo-

ratoires dits de psychologie; ou pourrait se souvenir que la phy-

siologie des sens, dans le grand ouvrage de Mûller, est en grande

partie psychologique, et la plupart des expériences actuelles dites

de psychologie sont en grande partie physiologiques : c'est que,

en effet, la physiologie et la psychologie ne sont pas réellement

séparées dans la nature, mais seulement pour la commodité de la

pensée humaine.

On peut reconnaître les avantages de la méthode expérimentale

en psychologie sans conclure immédiatement que tout ce qui a été

lait jusqu'ici est mauvais, et aussi sans se dissimuler les difficultés

qu'elle va rencontrer. Supposons par exemple que l'on détermine

exactement chez deux personnes différentes la durée d'un même

processus mental par la notation rigoureuse de son commence-

ment et de sa fin : on n'aura tranché que la question de vitesse,

' 16 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

sans être renseigné sur les modalités spéciales du trajet : deux

trains peuvent partir au même instant pour un même point, et y

arriver au même moment en ayant suivi des routes différentes.

Plus importante et moins facile encore à calculer, est l'équation

personnelle. -

Les variations individuelles sont si étendues dans les expériences

les plus simples (tous les médecins constatent ce fait, en théra-

peutique courante, par l'inégale action des médicaments et des

doses) que l'on n'entrevoit guère comment la multiplication des

mensurations mécaniques élargira beaucoup le cercle de nos con-

naissances. On objecte qu'on évite les causes d'erreur en expéri-

mentant un grand nombre de fois sur la même personne et en pre-

nant des moyennes; cela serait bien si la « même personne » res-

tait effectivement la « môme personne » d'un jour à l'autre ; mais

on sait bien qu'il n'en est pas ainsi. En fin de compte, c'est au

substratum physique, et non à l'état mental lui-même que s'atta-

quent les mensurations les plus ingénieuses et les plus délicates

L'auteur conclut que l'homme est un ensemble trop vaste, trop

complexe et trop mystérieux pour qu'une méthode unique de

rechercherqu'elle soit chimique, physique, pathologique, micros-

copique ou psycho-physique parvienne à le débrouiller, et

qu'il reste encore place et besogne pour les vieilles méthodes

d'investigation ; il est seulement regrettable qu'elles ne soient pas

employées d'une manière plus suivie et plus systématique. Il ne

manque pas de travail pour toutes les méthodes d'étude de l'esprit

qui reposent sur des bases rationnelles : « ayez pour but défini,

dit, en terminant, M. llaudsley, l'étude d'une organisation mentale

concrète, et travaillez à cette étude, d'une manière précise et pro-

gressive, par l'observation des faits ; et parmi ces faits n'en

excluez aucun, sachant que finalement, leurs résultats doivent né-

cessairement s'harmoniser. » R. deMu=graye Clan.

Un cas de méningo-myélite tuberculeuse avec autopsie ;

par J. CRocQ. (Journal de Neurologie, 1901, n° 4.)

Il s'agit d'un enfant de dix ans qui présentait une paralysie

complète des membres inférieurs avec abolition des réflexes tendi-

neux, incontinence d'urine et des matières etc. A l'autopsie ontrouva

la cervelle entourée d'une gaine gélatinitoi,me constituée par

une multitude de petits tubercules miliaires qui remontait jusqu'à

la base du cerveau.

L'examen histologique de la moelle à démontré l'existence de

lésions inflammatoires de la substance blanche et de la substance

grise plus marquées au niveau de la région lombaire et allant en

décroissant de la périphérie au centre.

Les méninges contenaient également un nombre considérable de

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. I l î

vaisseaux gorgés de globules rouges, entourés d'une hyperdiapé-

dèse excessive. Les globules blancs serrés les uns contre les autres

au voisinage des vaisseaux infiltraient en masses considérables

tous les espaces libres ; au sein de ces masses on rencontrait de

nombreux tubercules à des stades différents de leur évolution. Les

ganglions spinaux étaient également le siège de lésions inflam-

matoires et on y constatait en outre un certain degré de proliféra- ,

tion des cellules fines des capsules endothéliales. G. OE1';Y.

VIII. Dissociation et antagonisme de réflexes tendineux et cutanés;

par J. Cnocc. (jours. de Neurologie, 1901, 110 3.)

De l'examen d'un certain nombre de malades présentant la dis-

sociation des réflexes tendineux et cutanés l'auteur a été amené

il conclure que dans la paralysie spasmodique s'il y a toujours une

exagération des réflexes tendineux il n'est pas exact, comme le

prétend von Gehuchten qu'il y ait toujours une abolition complète

des réflexes cutanés ceux-ci sont tantôt affaiblis, tantôt forts. Les

modifications des réflexes cutanés n'auraient donc pas une valeur

pathognomonique aussi précise que le soutient von Gehmhten et

la seule constatation de ces modifications ne saurait suffire pour

affirmer l'existence d'une lésion médullaire. Les réflexes cutanés

sont en effet trop variables chez les différents individus et aussi

chez le même individu suivant le moment où on l'examine, pour

qu'on puisse toujours reconnaître avec certitude quand ces réflexes

cessent d'être normaux. Quant au réflexe inguinal décrit chez la

femme par von Gehuchten il ne serait pas l'homologue du réflexe

crémastérien chez l'homme, et pourrait s'observer dans les deux

sexes. Afin d'éviter cette confusion, M. Crocq le désigne sous le

nom de réflexe inguino-abdominlli.. G. OE1';Y,

IX. A propos de certaines modifications nucléaires du muscle ;

par les DIS DE l3ucr ET DLUOOn. (Journal de .Yeurologie, 1901, iio 3.)

En examinant des coupes de muscles de la patte d'un lapin,

ayant reçu du virus rabique dans le bout périphérique du nerf

sédatique, les auteurs constatèrent la présence d'un grand nombre

de conglomérats nucléaires, aussi bien à 1 intérieur des fibres

atrophiés, mais ayant conservé leur striation, qu'au milieu du

périmysium interne. Les fibres musculaires ont donc réagi à la

section du sciatique et peut-être en partie à l'irritation déterminée

parle virus rabique, par la multiplication directe de leurs noyaux.

Mais d'après ]3ucl et Demoor, ce phénomène a été arrêté par

la présence de la toxine rabique d'où le processus anormal de la

division directe incomplète, c'est-à-dire la formation de noyaux

géants, processus analogue à celui de la formation de certaines

118 REVUE d'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

cellules géantes, des myocaryocytes rencontrés dans des états

pathologiques d'autres tissus. Le début du processus est intra-

musculaire, mais quand les masses deviennent trop grandes, la

fibre atrophiée ne parvient plus à les loger et elles font hernie dans

le périmysium. G. DENY.

X. Tactiomètre. Instrument propre à déterminer la sensibilité

du toucher ; par 0. 0. jlO1'SCIiOU1KO\YSKY. (Obozrénié psicltictlrü,

Il, 1898.) 0

Petite râpe à compartiments numérotés, dans lesquels les grains

sont de volumes inégaux et diversement éloignés les uns des

autres. P. KERAYAL.

XI. Des centres myosiques et accommodateurs de l'écorce céré-

brale ; par W. de 13l< : ellTEtliè\\". (Neurolog. Ceutrul6lutt, XIX,

1 ! jojo,)'

Confirmant son mémoire russe de l'Obozrénié psichiatrii de 1899,

le professeur rappelle que. dans la partie postérieure de l'écorce

du cerveau des singes, il a trouvé : immédiatement en avant du

sillon inférieur ou externe de la scissure perpendiculaire externe

(pariéto-occipitale externe), un centre, dont l'excitation détermine

le rétrécissement des deux pupilles, avec déviation simultanée des

yeux en bas et en dedans, l'oeil du même côté se portant un peu

plus en dedans que l'oeil du côté opposé. Dans la région pariétale,

immédiatement en avant de l'extrémité supérieure ou interne de

la scissure de Sylvius, après sa réunion avec le sillon temporal

supérieur, c'est-à-dire sur le pli courbe, existe un second centre

de rétrécissement des pupilles, avec déviation des yeux en haut et

un peu du côté opposé.

Ce sont deux centres myosiques, à innervation bilatérale, l'exci-

tation agissant à la fois sur les deux pupilles, quoique à un moin-

dre degré. Chacun d'eux a, il côté de lui, un centre dilatateur des

pupilles : l'un d'eux occupe le voisinage immédiat de l'extrémité

externe de la scissure pariéto-occipitale, il dévie en même temps

les yeux dans un sens opposé : l'autre, sur le pli courbe, dilate les

pupilles, et fait diverger les axes oculaires, comme pour la vision

de loin. Tous ces centres possèdent manifestement des relations

directes avec les fonctions optiques des hémisphères et doivent

être pris en considération pour juger des réflexes psychiques de

ilaab et Pilz.

Le centre dilatateur des pupilles qui occupe le bord antérieur

du lobe occipital, doit simultanément tendre l'accommodation des

yeux ; du moins dans son voisinage immédiat doit-il se trouver

un centre destiné à l'accommodation. l31clitzl;i vient de le trouver

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. '119

chez le chien. Il introduit par les parties externes des deux cornées

des aiguilles dans les capsules cristallnieunes : toute modification

du cristallin se manifeste alors par un déplacement de la hampe

de l'aiguille qui indique les conditions de la tension de l'accommo-

dation des globes occulaires. Si l'on faradise le cerveau, on cons-

tate que les centres de l'accommodation du chien sont situés dans

les régions postérieures de l'écorce des hémisphères cérébraux.

P. KRAV,\L.

XII. Contribution à l'étude de la pensée qui prend la forme de voix ;

par A. Ylswa'rscmvvhi. (06oréraié psichiatrii, III, 1898.)

Si le délirant chronique est le jouet de l'hallucination psycho-

motrice, il est des gens qui ont à l'égard de ce phénomène la

même attitude qu'on a à l'égard d'illusions auxquelles on ne croit

pa, mais cela est rare. Ce genre de voix se rencontre dans la folie

systématisée, dans la folie périodique, chez les hystériques, les

paralytiques, les déséquilibrés. En tous cas, toujours chez des

dégénérés. Toutes nos observations concernent des psychoses

dégénératives, ou des-lésions anatomiques grossières du cerveau

susceptibles de s'y ajouter.

Ce phénomène pathologique ne s'accompagne pas toujours du

même ton sentimental. Il n'atfecte généralement pas le paraly-

tique général moralement, le délirant systématique en est positi-

vement empoisonné, l'hystérique peut y pui-er un ton sentimental

positif, comme dans une des observations du présent mémoire :

cette femme conversait soi-disant, à tout propos, avec son ancien

médecin dans sa pensée; musicienne, elle percevait du reste réel-

lement toute mélodie en dedans d'elle-même. Quelquefois, pour

entendre sa pensée, le malade dit prêter attention : en d'autres

cas, la résonnance est si précise qu'elle absorbe toute l'attention

du sujet. Tantôt les aliénés s'en plaignent, tantôt ils la déclarent

simplement, tantôt enfin ce sont leurs allures et leurs discours

qui la trahissent : ainsi en est-il peut-être pour les déments, qui

dialoguent souvent avec des interlocuteurs imaginaires.

P. KERAVAL,

Phi. L'écriture de Léonard de Vinci; contribution à l'étude de

l'écriture en miroir; par Gilbert Ballet. (Nouv. Iconogr. de la

Salpêtrière, n° 6, 1900.)

Tous les monuments du grand artiste et du grand savant que

fut Léonard de Vinci sont écrits de droite il gauche, selon l'écri-

ture dite en miroir. Ce mode d'écriture était donc habituel à Léo-

nard. L'auteur veut démontrer dans ce travail que ce mode d'écri-

ture était non seulement habituel mais normal, et point du tout

120 REVUE M'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

en rapport avec une mode raffinée du temps ni avec le souci de

rendre des écrits inintelligibles pour les profanes. Il ressort bien

en clret d'uue observation' personnelle très intéressante, que l'écri-

ture en miroir est l'écriture normale des gauchers dont l'éducation

n'a pas faussé la tendance naturelle. Or des témoignages de

valeur permettent d'affirmer que Léonard de Vinci était gaucher,

et ce que nous savons de son enfance et de son caractère autorise

à admettre qu'il écrivit à l'envers, simplement parce qu'il était

gaucher et qu'il avait appris à écrire sans maître et sans contrainte.

H. C

XIV. De l'écriture en miroir et de sa signification physiologique :

recherches expérimentales ; par 1 \. IL Sc)tN[TZER.(06o : ? (;'t : «'pi;t-

chiulrü, V. 1900.) 1

1° Chez l'enfant, l'écriture en 'miroir est un phénomène si fré-

suent. si naturellement vicariant, qu'il est impossible de le consi-

dérer comme un symptôme pathologique. Cette écriture n'est donc

pas uniquement propre à ceux qui présentent un trouble marqué

des facultés intellectuelles; 2° elle est en revanche assez rare chez

l'adulte, mais nous n'avons aucun élément, basé sur des faits, qui

nous permette delà rattacher à des particularités physiologiques

quelconques de notre système nerveux ; 3° l'anatomie ne nous

fournit à son égard aucun point de repère, d'ordre pathologique

ou physiologique. Elle dépend de causes tenant à l'individualité

des écrivains. Tout dépend des moyens à l'aide desquels; ceux-ci

facilitent l'écriture inaccoutumée de leur main gauche.

Supposons qu'on soit obligé de faire avec la main gauche un

travail qui s'exécute d'habitude avec la main droite, et qui exige

des mouvements dans une seule direction, comme de tourner la

manivelle d'un orgue. Nous appelons, par la pensée, à notre aide

les leçons de notre main droite : les images des mouvements cor-

respondants nous servent de guides pour mettre en mouvement la

main gauche. C'est alors qu'apparaît l'aptitude individuelle à uti-

liser correctement ou nonces images. Celui-ci se représente les

mouvements de la main droite dans leurs rapports avec le

tronc et il les exécute servilement de la gauche : il n'atteint donc

pas son but, puisqu'ainsi il ne leur donne pas la direction néces-

saie. Celui-là emprunte ces mouvements à sa main droite, non

dans leurs rapports avec le tronc, mais dans leurs rapports avec

l'espace, il se rappelle, non pas tant les mouvements de la main

que le résultat de ces mouvements, c'e.1-à-(Iire le sens dans lequel,

par la pensée, se déplace tel ou tel appareil de la mécanique à

faire mouvoir : le travail s'exécute parfaitement. Il en est de

même pour qui essaie d'écrire avec la main gauche, mais la ques-

tion d'habitude graphique intervient à son tour.

REVUE D'ANATOMIE El' DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 121 1

A. Les gens exercés depuis longtemps au mécanisme de l'écri-

ture, n'ont pas besoin du guide immédiat de- la main droite, car

tous ses mouvements, nécessaires à l'écriture, de même que les

images optiques de toutes les configurations des lettres, sont soli-

dement imprimés dans leur souvenir et sont toujours à leur dis-

position, pour servir en temps et lieu de guides à leur main gauche.

Chez eux, l'écriture en miroir est absolument impossible, car le

sujet, mis dans la nécessité d'écrire desa main gauche, transporte

et projette sur le papier, par la pensée, les figures de l'écriture,

aussitôt qu'il s'en souvient, il contrôle donc rigoureusement les

mouvements de sa main gauche, chaque trait, chaque lettre. C'est

pourquoi les adultes et les gens sachant bien lire et écrire n'écri-

vent en miroir que dans des cas rares, exceplionnels. Ceux d'entre

eux qui écrivent en miroir sont doués d'une attention faible et

d'une mémoire visuelle affaiblie.

B. Les gens peu exercés ri l'écriture, enfants, ou adultes peu

lettrés, ont une aptitude particulière à exécuter de la main gauche

les travaux analogues à l'écriture. Par la pensée, ils mettent en

position agissante leur main droite, et lui font effectuer les lettres

nécessaires : alors seulement ils commencent à écrire de la main

gauche. Et, selon les combinaisons mentales qu'ils adoptent, les

uns écrivent correctement, les autres écrivent en miroir. Tels ne

voient mentalement que les diverses positions de la main droite

par rapport au tronc, et, les imitant de la main gauche, ils abou-

tissent à l'écriture en miroir. D'autres se guident sur les mouve-

ments de la main droite par rapport, non au tronc, mais au plan

sur lequel ils écrivent, ils reproduisent non pas tant les mouve-

ments de la main que les résultats de ces mouvements par la pen-

sée, les motifs intellectuels.de ces mouvements : leur écriture est

normale. Ce raisonnement exige de l'écrivain une beaucoup plus

grande attention, une bien plus grande énergie intellectuelle que

la première combinaison, c'est pourquoi l'écriture en miroir s'ob-

serve principalement chez l'enfant, et'chez l'enfant jeune, plus

souvent chez la fillette que chez le petit garçon '. P. KERAVAL.

XV. Des lésions delà corne d'Ammon dans l'épilepsie; parl\IIl1C P. 1.

BOI\OZDIIOE-RobENSTEIN, et S. la Lrouumow. (0&0'e)t ! epStC/t : a<t't !

V, 1900.)

Dix observations, avec autopsies et examen microscopique, de

malades d'hospice d'enfants trouvés : commémoratifs nuls ou

1 Voir dans les Comptes rendus de la section de Xeurologie du Congr.

intel ? de médecine de 1900. deux intéiessantes communications de

MM. Gilbert, Ballet et Sollier, p. GO et 0.

'122 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

vagues. Dans l'observation IV. le père semble avoir été aussi épi-

leptique ; dans l'observation VII. les excès alcooliques sont niés.

Dans toutes les observations, sauf la septième, les attaques avaient

commencé dès l'enfance : dans celle-ci, elles avaient débuté a

trente ans, sans cause appréciable. Les observations IX et X mon-

trent des lésions de la corne d'Ammon, dans la paralysie progrès

sive des aliénés et la démence secondaire, sans attaques d'épilep-

sie. Dans la dernière, la corne faisait une grosse saillie dans le

ventricule. Dans toutes les observations il y avait altérations

microscopiques des cornes d'Ammon, qui, généralement avaient '

marché de pair avec des altérations d'autres parties de l'écorce du

cerveau. Toutes elles dépendent de causes générales particulières

à l'épilepsie. Les lésions des coines d'Ammon ne sont pas pnmi-

tives, elles ne sont pas génératrices de l'épilepsie, quoi qu'eu ait

dit M. Chaslin, en 1890 : ce sont .bien ses lésions qui ont été

retrouvées ici. P. Keuaval.

XVI. Le phénomène de la chromatolyse après la résection du nerf

pneumogastrique; par Ch. LADAUE. (Nouv. Iconogr. de la Salpé-

trière, nos i, 5, G, 1900.)

L'auteur passe en revue détaillée tout ce qui intéresse la mor-

phologie de la cellule nerveuse : 1° méthodes de recherches.

méthode de Nissl, modifications de von Gehuchten, procédé de

l'auteur ; 2° anatomie fine de la cellule nereu>e, phénomènes de

la chromatolyse en général. Après cet exposé, il nous donne l'en-

chaînement des recherches très minutieuses auxquelles il s'est

livré sur le chien, le lapin et le chat et qui lui ont permis de suivre

les différentes phases du phénomène de la chromatolyse ; ces

recherches l'ont conduit aux conclusions suivantes :

1° La chromatolyse des ganglions plexdbrmes et des noyaux

bulbaires du vague est un phénomène constant après la résection

du nerf pneumogastrique ou vago-sympathique (chien) au cou;

2° La chromatolyse est caractérisée par la désagrégation et la

fonte des blocs chromatiques et par la fonte du noyau ;

3° La turgescence n'est nullement un phénomène régulier de

la chromatolyse ;

4° Chez le chien au 122e jour et chez le chat au 147° jour après

la résection du vague, le noyau dorsal pathologique de la 10" paire

ne présente pas de diminution dans le nombre de ses éléments;

5° Le chien au 22e et au 122° jour présente la chromatolyse dans

le ganglion dont le nerf n'a pas été lésé aussi bien que dans celui

dont le pneumogastrique a été réséqué ;

G° La vacuolisation est une des formes du processus de dégéné-

ration cellulaire. IL C.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 12a

XVII. Recherches cytométriques et caryométriques sur les cellules

radiculaires motrices après la section de leur cylindre-axe :

par Marinesco. (Jourlz. de neurologie, 1901, nos 5 et G.)

Les recherches exposées dans ce travail montrent que les phé-

nomènes de réaction et de réparation des cellules nerveuses après

la section de leur cylindre-axe présentent une très grande variété

suivant le niveau de cette section, suivant que les neurones ont un

long ou court trajet et suivant l'étendue du nerf réséqué. '

La condition de la réparation complète est la régénérescence du Lui

nerf sectionné. Un neurone ne peut vivre qu'à la condition d'avoir

l'intégrité de ses prolongements et lorsqu'une cellule perd son

cylindreaxe d'une manière définitive, comme il arrive dans les

cas de résection avec une grande perte de substance, elle finit par

disparaître.

Les recherches de M. Marinesco mettent en outre en valeurla par-

ticipation du noyau et du nucléole de la cellule nerveuse aux pro-

cessus de réaction et de réparation, après les solutions de conti-

nuité du cylindre-axe.

Elles montrent enfin, qu'il y a une association réactionnelle des

parties constituantes de la cellule, car lorsque le corps cellulaire

s'hypertrophie, le noyau et le nucléole subissent les mêmes phéno-

mènes et vice-vcrsc2. G. Deny.

Hill. De l'état des réflexes chez les syphilitiques ; par le D r 11)1. N ET-

Sanglé. (./0 : ;ni. de neurologie, 1901, nul 9.)

Une enquête faite sur l'état des réflexes de 13 syphilitiques

appartenant à un régiment du génie a donné les résultats suivants :

abolition du réflexe pharyngien (2 fois), du réflexe olécranien

(3 fois), du réflexe abdominal (1 fois), du réflexe patellaire z fois).

Dans un certain nombre d'autres cas, les réflexes étaient seule-

ment diminués. En somme, il semble résulter de ces recherches

que les réflexes sont toujours modifiés chez les syphilitiques, ce qui

permet de supposer que le poison syphilitique agit d'une façon

précoce sur les neurones et particulièrement sur les prolongements

cylindreaxiles du protoneurone centripète où commencent et où

prédominent les lésions nerveuses du tabes. Mais avant d'adopter

cette conclusion, il serait nécessaire d'étudier les réflexes chez les

sujets non syphilitiques du même âge et de la même constitution

que les précédents. G. Deny.

XIX. Contribution à la casuistique des tumeurs du système

nerveux central; par Micuelzzi. (Il IIÉtî,g(tg711, 1900, mais.)

Résumé de trente cas de tumeurs cérébrales avec autopsie.

124 REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

L'auteur les fait suivre de quelques considérations sur la <ympto-

matologie de quelques cas, les relations entre les symptômes et

la localisation de la tumeur, enfin sur la possibilité d'une inter-

vention. ' L. D.

XX. Des réflexes vaso-moteurs, dans l'érythromélalgie ; par C,I 1',12-

zw et 13RACCI. (Il 1l1ol' ! Jug1Ji, 1900, janvier.)

Les auteurs ont eu l'occasion d'examiner à la clinique de Pise *

un cas d'crythromélalgie typique qui leur a permis de prendre

des tracés plétismographiques.

Dans les antécédents ils ont relevé une infection malarienne

ancienne avec hyperthrophie de la rate. L'action du sulfate de

quinine ayant amené la guérison de l'érythromélalgie en même

temps que la disparition de la tumeur splénique, les auteurs

croient, au moins dans ce cas particulier, à l'influence étiologique

du paludisme pas de syphilis ; comme cause déterminante,

à l'action du froid humide.

Les phénomènes douloureux et les troubles trophiques pré-

cèdent de longtemps les troubles vaso-moteurs. La position

déclive des membres provoquant les accès, démontre la faible

tonicité des vaisseaux sanguins qui se révèle dans les tracés plé-

tismographiques par la présence des ondes respiratoires. Ces

tracés indiqueraient, en outre, une hyperesthésie des vaisseaux ou

des tissus limitrophes dont l'irritation provoquerait les accès à la

façon de phénomènes réflexes. Toutefois, il faut admettre, en

outre, une hyperexcitabilité des centres algiques et vaso-moteurs

dont l'origine, selon les auteurs, serait l'action toxique lente et

prolongée de produits anormaux de la nutrition, troublée par

l'infection paludique chronique. On sait du reste combien cette

infection est apte à produire des troubles névralgiques et vaso-

moteurs de diverse nature.

Quant au mécanisme de ces troubles vasculaires, les auteurs

ne pensent pouvoir invoquer une paralysie des centres ou des

nerfs vaso-constricteurs qui réagissent très énergiquement à toute

excitation. Il y a une diminution du tonus vasculaire qui peut per-

sister après la guérison et n'a pas, par conséquent, une grande

influence dans la production des accès.

L'accès doit donc être considéré comme un processus de vaso-

dilatation active et l'affection pourrait être définie : névrose vaso-

motrice à type névralgique avec hypotonicité du système vaso-

constricteur et hyperexcitabilité des centres vaso-dilatateurs.

L'érythromélalgie serait donc la contre-partie exacte de la maladie

de Haynaud, Travail intéressant dont les conclusions ne reposent

que sur un seul cas. L. DELMAS.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 128 5

XXI. Les altérations du système nerveux central dans l'intoxica-

tion par le bromure de potassium, la caféine, la picrotoxine,

l'uré et le chlorure de potassium; par l'oR1'IOI.I. (Il 11101'{J(/gni,

1899, octobre.)

Travail du laboratoire de pathologie expérimentale de l'Univer-

sité de Bologne. L. U.

XXII. Des effets du suc de capsules surrénales sur les animaux

décapsulés; par Fauazzi. (Il 1900, mars.)

L'auteur a pratiqué une série d'expériences sur le lapin : non

opéré, décapsulé d'un côté, privé de ses deux capsules ; dans cha-

cune de ces trois séries, quelques lapins ayant été gardés comme

témoins, les autres reçurent dans la veine marginale de l'oreille

des injections du suc capsulaire à dose plus ou moins considé-

rable, et à des moments plus ou moins éloignés de la décapsula-

tion. Il a été amené à formuler les conclusions suivantes :

La décapsulation, en un temps ou en deux, amène toujours

la mort après un temps qui varie d'après la résistance indivi-

duelle. De petites doses de suc capsulaire produisent des troubles

respiratoires et. circulatoires qui deviennent mortels avec des

doses plus élevées et s'accompagnent alors de lésions des centres

nerveux.

Contrairement à l'opinion de Cybulsk, des doses répétées de

20-30 centigrammes n'aboutissent pas à l'immunisation de l'ani-

mal, mais s'accumulent et amènent la mort. L'ablation d'une cap-

sule est compatible avec la vie ; l'autre s'hypertrophiant a une

action vicariante. L'animal décapsulé survit plus longtemps s'il ne

reçoit pas d'injections de suc capsulaire. Quant aux troubles ob-

servés pendant la vie : respiratoires, circulatoires, thermiques et

nerveux, et aux lésions des centres nerveux, l'auteur reconnaît

qu'il est difficile en l'état d'en donner une interprétation satisfai-

sante. L. D.

XXIII. Sur le développement de l'hypophyse et les rapports pri-

mitifs de la corde dorsale et de l'intestin ; par le professeur

U. Rosti. (Lo Sperimenlale, t. IV, 2, 1900.)

Des recherches qu'il a entreprises sur des larves de diverses

espèces des genres liana et l3ul'o, à différent^ stades de dévelop-

pement, l'auteur conclut que, au moins chez les batraciens anoures

l'endoderme ne prend aucune part à la formation de l'hypophyse

qui dérive tout entière de la couche profonde de l'ectoderme. Les

points où la corde dorsale conserve des connexions avec l'intestin

sont au nombre de deux : l'un correspondant à la partie caudale

126 REVUE d'aNATOMIE ET DE* PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

de la courbure endodermique ventrale; l'autre .à l'endroit où les

deux branches, ascendante et descendante, de la corde dorsale se

réunissent en formant un angle; c'est-à-dire, à la courbure endo-

dermique dorsale. La première de ces connexions est tout à fait

transitoire, l'autre persiste plus longtemps.

En somme, comme, l'endoderme ne prend aucune part à la for-

mation de l'hypophyse, ce qui revient à dire qu'il n'existe ni union

ni même communication entre l'intestin primitif et l'hypophyse,

l'auteur se refuse à voir dans ce dernier organe le rudiment d'une

bouche ancestrale. Ni morphologiquement ni physiologiquement

l'hypophyse ne peut être considérée comme un organe rudimen-

taire. L. D.

XXIV. De quelques fonctions nerveuses dans l'inanition complète

(tee communication). Excitabilité sécrétoire de la corde du

tympan, du sympathique cervical et du vague ; par Barber \,

(l3cclletino delle Scicnze zzedic%e, 1900, juin.)

Dans l'inanition complète et prolongée, l'excitabilité électrique

des nerfs sécrétoires et l'excitabilité réflexe de nature chimique ne

subissent que des modifications quantitatives. Les fibres sécré-

toires de la glande sous-maxillaire contenues dans le sympathique

cervical sont cependant presque inexcitables./ Les sucs obtenus

dans ces conditions possèdent, sinon quantitativement au moins

qualitativement, la même composition chimique et les mêmes

propriétés digestives que chez les animaux nourris. L : D.

XXV. Les glandules parathyroïdiennes. Recherches cytologiques;

par F. Ltl't1>iJ. (Lo Sperimentale.)

L'auteur après avoir montré l'insuffisance de nos connaissances

sur la structure fine de ces organes et leur valeur fonctionnelle,

nous donne le résultat des recherches qu'il a poursuivies sur le

lapin. La technique qu'il a employée consiste dans la fixation

dans le liquide de Hermann, et la double coloration à la fuchsine

et au vert môthyle.

Les glandules parathys sont essentiellement constituées par des

éléments épithéliaux qu'il faut considérer comme de véritables

cellules glandulaires. Ces cellules élaborent deux substances ; la

plus abondante se montre sous l'aspect de granules ou de masses

de volume variable colorés en vert intense comme la substance

colloïde ; l'autre est constituée par de petits granules colorés en

rouge vineux comme la substance chromatique du noyau. Dans

certaines conditions qu'il n'a pu déterminer, ces cellules peuvent

produire, en outre, une substance grasse, peut-être même une

autre si les vacuoles que l'on observe alors entre les cellules con-

tiennent un produit de sécrétion spéciale.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 127

Il existe une concordance complète entre les phénomènes de

sécrétion des cellules de la thyroïde et des parathyroïdieunes, de

même que la ressemblance est parfaite entre les produits de l'ac-

tivité cellulaire des deux organes. Ces éléments cellulaires répon-

draient aux mêmes stimulants (pilocarpine) d'après l'auteur qui

incline a l'identité des deux organes. La sécrétion. des parathyr se

déverse dans les espaces lymphatiques péricellulaires et parvient

dans le sang par la voie lymphatique. Les parathyr seraient donc

des glandes il sécrétion interne. Leur valeur fonctionnelle corres-

pondrait à celle de la thyroïde. L. Delmas.

XXVII. De l'anastomose des cellules nerveuses et quelques particu-

larités de structure du bulbe olfactif ; par F. CRIIV A 11 : -1. (Rlllielino

délie Science )MC6c/tC, 1900, juillet.) .

L'auteur décrit et figure quelques cas d'anastomose entre cel-

lules nerveuses qu'il a rencontrés chez quelques mammifères,

dans la couche granuleuse du cervelet et la seconde couche du

bulbe olfactif. Il décrit en outre les diverses formes des cellules

mitrales qu'on peut observer dans le bulbe d'un même animal.

Parmi ces cellules il en est qui envoient deux ou plusieurs prolon-

gements protoplasmatiques à plusieurs glomérules ou à un seul

glomérule, et d'autres qui. comme l'affirment Ramon y Cajal et

Gehuchten, n'envoient aux glomérules qu'un seul prolongement

protoplasmatique. L. D.

XXVIII. Le vague dans ses rapports avec les formes malignes de la

rougeole ; par Cioffi. (informa medica. 5 mars 1900.)

L'auteur, analysant les symptômes des formes malignes de la

rougeole, les rapporte à l'irritation du pneumogastrique par les

toxines microbiennes versées dans la circulation. Les cas fréquents

compliqués d'otite purulente seraient une preuve de l'action élec-

tive directe du virus morbilleux sur le vague. Il ne nous paraît

pas utile ni surtout exact d'invoquer l'intermédiaire d'une irrita-

tion des rameaux méningiens du pneumogastrique pour expli-

quer que ces otites purulentes ainsi que la méningite simple ou

tuberculeuse qui suit parfois la rougeole. L. Il.

XXIX. Sur la réaction électrique myasthénique ou d'épuisement;

par FLORA, (Iiivista C'1(iCÉI di clinica, 19JU, n° 21.) .)

Lorsque chez un sujet normal on excite un muscle ou un nerf

par un courant faradique apte à produire une contraction éner-

gique, si on continue l'excitation on provoque le tétanos. Ce

tétanos ne persiste pas indéfiniment; au bout d'un temps, variable

128 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

selon les sujets mais toujours assez long, 10 à 30 minutes, le

muscle peu à peu cesse de réagir et se relâche. Si l'on enregistre

le tracé, on obtient une ligne horizontale, qui s'abaisse peu il peu,

soit par échelons, soit par une courbe régulière. Après un repos

de quelques secondes le tétanos peut se reproduire par excitation

du même point. -

Chez les sujets au contraire, qu'on pourrait appeler électrique-

ment myasthéniques, le relâchement musculaire survient très

rapidement, au bout de quelques secondes. Le tracé myogra-

phique présente une ascension brusque, puis une chute à angle

aigu sans trace de plateau. De plus, on ne peut obtenir le retour

du tétanos qu'après un repos de quelques heures. Le sujet éprouve

une sensation pénible de fatigue et d'inertie invincible ainsi

qu'une douleur et une tuméfaction légère qui peuvent persister

plusieurs jours.

L'auteur a obtenu cette réaction dans trois cas de maladie d'Erb-

Goldflamm ; dans la sclérose en plaques il l'a trouvée assez mar-

quée ; dans les tabes, inconstante; fréquente et très manifeste

dans les cas de neurasthénie et d'hystérie accompagnés de myas-

thénie prononcée, de parésie et d'impotence motrice volontaire.

Dans ces derniers cas la réaction disparaissait après guérison et

pouvait subir le transfert comme la parésie.

Dans deux cas de pseudo-h3'pertroplrie musculaire, la réaction

était extrêmement prononcée. Par contre, elle n'existerait pas

dans l'hémiplégie cérébrale organique. L'auteur conclut que cette

réaction n'est pas particulière à la maladie d'l : rb-CoIdPamm. Si

on peut la trouver dans les affections organiques du système ner-

veux, on peut la rencontrer aussi, et bien plus marquée dans des

formes simplement névrosiques. L. D.

XXIX. Altération des sensibilités tactile, et thermique consécu-

tives à une lésion d'un rameau digital palmaire du médian ;

par P'I;nn,n. (ltiv. sperirre di et dt .lLed. leg., 1900, 1.)

La sensibilité thermique a-t-elle des voies de transmission dis-

tinctes de la sensibilité tactile' ? La question n'a pas encore reçu

de solution. Quelques observations paraissent cependant démon-

trer qu'il en est ainsi. L'auteur a eu l'occasion d'observer le cas

suivant. A la suite d'une blessure à la face palmaire de la main

droite, au niveau de l'articulation métacarpo-phaiangienne de

l'index, un rameau digital palmaire du médian fut lésé et l'on

eut deux plaques d'anesthésie inégales, dont la plus étendue cor-

respondait à l'anesthie thermique. Ce manque de concordance

semble exclure l'existence de fibres communes aux deux sensibi-

lités, car alors les deux champs auraient dû être exactement

superposables. Il faudrait donc admettre pour les deux sensibilités

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 129

l'existence de fibres distinctes, diversement distribuées dans les

troncs nerveux. Remarque qui a son importance, la malade était

indemne de toute tare hystérique. L. DEL3fAS.

XXX. Dés rapports existant entre les réflexes et la tonicité mus-

culaire ; par de RcNzi et Coop. (AIGi. délia R. Accad. med.-chiin.

di Napoli, LUI, 4.) .

Les auteurs ont étudié avec le myotonomètre deMosso, le degré

de tonicité du triceps sural chez des sujets atteints de myélite

transverse avec exagération considérable des réflexes. Ils concluent

que dans la paralysie spasmodique due à une myélite dorso-

lombaire il y a hypotonicité musculaire et non hypertonicité. Elle

est d'autant plus nette que les troubles de la motilité sont plus

marqués. La résistance exagérée opposée à la flexion et à l'exten-

sion passives des membres inférieurs est due non à l'hypertonicité,

mais à des contractions réflexes des muscles dont la contraction

cesse bientôt pour faire place à la flaccidité. Il n'y a donc aucun

rapport intime entre la tonicité musculaire et l'état des réflexes,

ceux-ci pouvant être très exagérés avec une hyportonicité muscu-

laire très' marquée. L. D.

XXXI. Polynévrite et réflexes; par le D1' de BURK. (JOUI-il. de Neu-

urologie, 1891, n° 8.)

Observation d'un malade qui présentait une atrophie muscu-

laire très marquée 'de la totalité des deux membres inférieurs

avec conservation de la sensibilité générale, exagération de la

sensibilité réflexe tendineuse," abolition des réflexes cutanés, etc.

Les deux affections susceptibles de donner lieu à ce complexus

symptomatique, seraient, d'après l'auteur, la sclérose latérale

amyotrophique à début paraplégique et la polynévrite. Finalement

l'absence de contracture et de contractions fibrillaires dans les

muscles atrophiés et aussi l'absence du phénomène des orteils en

même temps que l'état stationnaire de la maladie depuis un an

lui ont paru des raisons suffisantes d'admettre qu'il s'agit plutôt

d'une polynévrite. / G. DENY.

a

XXXII. Brûlure électrique du nerf cubital, tumeur cicatricielle,

opération ; par M. DECROLY. (Journ. de Neurologie, 1901, n° 8.)

Il s'agit d'un homme qui eut le coude droit brûlé par un cou-

rant électrique. Immédiatement après l'accident, le blessé s'aper-

çut d'une gêne dans les mouvements de la main et d'une insensi-

bilité au niveau des doigts, et quelques mois plus tard il vit

apparaître au-dessus du coude une petite tumeur non douloureuse,

Archives, 2° série, t. XII. 9

leO7 REVUE ^ DE ; PATHOLOGIE. MENTALE.

mais dont la compression provoquait une sensation d'engourdis-

sement de l'avant-bras et de la main.- *

Pensant qu'il s'agissait là d'une tumeur cicatricielle comprimant

le nerf cubital et non d'un névrome. on fit une opération libéra-

trice qui démontra l'exactitude de ce diagnostic.

Immédiatement après cette intervention, les troubles sensitifs

disparurent, seuls, les troubles moteurs ont persisté, ce qui n'a

pas lieu de surprendre, les muscles étant déjà en voie de dégéné-

rescence très prononcée au moment de l'opération. G. DENY.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE

I. Lesr absences , psychiques chez. les hystériques ; par LUZlèN ?

BERGI R. (Itiv. mens, de i psich. for, 1900-1.)

Travail intéressant, dont il est inutile de faire ressortir l'impor-

tance médico-légale. Il repose sur l'élude de quatre cas, diagnos-

tiqués d'abord épilepsie, et que leur évolution permit de rattacher

à l'hystérie. Il est bon de savoir que cette dernière névrose peut

produire de véritables absences, semblables aux vertiges qui sont

regardés par tous les auteurs comme caractéristiques du mal

comitial.

L'auteur a pu les différencier par les caractères suivants :

Les absences hystériques reconnaissent toujours comme cause

occasionnelle de fortes émotions ou le surmenage intellectuel;

elles ne s'accompagnent pas d'altération de l'intelligence, ont ten-

dance à diminuer plutôt qu'a augmenter. Dans l'un des cas ce fut

l'attaque convulsive qui permit de faire le diagnostic. L. D.

II. Cas* d'automatisme alcoolique extrêmement prolongé ; par

M.-S. UOBROTWORSKY (00 : )'eHt<'pt'cAtUt)'t't, IV, 1899).

Il's'agit d'un homme de vingt-huit ans, alcoolique chronique,

qui, revenant de ses occupations, le 20 octobre '1894 (il est inspec-

teur des télégraphes), boit passablement et tombe dans l'automa-

tisme. Il peut encore faiie.tout son service, de sorte que 'personne'

ne s'aperçoit de son état, d'autant qu'il a l'air de jouir encore de'

l'intégrité. de sa.décision, ou que, s'il commet des actes incons-

cients, ceux-ci ne se.distinguent pas des actions irréfléchies com-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 131"

munes. En février 1895, les hallucinations se mettent de la partie;

il est persécuté, mais pas au point qu'au début, cet état^attire

l'attention de ceux qui l'entourent ; il conserve, quoique automate,

une apparence normale : il évite la société de ses collègues. En

avril, il fait connaître son délire. En juillet, subitement, il tombe

dans la stupidité, mais c'est une stupidité dans laquelle l'activité

mentale n'est pas suspendue complètement, tandis que la cons-

cience est profondément obscurcie. Le malade ne répond pas aux'

questions, il ne réagit pas aux fortes excitations douloureuses, les

pupilles ne répondent pas à la lumière. Les mouvements n'ont pas

l'indécision, la nonchalance de ceux de la stupidité simple ordi-

naire ; le place-t-on sur ses jambes, il se met à marcher avec fer-

meté et assurance à travers la chambre; rencontre-t-il un obs-

tacle, il se retourne aussitôt du côté opposé et continue à marcher

fermement jusqu'à ce qu'on le couche. Lui met-on- entre les mains

une cuiller, il exécute les mouvements propres à l'homme qui

mange, quoiqu'il n'ait rien à manger devant lui. Aucun de ces

mouvements n'est ni indolent, ni indécis ; ils rappellent une ma-

chine remontée. En mars 1896, le 8, au matin, l'expression de son

visage se modifie franchement, le malade se met causer, à répon-

dre convenablement, il joue au billard, converse avec -les autres,

lit les journaux. Les 8, 9, 10, il passe la nuit dans la section des

aliénés difficiles, mais le jour dans celle des tranquilles. Le 15,

après avoir causé longuement avec lui de sa situation, le médecin

le prie d'écrire son autobiographie, il le fait ce jour même et ne

manifeste rien de particulier dans la conversation; or, le 20 mars,

il ressort de son interrogatoire que du temps écoulé compris entre

le 8 et le 15, il n'a aucun souvenir : il a donc aussi, du 8 au 15

mars, agi automatiquement. Son amnésie porte du reste non seu-

lement sur toute la période morbide apparente qui va de février

1895 jusqu'au 15 mars 1896, mais sur les quelques mois qui ont

précédé la maladie ; elle commence à octobre 1894, juste au mo-

ment où il est revenu de son travail. 11 ignore la mort d'Alexandre 111

et l'élévation au trône de Nicolas II, qu'il ignorait en rentrant chez

lui à cette époque-là. Le dernier épisode automatique final n'est

pas le moins curieux. P. Keraval.

III. Contribution- à l'étude de. la pathogénie des symptômes de .

lésions en foyers dans la' paralysie générale des aliénes; par

W. A. I)IOUIIITOW : (Obo : ;î-é2ziépsichi(tirii, III, 1898.) .

. l

Voyez XIIe Congrès international de médecine : Zur Pathogenese

der Ilerderscheinungen bei der allgemeinen Paralyse der Irren.

P. KER.W.4L.

132 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

IV. Les rapports de l'alcoolisme et du suicide en Angleterre, sur-

tout d'après les statistiques récentes; par W.-C. Sullivan. (The

Journal of Mental Science, avril 1900).

Ce travail est très documenté et appuyé sur des statistiques bien

faites, puisées aux bonnes sources et qui paraissent bien interpré-

tées : il se termine par des conclusions que nous résumons ici :

l'accroissement récent du suicide en Angleterre a coïncidé avec

un développement considérable des tentatives de suicide avortées :

or, ces tentatives, au moins dans ceux de leurs caractères que l'on

a pu établir, se rapprochent du type du suicide alcoolique, confir-

mant ainsi les preuves cliniques du rôle prédominant que joue

l'alcoolisme dans les suicides avortés. On a vu en outre que le

plus important de ces caractères l'âge peu avancé des suicidés

se remarque dans l'augmentation actuelle des cas de suicide. Il

est donc légitime d'admettre que cette augmentation dépend en

grande partie de l'influence de l'alcoolisme, influence qui, dans la

même période, ainsi que l'attestent les statistiques de mortalité, a

subi elle-même un accroissement. Les données recueillies et exa-

minées par l'auteur lui ont permis en outre d'établir, à l'état de

variété spéciale, le type du suicide alcoolique et de le différencier

des autres suicides. L'intoxication alcoolique^ chronique pro-

voque des troubles généraux des fonctions viscérales qui modifient

et perturbent les stimulants organiques qui forment le fond de

notre personnalité. La dépression de la tonicité émotive ainsi pro-

voquée prépare l'impulsion au suicide, laquelle, dans les cas carac-

téristiques, aboutit à l'exécution lorsqu'il est survenu un surcroit

d'intoxication qui a encore abaissé le fonctionnement du cerveau

affaibli, en même temps qu'il exaltait dans une semblable propor-

tion l'influence des stimulations organiques sur les processus céré-

braux. Le suicide alcoolique est donc plus impulsif que les autres

suicides, plus directement et plus immédiatement lié aux condi-

tions organiques du sujet. Si l'on passe du point de vue clinique et

statistique au point de vue social, on voit apparaître avec une

égale netteté les conséquences de ce mode spécial d'évolution.

Ainsi les facteurs les plus capables de déterminer le suicide ordi-

naire, jouent dans le suicide alcoolique un rôle effacé ou différent

et les caractères que les facteurs impriment à l'acte sont absents

ou obscurcis dans la forme alcoolique. Il faut reconnaitre qu'il y a

quelques-uns de ces factenrs qui poussent simultanément à l'al-

coolisme et au suicide, et agissent de concert; ils en est ainsi de

l'influence des saisons. L'auteur examine ensuite les influences

sexuelles, religieuses, et enfin celle de l'âge ; le suicide alcoolique

est beaucoup plus précoce que l'autre. ,

Ainsi les conclusions fournies parla statistique sont en parfait

accord avec les inductions de l'expérience clinique. Le suicide

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 133

impulsif de l'alcoolique caractérisé en tant que fait individuel par

l'obscurcissement de la conscience et l'absence de délibération, est

pareillement marqué, en tant que fait social, par une indépen-

dance relative à l'égard des facteurs ordinaires du suicide, et par

une sorte d'obscurcissement des activités plus complexes de la

conscience collective. II est probable d'ailleurs que la différen-

ciation n'est absolue ni au point de vue social ni au point de vue

individuel, et que les influences subies ne sont pas aussi nettement

délimitées en fait qu'en théorie, et sont modifiées par des réac-

tions réciproques de l'individu et de la collectivite. Il reste que le

suicide alcoolique présente des caractères spéciaux qui indiquent

qu'il est sous la dépendance des forces qui gouvernent l'alcoolisme

et non des forces qui gouvernent le suicide.

R. DE MUSGRAVE CLAY.

V. Sur une méthode systématique de recueillir les observations ;

par A.-I3. NEwTn. (The Journal of Mental Science, avril 1900.)

L'auteur regrette que les observations recueillies dans les asiles

d'aliénés ne le soient pas avec plus de méthode et d'uniformité ;

il n'est le premier ni à exprimer ce regret, ni à proposer une mé-

thode uniforme : il met d'ailleurs beaucoup de bonne grâce à

déclarer qu'il ne se fait pas illusion sur le sort réservé à sa propo-

sition'. R. DE 111oscnavE CLAY.

VI. Une attaque d'épilepsie (status epilepticus) suivie au bout de

six semaines d'une attaque de chorée, chez une malade atteinte

de folie- puerpérale aiguë; par C. C. EASTERBROOE. (The Journal of f

Mental Science, janvier 1900.)

Le cas est intéressant à cause de sa rareté ét de la curieuse asso-

ciation de névroses qui s'est manifestée chez cette malade dans un

temps relativement court. Les remarques dont l'auteur fait suivre

l'observation détaillée en résument suffisamment les points impor-

tants ; nous reproduisons ces deux séries de remarques dont la

première porte surtout sur les faits, et la seconde sur leur inter-

prétation : -

A. 1° La malade était atteinte de folie puerpérale, forme de

maladie mentale qui n'est pas rare chez les femmes. 2° Pendant

sa maladie on a vu apparaître chez elle d'abord de l'épilepsie,

ensuite de la chorée, affections qui sont rares pendant l'état puer-

péral, et rares aussi (surtout la chorée) consécutivement à la folie.

- 3° L'épilepsie s'est présentée sous la forme relativement rare de

1 Voir dans le Compte rendu de Bicêtre de 1874, le schéma en usage

pour les internes et les infirmiers.

13 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

,status epilepticus, et la chorée- a été remarquable en ce qu'elle n'est

pas devenue chronique. Il résulte de ceci qu'on n'est pas fondé

à baser des généralisations, relatives à l'association des, névroses,

sur des fait aussi rares. Mais on peut tirer de l'ensemble des phé-

nomènes les conclusions suivantes :

B. 1° La malade~avait de fâcheux antécédents de famille.

2° Elle était personnellement névropathe, ce qui, dans l'état actuel

) de nos connaissances, indique probablement une instabilité

- chimique très accentuée dans les centres nerveux. 3° Chez une

- telle malade l'apparition de la manie aiguë, de l'épilepsie on de la

chorée n'a rien qui doive surprendre. 4° Le fait de l'apparition

1 successive de ces trois maladies dans un court espace de temps

chez le même sujet-est en faveur de l'opinion suivant laquelle ces

trois maladies auraient un siège commun, à savoirles plans supé-

rieurs corticaux (portion pré-rolandique). 5° En l'absence d'une

. anatomie pathologique précise, le fait même de la curabilité de

ces trois affections montre qu'elles sont essentiellement des névroses

fonctionnelles, dépendant d'une activité moléculaire pathologique.

des centres nerveux, et nullement de grandes modifications de nutri-

tion ou de structure. 6° En l'absence de toute démonstration

nette de l'existence d'un agent auto-toxique, toxique ou micro-

bien, la raison dernière des trois névroses doit être cherchée

dans une instabilité chimique des centres nerveux et une tendance

consécutive de la part de ces centres à une activité et à-un fonc-

tionnement chimiques morbides lorsqu'ils se trouvent soumis à l'in-

c flnence d'un agent irritant (au sens large du mot irritant), cet

gagent agissant ici comme l'étincelle sur la poudre. L'auteur n'admet

pas l'opinion qui cherche la cause de la chorée et de l'épilepsie

dans un état toxique ou microbien du sang. La grande fréquence

de ces névroses et des folies pendant la période de développement

de la vie, et surtout pendant la période de maturation des fonctions

' nerveuses plaide fortement en faveur de l'opinion suivant laquelle

ces désordres nerveux auraient leur /bras et origo dans l'écorce céré-

- braie, C'est le métabolisme des centres nerveux, et non pas le

'métabolisme du sang, qui est au fond des névroses de développe-

ment, et il est légitime de croire que les toxines que l'on a rencon-

trées étaient le résultat, et non la cause, de l'activité chimique mor-

bide des neurones supérieurs. R. de âlUSGIIIVE-CLkY.

VII. Les signes physiques de la folie; par F. GRAHAM Caooxsuaw.

(The Journal of Mental Science, janvier 1900.)

L'auteur pense que les signes physiques de la folie sont à l'heure

actuelle trop négligés : on étudie beaucoup à la vérité les stigmates

de dégénérescence; mais ces stigmates sont les indices d'un vice

protoplasmique général et non des signes proprement dits de folie.

. REVUE-.DE pathologie : mentale. ' 135

Il est légitime de supposer, pourtant que les .activités, cellulaires

spéciales qui accompagnent les états d'aliénation .mentale,, doivent

retentir sur l'économie physique.

Après des considérations générales intéressantes, l'auteur tente

d'énumérer en les classant de son mieux, car ils-ne se prêtent pas à

une classification rigoureuse, les signes physiques de la folie. 1 ICI

.considère d'abord les nerfs crâniens et leur trajet du noyauta

l'écorce : nid. Perversions de l'odorat dans la folie avec délusions,

indiquant un trouble de fonction ou.un défaut d'association dans

les. centres les plus élevés, probablement dans le gyrus fornicatus.

Emoussement de l'odorat dans la démence. 2° Perversions de la

vue dans les mêmes formes de folie, rayant la 'même signification

que plus haut, mais relevant des circonvolutions marginales.

Hémianopsie dans les folies post-hémiplégiques et dans les folies

associées à de.grosses lésions unilatérales, indiquant une altération

des lobes occipitaux ou des tractus inférieurs. Affaiblissement

général de l'acuité visuelle, du sens des couleurs, etc., marqué sur-

tout chez les déments : insuffisance générale des tractus nerveux

de la vision. Cécité verbale et mentale dans les cas de démence' et

de manie : insuffisance des fonctions corticales autour des circonvo-

lutions marginales. 3° Paralysies et spasmes temporaires et réci-

divants : mydriase (unilatérale), ptosis; strabisme, myosis et rétrac-

.tion des paupières (supérieures); indiquant un trouble fonctionnel

' dans le troisième noyau ou l'un de ses éléments constituants, *-se

rencontrant souvent dans les manies. 4° Strabisme (oblique) quel-

quefois dans l'excitation maniaque. 5o Dans la démence émousse-

ment des processus sensoriaux qui se rattachent à la cinquième

paire. 6° Strabisme interne, fréquent dans la manie, ordinairement

dû à l'affaiblissement temporaire de l'un des droits externes : alté-

ration de la sixième paire ou d'une partie du noyau. 7° Spasme de

la face : asymétrie des muscles frontaux, indiquant des altérations

du septième noyau. 8° Hallucinations et délusions de l'ouïe : le plus

souvent défectuosité d'association ou autre des centres les plus

élevés; lobes temporo-sphénoïdaux. Même siège pour la^surdité

.générale, la surdité aux mots et l'aphasie amnésique, dans la

,manie chronique, la démence, etc. Nerf ph7,éizo-glosso pharyngé :

tremblement et déviation de la langue. Nerf spinal accessoire :

respiration creuse et lente ? sans variation émotionnelle, dans' la

.démence. Impossibilité d'expectorer (absence des réflexes laryngés

et palatins) dans la démence avancée. Système sympathique (gan-

glions cervicaux). Myosis paralytique : rougeur de la face, uni ou

bilatérale, sueurs unilatérales, dans diverses formes ' de' manie et

^spécialement chez les épileptiques.

Tractus sensoriels : on sait que dans la mélancolie, davantage

dans la manie,.et plus encore dans la démence, les sensations de

contact, de température, de douleur, sont émoussées : elles sont

136 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

abolies dans le coma. Les réflexes spinaux sont paresseux dans la

mélancolie, exagérés dans la manie par absence d'inhibition céré-

brale. ilioituemeiits : dans la mélancolie, difficulté d'imiter des mou-

vements nouveaux (altération des centres supérieurs); dans la

manie aiguë avancée, impossibilité d'exécuter des mouvements

complexes autres que ceux qui sont purement automatiques : dans

1n démence les mouvements se restreignent à quelques actes bien : anisés (volontaires). L'auteur étudie ensuite quelques états mus-

aires, puis il va au-devant de quelques objections et critiques.

R. de MUSGRAVE-CLAY.

I. Un cas de folie syphilitique; par R. D. HOTCRKIS, (The Journal

of Mental Science, avril 1900.)

lomme de cinquante-deux ans, carie étendue du tibia gauche,

*rée déjà sept fois : il reconnaît avoir eu il y a trente ans une

nnorrhagie, paraissant avoir été accompagnée de symptômes

'actéristiques de la syphilis : au point de vue mental, perte de

mémoire, incohérence, idées délirantes de forme soupçonneuse.

Hallucinations et illusions de la vue. Nouvelle opération sur le tibia

dont l'ablation presque totale est pratiquée; guérison sans com-

plication. An bout d'environ un an, amélioration de l'état mental;

le malade obtient sa sortie, et continue à se bien porter pendant

une année, au bout de laquelle il est frappé d'hémorragie cérébrale

avec hémiplégie droite, et réapparition des troubles mentaux : il

rentre à l'asile, en état d'hémiplégie droite, d'aphasie partielle, et

d'excitation maniaque.

La question du rôle étiologique de la syphilis dans la folie est

obscure et controversée : ce rôle d'ailleurs, en se rapprochant de

celui d'autres poisons, tels que l'alcool, prête facilement à la con-

fusion. Mais dans le cas actuel, en l'absence de toute hérédité

fâcheuse, mentale ou somatique, en l'absence de tout alcoolisme,

il semble bien que la syphilis ait joué un rôle prépondérant sinon

exclusif. La folie n'a pas eu ici le caractère des folies post-opéra-

toires ; et d'ailleurs l'opération, beaucoup plus grave que les précé-

dentes, subie pendant le séjour à l'asile, est restée sans retentisse-

ment aucun sur l'état mental; d'autre part l'hémorragie cérébrale

survenue un an plus tard, en nous révélant la dégénérescence des

vaisseaux, vient encore plaider en faveur de l'étiologie syphilitique.

On a décrit plusieurs formes de folie syphilitique ; celle-ci corres-

pondrait, mais non à tous égards cependant, à la folie avec délu-

sions que l'on rencontre à la période tertiaire de la maladie et dans

laquelle les délusions sont si variables que l'on ne peut guère leur

trouver qu'un caractère commun, qui se rencontrait précisément

ici, la manie soupçonneuse. R. de Musgrave-Clay.

- REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 137

IX. Sur la parole des épileptiques; par CAèIPBELL CLARK. (The

Journal of Mental Science, avril 1900.)

La faculté du langage chez les épileptiqnes n'a été que trop peu

et trop rarement étudiée. L'aphasie est considérée comme la plus

commune des altérations du langage chez les épileptiques, mais

le mot aphasie a actuellement une signification trop étendue, et '

conception qu'il éveille comprend certaines variétés qui ne se n

contrent pas dans l'épilepsie. Le mot dysphasie s'appliquer

mieux aux troubles épileptiques du langage : l'auteur admettra de

ce travail les trois catégories suivantes : 1° Aphémie ou impossi

lité de parler par suite d'une affection du centre de coordinati

des muscles producteurs du son articulé; 2° Amnésie ou perte

la mémoire des mots; 3° Agraphie ou impossibilité d'écrire.

L'auteur a pris soin de formuler lui-même les conclusions de

intéressant mémoire; nous les résumons ici :

Il est généralement admis que des troubles du langage d'une c

taine importance se rencontrent dans l'épilepsie, que ces troubles

sont analogues entre eux, et cependant divers suivant les sujets, et

que lorsque l'état mental normal se rétablit, après une de ces

explosions périodiques d'excitation mentale motrice qui caracté-

risent la folie épileptique, la faculté du langage reste diminuée.

11 est parfaitement établi,10 que pendant et après l'attaque, l'am-

nésie et la dysphasie sont bien accusées; 2° que lorsqu'il existe de

l'excitation émotive, ces deux états se modifient proportionnellement

à cette excitation; 3° que lorsque l'état mental habituel a reparu et

lorsque la tension nerveuse a disparu, le malade subit une réaction

qui agit sur la faculté du langage en abaissant l'énergie des centres

du mouvement et dela mémoire.

Ordinairement, les malades, bien qu'ils soient enclins sur ce

point à des dénégations, finissent par reconnaître eux-mêmes les

altérations de la parole qu'ils présentent. L'expression de leur

visage, pendant qu'on les examine sur ce point', montre suffisam-

ment l'inquiétude et le trouble que leur cause cet examen, et leurs

efforts pour ne pas faire de fautes en parlant sont manifestes. Le

tremblement est souvent plus marqué et la chute de la voix plus

accentuée quand le sujet est ému par la conscience d'une difficulté

de langage à surmonter. De même que l'on peut voir l'aphonie

hystérique résulter d'un trouble émotif, ainsi l'on peut trouver chez

l'épileptique un spasme respiratoire de même origine, et il faut tenir

grand compte de l'élément émotif dans les variations que le lan-

gage subit à des moments différents chez les épileptiques. En ce

qui touche l'amnésie chez ces malades, on remarque qu'elle dépend

en grande partie des sensations spéciales, des états émotifs parti-

culiers (bonheur, colère, etc.) et du degré suivant lequel la faculté

de se souvenir est stimulée ou inhibée. L'auteur a signalé dans son

',138 REVUE DE- PATHOLOGIE lIiENTALE.-

travail que le vocabulaire des épileptiques est ordinairement plus

ou moins limité, ce qui est probablement dû à. une insuffisance

de la mémoire qui retient plutôt que de la mémoire qui reproduit.

L'aphémie est rare, et quand elle : existe,- elle est temporaire et

se montre ordinairement avant et après l'accès Le mot' dysphasie

s'applique mieux aux troubles épileptiques de la parole. On peut

'admettre d'une façon générale, qu'il y a ordinairement un abais-

sement de l'énergie d'émission des. mécanismes vocaux et respira-

toiles, par suite .d'une innervation défectueuse, en même temps

qu'une absence de coordination synchronique. Le tremblement des

muscles de la face, et'spécialement des lèvres, la trémulation de la

voix révèlent l'instabilité de l'innervation. L'auteur ne fait que

mentionner la bradylalie et l'éclaolulie. Quant à l'agraphie elle n'a

pas été constatée, mais chez les malades sachant écrire, et à qui

. l'on a demandé leur signature, on a constaté dans l'écriture un

tremblement quelquefois continu, mais le plus souvent interrompu,

qui suggérait naturellement l'idée d'alcoolisme. ' IL de M.

X. Sur les maladies corporelles considérées comme cause et

. comme complication delà folie ; par G.-J. CONFOIID. (The Journal

of Mental Science, avril 1900.)

L'auteur étudie successivement les maladies de l'appareil vas-

culaire, de l'appareil respiratoire, la phtisie, les affections du

tube digestif, la glycosurie, et il montre l'importance des influences

modificatrices réciproques des maladies organiques et des mala-

dies mentales.

Il montre que les lésions anatomiquesqui entravent la nutrition

régulière des divers organes, arrivent par là à surmener les centres

nerveux régulateurs de l'activité organique, et peuvent ainsi

devenir le point de départ d'une défectuosité mentale qui ne

s'éteindra qu'avec le groupe familial dans lequel elle a pris nais-

sance. On ne peut évidemment déterminer qu'avec une grande

incertitude la mesure dans laquelle les symptômes mentaux chez

un sujet donné dépendent d'une maladie organique, mais il est

probable que celle-ci n'existe jamais sans être accompagnée d'un

contre-coup psychique, variable suivant la susceptibilité du sujet.

R. DE uIUSGRAVE-CL.1YE.

s

- XI. Sur l'état mental' d'Auguste Comte; par William-W. IRELAND,

' (7'/te</otfr/ : «o ? f;K<f(/e ! eHce, janvier 1900.)

M. W. Ireland, qui, si nous avons bonne, mémoire, est coutu-

mier de ces curieuses études de psychologie et de psychiatrie

rétrospectives, consacre aujourd'hui (après le Dr< G. Dumas, dans

la Revue Philosophique), un ac ticle intéressant à l'état mental

d'Auguste Comte. Il résume tout d'abord la vie singulière du grand

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 139'

philosophe, et nous le montre faisant à vingt-quatre ans, le plan

de ce grandiose système de philosophie qui embrassera, en les

.hiérarchisant selon l'ordre naturel, toutes les connaissauces hu-

maines. linons raconte son mariage- avec une femme dont le

caractère, peut-être la conduite, le rendirent peu heureux, que

Littré a toujours défendue, mais qui paraît bien avoir trompé le

philosophe : d'ailleurs ce mariage, purement civil, conformément

aux opinions d'Auguste Comte lui créa des difficultés pénibles avec

sa famille. En 1826, il commence des cours publics, donne pour

gagner sa vie des leçons de mathématiques ; mais sa vie intellec-

tuelle est interrompue par une attaque d'aliénation mentale, pour

laquelle il est enfermé pendant sept mois chez Esquirol. Puis sa

femme le reprend, sans qu'il soit guéri, puisqu'il essaie de se jeter

dans la Seine; il fait, malgré lui et sur les instances de sa mère,

régulariser religieusement son mariage, et sur le registre, ajoute

à son nom ceux de l3rutus Bonaparte, et malgré tout cela, finit

par guérir, en 1828, à l'âge de trente ans, assez complètement

pour que quatre ans plus tard il soit nommé à l'élection examina-

teur de mathématiques à l'Ecole Polytechnique, fonction pour

laquelle il était parfaitement qualifié, mais qu'il n'accepte que

comme un gagne-pain pour pouvoir travailler librement à son Sys-

tème de Philosophie positive. Littré nous a donné des renseigne-

ments intéressants sur sa méthode de travail, qui ne le conduisit

pas toujours à la clarté, si bien que beaucoup des adeptes de sa

doctrine préfèrent la chercher dans les oeuvres de ses vulgarisa-

teurs. Lorsque, en 1842, il perdit sa place d'examinateur, il fut

mis à l'abri 'de la misère par l'intervention de Stuart qui

obtint de trois de ses amis, l'historien Grote, sir William Moles-

worth et M. Raikes Currie de contribuer à lui fournir l'équivalent

du salaire qu'il avait perdu. Comte trouva ce subside tout naturel,

et continua de le trouver tel, car il fut toujours pécuniairement

aidé par ses disciples : il avait en effet un sentiment très élevé de

sa propre valeur, se trouvait à peine flatté d'être comparé à

Bacon, et se considérait comme au moins égal, sinon supérieur, à

Descartes et à Leibnitz, opinion dans laquelle il était d'ailleurs

soutenu par Stuart Mill et Littré. Il trouvait en somme légitime

que, d'une manière ou'd'une autre, indifférente en soi, mais né-

cessaire et continue, on veillât aux besoins d'un homme qui travail-

lait pour l'humanité. A diverses reprises, il fut menacé de récidive

des troubles mentaux dont il avait été atteint; il essayait d'en pré-

venir le retour, et il parait y avoir réussi, par une hygiène judi-

cieuse et sévère. .

En 1842, il se sépara complètement de sa femme, avec qui la vie

, parait être devenue impossible, au moins pour l'homme qu'il était,

et c'est deux ans après que l'on voit'entrer dans sa vie Clotilde de

Vaux, avec laquelle il eut une liaison, qui resta platonique malgré

140 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

lui, peut-être par une série de fausses manoeuvres et de malen-

tendus, s'il faut en croire les renseignements que nous donne le

Dr Dumas. Cette liaison morale dura deux ans, entre cette

femme qui ne parait pas avoir été une créature supérieure et cet

homme, qui, lui, était supérieur, mais qui ne connaissait guère le

coeur des femmes, 'et Clotilde de Vaux mourut phtisique dans les

bras du philosophe. Bien que le plan de son grand ouvrage ait été

conçu bien avant qu'il connût Clotilde, il semble que sa passion

pour elle ait modifié à divers égards le caractère de ses spécula-

tions philosophiques.

Auguste Comte n'était pas un esprit universel, car nul homme

ne peut être maître de toutes les sciences : en biologie, il est

faible ; en psychologie, il manque de profondeur ; il a voulu réor-

ganiser la société sans connaître la nature humaine : il essayait

de préparer le salut des hommes sans vouloir consentir à tâter le

pouls au monde, Il attachait de l'importance à de minuscules rè-

gles de vie, et n'avait pas le sens du ridicule ; il a imaginé des

prières et un rituel compliqué sans Dieu.

C'est surtout lorsqu'il mourut, d'un cancer, en 1857, que la

question de son état mental fut soulevée à propos de son testament

dont 111 ? Comte poursuivit l'annulation devant les tribunaux pour

cause de folie : on se basa en partie sur un orgueil qui, après tout

n'était pas sans fondement, et qu'on essaya de faire passer pour

de la mégalomanie dont il n'avait pas les caractères. Un de ses

disciples a publié un certificat signé de sept médecins qui décla-

rent l'avoir connu de 1850 à 1857 et « n'avoir jamais constaté chez

lui, ni dans sa conversation, ni dans ses actions ni dans ses écrits,

la moindre trace de trouble intellectuel ou moral- ou d'aliénation

mentale ; que bien au contraire ils ont été frappés, jusqu'aux der-

niers moments de sa vie, de sa parfaite lucidité, de sa mémoire

étendue et bien équilibrée; de son jugement sain, de sa raison

correcte, de sa calme fermeté, de son énergique persévérance et

enfin de son très généreux désintéressement, toutes qualités aussi

contraires que possible à l'idée de la folie ». v.

Le tribunal en 1870 refusa d'admettre l'aliénation mentale et

valida le testament. « Sans mettre en doute la justice de la décision

du tribunal, dit, en terminant M. Ireland, on peut dire que, du-

rant les dernières années de sa vie, la belle intelligence d'Auguste

Comte a été troublée d'une manière notable. Même de chauds

admirateurs, comme J. Stuart Mill et Littré pleurent en lui la

décadence d'un grand génie. Suivant l'expression du Dr Dumas,

après son attaque de manie de 1 826, ilcôtoya la folie ; et si par son

système d'hygiène et par son régime mental, il réussit à éviter

une nouvelle attaque, il resta sujet à des crises nerveuses intenses

et demeura, pour le reste de sa vie un « névropathe. »

. R. DE Ï11USGRAYE CLAY.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XVI. Relation entre la névralgie du trijumeau et la migraine ;

par J.-J. Putnam. (jours. of Nerv. and Ment. Desease,. Mars 1900).

La différence entre migraines et névralgies n'est pas toujours

bien marquée.

Certaines névralgies et plus particulièrement lanévralgie sus-or-

bitaire récidivante diffère beaucoup des névralgies siégeant sur les

autres branches du trijumeau, et présenle au contraire des res-

semblances avec la migraine.

Plusieurs observations ont été présentées dans un travail du

même auteur publié dans le Boston Med. and. Surg. Jr. en 1896.

Il vient d'en observer un nouveau cas. Il s'agit d'un jeune homme

de 19 ans atteint de névralgie opthalmique de forme typique, sur-

venue à la suite d'un coryza, et se reproduisant pendant plusieurs

jours à 9 heures du matin pour disparaître à 2 heures de l'après-

midi. Elle s'accompagnait de brouillard dans la vue, d'hémia-

nopsie temporale, et de nausées.

Plaident encore en faveur de l'analogie entre la migraine et

la névralgie ophtalmique certains faits comme les suivants : la

névralgie ophtalmique survient assez souvent chez des individus

ou dans des familles migraineuses ; la migraine du premier âge

peut se transformer dans la suite en névralgie ophtalmique ;

rarement enfin on voit les névralgies des autres branches de la V°

paire présenter des caractères migraineux.

Pour toutes ces raisons, J. Putnam pense que dans certaines

névralgies, mais surtout dans la névralgie sus-orbitaire, il existe

des symptômes qui indiquent une atteinte portée aux centres ner-

veux, ou tout au moins la prise en commun des centres et des

troncs nerveux. La névralgie sus-orbitaire récidivante, corrobore

cette manière de voir en nous montrant l'existence de formesinter-

médiaires pour lesquelles il est difficile de dire s'il s'agit d'une

névralgie ophtalmique ou d'une migraine. P.

XVII. Lésions de chiasma optique, avec la relation de trois cas

cliniques ; par William M. LESZYNSKY, (Jot/1'Il. of Nerv. and Ment.

Desease, Mars 1900).

Après la relation de trois observations cliniques W. Leszynsky

142 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

passe en revue quelques-unes des statistiques faites sur les lésions

du chiasma optique. Il en conclut que les lésions du chiasma

peuvent se subdiviser en quatres classes : 1° celles qui sont asso-

ciées à des tumeurs intra-craniennes dont elles s'adjoignent la

symptomatologie ; 2° celles qui sont consécutives à une augmen-

tation de volume de l'hypophyse, comme dans l'acromégalie ;

3° celles qui surviennent dans la méningite syphilitique de la

base ; 4° celles qui ont pour cause un processus pathologique

circonscrit, qui produit graduellement une atrophie complète des

deux nerfs optiques sans symptômes cérébraux concomittants.

Dans les cas appartenant à la 4° classe où il n'y a pas de papil-

lite évidente, il semblerait que les éléments constitutifs du nerl

sont le siège d'une dégénération lente due à une pression graduelle

et persistante, oblitérant sa conductibilité ; et cela est probable-

ment le résultat d'un processus inflammatoire local adjacent.

' Sans nécropsie, le diagnostic de la nature des lésions primitives

ne saurait être qu'hypothétique; quant au pronostic, quelle que

soit la cause, il est toujours fatal pour la vision. Il y a destruction

progressive et permanente des deux nerfs optiques.

XVIII. Automatisme ambulatoire épileptique ; par D. J. Me CARa-nY,

(Journal of Neruous and mental Besease, Mars 1900.)

L'automatisme ambulatoire est un syndrome qu'on rencontre

assez fréquemment dans l'épilepsie, quelquefois dans la neuras-

thénie et rarement chez les alcooliques, les dégénérés, etc.. Le

diagnostic étiologique est souvent difficile.

Dans l'automatisme hystérique l'attaque est rarement ou même

jamais, de courte durée. Elle dure d'ordinaire des heures, des jours

ou même des semaines. On constate en général des stigmates

d'hystérie, mais les troubles sensitifs dus à l'hystérie peuvent se

rencontrer chez les épileptiques. L'automatisme alterne avec, ou

peut être immédiatement suivi par; uue convulsion hystérique. Le

malade peut se rappelercequi s'est passé durant son attaque, ou s'il

y a amnésie, il est possible de retrouver l'histoire complète de

l'attaque par l'hypnotisme. Ce dernier caraclère a une importance

à la fois clinique et médico-légale. L'automatisme de la neuras-

thénie diffère de celui de l'hystérie, en ce que le malade a cons-

cience de ce qu'il fait, mais poussé par le désir de marcher d'une

place à une autre, il est incapable avec sa volonté affaiblie et son

indécision de résister à cette impulsion morbide.

Dans le cas présenté par l'auteur, le diagnostic d'automatisme

ambulatoire repose sur les faits suivants : commémoratifs de con-

vulsions avec perte de connaissance dans le premier âge, la réap-

parition de troubles psychiques à la puberté, la déviation conju-

guée des yeux dans l'une au moins des attaques; l'inconscience

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.' 143 *

absolue, la courte durée des périodes ambulatoires et enfin l'ab--

sence de manifestations hystériques. l'OULARD,

XIX. Cas anormal ' de paralysie saturnine, suivi d'autopsie par" w

Dr B." "' 0,NLJF. (Tlte Journal o' ' Nel'vous and mental Desease,

Alarch 1900.)

L'intoxication saturnine : donna lieu à une paralysie ' flaccide

complète des deux extrémités inférieures avec absence des deux.

réflexes patellaires, et une sensibilité marquée des troncs nerveux

et des muscles deces deux membres. En même temps, il y avait para-

lysie des muscles fléchisseurs du bras gauche et des extenseurs

des doigts. Mort par congestion pulmonaire au cours de ces

accidents, dans un accès de dyspnée. A l'autopsie, les extenseurs

et les fléchisseurs du bras droit étaient altérés, ainsi que les mus-

cles péroniers et les fléchisseurs de la cuisse.

L'examen. microscopique delà moelle montra des lésions sem-

blables à celles de la. poliomyélite des'cornes antérieures. Les-

parties examinées étaient la 2e et la 5c lombaires. 11 y avait une-

- énorme infiltration des parois des vaisseaux par des cellules ron-

des : Les cornes antérieures étaient très- nettement affectées,

mais les racines postérieures de la région' lombaire étaient nor-

males. Le nerf plantaire présentait une augmentation de tissu

coojunctif et de l'endartérite oblitérante. P.

XX. Deux cas de tumeur comprimant la queue de cheval ; abla-

tion ; guérison, par le D1' B. Sacrrs. (1'heJoum. of' NervotlS and

l11entai Desease.)

Deux fois le diagnostic de tumeur de la queue de cheval fut posé,

deux fois il y eut intervention chirurgicale suivie de guérison au^.

moins momentanée. Dans ces deux cas on nota les particularités

cliniques et anatomiques suivantes :

Premier cas. Malade de 5G ans, venu à l'hôpital avec le dia-

gnostic de névralgie : Douleur dans les' extrémités inférieures

depuis 18 mois ; spasmes musculaires ; cachexie* marquée. La~

douleuriavail le caractère névralgique et irradiait de la. région,

lombaire, le long de la face postérieure de la cuisse jusqu'au talon ? )

Colonne vertébrale sensible au niveau de la 2" vertèbie lombaire.;

En ce point la pression était douloureuse. Diminution appréciable.'

de la sensibilité au contact, à la douleur, à la température dans.

' la partie supérieure et interne de la cuisse' droite. Réflexe rotu-

lieu droit fait défaut. Réflexes rectal et vésical normaux. En rai-

son idu peu de symétrie des symptômes, l'auteur pense que le ,

néoplasme est probablement extra-dural. -

L'opération fit trouver une tumeur, du volume d'une petite cerise..

144 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

adhérente à la dure-mère et à l'os ; au point de vue histologique

c'était un sarcome alvéolaire.

Deuxième cas. Homme de 39 ans, venu à l'hôpital avec le

diagnostic d'ataxie locomotrice. Cyphose marquée au niveau de la

120 dorsale et des .trois premières lombaires. Point douloureux

localisé entre la 3° et 4° vertèbres lombaires. Réflexes rectal et

vésical intacts. Pas de symptômes ataxiques sérieux, mais parésie

marquée des extrémitées inférieures. Troubles sensitifs d'un seul

côté, dénotant une tumeur de la partie tout inférieure de la

colonne spinale. A l'opération : masse gélatineuse envahissant le

corps de la 3e vertèbre lombaire, s'étendant seulement jusqu'au

bord inférieur de la 2° vertèbre, et qui évidnmment avait com-

primé la queue du cheval. Histologiquement, c'était un sarcome à

petites cellules.

Réflexions. Dr B. Sachs, pour poser le diagnostic du siège au

niveau de la queue de cheval s'est basé sur la distribution bila-

térale de la douleur, l'absence de troubles rectaux et vésicaux. Le

point sensible de la colonne a été dans les deux cas un guide de

valeur. Il y a peu de maladies spinales chroniques qui suivent la

marche lente de ces tumeurs spinales. Une laminectomie explora-

trice, bien faite, est sans inconvénient, particulièrement dans les

régions lombaires ou dorsale. P.

XXI. Relations entre la migraine et l'épilepsie; par le docteur

William G. SrItLEa. (Journal of nervous and Mental Desease,

février 1900.)

Les formes graves de migraine complexe peuvent être regardées,

si on veut, comme « associées » à l'épilepsie, mais quand l'épi-

lepsie survient au cours d'une migraine, il faut reconnaître qu'il y

a probablement une certaine connection entre les deux affections,

et que ce n'est pas simplement une réunion fortuite de deux affec-

tions chez la même personne. -Le fait important c'est, qu'une per-

sonne qui a une forme complexe de migraine, avec aphasie

temporaire, paralysie et paresthésie, peut un jour avoir des

attaques convulsives jacksonniennes. L'auteur donne, de ce fait,

deux observations personnelles. Avant de déterminer si, dans ces

conditions, il s'agit d'épilepsie « associée » à la migraine, ou bien'

si le tout doit être considéré comme une manifestation épilep-

tique, il faudra connaître mieux la pathologie de ces deux

affections.

Il peut se faire que la migraine complexe et l'épilepsie aient la

même cause dans quelques cas, et il se peut également que la

migraine modifie la structure du cerveau et le prépare au mal

épileptique. Dans beaucoup de cas d'épilepsie on retrouve la

migraine dans l'histoire des ascendants. P.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 145

XXII. Paralysie de Landry; par Philip COOMBS KNAPP et John Jenks

Thomas. (Journal of Ne¡'vous and Mental Desease, février 1900.)

Il s'agit de trois nouveaux cas de paralysie de Landry dont un

avec autopsie. ·

Résumé du premier cas : Une jeune femme bien portante est

subitement prise de faiblesse et plus tard de paralysie des

membres inférieurs, s'étendant aux bras, aux yeux, à la gorge,

avec une certaine atteinte des sphincters, de légers troubles de la

sensibilité (douleur, sensibilité exagérée et paresthésie), perte des

réflexes et diminution de la réation faradique; mort au bout de

quinze jours.

L'autopsie montra la dégénération des cellules nerveuses des

cornes antérieures, la dégénération des racines nerveuses anté-

rieures et postérieures et la dégénération des principaux nerfs

périphériques, avec dilatation des vaisseaux sanguins dans la

moelle et autour d'elle. Méthodes d'examen employées : Carmin,

Weigert, Nisol, Marchi., / ·

Résumé du deuxième cas : Homme bien portant subitement

pris de faiblesse des jambes, puis de paralysie complète s'étendant

aux muscles abdominaux, aux bras et au côté gauche de la face,

avec perte des réflexes, atteinte des sphincters, et hypoalgésie sans

hyperesthésie. Plus tard, il y eut une atrophie musculaire mar-

quée, et la guérison se fit incomplète.

Résumé du troisième cas : Homme bien portant, jeune, est

subitement pris de faiblesse dans les jambes, augmentant jusqu'à

la paralysie complète et s'étendant aux muscles abdominaux et

respiratoires, aux muscles de la face, à ceux de la mastication et

de la déglutition. Réflexes perdus. Pas de troubles marqués de la

sensibilité. Il y eut plus tard de l'atrophie musculaire avec

guérison complete.

Discussion : Ces trois cas présentent trois terminaisons diffé-

rentes de la paralysie de Landry, et en même temps invitent à

quelques remarques sur les caractères cliniques delà maladie. Les

lésions pathologiques montrent une connection serrée entre cette

affection d'une part, la névrite multiple et la poliomyélite aiguë

d'autre part. Au point de vue pathologique, elle est ces deux

choses; au point de vue clinique, elle diffère du type habituel de

l'une et l'autre de ces deux affections. La marche de la poliomyé-

lite antérieure habituelle est tout à fait différente; commençant,

comme la maladie de Landry peut elle-même le faire, par des

signes d'une affection fébrile aiguë, elle affecte un nombre consi-

dérable de muscles du même coup et n'a pas l'allure progressive;

les muscles abdominaux et respiratoires et ceux qui sont sous la

dépendance des nerfs craniens sont rarement atteints et les

Arcuives, 26 série, t. XII. 10

146 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

sphincters demeurent intacts. Les troubles sensitifs, sauf des

sensations douloureuses, font défaut. Dans la névrite, les troubles

sensitifs sont plus marqués. Le mal est moins souvent progressif

et les nerfs crâniens sont d'ordinaire épargnés. Dans aucune de

ces deux affections -nous ne notons la marche nettement progres-

sive de la maladie de Landry, partant des pieds et remontant

jusqu'aux nerfs crâniens. '

Bien que la substance toxique qui produit la paralysie de Landry

soit, comme le plomb, élective, et se localise de préférence sur le

neurone moteur, il faut se souvenir que des troubles sensitifs,

consistant en une anesthésie des pieds et des extrémités des

doigts, existaient dans le cas original de Landry. Les troubles

sensitifs sont beaucoup moins marqués, mais ils ne sont pas très

rares et la présence de dégénération des racines nerveuses posté-

rieures, dans un de nos cas, en donne une explication partielle. La

névrite qui existe si souvent peut affecter les fibres sensitives

comme les motrices, bien qu'il y ait prédominance sur les libres

motrices. Le trouble des sphincters noté dans deux des cas, n'est

pas habituel, mais il peut être expliqué en- partie par la faiblesse

des muscles abdominaux qui empêchaient tout effort effectif.

Ces caractères se sont vus, bien que rarement, dans des cas de

paralysie de Landry. Dans les deux cas qui guérirent il y eut une

atrophie musculaire considérable et dans le cas fatal, une dimi-

nution dans la réaction des muscles au faradisme. Un des carac-

tères les plus frappants de la paralysie de Landry, qui fut donné

par Landry lui-même et confirmé- depuis par la majorité des

auteurs, est l'existence de paralysie complète sans atrophie mus-

culaire et sans changements dans les réactions électriques.

Westphal, en 48 îfi, définissant la paralysie de Landry, disait

qu'elle était caractérisée par sa marche ascendante progressive

avec terminaison fatale, par le fait que les muscles paralysés

conservaient intacte leur excitabilité électrique et par les résul-

tats négatifs de l'autopsie. La marche ascendante progressive est

essentielle; mais, comme le montrent deux de nos cas, la termi-

naison n'est pas inévitablement fatale et les résultats de l'au-

topsie ne sont pas négatifs. La question de l'atrophie et des

modifications électriques restent à élucider. Depuis qu'il est établi

que les lésions anatomiques dans la paralysie de Landry sont une

dégénération des neurones moteurs périphériques, nous devons

admettre a priori, si les notions modernes touchant la symplo-

matologie des affections nerveuses sont justes, qu'il doit résulter

de ces lésions une atrophie musculaire et une modification dans

les réactions électriques. Cependant l'atrophie musculaire et les

modifications électriques demandent un certain temps pour se

développer, et dans la paralysie de Landry la mort peut survenir

avant que ses symptômes soient devenus appréciables. Les mé-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 147

thodes ordinaires ne nous permettent pas de distinguer facilement

de légers changements dans les réactions électriques. L'atrophie

musculaire et les modifications électriques se rencontrèrent

d'ailleurs dans un bon nombre de cas, et plus particulièrement

dans ceux dont la terminaison ne fut point fatale. Il.est plus aisé

de croire que de légères modifications électriques sont passées

inaperçues que d'admettre qu'une dégénération prononcée des

neurones moteurs périphériques puisse exister sans modifications

électriques. Dans les cas graves qui guérissent, l'atrophie et les

modifications électriques doivent être recherchées, mais dans

beaucoup de cas la mort survient avant que l'atrophie atteigne

un degré appréciable. Poulard.

CI 1

XXIII. Traumatismes de la région cervicale simulant la syringo-

myélie ; par James Hendrie Lloyd. (Journ. of Nerv. and Mental

Desease, février 1900.)

Premier cas. Le malade, vu plusieurs années après sa

fracture de la colonne cervicale, présentait avec une ressemi

blance très marquée, les symptômes de la synngomyélie, atrophie

et paralysie des muscles de l'épaule, avec des contractions fibril-

laires, et une paraplégie spasmodique sans atrophie des muscles

de la jambe, et sans aucun trouble vésical ou rectal. La dissocia-

tion des sensibilités était bien marquée. Il y avait conservation de

la sensibilité tactile, avec perte de la sensibilité à la chaleur, au

froid et à la douleur; et, ce qui est plus remarquable, cette disso-

ciation sensitive était unilatérale. La paralysie revêtait le type

hémiplégique, et le symptôme de dissociation sensitive était

entièrement limité au côté opposé à celui de la paralysie. C'était

le syndrome Brown-Séquard, modifié cependant par l'absence de

daneothésie tactile.

Autopsie. Les lésions étaient unilatérales et intéressaient une

moitié de la moelle presque tout entière. Mais à côté des autres

régions fortement prises, le cordon postérieur, peu intéressé,,

jouissait d'uue immunité relative. - L'hémiplégie existait du côté

de la lésion, la^dissociation sensitive du côté opposé. .

Deuxième cas. Comme le précédent ce malade examiné dix.

ans après son traumatisme, présentait des symptômes analogues.

à ceux de la syringomyélie. Atrophie avancée des muscles des;

deux épaules, comprenant le deltoïde, le grand pectoral, les sus

et sous-épineux, et la partie inférieure du trapèze ; les muscles

des bras,- des avant-bras et presque tous ceux des mains étaient

également pris. Contractions fibrillaires marquées dans certains

muscles atteints.Irritabilité musculaire beaucoup augmentée. Bras

complètement ou presque complètement paralysés. Diminution de

l'excitabilité aux courants électriques dans la plupart des muscles.

148 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

atteints, tandis qu'on constatait une hyperexcitabilité pour les

autres. Pas de chute de la tête. Jambes parétiques et contractu-

rées. Exagération du réflxe rotulien. Trépidation épileptoïde. Pas

d'atrophie musculaire aux membres inférieurs, pas de lésions

trophiques ; pas de symptômes bulbaires ; rien du côté de la

vessie.

Symptômes sensitifs : Douleur névralgique au niveau du cou et

de l'occiput. Sensibilité tactile partout conservée. Thermoanes-

thésie, ou mieux, anesthésie au froid, dans la moitié droite du

corps.Le malade distinguait mieux le chaud que le froid, et tou-

jours appelait le froid, chaud. Analgésie marquée dans certains

points decette zone, mais ne s'étendant pas parallèlement à l'anes-

thésie au froid. ,

Autopsie. La moelle dans la région correspondant à la frac-

ture était déformée et un peu aplatie. A l'examen microscopique,

on constata une déformation et une dégénération étendue. La

substance grise est plus particulièrement atteinte. Les cornes pos-

térieures le sont moins cependant que les antérieures. La subs-

tance blanche est également très dégénérée. Les lésions portent

plus spécialement sur les cordons antéro-latéraux ; par consé-

quent les faisceaux pyramidaux latéraux, les cérébelleux directs,

les fondamenteux antéro-latéraux, et les faisceaux de Gowers, des

deux côtés, sont profondément atteints. Par contre les cordons

postérieurs sont intacts et les faisceaux pyramidaux directs ne

sont que peu altérés.

Au-dessous de la région cervicale, on trouve dans les cordons

post érieurs une sclérose légère et très limitée,sans importance, etil il

n'en reste pas moins vrai qu'à côté des lésions constatées dans le reste

de la moelle, celles des cordons postérieurs sont insignifiantes.

Discussion. La comparaison des faits cliniques avec les

recherches anatomiques, permet quelques considérations :

Dans le second cas il y a une destruction de la substance grise,

et des faisceaux cérébelleux directs et des faisceaux de Gowers

tandis que les cordons postérieurs sont relativement intacts. Cette

intégrité des cordons postérieurs est probablement suffisante pour

expliquer la conservation de la sensibilité tactile. Ainsi se trouve

confirmée, dans ce cas comme dans le premier, l'opinion suivant

laquelle les fibres préposées à la conduction du chaud, du froid

et de la douleur suivent la substance grise dans les faisceaux de

Gowers ; tandis que, la sensibilité tactile est transmise par les

fibres des cordons postérieurs.Il n'y a aucune cavité dans la moelle,

mais le siège des lésions dans la substance grise est en'réalité le

même que dans la plupart des cas de syringomyélie. Cette déduc-

tion est d'accord en partie au moins, avec celle d'observateurs de

la plus haute compétence. (Van Gehuchten, Brissaud, Déjerine,

Edinger.)

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 149

Van Gehuchten a résumé nos connaissances, sur ce point, de

la façon suivante : Les fibres des cordons postérieurs, provenant

des neurones des gauglions postérieurs servent à la conduction de

la sensibilité tactile ; ces fibres sont directes c'est-à-dire non croi-

sées et se terminent dans les noyaux des cordons postérieurs,

autrement dit les noyaux grêles et cunéiformes. D'autre part, les

impressions de froid, de chaud, de douleur sont transmises par

l'intermédiaire de la substance grise, au moyen d'un second ordre

de neurones, dont les corps cellulaires sont situés dans les cornes

postérieures et dont les névraxes croisent la ligne médiane -et

remontent vers l'encéphale en suivant les cordons de Gowers.

Van Gehuchten regarde les lésions de la syringomyélie comme

démontrant cette marche des divers faisceaux sensitifs.Dans notre

premier cas, cette disposition était clairement mise en évidence

par le l'ait que la lésion était presque entièrement unilatérale, et

que la thermo-anesthésie siégeait du côté opposé à la lésion, tandis

que l'anesthésie tactile et l'hémiplégie étaient du même côté que la

lésion.

Dans le second cas, la lésion n'est pas unilatérale, bien que la

thermo-anesthésie soit confinée à un seul côté - condition qui

peut s'expliquer par le fait que l'étude clinique fut faite quelques

années avant la mort, et, dans ce cas, une dégénération progres-

sive peut bien, dans cet espace de temps, avoir enveloppé la subs-

tance grise des deux côtés.

Dans la troi-ième édition de son livre Van Gehuchten, résumant

nos connaissances sur le trajet des fibres sensitives dans la

moelle, conclut que les impressions de douleur, de chaud et

de froid sont transmises par les faisceaux de Gowers. Comme

ces faisceaux sont formés en grande partie de fibres provenant

des cellules nerveuses de la substance grise du côte opposé, cette

conclusion est d'accord avec les faits pathologiques du premier

cas surtout. Dans le second, la lésion de la substance grise n'est

pas suffisamment unilatérale pour autoriser cette déduction, mais

le cas prouve du moins que ces modes de sensation ne sont pas

transmis par les cordons postérieurs.

Van Gehuchten, tend à adopter les résultats des expériences de

Langendorff, lesquelles semblent prouver que les cordons posté-

rieurs ne transmettent pas les impressions tactiles, mais que ces

impressions doivent aussi passer par la substance grise, et attein-

dre l'encéphale par les faisceaux cérébelleux directs. L'auteur

pense que cette conclusion, contraire à l'expérience clinique, n'est

pas suffisamment établie par les expériences de Lagendorff. Il

vaut mieux encore regarder les cordons postérieurs comme la voie

des sensations tactiles. ' Poulard.

150 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XXIV. Un cas d'amaurose hystérique monoculaire chez une jeune

fille de onze ans ; par C. A. VEASEY. (J02lTn. of 1'erv. and. Ment.

Diseuse, août '1900.)

Elle survint chez une petite fille de onze ans. Quelques semaines

avant l'attaque de cécité elle se plaignit de douleurs sus-orbitaires

et rétro-oculaires du côté gauche. Un matin elle se leva disant

qu'elle ne voyait plus rien de l'oeil gauche. Plusieurs jours après

elle fut examinée. V (OD)= 6 V (OG) = Nulle. Elle ne peut pas

'distinguer une lumière concentrée. Aucun signe extérieur d'affec-

tion oculaire. Aucune douleur. Pas de lésions ophtalmoscopiques

du fond de l'oeil. Réaction pupillaire normale. Un certain degré

d'anesthésie Je la cornée et de laconjonctive avoisinante. L'épreuve

de Harlan fut employée, et la malade put lire facilement avec

l'oeil soi-disant « aveugle », les caractères correspondant à une

acuité visuelle de . Rétrécissement marqué du champ visuel pour

les couleurs dans les deux yeux, avec inversion complète des

champs visuels pour le rouge et le bleu. Même pendant la men-

suration du champ visuel l'enfant ne parut pas s'apercevoir qu'elle

voyait avec l'oeil gauche,bien que le droit nécessaire ment, fût couvert.

Il n'y avait pas de zones d'anesthésie de la face, si ce n'est sur la

cornée et la conjonctive. La sensibilité sur le reste du corps ne

fut pas explorée. -

La malade partit avec l'assurance que son mal guérirait très

vite. Le lendemain, la vision rétablie la veille, persistait. Quelques

jours plus tard la vision restait normale dans les deux yeux, il

n'y avait plus d'anesthésie cornéenne et conjonctivale, mais les

champs visuels étaient encore quelque peu contractés et inversés.

On pourrait dire que l'enfant simulait, mais son âge, sa bonne

disposition d'esprit, l'existence d'une anesthésie cornéenne et

conjonctivale, l'inversion des champs visuels pour les couleurs,et

ce fait qu'aucun effort ne fut fait pour dissimuler la vision après

son rétablissement, ne permettent pas d'avoir cette opinion.

, P.

XXV. Une forme de névrite subaiguë par compression; par Th. -IL

KELLOGG. (Jour, of 11'crv. and Ment. Disease, nov. 1900.)

Définition. Névrite subaiguë par compression des branches

du plexus brachial, consistant plus spécialement en troubles

sensitifs et moteurs dans la région de distribution du nerf cubital.

Etiologie. La cause immédiate est la compression des nerfs

intéressés bien que des états autotoxiques et diathésiques puissent

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 151

-agir comme causes prédisposantes. Cette affection se rencontre

souvent chez les déments auxquels on met des camisoles de force

et chez les personnes qui portent des habits aux manches trop

étroites (« the coat sleeve arm »). On la qualifie souvent de

rhumatismale ou névralgique, mais l'amélioration ne survient

qu'après découverte et éloignement de la cause mécanique; ce

sont des exemples de névrite subaiguë par compression. La

.paralysie brachiale des nouveau-nés, la paralysie musculo-spinale

des buveurs, la paralysie des porteurs de béquilles sont des

affections analogues bien que souvent plus sévères.

Symptômes. Suivant l'intensité de la compression, le début

est soudain ou graduel; le summum de paralysie est atteint en un

jour ou après des semaines. D'abord, engourdissement dans le

petit doigt et l'annulaire, avec picotement et fourmillement. Puis

paresthésie de toutes les parties de la zone de distribution cubi-

tale. Douleur considérable ou insignifiante. Enfin une anesthésie

bien marquée peut survenir, avec vaso-constriction dans les

doigts, ensemble qui ressemble au phénomène du « doigt mort ».

Quelquefois, sensibilité sur le trajet du nerf cubital, mais sans

points sensitifs au poignet et au coude comme dans la névralgie

cubitale.

Dans les cas plus sévères, la motilité est atteinte ; il y a diffi-

culté dans l'adduction et l'abduction, ainsi que dans la flexion

des quatrième et cinquième doigts. Dans les cas très sévères les

nerfs musculo-spinal et médian peuvent être pris, ce que l'auteur

n'a pas personnellement observé. «

Marche clinique. Durée de quelques semaines ou même des

mois, quand la cause n'est pas éloignée. Récidives faciles sous la

même influence mécanique.

Traitement. Avant tout, l'éloignement de la cause mécanique.

P.

XXVI. Etudes sur l'astéréognose ; par F.-X. Dercum. (7oM)') : . of

' Ne¡'v. and Mental Disease, novembre 1900.)

Ces études ont porté sur 114 cas variés de maladies nerveuses

dont le plus grand nombre étaient des hémiplégies, des diplégies, /

des scléroses postérieures, des paraplégies ataxiques, des névrites

multiples, etc... Elles ont permis de tirer certaines conclusions

sur la nature des facteurs qui créent l'astéréognose et sur la

valeur clinique de ce symptôme.

Facteurs de l'asté1'éognose : 1° La perte ou l'affaiblissement du

sens de l'espace est le plus important des facteurs de l'asté-

réognose. Cependant l'astéréognose peut exister avec conservation

du sens de l'espace. Ce fait a été observé dans un seul cas

d'hémiplégie, dans lequel il y avait, cependant, perte de la loca-

g2 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

lisation, perte de la notion de position des doigts et une contrac-

ture secondaire marquée; 2° après le sens de l'espace, vient par

ordre d'importance la notion de position des doigts et l'ataxie du

mouvement; 3° la seule conservation de l'aptitude à percevoir les

impressions tactiles et la conservation des sens de pression de

température et de douleur sont suffisantes pour prévenir la perte

du sens stéréognostic.

Importance clinique de ce symptôme : Il est certain que l'asté-

réognose peut être due à des lésions du cerveau, de la moelle

ou des nerfs périphériques. L'astéréognose peut être périphé-

rique ou centrale. Dans beaucoup de cas l'astéréognose a une

origine indubitablement corticale. C'est le cas dans la démence;

c'était le cas dans une observation de tumeur cérébrale intéressant

le cortex, rapportée par D1S Mills et Keen (26° congrès annuel

de l'American Neurological Association 1900). Mais, s'il est certain

que l'astéréognose peut être tantôt corticale, tantôt périphérique,

il est difficile de donner des signes différentiels entre ces deux

variétés. Il n'est cependant pas impossible d'essayer d'établir une

distinction : les impressions variées reçues par le cortex des

diverses sources qui concourent à la perception stéréognostique

doivent être combinées dans le cortex pour donner naissance à

l'image mentale de l'objet senti. Supposons un cas dans lequel les

divers facteurs importants de la perception stéréognostique sont

tous conservés; et malgré cela l'astéréognose existe. On aura,

dans ce cas, de sérieuses raisons pour admettre une origine

corticale. De plus, si avec astéréognose, on constate des pertes

spécifiques ou isolées comme, par exemple, la perte du sens de la

pesanteur, de la position des doigts ou l'ataxie du mouvement

sans aucun signe d'affection nerveuse périphérique ou médullaire,

il sera assez juste d'admettre une lésion cérébrale. De telles

manifestations n'indiqueraient pas seulement une lésion corticale;

elles dénoteraient la lésion d'une région plus précise de l'écorce,

la partie postérieure du lobule pariétal supérieur.

Il est impossible de dire dans quelle mesure la perte du sens

de l'espace dépend de lésions nerveuses, médullaires ou céré-

brales. Bien que la fonction remplie par le sens de l'espace soit

probablement d'origine exclusivement corticale, on constate sa

disparition, aussi bien dans les lésions nerveuses périphériques,

que médullaires ou corticales. POULAno.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE

Séance du 4 juillet 1901. -PRÉSIDENCE DE M. LE professeur RA YMOND.

Abcès du cerveau.

MM. HEITZ et BENDER présentent l'hémisphère droit du malade

mort à la suite d'une série de crises d'épilepsie jacksonienne

gauche. Ce malade était porteur d'un vaste épanchement pleural

purulent à streptocoques. Les crises survinrent brusquement, dé-

butant invariablement par la déviation conjuguée de la tête et des

yeux à gauche, puis convulsant la moitié gauche de la face, et se

généralisant enfin. Il y en eut en tout 21, toutes semblables. La

lésion était un abcès gros comme une noisette, placé à la partie

profonde de l'écorce, et où l'examen histologiquemontra des chaî-

nettes de streptocoques. Il siégeait à la partie postérieure de la

2° temporale. Cette localisation diffère de celles trouvées dans des

cas cliniques semblables par les observateurs précédents (partie

postérieure de la si et 2° frontale, gyrus sous marginal). On peut

être tenté de rapprocher cette localisation au lobe temporal des

résultats expérimentaux de Ferrier et de Sch11fer (, qui par l'exci-

tation dela FO et dela2°temporale, ont obtenu delà déviation conju-

guée, sans doute par action réflexe évoquée par une sensation au-

ditive, d'origine irritative et expérimentale.

Aphasie ,

M. BRISSAUD présente un vieillard non hémiplégique, mais dont

les réflexes sont altérés d'un côté et dont la face est asymétrique.

Après quelques troubles mentaux très légers (idées vagues de

persécution, crainte de devenir fou), cet homme fut renversé par

un omnibus et eut un ictus à la suite de cet accident. Depuis lors,

lorsqu'il veut parler, il émet sur un ton amphatique et oratoire

des syllabes associées en désordre et sans aucun sens parmi les-

quelles les seuls mots intelligibles sont« sire, roi, devoir », il ne

comprend ni ce qu'on lui dit, ni ce qu'il dit, ni le geste. On pour-

rait le prendre pour un délirant. Il n'est pourtant qu'un aphasique.

154 SOCIÉTÉS SAVANTES.

' Sclérodermie.

M. Brissaud présente un homme qui a eu aux deux mains et

présente encore à la main gauche une sclérodermie très marquée

des doigts rétractés en griffes ; la sensibilité n'est altérée qu'aux

dernières phalanges selon le type syringo-myélique (dernier mé-

tamère périphérique). La main droite seule traitée par les cata-

plasmes est guérie, la main gauche va être traitée. Les longues

applications de cataplasmes, et* les boues de Dax sont très

efficaces dans de tels cas. , 1

Tic et Paralysie.

M. Ballet rapporte le cas d'un homme de soixante-dix ans qui avait

un tic vulgaire non douloureux de la face depuis trente-sept ans.

Survint une paralysie faciale, le tic disparut et ne reparut pas après

la guérison de la paralysie.

Paralysie- totale et isolée de la troisième paire par ramollissement

pédonculaire. ... '

MM. AcuARD et LOPOLD LEVI. Lorsqu'une lésion pédonculaire

produit une paralysie de la 3° paire, elle détermine le plus souvent

en même temps une hémiplégie croisée ; c'est le syndrome de

Weber. Pour qu'elle produise seulement une paralysie isolée de la

3" paire, il faut qu'elle soit limitée, ce qui est exceptionnel.

Nous en avons observé un cas chez une vieille femme, à la suite

d'une attaque apoplectique. La paralysie de la 3e paire était

totale; la face et les membres étaient indemnes. La mort survint

au bout de trois semaines par gangrène sénile et l'autopsie mon-

tra l'existence d'un petit foyer de ramollissement à la partie

interne du pédoncule cérébral du même côté. Ce foyer pénétrait

dans la profondeur de la calotte pédonculaire et se terminait entre

l'aqueduc de Sylvius et le noyau rouge, sectionnant dans. l'inté-

rieur du pédoncule les filets d'origine du moteur oculaire

commun.

Sclérose en plaques.

M. TOUCIIE montre les coupes d'un cas de sclérose en plaques

étendu à tout le névraxe, ayant déterminé des mouvements

choréïques sans nystagmus; il insiste sur la coexistence dans ce

cas du rire spasmodique avec une destruction complète du vermis

inférieur.

' L'encéphalite aiguë sénile.

MM. F. HA DIOND et CL. Philippe ont pu observer chez des vieilles

femmes à la Salpêtrière, quatre cas avec autopsies d'encéphalite

SOCIÉTÉS SAVANTES. 155

aiguë, caractérisée incontestablement par une véritable inflamma-

tion de la substance cérébrale (écorce, faisceaux blancs, même

noyaux opto-striés) ; encéphalite ordinairement limitée à un seul

hémisphère.

Cliniquement, il existe une période prQdroznique qui peut se dé-

rouler brusquement en pleine santé, mais aussi souvent dans le

cours d'une affection pulmonaire (douleurs de tête ; asthénie

physique et psychique ; parfois incohérence légère dans les idées

et la conversation). Puis survient le symptôme capital, l'hémi-

plégie motrice, du type cérébral, précédée ou non d'un ictus apo-

plectique et accompagnée parfois de phénomènes spasmodiques

rappelant les contractures précoces* de certains hémiplégiques.

La mort survient rapidement avec une fièvre progressivement

croissante et le coma terminal.

Certes, cette symptomatologie rappelle la symptomatologie clas-

sique du ramollissement cérébral ischémique à évolution pro-

gressive. Et cependant les auteurs ont trouvé des lésions poly-

morphes variant d'un point à l'autre et sûrement non ischémiques

puisque les oblitérations vasculaires font défaut.

Ils décrivent deux types histologiques principaux. Dans l'encé-

plialite aiguë, type dégènératif, dénomination que MM. F. Itay-

mond et Cl.Plulippe préfèrent celle d'encéphalite hémorrhagique

surtout employée en Allemagne, à la suite du travail fondamental

de Wernicke, les altérations ne se limitent pas aux hémorrhagies

bien connues, à la fois périvasculaires et interstitielles; toujours,

grâce aux nouvelles techniques (méthodes de Nissl, de Marchi) il

est possible de trouver de grosses lésions au niveau des cellules

et des tubes nerveux (cellules d'abord petites avec chromatolyse et

même achromatose, homogénéisation du noyau et perte des

prolongements ; plus tard, destruction totale ; cylindre-axes

démyélinisés, nus et moniliformes, finalement détruits; corps

granuleux et granulations myéliniques répandus partout, quoique

moins abondants que dans un foyer de ramollissement vrai);

dans cette forme, la névroglie subit, elle aussi, une dégénération

progressive, ce qui amène l'élargissement des mailles de son

réticulum; bref, ce type rappelle, trait pour trait, les altérations

de la myélite aiguë de Ley den, encore appelée myélite à corps

granuleux. L'autre type, encéphalite aiguë hype1'plastique, décrite

il y a déjà près de trente-cinq ans par le professeur Hayem et trop

oubliée depuis, présente, outre les altérations dégénératives précé-

dentes des amas de cellules volumineuses, polygonales et surtout

épithélioïdes, bien tassées les unes contre les autres et fréquemment

chargées de granulations graisseuses : toutes cellules en voie de

prolifération très marquée comme le démontrent les nombreuses

figures de division, directe et indirecte, constatée en pleine subs-

tance nucléaire. .

156 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Les relations entre ces deux types d'encéphalite aiguë ne sont

pas faciles à déterminer pour l'instant, mais dès maintenant la

clinique et l'anatomie pathologiques permettent d'admettre en

pathologie humaine l'inflammation aiguë, non suppurée, de la

substance cérébrale, inflammation si longtemps niée; cette encé-

phalite est au moins aussi fréquente que la myélite aiguë et elle

tient sous sa dépendance beaucoup des hémiplégies et autres

phénomènes cérébraux observés chez le vieillard.

Rire et pleurs spasmodiques par ramollissement nucléo-capsulaire

antérieur, syndrome pseudobulbaire par désintégration locunaire

bilatéral du putamen. '

MM. E. Dupré et Dcvaus. L'observation anatomique et cli-

nique de ce cas présente un double intérêt : d'une part elle

confirme la localisation établie par Brissaud de la lésion du rire

et du pleurer spasmodique dans le bras anlérieur de la capsule

interne. D'autre part, elle offre un exemple instructif de l'associa-

tion sur le même cerveau de lésions multiples de désintégration

lacunaires, récemment étudiées par Marie et dont le siège bilaté-

ral dans le putamen à déterminer chez le malade, l'apparition

du syndrome pseudo-bulbaire.

Hommeartério-scléreux, soixante-trois ans. Deux ictus apoplecti-

ques antérieurs. Hémiplégie droite incomplète avec contracture,

troubles dysarthriques et dysphasiques,écoulement de salive, léger

affaissement dementiel; rire et pleurer spasmodique : cachexie,

gâtisme, coma, mort. A l'autopsie, trois petits( foyers de ramollis-

sement siégeant dans la partie antéro-externe du noyau et

intéressant le bras antérieur de la capsule interne que la cavité de

l'un des foyers traverse, en passant de la tête du noyau caudé à

celle du noyau lenticulaire. Présence multiple et bilatérale de

petits foyers de désintégration lacunaire dans le putamen. Etat

criblé, disséminé dans le centre ovale, Dégénération pyramidal

gauche. Intégrité du thalamus.

Cette observation confirme, après celles de Brissaud, Remuno

Riuzgio Mingozzini, etc., la localisation centrale de la lésion du

rire et du pleurer spasmodique. Elle montre différents états

existant du cerveau, et leurs conséquences cliniques en rapport

avec leur distribution topographique.

Mli. II. AIEIGE et Feindel rapportent un cas de tics multiples

chez un jeune homme dégénéré infantile.

Lymphocytose dans la paralysie générale et la méningite

tuberculeuse.

MM. ANGLADE et CnocRAux montrent par des préparations d'un

SOCIÉTÉS SAVANTES. 157

haut intérêt que cette lymphacytose prend naissance par lésion de

l'endothelium des vaisseaux qui rompent au fond des sillons des

hémisphères et par lésion endothéliale des vaisseaux sous-épithé-

liaux de l'épendyme. Ce signe de début plaidait donc en faveur

de la lésion vasculaire précoce dans la paralysie générale.

La nèvroglie dans la paralysie générale.

M. ANGLADE au moyen de son procédé personnel qu'il a récem-

ment perfectionné, montre la prolifération névroglique se faisant

de la périphérie vers le centre et rompant les neurondes.

Hémispasme et torticolis.

M. 1,lBt\SRY présente un cas d'hémispasme avec torticolis spas-

modique chez un polisseur de pierres précieuses, dont le travail

exige une attitude analogue à celle qu'impose la maladie. Il existe

chez le malade des signes d'irritation du faisceau pyramidal.

MM. LAIGNEL-LAVASTINL et Vigouroux rapportent l'histoire d'un

malade atteint de ptosis gauche avec strabisme externe, hémiparésie

droite et déviation à droite de la langue lésion pédonculaire par

tubercule isolé probable. Ils citent aussi un cas d'ophtalmoplégie

totale et complète gauche avec cécité. Gliome probable de la base

avec compression de toutes les origines oculomotiices.

. Paralysie du grand hypoglosse.

MM. P. Marie et GUIL.11N présentent un malade atteint d'une

hémitrophie de la langue ; celle-ci tirée est déviée du côté de

l'atrophie, au repos dans la bouche elle est déviée du côté sain. Il

s'agit d'une paralysie périphérique par compression du grand

hypoglosse (ganglions tuberculeux).

Thennogénèse des tabétiques.

MM. Marie et GUILOIN ont constaté que la température des ta-

bétiques est constamment au-dessous de la normale.

Adipose douloureuse et arthropathies.

MM. Hb.IT7 et REYNON présentent une malade dont l'adipose

douloureuse est devenue indolore lors de l'apparition d'arthrites.

Deux autopsies de maladie de Friedreich.

MM. CL. PUILIPPE et J. Obertiicr apportent l'examen histolo-

gique de deux autopsies de maladie de Friedreich, dont l'une

158 SOCIÉTÉS SAVANTES. 1

présente cette particularité intéressante de s'être développée dans

les premières années del'infection, tardivementaprèsl'âge de vingt

ans, chez un syphilitique.

Rapprochant leurs observations des autres cas authentiques,

déjà publiés au nombre de la ou 20, ils signalent la constance

de la sclérose des cordons et racines postérieurs et surtout l'inten-

sité des altérations de la substance grise (corne postérieure, cellules

cordonales, colonnes de Clarl : e); la variabilité de la sclérose des

cordons anlé1'o-laléruux., depuis l'atteinte légère du faisceau pyra-

midal croisé jusqu'à la prise considérable de tous les faisceaux

(f. moteur; f. de Gowers; f. cérébelleux direct ; fibres commis-

surales courtes) ; très vraisemblablement, cette variabilité de la

sclérose antéro-latérale, rend compte du développement plus ou

moins considérable des phénomènes spasmodiques constatés en

clinique. La maladie de Friedreich est bien une affection médu ! -

laire différente du tabes et indépendante d'une sclérose ou d'une

dysgénésie du cervelet, lésion toujours absente dans les cas

authentiques, comme les auteurs ont pu encore'le constater en

étudiant surtout l'état des pédoncules cérébelleux. Elle est égale-

ment remarquable par le grand développement de la sclérose

névroglique, sclérose toujours très végétante, non seulement dans

les zones dégénérées, mais encore sous l'épendyme du ,4 ventricule

et de l'aqueduc de Sylvius et sous la pie-mère médullaire. ,

Tumeur cérébrale à forme psycho-paralytique.

*

1\1111. CESlAi'i et Lejeune rapportent l'observation d'une femme

ayant présenté de la névrite optique oedémateuse, des céphalées et

dés vomissements, signes révélateurs d'une tumeur cérébrale. Le

diagnostic de siège fut fait d'une part par l'existence d'attaques

partielles du côté droit d'autre part, par la présence de troubles

psychiques particuliers. En effet, à l'autopsie, les auteurs ont

trouvé un sarcome fasciculé avec formations pseudo-kystiques, de

la grosseur d'une orange, ayant comprimé la F I, la F la F2, la

partie moyenne de la 1 et la F , du cerveau gauche. Ils existent

sur l'engagement du cervelet dans le trou occipital sous l'influence

de l'hypertension de liquide céphalo-rachidien et du développement

énorme de la tumeur ; d'autre part, ils montrent que les désordres

mentaux présentés par la malade sont différents de ceux que

produisent en général les tumeurs cérébrales quel qu'en soit le

siège, et permettaient ainsi, associés aux troubles moteurs, de lo-

caliser la tumeur dans le lobe frontal.

Contribution à l'étude histologique du mal de Pott cancéreux.

M. 013ERTII[JR. Dans beaucoup de cas les accidents de com-

SOCIÉTÉS SAVANTES. ' lg9

pression carcinomateuse de la moelle et des racines ne relèvent

pas d'une localisation secondaire, comme le pensait Tripier, au

niveau des corps vertébraux, gagnant de là les enveloppes et la

moelle. Il s'agirait bien plutôt d'une invasion méningée au niveau

de l'émergence des racines dans les trous de conjugaison par l'en-

tremise des lymphatiques venus des organes thoraciques et

abdominaux. L'ordre d'apparition des symptômes cliniques plaide

déjà en faveur de cette manière de voir.

Les cas d'évolution peu avancée comme celui présenté ici sont

favorables à la théorie méningée. Ce cas présente en outre des

lésions des racines qui permettent d'étudier l'invasion des tubes

nerveux par les tumeurs épithéliales. ' .

Etude d'un cas de paraplégie diabétique.

M. G. Marinesco. 11 s'agit d'un paysan âgé de vingt et un ans,

qui au mois d'octobre 1899 fut pris d'une soit'impérieuse. Laquan-

titéd'eau qu'il absorbait par jour depuis, avariéentre 10 et20 litres.

En même temps a paru la polyure ; l'urine était claire et la

quantité évacuée est allée jusqu'à 19 litres en xi heures. La

polydypsie et la polyurie se sont accompagnées de polyphagie et

d'autophagie ; de sorte que le malade a maigri d'une façon consi-

dérable. L'urine contient lit) grammes de sucre par litre. Les

réflexes patellaires sont abolis, les réflexes crémastériens affaiblis,

les réflexes pupillaires persistent. En dehors de l'émaciation des

muscles qui est générale, on constate une atrophie des muscles

de la jambe, prédominant dans les extenseurs. Le malade ne peut

marcher qu'appuyé des deux côtés; la démarche ressemble au

steppage ; cependant, ainsi que l'analyse cinématographique le

démontre, le malade aborde la terre par le talon et jamais par la

pointe, comme cela arrive ordinairement dans le steppage. '

L'examen du système nerveux central et périphérique ainsi que

celui des muscles nous a décelé les lésions suivantes : le bulbe est'

d'apparence normale, et la méthode de 1\issl ne décèle pas de lé-

sions du côté des cellules nerveuses. Par contre, il existe sur toute'

la région lombaire sacrée de la moelle et particulièrement dans le

groupe postéro-latéral, des cellules altérées, qui présentent une

ressemblance surprenante avec les cellules auxquelles on a coupé

le cylindraxe, c'est-à-dire elles offrent le type des lésions secon-

daires qui consistent, ainsi qu'on le sait. dans la chromatolyse

périnucléaire avec émigration du noyau. Les nerfs périphériques

des membres inférieurs sont dégénérés, mais cette dégénérescence

peu accentuée dans la région des nerf= sciatique et crural, est au

contraire extrêmement accusée dans les nerfs sciatique poplité

externe, où sur les coupes transversales des faisceaux nerveux

on ne voit pas beaucoup de fibres saines. -

160 ' SOCIÉTÉS SAVANTES.

En résumé, l'altération, qui a déterminé la paraplégie avec step-

page dans ce cas, c'est la dégénérescence primitive des nerfs péri-

phériques ; tandis que les lésions des cellules radiculaires sont

secondaires il cette dégénérescence.

MM. CL. PIIILIPPE et B. ElDE ont pu étudier par la méthode de

Nissl les allures des ganglions rachidiens dans cinq cas de poly-

névrite très variables quant à leurs symptômes moteurs et sensitifs

et également quant à leur durée. Ils arrivent à cette conclusion :

Au cours des polynévrites, les cellules des ganglions rachidiens ne

sont pas prises avec la même constance que les grandes cellules

radiculaires des cornes antérieures de la moëlle épinière. Cela

parait dépendre de l'intensité et de la durée de la polynévrite.

Les lésions incontestables paraissent être surtout dues aux formes

à prédominance sensitive et de longue durée. En outre, les types

lésionnels sont plus nombreux que ceux rencontrés dans la cellule

radiculaire motrice.

M. DUPRÉ rapporte un cas de pachiméningite chez un malade

atteint de méningite tuberculeuse soupçonné à tort de mal de

Pott. F. BoissiER.

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance du 18 juin 1901. Présidence de M. Voisin.

Deux cas d'incontinence nocturne d'urine guéris en une seule séance

. de suggestion pendant le sommeil naturel.

M. Bourdon (de Méru). Il s'agit d'un garçon de neuf ans et

d'une fillette de onze ans. Pendant qu'ils dormaient de leur som-

meil normal, je les ai suggestionnés, suivant la technique décrite

par M. Paul Farez. La guérison, obtenue en une seule séance, s'est

maintenue depuis plusieurs années.

M. Paul FA : 1.EZ. Le cas d'incontinence que j'ai récemment rap-

porté avait aussi été guéri en une séance. La rapidité et la persis-

tance de ces guérisons est à signaler à ceux qui, systématique-

ment, déclarent la suggestion pendant le sommeil naturel

impraticable ou inefficace. Ce mode d'intervention sera souvent

mieux accepté et même plus facilement applicable que la sugges-

tion hypnotique proprement dite; peut-être même deviendra-t-il

la méthode de choix contre l'incontinence d'urine.

SOCIETES SAVANTES. c 161

M. PAU de SdINT-MARTI1V. J'ai aussi traité une incontinence

d'urine par suggestion pendant le sommeil naturel, en me confor-

mant à la technique de M. Farez. Il m'a, il est vrai, fallu plusieurs

séances, mais la guérison a été complète et définitive.

M. BÉRILLO,'4. C'est la suggestion sous toutes ses formes qui

modifie le plus sûrement l'incontinence ; les nombreux médica-

ments prônés comme spécifiques n'agissent ici que par suggestion.

Influence du psychique sur les fonctions utérines. ,

M. Félix REGNAULT étudie l'influence du psychique sur les mé-

trorragies, les aménorrhées, l'avortement, les hémorragies, les

contractions utérines, les fausses grossesses, etc.

M. Jules Voisin. Une jeune fille de mon service avait des

règles qui duraient douze ou quinze jours et elle en était devenue

très anémique. Parla suggestion hypnotique, j'ai limité ses règles

à une durée de cinq jours et c'est ainsi qu'indirectement j'ai guéri

cette anémie.

Un cas de rêve obsédant.

M. 131lILL01\ présente une jeune fille qui, à la vue d'un incendie,

a été prise d'attaque convulsive hystérique. Depuis lors, chaque

nuit, elle revoit en rêve la scène de l'incendie. Ce rêve émotionnel

provoque des crises très fréquentes. Iiypnoptisée, cette jeune fille

présente les trois États et les phénomènes somatiques qui les

caractérisent; on peut renouveler sur elle les expériences classi-

ques de la Salpêtrière.

OEdème bleu des hystériques.

M. Jules Voisin rapporte un cas d'oedème bleu qui occupait la

main, le poignet, le tiers inférieur de l'avant-bras et qu'il a fait dis-

paraître en vingt minutes par la suggestion.

M. Hikmet (de Constantino,ple) rapporte un cas analogue d'oedème

bleu du pied chez une hystérique qui, après ses attaques convul-

sives, présentait des hémoptysies.

M. BGRILLON. Dans les oedèmes qui surviennent chez les car-

diaques, M.IIuchard enseigne que les diurétiques n'agissent guère

qu'après une mise en train. Celle-ci s'obtient, soit par le massage,

soit par la suggestion. Je me rappelle le cas d'un individu qui,

atteint d'anasarque, n'urinait pas depuis plusieurs jours, malgré

de nombreux diurétiques. Je l'ai vu avec Mesnet; en employant la

suggestion, nous avons pu le dégonfler et provoquer une très

abondante diurèse.

Ahuuves, 2° série, t. XII. 11 t

'1G BIBLIOGRAPHIE.

M. Félix Regnault. - Il faut, en effet, bien spécifier, et de nom-

. breux exemples le prouvent, que la digestion n'agit pas seulement

sur le psychique, sur des idées, des obsessions, des impulsions.

Elle peut ou produire ou faire rétrocéder des épanchements, des

collections séreuses, des modifications organiques visibles et tan-

gibles. -

, M. Jules VOISIN : - J'ai pu, de nombreuses fois, supprimer par

suggestion une hydarthrose à répétition qui survenait au genou

chez une jeune fille de mon service toutes les fois qu'elle avait

envie de ne pas travailler et de rester couchée.

- DI. Bourdon (de Méru). J'ai modifié également par la sugges-

tion une petite tumeur de la région axillo-mammaire décrite jadis

par Potain sous le nom de pseudo-lipome des arthritiques.

BIBLIOGRAPHIE.

V. Swedenborg (Histoire d'un Visionnaire au XVIIIe siècle) ;

, par G. Ballet. (Paris, Masson, 1899.)

Il n'est personne parmi les neurologistes et les psychologues qui

n'ait été arrêté par l'étrange ligure de Swedenborg, mais sans

avoir pu s'en faire une idée explicitement précise. Le terme flou

d'illuminé ne satisfait pas plus l'esprit que l'indéci.sion dans laquelle

nous laisserait la lecture de la foule d'écrits publiés à propos de

cette personnalité. La plupart de ceux-ci ne sont que des relations

d'admirateurs animés du plus vif prosélytisme, auxquels se mêlent

quelques détracteurs passionnés. Si d'autre part beaucoup de phi-

losophes, comme Kant, ont incidemment abordé l'étude de ce carac-

tère en des passages plus ou moins importants de leurs travaux,

ils en sont restés comme Gorrès et Ideler à une vague pathologie.

Morel lui-même ne consacre qu'une faible part de son court

mémoire à la mentalité de Swedenborg et cherche plutôt à s'ex-

pliquer l'influence de cet esprit bizarre sur ses nombreux adeptes.

Aucune synthèse ne se dégage de cette abondante littérature, en

laquelle il est même facile de s'égarer, et, le champ restant libre

à la critique scientifique, M. Ballet en a pris possession avec une

heureuse sagacité. Il a dû, pour en venir à bout, dépouiller le fouillis

de toutes les productions ci-dessus mentionnées au milieu duquel

il a par bonheur trouvé la biographie consciencieuse due à Matter.

' BIBLIOGRAPHIE. '163

puis il a fallu lire les innombrables autant que volumineuses oeuvres

de Swedenborg lui-même, et ne s'en tenant pas encore là, il s'est

mis en rapport avec quelques sectateurs de la religion swedeubor-

gienne allant jusqu'à assister parmi eux à un de leurs offices. Aussi

M. Ballet a-t-il atteint le fond de son sujet et trouvons-nous dans

son livre tout ce que fut le prophète suédois et la formule exacte

de ce qu'il en faut penser.

Connaissant suffisamment Swedenborg on est porté à croire qu'il '

y a eu en lui deux hommes bien distincts et que cette manière de

dédoublement s'était produite dans le temps et dans l'espace. Dans

la première moitié de sa vie il aurait été un savant exact, génial

et fécond, dans la seconde un pur visionnaire ; d'autre part au

moment même où il aurait vécu en pleine hallucination, l'homme

de science, le parlementaire disert et l'homme du monde auraient

persisté intacts, à côté du délirant.

M. Ballet, en nous conduisant à travers les détails successifs de

cette existence, nous montre qu'il n'y a eu en réalité aucun chan-

gement soudain, aucune scission brusque dans la carrière de Swe-

denborg. Tous les événements grands et petits qui distinguent

celle-ci sont tout simplement le résultat logique et en quelque

sorte prévu, les étapes régulières d'une évolution mentale univoque.

Commençant en 1088 l'enfance même de Swedenborg a été rem-

plie d'une religiosité foncière qui en a marqué et dirigé tous les

actes, entretenant dans son esprit une sollicitude spéciale. C'est

cette religiosité même qui a lancé dans l'étude acharnée cette belle

intelligence. Anxieux de trouver par la voie des sciences l'explica-

tion des mystères divins et la confirmation des données de la foi,

le jeune homme se donna tout entier aux sciences exactes, à l'as-

tronomie, à la géologie, à l'histoire naturelle et l'homme mûr il

la métaphysique jusqu'en 1736. publiant sur toutes ces matières

quantité de volumes dont beaucoup, pour l'époque, étaient des

modèles. Mais n'ayant pas trouvé de ce côté les solutions si ardem-

ment poursuivies il se confine de 1736 à 1745 dans la physiologie,

espérant être plus heureux en cherchant l'âme dans « le micro-

cosme qu'elle habite ». Bien qu'il fut d'ailleurs un mauvais physio-

logiste étant imbu déjà de mysticisme et hanté de l'idée des causes

finales, il eut pourtant des aperçus intéressants sur divers sujets et

particulièrement sur le foie et le poumon et conçut l'idée du lobule

hépatique et pulmonaire. Il ajoutait encore des traités considéra-

bles à la somme déjà extraordinaire de ses ouvrages antérieurs,

fécondité qui à elle seule eut suffi dès ce moment à caractériser

une véritable anomalie.

Ici se terminerait la prétendue première période de cette vie,

pendant laquelle M. Ballet nous fait voir un esprit, prédisposé dès

le berceau, s'infiltrer tous les jours davantage de tendances théo-

sophiques, le savant naître de ces mêmes tendances et se stimuler

164 BIBLIOGRAPHIE.'

par elles. Nous le voyons voyager sans cesse et s'isoler en des

méditations et des rêves interminables extra-sicentifiques souvent

et déjà peut-être alimentés par de vagues hallucinations encore

inconnues. Aussi la transition nous semble-t-elle malgré tout

naturelle quand nous le voyons pénétrer dans la période dite

seconde et franchement délirante de sa carrière à la suite de la

, fameuse hallucination de Londres. On sait comment cette dernière

se produisit, préparée par une longue retraite de contemplation

mentale intensive, par un travail cérébral excessif, par une fruga-

lité extrême et peut-être par l'âge même de soixante-huit ans qu'il

venait d'atteindre. Dînant seul, dans une chambrette retirée que

son restaurateur lui réservait, il vit, précédé de phénomènes lumi-

neux et zooptiques, Dieu qui lui dit d'une voix irritée : « ne mange

pas tant ! » Il lui fallut dès ce moment avoir recours à l'exégèse

spéciale, à l'aide de laquelle déjà il trouvait un sens particulier et

connu de lui seul aux textes sacrés, pour ôter à cette parole ce

qu'elle paraît avoir de trivial et même d'un peu ridicule et puéril

pour une première visite de la divinité. Tel fut pourtant le chemin

de Damas de Swedenborg dont les visions, de ce jour incessantes,

furent connues de tous et lui inspirèrent après les « Arcane

coeleslit¡ » les innombrables et énormes publications religieuses,

fruit de ses extases et des hallucinations compliquées où il se com-

plut pendant tant d'années. L'équilibre, depuis toujours instable et

tous les jours ébranlé davantage, avait achevé de se rompre. Swe-

denborg cause avec des personnages historiques et autres, morts

depuis des siècles ou depuis peu mais seulement avec ceux dont

les noms au moins lui sont connus; il s'entretient avec l'esprit des

habitants des planètes, il assiste à des cérémonies dans le ciel, à

des scènes de l'enfer, au jugement dernier.

Entre temps, il éprouve plusieurs fois des phénomènes de télé-

pathie et donne au moment même où il se produit les détails d'un

incendie qui éclate à des centaines de lieues.

Aussi actif à quatre-vingts ans qu'à quarante ans, écrivant et fai-

sans sans cesse le trajet de Londres à Stockholm, il conserve une

attitude correctement zélée au parlement et dans le monde, s'iso-

lant seulement volontiers en dehors de ses devoirs sociaux.

Vers la fin de cette vie hallucinatoire de vingt-sept ans, un ictus

survient en 1'771 amenant une guérison temporaire au grand cha-

grin du théosophe qui regrette ses visions. -

Les- hallucinations de Swedenborg tiennent surtout du rêve;

toujours mystiques dans leur contenu, elles sont visuelles, générales

et verbales, combinées à toutes les formes des hallucinations de

l'ouïe, aux hallucinations psychiques à forme de langage cogitatif

interne et psychomotrices et à celles de la sensibilité générale.

Il amenait par le recueillement de la prière le degré de distrac-

tion nécessaire pour amener ces phénomènes oniroïdes et extati-

BIBLIOGRAPHIE. )G3

ques. Son état d'esprit fut d'autre part celui des anormaux de la

même catégorie. L'indifférence à l'égard de sa famille qu'il aban-

donne dénote bien l'état affeclil' typique en pareil cas ; la convic-

tion de la mission céleste pour laquelle il est choisi et son dédain

pour les autres prophètes met en évidence la partie mégaloma-

niaque d'un délire auquel n'ont pas manqué les persécutions mys-

tiques par le.diable et les mauvais esprits, tout cela sans que chez

lui la désagrégation mentale ait jamais été complète, sans démence

terminale même, mais toujours avec une critique seulement insuf-

fisante. Swedenborg n'a pas été un hystérique pas plus que les

grands mystiques purs qu'on a pu rapprocher des érotiques et

dont il faut aussi le distinguer; chez lui en effet l'élément intellec-

tuel précède et domine l'élément affectif et Matter cherchant à

séparer les mystiques de théosaphes, dit que : « leur objet est le

même » ; Dieut su, vu, et atteint.

«Mais le mysticisme va du sentiment où il débute à la haute spé-

culation où il ne s'arrête plus ; la théosophie va de l'idée spécula-

tive où elle débute, au sentiment où elle aime à ne trouver plus

ni fin ni limite. Aussi ces deux doctrines se rencontrent-elles pres-

que toujours et se confondent-elles quelquefois ». (Ballet., p. 10'j).

Le voyant de Stockholm se rapprocherait donc plutôt du théosophe

de Matter, mais il faut aussi le distinguer du délirant systématisé

progressif dont la marche diffère et dont tout l'ensemble de la

mentalité est altérée par les conceptions délirantes. 1\1.. Ballet pro-

pose pour le cas de Swedenborg et de ses pareils la dénomination

très heureuse de Théomanie raisonnante. Il compare cet état à celui

des régicides étudiés par Régis : même pathogénie, même évolu-

tion, mêmes étapes, même apostolat. Après avoir rappelé les traits

de tous les grands hallucinés, il établit un lumineux parallèle

entre divers Théomanes raisonnants et surtout entre sainte Thé-

rèse d'Avila et Swedenborg, parallèle aboutissant à un étroit rap-

prochement. Si dans les mêmes entités délirantes le temps a

imprimé le cachet de nuances différentes selon les époques et les

milieux, « si entre sainte Thérèse et Swedenborg il y a toute la

distance qui peut séparer le mysticisme de la catholique Espagne

du xvi° siècle de la théosophie du protestant Suédois du xvlne »,

les analogies n'en sont pas moins significatives et l'identité n'en

ressort pas moins : même origine, mêmes phénomènes, même

marche, mêmes effets. ' *

Nous voyons là combien les termes précis ont de valeur, combien

devrait être restreint et combien est mauvais l'emploi du mot folie

que trop souvent la pathologie arrache à son sens véritable pour

lui faire désigner, des anomalies ne méritant pas une telle appella-

tion. Ici encore prennent place une réhabilitation du génie et bien

d'autres aperçus scientifiques d'un haut intérêt, notamment sur

les hallucinations psychiques, qui rendent indispensable la lecture

166 BIBLIOGRAPHIE.

de ce livre où M. Ballet avec une délicatesse extraordinaire a réussi

à mettre toutes choses rigoureusement au point sans que des con-

victions religieuses quelconques, fussent-elles swenderborgiennes,

puissent prendre ombrage de sa judicieuse argumentation.

Il n'y avait donc pas à glaner dans l'histoire du voyant, il y avait

un beau chapitre de pathologie mentale à édifier. C'est ce que

M. Ballet a si complètement accompli. F. BOISSIER.

VI. La statistique des aliénés du canton de Zurich; par

P. Sérieux. (Revue de Psychiatrie, juin 1899.)

Le bureau de statistique de Zurich secondé par des médecins

compétents a procédé le 1 ? décembre 1898 au recensement simul-

tané de la population et des malades internés, ce qui a donné en

chiffres ronds : Population : 339 056 habitants. Aliénés, idiots et

épileptiques : 3 261 soit un pour 103, dont un pour 310 seulement

dans les asiles publics. Les idiots et débiles représentent la moitié

du total des malades, les aliénés proprement dits l'autre moitié.

Parmi ces derniers on relève : curables 10 0/0, alcooliques 5 0/0,

épileptiques 10 0/0, incurables environ 60 0/0.

D'après le sexe on aurait : femmes 52 0/0, hommes 48 0/0. Un

tiers des aliénés est à la charge de l'Assistance publique.

Un tiers est interné dans les asiles publics, 10 0/0 dans les éta-

blis,ements' privés ; 41 0/0 restent dans leurs familles. Parmi les

aliénés 80 0/0 sont des célibataires ; 2,4 0/0 sont des étrangers.

Les aliénés travailleurs sont au nombre de 28 0/0 dont la moitié

travaillent aux champs. 10 0/0 sont dangereux, 10 0/0 agités tur-

bulents, 33 0/0 tranquilles, 10 0/0 bons travailleurs, 10 0/0 mal-

propres, 2,5 0/0 délinquants. Le canton possède deux asiles dont

un asile de traitement (358 malades), et un asile de chroniques (650

malades). Le nombre des admissions à l'asile de traitement a été

en 1888 de 236 malades. Le nombre des asiles privés recevant

plus de 19 malades est de huit. F. Boisson.

V11. Réfraction and ILow lo refract. Includinrl Sections on OpLics,

Retinoscopy, llze filling of Spectacles aud Eye [¡lasses, etc. ; par

James Tiiorington, A. M. M. D. avec 200 illustrations, dont

13 coloriées. Philadelphie : P. lJlakiston : s son and Co, 1900.

Il n'existe point en France de livre vraiment pratique sur la

réfraction de l'oeil. Des auteurs éminents ont étudié cette partie

intéressante de l'ophtalmologie, mais d'une manière trop com-

plète et aussi trop complexe pour les débutants. Il faut avoir des

connaissances mathématiques étendues et posséder déjà des

notions élémentaires sur la réfraction pour lire et apprécier le

traité classique de Donders. L'auteur poursuit avant tout un but

BIBLIOGRAPHIE. 167

pratique. C'est sur le désir exprimé par les étudiants qui fréquen-

taient sa clinique et pour leur être utile qu'il a écrit ce livre.

Laissant de côté beaucoup des problèmes mathématiques et

physiologiques de l'optique, il expose clairement et simplement les

notions théoriques indispensables pour le diagnostic et le traite-

ment des troubles de la réfraction. Son livre a le grand avantage

de ne point rebuter les jeunes gens aux prises avec les premières

difficultés de la réfraction. De petits défauts sont grandement

compensés par l'excellence de la méthode employée. Peut-on lui

reprocher d'être, dans certaines circonstances, trop affirmatif,

trop dogmatique' ? Ce défaut est une nécessité pour tous ceux qui

enseignent à des débutants dans l'esprit desquels il importe de ne

pas jeter le désarroi et l'incertitude.

Dans l'ouvrage de M. Thorington se trouvent : une étude som-

maire mais suffisante des lois qui régissent la marche des rayons

lumineux (réllection et réfraction), la description de l'oeil schéma-

tique, la description et le diagnostic différentiel des amétropies,

les règles qu'il faut suivre pour les corriger. L'examen ophtalmos-

copique, la skiascopie occupent la place importante qu'ils méritent.

Un chapitre spécial est consacré à l'étude des muscles de l'oeil et

particulièrement aux troubles de convergence et de divergence si

souvent et si intimement liés à ceux de la réfraction. POULARD.

VIII. Du sérum artificiel en aliénation mentale; par le De E. FAURE,

ex-interne de l'asile de Bron.

Les injections sous-cutanées de sérum artificiel, et à leur défaut

les injections intrarectales, peuvent rendre des services en alié-

nation mentale. Elles paraissent agir de deux façons : 1° En éli-

minant les toxines, en les diluant et en rétablissant les sécrétions.

Elles sont alors indiquées dans tous les cas où les troubles men-

taux paraissent liés à des infections, à des auto-intoxications,

c'est-à-dire à un empoisonnement de l'organisme et par suite du

cerveau, et aussi chez les épileptiques en état de crises subin-

trantes. ? ° En exercant une action stimulante sur touteslescellules

et en particulier les cellules nerveuses. Elles sont indiquées dans

les états de dépression mélancolique, dans les états épileptiques

avec ralentissement des fonctions de nutrition. Elles pourront

être employées dans la démorphinisation. Elles ont une action

spéciale sur la fonction urinairè qu'elles rétablissent rapidement et

sur la sitiophobie qu'elles l'ont souvent disparaître. D. 1

ASILES D'ALIÉNÉS.

Isolement des malades atteints de la tuberculose.

LE PRÉSIDENT DU CONSEIL, MINISTRE DE, L'INTÉRIEUR

ET DES CULTES A MONSIEUR LE PRÉFET,

J'ai l'honneur de vous signaler, en appelant sur elles toute votre

attention, les observations auxquelles a été amenée la commis-

sion de la tuberculose dans ses recherches sur la propagation de

cette maladie dans les asiles d'aliénés et sur les moyens de s'y

opposer. La Commission a été particulièrement frappée de ce fait

que les lieux où sévissait cette affection redoutable étaient relati-

vement limités, et que dans les milieux mêmes où les hommes

vivent en collectivité, les uns étaient décimés, tandis que d'autres,

dans une situation identique, étaient à peine touchés. Cette

remarque d'ordre général s'applique d'une façon toute particu-

lière aux asiles d'aliénés. Les ravages exercés par le fléau, n'y

sont, pour l'ensemble des établissements, que trop considérables,

puisqu'au cours des années 1894 à 1898 et pour une population

moyenne annuelle de 61.685 aliénés, la proportion des décès

attribués annuellement à la tuberculose s'est élevée à 689, soit

111 pour 10.000 malades hospitalisés.

Mais ce qui ressort, avant tout, de l'enquête poursuivie, c'est

l'étrange disproportion qui s'observe entre un asile et un autre,

quant à l'étendue du mal et au nombre de ses victimes. Alors que

dans une vingtaine d'asiles publics ou privés la mortalité par

tuberculose est tantôt nulle, tantôt peu élevée, et ne. dépasse

jamais 30 décès pour 10.000 malades, on la voit dans les autres

s'élever rapidement- au chiffre moyen de 111, dépasser celui de

200 dans quatre asiles, celui dé 300 dans deux autres, pour

atteindre jusqu'aux chiffres extrêmes de 540 et 556 dans les deux

asiles les plus éprouvés.

. Cette disproportion saisit d'autant plus que les décès si fré-

quents.attribués à la tuberculose dans de trop nombreux asiles ne

se trouvent pas expliqués par une situation plus particulièrement

mauvaise du département ou des départements voisins, dans les-

quels se trouvent recrutés les malades hospitalisés.

Il' faut alors reconnaître, dans les asiles eux-mêmes à ce point

contaminés, de véritables foyers d'infection tuberculeuse, et c'est

asiles d'aliénés. 169

contre un tel état de choses, dont les chiffres cités plus haut vous

auront montré toute la gravité, que j'ai le devoir de faire appel

à toute votre énergie. ^ 1

Des mesures prophylactiques s'imposent que la Commission n'a

pas perdues de vue. Il en est d'ordre général qui peuvent trouver

dans les asiles une facile exécution. En premier lieu, une mesure

d'hygiène publique, à l'observation de laquelle vous devrez prêter -

votre sollicitude, c'est la « défense de cracher à terre ». ,

Les crachats desséchés étant reconnus par la science comme les

plus actifs agents de propagation bacillaire, je vous invite à pres-

crire aux établissements publics ou privés d'aliénés de votre dépar-

tement, l'adoption des dispositions suivantes, qui pourront obvier

à une cause fréquente entre toutes de la contamination tuber-

culeuse.

1° Affichage dans tous les locaux occupés par le personnel où

les malades de la « défense de cracher à terre » dont il y aura lieu

d'étudier, en outre la réglementation et la sanction dans les

conditions où elles paraîtront pouvoir s'exercer. 2° Installation

dans ces locaux, et en nombre suffisant, de crachoirs hygiéniques

à uu mètre du sol, bien en vue et au voisinage des dites affiches.

3° Balayage humide de toutes les salles et lavage des parois.

Cet ensemble de mesures préventives dès maintenant réalisables *

ne sera pas par lui-même entièrement suffisant, à raison de la fai-

blesse d'esprit des aliénés auxquels il sera particulièrement diffi-

cile, dans bien des cas, d'inculquer avec la crainte du fléau les

notions' d'hygiène propres à lui faire sa part. Aussi, est-ce au

dévouement et à l'intelligence du personnel de tout ordre que je

vous prie de faire avant tout appel, afin que par les exemples

individuels que ses membres seront appelés à donner journelle-

ment aux malades, ainsi que dans les limites de l'autorité qui leur

sera impartie sur eux, ils puissent, en toute occasion, se livrer à

une propagande antibacillaire eflicace.

Dans cet ordre d'idées, et conformément au voeu émis par la

Commission de la tuberculose, je vous invite à apporter votre soin

à ce que le personnel des asiles et particulièrement celui des

agents préposés à la garde et au traitement des aliénés tubercu-

leux, reçoive une instruction suffisante touchant les dangers de la

tuberculose et la prophylaxie à y opposer. Ceux des agents à qui

incombera le soin des tuberculeux devront être obligés au port de

la blouse hygiénique dans les salles, au lavage soigné des mains

et de la bouche avant le repas, à la toilette scrupuleuse du corps.

Une instruction technique détaillée devra être aussi donnée

aux blanchisseurs pour la désinfection du linge contaminé ! Enfin, ,

pour mettre obstacle à une cause particulière aux établissements

hospitaliers et notamment aux asiles d'aliénés, celle provenant de

la promiscuité des malades contaminés et de ceux qui ne le sont

170 asiles d'aliénés.

pas, je vous invite à prescrire, dans les asiles publics ou asiles

privés faisant fonctions d'asiles publics de votre département,

autant que les locaux le permettront, l'établissement d'un quar-

tier spécial destiné à l'isolement des aliénés tuberculisés.

En vous priant de porter les présentes instructions à la connais-

sance de qui de droit et de tenir la main à leur exécution, je vous

invite à rappeler aux directeurs-médecins et médecins en chef des

asiles, qu'ils devront, dans leurs rapports médicaux annuels,

fournir des indications détaillées sur les ravages exercés par la

tuberculose dans leurs asiles et les remèdes opposés par eux au mal.

Vous voudrez bien m'accuser réception de la présente circu-

laire. ·

Pour le président du Conseil,

Le conseiller d'Etat, secrétaire général,

Demagny.

Assistance des aliénés A domicile.

Hier soir, à sept heures, la rue de Penlhièvre était mise en émoi

par la chute d'une femme', qui, tombant du quatrième étage de la

maison portant le numéro 12, se brisait le crâne sur l'angle du

tro*toir. Des passants s'approchèrent, ainsi que la concierge de

l'immeuble qui reconnut une de, ses locataires, iNI-0 U'Indecourt.

111 ? d'Indecourt, âgé de cinquante et un ans, et demeurant dans

sa famille, était depuis quelque temps atteinte de fièvre chaude.

C'est dans une crise'que, trompant la surveillance que l'on avait

établie autour d'elle, elle se précipita par la fenêtre. Un médecin,

aussitôt appelé, déclara que la mort avait été instantanée.

M. Belouino, commissaire de police du quartier de l'Elysée, a fait

les constatations d'usage. (Le Temps, du 23 mars 1901.)

Ce fait s'ajoute à tant d'autres pour montrer la difficulté

de soigner les aliénés à domicile sans s'exposer à de graves

accidents. Le traitement à domicile n'est applicable qu'à des

malades tout à fait tranquilles, sans idées de persécution,

sans hallucinations, offrant des garanties de sécurité. Les

médecins qui, par ignorance des maladies mentales, consen-

tent à soigner de. tels malades à domicile, encourent une

grande responsabilité.

VARIA.

Congrès des 1\EUROLOGISI'ES et des aliénistes DES pays

DE langue française

Nous rappelons à nos lecteurs que ce Congrès aura lieu au com-

mencement du mois d'août, à Limoges, sous la présidence de

M. Gilbert Ballet (voir le numéro d'avril, page 361, et celui de

juillet, page 75). Nous prions ceux d'entre eux qui ont l'intention

d'y faire des communications de bien vouloir nous en envoyer le

résumé avant le 10 août.

Parmi les communications annoncées, nous citerons : Arnaud.

Sur la théorie de l'obsession. G. Ballet. Sur les lésions corticales

et médullaires dans la fièvre typhoïde. Boumeville. Noies sur

l'étiologie et le traitement îles différentes formes de l'idiotie; hémor-

l'agies cutanées liées aux accès épileptiques ; photographie et radio-

graphie de quelques malformations dans l'idiotie. Dontrehenne.

Sur quelques points relatifs a la discussion des asiles. - Lemaistre.

Quelques cas d'hystérie anormale chez les en/'ants. Pausol. Consi-

dérations médico-légales sur le tabes traumvzliqzcr ; de la phobie épi-

leptnïcle. Laffornue. Hystérie à évolution psychique exclusive.

Hartemberg. La lécithine dans le traitement des affections du sys-

tème nerveux. - Granjuz. Les épileptiques militaires méconnus et

condamnés. Vallon. Les délires consécutifs ci l'empoisonnement.

Noguès. Un cas de spasme de l'oesophage de nature hystérique.

Martin. Observations sur un cas de torticolis mental. - Pailhas.

1° De la dégénérescence dans les vieilles localités ; 2° Modifications

favorables du caractère et des tendances comme seuls prodromes appré-

ciables d'un cas de paralysie générale survenu à la suite de l'écrase-

ment d'un bras et d'accidents infectieux aigus chez un alcoolique.

L. Marchand. Tumeur cérébelleuse et épilepsie. Il. Cestan. Cas

de compression lente de la moelle avec autopsie; contribution à l'élude

de la paraplégie par destruction de la moelle Ct;ru : 'KO-df))'sa/e ?

Maurice Faure et Laignel-Lavastine. 1° Sur la présence de microbes

dans l'écorce cérébrale et lé liquide céphalo-rachidien (projections) ;

2° Nouveaux cas de troubles mentaux toxi-infeetieux avec examen

histologique de l'écorce cérébrale (projections). - I.annois et G. Pau-

tet. Hémimimie faciale d'origine otique. Lannuis. Observation de

sein hystérique. P. Farez. Un cas de double désuggeslion.

172 varia.

Laïcisation de l'asile DE N : 1UGE.11', près Limoges.

Les soeurs de la Charité de Nevers, au nombre de huit, dont une

supérieure, étaient autrefois chargées de la surveillance des sec-

tions de femmes .et de la direction de divers services généraux

(buanderie et repassage, lingerie et vestiaire, pharmacie). En ces

dernières années, elles avaient dû abandonner ces services à l'ex-

ception de la pharmacie, et n'avaient conservé que la surveillance

de la division des femmes.' A la fin de l'an dernier, ce service lui-

même n'était assuré que très imparfaitement par suite du départ

de plusieurs religieuses que la Congrégation de Neveis n'avait pas

remplacées ; on ne comptait plus, en effet, que quatre soeurs de

charité et leur supérieure. L'administration de l'Asile ayant

dénoncé le traité existant entre elle et les religieuses de la Charité

de Nevers, ces dernières ont quitté l'Asile le 24 février.

Actuellement, les services généraux, sont confiés à des ouvrières

laïques; la pharmacie est faite par un aide-pharmacien, déjà au

courant des manipulations ordinaires, surveillé et dirigé par le

personnel médical de l'Asile.

Quant au service de surveillance, il a été organisé de la façon

suivante : Un emploi de surveillante en chef a été ci Cé ; de plus, à

la tête des quatre principaux quartiers, ont été placées des sur-

veillantes-chefs de quartier, qui séjournant de jour et de nuit dans

leurs sections respectives, exercent sur le personnel une action

constante et président d'une façon effective aux soins et à la sur-

veillance des malades. A. F.

Dixième Conférence SUR L'IDIOTIE ET LES Écoles POUR faibles

D'ESPRIT (du 17 au 20 septembre 1901) à Elberfeld. Programme.

I. Mardi, 17 septembre, à 7 heures du soir, réunion prépa-

ratoire au hall municipal, salle des banquets. Sounaits de bien-

venue par le président de la neuvième Conférence, rapport

sur les trois années écoulées, reddition des comptes du trésorier,

choix du président de la dixième Conférence.

Remarque : Des cartes de membres au prix de 6 marcks, et de

participants au prix de 2 marcks, seront délivrées à la réception,

dans la susdite salle. Les participants ne prennent pas part aux

votes, mais ils reçoivent un rapport de la conférence.

IL Mercredi, 18 septembre, de 9 heures à 1 h. 1/2, première

séance solennelle dans la salle du dôme de l'hôtel de ville. a) Sou-

- hais de bienvenue par les autorités ; b) Rapport : de 9 h. 1/4 à

10 h. 1/2, « Les établissements pour idiots et les écoles d'assis-

tance, projet de réglementation » ; par le directeur Barthold de

Munich-Gladbach ; de 10 h. 1/2 à 11 h. 1/2, « Essai de classifi-

cation des idiots » ; par le directeur Iïülle de Regensberg (Suisse);

-VARIA. 173

de 11 h. 1/2 à 12 heures, suspension (déjeuner à la buvette du

Conseil) ; de 12 heures à 1 heure, réunion ordinaire au même

endroit. -

a) Pour les représentants des établissements d'idiots ; «.L'occu-

pation des imbéciles ». Le directeur pasteur Bernhard de Stettin-

Grùnhof; b) pour les' représentants des écoles d'assistance

(salle 19 de l'hôtel de ville), « Vanité des voeux émis en faveur de

l'extension des écoles d'assistance » ; l'inspecteur des écoles

De Boodstein d'Elberfeld ; - de 1 heure à 1 h. 1/2, « Coup d'oeil

sur l'augmentation et le nombre actuel des idiots en Danemark »,

le directeur ltolsted de Copenhague; 2 h. 1/2, banquet dans le

hall municipal (prix, 3 marcks, sans vin). Le soir, à 8 heures,

réunion de la société dans la grande salle de l'hôtel de ville, et,

en cas de beau temps, dans le jardin. Rapport de l'union des pro-

fesseurs de chant d'Elberfeld.

III. -Jeudi, 19 septembre, de 9 h. à 1 h. 1/2, deuxième séance

solennelle dans l'hôtel de ville, salle rouge. a) Rapports : de

9 heures à 40 heures, « Idéal du traitement des idiots ». Le direc-

teur Herberich de Gemûnder; de 10 heures à,10 h. 1/2, « Sur

quelques groupes particuliers d'idiots », l'inspecteur d'hygiène

De Berkhan de Brunschwig ; - de 10 h. 1/2 à 11 h. 1/2, « les

débuts de l'imbécillité », le directeur 1'rüper d'Iéna ; de 11 h. 1/2

à 12 heures, suspension (déjeuner); de' 12 heures à 1 heure,

réunion ordinaire.

a) Pour les représentants des établissements pour idiots (110 salle).

« Les décrets du 2G mars 1901 », le directeur Schwenk d'Idstein ; «

b) Pour les représentants des écoles d'assistance : « Comment

.sont préparés aux travaux manuels pour imbéciles, les normaliens

et les maîtres », le professeur agrégé Ilowix de Dusseldorf ; - de

1 heure à 1 h. 1/2, « Etat actuel du traitement des idiots en Au-

triche», le directeur A ntensteiner de 131edermannsdorf, près Vienne.

Choix d'un lieu où se fera la onzième conférence. Après-

midi, excursions diverses, visite de l'asile Ilepliata.

Sont invités à prendre part à la conférence tous ceux qui s'inté-

ressent aux idiots : magistrats, médecins, prêtres ,'et professeurs.

Comité de la neuvième conférence : Directeur Barthold ,de Glad-

boit, président d'honneur. Inspecteur Piper de Dalldorf, président.

Abbé Gerger de Morbach, vice-président. D' Berkhan, Richter,

Weichert, membres. Comité local : représentant D Boodstein.

Nous nous empressons de faire connaître le programme

de ce dixième 'Congrès sur l'assistance, le traitement et l'édu-

cation des enfants idiots de ladite catégorie. Nous espérons

que le Comité voudra bien nous envoyer le rapport du neu-

vième congrès et le rapport du congrès de septembre. B. z

174 VARIA.

Représentation DE gala A l'asile DE VILLFJUIP.

Le samedi 16 mars était jour de grande liesse à l'asile de Ville-

juif. Ah ! dam, ce n'était pas de la petite bière... 11 s'agissait d'une

représentation de gala composée de deux pièces la première en

deux actes à ! ! rand spectacle la seconde, Un Monsieur et une

Dame, un acte de Duvert et Lauzanne, jouée à titre gracieux par

- des artistes de l'Odéon, M. Frère et 1111e Kesly et Bonnet. Cette

dernière pièce a été rendue à la perfection, cela va sans dire, d'au-

tant plus qu'elle était interprétée par des artistes de talent, choisis

par M. Ginisty. Nous nous dispenserons à l'égard des profession-

nels de leur adresser de plus amples éloges, qui, cependant, seraient

des mieux mérités, car nous voulons surtout parler de la pièce locale.

Ce qui nous occupe principalement en l'occurrence, c'est l'Agence

Beallmillet, fantaisie-vaudeville tirée, dit le programme d'un vieux

manuscrit, par... un inconnu dans lequel nous avons reconnu le

sympathique médecin en chef de l'établissement, M. le D1' Marcel

Briand... Où diable l'esprit des médecins va-t-il se nicher pour

dénicher d'aussi vieillrs ( ? ? ) choses qui deviennent soudainement

d'une incroyable actualité ? Peu importe. L'essentiel, et ce qui est

bon à savoir, c'est que la pièce était désopilante et qu'elle a eu

pour seul* et uniques interprètes un certain nombre de malades

de l'asile : quarante environ, des dames en grande majorité. Voici

la donnée de la pièce : un certain Zéphyrin Beauminet, agent d'un

bureau de nourrices, sous l'influence de l'impression que lui a

causée la représentation au théâtre Antoine de la pièce de

M. Brieux, Les Remplaçantes, arrache son enseigne et la remplace

par une autre que le hasard fait tomber sous sa main; cette nou-

velle enseigne qu'il appelle une remplaçante est ainsi libellée :

Agence lyrique et dramatique pour les deux sexes. A peine cette

enseigne est-elle posée à la façade de la maison que les artistes

affluent, défilent, chantent ou déclament chez notre nouvel agent

théâtral; tous les genres ont été abordés, hors le genre ennuyeux,

par des artistes de toutes catégories et en costumes appropriés,

parmi lesquels : un clown, un minotrel, voire même un ours et un

éléphant, jusqu'à une princesse Canari, artiste lyrique naine qui

vient seriner sa mélodie dans une fastueuse chaise à porteur.

N'oublions pas un majestueux commissaire de police qui vient

verbaliser au premier acte pour défaut d'autorisation et mention-

nons aussi une bonne à tout faire qui, au deuxième acte, se trans-

forme en femme athlète jonglant avec des poids, aidée dans ses

exercices par un petit bébé à moustaches, de six pieds de haut,

présenté par sa nourrice, une petite bonne femme qui avait l'air

de lui sortir de la poche. '

En outre des pensionnaires de l'asile, le public était composé de

bon nombre de personnes du monde select conviées à cette solen-

VARIA. 175

nité peu banale. L'intrigue se compliquait d'un imbroglio fourni

par le directeur de l'Odéon, qu'on croyait venu à l'agence pour y

chercher des nourrices et qui s'y rencontrait avec trois, venus pour

chercher un engagement et qu'on avait aussi pris pour de bons

bourgeois en quête de nourrices.

Dans une salade finale, tout s'expliquait; les nourrices, jetant

leurs nourrissons par dessus les moulins, entraient à l'Odéon

comme... ouvreuses. De son col, le directeur de l'Odéon signait

chez les nourrices un engagement aux trois artistes qui interpré-

taient à l'acte suivant Un Monsieur et une Dame.

Tous les cosmmes, accessoires, conçus et exécutés à l'asile avec

de vieux costumes gracieusement offerts par M. Ginisty, des toi-

lettes, fleurs, etc., à l'asile, par de généreuses habituées, le tout

rafistolé dans les quartiers. Nombre de toilettes neuves ont été

entièrement faites, à cette occasion, dans les ateliers de l'asile

avec des étoffes achetées en solde dans les grands magasins par

M. Gorin, l'économe de l'établissement, qui, avec le sympathique

directeur, M. Luùipia, s'est multiplié pour donner à la fête tout

son éclat. M. Lucipia s'étant rappelé fort à propos qu'il avait été

longtemps le représentant d'un des quartiers les plus industrieux

de Paris, avait obtenu du haut commerce quelques dons de fleurs

artificielles, bijoux et accessoires féminins, qui furent des mieux

accueillis. Parmi les spectateurs les plus enthousiastes, nous

signalerons notamment le directeur de l'Odéon, qui accompagnait

ses trois pensionnaires, applaudissait à tour de bras et trou-

vait que les fous faisaient « sagement » leur devoir. Bref, tout a

marché à souhait et les bravos et les applaudissements n'ont pas

manqué à ces artistes improvisés. Le Préfet de la Seine et le Préfet

de police s'étaient fait représenter à cette fête. Le secrétaire géné-

ral de la Préfecture de la Seine, ainsi que M. Defrance, directeur

des affaires départementales, y assistaient également en compa-

gnie de MM. Dehenne, président de chambre, Prestal, avocat,

membres de la Commission de surveillance des asiles. Ca et là cir-

culaient, très intéressés, quelques journalistes, ainsi qu'un grand

nombre d'invités et d'amis, trop rares privilégiés triés sur le

volet, parmi lesquels nous mentionnerons le peintre Jambon, qui

s'est obligeamment offert à restaurer les décors du théâtre.

M. Maret, député, qui a passé la journée à l'asile pour assister au

bal du soir, faisait paraître dans le Radical du lendemain un arti-

cle des plus élogieux sur la fête.

La note humoristique était donnée par Ginisty dans la Liberté

du 21 mars'. Rien ne manquait donc à cette première, qui fut,

hélas ! sans lendemain. Un pensionnaire convalescent.

1 Plusieurs autres journaux tels que le Petit Parisien, le Temps, la

Fronde, le Soleil, du Dimanche, etc., ont donné un compte rendu plus

ou moins exact de la fête de Villejuif.

FAITS DIVERS.

Asiles d'aliénés. Nominations et promotions : M. le Dr Brunet,

médecin-adjoint à l'asile de Pains (meus), nommé en la même

- qualité à Moulins (poste créé) ; M. le D1' Ricoux (concours de

Lille) nommé, médecin-adjoint à l'asile de Fains (Meuse) ;

111. le De b : GRAIN, médecin en chef à Ville-Evrard, promu à la

classe exceptionnelle du cadre; M. le De Bacul, médecin-

adjoint à Saint-Venant (Pas-de-Calais), promu il la li classe du

cadre ; M. le Du VERNET, médecin en chef de Maréville, promu

à la 1'° classe du cadre (janvier 1901).

' SUICIDE d'adolescent. Un jeune homme de dix-sept ans, Leduc,

s'est donné la mort hier soir, en se tirant un coup de revolver dans

la tête. La balle a pénétré dans la tête par la tempe gauche. C'est

ce matin seulement que le cadavre de ce malheureux a été décou-

vert dans un carré de luzerne du jardin. Le jeune Leduc était por-

teur de pain. La soeur de Leduc s'est asphyxiée l'année dernière à

l'âge de quinze ans. Lui-même, peu de temps après, avait tenté de

s'asphyxier. Le père de ces infortunés est un excellent ouvrier, de

conduite irréprochable, mais la mère, paraît-il, était alcoolique. (Le

Progrès de l'Lzcre, 7 mai.) > .

Folie subite d'un médecin. - Coups de couteau. Huit victimes.

(Londres, 7 mai). Les Central News racontent un incident tragique

'qui s'est produit, dans la nuit de samedi à dimanche, dans la

.petite ville de Grenna, près de Stockholm. Une veuve, nommée

Augusta von Duben, se trouvait en traitement dans une maison

de santé particulière, où elle était soignée par ses trois filles.

Samedi soir, le docteur Nebrman, propriétaire de l'établissement,

fut pris d'un accès de folie furieuse et, s'armant d'un long couteau,

.il se précipita sur la veuve et ses trois, filles. L'une de celles-ci fut

tuée, les deux, autres et. la mère; furent grièvement blessées. Le

.docteur lrehrman'sortit alors de la maison, et, pendant toute la

- la nuit, il parcourut. les rues '.de. la ville. et frappa à coups de cou-

teau cinq passants, dont trois furent dangereusement blessés. Le

fou furieux put -enfin; être arrêté et enfermé. Les huit victimes

(encore vivantes du médecin ont été transportées à l'hôpital. (Le

Journal du 8 mai.) . ,

Le rédacteur-gérant : UOcnXE\ ville.

Evreux, Ch. lléuisscv, im. - 7-J DO 1.

Vol. XII. Septembre 1901. ' N° 69.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE.

CLINIQUE DE M, LE professeur André Moussons.

Hystérie juvénile chez une fillette de douze ans.

Hémianesthesie sensitivo-sensorielle gauche com-

plète. - Neuf crises d'amaurose double absolue.

Perversion de la vision binoculaire : discussion :

Par René CRUCIIET,

Interne des hôpitaux de Bordeaux.

Depuis qu'on a songé à rechercher la présence de l'hystérie

chez l'enfant, on l'a rencontrée très couramment, et le tableau

statistique dressé déjà par Clopatt en '1888 portant sur

272 cas, nous dispensera de statistiques plus récentes. Mais

si, poussant plus loin l'examen, on passe en revue les diffé-

rents modes cliniques sous lesquels se présente cette hystérie,

on est frappé de remarquer que, dans l'enfance, elle se

montre avec certains caractères spéciaux et que, en parti-

culier, ce sont surtout les troubles d'ordre spasmodique qui

sont le plus souvent observés.

Parmi les modifications du côté de la sensibilité, si l'hy-

peresthésie sous ses diverses formes est assez fréquemment

notée, l'anesthésie, par contre, l'est d'une façon beaucoup

plus rare. A ce titre, l'observation que nous allons rapporter

nous a paru intéressante, et c'est pourquoi, sur les conseils

Archives, 2' série, t. XII. 12

el78 CLINIQUE NERVEUSE.

de notre maître M. le Prof. André Moussous, nous nous déci-

dons à la publier.

Observation (recueillie par M. Ludovic de Boucaud, externe du

service).-11 s'agit d'une fillette, Marthe-Marie P..., âgée de douze

ans, entrée à l'Hôpital des Enfants, salle 15, le 12 février 1901,

pour une perte complète de la vision qui remonte à huit jours.

, Antécédents héréditaires. Sa mère, qui est morte il y a un an,

à l'âge de trente-sept ans, était, paraît-il, asthmatique et devint

phtisique. C'était une femme très nerveuse, très irascible, qui aurait

eu un tic convulsif de la face, surtout marqué au niveau des

arcades sourcilières, et dont le père mourut, à vingt ans, tuber-

culeux.

Son père est vivant, bien portant ; il a eu des migraines fré-

quentes avec vomissements jusqu'à l'âge de vingt et un ans ; il a

été réformé à cause d'une surdité gauche survenue à neuf ans,

après une chute sur la tète. Depuis une dizaine d'années, il serait

sujet à des crises de rhumatisme. Pas de syphilis, pas de tuber-

culose, pas d'éthylisme : mentionnons toutefois qu'il exerce la pro-

fession' de liquoriste.

Sa grand'mère maternelle est âgée de soixante-sept ans : elle

est atteinte de coliques hépatiques depuis environ trente ans. Elle

est d'un caractère nerveux et susceptible. Son grand-père maternel,

boucher, est mort à soixante-quatorze ans : il était sujet il de fré-

quentes crises d'asthme, avait un tempérament nerveux; il aurait

lui aussi, conservé toute sa vie un tic palpébro-facial. Du coté des

grands parents paternels, il n'y a aucun antécédent nerveux à

relever.

La malade a un frère âgé de dix-sept ans qui est en bonne santé,

n'a jamais été malade, mais qui s'emporte facilement pour la

moindre contrariété. Elle a perdu un frère à l'âge de trois mois :

il n'avait jamais eu de convulsions.

Antécédents personnels. Elle est venue au monde quinze jours

environ avant terme, par suite d'un accident de voiture survenu il

sa mère. L'accouchement s'est fait malgré tout normalement, sans

aucune complication. Elle a été nourrie au sein par une nourrice,

elle a été sevrée vers quinze mois.

A part la rougeole à huit ans et la variole à dix ans, qui n'ont

été suivies d'aucun phénomène anormal, elle n'a jamais eu d'au-

tres affections. Jamais de convulsions ou de crises de nerfs.

histoire de la maladie. - Elle fait sa première communion le 17

mai 1900 : cette cérémonie a lieu sans incident et sans qu'on puisse

noter aucune exaltation particulière du côté du sujet. Le ·2 mai

surviennent ses premières règles, qui durent une journée à peine, et

s'accompagnent de quelques maux de tête. Le 27 mai, étant au

couvent, pendant une récréation vers 10 heures du matin, sans

hystérie juvénile CHEZ UNE FILLETTE. 179

aucune contrariété et sans cause appréciable, elledevientsubitement t

aveugle. Cette perte de la vision est absolue et, pendant quatre jours,

elle ne distingue plus aucun objet. Elle présente en même temps à

cette époque une céphalalgie intense, des vomissements, de lacousti-

pation, si bien que le médecin qui est appelé auprès d'elle émet, de

prime abord, l'hypothèse de troubles méningés. Mais ces phé-

nomènes aigus ne tardent pas à s'amender et, le cinquième jour,

brusquement elle s'écrie un matin : « tiens ! je vois du rouge.1 » »

Elle venait de reconnaitre l'étiqueLLe pharmaceutique : Pour l'usage

externe rouge, en effet, collée sur une poche de farine de moutarde

prescrite en révulsion pour sa tête, et qui était posée sur une table

à quelques mètres d'elle. A partir de ce moment précis, elle avait

recouvré la vue : elle était guérie. A

C'est au cours de cette première atteinte de cécité que la malade

devient hémiparésiée du côté gauche : Le 30 mai, vers 4 heures

de l'après-midi, en voulant couper un morceau de viande, elle

laisse tomber sa fourchette ; elle constate alors une diminution

considérable de la force de la main gauche. Le lendemain, à son

réveil, elle demeure durant quelques minutes, dans l'impossibilité

de remuer les membres supérieur et inférieur gauches. Cette hé-

miplégie reste très passagère et se transforme en une hémiparésie

persistante qui n'est point modifiée par la guérison de la cécité.

Cet état est stationnaire jusqu'au mois de juin 1900 ; le 13 de ce

mois, le lendemain de sa seconde communion, elle est prise d'une

seconde atteinte de cécité dans les conditions suivantes : elle

refuse à une de ses maîtresses du couvent de remplir un devoir

qui lui est imposé ; on la menace alors de la renvoyer dans sa

famille et, sous l'effet possible de cette contrariété, quelques heures

plus tard, vers 7 heures et demie du soir, elle devient brusque-

quemenl aveugle. Quatre jours apres, dans la matinée. elle était

descendue dans le magasin de son père et se tenait assise sur une

chaise causant avec sa tante, lorsqu'un client entra pour acheter

une bouteille de rhum : c'est alors que brusquement elle aperçut

sur une étagère des étiquettes rouge foncé, avec « illium » écrit en

grosses lettres, collées sur plusieurs bouteilles ; elle se leva aus-

sitôt, guérie, et c'est elle-même qui servit le client.

Le lendemain 18 juin, elle vient à la clinique ophtalmologique

de M. le professeur Badal, où elle est examinée en détail par notre

camarade et ami M. Aubaret, interne du service, qui a bien voulu

nous donner les renseignements suivants.

On constate à ce moment qu'elle présente une hémianesthésie

totale gauche avec hémiparésie : la pression au dynamomètre

indique une force de 15 kilos pour la main droite contre ! i kilos

seulement pour la gauche. La conjonctive et la cornée sont insen-

sibles du côté gauche, les réflexes pupillaires existent normale-

ment des deux côtés. Pas de lésion ophtalmoscopique, pas de

180 CLINIQUE NERVEUSE.

trouble de la vision des couleurs. L'acuité visuelle indique V = 2

à gauche et V = 1 à droite. Le champ visuel présente un rétrécis-

sement concentrique accentué. Pour les couleurs, il est encore plus

marqué et il y a inversion pour le rouge, qui est la couleur dont le

champ visuel est le-moins rétréci, par rapport au bleu, puis au

vert (le plus rétréci). Au niveau de l'oeil droit, les champs visuels

pour le rouge et le bleu se confondent.

On prie alors le père de la malade de la reconduire à la clinique

dès qu'elle présentera une nouvelle crise.

Cette troisième crise se produit quelque temps après, vers

le 10 juillet. La petite malade se trouvait à la pension lorsque,

dans l'après-midi, elle est prise brusquement de céphalée et de

maux d'estomac. Elle va à l'infirmerie : là, on lui donne quelques

pilules, puis elle sort, accompagnée par une soeur et va se pro-

mener dans le jardin du couvent. La soeur se met alors à cueillir

des fleurs et les lui montre pour la distraire en lui demandant si

elle en sait le nom ; Marthe les reconnaît toutes sans difficulté,

mais, à un moment donné, comme elle se retourne et se baisse

même pour voir de plus près le pied d'une plante que lui indique

la soeur : « Je ne le vois pas, dit-elle. C'est un pied de douce-

amère : ne le reconnaissez-vous pas ? Je ne vois pas, je n'y vois

plus... », et, comme une aveugle, on dût la ramener à la maison.

C'est à la suite de cette crise qu'elle revient à la clinique ophtal-

mologique de M. le professeur Badal. Il lui est absolument impos-

sible de se conduire elle-même, mais ne parait nullement

s'inquiéter de son état : elle semble même enchantée qu'on s'oc-

cupe d'elle.

M. Aubaret, qui l'examine alors avec soin, ne constate rien

d'anormal du côté des pupilles : pas d'inégalité, pas de mydriase

ni myosis. Réaction très nette à la lumière.

La malade prétend ne rien distinguer du tout : elle a la sensa-

tion du noir absolu. On essaye de lui suggestionner avec force que .

ce n'est pas possible, qu'elle se trompe, et on cherche en même

temps à se rendre compte s'il n'y a pas de simulation.

Le poing dirigé avec violence sur l'oeil n'entraîne aucun recul

réflexe de la tête, et le réflexe palpébral n'a lieu que si l'on touche

réellement les cils. A la chambre noire, la réflection de la lumière

sur les globes oculaires par le miroir de l'ophtalmoscope, en même

temps qu'elle permet de voir (avec interposition de la lentille) un

fond d'oeil absolument normal, ne produit aucune sensation. Il en

est de même avec une lampe électrique dirigée brutalement sur

les yeux, allumée et éteinte ensuite alternativement.

On se décide à tenter alors quelques manoeuvres directes ; à cet

effet, on instille d'abord dans les deux yeux du sulfate de zinc,

sans résultat, puis dans l'oeil droit de l'atropine, qui provoque une

hystérie JULENILE CHEZ UNE FILLETTE. 181

mydriase accentuée mais sans amélioration de la vue. On essaie

ensuite d'endormir la malade en pressant doucement pendant quel-

ques minutes sur les paupières fermées : vaine tentative ! On tente

l'électrisation par le courant faradique, en plaçant les électrodes

au niveau des tempes : le passage du courant incommode forte-

ment le sujet, mais n'entraîne pas plus de succès que les autres

manoeuvres.

C'est alors que M. Aubaret songe à la soumettre à un traitement

hydrothérapique local : un jet d'eau froide, assez fort, lancé sur-

le-champ dans ses yeux à l'aide d'une seringue, provoque une

sensation à laquelle elle se prête volontiers ; après quelques mi-

nutes, elle déclare même qu'elle vient d'apercevoir une lueur dans

l'oeil droit. On recommence une série de douches et peu à peu

l'acuité semble revenir : elle distingue un doigt, puis deux, puis la

main, puis le visage des personnes qui l'entourent. On lui met

ensuite des lunettes avec des verres neutres et faiblement négatifs,

en lui déclarant qu'elle aura la vue considérablement améliorée :

elle déclare, en effet, qu'elle voit de mieux en mieux et peut dis-

tinguer une grosse lettre d'une échelle d'acuité type Snellen, cor-

respondant à une acuité de 1/10.

Ayant ainsi amélioré la vision de l'oeil droit d'une façon notable,

on la prie de lire les gros caractères des échelles colorées de Stil-

ling en lui mettant les lunettes à verre coloré. Cette épreuve, ainsi

que celle de la boite de Fiées, permettent de conclure que la

malade a bien véritablement de l'amaurose de l'oeil gauche et font

éliminer toute supercherie possible : elles indiquent en même

temps que la vision binoculaire n'existe pas ; on la recherche

encore par deux nouvelles épreuves, celles du prisme et de la

règle ; mais l'acuité de l'oeil droit est trop faible et l'atropine ins-

tillée la diminue considérablement : Marthe distingue difficilement

les lettres des optotypes, les unes après les autres, et ne peut lire

d'une façon suivie.

On en reste là pour le moment; quelques jours après, le 18 juil-

let, elle revient à la clinique complètement guérie et raconte

qu'elle a recouvré la vue de l'oeil gauche, en caressant un chat

grimpé sur ses genoux, qui portait un ruban rose attaché autour

du cou.

C'est vers cette époque, le 21 juillet, qu'elle va à la consultation

de M. le professeur Pitres qui lui conseille un traitement hydro et

électro-thérapique. Mais environ un mois après, le 18 août, elle

retombe dans le même état d'amaurose double à la suite d'une

légère contrariété : elle avait donné rendez-vous chez elle, une

après-midi, à une de ses petites camarades; celle-ci ne vient pas :

le lendemain matin elle se réveille complètement aveugle pour la

quatrième fois.

M. Aubaret, qui la revoit à ce moment, essaie de 'nouveau les

z CLINIQUE NERVEUSE.

mêmes manoeuvres que précédemment, en particulier les douches

et l'électrisatioll : mais les résultats, cette fois, demeurent complète-

ment négatifs. Cette cécité dure une huitaine de jours; au bout

de ce temps, Marthe était en train de prendre un bain de pieds

dans saclamhre,lorsque, subitement, elle aperçut un christ d'ivoire

qui se détachait, en face d'elle, sur un fond en velours rouge sus-

pendu à la muraille : elle fût aussitôt guérie.

Le mois de septembre se passe sans crises, mais il y en a trois

pendant le mois d'octobre (du 10 au 2a). La première (5e crise).

qui dure trois jours, survient deux heures après une remontrance

que fait la grand'mère de la malade à celle-ci. Elle recouvre la vue

en distinguant le velours rouge d'un coussin sur lequel elle était

appuyée. La deuxième (60 crise), survenue sans cause bien connue,

dure deux jours : Marthe récupère la vision en apercevant le dos

rouge d'un livre posé sur une table. '

La troisième (7° crise) se produit dans des conditions assez

curieuses.- La malade couchait chez sa grand'mère et s'était

endormie paisiblement quand, se réveillant brusquement au milieu

de la nuit, elle dit : « Grand'mère, passe-moi les allumettes pour

que j'éclaire. Mais la lampe est allumée. Je ne la vois pas, je

n'y vois rien... » Le lendemain, à son réveil, la première chose

qu'elle aperçût fut un corsage doublé de rouge : elle était guérie ! 1

Le mardi 5 février 1901, la malade qui, depuis trois mois s'était

parfaitement bien portée, est prise d'une nouvelle atteinte de cécité

(la 8°), mais de façon un peu moins brusque que les précédentes.

Elle était à la pension et, pendant une récréation, à 4 heures de

l'après-midi, courait, s'amusait, quand tout à coup elle s'arrête,

dit voir trouble de l'oeil gauche ; quelques minutes après, elle ne

distingue plus rien de cet oeil ; mais ce n'est qu'un peu plus tard,

vers 7 heures un quart, au moment de rentrer chez elle, qu'elle

perd aussi la vue de l'oeil droit, devient complètement aveugle.

11 est à noter que ses règles ont fait seulement leur apparition,

pourla seconde fois, l'avant-veille de la dernière crise, le 3 février :

elles ont duré trois jours, jusqu'au 6 février, et leur disparition n'a

entraîné aucune modification dans l'état du sujet. Notons encore

que ce même 6 février au soir, la jeune Marthe a eu une véritable

crise de rires suivie de larmes, qui a duré près d'un quart d'heure,

sans qu'elle ait pu en donner une explication quelconque. Il y a

huit jours que cette crise de cécité dure sans aucune amélioration :

le père se décide alors à conduire sa fille à l'Hôpital des Enfants,

où elle est admise, salle 15, dans le service de M. le professeur

A. Moussous. ,

Etat actuel (16 fév. 1901.- A l'examen, on se trouve en présence

d'une enfant grande et bien développée pour son âge (elle me-

sure 1m,57), qui répond vivement et avec intelligence à toutes les

questions qui lui sont posées.

HYSTÉRIE JUVÉNILE CHEZ UNE FILLETTE. 183

Tête et éou. La face ne présente pas d'asymétrie, les muscles

de la physionomie se contractent bien ; il n'y a pas de spasmes to-

niques ou cloniques des paupières, mais la résistance opposée au doigt

par la paupière supérieure gauchefermée, est unpeu plusfaibleque

la droite. La sensibilité de la cornée gauche, aussi bien dans sa por-

tion centrale que dans ses segments interne et externe, est absolu-

ment nulle de même que celle de la conjonctive : mais sa recherche

provoque la sécrétion des larmes. La pression du globe oculaire

est douloureuse et normale à droite; elle ne provoque aucune

réaction à gauche (signe d'Abadie-Rocher). Le nez est bien con-

formé ; les plis naso-géniens, égaux des deux côtés, se creusent

dans le rire ou dans la moue d'une façon sensiblement compa-

rable. Les oreilles n'offrent aucune difformité : les lobules en sont

adhérents ; pas de tubercule de Darwin. La bouche est petite, les

lèvres sont un peu éversées, les dents en bon état : les deux inci-

sives supérieures et médianes sont larges, longues, sans canne-

lures, et dépassent les incisives latérales situées sur. un plan pos-

térieur ; la langue est étalée, tous ses mouvements s'exécutent

parfaitement. La voûte palatine est profonde mais pas ogivale; les

piliers du voile du palais sont symétriques : les amygdales, en

partie enlevées dans une opération récente, se cachent facilement

derrière eux Le réflexe pharyngien ne se produit que si on cha-

touille la moitié droite du pharynx ; la moitié gauche, même au

niveau de l'epiglotte, reste insensible à toute excitation ; on

remarclue aussi que les muscles du voile de ce même côté gauche

ne se contractent qu'imparfaitement : il y a hémiparésie inter-

mittente sans que toutefois la voix soit nasonnée ou qu'il y ait

reflux des liquides par la narine gauche. L'examen du larynx

et des cordes vocales effectué par M. Moure, ne présente rien de

particulier à mentionner : aucune parésie. Il semble cependant,

malgré la difficulté de cette recherche, rendue telle par les mou-

vements incessants du sujet empli d'effroi, qu'il y a anesthésie de

la muqueuse laryngée gauche. Les mouvements de la tête se font

d'une façon aisée ; le cou est assez fort ; il n'y a pas d'augmenta-

tion exagérée de la glande thyroïde. La sensibilité trachéale, abolie

à gauche, est conservée à droite.

Le thorax est normalement conformé : il n'y a pas de voussure,

pas de déviation de la colonne vertébrale. L'examen des poumons

n'offre rien de particulier à signaler : la sonorité et le rythme res-

piratoires sont partout 'normaux ; on note seulement quelques

petits accès de toux, de temps à autre, d'ordre laryngé et certaine-

ment nerveux. Le coeur présente quelques irrégularités : les bat-

tements en sont un peu sourds; le premier claquement en parti-

culier est assez étouffé ; pas de bruits anormaux, ni frottements, ni

souffles. Pouls à 76.

L'abdomen est souple, se laisse facilement déprimer sous lamain.

184 CLINIQUE NERVEUSE.

Le foie ne dépasse pas les fausses côtes ; la recherche du reflux

hépato-jugulaire est négative. Pas de dilatation apparente de

l'estomac. Pas de mégalosplénie. Le creux épigastrique est insen-

sible dans sa moitié gauche : la moitié droite seule réagit sous

l'effet de la pression. Les réflexes abdominaux supérieur et infé-

rieur sont conservés, un peu ralentis et atténués à gauche, assez

exagérés à droite. Abolition complète de toute sensibilité ova-

rienne gauche ; la palpation réveille au contraire une vive douleur

au niveau de la région ovarienne droite : cette douleur, de carac-

tère superficiel, n'est pas absolument fixe, elle remonte dans

le flanc et l'hypochondre droits, gagne la région hépatique et s'ir-

radie même jusqu'à la base du poumon droit; elle gêne par

sa présence la recherche de la zone segmentaire hyperesthé-

sique de Lied qui, dans les troubles organiques de l'ovaire, cor-

respond généralement au territoire du dixième nerf intercostal.

Ici, cette zone d'hyperesthésie, en rapport vraisemblablement avec

des troubles fonctionnels seuls, semble empiéter un peu plus haut

sur le territoire du neuvième nerf, s'étendre un peu plus bas sur

celui du onzième nerf : elle décrit une bande en arc de cercle à

concavité supérieure, qui mesure 5 à G centimètres delarge, et va,

par sa limite inférieure, depuis la ligne blanche à 3 centimètres

au-dessus de l'ombilic, jusqu'à la colonne vertébrale au niveau des

deux dernières dorsales ; dans la partie moyenne de son parcours,

elle se rapproche de la crête de l'os coxal, où elle emprunte même

sa sensibilité à quelques filets du douzième nerf intercostal.

La région lombaire, anesthésiquo à gauche, réagit à droite assez

vivement à la pression. Les fonctions rénales s'exécutent parfaite-

ment. L'examen des urines fait à plusieurs reprises n'indiquent ni

sucre ni albumine. L'analyse complète effectuée par M. Lemaire,

pharmacien- de l'hôpital des Enfants, cinq jours après la

dernière crise, indique pour 1.430 centimètres cubes d'urine

(dans les 24 heures) : densité à + 15 = 10 18, réaction acide, cou-

leur jaune pâle et peu de sédiment ; l'urée atteint 14sir,70, le chlo-

ruie de sodium 1'76 ? 22, les composés xantho-uriques = 0,74 ;

l'acide phosphorique total = l6r,G2, dont 191,52 pour les phos-

phates alcalins et 0,10 pour les phosphates terreux : il n'y a donc

pas inversion de la formule des phosphates. Pas d'albumine,\ ni

glucose, ni pigments biliaires.

Le membre supérieur droit n'offre rien de particulier à signaler :

tous les mouvements en sont faciles ; il n'y a pas de diminution

de'volume : la mensuration de l'avant-bras, à 10 centimètres au-

dessous de l'interligne articulaire du coude indique 23 centimètres

de circonférence ; celle du bras, à 15 centimètres au-dessus de

l'olécrâne = 23m,5; la pression dynamométrique est de 17 kilos.

Les sensibilités musculaire, tendineuse, osseuse, ainsi que les

HYSTÉRIE JUVÉNILE CHEZ UNE* FILLETTE. ] 85

réflexes, sont conservés et normaux ; la sensibilité cutanée est

légèrement exagérée.

Le membre supérieur gauche est également bien conformé; il n'y

a pas d'atrophie; la mensuration, effectuée dans les mêmes points

que les précédents, montre seulement une différence d'un demi

centimètre : 22cm,5 pour l'avant-bras, 23 centimètres pour le bras

(et la malade n'est pas gauchère). Mais la force est presque nulle :

calculée au dynamomètre à main, elle ne dépasse pas 2 kilos.

De plus, on remarque que tous les mouvements s'exécutent avec

une certaine hésitation et une certaine lenteur. Si on commande

à la malade de soulever les épaules, on voit que les muscles de

l'épaule gauche sont parcourus un instant de petits mouvements

fibrillaires, mais l'épaule reste inerte, alors que du côté droit, elle

se hausse paifaitement. Y a-t-il vraiment impotence absolue de

l'épaule gauche ? Non, car si on prend la précaution de s'opposer

ferme avec les mains au soulèvement de l'épaule droite, on voit la

gauche se hausser, quoique très légèrement, mouvement qui se

produit encore, avec la même intensité atténuée, si on commande

un peu sé\èrement à la malade de ne soulever que cette épaule-là.

Divers autres mouvements commandés s'exécutent d'une manière

imparfaite et molle : la malade arrive mal a mettre la pulpe de son

index sur le bout de son nez, et si on lui dit de lever le bras au-

dessus du plan du lit, elle ne le fait que très incomplètement :

presque aussitôt la main, flaccide, revient lentement, progressive-

ment au point de départ, sans tremblement, ni secousses, ni inco-

ordination, les extrémités digitales atteignant les premières la

surface du drap, trente secondes après l'avoir quittée. D'autre part,

si, en causant avec la malade et à son insu, on met le bras à angle

droit avec la paroi thoracique, celui-ci revient au repos comme

précédemment dans l'espace de quarante-cinq secondes environ,

sans demeurer nullement fixé dans cette position donnée ni sans

retomber brutalement comme dans la paralysie flasque. On ne

constate pas de diathèse de contracture ni de contraction idio-

musculaire. Les réflexes musculaires et tendineux sont conservés.

Que les mouvements soient actifs ou qu'ils soient effectués pas-

sivement, qu'ils soient réflexes, qu'ils se produisent en flexion ou

extension, adduction ou abduction, pronation, supination ou cir-

cumduction, la malade n'a nullement conscience de leur exécution

ni ne peut apprécier aucunement l'étendue de leur déplacement.

Le sentiment de l'existence du membre est absent. Cette abolition

de la sensibilité musculaire n'est pas modifiée par le passage d'un

courant faradique ou galvanique; et si la contraction des muscles

existe normalement, elle n'est nullement perçue par la malade.

Cette anesthésie, également périostique et osseuse -comme on

peut s'en convaincre surtout avec un diapason (Hgger) -, est

aussi nerveuse (réaction douloureuse nulle par pression du cubi-

'LÔ(j CLINIQUE NERVEUSE.

tal), ainsi que ligamenteuse et articulaire, ce qui permet de donner

au membre des positions presque anormales. Enfin, elle est encore

superficielle, et les sensibilités tactile, douloureuse, thermique ou

électrique sont complètement abolies à la surface cutanée.

Par suite, le sens stéréognostique est perdu : la malade se

trouve dans l'impossibilité d'apprécier le volume, la forme et les

dimensions des objets divers qu'on lui place dans la main. La

perte des notions de poids et de résistance est également complète :

Marthe ne fait aucune différence entre des poids de 1 à 500 gram-

mes ou plus : elle nie leur présence dans sa main. On lui met

alors dans la main ouverte et reposant par son dos sur une table,

un poids suffisamment lourd pour empêcher tout mouvement des

phalanges digitales, puis on lui dit de fermer la main : on voit

aussitôt les muscles de l'avant-bras et des éminences thénar et

hypothénar se contracter, mais l'effort est impuissant à vaincre la

résistance, et la flexion ne se produit pas ; cependant, le sujet

reste absolument persuadé que ses doigts ont obéi à l'incitation

volontaire. Si maintenant on enlève le poids, et qu'on commande

le même mouvement, la main ne se ferme pas complètement mais

la flexion a lieu, sans que la malade fasse aucune différence entre

les deux épreuves.

Les masses musculaires du membre inférieur droit sont bien

conformées ; les divers mouvements s'exécutent parfaitement. La

circonférence de la cuisse, mesurée à 17 centimètres au-dessus du

bord supérieur de la rotule, est égale à 43 centimètres ; celle de la

jambe, à 12 centimètres au-dessous du becrotulien est de 30 ? 5.

Le réflexe rotulien et la sensibilité plantaire sont vifs; le réflexe du

tendon d'Achille existe ; pas de phénomène de Babinski ni de signe

de Schoeffer. La sensibilité cutanée sous ses divers modes est un

peu exagérée. ·

Le membre inférieur gauche n'offre aucune malformation ni

atrophie ; la mensuration faite dans des points symétriques aux

précédents indique une circonférence de 42clII, 5 pour la cuisse et de

30 centimètres pour la jambe, soit une différence de un demi-

centimètre avec le membre inférieur droit. Quand on dit à Marthe

de remuer le pied, de lever la jambe au-dessus du plan du lit ou

d'écarter la cuisse, elle fait tous ces mouvements, quoique avec

lenteur et d'une manière très imparfaite. Elle n'a pas, d'ailleurs,

le sentiment de leur exécution, et il en est de même des mouve-

ments passifs. Le sens de l'orientation est complètement aboli : la

perte du membre, aussi bien dans le lit qu'en dehors de lui est

continuelle; elle le porte comme un corps mort qui tient parfois une

place inutile, et souvent on le pousse et on y marche carrément

dessus, sans qu'elle en éprouve la moindre sensation. La résistance

aux divers mouvements de flexion, d'extension, d'adduction, etc.,

imprimés au membre est assez faible. Les réflexes rotulien et

HYSTÉRIE JUVÉNILE CHEZ UNE FILLETTE. 187 1

achilléen sont normaux, la sensibilité plantaire est nulle. Pas de phé-

nomène de Babinski ni de signe de Schoeffer. Dans la marche, le

membre ne décrit pas d'arc de cercle, il traîne sur le sol au niveau

de la base des orteils, sans qu'il y ait « draguage » à proprement

parler, ni boiterie concomitante.

La sensibilité aussi bien profonde que superficielle est abolie :

l'anesthésie est tactile, douloureuse, thermique, électrique au

niveau du tégument; elle existe aussi pour les nerfs, les os, les

ligaments et articulations. Il n'y a aucune douleur subjective dans

es divers segments du membre.

Uémianeslhésie. L'anesthésie est localisée à tout le côté gau-

che du corps, ainsi qu'il résulte des détails qui précèdent ; sa recher-

che minutieuse montre qu'elle s'arrête exactement au niveau de

la ligne médiane; mais il y a de haut en bas, en avant comme en

arrière, une zone d'hypoesthésie de un centimètre de large envi-

ron, qui s'étend à droite de la ligne médiane et forme comme une

transition entre le côté gauche insensible et le côté droit, sensible,

qui est plutôt hyperesthésique.

L'hémianesthésie gauche superficielle est totale : on peut de

ce côté tirer les cheveux, les sourcils ou l'oreille de la malade, lui

électriser le bras ou lui mettre de la glace sur le flanc, lui pincer

la cuisse ou lui chatouiller la plante du pied, elle ne réagit en

aucune façon.

Certains réflexes et certaines sensibilités profondes sont conser-

vés (réflexes pupillaire lumineux, abdominaux, du bras et, du poi-

gnet, rotulien, achilléen), d'autres abolis (sensibilités conjonctive-

cornéenne, oculaire profonde, mammaire, ovarienne, plantaire) :

en particulier, il est intéressant de noter que le réflexe pharyngien,

les sensibilités épigastrique profonde, trachéale et volvaire ont

complètement et seulement disparu dans leur moitié gauche,

c'est-à-dire dans la partie qui correspond à la région anesthésique.

Il n'y a pas de dermographisme pas plus à gauche qu'à droite.

La malade prétend avoir toujours plus froid à gauche qu'à droite,

mais il n'y a pourtant pas de différence entré les températures de

chaque côté.

Nous avons déjà indiqué l'abolition de la sensibilité gauche

profonde : musculaire, nerveuse, osseuse, ligamenteuse et articu-

laire ; nous n'y reviendrons pas. Mais nous insisterons davantage

sur les troubles de sensibilités plus spéciales, celles des organes

des sens.

Le goût, l'odorat et l'audition sont entièrement perdu s gauche.

La sensibilité exquise du conduit auditif externe est nulle ; les

muqueuses nasale, linguale, et palatine sont insensibles à tout

chatouillement ou pincement, à toute réaction thermique ou élec-

trique.

JS8 CLINIQUE NERVEUSE.

L'anosmie est complète : les vapeurs d'ammoniaque, le parfum

de l'eau de Cologne, l'odeur de l'éther, de l'acide acétique ou du

chloroforme ne sont aucunement perçus, ce qui n'existe point pour

la narine droite dont la muqueuse a conservé sa sensibilité olfac-

tive. De même, on peut placer quelques grains de sel, un peu

de sucre ou de sulfate de quinine sur toute la moitié gauche de la

langue, sans que Marthe ne goûte rien ; mais si on met ces mêmes

substances sur la moitié droite de l'organe, elle reconnaît volon-

tiers le goût du sucre, fait la grimace pour le sel, et crache vio-

lemment le sulfate de quinine en s'écriant : « que c'est amer ! »

La surdité est également complète : non seulement la malade

n'entend pas la parole à,voix haute ou basse, mais encore ne dis-

tingue aucun son, aussi grave ou aigu qu'il soit, comme on peut,

s'en convaincre, en particulier avec le sifflet de Galton. Il en est

de même du tic-tac de la montre, qui n'est nullement perçu dans

toute la moitié gauche de la tête, en quelque point qu'elle soit

placée. Les vibrations du diapason ne sont pas perçues davantage,

qu'on l'applique sur l'apophyse mastoïde ou qu'on l'approche du

pavillon de l'oreille (épreuve de Pinne), qu'on le mette en rapport

avec n'importe quelle surface osseuse du côté anesthésié, que ce

soit au niveau de la tête, du poignet ou du tibia. 'L'examen à

l'otoscope montre un canal auditif externe et un tympan en état

tout à fait sain. 11 n'y a jamais eu à aucun moment ni vertiges ni

bourdonnements. En somme, comme nous le disait M. le D1' Moure,

qui voulut bien examiner la petite malade, ce cas représente comme

la négation parfaite de la fonction de l'ouïe.

Les troubles du côté de l'appareil de la vision sont extrême-

ment intéressants, en ce sens qu'ils affectent les deux yeux à la fois

et qu'il y a cécité complète. Marthe a ce regard voilé et vague,

sans expression, qu'on remarque chez les aveugles; elle ne distin-

gue absolument rien et se cogne brutalement aux objets qu'elle

rencontre, en marchant, sur son chemin. Si on approche, par

surprise alternativement, à 1 ou 2 centimètres de ses yeux la

pointe d'un thermocautère chauffée au rouge blanc, elle ne bron-

che, pas et accuse simplement une sensation de chaleur au niveau

de l'oeil droit, le gauche participant (comme nous l'avons dit) à

l'hémianesthésie; il n'y a donc pas de simulation.

Jusqu'à hier après-midi trois heures, la malade avait exclusi-

vement la sensation du noir; à partir de ce moment, sans cause

connue, elle a recouvré la sensation du clair. *'

L'examen pratiqué par notre ami M. Ginestous, interne de M.le le

D'' Lagrange, confirme aujourd'hui les détails enregistrés déjà par

M. Aubaret dans des conditions anologues : pupilles égales, réa-

gissant bien à la lumière; ancune lésion du fond de l'oeil. Nous

songeons alois, vers il heures du matin, à utiliser l'affection

particulière qu'a Marthe pour la couleur rouge; à cet effet, nous

HYSTÉRIE JUVÉNILE CHEZ UNE FILLETTE. 189

l'amenons dans une chambre noire et la plaçons la face tournée

vers un grand carreau rouge qui lui est d'abord caché par un

volet fermé, interceptant les rayons lumineux. Alors brusquement,

on ouvre le volet; le visage de la fillette s'illumine aussitôt d'un

reflet rouge intense, mais elle ne distingue rien ; elle continue à

avoir la sensation du noir. On remplace le carreau rouge par un

vert : elle voit blanc ; on met ensuite un carreau de vitre ordinaire :

elle a encore la même sensation de blanc. En somme, l'expérience

demeure négative, et le sujet conseive toujours les seules sensa-

tions élémentaires du clair et de l'obscur.

Et cependant, quelques heures plus tard, vers 3 heures de

l'après-midi, comme elle se trouvait sur un banc au fond de la

salle 15 et causait avec ses petites compagnes, en traitement

comme elle à l'hôpital, elle s'écria brusquement : « Des pantoufles

rouges ! des pantoufles rouges ! J'y vois ! » Elle venait d'apercevoir,

en effet, aux pieds d'une de ses camarades assise en face d'elle, une

paire de pantoufles d'une belle couleur rouge. Et c'est ainsi qu'elle

recouvra la vue pour la huitième fois, après dix jours de cécité.

En résumé, à la date du 16 février, Marthe P... présente une

hémianesthésie gauche sensitivo-sensorielle complète, superficielle

et profonde, avec hémiparésie dû même côté, hémi-hyperesthésie

droite légère, exaltée principalement en certaines régions (mam-

maire, ovarienne, plantaire), amaurose double enfin.

La cécité ayant disparu brusquement ce jour-là, les autres phé-

nomènes anormaux ont-ils offert de leur côté des modifications

concomitantes ? C'est ce que nous avons recherché soigneusement

à diverses reprises dans les semaines suivantes. Toujours nous

avons trouvé identiques, constants, les troubles de sensibilité géné-

rale ou spéciale ; les troubles parétiques seuls se sont montrés

moins accentués,' la malade pouvant maintenant surveiller ses

mouvements par le regard, caractère sur lequel a insisté M. le

professeur Pitres 1.

Notre attention s'est plus particulièrement portée vers l'appareil

visuel qui semble, au premier abord, complètement revenu à l'état

normal et qui, en réalité, nous présente il considérer quelques

phénomènes assez curieux (dont la remarque est due eu grande

partie à la sagacité de notre ami M. Ginestous).

L'examen indique qu'il n'y a aucun trouble de réfraction ;

emmétropie des deux yeux; pas d'astigmatisme; aucune lésion

du fond de l'oeil. Les pupilles égales, réagissent à la lumière et à

l'accommodation, la gauche un peu plus lentement que la droite;

elles se dilatent également quand on pince fortement la peau, soit

dans sa moitié anesthésique soit dans l'autre moitié. Si on pro-

' Leçons cliniques sur l'hystérie, t. I, p. 111-12.

190 CLINIQUE NERVEUSE.

duit la même excitation sur le côté anesthésique seul, les pau-

pières étant fermées, la malade accuse une sensation de vert, ici

au niveau de- l'oeil droit exclusivement (signe de Le Dantec).

L'acuité visuelle normale à droite, est de un demi a gauche : elle

n'est corrigée par aucun verre. A l'optomètre, la puissance accom-

modative est de 13,5 dioptries il droite, contre 4 dioptries à gau-

che, ce qui parait indiquer un spasme du ciliaire gauche. Divers

objets vus par l'oeil gauche paraissent quelques fois plus grands,

mais généralement plus petits que les mêmes objets vus par l'ccii

droit; ils ne sont pas déformés ; il n'y a donc pas métamorphopsie,

mais plutôt macropsie et surtout micropsie portant proportion-

nellement sur les trois dimensions. On ne note pas -de diplopie ou

de polyopie,monoculaire.

La micromégalopsie gauche existe également pour les objets

colorés.

Le sens chromatique est perverti pour les deux yeux ; il n'y a

que le rouge que le malade reconnaît toujours sans la moindre

hésitation ; mais le vert, le bleu, le jaune ne sont distingués que

par comparaison. Interrogée il ce sujet, Marthe répond que ces

couleurs lui paraissent blanches, sans l'être cependant nettement,

et que pour les reconnaître, elle doit les comparer avec le blanc.

Dans d'autres cas, le raisonnement est plus compliqué, comme elle

l'avoue ingénuement d'elle-même, quand on lui demande de l'expli-

quer ; si, par exemple, on lui montre la feuille verte d'une plante

en lui demandant qu'elle est sa couleur, .elle se dit : « puisque

c'est une feuille, et que les feuilles sont ordinairement vertes, la

couleur de cette feuille est verte », et c'est la réponse qu'elle

fait.

Le champ visuel, rétréci (surtout à gauche) pour le blanc, l'est

davantage pour le rouge, davantage encore pour le bleu, et un peu

plus pour le vert, ce qui montre bien que l'impression transmise à

la rétine par ces deux dernières couleurs est un peu différente pour

chacune d'elles, quoique le sujet semble les confondre.

Enfin, la vision binoculaire, recherchée par l'épreuve de la règle

ou avec le stéréoscope de Holmes et les tests de Javal, est très

imparfaite ; il n'y a pas fusionnement des images. Ce fusionne-

ment ne s'effectue pas mieux avec des points ou des images de

diverses couleurs. Nous reviendrons plus loin en détail sur ces

diverses particularités au moment de la discussion.

La plupart de ces troubles paraissent sous la dépendance d'une

hypoesthésie rétinienne gauche, en rapport avec l'hémianesthésie

du même côté. L'anesthésie du début ou amaurose a fait place

maintenant à de l'hypoesthésie, mais celle-ci est encore suffisante

pour entraîner une perversion dans l'appréciation de la perspec-

tive et des trois dimensions. Cette hypothèse serait démontrée le

jour où la disparition de l'hémianesthésie serait accompagnée de

HYSTÉRIE JUVÉNILE CHEZ UNE FILLETTE. 191

la disparition de l'hypoesthésie rétinienne : nous espérons avant

peu la voir se réaliser.

Pendant tout le temps que Marthe est restée à l'hôpital des

Enfants, nos tentatives (douches, électrothérapie, frictions, etc.) pour

la débarrasser de son anesthésie, sont demeurées infructueuses.

Elle a même eu, le 13 mars, une nouvelle crise de cécité complète

(la neuvième) qui l'a prise brusquement et sans cause, pendant

son repas du soir. Le 15 au matin, on lui prescrivit des pilules de

mica punis avec forte suggestion a l'état de veille ; le lendemain

elle distinguait déjà le clair, et le surlendemain, elle recouvra la

vue après son réveil, tandis qu'elle se frottait avec un grand mou-

choir à carreaux rouges. -

Elle a quitté le service le 26 mars, très améliorée pour son

hémiparésie : on lui a ordonné en traitement de l'extrait glycérine

d'ovaire il raison de 10 grammes par jour, et de l'hydro et électro-

thérapie. Si ces moyens ne réussissent pas, nous aurons recoursà

d'autres, mais la guérison est certaine, elle n'est qu'une question

de plus ou moins de jours.

Cette observation nous a paru intéressante à rapporter en

son entier, pour un certain nombre de raisons que nous

allons maintenant faire connaître.

I. Si l'hystérie infantile ou juvénile est fréquente, elle ne

se montre pas très souvent avec un appareil aussi complet.

Il est important de noter ici, qu'elle semble avoir fait son

apparition à l'occasion des premières règles, et que ces

règles n'ont reparu, pour la seconde fois, que l'avant-veille

de la huitième crise de cécité, c'est-à-dire après une inter-

ruption de près de neuf mois. Entre ces deux époques, les

crises d'amaurose double sont survenues à des quantièmes

divers, mais presque toujours du 18 au 25 (13-18 juin 1900,

'10-'18 juillet, 18-26 août, 10-23 octobre).

Faut-il penser que les modifications physiologiques qu'en-

traîne habituellement l'âge de la puberté avec l'établissement

de la menstruation, et qui ont vraisemblablement provoqué

la première crise de cécité, ont été suffisantes pour retentir

ultérieurement de manière identique sur l'appareil oculaire,

même la menstruation ne s'effectuant plus ? Il est certain que

ces crises se sont produites à des dates relativement fixes,

mais l'irrégularité menstruelle est si ordinaire dans les cas de

ce genre, qu'on ne peut guère s'en autoriser qu'à titre d'in-

dication. Ce qui est plus probant, c'est que la malade, chez

laquelle les crises avaient complètement cessé pendant trois.

1 92 CLINIQUE NERVEUSE.

mois, a été prise brusquement, au moment de l'apparition

de sa seconde menstruation, d'une nouvelle crise (la huitième,

du 5 au 16 février '190'1) bientôt suivie d'une neuvième, à 1t

peine un mois après la fin de la précédente (14-17 mars).

' On ne peut nier, dans ces conditions, une relation véritable

de cause à effet : et c'est pourquoi, nous avions pensé pres-

crire à notre malade des composés ferrugineux. Mais M. le

D'' Régis, dans la discussion à laquelle donna lieu la présen-

tation de Marthe P... 1, ayant rapporté les résultats heureux

qu'il avait obtenus avec l'ovairine, dans des cas d'hystérie

juvénile provoqués de façon analogue, nous avons donné la

préférence à ce médicament.

Cette coïncidence de l'amblyopie avec la menstruation a

été déjà signalée. Mendel a cité un cas chez une femme de

quarante ans où la cécité survenait à l'apparition de chaque

règle. Colin va plus loin : il prétend que la menstruation est

la cause directe de.l'amaurose hystérique et rapporte plu-

sieurs cas à l'appui de sa thèse; dans l'un d'eux (cas de Sou-

quière), qui rappelle assez le nôtre, il s'agit d'une fillette de

douze ans qui n'avait été réglée que deux fois, et chez laquelle

survint subitement une perte complète de la vision avec

anesthésie de la partie gauche du corps. Douze jours plus

tard, les règles apparurent et l'amaurose s'évanouit. Dans un

autre cas (cas d'Amann), il s'agit d'une fille hystérique, qui à

vingt-sept ans, eût une crise de cécité qui dura une heure au

moment des règles. De vingt-sept à trente-sept ans elle eût

six crises de même genre, qui survinrent dans des conditions

analogues et durèrent de quelques minutes à une heure.

II. Ainsi qu'il ressort des recherches de notre maître,

M. Pitres, confirmées depuis par divers auteurs et surtout par

Charcot3, « rien n'est plus rare que l'hémianesthésie-sensi-

tivo-sensorielle complète dans l'hystérie. On n'observe guère

que des hémianesthésies cutanées avec prédominance plus ou

moins marquée des troubles sensoriels du côté où le tégu-

ment externe est insensible M.

1 Cruchet et Aubaret. Un cas de cécité hystérique (Soc. de médecine

et de chirurgie de Bordeaux, séance du 22 mars 1901, Gaz. hebdom. des

sciences médic. de Bordeaux, 7 avril 1901, p. 165 et 14 avril 1901, p. 173-74.

2 Cité par Pansier. Th. de Montpellier, '1892, p. 80.

3 Leçons du mardi. 1889, p. 517.

' Leçons clin, sur l'hyst., p. 140.

HYSTÉRIE JUVÉNILE CHEZ UNE FILLETTE. - 193

Notre observation, au premier abord, semble constituer une

de ces raretés. Et cependant si on y regarde de près, on voit

que l'épithète de complète, que nous avons donnée à cette

hémianesthésie gauche, est encore susceptible de critique,

puisque le réflexe abdominal de Rosenbach existe du côté

anesthésique. Néanmoins, nous pensons qu'il est bien diffi-

cile de rencontrer une hémianesthésie, qui se rapproche plus

près que celle-là, de la description schématique; c'est pour-

quoi, avec cette petite réserve, nous lui conservons le terme

de complète.

A cette hémianesthésie est superposée une hémiparésie ou

mieux hémiamyosthénie sur laquelle nous n'avons rien de

très particulier à signaler. Elle pourrait cependant jouer un

certain rôle dans la dissociation de la vision binoculaire dont

nous parlerons plus loin.

III. « Il y a un rapport constant entre l'insensibilité cuta-

née et l'insensibilité sensorielle», a dit Ch. Féié 1. Ce rapport

est loin d'être constant ainsi que l'ont prouvé Thomsen et

Oppenheim surtout MM. Pitres et Lichtwitz' ; ce dernier

auteur a tout particulièrement insisté sur la rareté de l'anes-

thésie sensitive complète au niveau de la muqueuse nasale.

Rappelons simplement, qu'ici, elle était absolument insensible

du côté anesthésié et qu'il en était de même des muqueuses

linguate, palatine, épiglottique, pharyngo-laryngée. Il y

avait anosmie et ageusie totales à gauche.

Le plus souvent, dans l'hémianesthésie complète, il existe

de la surdité unilatérale complète, et les diapasons placés sur

le front ou sur les dents, ne sont perçus que parle côté sain.

En même temps, on trouve une anesthésie complète du tym-

pan5. C'est exactement noire cas, ce qui n'est pas fréquent,

d'après tous les auteurs. « La diminution de l'ouïe peut être

plus ou moins prononcée et aboutir à la surdité complète...

mais dans la grande majorité des cas, la surdité hystérique

' Noie pour servira l'histoire 4le l'lcysléro-épileysie. (Archives de neu-

rologie. -1882.)

°- Article in Arch. sur Psych. iiiicl i\-craeral ? 1884.

3 Loc. cil., t. I, 8c et 9* leçons.

4 Th. de Bordeaux, lSJî. Recherches clin, sur les aneslh. hyst. des

mis. el de quelques organes des sens.

° \1'alton. Deafness in hyslerical liemianeslhesia. (Brain, 1883, p. 4G3-

Gi.) ,

Archives, 2° série, t. XII. 13

194 CLINIQUE NERVEUSE.

est incomplète ». C'est l'opinion de Collet', après celles de

Briquet, Pitres, Gilles de la Tourette 2, etc.

De fait, si l'on élimine tous les cas dans lesquels il y avait

des troubles auditifs propres concomitants (bouchon de

cérumen, otite catharrale, etc.), comme dans plusieurs faits

de Habermann, Litchtwitz, Gradenigo 3, 'VVÜrdemann" ou

Uspenski ? le nombre des surdités hystériques, même unila-

térales, es t très restreint. Il l'est même certainemen t beaucoup

plus que la réalité, parce que, comme le fait observer Gilles

de la Tourette, « les malades ne songent pas à se plaindre de

cette infirmité ° » et que « pour reconnaître leur surdité, il faut

la rechercher méthodiquement (Pitres)7 ». C'est ce qui nous

est arrivé, ici, où nous n'avons dépisté la perte de l'ouïe qu'en

prenant soigneusement l'observation : la fillette, jusque-là,

ne s'était jamais doutée qu'elle fut sourde.

Plusieurs cas ont été rapportés : un' par Rabenau 8, un par

Rosenthal 9, deux par Wallon10, un par Uspenski 11, un par

lIabermann 12, deux par Lichlwitz, un par Lemoine 1') avec

mutité, un autre par Cartaz Il avec mutité, un par Collet ? un

par Bourlier 16 avec cécité et mutité; mais parmi ces divers

cas, il n'y a que ceux de Walton, Rosenthal, Collet et l'un

1 Les troubles auditifs dans les maladies nerveuses. Gneycl. Léauté,

p. 140-41.

. « Il est très peu de cas dans lesquels il y ait surdité absolue ».

(Briquet in Traité clin, et lliér. de l'hyst., p. 2 ! J : i). - « Cette forme depara-

lysie de l'audition est fort rare ». (Pitres, loc. cil. t. 1, p, 92.), etc.

3 « Salle manifeslazioni a1ll'icolw'Í den' islerismo » Turin , 1895,

p. 12-1E0.

* A case of ltyste¡'icat deaf'ness, Médical News. 14 fée. 1891, p. 186-87.

5 Cité par Walton (p. 462).

0 Traité clin, et th. cle l'lc.sl., t. I, p. 192.

7 Loc. cit., t. I, p. 92.

8 Cité par Lichtwitz (p. 78).

0 Id. p. 79.

10 Loc. cil. p. 467 et 468.

" Second cas cité par Walton (p. 462).

19 Prseger med. 11Tocltenschl'Îf't, 1880.

13 Un cas de surdité hystérique. (.1fédec. moderne, 1893.)

" Annales des maladies de l'oreille et du larynx, juin 1894.

15 Loc. cil., p. 143.

10 Cécité hystérique et szooli-mztlilé. (Bulletin nzéclie. de l'Algérie, 18DL)

HYSTÉRIE JUVÉNILE CHEZ UNE FILLETTE. j

des deux de Lichwitz qui soient en rapport, comme le nôtre,

avec une hémianesthésie du même côté; et encore parmi

ceux-ci. seul celui de Litchwitz mentionne, comme chez

Marthe P..., une anesthésie du pavillon et de la muqueuse

qui tapisse le canal auditif externe.

IV. Les modifications en rapport' avec l'appareil visuel,

nous demandent des considérations un peu plus étendues.

a). « L'amaurose unilatérale, dit Bardol, est relativement

fréquente, quoique les hystériques s'en plaignent rarement.

Il n'en est pas de même de l'amaurose bilatérale et on peut

compter dans la science les cas de cécité hystérique 1 ».

Briquet- en rapporte trois cas, Mendel3 en a vu deux cas,

Dujardin-Beaumetz et Abadie '' un cas, Fieuzal * un cas,

Terson 6 un cas, Sevestre un cas, Jacobson un cas, Saint-

Ange 9 un cas, Marlow 10 un cas, Landouzy lt deux cas,

Oppenheim U un cas Claiborne' 13 un cas, Bourlier11 un cas,

Adamuck 1 : ; un cas, Déjerine 16 deux cas, ce qui porte à une

vingtaine de cas le nombre de cécités complètes hystériques

publiées.

En général, cette amaurose double n'a qu'une durée tem-

poraire elle disparaît brusquement comme elle est venue, au

bout de quelques heures, mais elle peut persister plus long-

1 Th, de Paris, 1893, p. (je, ,

5 Loc. cit.

3 Deulsche Zeitchrift sur prakt. Med. 1874, no 47. Un autre cas avec

,T. Lévy : Uebcr hysl. Amaurose. 1890.

. Bulletin de la Soc. znécl. des h6pil. de Paris, 187(J, p. lra.

11),ogi-ès i ? zé(lical, 1879, no 1.

1 Clinir¡,ophlalmologiqllc. 1879.

7 Soc. médic. des hôpitaux, 188.

" Cité par Strzeminski. Troubles ocul. de l'hystérie. (Recueil d'oph-

0 Revue médicale de Toulouse, 188. n° 6, p. 161-176.

,0 New York Illcdic..Jo1l1'lwl. 9 fév. 1sus;1, p. lot.

Cité par Gilles de la Tourette, loc : cit., t. I, p. 337. '

t3 Ncw YoOc policl, 1S ! J ? p. 299.

' Loc. cil.

" Maladies de l'appareil visuel, t. II, 472, 1897. '

10 7'milé de palhol. générale, 1901, t. V, p. 1125. ·

196 CLINIQUE NERVEUSE.

temps, huit mois (Mendel), quatre mois (Saint-Ange), un an

et demi (Oppenheim), plusieurs semaines (Jacobson). (

b). La dyschromatopie hystérique est typique chez notre

malade. Marthe qui avait conservé la vision des couleurs

quoique avec inversion dans leur perception et avec rétré-

cissement concentrique accentué du champ visuel dans le

premier examen pratiqué chez elle par M. Aubaret, ne l'a

plus à partir de sa huitième crise. Seul le rouge est reconnu

parfaitement, ce qui est le caractère propre de cette dys-

chromatopsie hystérique.

Ici, cette prédilection est même particulièrement nette et

originale, puisque si on ne peut pas dire que la vision du

rouge ait provoqué la cessation de la crise, c'est elle cepen-

dant qui a été la première récupérée au moment précis de la

guérison. Ainsi, à la fin de chaque crise, la première percep-

tion de la malade a toujours été celle d'un objet rouge : éti-

quette rouge, coussin rouge, dos rouge d'un livre, pantoufles

rouges, mouchoir à carreaux rouges, etc.

c). Il nous reste à parler de la vision binoculaire : 1° Dans

un premier examen, la malade étant restée aveugle de l'oeil

gauche seulement, les expériences faites démontrent que cet

oeil est totalement amaurotique, et que par conséquent, la

vision binoculaire peut être quelquefois abolie dans l'hys-

térie ; -

2° Dans un deuxième examen, il paraît évident au pre-

mier abord, que Marthe possède la vision binoculaire, puis-

que la convergence s'effectue parfaitement, que les pupilles

réagissent bien à la lumière et à l'accommodation, qu'elle

peut lire ou reconnaître les objets, à peu près aussi bien de

l'oeil droit que de l'oeil gauche, quand elle lesferme alterna-

tivement. Au reste, si elle a une diminution de l'acuité

gauche égale à la moitié et voit, avec l'oeil gauche, les objets

un peu plus petits ou un peu plus grands qu'avec l'oeil droit,

nous savons bien que ces troubles ne sont pas assez consi-

dérables ordinairement, pour empêcher la vision binoculaire

et le fonctionnement des images.

Et cependant, si on la soumet aux diverses expériences

pour la recherche de cette vision binoculaire, on est fort

surpris de constater que toutes sont négatives : aux épreuves

de la règle, du prisme, de la boîte de Fiées, de l'écran, du

stéréoscope avec les cartons les plus simples de Javal, elle

HYSTÉRIE JUVÉNILE CHEZ UNE FILLETTE. 197 I

répond comme si elle avait vraiment une cécité gauche

totale.

Elle semble donc se comporter d'une façon absolument

contraire à la règle ordinaire. Généralement, en effet, l'oeil

qui est amaurotique quand l'autre oeil est fermé, ne l'est plus

quand les deux sont ouverts, et la vision binoculaire existe.

Ici l'oeil amblyope qui voit bien quand l'autre est fermé, n'y

voit plus quand les deux yeux sont ouverts.

Il résulterait déjà de ceci, que les expériences ordinaires

pour la recherche de la vision binoculaire tendent à démon-

trer chez notre sujet : 1° qu'en certains cas, la vision bino-

culaire n'existe pas réellement (lor examen) ; 2° qu'en certains

autres, la vision binoculaire n'est qu'apparente et qu'il y a

plus exactement vision monoculaire alternante (2° examen).

La première proposition nous paraît justifiée ; nous revien-

drons plus loin sur la seconde qui, sous cette forme, ne

répond pas à tous les faits.

Les faits sont donc posés : il s'agit de les interprêter ; pour

cela, partons d'abord du plus simple et prenons la définition

générale de Fuels : « Lorsque quelqu'un voit simple avec

les deux yeux, cela peut s'expliquer de deux manières : ou

bien il fixe exactement des deux yeux et reçoit les impres-

sions des deux yeux au même endroit -vision binoculaire

simple; ou bien il ne voit pas de l'un de ses yeux, parce que

celui-ci est aveugle, ou parce qu'il fait abstraction de l'im-

pression reçue vision monoculaire 1. »

De même que l'hystérique fait abstraction de l'impression

auditive reçue dans la surdité hystérique complète, des im-

pressions olfactive, gustative et cutanée dans l'anosmie,

l'ageusie et l'anesthésie hystériques complètes, de même il

serait logique que l'abstraction de l'impression visuelle

entraînât une amaurose complète.

Seulement si l'anosmie, l'ageusie, la surdité totales sont

rares, comme l'a bien montré Lichtwitz, si l'anesthésie com-

plète est très rare aussi commel'a prouvé surtout M. Pitres,

l'amaurose absolument complète avec abolition de la

' E. Fucus. Manuel d'ophtalmologie, 2c édit. française. 1897, p. 630.

198 CLINIQUE NERVEUSE.

vision binoculaire est encore plus rare, sans que cependant on

puisse en nier l'existence.

Cette cécité totale peut exister, elle existe même, puisqu'on

en connaît plusieurs cas e t il nous paraît admissible d'accepter

la réalité de cette anesthésie rétinienne avec absence de la

vision binoculaire, au même titre que les autres anesthésies

sensitivo-sensorielles hystériques complètes. Comme l'écrit

Antonelli, après tous les autres auteurs qui se sont occupés

de l'amblyopie hystérique : « Cette inconscience de l'amblyo-

pie ou de l'amaurose monoculaire, lorsque le malade ne

ferme pas le bon oeil, est du reste en rapport avec les carac-

tères généraux de l'anesthésie hystérique. En effet, même

avec une hémianesthésie complète, les hystériques sont sou-

vent fort surpris si on leur fait remarquer le phénomène, car

ils ne s'en doutaient pas, et venaient consulter pour tout

autre espèce de troubles1 ».

C'est bien là le caractère particulier noté dans tous ces

désordres fonctionnels, qu'ils soient d'ordre auditif, gustatif,

cutané... De même qu'il peut y avoir négation des fonctions

auditive, gustative, etc., de même il peut y avoir négation

de la fonction visuelle. Mais de même que l'on voit l'anesthé-

sie, la surdité, l'ageusie, l'anosmie se transformer en hypo-

esthésie, hypoacousie, hypogeusie, hypoosmie, disparaître

complètement ou faire place à l'hyperesthésie, l'hyperacousie,

l'hypergeusie, l'hyperosmie, de même on peut appliquer ces

modifications en plus ou en moins à l'appareil visuel, et

nous serions très disposés à admettre la série des phéno-

mènes suivants : .

le' stade. - Cécité ou amaurose complète avec abolition

de la vision binoculaire. Les cas de ce genre sont extrême-

ment rares, probablement parce que la cécité, presque tou-

jours monoculaire, n'est généralement que mal ou pas perçue

par le sujet, et que le médecin ne l'observe presque jamais

au début. Il faut des circonstances toutes particulières,

comme celles qui ont amené notre malade à la clinique de

M. Badal, pour qu'on puisse étudier la vision monoculaire

hystérique. A ce titre, notre observation (1 ? examen) est

probante, et nous ne saurions trop remercier notre ami

* A. AntoneHi. a f/tMoczcon (/e /a UMMK & : ) : oeMa</'e c/;e f/MeMes

' A. Antonelli. La dissociation de la vision binoculaire chez quelques

stabiques et quelques hystériques, il propos d'un cas d'amallrose mono-

culaire hystérique. (Archives d'ophtalmologie, 1897, p. z27.)

HYSTÉRIE JUVÉNILE CHEZ UNE FILLETTE. 1999

M. Aubaret d'avoir bien voulu nous faire profiter de ces pré-

cieux documents. z

Mais si ces cas de cécité complète avec absence de la vision

binoculaire sont rares, on en connaît cependant quelques-

uns(Booth', Ginestous2), etles ophtalmologistes en admettent

la réalité ou la possibilité. Ainsi Parinaud écrit : « Chez cer-

tains malades, l'amaurose monolatérale ne disparaît pas dans

la vision binoculaire, soit que l'amblyopie soit trop pro-

noncée dans l'autre oeil, soit que la vision binoculaire

n'existât pas ou existât imparfaitement avant la maladie ».

Mais nous ne croyons pas que ces raisons puissent s'appli-

quer à tous les cas. C'est l'opinion de M. Lagrange : « Les

observations d'hystériques amblyopes d'un oeil qui ne

peuvent recouvrer la vision binoculaire aux épreuves de la

règle, du crayon, du prisme, etc., ne sont pas fréquentes,

mais elles peuvent très bien se présenter. Le fait général, il

est vrai, est que la vision de l'oeil amblyope reparaît dans la

vision binoculaire, mais il n'yapaslàde règle absolue v...» Et

c'est encore l'opinion d'Antonelli qui l'appuie sur un raison-

nement serré, logique, dont voici les conclusions : « La preuve

du prisme est douteuse... L'examen aveclaboite de Fiées est

également douteux... Si le malade répond négativement à

l'épreuve de Snellen ou aux cartons les plus simples de la

collection 'Java), les autres épreuves réussiront beaucoup

plus difficilement à démontrer la vision binoculaire5. »

Et plus loin : « La simple fixation d'un point ou gros objet,

même dédoublé par le prisme, ou encore la fusion au stéréos-

cope, vis-à-vis duquel le malade ne sait pas ce qu'il doit

voir, en restant presque indifférent aux phénomènes qui

1 J.-A. Bootli in Tite Jouma.of nerv. and menl. Diseuses, New-7orl : ,

1893 (p..t6t-7t), rapporte trois cas d'amaurose unilatérale chez des

femmes de trente-trois, dix-huit et quatorze ans qui n'avaient pas de

vision binoculaire (p. 473) : il est vrai qu'elle ne fût recherchée qu'avec

la seule épreuve du prisme.

°- Ginestous et de Fornel. Soc. anal. el phys. de Bordeaux. (Journ.

de médecine de Bordeaux, 2r juin 1900, p. kJH-o7.)

3 Il. Parinaud. Les troubles ocul. de l'hystérie. (Annales d'oculistique,

juillet 1900, p. 38.

* Soc. d'anat. et de phys. de Bordeaux, séance du 14 mai 1900.

(JOl/1'1 ! . de médec. de Bordeaux, na 27, 8 juillet 1900, p. 486.)

° Loc. cil., p. 225-26. '

200 CLINIQUE NERVEUSE. -

vont se passer, ne suffit pas toujours pour guérir l'espèce

d'aboulie de la vision qui affecte l'un des deux yeux 1 »-

Cette guérison peut être complète et durable : c'est le

retour à l'état normal ; mais elle peut être incomplète et

passagère : nous arrivons au deuxième stade.

2e stade. - La cécité est alors incomplète : c'est le stade

amblyopie faisant suite au stade amaurose, avec conservation

intermittente et généralement pervertie de la vision binocu-

laire. Cet état est de beaucoup le plus fréquemment observé;

c'est celui qui correspond aux. cas de presque tous les au-

teurs : Parinaud, Pitres, Bernheim, etc...

L'hystérique amblyope vrai, dans le cours de sa vie quo-

tidienne, ne prend conscience que des impressions reçues

par le bon oeil. Mais qu'une émotion, l'attention, un danger,

une cause quelconque enfin, viennent secouer l'individu et

agir sur lui par suggestion (et nous croyons que les épreuves

du prisme, de la boîte de Fiées, du stéréoscope, etc., agissent

de cette façon), il peut récupérer tout ou partie de savision,

suivant l'intensité de cette cause et son état de suggesti-

bilité 2. f ! . 1

Et alors : 1°ou bien le réveil de la conscience visuel le endor-

mie sera complet; c'est ce qui a eu lieu notamment avec la

boîte de Fiées (cas d'Armaignac) ou avec le prisme (cas de

Harlan), etc.; c'est ce qui arrive encore lorsque le sujet am-

blyope, étant obligé de subir une opération sur le bon oeil,

récupère aussitôt la vision de son oeil amblyope (plusieurs

cas de M. Badal) etc.

2° Ou bien le réveil de la conscience visuelle n'est qu'un

demi réveil; la récupération de la vision est épisodique, in-

termittente : elle montre que le sujet à un certain moment,

' Loc. cit., p. 231.

« Il semble, dit Gilbert Ballet, que les efforts variables qu'exigent les

diverses expériences de vision avec les deux yeux n'aient pas toujours

tous la même influence. Et c'est ainsi que peuvent s'expliquer les résul-

tats différents et contradictoires en apparence, dans quelques cas, que

donnent ces expériences... Il n'est même pas fatal, on le conçoit, que la

même expérience donne toujours à des moments différents, des résul-

tats identiques » (p. 313).

Gilbert Ballet. L'amaurose hystérique unilatérale. (Presse médicale,

1897, t. II, p. 309-313. Leçon faite à l'hôpital Saint-Antoine le 14 mars

1897, à propos d'un garçon de treize ans dont l'examen a servi de point

de départ à l'article d'Antonelli. '

HYSTÉRIE JUVÉNILE CHEL UNE FILLETTE. 201 1

à l'instant précis de l'expérience, a la vision binoculaire, mais

elle semble montrer aussi que la suggestion n'est pas suffi-

sante, pour que la conscience de cette vision dépasse le

moment de l'expérience. La sensation inconsciente devient

un instant consciente, pour retomber bien vite dans le champ

de l'inconscience, une fois l'obstacle écarté, le danger passé,

la suggestion envolée.

Voici Marthe, par exemple ; à l'état ordinaire elle ignore,

pour ainsi dire, son oeil gauche comme elle ignore toutes ses

sensations du côté gauche : elle en fait abstraction. Si nous

la faisons regarder dans la boîte de Fiées, c'est bien l'oeil droit

qui voit ; si nous la faisons lire avec la règle ou l'écran, il

n'y a toujours que l'oeil droit qui voit; avec le prisme placé

devant l'oeil droit nous n'obtenons pas de double image ; avec

le stéréoscope elle ne voit toujours que l'image de droite.

Donc, elle ne voit qu'avec l'oeil droit. Fermons le lui ; et

c'est le gauche qui voit maintenant presque aussi bien que

l'autre : ellepeut lire, voir l'image degaucheau stéréoscopeet

le point à droite avec la boîte de Fiées, etc. Ainsi, l'oeil

gauche voit aussi, et si nous voulons maintenant faire

ouvrir l'oeil droit, il semble que la vision binoculaire va

avoir lieu. Faisons donc ouvrir cet oeil droit : aussitôt le

gauche retombe dans l'inconscience et la malade ne se sert

plus que du droit (comme on peut s'en convaincre en recom-

mençant les épreuves précédentes).

L'expérience suivante cependant, les deux yeux étant

ouverts, montre que l'oeil gauche peut, dans certaines condi-

tions, voir simultanément avec le droit. Si on met sur les

yeux de Marthe des lunettes à verres colorés, de façon que le

vert soit devant l'oeil gauche amblyope et le rouge devant

l'oeil droit,puis, qu'on lui fasse lire ensuite l'échelle de Stilling,

elle distingue exclusivement les lettres rouges, c'est-à-dire

qu'elle ne voit que de l'oeil droit, observation conforme aux

observations précédentes. Mais si on change les verres de

façon que le rouge soit devant l'oeil amblyope et le vert

devant l'oeil droit, elle ne distingue d'abord que les lettres

vertes grandes et petites, puis ensuite les grandes lettres

rouges, ce qui indique qu'elle voit à la faveur du rouge

simultanément avec les deux yeux.

A-t-elle pour cela la vision binoculaire ? Une autre expé-

rience va nous répondre. Un carton avec deux pains à cache-

202 CLINIQUE NERVEUSE.

ter rouges, distants de 6 centimètres l'un de l'autre, est

placé au stéréoscope de Holmes. Marthe aperçoit tout de

suite le pain de droite, et semble n'apercevoir que celui-ci

exclusivement. Puis, si on insiste un peu, si on lui dit de

« bien regarder-», tout en veillant à ce qu'elle ait toujours

les deux yeux ouverts, elle finit par distinguer le pain à

cacheter de gauche : « celui-là est plus petit», dit-elle. Et si

on lui demande ce qu'elle voit, elle répond alors sans hési-

tation : « Je vois deux points rouges, un petit et un gros ».

Nous avons répété cette expérience 20, 0 fois et plus, en

variant la position des deux pains à cacheter : elle en a

toujours vu deux et les a chaque fois situés dans leur posi-

tion véritable. Cette épreuve est donc concluante et montre,

de façon évidente, qu'il n'y a pas à proprement parler, vision

binoculaire, mais vision monoculaire simultanée (puisque

le fusionnement des images ne se fait pas).

Ainsi, dans le cas de Marthe, la vision est toujours mono-

culaire ; monoculaire presque constamment par le bon oeil,

elle peut, sous certaines influences, devenir alternante ou

même donner l'apparence de la vision binoculaire mais,

en réalité, cette vision binoculaire n'est qu'une vision mono-

culaire simultanée.

Il y a plus. Antonelli rapporte l'observation d'un garçon de

treize ans et demi qui, au stéréoscope « lisait sans hésitalion

les lignes ou les numéros composés, tandis que très difficile-

ment il arrivait à fusionner les figures. C'était seulement

quelquefois et après des incitations répétées, presque une

suggestion à l'état de veille, qu'il pouvait voir par exemple

la sentinelle et la guérite, ou le cadran et les aiguilles de

l'horloge en même temps'» ; il cite également un cas analogue

observé chez une femme hystérique : c'est ce phénomène que

cet auteur a désigné sous le nom de dissociation de la vision

binoculaire. ,

Ainsi les phénomènes sont beaucoup plus complexes qu'on

ne l'avait cru tout d'abord, et les deux propositions que

nous avons formulées plus haut deviennent très insuffisantes

pour s'adapter à tous les cas ; c'est pourquoi, après considéra-

tion des faits précédents, nous croyons devoir établir les

cinq propositions suivantes :

1 Loc. cil., p. 220.

HYSTÉRIE JUVÉNILE CREIEZ UNE FILLETTE. 203 3

Dans l'oeil amblyope arrivé au second stade :

a) La vision monoculaire exclusivement par lebon oeil est

la règle ; 1 -

fi) A certains moments et sous certaines causes, la vision

monoculaire par le bon oeil devient monoculaire par l'oeil

amblyope : elle est dite alternante ;

y) A certains moments et sous certaines causes, la vision

monoculaire semble devenir binoculaire, mais cette vision

n'est binoculaire qu'en apparence : elle est en réalité simul-

tanée, et le fusionnement des images ne se fait pas ;

8) A certains moments et sous certaines causes, la vision

monoculaire devient binoculaire, puisqu'il y a iusionnement

des images ; mais si on étudie de plus près ce fusionnement,

on voit qu'il existe pour certaines images et pas pour d'autres :

on dit alors que la vision binoculaire est dissociée (Anto-

nelli) ; .

) Enfin, à certains moments et sous certaines causes, la

vision monoculaire' devient réellement binocnlaiJ'e... avec

fusionnement complet de toutes les images ; mais nous le

répétons, le caractère particulier de cette vision, est qu'elle

est essentiellement temporaire et ne dépasse pas le moment

de l'expérience.

Parmi ces divers phénomènes, les plus intéressants sont

ceux d'alternance, de simultanéité et de dissociation; ils ne

sont pas totalement inconnus, puisqu'on en rapporte des

exemples : dans les cas de Dor 1 et de Landesber la vision

est alternante, dans le nôtre elle est tantôt alternante ettan-

tôt simultanée, dans ceux d'Antonelli elle est dissociée.

De ces trois phénomènes particuliers, c'est encore celui de

dissociation qui est évidemment le plus curieux; mais s'il

est rare, nous ne croyons pas qu'il le soit tout autant qu'on

le croit. Comme le dit Antonelli : « La dissociation de la

vision binoculaire, tout en étant un phénomène rare, n'en

est pas moins assurée dans nos observations concernant des

hystériques... elle pourrait se montrer fréquente dans l'hys-

térie, si l'amaurose unilatérale n'était déjà elle-même rela-

tivement rare, et si, après avoir constaté la persistance de

' t. Dor (fils). Une observation de persistance de la vision binoculaire

dans un cas d'amblyopie monocul. hystérique, Rev. eër. d'oculistique,

fév. 1897, p. 51.

2 Journal of ne1'VOllS and mental diseases, 2 fév. 1886.

204 CLINIQUE NERVEUSE.

la vision binoculaire, qui semble constante dans ces cas, on

se donnait la peine d'examiner les caractères de ce dernier

mode de vision, au stéréoscope et aux autres épreuves ».

Quoi qu'il en soit, ces diverses considérations étant con-

nues, peut-être -pourrons-nous maintenant nous expliquer

un peu mieux toute lacomplexité qui entoure, dansl'hystérie,

cette question si aride de la vision binoculaire.

Nous avons montré comment l'amaurose complète du pre-

mier stade pouvait insensiblement s'améliorer, et passer,

dans un second stade, par l'alternance, la simultanéité, la

dissociation, pour arriver à une vision binoculaire vraie, mais

toujours intermittente et passagère, dans le cas le plus favo-

rable.

3e Stade. Un pas de plus, et la vision binoculaire, d'in-

termittente et passagère, devient constante : nous arrivons

au troisième stade qui correspond à l'état normal de la vision :

c'est le stade de guérison.

4° Stade. - Enfin dans un quatrième stade, la modification

sur l'appareil visuel au lieu de se faire en moins, peut se

faire en plus, et la sensibilité rétinienne devient hyperes-

thésie rétinienne, dont le signe le plus constant est la pho-

tophobie -.

C'est ainsi que nous comprenons, en allant du simple au

complexe, cette curieuse question de l'amblyopie hystérique.

Cette systématisation n'est pas purement hypothétique, mais

rigoureusement basée, au contraire, sur de nombreux faits

cliniques. Nous nous sommes contentés de voir les faits, de

les exposer, de les sérier, mais nous avons laissé à dessein

de côté jusqu'à présent toute doctrine ou toute théorie.

Sans nous départir d'une certaine réserve, nous essaierons

pour terminer, de considérer la question d'une façon plus

générale, de la poser sur son véritable terrain physiolo-

gique.

r.o. cil., p. 228-29.

° Bien entendu, il est infiniment rare que les termes de transition

soient tous conservés, dans un cas donné, suivant l'ordre que nous

venons d'indiquer. La guérison peut survenir d'emblée et le 2° stade

manquer, ou bien certains degrés de passage peuvent ne pas se pro-

duire : dans tel cas. il y aura vision simultanée, dans tel autre, vision

alternante, dans celui-ci, tantôt vision alternante et tantôt vision disso-

ciée, etc. ; on peut imaginer mille variantes.

HYSTÉRIE JUVÉNILE CHEZ UNE FILLETTE. 205

Après avoir dénié toute valeur probante à chacune des

épreuves qu'on emploie ordinairement pour la recherche de

la vision binoculaire, après avoir admis qu'elles peuvent

démontrer son absence complète. Antonnelli ajoute aussitôt

ceci : « La persistance n'en est pas moins certaine... L'ap-

pareil sensoriel de la vision continue à fonctionner malgré

l'amblyopie ou même l'amaurose monoculaire. Cette inté-

grité nous explique : d'abords que l'oeil amblyope ou amauro-

tique ne dévie pas, car le réflexe rétinien de convergence

continue à se produire, s'il était bien établi auparavant. En

second lieu, que le trouble visuel ne gêne pas l'hystérique,

lorsqu'il se promène ou s'occupe les deux yeux ouverts... »

Et plus loin : « Si le réflexe rétinien de convergence s'éta-

blit, chez ces hystériques, même lorsque la conscience de la

vision binoculaire fait défaut, cela est en accord avec les

caractères généraux des anesthésies, complètes ou dissociées

de l'hystérie; ne voyons-nous pas, en effet, la pupille d'une

hystérique se dilater si nous lui piquons fort le bras anes-

thésique, malgré l'absence de tout signe de douleur ! ? »

Un raisonnement identique pousse le même auteur à

écrire encore : « L'oeil amaurotique fonctionne inconsciem-

ment, en accord avec l'autre, comme d'une façon analogue la

périphérie de la rétine fonctionne inconsciemment, lorsque'

l'hystérique se promène librement, malgré le rétrécissement

considérable du champ visuel que l'examen périmétrique

nous montre. » Et plus loin : « Chez ces hystériques avec

amblyopie ou amaurosc monoculaire il ne s'établit pas de

vision simultanée, ni décision monoculaire ou alternante,

justement parce que l'appareil sensoriel de la vision binocu-

laire proprement dite continue à fonctionner, quoique

inconsciemment= ».

En effet, nous savons bien, chez l'hystérique, qu'une im-

pression quelconque, reçue par un appareil sensoriel qui

paraît normal au point de vue anatomo-physiologique, peut

n'être pas perçue par le sujet, nous savons que la sensation

qui en résulte demeure alors inconsciente, qu'elle est exacte-

ment pour le sujet comme si elle n'existait pas réellement,

et qu'on la considère comme telle en clinique.

' Loc. cil., p. 226-28.

2 Loc. cit., p. 227. Voir le raisonnement analogue de Parinaud. (Art.

cité des Annales d'oculistiq., p. 36-37. '

206 CLINIQUE NERVEUSE.

* Et cependant la persistance de la sensibilité de l'appareil

sensoriel n'en est pas moins certaine. A ce titre, à titre in-

conscient, la persistance de la sensibilité générale est aussi

certaine dans l'anesthésie cutanée, que la persistance des

sensibilités olfactive, gustative, auditive est certaine dans

l'anosmie, l'ageusie, la surdité, que, dans le cas présent, la

persistance de la sensibilité visuelle est certaine dans la

cécité. l '

Comprenons-nous mieux pour cela cette non-perception

de la sensation visuelle ? Trois théories sont en présence pour

tenter de nous l'expliquer ; Antonelli les accepte même

toutes les trois : «L'interprétation anatomique (Pitres, Pari-

naud, etc.), la dynamogénique (Binet, Féré) et la psycholo-

gique (Bernheim, Janet) sont toutes justifiées, si nous consi-

dérons, respectivement, le système de neurones qui doit

constituer l'appareil sensoriel et conscient de la vision bino-

culaire, ou bien la fonction de ce système, ou enfin les

troubles qui peuvent venir rétrécir, plus ou moins, le champ

de conscience de cette fonction ' ».

Mais qu'on se rallie à l'une de ces trois théories ou qu'on

les accepte toutes les trois, il ne nous paraît pas indispen-

sable pour expliquer ces phénomènes, de faire intervenir

s'il existe - l'appareil cortical de la vision binoculaire.

Pour nous, avec le centre monoculaire gauche pour la vision

droite, et le centre monoculaire droit pour la vision gauche,

on peut tout expliquer. ,

Reprenons les faits pour la démonstration.

1° Si, dans le premier stade, il y a amaurose monoculaire

complète, c'est que le centre monoculaire correspondant est

perdu (peu importe comment) pour la conscience du sujet,

et ce dernier possède exclusivement la vision monoculaire

de l'oeil sain.

2° Dans le deuxième stade, le sujet peut récupérer tempo-

rairement la conscience de son centre monoculaire amblyope,

et cela ne se traduit pas à proprement parler par la vision

binoculaire, mais plus exactement par une vision mono-

culaire alternante ou encore par deux visions monoculaÍ1'es,

l'une, complète, en rapport avec l'oeil sain, l'autre presque

toujours incomplète, en rapport avec l'oeil amblyope : il en

' hoc. cil., p. 231-32.

HYSTÉRIE JUVÉNILE CHEZ UNE FILLETTE. 207

résulte des modifications particulières dont les plus ordi-

naires sont la vision simultanée et la vision dissociée.

Si la récupération consciente du centre monoculaire am-

blyope est vraiment complète, elle ne l'est jamais, dans ce

stade, que passagèrement et ne dépasse pas le moment d'une

expérience ou d'une suggestion : nous avons alors la vision^

binoculaire vraie intermittente.

3° Enfin, si cette récupération complète du centre mono-

culaire amblyope, au lieu d'être intermittente devient cons-

tante, et dépasse en d'autres termes le moment d'une expé-

rience, d'une suggestion, nous avons la vision binoculaire

vraie constante : c'est le stade de guérison qui correspond

à la vision normale.

C'est ainsi que nous comprendrions volontiers les diverses

particularités de la vision binoculaire dans l'hystérie.

Cela tendrait à prouver que les troubles hystériques de

l'appareil visuel sont absolument comparables aux troubles

hystériques des autres appareils sensoriels, et qu'ils doivent

rentrer dans la loi commune.

S'il y a vraiment un centre pour la vision binoculaire, ce

ne sont pas les phénomènes déconcertants considérés jus-

qu'à ce jour, dans l'hystérie, du côté de l'appareil visuel,

qui nous aideront beaucoup à affirmer ou nier son existence.

Peut-être faut-il chercher ailleurs ou autrement... mais

nous n'avons pas ici, à prendre ou non part ; il nous a semblé

simplement que, telle qu'elle est, l'observation de notre jeune

hystérique était intéressante : elle nous a servi surtout

à voir un peu différemment des faits curieux que personne

ne conteste.

Avons-nous eu raison ou tort ? Attendons.

La folie d'un hégicide.

Le meurtrier du roi Humbert. Bresci dans son cachot. Mauvais

traitements. - Bresci, le régicide, vient d'être subitement frappé

d'aliénation mentale. La police italienne a fait tous les efforts pos-

sibles pour empêcher la divulgation de cette nouvelle, qui pour-

rait donner lieu à une enquête sur l'attitude des agents de l'auto-

rité. Il paraît en effet, aujourd'hui, établi que c'est par suite de

mauvais traitements que Bresci est devenu fou. (Le Français,

avril 1901). )..

PSYCHOLOGIE MORBIDE.

Recherches sur les troubles psychologiques consé-

cutifs à des hallucinations provoquées ;

rnr n

N. VASCHIDE ci 1 Cl. VURPAS

Clief des Travatix à 1'lcole des 1 la,tLes-Ettides. Interne des Asiles de la Seine.

(Ecole de VillejUif).

I

Lorsque les sciences s'adressent à des phénomènes de

complexité croissante leurs lois sont d'autant plus difficiles à

déterminer rigoureusement, que les éléments nombreux qui

constituent un seul phénomène se combinent les uns aux

autres et sont en définitive noyés dans les résultats synthé-

thiques qui s'offrent à l'observateur ; les difficultés de l'expé-

rimentation augmentent en raison de cette multiplicité.

Relativement simple en physique et en chimie, l'organi-

sation d'expériences précises devient plus délicate en bio-

logie et en physiologie. En psychologie, les éléments sont

souvent si complexes qu'il faut attendre certains cas heu-

reux, certaines conditions avantageuses que fournit la nature

et dans lesquelles il arrive ainsi, que certains éléments se

trouvent isolés naturellement de façon à rendre possible

une expérimentation qui, normalement est irréalisable. Lapa-

thologie mentale fournit parfois l'étude delapsychologieetde

la psychiatrie expérimentale des cas favorables, dont l'étude

aide à déterminer le mécanisme et les conditions de certains

actes mentaux particuliers.

Nous avons eu la bonne fortune d'observer, dans le service

de M. Briand, à Villejuif, une malade chez laquelle on pouvait

déterminer pour ainsi dire à volonté des hallucinations d'in-

tensité diverse. Nous avons tenté d'étudier expérimentale-

RECHERCHES SUR LES TROUBLES PSYCHOLOGIQUES. 209

ment, ce que pouvait provoquer dans une conscience,' ne

présentant aucun Irouble morbide, l'existence d'hallucina-

tions. Nous avons essayé également de saisir les rapports

qu'il y avait entre les troubles psychologiques et la quantité

d'une part et la qualité de l'intensité des hallucinations de

l'autre.

. Il

Afin de mieux connaître les conditions, dans lesquelles

l'observation a été faite et de juger ainsi de la valeur à

accorder aux résultats, voici résumée brièvement l'histoire

de notre sujet.

G... CL, âgée de trente-huit ans, sans profession.

G... donne peu de renseignements sur ses antécédents hérédi-

taires et sur le passé clinique et psychologique de sa famille. La

malade passa la plus grande partie de sa jeunesse chez des reli-,

gieuses; elle avait peu de mémoire et travaillait sans aucun succès

à son instruction. Actuellement elle ne sait même pas écrire ; elle

réussissait assez bien divers travaux manuels, la couture princi-

palement. G ? a passé une grande partie de sa vie dans les hôpi-

taux et les asiles. Soignée à l'Hôtel-Dieu et à Tenon, elle prit dans

l'hospice des crises d'hystérie à la vue d'une attaque présentée par

une jeune femme de ses compagnes. Elle l'ut soignée successive-

ment à l'asile clinique (Sainte-Anne) (un an), à la Salpêtrière (qua-

torze ans), à Villejuif (cinq ans).

Lors de son premier séjour à Sainte-Anne et à la Salpêtrière, la

malade fut traitée pour des accidents hystériques caractérisés prin-

cipalement par des crises convulsives. Ces crises étaient presque

toujours suivie de délire. G... prétendait voir des fleurs, des oiseaux,

elle était très agitée, brisait les vitres d'excitation, était si violente

que l'emploi de la camisole devenait nécessaire. M. Voisin ne lui

rendait la liberté de ses mouvements qu'après l'avoir plongée dans

le sommeil hypnotique, qui seul la rendait tranquille. Il arriva

plusieurs fois que le sujet fut laissé n'étant pas complètement

réveillé. L'excitation était alors extrême. La malade grimpait sur

les toits. Lorsque le réveil était complet le calme revenait.

Après quelques années, les crises motrices diminuèrent de fré-

quence. C'est alors que graduellement et comme par compensa-

tion se développèrent les crises d'agitation. A ce moment la malade

ne connaissait plus M. Voisin, le sommeil hypnotique n'était plus

possible. Cette crise d'agitation était annoncée deux ou trois jours

à l'avance par de la tristesse et du refus de nourriture.

Archives, 2" série, t. XI 1. 14

'210 PSYCHOLOGIE 11ORBIDE.

Il -arrivait parfois que soit les crises motrices, soit les crises

d'agitation'étaient suivies d'un sommeil très prolongé (cinq, six

jusqu'à quatorze jours). Il était alors très difficile de-réveiller,G ?

,11 fallait parfois l'aire usage de grosses piles. électriques pour obte-

nir ce résultat. Il arrivait aussi a la malade de tomber dans un

état d'être, à de certains moments, en proie à un état soporeux

particulier, état très différent par les sensations qu'il provoquait

du sommeil suit ordinaire, soit hypnotique. C'était de l'engour-

dissement plutôt que du vrai sommeil ; G... était alors comme

assommée, comme abasourdie ». Ce trouble persiste toujours. Les

.crises de sommeil auraient à cette époque alterné avec des crises

d'agitation ; 1;... demeure deux ans paralytique, n'éprouvant nulle-

ment envie ou le besoin de marcher, elle guérit brusquement de

cette all'ection.

A l'examen physique, nous relevons surtout l'existence d'unevocite

palatine de forme ogivale et un thorax en carène. Malgré une étude

minutieuse des diverses fonctions organiques nous n'avons observé

rien d'anormal, sinon l'existence d'undermographisme net. Envi-

ronnant la raie, légèrement surélevée, une zone large et diffuse se

colore en rouge.

Le suji't se plaint de ressentir de très vives céphalées, la douleur

*est surtout accusée au niveau du vertex; il -semble à G ? qu'elle d

en ce point une vaste plaie, que son crâne est ouvert. Les dou-

leur» s'étendent également dans le dos. La malade a la même

sensation, que si l'on y versait de l'eau tres froide ;.il lui semble

qu'elle a de la glace dans l'estomac. Cette céphalée et ces douleurs

dans le dos sont à peu près continuelles. '

G... présente de certains moments des idées obsédantes. Ainsi

ayant entendu parler de quelques sévices infligés par une certaine

personne, chaque fois qu'elle la voit approcher, elle est prise de

peur et craint d'avoir eu à subir quelques désagréments.

Lorsque G... entre dans le bureau, un certain appartement déter-

miné, elle -e demande avec anxiété, s'il n'y a pas une «, soupape» »

sous le parquet qui pourrait s'ouvrir et l'ensevelir. Dan-, sa crainte

elle se cramponne à la table pour ne pas tomber, dans le cas où il

en serait ainsi.

L'histoire pathologique de notre sujet a évolué avec l'âge.

Les crises d'hystérie ont actuellement complètement disparu,

ainsi que les crises d'agitation. Mais un autre phénomène

s'est produit, c'est l'apparition de crises sensorielles consti-

tuées par des hallucinations de toutes les sensibilités.

Ces hallucinations revêtent'souvent un caractère, terrifiant.

La malade voit des personnes al tachées à sa perte qui l'inju-

rient, lui représentant des spectacles terrifiants, la mettent

RECHERCHES SUR LES TROUBLES ! PSYCHOLOGIQUES. 211 1

à la torture. Lorsqu'on s'approche d'elle, il arrive parfois à

.G... d'entendre des voix lui Refendre de parler et lui dire que

.celui qui s'avance est attaché à sa perte, qu'il vient^pour

l'espionner. Aussi une certaine émotion s'empare d'elle qui

.lui fai fuir le nouvel arrivant et explique ses regards effrayés,

'son mutisme, l'allure de résistance qu'elle présente.

Dans l'intervalle de ses hallucinations G... est parfaite-

ment lucide, sa mémoire est à peu près normale, le jugement

est juste. La malade ne présente aucun trouble mental. Elle

se rend parfaitement compte de son état, convient de l'état

maladif, de ses hallucinations et demande à ce qu'on l'en

.guérisse.

Ces hallucinations naissen t brusquempnl. Dans les examens

cliniques longs et répétés qu'il nous a été donné de pratiquer

pendant plusieurs mois, nous avons eu l'occasion de voir

naître très souvent sous nos yeux des hallucinations, dont

voici, pour fixer les idées, un exemple choisi entre beaucoup

d'autres. Brusquemement G... se lève, elle aperçoit un ser-

pent qui projette son dard pour la piquer. Elle voit des

hommes qui vont se jeter sur elle, entend leurs voix qui la

menacent, lui défendent de parler, lui annoncent toutes les

souffrances qu'elle va subir. L'un dit : « Qu'on lui coupe les

bras et les jambes, moi je me charge du reste. » Tous les

supplices qu'on lui inflige, elle les ressent avec autant d'in-

tensilé que si ces tourments étaient réels et actuels. Les

hommes qu'elle ne faisait naguère que voir et entendre, elle

les sent maintenant ; ils lui « arrachent l'estomac, les yeux »,

ils la torturent; ils lui sortent les épingles qui retiennent sa

coiffure, nouent ses cheveux à leurs bras et -les tirent de

toutes leurs forces ; ils la lardent de coups de canif.

Puis, G... sent qu'on la terrasse, il lui semble qu'elle est

étendue à terre (à ce moment elle est parfaitement assise- à

nos côtés), ses bourreaux lui compriment la poitrine de.leurs

genoux ; ils lui arrachent la peau elles ongles. A ces souf-

frances, antipyrine ni morphine n'apportent aucun sou-

lagement.

III

Ces hallucinations terrifiantes, que nous venons de décrire,

semblent ne s'être développées que depuis le mois de février

ou mars 1900.

212 PSYCHOLOGIE MORBIDE.

Depuis lors elles ont notablement augmenté de quantité.

Si bien qu'au mois de juillet 1900, G... vint nous trouver en

nous priant de la guérir de ses hallucinations par un moyen

, quelconque (tous lui étaient bons) ou bien de lui ôter la vie.

Ses souffrances devenaient intolérables. « J'aimerais mieux

être morte, nous disait-elle, que d'endurer tout ce que je

souffre. »

Sur ses instances réitérées, nous eûmes l'idée d'essayer sur

elle de la suggestion hypnotique. Dans le sommeil hypno-

tique, nous lui suggérons qu'elle n'aura plus à souffrir de ses

persécuteurs, que ni elle ne les verra, ni elle les entendra,

ni elle ne les sentira. Au début l'effet de cette suggestion

durait peu. Mais peu à peu le temps de calme qui suivait le

sommeil devint plus long. Actuellement, après une séance

d'hypnotisme de un quart d'heure à vingt minutes, la malade

reste jusqu'à six jours sans avoir de nouvelles hallucinations.

Endormie à des intervalles réguliers G... n'est plus tour-

mentée par ses hallucinations et jouit d'une tranquillité

ardemment désirée. La malade est alors tout à fait normale,

raisonne bien et nous est reconnaissante de « l'immense

service » dit-elle, que nous lui rendons en la délivrant de

ses hallucinations, véritable poison de son existence.

Le début de la séance d'hypnotisme est généralement mar-

qué par une hallucination. Celle-ci se produit le plus souvent

avant que le sommeil soit produit. Dans ces conditions, il

est inutile de continuer les passes on n'arrive pas à endor-

mir la malade; il faut attendre que l'hallucination soitpassée;

après quoi le sommèil arrive assez rapidement. D'autres fois

l'hallucination a lieu pendant le sommeil hypnotique. Celle-

ci est alors bien plus tenace, surtout si l'on n'a pas soin de

réveiller immédiatement le sujet. Car cette hallucination agit

sur la phase de veille comme une véritable suggestion.

Enfin, on peut dire à G... pendant son sommeil, d'avoir

telle hallucination après son réveil.

Il est donc possible de provoquer de la sorte soit à loisir,

soit lorsque la nature nous l'offre, des hallucinations dans

une conscience apparemment normale. Il est alors possible

d'étudier, comme en une véritable expérimentation, les

troubles dus aux hallucinations et imputables seulement à

l'hallucination, puisque tous les termes restant les mêmes,

ce facteur seul varie dans des conditions déterminées.

RECHERCHES SUR LES TROUBLES PSYCHOLOGIQUES. 1.3

IV '

Voici maintenant les résultats auxquels nous sommes

arrivés.

Nous devons distinguer trois états différents dans les

descriptions qui vont suivre : a) les hallucinations sont

d'intensité faible ou moyenne ; b) les hallucinations sont très

intenses; c) le passage du trouble hallucinatoire de la

conscience à l'état normal.

a) La faible intensité de l'hallucination marque ordi-

nairement la phase de début. A ce moment l'hallucina-

tion est surtout visuelle et auditive; plus rarement la sensi-

bilité générale est atteinte.

Le premier phénomène que l'on observe, c'est d'abord de

la distraction. G..., qui jusqu'alors répondait immédiate-

ment, fait des réponses plus lentes, moins justes. A ce mo-

ment, si nous lui demandons ce qu'elle ressent, elle nous

décrit parfaitement son hallucination, nous dit ce qu'elle

voit, ce qu'elle entend, ce qu'elle ressent. Elle nous recon-

naît facilement, juge bien ce que nous lui disons, discute

avec nous. Dans ces conditions il nous est possible de lui

faire convenir que ses hallucinations, n'ont aucun fonde-

ment réel, et qu'elles n'ont pas plus de réalité que des scènes

terrifiantes qui se produiraient ;'pendant un cauchemar et

auxquelles elles sont absolument comparables.

« Je comprends bien tout ce que vous me dites, nous

répondit-elle. je suis même, toute disposée à le croire ;

mais voyez-vous je vois, j'entends, je ressens tout avec une

telle netteté, comme si c'était là, que je ne peux pas croire

que ce n'est pas vrai. Ces hommes je les vois et je les en-

tends aussi bien que vous qui êtes là ; je les vois à côté

de vous, et je sens ce qu'ils me font, aussi nettement que

lorsque vous me touchez. »

A ce moment, touche-t-on, pince-t-on la malade, même

faiblement, elle a des mouvements de défense exagérés, qui

ne se produisent pas normalement. Ces mouvements res-

semblent à des mouvements de crainte qu'elle fait pour se

protéger, et en même temps elle se rejette en arrière et

cherche à fuir. On dirait que toute impression provoque à

214 zut PSYCHOLOGIE MORBIDE.

ce moment chez elle, des images mentales terrifiantes, ana-

logues à celles que la plupart des individus éprouvent après

un accident, après un danger, et qu'ils expliquent en disant

qu'ils ont l'esprit « frappé ». 1

b) Les hallucinations sont' extrêmement intenses. Dans

ces conditions, le tableau que nous présente la malade est

absolument différent. Nos questions restent toutes sans

réponses. Quoique nous lui disions, elle ne répond rien. Si

nous produisons- des impressions à la surface du corps,

(piqûres, pincements) si nous faisons un bruit, ou si nous

provoquons chez elle une sensation quelconque plus ou

moins intense ou bien aucune réaction ne se produit, ou bien

le mouvement de défense est exagéré, et cette exagération

est poussée beaucoup plus loin que dans le cas précédent.

Car ici la malade se lève'et essaye de fuir, et de s'échapper

de nos mains.

En dehors de ces réactions particulièrement intenses à

certaines impressions, réactions qui d'ailleurs sont rares,

l'état de distraction le plus,absolu règne chez notre malade.

Plus rien du monde actuel n'existe pour elle, elle ne saitplus

où elle est, et lorsqu'elle réagit certaines impressions, c'est

lorsque celles-ci rentrent dans le cadre de son délire et

viennent s'incorporer à ses'hallucinations. Elle vit dans un

monde, d'hallucinations et d'illusions. Nous-mêmes, qui dans-

le cas précédent, lui restions familiers, elle ne nous reconnaît

plus, elle ne sait plus qui nous sommes, elle nous prend pour

des brigands et des assassins attachés'à sa perte : nous ren-

trons dans son délire, nous y sommes complètement incor-

porés, tous nos actes qu'elle perçoit sont interprétés dans le

sens délirant. « Qu'est-ce que vous me voulez, espèce de grand

brigand. Vous êtes le plus grand assassin de tous, qu'est-ce

que je vous ai fail pour que vous me-- teniez de la sorte. Si

vous.ne me lâchez pas, je vous fiche un coup de pied. Non,

lâchez-moi, s'il vous plaît, deux minutes seulement... » Tels

sont les propos, que nous tient G... au moment de ses grandes

hallucinations.- '

Les actes ne sont pas moins désordonnés que les paroles.

Tant que durent les-. hallucinations, le sujet est en proie à1

une agitation intense, qui nécessite le déploiement d'une

certaine force pour la maintenir : Brusquement elle se lève

et court dans le laboratoire, elle cherche à s'emparer de cer-'

RECHERCHES SUR. LES. TROUBLES- PSYCHOLOGIQUES. 215

tains objets qui sont à sa portée. Elle semble néanmoins

avoir une certaine préférence pour les instruments conton-

dants, comme des scalpels ou des ciseaux. Elle cherche

également à briser tout ce qui lui tombe sous la main. Elle

se précipite parfois du côté de la fenêtre, puis après un

instant d'agitation motrice, elle se calme, reste assise sans

bouger, la tête immobile, l'oeil fixe et largement ouvert. Elle

semble écouter ou voir quelque spectacle étrange. G... semble

complètement insolite au milieu qui l'entoure, mais bien-

tôt elle se lève brusquement et se précipite de nouveau dans

le laboratoire, comme une personne qui chercherait à fuire

une scène terrifiante. Elle est en proie à la même agitation

motrice que précédemment, et les phénomènes que nous

venons de décrire, recommencent jusqu'à ce qu'une nouvelle

période de calme se produise ; et ainsi de suite pendant un

temps variant entre une demi-heure ou une heure et demie.

Nous avons des renseignements sur 'ses états-, psychiques,

pendant ces périodes hallucinatoires. d'abord parles phrases

qu'elle prononce dans son délire, et par certains renseigne-

ments sun ce qu'elle ressent en ces moments et qu'elle nous

donne particulièrement, lorsqu'elle est plongée dans le som-

meil hypnotique..

c) Il ressort de ce que nous avons pu, recueillir sur ses- phé-

nomènes de conscience, que G... est en proie à des hallucina-

tions terrifiantes de la vue, de l'ouïe, de la. sensibilité géné-

rale ; elleivoit une guillotine, des hommes avec des. haches,

on dresse un-bûcher, on. lui. annonce les tortures qu'elle va

endurer, puis le feu arrive jusqu'à'elle; elle.est.dans,les

flammes : « Je brûle, laissez-moi me jeter par la fenêtre,,»

nous criait-elle pendant ses- hallucinations. Nous-mêmes-,

elle nous prend pour ses bourreaux, elle ne nous reconnaît

plus, ne nous voit plus habillés tels que nous sommes, ni

avec notre figure habituelle. En ces moments, dit-elle, elle

ne sait plus ce qu'elle fait, elle ne raisonne plus, ne peut

plus dit-elle. se retenir; elle se compare à une lionne prête à

se jeter sur ceux qui l'entourent. Ses actes ne sont plus

arrêtés pour être jugés, ils suivent immédiatement l'idée. ou

même plus exactement l'image mentale. L'hallucination par

son intensité trouble la plupart des, processus psychiques. et

provoque un : bouleversement dans les idées et dans les-

actes.

216 6 PSYCHOLOGIE MORBIDE.

V

. /

Ce tableau nous semble intéressant pour la psychiatrie

expérimentale. En effet, ici ce que nous pouvons provoquer

c'est l'état mental, qui dans le cas particulier est principale-

ment causé par des hallucinations très intenses, et le délire

consécutif, qui se manifeste par du désordre dans les idées et

les actes, est le résultat de cet état mental. Il se passe donc à

peu pi es le contraire, de ce qui a lieu normalement, quand

nous inférons des désordres présentés par un malade à son

état mental et surtout aux causes génératrices de ce désordre.

Ici, nous sommes maîtres de la situation et les causes du

désordre nous sont parfaitement connues. Dans quel cadre

clinique placer ce tableau symptomatique ? Ce cas de psy-

chiatrie expérimentale pourra de la sorte apporter une cer-

taine contribution à la pathogénie de la maladie, ou plutôt

du trouble morbide, dans le cadre duquel l'observation cli-

nique l'aura classé, ne tenant évidemment compte que de

l'aspect symptomatique.

Ce qui caractérise ce tableau symptomatique, c'est en

résumé l'état de distractions mentales du sujet joint à de

l'agitation motrice, le désordre des idées et des actes, le tout

sont la dépendance des hallucinalions.

Il ne s'agit évidemment pas du tableau de la manie vraie.

Le diagnostic symptomatique posé en présence de cette

malade serait plutôt excitation maniaque avec confusion

dans les idées et hallucinations. D'autres auteurs propo-

seraient pour cet état le diagnostic de confusion mentale

hallucinatoire.

On sait que la confusion mentale présente elle-même

plusieurs formes cliniques dont la forme maniaque, c'est la

place qu'on lui assignerait dans ce cadre nosologique. Une

variété nosologique a été décrite en Allemagne et dans laquelle

nous devons nous demander, si notre cas ne devrait pas

être placé.

C'est la pamnoia aigue. Sous ce nom les auteurs décrivent

des cas, dans lesquels on observe des hallucinations (les

auteurs l'ont appelée paranioa aiguë hallucinatoire) et une

certaine systématisation dans le délire ou plutôt une simple

RECHERCHES SUR LES TROUBLES PSYCHOLOGIQUES. 217

orientation constante dans les conceptions délirantes. Mais

ici il y a une idée fixe, une histoire qui demeure invariable.

Chez notre malade il n'y a pas d'idées persistantes ni fixes,

tout l'état mental est sous la dépendance de nombreuses

hallucinations; il est mobile avec elles. On ne peut pas dire

à proprement parlerr qu'il s'agit d'idées de persécution ; la

malade a devant ses yeux des tableaux effrayants auxquels

elle réagit automatiquement, mais elle n'a pas pendant l'accès "

l'idée qu'elle est persécutée. Elle souffre, mais elle ne peut

pas assez sytématiser, analyser, ni revenir sur elle-même,

s'examiner et réfléchir pour avoir la conception nette et sys-

tématique qu'on la persécute.

Il s'agit donc ici d'une véritable confusion mentale, dans

laquelle les hallucinations se succèdent comme en une véri-

table fantasmagorie kaleidoscopique. L'état mental de G...

indépendamment des réactions motrices, ressemble assez à

celui d'un individu atteint de delirium tremens auquel on a

souvent comparé la confusion mentale hallucinatoire.

La connaissance de l'état mental de notre sujet, peut donc

assez bien nous faire pénétrer, dans celui qui doit présider à

l'évolution de certaines confusions mentales, quelque soit

l'élément étiologique qui ait causé son développement, et

indépendamment de lui. Ces crises hallucinatoires durent

une heure et demie environ. Lorsqu'elles finissent les hallu-

cinations ne disparaissent pas mais, diminuent progressive-

ment ; ce sont les hallucinations de la sensibilité générale

qui cessent les premières, mais bientôt toutes disparaissent.

Cependant la conscience n'est pas encore normale. La malade

reste 'plongée pour un certain temps dans un monde fictif

encore tout impreigné des tableaux dont l'avaient peuplé

tant d'hallucinations. Les illusions demeurent un certain

temps; G... ne sait plus où elle est. Quand nous lui deman-

dons qui nous sommes, tout'd'abord elle ne nous répond pas

puis elle nous dit que nous sommes ses bourreaux. Il faut

qu'elle se rende compte des objets, qu'elle étudie le milieu

ambiant. ,

Nous lui disons de nous reconnaître, de regarder qui

nous sommes. Pour commencer, elle ne porte que timide-

ment la main sur nous, puis elle s'enhardit, touche nos

vêtements, nos mains, notre visage, notre chevelure ; alors

ce n'est qu' elle nous reconnait et bientôt tout est jugé à sa

218 t; PSYCHOLOGIE MORBIDE.

valeur..G... comprend- ce qui. vient de se passer, sa.cons-

cience est de nouveau normale. '

Cet état de réveil, pendant lequel malgré la disparition des

hallucinations, les illusions durent toujours en raison de la,

persistance des points de repère qui, les avaient engendrées,

existe également à la suite des états de confusion mentale

hallucinatoire. La.- durée seule, est plus- longue.. Dans ces

conditions tout semble étrange au.- malade ; il faut qu'il

refasse connaissance avec le monde et les divers phénomènes

de la nature. IL faut qu'il se rende compte de tout ce qui

l'environne et principalement de ce qui. peut Iuhrappelerles

scènes, que ses illusions et ses hallucinations avaient placéesi

dans son.délire. Il faut que. le malade se fasse une nouvelle

éducation, se ressaisisse, fasse une étude de tout ce qui se

présente à lui et arrive à le reconnaître.

Un état analogue, quoique d'une durée un peu plus rapide,

ne se produit-il pas physiologiquement à la'suite d'un rêve ?

Pendant une période très courte qui s'étend entre le sommeil

et la veille, l'individu qui vient d'avoir un cauchemar revoit,

dans- les nouvelles sensations qui s'offrent à lui, la continua-

tion de son rêve, qu'il poursuit ainsi encore pendant un,cer-

tain temps dans la vie de la veille. Il faut qu'il se ressaisisse,

fasse une analyse minutieuse de toutes ses sensations, juge

'tous les phénomènes qui se présentent à sa conscience et

fasse une nouvelle synthèse des sensations présentes avec

toute sa vie passée. Il lui faut donc faire effort d'attention,

d'examen, de mémoire, de jugement, de synthèse pour qu'il

arrive à se- placer dans la vie réelle avec la -vraie place qu'il

y occupe. Ce n'est qu'après ces efforts que la conscience du

sujet est redevenue normale.

VI

En. d'autres termes les faits que nous. rapportons consti-

tuent, croyons nous, des vraies recherches expérimentales;

s'adressant à la valeur, et au rôle actif d'une image ou d'une

idéation sur unu synthèse normale préalablement prédis-

posée. Chez notre sujet nous retrouvons les phénomènes qui

se passent dans le mécanisme psychologique des.faits d'a-

daptation et de distractions, habituels à l'indïvidu. bien.

RECHERCHES SUR LES) 1'1tOVBLESJ PSYCHOLOGIQUES. 2 19"

portant; sans doute ces phénomènes sont exagérés, -la struc-

ture en est plus élastique et précisément à cause de- cette

structure psychopathique ils prennent à nos yeux» une im-

portance capitale, puisqu'ils permettent de saisir les., élé-

ments intimes de ce mécanisme.

Voici quelles conclusions nous croyons être en droit de* /

formuler.

'in L'étude'de la vie psychologique de notre sujet', suivi'

dans son évolution, nous montre que les crises hystériques du -

début ont été remplacées par de l'agitation motrice à laquelle i

a succédé cette disposition spéciale de la malade à un état\

hallucinatoire. Elle présente en somme une succession dans

le temps de trois catégories de troubles morbides, qui parais-

sent avoir chez G... la valeur de termes équivalents.

Les hallucinations actuelles peuvent être considérées

« largo senso » comme des crises psychiques. Ainsi une

fois de plus on pense à l'existence d'une agitation psychique' J

indépendante et bien distincte d'une agitation motrice et,

d'une crise ccnvulsive.

L'explication intime du-phénomène échappe à notre con-

naissance et malgré tous nos efforts d'analyses et d'expé-

riences nous n'avons pas pu surprendre le mécanisme de ?

cette évolution, fait d'autant plus difficile à étudié que les'

états antérieurs de : la malade nous étaient totalement incon-

nus. Les auteurs citent d'ailleurs de nombreux faits tendant

à démontrer la réalité de ces équivalents psychiques de la-

crise motrice, notamment dans l'épilepsie. Ces documents ont'

en outre le mérite d'apporter quelque contribution à la psy- '

chologie de l'hallucination.

2° Notre cas précise, d'autre part, comme nous l'avons dit

plus haut, le mécanisme de la psychologie de la distractioni

et de l'attention. A l'état soi-disant normal l'état mental'de^

G... présente à peu près la puissance d'attention, que l'on'

retrouve chez tous les sujets normaux. Une image plus in-

tense, une idéation qui s'extériorise détruit le pouvoir d'atten-

tion et la synthèse mentale s'oriente intimement et presque

instantanément vers l'image et s'y adapte. Cette image im-

posée occupe la conscience et provoque un état de distraction,

lorsque l'hallucination est d'intensité moyenne.

Lorsque l'hallucination est très intense, à la distraction fait

place un véritable état de confusion mentale. Le rapproche-

220 PSYCHOLOGIE MORBIDE.

ment, que cette expérience naturelle permet entre deux états

psychiques, semble jeter quelque lumière sur le mécanisme

et la structure mentale qui préside à l'état de confusion.

L'idéation provoquée est rapidement adaptée et à mesure

que la distraction grandit, un état de croyance en la réalité

de l'image accompagne son extériorisation.

Dans l'hallucination l'image impose pour ainsi dire, par

les idéations qu'elle évoque, un arrêt à la pensée, arrête

l'éclosion de tout souvenir et à mesure que l'hallucination

gagne d'intensité, la distraction grandit pour bienlôt évoluer

vers un état de confusion, qui n'en est que la plus haute

expression, état dans lequel les images se succèdent rapide-

ment, voltigent autour de l'objet de l'hallucination provoquée.

La coexistence des images devient toujours plus obtuse,

tandis que l'éréthisme psychique va en augmentant.

3° Le passage de cet état à la vie psychologique normale

est intéressant, en ce qu'il montre les nombreux processus

psychiques qui concourent à une structure et une synthèse

mentales normales.

La distraction est ébranlée dans son adaptation par des

excitations sensorielles venues du milieu extérieur, qui

gagnent d'intensité et rendent possible le retour de la mé-

moire et du souvenir grossier mais précis. La lueur de cons-

cience, revenue d'elle-même, cherche des points d'appui; la

croyance en la réalité de la scène des hallucinations s'éli-

mine par les contrôles des différentes données sensorielles,

dont chacune apporte un coefficient d'images, toujours plus

complètes et mieux définies, qui achèvent le réveil définitif.

Sans pouvoir expliquer la génèse et la nature de l'hallu-

cination, les quelques résultats, que nous venons de résumer,

peuvent contribuer, pensons-nous, à l'etude de la génèse

et de l'évolution des états de conscience provoqués par des

hallucinations.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

- PATHOLOGIQUES.

XXXIII. Altérations de la sensibilité tactile et thermique à la suite

de la lésion d'un rameau digital du nerf médian; par G. Ferrari.

(Riv. sp. di frai., 1900, fasc. 1.)

L'étendue du champ de l'anesthésie thermique plus grande que

celle du champ de l'anesthésie tactile porte l'auteur à admettre

l'existence de fibres distinctes pour les diverses sensibilités, et

distribuées différemment dans les troncs nerveux. J. SÉGLAS.

XXXIV. De l'élimination rénale du bleu de méthylène dans les

diverses formes de psychoses; parBoDONi. (lliv. sp. di (l'en., 1899,

fasc. 3-4.)

Le bleu de méthylène a une action considérable sur l'organisme,

particulièrement sur le système nerveux, action qui se reflète sur

l'élimination du bleu lui-même. La forme psychopathique influe

toutefois sur l'élimination; et la moralité de l'élimination varie de

l'une à l'autre forme, comme elle varie suivant le moment du pro-'

cessus morbide, principalement chez les paralytiques généraux.

Chez beaucoup d'aliénés, le bleu de méthylène est éliminé non

seulement par les urines, mais encore par les fèces.

L'auteur a observé ce fait dans 4 cas sur 12. Plus qu'à l'état

anatomique des reins, la fonction rénale est liée chez les fous aux

troubles généraux qui produisent et maintiennent chaque forme

morbide; et c'est en raison deces troubles que varient la qualité et

la quantité de l'élimination. Le bleu de méthylène ne peut servir à

contrôler l'état anatomique et fonctionnel des reins chez lesaliénés,

pas plus que chez les autres malades ou même chez les individus

sains. , d. SÉCLas.

XXXV. Du réflexe oculo-pupillaire ; par S1'Er.aNI et NORDER.1. (Riv.

sp. di {l'en., 18\)\), fasc. 3-4.)

Le réflexe que les auteurs dénomment oculo-pupillaire se

manifeste à la suite de l'action de stimulus excitant la cornée et

la conjonctive, ou, à un degré beaucoup moindre, d'excitation des

222 REVUE d'anatomie ET DE physiologie pathologiques.

parties tout à fait voisines de l'oeil. Il manque lorsque le stimulus,

de quelque nature et de quelque intensité qu'il soit, porte

sur d'autres régions.

Pour provoquer ce réflexe, il suffit de frotter légèrement les

paupières ou de titiller la conjonctive ou la cornée, avec la pulpe

du doigt ou une sonde; le réflexe peut être aussi déterminé par

un stimulus électrique, par des excitations thermiques portant sur

la région oculaire, bien que dans ces derniers cas, des aetions plus

complexes entrent en jeu.

A la suite de l'attouchement de lacornée ou de la conjonctive, les

.deux pupilles peuvent revenir subitement sur elles-mêmes, comme

à la suite des excitations sensitives en général. Lorsqu'il s'agit

d'une irritation-prolongée, la dilatation des pupi'les, qui suit

immédiatement l'action première du stimulus, fait subitement

- place,à-un rétrécissement; ensuite, si l'irritation persiste, les

pupilles subissent un élargissement léger progressif. C'est là-le

véritable réflexe oculo-indien. Après un temps variable, d'ordi-

naire au bout de deux minutes environ, succède une constriclioD

manifeste de durée variable, mais généralement plus prolongée.

Lorsque l'excitation cesse, les pupilles reprennent leur largeur

première. Les vacations de l'orifice pupillaire intéressent d'une

façon égale les deux iris : quelquefois durant l'observation, on note

des o-cillalions du diamètre pupillaire, mais elles ne troublent en

rien l'évolution complexe du mouvement de l'iris.

Le réflexe oculo-pupillaire qui se distingue du-réflexe sensitif

- ordinaire par la lenteur du mouvement de l'iris et par la localisa-

tion du stimulus provocateur dans la 'région oculaire, comporte

comme lui deux phases de dilatation et de cor)slr ig[ioii. Mais, à

l'inverse de l'autre, la phase vraiment caractéristique du réflexe

oculo-iridien, est la conariction.

Pour constater le premier mouvement du réflexe oculo-pupillaire

(dilatation), il convient d'examiner les pupilles à une lumière

intense (lumière solaire); la dilatation qui s'observe est cepen-

dant presque toujours très legère. Pour constater le second mou-

vement (constriction) il est opportun de faire l'examen à lumière

faible, auquel cas le phénomène est très évident. L'examen se pra-

tique soit directement soit à l'aide du pupillomètre de Schwei-

gert.

L'existence du réflexe oculo-iridien et de la réaction pupillaire

aux excitations thermiques a été vérifiée par les auteurs dans

toutes les nombreuses observations .faites -sur. les individus nor-

maux. Chez les aliénés au contraire, et surtout chez les paraly-

tiques généraux, ces phénomènes ont toujours été trouvés itères

ou abolis, alors même qu'à l'examen ordinaire les pupilles ne pré-

sentaient aucune altération, ou des altérations à peine percep-

tibles. Aussi''les auteurs pensent-ils que la recherche de ces

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 223

phénomènes peut être utile dans certaines affections nerveuses et

spécialement dans la paralysie Dénérale..1. SGLA=.

XXXVI. Modifications de structure de la cellule nerveuse de l'écorce

dans la fatigue ; par GUIDO GUEIIRINL (Rio. di pat. nerv. et ment.,

1900, fasc. 1.)

,Y1VII. Sur les modifications, que le processus de putréfaction

peut imprimer aux cellules, nerveuses déjà altérées pathologi-

quement ; par Luigi Comparini Bardsky. (Rie. di put. nerv. et

ment., 1900, fa=c. 2.)

XXXVIII. Sur la pathologie des cellules des ganglions sensitifs;

par Luz.no. (Riv. di pul. 7zeiv. et ment., 1900, fasc. 4 et 6.)

XXXIX. Un cas de porencéphalie; par UacBERro DEGA1'OELLO. (Riv.

di pal. et ment., 1900, fasc. 5.)

1L. Importance du prognatliisme et utilité des^ mesures linéaires

XL. Importance du prognathisme et utilité des mesures linéaires

du squelette facial pour la détermination du sexe ; par le

or G1LFF ! \ID.\-HUGG¡ ? \I. (RIV. cp. di (1'en., 1900, fasc. 1.)

XLI. Influence du sang des épileptiques sur le développement

embryonnaire avec considérations particulières sur la théorie

toxique de l'épilepsie; par Cené. (Riv. -"p. difren., 1899, fasc. 3-4).

Le sang des épileptiques, en général, contient constamment des

principes toxiques, fabriqués par l'organisation même, et qui ont

une influence nuisible sur- le développement de l'embryon. Le degré

de cette propriété tératologique du sang se maintiendrait constante

et uniforme pour chaque individu dans les diverses phases de sa

maladie, tandis qu'elle serait en rapport direct avec l'âge ' de

l'individu, et spécialement avec la gravité des manifestations épi-

leptiques et avec la date de leur apparition. D'une façon générale,

à la présence et a la gravité de manifestations épileptiques, dans

la sphère motrice correspondrait une propriété tératologique du

sang moins accentuée que celle qui accompagne'tes'mantfestations

épileptiques dans la sphère psycho-sensorielle. J. Séglas.

XLII. La sensibilité chez les sourds-muets- du rapport avec l'âge

et le genre de surdi-mutité; par'FERRAI. (Riv. sp. di fren., 1899,

fasc. 3-i.)

Les différentes sensibilités, 'excepté la sensibilité tactile et aussi,

bien qu'à un degré moindre, la sensibilité générale, vont en se

perfectionnant chez les sourds-muets avec le progrès de l'âge.

224 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

Les sourds-muets affectés de surdité acquise sont constamment

plus sensibles que les sourds-muets congénitaux. Le mancinisme

sensoriel (sensibilité générale et à la douleur) est très fréquent chez

les sourds-muets et plus encore chez les congénitaux que chez les

acquis. Les variations individuelles de la sensibilité sont très

étendues. - J. Vécus.

XLIII. Sur l'anatomie pathologique de la paralysie de Landry;

par le Dr P. GUIZZETTI. (Rio. sp. di fren., fasc. 3-4.)

La paralysie de Landry est d'ordinaire, peut-être même toujours,

la conséquence d'une infection. Les espèces de bactéries qui peuvent

la provoquer sont multiples et chacune dans la détermination des

altérations du 'système nerveux, suit ses propriétés particulières,

de la même manière que dans les autres organes ou tissus, sans

tenir compte du siège fonctionnel. Suivant la présence ou l'absence

constantes des germes dans le tissu nerveux, on doit distinguer

deux classes de paralysies de Landry : 1° l'une, directement para-

sitaire, produite par la présence directe des germes dans le' système

nerveux : 2° l'autre, toxi-infectieuse, déterminée par l'action des

substances toxiques produites par les germes qui ont leur siège au

dehors du système nerveux. L'anatomie pathologique a des carac-

tères différents dans la première ou la seconde classe.

Dans la forme directement parasitaire, les caractères anatomiques

peuvent changer quelque peu d'une espèce à l'autre : mais, au

fond, ils ont l'aspect inflammatoire. Le siège en ce cas est plus

fréquemment spécial, et alors anatomiquement on se trouve en

face de formes incomplètes de myélites ou de méningo-myélites,

formes incomplètes, soit parce que la rapidité de la mort en a

interrompu le développement, soit pour d'autres causes, atténua-

tion ou rareté des germes, résistance exceptionnelle de l'orga-

nisme...

. Dans la forme toxi-infectieuse, la caractéristique anatomique

n'est pas l'absence d'altérations, ainsi que le croient encore certains

auteurs, mais leur physionomie spéciale ; il s'agit alors d'altéra-

tions principalement ou presque exclusivement dégénératrices,

diffuses, ayant leur origine dans les parties les plus délicates de

l'élément nerveux. Dans tout cas de paralysie de Landry, pour

l'appréciation des altérations, il faut toujours tenir compte des lois

anatomo-pathologiques du neurone, dans le but de distinguer,

autant que possible, les altérations primitives des secondaires.

Aussi, dans le cas de dégénération des nerfs périphériques, faudra-

t-il voir s'il s'agit d'une névrite parenchymateuse ou de dégénéres-

cence wallérienne secondaire : et, dans les lésions des cellules ner-

veuses, s'il s'agit d'altérations directes ou indirectes, secondaires

à l'interruption du cylindraxe.

REVUE D'ANATOMIE.ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. g;21)

Les lésions de la paralysie de Landry paraissent toujours

récentes en raison même de la rapidité de l'évolution clinique. Ce

fait justifie l'absence contradictoire de certaines lésions secondaires

(lésions des racines postérieures avec intégrité des cordons posté-

rieurs), parce que ces derniers n'auraient pas eu le temps de se

développer. Il convient aussi de remarquer l'existence de paralysies

développées dans des territoires nerveux où les altérations ana-

tomiquessont très légères. Cela peut expliquer les cas sine maté-

ria, et mieux encore les améliorations rapides, partielles ou

générales des paralysies.

Au point de vue technique, dans les cas de paralysie de Landry,

surtout à symplômes spinaux, pour découvrir les germes, on devra

recourir à la ponction lombaire. Si l'on retardait les recherches

après la mort, on pourrait n'obtenir qu'un résultat négatif en

raison de leur disposition. Pour reconnaître avec exactitude cer-

tains états dégénératifs des cylindraxes de la moelle épinière.

surtout dans leurs degrés légers, on doit recourir méthodiquement

aux coupes microscopiques longitudinales de la moelle, parce que

dans les coupes transversales, ces états dégénératifs peuvent

échapppr ou en tout cas ne se peuvent voir avec tous leurs carac-

tères. D'ailleurs, les recherches anatomiques doivent être étendues

atout le système nerveux et ne pas se limiter à une on quelques

parties. 1 J. Séglas.

XLIV. Recherches expérimentales sur la mémoire des impressions

visuelles; par A.-W. GUERWLR. (OiJo ? 1'I}nié psichiatrii, IV. 1899).

Expériences très fines de psychologie, desquelles il résulte ce

qui suit : 1° Le souvenir des impressions visuelles, dans le cours

des trois premières minutes qui suivent la réception, se modifie

peu : au bout de cinq minutes, il s'affaiblit notahlement ; après

dix minutes, il parait avoir tout à fiit disparu ; 2" Les personnes

en expérience donnent les réponses les plus exactes, quand on met

entre l'impression et la demande un intervalle de quinze à vingt

secondes ; si l'inlervalle est de deux à dix secondes, quantité de

réponses sont moins exactes que si l'on met une pause de quinze

à vingt secondes : 3° Quand on passe d'un objet moins éclairé

à un objet plus éclairé, le nombre des réponses exactes est plus

grand que lorsque l'on passe d'un objet plus éclairé à un objet

moins éclairé. P. Kiiraval.

XLV. Des lésions de la queue de cheval ; par W.-M. 13¡¡CIITEREW.

(Obozréi21é psichiuti-ii, IV, 1899.)

L'auteur rappelle ses expériences avec Host ! XB\CH (Neurolog

Cetatralbl. 188r). La section de la queue de cheval chez les animaux

Archives, 2e série, t. XII. la

226 revue d'anatomie ET DE physiologie pathologiques.

détermine : 1° de l'anesthésie limitée aux régions de l'orifice anal,

du périnée, des organes sexuels, et de la face postéro-interne

des extrémités postérieures. 2° De la paralysie du mouvement des

deux pattes postérieures, avec réaction dégénérative des muscles

paralysés. 3° De la paralysie des sphincters, de la vessie, et du

rectum. Chez l'homme, les lésions de la queue de cheval et du

cône médullaire produisent : de la douleur et de la paresthésie

au périnée, à l'anus, dans le membre sexuel, dans les extrémités

inférieures. Il existe, en outre : 1° Une insensibilité, qui porte sur

tout le périnée, sur l'anus, sur les organes sexuels, sur la région

des fesses, sur les segments postérieurs et en partie internes des

cuisses, parfois, quand la lésion monte, sur les parties posté-

rieures des jambes, et, dans quelques cas même, sur la face

antérieure de la jambe. ,u.° De la paralysie du mouvement aux

extrémités inférieures, avec modification de la réaction électrique

des muscles paralysés innervés par les nerfs dans la région des-

quels existe l'anesthésie : lorsque la lésion est limitée, et que

.l'anesthésie ne descend pas franchement aux extrémités infé-

rieures, il peut ne pas y avoir du tout de paralysie motrice de ces

membres. 3° De la paralysie du rectum et de la vessie. 4° De l'im-

potence sexuelle. 5° Une diminution ou une complète disparition

des réflexes des extrémités inférieures. H.\YMO : \D a suivi la forma-

tion cumulative des symptômes à mesure que la lésion monte de

la partie inférieure du canal sacré jusqu'à la première vertèbre

sacrée (Velle iconographie de la Salpêtnère 1893) : il place la limite

supérieure du cône médullaire immédiatement au-de-sus du

centre ano-vésical, lequel est au niveau de la sortie des troisième

et quatrième paires sacrées. De sorte que la lésion du cône

médullaire se caractériserait seulement par l'atteinte de la sphère

d'innervation de la vessie et du rectum : cela confirme ce qui

vienl'd'ètre dit. t. P. Klraval.

lI.VI : Du souvenir des mouvements passifs ; par M.-N. JOUKOwsKY.

(Obo : rénié psichialrü, IV, 1899.)

D'ingénieuses expériences, au nombre de 1000, résumées par

des chiffres disposés en des tableaux, il résulte que l'pmmagasi-

nement des sensations issues des mouvements passifs se fait

remarquer par une grande précision, et que le souvenir en est

assez complet. Le souvenir de ces sensations ne commence à s'af-

faiblir que lorsque les intervalles entre des mouvements séparés

varient au moins de deux minutes ; quand ces intervalles sont

moindres, les sensations correspondant aux mouvements revien-

nent assez fidèlement. Quand les intervalles de temps qui séparent

deux mouvements sont de cinq minutes, le sujet met deux fois

plus de temps à se rappeler leurs sensations. Le souvenir se modifie

REVUE D'ANATOMIE Er DE PHYSIOLOGIE pathologiques. 227

presque identiquement pour les grands et les petits mouvements.

L'augmentation d'un mouvement passif est perçue bieu plus exact

tement que sa diminution. La limite de perception du mouvement

croît avec 'la grandeur du mouvement effectué. La disposition

d'esprit exerce une influence sur la modification du souvenir ;

celui-ci disparait plus vite dans le cas de mauvaise humeur que

dans le cas inverse. ' P. KEHAVAL.

XLVII. Altérations spinales dans la paralysie agitante; par Max

Nonne. (The hree·icca7z Journal of medical Sciences, juin 1900.)

Ch.-A.'Dana avait publié dans ce même journal (Nov. 1899) un

article sur un cas de paralysie agitante, dont il avait fait une

étude anatomique complète. Par la méthode de Nissl, Dana

tronva des altérations des grandes cellules des cornes antérieures :

« pigmentation marquée du corps cellulaire, cbromatol3·se, perte

et déplacement des noyaux, atrophie et absence d'un certain

nombre de deutrites ». Cellules des colonnes de Charke intactes.

Par la méthode de Marchi. il découvrit une dégénération des cel-

lules des cornes antérieures. Les vaisseaux sanguins de la moelle

étaient légèrement altérés; légère prolifération du tissu interstitiel.

De ces faits, Dana tire une opinion pathogénique sur la paralysie

agitante. Cette maladie résulterait d'une altération fonctionnelle

des extrémités des dentrites des fibres nerveuses provenant des

cellules corticales, au point où elles atteignent les cellules motrices

des cornes antérieures et en même temps une lésion fonctionnelle

de cellules motrices spinales elles-mêmes. De plus, dans les cas

avancés, une lésion anatomique peut être constatée. Enfin la

cause du tremblement pouvait être attribuée aux troubles venant

modifier l' « influx égal des impulsions motrices » qui se transmet

du cerveau à la meelle.

Aux constatations et conclusions de Dana, Max Nonne qui n'em-

ploya pas le Marchi, fait les critiques suivantes : Les modifications

que permettent de trouver la méthode de Nisst sont les mêmes que

celles vues par Dana ; mais il n'y a pas de différence entre les

altérations qu'on trouve dans les moelles séniles et celles qu'on

voit dans le cas de paralysie agitante. Les modifications décrites

par Dana rie sont nullement différentes de celles qu'on rencontre

ordinairement dans la cachexie. De telles altérations ont été

maintes fois décrites par des auteurs allemands qui n'y ont atta-

ché aucune importance pathognomonique. Ces constatations ont

été faites par Goebel et Sander.

De l'étude faite sur ce point par Sonder, il résulte : 1° que

presque tous les auteurs ont observé une prolifération de la

névroglie dans la substance blanche de la moelle, en même

temps que des altérations scléreuses des artères et des petits vais-.

228 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques.

seaux sanguins; 2° que la majorité des auteurs ne considèrent pas

ces modifications comme différentes de celles qu'on rencontre

dans les cas sénilité. et que, en conséquence, ils hésitent a

admettre que ces constatations puissent être en corrélation avec

la paralysie agitante. D'après Sander, il serait bon. puisqu'il y a

prolifération de névroglie dans tons les cas de paralysie agitante

ceux de Dana et d'Oppenheim excptés - d'utiliser la colora-

tion névroglique de Weigert, Les études de Dana et celles de

Nonne, dans lesquelles cette méthode n'a pas été employée doivent

être considérées comme incomplètes. Sander arrive cependant à

une conclusion presque semblable à celle de Dana : il y a obs-

\ tacle au passage de l'influx nerveux allant du cerveau à la moelle,

mais Sander ne place pas cet obstacle dans les cellules nerveuses.

FOULARD.

XLVtIL autopsie dans un cas d'adipose douloureuse, avec examen

microscopique; par Fi. X-DERcm. (7'/tc Joziî-nal of Nervous and

Mental Deseasc, août 1900.)

L'adipose douloureuse, affection qui porte encore le nom de

l'auteur de cet article, maladie de Dercum, fut déjà décrite

cliniquement un certain nombre de fois; dans deux cas l'autopsie

fut faite, mais sans examen microscopique; c'est donc la première

fois qu'une étude anatomique complète de cette maladie a été

faite.

. Voici les principales constatations qui ont été faites : Le tissu

adipeux très abondant ne présentant dans sa structure rien qui

pnisse le différencier du tissu adipeux normal. Les nerfs périphé-

riques étaient évidemment le siège de. névrite interstitielle. Il y

avait diminution marquée et atrophie des fibres nerveuses, eu

même temps qu'une grande prolifération du tissu conjonctif à la

périphérie et dé l'épaisseur du nerf. Ces modilications siégeaient

dans les nerfs périphériques, ceux qui cheminent dans le tissu

cellulaire sous-cutané; les troncs nerveux plus volumineux n'of-

frant aucune lésion. La moelle présente quelques modifications

dans les régions thoracique supérieure et cervicale inférieure ; il

s'agit d'une dégénération peu accentuée des cordons de Goll. Dans

l'encéphale, aucune modification, si ce n'est une pigmentation

anormale des cellules corticales. Le corps pituitaire est macrosco-

piquementet microscopiquement normal.

Il en est autrement de glande thyroïde. Son volume était

diminué. A l'examen microscopique, on nota une série de modili-

,cations, dont l'ensemble dénote une hypertrophie du tissu thyroï-

dien. Dercum, sans émettre une opinion absolue, pense qu'il

s'agit dans ce cas d'une hypertrophie compensatrice semblable à

celles obtenues par Halstedsurle chien, après extirpation partielle

REVUE d'anatomie et DE PHYSIOLOGIE pathologiques. 229

de la glande thyroïde. La glande, en effet, était petite et sans

doute assez pour déterminer une hypertrophie compensatrice. Il

est probable, cependant, que d'autres facteurs tels que des

troubles fonctionnels ont aussi joué un rôle dans la production de

l'adipose et des autres symptômes présentés par la malade. On

peut concevoir, en effet, que, par suite d'un trouble fonctionnel

de la glande thyroïde, une substance soit jetée dans la circulation,

qui en même temps empêche l'oxydation des hydrocarbonés et

agisse comme ceux de névrite et de dégénération nerveuse. Quelle

que soit l'explication, ,il est intéressant de rappeler la diminution

des sueurs, la lenteur de parole et l'irritabilité mentale présentées

par notre malade et également observées dans une autre maladie

de la glande thyroïde, le myxoedème.

Il est également intéressant de noter que dans les deux autopsies

antérieures d'adipose douloureuse (bien que les pièces anato-

miques aient été perdues par accident et non examinées microsco-

piquement) les deux glandes thyruïdes présentaient des lé-ions

évidentes. Ainsi, dans un cas, la glande était « petite, indurée et

infiltrée de substance calcaire dans les deux lobes », et dans

l'autre cas elle était « plus grande que normalement, plus dure au

toucher et très calcifiée, surtout dans le lobe droit » L'observa-

tion clinique de cette malade fut décrite, il y a deux ans, dans le

même journal américain (mars 189L.) PorrLnan.

XL. Contribution à l'étude du réflexe plantaire basée sur l'étude

de sept cent malades chez lesquels on rechercha spécialement

le signe de Babinski; par G. L. VaLTO et W. E. PAUL. (Tite

Journal of' Nc1"vOUS and mental Deseuse, juin 1900.)

On peut résumer de la façon suivante les conclusions auxquelles

ont abouti les soigneuses recherches des auteurs sur le signe de

Babinski :

1° A l'état de santé, la recherche du réflexe plantaire peut

donner lieu aux -phénomènes suivants : a) flexion de tous les

orteils; b) flexion de quelques orteils (les externes en général);

c) flexion de tous les orteils d'un côté et de quelques orteils (les

externes en général) de l'autre côté; d) aucun mouvement des

deux côtés (10 p. 100 des cas) ; e) flexion de tous ou de quelques

orteils (généralement les externes) d'un côté, avec absence de

mouvement de l'autre côté (au moins 10 p. 100 des cas); /) quel-

quefois, chez les individus très sensibles, mouvements rapides

semi-volontaires, indéterminés, tantôt de flexion, tantôt d'ex-

tension ;

2° Dans la première enfance, aucun mouvement constant ou

caractéristique des orteils ne peut être constaté, bien que l'exten-

sion soit un peu plus fréquente que la flexion;

230 REVUE d'anatomie ET DE physiologie pathologiques.

' 3° Le réflexe de. Babinski s'obtient chez environ 0 p. 100,

des hémiplégiques et diplégiques et avec la même proportion

dans le cas de maladies intéressant le faisceau pyramidal ,dans

la moelle;

4° Le réflexe de Babinski ne se voit jamais à l'état de santé et

nos observations nous conduisent- à douter de son- existence dans

les maladies nerveuses fonctionnelles ou organiques ou autres

n'intéressant pas la voie pyramidale;

5° Ce réflexe^ est souvent le premier à apparaître dans les

maladies du faisceau pyramidal; par exemple, au début d'une

attaque d'hémiplégie avant l'établissement du réflexe rotulien

exagéré et de la trépidation épileptoïde ; ' il peut persister un

certain temps après la disparition des autres réflexes, par exemple,

quand le réflexe rotulien et la trépidation épileptoïde font défaut,

par suite d'ankylose, de contracture ou d'altération musculaire,

comme dans la diplégie permanente ou par suite de dégénérations

comme dans les affections combinées du système nerveux. Ce

réflexe est alors d'un grand "=eeours pour le diagnostic;

6° Ce réflexe, très exceptionnellement, se montre dans des cas

qui, ne sont pas conformes aux types reconnus' d'affections pyra-

midales (méningite, hydrocéphale, intoxication, alcoolisme, uré-

mie). Ces exemples sont réellement trop peu nombreux pour

atténuer la valeur diagnostique de ce phénomène qui reste un

des meilleurs signes permettant de reconnaître les lésions pyra-

midales. Foulard.

L. Veines spinales variqueuses : une -rareté'nécroscopique; par

CL.sci\c1; E. CooN. ( 7'Ae New l'oi-1; Médical Journal, 17 mars 1900.)

Il s'agit d'un homme de cinquante-huit ans, ni fumeur, ni

buveur, mais syphilitique, ayant souffert de constipation opiniâtre

et de masses hemorrlioidairesi et aussi d'une cystite par hyper-

trophie de la prostate avec rétention d'urine : à diverses reprises

il y avait eu des collutions purulentes périnéales, s'étant généra-

lement évacuées par l'urèthre, et une fois par le scrotum : la

saphène interne droite, à la cuisse et à la jambe, était énormé-

ment dilatée et flexueuse. Depuis environ 'quinze anis. il avait eu

des douleurs fulgurantes épouvantables dans les extrémités infé-

'Qnres, douleurs que la fatigue exaspérait. Pas de paralysie, pas

d'incoordination des'mouvements, pas d'anesthésie ; les réflexes

du genou sont légèrement exagérés. Dans les derniers' temps de

sa vie, surtout le dernier mois, il se repose; et'les douleurs dimi-

nuent ; le séjour au lit les fait disparaître presque complètement.

En septembre 1899, il' est pris de zona à droite; et les dou-

leurs du zona sont représentées par lui comme" absolument

semblables à celies du membre inférieur. Il' meurt'de tuber-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 13l

culose en octobre 1899. A l'autopsie le corps parait être celui

d'un homme de soixante-dix ans au moins (il en a cinquante-

huit) : l'examen des poumons montre des lésions tubercu-

leuses : aucune autre grosse lésion. La moel.e est mise à nu ;

assez haut dans la région dorsale on trouve une petite surface

,congestionnée au pomt de jonction des vertèbres dorsales et

lombaires, on voit à travers la dure-mère une large ligne violette,

d'environ trois pouces de longueur, s'étendant parallèlement à la

moelle. On détache la moelle, on la sectionne à l'extrémité supé-

rieure de la région dorsale, et on enlève la dure-mère. On trouve

alors une portion de la veine spinale postérieure très dilatée et'

remplie de sang veineux très foncé. Au-dessus de la dilatation,

qui se termine très brusquement, la veine est mince et on peut à

peine la suivre sur la surface postérieure de la moelle. L'extré-

mité inférieure de la dilatation se trouvait au point où la veine

émerge de la surface interne de la dure-mère. La longueur de la

portion dilatée était de 5 centimètres et son diamètre, uniforme

sur toute la longueur, de trois millimètres.

A la surface antérieure de la moelle, à l'extrémité inférieure de

la région lombaire, et descendant assez bas dans la queue de

cheval, on trouve deux veines dilatées, mais d'un calibre bien

moins fort que celle qui a été décrite. L'examen microscopique de

la moelle n'a rien révélé de particulier. - ,

L'auteur estime qu'il est vraisemblable que la compression

exercée par cette veine postérieure dilatée a été la cause- des dou-

leurs fulgurantes : en effet, 1° les douleurs fulgurantes figurent

parmi les symptômes précoces d'une compression exercée par

une tumeur sur la région postérieure -de la moelle; 2° le siège

de la dilatation s'accorde avec les douleurs senties dans les extré-

mités inférieures ; 3° les douleurs s'aggravaient toujours par la

fatigue ; 4° le séjour au lit, très favorable à la circulation en

retour du sang veineux les faisait presque entièrement dispa-

raître.

On s'explique que les petites dilatations variqueuses de la face

antérieure n'aient pas causé de troubles moteurs par cette double

considération qu'elles siégeaient à la queue de cheval, région où

le canal vertébral est vaste, et d'autre part que leur calibre beau-

coup plus petit ne leur permettait pas d'exercer une compression

assez considérable pour déterminer des troubles fonctionnels.

R. DE Musgrave-Clay.

Ll. L'étude de l'inhibition; par J.-Y. GONZALFZ. (The 1\-etv York

Médical Journal, 27 janvier 1900.)

Après avoir indiqué les diverses tliéories de l'itiliibition, quiiiele

satisfont pas, M. Gonzalez en propose une nouvelle, qui se résume

232 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

de la manière suivante : Il interprète la force d'inhibition dans les

termes d'un mouvement moléculaire qui n'est pas sans analogie

avec la redistribution isomérique des molécules dans les subs-

tances colloïdes, l'out organe vital qui présente des phénomènes

d'inhibition recoit constamment deux courants de vibrations ner-

veuses de sens opposé, et, comme ces courants se neutralisent

partiellement, la résultante agit dans le sens de l'activité fonc-

tionnelle habituelle à ces organes. Les deux ondes nerveuses, bien

que de sens contraire, sont de nature identique, car il n'y a

aucune différence fondamentale de structure entre les nerfs qui.

transmettent l'inhibition et ceux qui transmettent l'accélération.

L'auteur, pour rendre sa pen-ée plus claire, prend le muscle

pour exemple, et intercale un schéma qui montre l'effet de deux

courants moléculaires agissant sur le muscle en sens oppo-é, et

déterminant, suivant leur énergie respective, les états de tonicité,

de contraction ou d'inhibition.

Les fonctions des organes non musrulaires dépendent de la cir-

culation du sang, laquelle dépend elle-même de l'action muscu-

laire du système vasculaire, il parait légitime de leur appliquer

les mêmes règles qu'au muscle; et bien que certains expérimen-

tateurs aient cru trouver des nerfs spéciaux d'inhibition agissant

en dehors de toute influence vasculaire, il n'y a aucune difficulté

à appliquer le principe des courants moléculaires aux cellules

paroiicliyinaue uses. '

L'inhibition est une manifestation tardive dans la série des

transformations évolutionnelles de l'espèce. On ne sait pas exac-

tement à quelle période de l'évolution de la vie organique elle fait

se première apparition, mais c'est probablement au moment où

le système nerveux se spécialise et se complète pour coordonner

les fonctions vitales des autres organes. Elle est l'un des moyens

par lesquels le système nerveux peut régler l'activité de chaque

organe pour l'harmoniser avec l'activité des autres. Et ici l'auteur

donne un exemple : supposons, dit-il, qne par suite d'une stimu-

lation accidentelle, le coeur batte avec une rapidité extrême, chas-

sant ainsi plus de sang qu'il n'en faut pour l'action normale des

organes vitaux : la mort surviendrait si, des organes ainsi conges-

tionnés, ne partait une impulsion afférente vers le centre d'inhibi-

tion du coeur, et si ce centre, réfléchissant l'onde nerveuse dans

le sens opposé il l'onde accélératrice du coeur, ne rétablissait l'équi-

libre normal. La loi de survivance des plus aptes assure l'établis-

sement de cette corrélation de fonctions, en même temps qu'elle

pourvoit aux modifications ultérieurement utiles. La vie n'est pos-

sible que s'il existe dans tout le corps une ju-te compensation

entre les deux courants, légèrement rompue au profit du courant

accélérateur. R. DE 111uscanvn-Cuns'.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

XF CONGRÈS DES ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES

DE FRANCE ET DES PAYS DE LANGUE FRANÇAISE

Le XIe Congrès des médecins aliénistes et neurologistes

de France et des pays dé langue française s'est ouvert le

jeudi 1 ? août, à l'hôtel de ville de Limoges, mis gracieu-

sement à la disposition du Congrès par M. L II3USSIÈRE, maire

de Limoges, député de la Haute- Vienne. Une centaine de

congressistes avaient répondu à l'appel du comité d'organi-

sation ; ils ont été reçus par la municipalité de Limoges,

M. le Préfet de la Haute-Vienne, notre ami Edgard Monteil,

les médecins de la Ville, et un grand nombre de person-

nalités de la magistrature et des grandes administrations.

M. Labussière, maire de Limoges, assisté du président du

Congrès, M. le or Gilbert Ballet, de M. le Dr Drouineau, repré-

sentant le ministre de l'Intérieur, et de M. le D'' Chénieux,

directeur de l'École de Médecine de Limoges, a présidé la

séance d'ouverture à 10 heures. C'est en ces termes que

M. L.\l3ussIÈm; a souhaité la bienvenue aux congressistes :

Messieurs,

Aux termes du règlement de votre Association, les médecins

aliénistes et neurologistes se réunissent chaque année dans une

des villes de France, et un vieil usage. veut que le maire de la

localité où se tient la réunion préside la séance d'ouverture.

Limoges ayant été désigné comme le siège du congrès de 1901, j'ai

le très grand honneur de vous adresser nos compliments de bien-

venue. Ces compliments soyez-en bien persuadés, ne sont pas

banals.

Mon collègue de Marseille, le vôtre aussi, messieurs, en inaugu-

rant le congrès de 1900, vous disait que votre ardeur à chercher

la vérité était sans bornes, et, après avoir décrit les principales

découvertes qui vous étaient dues, il saluait en vous « il la fois les

234 sociétés savantes.

savants, les hommes de coeur dont les fonctions constituent un

véritable sacerdoce, et qui honorent autant l'humanité par leur

dévouement, leur abnégation, qu'ils honorent la science par l'éclat

de leur savoir ou de leur enseignement. »

Je ne saurais mieux faire que de m'approprier les éloges qui

vous étaient ainsi adressés, car je sais combien ils sont mérités.

..............................

Messieurs, vous êtes des savants, et vous vous efforcez d'obtenir

la guéri-on, mais vous devez faire davantage, et vos congrès dot-

vent avoir un but plus large. 11 est beau de combattre le fléau et

de le vaincre ; il est encore mieux de l'empêcher de naître. Dans

beaucoup de cas, on connaît aujourd'hui la cause de la maladie.

C'est le surmenage, c'est l'abus de la vie facile, c'est l'alcool ! ...

...............................

Tenez donc vos assises, messieurs. Dans vos délibérations, ins-

pirez-vous des exemples laissés par les ancêtres, et que de vos

discussions, jaillisse quelque découverte, quelque fait nouveau

dont l'humanité aura à profiter. (Applaudissements.)

M. le D'' Ciiénieux, directeur de l'Ecole de Médecine, pro-

nonce le discours suivant :

Mon cher président,

Si la ville de Limoges s'applaudit de votre présence et est sur-

tout flattée de voir l'un de ses distingués compatriotes nommé à

la présidence de ces assises scientifiques, le corps médical de notre

pays limousin, et en particulier celui de l'Ecole de médecine, qui

vous compta parmi ses élèves; et que je représente ici, vous salue

avec une légitime fierté, et j'ai l'honneur et le vif plaisir de vous

apporter l'expression de ses sympathies et de ses cordiales félicita-

tions, et de m'associer avec lui à l'hommage rendu à l'auleur des

psychoses et affections nerveuses, de l'hygiène des neurasthéni-

ques, du langage intérieur, de l'histoire swedeuborgienne d'un

visionnaire au xviu0 siècle, etc., pour ne ciler que vos titres essen-

tiels à figurer parmi les neuro-patloloâi5tes les plus éminents.

Nous ne pouvons, du reste, que doublement nous féliciter d'un

choix qui a probablement entraîné du même coup celui de Limoges

comme lieu de réunion du XIe congrès des médecins aliénistes et

neurologistes.

Mes chers collègues,

(Permettez-moi de vons appeler ainsi, en ma qualité de membre

adhérent à votre congrès et pour rappeler le souvenir, qui me

rattache à beaucoup d'entre vous), mes chers collègues, vous êtes

venus ici de tous les points de la France et des pays de -langue

SOCIÉTÉS SAVANTES. ? 3Õ

française, tous connus par d'importants travaux et porteurs de

noms qu'il faudrait tous citer. C'est encore au nom de l'Ecole de

médecine et du corps médical de cette région que je vous adresse

collectivement les meilleurs souhaits de bienvenue.

Messieurs,

,

En dehors du sympathique directeur de notre grand établisse-

ment départemental d'aliénés, vous ne rencontrerez probablement

parmi nous que peu de collaborateurs. Non pas que vos travaux

nous laissent indifférents, ou que les sujets d'étude nous fassent

défaut; mais, à vrai dire, les uns et les autres rentrent de plus en

plus, et ajuste titre, dans le cadre des spécialisations, à mesure

qu'une lumière plus vive, venue en partie du foyer de la Salpê-

trière, éclaire de ses lueurs distinctes l'antique chaos de la patho-

logie nerveuse. Quand les notions étaient vagues et imprécises, le

chapitre des maladies nerveuses était court et leur thérapeutique

sommaire.

Sommaires étaient aussi l'étude de leurs causes elles déductions

pratiques concernant leur prophylaxie. Ce sera l'honneur de votre

génération, messieurs, que d'avoir tenté de ce côté un grand

effort dont la société toute entière devra se montrer reconnais-

sante. Aujourd'hui, les cadres de la neuro-pathologie et des

affections mentales sont mieux dessinés et mieux remplis.

Mais que de divisions et de subdivisions, depuis les affections

des cordons nerveux et de l'axe médullaire, jusqu'à celles des cen

tres psycho-moteurs : depuis les troubles de la sensibilité liés à

d'évidentes altérations, jusqu'à ses perversions subjectives : depuis

les manifestations émotives, paragnéiales peut-être, d'un dégénéré

supérieur, jusqu'au délire aigu du maniaque, jusqu'aux halluci-

nations de l'impulsif et du persécuté. Chacun de vous, suivantses

tendances et ses goûts personnels, poursuit des recherches dans

ces directions diverses, et il est bien difficile, au plus ardent,

d'embrasser la vaste complexité de la pathologie nerveuse. A ne

considérer que le département de jour en jour plus peuplé, hélas !

de l'aliénation mentale, indépendamment du riche domaine qui

lui appartient en propre, n'exerce-t-il pas un certain protectorat,

que dis-je, n'étend-il pas ses droits sur cette zone neutre, où évo-

luent une foule de candidats éventuels à la folie, et dont les

limites indistinctes pour le public, ne peuvent être déterminées

que par des spécialistes tels qu'il en existe parmi vous ? Rien que

de ce côté quel immense champ d'observation ?

Messieurs, il serait téméraire, de la part d'un profane comme

moi, de s'égarer plus longtemps sur ce terrain dangereux, si

variable d'aspect, et qui pourrait me fournir un thème à longs

développements. 1

236 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Je ne veux songer qu'au but de vos réunions, de vos travaux, au

but de ce congrès, et je ne puis m'empêcher de penser qu'en

dehors des services' rendus comme médecins à vos semblables,

vous avez comme marque distinctive dans le corps médical, un

rôle philosophique et social qui est, à mes yeux, votre plus beau

titre de gloire. Si ce rôle, dans le passé, s'est affirmé dans de nom-

breuses et intéressantes publications, aujourd'hui, plus que

jamais, vous vous préoccupez des conditions à remplir, des

moyens à mettre en oeuvre pour l'aire disparaître les causes qui

mènent au naufrage de la raison. Qui pourrait nier votre rôle

humanitaire et votre salutaire influence pour écarter du préci-

pice, quand il en est temps encore, les esprits désemparés ? En

attendant, vous avez déjà fait de grandes choses et réalisé d'im-

menses progrès. Vous avez dissipé l'apparente magie de l'occul-

tisme et éclairé les ténèbres où opéraient les esprits. Le monde du

merveilleux et du supra naturel s'est, à votre approche, évanoui

comme un vain fantôme. D'autre part, à mesure que le mobile de

nos actes a paru relever clairement d'un déterminisme réfléchi ou

d'une impulsion plus ou moins suggestive, se sont affirmées, en

même temps avec vous et par vous, la responsabilité ou l'irrespon-

sabilité humaiue. Vous avez mis et continuerez de mettre dans leur

vrai jour les figures mal éclairées de l'histoire. Laissez-moi exprimer

ce -voeu : celui de vous voir porter dans l'art et la littérature le

flambeau lumineux qui doit les guider vers le beau et vers le bien.

« Les livres et les oeuvres d'art, dit MaxNordau, exercent sur les

masses une puissante suggestion. C'est enjeux qu'une époque

puise son idéal de morale et de beauté. » C'est aussi mon humble

avis. L'alcool et certaines maladies spécifiques, le surmenage dans

la lutte pour la vie, ne sout pas les seuls coupables. Il y a' aussi le

poison moral versé à flots par certains écrits. C'est à vous de

montrer la tare de dégénérescence de ces oeuvres malsaines et le

déséquilibre d'esprit de ceux qui les produisent.

Vous seuls avez qualité pour les mettre à l'index au nom de la

raison humaine, dont vous avez la garde et que vous devez

défendre; la raison humaine qui nous conduira sans doute à une

science de la vie, planant au-dessus des conventions et des dogmes

éphémères et qu'il vous appartient, plus qu'à tous autres, de

dégager, des obscurités qui l'environnent pour le bonheur des

humanités futures. (Applaudissements .)

Le président du Congrès, M. Gilbert-Ballet prononce alors

le discours suivant :

Monsieur le Maire,

, Je vous remercie, au nom du congrès, de vos souhaits gracieux

" SOCIÉTÉS SAVANTES.. 237

de bienvenue ; je remercie la ville de Limoges et sa municipa-

lité du cordial accueil qui nous est fait; je remercie le comité local

d'organisation qui a préparé cet accueil et le conseil général de la

Haute-Vienne qui s'y est généralement associé. Vous avez tenu à

nous donner asile dans cet hôtel de ville somptueux dont vous

avez de bonnes raisons d'être fiers : votre réception nous touche

et votre hospitalité nous apparaît plus intime dans le cadre de

votre « maison commune ». Lorsqn'il y a deux ans, dans la ses-

sion de Marseille, le congrès s'est empressé d'accepter l'mvitation

qu'on voulait bien lui adresser au nom de Limoges, il sa\ait qu'il

serait bien ici. Limoges est accueillante à tous ceux qui, hommes ou

collectivités, se présentent à elle sous la bannière du progrès. Qu'il

s'agisse du progrès économique, artistique ou scientifique, peu im-

porte ! Tous les progrès ne sont-ils pas solidaires les uns des autres' ? ' ?

Le président du congrès se trouve, cette année, pour dire ce

qu'il pense de la ville qui nous reçoit, dans une situation un peu

délicate. On ne manquerait pas de sourire s'il disait de Limoges

trop de bien et personne ne lui tien'drait rigueur s'il se risquait à

en dire un peu de mal : ce ne serait pas de la médisance, ce serait

de la modestie. Pourtant je n'en dirai point de mal. la à ceux de

nous qui, parcourant ce qui reste de vos vieilles rues, remarque-

raient plutôt l'aspect misérable que le cachet pittoresque, je serais

tenté de rappeler qu'elles sont les derniers témoins de votre

ancienneté et que cette ancienneté est peut-être pour quelque

chose dans l'accueil empressé que vous faites aujourd'hui à un

congrès scientifique.' .

Si vous êtes ville neuve avec le merveilleux essor industriel d'une

cité très moderne, vous êtes aussi ville antique avec une histoire

et des traditions qui vous ont fait une longue habitude de jeter

parfois des regards au-dessus des contingences immédiates de la

vie quotidienne : tradition d'art'qui remonte, dit-on, jusqu'à saint

Eloi, au temps de-Dagobert, et qui, agrandie et transmise par les

illustres émailleurs du XVIe siècle, s'est perpétuée jusqu'à notre

époque; tradition littéraire, dans ce pays où l'on garde le sou-

venir des premiers troubadours et où le parler régional est encore

imprégné des vestiges de la poétique langue d'oc... J'en pourrais

citer d'autres. Vous les avez symbolisées dans les quatre figures

que des artistes de talent ont peintes sur la céramique au fronton

de cette maison : Jourdan, la tradition du patriotisme ; d'Aguessau

et Vergmaud, celle de l'éloquence et du civisme ; Léonard Limosin,

dont le nom évoque le souvenir de la plus battante époque artis-

tique en ce pays. Et ce ne sont pas vos seuls grands hommes.

Monsieur le Directeur de l'Ecole de médecine,

Au nom de l'Ecole de Limoges vous nous avez, vous aussi,

238 SOCIÉTÉS SAVANTES.

souhaité la bienvenue. A vous aussi et aux maîtres au nom des-

quels vous avez parlé, merci ! Nous voici en l'amille au milieu du

corps médical d'élite qu'est celui de Limoges et dont vous avez été

le porte-parole autorisé. Mon remerciement ne va pas sans une

certaine émotion, dont vous m'excuserez de ne pas souligner les

motifs qui m'imposent quelque discrétion. On ne m'en voudra pas,

du moins, de rappeler que vous aussi vous êtes les continuateurs

d'une tradition et qu'autour de vous plane le souvenir de Dupny-

tren, de Gay-Lussac et de Cruveilhier.

Mes chers collègues, .

Le travail n'exclut ni la curiosité ni les distractions. A ce point

de vue, le Limousin n'aura à vous offrir aucune des splendeurs

auxquelles nos sessions précédentes vous ont accoutumés : vous

ne trouverez ici, ni les séductions de la mer comme à La Rochelle

et à Marseille, ni le spectacle attrayant d'un grand port ou d'un

grand fleuve comme à Liouen, à Lyon et à Bordeaux, ni la mon-

tagne majestueuse et grandiose que Toulouse, à qui tout est pos-

sible, a trouvé moyen de vous montrer bien qn'elle soit ville de

plaine; vous n'aurez ici ni ce bijou qui s'appelle la place Stanislas,

ni le voisinage, comme à Clermont, d'une délicieuse ville d'eaux,

ni les châteaux enchanteurs que Blois et Angers ont étalés à nos

regards émerveillés, mais vous trouverez à Limoges, assez pour

charmer vos yeux, si vous n'êtes pas insensibles aux séductions

des arts décoratifs et de la céramique et, si un soleil trop ardent

vous porte à regretter qu'il n'y ait pas sur les boulevards plus

d'ombrage, vous serez dédommagés, je l'espère, dans nos excur-

sions, par les charmes d'une nature douce et reposante. Vous

trouverez dans ce coin du plateau central qui est le haut Limousin,

des collines d'où le regard s'étend agréablement au loin, des val-

lées fraîches et vertes où vous serez à l'aise et dont la prétention

sera moins de provoquer chez vous l'admiration que le désir, en

les quittant, de venir les revoir.

Notre Congrès inaugure aujourd'hui sa XI" session. Son passé

est assez ancien.pour que nous soyons, dès maintenant, en droit,

de nous demander s'il a répondu aux espérances qu'avaient con-

çues ceux qui ont eu la pensée de l'instituer. Il ne me semble pas

que la réponse puisse être douteuse. A ceux qu'un scepticisme

facile porte à nier l'utilité des congrès, il suffirait, pour montrer

les avantages et le rôle du nôtre, de présenter les volumes de nos

comptes rendus : je ne crois pas que parmi les réunions analo-

gues, françaises ou étrangères, il s'en trouve de plus active ni de

plus vivace.

Il n'en pouvait êlre autrement. Ce Congrès répond, en effet, à

un besoin très'réel en donnant a ceux qui, dans les pays de langue

SOCIÉTÉS SAVANTES. 239

française, s'intéressent à l'une des branches de la médecine qui

ont le plus progressé à notre époque, le moyen de se réunir pério-

diquement pour échanger leurs idées sur les questions à l'ordre du

jour; il donne, en outre satisfaction à une très heureuse tendance

de l'heure présente : la tendance à la décentralisation. S'il m'est

permis d'émettre un regret, c'est que quelques-uns de ceux pour

qui il semble avoir été plus spécialement organisé n'en soient pas

toujours des membres assidus. A ces tirailleurs isolés on a voulu

fournir le moyen de rallier de temps en temps le gros de la troupe;

s'il en est qui semblent ne pas se le rappeler assez, j'aime à croire

qu'on ne sera pas en droit de leur appliquer les paroles du Koran :

« Sourd*, muets, aveugles, ils ne se convertiront pas. » Je préfère

espérer, suivant la promesse de l'Evangile, que les aveugles ver-

ront, que les sourds entendront nos appels, que les muets se

décideront à parler. ,

Parmi les avantages de ce congrès, il en est un sur lequel, après

plusieurs de mes prédécesseurs, il me semble bon de m'arrêter.

Grâce à l'heureuse initiative prise à La Rochelle, notre réunion est

la première où les aliénistes et les neurologistes français se soient

habitués à fusionner. Elle a ainsi consacré dans la pratique une

alliance qu'on était surpris de ne pas voir plus intime, que la

logique commandait, et dont la section de neurologie du congrès

international de médecine de 1900 a proclamé la légitimité, par

un vote qui marque une date, la date d'une évolution. Plusieurs

fois, vous avez tenu vous-mêmes à affirmer, par le choix de vos

présidents, la nécessité de cette union, et ce souvenir me rend

moins embarrassé pour démêler les motifs qui m'ont valu l'hon-

neur, dont j'ai été profondément touché, d'être appelé aujourd'hui

à diriger vos discussions.

On a médit, et non toujours sans raison, de la spécialisation ;

que n'aurait-on pas le droit de dire de la spécialisation dans la

spécialité ? Elle est légitime, dans une certaine mesure, car elle

facilite les études minutieuses qui rendent possible la récolte des

faits, mais n'oublions pas, comme l'a dit justement Renan, que

« que les spécialités n'ont de sens qu'euue des généralités ».

Messieurs, c'est avec une profonde satisfaction qu'au début de

ce nouveau siècle, les aliénistes et les neurologistes réunis peuvent

jeter un regard en arrière et mesurer l'étendue des progrès réa-

lisés au siècle dernier, par la pathologie du système nerveux. Le

bilan de ces progrès a été dressé trop magistralement l'an passé,

au Congrès international, par les présidents des sections de neu-

rologie et de psychiatrie, pour que je me hasarde à vous le pré-

senter de nouveau. Laissez-moi du- moins vous rappeler que,

parmi les causes du mouvement remarquable qui a si largement

accru le champ de nos connaissances, et auquel notre pays a pris,

avec les noms que vous savez, une part incontestablement prépon-

240 * SOCIÉTÉS SAVANTES.

dérante, il en est deux dont l'influence semble avoir été domi-

nante : plus de rigueur dans la méthode, plus de précision et de

délicatesse dans la technique. La technique c'est l'outil, la méthode

c'est l'ensemble des règles qui nous guident dans le maniement

de cet outil.

Plus que toute autre, la pathologie mentale a eu à pàtir, dans

son développement, des vices de méthodes, qui étaient à la fois

des vices de doctrine. Est-il, surprenant que l'étude des maladies

de « l'esprit » se soit ressentie des idées qu'une métaphysique

conventionnelle avait repandues sur la nature de « l'esprit )J ' !

Comme l'a dit Bacon, nous ne recevons pas avec sincét'i'é la

la lumière des choses, nous nous faisons une science à notre goût.

« car la vérité que l'homme reçoit la plus volontiers c'est celle

qu'il dés're ». Et longtemps, il faut bien le dire, l'homme semble

avoir désiré ne pas voir clair. Considérer les fonctions intellectuelles

comme aussi étroitement dépendantes de leur organe que le sont

celles du coeur ou du foie, n'était-ce pas les ravaler ? N'y voir que

le résultat du perfectionnement continu et de l'évolution progres-

sive d'aptitudes organiques qui existent déjà à l'état élémentatre

chez l'actinie et le lombric, n'était-ce pas se laisser aveugler par

une étroite conception matérialiste des plus nobles facultés ? Or si

l'intelligence était autre chose qu'une fonction organique vulgaire,

ses maladies ne pouvaient être des maladies comme les autres.

On sait à quelles pratiques conduisit ce parti pris à peu près géné-

ral d'ennoblir l'esprit et ses affections : à sanctifier les aliénés

d'abord, àles brûler ensuite, plus près de nous à les traiter comme

de simples malfaiteurs. Ces tristes temps ne sont plns. L'observa-

tion clinique, mieux disciplinée et plus complètement soustraite

aux « préjugés chéris » dont parle l'auteur du Novum organum,

plus tard la méthode anatomo-clinique ont ramené pour toujours

dans la voie qu'avaient entrevue quelques précurseurs de génie,

la pathologie du cerveau. Proclamons comme une des grandes

conquêtes réalisées pas à pas au dernier siècle, l'émancipation

définitive des études qui concernent « l'esprit », ses fonctions et ses

maladies. Elles n'ont plus rien de commun avec la métaphysique.

Ce travail graduel d'émancipation a été puissamment secondé

par les progrès de la technique. Si nos prédécesspurs et nos con-

temporains ont vu plus de choses que nos ainés, ce n'est pas seu-

lement parce qu'ils ont su mieux gouverner leur intelligence, c'est

parce qu'ils ont été mieux outillés pour voir. Le jour où Hanno-

ver, il y a de cela soixante ans, eut l'idée de placer dans une solu-

tion d'acide chromique un fragment de tissu nerveux afin de le

durcir et d'y pouvoir pratiquer des coupes fines, il a fait plus pour

la pathologie du cerveau et de la moelle que n'eussent pu faire le

génie philosophique et les plus ingénieuses spéculations d'un

Platon, d'un Descartes ou d'un Leibnitz.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 241

N'avons-nous pas vu dans ces derniers temps les résultats nou-

veaux et vraiment remarquables qu'ont donnés les études histolo-

tiques, grâce il la découverte d'apparence bien modeste qui nous

a montré que les cellules d'un fragment de tissu nerveux, durci dans

l'alcool à 96 degrés, se colorent d'une façon particulièrement déli-

cate par couleurs d'aniline ? Reconnaissons toutce que nous devons

àces perfectionnements de la technique, j'entends aussi hien la tech-

nique clinique et expérimentale que la technique histologique. Ils

sont eux aussi l'une des caractéristiques de la seconde moitié du

dernier siècle : ils ont contribué à démontrer la vérité de ce qu'avait

dit Claude Bernard, que « dans les sciences expérimentales en

évolution, et particulièrement dans celles qui sont aussi complexes

que la biologie, la découverte d'un nouvel instrument d'observation

ou d'expérimentation rend beaucoup plus de services que beaucoup

de dissertations systématiques ou philosophiques ». Mais laissons

là le passé et permettez-moi en ce premier congrès du siècle, de

jeter un coup d'oeil, peut-être un peu téméraire, sur l'avenir.

Certes, chercher à prédire la voie où s'engagera demain la

science, est plutôt un passe-temps de chroniqueur qu'une préoc-

cupation de savant les événements et l'histoire qui les relate se

chargent de nous montrer la puérilité et l'impuissance de ces ten-

tatives divinatoires. Au moins peut-on s'aventurer à prévoir les

résultats des tendances et des elloi ts qui d'ores et déjà s'affirment.

Si je ne m'abuse, la tâche du siècle où nous entrons, sera l'utili-

sation pratique des notions que nos devancier et nos contemporains

ont recueillies depuis moins de cent ans, et dont beaucoup, il faut

bien le dire, sont jusqu'à présent restées stériles en applications.

Certes, je ne veux point dire que le système nerveux nous ait

déjà, livré tout ses secrets. N'y a-t-il pas dans l'écorce du cer-

veau des territoires entiers dont nous ignorons encore les fonc-

tions.

Et sommes-nous complètement éclairés sur les connexions et le

rôle des ganglions centraux et de toutes les parties du mésencé-

phale ? Savons-nous seulement par quel mécanisme intime le

courant centripète se transforme dans les neurones en courant

centrifuge, et n'est-ce pas là pourtant le phénomène le plus élé-

mentaire, par conséquent le 'plus général, de la physiologie du

système nerveux ? Si nous connaissons, grâce aux efforts réunis

de l'expérimentation et de la clinique, la part que prennent les

intoxications et les infections dans la genèse de la plupart des

myélites, de beaucoup de délires ou d'états de confusion mentale,

n'ignorons-nous pas encore quelle est, par exemple, la cause de

la sclérose en plaques' ? Et si nous sommes fixés sur le rôle capital

que jouent en pathologie nerveuse l'hérédité et la prédisposition,

avons-nous dégagé avec une suffisante précision les lois de la

première, et sommes-nous arrivés à déterminer la nature de la

Archives, 2° série, t. XII 16

242 SOCIÉTÉS SAVANTES.

seconde ? Sur ce dernier point, il ne me semble pas que nous ayons

le droit de nous tenir pour satisfaits du peu que nous savons. Se

borner à opposer la prédisposition, cette explication complaisante,

à l'infection et à l'intoxication, c'est-à-dire la cause originelle aux

causes accidentelles des affections du névraxe, c'est, ce me semble,

se laisser prendre au mirage d'un contraste plus apparent que

réel- Cette prédisposition qui rend compte de tant de troubles,

n'est-elle pas elle-même, le plus souvent, comme le montrent la

clinique et l'expérimentation, le résultat d'une intoxication ou

d'une infection, quelquefois chez le sujet qui la présente, plus fré-

quemment chez ses ascendants ? En tous cas, à la notion empirique

que nous en avons, ne se substituera une notion véritablement

scientifique, que le jour où nous serons arrivés à préciser les con-

ditions, ou morphologiques ou histo-chimiques, et peut-être à la

fois histo-chimiques et morphologiques qui la constituent.

Aux efforts des travailleurs le fonds n'est pas près de manquer,

et le champ reste large pour ceux dont la principale préoccupation

est la recherche de la vérité pour la vérité. Ce n'est pas ici qu'il

est nécessaire de montrer qu'il n'y a pas de découverte inutile.

Les esprits superficiels ont pu douter qu'il fit oeuvre pratique

l'observateur génial qu'on vit, il y a quelque cinquante ans, par-

courant les hôpitaux, sa boite électrique ù-la main, et fixant les

caractères symptomatiques d'une affection, en présence de laquelle

notre impuissance thérapeutique devait apparaître d'autant plus

éclatante que sa phénoménologie allait devenir mieux connue. Et

quelle utilité pouvait-il y avoir àce que des anatomo-patholugistes

de talent vinssent préciser avec minutie la nature et le siège de

lésions que nous sommes restés incapables d'arrêter dans leur évo-

lution progressive ? N'avaient-ils pas fait oeuvre vaine, eux aussi,

ceux qui, à Charenton, s'étaient attachés a mettre en relief les

symptômes d'une lésion nouvelle du cerveau, sur laquelle pendant

cinquante ans les histologistes, à l'horizon circonscrit et borné,

allaient s'user les yeux et dépenser des trésors de patience et de

labeur pour découvrir, plaisante préoccupation, si l'altération

débute par la névroglie, par les cellules ou par les vaisseaux ? A

quoi bon tant d'efforts que devait couronner un échec thérapeu-

tique si lamentable et si humiliant ?

Mais voici que bientôt ces efforts de curieux, presque de dilet-

tantes, vont avoir un résultat inattendu. La connaissance des

symptômes et des lésions va conduire à celle des causes; ici encore

une infection se révèle, comme l'élément étiologique, unique et

spécifique, anx dires des uns, prépondérant en tout cas, au dire de

tous. Et dès lors, le tabes et la paralysie générale vont nous appa-

raître, sinon comme des affections curables, au moins comme des

affections évitables. Evitable le tabes ! qui encombre les consul-

tations et les services spéciaux de nos hôpitaux ! Evitable la para-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 243

lysie générale qui contribue si puissamment il peupler les asiles,

surtout les asiles urbains ! Evitables ces deux fléaux qui anéantis-

sent tant de valeurs intellectuelles en pleine production ! N'oublions

pas que la ligue qui vient de se former, sous de puissants patro-

nages, pour rechercher les moyens d'empêcher la propagation de

l'infection, n'aurait pas eu l'occasion de se constituer si, dans une

salle d'hôpital ou d'asile, ou au fond d'un laboratoire, des cher-

cheurs désintéressés ne s'étaient appliqués à regarder avec le seul

souci de voir ce que Chevreul appelait la vérité vraie. Souhaitons

à la ligue dont je viens de parler longue vie et efficace activité. Elle

s'inspire des tendances qui marquent l'aurore du nouveau siècle.

Si l'on pouvait espérer qu'elle aboutit, la pathologie du système

nerveux, s'en trouverait du coup décapitée.

Une autre ligue est déjà à l'oeuvre. Les aliénistes en ont été les

promoteurs, ou moins, les promoteurs les plus actifs, et déjà ils

voient s'associer à leurs efforts de nombreuses bonnes volontés.

Des divers points de l'horizon accourent, pour prendre part à la

campagne, de nouvelles recrues. Si les savants ont poussé les pre-

miers le cri d'alarme, ceux que le danger menace le plus ne sont

pas loin de l'entendre et de l'écouter. ,

Parler dans un congrès de médecine mentale du péril alcoolique,

c'est s'exposer au reproche de rééditer un lieu commun. Lieu

commun, soit, mais notre devoir n'est-il pas, suivant un mot

connu, de redire toujours la même chose ? Jusqu'à ce que Carthage

ait été détruite, nous ferons entendre nos protestations et nos

plaintes. Certes, les causes de dégénérescence et d'abatardissement

qui guettent notre pauvre espèce sont nombreuses; mais il en est

qui, semblables aux lichens et aux mousses, s'attaquent aux élé-

ments vieillis et à demi usés.

La goutte, le diabète et toutes les affections de même famille,

dont on a pu dire avec raison qu'elles étaient la rançon de la

supériorité sociale, jouent leur rôle - j'allais dire ont leur utilité

dans ce mouvement d'évolution continu en vertu duquel les -

couches supérieures se renouvellent saus cesse, empruntant aux

couches sous-jacentes les éléments de leur perpétuelle rénovation.

Mais que dire de l'alcoolisme qui sévit aux sources de rajeunisse-

ment de notre espèce, qui mine et vicie nos réserves ! Ce n'est pas

ici qu'il serait utile de rappeler qu'il est un des plus redoutables

parmi les fléaux dont l'Europe a eu à pâtir. De divers, côtés, on

parait aujourd'hui le comprendre. Je ne crois pas que la ligne de

ceux qui pensent avoir intérêt à maintenir et à propager le mal soit

longtemps la plus forte, et j'entrevois le moment où les pouvoirs,

de l'Etat pourront protéger l'intérêt public sans avoir besoin de

déployer d'héroïsme contre ce qu'on appelle l'opinion publique.

C'est le cas de rappeler le mot de Gaethe : « On ne meurt que

quand on le veut bien. » Persévérons dans nos efforts pour ne pas

244 SOCIÉTÉS SAVANTES.

mourir et continuons à faire contre l'alcoolisme la campagne que,

d'autre part et par des moyens appropriés on mène si ardemment

contre la tuberculose.

Ne nous le dissimulons pas : contre les lésions constituées,

, qu'elles soient, congénitales ou acquises, nous pouvons peu de

chose; d'habitude en atténuer tout au plus les conséquences et en

pallier les fâcheux effets. Si notre thérapeutique est défectueuse,

orientons-nous le plus possible vers la prophylaxie. La prophy-

laxie d'une affection suppose la connaissance des conditions de sa

genèse; n'a-t-on pas dit que « connaître véritablement, c'est con-

naître par les causes » ? 2

Mais les recherches dont nous avons été presque les témoins ne

nous ont-elles pas révélé l'influence d'un grand nombre de ces

dernières ? Il en est ainsi du moins de celle qu'on a appelée la

cause des causes. Je ne pense pas que les nations modernes

veulent imiter Sparte; et ce n'est pas aux pouvoirs publics que

nous avons à demander les moyens directs, de prévenir l'influence

néfaste de l'hérédité défectueuse. Ne nous berçons pas, d'ailleurs,

de l'illusion de la voir disparaître. Mais n'avons-nous pas le droit

d'espérer que la vulgarisation du péril et les conseils privés

puissent, en ce qui la concerne, avoir de sensibles résultats ? Ne

perdons pas de vue, en tout cas, que ces conseils ne peuvent avoir

d'autorité qu'à la condition de s'inspirer des notions précises et

bien établies.

Pour avoir chance de prévenir le danger là où il est, sachons

éviter avec résolution de le signaler là où il n'est pas. N'oublions

pas qu'il y a des affections du système nerveux accidentelles et

que rien ne prouve qu'elles entachent le produit de la conception

quand elles succèdent à celle-ci. N'est-il pas à la fois périlleux et

téméraire, par exemple, de jeter l'anathème en bloc, un anathème

que, personnellement, je crois injustifié, sur les descendants

d'ataxiques, de paralytiques généraux, d'hémiplégiques par

lésions circonscrites ? '1

Je n'ignore pas qu'en intervenant pour entraver les effets

fâcheux de l'hérédité pathologique, nous semblons seconder les

tendances de la nature qui sacrifie résolument les intérêts de

l'individu à ceux de l'espèce, et que le rôle de la civilisation est,

au contraire, de défendre l'individu contre les conséquences ter-

ribles pour le faible du sLru,ggle for life. Mais notre sollicitude

pour l'infirmité ne peut pas aller jusqu'à l'aider à se reproduire et

à se perpétuer.

Messieurs, si les réflexions que je me suis permis de vous sou-

mettre sont exactes, on est en droit de dire que la tendance du

siècle qui s'ouvre sera d'envisager, comme le conseille Maudsley,

la pathologie du système nerveux, en particulier la pathologie

mentale, au point de vue social. Pour ma part, je vois son rôle

SOCIÉTÉS SAVANTES. 245

grandissant, je la vois achevant d'expliquer des phénomènes psy-

chologiques qu'une éducation insuffisante, et dès longtemps

viciée par les conceptions de l'ontologie, nous avait fait envisager

d'un point de vue inexact; je vois, à côté de la psychologie des

foules, qui est en train de se constituer, se dégager dejà une

pathologie dont les gouvernants devront faire leur profit, de cet

être complexe qui est autre chose qu'un agglomérat d'unités, qui

a son individualité propre, ses émotions particulières, ses réac-

tions spéciales, ses obsessions bien à lui et ses impulsions vrai-

ment morbides, j'entrevois les résultats nouveaux de cette science

mieux établie, ou au moins d'une application mieux réglée, qui

s'appelle la statistique, nous montrant avec plus de précision la

transformation et les évolutions de la pathologie.

Ces types que nous voyons aujourd'hui sont-ils ceux qui exis-

taient aux siècles passés ? Je n'en suis pas certain : sans doute, si

nous reconnaissons des scléroses spinales, des encéphalites

diffuses que ne diagnostiquaient pas nos aînés, c'est parce que

nous avons appris à les voir. Mais n'est-ce pas aussi parce qu'elles

ont augmenté de fréquence et peut-être changé de physionomie et

d'allures ?

J'entrevois enfin (que les magistrats qui nous font l'honneur

d'assister à cette séance excusent cette hardiesse), j'entrevois la

pathologie mentale contribuant, de concert avec l'anthropologie

criminelle, à modifier d'une façon radicale les assises de notre

droit pénal : je vois la notion de nocuité se substituer à celle de

culpabilité, et la Société, renonçant à punir, ne se préoccupant

plus que de se défendre.

Notre pays prendra-t-il à cette oeuvre la part prépondérante qui

a été la sienne au siècle dernier ? Souhaitons-le, sans oublier que

le mouvement créé par les grands initiateurs qui s'appellent

Pinel, Esquirol, Morel, Duchenne, Charcot, s'est propagé partout

et que la neuro-pathologie ne peut pas plus rester une science

française que la microbiologie de Pasteur. Ne nous en plaignons

pas d'ailleurs : plus les efforts seront nombreux, plus riche sera

la moisson et la moisson aujourd'hui profite à tous, car le rêve de

Leibniz est réalisé : « Les savants sont unis à travers le monde. »

Tâchons, en tout cas, de contribuer avec honneur à la tâche

commune. Apportons-y, si possible, les qualités et les dispositions

d'esprit qui ont fait, sinon toujours notre force matérielle, au

moins notre prestige. Sachons rester fidèles aux destinées que

l'histoire nous a faites : que le légitime souci de notre préémi-

nence ne nous porte jamais à négliger celui du progrès général.

Ne perdons pas de vue que, si l'on peut être un peuple puissant

quand on conquiert des territoires et quand on couvre le monde

des produits de son industrie et de son négoce, on n'est vraiment

un grand peuple qu'autant qu'on contribue à activer la marche du

246 SOCIÉTÉS SAVANTES.

monde moral dans la voie de sa continuelle évolution. (Applaudis-

sements répétés.)

M. DROUllOEAU, représentant le Ministre de l'Intérieur,

s'exprime en ces termes :

Messieurs,

J'ai reçu de M. le président du conseil, l'agréable mission de le

représenter au XIe congrès des médecins aliénistes et je ne saurais

vous cacher que je suis personnellement heureux du choix que

M. le Ministre a bien voulu faire en cette circonstance puisque je

me retrouve en pays de connaissance, au milieu de confrères et

amis et sur la bienveillance desquels je puis compter.

Mais, messieurs, votre oeuvre ne m'intéresse pas seul; je vous

donne l'assurance que cette sympathie est partagée par les hauts

fonctionnaires de l'assistance publique : je puis vous en fournir

la preuve. A mon retour du congrès de Marseille, je lis part à

M. Monod, directeur de l'assistance publique, du désir que plu-

sieurs d'entre vous m'avaient manifesté afin d'assurer, pensaient-

ils, d'une façon définitive et certaine l'avenir financier de vos

congrès; la science a quelquefois besoin d'argent. Il s'agissait

d'inviter les asiles à participer effectivement à votre oeuvre en

s'inscrivant personnellement parmi vos souscripteurs; M. le direc-

teur s'y est prêté de la meilleure grâce, connaissant la valeur de

vos travaux, l'importance de vos réunions, et appréciant, comme

moi, l'intérêt réel, considérable qu'il y aurait pour tous les asiles

à posséder, dans la bibliothèque de chacun d'eux, l'ensemble de

ces documents, non seulement en vue du présent et de nos jeunes

collaborateurs, mais surtout en raison de l'avenir et des tra-

vailleurs futurs.

Votre oeuvre, après l'épreuve concluante du passé, ne saurait

maintenant s'amoindrir ni disparaître, elle ne peut que grandir et

prospérer et par suite, toutes ces monographies si étudiées,

. toutes ces discussions si intéressantes, si fructueuses, constitue-

ront un faisceau de documents scientifiques et administratifs où

tous les médecins aliénistes, quelle que soit leur propre érudition,

seront certainement heureux de puiser. Je ne sais si cet appel a

été entendu et si l'invitation a été suivie d'effet, M. le secrétaire

général nous le dira; mais le but n'est pas encore tout à fait

atteint, nous insisterons à nouveau, bien persuadés, qu'en face du

résultat à obtenir, il ne saurait y avoir de la part de l'administra-

tion des asiles de résistance irréductible. Enfin, messieurs, j'ajoute

que dans l'état actuel de la psychiatrie, en présence des travaux

étrangers, de l'évolution des esprits en ce qui touche les aliénés,

leur traitement, la façon de comprendre les asiles et les appro-

, SOCIÉTÉS SAVANTES. 247

priations spéciales qu'ils comportent, il nous faut suivre avec plus

de soins scrupuleux que jamais vos travaux, connaître vos voeux,

vos résolutions, car c'est sur eux que nous pensons asseoir notre

jugement et dégager l'intervention administrative, quand elle est

sollicitée ou nécessaire, de toute incertitude et l'absoudre de tout

reproche; c'est vous dire, messieurs, quelle attention je veux

apporter à vos réunions, quel parti fructueux j'ai mission d'en

retirer. (Applaudissements).

A la fin de cette première séance, il a été procédé aux

nominations suivantes : -

Présidents d'honneur : 1\1. le Président du Conseil, ministre de

l'intérieur; M. Monod, directeur de l'Assistance et de,l'Hygiène

publiques; M. le Préfet de la Haute-Vienne; M. Labussière, maire

de Limoges; M. le De Théophile Raymond, conseiller général de

Limoges; M. le D'' Urouineau, délégué du Ministre de l'Intérieur;

M. le De Raymondaud, père, directeur honoraire de l'Ecole de

médecine; M. le 1)" Chénieux, directeur de l'Ecole de médecine;

M. le professeur Bouchard ; M. le D1' Bourneville, médecin de

Bicêtre; M. le professeur Brissaud; M. le professeur Grasset; M. le

professeur Joffroy; M. Je professeur Mendelssohn, de Saint-Péters-

bourg ; M. le De Motet, membre de l'Académie de médecine; M. le

professeur Pitres; M. le professeur Raymond.

Vice-présidents : Dl. le D'' Boubila, médecin de l'asile de Marseille ;

M. le De Lannois, professeur agrégé à la Faculté de Lyon.

Secrétaires : MM. Laignel-l.avastine, interne des hôpitaux de

Paris; D1' Lelong, ancien interne des agiles de la Seine : Dr Mar-

chand, interne à l'asile de Villejuif ; Dr Parant fils, interne des asiles

de la Seine.

Commission .des questions pour 4902 : MM. Briand, ltrissaud,

Parant père, Pitres, Vallon, les présidents du Congrès de 1901 et

de 1902. -

Ail heures, la séance est levée.

Séance du jeudi ICI' août 1901 (soir). -PRÉSIDENCE DE 1\1. E. BRISSAUD.

Du délire aigu au point de vue clinique, azatonzo-patizologique et

bactériologique. -Rupport purlli. A. Carrier avec la collaboration

de Mi. G. Carrier et E. Martin.

La commission du Congrès a été bien inspirée en mettant à

l'ordre du jour cette question si complexe du délire aigu-LA.

,Carriera- su réunir en un faisceau compact et avec la plus grande**

clarté les différents éléments épars dans la science. L'anatomie

248 SOCIÉTÉS SAVANTES.

pathologique, la bactériologie de cette affection viennent corrobo-

rer d'une façon très nette l'assertion que les faits cliniques ont fait

émettre au rapporteur : que le délire aigu est un syndrome de

1 nature toxi-infectieuse. Son histoire est une des plus confuses de

la pathologie mentale. Avant 1881, les opinions sur la nature de

cette affection furent les plus diverses. Pour Calmeil, Foville,

c'était une inflammation aiguë du cerveau : pour Thulié, de l'ané-

mie cérébrale; pour Lucas, Marie, Lunier, Dagol1et, la forme la

plus grave de l'exaltation maniaque; Baillarger rattachait le délire

aigu à la manie vésanique, à la manie congestive, à la paralysie

générale. Brierre de lioismont le séparait de l'aliénation mentale

et de l'encéphalite, et en faisait une entité mordide.

1 En 1881, la thèse de Briand owre une ère nouvelle dans l'his-

toire du délire àigu. S'appuyant sur l'aspect clinique de cette

affection et sur des recherches anatomiques qui lui permirent

d'isoler des micro organismes, cet auteur rapprocha le délire aigu

Ides affections microbiennes ou toxi-infectieuses. Depuis cette

'époque, les travaux publiés sur cette affection établissent que l'on

doit considérer sa nature infectieuse comme confirmée. Krafft-

1'îbing, en 1888, place le délire aigu dans les maladies avec lé-ions

* à côté des intoxications. Kraepelin, en 1889, le place à côté du

\ délire toxique et fébrile, et en 1898 dans les états toxi-infectieux.

D'autre part, les travaux récents en pathologie mentale établissent

l'existence de troubles mentaux particuliers accompagnant les

infections et les intoxications. Ces troubles sont constitués par la

confusion mentale décrite d'abord par Delasiauve, puis par Chaslin,

Séglas, Régis. Ces données ont précisé la conception que l'on se

faisait du delire aigu et permettent de l'envisager comme un syn-

drome dû à des phénomènes toxi-infectieux.

Clinique. - Tableau filmique. Le délire aigu peut être primi-

tif, il se manifeste alors spontanément, ou secondaire à une psy-

chose préexistante. Il ne se développe jamais que chez des sujets

dont le système nerveux a été affaibli soit héréditairement, soit

par suite de maladies antérieures.

Période prodromique. - Cette période est plus ou moins longue.

Elle s'accompagne de céphalalgie, d'inappétence, de constipation,

d'embarras gastrique, d'amaigrissement et d'un malaise général

. indéfinissable. Le sommeil est troublé par des rêves terribles, des

, cauchemars effrayants, une agitation inaccoutumée; souvent, l'in-

\ somnie est absolue. Pendant la veille, les sujets ont déjà des hal-

' lucinations terrifiantes; ils éprouvent une irritation croissante,

j une inquiétude continuelle, un besoin incessant de changer de

place, quelquefois ils se plaignent d'une angoisse violente.

P,Ja : i,otc d'élut. Cette période se compose de deux phases de

..clique aiguë. Lasègue en a fixé le caractère en l'appelanl un délire

de rêve, Régis, un délire onirique. On peut expliquer cette forme

SOCIÉTÉS SAVANTES. 249

de délire et l'excitation qui l'accompagne par l'action directe d'un

agent infectieux sur les éléments nerveux qui réagissent en exagé-

rant leur fonction jusqu'à l'épuisement terminal. Les hallucinations,

les illusions, l'hyperesthésie sensorielle et l'agitation motrice peuvent

s'expliquer par l'action d'un poison qui vient troubler le fonction-

nement cellulaire et dont le degré d'activité mesure l'intensité des

réactions fonctionnelles qui en résultent. La fièvre est constante et

offre le type rémittent. Elle a le caractère des fièvres toxi-infec-

tieuses ; elle peut être le résultat soit de l'action directe de l'agent

pathogène ou de ses toxines, dont la virulence mesure son inten-

sité, soit des modifications apportées dans l'élaboration des sécré-

tions internes. L'qccélération du pouls, véritable tachycardie, serait

due aux altérations plus ou moin profondes du pneumogastrique

et des centres bulbaires. Comme dans lés maladies infectieuses, il

y a des modifications de la pression artérielle, dues à l'action de

l'agent toxique sur les vaisseaux. l ? 0t : tW'PlwlÚ..e est un symptôme e

très important d'après le rapporteur, et qui ne manque-presque

jamais. Il serait dû, d'après lui, à l'état défectueux des voies

digestives supérieures, presque toujours observé. On peut ajouter

à cela, d'après Schùle et Krafft-Ebing, l'hyperexcitabilité muscu-

laire dans la première période, la paralysie toxique du pharynx et

du voile du palais dans la seconde période. La constipation est

habituelle. Elle peut être considérée, comme dans les états infec-'

tieux et toxiques, comme une conséquence de l'infection, et vient

ajouter un élément nouveau à l'intoxication préexistante. Il en est

de même de l'insuffisance hépatique et surtout de l'insuffisance

rénale qui peut aller jusqu'àTanurie. Ce qui confirme cette manière

de voir, c'est la débâcle urinaire avec hypertoxicité que l'on

observe dans les cas de guérison et qui coïncide avec l'atténuation

des symptômes morbides. La constipation, l'insuffisance hépa-

tique et l'insuffisance rénale expliquent les phénomènes de dénu-

trition rapide qui vont jusqu'au dernier degré de l'épuisement et de

la consomption.

Le diagnostic du délire aigu, en général facile grâce à s 1

sionomie caractéristique, doit être fait cependant avec deux états :

dâus'1 ôr râ é p`syclngue, avec les$tts mapiaques aigus; dans

l'ordre somatique, avec les états typhoïdes^ Le delirium tremens

est un'delire"aigu"3'origine alcoolique. --

ANATOMIE-PATHOLOGIQUE. - Système nerveux. - L'hyperémie des »

méninges que l'on constate à l'ouverture de la boîte crânienne

avait fait penser à Calmeil et Foville à une périencéphalite. Briand

n'y ajoute pas une telle importance et l'on sait aujourd'hui que

ce n'est qu'une lésion réactionnelle banale. Les auteurs allemands,

et Schüle en particulier, attachent une grande importance à la

stase de la circulation cérébrale amenant l'oedème et la congestion

active du cerveau. Se basant sur cette manière de voir, Schiile

250 SOCIÉTÉS SAVANTES.

décrit trois formes du délire aigu suivant qu'il y a oedème, con-

gestion ou anémie du cerveau. Tous les observateurs après Calmeil

ont retrouvé et décrit la teinte hortensia de certains points de la

substance grise dans différentes régions des hémisphères céré-

braux. Les noyaux centraux peuvent être frappés de la même

. ré'éinégal- : TiII1 ? d'excitation, l'autre de collapsus. ?

1° Phase d'excitation. Le début en est rapide; un jour à peine

- suffit pour qu'elle atteigne son apogée. Les sujets présentent l'as-

pect du type maniaque avec phénomènes de dépression par inter-

valles. Leur physionomie exprime des sentiments divers suivant la

filature des hallucinations; les hallucinations de la vue dominent

très sensiblement. Ils montrent une lcyPénest7césie sensorielle très

'accentuée intéressant tous les sens.

Le trouble mental consiste en un délire général dont l'incohérence

est absolue. C'est un verbiage désordonné, une'sorte'de* rêvasserie

èIÕÏ1L1ë's-sensations indécises externes'ou internes et les hallucina-

tions font les principaux frais. Les malades expriment leur pensée

comme dans un rêve; ils n'articulent parfois que des syllabes qu'ils

répètent sans cesse en les assemblant par assonnance. Leur.5-cris,

leurs vociférations altèrent le timbre de leur voix, qui devient

rauque, enro 'e5-nasillarde ; par moments, ils paraissent tomber

en stupeur. Des symptômes somatiques importants se montrent

dès le début de la période d'excitation ; les plus constants sont la

sitioplaobie et la fièvre. L'embarras gastrique s'accentue rapidement,

les malades maigrissent à vue d'oeil, leur bouche se sèche, les

dents et les lèvres se couvrent de fuliginosités, ce qui donne à

l'aspect général celui des états typhoïdes. Ils refusent toute inges-

tion de solides ou de liquides. ?

La fièvre est un symptôme qui ne manque jamais; elle est irré-

gulière et oscille entre 38°, 39° et 40°. On constate en outre de la

dyspnée et surtout une accélération extrême du pouls (120 à 160).

"Les urines sont rarës;°soùvent albumineuses; on peut constater de

l'anurie. La constipation est habituelle. -

2° Période de collapsus. Au bout de huit à dix jours, si les

phénomènes morbides ne s'atténuent' pas, le collapsus succède à

l'excitation. Le délire et l'agitation cessent; les malades tombent

dans la stupeur ; les troubles trophiques apparaissent avec des sou-

oerbcesauts de tendons, de la carphologie, enfin de la diarrhée. Le

pouls devient miahle , la température monte fi-10 et les

malades meurent dans le coma. Il est très rare que cette,période

dépasse deux jours, le plussouventelle ne dure qu'un jour, parfois

même quelques./heures. Cette terminaison est presque la règle;

cependant il peut y avoir guérison. La rémission commence alors

vers le cinquième ou sixième jour, quelquefois plus, de la période

d'excitation. La terminaison peus.ejaire parla guérison complète

ou le délire aigu n'est que le prélude de l'ijasio7d'une-vésanic : -

. SOCIÉTÉS SAVANTES. 251

D'après le tableau clinique, M. Carrier reconnaît deux formes

au délire aigu : l'une relativement bénigne et curable, rare (deux

observations à l'appui); l'autre très grave et presque' toujours

mortelle. D'après l'aspect elimquele"délire-aigu est une maladie

générale, dans laquelle le délire, s'il en est le symptôme le plus

bruyant, n'est cependant pas celui auquel la maladie doive parti-

culièrement sa gravité. 1

Séméiologie. - Le délire offre le type maniaque ; ses caractères

saillants sont la confusion, les hallucinations, la perte de con-

science. C'est la confusion mentale hallucinatoire de Delasiauve,

Chaslin, Séglas, Régis, que l'ou'retrouve'dansl'intoxication alcoo-

v hyperhémie. Ces lésions sont les seules décrites avec précision jus-

qu'aux-reeherches de Cristiani en 1898. Cet auteur a examiné dans

trois cas de délire aigu l'écorce cérébrale des lobes préfrontaux,

des circonvulutions centrales, l'écorce cérébelleuse, le corps den-

telé, le bulbe, la moelle spinale, les racines antérieures et posté-

rieures, le nerf moteur oculaire commun, le grand hypoglosse, le

sciatique et le médian.. Pour les cellules, il a employé les méthodes

de Nissl et de Golgi ; pour les fibres, les méthodes de Weigert et

de Weigert-Pal, de la nigrosine en solution aqueuse à 1 p. 100,

après durcissement dans le Muller, enfin le carmin aluné. Les cel-

lules nerveuses présentent des altérations constantes et diffuses.

Elles consistent en une chromatolyse qui frappe d'abord la zone

marginale de la cellule puts'se'drffusû-et se généralise. La cellule

est alors décolorée, bleu clair, avec un aspect pulvérulent; les

contours sont bleu pâle, indécis, confus. Le noyauest peu, coloré,

indistinct et orienté vers la périphérie au point juelquefois de faire

hernie et de s'énucléer. Le nucléole est tantôt normal, tantôt déco-

loré. Les prolongements en chromatolyse il leur cône d'origine sont

courts, décolorés, sans division et subdivision, tortueux, atrophiés

ou variqueux, granuleux et segmentés. La cellule peut présenter

aussi de la dégénérescence granuleuse et jaune globulaire (Colucci)

ainsi que les prolongements qui paraissent alors segmentés. Cette

dégénérescence granuleuse ou jaune globulaire est tantôt partielle,

périphérique, basale, peu nucléaire ou siégeant à l'apex, tantôt

diffuse et générale. Beaucoup de cellules finissent ainsi par dispa-

raître sans laisser de traces; aussi rencontre-t-on des tractus de

tissu jaune avec ou sans éléments cellulaires. Les prolongements

nerveux sont moins altérés, ils sont pourtant le siège d'une atro-

phie variqueuse et sont segmentés.

En résumé, comme altérations cellulaires, on rencontre autant

la chromatolyse que la dégénérescence jaune globulaire dans

toutes leurs formes et à toutes leurs phases.

Le corps dei2lelé (lu cei-velet, les noyaumbulbaires, les cellules des.

cOI'l1l ! li.oant¡ ! ¡'ieür- présentenl*les mêmes lésions quélê-cortexcÚé-

bral. Dans les cellules des cornes postérieures on observe seule-

2o2 ri SOCIÉTÉS SAVANTES.

ment la chromatolyse. Le cortrx cérébelleux parait moins altéré;

la chromatolyse y est moins diffuse. La coloration au carmin

aluné permet d'observer de fréquentes dilatations des espaces lym-

phatique, péri-cellulaires. On note aussi une infiltration nucléaire

autour des cellules altérées, et cette infiltration est plus grande

aux endroits où les cellules altérées sont en plus grand nombre

et plus gravement lésées. Les vaisseaux sont gorgés de globules

rouges qui ne sortent jamais des vaisseaux et ne font pas de véri-

tables hémorrhagies. Dans les espaces lymphatiques périvascu-

laires, quelques grains fins de pigments. Les méninges cérébrales et

spinales sont normales, ainsi que la névroglie.

Les fibres nerveuses des écorces cérébrale et cérébelleuse, du

corpslleiiLelë ? sotWto ? e.l1.sg ? tantôt grêletrol2.hiie : i, tautôt

grossies avec des renflements en grains de chapelet, tantôt déco-

lorées, tantôt segmentées, granuleuses. De très nombreuses fibres

sont détruites surtout dans les couches superficielles du cortex

cérébral et cérébelleux. Dans le bulbe, la moelle, les racines spi-

nales et les nerfs, la gaine de myéline est diminuée, réduite à de

fines granulations, elle disparaît parfois. La méthode à la nigro-

sine montre la persistance du cylindre-axe qui apparaît renflé,

estom lé et non plus brillant. Ces altérations ont les caractères des

dégénérescences systématiques.

Le délire aigu, dit Cristiani, apparait comme une maladie géné-

rale du système nerveux. Les méthodes de Nissl et de Golgi met-

tent en évidence un processus de dégénérescence cellulaire primitive.

Les fibres nerveuses sont le siège d'une dégénérescence primitive,

systématique dans la moelle (m. à la nigrosine). L'infiltration

nucléaire (m. au carmin) est un processus secondaire de réaction

contre les lésions cellulaires . Les vaisseaux et la névrogliese mon-

trent normaux, ce qui ne serait pas, si le processus inflammatoire

était primitif. La forme initiale des lésions cellulaires est en pleine

harmonie avec l'origine infectieuse et toxique du délire aigu,

d'après les recherches anatomiques et expérimentales de Mari-

nesco. La marche des lésions histologiques répond à l'évolution

clinique. Au premier temps, envahissement des éléments nerveux

qui réagissent en donnant la phase d'excitation; au deuxième

temps, la destruction progressive de l'élément nerveux donne la

phase de collapsus.

Coeu1' et vaisseaux. - Briand indique une coloration spéciale de

la tunique externe de l'aorte ordinairement au niveau de la grande

courbure. Cette altération, d'après M. Carrier, ne serait pas d'ori-

gine inflammatoire, mais d'origine cadavérique et due au décubi-

tus. Ceni a trouvé dans une de ses autopsies une endocardite végé-

tante au niveau des sigmoïdes aortiques. Pas d'altération du

muscle cardiaque.

Tube digestif. - Les auteurs ont signalé de la congestion de la

SOCIÉTÉS SAVANTES. 253

muqueuse intestinale, des ulcérations, des altérations des voies

digestives supérieures. Le fuie présente de la dégénérescence

graisseuse, et une atrophie pigmentaire dla cellule hépatique. La

rate quelques foyers de nécrobiose; les reins des altérations du

glomérule et des tuhes. (Cappelletti). I<'urstner a signalé des lésions

musculaires sembl ? Les à.celJesque-l'ou rencontre dans les mala-

dies infectieuse.. (Dégénérescence cireuse [vitreuse]).

Bactéiuologie. - Les premières recherches remontent à 1881 ;

Briand signala la présence de microorganismes en quantité consi-

dérable dans l'urine des malades. Leur forme était celle de petits

bâtonnets et de corpuscules punctiformes. L'examen du sang lu

révéla aussi la diminution des globules rouges et la présence de

bactéries. Rezzonico en 1884, décrivit dans un cas de délire

aigu des embolië"s*"de ? microcoques dans les vaisseaux du cer-

veau. Pour pilzka, le délire aigu est une auto-intoxication produite

par les ptornaïnes ou autres substances toxiques provenant de

l'altération des échanges matériels.

En 1n93, Bianchi i <iLt ? CC ! n i n o examinèrent le sang de deux ma-

lades morts de délire aigu. Les ensemencements de ce sang don-

nèrent des cultures où ils trouvèrent des bacilles disposés en

chaîne formant de longs filaments. Le sang d'animaux (chien-lapin)

inoculés avec ces cultures reproduisit les mêmes cultures. Ils

retrouvèrent ces bacilles dans les différents organes (poumons,

dure- mère). Ils montrèrent que c'était un microorganisme

autonome se rapprochant morphologiquement des bacilles du

charbon et du bacUlus subtilis. Iu 1894, les mêmes auteurs admet-

tent qu'on ne trouve pas dans tous les cas de délire aigu le bacille

qu'ils ont décrit. Dans sept observations qu'ils rapportent, ils trou-

vent dans quatre cas le streptocoque pyo; : ène, dans deux cas, le

staphylocoque doré, et its"en*concrSnt'qu'0[i*doit différencier de

toutes les autres Informe . de délire aigu (delirio acuto bacillare),

dans laquelle on retrouve dans le sari,, et les centres nerveux le

bacille particulier qu'ils ont décrit. Rasori en 1893, dans un cas

de délire ailu trouve dans le liquide céphato-ractndien un bacille

petit, à extrémité arrondie, plus large que long et différent du

bacille de Bianchi. Potts, i\1.II'linoltl, Cabitto, ne retrouvèrent pas

dans leurs recherches le bacille de blanchi, mais des microorga-

nismes cllm muns. Ceni, en 1897, trouva constamment dans plusieurs

cas de délire aiim le staphylocoque pyogène blanc et jamais le

bacilie de Blanchi et Piccinino. Il conclut de ses recherches que, si

l'on duit admettre le délire aigu bacillaire de Bianchi, l'etiologie

n'est pas unique, que les différents microorganismes rencoutiés

dans le délire aigu ne ree8ènt1'11r : qu'une ilJreclionSëcoudaire-

d'origine intësiuatë'probabiè'et'qu'rts ne'peuvent avoir de'valeur

étiologique dans la forme morbide en question.

Kolzowsky (1898) signala deux cas de délire aigu d'origine sta-

254 SOCIÉTÉS SAVANTES.

phylococcique; l'infection aurait eu son point de départ au niveau

d'ulcérations intestinales. Le Dr Audemard, en 1898, a rapporté

quatre observations, sous la rubrique de cérébro-typhus à forme

de délire aigu, et qui seraient des délires [aigus d'origine' éber-

thienne. -

Les recherches de Cappelleti, en 1899, viennent confirmer celles

de Ceni et Kotzowsky. Dans trois cas de délire aigu, il ne put trou-

ver le bacille de Bianchi, mais il isola le staphylocoque pyogène

aureus et albus et le b : ictérium coli ? Pour cet auteur, ~il*s'agit de-

bâcilles êntl'és"dans la circulation à la dernière période de la mala-

die. La possibilité de cette émigration a été admise par Ceni,

Charrin, Roger, Bouchard et Sanarelli. Les recherches de Wurtz,

Achard et Phulpln7Xoca.rtÍ,r Porcher, confirment cette opinion. En

J..6.illl...pour répondre aux différents auteurs qui sont venus contre-

dire leurs assertion-, Bianchi et Picc ? 1\'UJ : l.p.ublièI'ent un troisième

mémoire dans lequel IIsTS'onnent trois observations nouvelles.

Dans deux cas mortels, ils trouvèrent leur bacille, dans un cas

moins grave des cocci communs, enfin dans un autre cas'leurs

recherches furent négatives. Ils concluent que leurs recherches

confirment les conclusions de leurs deux premiers mémoires. Ils

en déduisent qu'il existe une forme cocciquc du délire aigu outre

Informe bacillaire. De ces différentes recherches bactériologiques,

il résulte ce fait d'une importance capitale : c'est que le délire aigu

est une manifestation clinique toxi-infectieuse. Les recherches

bactériologiques ne prouvent qu'une chose : c'est que les symp-

tônJes complexes du délire aigu peuvent^être provoqués par diffé-

rente germes pathogènes; diantre part, il est à croire' que la

gravité*du'"pronostic n'est pas seulement due à la prédisposition

uévropathique plus ou moins grande, mais encore à la variabilité

des agents microbiens, ayant tous une action éminemment infect

tieuse ou tc £ iqe,ou bien une action mixte.

Aperçu P,\Ti ! ÕG¡'NIQUE. Le déliré aigü ëst subordonné à trois

ordres de conditions pathogéniques essentielles : la prédisposition

névropathique, l'épuisement. nerveux, occasionnel et la toxi-infec-

Lion., Le mécanisme de l'infection et de l'intoxication qrü'pèôdûisent

le délire aiu peut s'expliquer ainsi : les causes effectives et déter-

minantes de ce syndrome, dit M. Carrier, mais dans lesquelles

nous comprenons les maladies infectieuses antérieures, aussi bien

que la prédisposition névropathique nécessaire, ont déterminé

dans l'organisme un état de réceptivité pathologique particulier,

en agissant surtout sur les glandes à sécrétion interne qui ont pour

mission d'offrir normalement une barrière infranchissable aux £

agents infectieux. Si, du fait de cette action, cette barrière n'existe

plus ou est devenue insuffisante, l'organisme est envahi par des

toxines qui jouent le principal rôle dans la genèse du syndrome

délire aigu. D'autre part, la diminution des sécrétions résultant de

SOCIÉTÉS SAVANTES. 255

la fièvre et de l'infection empêchant la libre élimination des

toxines, détermine des auto-intoxications secondaires venant se

surajouter à l'intoxication primitive d'origine microbienne ou autre.

Cette opinion permet d'expliquerla variabilité des microbes, aussi

bien que la production des auto-intoxications résultant ]des insuf-

fisances hépatique ét rénale. La conception de la nature toxi-infec-

tieuse du délire aigu entraîne à elle seule des indications spéciales

qui dominent toute sa thérapeutique. Puisqu'il y a infection, il faut

s'opposer à l'évolution des microbes pathogènes et puisqu'il y a

intoxication, il faut favoriser l'élimination des toxines nocives.

L'auteur conclut que : 1° le délire aigu est un syndrome de

nature toxi-infectieuse. Ce n'est Rasune..tnaladie une, ce n'est pas

une entité morbide au sens nosologique du mot, parce qu'il dépend

essentiellement d'infections et d'intoxications diverses; 2° il a son

point de départ daus'1 âltécâtïbn primitivé dés éléments nerveux

par l'agent pathogène et, par suite, intéresse l'organisme tout

entier en permettant la production d'auto-intoxications secondaires

qui constituent toute la gravité de la maladie; 3° des recherches

nouvelles sont à poursuivre pour déterminer lanature s.divers

. agents infectieux qui peuvent le produire, et pour expliquer le

mécàniW1ëéiëëë"tte . toxi-in fectio Ii.

M. Régis. Il résulte du remarquable rapport de M. A. Carrier

que la clinique, l'anatomie pathologique, la bactériologie, sont

d'accord pour établir que le délire aigu est un état de nature

toxique. Il me semble que c'est encore la clinique qui apporte le

meilleur élément de preuves de cette assertion.

Les psychoses toxiques, comme je le disais dans les Archives de

neuroloi/ie de janvier 1899, ont en effet une symptomatologie spé-

ciale qu'il est impossible de méconnaître. '

Les principaux symptômes qui les caractérisent généralement

sont : au point de vue physique : la céphalalgie, les attaques hysté-

riformes ou épileptiformes, les états cataleptiformes ou catato-

niques, les troubles des réflexes, l'inégalité pupillaire, le tremble-

ment généralisé, l'altération de la parole, les troubles des

fonctions organiques (gastro-intestinale, circulatoire, respiratoire).

des sécrétions et des excrétions, de la nutrition générale, de la

température (hyperthermie), l'aspect général ; au point de vue

psychique : la confusion mentale avec torpeur ou agitation, le

délire onirique ou de rêve, les idées fixes post-oniriques, enfin

l'amnésie.

Dans le délire aigu, on rencontre précisément tous ces symp-

tômes, je voudrais insister sur certains d'entre eux, à savoir : la

céphalalgie, les troubles des fonctions organiques, la confusion

mentale, le délire onirique, l'amnésie (céphalée). Il est exceptionnel

de voir la céphalalgie chez les vésaniques, or, elle ne manque jamais

dans les délires toxiques. C'est un symptôme constant de la

256 SOCIÉTÉS SAVANTES.

période prémonitoire et qui persiste encore dans la période d'état.

Elle s'observe dans le délire aigu, comme en témoigne la première

observation du rapport de M. Carrier.

J'ai pu en observer moi-même plusieurs cas personnels. On peut

voir de même dans la période prémonitoire du délire aigu des

attaques hystéri formes ou épilp.ptifo1'1nes. Audemard a cité plusieurs

'faits de ce genre.- L'inégalité pupillaire s'observe également, mais

avec cette particularité qu'elle est extrêmement mobile et variable,

pouvant paraître et disparaître plusieurs fois dans la même

journée.

On rencontre souvent aussi un tremblement généralisé intéressant

la langue, fait qui détermide une parole tremblée et bredouillée

qui peut donner au malade le cachet d'un paralytique général.

Les troubles des fonctions organiques sont très importants dans

les délires toxiques et particulièrement dans le délire aigu. Ils

peuvent s'accompagner, comme l'a fort bien signalé 11. Carrier, de

troubles circulatoires et respiratoires. Les urines sont très dimi-

nuées, leur taux peut descendre au-dessous d'un litre, en même

temps qu'elles sont altérées dans leurs éléments normaux (hyper-

acidité, hyperazoturie, etc...) et qu'elles contiennent des éléments

anormaux : de l'albumine en petite quantité, beaucoup d'indican,

de l'urobiline, de l'acétone, etc...

Lorsque la convalescence survient, on assiste à une véritable

crise~urinaire au sujet de laquelle les rapporteurs ont bien fait il

d'insister.

La température est toujours très élevée, mais dans la conva-

lescence qui peut être longue, on observe parfois de l'hypother-

mie. Quant aux symptômes psychiques : la confusion mentale est

de règle, parfois elle peut être marquée par l'agitation extrême et

le délire que présentent les malades.

Ce délire a tous les caractères du délire onirique, du rêve. Il est

fréquent de constater des idées fixes post-oniriques, à savoir

qu'une idée délirante fixe persiste chez le malade, alors qu'il est

ast i evenu à la raison.

- L'Am sie est un symptôme qui existe exceptionnellement dans

les vesanies. Les maniaques, lorsqu'ils reviennent à eux se rap-

pellent de ce qu'ils ont fait, quelquefois avec des détails remar-

quables. Or, dans le délire aigu, on observe une amnésie totale ou

partielle. permanente, définitive, ou au contraire passagère;

tantôt elle est rétrograde et porte sur l'accès qui vient de se pas-

ser, tantôt elle est antérograde. En somme, la clinique nous

permet bien d'affirmer que le délire aigu est un délire toxique.

Mais il ne semble pas que le délire aigu soit, comme l'ont sou-

tenu Biancchi et Piccinino, une infection bacillaire spéciale, soit

même la manifestation psychopathique d'une intoxication ou

d'une infection déterminée.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 357 1

Cliniquement, il ne diffère pas en effet, sauf par le degré d'in-

tensité et d'acuité, des autres -délires toxic[ues : ,anat61-ni-ùêïÎïênt,

il offre ièS1 ? n-s-"de méningo-encéphalite, de dégénérescence des

cellules nerveuses communes à la plupart des intoxications, bac-

tériologiquement enfin, on y peut trouver non seulement le

bacille de Biancchi et Piccinino mais encore d'autres espèces

microbiennes tels que le streptocoque, le staphylocoque, ou même

encore, on peut n'y trouver aucun microorganisme.

Dans deux cas récents que j'ai pu observer, il a été trouvé, dans

le premier (thèse Delmas) des streptocoques peu virulents qui dis-

parurent au moment de l'amélioration; dans le second, où l'expé-

rimentation fut faite par mon ami le D' Férié, des staphylocoques -

blancs sans autres espèces microbiennes. Mais je n'ai jamais -,

retrouvé le bacille de Biancchi et Piccinino. Le délire aigu nous

apparaît donc comme un délire d'origine toxique susceptible de '

survenir, dans des conditions étiologiques favorables, dans la

plupart des toxi-infections; on, peut, en effet, l'observer dans les I

exo-intoxications, telles que l'alcoolisme, dans les auto-intoxica- 1

tions telles que la coprostase et l'urémie, dans les infections et i

toxi-infections, telles que fièvre typhoïde, grippe, et aussi la rage, I

le paludisme, l'inanition, l'insolation, etc..., sans qu'il soit possible |

de lui reconnaître dans chaque cas des différences nosologiques

appréciables. Je dois signaler spécialement le délire aigu qui, par

le fait d'une toxi-infection, survient à titre de complication dans

une vésanie préexistante. L'intérêt du fait réside non dans la

physionomie du délire aigu, qui reste la même, mais dans son

influence tantôt aggravante, mais souvent aussi favorable sur la

vésanie alors même que celle-ci est ancienne et pour ainsi dire

chronique. Il y a là un exemple de l'action dérivative exercée par

les processus infectieux sur un organisme malade, action qui' est

devenue le point de départ de la méthode de traitement de la

folie par des infections provoquées, préconisées ces derniers temps

en Allemagne par Wagner, von Jauregg, par Boeck, Ernst.

Au sujet du traitement du délire aigu, je dirai d'abord, afin de

s'abstenir de placer dans les asiles des délires aigus masquant une

lièvre typhoïde ou une pneumonie, qu'il faut savoir attendre et \

s'abstenir autant que possible de recourir à l'internement de ces `s

malades dont la place est dans les hôpitaux et non dans les t

asiles. On pourrait aussi côté des médications antiseptiques et

reconstituantes, telles que les grandes injections de sérum artifi-

ciel, pratiquer dans le traitement du délire aigu, la ponction

lombaire qui permettrait de provoquer une décompression favo-

rable des centres nerveux, en même temps qu'elle rendrait pas-'

sible l'examen cytologique du liquide céphalo-rachidien. Enfin, je

suis heureux d'avoir vu Antonio Marro, en 1898, recommander le

lavage de l'estomac, ce qui confirme l'excellence de cette méthode

Akchives, 2' série, t. XII. 17 î

258 SOCIÉTÉS SAVANTES.

de traitement que j'ai préconisée dans la thérapeutique des mala-

dies mentales et dont M. S. Maleit a montré, en 1882, l'efficacité

dans un cas de délire aigu.

M. BRIAND. Les temps sont changés depuis le jour où, pour la

première fois, j'ai établi et cherché à démontrer l'origine infec-

tieuse du délire aigu, dit sans lésion. En effet, s'il y a vingt ans,

cette opinion, envisagée avec défiance n'était considérée que

comme une hypothèse, on peut affirmer qu'elle est aujourd'hui

acceptée par tous les auteurs dont les travaux font autorité. Le

très savant rapport de MM. A. Carrier, G. Carrier et A. Martin

apporte aujourd'hui la consécration officielle de la doctrine que je

m'efforce d'établir depuis plusieurs années.

Est-ce à dire, pour cela, qu'on doive considérer le délire aigu

comme une affection spécifique caractérisée par l'envahissement

d'un organisme nettement déterminé et toujours identique à lui-

même ? Je ne crois pas qu'on soit autorisé à formuler une sem-

blable conclusion, bien que j'aie été le premier à signaler la pré-

sence d'un bacille dans le sang de certains délirants aigus. Pour

soutenir cette opinion, il faudrait apporter la preuve expérimentale

que le bacille inoculé produit le délire aigu. Or, dans aucune des

expériences que j'ai tentées sur l'animal, je ne suis arrivé à obte-

nir un état maladif qu'on puisse scientifiquement comparer au

délire aigu.

J'ai aussi suivi avec le plus grand intérêt les travaux de Bianchi

et de ses élèves sur le même sujet, sans me résoudre à considérer

comme démontré l'identification du microbe isolé depuis par le

savant professeur de Naples.

La .question de la spécifité du délire aigu doit donc rester posée,

car il serait d'une part ou prématuré de conclure par l'affirmative

ou d'autre part, présomptueux de clôturer le débat par une fin de

non-recevoir.

Il est un point que j'admets sans réserve : c'est que le syndrome

délire aigu peut être provoqué par des bacilles pathogènes très

divers et même par des auto-infections non bacillaires.

. Le délire aigu vrai est difficile à caractériser par ce trait qui lui

boit propre : l'ensemble des phénomènes observés et l'ordre de

leur succession permettent seuls de donner une idée de ce qu'on

toit entendre par délire aigu. Si l'on tient un compte rigoureux,

Ne la marche de la maladie et de son aspect cliniqne, on s'expose

à considérer comme du délire aigu vrai toute manifestation fébrile

survenue dans le cours de la manie simple. Cette confusion a déjà

été cause de débats aussi stériles que si chaque auteur eùt parlé

une langue différente.

, Les délirants aigus se présentent sous un aspect très différent de

celui des maniaques simples. Ils se distinguent surtout de ces der-

niers par la frayeur qui caractérise toutes leurs réactions. Ils sont

SOCIÉTÉS SAVANTES. 259

en proie à une élévation de température que n'explique aucune

localisation organique ; leur agitation ne fait que s'accroître avec

la fièvre qu'ils supportent d'abord allègrement, alors que celle-ci

calme souvent un accès de manie.

Chez le maniaque, l'incohérence est plus apparente que réelle.

Elle tient à ce que la parole du maniaque ne pouvant suivre d'as-

sez près une idéation trop rapide, n'exprime pas assez vite la

pensée. Dans le délire aigu, véritable chaos sensoriel, rappelant un

peu le délire vigile des fébricitants, la parole sollicitée de divers

côtés par la multiplicité des hallucinations de tous les sens,

exprime des idées heurtées qui, arrivant par des chemins diffé-

rents, sont étrangères les unes aux autres.

Dans la manie, le cinématographe tourne trop vite ; dans le

délire aigu, la pellicule a été impressionnée par des objets dispa-

rates. L'agitation, qui est plus violente dans le délire aigu, est tou-

jours accompagnée de frayeurs. '

Le délirant aigu refuse les aliments, va, vient, se précipite au

hasard de ses hallucinations, toujours terrifiantes. Comme l'hydro-

phobe, il souffre, d'hyperesthésies sensorielles qui lui font fuir la

lumière et sursauter au moindre bruit. Sa peau devient aride, son

visage amaigri exprime la terreur, la parole s'embarrasse, la langue

s'ulcère parfois, devient fuligineuse, le pharynx se dessèche; la

température dépasse 40. Parfois l'albumine se montre en petite

quantité dans l'urine souvent rare. La constipation est opiniâtre.

L'excitation est 'à son apogée. Bientôt le malade fait preuve

d'une indifférence peu en harmonie avec la gravité de son état et

qui est un signe précurseur de la mort prochaine. 11 tombe ensuite

dans le collapsus, sa température baisse parfois au-dessous de la

normale, la diarrhée apparaît, les extrémités se cyanosent, et le

malade succombe dans le marasme.

On ne peut nier que ce tableau ne se rapproche ''de celui

qu'offrent tous les états infectieux. Est-ce à dire pour cela, que la

toxi-infection soit due à un microbe particulier ? Evidemment non.

S'il est une entité morbide nettement définie, c'est la peumonie,

et cependant il est admis aujourd'hui qu'elle peut être produite

par d'autres agents pathogènes que le peumocoque. Délire aigu et V

pneumonie ne sont que le mode de réaction de l'organe infecté. \

La pathologie générale donne à penser que si tout syndrome

observé n'est pas absolument indépendant de la nature de la toxi-

infection, qui en a provoqué l'apparition, il est bien plus la consé-

quence de la localisation de la toxine dans tel ou tel organe que

de la nature de celle-ci. L'alcool, l'éther, le pétrole, la cocaïne,

etc., provoquent chez l'homme des manifestations délirantes sinon

absoiument semblables et en tous cas très comparables les unes

aux autres. C'est ce qui explique qu'on ait comparé le délire aigu

au délire fébrile, à l'urémie, au delirium tremens, la rage.

260 SOCIÉTÉS SAVANTES.

En ce qui concerne la place que doit occuper le- délire aigu dans

le cadre neurologique des maladies mentales, trois courants se

partagent l'opinion : les uns le considèrent comme une entité

morbide avec ou sans lésions nettement définies, pour les autres,

il n'est que le syndrome d'une maladie inflammatoire du cerveau,

pour d'autres enfin, c'est un épiphénomène ou un accident surve-

nant dans le cours d'une vésanie.

Tout le monde est cependant d'accord, en France comme à

l'étranger, pour rapporter aux auteurs français la découverte, les

remières descriptions du délire aigu et la conception de sa patho-

génie infectieuse.

Délire aigu à début paranoïaque.

M. HOUIJIXOWITCH (Paris). - Au point de vue de l'évolution cli-

nique, il est intéressant de signaler la possibilité assez rare de voir

débuter le délire aigu pccr une phase à forme paranoïaque. J'ai eu l'occa-

sion d'observer, en 1898, une jeune femme de trente-deux ans atteinte

pendant l'allaitement, de septicémie consécutive à un gros abcès

du sein. Les troubles mentaux initiaux ont consisté, après une

insomnie de plusieurs nuits, en un délire à apparence systéma-

tisée.-La malade se croyait poursuivie pour ses opinions politiques

et religieuses; elle avait des illusions et des hallucinations visuelles,

auditives et tactiles qui se rattachaient nettement à ce délire de

persécution, auquel sont venues se joindre des idées de grandeur :

on la poursuivait parce qu'elle était riche, parce qu'elle portait un

nom célèbre. Pendant trois jours on crut assister à une de ces

bouffées délirantes d'emblée, à apparence systématique, qui ont

été décrites chez des déséquilibrés, en France par Magnan et ses

élèves, en Allemagne par un grand nombre d'auteurs, sous le nom

de paranoïa aiguë. Mais au bout du troisième jour, le délire aigu

prit sa forme ordinaire de confusion, et six jours après la malade

mourut. Tous les autres symptômes psychiques et physiques

étaient ceux indiqués par les honorables rapporteurs.

Il semble donc que le délire aigu peut débuter parfois par un

syndrome d'aspect systématisé de courte durée. Dans le cas par-

ticulier, il s'agissait d'une femme à tares arthritiques. Elle était

obèse. De plus, à l'âge de dix-sept ans, il l'occasion de la mens-

truation, la malade avait déjà présenté un accès de troubles psy-

chiques d'une durée de trois semaines, caractérisé par une exalta-

tion maniaque avec préoccupations mystiques et métaphysiques,

suivie d'une phase dépressive avec abattement.

Le terrain était donc préparé par l'arthritisme et l'affection psy-

chique antérieure. Peut-être ces antécédents expliquent-ils, jusqu'à

un certain point, la raison de l'apparition du délire systématisé

comme prélude au délire aigu.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 261 1

M. Marchand. On ne trouva dans les observations du délire

aigu aucun symptôme constant. L'agitation, la dépression, les

hallucinations, l'hyperesthésie sensorielle, la fièvre sont dissem-

blables. L'évolution, la pathogénie, l'étiologie, sont également

différentes suivant les cas. En outre, les délires décrits dans les

maladies toxi-infectieuses, dans la pneumonie, dans les fièvres

éruptives, le rhumatisme articulaire aigu, la granulie, dans les

septicémies ressemblent aux divers tableaux que l'on a donnés

sous le nom de délire aigu. Si on considère maintenant les lésions

que l'on rencontre dans le système nerveux des malades morts de

délire aigu, on est encore frappé de la ressemblance des lésions.

A ce sujet, l'auteur présente des coupes provenant du système

nerveux d'une malade morte de broncho-pneumonie avec délire.

On ne peut pas trouver dans l'examen des coupes de caractères

différentiels entre les lésions du système nerveux d'un malade

mort à la suite d'un délire apparu dans le cours d'une maladie

aiguë toxi-infectieuse et celle du système nerveux d'un sujet mort

de délire aigu proprement dit.

M. Crocq. - Le délire aigu 'est très variable, non seulement

dans ses manifestations symptomatiques, mais aussi dans ses

lésions anatomiques. On peut à la fois rencontrer des lésions

inflammatoires et des lésions toxiques ou seulement une seule

variété de ces lésions. Il est vrai, comme il a pu l'observer dans

les myélites, que les lésions toxiques peuvent se transformer en

lésions inflammatoires. Il insiste sur ce fait que l'on peut voir de

graves lésions cellulaires et analogues à celles signalées dans le

rapport de M. Carrier, sans que cliniquement, il y ait eu de phé-

nomènes délirants, de même que l'on a pu voir cliniquement des

délires sans pouvoir constater aucune lésion des cellules nerveuses.

M. BRIAND. - M. Roubinowitch a insisté avec raison sur la pré-

disposition névropathique que l'on rencontre chez les sujets atteints

de délire aigu. Cette prédisposition dans le' cas de délire aigu est

d'après lui actionnée surtout par le surmenage, la vie agitée, etc.

Quant à la diversité des symptômes signalés par M. Marchand, je

répondrai qu'elle est plus apparente que réelle. De plus, il est

évident que souvent on a pris pour des délires aigus des cas qui

n'étaient pas justiciables de ce diagnostic.

M. GILBERT-B2.LLET. - Il faut, en effet, bien préciser ce que l'on

entend cliniquement par délire aigu, et ne pas le confondre avec

les délires toxiques, toxi-infectieux, ou septicémiques qui s'en rap-

prochent beaucoup. Je ne peux croire que M. Crocq a voulu

opposer les lésions inflammatoires, aux lésions toxiques, dans le

délire aigu, car qu'il survienne ou non une poussée inflammatoire,

c'est toujours de l'infection. Evidemment, il peut y avoir beaucoup

de délire et peu de lésions de chromatolyse cellulaire, et inverse-

262 SOCIÉTÉS SAVANTES.

ment des lésions et peu de délire. On peut avoir un délire intense

sans lésions chromatolytiques, mais à condition que ce délire soit

transitoire. Il ne peut croire qu'avec des lésions très marquées des

cellules très nerveuses, on ne puisse constater cliniquement aucun

trouble nerveux.

M. FAURE. Comme l'a fort bien mis en relief M. Carrier dans

son rapport, la cellule nerveuse est lésée primitivement dans le

délire aigu, par le processus toxique, mais il s'étonne de la fré-

quence avec laquelle on a pu trouver, et si facilement, des bacilles

dans le sang, l'écorce cérébrale, le liquide céphalo-rachidien des

délirants aigus. Dans différentes infections, il a recherché les

microbes dans le cerveau, et sur près de 200 observations, il n'a

jamais pu en trouver. Les seuls microbes qu'il a trouvés étaient

dus à la putréfaction.

M. Crocq répond à M. Ballet qu'il n'a pas voulu opposer les

lésions d'inflammation à celles d'infection.

M. AItNAULT insiste sur la physionomie douloureuse et souffrante

que présentent les délirants aigus. Elle a une grande importance

pour le diagnostic et on la trouve non seulement dans la période

prémonitoire, mais aussi dans la période d'état. On dirait des

maniaques par leur extrême agitation, et cependant leurs paroles,

le sens des idées que l'on peut surprendre, les feraient prendre

pour des mélancoliques. Ils peuvent du reste avoir des idées de

suicide. '

M. le professeur BRISSAUD, qui présidait cette séance, résume très

.heureusement la discussion et la séance est levée..

, Le punch.

- Le corps médical de Limoges offrait, le soir du le, août,

aux congressistes, un punch, qui avait lieu dans l'immense

salle du Grand Continental.

Tous les docteurs venus à Limoges à l'occasion du Con-

grès, M. Edgar Monteil, préfet de la Haute-Vienne, et une

vingtaine de 'dames, avaient accepté l'invitation aimable-

ment faite par le sympathique docteur Delotte, au nom de

ses confrères. Au champagne, M. le docteur DELOTTE, pro-

fesseur à l'Ecole de Médecine, a pris la parole en ces termes :

Mesdames, Messieurs les congressistes, il est déjà trop tard pour

vous adresser des paroles de bienvenue. Ce matin, M. le maire de

la ville de Limoges, M. le directeur de l'école de médecine, vous

ont ouvert solennellement les portes de notre vieille cité. Votre

.président, le docteur Ballet, et M. le délégué du ministre de l'ins-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 263

truction publique ont répondu dans des termes élogieux et d'une

remarquable éloquence.

Il devait en être ainsi, votre présence et la présence au milieu de

vous de maîtres éminents prouve assez l'importance de la branche

scientifique dans laquelle se développent vos efforts et se multi-

plient vos travaux.

Ce soir, c'est avec plus de simplicité, de familiarité et, le dirai-

je, avec un peu de cette camaraderie, dont l'esprit n'abandonne

jamais le médecin au cours de sa vie professionnelle, que vos col-

lègues de la Haute-Vienne ont désiré vous recevoir.

Si nous n'avons pas tous l'entrain de la jeunesse, comme au

temps de nos études, nous possédons la franche et bonne humeur,

qualité bien française et qui convient surtout à la réunion pré-

sente.

Les dames ont bien voulu répondre à notre invitation; elles

donnent un attrait spécial à cette fête, elles sèment, dans l'assem-

blée, des teintes de fraîche nuance et nous offrent, avec leur esprit

particulier, la grâce inhérente à leur sexe.

Messieurs les médecins de Limoges, le corps médical du Limou-

sin vous remercient de nouveau d'avoir fait choix de leur ville

pour y tenir vos séances. C'est pour eux un grand honneur. à enre-

gistrer.

Permettez-moi de lever mon verre à notre président, le Dr Gil-

bert Ballet, à nos anciens maîtres et camarades que j'aperçois

parmi vous et à vous tous. Je tiens aussi à remercier M. le préfet

d'avoir honoré de sa présence notre fête de famille.

M. le D'' Ballet, en quelques mots, a répondu que dans

toutes les réceptions faites d'ordinaire aux congressistes au

cours de leurs pérégrinations annuelles, il n'en était pas de

plus agréables que celles organisées par le corps médical des

villes où s'arrêtait le Congrès.

M. G. Ballet a dit tout le plaisir qu'il éprouvait person-

nellement à se retrouver au milieu d'anciens camarades et

même d'anciens élèves. Puis, très spirituellement, se retran-

chant derrière sa qualité de Limousin, reçu par des compa-

triotes, il a cédé la parole à son confrère et ami, M. le

Dr Brissaud.

Le distingué professeur, bien -que pris au dépourvu et

Limousin lui-même le berceau de sa famille est en effet à

Saint-Benoît-du-Sault a prononcé une fort intéressante

allocution au cours de laquelle il a remercié les docteurs de

Limoges d'un accueil qui laissera dans les coeurs une impres-

.sion ineffaçable. Et par une transition toute naturelle, il a

264 .SOCIÉTÉS SAVANTES.

évoqué le souvenir de Cruveilhier et de Dupuytren, deux

grands neurologistes, a-t-il dit, dont il a salué la mémoire.

En terminant, il a rappelé le souvenir du gentilhomme

limousin qui autrefois se rendait à Paris pour* voir le docte

corps médical. Aujourd'hui, les rôles sont intervertis, ce

sont les docteurs parisiens qui viennent à Limoges.

M. le professeur Brissaud remercie donc ses gentils con-

frères du Limousin et souhaite à leur école les succès dont

elle a déjà donné de si nombreux exemples. De chaleureux

applaudissements ont salué ce toast.

M. le Dr Door;souT, dépouillant à son tour son caractère

officiel de secrétaire général du Congrès, s'est rappelé qu'au-

trefois étudiant, il aimait la charge et cette réminiscence

nous a valu un certain nombre de vers libres, sorte de revue

dans laquelle ont défilé tous nos docteurs de Limoges.

M. le D' CHARDONNiER a dit'enfin une de ces patoiseries

improvisées dont il a le secret et qui sont si goûtées de nos

concitoyens. Le punch était terminé vers onze heures et

demie.. , ,

Séance du vendredi malin 2 août, à Sai21l-Piiest-Ttiz( ? ,ion.

Présidence de M. G. Ballet

A 8 heures du matin les congressistes sont partis de la

place Jourdan et se sont rendus en voitures à Saint-Priest-

Taurion en remontant la rive droite de la Vienne qui offre

une succession de points de vue des plus pittoresques. Saint-

Priest, au confluent du Taurion et de la Vienne, est l'une des

contrées les plus fréquentées par les habitants de Limoges ;

elle le mérite par ses sites aussi variés qu'agréables. La

séance a été ouverte à 10 heures dans la salle d'école mise à

la disposition des congressistes. Le Maire, ancien condis-

ciple de M. Gilbert Ballet, a prononcé une charmante allo-

cution dans laquelle il a fait, en termes pleins d'humour,

l'éloge mérité du président du Congrès. Après d'unanimes

et chaleureux applaudissements les communications ont eu

lieu dans l'ordre suivant :

Des hémol'l'hagies de la peau et des muqueuses pendant et après les

accès d'épilepsie et de leur analogie avec les stigmates des exta-

tiques.

M. BOURNEVILLE. Quelques auteurs ont signalé des hémorrha-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 265

gies de la peau immédiatement après l'accès épileptique. Tels sont

Herpin, Kaposi, Apert, Gowers, etc. Elles consistent en un poin-

tillé hémorrhagique, confluent, semblable à des piqûres de puce

et constituant une variété de purpura. Bien que nous ayons vu un

grand nombre d'épileptiques, hommes et femmes, adultes et

enfants, nous n'avons que par exception observé cette complica-

tion de l'accès. -

Dans un seul cas, celui de Van den P..., l'éruption était généra-

lisée. Les photographies que nous vous présentons en donnent

une idée, mais non la représentation exacte. Le 14 août 1897, il a

un accès d'intensité moyenne, à la suite duquel il se produit rapi-

dement une éruption composée de petites taches occupant la face,

le tronc et les membres. L'étendue des téguments occupée par

elles paraît au moins égale à l'étendue de'la peau restée normale.

Les plus grandes taches ont à peine les dimensions d'une petite

lentille. Elles ont une coloration rouge, pourprée, ne disparaissent

pas par la pression. Leur maximum de confluence est au niveau

des chevilles et des poignets. Il existe un léger oedème des pau-

pières et des malléoles. 11 ne s'est produit aucune hémorrhagie des

muqueuses. Le 17 août, l'éruption est très atténuée ; le pointillé et

les taches sont jaunâtres, l'oedème a disparu. Elle s'efface complè-

tement au bout de deux ou trois jours. Il n'y a eu aucun symp-

tôme général, les urines ne contenaient ni sucre ni albumine.

Le plus souvent l'éruption est localisée au front, aux paupières,

à la partie voisine des tempes, au cou, d'une apophyse mastoïde

à l'autre ; elle s'étend parfois un peu au-dessus et au-dessous des

clavicules. L'éruption a cessé en quelques jours, 10 ou 12 maximum.

Les accès auxquels elle a succédé n'ont point paru plus violents

que d'ordinaire. Les accès survenus pendant l'éruption ne semblent

pas la modifier. Le père de l'une de nos malades, Cast..., nous a

affirmé avoir eu à 17 ou 18 ans un purpura tout à fait comparable,

comme aspect, siège et marche, à celui de sa fille, consécutivement

à une violente colère (purpura émotif). !

Nous rapprocherons de ces cas les hémorrhagies de la conjonctive

oculaire formant de véritables ecchymoses, siégeant soit dans l'angle

interne, soit dans l'angle externe des yeux. Celles-ci, au contraire

des précédentes, c'est-à-dire du purpura, sont assez communes et

peuvent faire penser aux personnes non prévenues que dans l'accès

il y a eu un traumatisme grave de la base du crâne.

Chez une jeune épileptique, Gir..., atteinte d'une kérato-conjonc-

tivite aiguë, nous avons remarqué que, dans lés accès survenus au

cours de l'affection oculaire, la vascularisation de la conjonctive

oculaire augmentait considérablement, au point de faire craindre

un épanchement sanguin, avec ecchymose.

Les épileptiques qui tombent en avant se blessent le visage :

contusions avec ou sans plaie, éraflures, excoriations ; il y a intérêt

266 .SOCIÉTÉS SAVANTES.

à noter ce qui se passe, durant des accès ultérieurs, au niveau des

plaies superficielles.

Un de nos malades, Ennemond X... appartient à cette catégorie.

Le 16 juillet, il se fait une éraflure du nez. Le 16, dans un.accès

très léger, à la période congestive, le sang a coulé de l'éraflure,

-formant une sorte de traînée le long du nez. Chez le même malade,

auparavant, dans un grand accès, ce n'est pas quelques gouttes de

sang que nous avons vues sous l'influence de. la congestion de la

face ; le sang a giclé d'une excoriation antérieure. Z>

Ces faits nous ont fait penser aux phénomènes qui se produisent

chez certains mystiques, les stigmatisées. Leur esprit est absolu-

.ment concentré sur le siège des plaies du Christ : front, mains,

pieds, côté. Elles voudraient les voir saigner. D'où aussi, volon-

tairement ou non, des attouchements, des frictions au niveau de

ces régions, voire même des excoriations, en tout cas une dimi-

nution de la résistance de la peau et, finalement, au cours de

l'attaque extatique, l'écoulement sanguin si ardemment désiré. Il

s'opère de la même façon que l'épanchement de sang sous la con-

jonctive, que le suintement ou le giclage du sang d'une éraflure

ou d'une excoriation au cours des accès épileptiques.

M. CROco (de Bruxelles), a pu observer un malade analogue aux

cas signalés par M. Bourneville. Il s'agit d'un épileptique, qui après

les crises présentait des taches purpuriques sur le front, et qui en

outre a présenté des hématuries qui firent penser à une tumeur

de la vessie. Ces hémorrhagies post-critiques disparurent après

l'administration de perchlorure de fer.

M. DOUTRF,13ErÇTE (de Blois) demande à M. Bourneville si ses ma-

lades n'étaient pas hémophiles. Pour sa part, il a pu observer des

hémorrhagies diverses après les crises épilepliques, mais chez des

sujets hémophiles. ' 4

M. BOURNEVILLE. - Les épileptiques chez lesquels il a pu observer

les faits signalés n'étaient non seulement pas hémophiles, mais

jouissaient d'un état général parfait : De plus le purpura qu'ils

ont présenté, est un purpura spécial. /

, Ecriture en miroir. -

M. Meige (de Paris). Lorsque l'on écrit des deux mains en

même temps en faisant abstraction de l'image visuelle du mot que

l'on veut écrire, chacun écrit spontanément de la main gauche en

écriture en miroir. Si l'on écrit de la main gauche seule, les carac-

tères de l'écriture droite reviennent souvent au milieu de ceux qui

constituent l'écriture en miroir. Cette écriture en miroir de la

;main gauche est pour ainsi dire physiologique, et en s'exerçant

, un peu on arrive à écrire couramment. L'éducation du centre pour

.SOCIÉTÉS SAVANTES. 267 Î

l'écriture droite fait en même temps celle de l'autre côté pour

'l'écriture en miroir.

L'auteur conclut de ces faits à l'application pratique suivante.

Les individus privés accidentellement, à la suite d'une fracture du

bras droit, par exemple, de leur écriture normale pourraient

employer l'écriture en miroir qu'ils possèdent de leur main gauche

et après un court exercice, arriveraient aussi à écrire facilement.

M. G1LBGRT-B.1LL6T confirme les conclusions de M. Meige, il insiste

sur ce fait que les individus qui écrivent en copiant les images

visuelles arrivent très difficilement à écrire de leur main gauche

en écriture en miroir, et ils arriveraient assez facilement à écrire

de leur main gauche en écriture droite normale.

M. Meige reconnaît, en effet, que pour écrire de la maiu gauche

en miroir, il est indispensable de faire abstraction des images

visuelles, il ne faut pouvoir ne pas copier le mot ou les lettres. Il

fait remarquer en outre, que lorsqu'on écrit des deux mains, alors

l'écriture de la main gauche est en miroir, le caractère typogra-

phique de 1 écriture ordinaire de la main droite change complète-

ment.

Psychose )o-ope)'a<0 ! ')'e.

M. DEVAY (de Lyon). La question des rapports entre l'acte

opératoire et le développement des troubles psychiques a été dis-

'cutée au Congrès d'Angers, après un rapport de M. Rayneau, qui

n'admet pas l'existence d'un type spécial que l'on puisse étiqueter

de psychose post-opératoire. Contrairement à cette opinion admise

par la plupart des aliénistes M. Régis, en se basant sur des obser-

vations personnelles, décrit un type clinique qui est le suivant : un

fond de confusion mentale sur lequel se greffe un état délirant

onirique constitué par des associations automatiques et hallucina- ,

tions d'images et de souvenirs antérieurs. L'observation que je

rapporte rentre dans ce cadre clinique. '

V..., 24 ans, cultivateur, ne présente dans ses antécédents héré-

ditaires ou personnels aucune affection nerveuse ou mentale, ni

syphilis, ni alcoolisme. Porteur d'un kyste dermoïde du sourcil,

il demande à en être débarrassé.

Il est chloroformisé le 14 septembre. La dissection du kyste très

adhérent à l'os, a été laborieuse, et l'opération a duré une

vingtaine de minutes environ. Au réveil chloroformique, l'opéré a

pleuré longuement. Questionné sur le motif de ses pleurs, il

répondit qu'il n'avait rien. Cette particularité fixa l'attention du

chirurgien. La réunion par première' intention fut tentée sans

succès, il y eut un léger mouvement fébrile. A partir du 22 sep-

tembre, le malade fut pris de nostalgie, manifestant le désir de

quitter l'hôpital. Son état mental alla en s'aggravant jusqu'au

268 ' SOCIÉTÉS SAVANTES.

29 septembre; il était caractérisé par des idées mélancoliques,

des, hallucinations de la vue et de l'ouïe, et des impulsions homi-

cides. L'état délirant apparaissait surtout la nuit. Rentré dans sa

famille, il manifeste des idées de persécution. Il est interné

8 jours après sa sortie de l'hôpital. Depuis son entrée, il a pré-

senté un état mental caractérisé par de la confusion mentale, des

idées de persécution, des alternatives de calme et d'excitation, et

des accès impulsifs. En somme, je note immédiatement après

l'opération un trouble mental passager, puis, le huitième jour,

un véritable accès mélancolique, suivi quelques jours après d'un

état hallucinatoire, nocturne surtout. La psychose' est établie

lli jours après l'opération. 1

M. Régis fait remarquer que depuis le rapport de M. Rayneau

au Congrès de Toulouse, il a observé de nouveaux cas de psy-

choses post-opératoires qui rentrent absolument dans le cadre des

délires toxiques. 1

11 a expliqué par cette pathogénie le délire qui suit très fré-

quemment l'opération de la cataracte chez les vieillards artério-

scléreux qui plus que tout autre, sont exposés à l'auto-intoxi-

cation.

La lécithine dans la thérapeutique des affections du système

nerveux.

M. P. HARTENBERG (de Paris). - Depuis quatre années. M. Har-

tenberg a expérimenté la lécithine dans le traitement des affections

du système nerveux. Le produit est retiré du jaune d'oeuf, conserve

dans une solution de chlorure de sodium, et employé en injections

hypodermiques. Sur 24 malades ainsi traités, il y avait 1 tabes,

1 paralysie générale, 4 psychoses, 6 tics, obsessions, phobies, etc.,

qui ont tous été améliorés; puis 8 neurasthéniques, dont ont

été guéris et 3 améliorés; enfin 6 hystériques, dont ont été

- guéris et 1 amélioré. De l'ensemble de ces expériences, M. Harten-

berg tire les conclusions suivantes :

1° La lécithine est toujours inoffensive ;

2° On peut l'employer, sans inconvénients, en injections hypo-

dermiques, à doses assez élevées, telles que 1 gramme par jour;

3" Dans les affections du système nerveux, son action thérapeu-

tique paraît porter beaucoup plus sur la nutrition générale que

sur le tissu nerveux en particulier : c'est seulement en relevant

l'état général du malade que la lécithine améliore l'état nerveux.

Elle ne saurait donc être considérée comme un médicament spéci-

fique du système nerveux.

Voeu concernant les employés des asiles.

M. le Dr Doutrebente présente une pétition signée par 15 com-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 269

mis et employés de 39 asiles d'aliénés qui sollicitent un avis

favorable de leurs supérieurs hiérarchiques présents au Congrès

de Limoges. Dans cette pétition, ces modestes employés, qui tra-

vaillent sans avenir et sans possibilité d'améliorer leur situation,

réclament qu'à l'avenir les emplois d'économe et de receveur qui

deviendraient vacants leur soient attribués au lieu d'être donnés,

comme cela arrive le plus souvent, à des personnes étrangères au

personnel administratif de ces établissements. Le D' Doutrebente

estime que les directeurs-médecins ne doivent pas rester indiffé-

rents au choix de ces fonctionnaires et que, d'ailleurs, ainsi qu'il

résulte d'une décision du Ministre de l'Intérieur, en date du 5 dé-

cembre 1843, ils ont un droit de présentation au Préfet, concur-

remment avec la commission de surveillance.

Le voeu de M. Doutrebente est adopté.

Un membre du Congrès fait remarquer qu'il serait bon d'émettre

un voeu analogue pour les médecins en chef qui devraient toujours

fournir les directeurs : ce ne serait que justice. ,

La séance est levée à midi.

Séance du vendredi 2 août (soir) à Saint-Priesl-Taurion

' Présidence DE M. Gilbert Ballet.

Tumeur cérébelleuse et épilepsie.

M. L. Marchand. - Les cas de tumeurs du cervelet non diagnos-

tiquées sont rares; cependant l'observation suivante est intéres-

sante par ce fait que malgré la grosseur de la tumeur et sa

situation bulboprotubérantielle, le seul symptôme relevé était la

présence de crises revêtant les caractères des accès épileptiques.

11 s'agit d'un homme, sans antécédents héréditaires et personnels,

qui a une première crise d'épilepsie à l'âge de 30 ans. Pendant

plusieurs années, les accès sont très rares. Il meurt à l'âge de

38 ans, après avoir présenté une série d'accès convulsifs suivis de

délire violent. A l'autopsie, on trouve une tumeur cérébelleuse,

de la grosseur d'une noix développée au niveau du lobule du

pneumo-gastrique et qui comprime le bulbe et la protubérance.

L'examen histologique montre qu'on est en présence d'un sar-

come à petites cellules fusiformes, et qu'il ne contient que des

traces de glycogène. La glycogenèse étant une des fonctions les

plus constantes des cellules en voie de multiplication, on peut en

conclure que le néoplasme a dû croître lentement et mettre de

nombreuses années pour atteindre son volume.

Ceci s'accorde avec ce fait que l'épilepsie n'a eu lieu que huit

ans avant la mort et explique pourquoi les nerfs voisins de la

tumeur ont pu être repoussés lentement par elle sans donner lieu

au syndrome décrit dernièrement, par M. Babinski.

270 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Deux cas de torticolis mental chez des aliénées, observations

relatives au traitement de cette affection.

M. Etienne MARTIN (de Lyon). Le premier cas est relatif à un

dégénéré atteint de délire mélancolique avec idées hypochon-

driaques. 3 mois après le début de son affection, et sous l'influence

de ses idées délirantes, le malade fut pris de contracture avec

spasmes des muscles du cou. La tête était abaissée, portée sur

l'épaule gauche, et lorsqu'on lui adressait la parole, à l'aide de la

main, il pouvait remettre sa tête en position normale. Dès que

celle-ci était privée du secours illusoire de cette main, elle retom-

bait dans l'attitude première. La psychose évoluait ainsi depuis

un an et demi. Le traitement opiacé et l'hydrothérapie n'avaient

fourni 'aucuns résultats. Les phénomènes de contracture légère

s'étaient développés au niveau des membres. A ce moment le trai-

tement indiqué par M. le professeur Brissaud pour le torticolis

mental est institué. Le malade est soumis à des séances de gym-

nastique, de massage et d'électricité, à la rééducation du système

musculaire par la suggestion à l'aide du mouvement. On constata

d'abord une amélioration très rapide des symptômes soma-

tiques énumérés, l'état psychique ne tarda pas à être modifié.

Néanmoins, il a fallu prolonger pendant plus d'un an le traite-

ment pour arriver à une guérison qui, depuis 4 mois nous parait

définitive. M. Martin fait remarquer que dans les observation ? de

torticolis mental publiées jusqu'à présent, l'état mental, ne parait

pas aussi modifié et aussi profondément atteint que dans le cas

qu'il vient de présenter. Il s'agit de dégénérés dont le déséqui-

libre n'est que peu apparent et dont l'affection semble en entier

constituée par le torticolis dont ils sont porteurs. Chez ces malades,

la suggestion par le mouvement est beaucoup plus facile à

entreprendre que chez des délirants absorbés par leur délire. Une

autre difficulté se présente lorsque l'état d'affaiblissement du

sujet est tel qu'il est impossible de capter sa confiance et d'agir

sur sa volonté. L'autre malade observé par M, Martin est dans ce

cas. Il s'agit d'un dégénéré interné depuis plusieurs années et

atteint d'imbécillité. Toute tentative de rééducation musculaire a

dû être abandonnée dans ce dernier cas.

En somme, le traitement du torticolis mental par l'éducation des

mouvements n'est pas applicable dans tous les cas et on aura

d'autant plus de chance de réussir que l'affection physique dépen-

dra d'un état mental moins atteint. La prolongation du traite-

ment médical doit- être en tous cas poursuivie avec la plus

grande patience. Toute intervention chirurgicale doit être

rejetée quelle que soit l'intensité du spasme, comme absolument

inutile.

M. MEIGE est très heureux de voir M. Martin confirmer les

SOCIÉTÉS SAVANTES. ' , 271 1

idées de son maître, M. le professeur Brissaud, reprises par lui

dans plusieurs travaux, en collaboration avec M. Feindel. Le

torticolis mental est en effet curable dans- la grande majorité des

cas et les insuccès sont souvent dus à la trop courte durée dut i

traitement. C'est une affection qui n'apparaît que chez des dégé-

nérés, tant au point de vue physique que mental, qui ne présentent

pas de graves troubles mentaux mais qui cependant frisent la

vésanie. Chez le malade présenté par M. Martin, les contractures

siégeant au niveau du tronc et des membres inférieurs sont des

contractures d'attitude que M. Meige n'hésite pas à assimiler aux

tics. Le torticolis mental ne serait qu'une variété de cette affec-

tion et l'état mental des malades atteints de torticolis mentaux.

rentre dans l'étude de l'état mental des tiqueurs. Comme l'a dit .

M. Martin, il est bon de rappeler que le traitement de ces

malades doit être prolongé pendant longtemps avant d'obtenir un

succès.

M. BRISSAUD fait remarquer que non seulement dans le torticolis

mental, mais que dans beaucoup d'affections du système ner-

veux, l'influence de la gymnastique et de la rééducation des mou-

vements amène dans l'état mental des modifications salutaires. Il

a toujours constaté que l'amélioration physique précédait l'amé-

lioration des symptômes mentaux.

M. Briand. - J'ai observé plusieurs cas de ce qu'on appelle le

torticolis mental et dont M. le professeur. Brissaud a donné une; J

magistrale description. Je le considère comme un stigmate de

dégénérescence mentale. En effet, si .l'on se donne la peine de

fouiller dans l'hérédité et dans la vie des malades qui en sont

atteints,.on trouve toujours une hérédité névropathique plus ou-

moins chargée et une foule de bizarreries de caractère, et souvent

des phobies plus ou moins accusées. Un jeune homme, que j'ai

suivi pendant plusieurs années, avait été lrappé de torticolis men-

tal à la suite d'une chute de bicyclette. Il ne présentait aucun signe

d'hystérie. Cet état durait depuis deux ans sans amélioration

lorsque je le vis pour la première fois. Comme il se préparait à

une école du gouvernement, j'utilisai le désir qu'il avait d'être

admis, faisant l'éducation de sa volonté et des suggestions à l'état

de veille et en employant les moyens habituels, j'obtins une gué-

rison qui était complète au moment où il se présentait à- son

école. Bientôt le torticolis était remplacé par un tic de l'épaule

avec tiraillement de la bouche et clignements de l'oeil' du même

côté. A l'approche des vacances annuelles, le tic disparut et le tor-

ticolis reparut sous une influence banale. Les vacances furent uti-

lisées au traitement du torticolis qui, disparaissant encore à la ren-

trée de l'école, lut de nouveau remplacé par le tic de l'épaule. Il

en fut .de même à plusieurs reprises, et, chaque fois, l'intervalle

de guérison séparant. la période de torticolis de celle du tic aug-[

272 SOCIÉTÉS SAVANTES.

mentait de durée. Le malade finit par guérir complètement, mais

il reste ce qu'il était avant, un craintif et un obsédé.

Les malades affectés de torticolis mental sont souvent des neu-

rasthéniques, J'en connais un autre présentant' du torticolis alter-

nant avec une sorte d'astasie-abasie que je qualifierais volontiers

de paraplégie mentale incomplète.

Le malade qui en est atteint ne voyage jamais sans une paire de

béquilles et une minerve dont il se sert pendant ses crises pour

assurer sa marche ou redresser sa tête. Il n'a aucun stigmate

d'hystérie, mais il reste un neurasthénique avéré entre chaque

période. Le père était un névropathe, un de ses frères est faible

d'esprit, l'autre, neurasthénique, et la soeur mélancolique hypo-

chondriaque.

Le torticolis mental peut se montrer sous des influences très

diverses : j'en ai observé un cas à la suite d'anthrax de la nuque;

certains tics ont une cause analogue, une simple blépharite a pu

donner lieu à un tic des paupières, un faux-col mal ajusté a déter-

miné un tic de l'épaule.

Quelques aliénés, ayant des hallucinations unilatérales de

l'ouïe, portent la tête inclinée d'une certaine façon simulant le

torticolis. Je connais un vieux délirant qui, s'imaginant être trans-

formé en horloge, balançait les bras avec la régularité d'un pen-

dule et indiquait les heures d'un son rauque, véritable tic rythmé

des organes phonateurs.

Torticolis mental et tics divers ne sont donc que l'apanage de

la dégénérescence mentale. Ils sont de nature essentiellement

récidivante. Ils peuvent se montrer simultanément ou se remplacer

chez le même individu. On doit en outre les considérer comme un

stigmate plutôt psychique que physique de la dégénérescence.

L'état mental de ceux qui en sont porteurs est celui des dégénérés.

M. Lannois (de Lyon) rapporte un cas de torticolis mental chez

une jeune fille et dont la cause déterminante était un papillome

situé sur le bout du nez et qui fut guéri de son torticolis après

l'ablation de la petite tumeur.

M. MEIGE. -- C'est en effet souvent une cause de ce genre qui

détermine le torticolis mental, aussi bien que les tics. Comme l'a

dit M. Briand il est fréquent de voir récidiver le torticolis mental.

Mais ces récidives sont de courte durée et facilement curables par

la même suggestion. De plus le torticolis mental s'accompagne

parfois de tics de l'épaule et du bras qui sont moins facilement

curables que le torticolis.

M. Martin ajoute que son malade présentait en même temps que

son torticolis un tic de la face qu'il a présenté aussi plusieurs réci-

dives de son torticolis qui ont été de courte durée et que, comme

le dit M. le professeur Brissaud, il a bien pu remarquer que l'amé-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 273

lioration de l'état mental a été précédée de l'amélioration de l'état

physique.

M. Briand met en relief le caractère des troubles psychiques des

malades atteints de torticolis mental.

M. Meige insiste sur les troubles mentaux chez ies dégénérés

atteints de torticolis mental. Il assimile cet état psychique à l'état

mental des liqueurs. Tous ces malades ont une instabilité psychique

remarquable, une versalité extrême dans les idées, en même temps

qu'ils offrent un certain degré d'incohérence dans leurs actes.

C'est sur cet, état mental bien particulier que viennent se greffer

des délires quels qu'ils soient, mais ce sont très souvent des dégé-

nérés supérieurs.

M. DUPRÉ rappelle que c'est à M. Magnan que l'on doit la descrip-

tion de l'état particulier des dégénérés. Quelques membres rap-

pellent les travaux de Morel, de Lucas, etc.

Paralysie générale juvénile.

M. Devay. - La paralysie générale survenant chez les jeunes

sujets longtemps méconnue, n'est plus contestée. Depuis la pre-

mière observation de M. Régis, une centaine de cas ont été publiés.

l'apporte deux cas nouveaux, dont voici le résumé :

Ous. I. - P.... dix-neuf ans, manoeuvre, entre le 30 décembre

1897. Dans les antécédents héréditaires il faut citer l'alcoolisme et

la syphilis du père. Pneumonie à cinq ans. Développement normal

jusqu'à dix-sept ans. A dix-sept ans, première manifestation de

l'affection, qui est méconnue : il commet des vols sans importance,

dont il ne tirait aucun bénéfice. Il est condamné à la prison. La

même année, en 1895, il est mordu par un chien enragé et envoyé

à l'Institut Pasteur, où il subit pendant vingt jours les injections

de sérum. Un mois après la cessation du traitement il accuse des

douleurs intestinales et de la faiblesse dans les jambes, l'intelli-

gence subit une baisse progressive. D'ouvrier intelligent, il devient

un manoeuvre.

En décembre 1897, il entre dans le service de M. le professeur

Lépine, qui l'envoie à l'Asile avec le diagnostic de paralysie géné-

rale.

A l'entrée, étal mental. On constate des .lacunes dans la mé-

moire surtout des faits récents, une diminution marquée de l'intel-

ligence, et du délire de persécution intermittent, il croit qu'on le

vole. Etat physique. - Tremblement fébrillaire des lèvres, des

muscles de la face, de la langue, des extrémités digitales. Inégalité

pupillaire. A droite et en mydriase difforme, ne réagit ni à la

lumière, ni a l'accomodation. Parole ânonnée. Ecriture tremblée.

Faiblesse dans les jambes. Marche difficile. Réflexes rotuliens exa-

illiCIIIIES, 2e série, t. XII. 18

274 4 SOCIÉTÉS SAVANTES.

gérés. Quelques secousses de trépidation épileptoide. Pas d'atro-

phie musculaire. Diminution de la force musculaire. Depuis cette

époque, aucune modification ne s'est produite. Alternatives de

calme et de dépression et quelquefois bouffées délirantes et idées

de persécution. C'est un dément qui s'occupe le plus souvent, mais

à un travail toujours le même.

Cas. II. B..., vingt ans, célibataire, sans profession Antécé-

dents héréditaires nuls.

Antécédents personnels. - A trois ans, lésion tuberculeuse de

l'articulation tibio-tarsienne qui dure trois ans - et qui laisse de

l'atrophie du membre gauche - Education facile - bonne mé-

moire. A quatorze ans, tuberculose pulmonaire avec hémoptysie.

A quinze ans, en même temps que le début de l'amélioration de la

phtisie, apparition de troubles de l'intelligence. Diminution de

l'attention, accès de colère sans cause, idées mégolomaniaques,

veut réussir dans le dessin et n'arrive déjà pas à faire une ligne

droite. Les phénomènes intellectuels se sont aggravés depuis cette

époque. A vingt ans, à son entrée, voici l'état physique et mental :

Tremblement fébrillaire de la langue, des lèvres, des extrémités

digitales. Parole lente, ànonnée. Inégalité pupillaire. Troubles de

l'écriture. Léger nystagmus, exagération des réflexes rotuliens.

Affaiblissement intellectuel, trouble de la mémoire, délire de satis-

- faction. Accès impulsifs fréquents : crises de larmes ou de gémis-

sements. Mort à la suite d'une poussée aiguë de tuberculose.

Ces deux observations, différentes par leur étiologie, dans

l'une, la syphilis héréditaire doit être mise en cause; dans l'autre,

l'infection tuberculeuse, agent causal exceptionnel dans la paraly-

sie générale. Elles se rapprochent l'une de l'autre par la forme

démentielle habituellement notée dans la paralysie générale juvé-

nile.

M. Régis. La paralysie générale juvénile,- quoique rare, est

plus fréqnente qu'on ne le croyait autrefois.

Il insiste sur ce que ces malades ne présentent pas de délire,

mais le plus souvent s'effondrent lentement dans une démence

tranquille. ,11 fait remarquer à M. Devay que certains de ces ma-

lades sont un peu trop âgés pour être des P. G. juvéniles et que

l'on devrait n'employer ce terme que pour les paralytiques âgés de

moins de vingt ans. D'autre part la P. G. juvénile est bien plutôt

le résultat de la syphilis héréditaire que de la syphilis ac-

quise.

M. Marchand insiste sur ce fait que la forme démente d'emblée

est de beaucoup la plus fréquente dans la P. G. juvénile.

M. DEVAY a signalé ce cas surtout parce que ses malades ayant

contracté la syphilis étant jeunes, sont devenus de très bonne

heure après leur infection syphilitique des paralytiques généraux.

SOCIÉTÉS SAVANTES. , 275

1\11\1.. B.\LLET et Brissaud sont persuadés en effet que la paralysie

générale, les affections parasyphiliques, de même que les manifes-

tations syphilitiques tertiaires, semblent avoir une tendance à appa-

raitre plus tôt qu'autrefois à la suite de l'infection syphilitique.

Recherches expérimentales et cliniques sur l'hédonal, hynoptique

du groupe des uréthanes. '

MM. Roubinowitch et Philippet (Paris). - D'une part, des expé-

riences faites au laboratoire de pathologie expérimentale du pro-

fesseur Chantemesse, à la faculté de médecine de Paris, et, d'autre

part, des recherches cliniques poursuivies dans le service du

Dr Landrieux, à Lariboisière, nous ont amenés aux 'constatations

suivantes :

1° En ce qui concerne son action physiologique : a) L'hédonal

détermine, aussitôt après l'absorption une hyperthermie de deux à

cinq dixièmes de degré; puis, après une période stationnaire, il

produit, au contraire, une hypothermie de deux à trois dixièmes

de degré, toujours par rapport à la température primitive. Nous

croyons que ce fait n'a pas été signalé jusqu'à présent. Il mérite

d'autant plus d'attirer l'attention que l'hydrate de chloral, auquel

on le compare, abaisse toujours la température, soit immédiate-

ment après l'absorption, soit au réveil.

b) L'hédonal a, relativement au chloral, très peu d'action sur la

respiration et la pression sanguine ^pour ralentir la première et

diminuer la seconde, il faut employer des doses environ dix fois

plus fortes du nouvel hynoptique que si on se servait du chloral.

c) La toxicité mortelle de l'hédonal semble être de un gramme

par kilogramme d'animal ; mais il faut tenir grand compte du

mode d'introduction du médicament dans l'organisme, c'est ainsi

que nous avons pu, sans déterminer la mort faire à un chien de

9 kilogs, une injection intra-musculaire de 2 gr. 66 par kilogramme,

soit 2 grammes d'hédonal en solution huileuse.

d) L'hédonal augmente le taux de l'urée.

2° En ce qui concerne son action hynoptique. a) L'hédonal, quand

il endort, le fait assez rapidement, en moyenne une heure et demie

ou deux heures après l'absorption,[sans phase préalable d'agitation.

Le sommeil produit est calme, il n'est pas de très longue durée,

au maximum quatre heures, du moins à la dose de un ou deux

grammes; le réveil ne s'accompagne d'aucun malaise.

b) L'action de l'hédonal est plus sûre contre l'insomnie des affec-

tions dans lesquelles n'entrent pas d'éléments mentaux ; ainsi, un

rhumatisant aigu, un tuberculeux, un choréique, untabétique ont

profité de l'action hynoptique de ce médicament, tandis que de

tous les aliénés soumis à son action (délirant chronique, hydochon-

driaque, mélancolique, circulaire) un seul (persécuté hystérique)

a eu, grâce à l'hédonal, quelques nuits de sommeil.

276 G BIBLIOGRAPHIE.

En somme, nous avons dans l'hédonal un hypnotique inoffensif.

A dose égale, il paraît moins actif que le chloral et le sulfonal. Mais,

à cause même de sa faible toxicité, la comparaison ne devrait pas

se faire à dose égale, et des expériences ultérieures plus hardies

donneraient, sans doute, des résultats plus probants.

Beaucoup de congressistes n'étaient pas sans une certaine

inquiétude, au départ, au sujet des séances projetées à Saint-

Priest, comme on le voit elles ont été bien remplies. Après la

séance de l'après-midi, les congressistes se sont rendus à

Saint-Martin et ont fait une promenade des plus attrayantes

sur la rive gauche du Taurion, bordé de magnifiques paysages

qui ont fait l'admiration de tous. (A suivre.)

BIBLIOGRAPHIE.

IX. Thèses DE la Faculté DE MÉDECINE DE Bordeaux SUR les maladies

mentales ET nerveuses (1899-1900) ; par le Dr L. de PERRY.

1. L'Équitation, ses effets physiologiques, psychiques et pédago-

giques ; par le Dr A. Monteilh.

L'auteur, par une étude approfondie de la question, est arrivé

à prouver que l'équitation a une grande influence sur l'organisme

sain. Cet exercice peut avoir une influence utile pour combattre

certains états morbides : quelques affections nerveuses trouve-

raient en elle un adjuvant puissant de la thérapeutique ordinaire.

2. Les dégénérés hystériques au point de vue médico-légal ;

par le D' Pureau.

Les dégénérés hystériques sont la plupart du temps bénéficiaires

d'ordonnances de non-lieu' en raison de leur trouble mental et

envoyés dans un asile d'aliénés. De la sorte la société n'est qu'in-

suffisammént protégée vis-à-vis de ces individus particulièrement

dangereux. De l'asile ils sortent facilement en raison de leur luci-

dité ; de la prison ils sortent trop tôt par suite de la diminution de

pénalité dont ils ont bénéficié. Pour sauvegarder la société, vrai-

ment, efficacement, le mieux serait de les placer dans les asiles-

BIBLIOGRAPHIE. 277 Î

prisons, en soumettant leur sortie aux formalités prévues par la

future loi sur les aliénés. En attendant il serait à désirer que ces

individus ne puissent sortir des asiles que sur avis conforme et

motivé du parquet, prononcé après un nouvel examen médico-

légal. ,

3. Contribution à l'étude de la dépendance des paralytiques géné-

raux; par le Dl' Philippe RICARD.

Reprenant les travaux du De Régis, l'auteur étudie dans une

cinquantaine de cas la question importante de la descendance des

paralytiques généraux. Cette descendance se caractérise par les

particularités suivantes : 1° Multiplicité dès fausses-couches et

mort-naissances ; fréquence, chez les survivants, des stigmates dys-

trophiques de l'hérédo-syphilis. Rareté relative, chez eux, de la

folie proprement dite, des vésanies.

Ces caractères distinguent donc la descendance des paralytiques

généraux de la descendance des vésaniques et de la descendance

des alcooliques. lis la rapprochent au contraire entièrement de la

descendance des syphilitiques.

Ces résultats constituent un argument irréfutable en faveur du

rôle prépondérant joué par la syphilis dans la production de la

paralysie générale : en même temps ils accentuent la différence

nosologique qui la sépare de la folie proprement dite.

4. Nouvelles recherches sur l'Étiologie de la paralysie générale; par

le or Gaston BoYER.

L'Etiologie de la paralysie générale offre un intérêt considérable

tant au point de vue scientifique qu'au point de vue plus utilitaire,

en aidant à diriger le traitement de la maladie par une thérapeu-

tique appropriée, ou en indiquant la prophylaxie de la maladie

initiale.

De l'avis de tous les auteurs, la syphilis est une cause principale

de la paralysie générale qui apparait de préférence chez des indi-

vidus prédisposés par l'hérédité nerveuse ou congestive. La syphi-

lis, en effet, se retrouve presque constamment dans les antécé-

dents des époux paralytiques. Elle débute le plus souvent chez le

mari, qui a été le premier contaminé. Quand la femme a été la

première syphilisée, c'est elle qui, de préférence, devient première

paralytique.

La syphilis est si bien la cause de la paralysie générale qu'elle

peut produire cette dernière chez des individus contaminés d'une

manière indirecte ou par voie extra-génitale. Dans ce cas, la para-

lysie apparaît dans les limites de temps ordinaires, qui sont de

quelques années après l'infection, quel que soit l'âge du sujet.

Elle peut, par exemple, se développer chez des enfants ou des

278 S . BIBLIOGRAPHIE.

jeunes gens syphilisés en bas âge, bien qu'elle ne soit pas une ma-

ladie de l'enfance. L'auteur fait suivre cette étude de quelques

considérations sur le traitement de la syphilis traitement spé-

cifique habituel et sur la prophylaxie de la syphilis.

tp. Céphalées et intoxications ; par le Dr André Boutes, ancien

, interne des hôpitaux.

La céphalée n'a pas de caractères essentiels suivant l'intoxication

qui lui donne naissance. Il y a avant tout des céphalalgiques et

non des céphalées. La modalité de la céphalée ne dépend pas

directement du poison qui l'engendre, mais de la réaction qu'il il

provoque sur un système nerveux à impressionnabilité différente,

selon les individus. - '

Parmi les intoxications primitives, causes de la céphalée, il faut

distinguer : 1° des intoxications spéciales systématiques (intoxica-

tions gastro-intestinales, rénales, hépatiques, etc.) ; 2° des intoxi-

cations générales (diathèse, surmenage, etc.). Parmi les intoxica-

tions secondaires, il faut considérer celles qui sont secondaires à

des infections (aiguës ou chroniques), et celles qui sont secon-

daires à des poisons exogènes (oxyde de carbone, alcool, etc.).

L'étude des symptômes, l'analyse du chimisme humoral orga-

nique pourront préciser la source toxique. Dès lors, la thérapeu-

tique de la céphalée dans ces états deviendra une thérapeutique

pathogénétique et non plus empirique.

' 6. Contribution à l'Étude du délire des Inventions; par le

Dr Albert DELARRAS.

Entre l'inventeur normal et l'inventeur malade existe une tran-

sition pour ainsi dire insensible. Il y a là une véritable frontière

où vivent des individus intelligents mais déjà porteurs d'une tare

et qu'on ne peut classer ni parmi les fous ni parmi les raison-

nables.

M. Delarras divise son étude en trois parties : : 1° l'obsession patho-

logique des inventions est une idée fixe, automatique, irrésistible,

qui en s'imposant à l'autorité des malades entraine une lutte qui

ne fait qu'accentuer l'angoisse; 2° l'idée fixe est inconsciente et

n'est plus reconnue par le malade comme fausse et pathologique;

3° le délire des inventions est l'ensemble des conceptions délirantes

ayant pour objet l'invention. Ce délire qui forme un tout bien net,

bien complet, se rencontre presque exclusivement chez les dégé-

nérés. Le délire envahit toutes les idées du malade et se traduit

par des actes en rapport avec les conceptions délirantes. Le malade

peut devenir dangereux par ses vols ou ses crimes.

L'hérédité, soit névropathique, soit alcoolique, est la principale

bibliographie. : 2ï9

cause prédisposante. Les phénomènes d'intoxication alcoolique

constituent la principale cause occasionnelle.

M. Delarras s'arrête au diagnostic du délire des inventions qui

peut souvent être assez difficile; puis après avoir dit un mot du

pronostic dont la gravité varie selon l'étiologie et les circonstances,

il signale comme seul moyen thérapeutique sérieux l'internement.

Enfin pour terminer son étude, l'auteur aborde la délicate question

médico-légale soulevée par le délire des inventions.

7. Le pavillon de l'oreille : valeur de ses anomalies comme stigmates

de dégénérescence ; par le De Lucns, médecin militaire des colo-

nies.

Les malformations qui pourraient servir à différencier nettement

le criminel ou les divers dégénérés, de l'homme normal et sain

d'esprit, sont peu nombreuses, car les stigmates physiques peuvent

se rencontrer même fréquentes chez cet homme normal. Mais les

anomalies du pavillon peuvent acquérir une égale et grande valeur,

par leur coincidence avec d'autres stigmates physiques et psychi-

qnes de réversion. Ces stigmates nombreux et importants forme-

ront alors un bloc caractéristique rendant évident, indiscutable,

l'état dégénératif du sujet observé. 11 ne faut donc pas, comme le

fait remarquer l'auteur, chercher à tirer une signification absolue

de l'observation du seul stigmate de l'oreille : il est indispensable

de rechercher tous les autres signes individuels, héréditaires,

organiques et mentaux de l'individu avant d'en faire un dégénéré.

8. Contribution à l'étude de l'amusie et de la localisation des centres

musicaux (9 février 1900) ; par le Dr Bronislawski.

Pour M. Bronislawski l'amusie est la perte ou la perversion

de la faculté musicale sans troubles de l'intelligence ni des organes

de la phonation. L'anatomie et la clinique démontrent l'indépen-

dance des troubles de la faculté musicale.

De l'ensemble des faits jusqu'à ce jour connus, il résulte que le

siège des lésions en rapport avec l'amusie est : 1° presque tou-

jours dans les parties antérieures de la première et de la deuxième

circonvolution temporale gauche pour l'amusie sensorielle ;

2° dans la deuxième circonvolution frontale gauche pour l'amusie

motrice ; 3° dans le lobe pariétal gauche pour la lecture de la

musique. '

9. Psychologie de l'expertise médico-légale (février 1900);

par le Dr Betoulières.

La caractéristique d'une expertise médico-légale est l'inter-

vention des procédés scientifiques et médicaux, dans une affaire

280 bibliographie.

judiciaire. Or, pour apporter une solution à un problème de res-

ponsabilité, une réponse à une tentative de meurtre ou d'empoi-

sonnement, il ne suffit pas d'être un bon praticien, il faut égale-

ment posséder à fond les sciences accessoires qui expliquent et

justifient les données de la pathologie. C'est surtout dans les

questions de responsabilité qu'un aliéniste est nécessaire, car lui

seul peut trancher les énormes difficultés qui jaillissent à chaque

instant au cours d'une expertise.

Pour obtenir des expertises ayant toutes les garanties de sécu-

rité, M. Betoulières réclame la spécialisation des études médico-

légales. Enfin, durant l'expertise, l'adjonction au médecin-expert

d'un autre docteur sera utile, car la collaboration apporte des faci-

lités d'exécution, une somme de connaissances plus étendues, plus

de soins et de précision dans les recherches.

10. Essai sur la pathogénie du suicide (2 février 1900);

, par le D1' REBOUL.

11. La sensibilité oculaire à la pression et ses modifications dans le

tabes (avril 1900) ; par le Dr LE Merle.

L'auteur, après avoir passé en revue l'anatomie topographique

du globe oculaire et l'innervation de l'oeil, étudie ensuite la sensi-

bilité oculaire à la pression, ses caractères normaux et son inter-

prétation physiologique. `

Des observations cliniques rapportées par M. Le Merle, et clas-

sées en groupes différents selon que cette sensibilité a été, ou

absente, ou exagérée, ou diminuée, ou abolie, il résulte que la

sensibilité oculaire à la pression peut être modifiée dans des mala-

dies d'ordre plus général, en particulier dans le tabes. Ces modifi-

cations sont : 1° l'augmentation qui constitue l'hyperalgésie ocu-

laire à la pression ; 2° la diminution ou hypoalgésie oculaire à ha

pression; 3° l'abolition ou analgésie ci la pression.

Si l'hyperalgésie est rare, l'analgésie est plus fréquente, car on

la rencontre dans un peu plus de la moitié des cas à toutes les

périodes du tabès. Cette analgésie, qui est de recherche facile,

pourra servir à éclairer les cas douteux.

L'interprétation pathogénétique de cette analgésie reste hypo-

thétique : on peut en rechercher la cause dans des névrites ciliaÙ'e;,

analogues aux névrites viscérales, d'ordre sympathique du tabes.

12. Le délire d'auto-accusation (étude médico-légale); par le

Dr Pierre OUDARD, médecin de la Marine.

Le délire d'auto-accusation, consistant à s'accuser soi-même

diffère du délire de culpabilité en ce que le malade, dans ce cas,

bibliographie. 281 1

se voit coupable, sans pour cela s'accuser toujours, tandis que

dans le délire d'auto-accusation, le malade s'accuse sans se croire

toujours coupable. Ce délire d'auto-accusation s'observe surtout

dans la mélancolie, les dégénérescence, l'alcoolisme, l'hystérie.

L'auteur abordant le côté médico-légal - point le plus intéres-

sant de son étude - admet les divisions proposées par 1\l. Régis :

1° cas où un individu s'accuse d'un crime inexistant ; 2° cas où

un individu s'accuse d'un crime réel, mais que de toute évidence il

ne peut avoir commis ; 3° cas où un individu s'accuse d'un crime

réel et qui peut parfaitement lui être imputé ; 4° cas où un indi-

vidu s'accuse d'un délit qu'il a commis en le grossissant démesu-

rément.

Ces auto-accusations délirantes, qu'elles s'accompagnent ou non

d'examen médico-légal, aboutissent presque constamment soit à

l'internement, soit à la mise en liberté par non-lieu.

Enfin, M. Oudard se demande si l'auto-accusateur, une fois

reconnu aliéné, doit être interné ? Oui, s'il a réellement commis

un délit ou un crime, et surtout si, l'ayant commis ou non, il reste

délirant et susceptible d'être dangereux ; non, si son méfait a été

purement imaginaire et si son délire n'a été que de courte durée.

13. La paralysie générale chez les religieux (contribution à l'étude

de l'étiologie de la paralysie générale) ; par le Dr A. CABOUREOU.

L'étiologie de la paralysie générale reste encore discutée et con-

troversée. Les deux causes surtout incriminées sont l'alcoolisme

et la syphilis. Longtemps niée, l'influence de la syphilis apparaît

de jour en jour plus prépondérante, car elle tend à être considérée

comme le facteur essentiel de la maladie.

Afin d'éclairer cette étiologie, l'auteur a étudié spécialement la

paralysie générale chez les religieux. De son enquête, il apparaît

qu'on ne rencontre qu'un seul cas de paralysie générale sur 50 alié-

nés, encore ne s'agit-il que des religieux hommes, car chez les

religieuses, la paralysie générale est totalement inconnue.

La rareté de la paralysie générale chez les religieux ne tient qu'à

la rareté chez eux de la cause vraiment efficiente de la paralysie

générale : la syphilis. L'existence'de la syphilis dans plusieurs cas

de paralysie générale chez les religieux, où on a pu la rechercher

suffisamment, vient à l'appui de cette opinion.

14. De la paralysie générale simple, démente ou sans délire ; par

le Dr Dorrou, médecin de la Marine. ,

Il existe réellement une paralysie générale simple, démente ou

sans délire. Du grand nombre d'observations rapportées par l'au-

teur, il ressort que cette forme de paralysie générale est très fré-

quente, car on la rencontre non seulement dans les asiles, plus

282 ") varia.

particulièrement dans les sections destinées aux femmes, mais

encore et surtout en dehors des asiles.

Pour M. Duffou, la paralysie générale sans délire constitue la

forme type de la maladie. Quant à la démence elle existe toujours

à un degré plus ou moins marqué, sans être cependant globale et

absolue dès le début.

lo. Les délires systématisés secondaires. Etude psychologique,

pathogénétique et clinique; par le Dr Louis PROUST, ex-interne de

l'asile des aliénés du Gers.

Entre les délires systématisés primitifs et les délires systématisés

secondaires, il existe des différences cliniques importantes. Ces

différences portent : 1° sur la plus grande partie des symptômes

morbides, les illusions, les hallucinations, l'explication délirante,

les idées de grandeur ; 2° sur les manifestations de la vie cons-

ciente de l'individu, c'est-à-dire sur la mémoire, la volonté, le rai-

sonnement, l'attention, etc. Ces différences symptomatologiques

sont explicables par l'affaiblissement de la conscience, conséquence

même de la psycho-névrose.

. Les délires systématisés secondaires se rapprocheront d'autant

plus des délires primitifs que l'altération de la conscience aura été

moindre. Mais, poussée à un degré suffisant, cette altération abou-

tira logiquement aux délires systématisés secondaires de négation

et d'énormité.

1G. Histoire médicale de J.-Jacques Rousseau ; par le Dr Georges

l Sibiril, médecin de la Marine.

L'auteur admettant les conclusions du Dr Régis, fait de J .-Jacques

Rousseau un artério-scléreux et un neurasthénique.

17. De l'oni1'ocl'itie comitiale : les rêves chez les épileptiques;

par le Dr Fournie.

VARIA.

Les aliénés EN LIBERTÉ.

Un jeune homme du village de Colombières-sur-Orb, pris d'un

accès subit de folie furieuse, tira plusieurs coups de revolver sur

des passants, blessant grièvement une femme de la localité. Le

varia. 283

maire manda aussitôt la gendarmerie. On usa cependant de pru-

dence pour arrêter ce fou furieux, et cette arrestation ne fut pas

sans difficulté. On vint pourtant à bout de lui et, solidement

garrotté, il fut amené à la gare pàr trois hommes vigoureux qui

avaient mission de le conduire à l'asile de Saint-Pons.

Sur le quai de la gare, le malheureux dément demanda à man-

ger. On crut sa crise calmée, et on lui délia les mains ; mais aus-

sitôt, il sortit un rasoir de sa poche et en porta un terrible coup à

la tête d'un des hommes qui l'accompagnaient. Les deux autres

se portaient au secours de leur collègue, mais l'un d'eux fut encore

mis dans un état pitoyable par le fou, brandissant toujours son

rasoir ensanglanté.

On juge de la panique dont furent pris les témoins de ce drame

épouvantable. Le troisième gardien, armé d'un fusil, tira à bout

portant sur le fou, qui s'abattit. L'un des blessés a été transporté

à l'hôpital de Bédarieux. Son état serait grave. On s'accorde à dire

que le dément était alcoolique. (Journal, 23 mars 1901.)

Terrible drame de la folie. Un père qui tue son enfant et se

suicide. - Le nommé Bouchet, propriétaire à Rochepaul, donnait,

depuis quelque temps, des signes d'aliénation mentale. Mais comme

il était de son naturel très doux, sa famille n'avait pas cru devoir

le faire interner dans une maison de santé. Hier après-midi, pen-

dant que sa femme était absente, Bouchet prit son jeune enfant,

âgé de cinq ans, et se dirigea vers les bords de la rivière. Après

avoir erré quelque temps, il saisit l'enfant par les pieds, lui écrasa

la tète contre un rocher et le jeta ensuite dans la rivière. Son

crime accompli, Bouchet se précipita à son tour dans le vide et

vint s'écraser sur. les rochers formant le lit de la rivière. (Echo de

Paris, 23 mars 1901.)

Boulevard des Batignolles, la dame Jules M..., atteinte de

troubles cérébraux, a mélangé à du thé une infusion de pavots et a

empoisonné son mari et ses enfants en s'empoisnnnant elle-même.

Elle a été arrêtée. On l'a sauvée ainsi que son mari et ses enfants.

(Le Bonhomme Normand du 19 au 25 avril 1901.)

Frappé de folie. Un ancien conseiller-municipal du quartier

de la Roquette, M. Marius Fourest, a été interné, hier soir, à

Sainte-Anne. Le malheureux, qui donnait depuis quelque temps

des signes de dérangement cérébral, vient d'être frappé d'aliéna-

tion mentale. M. Fourest demeurait avenue Parmentier. Hier matin

il se mit à pousser des cris terribles. Sa femme, épouvantée, alla

vers lui pour le calmer, mais elle ne put y parvenir. Elle sortit

alors pour prévenir le concierge qui alla avertir le commissaire

de police. Bientôt des agents arrivèrent et mirent le pauvre fpu en

28 i VARIA.

voiture pour le conduire à l'infirmerie spéciale du Dépôt, d'où il

fut transféré à l'hospice Sainte-Anne dans la soirée.

M. Fourest est né à Chomerac (Ardèche) en 1856. Il a, par con-

séquent, quarante-cinq ans. Fils d'un maréchal ferrant, il suivit

jusqu'à l'âge de douze ans les cours de l'école communale. Plus

tard, il entra à l'Ecole vétérinaire d'Alfort et reçut son diplôme. Il

était, depuis plusieurs années, vétérinaire à la Compagnie des

Petites voitures, lorsqu'il se présenta avec succès dans le XIe arron-

dissement, contre M. Longuet. Il exerça pendant longtemps les

fonctions de secrétaire du Conseil général de la Seine et s'appliqua,

notamment, à combattre la propagation de la tuberculose en fai-

sant voter, par ses collègues, des mesures relatives à la rigoureuse

inspection des viandes livrées à la consommation publique. (Le

Temps, 1 ? avril.) 1

Tous ces faits, contrairement à une thèse néfaste soutenue

dans quelques journaux politiques, montrent la nécesssité,

qui s'impose, au point de vue de la sécurité publique et dans

l'intérêt direct des malades aliénés, de l'internement, dès que

l'on a constaté ies premiers signes de la folie.

- La femme Reynier, habitant Pau (Basses-Pyrénées), a, dans

un accès de folie, tué son fils et ses deux filles, et elle s'est ensuite

suicidée (Bonhomme Normand, avril). - En présence de tels faits,

il y a encore des médecins qui réclament la liberté pour les

aliénés et protestent contre leur internement aussi rapide que pos-

sible après les premiers signes d'aliénation !

A Nouvoitou (Ille-et-Vilaine), le fils Legall, ancien instituteur

adjoint, récemment sorti d'un asile d'aliénés, a essayé d'étrangler

sa mère. Son père intervenant, il le renversa et lui fracassa le

crâne. Il a été arrêté. (Le Bonhomme Normand, 3 mai.)

Un épouvantable drame s'est déroulé hier, au Monastier, petite

commune de l'arrondissement de Marvejols, dit le Temps du

26 mai. Le sieur Cahuzac, âgé de trente-trois ans, journalier, pris

subitement de folie furieuse, s'est armé d'une hache et s'est pré-

cipité sur les membres de sa famille. Ceux-ci, couverts de bles-

sures, n'ont dû leur salut qu'à la fuite. Sortant à leur suite, dans

le village, toujours armé de son terrible instrument, le fou s'est

rué sur la foule accourue aux cris des blessés et a fait d'autres

victimes. Les habitants ont dû se barricader dans leurs maisons.

La gendarmerie prévenue n'a pu se rendre maître de Cahuzac

qu'après deux heures de lutte acharnée et au prix des plus grands

dangers. Les blessés sont au nombre de sept dont quatre griève-

ment.

VARIA. 283

Le nomme Bardet, soixante-deux ans, cultivateur à Villedomer

(Indre-et-Loire), qui ne jouissait pas de ses facultés mentales, s'est

suicidé d'une singulière façon. Le malheureux s'était attaché une

grosse corde au cou, puis avait fixé cette dernière à l'arrière de sa

voiture et s'est laissé traîner sur un parcours de 500 mètres. Quand

on vint arrêter le cheval, Bardet avait cessé de vivre. (Bonhomme

normand, 31 mai 1901.)

- Sous ce titre : « Drame de la folie », l'Echo de Paris du 8 juin,

publie une dépêche de Langres ainsi conçue : Un drame de la folie

vient de se produire à Saulles. Le nommé Royer donnait, depuis

quelque temps, des signes d'aliénation mentale. Comme il revenait

des champs, hier, portant un croc, il s'approcha soudain de

M. Pierre Clément et lui donna un grand coup de son outil dans la

poitrine. M. Clément a le poumon perforé et sa vie est en danger.

Le meurtrier a été arrêté et conduit dans une maison de santé.

L'alcoolisme A VIENNE.

Le tableau suivant donne une idée du nombre de malades

alcooliques dans la période qui va de 1885 à 1900; d'autre part le

relevé du nombre de malades enfermés dans les asiles d'aliénés et

la proportion d'alcooliques.

28G VARIA.

1

Drames DE l'alcoolisme ·

Contrairement à l'opinion émise par certains de nos hommes

politiques qui prétendent que, pour bien travailler, l'ouvrier

normand doit absorber une certaine quantité d'alcool, voici une

déclaration adressée parles 69 médecins du Finistère à leurs com-

patriotes : Nous soussignés, résidant dans le département du Finis-

tère : Considérant que l'alcool porte des atteintes de plus en plus

graves aux forces vitales de la France, et se révèle comme l'ennemi

le plus dangereux que notre pays ait encore rencontré : - Considé-

rant que les ravages causés par l'alcoolisme menacent l'existence

même de la patrie française ;

Ne pouvant rester spectateurs inpassibles d'un fléau, dont plus

que personne nous pouvons scruter les profondeurs, et qui menace

de destruction prochaine notre race tout entière : Tenons à l'hon-

neur de prendre hautement parti pour les généreux citoyens qui

ont déclaré à l'alcool une guerre sans merci, et tant pour éclairer

les pouvoirs publics que pour prévenir nos concitoyens des dangers

qu'ils courent : Parlant au nom de l'hygiène, de la santé publique

et de l'intérêt national;

Nous déclarons publiquement : L'alcool, sous toutes ses formes, est

un poison. L'alcool ne soutient ni ne réchauffe : c'est un excitant

dangereux, qui dégrade tous les organes, les affaiblit, les rend

incapables de résister efficacement aux atteintes de maladies légè-

res. L'alcool est la cause directe d'un grand nombre d'affections

mortelles. L'usage habituel de l'alcool, même à doses modérées

peut conduire à l'alcoolisme.

L'alcoolisme attaque le buveur non seulement dans sa personne,

mais dans sa postérité. L'usage 'habituel des apéritifs, et particu-

lièrement de l'absinthe, est la cause de l'affaiblissement progres-

sif de la santé même chez les personnes qui ne se sont jamais

enivrées, conduit à une vieillesse prématurée et abrège l'existence.

L'usage habituel des apéritifs et de l'alcool (même à doses non

énivrantes), facilite l'invasion de la tuberculose et de la phtisie pul-

monaire. L'alcool est la cause directe et immédiate de la plus

grande partie des accidents observés sur les chantiers de travail-

leurs et dans la navigation à laquelle se livrent les pêcheurs de nos

côtes. L'alcool en multipliant dans la classe ouvrière les journées

de chômage, facilite l'invasion des travailleurs étrangers et porte

atteinte à la richesse nationale. L'alcool remplit d'aliénés les asiles

publics. L'alcool est la cause de plus de la moitié des crimes et

des délits contre les personnes. L'alcool remplit de criminels les

prisons et les établissements pénitentiaires. L'alcool atteint le pays

dans sa grandeur morale : il obscurcit les consciences en même

temps qu'il diminue nos forces.

VARIA. 287

Comme corollaire de ces vérités que nul ne peut contester, nous

adressons aux pouvoirs publics, tant civils que militaires, un res-

pectueux mais énergique appel, les sollicitant, par tous les moyens

en leur pouvoir, de mettre un terme à l'invasion du pays de l'alcool

et de s'opposer à la dégénérescence nationale et prochaine si des

mesures efficaces ne sont pas bientôt prises. Nous adressons à nos

compatriotes les plus chaleureuses, les plus pressantes, les plus

patriotiques exhortations les suppliant, s'ils veulent que la France

reste Grande et que leurs fils restent français, de se garder de

l'alcool et des apéritifs comme du plus dangereux de tous ses

ennemis.

Un drame ci Orléans. - Notre correspondant d'Orléans nous

écrit : Un sieur Farges, coiffeur à Orléans, a eu hier une discussion

avec sa femme, discussion à la suite de laquelle Mme Farges des-

cendit dans la boutique pour se recoiffer devant une glace. Son

mari l'y suivit et, avant même que les garçons qui se trouvaient

dans la boutique eussent remarqué sa présence, il avait saisi sa

femme par les cheveux et lui donnait un coup de rasoir d'une

violence telle que l'instrument se cassait contre la colonne verté-

brale. La mort a été instantanée. Son crime accompli, Farges prit

la fuite avant que ses garçons fussent revenus de leur stupeur.

Lorsque ceux-ci voulurent courir après lui, il avait disparu.

La police et le parquet se sont transportés sur les lieux pour

faire les constatations. La police se mit aussitôt à la recherche de

l'assassin, que les agents découvrirent, deux heures plus tard,

dans un débit de tabac de la rue de Bourgogne. Farges fut aus-

sitôt conduit au commissariat central, où il a passé la nuit. Il a

été écroué ce matin à la maison d'arrêt. Après son arrestation,

Farges a manifesté tantôt du chagrin en pleurant, tantôt de l'in-

conscience en plaisantant. Cet individu est un alcoolique, qui a

déjà été condamné pour coups portés à sa femme. (Le Temps, du

6 décembre 1900.)

A Chateau (Saône-et-Loire), le nommé Carjat, un alcoolique,

a jeté sa mère dans un puits, puis a essayé de se faire sauter la

cervelle. Il n'a réussi qu'à se faire une horrible blessure. (Le Bon-

homme Normand, du il au 17 janvier 1901.)

Dans un café du Kremlin à Bicêtre, Pierre Callot, quarante

ans, carrier, paria qu'il boirait, coup sur coup, vingt-cinq absin-

thes. A la quinzième, il est tombé mort. (Le Bonhomme Normand,

du 11 au 17 janvier 1901.)

Emile Frogier, trente-six ans, ouvrier fumiste, abandonné

par sa femme, se livrait à la boisson. Etant gris, il a tiré plusieurs

coups de revolver sur le portrait de sa femme. Puis, convaincu

288 FAITS DIVERS.

qu'il venait de commettre un assassinat, il s'est logé une balle

dans la poitrine. Son état est très grave. (Bonhomme Normand,

31 janvier 1901.)

La veuve Antoine, née Clémentine Auger, journalière à

Fierville-la-Campao,ne, canton de l3retteville-=ur-Laize, s'adonnait

à la boisson. Samedi, on l'a trouvée morte chez elle. Elle avait

succombé à une congestion déterminée par ses libations de la veille.

(Le Bonhomme Normand, 7 février 1901.)

- A Frontenex (Savoie), un italien s'endormit près de son feu

après avoir bu plus que de raison. Pendant son sommeil, il ren-

versa une bouteille d'alcool qu'il avait laissée débouchée devant lui

et qui tomba dans le feu. Le liquide s'enflamma et se répandit sur

les vêtements de i'ivrogne qui ne tardèrent pas à entrer en com-

bustion. La malheureuse victime et de son ivresse et de son impru-

dence a été littéralement réduite à l'état de charbon sanguinolent

et a expiré dans d'atroces souffrances. (Le Bonhomme Normand, du

28 décembre 1900 au 1er janvier 1901.)

Suicides. - Le sieur Alcide Cointre, quarante-neuf ans, bûcheron

à Saint-Hymer, s'est pendu dans un fournil, au Torquesne, près

Blangy-le-Chàteau. L'abus de l'alcool avait détraqué le cerveau du

malheureux. (Le Bonhomme normand du 29 mars 1901.)

FAITS DIVERS

Asiles d'aliénés. - Nominations et promotions (juillet) : M. Gw,

directeur de l'asile d'aliénés de Saint-Robert (Isère), promu à la

4 ? classe du cadre; M. le D' DODERO, médecin adjoint à Saiut-1'lie,

promu à la 11'0 classe du cadre.

' Distinctions honorifiques. Ont été nommés chevalier de la

Légion d'honneur : M. le D'' Garnier, médecin en chef, directeur

de l'asile d'aliénés de Dijon ; M. Balet, directeur de l'asile d'a-

liénés de Ville-Evrard.

' Asile d'aliénés DE 1\aoGEaT (Haute-Vienne). - Un poste d'interne

en médecine est vacant dans cet asile. Traitement argent 800 francs;

logement, nourriture et blanchissage. S'adresser à M. le D1' Dour-

sout, médecin-directeur de l'asile. '

' Le ? 'ët<ae/e ? f/ë< ? < Bourneville.

Etreux, Ch. IIÉnlssEY, imp. - 9-1901.

Vol. XII. Octobre 1901. N° 70.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

PHYSIOLOGIE.

Note relative à l'étude des effets physiologiques de

la'rachicocaïnisation et de la fonction lombaire ;

Par MM. A. TITRES et J. ABADIE (de Bordeaux).

On a signalé et décrit, après les injections de cocaïne dans

le cul-de-sac sous-arachnoïdien lombaire, divers phénomènes

dont le plus important, l'analgésie des parties inférieures du

corps, constitue aujourd'hui une façon élégante d'anesthésie

chirurgicale et un mode de traitement de quelques douleurs

d'origine radiculo-médullaire. Nous avons eu, pour notre

part, l'occasion de pratiquer, à plusieurs reprises, de sem-

blables injections intra-rachidiennes. Indépendamment des

renseignements diagnostiques ou des résultats thérapeutiques

que nous avons obtenus, nous avons pu étudier quelques-

uns des phénomènes dus à l'action directe de la cocaïne sur

les éléments nerveux. C'est le résumé de nos observations

que nous nous proposons de faire ici.

Nos recherches ont porté sur une cinquantaine de cas

environ : dans chacun d'eux, nous nous sommes servis d'une

solution parfaitement stérilisée de cocaïne à 2 p. 100 et nous

avons injecté chaque fois un demi à deux centimètres cubes

de cette solution. Les quelques phénomènes, étudiés spé-

cialement dans nos expériences sont de plusieurs ordres.

Phénomènes d'ordre sensitif. l° Nous avons déjà établi

que l'analgésie consécutive à l'injection sous-arachnoïdienne

lombaire de cocaïne n'est pas due, comme le pensaient cer-

ARCIIIVES, 2' série, t. XII. 19

290 PHYSIOLOGIE.

tains auteurs, à une action directe de la cocaïne sur la

moelle, et à une modification fonctionnelle consécutive de

cette dernière, mais bien à une altération de la conductibi-

lité des racines sensitives. Dans la rachicocaïnisation, la

cocaïne agit en imprégnant les racines postérieures, irrégu-

lièrement et inégalement atteintes par l'injection poussée à

des niveaux et à des profondeurs variables d'un cas à l'autre,

tantôt au centre, tantôt à la périphérie du faisceau des

radicelles lombo-sacrées, dont le groupement forme la

queue de cheval. Aussi n'est-il pas étonnant de voir l'anal-

gésie débuter, tantôt par la région périnéo-scrotale, tantôt

par une région quelconque des cuisses, des pieds ou des

jambes et envahir, de proche en proche, les parties voisines

jusqu'à confluence des îlots analgésiques primitifs. Ces

premières conclusions cliniques ont été déjà publiées dans

une note communiquée à la Société de biologie, dans sa

séance du 2b mai 1901. Elles confirment pleinement les

recherches expérimentales faites sur 'le même sujet par

MM. Tuffier et Ilallion ;

1° L'analgésie s'installe progressivement et, non d'emblée.

Il existe d'abord de l'hypoalgésie légère qui augmente

ensuite et devient enfin analgésie. De même, quand la sen-

sibilité reparaît, à l'analgésie complète succède de l'hypoal-

gésie de plus en plus légère jusqu'au retour intégral de la

sensibilité;

3° La sensibilité cutanée à la douleur (pincement, piqûre),

disparaît la première. La sensibilité cutanée à la tempéra-

ture s'abolit ensuite : Enfin la sensibilité à la pression est

perdue. Le pincement, la piqûre, la pression sont longtemps

perçus comme tels puis comme sensations de contact. Le

chaud, le froid sont d'abord mal sentis, ensuite confondus

ou pris l'un pour l'autre, enfin incapables de provoquer

autre chose qu'une sensation de contact. L'évaluation des

différences de poids placés sur les régions analgésiées donne

lieu d'abord à des erreurs grossières, puis totalement impos-

sible : le malade ne distingue pas des différences de plusieurs

kilogrammes, et n'accuse qu'une sensation de contact;

4° La sensibilité au contact persiste en effet la dernière :

elle peut même ne jamais disparaître complètement, il

existe alors une véritable dissociation syringomyélique. Le

malade sent et reconnaît le contact de corps de natures très

EFFETS PHYSIOLOGIQUES DE LA RACHICOCAÏNISATION. 291

différentes : brindilles d'ouate, main, velours, métal, corps

gras, liquides quelconques, eau, alcool, huile. L'évapora-

tion de l'éther répandu sur la peau analgésique donne lieu

à une sensation de chaleur. Le contact du chloroforme n'est

pas perçu et parfaitement toléré ;

5° La sensation de chatouillement de la plante des pieds

est perçue pendant longtemps comme sensation de chatouil-

lement, mais elle ne provoque plus de mouvements réflexes.

Elle peut même persister pendant toute la durée de l'anal-

gésie ; 6° Pendant l'hypoalgésie envahissante du début,

on peut observer une erreur manifeste de localisation des

sensations (piqùre ou pincement). Dans l'analgésie com-

plète, les sensations de contact sont de même quelquefois

mal localisées ; z

7° La sensibilité cutanée au contact reparaît la première,

puis apparaissent successivement la sensibilité à la pression,

la sensibilité thermique, les sensations de chatouillement,

la sensibilité à la douleur, c'est-à-dire dans l'ordre inverse

de leur disparition; - 8° Chez quatre de nos malades qui,

avani toute injection de cocaïne, possédaient une sensibilité,

électrique parfaite, nous avons vu cette sensibilité s'abolir :

les courants intenses n'étaient nullement sentis, alors qu'ils

provoquaient de très violentes contractions musculaires ;

9° La sensibilité profonde s'abolit au sur et à mesure de

l'installation de l'analgésie cutanée. Quand celle-ci est com-

plète, la pression énergique des muscles, la percussion forte

des os, le tiraillement même brutal des articulations ne

provoque pas la moindre douleur ; 10° La notion de posi-

tion des membres est en général conservée. Nous l'avons vue

s'abolir cependant chez un tabétique, qui, avant l'injection,

n'avait aucun trouble du sens des attitudes ;

'l'Il' Les sensibilités viscérales profondes (testiculaire,

épigastrique) peuvent ne jamais s'abolir. Même dans les

analgésies remontant jusqu'aux épaules, la sensibilité épi-

gastrique profonde s'affaiblit mais ne disparaît point tota-

lement. La sensibilité testiculaire à la pression peut per-

sister dans une analgésie dépassant l'ombilic : dans un cas,

le froissement du testicule restait douloureux, alors que le

cordon spermatique avait perdu toute sensibilité au pince-

ment et à la pression.

Modifications DES réflexes. 1° L'abolition des réflexes

292 PHYSIOLOGIE. ,

cutanés est la règle dans toutes les régions analgésiées.

L'ordre de cette abolition suit exactement l'envahissement

des zones analgésiques et suivant que la racine des cuisses

et la région périnéo-scrotale, l'abdomen, ou la plante des

pieds sera d'abord insensible, on verra s'abolir respective-

ment le réflexe crémastérien, les réflexes abdominaux ou le

réflexe plantaire. Ils reparaissent dans le même ordre que la

sensibilité cutanée, avec laquelle ils semblent étroitement

liés. Cependant dans deux cas, nous avons noté une conser-

vation intégrale des réflexes abdominaux supérieurs et

inférieurs et des réflexes testiculaires avec une abolition

complète de la sensibilité douloureuse des régions des

cuisses ou de l'abdomen excitées et perte incomplète de la

sensibilité au contact de ces mêmes régions ;

2° Nous avons constaté dans un cas la conservation du

réflexe pupillaire à la douleur par pression d'une région

pathologiquement douloureuse mais analgésiée complète-

ment par une injection lombaire de cocaïne. Il s'agissait

d'une femme atteinte de lésions annexielles (hémato-salpynx

droit avec ovarite scléro-kystique) chez laquelle le toucher

vaginal était extrêmement douloureux. Pendant la rachico-

caïnisation, on put pratiquer le toucher et explorer tout à

l'envi les organes génitaux internes sans provoquer la

moindre souffrance, mais la pression de l'utérus ou des

annexes droites faisait apparaître' chaque fois une dilatation

pupillaire très manifeste ;

3° Les réflexes tendineux (rotuliens et achilléens) sont

toujours modifiés par l'injection sous-arachnoïdienne lom-

baire de cocaïne. Exception doit être faite seulement pour

tous les cas de tabès, dans lesquels les réflexes rotuliens et

achilléens, abolis avant l'injection, sonttoujours restés nuls

pendant toute la durée de la cocaïnisation;

4° Les modifications imprimées aux réflexes tendineux

par la rachicocaïnisation varient suivant l'état antérieur de

ces réflexes. Si les réflexes sont normaux, ils s'exagèrent

pendant l'action de la cocaïne : cette exagération est pro-

gressive, quelquefois précédée d'une courte période de

diminution, elle atteint son maximum au moment de la plus

grande extension de l'analgésie ; elle diminue progressive-

ment et les réflexes reprennent insensiblement leurs carac-

tères normaux antérieurs. Si, au contraire, les réflexes sont

EFFETS PHYSIOLOGIQUES DE LA RACHICOCA1NISATION. 293

exagérés avant l'action de la cocaïne, on observe alors une

diminution progressive qui peut aller jusqu'à l'abolition

complète ; abolition et diminution ne sont encore que tran-

sitoires et les réflexes retrouvent à la fin de la cocaïnisation

leurs caractères antérieurs d'exagération. Enfin si les réflexes

sont faibles, on les voit graduellement diminuer, s'abolir

même quelquefois, puis revenir lentement à leur état primitif

et reprendre leurs caractères antérieurs de faiblesse. Ces lois

nous ont paru à peu près constantes : les observations con-

tradictoires étant en très petit nombre.

Troubles des sphincters. - Avec les doses modérées de

cocaïne que nous avons employées, nous n'avons jamais

observé de troubles des sphincters. Dans aucune de nos obser-

vations, il n'a été signalé d'incontinence d'urine. Chez aucun

malade, on n'a constaté d'incontinence des matières fécales,

même dans l'effort. Une seule fois, nous avons pu noter

l'émission de quelques gaz par l'anus, à l'occasion d'efforts

de vomissements, et encore s'agissait-il d'un malade atteint

de paraplégie spasmodique et ayant présenté à plusieurs

reprises durant sa maladie de l'incontinence fécale.

Érections. Dix-sept fois notre attention s'est portée sur

la possibilité d'érections pendant la rachicocaïnisation. Sur

ces dix-sept malades, six ont présenté des modifications de

volume de la verge. Ce n'était le plus souvent qu'une légère

turgescence ; jamais l'érection n'a été complète. Dans un cas

où elle fut plus intense, on vit s'écouler lentement par le

méat quelques gouttes de liquide blanc très transparent,

onctueux, filant : ce liquide, soumis à l'examen microscopi-

que, ne présentait aucune trace de spermatozoïde.

La turgescence de la verge ainsi observée peut se produire

et disparaître à plusieurs reprises dans le cours de la cocaï-

nisation. Elle se montre d'habitude quand l'analgerie a envahi

déjà les membres inférieurs et le tronc; elle a pu se montrer

cependant avec l'installation complète de l'analgésie cuta-

née, elle n'accompagnait alors d'analgésie manifeste de la

région périnéo-scrotale et du pénis.

Phénomènes d'ordre moteur. -1° Chez un très grand nom-

bre de nos malades, les deux tiers environ, nous avons vu

survenir, pendant la rachicocaïnisation de la trépidation

épileptoïde. Cette trépidation s'est montrée tantôt à un pied

294 PHYSIOLOGIE.

seul, tantôt aux deux pieds, tantôt aux rotules à l'exclusion

des pieds, tantôt enfin aux pieds et aux rotules à la fois. Elle

consistait dans certains cas en quelques secousses trépida-

toires facilement provoquées mais vite disparues; dans cer-

tains autres, elle était intense et persistente, analogue aux

plus fortes trépidations spasmodiques. Il nous a été difficile

d'établir, d'après les données que nous possédions, les rela-

tions de cette trépidation épileptoïde avec les autres phéno-

mènes dûs à l'action de la cocaïne. Nous pouvons affirmer

cependant qu'elle n'affecte aucun rapport direct avec l'état

des réflexes tendineux : elle n'accompagne pas en particulier

l'exagération de ces réflexes; elle peut même se montrer,

alors qu'ils sont failles ou nuls. Elle parait au contraire

affecter des relations plus étroites avec l'état général du

malade ; on la voit souvent en effet précéder immédiatement

l'état nauséeux, disparaître avec les vomissements et réappa-

raître avec eux ; elle persiste rarement après les dernières

nausées ; 2° Indépendamment de la trépidation épileptique,

on peut observer aussi du tremblement trépidatoire des mem-

bres inférieurs, tantôt localisé à un seul, tantôt étendu aux

deux. Il peut-être continuel et persister même dans la

station debout ; il peut être intermittent et les crises sont

provoquées alors par le moindre mouvement du malade.

Enfin il peut gagner le tronc, les membres supérieurs et se

généraliser à tout le corps. Il est à remarquer que les mala-

des chez lesquels ont apparu ces phénomènes de tremble-

ment trépidatoire étaient tous des hystériques ; 3° Nous

avons noté trois fois l'installation d'une contracture passa-

gère, affectant soit un membre seul, soit les deux membres

inférieurs. Cette contracture a consisté deux fois en une

raideur articulaire plus ou moins accentuée, mais elle a pu

prendre aussi la forme tétanique et immobiliser pendant

plusieurs minutes les membres dans une extension forcée im-

possible à vaincre. Elle est survenue suivant les cas avec

l'exagération des réflexes, avec l'état nauséeux, elle a suivi

enfin la trépidation épileptoïde; 4° Dans une observation, il

est noté l'apparition de mouvements fibrillaires dans les

muscles des membres inférieurs, surtout apparents aux mus-

cles du mollet. Ces mouvements n'ont duré que quelques

minutes ; 5° Au début de la rachicocaïne et après l'installa-,

tion de l'analgésie, le malade se plaint de ne pouvoir remuer

EFFETS PHYSIOLOGIQUES DE LA RACHICOCAÏNISATION. 295

ses jambes engourdies. Mais il est cependant capable d'exé-

cuter, quoique plus lentement, tous les mouvements volon-

taires ; 6° Dans tous les cas où elle a été recherchée, la force

de résistance des membres inférieurs est restée indemne,

pendant toute la durée de la cocaïnisation; 7° La station

debout a toujours été possible. Nous n'avons jamais pu

observer de signe de Romberg. Chez deux tabétiques dépour-

vus de ce symptôme, et cocaïnisés à plusieurs reprises pour

leurs douleurs fulgurantes, la rachicocaïnisation ne l'a

jamais fait apparaître, même temporairement ; 8° Nous

n'avons jamais observé non plus chez nos malades d'incoor-

dination motrice des membres inférieurs. Les deux tabétiques

précédents qui, à l'état normal ne présentaient aucune trace

d'ataxie, n'en ont pas eu davantage sous l'influence de la

cocaïne; 9° La marche atoujours été possible chez nos mala-

des. Elle était néanmoins un peu difficile, hésitante parfois,

en raison de la lourdeur des jambes, disaient les malades ;

10° Dans quelques cas, les malades ont présenté une véri-

table titubation pendant la marche. Mais tous ces malades

étaient en proie à un état nauséeux très intense.

Phénomènes VASO-MOTEURS. 1.° Pendant la rachicocaïni-

sation, nous n'avons jamais noté de changement de colora-

tion des téguments dans les zones analgésiques ; 2° Nous

n'avons jamais remarqué non plus de refroidissement des

téguments de ces mêmes zones appréciable à la palpa-

tion ; 3° Les piqûres faites dans le territoire analgésié dans

le but de rechercher- l'état de la sensibilité n'ont presque

jamais saigné. Souvent nous les avons vues s'entourer d'une

papule très apparente; 4° L'application d'un sinapisme sur

un point quelconque de la peau analgésique ne provoque

aucune tubéfaction, aucune sensation de chaleur : il est toléré

indéfiniment, alors que chez le même sujet, l'application d'un

sinapisme sur une région non atteinte par l'analgésie amène

les phénomènes de chaleur, de rougeur et de douleur nor-

males.

Phénomènes sécrétoires. - '10 Dans un assez grand nombre

de cas, les malades ont présenté des sueurs abondantes.

Mais cette sudation atteignait presque exclusivement la par-

tie supérieure du tronc, les membres supérieurs, la face

surtout. Les régions inférieures du tronc, les membres infé-

rieurs étaient épargnés : la peau analgésiée restait sèche et

296 PHYSIOLOGIE.

fraîche et constrastait étrangement avec la peau humide et

chaude des parties épargnées par la cocaïne, à tel point

qu'on pouvait suivre facilement la ligne supérieure envahis-

sante de l'analgésie; 2° Quelquefois la sudation a été géné-

ralisée d'emblée à tout le corps, mais elle se localisait dans

ces cas aux régions supérieures saines, après avoir aban-

donné rapidement les régions inférieures analgésiques.

Phénomènes observés après la PONCTION lombaire simple.

Nous avons voulu, en présence des phénomènes précédents

observés pendant le cours de rachicocaïnisations, nous assu-

rer de la part à faire dans la production de ces phénomènes,

à la fonction lombaire simple et à l'évacuation d'une cer-

taine quautité de liquide céphalo-rachidien.

Nos observations, moins nombreuses que les précédentes,

ont porté sur une quinzaine de cas environ. Les ponctions

ont été pratiquées suivant le procédé aujourd'hui classique

et il a été soustrait dans chacun des cas une quantité de

liquide céphalo-rachidien variant de 5 centimètres cubes à

duo centimètres cubes. Malgré le nombre restreint de nos

observations, nous pensons être en droit de poser déjà les

conclusions suivantes : -.

1° La ponction lombaire simple n'ajamais entraîné de mo-

difications de la sensibilité cutanée profonde ou viscérale;

2° La ponction lombaire et la soustraction du liquide cépha-

lo-rachidien modifient toujours l'état des réflexes. Mais ces

modifications sont bien moindres que celles observées dans

la rachicocaïnisation. Il nous paraît difficile d'établir leurs

lois. On peut affirmer cependant que les réflexes cutanés

sont peu modifiés et quand ils le sont, c'est d'une façon

variable d'un cas à l'autre. Les réflexes tendineux (rotu-

liens et achilléens) semblent presque toujours subir une

diminution progressive mais passagère : nous avons pu cons-

tater même leur abolition totale temporaire ; 3° Dans la ponc-

tion lombaire simple, nous n'avons jamais observé de trou-

bles des sphincters ni l'apparition d'érections; 4° Jamais,

dans la ponction lombaire simple, nous n'avons rencontré

de véritable trépidation épileptoïde. Souvent cependant il'

nous a été possible de noter quelques secousses trépidatoi-

res, qui semblaiant constituer comme une esquisse de clowns

du pied ou de la rotule; 5° Nous n'avons jamais observé de

tremblement spontané, de contracture des membres, de

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 297 7

mouvements fibrillaires ; 6° Nous avons toujours noté la

conservation des mouvements volontaires, de la force de

résistance, la possibilité de la station debout et de la mar-

che, l'absence de signe de Romberg et d'ataxie; 7° Il n'a été

remarqué, chez nos malades, ni phénomènes vaso-moteurs,

ni troubles secrétoires ; 8° Les nausées, les vomissements

sont rares dans la ponction lombaire simple. Au contraire la

céphalée est la règle et cétte céphalée est absolument com-

parable dans tous ses caractéres (date d'apparition, durée,

localisation, intensité, etc.) à la céphalée décrite par tous les

auteurs à la suite de rachicocaïnisations et attribuée par

eux à l'intoxication parla cocaïne.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XXVII. Hémitonie apoplectique, par V.-111. Becutkrew. (Obozrénié

psiclzicatrü, IV, 1899.)

Trois observations. Elles ont de commun que l'affection se déve-

loppa pendant l'enfance, avant dix ans, et commença par une apo-

plexie. L'apoplexie fut très peu marquée dans le premier cas, la

perte du sentiment n'ayant duré que quelques minutes ; elle fut

plus marquée dans le second, le malade ayant été dans le coma

vingt-quatre heures. Dans la troisième observation, la malade

demeura sans connaissance cinq jours. Toujours il y eut ictus

subit sans prodromes. L'hémitonie, caractérisée par la contraction

tonique des muscles des membres et même de la face du côté

frappé, peut s'étendre à toute la moitié du corps, soit immédia-

tement après l'ictus, soit au bout d'un certain temps : elle peut

arrivera lorsque le malade semble guéri. Elle diminue lorsque l'on

détourne l'attention du patient, augmente quand on s'occupe de

lui, ou sous l'influence d'une excitation mécanique des muscles, de

l'émotion. En ce dernier cas se produisent des mouvements forcés,

qui changent le caractère de la contracture. Mais ce sont toujours

des spasmes actifs qui n'ont rien à voir avec la contracture secon-

daire ; ils entraînent l'hypertrophie musculaire de quelques.

muscles, de sorte que chez le même sujet, on trouve de l'hyper-

trophie des muscles hypertoniques, et, à côté, de l'atrophie des os

298 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

et des muscles non hypertoniques due à une atrophie parétique

précoce du malade hémiplégique.

Ce sont là des troubles du mouvement post-hémiplégiques, puisque

les convulsions prédominent du côté hémiplégique ou hémiparé-

tique, et ont succédé à un ictus cérébral. Il s'agit presque certai-

nement d'une hémorragie cérébrale limitée, qui s'est effectuée

tout près des fibres du faisceau pyramidal ; celles-ci sont assez

comprimées pour déterminer de la paralysie, mais elles sont sur-

tout excitées. Leur excitation a été consécutive aux phénomènes

anatomiques en rapport avec la cicatrisation de la plaie de l'or-

gane central. L'affection étant uni-latérale, la lésion doit siéger

au niveau des ganglions centraux, au voisinage du segment posté-

rieur de la capsule interne, où passent les fibres pyramidales sous

forme d'un faisceau compact. Deux des observations permettent

de penser à une maladie infectieuse. P. Keraval.

XXVIII. De l'aphasie sensorielle et motrice transcorticale; par

W. LARIONOW. (Obozrellié psichiutrü, IV, 1899.)

Deux observations soigneusement prises et analysées, sans

autopsie. Les malades pouvant répéter les mots, l'arc réflexe infé-

rieur du langage, avec les centres de Wernicke et de Broca et avec

leurs conducteurs, n'est pas altéré. Ces centres sont séparés du

centre de la compréhension objective (centre d'association posté-

rieur de Flechsig), car les malades ne peuvent ni comprendre les

mots qu'on leur dit, et qu'ils répètent, ni parler de leur propre

initiative. Les malades de ce genre, bien qu'à la longue ils se sou-

viennent de quelques mots et^apprennent à montrer et à nommer

quelques objets, sont d'ordinaire condamnés au silence, comme le

montre l'observation I. Les deux observations prouvent que les

faisceaux du centre de Wernicke, qui vont au centre d'association

postérieur, et, de ce dernier au centre de Broca, que ceux du

centre des images visuelles des lettres et des mots (pli courbe),

qui vont au centre moteur de l'écriture (2e circonvolution frontale)

et au centre de Broca, et servent à l'écriture et à la lecture, tous

ces faisceaux passent près les uns des autres. C'est pourquoi ils

sont frappés simultanément. Le faisceau arciforme doit être la

clef de voûte de ces tractus. P. IZEnAVAL.

XXIX. Echinocoque du cerveau; par 1\1.-1\1. Resnikow. (Obozrénié

psichiatrii, IV, 1899.)

Observation d'un homme de quarante-neuf ans. A. Phénomènes

généraux : 1° Céphalalgie ; 2° Modification de la papille du nerf

optique de l'oeil droit. B. Phénomènes de lésions en foyer. 10 Hé-

mianopsie homonyme gauche ; 2° Parésie de la moitié gauche du

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 299

corps avec rigidité des extrémités gauches ; 3° Désordre de la

coordination des mouvements à gauche, surtout des mains ;

4° Diminution de la sensibilité musculaire ; 5° Affaiblissement de

l'ouie du côté gauche ; 6° Démence marquée caractérisée par nne

diminution de la mémoire et de la faculté d'orientation.

Lésions. La dure-mère, des deux côtés de la scissure longitu-

dinale, est adhérente, par places, à la pie-mère, de sorte que, en

l'enlevant, on rompt les parties sous-jacentes. La pie-mère se

sépare avec peine de l'écorce des circonvolutions ascendantes et de

la circonvolution pariétale supérieure. La partie postérieure du

sillon interpariétal de l'hémisphère droit fait saillie en dehors,

tandis que la pariétale supérieure est un peu augmentée de

volume. Au niveau delà partie postérieure de l'avant-coin, existe,

tout près du sillon pariéto-occipital, une tuméfaction brillante,

d'un bleu-gris, kystique, fluctuante, du volume d'un oeuf de

poule ; dans la même cavité, creusée aux dépens du cerveau, un

second kyste gros comme une noix. La cavité occupe la substance

blanche de la région pariétale ; par son extrémité postérieure

elle touche au coin, elle gagne en haut l'écorce de la pariétale

supérieure, en bas, elle est séparée du ventricule latéral par une

bande de substance blanche, qui possède une épaisseur, de

2 à 3 millimètres et plus, vers la corne postérieure du ventricule, et

se confond avec les fibres du corps calleux. En avant, la cavité va

jusqu'à la pariétale ascendante. Figures. P. KERAVAL.

XXX. Etude clinique des symptômes oculaires dans la sclérose

postérieure de la moelle [tabès); par Charles A. Olivier. (The

Amel'ican Journal of the Médical Sciences, juillet 1900.)

L'auteur, pendant une période de cinq années, a examiné systé-

matiquement tous les tabétiques qui se sont présentés dans les

deux hôpitaux auxquels il est attaché. L'examen systématique des

yeux a porté sur cent malades. ,

Au point de vue ophtalmologique, on peut adopter la subdivi-

sion du tabes en « forme spinale » et « forme cérébrale » ou

« forme optique». Dans la « forme optique » du tabes, on voit

apparaitre, au début, sans symptômes généraux marqués et

même sans modifications pupillaires dans la majorité des cas,

des paresthésies visuelles, et un rétrécissement du champ visuel

léger pour le blanc, nettement marqué pour les couleurs. Il s'y

joint des mouvements spasmodiques des muscles extrinsèques du

globe oculaire.

A cette période, dans la majorité des cas, la pupille est un peu

tuméfiée, les bords du disque légèrement brumeux ; les artères

rétiniennes, particulièrement dans les formes syphilitiques de

l'affection, montrent des lésions périvasculaires; les veines réti-

300 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

niennes sont plus ou moins tortueuses ; on perçoit de légers

troubles dans la choroïde.

Au bout d'un temps plus ou moins long, ces symptômes d'irri-

tation et d'inflammation sont suivis par des signes de dégénéra-

tion. On Voit alors survenir une période d'amélioration apparente

des symptômes objectifs et subjectifs. Elle dure un temps variable en

rapport avec le degré de la maladie, l'hygiène et la thérapeutique.

Puis l'atrophie s'empare graduellement du nerf optique. La

pupille prend une teinte gris verdàtre nettement marquée, parti-

culièrement dans la moitié temporale. La circulation capillaire

générale s'atténue, les bords de la papille redeviennent visibles,

sa surface se déprime légèrement et presque également dans toute

son étendue, la lame criblée apparaît quelquefois; les tissus

rétiniens et choroïdiens au voisinage des bords semblent un peu

épaissis et dégénérés. S'il y a eu périvascularité, les parois des

vaisseaux lymphathiques restent épaissis et opaques, et les

lumières vasculaires sont fréquemment rétrécies. S'il n'y a pas eu

de lésions périvasculaires, les vaisseaux sanguins, plus particu-

lièrement les artériels, deviennent étroits et présentent une colo-

ration qui contraste peu avec les tissus voisins.

La vision pour la forme et la couleur, après la période d'amé-

lioration dont nous avons parlé, diminuent graduellement jusqu'à

ce que, finalement, toute perception lumineuse ait disparu. Le

champ visuel qui s'était momentanément agrandi et amélioré, se

rétrécit de nouveau en général très régulièrement, sans scotomes,

jusqu'à ce que toutes les portions conservées aient disparu, secteur

par secteur, pour aboutir à la cécité absolue.

Durand cette période, la période préataxique, comme on l'ap-

pelle improprement, ou même plus tôt, quelques-uns des symptômes

pupillaires, ciliaires et musculaires font leur apparition. Absence

temporaire et permanente de la réaction irienne à la lumière;

pupilles ovales, ovoïdes, non rétrécies; inaptitude commençante à

maintenir la fixation latérale monoculaire ou binoculaire, avec

tremblement dans les mouvements palpébraux ; parésie légère de

la convergence; diplopies parétiques variées.

Plus tard, mais à une époque très variable, quelquefois même

en l'absence 'des grandes manifestations habituelles du tabes, les

deux yeux deviennent complètement aveugles. Parmi les meil-

leurs guides qui puissent être donnés au clinicien pour établir le

diagnostic de l'affection, il faut signaler : le regard vague, sans

but, la pupille contractée, l'absence du réflexe lumineux, les

mouvements de l'iris qui deviennent de plus en plus incertains

dans les efforts d'accommodation et de convergence, les parésies

des muscles extraoculaires, la diminution de la fente palpébrale,

quelquefois même l'épiphora, les tressaillements fibrillaires des

muscles orbiculaires lorsqu'ils entrent en action.

t

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 301

La « forme spinale » se voit moins souvent dans les cliniques

ophtalmologiques, plus souvent dans les cliniques de maladies

nerveuses. Pendant une longue période, en dépit de lésions

objectives très nettes de la papille, la vision est bonne ou même

normale dans une bonne étendue du champ visuel; celui-ci est en

général nettement rétréci; le champ visuel pour les couleurs dans

la grande majorité des cas, est irrégulier et légèrement dentelé

dans sa forme. Pupilles myoliques, souvent punctiformes; réaction

à la lumière absente par intermittence, jusqu'à ce que, finalement,

l'iris devienne absolument immobile sous l'action lumineuse la

plus intense. Ataxies précoces variées en rapport avec les sixième,

troisième, quatrième, cinquième et septième paires nerveuses,

tout à fait irrégulières en caractère (asthénopie la plus légère,

à peine marquée de l'accommodation) très variables en intensité,

instables et changeantes. Elles semblent quelquefois prendre une

place importante dans le tableau clinique de la maladie, tandis

que les manifestations moins importantes du fond de l'oeil, comme

une décoloration gris verdâtre du disque optique, des dépressions

peu profondes mais larges de la papille, s'étendant en profondeur

jusqu'à la lamina cribrosa (qui est souvent visible), une diminu-

tion de la circulation rétinienne sans périvascularité ou hémor-

ragie rétinienne, représentent les modifications ophtalmosco-

piques les plus accentuées. POUL,RD.

XXXI. Un cinquième cas de paralysie familiale périodique ; par

Léo M. Crafts. (The American Journal of the médical Sciences,

juin 1900.)

L'auteur rapporte un cas de paralysie familiale périodique, qui

joint aux observations semblables déjà publiées, font de cette

affection une entité morbide distincte. La périodicité des attaques,

la paralysie motrice flaccide, la perte des réflexes, les modifica-

tions électriques bien marquées, l'absence complète de troubles

sensitifs,et la santé parfaite dans l'intervalle des attaques rendent

très caractérisque le tableau clinique.

L'examen d'une parcelle de muscle, prise à la partie interne du

gastrocnémien droit montre une augmentation évidente du tissu

libreux avec une hypertrophie modérée et un état vacuolaire des

fibres musculaires. L'examen du sang, des urines et des matières

fécales a été fait au moment et dans l'intervalle des accès. La

toxicité fut expérimentée sur des animaux, et les résultats furent

intéressants en ce qui concerne les matières fécales. Celles-ci, après

avoir été soumises aux méthodes ordinaires d'isolement (l3rieger,

Stas Otto et Dragendorff), furent traitées par l'éther et aban-

données à l'évaporation spontanée. On obtient une substance

huileuse qui, injectée (à la dose de un gramme) à des lapins et

302 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

des cobayes, amena chez ces animaux une paralysie, qui disparut

graduellement en quarante-huit heures. Cette constatation plaide

fortement en faveur de l'origine toxique de cette paralysie pério-

dique. P.

XXXII. Un cas de paralysie de Brown-Séquard ; par Richard-F.

WooDS. (The Ane·ic : cta Journal of the médical Sciences, juillet

1900.)

Ce cas de paralysie de Brown-Séquard eut pour cause un coup de

couteau porté dans la nuque sur la ligne médiane entre la 5e et 6"

vertèbres cervicales.

Le malade fut examiné un an après le traumatisme ; les princi-

paux symptômes étaient : 1° perte de la motilité dans le bras et la

jambe du côté correspondant à la lésion; 2° anesthésie pour toutes

les sensibilités dans le membre inférieur du côté opposé à la lésion.

Dans le membre supérieur du côté opposé à la lésion, il y a bien

perte de la sensibilité tactile ; 3° hyperesthésie au toucher et à

toutes impressions douloureuses du même côté que la lésion ;

4° Sens musculaire diminué du côté paralysé, normal de l'autre

côté; 5° Réflexes profonds exagérés du côté paralysé. Trépidation

épilepsoïde; la zone étroite d'anesthésie qui se voit au-dessus de

la zone hyperesthésiée n'existait pas chez ce sujet. P.

XXXIII. Valeur des symptômes optiques et auditifs dans les

tumeurs du cerveau; par William H. WILDER. (Journal of nervous

and Mental Desease, août 1900.)

La névrité optique vient par rang d'importance symptomatique

immédiatement après la céphalée. Sa fréquence est très grande

(104 fois sur 140 cas, environ 75 p. 100 des cas). La névrite a

peu de valeur comme signe de localisation des lésions. Un autre

symptôme oculaire important, bien qu'il soit moins fréquent que

le précédent, c'est une cécité temporaire périodique,, survenant

dans premières périodes de la maladie.Ces attaques de cécité sont

secondaires, et durent de quelques secondes à une demi-minute

ou plus longtemps.

L'hémianopsie est un symptôme important pour la localisation

de la tumeur. Il en est de même de la cécité pour les couleurs,

pour les mots écrits, etc... quand ses symptômes existent. Les

symptômes auditifs portent sur le labyrinthe et sur le nerf audi-

tif, et consistent en bruits subjectifs et une surdité à divers degrés.

Il faut préalablement avoir soin d'exclure les affections de l'oreille

moyenne. P.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 303

XXXIV. Un cas d'aphonie hysthérique dans un grand mal épilep-

tique ; par Pierce CLAHK. (Journal of Nenuous and Mental Desease,

octobre 1900.)

La perte du langage survenait tantôt après une sérieuse attaque

du grand mal épileptique, d'autres fois après une attaque de petit

mal, quelquefois indépendamment de toute attaque convulsive.

Dans ce dernier cas, une forte suggestion suffisait pour rétablir,

en quelques minutes, la faculté du langage, et une nouvelle

suggestion pouvait ramener l'aphonie. La parole est revenue

après toutes les manifestations variées de l'épilepsie, de telle

sorte qu'on ne peut conserver la dénomination d'aphasie post-

convulsive.

En présence de l'aphonie au cours de l'épilepsie, il faut

rechercher les stigmates hystériques, essayer une forte suggestion

et même l'hypnose. Il n'est pas douteux que beaucoup de cas

d'aphonie mis jusqu'ici sur le compte de l'épuisement ou de

l'inhibition doivent être en réalité de l'aphonie hystérique. P.

XXXV. Syphilis du cerveau; par J.-T. Esmtdge. (The New York

Médical Journal, 14 juillet 1900.)

La syphilis cérébrale est héréditaire ou acquise, et sous cette

dernière forme elle est environ trois fois plus fréquente chez

l'homme que chez la femme : les symptômes de la syphilis héritée

se manifestent avant ou de suite après la naissance, ou encore

dans les premières années de la vie extra-utérine, ou enfin, mais

exceptionnellement, jusque vers la douzième ou la treizième année.

Quant à la syphilis acquise, elle parait atteindre le cerveau dans

environ 1 ou 1,5 p. 100 des cas (la démence paralytique et le tabes

exclus). Les symptômes cérébraux d'origine syphilitique apparais-

sent dans 12 p. 100 du cas, suivant Hjelmann, et dans 21 p. 100

des cas, suivant Fournier, de syphilis tertiaire.

Combien de temps après la lésion ininiale voit-on apparaître

les symptômes cérébraux ? le délai est variable : les altérations et

dégénérescences des vaisseaux se montrent ordinairement après

cinq à douze ans; les gommes sont plus précoces : mais il y a des

syphilis cérébrales hâtives (de un à quelques mois après l'infection)

et d'autres tardives (trente à quarante ans après le chancre). D'autre

part, si longue que soit la période écoulée depuis l'infection, on

ne peut jamais déclarer le malade à l'abri de la syphilis cérébrale.

Il est à peu près admis que toutes les causes qui modifient le fonc-

tionnement normal du cerveau contribuent à faire éclater des

lésions cérébrales jusque-là latentes.

Les effets directs de la syphilis sur le cerveau, les lésions spéci-

fiques, amendables par le traitement sont peu nombreuses : plus

304 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

fréquentes sont les altérations de dégénérescence d'origine toxé-

mique. Dans le cerveau le type de la lésion spécifique est la

gomme : c'est un produit inflammatoire, déterminé par la syphilis

et diffère des autres produits inflammatoires par un moindre

degré d'organisation et une tendance vers la dégénérescence. il

faut toutefois que la gomme ait un certain âge pour revêtir les

caractères spéciaux, car son premier processus de formation est

inflammatoire, et le second seulement qui est hyperplasique. La

dégénérescence de la gomme peut prendre la forme caséeuse ou

la forme fibreuse. Ces tumeurs siègent de préférence à la base du

cerveau et principalement dans l'espace inter-pédonculaire. On

en trouve cependant assez souvent dansl'écoice, surtout dans celle

de la région motrice, rarement dans l'épaisseur de la substance

cérébrable, plus rarement encore dans le cervelet.

L'auteur s'attache ensuite à décrire les lésions non spécifiques

qui résultent des lésions spécifiques, et à tracer la ligne de démar-

cation qui sépare en deux ordres de lésions. Il étudie ensuite l'état

des vaisseaux dans la syphilis du cerveau : toute cette partie de

son travail consiste surtout en un résumé de la question d'après

les divers auteurs qui l'ont traitée. il aborde ensuite la question

du diagnostic, et insiste sur la valeur que l'on peut attribuera à

la céphalalgie et sur les caractères distinctifs de la céphalalgie

syphilitique. Puis il examine sommairement le diagnostic dillé-

rentiel de la syphilis cérébrale avec les autres affections organiques

intra-craniennes. Enfin le mémoire se termine par des considé-

rations sur le pronostic et le traitement. R. DE I)IUSGRAVE-CL.IY.

XXXVI. Quelques remarques sur les symptômes oculaires dans

l'ataxie locomotrice; par Paul Torner-Vaugiian. (The New York

Médical Journal, 18 août 1900.)

Les recherches de l'auteur ont porté sur 10 malades : dans

40 p. 100 des cas il y avait paralysie des muscles oculaires; dans

GO p. 100 il y avait de l'inégalité pupillaire ; dans 40 p. 100 de la

rigidité réflexe des pupilles ; et dans 50 p. 100 de l'atrophie du

nerf optique.

Dans 6 cas sur 10, on a noté la coexistence de plusieurs lésions

oculaires : dans 2 cas, on a constaté une lacrymation abondante,

et dans 1 cas du nystagmus. Le reste du mémoire est consacré à

peu près exclusivement à un résumé analytique de la littérature

médicale de cette question. R. DE Musgiuve-Clay.

XXXVII. L'hystérie, sa nature et son étiologie ; par Charles-Louis

Ailx. (The New York Médical Journal, 4 août 1900.)

L'hystérie est une maladie sans définition, que l'on classe ordi-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 305

nairement parmi les névroses, alors qu'elle est en réalité une psy-

chose, ou peut-être une psycho-névrose. Bien qu'elle n'ait pas

d'anatomie pathologique, on peut lui assigner une localisation

précise et exclusive, à savoir les couches corticales du cerveau :

l'amblyopie ou amaurose hystérique contribue à le démontrer

puisque le trouble ou la perte de la vision ne sont pas le résultat

d'une lésion matérielle, mais sont des phénomènes mentaux, des

phénomènes de perception mauvaise ou nul, et cette perception

a son siège dans l'écorce occipitale.

De même pour la moelle : dans la paralysie hystérique les cel-

lules motrices individuelles ne sont pas atteintes, car il n'y a pas

d'atrophie consécutive : ce ne sont pas les muscles qui sont affectés,

mais les mouvements d'ensemble, c'est-à-dire les actes : ce sont les

cellules pyramidales de l'écorce motrice qui sont en fautes, et non

les cellules subordonnées de la moelle : la même forme de rai-

sonnement est applicable aux troubles de la sensibilité spéciale ou

générale : la peau sent, l'écorce ne perçoit pas.

L'hystérie est donc un processus psychique.

L'écorce cérébrale étant le siège d'une perturbation, quel est

l'effet produit sur cette écorce ? Cet effet est toujours fonctionnel,et

se rattache à trois types : 1° affaiblissement de l'excitabilité senso-

rielle de l'écorce cérébrale (hypo-esthésie, anesthésie, hypalgésie et

analgésie) ou affaiblissement de la décharge cortico-motrice (pa-

résie, paralysie) ; 2° exagération de l'impulsion entrante (hyper-

algésie et hyperesthésie) ou exagération de l'énergie de la décharge

motrice (spasmes, convulsions; souvent de nature réflexe ; 3° con-

fusion des impulsions entrailles (paresthésie) ou confusion dans la

décharge des cellules corticales (ataxie hystérique et contractures

par distribution imparfaite des impulsions motrices à des groupes

musculaires asynergiques).

Le premier type (affaiblissement de l'excitation corticale physio-

logique) se rencontre chez les sujets sains (l'esprit absorbé par une

chose demeure insensible à une autre) et chez les animaux hiber-

nants. Mais ce n'est pas seulement l'excitabilité sensorielle, c'est

aussi l'excitabilité motrice de l'écorce qui est atteinte, mais c'est

l'excitabilité sensorielle qui disparaît la première.

L'excitabilité de l'écorce peut être très exagérée, et il ne faut pas

voir là de simulation : les hyperesthésies et hyperalgésies, les

spasmes et les convulsions réflexes méritent la même créance que

les anesthésies. Le troisième type est caractérisé par la confusion :

entre la volonté d'agir et les muscles qui doiveut exécuter l'acte, il

exisle par l'intermédiaire des neurones supéiieurs et inférieurs

un rapport parfaitement défini. Entre la peau et ses modifications

sensorielles et les couches corticales, il existe une relation non

moins définie. Très souvent, dans l'hystérie, si souvent que .divers

auteurs ont parla caractérisé l'hystérie dans les définitions qu'ils

Archives, 2' série, t. XII. 20

306 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

en ont données, l'équilibre de ces rapports est rompu et la confu-

sion s'établit. Ces dispositions en deviennent inexactes, car la con-

fusion de rapports que nous venons de signaler, se prête à un élar-

gissement presque illimité de l'objet défini.

On a pu penser un instant que la théorie des neurones allait

éclairer la nature de l'hystérie, mais depuis qu'il a été constaté

qu'on n'observait, chez l'homme du moins, aucune augmentation

de longueur des dendrites, il a fallu reconnaître que la lumière ne

viendrait pas de là, au moins la lumière anatomique. Mais l'au-

teur, partisan résolu de la théorie des neurones et de l'avenir

qu'elle nous ouvre, se demande si la rupture des rapports anato-

miques réciproques des neurones, ou si des déformations de neu-

rones trop délicates pour être reconnues par nos moyens actuels

d'investigation, ne pourraient pas donner lieu à des phénomènes

tels que ceux qui caractérisent l'hystérie, et il apporte quelques

arguments en faveur de cette manière de voir, tout en reconnais-

sant finalement qu'il n'y a là que des conjectures et que la nature

vraie de l'hystérie demeure encore enveloppée dans une obscurité

profonde.

La première remarque de l'auteur à propos du diagnostic, c'est

que l'hystérie, comme l'a fort bien dit Leube, ne s'apprend pas

dans les livres, mais en voyant des hystériques et en envoyant beau-

coup. Il indique la manière d'examiner les malades et les princi-

paux symptômes à rechercher, en faisant remarquer que ce qui

domine les manifestations hystériques, c'est leur multiplicité et

leur variabilité : bien que la maladie, d'ailleurs très variable dans

son intensité, soit parfois presque mono-symptomatique, c'est d'or-

dinaire sur l'ensemble des symptômes, et non sur un seul qu'il

convient d'établir le diagnostic. Les causes de l'hystérie sont en

prédisposantes ou déterminantes.

Parmi les causes prédisposantes, l'hérédité joue un rôle prédo-

minant, que Charcot va jusqu'à déclarer exclusif. La race a aussi

son importance : les races latines, les Slaves, les Juifs et surtout

les Juifs russes y seraient plus exposés que les autres peuples. Il y

a des âges de prédilection pour l'hystérie ; il n'y en a pas qui soit

indemne. On sait que l'hystérie est plus fréquente chez les fem-

mes, mais on sait aussi maintenant que le sexe masculin n'en est

point exempt et fournit même un contingent assez fort. Les ma-

ladies constitutionnelles prolongées et épuisantes sont des causes

prédisposantes, mais l'auteur est d'avis qu'on a exagéré le rôle

provocateur des lésions de l'appareil génital et qu'elles n'exercent

aucune action spéciale différente de celle des autres maladies. Les

erreurs d'éducation. de discipline familiale constituent des causes

prédisposantes très importantes.

Les causes déterminantes se réduisent à un petit nombre : ce sont

les traumatismes psychiques, .les traumatismes physiques, la sug-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 307

gestion (ou l'auto-suggestion) et accessoirement l'imitation, et

enfin, certaines toxémies, dont l'action hystérogène toutefois n'est

pas nettement démontrée.

L'auteur conclut dans les termes suivants : « Si nous récapi-

tulons mentalement les causes déterminantes (traumatisme phy-

sique, traumatisme psychique, toxémie) il est évident que ce sont

là simplement des modes d'action spéciaux de la seule grande

cause déterminante, la suggestion. Dans le cas de traumatisme

psychique, c'est en dernière analyse, la suggestibilité du malade

qui fait éclater l'hystérie; dans le traumatisme physique l'élément

de suggestion est si net qu'il n'a besoin d'aucune démonstration ;

dans les états toxémiques la suggestion a toutes les raisons pos-

sibles d'entrer enjeu. Et c'est ainsi que, ramenées à leur dernier

terme, toutes les causes déterminantes se résument en un mot :

suggestion. » R. DE filUSGRAVE-CLH.

XXXVIII. L'hystérie et la neurasthénie chez les jeunes sujets;

par Charles-L. de iIIERRTTT. (The New York Médical Journal,

16 juin 1900.) -

L'auteur estime que beaucoup de défauts de caractère des enfants

ne reçoivent pas du médecin une attention suffisante, qu'ils sont

assez souvent des signes de névrose, et que beaucoup de cas d'hys-

térie ou de neurasthésie chez les adultes ont eu dans l'enfance un

début insidieux. Dans bien des cas aussi, l'hérédité joue un rôle,

direct ou indirect, et par rôle indirect, l'auteur entend désigner

cette irritabilité qui s'éveille trop souvent chez les enfants, par con-

tagion imitative, au spectacle de l'irritabilité et de la nervosité des

parents. Le surmenage scolaire, si souvent invoqué, n'est pas nié

par l'auteur, mais il pense qu'on ne doit lui accorder qu'un rôle

faible et surtout rare. Le manque d'air et d'exercice est un

facteur bien plus puissant dans la création de ces états névro-

pathiques.

Les symptômes sont nombreux : parmi les principaux, on peut

citer : les terreurs nocturnes, l'insomnie, l'irritabilité excessive, la

tendance à mentir et à tromper sans motif intéressé, « pour

l'amour de l'art », la masturbation (qu'on a tort de traiter comme

une névrose primitive, alors qu'elle est le plus souvent le signe

d'un trouble nerveux profond), les crises de larmes ou de colère

sans motif suffisant, ou même absolument sans motif, la simula-

tion d'un état de maladie, la recherche excessive de la sympathie

des autres, et bien d'autres phénomènes qui se rencontrent égale-

ment dans les états névropathiques des adultes. Quant au trai-

tement, on s'apercevra assez souvent qu'il n'est ni moins utile, ni

moins pressé de traiter les parents que les enfants, et s'ils sont

névropathes, irritables, hypocondriaques, il convient tout d'abord

308 . REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

de leur expliquer que leurs propres défauts réagissent sur leurs

enfants : on obtient quelquefois par cette méthode une double gué-

rison. Les médicaments ne jouent ici qu'un rôle secondaire, cepen-

dant les toniques et les agents hématogènes sont naturellement

indiqués. Si l'enfant est dans une école, on a coutume de lui

faire abandonner tout travail ; le plus souvent, c'est une faute, el

il ne faut conseiller cet abandon du' travail et surtout de la vie el

du milieu scolaires que dans les cas vraiment sérieux.

R. DE \lUSGR : 1'E-CL : 11'.

XXXIX. Relation d'un cas de tumeur du cervelet avec écoulement

- de liquide par le nez; par G.-W. Mac CASKi;Y. (The New York

Médical Record, 31 mars 1900.)

Jeune fille de v ingt-deux ans, faisant remonter sa maladie à une

attaque de grippe, survenue il y a quatre ans, à laquelle survient

une céphalalgie intense et rebelle : plus lard, tintements d'oreille,

puis anesthésie partielle et paresthésie de la zone innervée par le

trijumeau : puis affaiblissement des muscles masticateurs à

gauche, parésie de la langue, déviée à gauche, régurgitation des

liquides par le nez, paralysie partielle du côté gauche de la face.'

et tic douloureux à gauche. Plus tard encore douleur localisée il

la tempe gauche. Puis troubles de la \ue (diminution processive

- à gauche du champ visuel de bas en haut). On trouve une névrite

optique double, plus-accusée à gauche. Quand l'auteur l'examine,

il n'existe aucune perception de la lumière. Six semaines aupara-

vant, diminution de l'ouïe à gauche, aboutissant promptement à

la surdité totale. Abolition à gauche du sens du goût. Réflexe du

genou actif des deux côtés. Pas de signe de Romberg. Dynamo-

mètre : U. 3^, G. 27. Presque pas de vomissements. Etat mental

parfait. On porte le diagnostic de tumeur de la base du cerveau,

siégeant à gauche dans la protubérance ou sou voisinage, et inac-

cessible à toute intervention chirurgicale.

Environ deux mois avant la mort. il commence à s'écouler de

la narine droite un liquide séreux, dont la quantité atteint plu-

sieurs onces par jour : une heure après le début de cet écoulement,

l'oreille dioite recouvre l'audition (un peu imparfaite, il est vrai)

et la conserve jusqu'à la mort. Le flux avait été assez abondant

pour presque suffoquer la malade. Mort par convulsions cloniques

et coma en janvier 1899 (trois ans après que l'auteur a vu la

malade pour la première fois).

A l'autopsie, on constate que la tumeur part du bord antérieur

du lobe gauche du cervelet, qu'elle comprime fortement la protu-

bérance et la moelle, qu'elle a d'ailleurs sensiblement déplacées.

Sa consistance est plus ferme que celle du tissu cérébral, et autour

d'elle s'est collectée environ une once de liquide cérébro-spinal

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 309

limpide. Au point de vue de sa nature, c'était un angiome mixte,

peut-être avec début de dégénérescence sarcomateuse.

L'écoulement du liquide cérébro-spinal à travers la lame criblée

de l'ethmoïde, par la narine droite, est un fait intéressant. Il est

remarquable en effet qu'un ne; dont les fonctions ont été pendant

plusieurs mois complètement abolies par le fait d'une compression,

puisse récupérer ces fonctions instantanément d'une manière

presque complète. Ce fait nous montre aussi la possibilité de

recourir à la ponction lombaire comme méthode palliative, s'il

nous était possible de diagnostiquer avec précision l'existence

d'une excessive accumulation de liquide céphalo-rachidien.

R. de Musgrave-Clay.

XL. Le diagnostic de l'hystérie ; par Charles-W. l3ul\l\. (The New

York Médical Journal, 28 avril 1900.)

On a eu raison de dire que quand on sait la syphilis et l'hystérie,

on sait toute la médecine, car la syphilis détermine des lésions, et

l'hystérie des symptômes, dans tous les organes. L'auteur se

demande d'abord ce qu'il faut entendre par hystérie : cela on ne le

saura que quand on saura toute la psychologie, toute l'histoire des

relations de la matière et de l'esprit : jusque-là, il faut se con-

tenter, - si peu satisfaisante qu'elle soit, - de la définition de

Mobius : « L'hystérie est un état dans lequel les idées commandent

au corps et déterminent dans ses fonctions des modifications

pathologiques. » Le diagnostic de l'hystérie se fait, comme la plu-

part des diagnostics, d'abord par la constatation des symptômes,

puis par exclusion ; et les données négatives n'ont pas ici moins

de valeur que les positives. Les symptômes vraiment propres à

l'hystérie ne sont pas nombreux, ce qui peut avoir une vraie valeur

symptomatique. C'est leur mode d'apparition et leur groupement :

par exemple, la contracture n'apparaît ni brusquement, ni au

début, dans une paraplégie organique, ce qui peut parfaitement

arriver dans l'hystérie. On se trouve souvent en présence, chez les

hystériques, d'associations de symptômes qui ne se rencontrent

dans aucune lésion localisée des centres nerveux, et c'est cette dis-

cordance symptomatique qui devient caractéristique. Quelquefois

pourtant la nalure même d'un symptôme isolé peut attester son

origine hystérique : c'est souvent le cas pour ces anesthésies à

géographie bizarre, qui violent toutes les règles de localisation

cérébrale, spinale ou 'périphérique. Ajoutons que ces anesthésies

diffèrent des anesthésies organiques en ce qu'elles sont tort sou-

vent ignorées de la malade et découvertes seulement par le mé-

decin qui les recherche. Mais bien que ces anesthésies soient fré-

quentes, elles peuvent manquer. Il n'y a pas de symptôme constant

dans l'hystérie, et l'on n'est jamais fondé à la nier sur l'absence

310 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

\

de tel ou tel phénomène : le diagnostic ne peut se faire qne par

l'étude de tous les symptômes. Au lieu d'anesthésie on trouve

souvent de l'hyperesthésie, des zones hystérogènes dont la com-

pression arrête une crise, et possédant des lieux d'élection, ce qui

prouve qu'elles obéissent à des lois et ne sont si accidentelles ni

simulées. Une des. formes les plus intéressantes de l'hyperalgie

hystérique est-celle qui simule les inflammations articulaires

(coxalgie hystérique) en épargnant toutefois presque toujours les

petites articulations.

Quant au diagnostic de la crise hystérique, il peut être fort aisé

ou très difficile : de plus l'hystérie n'est pas toujours simple et se

complique assez souvent d'épilepsie. L'auteur ici fait une remarque

intéressante, c'est que la race peut influer sur la modalité de

l'accès, et que, par exemple, à Philadelphie, il est rare de rencon-

trer des cas présentant les quatre périodes décrites par les auteurs

français et fréquent au contraire d'observer des formes abortives.

La paralysie, sans indication de nature, n'a aucune valeur dia-

gnostique. Il y a pourtant une forme de paralysie fiasque qui ne

se rencontre que dans l'hystérie : c'est celle dans laquelle, malgré

l'abolition complète des mouvements volontaires, le malade peut

néanmoins maintenir le membre paralysé dans n'importe quelle

position où il a été passivement placé.

En somme, quand l'hystérie existe seule, son diagnostic est rela-

tivement facile; malheureusement elle est souvent accompagnée

de lésions organiques ou même provoquée par ces lésions, et le

problème du diagnostic peut alors devenir singulièrement com-

pliqué. IL de Musgrave-Clay.

XLI. La question de la neurasthénie à la Société de thérapeu-

tique. (Bulletin Médical, avril IU01).

Les principaux points mis en lumière ont été : Impossibilité de

soigner les neurasthéniques par suggestion, nécessité de les

traiter en malades atteints d'hypovttalité nerveuse et non comme

des vésaniques; indications fournies par l'urologie au point de

vue de l'alimentation et utilité de la médication phosphatique.

M. Il.

L11. La nature de la neurasthénie, par M. Ladova. (Clcicpo

Médical recorder, septembre 1900.)

L'auteur croit que dans la neurasthénie il y aurait d'abord épui-

sement nerveux par fatigue amenant secondairement un défaut de

nutrition de la cellule nerveuse par pénétration de substances

toxiques entravant l'action centripète. il. II.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. c ? ll'1

XLIII. Troubles nerveux intermittents d'origine palustre ;

par Broquit. (Revue le Médecine, mai 1901.)

Observation prise à l'hôpital militaire de Marseille d'un malade

atteint de paralysie intermitlente des sphincters anal et vésical

survenant après des poussées fébriles dues au paludisme, les

poussées étaient également accompagnées de parésie transitoire.

L'ensemble a'bien cédé à la quinine. M. Il.

XLIV. Polynévrite palustre ; par BorwT. (Revue de Médecine,

- mai 1901.)

Un cas de polynévrite dû au paludisme. Le début par douleurs

sourdes puis aiguës, suivies de parésie et d'atrophie des membres

avec présence de zônes d'anesthésie ont été les symptômes les plus

notables. M. liauEL.

XLV. La névrose d'angoisse : par HAMEMBERG. (Revue de Médecine,

juin 1901.)

Frend a décrit déjà sous ce nom un syndrome qu'il sépare fran-

chement de la neurasthénie et qui présente comme symptômes

caractéristiques, une irritabilité générale avec attente anxieuse

entrecoupée de crises aiguës d'angoisse souvent précédées d'accès

paresthésique, ou bien de crises rudimentaires : crises cardiaque,

respiratoire, vertige, etc....

Cet état d'augoisse est le plus souvent concomitant de phobies

et d'obsessions diverses.

D'après Frend cette affection serait le plus souvent liée il des

habitudes anormales ou il des pratiques irrégulières dans la vie

sexuelle.

L'excitation sexuelle qui n'aboutit pas il l'orgasme, le coït

réservé ou interrompu ont souvent été suivis aussi bien chez

l'homme que chez la femme d'un état syndromique d'angoisse.

La pathogénie doit en être recherchée dans une dérivation sur les

centres nerveux de l'excitation sexuelle non satisfaite.

L'auteur qui en rapporte une observation détaillée, se range à

l'opinion de Frend quant l'indépendance clinique de cette forme

de névrose mais fait des réserves au point de vue de l'origine

sexuelle. M. Hamel.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

XI' CONGRES DES ALIÉNISTES ET N E U Il 0 LOG l S T ES

DE rti : 1\Cli'ET DES PAYS DE LANGUE FRANÇAISE

Session de Limoges (suite 1).

Séance du 2 août (soir) à Saint-Pricsl- Taurion (suite).

Paralysie générale juvénile.

Voici le texte complet des remarques présentées par M. le

D'' Régis sur la communication de M. le Dr DEVAY.

M. Régis. Les faits que nous apporte M. Devay viennent aug-

menter le nombre progressivement croissant des cas de paralysie

générale juvénile qui, aujourd'hui, s'élèvent en effet à 100 au moins,

dontplus de la moitié avec autopsie conlirmative.

Je signale à ce propos que, quelques jours après la publication

de ma dernière observation dans les Archives de neurologie, le

malade est mort après une série d'attaques épileptiformes et que

les lésions macroscopiques de l'autopsie, pratiquée par M. Lalanne,

ont démontré jusqu'à l'évidence, en attendant les preuves micro-

graphiques, qu'il s'agissait bien réellement. de paralysie générale.

Dans les cas de M. Devay, la syphilis héréditaire se retrouve,

comme cela a lieu presque toujours. J'ai trop insisté sur ce point

pour y revenir encore. Mais je relève aussi dans ces cas l'existence

de la tuberculose, ce qui m'amène à dire que la tuberculose existe

avec une fréquence relativement grande, soit chez les paralytiques

généraux adolescents, soit dans leur famille. Parfois même, les

deux infections, syphilitique et tuberculeuse, s'y trouvent asso-

ciées. Ce point mérite d'être signalé et examiné de plus près.

En ce qui concerne l'âge de la paralysie générale juvénile, je

crois qu'il importe de bien s'entendre suri ses limites. Cela est

d'autant plus nécessaire que la paralysie générale juvénile, avec sa

symptomatologie et son étiologie habituellement hérédo-syphili-

4 Voir Archives de Neurologie, n° G9, 1901, t. XII, p. 233.

SOCIÉTÉS SAVANTES.. 313

tique, aujourd'hui bien établies, n'appartient à la même série de

faits que la paralysie générale survenant entre vingt-cinq et trente

ans. Pour ma part, je serais disposé à admettre une paralysie

générale juvénile, débutant entre douze et vingt ans ; une paraly-

sie générale précoce, entre vingt et trente ans, enfin et si l'existence

vient à en être réellement démontrée, une paralysie générale

infantile. , ,

De la dégénérescence dans les vieilles localités.

1 11. B. PAILIIAS (d'Albi). Les vieilles localités, tout comme les

vieilles races et les anciennes familles, ont-elles leur dégénéres-

cence ? Une étude minutieuse de la répartition, par lieux d'origine,

de nos aliénés natifs du Tarn et admis à l'asile d'Albi, depuis 184a,

m'a permis, je crois, de répondre affirmativement à cette ques-

tion. En effet, il m'a semblé que, dans un bon nombre de localités

jusqu'ici isolées par le fait d'insuffisants moyens de communica-

tion, autrefois pour des raisons d'ordre surtout stratégique, les

tares dégénératives s'affirmaient d'une façon particulièrement mar-

quée, surtout en ce' qui concerne la forme mentale. Dans une

excellente monographie du Tarn, le docteur Maurice l3astié, de

traulhet, signale qu'il y a moins de cent ans, vu l'absence presque

complète de routes dans ce département et les difficultés de com-

munication, surtout dans la partie montagneuse, les habitants des

communes émigraient peu et se mariaient entre eux, dans leur

localité. D'où il suit que l'hérédité consanguine, ainsi favorisée

dans ces centres de population stagnante, a dû progresser dans

un sens d'autant plus morbide que l'accumulation des siècles lui

permettait de fixer plus profondément l'influence des diverses

causes locales de la dégénérescence. Dès lors, seront le plus tarées

celles des anciennes localités qui auront le plus souffert des condi-

tions fâcheuses des temps passés, des privations, des luttes, de

toutes les défectuosités hygiéniques et morales d'une aggloméra-

tion compacte ou même resserrée dans les limites'étroites d'une

enceinte fortifiée. Tel semble avoir été entre autres, le cas du

petit village d'Ambialet, jadis place forte considérable et première

résidence des vicomtes d'Albi, refuge au moyen âge des principales

familles de la contrée qui vinrent y chercher un asile durant les

guerres du pays albigeois. '

Le nombre d'aliénés originaires d'Ambialet rapporté à celui

de la population actuelle de celte commune donne une proportion

de 1,23 p. 100 que n'atteignent pas nos villes principales : Castres,

0,60 ; Albi, 0,97 ; Gaillac, 0,68 ; Lavaur, 0,-il.

Comme contre-épreuve de l'aptitude dégénérative de cette loca-

lité, je signalerai le fait remarquable et logique de la coexistence

dans la commune d'Ambialet d'un nombre relativement impor-

314 SOCIÉTÉS SAVANTES.

tant de sourds-muets. C'est ainsi qu'une statistique officielle de

183G relative à la surdi-mutité relevait 5 sourds-muets à Ambia-

let, alors qu'Albi n'en présentait que 2, Castres, 1, Villefranche, 3. 3.

La proportion élevée du chiffre des aliénés d'Ambialet ne saurait

donc être considérée comme un fait de hasard, pas plus que celle

d'autres localités tarnaises qui, comme Lautrec (1,12), Montfa

(1,10), Cordes (1,88), ont autrefois constitué d'importantes places

fortes.

Je n'insisterai pas sur cet aspect éliologique de la folie. En

1899, j'ai cru devoir le mettre en lumière à propos d'une étude

d'ensemble sur la folie dans le département du Tarn. Peut-être ne

trouverez-vous pas inutile qu'il en ait été dit un mot à l'occasion

de ce Congrès.

Nous avons toujours encouragé les médecins qui faisaient

de telles publications qui ont une tendance cependant à se

multiplier. Aussi est-ce avec plaisir que nous avons entendu

le Président relever l'intérêt de la communication de

M. Pailhas et lui adresser de vives félicitations.

. Un cas de paralysie générale à début anormal ;

par M. le D'' Pailhas (d'Albi).

Séance du samedi 3 août (matin). Présidence de M. G. Ballet.

Physiologie et pathologie du tonus musculaire des réflexes et de la

contracture. \I. CROCQ (de Bruxelles), rapporteur.

Tonus musculaire. Après avoir donné un aperçu historique de

la question, l'orateur expose et critique les nombreuses théories

éditiées dans le but d'expliquer le mécanisme 'du lonus muscn-

laire. Pour résoudre cette question, il établit les faits suivants :

1° la section des racines postérieures donne lieu à l'abolition du

tonus musculaire ; 2° la section de la moelle, à la région cervicale,

chez la grenouille, ne diminue pas le tonus musculaire ; 3° la sec-

tion ou la ligature de la moelle cervicale ou dorsale supérieure,

chez le chien et chez le lapin, diminue le tonus des muscles volontai-

res et exagère le tonus des sphincters ; 4° la section ou la ligature

de la moelle cervicale on dorsale supérieure, chez le singe, diminue

considérablement le tonus des muscles volontaires et exagère le to-

nus des phincters; Reliez l'homme,les lésions transversales complètes

de la moelle, à la région cervicale ou dorsale supérieure, provoquent

l'abolition permanente et complète du tonus 'des muscles volon-

taires, et l'exagération de la tonicité sphinctérienne; 61 les lésions

destructives des lobes cérébraux donnent des résultats différents

suivant les animaux sur lesquels on opère. De l'examen attentif de

SOCIÉTÉS SAVANTES -. 315

ces faits, le rapporteur conclut que : 10 chez la grenouille, la toni-

cité musculaire, tant volontaire que sphinctérienne, est réduite à

l'arc réflexe élémentaire (Tr. 1) ; 2° chez le lapin et chez le chien,

le tonus des muscles volontaires se fait presque exclusive-

ment par les voies longues; le centre de ce tonus peut être loca-

lisé dans le mésocéphale ({if]. 2) ; le tonus sphinctérien se pro-

duira, au contraire, par les voies courtes, mais il est régularisé

par une influence corticale; 3° chez le singe, l'importance des voies

longues est plus grande encore ; le centre du tonus volontaire

peut être placé à la fois dans les ganglions basilaires et dans

l'écorce cérébrale. Le tonus sphinctérien se maintient comme

chez le chien (fig. 3) 4° chez l'homme, les voies longues sont

seules chargées de transmettre les courants toniques des muscles

volontaires ; le centre de ce tonus est exclusivement cortical

(fig. 4). Le tonus sphinctérien se produit encore par les voies

courtes, mais l'influence corticale est plus marquée que chez les

animaux; 5° chez le nouveau-ne, le faisceau pyramidal n'existe

pas fonctionnellement; le tonus musculaire se produit, comme chez

les vertébrés inférieurs, par les voies courtes.

Les lois suivantes permettent de comprendre les modifications

pathologiques du tonus : 1° l'excitation d'un muscle volontaire

produit ['inhibition de son antagoniste ; 2° l'inhibition du tonus

d'un muscle volontaire provoque Vhypertonie de son antagoniste;

3° la destruction complète des neurones moteurs centraux ou péri-

phériques ou de leurs prolongements cylindroïdes, provoque

l'utonie des muscles correspondants; 4° leur destruction partielle

316 SOCIÉTÉS SAVANTES.

provoque l'hypotonie; 5° les altérations péricellulaires et péricylin-

ctroïdes des neurones moteurs centraux et périphériques produi-

sent, lorsque le fonctionnement du neurone est gêné, un éréthisme

Ft ? 2.

1

SOCIÉTÉS PAVANTES. ' 317

fonctionnel qui donne lieu à une exagération du tonus musculaire.

Ces lois servent de base à la compréhension des modificat'ons

du tonus musculaire dans les différentes maladies que l'auteur

Fif ! . 3.

318 / SOCIÉTÉS SAVANTES.

passe en revue : myopathies, polynévrites, poliomyélites, tabes,

hémiplégie organique, maladie de Freidreich, hérédo-ataxie céré-

belleuse, tabes dorsal spasllloclili ue, sclérose latérale amyotro-

Fiy. 4.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 319 9

phique, scléroses combinées, compressions médullaires, sclérose

en plaques, états paréto-spasmodiques infantiles, nécroses, para-

lysie générale, infections et intoxications.

IL Réflexes : Après avoir développé les nombreuses théories for-

mulées par ses prédécesseurs, le rapporteur démontre les faits

suivants : 1° La section des racines postérieures provoque l'abo-

lition de tous les réflexes ; 2° la section de la moelle cervicale,

chez la grenouille, donne lieu a l'exagération des réflexes sous-

jacents à la lésion (ftg. 5); 3e la section ou la ligature de la moelle

cervicale ou dorsale supérieure, chez le lapin et chez le chien, donne

lieu à l'exagération immédiate des réflexes tendineux et à l'aboli-

tion temporaire des réflexes cutanés (lig. G); 4° la section ou la

ligature de la moelle cervicale ou dorsale supérieure, chez le singe,

donne lieu à une abolition plus ou moins prolongée des réflexes

tendineux et cutanés (fi : ]. 7); 5° chez l'homme, la section complète

de la moelle, à la région cervicale ou dorsale supérieure, provoque

l'abolition permanente et complète des réflexes tendineux et cuta-

nés (fiq. 8) ; G° les lésions destructives de l'écorce cérébrale don-

nent lieu, chez tous les animaux, à une exagération plus ou moins

marquée des réflexes tendineux et chez quelques-uns d'entre eux,

à un affaiblissement des réflexes cutanés ; 7° les lésions destruc-

tives du cervelet entraînent l'exagération des réflexes tendineux.

De l'examen attentif de ces faits, le rapporteur conclut que :

Il chez la grenouille, des réflexes se réduisent à l'axè réflexe élé-

mentaire ; leurs centres médullaires sont inhibés par les centres

supérieurs ; 2° chez le lapin et chez le chien, les réflexes tendineux

Fig. J.

320 SOCIÉTÉS SAVANTES.

se font encore par les voies courtes ; leurs centres médullaires sont

inhibes par le cerveau et le cervelet ; les réflexes cutanés parco : : -

Fig. G.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 321 1

rent normalement les voies longues, leur centre principal est

mésocéphalique ; certains réflexes défensifs rapides se font par les

voies courtes ; 3° chez le singe, les centres des réflexes tendineux

Archives, 2° série, t. XII. 21

Fig. 7.

M2 SOCIÉTÉS SAVANTES.

sont bacillaires et soumis à l'action inhibitrice du cerveau et du

cervelet ; ceux des réflexes cutanés sont à la fois basilaires et cor-

ticaux. Certains réflexes défensifs continuent à parcourir

I% i. 8. '

SOCIÉTÉS SAVANTES. 323

les voies courtes; 4° chez l'homme, les centres des réflexes tendi-

neux sont basilaires et soumis à l'action inhibitrice du cerveau et

du cervelet ; ceux des réflexes cutanés sont corticaux. Ici encore,

certains réflexes défensifs rapides se font par les voies courtes ;

5o chez le nouveau-né, les réflexes se produisent, comme chez les

vertébrés inférieurs, par des voies courtes. '

L'orateur fait ensuite la physiologie des réflexes tendineux et

cutanés; puis il décrit les réflexes pathologiques (réflexe fémoral,

de Babinski, clonus). 11 montre que l'antagonisme des réflexes ten-

dineux et cutanés est fréquent et possède une importance clinique

indéniable, il examine enfin les modifications des réflexes dans les

maladies des névrosés et il s'efforce de les expliquer par sa théo-

rie.

III. Contracture. L'orateur expose et critique les théories sui-

vantes : il démontre que le mécanisme de la contraction est indis-

solublemeut lié à celui du tonus musculaire, la contracture étant

l'expression de l'hypertonie. L'expérimentation confirme cette

hypothèse; les lésions irritatives de l'écorce ne provoquent aucune

contracture chez lés batraciens, le lapin, le chien, le chat, chez

lesquels le tonus se produit sans une intervention notable du cor-

tex ; elles donnent lieu, au contraire, à des contractures chez le

singe et chez l'homme, chez lesquels le mécanisme du tonus

dépend de l'écorce cérébrale. Le= contractures particulières que

l'on observe chez le singe, à la suite de la destruction complète de

la zone motrice, peuvent être assimilées à celles qui se produisent

par des lésions incomplètes non irritatives de la zone motrice de

l'homme. La distinction entre la contracture vraie et la pseudo-

contracture présente de sérieuses difficultés ; généralement, la

seconde résulte de la première.

L'une résulte de la lésion des neurones moteurs centraux,

l'autre de l'altération des neurones moteurs périphériques. La

contracture vraie e=t produite, d'une part, par les altérations

péri-cellulaires et péri-cylindroïdes des neurones moteurs cen-

traux : d'autre part, par les lois de l'antagonisme musculaire.

Le type si constant des contractures dépend de raisons histolo-

giques ; à l'état normal, certains groupes musculaires sont pré-

dominants ; une lésion diffuse ayant pour résultat d'abaisser d'une

manière uniforme la tonicité musculaire amènera la flaccidité

complète des muscles les moins développés et seulement l'hypoto-

nicité des muscles les plus forts. Cette hypotonicité deviendra bien-

tôt une hypertonicité réelle, grâce aux lois établies précédemment ;

certains neurones corticaux s'affaibliront et s'atrophieront, l'ac-

tion irritative péri-cellulaire ne sera bientôt plus capable de

réveiller leur vitalité, tandis qu'elle exagérera de plus en plus

l'hypertonicité des neurones antagonistes.

324 Il SOCIÉTÉS SAVANTES.'

»

Le rapporteur passe ensuite en revue, comme précédemment,

les différentes maladies des névrosés, et il s'efforce d'expliquer la

production des contractures dans chacune d'entre elles.

IV. Dans la grande majorité des cas, il existe un rapport

étroit entre l'état des réflexes tendineux et celui du tonus muscu-

laire. -

Les recherches expérimentales de l'auteur, ainsi que les don-

nées cliniques, prouvent clairement que ce rapport n'est pas cons-

tant. L'indépendance clinique du tonus et des réflexes confirme

leur indépendance anatomique.

M. Grasset. Je ne crois pas qu'on soit en droit d'établir un

mécanisme simple du tonus et par suite de la contracture. On ne

saurait dire, par exemple, que le centre du tonus est purement

cortical. En réalité, le maintien du tonus a besoin de l'intégrité de

plusieurs systèmes médullaires, et il semble que l'on puisse décrire

trois étages de neurones intervenant dans la manifestation du

tonus muscullaire. Il existerait d'abord un premier étage médul-

laire formé parle neurone sensitif rachidien et le neurone moteur

centrifuge de l'étage correspondant; on-fera rentrer ensuite dans

ce groupe le neurone de l'origine réelle des nerfs craniens. Le

deuxième étage serait formé par les masses grises du mésocéphale

(cervelet, noyau rouge, masses grises du pont, noyaux centraux),

dont nous connaissons et des voies centripètes (faisceau cérébel-

leux ascendant, ruban de Goll) et des voies centrifuges (faisceau

cérébelleux descendant, faisceau rubro-spiual, etc.).

Enfin, le troisième étage serait cortical. Ce système développe-

rait, d'une part, .une' action excitatrice, d'autre part, une fonction

inhibitrice, mais ces actions sont complexes et c'est ainsi que le

nerf labyrinthique et autres agissent sur les centres mésocépha-

liques dans le maintien normal du tonus musculaire.

M. Pitres. - Les expérimentations faites sur le système nerveux

des animaux et en particulier celles que M. Crocq relate dans son

très remarquable rapport, sont d'un très grand intérêt, mais elles

ne peuvent servir à poser des conclusions définitives de physiolo-

gie nerveuse chez l'homme. Conclure de la série animale à ce der-

nier est une tendance bien naturelle, mais qui me parait fâcheuse

au plus haut chef, même avec les quelques réserves que l'on s'em-

presse de formuler d'abord et d'oublier ensuite. Cette tendance

n'est pas particulière à la physiologie nerveuse, mais s'étend à

toute la physiologie humaine. Il est regrettable, en effet, de voir

des traités, qui s'intitulent traités de physiologie humaine, rap-

porter soigneusement de longues et intéressantes recherches expé-

rimentales sur tel ou tel appareil de tel ou tel animal, mais omettre

complètement les données que nous possédons sur le fonction-

nement de ce même appareil chez l'homme : de pareils ouvrages

SOCIÉTÉS SAVANTES. 325

trompent par leur titre sur la nature de leur contenu. Pour en

revenir à la physiologie du système nerveux de l'homme, il nous

semble que, seule,' la méthode anatomo-clinique pourra servir il

établir ses lois. Je ne veux pas ici critiquer les conclusions du

rapport de M. Crocq, mais je veux faire quelques remarques au

sujet de la contracture, de la trépidation épileptoïde et des réflexes

tendineux.

La contracture ne me semble pas une et toujours identiques à

elle-même, ni dans sa distribution topographique, ni dans sa nature.

dans tous les cas où on peut l'observer. Tout d'abord elle varie

dans sa distribution topographique, certains muscles sont préfé-

rablement contracturés que d'autres qui le sont rarement ou

jamais. Je regrette de ne pas voir ce point indiqué et développé

dans le rapport de M. Crocq et de ne pas y trouver une explica-

tion de cette variabilité.

Ensuite, la contracture ne me parait pas une dans sa nature

elle-même, partout et toujours. J'ai l'habitude, dans mon enseigne-

ment, de distinguer plusieurs variétés de contracture. L'une, que

j'appelle volontiers contracture myotonique, se trouve réalisée notam-

ment chez les malades atteints de maladie de Parkinson. L'autre, à

laquelle je donne le nom de contracture myotéttmiqllc, est le type

de la contracture. Ces deux types ne sont pas les seuls et en par-

ticulier leur association peut se rencoutrer chez un même malade,

dans l'hémiplégie organique avec contractures secondaires ou

dans la sclérose latérale amyotrophique par exemple. Il n'est

pas rare de constater, en effet, chez un hémiplégique organique,

le matin, au réveil, dans son membre paralysé, un léger degré de

contracture facile à vaincre ; chez le même malade, observé à

plusieurs reprises dans la journée, on peut s'apercevoir d'une

exagération notable de la contracture survenue dans le membre

paralysé : il la contracture première, myotonique, est venue se

surajouter une contracture myotétanique. Cette dernière peut

quelquefois apparaître subitement, sous l'influence de fatigue, d'un

effort, d'une simple émotion, et abolir complètement par sa

brusque apparition les fonctions d'un membre incomplètement

paralysé. Ce sont des faits d'observation courante qu'il serait bon

de retenir dans une étude sur la contracture. Ils sont peut-être de

nature à élucider la pathogénie de ce symptôme si important. Il

se pourrait, en effet, que la forme myotonique soit le résultat d'une

simple exagération du tonus et que la forme myotétanique soit au

contraire la conséquence d'une véritable contraction des fibres

musculaires.

On a tendance à considérer encore la trépidation épileptoïde et

l'exagération des réllexes tendineux comme deux phénomènes de

même ordre. Or, je me suis élevé depuis longtemps contre cette

manière de voir par trop exclusive. Et je regrette de ne pas voir

326 6 SOCIÉTÉS SAVANTES.

figurer dans la bibliographie du rapport de M. Crocq. par ailléurs

très complète, l'indication d'un travail publié en 1884, dans la

lieviie de médecine, par 11. Maurice de Fleury, alors mon interne,

et celle d'une thèse, faite l'année suivante sous mon inspiration par

M. Delcrme-Sorbé et soutenue devant la Faculté de Bordeaux. La

distinction à faire entre ces deux ordres est réelle et les arguments

de grande valeur en faveur de cette opinion ont été développés

par M. Maurice de Fleury dans son travail. La non-identité de

nature de la trépidation épileptoïde et de l'exagération des réflexes

tendineux est démontrée par deux séries de preuves. La première

comprend des preuves cliniques : elle réside dans ce fait que

souvent dans la convalescence des maladies infectieuses et en par-

liculier de la lièvre typhoïde, on constate de la trépidation épilep-

toïde du pied et de la rotule, alors que les réflexes tendineux

sont diminués ou même totalement abolis. La seconde est tirée

des résultats fournis par l'application de la bande élastique d'Es-

march. Sous l'influence de cette application, en effet, on voit la

trépidation épileptoïde s'abolir complètement au bout de quelques

minutes, alors que les réflexes tendineux persistent inaltérés. il

ne faut pas cependant, dans cette expérience, comme l'ont fait

certains auteurs qui la répétaient après moi, atteindre une isché-

mie trop complète, car alors les réflexes s'abolissent à leur tour.

M. ;'IIENDFLSSoIIN(lle Saint-Pétersbourg). La thèse soutenue par

M. Crocq relativement à une -localisation cérébrale exclusive des

réflexes chez certains animaux et chez l'homme ne me parait être

conforme ni aux faits physiologiques ni aux données cliniques.

L'acte réflexe doit être considéré comme une propriété générale du

système nerveux central et particulièrement de la partie médul-

laire de l'axe cérébro-spinal. Il n'existe pas à mon avis des centres

réflexes, cenx-ci pouvant se produire à un niveau quelconque de

toute la hauteur de la moelle épinière. Partout où l'élément péri-

phérique récepteur entre en communication avec l'organe moteur

réactionnel. les conditions pour la production des réflexes se

trouvent par là même réalisées. Cependant, comme cela résulte de

mes expériences, certaines voies, notamment les voies longues

sont plus praticables et présentent moins de résistance au passage

des réflexes que d'autres voies plus courtes et plus directes. Ausi

les réflexes normaux, c'est-à-dire provoqués par des irritations

minima, passent-ils par la partie supérieure de la moelle cervicale.

Lorsque cette région est détruise, les réflexes provoqués par des

irritations minima sont supprimés, mais il suffit d'augmenter

l'intensité de l'irritant pour que les réflexes réapparaissent en se

frayant un chemin par d'autres voies moins praticables. La sépa-,

ration de la moelle ducerveau ne supprime donc pas définitivement

les réflexes, dont la production dépend de l'intensité de l'irritant.

Les faits cliniques ne parlent pas non plus tout à fait en faveur de

SOCIÉTÉS SAVANTES. 327' >

la localisation de tous les réflexes dans le cerveau. Rien ne

prouve que la disparition des réflexes à la suite d'une lésion de la

partie cervicale de la moelle soit le résultat d'une interruption des

voies conductrices; elle peut être l'effet de causes multiples et plus

ou moins complexes. Du reste, il existe déjà quelques observations

cliniques, dans lesquelles une lésion de la partie cervicale de la

moelle, équivalant à une véritable section de cet organe a eu pour

effet la conservation et même l'exagération des réflexes médul-

laires. Le réflexe n'étant pas à symptôme à localisation exclusive,

sa valeur séméiologique et pathognomonique doit être à mon avis

très restreinte d'autant plus que les moyens d'investigation usités

en clinique pour déterminer les réflexes sont très défectueux.

M. BRI551UD. - Le centre des tonus est exclusivement vertical

d'après \I. Crooq. Cette théorie n'explique pas les faits de lésion de

la capsule interne ayant séparé la corticalité de la moelle, ayant

détruit le faisceau pyramidal, et cependant ayant déterminé'une

contracture spasmodique. D'autre part, les lésions aiguës trans-

verses de la moelle cervicale déterminent une paraplégie flaccide,

soit par un état de shock, soit par un trouble circulatoire par

l'intermédiaire de l'arbre spinal antérieur, mais les destructions

lentes trans verses de la moelle peuvent déterminer une paraplégie

spasmodique. La main de l'hémiplégique se contracture presque

toujours en flexion; si cette contracture est due à l'irritation des

fibres pyramidales intactes, il faudrait donc admettre que, dans

les lésions à localisation variée qui créent l'hémiplégie cérébrale,

les fibres destinées aux extenseurs seraient toujours plus intéressées

que les fibres destinées aux muscles fléchisseurs.

M. CCST.1N. -J'approuve d'autant plus le rapport de 111. Crocq

dans son exposé critique des théories que, déjà en 1899, j'étais

arrivé, pour des raisons semblables, à soutenir que nous ne pos-

sédions pas une théorie de la contracture capable d'en expliquer

les modalités cliniques. Mon opinion n'a pas changé et je n'accepte

pas la théorie de lI. Crocq. Je ne puis concevoir en effet que tandis

que chez l'enfant le tonus est exclusivement médullaire, il devienne

chez l'adulte définitivement et exclusivement cortical. D'autre

part, nous possédons des cas de destruction complète du faisceau

pyramidal suivie cependant de contracture spasmodique ; or,

111. Crocq attribue la contracture à l'irritation des cylindres-axes

de ce faisceau pyramidal. J'apporte en collaboration avec le pro-

fesseur Raymond, deux cas de tumeur du quatrième segment t

dorsal, ayant déterminé une paraplégie spasmodique pendant

plusieurs années. Je ne veux pas discuter si les quelques cylindres-

axes encore épargnés au niveau de la lésion sont capables de déter-

miner la contracture, mais je puis dire que dans ces deux cas, les

faisceaux pyramidaux ont complètement disparu au-dessous de la

328 SOCIÉTÉS SAVANTES.

lésion et pourtant la paraplégie était spasmodique. La théorie de

M. Crocq ne saurait donc expliquer tous les faits cliniques. Con-

trairement à M. Crocq, j'attribue une grosse importance à la

recherche du réflexe achilléen dont la recherche est toujours facile

et positive à l'état normal.

J'ai étudié les réflexes cutanés des maladies nerveuses diverses :

d'une manière générale, ils sont surtout supprimés dans le tabes

et les affections spasmodiques. Ils n'ont pas une grave valeur

diagnostique : peut-être permettront-ils dans certains cas, de

différencier les tabes des pseudotabes polynévritiques car dansces

derniers, le reflexe crémastérien est conservé.

Le réflexe de Babinski n'est pas forcément associé à la trépidation

spinale; il est constant en effet dans la maladie de Friedreich, et

d'autre part, je l'ai constaté plusieurs fois après les accès d'épi-

lepsie, malgré la disparition à ce moment-là des réflexes tendineux.

Jenecroispas enfin que dans les névrites périphériques motrices,

et les poliomyélites aiguës ou chroniques, les déformations soient

dues à une hypertonicité des muscles conservés que l'on puisse

comparer à l'hypertonicité des maladies spasmodiques. Quant à

la contracture hystérique, on ne saurait encore l'assimiler à la

contracture organique. M. Babinski a montré au contraire combien

sur le terrain clinique elle en était différente.

Séance du samedi 3 août (soir). - Présidence DE M. G. Ballet.

De quelques considérations sur le mécanisme physiologique des

réflexes.

MM. L. Marchand et Cl. VURPAS. L'observation de plusieurs cas

cliniques ont engagé les auteurs à entreprendre quelques expé-

riences touchant le mécanisme et les conditions de production des

réflexes. C'est en parliculier le cas d'une jeune fille paralytique

générale et tabétique. Chez cette malade qui présentait des accès

épilepliformes on constatait pendant l'intervalle de ceux-ci l'absence

des réflexes patellaires et pendant les crises l'exagération des

réflexes.

Différentes catégories de malades chez lesquels les réflexes

patellaires étaient normaux, abolis ou exagérés ont été le sujet des

expériences des auteurs. Un myographe appliqué sur la partie

moyenne de la cuisse était en communication avec un tambour

enregistreur de Marey. Il en était de même pour une mince ampoule

de caoutchouc placée en avant de la partie qu'on devait percuter.

Les auteurs ont aussi, au moyen du même dispositif, étudié chfz

une nrerede le réflexe cutané plantaire. Des expériences entreprises

semblent découler les quelques considérations suivantes : il il peut

y avoir contraction du quadriceps sans projection du pied en

SOCIÉTÉS SAVANTES. 32U 9

avant. Faut-il dire dans ces cas que les réflexes n'existent pas ;

2° on remarque que le temps écoulé entre la percussion et le début t

de la contraction musculaire varie suivant chaque sujet et semble

augmenter chez notre hémiplégique à réflexes patellaires très

exagérés; 3° le temps écoulé entre le choc du marteau et le début 1.

de la contraction est le même, que l'on percute le tendon rotulien

au-dessus ou au-dessous de la rotule, ou que la percussion ,arlaa : ...-

sur le muscle lui-même, soit à sa partie inférieure, soit à,a naeGï ?

de la cuisse; 1° il semble que la contraction qui fjl ! 1"9'u'tie à la

secousse musculaire varie peu d'intensité dans les digère a ? U1'n

qui suit la percussion du tendon rotulien varie au c6nLl : ¡¡,ire'l : ièh : : I-

coup chez les différents sujets. arie au </> , j g

Le réflexe cutané plantaire qui passe sûrement par les centres » -

nerveux (25 centièmes de seconde) a donc un tout autre mécanisme

que le réflexe patellaire (3 centièmes de seconde).

En résumé, il semble que le temps écoulé entre le choc et ],

début de la contraction musculaire soit le même que l'on percute

« le tendon du muscle lui-même à différentes hauteurs, alors que

le réflexe cutané plantaire exige pour se produire un temps au

moins huit fois plus long. Le réflexe patellaire et la secousse mus-

culaire du quadriceps seraient donc de même nature. La différence

des réactions musculaires dans les réflexes tendineux et les

secousses musculaires chez les différents sujets tient peut-être à ce

que dans le premier cas le muscle est tiraillé suivant la longueur

même de ses fibres, dans le second à ce que le choc est transmis

perpendiculairement à ses fibres. Les réflexes patellaires, qui ne

seraient ainsi que des réactions musculaires dépendraient de la

tonicité du muscle, qui elle-même, serait sous la dépendance de

l'état du système nerveux.

Tumeurs gazeuses de l'abdomen.

M. Justin Lemaistre fait, sous ce Litre, une communication très

intéressante, concernant des tumeurs gazeuses survenues' chez des

névropathes. Dans deux cas, il y a eu intervention opératoire. Nous

aurons l'occasion probablement de revenir sur ce travail :

Deux observations d'algidité centrale d'assez longe durée, chez deux

paralytiques généraux.

M. JOFFROY rappelle d'abord les principaux états morbides dans

lesquelles on a noté de basses températures : athrepsie, sclérème

des nouveau-nés, maladie bleue, urémie, intoxication alcoolique,

attaques d'apoplexie, etc., et il insiste sur ce point que de nom-

breuses constatations de basse température ont déjà été faites soit

chez des aliénés, soit chez des maniaques ou des mélancoliques

atteints de diarrhée cholériforme, soit chez des déments, etc. Il

330 SOCIÉTÉS SAVANTES.

donne ensuite le détail de ses deux observations relatives à des

paralytiques généraux.

Dans le premier cas, il s'agit d'un paralytique général, dont le

diagnostic n'était possible que depuis peu de temps. Ce malade

ayant eu attaque apoplectilorme, on prit alors sa température

rectale et l'on constata qu'elle n'était que de 3j°3. Le lendemain, le

malade étant resté dans le coma, la température resta au même

chiffre de 35°3. Le surlendemain, la température rectale n'est plus

au matin que de 27°2 et peu à peu elle descend à 23°S pour se

relever à 26° c. au moment de la mort survenue 58 heures après

la première constatation de l'algidité centrale.

La seconde observation est relative à un paralytique général

paraissant classique, mais présentant (comme l'autopsie l'a démon-

tré) un syringomyélie gliomateuse. Ce malade étant alité fit des

eschanres et l'on constata alors que sa température rectale n'était

que de 3'501. Progressivement et assez régulièrement la tempéra-

rature s'abaissa les jours suivants jusqu'à 26 c. La mort survintle

huitième jour après la première constatation de l'algidité centrale,

sans coma, ni convulsions.

Ce dernier malade présentait dans le sang examiné la veille de

sa mort, des coli-bacilles de petites dimensions qui ont sans doute

joué un rôle dans la production de l'algidité dont le l'acteur prin-

cipal parait devoir être surtout recherché dans les altérations du

système nerveux. -

Cette intéressante communication a été l'occasion d'une discus-

sion à laquelle ont pris part MM. Bourneville, Dupré, et Briand z

M. Bourneville a rappelé que, outre les cas d'urémie et d'apo-

plexie cérébrale, accompagnés d'un abaissement de la température,

dont il s'est occupé naguère comme M. Jofl'roy l'a dit, il a signalé

une hypothermie très notable dans un cas de refroidissement durant

l'hiver de 1870, un autre, dans un cas d'ivresse comateuse, tous

deux consignés dans les Comptes rendus de la Société de biologie.

En outre, il a noté un abaissement de la température rectale,

en maintes circonstances chez les idiotes, en dehors des idiots

myxoedémateux chez lesquels la température rectale est toujours

au-dessous de 37° : 1° Feld..., idiote microcéphale à un haut

degré, âgée de cinq ans, morte avec des symptômes de bron-

cho-pneumonie avec une température de 2f¡.0 (Israélite, opposi-

tion à l'autopsie) ; 2° Bauclr... (Jeanne), huit ans, idiotie com-

plète, morte de cachexie avec 35°; 3° Thom... (Louise), deux

ans, idiote myxoedémateuse, morte de broncho-pneumonie (au-

topsie) avec 35°,1 ; 4° Binvi... (Germaine), cinq ans et demi,

imbécillité hydrocéphalique, morte de brûlures superficielles, avec

35°,2; 5° Gren... (Marcellin), six ans, idiotie congénitale, mort

de tuberculose pulmonaire avec 3fin. Tous ces enfants sont morts

durant les jours les plus froids de l'hiver. La température a été

SOCIÉTÉS SAVANTES. 331 i

prise avec plusieurs thermomètres et les thermomètres vérifiés

avec soin, ainsi que nous avons l'habitude de le faire en présence

de températures anormales.

Noie sur l'influence de la syphilis héréditaire, de l'alcoolisme et de

quelques professions insalubres sur la production des maladies

chroniques du système nerveux chez les enfants (idioties, épilepsies,

aliénation mentale.)

M. Bourt-il ? VILLF. - Ainsi qu'en font foi les Comptes rendus de

notre service de Bicêtre de 1880 il 1900, nous prenons toujours

grand soin de relever toutes les causes des maladies nerveuses et

chroniques de l'enfance qui produisent les différentes formes

d'idiotie, d'imbécillité, d'arriération intellectuelles et morale. Nous

procédons de même pour les différentes formes d'épilepsie, d'hys-

térie et d'hébéphrénie. Aujourd'hui nous désirons appeler l'atten-

tion de nos collègues seulement sur trois'de ces causes : la syphilis,

l'alcoolisme, les professions insalubres.

1° Syphilis héréditaire. Sur 2.702 observations de garçons

atteints de maladies chroniques du système nerveux, nous n'avons

relevé la syphilis des parents que dans 20 cas, soit 1 p. 100. Nous

interrogeons les parents à part ; nos questions portent d'abord sur

l'existence ou non, dans les antécédents, des manifestations spéci-

fiques et ce n'est qu'ensuite que nous posons catégoriquement la

queslion de syphilis. Sur 482 filles atteintes des mêmes maladies,

nous n'avons que deux cas de syphilis héréditaire avouée. La pro-

portion est encore moindre dans ce second groupe.

Sur les 420 garçons présentés dans le service, nous avons constaté

19 fois des lésions dentaires, susceptibles d'être rattachées à la

syphilis héréditaire. De ces 19 cas, une seule fois nous avons relevé

la syphilis chez l'un des géniteurs. Nous avons fait une revision

avec notre ami le Il Hallopeau sans parvenir à déceler la syphilis

chez les parents. Comment expliquer cette rareté de la syphilis

héréditaire comme cause de l'idiotie ou mieux des idioties' ?

Les effets de la syphilis du père ou de la mère se traduisent

d'abord par des fausses-couches, puis par des enfants nés un peu

avant terme, des enfants nés à terme, les uns et les autres devien-

nent d'ordinaire athrepsiques et meurent dans les premiers mois

ou dans la première année de la naissance. Ultérieurement la

syphilis s'atténuant soit spontanément, soit sous l'influence du trai-

tement, les enfants survivent. Ils ne viennent dans les services spé-

ciaux que si, à la suite de convulsions, de méningite, de maladies

infectieuses, ils sont atteints d'idiotie, d'imbécillité ou d'arriération

intellectuelle. Ces considérations nous paraissent expliquer le

nombre très restreint des cas d'idiotie susceptibles d'être rattachés

à 1'liérédo-sypililis.

332 SOCIÉTÉS SAVANTES.

2° Alcoolisme. L'enfant subit les conséquences de l'alcoolisme

sous une série de formes : 1° l'alcoolisme chronique du père ou de

la mère, ou des deux; - 2° l'alcoolisme à l'état d'ivresse au

moment de la conception; 3° durant la vie foetale, par suite des

coups reçus par la mère ou des émotions éprouvées par elle durant

la grossesse; - 4° les mêmes émotions au cours de l'allaitement

et ultérieurement.

2.072 garçons et 482 filles, idiots, épileptiques, imbéciles ou hys-

tériques sont entrés, les premiers, à Bicêtre, depuis octobre 1879;

les secondes, à la Fondation Vallée, depuis mars 1890, jusqu'au

31 décembre 1900, soit un total de 2.554 entrées.

Le tableau statistique ci-après résume nos constatations sur

l'alcoolisme.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 333

Cette statistique, mise à jour à la date dn 31 décembre 1900,

complète et résume nos statistiques antérieures. Elle met nettement

en évidence l'action néfaste de l'alcoolisme. Ceux qui s'intéressent

à cette question pourront lire un grand nombre d'observations dé-

taillées, au point de vue clinique et anatomique, dans les Comptes

rendus de Bicêtre (1880-1900).

Chaque fois que nous voyons les mères de nos malades, mariées

à des alcooliques, nous appuyant sur l'histoire même de leurs

enfants, nous leur recommandons d'éviter tout rapport sexuel avec

leurs maris en état d'ivresse. Il en est qui comprennent l'impor-

tance de nos conseils et agissent en conséquence..., quand cela est

possible. Trop souvent les malheureuses cèdent sous la menace

des coups, ou sous les coups mêmes.

3° Professions insalubres. Parmi les causes des idioties, des

épilepsies, etc., figurent aussi, avec raison, certaines professions

réputées insalubres exercées par les parents. Au premier rang, se

placent celles dans lesquelles on manie la céruse, le mercure, le

phosphore, le cuivre, etc. Nombreuses sont les observations dans

lesquelles nous avons relevé cette étiologie.

Les discussions dont le blanc de céruse a été l'objet dans ces

derniers temps au Comité d'hygiène publique de France1 et dans la

presse politique nous ont engagé à faire un relevé aussi exact que

possible des cas de maladies nerveuses de l'enfance que nous

venons d'énumérer, dans lesquelles il est possible d'invoquer l'action

des professions insalubres.

Nous avons dressé des tableaux comprenant : le nom des enfants,

les professions insalubres du père ou de la mère, ou des deux, le

nombre des enfants décédés et vivants, enfin, dans une dernière

colonne les conditions étiologiques qui se surajoutent aux profes-

sions insalubres, alcoolisme et syphilis.

Nous ne vous lirons pas ces tableaux, nous ne demandons pas

non plus leur reproduction dans les comptes rendus du Congrès,

nous nous bornerons à vous en donner le résumé 2.

1° Cette statistique montre que 87 familles ont fourni 420 enfants

soit près de 5 enfants par famille.

2° Sur ces 420 enfants, 220 sont décédés, soit une mortalité de

5 p. 100; sur ces 420 enfants 200 ont survécu ;

3° Si au chiffre des 220 décédés nous ajoutons les 87 enfants

idiots, épileptiques, etc., nous voyons que 73 p. 100 de ces enfants

sont atteints mortellement ou gravement par les différentes profes-

sions insalubres exercées par les parents.

' Voir Bourneville, Substitution du blanc de zinc au blanc de céruse.

(Progrès il- 10 de 1901, p. 1G3.)

z On trouvera ces tableaux dans le Compte rendu de notre service

pour 1900, qui doit paraître prochainement.

dût SOCIETES SAVANTES.

Au point de vue des « professions » ces cas se répartissent ainsi :

SOCIÉTÉS SAVANTES. 33t5 5

illusions morbides, des perceptions visuelles d'un caractère équi-

voque, auxquelles sont sujets des gens bien portants et raisonna-

bles. Ce sont des formes, des images, des figures inattendues,

résultant d'un assemblage fortuit de lignes, de surfaces, d'effets

de lumière, émanées d'un objet réel, ou produites en l'absence de

tout objet déterminé. Ces phénomènes forment un groupe à part.

Pour les distinguer, nous les comprendrons sous le nom générique

de zigs. Ils ont tous, entré eux, un air de famille ; quelques spé-

cimens les feront reconnaître.

Dans un ciel orageux, les nuages figurent de vagues formes

d'animaux, de monstres,' de fantômes. Dans les voyages noc-

turnes, les arbres de la route fuient ou se précipitent sur le voya-

geur, en prenant des aspects grotesques ou menaçants. Un

homme, au repos sous un arbre, distingue, dans un bouquet de

feuilles, un pantin, dont le moindre souffle agite les jambes et les

bras Ces spectacles, dont nous connaissons le mécanisme, ne

laissent pas de nous inléresser et nous y ajoutons volontiers quel-

que chose de nous-mêmes, quelques traits de notre imagination.

Le concours instinctif de l'imagination à l'ébauche offerte par le

hasard, voilà le trait caractéristique des phénomènes que nous

étudions. L'étude systématique de ces phénomènes, constitue ce

que nous appelons Phanlagènie physiologique.

Autre exemple : au milieu d'un travail qui absorbe votre atten-

tion, un point lumineux vous impressionne : c'est un clou du

plancher. Il brille comme un oeil. A côté, quelques ondulations

des fibres ligneuses esquissent la courbe d'un ovale et les lignes de

la bouche et du nez. Vous ajoutez mentalement quelques traits

complémentaires... La figure s'achève, le zig est constitué.

Nous trouvons des zigs dans le feu du foyer, sur le tapis du

parquet, sur les tentures de l'appartement, dans les rideaux, dans

une guipure, dans une serviette suspendue.

Les vieux murs, les enduits dégradés fourmillent de zigs. On eu

voit dans les marbres naturels. Quelques peintres s'amusent à en

produire dans les marbres imités. L'approche du repas est très

favorable à la découverte des zigs. Cette recherche porte à la gaité

qui convient à ce moment : Il y a un zig dans le noeud de votre

serviette ; il y en a dans les reflets de votre verre, dans le moutar-

dier, dans la tranche du pain, dans le morceau de nougat. Un

plat de beignets est une pépinière de zigs. Coupez une pomme en

deux, en trois, en quatre : chaque segment vous offre un zig diffé-

rent. Une orange partagée en deux, prend sur chaque moitié

l'aspect d'un coquillage.

Une poire Duchesse, un peu tourmentée, vous présente, sur le

bon côté, l'aspect normal. A droite, c'est le visage d'un vieillard,

il gauche, l'image de la décrépitude. Comme les pécheurs et les

chasseurs, le ziguisle possède une aptitude particulière à décou-

336 SOCIÉTÉS SAVANTES. ·

vrir sa proie. Comme eux aussi, il éprouve un irrésistible plaisir

à signaler ses découvertes et à s'en faire honneur.

La phantagénie est attrayante ; elle peut être contagieuse. II

est vrai qu'elle n'a pas prise sur tous les profanes. Celui qui est

naturellement doué, y prend intérêt et peut devenir ziguiste à son

tour. Cette faculté créatrice, qui peuple la solitude et dissipe l'en-

nui, cet immense cinématographe dont les vues varient à l'infini

est donc, à l'origine un exercice agréable, on pourrait presque

dire bienfaisant. Dans certaines conditions sociales il peut être

avantageux :

N'est-il pas éminemment propre à développer l'imagination ? '1

Dans les arts d'imitation, il peut fournir aux praticiens, d'innom-

brables matériaux. Nul doute que J. Callot, G. Doré et tant

d'autres, n'aient dû à l'observation des phénomènes qui nous

occupent, une part de leur brillante originalité. Mais cet exer-

cice a aussi ses inconvénients et ses dangers. Le premier écueil

qui se présente ici est l'entraînement. Il faut s'en défier. Un goût,

d'abord innocent, peut devenir une passion dominante comme

celle de fumer, de boire sans soif, de faire des calembours, de

farcir son discours de ces vaines locutions que la mode a mises

en faveur. Ce ne sont là, il est \rai, que des conséquences de peu

d'importance. Nous ne relèverons pas les taches que l'histoire des

zigs a laissées dans le passé. Les sacrificateurs d'autrefois voyaient

dans certains aspects de l'autopsie des victimes, des présages qui

ne pouvaient être qu'illusoires. Nous en avons fini de ces aberra-

tions. Quelques investigations analogues ont servi et servent

encore de base à l'industrie des devins et des devineresses de tous

les temps. Nous n'avons pas à nous occuper de ces pratiques. Le

danger, c'est qu'après s'être contenté de constater les phénomènes,

on peut être entrainé à en chercher les causes, à édifier des théo-

ries. Les anciens avaient à ce sujet une explication toute faite qui

cadrait avec leur théogénie : Phantate, troisième fils du sommeil,

était une divinité d'ordre inférieur qui avait la puissance d'appa-

raitre aux hommes, sous toutes sortes de formes, soit pendant le

jour, soit durant la nuit. De nos jours, il n'y a guère que le mys-

ticisme et l'occultisme qui pourraient revendiquer les phénomè-

nes dont il s'agit et la tentative serait périlleuse. En cela, comme

en toutes choses, il faut donc se surveiller. Le trouble de l'esprit

peut pénétrer par les yeux, par les divers sens, comme par toute

autre voie. Si minimes que soient les phénomènes qui viennent

d'être exposés, ils peuvent avoir une certaine influence en hygiène

morale, et la sage appréciation qu'il convient d'en faire peut ser-

vir utilement, dans certains cas, à la prophylaxie intellectuelle.

Le soir a eu lieu le banquet du Congrès auquel assistaient

M. Edgard Monteil, préfet de la Haute-Vienne, M. Labus-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 337

sière, maire de Limoges, M. Chénieux, directeur de l'école

de médecine, la plupart des médecins de la ville, parmi les-

quels nous avons été heureux de retrouver d'anciens amis,

Th. Raymond et Justin Lemaistre.

Excursion du dimanche (4 août).

Dès le matin les congressistes sont partis par le chemin

de fer pour Saint-Sulpice-Laurière ; là ils ont trouvé des voi-

tures qui les ont conduits à travers les collines du Limousin

jusqu'à Saint-Goussaud dans la Creuse. Après un excellent

déjeuner servi en plein air le retour s'est effectué par les

vallées du Taurion et de la Vienne. Ils ont eu sans cesse

sous les yeux à l'aller le panorama des collines et en reve-

nant les sites aussi variés que pittoresques de la vallée du

Taurion, puis de la Vienne.

Séance du 5 août (matin). Présidence DE AI. GILBERT Ballet.

1

Personnel secondaire des asiles d'aliénés.

Nous publierons le résumé du rapport de M. T1GUET, et la

discussion dont il a été l'objet, dans notre prochain numéro.

Séance du 5 août (soir). Présidence DE M. Chénieux.

Sur la théorie de l'obsession.

M. L. ARNAUD (de Vanves). - On a appliqué à l'obsession l'une

et l'autre des deux théories principales de l'émotion, la théorie

intellectuelle et la théorie physiologique. Les deux théories nous

paraissent également insuffisantes pour expliquer cet état mor-

bide. La théorie intellectuelle néglige presque absolument les

symptômes organiques; admettant que tout vient d'en haut, elle

considère l'ensemble des symptômes comme de simples réactions

de l'idée. On lui objecte que l'idée ne devient obsédante que grâce

à l'existence d'un trouble préalable : les obsédés sont des malades

avant d'avoir des obsessions précises. En outre, dans certains cas

d'obsession, les symptômes émotifs précèdent et annoncent l'ap-

parition de l'idée. D'un autre côté, la marche de l'obsession par

accès, le défaut de rapports constants entre la nature de l'idée obsé-

dante et l'intensité de l'angoisse, la variabilité de l'idée (dans la

panophobie, par exemple), comparée à l'identité des symptômes

émotionnels, etc., tout cela s'accorde mal avec l'hypothèse qui

attribue à l'idée un rôle toujours prépondérant dans l'obsession.

ARUnrves, 2' série, t. XII. 22

338 SOCIETES SAVANTES : ,

Inversement, la théorie physiologique ou émotive (Lange, H. James,

Ribot, etc.) exagère l'influence des troubles vaso-moteurs et de

1,'expression émotive, au détriment des centres cérébraux supé-

rieurs. Il n'est pas du tout prouvé que, toujours, nous soyons

tristes parce que nous pleurons, ou effrayés parce que nous trem-

blons ; il s'en faut qu'il y ait toujours parallélisme entre l'intensité

de l'émotion et son expression. Dans bien des cas, il parait évident

que l'émotion n'est qu'une conséquence de l'idée ; à plus forte

raison pour l'obsession, dans laquelle l'élément intellectuel est plus

important que dans l'émotion simple, etc. Nous pensons que le

.rôle essentiel, dans la genèse de l'obsession morbide, appartient

aux troubles de la volonté. En étudiant l'état des obsédés en dehors

de leurs crises angoissantes, on reconnaît que ces malades sont

tous des abouliques, qu'il s'agisse des mouvements ou des idées.

L'élude des mouvements volontaires est, à cet égard, très instruc-

tive chez les obsédés. On retrouve ces troubles moteurs dans la

folie du doute, type des obsessions dites intellectuelles, aussi bien

que dans les diverses phobies. C'est la perte ou l'amoindrissement

considérable du contrôle de la volonté qui permet la formation de

systèmes psychologiques, produits de l'automatisme, qui s'impo-

sent à la conscience et qui l'obsèdent.

En résumé, l'obsession morbide est un phénomène très complexe,

dont la condition fondamentale est un trouble primitif et généra-

lisé, affectant les éléments communs à la volonté et il l'intelligence;

ce trouble est une aboulie permanente qui préexiste aux obsessions

et les prépare. L'influence des idées et des émotions s'exerce dans'

le développement, dans l'orientation et dans l'intensité de l'obses-

sion, ainsi que dans l'apparition et le rappel des accès. Mais l'ob-

session est avant tout une maladie de la volonté.

li. Régis. - Quel est, dans l'obsession, l'élément prépondéiant,

l'élément intellectuel ou l'élément émotif Tel est le très intéres-

sant problème que vient de remettre en question la communica-

tion de 11. Arnaud. Notre collègue accorde comme on voit cette

prépondérance. l'élément intellectuel, puisqu'il fait de l'obsession,

avec Billod et tant d'autres, une maladie de la volonté. Sans nier

l'altération de la volonté dans l'obsession, sur laquelle j'ai, en ce

qui me concerne, tout particulièrement insisté, je rappelle que

nous n'en considérons pas moins, ils. Pitres et moi l'émotion

comme le fondement de l'obsession et que nous en avons longue-

ment exposé les raisons dans divers travaux=.

.. Je me bornerai à en indiquer quelques-unes : 1° Dans les cas

1 E. Régis. Manuel pratique de médecine mentale, 2 édition, 1892.

2 Pitres et Régis. L'Ir'z·eullzoPltobie ou Phobie de la rougeur. (Congrès

des aliénistes et neurologistes, Nancy, 1s9 ? - Seméiologie des obsessions.

(Congrès de Moscou, 1897.) .

SOCIÉTÉS SAVANTES. 3 i·

.. 1

de phobies pures, par exemple dans l'agoraphobie, tout se borne

à la crise d'angoisse devant l'obstacle à franchir et, s'il y a idée-

obsédante, cette idée ne survient que comme accompagnement et

comme conséquence de l'anxiété topophobique ; 2° Dans les obses-

sions proprement dites, même les plus intellectualisées, les obses-

sions du doute, par exemple, que M. Arnaud continue d'appeler à

tort « folie du doute », qll'oJ)serve-t-on ?

On observe ceci. L'obsession peut se manifester par plusieurs

idées, soit au même moment, soit successivement, tandis que

l'émotion, malgré cette diversité intellectuelle, reste toujours la

même. L'idée obsédante est donc, dans l'obsession, l'élément

vaiiable et changeant ; L'anxiété, elle, y est l'élément fixe et im-

muable. Et c'est là non pas une simple vue théorique, mais la

conclusion même qui découle des faits. '

Tout récemment encore, je voyais une malade atteinte d'obses-

sion du doute et comme je l'engageais, pour triompher plus aisé-

ment de la peur des couteaux qui la torturait, non à les fuir, mais

au contraire à s'habituer le plus possible à leur vue et à leur con-

tact. elle me répondit : « Oui, je pourrai peut-être vaincre de la

sorte cette obsession. Mais je le sais par expérience, quand j'y

serai parvenue, une autre prendra la place, celle des allumettes,

des chiens, des chiffres, par exemple. Car l'idée n'est rien chez

moi, c'est l'émotion qui est tout, et, en guérissant mon idée, je

n'auiai pas guéri mon (motivité, qui se portera sur autre chose.

On ne saurait, à mon sens, mieux indiquer ce qui se passe dans

l'obsession. · '

3° Il est des cas enfin où l'on voit la maladie partir de l'angoisse

pure et ne s'accompagner que plus tard, par le fait même de sa

progression, de l'idée obsédante.

L'éreuctophobie ou obsession de la rougeur, que nous avons

récemment étudiée, nous offre des exemples fréquents et frappants

de cette évolution. L'éreuthophobie naît le plus souvent chez un

prédisposé, à l'occasion'd'une circonstance de sa jeunesse dans

laquelle il a rougi de façon plus particulièrement pénible. A dater

de ce moment, toutes les fois que le sujet se retrouve dans la même

circonstance ou dans le même milieu, il rougit de nouveau et son

angoisse est telle qu'elle se manifeste non seulement à ce moment,

mais avant même, à la peur seule de rougir.

Les choses peuvent en rester là et dans ce cas, il y a phobie sans

idée obsédante. Mais certains malades vont plus loin. Non seule-

ment ils éprouvent la crainte angoissante de rougir à chaque

retour de la circonstance originelle ou d'autres analogues, mais ils

én arrivent peu à peu. songer dans l'intervalle à leur infirmité,

à la honte qu'ils en éprouvent, aux déboires et aux moqueries

qu'elle peut leur attirer. Bientôt ils y pensent nuit et jour et ne

s'occupent plus que d'inventer des moyens- pour guérir, allant

340 SOCIÉTÉS SAVANTES.

même jusqu'à souhaiter la mort pour se débarrasser du tourment

- qui les ronge. Alors, mais alors seulemeut, l'idée obsédante est

venue se joindre à l'anxiété, l'élément intellectuel s'est greffé sur

l'élément émotif pour constituer l'obsession complète.

De cet ensemble de faits, qu'on pourrait multiplier, il résulte

nettement, à notre avis,-que dans l'obsession, l'élément antérieur,

constant, invariable, c'est-à-dire l'élément fondamental, c'est l'élé-

ment émotif.

C'est pourquoi nous rejetons l'opinion de Westphal et de la plu-

part des auteurs allemands sur, la nature foncièrement intellec-

tuelle de l'obsession et, heureux de reprendre une opinion qui fut

celle de l'illustre More], nous considérons l'obsession comme un

état pathologique à base essentiellement émotive, comme une

névrose d'angoisse (tugtsneurose) pour nous servir d'une vivante

expression empruntée à Freud.

Sur la physionomie el la progression de certaines lésions cellulaires

corticales accompagnant les accidents mentaux des maladies géné-

rales (Laboratoire de M. le Professeur agrégé Gilbert Ballet).

M. Maurice FAURE (Paris). Je présente 15 photographies

microscopiques reproduisant l'aspect des cellules pyramidales

(grandes cellules du lobule paracentral) chez douze malades, morts

de maladies générales (pneumonie, tuberculose, lésions du foie,

lésions du rein), avec des troubles mentaux plus ou moins accen-

tués. On constate que, dans cinq cas, les cellules ont conservé le

type normal, ce qui démontre une fois de plus, que l'on peut avoir

certains troubles fonctionnels cérébraux, même accentués, sans

que la lésion correspondante de l'organe soit appréciable à nos

investigations. Dans sept cas, au contraire, les cellules sont mani-

festement altérées et cette altération présente exactement les

mêmes caractères dans tous les cas. Nous avons, dans des publi-

cations antérieures, insisté sur la physionomie typique de cette

lésion, dont nous rappellerons seulement ici les caractères fonda-

mentaux : forme globuleuse de la cellule, migration périphérique

du noyau, décoloration centiale de la cellule. Ce qui nous parait

aujourd'hui particulièrement digne d'être signalé, c'est qu'en

réunissant ainsi, dans une étude d'ensemble, ces divers cas aux-

quels nous venons de faire allusion, nous pouvons mettre très

nettement en évidence le parallélisme d'intensité des lésions

corticales, des troubles mentaux et des accidents généraux de la

maladie.

Si donc l'hypothèse qui impute l'apparition des troubles men-

taux dans les maladies générales (délire fébrile, confusion men-

iale, hallucinations, etc.) à l'action cérébrale des poisons fabriqués

dans un organisme infecté ou intoxiqué est une hypothèse exacte,

SOCIÉTÉS SAVANTES. 341

elle peut s'appliquer avec la même vraisemblance à l'explication

des lésions que nous avons rencontrées.

Ces lésions, que nous avons vainement recherchées dans un

grand nombre d'autres autopsies d'origine variée, dont le type est

fort différent des lésions banales que l'hyperthermie, l'agonie, la

décomposition cadavérique peuvent réaliser, paraissent devoir être

rencontrées dans les cas où une toxi-infection, quels qu'en soient

la nature et le siège, agira sur les cellules nerveuses pour en modi-

fier la structure et la fonction. Dans les neurones spino-périphé-

riques, de semblables actions donneront naissance aux polyné-

vrites, qui s'accompagnent précisément fort souvent d'altérations

cellulaires spinales, exactement semblables à celles que nous venons

de montrer dans les cellules cérébrales. De même que les polyné-

vrites sont formées de symptômes et de lésions toujours les mêmes

ou à peu près, quelle que soit leur cause (alcoolisme, tubercu-

lose, etc.), de même les lésions corticales, que nous signalons

resteront les mêmes, bien que dues à des causes variées (fièvre,

injection, intoxication, etc.); il en est ainsi, d'ailleurs, pour les

troubles mentaux qui les accompagnent, et qui varient peu malgré

la variété des maladies qui les engendrent (délire de fièvr z

typhoïde, de pneumonie, d'infection puerpérale, etc.).

DU IIIsSIE auteur. La cellule nerveuse et le neurone ; structure et

fonction à l'état normal et pathologique (Revue générale). Gazette des

hôpitaux. 29 juillet 1899. - Les poliomyélites (Revue générale). Gazette

des hôpitaux du 8 octobre 1898. Lésions cellulaires dans la maladie

de Païkinson (en collaboration avec 111. le professeur ag. Gilbert Ballet).

Revue neurologique, octobre 1897. Atrophie des grandes cellules pyra-

midales dans la zone motrice de l'écorce cérébrale, après la section expé-

rimentale des fibres de projection chez le chien (en collaboration avec

M. le professeur a-. GILBERT Ballet). Médecine moderne, 29 mars 1899.

Contribution à l'anatomie pathologique de la psychose polynévritique

et de certaines formes de confusion mentale primitive (en collaboration

avec M. le professeur ag. GILBERT Ballet). Presse médicale, 30 novem-

bre 1898. - Sur les lésions cellulaires corticales observées dans G cas de

troubles mentaux toxi-infectieux. Revue neurologique, décembre 1899.-

Le délire dans les maladies aiguës (en collaboration avec G. DES%'AULX).

Médecine moderne, août 1899. Sur un syndrome mental fréquemment

lié à l'insuffisance des fonctions hépstorénales (1 vol., Ruef, éd., Paris).

Importance des lésions hépatiques dans les cas de délire au cours des

maladies infectieuses (Communications au Congrès de 1900, Palis, et

Médecine moderne, août 1900).

M. Gilbert* Ballet affirme l'importance des lésions cellulaires.

Leur extrême fréquence n'infirme en rien leur valeur, comme on

serait tenté de le supposer. Autrefois, Charcot pensait qu'il ne

fallait pas attacher grande importance aux signes analomo-patho-

logiques de dégénérescence observés dans les nerfs atteints de

névrite post-typhique.

342 SOCIÉTÉS SAVANTES.

On connaît aujourd'hui l'importance de ces lésions ariatomiqués.

Il en est de même pour les lésions cellulaires, que l'on est tenté de

considérer comme insignifiantes, simplement parce qu'on les

trouve très souvent. C'est un tort. Leur fréquence ne leur enlève

rien de leur valeur ni de leur importance. ,

- Deux cas de troubles mentaux loxi-infeclicux avec examen

hislotogique.

1\1. L.\IGXEL Lavastine, interne des hôpitaux de Paris, rapporte

deux cas de troubles mentaux toxi-infectieux avec lésions cellu-

laires corticales. Chez deux malades qu'il a observés, l'un dans le

service de M. le D1' Gilbert Ballet, l'autre dans le service de 111. le

D'' Béclère à l'hôpital Saint-Antoine, il a constaté pendant la vie

les symptômes suivants : pouls rapide, état saburral du

tube digestif, faciès hagard, perte des notions de temps et de

lieu, délire avec hallucinations et refus d'alimentation. A l'au-

topsie, les lésions macroscopiques étaient banales : mais l'examen

de l'écorce cérébrale à l'hématosyline, éosine, au picro-carmin et

par la méthode de Nissl a montré, en même temps que l'absence

d'inflammation des grandes cellules pyramidales, décrites pour la

première fois par Al. Ballet et consistant essentiellement dans la

forme globuleuse de la cellule, la chromatulyse et la migration

périphérique du noyau. Des projections successives des prépara-

tions de l'auteur et de celles de MM. Ballet et Faure permettent de

se rendre compte de l'identité des lésions. Ce syndrome anatomo-

clinique parait relativement fréquent. t.

La psychose d'insolation ; par M. le Dr E. Régis.

Traitement des douleurs du tabès par l aspirine et la

· rachi-cocuïrzisulion sous -arachnoïdienne.

1\1. MARCHAND. Dans 4 cas sur 5 de douleurs tabétiques, l'as-

pirine nous a donné une sédation presque complète de la douleur.

Les doses ont été de 1 à 3, 4 et même 5 grammes, suivant la tolé-

rance. L'intolérance gastrique ne se montre généralement qu'après

un long emploi. Nous pensons que l'aspirine pourra rendre de

grands services dans le traitement des douleurs fulgurantes du

tabes et prendre place à côté de l'antipyrine et de l'exalgine dans

l'arsenal thérapeutique du neurologiste. Dans deux cas de crises

gastriques violentes, nous avons eu recours à l'injection sous-'

arachnoïdienne de cocaïne suivant le procédé de Tuffier. Nous

avons eu deux succès et cela sans inconvénients d'aucune sorte

consécutivement à l'injection. Dans le premier cas le malade souf-

frait depuis quinze jours et fut calmé complètement. n'a pas eu

SOCIÉTÉS SAVANTES. 343

de reprise de douleurs depuis, trois semaines. Dans le second cas.

un vomissement léger suivit l'injection, la douleur disparut com-

plètement. Nous avons injecté environ 2 centimètres cubes de

rachicocaïne Carrion à 0,5Ù p. 100 à chacun de nos malades.

Nos deux observations contribuent à montrer la puissance anal-

gésiante de doses minimes de cocaïne ainsi injectée sur les dou-

leurs viscérales tenaces du tabes. Ce résultat est explicable si l'on

songe que la cocaïne agit ainsi, localement, pour ainsi dire, sur la

source même de l'évolution et de ses troubles, sensitifs, les racines

postérieures. Or d'après 1\L\1. 'J'rumer et Hallion, c'est précisé-

ment sur ces racines que s'exerce d'une i'eçon presque exclusive

l'action paralysante de la cocaïne. '

A côté de ces avantages, l'injection sous-arachnoïdienne de^

cocaïne présente des inconvénients, asepsie, technique, etc..., qui

limitent ses indications. Nous croyons qu'il faudra la réserver pour

les cas, très peu fréquents, où l'on se trouvera en .présence d'un

de ces états de crise douloureuse, périphérique ou viscérale, qui

souvent dure huit, dix, quinze jours et que rien ne calme. Les

médications intenses, les piqûres de morphine même il dose dan-

gereuse échouent . C'est alors que l'on pourra recourir à l'injection

sous-arachnoïdienne de cocaïne.

111. LUGXEL LAY ASTIXE dit qu'il a pratiqué avec succès, à diverses

reprises, l'injection sous-arachnoïdienne de cocaïne chez des

tabétiques dans le service de JI. le professeur Landouzy.. ,

Traitement médico-péda[]ogi'1ue des enfants idiots.

11. BOUIIIOE"ILLE. En raison de l'organisation défectueuse de

l'enseignement clinique, beaucoup de médecins n'ont qu'une con-

naissance imparfaite des maladies chroniques du système nerveux

chez les enfants. D'où leur hésitation, de bonne foi, sur ce

qu'il y a à faire pour cette catégorie de malades, pourtant si nom-

breuse. Dans nos Congrès précédents, au Congrès international

de 1900, nous avons essayé de combler cette lacune, en montrant

les améliorations réalisées chez les microcéphales. D'où encore cette

nouvelle communication destinée à montrer, par des faits que, chez

les enfants, même les plus malades, il est possible d'obtenir une

amélioration sérieuse. A plus forte raison chez les enfants imbé-

ciles on simplement arriérés.

A l'appui, nous faisons passer sous vos yeux 18 photographies

collectives d'enfant idiots complets, c'est-à-dire ne tenant pas,

debout où ne marchant pas à l'entrée, gâteux, ne parlant point,-

incapables de manger seuls, de s'habiller, de se laver, etc. ; en un

mot, 6s/res tout à fait végétatifs. Leurs photographies ont été prises

de deux en deux ans. L'examen de ces photographies collectives-

les montre successivement marchant et propres, se développant

- 3 xj -. -' ?

344 ? . ' SOCIÉTÉS SAVANTES.

- " f. \1 ?

physiquement et'intellectuellement. Voici le résumé de l'observation

de nos malades :

Bign... (Georges), âgé de treize ans. Cet enfant, atteint d'idio-

tie complète à. l'entrée, ne marchait pas, la parole était nulle, le

gâtisme complet. Aujourd'hui, il est amélioré : la parole est bonne,

l'enfant cependant conserve une prononciation défectueuse, mais

il répond exactement quand on lui parle, fait des phrases et com-

prend bien tout ce qu'on lui dit. Il s'habille, se déshabille seul et

proprement. Il se rend utile à tous les travaux du ménage. Son

travail à la classe est bon, il écrit assez lisiblement, commence à

syllaber et sait le nom des objets usuels, fait sur le cahier des

barres et des 0 et travaille bien à la gymnastique. Apprenti

' cordonnier, il est chaque semaine récompensé. Au réfectoire, il a

appris à se servir de la cuiller et de la fourchette, et il mange

très proprement. Il se rend également utile à table, en aidant les

plus petits à manger, à débarrasser sa table et ranger son petit

panier de cuillers. 11 commence à se débarbouiller seul. Il est

devenu prévenant, gai, très joueur; n'est pas méchant pour les

petits. -

Bezo... (Jean), quatorze ans et demi. Atteint d'imbécillité pronom-

noncée. A son entrée, il ne connaissait aucune lettre, ne pouvait,

sur le cahier, reproduire que des 0, et n'avait aucune notion sur

les opérations arithmétiques. Actuellement, l'enfant lit couram-

ment, écrit lisiblement, fait des devoirs et des dictées, sans trop

de fautes, peut écrire lui-même à sa famille et sans le concours

de personne. Il fait les trois premières opérations en arithmé-

tique, a quelques notions élémentaires de grammaire [et de géo-

graphie et connaît très exactement la division du temps. En

résumé, cet enfant est arrivé à un degré presque normal. -

Apprenti tailleur, il travaille bien, fait partie de la fanfare. (Il

est heureux d'y être et connait les notes.)

Lambe... (Louis), quatorze ans. Atteint d'idiotie complète, grand

gâteux jour et nuit, ne parlant pas, ne se servant pas de la cuil-

ler, très Craintif : on ne pouvait pas s'approcher de lui sans qu'il

sursautât. Attention difficile à fixer, aucune notion sous le rapport

de l'habillement et de la toilette. Aujourd'hui, il n'est plus gâteux,

s'habille et se déshabille seul, commence à se nettoyer assez bien,

aide même les infirmières à habiller les enfants, est très complai-

sant et doux envers les enfants plus petits que lui, est très affec-

tueux. Il aime à se rendre utile. Mange proprement, se sert de la

cuiller et de la fourchette. A la classe les progrès sont plus

lents; il a peu de mémoire, cependant il est parvenu a placer les

lettres et les chiffres et à reconuaitre les légumes. Pour la parole,

il a fait des progrès, il cause assez convenablement, mais la pro-

nonciation est assez défectueuse. Il fait assez bien les commis-

sions.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 345

Lam... (('.aston), quatorze aus et demi, atteint d'idiotie pro-

fonde avec gâtisme, avait de l'écholalie, prononçait mal quelques

mots : du panpin pour pain, ci barre pour à boire, mimmin pour

maman. Aucune notion, ne savait pas s'habiller, se déshabiller,

se nettoyer, ne connaissait pas les parties de son corps, il mon-

trait son nez pour sa tête, son pied pour sa main, etc.

Actuellement, il est propre, s'habille, se déshabille, se nettoie

seul, mange proprement, se sert de la cuiller et de la fourchette,

débarrasse le couvert au réfectoire et commence à laver la vais-

selle. Répond bien aux questions qui lui sont posées et com-

mence à tenir conversation.

Pierre (Louis), onze ans. Enfant atteint d'idiotie profonde,

n'ayant aucune notion à son entrée, Il ne prononçait que les mots

papa et maman, ne savait pas s'habiller, se déshabiller, se net-

toyer, n'avait aucune notion sous le rapport des exercices clas-

siques.

Aujourd'hui, il est complètement propre, s'habille, se désha-

bille et se nettoie seul. Il place les lettres et les reconnaît. Parle

assez à propos et prononce assez bien les mots.

Troec... (Edouard), cinq ans et demi. Cet enfant attteint d'i-

diotie profonde et d'épilepsie, était grand gâteux, ne parlait pas,

ne savait pas manger seul. L'attention était difficile à fixer, une

vraie petite bête. Il est parvenu il manger seul, à se servir de la

cuiller et de la fourchette. Est propre le jour et la nuit, va seul au

siège. Sa parole s'est notablement améliorée, sa prononciation est

assez bonne, à l'exception de quelques mots défectueux; il chante

tous les airs des chansons qu'il entend, se débarbouille seul, mais

le fait encore maladroitement. Suppression des vertiges et des accès

épileptiques depuis environ deux ans. (Cet enfant avait élélrépané

et avait subi la résection du sympathique au cou, sans aucun

résultat.) -

Georg... (Fernand), huit ans. Atteint d'imbécillité, avec colères

fréquentes, et manie de ronger les vêtements, était, à son entrée,

dans l'impossibilité de lire, il ne savait pas non plus écrire et avait

peu de notions sur les choses usuelles. Son état s'est bien amé-

lioré, les colères sont moins fréquentes, et la manie de ronger a

disparu. De notables progrès sont à signaler à la classe et, aujou1'-

d'hui, il lit couramment en se rendant bien compte de ce qu'il lit,

écrit lisiblement, fait la dictée avec les grands, etcommence à faire

des problèmes sur l'addition et la soustraction. Il reproduit aussi

quelques traits de dessin et y apporte un certain goût. En

résumé l'enfant se rapproche de plus en plus en plus de l'état

normal.

Maur... (Pierre), 10 ans, enfant atteint d'idiotie profonde, mar-

chait à peine; la parole était nulle, et il gâtait la nuit et le jour.

Incapable de se vêtir, de manger seul, il procède aujourd'hui

346 SOCIÉTÉS SAVANTES.

à ces soins d'une manière convenable. Il parle, comprend et

tient bien une conversation. A la classe, il est arrivé à pouvoir

écrire assez lisiblement, -a fait quelques progrès concernant les

leçons de choses et la gymnastique.

Provo..^ (Edmond), neuf ans. Est entré dans-le service atteint

d'idiotie complète, avec gâtisme ; marche et parole nulles. Accjo2n'-

d'hui, il parle, marche, s'habille et se déshabille seul, et se rend

utile aux travaux du ménage. - Il écrit lisiblement, mais est lent

à la lecture. -

13tupi... (Louis), douze ans, atteint d'idiotie complète, ne mar-

chait pas à son entrée, et se tenait difficilement debout, toujours

dans un coin, l'air attristé. ne se retournant même pas quand on

l'appelait (ce qui l'avait l'ait surnommer par les autres la petite

misère). Il était grand gâteux, la parole était nulle, et à table il ne

savait pas manger seul (même avec les mains.) - Actuellement,

l'enfant prononce mal, il est vrai, mais il connaît le nom des per-

sonunes qui sont avec lui, les reconnaît même quand elles quittent

le service et qu'elles y reviennent.

Ilicqu... (Emile), sept ans, atteint d'idiotie profonde et d'hémi-

plégie. A son arrivée, en mai 1899,il gâtait jour et nuit. Parole à

peu près nulle, limitée à papa, maman, pa pour pain. Aujour-

d'hui, il ne gâte plus; il exprime ses besoins. La parole a fait de

grands progrès; il dit tous les jours des mots nouveaux mais avec

une articulation encore très défectueuse. Il s'habille et se désha-

bille seul sans pouvoir cependant lacer, nouer, boutonner.

Cet enfant,atteint à son arrivée de clccrzonzanie (ou manie de

mordre), sans colère, sans cause aucune, pour le seul plaisir de

mordre, est enfin guéri de ce penchant.

Pard... (Marcel), qnatre ans et demi, atteint d'idiotie du second

degré compliquée d'hémiplégie. - A son arrivée (mars 1899), il

serait resté des journées entières sans bouger de place, se balau-

çant continuellement d'avant en arrière, en poussant une sorte de

plainte ininterrompue. Il ne parlait pas ou du moins ne disait que

papa et pain avec beaucoup de peine et très rarement. - il mar-

chait lorsqu'on lui donnait la main mais, le quittait-on un instant.

il restait immobile, ne faisant plus un seul pas; nous faisions mine

alors de nous éloigner et l'appellions; il pleurait, ne bougeait pas

davantage el serait resté ainsi indéfiniment.

Aujour l'hzci, Pard... marche seul et court souvent; monte et

descend les escaliers sans aide. Très en progrès également pourla

parole, il répète et comprend maintenant tout ce qu'on lui dit,

commmence à parler un peu de lui-même. La voix est basse,

caverneuse et'1'articulation laisse beaucoup à désirer, mais enfin il

parle, avec à propos, et nous comprenons ce qu'il veut dire. Le

caractère devient plus enjoué, plus affectueux. Pard.. commence

à jouer avec ses camarades,

SOCIÉTÉS SAVANTES. 347

Del... plarcel). cinq ans, atteint d'idiotie compliquée d'impul-

sions violentes, que nous avons signalé l'année dernière comme

amélioré pour la parole, a continué ses progrès; il dit tous les

jours des mots nouveaux, qu'il prononce mieux, avec moins de

volubilité et une articulation plus franche. Le regard, toujours

vague, et ne reposant sur rien, se fixe davantage. A table, il remarque

les plats, tend son assiette et réclame bien sa part si on larde à le

servir; lorsque le paiu est un peu plus petit que d'habitude il s'en

aperçoit de suite et le jette avec colère. De)...est arrivé à manger

seul en se servant delà cuiller; il se déshabille mais ne peut encore

s'habiller.

Laure.. prarce]), onze ans. Microcéphale atteint d'idiotie et

d'ustthilité mentale, d'une turbulence excessive, reste maintenant

volontiers en classe, est heureux que l'on s'occupe de lui et tra-

vaille avec plaisir. L'amour-propre semble s'éveiller mais, plus

sensible aux louanges qu'aux reproches, il faut constamment lui

prodiguer des encouragements.

Le vocabulaire de Laure.. s'étend chaque jour : il emploie les

pronoms, les verbes à propos et forme des phrases qui souvent nous

étonnent par les expressions nouvelles qui y sont contenue;. Il a

réalisé de grands progrès pour l'écriture. Suivant en cela la mé-

thode préconisée par Séguin nous avons essayé avec nos trois mi-

crocéplmles (dont Laure...) de faire débuter l'enseignement de l'écri- ^

ture par quelques notions de dessin; c'est ainsi que nous leur

avons enseigné à reconnaître et tracer les lignes verticale, horizon-

tale, oblique, courbe pour passer à leurs combinaisons : triangle,

carré, cercle, etc., et enfin, à la formation des lettres. - Cette

manière de procéder nous a donné des résultats assez satisfaisants.

Latter... forme maintenant toutes les petites lettres et quelques

grandes dérivées de o telles que d, q, g; il trace également tous les

chiffres dont il a appris la valeur avec beaucoup de peine.

Grande difficulté toujours pour la lecture au Syllabaire et cepen-

dant cet enfant, à l'aide des lettres mobiles, place les consonnes

devant une voyelle quelconque et iecounait bien les sons obtenus

ainsi. - Il lit un certain nombre de mots imprimés, isolément, tels

que ceux qui sout relatifs aux couleurs, nombres, surfaces, etc.

Chai... (Louis), dix ans est entré en janvier 1898.

Microphale à un degré prononcé, atteint d'idiotie et d'instabilité

mentale. L'instabilité est un peu moins grande qu'à l'arrivée; il

apporte un peu plus d'attention aux exercices classiques : il vient

maintenant en classe avec plaisir et travaille volontiers si l'on s'oc-

cupe exclusivement de lui, mais dès que l'on passe à un autre

enfant, il cesse de travailler, regarde à droite et gauche et, fina-

lement, se dérange de sa place pour aller taquiner ou happer ses

petits camarades. Et cependant Chai... n'est pas foncièrement

méchant mais il a le goût du commandement et lui, qui est l'indi

348 SOCIÉTÉS SAVANTES.

discipline en personne, morigène et corrige continuellement les

autres enfants.

Apportant néanmoins une attention un peu plus soutenue, il a

réalisé de notables progrès. Chai... trace régulièrement les princi-

pales lignes, quelques surfaces d'une façon très élémentaire mais

donnant parfaitement l'idée de la figure que l'enfant a voulu

représenter, enfin il forme presque toutes les lettres et commence

à les assembler,

Cet enfant qui, ayant quelques dispositions pour l'écriture,

reproduit assez fidèlement un modèle donné, est incapable de

suivre un tracé. (Nous avons plusieurs enfants dans ce cas).

La mémoire, des plus fugitives, fait oublier à Chai... ce qu'il a

appris assez vite la veille, aussi constatons-nous peu de progrès

pour la lecture au syllabaire. Nous obtenons davantage à l'aide des

lettres mobiles. La parole, chez cetenfant, continue à s'améliorer.

Sterlin... (Georges), douze ans, est entré en mai 1894. -11licl'o-

céphale atteint d'idiotie et d'instabilité. A son arrivée, cet enfant

avait la monomanie des fugues. Dès qu'une porte était ouverte, il

disparaissait et nous étions toujours à sa recherche. Chez lui, le

langage faisait absolument défaut par absences d'idées, croyons-

nous, car bien que l'articulation laissât à désirer, principalement

pour le k, prononcé t, et le changé en n, elle n'était pas totale-

ment défectueuse. Sterl..., s'isolait, ne jouait avec ses camarades,

leur parlait encore moins. A nos questions il répondait par mono-

syllabes. Recevait-il un coup, ne criait pas, ne se plaignait pas et il

était difficile de savoir où et comment il l'avait recu. Son caractère

sombre, un peu sournois, s'est heureusement modifié. Il prend

part maintenant aux jeux de ses camarades, sait se plaindre et

même se défendre lorsque ceux-ci veulent le battre; enfin il vient

souvent vers nous et, sans être interrogé, nous cause avec à pro-

pos. Sa parole nous surprend souvent par la longueur des phrases

qu'il forme et les idées qu'elles expriment. '

Très mal doué sous le rapport de la mémoire, Sterlin... éprouve

une grande difficulté pour la lecture; les progrès sont plus sen-

sibles pour l'écriture : il trace tous les chiffres, se rend compte des

quantités qu'ils représentent, forme bien les petites lettres, com-

mence à les assembler.

Tier... (Pierre), seize ans, est entré en mai 189. - Sml1'd-muetren-

voyé de l'école d'Asnières comme arriéré et incapable d'apprendre.

Les progrès sont sensibles mais l'articulation continuant à ne pas

nous donner entière satisfaction, nous nous appliquons surtout àap-

prendre à cet enfantle nom de tout ce qui l'entoure ainsi que les quel.

ques connaissances pratiques qui nous semblent devoir lui être

utiles, telles que : exprimer ses besoins, la soif, la faim, le chaud,le

froid, la souffrance. Il a appris, dans le courant de cette année son

nom, son âge, la date de sa naissance, les jours'de la semaine, les

SOCIÉTÉS SAVANTES. 349

mois, l'heure, les nombres, la valeur des sous et centimes ce qui,

ajouté aux connaissances acquises précédemment, porte à près de

500 le nombre de mots que nous avons appris à cet enfant. Ces

mots, notre élève les comprend, lit et écrit ; il cherche à les arti-

culer, plus souvent mal que bien, mais enfin arrive à se faire com-

prendre, si ce n'est pas parla parole, du moins par l'écriture.

Nous devons joindre à cela l'addition, la soustraction et la mul-

tiplication que notre élève fait bien, mais sans en comprendre

encore l'application. Etant parvenus à lui faire prendre goût au

dessin, nous lui faisons reproduire, chaque jour, quelques objets

usuels, au-dessous desquels il doit écrire les noms correspondant.

Tier ? travaille toujours à l'atelier des tailleurs, où son patron

est satisfait de son travail.

Mil... (Emile), neuf ans, est entré le 10 août 1895. A son arrivée,

il était atteint d'idiotie complète, gâtait, ne savait pas s'habiller,

mangeait à pleine main, était d'une nature extrêmement pares-

seuse, somnolente et n'avait aucune notion classique. En 1896,

il est rendu propre, mange plus convenablement, commence à s'ha-

biller. En 1897 il a appris à lacer, nouer, boutonner, à se laver

les mains seul, à reconnaître les couleurs, les principales parties

de son corps, presque tout le contenu de la boite aux leçons de

choses. - En 1898, il reconnaît et nomme les lettres, chiffres,

surfaces; place bien les bâtonnets dans le casier; exécute bien les

mouvements de la petite gymnastique.-Dans le courant de 1899,

il commence seulement à prendre goût à la lecture et à l'écriture,

lit un certain nombre de nos mots imprimés et s'intéresse davantage

à tous les exercices classiques. ' .

Enfin, cette année (1900), les progrès ont été très sensibles pour la

lecture, l'écriture et le calcul. Cet enfant, dont l'amour-propre s'est

éveillé, est heureux des progrès réalisés et travaille avec plaisir. Il

lit et écrit un grand nombre de mots imprimés isolément; syllabe

assez facilement; fait l'addition, la soustraction, commence la

multiplication. L'écriture, très améliorée, est très lisible. Cet

enfant est en bonne voie pour la lecture courante.

Fél... (Léon), treize ans et demi, est entré en mai 1890. Il

était atteint d'idiotie prononcée compliquée d'épilepsie et d'hémi-

plégie droite.

A son arrivée, Fél... se tenait à peine debout et gâtait jour et

nuit. La parole, très défectueuse, était presque incompréhensible.

Cet enfant a été rendu propre en 1893 et sa parole, très améliorée,

commence, à cette époque, à être bien distincte, il forme de petites

phrases. En 1894, il s'habille et se déshabille seul, place les lettres,

les surfaces, les couleurs. 11 commence à former quelques lettres et

chiffres en 1895. Toujours en mouvement, Fél... se balançait

d'avant en arrière dès qu'on l'obligeait à rester assis.

En 1898, notre élève commence à prendre goût à la lecture.

350 SOCIÉTÉS SAVANTES.

En 1899, sous l'influence du traitement, les accès -d'épilepsie se

raréfient et nous constatons en même temps une sensible amélioration

dans l'intellect de cet enfant. A partir de cette époque, la mémoire

a paru se développer et les progrès en toutes choses s'en sont res-

sentis, principalement pour la lecture qui semblait être pour Fél...,

d'une difficulté insurmontable, car nous avancions d'une page

pour retourner de deux en arrière le lendemain. Enfin cette année

notre élève a fini par passer à la lecture courante; il comprend ce

qu'il lit, pas toujours ce qu'il écrit. Il commence cependant à faire

de petits devoirs de grammaire qu'il comprend. L'écrilure est

bonne etfrèslisibte. bien que' l'enfant écrive de la main gauche, le

coté droit étant paralysé. Pour le calcul, il fait l'addition avec

retenues et commence la soustraction mais nous éprouvons une

difficulté très grande à lui faire saisir le plus simple calcul men-

tal. Tout ce qu'on est parvenu à apprendre à cet enfant n'a été

obtenu qu'avec une grande dépense de peine et de temps, car il est

beaucoup plus dépourvu qu'il ne le parait de prime abord.

Lemait... (Georges), treize ans et demi, est entré en avril 1890.

A son arrivée, cet enfant atteint d'idiotie profonde se trouvait

presque au dernier degré de l'échelle intellectuelle ayant tous les

tics et manies des idiots; parole nulle, poussanl des cris sauvages;

mordant ceux qui l'entouraient, gâtant jour et nuit.

' Cet enfant, signalé dans le Compte rendu de 1899 comme très

amélioré, [est enfin arrivé il lire couramment, grâce à l'emploi

simultané du syllabaire et des mots imprimés isolément.

L'écriture, ayant marché de front, il copie chaque jour la leçon

de lecture et écrit de mémoire un certain nombre de mots, tels que

ceux concernant les couleurs, nombres, jours de la semaine, vêle-

ments, famille. Lemait... éprouve une grande difficulté pour le

calcul; il commence cependant à faire seul l'addition.

La parole est encore défectueuse. Néanmoins notre élève a réalisé

de sensibles progrès; il a acquis pendant cette année cl, g, v, z,j,

r, ill, gn, bl ; mais tous ces sons, bien articulés au commence-

ment ou dans le corps des mots, sont nuls lorsqu'ils forment la

syllabe finale muette; ainsi Lemait..., qui dit : très bien blanc,

bleu, tableau, dira : « ta » pour table « por » porte; de même il

dira « papa » pour paille; « vi » pour vigne alors qu'il dit facile-'

ment bouillon, gagné.

Mazie... -(Henri), né le 2 juillet 1884 est entré dans notre service

le 3 décembre 1887 : idiotie complète avec microcéphalie très pio-

noncée.^4 l'entrée (trois ans et demi) : station verticale impossible;

attention, parole et préhension nulles ; il ne s'aide en rien, ne

mâche pas ses aliments, gâte nuit et jour. Tics.

Aujourd'hui Maz ? n'a besoin de personne pour ses besoins per-

sonnels ; il est- très soigneux; on peut même dire coquet. Il se

livre à tous les jeux avec agilité et adresse. 11 a l'ait de sensibles

SOCIÉTÉS SAVANTES. , 351

progrès en gymnastique. Il parle couramment alors que la parole

était nulle jusqu'à la fin de sa troisième année ; tout ce qu'il dit est

raisonnable et a un sens précis. S'il avance lentement dans l'en-

seignement purement intellectuel, il avance avec continuité et l'on

doit espérer qu'avec l'application persistante de la méthode appli-

quée jusqu'ici, il possédera dans un certain temps les connais-

sances indispensables dans la vie sociale.

Les photographies que nous avons fait passer sous vos yeux,

nous semblent, Messieurs, tout à fait démonstratives. Elles mettent

en évidence la possibilité d'une amélioration considérable pouvant

aller jusqu'à la guérison. De tels résultats no peuvent être obtenus

qu'à certaines conditions : 1° appliquer le traitement 7)iétlic(i-pétia-

goqiqllc le plus tôt possible dès que les premiers signes de l'idiotie

ont été reconnus, à deux ans, même avant. Les médecins embar-

rassés consolent les parents en leur disant qu'à sept ans il sur-

viendra une amélioration. Cet âge arrive, 'mais pas l'amélioration

promise. Ils l'ajournent il douze, treize ans, sans motif fondé. Cet

âge arrive aussi, mais l'état s'est aggravé : à la maladie nerveuse

et mentale se sont ajoutées des habitudes vicieuses.

La deuxième condition à remplir, c'est de continuer le traite-

ment avec persistance pendant un long temps au point de vue

intellectuel et au point de vue physique, afin de modifier profon-

dément l'état nerveux fondamental, la diathèse nerveuse si l'on

veut.

Voici rapidement comment il faut procéder : apprendre à l'en-

fant à se tenir debout, à marcher, courir, sauter, monter et des-

cendre les escaliers, à se servir de ses mains, à devenir propre ; -

puis éducation des sens, de la main en particulier, ce qui permet

d'apprendre à l'enfant à se déshabiller, à s'habiller, à se laver, à

manger seul : l'enfant, peut, à ce moment, se suffire à lui-même.

Cen'est quaprèsl'obtention de ces résultais qu'il convientll'abor-

der l'instruction, eu commençantpar les leçons de choses, l'enseigne-

ment des notions usuelles, par exemple, le nom des régions^ du corps,

des parties du vêlement, des meubles du dortoir, desobjets du réfec-

toire, de la classe ; la reconnaissance des animaux domestiques, des

personnes de l'entourage, etc. Ceci acquis, mais seulement alors,

on arrive à l'instruction primaire et parallèlement ou plus tard à

l'enseignement manuel.

Les faits que nous venons de résumer brièvement . ne laissent

aucun doute sur la possibilité de parvenir à apprendre à lire,

écrire, compter, chanter, à coudre, rempailler des chaises, faire

des brosses, de la vannerie, etc., et cela à des enfants qui, à

l'arrivée, étaient des idiots complets, en apparence tout à fait

incurables. C'est donc à tort qu'on a prétendu exclure du traite-

ment médico-pédagogique l'instruction primaire, dont, d'ailleurs,

profitent dans une beaucoup plus large mesure les enfants moins

352 SOCIÉTÉS SAVANTES.

profondément atteints, les imbéciles et les arriérés. La distinction

qu'on a voulu établir entre les idioties congénitales et les idioties

acquises, considérant les premières comme étant seules curables,

n'est pas non plus fondée. Elle ne l'est, et encore qu'en partie,

que pour les enfants atteints de méningites ou de méningo-encé-

phalites chroniques.

Si cette communication peut apporter la conviction dans l'esprit

de nos collègues, il est certain qu'ils pourront alors être utiles à

leurs jeunes malades, en conseillant, comme il convient, leurs

familles. Ils supprimeront des incurables .

Photographies et radiographies de diverses malformations des mem-

bnes chez les idiots ; par BOUnNEYILLE (sera publié ultérieurement).

Troubles unilatéraux de la mimique faciale (hEmi.mintie) chez les

nerveux et sur l'importance qu'il convient de leu r accorder.

M11. LANNOS et Pautet (de Limoges). Après avoir montré

l'importance que les aliénistes et les neurologistes attachent à ces

troubles en leur donnant.une origine centrale, les auteurs, tout en

faisant quelques réserves, montrent qu'il est une cause plus sim-

ple, à savoir : les altérations du nerf facial dans l'oreille moyenne.

Ils rappellent la fréquence des paralysies et aussi, et c'est là le

côté important de la question, des parésies et des contractures sys-

tématisées dues à une lésion de l'oreille moyenne, lésion pouvant

passer inaperçue. MM. Lannois et Pautet présentent de nombreuses

observations avec photographies à l'appui, lés unes tirées d'un tra-

vail déjà publiée les autres prises récemment pour donner plus de

poids à cette communication. Comme conclusion, les auteurs

disent que la fréquence des paralysies, des parésies et des spasmes

d'origine otique enlève une grande partie de leur valeur aux trou-

bles unilatéraux de la mimique, en tant que signes de dégénéres-

cence ou symptomatique d'une égalité des hémisphères cérébraux.

En tous cas, lorsqu'on aura à examiner des malades qui présen-

tent ces troubles, même s'ils sont hystériques, il est indispensable

de noter chez eux l'examen de l'oreille.

Peptones des carnivores dans la neurasthénie et manière de se les pro-

curer ; par le Dr Prosper Leuarsrar, membre correspondant de

l'Académie de médecine.

Catatonie et insuffisance rénale.

N11. RLCrs et L\LANt<E. Sous le nom de « Catatonie n, Iiablbaum

' G. Pautet. La mimique faciale. Paris, Baillière, 1900.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 353

a décrit, comme on sait, en 1874, un état pathologique constitué

à la fois, cliniquement, par des symptômes psychiques reprodui-

sant successivement ceux de la mélancolie, de la manie, de la stu-

peur. avec confusion mentale, finalement de la démence, et par

des symptômes somatiques consistant en phénomènes moteurs

variables caractérisés surtout par la raideur musculaire catalep-

toïde.

Kahlbaum considère la Catatonie comme une entité morbide

spéciale et cette opinion est partagée par certains auteurs à l'étran-

ger. En France, on regarde généralement la Catatonie, avec

MM. Charlin, Séglas et avec M. Roubinowitcll, comme un syn-

drome susceptible de se rencontrer sous diverses formes psycho-

patliques, en particulier de la stupeur. Quelle que soit la vérité à

cet égard, il est un point de l'histoire de la Catatonie sur lequel

on n'a pas, à notre connaissance, attiré l'attention jusqu'à ce jour

et qui nous parait cependant d'une réelle importance : il s'agit des

rapports de la Catatonie avec l'auto-intoxication. On sait déjà, par

des faits publiés par Brinaud et Laury, Dupré et Rabé, Latrou

qu'on peut observer des attitudes cataleptiques dans l'urémie

délirante, aiguë ou chronique. Il était donc naturel de penser que

la Catatonie, dont la caractéristique symptomatique au point de

vue physique est précisément la raideur cataleptique, pouvait être

en rapport avec une auto-intoxication, surtout rénale.

O&Mt'uah'O) ? Le malade dont ils'agit est un homme de vingt-qua-

tre ans, sans profession, sans hérédité pathologique bien marquée et

sansantécédents personnels dignes d'être notés.Aumilieudebonne

santé habituelle, tout à coup, le 12 mai 1897, il se plaint de cépha-

lée, d'embarras gastrique, de lassitude générale. Il entre dans une

période d'inappétence et d'insomnie qui dure jusqu'au 23 juin,

jour où apparaît une excitation anormale. Le malade est pris d'un

besoin impérieux de mouvement et d'excitation désordonnée avec

bouffées délirantes variées. Bientôt, son état prend un aspect fran-

chement mélancolique, à type hypocondriaque, et il fait plusieurs

tentatives de suicide. C'est dans ces conditions qu'il est pris de

contractures généralisées à tout le corps, mais siégeant de préfé-

rence aux mains et aux muscles de l'abdomen. Il y a de véritables

crises cataleptoïdes, dans lesquelles le corps est raidi, le regard

fixé dans le vide, les pupilles démesurément grandies, le corps

froid. Au point de vue mental, la stupeur est profonde ; le malade

profère des sons inarticulés, véritable verbigération : il déchire tout

ce qui lui tombe sous les mains ; puis un jour, il sort de sa torpeur,

entre dans une phase d'agitation maniaque, brise les glaces de sa

chambre, etc. En un mot, il réalise de façon complète le tableau

clinique de la Catatonie de Kahlbaum.

La nature des phénomènes observés amène notre attention sur

la fonction rénale et nous constatons des perturbations qui nous

Archives, 2e série, t. XII. 23

354 SOCIÉTÉS SAVANTES.

mettent sur la voie du diagnostic pathogénique. Les nombreuses

analyses faites nous révèlent, en effet, les particularités suivantes :

1° faible quantité d'urines émises (100 c. c. et au-dessous) ; 2° réac-

tion alcaline ; 3° forte proportion d'ammoniaque ; 4° décomposition

de l'urée .dans la vessie ; 5° présence de traces d'albumine ; 60 pré-

sence d'acétone ; 'il, présence de corps appartenant à la série aro-

matique, probablement la tyrosine ; 8° enfin la présence de phos-

phore incomplètement oxydé, pouvant aussi être sous la dépendance

des troubles profonds que nous constatons.

A partir de ce moment-là, et en raison des troubles constatés du

côté de la fonction "rénale, nous instituons un traitement visant

essentiellement l'auto-intoxication rénale (diurétiques, laxatifs

répétés, diète lactée, etc.).' Sous l'influence de cette médication, la

fonction rénale ne tarda pas à s'améliorer progressivement ; le taux

de l'urine se releva, et la composition en redevint de plus en plus

normale; parallèlement, l'état catatonique s'amenda par degrés,

les attitudes cataleptoïdes disparaissant tout d'abord, puis l'agita-

tion, enfin la confusion mentale, et le malade arrriva ainsi à une

guérison complète qui ne s'est pas démentie depuis trois ans.

Réflexions. Il résulte de ce cas, dont nous n'avons donné ici

qu'un simple résumé, que l'état pathologique désigné sous le nom

de Catatonie peut être sous la dépendance d'une auto-intoxication

rénale. Sans vouloir généraliser, à propos d'un simple fait, nous

croyons qu'il doit en être fréquemment ainsi et nous appelons sur

ce point important de pathogénie, susceptible de fournir à la thé-

rapeutique une voie efficace, l'attention des observateurs.

M. Régis rappelle l'existence de troubles cérébraux consécutifs !

une insolation. Les troubles observés furent d'abord de la confu-

sion mentale, puis de l'amnésie, surtout de l'amnésie de fixation.

L'auteur pense que l'insolation provoque un état d'intoxication

ainsi que l'aspect clinique des troubles mentaux semble le mon-

trer.

Astoso-basophie.

AL11. Dura et DELARUE rapportent sept cas d'astoso-basophobie.

Ils distinguent trois formes : simple, associee, mixte. Au point de

vue de l'aspect clinique, ils reconnaissent deux formes, l'une con-

tinue, l'autre par accès. Ils distinguent enfin trois types : l'un

paralytique, l'autre spasmodique, le troisième ataxique.

De la barbe chez les femmes aliénées. *

MM. Dupré et Aimé. Les auteurs ont remarqué la fréquence

plus grande de la moustache et de la barbe chez les femmes alié-

nées. Sur mille femmes aliénées et mille normales examinées àce

point de vue, les auteurs ont trouvé parmi les premières 290 rem-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 355

mes barbues, les secondes 479. Si l'on fait le pourcentage on

obtient ainsi 29 p. 100 dans les cas normaux, 47,9 p. 100 en alié-

nation mentale.

Epilepsie consciente, etc., par le Dr LALANKE.

Observation de sein hystérique.

M. Lamois présente la photographie d'une femme atteinte de

sein hystérique. Tandis que le sein gauche est relativement petit

et flasque, en rapport avec l'âge et l'habilus général de la malade,

le droit est volumineux, piriforme et tendu avec une aréole beau-

coup plus marquée. La pression du sein en masse, le pincement

de l'aréole, sont hystérogènes. La malade éprouve dans l'organe

des sensations de pesanteur, des lancées parfois si violentes

qu'elle entra dans un service de chirurgie ou la question d'inter-

vention pour tumeur fut discutée et résolue d'ailleurs par la néga-

tive. ,

Les faits de ce genre, où un symptôme banal comme la zone

hystérique du sein prend une importance capitale et constitue une

hystérie presque mono-symptomatique, sont rares et méritent de

fixer l'attention des neurologistes et des chirurgiens.

Le prochain Congrès se réunira en 190` à Grenoble,

sous la présidence de AI. le Dr Régis (de Bordeaux); secré-

taire général, Dr Bonnet, de l'asile Saint-Robert, et, en 1903 à

Pau. Voici les questions générales qui seront discutées à

Grenoble :

Question de pathologie mentale : Des états anxieux dans

les maladies mentales, M. le Dr Lalanne, rapporteur.

Question de pathologie nerveuse : Les tics en général,

M. le Dr Noguès, rapporteur.

Question de médecine légale : Les auto-accusateurs au

point de vue médico-légal, 111. le Dr E. Dupré, rapporteur.

Le Congrès s'est terminé le 6 août par une excursion à

Uzerche : « Qui a maison à Uzerche, dit un proverbe, a châ-

teau en Limousin. »

Nous faisons appel à tous nos collègues du Congrès pour

combler les lacunes de notre Compte rendu 1.

Bourneville.

1 Nous dirons un mot de la visite de l'asile de Naugeat.

356 SOCIÉTÉS SAVANTES. ·

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance du ' 16 juillet 1901. Présidence DE M. JULES Voisin

Le traitement psycho-mécanique de la chorée, des tics et des

. habitudes automatiques.

AI. Bc;an.r.oN expose le traitement psychomécanique de la chorée,

des tics, et liabitudes automatiques; il insiste sur la nécessité de

créer un centre d'arrêt psychique. Il présente deux malades qu'il

a guéris par la suggestion hypnotique : 1° un jeune garçon atteint

de kleptomanie et d'onychophagie ; 2° une femme qui, depuis son

enfance, présente le tic du grincement des dents. Il présente, en

outre, une chanteuse qui offre une émotivité morbide telle qu'une

fois en scène, elle ne peut émettre aucun son. La suggestion

hypnotique l'a totalement guérie de ce trac.

Les agents provocateurs de l'hystérie chez les animaux.

M. Lépinay rapporte de nombreux faits desquels il résulte que

des accidents hystériques tels que mutisme, aphonie, tics, chorée,

paralysie, paraplégie, contracture, convulsions, dysphagie, po-

lyurie, peuvent être causés chez les animaux comme chez les

humains par diverses causes, telles que : émotions morales vives,

traumatismes, électricité (foudre et plots), maladies générales,

castration, réprimandes vigoureuses, etc. De nombreux animaux

sont abattus comme inutilisables ou dangereux, souvent même

somme atteints de la rage, alors que, par exemple, ils présentent

seulement des convulsions hystériques passagères. Des faits

analogues sont rapportés par 1\I1. Bérillon, l'aul lllaâniu, Baraduc

et Lionel Dauriac.

Deux cas de vomissements incoercibles guéris par suggestion.

M. PAUL PAREZ. Une jeune fille de vingt ans est prise de vomis-

sements qu'on rapporte à une péritonite ou à une appendicite.

Quand l'affection abdominale aiguë est passée, les vomissements

subsistent à l'état chronique ; ils se maintiennent en vertu d'une

sorte d'habitude acquise; ils sont entretenus par l'influence sug-

gestive d'un milieu psychiquement septique. Pendant plusieurs

mois, cette jeune fille vomit régulièrement à cliaque repas; elle

devient maigre, affaiblie et ne pèse que soixante-treize livres. Un

changement de milieu amène une amélioration ; mais la perni-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 357 Î

cieuse influence suggestive étant survenue à nouveau, les vomis-

sements réapparaissent à chaque repas. Je vois alors cette malade

et, en quelques jours, j'arrive à supprimer tout à fait ces vomis-

sements en badigeonnant de collodion au bleu de méthylène les ' *

régions cutanées qui correspondent à l'estomac et à l'oesophage.

Dès lors, cette jeune fille supporte toute espèce d'alimentation et

ne tarde pas à engraisser.

' Le deuxième cas est celui d'une femme de trente-cinq ans,

mère de deux enfants. Il y a trois mois, ses règles ne viennent^

pas. Cette aménorrhée lui fait croire à l'existence d'une grossesse.

Désolée, elle recourt il toutes sottes d'emménagogues, mais les

règles ne réapparaissent pas. Bientôt elle présente tous les symp-

tômes qui font croire à la probabilité d'une grossesse. Pendant

un mois entier, elle vomit toute espèce de nourriture, sauf le lait.

Depuis une semaine, le lait lui-même est rejeté aussitôt après son

ingestion. Cette femme est exténuée, épuisée ; elle ne peut se

tenir debout et garde le lit. En outre, elle présente un ptyalisme

extrêmement abondant. Sans me prononcer sur l'existence ou la

nou-existence d'une grossesse, je m'attaque aux vomissements et -

au ptyalisme. Cette fois encore, j'ai recours au collodion coloré

par le bleu de méthylène. Par des badigeonnages de la région

stomacale, je suis arrivé en trois ou quatre jours à supprimer

complètement les vomissements; par des badigeonnages des ré-

gions cervicale et sous-maxillaire répondant à la situation des

glandes salivaiies, j'ai, d'un jour à l'autre, considérablement

atténué le ptyalisme qui, aujourd'hui est insignifiant.

Le collodion au bleu de méthylène joue un très grand rôle en

thérapeutique psychique. La coloration intense qui dure plusieurs

jours, frappe le malade qui croit à la persistance constante d'une

action médicamenteuse. Quant au collodion, il provoque par sa

rétraction une gêne et parfois même une petite douleur qui ramène -

à chaque instant la pensée du malade sur la suggestion qui lui a

été faite ; celle-ci est ainsi maintenue, amplifiée, renforcée. J'ai eu

aussi des succès avec le collodion coloré par l'acide picrique.

De l'emploi de la suggestion dans l'éducation artistique et en

particulier dans l'étude de la musique.

M. PAUL Joire (de Lille). La suggestion rend plus facile la lec-'

ture rapide et complète de l'écriture musicale souvent si compliquée;

elle permet de se déprendre de ses propres phénomènes indivi-

duels pour pénétrer l'esprit de l'auteur, pour vivre la situation des

personnages, pour accroître l'aptitude à recevoir des impressions

fortes. De même, en ce qui concerne la traduction des idées ex-

primées par la musique, la suggestion augmente la précision et la -

souplesse des mouvements; elle donne la maîtrise de soi; elle

358 SOCIÉTÉS SAVANTES.

réprime celle phobie du public qu'on appelle le trac et qui

paralyse tous les moyens de l'exécutant ; elle modifie heureusement

l'étendue, la souplesse, le timbre et la justesse de la voix.

La suggestion pédagogique dans le sommeil hypnotique et le

sommeil normal.

M. Bourdon (de Méru). L'application de l'hypnotisme à la péda-

gogie, prévue par Durand de Gros, puis réalisée par M. 13érrllon,

qui a formulé les principes de la pédagogie suggestive, se recom-

mande par un très grand nombre de succès. La suggestion pen-

dant le sommeil normal, mise eif honneur par âl. Faiez, est aussi

un puissant agent moralisateur et éducateur. Grâce à ces deux

modes de suggestion, j'ai pu un grand nombre de fois, non seu-

lement développer chez des enfants leurs facultés et aptitudes

normales, mais encore faire de l'orthopédie mentale et morale

dans les cas suivants : troubles du caractère, mensonge, klepto-

manie, onanisme, impulsions à la débauche, vices de toute sorte.

Analgésie suggérée pendant le sommeil normal.

lI. Ange MANFRONJ (de Turin) Un jeune homme de quinze ans a

un cor au pied qui s'est infecté et donne lieu à une lymphangite;

il en souffre au point qu'il ne peut ni marcher, ni monter à bicy-

clette, ni même poser le pied à terre. Me trouvant un jour aupiès

de lui pendant qu'il dort, je lui suggère l'analgésie, en suivant à

la lettre la technique décrite par M. Farez. Au réveil, l'amnésie

est' complète et notre jeune homme est très étonné de ne plus

éprouver aucune douleur. Au cours de ma séance de suggestion,

j'ai observe le phénomène décrit par lI. Farez : pendant que mon

sujet dormait, j'ai pu, à volonté, modifier son rythme respiratoire £

et le rendre synchrone à mon rythme vocal.

Fausses grossesses et grossesses nerveuses.

D'' Henry Lr31ESr.r (de Paris). Les récents événements dont la

Cour de Serbie a été le théâtre ont appelé l'attention sur les gros-

sesses nerveuses. Il faut considérer : de les pseudo-grossesses ci subis-

tralum organique (c'est-à-dire pour lesquelles des lésions de l'utérus

ou des annexes sont le point de départ de l'idée de grossesse; 2° les

pseudo-cyr'ossesses pur suggestion (crainte ou désir de maternité).

Le cas de la reine Voga participe à la fois de l'une et de l'autre de

ces classifications.

Deux cas de silophobie obstinée chez des aliénés.

Dr Gino MAJOR ? (de Sienne). La sitophobie est le plus ordinai-

SOCIÉTÉS, SAVANTES. 339

rement pas5agère; mais dans certains cas, tels que ceux dont

l'auteur présente l'observation, elle trouve son interprétation dans

une fausse sensation, dans une idée morbide entretenue et

confirmée par des hallucinations et transformée en idée fixe. La

sitophobie d'origine psychique est pour cette raison toujours plus

rebelle.

La suggestion hypnotique dans un cas d'éclamj)51e puerpérale.

AI. Lu Menant des rapporte un cas d'éclampsie puerpé-

rale dans lequel la suggestion hypnotique a permis à la malade

de reprendre conscience d'elle-même et a mis fin aux crises

convulsives.

Rôle psychique des cautérisations dans la thérapeutique des Arabes.

M. IlrrucT (de Constantinople). En Tripolitaine, en Egypte, en Ara-

bie, enAsle-.\IlUeure, en Perse, dans leliurdistanet auxlndes, j'ai vu

pratiquer les cautérisations par des spécialistes qui se transmettent

la profession de père en fils. Leur action est, la plupart du temps,

uniquement suggestive; elles sont appliquées, sans lieu d'élection,

pour les maladies les plus diverses. Un médecin des hôpitaux de

Constantinople les emploie systématiquement pour toutes les ma-

ladies ; il récite en même temps des versets du Coran. Ses succès

thérapeutiques sont très nombreux et il jouit d'une très -eau le

réputation.

Communications diverses : M. WATEAU. Kleptomanie guérie par

suggestion hypnotique. 11. E3ur,rumi : ne. L*hyl»io-pédcigogie et

les habitudes vicieuses. AI. 1>;m 111,.(N.-IULr. Le dédoublement de

la personnalité. - 11. Bourdon (de Méru). Spleen et alcoolisme

guéris par la suggestion. AI. Blanchi (de Parme). Phonendos-

copie cérébrale. - AI. ARAGON. Etude anédico-1éy«le sur le doute. -

M. 111011l0UD. 11(,sthésie dr nG«ire par suggestion ]J1J5t-hypnotiqlle. -

M. PAUL rll,cnm. Affectivité morbide traitée par l'hypnotisme .

M. Jules Voisin. Traitement hypnotique des contractures spasmo-

diques. .\f. Ci : nILLO\. Pathologie du sommeil : les rêves prolongés.

- M. l'au de Si'-Mari'in. Catalepsie compliquée traitée et guérie par z·

l'hypnotisme. 0

BIBLIOGRAPHIE.

X. L'hypnotisme. Son traitement ; par CRocQ (2° édition).

L'auteur a fait dans ce volume un exposé de toutes les questions

se rapportant il l'hypnotisme et à la suggestion.

Dans cette seconde édition, il a essayé de mettre la question au

courant des données actuelles de la science et y a apporté un cer-

tain nombre d'observations personnelles.

Après un court aperçu historique sont exposées et discutées les

opinions des Ecoles de Nancy et de Paris sur la pratique de l'hyp-

notisation, les causes du sommeil hypnotique, les zones hypno-

gènes, l'étude de la sensibilité chez les hypnotisés, la suggestibilité

et les suggestions hypnotiques envisagées au point de vue médico-

légal. Consacrant une longue étude au chapitre des suggestibilités,

l'auteur croit que la suggestibilité il l'état de veille est toujours

indépendante de la suggestion il l'état d'hypnose.

Des sujets dont la suggestibilité à l'état de veille est minime

peuvent devenir par l'hypnotisation de véritables machines. Les

nevrosés très suggestionnables a l'état de veille sont souvent très

rebelles à l'hypnotisation à cause du peu de fixité de leur attention

et de l'impossibilité d'exercer une action inhibitoire sur un centre

nerveux. Au chapitre des suggestions hypnotiques est traitée la

question des suggestions criminelles. Les suggestions du vol, du

viol, du meurtre, du faux témoignage sont envisagées l'une après

l'autre. Ces suggestions criminelles semblent possibles dans

quelques cas ; elles ont pu être réalisées en laboratoire et sont

possibles même dans l'état posthypnotique, mais dans la pratique

il est probable que l'impunité de l'hypnotiseur pourra toujours

être facilement déjouée.

L'ouvrage se termine par un chapitre de psychothérapie où sont

exposées et discutées les opinions des Ecoles de Nancy et de Paris,

avec quelques observations personnelles. L'hypnotisme semble

avoir donné quelques résultats comme anesthétique chirurgical,

et dans les maladies organiques comme calmant de la douleur ;

mais ici son résultat curatif est très problématique et il peut être

dangereux s'il désillusionne des malades impressionnables qui

attendaient leur guérison de l'hypnotisme. Dans l'hystérie l'hyp-

notisme semble avoir un pouvoir curatif, dans les autres névroses

son action est moins évidente.

BIBLIOGRAPHIE. 301

C'est surtout la suggestion à l'état d'hypnose qui semble avoir

des résultats. Contrairement à l'opinion de l'école de Nancy, la

suggestion à l'état de veille est utile dans certains cas, elle n'est

d'ailleurs souvent qu'une forme d'hypnotisation indirecte.

M. Hamel.

XI. Contribution à l'élude des délires transitoires séniles ; par le

Dr L. MICHAUD, ancien externe des hôpitaux de Lyon. Th. de

Lyon, 1\)00.

Ce travail, inspiré par 11. le professeur Pierret, a pour but

l'étude de la pathogénie des délires transitoires chez les vieillards.

Il se termine par les conclusions suivantes :

On voit apparaître fréquemment chez les vieillards athéromateux

des délires transitoires revêtant de préférence les types : confusion

mentale ou mélancolie anxieuse, avec hallucination de la vue,

idées de ruine, d'indignité, de persécution.

Ces délires sont souvent consécutifs à un état infectieux (grippe,

affections broncho-pulmonaires, etc.). Ils disparaissent avec le

traitement approprié au bout d'un temps relativement court (deux

à trois mois) et se terminent généralement par la guérison, si la

maladie infectieuse n'a pas été d'une gravité suffisante pour

entraîner la mort, ne laissant derrière eux que l'état mental sénile

antérieur parfois un peu aggravé. Des conséquences importantes

au point de vue clinique découlent de ce fait clinique :

1° Au point de vue du pronostic : un accès aigu surajouté a des

chances sérieuses de s'amender.

2° Au point de vue thérapeutique : ces accès sont justifiables

d'un traitement destiné à éliminer les toxines ou les produits

d'auto-intoxication : Régime lacté, bains, lavements ou injections

de sérum artificiel combinés avec l'emploi de l'iodure de potassium

et de la spartéine.

3° Au point de vue médico-légal : l'internement dans un asile

d'aliénés et ses conséquences sociales pourront être parfois évités

au moins aux malades de la classe aisée et des mesures hâtives. de

protection légale tendant à l'interdiction, pourront être ajournées.

12 observations inédites. - DEVAY.

Xfl. Médecine légale des aliénés ; par VON KluFFT-EmNG. Trad.

Uémond, grand in-8°. Paris et Toulouse Doin, Larose et Gimet-

Bisseau, 1900.

La première édition allemande de cet excellent ouvrage était un

manuel, cette seconde édition réunit la commodité du manuel à

la richesse d'un véritable traité. Qu'on ne s'attende pas à en trou-

ver ici une analyse, la seule table incomplète des matières dépas-

362 ' " bibliographie.

serait de beaucoup les limites d'un compte rendu même long. En

effet, bien que ce volume ne soit que le premier fascicule, la partie

criminelle de l'ouvrage total, iL condense dans ses cinq cent cin-

quante pages tout ce qui peut avoir Irait à cet objet. Chaque caté-

gorie de faits est éclairée par des observations très bien choisies.

Le traducteur, .M. Hémond, a cru devoir ajouter de nombreuses

annotations, des compléments et observations de son chef ; très

heureuse idée car en matière de disposition légales par exemple,

ce livre se tient naturellement surtout au point de vue autrichien

et allemand. Les adjonctions ainsi intercalées le rendent ainsi plus

français, plus international et aussi sur bien des points plus expli-

cite et plus complet.

Toutes les questions délictueuses ou criminelles du chef d'alié-

nés ou de personnes atteintes constamment ou momentanément

d'anomalies psychiques sont envisagées sous toutes leurs faces,

ainsi que les dommages somatiques, causés par des personnes

saines à des aliénés ou anormaux, le travail se termine par l'étude

légale des maladies mentales provoquées par des tiers,

A noter la partie historique montrant combien est relativement

récente la protection des aliénés criminels devant les rigueurs des

codes et le retard dans cette voie de certains pays tels que l'Angle-

terre. Le. présent n'est d'ailleurs pas parfait et il n'est pas témé-

raire de penser que les temps futurs rougiront peut-être de l'ap-

plication actuelle de certaines peines, comme nous avons honte

des supplices infligés naguère aux prétendus sorciers.

Krafft-Ebing repousse la liberté absolue de la volonté en faveur

de la volonté relative à l'origine ancestrale, à l'éducation, aux

milieux et aux hasards de la vie, plaidant en faveur de la variabi-

lité du degré de la capacité d'imputation. La classification est très

serrée, les divisions très poussées ; voir parmi les arriérés la caté-

gorie intéressante des simples bornés. Krafit-Ebiug distingue les

représentations impulsives, des impulsions et obsessions, ratta-

chant les unes à la neurasthénie, les autres à la dégénérescence,

peut être y a-t-il même sur certains points excès de division. Quel-

ques aperçus nouveaux au sujet de faiblesse mentale post-vésa-

.nique, de l'influence de la menstruation, de l'ivresse du sommeil,

des états passionnels normaux font entrer dans la médecine légale

des faits qu'on n'en rapproche en général pas assez. Ce livre (sur-

tout quand il sera complété du second fascicule) rendra de très

grands services. F. J301SSIEU.

XIII. La Cura Pralica délie J1Jaleltie veneree, s/ïli(iclae e délia Pelle;

par le D1' V. d'Al.\To. (Home, Tipographia Foreuse, 1901.)

Ce livre constitue un excellent manuel de thérapeutique pratique

des maladies vénériennes et cutanées. -

BIBLIOGRAPHIE. 363

L'auteur évite à dessein les digressions théoriques pour n'envi-

sager que le côté pratique de la question. La blennorragie avec

ses diverses complicatiuns chez l'homme et chez la femme, le

chancre mou, la syphilis avec ses accidents divers, les principales

affections de la peau sont successivement passées en revue, et les

méthodes de traitement les plus modernes s'y trouvent exposées

avec détails.

L'ouvrage commence par un important article, consacré à la

prophylaxie des maladies vénériennes. Considérant le danger social

de la blennorrhagie et de la syphilis, l'auteur insiste sur la néces-

sité d'une réglementation réellement efficace de la prostitution

clandestine. L'Etat a le devoir de prendre à l'égard des maladies

vénériennes les mêmes mesures préventives lu'à l'égard de la

peste et du choléra. Salues publica sitlii-e2n 1 tex, répond l'auteur

aux anti-réglemental istes. l'. Itl'LLaS-.

XIV. Epilepsie. Traitement, ass'sia/lce, médecine légale : par

P. liov : l.cvsco. 1 vol. in-13. Paris, 1901. Vigot frères.

C'est de thérapeutique qu'il s'agit et non de pathologie. L'épi-

lepsie doit être considérée comme une névrose, une altération

moléculaire et chimique du système nerveux central, donnant à

celui-ci la capacité d'accumuler l'énergie nerveuse et de la dépen-

ser ensuite sans mo'il' périodiquement par accès, dans telle ou

telle portions de l'appareil nerveux. A cette opinion peu aventurée

ne s'ajoute aucune hypothèse physiologique spéciale. Toujours

est-il que l'auteur voit dans cette maladie une affection générale

ayant sa source dans les racines les plus profondes de l'organisme

et émanant des opérations les plus intimes de la vie. C'est à ce

fonds morbide constitutionnel que doit s'adresser le traitement

autant et plus qu'à l'élément convulsif qui n'est qu'un symptôme

et auquel s'attaquent trop exclusivement les médications jusqu'ici

employées. Mais pour atteindre ainsi le mal dans son essence

même nous n'avons en attendant mieux que la ressource de modi-

fier rationnellement la nutrition et seule la diététique peut donner

des résultats appréciables dans cet ordre de faits. C'est tout.un

régime spécial d'existence que doit suivre ponctuellement l'épi-

leptiqne dès que l'explosion d'un premier symptôme le trahit. Tant

que l'état mental le permet, il doit autant que possible continuer

la vie sociale normale. Enfant il ira à l'école avec les écoliers sains

(le mal comitial n'est point contagieux comme l'hystérie et la

chorée) ; jeune homme, il exercera la carrière de son libre choix

. scientifique ou commerciale; il ne se refusera pas les rapports

sexuels mais sera modéré; il évitera le bal et le théâtre; il ne se

mariera point. Sauf un peu de viande blanche de temps il autres,

sa nourriture sera surtout végétarienne et lactée, aussi peu azotée

364 BIBLIOGRAPHIE.

que possible; il ne prendra aucune boisson excitante et s'abstien-

dra de tabac. Après les systèmes diététiques, tous les procédés

pharmaceutiques proposés par les divers auteurs sont cités et sou-

mis à la critique des vingt-cinq ans d'expérience de l2.Iiovalevslcy.

De cette multitude, c'est encore la médication bromique, qui

presque seule doit être retenue pour aider à l'action du régime,

sans oublier ce qu'on doit demander de services auxiliaires aux

agents physiques et mécaniques. Mais chaque cas doit inspirer des

modifications particulières, le doigté du médecin le guidera pour

le choix du médicament à adjoindre aux bromures dont les doses

seront graduées au cours de la maladie selon les circonstances;

l'adjuvant le plus fréquent sera l'iodure à faible dose. Quant à

l'intervention chirurgicale cérébrale, crânienne ou autre, elle

n'aura de raison d'être que devant la certitude de l'existence d'une

cause matérielle à écarter. La partie la plus intéressante de l'ou-

vrage est celle qui a trait à l'assistance. Si les épileptiques sains

d'esprit et suivant le régime rationnel qui les améliore doivent

avec les quelques restrictions indiquées vivre en pleine société ;

par contre, beaucoup de ces malades ne peuvent échapper aux

plus malheureuses conditions de vie que dans des établissements

spécialement aménagés pour eux. Les asiles d'aliénés pas plus

que les hospices ordinaires ne doivent être leur véritable place.

C'est dans les colonies pour épileptiques qu'ils trouveront l'état le

plus favorable. Encore faudra-t-il que celles-ci soient comme le

veut Wildermuth divisées en sections adoptées à chaque catégorie

d'épileptiques selon l'étal mental et physique et les aptitudes de

ces malades. Déplorant qu'en Hussie le comitial ne soit admis

dans aucun espèce d'établissement d'assistance, louant les services

d'épileptiques publics et privés de Paris, citant les colonies de la

Force et de la Teppe en France, l'auteur admire surtout les très

nombreuses et vastes colonies spéciales de l'Allemagne où celle de

Bethel n'abrite pas moins de 3 000 de ces malades, seul le service

médical est insuffisant à Bethel, mais l'organisation générale, le

travail, l'activité, le bien-être y sont excellents. Les bonnes colo-

nies sont celles qui, dirigées par des médecins, imposent le régime

thérapeutique et diététique rationnel et l'abstinence totale des

boissons alcooliques. Au point de vue médico-légal M. Kovolewsky

envisage toutes les situations si délicates de l'épilepsie notamment

l'amnésie retardée, et l'abus qu'un épileptique sain d'esprit peut

faire de sa situation. Le caractère épileptique est fort heureuse-

ment traité. Mais, combien n'est-il pas regrettable que l'auteur ait

négligé de faire revoir son manuscrit par un de ses amis Français ;

il eut évité ainsi d'innombrables incorrections de langue qui vont .

jusqu'à obscurcir l'intelligence de son texte en bien des passages

importants. F. Boissier.

VARIA.

Les aliénés EN liberté.

- A Frouard (i\feurthe-et-\foselle), la dame Heyneu, vingt-sept

ans, s'est littéralement tailladé le ventre à l'aide d'un rasoir. La

malheureuse, qui s'était, d'abord, ouveit les veines, a bientôt suc-

combé. Ce suicide est attribué à un accès de folie. (Le Bonhomme

Normand, du 10 mai 1901.) '

Rue Descartes, en l'absence de son mari, la dame Gilet, vingt-

huit ans, relieuse, atteinte de folie, s'est asphyxiée avec son enfant

de huit ans. (Le Bonhomme Normand, du 10 mai 1901.)

Une dépêche de Saint-Ptelsbonr" en date du 24 mai, annonce

que le révolutionnaire russe polonais Piletzky, qu'on accusait

d'avoir été l'auteur de l'attentat de Borki en 1888 (déraillement du

train du tzar Alexandre III) s'est évadé de l'asile des aliénés de

Saint-Nicolaï où il était depuis quinze jours. Il y a six semaines

environ que Piletzky qui en 1888 avait réussi à traverser la

frontière était revenu en Russie ; il y avait été arrêté. On dit

que son évasion a été favorisée par un jeune médecin polonais,

M. Alazurkewitsch, qui tout récemment avait été nommé médecin

assistant de l'asile Saint-Nicotaï. (La Nouvelle Presse du 26 mai 1901.)

Le drame de la rue Montorgueil. - Hier soir, vers 8 heures, un

cordonnier italien, Joseph Ferrari, âgé de quarante-sept ans et

demeurant 67, rue Montorgueit, marié depuis cinq mois avec une

ouvrière culottière de vingt-huit ans, a tué cette dernière de deux

coups de revolver et s'est ensuite fait justice en se frappant de

huit coups de tranchet dans le ventre. Les agents, appelés par les

voisins, n'ont pu que constater la mort de la victime et celle du

meurtrier. L'enquête, ouverte par M. Landel, commissaire de

police du quartier du Mail, semble devoir établir que Ferrari était

atteint d'aliénation mentale et qu'il a agi sous l'empire du délire

de la persécution : (Le Temps, du 20 juin 1901.)

Drame de la folie. Un effroyable drame s'est passé l'avant-

dernière nuit, à Bourges, dans un ménage ouvrier de l'agglomé-

ration de Mazières. Un père de famille nommé Blondeau, qui,

depuis quelque temps, paraissait souffrant, a été pris subitement

366 VARIA.

de coliques violentes auxquelles a succédé une accès de folie

furieuse. Il est allé surprendre dans leurs lits sa femme, sa fille

âgée de seize ans et son fils âgé de onze ans, et les a assommés à

coups de marteau. Après quoi, sortant en chemise de la maison,

il est allé se'jeter dans une carrière voisine. Ce n'est qu'au matin

qu'une voisine, appelée par \1=" Blondeau, a pu donner l'alarme.

Les trois malheureux blessés, l'enfant surtout, sont dans un état

désespéré. Quant à Blondeau, il s'était tué sur le coup. (Le Temps,

du 26 juin 1901.)

Un garçon limonadier, Alexandre Malinge, demeurant 12S,

rue d'Aboukir, au cours d'un accès d'aliénation mentale, a blessé

grièvement sa femme d'un coup de marteau. Malinge avait été

déjà interné à l'agile de Ville-Evrard. Les agents qui l'ont arrêté

ont dû entamer une lutte très vive avec lui avant de s'en emparer.

(Le Soleil du 28 juillet 1901.) .

Drames DE l'alcoolisme.

- Lejury de la Manche a acquitté le nommé Poutre), dix-neuf ans,

domestique aux Champs-de-Losques, qui, étant gris, avait, sans

aucun motif, logé une balle de revolver dans la poitrine d'un pau-

vre marchand de moules, qui n'en est pas mort, mais qui restera

infirme. (Le Bonhomme Normand, 14 au 20 mars 1901.)

Victime de l'alcool. Le sieur Louis Suzanne, soixante-trois ans,

cultivateur à Litteau, près Balleroy, s'est suicidé en se jetant dans

le puits qui se trouve dans la cour de son habitation. Alcoolique

invétéré, il avait plusieurs fois parlé d'en finir avec la vie. (Le Bon-

homme Normand du 19 au 2a avril 1901.)

Brûlé par l'alcool, ne pouvant plus ingurgiter la moindre nour-

riture, un nommé Ballay, âgé de cinquante-huit ans, cafetier à ,

Ezy, s'est fait sauter la cervelle d'un coup de fusil. Le docteur ,

Leroy, de Navarre, pourra se servir de ce triste sujet à l'appui de

sa campa'gne contre l'abus de l'alcool. (Le Rappel de l'E111 ?

13 avril 1901.)

Hier soir, à six heures, le nommé Jules Sirigue, âgé de quarante

et un ans, marchand de vins et épicier, 10o, rue. Grange-aux-

Belles, pris d'un accès de folie alcoolique, a tiré un coup de

revolver sur sa femme, sans l'atteindre. Sirigue donnait depuis

quelque temps des signes d'aliénation mentale, et proférait souvent

des menaces de mort à l'adresse de sa femme. Après l'attentat il

s'est enfermé dans sa chambre. On ne l'a pas arrêté sans une vive

résistance. 11 .a été conduit à l'infirmerie spéciale du dépôt. (La

Lanterne, 20 mai.) .. -

faits divers. 367

Assistance des IDIOTS

Infanticide. -La filleAdolpliine Launay, trente ans, née à Mittois,

arrondissement de Lisieux, a eu trois enfants naturels dont un est

mort. Elle fait élever les deux autres. Fiant en place à Sainte-

Marie-aux-Anglais, elle se trouva de nouveau enceinte. Une nuit,

elle accoucha dans un appartement où couchaient deux autres

servantes qui n'entendirent rien, la malheureuse ayant eu assez de

force pour étouffer ses cris de douleur. Mais l'enfant ayant crié elle

l'étrangla avec les cordons de son tablier et déposa le cadavre dans

un placard. Les témoins donnent de très bons renseignements sur

l'accusée d'une nature grossière et d'une intelligence très bornée.

Le jury, pen-aut qu'elle avait commis son crime dans un moment

d'égarement, l'a acquittée. Défenseur : 11° Ozanne, du barreau de

Lisieux. (Bonhomme Normand, du 16 au 22 août 1901.) ,

FAITS DIVERS.

Asiles d'aliénés. Nominations et promotions. M. le D'' Colin,

médecin-adjoint des asiles, en disponibilité, médecin du quartier

spécial de Caillou, est nommé médecin en chef des asiles de la

Seine et chargé, en cette qualité, de l'organisation du service des

aliénés vicieux et criminels. Il est compris dans la 3° classe du

cadre. AI. le 1)' 1 ? aDreR, médecin de lr° classe à Rodez, est

promu àla classe exceptionnelle du cadre (effet du 1 ? octobre 1901).

Suicides d'Enfants. A Assé-le-Coisne (Sarthe), un enfant de

onze ans, qui avait perdu son père et sa mère, s'est pendu. (Bon-

homme Normand du 16 au 22 août.)

Sous le titre : Jeune désespéré, la. Petite Gironde du 8 septembre

rapporte que vendredi dernier, le jeune Clément, du Maine-de-

Boixe, âgé de quatorze ans, s'est pendu à un arbre, à la suite d'une

réprimande de ses parents.

L'OD1'SI.P : d'un Fou. La gendarmerie d'Estaing, écrit-on de

ltodez, vient d'arrêter un pauvre fou, nommé Guyot, qui s'était

évadé de l'asile de Rodez, il y a quelques jours. Depuis son éva-

sion, ce malheureux avait mené l'existence la plus étrange, ne

voyant dans lous les passants que des gens prêts à le saisir, il

courait à toutes jambes dès qu'il apercevait quelqu'un, et cher--

chait à l'éviter. La nuit, il couchait à la belle étoile. Quand il ne

pouvait plus résister à la faim, il entrait dans les auberges de

campagne, et là, impérativement, se faisait porter à manger,

368 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

menaçant au besoin ceux qui voyant sa mine singulière hésitaient

à le servir, et, enfin, dès qu'il s'était un peu sustenté, il détalait

prestement, sans bien entendu avoir demandé l'addition. Il avait

ainsi parcouru tout un arrondissement, semant partout la frayeur,

et son agilité était telle que nul ne pouvait mettre la main sur

lui. Il a fini pourtant par être capturé après l'odyssée la plus

invraisemblable et on va le réintégrer à l'asile (La Petite Gironde,

7 sept.).

Arrestation d'un aliéné évadé. La gendarmeiie de Pons

a arrêté jeudi matin un aliéné, évadé de l'asile de Lafond, et qui

était allé se réfugier dans sa famille, à Pons. Cet aliéné se nomme

Ferdinand Guillard et s'est enfui de Lafoud le 2 septembre, à

5 heures du soir (Petite Gironde, G sept.). ,

L\ guerre au TRANSVtAL ET la FOLIE. De Londres au Rappel :

Le rapport de la commission des asiles du conseil du comté de

Londres constate qu'en 1901 le nombre des aliénés s'est augmenté

de 16 353 à 21 369. Le D' Claye Shaw attribue cet accroissement

d'aliénation mentale aux influences de la guerre du Transvaal.

Beaucoup de gens revenus de l'Afrique du Sud sont en proie à une

surexcitation nerveuse qui se manifeste par l'insomnie et par

des regards fuyants (Le Matin, 11 sept.).

Aoelzivos del consejo de hijiene a Valpariso. Anno 1899 y primer se-

mestre de 1900'. In-8° de'276 pages. Valpariso, 1900. Imprimerie Gillet.

CATALA. Essai d'un nouveau traitement des maladies mentales el

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Isliluzioni di anthropologia crinxinale illustrale. Lezioni. Parte I Ca-

ratteri tli conformazione dei dalinquentl. ln-8o de 10 pages, avec 10 ligures.

Napoli, tipografia Metfi et Joebre. '

LADAVE (Charles). Le phénomène de la ch¡'omatol ! Jse après la résec-

tion du nerf pneumogastrique. 111-8° de 56 pages, avec 3 planches.

Extrait de la Nouvelle Iconographie de la Salpélrière.

OBERSTEINER (IL). lf7LZeLlanrlhel9ci sludium des bauel der Nel'viisen

ceniralorgane im Gesllnden und Kranken ziestande. In-8o de 680 pages,

avec 250 ligures. Leipzig, 1901.

Roux. Diagnostic des maladies nerveuses. In-16 de xvt 560 pages.

J.-B. Baillière, 1901. *

SPITZKA (E.-A.). A preliminary communication of a study of the

brains o f two distixzuishecl plLsicians, Catherand Son. ln-8° de 4 papes,

avec 4 figures. New-Yolk, 1901.

Le rédacteur-gérant : Bourneville.

Évreux, Cil. 119gisazy, imp. - 9-1901.

Vol. XII.. Novembre 1901. N° 71.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

L'influence de l'alcool et du tabac sur le travail;

Par CH. FÉRÉ, médecin de Bicêtre.

Lorsqu'on considère avec quelque attention les buveurs de

boissons alcooliques et les fumeurs de tabac comparativement

avec leurs congénères abstinents, on arrive bienvite à conclure'

que les boissons alcooliques et le tabac sont nuisibles à la'

fois à l'individu et à sa descendance. Les hygiénistes ont fait

des tableaux plutôt sombres de l'alcoolisme et du tabagisme,;

ces tableaux ont peu impressionné la foule qui continue à

boire et à fumer. ,

Les expériences des physiologistes, considérées dans leur

ensemble, indiquent que l'alcool et le tabac dépriment

l'énergie. Cette constatation semble indiquer que l'alcool et

le tabac n'apportent à l'homme aucune satisfaction puisque

le plaisir est intimement lié à l'activité facile. Cependant la

foule trouve du plaisir à boire et à fumer.

En réalité, l'action exaltante et agréable et l'action dépres-

sive et pénible sont intimement liées. L'étude des excitants

sensoriels et de quelques narcotiques 1 montre que ces deux

' Ch. Féré. Études expérimentales sur le travail chez l'homme et sur

quelques conditions qui font varier sa valeur. (Journ. de l'azzat. et de

la phys., 1901, p. 1.) - Etudes expérimentales sur l'influence des exci-

tations agréables et des excitations désagréables sur le travail. (Année

psychologique, 1901, p. 88.) - L'excitabilité comparée des deux hémis-

phères cérébraux chez l'homme. (Ibid., p. 143.) De l'influence de

Archives, 2a série, t. XII. 2

370 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

- t - n - si - .

actions se succèdent nécessairement suivant îa dose et sui-

vant l'état du sujet; les excitants sensoriels fatiguent d'au-

tant plus vite qu'ils ont plus excité; les narcotiques excitent

momentanément à une dose faible. " ,

L'alcool et le tabac n'agissent pas autrement, et si on pro-

longe suffisamment l'expérience, si on varie convenablement

les conditions, on observe clairement la réalité de l'action

excitante donnant un plaisir momentané qui provoque et

entretient les habitudes et l'action dépressive qui justifie les

cris d'alarme des hygiénistes. -

Il est facile de mettre en évidence la concordance des

résultats en apparence discordants de l'expérimentation.

I. Voyons d'abord les faits qui concernent l'alcool.

On est d'accord pour admettre que les habitudes alcoo-

liques ont un effet dépressif sur le travail. Quant à l'effet

immédiat de l'alcool, les expériences de M. Dèstrée montrent

qu'il estfavorable soit à l'état de repos, soit à l'état de fatigue'.

Celles de M. Frey indiquent que cet effet favorable n'existe

que dans la fatigue 2. Dans les expériences de M. Scheffer, on

voit qu'une même dose d'alcool a un effet excitant si on

travaille tout de suite après l'ingestion, un effet dépressif si

on ne travaille qu'une demi-heure après 3. L'effet de l'alcool

se dissipe rapidement : l'excitation momentanée ne compense

pas l'effet dépressif consécutif qui nécessite de nouvelles doses

et entraîne l'intoxication. Plus l'intoxication et la dégradation

réchauffement artificiel de la tête sur le travail. (Jouon. de l'anat., etc.,

1901, p. 291.) - Note sur la fatigue par les excitations de l'odorat.

(C. R. soc. de Biologie, 1901. p. 566.) Recherches expérimentales sur

la fatigue par les excitations de l'odorat. (Nouv. Iconographie de la

Salpêtrière, 1901, p. 327.) - Note sur la fatigue par les excitations

visuelles. (Ibid., p. 668.) Note sur l'influence du haschisch, sur le

travail. (Ibid., p. 696.) Note sur la fatigue par les excitations du

goût. (Ibid., p. 722.) Note sur l'influence de l'opium sur le travail.

(Ibid., p. 725.) Note sur la fatigue par les excitations auditives. (Ibid.,

p. 749.) -Note sur la fatigue par les excitations cutanées. (Ibid., p. 753.)

1 E. Destrée. Influence de l'alcool sur le travail musculaire. (Journ.

méd. de Bruxelles, 1897, p. 537-573.) .

. * II. Frey. Ueber den Einfluss des Alkohols auf die illusk-elinüclllng.

(Mitlheiltingen aus klinischen und medicinischen lnstituten der Schweiz.

Bd. IV, .II. I.)

- 3 J.-C.-Th. SchelTel'. De invloed van alcohol op Spierarbeid. (Weekblad

'van het Aederlaudsch T;7dsclcrift voor Geîzeeskuitde, 1898, lin 25.)

L'INFLUENCE DE L'ALCOOL ET DU TABAC SUR LE TRAVAIL. 371

alcooliques sont intenses, moindre est l'effet stimulant de

l'alcool ; il peut même déterminer d'emblée et à faibles doses

des effets dépressifs Il n'agit pas plus heureusement sur la

rapidité des mouvements que sur leur énergie, sur le temps

de réaction que sur le travail 2. Il n'est pas plus favorable au

travail mental qu'au travail physique3. Les effets de l'alcool

ne sont pas plus heureux sur le travail des animaux que sur

celui de l'homme*. Les différences relativesaux effets immé-

médiats peuvent s'expliquer par l'excitabilité différente des

sujets en expérience, et il n'est guère douteux que l'alcool ait

sur le travail intellectuel les mêmes effets d'excitation que z

sur le travail manuel. Lauder Brunton raconte que lord

Derby lorsqu'il travaillait, avait l'habitude de prendre dans

sa bouche des cerises à l'eau-de-vie.

Noecke a fait remarquer que les alcooliques séquestrés et

privésde leurpoison habituel éprouvent une faim de sel' dont

la satisfaction se traduit par une augmentation de la consom-

mation. Bien que je n'aie jamais été qu'un buveur modéré,

il n'est pas douteux que depuis que je m'abstiens de toute

boisson fermentée j'ajoute à mon alimentation une quantité

de sel inusitée auparavant. Cette substitution n'étonne pas

quand on sait que l'action excitante immédiate de l'alcool, si

légère d'ailleurs, est due surtout à l'excitation sensorielle

qu'il produit 6.

J'ai refait quelques expériences qui me paraissent bien

propres à montrer l'action de l'alcool sur le travail, tant au

repos que dans la fatigue.

1 De Bock et L. Gùnzburg. De l'influence de l'alcool sur le muscle

fatigué. (Bull. de la Soc. de méd. mentale de Belgique, 1899, p. 307.)

°- J.-W. \Varren. The effect of purealcohol on llze réaction lime, wilh

a description of a new chronoscope. (The Jourrz. of physiology, 1887,

t. VIII, p. 311.)

E. Kllrz und E. Kroepelin : Ueber die Beeinflussung psychischel'

Voryange dzzrclz regelnuissigen Alkoholgenuss. (ilsych. Arbeiten, 111, 1900.)

1 A. Chauveau. La production du travail musculaire ulilise-t-elle

comme po<e;tt ëtterye< ! Me raeoo istue M utte par/;e de ? '6[< : o ? t

comme potentiel énergétique l'alcool substitué à une partie de la ration

alimentaire ? (C. Zt. tlcad. des Sciences, etc., 1901, p. 65.) -Influence de

lasutislilution de l'alcool au sucre alimentaire en quantité isodynamique

sur la valeur du travail musculaire, etc. (Ibid., p. 110.)

' P. Nacke. Die Epilepsiebehandlung nach ,Toulouse und Richet.

(.Veuz'ologisclze Centralblalt, 1900, p. 648.)

G L'influence de l'alcool sur le travail. (C. R. Soc. de Biol., 1900, p. 825.)

372 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

On travaille avec l'ergographe de Mosso : le médius droit

soulève unpoids de trois kilogr. chaque seconde. On fait des

séries de 4 ergogrammes qui ne se terminent que quand le

poids ne peut plus être soulevé dans le temps convenu. Les

séries sont séparées par des repos de cinq minutes, les

les ergogrammes de chaque série par des repos de une

minute. Neuf séries de ce genre, sans excitation d'aucune

sorte et au repos, donnent un travail de 143 à 150 kilogram-

mètres. Dans une expérience récente, une première série au

repos, sans excitation, a donné 22kil. 47. C'est ce chiffre qui

nous servira de comparaison pour le travail de chaque série.

Du reste, nous allons rapporteur intégralement cette expé-

rience qui montre bien l'accumulation de la fatigue et la

décroissance lente du travail lorsque aucune excitation n'est

venue le troubler.

Expérience I. Au repos, sans excitation.

L'INFLUENCE DE L'ALCOOL ET DU TABAC SUR LE TRAVAIL. 373

374 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

Le travail total des 9 séries est est de 144 kil. 94. C'est le

travail ordinaire dans les expériences faites sans excitation :

toutes celles qui ont été faites dans diverses circonstances

ont donné, avons-nous dit, un travail variant entre 143 et 150.

Expérience II. Au début .de la première série on ingère un

mélange de 0,10 cm3 d'alcool absolu et de 0,10 cm3 d'eau dis-

tillée.

L'INFLUENCE DE L'ALCOOL ET DU TABAC SUR LE TRAVAIL. 375' ·

376 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

\'·',1 ? 4 r. é ?

l'influence DE l'alcool ET DU tabac SUR LE TRAVAIL. 377

378 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.'

L'INFLUENCE DE l'alcool ET DU tabac SUR LE travail. 379

380 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

L'INFLUENCE DE L'ALCOOL ET DU TABAC SUR LE TRAVAIL. 381

eS7 1 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. 4 - .

début de la 14° série la même quantité du même mélange qui

sera rejeté à la fin du quatrième ergogramme. -

L'INFLUENCE DE L'ALCOOL ET DU TABAC SUR LE TRAVAIL. 383

384 CLINIQUE MENTALE.

surtout à l'irritation des organes sensitifs et particulièrement

du goût.

J'ai déjà indiqué que l'introduction par la sonde gastrique

de la même quantité du même mélange, produisait une

dépression immédiate du travail 1.

La déglutition, qui n'est qu'un résultat automatique de la

recherche de l'irritation, est parfaitement inutile à ce point

de vue, et elle entraîne l'intoxication. (A suivre.)

CLINIQUE MENTALE,

Contribution à l'étude des réactions de la peau

chez les aliénés ;

Par le D' E. MARANDON DE MOXTYEL,

Médecin en chef de Ville-Evrard.

Les réactions de la peau chez les aliénés ont été jusqu'ici

très peu étudiées. Une seule, la plus curieuse et la plus inté-

ressante il est vrai, la dermographie, a attiré l'attention et

divers auteurs en ont rapporté des observations isolées. Seul,

à ma connaisssance, M. Féré l'a recherchée d'une façon sys-

tématique chez les hystériques et les épileptiques tout d'abord

avec le concours de M. Lamy, puis, quelques années après,

chez les autres aliénés avec le concours de l\1.-Lance. -

J'ai repris ces recherches dans mon service de Ville-Evrard

de concert avec mon interne, M. Capgras, et nous nous som-

mes vite aperçus que la dermographie à des degrés divers

n'était pas la seule altération dont était susceptible chez les

aliénés la réaction de la peau ; nous avons tout de suite vu

qu'à côté des altérations en plus ou dermographie, existaient

et même plus fréquentes que celles-ci des altérations en

' L'influence de l'alcool sur le travail. (C. R. Soc. de Biologie, 1900,

p. 825.).

RÉACTIONS DE LA PEAU CHEZ LES ALIÉNÉS. 385

moins qui se présentent à deux degrés; le simple affaiblisse-

ment plus ou moins marqué de la réaction normale et l'ab-

sence totale de cette dernière. Ce sont les résultats que nous

avons obtenus qui font l'objet de ce mémoire.

I. On désigne, comme on sait, sous le nom de del'11w-

graphie un phénomène particulier, étudié avec détails pour

la première fois par Gull en 1859, décrit minutieusement en

z1875 par Zunker, qui consiste dans l'apparition de saillies

oedémateuses, entourées de rougeur, semblables aux plaques

ortiées; pouvant former des figures variées à volonté, sous

l'influence des excitations du tégument. La nature de cette

singulière réaction cutanée est encore entourée d'une grande

obscurité; il semble, à en juger par les observations publiées,

qu'une tare névropathique en favorise la production; toute-

fois on n'a pas le droit d'affirmer la nécessité absolue de cette

tare puisque Michelson et Axenfeld ont rapporté, le premier

trois cas et le second un relatifs à des sujets vigoureux et

exempts de tout nervosisme héréditaire ou acquis. Il est vrai

que quatre observations constituent un ensemble de faits

insuffisant à autoriser une affirmation quand on songe aux

difficultés dont est hérissée la recherche des antécédents per-

sonnels et de famille.

L'étude de la dermographie chez les aliénés de toutes caté-

gories a été entreprise seulement par M. Féré et M. Lance

en 1898. Il n'est donc pas sans intérêt de reprendre cette

question et d'ajouter d'autres faits à ceux publiés par ces deux

auteurs. Sur 229 malades, ils l'ont trouvée 48 fois à des degrés

divers, soit dans la proportion de 20,96 p. 100 et ils ont

groupé leurs observations dans le tableau suivant d'autant

plus intéressant à reproduire qu'il est jusqu'ici unique et

dans lequel les malades se trouvent divisés par catégories.

Sous la dénominationd'alcooliques, ils n'ont compté que ceux

dont les troubles mentaux ne s'étaient produits qu'à la suite

d'excès alcooliques, sans autre manifestation vésanique

préalable et dont le délire avait présenté les caractères spé-

ciaux du délire éthylique ; sous celle de dégénérés ils ont

englobé les fous raisonnants, les impulsifs, instinctifs, spas-

modiques ; les délirants systématiques étaient pour la plu-

part des persécutés ; les déments, des déments secondaires et

les faibles d'esprit des imbéciles et des idiots... f . .

Archives, 2° série, t. XII. 25

386 . CLINIQUE MENTALE.

Voici ce très instructif tableau :

RÉACTIONS DE LA PEAU CHEZ LES ALIÉNÉS. 387

Antérieurement, en 1889, M. Féré avec l'aide de M. Lamy

avait recherché la dermographie chez les épileptiques et les

hystériques. Sur 130 malades examinés, ils l'avaient trouvé

46 fois soit dans la forte proportion de 35,3 p. 100 ; aussi

souvent donc que dans la paralysie générale; mais bien plus

souvent le phénomène avait présenté une grande intensité,

soit 7 fois, ce qui donne une proportion de 5,3 p. 100, tandis

qu'il était 18 fois à un degré moyen et 21 fois très faible.

Enfin, je dirai que MM. Féré et Lance concluent de leurs

recherches que les faits qu'ils ont constatés ne leur parais-

sent apporter aucun éclaircissement à la pathologie générale

de la dermographie, mais que en mettant en lumière sa fré-

quence chez des malades chez qui son existence était peu

connue ou même inconnue tout à fait, ils élargissent le champ

de l'expérience.

IL L'année dernière, mon interne M. Capgras et moi,

nous avons recherché la dermographie durant l'hiver sur

36 aliénés de toutes catégories. Désireux de nous assurer si

les saisons n'influençaient pas le phénomène nous avons

renouvelé nos investigations six mois après, en plein été, sur

les mêmes malades, seulement dans l'intervalle 18 étaient

morts, 13 étaient sortis, 1 avait été transféré et 3 ont refusé

de se prêter une seconde fois aux recherches. Il en est résulté

qu'il ne nous est plus resté que 291 sujets.

Nous avons toujours opéré le matin à la visite de 10 à

11 heures. Les aliénés étaient nus jusqu'à la ceinture et à

l'aide d'un coupe-papier M. Capgras traçait des lignes sur la

poitrine, les bras et le dos. Nous avons ainsi procédé pour

tous de la même manière. Jamais aucune réaction doulou-

reuse ne s'est produite, avons-nous déjà dit et il nous a paru

impossible de rattacher le phénomène à une hyperesthésie

superficielle ou profonde. D'un autre côté, aucun de nos

sujets n'était atteint d'urticaire, d'eczéma, ni de, toute autre

affection cutanée.

Nous avons pu en outre vérifier l'exactitude de l'assertion

de Gull, que toutes les régions du tégument ne sont pas éga-

lement favorables à l'expérience et qu'il faut choisir une

partie riche en fibres lisses. C'est au bras que le phénomène

s'est toujours montré le moins accusé et d'ordinaire le plus

marqué dans la région dorsale, cependant deux fois la der-

mographie était aussi accentuée en avant qu'en arrière et six

'388 · " CLINIQUE MENTALE. C

'fois beaucoup plus à la poitrine qu'au dos. Il n'y a donc pas

de règle invariable à cet égard.

Ce que nous avons observé est conforme à la description

donnée du phénomène par Gull et Zunker et reproduite par

MM. Féré et' Lance. Toutefois, comme ces deux observateurs,

nous avons constaté de grandes variations individuelles et à

nous aussi l'examen des malades a montré que toutes les

transitions pouvaient s'observer dans les degrés que présente

la dermographie selon les sujets. Nous n'avons pas constaté

au thermomètre le degré d'élévation thermique, néanmoins

quand la dermographie était très accusée, cette élévation était

sensible même au toucher, mais il ne nous a été donné de

voir ni le pouls capillaire signalé par IIirtz au niveau de

l'éruption ni la pigmentation consécutive observée une fois

par les deux médecins de Bicêtre.

Il est assez difficile, écrivent MM. Féré et Lance, d'établir

l'évolution de ce phénomène singulier chez les individus qui

en sont porteurs, en raison de l'absence d'observation long-

temps poursuivie. Dans l'espace de un à deux mois, ils n'ont

pas noté sur leurs malades de changement important et

durable, aussi penchent-ils à croire qu'il s'agit là vraisembla-

blement d'une manière d'être de la peau, d'un état perma-

nent et à ce propos ils rappellent que le sujet de Dujardin-

Beaumetz, surnommé la femme cliché, tenue en observation

pendant six mois n'a pas présenté de modification appré-

ciable et que seul Zunker a noté la disparition de la dermo-

graphie chez un saturnin qui présenta le phénomène en ques-

tion d'une façon passagère, alors seulement qu'il était sous

l'influence du poison. Nous avons constaté au-contraire, à six

mois d'intervalle, de grandes variations dans les réactions de

la peau chez 104 des 291 aliénés de toutes catégories qui

furent examinés deux fois, dans la forte proportion de

35,7 p. 100, et en ce qui concerne plus particulièrement la

dermographie sur 62 sujets qui présentèrent le phénomène

et purent être suivis, il n'en est que 17 chez lesquels il' ne

varia pas, soit la proportion minima de 27,4 p. 100 ; chez

29 malades nous ne l'avons plus constaté après l'avoir trouvé

et chez 17 nous l'avons trouvé alors que tout d'abord nous

ne l'avions pas constaté. Il nous paraît donc établi par ces

résultats qu'il ne s'agit pas là d'un état permanent de la peau,

mais bien d'un état transitoire apparaissant et. disparaissant

RÉACTIONS DE LA PEAU CHEZ LES ALIÉNÉS. 389

sous l'influence de causes qui nous sont encore inconnues.

Et il en est de même pour les altérations en moins.

Je pense avec MM. Féré et Lance qu'il serait fort intéressant

d'étudier les variations passagères de la dermographie. Chez

deux de leurs malades, l'un présentant des poussées d'urti-

caire, l'autre d'eczéma, ils ont noté que celle-ci était plus

intense au moment des recrudescences de l'affection cutanée.

Aucun de nos sujets n'ayant de manifestations du côté de la

peau, nous n'avons pas pu nous assurer de cette particula-

rité ; mais nous avons réussi à contrôler leurs assertions rela-

tives à l'influence exercée par les accès épileptiques chez

trois malades. Pendant la stupeur on n'obtient même pas la

simple raie rouge érythémateuse qui se montre sur tout le

monde. Après l'accès non seulement immédiatement mais

même au bout de trois et quatre heures chez des sujets qui,

à l'état normal, ont de la dermographie très accusée il n'y a

plus qu'une simple rougeur sans saillie ou avec une saillie

très faible. Ce n'est guère que le lendemain que le phéno-

mène reparaît dans toute son intensité. Il y a là, me semble-t-

il, un argument sérieux en faveur de sa nature névropa-

thique.

Resterait à expliquer celle-ci. On a voulu la rattacher à

l'urticaire vrai en se basant sur la coexistence fréquente des

deux chez les mêmes individus. Je ne crois guère à cette

parenté, car aucun de mes malades n'était sujet, ai-je déjà

dit, ni à l'urticaire, ni à d'autres manifestations du côté de

la peau. La parenté avec la névropathie me semble bien plus

probable. En effet, sauf les trois malades de Michelson et

celui d'Axenfeld, tous les autres dont les observations ont

été publiées étaient des névropathes avérés et les récentes

recherches de MM. Féré et Lance comme les nôtres confir-

ment cette opinion. Aussi serait-il à désirer que les mêmes

constatations fussent opérées dans un service de femmes;

ces deux aliénistes et nous n'ayant eu à leur disposition que

des hommes.

Si le sexe féminin fournissait un contingent beaucoup plus

élevé de dermographies que le masculin, il y aurait là un

nouvel argument de grande valeur en faveur de la nature

névropathique du phénomène et on serait alors peut-être en

droit de se demander si les malades de Michelson et d'Axen-

feld étaient en réalité aussi sains qu'ils le prétendent et s'ils

390 CLINIQUE MENTALE.

n'auraient pas été porteurs d'un nervosisme méconnu par ces

observateurs, 1

III. Quoi qu'il en soit, voici les résultats fournis par les

326 aliénés de toutes catégories que nous avons examinés

la première fois en hiver. On voit dans les tableaux qui sui-

vent que parmi les sujets qui n'avaient pas de dermographie

il en est un certain nombre chez lesquels la réaction de la

peau n'était pas pour cela normale : certains ne présentaient

que très affaiblie la raie rouge érythémateuse qui doit nor-

malement se produire 'et quelques-uns même n'avaient

aucune manifestation : la peau conservait sa coloration habi-

tuelle. Il y a donc lieu de distinguer, ce qui, je crois, n'a pas

encore été fait jusqu'ici, des altérations en moins comme des

altérations en plus et de former quatre groupes différents.

En outre il convient de distinguer également deux degrés

dans la dermographie selon qu'elle est d'intensité modérée

ou excessive.

. RÉACTIONS DE LA PEAU CHEZ LES ALIÉNÉS. 391

la dermographie excessive la proportion est la même, à deux

dixièmes près en faveur de la saison chaude.

J'ai dit plus haut que sur 104 de nos 291 malades suivis toute

l'année, nous n'avions pas retrouvé l'été les réactions de la

peau que nous avions constatées l'hiver. Yoici par ordre de

fréquence les différences que nous avons relevées :

392 . CLINIQUE MENTALE. -

Mais si ces tableaux nous permettent d'apprécier les varia-

tions apportées par les saisons dans les réactions de la peau

chez les mêmes aliénés, ils ne nous donnent pas la proportion

absolue d'altérations que sont susceptibles de présenter ceux-

ci quand on les suit durant toute l'année, car tel malade qui

aura une réaction normale l'hiver présentera une réaction

altérée l'été, c'est ainsi avons-nous dit plus haut que

17 sujets qui n'avaient pas de dermographie durant la saison

froide en eurent durant la saison chaude. Malheureusement

nous n'avons pu suivre tous nos malades, puisque, par suite

de décès, transferts, sorties ou refus de se prêter à de nou-

velles constatations, 35 nous faussèrent compagnie ; de

ceux-là, 21 avant de nous quitter avaient eu diverses altéra-

tions soit en plus, soit en moins, nous les retiendrons;

mais 14 n'avaient présenté que des réactions normales, qui,

peut-être, si ces sujets avaient pu être examinés durant

l'été, auraient été trouvées altérées ; il convient donc d'éli-

miner ces 14 aliénés et ne tabler que sur 312 cas. Ils nous

fournissent le tableau suivant :

RÉACTIONS DE LA PEAU CHEZ LES ALIÉNÉS. 393

l'absence de toute réaction et celle qu'on rencontre le plus

souvent, le simple affaiblissement plus ou moins marqué de

la réaction normale ; entre les deux se place la dermogra-

phie dont la fréquence se rapproche beaucoup de celle de

l'affaiblissement, puisque la différence entre eux n'est que de

9 p. 100. Toutefois la réaction normale est plus fréquente

que la réaction altérée qui l'est le plus.

Nous avons constaté un peu moins de dermographies chez

nos aliénés que M. Féré chez les siens. Dans le tableau de cet

aliéniste reproduit plus haut, la proportion qui s'y trouve

n'est, il est vrai, qne de 20,96 p. 100, mais les épileptiques

et les hystériques qui avaient fait l'objet de son précédent

mémoire n'y figurent pas, or ces deux catégories d'aliénés

fournissent un très fort contingent d'altérations en plus des

réactions de la peau comme nous l'établirons un peu plus

loin. Pour comparer ses résultats aux nôtres, il convient par

conséquent de fusionner toutes ses constatations. Si nous

opérons cette fusion nous trouvons que sur 359 sujets M. Féré

a relevé 94 cas de dermographie d'intensité variable, ce qui

fournit pour toutes les catégories d'aliénés une proportion

de 26,2 p. 100, supérieure par conséquent à la nôtre de

5 p. 100. Mais il n'en résulte pas moins tant des recherches

de ce médecin que des nôtres que si la dermographie est un

peu moins fréquente chez les aliénés que l'affaiblissement de

la réaction normale, elle se montre encore chez eux dans un

quart des cas, puisque sur 672 malades examinés à Bicêtre

et à Ville-Evrard, elle a été relevée 162 fois, soit dans la pro-

portion de 24,1 p. 100, qu'on ne trouverait certainement pas

chez le sain d'esprit.

Enfin notre tableau établit que quand l'altération en plus

alterne chez le même malade avec l'altération en moins,

l'alternance se produit plus de deux fois plus souvent avec le

simple affaiblissement de la réaction normale qu'avec l'ab-

sence totale de celle-ci.

IV. Cependant nous pouvons pousser plus loin et ne pas

nous contenter de cette étude d'ensemble chez les aliénés de

toutes catégories, nous pouvons étudier les altérations en

plus et en moins des réactions de la peau dans chacune des

variétés mentales. Une pourtant nous fait défaut : l'alcoo-

lisme, et cette lacune est d'autant plus regrettable que préci-

sément MM. Féré et Lance sur 19 alcooliques n'ont rencontré

394 CLINIQUE MENTALE.

aucun cas de dermographie. Mais nous n'avons plus aucun

buveur à soigner, car, depuis z1897, nous avons demandé et

obtenu la division de notre service qui était vraiment trop

surchargé et les ivrognes ont depuis cette époque un médecin

spécial. Voici le tableau que fournissent nos 3112 sujets. Mal-

heureusement pour deux variétés mentales, l'hystérie et la

sénilité, le nombre de ceux que nous eûmes à notre disposi-

tion fut fort limité : 6 hystériques et 7 séniles. Quoiqu'il

en soit nous voyons que le maximum de dermographie a été

fourni par l'hystérie que suit de très près la démence et

d'assez près encore la débilité mentale. Ces trois aliénations

constituent le groupe riche en dermographie. - A l'extrême

opposé se trouve la sénilité qui est la seule variété mentale

sans dermographie aucune, ni modérée, ni excessive, tandis

que les trois autres forment un groupe intermédiaire avec

entre, elles des différences proportionnelles assez peu sen-

sibles. Nous sommes loin de la proportion de 35,71 que four-

nissent les paralytiques de M. Féré; les nôtres occupent au

contraire le dernier rang parmi les six variétés mentales qui

ont eu de la dermographie. Pour la débilité mentale notre

proportion est à peu de chose près celle du médecin de

Bicêtre, mais alors qu'il donne pour les déments seulement

18,5 p. 100, nous, nous obtenons 30 p. 100 soit une diffé-

rence supérieure de 1/1,8 p. 100. Notre proportion de vésa-

niques est aussi plus élevée ; nous comprenons sous ce voca-

ble ceux que M. Féré détaille sous les dénominations de

dégénérés, délirants et mélancoliques. Si, d'après son tableau

nous faisons la somme de ces trois catégories d'aliénés nous

trouvons 92 sujets qui ont présenté 12 cas de dermographie,

soit une proportion de z13 p. 100 ; or, la proportion de nos

vésaniques est supérieure de 6,3 p. 100.

Nous avons noté la dermographie bien plus souvent dans

l'hystérie que dans l'épilepsie puisque notre tableau donne

en faveur de la première une différence de 10,9 p. 100. Il

semble que dans leurs recherches de 1899, MM. Féré et Lamy

ont réuni ensemble ces deux catégories de malades. Leur pro-

portion, 35,3 p. 100 est presqu'identique à celle que nous

avons obtenue pour les hystériques seuls, mais si nous englo-

bons ensemble hystériques et épileptiques nous n'avons plus

pour les deux réunis, ceux-ci ayant été à Ville-Evrard moins

souvent dermographiqùes que ceux-là, qu'une proportion de

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396 . CLINIQUE MENTALE.

23 p. 100 ; inférieure, par conséquent, de 12,3 p. 100 à celle

de Bicêtre. Pour les vieillards chez lesquels nous n'avons

trouvé aucun cas de dermographie, ils ne figurent pas dans

le tableau de MM. Féré et Lance. '

Les hystériques qui ont le maximum de dermographie en

général sont aussi ceux qui ont de beaucoup le maximum de

dermographie excessive, soit quatre fois plus environ que les

ésaniques qui viennent immédiatement après eux. A noter

que lés déments qui ont une très forte proportion du degré

modéré de l'altération n'ont pas présenté une seule fois le

degré excessif. Quant aux quatre autres variétés mentales

qui restent, elles n'ont entre elles que de faibles écarts dans

les proportions.

Nos constatations diffèrent encore sur ce point avec celles

de M. Féré. Dans ses recherches de 1898, de concert avec

M. Lance, chez les aliénés autres que les convulsifs, il n'a

trouvé, avons-nous dit plus haut, que deux cas de dermo-

graphie au degré excessif, un chez un paralytique et un autre

chez un dément. Mais en 1889, chez les épileptiques et les

hystériques, il a noté avec M. Lamy sept fois le phénomène

très marqué sur 130 sujets, soit la proportion de 5,3 p. 100

qui s'écarte un peu de celle que nous avons obtenue pour

les épileptiques mais se rapproche assez de celle que four-

nissent tous nos convulsifs réunis, épileptiques et hystériques.

Si nous envisageons maintenant l'état normal nous consta-

tons que dans toutes les variétés mentales il a été inférieur à

l'état anormal, toutefois c'est surtout dans l'hystérie que

l'anormalité l'a emporté avec une formidable proportion.

Pour les autres aliénations mentales l'état normal a été plus

fréquent. Après l'hystérie, c'est dans la sénilité et la démence

qu'il s'est montré le moins souvent. La débilité mentale est

l'aliénation avec la normalité la plus forte, les trois autres

formes se suivent de très près. Les paralytiques sont les

malades qui se rapprochent le plus du maximum de norma-

lité obtenu. Nouvelle preuve qu'il n'est pas possible de les

considérer comme plus particulièrement sujets aux altérations

des réactions de la peau.

Restent les altérations en moins. Envisageons d'abord celle

du degré inférieur : le simple affaiblissement de la réaction

normale et nous constaterons, fait auquel on ne s'attendrait

pas, qu'elle a son maximum de fréquence dans l'hystérie qui

MÉNINGO-ENCÉPHALITE. 397

possède déjà le maximum de fréquence de la dermographie.

Ainsi les hystériques sont de tous les aliénés ceux qui ont

tout à la fois le plus d'altérations en moins et le plus d'alté-

rations en plus ; aussi avons-nous constaté plus haut qu'ils

présentaient un minimum excessif de normalité. Ajoutons

que chez eux on trouve encore plus de réactions affaiblies

que de dermographie. C'est dans la débilité mentale que le

phénomène qui nous occupe est le plus rare ; il y est même

relativement très rare. Ici encore nous constatons que les

paralytiques n'occupent qu'un rang inférieur dans l'anor-

malité. Au rang supérieur après l'hystérie vient la sénilité

qui comme nous savons n'a pas d'altérations en plus. Les

deux autres variétés mentales ne diffèrent pas beaucoup entre

elles à cet égard. (A suivre.)

RECUEIL DE FAITS.

Méningo-encéphalite diffuse chronique du côté gau-

che, avec oblitération de la cavité de l'arachnoïde

cranienne par des filaments fibreux. Forme épi-

leptiforme. Démence simple, sans euphorie. Cons-

cience de l'état maladif. Troubles de la motilité à

droite. Durée de la maladie dix ans ;

Par le Dr DAKIEL BRUNET.

Le nommé B..., né le 8 août 1817 à Seure (Côte-d'Or), marinier,

est entré à l'asile de Dijon, le 25 octobre 1863, où il a succombé le

20 décembre 1864.

Voici les renseignements contenus dans le certificat médical

d'admission : « Le nommé B... a toujours été adonné aux boissons

alcooliques, et il a commis beaucoup d'excès vénériens. Il était,

dit-on, d'une faculté génésique exagérée. Il a été atteint de plu-

sieurs affections vénériennes sur lesquelles on n'a pas de rensei-

gnements précis. -

A la suite d'un sauvetage opéré en z3, pour sauver le père et

398 RECUEIL DE FAITS.

le fils qui se noyaient dans la Saône, il fut pris d'une telle émotion

qu'immédiatement après, il fut atteint d'ictère, puis d'une violente

céphalalgie, qui persista jusqu'au développement de l'affection

mentale, qui a commencé en 1854. A cette époque, il eut un ictus

avec symptômes épileptiformes. Une deuxième attaque épilepti-

forme survint dix-huit mois après, à la suite de laquelle, la cépha-

lalgie reparut plus intense que la première fois. Jusque-là il avait

continué son état de marinier.

Pendant l'année 1857, les attaques épileptiformes se renouvelè-

rent presque tous les huit jours, et, à partir de 1858, l'intelligence

et la mémoire s'affaiblirent de plus en plus, au point qu'il devint

incapable de rien faire. Son caractère irritable le portait à s'armer

sans cesse de couteaux ou d'autres instruments tranchants, pour

frapper les étrangers et même les membres de sa famille. Jusqu'à

présent les nombreuses voies de fait qu'il commettait, ont été

passées sous silence, mais la dernière, plus violente que les autres

a déterminé l'administration municipale à demander son admis-

sion dans un asile d'aliénés. Depuis 1861 il n'a plus eu, jusqu'à

cette admission, d'attaques convulsives.

A son entrée à l'asile de Dijon, on constate chez lui un notable

affaiblissement de l'intelligence. Ses souvenirs sont peu précis, et

il a conscience, jusqu'à un certain point, de son état démentiel. Il

nous dit qu'il a les idées brouillées, qu'il a la tête perdue, qu'il ne

sait pas où il est. Il pleure, se lamente sur son sort. Dans d'autres

moments, il nous dit qu'il va mieux, qu'il espère recouvrir sa con-

naissance, et peut-être guérir. Il est incapable en raison de son

affaiblissement intellectuel de nous donner beaucoup de détails

sur lui. Presque toujours il nous fait les mêmes réponses : je n'ai

plus conscience de rien, c'est malheureux d'être comme cela. Il ne

sait plus même son âge. Il marche difficilement; les membres du

côté droit sont rigides et il les remue avec peine. L'articulation des

mots est assez nette, mais la parole est traînante ; souvent il laisse

écouler de la salive par la bouche. Il est de petite stature, présente

un embonpoint notable, les muscles sont très développés. La face

est rouge, congestionnée.

1 CI' août 1864. Tout le temps qu'il a passé à l'asile son état

cérébral a toujours été à peu près le même. Il restait assis la plus

grande partie de la journée, sans rien dire, ayant une physionomie

hébétée. Très irritable, il frappait souvent les malades de la divi-

sion. Il était gâteux. Jamais nous n'avons constaté chez lui aucun

délire ambitieux ni ancun autre délire. Il nous faisait souvent les

réponses que nous avons mentionnées plus haut, quand on l'inter-

rogeait. Tantôt il nous disait son nom, tantôt il ne se le rappelait

pas. 11 prétendait ordinairement ne plus se souvenir de son âge

ou bien disait qu'il avait trente-trois ans. Les membres du côté

droit étaient très rigides, ce qui rendait la marche difficile.

MÉNINGO-ENCÉPHALITE. 399

15 novembre 1864. - Il est plus hébété que d'habitude, se tient

plus difficilement sur ses jambes.

6 décembre. Attaque épileptiforme avec perte de connais-

sance, ressemblant entièrement à une attaque d'épilepsie ordi-

naire. 15. Deux attaques épileptiformes. 16. Il ne peut plus

se tenir debout. La face est très colorée, les yeux sont très injec-

tés. Il ne peut plus prendre que de la soupe. - 18. Même état.

L'embonpoint se maintient. Trois soupes. 19. Les forces vont

en diminuant chaque joui'. Ce matin, il est encore levé. 20.

Même état. Il reste assis, comme d'habitude, sur son banc. Teint

très coloré. Je lui prescris une saignée de 800 grammes. L'interne

ne peut lui tirer que 200 grammes de sang. Il succombe à deux

heures de l'après-midi, au bout d'une heure de coma.

Autopsie vingt-quatre heures après la mort. Les os du crâne

sont excessivement épais, au moins moitié plus qu'à l'état normal.

Leur épaisseur est plus grande à gauche qu'à droite. Ils sont très

injectés et se détachent assez facilement de la face externe de la

dure-mère. Voici le poids des différentes parties de l'encéphale

avec les membranes qui les recouvrent :

400 RECUEIL DE FAITS.

L'hémisphère droit s'enlève facilement de la boite cranienne, la

cavité de l'arachnoïde étant libre de ce côté. Cet hémisphère pré-

sente à sa face externe des suffusions sanguines de date récente et

quelques rares opalescences. Les membranes se détachent, du

reste avec la plus grande facilité de la couche corticale et n'entrai-

nent avec elles aucune parcelle de cette couche.

Le cervelet présente quelques adhérences avec la face interne de

la dure-mère dans un point très limité, au niveau de la partie mé-

diane et supérieure. A part cela, il paraît sain, ainsi que la protu-

bérance et le bulbe.

Poids des autres organes : Coeur 350 grammes, foie 1,380 gram-

mes, rate 272 grammes, rein droit 150 grammes, rein gauche

160 grammes.

. La rnéningo-encéphalite diffuse chronique prédomine

souvent sur l'un des deux hémisphères cérébraux, mais il

est très rare qu'elle soit limitée à un seul d'entre eux, en

s'étendant sur la plus grande partie de sa face externe,

comme dans cette observation. Il est non moins rare de voir,

dans cette affection, la cavité de l'arachnoïde oblitérée par

des tractus fibreux, comme cela est si fréquent dans les in-

flammations des autres séreuses. La maladie a débuté à la

suite d'une violente émotion par des attaques épileptiformes,

qui ne se sont compliquées de démence notable qu'au bout

de quatre ans; elles ont cessé au bout de sept ans pour ne

reparaître que le mois où il succomba. Les excès alcooliques

qu'il commettait doivent être considérés comme une cause

prédisposante très grave. Il n'a présenté, à aucun moment

de la maladie, aucune idée délirante expansive ou dépressive,

et la démence n'était pas accompagnée d'euphorie, ce qui

s'observe ordinairement. La marche était très gênée, et, du

côté opposé à l'inflammation cérébrale, les membres étaient

très rigides. L'embarras de la parole était peu marqué.

Les aliénés en LIBERTÉ. Une dépêche de Privas (25 septembre)

nous annonce qu'une femme Julie Labrosse, cinquante ans, inter-

née à plusieurs reprises dans un asile d'aliénés, a, dans un accès

de folie, tué son jeune enfant, âgé de deux ans. Profitant de l'ab-

sence de son mari, elle prit l'enfant et le pendit à l'espagnolette

de la fenêtre. Un autre petit garçon, de cinq ans, aurait subi

le même sort s'il n'avait pu s'enfuir et se réfugier chez des voisins.

Quand ceux-ci arrivèrent, ils trouvèrent la femme Labrosse, riant

aux éclats, à côté du corps de son enfant. (Le Républicain d'Orléans,

du 27 septembre 1901.) .

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

XII. Discours présidentiel prononcé à la cinquante-neuvième

réunion annuelle de l'Association Médico-Psychologique, tenue

à Londres le 26 juillet 1900; par Fr ? TCHEa Beach. (The Journal of

Mental Science, octobre 1900.) . ,

Dans ce discours, l'orateur s'est proposé de relater les progrès

accomplis depuis soixante ans dans le traitement des malades

appartenant à quelques catégories sociales défectueuses, à savoir :

les idiots, les imbéciles, les faibles d'esprit, les épileptiques et les

jeunes délinquants. Au début de cette période de soixante années,

il existait à Paris deux écoles pour les idiots, celle de Ferrus à

Bicêtre, et celle de Falret à la Salpêtrière. Toutes deux avaient

pour origine l'enseignement donné par,Itard au sauvage de l'Avey-

ron. Mais trois ans auparavant, Seguin sur le conseil d'Itard et

d'Esquirol, avait entrepris le traitement d'un idiot, et son pre-

mier travail sur ce sujet date de 1838. C'est à lni que revient

l'honneur d'avoir posé les premières règles de l'éducation des

idiots et des imbéciles. L'orateur expose avec détail les efforts si

méritoires de Seguin et relate brièvement l'histoire de cet homme

remarquable, qu'il a eu, dit-il, l'honneur de connaître, et chez

lequel il a rencontré l'indomptable énergie nécessaire pour mener

à bien une pareille tâche. En 1812, une partie de l'Institution des

sourds-muets de Berlin, que dirigeait M. Saegart, fut attribuée à

l'hospitalisation des idiots, et ce médecin, assisté par un maître et

deux maîtresses, réussit à instruire douze idiots avec des résultats

encourageants. Vers la même époque, le De Guggenbuhl, établit

sur l'Abendberg, en Suisse, à 1.200 mètres d'altitude, un hôpital

pour le traitement des crétins, et obtenait, lui aussi, des résultats

satisfaisants, dont la publication fut probablement la cause déter-

minante de l'ouverture, en 1846, à Bath, d'une petite école pour

les imbéciles, sous la direction des demoiselles White.

La Grande-Bretagne' né s'était jusque-là que peu intéressée à

cette question, lorsque, en 184 ? le Dr Scott, médecin principal de

l'Institution pour l'éducation des sourds-muets dans l'ouest de

l'Angleterre, publia quelques observations sur l'éducation des

enfants idiots et faibles d'esprit, et invita Lord Ashley, plus tard

Lord Shaftesbury à créer en Angleterre une institution pour les

idiots. La même année paraissaient dans la British and Foreign

Archives, 2° série, t. XII. 26

Il. 0 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

Medico- Chirurgical Revint) un article du Dr Conolly, et dans le

Chcemhecrs' Edil1bul'g Journal deux arlicles de M. Gaskell, appelant

l'attention sur l'oeuvre excellente qu'accomplissait Seguin à Bicétre.

Ces articles attirèrent l'attention d'un médecin philanthrope, le

Dr Andrew Reed, qui, avec l'assistance de Conolly et de quelques

autres personnes, ouvrit en 1848 un asile à l'ark-Iluuse, Ililhgate.

Cette institution devint promptement insuffisante, et dut s'agrandir,

si bien qu'en 1853, le Prince Consort posait la première pierre de

l'asile d'Earlswood, près de Iledhill, qui fut ouveit en 1835, et

reçut les pensionnaires des établissements précédemment indi-

qués, et dont le dernier devint l'asile des idiots et des imbéciles

pour les Comtés de l'Est. En 1864 l'asile pour les Comtés de l'Ouest

était fondé, et en 1868 celui des Comtés du Centre. En 1870 on

ouvrait l'asile Royal Albert pour les idiots et les imbéciles des

Comtés du Nord, et en 1875 la première école d'enfants pauvres

pour les imbéciles. Ce dernier établissement subit actuellement des

modifications importantes : on le dédouble pour le débarrasser de

sa population non éducable qui s'était accrue et accumulée jusqu'à

devenir encombrante et nuisible à l'instruction des sujets édu-

cables. En 1886 une loi a été votée pour débarrasser ces établisse-

ments de certaines obligations et formalités légales qui étaient un

obstacle à leur fonctionnement et à leurs progrès. Aucune nou-

velle institution n'a été créée depuis, mais à l'asile du Comté de

Northampton, un bâtiment a été spécialement affecté à 50 enfants

imbéciles, et à l'asile du Comté de Middlesex- une annexe a été

établie pour 200 imbéciles. Plusieurs autres asiles contiennent des

salles spéciales réservées à ces mandes. Il y a eu Ecosse deux

établissements publics du même genre : l'un a été construit par

Sir John et Lady Jane Ogilvy et reçoit 40 malades ; l'aulre est dû à

la libéralité du Dr David Brodie, et s'est transformé en vue de

recevoir une population de 200 idiots. L'Irlande ne possède qu'un

seul établissement public fondé par le Dr Stewart en 18G9 : il

renferme 62 idiots.

Aux Etats-Unis, sur un rapport fait en 1847 par le or Howe, et

dans lequel l'oeuvre de Seguin était l'objet de commentaires élo-

gieux, une école'pour les idiots était ouverte dans l'Etat de Massa-

chussetts : elle fonctionne encore. Deux mois après une nouvelle

école était ouverte par le Dr Wilbur, dans le même état. En 184G,

le Dr Backus avait fait une tentative pour obtenir la création

d'écoles analogues dans l'Etat de Piew-Yôrlc ; cette tentative échoua,

fut vainement renouvelée en 1847 et n'aboutit qu'en 1851, époque

à laquelle une école fut ouverte à Albany. L'exemple, dès lors, devint

contagieux, et fut suivi d'abord par les Etats de Pennsylvania,

d'Ohio, de Connecticut, de Kentucky et d Illinois, si bien qu'il

existe aujourd'hui 24 institutions publiques, soutenues par 19 Mats,

et venant en aide à 8.492 idiots et imbéciles.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 403

Revenant ensuite en France, l'orateur remarque qu'il existe

dans le département de la Seine cinq institutions qui reçoivent des

enfants idiots, imbéciles ou épileptiques, à savoir : 131cètrc, la

colonie de Vaucluse, la Salpêtrière, Vallée et Villejuifi, auxquelles

il faut ajouter l'Institution du De Bourneville à Vilry, recevant

ensemble 1.000 malades. On trouve quelques autres établissements

à destination partiellement analogue, tels que les asiles John liost,

à Laforce.

En Allemagne il existe 29 établissements qui reçoivent 3.070 en-

fants idiots et épileptiques, et 1.831 malades adultes de même

ordre : on voit que l'oeuvre de Saegart a fructifié. L'Autriche a

cinq institutions, la Belgique quatre, la Hollande quatre, l'Italie

deux, la Suisse cinq (depuis le chiffre de quatorze a été atteint;,

le Danemark trois, la 1\'orwège trois, la Suède seize, la Russie cinq - "

et la Finlande un.

Le Canada possède à Orillia (Ontario) un établissement qui

contient 010 malades.

L'orateur examine ensuite ce qui a été fait au profit des imbé-

ciles : nous ne pouvons pas le suivre dans les détails qu'il donne

sur la marche des idées et des lois en Angleterre à propos de cette

question, et nous ne retiendrons que quelques points relatifs sur-

tout aux enfants arriérés. Il constate que l'Angleterre s'est occupée

très tardivement de l'instruction pratique à donner aux enfants

faibles d'esprit. Dès 1863, en Allemagne, à Halle, il existait une

classe auxiliaire pour les enfants qui ne pouvaient pas suivre les

programmes ordinaires, et en 1867 on en créait une semblable à

Dresde. L'exemple était bientôt suivi par Leipzig et Brunswick : et

en 1898, Wintermann pouvait annoncer que des écoles auxiliaires

de ce genre existaient dans 52 villes d'Allemagne, qu'elles compor-

taient 202 classes, contenant 4.281 enfants, auxquels l'instruction

était donnée par 225 maîtres. Des appréciations plus'récentes

encore permettent de penser que le nombre des élèves atteint pré-

sentement 6.000. En 1\orwège, en Danemark on trouve des institu-

tions analogues.

C'est seulement en 1892 que l'Angleterre a créé ses premières

écoles pour cette catégorie d'enfants : il y en a aujourd'hui, sans

compter, d'assez nombreuses écoles de province, 53 qui fonctionnent

et instruisent de 2 à 3.000 enfants.

Sur le continent, la Belgique et la Suisse ont spécialement affecté

des écoles à l'éducation des enfants faibles d'esprit , l'Autriche se

prononce en faveur de ce mouvement, et, dans ses dernières

Recherches cliniques et thérapeutiques, M. Bourneville réclame la

création de classes spéciales annexées aux écoles primaires de

' La section d'idiotes de Villejuif a été supprimée il y a plusieurs

années loisqu'on a construit un bâtiment de 100 lits à Vallée.

404 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

Paris et de la France, et à l'appui de cette réclamation, il signale

avec détails les résultats du fonctionnement de ces institutions en

Suisse, en Angleterre et en Belgique. En Italie, des colonies ont

déjà été formées pour ces enfants, et une ligue de protection s'est

créée à leur profit sous la présidence du professeur Baccelli. A Mel-

bourne, à Victoria, des écoles viennent de s'ouvrir, et enfin une

petite institution du même genre a été créée à Tokio par

M. R. Osuga.

L'orateur arrive ensuite à la partie de son discours qui concerne

les épileptiques : il y a soixante ans ils étaient mêlés aux autres

malades dans les asiles, et la première mesure prise pour amé-

liorer leur état consista à les en séparer. Il indique les modifica-

tions qui ont été apportées dans ce but au fonctionnement de

certains asiles. Mais il n'y a pas à s'occuper seulement des épilep-

tiques aliénés, il faut penser aussi à ceux qui sont de simples

malades, sans trouble mental. Le premier asile pour les épilep-

tiques de cet ordre a été ouvert à La Force, en 1862, par John Bost,

qui en a ultérieurement ouvert d'autres dont le dernier a été fondé

en 1881. Il faut signaler ensuite la Colonie de Bielefield, en Alle-

magne, qui reçoit 1.400 malades et qui comporte : 1° un sanato-

rium ; 2° une institution pour l'éducation et l'instruction des enfants

épileptiques : 3° une institution destinée à employer les épilep-

tiques ; 4° un asile pour les épileptiques imbéciles. On trouve

encore en Allemagne l'asile de Dalldol'ff, pour les aliénés chro-

niques, où se rencontrent beaucoup d'épileptiques, et l'asile de

Wahlgarten, près de Berlin, pour les épileptiques et les imbéciles.

On trouve en Autriche-Hongrie trois de ces asiles spéciaux, en

Russie trois, en Danemark deux, en Hollande un, en Suisse trois,

en Italie cinq et en France cinq : ' en outre de ces cinq asilee fran-

çais les épileptiques sont admis à Bicétrè et à la Salpêtrière. Aux

Etats-Unis il y en a six, parmi lesquels il faut citer la colonie de

Craig, à Somyea, qui comprend environ 1.000 pensionnaires. Enfin

l'orateur signale nombre de refuges plus ou moins importants et

dont la création en Angleterre est due à l'initiative et à la charité

privées. On a beaucoup fait, mais il reste beaucoup à faire, car il

y a dans le Royaume-Uni au moins 40.000 épileptiques, dont la

plupart sont recueillis dans les « Work houscs » où ils ne sont pas

à leur place.

Enfin l'orateur termine cet intéressant discours par l'étude des

mesures de progrès prises ou à prendre en faveur des jeunes délin-

quants 1. R. DE IUSGRAVE-CL.JLY.

R. DE Musgrave-Clay.

1 Voir pour plus de détails : Bourneville, Assistance, traitement el

éducation des enfants idiots et dégénérés, 1891;-Reclaerc%es cliniques

et thérapeutiques de 1890 à 1900.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 405

XIII. Quelques remarques sur les différentes modifications phy-

siques que l'on observe dans les périodes aiguës et subaiguës

de la mélancolie; par Lewis BRUCE et H. de Maine ALEX.1,NDE[t.

(The Journal of Mental Science, octobre 1900.)

Au cours d'une série de recherches sur la pression artérielle

chez les aliénés, les auteurs ont été frappés de ce fait que, dans

les cas de mélancolie aiguë au début, la pression artérielle pré-

sentait une marche plus ou moins définie. Au début de l'attaque,

à la période d'agitation et de troubles mentaux aigus, cette pres-

sion était élevée et équivalait à 140 et 180 millimètres de mercure-

quand les malades étaient maintenus au lit, se calmaient, dor-

maient mieux, elle tombait au chiffre de 120 à 130 millimètres. On

étudia alors l'état physique des malades dans ses rapports avec la

tension artérielle : dans la période aiguë la quantité moyenne

d'urine émise était de 29 onces et demi et l'urée de 200 grains

(12 grammes). Dans la période subaiguë la quantité d'urine attei-

gnait 41 onces et demi et la dose d'urée était de 430 grains

(25 grammes). Dans la période aiguë, sécheresse de la peau ; dans

la subaigue, peau souple et moite. Etat aigu : pouls de 90 Il 120 par

minute : état subaigu de n0 à 80. Le fonctionnement mécanique et

chimique de l'estomac s'ameliore à mesure que le malade passe

de l'état aigu à l'état subaigu. Dans tous les cas aigus, on a trouvé

les réllexes cutanés très actifs et une grande facilité des muscles

des membres à être pris de tremblement fibrillaire incoordonnés.

Cet état s'atténue dans la période subaiguë. Les hallucinations,

très vives, influençant la conduite du malade, se rencontrent dans

la période aiguë : et dans la subaiguë, elles manquent, ou sont

moins accusées, et sans action sur la conduite du malade.

En somme, il semble que la majorité des cas de mélancolie suive

une marche définie avant de guérir ou de devenir chronique. Dans

la période aiguë, on constate les symptômes suivants : 1° grande

dépression, agitation, hallucinations vives, insomnie; 2° pouls

rapide, dur, avec tendance à l'irrégularité, atteignant 90 à 120 par

minute. Pression artérielle élevée 140 à 180 millimètres ; 3° tem-

pérature tendant à devenir fébrile ; 4° urine rare, urée insuffisante,

traces d'albumine; 5° langue sale, chargée, ni faim, ni soif; pou-

voir digestif de l'estomac sur l'albumine coagulée pratiquement

nul : activité motrice faible : 6° peau sèche.

L'état subaigu est caractérisé par les 'phénomènes suivants :

1° Symptômes mentaux moins accentués. Sommeil généralement

bon; hallucinations pouvant manquer et n'influant pas sur la

conduite ; 2° pouls régulier, plus souple, 70 à 80 par minute. Pres-

sion artérielle 120 à 130 millimètres; 3° température non fébrile;

4° urine plus abondante, augmentation considérable de l'excrétion

de l'urée. Pas d'albumine; 5° langue propre, alimentation mieux

406 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

acc' ptée. Pouvoir digestif du suc gastrique, faible d'abord mais se

relevant progressivement; 6° peau devenue moite; quelquefois

sucurs abondantes.

Si ces données sont exactes, les auteurs estiment qu'elles doivent

conduire aux indications thérapeutiques suivantes chez les mélan-

coliques à l'état aigu : 1° diminution de la pression sangnine;

1° augmentation de l'excrétion de l'urée; 3° utilité d'activer les

fonctions de la peau ; 4° nécessité d'aider la digestion et l'assimila-

tion par la digestion artificielle de la nourc iture et Ils indiquent

sommairement les moyens les plus propres à obtenir ces multiples

résultats. B. de Musgrave-Clay.

ll1'. L'homicide alcoolique; par W.-C. Sullivan. (The Journal of

Mental Science. Octobre 1900.)

L'auteur conclut des recherches qu'il a faites sur l'homicide

alcoolique que, dans les phénomènes dont il s'agit, le facteur fon-

damental est le trouble de la sensation organique : ce trouble

engendre une action morbide et une pensée morbide, mais l'action

est engendrée la première, et la pensée n'est qu'un rejeton tardif

et faible. L'auteur n'a pas le temps de discuter la question de res-

ponsabilité légale des alcooliques, et il se borne à indiquer que les

observations cliniques d'homicide alcoolique démontrent excellem-

ment combien est insignifiant et dépourvu de valeur le critérium

de responsabilité qui ne serait tiré que de la conscience des actes

accomplis par le sujet. R. de lI1USGRAVE-CL,\ Y.

XV. Le juif aliéné ; par Cécil-F. IiEADLES. (The Journal of Mental

Science. Octobre 1900.)

Il ne résulte pas des détails d'ailleurs intéressants, recueillis par

l'auteur, que l'aliénation mentale se présente dans la race juive

avec des caractères sensiblement différents de ceux qu'on lui recon-

naît daus les autres races. Le seul point important à noter, et

il ne fait que confirmer des faits déjà observés, c'est l'extrême

.fréquence de la paralysie générale chez les Israélites.

Il. DE luSGRA VE-CLA y,

XVI. L'ivrognerie, ses causes et sa guérison; par William Gyrin

Westcott. (The Journal of Mental Science. Octobre 1900.)

L'auteur se propose de rechercher quelles sont les vraies raisons

pour lesquelles l'ivrognerie existe, si les causes qui la déterminent

peuvent être supprimées, et enfin si l'ivrogne est un malade sus-

ceptible de guérison.

Il n'est pas douteux que les habitudes d'intempérance soient

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 407

fréquemment, héréditaires; mais elles peuvent parfaitement être

acquises. La race est un facteur à ne pas négliger. La qualité de

l'alcool consommé joue un rôle bien connu, enfin le milieu ambiant

a une importance considérable. L'influence du sexe est très nette.

Quant à l'àge, la période de trente à quarante ans est la période

de prédilection des excès alcooliques. Au point de vue de la reli-

gion, le UI' Morman Kerr est arrivé à la conclusion que l'ivrognerie

augmente plus vite chez les catholiques que chez les protestants,

et surtout parmi les femmes, et que la sobriété des juifs est de

nature à couvrir de confusion les chrétiens. L'influence souvent

invoquée du tabac est nulle.

Un somme, à moins de prêcher l'abstinence complète qui ne fait

pas de bien grand : , progrès et dont la puissance de persuasion est

faible, il est difficile de supprimer les causes de l'ivrognerie, ces

causes étant à peu d'exceptions près, et sauf la question de degré,

les mêmes que celles qui font le buveur modéré.

Iteste à examiner le traitement : il consiste : 1° à remédier aux

ellets des excès alcooliques, à soigner la dyspepsie et la débilité, à

enrayer les progrès des affections organiques d'origine alcoolique;

2° à remédier au besoin d'alcool, aux troubles intellectuels, à

l'abaissement moral, à la tendance aux rechutes. Pour réaliser le

premier de ses desiderata, le médecin dispose de nombreux et

utiles moyens thérapeutiques. Le second est beaucoup plus diffi-

cile à résoudre, ou plutôt sa solution réside dans l'isolement du

malade et la prohibition absolue de l'alcool, et l'auteur entre à ce

sujet dans des considérations étendues et intéressantes .

R. DE Musgrave-Clay.

XVII. L'influence des psychoses sur les glycosuries nerveuses; par

David BL.vrR. (The Journal of Mental Science. Octobre 1900.)

Contrairement à ce qu'il serait naturel de supposer, la glycosurie

est rare dans les asiles (de 2 à 5 p. 100 suivant les asiles). Les gly-

cosuries nerveuses peuvent se diviser en deux groupes, celles qui

sont associées à des lésions organiques des systèmes cérébro-

spinal et lymphatique, et celles qui accompagnent des troubles

nerveux fonctionnels. Ces dernières sont celles dont l'auteur entend

s'occuper ici. L'examen comparatif de la glycosurie, suivant les

races, nous montre qu'elle est la maladie des gens très nerveux et

très émotifs, et la prédisposition nerveuse, d'ailleurs, est la plus

commune des influence» héréditaires qui jouent un rôle important

dans son étiologie : c'est probablement surtout par cette voie de

l'hérédité nerveuse qu'elle est transmissible, et elle est souvent ainsi

l'indice d'antécédents névropathiques de famille. Elle peut aussi

alterner avec les névroses, disparaissant par exemple quand la

folie se manifeste, ce qui expliquerait sa rareté chez les aliénés.

408 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

Mais l'émoussement considérable de la sensibilité que l'on ren-

contre si souvent dans la folie avancée constitue pour les aliénés

une cause d'immunité. En ce qui touche les formes de folie où se

rencontre la glycosurie, le ur Bond l'a constatée onze fois dans

114 cas récents de mélancolie, tandis qu'il ne l'a pas rencontrée

une seule fois~dans 82 cas récents de manie. On a avancé que l'épi-

lepsie s'accompagnait de glycosurie; l'auteur ne peut rien dire

concernant l'épilepsie chez les malades non aliénés, mais chez les

épileptiques aliénés il a pu constater qu'elle était tout à fait excep-

tionnelle. On a accusé la médication thyroïdienne de donner de la

glycosurie; l'auteur a largement employé cette médication sans

rien observer qui pût appuyer cette manière de voir.

R. DE hIUSGRAVE-CL.1Y.

XVIII. Contribution à l'anatomie morbide et à la pathologie de la

paralysie générale des aliénés; par David ORR et Thomas Philip

Corsez. (The Journal of Mental Science, Octobre 1900.)

Cet intéressant travail est accompagné de planches : il se résume

dans les conclusions suivantes que nous reproduisons' : « Nous

savons qu'il y a plusieurs points que nous n'avons fait qu'effleurer.

Nous voulons parler des fibres très délicates qui se rencontrent

dans la substance grise corticale, de la couche tangentielle, et des

lésions tabétiformes des colonnes postérieures de la moelle. Sur

ce dernier point il reste beaucoup à faire, et jusqu'à ce que nous

ayons rencontré plus de cas présentant des lésions tabétiformes

définies, nous hésitons à nous former sur leur nature une opinion

précise. En ce qui touche la pathologie de la paralysie générale,

il semble qu'il y ait là une affection primitive des cellules ner-

veuses de l'écorce du cerveau, limitée presque entièrement aux

aires motrices, et que, en même temps que les altérations de dégé-

nérescence de ces cellules, il se produise des substances toxiques

qui affectent primitivement les fibres nerveuses dans toute l'é-

tendue du système nerveux. C'est de cette manière seulement que

l'on peut expliquer les dégénérescences qui se rencontrent dans les

nerfs craniens et dans les racines postérieures des nerfs, et il est

probable que les lésions diffuses que l'on trouve disséminées dans

les cordons postérieurs ont la même source. A ces lésions primi-

tives, il vient s'en ajouter de secondaires, et nous sommes d'accord

avec les observateurs qui admettent que les lésions des tractus

pyramidaux sont consécutives à la destruction des cellules nerveu-

ses corticales, et que les altérations descendantes peuvent être

suivies tout le long du trajet moteur depuis l'écorce cérébrale

jusqu'à la moelle lombaire, et augmentent d'intensité lorsque de

grandes destructions de cellules nerveuses corticales succèdent à

des états convulsifs. Il est encore trop tôt pour donner une opi-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 409

nion dogmatique sur l'étiologie de la paralysie générale, maladie

encore si peu connue ; mais il semble raisonnable, d'après les

faits constatés d'émettre une proposition telle que celle-ci : il y a

des individus dont les cellules nerveuses sont susceptibles de dé-

chéance prématurée, et cette déchéance peut être hâtée et aggra-

vée par certaines causes déterminantes, de nature toxique, telles

que l'alcool, la syphilis, l'influenza, l'intoxication saturnine, et'

d'autres facteurs analogues. A l'heure actuelle, il n'y a aucune

preuve pathologique que l'on puisse attribuer une influenceprédo-

minante à l'une ou l'autre de ces causes sur la détermination du

début de la maladie, à l'exception de ce qui concerne une seule de

ses formes, à savoir, la paralysie générale associée au tabes vrai.

Dans cette maladie, qui, d'après notre expérience personnelle, est

loin d'être commune, il existe des preuves, tant cliniques qu'ana-

tomo-pathologiques, que la syphilis est un des antécédents les

plus fréquents, et probablement la cause déterminante. »

R. DE Musgrave-Clay.

XIX . Sur les anomalies pupillaires chez les enfants idiots, paralysés

et non paralysés et sur leurs rapports avec la syphilis héré-

ditaire ; par W.-J. KOENIr.. (The Journal of mental Science, juillet

1900.)

L'auteur rappelle sommairement ses propres travaux sur la

question des réactions pupillaires et se propose dans le présent

travail de se borner il l'étude des muscles oculaires internes con-

sidérée comme caractère dominant dans treize cas d'idiotie,

sans faire de distinction entre les cas où il y avait de la paralysie

et ceux où il n'en existait pas. Il divise ces treize cas en trois

groupes, dont les deux premiers ne comprennent qu'un seul cas :

le cas du premier groupe, déjà publié ailleurs par l'auteur est un

cas de mydriase alternant avec des réactions pupillaires nor-

males, chez un sujet jeune (17 ans) probablement atteint d'affec-

tion organique congénitale du cerveau, avec symptômes cliniques

consistant en un abaissement des facultés mentales de nature

non progressive, de la paraparésie spasmodique, des mouvements

athétoïdes des muscles de la bouche et des orteils et de l'atrophie

optique post-névritique. L'observation du malade dont il s'agit

montre que la mydriase alternante et l'activité réactionnelle nor-

male et la pupille peuvent pendant plusieurs années coexister avec

une lésion organique du cerveau. Elle nous donne aussi quelques

indications sur la valeur pronostique de ce symptôme : la mydriase

alternante, en effet, n'a d'importance spéciale que si elle est

associée à une sensibilité pupillaire normale, car la présence d'une

modification même très légère des réflexes à la lumière, avec ou

sans mydriase alternante, suffit à nous mettre en garde contre un

410 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

pronostic trop hâtif. D'au Li part, quand les réflexes pupillaires

sont normaux, l'apparition de la mydriase alternante n'est pas

nécessairement de mauvais augure : mais on devra pourtant se

souvenir dans ce cas que la mydriase alternante se rencontre dans

la paralysie générale au début, et aussi qu'elle peut coïncider

pendant des -années avec la réaction pupillaire normale chez un

sujet atteint de lésion organique du cerveau. Enfin il y a lieu de

tenir compte d'un symptôme que l'auteur désigne sous le nom de

pseudo-mydriase alternante, et qui n'est en réalité qu'une illu-

sion ; on le rencontre lorsque des pupilles, de largeur et d'irrita-

bilité réflexe inégales, sont soumises à l'influence d'une lumière

dont la vivacité varie. Le second groupe de l'auteur se compose

lui aussi d'une, observation solitaire : il s'agit d'un cas de paresse

pupillaire transitoire, associée il est vrai à de l'ophtalmo-parésie

externe, et s'écartant un peu par là de l'objet du présent mémoire.

Enfin le troisième groupe comprend onze cas dont l'auteur

rapporte les observations résumées, et qui portent sur huit gar-

çons et trois filles, dont l'âge variait de sept à quinze ans. Neuf

étaient des cas de paralysie cérébrale infantile, et dans tous les

cas, sauf trois, l'insuffisance mentale remontait il la naissance.

Tous ces malades étaient plus ou moins déments lors de leur

admission, et chez tous le langage manquait ou était embarrassé,

sans rien toutefois qui rappelât les troubles d'articulation de la

paralysie générale. Le réflexe du genou était exagéré chez tous.

Tous avaient eu des crises convulsives.

Les anomalies pupillaires chez ces malades ont été binoculaires,

presque toujours, et monoculaires une seule fois : dans les cas

binoculaires, on a constaté : 1° la perte totale des réactions, deux

fois ; 2° les pupilles restant fixes à la lumière, impossibilité de

mesurer leur action pendant la convergence, trois fois ; 3° des

pupilles rigides à la lumière et paresseuses dans la convergence,

une fois ; 4° la réaction à la lumière disparue, le réflexe de conver-

gence paresseux dans un oeil et normal dans l'Autre, une fois;

5° absence de contraction à la lumière et de convergence dans un

oeil, lenteur de ces actes dans l'autre, deux fois ; fin insuffisance de

réflexe à la lumière dans les deux yeux, la réaction de conver-

gence et d'accommodation demeurant énergique.

Un point important à noter dans ces observations, c'est la

grande fréquence de l'absence simultanée de toutes les réactions.

C'est l'inverse de ce que l'on observe dans la paralysie générale où

le plussouvent la réaction de convergence est conservée.

L'auteur aborde enfin la question des rapports des troubles

pupillaires avec l'hérédité syphilitique. L'origine spécifique n'est

pas toujours facile à démêler, parce que les facteurs étiologiques

de l'idiotie et de la paralysie cérébrale infantile sont nombreux :

mais on est frappé de ce fait que, en analysant les onze cas dont

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 411

il s'agit, on constate qu'il n'y en a qu'un seul où l'hérédité syphi-

litique puisse être écartée avec quelque vraisemblance. Dans la

majeure partie des cas où cette hérédité est admissible ou pro-

bable, d'autres causes prédisposantes figurent à ses côtés.

Il résulte donc des recherches de l'auteur que puisque nous

rencontrons la syphilis des parents, dans la majorité des cas de

démence précoce avec altération des réactions pupillaires, soit

comme cause prochaine, soit comme l'un des éléments prédispo-

sants, l'insuffisance ou la perte de la réaction pupillaire, dans les

cas d'affaiblissement mental infantile, doit nécessairement diriger

notre attention vers l'hérédité syphilitique, sans toutefois nous

permettre d'écarter les causes autres que la syphilis, et cette

opinion est d'ailleurs en parlait accord avec celle de Babinsky et

Charpentier. Le mémoire se termine par quelques considérations

sur les cas, au nombre de six, où l'autopsie a été pratiquée. Cinq

fois on a trouvé à l'oeil nu des étals analogues à ceux que l'on a

coutume de rencontrer dans les périodes avancées de la paralysie

générale : un seul cas était un cas de syphilis cérébrale.

R. de MU5Gl\.\\'E-CL\Y.

Xi. Emphysème du tissu aréolaire sous cutané dans un cas de

mélancolie avec stupeur; par Thomas-Philip Cowcv. (The Jour-

1(al of Mental Science, juillet 1900.)

Voici le résumé de cette observation : matelot de vingt ans, céli-

bullaire, atteint de manie avec stupeur. Retient sa respiration tant

qu'il peut jusqu'à ce qu'il semble qu'il va éclater : on note de l'em-

plsènie sous-cutané de la face et du cou, sans traumatisme, sans

phtisie pulmonaire. L'emphysème se propage le lendemain à une

partie du thorax et aux épaules, symétriquement : le malade con-

tinue à retenir sa respiration et à gonfler ses joues, manoeuvre

dont la cessation au bout de quelques jours est suivie d'une dimi-

nution de l'emphysème. Il sort guéri. Il. de i\IUSGIà.1\'E-CLaT.

XXI. Une théorie relative aux états physiques du système ner-

veux qui sont nécessaires à la production des états de mélan-

colie, de manie, etc.; par John i'URVER. (The Journal ouf mental

Science, juillet 1000.)

C'est une question très embarrassante en pathologie mentale

que celle de savoir comment se produisent les états d'exaltation et

de dépression, et, physiquement, à quelles modifications du sys-

tème nerveux ces états correspondent, si leurs localisations sont

différentes dans la mélancolie et dans la manie, et en cas de

réponse affirmative, où siègent les altérations respectivement créa-

trices de l'exaltation et de la dépression.

412 - REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

C'est à ces questions que l'auteur veut essayer de répondre par

une hypothèse dans le développement de laquelle il serait difficile

de le suivre ici, mais qui peut être sommairement résumée de la

manière suivante : l'auteur suppose que, la mélancolie et la manie

étant toutes les deux associées à un état de dissolution du système

nerveux, la réduction, dans-le premier cas (mélancolie) se fait le

long des lignes sensorielles de l'arc nerveux réflexe, et dans le

second cas (manie) le long des lignes motrices. Et après l'exposé

de cette opinion, il ajoute que cette hypothèse est appuyée par les

seules lésions analomiques capables de démonstration qui aient

été jusqu'ici constatées dans la mélancolie; en effet, il y a un

groupe assez bien défini de cas de mélancolie qui se terminent

ordinairement et rapidement par la démence, et dans lesquels il

existe une altération bien définie de la majorité des cellules ner-

veuses géantes et pyramidales de l'écorce : or, ces cellules, surtout

les premières, sont considérées avec vraisemblance comme des

cellules motrices du niveau le plus élevé, et l'altération constatée

est identique à cellle qui se produit expérimentalement après la

section des axones des cellules motrices. 1. de Musgrave-Clay.

XXII. Épilepsie associée à la folie ; par Ernest-W. \VIIITC. (The Jour-

nal of Mental Science, janvier 1900).

Le but de ce travail est d'examiner les diverses formes de folie

que l'épilepsie peut compliquer : l'auteur les considère aux divers

âges de la vie : enfance, puberté, adolescence, ménopause, et vieil-

lesse. Dans l'enfance, lorsque la folie et l'épilepsie coexistent, c'est

qu'elles ont ordinairement une source héréditaire commune. La

puberté avec les perturbations organiques qu'elle comporte est

favorable au développement des affections mentales ou convul-

sives. L'auteur toutefois n'a vu que très peu de cas de folie primi-

tive de la puberté : presque tous étaient consécutifs à l'épilepsie

ou à la chorée. Pendant l'adolescence, il est très commun de ren-

contrer la folie associée à l'épilepsie, celle-ci ayant probablement

paru la première pendant la puberté : ces malades ont souvent des

hallucinations, et il n'est pas rare qu'ils soient violents et dange-

reux. L'auteur donne de ces malades une description détaillée et

intéressante : il montre ensuite les caractères spéciaux des malades

chez lesquels l'épilepsie chronique a finalement déterminé une

folie qui aboutit à la démence. L'apparition des crises épileptiques

dans les cas de manie ou de mélancolie ayant déjà une certaine

durée est ordinairement un très mauvais signe; mais il y a des

exceptions, et l'attaque d'épilepsie peut quelquefois au contraire

être un « tournant » dans la maladie, qui marche dès lors vers la

guérison. On connaît la fréquence de l'épilepsie au début de la

paralysie générale : elle est caractérisée par l'absence de tonicité

' REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 413

dans les attaques, la brièveté du stade tonique par rapport au

stade clonique, la tendance des crises à s'imbriquer, et l'épuise-

ment général qui leur succède. La folie de la ménopause se com-

plique rarement d'épilepsie ; cette combinaison est au contraire

commune dans la manie et la mélancolie séniles, et l'épilepsie se

présente alors souvent sous la forme de petit mal. Ces cas se ter-

minent par la démence. L'auteur termine ce travail par quelques

considérations sur l'influence de la lune, des époques menstruelles,

des saisons, sur le nombre des attaques épileptiques, et enfin sur

le traitement. R. de Musgrave-Clay.

XXIII. Sur quelques affections cutanées assez rares chez les aliénés ;

par Thes.-B. HYSLOP. (The Journal of Mental Science, jan-

vier 1900.)

Tous les médecins d'asile connaissent certaines modifications de

couleur, de souplesse de la peau dans certaines maladies mentales :

l'auteur se propose dans ce travail de n'étudier que quelques affec-

tions cutanées peu nombreuses chez les aliénés, à savoir : les ano-

malies de pigmentation, la pseudo-pellagre, l'herpès, le pemphigus,

l'adénome sébacé, les maladies simulées : il entre à propos de ces

diverses affections dans des détails intéressants, et son texte est

rendu plus clair par des figures bien faites. II termine par quelques

considérations sur les rapports des affections de la peau avec les

modifications des maladies mentales et leur pronostic ; ces conclu-

sions se résument ainsi : on voit assez souvent les maladies men-

tales alterner avec les affections cutanées; des récidives d'aliéna-

tion coïncident avec des récidives d'éruptions : il n'est pas rare de

voir des fous curables avoir des maladies cutanées curables, et des

fous incurables avoir des dermatoses incurables aussi : souvent la

marche de l'un des éléments soit cutané, soit mental,-fournit

le pronostic de l'autre élément; car ainsi que l'a fait justement

remarquer le Dr Savage « si vous voyez la peau s'éclaircir graduel-

« lement, vous ne tarderez pas à voir apparaitre l'amélioration

« mentale ; mais une peau rebelle présage une guérison tardive et

« difficile. » - Il. de MUSGRA'yE-CLAY.

XXIV. Notes sur 206 cas consécutifs de manie aiguë traités sans le

secours de la médication, sédative ; par C.-K. HITCHCOCK. (The

Journal o/' Olentcal Science, janvier 1900 )

Voici le détail de ces 206 cas qui comprennent 29 récidives :

guérisons, 171 ; décès survenus pendant l'accès par le fait de la

manie, 8; décès survenus pendant l'accès par le fait de maladies

intercurrentes, 3 ; malades améliorés et confiés aux soins de leur

famille, 12 ; malades transférés dans d'autres asiles, 7; malades

encore en traitement, 5.

414 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

Ces guérisons qui donnent une proportion de 83 p. 100 ont été

obtenues sans le secours d'aucun agent sédatif ou narcotique.

L'auteur, qui a passé par six asiles avant de diiiger celui de

York, est convaincu que l'abus et même l'usage des médications

stupéfiantes dans la manie est non seulement inutile, mais nui-

sible, que l'insomnie, même continue, n'est pas incompatible avec

la guérison, qu'il faut chercher pour chaque cas particulier la

cause de l'excitation maniaque (un purgatif fait quelquefois mer-

veille), enfin que par l'abstention systématique de tout médica-

ment de cet ordre il a obtenu, chez ses malades, un nombre stipe-

rieur de guérison^,' peut-être une diminution de mortalité, et

probablement aussi une vie plus calme chez les malades qui n'ont

pas guéri. R. de Musgrave-Clay.

XXV. L'hystérie et ses rapports avec la folie ; par Geoffrey Hun-

gerfohd. (The Journal of Mental Science, janvier 1900.)

On peut poser en principe que l'hystérique est un être anormal

qui évolue sur la frontière de la lolie. Chez un tel malade les idées

dominent les organes et y provoquent des modifications fonction-

nelles nombreuses et imprévues. L'hystérie a deux causes princi-

pales, l'hérédité et l'éducation : celle-ci, bien comprise et bien

dirigée, pourrait reléguer celle-là sur un plan de plus en plus

éloigné et finir par l'éliminer. L'éducation, donnée par des parents

qui sont quelquefois neurasthéniques eux-mêmes, est certainement

coupable de l'éclosion de bien des cas d'hystérie. Un esprit bien

équilibré subit, plus ou moins, mais toujours, dans une certaine

mesure l'influence du milieu ambiant ; à plus forte raison les z

esprits mobiles dont il est ici question. D'ailleurs chez les hysté-

riques, la faculté d'imitation se développe d'une manière exagérée,

ainsi que l'impressionnabilité. Ils arrivent à se créer des idées

erronées, qu'ils cultivent soigneusement jusqu'à les transformer

en idées fixes, et dès lors ils cessent de pouvoir être considérés

comme sains d'esprit. R. de Musgrave-Clay.

DRAMES de l'alcoolisme. - A Bénies (Gironde), un alcoolique,

Dourche, a blessé mortellement sa femme d'un coup de fusil, puis

il l'a achevée à coups de couteau. (Bonhomme Normand, 23-29 août.)

Léopold Duquesnel, trente-huit ans, nacrier, et Célestine

Goury, trente-neuf ans, vivaient ensemble à Belleville. Tous deux

se grisaient. L'autre jour, étant ivres, ils se sont querellés et

Duduesnel a tué sa concubine à coups de sabot. (Bonhomme Nor-

mand, 29 octobre.)

SOCIÉTÉS SAVANTES.

XI- CONGRÈS DES ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES

DE FRANCE ET DES PAYS DE LANGUE FRANÇAISE

Session de Limoges (suite 1).

Séance du lundi 5 août (matin). Présidente DE if.GIL13 EH Ballet.

Personnel secondaire des asiles d'aliénés.

Rapporteur : M. le Dr II. Taguet.

M. le Dl' TAGUET commence par établir que le recrutement du

personnel secondaire devient de plus en plus difficile dans les asiles

de province, où il passe comme des voyageurs à travers une

auberge. « Comment pourrait-il en être autrement ? Le métier d'in-

firmier est un véritable sacerdoce, dont l'espèce se fait de plus en

plus rare. Qu'on veuille bien meltre en parallèle ce qu'on lui donne

en compensation de ce qu'on exige de lui. » Il ne voit qu'un moyen

de remédier il un état de choses aussi déplorable : augmenter le

salaire des serviteurs et leur assurer, en cas de bons services, une

retraite pour leur vieillesse.

Le département de la Seine est entré largement dans cette voie

et en moins de vingt ans, le traitement a presque doublé. Le recru-

tement s'en est rapidement senti; sans doute, le personnel n'est

pas parfait, mais on peut affirmer qu'il est, en général, bien supé-

rieur à celui des hôpitaux et de la plupart des asiles de province.

Ce traitement varie, pour les surveillants et surveillantes, chefs

d'ateliers et assimilés de 2.550 fr. par an à 2.300 suivant la classe,

y compris les avantages en nature ; pour les sous-surveillants,

sous-surveillantes et assimilés, il varie de 2.120 à 1.875; pour les

suppléants et suppléantes de 1.853 à 1,815 ; et, enfin, pour les

infirmiers et infirmières de 1.700 à 1.500.

Les sous-surveillants, les sous-surveillantes, les infirmiers et les

' Voir Archives de Neurologie, non 69 et 10, t. XII, p. 233 et 312.

416 SOCIÉTÉS SAVANTES.

infirmières de services spéciaux (infirmeries, gâteux, agités, épi-

leptiques, quartiers cellulaires) reçoivent, en outre, une gratifica-

tion mensuelle de 10 francs. Il en est de même du service de veille.

Les agents de tout ordre qui ont obtenu le diplôme d'infirmier ou

d'infirmière reçoivent en plus de leur traitement 5 francs par

mois. -1

La retraite, après vingt-cinq années de services, est de la moitié

du traitement. Une indemnité proportionnelle, en cas d'infirmités,

est accordée après dix ans d'exercice. Après six ans de présence

dans les asiles, les agents peuvent faire compter, leurs services

dans l'armée, ou l'Assistance publique.

M. le Dr Taguet regrette que cette indemnité de repos ne soit pas

reversible sur la tête des veuves et des enfants mineurs. Il rappelle

les diverses propositions qui ont été adoptées par la spus-commis-

sion chargée d'étudier l'organisation des asiles de la Seine : créa-

tions d'infirmiers de visite, durée du stage, diplôme obligatoire;

admissions d'infirmières en remplacement d'infirmiers dans cer-

tains quartiers ; logement du personnel en dehors des quartiers,

mais de préférence dans l'asile, conformément à un roulement à

établir ; repos journalier de deux heures à chaque agent du service

médical ; aménagement d'une salle pour le personnel secondaire :

augmentation du personnel de jour et du personnel de veille;

nomination du personnel de surveillance ; stage dans les quartiers

imposé aux agents des services généraux. '

Bien que ces diverses propositions n'aient rien qui soit spécial

aux asiles de la Seine, M. le De Taguet les élimine pour ne traiter

que les questions qui sont applicables à tous les asiles sans excep-

tion, ces questions sont les quatre suivantes : .

10 Il fait ressortir combien est variable dans les asiles le nombre

des infirmiers et des infirmières, par rapport à la population trai-

tée, nombre notoirement insuffisant, si l'on tient compte surtout

des absences, des cas de maladie, des vacances, etc. Il propose la

rédaction adoptée par la sous-commission des asiles de la Seine,

qui est la suivante :

Le personnel des infirmiers de jour sera d'un agent par douze

malades. Dans ce nombre, ne seraient compris ni les sous-surveil-

lants ni les veilleurs. » La proportion de un gardien pour douze

malades sera établie sur le chiffre réel de la population et non sur

les effectifs budgétaires prévus. Il sera créé dans chaque service

un poste de sous-surveillant ou sous-surveillante de remplace-

ment 1.

2° Organisation du service de veille, en laissant à chaque asile

' L'administration a été plus loin et a créé cette année deux sup-

pléants ou suppléantes par service, à la suite des propositions formulées

par M. Bourneville et acceptées par la Commission de surveillance.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 417

le soin de le régler, suivant les convenances et les nécessités du

moment.

3° La situation de reposant et de reposante, qui dans beaucoup

d'asiles a quelque chose de pénible et de dégradant, serait rem-

placée, pour tous les asiles sans exception, qu'ils admettent ou

n'admettent pas de reposants, par une indemnité de repos [qui

serait, comme dans la Seine, la moitié du traitement d'activité, y

compris le traitement en argent, l'évaluation des avantages en

nature, indemnité déterminée comme il est dit dans les asiles de

la Seine, avec cette réserve qu'en cas de décès la moitié de l'in-

demnité de l'ayant droit est réversible sur la tête de la veuve en

tant qu'elle ne jouit pas elle-même d'un traitement d'activité

comme infirmière ou assimilée. (Voir page 429, 1°.)

4° Elévation du traitement, qui devrait toujours être supérieur à

celui de la domesticité de la région et n'être jamais inférieur à

360 francs par an.

M. Gir\ud. : \1. daguet, dans son rapport, a constamment en

vue les infirmiers. Or, d'après ce que j'ai observé, il faut faire une

distinction dans le personnel secondaire des asiles. Tandis qu'un

grand nombre d'infirmiers passent, suivant l'expression de Dagron,

rapportée par M. Taguet, « comme des voyageurs à travers une

auberge », sont paresseux et ivrognes, le personnel ouvrier, dans

les asiles, a une valeur morale de beaucoup supérieure. Ce sont

généralement des gens du pays, mariés, ayant une famille, s'atta-

chant à l'établissement ; ils sont d'une fixité qui forme contraste

avec le personnel des infirmiers. Ainsi, j'ai sous les yeux la liste

du personnel de l'asile de Quatre-Mares. Dans le personnel secon-

daire, en dehors des infirmiers, je ne trouve qu'un homme, sur 32,

entré en 1901, c'est-à-dire dans l'année courante, soit une propor-

tion d'environ 3 p. 100. Dans la liste des infirmiers, au contraire,

on relève 26 sur 79, entrés depuis le premier janvier 1901, soit une

proportion de 26 p. 100 et je ne compte pas les mutations de ceux

qui sont entrés depuis le premier janvier et sont sortis aujourd'hui.

Et encore dans ce personnel, qui, d'une manière générale est

médiocre, il y a une distinction à faire, car on trouve dans les

asiles des infirmiers qui ont dix, vingt, trente ans et plus de

services dans le même établissement. Ce sont des hommes qui ont

échappé au vice de l'ivrognerie, et se contentent d'une vie facile où

ils trouvent le vivre et le couvert, et n'ont pas à se préoccuper du

lendemain. La grosse difficulté réside dans le recrutement des

infirmiers, parce que ce sont des hommes qui n'ont pas de métier

et, s'ils n'ont pas de métier, c'est qu'ils n'ont pas eu la constance

d'en apprendre un. De là leur infériorité morale vis-à-vis des

ouvriers. Les infirmières peuvent généralement être plus facilement

recrutées et ont habituellement reçu une éducation qui leur permet

d'évitér l'oisiveté, ce qui est une supériorité vis-à-vis des infirmiers.

Archives, 2e série, t. XII. 27

418 SOCIÉTÉS SAVANTES.

J'estime que tout le problème du recrutement des infirmiers et

infirmières ne réside pas dans l'augmentation des salaires, et on

ne peut pas poser de règle absolue, car il faut tenir compte des

diverses régions. Le salaire doit être suffisant pour permettre de

constituer de petites ressources dans les vieux jours, et peut être

en rapport avec la moyenne de ce que gagne un ouvrier dans la

région. L'esprit d'ordre et d'économie de l'individu joue un grand

rôle. J'ai vu des infirmières qui avec un salaire de vingt francs par

mois arrivaient à s'acheter des rentes, tandis que la plupart des

infirmiers, gagnant beaucoup plus, étaient toujours à court d'ar-

gent, parce qu'ils employaient tout leur argent à boire dans leurs

sorties. On est peu encouragé iL augmenter le salaire de cette caté-

gorie d'infirmiers parce que plus on leur donne, plus on leur

donne le moyen de boire.

M. TAGUET estime que cette question ne peut être discutée. C'est

aussi l'avis de M. Ballet, président, qui invite le Congrès à se pro-

noncer successivement sur chacune des conclusions développées

dans le rapport de M. Taguet. Le Congrès a donc à se prononcer

sur les points suivants :

10 Il y a lieu de remplacer les mois de « gardiens » de « gardiennes »,

par ceux d' « infirmiers el d'infirmières » ?

M. Doutrebente demande qu'elle dénomination servira à dési-

gner les agents qui, remplissant dans les infirmeries des asiles les

fonctions d'infirmiers, sont les seuls et véritables infirmiers ou

infirmières. -Plusieurs membres du Congrès font observer que ce

n'est qu'une question de mots et qu'en réalité, les agents chargés

de soigner les aliénés ont tous droit au même titre d'infirmiers ou

infirmières.

M. Bourneville déclare qu'il s'attendait, ce qui paraissait logique,

à une discussion générale, mais puisqu'on a préféré immédiate-

ment la discussion des propositions ou des voeux formulés par

M. le rapporteur, il s'incline. En ce qui concerne le voeu en discus-

sion, il appuie vivement cette substitution qui, au point de vue

moral, a beaucoup plus d'importance qu'on ne le suppose. Elle est

l'analogue de la substitution, qu'il a fait prévaloir dans les hôpi-

taux de Paris, après des années d'insistance, des mots infirmiers

et infirmières aux appellations ancieunes, un peu humiliantes, de

serviteurs et servantes. -

2° Y a-t-il lieu de créer des infirmiers dits de visite ?

M. Doutrebente demande ce que sera l'infirmier de visite.

M. TAGUET lui répond que les infirmiers .de visite seront ceux

chargés spécialement de tous les détails d'ordre médical des ser-

vices, tandis que les autres seront occupés aux gros travaux.

M. DouTREBENTE fait remarquer que cela existe déjà en réalité.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 419

M. Bourneville. Tous les agents qui sont en contact avec les

malades, dans tous les quartiers, ne sont pas seulement chargés

des gros travaux ; ils sont appelés aussi à soigner les malades, à

leur porter secours à chaque instant, à collaborer au traitement

moral, à leur administrer les médicaments prescrits, à les aider

aux bains, aux douches, en un mot ce sont des infirmiers. Ils doi-

vent recevoir l'instruction professionnelle. C'est parmi les meilleurs

d'entre eux qu'on doit recruter les infirmiers de l'infirmerie pro-

prement dite. Il n'y a donc pas lieu de faire de distinction entre eux.

M. 'l'acueT retire sa proposition.

3° Le diplôme d'infirmier est-il facultatif ou obligatoire pour cer-

tains membres du personnel secondaire ou pour tous ?

M. 130URNE'ILLE croit qu'il est nécessaire de faire suivre des

cours à toutes les personnes qui sont en rapport avec les malades,

même aux chefs d'ateliers ; nul doute pour les agents des quar-

tiers. Quant aux chefs d'atelier, en contact prolongé avec les aliénés,

ils peuvent se trouver dans la nécessité de leur donner des soins,

il est donc indispensable qu'ils sachent ce qu'ils ont à faire ; par

suite, ils devraient faire un stage en qualité d'infirmiers dans l'un

des services de l'asile; on aura alors en eux des agents capables

de savoir quelle attitude ils doivent adopter' en présence des

malades, bien qu'ils n'aient qu'une idée sommaire de ce qu'est un

aliéné. Actuellement les chefs d'ateliers, ignorant les devoirs qui

leur incombent, ne sont que trop rarement de véritables auxiliaires

du médecin ; c'est ainsi qu'ils se formalisent des injures ou des

grossièretés qui peuvent leur être adressées, et que lorsque les

malades placés sous leurs'ordres deviennent un peu gênants, il les

renvoient de l'atelier.

11 est juste d'améliorer la situation matérielle des infirmiers,

dont le traitement est véritablement dérisoire, dans un grand

nombre d'asiles, et, sur ce point, nous faisons appel à tous nos

collègues pour nous donner des renseignements précis. Il faut

aussi s'efforcer d'améliorer leur situation intellectuelle et morale.

Pour cela la création d'écoles s'impose. Ces écoles existent à

l'étranger ; elles devraient exister en France, mais il n'y en a pas.

Un essai tenté par M. le D1' Rey, directeur-médecin de l'Asite

d'Aix, n'a pas réussi. M. Bourneville expose en détail ce qui se

fait dans cet ordre d'idées en Angleterre, où existent des écoles

d'infirmiers dans tous les asiles, organisées sur un modèle uni-

forme. Elles sont dues à l'Association 7nédieo-sgclcologiyue d'An-

gleterre qui a rédigé un Manuel spécial. Des examens ont lieu

chaque année. Les diplômés doivent se conformer au Règlement

'qui a été rédigé pour' les maintenir dans une voie régulière. Il

insiste sur la nécessité de la création d'écoles d'infirmières dans

toutes les villes où existent des Facultés ou des Ecoles prépara-

420 SOCIÉTÉS SAVANTES.

toires de médecine ; sur l'utilité qu'il y aurait à ce que le programme

de ces écoles fût le même partout, ainsi que le mode d'examen

pour l'obtention du diplôme. C'est dans ces écoles, dont le pro-

gramme doit comprendre la connaissance des soins à donner aux

aliénés, que devrait être recruté le personnel des asiles. Supposons

une Ecole d'infirmières à Limoges, un cours spécial devrait être

fait à l'asile de Naugeat, et ainsi partout où, à côté de la ville qui

a une Faculté ou une Ecole de médecine, il y a un asile.

SI. BRIAND met en parallèle les plaintes de M. Taguet au sujet.

du peu d'autorité qu'exercent les médecins sur le personnel des

services généraux, et l'opinion de M. Giraud, qui se déclare satis-

fait de ce personnel. D'après lui, ces divergences d'idées peuvent s'ex-

pliquer par les situations différentes qu'occupent ces deux méde-

cins, l'un étant exclusivement médecin en chef- et l'autre directeur-

médecin. Il estime que le diplôme rendra le personnel des services

généraux plus subordonné à l'égard des médecins et plus conscient

de ses devoirs à l'égard des malades. Il demande, en conséquence,

l'obligation du diplôme pour tous, quitte à faire des exceptions,

si elles s'imposent dans tel ou tel cas particulier ; ces exceptions

ne pourraient, au reste, avoir lieu qu'avec l'assentiment du

médecin. ,

M. Drouineau demande que l'on précise ce qu'il faut entendre

par personnel secondaire ; il lui semble que l'on doit distinguer le

personnel secondaire et le personnel inférieur.

M. Ballet répond qu'il ne saurait être question du personnel

administratif, mais de tous les autres agents.

M. GIRAUD est d'accord avec M. Bourneville pour reconnaître

qu'il serait avantageux d'améliorer la situation morale du per-

sonnel secondaire ; mais il ne pense pas qu'il faille exiger le

diplôme à l'heure actuelle; cette obligation entrainerait dans le

service des perturbations sérieuses et le rendrait peut-être même

impossible. (Voir page 429, 2°.)

M. Ballet le rassure; le Congrès peut voter sans crainte cette

mesure dont la lenteur administrative bien connue ne permetlrait

pas la réalisation immédiate.

M. GiRAuD demande qu'on se préoccupe de solutions pra-

tiques. Il y a des écoles d'infirmiers et d'infirmières à Paris, mais

pour les établissements de Paris seuls. Il faudrait d'abord créer

des écoles dans les départements et dans des conditions où ceux

qui sortent de ces écoles ne soient pas forcés de rester fixés à un

seul asile. En d'autres termes, on ne peut pas créer ces écoles dans

tous les asiles, et on n'en voit pas bien le fonctionnement à Saint-

Alban. On ne peut pas avoir d'infirmiers diplômés en province,

car ceux qui sont mis à la porte des asiles de la Seine, malgré

SOCIÉTÉS SAVANTES. 4 : H 1

leur diplôme, parce qu'ils sont mauvais infirmiers, ne sont pas

meilleurs dans les asiles de province, et on n'en trouve pas d'autres.

Il ne faut pas généraliser actuellement l'exigence du diplôme,

puisqu'on se heurte à une impossibilité actuelle.

M. Ballet lui répond que le voeu soumis au Congrès comporte

deux questions'. 1° une question de principe ; 2° une question pra-

tique sur la réalisation de ce voeu. C'est sur la question de prin-

cipe qu'il importe de se prononcer actuellement.

M. Drouineau qualifie ce voeu d'un peu platonique et se demande

si la réalisation en sera possible ; dans ces conditions, les deux

questions signalées par M. Ballet ne peuvent être séparées. Il

ajoute que à son avis, il faudrait pour toutes ces écoles un règle-

ment unique dont tous les points devraient être précisés.

M. Bourneville se déclare d'accord avec M. Drouineau, en ce

qui concerne le règlement unique pour toutes les Ecoles d'infir-

miers et d'infirmières. Quant à la création de ces Ecoles elle est

facilement réalisable dans toutes les villes que nous avons indi-

quées. Le Conseil supérieur de l'assistance publique en a adopté le

principe, fixé le programme, en un mot le fonctionnement. C'est

au gouvernement à donner l'impulsion, à favoriser l'exécution

par des subventions sur le pari mutuel. Paris, Lyon, le Havre,

Reims, etc. ont donné l'exemple. Demain, nous l'espérons, Mar-

seille aura une Ecole d'infirmières. Les asiles d'aliénés pourront

recruter leur personnel non seulement à Paris, mais dans toutes

les villes où il y aura des Ecoles d'infirmières. Il est question d'en

créer une à Rouen. Là, aussi le cours sur les soins à,donner aux

aliénés pourrait être fait par l'un des médecins des deux asiles

et, à l'occasion, M. Giraud prêterait assurément son concours.

M. TAGUET maintient ce qu'il a a exposé antérieurement.

Plusieurs membres du Congrès déclarent irréalisable le voeu pro-

posé. -

M. Bourneville s'étonne qu'on ne puisse faire en France ce qui,

depuis longtemps, se fait à l'étranger, en Angleterre, aux Etats-

Unis en particulier. Dans ces pays, les médecins des asiles font

des cours à leur personnel. Les élèves subissent un examen devant

un jury spécial, fixé par l'Association médico-psychologique. « Les

diplômes accordés par l'Association sont ordinairement bien vus

par la généralité du personnel et le système d'examen étant uni-

forme, dans tout le pays, ces diplômes ont une réelle valeur 1. » Il

y a une inscription légale des infirmières diplômées, ce qui est

une garantie pour le public. Un registre des candidats reçus est

' Procès-verbaux de la Commission de surveillance des asiles de la

Seine, 1890 et années suivantes.

422 G), SOCIÉTÉS SAVANTES.

tenu. Les diplômés, dont la conduite a été reconnue mauvaise

sont rayés du Registre. (Voir page 429, 3°.)

M. RAYNEAU propose que des leçons. pour les infirmiers et infir-

mières soient organisées dans les asiles.

M. DOURSOUT est d'avis que des écoles d'infirmiers et d'infirmières

soient organisées dans les Asiles situés au voisinage des Facultés

ou des écoles de Médecine.

M. BouRNEVILLE répète que c'est dans les villes-écoles 'que l'en-

seignement professionnel doit être fait et que les leçons sur les

soins à donner aux aliénés pourraient être faites par l'un des méde-

cins de l'asile voisin, avec assistance de tous les élèves, par séries,

aux visites des médecins qui devraient leur donner des conseils pra-

tiques, complétant les leçons théoriques.

M. Ballet met aux voix le voeu de M. Bourneville tendant à la

création de ces écoles. Le voeu est admis à l'unanimité.

Comme complément, il met aux voix également le voeu tendant

à ce qu'un programme minimum d'enseignement (celui qui a été

élaboré par le Conseil supérieur de l'assistance publique ebt tout

indiqué) soit imposé à ces écoles. (Adopté).

Sont également adoptés le voeu tendant à la création d'un certi-

ficat d'aptitude aux fonctions d'infirmiers ou d'infirmières, et celui

d'après lequel l'examen devrait être subi devant un jury partout

composé des mêmes éléments.

M. TAGUET demande si ce voeu s'étend au personnel des services

généraux.

M. BRIAND propose que les infirmiers et infirmières -ne puissent

être nommés aux emplois supérieurs (surveillants ou sous-surveil-

lants) dans les services médicaux ou généraux que s'ils sont pour-

vus du diplôme.

M. TAGUET demande la division de cette proposition.

Elle est adoptée en ce qui concerne les services médicaux.

M. Drouineau se demande si, en province, il ne sera pas impos-

sible d'avoir des chefs d'ateliers diplômés. Il pense que le travail

est le but essentiel des ateliers; le chef d'atelier doit être d'abord

un ouvrier, or pourra-t-on avoir en une seule et même personne

un ouvrier et un infirmier ? (Voir page 429, 4°.)

M. BRIAND insiste pour que le diplôme soit exigé pour le per-

sonnel des services généraux. Un ouvrier doit avoir la mentalité

médicale. Les craintes de M. Drouineau ne doivent pas nous éloi-

gner du but à atteindre. Selon M. Briand, les difficultés de l'exa-

men ne sont pas telles que n'importe qui ne puisse obtenir le

diplôme. Le stage dans un service médical est indispensable. Mais

SOCIÉTÉS SAVANTES. 423 3

dans la pratique, certains tempéraments peuvent être apportés à

cette règle dans les occasions exceptionnelles.

De nombreuses protestations se font entendre contre ces excep-

tions. z

M. Vallon pense que l'article 8 du projet élaboré par la sous-

commission nommée par le préfet de la Seine pour étudier l'orga-

nisation des asiles de la Seine, article cité'dans le rapport de

M. Taguet, donnerait satisfaction à tous.

M. DOUTREBENTE fait une restriction pour le cuisinier; il ne peut

attendre pour faire manger ses malades que le cuisinier ait fait le

stage réclamé dans un service médical.

M. RRIAIOE, retire son voeu et se range à l'avis de M. Vallon.

M. Vallon donne lecture de l'article 8 précité... (Adopté.)

4° Question du logement du personnel secondait e hors de l'Asile ou

dans l'Asile.

M. Bourneville pense que le logement à l'asile en dehors des

quartiers qu'il a toujours réclamé afin d'assurer le repos du per-

sonnel, ou hors de l'asile n'a qu'une importance relative. La ques-

tion qui prime tout c'est la création d'une équipe de jour et d'une

équipe de nuit pour assurer le bon fonctionnement du service.

M. Drouineau fait remarquer qu'il faut tenir compte du chiffre

du personnel.

M. DOUTREBENTE dit que la question du logement du personnel

secondaire dans l'asile ou hors de l'asile ne peut se poser que si le

service de nuit est assuré.

Le voeu de M. Taguet tendant à loger dans l'asile le personnel

de jour est adopté.

5° Nombre du personnel.

M. Taguet propose le chiffre de 1 infirmier pour 12 malades

pour le personnel de jour.

M. DOUTREBI;N1'E estime que c'est insuffisant, du moins pour les

services d'infirmerie, de gâteux et d'agités.

M. DouRsoUT est d'avis que c'est excessif.

M. 13RIA¡>;D, estimant que la proportion proposée par 1\1. Taguetest

trop faible, propose celle de 1 infirmier pour 10 malades.

M. GiRAuD rappelle que l'an dernier, au Congrès d'Assistance,

on a voté la proportion de 1 pour 5.

M. TAGUET admet la proposition de 1 infirmier pour 10 malades

(non compris les sous-surveillants et le veilleur dans chaque quar-

tier). (Ce voeu est adopté.)

424 SOCIÉTÉS SAVANTES.

6° Organisation du service de veille. '

M. 'l'AGUET pense qu'il faut laisser chacun libre de s'organiser à

sa façon.

M. BOURNEVILLE est d'avis que l'organisation de ce service doit

être réglementée en vue d'un minimum, quitte à ce que l'asile ait

la faculté de dépasser ce minimum d'autant plus qu'il n'existe pas

encore de service de veille dans certains asiles et qu'il n'y a pas

longtemps qu'il existe dans la Seine, sauf dans son service où il

fonctionne, complet, depuis 1883.

M. TRÉNEL demande un service de veille permanent, qui doit

être distingué des rondes de nuit que l'on organise parfois et qui

achèvent d'épuiser un personnel déjà surmené. 11 demande égale-

ment que ce service soit fait par un personnel spécial. Il est inad-

missible que des gens soient de service vingt-quatre heures par

jour. Les services que peut rendre le personnel de veille sont indé-

niables ; il suffit de citer dans cet ordre d'idées la diminution du

nombre des gâteux.

M. BOURNEVILLE pense qu'il y a avantage à combiner les rondes

par un sous-employé ou une sous-employée avec les veilles par des

infirmiers veilleurs ou des infirmières veilleuses. '

M. Doutrebente fait remarquer qne dans ces conditions, il y

aura trois services dictincts : service de jour, service de nuit et

service de veille : c'est peut être excessif, à son avis.

M. Bourneville. Nullement : un service de jour tel qu'il existe

aujourd'hui et un service de veille (ou de nuit) analogue.

M. Taguct donne lecture de son voeu, d'après lequel il y aura

dans chaque quartier un veilleur ou une veilleuse et un surveillant

ou une surveillante de ronde. (Ce voeu est adopté.)

M. 1'neaeL demande qu'on précise que le personnel de nuit sera

différent du personnel de jour ét que ce service de veille sera per-

manent.

M. Drouineau demande quelle sera la proportion du personnel

de veille. M. Briand fait observer qu'elle ne peut être établie :

elle doit varier nécessairement suivant la disposition des locaux.

M. Vallon propose qu'on admette le chiffre de au moins un par

quartier. M. 1'cosT précise à nouveau son voeu en spécifiant

que le service de veille sera permanent et complètement distinct

du service de jour. (Ce voeu ainsi complété est adopté.)

7° Suppression de la repoiance, qui sera remplacée par une in-

demnité égale à la moitié du traitement, y compris les avantages en

nature.

M. Bourneville rappelle que la pension de repos en nature ou en

SOCIÉTÉS SAVANTES. ' 425

argent existe depuis longtemps dans les hôpitaux de Paris, et c'est

à l'honneur de cette administration. Elle n'a pas été instituée de

suite quand on a enlevé le service des aliénés à l'Assistance pu-

blique. Sur sa demande', elle a été organisée en 1883 pour tout le

personnel secondaire des asiles, après des discussions répétées,

certains proposant des pensions de retraites au lieu de pensions de

repos. La difficulté de l'organisation des premières a fait adopter

les secondes. Aujourd'hui, dans la Seine, il y a 75 bénéficiaires

des pensions de repos en argent. M. Bourneville a réclamé l'orga-

nisation de ces pensions pour tous les établissements hospitaliers

publics, nationaux, départementaux et municipaux. Lorsqu'elles

existeront et cela répond à une partie de l'argumentation pré-

cédente de M. Giraud, tous les asiles et hôpitaux de province trou-

veront parmi les infirmiers et infirmières diplômés de Paris et de

la Seine tout le personnel dont ils ont besoin. Les agents du per-

sonnel secondaire de Paris n'abandonneront pas les droits qu'ils

ont déjà acquis à une pension de repos pour aller là où il n'y

en a pas. Il ajoute que les années de services passés dans n'im-

porte quelle catégories d'établissements publics doit compter. En

résumé, il appuie, en principe le voeu de M. Taguet.

M. Giraud. Je partage l'opinion de M. Taguet, que la position

de reposant ne peut pas être l'idéal pour un agent ayant de bons

et longs services à l'asile. Les Conseils généraux n'admettent pas

le personnel' secondaire des asiles d'aliénés au bénéfice de la

Caisse départementale des retraites du département. Il n'y a donc

rien à faire de ce côté. D'autre part, l'indemnité de repos ne me

parait pas non plus à l'abri des critiques. C'est d'abord une loi

générale qu'il est mauvais d'assurer une situation sans que l'indi-

vidu y ait contribué au moins pour partie, sinon c'est encourager

l'imprévoyance. Puis l'indemnité de repos telle qu'elle est présen-

tée par M. Taguet est allouée sans tenir compte de la durée des

services après vingt-cinq ans, et ce n'est pas équitable. Enfin,

l'indemnité de repos exige que les services aient toujours lieu dans

le même asile, et ne permet pas l'avancement dans un autre

établissement, ce qui est encore un inconvénient. Je crois qu'il

serait bien préférable d'organiser quelque chose d'analogue à ce

qui existe pour les cantonniers du service vicinal de la Seine-Infé-

rieure, qui sont obligatoirement affiliés à une société de secours

mutuels, ou encore exiger, comme on le faisait pour les canton-

niers des routes nationales quand ils dépendaient du service des

Ponts et Chaussées, des versements réguliers à -la caisse de la

vieillesse. L'asile pourrait contribuer pour partie aux versements,

' Rapport sur la fondation d'une Caisse de prévoyance au profit du

personnel secondaire des asiles. Conseil général de la Seine, 1883, n° 2.

426 SOCIÉTÉS SAVANTES.

ce qui' rendrait possible une retraite convenable sans charges trop

lourdes, eu égard au salaire du personnel secondaire, et resterait

un encouragement à la prévoyance. Quoique ce soit une question

indépendante de la retraite, je dois signaler ce qui a été fait pour

le personnel attaché aux aliénés de la Seine-Inférieure et ayant

des charges de famille. Toute personne mariée et ayant des

enfants reçoit cinquante francs par an et par enfant au-dessous

de seize ans, comme supplément de traitement et à titre d'indem-

nité pour charges de famille.

M. Doutrebente n'a jamais pu obtenir que ses agents soient admis

à la caisse départementale des retraites. Il pense que la reposance

peut être conservée; pour lui, il voit des agents du personnel

secondaire qui considèrent l'asile comme leur véritable famille et

qui demandent à y rester jusqu'à la fin de leurs jours; à ceux qui

ne veulent pas être reposants, il donne une indemnité de 500 frans.

M. BOURNEVILLE trouve excellente cette manière de faire. Il

demande donc, soit des pensions de repos (à l'asile), soit des in-

demnités de repos (pour ceux qui veulent vivre hors de l'asile).

' M. Taguet ne voit pas d'inconvénient à ce que les reposants

restent dans l'établissement, si cela leur fait plaisir.

M. BRIAND l'ait observer qu'on doit faire en sorte que l'on puisse

en cas de nécessité se débarrasser de vieux employés qui, pour

divers motifs, principalement pour ivrognerie, ne font plus l'affaire

de leurs chefs. Il propose qu'on organise pour les agents du per-

sonnel secondaire des asiles quelque chose d'analogue à ce qui se

fait au Touring-Club ; on s'arrangerait, par exemple, de façon que

les asiles versassent au livret d'épargne créé pour chaque employé

autant que les employés auraient versé eux-mêmes. On aurait

ainsi l'avantage d'encourager l'épargne. De plus les livrets pour-

raient se transmettre d'un asile à l'autre.

M. Drouineau demande qu'on insère dans le voeu un mot réser-

vant la possibilité de la retraite.

Prolestulions. Il ne faut pas de retraites départementales

M. Taguet modifie son voeu. La reposance, à défaut de

retraite, est maintenue; il sera créé des pensions et des indem-

nités de repos. Adopté.

8° Traitement du personnel.

M. Taguet propose un traitement minimum de 360 francs pour

le personnel des deux sexes. -

M. GIItALD demande qu'on tienne compte des charges de famille

et qu'on accorde aux employés mariés et pères de famille des

indemnités en rapport avec le nombre de leurs enfants.

Adopté.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 427 7

M. Bourneville demande au Congrès d'approuver l'emploi de

femmes dans certains services d'hommes. Il ajoute qu'il a toujours

vu, depuis 1860, des femmes attachées au service de l'infirmerie

des sections d'aliénés de Bicêtre; que dans son service, considéré

comme section d'aliénés, le nombre des infirmières l'emporte sur

celui des infiimiers ; que dans certains asiles étrangers on a déjà

substitué dans plusieurs quartiers des femmes aux hommes.

M. DOUTREBENTE fait remarquer que c'est contraire au règlement

des asiles.

M. Bourneville propose donc au Congrès d'émettre le voeu que

le règlement soit revisé sur ce point. ,

M. LwoFF appuie la proposition de M. Bourneville. Il emploie

sans inconvénient des femmes dans le service d'hommes qu'il

dirige dans la colonie à laquelle il est attaché dans le département

du Cher. Les femmes sont particulièrement utiles dans les infir-

meries. Le voeu de. ! Il. Bourneville est adopté.

M. le D1' DOUTREBENTE présente une pétition signée par 152 com-

mis et employés de 39 asiles d'aliénés qui sollicitent un avis favo-

rable de leurs supérieurs hiérarchiques présents au Congrès de

Limoges. Dans cette pétition, ces modestes employés, qui tra-

vaillent sans avenir et sans possibilité d'améliorer leur situation,

réclament qu'à l'avenir les emplois d'économe et de receveur qui

deviendraient vacants leur soient attribués au lieu d'être donnés,

comme cela arrive le plus souvent, à des personnes étrangères au

personnel administratif de ces établissements. Le 0'' Doutrebente

estime que les directeurs-medecins ne doivent pas rester indiffé-

rents au choix de ces fonctionnaires et que, d'ailleurs, ainsi qu'il

résulte d'une décision du ministre de l'intérieur, en date du

5 décembre 1843, ils ont un droit de présentation au Préfet, con-

curremment avec la commission de surveillance. A. Fenayrou.

Nous croyons utile de reproduire le texte des voeux adop-

tés au cours de la discussion :

1° Le Congrès émet le voeu qu'il soit créé des écoles pour les

infirmiers et infirmières dans les villes où siègent les Facultés ou

les Écoles préparatoires de médecine ; Que ces écoles aient un

programme minimum uniforme; Que la délivrance du certificat

d'aptitude ou du diplôme soit faite dans des conditions uniformes;

Que les examens aient lieu devant un jury partout composé des

éléments indiqués par le Conseil supérieur de l'assistance pu-

blique ;

2° Le Congrès émet le voeu que les infirmiers et infirmières ne

puissent être nommés aux emplois supérieurs tels que sous-

surveillants ou surveillants des services médicaux et des services

428 SOCIÉTÉS SAVANTES.

généraux qu'à la condition d'être munis du diplôme d'infirmiers.

Exception sera faite pour les cuisiniers ;

3° Le Congrès émet le voeu que le personnel'des infirmiers et

infirmières soit logé en dehors des quartiers, le service de veille

étant assuré ;

5° Le Congrès émet le voeu qu'il y ait un infirmier pour dix

malades non compris le sous-surveillant ;

5° Dans tous les asiles on organisera un service permanent de

veille par un personnel complètement distinct de celui de jour. Le

traitement minimum sera de 30 francs par mois pour les sous-

employés des deux sexes ;

6° Les reposants sont maintenus mais ils seront libres de faire

convertir cette situation en une indemnité de repos qui sera de

moitié du traitement y compris les avantages en nature ;

7° Le Congrès émet le voeu qu'il y a lieu de reviser le règlement

du service intérieur notamment en ce qui concerne l'emploi des

femmes dans le service des hommes.

Le 4 août, à 9 heures du soir, la ville de Limoges a offert aux

membres du Congrès un vin d'honneur dans la belle salle des

fêtes de l'hôtel de ville. Le maire de Limoges, M. Labussière,

entouré de ses adjoints et de quelques conseillers municipaux,

recevait les invités à leur arrivée. M. le général en chef de Brye,

avec son officier d'ordonnance, de nombreux fonctionnaires, assis-

taient également à ce vin d'honneur. '

M. Labussière a pris la ^parole pour féliciter les membres du

Congrès et remercier les dames qui avaient bien voulu rehausser

par leur présence l'éclat de cette réception. M. le docteur Ballet a,

dans une heureuse improvisation,, répondu au maire de Limoges.

La musique du 63°, sous la direction de M. Lacoste a, pendant

toute la soirée, joué les plus beaux morceaux de son répertoire.

Entre temps M. Cholet, cédant aux instances des dames invitées,

a dû dire quelques-unes de ses fines patoiseries.

Séance du 6 août. Visite de l'asile de Naugeat.

M. le docteur Doursout, médecin-directeur, et 111. le docteur

FENAYROU, adjoint, ont fait visiter aux membres du Congrès les

différents quartiers de l'asile de Naugeat ainsi que ses annexes :

Bel-Air, Belle-Vue et le Cluzeau. Les visiteurs se sont montrés

vivement intéressés. A cette occasion, M. Pineau, photographe, les

a pris en groupe. A midi, un déjeuner a été offert dans les dépen-

dances de l'annexe du Cluzeau. Une immense table avait, à cet

effet, été dressée sous la magnifique charmille qui domine la ligne

SOCIÉTÉS SAVANTES. 429 9

du chemin de fer, la nouvelle route d'Aixe, la Vienne et ses rives

souriantes. A gauche, apparaissait Limoges, dont les principaux

monuments se détachaient nettement à l'horizon et offraient aux

convives un panorama merveilleux.

M. le docteur Gilbert Ballet présidait, ayant à ses côtés)\[. Edgar

Monteil, préfet de la Haute-Vienne, et M. Drouineau, représentant

le Ministre de l'intérieur. Divers membres de la commission de sur-

veillance de l'asile et du Conseil général de la Haute-Vienne, assis-

taient au banquet.

A 4 heures moins un quart, les invités prenaient place dans les

voitures, retenues à leur intention, et se dirigeaient vers l'impor-

tante fabrique de porcelaines de MM. W. Guérin et Cio, qu'ils ont

visitée par groupes séparés et en détail. MM. Guérin, avec une

amabilité dont on ne saurait trop les louer, ont fourni aux visi-

teurs tous les renseignements de nature à les intéresser sur la

fabrication de la porcelaine limousine. La visite n'a pris fin qu'à

six heures par les ateliers de peinture et le cabinet d'échantillons.

Les congressistes se sont alors retirés enchantés d'avoir pu ad-

mirer les beautés de l'industrie limousine, dont plusieurs ont tenu

à emporter des spécimens.

Le 7 août, excursion il Uzfrche et clôture officielle du Congrès.

B.

NOTES additionnelles.

1° La situation de reposant à Bicêtre, de reposante à la

Salpêtrière, n'a jamais été considérée comme pénible et dégra-

dante.

2° Il va de soi que le diplôme ne pourra être exigé des per-

sonnes qui se présentent comme infirmiers ou infirmières

que lorsque des Écoles professionnelles auront été créées en

nombre suffisant.

3° Aux derniers examens qui ont eu lieu cette année en

Angleterre, il y avait 51 candidats venant de 56 asiles de la

Grande-Bretagne. 410 ont obtenu leur certificat ou diplôme,

11 se sont retirés, les autres ont échoué.

4° Le travail dans les asiles doit être considéré comme un

moyen efficace de traitement, le résultat financier, bien

qu'intéressant, est secondaire. Les chefs d'atelier, s'ils étaient

de véritables auxiliaires du médecin, ce que nous essayons

de réaliser, contribueraient à la guérison des malades. Un

tel résultat ne peut être atteint que s'ils savent comment ils

doivent se comporter envers les aliénés. D'où la nécessité

de suivre les cours, d'assister pendant quelques mois à la

430 ASILES d'aliénés.

visite du médecin qui leur donnera des conseils en vue de leur

rôle de chefs d'atelier. Celte opinion, émise il y a plus de

vingt ans par nous, s'appuie sur des faits très nombreux.

Actuellement un maître brossier et un maître jardinier sui-

vent les cours de l'école de Bicêtre.

BOURNEV1LLE.

ASILES D'ALIÉNÉS.

I. Le 25° anniversaire de l'ouverture de l'asile d'aliénés d'Alt-

Scherbitz ; par v. 13UCllK\. (l'scla. Vochenscli·., 6 juillet 1901.)

Le 28 juin 1901, l'établissement d'aliénés d'Alt-Scherhitz a fêté

le' 25° anniversaire de sa fondation. Les jubilés de ce genre sont

en général des fètes d'un caractère intime, mais dans l'espèce il

s'agissait d'un anniversaire mémorable, puisqu'on célébrait par là

même la création du système des asiles-colonies et le début d'une

ère nouvelle dans l'histoire de l'assistance des aliénés.

La caractéristique du nouveau système est l'union intime d'un

petit établissemeni central, installé avec tous les perfectionnements

modernes, et d'une colonie libre. Il existait, bien avant Alt-Scher-

bitz, des colonies d'aliénés où les malades, employés aux travaux

des champs, jouissaient de plus de liberté, avec un prix de revient

moins élevé. Mais ces colonies étaient ou trop éloignées de l'asile,

ou exclusivement réservées aux incurables : elles manquaient aussi

des installations nécessaires pour les malades ayant besoin d'une

surveillance médicale plus ou moins longue. Le développement de

ces colonies avait été ainsi entravé et le nombre des malades qu'elles

comprenaient était resté assez restreint. C'est à feu le professeur

Koeppe que-revient le mérite d'avoir, par la fondation de l'asile-

colonie d'Alt-Scherbitz, associé d'une façon étroite à un asile

admirablement aménagé une colonie pour le traitement libre l,

L'opcn-door fut appliqué dans tous les pavillons formant la colonie,

pour éviter aux malades travailleurs l'impression pénible de

rentrer, une fois leur travail terminé, dans une prison munie de

murs et de grilles : on mit en vigueur ce principe de donner à

chaque malade le plus de liberté possible. Au début on crut néces-

saire de conserver pour l'établissement central des murs et des

grilles; mais on finit par reconnaître que mieux valait se passer de

1 Rappelons que Ferrus a fait créer la ferme Sainte-Anne comme

annexe de l'asile de Bicêtre. (B.).

asiles d'aliénés. ' 4 : : 1'1

-ces aménagements. Dans la distribution des locaux de chaque

pavillon, le système du corridor (chambres donnant toutes sur un

large corridor) fut également mis de côté. On remplaça toutes les

dispositions spéciales des anciens asiles par une surveillance per-

manente des malades. Le système du corridor, défectueux à ce

dernier point de vue, fut remplacé par une disposition spéciale des

locaux, permettant une surveillance constante, grâce à la répar-

tition des chambres autour d'une salle de réunion commune.

Le traitement par le lit ne tarda pas à être introduit à Alt-Scher-

bitz. Le D1' Paetz utilisa d'abord dans ce but une infirmerie destinée

aux malades atteints d'affections intercurrentes. Mais la promiscuité

des sujets séjournant au lit, les uns pour des maladies incidentes,

les autres pour la cure des psychoses, ayant présenté des inconvé-

nients, M. Paetz installa un pavillon de surveillance spécialement

réservé à ces derniers. Il y avait bien, à cette époque, dans certains

établissements des salles de surveillance analogues à celles qu'avait

depuis longtemps préconisées Parchappe, des sections cliniques,

mais c'est à Alt-Scherbitz qu'on vit pour la première fois un pavil-

lon indépendant spécialement créé et aménagé pour la surveil-

lance des aigus.

En résumé, union d'une grande colonie agricole avec un hôpital

d'aliénés muni de tous les aménagements. les plus perfectionnés;

application de l'open-doo/' dans la plus grande partie de l'établisse-

ment, suppression complète des murs et des grilles et aussi du

système du corridor, création de pavillons de surveillance indépen-

dants, tels sont les caractères originaux d'Alt-Scberbitz qui font

aujourd'hui de cet établissement que viennent visiter les aliénistes

du monde entier, un modèle non seulement au point de vue de

son plan et de son aménagement, mais sous le rapport du traite-

ment général des malades. Ajoutons que pour la réalisation de

ses projets le Dr Paetz a trouvé le concours le plus absolu dans les

autorités provinciales. P. S.

IL Société de patronage des aliénés du canton de Zurich.

A Zurich, la Société d'assistance aux aliénés, dans son dix-

huitième rapport annuel (1894) fournit les renseignements sui-

vants : La Société se propose comme objectifs :

1° De venir en aide aux aliénés sortis guéris ou améliorés des

asiles du canton en leur procurant du travail, en leur donnant des

secours (argent, aliments, vêtements), des soins médicaux gra-

tuits et de faciliter l'internement des sujets atteints de maladies

mentales en temps opportun, dès le début de l'atfection ;

2e De faciliter aux personnes peu fortunées, mais non reconnues

indigentes, le paiement des frais de séjour;

3° De répandre des idées justes sur la nature des maladies

432 asiles d'aliénés.

mentales et sur les mesures qu'elles exigent; de détruire les pré-

jugés par des écrits populaires, des conférences;

4° De développer l'assistance des aliénés dans son acception la

plus large, de combattre l'alcoolisme.

Les membres de la Société payent une cotisation annuelle de

2 francs au minimum ; un comité de sept membres nommé par

l'assemblée générale, et renouvelé tous les trois ans, est chargé

des affaires de la Société.

Des correspondants sont chargés, dans les différents centres, de

la propagande et de tout ce qui concerne les mesures à prendre

pour l'assistance des aliénés.

Au 15 mars 1894, le nombre des membres était de 568.

Chaque secours en argent ne dépasse pas habituellement

20 francs ; certains malades dignes d'intérêt ont obtenu 40, 50,

100 francs en plusieurs fois.. En 1894, 170 aliénés sortis ont été

secourus : 138 ont reçu jusqu'à 25 francs et 32 de 25 à 100 francs.

A 9 épileptiques, on a distribué gratuitement pour 104 francs

de bromure. '

La Société a versé 968 fr. 50 pour 10 aliénés internés à Burg-

holzli. Les recettes s'élèvent à 47.444 francs. Les dépenses s'élèvent

à 5.950 francs. P. S.

III. Le pavillon d'aliénés criminels de Düren. (Psychiat.

Wochenschr., 2 février 1901.)

La Province Rhénane, sans se laisser arrêter par les divergences

d'opinion ayant trait aux mesures spéciales que nécessitent les

alienés .criminels, a pris la détermination de mettre à exécution

le projet qui lui semblait le plus pratique. -

L'internement dans les services d'aliénés ordinaires des détenus

devenus aliénés et des aliénés ayant commis des actes réputés

crimes, a donné lieu à des plaintes très vives de la part des

parents, des familles et des médecins. Dans ces derniers temps ces

réclamations sont devenues très pressantes : plus on cherchait à

donner aux asiles une organisation en rapport avec les conceptions

nouvelles, en accordant aux malades le plus de liberté possible,

plus l'opinion publique déplorait la promiscuité de malades avec

des meurtriers, des voleurs : on considérait comme incompatibles

le rôle qu'avait à remplir un hôpital de traitement et les exigences

d'un établissement pénitentiaire.

Eliminer des asiles rhénans les aliénés criminels, qui sont des

éléments de trouble et de désordre, et les rassembler dans un

quartier spécial annexé à l'asile provincial de Düren, tel fut le

voeu de tous les cercles s'intéressant à la question. Au printemps

de l'année 1897, le Conseil provincial adoptait à l'unanimité le

projet qui donnait satisfaction à ce voeu.

-asiles d'aliénés. 433

Les propositions suivantes furent votées dans le but de délimiter

la tâche qu'on poursuivait :

1° Il ne pouvait être question de s'occuper des aliénés criminels

(détenus encours de peine) dont l'Etat a le devoir d'assurer le traite-

ment. L'établissement provincial ne pouvait être tenu d'hospita-

liser les aliénés criminels qu'en tant que ceux-ci ne pouvaient plus

être considérés comme en cours de peine : pendant la durée de

la peine c'est en effet à l'Etat qu'incombe le soin de traiter et de

surveiller les détenus devenus aliénés. Le service provincial de

l'assistance des aliénés n'a pas à s'en occuper. Sous le rapport

strictement légal, il en est de même des inculpés en observation au

point de vue de l'état mental, malgré qu'en pratique il soit passé

outre parfois à ces considérations ;

2° Restent à considérer les catégories suivantes pour lesquelles

un quartier spécial est nécessaire :

a) Les criminels aliénés qui sont mis en liberté ou qui ont purgé

leur peine.

b) Les aliénés ayant commis des actes criminels, auxquels il

faut joindre les aliénés qui ont manifesté des tendances homi-

cides. '

Pour les deux dernières catégories, le placement dans l'asile de

sûreté peut n'être ordonné que si la chose est rendue nécessaire

par les particularités de chaque cas;

3° D'après une enquête faite dans les asiles rhénans, il résulte

(ce que des statistiques antérieures avaient déjà montré) que le

nombre des femmes rentrant dans les catégories ci-dessus énoncées

est très peu élevé. Au contraire, pour les hommes, il fallait pré-

voir le chiffre de 48 places ;

4° Par dérogation au règlement des asiles rhénans qui laisse au

directeur-médecin de l'asile le droit de se prononcer sur l'admis-

sion des entrants, il fut décidé que l'admission des malades dans

le pavillon de sûreté serait exclusivement attribué au gouverneur,

afin d'assurer, pour chaque cas individuellement, une enquête

complète ;

5° Le prix de journée des malades traités dans le pavillon de

sûreté devait être plus élevé que le prix de journée des aliénés

ordinaires, en raison des frais spéciaux d'entretien et d'installation :

2,50 M. au lieu de 1,35 M.

Le pavillon de sûreté est, comme il a été dit plus haut, annexé

à un asile d'aliénés et non à un établissement pénitentiaire. 11 est

placé sous l'autorité du médecin-directeur de l'asile, comme tous

les autres quartiers de l'établissement. On a prévu un assistant,

spécialement chargé du pavillon, et un surveillant en chef.

Le nom de « Bewahrunghaus » (pavillon de surveillance ou de

sûreté) fut choisi en raison des termes de la loi prussienne du

H juillet 1891, suivant laquelle les Provinces ont l'obligation d'as-

Archives, 1° séiie, t. XII 28

434 asiles d'aliénés, -

surer l'assistance, le traitement et la surveillance (Beiuahrung) des

aliénés.

L'établissement a été ouvert en 1900 : il ne comptait au début

de l'année 1901 que 15 malades venus des autres asiles provin-

ciaux, On voulait d'abord tenter un essai avec un nombre restreint

de sujets et aussi faire l'éducation du personnel de surveillance.

Pour stimuler le zèle de ses agents le directeur a obtenu un crédit

lei permettant de leur allouer des indemnités spéciales.

Le plan du pavillon a été élaboré à l'aide des données fournies

par les personnalités les plus compétentes d'Allemagne. Le but

principal qu'on a cherché à atteindre a été de répartir les malades

de façon à permettre d'en isoler le plus grand nombre.

Le pavillon est élevé d'un étage sur rez-de-chaussée. Il com-

prend deux sections de vingt-quatre malades chacuue, complète-

ment indépendantes l'une de l'autre, et situées, l'une au rez-de-

chaussée, l'autre au premier étage. Chaque section possède quatre

à cinq infirmiers (soit la proportion de un infirmier pour quatre

ou cinq malades), et, pour la nuit, deux veilleurs.

L'entrée du pavillon est placée entre une chambre d'infirmiers

et l'office. Pour pénétrer dans le pavillon, il faut franchir d'abord

une grille, puis traverser la chambre des infirmiers. Les veilleurs

de chaque étage peuvent faire facilement leur ronde de nuit, les

portes qui font communiquer les salles de jour avec le réfectoire

central restant ouvertes. Grâce à cette disposition on a pu éviter

d'avoir recours à un corridor central, ce qui aurait rendu la sur-

veillance plus difficile. Les quatre dortoirs de six lits chacun que

possède chaque étage sont situés sur la façade, symétriquement.

Les trois salles de jour sont placées au centre du pavillon ; elles

ont vue sur la façade postérieure. Dans les ailes du pavillon se

trouvent, de chaque côté, deux chambres d'isolement et deux

chambres particulières ; on a ainsi pour les deux étages 4x2x2,

soit 16 chambres à un lit pour un total de 48 malades. Le corridor

sur lequel ouvrent ces chambres est séparé du reste du pavillon

par une grille.

Toutes les portes et fenêtres ont été construites d'une façon par-

ticulièrement solide. Les fenêtres possèdent des barreaux. : Chaque section (c'est-à-dire chaque étage) possède un jardin

qui lui est spécialement affecté, avec une entrée particulière. Le

mur qui entoure le jardin a quatre mètres de hauteur; on a pris

soin d'éviter, aux points où il se raccorde avec le pavillon, tout ce

qui aurait pu faciliter les évasions.

Il n'y a ni grenier ni caves. Le toit est fait de bois et ciment.

Chauffage central, avec installation des appareils dans un sous-sol

ayant une entrée particulière. Les plafonds et les escaliers sont

de construction massive, dans le double but d'éviter les dangers

.d'un, incendie et d'empêcher les évasions.

asiles d'aliénés. 435

Le pavillon de sûreté est situé à cent mètres environ du quartier

des agités de la division des hommes de l'asile. Il en est séparé par

des plantations. 1

Les frais, en raison de la solidité qu'il a fallu donner à l'ensemble

des constructions et aux améliorations qui ont été ultérieurement

nécessaires, se sont élevés à 237 000 francs.

Ce pavillon spécial est, à coup sûr, pour la direction de l'asile,

une source de préoccupations sérieuses. Dès les premiers mois

nombre de difficultés se produisirent : plusieurs évasions eurent

lieu, par suite de certaines défectuosités dans l'installation des

grilles, des fenêtres, etc. Certains malades essayèrent de terroriser

le personnel par leurs menaces et leurs violences. Comme il fallait

l'attendre dans un essai de ce genre, il y a encore beaucoup à

apprendre et bien des améliorations à introduire.

, - Paul SÉRIEUX.

IV. Les sorties précoces chez les aliénés : par le docteur ZovoLI.

(Riv. sp. cli /'ren., 1899, fasc. 3-4.)

L'auteur insiste sur l'utilité à différents points de vue (indivi-

duel, moral, social, économique), des sorties précoces des aliénés.

Bien des aliénés tranquilles peuvent être assistés en dehors de

l'asile, dans la famille, et pour bien d'autres une sortie précoce

accélère la guérison ou détermine une amélioration alors que le

séjour à l'asile n'eût pu que prolonger l'état morbide ou favoriser

le passage à l'incurabilité et à la démence. Cette mesure est appli-

cable à toutes les variétés nosologiques, mais notamment aux

formes maniaques légères, aux périodes de dépression de la folie

circulaire, à certaines formes de folies sensorielles et surtout à la

confusion mentale pour laquelle l'internement, ainsi que nous

l'avons souvent écrit nous-même, ne doit se faire qu'à toute extré-

mité et doit cesser le plus vite possible. J. Séglas.

V. Ecoles pour enfants anormaux en Suède; par DINIEL.

(Policlin., octobre'1901.) .

Aperçu général. Ecoles pour sourds, aveugles, idiots.

Pour les idiots, 34 internats divisés en écoles pour enfants édu-

cables, ouvroirs pour ceux sortis des écoles; asiles pour idiots

non éducables. Il y avait en 1899, 813 élèves. La plupart de ces

établissements sont dirigés par des femmes. M. il.

VI. Législation comparée des aliénés ; par A.-Wood REUTON. (The

Journal of Mental Science, janvier 1900.)

Selon notre coutume, nous nous bornons à indiquer.- ce travail

,"436 asiles d'aliénés.

de comparaison, qui, pour être compris du lecteur français,

,demanderait la connaissance des législations diverses et compli-

quées qui régissent les aliénés dans le Royaume-Uni.

R. DE Musgrave-Clay.

VII. Règlement du concours de l'internat en médecine des asiles

c publics d'aliénés de la Seine.

Par suite des modifications qui ont été introduites dans l'orga-

nisation de ce concours, nous croyons utile de reproduire en entier

l'arrêté préfectoral en date du 15 novembre 1900.

Vu le projet de réglementation du concours de l'internat en

médecine des asiles publics d'aliénés de la Seine, adopté par la

Commission de surveillance desdits asiles dans ses séances des 8

novembre et 13 décembre 1898. 10. janvier et 7 février 1899. et

' portant modification de l'arrêté réglementaire du 8 mars 1880 ;

Vu le rapport du Directeur des Affaires départementales; Sur

-la proposition du Directeur du Personnel; Le Secrétaire général

de la Préfecture entendu ; arrête : -

Article premier. Il sera ouvert, chaque année, à Paris, au

mois de décembre, un concours public pour la nomination aux

'emplois d'interne en médecine dans les asiles publics d'aliénés de

la Seine. Les concours seront annoncés un mois à l'avance par des

affiches apposées dans Paris, notamment aux abords de l'École de

médecine et dans les hôpitaux et hospices.

- ART. 2. Pourront prendre part aux concours les docteurs en

médecine munis du diplôme délivré par les Facultés de l'État et

les étudiants en médecine possédant seize inscriptions de doc-

torat.

ART. 3. Les candidats, pour être inscrits au concours, devront

jouir de leurs droits civils et politiques et n'avoir pas atteint l'âge

de trente ans révolus au 1 cr décembre de l'année où aura lieu le

concours. Ils devront produire les pièces suivantes à la Préfecture

de la Seine, service des aliénés : 1° expédition d'acte de naissance;

2° extrait de casier judiciaire; 3° certificat de revaccination';

certificat constatant seize incriptions ou le grade de docteur en

médecine, et, en outre, pour les étudiants en médecine, constatant

qu'ils n'on pas subi de peines disciplinaires graves ; 5° un certificat

de bonne vie et moeurs, délivré par le maire de la commune ou le

commissaire de police du quartier; 6° un certificat de l'Assistance

' Nous avons enfin obtenu gain de cause sur ce point, comme nous

l'avons déjà obtenu, non sans peine pour le concours de l'internat des

hôpitaux; il ne devrait pas y avoir de décès par la Variole dans les hôpi-

taux. Le ministre de l'instruction publique s'est, lui aussi, décidé à pres-

crire la revaccination de tous les étudiants en médecine; cette mesure

devrait être appliquée à tous les étudiants à l'entrée de toutes les Facultés.

asiles d'aliénés. 437

publique indiquant les services hospitaliers du candidat et témoi-

gnant qu'il n'a pas subi de peines disciplinaires graves; la liste

des candidats sera close quinze jours avant la date de l'ouverture

du concours.

ART. 4. Le jury sera composé, par voie de tirage au sort, de

sept membres, savoir : Quatre médecins en chef désignés parmi les

médecins titulaires ou honoraires des asiles publics d'aliénés de la

Seine et de l'infirmerie spéciale du Dépôt près la Préfecture de

police; un médecin en chef des quartiers d'hospice de Bicêtre et de

la Salpêtrière; un médecin des hôpitaux; un chirurgien des asiles

de la Seine, ou, à son défaut, un chirurgien des hôpitaux. Le

jury devra, pour délibérer, être composé de cinq membres au

moins. La voix du Président est prépondérante.

ART. 5. Dès que la liste des candidats sera close, les membres

du jury seront tirés au sort par le délégué du Préfet de la Seine,

assisté de deux membres de la Commission de surveillance des

asiles publics d'aliénés du département.

ART. 6. Les fonctions de membre du jury sont obligatoires; nul

ne peut en être relevé que pour une cause grave, et tout membre

qui abandonnerait ses fonctions ou qui refuserait de faire partie du

jury serait considéré comme renonçant désormais à siéger dans

les conconrs. -

ART. 7. Tout degré de parenté ou d'alliance, jusques et y com-

pris le sixième degré entre un concurrent et l'un des membres du

jury ou entre les membres du jury, donne lieu à récusation d'office

de la part de l'Administration.

ART. 8. Les épreuves du concours sont les suivantes : 1° une

composition écrite de trois heures sur un sujet de pathologie

interne et de pathologie externe (médecine et chirurgie). Il sera

accordé trente points pour cette épreuve. Elle pourra être élimi-

natoire si le nombre des candidats dépasse le triple des places va-

cantes ; 2° une épreuve orale de quinze minutes sur un sujet d'ana-

tomie et de physiologie du système nerveux, après quinze minutes

de préparation. 11 sera accordé vingt points pour cette épreuve;

3° une épreuve orale de dix minutes sur une question de garde. Il

sera accordé quinze points pour cette épreuve.

ART. 9. Le sujet de la composition écrite est le même pour

tous les candidats. Il est tiré au sort entre trois questions qui sont

rédigées et arrêtées par le jury immédiatement avant l'ouverture

de la séance. Pour les épreuves orales, la question sortie est la

même pour ceux des candidats qui sont appelées dans la même

séance. Elle est tirée au sort comme il est dit ci-dessus. L'épreuve

orale peut être faite en plusieurs jours si le nombre des candidats

ne permet pas de la faire subir à tous dans la même séance; dans

ce cas, les questions sont rédigées par le jury chaque jour d'épreues,

au nombre de trois, immédiatement avant d'entrer en séance. Les

438 asiles d'aliénés.

candidats qui doivent subir les épreuves orales sont tirés au sort à

l'ouverture de chaque séance.

ART. 10. - Les candidats sont surveillés pendant la composition

écrite par un des membres du jury. Les compositions sont

recueillies et mises sous cachet par le membre délégué du jury :

elles sont lues publiquement par leurs auteurs sous la surveillance

de l'un des concurrents. Tout concurrent qui s'est servi pour sa

composition de livres ou de notes apportés à la séance, ou qui en

lisant sa composition, en a changé le texte primitif, est exclu du

concours. Les épreuves orales sont publiques. Seront seuls admis

dans les locaux consacrés aux épreuves écrites les candidats admis

au concours.

Ai;l. 11. A la fin de chaque séance, il sera donné publique-

ment connaissance aux candidats du nombre de points qui leur

sont attribués.

ART. 12. Le jugement définitif porte sur l'ensemble des

épreuves.

ART. 13. II pourra être nommé des internes provisoires en

nombre égal au nombre des internes titulaires.

ART. 14. Les internes nommés dans l'ordre de classement

établi par le jury d'examen entreront en fonctions le 4 ? février de

l'année suivante. -

. ART. 15. La durée des fonctions des internes titulaires est de

trois ans ; celle des fonctions d'interne provisoire, d'une année.

Les fonctions d'interne dans les asiles sont incompatibles avec les

fonctions d'interne ou externe dans les hôpitaux, hospices ou

autres établissements.

Art. 16. Les internes provisoires peuvent se présenter au

concours pour les places d'internes titulaires, sous réserve des con-

ditions exprimées dans l'article 3.

ART. 17. La répartition des internes dans les divers services

d'aliénés se fait le lor février de chaque année. Les internes de

première année choisissent leurs places d'après l'ordre de classe-

ment. Pour les années suivantes, le choix se fait suivant l'ordre

d'ancienneté.

ART. 18. A l'expiration de leurs fonctions, les internes qui

auront soutenu leurs thèses pourront être autorisés à faire une

quatrième année d'internat et ceux qui auront passé avec succès

le concours de l'adjuvat pourront être maintenus en fonctions une

cinquième année. Ces prorogations seront autorisées par décisions

préfectorales sur demandes motivées du chef de service.

ART. 19. Un interne ne pourra rester plus de deux ans dans

le même service ; toutefois, cette règle ne sera pas appliquée aux

internes prorogés.

.ART. 20. Les traitements alloués aux internes sont fixés de la

manière suivante :

asiles d'aliénés. 439

4.40 asiles d'aliénés.

spéciale dés aliénés à la Préfecture de Police. Ces internes recevront

une indemnité de 1.000 fr. Ils auront droit en outre au logement,

au chauffage, à l'éclairage et à l'indemnité de nourriture, dans les

proportions fixées par la Préfecture de police. L'emplacement des

salles où auront lieu les diverses épreuves du concours sera indi-

qué ultérieurement.

VIII. Les hôpitaux d'aliénés urbains, d'après les communications

de MM. SoLI et DANNEMANN, au Congrès des médecins aliénistes

de Francfort, 1900.

Les grands avantages que retirent les villes universitaires de

leurs cliniques psychiatriques, non seulement au point de vue de

l'enseignement, mais encore sous le rapport de l'hospitalisation

rapide, immédiate, des sujets atteints de maladies mentales, ces

avantages ont rappelé l'attention sur l'utilité pour les grandes villes

d'avoir, dans leur enceinte même, des hôpitaux pour le traitement

des aliénés aigus.

' La question des petits asiles urbains, ou mieux des hôpitaux

urbains pour le traitement des aliénés, a fait l'objet, en Allemagne,

de nombreux travaux (Fùrstner, Kraepelin, Sommer, Lührmann,

Sioli, Dannemann). On ne s'est pas contenté de l'étudier dans les

Sociétés savantes, mais un certain nombre d'établissements ont

été créés dans quelques grandes villes.

Nous croyons devoir en dire un mot, la question étant pour

ainsi dire inconnue en France.

M. le Dr Sioli, médecin en chef de l'asile d'aliénés urbain de

Francfort a fait, sur le point qui nous intéresse, une communication

au Congrès de Francfort, 1900 (1. Zeilsch. f. Psychiatrie, 1900,

p. 600).

1° Les grandes villes, dit M. Sioli, ont d'autant plus besoin d'une

'hospitalisation immédiate des aliénés que leur population est plus

dense et plus élevée. La proportion des cas aigus exigeant une

admission d'urgence, est en effet quatre fois plus considérable

que dans les pays ruraux.

Dans les asiles provinciaux, et plus particulièrement dans les

asiles desservant les districts ruraux, le nombre proportionnel des

admissions, est, par an, de 3 par 10.000 habitants. Dans le Wur-

temberg on a relevé 640 admissions pour 2 millions d'habitants

(1897). Dans la Province Rhénane le nombre des admissions s'est

élevé à 1677 (en 1898) pour 5 millions d'habitants. Il en est de

même dans les districts ruraux. Il faut remarquer que le district

dans lequel est situé un asile provincial fournit proportionnelle-

ment plus d'entrées dans.l'asile que les districts limitrophes. Si on

prend la proportion des entrées fournies par le district- dans

lequel est situé l'asile proportion qui doit être la proportion

asiles d'aliénés. 441

maxima on obtient également le rapport de 3 p. 10.000.

Dans les grandes agglomérations urbaines, au contraire (Berlin,

Breslau, Francfort) le rapport s'élève à 15 et 20 p. 10.000. Il en

est de même dans les villes qui, comme Nuremberg, ont un service

d'admission provisoire. Cette dernière ville (160.000 habitants) a

reçn, en 1897, dans son quartier d'admission, 221 malades dont 44

ont été transférés à l'asile. -

Dans les villes de 200 à 300.000 habitants il faut compter sur

500 à 600 admissions (Berlin, Breslau. Francfort). Les villes n'at-

teignant même pas 100.000 habitants auront chaque année de 100

à 200 entrées.

D'ailleurs il faut tenir compte non seulement du chiffre de la

population, mais de sa densité, des conditions sociales; ces derniers

facteurs augmentant la proportion des cas aigus nécessitant une

hospitalisation immédiate. '

2° Cette catégorie de cas aigus dont la proportion, est beau-

coup moins élevée dans les pays ruraux se compose : pour 1/4

d'alcooliques; pour 1/4 de maladies mentales organiques (para-

lysie générale, démence sénile) ; pour 1/8 d'epileptiques et d'hys-

tériques ; pour 1/8 d'imbéciles et de dégénérés.

Les malades de ces différentes catégories sont relativement peu

nombreux dans les asiles ruraux, tandis que dans les villes ils

fournissent les 2/3 des admissions. Le dernier quart des entrées

est fourni parles psychoses dites simples (psychoses d'épuisement,

hébéphrénie, catatonie) qui se développent le plus souvent sur un

terrain dégénéré ou épuisé.

3° Dans les grandes villes, qui ne possèdent pas d'hôpitaux

urbains d'aliénés, la plus grande partie de ces malades qui ont

besoin de soins immédiats, ne peuvent être hospitalisés d'une

façon satisfaisante : ils sont en partie internés provisoirement

dans les dépôts de police, les hospices, les cellules d'observation

des hôpitaux, etc.

4° Quand l'assistance dans un milieu approprié peut être immé-

diatement réalisée, on constate que la moitié des malades admis

peuvent être mis en liberté après 6 à 8 semaines de traitement :

après 4 à 5 mois les 2/3 des malades admis sont mis en liberté ;

seul, le tiers restant doit être transféré à l'asile.

5° C'est un préjugé que de croire à une influence fâcheuse pro-

voquée par le translèrement des malades curables à l'asile.

60 L'hôpital urbain ne doit pas être situé à une heure de chemin

de fer, pas même à une heure de voiture de la ville. 11 ne doit pas

être plus éloigné que les autres hôpitaux, le transport des sujets

agités, sans connaissance, ou délirants, des malades ayant fait une

tentative de suicide, étant chose aussi difficile et aussi urgente que

celui des autres malades, les blessés par exemple.

Le chemin de fer, les tramways électriques ne se prêtent pas au

442 ' BIBLIOGRAPHE.

transfèrement de ces sujets, non plus que le fiacre, ce qu'il faut

c'est une voiture d'ambulance comme le font à Francfort les voi-

tures de la Société des Samaritains.

7° On peut obtenir, même dans les petits hôpitaux de 40 à 50

lits, un classement suffisant des malades, dans les catégories sui-

vantes : a) Tranquilles (mélancoliques, etc.). 6) Paralytiques

(séniles, etc.). c) Agités.

Cette dernière section peut être petite et réservée aux sujets très

agités ; on peut ainsi conserver pour l'hôpital la division en pavil-

lons et adopter le « traitement libre », en traitant en malades les

sujets qui ont conscience plus ou moins de leur état maladif.

8° Pour les villes dont la population atteint ou dépasse légère-

ment 100.000 habitants un quartier spécial, composé de deux

pavillons pour un total de 40 malades environ peut être annexé à

l'hôpital. Ce quartier suffit pour un chiffre annuel d'admissions

de 200. Le séjour des malades ne doit pas dépasser 3 ou 4 mois.

Si un traitement plus prolongé est nécessaire, les malades doivent

être transférés à l'asile provincial. Le transfèrement peut avoir

lieu plus tôt s'il s'agit de cas chroniques. Pour des villes plus con-

sidérables, M. Sioli considère comme suffisants 4 pavillons avec

un total de 60 à 80 lits. '

M. le or Dannemann a étudié en même temps que M. Sioli la

question de l'installation d'un hôpital psychiatrique urbain.

L'auteur est convaincu que l'hôpital urbain peut ne pas exiger

des dépenses plus considérables que les grands asiles provinciaux.

D'ailleurs si l'organisation d'un établissement de ce genre néces-

site une dépense assez considérable de la part d'une municipalité,

elle a pour résultat très appréciable de permettre de donner aux

malades, dans un délai très court, les soins psychiatriques dont

ils ont un besoin urgent et qu'ils risqueraient, faute decette orga-

nisation spéciale, d'attendre plus ou moins longtemps. Il s'agit en

somme d'apporter dans la façon dont actuellement fonctionne

l'assistance des aliénés une amélioration qui s'impose, et qui natu-

rellement ne peut être réalisée sans un surcroit de dépenses.

Il est un fait évident, c'est que dans maintes grandes villes les

quartiers d'observation réservés aux aliénés laissent considérable-

ment à désirer au point de vue de l'aménagement : on constate que la

seule préoccupation qui s'y révèle est d'assurer la séquestration de

l'interné : quant au traitement des malades il en est peu question.

Les municipalités qui ont admis la nécessité d'un quartier spé-

cial d'aliénés, doivent comprendre qu'il est indispensable d'avoir

un terrain d'une superficie suffisante pour donner satisfaction aux

exigences de la psychiatrie contemporaine. La ville de Hanovre

ayant projeté la création d'un hôpital urbain de 60 lits, M. Dan-

nemann expose le programme et le plan qui lui paraissent

répondre au but qu'on s'est proposé. Il a disposé les diverses sec-

asiles d'aliénés. 443

tions de l'hôpital de façon à obtenir, avec le moins de personnel

possible, un maximum de surveillance. ,

M. Dannemann insiste sur la possibilité d'organiser, avec des

ressources modestes, des petits pavillons, annexés à un hôpital,

qui peuvent réunir les conditions nécessaires au traitement des

maladies mentales. Il montre comment doit être assuré le service

de surveillance de ce quartier d'observation en miniature et donne

les plans d'un pavillon pour cinq hommes et cinq femmes, et d'un

bâtiment comprenant 10 lits pour chaque sexe. L'ensemble de ce

quartier-constitue un service spécial, dirigé par un médecin n'ayant

pas d'autre section.

D'autres plans sont donnés qui concernent des hôpitaux d'aliénés

de 30, 40, 50 et 100 lits. Les deux premiers n'ont qu'un quartier

de surveillance pour chaque sexe.

Les deux derniers en possèdent deux dans lesquels les malades

sont répartis suivant leur réaction au point de vue de la sociabi-

lité. Il existe en outre des quartiers pour les convalescents.

Il est nécessaire pour ces petits asiles de ne pas trop multiplier

le nombre des quartiers afin de rendre la surveillance constante,

sans être obligé d'augmenter notablement le personnel. Un classe-

ment des malades en trois catégories est suffisant :

1° Convalescents et malades n'ayant pas besoin d'une surveil-

lance constante, 20 p. 100 ; 2° Malades (sociables) à surveiller,

40 p. 100; 3° Malades insociables à surveiller, 40,p. 100.

Des chambres d'isolement doivent être annexées aux salles de

surveillance.

M. Dannemann donne le plan d'un pavillon à 1 étage sur rez-

de-chaussée, de 44 lits, organisation à laquelle on peut avoir

recours quand le terrain est insuffisant. Une policlinique pour les

maladies mentales et nerveuses doit être annexée à l'hôpital.

L'auteur insiste sur la nécessité pour l'architecte de s'inspirer de

considérations d'ordre psychiatrique dans la construction de ces

hôpitaux spéciaux i. Paul Sérieux.

,

1 En France, M. Bourneville, dans ses articles dans le Progrès médical

et dans les Archives de neurologie, puis M, nlonod dan sa communication

au Congrès international de psychiatrie de 1889, ont à maintes reprises

insisté sur l'organisation défectueuse, pour ne pas dire plus, des cellules

d'observation des hôpitaux.

BIBLIOGRAPHIE.

XV. La suggestion, son rôle dans l'éducation ; par M. F. Thomas,

in-18 de 148 p. Félix Alcan, éditeur.

M. F. Thomas, s'adressant en particulier au personnel ensei-

gnant, n'use pas de la terminologie technique, qui rend si difficile

à lire les ouvrages traitant le même sujet. Il se propose un but

éminemment pratique : il veut nous montrer ce qu'on doit entendre

par la suggestion, terme si général aujourd'hui, et nous énumérer

les avantages que peut retirer de la méthode suggestive, la/péda-

gogie.

Notre être est soumis à une sorte d'automatisme physiologique

et mental, quels que soient d'ailleurs le rôle et le pouvoir de la

volonté. C'est sur cet automatisme qu'a prise la suggestion, ou

inspiration d'une croyance dont les vrais motifs nous échappent

et qui, avec plus ou moins de force, tend d'elle-même à se réaliser.

Cette inspiration peut avoir sa source dans notre organisme, dans

notre sensibilité, dans notre imagination, dans notre volonté.

Quand elle émane de nous-même, elle s'appelle l'auto-suggestion.

Elle peut provenir du monde extérieur et se manifester sous la

forme d'une imitation inconsciente, allant du mimétisme physique

et moral, à l'impression féconde que peut produire en nous le

beau, sous quelque forme qu'il se présente ; elle peut enfin être

produite au moyen du sommeil hypnotique.

L'hygiène, la bonne tenue, les exercices physiques, la pratique

de la réflexion, la surveillance et la direction du travail combat-

tront les auto-suggestions nuisibles. L'affection et le respect que

saura inspirer tout maitre digne de ce nom, ménageront des con-

ditions favorables aux suggestions utiles. « Le scepticisme des

maîtres, dit avec raison M. Thomas, est dans l'enseignement plus

dangereux que leur ignorance ». Le bon exemple, le talent de pro-

portionner l'enseignement à l'intelligence des élèves, seront les

meilleurs moyens de diriger le penchant à l'imitation. La culture

dû goût chez l'enfant facilitera l'oeuvre importante de la suggestion

esthétique. Quant à la suggestion hypnotique, qui exige autant de

prudence que d'expérience, elle ne devra servir que dans les cas

où il y aurait à combattre des tares originelles ou des perversions

d'instincts.

L'auteur ne prétend pas que la méthode suggestive soit la seule

VARIA. 445

que doivent employer les maîtres de la jeunesse. « A côté de l'édu-

cation que l'enfant reçoit, pour ainsi dire à son insu, il y a celle

qu'il acquiert de lui-même, lorsque nous l'amenons à raisonner

ses sentiments et ses pensées... L'enseignement suggestif appelle

un enseignement démonstratif et doctrinal qui le complète ».

Cet ouvrage, d'une lecture intéressante et facile, témoigne de

la solidarité qui se manifeste, depuis quelque temps, entre les

trois degrés d'enseignement; tous ceux qui s'occupent d'éducation

ne pourront que tirer profit des conseils judicieux et documentés,

dont est rempli le livre de M. F. Thomas. J. BOYER

,,VI. Annuaire de l'Internat en Médecine des Asiles d'aliénés de la

Seine, cinquième année, édition de 1901. Prix : 2 francs.

Vigot frères, édit., Paris.

Cette nouvelle édition publiée par l'Association amicale des

Internes et Anciens Internes des Asiles de la Seine, est, pour le

médecin aliéniste, un véritable vade-mecum où il trouvera réunis

les principaux renseignements concernant sa spécialité. L'annuaire

de 1901 contient notamment le tableau d'avancement du personnel

médical des Asiles publics d'aliénés, la nomenclature détaillée de

tous les établissements publics ou privés destinés au traitement de

la folie, de nombreuses indications relatives à l'Association mutuelle

des médecins ahénistes de France, à l'enseignement de la psychia-

trie, aux concours de médecin adjoint des asiles d'aliénés, aux

prix de l'Académie des sciences, de l'Académie de médecine, de la

Société médico-psychologique, etc. C'est surtout par l'exactitude de

ses informations et la commodité de leur groupement que cette

publication annuelle se recommande à tous les médecins aliénistes.

VARIA.

LES mendiants ET .les vagabonds DES grandes VILLES;

par BOUilOFFElL -

L'examen a porté sur 400 sujets de la ville de Breslau. 70 p. 100

d'entre eux avaient été déclarés impropres au service militaire. On

a relevé dans la moitié des cas l'existence chez les ascendants de

tares héréditaires nerveuses : alcoolisme (29 p. 100), épilepsie,

hystérie et psychoses. Le niveau intellectuel est très bas : 53 p. 100

n'ont pu terminer leur instruction primaire. Dans un tiers des cas

446 VARIA.

on a noté des arrêts de développement, congénitaux ou posté-

rieurs il la naissance, imbécillité, épilepsie. Les maladies mentales

acquises sont dans la proportion de 6 p. 100; il s'agit surtout de

paralysie générale. La plupart des sujets examinés sont des buveurs

d'habitude ; dans 60 p. 100 des cas on a constaté l'alcoolisme

chronique. Le plus souvent l'alcoolisme s'est développé sur un

terrain psychopathique préexistant. Les époques de la vie auxquelles

les sujets ont commencé à se livrer au vagabondage et à la men-

dicité sont en premier lieu : 1° la période de seize à vingt ans, à

laquelle l'homme doit, seul, subvenir à ses besoins; 2° la période

de la plus grande concurrence (de vingt-cinq à trente ans, d'après

la statistique de l'Empire allemand) ; 3° la période de trente-cinq

.à quarante ans, à laquelle l'intoxication par l'alcool fait le plus

sentir ses effets. Enfin, à la période plus tardive, prennent place

les individus immigrés.

Certaines différences existent entre les sujets suivant la période

à laquelle ils ont adopté leur genre de vie : les défectuosités psy-

chiques congénitales sont plus fréquentes (45 p. 100) chez les

vagabonds précoces, que chez ceux qui le sont devenus tardive-

ment (25 p. 100). Dans cette dernière catégorie prédominent les

psychopathies acquises et l'alcoolisme. Tandis que, dans la pre-

mière catégorie, c'est la faiblesse intellectuelle congénitale qui

tient la première place parmi les facteurs étiologiques, dans la

seconde, c'est surtout l'influence du milieu qui se fait sentir.

(Congr. de ? 7 ? ec.-tft') ! tst. allemands. Francfort-s.-M., 20-21 avril 1900.

Atlg. Zeilzclen., 1900, 570-571.)

LES. ALIÉNÉS EN LIBERTÉ.

Suicide à Amilly. M110 Jeanne Hauard, 21 ans, demeurant chez

ses parents, marchands de vin, a profité du sommeil de ceux-ci

pour se suicider, à l'aide d'un réchaud de charbon dans un four-

nil situé derrière la maison d'habitation. Cette jeune fille ne jouis-

sait pas de la plénitude de ses facultés et avait été internée dans

une maison de santé à Orléans. (Le Républicain d'Orléans, du

25 septembre 1901.)

Quels malades (aliénés) faut-il placer dans les familles; par

A. Marie et A. VIGOUROUX. (Revue de Psychiatrie, 1900, n° 1.)

Ce ne sont pas seulement les déments séniles, comme le pen-

saient les fondateurs de la colonie de Dun-sur-Auron. Ces déments

séniles sont peu recherchés par les nourriciers. Ceux-ci en effet

aiment mieux les déments vésaniques, les débiles, les imbéciles et

même les persécutés ou mégalomanes que leur état permet d'en-

voyer dans une colonie ; ce genre de malades comme certains

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 447 Î

mélancoliques (mélancoliques a miseria) et les anciens alcooliques

s'ils sont préférés par les nourriciers sont aussi ceux qui profitent

et jouissent le plus du traitement dans les familles. F. B.

FAITS DIVERS.

Suicide d'un garçon de quatorze ANS. Le sieur Gaudeaux,

quincaillier à Gacé, avait promis à son fils, âgé de quatorze ans,

de l'emmener avec lui à Orbec. Mais l'enfant, ayant désobéi, fut

privé du voyage. C'était le samedi. Le lendemain dimanche, le

jeune Gaudeaux s'en fut jouer aux loteries et aux tirs installés sur

la place de Gacé. Quand il revint, une femme chargée du soin de

la maison le gronda et le menaça de la colère de son père. Le

jeune garçon monta à sa chambre. Quand la femme de ménage v

s'y rendit pour voir si l'enfant dormait, elle le trouva déshabillé,

gisant sur le parquet,- ne donnant plus signe de vie. 11 s'était tiré

une balle de revolver dans l'une des tempes. La mort avait été

instantanée. (Le Bonhomme Normand, 19-25 juillet 1901).

Médecine légale psychiatrique. M. le Dr Paul GnnrvrEa, méde-

cin en chef de l'infirmerie spéciale des aliénés, reprendra la série

de ses conférences cliniques de psychiatrie médico-légale, le ven-

dredi 8 novembre, à 1 h. 1/2, et les continuera le mercredi et le

vendredi de chaque semaine à la même heure. les docteurs en

médecine, les internes des hôpitaux et les étudiants parvenus au

terme de leur scolarité peuvent, dès maintenant, se faire inscrire

au Secrétariat de l'infirmerie spéciale, 3, quai de l'Horloge. Après

trois mois d'assiduité à cette clinique, un certificat de stagemédico-

légal psychiatrique est régulièrement délivré.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Bnmrtssr. Ilémiasyzzergie et leémilremblemezzl d'origine cérébello-

prolubéranlielle. (Extrait de la Revue de Neurologie, 1901.)

BUVAT. Des sérums artificiels dans le traitement des maladies men-

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448 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

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Limoges, Cli. Lavauzelle. v

Doit SAUTOX. La Léprose. In-8- raisin de 506 pages, avec 60 figures

et 5 planches. Prix : 22 francs. Librairie C. Naud.

FLUItY-CIIAV.11;\E.-Oreille et hyslérie. In-8° de 320 pages, avec Si figures.

Prix : 7fr. 50. J.-B. Bailliere, 1901.

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Prix : 3 francs. Paris, 1901. Librairie J.-B. Baillière et fils.

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LEFERT (P.). Aide-mémoire de7l1édecine enfantine. In-18" de 320 pages.

Prix : 3 francs. Paris, 1901. Libraüie J.-B. Baillière et fils.

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chure in-8" de 16 pages.

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276 pages, avec 4 planches.

Pucque (A.-F.). Le traitement de névralgiess et névrites. In-18 de

6 pages. Prix : 1 fr. 50. Librairie J.-B. l3aillière.

Baymond (F.). Clinique des maladies du système nerveux, hospice

de la Salpêtrière, années 1898-1899, cinquième série. Iu-8» de 680 pages,

avec 77 ligures et 5 planches en couleurs. Prix : 16 francs. Librairie Doin,

8, place de l'Odéon.

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F. LE DA"TEC, La méthode déductive en biologie (1" article). GoBLOT.

La musique descriptive. BLU.11. L mouvement pédotogique et pédago-

gique. Analyses et comptes rendus. Abonnement du 1° janvier : un

an, Paris, 30 francs; départements at étranger, 33 francs. La livraison :

3 francs. F. Alcan, éditeur.

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and Athells, In-8° de 50 pages, avec 31 ligures et 1 planche. London, 190U.

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ZuccARELU (Angelo). Per la stei-iliz;za-.ioiie délia donna corne mezzo

per limitare o izzxpedire la riproduzione dei maggiormente dégétteratio.

Brochure de 4 pages. Napoli, 1901.

t

Le rédacteur-gérant : Bourneville.

\r""\, Cil. IIEPIS98Y 1177. - 10-1901.

Vol. XII. Décembre 1901. N° 72`.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE MENTALE.

Délire aigu et urémie ;

Par le D' A. CULLERRE.

Le délire aigu est un syndrome d'origine variable ; la

toxi-infection qu'il révèle peut provenir de sources diverses :

épuisement du système nerveux, inanition prolongée, auto-

intoxication par rétention fécale, par lésion des organes

digestifs, estomac,' foie, intestin. Le plus souvent elle pro-

vient des ces causes réunies et diversement combinées. Elle

- peut encore être la conséquence d'un mauvais état des reins

ou même d'une néphrite méconnue et dans certains cas le

délire aigu n'est, à la lettre, qu'une folie urémique sur aiguë.

Cette opinion, que M. Carrier, dansson remarquable rap-

port au Congrès de Limoges, a bien voulu m'attribuer, d'après

une communication orale, demande à être appuyée sur des

faits. Des circonstances indépendantes de ma volonté m'ayant

empêché de prendre part aux discussions du Congrès, je

présenterai ici sommairement deux observations cliniques

qui, entre autres, me paraissent particulièrement favorables

à mon opinion.

Observation I. La nommée M..., femme G..., âgée d'environ

cinquante-cinq ans, ramassée sur la voie publique et placée

d'abord à l'hôpital de la Ilocbe-sur-I'on est évacuée sur l'asile, le

27 mars 1897, en raison de son état mental, caractérisé, d'après

le certificat d'admission, « par du délire avec hallucinations de la

vue et agitation incoercible ».

Le certificat de vingt-quatre heures a été ainsi formulé : « État

Archives, 20 série, t. XII. 23

,450 1 CLINIQUE MENTALE.

démentiel avec confusion complète des idées, agitation, désordre

des actes, mouvements de fuite, impulsions inconscientes ».

Les jours qui suivent, refus complet d'aliments; la malade est

nourrie à la sonde : l'obtusion mentale est très profonde, le délire

confus, les paroles insaisissables, les hallucinations de la vue

intenses ; la fièvre s'allume, une diarrhée profuse et fétide se

déclare. Le certificat de quinzaine est ainsi conçu : « Mélancolie

compliquée de délire ai,r¡u; adynamie profonde, fièvre, diarrhée,

état typhoïde des plus graves ».

Sous l'influence d'injections de sérum de Chéron i, je constate,

le 27 avril, une légère amélioration dans l'état général avec dimi-

nution de la confusion des idées ; la malade a même eu deux ou

trois moments clairs très courts.

Le 4 mai, les symptômes s'aggravent de nouveau, le délire et la

fièvre redoublent ainsi qne la diarrhée; une escarre se forme au

sacrum et la malade succombe le 6 mai dans le coma terminal.

Autopsie. -Poumons sains, coeur sain et petit, à part quelques

plaques d'athérome sur la valvule mitrale. Foie un peu graisseux;

calculs dans la vésicule biliaire. Reins petits, congestionnés, avec

substance corticale granuleuse ne pesant chacun que 80 grammes.

Vessie rétractée, sans urine.

' Pas de lésions cérébrales macroscopiques sauf un épanchement

abondant de liquide sous-arachnoïdien.

Ici; le diagnostic de délire aigu- d'origine urémique ne

saurait même être discuté, en présence des révélations de

l'autopsie. Une seule lésion est constatée, la néphrite chro-

nique arrivée à une phase avancée de son évolution puisque

les reins ont perdu presque la moitié de leur poids normal.

Cette affection n'a pas été diagnostiquée pendant la vie,

sans doute, parce que la malade laissant aller sous elle, les

urines n'ont put être ni surveillées, ni recueillies ; mais, par

un examen plus attentif, elle aurait peut-être pu l'être, bien

qu'à part la diarrhée, phénomène d'ailleurs banal et sans

signification pathognomonique, aucun symptôme n'orientât

le diagnostic dans cette direction.

Observation II. P..., quarante-un ans, est admis une pre-

mière fois le 14 décembre 1887. Père mort à soixante ans, mélau-

' Je n'avais pas encore, à cette époque, mis en usage les grandes

injections salines qui m'ont donné depuis des résultats si remarquables

en pareille circonstance. (A. Cullerre. De la transfusion séreuse sous-

cutanée dans les psychoses aiguës avec auto-intoxication. (Progrès

médical, 30 septembre 1899.)

DÉLIRE AIGU ET UREMIE. 4SI

colique, suicidé. Mère aliénée et internée pendant de nombreuses

années l'asile d'aliénés ; un frère atteint d'une crise de délire

passagère, sous l'influence d'excès alcooliques.

Le malade n'est pas alcoolique. Le trouble mental actuel est la

conséquence d'une vive déception à propos d'un héritage qu'il

comptait toucher. Excitation maniaque très vive, se traduisant

surtout par des idées religieuses incohérentes d'abord, puis par

une gesticulation désordonnée, des poses et une mimique extrême-

ment variées avec mutisme presque complet. Le malade est

maigre, pâle, à l'oeil effrayé et hagard; haleine horriblement

létide, constipation, refus complet d'aliments.

Pendant plusieurs semaines, phénomènes catatoniques, ralen-

tissement du pouls qui tombe au-dessous de cinquante pulsations,

contorsions, grimaces, poses extatiques ; attitudes violentes comme

s'il voulait poursuivre quelqu'un ou se livrer il la boxe.

Au bout de quatre mois, la phase catatonique cesse pour faire

place à une dépression mélancolique profonde avec impulsions

subites au suicide. Il veut se couper le cou, se jeter à l'eau ; il

essaye de se briser la tête contre les murs.

Vers le sixième mois, les symptômes s'amendent et P... peut

sortir guéri le 19 août 1888.

Neuf ans après, le 12 juin 1897, il est de nouveau admis en

proie à une agitation mélancolique violente avec impulsions à

l'homicide et au suicide. Angoisse incoercible, mouvements déses-

pérés ; il cherche à se briser la tête contre lès murs, refus d'ali-

ments.

Le 14, la fièvre s'allume, le malade tombe dans une prostration

profonde avec anurie, vomissements continuels, mussitation, car-

phologie, refroidissement, coma. La mort survient le 17, trois

jours après le début de la crise de délire aigu. L'autopsie n'a pu

être laite.

Chez ce malade, bien que nous manquions des preuves

matérielles qu'eût pu fournir l'autopsie, l'urémie s'est

révélée dans les trois derniers jours de la maladie, par des

symptômes trop éloquents pour être révoqués en doute.

D'autre part, la clinique autorise à admettre qu'elle existait

même avant l'explosion des symptômes révélateurs. Nous

sommes donc en présence d'une psychose aiguë au dévelop-

pement de laquelle l'urémie latente a participé probablement

dans une large mesure et qui s'est terminée au point de vue

mental par le syndrome du délire aigu, et au point de vue

- somatique par le syndrome de l'urémie. ,

D'où le diagnostic de psychose urémique suraiguë qui nous

z asiles d'aliénés.

paraît justifié ou si l'on préfère, de délire aigu d'origine uré-

mique. ,

Bien plus, si on examine attentivement cette observation,

on est conduit à une hypothèse des plus intéressantes, à savoir

que le mauvais fonctionnement des reins, en d'autres termes

l'urémie latente, a pu jouer un certain rôle dans la produc-

tion du premier accès de folie observé neuf ans plus tôt chez

cet héréditaire. En effet, ce qui a dominé pendant plusieurs

mois la symptomatologie de cet accès, ce sont des phéno-

mènes catatoniques, des poses extatiques, des altitudes cala-

leptif01'mes, signes que j'ai contribué, avec divers auteurs,

à rattacher dans certaines psychoses à l'auto-intoxication

d'origine rénale '.

La catatonie ou stupeur cataleptiforme n'est pas un symp-

tôme des psychoses de l'âge mûr. Quand on la rencontre

chez un individu qui a passé quarante ans, il y a bien des

chances pour qu'elle relève de l'urémie latente, et tel nous

paraît avoir été le cas de notre malade.

ASILES D/ALIÉNÉS.

Le pavillon de chirurgie des asiles publics d'aliénés

du département de la Seine, à l'Asile clinique;

Par Lucien PICQUÉ,

Chirurgien en chef des asiles publics d'aliénés.

Le 9 avril, à neuf heures et demie du matin, les membres

de la Commission de surveillance des asiles, présidée par

M. Athalin, conseiller à la Cour de cassation, M. Prestat,

1 A. Cullerre. Quelques observations de folie briyhlique. (Congrès des

aliénistes et neurologisles, La Roclrelle, 1893.) Note sur un cas de

folie urémique consécutif Ii un 1'étl'écisserJlenttl'{lulilalir/ue de l'urèthre.

(Archives de neurologie, 1891.) - Voyez aussi la thèse de mon interne

Guélou : Des psychoses dans leurs rapports avec les affections des reins.

Bordeaux, 1897.

Fiy. 1/,

45 i asiles d'aliénés.

Maucomble, Béhenne, Bourneville, Caron, membres de la

commission ; M. Defrance, directeur des affaires départe-

mentales ; M. Pelletier, chef du service des aliénés à la pré-

fecture ; la plupart des médecins en chefs des asiles de la

Seine, M. Magnan, membre de l'Académie ; MM. Dubuisson et

Vallon, de l'Asile clinique; MM. Briand, Marie, Pactet et Tou-

louse, médecins en chef à Villejuif.

- M. Dupain, de Vaucluse; M. Baudard, directeur de Vau-

cluse, M. Lucipia, ancien président du Conseil général,

directeur de l'asile de Villejuif ; M. Guillot, directeur de

l'Asile clinique; M. Gillet, économe, 1\1. Péronne, architecte,'

sont venus visiter le pavillon de chirurgie de l'Asile clinique.

Ce pavillon se distingue de tous les pavillons similaires en

ce qu'il constitue un pavillon exclusivement opératoire et

entièrement séparé du service des malades. Cette séparation

absolue qui n'existe pas dans nos hôpitaux présente cepen-

dant des avantages réels sur lesquels on ne saurait trop

insister. .

Au point de vue du fonctionnement, cette séparation évite

les chances de contamination par les malades et leurs

familles, par les infirmiers qui vont trop souvent et malgré

toutes les recommandations du service des malades au ser-

vice opératoire.

Le malade est amené sur un brancard et reconduit de

même dans le service d'où il vient, pour y achever sa con-

valescence. Il reste donc dans son lit pendant toute la

durée de son séjour au pavillon, séjour qui doit toujours être

court. Dans ces conditions, les chances de contamination se

trouvent réduites au minimum.

Dans ce pavillon opératoire, le personnel a donc une fonc-

tion unique et bien définie. Il ne s'occupe que d'opéier et de

tout ce qui intéresse le résultat opératoire.

Mais les avantages du pavillon opératoire, séparé, sont sur-

tout remarquables au point de vue du mode de construction

générale, de la répartition des services, de leur agencement

et de leur importance relative.

D'une facon générale, dans un pavillon d'hospitalisation,

tout doit être construit en vue du séjour prolongé du malade

et du bien-être auquel il a droit pendant ce temps. La plus

grande place est réservée aux salles de malades, on doit pré-

voir des promenoirs, des salles de repos, des water-closets.

Fig. 12.

456 asiles d'aliénés.

Les services généraux y occupent aussi un large espace. Dans

ces conditions, les services opératoires sont toujours sacrifiées.

On se trouve amené à construire des salles opératoires plus

ou moins petites et ordinairement mal orientées. Je tiens d'un

de mes collègues, qu'à l'hôpital Bichat, qui date de vingt

ans, l'architecte avait oublié la salle d'opération ! elle ne fut

établie qu'après, sur la demandedu titulaire.

Quant aux annexes des salles d'opérations, elles sont par-

fois insuffisantes : dans certains services ou j'ai passé,' elles

manquent absolument : à l'hôpital Bichat, qui a passé pendant

vingt ans pour un service modèle, elles sont trop restreintes

et en tout cas très éloignées de la salle d'opération. Elles se

trouvent à un étage différent et dans des locaux dépendant

du service de la pharmacie. Dans un hôpital tout récent,

l'architecte les avait oubliées et ce n'est qu'une fois construit

qu'on désaffecta un laboratoire pour y installer les étuves et

les autoclaves. Il convient toutefois de faire remarquer que

partout nos collègues sont arrivés à avoir dans leurs services

des installations qui leur permettent de pratiquer la chirur-

gie aseptique avec un maximum de sécurité. Mais si l'on est

arrivé sous ce rapporta des résullatssatisfaisaiits, il ne saul'1.lit

en être de même pour la pratique des opérations septiques.

Pour ne citer que l'hôpital Bichat, le chirurgien est obligé

d'opérer dans une salle de pansements. Quant aux annexes

de ce service, elles manquent totalement.

Voilà les desiderata souvent excusables des service d'hos-

pitalisation qui, primitivement, ont été construits pour les

malades, et non en vue des opérations à y pratiquer.

Tout au contraire, dans un pavillon opératoire, les condi-

tions sont radicalement changées. Tout doit y être disposé

en vue de l'intervention chirurgicale. La salle opératoire, qui

en est la raison d'être, doit être spacieuse et bien orientée. Les

annexes opératoires doivent y être largement établies, com-

modément répartieset bien agencées. Le bien-être du malade,

qui doit rester au lit tout le temps de son séjour au pavillon,

se résume aux conditions aseptiques prises contre l'infection

au cours des opérations et dans les pansements consécutifs

contre l'infection de la literie par les malades, et inversement

contre l'infection du malade par la literie mal désinfectée.

Les chambres des malades ne sont plus qu'une annexe

de la salle d'opération au lieu de constituer la partie princi-

l% ar. l.5

Fil. 1.4.

1 ir, 15.

460 asiles d'aliénés.

pale du bâtiment. Ce sont toutes ces conditions qui ont été

réalisées au pavillon de chirurgie de l'Asile clinique. -

De plus, les deux services septique et aseptique existent,

présentent la même importance et sont bien séparés. Il faut

réserver aux malades septiques les mêmes avantages qu'aux

malades aseptiques, une double installation est nécessaire

. ainsi que je disais plus haut, dans tout service de chirur-

gie : celle-ci devient une nécessité de premier ordre, dans un

pavillon comme le nôtre. Alors que dans les pavillons d'iso-

lement de nos hôpitaux on ne reçoit que des malades asepti-

ques, nous devons, au contraire, recevoir toutes les catégories

de malades infectés et non infectés.

C'est la seconde condition que nous avions à remplir : elle

nous a naturellement vivement préoccupé car il fallait à tout

prix éviter la contamination du deuxième groupe par le pre-

mier, et c'est pour avoir le maximum de sécurité sous ce rap-

port, que nous avons dû prendre les dispositions en appa-

rence luxueuse, mais rigoul eusement nécessaires, qui distin-

guent ce pavillon des constructions similaires. On eût pu, à la

rigueur, construire deux pavillons séparés ou simplement

accolés. Il m'a paru plus économique, mais aussi plus scien-

tifique et tout aussi sûr de consacrer le principe moderne de

l'infection chirurgicale, dans notre pavillon, en n'établissant

aucune muraille matérielle entre les deux catégories de ma-

lades, mais en attachant à chacun d'eux un personnel et un

matériel spécial.

De là, par conséquent, l'utilité de deuxsalles opératoires avec

leurs annexes indépendantes (salle de stérilisation de l'eau et

des instruments, salle de désinfection des malades et de pré-

paration pour les opérations, chambres séparées pour les

malades des deux catégories, salle de pansement pour les ma-

lades aseptiques), service de désinfection pour la literie et les

vêtements des malades. Ainsi se trouve réalisée la formule :

Pas de contamination des malades par les objets de panse-

ment, les instruments, les infirmiers et la literie. Pas de

contamination de la literie par les malades. Nous avons dû

également prévoir dans le pavillon une petite maternité pour

les femmes, peu nombreuses d'ailleurs, qui accouchent à

l'asile. Là encore nous pouvions trouver de nouvelles cau-

ses de contamination. Nous avons résolu la question en

créant un service autonome, absolument distinct dans le

462 asiles d'aliénés.

pavillon et se suffisant à lui-même au point de vue de la sté-

rilisation de l'eau et des instruments.

Depuis quelques années, tout chirurgien d'hôpital s'appli-

que à stériliser les pansements dont il se sert; nous n'avons

pas à insister ici sur les avantages de cette pratique au point

de vue de la sécurité et de l'économie.

Ayant à faire usage d'une quantité considérable de pièces

de pansement pour le service du pavillon et celui de tous les

asiles d'aliénés du département, nous avons pensé qu'il était

indispensable d'organiser au pavillon un véritable service de

pensement. Ce service comprend un atelier de découpage

avec un oulillage spécial pour le dégraissage du catgut et

le lessivage des soies, une salle de stérilisation et un labora-

toire bactériologique pour le contrôle scientifique des

opérations de la stérilisation. Ce service fonctionne depuis

le 8 mai et a donné des résultats réellement inattendus. Avec

un personnel restreint (2 personnes) on a pu pendant le pre-

mier mois, avec un travail régulier, réaliser des bénéfices

réellement énormes sur les prix de revient du commerce et

obtenir du premier coup des produits qui, vérifiés dans les

bouillons de culture, se sont montrés constamment stériles.

Les divers services que je viens d'énumérer devaient être

répartis dans le pavillon d'une façon régulière. Le rez-de-

chaussée (flg. 13) comprend les divers services opératoires,

la maternité et le service des pansements. Le sous-sol (/7. Il)

comprend le service de stérilisation de la literie, le labora-

toire de bactériologie et les divers services scientifiques

(radiographie, histologie, etc.). Le premier étage (figez) est

réservé aux malades. Un plan idéal médian et vertical divise le

pavillon en ses deux parties septique et aseptique. La lecture

du plan annexé à cet article montrera mieux que toute des-

cription l'agencement et la répartition des deux services.

Note. La description du pavillon ayant été faite dans un tra-

vail spécial (Voir Recueil des travaux, t. 1, 1901, P. Masson, éditeur),

nous avons tenu simplement, dans l'article qui précède, à mettre

en lumière quelques points spéciaux de nature à intéresser plus

particulièrement les médecins. Les figures 14, i : i, et 16 représentent

les façades du pavillon.

PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

L'influence de l'alcool et du tabac sur le travail ' ;

Par Cii. FÉRÉ, médecin de Bicêtre.

II. En ce qui concerne le tabac à fumer, Warren Lom-

bard, Vaughan llarley, Ilouâh, qui ont expérimenté sur ses

propriétés relativement au travail musculaire, s'entendent à

reconnaitre ses effets dépressifs. J'ai signalé son action éxci-

tante primitive soit au repos, soit dans la fatiguer

La psychologie physiologique nous montre que la sensa-

tion de plaisir est inséparable d'un accroissement de puis-

sance. On ne peut donc guère expliquerautrement que par

uneexcitation, au moins momentanée, le goût si répandu de

fumer. D'autre part, on ne peut pasmettre en doute la compé-

tence et la sincérité des expérimentateurs que je viens de

citer. La contradiction ne peut être due qu'à une observation

incomplète, Si on varie les conditions de l'expérience, on voit

que les fumeurs se trompent quand ils croient à un bien-être

définitif, et que les expérimentateurs, qui n'ont vu que la

dépression, ont laissé échapper une partie de l'effet.

Expérience IV. On commence à fumer la cigarette cinq minutes

avant le travail et on continue pendant la première série d'er-

gogrammes (une cigarette caporal ordinaire).

464 physiologie pathologique.

INFLUENCE DE l'alcool ET DU tabac SUR LE travail. 468

466 ' PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

EXPÉRIENCE V. -On commence à fumer la cigarette 5 minutes avant

le travail et on continue pendant la première série d'er-

gogrammes (une cigarette).

INFLUENCE DE L'ALCOOL ET DU TABAC SUR LE TRAVAIL. 461- 1"

468 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

INFLUENCE DE L'ALCOOL ET DU TABAC SUR LE TRAVAIL. 469

470 . PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE... - , -.

INFLUENCE DE L'ALCOOL ET DU TABAC SUR LE TRAVAIL. 471

472 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

Expérience VII. On commence à fumer 15 minutes avant le tra-

vail et on continue pendant la première série d'ergogramme

(trois cigarettes).

INFLUENCE DE L'ALCOOL ET DU TABAC SUR LE TRAVAIL. 473

474 Il PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

INFLUENCE DE L'ALCOOL ET DU TABAC SUR LE TRAVAIL. 475

476 PATHOLOGIE NERVEUSE.

l'activité intellectuelle nous montrent qu'elles provoquent

un véritable surmenage suivi d'une dépression' corrélative.

On n'a pas de bonnes raisons de croire qu'elles agissent

autrement sur les activités viscérales.

PATHOLOGIE NERVEUSE

Hospice de 131CÜRE, - Service du D1' J. Séglas

Contribution à, l'étude des Stéréotypies

Par ALBERT CAIIEN, interne des hôpitaux.

I. D'une façon générale, les troubles moteurs chez les

aliénés sont bien étudiés. C'est que, depuis longtemps, on a

reconnu les liens qui unissaient les phénomènes somatiques

aux phénomènes psychiques. Toutefois, une variété de mou-

vements est passée quelque peu sous silence au moins dans

les travaux français : ce sont les stéréotypies. Ordinaire-

ment confondues avec les tics ou les spasmes, les chorées

ou les actes impulsifs, elles méritent pourtant de former un

groupe à part, moins par leur rareté que par leur impor-

tance psychologique.

C'est Guislain 1, qui le premier a décrit des cas semblables

dans sa leçon sur la « folie », sans toutefois leur donner le

nom de stéréotypies. Celles-ci sont citées également par

Esquirol2, Tardieu3, Morel 1, Griesinger 5. Dans le traité de

' Guislain. Leçons orales sur les phi-énopathies. Ilelbelinclc, Gand, 1852,

tome I, p. 224 et seq.

* Esquirol. Mal. mentales, t. I.

3 Tardieu. Traité de médecine légale.

blorel. Traité des Maul, mentales, p. 360.

Ci,iesinger. Mal. mentales, p. 285.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES STÉRÉOTYPIES. 477 Î

Dagonet ? dans l'article « Folie » de Costard2, elles sont net-

tement dénommées. Enfin M. A. Marie en a cité quelques

observations dues à notre maitre M. Séglas, qui nous a ins-

piré ce travail et nous a grandement aidé à son accomplis-

sement.

En Allemagne et en Autriche, on les trouve citées et

dénommées dans les ouvrages classiques de Schüle', de

Meynert °, d')Iagent 6, de Wernicke1, de Irafft Ebing 8. Kroe-

pelin 9 en parle dans la partie générale de sa « Psychiatrie »

et y revient à propos de la catatonie. Iahlhaum 1° y revient

à plusieurs reprises dans son ouvrage fameux sur la « Cata- -

tonie ». Enfin Binder'1, dans une leçon, donne une étude

spéciale des stéréotypies, particulièrement dans la catatonie.

. En Italie, Morselli 1= en fait également mention. Deux

études importantes, qui nous ont beaucoup servi dans ce

travail, ont paru dans deux revues de psychiatrie ita-

lienne : l'une est due à Brugia et Marzocchi13, l'autre à

' Dagonet. Traité des Mal. mentales. Paris, 1894. -

° Cotard. Art. Folie. Dict. encyclopédique des sciences médicales de

Dechambre.

1 A. Marie. Etude sur quelques symptômes des délires systématisés et

sur leur valeur, 0. Doin. Paris, 1892, 144" p. -

' Scinde. Traité des Maladies mentales, traduit par J. Dagonet et

Duhamel, Paris.

1 Meynert. Klinische Vo1'lesungen über Psychiatrie. Braumuller Rien.

1 vol., 304 p., p. 57 et 58.

6 Havent. Cité par Binder.

7 Wernicke. Die paranoischen Zustiinde, Leipzig, 1896, II' partie.

8 Krafft-Ebing. Traité clinique de psychiatrie, traduit sur la 5° édition

allemande par le Dr Emile Laurent. 1 vol. 758 p. Maloine, Paris, 1897.

1 Kroepelin. Psychiatrie, en 2 volumes, 6° ed. J. A. Barth. Leipzig.

1899, t. I, p. 215 et t. II, p. 159.

'° Kattibaum. La Catatonie. Voir Séglas et Chaslin. Revue générale,

Arch. de Neurologie, 1888, n° 44 el. 45.

" Binder. Ueber motorische Slorungen slereolgheza Charaklers bei Gei-

teskrazlken mit beso2clerer Beriicksichtigung de), Katatonie. Leçon du

19 février 1886. Archiv. sur Psycliiatiie und Nervenkranckheiten, t. XX.

Berlin, 1889, p. 628-644.

" lIIorsel11. Séméiologie des Maladies mentales, vol. II, p. 826.

" vit. Brugia et S. Marzocchi. Dei movimenti sislemalizzali in alcune

forme di indebolimento mentale. Archivio 1taliano per le malatie ne1'vose

e pih parlicolarmenle per le Alienazioni mentali. (Organe de la Société

de psychiatrie italienne). Milan, sept. 1887. Fasc. V. Anno XXIV.

418 ' PATHOLOGIE NERVEUSE. '

Riccie. Enfin, blondio=, tout récemment a fait paraître un

article sur la question.

. Malgré ce nombre de travaux, les stéréotypies sont res-

tées dans l'ombre. Nos connaissances sont assez confuses

sur ce sujet. Cela tient en grande partie à ce que l'on ne

s'entend pas bien sur ce qu'on doit appeler stéréotypies.

La plupart des auteurs (même Binder et Kroepelin) ne

donnent pas de définition des stéréotypies. Ricci, d'une part,

Brugia et Marzocchi de l'autre, font seuls exception. Le pre-

mier dit : « ce sont des mouvements automatiques, de longue

- durée, qui consistent à répéter les mêmes actes musculaires

longtemps, fréquemment, toujours de la même façon, mou-

vements qui, produits par des motifs obscurs ou peu clairs

se prolongent ensuite au delà d'un besoin quelconque ».

Brugia et Marzocchi les appellent « mouvements systémati-

sés » et disent que ce sont « des mouvements circonscrits,

souvent rythmiques et coordonnés, qui s'accomplissent sans

le concours de la volonté, mais qui peuvent pourtant à un

certain degré être sous la détermination de la volonté, qui

ne correspondent à aucun but extérieur, quoiqu'ils aient

l'apparence de mouvements intentionnels, et qui servent à

suppléer à l'absence de toute activité proprement volitive, en

servant de décharge aux états d'excitation de l'organe céré-

bral. »

Nous croyons que la définition de Ricci est trop vague et

trop large, puisqu'elle comprend « tous les mouvements qui

se répètent longtemps »; celle de Brugia et Marzocchi nous

semble trop préjuger de la nature des stérotypies. Aussi

proposerons-nous la définition suivante : Les stéréotypies

sont des altitudes, des mouvements, des actes de la vie de

relation ou de la vie végétative, qui sont coordonnés,

qui, n'ayant rien de convulsif, ont au contraire l'ap-

p(l1'ence d'actes intentionnels ou professionnels, qui se

' C. Ricci. Le sléoeotypie nelle demen;;e e specialmenle nelle deinenze

consécutive. (Rivista spel'i1aenlale di Frenialria e medicina légale délie

alienazioni mentale. 1899, vol. XXV. Fasc. I et IL)

2 Mondio. Hérédité et dégénérescence dans le développement de la

démence consécutive et dans celui des stéréotypies que l'on y rencontre.

La démence consécutive mérite-t-elle un chapitre particulier en noso-

graphie mentale ? (Rivista mentale di neuropatologia et psychiatre.

Rome, 1900. No 4 et 5.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES STÉRÉOTYPIES. 479

répètent longtemps, fréquemment, toujours de la même

façon, qui, au début, sont conscients, volontaires et qui

deviennent plus tard automatiques et subconscients par le

fait même de leur longue durée et de leur répétition.

II. Les classifications données des stéréotypies sont

aussi peu nombreuses que les définitions.

Binder, après les avoir étudiées dans la catatonie (stéréo-

typies de l'attitude), examine successivement : 1° les stéréo-

typies du langage, 2° les stéréotypies des différentes parties

du corps, 3° les stéréotypies de la marche, 4° certains actes

automatiques ( ? ). Il ne s'agit pas là d'une vraie classifica-

tion ; c'est seulement pour citer quelques exemples que Bin-

der a mis « ces têtes de chapitre ».

Dans le travail de Brugia et Marzocchi, nous trouvons une

classification basée sur l'idée même que ces auteurs se font

de la nature des stéréotypies. Celles-ci sont des réactions

automatiques qui résultent d'excitations d'origine interne

portant sur les centres nerveux. Se basant sur la nature de ·

l'excitation qui met en jeu l'automatisme des centres ner-

veux, les auteurs ont édifié la classification suivante :

480 PATHOLOGIE NERVEUSE.

typies dyspraxiq2tes. Pour exposer ses observations, il

dresse le tableau suivant : -. .

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES STÉRÉOTYPIES. 481

les unes comme les autres se rapportent en définitive à des

mouvements qui ne diffèrent que par leur caractère plus ou

moins complexe.

Aussi, proposerons-nous de simplifier la classification de

Ricci et de diviser seulement les stéréotypies en deux varié-

tés : 1° Les attitudes stéréotypées ou stéréotypies akyné-

tiques ; 2° Les mouvements stéréotypés ou stéréotypies

pai-aky2zéliqîtes. Et nous considérons qu'on peut ranger les

différentes stéréotypies dans l'ordre suivant :

482 - PATHOLOGIE NERVEUSE.

hanche, la jambe droite croisée devant la gauche, le pied

droit relevé verticalement.

3° Sléréotypie dans la station assise. Un malade (cité

par Binder) s'assied par terre toute la journée, balance con-

tinuellement son tronc, passe son temps à boutonner et à

déboutonner ses vêtements.

B. STÉRÉOTYPIES P.RAKYNÉTIQUES. Non moins variées sont

les stéréotypies dans les mouvements ou stéréotypies para-

kynétiques. Elles sont très nombreuses, ce qui se conçoit

très facilement si l'on songe au nombre infini de mouve-

ments qui peuvent être faits soit par une partie du corps,

soit par tout le corps. Binder, Brugia et Marzocchi, Ricci,

A. Marie en ont publié un grand nombre d'observations. On

en trouvera d'autres dans la suite. Nous nous bornerons à

citer ici quelques exemples pris dans le service de M. Séglas.

'1° Mouvement stéréotypé d'une' partie déterminée du

corps. Q... Auguste, trente-cinq ans, estompeur, entré à

Bicêtre le 23 mai 1891. Dès son entrée, on a noté qu' « il

répète continuellement avec ses mains les gestes que font les

estompeurs 1. » .

Actuellement (décembre '1900) il est tombé dans la dé-

mence complète. Il comprend pourtant ce qu'on lui dit, mais

ses réponses ne sont le plus généralement qu'une suite de

mots incompréhensibles. Toute la journée, quelque position

qu'il occupe, qu'on essaie de lui parler ou non, il accomplit

son ancien geste professionnel d'estompeur ou du moins ce

geste s'est simplifié, car, en réalité, il ne fait plus qu'agiter

l'un ou l'autre de ses doigts. Si on lui demande ce qu'il fait,

il répond en quelques termes incohérents « qu'il travaille

pour faire marcher la terre par les aiguilles, etc... ».

2° Mouvements slérolypés de tout le corps. R... vingt-

six ans, ancien gymnaste, verrier, entré à Bicêtre en 1893

avec le certificat suivant « Excitation maniaque. Désordre

dans les idées et dans les actes. Agitation incessante avec

cris, chants, déclamations... » P. Garnier. Le 20 décem-

bre 1898, M. Deny fournissait le certificat trimestriel :

' Ph. Chaslin. La confusion mentale primitive. Annales médico-psy-

cytologiques. 50' année. 1892. 71 série, t. XVI, p. 225-273. On trouvera

là une observation complète de ce malade.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES STÉRÉOTYPIES. 483

« Dégénérescence mentale avec excitation. Désordre complet

dans les idées et dans les actes. »

Actuellement c'est un dément précoce. En fait on voit que

le malade exécute constamment des mouvements habituels

aux gymnastes. Nous avons vu plus haut sa position à l'état

de repos. Ajoutons qu'il met constamment sa veste dans

son pantalon, ses pantalons dans ses souliers, qu'il se serre

les poignets avec des tresses.

Il n'est presque jamais tranquille. On le voit sauter les

escaliers, grimper après les arbres, les colonnes, les grilles,

faire des mouvements rythmiques et réguliers avec ses bras,

et dans ces mouvements on reconnaît encore des exercices

de gymnastique. Il présente dans le langage une autre sté-

réotypie. Ainsi il répète constamment ces mots : « M'sieu,

Madame », disant par exemple : « Bonjour, M'sieu Madame.

Donnez-moi une cigarette, M'sieu Madame. »

3° Stéréotypies dans la marche 1, - Un malade se promène

constamment dans un endroit déterminé, dans un couloir ou

bien il parcourt la même allée d'une manière si uniforme

que les traces de ses pas formentun sentier. Il marche « pour

faire perdre sa piste. » D'autres malades scandent leurs pas

de paroles (voir plus loin l'observation du gémisseur de

Morel). Un autre fait plusieurs pas en avant puis en arrière.

En général dans tous ces cas, les malades ne peuvent pas

dire au juste pourquoi ils marchent de telle ou telle façon ;

en fait, il y a ou il y a eu un motif ; mais ce motif a disparu

et l'acte est passé à l'état d'habitude automatique que le

malade n'explique plus. ,

4° Stéréotypies dans le langage parlé. Les stéréoty-

pies dans le langage parlé sont d'ordres différents. Certains

individus sifflent constamment une phrase musicale, telle

que celle notée dans le travail de M. A. Marie (p. 61).

D'autres chantent en dansant constamment, comme autre-

fois dans le théâtre antique. Il y a enfin les stéréotypies dans

les paroles ordinaires. Ces stéréotypies peuvent être en rap-

port avec le thème délirant principal.

1 On pourrait supprimer cette classe de mouvements stéréotypés et la

faire rentrer dans les mouvements d'une partie du corps. Nous mainte-

nons toutefois cette division, à cause du grand nombre de stéréotypies

existant dans la marche et surtout parce que la marche est à la fois un

mouvement partiel et un mouvement total du corps.

484 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Une femme internée à la Salpêtrière termine toujours ses

phrases par « en tout et pour tout ». Une malade de M. A.

Marie' commençait toutes ses phrases par « Araken-Doken-

Zoken. » Quelquefois les stéréotypies du langage sont des

réactions de défense. Une persécutée chronique et mégalo-

mane= attache une certaine influence à certains mots qu'elle

croit devoir neutraliser par d'autres. En particulier, si elle

entend dire « vendredi malheur 13 » elle s'empresse d'ajou-

ter « samedi bonheur 14 ».

Enfin, il faut citer comme stéréotypies certains néolo-

gismes que créent les persécutés pour exprimer d'une

manière précise ses convictions erronnées. Ces néologismes

« fixent sa pensée... Le mot dit tout....Une persécutée qui se

plaint qu'on la regarde de travers se dit en but aux pour-

suites des « Reluquets ». Une autre, souffrant de troubles de

la sensibilité générale, se plaint de sensations douloureuses

le long de l'épine dorsale, qu'elle attribue aux agissements

d'un forçat « épine d01'salier » (Séglas).

Au bout d'un certain temps, le lien d'association qui

reliait l'idée'première au néologisme qui devait l'exprimer,

disparaît; et le malade ne peut plus guère expliquer le sens

du langage spécial dont il continue à se servir.

Nous devons rapprocher de ces stéréotypies du langage le

mutisme stéréotypé. Un malade garde le silence pour expier

des fautes imaginaires qu'il se reproche. D'autres se taisent

pour ne pas compromettre un ami en parlant. Ce mutisme

en pareil cas est véritablement un acte stéréotypé.

5° Stéréotypie dans le langage écrit. Le langage écrit

comprend l'écriture et le dessin. Dans les deux cas, nous

allons rencontrer des stéréotypies diverses mais assez sem-

blables il celles du langage parlé. Nous en trouvons d'abord

un certain nombre qui sont en rapport avec le délire. Tel est

le cas d'un malade du service de M. Séglas.

S... Antoine est entré à Bicêtre en novembre 1894 avec le dia-

gnostic de délire de persécution. Depuis cette époque, son délire a

peu changé. Les idées de persécution prédominent toujours, à peu

près sous la même forme, mais des idées de grandeur sont appa-

' Cit. par J. Séglas. Les troubles du langage chez les aliénés. Rueff.

Paris, 1892 (1 vol. de 304 p.), p. 63.

2 Marie, loc. cil., p. 36.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES STÉRÉOTYPIES. 485

rues. Il est prophète, roi. Le contour de son royaume est tracé sur

une tache qu'il porte sur son cou. Il est averti de tout d'avance,

parce qu'on lui fait comprendre par l'Esprit,

Quatre anciens sous-officiers de son régiment, qui sont peut-être

les quatre sergents de la Rochelle, lui en veulent. C'est eux qui le

font parler écrire, l'obligent à se casser la tête et à écrire avec son

sang s'il résiste.

Ses écrits offrent de beaux types de stéréotypie. Depuis des

années, en effet, il envoie régulièrement chaque semaine des lettres

volumineuses. L'enveloppe, qu'il timbre toujours, porte invariable-

ment l'adresse suivante :

' Lettre, Papiers d'Affaires.

A Messieurs les Professeurs de l'Ecole de Droit de

Paris,

Monsieur Alglave et à Messieurs les Ministres et Députés

(et à qui de droit), \

Chambre des députés,

. Paris (Seine).

Ces lettres, qui comprennent au moins une vingtaine de pages,

sont écrites sur papier ministre. Elles sont adressées d'abord aux

personnes inscrites sur l'enveloppe et en plus « aux principaux

représentants de chacune des nations de l'univers entier, soit à

tout roi et sujet (ici quelques mots illisibles sur toutes les

lettres) de avant 1300 ou de 1800 et de naissance dans les inter-

valles d'année de f800 à 1870-1871 et après 1870-71 et à qui de

droit (armées, polices, cultes, religions de l'univers entier) » Ces

lettres commencent toujours par « Je fais connaitre que hier... »

Dans cette lettre, il y a toujours des lignes en blanc recouvertes

de traits, de tirets. La page 13 est toujours laissée en blanc.

Constamment il y a des accolades simples, doubles, triples. Enfin

il y en a qui sont écrites en rouge. Ce sont celles qui sont tracées

avec son sang. La signature est. invariablement la même : De

Senez de Mésange. Grand prince Napoléon, grand prince de sang

royal et impérial de l'univers entier, grand amiral, grand maré-

chal de mes armées, polices... grand procureur de la République

royale et impériale, grand président de la République, grand pape,

grand duc, grand roi, grand empereur. Jupiter, Louis XIV et

Louis XV.

D'autres fois la stéréotypie est en rapport avec d'autres

idées délirantes. C'est un moyen de défense qu'emploie le

malade pour se débarrasser de ses persécuteurs. Dans les

486 PATHOLOGIE NERVEUSE.

i

écrits d'une' aliénée « il y a répété sept fois en deux pages

la phrase « Dieu et son droit, maudit dans tout ce qu'il y a

de plus maudit qui mal y pense... C'est une sorle de con-

juration, de formule cabalistique permettant à cette persé-

cutée de se défendre contre l'attaque de l'esprit du mail ».

Enfin, dans quelque cas l'écriture stéréotypée est complè-

tement modifiée : les aliénés emploientune écriture hiérogly-

phique, comme ils emploient des néologismes. « Une ma-

ladre 2, depuis la guerre du Tonkin, croit jouer un rôle dans

la conquête de cette colonie, et ne se sert plus pour écrire

que' de caractères qui rappelent ceux que l'on voit sur les

boîtes à thé. »

Etant donné le rapport étroit qui existe entre l'écriture et

le dessin, on ne sera pas étonné de trouver dans les dessins

des aliénés des stéréotypies d'ordres semblables à celle de

l'écriture. Le,s unes en effet sont en rapport avec leur thème

délirant. Ils y peignent leurs tortures, les scènes de leur

existence, les portraits de leurs persécuteurs.

Une persécutée, que nous avons observée il y a deux ans,

dans le service de notre 'maître M. Gilbert Ballet, passe

maintenant sa journée à faire de la tapisserie. Celle-ci

représentait toujours les mêmes personnages qui lui ont

fait subir, pense-t-elle, toutes sorles de souffrances et con-

tinuent maintenant à la persécuter.

D'autres fois, on rencontre des dessins absolument incom-

préhensibles comme précédemment les hiéroglyphes. Un de

nos malades avait dessiné une « planche d'âme », dessin

qu'il répète à l'infini, toujours de la même façon et qu'il a

la prétention d'expliquer sans jamais y parvenir.

6° Stéréotypies dans la mimique et les gestes. Outre le

langage parlé ou écrit, nous pouvons encore communiquer

. avec nos semblables par le langage mimique. Nous avons

déjà donné des exemples de gestes, d'attitudes, de physio-

nomie. On en verra d'autres dans la suite. Aussi ne faisons-

nous que les signaler ici.

III. La forme typique des stéréotypies se trouve dans

les délires systématiques. Aussi les prendrons-nous comme

' J. Seglas. Troubles du langage, p. 230.

' J. Séglas. 1(l., p. 241. '

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES STÉRÉOTYPIES. 487

exemple pour expliquer leur pathogénie. D'abord, comment

naissent-elles ?

Lorsqu'on observe une stéréotypie au début et que l'on

recherche les causes psychiques qui ont pu lui donner nais-

sance, on trouve d'ordinaire .qu'elle est provoquée par une

idée délirante. C'est là un point sur lequel Wernicke a tout

particulièrement insisté, et nous avons eu maintes fois l'occa-

sion de vérifier pour notre part l'exactitude de cette opinion.

Toutes les idées délirantes peuvent en être la cause provo-

catrice. Or, dans les délires systématiques, on trouve des

idées délirantes diverses : idées 'de persécution, hypochon-

driaques, mystiques, de grandeur, de défense.

Voyons d'abord dans quelle mesure chacune d'elles peut

occasionner une stéréotypie. Il est relativement rare que les

idées de persécution donnent à elles seules et par elles-

mêmes des stéréotypies. Assurément, le fait se rencontre

mais assez peu fréquemment. Un malade se, replie sur lui-

même, fait continuellement des contorsions, parce qu'on

l'électrise.

Un autre 1, observé par M. Seglas, présentait plusieurs tics

« l'un consistait à fermer d'une façon saccadée les yeux en

allongeant rapidement le bras droit et en prononçant une

série de mots incompréhensibles; l'autre était un tic aéro-

phagique, caractérisé par un ensemble de mouvements de

déglutition très rapides, accompagnés d'un bruit pharyngien

et suivis d'une éructation sonore et prolongée. Ces différents

mouvements se produisaient plusieurs fois par minute pen-

dant un certain temps sous forme d'une sorte de décharge

convulsive. La malade prétendait exécuter ces mouvements

malgré elle, en dehors de sa volonté. Ce sont, disait-elle, les

sorciers qui les lui font accomplir, absolument comme ils

lui font fermer les yeux ou prononcer des mots qu'elle ne

comprend pas en lui remuant la langue à leur fantaisie. »

Non moins rares sont les stéréotypies causées par des

idées hypochondriaques, accompagnant un délire systéma-

tisé. A titre d'exemple, on peut pourtant citer comme actes

stéréotypés les malades qui restent immobiles parce qu'ils

se croient de verre.

1 J. Séglas. Paralysie générale et tic aerophagique. Semaine médicale,

n° 2, p. 9, 11 janvier 1899.

488 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Les idées délirantes mystiques occasionnent aussi quel-

quefois des stéréotypies. Une mystique restera à genoux des

heures entières. Une autre (obs. 52 de A. Marie) dans ses

écrits souligne de trois croix toutes les épithètes s'adressant

aux destinataires imaginaires de ses épitres; elle emploie

souvent aussi le point d'exclamation trois fois répété.

Les idées de grandeur sont plus souvent le point de

départ de ces phénomènes. Voici un exemple fourni à

M. A. Marie par M. Séglas. Une débile se croit reine ; elle a

les Tuileries. Elle répète continuellement la même phrase :

« Je suis la couronne de France Zazie. » Cela est modulé et

scandé, en même temps qu'elle lève le bras par un geste

uniforme. Celte incantation est précédée d'une sorte de som-

mation préalable « cinq fois cinq vingt-cinq » par exemple.

Mais de toutes les idées délirantes, celles qui le plus sou-,

vent provoquent des stéréotypies sont certainement les

idées de défense. Nous pourrions reprendre et citer les

observations que M. A. Marie a publiées dans son mémoire

déjà cité. Presque toutes les observations relatent des sté-

réotypies comme phénomènes réactifs. Nous n'en choisis-

sons que quelques-unes des plus typiques.

Une ancienne religieuse (obs. 30) voit fréquemment Jésus-

Christ la poursuivre de propositions inconvenantes. Elle ne

réussit pas toujours à y échapper, malgré ses efforts défen-

sifs. Elle se plaint surtoutde coïts ab ore auxquels on l'oblige ; -,

aussi crachote-t-elle continuellement pour rejeter le sperme

absorbé. Ces phénomènes s'accompagnent d'orgasme véné-

rien spontané. -

Un autre (obs. 9) (délire de persécution durant depuis

huit ans) tient constamment entre ses dents un fragment de

verre à angles émoussés et sous ses pieds des morceaux de

vitre. Il a inventé le « système du coussinet isolateur » pour

'se défendre de l'électricité que ses ennemis lui envoient

pour le faire souffrir. Voici une autre observation citée par

M. Séglas 1.

Une systématique de quarante-sept ans, persécutée depuis 1880

raconte qu'en 1883 des « Messieurs » sont apparus pour la guérir.

Elle est restée au début longtemps sur une chaise, sans parler,immo-

' J. Séglas. Sociélé médico-psychologique (Discussion sur le délire

chronique). Séances des 30 janvier et 27 février 1888.

contribution A l'étude DES stéréotypies. 489

bile, ne remuant que les doigts 1, 2, 3, cat· tout doit aller par trois... Il

lui arrive aussi de cligner les yeux trois fois de suite. Quand elle ne

pouvait dormir, elle buvait trois verres d'eau. Les deux premiers

ne produisaient aucun effet, mais le troisième l'endormait de

suite. 11 lui est arrivé aussi de marcher dans un certain sens et

dans certaines positions, les bras immobiles ou bien animés d'une

sorte de mouvement cadencé, les yeux fixés à une certaine hau-

teur, et en sifflant un refrain monotone et scandé, puis elle

marchait de même en sens inverse, les yeux toujours à la même

hauteur, et il ne fallait pas faire plus de pas d'un côté que de

l'autre. 1

Ainsi toutes les idées délirantes peuvent occasionner des

stéréotypies. Isolément, prises à elles seules, les idées de

persécution, hypochondriaques et mystiques en sont assez

rarement la raison. Les idées de grandeur et surtout les

idées de défense sont au contraire les deux grandes causes '.

Mais les idées de grandeur, de défense, de persécution ont

chez les systématiques des liens étroits. Aussi peuvent-elles

s'adjoindre lès unes aux autres pour provoquer une ou plu- 1

sieurs stéréotypies. En voici un exemple=.

Une débile a à la fois des idées de persécution et des idées mys-

tiques. Ses idées mystiques lui font accomplir des gestes, « qui se

mélangent à des pratiques religieuses avec génuflexions, prières à

la Vierge ». Ses idées de persécution ont amené des idées de

défense. Pour la récompenser des épreuves que ses ennemis lui

ont fait subir et auxquelles elle a résisté grâce à ses « formules

excavalatiques », un grand docteur l'apamta s'est installé en elle.

« Aussi maintenant a-t-elle acquis le don des langues, peut-elle causer

dans tous les idiomes connus. Les phrases qu'elle prononce sont

alors un assemblage bizarre de syllabes à consonnances burlesques

et sonores; elle fait aussi d'un ton emphatique des incantations

accompagnées de « signes excavalatiques » pour magnétiser tout

ce qui l'entoure ».

Plus tard, elle s'est donnée tous les titres qu'elle attribuait au

docteur Papanita, son ancien défenseur imaginaire. Elle répète

constamment qu'elle est docteur en médecine, membre de l'Acadé-

mie. Elle est magnétisée et fait des « signes excavalatiques ».

' Cela tient sans doute à ce que les premières se voient au début des

délires systématisés, alors que la conscience est encore entière, tandis

que les idées de grandeur et de défense apparaissent plus tardivement,

quand la volonté et la conscience commencent à disparaitre.

' A. Marie, loc. cit. Obs. VI, due à M. Séglas.

490 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Ainsi, voilà réuni chez une même malade un ensemble

d'idées délirantes et de stéréotypies.

Quoi qu'il en soit, on voit que les stéréotypies sont pro-

duites au début par une idée délirante. Cette idée est à ce

moment pleinement consciente et le mouvement ou l'acte,

corrélatifs sont aussi conscients. Le malade sait pourquoi il

agit, il en donne-une raison valable. La stéréotypie est née.

Comment, maintenant, va-t-elle évoluer ?

D'une manière générale, on peut dire que les stéréotypies

évoluent parallèlement au délire. Les diverses phases de

l'évolution du délire ont été bien tracées par J.-P. I'alret 1. ,

D'après cet auteur, le délire après avoir passé par une phase

d'incubation se précise. Le malade est « toujours susceptible

de délirer dans une foule de directions, mais l'idée princi-

pale à laquelle il s'est arrêté -devient le centre commun

autour duquel convergent la plupart de ses pensées et de

ses réflexions... il arrive petit à petit à une véritable systé-

matisation de son délire... Aussitôt que l'idée prédominante

est arrivé à un degré complet de développement », le malade

n'y ajoute plus rien, il ne cherche plus à l'étayer de preuves

nouvelles, « il se borne à la répéter à tout venant, exacte-

ment sous la même forme, et avec les mêmes expressions...

le délire est stéréotypé. »

Les stéréotypies passent par des phases semblables. Quand

le délire se systématise, les actes se systématisent égale-

ment, ils semblent appuyer l'idée délirante qui leur a donné

naissance. C'est la période où les stéréotypies se montrent

dans toute leur ampleur, où elles sont le plus facile à étudier

et à expliquer. Leurs traits sont bien accentués, leur répé-

tition fréquente et le malade a encore une conscience suffi-

sante pour expliquer la finalité de ses actes.

Mais cet état ne dure pas. A la phase de délire systématisé

succède la phase de délire stéréotypé. A cette phase, dit

toujours Falret père, « on voit successivement disparaître

avec l'activité intellectuelle des périodes précédentes le fonds

maladif de la sensibilité sur lequel... s'étaient graduelle-

ment développées les idées délirantes. » Alors qu'à cette

période, survient la ruine mentale du sujet, les stéréotypies

' ' J. P. Falret. Leçons cliniques de médecine mentale (faites à l'hospice

de la Salpêtrière). 1r. partie, Baillière, Paris, 185, p. 93.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES STÉRÉOTYPIES. 491

ne disparaissent pas : elles persistent; mais un élément,

présent à la période précédente, vient à faire défaut; c'est

la conscience personnelle qui ne peut plus subsister dans

son intégrité chez ce malade dont les facultés intellectuelles

sont en voie de déchéance. La synthèse psychique volontaire

et consciente, qui rattachait primitivement l'acte à l'idée

déterminée, fait place à une simple association automatique.

L'idée délirante s'estompe, s'affaiblit ; toutefois elle ne dis-

paraît pas de suite totalement : elle reste subconsciente. En

revanche, l'acte ou plutôt sa représentation s'enregistre

dans la mémoire organique, cette représentation persiste,

se solidifie ; c'est pour cela que l'acte va continuer à se répé-

ter dans la suite. Mais alors, les aliénés ne pourront plus

dire le pourquoi de leurs mouvements, de leurs paroles. Ils

continueront seulement à les exécuter et ils ne les exécute-

ront plus volontairement, consciemment, mais par simple

habitude; les stéréotypies seront devenues de véritables

actes automatiques, c'est-à-dire « des actes anciens, déjà

exécutés autrefois, qui à un certain moment ont été exacte-

ment en rapport avec l'ensemble des circonstances, mais

qui aujourd'hui ne sont plus adaptés à la situation pré-

sente... En outre de tels actes ne sont pas complètement

rattachés à notre personnalité, souvent même ils se pro-

duisent en dehors d'elle. Quoiqu'ils ne soient peut-être pas

complètement conscients..., ils sont dépourvus de cette

conscience personnelle, grâce à laquelle nous nous rendons

compte des phénomènes psychologiques, nous les ratta-

chons à notre personne. En un mot, les actes automaticjues

sont involontaires, non combinés pour la situation présente

et plus ou moins subconscients 1 ». Un malade du service de

M. Séglas nous offre un exemple typique de la marche qui

vient d'être décrite.

B..., est entré en 1891, comme délirant, persécuté. A cette

époque on n'a pas remarqué qu'il présentait des mouvements ou

des actes bizarres. Un peu plus tard, on a vu que par moments

il s'arrêtait dans la cour, regardait le soleil et- en même temps

faisait tourner ses mains autour d'un axe idéal. A ce moment

quand on lui demandait la raison de ce mouvement, il répon-

dait : « Je fais tourner le soleil ». Le malade a fourni cette expli-

cation pendant un temps assez long.

' Pierre Janet. Névroses et Idées fixes, I, p. 398. Alcan, Paris, 1898.

492 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Actuellement devenu dément, il continue à fixer le ciel, à faire

tourner ses mains comme autrefois, mais par simple habitude

automatique et sans plus pouvoir donner de cet acte familier une

explication quelconque. ' '

En résumé quand le délire est systématisé, les actes sont

volontaires et conscients, systématisés eux aussi, mais se

répétant sous la même forme, c'est-à-dire déjà fixes, stéréo-

typés. Quand le délire s'est stéréotypé, les actes conservent

d'autant plus le même caractère, mais ils s'accomplissent

par une sorte d'habitude involontaire, sans même attirer

l'attention du sujet, ils sont en un mot devenus automa-

tiques et subconscients. -

Nous voyons donc que l'acte contracte avec le délire les

rapports les plus étroits. Né d'une idée délirante, il suit une

évolution parallèle à celle du délire. Il semble donc bien que

c'est le délire qui cause l'acte, qui fait la stéréotypie. Toute-

fois la théorie contraire a été soutenue : on a prétendu que

les actes et les stéréotypies étaient primitifs et que le délire

ne venait qu'ensuite pour expliquer l'acte. Cette théorie peut

suffire dans certains cas pour interpréter quelques stéréo-

typies. Dans d'autres cas', elle peut se combiner à la pre-

mière théorie. Mais, d'une part, dans la grande majorité dés

cas, elle est manifestement insuffisante ; d'autre part, le

simple examen des faits nous montre que le délire est en

général primitif, et que les actes et les stéréotypies ne

viennent que plus tard. -

Yoilà comment se produisent les stéréotypies dans les cas

typiques de délires systématiques 2.

1 F. Iiayrnond et P. Janet. Névroses et Idées fixes, II, Paris, p. 385.

Alcan, Paris, 1898.

' Nous repoussons donc les autres hypothèses proposées pour expli-

quer les stéréotypies. Nous avons indiqué plus haut celle de Brugia et

Marzocchi. Quant aux autres théories, nous ne ferons que les signaler et

les critiquer en quelques mots.'

I. Certaines stéréotypies sont des actes réflexes (Binder). Mais un acte

réflexe est « une excitation périphérique d'un nerf sensible qui détermine

un mouvement de réponse ». Or, les stéréotypies ne sont certainement

pas dues toujours aux organes périphériques, ni à la moelle. Elles sont

ordinairement d'origine centrale. Donc elles ne sont pas des actes réflexes

II. Les stéréotypies sont des actes ataviques, Ilicci, Mondio se basent,

pour appuyer leur dire, sur quelques faits rappelant les phénomènes

propres aux animaux, aux sauvages, aux enfants (attitude, dandinement,

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES STÉRÉOTYPIES. 493

Nous voyons qu'en réalité, elles se produisent assez tard

dans le cours de la maladie. Ce fait s'explique assez facile-

ment. Au début des différentes psychoses, les malades peu-

vent avoir une conscience, une volonté amoindries, ilestvrai,

mais encore suffisantes pour empêcher les stéréotypies. Plus

tard, il n'en est plus de même. Les malades tendent vers la

démence : ils ont alors une vie intellectuelle de plus en plus

restreinte, ils n'ont plus d'états de conscience complète :

l'habitude, seconde nature, tient lieu de volonté et de raison

les actes, les mouvements pour boire, manger, aller, venir se

reproduisent par simple habitude, sans que rien vienne faire

échec à leur répétition.

En résumé, c'est vers la fin de la maladie mentale que les

stéréotypies apparaissent. Il faut donc qu'il existe un certain

état d'affaiblissement des facultés psychiques pour qu'elles

se produisent..

Cette considération incline déjà à faire penser qu'on peut

les rencontrer dans des états vésaniques autres que les

délires systématiques. Si l'étude de ces derniers est plus

propre à faire pénétrer leur origine, leur mode de dévelop-

pement, on peut les observer cependant dans les diverses

formes de démence. C'est ainsi qu'elles ne sont pas rares dans

les démences précoces. En voici un exemple.

C... de quarante-cinq ans, entre à Bicêtre (service de M. le

D1' Séglas) le 13 juin 1900. Il est malade, nous dit son père,

depuis l'âge de quinze ans. Avant cette époque il travaillait bien,

avait eu un prix de la Ville de Paris à l'école, et avait appris rapi-

dement le métier de peintre.

A la puberté (vers quinze ans) il a eu des étouffements, sans ver-

tiges, sans cri, sans pertes de connaissance, ni attaques de nerfs. Il

semblait littéralement asphyxié Alors pour se soulager, s'asseyait

dans un fauteuil, fléchissait ou défléchissail sa tête, ou la tournait

à droite ou à gauche, en ouvrant la bouche pour mieux respirer.

répétition uniforme, rythmique de mots, de gestes). Mais il ne semble

pas qu'il s'agisse là, à proprement parler, d'atavisme. Ce qu'on retrouve

dans ces exemples, ce sont les instincts; c'est le fond -instinctif qui

réapparaît après la perte de la personnalité. '

111. Les stéréotypies nous révèlent toujours la disposition congénitale-

ment faible du cerveau de l'individu chez lequel elles se montrent. (Mon-

dio). Binder a déjà signalé avant lui la dégénérescence dans 70 p. 100

des cas. Mais dire que le cerveau est congénitalement faible n'explique

pas la production de la stéréotypie.

494 PATHOLOGIE NERVEUSE.

A ce moment, il s'agitait beaucoup, battait sa mère, faisait de

grands gestes. Il devint orgueilleux, il se trouvait mieux que tout

le monde.

Depuis trente ans, son délire a conservé à peu près,ces mêmes

caractères. Sa morgue n'a pas diminué. Lui seul est bien, intell-

gent. H parle avec quelque dédain de Gambetta, de Victor Hugo.

Le caractère hautain a amené une vraie stéréotypie d'attitude. Il se

tient assis, le buste penché en avant, la tête haute, les mains sur les

cuisses, regardant fixement son interlocuteur. Cette attitude est

toujours la même, nous dit son père, depuis qu'il est malade.

Il a aussi conservé depuis cette époque sa stéréotypie de la tête

et bien qu'il n'ait plus d'étouffements, on le voit fréquemment

tourner sa tête ou la fléchir, ordinairement assez brusquement.

Puis, au bout de quelque temps, il remet sa tête droite. Ce mou- --

vement, il ne peut l'expliquer à présent. Du reste, ce malade a tou-

jours été très réticent et se trouve maintenant dans un état de

démence manifeste.

A propos des démences précoces, il convient de citer la

catatonie, comme pouvant s'accompagner de stéréotypies.

Sans vouloir discuter la valeur ni la réalité de la catatonie,

considérée comme entité morbide, on peut pourtant étudier

les stéréotypies dans les états catatoniques. Pour la plupart,

des psychiatres, et Binder en particulier, les stéréotypies

y sont fréquentes. Mais remarquons qu'au début de l'affec-

tion, d'une part, les périodes (mélancolie, aLLonilæt, ma-

nie), sont passagères et que par conséquent les attitudes,, les

mouvements, les actes changent avec ces périodes ; d'autre

part, les gestes et les positions sont variables; c'est le

geste, la position donnée au malade-que celui-ci conserve.

Au début de la catatonie, il n'y a donc rien qui nous rap-

pelle de près la systématisation, la répétition que l'on est

habitué à trouver dans les stéréotypies. -

Il n'en est plus de même à la fin de la maladie. Là on peut

rencontrer de vraies stéréotypies. Mais alors le malade n'est

plus seulement un catatonique, c'est un dément et comme tel

il est tout à fait apte à avoir des actes stéréotypés.

Les actes stéréotypés se rencontrent aussi dans les

démences vésaniques secondaires caractérisées et même

dans ces formes d'affaiblissement intellectuel désignées sou-

vent du nom de délires systématisés secondaires, indiquant

le passage à l'état chronique e t l'acheminement à une démence

plus complète.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES STÉRÉOTYPIES. 493

Tel est le cas par exemple du délire des négations systé-

matique. Une malade de ce genre, observé par M. Séglas à

la Salpêtrière avait fini par ne plus prononcer qu'une seule

phrase absolument stéréotypée, résumant presque tout son

délire en quelques mots.

Certains de ces malades, ainsi que l'a signalé Cotard, en-

traînés par leur habitude dénégation systématique finissent

souvent par réduire tout leur vocabulaire au mot « non »

qu'ils répètent à tout propos. '

La folie d'opposition si fréquente chez les négateurs et qui

résulte d'abord chez eux de leur idée particulière, finit sou-

vent à la longue par devenir chez eux une sorte d'habitude,

en vertu de laquelle ils continuent à exécuter leurs actes

d'opposition stéréotypée sans plus même songer à en donner

une raison quelconque. Une malade de ce genre avait eu

en 1897 une conjonctivite. A ce moment elle se frottait cons-

tamment les yeux avec ses mains, en même temps qu'elle

répétait : « J'ai les yeux trop petits; je n'ai pas d'yeux... »

En 1900, elle a conservé invariablement son attitude néga-

tiviste, elle ne se laisse pas approcher, et la famille fait

remarquer que son unique préoccupation journalière, c'est

de se toucher et de se frotter les yeux 1.

Les stéréotypies sont aussi très marquées dans une autre

forme délirante qu'on pourrait rapprocher de la précédente :

les gémisseurs de Morel2. « Il se tenait habituellement assis,

la main gauche tordant convulsivement le pan de son habit.

Le bras droit continuellement en mouvement répondait au

rythme qu'il imprimait à son pied droit avec lequel il frap-

pait le sol. Les yeux étaient convulsivement fermés, il ne

desserrait pas-les dents et poussait de longs gémissements.

Lorsqu'on lui en demandait la raison, il disait : C'est pour

conserver mon allure ; il pensait que sans cela ses ennemis

avaient droit de mort sur lui. Souvent, ajoute l'auteur, ces

malades sont moins explicites et leurs actes comme leur

langage ne peuvent être .compris que de ceux [qui ont assisté

à l'évolution du délire ». Tel est le cas d'un malade du service,

qui réalise bien le type du gémisseur tel que l'a décrit Morel.

1 De Sanctis. Idées de négation. (Il Manicomio mode1'llo. Année XVI,

n°3).

' Morel. Traité des Maladies mentales, p. 360.

496 PATHOLOGIE NERVEUSE

André L..., âgé de cinquante-six ans, mécanicien entré à

Bicêtre le 25 novembre 189S.

Antécédents personnels. Etant enfant, il était comme somnam-

bule, se promenait la nuit. Toute sa vie, il aurait eu de l'ané-

mie et des faiblesses( ? ) A la suite de discussion avec ses cama-

rades, il tombait par terre, restait sans connaissance, ne poussait

pas de cris, ne se débattait pas. Depuis quinze ans, a des maux de

tête et des bourdonnements d'oreille. '

C'etait un bon ouvrier, très sobre. Il aimait la solitude, mais il

n'était pas triste : il était simplement calme, pas exubérant. Il

était un peu méfiant, et, nous dit sa femme, « ce n'était pas un

imbécile, il aurait voulu savoir davantage; mais;ça n'entrait pas,

et il souffrait de ne pas savoir ».

Histoire de la maladie actuelle. La maladie actuelle semble

remonter déjà à quelque temps, puisque le médecin qui a rédigé

son certificat d'admission signale que « depuis cinq ans, les

craintes d'accusation auraient commencé à le hanter ». Il revenait

alors de son travail en disant qu'un tel lui avait fait ceci ou

cela.

En réalité, c'est seulement pendant l'été de 1898 que le délire

s'est quelque peu précisé. D'abord, il ne s'intéresse plus ù. ses dis-

tractions ordinaires (dessin, lecture). Puis ses camarades d'atelier

le surveillent, ils sont jaloux. Ils veulent le compromettre et lui

faire perdre sa place. Ils lui demandent des pièces pour les

cacher, l'accuser et le faire prendre.

Sa concierge aussi le regardait de travers. Il ne voulait plus du

lait qu'elle lui apportait, disant : « Je n'en veux pas, elle met

quelque chose dedans ». Il prétendait aussi qu'il y avait quelque

chose dans les murs, que les voisins l'écoutaient, le surveillaient.

Pas d'hallucinations vraies de l'ouïe ou de la vue. Il disait : « Je

ne sais pas ce que j'ai dans la tète. Je me figure tout cela, je ne

peux m'en empêcher ». -

Quelques jours seulement avant son entrée (c'est alors qu'il a

quitté son travail), il a commencé à dire qu'il était criminel, qu'il

allait être exécuté. D'après sa femme, le crime dont il s'accuse

serait d'avoir vécu avec la femme de son frère, au retour du régi-

ment. Il a eu alors des idées de suicide. Il refusait la nourriture

pour mourir. Il voulait s'asphyxier avec sa femme et celle-ci croit

qu'il l'aurait fait, si elle avait consenti. Il a essayé une fois de

s'étrangler avec un foulard.

C'est alors qu'il est entré à Bicêtre; aptes son entrée, il se

montre tantôt déprimé, tantôt anxieux, manifestant des idées de

culpabilité prédominantes, des tendances au suicide ». Peu à peu,

il s'est mis à gémir et actuellement voici son état : Lorsqu'il est au

repos, on le trouve blotti dans un coin, assis sur sa chaise, le

visage caché dans ses mains,' les traits semblant pleurnicher et

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES STÉRÉOTYPIES. 497

continuellement en train de gémir « Mon Dieu ! que je suis mal-

heureux ! » Cette plainte revient uniforme, toujours émise dans

les mêmes termes, sur un ton et avec un rythme invariables.

Le jour comme la nuit, notamment, ces paroles reviennent.

Lorsqu'il descend dans la cour de l'hospice, il s'arrête dans

l'escalier, se met dans un coin et répète son antienne.

Arrivé dans la cour, il se sépare des autres malades. Jamais il

ne leur a causé. Il va se placer devant la provision de charbon, et

là, marche rythmiquement, accompagnant chaque pas de sa

plainte « Mon Dieu ! ah ! mon Dieu ! a - Son anxiété est perpé-

tuelle ; elle a résisté à la thérapeutique ordinaire. Sans cesse, il

semble pleurer, mais on n'a jamais vu couler une seule larme.

Quand on l'interrogeait au commencement de 1900, on obtenait

encore quelques mots d'explication, se rapportant plus ou moins

à son délire et particulièrement à une histoire de filière qui s'est

passée à l'atelier et qui n'a pu être bien élucidée. Actuellement

il est très affaibli, ne répond plus aux questions qu'on lui pose

que par ses exclamations stéréotypées. Il ne s'occupe plus de rien;

on est même. obligé d'aller le chercher pour le faire manger.

Les stéréotypies pouvant se produire dans les cas oit il y a

de l'affaiblissement psychique, on ne sera pas étonné d'en

trouver chez les paralytiques généraux 1. En fait elles y sont t

assez rares. Les caractères du délire, sa variabilité, sa diffu-

sion, ses contradictions perpétuelles empêchent leur produc-

tion. Toutefois on peut en rencontrer surtout au début de la

paralysie générale. Déjà, M. E. Brissaud2 avait dit : « Parmi

les spasmodiques à simple torticolis, à renversement de la

tête en arrière, à convulsions qui ne sont ni toniques, ni clo-

niques, méfiez-vous, quand ils font preuve d'un état mental

défectueux, de quelque chose de bien plus redoutable que le

phénomène en soi, les accidents appartiennent en effet, par-

fois à la période prodromique de la paralysie générale pro-

gressive. »

M. Séglas a publié une observation de stéréotypie (tic

aérophagique) survenue au début d'une paralysie générale.

Voici une autre observation recueillie également dans le ser-

vice de M. Séglas.

Eugène C..., tonnelier, quarante-huit ans, entré à Bicêtre le

12 septembre 1900.

' Knecht, cité par Binder.

1 E. Brissaud. Leçons sur les maladies nerveuses, faites à la Salpê-

trière, 1893-94. 21' leçon. 0. Doin, Paris, 1895.

Archives, 2' série, t. XII. ' 32

498 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Le début de l'affection est assez mal 'déterminé. En tous cas,

quatre mois avant son entrée, il a été enflé pendant huit jours, son

ventre et ses jambes étaient gros et c'est alors qu'il prétendit avoir

une grosse tête, répétant qu'il lui faudrait un chapelier spécial.

Vers la fin de. novembre, c'est-à-dire deux mois après son

entrée, il s'est mis à exécuter des mouvements bizarres, au pre-

mier abord. Ces mouvements étaient localisés à la tête. Le plus

fréquent est celui de la déflexion. Il jette sa tête en arrière, de

sorte que sa face regarde en haut. D'autres fois, cela dépend des

jours, il fait des mouvements de latéralité. En tous cas, dès que la

projection de la tête en arrière ou de côté s'est accomplie, il replace

sa tête dans la position directe. Pendant toute la durée du mou-

vement, les yeux sont fixés au plafond.

Les mouvements sont exécutés brusquement et rapidement,

mais ils ne sont pas spasmodiques. Il semble plutôt qu'ils sont

exécutés au commandement. Et en fait, le malade paraît se les

commander. On l'entend constamment répéter les paroles sui-

vantes : « En haut, tout en haut la tête, restez debout. Tout votre

gros corps debout. Ne vous occupez pas de la tête. Elle est re-

montée. Laissez les gros pieds en bas. Laissez votre corps blanc-. »

Chaque membre de phrase est répété un certain nombre de fois,

surtout : « En haut, tout en haut, la tête », qui revient constam-

ment et qui est répété vingt fois de suite.

Ces paroles sont dites sur le même ton, en accentuant surtout

la dernière syllabe. Il semble réciter une litanie. Il y a une cer-

taine coïncidence entre les paroles qu'il murmure et son mouve-

ment de la tête. Mais cette concordance n'est pas absolue. On ne

peut l'arrêter quand on le désire. Quand on lui demande la raison

de ce mouvement, il répond : « C'est que ma tête est trop

grosse ». D'autres fois, il ne répond pas.

De temps en temps, il passe sa main sur sa nuque, caresse ses

cheveux. Quand on lui en a demandé la raison, il avait dit « qu'il

avait une petite tête par derrière » et l'on avait cru comprendre à

ses explications qu'il faisait son mouvement pour regarder « sa

petite tête ». Nous n'avons pu obtenir de réponse catégorique

pour cè mouvement qui se répète encore fréquemment.

Quoi qu'il en soit, il nous semble qu'il s'agit bien là de

stéréotypies. Jusqu'à présent, nous avons vu que les stéréo-

tpyies se produisaient chez des malades dont les fonctions

intellectuelles sont très amoindries. Cette baisse intellec-

tuelle n'a pas besoin d'être, si considérable pour que sur-

vienne une stéréotypie.

C'est ainsi qu'on peut en rencontrer au cours de certaines

obsessions, en particulier dans la folie du doute (bien que le

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES STERÉOTYPIES. 499

cas soit assez rare), lorsque la maladie dure déjà depuis

longtemps. Cette stéréotypie, provoquée d'abord par l'idée

obsédante, finit par faire en quelque sorte corps avec elle, à

tel point qu'elle peut s'y substituer et revêtir elle-même les

caractères de l'obsession, si l'on vient par hasard à mettre

obstacle à son exécution.

M. Séglas nous a communiqué le fait d'une malade, atteinte z

de folie du doute se manifestant à propos des moindres actes

de la vie journalière. Cette dame avait habité un appartement

exposé au soleil. Le moindre rayon de soleil sur les meubles

ou tentures lui était insupportable. Aussi prend-elle l'habi-

tude de fermer toutes ses fenêtres d'une certaine façon. C'était,

là pour elle une obsession tyrannique etla moindre variation'

dans la fermeture de ses fenêtres la plongeait dans un état

émotif des plus pénibles, qui prenait seulement fin alors que

les volets se trouvaient remis dans leur position immuable.

Cette malade vint à changer d'appartement. Elle va habiter

dans un autre, où le soleil ne vient pas la gêner. Malgré cela

elle continue à fermer ses fenêtres exactement de la même

façon qu'auparavant, par une sorte d'habitude machinale et

sans y réfléchir. Mais si on. venait par hasard à contrarier

cette habitude, elle se sentait de nouveau angoissée jusqu'à

ce qu'elle eût été satisfaite.

D'autres fois, la stéréotypie est constituée par un de ces

« trucs » grâce auxquels les malades réagissent contre l'obses-

sion, et qui finissent à la longue par les remplacer.

Les faits do ce genre paraîtront moins exceptionnels si

l'on réfléchit que la stéréotypie peut se retrouver en dehors

du domaine pathologique, dans le simple lie d'habitude.

Que de gens ne peuvent faire un discours sans y intercaler

des interjections diverses, certains mots, certaines expres-

sions ! D'autres lèvent ou abaissent leurs bras, balancent leur

tronc ou leurs membres toute la journée. D'autres sifflent

presque continuellement. « On peut dire sans être taxé d'exa-

gération qu'il n'est personne qui n'ait dans le commerce

ordinaire de la vie un geste habituel, un mouvement de pré-

dilection'. » Brugia etllarzocchi ont dit que ces mouvements

ne se produisaient que chez des gens tarés, débiles cérébra-

lement, chez lesquels le pouvoir inhibitoire serait moins

1 M. Letulle. Aiticle Tic, in Nouveau Dictionnaire de méd. et de c7tir.

prraliques (Dictionnaire JaCCOUd;, t. XXV. 13a118re, Paris, 1883.

500. PATHOLOGIE NERVEUSE.

énergique que normalement, qu'ils étaient une sorte de dé-

charge, de la tension nerveuse accumulée dans certaines

zones encéphaliques et que leurproduction semblait apporter

un soulagement aux opérations intellectuelles, en dispersant

ainsi la tension nerveuse. Mais aucune preuve n'est venue

confirmer ces dires, qui, du reste, sont assez difficilement

concevables. Aussi ne croyons-nous pas que l'origine de ces

mouvements doit être cherchée là.

. Comme M. Letulle l'a fait remarquer, à l'origine ces tics

dans leur complexité ». Bientôt ils deviennent inconscients.

« C'est ainsi que par transitions insensibles, le geste habituel

et voulu tourne au tic coordonné, systématique et entre de

plein-pied dans la pathologie ». Donc, ces tics d'habitude

sont coordonnés, se répètent toujours de la- même façon,

sont conscients et volontaires au début et ne deviennent

inconscients que dans la suite. Parfois, ils sont quelque peu

spasmodiques, mais souvent ils ne présentent pas ce carac-

tère. Ce sont donc bien des stéréotypies survenues chez des

personnes saines.

'. De tout ce qui précède, il résulte que les stéréotypies se

voient surtout dans les délires systématiques, évoluant dans

ces cas parallèlement au délire. Mais on peut les rencontrer

encore chaque fois que les facultés intellectuelles s'affaiblis-

sent dans les démences diverses.-Plus rarement les stéréo-

typies se montrent en dehors de la démence dans des états

d'asthénie, de déséquilibration psychique tels que ceux qui

servent de substratum aux obsessions. Enfin on les ren-

contre à l'état normal dans les tics d'habitude.

- IV. Considérées en elles-mêmes, d'une façon objective,

dans leurs manifestations extérieures, les stéréotypies pré-

sentent des ressemblances avec d'autres' phénomènes con-

nexes, avec lesquels il faut faire le diagnostic.

Nous éliminerons d'abord les mouvements athétosiques.

Évidemment la différenciation est facile lorsqu'il s'agit de

contractions lentes, monotones, régulières, limitées aux

mains et aux pieds. Lorsqu'au contraire les mouvements athé-

tosiformes sont généralisés, ils peuvent être pris pour des

stéréotypies. Mais ils s'en distinguent parce que l'athétose

est en général liée à d'autres symptômes moteurs ou surtout

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES STÉRÉOTYPIES. 501

sensitifs (hémianesthésie) indiquant des lésions cérébrales,

parce que la volonté ne peut les arrêter à aucun moment,

pas même à leur apparition, et enfin parce que ordinairement

les mouvements athétosiques ne revêtent pas la forme de

mouvements intentionnels. ,

Ce sont ces mêmes caractères qui servent à différencier

les stéréotypies des tremblements. Il est vrai toutefois qu'on

a vu des tremblements sans qu'il y ait de lésions cérébrales

et qui sont dus à une idée fixe ou à une idée délirante cons-

ciente ou subconsciente. Mais, dans le premier cas, il est

rare qu'ils aient la longue durée des stéréotypies; et dans les

deux cas, ils ne ressemblent pas comme forme aux mouve-

ments stéréotypés.

Les différentes myoclonies, en particulier le tic convulsif,

sont d'une différenciation facile, ne serait-ce qu'en raison de

leur caractère nettement spasmodique. Quant aux 1'aptus

intp2clsi's,,ils se différencient facilement des stéréotypies.

.Ce sont des mouvements ou des actes brusques, explosifs,

se produisant soudainement par l'effet d'une force intérieure

irrésistible qui oblige l'individu à accomplir l'acte. Ils n'ont

d'ailleurs ni la fréquente répétition, ni la durée des mouve-

ments stéréotypés.

Dans ces'différentes hypothèses, le diagnostic est très facile.

Voici maintenant des cas où il est déjà plus difficile.

Un paralytique général mâchonne ou grince des dents.

Son mâchonnement, son grincement de dents sont perma-

nents. Ils se répètent toujours de la même façon. Un idiot

balance son corps toute la journée, pendant des mois et des

mois, exécutant constamment un mouvement identique. Un

confus ou un maniaque frotte perpétuellement sa cuisse avec

sa main. S'agit-il de stéréotypies dans ces différents cas ?

Oui, dit Ricci, qui place le grincement de dents des para-

lytiques généraux et les mouvements automatiques des idiots

dans les stéréotypies. Pour notre part, nous ne le croyons pas.

Ces mouvements répondent bien en effet à la première partie

de la définition que nous avons donnée plus haut : ils semblent

coordonnés, ils n'ont rien de convulsif, ils ont l'apparence

d'actes intentionnels; ils se répètent longtemps, fréquem-

ment, toujours de la même façon. - Mais ces actes n'ont

jamais été conscients, ni volontaires. Les malades n'ont

jamais su la raison pourlaquelle ils les exécutaient;' d'emblée

502 PATHOLOGIE NERVEUSE.

ils ont été automatiques. Par là le grincement de dents du

paralytique général, le tic de l'idiot, l'automatisme moteur

des confus et des maniaques se séparent des actes stéréo-

typés, qui sont, eux, des actes automatiques secondaires

(Ilartley). -

Après avoir éliminé ces diagnostics qui sont en somme

faciles, il nous reste à aborder des points plus délicats, les

mouvements automatiques des hystériques, des épileptiques

et enfin les tics mentaux.

Chez l'hystérique, c'est surtout dans les chorées et dans

certains tics qu'on peut rencontrer des mouvements pouvant

en imposer pour des [stéréotypies. En réalité, ils s'en distin-

guent cliniquement et psychologiquement.

Cliniquement en effet, il y a chez l'hystérique de longues

périodes sans aucun mouvement, fait rare dans les stéréoty-

pies ; en second lieu, les mouvements choréiformes rythmi-

ques ou les tics se trouvent presque toujours chez des hysté-

riques ayant des stigmates ; de plus ces mouvements se pro-

duisent ou tout au moins s'exagèrent sous l'influence de cer-

taines conditions : émotions, bruits, etc. La volonté du sujet

d'ailleurs amoindrie, est le plus souvent impuissante à les

réfréner ; beaucoup d'entre eux enfin revêtent un caractère

spasmodique évident.

Psychologiquement les tics et les chorées hystériques dif-

fèrent encore des stéréotypies. Ces manifestations hystéri-

ques se rattachent souvent à une idée fixe subconsciente. Or

il importe à ce propos de se rappeler les caractères de la

division de la conscience telle qu'on l'observe dans l'hystérie

Les études récentes de M. Pierre Janet montrent que les

phénomènes psychologiques se séparent alors nettement en

plusieurs groupes indépendants l'un de l'autre, produisant

ainsi une division de la conscience- de caractère permanent

et complet. Les idées parasites, qui figurent à l'origine de

.certains symptômes physiques, se développent complètement

à l'abri du contrôle de la conscience personnelle. Elles ne

sont pas exprimées, ni même connues du sujet qui ne com-

prend et n'assimile que les actes, tics ou mouvements divers

. auxquels elle peut donner naissance sans pouvoir s'expli-

quer l'origine et la raison d'être de ces actes.

Bien qu'il existe réellement, lorsqu'un tic se produit chez

un hystérique, un lien intime entre ce tic et une idée déter-

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES STÉRÉOTYPIES. 503

minée, la scission du processus psychique en deux parties se

présente comme complète ; il y a formation de deux synthèses

psychiques de caractère différent, dont l'une seule est enre-

gistrée dans la conscience personnelle : c'est la manifesta-

tion extérieure de l'idée fixe. Cette idée fixe, au contraire,

reste subconsciente, ignorée du sujet..

Les considérations dans lesquelles nous sommes entrés

précédemment, montrent combien ce processus psycholo-

gique diffère de celui des stéréotypies, phénomènes d'auto-

matisme secondaire dont l'évolution se fait en deux temps.

Dans un premier temps une idée déterminée, dont le sujet a

conscience provoque l'exécution d'un mouvement, d'un acte

également conscient, voulu, systématique. Dans un second

temps, l'idée première s'efface, elle n'est plus nécessaire à

l'exécution de l'acte ou du mouvement qui continue à s'ac-

complir par une sorte d'habitude, sous une forme désormais

immuable, automatique et stéréotypée.

Le diagnostic des stéréotypies peut encore être fait avec

certains symptômes, se rattachant à l'épilepsie. Tout d'abord

on pourrait faire remarquer que chez le même épileptique,

toutes les crises se ressemblent : l'aura est presque toujours

le même, la généralisation des mouvements se fait d'une

façon identique, les stades toniques et cloniques ont presque

toujours une grande similitude dans les différents accès ainsi

que les actes ou mouvements automatiques accomplis dans

la période d'hébétude qui suit le vertige ou l'accès (épilepsie

procursive par exemple). Mais évidemment dans ces cas on

ne peut pas dire qu'il s'agit de stéréotypies au sens ou nous

avons défini le mot. On peut pourtant citer quelques cas plus

voisins des stéréotypies. Tel est le suivant. dû àM.Jofl'roy1 :

« Une malade avait dans ses accès, outre la pâleur, des mou-

vements volontaires du bras droit. C'était une cuisinière et

lorsque je lui demandai : «Que faites-vous ? », elle me répon-

dit : « Je plume mon poulet », une autre fois « J'écaille mon

poisson ». Il nous suffira de rappeler en pareil cas l'obnubi-

lation de la conscience propre à tous les phénomènes de

nature comitialeet regardée d'.ordinaire comme la caractéris-

' Joffroy. Annales médico-psychologiqlles. Paris, 1894. C. R. de la

Société médico-psychologique. Séance du 28 mai 1894, t. XX. 7° série,

p. 123.

504 - PATHOLOGIE NERVEUSE. '\

tique de l'acte épileptique. Des mouvements de ce genre, se

produisant en rapport avec la décharge comitiale, semblent

inconscients ou tout au moins subconscients d'emblée et ne

peuvent être, pour ces raisons, confondus avec les stéréoty-

pies.

Il nous reste à éliminer les diagnostics les plus difficiles,

les tics et les spasmes. Nous avons parlé plus haut des tics

d'habitude. Il nous reste àparler des tics dits mentaux. « Le

tic, a dit Charcot, est une maladie psychique. Il y a des tics

de la pensée qui se traduisent par des tics du corps... Les

tics sont des mouvements systématisés, qui reparaissent

toujours les mêmes chez les mêmes sujets, et de plus fort

souvent au moins, reproduisent en les exagérant cependant

certains actes automatiques d'ordre physiologique appliqués

a un but fonctionnel ». « C'est un acte automatique coor-

donné », dit M. Brissaud 1. On voit par ces définitions qu'il y

a les plus grandes ressemblances entre les tics et les stéréo-

typies. Cette similitude est d'autant plus accentuée que sou-

vent sous le tic mental, il y a une idée inconsciente qui fait

exécuter le mouvement. - Mais faisons remarquer que,

d'abord, en règle générale, les tics mentaux peuvent être

arrêtés par des efforts d'attention et de volonté, si toutefois

le malade veut bien s'appliquer, et c'est même là la base

d'un traitement psychothérapique souvent utile et efficace.

Citons en passant le résumé d'une observation de M. Fein-

del 2. Il s'agit d'un garçon d'office de trente-deux ans qui

depuis sept mois éprouve des douleurs dans la nuque, trou-

blant son sommeil et l'ennuyait beaucoup. Aussi y pensait-il

beaucoup. Un mois avant son entrée à l'hôpital, il prit l'ha-

bitude pour « reposer sa tête » de la tourner de temps en

temps à gauche. Le malade affirme que les mouvements de

rotation furent d'abord voulus et qu'il les accomplissait

par ce qu'il éprouvait un grand [soulagement. Dans l'espace

d'un mois, le tic enestarrivé à sereproduire involontairement

et constamment. Il consiste en un mouvement de rotation

de la tête à gauche. En un mois et demi le traitement psy-

chothérapique a amené la guérison. :

' 13rissaud. Loco citato, p. 502. -

1 E. Feindel. Gaz. hebdom. de méd. et de chir. 20 février 9895, n° 15,

p. 169.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES STÉRÉOTYPIES. 505

Les stéréotypies, au contraire, ne peuvent pas s'amender.

Elles se simplifient parfois par suite de leur longue durée ou

diminuent de fréquence, mais une fois. qu'elles sont passées

à l'état d'habitude, elles persistent d'une façon indéfinie.

Voilà déjà un premier caractère différenciant le tic de la

stéréotypie : il y en a un deuxième. Le tic, en effet, est tou-

jours spasmodique. « C'est une variété du genre spasme »,

a dit M. Brissaud. Or, par définition les mouvements stéréo-

typés ne le sont pas. Ils pourront bien s'accomplir rapide-

ment, avec une certaine vivacité; ils n'auront jamais le

caractère réflexe, convulsif du tic ou du spasme ^vrais. Par

conséquent quelque ressemblance que présentent les stéréo-

typies avec les tics ou les spasmes, ils diffèrent les uns des

autres : les stéréotypies sont des tics d'habitude qui ne sont

ni spasmodiques, ni améliorables par la volonté.

V. -Les stéréotypies peuvent constituer un signe pronostic

d'une certaine valeur. On conçoit en effet que survenant à..

une époque où il y a déjà un certain degré d'affaiblissement

psychique, les stéréotypies soient du. plus fâcheux auguré ? .'

elles peuvent être généralement considérées comme un si 911

de chronicité et d'incurabilité. ? ,S

Mondio prétend aussi que les stéréotypies sont dans l'étude ""

des démences des signes précieux pour nous faire diagnosti-

quer la forme de la psychose primitive, puisqu'elles sont en

rapport avec l'idée délirante dominante dans le cours de l'af-

fection. En fait, il n'en est pas ainsi, sans doute parce que

les stéréotypies sont en assez petit nombre, qu'elles ont de

grandes ressemblances entre elles, que chacune d'elles sous

la même forme peut résulter d'idées différentes et peut- être

aussi parce qu'on les observe à une période trop tardive de

la maladie, pour pouvoir préciser leur origine.

CLINIQUE NERVEUSE.

Le mutisme hystérique dans l'histoire ' ;

. Par le D' RAOUL LEROY,

Médecin adjoint de l'asile des aliénés tl'EHenx.

L'histoire de l'hystérie au point de vue documentaire s'est

enrichie depuis soixante ans d'une foule de matériaux extrê-

mement intéressants. Calmeil, Littré, Charcot, Bourneville,

Paul Richer, Gilles de la Tourette et tant d'autres ont mer-

veilleusement mis en lumière les manifestations de la grande

névrose dans la suite des temps. Grâce à ces travaux, les

maladies invraisemblables, les épidémies d'hystéro-démo-

nopathie, les guérisons miraculeuses, qui ont pendant des

siècles dérouté leurs contemporains, ne nous apparaissent

plus que comme des faits pathologiques relevant du Protée

hystérique.

Parmi les phénomènes de ce genre le mutisme est rare-

ment relaté. « Eu égard au grand nombre de malades,

hommes et femmes, atteints d'hystérie, dit Cartaz dans son

excellente monographie 2, on peut dire que le mutisme est un

phénomène relativement rare. On le trouve à peine men-

tionné dans les travaux anciens... Si l'on voulait dépouiller

toutes les observations de névrose hystérique, si l'on cher-

chait dans les documents historiques, on trouverait à coup

sûr un plus grand nombre de faits qui répondent aux carac-

tères de ce syndrome clinique. » -

1 Les faits relatés ici n'ont pas la valeur d'une observation médicale, il

y manque des détails fort importants que nous aurions besoin de con-

naître pour faire un diagnostic rétrospectif certain. Notre unique but est

de consigner dans ces notes quelques cas intéressants, peu ou pas

connus, antérieurs au xixe siècle et que l'on peut considérer avec la plus

grande vraisemblance comme des syndromes hystériques.

' Cartaz. Du mutisme hystérique. (Progrès médical, 1886.)

LE MUTISME HYSTÉRIQUE DANS L'HISTOIRE. 507

D'après Landouzy 1, Hippocrate aurait observé le mutisme

hystérique. « La femme de Polémaque, ayant une affection

arthritique, éprouva une douleur subite de la hanche, les

règles n'étant pas venues; ayant bu de l'eau de bettes, elle

fut sans voix toute la nuit jusqu'au milieu du jour; elle

entendait, comprenait, elle indiquait avec la main que la

douleur était à la hanche2 ». -

La plupart des traités classiques citent l'histoire du fils

de Crésus racontée par Hérodote. Crésus avait un fils doué

des plus brillantes qualités mais muet. Tous les remèdes

s'étaient montrés impuissants pour le guérir. Or Crésus,

vaincu par Cyrus, allait être égorgé par un des soldats victo-

rieux lorsque son fils, effrayé du danger qu'il courait, recou-

vra brusquement la parole, en s'écriant : « Soldat, ne tue pas

Crésus 3 ».

Valère Maxime fait mention d'un lutteur nommé Eglis, de

l'île de Samos, qui était muet. A la suite d'une victoire dont

on lui refusait injustement le prix, cet homme fut si indigné

qu'il proféra tout à coup d'amères récriminations, à la grande

surprise des personnes qui connaissaient son infirmité. Il

continua, dès lors, à pouvoir s'exprimer ?

Nous avons recherché dans les auteurs du XVIe, du hvli°

et du XVIIIe siècle les cas que l'on peut rattacher au mutisme

hystérique. Les livres du XVIe siècle ne nous offrent aucun

fait intéressant à ce sujet, l'ouvrage d'Ambroise Paré, si

riche en curiosités médicales, ne présente rien à signaler.

Avec le xvite siècle, nous nous trouvons en présence d'un

certain nombre d'observations importantes. L'une d'elles

nous semble assez intéressante pour que nous la rapportions

intégralement. Il s'agit d'un homme atteint de surdi-mutité

hystérique, affection très rare, d'après M. Gilles de la Tou-

rette qui dit à ce propos : « Les cas^de surdi-mutité hystéri-

que sont peu nombreux puisque Lemoine, qui ignore le cas

de Mendel, paraît n'en avoir pas rencontré dans la littéra-

ture b ». 1

, Landouzy. Traité de l'hystérie, 18\6.

, Hippocrate, Epidémie, livre V.

3 Hérodote, liv. I.

. Valère Maxime, liv. 1, cl1ap. vin.

5 Gilles de la ïourette. Traité clinique et thérapeutique de l'hystérie,

tome II.

508 ' . CLINIQUE NERVEUSE.

Perte de l'ouïe pendant deux ans et de la parole pendant quatorze

recouvrées subitement. -

On ne saurait trop admirer les ouvrages du Tout-Puissant au

sujet du corps de l'homme ; car s'il est sujet à des maladies nom-

breuses et chroniques, Dieu sait les guérir subitement et à l'im-

proviste, quand il lui plaît, quoique par des moyens naturels. Nous

en avons un exemple frappant dans l'observation suivante qu'un

médecin de mes amis avait apprise de son frère.

Un paysan, âgé de quarante ans, appelé Gilbert, était devenu

sourd et muet. Comme ce pauvre homme n'était pas fainéant,

une veuve qui avait l'oreille un peu dure en eut pitié et le retira

chez elle pour y travailler. 11 aimait à s'occuper et faisait exacte-

ment tout l'ouvrage de la maison.

Après deux ans de travaux et de peines, un jour qu'il faisait un

fossé, il entendit le son d'une cloche ; ce qu'il faisait connaître à

ses camarades en frappant avec ses doigts. Depuis ce temps-là, il

continua de bien entendre.

Douze ans après, étant sorti avec quelqu'un de ses camarades

le 12 avril 1680, le jour des Rameaux, la servante de la maison,

ferma la porte à son ordinaire, croyant qu'il était rentré et elle

s'en alla coucher. Celui-ci étant arrivé trop tard, et trouvant la

porte fermée, se retira dans la maison voisine et se coucha dans

un grenier à foin. On le pria d'éveiller de bonne heure les domes-

tiques le lundi pour aller au marché. Gilbert donc étant couché

dans ce grenier, entendit une voix, à ce qu'il raconta, ou rêva

d'avoir entendu ces paroles : « Gilbert, lève-toi et parle ». 11 se

leva, alla frapper trois fois à la porte de ce voisin, chez qui il

était, sans qu'on lui répondît. Il alla frapper à celle de sa mai-

tresse ; la servante, qui s'éveilla, demanda qui c'était ? Il répondit

« C'est. Gilbert, Dieu m'a rendu la parole. » Cette fille croyant que

c'était des libertins ne voulut point ouvrir, cela l'obligea à retour-

ner d'où il venait. La femme, qui se levait alors pour aller au

marché, entendit du bruit devant la porte et y courut et, enten-

dant prononcer un nom qu'elle connaissait, dit : C'est toi Gilbert

et tu parles », il répondit en l'embrassant : « c'est Dieu qui m'a

rendu la parole, qu'il soit loué et glorifié ». Cette femme était si

étonnée qu'elle ne pouvait parler. Mais étant revenue de sa sur-

~ prise, elle lui demanda comment il avait recouvré l'usage de la

parole. Il lui raconta ce qui s'était passé. Le temps de partir pour

cette femme étant venu, Gilbert alla au mari pour lui faire part

de son bonheur.

Gilbert épousa la servante avec qui il avait demeuré si long-

temps. 11 devint valétudinaire et vécut peu de temps marié. Il

mourut au mois de mars de l'année 1G81. , ·

LE MUTISME HYSTÉRIQUE DANS L'HISTOIRE. 509

On ne saurait douter de la véracité de cette histoire puisque,

dans le besoin, cent personnes l'attesteraient véritable 1.

Personne ne peut mettre en doute aujourd'hui la bonne

foi de l'observateur, mais il est inutile de faire intervenir la

divinité dans cette guérison, si extraordinaire puisse-t-elle

paraître. Le paysan Gilbert était très vraisemblablement

atteint de surdi-mutité, puis de mutité hystérique. Les acci-

dents de cette nature se prolongent pendant des années sans

amener aucune altération dans les organes. Puis un jour ou

l'autre, brusquement, sous l'influence d'une vive émotion,

d'un traumatisme, d'une contrariété ou d'une cause inconnue,

ils peuvent disparaître instantanément sans laisser de traces.

La guérison semble être survenue ici à la suite d'un rêve,

cela se voit quelquefois. Indépendamment de la coexistence

pendant deux années de la surdité et du mutisme hystérique,

cette observation est remarquable par la durée du mutisme

qui est de quatorze années. Les cas de mutisme les plus

prolongés cités par les auteurs'sont ceux de Pitres, dix ans, et

de Sédillot, douze ans. - .

Il est curieux de transcrire l'explication que donne de cette

guérison le médecin du xvne siècle. -

Ne peut-on pas attribuer le rétablissement de l'ouïe aux efforts

que faisait Gilbert en creusant la terre. Le mouvement, qu'il se

donnait en travaillant, agitait le sang, le brisait, le rendait plus

fluide et les nerfs auditifs n'ayant plus que des esprits affinés, se

trouvèrent désobstrués et si ce paysan entendit avant que de parler,

c'est parce que l'obstruction des nerfs auditifs n'était point si

grande que celle des nerfs de la langue. C'est pourquoi la matière

visqueuse qui embarrassait le passage des esprits d'un côté a plu-

tôt été dissoute et atténuée que de l'autre.

Ce qui n'a pas peu contribué encore à lui rendre la parole,

c'est la joie qu'il avait de se trouver avec ses camarades et le vin

qu'il avait bu qui lui avait donné de la gaieté. Les esprits en

étaient devenus plus agités et plus subtils. Peut-être aussi, d'un

autre côté, se croyait-il dans son sommeil avec ses compagnons

dans quelque action violente, qui mettait les esprits en mouve-

ment (car c'est pendant le sommeil qu'ils sont en plus grande

abondance intérieurement puisqu'ils ne sont pas dissipés par les

sens externes). -

1 Observations rares de médecine, d'anatomie et de chirurgie, traduites

du latin de M. Vander-Wiel, par M. Planque, docteur en médecine, liv. II,

obs. V, 1698.

510 - CLINIQUE NERVEUSE.

On trouve dans Bartholin une histoire à peu près analogue.

L'illustre médecin danois rapporte qu'un citoyen de Copen-

hague avait perdu complètement la parole et ne pouvait plus

émettre aucun son. Quatre ans après le début de son affec-

tion, il passait'un jour sur un pont de bois qui sépare la

ville, lorsqu'il rencontra une vieille femme qu'il détestait

depuis longtemps. Plein de colère et de haine, il s'écria brus-

quement : « que le diable t'emporte ». Le son de sa voix lui

causa une émotion extrême et il fut fort mortifié d'avoir

commencé à faire usage de sa langue par une imprécation.

« Il est probable, dit Bartholin, qu'un grumeau de sang ou

une pituite épaisse s'était arrêté à l'entrée de l'artère de la

langue et avait comprimé les nerfs voisins, mais que le mou-

vement de colère,'où il s'était mis, avait agité le sang, l'avait

brisé et avait détruit l'obstacle '. » -

Cette aphonie totale, guérie subitement par un violent

accès de colère, ne peut relever que de l'hystérie. Elle répond

'à la magistrale description deCharcot : « Bien que le malade

ait conservé l'exécution intégrale des mouvements vulgaires

de la langue et des lèvres, qu'il puisse mouvoir ces organes

avec agilité dans toutes les directions de façon à souffler,

siffler, comme dans l'état normal, il lui est désormais impos-

sible d'articuler un mot même à voix basse, de chuchoter

autrement dit, et qui plus est, même en y apportant la plus

grande attention, d'imiter les mouvements d'articulation,

qu'il voit faire devant lui. Le malade est donc muet dans

l'acception la plus rigoureuse du mot, en ce sens qu'il ne

peut proférer aucune parole. J'ajouterai qu'il est plus que

muet ; car tandis qu'il est possible au sourd-muet de pousser

des cris même violents, le muet hystérique remarquez

bien ce caractère singulier est aphone le plus souvent

d'une façon absolue, au point de ne pouvoir émettre le

moindre cri 2. »

Les Ephémérides des curieux de la nature, ans IX et X,

1678 et 1679, relatent un cas de mutisme hystérique inter-

mittent remarquable par sa systématisation et sa durée.

Georges Algajer, âgé de vingt-cinq ans, perdit peu à peu la fa-

culté de parler à la suite de maux de coeur suivis' de plusieurs

' Th. Bartholin. Act. Hafnia, 1671, obs. 71.

* OEuvres complètes de J.-M. Charcot, publiées par Ilourneville, t. III

LE MUTISME HYSTÉRIQUE DANS L'HISTOIRE. 511

vomissements. L'extinction de la voix n'était d'abord que momen-

tanée, ensuite elle persista, se prolongeant davantage de jour en

jour jusqu'à une heure, trois heures, huit heures, vingt-trois

heures de suite sans régularité. Enfin le retour de la parole garda

un ordre si constant que depuis quatorze ans, le malade ne pou-

vait parler que pendant une heure, depuis midi jusqu'au commen-

cement de la première heure du soir. D'après l'auteur, il était im-

possible de tromper cet homme par la transposition arbitraire des

heures sur le cadran des horloges; quoiqu'on fit, son accès de

mutisme ne revenait jamais qu'à l'heure véritable. Pendant le

temps qu'il avait l'usage de la parole, Algajer répondait à toutes

les demandes et parlait sur tous les sujets avec netteté et préci-

sion, il lisait même à haute voix, mais dès qu'une heure de

l'après-midi était arrivée, il lui était impossible de se faire

entendre autrement que par signes.

Cette observation de mutisme intermittent est analogue à

celle très classique de Mendel, où le malade parlait tous les

jours de six heures à neuf heures du matin et restait muet

tout le reste de la journée'.

La collection de l'Histoire de l'Académie royale des

Sciences contient un certain nombre de faits du même genre.

Voici un cas intéressant datant de 1700. -

Une fille, âgé de vingt à vingt-deux ans, d'un bon tempérament,

après une fièvre intermittente qu'on arrêta par les remèdes or-

dinaires, fut attaquée d'une extinction de voix qui lui dura saut

interruption pendant un an et demi. Les remèdes qu'on a cou-

tume de faire pour cette incommodité ne la soulagèrent pas; seu-

lement quand on lui faisait prendre le demi-bain, elle recouvrait

quelquefois la parole dans l'eau, mais avec beaucoup d'enroue-

ment. Quand elle avait la fièvre, elle parlait dans le chaud. M. Le-

mery, qui avait ordonné plusieurs remèdes qui délivrèrent la

malade de quelques incommodités restées après la fièvre mais

non pas de son extinction de voix, en ordonna un, presque par

hasard, qui fit un effet étonnant. Ce furent des herbes vulnéraires

en guise de thé.

Dès qu'elle en eut pris la première fois, sa voix revint pour une

demi-heure, puis s'éteignit de nouveau. Mais en continuant l'usage

de cette infusion soit chaude, soit froide, elle fit revenir sa parole

peu à peu de sorte qu'elle ne la perdait plus que le soir, principa-

lement si elle se promenait au frais, mais enfin dans ce cas-là

même, elle en était quitte pour prendre deux cuillerées de ses

vulnéraires. A peine a-t-elle cessé de boire qu'elle parle.

1 Pitres. Leçons cliniques sur l'hystérie et l'hypnotisme, t. I.

512 CLINIQUE NERVEUSE.

- On a cru que la vertu des vulnéraires pouvait n'être que celle

de l'eau chaude, mais elle a bu plusieurs fois de l'eau chaude

inutilement. Les décoctions d'herbes qui abondent en acides et

même le café, le chocolat, la salade, les fruits crus, le poisson, la

soupe maigre, le trop d'intervalle entre le temps où elle mange

lui éteignent la voix. La viande, le lait ni le vin ne font point cet

effet. Elle porte toujours une bouteille de son infusion de vulné-

raire, pour s'en servir dans l'occasion et elle dit qu'elle a sa voix

dans sa poche '. -

Cette observation de Lemery père conduisit plus tard

son fils à employer le même traitement dans le cas suivant.

Le résultat fut également excellent, et il est bien permis de

penser que la suggestion seule avait occasionné ces deux

cures merveilleuses de mutisme. 1

Une fille âgée de vingt-quatre ans est sujette depuis l'âge de

seize ans à une extinction de voix qui lui prend dans le temps de

ses règles et lui dure deux ou trois jours, pendant lesquels elle

use fréquemment d'une tisane de chiendent et de coquelicot. Cette

boisson humecte la poitrine qui en a grand besoin, mais sans lui

rendre la voix qui ne revient que quand les règles sont passées et

parait revenir d'elle-même. Un coup qui lui cassa le bras dans le

temps de ses règles et un chagrin vif qu'elle eut en même temps

les arrêtèrent et lui causèrent des étouffements et des vapeurs vio-

lentes. Elle en fut guérie par un grand nombre de saignées du

bras, du pied, par l'émétique et parplusieurs médecins, mais l'effet

de tous ces remèdes fut suivi d'une extinction de voix continue. A

peine se faisait-elle entendre quoiqu'on approchât l'oreille tout

près de sa bouche ; pour peu qu'elle parlât elle en était si fatiguée,

qu'elle était obligée de s'arrêter, elle sentait un poids considé-

rable à la région de l'estomac et elle ne pouvait se donner le moin-

dre mouvement sans perdre presque la respiration. Elle était bien

réglée, mais toutes ses incommodités redoublaient dans ce

temps-là. Du reste elle avait le visage bon, de l'appétit et faisait

bien toutes les autres fonctions.

Cet état dura trois mois malgré tous les remèdes qu'on put

imaginer. Enfin M. Lemery, sur l'exemple d'une pareille observa-

tion rapportée en 1700 et guérie par feu monsieur son père avec

des vulnéraires pris en infusion, en ordonna à la malade. Dès

qu'elle eut pris une seule tasse, sa voix revint forte et vigoureuse et

telle qu'elle était avant la maladie ; plus d'oppression ni de diffi-

culté d'agir et de se mouvoir et une circonstance singulière qui

accompagpa encore une guérison si subite, c'est que le poids que

1 Histoire de l'Académie royale des Sciences, 1700.

LE MUTISME HYSTÉRIQUE DANS L'HISTOIRE. 513

cette fille se sentait à l'estomac, elle le sentit dans le moment se

précipiter sur le nombril où il s'arrêta '.

\

Avec le xviiie siècle nous rencontrons du reste des docu-

ments de plus en plus nombreux. Bonet raconte qu'un pas-

teur se trouva muet en sortant d'un profond sommeil et que

quatorze jours après, rêvant qu'il se noyait et appelait au

secours, le malade s'éveilla dans ce trouble et se servit de sa

propre voix pour rendre grâce à Dieu2. N'est-ce pas là un

cas semblable à celui de Bateman : un malade, aphasique

depuis six jours, se réveille un matin en criant : A )Mj ! t

ihe·ive·; il avait rêvé qu'un homme était tombé dans 1-

rivière et le choc mental produit par ce rêve avait suffi pour\

lui rendre la parole ?

Dans une lettre adressée à l'Académie des sciences*,

M. le comte de Bièvre garantit avoir observé le fait suivant :

Une paysanne du bourg de Villantrois, en Berry accoucha dans

l'été de 1737 ; mais l'arrière-faix ne vint point après l'enfant. Quel-

ques jours ensuite la parole lui manqua. Quoiqu'elle ne fût pas

délivrée, la santé lui revint et elle se remit à travailler dans son

ménage comme à l'ordinaire, à cela près qu'elle gardait un pro-

fond silence. Au bout d'un mois, il arriva un accident qui la mit

tout d'un coup dans une telle colère contre son mari, qu'elle en

recouvra la parole pour le gronder et, apparemment, il fut bien re-

pentant. Depuis ce temps elle parle aussi souvent et aussi libre-

ment qu'avant ses couches, ayant toujours son arrière-faix dans le

corps. Il y a là bien de l'extraordinaire et de plus d'une espèce.

11 semble assez vraisemblable que nous sommes ici en

présence d'un. cas de mutisme hystérique occasionné par

l'accouchement. Bien que l'accouchement soit un fait physio-

logique, il n'en est pas moins quelque fois un agent provo-

cateur de la névrose en raison du très grand traumatisme

produit, ainsi que l'indique ! I1acario5. '

Nous n'avons pas l'intention de citer ici toutes les obser-

vations de mutisme hystérique que nous ont laissées l ? s jl.U7.

¥ \ 1

1 Histoire de l'Académie royale des Sciences, 1719. ,' - .

' Médian, septenl. lib. de Pect. affect. ? '' ?

3 Cartaz. Du mutisme hystérique. (Progrès médical, 1886.) ' .

4 Histoire de l'Académie royale des Sciences, 1738. ' , .

° lllacario. Des paralysies dynamiques ou nerveuses, 1859. - "

Archives, 2e série, t. XII. 33

514 CLINIQUE NERVEUSE.

teurs du XVIIE siècle ; la plupart sont reproduites dans les

traités classiques contemporains. Rappelons cependant le

fait si typique de Watson, cité par Briquet : une jeune femme,

après une attaque d'hystérie convulsive, perdit la parole et

resta absolument muette pendant quatorze mois.' Durant ce

temps elle n'eut pas de nouvelles attaques convulsives et

jouit d'une parfaite santé. Un soir qu'elle s'était fortement

échauffée en dansant pendant quatre heures, elle recouvra la

parole et continua dès lors à parler 1.

Les faits que nous venons de rapporter indiquent surabon-

damment que le mutisme hystérique a été observé de tout

temps. Il appartenait au xixe siècle d'en élucider la nature

et d'en étudier les caractères pathognomoniques. La lumière

est faite aujourd'hui sur ce point. L'attrait du merveilleux

est cependant si grand que nos contemporains du xx° siècle

s'extasient encore devant l' « histoire miraculeuse » qui rem-

plit les journaux anglais du mois d'avril 1901.

Il s'agit d'un matelot français, nommé Jean Mafurlin. qui, il y

a quatorze ans, vint à tomber du haut d'un mât dans la rade de

Porstmouth et séjourna sous l'eau pendant une dizaine de minu-

tes. Lorsqu'on le ramena à demi-mort à la surface, le malheureux

se trouva avoir complètement perdu l'usage de la parole. On le

soigna et un jardinier de Barking le prit à son service.

Il est à noter que Jean Mafurlin, au moment de sa chute ne con-

naissait que quelques mots d'anglais, mais parlait couramment,

outre le français, l'italien et le portugais.

Donc l'infortuné était depuis quatorze ans au service d'un jar-

dinier et depuis quatorze ans il était muet, lorsque il y a quelque

jours, il subit une forte commotion à là suite d'un coup %de canon

qui fut tiré brusquement près de lui. La commotion lui rendit

presque instantanément la parole et Jean Mafurlin se mit à parler

anglais, français, italien et portugais. L'anglais lui est même

maintenant plus familier que les autres langues qu'il a en partie

oubliées.

Ce fait, qui défraye la chronique des gazettes des deux

mondes, n'est pas difficile à expliquer, Jean Mafurlin avait

été atteint de mutisme hystérique à la suite d'une violente

émotion; une autre émotion l'a guéri.

Une pareille chose ne saurait nous surprendre. C'est le

Witson. Philosoph. Irans., vol. XIV.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 513

propre des affections hystériques de survenir et de dispa-

raître avec une égale brusquerie. « Les accidents hystériques,

dit Pitres, peuvent être soudainement provoqués, modifiés

ou supprimés par des influences psychiques ou par des

causes physiques qui n'ont aucune action sur les aecidents

similaires dépendant des lésions organiques... L'hystérie est

la grande pourvoyeuse des cures imprévues et extraordinaires.

Même dans les cas qui paraissent les plus invétérés, une

émotion morale vive, une frayeur, une colère, une contra-

riété, un chagrin, une joie peuvent provoquer tout à coup la

guérison. »

A propos du cas de Jean Mafurlin observé au xx° siècle, il

n'est sans doute pas inutile de rappeler celui de Gilbert au

XVIIe siècle ; tous les deux peuvent être mis en parallèle. Le

plus intéressant pour le philosophe est de comparer les

interprétations du même fait émises à plus de deux siècles

d'intervalle. -

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

LI1. Le liquide céphalo-rachidien et les injections intrarachi-

diennes ; par RÉCHOLY. (Polie/in., mai 1901).

Court aperçu général.

LUI. Abcès du cerveau à pneumocoques ; par BOJ,4FT. (Revue de

Médecine, 1901.)

Deux cas d'abcès du cerveau avec pneumocoques l'un consécutif

à une broncho-pneumonie, l'autre est un cas de méningite avec

abcès central, consécutive à une pneumonie compliquée d'arthrite.

M. H.'

LIV. Des foyers lacunaires de désintégration ; par P. Marie.

' (Revue de Médecine, avril 1901.)

L'hémiplégie des vieillards n'est pas le plus souvent due à une

hëmorrhagie ou à un ramollissement, mais comme le démontrent

516 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

de nombreux cas observés par l'auteur, à des foyers lacunaires

siégeant de préférence sur les noyaux gris et très souvent conco-

mitants de lésions d'hémorrhagie ou de ramollissement sur

50 cerveaux porteurs de lacunes, 23 présentaient soit un ramollis-

sement, soit une hémorrhagie concomitante.

Ces lacunes consistent en de petites cavités à contours plus ou

moins irréguliers. A leur niveau le tissu cérébral semble avoir été

déchiré et détruit. On les rencontre surtout chez les vieux arterio-

scléreux.

Les symptômes correspondant à ces lacunes ont été le plus sou-

vent l'hémiplégie, mais une hémiplégie incomplète souvent bilaté-

rale et accompagnée non d'aphasie mais plus ordinairement de

dysarthrite.

Il peut y avoir aussi dysphagie avec diminution du réflexe pha-

ryngé. La diminution des facultés psychiques est la règle.

M. HA1úEL.

LV. Etat actuel de l'anatomie pathologique dans les psychoses

fonctionnelles; par Hellbuonner (de Halle). Congrès annuel

des aliénistes allemands. Session de Berlin. Séance du 22 avril

1901.)

La notion de la psychose fonctionnelle est aujourd'hui purement

conventionnelle. Nissl a été le premier qui proclamât qu'il fallait

que cette opinion disparût et que dans toutes les maladies men-

tales on devait nécessairement constater des lésions organiques.

Si nous laissons de côté naturellement la paralysie générale, la

syphilis cérébrale, l'alcoolisme, l'épilepsie et les psychoses à

grosses affections en foyers, il nous reste pour sujets d'études des

cas aigus qui représentent la pluralité des observations faites à

cet égard. On a également tenté d'appliquer à l'homme les cons-

tatations faites chez les animaux soumis à des intoxications

subaiguës.

Examinons successivement : 1° les lésions qui ont été relevées;

2° dans quelle mesure ces lésions sont l'expression de la psychose ; -,

3° dans quelle mesure elles permettent de conclure au genre de la

folie et jusqu'à quel point elles suffisent à expliquer le tableau

morbide.

J. Les lésions Il ne s'agit ici que de l'écorce. Verworn et

autres ont établi que la méthode de Golgi, qui a donné de magni-

fiques résultats en anatomie normale, est inapplicable à l'étude

des altérations pathologiques. Les principes de Nissl sont plus

importants. Maintes différences dans les aspects micrographiques

ont pu être expliquées par les diverses méthodes d'inclusion,

ainsi que par les altérations cadavériques, vis-à-vis desquelles les

cellules corticales et spinales se comportent très différemment, et

REVUE D'ANATOMIE Er DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 517

dont on n'avait pas assez tenu compte. La question des images et

des éléments histologiques artificiels est résolue par l'examen de

la forme équivalente de la cellule. On peut ranger sous trois chefs

les résultats positifs. On constate dans les altérations trouvées des

différences non de qualité mais simplement d'intensité (Meyer).

On relève des altérations primitives ou secondaires selon que le

corps de la cellule ou l'axone sont atteints. (Marinesco, etc.). Il

reste une masse presque innombrable de faits que l'auteur n'a

pas réussi à classer systématiquement. Ce sont eux que Nissl a

tenté de coordonner en décrivant des formes particulières de cel-

lules morbides : il en a distingué sept, plus six espèces différentes

de cellules mortes. Les difficultés deviennent inextricables quand

on considère non seulement les cellules pyramidales mais en

outre les petites cellules. Plus M. Heibronner a prolongé ses

recherches, plus le nombre^ des formes lui a paru s'accroître.

Jamais il n'a trouvé une seule espèce de lésion uniformément

répandue dans le cerveau entier. Alzheimer a été sous ce rapport

plus heureux : il a pu, à côté de types pathologiquement uni-

formes de cellules nerveuses, discerner des altérations parallèles

de la névroglie; en tout quatre formes définies. Nissl a été lui

aussi favorisé : il a trouvé quelque chose d'assez analogue pour

les cellules de la névroglie, dont la manière d'être lui a rappelé

les leucocytes. On a jusqu'ici, à tort, accordé peu de valeur aux

altérations des fibres nerveuses : tout récemment, Siemerling,

Starlinger, Benhoelfer, ont insisté sur les résultats que peut donner

à ce sujet la méthode de Marchi.

IL-Pour apprécier comme il convient la valeur de ces lésions,

il faut avant tout peser certaines influences qui n'appartiennent

pas à la psychose même, et qui sont susceptibles d'altérer les cel-

lules. La fatigue, l'insuffisance d'alimentation, des éléments infec-

tieux et, en tête, l'agonie modifieront le caractère spécifique de la

psychose plus ou moins longtemps avant la mort. Nissl ne vient-il

pas d'affirmer qu'aucune des altérations cellulaires décrites en

grand nombre n'est spécifique, qu'il n'existe pas le moins du

monde de caractères histologiques permettant de diagnostiquer

post mortem si le sujet dont provenait les pièces anatomiques jouis-

sait pendant la vie d'une parfaite santé mentale ou s'il était

malade ? La poursuite des altérations quantitatives ne semble pas

non plus très brillante. Les lésions enregistrées par la méthode de

Marchi ne se sont rencontrées que dans les cas les plus graves,

dans les formes les plus aiguës : jamais, jusqu'à présent, on ne

les a trouvées dans les formes chroniques, ni dans les observa-

tions où l'agonie est seule en jeu. L'enthousiasme général par

lequel on avait accueilli au début les premiers travaux de Nissl a

fait place à un scepticisme assez prononcé.

518 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

III. - Puisqu'on ne sait différencier les tissus corticaux des

gens sains d'esprit de ceux des gens qui sont aliénés, il ne faut pas

penser à établir le diagnostic anatomopathologique des psychoses

fonctionnelles. Tout au plus pourrait-on essayer de poser les bases

de l'évolution sous une forme générale. Ainsi Alzheimer et Rins-

wanger ont formulé que dans les formes mentales légères il existe

des altérations de la substance chromatique, tandis que, dans les

formes mentales graves, dans la démence, etc., il y a des altéra-

tions de la substance non colorable. On est provisoirement obligé

- d'abandonner l'espoir de trouver des altérations spécifiques. Les indi-

cations rares relatives aux constatations de bactéries spécifiques

Bianchi et Picinino, - ne nous ont pas davantage menés loin sur

ce terrain. La théorie des fibrilles ne fait pas avancer la question,

elle ne fait que doubler les difficultés.

Ce qu'il faut commencer par créer, c'est une pathologie intelli-

gible à tous de la cellule nerveuse et de la névroglie. C'est chez

l'homme et non chez les animaux qu'il faut faire des. travaux pré-

paratoires. Il faut s'occuper de toute l'écorce et non point unique-

ment de la cellule en particulier, et de la propagation des altéra-

tions à chacun des territoires corticaux, dans tous les éléments

en question. La méthode de Marchi appliquée à de grandes coupes

peut, quoiqu'elle n'ait pas de cachet spécial, peut-être déblayer le

terrain.

On pourra alors espérer dans un avenir prochain parvenir à

distinguer anatomiquement les psychoses aiguës des psychoses

chroniques, peut-être aussi les psychoses curables des psychoses

incurables.

Discussion. M. Nissl se rallie sans réserve aux conclusions du

rapporteur. On ne saurait être trop sceptique, les espérances de

la première heure n'ayant pas été satisfaites. Peut-être les allures

des cellules plastiques de Alarschallco dans la paralysie générale

fournissent-elles une indication à la direction des recherches de

l'avenir. Il faut soumettre chaque cas au plus grand nombre de

méthodes de recherches possible : c'est ainsi que l'on arrivera à

la formule des formes des lésions de l'ensemble de l'écorce.

Tel est également l'avis de MM. Meyer (E.) et Oppenheim.

P. KERAVAL.

LVI. La glande pituitaire considérée comme l'un des facteurs de

l'acromégalie et du gigantisme; par Woods HUTCIIIISON. (The

New Y01' ! c Médical Journal, 28 juillet 1900.)

Nous reproduisons ici les conclusions de ce mémoire étendu :

1° le corps pituitaire est un organe fonctionnel; 2° les modifica-

tions de son métabolisme sont les principaux facteurs de l'acro-

mégalie et du gigantisme, la différence entre les résultats étant

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES, 519

due simplement à la période de développement individuelle à

laquelle débute le trouble fonctionnel ; 3° la nature de l'excès de

développement, dans ces deux états pathologiques, appartient pri-

mitivement à l'ordre des hypertrophies purement fonctionnelles ;

plus tard, toutefois, elle perd quelque chose de la précision de sa

marche, et peut, soit produire des tissus à développement impar-

fait et de type mixte, soit aboutir à un simple exsudât hémorrha-

gique avec formation kystique ou dégénérescence complète de la

masse du tissu ; 4° il parait probable, bien qu'ici les preuves soient

moins certaines, que la glande pituitaire joue un rôle dans le

nanisme, le rachitisme et les formes naines du crétinisme; 5° il est

possible qu'un trouble réflexe des fonctions de cet organe ait une

part étiologique dans la dystrophie qui accompagne les états adé-

noïdes du pharynx; 6° il semble que le corps pituitaire soit une

sorte de « centre de l'accroissement » ou de régulateur des pro-

portions de l'ensemble du squelette appendiculaire.

Ce travail se termine par une excellente bibliographie du sujet.

R. DE IUSGRAVE-CLAY.

LVII. La perception psycho-physique; par F.-W. Edridge-Green.

(The Journal of lIlentat Science. Octobre 1900.)

Dans la perception d'une sensation, il faut tenir compte des fac-

teurs suivants : 1° le stimulus physique ; 2° l'organe sensoriel qui

reçoit ce stimulus; 3° les nerfs qui transmettent les effets'du sti-

mulus ; 4° le centre de mémoire qui reçoit la totalité de l'impres-

sion ; 5° les centres de perception qui transmettent à l'intelligence

des renseignements sur les parties individuelles de l'impression.

L'imperfection de la perception peut par conséquent être due à

une défectuosité de l'union de plusieurs de ces facteurs.

1° Le stimulus physique est la force qui, en agissant sur le corps,

donne naissance à une sensation : on la confond souvent avec la

sensation elle-même, bien qu'elle en soit distincte ; par exemple la

même force qui, agissant sur l'oeil, donne la sensation de lumière,

donnera, si elle agit sur la peau, la sensation de chaleur, et

pourra ne pas donner de sensation du tout si elle agit sur la tête

couverte de cheveux. Il est probable qu'il y a de nombreuses forces,

peut-être très importantes, que nous ne connaissons pas parce

qu'elles n'agissent sur aucun organe sensible à leur action. Tous

les stimulants physiques ont un caractère mal défini, et peuvent

être disposés en une série dont ni le commencement ni la fin ne

sont définis et dont l'unité n'est pas précise; 2° l'effet de l'or-

gane sensoriel sur cette série dont on vient de parler est précisé-

ment de lui donner un commencement et une fin qui sont nets;

3° l'auteur indique ensuite le rôle, dans la vision prise pour

exemple, des nerfs qui transmettent les effets du stimulus

520 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

physique; 4° il croit, mais ne dispose pas de la place nécessaire

pour donner les raisons de cette opinion, que le centre de la

mémoire qui reçoit l'impression totale est situé dans les couches

optiques ; 5° enfin l'impression totale étant amenée au centre de

mémoire, les différentes parties de cette impression (couleur,

forme, volume, etc.) sont transmises à l'intelligence par des cen-

tres définis de perception.

Par série psycho-physique, l'auteur entend désigner une série

physique, telle qu'elle apparaît à l'esprit : c'est une sensation rap-

portée à des objets externes : et dans la dernière partie de ce tra-

vail, il étudie la question de l'unité psycho-physique absolue, et

de l'unité psycho-physique approchée. R. de Musgrave-Clay.

LV111. Démonstration de préparations, et projections lumineuses

provenant du laboratoire d'anatomie pathologique des asiles de

Londres, à Claybury ; par J. 5nw Boston. (The Journal of

Mental Science, Octobre 1900.)

LIX. Démonstration par projections lumineuses des modifications

des cellules nerveuses corticales dans la paralysie générale ;

par George A. WATSON. (The Journal of Mental Science, octobre

1900.)

LX. Quelques altérations pathologiques observées dans les grandes

cellules nerveuses des aliénés, avec étude spéciale de l'état

connu sous le nom de,« réaction à distance » ; par John 'foRNER.

(The Journal of Mental Science, octobre 1900.) Travail accom-

pagné de planches.

Ces trois mémoires sont des démonstrations faites au moyen de

projections lumineuses et échappent à l'analyse.

R. DE MUSGRAVE-CLH.

LXI. Démonstration microscopique de l'histologie normale et

pathologique des cellules de la névroglie ; par Ford, Rodertson.

(The Journal of Mental Science, octobre 1900.)

L'auteur a imaginé une méthode nouvelle pour étudier les tissus

nerveux qui consiste à y déposer du platine. A l'aide de cette

méthode il a démontré entre autres choses, que la névroglie se

compose de deux séries d'éléments, et non pas d'une seule. La

névroglie est attachée aux artères, aux fibres et aux cellules ner-

veuses, auxquelles elle forme un milieu général de soutien : l'au-

teur y a trouvé une autre série de cellules qu'il appelle cellules de

la mésoglie et qui sont constituées par un corps cellulaire de

forme typique, un noyau et plusieurs prolongements, lesquels

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 82 L

n'ont aucune connexion ni avec le tissu vasculaire, ni avec les

cellules nerveuses ni avec les fibres nerveuses. Les cellules de la

mésoglie ont un aspect absolument différent de celui des cellules

de la névroglie, se rencontrent également dans la substance blan-

che et dans la substance grise et paraissent aussi nombreuses dans

le cerveau que celles de la névroglie. Nous ne connaissons pas

encore avec certitude les fonctions des cellules de la mésoglie,

mais elles jouent assurément un tout autre rôle qu'un rôle de sou-

tien dans la structure générale du cerveau. Dans certaines condi-

tions pathologiques, elles paraissent exercer une action phagocy-

tique. Elles fournissent sinon la totalité, au moins la majeure

partie des corpuscules amyloïdes qui se rencontrent dans quel-

ques-unes des dégénérescences chroniques du cerveau.

R. DE MUSGRAVE-GLAY.

LXII. Angiome de la. circonvolution de Broca ; par A.-F. SnOYER.

(The Jozcrnccl o/'J)j6H<u/ Science, octobre 1900.)

Ces angiomes ne sont pas communs, et l'auteur n'en connaît que

sept cas dans le cerveau.,Les remarques de l'auteur sur ce fait rare

se résument ainsi : l'état curieux des vaisseaux de la pie-mère,

observé dans le cas actuel et dans celui de M. Beadles, ainsi que le

cas de Starr et Mac Cosh où les membranes seules étaient affectées

viennent à l'appui de l'opinion du D'' Ohlmacher que cet état

débute par les membranes molles; mais dans le cas actuel comme

dans celui du D' Beadles, le sang était surtout fourni par la céré-

brale moyenne. On a souvent attribué aux angiomes du foie une

origine traumatique, et il est intéressant de remarquer que dans

plusieurs des cas connus d'angiome du cerveau, on note dans les

antécédents une lésion de la tête, et que, dans le cas actuel il y

avait une hémiplégie antérieure, en sorte qu'il se peut que cet état

prenne naissance au siège d'une vieille hémorrhagie et soit dû à

un trouble de la circulation cérébrale. R. DE MusGRAVE-CLAY.

LXIII. Deux cas de leptoméningite ; par J.-O. W AKELIN BARRATT.

(The Journal of Mental Science, octobre 1900.)

Dans ces deux cas on a pu étudier non seulement les états his-

tologiques, mais encore les états bactériologiques ; dans tous les

deux, il y avait coexistence d'altérations de la pie-mère et de

l'arachnoïde antérieures à l'apparition de la leptoméningite finale.

Dans ces deux cas la leptoméningite n'a pu être reconnue pendant

la vie, la coexistence d'autres lésions ayant rendu le diagnostic

très difficile. Les particularités les plus intéressantes de* ces deux

cas sont fournies et résumées de la manière suivante par l'auteur

lui-même :

522 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

Observation I. -A. Deux états pathologiques coexistaient au mo-

mentde la mort dans la pie-mère et l'arachnoïde, l'un récent, l'autre

ancien. a) Il y avait une exsudation leuco-séreuse distribuée en ma-

nière de plaques dans les mailles de la pie-mère et de l'arachnoïde,

avec des espaces intercalaires paraissant indemnes de toute inflam-

mation, bien que distendus, comme les ventricules du cerveau, par

un liquide clair jaunâtre. L'exsudat contenait des streptocoques en

grand nombre, dont la morphologie et les réactions de coloration

se rapportaient au streptococcus pyogenes albus. On trouvait aussi

sur l'épendyme revêtant les ventricules de la lymphe contenant des

streptocoques de même aspect et se colorant de même. L'écorce

cérébrale sous-jacente colorée par la méthode de V. Giesen ne

présentait pas de grosse lésion. b) La pie-mère et l'arachnoïde

présentaient en outre les altérations qui se rencontrent commu-

nément dans les asiles, 'c'est-à-dire qu'elles étaient épaissies et

opaques, distendues par un liquide clair dans les espaces qui sépa-

raient les foyers semi-purulents ; au microscope elles montraient

une abondance de tissu connectif, dans les mailles duquel se trou-

vaient de nombreuses cellules, mono-nucléées et avec cytoplasme

abondant, toutes altérations évidemment antérieures au début de

la leptoméningite terminale. - B. La leptoméningite est survenue

vers la fin d'une tuberculose largement diffuse, affectant les tissus

osseux et pulmonaire et accompagnée de lésions amyloïdes éten-

dues du foie, de la rate, des reins et de l'intestin. Il n'y avait

aucune lésion suppurative ouverte à la surface, exception faite

pour un sinus au niveau du sternum, et la probablement a été la

source de l'infection des méninges cérébrales : un dépôt caséeux a

été rencontré entre la dure-mère et l'os, à la région temporale

gauche, mais on n'a pas trouvé de bacilles tuberculeux dans la

pie-mère et l'arachnoïde. C. Pendant la vie on n'a noté nul

symptôme pouvant suggérer la possibilité d'une leptoméningite.

OBSERVATION II. -A. Deux états pathologiques coexistaient dans

la pie-mère et l'arachnoïde, l'un récent, l'autre de date ancienne.

a). On trouvait dans les mailles de la pie-mère et de l'arachnoïde

un exsudat fibrineux, irrégulièrement distribué. Cet exsudat con-

tenait des diplocoques présentant l'aspect morphologique, les

réactions de coloration et les caractères de culture du Diplococcus

pneumonie de Fraënkel. Des micro-organismes semblables se ren-

contraient dans la lymphe qui revêtait l'épendyme des ventricules.

L'écorce cérébrale sous-jacente colorée par la méthode de V.

Giesen paraissait exempte de grosses lésions. b) Au microscope,

la pie-mère et l'arachnoïde étaient épaissies et infiltrées de cel-

lules à cytoplasme abondant, états qui sont communément asso-

ciés à l'atrophie chronique du cerveau et à l'excès de liquide dans

l'espace sous-arachnoïdien et les ventricules. B. La leptoménin-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 523

gite est survenue en même temps que la suppuration du tissu

hépatique : il existait un papillome à l'ouverture dans le duodé-

num du canal cholédoque commun, lequel était dilaté, ainsi que

la vésicule, qui contenait des calculs. La tête du pancréas était le

siège d'une pancréatite chronique. Les foyers de suppuration du

foie contenaient des diplocoques analogues à ceux de la pie-mère.

et constitnaient probablement la source de l'infection de cette

membrane. - C. Pendant la vie les symptômes que l'on aurait pu

rapporter à l'état de la pie-mère ont été obscurcis par ceux qui

appartenaient aux lésions abdominales. R. DE MUSGRAVE-CLAY.

LXIV. Corps étrangers dans les deux bronches ; broncho-pneu-

monie. Mort; par Francis-O. SimpsoN. (The Journal of Mental

Science, juillet 1900.)

Malade atteint de démence épileptique. Pneumonie lobulaire à

début brusque. Orthopnée. Mort. A l'autopsie, on trouve dans

chacune des deux bronches, à un demi-pouce au-dessous de leur

bifurcation trachéale, un fragment de fourneau de pipe en terre.

- Il. DE AlUSGRAVE-CLAY.

LXV. Un cas de gliome du corps calleux; par C. Mahel BLACKWOOD.

(The Journal of Mental Science, juillet 1900.)

Les tumeurs de la substance cérébrale déterminant des affec-

tions mentales sont relativement rares; le nom de gliome a été

attribué à diverses sortes de tumeurs de cet ordre, et plus spécia-

lement à une variété de sarcome à petites cellules rondes. Virchow

a décrit sous ce nom une tumeur composée de tissu analogue à la

névroglie ordinaire; ce type ne paraît pas être le plus commun.

Payne signale la possibilité d'une combinaison des deux types. La

tumeur observée par l'auteur parait appartenir au second type et

être par conséquent assez rare. Elle siégeait dans les deux tiers

postérieurs du corps calleux, d'où elle s'étendait en haut et laté-

ralement jusqu'à un demi-pouce de l'écorce cérébrale, intéressant

dans une certaine mesure le gyrus fornicatus. Elle comprimait les

ventricules latéraux qu'elle fermait en partie : l'épendyme de leur

plancher et de leur plafond était affecté; mais les ganglions de la

base étaient normaux. La tumeur n'était pas enkystée et paraissait

plonger librement dans la substance blanche. La plus grande par-

tie de la tumeur était située au-dessus du plafond de chacun des

ventricules et chaque moitié avait la grosseur d'un oeuf de

pigeon : elle était de consistance molle et de couleur grisâtre ou

rougeâtre, en partie gélatineuse, en partie translucide.- La protu-

bérance était molle et désorganisée, mais la moelle ne parais-

sait pas altérée. ·

524 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

Au microscope, les cellules corticales de la circonvolution fron-

tale ascendante gauche étaient en état de dégénérescence granulo-

graisseuse. Les parois des vaisseaux étaient épaissies. L'auteur

donne ici le détail de l'examen histologique de la tumeur à des

grossissements différents et par diverses méthodes.

Le malade porteur de cette tumeur était un homme de cin-

quante-six ans, héréditairement prédisposé à la folie, ayant déjà

eu des « attaques » sur la nature desquelles il n'a pas été possible

d'obtenir de renseignements précis. Il était très faible pendant son

court séjour à l'asile, sa démarche était incertaine, et il avait un

tremblement bien net des lèvres et des membres. Exagération des

réflexes rotuliens et superficiels. Mentalement, intelligence très

affaiblie, mémoire très faible. Il fut pris de somnolence habituelle

et mourut daus un état semi-comateux, sans avoir eu de convul-

sions.

Ce cas montre le caractère vague des 'symptômes dans le cas de

tumeur du corps calleux, et, par suite, les difficultés du dia-

gnostic. R. DE DIUSGRAVE-CL.1Y.

LXVI. Continuité de travail dans des conditions différentes ; par le

Rev. H. HAWKINS. (The Journal of Mental Science, juillet 1900.)

L'auteur s'attache à démontrer de quelle manière les fonction-

naires médicaux ou autres des asiles d'aliénés, pourraient encore,

lorsque l'heure de la retraite a sonné pour eux, collaborer utile-

ment pour leurs confrères, agréablement pouf eux, et charitable-

ment pour les malades à l'oeuvre qui a été l'occupation de leur

vie active. R. M. C.

LXVIf. Sur la meilleure méthode à appliquer aux travaux anatomo-

pathologiques des asiles irlandais; par W. R. D.%WSON. (The

Journal of Mental Science, juillet 1900.

Etude intéressante, mais spéciale à ces asiles, et que nous ne

pouvons par conséquent qu'indiquer. R. M. C.

LXVIII. Relation d'un cas de névrite faciale associée à une névrite

' rétro-orbitaire unilatérale ; par William M. LESZYNSKY. (The New

Yorl. Médical Journal, 10 novembre 1900.)

Femme de trente-huit ans, ayant toujours eu une bonne santé

générale : il y a un an, trois hémoptysies. Il y a cinq semaines,

douleur vive et tintements à l'oreille gauche, puis paralysie du

côté gauche de la face, aveclagophthalmos et perte de l'irritabilité

faradique. Sens du goût émoussé sur les deux tiers antérieurs

gauches de la langue. Pupilles normales. Otite catarrhale chro-

nique bilatérale. Rien à l'auscultation. Pas de syphilis. Traitement

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 525

galvanique. Amélioration de la'paralysie faciale; mais bientôt

douleur vive à la région temporale gauche et dans la zone de dis-

tribution du nerf susorbitaire; puis une semaine après diminution

de la vision de l'oeil gauche, et deux jours plus tard cécité complète

de cet oeil.

Aux dernières nouvelles de la malade (octobre 1900) la motilité

des muscles de la face ne s'est pas améliorée. L'atrophie du nerf

optique est très avancée, et la vision du côté malade est limitée à

la perception de la lumière. L'état de la pupille n'est pas modifié.

. R. DE iIIUSGItAVE-CL : 1Y.

LXIX. Altérations nerveuses dans la cirrhose; par le D1' de BUCK.

(Journ. de Neurologie, 1901, n° 13.)

L'observation qui sert de base à ce travail est celle d'une femme

de trente-huit ans atteinte de cancer du sein, qui fut prise d'une

paraplégie douloureuse avec exagération, puis plus tard, abolition

des réflexes tendineux. On crut à une compression de la moelle

dorso-lombaire par un processus néoplasique métastatique par-

tant du corps vertébral ou des méninges. L'autopsie démontra

l'absence complète de compression médullaire. La moelle qui,

microscopiquement, paraissait normale, de même que ses enve-

loppes, était en réalité le siège d'altérations dégénératives diffuses

prédominant sur les cordons postérieurs et pyramidaux. G. D.

LXX. Réflexe achilléen paradoxal; par le Dr Debray. (Journ. de

1 Neurologie, 1901, n° 14.)

Le phénomène sur lequel l'auteur appelle l'attention est une

flexion du pied (au lieu de l'extension normale) consécutivement à

la percussion du tendon d'Achille. 11 l'a observé chez une femme

atteinte de polynévrite du membre inférieur gauche et chez un

homme atteint de paralysie spinale syphilitique de Erb. Ce réflexe

achilléen paradoxal serait dû, d'après l'auteur, à un état hyperto-

nique, vis-à-vis de ceux de la région postérieure, des muscles flé-

chisseurs du pied, peiinettant ainsi à la percussion du tendon de

mettre en action leur contractilité, avant que celle de leurs antago-

nistes ne soit éveillée. G. D.

LXXI. Cellules nerveuses à deux noyaux; par Sano. (Journ. de Nets-

rologie, 1901, n° 2.)

LXXII. Etude sur le clonisme tendineux; par CROCQ. (Journ. de

Neurologie, 1901, n° 2.)

Ce travail contient huit observations de lésions du faisceau pyra-

midal soit dans sa portion cérébrale, soit dans sa portion médul-

526 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

laire. Sur ces huit cas, l'auteur a trouvé le clonus rotulien six fois

par percussion et deux fois par abaissement de la rotule, six fois

le clonus du pied et trois fois le clonus du poignet par percussion.

Il résulte [de cette comparaison que le clonus de la rotule et du

poignet se produit plus facilement par la percussion des tendons

que par les manoeuvres recommandées jusqu'ici, c'es t-à-dire,l'a bais-

sement brusque de la rotule d'une part, et l'extension brusque

de la main de l'autre. L'auteur tire en outre de ces constatations

la conclusion que le clonisme tendineux a la même signification

que le réflexe de Babinski, à savoir une perturbation dans le sys-

tème pyramidal. ' G. D.

LXXIII. Sur la raison physiologique et la localisation probable du

réflexe patellaire; par le D1' LAUREYs. (Journ. de Neurologie,

1900, n° 25.) .

D'après l'auteur de ce travail, les réflexes rotuliens 'et achilliens

auraient chez l'homme un rôle plus important que celui de proté-

ger les articulations. Ces réflexes mettent en cause les muscles

dont dépend chez l'homme l'équilibre de tout le corps dans la sta-

tion et dans la marche : ils entreraient en jeu par exemple dans

une chute surles pieds, une chute d'un corps pesant sur les épaules,

une pression se produisant brusquement dans le creux du jar-

ret, etc.) Chez l'animal, dont l'équilibre est infiniment plus stable

que celui de l'homme, ces réflexes jouent un rôle beaucoup moins

important.

Quant à la localisation du réflexe rotulien, M. Laureys se rallie

à la nouvelle théorie de van Gehuchten, qui fait jouer au noyau

rouge le rôle excitateur qui, dans la théorie de Bastiau, était attri-

bué au cervelet. Cette théorie lui semble cependant en contradic-

tion avec le fait que, chez l'homme aussi bien que chez l'animal,

le pouvoir réflexe de la moelle peut être conservé après sa section

cervicale ou dorsale. G. D.

LXXIV. Un procédé spécial pour provoquer le sommeil artificiel ;

par P. 11 ? RTE ? BELIG. (Journ. de Neurologie, 1900, nu 22.)

En présence de malades atteints de troubles nerveux, contre les-

quels la suggestion dans le sommeil artificiel est indiqué, mais à

qui cependant pour des raisons spéciales, ce sommeil artificiel ne

peut pas être proposé, on peut avoir recours à la suggestion hypno-

tique indirecte. Le procédé que recommande le Dr Ilarleiiberg

consiste à faire exécuter aux malades de larges inspirations en

même temps qu'on leur applique sur le front et sur la poitrine les

deux électrodes d'une petite machine faradique, dont on fait fonc-

tionner le trembleur, mais sans faire passer le courant. Les sujets

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 527

ne tarde pas à se fatiguer et à s'endormir ; le moment est alors

venu de formuler les suggestions thérapeutiques. On les exprime

dans les mêmes conditions qu'avec le sommeil suggéré verbalement

et suivant les indications particulières de chaque cas. G. D.

LXXV. Réflexes tendineux et réflexes cutanés ; par le Dr LAunEYs.

(Journ. de Neurologie, 1900, n°24.)

Contrairement à l'opinion de quelques auteurs (nossbach et

Nothnagel, Guelliot) l'auteur a constaté au cours d'une vingtaine de

chloroformisations chez l'homme, que les réflexes cutanés, surtout

l'abdominal et le crémasterien, disparaissent avant les réflexes

tendineux. Dans plusieurs cas les réflexes tendineux non seulement

n'étaient pas abolis en même temps que les cutanés, mais leur

recherche produisait une véritable trépidation épileptoïde, alors

qu'on ne parvenait pas à démontrer les réflexes cutanés. Ces faits

confirment donc les idées de Van Gehutchten sur la nature corticale

des réflexes cutanés et leur antagonisme avec les réflexes tendineux.

G. D.

LYYVI. De l'état des réflexes chez les syphilitiques; par le Dr Bi-

1\ET-S11\GLL. (Journ. de Neurologie, 1901, n° 14.)

Voici un tableau comparatif de l'état des réflexes chez 13 sujets

sains et chez 13 sujets syphilitiques pris dans les mêmes condi-

tions :

528 REVUE DANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

LXXVII. Considérations sur les réflexes cutanés et les réflexes

tendineux; par Van GEHUTCHEN. (Journ. de Neurologie, 1900,

n° 24.) .

De l'examen attentif d'un certain nombre de cas de lésions du

cerveau et de la moelle, M. Van Gehuchten croit pouvoir conclure

à l'indépendance des réflexes cutanés et des réflexes tendineux, les

premiers étant d'origine corticale, les seconds d'origine sous-cor-

ticale, probablement mésencéphalique (noyau rouge). L'auteur

admet en outre que dans le réflexe de Babinski il y a deux phé-

nomènes distincts : l'abolition du réflexe plantaire normal et la

production d'un phénomène nouveau, l'extension du gros orteil, et

il estime, qu'au point de vue du diagnostic notamment entre

une hémiplégie organique et une hémiplégie hystérique, l'aboli-

tion des réflexes cutanés (abdominal et crémasterien) a une impor-

tance tout, aussi considérable que l'existence du réflexe de

Babinski. G. D.

LXXVIII. Les effets de la ligature de la moelle cervico-dorsale chez

les animaux; par CROCQ. (Journ. de Neurologie, 1901, n° 14.)

Pour démontrer que la gêne circulatoire provoquée par la com-

pression de la moelle à la région cervico-dorsale n'est pour rien

dans les modifications des réflexes que l'on observe consécutive-

ment, Crocq a lié la moelle cervicale ou dorsale supérieure chez

quatre lapins, deux chiens et un singe.

Chez les lapins et les chiens, cette ligature a été suivie d'une exa-

gération des réflexes tendineux ; chez le singe, au contraire, d'une

abolition des mêmes réflexes. L'auteur en conclut que cette aboli-

tion ne peut pas être le fait de troubles circulatoires et que les

artères spinales antérieure et postérieure ne jouent qu'un rôle secon-

daire dans la vascularisation de la moelle lombaire qui serait irri-

guée avant tout par l'aorte abdominale.

LXXIX. L'atrophie olivo-ponto-cérébelleuse; par Dejerine

et Thomas. (Nouv. Iconogr. de la Salpêtrière, n° 4, 1900.)

Deux observations dont une avec autopsie qui se trouvent résu-

mées dans ces conclusions. « Il existe une affection cérébelleuse

caractérisée anatomiquement par l'atrophie de l'écorce, des olives

bulbaires et de la substance grise du pont, par la dégénérescence

totale du pédoncule cérébelleux moyen et par la dégénérescence

partielle du corps restiformé, par l'intégrité relative des noyaux

gris centraux ; c'est une atrophie primitive dégénérative systéma-

tique, ni scléreuse, ni inflammatoire. Cliniquement, elle est moins

bien caractérisée, elle se manifeste par le syndrome cérébelleux

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. ' 1 529

commun à toutes les atrophies cérébelleuses. Elle n'est ni hérédi-

taire, ni familiale, ni congénitale ; elle survient à un âge avancé.

Son étiologie est obscure. Elle rentre dans le cadre des atrophies

cellulaires primitives. Nous la désignons sous le nom d'atrophie

olivo-ponto cérébelleuse. » R. C.

LXXX. Contribution à l'étude de l'anatomie pathologique et de l'is-

topathologie de la paralysie générale; par SOURnANOFF et GEIER.

(Nouv. Iconogr. de la Salpétrière, n° 5, 1900.)

Examen histologique des différentes régions des centres cérébro-

spinaux de deux paralytiques généraux d'après le procédé de

Bush, après durcissement au formol. Les auteurs ont recontré,

dans les différentes régions examinées, les altérations dégénéra-

tives déjà signalées des cellules de leurs prolongements dendriti-

ques et de la névroglie. Ces altérations présentaient des accentua-

tions et des localisations en rapport avec la durée de l'évolution de

la maladie, avec les accidents aigus intercurrents et la prédomi-

nance des symptômes cliniques dans le sens moteur ou sensitif.

- , li. C.

LXXXI. Réflexes tendineux dans la fièvre typhoïde ;

par HEUIlLl1\GER.

Les réflexes ont été étudiés chez un assez grand nombre de

typhiques. Ordinairement ils étaient modifiés, souvent exagérés,

d'autrefois diminués ou-abolis, l'état normal était conservé dans

les formes bénignes.

La trépidation épileptoïde existait quelque fois, mais moins fré-

quemment. Il y avait en outre trépidation du tendon d'Achille et

une trépidation rotulienne.

Ces différents symptômes sont très souvent dissociés ; ils appa-

raissent à la convalescence et ont pou de valeur au point de vue

du pronostic. M. Il.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

I. Étude sur l'action du gelsemium sur les noyaux des nerfs

cérébraux moteurs; par R.-H. \1'mTemnn. (The New 1'01 IL Me-

dical Journal, 18 août 1900.)

Les conclusions de l'auteur sont les suivantes : 1° les doses toxi-

.lrscurvES, 2' série, t. XII. 3+

530 ' REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

ques de gelsemium déterminent la chromatolyse des cellules qui

constituent les noyaux des nerfs moteurs cérébraux; 2° les altéra-

tions ainsi provoquées n'ont aucun caractère spécifique ; elles sont

absolument semblables à celles que déterminent les divers autres

agents qui exercent une action novice sur les cellules nerveuses

motrices. R. de IUSGIlAV4;-OL1Y.

II. Étiologie et guérison de l'hystérie; par F. WALTER. (The New

Yorls Médical Journal, 21 juillet 1900.)

Si, dans un cas d'hystérie, du type actif ou convulsif, on admi-

nistre une culture massive de bacillus coli d'origine infectieuse,

on voit les symptômes (à l'exception des phénomènes latents ou

post-hystériques tels que la paralysie) disparaître dans un délai

qui varie de vingt-quatre à quarante-huit heures, et le malade est

rendu à la santé, en ce qui concerne l'état hystérique ; quant à la

débilité et aux phénomènes neurasthéniques, leur survie peut être

indéfinie. L'uniformité avec laquelle la guérison s'opère peut faire

classer ce médicament parmi les agents spécifiques : l'action de la

quinine, dans le paludisme n'est ni plus sûre ni plus invariable.

- Ce phénomène clinique, rapproché de ce que nous savons sur la

bactériologie du canal intestinal paraît légèrement paradoxal. Le

bacillus coli existe invariablement dans les déjections des hysté-

riques : comment se fait-il qu'il se transforme en agent curatif ?

Deux interprétations se présentent : ou bien il existe un orga-

nisme spécifique générateur de l'hystérie que nos méthodes

actuelles ne nous permettent pas encore de différencier du bacillus

coli communies ; ou bien le bacillus coli, généralement inoffensif,

est susceptible de revêtir chez les sujets prédisposés des propriétés

toxiques. Dans l'une ou l'autre hypothèse la méthode de traite-

ment que l'auteur préconise a simplement pour effet de déplacer

le micro-organisme nocif. R. DE Musgrave-Clay.

III. Le traitement de l'habitude de la morphine : la guérison

est-elle possible ? par James H. M\c-Bride. (The New York

Médical Journal, 18 août 1900.)

La guérison de la morphinomanie n'est pas aussi simple qu'on

l'a souvent prétendu, et les cures radicales sont rares. Le but à

- atteindre est assurément de faire renoncer le malade à son poison,

mais il faut l'atteindre en réduisant au minimum les souffrances

qui résultent de la privation du médicament, et il faut se souvenir

que ces souffrances sont réelles, bien que variables suivant les

sujets. Le traitement n'est guère possible que dans des établisse-

ments spéciaux ; dans les familles les rechutes sont trop faciles.

Il ne faut jamais supprimer brusquement la morphine, mais

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 531

réduire les doses plus ou moins rapidement suivant les cas. Quand

on les réduit rapidement, il est bon de maintenir le malade au lit,

ou tout au moins dans la position étendue. Un point important

dans le réglage de la diminution des doses, c'est de toujours

laisser le malade se remettre des effets d'une diminution de dose

avant de prescrire une nouvelle réduction. C'est ordinairement

quand le médicament est réduit à des doses minimes que les effets

les plus douloureux et les plus pénibles se manifestent. Les bains

chauds sont alors très utiles, ainsi que le massage. Parmi les mé-

dicaments, on donnera la préférence aux bromures, en évitant le

bromisme. Parmi les toniques et les stimulants on choisira la

quinine, et mieux encore, la noix tonique ou son alcaloïde, à

petites doses ; on donnera aussi l'extrait de coca. La caféine n'a

pas paru rendre de services. L'insomnie est difficile à combattre,

et l'on ne sait à quel narcotique s'adresser tant leurs effets sont

variables et incertains chez ces malades. Le renoncement à la

morphine, la possibilité de s'en passer sans souffrir, ne sont que

le commencement de la guérison, qu'il faut achever en la rendant

durable et définitive. Ces malades étant presque toujours de

volonté faible, c'est à reconstituer leur caractère et leur volonté

qu'il faut s'attacher si l'on veut que la cure soit vraiment radicale.

R. de Musgrave-Clay.

IV. La chirurgie du ganglion sympathique cervical supérieur ;

par George-F. Suker. (The New York Médical Journal, 24 fé-

vrier 1900.)

L'excision du ganglion sympathique cervical supérieur a été

tentée dans ces derniers temps comme traitement du glaucome,

de la maladie de Basedow, de l'épilepsie, et tout à fait dernière-

ment, de l'atrophie simple du nerf optique. Les cas sont peu nom-

breux, mais les résultats ont été si avantageux, et autant qu'on

peut le dire pour des faits récents, si durables que cette opération

a soulevé un véritable enthousiasme. L'auteur toutefois estime

que daqs l'épilepsie, elle n'est pas rationnelle, et que les résultats

favorables sont susceptibles d'autres interprétations plus logiques.

Elle constitue au contraire un mode de traitement rationnel du

goitre exophthalmique, et l'auteur développe les raisons anato-

miques sur lesquelles il appuie cette opinion. Dans 32 cas de

maladie de Basedow traités par l'excision il a eu : guérison dans

28,1 p. 100 des cas; amélioration marquée dans 80 p. 100; insuccès

dans 12,5 p. 100, et mort dans 9,3 p. 100.

C'est à Jonnesco, de Bucarest, que revient l'honneur d'avoir le

premier conseillé l'excision de ce ganglion dans le glaucome, et

c'est certainement un des plus importants progrès réalisés récem-

ment par la chirurgie. L'auteur entre ici dans des considérations

532 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

détaillées sur la pathogénie du glaucome et constate que, sauf

dans la forme hémorragique, l'excision du ganglion sympathique

cervical supérieur est indiquée dans tous les cas de glaucome, où

' elle a pour résultat d'abolir la douleur, de contracter la pupille,

d'augmenter la vision quand l'atrophie de la papille n'est pas

complète, de réduire la tension.

En résumé, la résection de l'un ou des deux ganglions sympa-

thiques cervicaux supérieurs constitue dans le cas de glaucome,

d'atrophie simple du nerf optique, de maladie de Basedow, et

peut-être après tout d'épilepsie, une intervention chirurgicale net-

tement définie, et donnant dans les cas appropriés des résultats

positifs. R. DE Musgrave-Clay.

V. Chirurgie cérébrale moderne; par G. l : nnsoN Brewer. (New-

York MedlCal.Vews, 23 décembre 1899.)

Six observations d'opérés du trépan dont trois pour traumatisme

crâniens et trois pour épi ! £ 111.traumatique trois succès, un décès

et deux résultats douteux ? - - A. M.

VI. Traitement de la maladie de Little. Observations cliniques ;

par D : 1N1&L. (Policlinique, Bruxelles, décembre 1900.)

VII. De l'emploi de la lécithine dans les maladies nerveuses ;

par \V.Danr.n ? wsY (06ooéiié psichiati-ii, IV, 1899.)

L'auteur a observé que les petits chiens auxquels on donne de

la lécithine sont remarquablement plus développés, plus vigou-

reux, et plus vifs que les autres; ils sont aussi plus intelligents,

plus précoces. La lécithine stimule donc le développement du

système nerveux. Si l'on donne à la lécithine la possibilité de péné-

trer, par le sang, dans la substance cérébrale, on favorise le réta

blissement de l'équilibre chimique rompu du tissu nerveux. Peut-

être la lécithine exerce-t-elle aussi une action pharmacodynamique

sur le cerveau. Quant à ses produits de décomposition, choline et

neurine, leur toxicité, de la dernière en particulier, est depuis

longtemps dejà établie.

En administrant la lécithine à jeun et en mélangeant sa solution

alcoolique forte à de l'eau, il est possible d'espérer que toute la

quantité en est absorbée, à la condition que l'ingestion d'aucune

nourriture, d'aucun aliment acide n'excite la sécrétion du suc

pancréatique qui décomposerait la lécithine. Doses quotidiennes

buccales : 20 à 30 centigrammes pendant deux à trois semaines.

P. Keraval.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 533

VIII. Nature et traitement de la myélite aiguë; parn'L1RINESCO.

, (Nouv. Iconogr. de la Salpétrière, n° 6, 1900.)

Communication au congrès international de 1900, portant sur

des recherches anatomo-pathologiques délicates et tendant à éta-

blir le véritable processus pathogénique de la myélite aigué. Les

différentes phases de ce processus apparaissent sur des coupes

microscopiques très intéressantes (congestion vasculaire plus ou

moins intense, formation de nodules leucocytiques périvasculaires

ou péricellulaires, foyer de ramollissement myélitique avec pré-

sence d'agents infectieux dans les leucocytes, staphylocoques).

Des expériences faites chez les animaux (injections de différents

microbes dans le canal arachnoïdien), en permettant de réaliser à

volonté presque tous les types anatomo-cliniques de la myélite

selon des localisations ou des degrés de gravité dépendant seule-

ment des conditions de virulence plus ou moins actiie du microbe,

ou de résistance plus ou moins grande du sujet, sont un nouvel

appoint à théorie infectieuse des myélites et éclairent la marche

de l'infection. Au point de vue du traitement, l'auteur se borne à

signaler l'impuissance, vérifiée par lui, des antiseptiques et des

sérums connus jusqu'à ce jour. C'est de la découverte d'un sérum

efficace contre le staphylocoque, le pneumocoque, le microbe de

l'influenza, agents les plus communs de la myélite aiguë, qu'il faut

attendre la guérison de cette affection. R. C.

IX. Sur l'acroparesthésie et son traitement ,'par l'électricité ;

par Luzenberger. (OErte medica, 1899, n° 40.) ,

Courte revue critique à l'occasion d'un cas observé par l'auteur.

L'examen électrique a montré que le médian et le radial présen-

taient des modifications qualitatives à la réaction. De la critique

de son propre cas et de l'étude au diagnostic différentiel, l'auteur

conclut que dans l'acroparesthésie il s'agit vraisemblablement

d'une névrite périphérique. Le cas guérit à la suite de quelques

applications à tous les muscles de l'avant-bras de courants galva-

niques interrompus et de courants faradiques. L. D.

X. Thérapeutique de la folie; par IIARRINGTON SAINSBURY- (1'lae

Journal of Mental Science, juillet 1900.)

On ne peut qu'indiquer ici ce travail utile à consulter, sans

l'analyser, parce qu'il n'est lui-même qu'une analyse de quelques

travaux récents sur les diverses médications adoptées ou propo-

sées dans le traitement des différentes formes d'aliénation men-

tale. R. de Musgrave-Clay. -

534 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

XI. Nouveau traitement des vertigineux de l'oreille ; parll. LIDOTTE.

(Journ. de Neurologie, 1901, n° 10.)

Le traitement que l'auteur préconise contre les états vertigineux

chroniques dépendant de l'oreille consiste dans l'application de

l'électricité statique au~ moyen d'une électrode spéciale, le

patient étant isolé sur le tabouret. Cette électrode représente

une tige en bois terminé par un bout en ébonite et renfermant en

son centre un fil en graphite. En rapport avec le pôle positif de la

machine, le sujet reçoit par l'électrode auriculaire, l'aigrette du

pôle négatif qui va impressionner directement le tympan, les osse-

lets et les muscles. G. UENY.

1

XII. Traitement des cas récents de folie; par C.-I. l3una. (The

amerieun Journal of 111sa111ty, 1900, p. GG9-G80.)

Il n'y a plus de praticien qui ait le droit de dire : « Je ne con-

nais rien à la folie », ni qui puisse se borner à dire : « Ce malade

est fou ". Tout médecin doit, en remontant dans les antécédents,

assigner à chaque cas d'excitation ou de dépression, sa place noso-

graphique. C'est pour ces praticiens que l'auteur résume dans

l'article les indications de la thérapeutique : isolement du malade,

de ses proches ; inutilité de discuter les concepts molbides, etc.

Smolv.

XIII. Traitement du malade et du fou en Perse; par Jame

P. COCHRAN. (Ame¡'ican Joul'11al of 111SC1111ly, juillet 1899, p. l0a-

107.)

Pas d'asiles, sauf quatre hôpitaux dépendant des missions étran-

gères, un seul petit soigne à Téhéran les maladies aiguës. Les

idiots restent chez eux avec le reste de leur famille et se mêlent

aux autres enfants du village. Quant aux fous et nerveux, ici les

esprits sont manifestement présents, et il faut donc pour les traiter

quelque chose de plus spirituel que les matières médicales ordi-

naires. Il y a pour cela une classe spéciale de médecins, dits doc-

teurs priants, qui vendent au malade dans ce but des citations

des livres sacrés de.lllahomet; on en écrira une, par exemple, dix

fois avec du musc et du safran il l'intérieur de quelque vase, après

quoi on lave avec de l'eau pure et l'on donne à boire au patient.

Heureusement la folie est relativement peu fréquente. Car après

que les amis du malade ont essayé quelques moyens semblables

au précédent, il est autorisé à errer alors, vêtu ou nu, à la risée

des enfants, ou s'il est dangereux, attaché à quelque pilier de

maison ou poteau d'étable, il y reste jusqu'à sa mort.

L'article contient aussi quelques renseignements sur les procédés

de la médecine et de la chirurgie générales). SIMOUN.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 535

XIV. Extrait thyroïdien. Revue des résultats obtenus dans le trai-

tement de 4032 cas de folie; par William MABON et Warren

L. BABMCK. (American Journal .of Insanity, octobre 1899, p. 257

à 273.) -

Les auteurs ont procédé en adressant aux médecins de tous les

asiles d'aliénés des Etats-Unis et du Canada le questionnaire

suivant : 1° L'extrait thyroïde est-il employé par vous ? Si oui, dans

quelles maladies est-il essayé ? 2° L'avez-vous employé dans les

troubles chroniques avec de bons résultats ? 3° Quel est le

nombre de malades traités ? - Guéris ? Améliorés ? Non

améliorés ? - 4° Avec quelles préparations de thyroïde ? 2 - 5° Avez-

vous observé quelque fâcheux résultat de son usage; 6° Consi-

dérez-vous le traitement thyroïdien comme un aide utile à la thé-

rapeutique de certaines variétés de folie ?

L'article donne en outre un tableau résumant les résultats con-

signés dans 24 articles de divers auteurs empruntés à des périodiques

anglais; un autre tableau analysant G1 cas, une feuille de poids et

des heures de sommeil, que je crois devoir signaler pour cette der-

nière indication, et un troisième tableau enfin indiquant l'état du

sang avant et après le traitement. De l'étude des documents ainsi

recueillis, les auteurs concluent par les propositions suivantes :

1° La dose d'extrait à donner dépend entièrement du cas indivi-

duel. Dans quelques cas, 25 grains, trois fois par jour peuvent être

nécessaires pour déterminer une réaction circulatoire ou de tempé-

rature, tandis que dans d'autres, les mêmes résultats peuvent être

obtenus de l'usage de 5 grains. Chaque cas doit être à lui-même sa

loi; 2° Il est essentiel que le malade soit mis au lit pour obtenir les

meilleurs résultats et qu'il continue ainsi pendant le traitement et

pendant une semaine après sa cessation; 3° Le traitement sera

prolongé au moins trente jours; 4° Ne pas se laisser décourager

par un échec suivant la première administration, mais avoir recours

à deux, trois essais ou plus, si nécessaire ; 5° Les résultats les plus

favorables du traitement thyroïdien sont à espérer dans les cas de

manie aiguë et de mélancolie avec accès prolongés, foires puer-

pérales ou du retour d'âge, états de stupeur et démence primaire,

particulièrement quand ces formes d'aliénation mentale ne répon-

dent pas aux méthodes ordinaires de traitement ; 6° Une forte réac-

tion de température n'est pas essentielle, puisque nous avons

trouvé que la température maxima moyenne dans les cas recueil-

lis sur des hommes était de 9906; 7° L'amélioration physique s'ob-

tient dans la plupart des cas qu'une'amélioration ait lieu ou non ;

8° La proportion d'individus, qui, guéris par le traitement thyroï-

dien, ont ensuite une rechute est moindre que la proportion qui

retombe malade après guérison par les autres méthodes de traite-

ment. Simon.

536 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

.XVI. La valeur pratique de la prophylaxie dans les maladies

mentales; par A.-B. RICHARDSON. (Amenean Journal of lnsanity,

octobre 1899, p. 307 à 316.) -

Pratiquement la prophylaxie de la folie peut être assurée par les

principes suivants : 1° Reconnaître l'existence chez les individus

habituellement sains d'un degré variable dans leur capacité à sup-

porter des charges et à faire effort ; 2° Reconnaître que beaucoup

de maladies mentales ont leur origine dans le surmenage, c'est-à-

dire en l'imposition de charges supérieures au pouvoir de l'indi-

vidu ; 3° Ne pas penser faciliter la prévention de la folie en limitant

les recherches aux phénomènes de la maladie déclarée ou en mul-

tipliant les traitements ; 4° Il est à peine raisonnable d'espérer

beaucoup de profit d'une législation ou de quelques mesures res-

trictives, sans le support de l'opinion publique éclairée; 5° Une

grande proportion des cas de folie ont leur source dans des condi-

tions qui, justement comprises et bien estimées permettraient aux

intéressés de parer l'attaque ; 6° Des mesures préventives devraient

s'occuper d'abord et avant, de répandre la connaissance des causes

de la folie parmi le commun peuple, afin qu'il devienne capable

d'estimer les dangers inhérents à une condition donnée; 7° Cette

éducation comporterait une étude soigneuse du caractère de l'en-

fant et du développement des phénomènes mentaux pendant la

croissance ; 8° Les agents principaux de telles notions devraient

être d'abord les gardiens chargés de l'éducation de l'enfant et

secondement les médecins de famille ; 9° La condition présente

réclame une instruction plus soigneuse du médecin en tout ce qui

concerne les maladies mentales et leur développement et une meil-

leure préparation des maîtres de la jeunesse à estimer sûrement la

capacité, la variabilité et les diverses tendances du caractère des

enfants ; 10° Le dernier objet des mesures préventives serait d'ajus-

ter autant que possible le fardeau à la capacité de l'individu, afin

qu'il puisse le porter sûrement ; si cela ne se peut, que la défectuo-

sité du moins, ne puisse pas aller plus loin et qu'elle cesse avec

l'individu. SIMON.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.

Séance solennelle du 29 avril 1901. Présidence DE M. JoFFROY.

' Rapports des Commissions des prix.

Prix Bellcomme. - Sur le rapport de M. ROCBINOV1TCH, une men-

tion honorable est décernée à M. Deswarte, médecin-adjoint de

l'asile de Bailleul.

Prix Esquirol. - M. ANTHEA UME donne lecture du rapport de la

Commission du prix Esquirol. Conformément aux conclusions pro-

posées, leprix Esquirol est décerné à. Petit, interne en médecine,

à l'Asile clinique, et une mention très honorable est accordée à

MM. Buvat et Vurpas, internes, à Villejuif.

Prix Moreau (de Tours). M. Dur- .un fait une analyse des mé-

moires proposés pour le prix Moreau (de Tours). Les conclusions

de M. Dupain sont adoptées etle prix est accordé à : lPlcTobolowska,

pour une étude sur les illusions du temps dans le rêve du som-

meil normal. Des mentions honorables sont décernées à MM. Far-

narier et Ducoste. '

Prix Sémelaigne . - Conformément aux conclusions du rapport

de M. Febvré, le prix Sémelaigne est partagé entre MM. Samuel

Garnier, médecin directeur de l'asile de Dijon, et Lalanne, mé-

decin adjoint de l'asile de Maréville. Les 500 francs, constituant

le prix, sont ainsi partagés : 300 francs sont accordés à M. Lalanne,

et 200 à M. S. Garnier.

Questions à traiter.

Prix Belhoaatme (1902). Du sens de l'ouïe chez l'idiot.

Prix Sémelaigne (1903). Historique de la paralysie générale.

hI. B.

Séance du 20 mai 1901. Présidence DE M. JOFFROY. '

LE président fait part à la Société de la perte qu'elle vient de

faire en la personne d'un de ses anciens présidents et d'un de ses

538 SOCIÉTÉS SAVANTES.

membres des plus sympathiques, M. Meuriot. Au nom de la Société,

M. Joffroy adresse un dernier adieu au regretté D1' Meuriot, et

adresse à sa famille, le témoignage ému de la vive et respectueuse

sympathie de tous les membres de la Société.

LE Secrétaire général donne lecture du discours qu'il a pro-

noncé sur la tombe de M. Meuriot. - La séance est levée en signe

de deuil. M. B.

Séance du 20 mai 1901. Pérsidence DE M. JoFFROY.

Hallucinations psychomotrices et sialorrhée paroxysmale.

M. Trénel communique, au nom de M. Crété et au sien, l'obser-

vation d'une femme présentant des hallucinations psychomotrices

et de la sialorrhée. La voix d'un de ses parents parlait par sa bouche,

ce qui lui faisait croire qu'elle était ventriloque. La voix lui parlait

si fort pendant la nuit, que la malade se réveillait effrayée, se

demandant si ses voisines n'avaient pas entendu ce qu'on lui disait.

A ce moment il lui venait même un flot de salive à la bouche.

Cette malade a pu guérir et quitter l'asile.

M. Trénel pense que la coexistence des hallucinations psycho-

motrices et de la sialorrhée peut s'expliquer par l'excitation simul-

tanée de centres certicaux très voisins.

Les lésionszzéuropatlciyues du cortex dans la paralysie générale.

M. Marchand expose que la méthode de Weigert, élective pour la

névroglie, peut permettre de voir si, dans la paralysie générale,

la lésion débute par la cellule ou le tissu de soutien. Il a toujours

trouvé des lésions névrogliques chez les paralytiques généraux

morts au début de la maladie. D'une façon générale, M. Marchand

pense que, plus la démence est accentuée, plus les lésions névro-

gliques sont accusées. Il rapporte l'observation d'un paralytique,

ayant été l'objet d'un examen histologique, caractéristique à cet

égard. Les lésions névrogliques peuvent d'ailleurs être très accu-

sées, alors que la cellule reste saine. En résumé, M. Marchand

estime que la théorie parenchymateuse et la théorie interstitielle

peuvent être soutenues l'une et l'autre avec des arguments de

même valeur.

Des injections de sérum chez les aliénés.

M. PACTET donne, au nom de M. Marie, lecture de conclusions

auxquelles 11. Buvat et lui ont été conduits par la pratique des

injections de sérum chez les aliénés. -

Le sérum'est applicable à toutes les affections mentales. C'est

SOCIÉTÉS SAVANTES. 539

un stimulant de toutes les fonctions. Des mélancoliques, des ma-

niaques, des confus, ont été guéris par le sérum et le repos. Plu-

sieurs épileptiques et paralytiques généraux ont aussi été amé-

liorés.

M. Joffroy constate que s'il n'a pas toujours trouvé dans le

sérumthérapie les résultats thérapeutiques désirés, la méthode est

d'une innocuité absolue.

M. 13nlnvn, qui fait, pour la première fois, en 1894, des injec-

tions de sérum artificiel dose massive chez les aliénés, n'a jamais

eu qu'à se louer de cette pratique. -

M. Vallon demande qu'en l'absence de M. Marie, la discussion

soit remise à une autre séance.

Etude cytologique du liquide céphalo-mchidiell.

M. JOFFROY rapporte l'observation d'un alcoolique nullement

soupçonné de paralysie générale dans le liquide céphalo-rachidien

duquel la ponction lombaire révéla la présence de nombreux élé

ments cytologiques.

Quelque temps après, le malade fut pris d'agitation et présenta

pour la première fois des signes de paralysie générale qui se sont

graduellement complétés.

M. Magnan rappelle que, dans certains cas, le diagnostic d'al-

cooliques chroniques avec lésions méningitiques et de paralysie

. générale au début, est extrêmement délicat. Il se demande si l'exa-

men du liquide céphalo-rachidien pourrait donner des renseigne-

ments utiles.

M. P. GARNIER. - Les ponctions ont-elles été faites pendant

l'accés délirant ? Combien en a-t-on pratiqué ?

M. CIIRISTIAN voudrait connaître le résultat des recherches de

M. Joffroy, relatives à la fréquence des lymphocytes dans la para-

lysie générale.

M. JOFFROY, répond qu'il n'a été pratiqué qu'une ponction chez

son malade, et qu'à ce moment il était en plein accès. En ce qui

concerne la fréquence des lymphocytes, il a remarqué que ces

éléments, très rares dans le liquide céphalo-rachidien normal,

deviennent extrêmement nombreux chez les paralytiques généraux.

M. NAGEOTTE confirme l'opinion de M. Joffroy. M. B.

Séance du 24 juin 1901. Présidence DE M. Jorrccor.

Folie 2nyxcedénzateuse et traitement thyroïdien des psychoses.

M. LEGRAIN donne lecture d'un rapport sur le mémoire de

540 SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. Pilez, relatif au traitement des psychoses par le liquide thyroï-

dien. -

En face d'un myxoedémateux avec troubles mentaux, trois

questions peuvent se poser : la psychose est-elle un symptôme du

myxoedème ? En est-elle indépendante ? Quels sont les signes qui

peuvent différencier les-deux espèces ? Tels sont les points que

l'auteur examine. M. Pilez donne l'observation d'une mélancolique

avec agitation anxieuse, idées de négation et pachydermie, dont

l'état s'améliorait dès qu'elle était soumise à la médication thyroï-

dienne, alors que son état s'aggravait quelques jours après la ces-

sation du traitement, pour guérir enfin définitivement après l'avoir

repris.

L'auteur termine son mémoire par une étude d'ensemble de

tous les cas de folie non myxoedémateuse dans lesquels, pour des

raisons d'analogie clinique, certains médecins ont institué, avec

succès, la médication thyroidienne.

M. RA.YKEAU. J'ai dans mon service un myxoedémateux chez

lequel la torpeur intellectuelle et la bouffissure de la face dispa-

raissent sous l'influence de la médication thyroïdienne, pour repa-

raitre dès qu'on suspend le traitement.

Considération sur le délire des actes dans la paralysie générale.

M. Truelle communique une étude sur le délire des actes

dans la paralysie générale, d'où il résulte que les troubles de

l'activité, dans l'encéphalite diffuse chronique, peuvent porter sur

les trois catégories d'actes automatiques, instinctifs, volontaires.

Or, nous sommes à peu près incapables de définir l'acte automa-

tique. - Les actes instinctifs des paralytiques généraux seraient

contraires a l'instinct, si l'instinct existait d'une façon précise et

parfaite chez l'homme. Il ne reste donc pour constituer la majeure

partie des actes morbides, dans la paralysie générale, que les

actes volontaires. Selon l'origine de la solution qui les commande,

on peut les différencier en démentiels et délirants avec cette

réserve que ces derniers participent à certains caractères des pre-

miers. Leur caractère (impulsivité, absurdité, répréhensibilité)

est dans l'immense majorité des cas, sous la , dépendance de

l'affaiblissement spécial des facultés intellectuelles. Ainsi, dans la

paralysie générale la démence globale et progressive donne la

note fondamentale à toutes les discordances de l'activité, comme

elle le fait pour les troubles intellectuels proprement dits.

M. Marie a observé de l'automatisme psychologique chez deux

paralytiques généraux : l'un d'eux se croyait transformé en sa

femme et écrivait au médecin pour réclamer la sortie de son

mari; l'autre croyait avoir quelqu'un dans la gorge et en écrivant

se substituait à cet individu.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 541 t

Imbécillité et paralysie générale juvénile.

M. 'l'oULOUSE fait, au nom de \L-Marchand et au sien, commu-

nicàtion d'une observation de paralysie générale chez une jeune

fille de quinze ans, chez laquelle les symptômes de démence

avaient été attribués à un état d'imbécillité congénitale compliqué

d'épilepsie. La malade mourut à l'âge de dix-sept ans. L'examen

micrographique prouva qu'il s'agissait réellement d'un cas de

paralysie générale juvénile.

L'observation montre combien le diagnostic de paralysie géné-

rale est difficile, quand cette maladie se présente chez un adoles- ,

cent et que- les antécédents du malade font défaut. Le diagnostic

d'imbécillité, porté tout d'abord, était inexact, puisque la faiblesse

intellectuelle progressa. Il ne s'agissait davantage d'un cas de

démence épileptique bien que la malade ait eu des attaques con-

vulsives, car les accès se sont surtout montrés à la fin de la vie.

Enfin elle avait subi une diminution de poids comme on en ren-

contre dans la paralysie générale. Le diagnostic s'étayait d'ailleurs

sur les autres signes habituels de la méningo-encéphalite chro-

nique.

M. Vallon. - 11 me semble que le diagnostic qui résulte de

l'observation est celui de paralysie générale survenue chez une

imbécile.

M' TOULOUSE. Nous n'avons pu obtenir aucun renseignement

sur le passé de la malade; mais je reconnais que sa faiblesse

intellectuelle pouvait être rapportée à une imbécillité congénitale.

Méningite tuberculeuse ci forme mélancolique.

M. Vigouroux communique l'observation d'un homme, ayant

succombé à une méningite tuberculeuse et qui; plusieurs mois

avant sa mort, avait présenté un état mélancolique d'une forme

clinique un peu spéciale.

M. ViGouRoux se demande si l'on doit comme la méningite à

laquelle a succombé son mélancolique, comme la phase terminale

de son infection tuberculeuse ou bien si l'on doit rapporter le

syndrome mélancolie à une évolution chronique de processus

tuberculeux dans les méninges, le malade n'ayant succombé qu'à

une poussée inflammatoire aiguë ? -Ce qui inclinerait à faire

admettre la dernière hypothèse, c'est que les troubles mentaux

observés se rapprochent beaucoup du tableau que M. Chante-

messe trace des troubles intellectuels de la méningite tubercu-

leuse. ,

542 SOCIÉTÉS SAVANTES. ·

Un cas de gliome cérébral.

M. ViGouRoux rapporte une autre observation relative à un cas

de gliome cérébral l'amenant-aux remarques suivantes : malgré

son volume, expose M. Vigouroux, et l'envahissement du lobe

- sphéroïdal et d'une partie du lobe frontal, cette tumeur n'a donné

lieu qu'à des attaques épileptiformes ne présentant aucun carac-

tère particulier. L'aphasie sensorielle qui a été constatée, à la

période terminale, semble due à des hémorrhagies du tissu glio-

mateux. Enfin, M. Vigouroux rappelle, en terminant, combien est

délicat le diagnostic entre l'incohérence véritable de l'aliéné et

l'incohérence apparente du malade atteint seulement de surdité

verbale.

Il a dans son service un aphasique sensoriel qui, malgré une

jargonophasie incompréhensible, s'occupe raisonnablement. Il

voudrait savoir si ces cas sont fréquents.

112. DupkiN répond qu'il observe en ce moment un malade offrant

des symptômes à peu près semblables à ceux qui viennent d'être

signalés.

M. Brigand. Je puis répondre à M. Vigouroux que nombreux

sont les aphasiques nullement aliénés, au sens propre du mot, et

qui viennent échouer dans les asiles. Leur langage est tellement

bizarre qu'on les prend facilement pour des déments vésaniques.

La confusion esl d'autant plus facile que ces individus s'excitent

facilement, dans leur étonnement de ne pas être compris de leurs

interlocuteurs. Ce sont de simples affaiblis, à lésions circonscrites,

avec lesquels on arrive à pouvoir causer, quand on les connaît

bien. En tenant uniquement compte de leurs intonations on finit

par les comprendre.

M. PACTET. - Le diagnostic de tumeur cérébrale n'est souvent

fait qu'à l'autopsie, malgré qu'il s'agisse de tumeurs volumi-

neuses. Je me rappelle un malade, traité comme épileptique

simple, qui succomba à la suite d'accès sub-intrants. L'autopsie

fit découvrir une tumeur du cervelet.

M. Colin a observé un cas analogue chez une jeune fille, sujette

à de violents maux de tête et à quelques accidents convulsifs. On

la considérait comme hystérique. Elle mourut subitement. A

l'autopsie on trouva une tumeur du cervelet.

Les injections de sérum chez les aliénés.

M. Marié, revenant sur la communication lue à la dernière

séance par M. Pactet, dit qu'il s'est servi dans son expérimentation

de sérum fabriqué d'après la formule d'Hayem. A cette méthode

était adjointe l'alimentation faiblement chlorurée. '

BIBLIOGRAPHIE. 543

M. BRiAND. Ainsi que je l'ai fait remarquer ici dès 1894, qu'il

me soit permis ici de le rappeler, afin de conserver la priorité de

cette thérapeutique chez les aliénés, je considère que le traitement

des psychoses, par la serumtliérapie, n'est efficace qu'à la condi-

tion d'employer des doses assez élevées (de 500 à 1500 par injec-

tion). Les injections doivent être répétées quotidiennement. Après

bien des tâtonnements, je suis arrivé aux formules suivantes :

Dans les formes cachectiques j'emploie le sérum d'IIayem. S'il,

y a de l'agitation et surtout de l'agitation anxieuse, je remplace

le chlorure par 6 ou 7 grammes de bromure de potassium ou de

sodium. J'emploie aussi le sérum à l'iodure de potassium et

même l'eau ordinaire stérilisée ou l'eau distillée, toujours à doses

massives.

Depuis longtemps j'ai renoncé aux injections intra-veineuses si

avantageusement remplacées par les injections intra-musculaires

qui sont absolument inoffensives à la condition d'être pratiquées

aseptiquement et lentement. A cet effet j'ai fait construire un

ballon 'stérilisateur automatique, qu'après avoir longuement

expérimenté, j'ai présenté ici il y a quelques années. Sans vouloir

entrer dans un exposé détaillé de la question, je puis signaler dès

maintenant que ce sont les cas suraigus qui sont les plus justi-

ciables de la méthode.

A titre de curiosité, je veux cependant citer le cas d'une déli-

rante chronique chez laquelle les troubles de la sensibilité géné-

rale et les interprétations délirantes cessent dès qu'on la soumet

au traitement dit de lavage du sang. Les injections sérum bro--

muré ou ioduré, restent sans retentissement du côté de la peau

et ne produisent jamais d'acné. C'est, à ce titre, la méthode de

choix chez certains individus épileptiques, syphilitiques, etc., qui

ne peuvent prendre de bromure ou d'iodure sans avoir une érup-

tion d'acné, malgré l'antiseptie intestinale la plus rigoureuse.

. Marcel BRIAND.

BIBLIOGRAPHIE.

XVII. La suspension comme méthode de traitement des maladies

nerveuses ; par le Dr OSTANKOFF. (Recueil des travaux de la cli-

nique des maladies nerveuses et mentale du professeur 13FCIiTCnEV,

Saint-Pétersbourg, 1900, n° 2.)

L'auteur a appliqué la suspension dans le traitement de 37 cas

544 BIBLIOGRAPHIE.

des différentes affections du système nerveux. Les résultats

obtenus par l'auteur sont présentés par le tableau suivant :

FAITS DIVERS. 545

inutile- dans la syringomyélie et la.myélite transverse, où elle

aggrave parfois la situation. Par contre, dans les myélites par'

compression elle donne de bons résultats. ' i > ;

Quelle est l'action de la suspension ? L'auteur proteste contre'

l'opinion de quelques neuropathologistes qui prétendent que la-

suspension agit par son effet suggestif. Pour l'auteur, la suspen-'

sion, appliquée avec précaution et dans les limites déterminées,,

provoquent des modifications dans la circulation générale et dans

celle qui alimente le système nerveux. La suspension brutale et

forcée occasionne des modifications de la circulation qui peuvent

déterminer la mort du malade. Les expériences ont montré que

sous l'influence de la suspension.il se produit, des modifications

dans la' circulation du cerveau.

L'auteur a constaté que la suspension produit une diminution du' »

calibre des artères cérébrales, une élévation de la pression arté-

rielle et une diminution de la pression interne du crâne. Après

la suspension ces phénomènes changent, il se produit alors' un '

agrandissement du calibre des artères cérébrales, un abaisse-

ment de la pression artérielle et une élévation de la pression.

interne du crâne. Il résulte une hyperémie du système nerveux,

qui est surtout prononcée dans la portion lombaire de la moelle

et dans le bulbe. Les modifications du pouls sont les suivantes :

sous l'influence de la suspension il devient d'abord fréquent ; sa

tension diminue. Après' la suspension les pulsations sont moins

fréquentes et la tension artérielle augmente. La respiration subit) \

également des modifications sous l'influence de la suspension ; .

mais ces modifications sont moins constantes que pour le pouls..

Les modifications de la circulation produite par la suspension,

entraînent des contre-indications de ce traitement chez les car-

diaques, chez les artério-scléreux, les anémiques, les tuberculeux

et chez tous ceux qui souffrent d'une affection pouvant s'aggraver,

par les modifications précédentes. P. 110U11VD)Y. ,

FAITS DIVERS.

1 Asiles d'aliénés. .iVom/Mh'OM et p)'OMOh'M ! S M. le Dr MUS ! N,

médecin-adjoint à Armentières, est nommé à l'asile de Dury; -,

M. le Dr Raviart, médecin adjoint à Dury, est nommé à l'asile d'Ar-

mentières (Nord); M. le Dr THIBAI1T, médecin adjoint à Quâtre-,

Mares (Seine-Inférieure), est promu à la classe exceptionnelle du'

cadre; M. le Dr DousooT, médecin directeur de l'asile 'de Naugeat,'

est admis à faire valoir ses droits à la retraite.

Archives, 2' série, t. XII. 35

546 avis A NOS abonnés.

COURS DE CLINIQUE DES maladies mentales ET DES maladies DE

l'encéphale, asile clinique. M. le Pr JoFFROY a commencé le

cours de Clinique des maladies mentales le lundi 18 novembre 1901,

à deux heures et demie, à l'Amphithéâtre de l'Asile clinique, et

le continuera les vendredis et lundis suivants, à la même heure.

1° Conférences sur l'Anatomie normale ou pathologique du cer-

veau, ou sur la Séméiologie des maladies mentales, les lundis et

vendredis, à deux heures, avant le cours, par MM. les docteurs

Mignot et Mercier, chefs de clinique; 2° Exercices ophtalmolo-

giques sur les malades, les mercredis, à dix heures du matin, par

M. le docteur Schrameck, chef des travaux d'ophtalmologie.

Enseignement de la médecine légale psychiatrique. M. le Dr

Paul GARNIER, médecin en chef de l'Infirmerie spéciale des aliénés :

conférences cliniques de psychiatrie médico-légale le mercredi et le

vendredi de chaque semaine à 1 h. 1/2. MM. les docteurs en méde-

cine, les internes des hôpitaux et les étudiants parvenus au terme

de leur scolarité peuvent se faire inscrire au secrétariat de l'Infir-

merie spéciale, 3, quai de l'Horloge. Après trois mois d'assiduité

à cette clinique, un certificat de stage médico-légal physchiatl'ique

est régulièrement délivré.

AVIS A NOS ABONNÉS. - L'échéance du 1er JANVIER

étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions

instamment nos souscripteurs dont l'abonnement cesse à

cette date, de nous envoyer le plus tôt possible le montant

de leur renouvellement. Ils pourront nous adresser ce

montant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur

localité, qui leur remettra un reçu de la somme versée.

Nous prenons à notre charge les frais de 3 p. 100 prélevés

par la poste, et nos abonnés n'ont rien à payer en sus du

prix de leur renouvellement.

Nous leur rappelons que, à moins d'avis contraire, la

quittance de réabonnement leur sera présentée, aug-

mentée des frais de recouvrement, à partir du

15 Janvier. Nous les engageons donc à nous envoyer DE

SUITE leur renouvellement par un mandat-poste.

Afin d'éviter toute erreur, nous prions également nos

abonnés de joindre à leur lettre de réabonnement et à toutes

leurs réclamations la BANDE de leur journal.

Nous rappelons à nos lecteurs que l'abonnement collec-

tif des Archives de Neurologie et du Progrès Médical

est réduit à 30 francs pour la France et l'Étranger.

. Le rédacteur-gérant : BOUIiNEVILLE.

TABLE DES MATIERES

Absences psychiques chez les hysté-

riques, Luzenberger, 130.

ACROPARESTHÉSIE, par Luzenberger,

533.

Adipose douloureuse, par Achard et

Laubry, 57. Autopsie dans un

cas d ? par Dercum, 128.

Affaire WaldsteIn à Prague, par

Benedikt, 43.

Alcool. Influence de 1'- et du

tabac sur le travail, par Féré.369,

463.

Alcoolique. Homicide -, par Sul-

livan, 406.

Alcoolisme. Rapports de l'- et des

suicides en Angleterre, par Sul-

livan, 132. L'- à Vienne, 285.

Drames de l ? 286, 366, 414.

Influence de la syphilis hérédi-

taire de 1'- et de quelques pro-

fessions insalubres sur la produc-

tion des maladies chroniques du

système nerveux chez les enfants, 1

par Bourneville, 331.

Aliénation. Rapports de l'- et de

la tuberculose, par La Bonnar-

dière, 72c

Aliénés. Soins des femmes auprès

des hommes , par Jurmann,

48. Soins donnés aux dans

l'Etat de New-York, par Shrady,

49. en liberté, 76, 282, 365,

446, 545. Statistique des - du

canton de Zurich, par Sérieux,

166. Réactions de la peau chez les

, par Marandon de Montre),

384. De la barbe chez les femmes

- , par Dupré et Aimé, 354. Mé-

decine légale des , par Krafft-

Ebing, 361. Juif , par Beadles,

406. Affections cutanées chez les

- , par llyslop, 413. Société de

patronage des - du canton de

Zurich, 431. Pavillon des - cri-

minets de Duren, 432. Sorties

précoces chez les -, par Zonoli,

435. Législation comparée des -,

Renton, 435. Hôpitaux d' ur-

bains, par Sioli et Dannemann,

440.

Amaurose hystérique monoculaire

chez une jeune fille, par Veasev,

150.

Amnésie. Un cas d'- continue

consécutif à une tentativt de sui-

cide par l'oxyde de carbone, par

Truelle et Petit. 86.

Amusie. Etude de l ? par Bronis-

lawski, 279.

Amyotrophie. Arthropathies dans

Il-, par Etienne, 58. et syrin-

gomyélre compaiées, par Guillain,

60.

AwLCésre. Sur l'- épigastrique

profonde, par Rossi, 41. sug-

gérée pendant le sommeil, par

Manfroni, 358.

Aa TOnue cérébrale et psychologie,

par J, Soury, 28, 97.

Anestiiésie généralisée et presque

totale, par Féron, 42.

Angoisse, La névrose d ? par Har-

tenter ? 311. 341. /

Anormaux. Ecoles pour enfants -

en Suède, par Daniel, 435.

Aphasie, par Brissaud, 152. - sen-

sorielle et motrice transcorticale,

par Larionow, 298.

Aphonie hystérique dans un grand

mal épileptique, par Clarlce, 303.

Arthropathies syruyomyéliques,

par Preobrajenski, 38. dans

l'amyotrophie, par Etienne, 58.

Adipose douloureuse et -, par

Heitz et Renon, 157.

Asiles. Les punitions sont-elles

justifiées dans les , par Drapes,

50, Gardes de nuit et surveillance

dans les -, par Elkins et Mid-

dlemass, 50. Système Brabazon

dans un -, par Marr, 51. Evolu-

tion de l'architecture des -

par Steen, 52. La question des

infirmiers dans les -, par Timo-

felew, 53. d'aliénés, 79, 168.

Laïcisation de l'- de Naugeat,

548 TABLE DES MATIÈRES.

' 172. Représentation de gala à

l'- de Villejuif, 171. - nomina-

tions, 175. Voeu concernant les

employés des - par Doutre-

hente, 268, - 2SS, 367. Person-

nel secondaire des -, par Taguet.

il5. Anniversaire de I'd'Ait-

Scherbitz, par Buchka. 430. Ré-

glement du concours d'internat

des - de la Seine, 436. Annuaire

de l'internat des - de la Seine,

445. Le pavillon de chirurgie des

- d'aliénés de la Seine, par Pic-

' que, 452.

Aspirine. Traitement des douleurs

du tabès par 1 ? par Marchand,

312.

Assassinat d'un fonctionnaire par

un aliéné, par de Bechterew, 46.

Assistance des idiots et des épilep-

tiques, par Nikitine, 61. - des

aliénés à domicile, 170. - des

idiots, 367,

Association ' médico-psychologique

de Londres. Discours de Fletcher

Beach, 401.

AST\SO-BASOPIIOBIE, par Dupré et

Delarue, 354.

ASTÉBÉOGNOSE. Etudes sur l ? par

Dercum, 151.

Ataxie locomotrice. Symptômes

oculaires dans 1 ? par Turner

Vaughan, 304.

Atrophie olivo-ponto-cérébelleuse.

par Déjerine et Thomas, 528.

Auto-accusation. Délire d ? par

Oudard, 280.

Automatisme alcoolique extrême-

ment prolongé, par Dobrotwor-

sky, 130. ambulatoire épilep-

leptique, par Mac Carthy, 142.

Bleu DE Méthylène. Méthode d'Unna

. au -, par Cluich. 140. );limina-

du - dans les psychoses, par

Bodani, 221.

Brûlure électrique du nerf cubital,

par Decroly,129.

Bulletin bibliographique, 79.

Catatonie et insuffisance rénale,

- par Réôis et Lalanne, 352.

Cautérisation. Rôle psychique de

la dans la thérapeutique des

Arabes, par Hickmet, 359.

Cellulaires. Lésions corticales

dans les accidente mentaux des

maladies générales, par Faure,

. 340.

Cellules radiculaires motrices après

section de leur cylindraxe, par

Mannesco, 123. Anastomoses des

- nerveuses, par · Crevatin, 127.

Modifications des - par la putré-

faction, par Banlsky, 223. Patho-

logie des - des ganglions sen-

sitifs, par Luzaro, 23 ? ner-

veuses à deux noyaux, par Sano,

525.

Cépiulées et intoxications, par i-

Bouyer, 278.

Cérébelleuse. Tumeur - et élii-

lcpsie, par Marchand, 269.

Cérébrale. Tumeur - à forme

psycho-par;lytique. par Cestan

et Lejeune, 158. Chirurgie-

moderne, par Brewer, 532.

Cerveau. Abcès du -, par ll(,itz et

Bender, 153. Echinocoque du -

par Resnillow, 298, Symptômes

optiaues et auditifs dans les

tumeurs du , par Wilder, 302.

'Abcès du - à pneumocoques,

par Itecroly, 515. -

Cervelet. Relation d'un cas de

tumeur du -, par Mac Caskev,

308.

CIiROM.ITOLYSE après la résection du

pneumogastrique, par Ladame,

127.

Chiasma. Lésions du -optique, par

Leszmshy, 141.

Circonvolution. Angiome de la-

de Broca, par Shoyer, 5'l.

Cirrhose. Altérations nerveuses

dans la -, par de Buck, 1,25.

Clonisme. Etude sur le tandi-

neux, par Crocq, 525.

Crime. Etat névropathique hérédi-

taire associé au -, par Winter,

44,

Congrès pour l'amélioration du sort

des aveugles, 74. des neurolo-

gistes et des aliénistes des pa)s

de langue française, 75, 170,233.

Discours de M.' Labussere 233;

de 1\l. Chenieux, 234; de )11. Ballet,

236 ; de M. Drouiueau, r6. La

punch, 262,312, 415.

Contracture. Physiologie et patho-

logie du tonus musculaire, des

réflexes et de la -, par Crocq,

314.

Corps calleux. Gliome du -. par

Blackwood. 523.

Corps étrangers des bronchés, par

Simpson, 523.

TABLE DES MATIÈRES. ¡H9

Décomposition rapide avant et après

la mort, par Wihtcombe, 109.

Dégénérés hystériques au point de

vue médico-légal, par Pareau,

276.

Dégénérescence. De la - dans les

vieilles localités, par Pailhas, 313.

Béglltition. Forme particulière du

trouble de la -, par Rossolimo,

62.

Délire. Du aigu au point de vue

clinique, anatomo-pathologique,

et bactériologique, par A. Carrier,

G. Carrier et E. Martin, 247.

aigu à début paranoïaque, par

Iloubinowtch, 260. Etude du -

des inventions, par Delarras, 278.

- systématisés secondaires, par

Proust, 282. - transitoires sé-

iules, par llrchaud, 361. - aigu

et urémie, par Cullerre, 449.

Démonstrations de préparations

d'anatomie pathologique, par

. Botton, 520. des modifications

des cellules dans la paralysie é-

nérale, par Watson, 520. - des

altérations des grandes cellules

nerveuses chez les aliénés, par

'J'uruer, 50. - de l'histologie des

cellules de la névroglie, pd ! ' 1\0-

bertson, 520.

llrnno-w;urso-cmttouerose. Un cas de

, par llauslialter, 41.

Désintégration. Des foyers lacu-

naires de -, par P. Malle, 515.

Diabétique. Etude d'un cas de para-

lysie -, par Marinesco, 1 ;'9.

Ecorce cérébrale. Sur la physio-

nomie et le moment d'apparition

des lésions cadavériques de l'-

par Faure et Laignel-Lavastiiie.

59. Centres myosiques et accomo-

clateurs de 1 ? par de Bechterew,

118. Modifications des cellules de

l'- dans la fatigue, parGuenini,

223.

Ecriture de Léonard de Vinci. -

en m\loir, par G. Ballet, 119. -

en miroir, par Schn,tzer, 120.

- en miroir, par : lleige, 266.

Education et instruction, théories

pédagogiques de Herbart,. par

9lauxion, 69.

El.0 ? CATIO ? trophique appliquée à

l'ulcère chronique de la jambe,

par Chipault, 50.

Ec(rnALllJ; aiguë sénile, par Ray-

mond et Philippe, lui.

Epileptiques. De l'assistance des

idiots et des -, par Nikitine, 61.

Sur la parole des -, par Clark,

137. Inlluence du sang des-sur

le développement embl yonnail'e"

par Cené, 223.

Epilepsie. Etiologie de l'- dite

essentielle, par Lhote, 74. cor-

ticale, par Vassilieff, 64. Lésions

de la corne d'Ammon dans l ?

par Borozdine et Lioubimow, 121.

Attaque d'- suivie de chorée

dans une folie perpuérale aiguë,

par Easterbrook, 133. Relations

entre la migraine et 1 ? par

Spiller, 144. Des hémorrhagies

de la peau et des muqueuses

pendant et après les accès d'- et

de leur analogie avec les stig-

mates extatiques, par Bourne-

ville, 264. Tumeur cérébelleuse

et -, par Marchand, 269.

consciente, par Lalanne, z

traitement, assistance, etc., par

Kovalevskv, 363. associée à la

fohe, par White,'412.

Equitation. L' et ses effets, par

illonteil, 276.

Eiiy'ilIR0,11ÉLALGIE. Réflexes dans t ?

par Cavazzani et Brocci, 124.

Etai1 mental d'Auguste Comte, par

Ireland, 135,

Expertise. Psychologie de Il- z

dico-légale, pat Betouheres, 279.

Famille. Quels malades aliénés

faut-il placer dans les -, par

A. Marie pela. Vigoul'oUX. 4\6.

Folie. Signes physiques de la -

par Crookshand, 131. - syphth-

tique, par Ilotchl.is, 136. Mala-

dies corporelles considérées

comme cause et complications

de la , par Conford, 138.

subite d'un médecin. 176. d'un

régicide, 207. Guene du Trans-

vaal et la -, 368. Thérapeutique

de la , par Sainsbury, S3 : t.

Traitement des cas récents de ,

par Burr, 534.

Fou. Odyssée d'un , 367. Traite-

ment du en Perse, 534. par-

ricide, 546. ,

Ganglion sympathique. Chirurgie

du cervical supérieur, par

Tul.er, 531.

Gelsemium, Action du sur les

550 TABLE DES MATIÈRES.

noyaux des nerfs moteurs, par

Whitehead, 529.

Gliome. Un cas de - cérébral, par

Vigouroux, 542.

Glycosurie. Influence des psychoses

sur les - nerveuses. par Blair,

407.

Grossesse. Fausse - chez une né-

vropathe dégénérée, par Maran-

don de Montyel, 36. Fausses - et

nerveuses, par Lemesle, 358.

Gynécologiques. Considérations sta-

tistiques sur le service d'observa-

tions de l'asile de Ville-Evrard.

par ricqué et Febvré, 81. 1

Hallucinations. Troubles psycholo-

giques consécutifs à des pro-

voquées, par Vaschide et Vurpas,

308. psychomotrices et sialor-

rhée paroxysmale, par Trénel et

Crété, 538.

Hédonal. Recherches sur l ? par 1

Houbinowitch et Philippet, 275. ,

Hemispasme et torticolis, par Ba-

binski, 157. 1

Hemitonie apoplectique, par de

Bechterew, 397.

Hémorragies de la peau et des mu-

queuses pendant et après les

accès d'épilepsie et leur analogie

avec les stigmates des extatiques,

par Bourneville, 264.

Histoire médicale de J.-J. Rousseau,

par Sibiril, 282.

Hypnotisme spontané, par Bérillon,

67. L'- et son traitement, par

Crocq, 360.

HYPOGLOSSE. Paralysie du grand -.

part'.Marie et Guillain, 157.

Hypophyse. Développement de l ?

par Rossi, 125.

HYSTÉRIE juvénile chez une fillette

de douze ans, par Cruchet, 177.

L ? sa nature, son étiologie,

par Mix, 304. L'- et la neuras-

thénie chez les jeunes sujets, par

de Merritt, 307. Diagnostic de

1 ? par Burr, 309. Agents provo-

cateurs de 1 ? par Lépinay, 356.

Etiologie et guérison de l ? par

Walter, 530. ses rapports avec

la folie, par IIunerford, 414.

Hystérique. Immobilité des pupilles

dans les attaques -, par Iïarples,

39. Sein -, par Lannois, 355.

1 .

Idiots. De l'assistance des - et des

épileptiques, par Nikitine, 61.

Traitement médico-pédagogique

des enfants -, par Bourneville,

343. Photographies et radiogra-

phies de malformations des

membres chez les par Bour-

neville, 352. Anomalies pupil-

pillaires chez les , par Koemg,

409.

IDIOTIE. Dixième conférence snr f-

à Elberfeld, 172.

Inanition complète. Fonctions ner-

veuses dans 1 ? par Barbera,

126.

Incontinence d'urine guérie par sug-

gestion, par Bourdon, 160.

Infirmiers. La question des - dans

les asiles d'aliénés, par Timofe-

lew, 53.

11\111 BlTIO N. L'étude de I ? par

Gonzalès, 231.

Intoxication du système nerveux

central par le bromure, la ca-

féine, etc., par Portioli, 125.

Irresponsabilité chez les criminels,

par Whiteway, 44. -, par Mer-

cier, 46.

IVROGNERIE. L ? ses causes, sa gué-

rison, par Westcott. 406.

Lécithine dans la thérapeutique du

système nerveux, par Hartenberg;

268, - dans les maladies ner-

veuses, par Damliewsky, 532.

LEPT03fÉNINf,ITE. Deux cas de -,

par Barratt, 521.

Liquide. Ecoulement par le nez du

cérébro-spinal, par Frenden-

thai, 110. Etude du céphalo-

rachidien, par Joffroy, 539.

Maladie DE FRIEDREICH. Deux autop-

sies de , par Philippe et Ober-

thur, 157.

Maladie de LITTLE. Traitement de la

- , pal Daniel, 532.

MAL DE POTT. Etude histologique du

- cancéreux, par Oberthür, 158.

Manie. Théorie relative à la mélan-

colie et à la , par Turner. 411.

Cas de traités sans médica-

tion sédative, par Hitchcock, 413.

Médecine mentale. Pratique de la

- , par Kéraval, 68.

I nIIsDICO-PÉD.1GOGIQUE. Traitement -

des enfants idiots, par Bourne-

ville, 343.

Mélancolie. Modifications physiques

dans la -, pa.i Bruce et Alexander,

405. Emphysème sous cutané dans

TABLE DES MATIÈRES. 551

la -, par Cowen, 411. Théorie

relative à la - et à la manie, par

Turner, 411.

Mendiants et vagabonds dans les

grandes villes, par Bonhoffer,

445.

Méningite tuberculeuse forme mé-

lancolique, par Vigouroux, 541.

MÉNINGO-ENCÈPIIALITE diffuse chro-

nique du côté gauche, par Brunet,

397.

MËMNGO-MyEUTE tuberculeuse avec

autopsie, par Crocq, 116.

Mentaux. Troubles - toxi-infec-

ticux, par Lalgnel-Lavastine,

342.

Méthode systématique pour recueil-

lir les observations, par Newth,

. 133.

Migraine. Relations entre la névral-

gie du trijumeau et la -, par

l'utnam, 141. Relations entre la

et l'épilepsie, par Spiller, 144.

Mimiques. Troubles unilatéraux de

la -- faciale, par Lannols et Pau-

tet, 352.

Moelle. Ligature de la chez les

' animaux, par Crocq, 528.

Morphine. Traitement de l'habitude

de la -, par Mac Bride, 530.

Muscle. propos de certaines modi-

fications du , par de Buck et

Demour, 117.

Musée. Nécessité d'un - et d'un

laboratoire de pathologie et de

physiologie cérébrales, par Newth,

49.

Muitsme. Le - hystérique dans

l'histoire, «par Leroy, 506.

M y 1,STIIF.NIQUE. Réaction électrique-,

par Flora, 127.

Myélite syphilitique, par Hauser et

Thomas, 61. Nature et traitement

de la aiguë, par Marmesco,

533.

Myxoedémateuse Folie -,traitement

thyroïdien, par Legrain, 539.

Neurasthénie. L'hystérie et la -

chez les jeunes sujets, par de Mer-

rit, 307. La nature de la , par

Ladova, 310. '

Névralgie. Relation entre la du

trijumeau et la migraine, par

Putnam, 111.

Névrite subaigue par compression,

par Kellogg, 150. Relation entre la

faciale et la rétro-urbitaire,

par Leszinski, 524.

Obsession. Théorie de l' -, par

Arnaud, 337.

OEDJ ! ME hystérique, par Cestan et

Raymond, 60, par Voisin, 161.

ONIROCRITIE comitiale, par Fournie,

282.

Opiitalmoplégie. Étude sur Il- cou-

génitale, par Cabannes et Barneff,

40.

Oreille. Malformation congénitale

de l' -, par Kerr, 109. Pavillon

de l' - valeur de ses anomalies,

par Lucas, 279. Traitement des

vertigineux de l' -, par Libotte,

534.

Palustre. Troubles nerveux d'ori-

'gille -, par Brocquet, 311. Poly-

névrite, par Boinet, 311.

Paralytiques généraux. Etude de la

dépendance des - par Ricard,

277. Algidité centrale chez ces

par Joffroy, 329.

P.11S4LYSIE générale. Hallucinations

psycho-motrices dans la -, par

A. Marie et Buvat, 1. Du sens

génital étudié chez les mûmes

malades, aux trois périodes de la

- , par Marandon de Montyel, 4r. i.

Pathogénie des symptômes de

lésions en foyer dans la -, par

Mouratow, 131. Lymphocytose

dans la -, par Anglade et Cho-

craux, 156. Névroglie dans la -

par Anglade, 157. - juvélllle, par

Devay, 273. Recherches sur l'étio-

logie de la , par G. Boyer, 277.

La chez les religieux, par

Caboureau, 281. De la - simple,

par Duffou, 281. juvénile, par

Régis, 312. à début anormal,

par Pailhas, 31+. Anatomie et

pathologique de la -, par Orr et

Cowen, 108. Anatomie et hisio-

pathologie de la - par Soukha-

noff et Geier, 529. Lésions du cor-

tex dans la -. par Marchand,

538. Délire des actes dans la -,

par Truelle, 540. Imbécillité et -

juvénile, par Toulouse, 541.

Paralysie. Une épidémie de spi-

nale infantite, par Simonini, 42,

Saturnine anormale, par Onuf.

143. - de Landry, par Knapp et

Jenks Thomas, 145. Tic et , par

Ballet, 154. totale et isolée de

la troisième paire, par Achard et

L. Lévi, 151. - du grand hypo-

glosse par P. Marie et Guillam,

552 TABLE DES MATIÈRES.

157. Anatomie pathologique de la

- de Landry, par Guizetti, 224.

Altérations spinales dans la -

agitante, par Nonne, 227. - fami-

liale périodique, par Crafts, 301.

Un cas de - de Buown Sequard,

par Woods, 302.

Par \lI1YHOIDICNXES. Glandules-, par

Livini, J26.

P4THOLOGIE. Nécessité d'un musée

et d'un laboialoii-e de - et de

physiologie cérébrale, pai Newth,

49

Patronage familial en IIollande,

par Peeters, 55,

Pensée. Contribution à l'étude de

la qui prend la forme de voix,

par Piniatchewski, 119.

PLRSONEL. Enquête historique sur

le de surveillance des aliénés

en Allemagne, par Piniatschew-

ski,53,

I'u»nacl : wE physiologique, par Ray-

mondeau, 334.

Phtisiques. Nécessité d'isoler les

aliénés, par France, 53.

Pituitaire. Glande considérée

comme un facteur de l'acromé-

galle et du gigantisme, par Hut-

dllllson, 518.

Polynévrite palustre, par Boinet,

311.

Ponction Louctn,E. Effets physiolo-

giques de la raciiicocaiiiisatioiiel

de la -, par Pitres et Abadie,

28'J.

I'Ol ? E\CI.PH 1LIE. Un cas de -, par

Deganello, 223.

Professions. Influence de la syphilis

héréditaire, de l'alcoolisme et de

, quelques -insalubres sur la pro-

dnction des maladies chroniques

du système nerveux chez les en-

fants, par Bournemlle, 331.

Prophylaxie dans les maladies

mentales, par Richardson, 554

Psychologie. Anatomie cérebrale et

- par Soury, 28, La nouvelle,

par lllaudsley, 113.

1 l'sycHo-m1cANlOuE. Traitement -

des tics et des habitudes, etc., par

Bérilloii, 356.

Psycho-physique. La perception -,

par Edrtdge, 519.

Psychose post-opératoire, par Devay,

267. Anatomie pathologique dans

les fonctionnelles, par Heil-

bronner, 516.

Puerpérale. Attaque d'épilepsie sui-

vie de chorée dans la folie -, par

Easterbrook, 133.

Pupilles. Immobilité des dans

les attaques hystériques, par

Karples, 39.

QUEUE DE cheval. Hypertrophie de

la -, par Thomas, 58. Tumeur

comprimant la-, par Sachs, 143.

Des lésions de la -, par Bechte-

rew, 225.

R ,CHICOCAÏKISATION. Effets physio-

logiques de la - et de la ponc-

tion lombaire, par Pitres et Abadie,

289. Traitement des douleurs du

tabès par l'aspull1e et la -, par

Marchand, 342.

Ramollissement, Rires et pleurs

spasmodiques par - nucléo-

capillaire antérieur, par E. Dupre '

et Devaux. 156.

Réflexes. Dissociation et antago-

nisme de -tendineux et cutanés,

par Crocq, 1 l7. -chez les sypl-

litiques, par Binet-Sanglé, 128.

Rapports entre les- et la tonicité

musculaire, pai de Benzy et Coop,

129. Polynévrites et -, par de

Burd" 129. - oculo-pupllhire,

pat Stefaui et lVorcle : r,t. ? ` ? 0. Con-

tribution à l'étude (]il -

par Wallon et Paul, 229. Physio-

toge et pathologie du tonus, des

- et de la contracture, par Crocq,

31 4. Mécanisme physiologique des

, par Marchand et Vurpas, 328.

acllllléens paradoxal, par De-

bray, 526. Raison et localisation

du - patellaire. par Laureys, 526.

- tendineux et - cutanés, par

Lauieys, 527. Etat des - chez les

syphilItiques, par Emet-Sanglé,

527. cutanés et tendineux par

Van Gehuchten, 528. dans la

fièvre typhoïde, par Reumlinger,

529.

Réfraction and how to refract, par

Tliorington, 166.

Rêve obsédant, par Bérillon, 161.

Rires et pleurs spasmodiques par

ramollissement nucléo-capsulau'e

antérieur, par Dupe. et Devaux,

156.

Sclérodermie, par Brissaud, 154.

Sclérose cérébro-spmaie dissémi-

née, par Crocq, 42. Symptômes

TABLE DES MATIÈRES. 553

oculaires de la - postétieure de 1

la moelle, par Olivier, 299.

Sclérose en plaques. Des formes

bustes de la-. parScl7ackewitsch,

39. -, par Touche, 151.

Sensibilité. Altération des - tac-

tile et thermique, par Ferrarl,

128, 21. La - cher les sourds-

muets, pal Ferrai, 223.

Sentiments. Les -, par Campbell,

111.

Sérum artificiel en aliénation men

taie, par E. Faure, 167.

Sérum. Injections de - chez les

aliénés, par Pactet. 5'38. -, par

A. Marie, 542.

Sexes. Influence du prognathisme

pour la détermination des -, par

Guilîriria, 223.

SlTOPllOi31u observée chez des aliénés,

par Maiorfi, 358.

Société D'IIYI'NOLOGII. ET DE PSSCIIO-

logie, 67, 160, 350.

Société médico-psychologique, par

brisant, 537.

Société DE neurologie, par Boissier,

5G, 153.

Société DE NEUROp1HOLOGIE ET de

psychiatrie DE Moscou, par Barn-

steiu, llourawielf et Versilof1', 61.

Sommeil. Procédé pour piovoquer

le - artificiel, par Hartenberg,

526.

SGUnns-ocETS. La sensibilité chez

les -, par Ferrai, 223.

Souvenir des mouvements passifs,

par d0ulcowshy, 226.

Stéréotypies. Contribution à l'étude

des -, par Cohen, 4zig.

Stigmates. Des hémorragies de la

peau et des muqueuses pendant

et après les accès «l'épilepsie et de

leur analogie avec les des ex-

tatiques, par Bourneville, 261.

Suggestion. Rôle de la dans la

vie publique, par de Bechterew,

46. Suggestibilité et , par He-

gnault, 67. Emploi de la - dans

l'éducation artistique, par Joire,

357. - pédagogique dans le som-

meil, par Bourdon, 358. h1p-

notique dans l'éclampsie, par Le

Menant des CI7PSlIiIIS, 358. -, son

rôle dans l'éducation pal Thomas,

444.

Suicide. Rapports de l'alcoolisme

et des en Angleterre, par Sul-

livan, 132. - d'un adolescent,

116. Pathogénie du -. par Re-

boul, 280. - d'enfants, 367.

Suspension. La -comme traitement

des maladies nerveuses, parOstan-

koff, 543.

Swcnrworsc. Histoire d'un vision-

naire, par Ballet, 162.

Syphilis du système nerveux en

Algérie, par Scherh. 58. - Du

cerveau, par Eslmdge, 303. In-

fluence de la héréditaire, de

l'alcoolisme et de quelques pro-

fessions insalubres sur les mala-

dies nerveuses des enfants, par

Bourueville, 331.

Syringomyelie. Forme rare de -

avec méningite tuberculeuse, par

lienoni, 41. Amyotrophie et -

comparées, par Guillain, 60.

Déformation de la colonne verté-

brale dans la -, par Naluaiidofl*.

65. Traumatisme de la région

cervicale simulant la -, par

Lloyd, 147.

SYRlKGOmÜIQuEs. Arthropathies-,

par Préobrajenski. 38. Syndrome

- étendu unilatéral, par Sano,

43.

TAB1C. Influence de l'alcool et du

- sur le travail, par Féré, 369,

463.

Tabès. Sensibilité oculaire dans

le , par Le Merle, 280. Traite-

ment des douleurs du par

l'asperine et la rachicocaïnisa-

tion, par Marchand, 342.

TABi' : TIQUE. Etude de la paralysie

post -, par Gardini, 41. Ther-

mogenèse des -, par Marie et

Guillain, 157.

T.1CTIO11TRE, par lllotschoutlcowslci,

118.

Testament. Exécution d'un dans

un cas d'hémiplégie avec aphasie,

par Edmunüs, 45.

Thèses de Bordeaux, 276.

Thyroïdien. Accès d'asthme violent

d'origine hypo , par Ley, 40.

Extrait dans la folie, par Ba-

brocq, 535.

Tic et paralysie, par Ballet, 154.

Torticolis. Deux cas de mental

chez les aliénés, par E. Martin,

270.

Tonus. Physiologie et pathologie

du - musculane, des réflexes et

de la contracture, par Ctocq, 314.

5S4 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

TRANSVER13F*,RATIO'Ç de Sainte-Thé-

rèse d'Avila, par Lemesle, 67.

TROPHOEDlhlE chronique héréditaire,

par Lannois, 40.

Tuberculose. Rapports de l'aliéna-

tion et de la -, par La Bonnar-

dière, 72. Isolement des malades

atteints de -, 168.

Tumeurs du SI stème nerveux cen-

tral, par Michelzzi, aga-

zeuses de l'abdomen, par Le-

maistre, 329.

Ulcère. Application de l'élongation

trophique à l' - de la jambe,

par Chipault, 56.

Urémie. Délire aigu et -, par

Cullerre, 449.

UUÉTIIRE Rétrécissement spamo-

dique de 1'11rèthL'e, par Wateau,

67.

Utérines. Influence du' psychique

sur les fonctions, par Regnault,

161.

V\GAROWS. Mendiants et - des

grandes villes, par Bonhûlïer, 445.

Vague. Le dans ses rapports avec

les formes malignes de la rou-

geole, par Cioffi, 127.

VEINES spinales variqueuses, par

Coon, 230.

Violoniste prodige, par L, Dauriac,

67. ,

Visuelles. Recherches expérimen-

tales sur la mémoire des im-

pressions, par Guerwer, 225.

Vomissements incoercibles guéris par r

la suggestion, par Farez, 356.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS

Abadie, 389.

Achard, 57, 154.

Aimé, 354.

Alexander, 405.

Amata. 362.

Anglade, 15G, 157.

Arnaud, 262, 337.

Aubry, 61.

Babinski, 157.

Babroch. 535.

Ballet (Gilbert), 59, 119,

9.i+, 962, 236, 261,

267,375, 3r1, 420;

421, 429.

Baibiera, 126.

Bardisky. 223.

Barnef, 40.

Barrât, 521.

Beadles, 406.

Beclterew (de), 16,118,

225, 397.

Mendier, 153.

Benedikt, 43.

Berillon, G7, IGI. 35G.

Betoulières, 279.

Binet-Sanglé, 123, 527.

Blackwoo¡J, 523.

Blair, 407.

l3odoni, 221.

lioiiiet, 61. 311, 515.

Boissier, 61, 160, 166,

167, 364,

Bonhoffer, 445. ,

Borozdiiie, 121.

Botton, 520.

Bourdon, 160, 358.

Bourneville, 264, 266,

330, 331, 343, 352,

418, 419, 421, 422,

423, 424, 426, 427.

Botiyer, 278

Boyer, 75, 277, 444.

Biacci, 124.

l3riaud, 258, 261, 271,

273, 420. 422, 423,

426, 539, 512, 543.

Brissaud, 153, 154, 271,

275, 327.

Brewer, 532.

Brocquet, 311, '-

Bronislawski, 279.

Bruce, 405.

Brunet, 397. j

Buckka, 431.

Buck (do), 525.

liurk «le), 129.

Burr, 309, 534.

Buvat, 1.

Cabannes, 40.

Caboureau, 281.

Cahen,476.

Campbell, 111, 137,

Carrier (A), 247.

Cariier (G),247.

Cavazzani, 124.

Cené, 223.

Cestan, 60. 158, 327.

Chénieux, 234.

Cliipault, 5G.

Chocraux, 156.

Christian. 539.

Cioffi, 127.

Claik, 137.

Clarke, 303.

Punch, 190.

Cochran. 53 i.

Colin, 542.

Con('ord, 138.

Coon, 230,

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS. 555

Coop, 199.

Cowen, 408. 411.

Cmfts, 301.

Crété, 538.

Crevatin, 127.

Crocq, 42. 116, 117,

261, 266, 314, 360,

525. 526.

Crookshank, 134.

Cruchet. 177.

Cullerre, 449.

Daganello, 223.

Dannemann, 440.

Daniel, 435, 532.

Danihewski, 532.

Dauriac (L.), 67.

Dawson, 524.

Dabrav, 525.

Decroly, 129.

Dèjeiine, 528.

Délarras, 278.

Delarue, 334.

Delmas, 127.

Demagny. 170,

Demoor, 117.

Deny, 118, 123, 130,

Dercum, 151, 228.

Devaux, 157.

Devav, 74, 267, 273,

274.

Do bot worsky. 130.

Doursout, 422, 423,

428.

Doutrebente, 266, 268,

418, 423, 426, 427.

Drapes, 50.

Drouineau, 246, 420,

421, 424, 426.

Duffon, 281.

Dupain, 542.

Dupré, 157,160,273, 354.

Easterbrook, 133.

Edmunds, 45.

Edridge-Green, 519.

Eide, 160.

Elkins, 50.

Eskridge, 303.

Etienne, 58.

Farazzi, 125.

Farez, 160, 356.

Faure, 59, 167, 262, 340.

Oeuvré, 81.

Feindel,156.

Fenayrou, 428.

Fere, 369, 463.

Féron, 42.

Ferrai, 223.

Ferrari, 129.

Flechter-Beach, 401.

Flora, 127.

Fourme, 282.

France, 53.

Frendenthal, 110.

Garbini, 41.

Garnier, 539.

Gebuchten (van), 5 ? 8.

Geier, 529.

Giraud, 117, 4-10, 423,

425.4 : 6.

Gialfrida Ruggeri, 223.

Gonzalès, 231.

Guerwer, 225.

Guerrini, 223.

Guillain, 60, 157.

Guizzetti, 224.

Grasset, 324.

Hamel, 311, 361.

Hartenberg, 268, 311,

526.

Hauser, 61.

Ilanshalter, 41.

lIawlnns, 524.

Heitz, 13, 157.

Helbronner, 516.

Hikmet. 161, 359.

Hitchcock, 413.

Ilotchkiss, 136.

Hungerford, 414.

Hutchinson, 518.

Hyslop, 413.

Ireland, 138.

Jenks (Thomas), 145.

i JofTrov, 329, 537, 539.

Joire, 357.

Joukowski, 226.

Jurmann. 48.

Karples, 39.

Kellog, 150.

Keraval, 68, 121, 122,

131, 226.

Kerr, 109.

Knapp, 145.

Zig, 409.

Korsakoff, 65.

Iiovalewskv, 363.

Kouindjy, '545.

La Bonnardière, 72.

Labussière, 233.

Ladame, 123.

Ladova, 310.

Laignel-Lavastine, 59.

z. 343.

Lalanne, 352.

Launois, 40, 271, 352,

355.

Larionow, 298.

Lastarac, 61. ,

Laubry, 57.

Laureys, 526, 527.

Legram. 539.

Lejeune, 158.

Lemaistre, 329.

Le Menant des Ches-

nais, 359.

Lemerle, 280.

Lemesle, 67.

Lépinay. 356.

Leroy, 506,

Leszinsky, 141, 521.

L(vi (L.), 154.

Lévy, 60.

Ley, 40.

Lhote, 74.

Libott, 534.

Lioubimow, 121.

Livini, 126.

Lloyd, 147..

Lucas, 279.

Lutzenberger, 130, 533.

Lwoff, 427.

Luzaro, 223.

Mac Bride, 530.

Mac Carthy, 142.

Mac Caskey, 308.

Magnan, 539.

Maiorfi, 358.

Manfroni, 358.

Marandon de Montyel,

14, 36, 384.

Marchand, 261, ` ? 69, 274,

328, 342, 538.

Marie (A.), 1, 446, 5s0,

542.

Marie (P.), 157, 515.

Marinesco, 123, 159,

533,

Marr, 51.

Martin (E.), 217, î0,

271.

Maudsley, 113.

Mauxion, 69.

111ei;;e, Gl, 157, 266, 267,

270, 271, 272.

Mendelssohn, 326.

Mercier, 46,

Merri (de), 307.

Michauri, 361.

556 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

i\ficlielzzi, 123

Middtemass, 50.

minot, 66.

mis, 304.

Monteil, 276.

5 ! otschoukowsk', 118.

Mouralow, 62, 64, 131.

Iourawefl, 63.

111usrave Claye, 109,

lia, 111, 113, 133,

232, 436, 519, 530.

Nageotte, 539.

NalbandofT, 65.

Newth, 49, 133.

Nikitllle, 61.

Nonne, 227.

Nordera, 221.

Oberthûr. 157, 158.

Olivier. 299.

Onuf, 143.

Orr, 408.

Ostankoff, 543.

Soudard, 250.

Pactet, 538, 542.

Pailhas, 313, 314.

Paru au , 276.

Pau de Saint-Martin,

161.

Paul, 229.

Pautet, 352.

Peeters, 55.

Petit, 86.

Philippe, 154, 157, 160.

Philippet, 275.

Preobrajenski, 38.

Proust, 282.

Picyué, 81, 452.

Pmmtschewshi, 53, 119.

Pitres, 324, 389.

Portioli, 125.

I>osto%vski, 62.

toularcl, 147, 167, 228.

Putnam, 141.

Raymond, 59, 154.

Raymondeau, 325.

Rayneau, 422, 540.

Reboul, 2S0.

Récroly, 515.

Régis, 235. 268, 274,

338. 352.

Regnault, 67, 161.

Rellay. 363.

Itenoni, 41.

Reutun, 435.

Henni, 129-

Hesl11kow, 298.

Reulinger, 529.

Revnou, 17.

Rlèhan ! son, 536.

ltobertson, 520.

Rossi, 41.

Rossolimo, 62.

Roth, 62, 63.

Rouhinowitch, 60. ïa.

Sachs, 143..

Sainsbury. 533.

Sano, 43, 525.

Schackewilsch, 39.

Sclerb, 53.

Schmt.er, 120.

Séglas, 435.

Sérieux, 1GG, 435, 443.

Shrady, 49.

Shoyer, 521.

Sibiril, 282.

Simon. 534.

Simonini, 42.

Simpson, 523.

Sioli, 1140.

Solovtzoff, 66.

Soukhanow, 529.

Soury,, 28. 97.

Spiller, 1 H.

Steen, 52.

Stefani, 221.

Suker, 531..

Sullivan, 132, 406.

Taguet, 115, 418, 421,

423, 424, 426.

Thomas, 58. 61, 414 ? 28.

Thorington, 166.

'l'mofelew, 53.

Tol : arsl;5, 62, 63.

Touche, 61, 154.

Toulouse. 541.

Toutvschkine. 64.

'l'renël, 12., 538.

Truelle, 8G, 5·'rO.

Turner, .411. 520.

Turner-Vaughan, 204.

Vaschide. 208.

Vallon, 423, 424. 539.

541.

Veasey. 150.

Versiloff, 63.

Vigoureux, 157, 416,

bil, 542.

Voisin, G7. 4G1.

Vurpas, 208, 328.

Walter, ;'30.

Wassiliefî, 64.

Wateau, 67.

Watson, 520.

Weirienhammer, 05.

Westcott, 106.

White, 412.

\\'hithead, 529.

Whiteway, 44. i.

Wihtcombe. 109.

Wilder, 302.

Winther, 44.

Woeds, 302.

Zonoli, 435.

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