ARCHIVES
DE E
NEUROLOGIE
Dr SEMELA1GNE
ARCHIVES
DE
NEUROLOGIE
REVUE MENSUELLE
DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES
Fondée par J.-M. CHARCOT
PUBLIÉE SOUS I.A DIRECTION DE MM.
A. JOFFROY
Professeur de clinique
des
maladies mentales
a la Faculté de médecine
de Pans.
V. MAGNAN
Membre de l'Académie
de médecine
Médecin de l'Asile clinique
(Sle-Aune).
F. RAYMOND
Professeur de clinique
des maladies
du système nerveux
à la Faculté de médecine
de Paris.
COLLABOH1TBU11S PRINCIPAUX
¡l'l. ABADIE, ATHANASSIO, IIABINSKI. BALLET, BÉCHET G.), BELLIN,
BLANCHARD (11.), LLLIN, üOISILIi (1<'.), BOVCOUR (P.), BOYER (J.), BHIAND (M.),
HIIIS"AUD (E.), BItOlIAItUIiL (l'.),BRI;NET (D.).CATSABAS, CHAIIIIEHT, CHAHOX,
CIIIIISTIN, COLOLIN, CULLEHIIE, 1)lill()VE (11.). UENY, DEVAY, UUCAMP,
DU\' AL (M4TI""), FAUr.HER, FEHE (Cii ), FENAYIIOU, F'EIIIiIEII, FRANCOTTE,
GILLES DE 1,A TOUIIETTE. GAHNIOE (S.), G0111SAlILT, GRASSET, JAf.QCIN,
JOURDAN, KERAVAL, LIUAfE, LA\UOIiZY, LEGItaIN, LWOFF, MABILLE, MARIE,
VIEItZEJf'sIVSICY, 511RALLIÉ, IIISGItAVE-(;I,AY,NOIR,
l'lERRI;T, PITRES, IIa\'fARI', REGIS, HEGNAB' (l'.), REGNIER (P.), IIII : IIEft (P.),
RELL\Y (P), HODIET, HOTU (W.), qÙ(1AS. CÉItIEI'X, ? OLLII-11,
SOUKH1,NOFF,.SOIIQ(il ? SOI'HV (J.). TAGUET. TCHIIIIEW, TEINTURIER (E.),
TIIUI,I); (II.), UHR.OLA. VALLON. VERGER (H.), VIAL, VILLAIID,
VOISIN (J.), \VRL, l'VON (P.). -
Rédacteur en chef : BOURNEVILLE
' Secrétaires de la rédaction : J.-B. CHARCOT tr J. NOIR
Dessinateur : LEUBA
Deuxième série, tome IX. 1900.
Avec 13 figures dans le texte et 7 planches.
PARIS
BUHKAUX DU PROCHES MÉDICAL
14, rue des Carmes.
1900
Vol. IX. Janvier 1900. N° 49.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
MÉDECINE LÉGALE.
L'Odyssée d'un délinquant simulateur.
(contribution A l'étude DE la simulation DE la folie) ;
Par le D' Samuel GAIINIER,
Médecin en chef directeur de l'Asile de Dijon.
La simulation, dit Ambroise Tardieu (Elude médico-légale
sur la folie, `3° édit. Baillière, 1880, p. 242), tient une place
considérable dans l'histoire médico-légale de la folie, non que
les exemples en soient de fait très fréquents, mais parce que
l'expert placé en face d'un aliéné dont la justice lui a donné
la mission d'examiner l'état mental, doit, en toutes circons-
tances, se préoccuper de la possibilité de la simulation et
établir dans des conclusions positives que la folie qu'il a
constatée est bien réelle. Ces paroles du célèbre médecin
légiste sont profondément sages et l'aliéniste, dans la recher-
che de la véritable mentalité d'un délinquant, doit toujours,
en effet, se poser le problème d'une simulation possible inten-
tionnelle de la folie et régler sa méthode d'examen en consé-
quence. La méthode très généralement applicable, malgré la
diversité des espèces en médecine légale, est, à mon sens,
celle de ne rien. préjuger de la question à résoudre et de pui-
ser d'abord dans l'examen direct du sujet les éléments décisifs
d'une conviction à son égard. Sans doute parfois, cet examen
direct pourra être négatif, mais cette constatation même sera
un premier jalon dans la recherche de la vérité. C'est en se
Archives, 2'série, t. IX. 1
Z MEDECINE LEGALE.
'gardant de toujours accepter les présomptions du dossier
comme démontrant d'ores et déjà la folie, qu'on évitera de
faire fausse route, car si suggestives qu'elles puissent paraî-
tre, elles doivent être considérées comme essentiellement
provisoires. Quant aux cas eux-mêmes de simulation, je ne
partage point l'opinion du maître' éminent qu'était Tardieu,
au point de vue de leur peu de fréquence et je crois au con-
traire qu'ils sont bien moins rares qu'il ne l'a donné à enten-
dre. Soit qu'il se soit agi de folie prétextée ou alléguée, soit
de folie véritablement simulée, j'en ai, pour mon compte,
observé de nombreux cas. -Ici c'est un individu qui, pour
échapper à la relégation, simule des attaques presque jour-
nalières d'épilepsie, là c'est un disciplinaire qui, pour obtenir
sa réforme, réussit à donner le change sur son état véritable
en simulant un accès d'excitation maniaque avec idées de
grandeur; tantôt c'est un criminel, qui pour échapper à la
répression d'un assassinat, simule aussi l'épilepsie; tantôt
enfin c'est un individu, qui poursuivi pour attentats à la
pudeur, cherche à se faire passer pour inverti sexuel. Dans
tous ces cas, et j'en passe encore nombre d'autres similaires,
l'intérêt évident de la simulation devait .éveiller des doutes
sur la sincérité des phénomènes simulés ou allégués et par
conséquent rendre l'examen direct de ces pseudo-malades
plus approfondi. J'ai pu arriver à démasquer la supercherie
des uns et des autres et il serait d'un grand intérêt de dresser
le bilan de la simulation, à l'aide de toutes les observations
de simulateurs, qu'on pourrait recueillir. On verrait l'ingé-
niosité parfois étonnante de ceux-ci et combien ils ont pro-
gressé dans cette voie, laissant bien loin derrière eux, la tac-
tique du fameux Dérozier de Morel qui, questionné sur son âge,
répondait, après avoir hésité : 245 fr. 35 et forçait ainsi par
trop évidemment la note. Nos simulateurs d'aujourd'hui sont
beaucoup moins maladroits et j'en ai connu un qui connais-
sait à fond les symptômes de la folie impulsive et les décri-
vait avec une précision clinique absolue. L'exemple de simu-
lation, que je me propose de relater ici, est d'autant plus inté-
ressant, que l'individu dont il s'agit a pleinement réussi à se
faire passer pour fou et qu'après avoir été enfermé dans un
asile, en bénéficiant de l'irresponsabilité attachée à sa soi-
disant qualité de malade, pendant deux ans au moins, a
réussi à en sortir par décision d'un tribunal. La folie simulée
L'ODYSSÉE D'UN DÉLINQUANT SIMULATEUR. 3
par cet homme avait été successivement la grande hystérie
avec idées de suicide et la folie des persécutions avec délire
des grandeurs, alors que la plupart des simulateurs, sinon
tous, choisissent au contraire des genres moins compliqués
et partant d'une imitation plus facile. Ce qu'il y a enfin de
particulier à ce cas, c'est que l'aveu de sa simulation a été
fait par le simulateur lors de la deuxième expertise, motivée
par un délit commis assez longtemps après qu'il fut sorti, par
décision judiciaire, de l'asile où il était séquestré.
Pour mettre en relief cet exemple de simulation, je ne vois
pas d'autre moyen pratique, que d'emprunter au rapport
rédigé jadis sur le délinquant en le complétant par d'autres
documents, tout ce qui peut faire ressortir la physionomie
propre de cette affaire.
La mission qui m'incombait à l'égard du simulateur Cing...
me fut ainsi tracée par le juge d'instruction. Je devais recher-
cher, au vu du dossier et de l'information comme aussi des
observations par moi faites, si cet individu inculpé de vol, de
fabrication et de falsification de certificats, jouissait de la
plénitude de ses facultés mentales ou si au contraire sa res-
ponsabilité était abolie ou atténuée, et dans ce dernier cas
examiner s'il devait être considéré comme un individu dan-
gereux et s'il était nécessaire dès lors de prescrire son inter-
nement dans un asile d'aliénés.
I. De la procédure il résultait les faits suivants : dans la
journée du 3 août 1895, une somme de 17 francs composée de
trois pièces de 5 francs et d'une pièce de 2 francs avait été
dérobée dans le logement d'un garde-champêtre de la ville
de B.... Le larcin avait dû être commis par quelqu'un au
courant des habitudes du garde et de sa femme : ceux-ci
s'étaient absentés deux fois dans la journée et l'inculpé
Cing..., alors occupé à réparer le toit comme couvreur, fut de
suite soupçonné. Aucune effraction n'avait d'ailleurs été cons-
tatée et le voleur avait pu se glisser facilement du toit par
une fenêtre restée ouverte et ressortir après avoir fouillé le
meuble qui contenait l'argent, sans être vu. Arrêté le lende-
main, Cing... fut trouvé porteur de trois pièces de 5 francs,
deux pièces de 1 franc et 20 centimes de billon. Il nia être
l'auteur du vol, bien qu'on eut trouvé dans la mansarde où
ce vol s'était accompli, des traces d'une terre identique à celle
qui souillait ses chaussures de travail dont l'empreinte s'ap-
4 MÉDECINE LÉGALE.
pliquait en outre exactement à celles laissées dans la pièce.
Malgré ses dénégations, il fut maintenu en état d'arrestation
et il déclara aussitôt « que si on le mettait en prison il s'en-
lèverait la vie et que la poursuite contre lui serait sans
effet ». -
Devant le juge d'instruction, Cing... prétendit d'abord
faussement être veuf et avoir deux enfants habitant avec sa
belle-soeur à Or... et nia toutes les condamnations de son
casier. Questionné sur une information judiciaire dont il
avait été l'objet en z1892 et qui s'était terminée par un arrêt
de non-lieu, mais avec placement dans un asile de z1892 à
1894, il reconnut le fait de sa séquestration, mais prétendit
que son internement avait été provoqué par l'autorité mili-
taire, ce qui était encore faux. Deux jours après, il reconnut
par lettre l'exactitude de son casier judiciaire et finit par
avouer qu'à la suite d'une poursuite du parquet de L... il
avait été enfermé comme irresponsable de ses actes, mais il
ne voulut pas se reconnaître l'auteur du vol dont on l'incul-
pait. II ajoutait qu'une condamnation comme voleur le tue-
rait et priait le magistrat instructeur, en raison de sa maladie
dont les symptômes lui revenaient, de vouloir bien recon-
naître son innocence avant que sa raison ne fût totalement
ébranlée. Trouvant que le juge d'instruction ne semblait faire
aucun cas de ses lettres, ce prévenu avait adressé ensuite une
plainte au procureur général, se plaignant qu'on l'inter-
rogeait sans égard « pour son état alarmant et sa raison
ébranlée » ; puis, quand le magistrat l'eut fait paraître devant
lui, il rendit l'interrogatoire impossible par ses réponses inju-
rieuses et ses interpellations directes, ou son silence parfois
obstiné.
Pendant ce temps, on découvrait dans les papiers saisis sur
Cing..., un certificat de bonne conduite émanant du 2° régi-
ment étranger à Sa... (Algérie), qu'il avait falsifié pour se
le rendre applicable; un autre certificat, délivré par le secré-
taire de la commission des hospices d'Aix, signalant son
séjour à l'hôpital de cette ville en date du 23 mars 1895 et à
l'aide duquel on pouvait constater son passage de ville en
ville jusqu'à Ancy-le-Franc, où il avait été secouru en der-
lier lieu le z18 avril suivant. Les mentions de ce second certi-
ficat étaient exactes, sauf les mots ajoutés après coup à la
suite de son nom par Cing..., savoir « atteint d'hystérie » et
L'ODYSSÉE D'UN DELINQUANT SIMULATEUR. 0
celui de B... surchargé. On retrouva également, entièrement
écrit de sa main, annexé à un bulletin de sortie de l'hospice
de B... où il avait séjourné du 18 mai au 18 juillet z1895, un
faux certificat portant le timbre de l'hospice, dans lequel un
prétendu médecin traitant le déclarait atteint d'hystérie et
l'avoir traité de cette maladie contractée en Algérie (le direc-
teur de l'hospice précité avait bien certifié que Cing... avait
été traité pour hystérie, mais il avait ajouté qu'il lui avait
fait, aussi bien qu'au personnel de la maison, l'effet d'un indi-
vidu très roublard, mais nullement d'un fou). Enfin se trou-
vaient encore dans les papiers du prévenu les pièces fausses
ou falsifiées suivantes : 1° une déclaration sur papier à en-tête
du cabinet du maire de Melun, en date du 22 avril 1895,
attestant que Cing... avait occupé le poste de chef de bureau
il la Mairie de cette ville ; 2° une déclaration certifiant qu'il
avait, du 2 avril au 2 mai 1895, été employé comme garde-
particulier des propriétés de la Préfecture de Melun avec le
cachet du Préfet de Seine-et-Marne; 3° une attestation du
directeur -du dépôt de Beni-Messous (Algérie) mentionnant
son séjour pendant dix jours dans cet établissement, mais
les dates en avaient été falsifiées pour établir un séjour
d'un an; 4° un bulletin de sortie, du 17 mars 1895, de l'hôpi-
tal de Mustapha où Cing... avait encore inscrit à la suite de
son nom les mots « atteint d'hystérie » ; 5° enfin deux certifi-
cats d'incurabilité imprimés, dont il avait rempli les blancs
en portant le diagnostic d'hystérie et en imitant la signature
illisible d'un médecin traitant.
Si ces diverses constatations étaient de nature à faire dou-
ter, chez l'inculpé, de la réalité d'un état actuel de folie,
cependant le dossier de cet individu nous apportait de son
côté le fait authentique de son internement, car poursuivi en
1892, il avait bénéficié d'un non-lieu motivé par les conclu-
sions d'un rapport médico-légal en date du 4 février 1893. Ce
rapport avait été dressé à la suite d'une expertise faite sur
Cing... et prescrite au vu d'un certificat du médecin de la
prison, le signalant comme étant atteint d'hystéro-épilepsie,
d'idées de persécution et de suicide. Voici d'ailleurs comment
s'exprimait le document fourni à la justice : « Cing... est un
dégénéré chez lequel nous trouvons de l'hystérie et un délire
des persécutions.
« Comme signes de dégénérescence, nous notons de la
si MÉDECINE LÉGALE.
microcéphalie, de l'asymétrie faciale, du strabisme conver-
gent, des dents mal implantées, une voûte du palais ogivale.
«'Quant à l'hystérie, quoique nous n'ayons jamais été
témoin de crises, il existe d'autres signes qui nous suffisent
pour établir notre diagnostic. En effet, nous observons chez
L'inculpé une anesthésie presque généralisée, une douleur à
l'épigastre produite par une pression légère. Pas de zones
véritablement hystérogènes, il est vrai, mais à la suite de
notre examen, deux crises suivies d'accès d'agitation se pro-
duisent. Dans l'une, Cing... se réveille en sursaut, s'assied
sur son lit, pousse des cris, a des hallucinations terrifiantes
de la vue; dans l'autre, il se lève, renverse le lit d'un malade,
le matin on le trouve couché sous le sien. Cingier ne gardait
aucun souvenir de ces deux accès d'agitation. Ajoutons à cela
la mobilité du caractère, les idées hypocondriaques, le
besoin de faire sans cesse des réclamations et de se plaindre
de tout et nous aurons la preuve que Cing... est en puissance
d'hystérie.
« Le délire de la persécution n'est pas moins évident. A la
prison de L... Cing... prend en haine le gardien-chef, le
'médecin de la prison, tes'membres du parquet, tous ont
voulu l'empoisonner. A l'asile, ses conceptions délirantes
persistent, puis à la suite d'un examen nous devenons un de
ses persécuteurs, nous sommes le complice de ses ennemis.
Ceux-ci l'insultent, le menacent, il les entend pendant la nuit,
On veut se débarrasser de lui, parce qu'il réclame l'héritage
auquel il a droit et que l'Empire lui a soustrait, pour le don-
ner à l'abbé de Gy. Les surveillants le narguent, l'insultent,
conspirent contre lui, mettent du poison dans ses aliments,
car eux aussi sont soudoyés par l'abbé de Gy. De ce qui pré-
cède nous concluons : Cing... est un aliéné héréditaire chez
lequel se sont développés l'hystérie et le délire des persécu-
tions ; il est irresponsable de ses actes, dangereux pour la
'sécurité publique et doit être maintenu dans un asile. M
Envoyé à l'asile le 12 mars 1892, l'inculpé y avait séjourné
'jusqu'au 16 novembre 1894, époque de la sortie ordonnée par
'décision du tribunal, devant lequel il s'était pourvu et qui en
'avait jugé ainsi, malgré l'avis du médecin traitant. Celui-ci,
'en effet, appréciait la situation mentale de son client dans
les termes suivants :
« Le nommé Cing... (Jules) est un dégénéré llystéro-épilep-
L'ODYSSÉE D'UN DÉLINQUANT SIMULATEUR. 7
tique, sujet à des impulsions dangereuses et manifestant
depuis son admission, à des intervalles rapprochés, des idées
délirantes de persécutions avec projets de vengeance contre
ses persécuteurs. Vaniteux, d'une intelligence médiocre, il
parle à tout propos de son exubérance d'intelligence, de ses
hautes capacités, de ses relations parmi les journalistes, etc.
Il méprise profondément les infirmiers et les malades qui
l'entourent; il ne manque aucune occasion de le leur prouver
par ses injures blessantes et par ses moqueries.
« Menteur, calomniateurr, il exagère à plaisir des faits sans
importance, dans l'intention de nuire ; il crée de toutes pièces
des actes délictueux, qu'il attribue aux personnes qu'il hait
et au besoin provoque de faux témoignages pour appuyer ses
assertions; il menace à tout propos, d'une révocation, le
directeur et il se charge de le faire condamner à la prison
ainsi que les infirmiers; il est, en un mot, un fléau pour le
quartier qu'il habite où son unique préoccupation est de
porter le désordre et de susciter des difficultés de toutes
sortes.
« Egoïste, complètement dépourvu de sens moral et de sen-
timents affectifs, sans pitié pour les malades, malgré toutes
ses réclamations humanitaires, il les frappe brutalement, soit
qu'ils le frôlent en passant, soit qu'ils fassent du bruit; il les
excite les uns contre les autres, pousse les gardiens à la bru-
talité afin de pouvoir les dénoncer ensuite aux autorités.
« Il est d'unejrritabilité excessive et se met dans des accès
de fureur pour des motifs futiles. Tout récemment, il a pro-
féré des menaces de mort contre le surveillant T... en bran-
dissant un morceau de fer pointu; cet instrument primitif a
été trouvé dans les balayures où il l'avait jeté. 1
« Foncièrement mauvais et pervers, il sera toujours un être
antisocial et constituera un danger public, s'il vit en liberté.
Dénué de ressources, paresseux, doué d'aucune aptitude spé-
ciale, ne connaissant aucun genre de travail et incapable de
rester nulle part à cause de son mauvais caractère, de son
amour de changement et de ses crises nerveuses, Cing...
sera tout d'abord un vagabond et un mendiant.
« Entraîné par ses mauvais instincts, ses habitudes invété-
rées de vol et par besoin, il redeviendra rapidement un escroc
et un voleur. Et cédant à ses impulsions dangereuses, consé-
quences de son affection convulsive, à ses idées bien arrêtées
8 MÉDECINE LÉGALE.
de vengeance et à son délire de persécution, il pourra devenir
à bref délai un assassin. »
Ainsi donc Cing... avait été bel.et bien aliéné, s'il avait
cessé de l'être, de sorte que l'expertise à son sujet devenait
aussi délicate -que nécessaire. Tout d'abord, pour bien con-
naître cet homme, il était indispensable de fouiller dans son
passé depuis son enfance jusqu'aux poursuites actuelles et
voici ce que nous apprîmes :
Observation.
Cing... (Jules-Xavier), célibataire, était né à B..., le 18 mai 1868.
Sa mère. A... M... veuve Ducom..., vivait alors en concubinage
avec Cing... père, veuf de son côté. Deux mois après sa naissance,
Cing... fut légitimé par le mariage de ses parents qui, à l'époque
où il fut conçu, étaient d'un âge avancé, puisque le père avait
soixante-deux ans, la mère quarante-six. Cette dernière mourut à
quarante-neuf ans ; la cause de son décès est inconnue et ses anté-
cedents personnels et héréditaires n'ont pu être établis. Cing...
père vécut jusqu'à l'âge de soixante-treize ans et fut emporté par
une pneumonie; il n'y avait aucune trace de maladie mentale ou
nerveuse de son côté.
Devenu orphelin à dix ans, Cing... fut placé à l'hospice de
B..., comme enfant assisté et confié, le 27 décembre suivant, à un
cultivateur D..., qui le ramena à l'hospice dépositaire six mois
après. Ce nourricier a fait à son sujet la déclaration qui suit :
« Cing... n'a jamais fait ni dit, pendant qu'il est resté chez moi,
quelque chose qui puisse faire douter de ses facultés mentales. A
l'école du village où je l'envoyais, je n'ai jamais su qu'il s'était fait
remarquer. » De nouveau confié à un autre nourricier, le 14 juil-
let 1879, il fut encore ramené à l'hospice de B..., le 4 novembre
suivant. Placé deux jours après chez un troisième nourricier, il re-
vint pour la troisième fois à l'hospice, le 19 septembre 1880, d'où il
déserta le 2b suivant. Voici l'appréciation formulée par le deuxième
nourricier sur Cing... : « Je n'ai jamais rien remarqué dans l'état
mental de cet enfaut, il m'a paru jouir de toutes ses facultés. Il
était doué d'un caractère colérique (sic), rétif, en un mot, incons-
tant. Je n'ai jamais constaté chez lui que des idées désordonnées
et même banales; son intelligence était médiocre, suffisante pour
contenter les personnes chez qui il était, telles que nous, par
exemple, si son caractère eût été moins mauvais. Cing... m'obéis-
sait eucore, mais il n'écoutait pas ma femme. » Le troisième mai-
tie de Cing... déclara, au contraire, qu'il n'avait eu qu'à se louer
de lui au point de vue de la conduite et du travail, ajoutant : Je
n'ai jamais remarqué qu'il m'eût soustrait la moindre des choses,
l'odyssée D'UN délinquant simulateur. 9
en un mot il avait toute ma confiance ; quant à ses facultés men-
tales, je n'ai pas remarqué qu'il ait jamais eu une absence d'es-.
prit, son caractère était très doux et il était très obéissant.
Dès qu'il eut déserté l'hospice de B..., Cing... se présenta, en lui
dissimulant sa situation véritable, à un maître ramoneur de la ville,
qui l'embaucha; mais au bout d'un mois de travail, n'ayant pu ob-
tenir, a-t-il dit, le paiement convenu, le quitta pour se rendre à
Dijon où un autre ramoneur l'aurait exploité de la même façon.
Dégoûté du patronat, Cing... voulut alors vivre seul et jusqu'à l'hi-
ver de 1882, se mit à ramoner dans les campagnes, pour gagner
misérablement sa vie. A ce moment, il réfléchit qu'il valait mieux
se faire mettre en correction (sic) pour apprendre ainsi un métier
et s'instruire et voici ce qu'il imagina dans ce but.
'Se trouvant à Troyes, il s'introduisit furtivement dans la gare
des marchandises et de là dans un train en partance pour Paris.
A Provins, le contrôleur lui demanda son billet qu'il ne put pro-
duire et fut remis entre les mains du gendarme de service. Le
21 janvier 1883, il fut condamné à demeurer jusqu'à vingt ans dans
une maison de correction et dirigé sur la colonie pénitentiaire de
la Fouilleuse. Après un an de séjour dans cette maison, Cing...
voyant, a-t-il déclaré, qu'il n'apprenait pas de métier, demanda
son transfert au quartier correctionnel de Rouen où il espérait être
plus favorisé. Quoique l'établissement de la Fouilleuse n'existe
plus, on a pu établir que Cingier fut évacué en réalité pour incon-
duite, le 31 mai 1884, sur le quartier correctionnel de Rouen. Dans
ce dernier établissement, quoi qu'il n'ait donné aucun signe de fo-
lie ou de désordres cérébraux, son caractère empoité lui valut
plusieurs punitions. Admis à contracter un engagement militaire
en 1887, il fut refusé, paraît-il, pour sa vue, et libéré définitive-
ment le 11 septembre de la même année. Cing... se fixa alors à
Rouen sous la tutelle de la Société de patronage des jeunes libérés
et travailla dans un atelier de construction. A la paie de la pre-
mière semaine, très mortifié, a-t-il dit, de voir qu'au lieu d'argent,
le caissier lui répondait : Je paierai à celui qui s'occupe desjeunes
libérés, il s'adressa à cette Société afin d'obtenir des secours pour
se rendre à P... où il pensait trouver de l'ouvrage. Arrivé dans
cette ville, après avoir fait la route à pied, il se trouva avec deux
francs, en plein chômage d'hiver et dut se diriger ailleurs. Il ar-
riva à D... où il entre dans une auberge, se fait servir à manger
et avoue qu'il ne peut payer. Le tribunal lui inflige 8 jours de pri-
son, d'où il sort'le 1 CI' décembre 1887. De nouveau, il filoute à A...
des aliments dans une auberge et est condamné à 6 mois de pri-
son et 16 francs d'amende. Il fut condamné encore, sous un faux
nom, à Nîmes, à 15 jours de prison pour filouterie d'aliments; à
peine sorti de prison, en septembre 1888, il vola les clefs qu'il put
trouver sur sa route dans un village, dans le but, a-t-il dit, d'aller
10 MÉDECINE LÉGALE.
en centrale pour y gagner quelque argent et passer en Algérie.
Condamné pour ce fait à 6 mois de prison, il insulta les juges et
alla en appel, à Montpellier; il est condamné par la Cour il 2 ans
pour injures et à 6 mois pour vol, qu'il subit à la maison centrale
de 1\îme·. Sorti le 11 octobre 1890, pour être dirigé sur le 4° ba-
taillon d'infanterie légère d'Afrique, il est réformé de nouveau par
la Commission spéciale pour acuité visuelle inférieure à un demi
de l'oeil droit et bronchite chronique. Il s'embarque alors pour Al-
ger, où il ne trouve pas à s'occuper, car on lui demande des réfé-
rences et des certificats, qu'il n'a point. De concert avec un cama-
rade de centrale qu'il rencontre, il vole des ballots de flanelle le
16 octobre 1890 et est condamné à Alger à 6 mois de prison le
27 novembre. A sa sortie de prison, il devint ouvrier graisseur à
bord des paquebots; après plusieurs voyages il se décida enfin à
revenir en France. En juillet 1891, il passait à Saiut- : 1...,quand un
vol d'un ciboire fut commis dans l'église de la localité. Dénoncé
plus tard par un nommé B..., comme auteur de ce vol, Cing... ne
put. d'abord être retrouvé, attendu qu'arrêté à Dijon, il y purgeait
une condamnation à 2 mois de prison pour vol et port d'armes
prohibé. Découvert, il fut amené, à l'expiration de sa peine, à L...
où une information était dirigée contre lui pour le vol précité du
ciboire. Devant le tribunal, il soutint d'abord que le vol avait été
commis avec effraction, afin de passer aux assises, et dès qu'il vit
que son affaire ne passerait pas à la session la plus proche, com-
mença à donner des signes d'aliénation mentale. Transféré, en fé-
vrier 1892, dans un asilé d'aliénés, sur la demande du médecin de
la prison qui le certifiait hystéro-épileptique et délirant par per-
sécution, il fut, au bout de neuf mois d'observation, déclaré aliéné
dangereux, atteint d'hystérie et de délire des persécutions, comme
on l'a vu et maintenu dans l'établissement. Sorti en octobre 189-'r,
par décision du tribunal, de l'asile où il était séquestré, Cing... se
rendit à Marseille et de là à Alger. En janvier 1893, il était pré-
sent au dépôt de Beni-.Messous, en février et mars à l'hôpital de
Mustapha d'Alger, d'où il fut rapatrié en France. A la fin de mars,
il arrivait à Aix et se dirigeant par étapes avec secours de route
sur Paris, y arriva en avril. Puis il revint à B... et séjourna dans
l'hospice de cette ville du 18 mai au IL, juillet 1895. Sorti volon-
tairement il s'employa ensuite comme ouvrier couvreur et il tra-
vaillait depuis un mois, lorsque les dernières poursuites pour vol
eurent lieu.
Dans cette existence mouvementée de Cing..., on remarqua
sans peine qu'il n'avait donné aucun signe de dérangement céré-
bral jusqu'en 1892. Depuis sa sortie de l'asile, en 1894, il était, en
outre, loin d'avoir été jugé fou par ceux qui avaient pu l'observer.
C'était d'abord à la date du 17 août 189j, M. 0..., préposé aux
entrées de l'hospice de B..., déclarant que Cing... était atteint
L'ODYSSÉE D'UN DÉLINQUANT SIMULATEUR. Il I
d'épilepsie, ou du moins qu'il simulait admirablement cette mala-
die et ajoutant qu'il jouissait de la plénitude de ses facultés men-
tales et était considéré comme un chevalier d'industrie. Puis le
directeur du dépôt de l3eni-Viessous, qui n'avait aucunement mis
en doute l'équilibre des facultés mentales de l'inculpé. D'autre
part, son ancien patron à B..., avait été l'ès explicite, en disant le
9 août 1895 : « Je n'ai occupé Cing... comme ouvrier que pendant
trois jours et demi. Il raisonnait bien et m'a paru très intelligent
pour son travail de couvreur. C'est un bon ouvrier et je ne me suis
pas aperçu d'aucun dérangement de ses facultés mentales. Enfin,
un ouvrier, son compagnon de travail, avait fait une déclaration
identique. J'ai travaillé, avait-il dit, trois jours avec Cing..., je
n'ai fait aucune remarque sur son état mental, j'ai seulement vu
qu'il était d'une hardiesse extrême. Il marchait sur les toits comme
dans la rite et grimpait comme un chat sans se servir d'échelle ;
son raisonnement m'a paru excellent, car il parlait très bien.
Donc, au moment de son arrestation, les présomptions de folie
chez Cing .. ne paraissaient uniquement résulter que du fait de
son internement dans un asile d'aliénés. Quels furent les résultats
obtenus par son examen direct ?
IL Contrairement aux articulations du rapport médico-
légal de 1893, je ne reconnus pas chez cet individu une réelle
asymétrie de la face, pas plus que de la microcéphalie et une
implantation vicieuse des dents. Les seules malformations,
qui me parurent évidentes, furent un strabisme convergent
et une voûte du palais en ogive. Bien qu'il eût été réformé
pour bronchite chronique, Cing... fut trouvé d'une constitu-
tion robuste et après avoir minutieusement exploré chez lui
la sensibilité générale, il me fut impossible de retrouver une
zone quelconque d'anesthésie, ce qui était singulièrement
suspect. C'est alors que je le questionnai sur ses crises hys-
tériques et son délire des persécutions dont le rapport médi-
cal m'avait donné la relation clinique, et aussitôt Cing..., se
mettant à rire, m'avoua d'emblée que son hystérie n'avait
été qu'une supercherie adroite et que son délire des persécu-
tions d'autrefois avait été simulé de toutes pièces. Il me
raconta qu'il avait mis dedans les médecins, qu'il était assez
fort pour cela et qu'il me duperait bien à mon tour, s'il le
voulait. Je ne fus pas autrement stupéfait de ces brutales
déclarations et priai Cing... de me détailler par le menu les
phases de son existence, en s'étendant principalement sur la
période de son aliénation mentale prétendue. Il me remit
12 7 MÉDECINE LÉGALE.
alors ultérieurement un mémoire contenant le récit très
explicite de sa simulation. Voici ce récit, que je crois devoir
faiie connaître dès maintenant et dont je modifie seulement
l'orthographe : , - .
« Après sept mois de prévention, ayant vu toutes les significa-
tions arriver à mes compagnons, qui passaient aux assises de mars
(en 1892), je le trouvai dur pour moi. Je consultai un nommé G...,
malade évadé d'un asile d'aliénés près d'Aix (Bouches-du-Rhône)
qui me conseilla de simuler la folie et qu'au bout de six mois je
serais dehors.
« Un beau jour je m'entendis avec des camarades et ne man-
geai plus rien, mais me faisant passer du pain par eux en-dessous. »
« Petit à petit, je réduisais la portion, à seule fin d'y habituer le
corps sans trop souffrir, puis je disais aux camarades que j'enten-
dais des voix et notamment celle de AI. le juge d'instruction et de
11. le procureur de la République à L..., qui s'entendait avec un
prétendu abbé de Gy pour me faire voler et me faire couper la
tète.
« Ces prévenus et accusés les rapportaient au gardien-chef et
ce dernier au parquet de L... Puis j'allais à la visite médicale et
disais qu'on me torturait, qu'on mettait des iodoformes (sic) dans
mon pain. Alors M. C... me piqua la tête, le front avec une épingle'
et me demanda si je sentais. Je disais que non sur le front, mais
que si sur les joues à seule fin de le tromper plus facilement. Je
lui disais que j'avais des spasmes nerveux et il me donnait du
bromure que je ne prenais pas; quelques gouttes d'éther que je
prenais et qui m'enivraient, attendu que je m'affaiblissais en
réduisant journellement ma nourriture, afin de tromper tout le
monde.
« Enfin un matin je m'entends avec le malade G... et faisant
avec ma ceinture et une serviette une corde que j'attache à des'
barreaux d'une fenêtre des lieux d'aisance. Puis je recommande
bien à mon camarade G... de crier au moment où je me pendrais.
Sur sa promesse, je barricade la porte et je me pends solide-
ment sans secousse à seule fin de ne pas me disloquer. G... se
mit à crier au secours et l'on enfonce la porte; l'on me dépend.
Je fais le mort, je retiens fortement ma respiration jusqu'à deve-
nir bleuâtre.
« On court chercher un médecin, on me pique les cuisses à
l'éther et je reprends ma respiration petit à petit, tout en affec-
tant des hoquets, des efforts violents; puis je tourne des yeux
effroyables. Le médecin C... me fait donner du lait et fait mettre
du chloral dedans pour me faire dormir, recommande de me faire
donner quelques gouttes d'éther, quand je serais trop secoué par
les spasmes, que je m'étais plaint quelques jours auparavant.
L'ODYSSÉE D'UN DÉLINQUANT SIMULATEUR. 13
Au bout de deux jours je fus mené d'urgence à l'hôpital de L...,
sur un certificat d'irresponsabilité délivré par le D C... Quatre
jours après, je suis transféré à l'asile d'aliénés de D...
« J'étudiai les genres différents des malades. Je vis un hysté-
rique que j'étudiai voulant simuler cette maladie.
« Bref, M. G... m'interrogea, je lui dis que j'entendais des voix,
que l'on était tout le temps après moi, que c'était pour me voler
mes biens de Gy. Cette dernière phrase, biens de Gy, c'était pour
mieux le tromper, qu'il s'entendait avec les persécuteurs de notre
famille, et toul cela sans rire et à des intervalles irréguliers, sur-
tout lorsque le temps était orageux. C'est alors qu'il me fit désha-
biller, me piqua avec une épingle et voulut voir si j'étais anesthé-
sié. A des endroits, je disais que je ne ressentais rien, à d'autres
que si; mais ayant soin de laisser tout un côté comme soi-disant
insensible, à seule fin de ne pas éveiller ses soupçons.
« Sur ces entrefaites vint un nommé P... qui était envoyé par le
tribunal d'A... et qui simulait aussi. Il se disait Ravachol, anar-
chiste et se faisait passer pour ce célèbre assassin. Je lui conseil-
lai de crier fort, de ne frapper personne, de faire du bruit la
nuit et cela à des derniers quartiers de la lune, surtout par les
temps d'orages, de faire des grimaces affreuses (rictus, sic), de
faire ressortir qu'il avait été atteint de maladies vénériennes, de
dire que les soeurs le persécutaient parce qu'il ne voulait pas les
satisfaire, en un mot d'écrire des lettres insensées, de se dévêtir
nu comme un ver, mais cela les jours chauds, à seule fin qu'il
n'ait pas trop à en souffrir, d'obéir aux surveillants à seule fin de
ne pas se faire camisoler, ce qui l'aurait fait souffrir, etc., etc.
« En un mot, j'observais les folies des sujels qui étaient mes com-
pagnons et souvent ce pauvre P..., en lui dictant sa conduite, à
faire surtout en la présence du médecin G..., qui à la visite le
regardait faire ses rictus sataniques et obscènes, et les inscrivait.
« Ce que voyant, moi et P... en faisaient des gorges chaudes.
Bref, je disais que je voyais des fantômes, des guignols, des bêtes
à tête humaine, en un mot tout ce que je remarquais chez les
fous atteints du délire de persécution.
« J'avais trouvé en arrivant à l'Asile une réclame (dite anti-épi-
leptique de Liège) qui donnait certains symptômes des maladies
nerveuses, notamment de l'épilepsie et de l'hystérie. Je m'inculquai
bien le contenu de cette maladie qui était celui-ci : L'hystérie,
maladie presque exclusive au sexe féminin, tirée du mot utérus
matrice, que à tort ou à raison les docteurs en médecine croyaient
que le siège se trouvait dans la matrice ou ovaire, que certaines
personnes atteintes de cette maladie n'avaient pas cette boule qui
part de l'estomac et remonte au cou, fait ou plutôt étouffe le
sujet, gêne la respiration, que d'autres avaient cette boule, qui
n'est autre cliose que les nerfs concentrés et fait gonfler l'estomac;
'1 r MÉDECINE LÉGALE.
que le sujet ressent une douleur perforante au-dessus de la tête,
comme un clou que l'on enfoncerait et que l'on nomme le clou
hystérique; que le sujet sent le mal venir avant que de tomber,
qu'il peut tomber à la suite d'une émotion quelconque, qu'il a une
mousse très légère aux lèvres après ses chutes, ou au commence-
ment du ses crises, que d'abord il pâlit, puis devient très rouge
et reste quelquefois plusieurs minutes à terre, après chute, mais
qui n'est pas le cas ordinaire, que les mouvements sont cloniques
et toniques, quelquefois cloniques seulement; que son caractère
est aigri ou triste, que généralement le sujet ou sujette sont sen-
sibles, etc., etc.
« Me basant sur ces données, je montai la tête à 111. le Dr G...
Petit à petit j'exposai les prétendues convulsions hystériques, mais
en ayant soin de ne jamais tomber devant lui, d'avoir ma connais-
sance lorsqu'il arriverait, rentrant les pouces dans la paume 'le la
main et me raidissant il seule fin de faire croire à une contraction
nerveuse, jetant l'estomac en avant, retenant ma respiration, ce qui
me faisait devenir très rouge, quelquefois violet; en un mot le
trompant fermement. Quelquefois il donnait l'ordre à un surveil-
lant de me pincer à l'improviste. Je laissais pincer jusqu'au sang
sans bouger, quoique ressentant très bien ce que l'on me faisait,
mais j'étais résolu à simuler jusqu'au bout. En un mot j'étais sur
mes gardes. ,
« Il me donna d'abord du bromure de potassium, 6 grammes,
puis je le jetais à la dérobée; alors il me donna du chlorhydrate
de morphine, 25 milligrammes par jour, que je disais me faire
du bien, mais que je faisais couler dans mon cou. Quelquefois
j'étais forcé à avaler, je me contraignais et disais au surveillant,
cela me fait du bien.
« Puis au départ de M. G... en octobre 1593, je comptais sortir
promptement. Je corrompais les employés, flattant leurs passions,
disant toujours comme eux, les contrariant par moments et
finissant par leur donner raison, à seule fin de ne pas éveiller leurs
soupçons, qui auraient gêné mes projets, puis adroitement je les
amenais tout doucement à la captivité et à leur faire passer des
lettres aux autorités supérieures. J'avais fait un passe-partout
avec une clef à sardine, j'allais voler du papier à lettre au chef de
quartier, que je cachais dans la terre.
« Puis je demandais au Directeur une feuille de papier à lettre et
j'écrivais trois lettres ou quatre. Je lui remettais celle qui m'avait
été donnée et faisais passer les autres par des voies détournées.
Puis quelque temps après, je voyais le médecin furieux, ou bien
me faisant des reproches, c'était une réponse d'une de mes lettres.
« Il me faisait surveiller, fallait que j'arrive en face du surveil-
lant, alors je volais une plume au gardien dans sa chambre et
avec une petite écorchure au bras, j'écrivais avec mon sang, rela-
L'ODYSSÉE D'UN DÉLINQUANT SIMULATEUR. 15
tant que le directeur-médecin me gardait toutes lettres adressées
aux autorités et que j'étais forcé d'user de ces stratagèmes pour
revendiquer mes droits. , . ' -
a A force le parquet s'est ému et par ordre du garde des sceaux
au mois de novembre 1894, il me fit appeler devant tous les
membres rassemblés en conseil et me montra les rapports du
directeur-médecin. Je réussis, fort de mon droit, à prouver le con-
traire, et démontrai que je jouissais de la plénitude de mes facul-
tés, dont je ne m'étais jamais départi, mais il est vrai que j'avais
l'ait une bétise en simulant. »
RÉFLEXION ? .
Apres avoir pris connaissance de celte véritable confession,
je demandai à Cing... quelques explications complémentaires
et lui fis remarquer tout d'abord que le second médecin de
l'asile avait conclu à son sujet comme le premier, et notam-
ment en face des crises qui eurent lieu en sa présence, à une
aliénation mentale qui rendait sa maintenue nécessaire.
Cing... répliqua aussitôt qu'il fut amené à simuler des
crises devant ce second médecin, parce qu'il avait compté d'a-
bord sur lui pour obtenir sa sortie régulière et qu'il s'était
aperçu bien vite qu'il le leurrait de réponses évasives, s'en
rapportant pour juger son cas aux notes du registre de la
loi. C'est alors qu'exaspéré, dit-il, de pareils atermoiements,
je simulai plusieurs crises pour éprouver la sûreté de son dia-
gnostic, et que je réussis à le mettre dedans (sic) comme le
premier. Je lui lis observer ensuite que dans une de ses crises
il s'était cependant fait un jour une entaille assez profonde au
cuir chevelu, ce qui était un indice d'inconscience au moment
de la chute. Cing... reconnut aussitôt la justesse de mon
observation, mais répondit qu'il avait alors mal calculé sa
chute et que ce fut bien involontairement qu'un pareil acci-
dent lui était arrivé. S'enorgueillisant d'avoir réussi à tromper
ainsi successivement les médecins et leur entourage, Cing...
revint sur cette prétention dont il avait déjà fait étalage, à
savoir, que s'il l'avait voulu, j'aurais été roulé (sic) comme
mes confrères. C'est alors que je résolus d'obtenir de lui de
me rendre témoin d'une de ses crises et pour y arriver flattai
sa vanité dont j'avais déjà pu mesurer l'étendue, disant qu'en
présence d'une de ses crises, j'aurais à mon tour sans doute
cru à son authenticité. Après quelques hésitations de sa part,
16 MÉDECINE LÉGALE.
je finis par vaincre la répugnance de Cing... qui consentit a
ce que je lui demandais et aussitôt du fauteuil où il était
assis dans mon cabinet, il se laissa choir brusquement en
avant, la face tournée de côté contre le sol. Il avait dans
cette position la face rouge et congestionnée, de la raideur
généralisée et de temps en temps des mouvements convulsifs
dans les membres, les bras comme contractures à la suite et
tordus sur eux-mêmes ; les pouces fléchis dans la paume de
la main, enfin une légère écume se voyait sur ses lèvres. Je
mis fin brusquement à cette scène, en disant à Oing... de se
relever, ce qu'il fit aussitôt, lui déclarant que j'étais d'autant
plus satisfait, que la crise dont il venait de me présenter le
tableau, devait être identique à celles d'autrefois, mais qu'elle
ne pouvait donner l'illusion de la réalité, car tout en présen-
tant certains phénomènes vrais, elle ne donnait l'impression
ni d'une crise d'hystérie, ni d'une crise épileptique. Et en
effet, cette crise m'avait paru d'emblée une espèce d'hybride,
constituée par la superposition atténuée et incomplète des
manifestations convulsives de chacune de ces deux névroses,
ce qui pouvait sinon en démasquer le caractère apocryphe,
du moins en révéler le caractère très équivoque. Je fus donc
convaincu et assuré que Cing... n'était pas un hystéro-épi-
leptique et dès lors je n'eus plus de raison pour lui refuser ce
qu'il me demandait avec insistance, de l'occuper dans l'en-
ceinte de l'établissement à réparer des toitures. Notons
encore que Cing... ne présenta pendant son séjour aucune
trace de délire, et que mis sur le terrain de son ancien pré-
tendu délire de persécutions, il maintint toutes ses premières
affirmations négatives à cet égard. En fuit il ne se plaignit
jamais de la nourriture qu'il trouvait excellente, et ses reven-
dications d'autrefois au sujet de biens à Gy, me parurent
avoir nne apparence de fondement, puisqu'il résultait effecti-
vement d'une lettre de son oncle, en date du 22 novem-
bre 1892, qu'un certain Etienne Cing..., son parent, avait à
Gy « laissé en mourant une succession; qu'il y avait eu un
procès conduit par le notaire L... d'O... et qui n'avait pas été
terminé. » Ceci dit, j'achève maintenant l'exposé des consta-
tations que je fis à l'époque, au double point de vue intellec-
luel et moral.
III. L'inculpé me parut assez bien doué, quoi qu'on en ait
pu dire. Etant donné le peu d'instruction qu'il avait reçue, il
L'ODYSSÉE d'un DÉLINQUANT SIMULATEUR. 17
savait les quatre règles, s'exprimait bien, écrivait passable-
ment malgré de nombreuses fautes d'orthographe et possé-
dait des connaissances historiques. Je remarquai qu'il aimait
les récits de voyage et sa passion pour le drame ; ses convic-
tions religieuses me semblèrent à peu près nulles et constatai
que s'il se défendait de verser dans les théories anarchistes, il
protestait cependant contre l'organisation actuelle ne man-
quant pas de déverser son esprit critique dans ce sens.
Sa mémoire fut trouvée très développée, car il avait
amassé une foule de détails sur les hommes et les choses,
dont il savait tirer parti à un moment donné. Il avait en sa
possession un vieux livre de médecine, dont il faisait son bré-
viaire. L'étudiant moins pour s'instruire en réalité que pour
y puiser des données utilisables selon lui un jour ou l'autre,
Cing... était plein de vanité, car il se glorifiait, comme je l'ai
déjà dit, non seulement d'avoir dupé plusieurs médecins,
mais d'être apte à tout travail, ce qui était évidemment exces-
sif. On aurait pu croire au premier abord qu'il était faible
d'esprit eu égard aux falsifications grossières des pièces ofli-
cielles retrouvées en sa possession, mais en réfléchissant t
comme il l'avait parfaitement observé lui-même en réglant
sa conduite en conséquence, que ces pièces lorsqu'elles sont
comme celles qu'il exhibait, à la fois salies et détériorées par
l'usage, ne sont qu'à peine vérifiées par ceux à qui elles sont
présentées, je trouvai là une preuve de la perspicacité de son
jugement, puisqu'il avait su tabler sur cette façon de faire
presque générale et réussir chaque fois, comme il l'avait
pensé. En même temps qu'il était vaniteux, l'inculpé était
d'une susceptibilité extrême; il en avait donné maintes
preuves et, devant M. le juge d'instruction, il s'était insurgé
contre ce qu'il avait appelé un manque d'égards à son endroit.
Il avait prétendu être interrogé à son heure et comme il n'a-
vait pas eu satisfaction, il avait écrit sur-le-champ à M. le
Garde des Sceaux pour se plaindre de la façon dont on le trai-
tait. Dès qu'il n'obtenait pas sur-le-champ la satisfaction à
laquelle il croyait avoir droit, il se posait en victime. Enfin il
était menteur et chaque fois que son intérêt était en jeu, il
n'était jamais à court d'explications artificieuses.
Pendant son séjour à l'asile, Cing... fut employé, comme
je l'ai dit, à la réparation des toitures de concert avec un gar-
dien qui l'aidait tout en le surveillant. Cette surveillance lui
Archives, 2° série, t. ]X, 2
18 MÉDECINE. LÉGALE.
pesait, comme une marque de défiance qui s'est trouvée ulté-
rieurement justifiée. Il m'avait promis d'ailleurs de ne pas
chercher à s'évader et pour la nuit il couchait au dortoir
commun, où la surveillance était plus effective. Je savais
enfin qu'en cellule, il était capable d'accomplir une évasion
qui eût été périlleuse pour tout autre que lui, car il était
d'une agilité peu commune et sur un toit il était aussi à son
aise que sur le sol. Donc au bout de quelques jours il avait
refusé de travailler à côté d'un surveillant, qui, disait-il, ne
faisait rien et racontait aux religienses du quartier où il tra-
vaillait, des détails blessants sur son compte. De guerre lasse,
je me décidai à enlever le gardien et me fier à sa bonne foi,
ce dont il parut très flatté vis-à-vis des malades et du person-
nel. Tout alla bien pendant quelque temps, son travail d'ail-
leurs fut excellent et rapide et il était rayonnant d'avoir pu
me montrer son savoir-faire en même temps qu'il passait son
temps loin des malades et des surveillants. Ayant retrouvé
parmi le personnel de ceux-ci, plusieurs de ceux qui l'avaient
connu dans sa première séquestration, il les avait englobés
dans la même défiance méprisante, ne manquant jamais de
les harceler par des réflexions mordantes et satiriques, quand
il en trouvait l'occasion, ce qui était loin de lui attirer leur
sympathie. Il l'avait senti du reste, n'acceptant pas d'observa-
tions d'eux, et lorsqu'il leur demandait quelque chose, il
entendait être servi de suite.
Cing..., au surplus, s'était montré insupportable dans son
humour en général et ce fut le trait le plus saillant de son
caractère. Aux observations des gardiens, il répliquait par
des propos indécents, excitant encore contre eux les malades
et leur montrant comment ils pourraient escalader les murs.
Enfin même vis-à-vis de ceux-ci, il ne montrait ni bienveil-
lance, ni tolérance, frappant un jour un malade, pour mettre
un terme à ses bruyantes déclamations, et une autre fois se
relevant la nuit dans le dortoir pour faire taire un nommé 111 ?
qui l'avait empêché de dormir par ses ronflements.
Ces constatations diverses avaient en somme montré Cing...
sous un aspect singulièrement' voisin de celui sous lequel il
s'était révélé à l'Asile, pendant les six derniers mois de sa
séquestration d'autrefois, mais cette indiscipline, cette inso-
ciabilité, cette arrogance et cette susceptibité dans ses allures
n'étaient point par elles-mêmes des preuves de folie.
l'odyssée D'UN DÉLINQUANT simulateur. 19
La situation était telle quand l'inculpé réussit à s'évader.
Cette évasion toute regrettable qu'elle ait été, ne fut cepen-
dant pas, selon moi, un incident d'une réelle gravité. Notre
inculpé, selon toute vraisemblance, ne pouvant échapper
bien longtemps à des recherches sérieuses et son expertise
touchant à sa fin. Au surplus, cette évasion n'était pas de
nature à faire varier mon jugement sur lui et c'était là le
point capital, puisque je possédais tous les éléments suffisants
pour porter un jugement motivé sur lui.
IV. L'état mental de cet individu ne laissait pas que d'être
assez complexe en raison du fait de son internement anté-
rieur dans un asile d'aliénés et des circonstances véritable-
ment exceptionnelles de sa sortie. Et, en effet, si Cing...
n'était pas actuellement aliéné, je dus néanmoins examiner
subsidiairement quel avait pu être son état mental à l'époque
de sa séquestration, car au cas où il aurait été véritablement
aliéné, sa responsabilité pénale aurait pu, de ce seul chef, se
trouver diminuée dans une certaine mesure.
Dans l'hypothèse d'une folie actuelle chez l'inculpé, je n'é-
tais démenti ni par l'observation à laquelle il avait été sou-
mis, ni par ce qu'on savait de positif sur lui, ni même par
l'expertise faite autrefois sur son état mental, en avançant
que cette folie ne pouvait qu'appartenir au groupe de celles
qui ne lèsent pas le raisonnement. Cing..., en effet, avait
prouvé surabondamment qu'il était en pleine possession de
lui-même, puisqu'il raisonnait, observait, faisait des déduc-
tions,,avait gardé en un mot l'intégrité de ses facultés syllo-
gistiques. Or, comme d'une part, la folie impulsive ne ren-
trait en aucune façon dans les données de son cas, et que de
l'autre le délire des persécutions pouvait aussi être écarté du
seul fait que l'inculpé n'avait présenté pendant l'observation,
ni hallucinations, ni illusions sensorielles, ni les interpréta-
tions délirantes spéciales à cette folie, il s'ensuivait que si
Cing... était fou, il ne pouvait l'être qu'en le supposant
atteint de folie morale.
Le seul problème d'une folie morale se posait nécessaire-
ment dans l'espèce en récapitulant l'observation entière de
Cing... A n'envisager celle-ci que superficiellement, il était
certain qu'on ne pouvait qu'être frappé chez cet inculpé de
l'instabilité de ses idées, de la puérilité de certains de ses
jugements, de l'irritabilité manifeste de son caractère, de la
20 MÉDECINE LÉGALE.
vanité de sa nature et surtout de la portée antisociale de ses
actes depuis qu'il avait quitté B..., enfant assisté, jusqu'à
l'époque de son internement, en 1892, dans un asile d'aliénés
et depuis sa sortie de cet établissement. Mais, outre que ces
constatations pouvaient s'appliquer exactement à un imbé-
cile et Cing... était loin d'en être un, je crus pouvoir démon-
trer qu'elles étaient insuffisantes pour étayer l'existence chez
lui d'une folie morale et par suite à entraîner la conviction
dans ce sens. Et, en effet, les fous moraux se recrutent parmi
les individus à hérédité très chargée, et rien n'indiquait que
Cing..., bien que porteur de deux stigmates de dégénéres-
cence physique, la voûte du palais en ogive, un strabisme
convergent, et comme tare d'origine, l'âge avancé de ses
- parents lors de sa conception, fùt un héréditaire vésanique et
par suite ayant, ou bien des fous dans ses ascendants ou ses
collatéraux, ou bien des individus mal équilibrés, épilep-
tiques, hystériques ou suicidés. Dans ces conditions, il eût été
plus qu'excessif de lui reconnaître une prédisposition héré-
ditaire quelconque.
D'un autre côté, les fous moraux présentent dès leur bas
âge une perversion morale qui, s'accentuant encore à la
puberté,- se traduit par une mentalité des plus anormales,
actes de crauté, de méchanceté précoce, etc., ce qui n'était
pas davantage le cas de Cing..., qui ne manifesta subitement
des signes de folie qu'à vingt-quatre ans, sans avoir présenté
dans son enfance ou sa jeunesse des marques de déséquili-
bration mentale. Enfin le fou moral, on le sait, ne s'acharne
qu'après son entourage immédiat, ne ment que pour le plai-
sir de mentir, ne vole que pour le plaisir de voler, ne tue
que pour le plaisir de tuer, et puisant toute sa satisfaction
dans les souffrances d'autrui, ne fait le mal que pour le mal,
tandis que Cing... n'était menteur que pour pallier ses torts
et tirer profit de ses mensonges, n'était voleur que pour se
procurer de l'argent ou des ressources et non pas pour satis-
faire un besoin de son organisme. La différence entre le fou
moral et l'inculpé était donc radicale sans compter que vou-
loir réduire ainsi comme je l'ai déjà dit dans une autre affaire
médico-légale (Annales 111édicu -Psychologiques, j juillet-
août '18as), la folie morale a des actes nuisibles ou criminels
« qui ne s'accompagneraient d'aucun autre indice de déran-
gement d'esprit, concomitant ou épisodique, n'est pas loin
l'odyssée d'un délinquant simulateur. ? 1.
d'être un mythe ». Cela est si vrai que Camuset a déjà pu
écrire (Archives de Neurologie, mars 1892) : « Quand on ren-
contre des individus qui n'ont pas la notion de l'honneur, ni
de la probité, pour qui la vie humaine compte pour peu, dont
les actes sont régis seulement par la passion, par l'instinct et
par l'intérêt, qui souvent tirent leur orgueil de leurs méfaits et
qui font alors le mal pour le mal, on ne dit plus que ce sont
des fous moraux, mais des criminels. » Sans aller ainsi jus-
qu'à la négation même de la folie morale, je me crus auto-
risé valablement à affirmer que Cing... n'en était pas atteint,
bien qu'ayant pu offrir jadis des indices de dérangement
d'esprit concomitants de ses méfaits et en mesure de pouvoir
établir par surcroît, que l'hystéro-épilepsie et le délire des
persécutions dont cet inculpé avait été gratifié, n'avaient
jamais été réels et avaient été simulés par lui, ce qui ache-
vait en outre de prouver qu'il n'était pas faible d'esprit.
Pour démontrer cette dernière thèse, j'aurais pu faire d'a-
bord état des aveux très explicites et très circonstanciés de
Cing... en matière de simulation, et de l'échantillon de son
savoir-faire à cet égard, lorsque sur mes instances, il me
rendit témoin clans mon cabinet, d'une crise semblable s
celles qu'il avait présentées jadis. J'aurais pu ensuite remon-
tant dans son passé, montrer Cing..., cessant de présenter
des crises à l'Asile, lorsqu'il eut acquis la certitude de la
réussite de son stratagème, pour les répéter à nouveau en
décembre 1893, après le changement de résidence du premier
médecin qui l'avait observé, se flattant ainsi d'avoir mystifié
le second, qui s'en rapportant, avait-il dit, trop servilement
au diagnostic de son confrère, lui avait refusé un élargisse-
ment qu'il espérait. Il m'eût été facile de faire observer que
pendant plus de huit mois Cing... n'avait plus présenté de
crises convulsives, lorsqu'il voulut entreprendre d'obtenir sa
sortie par l'intermédiaire du Tribunal, contre l'avis du mé-
decin traitant; qu'une fois libéré, il avait su exciper de sa
prétendue névrose chaque fois qu'il devait en bénéficier,
cherchant à en établir l'authenticité par de faux certificats.
Le faisceau de toutes ces circonstances eût été suffisant déjà
à ébranler, sinon à détruire, l'opinion que cet homme avait
été fou, mais je préférai rester sur le terrain médical pour y
puiser des arguments sans réplique sérieuse.
Me refusant à discuter l'opinion ancienne du Dr C... qui
09 a
MEDECINE LEGALE.
n'avait pas eu un instant l'idée d'une simulation possible de
Cing... et croit peut-être encore aujourd'hui à la folie de cet
individu, dont la tentative de suicide la prison de L...,
aurait dû à l'époque lui paraître tout au moins des plus sus-
pectes, eu égard il l'intérêt évident d'une simulation, je ne
voulus retenir que le rapport médical de 1893 et les consta-
tations de ce document. Ce dernier affirmait, sans preuve
nette et convaincante que Cing... était un héréditaire dégé-
néré ; il admettait l'hystérie comme démontrée, sans qu'une
seule crise eût été constatée de visu, par l'auteur, en se basant
presque uniquement sur une anesthésie cutanée superficielle
des plus faciles à alléguer, mais dont les étranges localisa-
tions (anesthésie de la nuque jusqu'à la septième vertèbre
cervicale, excepté sur la ligne médiane et dans un espace de
deux centimètres de chaque côté de cette ligne, etc.) devaient
inspirer une méfiance bien naturelle. Et, en effet, nous cons-
tatâmes depuis que Cing... n'était aucunement anesthésique,
ce qui eût été singulier dans l'hypothèse d'une hystérie même
latente, alors que cette anesthésie était autrefois si marquée
et le seul signe objectif de la névrose prétendue.
Le polymorphisme du délire observé chez Cing... aurait dû
en outre éveiller l'attention la moins réfléchie sur son authen-
ticité. Dans ce délire à manifestations certainement équi-
voques, on avait trouvé des idées de persécution, des hallu-
cinations du goût et de l'ouïe, des idées hypocondriaques
et même des idées ambitieuses qui étaient survenues simulta-
nément chez un sujet dont la mobilité de caractère et les
troubles nerveux purement subjectifs en faisaient d'ores et
déjà un hystérique à idées de suicide. Cette antinomie n'é-
tait-elle pas bien faite, à priori, pour surprendre et si la
coexistence de plusieurs délires d'origine différente est démon-
trée en pathologie mentale, du moment où l'hystérie était
déjà admise comme cause efficiente de certains phénomènes
morbides, il eût fallu discuter la pathogénie de tous les autres
et se. demander pourquoi la nature eût été assez marâtre
chez Cing..., pour rassembler subitement chez lui et sans
cause prédisposante ou occasionnelle manifeste, presque
toute la pathologie mentale. Cette discussion avait été omise,
comme celle de la simulation par un individu dont la menta-
lité n'avait pas jusque-là été touchée et qui avait un intérêt
majeur il en imposer sur son véritable état d'esprit. D'ailleurs,
l'odyssée d'un délinquant simulateur. 23
quand un délire aussi touffu prend naissance, sans pouvoir
être nettement rattaché à une crise d'hystérie, dont il aurait
été un épiphénomène, chose d'ailleurs sans précédent bien
établi, il eût été bien permis de se montrer sceptique sur sa
réalité objective. Dans la forme qu'avait prétendu lui donner
Cing..., un délire de persécution concomitant de l'hystérie
délirante et évoluant d'emblée vers les idées ambitieuses avec
hallucinations variées était une forme clinique inconnue par
son exagération même. Et en effet, ce n'était pas le type
Lasègue, puisqu'on ne retrouvait pas la période des inter-
prétations morbides préparant l'éréthisme du centre cortical
et par conséquent l'hallucination de l'ouïe. On savait de plus
que Cing... était entré de plain-pied dans la folie, en enten-
dant la voix de ses persécuteurs et que ceux-ci étaient exclu-
sivement ceux qui s'occupaient avec raison de son affaire,
savoir : le procureur, les gardiens de la prison et les méde-
cins qui l'examinaient. Or, cet exclusivisme de ses idées de
persécution, joint à la singularité de leur évolution et à l'ap-
parition subite d'hallucinations, devaient inspirer de plus les
doutes les plus légitimes, pour ne pas dire plus ; enfin le fait
que Cing... avait pu faire des remarques dans le milieu où il
avait vécu, pendant les neuf mois de son observation médi-
cale et s'assimiler successivement différents symptômes d'alié-
nation mentale qui s'échelonnèrent d'ailleurs dans un ordre
chronologique des plus fantaisistes, devait être pris en con-
sidération. Il ne fut pas jusqu'à la lecture des notes médi-
cales (du 1er janvier au 16 novembre 1894) le présentant plu-
tôt comme un être indiscipliné, acariâtre et agressif, que
comme un persécuté toujours immuable dans un délire qui
ne fait que progresser, qui ne fût la démonstration éclatante
d'une transformation bien insolite, survenue dans la menta-
lité de Cing... et par suite la négation du diagnostic de délire
des persécutions, dont il avait été revêtu.
Mais, aurait-on pu dire, la simulation même de cet homme,
en l'admettant comme prouvée, venait à l'appui de sa désé-
quilibration mentale, c'est-à-dire de sa folie ? A cela je répon-
drais que le seul intérêt qu'avait Cing... à simuler, et il n'é-
tait pas douteux, suffisait à faire bon marché de l'objection.
Je crus donc, avec la plus entière conviction clinique, que
non seulement l'inculpé n'était pas aliéné, mais qu'il ne
l'avait jamais été et qu'il était temps d'enlever à cet homme
24 ik MÉDECINE LÉGALE.
la qualité de malade. Il n'avait pas d'ailleurs hésité, dans un
accès de franchise inespéré, il la répudier, en déchirant lui-
même le dernier voile qui aurait pu donner le change à cet
égard.
J'envisageai ensuite, en me plaçant au point de vue de son
entière sanité d'esprit, la conduite de Cing..., et je vis com-
bien celle-ci s'était dessinée logiquement, car le propre de la
vérité est de s'adapter merveilleusement à toutes les circons-
tances de fait. Lorsqu'en 1892, Cing... eut été inculpé d'un
vol (qu'il nie et que peut-être il n'a pas commis), prévoyant
comme il me l'avait dit, que le tribunal correctionnel le con-
damnerait sur la déposition de ses dénonciateurs, il soutint
que le vol avait été accompagné d'effraction, ce qui devait
rendre le tribunal incompétent. Cette première victoire rem-
portée, il se flatta d'en gagner une deuxième devant le jury,
mais son dépit fut grand, quand en février 1892 il vit sa
détention préventive, déjà longue, reculée jusqu'aux assises
de juin ; c'est alors qu'il tâtonna dans la voie de la simulation
de l'aliénation mentale pour s'y jeter définitivement à plein
collier, sur les conseils d'un épileptique évadé d'un asile, qui
l'assurait de sa liberté six mois après, si son stratagème réus-
sissait. A l'asile où on le conduisit, il continua son système
jusqu'au jour où il fut certain que sa supercherie avait plei-
nement réussi (neuf mois et plus), puis il ne présenta plus de
crises et réclama sa sortie, qui lui fut refusée. Il s'évada, fut
repris, porta plainte à toutes les autorités et devint insuppor-
table à l'établissement par son attitude. Un médecin nouveau
vint à l'observer; il espéra cette fois obtenir plus facilement
sa sortie régulière, mais on temporisait contre son gré; dès
lors il se vengea à sa façon en renouvelant ses crises d'autre-
fois, pour éprouver ainsi, a-t-il dit, le savoir de notre con-
frère. 'La satisfaction de l'avoir « mis dedans » obtenue, il
l'insulta, le menaça et écrivit de tous côtés pour obtenir sa
sortie malgré lui, en se disant guéri. Ses allégations finirent
par être écoutées du tribunal; il sortit alors la tête haute en
narguant la médecine. Depuis, il erra sans se fixer nulle part,
enfin gagna Alger où il excipa d'un retour de sa maladie
pour se faire hospitaliser et ensuite rapatrier, mais ne réussit
qu'à donner l'impression d'un chevalier d'industrie. Il revint
àB... et lorsqu'il fut prévenu de vol, il joua de nouveau de
la maladie dont de faux certificats attestaient d'ailleurs l'exis-
L'ODYSSÉE d'un délinquant simulateur. 25
tence, insulta M. le juge d'instruction, le prit de haut avec
lui, le dénonça au Garde des Sceaux et finit par être envoyé,
peut-être contre son gré, dans un asile pour être observé.
Réfléchissant alors qu'au pis-aller, il valait mieux pour un
vol de peu d'importance en somme, qui pourrait n'entraîner
qu'une minime condamnation à temps, revendiquer sa sanité
d'esprit, que de faire le fou, ce qui devait lui attirer une
séquestration peut-être illimitée, il me lit les aveux compro-
mettants que l'on connaît. Enfin, au bout d'un mois environ,
après avoir gagné ma confiance en me promettant de ne pas
s'évader, il s'evada cependant après avoir réfléchi sans doute
qu'il était préférable encore de tenter la chance de ne pas
être retrouvé à temps et échapper ainsi à une répression, que
de charger sûrement, en restant en observation à l'asile, son
casier judiciaire de nouveaux mois de prison. Qu'il se soit
trompé dans certaines de ses déductions, peu importe, l'es-
sentiel fut de montrer que la logique la plus rigoureuse avait
dicté à Cing... sa conduite, la simulation n'ayant été pour
lui qu'un moyen dans le passé, comme sa franchise en était
un autre dans le présent. Un véritable aliéné, dans les mêmes
circonstances, eût été loin de se comporter de là même façon.
Je fus donc amené nécessairement à formuler les conclusions
suivantes qui répondirent à toutes les questions du problème
qui m'avait été posé à son sujet :
'lu Cing... (Jules-Xavier) jouit de la plénitude de ses facultés
mentales ; .
2° Il n'a jamais été aliéné et par conséquent son interne-
ment dans un asile ne peut lui créer un motif d'atténuation
de sa responsabilité pénale;
3° 11 doit rendre compte à la justice des actes pour lesquels
il se trouve poursuivi.
A la suite de mon rapport, Cing... qui n'avait pu être -
retrouvé depuis son évasion, fut le 15 novembre 1895 con-
damné par défaut à six mois de prison. Arrêté ultérieurement
à Marseille sous l'inculpation de vagabondage et de port
d'armes prohibé, il fut condamné à quinze jours de prison
le 23 novembre de la même année. Le 15 décembre suivant,
le tribunal de Saint-Etienne lui infligeait par défaut une
amende de 500 francs pour exercice illégal de la médecine ! /
26 6 médecine légale.
Enfin le 26 décembre 1893, il fut condamné à six mois de
prison pour port illégal de décoration, exercice illégal de la
médecine et outrages à des agents. C'est alors qu'il fit opposi-
tion au jugement par défaut du 15 novembre 1895, préten-
dant s'appeler non Cing..., mais Ducom..., c'est-à-dire qu'il
empruntait le nom du fils de sa mère, né d'un premier ma-
riage. Il fut transféré à B... le 2 janvier 1896 et le tribunal
rendit un premier jugement déclarant qu'il y avait identité
entre Ducom... et Cing... Sur appel, la Cour confirma ce
jugement'et le tribunal put rendre enfin un second jugement
maintenant purement et simplement le jugement par défaut
du 15 novembre 1895. Cing... acheva à la prison de B... la
peine prononcée contre lui à Alger et subit ensuite la peine
prononcée contre lui à B..., puis un dernier arrêt de la Cour
d'appel d'Aix, en date du 24 février IS98, l'a condamné pour
vol à cinq ans de prison, 100 francs d'amende et à la reléga-
tion.
Ainsi se termina l'odyssée de ce simulateur remarquable
qui, loin de finir par l'assassinat comme l'avait prédit un des
médecins qui l'avait observe, se cantonna dans le vol et l'es-
croquerie, et sut mettre encore à profit ses lectures médicales
d'antan et sa cohabitation avec les aliénés, pour s'établir
médecin à Saint-Etienne, puis à Alger où il avait arboré le
ruban rouge à sa boutonnière. On voit qu'il avait fait
des progrès depuis son contact avec la médecine et qu'il
avait plus d'un tour dans sun sac. Je m'applaudis d'avoir
démasqué un tel délinquant, dont l'intelligence naturelle
n'était pas douteuse. Ses aveux de simulation furent pour
moi une superfétation, car mon siège était fait et je n'en fis
état que pour démontrer l'erreur dans laquelle était tombé le
premier expert, sur la foi d'un premier certificat. Je devais
d'autant plus relever cette erreur de diagnostic d'aliénation
que la folie étant admise dans son passé, je devais, pour
déclarer plus fard Cing... responsable, démontrer que cette
folie était guérie, ce qui était impossible en présence des
termes du certificat de situation qui fut libellé, lorsqu'il sor-
tit de l'asile en 1894, par décision judiciaire.
ASILES D'ALIÉNÉS.
Organisation du Ve Asile de la Seine ' ;
Par le D' TAGUgT. ,
Le projet primitif comportait un médecin en chef, assisté d'un
médecin adjoint. Dans son rapport de 189T, au conseil général, : 11. le D'' Brousse ayant demandé que le médecin-adjoint de
Maison-Blanche, fût chargé d'un service, an même titre que ses
collègues de Villejuif, j'ai été amené à proposer la création de
deux sections absolument autonomes. Ce dédoublement du service
médical a amené un remaniement assez important du plan primi-
tif, chaque service comportant ses quartiers ordinaires et ses
quartiers spéciaux.
Chaque section comporte une moyenne de 300 lits; est-ce trop ?
oui, pour les médecins qui demandent l'assimilation absolue des
services d'aliénés à ceux des hôpitaux; mais qui oublient qu'un
bon tiers de nos malades vivent de la vie végétative la plus com-
plète, et qu'espérer modifier leur état physique et mental c'est se
tromper et tromperies autres. Il existe dans la Seine, et en pro-
vince, de grands et de petits services, y a-t-il parmi ces derniers,
toute proportion gardée, une guérison de plus, un décès de moins ?
Je laisse à la statistique, qui a parfois du bon, le soin de
répondre. Je considère que les services de 800 lits et même plus,
comme il en existe en province, peuvent être dangereux pour la
santé, le bien-être des malades ; mais je considère aussi que les
services de 200 malades, et même 150, ainsi que cela a été
demandé au Congrès de Toulouse, ne sont pas moins dangereux.
Dans le premier cas, en effet, on ne fait rien, ou pas assez, sous
le prétexte qu'on a trop à faire ; dans le second, on arrive à s'en
désintéresser pour porter son activité ailleurs, et on ne fait rien, ou
presque rien, pour des raisons absolument contraires. Ces petits
services existent, a-t-on dit, à' l'étranger, c'est une erreur ; mais
existeraient-ils que cela ne prouverait encore rien, tout ce qui nous
vient de l'étranger n'est pas à imiter, et nous l'avons démontré
dans un autre travail inséré dans les Archives de Neurologie.
On s'accorde généralement à reconnaître que la réunion des
' L'asile de llaison-I3lanclie, ou mieux le Va asile, est situé sur le do-
maine de Ville-Evrard, à Neuillysur-\Iarne (Seine-et-Oise).
28 asiles d'aliénés. -
sexes dans un même asile, en facilitant l'échange de services
réciproques, constitue une économie des plus importantes; et,
cependant, par une contradiction assez singulière, ce sont les
asiles qui ne reçoivent qu'un seul sexe qui sont les plus prospères,
les mieux organisés. Pour l'asile de Maison-Blanche la question
devait être prise de plus haut. Parmi les projets généreux de
notre époque-en faveur des aliénés, il en est qui ne peuvent être
acceptés d'emblée et sans contrôle; mais il en est d'autres, au
contraire, qui ont la rare fortune de s'imposer d'eux-mêmes ; tel
est celui qui consiste à donner le plus de liberté possible aux
malades, en tant que compatible avec leur état mental et la sécu-
rité publique. Or, il n'est pas douteux que la réunion des deux
sexes, dans le même asile, où certains services sont nécessaire-
ment communs, ne soit un obstacle insurmontable à cette liberté
dont je viens de parler et ne conduise à sacrifier un sexe au béné-
fice de l'autre.
Comme conséquence de cette mesure, l'asile a été aménagé de
manière à donner aux malades le plus de liberté possible. Ce ne
sera pas, seulement, ici, l'illusion de la liberté par la disparition
des murs et des sauts de loups et leur remplacement par un
simple grillage, dissimulé sous la verdure ' ; mais encore une liberté
relative par la disposition de grands espaces clos, en dehors des
préaux, où les malades pourront se livrer à des jeux divers,-se
promener, sous une surveillance aussi discrète que possible :
liberté qui s'étendra non plus à quelques privilégiées, mais à
toutes les malades qui seront susceptibles d'en jouir dans une
certaine mesure.
Conformément à ce qui existe dans certains asiles de l'étranger,
il a été créé un réfectoire central pouvant recevoir 300 malades.
Y prendre ses repas constituera une récompense pour les aliénées
travailleuses, un encouragement pour d'autres ; pour toutes, un
plus grand confortable et un plus grand bien-être, et surtout, une
diversion puissante à l'existence monotone des quartiers. Ce réfec-
toir central est aménagé d; telle sorte qu'il puisse être trans-
formé, en quelques minutes, en une salle de spectacle.
En créant une usine centrale commune aux deux asiles, pour
l'électricité et l'eau, l'administration a fait une décentralisation
des plus heureuses, dont on ne tardera guère à constater les
excellents résultats. Ce n'est là, très probablement, qu'un ache-
minement à la création de nouveaux services : boulangerie, abat-
toir, ateliers de toutes sortes servant de magasins d'approvision-
nement pour les deux établissements.
Chaque quartier comporte, au rez-de-chaussée, un vestibule avec
' A l'exemple de ce que nous avons fait dans notre service à Bicêtre et
partiellement à l'Institut aéclico-yédarlogiue à Vitry. (B.)
ORGANISATION DU Ve asile DE la seine. 29
un lavabo ; d'un côté deux chambres de gardiennes et un dortoir
de 16 lits, un lit par panneau. Au fond du dortoir, un cabinet
d'aisances avec une vidange spéciale des plus ingénieuses, à droite
et à gauche un lavabo de cinq cuvettes, dont deux avec robinets
indépendants. Les grandes glaces qui les surmontent dans toute
leur étendue constituent une innovation qui ne peut manquer
d'être très appréciée dans un asile de femmes, où la coquetterie
ne perd jamais ses droits. En avant du lavabo, des porte-serviettes
et de petits casiers, avec un numéro correspondant à celui de son
lit, où chaque malade déposera les divers objets qui servent à sa
toilette et qui. dans la plupart des asiles, sont communs à tous
les malades du même quartier. En arrière de ces porte-serviettes,
des bidets et des cuvettes mobiles.
De l'autre côté, le logement de la sous-surveillante, composé de
deux pièces; trois petites chambres d'isolement avec portes vitrées '
en verre dalle; une office avec fourneau, un robinet d'eau filtrée,
un robinet d'eau de Marne : la salle à manger; la salle de réunion.
Au premier étage, sur le palier, un poste de secours contre
l'incendie, la chambre de la veilleuse ; à droite un dortoir de
14 lits avec deux chambres de gardiennes ; à gauche, un dortoir
de 16 lits, offrant les mêmes dispositions que celui du rez-de-
chaussée. Soit au total 49 lits.
La disposition intérieure est exactement la même dans les
autres quartiers (7 pour la première section, 6 pour la seconde),
sauf aux malpropres, où nous comptons une chambre d'isole-
ment en plus et une salle de bain.
L'infirmerie comporte, outre les chambres du personnel de sur-
veillance, au rez-de-chaussée un dortoir de 10 lits, dit de surveil-
lance continue, cinq chambres d'isolement, une salle d'opérations,
une salle de bains, un réfectoire et une salle de réunion. Au pre-
mier étage, un dortoir de 14 lits; dix grandes chambres; des bidets,
un bain de siège, etc...
Après les expériences qui semblent si concluantes du traitement t
par le lit, préconisé par il1. le D1' Magnan,a l'Asile clinique, il peut
paraître téméraire de parler de quartier cellulaire dans un asile
nouveau ; mais n'est-ce pas trop se presser, et aller trop vite en
besogne que de demander la démolition de' ceux qui existent ?
Nous avons donc conservé le quartier cellulaire de Maison-Blanche,
jusqu'à nouvel ordre, mais en le décapitant comme quartier spé-
cial, pour en faire une simple annexe des quartiers d'agitées des
deux sections, et en lui faisant subir des transformations impor-
tantes. C'est ainsi que 12 cellules ont été supprimées pour être
converties en G grandes chambres, soit 3 par section, destinées à
recevoir, pour la journée, les malades qui peuvent être atteintes
d'une crise aiguë, et celles qu'il est nécessaire d'isoler momenta-
nément pour diverses causes, dont le médecin reste le seul juge.
30 asiles d'aliénés.
Les autres cellules, par mesure d'économie, ont été conservées,
telles qu'elles ont été construites, c'est-à-dire assez mauvaises.
Dans ma pensée elles ne devront servir que pour isoler, la nuit,
les malades qui ne peuvent rester en dortoir. Le quartier cellulaire
ainsi compris devient une sauvegarde, un moyen de traitement, et
non plus une sorte de détention rendant la surveillance et la
garde des agitées par trop faciles. Nous ajouterons que cette solu-
tion nous permet de supprimer deux postes de sous-surveillantes
et de reporter le reste du personnel sur les quartiers d'agitées.
La question du couchage, et plus spécialement celui des gâteux,
m'avait d'autant plus préoccupé que dans une lettre adressée à
M. le Préfet, lI. le directeur de l'assistance publique faisait con-
naître que, dans les services de son administration, les lits de
gâteux étaient supprimés depuis longtemps et remplacés par des
lits ordinaires avec matelas en laine de tourbe, ou de libre de
bois, recouverts par une toile imperméable, alors qu'une autre
toile préservait le drap de dessous et le traversin. Or, nous
n'avons trouvé ces lits dans aucun service de Bicêtre ' ou de la
Salpêtrière; tout ce que nous avons pu apprendre, c'est qu'ils
existaient « peut-être » dans un service d'enfants assistés.
Le système de couchage des gâteux dans les services d'aliénés
relevant de l'assistance publique, sauf peut-être celui des enfants,
est des plus primitifs. Je prends la Salpêtrière, par exemple. Les
matelas n'existent, croyons-nous, que dans un seul service, celui
de 111. Jules Voisin. Partout ailleurs, les gâteuses couchent sur la
paille, dans des lits en bois dits à bateau. Le système employé
par M. le Dl' Voisin est à retenir : une paillasse sur laquelle on
étend un matelas ordinaire, qu'on recouvre ensuite d'un drap et
pardessus celui-ci une alèze pliée en huit. S'il s'agit de grandes
gâteuses, cette alèze est roulée autour de la malade, qui se trouve
ainsi emmaillotée comme un enfant. Les malades, cela n'est pas
douteux, passent la nuit dans leurs déjections, ou dans l'urine;
mais n'en est-il pas de même avec les matelas à trois segments de
nos services, avec cette différence, cependant, que nos malades
sont moins mouillées, une partie de l'urine filtrant dans la paille.
après avoir traversé le drap. Mais cet avantage est compensé
par d'autres inconvénients, comme celui qui résulte, par exemple,
de la solution de continuité des matelas à segments qui est fré-
quemment le point de départ d'eschares, d'érysipèle, etc.
Dans son service de la Clinique, 111. le D1' Magnan a adopté ce
système de couchage, mais avec certaines modifications. Le lit en
fer avec sommier remplace le lit en bois et la paillasse, l'alèze est
changée aussi souvent que cela est nécessaire, non seulement le
' Les lits de laine de tourbe ou de fibre de bois sont exclusivement
employés dans notre service de gâteux il Bicêtre. (B.)
ORGANISATION DU Ve ASILE DE LA SEINE. 31
jour, mais encore la nuit. C'est, en résumé, ce que nous ferions
dans nos maisons pour un des nôtres qui tomberait dans le gâtisme.
C'est le système que nous avons adopté pour nos services de
gâteuses. La moyenne des malades de cette catégorie est de
12 p. 100, soit de 30 à 35 par service, sur lesquelles la moitié ne
gâte que d'une manière accidentelle, ou ne fait qu'uriner au lit.
Est-ce trop demander au personnel de ces quartiers qui, soit dit
en passant, est au moins le double de celui des quartiers similaires
de l'assistance, que de changer les alèzes chaque fois que cela est
nécessaire. Pour la nuit, le service sera plus difficile, aussi avons-
nous prévu pour ces quartiers deux veilleuses au lieu d'une. Nous
sommes persuadé que le chiffre des grandes gâteuses baissera
rapidement, du moment où il faudra les changer et il suffira, pour
cela, de les présenter une ou deux fois, par nuit, sur la siège,
comme cela se pl atique dans certains asiles C'était par trop com-
mode de coucher ses malades et d'attendre jusqu'au lendemain
matin pour les changer.
Dans sa visite dans les asiles d'Angleterre et d'Écosse, la com-
mission du conseil général a pu constater qu'il n'y avait pas d'uni-
forme ; à l'asile de Clairbury, notamment, chaque malade choisit le
tissu qu'il préfère et on fait la robe sur commande.
Dans les asiles de la Seine le costume est uniforme et obliga-
toire, qu'on soit calme, agité ou gâteux. Des nécessités de service
ne nous permettant pas de laisser à chaque malade le choix de sa
robe, nous avons adopté un moyen terme entre ce qui se pratique
à l'étranger et ce qui existe chez nous. A Maison-Blanche les
malades auront le choix entre trois robes de nuance différente,
mais de la même qualité. En cas d'évasion, il sera encore facile de
les reconnaître. Dans les asiles de province, à Dun-sur-Auron,
notamment, les malades sont absolument libres d'acheter sur leur
pécule, ou leur argent de poche, une robe de leur goût qui reste
leur propriété. Pourquoi n'en serait-il pas de même à Liaison-
Blanche' ? 11 y aurait à la fois une économie et une satisfaction à
donner aux malades. J'en connais qui n'ont jamais voulu quitter
l'asile, pour une promenade au dehors, pour ne pas se montrer
en public avec le costume de la maison, la livrée de la folie.
Il y aura, dit une circulaire ministérielle, dans les quartiers
spéciaux à agitées épileptiques, malpropres et infirmeries un sur-
veillant pour 10 malades; dans les autres, un surveillant pour 20.
Cette moyenne, qui est loin d'être atteinte dans les asiles de pro-
vince, n'a pas paru suffisante dans la Seine. Nous avons pu aug-
menter cette moyenne d'une manière très sensible, sans grever,
pour cela, le budget d'une seule unité, et voici comment. L'asile de
Maison-Blanche ne comporte pas de salle de couture commune à
' Et dans nos salles de gâteux.
(B.)
32 ' REVUE CRITIQUE.
tous les malades, c'est là une lacune, voulue, ou non, qui n'en
tourne pas moins au grand avantage du travail et, surtout, des
malades. Ne sont admises dans l'ouvroir que les malades absolu-
ment calmes et qui sont susceptibles de donner un travail réel et
productif et qui sont immédiatement réintégrées dans leurs quar-
tiers pour peu qu'elles exigent une certaine surveillance, ou pour
une foule de raisons que les médecins n'arrivent jamais à
connaître. Ce n'est pas ici le lieu de faire le procès du personnel
secondaire des services généraux ; mais n'est-ce pas un non-sens
que de lui confier des malades qu'il ne connaît pas, auxquels il
n'est pas habitué, et à qui on ne fera jamais comprendre qu'il a
pour mission de conduire des malades et non des ouvriers, des
mercenaires ? Au Ve asile, et cela ne constitue pas une innovation
proprement dite, nous aurons un atelier de couture par quartier,
où chaque malade donnera la dose de travail qu'elle pourra
donner, sous la surveillance d'infirmières qui les connaissent,
vivent de son existence. Le nombre de sous-surveillantes ou d'in-
firmières employées à la couture, varie suivant les asiles, de 3 à C ;
nous nous contenterons de 4, que nous reporterons dans les
deux premiers quartiers de chaque section, où doivent se trouver
les ateliers les plus importants. La moyenne, au lieu d'être de
20 dans ces quartiers, ainsi que le veut la circulaire ministérielle,
sera de 12 plus une fraction, non compris les veilleuses dont le
service ne cesse qu'à 8 heures du matin ; dans les quartiers
spéciaux elle variera de 7 à 10.
REVUE CRITIQUE.
Sur le sens musculaire à propos de quelques
travaux récents ' ; ;
Par Henri VERGER,
Chef de clinique médicale à l'Université de Bordeaux.
IL- LOCALISATION cérébrale DU sens musculaire.
Le rôle physiologique des sensations musculaires que nous ve-
nons d'étudier est de nous faire connaître les caractères qualitatifs
' Voir Archives de Seul'ologie, n° 48, t. VIII, 461, 1899.
SENS MUSCULAIRE 33
et quantitatifs de nos mouvements, leur étendue et leur direction
et.la résistance qu'ils rencontrent. Après avoir contribué à former
les images motrices enregistrées dans notre mémoire, elles nous
permettent de contrôler incessamment les mouvements exécutés
à la suite du réveil conscient de ces mêmes images motrices.
L'étude des troubles du sens musculaire pourrait donc ainsi
logiquement comprendre deux divisions principales. Dans la pre-
mière on étudierait les troubles mnésiques résultant de la perte
de ces images conscientes dont nous venons de parler, troubles
qui seraient au sens musculaire ce que la cécité psychique est au
sens de la vision. Dans une seconde viendraient prendre place les
troubles de perception sensorielle, où l'impression née à la péri-
phérie n'est plus perçue soit par suite d'une lésion des voies de
conduction, soit par la destruction des groupes corticaux de cel-
lules sensitives spécialement affectées à ces impressions. En fait
il vaut mieux distinguer d'une part les troubles du sens muscu-
laire consécutifs à des lésions des voies de conduction, où le ma-
lade conserve intactes ses images motrices antérieures, mais ne
peut plus contrôler l'exécution de ses mouvements volontaires, et
d'autre part les troubles consécutifs aux lésions des centres, en
prenant le mot centre non plus dans le sens étroit qu'on lui don-
nait autrefois, mais dans le sens plus large qui en fait simplement
un groupe de neurones sans préjuger en rien de leur exacte délimi-
tation dans l'écorce.
Dans le premier cas le principal symptôme sera l'ataxie des mou-
vements. Dans le second si l'on veut admettre qu'un mouvement
volontaire est toujours et nécessairement précédé de la reviviscence
d'une image motrice formée de résidus sensitifs, on aura une im-
puissance plus ou moins complète de concevoir un mouvement et
par suite de l'exécuter; cliniquement on constatera de la paralysie.
Cette étude de pathologie nerveuse nous amène en somme à
l'étude physiologique des voies de conduction et de la localisation
corticale du sens musculaire.
L'ataxie locomotrice, dont le principal symptôme est une impuis-
sance totale à dirigerles mouvements volontaires, coïncidant avec
la conservation intégrale de la force musculaire, est l'exemple clas-
sique de troubles du sens musculaire par lésion des voies de con-
duction centripète. C'est l'étude de cetle maladie qui a permis de
localiser ces voies centripètes du sens musculaire dans les cordons
postérieurs. Aussi bien n'y a-t-il de ce côté aucune controverse et
ne nous y attarderons nous pas davantage.
11 n'en est pas de même pour le trajet intra-encéphalique de ces
fibres sensitives. Les documents très incomplets dont dispose la
science à l'heure actuelle ne permettent pas de dire si les fibres du
sens musculaire ont dans le bulbe, la protubérance et le pédon-
cule un trajet distinct de celui des autres fibres de la sensibilité
Archives, 2' série, t. IX 3
34 4 REVUE CRITIQUE.
générale, ou si elles s'y mêlent d'une façon complète comme dans
la moelle. L'étude anatomique des dégénérescences est impuis-
sante à combler cette lacune et d'autre part les lésions de cette
partie de l'encéphale sont à la fois trop rares et trop rapidement
mortelles dans la plupartdes cas pour que leur étude puisse fournir
des notions certaines.
Les lésions de la capsule interne sont ¡,l'encontre fréquemment
observéesetpermettent la plupart du temps une survie assez longue
des malades. Aussi de ce côté sommes-nous plus avancés sans que
la question soit encore complètement résolue.
C'est Ludwig Turk ' qui établit le premier en se basant sur des
observations célèbres l'existence d'un faisceau sensitif situé dans
la capsule interne en arrière du faisceau pyramidal, soit dans la
dernière moitié du bras postérieur. Des observations de Charcot,
Magnan, Bourneville, Pitres, etc., vinrent bientôt confirmer cette
manière de voir. Un type clinique particulier était dès lors cons-
titué : c'était l'hémianesthésie capsulaire sensitivo-sen50rielle ana-
logue de tous points aux hémianesthésies hystériques. Ce type
était peu après reproduit expérimentalement par Veyssière 2. Les
troubles du sens musculaire faisaient partie intégrante du syn-
drome. Charcot crut pouvoir distinguer dans cette étroite région
qu'il appela lé carrefour sensitif, pensant que toutes les fibres
sensitivo-sensorielles s'y réunissaient, plusieurs zones secondaires,
admises ensuite par Ballet 3. C'est ainsi qu'il attribua au sens mus-
culaire un faisceau spécial situé en avant du faisceau sensitif pro-
prement dit attribué à la sensibilité tactile, et répondant par suite
en avant au faisceau pyramidal.
Ces notions sont encore classiques à l'heure actuelle. Redlich
admettait cette différentiation en 1893. Cependant plusieurs tra-
vaux récents tendent à remettre la question à l'étude. La contro-
verse qui s'éleva vers 1881 entre les partisans de la voie sensitive
directe (Flechsig) et ceux de l'interruption du faisceau sensitif dans
la couche optique (Von Monakow et 11anhaim) n'est pas encore
terminée. Cependant Flechsig et Hosel * se sont ralliés à une opi-
nion mixte en adoptant l'existence d'un ruban de Reil cortical
direct et d'un ruban de Reil thalamo-eottical. Plus récemment
encore 1)éjerine et Long mettent en doute l'existence de l'hémi-
' Ludwig Turk. liais. Acad. des Wissenscli, vol. XXXV. 1859.
2 Véyssière. L'hémiallesthésie de cause cérébrale. Thèse de Paris,
1874. i.
' G. Ballet. Le faisceau sensitif. Thèse de Paris, 1877.
* Flechsig. Noliz. die « Schleiffe » belre//éml. Neurologisch. Central-
blalt, 1896, p. 419.
1 Déjeriiie et Long. Sur la localisation des lésio21s daiisl'hé) ? ziaîzesiliésie
dite capsulaire. (Société de biologie, °i décembre 1898.)
SENS MUSCULAIRE. 35
anesthésie capsulaire du type classique Turk-Charcot et pensent
que l'hémianesthésie n'existe que dans deux cas :
1° Lorsqu'il y a une lésion thalamique détruisant les fibres ter-
minales du ruban de Reil et les fibres d'origine du neurone tha-
lamo-cortical.
2u Lorsque le thalamus étant intact ses connexions avec l'écorce
cérébrale sont complètement détruites; pour réaliser cette condi-
tion il faut une très volumineuse lésion capsulaire.
Ces auteurs admettent donc que les fibres sensitives font un pre-
mier relai au niveau de la partie postérieure et inférieure du noyau
externe du thalamus. De là partiraient des fibres cortico -thalami-
ques ascendantes. Mais ces fibres ne forment pas dans la capsule
un faisceau distinct; elles occuperaient intimement mêlées aux
fibres descendantes toute la partie postérieure depuis le genou
jusqu'au faiseau rétro-lenticulaire. Ce faisceau rétro-lenticulaire
est composé de fibres visuelles et les lésions siégeant à ce niveau
produisent l'hémianopsie.
Les faits anatomiques sont donc impuissants à nous révéler le
trajet exact des fibres centripètes affectées au sens musculaire.
Il y a tout lieu de croire cependant que comme les autres fibres
sensitives elles ont un relai au moins partiel au niveau de la
couche optique. La clinique montre en tout cas que dans l'hémi
plégie cérébrale vulgaire due à des lésions. capsulaires empiétant
plus ou moins sur la couche, optique et les noyaux du corps strié,
les troubles du sens musculaire sont extrêmement fréquents. Ici
cependant il y a encore controverse. Tous les auteurs sont d'accord
sur la rareté de l'hémianesthésie organique complète et le temps
n'est peut-être pas loin où ce type morbide lorsqu'il existe sera
attribué a des phénomènes hystériques surajoutés il la lésion or-
ganique. Il n'en est pas de même lorsqu'il s'agit des troubles in-
finiment moins saillants et plus difficiles à étudier qui avaient
déjà été signalés par Tripier en 1880 '.
Redlich 2 a trouvé des troubles des sens musculaire et stéréo-
gnostique dans 23 p. 100 des cas. Il a établi que le défaut du sens
musculaire était le symptôme dominant des anesthésies des hémi-
plégiques vulgaires et que bien qu'il n'y ait pas de rapport cons-
tant entre l'anesthésie musculaire et l'anesthésie tactile, elles
allaient rarement l'une sans l'autre.
Bourdicault-Dumay 3 confirme la fréquence des troubles de la
1 Tripier. De l'anesthésie dans les lésions cérébrales. (Revue de méde-
cinq, 1880,)
3Ltedlict. Ueber Slowotgen der Muskelsinns und der Slereognischen
sinnes bei cler cerebralen Hémiplégie (Wt'et ! 6rR7 : ) ! M. n'ochensclu ift,18û3,
il - 2L)
3 Loco cilato
36 REVUE CRITIQUE.
sensibilité générale dans l'hémiplégie cérébrale et admet lui aussi
l'indépendance relative des troubles du sens musculaire et de ceux
de la sensibilité tactile.
Claparède 1 écrit dans ses conclusions : « La perte du sens mus-
culaire est indépendante de l'anesthésie au tact, à la douleur et
aux températures et vice versa.
En examinant ses observations il croit pouvoir établir dans les
types cliniques les divisions suivantes :
1° Anesthésie tactile et perte du sens musculaire;
2° Anesthésie tactile sans perte du sens musculaire;
3° Perte du sens musculaire sans anesthésie tactile.
Il ajoute du reste qu'il ne lui est pas permis de rien conclure,
quant à la fréquence relative de ces trois syndromes. D'autre part,
dans la production du trouble spécial qu'il étudie sous le nom
d'hémiataxie post-hémiplégique il attribue un certain rôle à la
perte du sens musculaire, qu'il aurait trouvé nettement en défaut
7 fois sur 20 observations. Il est à noter que les quatre modalités
du sens musculaire ne sont pas toujours atteintes de la même façon
et au même degré.
A côté de ces auteurs qui admettent la grande fréquence des
troubles de la sensibilité générale et du sens musculaire dans les
hémiplégiques nous en trouvons d'autres qui les nient et les con-
sidèrent comme des quantités absolument négligeables. Abba ne
les aurait trouvés que 2 fois sur 50 observations. Dans ces deux
cas il admet qu'on doive les rapporter à une lésion de la partie
postérieure de la capsule. Cette assertion conforme à l'opinion
classique n'est appuyée d'aucune vérification posl morlem.
Vladimir Aluratov 2 se base pour établir le diagnostic d'une lésion
corticale avec une lésion capsulaire sur ce que dans les lésions de
celte dernière partie le sens musculaire serait intact. Aucune
observation probante, il est vrai, n'est apportée à l'appui de cette
thèse singulière.
Dans la thèse d'Abba l'examen attentif de ses observations
montre que dans beaucoup de cas les malades n'ont été examinés
qu'un ou deux ans après l'ictus initial, et c'est peut-être ce qui
explique la contradiction apparente de sa statistique avec celle de
Dourdicault-Dumay.
Nous avons nous-même étudié cette question avant d'avoir con-
naissance des travaux que nous venons de citer 3 et nous sommes
arrivé à cette conclusion que les troubles de la sensibilité générale
1 hoc. cil., p. 133. ! Wladimir Muratov. Localisation du sens musculaire à propos d'un
cas de traumatisme cérébral. (Nell1'ologischen Cecilrcclblall, 1898.)
3 Henri Verger. Les troubles de la sensibilité générale dans l'hémiplé-
gie cérébrale vulgaire. (Archives cliniques de Bordeaux, 1897.)
SENS MUSCULAIRE. 37
existaient dans l'immense majorité des cas d'hémiplégie cérébrale,
mais qu'ils tendaient à s'atténuer et même à disparaître après un
temps plus ou moins long variant de quelques semaines à plusieurs
mois et même plusieurs années. Nous avons depuis continué ces
recherches et il s'est ensuivi une confirmation de ces idées.
Toutefois, s'il nous est permis de croire que les troubles du sens
musculaire sont pour ainsi dire la règle dans la première période
de l'hémiplégie cérébrale, il nous est plus difficile de savoir exac-
tement dans quel rapport sont atteintes les différentes notions de
mouvements actifs, de position et de résistance. Dans la plupart
des cas la notion de position est manifestement altérée tandis que
les malades conservent la notion brute du mouvement actif et
passif. Cette perte est plus marquée pour les segments de l'extré-
mité des membres, pour les doigts en particulier, que pour ceux
de la racine. il se confirme également que les troubles du sens
musculaire ont une importance beaucoup plus grande que ceux de
la sensibilité tactile. C'est là surtout ce qui paraît acquis en bloc
il l'heure actuelle. La détermination des points de détail demande
de nouvelles recherches.
De même que pour l'étude du trajet des fibres sensitives, l'étude
de la localisation corticale du sens musculaire est inséparable de
celle de la localisation de la sensibilité générale.
Le sens musculaire est plus ou moins lésé chez les individus
porteurs de lésions en foyer siégeant dans la zone rolandique, dans
cette zone que depuis Charcot et Pitres ont dénommée la zone mo-
trice. Beaucoup d'observations en l'ont foi, et d'autre part les obser-
vations données comme contradictoires sont trop souvent incom-
plètes. Nous avons pu établir que l'akinesthésie était le caractère
dominant des anesthésies corticales. A vrai dire elle est rarement
complète; les malades parétiques ont encore la sensation brute du
mouvement qu'ils exécutent, mais ils n'en perçoivent nettement les
yeux fermés ni l'étendue, ni la direction.
Ces seules preuves cliniques, encore bien incomplètes, sont heu-
reusement corroborées d'une part par les recherches expérimen-
tales et d'autre part parles découvertes anatomiques récentes sur
le trajet et les terminaisons du faisceau sensitif. Tout concorde à
montrer que le siège des sensations musculaires se trouve dans
la zone rolandique.
Les auteurs dont nous analysons les travaux s'abstiennent pour
la plupart d'émettre une opinion ferme sur la question. Claparède
et Bourdicault-Dumay acceptent l'existence d'une zone sensitive
musculaire conjointe à la zone sensitive tactile, et comme elle
superposée il la zone motrice proprement dite, Abba se croit en
' Henri Verger. Les anesthésies consécutives aux lésions vaso-7no-
trices. (Thèse de Bordeaux, 1897.)
38 REVUE CRITIQUE.
droit de repousser cette opinion et tend à rattacher toutes les anes-
thésies cérébrales à une lésion de la partie postérieure de la capsule
interne. Mais comme le fait justement remarquer Claparède, la
capsule interne n'est qu'un lieu de passage et il faut bien admettre
que les fibres qui la traversent se terminent quelque part dans
l'écorce.
La conception des centres sensitifs accolés aux centres d'incita-
tion motrice, encore qu'au premier abord elle paraisse le mieux
s'accorder aux faits, est passible de nombreux reproches. Elle parait
surtout un pis-aller et de fait les auteurs qui ont émis cette
théorie sont plutôt sobres de détail quant à son interprétation
psychologique.
La théorie des centres kinesthésiques de Bastian dérivée pour
une part des théories sensitives de Munk et de Schiff est plus
complète en ce sens qu'elle explique les faits d'une façon satisfai-
sante et qu'elle identifie le fonctionnement des éléments de la
zone rolantique à celui des autres éléments sensoriels de l'écorce.
Les circonvolutions frontale et pariétale ascendantes, avec la partie
postérieure du lobe frontal et la partie antérieure du lobe pariétal
seraient l'endroit où se ferait la perception consciente du com-
plexus sensitif que Bastian englobe sous le nom de sensations
kinesthésiques et qui correspond comme nous l'avons vu au sens
musculaire pris dans son accéplion la plus générale. En outre de
leur rôle de perception, les éléments de cette zone auraient un
rôle mnésique. C'est là que se fixeraient les impressions kines-
thésiques dont les diverses combinaisons forment les images
motrices ; nous avons vu que les images motrices ne pouvaient
être formées que de résidus sensitifs. La recolleclion de ces images
motrices serait le pl'imllm moues que nous avons trouvé à l'ori-
gine du mouvement volontaire. Charles Féré a montré à ce pro-
pos comment le réveil à la conscience d'une image motrice était
toujours suivi d'un commencement d'éxécution et qu'entre le
simple phénomène psychique conscient non suivi d'effet apparent
et le mouvement volontaire il n'y avait qu'une différence d'inten-
sité dans la représentation mentale. La dénomination de zone
motrice reste donc vraie quand même dans cette théorie, appli-
quée à la zone rolandique, puisqu'en dernière analyse c'est de là
que partirait l'excitation primordiale qui va retentir sur les cellules
motrices bulbo médullaires.
Toute question de théorie mise à part il serait du reste inexact
de croire que dans les processus perceptifs de la sensibilité mus-
culaire comme aussi de la sensibilité tactile tout doit se passer
dans l'écorce rolandique. En effet, et nous avons insisté sur ce
fait dans notre thèse inaugurale, les anesthésies corticales sont
' Chalton Bastian. The muscularsense. (Brain, avril 18S7.)
SENS MUSCULAIRE. 39
toujours incomplètes et le sujet conserve la perception de la sen-
sation brute en perdant la perception de ses variations qualita-
tives et quantitatives. Nous avons dit plus haut d'autre part que
dans les anesthésies des hémiplégiques vulgaires on retrouvait
souvent des caractères identiques. Il est donc logique de penser
qu'il existe au-dessous de l'écorce ou dans d'autres parties encore
inconnues, des groupes de neurones où peut se faire à la lumière
d'une conscience moins parfaite, la perception des sensations
musculo-tactiles. La destruction des centres supérieurs corticaux
n'abolirait avec les images motrices que les perceptions plus éle-
vées et plus délicates et aussi celle des associations sensitives
complexes d'où résultent les sensations complètes et vives de
l'état normal.
III. - Du toucher actif.
On doit entendre sous le nom de toucher actif un complexus
sensitif qui s'exerce dans sa forme la plus parfaite par la palpa-
tion manuelle et qui permet d'apprécier sans le secours des autres
sens la nature, la forme et certaines propriétés extérieures des
objets placés dans la main. Si à ce phénomène sensoriel vient
s'ajouter un processus psychique d'association soit avec des sensa-
tions de même nature antérieurement perçues et déjà fixées dans
la mémoire, soit avec des sensations différentes, surtout visuelles,
la représentation mentale complète de l'objet surgit dans la
mémoire. En sorte qu'on peut dire qu'il s'agit d'une véritable
vision tactile et continuer la métaphore en donnant au symptôme
qui résulte de la perte du toucher actif le nom de « cécité tactile ».
Ces expressions qui ont déjà été quelque peu employées sont évi-
demment mauvaises en ce sens qu'elles sont susceptibles d'induire
en erreur. Elles ont tout au moins le mérite de faire comprendre
avec force l'idée qu'elles expriment, puisque c'est surtout à la
vision qu'on peut attribuer dans la vie courante la reconnaissance
des objets.
Il nous semble que l'expression de toucher actif est préférable à
celle de sens stéréognostique qu'emploient la plupart des auteurs
et notamment ceux dont nous nous occupons plus particulière-
ment ici. En effet, et dans l'esprit même de l'auteur qui l'a le mieux
étudié ', le sens stéréognostique se rapporte surtout à la notion de
forme des objets comme l'indique du reste l'étymologie. Au con-
traire, l'idée qu'évoque l'expression de toucher actif, plus parlicu-
' Hoffmann. Slcreognosliche Versuche, altgeslellt ur Lrnzilllcezzg der
lUemenle der Gefultlsilzns, aus denen die 1'orslellungen der Korper im
liaume geLilclel werdelz. (Deutsch. Arch. sur Zain. 3lecl., ISSi, p. 528,
et 1885, p. 130 et 39S.
40 REVUE CRITIQUE.
lièrement employée par les Américains est beaucoup plus com-
plète puisqu'elle comprend à la fois l'idée de l'activité nécessaire
pour sa perception et l'idée de reconnaissance tactile en général.
De plus, elle a l'avantage de ne point préjuger' de la nature du
phénomène, et ne tranche point d'emblée la question après tout
discutable, de savoir s'il s'agit d'une association de sensations
élémentaires diverses, ou d'un sens réel ayant une existence auto-
nome.
L'analyse psychologique du phénomène de la reconnaissance
d'un objet par le palper seul reconnaît la mise en jeu de plusieurs
modes de la sensibilité générale dont chacun permet de constater
une propriété particulière. Ainsi grâce à la notion de position des
doigts on reconnaîtra la forme; la consistance ne sera reconnue
que par la perception de la notion d'effort qui mesure la résistance
opposée par l'objet. Mais la forme, l'étendue et la consistance sont
des propriétés insuffisantes, à elles seules, à nous faire reconnaître
complètement un objet. Il faut y joindre les caractères de la
surface extérieure qu'apprécie le tact multiplié par les mouve-
ments de la main qui palpe. C'est l'association de toutes ces sen-
sations complexes qui constitue le toucher actif. L'image tactile
d'un objet est donc en dernière analyse un résidu de sensations
musculaires et tactiles.
Hoffmann avait établi, en se basant sur seize observations cli-
niques, qu'il n'existait aucun rapport constant entre l'état de la
perception stéréognostique et celui des divers modes de la sénsi-
bilité générale. Le sens stéréognostique pouvait être intact avec
un affaiblissement concomitant d'un des modes quelconques de
la sensibilité générale, et inversement il pouvait être aboli malgré
l'intégrité complète des sensibilités à la chaleur, au contact et à la
température de notion, de localisation, de position et de poids.
Bourdicault-Dumay se rallie en partie aux idées précédentes.
Ayant anesthésié par une pulvérisation de chlorure d'éthyle la
pulpe du pouce ou des deux doigts suivants, il a constaté que son
sujet reconnaissait encore les objets. Cette intéressante expérience
montre que si la notion du toucher actif dépend à la fois de tous
les modes de la sensibilité musculo-tactile elle ne dépend complè-
tement d'aucun en particulier. C'est surtout la faculté de localiser
sur le tégument et la notion de position des phalanges qui ont la
plus grande part dans la formation de cette notion complexe. « Il
y aurait, dit-il, trouble du sens stéréognostique toutes les fois
qu'il y aurait abolition des images commémoratives tactiles et par
suite impossibilité de rapprocher les sensations éprouvées de
' Dana. The localisation of culaneous andmuscular sensations and
memories. (Journal of nervous and mental diseuse ? ew-1-orl : , décem-
bre 1891.)
SENS MUSCULAIRE. 41
celles déjà produites par des objets semblables. » Cette assertion
est absolument vraie, mais il ne faut pas oublier que les troubles
du toucher actif existent également avec des lésions des voies de
conduction centripète.
Georges Gasne 1 insiste sur la nécessité de considérer ce sens
stéréognostique à part et en fait le résultat d'une fonction d'asso-
ciation. Il s'appuie sur deux observations où le sens stéréognos-
tique était seul aboli, toutes les autres modalités de la sensibilité
tactile et musculaire étant intactes. Mais il s'agit de deux hysté-
riques et il nous parait que l'on doive, autant que possible, s'abs-
tenir de tirer de ces observations des conclusions applicables à la
physiologie normale, parce que les processus de physiologie
pathologique de la grande névrose sont encore trop à l'état
d'hypothèses.
Un fait cependant ressort clairement de ces diverses études. Le
toucher actif est bien le résultat d'une fonction d'association et
cette seule particularité explique qu'il puisse subsister, certaines
sensations élémentaires étant abolies. En effet, à défaut de pro-
priétés non perçues, une autre propriété pourra à elle seule pro-
duire une impression assez forte pour éveiller de suite l'image
mentale de l'objet considéré. Nous avons vu un malade anesthé-
sique complet au tact mais dont le sens musculaire était intact,
qui à la longue reconnaissait un morceau de pain par la facilité
avec laquelle il l'écrasait. Dans les cas où le toucher actif ne
donne aucun résultat malgré l'intégrité respective de ses sensations
composantes, il s'agit vraisemblablement d'un défaut d'associa-
tion comparable à ce qui se passe dans les aphasies dites de
conductibilité.
Tout cela, comme le fait remarquer Claparède, est encore assez
mal étudié. Toutefois nous ne croyons pas comme lui que la perte
du toucher actif soit un symptôme négligeable en clinique, juste-
ment parce que cette perte révèle une lésion assez importante.
Dans les études que nous avons faites de la sensibilité des hémi-
plégiques, c'est une des modalités sensitives que nous avons trouvée
le plus souvent et le plus profondément atteinte=. Ce symptôme
ne manque également presque jamais dans les paralysies d'ori-
gine corticale. ,
Y a-t-il lieu d'attribuer au toucher actif une localisation corticale
spéciale ? Bourdicault-Dumay croit pouvoir, sous toutes réserves du
reste, localiser cette faculté à l'union du tiers moyen et du tiers
1 Georges Gasne. Sens stéréognostique et centres d'association. (Nou-
velle iconographie de la Salpêtrière, 1898, no 1.)
e Plus récemment (Journal de physiologie et de pathologie générale,
septembre-1899) Claparède a signalé l'altération du sens stéréognostique
dans les hémiplégies infantiles.
1 ? REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
inférieur de la pariétale ascendante des deux côtés. Il s'appuie
pour cela sur deux observations de Wernicke et une de Dubbers,
où l'examen nécroscopique a été pratiqué. Dans les cas que nous
avons rapporlés dans notre thèse inaugurale il s'agissait de lésions
intéressant l'écorce rolandique. Par suite et étant donné qu'il
s'agit en somme d'une spécialisation plus haute et plus complexe
de la sensibilité musculo-tactile de la main et des doigts, il est peu
probable qu'il faille chercher en dehors des centres kinesthésiques
du membre supérieur la localisation du toucher actif. Les argu-
ments de G. Gasne nous paraissent insuffisants à entraîner la
conviction contraire. Toutefois la question appelle des recherches
de confirmation.
Arrivé au terme de cette courte revue des idées exprimées par
les auteurs les plus récents sur le sens musculaire il nous parait
que la question est entrée dans sa phase de fixation définitive, et
que les grandes lignes du moins sont arrêtées. Il ne semble pas
que la psychologie physiologique ait désormais de grands progrès
à faire dans l'étude analytique des sensations musculaires. En
revanche la question de la localisation cérébrale du sens muscu-
laire et de ses rapports physiologiques avec les autres fonctions
de l'encéphale est encore imparfaitement élucidée. Néanmoins
d'importants jalons sont posés et les résultats déjà obtenus nous
permettent d'en espérer bientôt de plus complets.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
1. Génie et folie ; par le De A. Regnard.
Dans un important travail aussi attachant par le fond que par
la forme, l'auteur montre que la folie n'est qu'une exception chez
les hommes de génie : 2 à 2 1/2 p. 100 environ.
Chez onze grands hommes aliénés dont l'histoire est analysée,
toujours la folie a fait tort au génie : seuls les fanatiques religieux
ont été servis par leur état plus ou moins complet d'aliénation
plus ou moins lucide : et la preuve faite pour, les génies s'applique
aux hommes de simple talent.
Le génie sera toujours une énorme exception. Qu'on ne dise
plus, désormais, qu'il confine à la folie ; au plus bas de l'échelle
sont les imbéciles, les fous complets et les fous moraux ; au som-
met les hommes de génie, les héros de l'humanité, dont l'organi-
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 43
sation cérébrale parfaite constitue l'épanouissement suprême des
forces organiques, l'essence de la nature et de la vie.
La destinée des peuples a pu se trouver parfois entre les mains
d'aliénés ; mais ceux-ci n'avaient rien à faire avec le génie. et si
certains héros du fanatisme religieux ont pu exercer la plus fâcheuse
influence sur ces destinées, ils ne l'ont fait qu'en exploitant les
instincts les plus inférieurs de l'espèce humaine.
En démontrant que la réalité objective du génie résulte précisé-
ment du fonctionnement du cerveau à son plus haut degré de
perfection, on ruine du même coup la théorie de « l'homme de la
nature ». Ainsi que par le passé l'avenir appartient aux grands
hommes, et non, comme le prétendent les Tolsloïciens, aux médio-
crités. (Annales médico-psychologiques, juin 1899.) E. B.
IL Folie et homicide; par le Dl' ALLSON.
La question des rapports de la folie avec le crime et surtout avec
crimes de violence commis par les maniaques chroniques, les per-
sécutés dangereux, les imbéciles irresponsables, les épileptiques ou
autres, présente une grande importance et intéresse non seulement
le médecin, mais encore tous ceux qui ont às'occuper de l'adminis-
tration de la justice et des méthodes de protection de la commu-
nauté.
De l'intéressante étude faite par l'auteur il ressort que les dan-
gers de folie homicide seraient de beaucoup diminués si les dispo-
sitions suivantes étaient prises à l'égard des aliénés criminels dan-
gereux ; un hôpital spécial pour les aliénés devrait être institué
auprès des tribunaux et institutions pénales.
Il devrait être fait par les tribunaux un examen plus complet
des conditions mentales des personnes accusées de crime. De meil-
leures méthodes devraient être employées pour obtenir le témoi-
gnage des experts médicaux.
Le médecin de la prison devrait disposer d'une autorité plus
grande. Des notes cliniques plus complètes devraient être prises
dans la prison. Les aliénés dangereux devraient être maintenus en
traitement jusqu'à ce que les troubles mentaux aient disparu. (The
A îie ? ica2z Journal of ¡nsanil ? avril 1899.) E. 13.
111. Deux cas de folie syphilitique ; par le professeur BERKLEY.
Dans un premier cas, il s'agit d'nn homme de vingt-huit ans,
syphilitique qui, huit mois avant son entrée à l'asile, eut une at-
taque apoplectique, puis, à quelques mois d'intervalle, une seconde
après laquelle il présente une hémiplégie gauche, de l'embarras de
la parole avec un mélange d'idées de persécution et de grandeur.
A l'asile, il a encore de la parésie du côté gauche, de l'embarras
44 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
de la parole, de l'exagération des réflexes, du tremblement. Mal-
gré un traitement spécifique énergique, l'état empiie peu à peu, la
démence apparaît, il survient des crises épileptiformes et le malade
succombe sept mois après son entrée ; l'autopsie est faite deux
heures et demie après la mort.
La surface de la pie-mère est couverte d'un exsudat gélatineux ;
elle est légèrement adhérente à l'écorce.
Les vaisseaux de la base du crâne sont considérablement épais-
sis et présentent sur leurs bords de fines rayures blanchâtres.
Le bulbe et la moelle sont fortement congestionnés. A l'examen
microscopique, les artères de la base présentent de l'endartérite
oblitérante.
Dans les artères des méninges, la tunique intel ne n'est pas alté-
rée, mais la tunique externe est envahie par une prolifération de
petites cellules rondes a large noyau, disposées sous forme de no-
dules, formant ainsi une périartérite noueuse.
Les vaisseaux des méninges rachidiennes ne présentent que peu
d'altérations. De même, le^ coupes de moelle par les diverses mé-
thodes restent négatives au point de vue pathologique.
Dans le bulbe, quelques cellules présentent, avec le bleu de mé-
thylène, une chromatolyse centrale. Dans l'écorce cérébrale, les
cellules de la névroglie sont nombreuses autour des vaisseaux. Quant
à ces derniers, artères et veines, ils présentent des altérations inten-
sives de leur tunique externe. Les capillaires sont tordus et épais-
sis. En certains points, la lumière de l'artère est oblitérée ; les ter-
ritoires irrigués par ces vaisseaux oblitérés ne se colorent plus par
l'hématoxyline et montrent leurs éléments dégénérés, nécrosés.
En dehors de ces zones de ramollissement jaune, qui ne se voient
plus dans la substance blanche sous-corticale, les cellules nerveuses
ne présentent que de légères altérations. Dans les corps striés, les
altérations vasculaires sont moins intenses que dans l'écorce.
Le second cas rapporté par l'auteur est un cas de folie aiguë dé-
veloppée pendant la période florissante de la syphilis. C'est une
forme de trouble mental assez peu fréquente et toujours caracté-
risée par des crises furieuses d'excitation maniaque suivies d'un
état demi-comateux de durée variable.
L'observation citée en est un exemple typique ; sous l'influence
d'un traitement anlisyphili tique des plus énergiques, le malade
guérit en quelques mois. (The American Journal of iiisaiiity, avril
1899.) E. B.
IV. De la folie post-opératoire; par M. le professeur Duplay.
(Presse médicale, 28 juin 1899.)
M. Duplay résume en ces termes ses idées sur la pathogénie de
la folie post-opératoire. 11 est, jusqu'ici, très difficile de dire quelle
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 45
cause agit spécialement dans le développement de la folie post-
opératoire. Il semble que, malgré quelques exceptions de folie post-
opératoire sans hérédité, sans tare appréciable, on peut presque
affirmer qu'une opération est incapable, par elle seule, de déter-
miner la folie et que celle-ci ne survient que chez des prédisposés ;
la prédisposition héréditaire ou acquise semble jouer le rôle prin-
cipal dans sa production. D'autre part, chez les prédisposés, il est
possible que les intoxications d'origine interne ou externe : alcoo-
lisme, infections, auto-infections, le choc nerveux, la préoccupa-
tion de l'opération, aient, suivant les cas, une certaine part dans
l'apparition des accidents. Quant aux autres causes : anesthé-
siques, antiseptiques, cachexie, nature et siège de l'opération, or-
gane sur lequel elle porte (abstraction faite des interventions por-
tant sur les centres nerveux et sur le corps thyroïde), elles n'ont
qu'une action très secondaire, voire même douteuse.
L'auteur admet que la folie post-opératoire peut revêtir toutes
les formes de l'aliénation mentale ; celles-ci peuvent même, selon
lui, se confondre et se mêler les unes avec les autres. Il pense que
l'apparition de ces trouhles psychiques a lieu généralement du
deuxième au troisième jour après l'opération et que, dans les cas
où ils se développent tardivement, trois ou quatre mois, par
exemple, après l'intervention chirurgicale, on peut se demander si
l'acte opératoire a eu une réelle influence sur la production de la
folie et si on a eu vraiment affaire à des psychoses post-opéra-
toires. Enfin, il considère la guérison comme la terminaison la plus
fréquente de la folie post-opératoire.
Il rapporte l'observation d'un homme de soixante-quatorze ans,
qui a été atteint de troubles psychiques, quatre jours après avoir
subi une légère opération consistant en une incision pratiquée sur
la face dorsale du prépuce dans le but de libérer un calcul retenu
dans la cavité préputiale par un phimosis. Ces désordres céré-
braux se sont traduits tout d'abord par de la bizarrerie des idées
et par des actes désordonnés, sans but; ensuite, se sont manifestées
des idées érotiques et des idées de persécution avec tendance à la
violence, véritable délire de persécution, dit l'auteur, qui se sont
atténuées à leur tour et ont cédé la place à un état mélancolique
avec affaiblissement de la mémoire, incohérence des propos et lé-
ger embarras de la parole. Cet état persistait encore sept mois
après l'opération. M. Duplay attribue les troubles psychiques ob-
servés chez ce malade, à une prédisposition à délirer résultant
de sa déséquilibration mentale, à son âge avancé, à la présence
dans son urine, d'une faible quantité de sucre et de traces d'albu-
mine qui mettait son organisme dans une situation d'infériorité
réelle, et enfin aux craintes qu'il avait éprouvées au moment de se
décider à l'opération. A. Fenayrou.
46 6
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
V. Des troubles comparés du patellaire, du crémastérien et du
pharyngien étudiés chez les mêmes malades aux trois périodes
de la paralysie générale; par nI. DIAR1NUON de 10 ? TYIL. (Presse
médicale, 10 juin 1899.)
Dans ce travail, 111. Marandon de Alontyel rapproche les résul-
tats des recherches qu'il a faites, chez les mêmes malades, sur
chacun de ces réflexes séparément, recherches qu'il a exposées
dans plusieurs mémoires publiés antérieurement. Il compare la
nature des altérations de ces réflexes, leur degré et leur fréquence
relative aux diverses périodes et dans les diverses formes de la
paralysie générale; il étudie aussi les relations de ces altérations,
d'une part avec l'alcoolisme et la syphilis envisagés comme agents
étiologiques de cette affection, et, d'autre part, avec les troubles
de la sensibilité à la douleur et au loucher et les troubles du
sens génital qui s'observent chez les sujets atteints de cette ma-
ladie.
De cet article, qu'il n'est guère possible d'analyser, nous ne
retiendrons que les points suivants : les trois réflexes sont, au
cours de la périencéphalite chronique plus souvent -anormaux que
normaux. Ils sont, à peu de chose près, altérés aussi fréquemment
les uns que les autres (dans plus des deux tiers des cas), à la pre-
mière période de la paralysie générale, et, par la suite, il est très
utile de rechercher ces altérations (exagération, affaiblissement,
abolition) au début du mal, pour faire le diagnostic, dans les cas
douteux. Les troubles de ces réflexes ne fournissent aucune indi-
cation relative au pronostic dans la paralysie générale et il n'est
pas vrai que la conservation de ces réflexes se rencontre surtout
avec un minimum de signes physiques; dans les rémissions, il
n'est pas rare de les trouver tous les trois plus ou moins altérés.
A. FENAYROU.
VI. De la paralysie générale progressive des aliénés chez la
femme; par B. Greidenberg. (Neurolog. CentrulbL, XVII, 1898.)
1 Statistique. Il est entré à l'asile de Symphéropol (Crimée)
de 1885183U, pour la première fois :
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
47
Ce qui fait, pour cent entrées, plus de quinze paralytiques géné-
raux, et presque neuf paralytiques générales. Soit un paralytique
pour six hommes ; une paralytique générale pour onze femmes.
Accroissement de la paralysie générale.
48 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
étaient mariées; 4° ce sont les villes qui en ont fourni le plus ;
5° la combinaison de plusieurs causes telles que la syphilis, l'al-
coolisme, l'hérédité, les émotions morales et le traumatisme
paraît prédominer ; mais l'auteur n'a pu établir l'étiologie que
pour 39 malades. La lutte pour la vie est un terme collectif dési-
gnant toutes les conditions défavorables de la vie dans lesquelles
vit notre société actuelle, elle agit sur tous sans exception et
prépare le terrain sur lequel les cinq facteurs précédemment énu-
mérés se donnent libre carrière ; 6° on constate principalement la
déchéance physique et la démence tranquille; l'évolution est plus
lente, plus paisible et par suite, plus longue que chez l'homme.
Conclusions. 1° Les femmes paraI} tiques générales ont beau-
coup augmenté de nombre et relativement plus que les hommes
paralytiques ; 2° le rapport numérique de la paralysie générale
chez l'homme et chez la femme dépend d'une série de conditions
générales, locales et individuelles ; il ne peut, par suite, être partout
le même ; 3° la femme tend à devenir l'égale de l'homme surtout
dans les classes inférieures et chez quelques sujets des classes
moyennes. Cela a été l'inverse pour l'homme ; aussi chez lui la
paralysie générale a-t-elle commencé en haut de l'échelle sociale
pour atteindre ensuite le bas ; chez la femme elle atteint d'abord
les classes inférieures, puis, maintenant, les classes moyennes.
Maladie d'abord aristocratique chez l'homme, elle devient plus ou
moins démocratique; c'est le contraire chez la femme; 4° en
Taurie, il y a eu un rapide essor de la vie citadine avec tous ses
éléments pernicieux au point de vue du système nerveux; il y
existe plusieurs villes maritimes avec leurs inconvénients sociaux,
et, entre autres, leurs populations flottantes d'ouvriers et de jour-
naliers. Aussi constate-t-on en douze ans la proportion d'une
femme paralytique pour deux paralytiques généraux ; 5- les
causes de la paralysie générale sont les mêmes chez l'homme et
la femme ; chez cette dernière, elles paraissent plus fréquemment
se combiner; 6° Les particularités signalées plus haut donnent à
l'image clinique de la paralysie générale chez la femme un cachet
spécial; 7° la marche en est plus lente, la durée plus prolongée.
P. Keraval.
VII. Des troubles nerveux et psychiques chez les travailleurs du
caoutchouc (Intoxication par le sulfure de carbone); par Il. LAU-
DEiOEWJER. (Neurolog. Centratbl., XVII, 1898.)
Importante monographie écrite à l'aide d'une cinquantaine de
malades et de la bibliographie existante.
I. Troubles somatiques généraux. - Catarrhe chronique des mu-
queuses, bronchite opiniâtre, parfois avec fièvre, gastrite, entérite,
constipation, conjonctivite avec oedème palpébral, érythème facial,
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 49
surlout chez les myopes courbés sur les vases de sulfure; urine
pâle, peu dense, d'odeur douceâtre. Rien dans le sang.
IL Troubles Mft'MMa ? a) Par contact direct : anesthésie locale,
névrite du cubital, parésieavecdégénérescence partielle du médian;
b) névrose ; troubles nombreux de la sensibilité par action centrale
(inhalations) ; neurasthénie avec état aigu et prédominance dans
les extrémités inférieures; lassitude avec incertitude de la démarche
(diminution de la force brute); parésie des péroniers; exagération
des réflexes tendineux et hyperexcitabilité musculaire ; pseudo-
tabes (11 cas); amblyopie avec choroidite (rare); hypochondrie;
affaiblissement de l'énergie psychique, de la mémoire ; apathie ;
rêvasserie, quelquefois excitabilité, agitation, angoisse, loquacité;
atrophie bilatérale des interosseux sans lésion périphérique. Le
pronostic n'est cependant pas mauvais, quand le malade peut quit-
ter l'atmosphère morbigène, au moins dans les cas légers.
III. Troubles psychiques. - Ils peuvent être directement produits
par le poison, ils se confondent souvent avec les troubles nerveux
(voyez l'état neurasthénique et hypochondriaque aigu) et rappel-
lent les phénomènes d'excitation, puis de stupeur des centres mo-
teurs, chez les animaux en expérience. L'influence purement
nocive du poison est démontrée, comme l'influence bienfaisante
des prescriptions hygiéniques. Mais inversement, les tares hérédi-
taires constituent une prédisposition, de même que les tares névro-
pathiques.
Sur vingt-cinq psychopathes observés, il y eut sept formes ma-
niaques. Après une courte phase dépressive. agitation violente, avec
polyidéisme, érotisme, gaieté. Exaltation alternant avec de la dé-
pression hypochondriaque produite par des sensations anormales.
Au milieu de sa loquacité exubérante et joyeuse, le malade se plaint
tout il coup de boutons de soufre qu'il a dans le cou, de son sang
qui s'arrête au coeur, de son estomac. En même temps, tremble-
ments des mains, accélération du pouls, inégalité pupillaire, ou
réaction pupillaire lente. Durée de un à quatre mois. Terminaison
favorable.
La plupart des faits concernent des formes dépressives. D'abord
agitation hallucinatoire, confusion mentale extrême; puis, angoisse
impulsive, idées de persécution, idées hypochondriaques. C'est le
plus souvent un délire mélancolique aigu curable. Durée moyenne,
deux mois trois quarts. Dix observations : quatre seulement incu-
rables ayant abouti à un délire hallucinatoire chronique, non sys-
tématisé, à un délire systématisé chronique provoqué et entretenu
par des hallucinations; à un délire systématisé chronique de persé-
cution et de grandeur.
Observations de stupeur. Elles ont participé de la catatonie ana-
logue à celle de l'hébéphrénie, ou de la stupeur aiguë, et ont
Archives, série, t. IX. 4
50 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. '
généralement guéri après quelques mois de maladie. Pas de phé-
nomènes d'excitation motrice ; pupilles larges et paresseuses.
Chez quelques intoxiqués, on a simplement constaté une altéra-
tion du caractère à modalité furieuse; un affaiblissement prolongé
et incurable des facultés intellectuelles (démence simple) ; une
amnésie très opiniâtre témoignant d'une réelle destruction des élé-
ments corticaux. - La thérapeutique consiste à traiter les symp-
tômes, à faciliter l'élimination du toxique, il relever la nutrition
générale, à instaurer la prophylaxie et avant tout la prophylaxie
industrielle.
P. KERAVAL.
VIII. Quelles modifications a, dans ces dix dernières années, subies
le tableau clinique de la paralysie générale des aliénés ; par
E. NENDEL. (New'olo[j. Centralbl., XVII, 1898.)
1° Elle est devenue démentielle. Statistiques anciennes, statis-
tiques de Mendel en 1880 et de Scholinus pendant les huit der-
nières années. On ne trouve d'ailleurs plus dans les paralysies gé-
nérales typiques les idées de grandeur au^si prononcées qu'aupa-
ravant. Voyez Angioletto (il manicomio, 1897) ; Collins (Médical
Record, 1898) ; Bruns (Société des aliénistes de la Basse-Saxe et de
Westphalie). L'augmentation du nombre des déments paralytiques
s'est effectuée dans un laps de temps trop court pour qu'on puisse
l'imputer à l'amélioration des éléments du diagnostic. ·
2° Les rémissions sont devenues fréquentes et considérables. Les
malades peuvent souvent reprendre leurs occupations pendant un
ou deux ans, et ne paraissent touchés intellectuellement que pour
ceux qui vivent continuellement auprès d'eux. Ou l'affection, cons-
tituée par une crise d'hypochondrie et par des modifications du
caractère, escortées d'une immobilité réflexe des pupilles, d'une
exagération ou d'une absence des réflexes tendineux, de l'analgésie
des jambes, de troubles de la parole ou de l'écriture à peine mar-
qués, guérit tout à coup et ne récidive point avant, parfois, des
années, Il faut donc être prudent en matière de pronostic.
3° En revanche, comme jadis, on constate des cas de démence
extl'aordinairement rapide. Alors, en général, il existe des attaques
apoplectiformes, souvent inaperçues parce qu'elles se bornent à des
vertiges, ou qu'elles ont lieu la nuit.
4° La paralysie générale, plus clémente, est aussi plus fréquente.
Il est probable que la proportion centésimale de sa fréquence ex-
cède l'accroissement du chiffre de la population. Cela est évident
pour la femme, car pour 3,5-4 hommes, il y a maintenant une
femme paralytique.
5° Fréquence ascendante de la paralysie générale et du tabes
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 51
dans le même ménage. Quatorze observations de l'auteur ; netteté
de l'infection syphilitique.
6° Si la moyenne de l'âge n'a pas varié, on constate une exigé-
ration extrême de la paralysie générale chez l'enfant ou le jeune
homme au-dessous de vingt ans (voy. A 1'chiv f. Psychyialrie,
XXVI). Et le sexe féminin y est aussi fréquemment atteiht, sinon
plus, que le sexe masculin. Peut-être des recherches anatomiques
exactes permettront-elles, en ces cas, et dans ceux de démence
familiale de IIomen, de rattacher avec précision, aux lésions sy-
philitiques du système nerveux, celles de la paralysie générale !
7° La progression de la fréquence doit être, en ce qui concerne
l'adulte, rapprochée de la constatation de la syphilis que l'on trouve
dans plus de 75 p. 100 des faits; la lutte pour la vie, les déceptions,
l'excès d'ambitions non légitimées par les qualités du sujet, sont
des causes certaines. En ce qui concerne la femme, son émancipa-
tion et sa participation de plus en plus marquée à la vie sociale
commune expliquent l'essor pris par la maladie.
8° Comment expliquer la modification de la forme ? On manque
d'éléments d'appréciation. Ce ne peut être imputé à l'effet d'un
traitement antisyphilitique antérieur, car qu'il ait eu lieu on non,
le tableau clinique demeure le même ; on ne saurait davantage,
arguer des effets d'un internement précoce ou d'une amélioration
due au traitement. La dégénérescence invoquée par les psychiatres
contemporains, qui rendrait les cerveaux de la fin du xixe siècle,
incapables de fournir de l'exaltation maniaque, n'est pas accep-
table sous la formule actuelle. Peut-être est-ce le poison syphilitique
qui s'est modifié ; il est certain que la syphilis des autres organes
internes est aussi devenue plus bénigne, sans qu'on puisse certifier
que le traitement ait à lui seul produit cela. L'avenir décidera 1. 1.
P. [\¡ : RAVAL.
IX. Fréquence relative de la manie simple aiguë et des formes
périodiques; par 0. IlmecusES.
Indépendamment des autres détails, on a distingué jusqu'à pré-
sent deux formes de la manie tout à fait différentes et par leur
évolution et par leur nature : d'une part la manie simple, aiguë;
d'autre part les formes périodiques typiques de la manie qui se
réunissent aux formes circulaires. Ces dernières, formes pério-
diques et circulaires, sont regardées comme affectant des malades
entachés d'hérédité alors que la manie simple aiguë est consi-
dérée comme attaquant le cerveau normal.
Or, dans la récente classification de Kraepelin la manie simple
1 Nous avons évité chez nos syphilitiques des accidents graves, des
complications cérébro-spmales en insistant sur l'emploi régulier des
bains, des purgatifs et de l'hydrothérapie. (B.)
52' REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
aiguë se trouve comprise dans les formes maniaques de la folie
périodique. La question d'étiologie devient importante : doit-on
s'en tenir à l'ancienne idée que la manie simple est une maladie
du cerveau normal accidentellement affaibli ou considérer avec
Kraepelin toute attaque maniaque comme constitutionnelle.
La question à examiner revient à celle-ci; y a-t-il une manie
simple aiguë, peut-il se présenter ou non, chez un individu à
mentalité normale non entaché d'hérédité, une attaque maniaque
simple se terminant par la guérison D'après les recherches et
statistiques de l'auteur, faites à l'Asile d'aliénés de l3urglii>lzli, sur
233 cas de manie, 17 seulement peuvent être considérés comme
ayant définitivement guéri, soit une proportion de 7,3 p. 100.
Et -encore dans 7 cas seulement il a pu être prouvé qu'aucune
rechute ne s'était présentée depuis quatorze à vingt et un ans, ce
qui porterait la proportion des cas de manie simple aiguë à
4,7 p. 100 cas de manie. Quoi qu'il en soit, il parait certain que
la manie simple aiguë est une maladie rare. (The alimist and
neurologist, janvier 1899.) E. B.
X. Que sont les maladies mentales; par le professeur Arndt.
De l'ensemble des divers processus sensitivo-sensoriels qui
forment la vie consciente générale et surtout de leur coopération,
résulte une conscience plus forte et plus nette, la conscience de
soi-même. La créature se sent quelque chose de complet en elle-
même, comme un tout existant pour elle : le sentiment de l'indi-
vidualité, de la personnalité, le moi prend naissance, ce moi qui
perçoit la sensation et se reconnaît comme tel, comme quelque
chose de spécial, de particulier. De ce moi, qui est une sensation,
dépendent les processus émotionnels et mentaux; de lui dépend la
détermination de l'état mental et moral autrement dit, dans un
cas donné, la santé mentale ou la maladie mentale.
Les maladies mentales ne sont pas seulement des maladies du
cerveau mais bien plutôt des maladies de l'individualité tout en-
tière. Le moi peut être modifié, pathologiquement modifié, malade
même si les sensations qui agissent sur lui, sont différentes de ce
qu'elles étaient auparavant, pathologiquement modifiées elles-
mêmes par la maladie, ce qui conduit à cette idée, confirmée par
l'observation, que toutes les maladies du corps peuvent être une
cause de maladie mentale, de folie chez un individu prédisposé,
présentant un défaut de résistance : la maladie mentale se présen-
tera comme toutes les autres manifestations de la vie.
La modification du moi peut varier depuis les degrés les plus
atténués, le moi restant conscient de lui-même, comme cela se
présente dans chaque maladie, jusqu'aux degrés les plus intenses
qu'on pourrait appeler les falsifications du moi, quand ce dernier
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 53
ne peut plus rien apprécier qui corresponde à la réalité et c'est
alors le véritable terrain de la folie. Si les cas extrêmes sont faciles
à apprécier il n'en est plus de même des cas de transition, des cas
intermédiaires en présence desquels le médecin légiste pourra se
trouver embarrassé. (The alien. ancl¡1ew'ol" janv. 1899.) E. B.
XI. Pachyméningite hémorragique ayant simulé une paralysie
générale; par le DrBoURDIN. (Annales rnédiCO-PSYCIL010g., août 1899.)
Parmi les maladies qui simulent le mieux, sinon le plus sou-
vent, la paralysie générale, la pachyméningite doit être placée au
premier rang, au même titre que les pseudo-paralysies géné-
rales. C'est ainsi que le malade, dont l'intéressante histoire est
publiée et dont la pachyméningite a été constatée à l'autopsie sans
autres lésions, a pu cliniquement présenter successivement tous
les symptômes de la méningo-encéphalite diffuse : idées de gran-
deur, démence, embarras de la parole, indécision de la démarche,
inégalité pupillaire, tremblement de la langue, ictus apoplecti-
formes ou épileptiformes, etc.
La pachyméningite n'offre aucun symptôme qui lui soit propre
et, en ce qui a trait au diagnostic différentiel avec la paralysie
générale, l'erreur peut résulter encore de la similitude d'étiologie :
l'alcoolisme, la syphilis peuvent produire aussi bien l'une que
l'autre maladie; l'hérédité elle-même jouera parfois un rôle adju-
vant très efficace dans l'une et l'autre.
Les deux seuls signes qui, peut-être, pourront parfois faciliter
le diagnostic de pachyméningite, sont :
1° La gravité des ictus et même des vertiges ; ceux-ci, dans la
paralysie générale, où ils se montrent surtout au début, sont ordi-
nairement légers, se réduisent à de simples étourdissements, alors,
que dans la pachyméningite ils sont plus intenses, de plus longue
durée et suivis d'amnésie, quelquefois d'aphasie, et presque tou-
jours d'hésitation, de titubation dans la démarche; 2° l'atténuation
de la déchéance du sujet, tant au physique qu'au moral, avant la
période des grandes attaques. E. BLIN.
XII. Un cas de paranoïa alcoolique; par 11. Seaux. (liull. de la
Soc. de Méd. mentale de Belgiitte, juin 1899.)
Il s'agit d'un homme de quarante-cinq ans, sans antécédents
héréditaires connus, mais se livrant depuis plus de vingt-quatre
ans à des excès de boisson, qui, après avoir offert les symptômes
du délire alcoolique aigu, présenta une maladie mentale caracté-
risée par du délire de persécution avec hallucinations auditives et
visuelles, délire de persécution évoluant dans un cercle exclusive-
ment délimité par des excitations sexuelles.
cl'4 REVUE DE-MÉDECINE LÉGALE.
En même temps on constatait chez ce malade des signes d'al-
coolisme : tremblement très accentué et étendu il tout le corps,
insomnie intense et enfin troubles digestifs très accentués. Pour
admettre la nature alcoolique de la paranoïa constatée chez son
malade l'auteur se base sur l'existence d'un état d'intoxication
alcoolique bien avéré, sur l'absence de toute autre cause, et sur-
tout sur le caractère spécial des idées délirantes et des hallucina-
tions. - G. D.
XIII. Le rôle de l'auto-suggestion dans certaines formes d'aliénation
mentale; par 1\1. A. Voisin. (Revue de psychologie clinique et théra-
peutique, février 1898.)
11. Voisin rapporte l'observation d'une hystérique âgée de vingt
ans, qui a présenté brusquement un délire mélancolique, auquel
n'a pas tardé à succéder un état maniaque avec hallucinations de la
vue revêtant parfois un caractère terrifiant, idées mystiques et
idées érotiques. Pendant près de deux mois, cette malade a obsti-
nément refusé toute nourriture et a dû être alimentée par les
moyens artificiels. Après sa guérison, survenue trois mois environ
après le début de la maladie, elle a pu faire connaître le motif de
son refus persistant de s'alimenter; ce motif résidait dans cette
idée délirante, véritable auto-suggestion, qu'elle devait, comme
Noire-Seigneur, jeûner pendant quarante jours.
L'auteur pense que l'auto-suggestion joue dans l'étiologie et la
.symptomatologie de la folie, un rôle beaucoup plus important
qu'on ne le suppose généralement. 11 reconnaît qu'il est difficile de
connaître en détail ces auto-suggestions des aliénés, parce que,
souvent, ceux-ci n'en parlent pas, ou, ne guérissant pas, gardent
leurs secrets. Cependant il estime que des observations comme
celle qu'il vient de relater, semblent devoir engager et encourager
les médecins à employer la thérapeutique suggestive età supprimer
ainsi les auto-suggestions maladives par des contre-suggestions
appropriées. A. Fenayrou.
REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.
1. Assassinat d'un médecin par un individu déséquilibré ;
par le D1' WEHRUN.
L'intéressant rapport médico-légal que publie le Dr 1'ehrlin
REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 55
démontre de nouveau cette banale vérité à savoir que ce ne sont
pas les fous furieux et les aliénés avérés qui sont dangereux ; mais
ce sont surtout ces individus, dont le nombre est légion, se trou-
vant sur le sentier étroit qui sépare la santé de la folie, qui com-
mettent sous l'influence d'une cause futile les crimes les plus
atroces.
Il s'agit d'un individu passant pour normal et bien doué, qui, à 11
la suite d'une simple discussion relativement à des honoraires,
tue son médecin dans des circonstances particulières.
Le rapport concluait à la responsabilité avec la restriction qu'il
fallait prendre en considération que l'accusé était un déséquilibré
impressionnable et qu'il avait perpétré son crime sous l'impression
d'une forte émotion. L'accusé fut condamné à quinze ans de réclu-
sion. (Annales médico-psychologiques, août 1899.) E. B.
IL La loi dérogatoire aux dispositions de la procédure civile et
à la procédure de l'interdiction; par II. Kurella. (Centmlbl. f.
Nervenheilk., XXI. N. F., IX, 1898.)
Etude des § 650-688 du nouveau code civil allemand, en ce qui
concerne l'interdiction pour maladie mentale. L'interdiction pour
ivrognerie est devenue possible, mais liberté est laissée à chaque
pays de l'Allemagne de donner, au moyen d'une loi régionale,
aux bureaux des pauvres oudescommunesL4rae»iM. Conzznzznalver-
boender) le droit de requérir l'interdiction des buveurs. On pourra
ainsi surveiller et interner cette foule de buveurs qui vont de la
prison à l'asile et vice versa, si l'administration crée des asiles spé-
ciaux pour cette détention.
Procédure de l'interdiction. Les anciennes ordonnances dispo-
saient que l'interrogatoire de l'individu à interdire par le juge
pouvait ne pas avoir lieu quand, d'après l'avis de ce dernier, « il
était insignifiant pour-la décision ». A l'avenir cet interrogatoire
ne peut être supprimé que s'il est lié à des difficultés spéciales, ou
s'il n'est pas praticable sans causer préjudice à l'état de santé de
l'individu à interdire (§ 654).
La nouvelle ordonnance admet l'internement dans un asile de
l'individu à interdire, même, excepté au criminel, dans un asile
privé. Mais il faut : 10 que l'internement, après avis médical : a) soit
demandé pour établir l'état mental, b) soit praticable sans préju-
dice pour la santé de l'individu à interdire; 2° qu'on ait, pour
cette mesure, l'acceptation du requérant (§ 656).
Ce dernier dispositif met la cause à la discrétion du requérant
qui par économie (c'est lui qui supporte les frais) ou par crainte
que l'observation à l'asile ne soit pas favorable à l'interdiction à
laquelle il est intéressé, peut refuser son acceptation. Le juge est
obligé de se prononcer sans cette observation.
56 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.
L'observation a l'asile n'est pas admise dans le cas où l'inter-
diction est contestée, ou quand il y a relèvement postulé d'un
jugement d'interdiction ayant force de loi. '
Ajoutons que les dépenses de l'internement sont supportées par
l'Etat quand la motion d'internement est écartée, ou quand l'inter-
diction est prononcée contre un indigent. § 058.
Quel douloureux enfantement ! P. KERAVAL.
III. Le tatouage chez les femmes en correction au Hanovre; par
0. SNELL. (Ce7lli·Lll)i. ? Nel'venheilk" XXI, N. F. IX, 1898.)
L'établissement correctionnel d'Himmelsthiire près Hildesheim
est destiné à l'emprisonnement des condamnées en vertu du 361,
n°S 3-8 du Code pénal. Ce sont des prostituées ayant, à plu-
sieurs reprises, manqué aux prescriptions de la police des moeurs,
ou des vagabondes, condamnées fréquemment pour mendicité,
sans domicile, anciennement aussi prostituées. De 1893 il 1897, sur
464 écrouées on constatait 15 tatouées, soit 3,23 p. 100 de seize à
trente-quatre ans. Comme ailleurs, le tatouage est donc bien plus rare
chezla femme que chez l'homme, etil consiste le plus ordinairement
en lettres et signes simples tels que coeur, anneaux, sur les bras et
les mains de préférence. Point de tatouages obscènes. Générale-
ment il est unicolore, soit bleu-foncé, noir de fumée, encre de
Chine noire, quelquefois bleu-foncé associé à un peu de rouge. Un
seul cas concerne un tatouage rouge (deux lettres en rouge) au
milieu de la poitrine. P. KERAVAL.
IV. Dégénérescence et mariage; par le D'' T.1L13oT.
Le danger qui résulte des mariages consanguins fait de temps à
autre le sujet de travaux médicaux, en même temps qu'il a été
reconnu par l'Église, les lois civiles et la croyance populaire.
D'après les derniers travaux sur ce sujet il n'y a pas plus de
chances de maladie ou d'état anormal pour les enfants issus de
parents consanguins que pour ceux,issus de parents de sang
étranger, à la condition que les parents soient l'un et l'autre
indemnes de toute tendance maladive ou dégénérative. L'erreur
des anciennes doctrines sur lesquelles est fondée la prohibition
des mariages consanguins n'a pas été de constater que la maladie
et les difformités sont plus fréquentes chez les enfants issus de
mariages, mais d'attribuer ce résultat malheureux au seul fait
que les parents étaient reliés ensemble par les liens du sang.
En somme, ce qu'il y a à attendre d'un mariage consanguin,
c'est l'accentuation des caractères familiaux, quels qu'ils soient.
D'autre part il est certain que la similitude de tempérament
produite par un milieu commun, ce que Strahan a appelé la cou-
REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 57 Î
sanguinité sociale, peut être un puissant facteur dans la produc-
tion de toutes les dégénérations héréditaires.
Le fait pour les individus de vivre au milieu des mêmes condi-
tions extérieures, d'avoir les mêmes habitudes, les mêmes travaux,
les mêmes distractions, tend à engendrer les mêmes maladies, les
mêmes dégénérations, indépendamment de toute relation consan-
guine : il n'est pas rare que des gens sans aucune relation con-
sanguine même éloignée, soient en réalité beaucoup plus unis par
le tempérament que s'ils étaient cousins ou même plus proches.
(The alienist and neurologist, janvier 1899.) E. 13.
V. Rapport médico-légal sur un cas d'épilepsie psychique; par
les D" de DIOOR et DUCH : 1TE9U. (Bulletin de la Soc. de illéd. men-
tale de Belgique, juin 1899.)
VI. Considérations sur l'inefficacité de la peine chez les criminels
vrais; par le professeur Cesare AGOSTINI. (Revue de psychologie
clinique et thérapeutique, mars 1899.)
L'auteur considère comme justifié ce mot d'Holtzendorff : « Les
systèmes de pénalité sont en faillite. » La peine, telle, du moins,
qu'on la comprend et qu'on l'applique aujourd'hui, ne satisfait pas
aux fins d'une répression aussi équitable qu'efficace et ne réussit
nullement à protéger la société contre la corruption et le dom-
mage inséparables de fout délit. On conçoit facilement que la
peine soit sans action sur les criminels-nés, chez qui le crime est
la résultante nécessaire, inévitable d'une conformation spéciale de
l'organisme et du cerveau; en effet, loin de les amender, la prison
fait naître en eux une haine plus violente contre la société et pré-
pare la récidive; on sait que celle-ci est la règle chez les criminels
vrais. L'inutilité de la peine, comme moyen d'intimidation des
gens disposés à mal faire, est aussi manifeste. Peut-être, cepen-'
dant, le châtiment aurait-il, chez les criminels d'occasion et les
criminels par passion, une certaine efficacité comme moyen de
répression, en favorisant leur amendement, par le sentiment de la
honte et le chagrin qui l'accompagne; mais cet avantage parait
bien faible, si on le met en balance, d'une part, avec la déprava-
tion qu'engendre la vie de prisonnier chez les criminels d'occasion,
et d'autre part, avec le préjudice que cause à la société une sous-
traction d'énergie parfaitement susceptible d'être utilisée à son
profit et de remédier au mal qui a été fait.
« Il n'y a qu'un moyen, pour la société, dit en terminant M. le
professeur Agostini, de lutter victorieusement contre les ravages
du crime, c'est d'appliquer les principes de l'Ecole positive mo-
derne, si bien mis en lumière par Lombroso et Ferri et qui peu-
vent, se résumer ainsi : - substituer à la notion de la responsa-
58 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.
bilité morale, celle de la responsabilité sociale; - substituer éga-
lement à la conception de la peine comme instrument d'expiation
et d'amélioration individuelle une conception d'ordre social, fondée
sur le droit que possède la collectivité de se protéger et de se
défendre contre tout élément de nature à menacer ses lois orga-
niques, et, par là, son existence même; remplacer les condam-
nations à temps, pour tout individu incapable de se réadapter
aux conditions de la vie commune, par la relégation perpétuelle e
dans des colonies pénitentiaires où un travail obligatoire indem-
nisera les honnêtes gens des sacrifices que leur coûte l'entretien
des criminels. » A. Fenayrou.
VII. Responsabilité criminelle hier et aujourd'hui; par le D''Miguel
Bombarda (de Lisbonne). (Revue de psychologie clinique et
thérapeutique, janvier 1899.)
Le problème de la détermination de la responsabilité crimi-
nelle, journellement proposé aux médecins par les tribunaux, ne
devrait plus être formulé ; le temps n'est plus, en effet, où le prin-
cipe de la responsabilité criminelle, qui reste encore la base du
code pénal des sociétés actuelles, était universellement admis et où
l'on croyait à la possibilité d'arriver par l'observation intérieure à
la connaissance exacte de tous les phénomènes de la vie psychique.
« Il faut, dit M. Miguel Bombarda; renoncer à entreprendre l'ana-
lyse de l'esprit d'autrui. L'esprit de l'homme est pour lui-même
un océan d'illusions. Nos actes, nos décisions, nos jugements, nos
sentiments même, sont pour nous des phénomènes si obscurs que
nous ne sommes jamais sûrs de rien, en ce qui touche à nos pro-
cessus psychiques et aux motifs qui nous font agir... Si notre vie
psychique est ainsi pleine d'incertitudes pour nous-mêmes, que
n'en sera-t-il pas de celles que nous cherchons à interpréter chez
autrui ? Ici, en effet, redoublent les causes d'obscurité, et la psy-
chologie expérimentale appelée à les dissiper en est encore à ses
tout premiers débuts. » En somme, le problème de la responsabi-
lité criminelle se réduit actuellement à une question de diagnostic;
mais les médecins légistes sacrifient encore, d'une façon générale,
aux anciennes idées, en se perdant dans des analyses psycholo-
giques aussi périlleuses que prétentieuses. Et c'est ainsi qu'ils sont
amenés fréquemment à admettre une responsabilité atténuée,
qui, si elle est, à la rigueur, compatible avec l'hypothèse des facul-
tés de l'âme, se trouve en contradiction flagrante avec le critérium
tiré d'un état pathologique. L'apparence de l'intégrité de l'esprit,
constatée dans certains cas, tels que ceux d'épilepsie non compli-
quée de folie, selon l'expression consacrée, ne saurait justifier l'ad-
mission de la responsabilité atténuée; les fous moraux sont et
doivent être considérés comme des malades et l'on n'a pas à se
REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 59
préoccuper de savoir,si on ne risque pas, par cela même, de qua-
lifier d'aliénés l'immense majorité des criminels de droit commun.
En somme, selon 11. Miguel Bombarda, « la constatation d'un
trouble fonctionnel du cerveau, anesthésie, paralysie, convulsions,
qui, de par sa persistance doit être' élevé à la hauteur d'un stig-
mate est suffisante à dénoncer la maladie. C'est la « marque de
fabrique », c'est le signe évident d'une construction défectueuse de
l'organe psychique, d'une anomalie de l'évolution ; c'est le signe
de la maladie mentale. C'est donc assez pour le diagnostic et,
partant, pour la décision de l'expert ». A. Fenayrou.
VIII. Le problème de la responsabilité et l'expertise judiciaire ; par
le D1' Joanny Roux. (Revue de psychologie clinique et thémpeu-
tique, février 1899.)
L'auteur signale la nécessité de refondre sur'de nouvelles bases
le code criminel; le libre arbitre n'est qu'une illusion : le détermi-
nisme le plus absolu règne partout, aussi bien dans les actes hu-
mains que dans les autres phénomènes de la nature; par suite, il
ne saurait être question de responsabilité. L'idée de vengeance,
conséquence de l'admission du dogme de la responsabilité, doit
être abandonnée, et la société doit simplement s'efforcer de pré-
venir le crime et d'en réparer les conséquences. Il est à souhaiter
que les magistrats renoncent a poser aux médecins-experts, cette
demande : Ce prévenu est-il responsable ? Quel était son degré de
responsabilité ? Ceux-ci, en effet, ne peuvent répondre qu'à côté de
la question. Ce que la justice devrait demander aux médecins-
experts, c'est de déterminer sous quelles influences l'inculpé a agi
. et dans quelle mesure il peut se corriger et réparer le mal qu'il a
causé à la société. A. LB\A71toU.
IX. La paralysie générale au point de vue médico-légal; par M. le
professeur Iiow,I,EVSSZ. (Bull de la Soc. de Méd. mentale de Bel-
gique, décembre 1898.)
Au point de vue médico-légal l'auteur envisage trois circons-
tances dans lesquelles les actes d'un paralytique général peuvent
donner lieu à une expertise : 1 dans l'état de maladie, 2° pendant
les périodes de lucidité et 3° après sa mort.
Dans l'état de maladie il faut distinguer la période prodromique,
la période d'état et la période de démence.
Pendant la période prodromique le système nerveux central du
prévenu étant déjà dans des conditions anormales de nutrition et
de fonctionnement, celui-ci rie doit être considéré que comme par-
tiellement responsable des actes qu'il parait avoir accomplis dans
un état de parfaite conscience, et, comme entièrement irrespon-
60 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.' \ '
sable de ceux qui présentent un caractère de morbidité plus
accentué.
A la période d'état ainsi qu'à celle de démence il va de soi que
l'irresponsabilité et' l'incapacité civile doivent être considérées
comme absolues. ·
La même conclusion s'applique aux actes commis par des para-
lytiques dans leurs intervalles lucides ou pendant les rémissions
de la maladie. -
Quant à l'appréciation rétrospective d'actes commis par des
paralytiques alors que ceux-ci sont morts, elle est incontestable-
ment beaucoup plus délicate et devra être surtout basée autant
que possible sur des faits objectifs, en particulier sur les carac-
tères de l'écriture et sur les dépositions des témoins. G. DENY.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
1. Iodisme constitutionnel, thyroïdisme et maladie de Basedow;
par le Dr ,TAUN1N. (Rcu, méd. de la Suisse romande, mai 1899.)
Sans avoir la prétention de trancher d'une façon absolue la
question encore controversée de la pathogénie de la maladie de
Basedow, l'auteur, s'appuyant sur les relations étroites de l'io-
disme constitutionnel et du thyroïdisme avec cette affection, se
déclare plutôt partisan de la théorie thyroïdienne du goitre
exophtalmique.
Il admet qu'à côté des cas où la lésion thyroïdienne est primi-
tive, il en est d'autres d'origine nerveuse, ou cette lésion est se-
condaire et relate un certain nombre de faits qui viennent à l'appui
de cette opinion. G. DENY.
II. Le traitement de l'épilepsie par l'association de l'adonis
vernalis et des bromures; par le Dl' Spinhayer. (Bulletin de la
Soc. de Méd. mentale de Belgique, décembre 1898.)
L'auteur a fait prendre la mixture de Betcherew (adonis ver-
nalis et bromure de potassium) à onze épileptiques sans interrup-
tion pendant un mois. Chez tous elle a été fort bien supportée mais
aucun d'eux n'a guéri. La mixture cependant a eu dans un cas
des effets manifestes consistant en une diminution du nombre ou
de l'intensité des accès ; dans deux cas on a observé en outre une
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 61 1
amélioration de l'état intellectuel et chez une malade une suppres-
sien presque complète de l'urination au lit.
Dans les cinq autres cas, on n'a pas constaté de modification des
accès. Le traitement de Betcherew s'est montré supérieur aux
bromures seuls dans cinq cas. Dans un cas où son action avait été
nulle le traitement de Flechsig (opium et bromures), a au contraire
donné des résultats assez satisfaisants. G. D EN Y.
III. Traitement et guérison d'un cas de tic sans angoisse; par
M. P. IIartenberg. (Revue de psychologie clinique et thérapeutique,
janvier 1899.)
Observation d'un malade qui, ayant pris, à l'occasion d'une
éruption d'acné, l'habitude de se gratter la face, n'a pu, malgré
les efforts volontaires les plus énergiques, se défaire de cette ha-
bitude vicieuse, qui est devenue un véritable tic sans angoisse,
selon l'expression de 111. Hartenberg. Le traitement a consisté en
une série d'exercices (combinaisons de mouvements de flexion et
d'extension de l'avant-bras sur le bras et d'élévation et d'abaisse-
ment du membre), tendant à établir une association étroite entre
le geste vicieux et un mouvement antagoniste destiné à le corriger,
de telle sorte que l'ébauche du premier entraînât aussitôt la mise
en oeuvre du second. Au bout de six jours de traitement, le malade
était guéri.
A propos de cette observation, M. Hartenberg fait ressortir l'im-
portance de l'angoisse comme élément de pronostic des tics. Le
tic sans angoisse, simple habitude vicieuse, développée sur un
terrain névropafhique, mais à névropathies de préférence uni-
formes avec manifestations superficielles et transitoires, est facile-
ment curable. Quant au tic avec angoisse, véritable obsession mo-
trice systématisée, manifestation d'un état anxieux fondamental,
il est d'une ténacité désespérante, comme les autres obsessions,
telles que la folie du doute, le délire du toucher, etc.; il résiste, le
plus souvent, au traitement local et peut même être aggravé par
lui; en pareil cas, il faut ^'attacher à modifier le terrain patholo-
gique sur lequel le tic a pris naissance : c'est donc contre la né-
vrose d'angoisse, et non contre le tic, que doivent être dirigées les
ressources de la thérapeutique. A. FENAYROU.
IV. Le rôle du sommeil provoqué dans la thérapeutique sug-
gestive ; par le Dr P. Valentin. (Revue de psychologie clinique et
thérapeutique, septembre 1898.)
L'auteur distingue entre le sommeil profond, suggéré, identique
au sommeil naturel, et le sommeil profond des somnambules hys-
tériques, étudié par Charcot sous la dénomination d'hypnotisme.
62 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
Tandis que le premier consiste en la transformation pure et simple
du sujet en dormeur ordinaire et n'a rien de pathologique, le
second est un accident nerveux, équivalent expérimental des atta-
ques spontanées de somnambulisme naturel. Indépendamment de
ces deux états où le sommeil est réel, il en existe un autre dans
lequel les sujets n'ont.que l'illusion du sommeil, mais une illusion
si forte qu'ils la prennent eux-mêmes pour la réalité. La première
variété de sommeil profond n'est guère favorable foi la suggestion
thérapeutique ; il faut, en effet, réveiller le malade, tout au
moins dans une certaine mesure, pour le faire bénéficier des sug-
gestions étrangères au sommeil lui-même; c'est dans la période
hypnagogique qu'on utilise alors avec le plus de fruit son aptitude
naturelle à accepter les idées et à les traduire en actes. La deu-
xième variété, l'hypnotisme des hystériques, très efficace contre
les désoi dres somatiques de l'hystérie est remarquablement infidèle
contre les troubles purement psychiques; le grand hypnotisme est
impuissant à modifier favorablement la personnalité des bystéri1
ques, -parce que la condition même de son existence est une ma-
ladie de la personnalité. A plus forte raison, ne saurait-il être
érigé en méthode éducative. Quant à cette variété de sommeil pro-
fond qui n'est que l'illusion du sommeil, il facilite la suggestion
en exaltant la suggestibilité des sujets; ceux-ci, en effet, se trou-
vent placés, par ce fait qu'ils ont accepté l'idée de dormir, dans
un état de passivité consentie de tout l'organisme qui met
à la disposition de l'opérateur une source d'énergie immense,
issue des profondeurs de la vie affective et qui ne demande qu'à
être canalisée dans le sens de la guérison. Il est aujourd'hui
démontré que l'intervention de ce sommeil est loin d'être néces-
saire dans tous les cas pour obtenir des résultats thérapeutiques
par la suggestion. En somme, le sommeil provoqué est une pré-
face au traitement psychologique, mais non une partie essentielle
et intégrante de ce traitement. Il sert tantôt d'amorce, tantôt de
point d'appui à la suggestion thérapeutique. Il a donc sa place
marquée parmi les nombreux procédés auxiliaires dont dispose le
médecin psychologue pour s'assurer l'obéissance du malade et le
diriger à son gré. Bien qu'il ne soit pas en droit meilleur de ces
procédés, un rôle important lui restera dévolu dans la thérapeu-
tique suggestive. A. Fenayrou.
V. Les progrès de la médecine contemporaine et l'hygiène des
fonctions psychiques; par le Dr ,I . A. Sikorsky (de Kiew)
(Traduit du russe par M. Bramson. (Revue de psychologie clinique
et thérapeutique, novembre et décembre 1898.)
Al. Sikorsky affirme la nécessité du travail pour l'entretien de la
vie et de la santé du système nerveux; mais il ajoute que si un
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 63
travail régulier et modéré exerce sur la santé neuro-psychique
une influence favorable, en revanche l'irrégularité du travail et
son exagération, le surmenage, ont sur elle une action manifeste-
ment perturbatrice. Le travail d'élaboration des idées qui constitue
le mode le plus élevé de l'activité psychique, est particulièrement
utile : en lui, en effet, git la source féconde de ce perfectionne-
ment continu du dynamisme cérébral, qui se produit, selon l'ex-
pression consacrée, « à l'état d'exercice », et dépend tout entier
d'un bon fonctionnement des centres psychiques supérieurs.
L'auteur est d'avis qu'il faut périodiquement interrompre le travail
quotidien ordinaire et le remplacer par le travail intellectuel; il
est amené à souhaiter la diminution du nombre d'heures de travail
de l'ouvrier, nécessaire pour donner à celui-ci le minimum de
loisir'indispensable à la satisfaction des besoins supérieurs de
l'homme. Il constate l'action funeste du poison psychique le plus
répandu, l'alcool, et vante les bons effets de certaines boissons,
telles que le café et le thé, qui exercent sur le système nprveux une
action fortifiante et stimulante. Enfin, il insiste sur la nécessité de
la diffusion de l'instruction populaire; car, pour lui, améliorer le
fonctionnement cérébral, c'est augmenter d'autant la force de
résistance de l'être humain. A. rwannou.
VI. Résultats obtenus à la clinique de psychothérapie d'Amsterdam,
de 1893 à 1897 ; par le D' W. Van Rentergueu. (Revue de psi cho-
logie clinique et thérapeutique, mars et avril 1898.)
L'auteur a traité par les divers procédés de la psychothérapie,
principalement par la suggestion à l'état de sommeil provoqué,
488 malades. Sur ce nombre, 55 seulement ont été réfractaires aux
manifestations hypnotiques. La grande majorité des malades
traités étaient des adolescents ou des adultes ; ils étaients atteints,
pour la plupart, de maladies chroniques et avaient été soumis
sans succès, antérieurement, à d'autres médications. La proportion
des guérisons s'est élevée à 32 p. 100, celle des demi-guérisons à
25, p. 100, celle des améliorations à 10 p. 100; l'effet n'a été nul
que dans 17 p. 100 des cas.
Sur 27 malades atteints d'affections organiques du système ner-
veux, 10 ont été améliorés (3 hémiplégies, 3 myélites chroniques,
une sclérose en plaques, 3 tabes). Le traitement s'est montré
particulièrement efficace contre les manifestations hystériques et
neurasthéniques; l'auteur estime que dans la pluralité des cas
d'hystérie et de neurasthénie, on doit recourir à la thérapeutique
suggestive, tant à l'état de veille qu'à l'état- de sommeil. Son expé-
rience lui permet d'affirmer que, contrairement à tout ce qui a été
soutenu, les neurasthéniques sont en général hypnotisablea. Les
essais de traitementdel'épilepsie par la psychothérapie n'ont donné
64 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
aucun résultat. Cette méthode thérapeutique a été employée
avec avantage chez un certain nombre de malades atteints de
troubles mentaux divers : Ainsi M. Van Renterghem attribue au
traitement moral prolongé aidé de la suggestion à l'état de veille
et à l'état de sommeil, la guérison de 6 mélancoliques ou lypéma-
niaques (sur 12 traités); il signale aussi la guérison de deux cas
d'alcoolisme chronique, d'un cas de morphinomanie et d'une
psychose consécutive à l'influenza et l'amélioration de 3 cas de
délire systématisé, d'un cas d'insanité morale, de 2 cas d'obses-
sions, d'un cas de syphiliphobie etc. Nous trouvons encore men-
tionnés dans ce travail, de nombreux succès complets ou partiels,
obtenus dans le traitement de diverses affections névropathiques,
d'accidents nerveux tels que névralgies, crampes, douleurs indéter-
minées, etc., de troubles fonctionnels dus à des maladies internes
ou externes, de la chlorose et des troubles menstruels, etc. L'au-
teur fait remarquer, que, dans un grand nombre de cas incurables,
il a réussi à faire du bien à ses malades par un traitement psy-
chique et suggestif; il considère la suggestion comme un succé-
dané précieux de beaucoup de remèdes : narcotiques, eupeptiques,
roborants, etc. A. Fenayrou.
VII. Quelques considérations sur la suggestion thérapeutique; par
11. A.-A. Liébault (de Nancy). (Revue de psychologie clinique et
thérapeutique, décembre 1897.)
M. Liébault donne, dans ce travail, un résumé de ses idées surle
principe, le mode d'action, les procédés et les résultats de la sug-
gestion thérapeutique. Cette méthode de traitement n'est que l'uti-
lisation de la propriété qui appartient à l'esprit de réagir, au
moyen des centres et des nerfs soumis au cerveau sur les fonctions
et les tissus de l'organisme. « D'après les travaux de lI. le D1' Du-
rand (de Gros), on sait que le cerveau, centre des centres, possède
pour sa part, et comme en double, les propriétés que les autres
centres inférieurs possèdent chacun séparément. En conséquence,
les impressions enregistrées dans le cerveau représentent des sen-
sations venues du monde extérieur par l'intermédiaire des termi-
naisons sensibles et déjà préformées antérieurement dans les centres
inférieurs du système nerveux. 11 en résulte qu'il suffit d'intro-
duire l'idée dans le cerveau pour reproduire dans le domaine des
centres inférieurs, en lieu et place, et avec exactitude, les phéno-
mènes vitaux qui lui correspondent et dont les organes doivent
être le siège. » De simples affirmations à l'état de veille, ont la
propriété de provoquer des effets curatifs chez certains sujets ; ces
affirmations deviennent autrement efficaces si elles sont faites
pendant le sommeil artificiel; et, dans ce cas même, elles agissent
d'autant mieux et plus vite que les sujets sont plus près de l'état
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 65
somnambulique profond. Le sommeil provoqué, résultat d'une
suggestion reçue d'autrui, comme le sommeil naturel est la con-
séquence d'une auto-suggestion, permet, en effet, au sujet, privé
de son pouvoir d'initiative, de diriger sur n'importe quel point de
l'organisme, d'après la 'suggestion qui lui est adressée, sa force
nerveuse préalablement accumulée sur l'idée de dormir. Ainsi
s'explique la possibilité de la production de phénomènes d'excita-
tion ou de sédation, le cerveau diminuant ou augmentant, suivant
les cas, son influence active sur les tissus; on comprend de même
que, plus il y aura de force nerveuse immobilisée sur l'idée de
dormir et plus les effets curatifs obtenus parla suggestion devien-
dront importants.
Les procédés de suggestion ne peuvent guérir toutes les affections
morbides, mais ils ont, du moins, et surtout dans le sommeil, une
influence bienfaisante sur le plus grand nombre d'entre elles,
quand même elles seraient incurables. Jamais, dit M. Liébault,
les agents médicamenteux n'arriveront, dans certaines maladies, à
la hauteur des résultats que donne la suggestion thérapeutique.
Ainsi, il a obtenu lui-même, par cette méthode, la guérison d'un
grand nombre d'affections chroniques contre lesquelles, les traite-
ments ordinaires avaient échoué, tels que des goitres kystiques,
des tumeurs parotidiennes, des engorgements ganglionnaires, des
ulcères variqueux, une ulcération du pied pour laquelle l'amputa-
tion avait été jugée nécessaire. II n'ignore pas que ces faits sont
regardés comme des impossibilités par la plupart des médecins;
mais il ajoute qu'ils ne sont pourtant pas plus extraordinaires que
d'autres, tels que l'apparition d'exanthèmes, de vésication et de
stigmates, qu'il a obtenus avec le concours de MM. 13ernhéim,
Beaunis et Liégeois, par la suggestion seule ou renforcée par une
émotion. 0 A. FENAYROU.
VIII. A propos du traitement de la maladie des tics; par E. Speul.
(Journ. de Neurologie, 1899, n° 1.)
Pour prouver que c'est bien à la suggestion et non à l'isolement
que doit être attribuée la guérison de certains tics, l'auteur rap-
porte l'observation d'un enfant de quatorze ans, atteint d'un tic
généralisé de la face, chez lequel l'isolement absolu prolongé pen-
dant trois ans n'a produit aucun résultat. La suggestion directe, à
l'état de veille, a déterminé au contraire la guérison au bout de
trois semaines. G. D.
IX. Un cas de sclérose en plaques traité par la méthode de ré-
éducation fonctionnelle; par le D' P. IIartenberg. (Revue de psy-
chologie clinique et thérapeutique, juillet 1898.)
Il s'agit d'une malade de vingt et un ans, atteinte de sclérose
Archives, 21 série, t. IX. 5
66 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
en plaques depuis cinq ans environ. Les divers traitements aux-
quels elle avait été soumise ne lui avaient procuré que des amé-
- locations passagères, et, en définitive, avaient échoué. Bien que
peu confiant dans le résultat définitif de la méthode thérapeutique
qu'il allait mettre en oeuvre, M. IIartenberg a eu l'idée de faire sur
cette malade un essai de rééducation'fonctionnelle. Les symptômes
dominants étaient les suivants : Contracture musculaire des mem-
bres inférieurs, titubation, vertige, émotivité exagérée, nystagmus;
au point de vue fonctionnel, ils se traduisaient par un manque de
stabilité de la station debout, une grande incertitude de la marche
et une sorte d'agoraphobie. Le traitement, exposé en détail dans
ce travail, a consisté en un entraînement progressif, physique et
psychique (exécution d'exercices réguliers et méthodiques de
marche, appuyée par des exhortations, des conseils, une stimula-
tion énergique par la voix, le geste, etc.); il a été suivi assez rapi-
dement d'une amélioration notable. Trois mois environ après le
début du traitement, on ne constatait « plus de vertige, plus de
nystagmus dans les positions moyennes, plus de titubation, plus
d'agoraphobie, la contracture tendait à disparaître complètement.
L'état physiqne et psychique était excellent. L'état des réflexes des
membres inférieurs n'avait jamais varié », ce qui prouvait que
l'amélioration était purement fonctionnelle. Malheureusement,
cette amélioration n'a pas persisté et, à la suite d'une contrariété,
est survenue brusquement une aggravation due probablement à
une nouvelle poussée de myélite.
L'auteur fait observer que la méthode de rééducation dont il
s'est servi dans ce cas, diffère par le but poursuivi, les procédés
employés et le mécanisme thérapeutique, de celle que M. Froenkel
a inventé pour le traitement du tabes. Celui-ci s'adresse unique-
ment au symptôme ataxie, tandis que par celle-là, M. IIartenberg
s'est efforcé de corriger, à la fois, la contracture, les vertiges, la
titubation et secondairement le nystagmus et l'instabilité neuro-
musculaire, base physiologique de l'émotivité. De nouveaux faits
d'observation permettent actuellement à l'auteur de penser qu'il
n'est pas impossible d'obtenir par cette méthode, dans le traite-
ment de la sclérose en plaques, des résultats plus favorables que
ceux qu'il a eus dans le cas présent; mais la persistance de ces
résultats reste toujours subordonnée à la rapidité d'évolution des
lésions anatomiques de la maladie. A. Fenayrou.
X. Le rôle de l'émotion dans la pathogénie et la thérapeutique
des aboulies; par MM. IIartenberg et VALENTI : '1. (Revue de psy-
. chologie clinique et thérapeutique, décembre 1897 et janvier
1898.)
Les auteurs considèrent, avec 11. Ribot, l'émotion comme un
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 67 I
complexus psycho-physiologique constitué, d'une part, par des
modifications du système vaso-moteur, et, d'autre part, par la
conscience que nous avons de ces modifications. Deux grandes
variétés d'émotions, la tristesse et la peur, comprenant une série
.de variétés secondaires qui en sont comme des nuances (abatte-
ment, découragement, angoisse, terreur, etc.) exercent tout par-
ticulièrement une influence paralysante sur la volonté. Suivant
Lange, le substratum physique de la première consiste en une
constriction anormale des petits vaisseaux; celui de la seconde
réside, en cette même constriction, à laquelle se joint une con-
traction spasmodique de tous les muscles organiques. Dans les
cas d'aboulie générale, l'émotivité dépressive très développée des
sujets, a une tendance plus ou moins marquée suivant le cas, à
entrer enjeu à propos des diverses déterminations volontaires, à se
fixer sur les idées qui commandent les actes et à opposer son
action inll1bitoire au pouvoir dynamogène de la volition, provo-
quant ainsi un état de lutte susceptible de s'accompagner d'une
véritable angoisse. Dans ces cas, l'émotivité revêt tour à tour des
modes d expression nombreux et variés. Au contraire, dans les
aboulies que les auteurs appellent paiticulières, parmi lesquelles
se rangent les phobies inhibitoires, l'émotivité se localise d'une
manière constante sur un territoire déterminé de l'activité volon-
taire ; elle n'entre en jeu que dans des circonstances spéciales qui
la provoquent et en favorisant la répétition. Parmi ces phobies
inhibitoires les auteurs distinguent : 1° les phobies constitution-
nelles qui se sont liées à un fond de dégénérescence héréditaire
et sont le plus souvent rebelles au traitement (Exemple : l'agora-
phobie essentielle de Legrand du Saulle); 2° les phobies occasion-
nelles survenant chez des nerveux non dégénérés à l'occasion d'un n
événement insolite qui a décharné et comme polarisé leur émoti-
vité, L'idée du fait initial rappelle l'émotion et celle-ci. à son tour
ramène l'aboulie; ce sont des aboulies par hypermnésie émotive.
1\1 : \1. Valentm et IIartenberg; préconisent contre ces diverses
aboulies par émotivité, le traitement moral. Les aboulies géné-
rales, indice d'un trouble général et permanent des fonctions
volontaires, ne peuvent être combattues que par des méthodes péda-
gogiques spéciales, mises en jeu dès le premier âge et ayant pour but
l'éducation méthodique de la volonté, de la sensibilité, de l'intel-
ligence et du sens moral. Contre les aboulies particulières, les
auteurs ont employé une méthode thérapeutique nouvelle qu'ils
ont appelée'le traitement par l'action. Cette méthode repose sur
cette opinion que, l'élément émotionnel étant le facteur prépon-
dérant dans la production des aboulies par émotivité, il y a lieu de
s'attaquer directement à lui, c'est-à-dire de chercher à modifier
physiologiquement le terrain émotionnel sur lequel l'aboulie a
pris naissance. Voici comment les auteurs décrivent ce mode do
b5 REVUE DE THERAPEUTIQUE.
traitement et le mécanisme de son action : « Nous faisons agir
nos malades et nous dirigeons leur activité précisément dans le
sens où l'émotivité vient lui faire obstacle. Le mouvement ou le
système de mouvements qu'ils ne peuvent pas accomplir, nous le
leur faisons exécuter. Un sujet, par exemple, qui a une impotence
fonctionnelle par auto-suggestion émotive et qui ne marche pas
par peur de la douleur, nous le faisons marcher. Pour cela, nous
le prenons par la main, nous le stimulons de la voix et du geste,
nous le tirons en avant malgré lui, sans accorder d'importance
aux symptômes physiques de sa peur, - pàleur, dyspnée, an-
goisse, ni à ses supplications constantes. Nous triomphons de l'in-
hibition créée par son émotivité. Nous recommençons dès le len-
demain et autant qu'il est nécessaire, les divers temps de cette
gymnastique psycho-mécanique. Ainsi, cherchons-nous à obtenir
du même coup plusieurs résultats distincts : 1° Tout d'abord l'exer-
cice musculaire provoque une vaso-dilatation qui a pour consé-
quence subjective, le retour des états émotifs slhéniques : la joie,
la confiance, le sentiment de l'énergie. 2° Ensuite par l'exercice et
la stimulation, nous secouons la torpeur et la dépression du ma-
lade, nous rétablissons les fonctions de la motilité, partiellement
ou totalement oubliées. 3° D'autre part, l'action augmente considé-
rablement le pouvoir de l'idée curative que notre suggestion a in-
troduite dans le cerveau; du moment qu'une idée est réalisée, elle
s'affirme et se fo·tifie. 4° Enfin, l'exécution de l'acte est pour le
malade la preuve indiscutable de sa possibilité. Elle ébranle en
lui la conviction de son impuissance plus profondément que ne
sauraient le faire les plus éloquents discours. Les faits sont les
meilleurs arguments. » MM. Hartenberg et Valentin affirment que
la méthode du traitement par l'action leur a donné de bons
résultats qui les engagent à persévérer dans cette voie.
A. Fenayrou.
XI. Quelques cas traités par l'hypnotisme et la suggestion; par
R. Osgood MASON. (The New-York médical Journal, 14 jan-
vier 1899.)
Les cas rapportés par l'auteur peuvent se diviser en quatre caté-
gories : 1° cas d'un caractère purement psychique ; 2° cas démon-
trant les effets de la suggestion sur les processus physiologiques;
3° traitement des souffrances physiques; 4° emploi éducationnel
de l'hypnotisme. Nous résumons ici les diverses observations con-
tenues dans ce travail.
1° Observation I. - Femme de quarante et un ans, mariée,
mélancolie avec idée prédominante d'une complète inaptitude aux
choses les plus ordinaires de la vie. Amélioration, puis gué-
rison, sans rechute jusqu'à présent.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 69
Observation IL,- Jeune fille dont le père est médecin, dix-
huit ans, excellente santé, terreur de la foudre et des éclairs.
- Guérison.
2° Observation III. Jeune allemande, vingt-six ans, céliba-
taire, très intelligente, sans hystérie, sans nervosisme. Constipa-
tiun rebelle : effet immédiat d'une cuillerée d'eau dont l'action a
été suggérée.
Observation IV. Femme de quarante-deux ans, célibataire,
institutrice, grande facilité à rougir dès qu'on lui parle; elle s'en
afflige parce que sa rougeur attire l'attention, mais surtout parce
qu'elle s'accompagne d'une véritable confusion mentale qui lui
lait perdre les idées et les mots et la rend ridicule. Cet état s'est
amélioré, et à l'heure actuelle, elle continue elle-même son trai-
tement au moyen de l'auto-suggestion.
Observation V. Femme de trente-huit ans, célibataire,
névrite traumatique dont le début remonte il trente-cinq ans,
coloration violet foncé de la main et du bras droit, qui sont froids,
désagréables au toucher, et frappés d'impuissance absolue : les
muscles sont atrophiés, les doigts contractés. Ce cas est traité par
le sommeil hypnotique seul, sans suggestion ; tous les phénomènes
anormaux ont disparu au réveil ; toutefois ils ne tardent pas à
reparaître, mais cèdent de nouveau au sommeil hypnotique.
L'expérience n'a pu être poursuivie, la malade étant morte
trois semaines après.
3° Observation VI. Femme de vingt-huit ans, mariée ; cinq
jours après son troisième accouchement température très élevée,
congestion de la face, troubles mentaux. insomnie, pouls à 116,
dur, irrégulier : douleur dans le dos et les membres, angoisse.
l'as de lait, pas de gonflement des seins. Au réveil du sommeil
hypnotique, les conditions suggérées se réalisent : sensation de
bien être et abaissement de la température. Guérison lente,
mais complète.
Observation VII. Acteur de quarante deux ans, alcoolique et
morphinomane. Le traitement par la suggestion hypnotique dura
six mois et la guérison fut parfaite.
4° Observation VIII. - Garçon de neuf ans; père criminel,
mère douce et intelligente. Notion du bien et du mal très
émoussée : cet enfant est sujet à des violences à des colères, à des
actes de cruauté. Le traitement hypnotique a donné des résul-
tats très marqués et très avantageux.
, Il. DE IUSGR.\1'E-CL.1Y.
70 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
XII. Les résultats définitifs du traitement thyroïdien dans le cré-
tinisme sporadique; par Henry Koruh. (The New-Yorlc médical
Journal, 16 juillet 1898.)
Autrefois les malades atteints de crétinisme soit endémique soit
sporadique étaient groupés ensemble dans des asiles communs.
Fagge, en séparant le crétinisme sporadique de l'endémique, a
-réalisé un premier progrès; aujourd'hui le traitement thyroïdien
en réalise un second en permettant de soigner dans la famille les
cas sporadiques. Les résultats de ce traitement sont frappants, car
au bout de trois semaines les phénomènes les plus apparents de
la maladie s'atténuent ou disparaissent. Le myxoedème facial
s'atténue, l'état d'anémie s'améliore, la langue diminue de volume
et l'enfant reconnaît sa mère. Mais dans l'étude des résultats du
traitement, il convient de distinguer entre les cas qui appar-
tiennent à la première enfance, à l'enfance, à l'adolescence et à
l'âge adulte. Ce serait trop demander à un traitement que de
réclamer de lui une égale influence dans les cas où l'organisme
est depuis des années assommé par la maladie et dans ceux où il
vient seulement d'être atteint. On peut donc prévoir que les résul-
tats seront d'autant plus satisfaisants que l'influence idiotisante se
sera exercée pendant un temps plus court. L'auteur rapporte ici
trois cas appartenant à la toute première enfance ; il rappelle à
cette occasion les symptômes bien connus du crétinisme spora-
dique et montre que les symptômes disparaissent pendant le trai-
tement thyroïdien.
Il y a une seconde catégorie de crétins, dont l'âge va de quinze
mois à deux ou même il quatre ans et chez lesquels le médecin se
trouve en face d'une idiotie crétinique complètement développée ;
l'auteur en rapporte deux cas ; et il y a enfin une troisième caté-
gorie, qui deviendra d'autant plus rare que le médecin sera plus
habile à découvrir de bonne heure la maladie : elle comprend les
crétins appartenant à la seconde enfance, à l'adolescence, à l'âge
adulte : dans ces deux catégories les résultats du traitement
thyroïdien, encore assez favorables dans la seconde, s'abaissent
considérablement pour la troisième.
Avant tout et par dessus tout, la médication thyroïdienne sup-
plée à l'absence de fonction du corps thyroïde. Il n'est donc pas
étonnant que l'on voie souvent les symptômes reparaître quand
on suspend la médication.
On a proposé récemment de soumettre à la médication thyroï-
dienne pendant leur grossesse les femmes qui ont mis au monde
un crétin. En le proposant on a évidemment pensé à la syphilis,
où cette méthode peut, en effet être utile; mais l'analogie n'a rien
de réel et les faits la contredisent au lieu de justifier : le succès
même de la méthode ne prouverait rien.. Il. de MosGnnvE-CLAY.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 71 1
XIII. Effets bienfaisants de la suppression des bromures dans le
traitement de l'épilepsie, par Frederick PETERSON. (The New-York
Médical journal, 2a avril 1897.)
S'il est impossible de méconnaître la grande utilité des bromures
chez beaucoup d'épileptiques, il faut bien admettre d'autre part
que chez un grand nombre de malades, ils ne donnent aucun
résultat avantageux, et que chez quelques-uns leur administration
est même suivie d'effets fâcheux : on en arrive même quelquefois à
se demander si le remède n'est pas pire que le mal. Une opinion
généralement admise veut qu'on ne puisse pas, sans inconvénient
ou même sans danger, supprimer la médication bromurée. L'auteur
se propose de démontrer que cette opinion n'est pas fondée. Les
cas où la suppression radicale du médicament produit l'état du
mal ou augmente le nombre des crises sont réels, mais peu com-
muns, et certainement en très petite minorité. Ce qui est vrai, c'est
que le plus souvent, surtout chez les malades saturés, la diminu-
tion brusque ou même progressive des doses améliore l'état du
malade, diminue dans une mesure importante le nombre des
attaques, tout en atténuant leur gravité modifie favorablement la
santé physique générale et rétablit, à un degré considérable, la
mémoire et l'intelligence.
L'auteur rapporte ensuite à l'appui de sa manière de voir onze
observations fort intéressantes, mais qu'il serait trop long de
résumer ici, et il ajoute qne ces onze cas sont suffisamment démons-
tratifs pour prouver que la suppression des bromures chez les
épileptiques traités depuis longtemps de cette manière, est géné-
ralement suivie d'une amélioration très nette, et parfois même
tout à fait surprenante ; et si à ce moment on essayait un médica-
ment nouveau ou une méthode nouvelle, on serait exposé à attri-
buer à ce médicament ou à cette méthode une valeur thérapeu-
tique considérable : pour se mettre à l'abri de cette cause d'erreur,
il ne faut donc juger un agent anli-épileptique, quel qu'il soit,
médicament, méthode ou acte opératoire, que si l'on peut l'expéri-
menter sur des sujets qui n'ont jamais été - ou que depuis long-
temps déjà ne sont plus - traités par la médication bromique.
R. DE AlUSGRiVE-CLAY.
XIV. Résultat extraordinairement heureux du traitement thyroïdien
dans un cas de myxcedème, par S. G. Bonney. (The Net-York
Médical journal, 2 avril 1898.)
Femme de cinquante-quatre ans, mariée, deux enfants, pas d'héri- .
dite spéciale. 11 y a huit ou dix ans, tendance à la somnolence qui va
en augmentant. Il y a quatre ans, lassitude, dégoût de tout effort
physique : ces efforts d'ailleurs s'accompagnent de fatigue et de pal-
72 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
pitations.11 y a deux ans, gonflement de la face dont la peau devient
sèche et rugueuse. Il y a un an et demi, sensation de froid, même
dans une chambre très chauffée; en même temps modifications men-
tales appréciables. Pas d'hallucinations, mais faiblesse mentale,
perte de la mémoire, inintelligence des choses les plus simples,
lenteur et hésitation de la parole; altération de la voix qui devient
rauque et désagréable. Ulcération des gencives et chute de dents.
- Larmoiement, diminution de la vision, du goût et de l'ouie. Tous
ces symptômes vont en s'aggravant, et en juillet 189 l'auteur
voit le malade, et porte le diagnostic de myxoedème. Il y avait de
l'engourdissement et des fourmillements cutanés, un froid aux
pieds continuel, avec deux zones de sensation brûlantes au milieu,
du tibia; la peau du corps entier était sèche, rude, fendillée par
places, squameuse à d'autres endroits, Le pouls était faible, mal-
aisé à trouver, dépressible ; l'urine était normale. La pigmentation
cutanée présentait une anomalie intéressante : la décoloration de
la face s'étendait en bas jusqu'à la base du cou où elle était
limitée par une ligne de démarcation très nette. Mais juste au
niveau de la glande thyroïde, on trouvait un espace rectangulaire,
nettement délimité, long de trois pouces et large d'un pouce et
demi, absolument dépourvu de toute pigmentation : cette diffé-
rence de coloration avait été remarquée depuis fort longtemps,
mais s'était notablement accentuée depuis deux ans. La malade
fut mise au repos -absolu, et traitée par les tablettes de corps
thyroïde desséché, à partir du 3 août 1897. Les effets de cette
médication sont notés par l'auteur aux dates du 8, dit II, du 14,
du 17 et du 21 août et montrent avec quel soin l'administration
de ce remède doit être surveillée, l'augmentation minime de
la dose du 17 août ayant amené pendant un instant des résultats
défavorables. Un mois après le début de la médication, l'améliora-
tion s'était accentuée au point que l'on pouvait,-et c'était l'avis
de la famille, la considérer comme équivalent à un retour à l'état
normal. La médication fut continuée à doses très atténuées pen-
dant un mois encore, et la guérison, depuis ne s'est pas démentie.
Quelques particularités intéressantes ont été notées pendant la
période d'amélioration ; ce sont les suivantes : 1° desquamation
de la paume des mains et de la plante des pieds ; 2° mouvements
choréiques fréquents des lèvres, du nez et des sourcils (des
toubles choréiques légers avaient persisté depuis l'enfance jusqu'à
l'apparition de myxoedème); 3° une augmentation de la chute des
cheveux pendant les deux ou trois semaines ; elle a complètement
cessé ensuite; 4° la disparition complète de la surface nue pigmen-
tée au niveau du corps thyroïde; : riz la formation d'un sillon trans-
versal bien défini à la racine de chacun des ongles, se déplaçant
avec la croissance de l'ongle. On notera surtout dans ce cas la
courte durée du traitement, les très faibles doses de médicament
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. ,3 3
employées, et enfin le danger qu'il y a à augmenter ces doses sans
précautions et sans surveillance suffisantes.
11. DE nI05GIiAVE-CL11.
XV. Considérations sur le rôle et la valeur de l'hypnotisme dans le
traitement des maladies ; part. P. (Tite iYe ? D-Yoî-1; iliedi-
cal Journal, 26 mars 189S.)
Quelle que soit l'idée que l'on se fait de la véritable nature de
l'état hypnotique, on est obligé d'admettre que l'hypnose est un
état normal, qu'elle n'implique aucune maladie du corps ou de
l'esprit, qu'elle n'indique pas que la volonté soit affaiblie ni asservie,
et qu'elle ne constitue pas un état spécial à un petit nombre de
sujets. Elle est tout simplement un état psychologique appartenant
à la mutualité uormale. On a parfaitement démontré que les idiots
et les aliénés ne sont pas hypnotisables, et que les enfants et les
hystériques ne sont que très difficilement influencés. Aussi l'auteur
pense-t-il que les dangers de l'hypnotisme employé comme agent
thérapeutique sont nuls en fait, que le sentiment de bien et de mal
n'est pas affaibli dans l'état hypnotique (il serait même plutôt
aiguisé et affiné) et qu'il ne résulte pour le malade de l'emploi des
pratiques hypnotiques aucune atténuation ni de sa volonté, ni de
sa moralité, ni de sa personnalité.
Cela posé, il faut rechercher dans quelles maladies l'hypnotisme
se montrera particulièrement utile : évidemment dans les états
moi bides du système nerveux qui intéressent plus spécialement
les conditions mentales. L'auteur se défend de considérer la psycho-
thérapie comme un agent curatif de l'hystérie ou de la neurasthé-
nie, mais il en a constaté les avantages dans le traitement de ces
maladies à la condition d'y avoir recours pour remédier aux états
morbides mentaux et moraux qui accompagnent et aggravent sou-
vent les affections. Dans les idées fixes, dans les formes multiples
de phobies, dans certaines formes d'insomnie habituelle, si fré-
quentes chez les hystériques, la psychothérapie est un agent très
utile. Dan divers états moraux, accompagnés ou non de symptô-
mes nerveux, par exemple lorsque le malade a perdu son indivi-
dualité et ne se rend plus compte de sa responsabilité personnelle
dans la dipsomanie et les autres habitudes impérieuses, elle sera
encore une très précieuse ressource. A l'appui de cette manière
de voir, l'auteur rapporte quatre observations, la première d'ago-
raphobie et neurasthénie ; -la seconde de mélancolie et insomnie ;
la troisième d'idée fixe ; la dernière de céphalalgie persistante et
rebelle. 0
R. DE \IUSGIi.IVE-CL.1T.
7't r REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
XVI. Zona consécutif à l'administration de l'arsenic dans un cas
d'épilepsie ; par Perce CLARK. (The New-Yorl Médical Journal,
12 juin 189î.)
On n'est pas d'accord sur la relation possible de cause il effet
entre l'administration de l'arsenic contre l'acné d'origine bronique
et l'apparition du zona. L'auteur rapporte un cas dans lequel l'eclo-
sion rapide du zona après l'emploi de doses modérées de liqueur
de Fowler et sa prompte disparition après la cessation du médica-
ment paraissant bien établir un rapport de cause à effet : mais il
persiste, au point de vue général à considérer ce rapport comme
très rare. R. de lIuscnavE-CLm.
XVII. Fracture du crâne avec quelques symptômes inusités
opération- guérison ; par Gray G. Hollanday. (The \Tcm=Yorlc
Médical Journal, 5 mars 1898.)
Il s'agit d'une fracture du crâne avec dépression osseuse : pen-
dant qu'on l'examine, le malade est calme, ne souffre pas et expli-
que les conditions dans lesquelles il a été blessé ; il voulait même
continuer son travail mais ses camardes l'en ont empêché ; il a un
peu saigné du nez. La table osseuse est déprimée, mais la peau est
intacte. - Une heure et demie après, le blessé est sourd, et quand
on se fait entendre de lui en criant, il manque des mots (et surtout
des noms propres) dans ses réponses : il fait un effort visible pour
se rappeler ces mots manquants. Puis, pendant une dizaine de
minutes, il se remet à répondre et à parler normalement ; il retombe
ensuite à peu près dans l'état antérieur. Le pouls présente quelques
intermittences à ce moment puis surviennent des phénomènes con-
vulsifs d'une intensité remarquable, pendant lequel toutefois le bras
et la jambe du côté droit demeurent immobiles. Les convulsions
s'accompagnent de vomissements et d'une diminution de la sensibi-
bilité générale. Cette crise convulsive fut suivie de plusieurs autres.
L'opération du trépan avec relèvement de la table osseuse (la dure-
mère n'était pas déchirée) fut pratiquée quelques heures après
l'accident : le pouls-s'améliora au moment même du relèvement
de l'os déprimé. La guérison fut parfaite.
R. DE MUSGRAVE-CLAY.
XVIII. Un cas remarquable d'épilepsie avec cinq cent dix-neuf atta-
ques en quarante-neuf heures, avec des notes sur le traitement
et sur l'autopsie; par \VILLI u P. SPR1T1NG. (The ,\"e1(1 York
Médical Journal, 15 mars 1899.)
Les points sur lesquels l'auteur s'est proposé d'attirer l'attention en
rapportant ce cas intéressant sont bien connus et d'ordre négatif.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 75
Ce sont : d'abord la persistance remarquable avec laquelle les crises
se manisfesteut et se renouvellent en dépit de tous les efforts thé-
rapeutiques les mieux dirigés pour les modérer ou les supprimer;
et en second lieu l'impossibilité absolue de découvrir à l'autopsie
soit à l'ceil soit au micioscope une lésion quelconque capable de
rendre compte de l'état convulsif, alors même que les convulsions
se sont répétées plusieurs centaines de fois pendant un temps aussi
court que quarante-neuf heures. IL DE Musgraye-Clay.
XIX. Etude clinique de vingt-quatre cas de paralysie agitante,
avec quelques remarques sur le traitement de cette maladie ;
par Joseph COLLINS et L. J. J. llusmvs. (The tVe2a York Médical
Journal, 8 juillet 1899.)
On n'a pas ajouté grand'chose au point de vue clinique à la
description que Parkinson a donné de la paralysie agitante en
1823, et ce que l'auteur se propose ici c'est surtout de rechercher ses
causes réelles ou supposées, d'apprécier sa fréquence, de déter-
miner les symptômes initiaux et le mode de début, et de rechercher
quels sont les facteurs qui influencent sa marche.
Sur les 24 cas étudiés, il y a 18 hommes et 6 femmes. L'hérédité
directe a été constatée dans 4 cas, l'hérédité indirecte dans 4 cas;
l'absence de toute hérédité dans 11 cas ; les renseignements man-
quent dans 5 cas.
Au point de vue de l'étiologie, on peut résumer les faits en
disant que les facteurs les plus important sont l'ûge. le sexe, la
nationalité, la moralité, les émotions violentes et surtout de
nature dépressive, l'hérédité directe ou indirecte, et les maladies
infecteuses. Le traumatisme ne paraît jouer qu'un rôle étiologique
assez effacé.
L'auteur décrit ensuite longuement les symptômes de la mala-
die, et son tableau ne diffère pas du tableau classique. Il iusiste
longuement aussi sur le traitement. P. DE AIusGRWE-CLiY.
XX. Relation de quatre cas de méningite cérébro-spinale épidé-
mique, particulièrement au point de vue de la valeur de la
ponction lombaire comme moyen de diagnostic; par José L. Hmsn.
(1'he New York Médical Journal, 19 août 1899.)
Bien que les symptômes cliniques dans les quatre cas rapportés
par l'auteur indiquassent clairement l'existence d'une méningite
cérébro-spinale, le diagnostic absolu ne pouvait être fourni que
par la ponction lombaire. Dans les quatre cas, on rencontre soit
dans le liquide retiré, soit par voie de culture le Diplococcus in-
t1'aællulnl'is mêningilidis.
La ponction lombaire a donc ici confirmé le diagnostic ; mais
76 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
elle a d'autres avantages que ceux d'un procédé de vérification :
elle sert à déterminer la pression du liquide spinal dans l'état de
santé et dans l'état de maladie : à l'état normal en se servant d'un
manomètre à mercure, Pfaundler a trouvé une pression moyenne
de 25 millimètres, et chez les hydrocéphales, de 37 millimètres;
dans la méningite tuberculeuse, la pression moyenne est de 40
millimètres, mais dans un-cas, le chiffre exorbitant de 110 a été
'atteint. Le liquide spinal présente, suivant les cas, des aspects
variables qui ont une valeur diagnostique : il contient presque
toujours à l'état normal des traces d'albumine.
On n'est pas d'accord sur la valeur thérapeutique de la ponction
lombaire.
' L'auteur termine par quelques remarques sur le manuel opéra-
toire. R. de MUSGllAYE-CLIY.
XXI. La pathologie récente de l'ataxie locomotrice et son influence
sur le traitement; par L. HARRISON AIETTLER. (The New York
Médical Journal, 15 octobre 1898.)
La conception jusqu'ici classique de l'ataxie locomotrice invo-
quait toutes sortes de théories étiologiques et pathogéniques,
basées sur le fait d'un processus inflammatoire de la moelle et de
ses membranes, et sur des troubles circulatoires provoqués par
l'athérôme artériel et des modifications histologiques dues à l'action
de la syphilis en d'autres agents toxiques : de là tout naturellement
découlait un pronostic fort sombre ; mais depuis quelques années,
dit AI. Mettler « on a heureusement changé tout cela ». Les décou-
vertes récentes sur l'anatomie et la physiologie de la neurone, son
importance comme unité nerveuse, sa substitution à l'espèce de
congloméré cellulaire et fibrillaire de l'ancienne histologie, tout
cela a révolutionné la conception et le traitement des maladies du
système nerveux, et surtout de l'ataxie locomotrice, type des
maladies systématiques de dégénérescence. Les modifications de la
neurone par les influences héréditaires, toxiques ou de nutrition
ont relégué au dernier plan le processus scléreux et donné plus
d'importance à la dégénérescence primitive des éléments paren-
chymateux. Le tabes, suivant 111übius, n'est pas une néoplasie
syphilitique, mais une dégénérescence parenchymateuse atro-
phique centripète des neurones de sensibilité, suivie de sclérose.
Dans ces conditions, et la première période de la maladie consis-
tant en de simples altérations nutritives, le pronostic, pourvu que
le diagnostic soit suffisamment précoce, doit devenir beaucoup
moins défavorable,
L'auteur entre ici dans des considérations étendues relatives
aux neurones et à leurs rapports avec la pathologie de l'ataxie ;
il résume cette pathologie nouvelle en disant que la vitalité de
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 77
l'appareil nerveux est abaissée, sous une influence héréditaire
ou acquise, et que la nutrition des neurones devient par là défec-
tueuse. Les neurones qui desservent le sens musculaire le plus
spécialisé et le plus récemment acquis sont les premières à
montrer des signes de nutrition défectueuse dans les parties les
plus éloignées de leurs centres nutritifs altérés dans les ganglions
spinaux postérieurs, les parties lointaines étant respectivement les
arborisations de la peau et de la moelle.
La conséquence de cette doctrine nouvelle, en faveur de la-
quelle l'auteur estime qu'il existe des preuvcs très fortes, est une
modification favorable du pronostic, comme il a été dit plus haut,
et une simplification du traitement, qui doit dès lors avoir pour
objet précis de rétablir la [onction métabolique normale des cel-
lules nerveuses ou neurones. R. de \luscnAVr.-CLar.
XXII. La syphilis cérébrale et méningée, son traitement par les
injections intra-musculaires de sels insolubles de mercure :
quelques points de technique par J. COI'LIN LITNSON. (The zéro
York Médical journal, 2 sept. 1899.)
L'observation, qui ne s'écarte pas du type ordinaire, est surtout
intéressante en raison du traitement auquel le malade a été soumis.
L'auteur expose que dans la syphilis tertiaire, tout comme aux
autres périodes de la maladie, il faut un traitement énergique et
régulier. Pendant trois ans, ou même davantage, il faut donner
quatre séries d'injections de salycylate de mercure par an. On
donnera deux injections par semaine pendant cinq semaines en-
viron soit 9 à 10 injections et chaque injection contiendra,
si le malade peut supporter cette dose, deux grains (c'est-à-dire
0,12 a 0,13 centigrammes) de salicylate de mercure. Beaucoup de
malades tolèrent cette dose que l'on abaissera de près de moitié
pour ceux qui sont plus sensibles au médicament. Entre les séries
d'injections du sel de mercure, on donnera trois fois par jour dix
minimes (le minime anglais est une mesure de capacité qui équivaut
à 0,06 centimètre cube) d'une solution saturée d'iodure de potas-
sium : s'il y a urgence, on augmentera de deux gouttes par jour
jusqu'à l'apparition des premiers symptômes d'iodisme. Le mer-
cure est l'agent curatif de la syphilis, et l'iodure l'agent prophy-
lactique de l'endarténte syphilitique.
La technique des injections est simple et sûre ; nous la résumons
ici d'après l'auteur : mélanger la quantité de salicylate de mer-
cure chimiquement pur nécessaire à une injection avec la quantité
voulue d'huile d'amandes douce stérilisée : aseptiser la peau au
niveau de l'injection avec une solution de sublimé à 1 p. 500;
plonger l'aiguille verticalement à une profondeur d'au moins deux
pouces et vers la partie supérieure de la fesse. Faire l'injection
78 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
lentement et retirer l'aiguille lentement aussi : antiseptiser la
piqûre et la fermer avec un peu de collodion. L'auteur n'a jamais
vu d'abcès survenir à la suite de ces injections. En graduant la
dose suivant la susceptibilité du malade, ces injections sont peu ou
point douloureuses et ne nécessitent pas le repos. L'absorption du
mercure commence très promptement après l'injection et son eh-
- mination dure de quatre à sept jours la répétition des doses telle
qu'elle a été indiquée plus haut place donc le malade sous l'action
continue du mercure.
Il est indispensable avant de commencer les injections de s'as-
surer que les dents du malade sont en parfait état, et de constater
aussi l'absence de toute lésion rénalp. Dans les cas de néphrite
il ne faut pas donner de fortes doses de mercure, car môme les
doses faibles sont mal tolérées;. il est même sage d'examiner
l'urine au moins une fois pendant le cours du traitement.
R. DE IUSCR1VE-CL.1-.
Dans quels cas l'intervention chirurgicale est-elle justifiée
dans les maladies cérébrales ; par Edward D. Fisiier. ( The neuf
York Médical journal, 16 avril 1898.)
Les principales indications de l'intervention chirurgicale sont :
1° la fracture du crâne, avec phénomènes de compression et con-
sécutivement, paralysie, crises épileptiformes ou coma; 2° les émor-
rhagies méningées, soit traumatiques soit dues à la pachyménm-
gite hémorragique ; 3° les tumeurs du cerveau lorsqu'elles siègent
au voisinage de l'écorce ou même dans le cervelet, mais pas lors-
qu'elles sont profondes ou siègent à la base ; il faut ajouter ici
qu'il existe quelquefois alors qu'on pense ne pas pouvoir enlever
la tumeur, une indication d'opération partielle celle-ci pouvant
atténuer des symptômes graves tels que les vomissemenis, la cépha-
talgie et les convulsions; 4° les crises d'épilepsie jacksonienne;
5° enfin l'abcès du cerveau principalement sous la forme la plus
commune, celle qui est consécutive à une otite moyenne.
L'auteur ajoute que dans les opérations cérébrales il faut se
garder des ouvertures trop petites qui diminuent les résultats favo-
rables sans restreindre le danger : il faut ouvrir largement, et ce
faisant on voit mieux et on soulage mieux.
R. DE nIUSGIt3VE-CL.11.
XXIV. Étude sur deux cas de tumeur cérébrale, avec la relation des
résultats opératoires dans l'un, et de l'autopsie dans l'autre ;
par Alfred W1ENER. (Tite New l'orle Médical Journal, 15 oc-
tobre 1808.)
Observation I. - Homme de vingt ans, né à sept mois. Père
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 79
alcoolique. N'a marché et parlé qu'à trois ans. A dix-sept ans,
otite moyenne aiguë à droite, rupture du tympan, écoulement
purulent abondant durant plusieurs mois, légère surdité consécu-
tive. En mars 1897, perte subite de la parole, avec raideur du bras
droit et de la face, le tout ne durant qu'un moment ; il s'endort
et se réveille bien portant : il n'y avait pas eu de perte de con-
naissance ; avant l'attaque il avait souffert de fréquents maux de
tête avec nausées ; cette céphalalgie était surtout frontale. Un
mois après, deuxième attaque plus grave, portant sur tout le côté
droit. mais surtout sur la face et le bras, et avec perte de con-
naissance. Les maux de tête augmentent, la vue s'affaiblit, l'oeil
droit ne voit pas la lumière, la pupille est inerte, la papille a des
bords peu accusés. Parésie faciale droite. Réflexe rotulien absent
sur deux côtés. Affaiblissement de l'ouïe; aphasie motrice. Sensi-
bilité partout conservée. Pas de troubles trophiques. Tous ces
symptômes indiquent un néoplasme cérébral ; le traitement anti-
syphilitique reste sans effets. Quant au siège de la tumeur plu-
sieurs des symptômes paraissaient indiquer une lésion de la base,
au voisinage de la protubérance et du cervelet; d'autre part, la
paralysie partielle de la face et du bras, la forme Jacksonienne
de l'épilepsie, la céphalalgie frontale plaidaient en faveur d'une
lésion voisine des centres de la face et du bras, dans les circon-
volutions centrales. L'observation ultérieure du. malade vint
éclairer la question et montrer que la tumeur était corticale, et
qu'elle intéressait le centre de la face et du bras en même temps
que l'extrémité postérieure de la troisième frontale gauche, c'est-
à-dire le centre du langage. La question d'une intervention chirur-
gicale se posait et fut résolue par l'affirmative, mais il fallut s'y y
reprendre à deux fois en raison de l'abondance de l'hémorragie.
L'incision de la dure-mère montra une tumeur ayant exactement
le .siège diagnostiqué, mais qu'on ne put enlever, le moindre
attouchement déterminant une hémorragie importante. Après
l'opération le malade resta à l'hôpital ; il n'avait plus d'attaques
épileptique ; il était complètement aveugle. Un abcès se forma à
la surface de la tumeur, et ouvert, donna issue à du pus. Bientôt
le malade eut des hallucinations de la vue ; la tumeur continuait
à grossir, mais en somme l'état s'est amélioré puisqu'il n'y a plus
de céphalalgie intense ni de crises épileptiformes.
Observation IL Garçon de sept ans. Père alcoolique : en 1897
douleur à la jambe droite. Un peu plus tard, traumatisme (coup
de poing) à la région fronlo-pariétale droite. Céphalalgie cons-
tante et intense. Parésie des deux branches inférieures du facial à
droite. Pupilles répondant à la lumière, mais un peu paresseuse-
ment. Analgésie de la face à droite, parésie des deux membres de
ce même côté; réflexe rotulien totalement absent des deux côtés.
80 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
Pas de troubles de la vessie ni du rectum. l'as d'attaques épilep-
tiformes, névrite optique double. Ici encore les symptômes indi-
quaient un néoplasme que l'on jugea devoir être sous-cortical, et
siéger à l'intérieur ou dans le voisinage immédiat de la capsule
interne ; comme nature on jugea que ce devait être un gliome.
Après avoir vu son état s'aggraver et ses souffrances devenir into-
lérables, l'enfant considérablement affaibli par une scarlatine, finit
par succomber. A l'autopsie, on trouva que l'hémisphère gauche
présentait des circouvolutions très aplaties, et avait une consis-
tance plus molle que l'hémisphère droit. Le cerveau ayant été
durci, une coupe horizontale montra une tumeur molle et infil-
trante qui occupait la plus grande partie de l'hémisphère gauche.
A la partie supérieure l'hémisphère tout entier paraissait envahi,
et à la région frontale la tumeur empiétait sur la couche corticale.
A la partie inférieure de l'hémisphère, le siège de la tumeur était
absolument frontal. Le centre ovale, le corps strié et la capsule
interne étaient presque entièrement détruits. Le corps calleux était
un peu envahi par 'infiltration. L'examen microscopique montra
que cette tumeur était un glio-sarcôme. '
L'auteur termine ce travail par quelques remarques sur trois
points qui étaient communs à ces deux cas : 1" l'absence de
réflexes rotuliens au début de la maladie; 2° l'ataxie frontale;
3° l'étiologie. DU 11uSGRHE-CLAY.
XXV. Excision du ganglion cervical sympathique supérieur doit
dans un cas de glaucome, avec une revue des travaux publiés
sur la chirurgie des ganglions cervicaux; par James Moire BILL,
L'D11N C. Renaud et Willard 131RTLRTT. (The tG'tU-109'Ii Médical
Journal, le" juillet 1899.)
Les auteurs pensent que cette opération est la première de ce
genre qui ait été faite en Amérique : il s'agit d'une femme de
cinquante-six ans, sourde muette, et atteinte de glaucome. L'extir-
pation du ganglion cervical sympathique donna d'excellents résul-
tats au point de vue de la douleur. Les auteurs ont été amenés à
conclure que cette intervention opératoire serait justifiée alors
même qu'elle n'aurait pas d'autre résultat favorable qu'un soula-
gement immédiat et considérable et qu'elle est bien préférable il
l'énucléation. Ils se proposent d'y avoir recours la première fois
qu'ils se trouveront en présence d'un cas de glaucome sans perte
complète de la vue. La revue des travaux publiée sur la chirur-
gie des ganglions cervicaux, qui termine le travail est intéressante
et utile. R. DE 11USGRAYE-CLAY.
SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE.
Séance du î décembre 1899.
M. DÉJERJNE. Perte du sens stéréognostique. Un corroyeur sy-
philitique, mais n'ayant eu aucun accident spécifique depuis six
ans, est pris soudain d'attaques d'épilepsie partielle s'annonçant
par des mouvements de l'index gauche ; l'attaque intéresse tout le
côté gauche, mais ne se généralise pas, la perte de connaissance
n'est pas complète. A la suite de ces attaques, il n'est survenu ni
monoplégie brachiale, ni hémiplégie, mais seulement une légère
faiblesse musculaire à gauche, la sensibilité au tact et à la tempé-
rature sont indemnes, mais avec erreurs de localisation ; la sensi-
bilité à la douleur est très légèrement diminuée. La notion des at-
litudes est par contre totalement perdue jusqu'au coude, à l'avant-
bras et à la main, et jusqu'au genou au membre inférieur. Quant
au sens stéréognostique, il est absolument aboli à gauche, un ob-
jet saisi ne peut pas être reconnu les yeux fermés; le malade appré-
cie si l'objet est froid ou chaud, mou ou dur, rude ou lisse, mais
n'en peut estimer ni le volume, ni la forme, ni le poids. Les sensi-
bilités profondes sont abolies. Le diagnostic est : pachyméningite
gommeuse de la région rolandique. Le traitement spécifique a
d'ailleurs amélioré le malade. Il faut, pour que ces troubles soient
appréciables que, malgré la localisation de la lésion, l'hémiplégie
soit très faible. Ces cas sont rares au moins à cet état de netteté.
Discussion : M. MARIE a vu assez fréquemment de tels cas à Bi-
cêtre. M. Brissaud et M. MARIE font remarquer que ces malades ne
font aucun effort pour déterminer la forme ou la nature de l'objet
saisi, ne pensant plus à rechercher cette détermination, comme
s'ils n'avaient plus conscience que cette faculté d'appréciation
puisse exister ; tels les hémianoptiques ne cherchant plus à voir ce
qui est du côté où ils ne voient plus.
M. Ballet. Delirium tremens chloralique. Un malade de vingt-
six ans, morphinique, prenant du chloral depuis longtemps, a pris
il plusieurs reprises 7 grammes de chloral dans les vingt-quatre
heures ; trois jours après la suppression du médicament il pré-
Arcuives, 2e série, t. IX. 6
82 SOCIÉTÉS SAVANTES.
sente tous les signes du delirium tremens. La seule différence
entre ce chloralisme suraigu et le delirium tremens alcoolique
consiste.en ce que dans le premier les hallucinations sont moins
vives, à part cela, le syndrome est identique. D'autre part, le deli-
rium chloralique se produit généralement sous l'influence de la
pression brusque ; il faut donc pratiquer la décliloralisatiori lente.
Sur une demande de 11. Marie, : \1. Ballet ajoute que malgré la ré-
duction par les urines de la liqueur de Fehhng dans le chloralisme
aigu l'ensemble symptomatique, ne permet pas de confondre
celui-ci avec le coma diabétique.
M. KLIP1'FL. Encéphalopathie adissonnienne. - Un mafade adis-
sonien typique se mit à avoir des attaques d'épilepsie suivies de
délire et de coma. A l'autopsie : simple congestion des méninges
et encéphalite corticale subaiguë. On 'soit d'ailleurs dans la mala-
die d'Adisson tous les degrés de l'encéphalopathie, depuis la
simple dépression constante chez ces malades, jusqu'à l'encépha-
lite complète. Brown-Séquard avait déjà montré l'influence du
poison adissonien sur les centres nerveux et produit des crises
convulsives avec le suc des glandes surrénales.
MM. H. Dm : oua et Rogues de FUI\SAC. Neurasthénie et capsules
surrénales. - L'opothérapie, par les capsules surrénales, a été jus-
qu'alors surtout employée dans le traitement de la maladie d'Adi-
son. Son action a été particulièrement efficace contre l'asthénie et
le cas de il ! . Béclère, bien connu de tous, en est un exemple re-
marquable. A côté des adissoniens à signes complets, au nombre
desquels se trouve l'asthénie, il y a des cas frustes, sans pigmen-
tations. L'un de ceux-ci a fait récemment l'objet d'une clinique de
1\1. Dieulafoy.
Existe-t-il une troisième catégorie de malades, dont l'affection
dépende d'une simple diminution de fonctions des capsules surré-
nales sans grosse lésion anatomique, et se traduisant par une as-
thénie musculaire, en tout semblable à celle des adissoniens ,/
Ces malades, classés actuellement dans le groupe si commode
de la neurasthénie, peuvent-ils bénéficier d'un traitement par les
capsules surrénales ?
Telles sont les hypothèses que soulèvent les auteurs en relatant
l'observation d'une 'malade de cinquante-cinq ans qui, depuis six
ans. souffrait de neurasthénie et depuis deux ans et demi se trou-
vait confinée au lit, parlant à peine, ne pouvant manger seule,
incapable du moindre effort, même de mastiquer ses aliments, et
devenue gâteuse.
Cette femme a été soumise, depuis février 1898, au traitement
par l'extrait surrénal pris en capsules. Au bout de trois mois, l'a-
mélioration s'est manifestée, elle n'a fait que progresser chaque
jour et la malade, après vingt mois de cè traitement, guérie depuis
SOCIÉTÉS SAVANTES. '83
longtemps, a pu sortir du service de M. le professeur Jotï·roy où
elle était soignée. Il semble donc ici que la thérapeutique, utili-
sant une substance active, réputée même dangereuse par quelques-
uns, ait eu un résultat favorable. C'est en multipliant l'emploi de
cette méthode chez des sujets choisis avec discernement et pris
parmi ceux où l'anesthénie musculaire tient la première place^
qu'on arrivera peut-être alla confirmation des vues exprimées par
les auteurs. t
M. 13alO's.\UD présentera.prochainement un cas analogue.
111. Socques. Traumatisme de la queue de cheval. - Il s'agit d'une
jeune fille présentant une fracture de la première lombaire, et les
signes systématiques exacts de l'écrasement de la queue de cheval
en ce point. 1
lI. Achard présente une malade atteinte de tabes et de goitre
exophtalmique ; il considère la chose comme une coïncidence le
tabes paraît accélérer les accidents de la maladie de Basedow.
Syringomyélie et hydrocéphalie. - lI. COUYELAIRE présente des
pièces provenant de l'autopsie d'un homme chez lequel M. Pierre
Marie avait fait le diagnostic de syringomyélie et d'hydrocéphalie
et qui mourut à l'âge de trente-six ans. Les points les plus inté-
ressants de cette observation sont : 1° le début ttès précoce de l'af
fection dont les premiers symptômes remontaient à l'enfance ;
2° les caractères de la main droite, main de prédicateur qui est
presque spéciale à la syringomyélie et mérite d'être considérée
quand elle existe, comme un des signes diagnostiques capitaux
de cette affection ; 3° la mort par accidents bulbaires (crises dysp-
néiques) ; 4° La coexistence d'une grosse hydrocéphalie (620 cen-
timètres cubes) et d'une syringomyélie. La moelle, depuis le bulbe
jusqu'à 1 centimètre du cône terminal, était réduite à une coque
de 1 à 2 millimètres d'épaisseur limitant une cavité celluleuse.
Atrophie considérable des racines. Amincissement de la dure-mère.
11. : 'I11RIE à une objection de 11. Joffroy, répond qu'ici il ne s'agit
pas d'une dilatation simple du canal épendymaire, mais bien d'une
syringomyélie vraie.
\nI. CL. Philippe et Oberthùr communiquent, avec dessins et
préparations à l'appui, onze autopsies de .syringomyélie, du service
de : 'IL le professeur Raymond. Aujourd'hui, ils veulent étudier les
relations de la syringomyélie et de la pachyméningite, en parti-
culier celles de la pachyméningite cervicale hypertrophique. Dans
toutes leurs autopsies, la dure-mère est altérée, mais avecuneinten-
sité très variable; tantôt, c'est un simple épaississement partiel
appréciable à l'oeil et au toucher; tantôt, c'est une virole qui
adhère aux méninges molles, à la moelle, aux racines rachi-
diennes, même au périoste de l'os voisin, surtout dans la région
84 SOCIÉTÉS SAVANTES.
cervicale, et autour du collet du bulbe. Ce type excessif - véri-
table pachyméningite cervicale hyperlrophique est associé le
plus souvent à des lésions syringomyéhques de la moelle, consi-
dérables ; mais il n'accompagne pas nécessairement les grandes
cavités, et il peut exister sans que la moelle soit très altérée; d'où
la conclusion que syringomyélie et pachyméningite cervicare hyper-
trophique évoluent parallèlement sous l'influence de la même cause,
sans être nécessairement liées l'une à l'autre.
Histologiquement, cette pachyméningite, très active, s'accom-
pagne d'une fibrose considérable et de néoformations cellulaires
intense ? , avec grosses altérations vasculaires. Cliniquement,
elle doit expliquer les douleurs fulgurantes. fréquentes au niveau
de la nuque et dans les membres supérieurs, au début et au cours
de la syringomyélie. M. VACHARD insiste sur le rôle des vaisseaux
dans le processus de la syringomyélie.
AI. Brissaud montre qu'en raison de la disposition des artères
médullaires et radiculaires il n'y a pas lieu de s'étonner que les
altérations pachyméningitiques ne correspondent pas toujours
exactement au siège de la syringomyélie. Ce qui amène une argu-
mentation documentée de la part de M. Philippe. La discussion
étant d'un intérêt capital, la question sera reprise et portée à
l'ordre du jour de la prochaine séance.
111111. CL. Philippe et R. CESTAN ont pu étudier trois autopsies de
méningo-myelite tuberculeuse, dont chacune présente une évolu-
tion et des lésions histologiques spéciales. La première est une
fméningite cérébro-spinale aiguë, avec caséification, nodulaire ou
diffuse, interstitielle et périvasculaire, sans cellules géantes, mais
à bacille de Koch. - Cliniquement, la maladie a évolué en trois
semaines. - Le deuxième cas, plus classique, représente un mal
de Pott vertébral avec pachyméningite caséeuse et myélite par
propagation (forme de Charcot et llfichnud). - La troisième
autopsie est un bel exemple de myélite parenchymateuse primitive,
qui évolue sans lésions méningée, interstitielle ou vasculaire, sous
forme de nodules intra-médullaires au niveau desquels les cylin-
dres-axes, gros et tuméfiés, remplissent des gaines myéliniques,
amincies et dilatées. Ces cas heureusement choisis, démontrent
la pluralité des formes de la méningo-myelite tuberculeuse, et
l'existence d'un nouveau type de myélite tuberculeuse primitive
(type parenchymateux subaigu) qui doit être rapproché du type
aigu étudié en 1886, par le professeur Raymond.
AI. Gilles DE la TOURETTE montre combien de tels cas prouvent
la réserve que l'on doit apporter dans les interventions chirur-
gicales dans ces cas de myélite, dite par compression et qui sou-
vent sont bel et bien des myélites tuberculeuses.
M. TOUCUE communique un cas de ramollissement de la région
SOCIÉTÉS SAVANTES. 85
temporale et rolandique avec dégénération totale du pied du
pédoncule et du faisceau pyramidal des deux côtés.
Deux cas de méralgie pareslhesique traités par résection du fémoro-
cutané. A. Chipa ult. Le fait de mésalgie paresthésique traité par
résection du fémoro-cutané que vous a présenté Souques, étant, je
crois, le seul existant jusqu'à présent, je crois intéressant de vous
présenter les deux faits inédits suivants, de même ordre :
1° Femme, cinquante et un ans; douleurs de la cuisse droite,
datant de deux ans, accompagnées de boiterie depuis le début de
1899. En mars, au repos, pas de douleurs; dès que la marche
commence, survient la crise méralgique, qui s'exaspère de plus en
plus et s'accompagne bientôt d'une boiterie, caractérisée par l'im-
mobilisation en légère flexion du membre inférieur que la malade
déploie avec le bassin, en s'aidant d'une béquille et d'une canne.
Hypoesthésie sur le territoire du fémoro-cutané. Le diagnostic
de rhumatisme déformant ayant été porté par plusieurs chirur-
giens, une radiographie est faite dont le résultat reste négatif.
Le 12 mars, résection du fémoro-cutané. A sa suite, anesthésie,
au lieu d'hyopesthésie. D'abord, les crises continuent avec cette
modification que les douleurs se disposent maintenant non plus
en plaque, mais en couronne, à la périphérie du territoire du
fémoro-cutané. Puis, en avril, l'amélioration se fait. Bientôt il n'y
a plus de boiterie, plus de crises que les jours d'orage, et encore
insignifiantes. En somme, résultat très satisfaisant ;
2° Homme trente-six ans, horticulteur, variqueux. Crises méral-
giques survenant lorsque le malade bêche, au bout d'un quart
d'heure, puis presque de suite. Hypoesthésie. Le 12 juillet, ré-
section du fémoro-cutané, qui se montre criblé de varicosités,
pleines de sang lorsque la cuisse est fléchie, vides lorsqu'elle est
étendue. D'abord continuation des crises, avec douleurs en cou-
ronne. Puis elles disparaissent peu à peu. Depuis la fin d'août, le
malade ne souffre plus : il lui semble seulement parfois, lorsqu'il
a bêché plusieurs heures, qu'on lui tiraille la peau à la partie anté-
rieure de la cuisse. Plaque d'anesthésie post-opératoire stationnaire.
Au point de vue pathogénique, je remarquerai l'état nettement
variqueux du nerf chez un de mes malades. Au point de vue théra-
peutique, la marche en deux étapes de la guérison : d'abord dis-
position en couronne des douleurs dans les crises post-opératoires;
puis, au bout d'un mois environ, leur disparition définitive.
Ces résultats sont encourageants et légitiment la résection du
fémoro-cutané, intervention insignifiante, dans les cas rebelles et
graves de méralgie paresthésique.
MAI. Marie et MARiKEsco communiquent six cas d'encéphalite
dont deux suppurés, avec dégénération de cellules géantes chro-
matolyse, lésions de la capsule interne, etc.
86 SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. Etienne de Nancy : un cas de purpura hystérique et un cas
d'ecchymoses spontanées chez un neurasthénique. Ce cas paraît
exceptionnel à M. Gilles de la Tourette qui fait observer que
M. Etienne lui-même dit dans sa communication que ce malade
s'était déjà montré sujet au purpura. La prochaine séance est
fixée au 11 janvier. F. BOISSIER.
SOCIÉTÉ D'IlYPiNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE.
Séance du 21 novembre 1899. Présidence de 111. Jules Voisin.
Ilyperhidr·ose abondante des mains guérie par l'hypnotisme.
,il. Albert Charpentier. Cette affection, assez rare, au moins
en tant que localisée à la seule région palmaire, arrive ai rendre
la vie sociale intolérable et résiste à tout traitement médicamen-
teux. Elle a cédé à la suggestion hypnotique chez un jeune homme
de vingt-deux ans qui souffrait de ce trouble depuis sept ans.
M. Paul FAREz. Je connais un cas analogue traité avec succès
par 11. Bérillon et par moi. Il s'agissait d'un élève du Conserva-
toire qui devait concourir en comédie. Affligé, lui aussi, d'hy-
perhidrose palmaire et obligé de prendre par la taille la jeune
fille qui lui donnait la réplique, il maculait régulièrement la robe
de cette dernière. L'hypnotisme eut raison de cette sudation exa-
gérée qui constitue, au premier chef, un phénomène émotif, au
même titre, par exemple, que le « trac ». Il existe une hyperhi-
drose émotive bien connue des dermatologistes : il la consultation
de l'hôpital Saint-Louis, les malades défilent tout nus devant le
personnel médical et ils suent tous abondamment des- aisselles.
C'est en vertu d'un même mécanisme que l'hypersécrétion sudo-
rale est provoquée par l'émotion, puis tarie par la suggestion :
ces deux facteurs, en effet, agissent comme modificateurs de la
vasomotricité. Et il y a là un nouvel argument en faveur de la
doctrine physiologique qui fait prévenir la sueur non pas des
glandes dites sudoripares, mais des bouquets papillaires. La sécré-
tion sudorale devient ainsi fonction de la vaso-constriction et de la
vaso-dilatation; tout ce qui modifie celles-ci modifie du même
coup la quantité de sueur secrétée.
L'hypnotisme en médecine infantile.
1\1'. VLAViANOS (d'Athènes) présente trois enfants qu'il a soignés,
par l'hypno-suggestion, le premier pour une chorée de Sydenham,
SOCIÉTÉS SAVANTES. 87
le deuxième pour un tic convulsif des yeux, du nez et de la bouche
sans coprolalie, le troisième pour un bégaiement nerveux ou labio-
phobie. Ce dernier malade, encore en cours de traitement, a déjà
été très amélioré; les deux premiers sont tout à fait guéris. Les
enfants sont très facilement hypnotisables; la suggestion les
guérit de leurs troubles nerveux, et, en outre, les rend plus dociles,
plus travailleurs, plus attentifs.
Fugues hystériques et métrorrhagies guéries par l'hypnotisme.' «
M. Jules VOISI ? Cette dame était sujette à des fugues hysté-
riques ; le matin, elle quittait son domicile et s'éloignait à cinq ou
six kilomètres pour revenir ensuite chez elle; il lui était impossible
de se rappeler ce qui venait de se passer, si ce n'est quand elle
était plongée dans le sommeil hypnotique. Ces fugues étaient l'é-
quivalent et comme l'ébauche de crises hystériques. Je fis à cette
malade, pendant l'hypnose, la suggestion que toutes les fois qu'elle
se sentirait poussée à faire une fugue, elle rentrerait immédiate-
ment chez elle, s'endormirait profondément, puis, après ce som-
meil se réveillerait seule tout il fait calme et bien portante. La
suggestion s'est toujours réalisée à la lettre, et cela depuis dix ans.
Dernièrement cette personne est venue me trouver pour des
métrorrhagies que j'ai pu faire disparaître par suggestion.
Hystérie et suggestion.
M. Berillon présente une jeune fille de seize ans qui a manifesté
divers troubles hystériques : tels que aménorrhée, crises convul-
sives, douleurs abdominales de pseudo-appendicite, perte de
connaissance, mutisme, hémianesthésie quatre fois alterne croisée,
impotence des membres inférieurs, vomissements, hoquet incoer-
cible, refus des aliments, paralysie du bras droit, cécité, photo-
phobie, etc. L'hypnotisme a fait disparaître tous ces symptômes ;
grâce il la suggestion, cette jeune fille est redevenue tout à fait bien
portante.
Des émotions gaies chez quelques animaux.
M. Albert Coutald lit une étude critique de psychologie com-
parée d'après les travaux de Godenius Rudolphus, Laurent Joubert,
Louis Vives, Léon Dumont, etc. Les animaux supérieurs manifes-
tent leur gaieté non seulement par des bonds, des appels de voix,
des caresses, des mouvements des membres ou de la queue, mais
encore par des contractions particulières de la face et des modifi-
cations de la physionomie; au contact de l'homme, l'animal a
affiné son émotivité et perfectionné ses moyens de plaire; ainsi,
des appétits préhistoriques ont évolué sous l'influence de la domes-
tication.
BIBLIOGRAPHIE.
1. Archives d'anthropologie criminelle, de psychologie normale et
pathologique. A. Lacessaguc et G. Tarde, directeurs; années 1898
et 1899 1.
1° Le mouvement de la criminalité en Russie (1874-1891); par
E. Tarnowsky. -Au total, il n'y a pas en Russie un mouvement
bien net d'ascension de la criminalité générale. Le nombre des
délits s'est accru, mais cet accroissement est probablement une
pure apparence en rapport seulement à des interventions plus
fréquentes des petits tribunaux. Mais si la criminalité générale est
restée presque stationnaire, certains crimes ont augmenté pendant
que d'autres diminuaient. Ainsi les attentats de toute nature
contre les personnes ont plus que doublé de 1874 à 1894, alors
qu'eu égard à l'augmentation de la population, les crimes contre
les propriétés ont diminué. Quelles sont les raisons de ce phéno-
mène assez particulier ? Les sources d'information dont a pu dis-
poser 111. Tarnowsky, sont à coup sûr très insuffisantes. Et sa
réponse à cette question reste obscure.
3° Le vagabondage en France; par Alex. Bérard, député de l'Ain.
- Le nombre des vagabonds a considérablement augmenté et
augmente d'une façon presque régulière, malgré des oscillations.
Les prévenus de vagabondage étaient en moyenne annuellement
2.910 de 1826 à 1830. Ils sont aujourd'hui tout près de 20.000
[19.971 en 1890 ; 17.887 en 1891 ; 19.723 en 1894]. Cette aug-
mentation est-elle due en partie à une répression plus exacte du
délit, à une police mieux faite, et à des moeurs de plus en plus
incompatibles avec l'état même de vagabondage ? C'est possible.
Mais des exemples récents tout à fait mémorables prouvent que le
vagabondage trouve encore dans notre pays des facilités extraor-
dinaires. Et nous savons que nos communes rurales ont eu de
plus en plus à souffrir de la présence ou du passage inquiétant des
chemineaux.
Il y a deux catégories principales de vagabonds : 1° Les roulot-
tiers qui vivent en famille autour d'une carriole et se répandent
dans les villages pour mendier, ou vendre de menus objets de leur
' Voir Archives de Neurologie, no 47, t. VIII, p. 426, 189).
BIBLIOGRAPHIE. 89
fabrication, paniers, meubles de jardin. Ils prélèvent un lourd
tribut sur les récoltes. le long des routes ; 2° Les chemineaux,
généralement d'anciens ouvriers qui ont d'abord cherché du tra-
vail et se sont fait embaucher de temps en temps, mais qui finis-
sent par s'abandonner à l'oisiveté de la vie nomade ? et ne vivent
plus guère que de vols et de mendicité. Il y a fréquemment chez
le chemineau un criminel latent. Eu 1890, 78 p. 100 des prévenus
récidivistes avaient d'abord été condamnés pour vagabondage.
AI. Bérard n'indique pas de remède bien précis contre le danger
social de l'accroissement du nombre des vagabonds, dont les
causes restent obscures. Et d'ailleurs, si les communes rurales ne
sont pas mises en état et en demeure de mieux garantir leur sécu-
rité, il n'y en a peut-être point. En Russie, c'est en foule que de
pauvres diables nomadisent, et pour mettre obstacle au goût du
vagabondage, on interdit au paysan de quitter son village sans la
permission de la police. Nous ne pouvons pas recourir à ce moyen.
Mais les vagabonds arrêtés pourraient être renvoyés dans leur
commune natale ou mis à la charge de celle-ci.
3° Vacher l'évenl¡'e1l¡'. Rapports de MM. Lacassagne, PIEI1nET,
HEBHTEL, Lannois, DES1'01'. - Il est inutile de refaire ici l'histo-
rique de l'épouvantable affaire Vacher dont les détails sont encore
présents à toutes les mémoires. On se rappelle aussi les conclusions
des experts : « Vacher n'est pas un épileptique, ce n'est pas un
impulsif. C'est un immoral violent, qui a été temporairement
atteint de délire mélancolique avec idées de persécution et de sui-
cide. Vacher est donc un criminel, il doit être considéré comme
responsable, cette responsabilité étant il peine atténuée par les
troubles psychiques antérieurs, »
Ces conclusions ont entraîné la mise à mort du misérable, sans
qu'aucune plainte, aucune surprise se soit manifestée. Mais elles
n'ont pas obtenu l'adhésion de tous les spécialistes. II est évident
que Vacher enfermé une première fois dans un asile d'aliénés,
aurait dû y être maintenu. Si je ne me trompe, d'après des infor-
mations plus complètes que celles jusqu'ici publiées, il aurait eu
un oncle épileptique.
4° Tempérament et délinquance. Etude statistique; par le D'' J.
M\RTY. Le diagnostic des tempéraments est bien imprécis, et la
recherche à laquelle s'est livré le D'' Marty, assez délicate par con-
séquent. Il a réuni dans cent observations de délinquants cotés
comme sanguins, autant d'observations de délinquants cotés comme
lymphatiques, 119 cotés comme nerveux, 20 comme bilieux,
200 comme lymphatiques sanguins, 171 comme lymphatiques ner-
veux, 200 comme nerveux sanguins. Et voici quelques-unes des
constatations auxquelles il est arrivé : Au point de vue de la préco-
cité. au premier rang se présenteraient les lymphatiques, et, loin
90 BIBLIOGRAPHIE.
en arrière, les derniers, les lymphatiques nerveux. Cela est-il bien
significatif ? N'est-ce pas un résultat accidentel ?
Les lymphatiques viennent au premier rang dans le délit de vaga-
bondage. Pour les crimes et délits contre les personnes, le tempé-
rament sanguin tient de beaucoup la tête. Et franchement on
pouvait en être certain d'avance d'après la définition même du
tempérament sanguin. Pour les attentats sans violence contre les
propriétés, les lymphatiques nerveux, l'emportent sur les sanguins,
mais de peu. Pour les habitudes d'ivresse, ce seraient les lympha-
tiques purs. Les lymphatiques nerveux y seraient les moins enclins
mais on ne voit guère en cela. une relation de cause à effet.
En dehors des délits en rapport avec des impulsions violentes
qui caractérisent les sauguins. il n'y a donc pas en somme de divi-
sion tranchée entre les délinquants des divers tempéraments. Et il
me semble bien impossible d'admettre par exemple que le tempé-
rament soit pour quelque chose dans les délits de chasse ou les
contraventions à la police des chemins de fer. Ces dernières con-
traventions se sont, parait-il, toutes rencontrées dans le tempera-
ment lymphatique. Mais elles ont été évidemment conditionnées
par toute autre chose que le tempérament. Elles ont pu l'être par
les professions des délinquants par exemple. Il est d'ailleurs ad-
missible que le tempérament ait été pour quelque chose dans le
choix de la profession. Mais il y a péril il rechercher, à affirmer
une relation directe entre les divers tempéraments et les divers
délits, si nombreux et subordonnés à tant d'influences purement
extérieures. '
En étudiant les délinquants militaires M. llarty a trouvé que les
sanguins sont les moins délictueux, les plus voleurs, les plus sou-
mis, que les nerveux sont les plus violents, les plus portés aux
attentats contre les personnes et les biens, les plus ivrognes, etc.
Toutes ces déterminations sont assez peu consistantes', et ne s'ac-
cordent pas toujours entre elles.
° De la docimasie hépatique; par LCASSAGNE et Etienne MARTtN.
Le glucose, produit dé' la digestion intestinale des aliments
hydrocarbonés, passe directement de l'intestin dans le foie. Celui-
ci, d'où vient le glucose qui fournit les trois quarts de la chaleur
musculaire, en régularise la proportion dans le sang. Il en arrête
l'excès. Et lorsque cette proportion s'abaisse au-dessous de 0 gr. 2
p. 100, au contraire, à l'aide de son ferment glycolitique, il
transforme une. partie de sa provision de glycogène en sucre et
compense la perte de l'organisme par un excédent de production.
Mais que cette perte continue, et il s'épuise. Le phénomène domi-
nant de l'agonie consisterait dans- cet épuisement. Le glycogène
est un témoin, peut-être un régulateur de la vie hépatique. Sans
glycogène, le foie n'arrête plus les poisons venus de l'intestin.
BIBLIOGRAPHIE. 91
Si l'on administre à un lapin une dose massive de poison, les
éléments nerveux sont sidérés et tous les organes s'arrêtent. Dans
le foie extirpé on retrouve alors les réserves de glycogène emma-
gasinées. Mais si on administre à un lapin une dose modérée de
phosphore ou d'arsenic, l'organisme lutte pied à pied et, pour cette
lutte, le ioic lance dans la circulation tout son glucose en réserve
sous forme de glycogène. Dans ce cas le foie extirpé après la mort
ne contient ni glycogène, ni glucose. Des constatations semblables
ont été faites sur l'homme. Le foie des suppliciés fut trouvé rem-
pli de matières sucrees. Celui de morts de maladie se montre au
contraire privé totalement de glucose et de glycogène.
Toutes les maladies, entraînant la mort par agonie, entraînent-
elles comme phénomène concomitant l'épuisement du foie en
matières sucrées ? Oui, répondent MM. Lacassagne et Etienne
Martin. En analysant la substance du foie d'un cadavre on peut
donc savoir si la mort a été violente et brusque ou si elle a été
précédée d'une lente agonie. Nos auteurs décrivent le manuel opé-
ratoire à suivre pour faire cette recherche. Et c'est cette recherche
qu'ils appellent docimasie hépatique. La docimasie hépatique per-
met de reconnaître si un mort-né a été tué ou s'il a succombé à
une affection.
Elle a permis d'établir que deux enfants morts subitement, sans
qu'aucun médecin les ait examinés, étaient morts cependant de
maladie, et non par suite d'un crime, comme on l'avait'soupçonné.
L'exemple le plus typique des services qu'elle peut rendre, est le
suivant : Un individu de trente ans reçoit dans l'abdomen un coup
de couteau. Amené à l'hôpital, il meurt au bout de trois jours.
L'autopsie dénota une blessure de l'épigastrique avec hémorragie
abondante dans la cavité péritonéale ; et de plus des signes de
péritonite récente. Le juge d'instruction demandait si la mort était
le fait de l'hémorragie ou de la maladie survenue consécutivement
L'examen du foie prouva qu'il renfermait une quantité assez consi-
dérable de glucose. La mort était donc le fait de l'hémorragie et
non de la maladie encore à son début.
Gaz Les- crimes contre la religion en Russie ; par E. Tarnowski. - z
Il y a en Russie des- crimes contre la religion qui chez nous n'en
sont heureusement pas ou n'existent même pas. La loi russe punit
les blasphèmes et injures ou simples railleries contre la religion,
images ou rites, l'irrévérence aux lieux saints indépendamment du
trouble de l'ordre dans les églises. De plus elle défend l'abjuration
de la foi et des règlements de l'orthodoxie. Elle impose les obser-
vances prescrites par celle-ci; elle interdit l'existence même de
sectes dissidentes, punit la propagande en leur faveur, et châtie
sévèrement toute conversion à une religion non chrétienne et
même tout abandon de l'orthodoxie en faveur d'une autre religion
92 ) ' BIBLIOGRAPHIE.
chrétienne, catholicisme ou protestantisme. Les crimes contre la
religion en Russie sont donc d'une criminalité spéciale en rapport
avec son état de civilisation et la très faible culture de ses popula-
tions. Ils ne sont pas très nombreux, puisque les condamnés pour
ces crimes n'entrent que dans la proportion de 3 p. 100, dans
l'ensemble des autres condamnés. Mais leur accroissement a été
considérable depuis 1887, s'élevant de 653 à 1230 en 1896. Et voici
comment se répartit cette augmentation entre les différentes caté-
gories de soi-disant crimes anti-religieux :
- 1 BIBLIOGRAPHIE. 93
dit encore \I. Tarnowski. » Ce n'est pas assurément parce qu'elle
est plus religieuse que la Russie. Au contraire, c'est parce qu'elle
l'est beaucoup moins. L'intolérance est la source des soi-disant
crimes contre la religion; ou elle donne ce caractère à des actes
indifférents et même à des actes qui sont de pures manifestations
de l'esprit religieux.
7° Les corrections corporelles en Russie ; par IL IneNhCL. On
commence à avoir honte en Russie des corrections corporelles.
Mais naguère elles y étaient partout usitées; « avec une intensité
certainement inconnue chez les peuples sauvages». Même dans les
familles nobles, même dans la famille impériale, on corrigeait les
enfants de la même manière que les serfs. « La Russie ieprésentait
une grande Ecole-écurie où le mot enseigner était remplacé par le
mot battre. » En 1858, on a flagellé, dans les onze hcées de l'Aca-
démie de Kiew SOI élèves sur 4.109, un septième, et dans le lycée
de Gitomir on en a flagellé 290 sur GOO, près de la moitié. Encore
en 1879, les brigands Bykow et Tchaïkim ont été condamnés, le
premier à 12.000, le second à 11.000 coups de cravache, à la mort
déguisée sous l'apparence d'une correction inapplicable du fait de
son énormité.
Un auteur russe, Pomialowski a décrit la vie qu'il a menée lui-
même dans un séminaire. Tous les jours on y fessait, tantôt cha-
que dixième, tantôt la moitié de la classe, pour les raisons les plus
futiles. Des professeurs s'acharnaient particulièrement sur ceux qui
par hasard échappaient à ces corrections d'ensemble. L'auteur
lui-même a reçu la fessée quatre cents fois, et jusqu'à quatre fois
dans la même journée.
Aujourd'hui, dans l'armée, les soldats, en dehors de ceux privi-
légiés par leur naissance, deviennent disciplinaires pour la faute
la plus légère, et dès lors, ils peuvent être condamnés aux verges
par le commandant de leur compagnie. Ceux qui sont envoyés dans
les compagnies de discipline y sont particulièrement exposés. Ces
condamnations tendraient seulement à diminuer depuis 1875, car
elles seraient descendues ( ? ) de 2.133 à 3t8 en 1893. Tous les
paysans peuvent être condamnés aux verges par les tribunaux
ruraux, sauf ratification par le sous-préfet. De sorte que dans les
pays de conquêtes, les sujets, les vaincus, ont ce spectacle de leurs
vainqueurs fouettés en public sur l'ordre de leurs chefs. Les cor-
rections illégales infligées sans jugement par des administrateurs,
ne se comptent pas.
Dans les prisons, les corrections par le fouet ont un caractère
particulièrement atroce. Le patient est couché sur le ventre, les
bras liés autour du banc sur lequel on l'étend, et il est frappé sur
les reins avec le plel', knout fait d'une tresse de cuir, large de trois
doigts et qui se termine par trois bouts de lanière libres. Un méde-
94 FAITS DIVERS. ,
cin qui a assisté à l'une de ces exécutions à l'ile Sakhaline, s'ex-
prime ainsi au sujet du patient : « Prokhorow avait les cheveux
collés au front par la sueur, le cou gonflé.' Déjà après 6 à 10 coups
de plet', le corps couvert de cicatrices par les punitions précédentes,
rougit, devient bleuâtre ; l'épiderme éclate à chaque coup. Après
20 à 30 coups, Prokhorow marmotte comme un homme ivre ou
délirant : « Je suis un homme malheureux, je suis mort. Pouiquoi
me punit-on ' ? Puis c'est un cri continu, terrible, un bruit de
vomissement; Prokhorow ne dit plus rien, mais mugit et râle ;
depuis le commencement de la peine s'est écoulé, croirait-on, une
éternité, mais le surveillant ne crie que : quarante-deux, quarante-
trois. C'est loin des quatre-vingt-dix coups prononcés par la puni-
tion. Je sors... Enfin, quatre-vingt-dix. On détache rapidement les
mains et les. pieds et on aide Prokhorow il se mettre debout. La
région sur laquelle on a frappé est toute bleue d'ecchymoses et
laisse couler le sang. Les dents claquent, le visage est jaune, humide,
les yeux hagards... Quand on lui donne des gouttes, il mord
convulsivement le verre... On lui mouille la tête et on l'em-
mène... »
Maigre les protestations réitérées des médecins, rien n'a pu
jusqu'à présent faire abandonner ces pratiques barbares. niais
l'administration russe a de plus en plus de peine à trouver des
brutes assez cupides ou assez féroces pour faire le métier de bour-
reau.
8° Monographie d'un jury d'assises; par Maurice Ajam. Le jury
d'assises en question est celui de la Sarthe, que AI0 Ajam a pu
étudier de très près puisqu'il a plaidé longtemps et souvent devant
lui. Il n'en dit pas que du bien. Mais il se tient aux nécessités pra-
tiques, et fait une large part au bon sens, bien que le sens, dit
commun ne soit pas toujours le meilleur, le plus fin, le plus
relevé. De sorte qu'il aboutit au bout du compte, à la défense for-
melle du jury, sur cette observation topique, que les défenseurs
d'assises ont pratiquement établi que, dans un jury, l'intelligence
était une quantité négligeable. » Z.\IJ0ROWSKI.
FAITS DIVERS.
Asiles d'aliénés. - Nominations et promotions. - M. MEKGA-
DusQur, ancien préfet, nommé directeur de l'asile d'aliénés (châ-
teau Picon), en remplacement de M. Calès, décédé; - M. le
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 95
D1' .MO : 'lEsm : R, médecin adjoint à l'asile public d'aliénés d'Aix, pro-
mu à la classe exceptionnelle du cadre; - 11. le Dr COULOG. mé-
decin adjoint à l'asile public d'aliénés de Clermont, promu a la
1 rye classe du cadre ; - AI. le D' Tenade, médecin en chef de l'asile
de Leymé (Lot) (admissible au concours de Bordeaux. 1896), nommé
médecin adjoint à l'asile de Lafond (Charente-Inférieure), en rem-
placement du D' MAHOX, nommé médecin en chef préposé respon-
sable du quartier d'aliénés de l'hospice d'Agen ; - ici. CLÈRE
(Gabriel), ancien sous-préfet, nommé directeur de l'asile public
d'aliénés de Sainte-Catherine-Izerne (Moulins, Allier). (Novembre.)
- ici. le D' Pichenot, médecin en chef à Montdevergues (Vaucluse),
promu à la 1 ? classe du cadre; 11. le D' Join-Ni IC, docteur-méde-
cin à Atencon, promu à la 2° classe du cadre. (Décembre.)
Asile DE Villejuie (tramway Chatelet-Villejuif). Service de
M. Toulouse. Le mercredi à 9 h. 1/2 visite du service. Conférences
cliniques au lit des malades.
Suicide d'enfant. - A la suite d'une faute légère, Louis .Mignon,
huit ans, 0, impasse de l'Avenir, à Paris, était envoyé en pénitence
dans sa chambre, par sa belle-mère. Une heure plus tard, on
pénétrait dans sa chambre où l'on -trouva le cadavre du pauvre
petit qui se balançait dans le vide, suspendu par une cordelette à
un clou du plafond (L' Indicateur de Cognac, 10 novembre).
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
FI : RI; (Ch.). - L'instinct sexuel. Evolution el dissolu ! ion. Volume
i ? 18 cartonné de 346 pages. - Prix : 4 Irdncs.-Yaris,15J9.-Libracrie
F. Alcan.
Grasset et Gibert. - La dissociation dite syritxgomyélique des sensi-
bilités. Brochure in-8u de -47 pages. MontpeHn'r, 1S99. Imprimerie
Boeiiin.
Guerrini (G.). Sur une question de priorité. Brochure ici-8- de
3 pages. - Bologne. 1S9S. lixtrnit de l'dtnalomischer Anzeiger.
Guerrini (G.). Dell' azione délia (atica sulla slrttllurct délie cellule
nervose délia co<'/ecct'ff. Brochure in-8» de 2 pages. - Palermo, 1999.
Extrait de la lliforma medica.
Jahresberichl ùbei, die leislungen und fortschrilte au( dem gebiele
der Neurolooie und Psychiatrie. Deuxième année, 1898. - Volume
il'-SI de 1400 pages. - Prix : 10 francs. Berlin, 1899. Librairie
Harger.
Kodet (V.). - Les agnoscies; la cécité psychique en particulier. -
96 avis. ,
Volume in-8° de 220 pages. - Prix : 4 francs. - Paris, 1899.- Librairie
F. Alcan.
The Johns Ilospilal /ippo< ? Nous venons de recevoir du mine VIII,
en un seul fascicule les nos 1-2. Ce fascicule torme un volume de 151 pages,
illustré de figures. - Ce journal est publié par l'Etat de Baltimore (États-
Unis).
Viunte Ois y ESQUEHDO. - Ilislerismo e ! )'ecc;on. - Brochure in-8"
de 24 pages.- Madrid, 1899.- l1evisla de Medicintt y cirugia p ? aclicas.
AVIS A NOS COLLABORATEURS. - Nous prions
instamment nos collaborateurs de bien vouloir nous ren-
voyer, dans un délai de trois jours, leurs épreuves corrigées
et de toujours nous les adresser 14, rue des Carmes.
AVIS A NOS ABONNÉS.- L'échéance du ICI' JANVIER
étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions
instamment nos souscripteurs dont l'abonnement cesse à
cette date, de nous envoyer le plies tôt possible le montant
de leur renouvellement. Ils pourront nous adresser ce
montant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur
localité, qui leur remettra un reçu de la somme versée.
Nous prenons il. notre charge les frais de 3 p. 100 prélevés
par la poste, et nos abonnés n'ont rien à payer en sus du
prix de leur renouvellement.
Nous leur rappelons que, à moins d'avis contraire, la
quittance de réabonnement leur sera présentée, aug-
mentée des frais de recouvrement, il. partir de
ce jour. Nous les engageons donc il. nous envoyer DE
SUITE leur renouvellement par un mandat-poste.
Afin d'éviter toute erreur, nous prions également nos
abonnés de joindre à leur lettre de réabonnement et à toutes
leurs réclamations la BANDE de leur journal.
- Nous rappelons il. nos lecteurs que l'abonnement collec-
tif des Archives de Neurologie et dit Progres Médical
est réduit il. 30 francs pour la France et l'Etranger.
- Jusqu'au 31 décembre, la COLLECTION COMPLÈTE
des Archives de Neurologie sera livrée il. nos nouveaux
abonnés au prix de cent vingt francs, y compris l'abon-
nement de 1899. - ri partir du ICI' janvier 1900 le prix de
la collection complète (18S0-'1Sg9) sera porté il. CENT CIN-
QUANTE francs.
Le rédacteur-gérant : Bourneville
livrew, Ch. Ilémssev, imp. - 1-9J.
Vol. IX. Février 1900. N° 50
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
PATHOLOGIE NERVEUSE.
Des troubles psychiques dans la chorée
dégénérative
(Chorée héréditaire, chorée de Huntington ') ;
Par le D' P. L.1D.1JIC (de Genève).
On n'est pas d'accord sur la signification nosographique
qu'il convient de donner à la chorée de Huntington. Les uns
avec Charcot, Huet et Jolly font rentrer cette affection dans
les « chorées chroniques » ; les antres avec Lannois, .\Ioebius
et Wollenberg en font une maladie spéciale, distincte, nette-
ment caractérisée, qui forme une espèce clinique à part dans
le groupe des chorées. Avant de traiter la symptomatologie
des troubles psychiques dans la chorée dégénérative, il est
donc nécessaire de se demander de quelle affection on entend
parler. Il est évident que si l'on fait rentrer dans cette
rubrique tous les cas de chorée chronique, le tableau symp-
tomatologique sera singulièrement étendu, au point que l'on
risquerait alors de passer en revue la pathologie mentale tout
entière. Nous pensons en conséquence qu'il faut se restreindre
aux cas typiques de la maladie, et n'accepler qu'avec une
grande réserve les nombreuses observations plus ou moins
' Ce travail a fait l'objet d'une communication à la Société des méde-
cins aliénistes suisses réunis à Lugano, le 22 septembre 1899, et les pièces
anatomiques ont été présentées à la Société médicale de Genève, le
4 octobre 1899.
Archives, 21 série, t. IX. 7
98 PATHOLOGIE NERVEUSE.
similaires qui appartiennent aux formes de transition ou
aux formes frustes, et qu'on voudrait y ajouter. Celte règle
doit être appliquée à plus forte raison pour les névroses et
les psychoses dont l'anatomie pathologique est à peine ébau-
chée, comme c'est le cas pour la chorée dégénéralive.
Nous prendrons donc pour base de notre élude les seules
observations qui répondent au type connu depuis la descrip-
tion de Huntington en 18 vil-), et qui présentent les trois carac-
tères suivants : 1° La maladie est héréditaire. Il ya des familles
entières de choréiques, chez lesquels s'ajoutent toujours un
élément nerveux. Lorsqu'une génération est épargnée, la
chorée ne se reproduit plus dans les générations suivantes ;
2° La chorée débute de la .manière ordinaire ; elle atteint
ensuite les degrés les plus élevés et conduit le plus souvent
aux troubles psychiques, avec impulsions fréquentes au sui-
cide, et lentement enfin à la mort, sans qu'on ait jamais observé
une guérison ; 3° L'affection ne débute jamais dans la jeu-
nesse ; le plus souvent entre trente et quarante ans, rarement
au delà de cet âge. Elle atteint également les deux sexes.
Huntington croyait que la maladie était particulière à
Long-Island (Etals-Unis) où son père et son grand-père, qui
étaient aussi médecins, l'avaient déjà observée dans certaines
familles.
Les observations subséquentes ont montré que l'on devait
modifier certains termes de sa définition, spécialement t
quant aux conditions héréditaires, à la nature du trouble
mental et à l'époque de l'apparition de la maladie. Mais les
traits fondamentaux posés par Huntington restent intacts, et
il est nécessaire de ne pas trop s'en éloigner si l'on veut s'en
tenir au type primitif et ne pas se perdre dans le dédale des
chorées chroniques.
En déblayant ainsi le terrain de tout ce qui l'encombre,
nous limitons nettement le champ de cette étude, et nous
écartons d'emblée tous les éléments qui seraient de nature à
troubler le tableau symptomatologique, déjà suffisamment
compliqué, des troubles psychiques dans la chorée hérédi-
taire dégénérative. Nous retrouvons les caractères tracés par
Huntington dans l'observation suivante qui offre à plusieurs
égards un type remarquable et très net de chorée dégéné-
rative. J'ai pu suivre l'observation de ce malade pendant
quatre ans environ et j'en ai fait récemment l'autopsie.
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Chorée DÉGÉN8f\ATIVE (DE HUNTINGTON n
Famille B...
100 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Alfred B... est mort à cinquante ans, après avoir souffert de
chorée pendant quinze ans. C'est à l'âge de trente-cinq ans, en
effet, que remonte Je début de sa maladie, qui se fit d'une façon
insidieuse et sans cause apparente.
.,lntécé lents héréditaires (voir le tableau ci-contre). - Sa tare
héréditaire, est très chargée. Nous possédons des renseignements
sur quatre générations.
Première génération. La grand'mère paternelle est morte
choréique, après bien des années de maladie. Il y avait plusieurs
cas d'épilepsie dans sa famille.
Deuxième génération. - Le père était paysan. Il mourut cho-
réique et paralysé à cinquante-deux ans, après avoir été dix ans
sans pouvoir travailler. Il avait cinq frères et une soeur, oncles et
tante de notre malade.
Le frère aîné mort choérique à soixante-quinze ans célibataire.
Le second, mort il cinquante-cinq ans choréique, alcoolique,
interné dans un asile d'aliénés. Un troisième imbécile, sur lequel
je n'ai pu avoir de renseignements. -
Les deux autres, non choréiques, mariés, sont morls jeunes,
c'est-à-dire avant l'âge où apparaît habituellement la chorée. Le
premier sans enfants, le second a eu un enfant névropathe. La
tante a été, m'a-t-on dit, choréique pendant trente ans, elle est
morte octogénaire.
Quant à la mère de notre malade, elle est morte à quatre-vingt-
deux ans d'un catarrhe bronchique.
Troisième et quatrième générations. Notre malade, marié,
choréique, sans enfants, avait trois frères et quatre soeurs.
Un seul frère choréique, âgé aujourd'hui de cinquante-cinq ans,
a dû se divorcer, par suite de violences qu'il exerçait sur sa
femme. Il s'est remarié et se porte à des voies de fait sur sa
seconde femme, plus résignée que la première. De celle-ci il eut
un fils, maintenant âgé de vingt-neuf ans, qui est un alcoolique
dangereux, querelleur et violent. Pas d'enfants de sa seconde
femme. Les deux autres frères de notre malade sont morts jeunes,
l'un à vingt-trois ans, l'autre à trente ans, c'est-à-dire avant l'âge
ou la chorée héréditaire se déclare ordinairement. Le second,
marié, a une fille atteinte d'hémiplégie cérébrale infantile.
Parmi les quatre soeurs, deux sont choréiques et démentes,
l'une âgée de cinquante-deux ans est internée dans un asile d'alié-
nés. Elle eut six enfants, dont quatre sont morts en bas âge
d'affections cérébrales (méningites ? ) ; une fille (bye enfant) morte
subitement à vingt-trois ans dans un accès d'épilepsie. Il ne lui
reste donc qu'une seule fille, âgée de quinze ans, idiote et para-
lysée. La seconde soeur choréique et démente a eu une seule fille,
imbécile, devenue folle, actuellement internée dans une maison
de santé.
TROUBLES PSYCHIQUES DANS LA CHOREE DÉSÉNÉRAT1VË. 101
La soeur aînée, non choréique, âgée actuellement de soixante-
cinq ans, célibataire, sourde, borgne et imbécile. La seconde
soeur, non choréique aussi, âgée de soixante-trois ans, est imbé-
cile, d'un caractère difficile. Elle a une fille de trente-cinq ans,
epileptique, aliénée, internée depuis l'âge de vingt ans, et nn fils
de quarante aus qui est marié et qui a un fils de dix-huit ans, sur
lequel je n'ai point de renseignements.
Nous voyons que dans la quatrième génération, il n'est pas
encore question de choréiques, aucun des enfants n'ayant atteint
- l'âge fatal. Mais nous constatons que la plupart d'enlre eux sont
frappés de graves infirmités, causées par des affections organiques
congénitales des centres nerveux, idiotie, paralysie, épilepsie, hémi-
plégie cérébrale infantile.
A propos des circonstances héréditaires dans la chorée de
Huntington, je rappellerai, sans y insister, la discussion qui
a été soulevée au sujet de l'importance de l'hérédité directe,
similaire dans cette maladie, par opposition à l'hérédité psy-
chopathique et neuropathique générale, polymorphe, hérédité
de transformation, qui serait la règle dans la chorée vulgaire
de Sydenham. Je me bornerai à faire remarquer que dans
notre cas les sources héréditaires pathologiques sont de deux
ordres.
On rencontre en effet, à l'origine, dans la famille de l'aïeule,
concurremment avec la chorée dégénérative, le haut mal,
l'épilepsie, dont plusieurs auteurs, Hoffmann, lluet, Jolly,
Remak, Wille, ont déjà signalé l'étroite parenté avec la cho-
rée de Iluntington. C'est sans doute à la gravité de cette
complication pathologique héréditaire qu'est due la dégéné-
rescence rapide et irrémédiable de la famille de noire
malade.
Antécédents personnels. - Alfred 13... était en très bas âge lors
de la mort de son père. il fut toujours chétif et très nerveux. Il
marcha assez tard et tombait souvent; il a toujours été très mala-
droit de ses mains. Vers l'âge de sept ans il eut des crises ner-
veuses convulsives lorsqu'on le contrariait. A l'école son dévelop-
tement se fit assez bien, quoiqu'il fut toujours un enfant arriéré.
11 a parlé tiès tard et il apprit péniblement à écrire. Son carac-
tère était irritable, susceptible; ses colères soudaines et violentes.
Son intelligence plutôt vive, sa mémoire excellente. Son humeur
a toujours été capricieuse et instable.
Il lit un apprentissage de coiffeur, mais il s'énervait lorsqu'il
fallait raser les clients ou couper les cheveux. Il dut abandonner
102 PATHOLOGIE NERVEUSE.
complètement le rasoir et les ciseaux à l'âge de vingt-quatre ans.
Dès qu'il entreprenait un travail exigeant une attention soutenue,
il était vite énervé. Il n'apprit jamais bien à calculer et n'aimait
point la lecture. On ne signale pas de graves maladies infectieuses
pendant son enfance. En particulier il n'eut jamais d'accès de
chorée vulgaire.
Il était sujet depuis son adolescence à des accès de migraines
épouvantables et restait alors vingt-quatre heures an repos absolu
dans une chambre obscure, avec des vomissements violents et
des douleurs de tète intolérables. Ces accès revenaient périodi-
quement deux fois par mois. C'était peut-être des équivalents
d'accès épileptiques ? Ils étaient souvent provoqués par des causes
morales, des ennuis. Le malade s'énervait facilement, il recevait
très mal les clients. Il dut cesser complètement de coiffer à l'âge
de trente et un ans. Ses migraines cessèrent peu d'années après
son mariage, au moment où les premiers symptômes de sa mala-
die actuelle se déclarèrent. Avec la disparition des migraines les
facultés intellectuelles commencèrent à baisser, la mémoire à dimi-
nuer rapidement. A cette époque il eut pendant six mois des crises
singulières de toux nerveuse qui se répétaient périodiquement tous
les soirs à la même heure et duraient trois à quatre heures chaque
nuit.
Jamais il n'eut de période de tristesse ni de mélancolie au
début de sa maladie. Il était d'un caractère plutôt gai, jovial, mais
ne supportait aucun souci, aucun ennui.
Marié à trente-deux ans, il n'eut jamais d'enfants. Sa femme
qui m'a fourni la plupart des renseignements ci-dessus, affirme
qu'au début de son mariage son mari avait des rapports sexuels
normaux avec elle, mais que tôt après il manifesta des propen-
sions contre nature et qu'il se mettait dans des colères terribles
lorsqu'elle refusait de se prêter à ces rapports avilissants.
Elle en avait peur. Il l'a souvent menacée avec un couteau. Sa
maladie débuta trois ans environ après son mariage, sans qu'on
puisse bien en préciser la date. Il avait des mouvements nerveux,
faisait des grimaces et devenait de plus en plus susceptible et
colérique. Peu à peu les mouvements choréiques se générali-
sèrent et les crises d'excitation mentale devinrent plus fréquentes
et plus violentes. L'aggravation des symptômes s'est manifestée
surtout depuis l'âge de trente-huit ans; dès lors la maladie a
suivi une marche progressive, mais elle s'est soudain considéra-
blement aggravée il y a cinq ans, à la suite d'une cure d'eau
froide à la Kneipp, qui le rendait tout à fait fou, à ce que raconte '
sa femme, encore très émue à ce souvenir. C'est après cette cure
qu'on remarqua surtout la diminution sensible de sa mémoire.
Symptômes cliniques. Status en novembre 1897. Le malade
d'apparence chétive, âgé de quarante-huit ans, est de petite taille
TROUBLES PSYCHIQUES DANS LA CHORÉE DÉGÉNERATIVE. 103
amaigri. Il ne pèse que 48 kg. 500. Je n'ai pas l'intention de
décrire avec détails les mouvements desordonnés et incessants
dont il est agité. Qu'il me suffise de dire que ce sont des mouve-
ments choréiqnes généralisés de la tête, du tronc, de la face et
des membres; des grimaces, des contorsions, des secousses
variées et inattendues. Comme beaucoup d'auteurs, ',j'ai observé
que, contrairement à ce que prétendait lIunlington, les mouve-
ments n'atteignaient pas les degrés les plus élevés, mais étaient
plutôt moins vifs et moins brusques que dans la chorée vulgaire.
La parole très difficile, entrecoupée par les mouvements incoor-
donnés de la bouche et de la langue. Le malade répond très len-
tement, et par saccades, aux questions qui lui sont posées. Il
tire la langue droite, mais ne peut la maintenir tranquille hors
de la bouche; elle se meut dans tous les sens, entre et sort plu-
sieurs fois de la bouche, même après qu'on lui a dit de cesser de
la tirer. Pas de mouvements fibrillaires. Les mouvements des
yeux sont normaux.
La démarche du malade est très gênée, comme ébrieuse. Il fait
deux ou trois pas avec des contorsions de tronc, puis soudain une
jambe frappe le sol et s'arrête, menaçant de le faire tomber.
On a souvent dit qu'un des caractères distinctifs de la cho-
rée de IIuntington consistait dans la suspension que la volonté
du malade pouvait momentanément exercer sur les mouve-
ments involontaires, qui s'exagèrent au contraire par l'effet
de la même cause dans la chorée vulgaire. Ce caractère n'a
pas d'importance à notre avis. Le malade avait bien la faculté
de réprimer jusqu'à un certain point et pendant un court
instant les mouvements choréiques, surtout lorsqu'on lui com-
mandait des mouvements intentionnels (donner la main, et
lorsqu'il était tout à fait calme, prendre un objet, marcher
deux ou trois pas, etc.), mais il n'en était pas toujours ainsi
et nous ne pouvons attribuer à ce symptôme la valeur d'un
caractère diagnostique différentiel, d'autant plus qu'on l'ob-
serve aussi dans certains cas de chorée de Sydenham.
Les émotions morales, la présence d'autres personnes, la
honte de se sentir observé, le sentiment du ridicule dans la
rue, quand les enfants couraient après lui comme après un
ivrogne, en se moquant, tout ce qui était de nature à provo-
quer de l'excitation mentale augmentait considérablement
les mouvements choréiques. Ces mouvements cessaient com-
plètement pendant le sommeil. Ils ont persisté, en s'affaiblis-
sant dans le cours des dernières semaines jusqu'à la veille de
la mort.
104 PATHOLOGIE NERVEUSE.
L'écriture devenait de plus en plus difficile (lig. 1, 2, 3). Il
s'enfermait seul dans une chambre pendant des heures pour
copier péniblement une page d'écriture. A la fin Alfred B...
ne pouvait plus donner que sa signature avec beaucoup de
peine, mais elle resta toujours lisible. De même la parole fut
de plus en plus embarrassée et indistincte. Le malade ne put
prononcer aucune parole pendant les quinze derniers jours
de sa vie. Son intelligence était toutefois conservée et il mon-
trait par ses gestes qu'il avait bien compris les questions qui
lui avaient été posées et auxquelles il lui était impossible de
répondre.
Il souffrait depuis longtemps de troubles ataxiques de la
déglutition. Le malade mangeait très gloutonnement. Six
mois avant son décès il ne pouvait plus manger seul. Sa
femme était obligée de le nourrir, mais il était alors d'une
impatience extrême et se précipitait souvent sur la nourri-
ture avant qu'elle soit mise en menus morceaux. Il avalait de
l'ig. 4. - Spécimen de l'écriture du 9 mai 1881.
Fig. 2. Spécimen de l'écriture du 5 février 1895.
TROUBLES PSYCHIQUES DANS LA CHORÉE DEGÉNÉRATIVE. IOJ
travers et, à maintes reprises, sa femme dut aller chercher
au fond de sa gorge les bouchées qui le suffoquaient. Il risqua
plusieurs fois de s'étouffer comme cela est arrivé pour un des
malades de Facklam, et dans un cas rapporté par Osier.
Les troubles de la déglutition s'aggravèrent beaucoup pen-
dant les derniers jours de sa maladie, quand la paralysie des
musclcs du pharynx vint s'ajouter à l'ataxie des mouvements.
Les réflexes patellaires étaient très exagérés. Quand on tapait
sur le tendon du rotulien le malade avait des soubresauts de
tout le corps. Pas de clonus de pied.
. Pendant les derniers six mois de son existence le malade
ne pouvait pas non plus s'habiller seul. Sa femme était obli-
gée de lui passer tous ses vêtements et comme il ne voulait
pas paraître avoir besoin d'une aide, cette corvée journalière
n'était pas une mince affaire ; d'autant plus que le malade
s'emportait au moindre prétexte, et abreuvait sa compagne
d'invectives et de menaces. Ceci nous amène au coeur même
de notre sujet, à la description des troubles psychiques.
Notons encore que le malade n'offrait aucun trouble de la
sensibilité et que l'exploration des organes de la poitrine et
de l'abdomen ne permettait de découvrir aucun signe patho-
logique dans les viscères de ces cavités. Le malade eut toujours
un gros appétit et un excellent sommeil, ce qui ne l'empêchait
pas de maigrir. Pour le repas du soir il exigeait ordinaire-
ment qu'on lui servît des omelettes de huit oeufs !
Symptômes psychiques. Le malade qui avait toujours
été d'un caractère difficile devint de plus en plus susceptible,
impatient et irritable, très exigeant et capricieux. Il faisait
Fin. 3
106 1 PATHOLOGIE NERVEUSE.
des scènes de violences pour un rien et sa femme en était
terrifiée. Il entrait dans des accès furieux, s'agitant, se
démenant, vociférant, sans pouvoir prononcer un mot, et
menaçant de tuer sa femme; il s'emparait de tout ce qui lui
tombait sous la main pour le lui lancer à la figure. Maintes
fois, comme nous l'avons dit, il la menaça avec un couteau.
C'est alors qu'il menaçait aussi de se suicider. Il partit brus-
quement un soir qu'il s'était fâché pour une vétille à son sou-
per, en disant qu'il allait se jeter au Rhône. Comme il ne
rentrait pas sa femme fut dans l'angoisse une grande partie
de la nuit. Un voisin qui était allé à sa recherche, le trouva,
non loin de son domicile, assis dans un coin sombre, d'où il
pouvait surveiller sa maison, et le ramena chez lui à deux
heures du matin. Une autre fois il se tenait au bord d'une
fenêtre ouverte disant qu'il en avait assez de la vie et qu'il
allait se précipiter dans la rue. L'aurait-il fait, comme le croit
fermement sa femme, si elle ne l'en avait pas empêché ? Quoi
qu'il en soit, les occasions de s'ôter la vie ne lui ont jamais
manqué, mais je me suis assuré que jamais il n'a fait une
véritable tentative de suicide.
Le malade n'a jamais eu d'hallucinations ni d'idées déli-
rantes d'aucune sorte. Pas d'accès de mélancolie proprement
dite, bien qu'il fût loin de se résigner et d'accepter philoso-
phiquement sa maladie. Tout au contraire il s'en exaspérait
et ne trouvait d'autre apaisement à sa rage que dans une
occupation manuelle enfantine qui lui donnait l'illusion d'être
de quelque utilité. Sa femme, qui était coiffeuse, lui confiait
des démêlures de cheveux à trier ; il faisait cet ouvrage avec
lenteur et maladresse, et s'y piquait souvent les doigts ; mais
il avait le sentiment d'accomplir un travail utile et cela le
calmait momentanément.
On remarqua un affaiblissement graduel de son intelligence
qui n'aboutit cependant pas à la démence complète. La luci-
dité d'esprit était conservée, sauf peut-être dans ses accès de
fureur, où le malade ne voulait rien entendre. Son caractère
devenait de plus en plus enfantin ; son humeur était désa-
gréable et capricieuse. Le malade avait les exigences d'un
enfant gâté, ses mouvements de colère étaient puérils; il était
devenu boudeur, grognon, récalcitrant, timide devant les
étrangers, insupportable dans son intérieur.
Il n'avait pas d'accès de jalousie contre sa femme, qui du
TROUBLES PSYCHIQUES DANS LA CHORÉE DÉGÉNÉRATIVE. 107
reste l'a entouré de soins jusqu'à son dernier jour et s'est
entièrement sacrifiée à lui, avec un dévouement et une abné-
gation rares. Mais il était jaloux de son travail ; il ne pouvait
supporter de la voir active et travailleuse, alors qu'il se sen-
tait impotent et inutile. Cette situation réciproque donna
souvent lieu à des scènes pénibles entre les époux. A la fin,
de guerre lasse, elle cessa complètement son petit commerce et
ferma son magasin pour avoir la paix; elle se consacra dès
lors entièrement aux soins qu'exigeait la maladie de son mari.
Pendant les dernières semaines, le malade ne pouvait plus
sortir de son lit; il s'affaiblit graduellement; ses mouvements
choréiques diminuaient de plus en plus et s'arrêtèrent même
complètement le dernier jour de sa vie. Les membres inertes,
retombent complètement paralysés lorsqu'on les soulève. Le
malade ne peut plus avaler ; son pouls s'affaiblit progressi-
vement et finit par disparaître; la respiration, sans râle ni
rythme intermittent, devient de plus en plus superficielle. Le
malade se cyanose et se refroidit; il s'éteint sans sueurs ni
convulsions le 4 juillet 1899 à sept heures du soir. Nous
dirons plus loin les résultats de l'autopsie.
En nous basant sur cette observation et en la comparant avec
celles, de plus en plus nombreuses, qui ont été publiées pen-
dant ces dernières années, nous essayerons d'esquisser la
symptomatologie psychique de la chorée héréditaire dégéné-
rative, telle qu'elle nous apparaît aujourd'hui.
Nous nous occuperons d'abord des troubles psychiques
élémentaires qui s'observent dans la chorée de Huntington,
avant de discuter la question de savoir si ces troubles carac-
térisent une forme déterminée de psychose spéciale à cette
maladie.
Les premiers auteurs qui étudièrent les troubles mentaux
des choréiques en général, Rilliet et Barthez, Watson, 'Vun-
derlich, Romberg, Arndt, et beaucoup d'autres à leur suite,
ont signalé l'irritabilité du caractère comme un des signes les
plus habituels de la chorée. Ce trouble psychique élémentaire
est mentionné dans la très grande majorité des cas de chorée
de Huntington, où il atteint même un degré extraordinaire.
Il ne manque peut-être jamais à une certaine période de la
maladie, à moins d'une déchéance précoce profonde des
facultés intellectuelles. En tout cas il forme, à notre avis, le
') 08 ' - PATHOLOGIE NERVEUSE.
trait essentiel et fondamental de l'état psychique des malades
atteints de chorée héréditaire. C'est lui qui marque souvent
le début de la maladie et qui domine ensuite le tableau symp-
tomalologique. Il s'allie communément à l'affaiblissement t
progressif des facultés mentales, comme nous le dirons tout t
à l'heure, et constitue avec ce dernier, dont il n'est en réalité
qu'une des manifestations, le syndrome caractéristique de la
« psychose choréique dégénérative progressive ».
Notre malade, qui représentait un type très pur de chorée
de Huntington, offrait ce trouble du caractère au plus haut
degré. Nous avons vu à quel point il était irritable, suscep-
tible, irascible ; ses emportements, ses colères allaient sou-
vent jusqu'à la fureur. Ses menaces, ses vociférations et ses
gesticulations caractérisaient de véritables accès maniaques,
comme on en a fréquemment noté dans la chorée aiguë.
Si j'insiste sur ce symptôme de l'irritabilité du caractère
chez les choréiques héréditaires, c'est qu'il me paraît très
important aussi à un autre point de vue. Je crois qu'il va nous
donner la clef d'une contradiction que j'ai remarquée entre
l'opinion générale des auteurs, au sujet de la fréquence du
suicide dans la chorée de Uuntington, et la réalité des
faits.
' Depuis que Huntington a affirmé que ces malades avaient
des impulsions fréquentes au suicide, presque tous les auteurs
répètent à l'envi cette affirmation. Or, mon malade n'avait
jamais fait de tentative de suicide, bien qu'il ait souvent
menacé de se détruire dans ses accès d'emportement contre
sa femme. J'ai voulu rechercher dans la littérature médicale
si les suicides et les tentatives de suicide étaient vraiment
aussi fréquents qu'on le disait, et j'ai dû me convaincre qu'il
n'en était rien. Voici, en effet, les résultats de mon enquête,
que je n'ai pas eu le loisir de faire aussi complète que je l'au-
rais désiré, mais qui représente néanmoins la forte majorité
des cas publiés jusqu'ici. Je prends les observations par
ordre chronologique.
Ewald, en 18S ! r, est le premier auteur qui attira l'attention
sur le mémoire de Huntington, dont personne n'avait parlé
depuis 1872. Il rapporte deux observations de chorée chro-
nique où il n'est pas question d'idées de suicide, ni même de
troubles mentaux.
' En 1885 King, dans le Neiv-York médical Journal, publie
TROUBLES PSYCHIQUES DANS LA CHORÉE DÉGÉNÉRATIVE. 109
l'histoire d'une famille qui fournit de nombreux choréiques
pendant quatre générations. Vous trouverez dans les auteurs
que King a particulièrement insisté sur les troubles mentaux
et les idées de suicide dans la chorée héréditaire. Cependant,
s'il faut en croire ces mêmes auteurs, car je n'ai pu me pro-
curer le travail original, une seule des malades de King, sur
un très grand nombre d'autres, a tenté à deux reprises de se
suicider. On ne dit pas comment ni dans quelles circons-
tances ces tentatives se sont produites, ce qu'il importerait
fort de savoir. Peut-être King donne-t-il plus de détails sur
ces incidents dans son mémoire ? En tout cas cette observa-
tion isolée au milieu de tant d'autres négatives, est loin de
prouver, comme on l'a dit, la fréquence du suicide, dans les
cas de King, où le suicide est tout au contraire une rare
exception.
Perctti, la même année, dans un travail souvent cité, rela-
tant douze cas de chorée héréditaire dans deux familles pro-
venant de la même souche, ne mentionne nulle part les idées
de suicide.
Le travail de Huber, de Zurich, paru en 1887, très docu-
menté et dont nous reparlerons, ne dit pas un mot de suicide
sur les neuf cas de chorée dans la famille Rinderknecht.
En 1888, nous avons d'abord l'important mémoire de Lan-
nois dans la Revue de médecine, sur lequel nous aurons à
revenir. Dans aucun des six cas rapportés par Lannois, il
n'est parlé d'impulsions au suicide.
La même année Bastianelli a observé un choréique de
trente-huit ans qui aurait eu un cousin germain choréique
aussi, mort à quarante ans par suicide. après avoir été long-
temps aliéné. Il importerait de savoir si ce suicide a quelque
relation avec la chorée. Quoi qu'il en soit, le malade observé
par l'auteur n'a pas manifesté d'idées de suicide et l'histoire
du cousin germain aurait besoin d'être contrôlée de plus
près, avant d'être acceptée comme une preuve de la fré-
quence ( ! ) du suicide dans la chorée de Huntington.
Hoffmann, en 1888 aussi, a quatre cas personnels, chez
lesquels il ne parle pas d'idées de suicide. Même année le cas
de Klippel et Ducellier, avec quatre autres choréiques chez
les ascendants d'un alcoolique et des aliénés. Ces auteurs ne
parlent pas de suicide.
Deux revues critiques sur la chorée héréditaire parurent
110 ' PATHOLOGIE NERVEUSE.
cette même année '1888, en Angleterre et en Italie. Ilerrin-
gham, très au courant des travaux américains, ne dit pas un
mot du suicide, et Seppilli, qui n'a pas de cas personnels, se
borne à dire, d'après les auteurs, que les troubles psychiques
sont en général légers ( ? ) dans cette maladie, mais qu'ils
peuvent s'aggraver jusqu'à la mélancolie avec tendance au
suicide.
Le travail fondamental de Iluet sur la Chorée chronique
est de 1889. On y trouve 58 observations personnelles ou
résumées d'autres auteurs, parmi lesquelles on n'en pourrait
pas citer une seule où le suicide ou même la tentative de sui-
cide ait été observé comme conséquence de la chorée. Du
reste il n'est parlé de suicide que dans les 4 observations
suivantes :
Observation I. Le grand-père maternel choréique s'est pendu
à un âge avancé. Un oncle aurait eu également la chorée et se
serait noyé volontairement en se jetant dans un puits. Remarquez
ce conditionnel dubitatif. Un frère alcoolique et choréique s'est pendu
à quarante-six ans. Nous pensons que c'est à l'alcool et non à la
chorée qu'il faut attribuer ce suicide. La malade elle-même qui
fait le sujet de l'observation, ne parait pas avoir manifesté des
idées de suicide. Du moins il n'en est pas parlé dans son observa-
tion, quoique Iluet le dise plus tard (1. c., p. f7G) lorsqu'il discute
l'état mental des choréiques. Voici ce passage :
« Chez beaucoup de ces malades il existe au début de leur affec-
tion un penchant très grand à la tristesse. Les uns... recherchent
la solitude et n'osent plus sortir, de peur d'être pris, comme cela
leur arrive souvent, pour des ivrognes. Les autres, éclairés sur
leur sort, par la maladie qu'ils ont vue développée chez leurs as-
cendants, ou chez des frères ou soeurs, en redoutent les terribles
conséquences, tombent dans le désespoir et sont pris d'idées de
suicide, »
Comment Iluet justirie-t-il une généralisation aussi affir-
mative ? En citant deux seuls cas, celui de King et sa pre-
mière observation, dont nous venons de montrer le peu de
valeur démonstrative à cet égard. Il y ajoute, il est vrai,
l'observation suivante, qui n'est pas plus probante à notre
avis, et dont nous interprétons différemment les incidents
relatifs aux idées de suicide.
Observation XXIV. Il s'agit d'un homme de soixante et un
ans, ancien soldat, puis gendarme, qui avait eu beaucoup à souf-
TROUBLES PSYCHIQUES DANS LA CHORÉE DÉGÉNGR1T1'E. 111
frir pendant le siège de Paris. Il fut atteint de petits mouvements
choréiques involontaires depuis l'àge de trente ans, mais comme
il fut gendarme jusqu'à quarante-six ans, sa chorée ne devait pas
beaucoup le gêner. C'est à l'âge de cinquante-trois ans, ses mou-
vements involontaires ayant beaucoup augmenté, qu'il a manifesté
des idées de suicide, répétant « qu'il valait mieux en finir que de
vivre comme cela ». Il aurait même ébauché, dit-on, des tentatives
de suicide dans les circonstances suivantes : Un jour il se dirigea
vers un puits, après avoir dit qu'il allait s'y jeter, ce qui permit à
son fils de l'arrêter. Une autre fois, sa femme l'a trouvé un cou-
teau à la main, disant qu'il voulait mourir et se couper la gorge,
mais sans faire mine de mettre ce projet (était-ce bien un projet ? )
à exécution. Une troisième fois sa femme l'a trouvé devant une fe-
netre ouverte, menaçant de se précipiter dans la cour.
Je présume qu'aucun médecin aliéniste n'appellera ces
menaces des « tentatives de suicide ». Elles répondent exac-
tement à ce que nous avons observé chez notre malade et
doivent être expliquées autrement, comme nous le dirons
bientôt.
Mais continuons la revue des auteurs.
Dans la même année 1889, Kornilow publie l'observation
d'une femme de soixante ans, choréique, sans anomalies psy-
chiques, d'humeur égale et tranquille. Il n'est pas fait men-
tion d'idées de suicide. Sukling a présenté le z16 octobre 1889
à une société médicale anglaise, la Midland medical Society,
un choréique âgé de trente-neuf ans à hérédité similaire,
sans dire un mot d'idées de suicide.
'' En 1890 Cirincione et Mirto publient 5 observations sans
parler de suicide. En 1891 les cas de Jolly et Remak n'en font
pas mention. Il n'en est pas question non plus dans l'intéres-
sante discussion soulevée à leur sujet au sein de la Société
de psychiatrie de Berlin.
La même année parait la dissertation inaugurale de Dreves
sur la chorée progressive. Cet auteur rapporte 3 observations
dont la seconde concerne un homme de soixante-lrois ans,
atteint de mélancolie avec tentative de suicide, après huit ans
de chorée. N'ayant pas eu le travail original sous les yeux,
j'ignore si l'auteur a noté les circonstances qui ont marqué
cette tentative de suicide, sans la connaissance desquelles on
ne peut juger le cas.
En '189 ? notre collègue Greppin publie l'intéressante
observation qu'il fit à la clinique psychiatrique de Bâle et
1 il-) 2 PATHOLOGIE NERVEUSE.
dans laquelle il n'est pas question d'idées de suicide. Il en est
de même dans les 2 cas de Schmidt parus la même année.
En 1892 encore, 3 nouvelles observations de Sinl : ler dans le
Médical Record de New-York, où l'on ne trouve pas un mot
de suicide. Néanmoins dans les réflexions dont il fait suivre
ses cas, l'auteur dit que dans la chorée héréditaire les symp-
tômes mentaux se présentent sous forme de mélancolie, avec
tendance au suicide, irritabilité de l'humeur, et il ajoute que
les accès de violence sont communs, ainsi que les illusions
supposées, « supposed delusions ». En se fondant sur ce pas-
sage Karl Zinn a pu dire (A1'ch. ? Psych., t. XXVIII, p. 427)
dans son travail « Beziehungen der Clrorea zu Geistesstôrung n
que Sinkler avait comme Dreves insisté spécialement sur la
tendance au suicide dans la forme chronique de la chorée. Il
n'en est pas moins vrai qu'il n'est pas question de suicide
dans les observations publiées par Sinkler.
Schlesinger publie 3 cas aussi en 1892, où il ne parle pas
de suicide, Oppenheim et Oppe n'en parlent pas davantage
dans leurs observations de 1893. Menzies (1892 et 1893) non
plus sur 38 cas. Il en est de même pour le cas de Lannois et
Chappuis (Lyon médical, 1893). Osier (1893) non plus (nom-
breux cas dans deux familles), à en juger d'après l'analyse
de Neurologisches Cezzt·alblatt.
Les cas présentés le 28 mai 1895"à la Société de Neurolo-
gie et de Psychiatrie de Vienne, par v. Solder, n'offraient
pas non plus d'idées de suicide. Nous en dirons autant de
celui de Kronthal et Kalischer, également de 1895, et de ceux
de Clarke, en 1897.
En tri 1898 nous avons le très important mémoire de Facklam
avec 8 observations personnelles de l'auteur.
Dans deux cas seulement il est parlé d'idées de suicide. Une
emme de trente-huit ans (Obs. IV) voulait se laisser mourir
de faim et refusait pendant quelques jours les aliments. Elle
menaça de se pendre avec son mouchoir. Il s'agit encore
d'une menace, comme vous le voyez, et non pas d'une tenta-
tive de suicide. Dans l'observation VIII, chez une choréique
de cinquante ans, dont le père était épileptique, il est ques-
tion d'impulsions au suicide, sans autres détails. La malade
menaçait son mari avec une hache ou des couteaux. Elle
l'enduit une fois de pétrole et y aurait mis le feu, si elle n'en
avait pas été empêchée par sa fille. Peut-être les impulsions
TROUBLES PSYCHIQUES DANS LA CHORÉE DÉGÉNÉRATIVE. 113
au suicide étaient-elles dans ce cas de même nature que celles
que nous avons observées chez notre malade, c'est-à-dire
plutôt des menaces dans les accès de colère ? car Facklam ne
fait pas mention de véritables tentatives de suicide.
Joseph Collins (New-York). The Pathology and Morbid
Anatomy of lIuntington's Chorea, with remarks on the deve-
loppement and treatment of the disease. The Ame1'ican Jour-
nal of the Dled. Science, vol. CXVI, p. 175, 1898. II... cin-
quante-cinq ans, déprimé, parfois idées de suicide (sometimes
suicidai). Pas un mot de plus.
Enfin, cette année même, en 1899, nous avons le volume
classique de Wollenberg, de Hambourg, dans la collection
Nothnagel, qui traite de main de maître l'histoire de la
« Chorée dégénérative » et dans lequel nous ne trouvons la
mention que d'un seul cas de suicide chez la tante choréique
d'un de ses malades, qui se noya de désespoir. Nous tenons
enfin un cas qu'on pourrait rattacher à la chorée, bien que
l'auteur se borne à signaler le suicide sans entrer dans aucun
détail à son sujet. N'omettons pas en outre de faire remar-
quer qu'il ne s'agit pas du malade qu'il a observé lui-même,
mais d'une parente qu'il n'a pas connue. Aussi Wollenberg
est-il moins affirmatif au sujet du suicide dans la chorée dégé-
nérative que beaucoup,d'auteurs qui l'ont précédé et qui ont
répété sans preuves à l'appui l'affirmation première de Lion-
tington. Wollenberg se borne à dire que cette forme de cho-
rée présente souvent au début une dépression psychique,
plus ou moins accentuée, qui conduit parfois (zuweilen) au
suicide. Il aurait été plus exact de dire très rarement (sehr
selten).
La dernière publication parue est une dissertation inaugu-
rale de Hermann Etter à la Faculté de médecine de Tubingue.
Cet auteur nous donne 6 observations personnelles, dans
3 desquelles il est question d'idées ou de tentatives de sui-
cide. La première concerne un homme de quarante-sept ans,
choréique, qui chercha à se noyer dans sa baignoire en plon-
geant sa tête sous l'eau. Cette tentative eut lieu sous l'in-
fluence de l'alcool ; le malade s'était enivré et était atteint de
fureur alcoolique.
Dans l'observation II il s'agit d'une femme de quarante-six
ans, choréique et faible d'esprit, qui avait fait, cinq ans aupa-
ravant, une tentative de suicide en s'empoisonnant avec de
Archives, 2' série, t. IX, 8
114 r PATHOLOGIE NERVEUSE.
l'arsenic en compagnie d'une autre femme toutes deux
guérirent. Elle donnait pour motif de cette tentative les
mépris et les blessures d'amour-propre auxquels elle était
exposée de la part de son entourage. Cette femme avait pro-
hlablement subi la suggestion de sa compagne, comme c'est
ordinairement le cas banal chez les imbéciles.
Quant au troisième cas (Obs. IV), il est dit simplement
qu'un homme de soixante-deux ans, atteint de chorée dégé-
nérative, déplorait sa maladie et souhaitait souvent la
mort. t.
En résumé, après cette longue revue et les observations
que j'ai faites sur mon malade, je conclurai que le suicide ou
les tentatives de suicide n'appartiennent pas au tableau
symptomatologique des troubles mentaux dans la chorée de
Huntington. Il n'existe pas un seul cas absolument certain de
suicide ou môme de tentative de suicide provenant directe-
ment d'un accès de désespoir causé par le sentiment qu'au-
rait le malade du triste avenir qui lui était réservé. On cons-
tate fréquemment au contraire des menaces de suicide, qui
ne sont jamais suivies de véritables tentatives, et qui sont
simplement ducs à des mouvements de colère. Ce n'est pas
dans l'intention de s'ôter la vie que le malade annonce qu'il
va se suicider, mais uniquement pour effrayer son entourage.
Ce symptôme est le résultat de l'excitabilité maladive des
choréiques, dont nous avons parlé.
Je relèverai encore une particularité qui se rapporte à
cette question. Tous les auteurs qui affirment la fréquence du
suicide chez les choréiques chroniques en trouvent l'explica-
tion dans l'accès de mélancolie qui serait de règle au début
de la maladie, lorsque le malheureux prédestiné à l'affection
fatale qui a frappe ses ascendants se voit atteint par les pre-
miers symptômes de la chorée. Or, il n'en est rien. Les quel-
ques cas de suicides et de tentatives de suicide que nous venons
de citer se sont produits presque tous longtemps après le
début de la maladie, le plus souvent lorsque le malade était
à un âge avancé et pour des motifs étrangers à la chorée.
Puis cet accès de mélancolie du début est-il vraiment aussi
régulier qu'on le dit ? Nous ne le croyons pas, car il est assez
rarement mentionné par les auteurs. Il n'en a pas été ques-
tion chez mon malade. Il y a sans doute chez la plupart des
malades atteints de chorée de Huntington des poussées tran-
TROUBLES PSYCHIQUES DANS LA CHORÉE DÉGÉNÉRATIVE. 1 ha
sitoires irrégulières de mélancolie et d'excitation maniaque,
comme chez tous les dégénérés. Le terrain psychique des
choréiques héréditaires est, en effet, celui de la dégénéres-
cence mentale, et nous devons nous attendre à y rencontrer
toutes les formes de psychoses qui s'observent chez les dégé-
nérés.
Toutefois les hallucinations, les idées délirantes, les mani-
festations paranoïaques sont certainement des phénomènes
accessoires, accidentels qui ne relèvent pas directement de la
maladie et n'appartiennent pas à sa symplomatologie habi-
tuelle. Les idées de grandeur ou de persécution, bien qu'elles
existent, revêtent le caractère propre à la débilité mentale et
n'ont pas celui des cas ordinaires de paranoïa.
Par contre l'affaiblissement progressif des facultés intel-
lectuelles est avec l'irritabilité du caractère le trouble men-
tal caractéristique de la chorée héréditaire. Cet affaiblisse-
ment qui s'accompagne d'une diminution progressive de là
mémoire, aboutit très souvent à la démence complète et,
comme plusieurs auteurs l'ont fait remarquer, le tableau dé
la maladie devient alors fréquemment absolument semblable
à celui de la paralysie générale. Il existe peut-être même des
cas où les deux maladies ont évolué ensemble sur le même
individu. Cependant je crois qu'on pourra toujours arriver
par un examen soigneux à faire le diagnostic différentiel et à
attribuer à chaque maladie les symptômes qui en dépendent.
Je sais bien qu'on a voulu faire aussi un rapprochement
entre les lésions anatomo-pathologiques des deux maladies
qui relèveraient toutes deux d'une méningo-encéphalique
chronique, avec réduction des fibres tangentielles de l'écorce,
et atrophie des cellules de la seconde couche. Je me réserve
de discuter cette question dans une autre occasion, lorsque
j'aurai fait les recherches nécessaires sur le cerveau de mon
malade, dont le durcissement n'est pas encore terminé. A la
réunion des psychiatres et neurologistes de l'Allemagne
centrale à Halle, le 24 octobre 1897, le professeur Binswan-
ger de Iéna, a cité un cas de sa clinique dans lequel on
aurait trouvé à l'autopsie les signes typiques de la paralysie
générale, ajoutant qu'un cas semblable aurait été observé à
la clinique de lIitzig. Greppin, tout en constatant la disparition
de'nombreuses cellules nerveuses et la réduction des fibres
tangentielles, a fait remarquer cependant qu'il n'y avait pas
'l'16 6 PATHOLOGIE NERVEUSE.
trace de prolifération des cellules araignées, comme on le
voit souvent dans la paralysie générale. Facklam non plus.
Je reviendrai tout à l'heure sur l'anatomie pathologique
macroscopique de la maladie de Huntington et je vous
donnerai un résumé sommaire des résultats de l'autopsie que
j'ai faite. - -
Les troubles psychiques peuvent-ils faire défaut dans la
chorée héréditaire ? Arndt, en 1868, prétendait qu'il n'y
avait pas de chorée sans trouble mental. ilalloclc, tout
récemment (Journal of nervous and mental disease, 1898,
XXV, p. Soi) constatant que les troubles moteurs s'accom-
pagnent presque régulièrement de troubles intellectuels dans
la chorée de Huntington, propose d'appeler cette maladie
Bementia c/w1'eica, comme on dit Dernentia paralytica.
Phlebs, en 1892, avait déjà fait une proposition analogue,
en montrant les analogies qui existent entre la paralysie
générale et la chorée héréditaire. Les deux maladies débu-
tent dans l'âge mûr, de trente-cinq là cinquante ans, toutes
deux sont progressives et aboutissent à la démence ; on
observe aussi occasionnellement des idées de grandeur dans
la chorée de Huntington, etc. Par opposition à ceux-ci, nous
devons citer les auteurs qui ont publié des cas de chorée
héréditaire sans troubles mentaux.
Les deux cas de Ewald d'abord, où l'on n'a constaté ni
affaiblissement de l'intelligence, ni troubles intellectuels.
Toutefois il ne paraît pas que ces malades aient été soumis
à une analyse psychologique spéciale et, en tout cas, leur
maladie n'a pas été suivie assez longtemps pour qu'on puisse
accepter ces observations comme concluantes.
Dans une observation de Huet (obs. XVI prise dans le ser-
vice de Déjerine, à Bicêtre) le malade âgé de cinquante-deux
ans était atteint de chorée depuis treize ans et ne présentait
aucun affaiblissement des facultés intellectuelles. 11 est à
remarquer que ce malade n'avait pas d'antécédents hérédi-
taires névropathiques. Il avait un caractère gai, déplorait son
état, mais en avait pris son parti et le supportait avec rési-
gnation. Ce cas peut être dénommé « chorée chronique »,
mais on ne saurait le faire rentrer dans le cadre de la « cho-
rée hériditaire », ni à plus forte raison de la « chorée dégé-
nérative ». '
J'ai déjà parlé du cas de Kornilow, dont je n'ai pu consulter
TROUBLES PSYCHIQUES DANS LA CHORÉE DÉGÉNÉRATIVE. 117
le travail original. Je citerai encore une observation de L.
Loewenfeld (Zùr Lehre von der heredit2ren Huntington'scher
Chorea, Centralblatt sur Neraetz7heilhunde and Psychiatrie,
22° année, juin 1899, p. 321). que l'auteur apporte contre la
proposition de Ilallock d'appeler cette maladie « Démence cho-
réique ». Le malade de Loewenfeld avait conservé intact ses
facultés intellectuelles et un oncle de ce malade, arrivé à la
vieillesse, après avoir souffert toute sa vie de troubles cho-
réiques, avait conservé aussi ses facultés. Au point de vue
mental le malade de Loewenfeld présentait toutefois une par-
ticularité qui n'a pas encore été signalée dans la chorée de
Huntington. Il avait des obsessions avec des impulsions au
suicide, et, en y regardant de plus près nous voyons que ce
malade appartenait bien plutôt à un autre groupe patholo-
gique qu'à celui des chorées, car sa maladie datait de l'en-
fance et les mouvements involontaires avaient un caractère
coordonné. Loewenfeld pense qu'il représente une forme de
transition entre la maladie des tics de Gilles de la Tourette et
la chorée héréditaire ; peut-être serait-il plus rationnel de la
faire rentrer complètement dans la maladie des tics ? On sait
en effet que beaucoup de cas de chorée récidivante de l'en-
fance appartiennent à cette maladie, et Gilles de la Tourette
vient de publier une leçon sur la chorée des femmes enceintes
(Semaine médicale, 13 septembre 1899, p. 305) dans laquelle
il conclut que la chorea gravida1'ttm doit être rayée du cadre
nosographique, parce que tous les cas de soi-disant chorée
des femmes enceintes ressortissent notoirement soit à la
chorée hystérique, soit aux tics convulsifs, soit peut-être
aussi à la maladie de Huntington.
Avant donc d'admettre avec Loewenfeld et d'autres auteurs
qu'il existe à côté de la chorée héréditaire dégénérative pro-
gressive à terminaison démente, une autre forme plus légère
de la maladie, sans troubles intellectuels. il faut attendre de
nouvelles observations suffisamment prolongées, et conduites
jusqu'à l'autopsie.
Quant au rapprochement qu'on a voulu faire de la psychose
choréique de IIuntington avec la paralysie générale, en
l'appelant Démence choréique suivant la proposition de
IIalloclc; j'aurais une objection plus grave, d'un autre ordre,
à y opposer ; objection basée sur la différence fondamentale
qui existe entre les deux maladies au point de vue étiolo-
118 PATHOLOGIE NERVEUSE.
gique. La paralysie générale, en effet, est une psychose
essentiellement infectieuse, individuelle, où la prédisposition
héréditaire ne joue pour ainsi dire aucun rôle, car on ne doit
jamais confondre l'infection du foetus par le virus de ses
parents avec les tares constitutionnelles de son hérédité qui
ne forment qu'une prédisposition et ne sont pas une maladie.
Tandis qu'au contraire la chorée de Huntington est une affec-
tion essentiellement héréditaire, familiale', dégénérative, qui
ne relève pas d'une infection de l'organisme pendant la vie
foetale ou après la naissance, mais bien d'une dégénérescence
congénitale des centres nerveux. Il ne convient donc pas de
la mettre en parallèle avec la paralysie générale et je pense
qu'on fera bien de s'en tenir provisoirement à classer les
troubles psychiques de la chorée de Huntington sous le nom
de psychose choréique dégénérative progressive, en atten-
dant le moment où la connaissance suffisante de ses lésions
anatomiques permettra d'en faire une psychose organique
cataloguée.
Résultais de l'autopsie (S juillet 1899) vingt-deux heures après la
mort. La rigidité cadavérique est très prononcée. L'autopsie de
la têle est seule autorisée.
Le crâne est dur, non épaissi, raréfié par places. Nombreuses
granulations de Pacchioni. La dure-mère est adhérente tout le long
de la faux du cerveau, sur les bords des deux hémisphères, depuis
les lobes frontaux jusqu'aux occipitaux. Sa surface interne est par-
' faitement lisse. Les méninges sont épaisses, troubles, infiltrées,
oedémateuses. Les sinus et le réseau veineux gorgés de sang fluide
et noir. La pie-mère n'adhère nulle part aux circonvolutions; elle
se détache partout très facilement sur les hémisphères cérébraux
et sur le cervelet. OEdème du cerveau ; les circonvolutions sont
baignées parle liquide. L'hydrocéphale externe est très abondant.
Nulle part on ne constate d'extravasations sanguines. Les circon-
volutions sont généralement amincies, les sillons sont béants et
profonds. Il n'y a pas d'adhérences à la base. Peu de sang; les ar-
tères sont souples, non athéromateuses.
Poids de l'encéphale avec les méninges, immédiatement après
l'autopsie, 1 A 10 grammes. Après un mois de séjour dans le liquide
de Muller :
TROUBLES PSYCHIQUES DANS LA CHORÉE DÉGÉNÉRATIVE. '1 9
.Morphologie des hémisphères. Sillons et circonvolutions. L'asy-
métrie entre les deux hémisphères est très prononcée, surtout
dans la région rolandique. L'hémisphère gauche présente une scis-
sure de Holando normale, tandis que le droit offre une anomalie
très rare : la séparation de la scissure de Holando en deux moi-
tiés distinctes (voir planche 1).
On sait que le sulcus ]tolllndi apparaît vers la fin du cinquième
ou au début du sixième mois de la vie embryonnaire. On le décrit
habituellement comme une incissure légère, entre le bord supérieur
de l'hémisphère et la scissure de Sylvius. Cette incissure s'étend
peu à peu des deux côtés et forme la scissure de Holando. Or,
en 4SJ, Cunninbau, à Dublin, découvrit que cette scissure se
forme souvent en réalité par deux incissures distinctes.. Une infé-
rieure, qui apparaît la première et qui forme les deux tiers de la
scissure de Holando ; une supérieure, apparaissant à la surface du
cerveau comme une légère dépression vers le bord supérieur de
l'hémisphère. Un pont de substance cérébrale sépare d'abord com-
plètement les deux parties ; une mince ligne de dépression super-
ficielle s'y dessine bientôt et s'agrandit rapidement pour finir par
réunir en une seule scissure les deux portions originelles de la
scissure de Holando. Dans quelques cas très rares la réunion n'a
pas lieu et c'est ce qui est arrivé pour l'hémisphère droit de notre
malade. On y voit le segment inférieur se perdre au sein de la cir-
convolution pariétale ascendante. Il semble qu'en allant à la re-
cherche de la portion supérieure qu'il ne trouvait pas, il ait poussé
des branches dans différentes directions pour faire cette recherche,
car il se termine par une trifurcation bien singulière. Nous consi-
dérons cette anomalie comme un stigmate de dégénérescence. Le
cerveau de notre malade en présente du reste plusieurs autres.
l3etzius (Biolouische Ulltel'suclwngen, 15 octobre 1898) a contrôlé
récemment les données de Cunningham et les a confirmées, tout z
en maintenant que dans la majorité des cas la scissure de Holando
se forme par un seul sillon continu, dont la partie supérieure est
plus superficielle. Dans un tiers des cas cependant, au sixième
mois, Hetzius a constaté que la scissure de Holando était formée
de deux parties distinctes.
Une autre anomalie de l'hémisphère droit de notre malade se
voit dans l'arrangement général des sillons du lobe pariétal et du
lobe occipital. On sait que ce qui distingue le cerveau de l'homme
de celui des singes anthropomorphes c'est une configuration spé-
ciale de ces lobes où domine la direction antéro-postérieure des sil-
lons, tandis que chez les singes pithécoïdes ce sont les sillons ver-
ticaux, dont la fente simienne est le principal exemple, qui don-
nent à ces lobes leur aspect particulier. Or, sous ce rapport, l'hé-
misphère droit de notre malade a tout à fait le cachet pithécoïde.
Un large sillon occipital antérieur (Wernicke) semble continuer la
120 . PATHOLOGIE NERVEUSE.
scissure perpendiculaire externe, ou segment externe de la scis-
sure pariéto-occipitale, formant ainsi une véritable fente simienne,
comme on l'observe parfois dans les cerveaux d'idiots. Mais ici
les deux sillons sont séparés par un très mince pli de passage pa-
riéto-occipital supérieur (premier pli de passage de Gratiolet). Au
devant du sillon occipital antérieur, le sillon intermédiaire de Jen-
sen, démesurément développé, partage la convexité de l'hémis-
phère presque tout entière et se jette d'un côté dans le sillon
interpariétal et de l'autre par une petite branche horizontale dans
le premier sillon temporal.
Le 1), Pfister de Fribourg en Brisgau vient de publier des re-
cherches très complètes sur la région occipitale (weber die Occipi-
tal Région, 1899), résultant de l'examen de 350 hémisphères. Dix
fois seulement sur ces 350 hémisphères, le sillon transverse occi-
pital était complètement séparé du sillon interpariétal, auquel il
est presque toujours rattaché. Or, dans les deux hémisphères de
notre malade le sillon transverse était indépendant du sillon inter-
pariétal.
Remarquons encore que le lobe frontal offre le type des quatre
circonvolutions que Benedikt trouvait caractéristique des cerveaux
de criminels, ce qui est une erreur. Quoi qu'il en soit, de cerveau
de notre malade offre, en résumé, dans sa configuration exté-
rieure de nombreuses et graves anomalies que nous devons consi-
dérer comme des stigmates de dégénérescence.
L'asymétrie des faisceaux pyramidaux est très apparente dans le
bulbe. A l'entre-croisement des pyramides fait suite immédiatement
du côté droit un faisceau pyramidal direct très développé et bien
délimité, qui manque totalement à gauche.
Nous ne voulons pas aborder maintenant l'étude de l'ana-
tomie pathologique de la chorée dégénérative, nous reservant
de le faire plus tard, lorsque nous aurons examiné au micros-
cope notre cerveau durci. Nous nous bornerons donc à rele-
ver aujourd'hui les anomalies grossières que nous venons de
signaler. Très peu d'auteurs ont donné des détails sur la mor-
phologie cérébrale dans la maladie de Huntington. Kronlhal
et Kalischer, en 1895, signalent aussi une anomalie des cir-
convolutions rolandiques .dans l'hémisphère droit. Elles
étaient atrophiées et la pariétale ascendante avait deux pieds
dans la scissure de Sylvius. Lannois et Paviot, en 1898, ont
aussi trouvé une atrophie très prononcée des circonvolutions
rolandiques dans l'hémisphère droit de leur malade. En
outre, la pariétale ascendante à droite était coupée en trois
parties à peu près égales par deux sillons transversaux. Il
PARALYTIQUES GÉNÉRAUX. 121
est intéressant de remarquer que les anomalies signalées jus-
qu'ici l'ont toujours été dans la région rolandique de l'hémis-
phère droit. Si les recherches futures viennent confirmer la
fréquence de l'asymétrie et des anomalies de la région mo-
trice du cerveau chez les personnes atteintes de chorée héré-
ditaire, on devra y reconnaître le stigmate anatomique de la
dégénérescence des centres nerveux qui fournirait l'explica-
tion du caractère essentiellement familial, héréditaire et
dégénératif de cette maladie.
[L'explication des Plancues sera donnée à la fin du numéro
de juin.] '
CLINIQUE MENTALE
Conditions biologiques des familles des paralytiques
généraux ;
Par le Der Gaston BÉCIIET,
E\-interne des Asiles de la Seine.
Dans un travail paru dans le journal l'Encéphale (1883)
sur les conditions biologiques des familles des paralytiques
généraux, MM. Bail et Régis s'expriment ainsi : « La paraly-
sie générale n'est pas une folie et ne doit pas être classée,
comme on le fait généralement à tort, parmi les folies. Cette
maladie n'est pas une folie, non seulement parce que ses
symptômes sont tout différents, mais aussi parce que, en tant
qu'espèce morbide, elle ne fait pas partie de la famille des
folies, parce qu'elle ne naît point comme elles de la folie et
n'engendre point la folie, ainsi que l'avait déjà pensé M. Dou-
trebente ; enfin parce qu'à l'instar des maladies cérébrales,
elle naît des maladies cérébrales et engendre des maladies
cérébrales. Les paralytiques généraux appartiennent non pas
aux familles d'aliénés qui n'existent pour ainsi dire pas dans
ces familles, mais aux familles des cérébraux, et s'il existe
une hérédité pour la paralysie générale, ce n'est point l'héré-
dité vésanique ou de la folie, mais l'hérédité cérébrale ou,
122 , CLINIQUE MENTALE.
comme disait M. Doutrebente, l'hérédité des tendances con-
gestives. Il suit de là que les paralytiques généraux, n'engen-
drent point des vésaniques, mais des cérébraux et que si les
enfants de ces malades sont voués à une classe de maladies
spéciales en raison de la paralysie générale de leur père ou
de leur mère, ce n'est point à la folie, mais aux affections
cérébrales et aux affections cérébrales de tout ordre. »
Cette manière de voir nous semble exagérée et en contra--
diction évidente avec les faits. A côté de l'hérédité conges-
tive, il faut faire une place importante à l'hérédité vésaniquc
et il n'est point nécessaire en somme de séparer d'une façon
si absolue la paralysie générale des autres vésanies. Telle est
l'opinion de J. Fairet, de Lionel, de Christian, d'Arnaud, etc.
Telle est celle que nous avons soutenue dans notre thèse
inaugurale. Nous la reproduisons aujourd'hui, nous appuyant
sur le même travail mais avec des conclusions qui nous sem-
blent davantage d'accord avec les faits.
40 familles de paralytiques généraux ont été étudiées avec
soin aux quatre points de vue suivants : z10 longévité ; 2° nata-
lité ; 3° vitalité ; 4° morbidité. Nous avons suivi le plan de
MM. Bail et Régis.
A. Longévité. Première génération (grands-parents).
Sur les 160 grands-parents appartenant aux 40 familles
de paralytiques généraux que nous avons étudiées, 2 seule-'
ment nous sont restés inconnus.
Des 1S sur lesquels nous avons obtenu des renseignements
3 sont encore vivants, lob sont morts. L'âge moyen de ces 15o
grands-parents pris au moment du décès est de soixante-seize
ans. En séparant les grands-parents du côté paternel de ceux du
coté maternel, on trouve :
Du côté paternel : 39 grands-pères donnant comme moyenne
d'âge au moment de leur mort soixante-seize ans et 39 grand'-
mères donnant soixante-dix-sept ans, ce qui porte la moyenne
pour l'ensemble des grands-parents du côté paternel à soixante-
seize ans et demi.
Du côté maternel : 39 grands-pères donnant comme moyenne
d'âge au moment de leur mort soixante-dix-sept ans, 40 grand'-
mères donnant soixante-quatorze ans, ce qui porte la moyenne
pour l'ensemble des grands-parents du côté maternel à soixante-
quinze ans et demi.
En séparant les grands-parents du sexe masculin des grands-
parents du sexe féminin, on trouve pour les grands-parents du
PARALYTIQUES GÉNÉRAUX. 123 3
sexe masculin 39 grands-pères paternels donnant soixante-seize
ans et 39 grands-pères maternels donnant soixante-dix-sept ans,
en moyenne soixante-seize ans et demi.
Les grands-parents du sexe féminin se répartissent en 39 grand'-
mères paternelles donnant soixante-dix-sept ans et 40 grand'-
mères maternelles donnant soixante-quatorze ans ce qui porte
leur moyenne d'ensemble il soixante-quinze ans et demi.
Résumons ces résultats :
Ages moyens des grands-parents réunis : 76.
-124 CLINIQUE MENTALE.
En se plaçant à un point de vue moins général on trouve que
sur les 155 grands-parents il a existé :
PARALYTIQUES GÉNÉRAUX. 125
parents décédés. Chez les paralytiques généraux cet âge
atteint soixante-quinze et soixante-seize ans, c'est-à-dire
dix ans de plus.
A la génération suivante l'âge moyen des parents morts
dans les familles normales étant de cinquante-sept ans à
peine, d'après Bail et Régis, nous le trouvons de soixante-un
ans dans les familles de paralytiques généraux.
Sans doute, il est bon de faire quelques réserves. Que sont
ces familles normales qui servent de point de comparaison
dans le travail de MM. Bail et Régis ? Où trouver ces familles
étalons ? N'y a-t-il point là une cause d'erreur sérieuse et
indiscutable ? C'est notre opinion. Mais si, négligeant ces
familles normales, nous comparons la moyenne générale de
longévité à celle des familles des paralytiques généraux,
nous retrouvons les mêmes différences. Nos conclusions sont
donc exactes :
La vie est plus longue chez les ascendants des paralytiques
généraux qu'elle ne l'est généralement et les cas de longévité
extraordinaire y sont aussi bien plus fréquents.
B. Natalité. Deuxième génération (oncles, tantes,
pères, mères). Dans les 40 familles de paralytiques géné-
raux qui font l'objet de ce travail, nous avons pu obtenir les
renseignements les plus précis sur le nombre d'individus issus
des grands-parents, c'est-à-dire sur le nombre des individus
nés dans la deuxième génération.
Le nombre est de 280, ce qui donne comme moyenne pour
chaque famille, le chiffre de 7.
MM. Bail et Régis ont trouvé celui de 6,20. Le détail pour
chaque famille est le suivant :
120 CLINIQUE MENTALE.
Troisième génération (frère et soeur). A la troisième généra-
tion, nous avons trouvé 263 individus, c'est-à-dire 263 frères et
soeurs des malades, eux compris, ce qui donne comme moyenne
G,5 pour chaque famille.
.\1.\1. Bail et Régis ont trouvé 0, te pour chaque famille.
PARALYTIQUES GÉNÉRAUX. " 127 Î
Dans les familles normalés, ils donnent 57 p. 100 morts et
i ? a p. 100 vivants.
Les 59 morts se composent de 31 pères et de 28 mères.
Les 21 vivants se composent de 9 pères et de 12 mères, soit
12,25 p. 100 pères vivants et 20,33 p. 100 mères vivantes.
11f. l3all et Régis trouvent dans les familles des paralytiques,
20,31 pères vivants et 48,95 mères vivantes p. 100; et dans les
familles norniales 31 p. 100 pères vivants et 54 p. 100 mères
vivantes.
Troisième génération (frères et.soeurs). Sur les 220 individus
nés a la troisième génération dans les familles de nos 40 paraly-
tiques généraux, 84 sont morts à l'heure actuelle et 13G vivants,
soit 38,18 p. 100 morts et 01,72 p. 100 vivants.
Les 84 morts se répartissent de la façon suivante, au point de
vue de l'âge auquel ils ont succombé :
128 8 CLINIQUE MENTALE.
2° Dans les familles normales.
PARALYTIQUES GENERAUX.
129
MORBIDITE
130 . CLINIQUE MENTALE.
Sur 1565 individus, \111. Ball et Régis trouvent qu'en dehors des
maladies rangées sous la rubrique vieillesse, affections chirurgi-
cales, débilitation générale, etc., les maladies les plus communes
dans les familles des paralytiques généraux sont les affections
cérébrales qui y figurent pour le chiffre de 143, alors que les affec-
tions de l'appareil respiratoire n'y sont représentées que par le
chiffre de 105 et les autres maladies par des chiffres bien plus bas
encore, 43, 2 : i, 22.
Les maladies les moins fréquentes sont les névroses et la folie
qui n'y figurent que pour le chiffre 13.
Sur 1565 individus, MM. Bail et Régis n'ont trouvé que
4 aliénés.
Notre statistique est toute différente.
Sur 714 individus, après les maladies rangées sous la rubrique
vieillesse, etc., et qui y figurent pour le chiffre de 81, viennent les
maladies de l'appareil respiratoire avec '7C, ensuite les maladies
cérébrales avec 40, les névroses et la folie avec 35, les maladies de
l'appareil digestil'avec 34, les affections hépatiques avec 30.
Sur 714 individus, nous avons trouvé 23 aliénés.
A la première génération, nous en avons 8;
A. la seconde 10 ;
A la troisième génération, à laquelle appartiennent les paraly-
tiques généraux, 5.
Dans les familles normales d'après MM. Rail et Régis, les
causes de mort sont presque égales pour les différents groupes
de maladies : celles de l'appareil respiratoire tenant la pre-
mière place à cause du nombre considérable de vieillards
mourant de ces maladies et les névroses avec la folie se trou-
vant placées assez loin de l'échelle. Mais il faut remarquer
que, tandis que sur 1565 individus appartenant aux familles
'des paralytiques généraux, il n'y en a que 13 morts de mala-
dies rangées sous la rubrique nervosisme, névroses, suicide,
folie, sur z1497 individus appartenant aux familles normales
il s'en trouve 17 morts de ces mêmes maladies, c'est-à-dire
une proportion plus élevée.
MM. Rail et Régis en concluaient donc naturellement à une
hérédité tout à fait spéciale pour les paralytiques généraux,
l'hérédité des tendances congestives. Nos conclusions seront
toutes différentes. ,
La paralysie générale ne differc pas essentiellement des
. autres vésanies et comme le dit Christian, il n'y a pas lieu
d'imaginer pour elle une hérédité spéciale. A côté de l'héré-
dité congestive, il faut faire une place importante à l'hérédité
PARALYTIQUES GÉNÉRAUX. 131
vésanique. Nous signalerons également le nombre important
d'individus morts d'affection hépatique. L'alcoolisme est un
facteur éliologique important dans ce cas.
Aux 30 individus morts d'affection hépatique, si nous ajou-
tons les 3 individus morts alcooliques, nous obtenons un
chiffre de 33 individus dont on peut attribuer la mort à
l'alcoolisme. A côté de l'hérédité congestive et de l'hérédité
vésanique, il faut donc placer l'hérédité alcoolique. M. Ma-
gnan, du reste, a prouvé que la paralysie générale peut être
l'aboutissant de l'alcoolisme chronique.
Nous n'avons pas voulu dans ce travail étudier les relations
de la syphilis et de la paralysie générale. C'est une question
assez importante pour mériter une étude spéciale.
Conclusions GÉNÉRALES. 1° La durée de la vie ou longé-
vité est supérieure chez les ascendants des paralytiques
généraux à celle que présentent les familles normales ; 2° la
moyenne des naissances ou natalité est plus élevée dans les
familles de paralytiques généraux que dans les familles nor-
males. Celte moyenne étant de quatre naissances et demie
par familles normales, se trouve être de six et demie dans les
familles de paralytiques généraux. Les paralytiques généraux
appartiennent tous à des familles très nombreuses. A la
deuxième génération, la natalité est un peu inférieure dans
les familles des paralytiques généraux. Les paralytiques
généraux sont donc susceptibles d'engendrer tout comme les
individus normaux et ils laissent comme la plupart des
hommes une famille dont il faudra plus tard suivre la trace.
Toutefois, ils ont une tendance plus prononcée que les indi-
vidus normaux à la stérilité ;
3° La puissance de vie ou vitalité est beaucoup inférieure
dans les familles de paralytiques généraux à celle qu'on
trouve dans les familles normales. L'époque de la vie où la
vitalité est la moins forte aussi bien dans les familles de
paralytiques généraux que dans les familles normales est le
bas âge ; mais ce défaut de vitalité en bas âge s'exagère d'une
façon notable chez les paralytiques généraux ; 4° la morbi-
dité c'est-à-dire la fréquence des diverses maladies dans les
familles de paralytiques généraux présente des différences
notables avec celle observée dans les familles normales.
Tout en conservant le premier rang à l'hérédité conges-
tive, il faut remarquer que l'hérédité vésanique se place im-
132 ACTUALITÉS.
médiatement après. La paralysie générale rentre donc dans
le cadredes autres vésanies et il n'y a plus lieu d'imaginerpour
elle une hérédité spéciale. L'hérédité alcoolique est aussi un
facteur étiologique important. 1
ACTUALITES.
Assistance des aliénés en Russie.
Les questions concernant l'assistance territoriale des aliénés en
Russie; par V. N. Ergolsky (Obozrénie 7sichinlrü, G, 7, 8, 9,
1898). Situation actuelle de l'assistance territoriale des
aliénés; par le même (ibis., 1 ; 1899). Points de vue fonda-
mentaux de l'assistance territoriale des aliénés ; par le même
(Ihid., 2, 3, 1899). De l'organisation de l'assistance territo-
riale des aliénés ; par le même (Ibid., 4, 5, 6, 7, 1899).
De judicieux et bienfaisants esprits se préoccupent, depuis long-
temps déjà, d'assurer l'assistance publique des aliénés en Russie
qui laisse énormément à désirer. Pour s'en convaincre il suffit de
lire l'étude critique consacrée par M. Encosxv aux projets de
IACODI (directeur de l'hôpital des aliénés d'Orlow) et de ]AiiowENKo
. (directeur de l'hôpital psychiatrique de l'Intercession de la Sainte-
Vierge à Moscou), ainsi qu'à la brochure de M. GowsiËtEW.
L'insuffisance, pour ne pas dire plus, de l'assistance des aliénés
en ce pays, ressort nettement des faits regrettables racontés par le
même auteur qui ne peut s'empêcher de s'exprimer à peu près
ainsi :
« Il y a près de trente ans que nos institutions territoriales,
encore fraîchement écloses, se sont, pour la première fois, trouvées
aux prises avec l'obligation d'avoir à se soucier du sort des aliénés
qui leur incombaient... Et cependant il est impossible de s'illu-
sionner ; comme il y a trente ans, non seulement nous ne possé-
dons pas de système d'assistance mûrement réfléchi et bien
proportionné, de plan d'action solide, pratique, bien constitué,
basé sur la coordination des éléments simples de la science avec
les nécessités locales ; mais encore nous ne voyons même point
poindre à l'horizon l'indication catégorique de l'organe social qui
doit prédominer en cette affaire, et prendre à sa charge, sinon
ASSISTANCE DES ALIÉNÉS EN RUSSIE. 133
l'installation tout entière, au moins parties, et quelles parties,
de cette installation ? S'il est d'autres organes sociaux qu'il con-
vienne de faire intervenir, quels sont-ils, et dans quelle mesure
doivent-ils participer à l'assistance ? Cette assistance même cons-
titue-t-elle un besoin de la nation, un de ces besoins impérieux,
inéluctables, appelant une satisfaction absolue ; ou n'est-elle que
de la pure philanthropie, un objet de luxe, en tout ou en par-
tie ? ... »
« Ce qui se passe, conclut M. L''RGOSLIiY, en mettant en relief
l'anomalie et le chaos de l'assistance des aliénés en Russie, et dans
les territoires des gouvernements du pays, en révèle en même temps
les conséquences, c'est-à-dire les incalculables calamités pour les
malades, pour leurs proches, pour la société tout entière. »
Il est donc légitime d'organiser cette assistance, à raison des
besoins criants que l'on en constate partout ; à raison de ce que
pense le peuple même de ses maux et du soulagement qu'ils
nécessitent partout, dans les chaumières, au village, en ville; à
raison de l'origine même de l'aliénation mentale qui prend sa
source dans la vie de la nation. Et on peut l'organiser dans des
conditions modestes, de façon à satisfaire largement tous ceux
qui en auront besoin rapidement, en temps opportun.
Sans doute on a clamé : Où s'arrêtera le nombre des malades ?
Une assistance perpétuelle engloutira le budget !
Il convient de faire remarqner à ce propos, que les chiffres de
l'accroissement annuel actuellement observés sont anormalement
renforcés par la poussée des malades qui se sont pour ainsi dire
amassés jusqu'aux portes des années présentes. Si l'on développait
l'assistance, si l'on répandait les bienfaits d'établsssements hospi-
taliers dans tous les coins des gouvernements de la Russie, on
arriverait fatalement, tôt ou tard, à diminuer cette exagération
du nombre des aliénés, produite par le flot de ceux qui n'ont pas
été admis dans les asiles pendant les années antérieures.
Cela ne veut pas dire que la quantité des assistés deviendrait
alors stationnaire. Non, l'énormité naturelle de la population
russe, et la nature des maladies mentales s'y opposerait. Ne sont-
ce point des affections longues, qui, sous forme de guérisons,
améliorations, et décès, fournissent un nombre de sorties de
l'asile inférieur à celui des nouvelles éclosions qui ont leur place
marquée dans l'établissement ? Forcément, par conséquent, même
en cas d'assistance normale, et parfaite, il y aura toujours un cer-
tain accroissement des maladies mentales.
Mais on a, par contre, le droit de compter sur un arrêt de cette
augmentation du nombre des aliénés, le jour où l'organisation
complète et progressive de l'assistance permettra de liquider l'ar-
riéré et de recevoir rapidement de nouveaux malades. Il arrivera
un moment où le chiffre des nouveaux aliénés dans une période
134 ACTUALITÉS.
de temps donnée sera inférieur à celui de ceux de la période pré-
cédente et d'autant moindre que les causes de l'accumulation des
malades auront cessé, que ces malades seront traités à temps.
Il va de soi que l'on serait.encore plus affirmatif à ce sujet si
l'on avait la perspective de voir disparaître les épouvantables
secousses causées à la société par des fléaux tels que la guerre,
dont l'ébranlement se répercute sur l'augmentation des clients de
l'assistance publique en général et des aliénés en particulier.
Jusqu'à présent, d'après des documents du reste incomplets,
l'assistance des aliénés en Russie a coûté huit à dix fois moins,
au minimum, que le reste de la médecine publique, en ce qui con-
cerne les dépenses territoriales.
En tout cas, l'assistance publique et les soins des aliénés indi-
gents présentent un tel caractère d'urgence nationale qu'ils incom-
bent bien réellement aux institutions territoriales; elles doivent
en supportel la majeure partie des frais.
L'assistance publique des aliénés peut s'effectuer par le moyen
d'hôpitaux ou d'infirmeries, où l'on maintienne les malades sans
conditions; de colonies closes impliquant la même séquestration;
de l'assistance à domicile, si tant est que cela soit indiqué, ou de
l'assistance familiale chez des nourriciers, quand on la croira fai-
sable. M. Ergolsky s'en tient au système suivant.
Les exemples qui témoignent des grands malheurs imputables
au transport des aliénés des cercles ou districts éloignés à l'éta-
blissement psychiatrique du gouvernement correspondant, ainsi
qu'à l'encombrement de l'établissement central en question.
montrent que l'asile psychiatrique du gouvernement est le seul
établissement de cette immense étendue de territoire qui s'appelle
un gouvernement russe. Il importe donc de faire participer les
assemblées territoriales des cercles à l'assistance des aliénés.
1. Chaque hôpital territorial provincial de cercle (ouyezde)
sera pourvu d'une section psychiatrique ou d'un bureau psychia-
trique d'admission de cinq à dix lits.
Ce petit asile servira de refuge à tous les aliénés d'un cercle
donné. On les y conservera de quelques semaines à un mois ou
deux avant de les diriger surle siège du gouvernement correspon-
dant. Pendant ce temps naturellement on les y soignera. Par
conséquent il en est qu'on ne sera pas obligé d'envoyer si loin, à
raison de la forme de leur maladie mentale.
Et, en tout cas, le transfert s'en pourra faire par coupes, en des
conditions convenables. La dépense ainsi'comprise n'en serait pas
trop lourde, car on n'aurait guère alors, pour chaque cercle, que
six à huit transferts par an.
Chaque gouvernement comprend environ dix cercles (ouyezde).
Si l'on disposait seulement de cinq lits d'aliénés par cercle, on
ASSISTANCE DES ALIÉNÉS EN RUSSIE. lu
hospitaliserait, séance tenante, cinquante malades qui n'auraient
pas à aller à l'asile du gouvernement. En somme un pavillon.
La statistique montre que les hôpitaux des cercles absorbent
40 p. 100 du nombre des places des aliénés entrant dans les hôpi-
taux d'aliénés des gouvernements. Elle montre aussi que, si le
temps de séjour des malades dans les sections d'admission ne
dépassait pas deux mois, les dimensions proposées plus haut suf-
firaient. l.
On pourrait encore disposer un bureau d'admission auprès des
hôpitaux particuliers que possèdent en outre certaines villes de
cercles groupées, auprès des grands hôpitaux appartenant aux
centres industriels, auprès des hôpitaux des voies ferrées. Que de
petits refuges on obtiendrait pour les aliénés !
Cela coûterait environ cinq à dix mille roubles (12500 francs à
25 000 francs) de premier établissement ; 1 500 à 3 000 roubles
(3 750 francs à 7500 francs) de frais annuels, par refuge. Et cela
plairait beaucoup à la population qui aime ses hôpitaux de cercles.
Il est vrai que les médecins de ces hôpitaux de cercles ne sont
pas aliénistes. C'est fàche.ux, mais c'est peu grave, pour si peu
d'aliénés. Et, au fait, puisque les Universités sont pourvues de
chaires de psychiatrie, il n'y a qu'à forcer étudiants et candidats
à passer des examens de pathologie mentale '.
IL Dans tous les chefs-lieux des gouvernements, existent des
établissements psychiatriques dépendant des assemblées telTito-
riales des gouvernements correspondants.
Qu'on y mène tous les aliénés des campagnes occupant les
rayons voisins, tous ceux de la ville principale du gouvernement
envisagé, ceux enfin qui, dans les cercles examinés supra auront
été, dans leurs bureaux d'admission respectifs, jugés atteints d'une
affection mentale longue, ou d'une période aiguë à évolution pro-
longée. Il convient cependant, auparavant, de réorganiser ces
asiles sur des bases précises.
Mais ces bases précises, qui sont principalement constituées par
des recherches statistiques, sont fort difficiles à obtenir. Le dénom-
brement des aliénés dans les villages russes et dans les villes des
cercles est impossible. Moscou et Saint-Pétersbourg étant mis à
part, à cause de leur situation spéciale et des exigences pure-
ment scientifiques qui priment ici la question d'assistance propre-
ment dite, on peut obtenir des documents des médecins direc-
teurs de trente des hôpitaux territoriaux de gouvernements
qui existent, M. Ergolsky a commencé une enquête qui lui permet
déjà, croit-il, de fixer : 4° le nombre général des places d'aliénés
dont devra disposer un institut psychiatrique territorial de gou-
' C'est la thèse que nous soutenons depuis longtemps. (B.).
136 . - ACTUALITÉS.'
vernement; 2° celui des aliénés violents ; 3° celui des agités dan-
gereux ; 4° celui des tranquilles dangereux ; 5° la proportion des
malades à isoler ou à contenir; 6° celle des agités non dangereux ;
- 70 celle des tranquilles non dangereux ; 8° celle des gâteux ;
9° celle des affections somatiques à aliter.
Il en conclut que l'asile réorganisé devra comprendre en tout
cinq cents places. : trois cents places pour la division des hommes,
deux cents pour la division des femmes.
Les trois cents places d'hommes se décomposeront en :
108 pour la section de traitement proprement dit ;
192 pour la colonie. 1
Les deux cents places de femmes se répartiront en :
88 pour la section de traitement pur;
.' 112 pour la colonie.
ASSISTANCE DES ALIÉNÉS EN RUSSIE. 137
à la campagne dans une colonie tout hôpital qui occupe actuelle-
ment une ville. '
Les 108 hommes et les 88 femmes qui relèvent de la section de
traitement actif peuvent, sans aucun inconvénient, profiter de
l'hôpital qui se trouve en ville et dont l'organisation a déjà
absorbé pas mal de ressources. Si, en effet il ne remplit pas main-
tenant toutes les exigences médicales, c'est qu'il est accaparé par
des malades dont la place serait dans une colonie.
Les malades propres à l'assistance coloniale seront au nombre
de 304 : 192 hommes, 112 femmes. S'il y a des inconvénients écono-
miques et administratifs à fonder des colonies éloignées de l'asile,
ces inconvénients peuvent être atténués, et ils -ne sont pas d'une
nature telle qu'ils doivent permettre de négliger la proportion des
malades justiciables d'une colonie et l'avantage matériel qu'en
retirerait l'administration de l'établissement correspondant.
Une colonie fermée près de l'asile est donc indispensable. Pour
l'organiser il faudra acquérir tout près, à cinq verstes par exemple
de la ville, une propriété de cent déciatines, où l'on puisse faire
de l'agriculture, de la culture maraîchère, une métairie.
Dans cette propriété on élèvera des baraquements capables de
contenir chacun 25 à 30 individus, soit 6 à 7 pour les hommes,
4 à 5 pour les femmes. On élèvera une cuisine contiguë à une
salle à manger spacieuse servant de salle de réunion en même
temps. On construira aussi un petit pavillon divisé en deux par-
ties ; une partie pour les femmes, une partie pour les hommes ;
chaque partie formera deux chambres d'isolement ; on y accédera
par une pièce destinée à servir de pharmacie, de chambre
d'admission et d'infirmerie momentanée.
III. - Les composantes de la progression des aliénés, à laquelle
on doit s'attendre dans le ressort de chaque territoire (tableaux),
montrent qu'il faut que l'assistance des aliénés prévoie un troi-
sième organe.
C'est la colonie d'aliénés de circonscription, inter-gouvernemen-
tale, destinée à servir à plusieurs gouvernements russes à la fois.
Elle sera nécessaire pour certaines catégories d'aliénés, avanta-
geuse pour les malades comme pour la population saine qui les
entoure.
En effet l'encombremeut futur des asiles ainsi développés est
certain. On aura trop à faire avec les aliénés des années précé-
dentes ; on n'aura pas le temps de se mettre au courant des arri-
vants. Il y aura forcément réplétion d'aliénés dont l'assistance
peut et doit reposer sur les principes d'une large application des
portes ouvertes, du no ? eslaaizit, soit à l'aide de colonies proprement
dites, soit à l'aide de l'assistance familiale dans les villages voisins,
aux portes de l'hôpital.
138 ACTUALITÉS.
Déjà nos colonies fermées actuelles qui appartiennent aux terri-
toires des gouvernements éprouvent des désagréments dus au
voisinage de la grande ville, de la liberté relative dont y jouissent
quelques colons. Et le mouvement inhérent aux asiles correspon-
dants (tableaux) rend obligatoire d'isoler l'établissement d'un
centre. -
Comme il est impossible d'enlever les établissements installés
dans les gouvernements du point du central de ces derniers, où
sont ces asiles, sans causer un grand dommage à la population,
et qu'il est impraticable d'entasser, sans les séparer de la ville,
une plus ou moins grande quantité d'aliénés qui ont en partie
besoin d'une notable liberté, il n'y a qu'à organiser des colonies
de circonscription, desservant plusieurs gouvernements à la fois,
et les déchargeant d'une fraction de leurs aliénés.
On y enverrait ceux qui après avoir passé par les' bureaux
d'admission des cercles, par les asiles des territoires des gouver-
nements, et avoir successivement habité l'établissement et sa
colonie fermée, n'ont pas guéri ou ne sont pas assez améliorés,
pour pouvoir sortir. Malades en somme observés pendant 3 ou
4 ans, voués jusqu'à la fin de leurs jours à un établissement d'alié-
nés. Déments, indifférents, psychopathes à formes mentales finies,
immobiles, auxquels on donnera une liberté bien plus large que
dans les colonies fermées.
Aussi est-il préférable que ces colonies fonctionnent à des dis-
tances plus impénétrables. Et c'est alors qu'apparaîtra l'utilité du
développement d'un patronage.
La statistique décèle la pléthore de dix asiles de gouvernements
en quatre à cinq ans. Elle prouve que ces établissements alimen-
teraient précisément une colonie de ce genre s'appliquant à une
circonscription composée de dix gouvernements, et qu'il faudrait
que cette colonie comprit 1500 malades au moins, car il importe
de compter avec un certain degré de développement de l'institu-
tion.
Une colonie de ce genre dépendrait directement de l'adminis-
tration et des finances de l'Etat, de l'Empire.
Tous les aliénés traités par le système d'assistance publique qui
vient d'être esquisse devraient recevoir traitement et assistance sans
bourse délier. P. KMKAVAL.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
PATHOLOGIQUES.
I. Dissociation syringomyélitique de la sensibilité dans les myé-
lites transverses; par L. Vlmoa. (Neurolog. Cezlralbl., XVII,
1898.)
Revendication de priorité contre Marinesco. Celui-ci, dans la
Semaine médicale du 13 avril 1898, signalait dans les compressions
de la moelle (myélite transverse) la dissociation en question et le
réflexe contralatéral. Minor, au Congrès de Moscou disait, le
21 août 1897 : 1° Dans les cas graves, avec autopsies, de lésions
traumatiques de la moelle, à la suite de fractures, déplacements,
luxations, etc., des vertèbres, on constate fréquemment deux es-
pèces de foyers morbides. Les uns, locaux ; les autres localisés.
2° Le foyer local gît au-dessous de l'endroit du traumatisme os-
seux ; il est la conséquence d'une destruction mécanique simple,
mais diffuse, incoordonnée, en un mot d'un écrasement de la sub-
stance de la moelle épinière dépourvu de règle. Dans les cas rares
de compression légère, on peut trouver le tableau histologique
d'une myélite par compression. 3° Parmi les phénomènes cli-
niques, abstraction faite de l'absence de réflexe rotulien, il faut
attribuer une importance spéciale, au point de vue de la locali-
sation, à une zone parfois fort large de dissociation syryngomyé-
litique de la sensibilité; c'est la conservation de la sensibilité tactile
contrastant avec la perte de la sensibilité à la douleur et à la
température, dans les segments immédiatement sus-jacents au
territoire de la complète anesthésie. C'est ce que l'auteur a ob-
servé dans la plupart des cas. P. KERAVAL.
IL Observation de tumeur cérébrale s'étant traduite par les
symptômes du mal sous-occipital et par de l'hémiatrophie de
la langue; par J. WENUARDT. (Neurolog. Ce71ti,cilbl., XVII, 1898.)
Plusieurs et importants symptômes étaient en faveur de la
spondyhte, la tumeur ayant altéré les vertèbres et leurs articula-
tions et en imposant, par suite, pour un processus tuberculeux.
Leyden a déjà indiqué que la lésion tuberculeuse, carcinomateuse,
ou sarcomateuse de l'apophyse odontoide de l'axis présente exac-
tement le même tableau pathologique, si ce n'est que, dans les
140 REVUE d'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
deux derniers cas, les douleurs ne cessent pas pendant le décubi-
tus dorsal. Dans l'espèce, on concluait à une lésion de l'articula-
tiou atloïdo-occipitale et à la propagation de la lésion au trou
condylien antérieur, pour les raisons suivantes. Il existait : 1° des
douleurs irradiées dans la région de la nuque et de l'occiput, qui
s'exaspéraient par le moindre mouvement, par la pression des
deux premières vertèbres cervicales, et diminuaient par la sta-
tion couchée ; 2° une attitude anormale, avec rigidité, de la tête
en avant et à gauche; 3° une atrophie hémilatérale de la langue ; 1
4° le malade en s'asseyant et en se couchant soutenait sa tête. Les
mouvements de flexion et de rotation de la tête autour de la'per-
pendiculaire, par leur extrême circonscription, révélaient une lésion
de l'articulation de la première avec la deuxième vertèbre cervi-
cale. L'atteinte de l'hypoglosse gauche et l'incurvation de la
colonne vertébrale à gauche montraient que l'altération avait prin-
cipalement détruit la moitié gauche des vertèbres. Et l'on pensait à
la tuberculose par suite des antécédents du patient, et de la cons-
tatation d'une tumeur élastique, un peu fluctuante, à la paroi
postérieure du pharynx (abcès par congestion probable). Une carie
de la base de l'occipital et des première et deuxième vertèbres
cervicales était indéniable. A l'autopsie on trouvait bien les os et
les articulations détruits comme on le pensait, mais par unnyxo-
chondrosarcome, ayant pris naissance sur l'os basilaire, ayant
comprimé l'hémisphère cérébelleux gauche, le bulbe, la protubé-
rance, l'hypoglosse du côté gauche. P. KEnAVaL.
III. Remarques sur la structure des cellules des ganglions
spinaux; par M. de Lenhossek. (Neural. Centnal6l., XVII, 1898.)
Réponse à M. Ileimann qui dans les lrchiv f. patholog. Anato-
mie, t. 132, 1898) a critiqué le travail de Lenhossek sur le même
sujet in Archiv f. Psychiatrie, t. XXIX. D'abord les études de
Ileimann concernent le lapin. Puis, la fixation au sublimé est loin
d'être bonne ; ce qu'il y a de mieux, c'est parties égales de solu-
tions concentrées de sublimé et d'acide picrique.
Quant à la coloration de la substance tig-oïde des cellules ner-
veuses (corps de Nissl), c'est bien réellement le bleu de toluidine
qui est lé meilleur. Sur les coupes transverses de corps d'embryon
on voit les paities du système nerveux, dont les cellules sont déjà
pourvues de tigioïde, ressortir en bleu intense, même par les plus
faibles grossissements. Il suffit, pour arriver à ce résultat, de sou-
der, à l'aide d'eau distillée et de glycérine albumineuse, sur la
porte objet, les coupes à la celloïdine ou à la paraffine, et de les
y abandonner pendant la nuit dans une solution concentrée de
bleu de toluidine. Le lendemain on rince à l'eau, on différencie à
l'alcool, on éclaircit au carbolxylol ou au xylol, on inclut dans le
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 141
baume du Canada. Cela vaut mieux que la thionine ou le bleu
de méthyle. On peu ! , en sus, avant la différenciation à l'alcool,
colorer à l'en throsine, mais il faut être prudent, parce que la
matière colorante acide du bleu de toluidine pourrait être
déplacée.
L'aspect si différent de la structure de chacune des cellules ner-
veuses dans les ganglions spinaux (cellules obscures, cellules
claires, cellules à fines granulations, cellules à grosses granula-
tions), irrégulièrement enchevêtrées, tient réellement à une diffé-
rence de structure de chaque cellule. Celle-ci est produite : 1° par
la différence de quantité et de répartition de la tigroïde, c'est-à-
dire par la différence d'épaisseur et de finesse de la granulation;
2° par les rapports différents d'épaisseur de la substance fonda-
mentale, c'est-à-dire du protoplasma de la cellule qui existe entre
la substance tigroïde. La division de Marinesco, la chromophilie
de Flesch et Koneff et celle de Nissl qu'IIeimann emploie dans les
deux sens avant de prévenir de laquelle il veut parler, doivent
céder le pas à la description des diverses colorabilités, densités,
granulifications des cellules nerveuses des ganglions spinaux,
purement et simplement.
En ce qui concerne le noyau et le nucléole, des auteurs il résulte
que la basophilie du nucléole n'est que relative. Tandis que la
vraie basichromatine des noyaux du tissu cellulaire ambiant fixe
le vert de méthyle du mélange Ehrlich-l31ondi, cette matière colo-
rante dans le nucléole est aisément partiellement ou tout à fait
déplacée par la rubine acide (fuchsine acide) ; il n'y a que des
parties les plus superficielles du nucléole, sous forme de petites
mottes, qui se révèlent basophiles types, et jouissent tout à fait
des mêmes affinités tinctoriales que la chroma tine. Malfatti a
constaté que l'acide nucléique pur de la levure, devient vert franc
dans le mélange de vert de méthyle et de fuchsine acide, tandis
que les nucléines pauvres en phosphore y deviennent violet
bleuâtre; les nucléines très pauvres en phosphore deviennent
ronge pur. Ainsi serait justifiée l'hypothèse que le nucléole des cel-
lules des ganglions spinaux est constitué par un composé voisin de
la nucléine, qui s'en distingue par une teneur plus faible en phos-
phore ; il n'y a qu'à la surface du nucléole qu'il y ait de petites
particules de nucléine type, riche en phosphore.
La structure de la substance fondamentale, c'est-à-dire du proto-
plasma des cellules des ganglions spinaux qui existe entre les
mottes de tigroïde, parait maintenant à l'auteur être celle de
M. Flemming qu'admet M. Ileimann. Il y a aussi, dans les gan-
glions spinaux des mammifères, des cellules à différenciation
fibrillaire du plasma fondamental. La striation fibrillaire, M. Len-
hossek l'avait déjà reconnue dans le cylindraxe et la partie de la
cellule du ganglion spinal désignée sous le nom de cône originel.
142 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
Lugaro possède de beaux échantillons de grandes cellules à struc-
ture périphérique fibrillaire chez les chiens empoisonnés par l'ar-
senic. On en voit de belles chez la grenouille (coloration hémato-
xyloferrique). Parfois chez les mammifères, en fixant bien les
éléments en question, on constate une structure fibrillaire évi-
dente des couches marginales, une disposition réticulaire de
la substance fondamentale à dessin soit plutôt granuleux, soit
plutôt fibriforme. P. KERAVAL.
I V. Contribution à la question des connexions centrales des nerfs
craniens moteurs ; par M. P. 1l0MANow. (Neurolog. Centmcl6l.,
XVII, 1898.)
Après avoir déterminé chez les chiens, au moyen du courant
faradique, le centre cortical de tel ou tel nerf, l'auteur détruit
l'écorce de l'endroit correspondant en l'enlevant à la curette. Il
laisse ensuite l'animal vivre vingt ou trente jours, puis il l'autop-
sie,place l'encéphale dans la liqueur de Marchi et en pratique des
coupes ininterrompues en séries.
Voici les conclusions relatives au trijumeau, au facial et à l'hy-
poglosse. Figures.
L'ablation à la curette du centre cortical du trijumeau ou la
destruction des centres du facial et 'de l'hypoglosse entraine tou-
jours une dégénérescence descendante dans la pyramide du même
côté. La lésion du centre du facial se traduit par une dégénéres-
cence surtout marquée dans la partie antéromédiane de la pyra-
mide ; on trouve des fibres dégénérées par toute la pyramide dans
les lésions du centre du trijumeau et de l'hypoglosse.
Au niveau des noyaux de chaque nerf, de même que de la pyra-
mide dégénérée dans la direction du raphé, on voit se diriger des
fibres dégénérées qui s'en vont du côté opposé. Ces fibres peuvent
être, en ce qui concerne la lésion du centre du facial, suivies tout
près de son noyau ; il n'en est pas de même pour la lésion du
centre du trijumeau et de l'hypoglosse.
La lésion du centre cortical de l'hypoglosse révèle un entre-
croisement des libres des pyramides dégénérées dans toute
retendue des noyaux de ce nerf; mais on n'en rencontre plus
au-dessus du noyau.
Les fibres pyramidales dégénérées qui vont au noyau du facial
accomplissent leur entre-croisement dans toute l'étendue des
noyaux de ce nerf et même au-dessus de ces noyaux dans le ter-
ritoire des olives supérieures.
Les fibres pyramidales qui vont au noyau du trijumeau s'entre-
croisent surtout, bien au-dessus de l'extrémité supérieure des
noyaux de ce nerf, dans le segment éloigné des tubercules quadri-
jumeaux inférieurs. Au niveau de l'extrémité inférieure des noyaux
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 143
du trijumeau, il n'y a plus entre-croisement ; on voit simplement
des fibres dans le voisinage du noyau.
La lésion des centres corticaux du trijumeau et du centre infé-
rieur du facial révèle l'existence, en outre, de fibres pyramidales
dégénérées qui vont au noyau du côté opposé; il existe des fibres
de ce genre qui vont au noyau du même côté.
Quand les expériences et les coupes ont été bien réussies, il
n'existe pas de fibres dégénérées dans les systèmes de fibres qui
sont en dehors des pyramides. Dans la pyramide même, qui con-
tient des fibres dégénérées, on rencontre toujours, au-dessous du
niveau des noyaux du nerf examiné, des fibres dégénérées que,
quoiqu'en petit nombre, on peut suivre jusque dans la moelle
jusqu'au cordon latéral du côté opposé. La lésion isolée du centre
cortical de n'importe quel nerf cranien, entraîne donc toujours
une dégénérescence de fibres quelconques allant à la moelle. La
dégénérescence de toutes les fibres des pyramides qui dégénèrent
après lésion du centre cortical d'un nerf crânien quelconque.
n'indique donc point les connexions centrales de ce nerf. Cette
particularité, propre aux expériences de ce genre, empêche de
localiser exactement les voies cherchées dans le territoire du
pédoncule cérébral et de la capsule interne, car. dans ces deux
régions, on trouve des fibres dégénérées qui, assurément, n'ont
aucun rapport avec les noyaux du nerf examiné. Nous ne possé-
dons donc aucun point de repère pour distinguer quelles sont.
parmi les fibres dégénérées, celles qui appartiennent au système
du nerf examiné, et celles dont le trajet appartient à la moelle.
P. KERAVAL.
V. Contribution à l'histologie et à la pathologie de la sclérose
en plaques insuliforme; par S. Eruen. (i)t.111-010g. Centralbl.,
XVII, 1898.)
Comme l'indique la suscription complémentaire, l'auteur s'est
attaché à préciser à l'aide de cinq observations favorables, le déve-
loppement des lésions, l'extension de la substance de soutène-
ment, les altérations primitives, de la substance blanche de la
moelle. Il passe en revue le tremblement intentionnel et la cura-
bilité de certains symptômes.
Conclusions : 1° La multiplication considérable des fibres nerveuses
les plus fines dans les parties scléreuses des cordons de la moelle,
peut être le produit d'une dégénérescence ou d'une régénérescence
des fibres nerveuses. - Dégénérescence, disent les uns, car les gaines
de myéline sont dégénérées, d'où la dégénérescence des cylin-
draxes, car, au début de sclérose, il y a toujours tuméfaction d'un
certain nombre de fibres nerveuses et par suite une compression
qui réduit les nerfs voisins à l'état de fibres minces et de fibres
144 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
extrêmement minces. Régénérescence, dit l'auteur, car l'état des
foyers scléreux ne se peut allier à l'idée d'une compression qui
devrait porter sur tout le diamètre de la moelle; suivant le degré
de la compression, on devrait trouver des fibres intermédiaires
comme volume aux grosses fibres et aux toutes petites, et l'on
n'en trouve point. En un mot, le grand nombre des fibres nerveuses
fines plaide en faveur de leur nature ; ce sont des éléments ner-
veux de néoformation et non des éléments nerveux rapetissés
anciens. La dissociation montre que ce sont de jeunes cylindraxes
néoformés. On ne peut dire si lè nombre des cylindraxes fins pro-
gresse avec le développement de la sclérose ou si cette régénéra-
tion s'arrête à un certain stade; mais on les trouve surtout dans
la sclérose avancée.
2° Les travées de névroglie de la sclérose en foyers s'étendent
et ont d'abord l'aspect homogène; plus tard elles paraissent com-
posées de fibrilles extrêmement fines. La masse homogène de ces
travées épandues se compose à un fort grossissement de points
isolés entourés d'un clair halo, qui trahissent, en certains endroits,
la coupe des fibres nerveuses à myéline fines. Le contour de la
gaine de myéline n'est pas lisse, il est filamenteux, comme dans la
moelle normale du reste. Comme il existe aussi des altérations de
ces gaines, et une réplétion inusitée, en certains endroits, de fibres
de petit calibre où il n'y a pas de prolifération de névroglie, il
appert que les altérations des éléments nerveux sont primitives et
que celles du tissu interstitiel suivent.
3° En ce qui concerne les altérations vasculaires, rien de nou-
veau, sauf en un cas, où la sclérose se développait certainement
le long de la l'artère interfuniculaire ;
4° A côté de la déchéance, de l'atrophie, de la tuméfaction bour-
souflée et de la transformation protoplasmique des gaines de myé-
line, on peut dans l'axe de la moelle constater la tuméfaction de
quelques cylindraxes, leur éclatement, leur état ondulé. Ce qui
veut dire que quelques cylindraxes disparaissent dès le début de la
sclérose en plaques. C'est précisément ce quifait le tremblement inten-
tionnel. La suppression de l'action de quelques fibres des voies
psychomotrices en est la cause. Briicke a montré que le mouve-
ment volontaire d'un muscle est dû aux décharges successives de
chaque fibre comparables à celles de chaque fusil dans le feu de
peloton. Il suffit qu'une partie des fascicules musculaires ne donne
plus son concours à une partie de l'impulsion motrice pour que la
force du muscle qui se contracte soit affaiblie. Par suite les com-
posants de ce mouvement sont passagèrement déséquilibrés; le
mouvement perd de son uniformité et de sa rondeur; il s'exé-
cute par saccades, d'une façon interrompue. C'est précisément là
le tremblement intentionnel. Le mouvement intentionnel résulte
d'un trouble de la contraction intérieure de chaque muscle, tandis
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 145
que l'ataxie est due à une altération des synergies musculaires, du
concours ordonné de plusieurs muscles ou groupes de muscles.
L'ataxie tient à des foyers qui siègent au-dessus de la moelle
(Zuckerkandl et Erben). Contrairement il ce qu'ont dit Strumpell,
Bruns, 0. Huber, il faut séparer le tremblement intentionnel de
l'ataxie ;
5° Comme Charcot (1886) et Popoff (t89fi), \I. Erben trouve par
la constatation d'unnombre remarquable de petites fibres qu'il peut
y avoir néoformation de cylindraxes. Cette néoformation explique
que dans le cours de la sclérose multiloculaire, il puisse se réta-
blir des fonctions déchues, il puisse se produire des rémissions
(C.-S. Freund), et quant aux symptômes sensitifs, et quant à la
paralysie de la vessie, quant aux troubles rectaux. La diminution
considérable de l'acuité visuelle petit elle-même rétrocéder.
P. KERAVAL.
VI. De l'atrophie musculaire dans la sclérose multiloculaire;
par L. RuAUEn. (Neurolog. Cenluulbl., XVII, 1898.)
Observation tout entière dans l'atrophie musculaire précoce de
plus en plus prononcée ultérieurement. Pas du tout de tremble-
ment intentionnel, pas de nystagmus, pas de troubles de la
parole. La parésie spasmodique des jambes survient bien après
l'installation primordiale de l'atrophie musculaire bilatérale, non
compliquée, des bras et surtout des petits muscles des mains.
On croit successivement à une atrophie musculaire progressive
et à une sclérose latérale amyotrophique.
A l'autopsie, au lieu de gros foyers scléreux, petits foyers avec
altérations cellulaires des segments de lamoelle recélant les centres '
trophiques des petits muscles des mains; cela a suffit pour empê-
cher la paralysie spasmodique des extrémités inférieures de se
produire.
A côté de cellules déchues, on trouve un grand nombre de cel-
lules très probablement saines, ce qui explique : que les nerfs
périphériques n'aient présenté que relativement des altérations si
faibles; que les muscles les plus atrophiés n'aient pas dégénéré
complètement et qu'ils fussent encore capables d'un certain mou-
vement volontaire.
Dans les nerfs périphériques, ou constatait cependant l'existence
de gaines de myéline en voie de dégénérescence, de fibres com-
primées et séparées les unes des autres par le tissu conjonctif
multiplié (tronc nerveux des bras, et minuscules destinés aux
muscles) ; en certains endroits seulement, il y a atrophie vraie. Il
faut remarquer que le processus est déjà ancien, puisque la ma-
ladie est vieille de vingt-trois ans, et que, par suite, on ne peut plus
Archives, `3e série, t. IX. 10
'1 IG REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
le prendre sur le fait. 11 y a du reste peu de névroglie, ce qui
indiquerait qu'il n'y a pas eu de sclérose ordinaire.
L' ! typel'id,ose localisée de l'avant-bras droit qui s'est montrée
finalement est intéressante. P. Keraval.
Y1L Contribution à la coloration des cellules nerveuses;
par F. LuIT11LEU et J. SonGo. (Neurolog. Ceizii@albl., XVII, 1898.)
Emploi du bleu de méthyle polychrome de Unna permettant
d'employer préalablement liqueur de Muller, ou acide chromique.
1° Durcir soit dans l'alcool, soit dans la liqueur de Muller, soit
dans le formol, soit dans le formol et la liqueur de Muller. Un dur-
cissement de six à huit semaines avec lavage de l'excès de chrome
est particulièrement favorable ; 2° inclure dans la celloïdine et la
paraffine; on préférera la première pour les pièces durcies à la
liqueur de Muller. On pratiquera des coupes très minces ; 3° les
coupes transportées de l'eau dans la solution de bleu de méthyle
polychrome de Griibler, y resteront vingt-quatre heures à la tem-
pérature de la chambre, ou au bain-marie jusqu'à développe-
ment de vapeurs; 4° lavages à l'eau distillée changée de temps à
autre, pendant vingt-quatre heures; 5° différencier sur le porte-
objet, sécher, asperger du mélange d'éther et de glycérine de Unna
(Griibler), jusqu'à ce qu'à l'oeil nu la substance blanche se dis-
tingue de la substance grise (8, 15, 25 secondes; enlever l'excès;
sécher au papier filtre ou au linge lisse ; G° arroser plusieurs fois
d'alcool absolu; sécher; 7° éclaircir à l'essence d'origan; 8° baume
du Canada.
Les granulations des cellules, celles du nucléole, les noyaux '(
de la névroglie sont violets (durcissement à l'alcool ou au formol)
ou tirent sur le bleu (durcissement chromique). Quelquefois le
nucléole est rouge. Le tissu conjonctif et les cylindraxes sont bleus
excepté pour les préparations durcies à l'alcool (la décoloration en
est presque complète).
Dans les préparations durcies à la liqueur de Muller, ou au formol
et à la liqueur de Muller, les gaines de myéline sont d'un violet-
rouge avec prédominance de violet ou de rouge; si l'on ajoute
aux coupes colorées, mais non encore différenciées, une solution
de sublimé ou de chlorure de platine à 0,50 ou 1 p. 100 les teintes
en question sont intenses et franches, mais aux dépens de la colo-
ration des cellules.
Jamais néanmoins la coloration du fin réseau des fibres blanches
de la substance grise n'est aussi belle que par les procédés de
Weigert et Weigeit-Pal. ·
Ces préparations se conserveront pendant plus de neuf mois, si
l'on a soin : de bien laver les coupes colorées à l'eau distillée pen-
dant vingt-quatre heures, d'employer une essence d'origan fraîche
REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. z47
et exempte d'alcool; de se débarrasser complètement de l'éther
à la glycérine, et de l'alcool en lavant énergiquement à l'alcool et
à l'essence d'origan. P. Keraval.
VIII. Contribution au durcissement « in situ » du système nerveux
central; par H. PFISTER. (Neurolog. Centralbl., XVII, 1898.)
Le cadavre ayant le bassin relevé de façon à ce que la partie
supérieure du corps et de la tête soient basses, on enfonce un tro-
cart entre la troisième et la quatrième lomhaire, et l'on injecte
au formol à l'aide d'un irrigateur ou d'une grosse seringue. Chez
un enfant l'auteur a parfaitement durci toute la moelle, le bulbe,
la protubérance, le cervelet. Mais le cerveau n'a été que faible-
ment touché, probablement à cause d'une quantité insuffisante 110
à 140 centimètres cubes. Cette méthode lombaire est excellente pour
la moelle épinière.
Pour durcir le cerveau, il faut, modifiant le procédé de P. Marie»
introduire le trocart au milieu du bord inférieur de l'orbite en
exerçant une compression en haut et en arrière sur le globe de
l'oeil dans la direction du canal infraorbitaire, de façon à pénétrer,
par la fente orbitaire supérieure, dans l'espace arachnoïdien, au
niveau du pôle temporal. Le cadavre est, naturellement, dans le
décubitus dorsal. Cette méthode, est particulièrement facile dans
l'hydrocéphalie externe. Dans le cas d'hydrocéphalie interne, on
pratique une incision à la peau des deux côtés de la suture sagit-
tale, on perfore les pariétaux, à un centimètre ou deux de la su-
ture coronaire, et l'on introduit perpendiculairement la canule
jusque dans les ventricules latéraux dilatés ; on aspire le contenu
des ventricules, on injecte à la place le liquide durcissant et l'on
durcit, ainsi, par l'intérieur, les hémisphères et les ganglions cen-
traux.
L'introduction de la canule dans la région sous-occipitale, entre
l'atlas et le trou occipital, la tête étant fortement fléchie sur la
poitrine (décubitus abdominal), ne donne qu'un durcissement mé-
diocre du cerveau et de la moelle, même si l'on a la précaution de
faire pénétrer l'instrument à 5 ou 7 centimètres de profondeur.
La combinaison des deux méthodes, spinale et cérébrale, doit
donner d'excellents résultats Mais il serait bon de pratiquer une
conlre-ouverture pour assurer l'écoulement dans le canal vertébral,
ou dans le crâne, d'agir très lentement, afin d'éviter des compres- z
sions. La solution Sainton et Kattwinkel à 90 d'alcool et 10 de
formol est la meilleure. P. Keraval.
IX. L'artériosclérose de l'encéphale; par P.-J. KOWALEWSKY.
('Yelli-0109. Centmzlbl., XVII, 1898.) '
Trois observations ayant pour phénomènes connus : la sclérose
148 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
des artères du fond de l'oeil, des tempes, des extrémités supé-
rieures ; l'hypertrophie du ventricule gauche avec renforcement du
deuxième bruit; le ralentissement du pouls (40 ou 60). Symp-
tômes : bourdonnements d'oreilles, vertige plus ou moins continu,
entrecoupés, d'accès vertigineux violents ressemblant au vertige
épileptique; lipothymies; accès d'angoisse; affaiblissement de l'ouïe
et de la mémoire; insomnie, constipation. Il y faut joindre, en
d'autres cas, de l'affaiblissement de l'intelligence, de l'achopement
syllabique, des attaques apoplectiformes avec pertes de connais-
sance et parésies consécutives; amblyopie en brouillard; tituba-
tions en marchant. Ces symptômes se groupent différemment sui-
vant les espèces. Mais le premier groupe est commun à toutes;
c'est lui qui doit être produit par les altérations artérielles et doit
être appelé : phénomènes types de l'artériosclérose encéphalique. Le
second groupe dépend, lui, de la place occupée par la lésion du
système nerveux central ; il constitue les accidents types de la ma-
"ladie locale.
Le traitement antiscléreux de Rumpf n'a pas encore donné de
résultats. On peut continuer à l'expérimenter. Les iodiques sem-
blent supérieurs pourvu qu'on réglemente sagement la manière de
vivre. P. KERAVAL.
X. De l'excitabilité électrique du radial ; par K. GUMPERTZ.
(Neurolog. Centralbl., XVII, 1898.)
L'auteur, en 1892, dans la Deutsche medic. Wochnsch1'ift, faisait
remarquer que chez les saturnins le radial ne réagissait pas au
courant faradique à l'ouverture du circuit au pôle positif, et qu'il
ne donnait point non plus ASZ galvanique. Il pensait qu'il s'agis-
sait des prodromes d'une dégénérescence du nerf. Depuis, Bernhardt
a attribué à la situation profonde du nerf ces phénomènes, qui se
montreraient, d'après lui, également chez les individus sains.
M. Gumpertz a donc réexaminé en'détail gens sains et malades.
Or, sur cinquante et un sujets, il n'a vu que trois fois la réaction
anormale en question, explicable en chaque espèce. La situation
profonde du nerf n'était donc point en cause.
Il est un nerf qu'il est bien plus difficile d'exciter que le radial,
c'est le tronc de l'hypoglosse. L'exploration faradique en est trou-
blée par la vive contraction du peaucier du cou ; l'exploration gal-
vanique, par les réflexes pénibles de la déglutition. Parfois cepen-
dant M. Gumpertz a obtenu un mouvement certain de la langue du
côté excité, mais exclusivement par le courant induit, et alors il a
vu que l'anode faradique développait une action qui n'était pas
essentiellement inférieure à celle exercée par la cathode ; une fois
il a pu obtenir ASZ galvanique tandis qu'il ne pouvait avoir AOZ.
Donc M. Bernhardt se trompe. P. KERAVAL.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 149
XI. De la structure des cellules nerveuses des ganglions spinaux;
par E. Heimann. (Neurolog. Centralbl., XVII, 1898.)
Réplique de l'auteur aux critiques de Lenhossek. La fixation au
sublimé est une bonne chose, et le séjour des ganglions spinaux
du lapin dans ce liquide pendant vingt-quatre heures est suffi-
sant. Le bleu de toluidine n'est pas du tout un agent de colora-
tion spécifique électif de la tigroïde. Ayant mis la nomenclature de
Flesch entre parenthèses, il s'est servi du terme de chromophilie au
sens de Nissl. La charpente du noyau n'est pas acidophile puis-
qu'elle se colore aux couleurs basiques. M. Ileimann est fort
heureux d'être d'accord avec Lenhossek sur la structure fibrillaire
de la cellule nerveuse. P. RERA V AL.
XII. Contribution au dosage du courant induit; par KURELLa.
(Centrralbl. f. Ne·veaheilk., XXI, N. F., IX, 1898.)
Pour obtenir des indications physiologiques comparables, l'au-
teur se propose d'assurer la constante du courant primaire. Il
intercale donc dans le circuit du courant primaire de l'appareil à
chariot un galvanomètre du genre de celui d'une batterie continue
qui puisse fournir la mesure de la force de ce courant. En arrière
du galvanomètre est disposé un rhéostat de charbon ou de gra-
phite à résistance graduellement progressive. La force est em-
pruntée enfin à des éléments à immersion Leclanché combinés de
telle sorte que pour une résistauce au rhéostat de 10 ohms on ait
dans la spirale primaire un courant de 500 milliampères. On con-
trôle avant de commencer l'application toutes les fois que ce con-
trôle parait utile et l'on intercale les résistances nécessaires pour
assurer la constance quantitative du courant. Dans ces conditions
l'écart des bobines n'a pas à varier, et les indications fournies par
les patients sont bien des indications physiologiques. '
P. KERAVAL.
XIII. De la dégénérescence des fibres du bulbe dans la démence
paralytique ; par W. DE BECHTEREW. (Centralbl. f. Nervenheilk.,
XXI, N. F. IX. 1898.)
Voici un malade mort dans le cours du 3° stade d'une paralysie
générale de longue durée. Dans le bulbe et au niveau de la protu-
bérance, il y a dégénérescence totale : de tout le territoire de la
partie réticulée de l'étage supérieur des pédoncules cérébraux à
l'exception des fibres radiculaires des faisceaux centraux du
même étage; de presque toute la région de la couche intermé-
diaire des olives et du ruban de Reil avec conservation du ruban
de Reil latéral et du corps trapézoïde. Il existe une forte dégéné-
150 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
rescence des deux pyramides, des faisceaux aberrants, d'une por-
tion considérable des fibres du corps recliforme à l'exception des
fibres cérébello-olivaires. Si cette observation est exceptionnelle,
dans les autres cas on constate toujours quelque dégénérescence
des fibres du tronc du cerveau ; cette dégénérescence n'est jamais
totalement absente. Il s'agit évidemment de dégénérescences
secondaires par atrophie des cellules nerveuses correspondant aux
systèmes atteints. C'est à rechercher en détail. P. KERA VAL.
XIV. Contribution à la connaissance du trouble de la sensibilité
de Bernhardt ; par ADLER. (Neurolog. Crntm'Lbl., XVII, 1897.)
Observation de trouble de la sensibilité de Bernhardt à la
cuisse ; par A. GOOD. (Neurolog. CenGralbl , XVII, 1898.)
L'observation de M. Adler est semblable à celle de Koester
(Ne2rrolog. Centrnlbl., 1897). Il s'agit d'un employé des postes qui
depuis vingt-quatre ans, deux fois par jour, classe en wagon des
correspondances. Il est debout pendant le va-et-vient du wagon et
ne fait que quelques pas ça et là. Homme vigoureux de quarante-
neuf ans, non nerveux. Dans le cas de M. Good, c'est une infir-
mière parfaitement saine, sans tare et bien constituée qui, par
suite d'un travail prolongé à la buanderie, présente une première
atteinte de névrite qui disparaît complètement. Récidive six ans
plus tard ; cette fois, après quinze mois, il reste encore des trou-
bles évidents de la sensibilité, mais pas de douleurs. IEadVAL.
P. KERAVAL.
XV. Sensibilité à la douleur de la peau ; par 0. nlOTSCHU7KO\VSK1'.
(N £ 1ll'otoy. Centoalbl., XVI, 1897.)
Etude physiologique toute de détails appuyée par mille exa-
mens pratiqués par l'auteur au moyen de sou algésimètre.
Chez l'homme tout à fait sain, il y a des oscillations de la sensi
bilité à la douleur entre 0,15 et 1,5 millimètre. Le centre de la
sensibilité douloureuse la plus faible est la peau du bassin. De là
elle s'accroît graduellement, en haut jusqu'à la tête et jusqu'aux
doigts, en bas jusqu'aux orteils. La plus grande sensibilité est
dévolue à la peau du front, près la limite du cuir chevelu, et
aux plis de la peau entre les phalanges du côté de la paume de la
main. Les parties les moins sensibles sont la fesse et la plante du
pied. Le cuir chevelu est généralement fort sensible ; les chauves
sentent la douleur à 0,15 et 0,02 millimètre.... Dessins et tableaux
établissant les détails des régions chez l'homme et la femme.
La sensibilité tactile n'est pas parallèle au degré de la sensibilité
douloureuse. Plus la peau est mince, plus sa sensibilité est grande.
Mais le degré de la sensibilité douloureuse n'est pas partout inver-
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 151
sement proportionnel à l'épaisseur de la peau; ainsi, en arrière de
l'oreille, où la peau est si mince, il faut pour sentir la douleur
0,5 millimètre ; à la limite des cheveux et du front où la peau est
épaisse 0,2 millimètres suffisent. Entre l'épaisseur de la peau,
d'une part, et la sensibilité tactile et douloureuse, d'autre part, il
n'y a pas de rapport direct.
Nous ne pouvons passer en revue tous les éléments et tous les
modificateurs de la sensibilité douloureuse. Il faut lire ce mé-
moire. D'autant que, comme le fait remarquer l'auteur, les résultats
obtenus par chaque observateur sont en conformité avec les mé-
thodes et les procédés d'examen de cet observateur. P. Keraval.
XVI. Maturité des faisceaux conducteurs de l'encéphale des
animaux; par DOELLKEK. (Neurolog. Centralbt., XVII, 1898.)
Coupes en série transverso-perpendiculaires, horizontales, et
antéropostérieures d'encéphales de chiens et de chats. Colora-
tion de Weigert et Pal. Etude comparative d'animaux âgés de
trente-cinq jours, deux mois, trois mois, et d'animaux adultes.
Voici quel est dans ces conditions le développement successif des
manchons de myéline dans les trajets conducteurs. I. Chez le
chat. Avant- l'âge de huit jours, on ne constate pas de fibres à
myéline. Du huitième au neuvième jour on constate la myélinisa-
tion successive : 1° de faisceaux de la capsule interne qui vont au
gyrus coronaire et au gyrus crucial antérieur et postérieur
(ascendantes de l'homme) ; 2° de la bandelette olfactive ; 3° du
trigone ; 4° de la partie supérieure de la commissure des cornes
d'Ammon; 5° de la lamelle de la corne d'Ammon, située dans le
gyrus hippocampi, qui constitue une partie de la saillie ventricu-
laire de la corne d'Ammon (alveus). Du dixième au onzième
jour se myélinisent : 1° une partie de la circonvolution du corps
calleux (cingulum) ; 2° un mince faisceau allant de la capsule
interne dans le gyrus ectosylvien postérieur ; 4° la partie la plus
antérieure des troisième et quatrième circonvolutions arquées.
Du treizième au quatorzième jour apparaissent : 1° une étroite
lamelle située dans la partie moyenne du gyrus marginal; 2° des
faisceaux qui vont de la capsule interne dans le gyrus ectosylvien
postérieur. Du quinzième au seizième jour on voit : 1" le tiers
moyen du corps calleux; 2° la partie sombre de la commissure
antérieure. IL Chez le chien, la myélinisation, un peu plus
tardive que chez le chat, d'un jour ou deux, est très nette. Le
neuvième jour il n'y a de fibres à myéline que dans le gyrus
coronaire, le gyrus crucial antérieure et postérieur, et les voies
de communication de la capsule interne avec ces circonvolutions.
Du onzième au douzième jour on en voit dans le trigone; la
partie supérieure de la commissure ammonique ; la voie de com-
152 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
munication de la capsule interne à la partie postéro-inférieure du
gyrus marginal; la partie supérieure des troisième et quatrième
circonvolutions arquées. Le quatorzième jour se dessinent les
faisceaux allant du corps genouillé externe au gyrus marginal et
post splénial. Du dix-septieme au vingtième jour, ce sont : le tiers
moyen du corps calleux (d'abord), le tiers antérieur de celui-ci
(un peu plus tard); les fibres du corps calleux proviennent surtout
de la proue (côté interne) du gyrus crucial antérieur et postérieur
et du gyrus coronaire. En réalité les fibres d'association entre les
circonvolutions ne se voient guère à ce moment que dans une
partie de la sphère tactile (gyrus coronaire), et encore y sont-elles
rares ; peut-être y en a-t-il aussi dans la radiation optique. Il n'y
a certainement pas de fibres de projection dans tous ces endroits.
Mais il convient de procéder à de nouvelles études et de délimiter
exactement les zones corticales.
La myélinisation du cerveau des animaux dépourvus de circon-
volutions s'effectue en d'autres étapes mais dans les mêmes condi-
tions. Tels les lapins, les rats, les souris, les cobayes. La maturité
de faisceaux déterminés n'a pas non plus lieu exactement le même
jour chez tous les animaux d'une même espèce ; tel chien, par
exemple, était plus développé le dix-septième jour qu'un autre au
vingtième jour, tel chat présentait un développement plus accen-
tué le quinzième jour qu'un autre le seizième. Mais du huitième
au dix-huitième jour on ne voit jamais que des systèmes de fibres
isolés. Et la maturité suit pour chaque faisceau la loi de succes-
sion formulée. P. Keraval.
XVII. La phylogénèse du cordon antérieur des pyramides; par
G. l3¡KELE.S. (Neunolog. Ceatmclbl., XVII, 1898.)
Dans son livre intitulé Der feinere Bail £ le)' ilrerureasystems
(1895) de Lenhossek dit que le cordon antérieur des pyramides se
substitue aux fibres des pyramides qui ne s'entrecroisent pas et
occupent d'ordinaire le cordon latéral, et que dans la moelle des
mammifères où il n'existe que des faisceaux latéropyramidaux
l'entre-croisement est non total mais partiel (Sherrington). La
semi décussation des faisceaux pyramidaux et, par suite, l'action
de la sphère corticale motrice sur les deux moitiés du corps
paraît être une règle péremptoire. Tandis que chez les carnivores,
toutes les fibres, entrecroisées ou non, peuvent occuper le cordon
latéral, chez l'homme, les fibres, qui ne s'entrecroisent pas, se
séparant des fibres qui s'entrecroisent, descendent, indépendantes,
sous la forme du cordon antérieur des pyramides, en continuant
directement leur trajet cérébral. Dans les cas donc où il n'y a pas
de cordon antérieur des pyramides, on doit admettre que les
fibres qui eussent formé ce cordon se sont jointes non au cordon
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 153
latéral croisé des pyramides, mais au cordon latéral des pyramides
du même côté.
D'après la description précédente de Lenhossek, on devrait
penser que quand il n'existe pas de cordon antérieur des pyra-
mides, une lésion de la capsule interne d'un hémisphère cérébra
ira, dans la moelle produire une dégénérescence du cordon latéral
du côté opposé ainsi qu'une dégénérescence du cordon latéral du
même côté notablement plus considérable qu'en toute autre cir-
constance. Voici une observation qui prouve que non.
Il s'agit d'une hémiplégie récente consécutive à une embolie de
la sylvienne ayant entraîné un ramollissement des faisceaux
moteurs de la capsule interne. On constate une dégénérescence
considérable du cordon latéral du côte opposé ; dans le cordon
antérieur du même côté, près du sillon antérieur, quatre à six
mottes noires esquissent un cordon antérieur des pyramides réduit
au minimum, le cordon latéral du même côté contient simple-
ment, dans la partie la plus élevée de la moelle cervicale, au niveau
de la région du faisceau pyramidal, quelques mottes noires
disséminées, dont le nombre n'est point du tout plus grand que
dans des cas où les cordons antérieurs des pyramides sont bien
développés (colorât. Marchi).
Par conséquent le ordon antérieur des pyramides ne se substi-
tue pas du tout aux fibres du cordon latéral des pyramides qui
ne s'entrecroisent pas, il constitue uniquement le déplacement
de celles-ci. 11 y aurait plutôt lieu de croire qu'il représente une
nouvelle voie, longue, chargée d'unir le cerveau à la moelle, quel-
que chose comme le faisceau sulco-marginal de Marie ou le fais-
ceau marginal antérieur de Loewenthal. Une lésion expérimen-
tale de la moelle cervicale du chien a pu produire, dans le point où
chez l'homme existe une dégénérescence du cordon antérieur des
pyramides, une très intense dégénérescence descendante, tandis
qu'au même endroit il y avait une dégénérescence ascendante
insignifiante. Il est donc possible que ces faisceaux, intersegmen-
taires chez l'homme et quelques mammifères, se transforment au
moins en partie en longs cordons. P. Keraval.
XVIII. Du trajet central du faisceau de Gowers; par G.-J. ROSSOLIMO.
(1\'etsroLog. Cenircel(7l., XVII, 1898.)
Il s'agit d'une affection spinale produite chez une fillette de
douze ans, par métastase d'un sarcome à petites cellules du tissu
rétropéritonéal. A la hauteur des racines dorsales moyennes on
constate une dégénérescence ascendante, tout à fait symétrique,
des faisceaux de Goll, des faisceaux latéro-cérébelleux, et des fais-
ceaux de Gowers ; il existé aussi dans la région des racines anté-
154 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
rieures une dégénérescence ascendante du faisceau fondamental
du cordon antérolatéral. Figures.
La description détaillée du faisceau de Gowers peut se résumer
ainsi. Au niveau du double entre-croisement, il se présente, à la
surface externe du bulbe, sous la forme d'un triangle dont le
sommet vient de la ligne médiane et qui est en dehors de la corne
antérieure; ce triangle est plus étendu que ne le comporte d'ordi-
naire le volume de ce'faisceau, et quelques-unes de ses fibres
tendent à pénétrer dans le territoire des faisceaux latéro-cérébel-
leux ; des noyaux du cordon de Goll, du même côté, quelques
libres dégénérées s'en vont en arc de cercle aux faisceaux de
Gowers. Tout le long du territoire des olives inférieures, le fais-
ceau de Gowers occupe la place qui lui est propre; il en est de
même à la périphérie, entre le corps restiforme et la racine ascen-
dante du trijumeau d'une part, la surface postéro-externe de l'olive
d'autre part ; toujours triangulaire, il émet, en bas, des fibres
infléchies au corps restiforme; des noyaux des cordons de
Goll partent encore des fibres dégénérées qui décrivent des arcs
de cercle plus brusques pour se rendre au territoire dégénéré des
faisceaux latéro-cérébelleux. A la hauteur des fibres du corps tra-
pézoïde, le faisceau de Gowers, s'éloignant de la périphérie, se
place à la face postérieure de celui-ci, et devient un faisceau
allongé à fibres un peu obliques ; quelques fibres dégénérées
gagnent encore le corps restiforme. Plus l'on monte, plus le terri-
toire du corps restiforme est absorbé par le cervelet, tandis que
le faisceau de Gowers devient de plus en plus postéro-externe ; au
début, il occupe l'angle formé par le côté interne de la racine du
facial et le côté postérieur du corps trapézoïde, et, plus tard, il
est contigu au côté externe du ruban de Reil médian. A la hauteur
du noyau latéral de l'étage supérieur des pédoncules cérébraux,
le faisceau de Gowers décrit une courbe brusque pour pénétrer en
plein dans le ruban de Reil latéral, mais, sans s'y éparpiller, il
longe le territoire de celui-ci, pour se rapprocher de la valvule de
Vienssens et de la région de l'entre-croisement du pathétique. Ici
une partie de ses fibres s'unissent au faisceau de Gowers de
l'autre côté en formant un entrecroisement disséminé ou fascicu-
laire ; les pédoncules cérébelleux supérieurs sont tout le temps
demeurés normaux. Dans la région des tubercules quadrijumeaux,
le faisceau de Gowers, composé de fibres des deux côtés, occupe
le territoire du ruban de Reil latéral, fournit un trousseau au
tubercule quadrijumau postérieur, qui embrasse ce dernier par
sa partie antérieure, et continue à monter jusqu'au tubercule
quadrijumeau antérieur. A ce niveau, il exécute une rotation à
direction antéro-externe, et pénètre dans le faisceau longitudinal
intermédiaire pour s'éparpiller dans le réseau qui entoure la
face antérieure de la substance noire de Soemmering et dans la
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 155
substance noire même. On en retrouve plusieurs laisceaux arci-
formes, au niveau du genou de la capsule interne, et un gros
trousseau dans les . deux segments qui constituent le globus
pallidus du noyau lenticulaire. Les libres de ce trousseau
arrivent par la partie occipitale du globus pallidus et en gagnent,
en haut, les parties antérieures.
Par conséquent, les fibres du faisceau de Gowers, originaires de
la moelle lombaire, traversent les organes et territoires sus-indi-
qués, fournissent quelques fibres aux cordons latéro-cérébelleux
sur toute l'étendue du corps restiforme, reçoivent quelques fibres
du cordon de Goll du même côté, s'entre-croisent partiellement
dans la valvule de Vieussens et se terminent : 1° dans les tuber-
cules quadrijumeaux postérieurs; 2° dans la substance noire de
Soemmering; 3° dans le globus pallidus (ou segments internes du
noyau lenticulaire).
Le faisceau latéro-cérébelleux a le trajet et la situation que l'on
sait; il se termine dans les circonvolutions du vermis supérieur.
Quelques fibres du cordon de Goll non-entre-croisées passent sans
subir d'interruption niveau eu du noyau de ce dernier, dans le
corps restiforme, dans le faisceau de Gowers et dans les faisceaux
latéro-cérébelleux. Enfin les mêmes pièces anatomiques ont per-
mis de suivre jusqu'en haut, jusque dans la formation réticulaire
du bulbe, la zone radiculaire du territoire dégénéré du faisceau
fondamental antéro-latéral ; au niveau de la formation réticulaire
en question, ces fibres s'épuisaient dans l'angle postéro-interne de
l'olive inférieure. P. KERAVAL.
XIX. Contribution à la connaissance du trouble de la sensibilité de
Bernhardt; par M. DE N,\RTOWK ! . (Neurol. Cmtl'albl., X VII, 1898.)
Cinq observations de paresthésies diverses dans le domaine du
fémoro-cutané externe, dont une caractérisée par l'addition au
syndrome de Bernhardt d'unedouleur occupant ellaface externe de
la cuisse et la jambe, le tout indiquant une névralgie du plexus
lombaire, une névrite. Refroidissement général ou local, maladie
infectieuse antécédente, longue station debout, telles furent les
causes. Importants résultats thérapeutiques, entre autres, une
guérison complète, absolue, grâce à la patience du malade, au
massage, à l'électricité. P. KERAVAL.
XX. Altérations du système nerveux consécutives à l'arrache-
ment des nerfs ; quelques considérations relatives à leur nature ;
par G. lianmesco. (iYell ? 0109. Ce ? ! <)7t ? XVII, 1898.)
Trois sortes de phénomènes succèdent à la résection des prolon-
gements des cellules nerveuses : 1° une phase de réaction caracté-
risée par la dissolution de la substance chromophile, le déplace-
156 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
ment du noyau qui quitte le centre de la cellule et se rapproche
de la périphérie ; 2° une phase de réparation. Le protoplasma cel-
lulaire augmente de volume, le noyau reprend sa place normale,
la cellule devient pycnomorphe mais elle s'hypertrophie jusqu'au
106° jour qui suit la section, puis elle décroit de volume. Quelques
cellules ne peuvent suffire aux dépenses de réparation de leur pro-
longement périphérique ; elles s'atrophient ou meurent; d'autres
font preuve d'énergie-et survivent à la section de leur cylindraxe.
Quand la régénération du nerf suit son cours normal, la répara-
tion des cellules s'effectue également et de même manière. Si
la régénération est arrêtée, la force de réparation est plus ou
moins anéantie. La régénération des nerfs périphériques est donc
fonction de la réparation des cellules et celle-ci dépend de celle-là.
En réséquant un morceau de nerf ou mieux en arrachant le
nerf, on arrête la phase de régénération de la cellule. En ce cas,
vingt jours plus tard, la cellule diminue de \olume dans toutes
ses parties, et devient complètement apycnomorphe. Telles cellules
à peine visibles ou complètement disparues, se présentent à l'état
d'éléments pâles, atrophiés, dont le protoplasma umforme, plutôt
transparent qu'opaque, montre un noyau fortement atrophié ainsi
que son contenu; les prolongements de la cellule ont complète-
ment disparu ou sont réduits à peu de chose. La substance achro-
matique est parfois en même temps altérée, ce qui donne l'im-
pression de solution de continuité. D'autres cellules sont atrophiées
et sombres; il y a atrophie du corps et des prolongements de la
cellule, le noyau n'est pas atrophié au même degré que le proto-
plasma cellulaire. L'obscurité tient à ce qu'il reste dans le proto-
plasma cellulaire une certaine quantité de substance chromatique
qui se laisse colorer en bleu. On sait que la substance achroma-
tique se compose d'une partie réticulaire, fibrillaire, organisée et
d'une substance fondamentale amorphe ; c'est celle-ci qui, dans
les divers états pathologiques, est colorable; et cette colorabilité
est peut-être bien due à la rétraction du réseau fibrillaire de la
cellule nerveuse. Telle est la phase 3, la phase de dégénérescence.
La résection des nerfs ou leur arrachement, en empêchant la
réunion des deux extrémités des nerfs, empêche la réparation
des altérations de réaction de la cellule et entraine sa mort. Il
n'y a donc pas deréparation chez les amputés, ce qui prouve que la
réparation complète des lésions centrales n'a lieu qu'après le réta-
blissement de la continuité du nerf. P. Isnavnt.
XXI. Contribution à la technique histologique des dégénérescences
des cordons tout à fait au début ; par K. SCHAFFER. (Neurolog.
Centralbl., XVII, 1898.)
Sur les pièces durcies au liquide de Muller on a des moyens de
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 157
déceler les deux stades caractéristiques de la dégénérescence
secondaire des cordons. C'est pour le premier stade (résolution des
gaines de myéline en gouttes ou en globules) le mélange osmiobi-
chromique de Marchi qui colore en un noir intense les produits
de décomposition. C'est pour le second stade (la myéline et le
cylindraxe résorbés et remplacés par de la névroglie hyperplasiée)
le réactif à l'hématoxyline de Weigert; il donne une coloration
jaune d'ocre clair du faisceau dégénéré qui tranche sur le ton
brun sépia des tissus environnants.
Comment révéler le stade prodromique de tuméfaction, de bour-
souflement, de varicosité des fibres myéliniques ? Par un surdurcis-
sement de trois, quatre, six mois dans la liqueur de Muller suivi de
l'action de la liqueur de Marchi déjà citée. On coupe en disques minces
que l'on place une semaine dans cette dernière en changeant le
liquide une fois. On lave pendant une semaine, ou mieux, pendant
deux semaines, à l'eau pure renouvelée chaque jour. On inclut dans
lacelloïdine pour pratiquer des coupes de40 à 50 ix, dont on collo-
dionne au besoin la surface (Duval) ou que l'on sertit dans les
plaques colloïdiques de Weigert, car elles sont friables. On déshy-
drate, on éclaircit. Le début des dégénérescences en question
apparaît alors uniformément jaune; les fibres saines sont d'un
brun foncé. P. KERAVAL..
XXII. Un réflexe de l'éminence hypothénar ; par F. Holzinzer.
(Neurolog. Cent1"albl., XVII, 1898.)
La compression en dehors du pisiforme, les doigts étant à demi
fléchis, produit un plissement de la peau du bord cubital de la
main, dont l'intensité varie suivant les individus, mais qui toujours
se traduit par le dessin d'un sillon rectiligne ou arqué ou par des
plis convergeant en un sillon sur l'éminence hypothénar. Il s'agit
d'un réflexe du petit palmaire, -d'une contraction non convulsive,
lente, durant à peu près aussi longtemps que la pression effectuée
sur le pisiforme, qui fréquemment s'accompagne d'une sensation
nette, voire désagréable. Si l'on prolonge la pression pendant
quelques minutes, apparaissent quelques convulsions dans l'aire
du sillon et la sensation devient plus désagréable mais le sillon
disparait peu à peu; exagère-t-on alors la pression, le sillon se
reforme mais pour peu de temps.
Le même réflexe se produit quelquefois quand on comprime les
tendons de la région pulmonaire du carpe ou quand on pince de
dehors en dedans la pulpe du petit doigt, ou en forçant à l'adduc-
tion l'annulaire étendu. Les divers modes d'excitation de la peau
ne jouent dans l'espèce aucun rôle ou le rôle en est très effacé ; ce
sont évidemment les appareils tendineux qui sont les fauteurs de
ce réflexe; il ne se produit du reste pas chez tout le monde.
158 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
Le petit palmaire s'insère à l'aponévrose palmaire ainsi qu'à la
peau et au bord cubital de la main ; l'aponévrose palmaire a des
attaches au pisiforme. Le déplacement du pisiforme tend l'aponé-
vrose palmaire et le muscle, mais il faut auparavant que le muscle
soit détendu. Le réflexe est plus fort et plus aisé à produire quand
les doigts sont préalablement fléchis. P. KERAVAL..
XXIII. De la calcification prématurée des vaisseaux de l'encéphale,
considérée comme cause d'épilepsie ; par Hociihaus. (Neurolog.
Celltmlbl., XVII, 1898.)
Observation. Brasseur de vingt-huit ans, atteint d'épilepsie
depuis dix-huit moi,. Il en meurt et l'on constate une calcification
très étendue des plus petits vaisseaux de l'encéphale, surlout pro-
noncée dans les ascendantes etla corne d'Ammon du côté gauche.
Cette calcification qui a évidemment déterminé un trouble de la
nutrition cérébrale (thèse de Coulbault, 1881), ne s'explique ici
ni par une lésion des os (Virchow), ni par la syphilis (Huber).
L'ingestion de liquides et d'alcool est seule en cause. Mais pourquoi
la calcification n'a-t-elle atteint que les vaisseaux fins, il est pos-
sible qu'ils aient été originairement moins résistants.
P. KERAVAL.
XXIV. Du trouble des échanges nutritifs dans la neurasthénie ;
par W. de 13,ccnrcaw. (Neu1'olog. Centralbl., XVII, 1898.)
L'auteur a constaté dans la neurasthénie des anomalies de l'oxy-
dation suivantes. Toujours, surtout dans les cas graves, il y a
diminution plus ou moins considérable de l'urée excrétée, et, la
plupart du temps, excès d'acide urique. Le rapport de la totalité
de l'azote contenue dans l'urine à la quantité d'azote de l'urée
(coefficient de l'énergie d'oxydation, expression de la respiration
des tissus de Poehl) indique constamment un notable abaissement
de l'intensité d'oxydation de l'urée. Le rapport de la quantité
d'acide urique à la quantité d'acide phosphorique (à l'état de sel
bisodique) montre constamment un excès de décomposition d'acide
nrique (Zenner), attribuable à une diathèse urique plus ou moins
marquée.
Le rapport de la totalité de l'azote de l'urine à la quantité
d'acide phosphorique est augmenté ; il y a en un mot augmenta-
tion du coefficient qui, d'après Zulzer, indique l'énergie de décom-
position du tissu nerveux (Bechterew). Est aussi augmenté le rap-
port de l'ensemble de l'acide phosphorique à la quantité d'acide
tdycéro-phosphorique; ceci d'après Lepin, indiquerait une décom-
position de la lécithine. En bien des cas enfin il y a élévation du
rapport de la quantité d'acide sulfurique aux acides phospho-
REVUE D'ANATOMIE Er DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 159
ripues doubles, ce qui sert d'index pour la fermentation putride
de l'intestin. Celle-ci jouerait en effet un rôle dans les irrégularités
nutritives et notamment dalis celles de l'oxydation des substances
azotées. Les troubles intestinaux pourraient bien d'ailleurs être
provoqués par les facteurs étiologiques auxquels on impute la
neurasthénie. Le surmenage mental, la vie sédentaire des intellec-
tuels peuvent, par exemple exercer, sur les viscères abdominaux
une influence défavorable au point de vue de la circulation intes-
tinale et hépatique. Les secousses morales peuvent déterminer des
perturbations vasomotrices. La composition de la nourriture
mériterait également un examen. P. Keraval.
XXV. Le tricho-oesthésiomètre électrique et la sensibilité du sys-
tème pileux du corps; par W. DE Bechteriav. (Ncurolog. Cen-
tralbl., XVII, 1898.)
En touchant à peine les parties de la peau recouvertes de poils,
on produit une sensation comparable au chatouillement; il suffit t
d'un simple attouchement mettant en mouvement les poils de la
surface de la peau sans déterminer la sensation de contact (Nois-
chewsky, Société de médecine de Dinabourg ou Dwensk, 2 avril
1896, 23 novembre 1896). Pour procéder à ce délicat examen, le
mieux est de se servir d'un cheveu, ou mieux, d'un délicat ressort
de montre que l'on enclave entre les extrémités d'une pince et qui
sert à toucher la peau recouverte de poils (Ossipow et Noischewsky '%-
Nowing lekarskie, 1896, n° 9). Cet instrument a été perfectionné
sur les indications de Bechterew.
C'est maintenant une tige montée sur un manche d'électrode,
pourvue à son extrémité d'une pince entre les mors de laquelle
est assujettie une spirale capillaire. Le courant électrique du man-
che de l'électrode vient animer d'oscillations la tige et la garni-
ture qui porte le ressort de montre. Tout cela est réglé comme il
faut. On obtient ainsi un contact très fin. Cet instrument n'a pas
encore suffisamment servi.
Les expériences de Noischewky et Ossipow avec le tricho-oesthé-
siomètre ordinaire, ont fourni les résultats suivants.
Il existe un véritable réflexe pileux, à la région antérieure du
front, surtout au niveau de la glabelle, à la limite du cuir chevelu
de la tête, à la peau des joues, au-dessus du pli naso-labial; l'at-
touchement y détermine un frémissement général du corps; il en
est de même à la face interne du nez (ici éternûments fréquents),
et à la région, du pubis ou au pourtour de l'anus.
La sensibilité plus faible sur la peau de la face, plus encore
dans les régions barbues, est de moins en moins accusée, au cou,
à l'épaule, le long du tronc jusqu'aux plis inguinaux en avant et
aux fesses en arrière, à la face dorsale des mains, à la face posté-
160 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
rieure de la cuisse, etc... Ne sont pas du tout sensibles, la paume
de la main, la plante des pieds, le gland du pénis, régions com-
plètement dépourvues de poils, mais, par contre, extrêmement
tactiles.
L'intensité de la sensibilité des poils est en raison de la finesse
et de l'épaisseur de ceux-ci. Les sensations' en question sont pro-
duites par les vibrations des poils mêmes. La répartition de cette
sensibilité ne correspond pas du tout à celle de la sensibilité tac-
tile ; elle représente une qualité spéciale de la sensibilité cutanée
tout à fait différente de celle du tact et de la douleur, car on a noté
dans les cas pathologiques, qu'elle a parfois disparu, alors que la
sensibilité tactile est conservée, qu'en revanche elle peut être exa-
gérée, tandis que la sensibilité tactile et douloureuse est demeurée
sans changement. P. KERAVAL.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
XYVI. De l'emploi de l'atropine dans l'épilepsie; par L. Waciieniieim.
(The New York Médical Journal, 22 juillet 1899.)
L'emploi de la belladone et de son alcaloïde dans le traitement
de l'épilepsie n'est pas, il s'en faut de beaucoup, une nouveauté ;
l'auteur croit néanmoins devoir publier l'observation d'un cas
dans lequel l'emploi de l'atropine et du bromure, suivant une
méthode qui diffère de la méthode ordinaire lui a donné des
résultats exceptionnellement favorables. Partant de ce fait, bien
observé et soigneusement relaté, il entre dans d'intéressantes con-
sidération de physiologie thérapeutique : 11 rappelle que le grand
reproche que l'on a fait à la belladone, préconisée par Trousseau,
est d'être un irritant cortical ; les critiques qui font cette objec-
tion paraissent ignorer que la belladone est à un degré bien plus
élevé encore un agent paralysant périphérique et un stimulant
des centres spinaux et médullaires, y compris les centres vaso-
moteurs. La pathogénie de l'épilepsie idiopathique est une des
questions les plus obscures de la neurologie : on est en présence
d'un seul fait bien établi, c'est que l'on a affaire à une irritation
des cellules corticales; quant à la nature de l'agent irritant, elle
donne lieu à plusieurs théories. L'une d'elles, très répandue, très
acceptée veut que la maladie soit organique et dépende d'une
prolifération de la névroglie, et d'une dégénérescence des cellules
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. ICI L
corticales, et que l'aboutissement de cette irritation chronique
soit une explosion nerveuse analogue à la décharge de la bou-
teille de Leyde. On peut objecter à cette théorie : 10 que les cellules
corticales fonctionnent d'une manière parfaitement régulière dans
l'intervalle des attaques ; 2° que l'attaque-type envahit simultané-
ment toute l'écorce, au lieu de se propager par irradiation en
partant des zones les plus affectées comme dans l'épilepsie Jack-
sonienue ; et 3° que cette théorie préjuge la question de l'étiologie
de l'état anatomique, et qu'elle ne dit pas si les cellules sont pri-
mitivement irritées directement ou seulement hypéresthésiées, ce
qui est un point capital. La physiologie de la cellule nerveuse
exige en effet que, tout au moins dans un processus chronique,
l'hypéresthésie précède l'irritation directe, ou qu'elle en soit à tout
le moins la première manifestation ; l'hypéresthésie de la cellule
nerveuse peut d'ailleurs être obtenue par bien d'autres moyens
que le stimulus mécanique de la prolifération du tissu connectil,
notamment par certains poisons tels que la strychnine et la téta-
noloxine.
Ceci nous amène à la seconde théorie, comparable à la théorie
que Traube a donnée de l'urémie, et suivant laquelle il s'agirait
d'une névrose vaso-motrice, d'origine toxique ou auto-toxique.
Kussmaul et Tenner ont montré que l'anémie cérébrale brusque
provoquait des convulsions généralisées. Marie a le premier sug-
géré l'idée d'auto-intoxication. Cette manière de voir est celle qui
jusqu'ici explique le mieux l'apparition occasionnelle de l'épilepsie
à la suite des fièvres infectieuses. Sa fréquence dans l'alcoolisme
chronique, ses relations très nettes d'hérédité et de symptomato-
logie avec les autres névroses et les psychoses, et enfin l'existence
indiscutable d'un grand nombre de guérisons. La marche de la
maladie serait la suivante : l'intoxication primitive aiguë déter-
mine une ou plusieurs attaques convulsives, qui, à leur tour pro-
duisent une irritabilité anormale des cellules corticales : celles-ci
deviennent moins capables de résistance même à l'égard d'exci-
tations plus faibles, et on se trouve alors en présence d'un cercle
vicieux ; le retour de plus en plus fréquent des attaques finit sans
doute par déterminer des altérations anatomiques permanentes
(dégénérescence cellulaire et prolifération consécutive de la névro-
glie) : l'indication thérapeutique évidente est de briser ce cercle
vicieux.
Sur cette base pathogénique, nous pouvons établir l'action des
bromures et de l'atropine : les bromures diminuent la sensibilité
des cellules corticales devenues hypéresthésiques aux variations
de l'afflux sanguin ; l'atropine stimule les centres vaso-moteurs et.
parla, régularise, l'afflux sanguin. Aussi les bromures se montrent-
ils surtout utiles dans les premières périodes du traitement, pour
engourdir l'irritabilité corticale jusqu'au moment où la tonicité
Archives, 2° série, t. 11. 11
162 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
vasculaire est ramenée au degré convenable ; quand le résultat
est obtenu, les bromures deviennent moins importants, et l'on
peut en diminuer les doses ou les supprimer complètement. Mais
il ne faut pas se faire d'illusion : ni le bromure ni l'atropine ne
répondent à l'indication causale : si l'épilepsie dépend d'une into-
xication passagère, ces agents suspendront l'action destructive
des crises convulsives jusqu'à ce que la substance toxique ait cessé
d'agir ; et si comme cela parait être le cas chez la majorité des
épileptiques, la cause est permanente, il est évident que le traite-
ment dont il vient d'être question demeurera simplement pallia-
tif. H. de l\IUSGRA VE-CLA Y.
XXVII. Abcès du cerveau chez un enfant de trois mois, compliqué
d'érysipèle de la tête et de la face ; opération ; guérison ; avec
quelques considérations rapides sur la valeur diagnostique des
symptômes, par William J. DoYLE. (The New-York Médical Journal
29 juillet 18U9.)
Enfant (fille) de trois mois, présentant au niveau de la fonta-
nelle antérieure un gonflement très marqué, qui la déborde d'un
demi pouce latéralement et bombé au-dessus des tissus voisins, et
qui donne à la pression une sensation légère, mais nette, de fluc-
tuation. En dehors de ce signe rien ne faisait prévoir un abcès.
Une intervention chirurgicale est décidée, l'auteur la pratique,
incise la dure mère, et ouvre le sinus longitudinal; malgré ses pré-
cautions, l'hémorragie est si abondante qu'il faut tamponner et
remettre à plus tard la fin de l'opération. Trois jours après, en
enlevant le pansement, on le trouve souillé de pus : on lave avec
la solution de sublimé à 1 p. 5 000 ; on n'a plus retrouvé de pus et
l'enfant a guéri sans incident. Quant à l'érysipèle, il s'est déve-
loppé séparément, mais très nettement à la fois sur la tête et la
face, avec la marche et les caractères d'une forme bénigne, et il a
parfaitement guéri. Cette observation est suivie de remarques
sur la symptomatologie des abcès du cerveau.
R. DE Musgrave-Clay.
XXVIII. L'influence du climat sur les maladies nerveuses ; par
Sanger 13non. (I'Ite.7Vciv-l"oi,k MedicalJo ! l1'nal, 17 juillet 1897.)
Les principaux points signalés dans ce travail sont les suivants :
Reaucoup de personnes dont l'équilibre nerveux est instable,
quelle que soit l'origine de cette instabilité, présentent des troubles
nerveux très accusés lorsqu'elles passent d'une altitude faible à
une altitude très considérable. Ces troubles prennent surtout la
forme d'agitation générale, d'inquiétude, d'insomnie et de tinte-
ments d'oreilles.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. '163
Le climat le plus propre à rétablir un système nerveux débilité
est un climat sec, froid, ensoleillé, avec peu de vent et d'une alti-
tude qui ne dépasse pas mille mètres. La plupart des maladies qui
bénéficient d'un climat en bénéficient par l'intermédiaire du sys-
tème nerveux.
L'air de la mer aggrave certaines formes de troubles nerveux
fonctionnels, mais beaucoup moins souvent que l'air des grandes
altitudes. Quand on veut relever la faculté de récupération orga-
nique compromise par l'âge ou la maladie, il faut n'envoyer
qu'avec prudence le malade dans un climat froid, mais il faut
néanmoins dans un grand nombre de cas préférer ce climat froid
aux climats chauds sur lesquels on le dirige ordinairement. '
R. DE nlUS6LlAVE-CL.1Y,
XXIX. Le traitement des aliénés violents par le séjour au lit à
l'Asile clinique de Paris; par Louise G. HOBINOVITCII. (The New-
Yonlc Médical Journal, 31 décembre 1898.) ,
Nous n'avons pas à insister sur ce travail, les opinions et les
méthodes du savant aliéniste de Sainte-Anne étant bien connues
de nos lecteurs. li. M. C.
XXX. Le sérum antistreptococcique dans la méningite cérébro-
spinale épidémique; par Charles-P. MAC NABB. (The New-York
Médical Journal, 25 février 1899.)
Ce travail, qui renferme deux observations, se termine par les
conclusions suivantes :
« 1° Le sérum antistreptococcique exerce une influence nette-
ment stimulante sur les centres nerveux dans le coma méningi-
tique, mais les mêmes effets pourraient suivre l'administration
d'une injection hypodermique chaude salée.
2° Il active probablement la phagocytose, et par là il agit à la
façon d'un antidote sur le diploeocczcs inlracellularis.
3° Il prévient probablement l'infection de l'exsudat par le pus,
et diminue ainsi le danger dans tous les cas où le malade survit
pendant les trois ou quatre premiers jours.
4° 11 résulte de l'observation des cas que j'ai eus sous les yeux
que l'on peut espérer obtenir un sérum antidiplococcique de la
méningite intracellulaire qui aura nettement pour effet d'enrayer
la terrible toxémie de la méningite, et que l'effet du sérum anti-
streptococcique ne s'associant pas au précédent après le second jour
contribuera à empêcher l'infection streptococcique de l'exsudat.
5° Je sais parfaitement que l'amélioration constatée dans les cas
que j'ai observés peut résulter d'une simple coïncidence et n'être
pas due à l'emploi de sérum ; mais s'il en est ainsi, elle ne ressem-
164 -il REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
blait du moins aucunement à tout ce que j'ai pu observer aupara-
vant dans des cas semblables.
6° Je suis convaincu que chez le premier de mes malades, l'amé-
lioration aurait été plus rapide si l'usage des injections quoti-
diennes avait été continué pendant quelques jours de plus ; et si
je rencontrais un autre cas pareil à celui de mon second malade,
je n'hésiterais pas à injecter pendant les premières trente-six heures
de quarante à soixante centimètres cubes de sérum. »
Il. de Musgrave-Clay.
XXXI. Observation de manie aiguë transitrice survenue chez un
syphilitique plus de trois ans après la guérison apparente de la
syphilis; par Charles 0'Dovov,N. (The New-York Médical journal,
3 juin 1899.)
Nous .relevons les points les plus intéressants de cette observa-
tion ; ce qu'il y a certainement de plus remarquable c'est la brus-
querie avec laquelle une syphilis en apparence guérie fait explosion
chez ce jeune homme de vingt-cinq ans sous la forme de manie
aiguë, et cela sans qu'on ait pu découvrir une cause provocatrice.
Le chancre datait de quatre ans et le malade avait été sérieuse-
ment traité par des médecins qu'on a tout lieu de supposer com-
pétents.
Il n'avait eu depuis aucune manifestation syphilitique de quel-
que nature que ce soit. Il avait un métier pénible qu'il accomplissait
sans fatigue et sans difficulté. Il est marié et sa femme ne présente
aucun .signe d'infection. Le diagnostic était à faire entre l'épi-
lepsie et la syphilis du système nerveux central; le retour nocturne
des paroxysmes militait en faveur d'un diagnostic aussi bien que
de l'autre ; mais la rapidité de l'aggravation, et la brusque appa-
rition de symptômes d'excitation maniaque malgré des doses
élevées de bromure, faisaient pencher la balance en faveur de la
syphilis. D'ailleurs si les renseignements fournis par le sujet au
moment même de sa maladie au point de vue de l'infection primi-
tive étaient fort peu satisfaisants, ils ont été dans la suite très
explicites. La syphilis n'avait laissé ni marques ni cicatrices sur
aucune partie du corps, et les cheveux n'étaient pas tombés.
L'excitation maniaque a été extrêmement violente, s'est accom-
pagnée d'hallucinations terrifiantes et s'est toujours aggravée pen-
dant la nuit. Dans la journée, l'aspect du malade rappelait plu-
tôt la démence, avec un état soupçonneux. Une fois interné, le
malade s'améliora rapidement ; est-ce sous l'influence du change-
ment de milieu ou de traitement anti-syphilitique ? c'est ce qu'il est
actuellement impossible de préciser : mais l'avenir de cet homme
.sera intéressant à étudier. R. de Musgrave-Clay.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 165
XXXII. Opérations chirurgicales pratiqués pendant le sommeil hyp-
notique ; par Arthur Aiac-DotnL). (The lfetv-Yon,4 Médical journal
24 juin 1899).
Les deux opérations que l'auteur se propose de relater ont été
pratiquées pendant le sommeil hypnotique par le Docteur Schmelz,
de Nice. Mais s'il est indiscutable, comme le prouvent d'alleurs
les deux faits dont il s'agit, que l'hypnotisme peut rendre de réels
services à la chirurgie comme agent d'anesthésie, il ne faudrait
pas voir là une méthode susceptible d'une application générale.
La première des deux opérations relatées conistait en une ampu-
tation du sein pour une tumeur du poids d'environ deux kilo-
grammes la seconde avait pour but de remédier à un ectropion
de la paupière inférieure gauche. Toutes deux ont été pratiquées
sans la moindre hâte du chirurgien et sans la moindre souffrance
du malade. R. DE Musgrave-Clay y
XXXIII. La bromipine dans le traitement de l'épilepsie ; par 130D01\I.
(Riv. di pat. nerf. et ment., fasc. IX, 1899.)
Huit observations dont l'auteur conclut que la bromipine n'est
pas un agent thérapeutique plus efficace et plus actif que les bro-
mures communément employés pour traiter l'épilepsie, mais qu'il
est mieux toléré et éliminé beaucoup plus lentement.
J. SÉGLAS.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.
Séance du 27 novembre 1899. PRÉSIDENCE de M. J. Voisin.
L'alitement dans les formes aiguës'de la folie.
M. Christian déclare, à propos de la lecture du procès-verbal,
qu'il n'est pas systématiquement hostile à l'alitement des aliénés. 11
se borne à émetlre des doutes au sujet de l'assertion de M. Sérieux
qui disait dans sa dernière communication sur ce sujet que cette
méthode transformerait les asiles. '
166 SOCIÉTÉS SAVANTES.
La loi sur les expertises médio-légales et les listes d'experts.
M. TOULOUSE expose que la loi votée à la Chambre des députés
sur les expertises médico-légales, établit des experts nommés par
le Tribunal et des experts de droit, les premiers pouvant être
choisis sans formalité par l'accusation ou la défense et les seconds
ne pouvant l'être que sur ordonnance du Président du Tribunal.
Cette restriction tendra à rendre difficile la désignation des experts
de droit. Or, ces derniers n'étant pas nommés par l'autorité judi-
ciaire doivent présenter plus d'indépendance et par conséquent
plus de garantie à l'accusé
- Diminuer les facilités de les choisir, c'est donc diminuer ces
garanties. 11 faut en conséquence mettre sur le même pied les deux
catégories d'experts. Il y aurait même intérêt à allonger la liste
des membres de droit, en y faisant figurer, à côté des professeurs
et des médecins des asiles et des quartiers d'hospice, des membres
élus par des Sociétés savantes en l'espèce, par la Société médico-
psychologique.
M. Toulouse n'est pas partisan du super-arbitrage, qui a d'ail-
leurs été écarté par la loi nouvelle. Ce système tendrait, dit-il, à
établir des fonctionnaires permanents qui, ayant le dernier mot
dans toutes les expertises litigieuses, imposeraient, comme
science d'état, leurs idées personnelles sur la pathologie mentale
et la responsabilité des aliénés.
M. Toulouse demande en conséquence que la Société émette un
voeu en faveur de l'adoption du principe des experts de droit.
M. P. G,ancna fait observer qu'il n'est pas dans les usages de la
Société d'émettre des voeux.
M. TOULOUSE demande alors la nomination d'une Commission
spéciale chargée d'étudier la question des experts.
La Société décide que la question restera à l'ordre du jour.
. Maladies mentales familiales.
M. TRÉ1VEL. L'étude de l'hérédité familiale permettra peut-être
de décrire en pathologie mentale comme en pathologie nerveuse
des types morbides intéressants. Jusqu'ici il n'existe guère de
travaux sur ce sujet si l'on en excepte la folie gémellaire et le
suicide héréditaire. Cependant un certain nombre d'observations
de folie similaire chez frères et soeurs ont déjà été recueillies par
Doutrebente, Brunet et Vigouroux, Pain, etc. MM. Bourneville et
Séglas ont décrit une idiotie familiale.
Les faits rapportés ici se rapportant à des psychoses systéma-
tisées, il y a lieu de faire une distinction avec la folie à deux, mais
une psychose systématisée familiale pourra éventuellements'accom-
1 SOCIÉTÉS SAVANTES. 167 ï
pagner de délire à deux si les malades vivent en commun. Les
cas de démence précoce, prématurée ou présénile, la folie pério-
dique paraissent se présenter assez fréquemment sous la forme
familiale. A citer encore le délire aigu chez deux soeurs.
Enfin, il peut y avoir des combinaisons de troubles mentaux
(démence en particulier) et de maladies nerveuses familiales.
Il y aurait un certain intérêt, même au point de vue pratique, à
rechercher et à décrire ces psychoses qui, selon le mot de More),
« semblent résumer en une seule'entité morbide la folie de plu-
sieurs membres d'une même famille ».
M. I)OUTREi3rNTE rappelle que cette idée avait été déjà exposée
par M. Régis dans un travail sur la folie à deux.
M. TouLOUSE pense que la contagion psychique n'a pas été suffi-
samment étudiée.
Sur la proposition de M. ARNAUD, la Société décide de mettre à
l'ordre du jour l'étude des maladies mentales familiales. M. B.
Séance du 11 décembre 1899. Présidence DE M. J. Voisin.
Elections. Après élections, le bureau est ainsi constitué
pour 1900. - Président : AI. Magnan ; Vice-Président : \I. le PRO-
fesseur JoFrROx ; Secrétaire général : \I. Rzrrl; Trésorier : \f. Brunet;
Secrétaires annuels : MM. SEMELAIGNE et SOLFIER.
De l'atrophie du cerveau dans la paralysie générale.
M. Brunet donne lecture d'un mémoire d'où il résulte que l'atro-
phie du cerveau serait constatée dans la paralysie générale lorsque
cette affection suit sa marche progressive habituelle, que la mort
ne survient pas, pendant la première période, il la suite de mala-
dies incidentes ou d'un travail phlemasique trop intense.
Elle lui est prouvée :
1° Par l'aspect extérieur du cerveau : amincissement des circon-
volutions, dépression à leur face libre, agrandissement des espaces,
anfractuosités, sillons et scissures qui les séparent, ainsi que des
cavités ventriculaires ;
2° Par l'augmentation de quantité du liquide céphalo-rachidien
destiné à combler le vide produit par l'atrophie, quantité qu'il a
vu s'élever, dans quelques cas, jusqu'à 300 grammes;
3° Par la diminution du poids de l'encéphale ;
4° Par la fréquence de l'inégalité du poids des hémisphères céré-
braux qui existe chez plus de la moitié des individus atteints de
paralysie générale. -
M. Brunet a pesé l'encéphale de 313 malades morts de cette
affection dont il a résumé les résultats dans quelques tableaux. Il
a trouvé un poids moyen de z47 grammes chez l'homme et de
168 SOCIÉTÉS SAVANTES.
1089 chez la femme, ce qui constitue une diminution sur le poids
moyen de l 19 grammes chez le premier et de 151 grammes chez
la seconde. Sa moyenne ne diffère que par 3 grammes en moins
de celle de Baillarger pour la femme, mais elle est bien inférieure
pour les deux sexes à celles de Parchappe, Boys et Bra. Celle de
Parchappe, qui est de 13l grammes est beaucoup trop élevée,
surtout pour les hommes, ce qui tient à ce qu'elle n'est basée que
sur 14 individus dont la moitié sont morts à la première période,
au bout de 2 à 4 mois.
Il est d'ailleurs impossible que les statistiques, concernant
l'atrophie du cerveau, puissent concorder complètement entre elles,
à cause de sa grande variabilité due à la durée et à l'intensité des
phénomènes phlegmasiques. Pour démontrer cette variabilité,
M. Brunet a réparti ses pesées par séries de 50 grammes. Il trouvé
que le poids de l'encéphale des femmes paralytiques était diminué
dans 80 cas de 47 à 438 grammes, qu'il différait peu du poids
normal dans 7 cas et que dans 7 autres il était augmenté de 20 à
69 gr. Chez 150 hommes ce poids était diminué de 69 grammes
à 443, se rapprochait du poids normal 42 fois et présentait une
augmentation de 61 à 183 grammes dans 27 cas.
A l'état normal les hémisphères cérébraux sont à peu près égaux
en poids et on peut considérer comme un état' pathologique une
inégalité qui atteint au moins 10 grammes, inégalité qui ne se
rencontre guère que dans l'épilepsie, la paralysie générale et cer-
taines lésions locales.
Cette inégalité tient dans la paralysie à ce que le processus
inflammatoire auquel elle se rattache prédomine sur l'un des deux
hémisphères. Ce qui le prouve, c'est que l'auteur a trouvé toujours
sur le côté le plus atrophié des adhérences plus nombreuses.
L'inégalité des hémisphères existait 53 fois chez la femme et
124 fois chez l'homme. Le gauche auquel quelques auteurs
attribuent une plus grande activité physiologique était- atrophié
dans 101 cas, tandis que le droit ne l'était que 71 fois. - Cette iné-
galité était de 10 à 15 grammes dans 144 cas et de 16 à G7 grammes
dans 93 cas. ,
Elle permet de constater l'atrophie du cerveau là où l'on aurait
pu ne pas en soupçonner l'existence en raison du volume normal
ou exagéré de l'encéphale. Elle était aussi fréquente chez les indi-
vidus dont cet appareil nerveux n'avait rien perdu de son poids
physiologique que chez les autres.-Dans les 30 cas où le cerveau
était plus volumineux qu'à l'état normal (l'auteur l'a constaté
21 fois), la femme et l'homme dont l'encéphale était le plus lourd,
avaient, celle-là une inégalité de 29 grammes celui-ci de 22 grammes
Ce fait s'explique par le développement de la paralysie générale
chez des individus atteints d'hypermégalie, dont la phlegmasie
était peu intense et prédominait sur un hémisphère.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 169
M. Brunet a constaté, comme Baillarger, que le poids moyen du
cervelet n'était pas augmenté dans la paralysie générale.
M. TOULOUSE répond que dans la statistique de Crokley Clapham,
publiée dans le Dictioczczar of psychological medicin la moyenne du
poids de 209 cerveaux de déments séniles était supérieure à la
moyenne de 243 cerveaux de paralytiques généraux.
On y trouve en effet que dans la démence sénile elle s'élève à
1276 grammes, tandis que dans la paralysie générale elle n'atteint
que 1218 gr. 1. Marcel l3nT.aNn.
SOCIÉTÉ NEUROLOGIQUE.
Séance du i janvier 1900.
Sur le prétendu réflexe antagoniste de Schaefer.
M. BADtKSKr. M. Schaefer, dans le n° 22 de 1899 du Neurolo-
gischcs Centralbllltt, appelle l'attention sur un phénomène réflexe
dont voici la description :
Lorsqu'on presse énergiquement le tendon d'Achille dans son
tiers moyen ou son tiers supérieur entre le pouce et l'index, on
provoque chez l'individu sain une sensation de douleur légère et
en même temps une très faible extension du pied et parfois aussi
une flexion des orteils. Or, dans certains états pathologiques, chez
des malades atteints d'hémiplégie cérébralé organique, la même
manoeuvre donne lieu à une sensation douloureuse plus intense et
en outre à une flexion du pied, ainsi qu'à une extension des orteils
du côté paralysé. Ce réflexe pathologique, qui a ceci d'important
au point de vue du diagnostic qu'il peut permettre de déceler
l'existence d'une affection grave de l'encéphale, se distinguerait
des autres réflexes tendineux parce que la réaction, au lieu de
s'opérer dans les muscles dont le tendon est excité, se manifes-
terait dans les antagonistes, d'où la dénomination de « réflexe
antagoniste », que M. Schaefer propose de donner à ce phéno-
mène.
M. Schaefer n'a sans doute pas connaissance de mon travail sur
le Phénomène des orteils, non plus que des diverses publications
qui ont paru sur ce sujet en France et à l'étranger, autrement il
eût été frappé de la similitude des résultats obtenus chez les
hémiplégiques organiques par son procédé et par le chatouille-
ment de la plante du pied et il eût été alors vraisemblablement
170 SOCIÉTÉS SAVANTES.
conduit à se demander si la flexion du pied et l'extension des
orteils qu'il obtient sont sous la dépendance de la pression du
tendon d'Achille ou bien ne sont pas simplement dues à l'excita-
tion de la peau.
C'est le problème que je me suis posé et voici comment j'ai pro-
cédé pour le résoudre.
J'ai examiné plusieurs hémiplégiques présentant le phénomène
des orteils.
En pratiquant la manoeuvre décrite par Schaefer, j'ai obtenu
comme lui la flexion du pied et l'extension des orteils. Puis, je
me suis contenté de pincer exclusivement la peau dans le voisi-
nage du tendon d'Achille ou encore dans d'autres parties du
membre inférieur et j'ai constaté les mêmes mouvements réflexes.
Les membres de la Société peuvent vérifier le fait sur les malades
atteints d'hémiplégie organique que j'ai fait venir assister à la
séance.
Rien n'autorise donc à soutenir que le réflexe de Schaefer soit
un réflexe tendineux paradoxal. Il y a tout lieu d'admettre qu'il
s'agit simplement d'un réflexe cutané.
En résumé ce prétendu réflexe antagoniste n'est autre chose que
le phénomène des orteils, qui peut être provoqué, non seulement
par le chatouillement de la plante du pied, mais aussi par l'exci-
tation d'autres parties du tégument.
M. P. A1 me demande jusqu'où s'étend la zone active de la peau.
M. Babinski. Les recherches précises n'ont pas encore été
dirigées dans ce sens; d'ailleurs les limites varient selon les sujet ? .
Affection singulière de la peau de la barbe chez un tabètique.
M. Pierre Marie. Le malade présenté porte au niveau de la
peau de la barbe des ulcérations superficielles assez étendues dont
la nature est mal déterminée. Les dermatologistes les ont consi-
dérées comme 'des troubles trophiques : le malade présente plu-
sieurs signes de présomption en faveur du tabès. M. Pierre
Marie n'a jamais vu de troubles trophiques semblables dans le
tabès et demande aux membres de la Société si quelqu'un d'entre
eux peut porter un diagnostic ferme.
Tic d'élévation des deux yeux.
M. O. CRouzoN. Le malade présenté a l'habitude quand il veut
fixer son attention sur tel ou tel objet de placer ses yeux dans
l'élévation. Puis, par un effort de volonté, il peut les ramener dans
l'état d'équilibre normal. Il déclare avoir, dans la partie inférieure
de son champ visuel, la sensation d'un gouffre noir situé au
devant de ses pas.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 171
L'histoire de ce malade est très simple : au mois d'août 1899, il
eut un ictus et resta sans connaissance pendant dix-sept heures,
pendant deux mois il eut des troubles de la parole et de la vue ;
enfin il lui est resté ce trouble de la vision.
L'examen de l'appareil de la vision chez ce malade a montré
qu'il ne s'agissait ni d'une paralysie ni d'une contracture des
muscles droits inférieurs ou droits supérieurs, mais d'un trouble
de la fonction de l'élévation ou de l'abaissement et que ce phéno-
mène devait être rangé parmi les tics et rapproché du torticolis
mental. On a notéaussi un certain degré d'amblyopie, mais aucune
autre altération fonctionnelle ni organique.
L'état mental est affaibli sans qu'aucun trouble psychique ou
somatique ait pu faire porter un diagnostic de paralysie géné-
rale.
11 s'agit donc chez ce malade d'un tic et cette localisation à une
une fonction des muscles de l'oeil a paru intéressante à signaler.
M. Joffroy déclare d'un haut intérêt la communication de
M. Crouzon, mais le phénomène signalé ne peut pas être considéré
comme un signe prodromique de paralysie générale, pas plus qu'il
ne pense que le malade soit un paralytique général. Pour lui,
d'ailleurs, quand il y a trouble des muscles extrinsèques de l'oeil,
toutes les présomptions sont plutôt en faveur d'une lésion cir-
conscrite, ou d'une syphilis cérébrale plutôt qu'en faveur d'une
paralysie générale.
Tumeur du corps calleux.
M. Touche. La tumeur occupe toute la hauteur du corps cal-
leux, commence en arrière du genou et se continue jusqu'à la
partie moyenne de la couche optique. Les symptômes ont été de la
dysarthrie, d'abord intermittente, puis permanente; des attaques
d'épilepsie localisées à la moitié droite de la face, avec déviation
conjuguée de la tête et des yeux du même côté. Dans l'intervalle
des crises : paralysie faciale inférieure gauche avec déviation de la
tète et des yeux à gauche.
Présentation de photographies de coupes de moelle dans un cas spécial
de tabès.
M. Klippel. Cette moelle présente des lésions sur toute la
hauteur des cornes antérieures, et des lésions des racines posté-
rieures dans la région dorsale moyenne seulement. Le cordon de
Goll est sain sur la plus grande partie de leur étendue. La moelle
lombaire présente une légère sclérose diffuse. Donc, malgré
l'abondance des lésions, dans ce cas, il n'y a de lésions cornu-
radiculaires postérieures que dans la région dorsale. Ceci peut
172 SOCIÉTÉS SAVANTES.
s'accorder avec l'étiologie' : alcoolisme et chancre, peut-être syphi-
litique (sans accidents secondaires). De plus, le malade était un
tuberculeux avancé et avait eu une fracture du sternum. Si on
admet pour les traumatismes des membres inférieurs une relation
avec le développement ultérieur du tabès lombaire, on peut
admettre ici une relation entre cette fracture du sternum et ce
tabès dorsal. Comme symptômes : pas de troubles oculaires, pas
d'ataxie locomotrice des membres inférieurs. Réflexe patellaire
aboli.
M. P. Marie, Est-il bien certain que les dégénérations secon-
daires des racines postérieures, lésion exogène, constituent tout le
tabès ? Il faudrait donner une part plus importante aux lésions
endogènes, la moelle étant malade par elle-même; et ne faut-il pas
dans 'ce cas aussi considérer les lésions lombaires diffuses comme
nées sur place et non pas secondaires ?
M. Déjerine. La participation des lésions endogènes est encore
bien difficile à déterminer nettement, attendu que les racines pos-
térieures envoient des fibres dans toutes les parties de la moelle
où elles peuvent par conséquent laisser voir des dégénérations..
Mais dans le cas cité, le malade étant tuberculeux, ces lésions
lombaires peuvent bien n'être que des lésions cachectiques.
M. Dupré. De plus le malade était alcoolique, ce qui suffirait
pour expliquer l'abolition du réflexe patellaire..
Origine des émotions.
- M : MAURICE DE FLEUflY communique l'histoire d'un épileptique
venant à .l'appui de la théorie actuelle de la genèse de l'émotion
L'émotion organique étant primitive à l'idée et celle-ci résultant
d'un besoin de justification logique de la part du sujet.
Syringomyélîe cavitaireet syringomyélie pachyméningilique.
Cl. PHILIPPE et Oberthur communiquent des recherches histo-
logiques et cliniques, pour aider à la classification des cavités
intra-médullaires. Commençant par la maladie à cavités, de
beaucoup la plus fréquente, la syringomyélie, les auteurs dis-
tinguent la syringomyélie cavitaire et la syringomyélie pachymé-
ningilique.
Dans la syringomyélie cavitaire, le processus histologique évolue
lentement, il présente, çà et là, surtout dans le voisinage des
vaisseaux qui restent calibrés, une dégénérescence spéciale, qui, en
s'agrandissant constitue la fente, puis la cavité. Les vaisseaux sont
rarement oblitérés, et aussi, ils prennent une part peu active à la
formation des cavités pathologiques. Le canal central est atteint
SOCIÉTÉS SAVANTES. 173 3
de façons très variées. Cliniquement, la syringomyélie cavitaire,
dure des années; son évolution n'est pas fatalement progressive,
mais elle présente souvent des périodes de rémissions très
longues. C'est la forme lente, à tendance cicatricielle.
La syringomyélie pachyméningitique, plus rare, a été observée
trois fois par MM. Cl. Philippe et Oberthur : La moelle augmentée
de volume, avec pachyméningite cervicale hypertrophique souvent
généralisée, laisse échapper, à la coupe, un liquide lactescent,
louche, chargé de cellules granuleuses et de débris de parenchyme
médullaire. Au microscope, on retrouve aussi une dégénérescence
spéciale de la névroglie, mais là, cette dégénérescence, au lieu
d'aboutir à des cavités avec parois, comme dans la forme précé-
dente, disloque tout le tissu nerveux, et le transforme en une
série de petits tronçons qui s'émieltent progressivement. Ce type
a été décrit sous les noms les plus divers, notamment par M. Jof-
froy, dans sa thèse sur la pachyméningite cervicale hypertro-
phique ; par M. Miura et par M. Schwarz, dans des travaux plus
récents. MM. Cl. Philippe et Oberthur, en font une variété de la
syringomyélie, car ils ont pu saisir tous les intermédiaires entre
cette forme et la syringomyélie cavitaire admise par tout le
monde; ainsi dans un cas, les deux formes avaient évolué sur la
même moelle, l'une au-dessus de l'autre.
Cliniquement, la syringomyélie pachjméningitique évolue en
quelques années, très rapidement, avec des symptômes envahis-
sants : c'est la forme maligne de la maladie.
M. Philippe continue immédiatement par sa seconde communi-
cation :
Les fausses syringomyélies.
Cl. Philippe et Oberthur. Les autres cavités intra-médullaires
dues à l'hydromyélie, à l'hématomyélie, aux myélites diverses, ne
présentent pas au complet les caractères histologiques de la syrin-
gomyélie qu'il s'agisse de la forme cavitaire ou de la forme pachy-
méningitique. Elles sont ordinairement locales, petites', associées
à d'autres lésions qui en précisent la pathogénie. Leur symptoma-
tologie n'est pas aussi complète que celle de la syringomyélievraie
et le diagnostic reste ordinairement possible, quoique parfois dil-
ficile. Les auteurs proposent de séparer nettement ces cavités intra-
médullaires d'avec la vraie syringomyélie.
M. Achards Il faut en effet établir des distinctions dans les
syringomyélies, mais la distinction anatomique n'impose pas de
différence de nature.
M. Philippe. En effet dans des cas où le processus anatomique
est d'instinct, la nature est la même.
1 Sans aucune localisation ni systématisation spéciales.
174 SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. JORFROY demande ce qu'a été l'évolution ; si les lésions ont
commencé dans la région cervicale pour prendre naissance après
dans la région dorsale, dans le cas si intéressant de MM. Philippe
et Oberthur.
M. Philippe. Tout tend il démontrer que les lésions de début
ont apparu dans la région cervicale (s. pachyméningitique), mais
les deux ordres de lésions ont toujours évolué indépendamment
l'un de l'autre.
M. Joffroy. L'intérêt de la question serait maintenant de
savoir si les lésions de la moelle et celles des méninges ne mar-
chent pas assez simultanément pour qu'on puisse dire syringo-
myélie pachyméningitique ou pachyméningite syringomyélique.
Ramollissement du Cll11eUS et hémianopsie.
MM. Pierre Marie et 0. CROUZUN. Les pièces présentées pro-
viennent de l'autopsie d'un malade présentant, depuis quatre ans,
comme seul symptôme, une hémianopsie latérale droite survenue
avec plusieurs ictus. On trouve, au niveau de l'hémisphère céré
bral gauche, un ramollissement total du cuneus, un petit ramol-
lissement de la circonvolution linguale et une autre lésion analogue
à la face inférieure du cervelet du côté gauche.
nlérnlpie pareslhésique.
MM. SA13RAZÈS et C\B\NiOES (Bordeaux) notent, dans la méralgie,
le refroidissement local et l'absence de réaction sécrétoire à la pi-
locarpine ; la guérison est possible par un traitement purement
médical. F. Baissier.
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE.
Séance du 19 décembre 1899. Présidence DE M. PAUL llncmN,
vice-président.
Troubles psychiques d'origine tuberculeuse.
M. Samuel 13EnrruEm, s'appuyant sur un certain nombre de faits
cliniques et expérimentaux tire les conclusions suivantes :
10 Au cours de la phtisie pulmonaire, on peut observer et on
note fréquemment des formes multiples de psychoses, depuis la
sociétés savantes. 175
simple hypochondrie jusqu'à la folie délirante. Quelquefois même,
la phtisie se termine par la paralysie générale ; -,
2° Les troubles mentaux et la tuberculose peuvent marcher de
front ou alterner mutuellement. Presque toujours l'amélioration
de la lésion bacillaire est accompagnée de la rémission ou de la
guérison des phénomènes psychiques.
3° Cet état pathologique double n'est pas une simple coïncidence.
Il semble démontré cliniquement, par analogie de faits, et expéri-
mentalement, que l'infection bacillaire exerce une action directe
sur le névraxe et qu'elle peut causer la défaillance du système
nerveux central : en conséquence, les psychoses dont il s'agit sont
d'origine bacillaire;
4° A cause de la latence de l'évolution des phénomènes tubercu-
leux chez les aliénés, il me parait utile, quand on est en présence
d'un mélancolique, d'un maniaque on d'un délirant, de se préoc-
cuper de son état thoracique, surtout quand le sujet maigrit,
tousse, ou a eu des hémoptysies, ou lorsque son organisme subit
une déchéance brusque accompagnée de fièvre.
5° En ce qui concerne la médecine légale, il serait désirable que
les inculpés de quelque forfait fussent examinés d'une façon
attentive, aussi bien au point de vue des manifestations tubercu-
leuses qu'au point de vue de la mentalité celles-là pouvant
souvent fournir d'utiles indications sur celles-ci et laisser prévoir
la prochaine déchéance de la raison, par suite, mitigeant singu-
lièrement la responsabilité actuelle des tuberculeux.
Un procédé pour reproduire l'hypnose profonde chez des sujets
réfractaires.
M. Albert Charpentier. Pour produire l'état somnambulique
chez des sujets réfractaires, je leur fais respirer en une ou deux
minutes 30 ou 40 grammes d'éther, à l'aide du masque. Après cela,
les suggestions thérapeutiques peuvent être faites. Le malade est
ensuite réveillé sans difficulté. Sans doute, le consentement préa-
lable est indispensable, l'examen minutieux du coeur s'impose, et
ce n'est, en somme, qu'un moyen exceptionnel, très efficace cepen-
dant dans certains cas déterminés.
M. Paul Ferez. Il a déjà été publié un certain nombre de
tiavaux touchant les anesthésiques médicamenteux dans leurs
rapports avec la suggestion, notamment par Gibert (du Havre),
Herrero (de Valladolid) et Riffat (de Salonique). On sait que, pen-
dant le sommeil chloroformique, les suggestions sont efficaces.
Par la chloroformisation préalable, accompagnée de la suggestion,
on arrive toujours à l'hypnotisation, quelles que soient les résis-
tances conscientes ou inconscientes, volontaires ou involontaires
opposées par le sujet. Le chloroforme est donc un moyen sugges-
176 SOCIÉTÉS SAVANTES.
tif de premier ordre et avec lui, semble-t-il, on arriverait à hyp-
notiser n'importe qui. D'une manière générale, le sommeil produit
par un toxique ou un narcotique quelconque présente, comme
d'ailleurs le sommeil naturel, des périodes aussi favorables à la
suggestion que l'hypnotisme lui-même. Il n'est même pas néces-
saire de recourir à des doses relativement considérables de nar-
cotique pour produire un état suffisant de suggestibilité chez des
malades réfractaires à l'hypnotisme. Aussi, Auguste Voisin, dans
son service de la Salpêtrière, faisait respirer de très petites doses
de chloroforme, chez des malades qui s'agitaient, se débattaient,
brisaient tout, criaient, vociféraient, il produisait par l'inhalation
de cinq à six gouttes de chloroforme, une accalmie, pendant la-
quelle la simple fixation du regard réalisait le sommeil. Et celui-
ci était bien le sommeil hypnotique, car il durait aussi longtemps
qu'on le voulait et cessait par simple suggestion; une fois il fut
maintenu pendant trois jours, une autre fois pendant quatre
jours. ,
M. BERILLOIV. J'ai étudié, de mon côté, à ma clinique, l'action
de certaines substances comme adjuvants de la suggestion et, en
particulier, le chloroforme, le bromure d'éthyle, le protoxyde
d'azote, la morphine, l'hypnal, le chloral, le bromidia; je les ai
complètement abandonnés et je les bannis systématiquement de
ma pratique. C'est que le chloroforme, par exemple, est dange-
reux, même à très petite dose; en effet, c'est dès le début, lors de
la première inhalation même, qu'un réflexe inhibiteur peut pro-
duire une syncope mortelle. Si un accident survenait, on ne man-
querait pas de dire que le médicament a été administré sans
indication suffisante. Et puis, il convient de ne faire aucune con-
cession à la toxicomanie. Notre rôle est précisément d'agir par des
moyens psychiques; si l'hypnotlsation ezt longue et difficile, ne
nous laissons pas décourager : exigeons des délais; le malade doit
faire l'apprentissage de ce traitement, s'y préparer et s'y entraî-
ner. Tout au plus, me permettrais-je l'emploi d'un anesthésique
hypothétique, comme l'acétal, corps doué d'une assez forte odeur
mais dont l'mhalation est tout à fait inoffensive.
M. Paul Magnix. - Je suis tout à fait d'avis de proscrire de la
pratique hypnotiqne un médicament qui présente des dangers de
toxicomanie. On prétend, de nos jours, guérir l'hystérie, par
l'éthérisation poussée même jusqu'à l'anesthésie opératoire : on
fabrique ainsi des éthéromanes. Jadis, à la Pitié, un médecin des
hôpitaux préconisait les-injeclions de morphine comme traitement
de l'hystérie; quelque temps après, il présenta à la Société anato-
mique le foie d'une de ses hystériques comme le foie d'une mor-
phinomane.
SOCIÉTÉS SAVANTES. '1%Î
Les procès aux animaux.
M. Henri LEMESLE lit une étude médico-légale sur les procès faits
aux animaux pendant le moyen âge. Des sangsues, des rats, des
sauterelles, des chenilles, des porcs, etc., furent l'objet de procé-'
dures en règle, d'excommunications et d'anathèmes. Il faut voir
dans ces faits une application de la conception toute théologique
du moyen âge touchant la responsabilité : le bien et le mal sont
l'oeuvre de Dieu ou du démon et l'agent du crime ou du délit doit"
être frappé sans considération de la conscience ou de l'inconscience
lors de l'exécution.
Fumeurs et fumeuses d'opium.
M. Bérillon. -- Des fonctionnaires français ont rapporté d'Indo-
Chine l'habitude de fumer de l'opium et ils s'y livrent dans leur
appartement. La femme de l'un d'entre eux s'est prêtée avec com-
plaisance à la préparation des pipes d'opium que fumait son mari ;
elle n'a pas tardé à subir les effets de l'intoxication par la fumée, '.
puis à fumer elle-même; il se déclara, en outre, chez elle, des
symptômes d'hystérie et de neurasthénie anxieuse. Bien que cette
personne fût très hypnotisable, la suggestion hypnotique fut im-
puissante contre ces derniers symptômes, aussi longtemps que la z
malade en dissimula la cause. Lorsqu'elle eut confessé qu'elle
fumait de l'opium, la suggestion hypnotique opéra la suppression
de cette habitude sans grande difficulté. Du même coup, les acci-
dents nerveux furent dissipés. Il est curieux de noter que le chat
de la maison et une bonne qui vivait dans l'appartement présen-
tèrent des signes de l'état de besoin lorsqu'ils ne furent plus
soumis à l'action de la fumée d'opium.
Séance du mardi 16 janvier 1900. Présidence DE M. LE Dr Jules
Voisin.
Impulsions homicides guéries par suggestion.
M. Jules Voisin. Une malade était obsédée par l'idée de tuer
son enfant; elle ne vivait plus, ne mangeait plus, ne dormait plus.
J'ai essayé de l'hypnotiser, mais elle ne parvint pas à dormir pro-
fondément. Néanmoins, par la suggestion, j'ai été assez heureux
pour lui rendre la vie possible en faisant disparaître ses angoisses
et ses impulsions. Il ne faut pas croire que la suggestion ne peut
pas être efficace parce que le sommeil n'est pas profond. Il est
rare que, au bout de trois, quatre ou cinq séances, on n'arrive
pas à créer un état suffisant de suggestibilité.
.Archives, 2'série, t. IX. 2
z8 SOCIÉTÉS SAVANTES.
La ventriloquie religieuse comme moyen de suggestionner les foules.
M. GARNAULT montre à l'aide de textes et de documents authen-
tiques que la ventriloquie donne l'explication des statues parlantes,
des prophètes et des pythonisses des religions antiques.
Aboulie et suggestion.
M. Pau DE SdINT-VIAIiTIN rapporte un cas d'aboulie qu'il a guérie
par suggestion directe, grâce à une discipline journalière minu-
tieusement réglée, à une gymnastique morale et à un entraînement
progressif de la volonté.
Auto-mutilations survenant sous l'influence de rêves chez
un hysléro-épileplique.
M. Béiullon présente un malade âgé de trente-un ans, qui
parfois, le matin, quelques minutes après son réveil, est pris
d'impulsions irrésistibles, il s'est frappé le crâne avec une hache
et a saigné abondamment ; une autre fois, il a essayé avec ses
doigts de s'arracher l'oeil droit de l'orbite et, comme il n'y par-
venait pas, il eût recours à son couteau ; une autre fois encore, il
s'est arraché coup sur coup sept' dents avec des tenailles ; un beau
jour, il saisit ses organes génitaux dans les mains et les tira forte-
ment comme pour les arracher ; parfois aussi, il fait pénétrer sa
main dans l'arrière-gorge qu'il laboure jusqu'au sang ; une fois il
avança la langue entre les dents puis frappa un violent coup de
poing de bas en haut sur la mâchoire inférieure. Quand il réalise
ces actes, il n'éprouve aucune souffrance ; il est même content de
les avoir accomplis. Ces crises ne sont jamais acompagnées de
perte de connaissance, ni d'écume à la bouche, ni de miction invo-
lontaire ; elles reproduisent un rêve survenu pendant la nuit.
Ce malade est actuellement soumis au traitement hypnotique.
Ce malin il a encore eu des idées d'auto-mutilation, mais ses
mains se sont paralysées et lui ont refusé tout service, ainsi que
je l'avais expressément suggéré. J'espère arriver à guérir ce mal-
heureux qui, dans son pays, en province, est devenu un objet de
scandale et d'horreur pour ses concitoyens. C'est dans l'inhibition
des rêves que sera le secret de la guérison définitive.
Ivrognerie. -Anne Gicquello, dix-huit ans, de Colpo (Morbihan),
avait accompagné sa mère en justice de paix à Grandcamp. Au
retour, les deux femmes s'arrêtèrent dans quelques cabarets et
Anne prit des absinthes. La mère et la fille, ivres toutes deux, se
querellèrent et la fille frappa sa mère, avec un couteau, à la gorge.
La mort fut instantanée. Anne est arrêtée. (Bonhomme Normand,
janvier.)
BIBLIOGRAPHIE.
IL Le système nerveux central. Structure et fonctions. Histoire cri-
tique des théories et des doctrines ; par Jules Sounv. 2 volumes
gr. in-8 jésus, d'ensemble x-1870 pages, avec figures. Carré et
Naud, éditeurs, Paris, 1899. Prix : 50 fr.
M.Jules Soury, professeur et directeur d'études à l'Ecole pratique
desHautes Etudes, à la Sorbonne, vient depublierunvolumesurle
système nerveux central qui prendra rang parmi les plus grands
livres de science du dix-neuvième siècle.
C'est l'histoire critique des théories et des doctrines de psycho-
logie physiologique, depuis les premières conceptions grecques
jusqu'aux plus récentes découvertes contemporaines, que retrace
M. Jules Soury. Seul, sans nul doute, parmi les savants de notre
temps, M. Jules Soury, qui depuis trente-cinq années s'est consacré
à l'histoire des doctrines psychologiques, pouvait l'entreprendre et
l'achever. C'est l'oeuvre de toute une vie de l'un de ces rares esprits
qui unissent à l'érudition approfondie du neurologiste et du phy-
siologiste, les qualités de l'humaniste, la pénétration du critique
et la hauteur de pensée du philosophe.
Le premier tiers de l'ouvrage est attribué à l'antiquité et aux
temps modernes; les deux autres tiers concernent l'époque con-
temporaine depuis 1870.
« La théorie scientifique des localisations fonctionnelles de
l'encéphale et de la moelle, écrit M. Jules Soury, est assez tard
venue dans le monde, mais le principe de la localisation des fonc-
tions psychiques de la sensibilité et de l'intelligence est presque
aussi vieux que la pensée humaine. La localisation des fonctions
des sensations et de l'intelligence, des passions et de la motilité
volontaire, dans les organes thoraciques et abdominaux, a cer-
tainement précédé de longtemps la localisation dans l'encéphale,
mais le principe reste le même, quel que soit le siège assigné à ces
fonctions. Aux plus lointaines époques, comme de nos jours, la
grande curiosité scientifique de l'homme sur l'origine et la- nature
de ses sensations et de ses idées ne s'est reposée que dans la con-
sidération des différents organes de son corps dont l'activité varie
plus particulièrement avec la qualité et l'intensité de ses émotions,
de ses passions et de ses pensées. »
C'est cette vue qui fait, sous la diversité et l'opposition des doc-
180 BIBLIOGRAPHIE.
trines, l'unité du livre de M. J. Soury. Il expose tout d'ahord les
théories relatives à la structure et aux fonctions des organes de la
vie, de la sensibilité et de la pensée, chez les premiers philosophes
grecs, puis chez Platon, chez Hippocrate, chez Aristote, Hérophile,
Erasistrate et Galien, auxquels il consacre des chapitres considé-
rables.
Dans les temps modernes, il étudie, pour ne citer que les princi-
pales doctrines, celles de Descartes, de Spinoza, de Hobbes, de
Willis, de Vieussens, de Cabanis, de Stahl, de Bichat, de Sommer-
ring, de Kant, de Gall, de Flourens, de Bouillaud, de l'École de la
Salpêtrière, de Hurdach, de Baillarger, etc., et enfin de Paul Broca
et de Fritsch et Ilitzig.
« La première localisation scientifique d'une fonction psychique
du cerveau fut. celle du langage articulé dans le pied de la troi-
sième circonvolution frontale gauche; elle date de 1861 et dérive de
l'observation clinique et de l'anatomie pathologique de l'aphémie.
« Quant à la théorie actuelle des localisations cérébrales, telle
qu'elle a été constituée par les travaux de Fritsch et Ilitzig, David
Ferrier, Hermann Munk, Luciani, Charcot, Exner, elle est née de
la découverte de l'excitabilité de la substance cérébrale au moyen
de l'électricité; elle date de 1870 et relève surtout de l'expérimeu-
tation physiologique et de la méthode anatomo-clinique. »
Dans la seconde partie de son oeuvre, consacrée aux doctrines
contemporaines, M. J. Soury étudie les fonctions conductrices du
système nerveux central, les voies sensitives et motrices, les voies
sensorielles et les voies d'association ; puis le rôle de l'écorce céré-
brale et la psychologie comparée dans la série animale; puis les
centres sensitivo et sensori-moteurs, la cénesthésie, les émotions,
la vision, l'audition, l'olfaction, la théorie des centres de projection
et d'association du télencéphale, et enfin la théorie des neurones.
Ici figurent les observations que les savants de toute nationalité,
Français, Allemands, Russes, Italiens, Espagnols, Belges, Anglais,
etc., ont accumulées depuis trente ans. Les noms et les doctrines
de Meynert, de Munk, d'Edinger, de von Monakow, d'Exner, de
Flechsig, de Charcot, de Pitres, de Bourneville, de Richet, de Déje-
rine, de Goltz, de Iaelliker, de Wernicke, de Iietzius, de Lugaro, de
Luciani, deTamburini, de Bechterew, de Golgi, de Cajal, de Nissl,
de van Gehuchten, de von Lenhossek, etc., etc., reviennent sans
cesse sous la plume de M. J. Soury. Il n'est pas de document, inté-
ressant tel point spécial des sujets traités qui ne soit mentionné et
critiqué.
Analyser cette oeuvre immense est chose impossible. Contentons-
nous de donner un aperçu de quelques-uns des points traités par
M. Soury.
La question de la nature des centres moteurs a longtemps divisé
les physiologistes. David Ferrier, malgré les critiques de Munk,
.BIBLIOGRAPHIE. 181 1
maintient encore que ces centrés sont anatomiquement dis-
tincts des centres de la sensibilité tactile ou générale et du
sens musculaire. Exner émet la doctrine contraire de la senso-
mobilité. D'accord avec l3astian, Munk, Flechsig, Wernicke,
Tamburini, Luciani, etc., il soutient que les centres de la moti-
lité et de la sensibilité tactile se confondent. Les centres dits
moteurs n'ont pas de fonctionnement spontané. Leur mise en acti-
vité est subordonnée aux excitations venant des régions sensitives
et sensorielles. Qu'il s'agisse'donc de mouvements réflexes, auto-
matiques ou volontaires, le mécanisme est le même. Le réflexe de
la déglutition est empêché par l'anesthésie locale du larynx. La
destruction des nerfs de la sensibilité entraîne la perte du mouve-
' ment des yeux, de la face, de la locomotion, etc. Le mouvement
volontaire proprement dit est précédé d'une représentation men-
tale de l'acte à accomplir, et l'événement qui détermine les con-
tractions appropriées est une image, que Bastian appelle kines-
thésique, formée par des résidus de sensations musculaires, ten-
dineuses, articulaires, etc. Les centres de sensibilité kinesthési-
que sont reliés avec les aires de la vision, de l'audition, etc. Que
des excitations sensitives ou sensorielles soient les antécédents
nécessaires du mouvement, c'est ce que démontre assez la surdi-
mutité, les aphémies, les agraphies. Vareth; un élève d'Exner, et
Manqué, de Bruxelles, l'ont expérimentalement prouvé par leur
.méthode de circonvallation ou d'isolement des centres moteurs.
Par la section des fibres d'association reliant ces centres aux diffé-
rents territoires sensitifs ou sensoriels, ils ont déterminé la même
paralysie que par la destruction des centres kinesthésiques eux-
mêmes.
M. J. Soury incline à croire avec Bastian que les paralysies hys-
tériques sont dues à des spasmes vaso-moteurs. Le spasme des
vaisseaux de telle ou telle région du cerveau entraîne l'abolition
partielle ou complète de l'activité fonctionnelle de cette région et
partant la paralysie de la motilité ou de la sensibilité. Ces mala-
dies fonctionnelles sont donc causées par des altérations de nutri-
tion du tissu nerveux. Ce ne sont pas, bien entendu, des névroses
sine matera. « L'hystérie nous parait, écrit M. J. Soury, comme à
Charcot, à Pierre Janet, à Paul Blocq, à Sigm. Freud, une mala-
die mentale. » Les troubles de l'intelligence ne sauraient natu-
rellement être séparés de leurs conditions organiques : la cons-
cience, la mémoire, la volonté, etc., sont précisément de simples
résultantes de la synergie anatomique et physiologique, de la syn-
thèse fonctionnelle des différents territoires de projection et
d'association de l'écorce du cerveau antérieur.
M. J. Soury consacre un chapitre à la théorie des contractures.
L'ancienne hypothèse des propriétés excito-motrices du faisceau
pyramidal a été combattue en particulier par Pierre Marie qui le con-
182 BIBLIOGRAPHIE.
sidère comme possédant un rôle d'arrêt, se.s fonctions inhibitrices
s'exercant sur les cellules motrices de la moelle. Mais cette théorie
était incomplète. Dans les cas de paraplégie flasque et de lésion <
transversale totale de la moelle cervico-dorsale, la contracture fait
défaut, malgré la dégénération secondaire et la sclérose des fais-
ceaux pyramidaux. Van Gehuclrlen a dégagé de nombreuses obser-
vations cliniques la loi d'après laquelle la zone motrice du télencé-
phale exerce par les fibres cortico-spinales une inhibition sur les
centres moteurs inférieurs, tandis que l'écorce du cervelet et les
masses grises du mésencéphale et du rhombencéphale tiansmet-
tent constamment une action excitatrice aux cellules motrices de
la corne antérieure de la moelle par l'intermédiaire des fibres
cérébello-spinales et du faisceau longitudinal postérieur. Quand
l'action corticale du télencéphale se trouve affaiblie ou suspendue,
on observe la rigidité musculaire accompagnée d'une exagération
considérable des réflexes de la partie du névraxe située au-dessous
du siège de la lésion. Quand l'interruption anatomique ou fonc-
tionnelle atteint aussi les fibres d'origine cérébelleuse et mésen-
céphalique, on observe la paraplégie flasque des membres qui
dépendent du tronçon inférieur de la moelle avec l'affaiblissement
et même l'abolition des réflexes correspondants.
Comme l'a dit Meynert, le corps entier se projette dans l'écorce
cérébrale. Tous les tissus, tous les organes, toutes les fonctions du
corps sont représentés par quelque territoire propre dans le télen-
céphale. La respiration, la déglutition, l'estomac, les intestins, les
glandes, les sphincters, les vaso-moteurs, les actions trophiques,
les échanges organiques ont leurs conditions thalamiques et
corticales. M. Soury indique les plus récentes découvertes faites
dans cette voie.
11 réfute la théorie d'après laquelle il existerait des organes
périphériques et des centres cérébraux de la douleur. La douleur
n'est pas une sensation spécifique, mais un mode de la sensibilité
générale. Toute sensation comporte un ton affectif. 11 y a plaisir
ou douleur par la sommation d'excitations perçues par le télencé-
phale. Quand cette sommation ne peut avoir lieu, comme dans la
syringomyélie, la sensibilité tactile, musculaire, articulaire et vis-
cérale peut persister, mais avec analgésie et thermo-anesthésie.
La théorie de Lange et de W. James sur les émotions est vive-
ment critiquée par M. J. Soury. Il n'existe pas, dit-il, de sensa-
tion, de perception, d'image, de concept même sans ton affectif,
et, suivant l'intensité et la complexité du processus psychique,
sans émotion concomitante. C'est là qu'il faut voir la cause des
émotions. La conscience des variations organiques est postérieure.
C'est en quelque sorte le choc en retour d'un ensemble de réactions
parties de l'écorce. Outre d'ailleurs le centre vaso-moteur de la
moelle allongée, il existe un centre vaso-moteur cortical, localisé
BIBLIOGRAPHIE. 183
dans la région rolandique. Qu'il s'agisse d'une impression simple
comme un son strident, ou d'un souvenir ou d'une idée, c'est le
retentissement de cet événement psychologique sur les centres
moteurs et vaso-moteurs qui détermine secondairement l'état de
cénesthésie correspondant.
M. Soury étudie ensuite le rire et le pleurer. Le pleurer physio-
logique est dû à l'activité combinée des centres corticaux du facial,
de la sécrétion lacrymale, etc. Le rire et le pleurer spasmodiques-
sont causés par des lésions bilatérales des aires motrices du cer-
veau, ou par des lésions capsulaires, abolissant l'inhibition volon-
taire sur les centres thalamiques qui président aux fonctions
automatiques et réflexes de l'organisme en rapport avec les sen-
timents, les émotions et les passions.
Le chapitre de la vision renferme des discussions approfondies
sur les centres et les faisceaux de projection de la vue, sur les
hémianopsies, les hallucinations hémiopiques homonymes et
la cécité corticale. Il y est démontré en particulier que l'hallu-
cination résultant d'une lésion d'un lobe occipital doit affec-
ter partiellement les champs visuels des deux yeux et être
de nécessité bilatérale et homonyme. Dans le chapitre de
l'audition, M. J. Soury décrit avec les plus grands détails les
voies centrales et les relais suivis par les impressions du son,
du ganglion cochléaire à l'écorce du télencéphale, les fonctions
des canaux semi-circulaires, les relations fonctionnelles du laby-
rinthe et des zones rolandiques. Au chapitre de l'olfaction,
M. Soury étudie les terminaisons du nerf olfactif dans les lobes fron-
tal et temporal, la structure histologique spéciale du gyrus forni-
catus, le faisceau d'association de la corne d'Ammon et de la fascia
dentata. Il cite l'exemple remarquable d'involution régressive du
lobe olfactif du dauphin et en tire cette conclusion que partout et
toujours là fonction a ciéé l'organe. Il aborde enfin la théorie des
neurones.
Au moment où Golgi institua sa méthode, les actes réflexes du
système nerveux étaient expliqués parles anastomoses des prolon-
gements protoplasmiques du réseau diffus de Gcrlach. Golgi rem-
plaça cette théorie par celle de l'anastomose des prolongements
cylindraxiles des cellules sensitives et motrices. Forel dénonça
cette nouvelle hypothèse et Koelliker combattit les opinions de
Golgi sur la nature non nerveuse des prolongements protoplas-
miques. Forel déclara que la continuité de substance n'était pas
nécessaire pour expliquer la propagation de l'onde nerveuse et il
inaugura, avec His, la doctrine des neurones. L'invention de ce der-
nier mot revient à Waldeyer. Cajal confirma définitivement la
thèse de la terminaison libre des prolongements protoplasmiques
et cylindraxiles de la cellule nerveuse. La coloration de Nissl mit
en évidence les blocs chromatiques du cytoplasma. Flemming et
' Cajal découvrirent que les courants nerveux suivent dans la cel-
lule et ses prolongements les fibrilles d'un réseau de spongio-
plasma achromatique. Deux théories restaient en présence : celle
des unicistes qui, avec Meynert et Koellileer,croient àl'unité struc-
turale et fonctionnelle de la cellule nerveuse dans les différents
-territoires, et expliquent par les connexions périphériques les pro-
priétés diverses des diverses aires corticales ; et celle des particula-
ristes, qui, à l'instar de Munie, de Flechsig et de Nissl, sans méconnaî-
- tre l'importance des connexions périphériques, considèrent comme
- fondée l'hétérogénéité structurale et fonctionnelle des cellules
des centres différents. Pour prendre parti dans cette question,
Cajal s'est livré à de nouvelles études de morphologie cellu-
laire. Il défend la thèse de l'hétérogénéité. Il a découvert dans la
quatrième zone de la scissure calcarine des cellules étoilées
autochtones, qui lui paraissent caractériser la rétine corticale. Il
réfute l'hypothèse de Mathias Duval sur l'amiboisme des cellules
- nerveuses, mais il admet la contractilité des ceilules de névroglie,
permettant un contact plus intime entre les panaches des cellules
' pyramidales et les arborisations cylindraxiles. Koelliker rejette
cette vue. Rien n'établit à son sens l'existence d'une propriété iso-
latrice de lanévroglie, simple substance de protection et de sou-
. tien. Van Geliuchten est avec Cajal l'auteur de la loi de polarisa-
tion dynamique des éléments nerveux. M. Soury présente enfin les
objections de von Lenhossek et de Cajal aux opinions de Bethe,
de Nissl, d'après Apathy, qui voudraient que les courants ner-
veux fussent transmis par un réseau interstitiel de fibrilles inter
et intra-cellulaires, unissant toutes les cellules du névraxe. La
théorie des neurones demeure acceptée comme l'expression de
la vérité par la plupart des anatomistes et des anatomo-patholo-
gistes.
Que d'enseignements, de discussions savantes et de vues élevées
dans cette oeuvre de systématisation des doctrines psycho-phy-
siologiques ! Plus on approfondit cet ouvrage et plus on admire la
puissance de pensée de l'auteur.
C'est bien « l'histoire anatomique et physiologique de l'intelli-
gence, l'histoire naturelle del'esprit humain », que M. Jules Soury
à écrite. « Cette étude des organes des sens, des centres de pro-
jection et d'association de l'encéphale demeure, dit-il, la source
. la plus élevée de notre connaissance de l'univers considéré comme
un phénomène cérébral. »
M. Jules Soury rend par son livre unique d'inappréciables ser-
vices aux neurologistes et aux psychologues en permettant à l'esprit
d'embrasser d'une vue synthétique et critiqne les théories que les
penseurs de tous les temps ont émises sur la nature de la pensée et
les faits que des milliers de savants ont recueillis et vérifiés. Les
plus récentes découvertesjettent un jour nouveau sur les problèmes
BIBLIOGRAPHIE. 185
psychologiques. Elles démontrent que les fonctions intellectuelles
ne sont point localisables dans des éléments histologiques consi-
dérés isolément, mais qu'elles dépendent des faisceaux d'associa-
tion, unissant les divers centres cérébraux.
L'attitude de M. J. Soury en présence de tant de conceptions et
de solutions variées est toujours celle de l'historien philosophe et
du critique. « Les données du problème le plus élémentaire, dit-il,
changent nécessairement avec les moyens d'investigation, et comme
ceux-ci se renouvellent sans cesse les résultats atteints par une
génération ne sont qu'un moment dans le devenir d'une science. »
Le grand oeuvre de.M. Jules Soury demeurera dans l'histoire des
sciences comme le monument de ce que l'homme aura su de la
structure et des fonctions du névraxe, des fondements et des ori-
gines de la conscience, au seuil du vingtième siècle.
Jules Courtier.
III. La volonté dans ses rapports avec la responsabilité pénale;
par le Dr Dallesugne.
M. Dallemagne, professeur de médecine légale à l'Université de
Bruxelles, qui, dans l'Encyclopédie des aide-mémoire de Léauté,
avait déjà publié deux volumes sur la physiologie et la pathologie
de la volonté, vient d'en publier un nouveau sur la volonté dans
ses rapports avec la responsabilité pénale qui s'appuie sur eux et
en est le complément.
M. Dallemagne rejette complètement le spiritualisme, ses facultés
immatérielles multiples, son libre arbitre absolu, ses idées innées
et considère, avec juste raison, tous les phénomènes psychiques
comme n'étant qu'un résultat de notre organisation. Il est parti-
san de la théorie de Flechsig qui divise le cerveau en centres de
projection et en centres d'association. Les centres de projection ne
sont autres que les organes sensoriels auxquels sont juxtaposées les
fibres motrices. Les procédés de coloration employés, depuis quel-
ques années, ont fait faire de grands progrès à l'étude des neurones
et nous ont appris à bien connaître leur mode de développement,
ce qui est d'uneimportance capitale pour la psycho-physiologie. Les
neurones ne sont aptes à fonctionner que lorsque leur cylindre axe
est revêtu de sa gaine de myéline destinée à l'isoler, à le protéger
et la coloration de celle-ci par l'hémaloxy11ne, permet de consta-
ter le moment précis de cette myélinisation. C'est ainsi que l'on
sait aujourd'hui que les centres de projection se développent avant
les centres d'association et que les centres de projection suivent
toujours le même ordre d'évolution qui commence par celui de la
sensibilité tactile, musculaire, aponévrotique, viscérale, située
sur les circonvolutions ascendantes et une partie des circonvolu-
tions avoisinantes, continue par le cendre olfactif qui réside sur
186 BIBLIOGRAPHIE.
la circonvolution de l'hippocampe, par le centre visuel placé à la
face interne du lobe occipital, et par le centre auditif localisé
sur la première temporale. On ignore encore où siège le centre de
projection du goût. Le développement des centres de projection
avant celui des centres d'association est une preuve certaine que
nos connaissances proviennent des sensations et confirme le vieil
axiome d'Aristote : Nihil est in intellectu qllod non prius fuit 'il !
sensu. Les centres d'association sont destinés à relier entre eux les
centres de projection et à élaborer les perceptions sensorielles. Cette
nouvelle psycho-physiologie a le tort de ne pas tenir uu compte
suffisant des facultés morales et de limiter presque entièrement le
rôle des centres d'association à un rôle intellectuel.
La volonté n'est pas une faculté spéciale ; elle n'est qu'un pro-
cessus qui ne diffère de l'acte réflexe qu'en ce que des neurones
des centres d'association, plus ou moins nombreux suivant la
complexité de l'acte volontaire, viennent s'interposer entre le neu-
rone moteur et le neurone sensisif qui accomplissent à eux seuls
l'acte réflexe. Entre cet acte le plus simple, le plus élémentaire et
les phénomènes volontaires les plus compliqués, on trouve tous
les intermédiaires. Il n'existe pas de libre arbitre absolu, puisque
notre liberté morale est subordonnée entièrement à l'action des
neurones, dont l'organisation, le fonctionnement, sont un résul-
tat de l'hérédité, de l'instruction, de l'éducation que l'on a reçues,
du milieu où l'on a vécu.
Une discordance profonde existe entre le magistrat chargé d'ap-
pliquer la loi, basée sur un libre arbitre absolu, et l'expert dont les
convictions se rapprochent chaque jour davantage de la psycho-
physiologie scientifique. Cette discordance est plus marquée en
théorie qu'en pratique, le magistrat atténuant la rigidité de ses
principes par les circonstances atténuantes, l'application de la loi
de Bérenger, tandis que, de son côté, l'expert ne tient pas compte
des variations physiologiques si nombreuses de la volonté, et, de
cette manière, une bonne entente peut régner entre eux. Lorsque la
science aura définitivement triomphé du spiritualisme, M. Dalle-
magne ne croit pas que le code pénal aura à subir des modifications
aussi profondes qu'on se l'imagine au premier abord. C'est là
un point qu'il me semble difficile à admettre, car si tous les cri-
minels sont des dégénérés, comme l'admettent Lombroso et beau-
coup de psychologues italiens, ou, si du moins, ils ne jouissent
que d'une liberté morale très faible ou presque nulle, la société
n'aura plus le droit de les punir, mais celui de se protéger contre
eux, de les mettre dans l'impossibilité de lui nuire, et de tâcher
d'améliorer leur état mental.
L'expert ne doit se préoccuper actuellement que de savoir si
l'inculpé a une volonté normale ou anormale, si l'action de cette
volonté n'est pas entravée par un défaut de discernement congé-
BIBLIOGRAPHIE. 187
nital, comme dans l'idiotie, l'imbécillité, la débilité mentale, ou
acquis comme dans la démence. Des impulsions irrésistibles avec
obsessions chez les dégénérés, sans obsessions chez les épileptiques,
les hystériques, les neurasthéniques, des suggestions hypnotiques,
entraînent à des actes dont on ne saurait être responsable.
M. Dallemagne étudie les troubles de la volonté dans toutes les
formes de l'aliénation mentale et adopte, en grande partie, pour
cette étude, la classification de M. Magnan. Il admet' comme
limites extrêmes d'âge, dans la paralysie générale, 35 et 4 ! ) ans ;
ces limites sont beaucoup trop étroites et on observe souvent cette
affection en deçà et au delà de ces limites. Ses descriptions des
différentes formes de l'aliénation sont très claires, malheureusement
beaucoup trop écourtées par suite du cadre étroit où il était forcé
de se mouvoir ; aussi ne sauraient-elles dispenser les personnes,
médecins ou magistrats, qui voudraient connaître la médecine
légale des maladies mentales, de recourir à des traités plus com-
plets. Il admet comme assez fréquente l'épilepsie larvée ; nous
croyons au contraire qu'elle est très rare et que M. Christian qui
en nie l'existence, et dont il raille l'opinion, est beaucoup plus
près de la vérité que Lombroso, qui la voit partout, même dans
les productions les plus élevées du génie. Une pareille théorie n'a
rien de scientifique, n'est appuyée sur aucune preuve et ne mérite
pas d'être discutée. M. Dallemagne ne pousse pas, du reste, jusque-
là l'exagération. Dans notre longue carrière, c'est à peine si nous
en avons vu deux cas, et encore étaient-ils douteux.
Dr Daniel Brunet.
IV. L'Assistance des Buveurs; par E. CouLONJOu.
(Thèse de Toulouse, 1899.)
Après une étude approfondie du danger présenté parles buveurs
d'habitude par opposition au danger moindre représenté par
l'ivrogne, l'auteur regrette l'hésitation des pouvoirs élus français
à légiférer contre les buveurs. Alors que les pays étrangers ont
depuis longtemps des moyens d'action excellents avec 46 0/0 de
guérisons pour les buveurs traités. Le Buveur est celui qui, c sans
jamais s'enivrer ni se rendre compte du danger de boire, prend
chaque jour de l'alcool à doses toxiques » au lieu que l'ivrogne
· se rend compte, après l'ivresse et grâce il elle, que l'alcool est
nuisible, il se promet de ne plus boire, mais a perdu la force
morale »... Les buveurs sont des malades susceptibles d'être traités
et curables par des moyens connus donnant au moins 40 p. 100
de guérisons. Le nombre des buveurs diminue dans les pays qui
possèdent des asiles pour buveurs, il augmente en France où il n'y
en a pas. Dans l'état actuel de nos asiles d'aliénés où de par la loi et
de par l'organisation même, on ne peut interner et traiter que des
188 . VARIA.
alcooliques délirants, il est inutile et impossible d'interner les
buveurs. L'auteur demande donc la fondation d'asiles de buveurs
analogues à ceux qui fonctionnent depuis tant d'années en Amé-
rique, en Suisse, en Allemagne, etc. Il les voudrait divisés en
trois sections successivement occupées par le même malade à
mesure que l'amélioration se produirait et qu'il pourrait jouir
d'une liberté plus grande, quitte à rétrocéder dans une section
inférieure en cas d'incartade. Les malades étant curables et néces-
sitant une action assidue de la part du médecin, chaque service ne
devrait avoir plus de 100 malades pour un médecin, sans préjudice
des médecins adjoints ou internes. Le personnel rigoureusement
choisi, abstinent, sûr et bien payé. En sortant le malade se place-
rait sous la tutelle d'une société de tempérance. L'auteur ne doit
être buveur ni de thé ni d'eau-de-vie il en juger par son apprécia-
tion du pouvoir désaltérant respectif de ces deux breuvages,
appréciation qui ne me parait pas aussi juste que l'ensemble de
l'ouvrage. F. BoissIEr.
VARIA.
Note sur les progrès DE l'alcoolisme dans NOS campagnes
Dans une commune rurale du département de l'Eure, G..., dont
les habitants sont pour la plupart des agriculteurs, l'alcoolisme
s'est propagé d'une manière vraiment effrayante. D'après des
renseignements puisés à des sources sûres, il serait bu dans cette
commune, qui ne compte guère que 000 habitants, plus de
100 hectolitres d'eau-de-vie, rhum ou kirsch, par année, en dehors
d'une petite quantité (6 à 8 hectolitres) provenant des bouilleurs
de cru. L'absinthe entre aussi pour une notable proportion dans
la consommation constatée par la régie dans cette commune; et
cette consommation augmente chaque année. On m'a assuré
qu'en dehors des hommes, il y avait une trentaine de femmes qui
étaient habituellement en état d'ivresse; et l'instituteur m'a
affirmé qu'une bonne moitié des enfants arrivaient à l'école en
état d'ébriété. Les hommes boivent chez eux et au cabaret, presque
tous ont l'habitude, avant de se rendre à leur travail, d'absorber
a jeun un nombre plus ou moins considérable de petits verres
d'eau-de-vie. Les femmes et les enfants boivent à la maison et
c'est en général avec du café qu'elles absorbent l'eau-de-vie, le
rhum ou le kirsch. Il est facile de se rendre compte à priori des
varia.' 189
ravages que peut exercer un tel régime sur la santé et la moralité
des individus. Les autres communes suivent de très près celle
dont nous venons de parler surtout en Normandie et en Bretagne.
Les aliénés EN liberté.
D'après une dépêche de Bourges, 23 novembre, le parquet de
Saint-Amand a. fait arrêter un nommé Debeddes, cultivateur à
Vesdun, qui a assommé son fils à coups de manche de hache,
puis l'a étranglé avec une serviette passée autour du cou. Oeheddes, <
creusa ensuite dans la cave une fosse, où il enterra le cadavre
qu'il recouvrit de paille et de plusieurs sacs de pommes de terre.
La victime, qui ne jouissait pas de ses facultés mentales, était
entrée dans l'église pendant la nuit et avait sonné les cloches à
toute volée. Le père dit qu'il a tué son fils pour le punir de cette
algarade. (Le Temps du 24 novembre 1899.)
Un aiguilleur qui devient /'ou. Vers huit heures hier soir, le
chef de gare de l'avenue de Clichy (ligné de Ceinture), surpris de
voir que plusieurs trains annoncés depuis longtemps par la gare
précédente, ne fussent' pas encore passés, se rendit pour se ren-
seigner auprès de l'aiguilleur le plus voisin, près du pont des Epi-
nettes. Son étonnement fut grand lorsqu'il trouva l'aiguilleur à
demi-nu, gesticulant et dansant sur la voie, à quelques pas de sa
cabine. Le malheureux était devenu subitement fou. Il a été envoyé
à l'infirmerie du dépôt. (Le Petit Temps du 12 décembre 1899.)
Blessés grièvement par un fois. La place du Panthéon a été
le théâtre hier, un peu avant midi, d'une scène de véritable sau-
vagerie. Un passant est devenu subitement fou. Il s'est mis, en
poussant des cris incohérents, à déchirer ses habits ; et, comme
des curieux s'approchaient, brusquement il tira de sa poche un
fort couteau à virole, l'ouvrit et s'élança sur eux.
Un employé de commerce, M. Louis Ferrand, fut atteint à la
poitrine et tomba, baignant dans son sang. Un garçon laitier, qui
descendait de sa voiture, laissa là ses bouteilles et accourut cou-
rageusement pour tenter de désarmer le fou. Mais les mouvements
de ce dernier étaient tellement furieux que le nouvel anivant,
M. Paul Verres, fut atteint à son tour et mis hors de combat. Aux
cris poussés par les deux blessés, des agents de police accoururent t
du poste central de la mairie du 5e arrondissement, toute voisine,
et engagèrent la lutte avec le fou. Heureusement, celui-ci eut l'ins-
piration de jeter son couteau ; il voulut continuer à se déshabiller.
Les agents profitèrent du moment et s'emparèrent sans retard de
l'homme ; mais il fallut le ligoter pour le conduire aux bureaux
de M. Berthelot, commissaire de police du quartier de la Sorbonne.
Le magistrat fit conduire le fou, que des papiers trouvés sur lui
190 VARIA.
firent reconnaître pour un nommé Emile G..., employé chez un
tailleur du boulevard de Sébastopol, à l'infirmerie spéciale du
Dépôt. Quant à ses deux victimes, elles ont dû être transportées à
l'hôpital de la Pitié. (Le Temps du lb décembre 1899.)
Une scène de folie. M. Truy, secrétaire adjoint du commissa-
riat de police de M. Archer, re rendait hier rue du Faubourg-Mont-
martre pour opérer l'arrestation d'un garçon de bureau nommé
Omer Lesnes, qui venait d'être pris d'un accès de folie furieuse et
menaçait de mort ses voisins. M. Truy avait à peine pénétré dans
le domicile de cet homme que le fou, qui s'était tapi au fond de sa
chambre, s'arma d'un couteau de cuisine et se précipita sur le
secrétaire du commissaire. Celui-ci put parer le coup et se jeta à
son tour sur l'aliéné. Après une terrible lutte au cours de laquelle
il fut contusionné, M. Truy réussit à désarmer Omer Lesnes et à le
maîtriser. Le malheureux homme a été envoyé à l'infirmerie du
Dépôt. (Le Temps du 23 décembre 1899.)
Folie criminelle. Le commissaire de police de Clichy a été
prévenu qu'un crime avait été commis chez un marchand de vin
du boulevard Victor-Hugo. Il s'y est rendu ce matin. La porte et
les fenêtres étaient closes. Avec l'aide d'un serrurier, il a ouvert.
Rien n'était dérangé au rez-de-chaussée. Au premier étage on ne
remarquait aucun désordre. Le magistrat appelle, à plusieurs re-
prises, M. Lucq, le marchand de vin. Personne ne répondant, il se
décide à ouvrir la porte de la chambre à coucher, et il aperçoit,
pendu, le cou pris dans une cordelette, un enfant de trois ans. Le
père gisait inanimé sur le lit, la tête trouée par des balles de revol-
ver. Le corps de l'enfant était froid. La mort remontait à plusieurs
heures. Le père respirait encore. Son état n'a pas permis de l'in-
terroger. On en est donc réduit aux conjectures. Des voisins nous
ont dit que le meurtrier avait perdu sa femme, il y a quelques
mois, et que cette mort avait altéré ses facultés. 11 parlait fréquem-
ment, depuis cet événement, de suicide, et le sort de son enfant le
préoccupait beaucoup. Il aura profité sans doute du sommeil du
pauvre petit pour lui passer la corde autour du cou et le pendre.
Il a tenté ensuite de se faire justice après l'accomplissement de son
crime. (Le Temps du 25 décembre 1899.)
La folie d'une mère. Le quartier Necker a été mis en émoi hier
soir par un drame lamentable. Au numéro 3 de la rue Hobert-
Fleury, au troisième étage, demeurent les époux Boillot. Le mari
est cantonnier de la ville de Paris, la femme est ménagère. Deux
filles étaient nées de celte union. Lucie, âgée de sept ans, et Fer-
nande, âgée de cinq ans. Depuis quelque temps, la mère donnait
des signes de dérangement cérébral; mais ces troubles étaient bien
loin de faire prévoir le drame qui s'est passé hier soir. Dans
l'après-midi, le père s'était rendu à son travail. Vers quatre heures,
FAITS DIVERS. 191
les petites filles, retour de l'école, rentrèrent à la maison, où elles
trouvèrent leur mère. Que se passa-t-il entre elles ? On ne le sait.
Mais, vers six heures, des passants virent la mère tenir suspendue
dans l'air, à la fenêtre de son logement, l'ainée de ses filles. Tout
à coup, elle lâcha l'enfant, qui tomba sur le pavé où elle se fendit
le crâne. La mort fut instantanée.
Tandis que des passants relevaient le cadavre, la mère reparut
à sa fenêtre avec sa seconde enfant. Celle-ci, prévoyant l'horrible
traitement qu'elle allait subir, criait désespérément. Bientôt, sa
mère la lança dans l'espace et la pauvre petite vint s'écraser à son
tour sur le trottoir, où elle expira, au milieu des cris d'horreur
des passants rassemblés. La femme Boillot la suivit de près; elle
monta sur l'appui de la fenêtre et s'élança dans le vide. La mal-
heureuse folle s'abattit sur la chaussée; elle avait les deux jambes
cassées et le crâne fendu. Cependant elle respirait encore ; mais
elle ne vécut pas longtemps. Transportée à l'hôpital Necker, elle
rendit le dernier soupir avant d'avoir repris connaissance. On peut
juger du désespoir du père quand, rentrant chez lui vers sept
heures, il vit les cadavres de ses petites filles qu'il adorait et ap-
prit la mort de sa femme et l'horrible drame qui l'avait précédé.
(Le Temps, il janvier z
Ces faits montrent la nécessité, qui s'impose impérieu-
sement, d'hospitaliser les aliénés dès le début de leur maladie .
FAITS DIVERS.
Asile d'aliénés. Nominations et promotions. M. le D1' Cnoos-
TEL, médecin-adjoint à l'asile de Saint-Méen (llle-et-Vilaine, a été
promu à la classe exceptionnelle. M. le Dr Fenayrou, médecin-
adjoint à l'asile de Naugeat (Haute-Vienne), a été promu à la
classe exceptionnelle (Arrêtés du ICI' janvier 1900). M. le
Dr ALOIBEIiT-GOGET, médecin-adjoint à l'asile de Bassens (Savoie)
(classe exceptionnelle), a été promu aux mêmes fonctions à l'asile
de Brou (Rhône) (même classe) (20 janvier).
UNE folle brûlée VIVE. - La maison nationale d'aliénés de
Saint-Maurice, « Charenton », a été, dans la journée d'hier, le
théâtre d'un terrible accident. Une pensionnaire de l'établissement,
II1mo veuve Victoire Cussant, âgée de soixante ans, profitant d'une
courte absence de~ la surveillante spécialement attachée à son
z BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
service, s'approcha de la cheminée, dans laquelle pétillait un feu
de bois. Une étincelle provenant du foyer tomba sur les vêtements
en flanelle de l'aliénée, qui prirent feu en une seconde. La malheu-
reuse, entourée de flammes, poussait des cris d'effroi et se préci-
pitait, la tète baissée, contre les murs de sa chambre. Quand les
surveillantes accoururent, elle gisait sans connaissance sur le sol;
ses vêtements étaient entièrement consumés et son corps ne pré-
sentait plus qu'une plaie affreuse. Malgré les soins qui lui ont été
prodigués, la malheureuse a succombé après une terrible agonie.
(Le Petit Parisien du 21 novembre 1899.) Le mot surveillante
semble désigner d'habitude les infirmières; or, à Charenton, ce
sont des religieuses.
Drames DE l'alcoolisme. Au Thillot (Vosges), un nommé
Simonnin, étant rentré légèrement ivre et ayant eu une discussion
avec son (ils, s'arma d'un gourdin et en asséna deux coups formi-
dables sur la tête du jeune homme. Ce dernier riposta par deux
vigoureux coups de pied dans l'abdomen de son père, qui s'affaissa
et mourut presque sur-le-champ. (L'Indicateur de Cognac, 23 no-
vembre 1899). , ,
.13 \l,LET (G.). Suedenborg (Histoire d'un visionnaire au xviu0 siècle).
Volume in-18 de xu-228 panes. =- Prix' : 2 fr. 50.
Garn'ier. Asile d'aliénés de Dijon. Rapport médical. Compte moral
et administratif présenté pour l'année 1899. - Brochure in-8° de
58 pages. Dijon, 1899. Imprimerie Sirodot-Carré.
i)[ARI%1;1 (C.-I'.). - Una santa. Delirio Lrolico-Itelirlioso. -- Brochure
m-8° de 9 papes. - S. Maurilio Canavese, 1897.
Massachusetts school for llze fee6le mizzclecl (Piftysecon<i animal report
of the trustées of the) at Watham for the Year endinn september 30, 1899.
- Brochure in-8- de 43 pages. Boston, 1900. Wright and Potter.
zSluSKEns (J.-J.). Maskeltontis und 'e/MteMp/t'ttiomette. Brochure
in-8° de 1 pages. Leipzig, 1899. z- Librairie Veit uncl COmp.
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l'ord. Volume in-18 de xI'11-239 pages. Paris, 1899. Librairie
O. Doin.
'Le rédacteur-gérant : Bouriseville.
Évreux, Ch. lléwsssr, imp.- ? -1000.
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Vol. IX. Mars 1900. ' N° 51.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE NERVEUSE.
Polyurie et Pollakiurie hystériques ;
Par Jew A13ADIE,
Interne des hôpitaux de Bordeaux. 1
La connaissance du symptôme polyurie comme manifesta-
tion paroxystique et permanente de l'hystérie n'est pas de date
bien ancienne. Elle remonte à la thèse d'agrégation de M. Lan-
cereaux, en 18G9, qui réunissait onze observations plus ou
moins probantes. Depuis cette époque, la polyurie nerveuse
a été étudiée en 1891, par MM. Debove, Mathieu, Babinski et
leurs travaux sont consignés dans les Bulletins de la Société
médicale des hôpitaux. En '1893, M. Ehrhardt reprenait
son étude dans sa thèse inaugurale, ajoutait aux recher-
ches antérieures le résultat de ses propres observations
et affirmait définitivement l'existence de la polyurie perma-
nente dans le cadre symptomatique de l'hystérie. Dans son
traité de l'hystérie, M. Gilles de la Tourette consacre à la
polyurie un long chapitre très documenté. Quelques travaux,
peu nombreux, ont paru à la suite.
Dans la foule pressée des diabètes insipides, avec ou sans
modifications du chimisme urinaire, au milieu des polyuries
de tous noms, polyurie simple, essentielle, transitoire, trau-
matique, alcoolique, nerveuse, héréditaire, des dégénérés,
émotive, hystérique, il est encore difficile de se reconnaître.
Aussi avons-nous tenu à rapporter ici quelques données sur
cette question complexe, qui pourront servir, pour leur
Archives, 2* série, t. IX. 13
194 CLINIQUE NERVEUSE.
petite part, à la solution du problème. L'observation qui
suit est celle d'un polyurique avec pollakiurie guéri par sug-
gestion indirecte.
M..., quarante-trois ans, employé de commerce, né à Nancy,
entre à l'hôpital Saint-André, salle 16, service de M. le professeur
Pitres, le 12 décembre 1895 pour troubles de la miction.
Son père est mort à l'âge de quarante et un ans, à la suite d'une
rupture d'anévrysme, dit notre malade. Il n'avait jamais contracté
d'habitudes d'alcoolisme; il se plaignait souvent de douleurs rhu-
matismales. Sa mère est encore en vie, elle a soixante-dix ans et
jouit d'une très bonne santé : elle a toujours été très vive, très irri-
table, elle a même eu de grandes attaques convulsives d'hystérie
dont le malade a été souvent le témoin. Ce dernier a un frère âgé
de trente-quatre ans, qui souffre de rhumatismes. Deux soeurs et
un frère sont morts en bas âge, nous n'avons pu savoir de quelles
affections. Dans son ascendance ou parmi ses collatéraux, nous
n'avons retrouvé de tare névropathique de nature quelconque.
M... a toujours eu une santé excellente. Durant son enfance,
pendant l'adolescence, il échappa aux maladies communes à cha-
cun de ces âges. En particulier il n'eut jamais, alors qu'il était
enfant, d'incontinence nocturne d'urine : il n'en a jamais eu plus
tard.
A dix-sept ans, en 1870, il s'engage, fait la campagne, est pris
à Metz et amené en captivité à Glocau, en Silésie. Là, il est atteint
d'une blennorragie bénigne, de courte durée, sans complications
et qui disparut au bout d'un mois sans laisser la moindre trace. Il
s'évade bientôt, rentre en France, continue la campagne, souffre
du froid et de la fatigue sans aucun préjudice pour sa santé. Il
habite Paris de 1871 à 1885, Nancy de 1885 à 1887. Enfin en 1889,
il est envoyé par une maison de commerce à la Nouvelle-Calédonie,
puis à Sumatra, enfin à Saïgon. Pendant ce séjour aux colonies,
il n'a jamais été malade, il a partout échappé aux maladies de ces
pays.
En mars 1893, il revenait de Saïgon, sur le paquebot le Calédo-
nier¡, lorsque, en face de Candie, le bateau fut assailli par une vio-
lente tempête : le gouvernail fut cassé et emporté, la cale inondée
et pendant quatorze jours les passagers souffrirent du froid et
manquèrent de vivres. M..., pour sa part, fut très impressionné
par cet incident du voyage. Il ne perdit cependant pas, malgré le
danger, un seul instant, l'espoir d'en sortir, relevant même, dit-il,
le courage de certains de ses compagnons.
C'est au milieu de ces tribulations, qu'apparurent chez lui pour
la première fois, des troubles de la miction. Il éprouvait le jour un
besoin plus fréquent d'uriner et la nuit, il était obligé d'uriner
deux et trois fois. Cette fréquence insolite ne s'accompagnait d'au-
POLYURIE ET POLLAKIURIE HYSTÉRIQUES. 195
cunc espèce de sensation douloureuse. M... n'y attacha d'abord
aucune importance, mettant ces troubles légers sur le compte du
changement brusque de climat et de température.
Cet état de choses empire après son arrivée à Bordeaux. Dans
l'impossibilité de continuer son travail plus longtemps, les besoins
d'uriner devenant plus impérieux et plus fréquents, le jet de l'urine
devenant de plus en plus filiforme, le malade croit à une affection
de son canal de l'urèthre, et se rend à la clinique des maladies des
voies urinaires. Le passage de sondes amènent quelques sensations
douloureuses, un peu de sang dans les urines, mais rendent au jet
son calibre normal. Dans un deuxième examen, on constate l'inté-
grité absolue du système uro-génital : il est adressé alors à la cli-
nique des maladies du système nerveux. Enfin M... n'a jamais con-
tracté la syphilis. Il n'a jamais, en France comme aux colonies,
abusé des boissons alcooliques.
Etat actuel le 15 décemb1'e. - M... est un homme de taille
moyenne mais d'aspect robuste, nullement amaigri, et qui semble
jouir d'une vigoureuse santé.
Etendu dans le décubitus dorsal, les téguments sont normale-
ment colorés ; toutefois, à la face interne de la cuisse gauche et
sur la face antérieure de la région du genou du même côté, on
constate une large traînée érythémateuse due à l'écoulement de
l'urine.
Rien de particulier à signaler à la face. Pas d'asymétrie faciale.
Les pupilles sont égales, réagissent également bien à la lumière,
à l'accommodation et à 'a douleur. Les mouvements des paupières,
ceux du globe oculaire sont tous possibles. Il n'y a pas de nystag-
mus. Tous les muscles de la face fonctionnent normalement.
La langue se meut librement dans la cavité buccale : elle n'est
pas déviée ; tirée hors de la bouche, elle ne tremble pas. La den-
tition est mauvaise, deux dents ont été cassées d'un coup de sabre,
les autres sont plus ou moins cariées. La voûte palatine est nor-
male. Le réflexe pharyngien est très affaibli.
Les masses musculaires du tronc et des membres ont un volume
et une tonicité normaux, recouvertes par des téguments d'aspect
et d'épaisseur habituels. Pas de troubles de la motilité des mem-
bres. Pas de tremblement des mains, pas de tremblement inten-
tionnel, pas de trépidation épileptoïde de la rotule ou du pied. Le
sens musculaire est conservé. Il n'existe ni sensations de dérobe-
ment de jambes, ni soubresauts dans le lit. Le malade n'a jamais
eu de douleurs à type fulgurant ou lancinant. Il n'existe pas non
plus de diathèse de contracture à la malaxation des muscles, au
tiraillement, à l'insufflation ou à l'excitation légère. Les réflexes
abdominaux sont très faibles. Les réflexes testiculaires ne sont
pas constants, quand ils se produisent, ils sont normaux. Les
196
CLINIQUE NERVEUSE.
réflexes rotuliens sont eux aussi normaux. Le chatouillement de
la plante des pieds est perçu, des deux côtés, comme un simple
contact.
Il n'y a pas de déviation de la colonne vertébrale celle-ci, n'est
douloureuse à la percussion en aucun de ses points. On ne cons-
tate ni troubles trophiques, ni troubles vaso-moteurs.
La sensibilité cutanée est normale et égale partout au contact.
Au pincement et à la piqûre, on parvient à délimiter quelques
zones très nettes d'hypoesthésie très marquée, disséminées sur la
moitié gauche du corps (flg. 4 et b). La sensibilité osseuse, arti-
culaire, musculaire n'est pas altérée. La sensibilité viscérale, en
particulier celle des testicules, et de la région épigastrique pro-
fonde sont conservées. La cornée, la conjonctive sont peu sensibles
des deux côtés, et moins à gauche qu'à droite. De même les mu-
1'ir. 4.
rr,. .
POLYURIE ET POLLAKIURIE HYSTERIQUES.
197
queuses pituitaire et linguale sont hypoesthésiques au contact et à
la piqûre à gauche.
La vue est bonne. Jamais de diplopie ou de polyopie monocu-
laire. Pas de dyschromatopsie. Le champ visuel est rétréci con-
centriquement à 50° (fia. 6 et 7). L'ouie est parfaitement conservée
et égale des deux côtés en acuité. L'odorat est fortement diminué :
le malade sent à peine le chloroforme, l'assa fetida, l'ammoniaque.
De même pour le goût : il est peu incommodé du goût du sulfate
de quinine en particulier.
Il n'existe pas d'haphalgésie pour l'or ou pour l'argent. Le
malade n'a jamais ressenti enfin de sensations douloureuses spon-
tanées quelconques ou présenté de phénomènes paresthésiques
ou dysesthésiques.
Son intelligence est très nette, sa mémoire intégralement con-
servée. Il s'inquiète de son état, s'informe des moyens susceptibles
de le guérir, impatient de se voir débarrasser de cette affection
gênante qui lui interdit tout travail soutenu, toute propreté dans
ses vêtements, et dans les objets de literie, ce qui le fait congédier
de tous les logements garnis qu'il habite. Il n'est pas abattu
cependant moralement et sa maladie ne lui suggère aucune idée
noire. Il a des insomnies fréquentes, il rêve beaucoup, sans cau-
chemars cependant, sans que ses rêves même évoquent quoi que
ce soit de ses troubles unitaires.
Il n'est pas sujet aux maux de tète, n'a jamais d'absences ou de
Fig G.
Firl. i.
198 CLINIQUE NERVEUSE.
vertiges. Jamais il n'a eu d'attaques de nerfs d'aucune nature. Il
est d'uu caractère calme, pas irritable, pas violent.
L'examen des organes splanchniques dénote les particularités
suivantes : le coeur et les poumons sont sains et fonctionnent par-
faitement. L'appareil digestif est en parfait état. L'appétit est bon,
les digestions sont faciles, les selles régulières. Le malade n'a
jamais présenté ni polyphagie, ni polydipsie à aucun moment
depuis le début de sa maladie. Le foie a un volume normal : ses
fonctions sont normales. Les organes génitaux paraissent sains.
Les érections toutefois sont supprimées depuis huit mois, environ
deux mois après l'apparition des premiers phénomènes anormaux
de la miction. Il n'a cependant jamais eu de spermatorrhée.
La pression exercée dans la région rénale ne réveille aucune
douleur. On cherche soigneusement les uns après les autres tous
les signes de néphrite, sans en rencontrer un seul au moment de
l'examen ou dans les antécédents du malade.
La palpation n'est pas douloureuse sur le trajet des uretères ou
dans la région vésicale. L'urèthre est indemne de toute lésion :
seuls les bords du méat sont rouges et quelque peu tuméfiés. L'ex-
ploration du canal de l'urèthre, soigneusement faite, l'examen
endoscopique, pratiqué au cystoscope, permettent d'affirmer l'in-
tégrité absolue de ces organes. La vessie a une capacité normale.
Le malade a la sensation du liquide qui entre dans la cavité vési-
cale après le passage d'une sonde, mais il n'a plus la sensation de
plénitude de la vessie. Il perçoit aussi tout le long de son trajet le
contact du cathéter.
Seule, la miction est anormale. Ce n'est pas, à proprement par-
ler de l'incontinence que présente le malade : il éprouve tout à
coup le besoin d'uriner et ce besoin est chaque fois si soudain et
si impérieux qu'il ne peut défaire assez vivement son pantalon ou
sauter assez vite de son lit et l'urine part en jet dans ses culottes ou
dans les draps. L'émission est toujours suivie d'un léger ténesme
vésical, sans être accompagnée jamais de véritable douleur ou de
sensation de brûlure dans le canal. La quantité ainsi émise dépasse
rarement 40 à 50 centimètres cubes chaque fois. Ces besoins peu-
vent se répéter ainsi, deux, trois fois de suite à quelques minutes
d'intervalle, la quantité d'urine rejetée est alors évidemment de
moins en moins considérable. Il peut arriver au contraire que le
malade reste facilement une heure sans uriner. En moyenne, le
nombre des mictions est de vingt à trente par vingt-quatre heures.
La nuit n'exerce qu'une très légère influence sur ce nombre : à
peine semble-t-il que les émissions soient plus rares. Elles gar-
dent, pendant le sommeil, leur même caractère de brusquerie,
qui réveille, souvent trop tard, le malade endormi.
D'ailleurs, ces caractères n'ont pas varié depuis le début de ces
symptômes ; seule, la fréquence devient de plus en plus grande.
POLYURIE ET POLLAKIURIE HYSTÉRIQUES. 199
Cependant, il y a un mois environ, le malade, éprouvant tout à
coup le besoin d'uriner, fut tout étonné de ne pas voir s'écouler
une seule goutte de liquide ; malgré tous ses efforts, il ne pouvait
parvenir alors à pisser. Puis deux, trois minutes après, alors qu'il
y pensait le moins, nouveau besoin impérieux suivi cette fois
d'émission facile, naturelle. Ces phénomènes de rétention passa-
gère ont été eux-mêmes transitoires; ils ont bientôt disparu pour
ne plus se reproduire.
C'est dans ces conditions que nous avons fait recueillir au malade
la totalité des urines émises en vingt-quatre heures. La quantité
ainsi obtenue a été de 3 400 centimètres cubes et le nombre des
mictions de 25. Un échantillon a été prélevé et soumis à une ana-
lyse rigoureuse. Voici le résultat de cette analyse :
200 CLINIQUE NERVEUSE.
moindre que celle des deux autres symptômes, la polyurie et
la pollakiurie. Notre polyurique était un homme et un adulte.
C'est la règle : de très rares cas ont trait à des personnes du
sexe féminin. L'alcoolisme, signalé dans presque toutes les
observations, fait ici complètement défaut : l'alcool ou les
essences n'ont pu créer des altérations interstitielles et faire
du rein un lieu de moindre résistance, comme le veulent Lan-
cereaux, Ehrhardt, comme l'admet Gilles de la Tourette.
Dans l'enfance, pas d'incontinence nocturne d'urine, plus
tard, aucune lésion suffisante des organes uro-génitaux qui
soit un centre d'attraction de la névrose '. L'émotion morale
du danger couru sur un bateau pendant une tempête, a suffi
seule à faire éclore l'hystérie et à localiser d'emblée sa mani-
festation symptomatique unique sur l'appareil urinaire. Mais
cette manifestation ne s'est pas montrée tout d'abord avec
son maximum d'intensité, à la façon habituelle des accidents
hystériques : insignifiante au début, elle a progressé lente-
ment, comme une affection organique, pour constituer huit
mois après seulement une infirmité intolérable. Pourtant la
polyurie, apparue chez notre malade, s'est présentée chez lui
avec des caractères de simplicité remarquable. Elle est mo-
deste tout d'abord en quantité, et le volume total des urines
émises en vingt-quatre heures n'excède pas quatre litres. La
composition chimique est encore à peu près normale : l'ana-
lyse ne révèle ni élévation du taux de l'urée, ni exagération
de la quantité des phosphates, mais elle montre une augmen-
tation notable des chlorures, G gr. 50 par litre, soit environ
23 grammes par jour. Nous vérifions ainsi, en passant, la
formule chimique, absence de phosphaturie, défaut
d'azoturie, proportion plus élevée des chlorures, carac-
téristique, d'après Ehrhardt, de la polyurie hystérique. En
somme, ces résultats témoignent d'une déperdition restreinte
en qualité et en quantité. Aussi nous n'avons relevé ni la
polydipsie, ni la polyphagie que les observateurs se plaisent
à constater dans des polyuries, qualifiées peut-être à tort
d'hystériques, car elles s'accompagnent de troubles de la
' A Souques. Contribution il l'élude du râle des idées fixes dans la
pathogénie de la polyurie hystérique. (Archives de Neurologie, 1894,
p. 448.)
E. Brissaud. ]'otyw'ie nerveuse et polyurie hystérique. (Presse Médi-
cale, avril 1897, p. 165 ; ou bien : Leçons sur les maladies nerveuses.
Deuxième série. p. 505.)
POLYURIE ET POLLAKIURIE HYSTÉRIQUES. 201
nutrition rares dans l'hystérie et que traduit urologique-
ment l'élimination de proportions considérables d'urée ou de
phosphates. La conséquence immédiate, c'est la conservation
des forces, de l'embonpoint, l'intégrité des facultés mentales,
toutes choses que nous avons constatées chez notre malade.
- L'histoire clinique de notre polyurique serait, en somme,
bien simple et, en particulier, le pronostic de son affection
perdrait chez lui beaucoup de sa gravité habituelle, s'il ne
se compliquait de deux facteurs importants, la pollakiurie et
la ténacité des accidents hystériques chez l'homme.
La pollakiurie est, en pareil cas, signalée par presque tous
les auteurs ; elle est regardée comme un signe au début et
considérée comme un symptôme banal, surtout lorsqu'elle est
transitoire ou qu'elle accompagne des polyuries considé-
rables. Les grandes hyperdiurèses de dix, vingt litres, l'ex-
cluent même souvent. A côté de grands symptômes, tels que
la polydipsie, la polyphagie, la déchéance physique et psy-
chique, conséquences fatales de la dénutrition et de l'hypo-
chondrie, elle peut encore passer inaperçue. Mais il n'en est
pas de même chez notre malade : c'est au contraire le seul
symptôme que rapporte l'histoire de ses antécédents patho-
logiques, c'est toujours le seul dont il se plaigne. Il est
décomposable cliniquement en deux éléments distincts,
mais étroitement liés l'un à l'autre : le premier, c'est la fré-
quence des mictions, la pollakiurie proprement dite, l'autre,
c'est la nécessité impérieuse de satisfaire l'acte. Le premier
interdit au malade toute application soutenue dans son tra-
vail, lui fait craindre le jour d'aller dans la rue, en chemin
de fer, le soir de s'endormir, la nuit le prive de sommeil.
Le second crée le besoin pressant qui, s'il n'est promptement
satisfait, fait naître une sorte d'incontinence consciente et
angoissante. Ces deux termes se rencontrent dans un grand
nombre de maladies, l'un le besoin fréquent, avec une inten-
sité à peu près identique, l'autre, le besoin impérieux, avec
des variations suivant l'affection considérée. Peu marqué
dans le diabète sucré, dans le mal de Bright, il est surtout
manifeste dans les inflammations vésicales. Dans les premières,
la pollakiurie est simplement fonction de l'hyperdiurèse, car
l'une accompagne toujours l'autre; l'exagération de la sécré-
tion urinaire crée la distension vésicale rapide et incessante,
d'où la fréquence des mictions. Mais la vessie peut être tolé-
202 -) CLINIQUE NERVEUSE.
rante au delà de sa capacité physiologique, et la miction peut
être retardée dans une certaine mesure au gré du malade.
La même interprétation s'applique d'ailleurs à la pollakiurie
des polyuries hystériques à grand débit. Il n'en est pas du
tout de même dans certaines affections de la vessie. La mu-
queuse enflammée devient hyperexcitable ; au moindre con-
tact de l'urine, la douleur apparaît et avec elle, la nécessité
d'expulser immédiatement le contenu de la vessie. Si le
malade résiste, les réflexes se succèdent en courant inin-
terrompu, le besoin devient de plus en plus impérieux pour
causer enfin le ténesme vésical et la miction involontaire.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, chaque
nouvelle quantité d'urine sécrétée viendra de nouveau mettre
en jeu l'arc sensitivo-spinal, et produire la pollakiurie impé-
rieuse. S'il existe un centre médullaire de la miction, déter-
miné par Budge, il existe aussi un centre cérébral analogue,
résultat du fonctionnement psychique de nos occupations et
de nos préoccupations urinaires ; il peut, lui aussi, être le
point de départ du réflexe et produire le besoin d'uriner par
son activité propre. La preuve en est faite par l'apparition de
ce besoin à la suite d'impressions visuelles ou auditives en
rapport avec l'acte. Les perturbations de ce centre déter-
minent des modifications de la fonction et les troubles ainsi
produits ont été décrits par M. J. Janet sous le nom de
troubles psychopathiques de la miction' : parmi eux, se range
la pollakiurie psychopathique, qui, elle aussi, est une polla-
kiurie impérieuse, mais commandée par l'activité du centre
cérébral urinaire.
Le cas de notre malade n'est cependant pas comparable à
l'un de ces trois groupes de troubles analogues. Il se distingue
du premier par une hyperdiurèse peu abondante, coïncidant
avec une fréquence extrême des mictions. Il se sépare du
second par l'intégrité des voies d'excrétion de l'urine et
l'absence de lésions vésicales douloureuses.
Enfin, le défaut d'obsessions urinaires, la persistance du
symptôme pendant le sommeil, son apparition en dehors de
toute idée fixe, la différencie du dernier. Quelle explication
faut-il donc fournir de la pollakiurie de notre malade ? Le
réflexe de la miction est dû, pour Kûss et Duval à une excita-
' J Janet. Les troubles psychopathiques de la miction. Thèse, Paris,
1890.
POLYURIE ET POLLAKIURIE HYSTÉRIQUES. 203
tion de la muqueuse du col de la vessie. Guyon par l'obser-
vation clinique, Mosso et Pellacani par l'expérimentation
démontrent que le besoin d'uriner naît au contraire de la mise
en tension du muscle vésical. Ces deux théories sont loin de
s'exclure l'une l'autre et les quelques données de physiologie
pathologique que nous énoncions plus haut semblent prouver
l'existence d'une part de vérité dans chacune d'elles. Le mus-
cle vésical ou la muqueuse qui le tapisse peuvent être,
ensemble ou séparément, le point de départ du réflexe. Pour
qu'il y ait pollakiurie, il faut donc une hyperexcitabilité de
l'un, de l'autre ou des deux à la fois. Mais aucun de ces symp-
tômes n'existe dans l'observation précédente : le malade per-
çoit le passage du cathéter tout le long de son trajet, il a la
sensation du liquide injecté dans la vessie; cependant la mu-
queuse ne réagit pas à ce contact et le besoin d'uriner n'ap-
paraît point. D'un autre côté, la capacité de la vessie est non
seulement normale, mais encore la sensation de plénitude de
la vessie n'existe plus : le muscle vésical se laisse distendre
sans essayer d'expulser son contenu. Il n'existe donc pas plus
d'hyperexcitabilité muqueuse ou musculaire que de lésions
anatomiques. Les organes périphériques du réflexe sont sains,
seule la fonction est perturbée. L'hyperactivité fonctionnelle
vésicale, dont la pollakiurie impérieuse est la traduction cli-
nique, devient aussi difficile à interpréter physiologiquement
que la plupart des accidents hystériques de même nature.
Pourtant les faits de ce genre ne sont pas nouveaux. Depuis
que les Anglais ont décrit et étudié l'irritable bladder, on a
rapporté bon nombre de vessies irritables en tous points sem-
blables à celle de notre malade : de lésions organiques,
point, dans l'appareil urinaire comme dans l'appareil génital,
la pollakiurie impérieuse seule s'exerçant sur un terrain for-
tement entaché de névropathie. Ces vessies se confient plus
facilement aux chirurgiens des voies urinaires, les neuro-
pathologistes les connaissent peu ou ne les signalent pas dans
leurs descriptions. L'étude attentive des faits antérieurs,
l'examen minutieux de ces malades doivent rendre aux uns
et aux autres leur véritable place en nosographie, et ratta-
cher leur étude à celle des accidents urinaires dus à l'hystérie.
Parmi les névralgies vésicales, à côté de la cystalgie névro-
pathique, considérée jusqu'ici comme la seule vessie irritable
hystérique, il existe une autre vessie irritable hystérique,
204
CLINIQUE NERVEUSE.
dont la pollakiurie impérieuse peut être l'unique manifestation
clinique. ·
Quoi qu'il en soit, notre malade ne réclamait de nous ni des
considérations, ni des hypothèses sur son cas pathologique.
Il nous a été donné d'obtenir sa guérison par un traitement
psychothérapique et de faire ainsi la preuve de notre dia-
gnostic. Pour frapper plus profondément son esprit, il lui est
administré chaque matin, avec le cérémonial d'usage, une
pilule de bleu de méthylène. Ce médicament, nous le savons,
a été préconisé tour à tour pour chaque maladie : il n'a
jamais fait ses preuves pour aucune et il est certain que,
dans ce cas particulier, son action est restée purement psy-
chique. Aussi les bons résultats se sont montrés de suite et
nous retrouvons dans l'observation tout un tableau qu'il serait
trop long et fastidieux de rapporter ici et dont nous relève-
rons seulement quelques détails.
Le 18 décembre, la quantité totale des urines émises en vingt-
quatre heures est de 3 400 centimètres cubes, le nombre des mic-
tions nécessaires à cette excrétion est de 25. Le 19 décembre, le
traitement est institué : le malade, frappé par la coloration étrange
de ses urines, voit leur taux diminuer progressivement à partir de
ce jour; les mictions sont de moins en moins fréquentes.
Voici le résumé des modifications survenues au sur et à mesure
de l'administration régulière des pilules.
POLYURIE ET POLLAKIURIE HYSTERIQUES.
20
206 CLINIQUE NERVEUSE.
.
cacité de ce médicament M... a vu son action, lente au début,
devenir de plus en plus rapide et complète. Il s'estime bientôt
guéri, ne demande plus qu'à reprendre ses occupations et il sort
de l'hôpital le 15 février, délivré de son infirmité.
Cette guérison démontre à son tour la nature hystérique
des accidents que présentait notre malade. Il nous a paru
curieux de faire, pour ainsi dire, la contre-épreuve et d'es-
sayer de reproduire par suggestion directe, chez des hystéri-
ques, ces symptômes de polyurie et de pollakiurie impérieuse.
L'idée n'est pas neuve, du moins en ce qui concerne la polyu-
rie et l'expérience a déjà été réalisée pour elle. M. Kourilskii' 1
rapporte le fait suivant survenu dans le service de M. Hirtz,
à l'hôpital Tenon, en 1895. Deux hystériques sont couchés
côte à côte : l'un est atteint de polyurie hystérique, l'autre
est en traitement pour une bronchite banale. L'un pisse
27 litres en vingt-quatre heures et l'autre s'intéresse vive-
ment à la maladie de son voisin. M. Ilirtz, frappé de ce
voisinage dit un jour aux élèves qu'il ne serait pas surpris de
voir le second imiter son camarade et présenter de la polyurie
à son tour. Saisi par cette supposition suggestive, le malade
voit en réalité le volume de ses urines monter de 2 litres
à 3100, puis à 5, 6, 8 litres : quelques jours après, il urinait
15 litres en vingt-quatre heures. Au sur et à mesure de l'aug-
mentation de cette hyperdiurèse, l'appétit qui faisait complè-
tement défaut auparavant, augmentait progressivement
jusqu'à devenir de la polyphagie; la soif devenait intense, et
de grandes quantités de liquide étaient nécessaires pour la
calmer. En même temps, la densité de l'urine diminuait, le
taux des chlorures s'élevait, l'urée, les phosphates gardaient
leurs proportions normales. A aucun moment, il n'a été pos-
sible de retrouver des traces de sucre ou d'albumine. Le ma-
lade a quitté brusquement l'hôpital, et l'on ne sait comment
s'est terminé l'affection qu'il y avait contractée.
Il s'agit bien là d'un cas de polyurie hystérique provoqué
par suggestion indirecte. Ce sont des faits analogues que nous
avons pu reproduire. Voici le détail de nos expériences :
Mad. G..., âgée de quarante-deux ans, est une hystérique
du service de M. le professeur Pitres. Elle est atteinte depuis
cinq ans d'intolérance gastrique élective. Elle présente tous
' Kourilski. De la polyurie hystérique. Th. Paris, 1895, obs. II, p. 54.
POLYURIE ET POLLAKIURIE HYSTÉRIQUES. 207
les stigmates de la névrose ; elle a de grandes crises convul-
sives, de fréquents accès d'hypnose spontanée; elle a eu de
nombreuses attaques de contracture ou de paralysie transi-
toires. Elle est d'ailleurs- facilement hypnotisable et accepte
merveilleusement les suggestions.
Les troubles moteurs gastriques, dont elle est atteinte
gênent son alimentation ; ses repas sont modestes ; ils se com-
posent de 800 à 1 000 grammes d'aliments solides, consistant
en soupes, potages, pain, poissons, fruits. Elle boit peu, à
peine 1 litre d'eau ou de limonade dans une journée. Malgré
cela, son état général est excellent, elle est forte et fraîche
et n'a jamais témoigné de la moindre dénutrition. Les urines
recueillies à plusieurs reprises, avant toute expérience attei-
gnent un volume de 00, 600, 800 centimètres cubes au plus
en vingt-quatre heures. Un fâcheux incident nous a empêché
d'en pratiquer l'analyse.
Nous lui suggérons, dans le sommeil hypnotique, d'uriner
davantage, plus de 3 litres, disons-nous, pour lui fixer un
point de repère. Revenue à l'état normal, elle ignore la sug-
gestion. Les urines sont recueillies au sur et à mesure de leur
excrétion : en vingt-quatre heures, leur quantité totale était
de 3500 centimètres cubes. Le nombre des mictions a été
de 6; le besoin d'uriner se faisait sentir chaque fois normale-
ment ; la malade pouvait y résister et la quantité émise
chaque fois a varié de 250 à 500 centimètres cubes. Les jours
suivants, nous laissons persister la suggestion sans la renou-
veler. Les quantités d'urine sont successivement de 2 750,
2 250, 500 centimètres cubes, avec 7, 6, puis 7 mictions.
Aucun phénomène n'a suivi cette hyperdiurèse : la faim n'est
pas augmentée, la malade a bu un demi-litre d'eau à peine
en plus de sa ration habituelle. Elle n'a éprouvé aucune gêne,
aucun changement dans son état, elle est seulement surprise
de cette exagération de sécrétion urinaire, habituée qu'elle
est à des chiffres plus modestes. Un échantillon d'urine a été
prélevé le dernier jour sur le volume total et soumis à l'ana-
lyse. En voici le résultat :
208 CLINIQUE NERVEUSE.
POLYURIE ET POLLAKIURIE HYSTÉRIQUES. 209
caractère à cette dernière. L'ordre est accepté et fidèlement
exécuté. La malade qui avait pissé plus de 5 litres la veille,
n'urine plus que 8DO centimètres cubes, durant les vingt-quatre
heures qui suivent. La soif a diminué : elle a bu moins d'un
litre et demi. Voici le détail de l'analyse :
210 CLINIQUE NERVEUSE.
pensé, apparaît menaçant le besoin d'uriner. Pour ne déran-
ger personne et ne pas attirer l'attention de son côté, 1-e G...
essaie de se retenir ; le besoin redouble d'intensité, l'angoisse
apparaît, l'oblige à se précipiter hors de sa place; sans plus
penser au désordre et au bruit qu'elle occasionne, elle tra-
verse les rangs de ses compagnes, saute les bancs inoccupés,
se lance vers la porte, court à perdre haleine dans les cou-
loirs, entre dans la salle comme une folle, veut gagner au
plus tôt les cabinets, mais inutilement, l'angoisse est à son
paroxysme, les efforts deviennent impuissants et l'urine
coule le long de ses jambes. Elle s'arrête alors, et dans le
bien-être qui suit la crise, elle se lamente cependant d'avoir
pris tant de peine pour un aussi piètre résultat. Pendant la
nuit, elle a eu plusieurs mésaventures analogues, à tel point
que, pour ne plus pisser dans ses draps, ou le long de ses
jambes dans sa course vers les cabinets, elle installa un réci-
pient près de son lit, à portée de sa main et chaque fois que
le besoin la réveillait, elle sautait vivement à terre et pissait
à même dans le bocal qui lui servait à recueillir la totalité de
ses urines.
Nous avons cherché à savoir si ces phénomènes de polla-
kiurie impérieuse étaient liés chez elle à une idée quelconque,
d'ordre urinaire, et notamment à celle de voir le besoin se
reproduire. Nous l'avons pour cela interrogée à l'état de
veille, et dans le sommeil hypnotique, sans découvrir la
moindre trace d'une idée de cette nature pouvant expliquer
par son retour la répétition de l'acte. De même les rêves sur-
venus pendant le sommeil dans le cours de ses expériences
n'ont eu aucune influence : car ils ont porté sur des choses
banales, étrangères aux suggestions données, sans aucun rap-
- port avec les phénomènes bizarres présentés par la malade.
Celle-ci a été plus d'une fois dans ces derniers jours, étonnée
des perturbations de sa fonction urinaire. Rassurée par nos
paroles, confiante en nous, elle n'en a jamais été émue ou
effrayée. Nous n'avons pas trompé cette confiance aveugle,
car une dernière suggestion a fait disparaître complètement,
dès le lendemain, toute trace de désordre rénal et vésical.
Les jours suivants, la diurèse ne présentait plus que des pro-
portions normales : 1 000, 1 200, 800 centimètres cubes. Le
nombre des mictions était de six ou de huit : la vessie avait
repris sa sérénité antérieure.
POLYURIE ET POLLAKIURIE HYSTERIQUES. 211
En résumé, nous avons pu produire par suggestion hypno-
tique, sur une hystérique. les symptômes de polyurie, de
pollakiurie simple et de pollakiurie impérieuse avec les carac-
tères identiques à ceux relatés dans notre observation. Alors
que la diurèse habituelle était de 800 à 1000 centimètres cubes,
l'hyperdiurèse provoquée a atteint plus de 5 litres. Aucun
changement vraiment appréciable n'est survenu dans l'état
de la malade en expérience, si ce n'est des modifications du
chimisme urinaire : les proportions d'urée et de phosphates
sont restées normales, la densité diminuait et le taux des
chlorures s'élevait en raison directe de l'augmentation de la
polyurie. Nous n'avons tenu aucun compte des traces d'albu-
mine, des cellules épithéliales et des leucocytes que con-
tenait l'urine : ces éléments anormaux sont imputables à des
causes étrangères, de valeur négligeable. La pollakiurie
simple s'est montrée avec la polyurie : la pollakiurie impé-
rieuse au contraire a été obtenue en dehors de toute hyper-
diurèse, avec les caractéristiques que nous lui avons recon-
nues précédemment. Aussi pouvons-nous, il nous semble, à
la suite de notre observation et des expériences qu'elle a sus-
citées, poser les conclusions suivantes :
Parmi les troubles urinaires dus à l'hystérie, il existe une
pollakiurie impérieuse, accompagnée ou non de polyurie. Il
faut vraisemblablement rattacher à cette pollakiurie impé-
rieuse les faits déjà connus de vessies irritables simples,
sans coexistence de lésions organiques : à côté de la vessie
cystalgique, considérée jusqu'ici comme la seule vessie irri-
table hystérique, il existe un deuxième groupe de vessies
irritables hystériques, dont la pollakiurie impérieuse est la
seule traduction clinique.
La polyurie, la pollakiurie impérieuse peuvent apparaître
en l'absence de toute tare alcoolique, de tout antécédent
génito-urinaire et indépendamment de toute idée fixe de cet
ordre.'
La polyurie, la pollakiurie simple, la pollakiurie impé-
rieuse peuvent être provoquées par suggestion directe :
elles présentent alors les mêmes caractères que la polyurie
et la pollakiurie hystériques spontanées : les unes et les
autres sont susceptibles de guérir par suggestion directe ou
indirecte.
THÉRAPEUTIQUE.
Hémianesthésie hystérique traitée par la resensi-
bilisation progressive. Preuve directe de la
localisation corticale des centres viscéraux.
Principe d'un traitement mécanique de l'hystérie ;
Par M. le D' VIAL.
Mlle Zoé A..., âgée de vingt-deux ans, tailleuse.
Antécédents héréditaires. Grand-père paternel mort paraplé-
gique ; père et mère assez nerveux, s'emportant facilement.
Antécédents personnels. Née à terme, élevée au sein maternel.
Marche et parle de bonne heure; pas de retard dans sa dentition
qui est bonne. Toute jeune, elle est éprouvée par là rougeole et
la varicelle. A dix ans, angine diphtérique. En mars 1897, rhu-
matisme aigu; en octobre, scarlatine. Sa puberté est assez tour-
mentée ; mais Zoé est toujours bien portante en dehors de ses
accidents pathologiques et très gaie surtout jusqu'en août 1896.
A cette époque, allant se promener sur le bord de la mer avec
des amies, elle se baigne et disparait sous l'eau, ne sachant pas
nager; on la retire tout de suite, l'incident ne semble pas avoir
de suite prochaine; elle goûte et retourne à la maison.
A partir de ce jour, elle change de caractère, pleure souvent
sans motif, ne décolère pas, devient très capricieuse; elle fuit la
compagnie et ne chante plus comme elle le faisait souvent aupa-
ravant. Petit à petit, elle souffre de nombreux points douloureux
qui ont leur siège à la tête, à la poitrine, à l'estomac, au bas-
ventre, dans le dos, aux membres inférieurs.
Sa tête lui semble enserrée comme dans un étau, d'autres fois
elle a la sensation nette d'un clou qui s'enfonce en avant des
pariétaux. Sa poitrine douloureuse ne peut plus respirer à fond;
un gros poids l'oppresse qui lui pèse sur le sternum; une boule
qui lui vient du creux épigastrique l'étouffe au gosier.
Elle souffre beaucoup de l'estomac, ne supporte plus le corset;
en 1897, la sensation d'appétit disparaît, ainsi que le besoin de la
faim; une anorexie très grande s'installe; elle vomit le peu qu'elle
prend. Du reste, l'agustie a déjà précédé l'anorexie,' les mets
n'ont plus aucun goût, malgré qu'elle les relève fortement par des
TRAITEMENT MECANIQUE DE : 'L'HYSTÉRIE. 213
épices. Une constipation opiniâtre se déclare et souvent elle ne va
à la selle que tous les huit jours. Elle souffre beaucoup pendant
la période de ses règles; elle n'a jamais de pertes.
Elle se rend vaguement compte que son ouïe a diminué à
droite; que les objets qu'elle voit ont un côté plus petit que l'autre
- le côté droit; elle s'étonne quelquefois de ne plus sentir les
piqûres qu'elle se fait à la main droite et de ne plus se brûler
quand cette même main saisit un fer à repasser chaud.
Elle maigrit beaucoup; elle ne dort plus, en proie à des rêves
terrifiants, des rêves d'animaux surtout. Dans la journée, elle ne
peut fixer un objet brillant sans voir tout trouble devant elle, sen-
tant ses paupières devenir très lourdes; elle est prise alors d'un
besoin irrésistible de dormir, se réveillant quelques minutes après.
Ajoutons enfin, qu'au plus fort de ses gastralgies, elle a de vagues
idées de persécution, se demandant qui peut la faire souffrir ainsi;
cet état mental fait place à un excès de religiosité, sans qu'elle
tombe dans un délire mystique.
J'examine Zoé A... le 16 mars 1899 : c'est une hystérique qui
n'a jamais eu de grandes attaques, mais qui présente de l'hémi-
anesthésie droite totale et complète avec clou, rétrécissement du
champ visuel droit, boule, anorexie.
Je propose à la famille de traiter Zoé par la méthode de resensi-
bilisation de M. P. Sollier et je commence mes séances le 21 mars;
elles se sont continuées sans de grandes interruptions jusqu'au
18 mai. J'ai fait de la resensibilisation progressive à ma malade
que je mettais à chaque séance en somnambulisme.
21 mars. Avant de faire sentir à Zoé ou de réveiller les par-
ties de son corps anesthésiées, je lui ai demandé : Sentez-vous
votre corps en entier ? Non, je ne sens que le côté gauche.
Sentez les orteils de votre pied droit : elle les fléchit aussitôt, les
étend sans avoir conscience des mouvements qu'elle exécute. Elle
réssent quelques douleurs dans ses orteils qui sont le siège de
picotements, de fourmillements, de brûlures. La séance dure trois
quarts d'heure. Je réveille Zoé en lui soufflant sur les yeux. Il
lui semble qu'une toile obscurcit,sa vue ; je la rendors profondé-
ment, lui dis de se réveiller complètement ; au commandement la
toile existe toujours, puis disparait au bout d'une minute. Zoé a
recouvré la sensibilité des orteils de son pied droit.
22. Sentez votre pied droit ? Elle remue les orteils et le
pied. ? Mon pied est lourd, puis moins lourd + ça me lance +
J'ai des picotements, des brûlures + ça me tiraille dans le pied
+ ça me ronge + Tiens, je ne souffre plus -f- Je sens mon pied.
Séance d'une heure. Héveil le plus complet possible.
23. Sentez votre cheville droite : Elle remue les orteils et le
' Le signe + signifie : sentez davantage.
214 zip THÉRAPEUTIQUE.
pied qui lui tiraille encore un peu + La cheville me brûle + on
me ronge la cheville + J'ai des noeuds, des boules dans la che-
ville + On dirait que çà va craquer + Elle fait toutes sortes de
mouvements du pied sur la jambe + ça va craquer + ça craque.
Ah ! je me sens mieux + J'ai encore des noeuds dans la cheville
ça craque + La cheville ne me fait plus mal, elle est plus
petite, je la sens bien. - Sentez-vous votre pied ? Oui. Vous
appartient-il ? Ça ne me fait plus mal, mais je ne puis dire si c'est
à moi. 11 me semble que ce n'est pas collé. -Séance de une heure
et demie. La malade sent très bien son pied à la douleur, à la
piqûre, un peu moins au contact.
24. Sentez votre mollet droit depuis la cheville jusqu'au
genou : Je ne sens rien. z Sentez la peau seulement : çà me
pique, çà me brûle, j'ai des fourmis + çà me démange + çà me
chatouille + c'est froid, c'est tiède + Il me semble que je sens la
peau. Sentez la chair, votre mollet. Zoé fait des mouvements
de flexion et d'extension des orteils, du pied, de la jambe z Çà
brûle dans le mollet + J'ai des noeuds, des boules, il y en a beau-
coup ? Çà se défait, ces boules, çà craque + çà me tiraille encore
+ çà cuule dans le mollet + c'est froid + ma jambe est grosse,
lourde, enveloppée de coton z Tiens, je n'ai plus de boules +
ma jambe devient petite + Les mouvements sont très peu accen-
tués + ça ne me fait plus mal.
Sentez l'os de la jambe : Ça me fait mal, on me le broie + c'est
très douloureux z- on me ronge l'os, tout autour + çà diminue
un peu + La cheville me fait mal z- Elle va craquer + Elle cra-
que + Je me sens mieux.
Sentez votre jambe en plein : Elle fait quelques mouvements de
reptation. Sentez depuis le genou non compris jusqu'aux
orteils : Le mollet me fait mal + On me ronge l'os de la jambe
+ Çà craque à la cheville + Je sens ma jambe + Elle ne me fait
plus mal. Réveil. Séance de une heure et demie.
25. Sentez votre genou : La cheville me fait mal. Sentez
votre genou : Il brûle + 11 est gros + Il me fait mal en dedans
- Elle fait des mouvements de flexion de la jambe sur la cuisse
- Ça craque dans le genou ? Il y a encore des boules + ça
craque fort -f- mon genou diminue + Il me fait toujours mal en
dedans. Séance de près d'une heure.
zig. La cheville me fait mal + On me ronge l'os de la jambe.
Sentez votre genou : Ça craque + Il devient plus petit + Le
genou ne me fait plus mal + On ne me ronge plus l'os de la
jambe + La cheville me fait encore mal, là, en arrière au ten-
don d'Achille. z Ça ne me fait plus mal. - Réveil au bout d'une
heure. La sensibilité sous tous les modes est restaurée.
21-31 murs. Sentez votre cuisse : Les réactions continuent,
identiques, plus intenses, au sur et à mesure que je réveille la
' TRAITEMENT MÉCANIQUE DE L'HYSTÉRIE. 215
peau, les muscles, l'os de la cuisse. La malade fléchit la cuisse sur
le bassin, accomplit aussi des mouvements de rotation en dedans,
en dehors, d'adduction et d'abduction. Ce sont les adducteurs qui
se réveillent les derniers. Pendant ces séances, le point de la che-
ville reparaît, véritable centre douloureux d'où partent des lan-
cées très vives qui s'irradient jusqu'à la racine de la cuisse. La
resensibilisation de la cuisse se fait par segments perpendiculaires
à l'axe de la cuisse. Une seule fois, Zoé accuse nettement la sen-
sation d'un plan douloureux, brûlant, qui sépare la cuisse en deux
dans le sens antéro-postérieur et vertical : c'est lorsque la malade
a recouvré à peu près entièrement la sensibilité de la cuisse,
mais d'une façon plus complète à la partie externe qu'à la partie
interne. A la séance du 31 mars, Zoé n'accuse plus que quelques
mouvements de reptation du membre inférieur droit qui, dit-elle,
est énervé. Je la réveille enfin après que le point de la cheville a
disparu, alors qu'elle sent complètement son membre inférieur-
droit qui ne lui fait plus mal du tout.
Ajoutons que dans toutes les séances qui précèdent, nous
n'avons point encore attiré l'attention de Zoé sur sa tête. Plusieurs
fois, elle a porté les mains à la tête, dans la région rolandique.
Lui demandant le pourquoi de ces mouvements, elle nous a
répondu que la tête lui faisait mal, précisément dans la région
rolandique gauche. Ces points de la tête ont disparu après la
séance du 31 mars.
1-4 avril. Resensibilisation de la hanche et de la fesse droite.
Les séances sont très douloureuses; la malade accuse surtout la
sensation de l'os iliaque rongé ; le point de la cheville reparaît ;
Zoé accuse un point douloureux au-dessus de l'arcade crurale
droite, point d'hyperesthésie qui s'accompagne de douleurs sour-
des, plus vives à la pression au renflement lombaire et d'un point
de la tête, dans le lobule paracentral. Au sur et à mesure que la
malade sent davantage, les divers points douloureux s'effacent et
disparaissent complètement dans la séance du 4 avril.
5. Je lui rends la sensibilité du bas-ventre, organes génitaux
et périnée. La malade accuse des tiraillements partant des reins
et descendant jusqu'aux adducteurs des cuisses, puis des brûlures
du vagin seulement avec picotements et fourmillements des
organes génitaux externes. Elle fait quelques mouvements de va-
et-vient du bassin, de soulèvement et d'abaissement. Puis, il y a
disparition complète de toute douleur et Zoé recouvre la sensibi-
lité normale de toute la région abdominale inférieure, périnéale
et inguinale.
6 et 7. Resensibilisation du membre supérieure droit. Les
mouvements ouvrent toujours la scène : petits mouvements des
doigts qui se fléchissent, s'étendent, s'écartent, distension brusque
du membre supérieur droit; mouvements de flexion et d'extension
216 Ô THÉRAPEUTIQUE.
de la main sur l'avant-bras, de l'avant-bras sur le bras. La malade
s'étire, après avoir accusé nettement un point au renflement cer-
vical de la moelle. Les diverses sensations subjectives dues au
retour de la sensibilité, et semblables il celles dues au [retour de
la sensibilité du membre inférieur, sont accusées par la malade
qui ne sent plus aucune douleur lorsque tout énervement a dis-
paru. Le point de la colonne s'efface. Je réveille la malade : la
sensibilité normale est revenue.
8. Resensibilisation du dos : La malade réagit par de faibles
mouvements en arc de cercle; elle s'étire, allonge les jambes,
accuse des picotements, des brûlures; on lui ronge la colonne
vertébrale; puis, tout disparaît : il ne reste que quelques points
douloureux à la pression de la colonne : la malade sent son dos.
9. Resensibilisation de l'abdomen : Brûlures de la paroi,
secousses de l'intestin, gargouillements; coups de couteau dans
l'intestin, sensation de torsion de l'intestin, sensation d'un ser-
pent qui se noue et se dénoue. Mon ventre est chaud, dit la
malade. Puis, elle ne sent plus rien et l'anesthésie a disparu.
10. Flanc droit, région hépatique. La malade accuse une
sensation de brûlure, de picotements. Il y a un point douloureux
très net à la tète et dans la première pariétale droite, tout près de
la ligne médiane, en arrière de la ligne bi-auriculaire.
11-21. Resensibilisation de la joue, des mâchoires, gencives,
dents, lèvres, langue, bouche, oesophage et estomac.
Les réactions sont intéressantes pour ce qui concerne l'estomac.
La malade, lorsque je lui fais sentir son estomac, a un point dou-
loureux au creux épigastrique et deux points à la tête dont l'un
prédominant à gauche et situés au-dessus du lobule du pli courbe
dans la première pariétale. Les points cérébraux sont accusés très
vivement par la malade lorsque l'anesthésie est en voie de régres-
sion. En plein travail, je percute doucement les points cérébraux
sans avoir prévenu ma malade. Je lui demande ce que je lui fais
et ce qu'elle ressent et à ma grande surprise, elle me répond :
Monsieur, vous me faites mal, vous me frappez dans l'estomac.
Je ne me suis pas tenu à cette seule expérience ; je l'ai renou-
velée pour l'estomac. Nous reviendrons dans le commentaire de
l'observation sur le fait que nous venons de signaler.
Quant aux sensations subjectives accusées par la malade, elles
sont les suivantes : brûlures, tiraillements, coups de couteau dans
l'estomac, barres en croix, puis barre transversale, estomac plein
et se creusant par îlots ; les îlots se rejoignent, l'estomac se creuse,
la barre transversale disparait, l'estomac est chaud, puis froid , la
malade a faim à son estomac. Déjà le réveil de la bouche a amené
une vive sensation de soif qui se maintient à partir de ce moment.
22-30. Resensibilisation du nez, du cou, de la poitrine. Zoé
TRAITEMENT MÉCANIQUE DE L'HYSTÉRIE. 217
recouvre rapidement la sensibilité du nez et du cou. Cette dernière
fait disparaître définitivement la boule. Pour la poitrine, je dé-
compose en partant de la peau, des seins, des muscles, de laçage
osseuse thoracique. A noter que la sensibilité du sternum est
la plus longue à être récupérée. J'ordonne enfin à la malade de
sentir l'intérieur de sa poitrine, de sentir sa respiration. Les mou-
vements respiratoires deviennent aussitôt plus amples, s'accompa-
gnant d'une sensation d'étouffement que la malade ne peut ana-
lyser, mais qu'elle localise dans la région cardiaque. La poitrine
grossit beaucoup, puis se rapetisse, il y a quelque chose qui me
brûle là-dedans, dit la malade. Puis, on dirait que c'est pourri là
où ça m'étouffe. Quelques points douloureux se montrent sur-
tout au-dessous du sein gauche, à la colonne vertébrale au-dessous
du renflement cervical, puis au pied des deux deuxièmes frontales.
Si je comprime les points cérébraux en même temps que le point
médullaire, la malade se contorsionne, souffre beaucoup de la poi-
trine et lorsque la pression a cessé, elle respire mieux, l'étouffe-
ment disparaît, la poitrine lui fait moins mal. J'ai renouvelé plu-
sieurs fois cette expérience; toujours, à la pression, la malade
s'étouffait davantage, souffrait de plus en plus et toujours il y
avait une notable amélioration de la dyspnée et de la souffrance
quand la compression cessait. J'ai aussi percuté les pieds des
deuxièmes frontales. La malade a nettementaccusé des sensations
de coups dans l'intérieur de la poitrine, sensations qui cessaient
lorsque cessait ma percussion. Je dois ajouter que la malade n'a
définitivement recouvré la sensibilité de la poitrine que lorsque je
lui ai rendu la sensibilité de son cerveau. '
2 mai. Resensibilisation de l'oreille droite : sifflements, bat-
tements, oreille bouchée, gonflée ; puis sensation d'écoulement de
liquide et enfin sentiment de bien-être.
3-1. Resensibilisation de l'oeil droit. Sentez vos yeux : mes
yeux se détournent + on les brûle + on les tiraille. Les yeux
sursautent dans les paupières. - Ça me fait mal à la tête (région
occipitale d'abord, puis temporale gauche dans le voisinage du
pli courbe). ? - La tête est projetée en arrière +il y a des fils
qui partent de derrière la tète jusqu'au fond de l'oeil + Je vois
noir, bleu, rouge, vert, marron ? noir, vert, jaune, rouge +noir,
rouge, bleu, vert, jaune, rose, mauve, marron + noir, rouge, bleu,
marron, rose, jaune + noir, rouge, bleu, vert ? mes yeux s'en-
foncent + mon oeil gauche est froid, le droit brûle encore un peu
+ Il se refroidit -r- La malade fronce les sourcils, se frotte les
yeux. - + Je vois jaune, mauve, bleu pâle, rose + rouge, mauve,
jaune, blanc + c'est clair + c'est bleu, plus clair à gauche + Je
vois rose clair, bleu pâle + c'est clair des deux yeux également +
c'est bleu, rouge, c'est blanc, blanc, toujours blanc. Je réveille
ma malade qui s'écrie : Oh ! que j'y vois clair ! 1
218 THÉRAPEUTIQUE.
5. Cuir chevelu, front, crâne : brûlures, picotements, os
rongé, boules qui éclatent, os qui craqnent.
6-9. Sentez votre cerveau : J'ai la tête lourde + J'ai un cercle
autour de la tête. Quel âge avez-vous ? Je ne sais si j'ai vingt ou
vingt-un ans z J'ai un ruisseau tout autour de la tête. Quel
âge avez-vous ? J'ai vingt ans. + Les grosses lourdeurs ont passé
+ ça ne coule plus. Quel âge ? Je crois avoir vingt-un ans +
J'ai des tiraillements dans la tête + ça me passe vite, je n'ai plus
rien + Il me vient par moments des douleurs d'un côté, de l'autre
- J'ai la tête lourde + Je ne sais pas quel âge j'ai. Elle fait
quelques mouvements avec son bras droit.
Pourquoi ces mouvements ? Mon bras droit est crispé. Je lui
fais sentir son bras droit. -)- J'ai la tête meurtrie + c'est lourd,
mon cerveau est plein ? Je crois avoir vingt-un ans + Je respire
mieux, dit-elle, après avoir fait une grande inspiration -) Elle
fait un mouvement de sursaut du tronc. Pourquoi ? On m'a piqué
dans le dos + Ça m'a passé + Le sommet de la tête me fait mal
- - - Elle s'étire Quel âge ? Je ne sais pas z On me lance des
coups de pincette dans le cerveau -f- J'ai un gros poids sur la tête
+ Ça fait mal sur le front+ Ça me fait mal aux tempes + J'ai la
tête lourde -f- Elle me fait mal tout autour + Elle s'étire + ça me
fait mal là en arrière (protubérance occipitale) + On me lance des
coups de pincette rougie + ma tête est lourde + Je ne sais si j'ai
vingt ou vingt-un ans.
C'est le 9 mai, 8 heures et quart du matin. Je laisse la malade
endormie jusqu'à 11 heures 10 du matin. Sentez votre cerveau
+ Je ne sais si j'ai vingt ou vingt-un ans -I- - Elle fait des mou-
vements de la tête -f- J'ai la tête lourde -j- c'est meurtri + c'est
lourd ? Je ne me rappelle pas mon âge + J'ai, je crois, vingt-un
ans, sans en être sûre + Les tempes me font mal ? On dirait
qu'on me serre la tête + on dirait que j'ai un ruisseau dans la
- tête ? ça coule + ça me court dans la tête + Je suis agacée des
bras + et elle ébauche quelques mouvements z Je sens mes bras
+ La tête me fait mal là (point cérébral de la poitrine). Je per-
cute le point : je sens qu'on me frappe dans la ! poitrine. Je la
réveille.
10, 6 heures 30 matin. Sentez votre cerveau : J'ai vingt à
vingt-un ans, ma tête est lourde + Le front me fait mal + La tête
me fait mal tout autour + La poitrine me fait mal -f- J'ai la tête
lourde + Elle est grosse derrière par moments + Ma tête est
pleine -j- J'ai près de vingt-un ans + La tête me pèse -f- Ça me
pique sur la tête + Quel âge avez-vous ? Je suis en 1896. Quel
mois ? Au mois d'août. Que faites-vous ? Je me promène avec
mes amies du côté de Saint-Henri, nous allons à la mer + 11 est
4 heures de l'après-midi ? nous prenons un bain + Je suis dans
l'eau + Je ne me rappelle plus + J'ai failli me noyer + Je sors de
TRAITEMENT MÉCANIQUE DE L'HYSTÉRIE. 219
l'eau, je m'habille, on m'aide, parce que je suis lourde ? Je goûte
sur le bord de la mer ? nous allons à la maison z nous montons
le Pradel, tout en causant + nous arrivons à la maison,-c'est
l'heure du souper + Je soupe toute seule, étant en retard + ma-
man me gronde + Je ne réponds rien à maman, parce qu'elle
n'aurait pas voulu que j'aille à la mer+ Je me couche, je dors, je
me réveille + Je travaille, je fais un corsage, je suis dans la cour
- Il est 5 heures de l'après-midi, c'est mercredi - c'est jeudi z-
maman me lave la tête parce qu'elle me dit que ma tête sent mau-
vais + J'aide maman à faire les lits ? Je travaille, mais je ne suis
plus aussi gaie, sans savoir pourquoi -f- C'est dimanche -f- Je ne
chante plus, je suis contrariée, mes tantes me font de la peine en
montant la tête maman contre moi z Avant mon accident,
j'étais gaie, contente ; maintenant je ne sors plus, je travaille +
Mm0 T... me dit toujours des choses parce que je ne monte pas la
voir z C'est lundi ? Je fais toujours pareil ? Je me lève, je tra-
vaille, je vais me promener par force; maman me gronde, je ne
veux plus sortir-)- Mardi, mercredi ? Je sors un peu sur la route,
je vais à la maison -f- Jeudi ; maman me gronde parce qu'on lui
dit que je parle au frère de L... + Vendredi, toujours pareil +
Samedi, je fais les chambres + Dimanche, je vais à la messe, cela
ne me fait rien. Réveil à 8 heures.
11. Je languis ? La tête me fait mal + Je ne sais pas où je
suis z il est lundi + La tête me fait mal + On dirait qu'on m'y
lance des coups, je suis agacée -[- mardi + plus je suis seule,
moins je m'ennuie + Jeudi ? Vendredi -f- Je vais à Eguilles, près
Aix. C'est la fête, je m'amuse un peu avec deux demoiselles. Je
la laisse endormie jusqu'à il heures du matin. - A 11 heures :
Sentez votre cerveau : Il me semble que c'est mercredi + Je cher-
che, je ne sais pas où je suis + Le front me fait mal + J'ai des
noeuds dans la tête + Je suis en 1897 ou 1898, je ne sais pas + Je
suis couchée, je ne sais où + Toute la tête me fait mal + Il y a
quinze à dix-huit jours que j'ai failli me noyer z C'est samedi, je
suis à Eguilles, je me lève à 6 heures et demie du matin, je vais à
la procession, à la messe ; tout le monde parle à la messe + Je
déjeune et mange de la soupe, du lapin et du canard ? Je me lève
de table à 3 heures, je vais danser, je vais me coucher. Je la
réveille, il est midi. Dans l'après-midi, Zoé présente de la confu-
sion mentale très nette. Le soir, à 9 heures et quart, je l'endors +
C'est dimanche, je vais tourner du foin + Lundi z- Mardi + Je
retourne à Saint-Antoine + C'est mercredi, etc., etc. - Nous
sommes en octobre, novembre, décembre. + C'est le leur jan-
vier 1899. Je la plonge en hypnose profonde pour toute la nuit.
10 heures soir.
12. 9 heures matin. ? Nous sommes en février 1897, en mars.
T-J'ai une vive douleur à la hanche gauche + Le docteur vient
'220 THÉRAPEUTIQUE.
me voir ? Avril, mai, etc. ? novembre, j'ai de gros maux d'esto-
mac, j'étouffe - Janvier 1898 ? J'ai mal à l'estomac + Je m'en-
nuie.
13. - -f- février 1898 z- mars -f- L'estomac me fait mal, j'ai des
vomissements -)- C'est le 1G mars -+- Je suis malade -f- L'estomac
me fait souffrir + Je rends + Le docteur vient + C'est le 18 mars '
- Je suis couchée + Je prends du lait, de l'eau minérale, des po-
tions ? On me fait des frictions au chloroforme, à l'essence de
térébenthine + c'est lundi + un rebouteux vient qui me met un
emplâtre sur l'estomac, les vomissements cessent -j- J'entends du
bruit, c'est le soir ; c'est comme des chaînes qu'on remue (c'est le
rebouteux qui se livre à une scène d'incantation quelconque) ?
J'ai peur + Je souffre moins ? Je reste huit jours couchée et trois
mois malade z C'est le mois d'avril, mai, juin, je suis un peu
mieux + Je vais à Sanary -j- Août -t- Septembre + Nous démé-
nageons pour aller aux Nouveaux Abattoirs-(-C'est le 5 septembre
z Je travaille + Octobre - L'estomac me fait mal, j'ai envie de
rendre + novembre + décembre + Je souffre de la tête, de l'es-
tomac, de la poitrine + Janvier + Je suis agacée, je ne sais pour-
quoi. Réveil à 10 heures et demie.
14. + C'est le 22 janvier, fête à Saint-Antoine + 23 janvier+
Je souffre du dos, de la tète, de la poitrine, de l'estomac-f- février
+ Je souffre davantage. Il est 7 heures 25 du matin. 3 mars,
je rends + Je vois M. A..., le dimanche ? Je souffre davantage +
7 mars, je m'étouffe + Les remèdes ne me font rien + M. A... me
dit que ce sont les nerfs -f- M. A... me pique, me donne une nou-
velle potion + 16 mars, c'est 8 heures du soir, j'ai mal au côté,
je suis couchée + Il vient le D'' Vial qui m'écoute + Vendredi, je
me lève à midi + Je souffre beaucoup -f- Je vais en ville chez le
D1' Vial -f- Samedi + Mardi, 2 heures; je suis couchée; j'attends
le docteur + Le voilà qui arrive, il m'endort, il me fait sentir mes
orteils + II est cinq heures + Je pense à mes orteils + Je suis ré-
veillée, je souffre toujours beaucoup de l'estomac + Je sens un
peu mes orteils -f- Je sens mon pied ? Je souffre de la cheville +
Je suis contente, parce que je sens mon pied + c'est vendredi,
c'est samedi, je sens mon pied et un peu la jambe, j'ai chaud +
Je sens la cuisse, je sens la hanche + Je suis un peu énervée +
c'est dimanche, nous allons nous promener en ville + Je com-
mence à sentir mon estomac z La poitrine me fait mal z Je sens
un peu la tête + Oh ! c'est le 14 mai + c'est 7 heures et demie+
Je suis couchée+ Je sens ma tête ? Il est 8 heures -La poitrine
me fait toujours mal. A ce moment, il est 8 heures et quart.
J'ordonne à ma malade de se sentir complètement des pieds à la
tête + ça se colle, dit-elle, la cheville, le genou, la hanche, l'é-
paule + Je suis mieux.
A 8 heures 30, elle se réveille spontanément. Je lui referme les
TRAITEMENT MÉCANIQUE DE L'HYSTÉRIE 21
yeux + Je lui fais sentir complètement la tête -f- Ma tête est plus
légère + J'ai toujours comme un voile sur le cerveau + Le voile
disparaît. Elle se réveille spontanément. Il est 8 heures 35.
Au réveil, Zoé exprime son étonnement d'y voir plus clair, dis-
tinctement, de pouvoir respirer à fond, de se sentir elle-même.
Tout s'est collé, dit-elle, je ne suis plus la même, ou plutôt, il me
semble que je suis tout comme avant mon accident. Elle a soif,
elle a faim et se lève toute joyeuse, en riant aux éclats, ayant pleine
conscience du sentiment de la vie. Elle passe une bonne journée.
Le lendemain, 15 mai, je l'endors de nouveau : elle me raconte
le rêve qu'elle a fait dans son sommeil et qu'elle ne se rappelait
pas au réveil. Je lui fais une séance de resensibilisation générale,
fréquemment entrecoupée par des réveils spontanés.
Les jours suivants, 1G, 17 mai, Zoé se plaint que des douleurs
très vives, lancinantes, en éclair, la l'ont souffrir quelques se-
condes ; elle localise leur siège à la cuisse, la cheville, à la poi-
trine. Mise en garde contre la possibilité de leur retour, dès qu'une
de ces douleurs se manifeste, ou bien même lorsqu'une simple
sensation d'énervement fatigue un de ses membres, elle procède
immédiatement à la représentation mentale de la partie du corps
énervée, endolorie; elle la sent, elle la réveille, le tout a\ec des
mouvements appropriés qu'elle exécute avec conscience et tout
rentre dans l'ordre immédiatement.
Le 18 mai, j'essaie de l'endormir ; je n'y arrive que difficile-
ment ; je procède à un réveil général. La séance dure quelques
minutes à peine ; Zoé se réveille spontanément. Depuis, elle n'é-
prouve rien d'anormal, mange beaucoup, dort très bien, est d'une
gaieté folle et, à l'heure actuelle, si cet état persiste, je puis être
en droit de considérer Zoé comme guérie ; elle ne présente plus
aucun accident hystérique tout comme de stigmates permanents
qui, tous, ont disparu.
Commentaires. La malade que j'ai traitée par la méthode
de M. P. Sollier avait une hémianesthésie droite totale et
complète datant de près de trois ans, développée assez rapi-
dement à la suite de l'émotion provoquée par l'accident
d'août 1896. La perte de la sensibilité de l'estomac et de la
poitrine était un facteur important dans la gravité du cas.
Sans nous arrêter aux modifications du caractère, l'anesthésie
viscérale avait amené un grand amaigrissement de la malade
qui mangeait excessivement peu et qui, par périodes, ren-
dait à peu près tout ce qu'elle prenait. Notons aussi que la
malade était en proie à une insomnie tenace et rebelle à toute
médication.
222 THÉRAPEUTIQUE.
Cette observation est en tous points semblable à celles
publiées par M. Sollier. Zoé a présenté pendant le travail de
resensibilisation des réactions presque identiques dans leur
nature et leur succession à celles qu'accusaient les hysté-
riques de M. Sollier.
Le phénomène le plus net; chez elle, est celui de la régres-
sion et de la progression de la personnalité; le couronne-
ment de la synthèse du moi se fait à la fin de la progression
et Zoé le traduit par celte expression pittoresque : Je sens
que tous mes membres se collent.
Le travail auquel j'ai soumis ma malade m'a permis de
contrôler les vues si intéressantes de M. Sollier sur les loca-
lisations cérébrales. J'ai toujours constaté la corrélation qui
existait entre la disparition de l'anesthésie des membres et
des viscères et l'apparition de zones d'hyperesthésie siégeant
à la calotte en des endroits bien déterminés, toujours iden-
tiques à eux-mêmes. Ces zones, voilées avec l'anesthésie
totale, devenaient douloureuses dans les parties du corps
correspondantes; et, lorsque la sensibilité était devenue nor-
male, les zones disparaissaient.
Est-on en droit de conclure que ces zones sont superposées
à des surfaces de l'écorce qui sont et demeurent les centres
soit des membres, soit des viscères ? La réponse ne fait pas
de doute pour ce qui concerne les membres car la localisa-
tion des zones des membres est superposable à la localisa-
tion des centres corticaux de ces membres. M. Sollier a con-
clu par analogie à l'existence réelle des centres viscéraux.
Or, l'expérience de la percussion des zones viscérales n'est-
elle pas une preuve de plus et ne démontre-t-elle pas directe-
ment qu'il existe des centres viscéraux ? ` ?
Je percute la zone de l'estomac, par exemple ; je demande
à la malade, plongée en somnambulisme, de me dire ce que
je fais et ce qu'elle éprouve, et, toujours, j'ai obtenu la même
réponse : Vous me frappez dans l'estomac. J'ai renouvelé
l'expérience pour le larynx, pour la poitrine, sans que la
malade travaillât à ce moment à la resensibilisation du larynx
et de la poitrine, mais après avoir, dans des séances anté-
rieures, déterminé un certain degré de sensibilité des deux
organes, constamment, la malade a répondu : Vous me frap-
pez à la gorge, à la poitrine. Analysons ce fait d'expérimen-
tation :
TRAITEMENT MÉCANIQUE DE L'HYSTERIE. 223 3
1° Je percute au cuir chevelu la zone d'hyperesthésie d'un
organe : je donne naissance à une impression transmise par
le trijumeau ; en plus, je détermine une onde vibratoire qui
va rencontrer l'écorce ;
2° Le sujet extériorise une sensation donnée : c'est là une
conséquence de la loi de l'extériorisalion des sensations ;
3° Le sujet n'extériorise pas au cuir chevelu : donc, l'im-
pression recueillie par le trijumeau reste dans le domaine de
l'inconscient ;
4° Le sujet extériorise dans l'organe dont j'ai persécuté la
zone d'hyperesthésie : donc, l'onde vibratoire a actionné
l'écorce en un point qui est le centre cortical de l'organe,
centre qui renferme les résidus des sensations antérieures
parties de l'organe.
On peut m'objecter que la sensation transmise par le triju-
meau, quoique inconsciente, peut réveiller la représentation
mentale de l'organe ou bien que des fibres d'association
relient le point de l'écorce touché par l'onde à un centre
idéatif où le fait de la percussion réveille la représentation
mentale de l'organe.
Je réponds : a) que l'extériorisation qui ne se fait pas au
cuir chevelu mais dans l'organe écarte l'hypothèse de l'inter-
vention du trijumeau; p) que, si je percute des zones diffé-
rentes, j'obtiens des extériorisations différentes; par consé-
quent en admettant même qne le centre idéatif soit en cause,
je ne puis expliquer la différence des extériorisations que par
la non-homogénéité des points de l'écorce qui ont été touchés
par l'onde vibratoire : ce qui revient à dire que ces points
sont les centres des organes dont on a percuté les zones d'hy-
peresthésie.
Donc, si en percutant une zone hyperesthésique correspon-
dant à un organe donné, j'obtiens constamment des sensa-
tions déterminées que la malade localise dans l'organe, je
suis en droit de conclure que des fibres de projection relient
à l'organe en question un centre donné de l'écorce, auquel se
superpose la zone d'hyperesthésie. Par conséquent, l'expé-
rience de la percussion démontre directement l'existence des
centres viscéraux.
Il est un autre point sur lequel je désire appeler l'attention.
Lorsque je fais récupérer à ma malade la sensibilité de la
poitrine, je note une amplitude respiratoire plus grande ainsi
224 4 RECUEIL DE FAITS.
qu'une sensation d'étouffement; la malade accuse un point
douloureux médullaire au-dessous du renflement cervical et
deux points douloureux cérébraux au pied des deux deuxièmes
frontales. A un moment donné, je comprime en même temps
les points douloureux cérébraux et médullaires.
Je note alors une plus grande amplitude respiratoire, une
suffocation plus intense, le tout accompagné de contorsions
en arc de cercle. Je cesse brusquement la compression : la
malade respire mieux, plus à fond, est moins suffoquée qu'a-
vant l'expérience. Que puis-je conclure ?
Les symptômes observés pendant la compression se rap-
portent-ils à une aneslhésie plus grande de la poitrine, pro-
voquée par la compression même ? Est-ce que, par le fait que
je cesse brusquement la compression, les points cérébraux et
médullaires ne se réveillent pas, amenant ainsi une resensibi-
lisation plus avancée de la poitrine ?
S'il en est ainsi, ne voit-on pas là le principe d'un traite-
ment nouveau de l'hystérie, traitement tout mécanique, des-
tiné à resensibiliser le corps, à le réveiller par une action
directe sur les points douloureux médullaires ou cérébraux ?
C'est là une simple vue de l'esprit, déduction qui s'appuie sur
l'expérimentation et sur l'observation de symptômes dont la
pathogénie est à contrôler.
RECUEIL DE FAITS.
Guérison d'un cas d'épilepsie héréditaire, datant
de cinquante ans, par une attaque d'hémiplégie ;
Par il ! . le D' D.1\IEL BRUNET.
La nommée G... Marie, née en 1812 à 1\evers (Nièvre), domiciliée
en cette ville, journalière, célibataire, sans instruction, est entrée
à l'asile d'aliénés de La Charité le 14 mars 1837. Son père est épi-
leptique et il est à l'asile depuis le 28 juillet 181o. L'intelligence
de cette femme est à peu près la même que celle des personnes de
GUÉRISON D'UN CAS D'ÉPILEPSIE HÉRÉDITAIRE. 225
sa condition, n'est pas affaiblie. La menstruation, régulière, s'est
établie à quinze ans.
D'après le certificat médical d'admission à l'asile du D' Fichet,
de Nevers, la nommée G... est épileptique depuis l'âge de sept ans
et la première crise convulsive a paru à la suite de la scarlatine.
Les attaques se produisent à peu près tous les mois, le jour ou la
nuit. Quelque temps avant son entrée à l'établissement, elles
avaient augmenté de fréquence, revenaient tous les quinze jours,
quelquefois même tous les huit jours.
Après chaque crise convulsive elle était atteinte de délire avec
hallucinations de la vue durant plus ou moins longtemps ; elle
voyait des hommes sous son lit, croyait qu'ils voulaient soulever
ses jupons, cherchait à les frapper à coups de pied, leur disait des
injures, manifestait parfois l'intention de les tuer. Mon prédéces-
sieur.' comme directeur-médecin de l'asile de La Charité, le D1' Bon-
net, a constaté sur le registre légal, que cette malade avait de fré-
quentes attaques d'épilepsie.
En 1857, elle fut prise d'une hémiplégie gauche incomplète, à la
suite de violentes crises convulsives. Celles-ci diminuèrent, après
cette hémiplégie d'une manière graduelle, pour cesser tout à fait
en 1800 et ne plus reparaitre pendant les dix-sept ans qu'elle con-
tinua il vivre. La cessation complète des crises épileptiques jus-
qu'à sa mort, produite le 12 juillet 1877 par une attaque d'apo-
plexie, m'a été confirmée parle D''Faucher actuellement directeur-
médecin de l'asile de La Charité. Pendant les deux années que
j'ai dirigé cet asile en 1871 et 1872, j'ai observé avec le plus
grand soin cette malade dont le cas me paraissait intéressant et je
n'ai jamais observé la moindre attaque épileptique chez elle. Son
intelligence etait à peu près normale, son émotivité n'était pas exa-
gérée ; elle n'avait pas la sensiblerie des hémiplégiques; elle mar-
chait en traînant beaucoup la jambe du côté gauche, se servait un
peu de la main de ce côté, travaillait à la lingerie. Elle était tou-
jours très calme. nullement irascible et répondait avec précision
aux questions qu'on lui adressait.
Elle se demandait si ses attaques épileptiques avaient bien com-
plètement cessé, si elle n'en aurait pas encore la nuit, parce qu'elle
éprouvait quelquefois le matin de la lassitude, de la céphalalgie,
comme lorsqu'elle en avait autrefois. Je l'ai fait observer d'une
manière spéciale par les deux malades assez intelligentes qui cou-
chaient de chaque côté d'elle, par l'infirmière du dortoir. Jamais
on n'a rien remarqué qui pût motiver ses craintes. On ne l'a pas
entendue pousser de cris, on n'a pas constaté qu'elle avait uriné
au lit. Si elle avait eu alors des crises nocturnes, il est bien pro-
pable qu'elles se seraient aggravées, pendant les cinq années qu'elle
a encore vécu, de manière à ne plus passer inaperçues et peut-être
des crises diurnes auraient-elles fini par s'y ajouter.
Archives, 2' séiie, t. IX 15
226 6 RECUEIL DE FAITS.
La guérison d'un cas d'épilepsie grave, héréditaire, au bout
d'une duré3 de cinquante ans, prouve qu'on ne doit jamais
désespérer de cette maladie et qu'on ne doit pas hésiter à
pratiquer la crâniotomie toutes les fois qu'on peut soup-
çonner une cause d'irritation dans un point limité de l'écorce
cérébrale. Comment l'attaque d'hémiplégie a-t-elle agi chez
notre malade ? L'autopsie n'ayant pas été faite, on ne peut
faire que des suppositions, mais l'hypothèse la plus probable
consiste à admettre qu'il s'est produit un raptus hémorrha-
gique dans les circonvolutions dont l'irritation déterminait
l'épilepsie, que cette irritation, atteinte par ce raptus, a fini
par disparaître complètement, par suite de l'inflammation qui
s'est développée autour de lui, pour amener sa cicatrisation.
Le fait qui précède méritait d'être connu. D'habitude, les lésions
qui ont produit une hémiplégie peuvent déterminer souvent chez
l'enfant ou l'adolescent, parfois chez l'adulte, des accès d'épilepsie.
Nous n'avions jamais vu l'inverse. En ce qui concerne l'action
thérapeutique de la craniectomie nous renvoyons le lecteur à
l'observation suivante. B.
Convulsions post-traumatiques. - Épilepsie
essentielle. Craniectomie ;
Par le D' Cil. MIRALLIÉ.
Dans une leçon clinique faite il l'Hôpital Saint-Jacques de
Nantes', nous avons exposé et discuté l'histoire d'un malade
atteint de crises convulsives. Ce malade a été soumis à la
craniectomie. Nous nous bornons ici à rapporter son his-
toire clinique et à donner des renseignements sur ce qui est
advenu après l'opération.
Cet homme, vigoureux et fortement constitué, est âgé aujour-
d'hui de trente-six ans. Son père est mort goutteux ; sa mère est
vivante et bien portante. Les frères et soeurs du malade ne présen-
tent aucun accident nerveux, sauf un frère jumeau du malade qui
a uriné au lit jusqu'à un âge assez avancé.
Bien portant jusqu'alors, notre malade, couvreur, subit un trau-
1 La leçon a été publiée dans la Gaz. méd. de Nantes, 1899, p. 218.
CONVULSIONS POST-TRAUMATIQUES. 227
1
matisme grave en 1889'' Il tombe de 22 mètres de hauteur, du toit
d'une église, il traverse un plafond et vient s'abîmer sur les mar-
ches de l'autel. Le côté gauche du front est blessé, le poignet droit
fracturé ; pendant huit jours le malade reste sans connaissance à
la clinique chirurgicale où l'on constate une fracture du crâne. Dès
que le malade revint à lui, il s'aperçut qu'il avait perdu la vision
de l'oeil gauche et de la moitié interne de l'oeil droit. Malgré tous
les soins son état oculaire persiste le même aujourd'hui.
Sorti de l'hôpital, après vingt-sept mois, le malade put travail-
ler comme manoeuvre ; sa santé était excellente et il ne se ressen-
tait nullement de son accident, sauf bien entendu pour ce qui con-
cerne la vision.
Quatre ans après apparaissent des crises convulsives dans les
conditions que voici : un matin il quitte un de ses amis, qui part
à son travail. Quelques heures après on lui demande de prêter
aide pour remonter chez lui cet ami, victime d'un traumatisme ; il
le remonte dans sa chambre et alors s'aperçoit que son ami est
mort. Immédiatement il perd connaissance et est pris d'une crise
convulsive. Depuis cette époque les crises se répètent fréquemment,
mais à intervalles irréguliers : toujours chaque crise est annoncée
par la vision de l'ami mort. De plus chaque fois que le malade voit
passer devant lui un enterrement, la crise se déclare. Parfois ces
crises présentent le caractère de somnambulisme. Sans en avoir
conscience le malade transporte un objet d'un point à un autre.
En 1896, nous examinons ce malade avec notre collègue et ami
Vignard. Il a eu la veille une crise dans les cabinets et présente à
la face interne de la cuisse gauche, dans toute sa hauteur une large
ecchymose résultant d'une chute faite pendant cette crise. Nous
constatons en outre une hémianesthésie sensitivo-sensol'ielle droite
et pensons à des crises d'hystérie.
Après avoir repris quelques mois son travail, le malade est enfin
hospitalisé à Saint-Jacques, dans la salle des épileptiques, où nous
le suivons attentivement depuis plusieurs semaines. Les accidents
qu'il présente sont divers :
1° Comme jadis, à la vue d'un enterrement, il est pris d'une sen-
sation d'angoisse, et s'il ne peut se retirer, il tombé sans connais-
sance ;
2" En dehors de ces cas, il est pris le jour de crises convulsives,
annoncées par une aura toujours la même : la vue de son ami
mort. Les membres sont agités de mouvements convulsifs : ni cris
ni miction involontaire.
3° Parfois il présente de véritables absences : un jour il poussait
une brouette; soudain il s'arrête, immobile, le corps fléchi; une
salive abondante coule de sa bouche ; ses camarades l'appuient
contre un mur ; peu à peu il revient à lui, mais reste pendant plu-
sieurs heures presque inconscient de ses actes. D'ailleurs, il ignore
228 RECUEIL DE FAITS.
complètement cet accident qui nous est raconté par ses compa-
gnons.
4° Les crises nocturnes se passeraient ainsi, d'après les rensei-
gnements puisés près des infirmiers et des voisins de lit du malade :
notre homme pousse un cri unique ; le bras droit se contracture
en flexion de tous ses segments, la main en face de la tête, dans
une attitude de défense; la jambe droite se prend à son tour ; puis
le bras gauche qui se place comme le bras droit, mais sur un plan
horizontal inférieur ; enfin la jambe gauche. Les membres sont
ensuite agités de secousses cloniques. Le malade se mord la
langue, mais n'urine jamais sous lui. Le lendemain, le malade se
réveille brisé, mais ne se souvient en rien de sa crise : la morsure
de la langue seule lui en indique l'existence.
Telle est l'histoire de notre malade ; voyons ce que nous donne
son examen. 01
La motilité volontaire des quatre membres et de la face est par-
faite ; pas trace de paralysie ni de parésie ; la force musculaire est
bien conservée, et la résistance aux mouvements passifs est nor-
male. Cependant le bras droit semble un peu moins fort que le
gauche, n'oublions pas d'ailleurs que le poignet droit a été frac-
turé.
Les troubles de la sensibilité sont plus intéressants : du côté
droit du corps, sur la face, les membres et le tronc, il existe une
anesthésie totale, complète pour tous les modes de la sensibilité,
tact, douleur, chaud, froid; le sens musculaire est très diminué,
le malade n'arrive pas, ou arrive très lentement après une série de
tâtonnements à mettre le bras gauche dans la position imposée
au bras droit, et réciproquement. Le sens stéréognostique est
aboli.
L'ouïe est très diminuée à droite : Le malade n'entend une
montre qu'à quatre centimètres à droite, alors qu'il l'entend à
quinze centimètres à gauche; l'odorat est aboli complètement à
droite : le malade ne reconnait ni l'ammoniaque, ni l'éther, ni le
chloroforme, qui sont par contre vivement sentis à gauche. Le
goût est diminué à droite. Il existe donc unehémianesthésie sensi-
tivo-sensorielle, qui s'arrête franchement à la ligne médiane du
corps.
L'examen oculaire a été pratiqué par M. le professeur Dianoux.
A gauche, l'acuité visuelle est non chiffrable. A droite, il existe une
hémiopie temporale très nette pour toutes les couleurs, blanc,
fouge et vert. Le malade ne perçoit que les objets placés dans la
moitié interne du champ visuel, limité en dehors sur la ligne mé-
diane par une verticale avec encoche centrale. En outre ce champ
visuel hémiopique est rétréci ; la vision rouge atteint 2;i, le blanc
30, le vert 40. L'ophthalmoscope montre d'autre part une atrophie
double des nerfs optiques.
CONVULSIONS POST-TRAUMATIQUES : CRANIECTOMIE. 229
Quand on presse dans l'aisselle droite, on provoque une sensa-
tion de gêne et d'angoisse respiratoire. Il n'existe pas d'autre zone
hystérogène. Pas de sensation de boule. Pas de trouble des
sphincters ; pas trace d'atrophie musculaire; le malade est au con-
traire fortement musclé.
Les réflexes rotuliens et radiaux sont forts, mais il n'existe pas
de trépidation épileptoïde ni aux pieds ni aux mains. L'intelligence
est bien conservée. La parole est nette ; le malade trouve facile-
ment ses mots et les articule nettement ; aucun trouble d'aphasie
motrice ou sensorielle.
A la région frontale gauche supérieure, notre malade présente
la cicatrice d'une ancienne fracture. Cette cicatrice descend de la
racine des cheveux, à égale distance de la ligne médiane du crâne
et de la fosse temporale gauche, sur une étendue de deux centi-
mètres environ. A ce niveau, la peau est déprimée, mais mobile
sur les plans profonds. Le palper montre que l'os frontal est à ce
niveau nettement enfoncé suivant la ligne de la cicatrice. L'exa-
men du reste du crâne ne révèle aucune autre altération.
Quel traitement allons-nous faire subir à ce malade ? Le traite-
ment bromuré a été essayé, sans aucune espèce de résultat ; les
crises, loin de s'éloigner, semblent au contraire, augmenter de
fréquence.
Faut-il trépaner ? Pendant un temps, on a beaucoup trépané, et
les observations se sont accumulées très rapidement ; à qui appor-
terait la plus grosse statistique, toujours avec résultats excellents.
Depuis quelque temps on trépane moins, les observations
publiées sont plus rares. C'est que nous connaissons aujour-
d'hui le résultat éloigné des premières tentatives chirurgicales.
L'ancienneté préhistorique de la trépanation, son innocuité ne
suffisent pas à l'imposer ; ses résultats thérapeutiques sont la
seule base d'appréciation. Et encore faut-il se défier de certaines
observations. Vous trouverez dans les statistiques les plus récentes,
des faits publiés huit jours après l'intervention, et considérés et cotés
partout comme des succès. Ce n'est vraiment ni scientifique ni sérieux.
Pour juger une telle intervention, il faut attendre un an et plus.
Si nous agissons ainsi, nous verrons l'aspect véritable de la ques-
tion. Cet aspect le voici : en 1878, Echeverria, sur 143 cas d'épi-
lepsie traumatique guéris notait 93 guérisons et 18 améliorations.
Avec les progrès de l'antisepsie et de la technique, les succès
auraient dû augmenter : erreur complète. Agnew, en 1891, ne
compte que 4 guérisons sur 57 cas dont 32 autres avaient paru
momentanément améliorés. Tout récemment (décembre 1896), un
élève de Ballet, Thouvenet, étudiait les résultats éloignés de la tré-
panation dans l'épilepsie jacksonnienne ; il put retrouver malades
opérés jadis, et comptés parmi les plus brillants succès chirurgi-
caux, et voici ce qu'il constate :
230 RECUEIL DE FAITS.
1° Malade de vingt-huit ans, était atteint depuis six ans de crises
très fréquentes. Péan lui enlève un librolipome développé aux
dépens de la pie-mère. Deux mois et demi après l'opération, Péan
signalait son succès thérapeutique à l'Académie : les crises avaient
complètement disparu depuis l'opération. Mais quinze jours plus
tard les crises réapparaissaient ; une nouvelle trépanation débar-
rassa le malade d'une récidive de la tumeur, en même temps
qu'on pratiqua, une ablation large de la substance cérébrale, les
suites immédiates de l'opération furent des plus satisfaisantes, et
pendant plus de trois mois le malade n'eut pas de crises. Puis elles
revinrent et le malade finit par succomber.
2° Deux mois après une intervention, M. Péan signalait à l'Aca-
démie, l'histoire d'un enfant de quatre ans et demi qu'il trépana
pour des crises convulsives dues à un abcès sous-méningé. Pen-
dant un an la guérison se maintint ; puis les crises léapparurent,
moins fréquentes il est vrai, mais persistant encore après plusieurs
années.
3° M. Reynier enlève à un enfant de dix ans et demi un gliome.
Les crises disparaissent pour reparaître au seizième jour ; seconde
intervention ; les crises disparaissent pendant deux mois, et l'opé-
ration est placée au rang des guérisons. Malheureusement, un mois
après la publication, les crises réapparaissent et l'état de l'enfant
redevient le même qu'avant l'opération. Troisième intervention, on
trouve au lieu du néoplasme une cicatrice que l'on tente d'extir-
per. « Les crises épileptiformes persistent et n'ont jamais cessé
depuis. Aujourd'hui le malade a dix-neuf ans ; son épilepsie s'est
compliquée de troubles mentaux assez graves pour nécessiter
autour de lui une surveillance de tous les instants. »
4° Un trépané de M. Le Dentu voit ses crises disparaître pendant
cinq mois pour reparaître ensuite.
Tels sont les faits, dans leur brutalité décevante. Certains faits
considérés jadis comme des succès définitifs n'ont pas maintenu
leurs promesses.
Est-ce cependant une raison suffisante pour rejeter toute inter-
vention ? Ce serait là une exagération ridicule et en particulier
chez notre malade, nous serions partisan d'une intervention. Cet
homme a des crises fréquentes, au moins toutes les semaines, il
est dans l'impossibilité absolue de gagner sa vie et réclame qu'on
le débarrasse à tout prix de ses crises. D'autre part, le traitement
médical essayé sous toutes ses formes s'est montré complètement
impuissant. Nous n'avons pas le droit de priver notre malade de
la seule chance qui lui reste, l'intervention, quelque faible que
puisse être cette chance. Nous ferons donc opérer ce malade, mais
nous n'oublierons pas le conseil qu'Allen Starr tire de sa grande
expérience. Nous exposerons la situation au malade, nous lui mon-
trerons l'inanité du traitement interne ; nous lui dirons que l'inter-
CONVULSIONS POST-TRAUMATIQUES : CRANIECTOMIE. 331
vention est seule capable de l'améliorer, et nous avouerons sincè-
rement l'aléa de cette thérapeutique. Nous ne promettrons en
somme rien au malade, nous contentant de le laisser tenter sa
chance, tout incertain que soit le résultat.
Personnellement, nous croyons que pendant l'intervention il
faudra suivre la règle suivante, qui découle de la lecture des obser-
vations. Si l'on se trouve en présence d'une lésion extra-cérébrale,
l'enlever largement. Si, au contraire, les enveloppes sont saines,.
si le cerveau parait sain, mieux vaut se replier en bon ordre. Atta-
quer la corticalité cérébrale, c'est enlever une partie des cellules
et sectionner leurs prolongements ; c'est causer peut-être une para-
lysie irrémédiable et laisser une cicatrice aussi nocive que la
maladie première, au point de vue des accès convulsifs. Donc, opé-
rer sur la calotte cranienne, et respecter la masse encéphalique.
Le malade est opéré à la fin de juin 1898 par notre collègue et
ami VIGNARD. Il pratique une première trépanation au niveau de la
cicatrice frontale. Après mise à nu de l'us, on se rend compte de la
dépression manifeste qui existe à ce niveau, dépression d'environ
3 à 4 millimètres. La dépression est circonscrite par quatre cou-
ronnes de trépan distantes l'une de l'autre d'environ 2 centimètres
à 2 centimètres et demi. Sur la face interne du fragment osseux
enlevé, on voit une saillie, nettement parallèle à la cicatrice cuta-
née ; il y a eu à ce niveau un enfoncement de la voûte cranienne.
Au-dessous les méninges sont normales, mais déprimées au niveau
de la saillie osseuse. A ce niveau aussi la substance cérébrale est
déprimée, mais normale d'aspect. On pratique alors une seconde
trépanation au niveau du centre moteur cortical du bras droit. Il
n'existe à ce niveau aucune lésion ni de l'os, ni des méninges,
ni du cortex. Sans replacer les rondelles osseuses, on suture les mé-
ninges et la peau. Les suites opératoires sont des plus simples.
Pendant les jours qui suivirent, le malade accusa une augmenta-
tion de l'acuité visuelle de l'oeil gauche ; mais cette amélioration
ne se maintint pas et peu à peu l'oeil revint à l'état primitif.
Le malade rentré au service des épileptiques, ne présente plus
de grandes attaques pendant cinq mois. Pendant ce temps il avait
de temps à autre des absences légères, très fugaces et dont il se
rendait compte. Mais à partir du mois de décembre 1898, les at-
taques revinrent moins fréquentes qu'avant l'opération, mais aussi
longues. Voici d'ailleurs le relevé exact des attaques en 1898 et
1899 : .
1898. Janvier : une attaque le 8, durée, quinze à dix-huit mi-
nutes ; une autre le 21, de dix-huit à vingt minutes, -Février :
une attaque le 14, durée vingt-deux à vingt-cinq minutes ; une autre
le 28, durée de dix à treize minutes. Mars : une attaque le 12, du-
232 RECUEIL DE FAITS.
rée vingt à vingt-deux minutes ; une seconde, le 20, de dix mi-
nutes ; une troisième, le 29, de dix à douze minutes.- Avril : une
attaque le 20, durée, treize à quinze minutes. Alai : une attaque
le 22, durée, six minutes ; une autre le 30, de dix minutes.
Juin : une attaque le 27, durée, quinze minutes ; une autre le 28,
de douze minutes. -
Opération (fin juin 1988). De juillet à novembre, pas d'accès,
quelquefois et à de rares intervalles un léger vertige. - Décembre :
un accès le fer, durée, dix-huit minutes.
1899. Janvier : un accès le 2. Février : accèsde quinze minutes
le 9 et un autre de deux minutes le 10. Rien en mars. En
avril : un accès de dix minutes le 4, un autre de douze minutes
le 10. En mai : un accès de dix minutes le 12 et une série de
trente-cinq minutes le 23 (4 accès). - Rien en juin. - En
juillet : un accès de douze minutes le 6 et un le 23 août. A cette
date le malade quitte Nantes pour aller dans sa famille à Paris.
Après l'opération nous avons pu assister à des accès qui
avaient tous les caractères de l'épilepsie essentielle. En par-
ticulier l'attaque du 2 janvier 1899, qui s'est produite dans
notre cabinet. Le malade subitement, après nous avoir exposé
certains chagrins de famille, brusquement pousse un cri, et
tombe à terre, agité des deux côtés à la fois par des convul-
sions cloniques ; morsure de la langue, écume à la bouche,
miction involontaire. Cette attaque dura au moins un quart
d'heure, après quoi le malade resta plusieurs heures dans un
coma absolu. Il n'y a donc aucun doute sur le diagnostic
d'épilepsie essentielle.
L'opération a eu, chez ce malade, un résultat favorable mais
passager. Dans le service on n'a relevé que le nombre des
grandes attaques. De par le tableau ci-dessus ou voit que
pendant les cinq mois qui ont suivi l'intervention, il n'y eut
pas de grandes attaques, mais à partir de ce temps elles
reviennent, moins fréquentes peut-être qu'avant l'opération,
mais cependant assez fréquentes et assez intenses pour empê-
cher le malade de se livrer à un travail quelconque. Mais à
mesure que l'on s'éloigne de l'époque de l'intervention chi-
rurgicale les attaques semblent devenir plus violentes en
même temps que les absences deviennent plus fréquentes. En
résumé le bénéfice de l'intervention a été passager, et, après
une période de repos, les attaques sont revenues comme avant.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 233
Ce fait, très intéressant, s'ajoute à ceux que nous avons
communiqués au Congrès des aliénistes et neurologistes
d'Angers et à ceux que nous avons publiés dans le Progrès
médical et les Archives de neurologie. Nous en publierons
d'autres qui, comme les précédents, démontreront l'inutilité
de la craniectomie dans le traitement de l'épilepsie. B. '' 1
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
XIV. Sur l'origine infectieuse du délire aigu ; par BlANCHI et
PICCININO. (.1nl1. di nevrol., l'asc. I-lI, 1899.)
Le délire sensoriel aigu comprend un groupe de maladies infec-
tieuses et toxiques représentées par des syndromes très semblables,
faciles à confondre entre elles, en l'absence de tout caractère parti-
culier à chacune, sauf l'intensité et le décours. Au point de vue
pathogénique, les syndromes correspondent à des infections et des
intoxications diverses l'une de l'autre. Alors que dans les formes,
moins graves, curables, on ne trouve que des staphylocoques et
streptocoques, dans les formes graves, mortelles, très rares, il
existerait un bacille spécifique déjà décrit par les auteurs. *
J. SÉGLAS.
XV. Singulière manière d'être des pupilles dans un cas de para-
lysie générale au début ; par Zanzi. (Riv. di pat. nerf. et ment.,
fasc. IX, 1899.)
Cas de rigidité pupillaire intermittente. Il s'agit d'un paralytique
chez lequel, avant la période définitive dans laquelle les pupilles
devinrent définitivement inégales, il y eut plusieurs phases de
rémission presque complète. Les pupilles présentèrent toujours
des réactions normales dans les phases de rémission, et l'inégalité
habituelle avec rigidité dans les exacerbations.
La solidarité et le parallélisme des deux manifestations morbides,
de localisations diverses, supposent une cause exerçant une action
générale, le plus vraisemblablement toxique. Les alternatives des
symptômes sont l'indice apparent de l'aggravation et de l'atténua-
tion de ce facteur toxique, dont l'action trop intense et répétée
finit par déterminer la mort de l'élément anatomique et la perte
permanente de la fonction. J. Séglas.
23t Il REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
XVI. La polyurie simple est toujours l'expression d'un fait de
dégénérescence; par SCABIA. (Riv. di pat. neru. et ment., rase.
VII, 1899.)
La polyurie simple doit être toujours regardée comme l'expres-
sion d'un fait de dégénérescence; et lorsqu'il existe en même temps
des symptômes d'hystérie ou d'une autre névrose, ils ne sont que
surajoutés tout simplement à ceux de la dégénérescence. Ou peut
conserver les dénominations de polyurie hystérique, neurasthé-
nique, etc... Elles seront seulement plus explicites, et signifieront
en premier lieu que la polyurie simple s'est développée sur un
fond nettement dégénéré. J. SËGHS.
XVII. Manie, mélancolie et psychose maniaco-dépressive ;
par Il. Gucci. (Riv. di pat. nerf. et ment., fasc. VII, 1899.)
Recherches critiques à propos de la psychose maniaco-dépres-
sive de Kroepelin. -' L'auteur admet l'existence d'une psychose
maniaco-dépressive, dont cependant Kroepelin aurait exagéré
l'importance. L'idée d'absorber dans cette forme tous les cas de
manie et de mélancolie ne correspond pas à l'examen des faits,
qui lui ont confirmé l'existence de la manie et de la mélancolie,
comme maladies différentes, indépendantes, telles qu'on les a con-
sidérées et décrites depuis longtemps. J. Séglas.
XVIII. L'alcalinité du sang dans quelques maladies mentales ;
par Lambranzi. (Riv. di pat. neru. et ment., fasc. VII, 1899.)
Elle est absolument normale dans la forme maniaco-dépressive
de Kroepelin, dans l'hypochondrie, la démence précoce, la démence
sénile, la phrénasthénie, les périodes interparoxystiques de l'épi-
lepsie et de l'hystérie. Elle est probablement normale dans
l'amentia, quelques crises hystériques et la chorée de Huntington.
Elle est inférieure à la normale dans la démence paralytique, et
l'épilepsie pendant l'accès convulsif et un peu avant et après. Elle
est probablement inférieure à la normale durant et après l'attaque
hystérique et dans la dystrophie-thyroïdienne.
L'auteur fait remarquer que les altérations de l'alcalinité du
sang qui peuvent se manifester dans les premières formes de
psychoses doivent être rapportées à l'agitation motrice intense et
prolongée ou au ralentissement exagéré du travail musculaire et
peuvent être ainsi considérées comme accidentelles. En revanche,
celles qui se rencontrent dans la paralysie générale et l'épilepsie,
sont en rapport direct avec la nature même de la maladie, et peu-
vent être permanentes dans l'une, épisodiques dans l'autre.
.. J. SÉGLAS.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 235 5
XIX. La sénilité précoce chez les mélancoliques; par Serafino
ARNAUD. (Riv. di pat. neou. et ment., fasc. IX, 1899.)
Plus fréquentes chez les vieillards, les formes de psychose mé-
lancolique reuvent cependant se développer à toutes les périodes
de la vie, le plus souvent à la période moyenne. La femme est
plus prédisposée que l'homme à cette forme de psychose, surtout
à cette époque de la vie. An delà de cinquante ans, la différence
entre les deux sexes disparait, parce que la sénilité atteint une
grande partie des caractères sexuels secondaires.
Chez le plus grand nombre des mélancoliques, il y a une pro-
fonde déchéance des fonctions organiques. Dans certains cas,
cette déchéance est purement fonctionnelle, sans lésions appa-
rentes des organes; dans d'autres, elle est accompagnée de carac-
tères évidents d'une involution précoce de l'organisme. La pro-
portion des premiers cas est de 39 p. 100; celle des seconds de
10,9 p. 100.
Chez les mélancoliques présentant des caractères de sénilité
précoce, le pronostic est presque absolument défavorable. Sur
109 malades observés par l'auteur, il n'y eut aucune guérison, et
seulement 4 améliorations. Dans tous les autres cas, la marche de
la psychose ne présenta aucune rémission et s'achemina plus ou
moins rapidement vers la chronicité. J. Séglas.
XX. Contribution clinique à la doctrine de la démence précoce;
par les DIS Finzi et VEDIIANR. (Rie. sp. di faSC. 1-11, 1899.)
Dans ce travail, les auteurs se sont inspirés des vues exposées
par Kroepelin dans la dernière édition de son Traité de psychia-
trie. Ils pensent, qu'en s'en tenant au critérium clinique qui classe
les maladies mentales suivant l'ensemble de leur évolution et leur
terminaison, il existe des formes cliniques qui ne peuvent rentrer
logiquement dans les descriptions des maladies communes, et que
l'unique forme décrite jusqu'à ce jour, présentant des caractères
cliniques identiques est l'hébéphrénie de Hecker. Ces caractères
cliniques fondamentaux se résumant dans une forme particulière
d'affaiblissement psychique acquis, sont d'autre part communs à
ces cas, et à ceux-là seuls qui en grande partie sont désignés du
nom de catatonie de Kalhbann, de paranoïa fantastica (paranoïa
hallucinatoire) et de démence paranoïde de Kroepelin.
D'où la nécessité clinique de les comprendre sous une même
dénomination nosographique, celle de démence précoce. Il est
extrêmement probable que le syndrome catatonique, comme les
hallucinations et les idées délirantes ne sont pas pathognomoni-
ques et caractéristiques à eux seuls d'une forme morbide déter-
minée, mais se présentent dans différentes maladies, en se super-
236 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
posant aux signes vraiment pathognomoniques et se modifiant en
conséquence plus ou moins. Il semble seulement qu'ils soient
plus fréquents dans ces formes de démence juvénile qui présen-
tent les mêmes caractères cliniques fondamentaux que la maladie
décrite par Hecker. J. SÉGLAs.
XXI. Deux cas d'idiotie myxoedémateuse ; par Tanzi.
(Riv. di pat. zzezv. et ment. fasc. IV, 1899.)
XXII. Une variété de myxoedème fruste; par Tambroni et Lambranzi.
(Riv. di pat. Msn'. et ment., fasc. V, 1899.)
XXIII. Les « Stéréotypies » dans les démences et spécialement dans
les démences consécutives ; par le D' C%Nzio Ricci. (Riv. sp. di
(l'en., fasc. 1-Il, 1899.)
Etude complète et très intéressante des différentes variétés de
stéréotypies que l'auteur divise en trois groupes : 1° attitudes ou
stéréotypies akinésiques ; 2° mouvements ou stéréotypies paraki-
nésiques ; 3" actes ou stéréotypies dyspraxiques. Au point de vue
de leur signification, elles se classent en deux catégories entre
lesquelles il est difficile de tracer une limite distincte : dans la pre-
mière il s'agirait de reviviscence de phénomènes ataviques, dans
la seconde de phénomènes automatiques proprement dits. Quelques
brèves considérations sur la séméiologie, la fréquence, le mode de
développement, la valeur pronostique terminent le mémoire.
J. SÉGLAS.
XXIV. Sur les rapports de la cérébroplégie infantile avec l'idiotie ;
par E. Tant. (Reu. di pat. neru. et ment., fasc. V, 1899.)
Les caractères différentiels entre l'idiotie vulgaire et la cérébro-
plégie psychique peuvent se résumer schématiquement de la façon
suivante :
Formes vulgaires d'idiotie et Formes classiques, frustes et
d'imbécillité . purement psychiques d'idiotie et
d'imbécillité cérébroplégiques.
Hérédité névropalliique. L'hérédité manque (en général).
Absence d'étiologie dans les Il existe presque toujours un
antécédents personnels. facteur étiologique individuel :
dystocie, traumatisme somatique
ou psychique, infection, hérédo-
syphilis.
Les symptômes apparaissent Les symptômes apparaissent à
graduellement. l'improviste.
Absence de paralysies, parésies, Il existe des paralysies, paré-
contractures, épilepsie, chorée ou sies, contractures, épilepsie, cho-
lonrs équivalents, rée, athétose, pseuclo-attétose,
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 237
hypertonie, exagération des ré-
flexes patellaires, sauf dans les
formes de cérébroplégie purement
psychique.
Malformations typiques hérédi- Déformations accidentelles par
taires. atrophie
Caractères psychiques de per- Caractères psychiques d'insuffi-
version : vanité, hypocrisie, iras- sauce : inactivité, inaITectivité,
cibilité, dégradation morale. anidéisme, alalie ; ou activité
ordonnée, caractère bon, idéation
régulière, mais limités.
Délires paranoides, idées déli- Absence,
rantes.
Episodes (courts) de mélancolie, Absence,
manie, amentia. ,
Aptitudes partielles. Absence.
Régularité de la microcéphalie Désharmonie de la microcé.
si elle existe ; microcéphalie vraie phalie si elle existe, microcéphalie
par agénésie. fausse.
Prédominance des variétés Prédominance des variétés dé-
eaaltées. primées.
L'évolution peut être marquée L'évolution est divisée en une
d'incidents psychopathiques, à la période aigué et une chronique
suite desquels peut survenir de qui dure toute la vie. Cette del-
la démence secondaire, qui aug- nière est quelquefois progressive,
mente la dégradation psychique quelquefois décroissante, spécia-
des malades. lement en raison de l'allure clffé-
rente de l'épilepsie.
Elles embrassent tous les degrés Elles embrassent tous les degrés
d'imbécillité, mais spécialement de l'insuffisance psychique, mais
les plus légers, et toutes les va- spécialement les plus graves; et
riétés possibles y compris la folie dans les cas d'idiotie légère ou
morale. nulle, absence de toute note psy-
chopathique et de dépravation
éthique.
Longévité. Vie courte.
Les idioties vulgaires sont des Les cérébroplègies psychiques
anomalies héréditaires. (extra-rolandiques etrolandiques)
représentent les résidus d'une
maladie accidentelle.
J. S1 : GL.4S.
XXV. Les songes d'attaques des épileptiques; par Maurice DucosTÉ.
(Journal de Médecine de Bordeaux. 1899, nos zig49.)
Quatre observations d'épileptiques dont les songes présentent
des particularités fort intéressantes. Ces songes ne se produisent
que lorsque les malades ont des attaques; ils ne surviennent pas
en dehors d'elles et ne se placent, dans le temps, ni avant ni
après. On peut donc admettre la formule suivante : « Il est des
songes spéciaux toujours les mêmes pour un même malade
ZOO REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
qui imprègnent la conscience au moment d'une crise épileptique. »
Une des particularités les plus curieuses de ces songes, c'est
qu'on peut assez facilement les schématiser en quatre phases
parallèles aux phases de l'attaque convulsive. Dans le songe
l'aura existe, même lorsqu'elle est insensible à l'état de veille, la
période tonique est une phase d'immobilisation, d'angoisse, la
période clonique d'agitation, de fuite, de lutte; enfin lorsque le
stertor apparaît, la mort termine le songe. Cette constance de la
mort dans les « songes d'attaques » leur constitue un autre carac-
tère bien spécial, d'autant qu'elle s'accompagne invariablement
d'une douleur cérébrale particulière. Enfin la prédominance du
rouge dans les tableaux du rêve est à remarquer.
Si le diagnostic de certains cas d'épilepsie peut tirer quelque
secours de cette notion nouvelle, le pronostic semble également
devoir parfois en faire son profit. M. Maurice Ducosté n'a pas
hésité dans un cas à placer des vésications circulaires au-dessus
du point de départ d'une aura périphérique, insensible à l'état de
veille et révélée simplement par le songe : les résultats ont semblé
satisfaisants. En outre, le « songe d'attaque » calque fidèlement
les mutations de l'attaque elle-même; de telle sorte qu'on peut,
au récit seul des songes, suivre la marche des attaques et savoir
notamment si elles restent ou non complètes.
Une observation est encore intéressante en ce sens que le malade
présentait des .troubles psychiques transitoires après un rêve tou-
jours semblable à lui-même; mais derrière ce rêve se cachait une
attaque d'épilepsie, de telle sorte que ce qu'on aurait pu prendre
pour une « psychose onirique » n'était qu'un trouble post-paroxys-
tique. L'auteur rapproche ses « songes d'attaques » des « rêves
d'accès » de Féré, et pense avec raison, semble-t-il que
l'étude des rêves des épileptiques présente une réelle importance.
XXVI. Sur la folie puerpérale; par C. 1\L\CDONALD. (Médical Record,
18 février 1899.)
Revue de vulgarisation à l'usage des praticiens non spécialistes.
L'auteur y reproduit les vues du professeur Clouston, d'Edim-
bourg. A. M.
XXVII. Opérations gynécologiques dans la folie; par 111ANTON
(de Détroit). (Médical News, 11 mars 1899.)
Dix-sept observations de psychoses opérées par l'auteur sur
lesquelles une seule récidive et sept guérisons ou améliorations de
l'état mental. Les psychoses ainsi traitées furent quatre mélanco-
lies, deux manies, trois folies périodiques et des monomanies et
paranoïa diverses plus ou moins compliquées de démence.
Dix cas dataient de plus de dix ans; dans quatre cas il y eut
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 239 9
lieu à hystérectomie totale, dans les autres à des curettages tra-
chélorrhaphies ou ventrolixations pour déviations. A. Marie.
XXVIII. Névroses (Médical Record, mars-avril-mai 1899). Suites
d'articles originaux : 1° Sur l'hystél'O-ll'awnatisme au point de vue
médico-légal (et les psychoses secondaires); par P. 13ALLLY, de
New-York (4. mars); 2° Sur les névroses cardiaques et leur
traitement (traces sphygmographiques à l'appui de l'effet des
bains de Nauheim); par T. ScuoTn de Nauheim (11mars);-
3° Sur l'étiologie et le traitement de la neurasthénie (analyse de
333 cas); par J. COLLUIS et C. PIIJLLIPS, de New-York (25 mars);
le point de vue thérapeutique est ici soigneusement développé
au dépend du côté clinique que le grand nombre des cas invo-
qués semblait impliquer; 4° Sur le traitement de la chorée par
l'emploi prolongé du chloral à haute dose; par L. LICHT5Cl ! EIN
(le, avril, 3 observations) ; - 5° Sur les équivalents d'épilepsie;
par S. BROWN. 5 observations d'épilepsie larvée ou accompagnée
de migraines ophtalmiques (29 avril) ; 6° Sur l'épilepsie idiopa-
thiqzie, son diagnostic et son traitement (Kbr trinitrine hyoscitze, etc.);
par W. LESZYNSKY (20 mai). A. M.
XXIX. Compte rendu préliminaire de l'examen des urines chez les
aliénés, avec le compte rendu de 202 cas; par Edwin-G. KLEtN.
(The 11'eiv York Médical Journal, 18 mars 1899.)
Voici les points principaux à relever dans ce travail :
Chez 50 des aliénés observés, la moyenne des vingt-quatre heures
a été de 1.125 centimètres cubes pour les hommes et de 1.020 cen-
timètres cubes pour les femmes. La densité moyenne pour le même
nombre de malades, de 1.019. La réaction a toujours été acide. Le
total des résidus était en général au-dessous de la normale. L'urée,
comme dans l'urine normale, variait avec la densité, mais son taux
général était abaissé.
Les phosphates étaient au-dessous de la moyenne chez les ma-
lades agités, et au-dessus chez les sujets déprimés. Les oxalates
étaient en excès chez six des malades déprimés. Dans trois cas sur
quatre, les chlorures ont été trouvés en excès après une attaque
d'épilepsie ; il en a été de même après une crise convulsive au
cours d'une paralysie générale. L'excès d'acide urique a été fré-
quemment observé dans la démence et plusieurs fois dans la para-
lysie générale. L'excès d'urates se rattachait ordinairement à un
état dyspeptique. On a trouvé de la peptonurie deux fois sur douze
cas de paralysie générale. Sur les 202 cas observés, l'albumine a
été trouvée quatre fois. Le sucre a été rencontré quatre fois, ce qui
fait rentrer les aliénés à cet égard dans la moyenne ordinaire.
R. DE MUSGRIN'E-CLIY.
240 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
XXX. Sur les rapports de l'épilepsie nocturne avec la rétro-éjacula-
tion du liquide séminal; par ALUN Mac LAIE IIAnrILTOM. (The
New York Médical Journal, 23 avril 1898.)
Tout le monde sait combien le diagnostic des attaques nocturnes
d'épilepsie est quelquefois difficile; et comment elles demeurent
souvent ignorées du malade, ne se traduisant au -réveil que par
des sensations assez peu caractéristiques. Dans ces cas l'inconti-
nence d'urine a une grande valeur séméiologique, et ce symptôme
est peut-être plus souvent qu'on ne pense chez l'enfant le premier
signe de l'épilepsie ; mais on n'a jusqu'ici attaché que peu ou point
d'importance aux rapports de l'orgasme sexuel ordinaire avec la
névrose convulsive. Récemment l'auteur a pu observer un certain
nombre de cas dans lesquels il existait un symptôme peu com-
mun, et pouvant être rapporté à l'épilepsie de deux manières dif-
férentes, soit en précédant des crises convulsives apparaissant
pendant les heures de veille, soit parce que, en tant que phéno-
mène perturbateur du sommeil, il se présentait sous une forme
assez sérieuse pour qu'on fût amené à le considérer comme une
forme nette d'attaque épileptique nocturne. L'auteur pense donc
avoir découvert une forme de l'épilepsie nocturne consistant en
un orgasme vénérien sans écoulement du sperme au dehors, et se
terminant par une rétro-éjaculation du liquide séminal. Ces phé-
nomènes se présentaient sans être nécessairement accompagnés
de rêves voluptueux, et le malade n'en conservait que rarement le
souvenir, bien qu'il fut quelquefois éveillé en ce moment par une
sensation de contraction musculaire locale et de battement. L'ap-
parition ultérieure dans le cours de la journée suivante d'attaques
épileptiques bien caractérisées a convaincu l'auteur qu'il ne s'agit
pas là de l'acte physique ordinaire de l'éjaculation, mais qu'il s'a-
gissait effectivement d'un signe probant de l'épilepsie. Dans ces
cas, l'examen de l'urine révéla dans le liquide la présence de
spermatozoïdes qui ne s'y rencontraient pas à d'autres moments ;
et dans un cas, la présence d'une morsure récente de la langue
vint corroborer l'interprétation proposée. Quant à la rétro-éjacu-
lation par elle-même elle constitue un fait connu depuis longtemps.
Un semblable état de choses est-il la cause ou simplement un
épisode de l'épilepsie, c'est ce que l'auteur se déclare incapable de
décider. Mais ce qui résulte positivement de la connaissance de ces
faits, c'est que lorsque des troubles nocturnes de cet ordre existent
chez un malade, il convient de soigner, non seulement l'état local
s'il y a une lésion, mais encore de traiter le malade comme un
épileptique avéré ; et si un problème médico-légal venait à surgir,
il serait nécessaire d'examiner quotidiennement l'urine à l'aide du
microscope et de rechercher avec soin les autres symptômes propres
à confirmer le diagnostic d'épilepsie. Il. DE 1\lUSGItAVE-CLAY.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 241
XXXI. Le phocomelus de l'humérus dans l'épilepsie considéré
comme un stigmate de dégénérescence, avec deux observations;
par L. l'IEaas Clark. (The Nezo York Médical Journal, 13 mai 1899.)
Si la fréquence et la variété des stigmates que l'on rencontre
dans une maladie peuvent donner la mesure de son degré de dé-
générescence, l'épilepsie doit figurer au premier rang avec l'idiotie
et l'imbécillité. L'auteur tient d'abord à expliquer que s'il a em-
ployé le terme phocomelus, qui est ordinairement pris dans la
littérature médicale dans le sens d'une monstruosité, c'est à cause
de son étymologie et pour désigner le raccourcissement du membre,
et non point pour l'assimiler à une monstruosité, puisqu'il entend
simplement en faire un stigmate. L'humérus est de beaucoup l'un
des os longs qui présentent le moins de variétés de longueur, et
dans le petit nombre d'anomalies qui lui sont attribuées, l'épilep-
sie n'est pas mentionnée. La bibliographie de l'anthropométrie est
fort étendue et surtout alimentée par les auteurs français ; depuis
vingt ans, bien avant que les stigmates de dégénérescence aient
été admis par l'ensemble des médecins, Bourneville mesure avec
soin les épileptiques ; mais malgré les allusions fréquentes qu'il
fait à l'asymétrie du crâne, de la face, etc., on ne voit nulle part
qu'il ait soupçonné que les anomalies des os longs accompagnent
l'épilepsie ; il parle d'asymétrie, mais non d'anomalies ou de mons-
trtcosités. Féré, dans ses premiers travaux, ne parait pas s'en
préoccuper, et c'est seulement dans le Twentieth Centw'y Practice
qu'il reconnaît le raccourcissement des membres comme stigmate
épileptique.
L'auteur intercale ici une première observation due à Raymond
et Janet; il s'agit d'une jeune fille épileptique, âgée de dix-neuf
ans, présentant une asymétrie presque complète du corps ; le
crâne est irrégulier, le côté gauche de la face moins développé, le
côté gauche du thorax plus petit. Les deux bras sont de longueur
inégale ; à gauche la distance de l'acromion à l'épicondyle est de
28 centimètres, et à droite de 29 centimètres. Les deux avant-bras
présentent le même degré d'asymétrie. Il existe un raccourcisse-
ment correspondant des extrémités inférieures.
L'auteur passe ensuite en revue les travaux publiés dans divers
pays. En France, Féré, jusqu'au travail mentionné plus haut, ne
s'est pas occupé du raccourcissement du membre. Il passe ensuite
aux travaux publiés par Bourneville et ses internes; en raison du
caractère très novateur et très complet de ces travaux, en raison
surtout des mensurations prises systématiquement pendant des
années, M. Clark avait espéré trouver là l'indication de quelques
anomalies ; or dans toutes les observations publiées avec détails,
l'humérus a été mesuré et il est toujours indiqué comme de lun-
gueur égale des deux côtés ; cinq ou six cas, dans lesquels Bour-
AnCII1YES, 2* série, t. IX. 16
242 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
neville signale un degré très accusé de raccourcissement progressif
consécutivement à une hémiplégie associée à l'épilepsie, ne peuvent
entrer en ligne de compte puisqu'il s'agit là d'une conséquence
pathologique et non pas d'un stigmate congénital ; l'auteur résume
cependant, en raison de l'intérêt qu'elles présentent, quelques-unes
de ces observations. Il passe ensuite aux auteurs italiens : l'im-
portance que l'école deLombroso attache aux sigmates de dégé-
nérescence lui avait fait espérer des faits intéressants ; mais Lom-
broso ne mentionne même pas ce sujet. Tonnino, qui publie un
volume sur les rapports de l'épilepsie avec la dégénérescence, ne
parle pas des os; Donaggio publie un article sur le développement
des membres dans l'épilepsie, mais ne s'occupe que des muscles,
et mesure la circonférence des membres en négligeant leur lon-
gueur. Enfin Virchow a publié sur le phocomelus, en 1898, un travail
que M. Clark n'a pu se procurer.
L'auteur examine ensuite l'asymétrie humérale considérée
comme fait anthropologique ; il résume les données fournies par
Guldberg, Arnold, Krause, Rollet, von liasse et ! \1atiezJ¡a ; ce der-
nier auteur donne de ses recherches les conclusions suivantes : chez
les adolescents, les extrémités sont souvent d'égale longueur; l'ex-
trémité droite est ordinairement la plus longue, surtout chez
l'homme ; chez l'adulte la symétrie parfaite est rare, et c'est
encore le côté droit qui est prédominant. L'auteur rapporte en-
suite deux observations : la première est celle qui a été publiée
avec une photographie, par le Dl' Peterson ; la malade est passée
depuis sous la direction du D1' Clark, qui a complété l'observation;
il signale surtout à propos de cette malade un détail fort intéres-
sant et que le D1' Peterson avait omis d'indiquer, c'est que le
membre du côté opposé au phocomelus était hémiplégique depuis
la première enfance. La deuxième observation est complètement
personnelle à l'auteur. Il. de ! \1USGRAVE-CLAY.
XXXII. Paranoïa ; par Ross GEORGE Loor. (The New York Médical
Journal, 8 octobre 1898.)
On sait que la paranoïa est un délire systématisé dans la pro-
duction duquel l'hérédité joue un rôle important ; elle est plus
rare que la manie et la mélancolie dont elle diffère radicalement
dans la plupart de ses manifestations; le délire systématisé peut
être expansif ou hypocondriaque, ou bien encore ces deux variétés
peuvent alterner. L'intelligence est souvent peu atteinte, aussi
a-t-on désigné longtemps cette forme d'aliénation mentale sous le
nom de folie partielle ; cependant il est dangereux de laisser de
pareils malades en liberté. Elle est surtout fréquente chez la femme
à la puberté et à la ménopause. Elle rentre dans la catégorie des
maladies par dégénérescence, et les stigmates de cet état s'y ob-
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 243
servent très souvent. Elle se présente sous deux formes, une forme
primitive (Wahnsinn) et une forme secondaire (Verrùcktheit). La
première est brusque dans son début, la seconde se développe d'une
façon plus lente et plus progressive. Le pronostic est défavorable,
et le traitement ne donne guère de résultats. Ce mémoire est suivi
de trois observations. H. de ! \IOSGR : 1VR-CL.1Y.
XXXIII. Le crétinisme sporadique; son diagnostic différentiel avec
certaines formes d'idiotie et avec d'autres maladies ; par Henry
IOPLIA. (The New York Médical Journal, 4 septembre 1897.)
L'auteur commence son travail par un historique sommaire de
la question du crétinisme en Amérique et passe ensuite à la défi-
nition du crétinisme sporadique. Le crétinisme sporadique, ou
myxoedème infantile ou congénital doit actuellement com-
prendre les cas congénitaux autrefois décrits sous le nom de ra-
chitisme congénital. Il peut, soit être congénital ou foetal, soit ap-
paraître quelque temps après la naissance. Le tableau clinique du
crétinisme endémique et du crétinisme sporadique est similaire,
mais non identique. Ici se place un résumé historique de l'étude
du crétinisme endémique sur lequel nous n'insistons pas.
Hilton Fagge a le premier employé le terme de crétinisme spo-
radique, et à l'heure actuelle nous désignons par cette dénomi-
nation un état particulier, analogue par beaucoup de ses traits
cliniques, au crétinisme endémique, apparaissant soit pendant la
vie intra-utérine, soit quelque temps après la naissance, et dû
probablement au poison qui agit sur le corps thyroïde et cause la
dégénérescence myxoedémateuse ou crétinoïde. Il y a quelques-
unes des particularités du crétinisme sporadique qui ne se ren-
contrent pas dans la forme endémique; dans cette dernière, par
exemple, nous avons constaté la réunion des sutures osseuses du
crâne ; dans les cas sporadiques, au contraire, on remarque
une tendance contraire, les fontanelles et les sutures demeurent
longtemps sans se réunir, et la dentition est retardée. Dans la
forme sporadique, la peau est beaucoup plus nettement myxoedé-
mateuse que dans la forme endémique.
L'auteur a observé plusieurs cas de crétinisme sporadique, et il
les relate dans son travail ; le premier de ces cas était remarquable
par trois particularités très accentuées : l'état myxoedémateux, la
macroglossie, et l'abaissement de la température rectale. La mar-
che avait été très tardive, et était demeurée incertaine, comme
dépourvue d'aplomb. La macroglossie a diminué lentement. Les
mains sont restées un peu volumineuses. Traitement : médication
thyroïdienne. Il est à remarquer que cet enfant avait eu de l'ictère
des nouveau-nés, et que deux autres malades atteints comme
celui-;ci de crétinisme sporadique, et dont l'une était sa soeur, ont
également eu de l'ictère.
244 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
Dans le second cas, où une amélioration fut obtenue comme
chez le malade précédent et par le même traitement, il y avait
prédominance des symptômes myxoedémateux ; l'enfant avait été
bien portant jusqu'à l'âge de quinze ou seize mois; à ce moment,
apparition d'abcès multiples, dont quelques-uns ressemblaient à
ceux de la syphilis congénitale, à laquelle pourtant ils ne se ratta-
chaient nullement; en s'ouvrant ils donnaient non du pus, mais
un liquide blanchâtre, crémeux ; ils disparurent sous l'influence de
la médication thyroïdienne. 11 faut noter en passant qu'une sus-
pension passagère de cette médication fit reparaître tous les symp-
tômes myxoedémateux. L'enfant est resté très arriéré, mais non
dépourvu d'intelligence. Il peut marcher sans être soutenu. La
voix a un timbre normal. Le petit malade a toujours froid.
Dans le troisième cas, il s'agit d'un enfant d'un mois qui pré-
sentait de légers symptômes de crétinisme. Sa mère avait déjà ac-
couché d'un crétin. L'aspect absolument stupide de l'enfant, l'a-
baissement de la température rectale, la conformation particulière
des extrémités, surtout par rapport au tronc, l'épaississement de
la langue, les rides du front et des mains, le front bas, rappelant
celui d'un animal, l'épaisseur des lèvres, la macroglossie, la ru-
desse du cri, enfin l'amélioration immédiate de la plupart de ces
phénomènes sous l'influence du traitement thyroïdien, tout cela
indiquait nettement qu'il s'agissait d'un cas de crétinisme congé-
nital. Il est intéressant de remarquer que, dans ce cas, la propor-
tion de l'hémoglobine au début était plus élevée que plus tard,
bien que la médication thyroïdienne ait été immédiatement em-
ployée, ce qui semblerait indiquer que l'anémie du crétinisme se
développe à mesure que la maladie progresse, et n'existe pas
encore à la période initiale.
Dans ces différents cas, le traitement thyroïdien a certainement
arraché ces petits malades à une idiotie perpétuelle, mais il n'a pu
aboutir à la restauration parfaite de l'état psychique.
Des cas pouvant simuler le crétinisme ont été publiés par divers
observateurs, tantôt comme des cas de pseudo-crétinisme, tantôt
comme des cas de crétinisme vrai. La dénomination de pseudo-
crétinisme est passible de plusieurs objections, mais il demeure
certain qu'il y a des cas qui pour n'être pas du crétinisme vrai,
sont très difficiles à classer. L'auteur va essayer de décrire quel-
ques-unes de ces formes spéciales et de montrer en quoi elles dif-
fèrent du crétinisme vrai ; il envisagera successivement : 1° le na-
nisme, avec idiotie, et arrêt partiel du développement intellectuel;
1.0 l'idiotie du type mongolien ; 3° la lipomatose généralisée (qui
est une forme d'idiotie partielle avec accumulation graisseuse) ;
4° un état spécial d'bydrémie anémique qu'il faut distinguer de la
dégénérescence du crétinisme.
1° L'auteur a pu observer un cas de la première catégorie ; il
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 245
s'agit d'une fillette de dix ans et demi née de parents sains, mais
dont une tante était épileptique. Cette naine était très bien confor-
mée, avec des pieds et des mains parfaitement proportionnées. La
tête était de forme régulière avec légère tendance à la brachycé-
phalie. Pas de myxoedème; l'enfant est intelligente, curieuse de
s'instruire, joue volontiers avec d'autres enfants; elle ne parle que
depuis un an. La température rectale est normale. L'enfant se met
facilement en colère. L'expression du visage n'est pas celle du cré-
tinisme ; pas de prognathisme.
2° Le type mongolien de l'idiotie a peut-être plus que tout autre
type, été rangé parmi les faits de crétinisme. Les idiots du type
mongolien présentent en effet un grand nombre de particularités
qui les font ressembler aux crétins ; ils ont en outre fort souvent
du strabisme et leurs yeux sont manifestement du type mongo-
lien. La tête est petite, souvent du type brachycéphalique, les fon-
tanelles restent longtemps ouvertes et la dentition est retardée.
Mais il n'y a pas de myxoedème, et les mains, quoique plates, ne
sont pas en soucoupe comme celles-des vrais crétins; il manque
enfin cette teinte verdâtre de la peau et ce prognathisme qui se
rencontrent dans le crétinisme. Les muscles sont flasques, mais il
n'y a pas de difformité des membres. L'action favorable du traite-
ment thyroïdien chez ces malades est encore discutée. L'auteur
rapporte ici une observation résumée d'idiotie du type mongolien
accompagnée de macroglossie.
3° La lipomatose généralisée est excessivement rare ; M. Koplik
a été assez heureux pour en rencontrer un cas : il s'agit d'un en-
fant de dix ans, sans hérédité ; la tête était petite et le front bas;
mais là s'arrêtait la ressemblance avec le crétinisme. Il n'y avait
pas de prognathisme, pas de myxoedème, pas d'anémie. L'accu-
mulation adipeuse était énorme. L'intelligence était bornée. La
faiblesse et le tremblement musculaire, ainsi que la cécité partielle
que l'on observait chez ce petit malade paraissaient une consé-
quence de la dégénérescence graisseuse.
4° Le dernier ordre de faits renferme les états d'anémie hydré-
mique, dans lesquels le gonflement des paupières, de la face et des
lèvres, simule pour un observateur inexpérimenté, un début de
dégénérescence myxoedémateuse. Mais l'hydrémie s'étend rare-
ment à d'autres parties du corps. La température rectale est nor-
male, et l'intelligence de ces malades est ordinairement très vive.
Dans aucun des cas publiés on n'a trouvé d'albuminurie. En somme
l'analogie avec l'état myxoedémateux est tout à fait superfiéielle.
Il n'y a pas de macroglossie, pas de chute des cheveux, pas de sé-
cheresse ni de dureté de la peau ; l'auteur rapporte ici deux obser-
vations résumées de cette maladie. R. DE Musgrave-Clay.
246 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
XXXIV. La marche vers la folie; par SmTx Bai;En. (The New York
Journal, 14 août 989'7.)
Les éléments de la marche progressive vers la folie se rencon-
trent surtout dans l'atavisme, dans le mariage, dans les défauts
de l'éducation. Les données fournies par ces divers éléments peu-
vent conduire à une prophylaxie utile de l'aliénation mentale.
1;. M. C.
XXXV. La nouvelle loi sur la folie et sur l'internement des aliénés;
par S.-B. Lyon. (The Nezv York Médical Journal, 10 août 1897.)
Commentaire et discussion de la législation sur les aliénés mise
récemment en vigueur dans l'Etat de New-York. R. M. C.
XXXVI. Les points de différenciation entre la syphilis cérébrale
et la paralysie générale des aliénés ; par Iiocx T. PATRICK. (The
New York Médical Journal, 20 août, 27 août, 10 septembre et
17 septembre 1898.)
Ce travail est la reproduction de deux leçons cliniques faites
par M. Patrick; il constitue un exposé clair et méthodique de la
question, et à ce titre, il est intéressant. R. M. C.
XXXVII. Sur la limite scientifique entre l'état sain de l'intelligence
et la folie ; par Edward C. l3uncE. (The New York Médical Journal,
1er octobre 1898.)
Les conclusions de l'auteur sont les suivantes :
« 10 La folie est le symptôme de tout processus pathologique
intéressant les centres psychiques du cerveau; par conséquent la
ligne de démarcation entre l'état sain et la folie se trouve au point
précis où l'état pathologique du cerveau diverge de l'état sain du
cerveau, le mot cerveau étant pris dans le sens de centres psy-
chiques. »
. « 2° Les dénominations de « folie » et de « fous » doivent être
appliquées à tout état dans lequel se manifestent des déviations
du type normal de la fonction psychique. Si les mots soulèvent
ici quelque objection, nous ne demandons pas mieux que de les
supprimer et de les remplacer par d'autres ne présentant pas les
mêmes inconvénients. La disparition du langage scientifique cou-
rant de ces vocables, serait en effet accueillie par tout le monde
avec une réelle satisfaction, puisqu'ils demeurent entourés d'une
atmosphère de superstitions et de préjugés dignes du moyen
âge. »
« 3° Les opinions énoncées dans ce travail aideraient certaine-
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 247
ment à dissiper les pires malentendus qui existent au sujet de la
folie et des fous. Il ne faut négliger aucune occasion de faire à
cet égard une propagande systématique. Quand il demeurera
acquis une lois pour toutes que la folie est le symptôme d'une
véritable lésion du cerveau, une maladie comme toutes les autres,
accessible au traitement, nous qui luttons actuellement en faveur
des méthodes plus rationnelles et plus humanitaires, nous ren-
contrerons moins d'obstacles dans nos efforts pour obtenir ce qui
nous est nécessaire pour atteindre notre but. »
R. DE nIUSGR1'G-CLaY.
XXXVIII. Observation d'un cas de neuro-psychose traumatique ;
par C.-E. IDE. (The New York Médical Journal, 9 septembre 1899.)
Homme de cinquante et un ans, très bien portant, pas alcoolique
et ne paraissant pas syphilitique. En octobre 1893, il est projeté
hors de sa voiture, perd connaissance, et revenu à lui, a beaucoup
de peine à marcher. Il resta au lit environ une semaine avec les
symptômes suivants, que nous résumons : pour le cerveau : cé-
phalalgie occipitale sourde, insomnie, sensation de bandeau fron-
tal, endolorissement du cuir chevelu; pour l'intelligence :
crainte morbide de voir du monde, abattement moral; pour la
moelle : douleur au dos, aux bras, au ventre : tremblement des
mains et des bras; pour l'appareil digestif, selles muqueuses et
sanglantes ; pour la sensibilité et la motilité : dysphagie,
vision imparfaite, tintements d'oreille.
Lorsqu'il quitte son lit on note, pour le cerveau les mêmes
symptômes; pour l'intelligence, le malade ne veut ni voir du
monde ni rester seul : il est irritable (il ne l'était pas) et oublieux;
pour la moelle, il a mal au dos, il boite; il y a de la paralysie
des jambes et de la vessie, de l'hyperesthésie de la peau du dos,
de la diminution de la puissance génitale, du tremblement des
mains et des bras, de l'exagération du réflexe rotulien; - au
point de vue vasomoteur, froid aux extrémités, sueurs exagérées,
teinte bleue des pieds et des mains, tachycardie, palpitations;
pour l'appareil digestif, constipation, anorexie, dyspesie, douleurs
intestinales et épigastriques; au point de vue sensoriel et mo-
teur : tintements d'oreilles, vision imparfaite et photophobie,
dysphagie, exagération de l'ouïe, limitation concentrique du
champ visuel, conjonctive injectée, asthénopie motrice, sensibilité
douloureuse des globes oculaires : diminution de la sensation du
toucher et de la thermo-esthésie, lenteur du sens musculaire, etc.
- Le malade s'amaigrit rapidement, et lui qui était grand tra-
vailleur, perdit absolument le goût du travail. Comme il y avait
en jeu une question de dommages-intérêts, on pouvait se deman-
der s'il n'y avait pas simulation : l'auteur, pour de bonnes rai-
248 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
sons, repousse cette hypothèse; aussi admet-il qu'il s'agit dans ce
cas d'une neuro-psychose traumatique vraie. R. M. C.
XXXIX. Etude sur l'histoire naturelle des manifestations cliniques
et des altérations pathologiques dans les maladies du poumon
chez les aliénés; par-H.-A. TOMLINSON. (The New Y01'k.Medical
Journal, 11 mars 1899.)
Les recherches de l'auteur ont porté sur 167 décès dont 50 ont
été attribués à la phthisie. Sur 72 autopsier 24 étaient des cas de
phthisie; mais même dans les autres autopsies on a toujours
trouvé des lésions pulmonaires. Une recrudescence de tuberculose
dans l'asile à un moment donné était manifestement due à ce que
la moitié au moins des vaches de l'asile était tuberculeuse : cette
cause a été puissamment aidée par l'encombrement. Dans la plu-
part des cas où la tuberculose a été constatée, elle était récente.
On a trouvé la dégénérescence du tissu pulmonaire aussi souvent
dans les cas d'insuffisance rénale que dans ceux qui se ratta-
chaient à la phthisie, et en fait des lésions se sont rencontrées
dans presque toutes les autopsies : quand elles manquaient on
trouvait tout au moins une augmentation de la densité du pou-
mon. où le microscope révélait une hyperplasie du tissu connectif.
Dans tous les cas aussi on a trouvé des adhérences pleurales,
accusées surtout 'dans les cas de phthisie naturellement, et attei-
gnant leur minimum de fréquence chez les paralytiques généraux.
L'accroissement de la densité pulmonaire était d'autant plus
marqué que le malade avait présenté des stigmates de dégénéres-
cence plus accusés, et se retrouvait d'ailleurs à un égal degré dans
d'autres organes, dans le foie, dans la rate, dans les reins.
Un fait curieux à signaler a été l'apparition chez des dégénérés
primitifs d'une affection aiguë avec températures élevées et pros-
tration considérable, s'accompagnant d'expectoration abondante,
de troubles digestifs intenses, de perte d'appétit, d'émaciation,
et dans laquelle les crachats contenaient d'innombrables bacilles.
Le tableau clinique rappelait absolument ce que l'on décrivait
naguère sous le nom de phthisie catarrhale aiguë. Puis les bacilles
disparaissaient, l'expectoration cessait et le malade guérissait;
aucun des malades ainsi atteints n'est mort de tuberculose.
Dans un grand nombre de cas, exception faite pour ceux dont
le début a été brusque, la tuberculose a évolué lentement et
l'amaigrissement n'a jamais été excessif. Dans les cas lents, les
bacilles sont peu abondants et peuvent manquer complètement,
mais on rencontre toujours des staphylocoques, des streptocoques
et quelquefois des pneumocoques. Dans les cas rapidement mor-
tels au contraire, les bacilles sont très abondants. Les hémoptysies
sont rares ou nulles chez les aliénés.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 29
Le type de dégénérescence pulmonaire que l'on observe chez les
aliénés se rapproche de celui que l'on observe dans la tuberculose
des vaches : et l'absence des symptômes les plus intolérables de
la phthisie (douleur, dyspnée, toux, expectoration) chez les dé-
ments dégénérés nous montre précisément à quel point la dé-
chéance mentale rabaisse alors l'homme au niveau de l'animal.
On se demande souvent, en faisant une autopsie d'aliéné tuber-
culeux comment la vie est demeurée possible avec une destruction
si étendue du tissu pulmonaire.
En somme, la phthisie chez les aliénés, et surtout dans les vieux
asiles est proportionnellement plus commune comme cause de
mortalité que dans la pratique médicale ordinaire. Elle a donné,
pour la dernière année étudiée, dans l'asile que dirige l'auteur,
37 décès, c'est-à-dire 46 p. 100 du chiffre total des décès.
L'auteur ajoute qu'il a été conduit par une étude attentive de
l'anatomie pathologique des poumons et des autres viscères chez
les aliénés à admettre qu'il existe toujours chez ces malades un
état fibreux, très accusé chez les dégénérés primitifs, moins mar-
qué dans les types instables. Le genre de vie des aliénés dans les
asiles les y prédispose d'ailleurs. Il. de Musgrave-Clay.
XL. Sur le diagnostic précoce de la démence paralytique ; par
STEWART PATON. (The New York Médical Journal, 3 septembre
1898.) .
Deux écoles sont en présence, relativement à l'étiologie de la
démence paralytique : pour Tune d'elles, représentée surtout par
Hirschl ee Vlobius cette maladie n'est qu'une forme tardive de la
syphilis; pour l'autre, représentée par Naecke, la syphilis serait
un facteur important, mais insuffisant s'il n'était renforcé par
l'hérédité. Bien que la démence paralytique puisse être observée
dans la jeunesse et aussi à un âge très avancé, ce n'est pas de ces
cas précoces ou tardifs que l'on veut s'occuper ici, mais surtout de
ceux qui se manifestent à l'âge, beaucoup plus habituel, de qua-
rante à cinquante ans. On peut appliquer à la précocité du
diagnostic de la démence paralytique, cette remarque de Heine
qu' « il n'y a qu'un philosophe qui puisse diagnostiquer la folie ».
La possibilité pour la période prodromique de durer plusieurs
années ajoute souvent à la difficulté du diagnostic, sans compter
que les symptômes de cette période, comme ceux des périodes
suivantes d'ailleurs, peuvent être influencés par beaucoup de
facteurs assez mal dégagés jusqu'ici, et parmi lesquels il faut
mentionner les différences de climat. La grande variété de formes
sous laquelle la maladie peut se présenter, ressort suffisamment
de la simple lecture de la classification d'Arnaud qui décrit une
forme démente (sans délire); une forme ambitieuse ou expansive;
250 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
une forme mélancolique; une forme mixte; une forme circulaire
ou alternante ; une forme spinale, et enfin une forme épileptique.
On a beaucoup insisté sur ce qu'on a appelé improprement les
formes classiques, et trop peu sur le caractère protéiforme des
premiers indices de trouble mental, qui sont ordinairement plus
apparents pour la famille que pour le médecin. Assez souvent les
premiers symptômes sont pendant assez longtemps ceux de la
neurasthénie (Binswanger). Souvent aussi on constate de l'irrita-
bilité dans le caractère et de l'insomnie. Les phénomènes soma-
tiques à ce moment peuvent faire complètement défaut. On sait
que la diminution ou la perte de la puissance sexuelle est souvent
précédée par une période d'activité génitale exagérée. Ou ne sau-
rait trop insister sur la nécessité qu'il y a pour le diagnostic à ne
pas admettre que la démence paralytique à sa première période
est caractérisée par un ensemble bien défini de symptômes psy-
chiques. Au point de vue des troubles locaux, les symptômes ocu-
laires occupent ordinairement la première place dans l'ordre
chronologique (inégalité pupillaire et ophthalmoplégie interne et
externe). Siemerling et Bodeker insistent sur la rareté de la para-
lysie des muscles de l'oeil, et Ballet sur la diminution ou la perte
du réflexe de l'accommodation. Les altérations ophthalmoscopiques
sont très fréquentes, mais nullement pathognomoniques. Dans la
majorité des cas les réflexes profonds sont exagérés durant la
première période; quant aux réflexes tendineux ils demandent à
être mieux étudiés qu'ils ne l'ont été jusqu'ici. Les symptômes
moteurs sont très importants, et caractéristiques en ce qu'ils ne
suggèrent pas l'idée d'une perte de l'action musculaire, mais d'une
suspension ou d'une inhibition de l'impulsion volontaire. Les
troubles moteurs sont ordinairement transitoires et susceptibles
de rétrocéder, presque jamais progressifs, et sont ordinairement
précédés par des attaques apoplectoïdes ou épileptoïdes. Le trem-
blement des muscles de la face et de ceux des extrémités est un
signe précoce; les troubles de la parole dépendent de deux élé-
ments, l'un cortical et l'autre bulbaire. Dans bien des cas les
symptômes bulbaires font défaut. Les troubles psychiques de la
parole et de l'écriture sont habituellement caractérisés par une
incoordination générale non seulement dans la formation des
mots et des phrases mais encore dans l'expression des idées. Il
peut y avoir des symptômes aphasiques, mais l'aphasie vraie ne
se rencontre pas, sauf le cas de complications. La sensibilité géné-
rale n'a pas été suffisamment étudiée dans les périodes de début,
mais si l'on se reporte aux lésions nombreuses qui ont été cons-
tatées dans les faisceaux sensoriels de la moelle, on sera amené à
croire que ses altérations sont plus fréquentes qu'on ne le pense
d'ordinaire, mais qu'elles passent souvent inaperçues en raison
de l'état mental du malade. Lorsque la maladie débute par des
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 231
attaques épileptiformes, il faut faire le diagnostic différentiel avec
l'épilepsie : l'âge du malade y aidera beaucoup, l'épilepsie étant
une maladie à début jeune. En résumé le diagnostic de la dé-
mence paralytique au début est toujours difficile, mais peut
cependant être établi avec un degré considérable de certitude, en
se basant non sur un signe palhognomonique, mais sur un grou-
pement de symptômes. En tout cas il ne doit jamais reposer uni-
quement sur les symptômes psychiques. '
R. DE nIUSGR.IVE-CL : 1Y.
XLI. Le diagnostic précoce de la paralysie générale' (démence
progressive); par B. S.\CHS. (The New York Médical Journal, juillet
1898.)
Les conclusions présentées par l'auteur sont les suivantes :
La paralysie générale ou mieux encore la démence paralytique
constitue une désignation commode des manifestations cliniques
d'un grand nombre de processus morbides différents affectant le
cerveau, et aboutissant finalement à l'atrophie et à la destruction
des éléments cérébraux, surtout des éléments corticaux. Le type
classique de la démence paralytique représente la plus grave de
ces maladies et se termine fatalement dans au moins 95 cas
sur 100; mais il est bon de se souvenir qu'il est d'autres formes
morbides, ayant avec le type fondamental une si étroite ressem-
blance que le diagnostic différentiel peut être fort malaisé et dont
cependant le pronostic peut quelquefois être beaucoup moins
défavorable. C'est pour cette raison, et aussi à cause des faits
qu'il a euToccasion d'observer que l'auteur conseille une étude
très attentive de la période initiale de la paralysie générale et
recommande de ne pas perdre de vue la possibilité des longues
rémissions et même de la guérison complète.
Il se peut que la maladie se soit modifiée; mais il est probable
que notre opinion sur ce point tient surtout à ce que d'autres
formes pathologiques deviennent plus fréquentes, ou à ce que
nous savons mieux les reconnaître qu'autrefois. -
La survie actuellement plus longue à partir du moment où la
maladie est constatée est peut-être due à ce que le malade est
entouré de plus de soins, mais peut-être aussi à ce que les symp-
tômes initiaux sont reconnus plus tôt. Parmi ces symptômes les
signes de trouble mental ont surtout une importance prépondé-
rante, car on ne pourrait pas faire le diagnostic sur la foi des
seuls symptômes physiques. Mais lorsque les signes physiques
coïncident avec un trouble mental quelconque, ils prennent une
' L'auteur emploie le mot parésie : nous conservons dans l'analyse de
son travail la dénomination, plus habituelle, de paralysie générale.
zu SOCIÉTÉS SAVANTES.
toute autre valeur; parmi ces signes de début il faut noter le
tremblement de la face, l'hésitation de la parole, la trémulation
du langage et les anomalies de la réaction pupillaire. Ce dernier
signe doit être étudié avec beaucoup de soin, car il fournit sou-
vent des indices relativement à une intoxication, alcoolique ou
autre. -
L'auteur, en terminant, tient à revenir sur ce fait que la pré-
sence des symptômes communément regardés comme apparte-
nant à la paralysie générale n'implique pas nécessairement
l'existence d'une maladie mortelle, et que par conséquent il con-
vient de ne jamais désespérer et de faire bénéficier le malade d'un
traitement raisonné et assidu, tel qu'on le dirigerait contre une
maladie réputée curable. R. DE MUSGRAVE-CLAY.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE.
Séance du lce février 1900.
Spondylose rhizomélique. MM. VACHARD et Clerc présentent un
malade atteint d'ankylose des septième vertèbre cervicale, pre-
mière, deuxième, troisième, quatrième dorsale avec cyphose
en ligne brisée, atrophie musculaire avec contractions fibril-
laires de la région cervico-scapulaire et humérale, scoliose légère
et ankylose double des articulations scapulo-humérales. Ce serait
une spondylose rhizomélique à début supérieur tant l'homologie
est complète avec la spondylose rhizomélique à marche commune,
frappant tout d'abord les membres inférieurs. A ceci s'ajoute de
la dissociation de la sensibilité ; l'atrophie musculaire revêt la
forme syringomyélique et au début il y a eu des douleurs à type
et localisation pachyméningitique cervicale. Ne pourrait-il pas
y avoir un rapport quelconque entre ces altérations médullaires
et la spondylose.
M. LEUGNET LAVASTI1E présente un cas typique de spondylose
rhizomélique ; le malade a une ankylose complète de la colonne
vertébrale (cyphose dorso-cervicale, lordose lombaire et scoliose à
concavité gauche) et des deux articulations de la hanche. Les ar-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 253
ticulations temporo-maxillaires sont presque complètement immo-
biles et l'articulation de l'épaule droite ne permet qu'une abduc-
tion de 30° environ. Le malade pour se tenir debout présente une
attitude en Z ; quand il marche les pieds croisent à chaque pas
l'axe de direction. On note de l'atrophie simple des muscles
grands pectoraux et grands fessiers (sans modifications de l'exci-
tabilité et de la contractilité électriques) et des mouvements
fibrillaires. Les formules hématologiques et urinaires sont nor-
males.
Sur un cas a" hémispasme. J. 13AUmsm. - Voici un malade âgé de
trente-quatre ans, qui est atteint d'un hémispasme dont le début
remonte à quatre ans et qui occupe le côté gauche du corps. Les
mouvements spasmodiques apparaissent à tout instant quand le
malade est à l'état de veille ; ils se reproduisent jusqu'à huit et
dix fois par minute; ilssont surtout intenseslorsque le malade est
debout et qu'il cherche à porter le bras gauche en avant. Ou voit
alors l'avant-bras gauche fléchir énergiquement surle bras, l'épaule
gauche se soulever, la tête se porter en arrière et exécuter en
même temps un mouvement de rotation de gauche à droite ; on
observe aussi parfois quelques mouvements spasmodiques peu
marqués dans le membre inférieur gauche. Ce spasme n'est pas
douloureux. Il disparait complètement pendant le sommeil. Il
n'existe aucun trouble de la contractilité électrique; il n'y a pas
d'amyotrophie. La sensibilité est normale. Il en est de même des
réflexes tendineux. Outre le spasme, les seuls phénomènes patho-
logiques qui aient été constatés sont les suivants : tandis qu'à
droite la forme du pied et le réflexe cutané plantaire sont nor-
maux, à gauche le gros orteil est étendu sur le métatarse et le cha-
touillement de la plante du pied accentue encore cette attitude
en exagérant l'extension du gros orteil.
Au cou le spasme occupe principalement le trapèze et le sterno-
mastoïdien gauches ; la forme des mouvements, leur mode de
succession, l'attitude à laquelle ils donnent lieu reproduisent le
tableau classique de l'affection connue sous la dénomination d'hy-
perkinésie du spinal, de spasme fonctionnel ou de crampe fonc-
tionnelle du cou, de torticolis mental. Il n'est pas rare, du reste,
que le spasme du cou s'associe à des mouvements spasmodiques
du bras. Ce qui fait la rareté de ce cas c'est que le spasme du
membre supérieur est ici très marqué et que le membre inférieur
est atteint. Mais l'intérêt principal de cette observation consiste
en ce qu'elle peut contribuer à éclairer la pathogénie du spasme
fonctionnel-du cou. J'attire en particulier l'attention de la Société
sur l'état du réflexe cutané plantaire; l'excitation de la plante du
pied donne lieu à de la flexion du gros orteil à droite et à de l'ex-
tension du gros orteil du côté gauche. Or, si l'on admet que tous
254 SOCIÉTÉS SAVANTES.
les phénomènes nerveux observés chez ce malade sont de même
origine, qu'en particulier le spasme musculaire dépend de la
même cause que le trouble dans le réflexe plantaire, et je ne vois
aucune i aison pour supposer qu'on ait affaire ici à une association
de deux maladies différentes, si, d'autre part, conformément il l'opi-
nion que j'ai soutenue et qui à été acceptée par la plupart des
neurologistes, l'on admet aussi que le phénomène des orteils est un
indice d'une perturbation dans le fonctionnement du système py-
ramidal, on est amené à penser que c'est à une perturbation de ce
genre qu'il faut attribuer dans ce cas le spasme musculaire. Si
maintenant on considère que les caractères chimiques du spasme
du cou chez ce malade sont semblables à ceux qu'on observe dans
les cas ordinaires de spasme fonctionnel du cou, on est conduit à
cette idée que cette affection doit dépendre sinon toujours, au moins
parfois de quelque irritation du système pyramidal, dont je ne
saurais du reste préciser la nature.
Discussion : 1\1. Ballet fait observer que pendant le paroxysme
spasmodique la main de ce malade ressemble a une main athéto-
sique, ce qui n'est pourtant pas le cas, et la prédominance du
spasme est telle que tout le membre présente l'aspect d'un mem-
bre contracturé, l'erreur serait facile à commettre à un examen
superficiel. La pathogénie par altération pyramidale est admis-
sible ; mais elle ne doit être que secondaire, dans de tels cas le
processus mental doit toujours être à l'origine. En tout cas l'athé-
tose vraie reconnaissant pour cause une lésion pyramidale définie,
on peut comprendre la ressemblance entre ce syndrome et celui
présenté par le malade examiné, chez qui le signe de Babinski
dénote une altération pyramidale.
M. Babinski. Malgré cette ressemblance, il n'y a pas identité
absolue entre les mouvements de la main de ce malade et ceux de
l'athétose dans notre cas la main prend souvent l'attitude d'une
main qui fait les « cornes ». L'état des réflexes diffère dans
l'athétose ; je ne nie pas la prépondérance originelle du trouble
mental,je constate seulement la'présence de l'irritation pyramidale.
M. Gilles de la TOURETTE. La valeur diagnostique du signe
de Babinski est-elle absolue ou relative ? Une de mes malades,
vingt ans, hystérique à crises convulsives très nettes, eutune grippe
et fut prise de fièvre et de coma, ce qui fit croire à des accidents
méningitiques, l'existence de l'hystérie connue permettait seule
d'espérer que ces accidents n'étaient que le fait de la névrose. Le
signe de Babinski devait trancher cette question; il fut positif.
Malgré cette constatation je préférai maintenir le diagnostic d'hys-
térie seule, que confirma promptement la guérison. Je pourrai
par contre citer des cas de lésions organiques où le signe des or-
teils a fait défaut. l.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 255
M. BABINS&I. Je ferai observer que je n'ai pas soutenu que le
phénomène des orteils fût nécessairement sous la dépendance
d'une grosse lésion du système pyramidal; j'ai dit que ce phéno-
mène est lié à une perturbation dans le fonctionnement de ce
système. Cette perturbation peut être passagère, comme cela a
lieu dans l'épilepsie, où pendant la crise on peut observer le signe
des orteils, alors que le réflexe est normal en dehors des crises.
11 ne me parait pas démontré que, dans le cas de M. Gilles de la
Tourette, il se soit agi de trouble moteurs hystériques; du reste.
ne serait-ce qu'en raison de la fièvre, on n'avait pas affaire là au
tableau classique de l'hémiplégie hystérique. Pour ma part je n'ai
jamais observé le phénomène des orteils dans l'hystérie; je ne l'ai
jamais constaté chez un malade dont le système pyramidal pût
être considéré comme normal ; et, s'il existe des cas de ce genre,
ils doivent être tout à fait exceptionnels. Je demande que le phé-
nomène des orteils soit maintenu à l'ordre du jour et que tous
mes collègues fassent des recherches pour fixer définitivement la
valeur caractéristique absolue ou non de ce signe.
Diabète hydrurique au cours de la Tuberculose. M. KuppEL.
Dans le cours d'une tuberculose ulcéreuse à marche subaiguë, un
malade fut pris brusquement d'une soif ardente ; puis, consécu-
tivement, d'une polyurie abondante. Il ne s'agissait là que d'un
diabète hydrurique : les huit ou dix litres d'urine émis quoti-
diennement par le malade ne renfermèrent jamais ni sucre, ni
excès d'urée. La survie se prolongea pendant deux mois.
On sait le rôle des infections et de l'auto-intoxication cachec-
tique sur le système nerveux ; le plus souvent, sous l'influence
de ces causes, il y a une hyperexcitabilité manifeste. Ne serait-ce
pas en créant cette hyperexcitabilité que la tuberculose fit appa-
raître le diabète hydrurique chez ce malade, qui d'ailleurs était
un prédisposé héréditaire ? Ici contrairement à ce qui semble se
produire ordinairement, c'est bien la soif et la polydipsie qui ont
précédé la polyurie.
Double syndrome de Weber avec autopsie. M. Souques.
Une femme de cinquante ans, à la suite de céphalée et d'étourdis-
sements, présente un double syndrome de Weber, ainsi caractérisé :
une hémiplégie gauche avec une paralysie complète et totale de
la troisième paire droite, d'une part, et une hémiparésie droite
avec une paralysie partielle et incomplète de l'oculo-moteur com-
mun gauche d'autre part.
A l'autopsie, on trouve des lésions bilatérales dans la région
pédonculaire ; dans le pédoncule cérébrale droit, un foyer de ra-
mollissement qui détruit le noyau rouge, les fibres de l'oculo-
moteur commun et une partie du pied du pédoncule ; dans le
pédoncule cérébral gauche, un foyer scléreux détruisant le quart
25b SOCIETES SAVANTES.
interne du pied du pédoncule et affleurant les fibres de l'oculo-
moteur gauche. Le moteur oculaire commun droit était complète-
ment dégénéré. Enfin, il existait deux foyers symétriques d'arté-
rite nodulaire, situés entre la bifurcation du tronc basilaire et la
communicante postérieure.
La filiation des lésions est la suivante : entérite nodulaire en-
globant dans son foyer l'origine d'une ou de plusieurs artérioles
pédiculaires, obstruction de celles-ci et foyer de ramollissement
dans le pondécule.
La topographie des lésions intra-pédonculaires explique physio-
logiquement les symptômes observés pendant la vie, c'est-à-dire le
double syndrome de Weber.
Deux cas de ramollissement du cervelet. M. Touche. Sa pre-
mière malade a présenté des symptômes tout à fait semblables
à ceux de la sclérose en plaques, à l'autopsie : ramollissement de
la face inférieure du cervelet. La seconde a éprouvé une chorée
généralisée étendue même à la face avec mouvements athéto-
siques, réflexes exagérés, secousses de toutle corps, sans douleurs
ni troubles objectifs de la sensibilité; à l'autopsie : ramollissement
aigu de la face supérieure du cervelet, comprenant le vermis et les
régions voisines.
M. Babinski. -A propos de la première malade, il n'y a pas lieu
de s'étonner si une lésion cérébelleuse a reproduit le syndrome de
la sclérose en plaques. Cette dernière affection ne s'accompagne du
tremblement typique que lorsque le cervelet est pris ou lorsqu'il
y a des plaques à localisation bulbo-protubérantielles intéressant
des fibres cérébelleuses. Quand la moelle est seule atteinte ce
tremblement n'existe pas.
D'une forme douloureuse de polynévrite tuberculeuse : du rôle im-
portant de la tuberculose en pathologie nerveuse. - 1\1. Dufour pré-
sente une femme de trente ans qui souffre depuis trois ans d'une
névrite douloureuse non mutrice; douleurs des membres inférieurs
exagérées parla marche, douleurs su perlicielles et des massesmus-
culaires : névralgies des membres supérieurs et du globe oculaire
avec troubles accommodatifs, phénomène de doigt mort. La pré-
sence d'adénopathies tuberculeuses non suppurées et de submatité
du sommet droit permet de rattacher ce cas à la bacillose. Il se
distingue des formes habituelles par sa longue durée, sa localisa-
tion purement sensitive, son évolution précoce.
A propos de ce cas, l'auteur rappelle le rôle important qu'il faut
faire jouer à la tuberculose comme facteur étiologique des maladies
du système nerveux.
Un cas de surdité et de cécilé verbales suivi d'autopsie. MM. P.
Sérieux et FARNAniER.H s'agit d'une femme de trente-six ans, chez
laquelle depuis quatre ans on a constaté de l'affaiblissement intel-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 257
tectuel, des attaques épileptiformes et de surdité verbale. Durant
son séjour de plus d'une année à Ville-Evrard, on a observé une
surdité verbale très caractérisée, permanente, presque complète,
de la cécité verbale, de l'agraphie et des troubles très notables
du langage parlé (diminution du vocabulaire, périphrases, para-
phasie, jargonaphasie). Assez fréquemment survinrent des. accès
épileptiformes suivis de surdité corticale totale passagère. Il existait
également des troubles moteurs, sensitifs et trophiques plus ac-
centués après les ictus.
A l'autopsie, sclérose cérébrale atrophique, probablement dif-
fuse (diminution de poids de 300 grammes, granulations ventricu-
laires), mais à prédominance très marquée au niveau des lobes
temporaux et frontaux des deux hémisphères. Les lobes temporaux
sont très notablement réduits de volume, surtout le lobe gauche.
Cette observation mérite d'être rapportée : 1° au point de vue
de la localisation de l'aphasie sensorielle ; 2° en ce qu'elle consti-
tue un exemple exceptionnel d'un cas d'aphasie due à la sclérose
cérébrale atrophique ; 3° comme contribution à l'histoire, à peine
connue, de la symptomatologie de la sclérose cérébrale de
l'adulte.
Epilepsie. M. de FLEURY présente les graphiques de la force
dynamométrique de deux malades atteints d'épilepsie générale
d'emblée avec prédominance dans un côté du corps de l'excitation
préparoxystique et de la fatigue post-convulsive. C'est quelque
chose d'intermédiaire entre l'épilepsie jacksonienne et l'épilepsie
générale.
M. de FLEURY présente deux cas d'épilepsie sensorielle (auditive).
Chez l'une et l'autre de ces malades, les accès se sont d'abord
constitués de simples bourdonnements d'oreille, qui sont allés se
rapprochant et augmentant d'intensité, pour aboutir à des atta-
ques convulsives. Suppression des accidents par le bromure à
petites doses et un régime alimentaire rigoureux..
Arthropathie trophiqite du genou consécutive à une fracture verté-
braie, M. A. Cilll'AULT.- Rien n'est plus rare queles arthropathies
trophiques consécutives aux fractures vertébrales. J'ai revisé avec
soin la bibliographie de la question. Le fait de J.-K. Mitchell m'a
tout l'air d'un cas de rhumatisme vrai réveillé par le traumatisme,
le fait de Gull d'un cas d'oedème hystéro-traumalique des extrémités,
le fait de Delprat d'un cas d'arthrite traumatique due au même
accident que la fracture vertébrale ; restent les faits d'Alexandrine
et de Morandeau, où sans avoir rien constaté cliniquement, on
a trouvé à l'autopsie du sang dans un certain nombre d'articula-
tions. Au contraire le fait dont je vous présente les radiographies
parait incontestable.
Il s'agit d'un homme de trente ans, d'une santé magnifique qui,
Archives, 2» série, t. IX. 17
258 SOCIÉTÉS SAVANTES.
à la suite d'une chute de voiture, se fit au mois de septembreder-
nier une fracture des troisième et quatrième dorsales avec paralysie
sensitivo-motrice complète etflasque, rétention d'urineetdesfeces,
bientôt eschares. Un mois après l'accident, sans cause locale, sans
cystite, sans fièvre, les genoux et les cousde-pied se mirent à gon-
fler, et en trois jours, se remplirent de liquide, particulièrement
abondant dans le genou gauche : la rotule flottait à plus de un
centimètre au-dessus des condyles. Epaississement manifeste des
extrémités articulaires du fémur et du tibia gauche. Pas de dou-
leurs. l'as d'ecchymoses, presque pas d'oedème périarliculaire.
Huit jours plus tard, des radiographies furent faites et permirent
de constater, outre la réalité de l'épaississement osseux, l'ossifica-
tion des ligaments latéraux interne et externe du genou. Depuis,
les épanchements ont diminué ; le genou gauche est seul tou-
jours très atteint. L'état sensitivo-moteur est stationnaire. Il y a
de la fièvre, les eschares se sont creusées. Le pronostic est grave.
Par son évolution et les constatations radiographiques, l'arthro-
pathie me parait dans ce cas, être de nature trophique. Elle se
rapproche des arthropathies analogues constatées à la suite de
coups de couteau de la moelle par les professeurs Joffroy, Vignes,
Kirmisson, à la suite d'une paralysie pottique grave par Vincent,
de tumeurs des méninges rachidiennes par moi-même, arthro-
pathies où un épanchement presque toujours sanguin constitue
l'élément clinique essentiel et qui semblent d'un pronostic assez
bénin, soit à cause de la curabilité de la lésion médullaire, soit au
contraire parce que le malade, immobilisé au lit, ne peut, con-
trairement à ce que font les ataxiques, traumatiser sans cesse
son articulation malade.
Psychose d'origine infectieuse.- M. Ballet pour M. ANGGLAD cite
le cas d'un malade atteint de polynévrite des membres inférieurs et
de tuberculose qui présentait en outre un délire actif de persécu-
tion, à l'autopsie duquel on trouva des lésions du faisceau posté-
rieur. M. Anglade insiste sur ce fait que les idées de persécution
sont consécutives aux douleurs par le fait du besoin d'interpréta-
tion de la part du malade. Dans un tel cas si l'on peut dire
névrite infectieuse, il est impossible de dire psychose infec-
tieuse. Ce terme doit être réservé pour les psychoses réel-
lement et directement causées par l'infection. Ici la marche
est la suivante : l'infection crée la névrite qui produit les douleurs,
et celles-ci par besoin d'explication provoquent la névrose chez un
prédisposé.
Réactions individuelles dans les intoxications. MM. JoFFROY et
SE : RVAUX. On voit des absinthiques présenter de très bonne
heure et avec des doses faibles de l'épilepsie; alors que d'autres avec
des excès énormes présentent des troubles profonds, mais pas .
SOCIÉTÉS SAVANTES. 259
d'épilepsie. Il y a chez l'homme une prédisposition héréditaire à
présenter telle réaction plutôt que telle autre sous l'influence des
poisons. Cette prédisposition spéciale individuelle se retrouve
aussi chez les animaux. Pour l'alcool éthylique, sur 113 lapins :
1 a eu de l'épilepsie; 4 des convulsions générales non épileptiques;
83 des convulsions localisées. Les autres, des accidents non con-
vulsifs. Pour le même poison sur 33 chiens : 1 a eu la grande
épilepsie ; 2 des convulsions localisées non épileptiques ; 29 des
accidents non convulsifs.
Pour le (1l1'{UfOt : sur 83 lapins ; 19 ont présenté la grande épi-
lepsie ; 18 des convulsions généralisées non épileptiques; ` ? des
convulsions localisées ; 23 des accidents non convulsifs.
Pour l'aldéhyde : sur 38 lapins ; 8 grande épilepsie, 9 convulsions
généraliséesnon épileptiques ; 22 convulsions localisées ; 19 acci-
dents non convulsifs. \
Pour l'absinthe : le poison étant donné lentement, graduellement
jusqu'à ce que la mort survienne; sur 10 lapins : 1 a eu la grande
épilepsie ; 2 des convulsions généralisées non épileptiques; 4 des
convulsions localisées ; 3 sont morts sans convulsions.
Pour la morphine : sur 38 lapins; 11 ont eu la grande hystérie ;
9 des convulsions généralisées sans épilepsie ; 10 des convulsions
localisées ; 8 des accidents non convulsifs.
Pour l'urine : sur 42 lapins : 3 ont eu de la grande épilepsie ;
8 des convulsions localisées, 31 n'ont pas eu de convulsions.
Dans tous les cas la dose toxique mortelle est restée sensible-
ment constante au lieu que le mode de réaction individuelle a varié.
F. Boissma.
SOCIÉTÉ DE NEUROPATHOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE
DE MOSCOU.
Séance du 24 Septembre 1899
W.-A. Mouratow. Contribution à la théorie de l'épilepsie.
M. Mouratow s'arrête longuement sur les formes transitoires
entre l'épilepsie locale, Jacksonienne, et l'épilepsie généralisée
d'emblée « épilepsia genuina ». Il rejette la théorie « médullaire »
et se prononce pour l'origine corticale de la névrose. Comme
démonstration, il cite deux observations inédites.
1° Fillette, âgée de neuf ans. A l'âge d'un an a eu une encéphalite.
Depuis elle a deux fois par an des accès d'épilepsie unilatérale, jack-
260 SOCIÉTÉS SAVANTES.
sonienne. Dans le courant des dernières quatre années s'ajoutèrent
des accès de petit mal, avec obnubilation de la conscience, symp-
tômes vaso-moteurs, incontinence d'urine et parfois encore quel-
ques contractions toniques (jamais de secousses cloniques). La
combinaison des accès jacksoniens avec des accés d'épilepsie géné-
rale et leurs rapports avec l'ancienne affection cérébrale est évi-
' dente.
2° Malade adulte. A partir de l'âge de 20 ans, accès d'épilepsie
psychique. Psychose épileptique. Mort dans l'état de mal épilep-
tique. A l'autopsie, on constate, en dehors des altérations atrophi-
ques de toute l'écorce, une inflammation circonscrite dans le
domaine des circonvolutions centrales. Microscopiquement on
note : sclérose de la neuroglie, dégénération des fibres nerveuses
au-dessous du foyer inflammatoire et dans ses environs. L'auteur
explique l'absence de phénomènes locaux par la localisation super-
ficielle du processus. Il réfute également la théorie de la « décharge
paralytique » de Binswanger. Pour lui la décharge paralytique
n'existe pas et ce n'est pas cette décharge qui rend compte de la
perte de counaissance et de la chute du corps dans l'accès épilep-
tique. L'altération épileptique du cerveau équivaut au point de
vue physiologique à la perte de sa résistance. De faibles excita-
tions primitives partant d'un centre quelconque provoquent des
excitations secondaires dans toutes les cellules corticales ; toutes
ces excitations, étant d'une tension et d'une direction bien diffé-
rente, en se composant n'amènent aucun effet local, mais au con-
traire empêchent la formation des combinaisons stables et pro-
duisent la perte de connaissance et la paralysie. On obtient un
phénomène comparable à l'interférence des mouvements ondula-
toires. Dans la deuxième phase de l'accès, les excitations sont
encore très fréquentes, d'où la secousse tonique générale ; quand
elles deviennent plus rares, les secousses toniques sont remplacées
par des contractions cloniques et l'évolution ultérieure de l'accès
correspond à la localisation du foyer (épilepsie locale). Comme
moments provocateurs des accès, l'auteur admet les altérations
nutritives des cellules de l'écorce (processus de métamorphose
locale d'après Weigert-Edinger).
L'application de cette théorie rend compte de tous les phéno-
mènes épileptiques. Elle peut servir d'appui à la pathogénie corti-
cale de l'épilepsie.
Conclusions; 1° Entre l'épilepsie générale et l'épilepsie locale, il
n'y a pas de différence essentielle au point de vue de la patho-
génie des accès ; 2° L'épilepsie générale dans beaucoup de cas est
l'expression d'une affection cérébrale, dans d'autres cas c'est une
, névrose de l'écorce : 3° L'anatomie pathologique peut seulement
.démontrer la localisation corticale de l'épilepsie. La pathogénie
-des accès peut être expliquée, en prenant, comme point de départ
SOCIÉTÉS SAVANTES.. 261 J
les données anatomiques et en les rapprochant de la clinique et
de l'expérimentation (méthode d'équivalents cliniques).
Discussion. M. S. KORNILOFF croit que les lésions trouvées chez
le deuxième malade de M. Mouratow dans les circonvolutions
centrales peuvent bien ne pas être la cause de l'épilepsie, mais
simplement un fait accidentel chez un épileptique. M. W. ROTH
prend également part à la discussion.
A. Koarttcorr. Contribution ci la casuistique des polietzcéphalites.
Observation I. Garçon âgé de six ans. Début de l'affection
sans processus infectieux préalable, par des céphalées, vomisse-
ments, démarche titubante, somnolence, mais sans perte de con-
naissance. Tous les symptômes se développèrent durant une dizaine
de jours. A l'entrée à l'hôpital on nota encore l'ataxie des mem-
bres, faiblesse générale et peut être aussi un état parétique léger
des jambes. Parésie légère du nerf facial inférieur, absence des
réflexes tendineux ; les réflexes cutanés sont plutôt exagérés. Inté-
grité des sphincters. Paralysie complète des muscles des yeux pour les
mouvements d'en haut et d'en bas, tandis que les mouvements latéraux
des yeux s'effectuent bien mais, avec un léger nystagme au regard
à gauche. La réaction des pupilles à la lumière et à l'accommodation
est paresseuse, la convergence est insuffisante. Le pouls est fré-
quent. Le lendemain de l'entrée, l'enfant eut des crampes aux
bras et aux jambes. A partir de ce jour amélioration progressive :
disparition d'abord de l'ataxie et de la parésie des extrémités,
ensuite de la paralysie faciale et de la titubation. Un mois plus
tard commença l'amélioration des mouvements des yeux en bas,
plus tard encore on nota une amélioration progressive des mou-
vements en haut. A ce moment les réflexes tendineux existent
déjà, mais faibles.
L'auteur attire l'attention sur la forme spéciale des paralysies
oculaires chez son malade ; on les rencontre rarement aussi bien
caractérisées que dans cette observation. En outre, il croit que son
cas, confirme l'hypothsèe de Kahler et Picq, et il pense qu'en
dehors de l'infection et de l'intoxication il existe d'autres facteurs
étiologiques de lapoliencéphalite de nature inconnue.
Observation II. - Le cas est intéressant au point de vue étiolo-
gique. Il a trait à une malade qui fut atteinte de céphalées inten-
ses et ensuite de paralysie de la sixième paire droite. La paralysie
céda au traitement par le K. J. Le mari de la malade est syphili-
tique. Au bout de quatre ans il se développe chez la malade dans
l'espace de trois-quatre jours des phénomènes bulbaires : paralysie
de la déglutition, respiration fréquente, palpitations, pouls petit
faiblé 120, cyanose des extrémités et de la face, paralysie faciale
supérieure bilatérale, paralysie du voile du palais avec perte des
reflexes de celui-ci, paralysie de la langue. Légère parésie du bras
262 SOCIÉTÉS SAVANTES.
droit. Prostration. Les réflexes tendineux sont plutôt exagérés.
On institue un traitement mercuriel et ioduré et l'état de la malade
s'améliore rapidement (en dix jours).
L'auteur ne croit pas que l'affection relève simplement d'une
artérite syphilitique, car il faudrait pour cela une lésion trop élec-
tive des artères destinées aux noyaux moteurs du bulbe et de la
moelle. Il faut plutôt croire que nous avons à faire dans cette obser-
vation à un processus encéphalitique dont le moment étiologique
est la syphilis.
Observation III. Malade tabétique présentant les symptômes
d'Argyll-Robertson, de Westphal, de Romberg, une atrophie
du nerf optique gauche, et des douleurs fulgurantes. Contracte
l'influenza, et dixjours plus tard on voit apparaître des symptômes
bulbaires et médullaires. D'abord embarras de la parole et dispha-
gie et titubation très accusée. Température 38,6-38,7. Pouls 110.
Ensuite paralysie du voile du palais, au bout de trois jours para-
lysie progressive des membres inférieurs et supérieurs, procédant
des grandes articulations aux petites; deux-trois jours plus tard
paralysie faciale bilatérale inférieure et supérieure. La conscience
est presque intacte. La température monte jusqu'à 39,2. Pendant
huit jours l'état du malade est variable. Finalement ilmeurt de para-
lysie du coeur. Dans cette observation, comme dans la précédente,
on n'a pu noter aucun désordre de la sensibilité, c'est pourquoi
l'auteur pense qu'on peut exclure la polynévrite et diagnostiquer
une polyencéphalite.
Discussion. M. Mouratow pense qu'on ne peut pas nier l'in-
fluence de la tuberculose sur le développement de la polyencépha-
lite dans le premier cas de l'auteur. On peut supposer également
une myélite disséminée. m. MOURAIVIEFF ne croit pas qu'on puisse
exclure dans la troisième observation une myélite disséminée,
celle-ci pouvant évoluer avec troubles minimes du côté de la sen-
sibilité. M. HOTU croit que dans la troisième observation il peut
bien s'agir d'une polynévrite.
M. Weideniiasimer fait remarquer que l'ataxie aiguë se montre
aussi dans la méningite séreuse. Le cas de M. Kornilloff est
peut-être un cas de méningo-encéphalite (comme les observations
de Oppenheim).
S. N.\LB\NDOW. Un cas de syringomyélie héréditaire.
L'auteur a eu la bonne fortune d'observer la syringomyélie chez
une mère et son fils. Le fils, conducteur de chemin de fer, âgé de
trente-trois ans, entra à la clinique pour des phénomènes névritiques
récents aux membres inférieurs. Le père du malade est mort de tuber-
culose. La mère est atteinte de la même maladie. Le malade, le plus
âgé de huit enfants ,est né en état d'asphyxie. 11 y a dix ans, brû-
lure indolore à la région de l'omoplate droite (cicatrice de dix à
SOCIETES SAVANTES.
263
douze centimètres). Il y a sept ans, panaris indolore du pouce droit
(le pouee est déformé). En outre, plusieurs autres coupures et brû-
lures presque indolore des doigts. Cicatrice au poignet. Abus
d'alcool. A l'examen le malade apparaît de taille moyenne et de
nutrition suffisante : Scoliose. Certaine faiblesse des mouvements
volontaires des membres supérieurs, et notamment de la main
droite. Dissociation de la sensibilité en demi-veste au bras droit
et à la moitié droite du corps, de même qu'au poignet gauche. Du
côté des membres inférieurs on note des phénomènes de névrite,
à savoir, faiblesse et trouble de tous les modes de la sensibilité à
type périphérique, sensibilité des trones nerveux et des muscles
et certaine atrophie musculaire. Les réflexes patellaires sont exa-
gérés.
La mère du malade est âgée de cinquante-cinq ans. Il y a vingt
ans, faiblesse progressive de la main gauche avec formation con-
sécutive des gtiffes, il y a douze ans panaris indolore à l'index de
la main droite avec déformation consécutive des doigts. Vers la
même époque, fracture spontanée de l'humérus dans le voisinage
de l'articulation de l'épaule. Il y a ciuqans apparut une faiblesse des
doigts de la main droite. La main prend la forme d'une griffe. Il y
a deux ans, certaine faiblesse de la vessie. Multiples brûlures indo-
lores de la main. Cicatrices. Etat présent. Cyphose accusée avec cer-
taine scoliose. La fracture de l'humérus gauche a été constatée
par la radiographie (le cliché est présenté à la Société). Mains en
griffes avec atrophie intense. Exagération des réflexes rotuliens.
Clonus du pied gauche. Dissociation de la sensibilité aux membres
supérieurs et au tronc. Anesthésie complète à la douleur et à la
température dans le domaine de la main gauche, du poignet et de
l'avant-bras droit. Certaine diminution de la sensibilité thermique
dans la moitié inférieure du tronc et des membres inférieurs.
Après avoir constaté le fait de la manifestation familiale de la
syringomyélie, l'auteur passe en revue la littérature du sujet. Les
faits analogues de syringomyélie héréditaire, cités par les auteurs
sont très peu nombreux et peu démonstratifs, de sorte que le cas de
M. Nalbandow peut êt'e considéré comme le premier cas bien
établi de la transmission héréditaire de la syringomyélie.
L'observation est encore intéressante dans ce sens qu'elle four-
nit une preuve directe de la théorie embryogénétique de l'origine
de la syringomyélie.
Ont pris part à la discussion, MM. Muratow, Kornilow et Roth.
Secrétaires de la séance : W. l\1oun.\ VIEE ? N. Wersiloif
BIBLIOGRAPHIE.
V. Assistance et traitement des idiots, imbéciles, débiles, dégénérés
amoraux, crétins, épileptiques (adultes et enfants). - Assistance
et traitement des alcooliques. Colonies familiales (Aperçu cri-
tique sur l'article 2 du nouveau projet de loi portant revision de la
loi du 30 juin 1838). - Préface de M. le D1' nlaôuan. In-8°. Paris,
aux bureaux du Progrès Médical et chez F. Alcan.
Dans la séance du 23 décembre 1898, la Chambre des Députés
a voté l'urgence sur le projet de loi portant révision de la législa-
tion'du 30 juin 1838, relative aux aliénés. Il y a donc lieu d'espé-
rer que la discussion ne tardera pas à s'ouvrir, et qu'après douze
ans d'attente - le vote du Sénat est de 1887 nous serons enfin
dotés d'une loi nouvelle plus en harmonie avec nos aspirations et
nos besoins.
Parmi les bonnes innovations que contient le projet présenté
dans un excellent rapport par le Dr Dubief, député de Mâcon,
il faut citer l'article 2 sur lequel M. le D'' Pornain vient de
publier une très intéressante et très instructive étude. Cet article
assure pour l'avenir le traitement des idiots, imbéciles, arriérés,
crétins, épileptiques et buveurs, dont ne s'était pas préoccupé le
législateur de 1838; il autorise en outre avec l'isolement à l'asile,
seul permis aujourd'hui, le placement dans la famille du malade
et les colonies familiales. M. Pornain propose certaines adjonc-
tions qui ont une réelle utilité et émet certaines critiques qui ne
' sont pas sans fondement.
Notre confrère expose avec clarté et dans un style élégant,
agréable à lire, l'histoire complète de l'assistance des divers grou-
pes de malades énumérés plus haut et les meilleurs moyens d'as-
surer cette assis tance. A son avis, le placement familial direct,
c'est-à-dire le traitement du malade dans sa propre famille avec
allocation de secours individuels en argent, doit toujours être
préféré quand il est possible, en l'entourant toutefois de toutes les
garanties nécessaires : enquête sur la moralité des intéressés, ser-
vice de surveillance et d'inspection, société de patronage, etc. Sans
doute, le malheur est que ce mode d'assistance ne convient qu'aux
déments séniles : c'est même pour eux le seul qui convienne, car
il permet au vieillard d'achever sa vie et de s'éteindre au milieu
des siens et procure à ceux-ci la joie d'entourer de soins et d'af-
fection leurs vieux parents jusqu'au dernier moment.
BIBLIOGRAPHIE. 265
Mais ni l'idiot, ni l'imbécile, ni le crétin, ni l'épileptique ne
peuvent être soignés à domicile, à quelques rares exceptions près,
les trois premiers, parce qu'ils nécessitent une surveillance et une
éducation que le famille ne peut assurer, le quatrième, à cause de
ses crises et des impulsions qui, à leur suite, éclatent à l'impro-
viste. Ce que je viens de dire pour ces malades du placement fami-
lial direct, je le redirai du placement familial indirect, c'est-à-dire
des colonies familiales.
Le D1' Pornain préconise ce second mode d'assistance, à la con-
dition toutefois que ces colonies soient le plus rapprochées pos-
sible du domicile de l'assisté. Notre confrère a raison d'insister
sur ce point qui est le gros reproche dont est passible Dun-sur-
Auron où le D'' Marie a démontré victorieusement la possibilité de
l'assistance familiale en France, niée a priori par tous les défen-
seurs des vieilles méthodes de traitement, c'est-à-dire par à peu
près tout le monde. Nous qui demandons depuis dix ans la réor-
ganisation de tout notre système d'assistance de la folie, nous
sommes reconnaissants au D1' Marie d'avoir fourni à nos adver-
saires la preuve expérimentale que nous n'étions pas de chimé-
riques rêveurs; malheureusement Dun-sur-Auron est très loin de
Paris et ne remplit pas la condition fondamentale qu'avec raison
réclame le Dl Pornain. Quoiqu'il en soit, les colonies familiales
ne conviennent, d'une manière générale, ni aux idiots, ni aux
imbéciles, ni aux crétins, ni aux épileptiques. Si on ne veut pas
s'exposer à des mécomptes, il est indispensable de se modeler sur
Dun-sur-Auron et de n'y placer que des aliénés chroniques ou
inoffensifs et aussi des déments séniles pour lesquels l'assistance
familiale directe aura été reconnue irréalisable.
Pour les idiots, les imbéciles, les crétins et les épileptiques, à
quelques-uns près, on n'a donc le choix, qu'entre l'asile spécial ou
le quartier spécial dans un asile ordinaire. Il n'y aurait que des
avantages à réunir ensemble les trois premiers, mais il ne faut pas
songer un instant à mettre avec eux les épileptiques. M. Pornain
a raison de préférer l'asile spécial au quartier spécial, sous la
réserve toutefois d'une séparation complète des débiles et des con-
vulsifs. Nous sommes encore de l'avis de notre confrère qui met
bien en relief que ces établissements doivent être des asiles-
écoles afin de soumettre ces infortunés au traitement médico-péda-
gogique et orthophrénique, les seuls rationnels et qui, en l'état
actuel de nos connaissances, permettent d'obtenir dans de notables
proportions tout au moins l'amélioration de leur état. Je suis
encore à voir un seul épileptique ou un seul idiot que la chirurgie
ait amélioré. J'ai, en ce moment, dans le quartier spécial d'épilep-
tiques que j'ai organisé à Ville-Evrard un malade qui a subi six
opérations, deux à droite et deux à gauche sur le sympathique
cervical et deux trépanations; or, après chaque opération, l'état
266 BIBLIOGRAPHIE.
s'est aggravé si bien, qu'après la sixième, c'est l'opérateur lui-
même qui a dû signer un certificat afin d'obtenir le transfert de
son opéré de son service il l'Asile clinique. J'ai encore dans ma
section cinq autres épileptiques qui ont été trépanés sans aucun
résultat. La question est pour moi jugée.
Reprenant une excellente idée du Dr Bourneville, M. Pornain
demande ensuite la création de classes spéciales annexées à une
ou plusieurs écoles municipales ordinaires pour les enfants arrié-
rés, indisciplinés, mais sans perversion des instincts et sans acci-
dents convulsifs, et pour les enfants améliorés par le traitement
médico-pédagogique des asiles-écoles. Ces classes spéciales au-
raient, en effet, l'avantage de diminuer, dans une certaine
mesure, les charges des départements.
Notre savant confrère trouve que l'article 2 n'est pas suffisam-
ment impératif quant à l'admission deces ma'heureux qui devrait
être obligatoire. Cette obligation serait d'une incontestable utilité
et, en principe, nous partageons l'opinion du D1' Pornain, mais,
en pratique, seule la famille a le droit d'isoler un malade qui n'a
pas encore commis aucun méfait : le respect de la liberté et de
l'autorité des parents ne permet guère d'aller plus loin. Ce qu'il faut
donc, c'est de faire comprendre aux familles qu'il est de l'intérêt
du malade de réclamer l'assistance et que cette assistance ne soit
jamais refusée quand elle est demandée.
Le D1' Pornain émet encore deux regrets : le premier est relatif
au délai de dix ans accordé aux départements pour l'ouverture des
établissements spéciaux ou des sections spéciales destinés au
traitement et à l'éducation des sujets dont nous nous occupons; le
second, à l'omission dans le nouveau projet du mot imbéciles que
portaient les anciens textes ; il y aurait lieu de le rétablir et d'y
ajouter lesodéâénérés amoraux. Ces derniers, en effet, dont l'état
mentol est fort bien et fort soigneusement décrit par l'auteur
relèvent de l'Asile-Ecole et peuvent bénéficier de l'Assistance
orthophrénique.
Le délai de dix ans est, en effet, un peu'long, surtout quand on
pense que douze années se sont déjà écoulées'depuis le dépôt à la
Chambre de la loi votée par le Sénat; mais il y a peut-être dans
la proposition de ce long temps une tactique parlementaire. L'ar-
ticle 2 accroit dans de notables proportions les charges départe-
mentales, or, la plupart des députés sont conseillers généraux; si
on veut avoir leur vote, indispensable en l'espèce, peut-être est-il
prudent de ne pas trop demander d'un coup. Il sera plus facile
d'obtenir gain de cause sur le second point d'autant plus que le
paragraphe 4 de l'article porte déjà les mots : imbéciles, arriérés.
Ne serait-il pas plus simple et plus élastique de se servir d'une
expression qui engloberait toutes les catégories ?
Enfin, le Dr Pornain, dans une dernière partie, la plus intéres-
BIBLIOGRAPHIE. 267 Î
sante peut-être, traite à fond la question si pleine d'actualité et
qui soulève de si vives controverses de l'assistance des buveurs.
Avec tous ceux qui se sont occupés de ce point particulier, il
demande non seulement des asiles spéciaux, mais encore une loi
spéciale ou tout au moins, à défaut de celle-ci, un ou des articles
additionnels à la loi sur les aliénés ou à la loi répressible sur
l'ivresse pour permettre l'internement des buveurs d'habitude et
leur maintien à l'asile pendant le temps nécessaire à assurer leur
guérison. -
En effet, le projet présenté par le Dr Dubief contient cette grave
lacune d'ordonner la construction des locaux destinés au traite-
ment de l'ivrognerie sans fournir les moyens de forcer les ivrognes
à les occuper. Or, il est parfaitement inutile d'avoir des établisse-
ments de buveurs si ceux-ci peuvent les quitter pour recommencer
leurs libations aussitôt dissipées les fumées de l'ivresse. L'expé-
rience que j'ai acquise durant les trois années que j'ai dirigé le
quartier spécial de buveurs que j'ai fondé à Ville-Evrard m'a lar-
gement démontré l'absolue nécessité de dispositions légales pour
assurer le traitement de l'ivrognerie, Le D'7jubief nous donne
l'outil, mais pas le moyen de'nous en servir.
J'aurai fini quand j'aurai signalé le voeu très juste et très huma-
nitaire que formule le Dr Pornain dans la conclusion suivante qui
est la dernière de son consciencieux travail : « Quant aux aliénés
victimes des erreurs judiciaires et quelquefois médicale-, la science
et l'humanité réclament la revision de la sentence qui les a frap-
pés. »
Au Congrès de Rouen, M. Giraud a rappelé que les délais d'ap-
pel pour le Procureur général étaient de soixante jours et il a
raconté qu'il avait pour habitude quand on transférait de la pri-
son dans son service une aliénée condamnée à tort avant l'expira-
tion du soixantième jour, de solliciter l'appel du parquet général
et d'obtenir ainsi l'annulation du jugement de première instance.
C'est là une procédure très simple et très expéditive à laquelle tous
les aliénistes devraient recourir. Mais, passé ce délai, il ne reste
que la revision, pas facile toujours à obtenir et toujours fort
longue. Toutefois mieux vaut encore y recourir, comme le désire
M. Pornain, que de laisser peser sur l'aliéné et sa famille la honte
d'une condamnation imméritée.
Mais je m'aperçois que je me suis laissé entraîner et qu'il con-
vient de m'arrêter. C'est que le sujet n'est pas seul intéressant :
l'oeuvre du D' Pornain l'est également, et il y a vraiment grand
plaisir à examiner avec lui les problèmes d'assistance de la folie.
Je ne saurais donc trop recommander la lecture de son travail à
tous ceux que ne laissent point indifférents les déshérités de l'in-
telligence : la dégénérescence morale, l'épilepsie et l'ivrognerie.
. Dr E. MARANDON DE MONTY EL.
268 VARIA.
VI. A. Paranoïa ; par J. de MATTOS. (Lisbonne, 1898, un vol.
in-f2, 200 p.)
M. de Mattos a entrepris le dur labeur de reprendre toute l'his-
toire des délires systématisés suivant toutes leurs dénominations
depuis Arétée jusqu'à aujourd'hui : 1° Phase initiale avec les
mélancolies comprenant tous les délires fixes, avec plus tard les
monomanies; 2° Phase analytique (Fabret, Snell, etc.) ; 3° Phase
synthétique (Morel, Magnan, Tauzi, Cramer, Westphall). Daus la
seconde partie de l'ouvrage, toutes les théories précédemment
exposées sont critiquées de la manière la plus scientifiquement
serrée, et la « Paranoïa » est séparée des « Veruckteit » en com-
battant les idées de Schule et de Krafft-Ebing aussi bien que celles
de Lasègue, de Foville, de Morel et de Magnan, la critique porte
sur le terrain clinique et pathologique et plus encore sur l'étiolo-
gie et la pathogénie. L'auteur repousse l'idée d'un raisonnement
d'un besoin d'explication de la part du malade, amenant le délire
ambitieux. Celui-ci éclot spontanément. Les délires paranoiaques
sont primitifs et d'origine idéative ; M. de Mattos n'admet nul-
lement le rôle pathogénique des hallucinations sur le délire, rôle
admis par l'Ecole française ; pour lui la conception délirante pré-
cède l'hallucination. Il repousse également la théorie classique de
l'obsession qui, pour lui, n'est qu'une forme abortive de délire
systématisé ; ce dernier à son tour est une obsession progressive,
à l'appui de cette théorie, l'auteur aborde une ontogénie très
abstraite montrant que l'idéation normale et pathologique se
forme comme l'être pensant lui-même, d'une manière graduelle et
en quelque sorte stratifiée, par la voie atavique. Il conclut en
demandant l'extension de l'idée de dégénérescence et sa plus grande
généralisation. La paranoïa n'est en dernière analyse qu'une dégé-
nérescence. F. 130¡SSIER.
VARIA.
Superstitions, possession DU démon.
Sous ce titre : Le Sauvage de Valley-River ; Superstitions, les
Annales de la propagation de la Foi de septembre 1897, rapportent
le récit d'un missionnaire qui, après avoir rapporté que les « sau-
vages » de ce pays croient aux sorciers, se livrent, au son des
tambours, à des danses et à un formidable tapage pour chasser
le démon auteur des maladies, poursuit ainsi :
VARIA. 269
« A ma première visite, je trouvai là un sauvage réellement pos-
sédé du démon. D'après un pacte conclu entre lui et le prince des
ténèbres, après sept ans il devait devenir sa propriété. Je n'ai ja-
mais pu connaître les conditions du contrat. Les sept années
étaient écoulées et le démon semblait vouloir s'emparer de sa
proie. Pendant le jour. ce sauvage était en parfaite santé ; mais,
à la tombée de la nuit, tout à coup, il était jeté à terre, ses mem-
bres se raidissaient, il pouvait à peine parler. Je fus appelé pen-
dant une de ces crises. 11 était gisant sur le sol. Je lui adressai
quelques paroles, l'exhortant à embrasser la religion catholique.
Il me répondit :
« Je vois le diable. Déjà je brûle. Le mauvais esprit me dit que
tes paroles sont bonnes, ainsi que ta religion; mais il s'empresse
d'ajouter qu'il est trop tard. Quand bien même je prierais, je
n'irais pas au ciel. Nous avons l'ait un pacte ensemble, il faut le
suivre jusqu'au bout. »
Je répliquai qu'il ne fallait pas ajouter foi à ces paroles, car le
démon est le père des mensonges. « Lorsque tu parles, reprit
le sauvage, le mauvais esprit tourne la tête, il a honte. » En-
fin après une heure d'encouragements, notre possédé devint plus
calme et me dit : « Je vais réfléchir, et demain je te donnerai une
réponse. »
Le lendemain à 10 heures, il vint me voir. 11 était alors bien
portant. Je lui conseillai de nouveau de se faire baptiser. Quelques
sauvages païens se mirent de la partie. Il donna enfin son con-
sentement. De suite, je l'instruisis, afin de pouvoir le baptiser avant
mon départ. Après les instructions nécessaires, je commençai les
cérémonies. J'arrivai aux questions :
« - Crois-tu en Dieu le père, tout-puissant, créateur du ciel et
de la terre ? » - « Oui, » me répondit-il. » Je lui demandai : -.
« Crois-tu en Jésus-Christ son fils unique ? », etc. Il me répond
encore affirmativement. Enfin, me voilà à la troisième question :
« Crois-tu au Saint-Esprit ? » - Croyant sans doute que je dou-
tais de sa foi, il répond brusquement : « Tu n'as pas besoin de me
demander tout cela ; je comprends tout, je comprends tout. »
IL reçut donc le saint baptême et il n'eut pas à s'en repentir.
Le démon le laissa et il revint en parfaite santé. Avant de le quitter,
je lui recommandai de nouveau de faire souvent le signe de la
croix, lui disant qu'avec ce signe il pourrait chasser le mauvais esprit.
Singulier état psychologique que celui de ce missionnaire catho-
lique se moquant des sauvages de Valley-River, parce qu'ils croient
à la possession démoniaque, font des cérémonies bizarres pour
supprimer l'influence néfaste des sorciers et chasser le démon, -
alors que lui-même croit au démon et que sa religion prescrit
aussi des cérémonies non moins bizarres sous prétexte de délivrer
les prétendus démoniaques !
270 VARIA.
NÉCESSITÉ DE L'ASSISTANCE DES ARRIÉRÉS.
Sous ce titre : Le Crime d'un (ou, le Temps du 9-6 janvier
rapporte le fait suivant : -.
Un crime horrible a été commis hier soir, à Charenton, par un
fou. Le malheureux, dans un accès de délire, a d'abord essayé
d'étrangler sa mère, puis, s'apercevant- après quelques instants
qu'elle vivait encore, il lui a presque tranclié la tête à coups de
rasoir. Voici, sur ce drame, les renseignements que nous avons
recueillis :
Mme veuve Laurent, âgée de soixante-cinq ans, habitait depuis
longtemps avec son fils Paul, qui a vingt-deux ans, un petit loge-
ment rue des Quatre-Vents. l'aul Laurent avait eu une jeunesse
maladive. Faible d'esprit autant que de corps, on ne put jamais
l'employer à aucun travail sérieux : au cours de la seule tentative
qn'on fit de l'occuper dans un atelier de chaudronnerie, il reçut
à l'oeil gauche et à la main droite deux blessures graves qui le
dégoûtèrent à tout jamais de travailler.
Depuis, il resta chez sa mère, passant le temps en longues rêve-
ries dont il ne sortait guère que pour quereller la vieille femme.
Les signes de dérangement cérébral qu'on avait autrefois remar-
qués devinrent chez lui plus fréquents. Il y aquinze jours, dans une
crise de désespoir inexpliquée, il se tira même trois coups de revolver
dans la tête ; mais, les blessures étant insignifiantes, le jeune
homme ne resta que quelques jours à l'hôpital, et on le ramena
ensuite chez sa mère. Vainement les voisins conseillaient à celle-ci
de le placer dans une maison de santé. Mm0 Laurent s'y refusa
formellement, par affection pour le malheureux. Sa bonté devait
avoir les plus tristes conséquences.
Hier soir, à sept heures, Paul Laurent rentrait, rue des Quatre-
Vents, dans un état de surexcitation extraordinaire. « J'ai peur
de lui, dit sa mère, aux voisines, tellement peur que je ne me
coucherai pas cette nuit... » Cependant, jusque vers huit heures,
on n'entendit du dehors rien d'anormal : à peine quelques éclats
de voix. Mais on y était habitué dans la maison et on n'y attacha
pas d'importance. Ce ne fut qu'un peu plus tard qu'une femme,
dont la chambre est voisine de celle de 111 ? Laurent, entendit
crier faiblement : « Au secours, il m'assassine ! » et comprit qu'un
drame se passait à côté. Malheureusement, cette jeune femme était
alitée, elle ne put appeler personne, et même s'évanouit de frayeur.
Enfin, à huit heures et demie, Paul Laurent sortit tout à coup
de l'appartement. Il en ferma soigneusement la porte, puis se
dirigea en courant vers la mairie de Charenton, où se trouve un
poste de police. J'ai tué ma mère, s'écria-l-il en entrant dans
le poste. Arrêtez-moi 1
VARIA. 27'1 Il
Les gardiens de la paix maintinrent le jeune homme, qui était
couvert de sang, et M. Cuvillier, commissaire de police, se rendit
aussitôt rue des Quatre-Vents, muni d'une clef que lui avait remise
le parricide lui-même. Dans la chambre à coucher, il trouva le
cadavre de la vieille femme étendu à terre : la tête avait été
presque complètement détachée du tronc à coups de rasoir.
Cette constatation faite, le commissaire de police revint au
poste. Mais pendant plus d'une demi-heure il fut impossible d'ar-
racher au meurtrier autre chose que des paroles incohérentes.
Enfin, à force de douceur, le magistrat finit par calmer le fou qui
lui dit alors : Pourquoi a-t-elle voulu absolument me faire boire
ma potion ? (On lui donnait chaque soir une potion calmante.)
Je ne voulais pas boire. Elle a insisté. Alors je me suis fâché, et,
la saisissant par le cou, j'ai cherché à l'étrangler. Elle est tombée
en criant. J'ai serré plus fort, et comme elle ne bougeait plus, je
l'ai étendue au milieu de la pièce. J'allais ensuite m'en aller, mais
au moment où je sortais, elle a tourné la tête. Alors j'ai pris un
rasoir, et je lui ai coupé le cou...
Ce récit fait tout d'une haleine et d'une voix très calme, le fou
fondit en larmes. Mais bientôt ses yeux se séchèrent, il recom-
mença à divaguer et le commissaire ne put obtenir de lui aucun
détail nouveau. Paul Laurent a été conduit aujourd'hui à l'infir-
merie spéciale du Dépôt. Aujourd'hui également on a transporté à
la Morgue le corps de la victime, qui sera examiné par un méde-
cin légiste. (Le Temps, 26 janvier 1900.)
Drames DE l'alcoolisme.
Ivrogne incendiaire. De janvier à août, et notamment en
janvier, février, juillet et août, un incendiaire s'amusait à
mettre le feu aux meules de blé ou d'avoine appartenant
aux cultivateurs de Prasville (Eure-et-Loir). C'est ainsi que
MM. Violette, Prévost, Deshaye, Morchoisne et Marceau eurent
chacun des meules brûlées pendant la nuit. Après le troisième
incendie, mais sans le soupçonner d'en être l'auteur et simplement
parce qu'il buvait, on révoquait de ses fonctions de tambour des
pompiers un habitant du pays, Adolphe Gesse. Or, le lendemain
de l'incendie de la meule de M. Morchoisne, dans le courant
d'août, on constatait la disparition de l'ancien tambour des pom-
piers. Gesse fut arrêté peu après. Non seulement il se reconnut
l'auteur de l'incendie de la meule de Morchoisne, mais encore il
fit connaître que c'était lui qui avait allumé les autres meules.
Quand on l'interrogea sur les mobiles de ces incendies, il répon-
dit : « C'est une idée comme ça qui me faisait agir quand j'avais
bu. » Gesse est, en effet, un ivrogne, un alcoolique invétéré. Tous
272 FAITS DIVERS.
les incendies qu'il a allumés, il les a allumés soit le samedi soir,
soit le soir d'un dimanche ou d'une fête, alors qu'il était ivre. Il
mettait le feu pour pouvoir boire encore aux frais de la commune
et après l'heure réglementaire, puisque en cas d'incendie, on paie
à boire à ceux qui travaillent à l'extinction du feu et que les ca-
barets restent ouverts toute la nuit. Gesse n'a que 30 ans. Il exer-
çait la profession de vacher. Il était, en outre, tambour des sapeurs-
pompiers. Les médecins qui l'ont examiné au point de vue mental
ont conclu il sa responsabilité limitée. L'ivrogne incendiaire a été
condamné à deux ans de prison. (Le Bonhomme Normand, 17 î
au 23 novembre 1899.)
FAITS DIVERS.
Asiles publics d'aliénés. Nominations et promotions : M. le
Dr Levet, médecin adjoint à Montleverques (Vaucluse), est nommé
en la même qualité à Bassens (Savoie); M. le U Dnaw.nrc, médecin
adjoint àBailleul (Nord), est promu à la première classe du cadre;
- Ni. le D'Tuivet, médecin adjoint à Quatre-Mares (Seine-Infé-
rieure), est nommé médecin en chef à Clermont (Oise) en rem-
placement du Dr Champard, décédé (février).
Sourd-muet assassin. La cour d'assises de l'Aisne a condamné
à huit ans de travaux forcés le nommé Joseph Hubert, vingt et
un ans, sourd-muet qui bousculé sur la route par un bicychste, le
sieur Cotterel, coutelier, l'avait tué d'un coup de canne à épée,
puis s'était sauvé en enfourchant la bicyclette de sa victime. (Le
Bonhomme Normand du 17 au 23 novembre 1899.)
Les épileptiques. - La demoiselle Clémentine Bouvet, âgée de
68 ans, de Saint-Germain-de-la-Coudre, qui est épileptique, est
morte au cours d'une crise de cette terrible maladie. (Le lion-
homme Normand, 14 décembre 1899.)
Le rédacleur-geranl : BOUR,,E'ILLE.
Errew, Ch. lIf.mssE'1 imp. - 2 1900.
Vol. IX. Avril 1900. N" 52.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
ANATOMIE PATHOLOGIQUE.. ,
- i *'
Sur l'état variqueux des dendrites cortica : la. :
Par le Dr Serge SOUKHANOFF ',
Médecin de la Clinique psjcbialmiue de Moscou.
Les prolongements protoplasmiques ou dendrites des cel-
lules nerveuses de l'écorce cérébrale des animaux vertébrés
adultes, traitée par la méthode de Golgi-Ramon y Cajal, dif-
fèrent d'une manière très marquée des prolongements cylin-
draxiles ; l'une des marques distinctives la plus caractéristique
des dendrites du prolongement nerveux au cyliudraxile est,
entre autre, que les premières sont couvertes d'une masse
d'appendices latéraux particuliers, portant divers noms ;
Ramon y Cajal les nomme épines collatérales; les auteurs
anglais pour les désigner emploient le terme eMtMnoe;
D1" Stefanowsl : a a proposé de leur donner le nom d'appen-
dices piriformes,. il y a des auteurs qui les nomment sim-
plement appendices, d'autres appendices épineux. Le mieux,
selon nous, qui leur convient, c'est le nom d'appendices
collatéraux ; le terme épines ou appendices épineux n'est
point tout à fait juste, car les appendices en question n'appa-
raissent pas pointus, mais ils sont arrondis.
On observe des appendices collatéraux non seulement chez
les vertébrés, mais aussi chez divers invertébrés; nous en
avons rencontré chez l'homme, le chien, le chat, le cobaye,
4 Du laboratoire de la clinique psychiatrique de l'Université de Moscou.
Archives, 2' série, t. IX. 18
274 ik ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
le lapin, la souris, la poule, le choucas, le carassin et la gre-
nouille. Ils ont été aussi trouvés par quelques auteurs non
seulement dans l'écorce cérébrale, mais encore dans diverses
régions du cerveau. Quant à leur grandeur elle est très variée
même sur une seule et même dendrite ; de pair avec les
appendices comparativement gros ou très menus se trouvent
des appendices collatéraux d'une grandeur moyenne, dont le
nombre domine sur les autres. C'est surtout le panache pro-
toplaslique des cellules pyramidales et les dendrites de la
couche superficielle de l'écorce cérébrale, qui sont richement
pourvus d'appendices collatéraux. Sur le corps cellulaire et sur
les gros prolongements protoplasmatiques qui prennent leur
origine du corps cellulaire, par exemple, sur la tige ascen-
dante des cellules pyramidales les appendices collatéraux
commencent à paraître seulement à quelque distance du corps
cellulaire. Dans l'écorce cérébrale les dendrites de presque
toutes les cellules nerveuses sont recouvertes d'une grande
quantité d'appendices collatéraux, mais il faut remarquer,
que dans l'écorce cérébrale des animaux adultes bien por-
tants on rencontre parfois des cellules nerveuses, sur les pro-
longements desquelles on ne parvient pas à voir d'appendices
collatéraux ; peut-être, ce sont des éléments nerveux appar-
tenant au type des cellules à prolongement cylindre-axe court
ou ascendant (cellules de Golgi et celles de Martinotti) ; les
dendrites de ces dernières cellules se trouvent en état vari-
queux et diffèrent très nettement des prolongements proto-
plasmatiques normaux et bien développés. Dans l'écorce céré-
brale de certains animaux nouveau-nés il existe un grand
nombre d'appendices collatéraux, chez d'autres, au contraire il
n'y en a qu'un petit nombre.
En nous basant sur les recherches personnelles de l'écorce
cérébrale de quelques animaux vertébrés nouveau-nés, nous
pensons que chez les animaux nouveau-nés qui viennent au
monde en état de faiblesse (comme par exemple, la souris, le
chaton, le choucas, etc...) la structure de l'écorce cérébrale
diffère de beaucoup de celle des animaux adultes ou de ceux
qui, dès qu'il sviennent au monde, ont la capacité de marcher
et même de courir tout de suite (le cobaye, le poulet, etc.);
cette différence histdlogique entre l'écorce cérébrale em-
bryonnaire et entre l'écorce cérébrale bien développée con-
cerne non seulement le degré de développement du corps
SUR l'état variqueux DES DENDRITES corticales. 275
cellulaire, mais elle s'exprime encore très visiblement dans
la structure et dans l'aspect extérieur de maints prolongements
protoplasmatiques qui ont dans le premier cas par leur lon-
gueur des épaississements et des gonflements et sont pauvres
en appendices collatéraux.
Dans l'écorce cérébrale des animaux adultes normaux
quelques-unes des dendrites terminales, préalablement celles
qui traversent les couches superficielles de l'écorce cérébrale,
se trouvent par place en état perlé; mais ce dernier n'est
point très marqué. Notons ici encore que sur les dendrites
terminales, où existent des gonflements ou des épaississe-
ments, le nombre d'appendices collatéraux diminue et ils
commencent à se disposer d'une manière irrégulière.
Certains auteurs doutent de la réalité de l'existence des
appendices collatéraux et les envisagent comme un produit
artificiel, provenant pendant l'imprégnation des- éléments
nerveux par le chromate d'argent.
Ramon y Cajal parvint à s'assurer à l'aide de la coloration
spéciale des cellules nerveuses corticales par le bleu de méthy-
lène, que les prolongements protaplasmatiques sont aussi
couverts d'appendices collatéraux ; on peut le voir aussi sur
les préparations traitées par la méthode de Cox. Ayant en vue
qu'il y a des auteurs, qui croient que les appendices collaté-
raux se manifestent seulement grâce à l'usage de l'acide
osmique, nous avons fait aussi des préparations sans avoir eu
recours à ce dernier et nous avons pu constater tout de même
l'existence des appendices collatéraux.
Ainsi donc, d'après nous il ne faut pas douter que les appen-
dices en question sont réels. D'un autre côté, si même nous
admettons que les appendices collatéraux sont un produit
artificiel il est incompréhensible alors de savoir pourquoi on
les voit toujours seulement sur les prolongements protoplas-
matiques des cellules corticales et pourquoi elles manquent
toujours sur le corps cellulaire et sur les prolongements
cylindraxiles. En résumant les données histologiques concer-
nant la question qui nous intéresse pour le moment, nous
en venons aux conclusions suivantes :
z10 Les prolongements protoplasmatiques des cellules ner-
veuses de l'écorce cérébrale des animaux adultes normaux
sont couverts d'une masse d'appendices collatéraux; 2° ce
n'est que çà et là qu'on peut observer dans l'écorce cérébrale .
276 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
des dendrites terminales qui sont en élat perlé ; 3° chez
quelques-unes des cellules nerveuses de l'écorce cérébrale,
que l'on rencontre très rarement et qui n'appartiennent pas
à la catégorie des éléments pyramidaux, tous les prolonge-
ments protoplasmatiques ont un aspect variqueux et sont
tout à fait privés d'appendices collatéraux; 4° les appendices
collatéraux ne sont pas développés à un même degré chez
différents vertébrés nouveau-nés; 5° ces appendices augmen-
tent de beaucoup la quantité de la substance protoplasma-
tique nerveuse.
En passant dans la région des données pathologiques, nous
rencontrons ici des modifications particulières des prolonge-
ments protoplasmatiques de cellules nerveuses corticales
dans divers procès pathologiques ; ces modifications portent
différents noms chez différents auteurs, à savoir : état
variqueux des dendrites, atrophie variqueuse, état perlé,
état moniliforme, atrophie moniliforme, etc. Le processus
morbide se manifeste parce que l'état moniliforme, qu'on
observe dans l'écorce cérébrale des .animaux adultes nor-
maux très rarement, dans les cas pathologiques se renforce
et s'exprime en outre dans une forme un peu autre. Ce sont
les dendrites terminales qui s'altèrent le plus facilement et
préalablement celles qui passent dans les couches superfi-
cielles de l'écorce cérébrale; le processus variqueux se. pro-
page ordinairement dans la direction du corps cellulaire et
sur une seule et même branche protoplasmatique on peut
observer divers degrés de déformation ; la partie centrale de
la dendrite déformée peut rester intacte. Les dendrites basi-
laires des cellules pyramidales se soumettent à la lésion plus
tard. Les épaississements et les gonflements, disposés sur le
trajet des prolongements protoplasmatiques, le plus souvent
ont une forme sphérique ou fusiforme ou quelque autre.
Leur grandeur présente aussi beaucoup de variations et ils se
disposent à une distance inégale l'une de l'autre. Il faut
penser que l'état moniliforme se développe ainsi : avant tout
survient la déformation des contours des dendrites, ensuite
apparaissent sur ces dernières des épaississements fusiformes
qui plus tard se transforment en gonflements sphériques.
L'état variqueux ou moniliforme des prolongements proto-
plasmatiques s'accompagne toujours d'un même phénomène
caractéristique, à savoir : dans les endroits de la dendrite, où
SUR l'état variqueux DES DENDRITES corticales. 277 Î
existe un état perlé plus ou moins marqué, les prolongements
collatéraux se disposent irrégulièrement et pas sous un coin
droit vers la longueur du prolongement protoplasmatique,
leur nombre diminue et^par places, ils disparaissent même
totalement.
En nous basant sur nos recherches nous sommes arrivés
à la conviction que l'état moniliforme dans diverses condi-
tions pathologiques présente seulement une différence quan-
titative et non qualificative : 1° on l'observe dans les intoxica-
tions chroniques et subaiguës par l'arsenic, l'alcool, le sul-
fonal, etc... ; 2° on le constate dans diverses espèces d'auto-
intoxications, comme, par exemple, dans l'urémie, aprèb
l'extirpation de la glande thyréoïdienne, etc.. ; 3° il peut se
développer très rapidement dans le trouble brusque de la
circulation dans l'écorce cérébrale, comme, par exemple,
dans nos expériences de ligature des carotides et dans les
expériences de Monti de provocation des foyers emboliques
du cerveau.
En pratiquant nos recherches sur diverses intoxications
nous ne parvînmes jamais à constater un état variqueux des
dendrites de l'écorce cérébrale peu de temps après l'intoxi-
cation ; il se développait dans les cas en question presque
toujours seulement dans quelques jours; c'est seulement dans
les intoxications des animaux par le trional qu'il survenait
comparativementvite, à savoir : après un jour et demi à deux
jours et demi.
Ainsi, il ne faut pas douter que les prolongements proto-
plasmatiques des cellules nerveuses de l'écorce cérébrale peu-
vent se modifier, donnant un tableau d'un état moniliforme,
qui n'est pas toujours également exprimé. Les conditions de
l'apparition de ce processus sont très variées.
Certains auteurs pensent que la déformation des den-
drites ci-dessus décrite peut être quelquefois comme le
résultat des modifications cadavériques. Par exemple, Havet
indique que l'état variqueux des prolongements protoplas-
matiques, se développant comme phénomène cadavérique est
aussi accompagné d'une disparition d'appendices collatéraux.
L'auteur en question a fait la remarque, que quelques-uns
des résultats de nos expériences faites au laboratoire de
M. le professeur Van Gehuchten doivent être regardés comme
produit artificiel cadavérique. Nous ne pouvons pas être
278 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
d'accord avec M. llavet, et voilà pourquoi : les résultats de
nos recherches spéciales, faites pour éclaircir la question con-
cernant l'apparition de l'état moniliforme cadavérique, ont
démontré que l'état variqueux des prolongements protoplas-
matiqnes des cellules nerveuses de l'écorce eérébrale, comme
phénomène post-mortem, se développe chez divers animaux
normaux avec une vitesse inégale, ce qui dépend de diverses
conditions, et l'état moniliforme dans ces cas porte tout de
même un caractère un peu autre, à savoir : dans ces cas pré-
valent souvent des gonflements sphériques, et il n'y a pas ici
de lésion préalable des dendrites terminales. Plus la tempé-
rature dans laquelle a été conservé le cadavre est haute et
plus il y a de temps écoulé après le moment de la mort, plus
il faut s'attendre à des changements cadavériques. Sur la
rapidité de l'apparition de ces derniers a beaucoup d'influence
aussi l'épaisseur des tissus cutanés et osseux du crâne ; plus
ils sont fins, plus il y a de possibilité, sans doute, à l'air exté-
rieur de pénétrer à travers ces tissus, et d'autant plus vite
surviennent les modifications cadavériques, ce dans quoi
nous nous sommes assuré, en faisant nos expériences sur dif-
férents animaux (souris, cobayes, lapins).
La température basse empêche l'apparition de l'état mo-
niliforme post-mortem des dendrites corticales; par exemple,
lorsque le cadavre de la souris a été exposé pendant un jour
et demi à quatre jours à une forte gelée, la structure de
l'écorce cérébrale ne présente rien de particulier. Si le
cadavre d'un cobaye restait à une température de 15" Réau-
mur durant dix-huit heures, les modifications post-mor-
telles étaient insignifiantes et après vingt-quatre heures elles
étaient plus marquées. Si on prend la température un peu
plus basse, alors on ne peut constater avec pleine assurance
l'apparition des changements cadavériques après le temps
indiqué.
La manifestation des modifications cadavériques n'est pas
égale dans les cellules saines et les cellules déjà modifiées
par l'un ou l'autre processus morbide. Confirmons ce que
nous venons de dire d'un exemple : dans l'écorce cérébrale
d'un cobaye soumis pendant plus de dix jours à une intoxi-
cation par le sulfonal et dont le cadavre resta sans autopsie
quelques heures, on observa un état moniliforme des den-
drites très marqué, et dans l'écorce d'un cobaye normal, dont
SUR l'état variqueux DES dendrites corticales. 279
l'autopsie eut lieu dix-huit heures après la mort, l'état vari-
queux des dendrites n'atteint point à un degré tant soit peu
important. Par conséquent, on peut supposer que les prolon-
gements protoplasmatiques des cellules nerveuses avec trouble
de nutrition quelques heures après la mort de l'animal se
modifient comparativement vite, donnant le tableau d'un
état moniliforme plus ou moins marqué.
En terminant la revue-des conditions qui provoquent l'état
variqueux des dendrites des cellules nerveuses corticales, il
nous reste encore à mentionner les expériences de M. De-
moor et de M»e Stefonowska, qui s'en sont occupés sous la
direction de M. le professeur Ileger. Ce dernier et ses élèves
aussi admettent que les dendrites de l'écorce cérébrale ont
la propriété de changer rapidement leur forme sans l'influence
de différents narcotiques, et ils basent leurs conclusions sur
des expériences correspondantes. Ayant fait nous-même des
expériences identiques, nous eûmes dans tous les cas ana-
logues des résultats négatifs.
A présent, passons à la considération des données citées
plus haut au point de vue de la physiologie normale et patho-
logique. Comme nous l'avons vu, presque toutes les cellules
nerveuses de l'écorce cérébrale ont sur leurs dendrites une
grande quantité d'appendices collatéraux, de grandeur varia-
ble, qui sontdela même substance protoplasmatique nerveuse
que les dendrites elles-mêmes, et qui servent d'appendices ter-
minaux à ces dernières. Il est possible que ces appendices
participent dans la perception des excitations cellulipètes qui
parviennent à la cellule nerveuse des autres éléments ner-
veux. On peut considérer les dendrites des cellules nerveuses
comme des organes ayant une liaison intime avec la nutrition
de la cellule ; les appendices collatéraux doivent aussi avoir
un rapport avec cette fonction. Plus la cellule nerveuse est
riche de prolongements protoplasmatiques et plus elle a
d'appendices collatéraux, plus son activité est compliquée et
plus elle réclame de substance nutritive.
Nous ne pûmes nous convaincre de la propriété des den-
drites à changer rapidement leur forme et à passer dans un
état variqueux sous l'influence des narcotiques et c'est pour
cela que nous ne pouvons pas être d'accord avec l'opinion
que l'état moniliforme des prolongements protoplasmatiques
est une indication immédiate sur la contractilité du proto-
280 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
plasma nerveux et présente un substratum d'un état phy-
siologique.
M. Mathias Duval, se basant sur les recherches obtenues
par les auteurs belges, et sur les expériences de M. Manoué-
lian, faites dans son laboratoire, pense que l'état monili-
forme des dendrites sert de preuve immédiate d'amoe-
boïsme des éléments nerveux, avec quoi non plus nous ne
pouvons être d'accord. Nous croyons que l'état moniliforme
des prolongements protoplasmatiques doit être considéré
comme une modification très grossière. La mobilité physio-
logique du protoplasma nerveux a lieu probablement sous
une lorme plus délicate et plus fine. Si nous admettons que
les appendices collatéraux des dendrites présentent des
organes mobiles , alors les modifications même presque
nulles de leur forme et de leur grandeur peuvent être accom-
pagnées de changements physiologiques très marqués.
Nous sommes arrivé à la conviction que l'état moniliforme
des prolongements protoplasmatiques des cellules nerveuses de
l'écorce cérébrale ne peut pas servir d'expression du procès
physiologique, mais on l'observe dans divers états patholo-
giques. En comparant les résultats reçus par nous et les don-
nées analogues des autres auteurs, nous nous sommes assuré
que l'état variqueux des dendrites est une indication sur
l'état pathologique de la cellule nerveuse développée. Lais-
sant de côté l'aspect perlé des prolongements protoplas-
matiques des cellules nerveuses embryonnaires, nous nous
occuperons d'une manière plus détaillée de l'examiner comme
un symptôme pathologique.
Nous avons déjà indiqué plus haut que les cellules ner-
veuses de l'écorce cérébrale dans diverses conditions patho-
logiques réagissent par un état moniliforme des dendrites,
qui est le même du côté qualificatif : En débutant dans les
prolongements les plus longs et par conséquent les moins
fermes, il se propage graduellement en direction cellulipète.
Il faut penser, pour cette raison, que les rameaux terminaux
des prolongements protoplasmatiques apparaissent comme
appendices qui se modifient le plus facilement. Comme il est
bien probable que les dendrites des cellules nerveuses servent
non seulement à la réception par le neurone des ! impul-
sions cellulipètes du côté des autres unités nerveuses, elles
apparaissent aussi comme organes prenant une vive part
SUR l'état variqueux DES DENDRITES corticales. 281
dans la nutrition de la cellule nerveuse, c'est-à-dire des or-
ganes ayant une liaison intime avec le système vasculaire ;
il est donc compréhensible alors, qu'un dérangement de
nutrition provoqué d'un moyen ou d'un autre, se reflète
sans doute sur l'état des organes aussi délicats que les
prolongements protoplasmatiques des cellules nerveuses.
Quelle est donc la forme du trouble de nutrition dans l'écorce
cérébrale qui mène à l'état moniliforme des prolongements
protoplasmatiques de ses cellules nerveuses ? Des modifica-
tions plus grossières, comme par exemple, une modification
. rapide et aiguë de la circulation vasculaire dans le cerveau,
provoquée par la ligature des carotides, mène à des défor-
mations très profondes des dendrites de l'écorce cérébrale ;
quant à l'h3'perbémie causée par l'influence des narcotiques
sur le cerveau, elle donne un tout autre tableau, c'est-à-dire,
qu'on ne peut pas constater dans ces conditions des éloigne-
ments marqués de la normale. Mais sous l'influence d'une
intoxication ou d'une auto-intoxication comparativement
d'assez longue durée, peut-être qu'il n'y a point dans l'écorce
cérébrale d'aussi grossiers changements vasculaires, comme,
par exemple, après la ligature des carotides, mais des modi-
fications moins grossières de circulation du sang qui mènent
à la diminution de la capacité d'attirer et d'absorber le maté-
riel nutritif, dont la substance chimique subit des modifi-
cations profondes. Certaines intoxications plus facilement
que d'autres provoquent l'état moniliforme des prolonge-
ments protoplasmatiques de l'écorce eérébrale. Evidemment,
les substances qui ont une affinité plus proche avec les élé-
ments du système nerveux central, provoquent plus vite quel-
quefois les changements morphologiques dans les prolonge-
ments protoplasmatiques des cellules nerveuses.
L'état variqueux des dendrites, même très marqué, ne peut
être envisagé comme un état qui mène absolument au dépé-
rissement du corps cellulaire et, par conséquent, de tout le
neurone ; autant que nous avons pu nous en convaincre, en
nous basant sur des expériences personnelles, l'état moni-
liforme des prolongements protoplasmatiques, sous des condi-
tions favorables, peut s'effacer graduellement.
Plus il y a de dendrites intéressées par l'état variqueux et
plus ce dernier est rapproché du corps cellulaire, plus la lé-
sion de la cellule est grave et intense. D'après l'exploration
282 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
de certains auteurs qui se sont servi de la méthode de Golgi
(par exemple, Ceni), même lorsque l'état variqueux est très
marqué, la cellule nerveuse conserve sa fonction trophique
relativement au prolongement cylindraxile, dont la dégéné-
rescence ne survientque quand les épaississements etles gon-
flements, placés sur les dendrites, passent déjà sur le corps
cellulaire.
Venant à la conclusion que l'état perlé des prolongements
protoplasmatiques des cellules nerveuses de l'écorce céré-
brale chez les animaux adultes sert à démontrer l'état
pathologique des éléments nerveux, nous devons le considé-
rer comme une atrophie particulière, comme dégénérescence
suigeneris. Bien des auteurs pourl'indicationdel'état monili-
forme des dendrites, comme état pathologique, employent
des termes différents ; dans la région qui nous intéresse nous
rencontrons les termes suivants : atrophie variqueuse, dégé-
nérescence variqueuse, etc... De notre côté nous trouvons,
que le terme « atrophie variqueuse des prolongements pro-
toplasmatiques ou des dendrites » est très commode, simple
et compréhensible pour marquer la dégénérescence en ques-
tion.
L'état perlé des prolongements protoplasmatiques des
cellules nerveuses de l'écorce cérébrale qui a été constaté
dans des maladies psychiques accompagnées de démence,
donna lieu à certains auteurs (Peelers, Azoulay et Klippel)
de mettre en liaison les modifications constatées avec affai-
blissement de l'activité mentale ; en même temps on fait
attention à ce que l'état variqueux des dendrites s'accom-
pagne toujours d'une diminution et même d'une disparition
totale d'appendices collatéraux, servant, comme le pensent
Demoor, Stefanowska et quelques autres auteurs, à la forma-
tion des contacts entre les éléments nerveux. Peeters indique à
ce propos que le nombre d'appendices collatéraux des prolon-
gements protoplasmatiques dans l'écorce cérébrale, diminue
évidemment, au sur et à mesure que les capacités mentales
s'affaiblissent. Demoordans un de ses derniers ouvrages, dédié
spécialement à la discussion de la question de ce que présente
l'état moniliforme, applique à l'explication des phénomènes
de la région de la vie mentale, normale, ainsi que de la
région de la psychopathologie, son opinion sur l'état va-
riqueux des dendrites.
SUR l'état variqueux DES DENDRITES corticales. 283
Anglade dit qu'il a observé l'état perlé des dendrites dans
certaines maladies psychiques, parmi lesquelles il nomme,
par exemple, la mélancolie, mais sans souligner la liaison
avec l'abaissement des capacités mentales.
Agapoff (Russie) a constaté chez les paralytiques généraux
de pair avec l'état moniliforme des dendrites corticales
une diminution considérable des appendices collatéraux.
Des données que nous venons de citer on voit que les faits,
concernant l'état moniliforme des prolongements protoplas-
matiques des cellules nerveuses de l'écorce cérébrale dans des
maladies mentales sont pour le moment peu nombreux et
ne nous permettent pas de faire des conclusions définitives.
Pourtant des combinaisons obliques nous font penser qu'un
état moniliforme, tant soit peu répandu, des dendrites cor-
ticales chez l'homme doit correspondre à un tableau clinique
de démence. Nous sommes venu à cette combinaison à cause
de ce fait que chez les jeunes animaux, qui les premiers
jours de leur vie se trouvent en état de faiblesse et ne peuvent
pas marcher, les cellules nerveuses corticales présentent de
grandes particularités, se réduisant à l'existence d'un grand
nombre de prolongements protoplasmatiques qui se trou-
vent en état variqueux. Ainsi par exemple dans l'écorce
cérébrale d'un chaton normal, qui a vécu trois jours, nous
avons constaté un nombre assez considérable de cellules ner-
veuses, dont les dendrites étaient en état variqueux.
Par conséquent, l'insuffisance de développement psy-
chique chez certains animaux nouveau-nés peut être mise en
dépendance directe d'un développement insuffisant et incom-
plet des neurones de l'écorce èérébrale, se manifestant dans
l'existence d'un état perlé des prolongements protoplasma-
tiques et dans leur pauvreté en ramifications collatérales et
en appendices collatéraux, ce qui saute aux yeux à l'examen
microscopique de l'écorce cérébrale d'un chaton nouveau-né.
En comparant l'écorce cérébrale traitée par la méthode
de Golgi, prise chez un animal adulte avec des modifications
régressives dans les prolongements protoplasmatiques, c'est-
à-dire, avec une atrophie variqueuse de ces derniers, et
l'écorce cérébrale des animaux nouveau-nés qui viennent au
monde dans un état de faiblesse, il est facile, une fois qu'on
est déjà habitué, de dire à quoi nous avons affaire, puisque
l'état moniliforme comme dégénérescence variqueuse des
284 -il ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
dendrites diffère par des particularités très marquées del'état
perlé des prolongements protomasplatiques chez certains
animaux nouveau-nés. Ainsi donc, la supposition que l'atro-
phie variqueuse des dendrites signifie leur retour à l'état
embryonnaire peut être admise avec certaines explications.
L'analogie existe seulement relativement à ce que dans le
premier cas l'état moniliforme des prolongements protoplas-
matiques des cellules nerveuses de l'écorce cérébrale doit
correspondre, évidemment, à l'affaiblissement des capacités
mentales, tandis que dans le second cas l'état moniliforme,
ressemblant à un cet tain degré à celui du premier cas, sert
à démontrer un développement incomplet de l'activité psy-
chique.
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CLINIQUE MENTALE
Les objets de piété comme instruments de meurtre
dans le délire religieux; .. .
Par le D'A. CULLERRE,
Médecin-directeur de l'asile d'aliénés de La Rocle-sur-Ton.
L'homicide, le suicide, les mutilations accomplis avec' une
sombre et cruelle énergie et une sûreté de main qui tient de
l'automatisme sont le propre du délire religieux. Ce fait
d'observation est trop connu pour que je veuille y revenir;
il est pourtant un point qui, dans l'histoire de ces réactions
délirantes, n'est pas complètement étudié, c'est le choix des
moyens mis en oeuvre par les aliénés mystiques pour obéir à
ces impulsions.
On sait que l'exécution des actes dont nous parlons a par-
fois une signification symbolique. A côté de ceux qui tuent
dans des conditions banales, uniquement occupés de l'idée
d'expédier leur victime au ciel, il en est qui s'entourent de
circonstances extraordinaires, prétendant, par exemple,
renouveler le sacrifice d'Abraham. D'autres, comme Lovat,
se crucifient tout vivants en mémoire du supplice du Christ ;
d'autres, pour se mutiler, se coupent le bras qui a été l'ins-
trument du péché; nombreux sont ceux qui, pour s'assurer
un degré de perfection supérieur ou pour se punir d'un man-
que à la chasteté, s'amputent les parties génitales ; ce dernier
cas est particulièrement fréquent si j'en crois ma propre
Archives, 2e série, t. IX. 19
290 CLINIQUE MENTALE.
expérience, car j'ai observé successivement quatre aliénés qui,
sous l'influence du remords, avaient cherché à se débarras-
ser de leurs testicules.
Mais de même que l'exécution de l'acte peut être empreinte
d'un cachet symbolique trahissant ainsi d'une façon éclatante
son origine, de même l'instrument choisi peut emporter à son
tour une signification nettement mystique et religieuse. Peut-
être doit-on voir précisément quelque signification de ce
genre dans l'emploi préféré du couteau ou de la hache par
les délirants religieux chroniques, l'arme blanche étant celle
à laquelle les livres sacrés font le plus fréquemment allusion.
J'ai été frappé de ce fait qu'un mégalomane religieux observé
par moi depuis plusieurs années, ayant, pour obéir à une
voix d'en haut, sacrifié dans la même nuit son père, sa mère
et leur domestique, s'était servi d'une hache, arme dont il
n'avait pas l'habitude, alors que, passant une partie de son
temps à la chasse, il maniait presque quotidiennement un
fusil.
Mais une preuve plus certaine de ce choix mystique, qu'il
soit pleinement conscient ou simplement inspiré par d'obscu-
res auto-suggestions ignorées du malade lui-même, nous est
donnée par des faits dont la signification n'est pas le moins
du monde douteuse. Ce sont ceux où le fétichisme religieux
intervient pour fournir l'instrument qui servira à la perpétra-
tion de l'acte impulsif : objets de piété, crucifix, statuettes,
médailles, chapelets, etc. Ces objets ne sont pas, pour nom-
bre de croyants, de simples signes, de pures images, mais des
choses qui participent de la divinité, qui sont douées d'une
mystérieuse puissance.
Dans le choix de ces instruments de meurtre, l'intention
mystique est évidente. Frapper quelqu'un à l'aide de l'un de
ces objets sacrés, c'est commettre une action doublement
justifiée et par l'absence de péché pour celui qui l'exécute,
et parla sanctification de la victime. Se tuer ou se mutiler
soi-même dans les mêmes conditions, c'est exécuter un acte
d'expiation ou de sacrifice également innocent, louable et
utile pour le salut. Ce raisonnement n'est peut-être pas expli-
citement formulé par le malade, surtout si celui-ci appartient
à la forme aiguë du délire religieux ou la conscience subit de
si fréquentes éclipses, soit partielles, soit même totales, mais
il existe en substance au fond de sa pensée la plus intime
OBJETS DE PIÉTÉ COMME INSTRUMENTS DE MEURTRE. mol
c'est de cette pensée toute saturée de mysticité que fait érup-
tion l'impulsion la plus soudaine et la plus aveugle en appa-
rence, aussi bien que l'impulsion consciente qui, avant d'abou-
tir à sa conclusion logique, a obsédé et angoissé le malade
pendant des jours, parfois des mois et des années.
Celle sorte de neutralisation manichéenne du principe du
mal par celui du bien est d'ailleurs fréquent, dans un autre
ordre d'idées, chez les délirants mystiques. Un des malades
que j'observe actuellement voulant combattre, en lui-même
et en sa femme, le démon de la concupiscence, la faisait cou-
cher auprès de lui un rosaire enroulé autour de ses hanches
et de ses cuisses. Une aliénée citée par MM. Vallon et Marie
se livrait à la masturbation à l'aide d'un crucifix « croyant
sanctifier l'acte i o.
lime souvient d'avuir été une fois appelé en toute hâte
auprès d'une malade qu'une de ses compagnes, atteinte d'un
délire de couleur religieuse, venait d'asphyxier à moitié en
lui enfonçant de force un chapelet dans la gorge afin de chas-
ser le démon dont elle la disait possédée. J'ai vu assez fré-
quemment des aliénés avaler, dans un but de sanctification
des médailles bénites ou encore leur anneau de mariage,
objet qui, par son symbolisme mystique et par la bénédiction
rituelle qu'il a reçue dans la cérémonie religieuse de l'union
conjugale, est supposé doué de vertus préservatrices. En 1890,
j'ai observé une femme qui a étouffé son enfant en lui enfon-
çant jusqu ce que mort s'ensuivit, une statuette de la Vierge
dans la bouche. En 1892, j'ai soigné un jeûne homme qui,
dans une crise délirante, assomma presque soii père en lui
assénant sur la tête un coup porté avec une statue en plâtre
de la Vierge. Enfin, ces temps derniers, je recevais une femme
qui, dans un paroxysme délirant, avait, pour se'préserver du
démon, avalé un christ de métal brisé et qui succombait
duelquesjours aprèàdes hémonhagies foudroyantes du tube
digestif causées par les aspérités de ce corps étranger d'un
genre peu ordinaire. Je donnerai ici la relation de ces trois
faits cliniques qui, tous les trois, appartiennent à la forme
aiguë hallucinatoire du délire religieux.
Observation I. Délire religieux avec hallucinations. Démono-
' Vallon et Marie. Des psychoses religieuses et évolution progressive.
(Archives de Neurologie, 1897.) . - ,
92 CLINIQUE MENTALE.
manie. Meurtre de son enfant par suffocation à l'aide d'une statuette
de la Vierge. Guérison.
C..., femme L..., trente-huit ans, est admise le 27 mars 1890. Père et
mère vivants, très âgés, non malades. Une nièce du père s'est
pendue dans un accès de délire ; une soeur de la mère est atteinte
d'aliénation mentale. Ils ont eu cinq enfants : trois garçons nor-
maux, une fille exaltée, hystérique à grand fracas, dont les scènes
de ménage mettent tout le village en émoi, et la malade.
Cette dernière, bien que délicate de santé, n'a fait aucune maladie
sérieuse, à part, dans son enfance, la fièvre intermittente, endé-
mique dans le pays. Elle a été réglée à quatorze ans sans accident. A
21 ans, elle a eu, sous l'influence de contrariétés intimes, un accès
de délire ayant duré une dizaine de jours et à la suite duquel elle
est restée, pendant un an, dans un état d'équilibre mental ins-
table ; la moindre contrariété lui troublait les idées. Mariée à
vingt-huit ans, elle eut, au boutde deux ans et demi, un premier enfant
mort presque en naissant et dont l'extraction avait nécessité l'em-
ploi du forceps. Deux ans et demi plus tard, elle eut un second
enfant qui a vécu. Pas d'autre grossesse. A la suite des dernières
couches, prolapsus utérin qu'il a fallu contenir par un pessaire.
Depuis quelques jours, elle se sentait fatiguée, incapable de se
livrer à ses occupations habituelles ; l'intelligence était obtuse ; les
règles apparurent. Dimanche dernier 23 mars, elle se rend à la
messe, mais est incapable de trouver l'office dans son livre, tant
elle était troublée et avait la vue brouillée. Dans la soirée, elle se
rend au confessionnal, mais le curé la renvoie en lui disant qu'elle
ne balbutiait que des choses incompréhensibles. Dans la nuit, le
délire éclate : elle a peur, elle entend autour d'elle des ennemis
menaçants, elle croit que le diable va l'emporter en enfer. L'état
panophobique est tel qu'elle n'a plus conscience de ses actes.
Le lendemain, toujours dominée par la peur du démon, elle croit
entendre son enfant âgé de quatre ans lui dire qu'il veut aller rejoindre
son petit frère (mort peu après sa naissance) : « Maman, aller à
petit frère. » Bientôt une voix impérieuse lui ordonne de le tuer :
« Tue-le ; il faut que tu le fasses ! » Cependant elle résistait, mais
bientôt l'impulsion fut la plus forte et saisissant soudain une sta-
tuette de la Vierge, elle l'enfonça dans la bouche de l'enfant jusqu'à
complète asphyxie.
Les voisins étant survenus, la maltraitèrent ; puis le mari s'étant
avancé à son tour, elle se jeta sur lui et le mordit à la lèvre, terri-
fiée et croyant avoir à se défendre contre ses violences. Elle n'a
conservé qu'un souvenir très confus de l'événement. Lorsqu'elle
reprit possession d'elle-même, elle se trouva attachée sur son lit,
ne se rendant pas compte de ce qui s'était passé et ne voulant pas
croire que son enfant fût mort.
OBJETS DE PIÉTÉ COMME INSTRUMENTS DE MEURTRE. 293
A son entrée, aucun délire, mais un grand affaissement physique
et moral, ainsi qu'une oblitération complète de la sensibilité affec-
tive. Elle se plaint d'avoir la tête lourde, de ne pouvoir se tenir
debout à cause de vertiges continuels. Elle a de la diarrhée; elle
dort, n'est pas tourmentée et accepte avec un certain fatalisme les
faits accomplis. Aspect un peu chétif, taille de ni,54 environ, tête
globuleuse, aplatie postérieurement avec asymétrie faciale. Proé-
minence de la bosse frontale droite, atrophie relative du même
côté de la face; voûte palatine très profonde, très ogivale, sans
déviation du raphé. Pas de stigmates hystériques.
10 avril. Elle est en ce moment en période menstruelle ; se
plaint toujours d'étourdissements. Elle semble moins indifférente et
pleure au souvenir de son enfant.
22. Hier, elle a manifesté un peu d'excitation, s'est imaginée
qu'elle allait mourir, a réclamé de l'eau bénite, faisait des génu-
flexions, entendait en elle-même une voix lui disant que son mari
était perdu, était dans une anxiété très vive. Ce matin la face est
rouge, la peau chaude, la langue un peu saburrale. Elle se plaint
d'angoisse et de palpitations. Elle souffre aussi de dysurie et de
ténesme rectal. On retire, non sans difficultés, de ses parties géni-
tales, un énorme pessaire en porcelaine, cause de ces accidents.
23. Retour de l'anxiété, elle réclame l'aumônier pour se con-
fesser, dit qu'elle est damnée, qu'il n'y aura pas de pardon pour
elle. A huit heures elle dormait profondément. A minuit, elle
s'agite, parle, se lève interpelle d'un air furieux sa voisine de lit,
veut la faire lever, s'accroche à elle, l'égratigne ; on a de la peine
à lui faire lâcher prise. Recouchée, elle délire, manifeste des idées
de damnation et de désespoir. Ce matin sa face est vultueuse, sa
langue est blanche, épaisse ; elle a conscience de l'agitation de la
nuit, sauf de quelques-uns des détails de ses actes. Elle se rappelle
avoir brutalisé sa voisine parce qu'une voix lui disait que cette
femme lui avait jeté un sort et était cause de son tourment.
24. Hier dans la journée, état stuporeux avec obtusion intel-
lectuelle profonde, grand gâtisme. Vers cinq heures, retour de
l'activité mentale et du délire, composé d'idées tristes et de diva-
gations roulant sur sa vie passée, principalement sa jeunesse. Ce
délire de mémoire a duré trois heures. Ensuite elle a recommencé
à interpeller les autres malades, à les menacer, les accusant de lui
avoir jeté des sorts, réclamant un couteau pour se tuer.
25. - Hier, délirante et hallucinée, entendait ses parents, récla-
mait avec fureur leur présence; à plusieurs reprises, elle s'est jetée
sur la surveillante : le regard fixe et brillant, puis elle se cachait
sous ses couvertures, une criminelle comme elle ne devant pas être
vue. L'état saburral a disparu.
Les jours suivants, le délire continue, tantôt de couleur démo-
niaque, tantôt gai. Elle rit des heures entières, voit son mari auprès
294 CLINIQUE MENTALE.
d'elle, lui parle; voit aussi un poteau avec une corde destinée à la
pendre Au moment où le délire change de forme, on a remarqué
que la malade faisait de grands efforts de vomissements avec
expulsion de crachats glaireux. Une nuit elle brise les carreaux de
la fenêtre de sa chambre, voulant se précipiter pour obéir à l'appel
des démons, etc.
La période délirante prend fin avec le retour des règles qui a eu
lieu le 30 avril et au bout d'un an ne s'était pas renouvelée, ce qui
engage à lui donner sa sortie le 28 avril 1891.
Je ne connais pas, dans la littérature médico-psychologique,
de cas analogue à celui-là. Cependant Bail rapporte succinc-
tement, dans ses cliniques, une observation d'infanticide
accompli dans des circonstances à peu près semblables : « On
connaît, dit-il, l'histoire de celte dame qui, réveillée au milieu
de la nuit par une apparition céleste, vil, un ange qui lui
ordonnait d'envoyer au ciel sa petite fille âgée de dix-huit
mois. Elle se leva, et après avoir couronné son enfant de
roses blanches, elle prit un couteau et lui ouvrit le cou. » Ici,
le couronnement de la victime est une particularité symboli-
que analogue à celles auxquelles nous avons fait allusion en
commençant et peut-être le choix du couteau, arme du sacri-
fice dans les religions anciennes, doit-il être considéré comme
emportant lui-même un sens mystique, ainsi que nous l'avons
précédemment admis. La femme a peur des armes tranchan-
tes, en général, et répugne à s'en servir. Pour se suicider, les
femmes se pendent, se précipitent, se noient ou s'empoison-
nent. C'est encore le poison qu'elles choisissent pour accom-
plir les homicides dont elles se rendent coupables. Le couteau
est donc bien une arme dont le choix paraît déterminé par
la nature du délire.
Observation Il. Délire religieux de forme démonomaniaque.
Hallucinations et crises panophobiques. Tentative de parricide à
l'aide d'une statue de la Vierge. Guérison.
Pierre Y..., vingt-neuf ans, célibataire, est admis le 7 novembre
1892. C'est un homme de petite taille, d'un tempérament névropa-
thique/ainé de huit enfants, tous bien portants et bien constitués.
Le père, âgé de soixante ans, sourd depuis l'âge de dix-neuf ans,
est bien portant. La mère, âgée de cinquante-deux ans, n'offre à
noter qu'une myopie progressive qui l'a rendue presque aveugle.
Elle a une nièce propre aliénée.
y... a eu à deux ans des convulsions qui ont menacé sa vie. A
OBJETS DE PIÉTÉ COMME INSTRUMENTS DE MEURTRE. 295
vingt ans il fut pris de fièvre quarte qu'il garda six mois. Nerveux,
émotif, il ne se livre pas habituellement à la boisson qu'il ne sup-
porte pas, du reste, car iL chaque fois qu'il s'est enivré il a eu un
petit accès maniaque avec agitation violente, confusion des idées
et délire de courte durée.
Depuis deux ans, il se plaignait d'un sentiment de constriction à
la gorge avec sensation de corps étranger se déplaçant du coeur à
la gorge et inversement. Depuis plusieurs années, on remarquait
chez lui une grande tristesse. Il y a deux mois, en revenant d'une
foire, il s'est cru poursuivi par quatre individus qui voulaient le
tuer. On constate chez lui des préoccupations religieuses inusitées
et des craintes d'être empoisonné. Il s'imagine avoir des bouchons
plein la gorge et fait remonter le mal à une époque (il y a précisé-
ment deux ans) où il a pris une tasse de café servie par sa tante
qu'il accuse d'avoir voulu l'empoisonner en y mettant du liège
mâché.
Il a quatre jours, dans la nuit, il se plaint du mal de gorge et
demande à boire. Sa mère lui offre de l'eau de Lourdes, mais
aussitôt il s'écrie qu'elle veut l'empoisonner. Le lendemain les
idées délirantes persistent. S'étant mis, sous prétexte de se guérir,
à absorber un litre de vin chaud, il est pris soudain d'une formi-
dable crise panophobique : il tremble, pousse des cris, voit du feu
partout, a peur, écoute, croit qu'on vient pour le tuer, s'échappe et
court à travers le village en poussant des cris et en appelant au
secours. Aux idées de persécutiou se joint un délire religieux : il
faut se confesser ; tout le monde est damné ; le démon s'est emparé
de tous. Excitation maniaque intense ; il menace de donner un
coup de couteau au médecin qui vient le voir. Toujours inquiet,
aux écoutes, il saute par la fenêtre pour s'enfuir. Ses parents sont
surtout l'objet de ses défiances : la nuit dernière il a fait venir son
père auprès de son lit et à un moment où il avait le dos tourné,
il lui asséna sur la tête un formidable coup d'une Vierge en plâtre
qu'il tenait à la main, lui faisant une large plaie du cuir chevelu.
10 novembre. - Depuis son entrée agité, anxieux, craint qu'on
ne l'empoisonne, toujours prêt à se jeter sur tout le monde. Parfois
il a quelques paroles raisonnables, le plus souvent il manifeste des
idées religieuses et démoniaques. Il prétend que sa gorge a été
bouchée par des bouchons de liège ; croit avoir une maladie qui
lui a été donnée par un sort. Traits tirés, yeux hagards, toujours
en mouvement. Voix enrouée. Pas d'anesthésie ni de stigmates
hystériques. Tremblement nerveux continuel. Il a chanté toute la
nuit dernière et s'est jeté sur le gardien qui, ce matin, a ouvert sa
cellule ; cris inarticulés.
12. Plus calme, moins délirant.
27. L'amélioration de l'état physique se poursuit sous l'in-
fluence d'injections reconstituantes mais le délire, qui s'était calmé,
296 CLINIQUE MENTALE.
s'est réveillé. L'agitation est assez vive et le délire assez confus,
roule invariablement sur les sorciers, Dieu, le démon, la jalousie
de ses parents contre lui, etc.
Au bout d'un mois, la crise délirante s'est peu à peu apaisée et
le malade a repris toute sa lucidité. Il sort guéri fin février 1803.
Dans ses crises panophobiques, ce malade, pour ses réactions
défensives, se sert de tout ce qui lui tombe sous la main; c'est
ainsi qu'il menace le médecin d'un couteau parce qu'il a simple-
ment peur du médecin ; mais quand il veut accomplir un acte
d'expiation religieuse, il se sert d'une statue de la Vierge. En
effet, il considère sa famille comme coupable envers Dieu non
moins qu'envers lui-même, veut l'obliger à la pénitence, et
c'est, en quelque sorte, en connaissance de cause qu'il frappe
son père après l'avoir fait approcher de son lit et en profitant
d'un moment où il a le dos tourné. L'emploi de la statue de
la Vierge, comme instrument de l'acte, a donc un sens nette-
ment mystique, bien que le malade n'en ait peut-être pas eu
pleine conscience et que ses souvenirs n'aient pu, sur ce point,
nous fournir des explications catégoriques.
Observation III. Délire religieux de forme dépressive. Démono-
manie, hallucinations, crises panophobiques. Ingestion d'un christ,
laémorrhagiesinlestinales; mort ; autopsie.
P..., femme J..., trente-quatre ans, mariée, sans enfants, admise
le 18 décembre 1899. Son père, âgé de soixante-dix ans, est un
ivrogne invétéré. Sa mère est morte à trente ans de fièvre puerpé-
rale. Rien à noter chez les collatéraux. Elle est la cinquième de
six enfants dont trois sont morts en bas âge ; une soeur plus jeune
qu'elle est faible d'esprit. Comme antécédents personnels, on note
une pleurésie à vingt ans et des tendances névropathiques très
accentuées avec un caractère porté à se tracasser, à amasser de
l'argent, ayant toujours peur de manquer. Cependant c'est la pre-
mière fois qu'elle présente des troubles mentaux graves.
L'étiologie de la maladie actuelle est assez obscure : elle avait
eu de graves contrariétés avec sa belle-soeur et avait fait le serment
de rompre avec elle et de ne lui parler jamais; récemment elle
lui a parlé et depuis ce temps elle est inquiète, elle se tourmente,
s'imagine être parjure. Peu à peu ses idées se troublent et depuis
huit jours elle est en plein délire religieux avec idées de damna-
tion : le malin esprit s'est emparé d'elle, elle est morte, le diable
va l'emmener en enfer ; elle entre dans des crises d'anxiété formi-
dables avec hallucinations terrifiantes, refus d'aliments, impulsions
à se briser la tête, véritables crises de possession démoniaque pen-
OBJETS DE PIÉTÉ COMME INSTRUMENTS DE MEURTRE. 297
dant lesquelles la conscience parait complètement obscurcie. Le
la décembre au soir, s'étant emparée d'un crucifix, elle réussit, en
le brisant, à en arracher le christ qu'elle a subitement mis dans sa
bouche et avalé. Les parents ne peuvent décrire exactement cet
objet dont les dimensions seraient relativement assez grandes.
19 décembre. Hier, à l'entrée, la malade est calme mais a
l'air effrayé, le regard effaré; elle reste au lit à la condition que
l'infirmière ne la quitte pas. Par moments, elle délire : « Je suis
perdue, je suis damnée, les démons sont après moi. » L'infirmière
s'étant éloignée, elle se précipite d'un bond à l'autre bout de la
salle et saisissant une malade par le's cheveux, elle la secoue avec
violence en s'écriant qu'elle est damnée. Vers trois heures et demie
du matin, le calme revient jusqu'à sept heures. A ce moment,
nouvelle crise panophobique avec délire démoniaque et impulsion
au suicide ; crie qu'elle veut se tuer; les deux infirmières qui sont de
chaque côté de son lit n'ayant pas la force de la maintenir, elle
entraîne le lit et les deux filles à portée de la fenêtre voisine et d'un
violent coup de poing brise un carreau et se fait à l'avant-bras,
au-dessus du poignet, une plaie large et profonde avec section
complète des fléchisseurs. Il faut employer le chloroforme pour faire
le pansement et réunir la plaie par une suture. Etat saburral des
voies digestives combattu par les laxatifs ; régime lacté. On cherche
vainement dans les évacuations le corps étranger qu'elle a dû ava-
ler le 15 décembre. La palpation de la région épigastrique et
abdominale ne permet aucune constatation de nature à nous
éclairer.
Les jours suivants, crises d'agitation furieuse avec hallucina-
tions terrifiantes de l'ouïe : « On lui dit qu'elle a mérité la mort,
qu'elle a commis un crime en avalant le crucifix ; pourtant elle l'a
fait précisément pour se préserver du démon. » Attitude effrayée
avec hallucinations de l'ouïe; alternatives de calme pendant
lesquelles elle se plaint de sensations de serrement à la gorge et de
douleurs d'estomac et dans la région du sein droit; prétend
qu'elle ne peut digérer, que le sang l'étouffera, que le médecin lui
a prédit qu'elle mourrait par le sang. La langue demeure légère-
ment saburrale, la plaie du bras s'est infectée.
31. Ces jours derniers elle était un peu plus calme sans modi-
fication de l'état mental mais aujourd'hui l'agitation réparait avec
des crises panophobiques. Idées de suicide, veut s'échapper pour
aller se jeter sous un train : « Je suis damnée, je suis perdue,
j'aime mieux mourir que d'appartenir au démon. »
2 janvier 1900. Vers quatre heures du soir, état nauséeux
avec efforts de vomissements : elle rend environ une cuillerée de
sang rouge et très clair, puis a une syncope. A sept heures et
demie, elle veut aller sur le vase et a une nouvelle syncope. A dix
heures et quart, vomissements abondants de sang pur que l'on
298
CLINIQUE MENTALE.
peut évaluer en volume à 7j centilitres environ. A la suite de cette
hémorrhagie la malade succombe en quelques minutes, en pleine
connaissance.
Autopsie. - Poumons et coeur exsangues, adhérences pleurales
généralisées du poumon droit anciennes. La masse intestinale est
gonflée de gaz et est d'une teinte rouge vineux uniforme. Pas de
signes de péritonite. Foie, rein=, rate exsangues, pâles et mous.
Utérus petit, sans vice de conformation ; les ovaires présentent
plusieurs kystes séreux de la grosseur d'une noisette.
Estomac énormément dilaté par du sang liquide et des caillots.
Une ligature est jetée sur l'oesophage et le duodénum ; en prati-
quant cette dernière, on aperçoit, il.} cen-
timètres environ du pylore une large taclie
ecchymotique dont la partie centrale est
tellement amincie qu'elle se déchire quand
on exerce une traction sur l'anse duodénale
pour passer le fil. L'estomac ouvert suivant la petite
courbure est absolument rempli de sang fluide au
milieu duquel flottent quelques caillots mous et
quelques débris de pulpe d'orange; la muqueuse
est légèrement rosée par imbibition. Vers le milieu
de la grande courbure on remarque deux taches
ecchymotiques très superficielles et de même
dimension; nulle part trace d'ulcération ni d'in-
llmamalion jusqu'au pylore. A 3 centimètres au
delà du pylore largement dilaté existe sur la paroi
duodénale une ulcération mal délimitée dont le
fond est ouvert. mais où l'on ne trouve pas trace
de vaisseaux ulcérés. Au milieu des caillots retirés
de 1 estomac on trouve un christ en alliage très lourd (antimoine 7)
dont un des bras est cassé; la main de l'autre bras et les deux
pieds sont également brisés et ces extrémités présentent des
pointes et des arêtes vives. Ce christ, pendant les manipulations
de l'autopsie, a dû glisser dans l'estomac par l'orifice pylorique lar-
gement relâché ; sa longueur est de centimètres, son envergure
de 3 centimètres et son poids est de 20 grammes. Le cerveau n'a
pas été examiné.
Nous relevons, parmi les idées délirantes émises par la
malade, la suivante qui est bien caractéristique : « On lui dit
qu'elle a mérité la mort, qu'elle a commis un crime en ava-
lant le crucifix ; pourtant elle l'a fait précisément pour se
préserver du démon. » Son intention est ainsi nettement
affirmée et ne laisse subsister aucune équivoque. Elle voulait
donc éloigner d'elle le démon en avalant le crucifix, ce qui,
1'ig. S.
ÉPILEPSIE. TRÉPANATION ACCIDENTELLE. 299
dans son imagination déréglée et en proie au délire, devait
l'emporter de beaucoup en efficacité sur les autres procédés
de préservation mystique habituellement usités tels que le
contact d'objets bénits, l'eau de Lourdes, les prières, etc. Son
acte n'est pas, à proprement parler, un suicide ni une tenta-
tive de mutilation ; cependant ce n'est pas purement et sim-
plement un acte de défense semblable à celui de l'alcoolique
qui, pour fuir des ennemis pressants, prend une fenêtre pour
une porte et se lue en tombant du haut de la maison. C'est
un coup de désespoir analogue à celui de l'individu qui se tue
volontairement pour échapper à une obsession insupportable,
comme l'idée du déshonneur, d'un supplice imminents. Le
démon était là, présent ; il fallait sans délai se mettre hors
de ses atteintes et, pour celà, elle ne voit rien de mieux que
d'arracher le christ de la croix et de l'avaler. Si elle n'a pas
calculé les conséquences de son action, il est vraisemblable
que la crainte de ses conséquences, eût-elle pu les prévoir,
ne l'eût pas arrêtée. C'est pourquoi il nous a paru légitime
de joindre cette observation aux deux précédentes.
' Une seule remarque, pour terminer : comme on devait s'y
attendre, nos trois sujets sont des prédisposés, des hérédi-
taires ; les deux premiers sujets à des bouffées délirantes, le
troisième habituellement obsédé.
RECUEIL DE FAITS.
Épilepsie. Trépanation accidentelle;
Par le D' G. JACQUIN,
Chef de clinique mentale à l'Unirersité de Lon.
Sommaire. - Antécédents héréditaires. Père mort ci soixante ans d'une
attaque d'apoplexie, après deux ictus qui l'avaient laissé hémiplé-
gié. Mère morte ci soixante-quinze ans de phtisie galopante; deux
enfants : a) le malade, b) un frère mort d'albuminurie ci soixante-
quatorze ans.
300 RECUEIL DE FAITS.
Antécédents personnels. Rien dans la première enfance, pas de
convulsions. Pas d'alcoolisme, ni syphilis. Pas d'excès vénériens.
Fièvre typhoïde à l'dge de dix-huit ans, à forme grave avec délire,
et qui dura quatre mois ; trois mois après apparaissent les pre-
miers phénomènes convulsifs.
X..., célibataire, trente-sept ans.
Histoire de la maladie. Les crises du début étaient courtes,
sans cri initial, sans émission d'urine ; mais avec chute, morsure
de la langue, perte de connaissance. La crise été précédée d'une
aura que décrit assez bien le malade ; il lui semblait avoir quelque
chose de lourd sur l'estomac qui remontait au cerveau; à partir
de ce moment il avait la sensation d'un instrument qui tournait
rapidement en faisant un bruit analogue à celui d'une horloge
qu'on remonte. Ces crises revenaient assez régulièrement une fois
tous les mois.
Depuis l'année 1894 les crises sont plus franches, plus fréquentes :
elles sont surtout nocturnes, pas de cri, mais perte de connais-
sance, morsure delà langue, émission involontaire d'urine et quel-
quefois de matières fécales, écume sanguinolente, phase de con-
vulsions cloniques, ronflement et assoupissement.
Le malade ne conserve aucun souvenir de sa crise ; après celle-
ci, il est abruti et présente un peu de torpeur intellectuelle, de fai-
blesse générale qui persiste plus ou moins longtemps. La durée
des crises, courte en général, n'a jamais dépassé quelques minutes.
Le malade suit un traitement par le bromure de potassium à
hautes doses. En 1897, les crises augmentent de fréquence, deux
ou trois par semaines la nuit, et souvent se répètent deux ou trois
fois par nuit.
Examen somatique. Rien au coeur, pouls un peu tendu. Em-
physème pulmonaire. Appareil digestif normal. Urines : élimination
moyenne, ni sucre, ni albumine.
Système nerveux. - Réflexes rotuliens normaux. Force muscu-
laire égale des deux côtés. Pas de troubles de la station debout,
ni de la marche. Pas d'incoordination. Léger tremblement des
doigts. Pas de troubles de la sensibilité subjective; sensibilité tac-
tile, thermique, à la douleur intactes ; pas de zones hystérogènes.
Vision : pupilles égales, non contractées, réagissent à la lumière et
à l'accommodation. Acuité auditive diminuée surtout à droite. Rien
au goût.
Etat mental. Mémoire un peu paresseuse, pas de troubles de
la parole, pas d'incohérence des idées ou des actes. Sommeil bon,
pas de cauchemars. Le malade, très impressionnable, pleure faci-
lement ; état habituel de tristesse, tendance marquée à l'hypo-
chondrie. Etat physique : pas d'anomalies.
En octobre 1897, le malade, alors qu'il était assis près de sa
EPILEPSIE. TRÉPANATION ACCIDENTELLE. 301
cheminée prend une crise et tombe dans le feu : heureusement
celui-ci, composé de cendres chaudes et de quelques charbons
ardents, ne flambait pas.
Le malade, n'a jamais pu savoir combien de temps il était resté
dans le feu ; c'est un voisin qui l'a trouvé la tête encore au milieu
eu
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302 RECUEIL DE FAITS.
des cendres. Quand on le relève, on constate une brûlure linéaire
allant de l'angle interne de l'oeil gauche à la commissure gauche
de la l'èvre ; une brûlure à l'oreille gauche; et enfin une brûlure
siégeant sur le cuir chevelu à gauche, empiétant sur la ligne mé.
diane, brûlure profonde ayant atteint toutes les couches de l'épi-
crane, et allant jusqu'à l'os ; d'une longueur de 15 centimètres
sur 12 centimètres de large. Pansement picriqué.
Quelques semaines après, une plaque de sphacèle se limite net-
tement par un sillon assez profond d'où s'échappe du pus ; cette
plaque, plus longue, que large, de forme presque rectangulaire, est
noirâtre ; le séquestre que représente les figures 9 et 10 se limite,
les bords taillés en biseau sont déchiquetés. Lavages de la région
a l'eau phémquée, pansement il la vaseline boriquée, renouvelé
tous les jours.
Le malade n'a jamais eu de température, ni de réaclion géné-
rale. Au mois de juin 1898, en proie à des démangeaisons intolé-
rables, en se grattant, il aide involontairement il l'élimination du
séquestre qui le lendemain se détachait avec le pansement.
Le séquestre, dont la figure 9 donne les dimensions exactes,
comprend ainsi qu'on le voit sur la figure 10 : une majeure paltie
du pariétal et du frontal gauches, une petite portion du pariétal
et du frontal droit, ainsi que les sutures correspondantes, fronto-
pariétale, métopique et sagittale. La face externe est lisse, de colo-
ration jaunâtre, les bords découpés en biseau. La face interne
est plus intéressante car elle permet de mieux voir les parties de
la paroi cranienne composant le fragment osseux éliminé.
La table externe et une partie du diploé composent ce séquestre;
il y manque la table interne sauf en deux points A et B qu'on voit
en saillie sur la figure 10, à ce niveau la calotte osseuse a été éli-
minée dans toute son épaisseur.
La plaie, couverte de bourgeons charnus assez exubérants, sup-
pure et saigne facilement. Au niveau des points A et 13, à leur
partie correspondante sur la tête du malade, la plaie parait dépri-
mée. Ces deux dépressions sont soulevées légèrement par des mou-
vements d'expansion réguliers et synchrones aux pulsations car-
diaques. Le soulèvement de ces régions s'exagère quand le malade
tousse, éternue, fait des efforts, etc.
Le malade qui, avant son accident, prenait deux ou trois fois par
semaine et chaque fois plusieurs crises remarque que les crises
seraient moins fréquentes (une fois par semaine). Depuis l'élimi-
nation du séquestre (ler juin au 17 juin 1898), il n'a eu que deux
petites crises successives dans la nuit du 16.
Juillet 1898. la crises; août, 10 crises; seplenzbne,-13'crises,;
octobre, 1(i crises. · .
Novembre, 15 crises. A cette époque la plaie est complètement
cicatrisée. mais aux deux, points où la table interne s'est éliminée,
Fig. 10. - Séquestre. Face interne : a. pariétal gauche; b, frontal gauche. (Grandeur naturelle.)
304 RECUEIL DE FAITS.
la région est déprimée, et subit toujours de légers mouvements
d'expansion. Etat général bon.
Le malade que nous avons vu à plusieurs reprises en janvier et
en décembre 1899, nous affirme que ses crises sont aussi fréquentes
qu'avant l'accident, toujours précédées de l'aura auditive déjà
décrite. ·
Malgré les nombreuses lacunes que présente notre observa-
tion, il nous a paru intéressant de la publier. Elle aurait été
plus concluante, si nous avions pu relever très exactement, le
nombre des accès, suivre et examiner de plus près le malade;
mais il s'agit d'un cas de clientèle observé par hasard, et où
les investigations cliniques sont forcément très restreintes.
Le caractère des crises, telles qu'elles nous ont été décrites,
est suffisamment net pour qu'on puisse porter le diagnostic
d'épilepsie ; les relations de cause à effet avec la fièvre
typhoïde sont aussi fort probables, car le malade avant son
infection éberthienne n'était pas convulsivant, les crises sont
survenues comme complication de cette infection.
Etant donné la variété d'aura sensorielle (auditive) si bien
décrite par le malade, et l'affaiblissement notable de l'ouïe,
nous avons cherché à savoir si, pendant sa fièvre typhoïde
ou à la période de convalescence, X... n'aurait pas eu de
localisation infectieuse du côté de l'appareil auditif; nos in-
vestigations n'ont pas abouti, car les souvenirs du malade ne
sont pas assez précis, et l'examen otoscopique n'a pu être
fait. ,
Notre observation montre encore une variété d'accidents
auxquels sont sujets les épileptiques ; la brûlure a été, dans
notre cas, très étendue et très profonde, et pourtant le malade
a supporté sans complications, et la suppuration longue, et
l'élimination du séquestre crânien, il n'a en effet gardé le lit
que pendant quelques jours après l'accident. Ce fait viendrait
à l'appui de l'assertion de quelques auteurs : à savoir la résis-
tance si considérable des épileptiques, vis-à-vis des trauma-
tismes, des infections, etc.
Enfin, à côté de cet exemple assez rare d'élimination acci-
dentelle d'un séquestre aussi étendu, il reste un dernier point,
le plus intéressant peut-être de l'observation : l'action tltém-
peutique de la trépanation accidentelle constatée chez le
malade après sa brûlure, sur ses crises convulsives.
L'examen de la figure 10 montre bien, en deux régions, A
ÉPILEPSIE. TRÉPANATION ACCIDENTELLE. 305
et B, que la table interne lait partie du fragment osseux ; ces
deux zones, véritables couronnes irrégulières de trépan, sont
situées à gauche de la suture sagittale, la première (B) à che-
val sur la suture fronto-pariétale gauche, la deuxième (A) en
arrière de la précédente (ftg. 10).
La brûlure a fait chez notre malade ce qu'aurait fait le
trépan du chirurgien. Si l'on note l'état du malade avant,
pendant et après l'accident, il ressort clairement que le nom-
bre des crises s'est abaissé au moment, et quelques semaines
après la brûlure, mais qu'après cette période d'amélioration
passagère, les crises sont revenues semblables comme fré-
quence, comme nature, comme intensité à ce qu'elles étaient
primitivement.
Ce fait vient donc s'ajouter aux exemples nombreux déjà,
de trépanation dans l'épilepsie, qui montrent, qu'en dehors
d'antécédent traumatique, de signe de tumeurs ou de trace bien
nette de localisation dans la convulsion, cette opération pro-
cure quelquefois une amélioration transitoire, mais jamais
une guerison définitive.
Ainsi qu'on le voit par l'observation de notre ami Miraillé
publiée dans le dernier numéro des 'Archives et par celle
qui précède, l'appel que nous avons adressé à tous pour avoir
des renseignements sur les suites ultérieures de la craniec-
tomie au point de vue thérapeutique chez les épileptiques et
les idiots n'est pas resté sans écho. Nous renouvelons cet
appel, désireux de préciser nettement la valeur du traitement
chirurgical de l'épilepsie et de l'idiotie.
Le cas de M. le Dr .Jacquin est du plus haut intérêt. Le
sequestre éliminé à la suite d'une brûlure survenue au cours
d'un accès est plus large que tous les volets osseux opéra-
toires. Le résultat curatif est le même : suspension momen-
tanée des accès - ce qui arrive souvent après des brûlures
limitées au cuir chevelu ou intéressant d'autres parties du
tégument. Nous rappellerons à ce propos qu'au Congrès
d'Angers nous avons montré le crâne d'un adolescent offrant
une large perforation congénitale qui n'avait pas empêché
l'apparition de l'épilepsie. B.
Archives, 2* série, t. IX. 20
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
PATHOLOGIQUES.
XXVI. Recherches histologiques sur une moelle épinière atteinte
de syringomyélie et hétérotopies multiples; par LOMBARD).
(inn. di nevr., fasc. 1-11, 1899.)
Une observation dont l'auteur tire les conclusions suivantes :
dans la paralysie générale, on peut voir se former dans la moelle
épinière des cavités de nouvelle formation. Dans le cas particulier,
elles siégeaient dans la substance grise, et se développaient à la
périphérie des vaisseaux, dont les tuniques sont épaissies par un
processus d'artério-sclérose. Il existait dans ce cas des troubles
trophiques des mains et des pieds, en rapport direct avec la pré-
sence de ces cavités de nouvelle formation, étant donné leur
localisation dans les régions cervicale et lombaire. Les hétéropies
ne sont pas non plus une rareté dans la paralysie générale, et
quelquefois, comme dans le cas actuel, la syringomyélie se trouve
en rapport direct avec ces anomalies de développement.
J.SLGLAS.
XXVII. Études chronoscopiques sur l'écriture; rapports entre la
rapidité de l'écriture, la pression et l'effort musculaire ;
par G. Ouici. (Riv. clz pal. nerv et ment. fasc. II. 1899.)
XXVIII. Aplasie congénitale du cervelet chez un chien; par
DEGAIOELLO etSravcARO. (Riv. di put. ner0. et ment., fasc. II, 1899.)
XXIX. Sur les lésions des éléments nerveux dans le cours de la
péritonite par perforation; par l3.muacc. (Riv. di pat. nerv. et
ment., fasc. 111, 1899.)
XXX. Recherches expérimentales sur l'origine de quelques erreurs
de la mémoire; par.). Fmzi. (Riv. di pal. nerv. et iiieizt., fase. 111,
1899.)
XXXI. Sur les altérations des cellules nerveuses de la moelle
épinière consécutives à l'occlusion de l'aorte abdominale; par
IlIGIIETT1. (Riv. di pat. nerv. et me21t ? fzssc. IV, 1899.)
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 3U1
XXXII. Les tumeurs du corps calleux et de la corne d'Ammon; par
le D'' ScuuurFn. (Riv. sp. di fieu., fasc. 1-11, 1899 )
Une observation personnelle et une revue critique très intéres-
sante des travaux antérieurs sur le sujet. En ce qui concerne en
particulier lé diagnostic, l'auteur pense que l'on devra soupçonner
une tumeur du genou du corps calleux quand le tableau clinique
est dominé longtemps avant l'apparition des troubles moteurs,
par les troubles psychiques, qui peuvent être même le seul symp-
tôme présenté par le malade; quand il y a participation isolée ou
précoce de l'un ou des deux nerfs faciaux inférieurs; quand la
tête est tournée vers le côté où existe la paralysie ou en général
quand il y a contracture des muscles du cou et de la nuque ; quand
la paralysie des bras est plus accentuée que celle des membres
inférieurs; quand il y a dans la marche des troubles rappelant
l'ataxie cérébelleuse.
On soupçonnera a une tumeur de la partie médiane du corps
calleux quand le vomissement fera défaut ou ne se présentera
qu'accidentellement; et quand l'affaiblissement des membres supe-
rieurs et inférieurs se présentera presque simultanément et ne se
manifestera que tardivement comme paralysie véritable. Enfin, on
soupçonnera une tumeur de la partie postérieure du corps calleux
si la paralysie commence par les membres inférieurs, si le facial
reste indemne, si la marche n'est intéressée que tardivement,
enfin, si les symptômes rappellent ceux des lésions cérébelleuses.
J. SÉGLAÓ.
XXXIII. Extirpation des canaux semi-circulaires et degéné-
rations consécutives dans le bulbe et le cervelet; par le Du
DEGAiOELLO. (Itiv. sp. di. fieu., fasc. 1, 1899.)
De ses expériences, l'auteur conclut que même la racine vestibu-
laire subit la dégénération ascendante. L'extirpation unilatérale
des canaux semi-circulaires détermine une dégénération bilaté-
rale dans le bulbe et le cervelet. Il faut donc admettre dans ces
organes une décussation des fibres nerveuses du nerf vestibulaire.
Il existe un lien intime, anatomique et physiologique, entre les
canaux semi-circulaires et le cervelet. La gravité des phénomènes
présentés par les animaux privés des canaux semi-circulaires est
en rapport avec l'intensité du processus dégénératif qui se mani-
feste dans le bulbe et dans le cervelet. J. SMLAS.
XXXIV. Contribution à la séméiologie de la pupille; par le
^ U'' Maiuno. (Riv. sp. di. fuit., fasc. Il, 1899.)
Les pupilles des enfants sont toujours normales pour la dila-
308 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
tation et les réflexes : cependant elles réagissent très peu sous
l'influence de la douleur. La pupille est très sensible aux intoxi-
cations presque physiologiques (alcool, nicotine); dès lors, si l'on
rencontre chez les adultes des anomalies, toute autre cause éli-
minée, on est en droit de les attribuer à ces intoxications. Les
troubles pupillaires (mydriase, inégalité, troubles des réflexes)
sont fréquents dans les maladies communes; les variations que
peuvent subir, dans le cours de la maladie, le diamètre pupillaire
et les réflexes est souvent un signe pronostique de valeur. Con-
trairement à l'opinion courante, les troubles pupillaires seraient
très rares chez les tuberculeux, plus communs dans les anémies,
très fréquents dans les maladies des voies digestives. Dans l'hys-
térie et la neurasthénie, les pupilles sont toujours dilatées, tout au
moins normales, jamais rétrécies, rarement inégales et présentant
un retard des réactions. Dans les névralgies, la pupille est très
variable et le signe de Seeling-Muller inconstant. Dans les tumeurs
cérébrales il existe presque toujours des troubles pupillaires graves
et complexes. Dans les hémorragies cérébrales, ils sont moins
fréquents, sauf le myosis qui est constant dans les hémorragies
protubérantielles. Ils sont également graves et complexes dans la
méningite basilaire tuberculeuse. Dans la syphilis centrale, l'iné-
galité est presque constante; fréquente dans la poliomyélite.
Dans la chorée, il y a presque toujours de la mydriase. Les
pupilles sont toujours normales dans la sclérose en plaques et la
syringomyélie. Dans l'épilepsie, rigidité presque constante pendant
l'accès, avec myosis ou mydriase; dans les intervalles, la mydriase
est plus fréquente. Dans le tabes dorsalis, myosis, et signe de
Robertson constants. J. SÉGLAS.
XXXV. Asymétries endocraniennes et autres particularités mor-
phologiques de la base du crâne ; par Giuffiuda-Ruggeri. (Riv.
sp. di (l'en., fasc. II, 1899.)
XXXVI. Sur l'hérédité de quelques phénomènes oniriques ;
par G1ANNELLl. (Riv. sp. di fi-en., fasc. II, 1899.)
XXXVII. Influence de l'insomnie expérimentale sur les échanges
organiques ;- par Giulio Varozzi. (Riv. di pat. nerv. et ment.,
fasc. I, 1899.)
XXXVIII. Sur les altérations des cellules du noyau d'origine à la
suite de la section ou de l'extirpation de l'hypoglosse; par
G. FoA. (Riv. di pat. nerv. et ment., fasc. I, 1899.)
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 309
XXXIX. Les dégénérescences rétrogrades dans la moelle épinière
en rapport avec le rétablissement fonctionnel dans le domaine
des nerfs lésés ; par le D CENI. (Riv. sp. di /'ren., fasc. II, 1899.)
L'auteur tend à démontrer : 1° que les lésions dégénératives
ascendantes des cordons postérieurs de la moelle, de quelque ori-
gine qu'elles puissent être, sont constamment en rapport intime
avec le défaut de rétablissement de la fonction de sensibilité dans
le territoire d'un nerf lésé ou suturé ; 2° l'importance capitale que
doit avoir la régénération des fibres nerveuses périphériques dans
le rétablissement de la sensibilité dans le territoire d'un nerf lésé.
J. SÉGL4S.
XL. Le poids spécifique de la substance blanche et de la subs-
tance grise dans les différentes régions du cerveau chez les alié-
nés ; par le Dr AGOSTINI. (Riv. sp. di fren., fasc. II, 1899.)
Dans les psychonévroses, le poids spécifique des diverses par-
ties de l'écorce cérébrale, de la substance blanche, du cervelet ne
s'éloigne pas d'une façon appréciable des moyennes normales, et
les modifications notées se doivent attribuer à l'état d'hyperhémie
ou d'anémie, à la distribution différente du sang dans le tissu
nerveux. C'est seulement quand la lésion de la cellule nerveuse
devient irréparable, que l'affaiblissement démentiel consécutif est
grave que le poids spécifique se trouve sensiblement altéré.
Dans les autres affections mentales, accompagnées de désordres
encéphaliques aigus ou chroniques, avec processus secondaires
d'atrophie, de ramollissement, de dégénérescence, d'hyperplasie
conjonctive, de sclérose, alors qu'il existe une altération grave et
progressive des éléments nerveux (démence paralytique, alcoo-
lique, sénile, hémiplégique, etc.), le poids spécifique subit des
altérations notables et constantes.
En pareil cas, dans la région de l'écorce où prédominent les
lésions de ramollissement, d'atrophie, d'oedème, d'anémie persis-
tante des éléments nerveux, comme par exemple dans la période
ultime de la paralysie générale, le poids spécifique descend beau-
coup au-dessous de la normale ; en revanche là où se montrent
des processus d'inflammation aiguë, d'hyperplasie conjonctive,
d'hyperhémie, comme dans le délire aigu, la folie épileptique alcoo-
lique, la période congestive delà paralysie générale, le poids spé-
cifique de l'écorce cérébrale est supérieur à la normale. Par ordre
de fréquence, on trouve spécialement atteintes les circonvolutions
des régions antérieure et rolandique ; puis lespariétales et tempo-
rales, enfin les occipitales. Les lésions siègent toujours dans lesdeux
hémisphères, plus graves, tantôt d'un côté, tantôt de l'autre. Dans le
310 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
même cerveau on peut trouver certaines zones corticales ayant
un poids spécifique élevé, tandis qu'il sera diminué dans d'autres.
Pour la substance blanche, les variations de son poids spécifique
sont soumises aux mêmes lois que pour la substance grise. Il
convient de noter l'abaissement considérable observé dans les cas
de folie pellagreuse, de démence paralytique et de démences con-
sécutives à des processus de destruction et de dégénération, ainsi
que l'augmentation dans la folie épileptique et alcoolique et le
délire aigu.
Pour le cervelet, le poids spécifique ne parut que rarement mo-
difié dans les aliénations mentales et seulement dans celles en rap-
port avec des processus d'inflammation aiguë, d'anémie ou d'hyper-
hémie cérébrales. Il en fut de même pour le bulbe. J. Ségalas.
XLI. Considérations critiques sur l'hypothèse de Ramon y Cajal
sur la signification des entrecroisements sensoriels, sensitifs et
moteurs; parLuGARO. (Riv. di pal. nerv. et ment. fasc. VI, 1899.)
XLII. Sur un cas de malformation de la moelle épinière chez
une idiote affectée de diplégie infantile; par Guilio LEN-1. (Riv.
di pat.nerv. et ment., fasc. VII, 1899).
XLIII. Sur les altérations des éléments nerveux dans l'empoison-
nement subaigu par l'aluminium ; par ZOUDER. (Riv. di pat.
nerv. et ment., fasc. VIII, 1899.)
XLIV. Le pouls cérébral dans les diverses positions du sujet ;
par le professeur Sciammana. (Riv. Sp. di frein., fasc. I, 1899.)
Le pouls cérébral est d'autant plus ample que la position du
sujet est plus voisine de la verticale, et en tout cas. que la posi-
tion du tronc est plus droite. La position du sujet et du tronc res-
tant la même, le pouls cérébral est d'autant plus ample que des
changements de volume ont plus de facilité pour s'effectuer d'une
façon indépendante des changements dans les rapports de conti-
guité entre la surface de l'encéphale, les bords de la brèche
osseuse et les tissus mous qui la recouvrent. Dans la position
droite du tronc, toutes conditions relatives à la forme, à la posi-
tion de la brèche, il l'enfoncement et la résistance des tissus mous
qui la recouvrent restant d'ailleurs égales, le pouls est d'autant
plus ample que l'inclinaison de la tête dans un sens ou dans
l'autre favorise mieux la congestion active de l'organe. J. Scr.ns.
XLV. La capacité de la fosse cérébelleuse ; par le
D1' GU11·'FIIICTa-ItUGGEftI. (Riv. Sp. di fren., fasc. I, 1899.)
La capacité de la fosse cérébelleuse est peu influencée par la
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 311 1
conformation cranienne. Si l'on admet qu'à des types craniens,
essentiellement différents, comme l'ellipsoïde et le sphénoïde,
correspondent des races différentes, il apparaît clairement que les
oscillations de la capacité cérébelleuse font partie de ces varia-
tions somatiques, qu'elles ne sont pas liées à des variations
ethniques, mais restent strictement individuelles. En outre la cons-
titution physique, après le sexe et la taille, parait être le facteur
le plus important de ces variations individuelles. J. SMLAS.
XLVI. L'ergographe dans les recherches de psycho-physiologie;
par COLUCC1. (Ann. t<t)Mt))'o ? fasc. V-VI, 1899.)
XLVII. Le pouvoir tératogène et dégénératif de la neurine, de l'al-
cool éthylique et de l'acétone sur le système nerveux embryon-
naire ; par MtRTO. (Ann. di nevr., fasc. IV-V, 1899.)
XLVIII. De l'influence de l'électricité sur la force musculaire ;
par Carlcraxt. (Ann. di ne) ? fasc. 1-11, 1899.)
XLI\. Sur les mouvements auxiliaires des hémiplégiques ; par
Serafino ARNAUD. (Riv. di pat. nerv. et ment., fasc. 111, 1899.)
11 y a des hémiplégiques qui peuvent, temporairement et volon-
tairement, vaincre la contracture des fléchisseurs des doigts et de
l'avant-bras, au moyen des mouvements auxiliaires. La contrac-
ture chez les hémiplégiques dépend du défaut d'équilibre entre la
tonicité des divers groupes musculaires ; ce sont les moins frappés
qui entrent en contracture. La résolution dépend surtout de l'inhi-
bition s'exerçant sur les muscles atteints. Selon l'auteur, les
mouvements auxiliaires pourraient dépendre non d'un fait simple,
tel que la suppléance de groupes musculaires jusque-là inactifs,
mais de la concomitance entre le mouvement de ces groupes
musculaires et la diminution de l'hypertonicité des fléchisseurs.
La fonction corticale qui préside à ces mouvements agit directe-
ment sur l'hypertonicité des fléchisseurs.
L'apparition des mouvements auxiliaires et la diminution de
l'hypertonicité des fléchisseurs réprésente un complexus de phé-
nomènes qui autorisent à formuler un pronostic favorable pour la
cessation de la contracture. J. Scr.AS.
L. La cellule nerveuse représente-t-elle une unité embryologi-
que ; par ONOFRIO. (Ami. dinerv., fasc. 1l1, 1899.)
LI. Contribution à l'étude des névrites expérimentales ; par
MoNDto. (Ann. di nevr., fasc. III, 1899.)
312 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
LU. Un cas de tumeur du cervelet ; par LIBERTI : ,(1. (Ann. di nerv.,
fasc. III, 1899.)
LUI. Sur l'élimination des éthers sulfuriques dans les urines des
épileptiques et des sitiophobes; par Galante et S ? vINI. (Ann.
dinerv., fasc. I-11, 1899).
L'approche de l'accès épileptique ou des troubles équivalents,
augmente la quantité des éthers sulfuriques, qui atteint son maxi-
mum avec l'accès, pour aller ensuite en diminuant graduellement
dans certains cas, ou pour revenir immédiatement dans d'autres it
la quantité normale. On doit admettre que dans les cas de sitio-
phobie il y a trouble des fonctions intestinales et spécialement
putréfaction des albuminoïdes, révélée par l'augmentation des
éthers sulfuriques. J. SEGLAS.
LIV. Des altérations de la circulation cérébrale dans l'intoxication
alcoolique aiguë; par W. DE BECIITEREV. (Centralbl. f. Ne1'ven-
laeilk., XXI. N. F., IX, 1898.)
Expériences de M. Beinar dans le laboratoire de M. Bechterew. in-
gestion dans l'estomac, ou sous la forme de solution alcoolique
d'extrait de sangsue, dans les veines, de 2 grammes d'alcool à 95°
par kilogr. du poids du corps du chien en expérience : moyenne
0,S par kilogr.
Conclusions. L'introduction dans les veines d'alcool augmente
l'activité du coeur et la pression du sang : il en résulte un hypé-
rémie généralisée du cerveau. Puis le coeur s'arrête, la pression du
sang diminue, les ondes du pouls deviennent plus rares, et appa-
raît de l'anémie cérébrale déjà manifeste à la fin du premier stade
de l'augmentation de la pression. L'anémie artérielle s'associe
d'ordinaire à une hypérémie veineuse du cerveau. - Troisième
stade. Malgré l'abaissement de la pression générale, et la diminu-
tion de l'activité du coeur, l'hypérémie artérielle reparait par suite
de paralysie ou de parésie des vasoconstricteurs du cerveau.
Quatrième stade. Le coeur reprend son activité, le pouls s'accélère,
le courant carotidien augmente, mais, malgré l'exagération de
la pression, l'hypérémie cérébrale ne reparait point.
L'introduction dans les veines de petites doses d'alcool déter-
mine de l'augmentation de la pression du sang et assez égale-
ment de l'hypérémie cérébrale ; il y a un certain parallélisme
entre les deux phénomènes. La mort s'accompagne d'une hypé-
rémie marquée du cerveau. La respiration s'arrête avant l'arrêt
du coeur.
L'ingestion par l'estomac d'alcool à petites doses produit une
modification insignifiante de la circulation cérébrale; on constate,
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 313
d'abord, une légère hypérémie, plus tard une anémie également
très légère. L'ingestion stomacale d'alcool à hautes doses pro-
voque une hypérémie cérébrale persistante suivie d'une anémie :
parfois c'est l'inverse. P. KERAVAL.
LV. Sur un phénomène pupillaire non encore décrit; par
A. WESTPHAL. Nouveaux phénomènes pupillaires, par J. PILTZ.
Du phénomène palpébral de la pupille (de Galassi) ; par
G. Mingazzini. (Neu1'olog. Ceztrnl6l., XVIII, 1899.)
La contraction énergique de l'orbiculaire détermine un rétrécis-
sement de la pupille de l'oeil correspondant. Ceci se produit d'au-
tant mieux que cette pupille sera plus insensible à la lumière,
qu'elle réagira plus lentement sous l'influence de la lumière et
qu'elle ne sera pas rétrécie. Plus l'effort de contraction de l'orbi-
culaire est vigoureux, et il l'est si l'observateur écarte les pau-
pières du patient malgré lui, plus le globe de l'oeil se porte en
haut et en dehors, plus rarement en haut et en dedans, tandis que
le myosis en question se produit (Bernhardt). On l'observe chez la
plupart des malades atteints d'immobilité pupillaire réflexe (para-
lytiques généraux, tabétiques, syphilitiques) quand les pupilles
sont larges ou moyennement dilatées, que la réaction à la conver-
gence et à l'accommodation soit bien conservée ou diminuée, le
myosis est généralement alors très considérable (A. Westphal).
Ce phénomène est rare chez les gens bien portants ou chez ceux
qui n'ont qu'une maladie fonctionnelle du système nerveux.
La convergence n'y est pour rien, car il y a rotation simultanée
du globe de l'oeil en haut et en dehors. Non plus l'accommodation,
puisqu'il apparaît alors qu'il n'y a presque pas ou pas du tout de
rétrécissement pupillaire accommodatif. La cause n'en est pas
davantage imputable à la modification invoquée de la circulation
irienne par la contraction de la paupière comprimant l'oeil, car,
ni chez les malades à pupilles immobiles sous l'influence de la
lumière, ni chez les gens sains à pupilles réagissant bien, la pres-
sion exercée sur le globe oculaire ne modifie la largeur des pu-
pilles, qui, au contraire, change quand s'effectue la contraction
vigoureuse de l'orbiculaire. Ce myosis serait donc un mouvement
associé de l'orbiculaire, tout comme la rotation concomitante du
globe de l'oeil en haut et en dehors.
La synergie produite par la même impulsion volontaire agissant
à la fois sur l'occlusion de l'oeil (parlefacial) à la fois sur d'autres
muscles du même organe, dont parle Bernhardt, s'interpréterait
ici comme suit. Les pupilles ne fonctionnant plus pour la conver-
gence et l'accommodation, l'occlusion vigoureuse de la paupière
vient donner un stimulant au sphincter irien et à la branche pu-
pillaire de l'oculomoteur commun. Par quelle voie anatomique ?
314 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
Chez les lapins et les cochons d'Inde la branche oculaire du facial
a son noyau original dans le noyau de l'oculomoteur commun
(Mendel). La clinique et la physiologie expérimentale ont déjà
mis en évidence la simultanéité de la contraction de l'orbiculaire
palpébral et du sphincter pupillaire, quand un pinceau lumineux
frappe subitement, vivement, fortement l'oeil (l3ridsall Uhthoff
Hitzig). Ainsi parle M. Westpiul.
AI. PILTZ rappelle qu'il s'agit là de la réaction paradoxale ou
inverse des pupilles à la lumière des paralytiques généraux
(Charcot, Forel) qui est non point un réflexe lumineux mais le
résultat d'un mouvement associé de la fermeture volontaire des
yeux.
Il l'étudie comparativement chez 22 paralytiques généraux,
25 stupides ou déments, 8 épileptiques, 9 tabétiques, 7 aveugles,
23 individus bien portants, sous deux formes.
1° Celle du myosis après une énergique et volontaire occlusion
palpébrale ; 2° celle du myosis pendant l'exagération de l'effort
(maintien des paupières par l'observateur).
La première forme du symptôme paraît généralement coïncider
avec l'immobilité ou la réaction paresseuse des pupilles à la
lumière, mais elle peut aussi se produire sur des pupilles réagis-
sant bien. La seconde forme apparaît le plus habituellement sur
des pupilles dont la réaction à la lumière est troublée, mais se
montre bien plus souvent que la première forme chez les individus
sains doués d'une bonne réaction pupillaire à la lumière.
Chez un tabétique aveugle (atrophie des nerfs optiques), dont
les pupilles étaient tout à fait insensibles à la lumière, la pupille
d'un oeil se rétrécit chaque fois qu'il clignote simplement de
l'autre oeil, le premier oeil restant dans le plan horizontal. C'est
là la réaction consensuelle de la pupille par l'orbiculaire ; de plus,
le simple clignotement des yeux provoque une contraction très
vive et très forte des deux pupilles comme plus haut.
Le mécanisme pourrait bien être celui de la modification de la
circulation irienne par la pression déterminée sur le globe au
moyen de l'énergie de la contraction palpébrale. Voici par exem-
ple une malade atteinte de paralysie de l'oculomoteur commun
du côté gauche depuis de longues années; l'eeil malade ne peut
du tout se mouvoir en haut ou en bas, la pupille en est immobile
à la lumière, à l'accommodation, à la convergence, mais elle se
rétrécit quand elle regarde en haut ou ferme les deux yeux. Si
l'on maintient les paupières qui essaient énergiquement de se
fermer, le globe s'échappe horizontalement en dehors, et la pu-
pille se rétrécit notablement.
La forme première de ce symptôme seule avait déjà été observée
par Wundt. Physiologische Psychologie, 1880, page 172, et H. Gif-
ford. Archives of opthalmologie, XXIV, cah. 3. 0
REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 1315 S
C'est Galassi qui l'a découvert, il y a douze ans, dit M. Mingaz-
zini, en 1887, Bolletino, della Soc. Lancis. degli Ospedali, di
Roma, VII, fascicule 14 (juin 87 et janvier 88). 11 s'agissait d'un
cas de paralysie périphérique incomplète, par lesion osseuse, de
l'oculomoteur commun; la réaction pupillaire par la paupière
permettrait, en quelques cas, tous les autres mouvements des
pupilles étant perdus, de distinguer une paralysie périphérique
d'une paralysie centrale. En mai 1890, Fortunati le retrouvait
chez un tabétique atteint d'ophtalmoplégie incomplète du même
oeil. La persistance de la réaction des pupilles par la paupière
s'expliquerait, d'après Galassi, par la période de réparation au
début de laquelle serait l'oculomoteur commun ; les fibres pupil-
laires de ce nerf sont déjà redevenues conductrices, mais pas
aussi aisément qu'à l'état normal, la résistance aux incitations en
est plus grande que physiologiquement. Le courant qui réussit à
la vaincre n'est pas celui qui est produit par une excitation sen-
sible d'origine réflexe, c'est celui qui est produit par un mouvement
associatif résultant de la même impulsion volontaire. Celle-ci,
palpébrale, agit, simultanément, sur les fibres lisses du sphincter
pupillaire excessivement irritables parce qu'il y a eu névrite de
l'oculomoteur commun, aussi la réaction est-elle fort énergique.
P. Keraval.
LVI. Une nouvelle coloration du système nerveux ; par P. Kaon-
THAL. (Ne2tro(o,g. CentralLl., 1VIII, 1899.)
On prépare une solution de formiate de plomb en versant goutte
à goutte de l'acide formique dans une solution aqueuse d'acétate
de plomb ; il précipite des aiguilles cristallines blanches et fines.
On filtre et on redissout dans l'eau ; on a une solution très saturée
de formiate de plomb. On place des petits morceaux de système
nerveux de 8 millimètres de long et assez minces dans un mélange,
à parties égales, de cette solution et d'une solution de formaline à
10 p. 100, pendant cinq jours; puis, sans laver, dans un mélange
à parties égales d'une solution de formaline à 10 p. 100 et d'hy-
drogène sulfuré, en solution, en ayant soin d'arroser préalable-
ment les pièces, de ne pas les immerger brusquement. On les y
laisse ensuite cinq jours. Puis on les soumet à l'action de l'alcool
de plus en plus pur, on inclut, pour pratiquer les coupes, dans la
celloïdine, on éclaircit au carboxylol, ou monte au baume de Ca-
nada xylolé. Dans ces conditions, elles se conservent pendant des
.mois; s'il n'en était pas ainsi, c'est que la solution d'hydrogène
sulfurée, sursaturée, contiendrait du soufre libre. D'ailleurs, la
coloration sombre des préparations provient de la formation d'un
sulfure de plomb, puisque la substance noire se dissout dans l'acide
nitrique concentré.
316 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
Cellules et fibres nerveuses sont d'un gris sombre tirant sur le
noir, ou légèrement brunâtres. Ce sont les éléments mêmes des
tissus, la matière histologique propre, qui sont colorés. Aussi cel-
lules et fibres sont-elles pleines de petits grains noirs, très réguliè-
rement agglomérés, très fins, toujours égaux entre eux dans les
mêmes éléments anatomiques. Ces grains sont gros dans les grosses
cellules des cornes antérieures, petits dans les granulations de la
couche granuleuse du cervelet, très petits dans les fibres nerveuses.
L'auteur montre, à l'appui, de grandes cellules pyramidales de
l'écorce (lapin), la couche externe de la substance corticale grise
du cervelet, les prolongements cellulaires de l'écorce du cerveau
de l'homme, les cornes antérieures et la substance blanche de la
moelle du lapin, les fines cellules-araignées de la substance blanche
cérébrale et cérébelleuse, enfin la moelle d'un tabétique ; ici, dégé-
nérescence du tissu nerveux sans prolifération, s'accusant par une
coloration claire qui tranche sur la partie saine, tandis que la pro-
lifération s'annonce par une coloration sombre tranchant sur le
tissu sain ; détails merveilleux.
C'est une méthode admirable, facile, qui, pour six francs envi-
ron, permet de colorer tout un encéphale. Elle permettra plus
particulièrement d'analyser l'écorce grise, d'individualiser, pour
ainsi dire, chaque cellule avec ses parties constitutives et ses pro-
longements et d'établir ainsi l'anatomie physiologique de chaque
élément. Cette description systématique nous conduira à l'ana-
tomie pathologique d'affections inconnues, telles que la folie
systématisée. P. KERAVAL.
LVII. Étude critique du travail de A. Bethe. Les éléments anato-
miques du système nerveux et leur valeur physiologique » ; par
M. DE LC\IIOSSE6. Explications désirées par M. de LeNUOSS> : r. ;
par A. BETHE. (Neurolog. Centralbl., XVIII, 1899.)
L'étude de l'écrevisse commune, sur laquelle M. Bethe se fonde
pour combattre la théorie des neurones, peut se résumer ainsi.
Chaque segment du corps de cet animal est armé d'un ganglion
divisé en deux parties, réunies par une commissure transverse de
fibres, affectées à chaque moitié du corps. Le ganglion se compose
d'un manteau de cellules, la plupart unipolaires, qui entoure un
épais feutrage formé des ramuscules des fibres nerveuses et des
dendrites, appelé neurophile (His). Les cellules sont, les unes mo-
trices, les autres commissurales. Les premières envoient leur pro-
longement principal dans les racines; les secondes, dans les com-
missures transverses et longitudinales. Le prolongement principal
lance dans le neurophile ses prolongements accessoires (Retzius)
qui s'y fragmentent : ce sont bien des dendrites (Bethe, de Lenhos-
sek). Les racines nerveuses pénètrent dans les ganglions ; elles y
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 317
sont toujours mixtes, les fibres motrices émanant des prolonge-
ments des cellules des ganglions, les fibres réceptrices arrivant des
cellules sensorielles périphériqnes placées sous les antennules; ces
cellules-là envoient dans les antennules un court prolongement
périphérique et dans le ganglion un long prolongement central qui
est la fibre sensitive. Jusque-là rien de nouveau ; c'est la répétition
de l'anatomie du lombric (de Lenhossek et Retzius, 1892). Le
schéma est même conforme à la théorie du neurone; on y voit et
les terminaisons des dendrites et celles des fibres sensitives sous la
forme d'arborescences terminales libres.
C'est la structure fibrillaire des éléments nerveux qui est inté-
ressante. Le bleu de toluidine et l'acide molybdique ont mis en
évidence les neurofibrilles d'Apâthy et les grilles de fibrilles intra-
cellulaires. Seulement les grilles intracellulaires de l'écrevisse ne
sont pas aussi développées que dans les préparations d'Apâthy. Et
il n'y a pas de différence entre les fibres motrices et les fibres sen-
sitives quant au nombre et à la force des neurofibrilles comme il y
en a chez les sangsues et le lombric.
Mais en quoi cela peut-il contredire à la théorie du neurone ?
Les éléments nerveux, chez les invertébrés comme chez les verté-
brés, renferment des fibres spéciales nettes, oui; mais M. Bethe
n'a pas constaté le passage des neurofibrilles d'une unité nerveuse
à une autre; il n'a pas vu que le neuropile doive être consideré
comme un vrai réseau où se fondraient, en formant un grillage,
les fibrilles primitives, il n'a pas constaté la continuité des fibrilles
primitives de deux neurones dans ce grillage. Personne ne l'a
encore montré. Jusqu'ici les deux méthodes de coloration, celle de
Golgi st celle du bleu du méthyle montrent la cessation brusque
de deux éléments morphologiques. La prétention d'Apâthy de tenir
le neuropile central pour une grille élémentaire de diffusion, ne
suffit pas. Bethe dit meme que chez l'écrevisse il n'a pu se con-
vaincre de l'existence d'une vraie grille. Qu'il publie en tout cas sa
méthode de coloration pour qu'on puisse contrôler la continuité
des cellules nerveuses.
Au point de vue physiologique, les cellules nerveuse de l'écrevisse
sont, dans les ganglions, séparées par un certain espace du neuro-
pile puisqu'elles sont disposées à la surface de celui-ci comme un
manteau. Le corps de chaque cellule n'a d'autre prolongement que
son prolongement principal épais qui s'enfonce dans le neuropile ;
les branches qui correspondent aux dendrites émanent, dans le
neuropile, du prolongement principal. Or on dit que les courants
d'excitation reçus par les dendrites ne se portent pas dans le
corps de la cellule, qui se tient à l'écart, mais vont directement
au lieu d'implantation des dendrites en contournant la cellule, et,
celluli-fugitifs, au prolongement principal, pour de là se transpor-
ter aux fibres motrices périphériques. Seulement, pour le démon-
318 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
trer, il faudrait enlever complètement le complexus des proto-
plasmas des cellules nerveuses, en épargnant autant que possible
le neuropile et les racines nerveuses. On verrait si et à quel point
les mouvements réflexes ont souffert. Bethe y aurait réussi trois
fois, à la partie de l'encéphale de l'écrevisse qui forme le centre
nerveux de la seconde antenne : il n'en est rien résulté au point
de vue de ces fonctions sauf le troisième ou le quatrième jour
après l'opération, où l'antenne est complètement paralysée. Il en
conclut que la cellule, cette partie du neurone qui contient le
noyau, n'est pas absolument nécessaire à la manifestation essen-
tielle du réflexe, mais que le fonctionnement permanent de l'appareil,
réflexe central est impossible sans la cellule qui exerce sur le neu-
rone une action nutritive; le protoplasma en est l'agent, tandis
que le protoplasma et son noyau ne participent point aux fonc-
tions purement nerveuses. Seulement M. Bethe n'a enlevé qu'une
partie de la cellule, il a laissé les éparpillements de son proto-
plasma dans le neuropile, il a laissé les ramifications accessoires
de son prolongement principal qui doivent être regardées comme
des dendrites, qui sont des parties du protoplasma; c'est ce qui
explique la persistance des fonctions inhérentes au protoplasma.
Généralisant son assertion à toute la série animale, il. Bethe
ajoute que la cellule, organe purement trophique, n'a de rapport
avec la fonction nerveuse que parce qu'elle représente un poste de
passage approprié à une plus ou moins grande quantité de neuro-
fibrilles, parce qu'elle est, notamment chez les vers, le réceptacle
de la grille intra-cellulaire de fibrilles , intercalée entre les
fibrilles réceptrices et les fibrilles motrices. Les fibrilles et la grille
sont les voies conductrices des ondes excitatrices, sans que le
protoplasma cellulaire et le noyau les influencent. C'est possible,
mais non prouvé par l'expérience chez l'écrevisse. Entre le réflexe
simple d'un segment d'écrevisse et le jeu compliqué des fonctions
neuropsychiques des organismes supérieurs il y a une énorme
distance. Peut-on raisonnablement comparer les cellules des gan-
glions spinaux des écrevisses à celles des vertébrés ? Chez ces der-
niers, le corps de la cellule, piriforme, ne s'écarte pas du tout, des
extrémités nerveuses; il est copieusement entrelacé par les expan-
sions terminales, corbelliformes, des fibres sympathiques et autres.
Sans doute le corps de la cellule, avec ses dendrites, exerce une
influence sur la nutrition du neurone, probablement par la subs-
tance basophile (colorable, tigroïde de Nissl) ; mais toute cellule
possède à côté de la substance tigroïde, à côté des petites fibrilles
qui serpentent entre les mottes de tigroïde, une plus ou moins
forte quantité de plasma fondamental, siège très probable d'une
activité nerveuse spécifique. La multiplicité des formes, des rami-
fications, des dimensions, des dispositions, des structures, des
variétés des cellules, par exemple des cellules pyramidales, en
REVUE D'ANATOMIE Er DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 319
divers points de l'écorce ne se comprendrait pas si ces cellules
n'avaient qu'un rôle nutritif, on ne comprendrait pas non plus
leurs altérations dans toutes les affections nerveuses et mentales.
M. Bethe exagère le rôle nerveux et conducteur des neurofibrilles.
Sans doute elles servent à la conductibilité mais il y a aussi la
substance inlerfibrillaire. Il est vrai que Bethe et Apâthy pré-
tendent que ces fibrilles pénètrent les fibres musculaires et les épi-
théhums, dénudées, sans plus avoir de substance périfibrillaire.
Bethe dit que les fibres myéliniques des vertébrés, au niveau de
l'étranglement de lianvier sont dépourvues de substance inter-
brillaire entre les fibrilles de leur cylindraxe. Or toutes les méthodes
de coloration, sauf celle au bleu de méthyle, susceptible d'ailleurs
d'une autre interprétation, l'y décèlent. L'autre nuance trouvée par
Bethe et Mann, qui leur fait croire à l'existence d'une substance
toute différente, prouve uniquement que la substauce interfibril-
laire a subi quelque modifications physique ou chimique en ce
point.
Les conclusions tirées par M. Bethe de ses expériences fussent-
elles exactes, elles ne prouveraient pas la continuité des voies
conductrices et elles s'expliquent tout aussi avantageusement par
le contact des tractus sensitifs et destractus moteurs que par leur
continuité. Mais c'est la préparation histologique qui doit prouver
cette continuité.
M. Bethe attribue enfin les phénomènes intellectuels non plus
aux cellules mais aux fibrilles et à la grille qu'elles forment. Le
monde psychique serait le résultat des excitations externes sur la
grille des fibrilles de l'encéphale. La mémoire, pour lui, n'est pas
produite par une provision d'images commémoratives conservées
dans la cellule. Car elles ne sont pas spontanées, elles surviennent
à tout instant, sont d'origine récente, et disparaissent aussitôt
sous l'action des excitations extérieures. Il y a bien un reste des
impressions sensorielles, mais c'est une simple disposition. - Com-
ment alors se fait-il que la même impression sensorielle éveille chez
divers individus des images commémoratives toutes différentes ' ?
Parce que les impressions sensorielles antérieures ont laissé divers
états et que, par suite, la même impression sensorielle ramène chez
chacun ces états divers qui engendrent réactionnellement, des
images variées (De Lenhossek). Et c'est précisément la disposition
de Bethe qui est une allure spéciale physique ou chimique de la
substance nerveuse, un ordonnancement particulier des molécules
du cerveau, obtenu soit dans la cellule, soit dans la grille des ^
fibrilles, la mémoire en un mot. La mémoire est un état ; qu'une
onde excitatrice vienne iL parcourir les séries de molécules grou-
pées d'une manière déterminée, et l'image commémorative appa-
raîtra en nous : voilà le phénomène.
Réponse de .1/. Bethe. - La méthode de Golgi ne donne jamais
320 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
d'image complète d'un élément nerveux parce qu'elle incruste la
substance dans laquelle sont incluses les neurofibrilles. Or, Apâthy
et moi avons montré que cette substance n'accompagne générale-
ment pas les fibrilles dans tow leur parcours. Le système nerveux
central des vertébrés n'est pas non plus propre à résoudre la ques-
tion, néanmoins nous avons des documents qui, sous peu, vont
nous permettre une réponse très nette. Chez les invertébrés, et
surtout dans les organes où les éléments nerveux sont répartis en
surface, il y a sûrement des anastomoses entre les cellules, on y
voit toutes les transitions entre les anastomoses larges et entre les
anastomoses très fines ne provenant que d'une neurofibrille
(Apâthy). Il est à supposer que ces cellules-là sont l'intermédiaire
de réflexes tout à fait diffus; c'est ce qui explique que les cellules
voisines sont reliées entre elles. Cela n'a plus lieu quand il s'agit
de réflexes orientés dans une direction déterminée dans le système
nerveux central. Il n'est donc pas probable que l'on trouve des
anastomoses de cellules sises à côté les unes des autres, dans les
collections de cellules de même sorte des animaux vertébrés. Dans
les préparations au bleu de méthyle des ganglions de la sangsue,
Apâthy a vu des anastomoses, mais elles sont très rares, car la
coloration cesse généralement où cesse la substance périfibrillaire.
Les préparations de neurofibrilles typiques sont toujours em-
pruntées à des coupes minces; et il faut avoir de la chance pour
tomber sur la liaison de deux cellules nerveuses au moyen des
fibrilles primitives dans le système nerveux central. Mais chez la
sangsue on voit fréquemment ce qui suit : les fibrilles primitives
d'une cellule nerveuse se divisent en branches minces et passent
dans un réseau (grille élémentaire d'Apâthy et de Bethe). De cette
grille élémentaire partent des fibrilles plus épaisses qui s'en vont
à d'autres cellules : jamais on ne voit une fibrille primitive se ter-
miner dans le neuropile ; toujours on peut la suivre jusqu'à
d'autres limites de la coupe. C'est pourquoi il y a lieu de penser à
un lien de continuité entre les cellules du système nerveux cen-
tral par les fibrilles. P. KERAVAL.
LVII. Hétérotopie, canal central double et triple de la moelle;
par H. SENATOR. (Nezerolog. Cenlralbl., XVIII, 1899.)
L'observation avec l'autopsie a été publiée dans la Berlin. klin,
Wochenschré/ft, n° 8, 1899. Il s'agit d'une moelle étroite et mince,
macroscopiquement bien conformée, sauf au niveau du renflement
"lombaire; à l'oeil nu on trouve une dépression ellipsoïde de la
substance grise dont le diamètre longitudinal est nettement trans-
versal et le bord postérieur un peu échancré. Cette dépression,
voisine de la corne postérieure, dont elle est séparée par une large
raie de substance blanche normale, occupe le faisceau cunéiforme
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 321
droit, un peu en avant de son milieu. Elle est constituée par des
cellules nerveuses semblables à celles des cornes postérieures,
des noyaux névrogliques, quelques fibres à myéline, des vaisseaux.
Elle n'est pas étendue en hauteur, car on ne la trouve plus sur les
coupes un peu au-dessus et un peu au-dessous.
Ce n'est pas tout; les régions dorsale et lombaire ont un canal
central double et triple. Le canal central, simple dans la moelle
cervicale, a la forme et le volume habituels; il est presque tout à
fait rempli d'une masse celluleuse. A partir des quatrième et cin-
quième segments dorsaux, en descendant, on trouve deux canaux
revêtus d'épithélium; l'un, à grand diamètre longitudinal antéro-
postérieur, occupe presque la place normale, au milieu ; un se-
cond, plus petit, à gauche du premier, affecte la même direction.
Plus bas, les deux canaux augmentent de volume, et il s'y ajoute
un troisième ovale, ayant aussi son diamètre longitudinal antéro-
postérieur situé en arrière des deux autres, à peu près au milieu,
d'ailleurs aussi revêtu d'épithélium. Dans le renflement lombaire
tous trois sont revêtus d'épithélium : il y en a un de chaque côté,
en avant du segment de cercle antérieur des cordons postérieurs,
d'égal volume, mais celui de droite, triangulaire, a sa pointe diri-
gée en arrière, celui de gauche est plutôt circulaire; le troisième,
plus petit, est en arrière du canal de droite.
La malade, dont provient cette pièce, avait une série de troubles
nerveux des plus graves, mais pas de symptômes médullaires
proprement dits, ce qui concorde avec les observations des autres
hétérotopies vraies. P. KERAVAL.
LIX. Des réflexes pupillaires dus à l'attention; par J. PILTZ. (Neuro-
log. Centralblatt, XVIII, 1899.)
Une personne capable de s'observer et de commander à ses opé-
rations mentales est placée dans une chambre éclairée au gaz de
telle façon que lorsqu'elle fixe un point déterminé du mur en face
d'elle, ses pupilles sont moyennement dilatées. A côté du plan de
la ligne du regard est mis un chapeau noir qu'elle peut au besoin
regarder sans cesser de viser le mur. Porte-t-elle dans ces condi-
tions son attention sur le chapeau, on obtient une mydriase corti-
cale, un réflexe cortical dit d'attention, parce qu'il est en rapport
avec l'attention donnée à-l'objet sombre, placé à la périphérie du
champ visuel. Un bec de gaz étant disposé à gauche du patient,
et un chapeau noir à droite, le patient continue à fixer droit devant
lui un point sur le mur. Sans changer la direction du regard, il porte
son attention tantôt à la flamme de gauche, tantôt au chapeau,
alternativement. On voit alors la pupille se rétrécir puis se dilater
notablement; les pupilles reviennent à leur largeur moyenne quand
il porte son attention sur la muraille. Or, chaque fois que le patient
Archives, 2* série, t. IX. 21
322 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
a l'idée de prêter attention au chapeau, il y a dilatation, il y a au
contraire rétrécissement quand il s'attache à la flamme. Si, tou-
jours sans modifier la direction du regard, il dirige d'une façon
persévérante son attention sur la flamme, la pupille est animée de
plusieurs contractions successives ; ce phénomène correspond à
plusieurs efforts successifs d'une attention décroissante, explicables
par ce que la ligne du regard n'est pas directement dirigée sur
l'objet.
- La simple représentation intellectuelle d'un objet obscur entraine
de même la dilatation des pupilles; ainsi en est-il quand le patient
pense à l'obscurité du jardin la nuit. L'idée qu'il se fait d une
source lumineuse invisible pour lui provoque un rétrécissement
des pupilles, mais moins vif. L'idée représentative d'objets indiffé-
rents, encrier, table, fontaine, etc., reste sans influence sur la
largeur des pupilles. L'attention sur un objet obscur placé dans le
champ visuel dilate cependant plus fortement les pupilles que
la simple idée d'un objet obscur placé derrière le dos du patient.
La dilatation des pupilles est, au reste, plus lente que leur con-
traction. La dilatation pupillaire en rapport avec un effort muscu-
laire tient tout simplement à l'opération psychique correspondante
en l'écorce cérébrale et non aux phénomènes physiques vasculaires
invoqués dans l'espèce. Les pupilles se dilatent aussi bien quand le
patient agit sur un dynamomètre que quand il songe à cet effort
musculaire.
Conclusions. 1° Les pupilles se contractent : a) fortement
lorsque l'attention est tournée sur un excitant lumineux; b) faible-
ment quand elle est portée sur l'idée de lumière; 1° Les pupilles
se dilatent : a) fortement, quand l'attention se porte sur un objet
obscur; b) faiblement, quand elle est appelée sur l'idée d'un objet
obscur; 3° Les idées correspondant à des objets indifférents
(au point de vue de leur intensité lumineuse) n'agissent point sur
les pupilles; 4° La force de la modification des pupilles dépend
du degré (de l'intensité) de l'attention. P. KERAvAL.
LX. Contribution au développement du ruban de Reil et de ses
communications avec le centre; par A. DOELLKEN. (IVeU-010g.
Cenlralbl., XVIII, 1899.)
Faites chez les souris et les rats des coupes de 30 d'épaisseur
au plus ; chez les lapins, les chats, les chiens, des coupes de oO p.
au maximum, bien égales, bien nettes. Servez-vous de lamelles
de photoxyline. Placez dans une solution d'hématoxyline (Pal) à
froid, pendant 4-5 jours; chauffez deux heures à + 37° au plus.
Laissez refroidir. Mettez dan'; l'eau de source six à huit heures
sans changer l'eau, puis, pendant un quart d'heure ou une demi-
heure dans l'eau distillée alcaline (2 à 3 gouttes de liqueur de KO
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 323
caustique par lilre). Décolorez dans une solution d'hypermanga-
nate de li à 0,50 p. 100 environ, jusqu'à ce que les points amyéli-
niques soient transparents. Lavez à l'eau distillée. Portez dans une
solution d'acide oxalique à 1 p. 100 jusqu'à ce que les endroits
amyéliniques soient brun clair, les points myéliniques, l'écorce et
les noyaux encore plus sombres. Portez ensuite dans beaucoup
d'eau distillée où la coupe s'éclaircit encore. A ce monnnt, les
fibres sont bleu foncé, l'écorce et les foyers de noyaux franche-
ment brun clair, les endroits amyéliniques jaune clair. Les con-
tours des noyaux et leurs foyers dans les gros ganglions sont bien
accusés de même que l'écorce.
Chez un foetus humain de sept mois déjà pounu de fibres myé-
liniques dans la couronne rayonnante, entre la capsule interne et
les ascendantes, les cellules nerveuses présentent déjà divers degrés
de maturité, quant à la forme du corps de la cellule, en divers
segments de l'écorce. La zone olfactive, surtout au niveau de la
lame perforée antérieure qui va à l'insula et s'intercale entre la
zone olfactive frontale et la zone olfactive temporale, la circonvo-
lution de l'hippocampe, les ascendantes (champs embryogéni-
ques corticaux 1, 2, 4 de Flechsig), montrent la forme du corps
des cellules, la disposition des couches de celles-ci, le rapport
quantitatif entre les cellules et le tissu intermédiaire, identiques
à ce qu'ils sont dans l'encéphale mûr. Les territoires terminaux
(de Flechsig) surtout le cerveau frontal, contiennent des cellules
pressées les unes contre les autres, encore embryonnaires et dis-
posées tout autrement que chez l'adulte. Ceci prouve que les
cellules comme les fibres nerveuses, prennent, successivement, dans
les diverses zones corticales de Flechsig, leur forme définitive, et
que la substance intermédiaire suit le mouvement d'adaptation
quantitatif par rapport aux cellules (Flechsig).
La partie latérale du ruban de Reil principal fournit-elle les
principaux trousseaux chargés de gagner par le noyau lenticu-
laire la couronne rayonnante ? Et ces trousseaux proviennent-ils
exclusivement des noyaux des cordons postérieurs ? Figures.
Chez un chat de six jours et chez le lapin nouveau-né, la couche '
intermédiaire des olives, qui ne contient que peu de fibres du
noyau de Burdach latéral, va jusqu'au corps trapézoïde (de la pro-
tubérance). Chez un chat de trois jours ou de six jours, cette
même couche intermédiaire des olives s'avance au-dessus de l'en-
tre-croisement.mais la plus grande partie de ces fibres se perdent
au niveau du corps trapézoïde. On peut cependant suivre ce qu'il
en reste (1/3 ou 1/4) jusque dans la formation réticulaire de la
calotte tout près du tubercule quadrijumeau antérieur. Chez des
lapins de cinq à huit jours la couche intermédiaire des olives se
termine à peu près pour moitié au niveau du corps trapézoïde, et
la partie qui continue donne des fibres au noyau latéral supérieur
324 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
de Flechsig (noyau parabigéminé). Au niveau du bord supérieur
de la protubérance, le ruban de Reil principal s'infléchit en arrière
pour gagner la calotte : ses fibres s'écartent les unes des autres,
surtout transversalement; entre elles il existe en ce point un noyau
rond qui doit être l'extrémité supérieure du noyau réticulaire de
la protubérance de Bechterew. Au-dessus de ce noyau, on retrouve
un ruban de Reil riche en fibres par suite probablement de la
jonction des trousseaux de la formation réticulaire ou restes du
cordon latéral.
A la partie la plus inférieure du pédoncule cérébral, le ruban
de Reil se partage en trois faisceaux peu distincts. Le faisceau le
plus externe commence à s'éparpiller et se perd dans la formation
réticulaire à l'état de tubercule quadrijumeau; un petit nombre
de ses fibres va dans la substance noire; il ne parait pas certain
que cette partie du ruban, pas plus que les autres s'unisse au
noyau rouge. Le faisceau moyen, composé de fibres très fines,
ou ruban de Reil de Goll, en décrivant un arc de cercle à conca-
vité antérieure, passe dans le centre médian de la couche optique
et dans les parties mitoyennes du noyau latéral où il se termine.
Notons que, le pulvinar n'étant pas très développé chez le chat, le
chien, les rongeurs, le centre médian de la couche optique n'est
pas tout à fait médian (Détails dans le mémoire). Le faisceau
interne ou médian du ruban de Reil s'en va, par-dessus le bord
supérieur et interne de la substance noire et un peu en dehors,
au hile de la couche optique ; c'est un trousseau peu compact
entre les fibres duquel existent des cellules constituant chez le rat
et la souris un assez gros noyau presque sphérique, un peu
au-dessous du hile en question. C'est là qu'on voit des fibres de la
calotte arciformes à l'état de trousseaux lâches se rendre au ruban
de Reil et même à ce noyau qu'elles traversent ; ces trousseaux
proviennent de la région du faisceau longitudinal postérieur et du
noyau rouge. Les trois faisceaux du ruban de Reil paraissent
échanger des fibres. Celles des fibres qui proviennent du noyau
rouge s'en vont jusque dans la partie postérieure du groupe
nucléaire antéro-latéral de la couche optique. Le ruban de Reil
traverse en assez bon ordre le hile de la couche optique, fournit
un certain trajet antéro-postérieur et s'en va aboutir provisoire-
ment aux segments antérieurs du groupe nucléaire antérieur de
la couche optique.
Voici maintenant un cerveau de chat anormalement précoce qui
montre à quatre jours et demi un trousseau de fibres blanches
allant de la couche optique à la capsule interne. D'ordinaire c'est
chez les foetus humains de sept mois qu'on constate un trousseau
de fibres à myéline puissant, allant du ruban de Reil principal
latéral aux deux segments internes du noyau lenticulaire ou globus
pallidus, d'où part un embranchement de la commissure de
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 325
Meynert pour rejoindre le globus pallidus de l'autre côté. Le corps
de Luys n'a pas de rapport ici avec la commissure de Meynert
(Monakow et Mahaim) mais il est en rapports fournis avec les
pédoncules cérébelleux supérieurs. Peut-être déjà aux faisceaux
du ruban de Reil les premiers parus qui vont au noyau de Luys se
mélange-t-il des fibres des pédoncules cérébelleux supérieurs; la
masse principale de ces dernières ne se myélinise que plus tard
(Flechsig).
En tout cas, de très bonne heure, apparaît dans le pied du
pédoncule cérébral un premier et unique faisceau qui doit être
attribué au ruban.de Reil. Tout près de la substance noire se
trouve le noyau subthalamique de Luys qui, chez le chien, le rat,
la souris, a la forme d'une olive, et chez le chat ou le lapin, celle
d'une pyramide tronquée, triangulaire, à arêtes mousses. Sa face
la plus grande est en avant du pédoncule, sa base s'en éloigne :
cet organe, très vasculaire, très net, chez le chat et le lapin,
envoie de très nombreux prolongements évidents dans le pied du
pédoncule. C'est entre les prolongements latéraux du pédoncule
qu'on constate d'abord quelques fibres myéliniques ainsi que dans
la partie la plus externe du noyau (fibres en anses). On voit ensuite
les fibres s'avancer en haut, entre le premier et le deuxième
segment du globus pallidus et pénétrer dans le second. Successi-
vement, de bas en haut, apparaissent des fibres qui passent entre
les prolongements inférieur et moyens. Toutes les fibres forment
un trousseau qui va au noyau lenticulaire. Elles constituent une
lame de substance blanche, en dehors du premier segment du
globus pallidus et vont à la partie interne du second segment.
Toutes ces fibres ne vont pas au noyau lenticulaire même ; d'au-
cunes s'en vont directement, en le contournant, à la capsule
interne. Puis arrive un moment où le trousseau est plus épais ; ses
fibres sont, en bas, entourées des prolongements latéraux du corps
de Luys, en haut circonvenues par tous les prolongements de cet
organe. Elles finissent par devenir très épaisses et se rendent, pour
la plupart, à la moitié postérieure du deuxième segment du noyau
lenticulaire qu'elles traversent pour gagner la capsule interne. Ces
fibres-là ne s'éloignent pas beaucoup du bord interne. Dans le
même segment du noyau lenticulaire existent aussi beaucoup de
fibres myéliniques très minces, de nombreuses fibres en anses. Il
est très probable qu'une partie du trousseau se rend directement
à la capsule interne par la lame de substance blanche et par le
premier segment du globus pallidus. Les fibres, dans la capsule
interne, deviennent plus fines et plus délicates. Le centre ovale de
la région motrice contient exclusivement des fibres rares et très
délicates. La capsule interne donne aussi passage à un trousseau
qui va au pédoncule antérieur de la glande pinéale. Le trousseau
des fibres épaisses va à la circonvolution cruciale et à la circonvo-
326 REVUE D'ANATOJIIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
lution coronaire du chien (animal de dix jours) ; il occupe sur des
coupes horizontales le tiers antérieur de la capsule interne.
Chez le chat on voit nettement le trousseau sortir du corps de
Luys, pénétrer dans l'écorce de la zone psychomotrice; puis, de
celle-ci descend un trousseau de fibres myéliniques d'un volume
double (fibres conductrices centrifuges ? ). Plus bas on retrouve un
fort trousseau sis en dedans du deuxième segment des globus
pallidus; il traverse le premier segment du même organe et se
rend au pied du pédoncule cérébral ; il occupe successivement par
rapport au trousseau du corps de Luys .une direction antéro-pos-
térieure et antérieure, en se rendant en bas, à la protubérance où
il gagne le faisceau pyramidal. Peut-être une partie de ce trous-
seau reste-t-elle dans le premier segment du globus pallidus,; il
est, en tout cas, fort mince dans la partie inférieure du pied du
pédoncule et dans la protubérance. On voit aussi chez les foetus
humains de six à sept mois un faisceau myélinique allant du corps
de Luys à la capsule interne, en se dirigeant vers la couronne
rayonnante, et un faisceau qui va du noyau lenticulaire à la capsule
interne en se dirigeant vers la couronne rayonnante. Il n'existe
pas de fibres myéliniques allant de la couche optique à la cou-
ronne rayonnante. Mais, plus tard, dans la capsule interne appa-
raît un faisceau myélinique qui, du globus pallidus, par-dessus la
face antérieure de la couche optique, va au pédoncule antérieur
de la glande pinéale; ce sont de fortes fibres inconnues des
auteurs (cinquième zone des fibres spéciales du noyau lenticulaire
de Flechsig).
Le corps de Luys est encore en relation avec les tubercules qu t-
drijumeaux. A partir du troisième jour de la vie chez le chat et le
lapin il envoie de nombreuses fibres à la substance noire, qui, à
peu près à la même époque reçoit des fibres issues de la subs-
tance blanche moyenne des tubercules quadrijumeaux. Ces fibres
viennent surtout dans la partie postérieure de la substance noire;
on trouve là de nombreuses cellules entre lesquelles des fibres
myéliniques nombreuses en anses. La substance blanche moyenne
du tubercule quadrijumeau supérieur et peut-être aussi du
tubercule quadrijumeau inférieur projette finalement beaucoup de
fibres dans le corps de Luys même. Mais ces éléments ne se
myélinisent que lorsque depuis longtemps est organisé le faisceau
qui va au noyau lenticulaire et à l'écorce; il en est de même pour
le trousseau qui va du ruban de Reil principal au corps de Luys
(Bechterew et Tschermak).
Les faisceaux de Reil corticaux de la couche optique n'appa-
raissent point avant le neuvième jour; à ce moment apparaissent
des fibres qui vont de la couche optique à la capsule interne.
Nous avons vu l'exemple anormal du faisceau de la partie posté-
rieure de la capsule interne chez un chat de quatre jours et demi.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 327 7
D'ordinaire du neuvième au dixième jour apparaissent encore des
fibres dans la partie antérieure de la capsule interne, qui vont à
la région de la zone sensible du corps : leur calibre et leur colora-
tion les fait nettement distinguer des fibres du premier système.
Les fibres du ruban de Reil sises entre le corps de Luys et le
territoire originaire des faisceaux pyramidaux occupent une place
à part; leur calibre très fort chez la souris et le rat ne permet
cependant point de les voir sortir du noyau lenticulaire pour
continuer leur route, de les suivre jusque dans l'écorce; pas
davantage chez le lapin. C'est chez le chien et le chat que nettes
elles se distinguent des autres fibres dans les circonvolutions de
la zone sensible du corps. Chez le chien, elles sortent de la capsule
interne pour aller d'abord dans la circonvolution coronaire où
elles s'infléchissent en décrivant un arc de cercle accusé, les
fibres antérieures formant même un angle aigu, pour se rendre à
la circonvolution cruciale. Elles se terminent pour la plupart dans
la partie externe des circonvolutions cruciales, d'autres abou-
tissent au segment limitrophe postérieur du sillon coronaire. Il y
a d'ailleurs quelques variétés individuelles en rapport avec la
situation variable de la scissure cruciale.
L'ordre et le sens dans lequel se développent les conducteurs
centraux indique le sens de leur conductibilité. P. IZERaVAL.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
I. Accès tétanoïdes dans l'épilepsie; par le D' Pierce Cr.anx.
Dans les accès épileptiques les spasmes toniques et cloniques
se rencontrent, en général, au même degré.
Dans certains cas très rares il peut arriver que seuls les spasmes
toniques se présentent constituant des accès tétanoïdes de l'épi-
lepsie. Sur 200.000 attaques observées par l'auteur, un seul cas
peut se rapporter à celte variété d'épilepsie.
De l'étude de ce cas qu'il relate tout au long et des recherches
effectuées à ce sujet, l'auteur lire les conclusions suivantes :
i° Les convulsions exclusivement toniques des accès de petit
mal épileptique ne sont pas identiques aux accès tétanoïdes.
2° Les accès tétanoides, quoique très rares, sont établis clini-
quement ; mais une variété distincte de l'épilepsie, la soi-disant
épilepsie tétanoïde de Prichard, n'est pas démontrée.
328 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
3° Les accès tétanoïdes ne sont qu'une modification de l'épilep-
sie vraie et n'ont probablement aucun rapport avec le tétanos.
(The Anerican journal of insanity, avril 1899.) E. BLIN.
IL Le symptôme complexe de la catatonie ;
par le Dr WoRCESTER. -
Kahlbaum définit la catatonie : une maladie du cerveau à évo-
lution cyclique dans laquelle les symptômes psychiques prennent
tour à tour la forme de mélancolie, de manie, de stupeur, de
confusion et finalement de démence, un ou plusieurs des symp-
tômes psychiques pouvant manquer et dans laquelle, à côté des
symptômes psychiques se présentent, comme symptôme essentiel,
dans le système nerveux moteur, des modifications à caractère
général de spasme. Le travail de Kahlbaum a donné lieu à de
nombreuses discussions. Trois questions se posent à ce sujet :
Il, Les symptômes décrits sont-ils uniformément associés ?
2° Manquent-ils dans des cas qu'on peut croire être de même
nature.
3° Peuvent-ils se rencontrer dans des cas qu'il y a des raisons de
croire pathologiquement distincts.
En réponse à la première question l'auteur rapporte six obser-
vations présentant les caractères décrits par Kahlbaum.
Quant à la seconde question, sa croyance est qu'il existe un
grand nombre de cas qui ne présentent pas les symptômes mus-
culaires décrits par Kahlbaum et, néanmoins, sont réellement de
même nature.
Enfin les observations rapportées par le DrWorcester établissent
que le groupe des symptômes de la catatonie peut se trouver en
connexion, et probablement comme une conséquence d'autres
conditions morbides bien définies telles que, par exemple, l'épi-
lepsie générale.
Provisoirement, il parait juste de conclure que le symptôme
complexe catatonique peut se rencontrer dans un certain nombre
de conditions morbides diverses bien qu'il soit de beaucoup plus
fréquent dans la classe de cas auxquels Kraepelin a donné le nom
de démence précoce : son pronostic est relativement défavorable.
(The American journal of insanity, avril 1899.) E. B.
III. Un cas d'athétose bilatérale avec quelques symptômes
inaccoutumés; par le Dr G. C.MPIJ¡¡ : LL.
Il s'agit d'un cas d'athétose bilatérale chez une enfant de deux
ans et demi avec participation des muscles de la nuque, de l'orbi-
culaire des lèvres et de l'élévateur de la lèvre supérieure.
Il existe en même temps, de temps à autre des spasmes du col
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 329
de la vessie, s'opposant à la miction d'une façon absolue pendant
un quart d'heure, et des crises de sueurs profuses nocturnes. L'in-
telligence de l'enfant est un peu inférieure à la normale. (The alie-
nist and neurologist, avril 1899.) E. B.
IV. Tympanite gastrique, vomissements nerveux et autres
troubles gastriques nerveux; par EWALD.
Résumé, d'après l'ouvrage du Dr Ewald, de Berlin, sur les
névroses et leurs relations physiologiques -avec les organes impor-
tants, de quelques formes de névroses gastriques, tympanite et
vomissements.
Deux cas sont cités de vomissements graves causés par irrita-
lion nerveuse, exemples qui montrent combien le diagnostic peut
être quelquefois difficile.
Suit la relation d'un cas intéressant de névrose cérébro-gas-
trique se présentant sous forme de crises d'anxiété accompagnées
de sensations de constriction de l'estomac et de dyspnée. Ces
crises étaient souvent consécutives à une sorte d'accès d'appétit
dévorant. (The alienist and neu1'ologisl, janvier 1899.) E. B.
V. A propos d'un cas de tabes cervical ; par le 1), de BucK.
(Journal de Neurologie, 1899, n° 13.)
L'auteur relate un cas de tabes, qui, contrairement à la règle
générale, a débuté par les segments cervico-dorsaux de la moelle,
et attire particulièrement l'attention sur ce fait que le malade pré-
sentait à la fois une exagération des deux réflexes rotuliens et une
abolition des réflexes du tendon d'Achille.
La première condition de ce phénomène doit être recherchée,
d'après l'auteur, dans une atteinte relativement peu prononcée
de la zone radiculaire de Westphal au niveau des segments médul-
laires correspondant au réflexe rotulien (du deuxième au cinquième
segment lombaire) alors que la moelle cervico-dorsale était le
siège principal des lésions. Quant à l'interprétation de l'exagéra-
tion du réflexe rotulien, elle est difficile en l'absence de lésions du
faisceau pyramidal (le phénomène des orteils faisant défaut) et l'on
est obligé de soupçonner un état spécial d'irritation des téléneu-
rones sensibles à ce niveau.
Quoi qu'il en soit, ce fait est une confirmation de l'existence de
la cinquième catégorie de tabétiques admise par van Gehuchten.
G. DE,,¥.
VI. Désordres produits par le séjour d'une aiguille dans la
paume de la main ; par M. le Dr MAERE (de Gand). (Journ. dl ! '<
Neurologie, 1899, n° 13.) ..
Une jeune fille en voulant prendre une aiguille, fixée sur une
330 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
pelotte, la cassa et se l'enfonça dans la paume de la main au niveau
du troisième métacarpien gauche. Trois opérations successives
avec les images radiographiques comme guide, n'ont pu amener
la découverte de l'aiguille. Aussi les lésions déterminées par ce
corps étranger sont-elles considérables : atrophie de la main et de
l'avant-bras, rétraction tendineuse, douleurs spontanées surtout il
l'endroit du corps étranger et au niveau du carpe. La main est
contracturée et ne possède aucune force. La sensibilité tactile est
relativement conservée. G. D.
VII. Un cas de méningite syphilitique frontale (arachnoïdite
pariétale gommeuse); par M. F. Sans. (jours. de Neural., 1899
n° 13.)
La malade qui fait le sujet de cette observation se plaignait
d'une céphalalgie insupportable, mal localisée, presque constante,
puis bientôt après d'une parésie généralisée avec titubation, diffi-
culté de la parole, etc. Elle mourut dans le coma et à l'autopsie on
trouva à la face antérieure de la dure-mère au niveau de la région
frontale gauche une large plaque rouge, végétante, hémorragique.
Deux ou trois productions gommeuses, d'aspect un peu jaunâtre
au centre, confirmaient l'hypothèse de l'affection syphilitique.
malgré les anciennes négations de la patiente. L'arachnoïde viscé-
rale et la pie-mère étaient intactes.
Dans la tumeur épaisse au maximum de quatre millimètres, la
dure-mère elle-même est très peu épaissie, la partie pariétale de
l'arachnoïde semble seule avoir été le point de départ des altéra-
tions. Pas d'examen histologique. G. D.
VIII. Les anesthésies, paralysies et amyotrophies en tranches
et la théorie métamérique de Brissaud ; par J. Crroaa. (Journal
de Neurologie, 1899, n° 15.)
Ce travail contient la relation de deux observations qui viennent
à l'appui de la théorie métamérique de Brissaud. La première est
un cas de myélite transverse, d'origine traumatique, dans lequel
les troubles sensilivo-moteurs des membres inférieurs étaient
limités par des lignes circulaires perpendiculaires à l'axe de ces
membres.
La seconde est un cas de sclérose en plaques s'accompagnant
au niveau des quatre membres d'une dissociation syringomyélique
de la sensibilité, limitée par des lignes circulaires bien tranchées;
il existait en outre des troubles trophiques remarquables aux
mains et aux pieds, phénomènes qui engagent à admettre, à côté
de la sclérose en plaques, des lésions syringomyéliques dont la
topographie fonctionnelle ne peut s'expliquer que par la théorie
métamérique de Brissaud. G. D.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 331
IX. Respiration de Cheyne- Stokes pendant le sommeil chez
une enfant choréique; par Ph. BOURDILLON. (Rev. méd. de la
Suisse romande, 1899, n°7.)
Il s'agit d'une fillette de douze ans atteinte de chorée de Syden-
ham dont le rythme respiratoire normal à l'état de veille. deve-
nait intermittent pendant le sommeil : à une période d'apnée
absolue qui dure sept à huit secondes, succède une période de
respiration composée de dix à douze mouvements respiratoires. Le
premier est tout à fait superficiel, les suivants deviennent de plus
en plus profonds et bruyants, puis l'intensité des excursions tho-
raciques s'abaisse progressivement et la respiration cesse complè-
tement. Il s'établit alors une nouvelle pause respiratoire d'une
durée sensiblement égale à la précédente. Pendant le sommeil il
n'existe aucun mouvement choréique. G. D.
X. Un cas d'épilepsie jacksonienne hystérique ; par
J. CROCS. (Journ. de Neurologie, 1899, n° 17.)
Il s'agit d'un homme de vingt ans dont les antécédents hérédi-
taires et personnels étaient profondément entachés de tuberculose
et qui fut atteint subitement d'épilepsie jacksonienne bien carac-
térisée avec céphalalgie localisée, douleur à la percussion de la
zone rolandique, etc.
Le diagnostic de lésion tuberculeuse au niveau de la zone rolan-
dique semblait s'imposer mais le malade guérit complètement et
rapidement à la suite de l'administration de pilules de nitrate
d'argent auxquelles M. Crocq avait attribué devant le malade des
propriétés miraculeuses. Cette guérison par suggestion indirecte
prouve bien qu'il s'agissait d'un cas d'épilepsie jacksonienne d'ori-
gine hystérique. G. D.
XI. Diagnostic de la paralysie bulbaire chronique progressive ;
par W. IoSEE. (Médical Record, 25 février 1899.)
Après avoir repris l'examen des symptômes sans rien ajouter
aux descriptions de Duchenne et de Charcot, l'auteur critique la
dénomination de paralysie labio-glosso-laryngée, aujourd'hui
d'ailleurs délaissée. Il rappelle l'importance à ce propos des
troubles pharyngiens et termine par le diagnostic différentiel avec
les paralysies pseudo-bulbaires, les tabès spamodiques, les chorées,
l'atrophie musculaire progressive avec ses phénomènes oculaires,
les tumeurs, gommes et compressions médullaires. A. M.
XII. Une petite épidémie de poliomyélite; par L. NEWMARK. (Médical
News, 28 janvier 1899.)
Cinq observations observées à Le Grand en Californie. L'auteur
332 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
soupçonne un élément toxique infectieux qu'il n'a pu déterminer.
A propos de ces cas il esquisse une revue rapide des épidémies
analogues signalées antérieurement dans la science. A. M.
XIII. Névrites (Médical Record, avril-juin 1899). 1° Névrites scia-
tiques et brachiales avec névralgies; par W. MORTON (15 avril).
80 cas résumés traités par l'électrisation statique guérison. L'au-
teur préconise le traitement préventif par courants de haut
potentiel; 2° Cas de névrite multiple alcoolique avec autopsie;
par Lansw et S.-E. ZELLiFrE (8 juillet). Examen histologique
(11 planches) montrant diverses dégénérescences cellulaires
centrales particulièrement la chromatolyse périnucléaire et
l'excentricité des noyaux. A. M.
XIV. La pathogénie de la syringomyélie bulbaire ;
par le D' Diomsi. (Riv. Sp. di (l'en., fasc. 1. 1899.J
En résumé, des faits qu'il a pu observer, l'auteur arrive à con-
clure que le type de syringomyélie bulbaire qu'il étudie peut être
mis en rapport avec des anomalies du développement du canal
médullaire et du cerveau rhomboïdal dans une période qui corres-
pond environ au deuxième ou troisième mois de la vie embryon-
naire. J. S.
XV. Un cas de « dyspituitarisme » par tumeur maligne de la
pituitaire ; par AGOSTlxl. (Riv. di pat. nerv. et ment., fac. IV,
1899.)
Observation d'un malade de cinquante-six ans. Au point de vue so-
matique : couleur jaune terreux de la peau; absence complète de
poilsàla face, aux aisselles,au pubis; développement musculaire très
faible ; verge petite, testicules atrophiés, canal inguinal perméa-
ble. Tête brachycéphale avec légère plagiocéphalie gauche. Stra-
bisme convergent de l'oeil droit. Pas de phénomènes acromégaliques.
Sensibilité générale obtuse ; paresthésie auditive, olfactive, gus-
tative ; vue affaiblie, atrophie papillaire commençante. Au point
de vue psychique, un certain degré d'imbécillité avec idées vagues
de persécution entretenues par des hallucinations visuelles, olfac-
tives, gustatives. Mort par catarrhe gastro-intestinal. A l'autopsie,
fibrosarcome mélanique de la glande pituitaire. J. SÉGLAS.
XVI. Hystérie et Infection; par V. OTS Y > : SQUEnDO. (Revista de
Itledicina y Cirugita, 1899.)
Tout en admettant avec Grasset le rôle considérable joué par
l'infection dans la genèse de l'hystérie, l'auteur se refuse à séparer
l'hystérie grippale de l'hystérie commune. Celle-ci est bien une
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 333
dégénérescence cérébrale, stigmate organique qui ne disparait
qu'avec la vie. Un dilemme se pose pourtant : ou cette dégénéres-
sence est uniquement une altération héréditaire de l'organisation
cérébrale ; ou elle est le résultat de causes déterminantes de
natures diverses (trauma, infection) ayant agi sur le cerveau pen-
dant le premier âge. La première partie représente plutôt l'opinion
de l'auteur ; mais l'hérédité produit seulement un état d'équilibre
instable qui peut se maintenir indéfiniment jusqu'à ce qu'une cause
qui est très souvent une infection, vienne faire éctater les manifes-
tations de la névrose. Cinq observations dont trois d'hystérie
mâle, viennent confirmer cette donnée. Les considérations diagnos-
tiques et pronostiques aussi bien que l'étiologie et la pathogénie
permettent le rapprochement de ces cas avec les psychoses dégé-
nératives. L'hystérie, quel que soit son mode d'apparition, est tou-
jours aussi incurable par quelque moyen thérapeutique qu'on la
traite. On obtient des rémissions plus ou moins durables, guéri-
sons seulement apparentes. Pour conclure : les états infectieux
déterminent souvent l'hystérie chez les prédisposés; le syndrome
est dans ce cas le même que dans l'hystérie ordinaire dont on
ne peut la séparer à aucun point de vue. Il n'y a pas d'hystérie
d'origine infectieuse distincte. F. BOISSIER.
XVII. Un cas classique d'hystérie ; par RANFOLDI. (ans. di neur.,
fasc. 1V-V, 1899.)
XVIII. Sur le siège des images motrices; par le Dr P. HARTENBERG.
(Revue de psychologie clinique et thérapeutique, avril 1899.)
L'auteur définit en ces termes le mot « image ». « Par image,
dit-il, nous entendons, non la révélation consciente d'un fait sen-
sitif ou moteur, mais le mécanisme nerveux qui est le substratum
physiologique de l'opération. » Conformément à cette définition,
l'image motrice représente le mécanisme nerveux qui préside à
l'exécution d'un mouvement; mais cette expression de mécanisme
nerveux doit elle-même être précisée; il ne s'agit ici que du mé-
canisme cortical moteur et il ne saurait être question des éléments
sensitifs, d'ordre cénesthésique ou visuel, qui interviennent dans la
représentation corticale d'un mouvement. L'usage même a con-
sacré le terme « image motrice » pour une partie seulement de ce
mécanisme cortical moteur, la plus élevée, la plus essentielle, celle
qui se produit dans les centres d'association; c'est, dans ces centres,
en effet, que se réalise la combinaison dynamique qui caractérise
chaque mouvement. Ainsi, « en ce qui concerne le mot parlé,
c'est dans le centre verbal d'association qu'il a véritablement son
siège de conservation et de reproduction. Alors que, dans l'émission
verbale d'un mot, le centre cortical de projection et le centre bul-
334 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
baire d'exécution sont un lieu de passage pour l'articulation de
tous les mots, ont une fonction commune, l'image motrice du
centre d'association n'appartient qu'à ce mot seul. ne produit que
celui-là seul, est doué d'une activité spécialisée, spécifique. Quant
à son mécanisme, il est essentiellement un mécanisme de coordi-
nation. Le terme d'image motrice est donc inexact, puisqu'en réa-
lité le rôle de cette image ne consiste pas à mouvoir, mais à coor-
donner seulement ».
- En somme, le siège des images motrices « se trouve sur le ter-
ritoire des centres d'association de Flechsig, et plus spécialement
sur les confins de ce territoire, dans la proximité des centres de
projection, sur ce qu'on a nommé les zones marginales. Certaines
familles de ces images sont aujourd'hui bien localisées : celle de
l'articulation des mots et celle de l'écriture par exemple. Nul doute
que toute espèce de mouvements coordonnés et adaptés à une cer-
taine fonction, tout automatisme usuel, ne possède également une
localisation aussi précise de ses images motrices, qu'on définira
peut-être un jour. Il est bien difficile de dire quel rôle exact
jouent dans la constitution de ces images, et les terminaisons
protoplasmiques et le corps cellulaire, et les prolongements cylin-
draxiles ». A. Fenayrou.
XIX. Essai d'une psychologie de la suggestion; par M. P. Harten-
BERG. (IE7l21 de psychologie clinique et thérapeutique, août 1898.)
La suggestion, dit M. Bernheim, est « l'acte par lequel une idée
est introduite dans le cerveau et réalisée par lui ». M. llartenberâ
adopte cette définition qui lui sert de point de- départ et de base
de discussion dans ce travail. Il considère l'idée comme la syn-
thèse fonctionnelle d'images (verbales, sensorielles, motrices, affec-
tives) ; ces images sont étroitement unies entre elles, et la mise en
activité de l'une d'elles entraine presque fatalement celle de toutes
les autres. L'introduction d'une idée dans le cerveau, qui constitue
l'un des éléments de la suggestion, sera donc réalisée par suite de
l'évocation d'une des images qui constituent cette idée. 11 y a
autant de variétés de suggestion que de variétés d'images, mais
les images verbales étant de beaucoup les plus importantes, la
suggestion verbale est aussi la plus commune et la plus puissante.
La réalisation de l'idée est la conséquence de l'entrée en activité de
ses images composantes. L'idée se fait, selon sa nature, sensation,
mouvement, émotion, quand ses images constituantes acquièrent
une intensité suffisante. Il en est ainsi, en particulier, de l'idée de
sommeil : endormir un sujet par suggestion, c'est lui faire réaliser
l'idée de sommeil par l'évocation, soit de son image. auditive ver-
bale, soit de ses autres images composantes (verbales, sensorielles,
cénesthésiques). Le sommeil ainsi provoqué n'est nullement un
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 33S
état exceptionnel du système nerveux, mais une simple modalité
fonctionnelle de son activité normale, entrainant une augmenta-
tion de la suggestibilité ; il n'y a donc pas lieu d'attribuer au
sommeil provoqué cette fonction spéciale qu'on appelle hypno-
tisme.
Une idée a d'autant plus de chances d'être réalisée qu'on évoque
simultanément un plus grand nombre de ses images composantes;
ces évocations d'images exigent aussi, pour êtres actives, une suffi-
sante aptitude du cerveau à la représentation mentale. M. Har-
tenberg insiste en terminant sur le rôle capital que joue l'élément
affectif dans la suggestion. Une idée n'agit que si elle est sentie et
elle se réalise d'autant plus énergiquement qu'elle est fortifiée
davantage par une émotion; un cerveau n'est apte à réaliser des
suggestions qu'autant qu'il est apte à éprouver des émotions.
A. Fenayrou.
XX. Les suggestibilités ; par le Dr Crocq fils (de Bruxelles). (Revue de
psychologie clinique et thérapeutique, juin et juillet 1898.)
L'auteur a résumé lui-même, dans les conclusions suivantes,
que nous croyons devoir reproduire textuellement, son très inté-
ressant travail : 1° Il y a suggestion chaque fois qu'une idée est
introduite dans le cerveau et acceptée par lui. 2° La suggestibilité
est la faculté plus ou moins grande d'accepter les suggestions ;
3° la suggestibilité dépend essentiellement de deux facteurs :
l'impressionnabilité et la force de résistance. 4° Si l'on représente
par 1 l'impressionnabilité et par H la force de résistance, la for-
mule de l'individu normal sera : I : R = 2 : 4. 5° Cette équilibra-
tion parfaite étant idéale, les formules : I : R=`3 : 3; I : It =3 : 4;
I : R = 4 : 4, peuvent être considérées comme normales. 6° Les
individus possédant une force de résistance légèrement amoindrie
(1 : R = 2 : 3; I : R = 2 : 2), n'accepteront pas les suggestions
qui pourraient porter atteinte à leur honneur, leur position, à
leur avenir, à leur santé, aux personnes qui leur sont chères; mais
ils accepteront celles qui, sans menacer fortement leur person-
nalité ou leur famille, constituent cependant des fautes qu'ils n'au-
raient sans doute pas commises sans une influence étrangère.
,0 Ceux qui ont une impressionnabilité légèrement exagérée
(I : R = 3 : ; I : R = 4 : 4), présenteront encore une suggesti-
bilité permettant l'acceptation des suggestions peu conséquentes,
mais ils n'obéiront plus par noblesse, par manque de résistance;
ils ne se laisseront suggestionner que si l'on s'adresse à leur im-
pressionnabilité, à leur sensualité. 8° Lorsque l'impressionnabilité
et la force de résistance sont plus profondément atteintes, on a
affaire à des suggestibilités pathologiques. 9° Les individus dont
la force de résistance est considérablement diminuée (1 : R = 2 : 1 ;
336 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
I : R == 2 : 0), accepteront les suggestions les plus graves, par
mollesse, sans contrôle. 10° Ceux dont l'impressionnabilité est
considérablement exagérée (I : R = 5 ou 0 : 4; 1 : R = 7 ou 8 : 4),
pourront encore accepter les suggestions les plus graves, mais ils
n'obéiront plus par mollesse, par manque de résistance; ils ne se
laisseront suggestionner que si l'on s'adresse à leur excessive im-
pressionnabilité. 11° Entre ces deux types de suggestibilités patho-
logiques, il y a' des transitions et des combinaisons infinies, ré-
sultant d'une altération simultanée de 1 et deR. 12° La suggestibi-
lité hypnotique, varie dans des proportions aussi grandes que les
suggestibilités normales et pathologiques à l'état de veille. Cer-
tains sujets sont des automates parfaits, d'autres résistent aux
suggestions les plus simples. Entre ces deux extrêmes, il existe une
infinité de suggestibilités intermédiaires formant une chaîne inin-
terrompue. 13° L'hypnose consistant essentiellement en une disso-
ciation fonctionnelle des centres nerveux, provoquant une annihi-
lation plus ou moins profonde du centre psychique supérieur et
conscient, et, par suite, une diminution de la résistance (fonction
du centre supérieur) et une augmentation de l'impressionnabilité
(fonction des centres inférieurs), on comprend pourquoi, en géné-
ral, la suggestibilité hypnotique croit, en raison de la profondeur
de sommeil provoqué. 14° Lorsque la suggestibilité hypnotique ne
croit pas en raison de la profondeur du sommeil, c'est que, ou
bien la formule de l'état de veille n'est pas normale (hyper-sugges-
tibilité), ou bien les centres inférieurs présentent par eux-mêmes
une résistance automatique (hypo-suggestibilité). 13°Si l'on admet
qu'il n'y a pas d'hypnotisme, qu'il n'y a que des états variables
de suggestibilité, on ne comprend pas comment un individu dont
la formule habituelle est normale (I : Il = 2 : 3), puisse se trans-
former subitement en un automate complet (I : Il = 8 : 0), sous
l'influence du somnambulisme profond qui ne serait lui-même
qu'une manifestation de la suggestibilité. 16° Si l'hypnose n'est
qu'une manifestation de la suggestibilité, il faudrait croire que
ceux seuls qui possèdent à l'état de veille une hyper-suggestibilité
très accentuée, sont susceptibles de présenter un somnambulisme
profond, ce qui nous ramènerait à croire, avec Charcot, que les
névrosés sont plus hypnotisables que les normaux. 17° En admet-
tant l'existence de l'hypnotisme et en le considérant comme dû à
la dissociation fonctionnelle des centres nerveux aboutissant aune
annihilation plus ou moins forte du centre psychique supérieur et
conscient, dissociation pouvant résulter de toutes les impressions
capables de distraire ce centre de son rôle de contrôle, de fixer
l'attention, on conçoit qu'un individu intellectuellement normal
puisse se transformer en un automate et l'on comprend pourquoi
les individus normaux sont en général plus hypnotisables que les
névrosés, dont l'attention ne peut être fixée. A. FENAYROu.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 337
Yin. Suggestion et mesmérisme; par E. BOIRAC. (Revue
de psychologie clinique et thérapeutique, mai 1898.)
L'auteur ne partage pas l'opinion de M. Bernheim d'après la-
quelle « il n'y a pas d'hypnotisme, mais il n'y a que la sugges-
tion ». Il admet que l'hypnotisme braidique est profondément
distinct du suggestionnisme, quoiqu'ils s'unissent presque toujours
pratiquement dans la plupart des phénomènes que nous obser-
vons. De même, il croit, avec M. Durand (de Gros), que le mesmé-
risme ou magnétisme animal et la suggestion sont deux agents
distincts, également réels, indépendants l'un de l'autre, qui peu-
vent se suppléer et se contrefaire mutuellement, comme ils peu-
vent aussi se combiner pour la production d'effets communs. La
plus grande partie de ce travail est consacrée à la justification de
cette conception. Nous n'en retiendrons qu'un seul point : c'est
que l'existence distincte du mesmérisme et de la suggestion étant
admise, il reste fort difficile, dans la généralité des cas, de faire la
part de l'action de chacun de ces éléments. Dans la pratique, dit
M. Boirac, le mesmérisme, comme le braidisme, facilitela besogne
de la suggestion et cela, très fréquemment, à l'insu des sugges-
tionneurs eux-mêmes ; il prépare, en quelque sorte, le terrain sur
lequel la suggestion pourra ensuite évoluer.
Peut-être arrivera-t-on un jour à démontrer l'unité de nature de
la suggestion, de l'hypnotisme braidique et du mesmérisme,
comme on commence à découvrir l'unité de nature des phénomè-
nes de chaleur, de lumière et d'électricité; mais, actuellement, on
ne saurait faire, à ce sujet, que des hypothèses. Quoi qu'il en soit,
la condition commune de tous ces phénomènes parait être une
sorte de plasticité anormale de la force nerveuse, qui se trouve
ainsi capable de subir docilement toutes les impressions qui lui
viennent, soit du dedans (et c'est alors la suggestion ordinaire, ou,
pour mieux dire, l'auto-suggestion), soit du dehors (et c'est alors
le mesmérisme, soit simple, soit compliqué de télépathie impro-
prement nommée suggestion mentale). A. FENAYROU.
XXII. Le problème de la suggestion; par J. P. DURAND (de Gros).
(Revue de psychologie clinique et thérapeutique, mars et avril
1898.)
Tout en considérant comme une affaire de mots sans grande
importance la question du maintien ou de la suppression du
terme d'hypnotisme, M. Durand (de Gros), est d'avis de conserver
cette expression avec laquelle le public est, dit-il, déjà familiarisé,
qui lui est plutôt sympathique, quoi qu'on dise, et qu'une débapti-
sation désorienterait.
Il considère la suggestion comme une dérogation radicale, un
AncI ! l\'r.s,2- série, t. IX. 22
338 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
démenti flagrant à ce que la science nous a appris jusqu'à ce jour
à regarder comme les fondements de l'ordre naturel. La sugges-
tion, en effet, ne puise ses éléments dans aucune substance, ne
s'appuie sur aucune réalité, soit tangible, soit seulement conce-
vable. C'est quelque chose d'inobjectif, c'est l'idée pure et cette
idée pure se montre pourtant le succédané parfait des plus éner-
giques agents de la matière médicale. L'auteur s'attache à démon-
trer que les théories automatistes de la physiologie sont insuffi-
santes à rendre compte de tous les faits indiscutablement établis
de suggestion. D'après lui, certains de ces faits, tels que des sug-
gestions d'effets d'ordre végétatif, ne peuvent s'expliquer que si
l'on admet avec lui que les centres nerveux de l'axe céphalo-rachi-
dien et ceux du système grand sympathique sont le siège d'un
principe conscient, c'est-à-dire d'une individualité psychologique
distincte, possédant sensibilité, discernement et volonté, à l'instar
du centre cérébral proprement dit, siège de ce que nous nommons
notre « moi, > : , notre conscience, notre âme. Suivant cette théorie,
les fonctions de la vie végétative seraient loin d'être celles d'un
mécanisme matériel et aveugle; les moteurs des fonctions de la
nutrition seraient de même nature que le moteur suprême des
actes de la vie de relation, c'est-à-dire, agiraient avec une dose de
conscience, de discernement et de volonté. Ainsi le « moi » ne
serait que le récepteur et le transmetteur de la suggestion tandis
que les centres inférieurs, les « sous-moi », seraient les agents
préposés à sa réalisation. Enfin M. Durand (de Gros) affirme que
les suggestions à terme d'actes de la vie de relation avec oblitéra-
tion entière de leur souvenir dans l'esprit du suggestionné et exé-
cutées, le moment venu, à l'insu de ce dernier et avec une infail-
lible sûreté, seront toujours une énigme impénétrable, « si l'on
repousse ce qu'il se refuse à appeler une hypothèse et qu'il appelle
sans hésitation, la vérité triomphante du Polyzoïsme ».
A. FENAYROU.
XXIII. Suggestion et hypnotisme; par M. le Professeur Bernheim
(de Nancy). (Revue de psychologie clinique et thérapeutique, janvier
1898.)
« Il n'y a pas d'hypnotisme », répète encore une fois M. le
professeur Bernheim. En effet, il n'existe pas de différence fonda-
mentale, du moins au point de vue symptomatique, entre le som-
meil, dit hypnotique, résultat de la suggestion, et le sommeil
naturel. Les phénomènes considérés comme caractéristiques de
l'hypnose, catalepsie, suggestibilité, hallucinabilité, etc., ne sont
pas l'apanage exclusif des sujets en état de sommeil provoqué; ils
peuvent être réalisés par suggestion pendant le sommeil naturel
ou même à l'état de veille chez certains individus. Bien plus,
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 339
M. Bernheim affirme que tous les sujets hallucinables et sugges-
tibles à l'état de sommeil ou au moins après la suggestion préalable
du sommeil le sont d'emblée, sans celle-ci, à l'état de veille; la
suggestibilité est indépendante du sommeil. 11 reconnaît volontiers
que le sommeil constitue un état d'âme qui, souvent, exalte la
suggestibilité; il est parfois utile de le provoquer, mais il faut se
garder de croire que l'efficacité de la thérapeutique suggestive
est d'autant plus grande que le sommeil est plus profond.
En somme, la suggestion faite pendant le sommeil provoqué ou
dans un état voisin et la suggestion à l'état de veille ont des indi-
cations distinctes, au point de vue thérapeutique; l'une donnera
des résultats plus favorables que l'autre dans certains cas et se
montrera inférieure à elle dans des circonstances ou chez des
sujets différents. A. Fenayrou.
XXIV. De la suggestion et de l'hypnotisme ; par M. A. DUMONTP.1LLIER.
(Revue de psychologie clinique et thérapeutique, décembre 1897.)
Contrairement à M. le Professeur Berheim qui soutient qu' « il
n'y a pas d'hypnotisme » et à M. le Dl' Hartenberg qui demande
que l'on ne « parle plus d'hypnotisme, ce mot seul effrayant tout
le monde, mais seulement de suggestion », M. Dumontpallier
pense qu'il faut garder de l'hypnotisme, le vocable et la chose. Il
reconnaît volontiers que la suggestion, à l'état de veille présente de
nombreux avantages; il accorde également à la suggestion une
grande importance puisqu'il reconnaît que le sommeil provoqué en
est lui-même un résultat. Mais son expérience personnelle lui a
démontré que la suggestion dans l'état d'hypnose, a une action
thérapeutique plus grande qu'à l'état de veille, et, par suite, il
estime qu'il est souvent opportun d'avoir recours à la suggestion
hypnotique, et qu'il n'y a pas lieu de rayer de notre vocabulaire,
bien qu'il effraye certaines gens, le mot hypnotisme qui désigne
un état psychique qui favorise la suggestion en augmentant la
suggestibilité des sujets. A. FENAYMU.
XXV. Paralysie bulbaire asthénique, avec l'observation d'un cas ;
par John Punton. (Journal of ne/'vous and mental disease, sep-
tembre 1899.)
1\1'"0 B..., vingt-cinq ans. Début il y a trois ans, quelque temps
après un premier et pénible accouchement. Premiers symptômes :
Faiblesse intermittente des muscles de l'oeil; vision double, obs-
curcissement plus ou moins marqué de la vue. Ptosis de la pau-
pière gauche plus accentué à certains moments. Amyosthénie
marquée. Faiblesse extrême à la suite du plus léger exercice; mas-
tication devint peu à peu difficile, la déglutition pénible et impar-
faite, articulation des mots défectueuse.
340 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
- La voix changea de hauteur, de ton, et de qualité, devint nette-
ment nasale. Langue moins habile, « engourdie », avec des mou-
vements limités, imparfaits, pénibles. Troubles marqués de la dé-
glutition surtout celle des solides.
De légers efforts;corporels amènent une fatigue anormale, de la
prostration, une accélération du coeur.
Dans l'espace de deux ans à partir du début, elle a vu apparaître :
Ptosis de l'oeil droit; faiblesse des muscles de la face. Les mouve-
ments des lèvres se limitèrent graduellement, et leur coaptation
(comme dans l'action de siffler) devint impossible ; strabisme des
deux yeux, et limitation des mouvements de l'oeil dans toutes les
directions; larmoiement.
Examen. - Yeux fixes, sans mouvement. Un léger degré de pro-
trusion oculaire. Larmoiement très accentué. Pupilles réagissent.
Ptosis des deux yeux surtout marqué à gauche. Diplopie.
Face. - Pâleur. Perte de la tonicité musculaire. Parésie profonde
à droite, moindre à gauche.
Coaptation insuffisante des lèvres pour siffler et prononcer les
labiales. Torsion légère de la face du côté gauche dans le rire et
l'action de montrer les dents.
Masséters à peu près également parétiques ; la coaptation des
mâchoires avec quelque force est impossible. Pas d'atrophie, ni
secousses fibrillaires.
Organes de la parole et de la déglutition. - Langue épaisse et
molasse, sans dentelures, ni atrophie, ni tremblement. Pas de mou-
vements de latéralité. Voile du palais, a perdu sa forme arquée
Il est abaissé et flasque. Voix épaisse, indistincte, nasillarde. Parole
fatigue vite la malade. Constricteurs du pharynx complètement
parétiques. Déglutition des solides difficile, les liquides passent
par le nez. Constatation de la paralysie de la corde vocale
gauche.
Tronc et extrémités. Maigre, elle a perdu 47 livres. Pas d'atro-
phie ni contractions fibrillaires. La force des extrémités semble
normale. Pas de troubles sensitifs.
Réflexes. Réflexes superficiels normaux. Réflexes profonds,
légèrement exagérés, diminuant à la répétition. Excitabilité élec-
trique normale.
Marche. - Des arrêts momentanés; pas de rétrocession.
Le tableau clinique montre qu'il s'agit là d'un trouble purement
moteur, d'un arrêt de la fonction motrice. Pas de troubles sensi-
tifs superficiels ou profonds. L'ophtalmoplégie externe complète
(mouvements pupillaires sont intacts) démontre la prise des troi-
sième et sixième noyaux; la faiblesse bilatérale des muscles de la
mastication dénote la participation de la branche motrice du cin-
quième nerf; la paralysie faciale d'un côté et la parésie de l'autre,
donnant une déviation faoiale unilatérale quand les muscles fonc-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 341 1
tionnent, la pâleur, l'absence d'expression, l'état'de repos du visage,
sont choses dues à la suppression de l'innervation de la septième
paire; l'état paralytique qui entraine les troubles de la phonation,
de la vocalisation, de l'articulation et de la déglutition dénote la
participation des neuvième et dixième nerfs dont les fibres motrices
partent en commun du noyau ambigu, lequel est une continuation
de la colonne cellulaire motrice de la corne antérieure, tandis que
le douzième nerf est responsable des troubles moteurs de la langue.
Diagnostic. -La différenciation doit être faite particulièrement
avec la paralysie pseudo-bulbaire et la paralysie bulbaire dégéné-
rative vraie.
Le diagnostic avec la paralysie pseudo-bulbaire est plus difficile
à cause de l'absence d'atrophie dans les deux cas. Le diagnostic de
paralysie bulbaire vraie repose sur les caractères suivants de la
paralysie bulbaire asthénique : .,
Etat de la langue pui n'est pas atrophiée, et sans contractions
fibrillaires. Absence d'atrophie dans tous les muscles. Caractère
transitoire des parésies. Réflexes conservés. Réaction électrique
normale. Etat psychique sain. Muscles ciliaires intacts, vision nor-
male. Pas d'écoulement de salive. '
Apparition de fatigue et de prostration sous l'influence du plus
léger exercice, spécialement dans les muscles desservis par les
nerfs moteurs crâniens, mais aussi, à un certain degré, dans tout
l'organisme. Absence de troubles sensitifs ou sensoriels. POUL1RD.
XXVI. Paralysie bulbaire asthénique ; par Wharton SrNKLER.
. (Journal of nCl'vous and mental diseuses, sept. 1899.)
La malade, âgée de trente-sept ans, présenta sept ans auparavant
un ptosis graduel de l'oeil gauche d'abord, de l'oeil droit ensuite.
Quatre mois plus tard (1893, janvier) ptosis complet. Après six semai-
nes de traitement, il reste il peine un léger degré de chute des pau-
pières. 2 ans et 10 mois plus tard (1895, octobre), nouvelle réappa-
rition du ptosis. Deux ans après (1897, octobre) diplopie progres-
sive. Parésie des deux droits internes, et légèrement aussi des deux
droits supérieurs. Rétrécissement très marqué des champs visuels.
Un an et deux mois plus tard '(1898, décembre), peu de temps
après un accouchement facile, l'acuité visuelle commença à dimi-
nuer plus rapidement, et un mois plus tard, elle n'avalait plus bien.
Bras et mains commencèrent à perdre leur force; faiblesse dans
les jambes également. La faiblesse des muscles de la gorge, la
difficulté pour avaler et prononcer ont été les symptômes les plus
avancés.
A l'examen : Veux en partie fermés ; sourcils élevés pour tirer en
haut les paupières et permettre la vision. Face sans expression,
comme un masque. Pas de paralysie des muscles de la face, ni de
31 : .r REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE..
la langue ni des lèvres. Voix nasillarde, sifflante, indistincte. Apho--
nie devient presque complète quand la malade a parlé quelque
temps, puis, après un certain temps de repos, la parole redevient
tout à fait distincte. Déglutition difficile. Après avoir mâché et dé-
gluti un peu de temps, l'effort pour avaler devient grand, les liqui-
des reviennent quelquefois par le nez. A l'inspection, les muscles de
la gorge semblent flasques. Bras faibles et vite fatigués après
exercice. Démarche irrégulière et maladroite. La force des mem-
bres inférieurs disparait bientôt et la démarche perd sa stabilité.
Réflexes rotuliens sont conservés et, en apparence, ne s'épuisent
pas par la répétition. Pas de troubles sensitifs. Les muscles répon-
dent au courant faradique, et bien qu'ils réagissant modérément,
leur excitabilité faradique ne s'épuise pas comme l'ont observé
Jolly et d'autres. Pas d'atrophie de la langue ni d'aucun muscle ;
pas de tremblements fibrillaires.
La fatigue qui survient dans les divers muscles (muscles de l'oeil
et de la gorge, ceux des jambes et des bras), est très caractéris-
tique de l'affection et la distingue des paralysies bulbaires orga-
niques.
Dans les antécédents de la malade on ietrouve du nystagmus
avec tremblement de la tête (secousses, tremblement rotatoire) chez
deux de ses frères et deux de ses fils. Ces faits suggèrent à
W. Sinkler, l'idée d'une prédisposition héréditaire à des lésions du
système nerveux, et d'un défaut de développement dans les tractus
moteurs de la moelle et du pont. La paralysie bulbaire asthénique
aurait dans ce cas profité, pour se développer, de la faiblesse héré-
ditaire du système nerveux. P.
XXVII. Etat myxoedémateux aigu, avec tachycardie, glycosurie
melaena, manie, puis mort ; par WILLIAM Osier. (The Journal of
nervous and mental disease, février 1899.)
L'auteur rapporte une observation clinique dans laquelle il y a
combinaison de symptômes myxoedémateux et de symptômes pro-
pres au goitre exophtalmique. Plusieurs cas analogues ont été
publiés antérieurement, mais, dans tous ces cas, le myxoedème a
suivi les symptômes du goitre exophtalmique. Ce malade au con-
traire présenta d'abord les caractères d'un myxoedème aigu, à
marche rapide et plus tard vinrent s'adjoindre des symptômes de
goitre exophtalmique à marche aiguë, c'est-à-dire tachycardie,
tremblement léger, délire et diarrhée. L'exophtalmie, absente au
début fut constatée plus tard mais resta légère.
W. Osier pense que dans ce cas il y a perversion des fonctions
de la glande thyroïde, ayant pour résultat de créer une toxémie,
présentant à la fois certains caractères du myxoedème et certains
caractères de la maladie de Graves. p.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 343
XXVIII. Un cas de pachyméningite interne hémorrhagique chez un
enfant de 9 ans, avec changements dans les cellules nerveuses ;
par William G. SPILLEIi. (titre Journal ofnervous and mental di-
sease, novembre 1899.)
L'auteur rapporte ce cas de pachyméningite hémorrhagique sur-
tout intéressant par l'examen histologique très complet des lésions.
Les modifications pathologiques des cellules nerveuses consistaient
en une tuméfaction marquée et une chromatolyse intense. Dans
beaucoup de cellules il ne restait qu'une petite quantité d'éléments
chromophiles dans une portion du corps cellulaire et les prolon-
gements dendritiques avaient disparu ou étaient très indistincts.
Ces modifications étaient constatées dans tout le système nerveux
central (écorce cérébrale et cérébelleuse, noyaux bulbaires, cellu-
les de la moelle).
Le mauvais état général peut à la vérité causer ces altérations
cellulaires, mais il est très probable que les lésions méningées sont
suffisantes pour les expliquer. Au point de vue clinique, on est en
droit de supposer que ces altérations cellulaires peuvent amener
un trouble fonctionnel. 11 est probable qu'une relation existe entre
ces lésions anatomiques et la débilité mentale du sujet observé,
mais elles ne semblent avoir aucune action sur la motilité, car on
ne constate aucune espèce de paralysie. Ce fait montre que la
chromatolyse n'est pas nécessairement facteur de troubles fonc-
tionnels.
XXIX. Tumeur de l'hypophyse sans acromégalie ; par Charles-W.
BURR et David RKESMANN. (The journal of mental of nervous
diseuse, janvier 1899.) .. .
Les auteurs pensent que l'acromégalie est due à une affection
de l'hypophyse, et le cas qu'ils rapportent, loin de combattre cette
théorie vient l'appuyer fortement, en montrant que, dans certains
cas de tumeur de l'hypophyse, on peut expliquer l'absence d'acro-
mégalie.
L'examen postmortem de cette tumeur montra en effet que, si
elle englobait, elle ne détruisait point l'hypophyse. Et cette non-
destruction du tissu hypophysaire explique l'absence d'acromé-
galie. Leur théorie s'appuie sur plusieurs faits : la les examens post-
mortem qui ont été faits antérieurement. Dans 61autopsies d'acro-
mégaliques, 58 fois on trouva l'hypophyse malade ; 2° l'histoire
clinique : chez un très grand nombre de cas d'acromégalie on
observe : des symptômes de tumeur cérébrale (céphalée, vertiges,
névrite optique) ; de l'hémianopsie, un des principaux signes
d'affection de l'hypophyse ; des troubles visuels augmentant paral-
lèlement aux modifications osseuses, ne débutant jamais très
344 -il REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
longtemps après le début de l'affection, et quelquefois notés long-
temps avant son début ; 3° l'analogie entre ces affections hypophy-
saires et celles de la glande thyroïde. Si une affection de la glande
thyroïde peut causer le myxoedème, pourquoi l'acromégalie ne
pourrait-elle pas avoir pour cause une altération de l'hypophyse ' ?
Après une critique des différentes objections qui ont été faites à
cette théorie ils tirent cette conclusion que l'acromégalie est
causée par une affection de l'hypophyse, mais, pour que les mani-
festations acromégaliques se produisent, il faut que la lésion soit
complète, c'est-à-dire atteigne le tissu glandulaire dans son
entier. P.
XXX. Atrophie musculaire progressive atypique ; par le Dr Pearce
Bailey. New York neurological Society. (The journal of nervozcs
and mental disease, janvier 1899.) ,
Il s'agit d'un jeune homme de vingt-six ans, dont l'affection
débuta par une ophtalmoplégie externe bientôt suivie d'atrophies
symétriques des extrémités. L'ophtalmoplégie débuta par une chute
de la paupière supérieure gauche et rotation en dehors de l'oeil
gauche. Quelques mois plus tard. mêmes symptômes à l'oeil droit.
Dix-sept mois plus tard faiblesse dans les extrémités,localisée pour les
membres supérieurs au triceps des deux côtés, pour les extrémités
inférieures, aux groupes musculaires tibiaux antérieurs. L'examen
des yeux fait à l'heure actuelle, deux ans et demi après le début
de l'affection, montre que la parésie porte à des degrés divers sur
tous les muscles moteurs du globe oculaire tandis que la muscu-
lature intrinsèque (accommodation, motilité pupillaire) est tout à
fait intacte. P.
XXXI. Etude statistique de cas de tabes observés à « Johns Hopkins
hospital »; par le D1' IL-lI. Thomas, de Baltimore. (The journal
of ne1'VOUS aizd mental disease, février 1899.)
L'observalion porte sur 111 cas et voici ce que donne celte sta-
tistique :
Syphilis : Certaine dans 12 cas ; douteuse dans 63 cas. Dans un
nombre important de cas on ne retrouve aucune trace de maladies
vénériennes, et il semble que la syphilis ne soit pas le seul facteur
du tabes.
Symptômes marquant le début du labes : Douleur dans 57 cas ;
ataxie dans 24 ; engourdissement des extrémités dans G ; paralysie
de la vessie dans 5 ; nausées, vomissements et crises gastriques
dans 4; douleur allant du pénis au rectum dans 2 cas.
Fréquence relative des divers symptômes : Atrophie optique : dans
11 cas parmi lesquels deux furent accompagnés d'ataxie marquée,
SOCIÉTÉS SAVANTES. 345
8 d'ataxie légère ; 1 cas fut sans ataxie. Dans la plupart des cas
d'atrophie optique l'ataxie fut donc légère. Dans deux de ces cas
d'atrophie optique le signe de Romberg existait en dépit de la
cécité. Paralysie des muscles de l'oeil : dans 33 cas. Signe d'Argyl-
Robertson : dans 70 cas.
Puissance sexuelle : Elle fut recherchée dans 75 cas. On nota la
perte de la puissance et du désir dans 38 cas,. parmi lesquels trois
furent précédés d'exagération. Dans 24, affaiblissement ; dans un '
cas, puissance perdue mais désir persistant ; dans un autre cas,
augmentation du désir et de la puissance ; dans 10 cas, fonctions
sexuelles normales.
Troubles du sens musculaire : dans 38 cas sur 44 examinés.
Arthropathies de Charcot : furent typiques dans, 5 cas ; gonfle-
ment suspect des jointures dans 3 autres cas.
Troubles mentaux : dans 7 cas.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE
Séance du 8 mars 1900.
Deux cervelets anormaux. M. Marie. Le premier de ces cerve-
lets présente à sa face postérieure une déformation du lobe droit.
Une hémorragie du ventricule latéral droit du cerveau a déterminé
de ce côté une pression qui a enfoncé l'amygdale de ce côté dans
le trou occipital, déterminant ainsi une compression du bulbe.
Le second cervelet était celui d'un malade légèrement hydrocé-
phale, ici les deux amygdales se sont enfoncées dans le trou occipi-
tal déterminant une compression bilatérale du bulbe. N'y-t-il pas
lieu d'accorder une certaine part à la déformation du cervelet et
à la compression du bulbe dans le processus du coma et de la
mort par hémorragie cérébrale.
Origine infectieuse du diabète hydrurique. M. KLIPPEL rappelle
qu'à la dernière séance il a entretenu l'assemblée d'un cas de dia-
bète hydrurique au cours d'une phtisie. M. Robin a étudié égale-
ment plusieurs cas de polyurie et de grand diabète dans la phtisie
346 SOCIÉTÉS SAVANTES.
chronique tout à fait analogues à celui de M. Klippel. M. Sauvages
en rapporte un cas pareil survenant à la suite d'une fièvre typhoïde
chez une femme de vingt-huit ans. Là encore la soif a précédé la
polyurie sans qu'il y ait eu ni glycosurie, ni phosphaturie, ni sura-
bondance d'urée. L'infection devient ainsi une cause de polyurie
au même titre qu'une violente émotion morale. Le diabète polyu-
rique dans de tels cas peut ainsi que d'autres névroses telles que
la chorée reconnaître comme cause déterminante une infection
chez un prédisposé.
Un cas de maladie de Basedow héréditaire avec oedème des pau-
pières et crises de sommeil. M. MEIGE. - Il s'agit d'une femme de
vingt-huit ans dont la mère souffre depuis vingt ans de goitre
exophtalmique. La malade après avoir présenté toute sa vie des
troubles névropathiques prodromiques fut prise en 1899 de la
maladie de Basedow classique, à laquelle vient s'ajouter de l'oedème
indolore des paupières, très gênant pour regarder en haut et de
côté. Avec cela le sujet présente depuis la même époque une invin-
cible somnolence, elle se lève à midi, se couche de bonne heure et
souvent encore elle est prise de sommeil dans l'intervalle. Au réveil
elle montre de l'agitation, une mimique forcée et un langage pré-
cipité. Elle n'est pas hystérique. N'y a-t-il pas lieu devant ces
troubles particuliers d'admettre, pour la pathogénie, l'hypothèse
de la participation des glandes parathyroides dans le processus
morbide ?
Un cas de myopathie primitive avec cypho-scoliose énorme et inté-
grité de la face. MM. COCHEZ et SCIIERB. M. Meige communique
pour les auteurs une série de photographies relatives à ce cas.
Névrite cubitale chez un boulanger. M. HUET. Ce cas est un fait
de névrite professionnelle, le malade ayant l'habitude de diviser la
pâte exclusivement avec le bord interne de l'avant-bras. Le nerf
cubital est intéressé seul. Le court fléchisseur du pouce qui
reçoit des filets nerveux étrangers au cubital ne présente pas de
réaction de dégénérescence.
M. Marie a vu des cas analogues chez des tanneurs.
Un cas de surdité verbale chez un paralytique général. M. Paul
Sérieux. Cette observation est intéressante en raison de l'ex-
trême rareté des faits de ce genre. Au point de vue clinique il s'agit
d'un paralytique général, sans délire, chez lequel la surdité
verbale se montre à l'état isolé, sans cécité verbale,- ni aphasie
motrice, ni agraphie. Il existe seulement un certain degré de
paraphasie, de paragraphie et de jargonagraphie d'origine senso-
rielle. L'audition est intacte. C'est par l'écriture seule qu'on peut
entrer en communication avec le patient. Cet état de surdité ver-
bale, presque complète, qui avait suivi une série d'attaques épilep-
tiformes et apoplectiformes, persiste durant plusieurs mois,
SOCIÉTÉS SAVANTES. 347
jusqu'à la mort, sans modifications. Donc trouble isolé et permanent
de la sphère du langage : deux caractères, en général liés à l'exis-
tence d'une lésion nettement circonscrite, et qu'il est exceptionnel
de rencontrer dans la paralysie générale.
L'examen anatomique montre une méningo-encéphalite intéres-
sant presque exclusivement les lobes temporaux des deux hémis-
phères, mais de beaucoup plus accentuée et plus circonscrite dans
le lobe temporal gauche.
Dans l'hémisphère gauche les adhérences sont presque exclusi-
vement limitées à la première temporale; de plus il existe au
niveau du tiers moyen de cette circonvolution, un foyer d'altération
maxima, équivalent à peu près à la destruction de la région
intéressée par une lésion circonscrite telle qu'un ramollissement.
L'enlèvement de la pie-mère détermine la séparation complète de
la substance blanche et de la substance grise, celle-ci restant
adhérente à la méninge (altération très caractéristique décrite par
Baillarger en 18 ? et attribuée par lui à la sclérose de la substance
blanche et au ramollissement de l'écorce).
Ce cas peut donc - chose rare dans les autopsies de paraly-
tiques généraux être utilisé au point de vue de la localisation
du centre de l'audition verbale. Il démontre en outre que si l'alté-
ration de la démence paralytique est essentiellement diffuse on
n'en rencontre pas moins cependant, chez certains sujets, des
foyers très limités de inéningo-encéplialite (avec séparation de
l'écorce et de la substance blanche) qui déterminent des symp-
tômes relevant habituellement de lésions circonscrites.
M. Marie n'a jamais vu de cas de surdité verbale absolument
pure. Il croit de tels cas exceptionnellement rares. Dans des ser-
vices comme le sien où se trouvent un très grand nombre de
malades à lésions circonscrites, plus certainement que dans les
services d'aliénés, il n'a rien vu de pareil, et se demande si des
cerveaux de paralytiques généraux peuvent permettre de décrire
des cas d'une telle netteté.
M. DËJEtUNE reconnaît la rareté de la surdité verbale tout à fait
pure, il a pu pourtant, avec M. Sérieux, suivre une femme qui a
été atteinte pendant deux ans de surdité verbale pure, mais qui
devint ensuite aphasique sensorielle. Le malade de Lipmann avait
aussi la surdité verbale pure, malheureusement une hémorragie
cérébrale qui entraîna la mort détruisit et noya la lésion primitive.
M. Marie pense néanmoins que les théories actuelles sur le siège
temporal des auditions spéciales laissera plus tard beaucoup de
déchet.
M. JEFFROY. 11 y a souvent discordance entre l'étendue des
lésions de la paralysie générale et le degré minime des symptômes;
et les paralytiques généraux peuvent très bien présenter des syn-
348 SOCIÉTÉS SAVANTES.
dromes nets. Une femme alcoolique employée dans une distillerie
eut des attaques épileptiformes suivies d'aphasie sensorielle tran-
sitoire d'abord puis permanente. L'autopsie montra que la malade
était une paralytique générale avec prédominance des lésions sur
le lobe temporal.
M. Sérieux. La rareté des surdités verbales ou autres surdités
psychiques dans les services hospitaliers tient sans doute à ce que
ces cas pris à un premier examen pour des aliénés ou des déments
sont aussitôt envoyés dans les services d'aliénés, comme semble le
confirmer les travaux de Baillarger et de Vernicke.
Hémiplégie droite avec aphasie. M. Marie communique pour
M. ToucnE ce cas dans lequel la malade avait conservé.la faculté de
chanter des chansons avec les paroles alors que dans le langage
ordinaire elle n'avait conservé que « to to to », et ayant gardé des
mots seulement le nombre des syllabes. Elle présentait en outre
de la surdité verbale. A l'autopsie : ramollissement du pied de la
troisième et de la deuxième frontales s'enfonçant par l'insula
jusqu'à la capsule interne et empiétant sur le lobe temporal.
Les pseudo-méralgies paresthésiques d'origine radiculaire.
M. A. CHIPULT. Parmi les quelques difficultés de diagnostic qu'est
susceptible de soulever la méralgie paresthésique, il en est une
qui n'a pas été assez discutée et qui cependant eût dû être soulevée
à propos de quelques cas publiés sous ce nom surtout les cas bilaté-
raux et à évolution tabétique ultérieure ; c'est le diagnostic avecles
lésions des premières racines lombaires, avec les pseudo-méralgies
radiculaires.
J'ai observé. un fait de ce genre tout à fait probant.
Il est relatif à un homme de quarante-deux ans qui lorsqu'il
vint me voir, souffrait des sensations paresthésiques à la partie
antérieure des cuisses, avec crises provoquées par les changements
de position. Son médecin avait diagnostiqué méralgie paresthé-
sique. Je fis de même tout d'abord. Ce diagnostic me devint sus-
pect le jour où j'assistai à une crise que le malade calma en
fléchissant la région lombaire, sans que les cuisses prissent part à
ce mouvement. J'appris alors qu'il avait fait autrefois une chute de
bicyclette suivie de lombago, que les faux pas retentissaient dans
la région lombaire; enfin, un examen attentif me révéla que les
deuxième et troisième apophyses étaient très douloureuses à la
pression et que le territoire des troubles sensitifs différait quelque
peu de celui de la méralgie. A droite, il descendait moins bas à la
partie antéro-externe de la cuisse, s'étendait plus loin en dedans
et en avant du côté des bourses, en dedans et en arrière du côté
des fesses, il figurait, non le territoire du fémoro-cutané, mais
celui des première, deuxième et peut être troisième racines lom-
baires. A gauche, où les troubles sensitifs occupaient plusieurs
SOCIÉTÉS SAVANTES. 349
zones indépendantes, l'existence d'une de ces zones au niveau de
l'espace iliaque postéro-supérieur plaidait dans le même sens. Il
s'agissait donc, non d'une méralgie paresthésique, mais d'une
pseudo-méralgie par lésion traumatique radiculaire.
Je n'ai insisté, dans cette description que sur les caractères qui
différenciaient ce cas d'un cas de méralgie : les analogies étaient
beaucoup plus grandes et le rendaient véritablement trompeur.
Les pseudo-méralgies radiculaires par lésion vertébrale sont du
reste d'ordinaire d'un diagnostic moins délicat : qu'elles soient
d'origine traumatique, pottique ou néoplasique, il existe en règle
générale des symptômes rachidiens, moteurs et dystrophiques qui
rendent l'erreur difficile.
Mais il existe d'autres variété de pseudo-méralgie radiculaire :
1° La pseudo-méralgie tabétique. Elle se distingue par le caractère
des troubles sensitifs, plus hypoesthésiques que paresthésiques et
trompeurs seulement lorsqu'il s'y associe des crises fulgurantes de
topographie superposable, ce qui est rare ; plus variables d'inten-
sité et d'étendue que les troubles sensitifs de la méralgie ; je dirais
de topographie radiculaire si ces variations n'étaient, vraiment
décevantes ; enfin associés à des troubles sensitifs d'un'autre siège
et il d'autres symptômes du tabes ; 2° La pseudo-méralgie radicu-
laire réflexe d'origine viscérale en entendant ce mot de réflexe
dans le sens que lui a donné Héad. Le territoire plutéo-crural de
cet auteur seul ou associé à son territoire sacro-femoral, rappelle
de très près le territoire des premières racines lombaires et par
conséquent celui du féméro-culaire, avec les divergences signalées
Sans accorder, et j'en suis bien loin aux hyperesthésies décrites par
Héad la précision topographique qu'il leur attribue et même peut
être à cause de leur disprécision, je les crois susceptibles d'être
trompeuses. Je les ai vues, chez une jeune femme à la suite d'une
cautérisation du col, siéger à la partie antérieure de la cuisse et
s'exaspérer sous forme de crise au moindre essai de marche ; leurs
caractères, l'attitude prise par la malade, rappelaient absolument
la méralgie et c'est un diagnostic auquel, en l'ignorance de la
cause j'aurais fort bien pu m'arrêter.
Ces pseudo-méralgies radiculaires sont intéressantes au point de
vue thérapeutique, car, sauf les pseudo-méralgies tabétiques, elles
relèvent de la clinique : en présence d'une pseudo-méralgie radi-
culaire par lésion de la colonne vertébrale, il faut mobiliser celle-
ci en présence d'une pseudo-méralgie réflexe, il faut traiter la
lésion viscérale et d'ordinaire cervico interne qui en est la cause.
M. Souques dans une thèse sur ce sujet a publié l'observation
d'un homme tombé sur la région lombaire et ayant conservé une
douleur fémoro-cutanée avec anesthésie. Il n'a pas conseillé le
traitement chirurgical. " F. BoISSIER.
3JO 0 SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ U'H-YI'vOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du mardi 20 février 1900. Présidence DE JULES Voisin.
Dédoublement de la personnalité sous l'influence du morphinisme.
M. BÉRILLON. J'ai observé chez une jeune femme morphinomane
deux personnalités absolument différentes, suivant qu'elle est ou
non sous l'influence de la morphine. En 189foi, à l'âge de vingt-trois
ans, elle s'adonne il la morphine et subit alors un changement
complet de personnalité ; elle devient calculatrice, intéressée ; sa
mémoire, ses facultés de raisonnement se développent, ses apti-
tudes à penser, à réfléchir, à associer des idées, à compter, à cogita-
tionner deviennent prépondérantes; les dispositions affectives sont
abolies. En 1897, elle tente une première cure sérieuse de sa mor-
phinomanie ; pendant un mois, la morphine est supprimée, mais
alors apparait une nouvelle personnalité ; elle cesse de s'occuper
de ses comptes, fait des libéralités, n'attache plus aucun prix à
l'argent et ne se préoccupe plus de l'avenir; en même temps, l'af-
fectivité reparait et se manifeste par des impulsions passionnelles,
des accès de jalousie, etc. Dès qu'elle retourne à la morphine, elle
recommence à éplucher minutieusement ses comptes, à arranger
ses affaires, remplacer les questions de sentiment par les questions
d'intérêt. Au bout de dix-huit mois, elle suit un nouveau traite-
ment devenu efficace grâce à la suggestion hypnotique; mais cette
guérison marque le retour de la personnalité émotionnelle et affec-
tive. Or, un jour elle est atteinte de diphtérie grave ; pour com-
battre certains troubles cardiaques, le médecin fait des injections
hypodermiques de morphine. Aussitôt la personnalité calculatrice,
intéressée, exclusive de toute affectivité réapparaît; cette femme
se fait apporter ses livres de compte et pendant huit heures consé-
cutives épluche minutieusement les dépenses de ménage dont elle
n'avait eu nul souci depuis dix-huit mois; cette disposition au cal-
cul et aux raisonnements positifs persiste quatre mois. Alors, de
nouveau soumise au traitement psychothérapique, elle redevient
prodigue, impulsive, portée aux manifestations passionnelles. Ainsi
dans la personnalité morphinique, elle est cogitationnelle ; dans la
personnalité normale, elle est aflective et émotive ; la première de
ces manières d'être est absolument sous la dépendance de la mor-
phine qui joue le rôle de cause provocatrice.
M. Jules Voisin. Cette femme est une hystérique à l'état habi-
tuel ; elle devient sérieuse, économe, rangée, calculatrice sous l'in-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 351
fluence de la morphine : certains auteurs ont, en effet, prétendu
avoir guéri des hystériques par la morphine ; ils les ont, il est vrai
rendues morphinomanes.
Idées délirantes de persécution avec hallucinations auditives et
visuelles consécutives à un traumatisme psychique chez une glycosu-
rique ; traitement hypnotique et guérison des troubles mentaux mal-
gré la persistance de la glycosurie.
M. Paul FAREZ. Mmo B..., âgée de trente-quatre ans, mère de
famille, israélite, habite une grande ville de province qui, en 1899,
a été très troublée pour des questions politiques et religieuses.
Cette dame a été très affectée par la violence de la campagne anti-
sémite ; la vue des placards « N'achetez rien aux Juifs ! » lui fit
craindre pour la prospérité de sa maison de commerce ; elle souf-
frit des taquineries dont ses fils furent l'objet au lycée ; un.de ses
enfants, atteint d'appendicite, dut être opéré, ce qui -lui causa les
angoisses que l'on devine ; un de ses parents qu'elle chérissait
beaucoup vint à mourir, et elle en éprouva un grand chagrin. Au
mois de juillet 1899, la nuit, elle est réveillée en sursaut par les
cris : « A bas les Juifs ! Mort aux Juifs ! » Elle se précipite à la
fenêtre où elle voit les gendarmes en train de réprimer une
bagarre et de disperser les manifestants. Elle en éprouve une
émotion très violente. Ce traumatisme psychique, survenant chez
une prédisposée, soumise depuis quelque temps à un surmenage
non seulement émotionnel, mais physique, est le point de départ
des désordres mentaux.
Dès lors, 111 ? B... est en proie à une idée fixe; on la poursuit,
on veut la frapper et la faire mourir ! Elle entend des menaces ;
elle connaît les gens qui lui en veulent, les voit, les nomme. Elle
se sent poursuivie chez elle, chez des parents, chez des amis, dans
la rue, en voyage. La nuit, elle est harcelée par les mêmes hallu-
cinations et ne peut s'endormir... Elle devient inquiète, défiante,
jalouse, colère, violente ; les sentiments affectifs sont affaiblis; les
facultés intellectuelles obnubilées. Le processus intellectuel va à
la dérive suivant l'automatisme des associations morbides.
Au mois de novembre, on l'amène à Paris pour l'interner, mais
auparavant, on me prie de tenter le traitement hypnotique et j'ob-
tiens une amélioration considérable dès les premières séances.
Comme Mmo B... est glycosurique, je pense un moment avoir
affaire à un cas de « syndrome lévulosurique » de P. Marie, mais
le polarimètre accuse une déviation dextrogyre. Après seulement
dix-neuf séances quotidiennes de suggestion, Mec B... retourne en
province, tout à fait guérie, bien que sa glycosurie persiste ; celle-
ci, en effet, n'a cédé que plus tard au traitement médicamenteux.
Paraplégie hystérique et suggestion curative suggérée au médecin
par la malade elle-même. M. Maurice BLOC11. - Une malade atteinte
352 BIBLIOGRAPHIE.
de paraplégie hystérique me fait appeler auprès d'elle. Elle connaît
ma méthode de traitement préventif de la tuberculose par l'inocu-
lation du sang capillaire d'un congénère et elle s'attend à être
inoculée, elle aussi. Conformément à son attente, je l'inocule, en
effet, et la paraplégie guérit. Cette guérison est bien, à ce qu'il
semble, l'effet d'une autosuggestion.
Sur un nouveau symptôme : l'automicrosthésie. M. M. BLOCO. Il
y a quelques années, un savant allemand signalait la microsthésie
ou perversion du tact, laquelle fait trouver tous les objets plus
petits et moins lourds. J'ai observé tout récemment une femme
qui se plaignait amèrement de maigrir de plus en plus, et récla-
mait avec insistance un traitement tonique et réparateur. Or, en
fait, elle ne maigrissait pas du tout, mais présentait cette perver-
sion du tact qui lui faisait paraitre plus petites toutes les parties
de son corps. Dans le cas particulier, j'appelle ce symptôme l'auto-
microsthésie.
La psychologie religieuse et la ventriloquie. M. GARNAULT pré-
sente un sujet ventriloque et explique comment la ventriloquie a
été la base de tous les oracles et de toute l'inspiration parlée
religieuse dans l'antiquité.
BIBLIOGRAPHIE.
VII. Rapport médico-administratif sur l'asile départemental d'alié-
nés de Dijon pour l'exercice 1898 ; par M. le De GARNIER, in-8°,
56 pages.
Ce rapport est très important, rédigé avec beaucoup de soin, et
il serait à désirer que tous les chefs de service des asiles fussent tenus
de publier le leur, chaque année. Cela stimulerait leur zèle, per-
mettrait de suivre le développement de leurs établissements et d'en
faire, plus tard, un historique complet. Malheureusement certains
départements refusent d'autoriser cette dépense, qui cependant est
peu élevée.
Le compte médical indique le mouvement de la population et
contient de nombreux tableaux de statistique, relatifs aux admis-
sions, aux sorties et aux décès, suivis d'observations assez étendues.
Le nombre des aliénés de l'asile de Dijon, comme celui de presque
tous les asiles, va toujours en augmentant par suite de l'admis-
BIBLIOGRAPHIE. 353
sion d'un chiffre de plus en plus élevé d'incurables, d'où il résulte
que les admissions sont plus nombreuses que les sorties et les-
décès réunis. Pendant l'année 1898, ce nombre a augmenté de 20
individus, s'est élevé de 591 à G17, comprenant 297 hommes et
320 femmes. Les admissions comptent 147 admis pour la première
fois; 40 par suite de rechute; 14 par réintégration pour cause de
sortie avant guérison; 7 par transfèrement d'un autre établissement,
total 208. 3 individus compris dans les admis pour la première
fois, qui avaient été envoyés par lajustice, pour être mis en obser-
vation, ont été reconnus comme non aliénés, ce qui réduit les
admissions des malades de cette catégorie à 144. Sur ces 144 alié-
nés, 31 seulement présentaieut des chances de guérison, par suite
de l'entrée d'un grand nombre d'idiots, d'imbéciles, d'épileptiques
et de déments. Le petit nombre de malades curables, admis à
l'établissement de Dijon, se rencontre dans tous les asiles des
départements, excepté dans ceux qui ont de très grandes villes,
comme le Nord, la Seine-Inférieure, la Gironde, les Bouches-du-
Rhône, le Rhône. Il prouve que le personnet médical actuel est
bien suffisant et qu'il n'a pas besoin d'être augmenté. La sépara-
tion des fonctions de directeur de celles de médecin en chef, l'au-
tonomie des médecins adjoints, qui rompent l'unité des services,
sont rejetées, avec raison, par tous les directeurs-médecins, non
pas dans leur intérêt personnel, comme on le prétend sans aucune
preuve, mais uniquement dans l'intérêt des asiles et des aliénés eux-
mêmes. A qui fera-t-on croire qu'un directeur-médecin, qui doit
consacrer tout son temps à ses fonctions, ne puisse pas soigner,
dans une année, une centaine de malades au plus, et assurer, en
même temps, les soins hygiéniques d'un certain nombre d'incu-
rables ? Les médecins adjoints pour lesquels on ne cesse de récla-
mer l'autonomie, mettent la plupart en pratique cette idée et sont
plutôt pour leurs chefs de service, à l'égard desquels ils affeetent
une indépendance complète, une gêne qu'un aide efficace. 11 serait
grand temps de ne plus en nommer, ceux qui existent actuelle-
ment étant déjà trop nombreux. Dans la plupart des asiles, il
devrait y avoir seulement deux internes, dont un docteur en méde-
cine et ils seraient faciles à recruter si on voulait leur assurer une
position convenable. M. Garnier a trouvé enfin un médecin adjoint
et un interne de son choix qui garantissent une parfaite harmonie
dans le personnel administratif et médical de l'établissement pour
le plus grand bien du service. Je souhaite que ces espérances ne
soient pas déçues... Cela n'existe plus guère aujourd'hui.
M. Garnier n'a constaté sur les 18 paralytiques généraux admis
pour la première fois que quatre cas de syphilis et n'en a pas noté
un seul cas sur les 13 décédés dont 8 étaient à l'asile depuis plus
d'un an. Il reconnaît que les renseignements sur les antécédents
étiologiques de ces malades n'étaient pas toujours très complets,
Archives, 2* série, t. IX. 23
354 BIBLIOGRAPHIE.
ce qui ôte toute valeur à ce point de statistique, comme il le re-
donnait lui-même.
25 aliénés ont guéri, 21 la première année de leur séjour à l'asile
- la seconde.
On sait que la folie devient rapidement incurable et qu'au bout
de trois ou quatre ans les guérisons sont rares.
La mortalité de l'asile de Dijon e<t assez élevée ; pour la période
septennale qui s'étend de 1892 à 189S, elle a été de 1e,37 p. luO
par rapport à la population moyenne; H,02 pour les hommes
40,86 pour les femmes. Elle a été de 9,47 p. 100 par rapport au
chiffre d'aliénés traités. M. Garnier ne la trouve pas exagérée parce
qu'elle est inférieure à celle des asiles de la Seine. On ne doit pas
comparer la mortalité de ces derniers établissement à ceux de
province, où les cas de folie aiguë et récente, plus graves que ceux
de l'aliénation chronique, et ceux de paralysie générale presque
toujours mortels, sont beaucoup moins nombreux. J'ajouterai
qu'il y a ordinairement de l'encombrement ce qui rend défec-
tueuses leurs conditions hygiéniques, augmente leur mortalité.
Trois malades sont morts de fièvre typhoïde à l'asile, où elle
existe presque toujours depuis un certain nombre d'années, ce
que M. Garnier attribue à la mauvaise qualité de l'eau que l'on
pompe dans un puits de la propriété de l'établissement. Si cette
eau est la cause réelle de la fréquence de la fièvre typhoïde, ce
dont il est facile de s'assurer par l'analyse bactériologique, on de-
vrait y renoncer, au moins pour l'alimentation et en demander
pour cet usage a la ville de Dijon qui, certes, ne la refuserait pas.
Pendant les huit années que j'ai dirigé cet asile, nous ne nous
servions que de l'eau de la ville pour tous les besoins de l'établis-
sement, mais nous n'en avions pas toujours une quantité suffisante
pour la buanderie, et c'est cette raison, qui a décidé un de mes suc-
cesseurs à la prendre dans la propriété. M. Garnier conseille le
tout-à-l'égout et- le drainage pour assainir le sous-sol, mais ces
opérations me paraissent difficiles sinon impossibles à effectuer,
parce que le terrain est presque au niveau de la rivière qui longe
la propriété, dans laquelle elle déborde souvent.
Il résulte du compte administratif que la situation financière est
très satisfaisante, gràce surtout au grand nombre de pensionnaires
de première et de deuxième classe dont les recettes ont été en 1898
de 107,783 fr. 50. L'excédent des recettes ordinaires sur les dépenses
de même nature a été pour cet exercice de 34.700 fr. 91, excédent
qui augmentera à l'avenir d'environ 8.000 francs, le conseil général
ayant rétabli le prix de journée de 1 franc qu'il avait diminué de
cinq centimes, il y a quelques années, dans un accès de mauvaise
humeur contre un directeur-médecin.
Pour augmenter encore les ressources de l'établissement, M. Gar-
nier propose la construction de pavillons de pensionnaires devant
BIBLIOGRAPHIE. 355
contenir 15 à 16 places, dont le prix minimum, beaucoup plus élevé
que celui de la première classe actuelle, serait de G francs par jour.
L'asile de Dijon est situé dans un bas-fond humide et dominé par un
coteau assez élevé qui en restreint la ventilation. Il est un des plus
anciens asiles de France, recevant déjà des malades en 18f3, et a
été bâti d'après un plan très défectueux qui se prête peu à l'agran-
dissement. Sans penser à le démolir, comme on l'a proposé autre-
fois, je pense qu'il conviendrait de n'y plus faire de constructions
nouvelles ou, du moins, de n'y édifier que des constructions abso-
lument indispensables. Les pensionnats actuels serviraient de quar-
tiers pour les indigents tranquilles et, lorsqne je les ai bâtis, j'ai
toujours eu la pensée qu'ils recevraient un jour cette destination ;
autrement je n'aurais pas choisi l'endroit qu'ils occupent.
L'asile de Dijon serait alors exclusivement consacrée aux indi-
gents et aux pensionnaires du régime commun, formerait un éta-
blissement de moyenne valeur, sans pouvoir jamais aspirer à être
un asile modèle. Quant au pensionnat on en construirait un entiè-
rement neuf, dans un endroit plus élevé, plus salubre, doué d'une
eau pure et abondante. Il serait complètement indépendant de
l'asile actuel, aurait un directeur-médecin spécial et une adminis-
tration particulière. Les services généraux pourraient être cons-
truits pour r00 pensionnaires qui seraient répartis en plusieurs
pavillons qu'on bâtirait au sur et à mesure de leur nécessité. On
pourrait se contenter maintenant de pavillons contenant 130 places
puisqu'il n'y a aujourd'hui que 100 pensionnaires. Ce pensionnat
prendrait vite une grande extension en raison de la position privi-
légiée de Dijon pour un établissement de la sorte, et serait une
source de bénéfices considérables pour le département. Si on ne
prend pas ce parti, on sera forcé, d'ici quelques années, de faire
de nouvelles constructions, et pour les pensionnaires et pour les
indigents, afin decombattre l'encombrement qui parait commencer
déjà, si j'en juge par les nombreuses affections intestinales qu'on y
observe, ce qui aggravera ses mauvaises conditions hygiéniques et
thérapeutiques actuelles.
Je crois, du reste, que, partout, il y aurait avantage à construire
des pensionnats distincts des asiles d'indigents, du moment que
les pensionnaires spéciaux sont assez nombreux, qu'ils atteignent
le chiffre de 80 par exemple : la séparation des indigents des
pensionnaires n'aurait que des avantages pour les départements du
Nord, de la Seine-Inférieure, de la Gironde, des Bouches-du-Rhône.
C'est là une question sur laquelle je me propose de revenir, dans
un autre travail, d'une manière pins complète, ne pouvant la déve-
lopper à propos d'un simple compte rendu. Cette séparation serait
la meilleure manière d'alléger les fonctions et la responsabilité des
directeurs-médecins, de maintenir la réunion de ces fonctions et de
donner partout un nouvel essor aux pensionnats, les familles répu-
356 BIBLIOGRAPHIE.
*
gnant toujours à l'idée de mettre leurs membres dans des maisons
où existent des indigents, dont le contact est impossible à éviter,
qui n'ont reçu ni la même éducation, ni la même instruction, qui
n'ont pas les mêmes habitudes. D1' Daniel Brunet.
VIII. Alcoolisme et réforme sociale; par le Dr G. LOISEAU. (Thèse,
J.-B. Baillière et fils, éditeurs.)
Au moment où l'Etat, par la nomination d'une commission de
la Tuberculose, semble vouloir organiser la prophylaxie et le trai-
tement de ce fléau terrible, la très importante thèse du D' Loi-
seau vient à son heure pour rappeler qu'un des meilleurs
moyens de faire la prophylaxie de cette aflection, sera de combat-
tre énergiquement l'alcoolisme, facteur de tuberculisation au pre-
mier chef.
L'auteur, dans ce travail du plus haut intérêt, après avoir rap-
pelé dans son introduction que l'alcool est facteur de dégénéres-
cence pour l'individu et pour la race, montre dans un premier
chapitre comment l'Etat favorise l'alcoolisme. Les wagons-bar ne
sont pas oubliés. Le privilège des bouilleurs de crû et la loi du
17 juillet 1880 sur les cafés, cabarets et débits de boissons sont
discutés avec sagacité.
Dans le chapitre n sont résumées toutes les formes que l'action
législative peut revêtir dans la lutte contre l'alcoolisme : Prohibi-
tion, impôt sur l'alcool, monopole, lois sur l'ivresse et les débits,
etc. L'auteur préconise comme première mesure à appliquer en
France, la limitation légale des cabarets telle qu'elle est définie
dans le projet de loi présenté au Sénat par \i\I. Siegfriedet Béren-
ger. « Mais comme l'Etat professe volontiers qu'il ne peut réprimer
« l'alcoolisme qu'autant que les moeurs s'y prêtent i>, comme l'al-
cool estpourle budget une source de revenus considérables, comme
les corps élus sont soumis à la tutelle des habitants, il ne faut
attendre de l'initiative des pouvoirs publics, aucune réforme
sérieuse. Il est donc nécessaire de soulever l'opinion publique,
« d'amener une sorte de réforme sociale, en luttant contre l'alcoo-
« lisme dans l'école, dans l'armée, dans la marine, dans la classe
«, ouvrière ».
Chacune de ces divisions forme autant de chapitres où sont
condensés une foule de renseignements sur la lutte antialcoolique
dans ces divers milieux.
Le chapitre consacré à l'armée, montre qu'après l'école, c'est
peut-être le terrain le plus propice à l'action antialcoolique; le cha-
pitre sur la marine, très pittoresque d'allures, stigmatise les formes
variées de l'exploitation du marin sous le couvert de son amour
immodéré de l'alcool.
La lutte contre l'alcoolisme dans la classe ouvrière termine cette
BIBLIOGRAPHIE. 357
étude ; l'auteur y rappelle les constatations du Dr Brunon sur l'al-
coolisme ouvrier; les causes de cette alcoolisation du peuple sont
passées rapidement en revue ; une courte enquête, qui mérite d'être
continuée, montre que presque tout est à organiser pour lutter
efficacement contre l'alcool dans les usines, chantiers, etc. Vient
ensuite l'étude des remèdes, le rôle des chefs d'industrie, la néces-
sité d'améliorer les logements ouvriers sont mis en évidence;
écoles ménagères, cafés et restaurants de tempérance basés uni-
quement sur l'abstinence d'alcool, cercles ouvriers, éducation du
peuple sont préconisés par le Dr Loiseau pour combattre l'alcoo-
lisme ouvrier, car, ainsi que le rappelle l'épigraphe de ce chapitre,
« le combat pour la tempérance est la condition première de toute
« amélioration matérielle ou morale des classes laborieuses. »
Cette thèse écrite dans un but qu'on ne saurait trop louer est à
la fois un recueil richement documenté et un essai de réforme
sociale des plus intéressants, devant lequel aucun médecin ne peut
rester indifférent. J.-B. Charcot.
IX. Contribution à l'étude des obsessions et des impulsions à l'homi-
ride et au suicide chez les dégénérés au point de vue médico-légal ;
par le D1' G. Carrier (de Lyon). Aux bureaux du Progrès médi-
cal, Paris, F. Alcan, 1899.
Historique, psychophysiologie, étiologie, symptômes, pronostic,
diagnostic et traitement, telles sont avec des faits cliniques et des
considérations médico-légales très développées, les divisions de ce
travail d'ensemble.
L'auteur se rallie à la doctrine de Magnan relative aux syndromes
épisodiques de dégénérescence en ce qui concerne les obsessions et
impulsions à l'homicide et au suicide. Il repousse toute idée de
responsabilité atténuée et n'admet avec l'école anthropologique
moderne qu'une responsabilité à bases biologiques et sociales. Il
conclut à la nécessité de la réforme de l'expertise médico-légale
basée sur l'étude approfondie et généralisée de la psychiatrie.
Les enfants dégénérés seront l'objet d'une éducation médico-
pédagogique appropriée au point de vue social prophylactique. -
Des quartiers spéciaux pour l'internement des impulsifs dangereux
de cet ordre doivent être installés ainsi que des asiles-prisons pour
criminels moraux. Leur sortie ne pourra s'effectuer que sur juge-
ment rendu après avis des médecins. Dr A. Marie.
N. B. Nous rappelons à nos lecteurs que nos collabora-
teurs ont toute latitude pour formuler leurs opinions person-
nelles. B.
NECROLOGIE.
LE D' GUSTAVE BOUCHEREAU,
.Médecin eu clief à l'.lsile elmiyae (Sainle-.W ne). ,
(1835-1900)
Médecin de l'asile clinique depuis trente-trois ans, le
Dr Gustave Bouchereau est mort en activité de service le
21 février 1900, à l'ube de soixante-cinq ans.
Gustave Bouchereau, issu d'une vieille famille médicale de
la Touraine, est né à Montrichard (Loir-et-Cher), le 20 juin
BOUCHEREAU. 359
1835. Son grand-père était médecin, il voyait beaucoup de
malades, mais à vrai dire, peu de clients ; propriétaire aisé,
il tirait ses ressources de ses terres, et la profession médicale
n'était pour lui qu'une sorte d'apostolat bienfaisant et chari-
table au profit de ses compatriotes qu'il soignait, conseillait,
éduquait, réconfortait physiquement et moralement ; ceux-ci
à leur tour l'adoraient.
Son père, esprit ouvert, franc, aventureux et indépendant,
avait passé les premières années de sa jeunesse à voyager,
parcourant presque toujours à pied, diverses parties de
l'Europe et en particulier de la Russie.
Dans ces longs voyages, aux prises parfois avec de grosses
difficultés, il avait acquis des hommes et des choses une expé-
rience qui lui a été des plus utiles. Rentré dans sa famille, il
s'occupa du soin de son domaine ; il était bon et généreux
pour tous, aussi ses compatriotes l'avaient-ils pendant plus
de quarante ans, sous tous les régimes et parfois malgré
l'opposition du gouvernement, élu conseiller général.
Sa mère était une femme intelligente, douce, affable, d'une
sensibilité exquise, d'une grande bonté. Bouchereau avait
hérité des qualités du coeur de sa mère et de la droiture du
caractère de son père. Elève du collège de Blois, il vient à
e Paris compléter ses études dans l'institution Barbet, une des
plus florissantes de l'époque, où l'on ne se contentait pas de
surcharger la mémoire par des exercices d'entraînement pour
les examens, mais où de fortes études générales donnaient une
instruction solide qui dépassait les besoins du baccalauréat.
Dès ses premières inscriptions de. médecine, il prit la bonne
habitude de fréquenter les hôpitaux et il fut un des élèves les
plus assidus d'Andral et de Grisolle. Nommé interne des
hôpitaux en 1863, il est successivement interne de Falret
père, de Vulpian et de Charcot à la Salpêtrière et suit régu-
lièrement les leçons de Baillarger; sa vocation se dessine
ainsi et dès la fin de 1866, il est chargé par l'administration ici
préfectorale d'aller soigner à l'asile de Vaucluse en construc-
tion, le personnel et les ouvriers au milieu desquels s'étaient
développés de nombreux cas de diarrhée cholériforme.
Le le, janvier 1867, il est avec son collègue et ami Magnan .
nommé médecin du Bureau d'admission,vers lequel convergent
tous les aliénés du département de la Seine. Ce vaste champ
d'étude et d'expérience avait fait de lui un clinicien hors de pair.
360 NÉCROLOGIE.
Dans sa thèse sur les hémiplégies anciennes (1866), il met à
profit ses connaissances cliniques et anatomo-pathologiques
de la Salpêtrière; deux intéressantes communications à la
Société de biologie sur la pathogénie des lésions cérébrales,
révèlent par les considérations qui les accompagnent, à
l'époque surtout où elles ont été présentées, à la fois avec des
qualités prénétrantes d'analyse, un puissant esprit de généra-
lisation. (Anévrismes miliaires de la rétine et du cerveau
dans un cas d'alcoolisme chronique. Compte rendu de la
Société de Biologie, t. I, 5e série, 1869. Infarctus multiples
avec ramollissement dans plusieurs organes ; rupture de la
paroi antérieure du ventricule gauche. Compte rendu de la
Société de Biologie, 4e série, t. IV, 1867. En collaboration
avec Magnan.)
Plus tard, en 1884, il expose devant la Société de Biologie les
résultats de ses recherches sur le régime alimentaire des aliénés.
En 1870,de nouveaux devoirs s'imposent et trouvent Bouche-
reau prêt à tous les dévouements; c'est surtout par ses démar-
ches et son active intervention auprès du gouvernement et de
l'administration de la ville de Paris qu'on obtint peu avant
l'investissement de la capitale, l'évacuation en province d'une
grande partie des malades de l'asile Sainte-Anne, mesure de
prévoyance qui permit d'assurer pendant le siège l'assistance
et le traitement des aliénés que les souffrances, les privations
et les secousses de cette douloureuse période avaient rendus
plus nombreux. Une ambulance fut organisée à l'asile et c'est
dans le combat de Châtillon, en allant recueillir et panser
les blessés sur le champ de bataille, qu'une balle lui traversa
la cuisse gauche. Porté à l'ordre du jour pour sa belle con-
duite, il reçut la croix de la Légion d'honneur. Deux mois
après, à peine convalescent de sa blessure, marchant avec
difficulté, il reprend son service, heureux de se retrouver au
milieu de ses malades. Il publie alors en collaboration avec
Magnan deux mémoires d'un vif intérêt historique et clinique,
car ils révèlent d'une façon saisissante l'influence des grandes
commotions politiques sur le développement des maladies
mentales : le premier lu à l'Académie de médecine dans la
séance du 21 novembre 1871, ne fut pas étranger à la vive
campagne commencée alors contre l'alcoolisme; il avait pour
titre : Statistique des alcooliques entrés au Bureau d'admis-
sion à Sainte-Anne pendant les mois de mars, avril, mai,
BOUCHEREAU. 361
juin '1810 et les mois correspondants de 1871 ; le second :
Statistique des malades entrés en 1870 et en 1871 au Bureau
d'admission des aliénés de la Seine, a été communiqué à
la Société médico-psychologique par Bouchereau et y a
soulevé une fort instructive discussion {Annales méd. psch.,
·1872, t. VIII, p. 261 et 342).
Clinicien avant tout, Bouchereau donna la mesure de son
savoir dans les leçons très suivies qu'il fit à partir de 1872 et
ses publications telles que son article Satyriasis du Diction-
naire de Dechambre, font regretter qu'elles n'aient pas été
plus nombreuses.
Bouchereau était membre de la Société de Biologie depuis
1874 et fut à deux reprises en z1881 et 1886 élevé par la haute
estime de ses collègues à la vice-présidence. En 1871, il avait
été nommé membre titulaire de la Société médico-psycholo-
gique ; chargé comme secrétaire annuel du compte rendu des
séances, il prit une part active à ses travaux et fut élu prési-
sident en 1891. Il était depuis ·188 secrétaire de l'Association
mutuelle des médecins aliénistes de France et il remplissait
cette tâche délicate avec le plus grand tact et la plus grande
bienveillance. La collection de ses rapports annuels constitue
une histoire des plus complètes de cette association durant
ces quinze dernières années, et ses discours, dans lesquels il
rendait hommage à la mémoire de ses collègues disparus,
sont tous empreints d'une vibrante émotion et de la plus affec-
tueuse cordialité.
A la fin de 1879, il est appelé à remplacer Prosper Lucas
comme médecin en chef de la section des femmes de l'asile
Sainte-Anne, et dans cet important service, au milieu de ses
malades, sa générosité naturelle eut occasion de prendre tout
son essor. Partisan convaincu des avantages pour certaines
catégories de malades de l'assistance familiale, il prêta son
concours le plus dévoué au développement de la colonie
de Dun-sur-Auron et il songeait depuis quelques années à la
fondation d'un office central d'accueil et de protection pour
les anciennes malades des asiles et aussi pour les femmes en
détresse qu'il voulait arracher à la mélancolie et au suicide.
La mort l'a surpris au milieu de ces projets philanthropiques,
et s'il a fait beaucoup de bien, tous ceux qui le connaissaient
savent qu'il en eût fait encore davantage.
362 NÉCROLOGIE.
Le service funèbre a été célébré le dimanche 25 février à
Montrichard au milieu de parents, d'amis et d'une grande
aflluence de la population ; mais une imposante cérémonie
avait eu lieu à l'Asile clinique où un catafalque avait été
installé dans le service même du D' Bouchereau. Là, devant
le cercueil et en présence d'une nombreuse assistance de con-
frères et d'amis, du personnel de l'établissement et d'un
grand nombre de malades, six discours ont été prononcés :
M. Pelletier, chef du service des aliénés à la Préfecture de la
Seine, parla au nom du Préfet de la Seine et de l'Administra-
tion ; M. Ritti, au nom de la Société médico-psychologique ;
M. Meuriot, au nom de l'Association mutuelle des médecins
aliénistes ; M. Gley, au nom de la Société de Biologie ;
M. Briand, au nom des anciens internes de Bouchereau, et
M. Dagonet, au nom du corps médical de l'Asile clinique
(Sainte-Anne).
Les cordons du poêle pendant le trajet de l'Asile clinique à
la gare d'Orléans étaient tenus par M. Pelletier, chef du ser-
vice des aliénés, M. Motet, secrétaire général de la Société
de médecine légale et membre de l'Académie de médecine,
M. Gley, secrétaire général de la Société de Biologie, agrégé
de la Faculté, M. Dubuisson, médecin de l'Asile clinique,
M. Meuriot, président de Y Association mutuelle des médecins
aliénistes de France, et M. Gréhant, professeur au Muséum.
Discours du De Ritti, au nom de la Société médico-
psychologique.
Au nom de la Société médico-psychologique, j'ai le doulou-
reux honneur d'apporter ici l'expression des profonds regrets
que lui cause la perte d'un de ses membres les plus distin-
gués.
Notre Compagnie, qui a le culte de la tradition, ne saurait
oublier que Bouchereau rédigea, pendant plusieurs années, le
compte rendu de ses séances avec un zèle et un dévouement
rares ; il a été son président en 1891 et, depuis bientôt trente
ans qu'il est des nôtres, il n'a pas cessé d'apporter, soit dans
nos discussions, soit dans les commissions, l'appui de son
jugement sûr et de sa compétence incontestée.
Mais Bouchereau n'a pas que des titres à notre reconnais-
sance, il en a aussi = et de très grands à notre estime, à
noire admiration. Sa vie, toute de probité, de droiture, de
BOUCHEREAU. 363 3
dévouement, est pour nous un exemple digne d'être médité.
Jamais il ne transigea avec le haut idéal qu'il s'était fait de
l'honneur et du devoir.
Sa bonté et sa bienveillance étaient extrêmes ; il se plaisait
à rendre service. Dans nos réunions, dans nos associations,
la place qu'il revendiquait était celle où il pouvait être utile,
faire le bien; et s'acquittait de sa lâche avec un tact, une
discrétion, un esprit de justice auxquels tout le monde rend
hommage. Aussi l'appelions-nous le bon, l'excellent Bouche-
reau ; jamais qualificatifs ne furent mieux appliqués. Il a
sans doute rencontré sur sa route l'ingratitude, parfois même
l'indifférence, mais jamais l'hostilité. Et si, à ses derniers
moments, selon une croyance populaire, les actes de sa vie se
sont rapidement déroulés devant ses yeux, il a pu se dire à
juste titre : Je meurs, sans laisser d'ennemis.
Si heureusement doué du côté du coeur et du caractère, il
ne l'était pas moins au point de vue de l'intelligence. Obser-
vateur d'une rare sagacité, il acquit rapidement des connais-
sances cliniques très étendues en médecine mentale et ner-
veuse, durant son internat il la Salpêtrière, dans les services
de Falret père et de Baillarger, de Charcot et de Vulpian.
Ces savants illustres tenaient en haute estime le savoir et le
dévouement de leur disciple ; lui, de son côté, conserva tou-
jours pour ces maîtres vénérés les sentiments les plus pro-
fonds de respectueuse gratitude. Personne d'entre nous n'a
oublié les pages vibrantes d'admiration et de reconnaissance
qu'il prononça en des circonstances solennelles : lorsqu'il fut
notre interprète sur la tombe de Baillarger ; ou qu'il prit la
parole, à l'inauguration du buste de ce maître regretté, au
nom de tous ses élèves; ou encore, lorsque, dans le discours
qu'il fit en quittant le fauteuil de la présidence de noire Com-
pagnie, il rappela avec une légitime fierté qu'il avait « suivi
« les services, écouté les leçons et profilé des conseils de ces
« hommes distingués ». Puis en une phrase où débordait tout
son coeur, il poursuivait : « Plusieurs ont laissé des fils que
« j'ai retrouvés dans cette enceinte et avec qui j'ai été heu-
« reux de contracter des liens d'amitié; aussi, chaque fois
« que nous avons l'occasion d'applaudir aux succès des fils.
« nul ne s'y associe avec une émotion plus vive que moi-
« même, j'unis dans un même hommage les pères aux fils
« dans nos applaudissements. »
364 NÉCROLOGIE.
Bouchereau soutint sa thèse de doctorat, en 1866, sur un
sujet peu connu alors : les hémiplégies anciennes. Quelques
mois après, il était nommé, en même temps que M. Magnan,
médecin répartiteur du bureau d'examen de l'asile Sainte-
Anne. De cette époque date, non pas l'amitié de nos deux
sympathiques collègues elle remontait déjà à plusieurs
années mais cette collaboration scientifique et médicale
qui dura jusqu'à la fin de '1879, où M. Bouchereau fut appelé
à remplacer Prosper Lucas comme médecin en chef de la sec-
tion des femmes de cet établissement. De cette collaboration
naquirent de nombreux et importants travaux, dont les plus
connus sont, d'une part, la statistique des alcooliques entrés
au Bureau d'admission pendant les mois de mars, avril,
mai, juin 1870 et les mois correspondants de 1871, et, d'autre
part, la statistique des malades entrés dans le même Bureau
d'admission de 1870 et 1871. Ces deux documents, d'un
intérêt scientifique indiscutable, pages douloureuses de l'an-
née terrible, devront être consultés par les historiens et les
sociologues, qui y trouveront des preuves en quelque sorte
vivantes de l'influence des grandes catastrophes sociales sur
la production de la folie.
Pendant cette période de deuil, Bouchereau fit tout son
devoir. Le jour où l'armée de Paris, se portant vers le sud,
voulut s'opposer à l'investissement de la capitale par l'en-
nemi, il se rendit avec l'ambulance de Sainte-Anne, au plus
fort de la bataille, à Châtillon, ramassant et réconfortant les
blessés, faisant les premiers pansements. Nos troupes trop
peu nombreuses, incapables de résister à la poussée des
masses allemandes, durent se replier; le combat allait cesser,
les ambulances continuaient leur oeuvre philanthropique,
lorsqu'une balle frappa notre regretté collègue et lui traversa
la cuisse gauche. Le projectile n'atteignit heureusement au-
cun vaisseau : la blessure guérit, sans qu'il survint aucune
complication. Le gouvernement de la Défense nationale, en
récompense de son courage et de son dévouement, décerna à
Bouchereau la croix de la Légion d'honneur. C'était là une
distinction méritée, et, nous pouvons dire à sa louange, elle
n'excita aucune jalousie parmi ses collègues.
Bouchereau fit toute sa carrière de médecin aliéniste dans
cet asile Sainte-Anne ; il comptait plus de trente-trois ans de
service au moment de sa mort. Pendant ce long espace de
BOUCHEREAU. 365
tèmps un tiers de siècle il se montra, du premier jour
jusqu'au dernier, médecin zélé et dévoué ; sa bonhomie, par-
fois un peu brusque mais cette brusquerie qui dissimule
mal un grand fond de bienveillance le servait beaucoup
auprès de ses malades, de qui il arrivait sans peine à gagner
la confiance et dont, phénomène plus rare ! il savait se faire
aimer.
Son nom restera attaché à la première tentative d'un en-
seignement de la pathologie mentale fait dans cet asile et
qu'un ukase du préfet de la Seine, inspiré par une fausse
sentimentalité, vint brusquement interrompre. Les leçons de
Bouchereau n'ont pas été publiées, et nous devons le regret-
ter. « Ceux qui les ont entendues, dit, en effet, notre savant
« collègue et ami, M. Motet, savent avec quel soin elles ont
« été préparées ; les sujets choisis ont été : de l'idiotie liée à
« certaines lésions cérébrales ; des actes impulsifs dans les
« différentes formes d'aliénation; expériences physiologiques
« sur le mode de production des attaques épileptiques et épi-
ce leptiformes. Ces sujets qui appartiennent aux études d'ana-
« tomie pathologique, de physiologie et de médecine légale,
« dans ce qu'elles ont de plus élevé, disent quelle est la
« variété des connaissances » de notre collègue. On voit par
cette appréciation empruntée au rapport de mon éminent
prédécesseur sur la candidature de Bouchereau au titre de
membre résidant de notre Compagnie, quel prix on attachait
à ses travaux, à ses recherches, à son enseignement.
La vie fut douce à notre collègue, parce qu'il sut l'em-
bellir par l'amitié. Il nous est impossible de ne pas rappeler
encore une fois les liens intimes qui l'unirent à M. Magnan.
Amitié de plus de quarante ans, qu'aucun nuage ne vint
assombrir ; une de ces amitiés, en lesquelles, selon les belles
expressions de Michel Montaigne, pensant à Etienne de La
Boëtie, les âmes « se meslent et se confondent l'une et l'autre
« d'un meslange si universel, qu'elles effacent et ne retrou-
« vent plus la cousture qui les a joinctes ». Cette « cousture
d'amitié si étroite et si joinctte », la mort l'a déchirée ; notre
vénéré président a senti comme si on lui arrachait une moi-
tié de lui-même, et il pleure celui dont la vie a été la sienne.
Puissent les témoignages de notre affectueuse sympathie
adoucir l'amertume de cette douloureuse séparation !
Au nom de la Société médico-psychologique dont je suis le
366 NÉCROLOGIE.
fidèle interprèle, je viens dire un adieu suprême à notre excel-
lent Bouchereau, qui fut plus que notre collègue, notre ami.
Mais lui, qui, durant toute sa vie, pensa moins à lui-même
qu'aux autres, il m'en voudrait si, en ce jour de deuil, j'ou-
bliais les siens qu'il a tant aimés : la femme dévouée qui a
entouré ses derniers moments de soins si touchants ; sa soeur
qui, pendant de longues années, fut pour lui pleine d'atten-
tions toutes maternelles et qui eut la douleur de ne pouvoir
assister à ses derniers moments : à toutes deux, ainsi qu'à
toute la famille, nous adressons l'hommage de nos respec-
tueuses sympathies et de nos sincères condoléances.
Adieu, Bouchereau, adieu, cher ami, adieu.
Discours de M. Pelletier, chef du service des aliénés.
D'impérieux devoirs retiennent M. le Préfet de la Seine à
l'Hôtel de Ville et ne lui permettent pas de venir apporter
lui-même au Dr Bouchereau le témoignage public de sa recon-
naissance et le tribut de ses regrets. M. le Directeur des af-
faires départementales, qui devait le représenter, s'est trouvé
empêché au dernier moment; mais ils m'ont expressément
chargé d'être l'interprète de leurs sentiments et d'apporter
au collaborateur dévoué, au chef de service éminent que la
mort vient d'enlever, l'hommage douloureux de l'administra-
tion départementale de la Seine. 1
Les liens du Dr Bouchereau avec le service des aliénés
commencent, à vrai dire, avec ses premières études médi-
cales. C'est en 1859 qu'il fut reçu externe des hôpitaux et
attaché au quartier des aliénés des hospices de Bicêtre et de
la Salpêtrière, qui étaient, à cette époque, les seuls établisse-
ments consacrés au traitement des aliénés de la Seine.
Interne provisoire en 1862, interne titulaire en 1864, il
demeure attaché aux quartiers spéciaux de ces hospices et
manifeste ainsi le dessein bien arrêté de se consacrer tout
entier à l'Assistance médicale des malheureux aliénés.
L'administration préfectorale de cette époque s'était mise
à l'oeuvre pour doter le département de la Seine des asiles
qui lui manquaient et c'est à ce moment que s'achevait l'asile
clinique, édifié sur le terrain de la ferme Sainte-Anne. Cet
BOUCHEREAU. 367 i
asile comportait un bureau d'admission et lors de l'ouverture
de l'établissement, en février 1867, M. le préfet Haussmann
arrêta son choix sur le D'' Bouchereau, en même temps que
sur son ami de la première et de la dernière heure, le Dr Ma-
gnan, pour remplir les fonctions de médecin du Bureau
d'admission. Depuis cette date, c'est-à-dire depuis la fonda-
tion de Sainte-Anne, la vie du D Bouchereau est, .pour ainsi
dire, confondue avec la vie même de l'asile qu'il n'a plus
quitté et où il vient de rendre le dernier soupir.
Nommé médecin répartiteur au mois d'octobre 1870, il
veut avoir sa part des dangers du siège de Paris, est attaché
comme chirurgien au 1360 bataillon de la garde nationale;
blessé au combat de Châtillon, il est cité à l'ordre du jour de
l'armée et est nommé, pour sa belle conduite, chevalier de
la Légion d'honneur. Après avoir ainsi donné avec sa modestie
habituelle l'exemple du devoir civique, il reprend sa place au
Bureau d'admission jusqu'en 1879, date à laquelle il est
appelé par M. le préfet Herold à succéder au D'' Lucas comme
médecin en chef de la division des femmes. C'est dans ce
poste où il est resté plus de vingt ans que la mort est venue
briser les liens intimes, profonds, qui l'attachaient à cet asile
depuis sa création.
Ses confrères, beaucoup plus autorisés et plus compétents,
vous diront ce que fut l'homme de science et ils vous rappel-
leront ses mérites de clinicien et ses travaux originaux.
Il m'appartient plus particulièrement de déclarer bien haut
devant ce cercueil quel chef de service exemplaire fut le
Dr Bouchereau. D'un caractère franc, loyal, paternel pour
ses malades, bienveillant, sans faiblesse avec son personnel,
maître autant aimé qu'estimé par ses nombreux élèves, sa
vie présente une admirable unité, c'est-à-dire un dévouement
absolu et sans trêve aux malheureux confiés à ses soins.
Chez cette nature d'élite, les années ne ralentissent ni l'ac-
tivité bienfaisante ni les constants efforts vers le progrès. Il
donna à l'administration une preuve bien manifeste de son
esprit ouvert aux réformes au moment où le Conseil général
prit l'initiative d'un essai de colonisation familiale en 1892.
Une des principales préoccupations était de ne commencer
l'expérience qu'avec des pensionnaires donnant toute sécurité
et pouvant, sans aucun risque, être rendues à la vie libre de
la colonie. Le 1)" Bouchereau se montra dès la première
368 NÉCROLOGIE.
heure partisan résolu de ce mode d'assistance ; il s'offrit avec
sa modestie et sa bonne grâce habituelles pour faire cette
sélection. C'est de son service que partit le premier convoi
de malades de la Seine pour la colonie de Dun qui a pris un
développement inespéré.
Associé à ces premières tentatives, le D1' Bouchereau fut
aussi parmi les premiers visiteurs de la colonie, avec la délé-
gation de la troisième commission du Conseil général. J'étais
aussi de cette visite et je me souviens de la satisfaction con-
fiante qu'il montrait en voyant les heureux résultats de
l'expérience qu'il avait favorisée de sa haute autorité. Je me
souviens surtout de la joie touchante que manifestaient
les anciennes malades de son service de l'Asile clinique
lorsqu'elles le reconnaissaient au cours des visites chez les
nourriciers. Ces témoignages, dans leur spontanéité, étaient
le plus bel hommage rendu à la bonté familière de l'homme
de coeur autant qu'au médecin. A ces retours de Dun, le
D1' Bouchereau nous quittait à Vierzon, ne pouvant résister à
la tentation d'aller passer quelques heures dans son cher
pays de Montrichard dont il parlait toujours avec émotion.
C'est là que vont être transportés ses restes, accompagnés
des regrets émus de tous ceux qui l'ayant approché, l'ont
tout de suite aimé. C'est là qu'il va reposer pour toujours ;
mais il laissera dans'cet asile, dont il fut un des fondateurs,
une mémoire pure et durable; il y laissera en môme temps
l'exemple et l'enseignement d'une noble vie.
Puissent ces témoignages et ces regrets adoucir pour sa
veuve en deuil et pour sa famille la douleur de la séparation
définitive ? Nous la prions d'agréer nos respectueux hommages
et à vous, cher et très regretté D' Bouchereau, j'adresse, au
nom de M. le Préfet de la Seine, un suprême adieu.
Discours de M. GLEY, secrétaire général de la Société
de Biologie.
Messieurs,
La Société de Biologie n'a jamais négligé de s'occuper des
phénomènes morbides qu'étudient les médecins aliénistes,
pour autant que ces phénomènes, dépassant la pure séméio-
BOUCHEREAU.. 369
logie, présentent un caractère marqué de généralité, tel
qu'il en puisse sortir des notions positives sur le fonctionne-
ment du cerveau troublé. Aussi a-t-elle toujours tenu il
compter parmi ses membres quelques représentants de la
psychiatrie. Depuis l'année 1874, le très regretté Bouche-
reau, ancien interne des hôpitaux, médecin en chef de l'asile
Sainte-Anne, était un de ces rares représentants.
Ce n'est pas pour nous, Messieurs, une vaine épithète que
ces mots de « très regretté ». La grande bonté de notre col-
lègue, sensible à ceux-là même qui avaient peu de'relations
avec lui, la franchise et la sûreté de son commerce lui avaient
valu toutes les sympathies. Et son assiduité pendant très
longtemps à nos séances ce n'est que depuis quelques
années, qu'il y venait moins régulièrement, son interven-
tion peu fréquente, mais toujours justifiée et par cela même
heureuse, dans les discussions auxquelles il croyait que ses
connaissances spéciales lui permettaient de prendre part,
lui avaient gagné l'estime générale. C'est l'estime que mérite et
retient toute compétence qui ne se manifeste qu'à bon escient
et avec la discrétion que l'on goûte dans tous les milieux, y
compris les sociétés scientifiques. La meilleure preuve que
l'on puisse donner et de cette sympathie et de cette considé-
ration qui entouraient notre collègue, c'est qu'il fut élu à
deux reprises vice-président de la Société, en 1881 et 1886.
Nos comptes rendus gardent quelques traces de ses travaux.
Deux observations qu'il y donna, en 1867 et 1869, en colla-
boration avec son intime ami, notre excellent et éminent
collègue Magnan, sont d'une réelle importance au point de
vue de la pathogénie des lésions cérébrales. En 1884, sur la
question délicate du régime alimentaire des aliénés, il nous
présenta des remarques judicieuses, accompagnées de plu-
sieurs observations conduites d'une façon rigoureusement
scientifique.
Les confrères de M. Bouchereau savent qu'il fut avant tout
un clinicien très instruit, très habile, d'une sagacité recon-
nue. L'exercice aiguisé de ces facultés, dans son service hos-
pitalier, satisfaisait sans doute en grande partie son esprit.
Pour nous, qui avons beaucoup apprécié tout ce qu'il nous a
donné, nous devons regretter que les preuves écrites de son
activité médicale ne soient pas plus nombreuses. Et c'est,
Messieurs, un regret de plus à ajouter, pour la Société de
Archives, 2° série, t. IX. 21 r
370 NÉCROLOGIE.
Biologie, à ceux que lui cause la disparition prématurée de
l'esprit juste, de l'intelligence bien faite, du spécialiste exercé
et de l'homme de bien qu'était notre honoré collègue.
Discours de M. MEUMOT,pes ! eM de l'Association mutuelle
des médecins aliénistes de France.
- Messieurs,
Je viens, au nom de l'Association mutuelle des médecins
aliénistes de France, dire un dernier adieu à notre excellent
collègue Bouchereau, secrétaire général de notre Association
déjà depuis de longues années ; il n'a jamais cessé un instant
de donner une partie de ses forces au labeur que lui impo-
saient ses fonctions. Vous vous souvenez tous du dévouement
avec lequel Bouchereau s'acquittait dans nos réunions de son
devoir de rendre compte de l'état de notre société, des
besoins de nos sociétaires, des infortunes de leurs veuves et
de leurs enfants. Nous avons pu apprécier dans maintes cir-
constances l'esprit de charité et les qualités de coeur de notre
collègue. Ses fonctions de secrétaire général de l'Association
chargeaient aussi Bouchereau du soin de venir rendre les.,
derniers devoirs aux collègues que nous perdions; il le faisait
toujours avec mesure et se montrait l'excellent confrère qu'il
était, sachant rendre justice à tous et faisant valoir le mérite
de chacun, dans un style honnête, franc, toujours cordial et
parfois vibrant. -
Notre société, quelque modeste qu'elle soit encore, n'en
remplit pas moins ses devoirs, et combien d'infortunes soula-
gées, combien de misères ignorées secourues ! Bouchereau ne
cessait de faire une propagande active auprès de nos jeunes
confrères pour les engager à venir à nous, leur montrant
combien notre Association était utile à ceux que la maladie
atteignait, ainsi qu'aux familles laissées dans la misère par
eeux qui étaient mortellement frappés avant l'heure. Bouche-
reau remplissait une véritable mission en s'occupant de
recruter des membres à notre société ; il 'voulait concourir
pour sa faible part à l'amélioration du sort de nos confrères
en les poussant vers l'Association qui est une bonne oeuvre
d'assistance et de prévoyance. Nous perdons beaucoup en
. BOUCHEREAU. 3-il
perdant Bouchereau, mais nous conserverons intact le souve-
nir du bien que nous lui avons vu faire, et nous chercherons
à suivre l'exemple qu'il nous a donné.
Il y a trente-six ans nous faisions Bouchereau et moi partie
de la même promotion de l'Internat des hôpitaux de Paris,
et nos relations commencées à cette époque se sont tpujours
continuées sans cesser d'être des plus intimes et des plus
cordiales, l'aménité de son caractère, la douceur de ses
moeurs, le charme et la sûreté de ses relations que tous
ses amis ont été à même d'apprécier, font qu'aujourd'hui
devant ce cercueil notre douleur est grande et nos regrets
. profonds et sincères.
Il ne m'appartient pas de retracer devant vous la belle
carrière médicale de notre camarade Bouchereau ; vous venez
d'entendre l'énumération de ses titres scientifiques, de ses
qualités comme chef hospitalier, on vient de vous dire la
grande part qu'il a prise dans la fondation de cette Ecole de
Sainte-Anne où il établit pour la première fois dans notre
pays avec Magnan l'enseignement de l'aliénation mentale, et
qui, aujourd'hui devenue célèbre même à l'étranger, cons-
titue une véritable pépinière pour les médecins aliénistes
français. Pendant trente-trois ans attaché à ce même asile, il
n'a cessé de se consacrer avec le dévouement le plus grand à
ses malades, et l'on a pu vous dire tout le succès de son ensei-
gnement, moi je ne veux que répéter ici, devant vous, combien
il était bon, charitable, compatissant avec les pauvres aliénés
qu'il soignait. C'était le véritable amour qu'il portait aux
malades qui lui a permis de faire tout le bien qu'il leur a
fait.
Bouchereau était un ami sûr, un coeur d'or, une âme bien-
faisante et c'est avec la plus sincère douleur que je salue sa
dépouille mortelle. Adieu, Bouchereau, ton souvenir restera
gravé dans le coeur de ceux qui t'ont aimé et de ceux que tu
as aimés.
Discours de M. DAGONET, médecin à l'Asile clinique.
Messieurs,
Cédant à la demande qui m'en a été faite avec insistance
par M. le Dr Magnan, je viens apporter au Dr Boucherau, le
312 NÉCROLOGIE. -
dernier hommage de son personnel et de ses malades. Cet
hommage eut été assurément beaucoup mieux exprimé par
M. le D'' Magnan, mais son émotion et son affection profondes
ne pouvaient lui permettre de prendre la parole, devant le
cercueil de l'ami excellent dont il vient d'être si cruellement
séparé.
D'autres, mieux que moi, pouvaient dire tout ce que nous
perdons en ce maître vénéré, dont l'érudition, le savoir, la
compétence en tout ce qui touche la médecine mentale, étaient
universellement reconnus.
C'est au sortir de l'Internat des hôpitaux de Paris que le
Dr Bouchereau a choisi la carrière des asiles vers laquelle le
portaient tous ses goûts. Le médecin aliéniste doit être bon
avant tout. C'est dans son service, au milieu de ses malades,
que la bonté, la générosité naturelle du D'' Bouchereau ont pu
se développer librement et arriver à leur complet épanouisse-
ment.
Pendant ses études, le Dr Bouchereau avait été pour ses
camarades, un ami dévoué et fidèle, et ces qualités ne se sont
pas démenties; il fut un ami fidèle et dévoué pour ses malades,
comme il l'avait été pour ses collègues.
Je ne [puis m'empêcher de citer ici les paroles qu'il pronon-
çait lui-même, le 29 mai dernier, à l'Association mutuelle des
médecins aliénistes de France en rappelant la mort de M. le
Dr Semelaigne.
Il disait de son collègue : « Votre qualité maîtresse était la
bienveillance », et il ajoutait : ce On n'avait pas de peine à
découvrir tout ce qu'il cachait de valeur sous une modestie
réelle. » Ces paroles ne s'appliquent-ellés pas à vous, mon
cher maître.
Ne gardons-nous pas de vous un souvenir pareil, nous qui
avons vécu à vos côtés, sans vous voir jamais une défaillance,
nous qui assistant à vos derniers moments, avons admiré
votre inébranlable fermeté et votre admirable courage au
milieu d'atroces souffrances et qui vous avons vu sourire à
votre compagne si dévouée, et à vos amis désolés, qui vous
entouraient de leurs soins impuissants. Vous avez montré
devant la mort le courage et la bonté, qui ont caractérisé
toute votre vie. Je ne puis dire la douleur de tous quand on
a appris la fatale nouvelle. L'une de vos malades que vous
aimiez, et vous les aimiez toutes, malgré les souffrances et la
BOUCHEREAU. 313 .3
faiblesse qui la clouaient sur son lit, a voulu être portée dans
votre chambre et vous contempler, une dernière fois, sur votre
lit mortuaire.
Vos malades, auxquelles vous avez consacré votre vie,
nous tous qui avons eu mille preuves de votre inépuisable
bonté, nous sentons profondément votre perte, c'est que vous
aviez vraiement le don de vous faire aimer, c'est que vous
étiez l'homme de bien, l'homme de coeur. Aussi le vide que
vous laissez parmi nous, ne sera-t-il jamais comblé.
Avant de terminer, je tiens à dire encore que vous n'avez
pas été seulement un travailleur infatigable et le plus cons-
ciencieux des hommes, mais que vous avez été aussi un
patriote. Pendant la guerre de 1870, vous vous êtes consacré
de toute votre âme, à l'organisation des ambulances. Vous
avez obtenu l'évacuation en province de trois cents malades
de l'asile Sainte-Anne et dans tous les services vous avez
donné des lits aux blessés, que vous alliez, vous et votre
collègue de l'asile, ramasser sur les champs de bataille. Vous
avez apporté dans cette tâche, toute l'ardeur de votre coeur,
et vous avez été vous-même blessé par une balle qui vous a
traversé la jambe.
Vous avez donc noblement payé votre dette à la Patrie,
Mais vous avez eu la tristesse de mourir sans avoir vu, se
réaliser « les réparations consolantes, sur lesquelle ont le
droit de compter, ceux qui ont foi dans la justice ». Tous,
nous conserverons pieusement la mémoire de l'ami excellent,
du médecin dévoué, de l'homme de bien, du patriote, que fut
le Dr Bouchereau.
Au nom de votre personnel, mon cher Maître, au nom de
vos malades, au nom de tous ceux qui vous ont connu et
aimé, je vous adresse un éternel adieu. (
Discours prononcé pa2- l. BRlA ! ;D, médecin en chef de l'Asile
de Ville juif, au nom des anciens internes de ill. Boit-
chereau.
Messieurs,
C'est au nom des anciens internes de M. Bouchereau, que
je viens adresser un suprême adieu au maître respecté devant
lequel je m'incline aujourd'hui pour la dernière fois.
374 NÉCROLOGIE.
« Quelque pénible que soit cette tâche, je tiens d'autant plus
à l'accomplir, cher Mailre, que votre modestie ne m'a jamais
permis de vous remercier suffisamment des conseils et du
savant enseignement qui ont guidé mes premiers pas dans une
carrière que vous venez de remplir avec tant de distinction.
Si vous pouviez m'entendre à cette heure suprême, qui sait
même si vous ne chercheriez pas à me fermer la bouche par
une de ces formules pleines d'affectueuse brusquerie qui vous
étaient familières pour détourner la conversation, quand vous
sentiez qu'il allait en sortir l'énonciation d'un fait à votre
louange.
S'il est vrai que les paroles n'ajoutent rien aux actes, ainsi
que vous le répétiez souvent, il est vrai aussi qu'elles servent
à les faire connaître : Les vôtres sont de ceux qu'on ne doit
pas laisser ignorer.
Mais, d'ailleurs, le culte, dont vous n'avez cessé d'honorer la
mémoire de vos maîtres qui avaient noms : Andral, Falret
père, Baillarger, Vulpian, Charcot, est un enseignement pour
nous.
Vous parliez souvent d'eux, toujours avec émotion et
reconnaissance, laissez-nous agir de même. Nous dirions de
vous tout le bien que l'on peut penser d'un honnête homme,
qu'il nous resterait' quelque chose à ajouter pour que votre
éloge fùt complet. »
J'ai eu l'honneur d'être l'interne de M. Bouchereau, alors
qu'il partageait avec mon autre maître M. Magnan, le service
du Bureau central de la répartition des aliénés. C'est à cette
époque que j'ai commencé à apprécier l'élévation de son
caractère si droit, où la bienveillance s'alliait à l'austérité,
comme pour la rendre aimable.
Les qualités les plus saillantes de M. le Dl' Bouchereau
étaient son extrême bonté et une modestie que l'étendue de
ses connaissances rendrait inexplicable, si on ne la savait
naturelle.
Tous ceux qui l'ont approché, élèves, collègues ou malades,
sans oublier son personnel qui lui était si respectueusement
dévoué, vous diront que sa bonté était aussi inépuisable
qu'oublieuse du service rendu. Sous des apparences parfois
trompeuses cet homme de devoir devenu, par profession, le
confident de tant de misères humaines, trouvait dans son
coeur, toujours ouvert, des trésors intarissables où il puisait,
BOUCHEREAU. 375
sans affectation, pour y chercher la parole qui réconforte
parce qu'on sent qu'elle ne vient pas seulement des lèvres.
Souvent même la consolation se manifestait sous une autre
forme en s'accompagnant d'un secours matériel qu'une
habile diplomatie arrivait à faire accepter sans humiliation.
Rien n'était touchant comme la gaucherie d'un geste dont
il était coutumier, mais dont il semblait s'excuser, comme s'il
l'eût accompli pour la première fois et comme s'il fût lui-
même l'obligé.
Obligé ? Peut-être l'était-il au fond, car il avait allégé son
coeur de la pensée qu'une infortune, connue de lui, aurait pu
n'être pas soulagée.
Les anciennes malades de son service, pour lesquelles il se
montrait un si généreux conseiller, pourraient vous répéter
que, chez lui, le bienfait, toujours spontané, n'attendait jamais
la sollicitation. Les malades étaient d'ailleurs l'objet de ses
constantes préoccupations, même après leur sortie de l'asile.
Parmi les améliorations qu'il souhaitait ardemment à leur
sort, il en est une qui le préoccupait beaucoup dans les der-
niers temps de sa vie. On trouve le reflet de cette sollicitude
dans les quelques lignes où, après avoir décrit avec une
émouvante simplicité les souffrances de la femme aux prises
avec les difficultés de la vie, il propose un remède, bien facile
à appliquer, qui montre toutes les ressources de sa pratique
du bien.
ce On est frappé, écrivait-il, du grand nombre de femmes
que la mélancolie sous diverses formes atteint à tout âge,
quelques-unes ont apporté en naissant une prédisposition
morbide qui s'est accentuée sous des influences diverses ;
d'autres n'étaient pas condamnées fatalement à la folie, mais
des malheurs successifs, des épreuves multiples ont peu à peu
abattu leur courage, diminué leur résistance et provoqué chez
elles l'apparition d'un délire mélancolique plus ou moins
grave...
« On sait quelles difficultés les femmes rencontrent durant
leur existence ; filles ou femmes, elles sont souvent délaissées
avec des enfants à leur charge. On a fondé un grand nombre
d'eeuvres destinées à les recevoir; mais trop souvent les
femmes les ignorent. »
Après avoir fait connaître le mal, M. Bouchereau proposait
le remède.
376 NÉCROLOGIE.
« Sans créer une organisation nouvelle il y aurait lieu,
pensait-il, d'avoir un office situé au centre de Paris dans un
établissement quelconque appartenant à la Ville ; chaque
jour, deux femmes s'y tiendraient à la disposition du public
féminin durant certaines heures de la journée et elles indi-
queraient aux femmes qui se présenteraient les nombreuses
fondations destinées à les secourir, à Paris ou dans la ban-
lieue, fondation ayant une origine publique ou privée avec
leur destination, le lieu exact de leur siège, les différentes
pièces ou papier d'identité nécessaires pour l'admission.
L'Administration, d'accord avec les Conseils général et muni-
cipal, fournirait chaque année une liste des oeuvres devant
être recommandées, car plusieurs reçoivent une subvention,
qui autorise à en connaître les rouages et en apprécier le fonc-
tionnement.
« Que de femmes, de jeunes filles hésiteraient à se donner
la mort, ou échapperaient à la maladie, si elles trouvaient un
appui durant les jours difficiles de la vie ! Chez elles, le déses-
poir ne dure souvent qu'un moment très court. Comment les
femmes connaîtraient-elles tant d'oeuvres d'assistance très
recommandables, anciennes ou nouvelles, fonctionnant régu-
lièrement à Paris, quand la plupart d'entre nous en ignorent
parfois même le nom ? Un bureau ou office de ce genre ren-
drait de réels services; tenu par deux femmes, il entraînerait
peu de dépenses, la femme, conclut-il, montre plus de délica-
tesse que l'homme dans la façon d'assister le malheureux, de
soigner l'infirme ou le malade ; nous recommandons cet essai
à la Commission d'Assistance publique, toujours fort bien-
veillante envers les malheureux. »
Permettez-moi, cher Maître, une seule réflexion : Le senti-
ment qui vous a dicté ces dernières lignes dément cette fois
la pensée que vous exprimez, quand vous écrivez que la
femme montre plus de délicatesse que l'homme dans sa façon
d'assister les malheureux. Quel est, en effet, le plus délicat,
de l'homme qui invoque ce touchant argument, pour solliciter
l'intervention d'une femme afin de rendre une assistance plus
efficace ou de cette femme elle-même ? Mon avis est que
l'avantage appartient à celui qui formule une telle propo-
sition.
Peu communicatif avec les étrangers, M. Bouchereau deve-
BOUCHEREAU. 377
nait volontiers causeur, aussitôt que se fermait le cercle de
cette intimité journalière qui unit si étroitement le maître et
les élèves dans l'exercice de notre profession.
Ce n'était pas seulement un érudit, c'était aussi un clinicien.
Ayant beaucoup observé il avait beaucoup appris, mais il ne
se livrait qu'à ceux qui sollicitaient son avis, comme si sa
modestie lui eût donné la crainte d'offenser un contradicteur
en montrant l'étendue de connaissances dont il se défendait
de vouloir faire étalage.
Pour lui, l'enseignement écrit n'était qu'une indication dans
la pratique de notre spécialité. L'enseignement oral primait
toute autre méthode, aussi ne se lassait-on jamais de l'entendre
dans les interprétations ingénieuses que lui suggérait sa
longue habitude des aliénés et sa fréquentation des maîtres
dont il invoquait sans cesse le témoignage.
En dehors de l'enseignement scientifique dont M. Bouche-
reau, dépositaire de la tradition orale de ses maîtres, a fait
bénéficier ses élèves il nous laisse un autre patrimoine : C'est
l'exemple de toute sa vie qui fut une vie de dévouement et de
devoir austère.
Indifférent à la louange comme à la critique, il ne relevait
que de sa conscience d'honnête homme. Sans aucune défail-
lance, sans aucune compromission, scrupuleux à l'excès, il
ne rencontra jamais sur sa route que des mains largement
tendues ou des fronts respectueux.
Sans autre ambition que celle de faire partout et toujours
le bien, il était de ceux dont on peut dire avec vérité qu'ils
ne recherchent de récompenses que dans la satisfaction que
leur laisse l'accomplissement du devoir.
Se plaignait-on à lui d'une injustice, vite, il s'efforçait de la
réparer ; lui signalait-on un acte d'ingratitude, loin de se
décourager dans sa bienfaisance, il trouvait toujours une
excuse à cet acte et en tirait souvent un argument pour sou-
lager de nouvelles infortunes, sans se préoccuper d'une
reconnaissance qui l'eût d'ailleurs embarrassé.
Tel est le maître que nous pleurons aujourd'hui.
Il succombe à la tâche, avant la fin de son sillon, en plein
combat pour le soulagement de la souffrance, dans cet asile
de douleur qu'est un service d'aliénés. Il disparaît sans avoir
profité de ce repos auquel un labeur quotidien de nombreuses
années aurait pu lui donner droit, s'il eût estimé que sa
378 NÉCROLOGIE.
journée fût terminée. Elle ne l'était cependant pas, puisqu'il
tombe, encore plein d'une activité qui ne s'est lassée qu'au
jour fatal où la maladie l'a terrassé.
Adieu, cher Maître ! vous n'emporterez point dans la tombe
le talisman qui fait naître l'estime et les respectueuses affec-
tions, car il réside uniquement dans l'exemple que vous nous
laissez.
Le devoir, telle était votre ligne de vie.
L'indulgence, telle était votre philosophie.
L'une des ambitions de vos élèves sera de laisser après eux
le souvenir qui vous survivra dans le coeur de ceux qui vous
ont connu.
« C'est là sans doute, cher Maître, l'hommage dont votre
modestie s'accommodera le mieux. Daignez l'accepter, car il
est sincère.
« Adieu, cher Maître, Adieu ! ... »
Regrets exprimés par M. ATTITALIN, président de la Com-
mission de surveillance, au sujet du décès de M. LE Dr Bou-
CHEVREAU, médecin en chef des asiles d'aliénés de la Seine.
Messieurs,
Depuis la dernière réunion de votre Commission, la mort
est venue à passer. M. le Dr Boucuereau est entré dans l'éter-
nel repos.
Membre de l'éminent corps médical de nos asiles, il vous
appartenait ainsi par un lien familial, et vous m'accorderez
d'avoir l'honneur de rappeler en quelques mots, devant
vous, ce que fut cet homme de science, ce que fut surtout
cet homme loyal et bon.
Quoique j'aie, personnellement, peu connu M. le Dr Bou-
C11EREAU, ma main, qui vient encore déposer un modeste
rameau sur sa tombe, n'est point tout à fait, pour lui, celle
d'un étranger. La vie judiciaire m'avait donné lieu de l'ap-
procher et de recueillir l'écho d'appréciations autorisées et
sincères. Depuis de longues années, le tableau des experts
légistes s'honorait du nom du savant praticien, alors que, de
mon côté, j'étais chargé d'un cabinet d'instruction, et plus
lard, de la direction du Parquet de la Seine. Nous nous
sommes ainsi rencontrés. Mes souvenirs évoquent un homme
BOUCHEREAU. 379
sympathique et simple, mes impressions font revivre un
savant; - impressions et souvenirs se contrôlent au mieux,
la vraie science et la modestie étant soeurs et ne se pouvant
jamais séparer.
Le Dr Bouchereau a toujours appartenu au corps médical
des asiles d'aliénés de la Seine; - il en était, Messieurs, le
doyen. Interne provisoire en 1862, titulaire en 1865, il
avait été, en 1867, lors de l'ouverture de l'asile Clinique
(Sainte-Anne), nommé médecin de l'administration en même
temps que son éminent confrère M. le Dr Magnan, et il
avait reçu, en 1879, la direction d'une division dans ce même
asile d'où la mort seule devait le faire sortir.
A quelque point de vue qu'on la considère, sa vie est un
enseignement.
Il fut un laborieux et un utile. On m'a dit, et, à l'avoir
vu, je le crois, qu'il aimait la science pour elle-même, que
son activité était effective et raisonnée, que son labeur était
discret et fécond, qu'il pensait de haut, et qu'il ne mesurait
son zèle ni à l'importance, ni aux chances du succès. Il
n'en avait pas moins acquis, comme clinicien, et notamment
dans le traitement de la mélancolie, une réputation univer-
selle et qui n'était due qu'à la seule élévation de son mérite.
Le Dr BoucnEREAU fut aussi un bon citoyen.
Lorsque vint l'année terrible, on le vit relever les blessés
sous le feu; et, dans cette lutte entre l'humanité et le
fléau de la guerre, être lui-même frappé d'une balle sur le
champ de bataille de Chàtillon.
Déjà d'ailleurs, en 1866, - renouvelant un de ces traits
dont s'honore l'histoire de la grande famille médicale dans
l'histoire du pays, il avait fait preuve d'un courage plus
grand encore, en se jetant, pour la combattre, au sein d'une
redoutable épidémie cholérique.
Mais, )Iessieurs, le Dr BoucnEREAU ne fut pas seulement
savant et brave; il fut vraiment homme en ce qu'il fut bon,
et en ce qu'il eut l'intuition profonde de ce que nous pouvons
appeler les devoirs nouveaux. Ses yeux à jamais fermés
eurent ce rayon de douceur qui, tout de suite, apaise et sou-
lage les désespérances.
Vous avez eu, presque tous, la bonne fortune de voir le
D'' Bouchereau dans son service même, et j'ai pu recueillir
ainsi l'écho des sentiments qu'il vous a inspirés. On m'a
380 NÉCROLOGIE.
dit combien vous avez été frappés de la tenue, de l'aspect
heureux, de ce service, de l'attachement que les malades
marquaient à leur médecin. On m'a dit aussi, et la
simplicité du cadre avive encore le tableau, - qu'une pauvre
malade infirme avait demandé à être portée auprès du lit
mortuaire du Dr Bouchereau pour le revoir une dernière fois.
Je ne sais aucune récompense qui, à l'heure suprême, puisse
égaler celle-là, aucune scène qui, davantage, doive tenter le
pinceau d'un grand artiste.
On m'a appris que cette bienveillance s'étendait à tout son
personnel; on m'a montré avec quelle insistance, dans ses
rapports annuels, le Dr Bouchereau revenait sur l'organisa-
tion d'un service de veille qui permît aux infirmières de se
reposer la nuit, et j'ai vu avec quelle chaleur il remerciait
des améliorations obtenues. Ici même, vous m'avez en-
tendu prendre la parole pour signaler des réformes à pour-
suivre, notamment au sujet du régime alimentaire et au sujet
de l'organisation d'ateliers pour les malades. Il fut un des
précurseurs dans cette voie du travail des aliénés, et, à ce
point de vue comme à bien d'autres, son service était consi-
déré comme un modèle. Il contribua puissamment aussi à
créer les colonies de traitement familial; il s'était montré,
dès la première heure, partisan résolu de ce mode d'assis-
tance, et c'est de son service qu'est parti le premier convoi
de malades à destination de Dun-sur-Auron.
En proclamant, le 24 février dernier, devant une tombe
ouverte, quel chef de service exemplaire fut le Dr Bouchereau,
M. Pelletier l'appréciait en ces termes : « D'un caractère
franc et loyal, paternel pour ses malades, bienveillant sans
faiblesse avec son personnl, maître autani aimé qu'estimé de
ses nombreux élèves, sa vie présente une admirable unité,
c'est-à-dire un dévouement absolu et sans trêve aux malheu-
reux confiés à ses soins. Chez cette nature d'élite, les années
ne ralentirent ni l'activité bienfaisante, ni les constants efforts
vers le progrès... Il laissera dans cet asile, dont il fut un des
fondateurs, une mémoire pure et durable ; il y laissera en
même temps l'exemple et l'enseignement d'une noble vie. »
Écoutez aussi, ces dernières lignes d'une notice publiée
dans le Progrès médical par M. Boissier : « Bouchereau ne
laisse derrière lui que d'unanimes et sincères regrets, sans
un envieux, sans un ennemi. »
varia. zig1 J
Ainsi donc, Messieurs, le Dr Bouchereau fut un de ces
hommes, trop rares peut-être, dont la vie s'est toujours
développée en pleine lumière, et qui, à leur heure dernière,
n'ont entendu autour d'eux qu'un murmure de gratitude et
de sympathie. Avoir le don de se faire aimer ! n'est-ce pas
le plus beau des rêves, et nous est-il, en vérité, permis de
plaindre l'homme qui le vit se réaliser ? Il sera mieux que
nous honorions sa mémoire en cherchant à faire revivre en
nous-mêmes les exemples civiques qu'il nous a légués.
C'est dans ce sentiment que nous allons, Messieurs, re-
prendre nos travaux.
VARIA.
Asiles d'aliénés.
Concours pour des emplois de médecin adjoint des asiles publics
d'aliénés. - Le président du conseil, ministre de l'intérieur et des
cultes, sur la proposition du conseiller d'État, directeur de l'as-
sistance et de l'hygiène publiques, - Vu la loi du 30 juin 1838;
l'ordonnance du 18 décembre 1839 et les décrets des 6 juin 1863 et
19 octobre 189r; - Vu le décret du 2o mars 18,lui2; Vu les arrêtés
ministériels des 18 juillet et 24 octobre 1888 et du 12 juin 1899;
Vu l'avis du conseil des inspecteurs généraux de l'assistance
publique, Arrête :
Article premier. Unconcours pour l'admissibilité aux emplois
de médecin adjoint des asiles publics d'aliénés aura lieu au mois
de mai 1900.
Art. 2. Le concours sera régional : il y aura quatre régions.
La circonscription de chaque région sera composée comme il est
indiqué dans le tableau annexé au présent arrêté. Dans la ire ré-
gion, le concours aura lieu alternativement à Lille et à Nancy. En
1900, il aura lieu à Lille. Dans la 2°, il Paris. Dans la 3°, à
Lyon. - Dans la 4°, alternativement à Montpellier, Bordeaux et
Toulouse. En 1900, il aura lieu à llontpeller.
Le nombre des places mises au concours est de douze, réparties
ainsi qu'il suit, entre les régions indiquées ci-après, savoir :
Région de Paris, G places. - Région du Nord, 3 places. Ré-
gion de l'Est, 2 places. Région du Midi, 2 places.
Art. 3. Les candidats devront être Français et docteurs d'une
des facultés de médecine de l'État et avoir satisfait à la loi sur le
382 VARIA.
recrutement de l'armée. Leur demande devra être adressée au
ministre de l'intérieur, qui leur fera connaître si elle est agréée et
s'ils sont admis à prendre part au concours.
Les demandes devront être parvenues au ministère de l'intérieur
(1 cr bureau delà directionde l'assistance et de l'hygiène publiques)
quinze jours, délai- de rigueur, avant la date fixée pour l'ouverture
du concours, qui aura lieu le 21 mai 1900.
Ils ne devront pas être âgés de plus de trente-deux ans au jour
de l'ouverture du concours. Ils auront à justifier de l'accomplisse-
ment d'un stage d'une année au moins comme interne dans un
asile public ou privé, consacré au traitement de l'aliénation men-
tale.
Les docteurs en médecine nommés par la voie du concours chefs
de clinique 1 ou internes dans les hôpitaux sont assimilés aux in-
ternes des asiles d'aliénés, et comme tels admis à prendre part au
concours sous les mêmes conditions de nationalité, d'âge et de
stage. Toute demande sera, en conséquence, accompagnée des
pièces faisant la preuve du stage, de l'acte de naissance du postu-
lant ainsi que de ses diplômes et états de services quelconques.
Les candidats seront libres de concourir, à leur choix, dans l'une
ou l'autre des régions. Au sur et à mesure des vacances d'emploi
qui se produiront dans les asiles publics de la région où ils auront
passé le concours, les candidats déclarés admissibles seront dési-
gnés au choix des préfets suivant l'ordre de classement établi par
le jury d'après le mérite des examens.
Art. 4. - A titre exceptionnel et lorsqu'il y aurait urgence à
nommer le médecin adjoint d'un asile dans une région où la liste
des admissibles se trouverait épuisée, l'administration supérieure
conservera la faculté d'appeler à cet emploi un candidat d'une
autre région. Tout médecin adjoint nommé pour son début dans
la région où il aura concouru pourra être ensuite envoyé avec ses
mêmes fonctions dans un asile situé hors de cette région.
Art. 5. - Les médecins adjoints pourront être nommés méde-
cins en chef ou directeurs médecins dans toute la France.
Art. 6. Le jury chargé de juger les résultats du concours sera
composé dans chaque région : 1° d'un inspecteur général des éta-
blissements de bienfaisance, docteur en médecine président ;
2° d'un professeur désigné par la faculté de médecine de la région
où se tiendra le concours ; 3° de trois directeurs médecins ou mé-
decins en chef de la région.
Les directeurs médecins et les médecins en chef appelés à faire
partie du jury seront désignés par voie de tirage au sort parmi les
docteurs qui remplissent l'une ou l'autre de ces fonctions dans un
' Chefs de clinique... dans les hôpitaux, c'est plutôt chefs de clinique
des Facultés de médecine qu'il faudrait dire.
VARIA. 383
des asiles publics dela région. Il sera procédé, en outre, au tirage
au sort d'un juré suppléant pris également parmi les directeurs
médecins et médecins en chef.
Art. 7. Les épreuves sont au nombre de quatre : 1° Une ques-
tion écrite portant sur l'anatomie et la physiologie du système
nerveux, pour laquelle il sera accordé trois heures aux candidats.
Le maximum des points sera de 30.
2° Une question orale portant sur la médecine et la chirurgie en
général, pour laquelle il sera accordé vingt minutes de réflexion
et quinze minutes pour la dissertation. Le maximum des points
sera de 20.
3° Une épreuve clinique sur deux malades aliénés. Il sera ac-
cordé trente minutes pour l'examen des deux malades, quinze
minutes de réflexion et trente minutes d'exposition. L'un des deux
malades devra être examiné et discuté plus spécialement au point
de vue médico-légal. Le maximum des points sera de 30.
4° Une épreuve sur titres. Les travaux scientifiques antérieurs
des candidats seront examinés par le jury et feront l'objet d'un
rapport qui pourra être communiqué aux candidats sur leur
demande. Le maximum des points sera de 10. Les points pour cette
épreuve devront être donnés au début de la première séance de
lecture des compositions écrites.
Art. 8. Ne sera pas soumis aux épreuves du concours insti-
tué par le présent arrêté le chef de clinique de pathologie mentale
et des maladies de l'encéphale de la faculté de médecine de l'uni-
versité de Paris, qui aura subi l'examen pour obtenir ce poste, en
conformité de l'arrêté du ministre de l'instruction publique et des
beaux-arts, du 12 juin 1899.
Le chef de clinique se trouvera par ce fait dans les mêmes condi-
tions pour être nommé médecin adjoint des asiles publics d'aliénés
que les candidats déclarés admissibles à la suite du présent concours.
11 ne pourra toutefois être appelé à ce poste qu'après l'épuisement
complet de la liste des candidats qui auront concouru antérieure-
ment à sa nomination de chef de clinique '.
Art. 9. Le conseiller d'État, directeur de l'assistance et de
l'hygiène publiques, est chargé de l'exécution du présent arrêté.
Fait à Paris, le 7 mars 1900. VALDECâ-Ij0U85EAU.
Répartition des départements entre les quatre régions établies pour
le concours de l'adjuvat des asiles publics d'aliénés.
Région de Paris. - Calvados, Cher, Côtes-du-Nord, Deux-
Sèvres, Eure, Eure-et-Loir, Finistère, llle-et-Vilaine, Indre, Indre-
' On ne dit pas s'il sera appelé à choisir avant ou après les candidats
qui seront nommés à la suite du concours annoncé.
384 FAITS DIVERS.
et-Loire, Loir-et-Cher, Loire-Inférieure, Loiret, Manche, Maine-et-
Loire, Mayenne, Morbihan, Oise, Orne, Sarthe, Seine, Seine-et-
Oise, Seine-et-Marne, Seine-Inférieure, Vendée, Vienne.
Région du Nord. - Aisne, Ardennes, Aube, Belfort, Doubs,
Marne, Haute-Marne, Meurthe-et-Moselle, Meuse, Nord, Pas-de-
Calais, Haute-Saône, Somme, Vosges.
Région de l'Est. - Ain, Allier, Hautes-Alpes, Ardèche, Côte-
d'Or, Drôme, Isère, Jura, Loire, Haute-Loire, Nièvre, Puy-de-
Dôme, Rhône, Saône-et-Loire, Savoie, Haute-Savoie, Yonne.
Région du Midi. Aude, Basses- Alpes, Alpes-maritimes,
Ariège, Aveyron, Bouches-du-Rhône, Cantal, Charente, Charente-
Intérieure, Corrèze, Corse, Creuse, Dordogne, Gard, Haute-Ga-
ronne, Gers, Gironde, Hérault, Landes, Lot, Lot-et-Garonne, Lo-
zère, Basses-Pyrénées, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Orientales,
Tarn, Tarn-et-Garonne, Var, Vaucluse, Haute- Vienne, Algérie.
Cet arrêté comporterait un certain nombre de réflexions.
Nous nous bornerons à relever que, au ministère de l'inté-
rieur, on ne parait pas se rendre un compte suffisant de la
préparation d'un concours. N'accorder que deux mois et
demi aux candidats pour se préparer à un concours de ce
genre, qui doit être sérieux, est absolument insuffisant.
FAITS DIVERS.
Asiles d'aliénés. Promotions : M. le D1' Blin, médecin en
chef de la colonie annexée à l'asile public d'aliénés de Vaucluse,
est compris dans la 2° classe du cadre; M. le D1' Vigouroux,
médecin adjoint à la colonie familiale de Dun-sur-Auron (Cher) est
nommé médecin en chef dans le même établissement (poste créé).
Asile d'aliénés DE Saint-Alban. Un emploi de second interne en
médecine est vacant à l'Asile public d'aliénés de Saint-Alban (Lo-
zère). - 600 francs, logement, nourriture, chauffage, éclairage,
blanchissage. Conditions : 12 inscriptions. S'adresser au directeur
de l'Asile.
Le rédacteur-gérant : BOURNEVILLE.
Éweux, Ch. Héhissey, imp ? r1000.
Vol. IX. Mai 1900. N° 53.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE MENTALE.
Hyperesthésie corticale dans l'alcoolisme aigu;
PAR LES DOCTEURS .
P. COLOLIAN, et T A. RODIET,
Ancien interne des asiles de la Seine. Interne de l'infirmerie du Dépôt.
I
Considéré au point de vue médical et social, l'alcoolisme
. est une de ces questions ardentes qui ont été l'objet de tra-
vaux considérables. Mais un point sur lequel l'attention n'a
pas été attirée, ou du moins qui n'a fait naître que quelques
constatations restreintes, c'est l'hyperesthésie de l'écorce céré-
brale, dont sont atteints plusieurs alcooliques. C'est au cours
de l'alcoolisme aigu que les malades la manifestent. Dès la
première heure de leur internement, et quelques jours de
suite, même chez ceux qui ne semblent plus avoir d'halluci-
nations, on peut, par une excitation externe, réveiller des
troubles hallucinatoires dans la sphère- de tel ou tel sens,
phénomène dû à l'hyperesthésie des couches grises du
cerveau.
Ce sont ces phénomènes que nous avons recherchés très
minutieusement chez nos malades dans les services de nos
maîtres, à l'Infirmerie du Dépôt, chez M. Garnier, et à l'ad,¡"">1"
mission de Sainte-Anne, dans le service de M. Magnan. "
Liepmann, un des premiers, observa cette hyperesthésie :
Archives, 2' série, t. IX. 25 . :
386 CLINIQUE MENTALE.
il fit naître des hallucinations visuelles en pressant sur les
globes oculaires. On avait déjà constaté qu'il suffisait de faire
fermer les yeux aux malades pour que les hallucinations
apparaissent (Krafft-Ebing).
M. Magnan -a noté « que des chocs sur la peau peuvent
provoquer la sensation d'une morsure, de la reptation d'une
couleuvre, de la piqûre d'un insecte, etc., et appeler même
des hallucinations très nettes des autres sens (vue, ouïe,
odorat, etc.)1 ». En soufflant dans le conduit auditif externe,
il a vu souvent s'éveiller des hallucinations auditives.
Un auteur russe, Mierzejewski2, qui a étudié quelques-uns
deces phénomènes, observe qu'au début du delirium tremens,
il existe une telle excitation dans la sphère de la vision que
l'impression chromatique laisse une trace longuement per-
sistante. Si les visions hallucinatoires surviennent chez ces
malades au moment où, à la périphérie le nerf optique est
soumis à une forte excitation par le fait d'une trace forte-
ment colorée, cette dernière vient se confondre avec la figure
hallucinatoire, pour lui prêter la teinte correspondante, ou
des accessoires.
Ce même auteur a observé un alcoolique chez lequel la
sensation éprouvée par la peau se confondait avec l'halluci-
nation, et en déterminait la localisation. La percussion de la
peau avec l'aide d'un marteau, provoquait chez cet individu
des hallucinations auditives, se traduisant par des voix inju- .
rieuses. Ainsi, pour plusieurs auteurs, l'excitation cutanée
peut produire des hallucinations réflexes.
D'autres phénomènes ont été observés, prouvant toujours
l'excitation corticale, l'hyperesthésie des centres nerveux en
.général, mais surtout des organes des sens. Ainsi, de même
- que chez les persécutés non alcooliques ou persécutés déli-
rants chroniques, l'excitation ou l'hallucination d'un des sens
provoque bien d'autres hallucinations chez les alcooliques
ayant des tendances au délire de persécution, ou franche-
ment persécutés. L'un de nous a signalé ces phénomènes
dans sa thèse inaugurale3. Un alcoolique persécuté trouve
, Magnan. Leçons cliniques sur les maladies mentales, 1S97, p. 207.
. Mierzejewski. Contribution à l'élude des hallucinations alcooliques.
(Extrait des Archives slaves de Biologie, mars 1886.)
' Cololian. Les alcooliques persécutés. (Thèse de Paris, 1897.)
HYPERESTHÉSIE CORTICALE DANS L'ALCOOLISME AIGU. 387
mauvais goût aux aliments; aussitôt il sent des odeurs par-
ticulières qui le fixent sur la nature des aliments qu'on lui
sert : ils sont empoisonnés. Le trouble de la dégustation,
l'hallucination gustative éveille un autre trouble, celui de la
membrane olfactive, et l'interprétation délirante naît consé-
cutivement.
L'auteur russe, que nous avons cité plus haut rapporte des
phénomènes analogues. Il y a des sujets, dit-il, chez lesquels
l'excitation d'un des organes sensuels donne lieu à deux
sensations distinctes : l'une a pour siège la sphère de l'organe
qui subit l'excitation, tandis que l'autre se déclare dans la
sphère d'un sens qui, en apparence, n'est nullement intéressé
par l'excitation. L'observation de Brühl sur les deux frères
Nüssbaumer en est un exemple. L'audition des sons musicaux
réveillait chez ces deux frères des sensations chromatiques
où chaque ton musical avait la couleur correspondante déter-
minée ; à tel point que ces jeunes gens durent renoncer à
fréquenter les concerts où la multiplicité des couleurs qu'ils
percevaient simultanément avec les tons musicaux les jetait
dans une grande agitation.
D'autres alcooliques, toujours à écorce cérébrale hyperes-
thésiée, ayant des hallucinations, voient leurs perceptions
fausses augmenter d'intensité sous l'action d'une excitation
périphérique. Nous avons vu un cas semblable dans le service
de il. Magnan. C'était un homme adulte, alcoolique forte-
ment halluciné. Il suffisait de lui percuter la poitrine pour
qu'immédiatement les voix injurieuses redoublassent d'inten-
sité et de tonalité. D'ailleurs nous rappelons plus loin
l'observation d'un malade chez qui les frictions sur les oreilles
et l'application des mains sur le conduit auditif externe
réveillaient et exagéraient les hallucinations de l'ouïe. Les
hommes, cachés pour le tuer, parlaient plus haut. Cela
durait deux, minutes environ, puis les hallucinations redeve-
naient plus confuses, plus éloignées, telles qu'on les obser-
vait avant l'excitation.
Dans cet ordre de faits, Mierzejewski cite le cas d'un avocat
halluciné entendant des voix d'espions. Ces voix venaient-
elles à se taire, ou devenaient-elles confuses, le malade se
frictionnait la peau de l'avant-bras à plusieurs reprises en
prêtant l'oreille. Ce procédé, assurait-il, lui facilitait la per-
ception des paroles proférées par les espions, en les rendant
388 CLINIQUE MENTALE.
plus intelligibles et plus nettes. Voilà donc ce que nous
avons cherché à éveiller chez nos alcooliques.
Chez les uns, nous excitons les membranes olfactives en
comprimant et lâchant alternativement les narines. Ces
sensations sont-presque toujours très désagréables. Ils nuus
disent sentir le « poisson pourri », le « soufre brûlé », ou
bien le « tabac » (nous ne fumons pas), « la menthe très
forte, la menthe acidulée». Il y a de rares privilégiés qui
sentent « la rose ». Nous pourrions multiplier ces exemples,
prouver que ces sensations durent quelques minutes, qu'on
peut les éveiller plusieurs fois de suite, chaque fois qu'on
excite la membrane olfactive' Mais nous les étudierons en
détail, et avec tous leurs caractères dans nos observations.
En frottant légèrement la face supérieure de la langue,
avec une pointe émoussée ou simplement un bout de papier,
après avoir fait fermer les yeux au malade, nous avons
provoqué des hallucinations gustatives très accentuées. L'un
nous dit lui avoir mis dans la bouche « du sulfate de soude »,
« de la quinine », et il fait une grimace. Un autre prétend,
fâché, qu'on le force à avaler des choses très amères, il
crache avec dégoût. Un troisième croit déguster de « l'ab-
sinthe ». La sensation de celte liqueur, disons-le en passant,
revient souvent troubler le souvenir de nos malades. Pour-
tant, dans la sphère de la gustation, les troubles provoqués
sont, en général, de nature désagréable. On pourra remar-
quer que les alcooliques ayant des troubles gaslro-intesti-
naux, ont communément la bouche « mauvaise ». Certes,
mais comment expliquer autrement que par l'hyperesthésie
corticale, que le même malade, calme, n'ayant aucun mau-
vais goût en bouche, sente la « quinine » après une légère
excitation, et fasse effort pour la cracher. La sensation hal-
lucinatoire est chez lui tellement nette qu'il nous reproche
de lui donner le médicament amer, et qu'il raisonne avec
entêtement : « Mais je n'ai pas de fièvre, pourquoi me faire
prendre de la quinine ? » Quoique rares, des sensations plus
agréables se révèlent quelquefois. Un malade avait le goût
du « sucre », un autre, un « goût agréable » qu'il ne pouvait
définir.
Pour l'audition, nous avons, comme M. Magnan, obtenu
des hallucinations en ne variant que la façon de les obtenir.
Notre maître soufflait dans le conduit auditif, et les halluci-
HYPERESTHÉSIE CORTICALE DANS L'ALCOOLISME AIGU. 380
nations s'éveillaient sous ce simple souffle. Nous tapotons sur
les conduits auditifs extérieurs très légèrement, bien entendu,
avec la paume des deux mains; ou nous appliquons simple-
ment les mains sur les oreilles, c'est toujours, en résumé,
le même principe : exciter le nerf acoustique, le centre
auditif, afin de provoquer l'hallucination.
Il n'est pas toujours nécessaire de recourir à une action
mécanique pour éveiller les troubles. Chez certains malades,
fortement intoxiqués, la suggestion suffit. Il ne faut qu'attirer
alors l'attention de l'alcoolique sur un objet quelconque, et
lui dire d'un ton affirmatif : « regardez, voyez-vous l'homme
qui est là. » Le malade qui contait son histoire de.voleurs,
d'assassins, sans paraître halluciné, hésite un instant, puis
avoue en effet apercevoir l'homme qui « lui fait des gri-
maces ». On peut à l'infini varier ces hallucinations sug-
gestives.
M. llierzejewslci combine la suggestion à une légère exci-
tation. « On applique, dit-il, la main sur la poitrine d'un de
ces alcooliques dont l'attention est fortement captivée par
des illusions des sens. Si, en même temps on lui crie qu'une
araignée, une grenouille ou un être de ce genre rampe sur
sa poitrine, on verra le malade fixer des yeux l'endroit
désigné, et, une expression d'horreur peinte sur le visage,
repousser des mains l'objet imaginaire. »
L'hyperesthésie, que nous cherchons, dans ce travail, à
localiser dans l'écorce cérébrale, dans les centres des sens,
n'est cependant pas limitée au cerveau. Les nerfs périphé-
riques, les terminaisons nerveuses sont aussi le champ de
l'envahissement alcoolique. Ou trouve fréquemment chez les
alcooliques une hyperesthésie périphérique, que nous avons
signalée dans nos observations, pour rester fidèles à la
clinique.
Toutefois, bien qu'il y ait hyperesthésie aux centres et à
la périphérie, la nature de la lésion n'est pas la même. La
cause dans les deux cas est l'alcool, sans doute, mais tandis
qu'il y a aux centres une surexcitation qui provoque des
hallucinations sous la moindre excitation d'un des organes
sensoriels, à la périphérie il y a toute autre chose. Aux
centres, les sensations sont subjectives, ce sont des percep-
tions sans objet; à la périphérie, il y a une lésion réelle, la
névrite alcoolique, bien étudiée par Charcot et ses élèves.
390 CLINIQUE MENTALE.
Le cerveau, qui réagit sous le moindre choc, est alcoolisé,
mais non lésé encore; les nerfs qui réagissent très doulou-
reusement, sont pathologiquement atteints. Au cerveau ce
sont des hallucinations; à la périphérie, ce sont de vraies
douleurs, des douleurs réelles provoquées par la lésion.
Voilà pourquoi, tout en les signalant dans nos observa-
tions, nous écartons l'étude des hyperesthésies périphériques
pures. Nous pouvons noter en passant, comme on l'a signalé
depuis Magnus IIuss, que ces hyperesthésies périphériques
existent surtout au début de l'intoxication alcoolique, autre-
ment dit, et qu'elles ont pour siège les membres, le plus
ordinairement. t.
Cette hyperesthésie cutanée produit des interprétations
délirantes et hallucinatoires ; à ce litre, elle entre dans notre
sujet. Ainsi, le malade, à qui l'on donne des petits coups sur
la poitrine ou les membres, sent douloureusement le choc.
C'est le nerf malade qui réagit. Mais immédiatement des
hallucinations le réveillent, le malade ressent des morsures,
des piqûres d'animaux, « la reptation d'une couleuvre »
(Magnan), c'est que le cerveau hyperesthésie intervient.
Tous ces phénomènes ne sont pas très fréquents, on ne
les trouve point à chaque pas, il faut avec patience les
rechercher. Pour les observer, nous avons examiné un bien
grand nombre de malades. Et il a fallu les examiner dès la
première heure de leur internement, alors qu'ils n'avaient
pu se débarrasser encore complètement de leur toxique.
C'est à ce moment qu'on peut se rendre compte de l'hyper-
esthésie des couches corticales du cerveau. Dans deux ser-
vices seulement nous pouvions rencontrer de pareils cas : à
l'Infirmerie du Dépôt et à l'Admission de Sainte-Anne, ser-
vices qui donnent journellement asile à un grand nombre
d'aliénés. Chacun de nous ayant été interne dans un de ces
services, le choix des malades nous était facile.
Autant que possible nous avons écarté les alcooliques réci-
divistes, les ivrognes qui, comme des hirondelles d'infortune
et de vice, reviennent périodiquement chercher le calme et
l'hygiène de l'asile. Beaucoup de ces malades, d'après le peu
d'expérience que nous avons des aliénés, nous semblent trop
complaisants aux médecins. Ils racontent tout ce qu'on veut,
avec force détails, et le désir de plaire supplée souvent à la
réalité dans leur imagination. Il faut s'en méfier. D'ailleurs,
HYPERESTHÉSIE CORTICALE DANS L'ALCOOLISME AIGU. 391 L
pour bien mettre en évidence les phénomènes que nous
recherchions, nous avions la prévoyance de ne point sug-
gérer, aussitôt en face du malade, des idées qui pussent
éveiller des hallucinations. En frottant les globes oculaires,
nous ne disions pas : « voyez-vous telle chose ? » mais nous
interrogions simplement : « que voyez-vous ? regardez bien;
qu'entendez-vous ? écoutez bien. » .
La suggestion pure venait à son temps, isolément, sans
aucune excitation périphérique, en simple suggestion à l'état
de veille. ,
Parmi tous les alcooliques, nous faisions encore un choix.
Quand il s'agit de démontrer un nouveau phénomène chez
des malades, il faut des faits probants, nets, au-dessus de
toute discussion. Nous éliminions donc, et d'emblée,
les alcooliques très fortement intoxiqués, atteints d'une
grande agitation mentale et physique, les cas de delirium
treanens, avec ou sans fièvre. Nous savons tous qu'il est
impossible de fixer l'attention de ces malades. Et c'est la
première condition que nous réclamions : alcooliques, oui,
mais pas agités. On voit ainsi après combien d'éliminations
nous avons pu recueillir les quelques observations que nous
rapportons.
Un obstacle d'ordre non médical, mais social, s'est dressé
devant nous à l'infirmerie du Dépôt. Le nombre des alcoo-
liques femmes, dans les conditions qu'il nous fallait, est très
restreint. La plupart étaient trop agitées pour subir l'épreuve
de l'excitabilité corticale. Ces quelques examens des femmes
placées sous la surveillance des soeurs, devenaient un vrai
labeur. Mais il ne nous appartient pas de critiquer l'ordre des
choses, des constitutions médico-religieuses. Revenons à nos
malades.
II.
Observation I. Dégénérescence mentale. Père alcoolique ;
frères buveur*. Habitudes alcooliques depuis l'âge de vingt-
deux ans. - Dipsomanie à l'époque des. règles. - Accès subuigu
de l'alcoolisme. Hyperesthésie du centre auditif.
C..., quarante-trois ans, teinturière, entrée à l'infirmerie du
Dépôt le 3 juillet 1899, à 9 heures du soir. Sortie le juillet à
6 heures du soir.
Antécédents héréditaires. Père charbonnier, mort il y a deux
392 CLINIQUE MENTALE.
ans; alcoolique, buvait surtout du vin, prenait aussi la goutte tous
les matins. Mère vivante, en bonne santé, non buveuse. Trois frères
bien portants, buveurs.
Antécédents personnels. - N'a jamais rien eu étant jeune, si ce
n'est la scarlatine à l'âge de trois ans. A été à l'école jusqu'à qua-
torze ans ; apprenait facilement mais ne travaillait pas, dit-elle,
car le travail l'ennuyait. N'a jamais eu de convulsions, mais un
caractère irritable.
A quinze ans, elle entre en apprentissage comme blanchisseuse.
A cette époque ne buvait pas du tout, car elle était très surveillée
par sa mère. Elle quitte sa famille à l'âge de vingt-deux ans, pour
vivre avec un amant qui l'emmène à Paris et l'entretient assez lar-
gement pour qu'elle ne travaille pas. Mais comme il était buveur
lui-même, il lui donne, dès les premiers jours de vie commune,
des habitudes d'alcoolisme. Du vin blanc tous les matins, comme
apéritif du vermouth ou de l'absinthe, aux repas du vin blanc, du
café et le petit verre, tel était le régime.
Depuis longtemps déjà la femme C... remarque qu'il y a certains
moments où elle éprouve le besoin de boire et ne peut y résister.
C'est surtout à l'époque de ses règles qu'elle est prise de cette im-
pulsion irrésistible. Deux jours avant ou la veille de ses menstrues,
elle prend du vin et du cognac jusqu'à ce qu'elle soit en complet
état d'ivresse. Pendant tout le temps que durent ses règles, la dip-
somanie persiste. L'écoulement terminé, elle reprend son régime
ordinaire. Quand elle était jeune fille, et avant de connaître son
amant, elle n'éprouvait pas ce besoin d'ivrognerie. Son amant l'a
quittée il y a trois mois, et depuis elle boit davantage pour
s'étourdir et oublier cet abandon.
Depuis quatre ans environ les nuits sont mauvaises. Outre les
insomnies, elle avait des crampes, des douleurs dans les mollets,
des cauchemars. Elle se réveillait brusquement au milieu de la
nuit, criant qu'on voulait l'assassiner, que des hommes étaient
dans sa chambre. Après le départ de son amant, C..., pour faire
diversion à son chagrin, buvait le soir en se couchant du rhum ou
du cognac.
Depuis trois mois, et surtout depuis un mois, les nuits sont de
plus en plus troublées, un cauchemar persistant se reproduit,
presque toujours pendant son sommeil. On entre chez elle pour la
violer, des hommes lui tiennent les bras, d'autres les jambes et
l'on se livre sur elle au coït. Actuellement, depuis quelques jours,
elle voit dans sa chambre des télescopes sans cesse braqués sur elle,
pour observer ses moindres mouvements. Des hommes qu'elle
appelle des sténographes, entrent chez elle « innombrables», sui-
vant son expression ; ils lui parlent, disent « qu'elle est en catalep-
sie, qu'il faut la violer, la tuer ensuite », etc. Ils lui font respirer de
HYPERESTHÉSIE CORTICALE DANS L'ALCOOLISME AIGU. 393
l'encens, de la myrrhe, ou bien du chloroforme, du sérum. « En
ce moment, dit-elle, ma chambre est pleine d'odeurs. »
Examinée douze heures environ après son arrestation, C..., très
surexcitée lors de son entrée, est calme et répond avec intelligence
aux demandes qui lui sont faites.
C'est une femme petite, plutôt laide, mais la physionomie
expressive, les yeux vifs, les dents bien plantées, ne présentant
pas de signes physiques apparents de dégénérescence. Pas de
tremblements du corps, des mains seulement et de la langue. Pas
d'hyperesthésie ou d'anesthésie.
Les chocs sur la paroi costale ne réveillent aucune espèce d'hal-
lucinations. Du côté des réflexes on trouve une exagération assez
marquée, surtout en ce qui concerne le réflexe patellaire.
La malade ne présente pas en ce moment d'hallucinations spon-
tanées de la vue, ainsi qu'on l'a observé chez elle cette nuit pen-
dant qu'elle était en cellule. Les pressions légères sur les globes
oculaires lui font voir des étincelles, des petites flammes, et ce
qu'elle appelle « un miroitement », persistant encore quelques
secondes après avoir cessé les pressions. Mais elle ne voit pas ceux
qu'elle nomme les « sténographes», et la suggestion est impuis-
sante à reproduire les effets du cauchemar.
En revanche, si on lui frictionne légèrement les oreilles, et qu'on
tienne les mains appliquées un certain temps sur le conduit audi-
tif externe, elle entend venir derrière le mur ses interlocuteurs
habituels, et ils lui disent très nettement : «Tu nous em... la
C... ; tu n'es pas folle » ; un instant après, ils disent encore a m... »,
puis elle ne les entend plus. L'hallucination a duré environ une
minute. On la reproduit de la même façon vingt minutes après la
première expérience. En ce qui concerne les autres sens, odorat,
goût, on ne note rien de particulier.
4 juillet. La nuit a été assez calme, la malade a dormi quel-
que peu. Les hallucinations de l'ouie sont par instants spontanées,
mais si dans un moment de calme on refait l'expérience de la
veille, immédiatement la malade se plaint d'entendre des grossiè-
retés par les mêmes « sténographes » qui reviennent sans cesse
dans son délire.
S --nlême état. Transférée il l'Asile clinique.
Voilà donc une première malade dont le père était alcoo-
lique. Les enfants de cet ivrogne sont tous devenus buveurs
soit d'absinthe, soit de vin. Notre malade est, de plus, une
dégénérée syndromique, la crise de dipsomanie à l'époque
des règles nous prouve combien ce cerveau était peu résistant.
La dipsomanie apparaît surtout quand une cause physiolo-
394 CLINIQUE MENTALE.
gique, les menstrues, intervient, augmentant le nervosisme
et amoindrissant la force volontaire, la résistance cérébrale.
Au moment de ses règles, contrainte par le syndrome
dipsomanie, et en temps ordinaire;- par le penchant hérédi-
taire C... boit, et la crise d'alcoolisme subaigu survient. Les
hallucinations ne semblent pas très fréquentes chez elle, le
cerveau est peu hyperesthésié dans sa totalité. Mais, si les
centres de la vision, de l'olfaction, de la gustation restent
sourds aux excitants, le centre auditif retentit sous la très
légère irritation de la membrane du tympan. En maintenant
nos mains sur les oreilles de la malade, ou bien en les frot-
tant, elle entend des voix hallucinatoires, qui cessent un peu
après la suspention de l'excitation, pour réapparaître avec
elle.
Observation II. Alcoolisme héréditaire : mère buveuse d'absinthe ;
grand-père matel'wl alcoolique. Convulsions dans l'enfance. -
Habitudes d'alcoolisme depuis l'âge de dix-huit ans. Actuelle-
ment alcoolisme subaigu, hallucinations multiples ; hyperesthésie
deseentres auditifs, gustlltirs et de la vision.
L... Arsène, trente-deux ans, garçon de lavoir, entré à l'infir-
merie du Dépôt le 13 juin 1899, à trois heures du soir, sorti le
14 juin à six heures du soir. Jamais arrêté pour ivresse ni interné.
Examiné quatre heures après son arrivée.
Antécédents héré liiaires. Grand-père maternel alcoolique.
Père ébéniste, séparé de sa femme, non buveur. - Mère patronne
de lavoir, buveuse de vin et [d'absinthe, a fait, d'après les rensei-
gnements de l'homme d'affaires, un héritage d'une grosse somme,
en partie dissipé actuellement. Pas d'autres enfants.
Antécédents personnels. Convulsions pendant sa jeunesse.
Fièvre typhoïde à l'àge de treize ans, ayant duré deux mois. A
dix-huit ans, le malade buvait déjà beaucoup. Il aidait sa mère
dans les travaux du lavoir, « et, dit-il, c'est un métier qui donne
soif, il fait très chaud dans les lavoirs : les laveuses ont continuel-
lement besoin de feu pour sécher le linge ·. Son régime est tou-
jours le même depuis quatorze années : un petit verre de marc le
matin en se levant, vin blanc comme apéritif avant déjeuner, à
table, environ un litre de vin rouge à chaque repas, café avec petit
verre après déjeuner, et absinthe avant diner.
Depuis quelque temps, à la suite d'accidents et sur le conseil du
médecin, L... avait cessé de prendre l'absinthe, mais l'avait rem-
placée par l'amer picon. Aussi, depuis longtemps les symptômes
d'alcoolisme ont apparu : insomnies avec hallucinations nocturnes.
tremblement des mains, crampes dans les mollets.
HYPERESTHESIE CORTICALE DANS L'ALCOOLISME AIGU. 395
Au commencement de l'année 1808, le malade fut pris au milieu
de la nuit, d'un accès de delirimn tremens, d'après le diagnostic
du médecin qui fut appelé immédiatement.
Plus récemment, dès le début de la période de vingt-huit jours
que notre malade accomplit à l'heure actuelle, il se produisit une
nouvelle attaque de delirium lremens. La mise en réforme fut
même discutée par les médecins militaires.
L... s'était marié, il y a à peu près un an, avec une femme plus
jeune que lui. Dès les premiers jours du mariage, il l'accuse de ne
pas l'aimer, d'être froide avec lui, de le tromper, d'être de conni-
vence avec sa mère pour se moquer de lui. Depuis trois mois sur-
tout, il est triste, parle de se tuer « pour ne plus avoir d'ennuis ».
Sa mère, qui le voit de plus en plus incohérent, et craint un
malheur, car sa bru a quitté le domicile conjugal depuis dixjours,
se décide à faire conduire son /ils à l'infirmerie spéciale du
Dépôt.
Nous nous trouvons en présence d'un homme bien constitué,
normalement musclé, de taille moyenne. La face est rouge et cou-
verte de sueur, les yeux brillants; le tremblement est généralisé
à tout le corps. Les pupilles sont égales, il n'y a pas d'embarras de
la parole. Le pouls est fréquent et rapide. Rien du côté de l'appa-
reil respiratoire.
A l'examen de la sensibilité, ce qui frappe tout d'abord, c'est
une hypete.lt1uJsie très accusée au niveau de la nuque, des régions
dorsale et costale. Cette hyperesthésie n'existe ni au visage, ni à
la face antérieure et postérieure des cuisses, des jambes, mais
elle est très marquée à la plante des pieds et à la face antérieure
des bras et des avant-bras. Dans toutes ces régions hyperesthésiées,
le moindre frôlement produit une commotion et des contorsions
de tout le corps, avec des mouvements de défense, et le malade
exprime une véritable douleur.
Le pincement ne produit pas une réaction aussi vive. Des chocs
sur les régions intercostales et surtout au niveau des lombes et de
la région dorsale, provoquent le même effet que les frottements,
avec cette différence que la sensation parait persister plus long-
temps.
Vue. Par le procédé de Liepmann, les hallucinations provo-
quées sont très nettes. Le malade aperçoit des lueurs tremblo-
tantes, des étincelles, et, si on lui demande l'endroit le plus éclairé,
il désigne celui où il a vu ces lumières. Mais, chez lui, les halluci-
nations de la vue sont très fugaces, et si on essaie de les détermi-
ner à nouveau, très peu de temps après les avoir une première
fois produites, le résultat est négatif.
Ouïe. L... a les yeux fermés. On lui presse légèrement sur
les oreilles pendant quelques secondes, et on lui dit : « Ecoutez
bien, et dites-moi ce que vous entendez . » « C'est un bourdon-
396 CLINIQUE MENTALE.
nement lointain, répond-il, qui se rapproche et devient à chaque
instant plus fort ; il semble que ce soient plusieurs voitures qui se
suivent. J'entends très bien. » Après un temps : « Est-ce terminé ?
Entendez-vous toujours ? » « Pas encore, dit-il, le bruit vient
des berges de la Seine, il est encore plus éclatant que tout à
l'heure et il se rapproche. » Puis, tout à coup, deux minutes envi-
ron après le début de la sensation, le malade s'écrie : « Je n'en-
tends plus rien, c'est fini. »
Quinze minutes après cette première tentative, on la renouvelle
et le résultat est le même, le même bruit qui est entendu, l'im-
pression en est rendue dans des termes identiques.
Goût. - On ferme les yeux du malade, on lui fait tirer la langue
et on lui passe dessus une -feuille de papier roulé : « Avalez,
lui dit-on, quel goût avez-vous dans la bouche ? » « Vous
m'avez fait prendre une poudre qui a une odeur d'absinthe, mais
bien plus forte, répond-il, Dieu ! que c'est mauvais ! » Vous
aimez pourtant l'absinthe. « Oui, mais ce que vous m'avez donné
est trop fort, j'ai envie de vomir. » Et il crache. Cette impression
dure peu, mais on la reproduit facilement par le même procédé,
quelque temps après le premier essai.
Odorat. Les moyens ordinaires (pression des narines, sugges-
tion) n'amènent aucun résultat, et, à chaque interrogation, le
malade répond : « Non, je ne sens rien. »
14 juin. L... a très peu dormi ; cependant il est resté calme
et demande sa liberté, se disant guéri. Le tremblement a diminué.
Le malade est toujours sous l'influence de ses idées mélancoli-
ques, mais les hallucinations provoquées facilement hier, ne se
réveillent plus, quelle que soit l'excitation. Transféré à l'Asile
clinique.
Cet homme, L..., a une légère tare, mais une tare hérédi-
taire d'alcoolisme qui le poussait à boire. L'on n'est pas
impunément fils et petit-fils d'alcoolique. Son histoire d'al-
coolique est celle de tous ses compagnons d'infortune. Ce
sont les hyperesthésies qui nous intéressent. L... en a à la
périphérie, et aux centres; mais l'hyperesthésie périphérique
ne produit pas d'interprétation délirante.
Nous nous sommes expliqués suffisamment au début de ce
travail pour ne pas insister ici. La vue, le goût, l'ouie réa-
gissent sous l'excitation périphérique. Celle-ci provoque et
réveille aux centres des troubles hallucinatoires qui durent,
comme dans la première observation, un peu plus que l'exci-
tation.
HYPERESTHÉSIE CORTICALE DANS L'ALCOOLI811E AIGU. 397 Î
Observation il Père buveur. Habitudes alcooliques surtout
depuis quelques années. Alcoolisme subaigu, délire, de teinte
mystique, hallucinations multiples. 13peresllvésie de plusieurs
centres corticaux.
B... Pierre, soixante-cinq ans, professeur de lettres. Entré à
l'Infirmerie du Dépôt le 6 juin à neuf heures du soir ; sorti le
8juin à six heures du soir.
Antécédents héréditaires. - Père mort, d'hémorrhagie cérébrale,
très buveur. Mère morte d'une maladie de poitrine ' ? Une soeur
bien portante.
Antécédents personnels. Pas de maladies graves dans sa jeu-
nesse. Assez intelligent, B... est devenu apte il exercer la profes-
sion d'instituteur sans grandes difficultés. Le seul reproche qu'il ait
mérité vient du goût qu'il a éprouvé de bonne heure pour les bois-
sons.
Depuis quelques années surtout, B... a pris des habitudes
alcooliques très accusées. Aux repas, il boit modérément, mais
tous les matins un petit verre de marc, et avant déjeuner et dîner,
un amer picon, souvent deux. C'est là sa boisson préférée, car il
dit ne pas aimer l'absinthe. Café et petit verre après chaque repas.
Le malade, qui prétend n'avoir jamais été en état d'ivresse, ren-
trait souvent tellement ivre que sa concierge était obligée de le
coucher. D'autres fois, et cela depuis quelque temps, il ne repa-
raissait pas chez lui pendant plusieurs jours, couchant on ne sait
où.
Le 6 juin, B ? ameute toute une foule aux environs de l'Odéon
par ses discours extravagants. Il se disait envoyé par Dieu sur la
terre pour remplacer le Christ dont il est le frère. Comme lui, il
doit être crucifié pour racheter les péchés des hommes. Conduit
au commissariat de police, il est de là transféré à l'Infirmerie du
Dépôt.
Examiné douze heures après son arrivée, B... ne délire plus
avec autant d'intensité qu'au moment de son arrestation, et il est
capable de répondre aux questions posées.
C'est un homme encore robuste pour son âge, assez grand, la
figure toute rouge, les yeux brillants. Tremblement généralisé.
Comme signe physique de dégénérescence, on trouve que les
boules frontales sont complètement aplaties, ce qui fait paraître
le front presque carré ; les oreilles sont très écartées de la tète et
la voûte palatine est ogivale. Du côté de l'intelligence, il est facile
de constater que l'instruction est supérieure à la moyenne ; il
répond facilement aux questions posées sur sa vie.
Interrogé sur les troubles éprouvés par lui dans ces derniers
temps, il répond avec réticence, de même du reste qu'il avoue dif-
398 CLINIQUE MENTALE.
ficilement ses excès, il signale cependant une absence de sommeil
dont il souffrait beaucoup, dit-il. Souvent, pour se reposer, il se
couchait dans la journée, mais alors il avait des cauchemars : il
se voyait crucifié ou brûlé et jeté à l'eau. C'est même la persistance
de ce rêve, dans lequel le supplice de la croix revenait toujours,
qui le l'ait se comparer à Jésus-Christ. Très nettement il la voyait
cette croix, et la dépeint avec les bêtes immondes, serpents, rats,
grenouilles, qui rampaient et grouillaient au bas, s'efforçant de
monter jusqu'à lui.,
Outre ces rêves, depuis longtemps le malade souffre de pituites,
et de plus, il s'est aperçu que sa mémoire avait beaucoup diminué
ces derniers temps.
En examinant la sensibilité, l'on trouve une hyper·estlu'sie très
marquée aussi bien au frottement qu'à la piqûre. Le moindre attou-
chement sur la poitrine ou sur les bras, par exemple, produit un
mouvement de recul avec sur la figure une expression de douleur
très nette, et le malade s'écrie : « Mais vous me faites mal, lais-
sez-moi. » Le pincement n'amène pas une réaction aussi marquée,
et il semble que ce soit surtout une couche superficielle de la peau
qui soit hyperesthésiée. Cette exagération de la sensibilité existe
sur tout le corps, mais surtout au niveau des côtes, des membres
des régions plantaires et palmaires.
Si l'on ferme les yeux du malade et qu'on lui frappe l'une de
ces parties brusquement avec le doigt : « Ce sont des coups de
marteau pour enfoncer les clous, dit-il, comme je souffre !
Mettez-moi en croix tout de suite. »
Du côté des organes des sens, les hallucinations peuvent être
réveillées facilement et sont très nettes. Si l'on presse pendant un
certain temps sur les globes oculaires, il voit « une grosse lampe,
avec des petites bougiesqui dansent, il y aaussi une figure mais il
ne distingue pas bien », et si l'on renouvelle l'expérience, c'est
toujours la même vision qui reparaît.
Ouïe. En frottant légèrement les oreilles du malade, et en
soufflant dans le conduit auditif externe, on entend cette réponse
à la question : « Vous n'entendez rien ? » « On roule des canons
dans la cour, on dirait aussi un chemin de fer qui passe sous un
tunnel. » Et il se bouche les oreilles tellement le bruit est fort,
disant qu'il en a mal à la tête.
Goût. Si l'on touche légèrement la langue avec du papier
roulé, après avoir fermé les yeux de 13..., il demande : « Pourquoi
m'avez-vous mis de la saleté sur la langue ? C'est très pâteux et je
ne peux pas l'avaler, quel mauvais goût » »
Odorat. Des pressions légères sur les narines ne produisent
rien d'anormal.
7 juin. - B... a très peu dormi cette nuit. Il croit toujours que,
frère de Jésus, son heure est proche et qu'il sera crucifié, mais les
MALADIES NERVEUSES A L'HOPITAL MILITAIRE DE KIEF. 399
hallucinations ne sont plus aussi intenses, et on ne peut plus les
réveiller comme hier, par des moyens artificiels. Le tremblement
persiste, et aussi l'hyperesthésie épidermique. Transféré à l'asile
Sainte-Anne.
Peu de choses dans le passé de ce vieil instituteur. Ce sont
les phénomènes psychiques actuels qui doivent attirer notre
attention. Parlons d'abord de son délire mystique, rare en
général chez les alcooliques chroniques, surtout quand ce
délire prend, comme chez notre malade, une forme presque
systématique, persistant plusieurs jours de suite. L'hyperes-
thésie cutanée réveille le même délire : ce sont des coups de
marteau, on va le crucifier, qu'on se dépêche, il est prêt, lui.
Les centres hyperesthésiés réagissent de même aux exci-
tations périphériques : l'ouïe, la vue, l'odorat, le goût
deviennent les champs hallucinatoires, après une légère
irritation des nerfs sensoriels. Mais ces troubles ne durent pas.
Le lendemain tout disparaît.
B..., quoique fils d'un buveur, n'est pas un de ces dégé-
nérés, à tare héréditaire très chargée, comme ceux dont
nous rapportons plus loin l'histoire. Le cerveau a résisté long-
temps à l'intoxication avant d'enfanter un délire. Le peu
d'hyperesthésie que nous avons notée chez lui, est due surtout
à l'alcool. Nous nous expliquerons plus tard sur ces points.
(.1 suivre.)
CLINIQUE NERVEUSE.
Notes cliniques de la section des maladies nerveuses
à l'hôpital militaire de Kief ;
Par professeur S. TCI31ftII : \\-.
I. - Sur le traitement de la syphilis en général et du tabès
post-syphilitique.
Il y a plus de dix-sept ans que je suis professeur des mala-
400 CLINIQUE NERVEUSE.
dies nerveuses : d'abord je l'étais à l'hôpital militaire Nicolas
à Saint-Pétersbourg, puis il l'hôpital militaire de Kief. De
toutes les maladies organiques du système nerveux central,
qu'il m'est arrivé de rencontrer pendant ce laps de temps,
surtout parmi Messieurs les officiers, la plupart des cas se
rapportaient aux maladies du système nerveux central post-
syphilitique.
Ces observations m'ont définitivement convaincu que l'in-
iection de la syphilis comme une maladie constitutionnelle
ne peut jamais être complètement guérie. Il arrive qu'au
bout de vingt ou trente années, cette maladie n'étant pas
assez traitée mène à l'affection successive du système des
vaisseaux sanguins ou à l'hypertrophie des éléments du
tissu conjonctif du système nerveux central, laquelle ne
cède à aucun autre traitement, si ce n'est le traitement
spécifique.
Par suite de cela, à la fin de la période plus aiguë de la
syphilis qui donne diverses affections du derme et des mem-
branes muqueuses en aucun cas on ne peut regarder le ma-
lade comme complètement guéri, mais au contraire : il faut
lui expliquer, que cette maladie, par sa nature, est toujours
incurable; que, sous l'influence du traitement, elle a consi-
dérablement perdu sa force et son caractère contagieux et
qu'on ne peut répondre qu'aucune affection grave post-syphi-
litique ne le menace que, si dans l'espace des dix ou quinze
premières années, il ne répète ce traitement spécifique tous
les trois ans au moins. Tous les agents qui irritent, soit
immédiatement, soit par les vaisseaux sanguins, les éléments
du tissu conjonctif, tels que : les fréquents refroidissements
du corps, de la tête ou des extrémités, surtout des extrémités
inférieures, l'abus des boissons spiritueuses, les occupations
intellectuelles renforcées, tous les excès, etc., doivent être
absolument évités.
C'est la première conclusion à laquelle j'ai été amené
par de longues observations. La seconde conclusion, à la-
quelle je suis arrivée en observant les traitements spécifiques
réitérés des malades nerveux, qu'avaient déjà eu la syphilis
antérieurement, concerne le traitement spécifique lui-même.
Le traitement spécifique, assez répandu contre la syphilis
chez nous en Russie, de même que dans les autres endroits
du Nouveau Monde et de l'Ancien, consiste en frictions mer-
MALADIES NERVEUSES A L'HÔPITAL MILITAIRE DE KIEF. 401 l
curielles ou en injections mercurielles sous-cutanées, et sou-
vent dans l'emploi simultané intérieurement des préparations
iodurées. Quant aux bains chauds, on les prescrit, tous les
trois ou quatre jours, ou pas du tout, comme pendant les
injections mercurielles interstitielles. Pendant ce traitement
on juge de l'absorption du mercure, selon la quantité de
ce métal dans l'urine, et plus il y a de mercure dans l'urine,
plus il est absorbé par l'organisme et par là, il agit plus
énergiquement contre le virus syphilitique. Cette action du
mercure se renforce encore plus, d'après un avis très
répandu chez nous, par la combinaison des préparations
iodurées, surtout dans le traitement des cas invétérés de la
syphilis. En outre, l'introduction du mercure ioduré, directe-
ment dans l'organisme, passe pour un remède médical, encore
plus efficace contre les affections diverses syphilitiques. Seu-
lement l'apparition de la stomatite fait interrompre ce traite-
ment et souvent la veille même d'une affection des vaisseaux
sanguins plus dangereuse encore du système nerveux central.
Voyons à présent, si les effets de l'emploi du mercure et
de l'iode sur l'organisme se renforcent à cause de leur combi-
naison et si dans le fait, la quantité du mercure ioduré dans
l'urine peut servir de mesure de la saturation de l'organisme
par ces préparatifs !
Pour plus d'évidence faisons les deux expériences sui-
vantes : frictionnons deux sujets qui seraient approximati-
vement du même poids et de la même constitution, avec la
même quantité de mercure, en même temps, nous donnerons
à l'un d'eux, en outre, des préparations iodurées.
Après avoir analysé leur urine, nous trouverons chez l'in-
dividu, qui n'a pas absorbé de préparations iodurées, une
quantité de mercure bien moindre dans l'urine, que chez
l'autre. N'avons-nous pas le droit, d'en déduire que le mer-
cure s'accumule en quantité plus grande dans l'orga-
nisme de l'individu qui ne se médicamente pas par les pré-
parations iodurées que dans celui de l'autre ! Il n'en peut être
autrement, si l'on prend en considération l'équivalent en-
dosmotique des sels iodurés, surtout du mercure ioduré, par
rapport à l'épithélium néphrétique Puis admettons, que le
mercure, frictionné ou introduit d'une autre manière dans
l'organisme, forme des albuminates et de cette manière est
retenu pour quelque temps dans l'organisme. Pendant cette
Archives, 2° série, t. IX. ' 26
402 CLINIQUE NERVEUSE.
période de son séjour temporaire dans l'organisme, il agit
d'une manière destructive sur le virus syphilitique. Ensuite
les albuminates mercuriels peu à peu disparaissent et le
mercure se dégage de nouveau de l'organisme par l'urine,
par la sueur, par la salive et par toutes les autres sécrétions.
Il est clair que plus le mercure reste dans l'organisme,
plus il neutralise l'activité du virus syphilitique. Maintenant,
introduisant dans l'organisme qui reçoit le mercure, les pré-
parations iodurées, non seulement nous ne renforçons pas
l'activité du mercure, mais au contraire les préparations
iodurées, avant d'avoir produit quelque effet sur ce dernier,
se combinent avidement avec le mercure dont ils favorisent
l'élimination renforcée de l'organisme.
Après cela, nous voyons clairement, pourquoi après ce
double traitement, on rencontre beaucoup plus souvent, d'un
côté, les récidives de la syphilis et toutes les affections secon-
daires du tissu conjonctif du système nerveux central,-et de
l'autre côté, différentes affections des gencives et de la bou-
che, malgré l'emploi de différents gargarismes. Ainsi, nous
arrivons à conclure que le traitement simultané par le
mercure et par l'iode, surtout par les préparations du mercure
ioduré, doit être positivement abandonné.
Voyons maintenant, quelle forme du traitement mercuriel
il faut préférer : les frictions mercurielles, les pilules mercu-
rielles ou les injections sous-cutanées ? Il me semble qu'il ne
peut y avoir le moindre doute sur l'efficacité des frictions
mercurielles ! Il s'agit à présent de savoir sous quelle forme
employer le mercure pour les frictions, quelle partie du
corps frictionner et à quels intervalles ? Outre, l'ancienne
préparation mercurielle (unguent. hydrarg. ciner. simplex et
duplex), les médecins d'Aix-la-Chapelle, ont en usage, ces
derniers temps, le savon au mercure (sapo mercurialis), dont
on frotte le corps du malade, trempant la main dans l'eau,
durant un temps moins long, que ne le nécessite la friction
avec, l'onguent. Et moi aussi, me fondant sur ma pratique per-
sonnelle, je puis dire, que le savon au mercure, préparé par
le pharmacien d'Aix-la-Chapelle Neunerdt, se prête mieux
aux frictions et plus vite que l'onguent et que l'organisme
absorbe plus de mercure, en tant qu'on peut en juger, par la
quantité du mercure, dégagé par l'urine, chez le même indi-
vidu. Mais il n'y a rien à dire non plus contre l'ancienne pré-
MALADIES NERVEUSES A L'HÔPITAL MILITAIRE DE KIEF. 403
paration de l'onguent, si ce n'est que la friction de cette
préparation n'exige un laps de temps plus long.
Quant à la partie du corps qui doit être frictionnée, il est
d'usage (on ne sait pas pour quelle raison) de frictionner la
poitrine, les jambes et les bras. Cependant, il n'y a aucun
fondement rationnel à préférer ces parties de la superficie
de la peau, car les glandes sudorifères et les bulbes des
cheveux, dans les fourreaux desquelles on frictionne, existent
aussi dans les autres parties de la peau. Moi, personnelle-
ment, je préfère le dos, les côtés et la poitrine, mais surtout
le dos et les côtés, je fais chaque jour frictionner ces parties.
Les bains jouent un rôle bien important. Ici non plus, je
ne puis consentira deux bains par semaine. D'abord sous
l'influence des bains, le mercure circule plus facilement dans
l'organisme, ensuite il est déjà prouvé que les bains activent
le dégagement du mercure de l'organisme par l'urine et par
la sueur et, par suite, se dégageant moins par la cavité de la
bouche et par la salive, il ne mène pas si vite à la stomatite,
ordinairement regardée comme signe de la saturation mer-
curielle de l'organisme.
A cause de cela je recommande particulièrement le traite-
ment suivant : chaque jour un bain de 35° C, de 20 à 30 mi-
nutes et 1/2 heure ou une heure après le bain, la friction.
Pendant six jours il faut faire la friction et le septième seu-
lement un bain, et je conseille de se soumettre à ce traite-
ment pendant cinq ou six semaines. Avec cela j'ordonne or-
dinairement les gargarismes avec une solution saturée de
chlorate de potasse, de sept à huit fois par jour, surtout après
le manger, et je conseille de se nettoyer chaque jour avec
une brosse à dents, les dents et la langue en cas où cette
dernière se trouverait chargée.
Ce qui est très important dans ce traitement, c'est la régu-
larité des fonctions de l'estomac, et je recommande particu-
lièrement aux patients de veiller aux selles. Enfin, aux per-
sonnes qui fument beaucoup, je limite le nombre de cigarettes
ou de cigares.
Avec un pareil traitement je n'ai jamais obsemé le dé-
veloppeoaent de la stomatite qui ferait interrompre le traite-
ment commencé quoiqu'on frictionnât le malade chaque
jour avec du savon mercuriel ou de l'onguent de 5 6 6 grammes.
De cette manière, je pouvais laisser de cinq six semaines mes
404 CLINIQUE NERVEUSE.
malades sous l'influence d'une assez grande quantité de mer-
cure, sans porter atteinte àla régularité de leurs fonctions na-
turelles et sans provoquer chez le malade, ni la salivation,
ni l'affection de la cavité de la bouche et des gencives. Le
sommeil du malade était régularisé par des bromures.
Quant à l'emploi du mercure en pilules, intérieurement,
je n'ai pas d'expérience personnelle; mais, il me semble que
cette méthode cède en tout cas à la première. D'abord dans
le traitement par les pilules mercurielles, nous formons des
albuminates mercuriels plus aux dépens de l'albumine cir-
culant qu'aux dépens de l'albumine organisée ; tandis que la
syphilis est une affection constitutionnelle. Ensuite, introdui-
sant le mercure dans les voies digestives, nous dérangeons
jusqu'à un certain point la digestion même. En tout cas, à
juger d'après les données anamnestiques, cette espèce de
traitement arrêtait pour longtemps les récidives ou surtout
les affections successives du tissu conjonctif. Cela peut être,
car ces données anamnestiques se rapportent en majorité,
aux vieillards, aux hommes de la génération précédente dont
l'organisme était plus solide.'
Il reste encore une méthode plus nouvelle d'introduire le
mercure dans l'organisme;- ce sont les injections sous-cu-
tanées du mercure. Avec l'introduction de cette méthode, il
semblait qu'on eut renoncé pour toujours à toutes les autres
méthodes de l'introduction du mercure, et il ne restait qu'à
les faire moins douloureuses. En effet, quoi de meilleur que
cette méthode d'introduction dans l'organisme, d'une quan-
tité exactement déterminée de mercure et l'expérience mon-
trerait quelle quantité exacte de mercure suffirait pour un
kilo de malade dans le but de le guérir radicalement de la
syphilis ! En outre, connaissant cette quantité de mercure,
on pourrait beaucoup plus vite l'introduire, sans se salir avec
les frictions, où l'on ne sait jamais combien de mercure est
absorbé par l'organisme. La pratique cependant n'a pas
justifié l'espérance que l'on mettait dans cette méthode de
traitement. Bientôt on s'aperçut qu'il était impossible de dé-
terminer la quantité de mercure qui ayant été introduit dans
l'organisme à l'aide de l'injection sous-cutanée, serait suffi-
sante pour la guérison complète du malade. Mais les récidives,
les affections des vaisseaux sanguins et l'hyperplasie du tissu
conjonctif dans les divers organes devinrent beaucoup plus
MALADIES NERVEUSES A L'HÔPITAL MILITAIRE DE KIEF. 405
fréquentes qu'avec les frictions, on a été obligé de répéter
les injections sous-cutanées et de faire monter leur nombre
dans un temps comparativement court de lido à 200 et plus,
et le malade non seulement n'était pas guéri, mais la maladie
récidivait toujours ou menaçait la vie du malade, par l'affec-
tion des organes importants. Voici quelques exemples de
l'insuffisance du traitement de la syphilis par les injections
sous-cutanées de mercure.
Un jeune étudiant du deuxième cours avait été infecté
par la syphilis au mois de mars 1894. Au mois d'avril de la
même année, on lui avait fait 40 injections sous-cutanées ; au
mois de février 1895, à l'occasion d'une récidive on lui
fit de nouveau 40 injections ; et au mois de septembre de la
même année, il eut une lésion de la capsule interne à gauche,
qui paralysa du côté droit, les extrémités de la face et de la
langue.
Un officier est atteint de paralysie à droite n. abducentis.
On le traite par les injections sous-cutanées de mercure et les
manifestations de la paralysie n. abducentis, ne s'affaiblissent
pas du tout.
Le jeune officier qui fut traité de la syphilis par les injec-
tions sous-cutanées de mercure, gagna la paralysie du côté
gauche, n. abducentis ; il entra à l'hôpital, on lui fit des
injections mercurielles sous-cutanées ; mais les manifestations
de la paralysie sont stationnaires, etc., etc.
Et vraiment, prenons de nouveau deux malades, friction-
nons l'un avec du mercure en forme d'onguent et, faisons à
l'autre des injections sous-cutanées. L'analyse de l'urine du
second donnera une quantité beaucoup plus grande de mer-
cure que celle du premier. Certainement, la quantité de mer-
cure introduite dans l'organisme dans les deux cas, n'est pas
la même, mais il n'y a aucun doute, que le mercure introduit
dans l'organisme, sous la peau est absorbé immédiatement
par les capillaires des vaisseaux sanguins, se dégage beau-
coup plus vite de l'organisme que le mercure dont on fric-
tionne la peau et qui reste sous la forme d'albuminates. C'est
pourquoi à présent, que nous avons l'expérience d'une ving-
taine d'années, pour les injections sous-cutanées de mercure,
nous avons constaté que les récidives de la syphilis, les affec-
tions consécutives des vaisseaux sanguins et l'hyperplasie du
tissu conjonctif dans les divers organes, étaient devenues plus-
406 CLINIQUE NERVEUSE.
fréquentes ce qui n'était jamais arrivé lors des traitements pré-
cédents par les frictions mercurielles et l'emploi des pilules
mercurielles ; enfin, la cause même du traitement infruc-
tueux de la syphilis par les injections sous-cutanées, nommé-
ment le temps relativement court que le mercure reste dans
l'organisme, est ainsi plus ou moins expliquée. Après cela,
il serait jusqu'à un certain point étrange de recourir, à pré-
sent, aux injections mercurielles sous-cutanées dans le but du
traitement des formes premières de la maladie, ainsi que des
maladies post-syphilitiques, d'autant plus qu'on n'a pu écarter
la douleur des injections sous-cutanées. Seulement dans les
cas dangereux, où le traitement doit s'effectuer très rapide-
ment, on peut recourir aux injections sous-cutanées, mais
n'oubliant jamais que ce traitement rapide est insuffisant et,
quand les affections graves sont disparues, il faut prescrire
au malade les frictions mercurielles.
Après le traitement susdit par des frictions mercurielles,
pendant cinq ou six semaines, je donne au malade une se-
maine ou deux de repos, et je lui prescris trois fois par se-
maine les bains de 35° C. de vingt à trente minutes et les
préparations iodurées intérieures.
Je prescris les préparations iodurées en proportion de
0,5-4 grammes, dans un verre de lait ou dans du lait coupé
d'eau de Seltz, trois fois par jour, surtout après les repas. Le
mercure commence d'abord à se dégager par l'urine en quan-
tité plus grande, que pendant les frictions.
'Le sommeil est régularisé par l'emploi des bromures et
on suspend le gargarisme. Si le fonctionnement du coeur
s'affaiblit un peu, alors je donne au malade, du vin léger par
moitié avec l'eau de Seltz, en y ajoutant une cuiller à soupe
de Levico ou Roncegno, pendant les repas, ou une prépa-
ration de caféine nitro-benzoïque de 0,15 à 0,30, deux ou
trois fois par jour.
Je prescris un traitement successif pareil, pendant six
semaines au moins. C'est ainsi, que tout le traitement antisy-
philitique, occupe au moins trois mois et donne ordinaire-
ment les meilleurs résultats.
Ici, je voudrais faire remarquer qu'une telle méthode de
traitement mercuriel, ne nuit en aucune façon à l'orga-
nisme, mais au contraire améliore la nutrition et mène
même à l'engraissement. Je n'oublierai jamais un aide-ehi-
MALADIES NERVEUSES A L'HÔPITAL MILITAIRE DE KIEF. 407
rurgien d'Aix-la-Chapelle, qui à présent, a déjà soixante ans,
fait chaque jour plusieurs frictions depuis quarante ans et
prend tous les jours un bain chaud. Use porte aussi bien, que
peut se porter un homme de son âge.
Il va sans dire que si le malade est en état de joindre au
traitement mercuriel les eaux sulfureuses, Piatigorsk, Aix-
la-Chapelle, Luchon, Bousk et autres, c'est encore mieux. En
outre, je conseille de boire chaque matin et chaque soir, de
l'eau sulfureuse, un verre au deux. L'action de l'eau chaude
sulfureuse, absorbée intérieurement, n'est pas connue exac-
tement ; il est possible qu'elle sert au rétablissement de la
composition normale de l'albumine, dont à mesure de sa
formation se dégage le soufre.
Après cette digression, retournons à ces affections du sys-
tème nerveux qui se rencontrent chez les syphilitiques,
comme les affections successives syphilitiques qui n'étaient
pas suffisamment traitées ou que le malade était sous l'in-
fluence de fréquents refroidissements ou de l'alcool. La piu-
dart de ces affections, surtout de notre temps et parmi les
officiers, sont le tabès (tabès dorsalis atactica). Maintenant,
il n'est pas difficile de rencontrer des sujets âgés de trente
ans, sans aucun antécédent nerveux et déjà atteints de celte
horrible maladie. Pendant tout ce temps, parmi les officiers,
je n'en ai pas rencontré un seul qui, atteint du labès n'ait
pas eu de précédents syphilitiques. Pendant ce même temps,
dans la pratique privée, je n'ai rencontré que 2 ou 3 tabéti-
ques non héréditaires, chez lesquels le tabès commença après
trente ans, et qui niaient obstinément les antécédents syphi-
litiques ; mais ces malades, de même, ne pouvaient rien dire
de positif, par rapport à leurs parents. Quelles sont donc les
causes d'une hypertrophie si fréquente et si précoce du tissu
conjonctif du syslème nerveux central, chez ces malheu-
reux ? 9
La réponse est bien simple : la cause en est dans le traite-
ment insuffisant de la syphilis, en même temps, que certaines
conditions climatiques, et dans l'abus des boissons spi ri-
tueuses.
Qui est la cause de cela ? Si douloureux que cela soit, il faut
avouer que la principale cause, en est dans l'état comtempo-
rain de la syphilologie, et de messieurs les syphilologues
eux-mêmes. En effet, trouvez actuellement un syphilologue
408 CLINIQUE NERVEUSE.
qui, après plusieurs traitements mercuriels, et après la fin
des manifestations primitives et secondaires chez le malade,
surtout quand le sujet ne peut plus en infecter d'autre, ne lui
annoncerait pas sa guérison complète ! Ajoutez-y encore que
tout syphilologue contemporain traite son malade abso-
lument par les.injections sous-cutanées mercurielles ; c'est-à-
dire par la méthode, qui comme nous l'avons vu, est loin
d'être suffisante, et vous comprendrez pourquoi le patient
guéri, retournant à toutes ses habitudes anciennes qui sont
coutumières au service militaire, gagne sitôt quelque maladie
dans le genre du tabès dorsalis atactica, etc. Vous ne ren-
contrerez décidément pas un médecin, qui renvoyant un
syphilitique, quasi guéri, lui aura dit : qu'il ne doit plus à
l'avenir abuser des boissons spiritueuses, même ne plus boire
du tout, et que les refroidissements, sont pour lui extrême-
ment nuisibles; que, si l'accomplissement de ses devoirs de
service l'exige, il doit changer de genre de service. Je ne
crois pas que quelqu'un se permit de désobéir, si on lui disait
sérieusement et si on ne lui démontrait les conséquences en
cas de désobéissance.
Maintenant, parlons du traitement de ces malades. La forme
du tabès la plus répandue est la suivante : le malade, âgé de
trente à quarante ans, les yeux fermés, chancelle, vacille,
ne peut pas du tout marcher dans une chambre obscure; les
pupilles sont rétrécies et ne réagissent pas à la lumière ; à la
jonction de l'axe oculaire, on remarque (symptôme d'Argyl
Robertson) une certaine contraction ; l'acuité de la vue a
souffert, la vue périphérique devient plus ou moins limitée.
Il y a anesthésie de la sensibilité douloureuse et tactile de la
peau des membres inférieurs, de la partie inférieure du
corps et dans les mains, où par places elle est impressionnée
avec un retard plus ou moins considérable. Les réflexes rotu-
liens sont absents, la force des contractions des muscles est
conservée; avec les yeux fermés, la répétition d'un mouve-
ment quelconque, appris auparavant au moyen de la vue,
est impossible; la démarche ataxique; les douleurs lanci-
nantes dans les jambes, la sensation d'une ceinture serrant
le tronc au niveau du sacrum ou un peu plus haut. Si on y
ajoute les longues constipations, la déchéance de l'activité
sexuelle, surtout de l'érection de l'organe sexuel, une cer-
taine lenteur de l'évacuation de l'urine, exigeant certains
MALADIES NERVEUSES A L'HÔPITAL MILITAIRE DE KIEF. 409
efforts, puis si l'on commence à uriner, on ne peut s'arrêter
de plein gré, alors toutes ces manifestations donnent
l'image assez vraie d'un homme qui souffre du tabès dorsalis
ataclica. De ce type se distingue clairement les malades
atteints de tabès supérieur, avec les réflexes rotuliens élevés la
conservation et même quelque hypérestésie de la sensibilité
douloureuse cutanée dans les jambes, mais avec la vue qui
s'éteint parfaitement, peu à peu, des deux yeux.
Excepté le cas de tabès héréditaire, dans tous ces cas de
tabès atactica gagné vous constatez toujours la syphilis dans ,
les antécédents, avec de rares exceptions (voir plus haut) ?
quelquefois l'abus des boissons spiritueuses et presque Uni- '
jours les fréquents refroidissements du corps pendant'les
voyages ou à la chasse. ' u '%l
Quant au traitement de ces malades, certainement, il ne
peut être question de leur complète guérison, car nous ne pou-
vons aucunement faire que le tissu conjonctif de la moelle
épinière, déjà hyperplasié, se rétrécisse; ce que nous pou-
vons uniquement, c'est de faire disparaître ces altérations
syphilitiques des éléments du tissu conjonctif de la moelle
épinière, que précèdent ordinairement l'hypertrophie et qui
aggravent considérablement tous les accès maladifs du tabès
atactica.
Je dois compter ces altérations des éléments du tissu con-
jonctif de la moelle épinière précisément pour les éléments
spécifiques syphilitiques, car ils ne cèdent qu'au traitement
mercuriel antisyphilitique, Soumettant ainsi le malade à un
traitement antisyphilitique énergique, je tache simultané-
ment de soutenir de toute manière les éléments nerveux qui
périssent et je calme dans la mesure possible, les terribles
douleurs lancinantes. Dans le but de soutenir l'élément ner-
veux qui dépérit, je prescris :
1° Les douches latérales de Charcot. Sur le dos sous la
pression de 2 à 3 atmosphères, commençant de 22"C., dimi-
nuant chaque jour d'un demi degré et arrivant à '1 ? C.; la
durée de la douche est de une minute à une minute et demie ;
si les douches sont déjà réduites à 12° C., il faut les continuer
à celte température et il faut prendre ces douches simulta-
nément avec les bains chauds de 35° C ; 1
2° L'électrisation de la moelle épinière par le courant
électrique continu et celle de l'appareil génito-vésical,
410 CLINIQUE NERVEUSE.
par le courant faradique ou par l'électricité statique. Ici
je dois m'arrêter et m'expliquer d'une manière un peu plus
détaillée.
Electriser pendant deux ou trois minutes par un courant
continu et avec cela choisissant toujours la même direction,
ou en appliquant dans tous les cas le môme nombre d'élé-
ments, qui donnent dans différents cas un courant d'une
force différente, c'est comme si l'on n'électrisait pas du tout le
malade. Il faut s'expliquer clairement : que voulons-nous
atteindre par l'électrisation ? Si nous voulons augmenter
l'excitabilité des éléments nerveux et améliorer leur nu-
trition ; dans ce but, il serait utile d'employer un cou-
rant continu et sans avoir toujours la même direction;
car dans le cas contraire le passage du courant continu à
travers le tissu nerveux, y développe l'action électroto-
nique du courant, ce qui n'est pas à désirer. Je pratique
ordinairement dans ce but la méthode suivante. A l'élec-
trisation du dos, je prends deux électrodes rondes d'un
diamètre de 5 centimètres chacune ; je les applique ensemble
sur la partie moyenne de l'épine dorsale, et je ferme le cou-
rant continu de 5 15 milliampères den'importe quelle direc-
tion. Au contact des électrodes le malade n'éprouve évidem-
ment encore aucun courant. Ensuite, je sépare les électrodes
et les glisse le long de l'épine dorsale : l'une en haut, l'autre
en bas, assez vite, pour que, dans trente à quarante-cinq se-
condes, une électrode se trouve auprès de la première ver-
tèbre cervicale, et l'autre auprès de la deuxième vertèbre
lombaire ; toujours avec la même vitesse, je rapproche de
nouveau les électrodes jusqu'à les joindre. Quand les élec-
trodes se touchent, je change la direction du courant et de
nouveau je les sépare et les réunis, etc. Je répète celte opé-
ration 8 à 10 fois pendant une séance. Pendant la séparation
des électrodes j'entretiens le courant à la même force de 5 à
z15 milliampères.
Une pareille électrisation, par un courant continu, atteint
effectivement son but ; elle réveille l'excitabilité de la moelle
épinière, améliore sa nutrition et ne l'irrite pas ; car les alté-
rations de la densité du courant, sont si lentes, qu'elles ne
montrent aucune influence irritante sur ses éléments.
Quant à la faradisation et frankiinisation de l'appareilgénito-
vésical je dirai seulement, que l'une des électrodes avec la
MALADIES NERVEUSES A L'HÔPITAL MILITAIRE DE KIEF. 411 'l
surface relativement plus petite et joint avec la cathode du
courant de rupture, est passée sur la dixième vertèbre dorsale
et l'autre électrode avec la surface plus grande au-dessus de
la symphyse du pubis, ou sur le périnée. Quelquefois je
donne à cette électrode la forme d'un vase en verre ou en
porcelaine, où l'on verse de l'eau, en y ajoutant du chlorure
de sodium et on y met les organes sexuels extérieurs. Je con-
tinue une pareille électrisation pendant six ou huit minutes.
3° La cautérisation par Pacquelin de l'épine dorsale ordi-
nairement à 10 pointes de feu de chaque côté, dans les diverses
parties tous les dix ou quatorze jours.
4° Dans les cas de la déchéance particulière de l'activité du
centre de la moelle épinière génito-vésical : de l'érection et
de la défécation, je prescris 0,002 de nitrate de strychnine,
deux fois par jour en pilules.
Il est à propos de mentionner ici les injections sous-cuta-
nées de spermine et les guérisons miraculeuses des malheu-
reux tabétiques au moyen de ces injections.
L'idée seule de l'action efficace des injections'sous-cu-
tanées de spermine sur la sclérose des cordons postérieurs de
la moelle épinière peut être nommée absurde. Il est vrai
qu'au moment de l'injection, le malade sent une certaine
excitation : il lui semble qu'il urine, qu'il marche mieux,
mais une fois l'action excitante passée, la faiblesse du malade
reparaît. ,
Mais si les injections de spermine sont plus ou moins indif-
férentes, on ne peut pas le dire de l'autre opération, entre-
prise de temps en temps sur les tabétiques, selon la méthode
de M. Motchoutkowsky.
Quelque étrange que me semble la méthode d'étendre la
colonne vertébrale au moyen de la suspension du malade,
comme méthode du traitement de la moelle épinière, je dois
avouer que, moi aussi, j'aiisoumis quelques tabétiques à cette
méthode de traitement. Durant les premières suspensions
on remarquait, en effet, chez quelques malades, la diminution
des douleurs lancinantes, la démarche devenait un peu plus
sûre, l'urine se dégageait avec moins d'effort, etc. A mesure
qu'on continuait ces suspensions, non seulement, ces symp-
tômes revenaient avec leur ancienne force, mais ils empi-
raient. En effet, il n'en peut être autrement. Cette suspension
provoquant une extension considérable des racines de la
412 ) CLINIQUE NERVEUSE.
moelle épinière, agit certainement, d'une manière irritante
ou excitante sur la moelle épinière, provoquant, entre autre,
l'hypé1'émie de cette dernière, et il s'en suit l'amélioration
temporaire de toutes ses fonctions et l'interruption des dou-
leurs lancinantes. Mais par suite de la continuation de cette
extension des nerfs, l'action d'une pareille hypérémie de la
moelle épinière doit conduire à une plus forte hyperplasie
du tissu conjonctif de la moelle épinière, laquellese trouverait
sans cela en état d'irritation sous l'inlluence du virus syphi-
litique.
Enfin, contre les violentes douleurs fulgurantes, au début
du traitement, je prescris les injections sous-cutanées combi-
nées d'atropine et de morphine (Atrop. suif. 0,03, Morphii
muriat. 0,3, solut stéril. hydrarg. bichlor. cor. (1 : 5000) 15,0
Injecter sous la peau 1/2-2/3 gramme). Cette combinaison
de narcotiques a cet avantage sur la simple morphine, que
l'action calmante dure plus longtemps, et que le malade ne
s'habitue jamais à ces injections, ce qui fait qu'on n'est pas
obligé d'augmenter la quantité de la solution injectée.
Tel est approximativement le traitement que je fais subir
aux tabétiques, et il n'y a pas eu un seul cas où le malade
ne sentît un certain soulagement assez considérable- de ses
symptômes maladifs. La démarche du malade devient plus
régulière, il chancelait moins les yeux fermés, les fonctions
de l'appareil urinaire devenaient meilleures, les excréments se
dégageaient chaque jour et même sans' clystères, la sensibi-
lité douloureuse disparue, se rétablissait, le malade se sen-
tait en général plus fort, les douleurs lancinantes et le sen-
timent d'une ceinture disparaissaient à peu près, etsi, ancien-
nement, on voyait double dans le lointain, ce phénomène, dis-
paraissait. Parfois, dans les cas invétérés du tabès, quand la
période des douleurs aiguës et lancinantes est déjà passée, au
commencement du traitement, les douleurs reparaissaient de
nouveau pour un certain temps, quoique tous les autres symp-
tômes de la maladie soient considérablement améliorés. Quant
aux résultats finaux du traitement d'un grand nombre de
tabétiques, traités selon cette méthode, je dois dire qu'il
m'est arrivé d'observer chez deux individus seulement le
rétablissement des réflexes rotuliens dans les membres infé-
rieurs, la suspension du vacillement avec les yeux fermés et
le rétablissement complet des fonctions urinaires ; mais, même
CORDE MUSCULAIRE DANS LA MÉLANCOLIE. 413
ces malades avaient encore de temps en temps le sentiment
de la constriction du tronc, la sensibilité douloureuse un peu
émoussée de la peau des extrémités inférieures et de la
partie inférieure, la faiblesse de l'érection de l'organe sexuel
et le rétrécissement des pupilles. A cause de cela, il est aussi
impossible de regarder ces malades comme complètement
guéris de la sclérose des cordons postérieurs de la moelle
épinière.
Prof. D' S. TClIlRtI : : W.
19 mars, Kief.
PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
Le phénomène de la corde musculaire
dans la mélancolie ; -
PAR R
CH. VALLON, ET waiil.
Médecin de l'asile de Villejitit. Interne des asiles de la Seine.
Les symptômes de l'ordre somatique dans la mélancolie
ont depuis fort longtemps appelé l'attention des observateurs
et c'est même sur leur présence qu'ont été basées plusieurs
théories 'pathogéniques de cette névrose. Dès 1700, Théodore
Bonet ' parle des troubles de la digestion et des lésions des
organes digestifs ; quelques années plus tard Boerhave 2 si-
gnale la lenteur du pouls et de la respiration, la froideur des
extrémités.
marche3 décrit avec beaucoup de détails les divers symp-
tômes de l'ordre somatique et déduit de leur présence une
conception-étiologique. « Il se produit, dit-il, chez les mélan-
coliques un ensemble de modifications des fonctions orga-
'. Th. lionet. Sepulchrelum siée analolilica ]Jmlica, in-fol., 1700. ! Commentaires, publiés par Van Swieten.
3 marche. Traité pratique des maladies mentales. Paris, t8j8, p. 317.
414 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
niques qui peuvent se résumer dans un seul mot, la dépres-
sion... quel que soit son degré, les modifications qu'elle
détermine, malgré leur intensité variable, sont toujours
identiques avec elles-mêmes et indiquent l'action d'une cause
uniforme agissant à la fois sur tout l'individu ». Calmeil1
à propos des signes physiques fait les remarques suivantes :
« beaucoup de lypémaniaques doivent avoir les voies diges-
tives malades bien avant de commencer à délirer... ; sur
quelques-uns les troubles de la digestion ne se déclarent que
pendant le cours de la maladie et dans ce dernier cas leur
apparition est souvent le signal de recrudescence dans les
phénomènes du délire. » Pour Calmeil il y a en somme
réaction de l'estomac sur le cerveau.
Pour Bail - ce sont les troubles de la circulation qui sem-
blent dominer l'état physique des mélancoliques et cet état
doit être attribué sans aucun doute à une cause générale.
Partant de cette idée il explique la pathogénie de la mélan-
colie de la manière suivante : « La stupeur, dit-il, est un phé-
nomène d'arrêt, dans lequel les fonctions cérébrales sont
partiellement suspendues, tant au point de vue intellectuel,
qu'au point de vue physique et au point de vue de l'influence
que l'encéphale exerce sur le reste du corps. A cet ordre
de faits, il faut rattacher la mélancolie et ses troubles divers
qui ne sont qu'une manifestation à un degré infime de ce que
nous voyons au suprême degré chez les malades en état de
stupeur ».
Au Congrès international de médecine mentale tenu à
Paris en z1887, M. le docteur BeLtencourt-Rodri-,ucs fait une
communication ayant pour titre : De l'influence des phéno-
mènes d'auto -intoxication et de la dilatation de l'estomac
dans les formes dépressives et mélancoliques ; il émet l'avis
qu'au nombre des causes prochaines et immédiates capables
de déterminer chez un individu prédisposé l'explosion de la
folie, on doit accorder une place importante aux phéno-
mènes d'auto-intoxication d'origine gastro-intestinale surtout
dans les formes dépressives de la folie.
' Dictionnaire encyclopédique des sciences méd., de Dechambre,
t. LV, art. 7 ? )ema< ! : e, p. 516, année 1876.
2 Bail. Leçons sur les maladies mentales (2* édition), p. 230 et 2G0.
3 Comptes rendus du Congrès international de médecine mentale
tenu à Paris en 1889, p. 409.
CORDE MUSCULAIRE DANS LA MÉLANCOLIE. 415
Dans un travail d'ensemble sur les auto-intoxications dans
les maladies mentales MM. Régis et Chevalier Lavaure met-
tent en lumière le rôle considérable des auto-intoxications
sur le développement des diverses formes de la folie. On
connaît d'ailleurs les heureux effets des lavages d'estomac et
des purgatifs dans les états mélancoliques.
Nous arrêterons là cette revue rapide et très incomplète des
opinions émises sur la nature de la mélancolie, tirée surtout
de la présence des phénomènes de l'ordre somatique dans
cette maladie. La tendance actuelle qui s'accuse tous les jours
de plus en plus c'est de considérer la mélancolie comme une'
maladie d'origine infectieuse ou tout au moins d'attribuer à
l'infection un rôle plus ou moins considérable dans son déve-
loppement.
A notre tour nous venons apporter notre pierre à l'édifice
et signaler dans la mélancolie, un phénomène physique dont
la présence milite en faveur de l'origine infectieuse de cette
psychose. Il s'agit du phénomène de la corde.
On désigne en clinique sous ce nom un phénomène normal
appelé par les physiologistes contraction locale qui s'exagère
dans certains états pathologiques. En voici la description
d'après Legros et Onimus 2 : « Un choc, une pression, un
tiraillement, un déchirement survenant soit sur un nerf mo-
teur, soit sur un muscle, produisent les phénomènes de con-
tractilité. Lorsque le choc ou la pression agissent directe-
ment sur le muscle, surtout suivant l'axe transversal, on voit
d'abord' sur le vivant le mouvement s'étendre à tous les
muscles, mais après ce mouvement d'ensemble on remarque
qu'un renflement persiste dans le point frappé. C'est la con-
traction locale que Schiff nomme idio-22111sezilaii@e. Il esta
remarquer que cette contraction locale s'accentue dans les
fièvres grades et quelque temps après la mort lorsque les
mouvements d'ensemble ont diminué ou cessé complète-
ment ».
Pour rechercher la contraction locale on peut frapper le
muscle, le biceps de préférence, avec le dos d'un couteau
1 Rapport présenté au Congrès annuel de médecine mentale, tenu à
La Rochelle en 1893, le session.
2 Dictionnaire encyclopédique des Sciences médicales de Decliambre,
t. X, art. Musculaire (Physiologie), p. Gi'J.
416 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
« on voit alors se former, dit Dlatliias Duval ', un gonflement
très accentué sur toute la ligne transversale selon laquelle
l'instrument a frappé le muscle, il persiste plus ou moins
longtemps dans le point où il s'est formé ».
On peut aussi produire le phénomène de la corde tout sim-
plement avec-la main : On saisit le biceps ou un autre
muscle par ses bords entre le pouce et l'index et on le tend
fortement puis on l'abandonne à lui-même.
Ce phénomène comme la plupart des symptômes muscu-
laires n'est que la manifestation d'affections portant soit sur
le système nerveux, soit sur l'ensemble de l'économie (ménin-
gite, états infectieux). Nous l'avons trouvé chez 32 mélanco-
liques sur 40 que nous avons examinés à ce point de vue
savoir : 29 hommes et 11 femmes. Chez les 29 hommes nous
l'avons constaté 26 fois ; chez les 'H femmes, 6 fois seulement
et moins accusé que dans le sexe masculin.
Sur nos 32 malades des deux sexes présentant le phéno-
mène de la corde, 8 étaient en outre atteints de troubles
gastro-intestinaux, 1 avait de l'albuminurie.
Nos mélancoliques se répartissaient ainsi au point de vue
de la variété de la psychose : Un cas de dépression mélan-
colique simple, huit cas de mélancolie stupide, seize de délire
mélancolique, trois de mélancolie anxieuse; trois de nos
malades étaient dans le stade mélancolique d'une folie à
double forme. -
La présence du phénomène de la corde dans la mélancolie
constitue en somme un nouveau point d'analogie entre cette
psychose et les maladies infectieuses, un argument de plus
en faveur de son origine infectieuse.
j Nouveau dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques de
Jaccoud, t. XXIII, art. Muscles, p. 231.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
PATHOLOGIQUES.
LXI. Contribution à la localisation de la conscience musculaire
basée sur un cas de lésion traumatique de la tête ; par WL. Mu-
nanow. (Nwl'olo[J. Ceiiii,iilbl., XVII, 1898.)
La conception de l'espace ne dépend pas exclusivement des
mouvements des yeux ; elle est liée il chaque mouvement muscu-
laire. L'appréciation de l'impulsion qui émane de l'innervation et
du changement de situation d'un objet n'est pas une sensation
simple. Il est évident qu'elle résulte de la combinaison des sensa-
tions, c'est-à-dire d'une opération élevée de l'activité mentale.
Nous avons, dit l'auteur, déjà montré que les fibres arciformes
qui passent sous les circonvolutions ascendantes prennent part à la
formation des conceptions de l'espace. Il s'agissait d'une femme de
cinquante-trois ans, atteinte d'hémiplégie gauche, avec épilepsie
corticale et trouble du sens musculaire (1895), un fait analogue a
été publié par nous encore tout récemment (1891).
La cellule de la zone motrice de l'écorce du cerveau est l'organe
d'une conception isolée du mouvement. Pour organiser les idées
complexes qui constituent le sens musculaire, il faut l'opération
synergique de nombreuses cellules, c'est-à-dire la combinaison de
nombreuses idées de mouvement. Les fibres arciformes en question
sont les vectrices de ces combinaisons. En fait, les lésions circons-
crites même profondes dues à un processus dégénératif limité ne
sont suivies ni de troubles du sens musculaire, ni d'accès d'épi-
lepsie. Les fibres arciformes sont donc les voies d'association des
conceptions motrices; en effet, dans la dernière observation de
1897, de paralysie générale avec trouble du sens musculaire à
forme hémiplégique, la couche superficielle seule des fibres tan-
gentielles était dégénérée, les fibres profondes de Bechterew et
Baillarger étaient demeurées normales, tandis que les libres arci-
formes étaient fortement dégénérées.
Voici maintenant une observation de lésion traumatique du
cerveau comparable à une expérimentation. Il s'agit d'une jeune
fille de vingt-trois ans qui, dans la première année de sa vie, a fait
une chute ayant laissé après elle paralysie et accidents convulsifs.
L'examen du crâne pratiqué par Zernow au moyen de son encé-
phalomètre permet d'établir une lésion du crâne avec destruc-
Archives, 2' série, t. IX. 27
418 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
tion du tiers moyen des ascendantes, partiellement atteintes dans
leur tiers supérieur et inférieur, et du pli courbe. On constate une
hémiplégie des extrémités droites, ainsi que de la moitié droite
de la face; de l'atrophie musculaire; un arrêt de développement du
squelette ; troubles de la sensibilité ; trouble du sens musculaire ;
attaques d'épilepsie hémilatérales corticales caractéristiques et
stéréotypées. Il y a donc un foyer dans l'écorce de l'hémisphère
gauche. Le sens musculaire est le plus fortement atteint, et,
comme la paralysie, le trouble de la sensibilité est surtout marqué
sur l'extrémité supérieure ; sensibilité normale au thorax et au
tronc. Si nous avions affaire à une lésion des voies conductrices
nous aurions une anesthésie d'un autre type et autrement disposée.
Si la lésion de la capsule interne se traduit surtout par' une affec-
tion de la sensibilité tactile et du sens de la douleur à forme
hémiplégique, le sens musculaire demeure normal ou bien le
trouble du sens musculaire s'accompagne d'accidents des organes
sensoriels élevés, par suite de l'atteinte du segment postérieur de
la capsule interne. Nous ne sommes donc pas en présence de trou-
bles de la sensibilité tenant à l'altération des voies conductrices,
nous sommes en présence de la destruction des centres de percep-
tion qui coïncident avec la région motrice. Il y a, par conséquent,
lésion surtout du milieu, mais aussi du tiers supérieur et du tiers
inférieur des ascendantes, que trahissent les convulsions et la
paralysie du membre inférieur et de la face. C'est bien la place
de la lacune osseuse trouvée par Zernow. Et le concours de
l'altération osseuse et de la localisation clinique implique l'origine
traumatique des accidents dus à une hémorrhagie cérébrale, de
cette espèce, suivie de ramollissement. Les accès d'épilepsie pro-
viennent du processus destructif de l'écorce, de la dégénérescence
des fibres arciformes accompagnée de dégénérescence secondaire
ou tout au moins de trouble fonctionnel de l'écorce qui explique
qu'ils gagnent la face. Le trouble du sens musculaire est le résul-
tat d'une lacune dans les phénomènes d'association de la région
motrice de l'écorce, et prouve que la région motrice est l'organe
psychique des conceptions motrices. Toute conception motrice
procède de l'association entre eux des mouvements appris et de
leur combinaison avec les impressions sensibles simples. Les sou-
venirs antérieurs jouent un grand rôle dans l'appréciation des
mouvements passifs en rapport avec la sensibilité cutanée et la
sensibilité musculaire. Il en est de même pour les mouvements
appris. Pour qu'on arrive à bien percevoir la qualité et la quantité
du mouvement effectué, il faut que les centres cérébraux fonction-
nent ensemble, et que, par conséquent, il y ait intégrité des fais-
ceaux d'association qui les font communiquer entre eux. Aussi la
dégénérescence des fibres arciformes sous-corticales entraine-
t-elle un trouble du sens musculaire et de l'ataxie dans les mou-
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 419
vements appris. Le trouble du sens musculaire est donc un
phénomène de déficit qui peut indiquer un processus destructif pro-
fond de la région motrice de l'écorce. P. KERAVAL.
LXII. La protection du territoire, du sang et de la circulation
du bulbe ; par A. AD : 11KIE ? ICL. (Ncurolog. Centralbl., XVII, 1898.)
Il existe un tabes syphilitique caractérisé par de l'ataxie avec
affaiblissement musculaire; on constate en outre : des paresthésies
tabétiques, des troubles fonctionnels des organes du bassin,
l'absence des phénomènes tendineux, l'intégrité de l'excitabilité
électrique du nerf et du muscle, l'intégrité de la sensibilité objec-
tive. Il se présente sous deux formes : 1° une forme subaiguë
passant à l'état chronique ordinaire ou tabes confirmé qui, à rai-
son du concours de l'ataxie et de l'affaiblissement musculaire, le
fait ressembler au tabes héréditaire de l'riedreich ou au tabès com-
biné de Westphal. - 2 Une forme aiguë aboutissant à des para-
lysies graves, se terminant par la mort quand on l'abandonne à
lui-même, ou par la guérison quand on institue à temps un trai-
tement antisyphilitique.
Quand l'ataxie se complique de paralysies, on voit la paralysie,
débutant par les membres inférieurs, envahir les muscles du bas-
sin, de l'abdomen, des membres supérieurs, de la nuque et du
cou, où elle se cantonne, soit jusqu'à la guérison, soit jusqu'à la
mort. Celle-ci est la conséquence de la paralysie des muscles du
tronc et des extrémités. Il peut arriver que la paralysie, après
avoir épuisé tous les muscles jusqu'à la tète, saute sur certains
nerfs crâniens, notamment sur l'oculomoteur commun, le facial,
l'hypoglosse.
Mais la mastication, la déglutition, la respiration et l'activité
cardiaque demeurent intactes, ce qui permet au malade entière-
ment paralysé de vivre ; son épave flotte et peut, la nature et
l'art aidant, être renflouée et sauvée.
Pourquoi le bulbe est-il épargné ? pourquoi la circulation du
bulbe est-elle préservée, tandis que la syphilis de la moelle pro-
duit l'endartérite de ce dernier organe ?
C'est que le courant sanguin qui irrigue la moelle ne vient pas
des vertébrales, il ne coule pas de haut en bas, il vient des artères
lombaires et coule de bas en haut à la moelle cervicale. Les
artères lombaires fournissent un grand canal, la grande artère
spinale d'Adamkiewicz, qui, avec les racines antérieures du plexus
sacré, arrive à la face antérieure de la moelle lombaire et charrie
de bas en haut le sang, le long de la ligne médiane de la moelle.
C'est dans celte direction que le sang va aux artères spinales laté-
rales d'Adamkiewicz, lesquelles le répartissent au réseau sanguin
qui arrose la surface de la moelle.
420 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
La grande artère spinale est, à cause de son volume, la porte
d'entrée la plus ouverte à la toxine syphilitique ; atteinte d'endar-
térite syphilitique, elle produit, de bas en haut, les lésions de la
moelle. Elle fournit une chaine anastomotique antérieure (Adam-
kiewicz) qui continue à grimper le long du sillon de la moelle, et
donne les artères du sillon. Celles-ci pénètrent dans la profondeur
du sillon comme autant d'échelons d'une échelle, s'enfoncent dans
la commissure antérieure, et se divisent en deux artères sulco-
commissurales par l'intermédiaire desquelles elles irriguent les
cornes antérieures de la substance grise. Ainsi s'expliquent les
paralysies par endartérite de la grande artère spinale et leur
marche.
Les nerfs crâniens les plus exposés à la parésie syphilitique
sont ceux qui sont les plus voisins des artères affectées par le
poison. Les uns sont affectés par le trouble circulatoire même ;
les autres par les exsudats gommeux venant des artères malades
dans les points où il existe un tissu lâche, ou bien des espaces
lymphatiques, comme dans les cavités sous-arachnoïdiennes de l'en-
céphale. C'est pourquoi sont de préférence atteints par la syphilis
les nerfs crâniens qui se trouvent près du cercle artériel de Willis
(oculomoteur commun), de l'artère basilaire (oculomoteur externe,
facial), des artères vertébrales (grand hypoglosse).
Le bulbe n'est pas atteint parce qu'il a une circulation diffé-
rente. Une injection de la moelle par la grande artère spinale
gagne le long de la face antérieure de la moelle jusqu'à la moelle
cervicale, jusqu'au point de celle-ci où les deux vertébrales perfo-
rent la dure-mère, c'est-à-dire jusqu'au point où commencent les
pyramides et où parait la première paire cervicale. Là finit la
chaîne anastomotique antérieure avec la première artère du sillon
qui irrigue les cornes grises antérieures de la première paire cer-
vicale. De même la masse de l'injection pénètre la face posté-
rieure de la moelle, et s'arrête en haut exactement à la limite du
quatrième ventricule.
Une injection de haut en bas par l'artère basilaire fait pénétrer
la matière injectée par les artères vertébro-cérébelleuses dans le
cervelet, mais non dans le bulbe.
Les deux courants sanguins cérébraux et spinaux se biisenlà la
limite du bulbe. Le bulbe est donc préservé contre le choc direct des
vagues des deux courants principaux. La circulation du bulbe l'isole
du courant de l'artère basilaire et de celui de la grande artère
spinale.
La circulation du bulbe est assurée par les deux vaisseaux qui
partent des côtés internes des deux vertébrales, sous le delta de
celles-ci, et convergent au niveau du segment inférieur des deux
pyramides.
Ce sont les artères vertébro-spinales (Adamkiewicz) qui ne vont
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 421
pas le moins du monde, comme on l'a cru, le long de la moelle
jusqu'au cône irriguer toute la moelle (on les avait appelées à tort
à cause de cela artères spinales), mais qui finissent exactement à
la limite inférieure des pyramides là où cesse justement en haut
la chaine anastomotique antérieure, au niveau de la première paire
cervicale. Une injection conduite de haut en bas, par l'artère basi-
laire, remplit ces vaisseaux sans injecter le bulbe lui-même, mais,
si on a eu préalablement la précaution de lier tous les autres vais-
seaux qui partent des artères vertébrales, on obtient, par l'injection
de l'artère basilaire, l'injection du bulbe (Mémoires de l'académie
impériale des sciences de Vienne, t. LVII, 1882). On voit alors que
les artères vertébro-spinales sont d'un calibre bien inférieur à celui
des autres artères vertébrales et que le genre et la distribution des
vaisseaux intérieurs du bulbe sont tout à fait aptes à briser le choc
de la vague vertébio-spinale. Ce n'est pas par quelques vaisseaux
de gros calibre qu'est assurée la circulation si importante de cet
organe de premier ordre, c'est par un grand nombre de vaisseaux
de tout petit calibre. Le courant sanguin qui s'y rend est donc
doublement brisé : par les artères vertébro-spinales fines qui vien-
nent des larges artères vertébrales par la résolution immédiate
en capillaires des artères vertébrospinales. Ainsi est défendu ce ter-
ritoire du plus important des centres nerveux contre les innom-
brables ennemis disséminés dans le torrent circulatoire ; ainsi est-il
préservé des mouvements ondulatoires violents et des variations
de la pression du sang qui seraient là plus dangereux qu'ailleurs.
Pour assurer l'égalité des fonctions les plus importantes il fallait
assurer l'uniformité et le calme des opérations physiologiques
par l'inviolabilité et la continuité du courant sanguin.
P. IEaavaL.
LX111. Une voie de communication de la partie caudale du cerveau
du pigeon avec le corps strié (tractus isthmostrié ou bulbostrié );
par A. WALLENBERG. (Neurolog. Centralbl., XVII, 1898.)
Expériences tendant à détruire le ganglion de l'isthme du
pigeon. L'aiguille en pénétrant dans les parlies centrales de
l'isthme a, en cette région, lésé diverses hauteurs de la limite
inférieure du cerveau moyen jusque dans le territoire de la cin-
quième paire. Méthode de coloration de Marchi. Ces altérations ont
permis de suivre un groupe de fibres constant qui va de l'isthme
dans le cerveau antérieur. On le voit, au niveau du noyau du
pathétique, sous la forme d'un cercle (section tranverse), à égale
distance du raphé, du bord latéral et antérieur de l'isthme, du
bord antérieur de la substance grise encéphalomédullaire. Au
point le plus rapproché du noyau du pathétique et du ganglion
de l'isthme, ces fibres s'entre-croisent partiellement avec celles du
422 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
côté opposé. Ce trousseau, pendant son trajet à travers le cerveau
moyen, se dirige sur la partie anléromédiane du champ postéro-
latéral de la paroi de l'infundibulum; il occupe, à la hauteur
du ganglion ecto-mamillaire d'Edinger, la partie postérieure de
ce ganglion, dont il n'est séparé que par une couche étroite ; à
partir de là il forme le segment antéro-médian du tractus strio-
thalamique ventral. Avec lui il affecte une direction transversale
sans cesser de rester près de la commissure antérieure. D'autres
fibres rayonnent en éventail en arrière et de côté vers le puta-
men ; elles forment jusque dans les régions frontales du cerveau
antérieur un faisceau longitudinal visible dans le manche de
l'éventail. Ce n'est qu'en arrière de la limite inférieure du renfle-
ment olfactif que ce faisceau s'épuise sur les côtés et en arrière
de cet organe : ses fibres se ramifient sur le bord antérieur du
corps strié, à peu près en son tiers moyen, et dans les parties
antérieures contiguës du segment le plus rapproché du noyau
lenticulaire. On se rappelle que Tschermak a, chez le chat,
trouvé des fibres communes au noyau du cordon postérieur et
au noyau lenticulaire. Il y a donc, chez le pigeon, un système
qui unit l'isthme aux parties antérieures du corps strié, et s'entre-
croise en partie dans la région inférieure du cerveau moyen. Mais
il est impossible de décider si ces fibres viennent des régions
inférieures de l'isthme ou si elles viennent du bulbe.
P. Keraval.
LXIV. Contribution à la dégénérescence descendante du cordon
postérieur; par J. ZAPPERT. (Nearolog. Centrulbl., XVII, 1898.)
Examen des pièces anatomiques de l'enfant de quelques jours
mort de syphilis (Jahrbiu : l. f. Kwule1'heilk.). On trouva une ménin-
gite limitée de la pie-mère enserrant seulement la moelle cervi-
cale et surtout à droite. Méthode de Marchi. La dégénérescence des
racines postérieures, limitée à la moelle cervicale, siège de la
méningite, plus accusée, comme celle-ci, à droite, occupe exacte-
ment l'endroit de passage des racines postérieures à travers la
pie-mère. La dégénérescence, intraspinale, a produit ladégénéres-
cence ascendante des faisceaux de Burdach, surtout à droite;
dans le champ du faisceau de Burdach, la dégénérescence est le
moins accusée au niveau de la zone postéro-externe (ceci est très
net au niveau de la moelle cervicale inférieure à droite); elle
monte très haut, malheureusement le bulbe manque. En bas, la
lésion étant limitée à la moelle cervicale, les parties latérales
droites du faisceau de Burdach ne tardent pas à apparaitre saines
dans la région des contingents latéraux du cordon postérieur. Il
demeure en revanche un reste de grains noirs entre le faisceau de
Burdach et le faisceau de Goll; cette zone de dégénérescence est
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 423
d'autant plus apparente que les cordons postérieurs sont ailleurs
indemnes de fibres dégénérées, et est encore plus accusée à droite.
Dans la moelle dorsale supérieure, une raie dégénérative, entre
le champ de Burdach et le champ de Goll, à extrémité plus
épaisse, s'étend jusqu'à la substance grise; elle se prolonge en
arrière sans atteindre cependant la périphérie postérieure de la
moelle. Cette raie diminue elle-même en bas et n'occupe plus, au
niveau de la moelle dorsale, que la partie antérieure du cordon
postérieur, vers la substance grise de la corne postérieure; elle
disparaît plus bas, de sorte qu'au niveau du tiers inférieur de la
région dorsale il faut une grande attention pour voir quelques
grains noirs dans le cordon postérieur droit et il n'y a plus rien
du tout dans la moelle lombaire même des deux côtés du sillon
postérieur. C'est la virgule de Schultze, dégénérée, comme elle
l'est chez les animaux, chez lesquels on a comprimé la moelle
dans les régions élevées. C'est la dégénérescence de la virgule de
Schultze, consécutive à une lésion des racines postérieures.
Quel rapport affecte la virgule de Schultze avec le faisceau postèro-
médian de la moelle lombaire et sacrée ? Voici une autre série de
pièces anatomiques empruntées à un adulte ayant succombé à
une compression au niveau de la deuxième paire dorsale, mais
dont l'évolution clinique n'a pas été communiquée. Le faisceau de
Schultze est fortement dégénéré des deux côtés jusqu'à la hauteur
de la onzième paire dorsale. Au niveau de la douzième paire, la
virgule a perdu sa forme, elle est remplacée par des grains irré-
gulièrement disséminés. Au niveau de la première paire lombaire
quelques grosses mottes, des deux côtés de la ligne médiane ; au
niveau de la deuxième paire lombaire, elles occupent très nette-
ment la place du faisceau postéro-inédian. Plus bas, rareté des
grains noirs ; plus bas encore impossible de les coordonner en un
groupe précis. En un mot la compression de la partie supérieure
de la moelle dorsale a provoqué la dégénérescence de la virgule
de Schultze et une lésion réelle, quoique faible, d'une zone postéro-
médiane. En outre, le cordon postérieur, dans toute la moelle
dorsale. présentait d'autres mottes noires disséminées; au niveau
de la huitième paire dorsale, on remarquait un groupe antéro-
médian peut-être un peu moins limité que la virgule de Schultze.
Plus bas, au niveau des dixième et onzième paires dorsales, il
était difficile de distinguer ces fibres médianes descendantes de celles
de la virgule; au niveau de la première paire lombaire, la zone
de Schultze ayant disparu, il reste cette dégénérescence médiane,
toujours située dans les parties antérieures du cordon postérieur;
de cette dégénérescence-là on ne constate plus qu'un faible résidu
au niveau de la deuxième,paire lombaire.- Ce qui veut dire qu'il
y a bien un faisceau posléro-médian des deux côtés delà ligne médiane ,
dont le trajet en bas est court ; qu'il y a une dégénérescence
424 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
médiane descendante, indépendante de la zone de Schultze, que
l'on peut suivre jusque dans la moelle lombaire mais qui disparaît
promptement à son tour. Nous conclurons avec f31schofi qu'une
partie des fibres constituant le faisceau posléro-médian occupe les
plans supérieurs de la moelle des deux côtés de la ligne médiane et
s'éparpille dans les parties antérieures du cordon postérieur. La plu-
part des fibres de la zone postéro-médiane paraissent provenir de
plans plus profonds.
Conclusions : i° La virgule de Schultze est, en partie du moins,
formée de fibres des racines postérieures descendantes de la région
supérieure de la moelle ; 2° A la formation du trousseau postéro-
médian prennent part des fibres descendantes que l'on voit déjà au
niveau de la moelle dorsale supérieure, dans la partie antérieure
du cordon postérieur. P. KERAVAL.
LXV. Contribution à l'étude du sens stéréognostique ; par Joseph
SAILER. (Jou1'1 ! alof nervous and mental diseuse, mars 1899.)
De l'étude de certains faits cliniques observés par lui-même,
d'accord avec les observations publiées par d'autres auteurs, et
d'après des expériences personnelles faites sur l'homme sain, l'au-
teur émet les conclusions suivantes :
10 Le sens stéréognostique est dû à une perception sensorielle
complexe dont les éléments sont probablement reçus dans le lobe
pariétal du cerveau, et ensuite reprises et analysées par un centre
ou des centres plus élevés. Il peut être perdu si l'un de ces centres
est lésé. 2° Dans le cas de lésion périphérique, c'est-à-dire
quelque lésion dans ou entre le centre du lobe pariétal et les ter-
minaisons des nerfs sensoriels dans la peau, le sens stéréognos-
tique se perd si le sens du tact disparaît, et il est grandement
altéré ou perdu si le sens de la localisation disparaît ; il est d'or-
dinaire, non toujours, altéré si le sens musculaire est perdu,
mais peut persister si toute autre forme de sensation cutanée se
perd ou se trouble. 3° Le centre de perception peut être atteint
par suite d'une lésion du cerveau, dans le cas d'apoplexie par
exemple, et dans ces cas le sens stéréognostique peut être perdu
quand bien même toutes les autres formes de la sensibilité seraient
conservées. POULARD.
LXVI. Tumeur du corps pituitaire; par les Drs L. WALLON et
CHENEY (de Boston). (Journ. of ne¡'vous and mental disease, 1899.)
C'est le cas d'un médecin âgé de vingt-six ans qui-mourut deux
ans et demi après l'apparition des premiers symptômes. Ces symp-
tômes furent : des céphalées progressives augmentant de violence
- des troubles visuels nombreux : asthénopie, perte du champ
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 425
visuel temporal de l'oeil gauche et plus tard, perte du champ visuel
nasal de l'oeil droit (hémianopsie homonyme) ; diminution de
l'acuité visuelle dans les deux yeux; plus tard perte de la vision
des couleurs dans le champ visuel temporal droit, par ailleurs
normal ; apathie intellectuelle progressive, somnolence, fai-
blesse physique générale.
Ce malade était un homme solide, aux traits forts et aux extré-
mités grandes : large nez, lèvres très épaisses, forte langue, grosses
mâchoires avec séparation des dents.
A l'autopsie : tumeur du corps pituitaire diagnostiquée : péri-
thélial angiosarcoma (endothélioma). Une petite partie de cette
tumeur était formée de petits tubes serrés les uns contre les autres,
certains étaient dilatés et contenaient une substance colloide. Un
certain nombre des cellules qui entraient dans leur constitution
avaient tendance à prendre le colorant éosine comme celles de la
glande pituitaire normale après fixation dans le liquide de Zenker.
De ces faits l'auteur conclut : 1° Certaines particularités congé-
nitales dans la croissance de certaines parties du corps ressem-
blant à celles de l'acromégalie, mais survenant sur des individus
par ailleurs bien portants, peuvent indiquer un défaut dans la
structure de la glande pituitaire, défaut qui peut dans la suite, être
le point de départ d'une tumeur pituitaire. - 2° L'apparition n
d'une tumeur pituitaire sans symptômes évidents d'acromégalie
ne permet pas de conclure nécessairement à l'absence de relation
entre glande pituitaire et acromégalie, car la persistance d'une
quantité même petite de tissu glandulaire sain est suffisante pour
perpétuer la fonction du corps pituitaire. -3° La réunion des symp-
tômes généraux d'une tumeur encéphalique avec l'atrophie
optique, et la perte du champ visuel temporal rend le diagnostic
de tumeur pituitaire presque certain. - 4° L'héiniacliromatopsie
n'est pas nécessairement d'origine centrale. Pool\rd.
LXVII. Notes sur les propriétés toxiques du sang dans l'épilepsie ;
par C.-A. HERTER. (Journal of nervous and mental diseuse,
février 1899.)
C.-A. llerter a fait de soigneuses recherches sur la toxicité du
sang des épileptiques, mais elles n'ont pas permis de tirer des con-
clusions positives. Dix fois, sur onze épileptiques observés, l'aug-
mentation de toxicité ne fut pas constatée. Dans un cas seulement
le sang était plus que normalement toxique.
Il est permis de supposer que cette méthode, suffisante pour dé-
montrer l'augmentation de toxicité du sang dans la pneumonie,
l'urémie, n'est peut-être point suffisante pour indiquer de légères
variations de la toxicité du sang. Ce sont ces considérations qui
empêchent l'auteur de tirer des conclusions précises sur l'exis-
426 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
tence ou l'absence de la toxicité du sang chez les épileptiques.
D'intéressants détails sont fournis sur la technique employée dans
ces expériences. P.
LXVIII Rigidité de la colonne vertébrale; par Philip ZNr;rn, Cin-
cinnati. (Journal of nei-voits and mental diseuse, novembre 1899.)
L'auteur rapporte un bon nombre d'observations de rigidité de
la colonne vertébrale faites antérieurement. Dans toutes ces obser-
vations il y a toujours « rigidité de la colonne vertébrale », accom-
pagnée, presque toujours, d'une déformation fixe consistant en
une courbure cyphotique arrondie de la région dorsale supérieure,
et une disparition de la concavité normale de la région lombaire.
Dans certains cas, il y a seulement « rigidité de la colonne ver-
tébrale ». Dans beaucoup, il s'y joint une ankylose des articulations
costo-vertébrales. Dans plusieurs, l'ankylose s'étendait aux articu-
lations de la hanche (Oppenheim, Strümpell, Baumier). Dans
d'autres enfin les articulations scapulo-humérales étaient aussi
immobilisées (Mutterer, deux cas observés par M. Marie et qualifiés
cr spondylose rhizomélique »).
Dans deux cas (Oppenheim, Bechterew) on a observé des trou-
bles attribués à une atteinte des racines rachidiennes (troubles de
sensibilité objective et subjective, faiblesse et atrophie musculaires).
Dans les trois observations de Zenner, il y a ligidité de la colonne
vertébrale sans atteinte à aucune autre jointure.
Il est difficile de dire jusqu'à quel point il est permis de réunir
ces diverses affections dans un même groupe.
Certaines ont très évidemment un caractère arthritique (ankylose,
crépitation des jointures, ostéophytes sur les vertèbres). Mais il
n'est pas évidentque tous les cas soient primitivement arthritiques.
Dans deux des cas qu'il rapporte, il a au contraire l'impression
que la manifestation primitive est un trouble musculaire. Les dou-
leurs ressemblaient beaucoup à celles du rhumatisme musculaire,
il n'y avait aucun symptôme articulaire et l'un des deux malades
présentait divers symptômes spasmodiques et disait toujours qu'il
était plus grand le matin au réveil que le soir au momeut de se
coucher. Foulard.
LXIX. Un cas de tumeur de la moelle épinière ; par le Dur Joseph
COLLINS. New York neurological Society. (The journal of nervous
and mental discase, janvier 1899.)
Cette tumeur, un sarcome à cellules rondes, siégeait au niveau
des deux dernières vertèbres dorsales et des deux premières lom-
baires. La symptomatologie eut comme caractères dignes de
remarque : (1) début soudain ; (2) perturbation complète et simul-
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 427
tanée des fonctions vésicales et intestinales (incontinence fécale,
et rétention d'urine) ; (3) paraplégie douloureuse ; (4) douleur
localisée dans le dos; (5) absence de douleur névralgique irradiée
dans les extrémités; (6) précoce apparition de troubles trophiques
sous forme d'une eschare. ' P.
LXX. Paralysie du plexus brachial par compression; par le Dr
William-M. Leszynsky. (The journal of neuuous and mental diseuse,
novembre 1899.)
Paralysie du plexus brachial des deux bras par compression.
Biceps paralysé. Extenseurs et deltoïde extrêmement faibles. Atro-
phie au niveau de l'articulation de l'épaule. Pas de troubles sensi-
tifs. Excitabilité faradique perdue pour les neris et les muscles.
La paralysie a duré trois mois.
Cause : Paralysie survenue après ablation d'une tumeur abdo-
minale, consécutivement à la pression exercée pendant une heure
et demie par un appareil de maintien. D'ordinaire la pression de
cet appareil s'exerce entre la clavicule et la première côte. P.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
XLII. Un cas d'ivresse furieuse; par le Dr FRANcoTTE. (Bull. de la
Soc. de méd. ment, de Belgique, 1899, n" 94.)
11 s'agit d'un homme de vingt-trois ans, qui, à la suite de liba-
tions trop renouvelées, fut pris à la fin de la journée d'un délire
furieux au cours duquel il commit plusieurs actes de violence. Le
lendemain au réveil le malade ne conservait aucun souvenir des
actes accomplis pendant la période délirante.
Cet homme n'étant ni un buveur d'habitude, ni un dégénéré,
M. Francotte estime, étant donnée la courte durée des accidents
qu'il a eu affaire à un cas d'ivresse pathologique et non de délire
alcoolique aigu et il a conclu à l'irresponsabilité. G. DENY.
LXIII. Le délire de la jalousie ; par le D, Villers. (Bull. de la
Soc. de méd. ment, de Belgique, 1899, nos 93 et 94.)
Ce travail se termine par les conclusions suivantes :
Certains sujets sont atteints d'un trouble mental caractérisé par
428 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
une jalousie excessive, absurde, injustifiée, qui peut s'amplifier au
point de donner naissance à un délire, le délire de la jalousie.
Cette affection débute par des troubles du caractère, puis des
soupçons ridicules se font jour ; enfin, on voit éclater, provoquées
le plus souvent par des illusions et des hallucinations, des scènes
violentes, qui peuvent aller jusqu'au meurtre et au suicide. Dans
la grande majorité des cas, ce délire est accompagné d'idées
obscènes.
Parmi les causes de cette maladie, il faut citer en première
ligne la dégénérescence psychique, dont tous les sujets sont
atteints; vient ensuite l'alcoolisme qui, uni à la dégénérescence,
engendre presque tous les cas. Enfin on peut signaler l'hystérie, la
neurasthénie, les troubles des fonctions génitales chez la femme,
les traumatismes cérébraux, la sénilité, etc.
Outre les causes énumérées ci-dessus il en est d'autres, dont
l'influence est du reste secondaire ; ce sont les causes morales tels
que les chagrins. On peut encore citer comme facteur de cette
maladie le souvenir de faits passés, qui provoque parfois une
jalousie morbide que l'on peut appeler jalousie rétrospective.
Au point de vue neurologique le délire de la jalousie doit être
considéré comme une forme de paranoïa. La plupart des cas sont
des variétés de paranoïa alcoolique ; les autres relèvent de la pa-
ranoïa sexuelle.
Le diagnostic entre la jalousie passionnelle exagérée et le délire
de jalousie est parfois difficile : dans le premier cas le caractère
morbide se reconnaîtra par ce fait que la durée, l'intensité de la
passion et les réactions qui en résultent, ne sont nullement en rap-
port avec l'intensité des causes qui leur ont donné naissance. Dans
le second cas, les illusions, les hallucinations, les interprétations
délirantes permettent d'affirmer l'existence du délire et de la folie.
Le délire de la jalousie est aigu ou chronique. S'il est aigu, il a
pour cause l'ivresse ; il naît et disparait ordinairement avec elle.
Mais si les atteintes de délire aigu se répètent, elles peuvent pro-
duire un délire chronique. Ce dernier évolue très lentement et per-
siste, avec tous ses caractères, pendant des années. La guérison
est exceptionnelle et la terminaison ordinaire est la démence.
La médecine légale se ramène à une question de diagnostic. En
cas de délire de la jalousie bien caractérisé, l'irresponsabilité s'im-
pose. Dans les cas de jalousie excessive, non délirante, la respon-
sabilité est également atténuée parce que, sous l'influence de cette
passion, le jugement se fausse et la qualité de la personne morale
s'altère plus ou moins profondément 1. G. Deny.
' M. le Dr Villers a réuni ses travaux sur les délires de la jalousie
dans une brochure de 100 pages. (Bruxelles, Henni Lamertin, édit.,
20, rue du Marché-aux-Bois.)
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 429 9
LXIV. Note sur des attaques frustes d'épilepsie constituées par
les derniers phénomènes de la grande attaque; par M. FÉRÉ.
(Journal de Neurologie, 1899, n° 22.)
Les faits observés jusqu'à présent permettent de douter que dans
la dissociation de l'accès d'épilepsie et dans l'épilepsie fruste d'au-
tres phénomènes que les phénomènes précurseurs ou les phéno-
mènes de l'aura soient capables de se présenter isolément.
Trois observations relatées dans ce travail prouvent que les phé-
nomènes tardifs et conscients (céphalée, crises de sanglots, accès
de vomissements) peuvent aussi se manifester isolément et ronsti-
tuer des attaques frustes. G. D.
XLV. Sur la manière de prendre soin des épileptiques; par John
H. Lord. (The Journal of Mental Science, juillet 1899.)
L'auteur s'occupera dans ce travail non seulement des épilep-
tiques aliénés, mais aussi des épileptiques sains d'esprit; et la
première question qui se pose est celle des aménagements à leur
fournir ; elle n'est pas aisée à résoudre, et l'on devra, à cet égard,
se guider principalement sur lé h pe d'épilepsie auquel on a af-
faire ; à ce point de vue on peut grouper les épileptiques en 4
catégories : 1° grosses lésions cérébrales, telles que ramollisse-
ments localisés, gommes syphilitiques, traumatismes, etc. ; 2° al-
coolisme chronique, syphilis en tant que virus, saturnisme, etc.,
sans signes de lésion cérébrale localisée ; 3° cas hystéroïdes, assez
incurables pour être rangés avec l'épilepsie vraie ; 4° épilepsie
congénitale, souvent associée à l'imbécillité ; H" épilepsie idiopa-
thique. Il est évident que le premier groupe, par exemple,
demande à être hospitalisé. Il faut examiner encore, au point de
vue du placement des épileptiques, dans quelle mesure leurs
facultés mentales sont atteintes ou intactes, et aussi à quel genre
d'occupation ils sont aptes.
L'auteur s'occupe ensuite de la santé physique des épilep-
tiques et des causes de la mort chez ces malades, et il insiste
sur l'extrême fréquence de la tuberculose pulmonaire.
Tout ce que l'on peut dire au sujet de l'amélioration des amé-
nagements destinés aux épileptiques aliénés est naturellement
applicable à plus' forte raison encore aux épileptiques sains
d'esprit : il faut noter d'ailleurs que le passage de la raison
à la folie, chez ces malades, est commun, et que l'on perd
le plus souvent entre le début de la maladie et le début des
troubles mentaux un temps qui serait précieux à utiliser pour le
traitement. Sans aller jusqu'à l'assertion extrême qu'aucun épi-
leptique ne devrait être en liberté, il faut reconnaître qu'il y a lieu
de s'occuper d'un tel malade, et tout au moins de le surveiller,
430 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
lorsque ses parents et ses amis ne peuvent pas le faire, et cela au
moyen d'institutions appropriées ; c'est l'intérêt bien compris du
malade et de la société, et l'auteur développe ce double point de
vue. Puis il passe en revue les diverses institutions consacrées au
traitement des épileptiques ; nous le suivrons rapidement dans
cette revue. -
Eu 1889, on fonda. à Maghull, près de Liverpool, un « home »
pour les épileptiques non aliénés, des deux sexes; ce «home» »
qui est (litige uniquement par une surveillante et un personnel
d'infirmières, a admirablement rempli sa mission. Un détail à
noter : au début, il n'y avait pas d'homme dans la 'maison et on
souleva dans la presse la question de savoir si les malades du sexe
masculin ne devaient pas être soignés par des hommes. Les infir-
mières s'acquittaient si bien de leur besogne, beaucoup mieux,
selon l'avis de la commission, que n'eussent fait des infirmiers,
que ce fut uniquement pour donner satisfaction à l'opinion publi-
que qu'un infirmier leur fut adjoint. Il reste, d'ailleurs, tout à fait
au second plan et n'a guère d'autre rôle que de protéger les infir-
mières, en cas de délire passager d'un des pensionnaires. Le
nombre des malades de l'établissement est de 119, chez lesquels
on constate une amélioration à la fois de l'état général et de l'état
pathologique.
Vient ensuite le Meath Home pour les femmes et les filles épi-
leptiques, à Westbrook, dans le comté de Surrey. L'établissement
est petit (20 malades), mais donne, lui aussi de très satisfaisants
résultats.
En 1894, on voit apparaître une tentative plus vaste en faveur
des épileptiques sains; lagénérositèdeM. E. Passmore permet d'ou-
vrir le premier bâtiment de ce qui est en passe de devenir une
grande colonie d'épileptiques à Cllalfont-Saint-f'eters, dans le
Buckinghamshire. Le but de cette institution est : 1° de faire quit-
ter la ville aux épileptiques pour les installer à la campagne; 2° de
leur donner une occupation régulière ; 3° de favoriser chez eux
une existence régulière et bien ordonnée, à l'abri de toute excita-
tion, avec abstinence complète à l'égard de l'alcool, et de leur
fournir une nourriture simple et abondante. La colonie a débuté
en 1891 avec 9 malades, elle en renferme aujourd'hui 85 et s'amé-
nage actuellement pour en recevoir 200.
Sous l'inspiration du Comité des asiles de Manchester et de
Chorlton et en partie grâce à'l'influence et aux efforts du Dr Qui.
Rhodes, une colonie pour les imbéciles et les épileptiques va être
créée près de Rivington, dans le Lancashire ; elle sera imitée de
celle d'Alt-Scherbitz. Du Lancashire et du Dr Bhodes aussi vient
la pensée de créer à Chelford une colonie pour les épileptiques
sains d'esprit.
Enfin, le plus récent projet émane du Conseil de comté de
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 431
Londres, qui a décidé de construire à Horton une colonie de tra-
vail pour les épileptiques aliénés, qui recevra environ 300 malades.
L'auteur entre ensuite dans quelques détails sur la statistique
des épileptiques en Angleterre et sur le prix de revient de leur
entretien, puis il termine par une très sommaire revue des insti-
tutions consacrées à ces malades dans les autres pays. La première
en date est l'hôpital de l'Ohio, ouvert en 1893 et actuellement en
mesure de réunir 900 malades. Des établissements analogues
existent dans les Etats de Pennsylvanie, de New-Jersey, de Californie,
et de Massachusetts; mais le plus remarquable est la colonie de
Craig, il Sonyea, dans l'Etat de New-York, ouverte en 1896. Deux
points sont à noter dans cette colonie, d'abord l'établissement
d'une école d'infirmiers et d'infirmières où sera enseigné spéciale-
ment l'art de soigner les épileptiques, ensuite l'organisation mi-
nutieuse et prévoyante de tout ce qui peut servir à l'étude clinico-
pathologique de l'épilepsie. L'auteur ne fait que mentionner la
colonie bien connue de Bethel, à Bielefeld, près de Hanovre, qui
ayant débuté par recevoir 4 épileptiques, contient aujourd'hui plus
de 3.000 personnes, et il termine en rappelant seulement les
noms des établissements analogues de Alt-Scherbitz,Uchtspringe,
Dalldorf, 'VÜhlgarten, etc. R. de 1)[USCRAVr-CL.Y.
XLVI. Les points de similitude entre la folie épileptique et la
folie alcoolique; par R.-H. NOOTT. (T7ee Journal of Mental
Science, juillet 1898.)
Les analogies qui existent entre la folie alcoolique et la folie
épileptique ont été déjà signalées. Le présent travail a pour but
de montrer de nouveau ces analogies, plus spécialement dans les
actes criminels de violence commis dans ces deux états et dans
les phénomènes mentaux qui précèdent ces actes et conduisent à
leur accomplissement. L'analogie existe aussi bien à l'état chro-
nique qu'à l'état aigu ; mais l'auteur se borne ici aux formes
aiguës, et par là il entend d'une part l'état aigu d'alcoolisme ou de
manie alcoolique et d'autre part la période paroxystique de la
folie épileptique, celle qui est en rapport immédiat avec les crises.
Il espère démontrer qu'il existe souvent dans la manie alcoolique
aiguë un état identique à l'état dit d'automatisme mental qui est
caractéristique de l'état post-épileptique, et une période durant
laquelle, bien que la conscience soit abolie, des actes compliqués
et intentionnels peuvent être exécutés sans que le malade en con-
serve le moindre souvenir après l'attaque. Il rapporte sommaire-
ment dix observations très démonstratives à l'égard de la thèse
qu'il soutient, et il fait remarquer que bien que la perte absolue du
souvenir des actes accomplis soit aisée à simuler et que la plupart
du temps cette simulation soit particulièrement avantageuse au
432 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
malade, toutes les précautions possibles ont été prises ici pour
éliminer cette cause d'erreur.
Ces observations sont suivies de remarques que nous résumons
ici. Bn se reportant aux travaux de Hughlings Jackson sur les folies
épileptiques, on peut se demander si la manie alcoolique n'est pas
la conséquence d'une « lésion de décharge » analogue à celle de
l'épilepsie. L'état où sont placés les centres nerveux les plus élevés
par l'ingestion d'une quantité immodérée et toxique d'alcool déter-
mine des phénomènes mentaux très semblables à ceux que l'on
observe dans la manie épileptique. Pourquoi n'y aurait-il pas une
lésion de décharge semblable aussi ? Quant à la perte de cons-
cience, elle peut, dans un cas comme dans l'autre, être complète
ou incomplète. En ce qui touche les rapports de la conscience
avec l'activité des centres nerveux les plus élevés, les cas rappor-
tés et tous les cas semblables confirment nettement l'opinion de
H. Jackson et de divers auteurs sur la matière, c'est-à-dire la doc-
trine de concomitance que II. Jackson a formulée dans les termes
suivants : « 1° les états de conscience diffèrent totalement des
états nerveux des centres nerveux les plus élevés ; 2° les deux
états sont simultanés, parce que tout état mental implique un état
nerveux corrélatif; et 3° malgré le parallélisme des deux états,
il n'y a entre eux aucune interférence. »
L'auteur étudie ensuite les points de ressemblance entre les
deux catégories de cas. L'observation clinique nous apprend que
d'une manière générale les attaques légères d'épilepsie sont plus
souvent suivies de manie que les attaques violentes. Dans la manie
épileptique comme dans la manie alcoolique, on observe des de-
grés variables d'intensité et de dissolution (ce mot pris au sens
que lui donne H. Jackson), correspondant à des manifestations
nerveuses variables elles aussi. Par exemple dans certains cas
d'épilepsie, la « décharge-» initiale est suivie d'un coma profond
et court, d'une complète démence transitoire ; les mêmes phéno-
mènes peuvent être observés dans l'alcoolisme aigu. A la vérité,
les convulsions accompagnent le coma épileptique, mais, si elles
sont bien moins fréquentes, elles se rencontrent pourtant aussi
dans l'alcoolisme aigu. Dans quelques cas, aussi bien chez l'alcoo-
lique que chez l'épileptique, les communications étant coupées
entre les centres moyens et inférieurs, alors dans un état très
accentué d'instabilité, et les centres supérieurs qui exercent nor-
malement sur eux une action de contrôle et de protection on voit
se manifester des actes de violence et de destruction accomplis
sans aucun but. Chez d'autres malades, mais dans les deux mala-
dies aussi, les actes ont un caractère complexe et un but. Quel-
quefois la conscience est entièrement abolie, mais quelquefois
aussi il subsiste une conscience partielle mais ne possédant qu'un
degré d'activité insuffisant pour permettre à la réflexion et au
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 433
jugement d'exercer leur influence protectrice sur les activités des
tractus sensitivo-moteurs correspondants.
Quelquefois le malade présente, au moment même de l'acte, des
idées délirantes, des illusions, des hallucinations qui aboutissent
à l'acte de violence; mais dans l'étude de ces faits, dans les-
quels les activités nerveuses les plus élevées sont engagées indé-
pendamment de la conscience, on se trouve en présence d'une
difficulté grave qui est la suivante : tandis que les activités motrices
se prêtent à l'étude objective, les activités sensorielles étant pure-
ment subjectives, on est obligé de s'en rapporter, en ce qui les
concerne, aux renseignements fournis par le malade. Ce qui pa-
rait démontré, c'est que la mise en jeu de ces dernières activités
se rattache souvent à la peur. Chez l'alcoolique comme chez l'épi-
leptique, l'accomplissement de l'acte de violence est souvent ac-
compagné d'une sensation de soulagement (détente nerveuse).
Enfin, les traumatismes de la tête, l'insolation qui déterminent
souvent l'épilepsie favorisent certainement l'apparition des effets
extrêmes de l'alcool. L'auteur insiste en terminant sur la grande
importance de ces deux formes de folie au point de vue médico-
légal. R. DE IUSGR.1VE CLAY.
XLVII. Le mal de tête dans l'épilepsie; par L. Pierce CLARS.
(The New York médical Journal, 19 juin 1897.)
La céphalalgie est l'un des plus importants parmi les symptômes
post-convulsifs de l'épilepsie ; elle ne manque presque jamais,
et de quelque façon qu'ils la décrivent, les malades la rapportent
toujours à la môme partie du crâne : la région frontale. Diverses
théories ont été invoquées pour l'expliquer ; toutes sont hypothé-
tiques. On peut admettre pourtant que l'épuisement nerVeux con-
sécutif à l'énorme décharge d'énergie corticale qui caractérise la
crise épileptique suffit à justifier l'existence de cette céphalalgie;
mais certains physiologistes soutiennent' que la céphalalgie ne
prend jamais naissance dans le tissu cérébral, et beaucoup de
psychologistes assurent que toute sensation a nécessairement une
origine périphérique. Aux premiers tout au moins on peut répon-
dre par l'argument tiré de la céphalalgie qui succède à une sim-
ple fatigue cérébrale par excès de travail et qui ne peut être due
qu'à l'épuisement des centres nerveux impliqués dans l'excès
d'activité mentale.
Il est intéressant de noter que le mal de tête est beaucoup plus
intense chez les malades qui n'ont, après l'attaque, que peu ou
point de sommeil que chez ceux qui ont un sommeil prolongé. Il
est à remarquer aussi qui est particulièrement violent chez les
épileptiques qui ont eu pendant l'attaque les plus grands mouve-
ments convulsifs, et qu'il est aisément soulagé précisément par
Archives, 2' série, t. IX. 28
434 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
les médicaments qui, dans tous les autres points du corps,
agissent particulièrement sur la fatigue pour la calmer, comme
l'opium et la morphine. Il est toutefois préférable de s'abstenirde
ces médicaments. On voit d'après ce qui vient d'être dit qu'il faut
toujours engager les épileptiques à dormir après l'attaque '. Bien
des phénomènes post-convulsifs, tels que l'automatisme, le délire,
et même les folies épileptiques, sont provoqués ou précipités par
un entourage malavisé qui se hâte de réveiller le malade. On peut
ajouter que le pronostic doit être beaucoup plus réservé chez les
malades qui n'ont pas de période de sommeil après l'attaque et
chez ceux qui ont de la céphalalgie frontale constante et violente
que chez les autres. R. de l\ ! USG11.AVE Clay,
XLVIII. Epilepsie et digestion ; par Edgar J. SPnATLmG. (The New
York médical Journal, ler octobre 1898.)
La digestion parfaite est l'antagoniste de toutes les névroses
fonctionnelles : en effet la nutrition parfaite de la cellule nerveuse
en assure l'intégrité.
L'auteur n'a pas vu un seul cas d'épilepsie idiopathique dans
lequel l'alimentation ne pût être mise en cause : il est évident
qu'il y a d'autres causes, mais les digestions défectueuses et le
défaut d'assimilation sont certainement à la racine du mal. Il est
remarquable de voir de quelle manière une série de crises épilep-
tiques est interrompue par un nettoyage complet du tube diges-
tif. Sur plus de cent cas pris au hasard, l'auteur n'a pas rencontré
une seule fois un état normal de la nutrition : dans 40 p. 100 des
cas l'estomac était dilaté : dans 90 p. 100 du catarrhe gastro-in-
testinal existait. R. de 111USGRAVE CLAY.
XLIX. Etude sur les troubles de la conscience dans l'épilepsie; par
Pierce Clam. (The New York nzedical Journal, 11 septembre 1897.)
Après une assez longue discussion sur la définition de la cons-
cience et ses modalités, l'auteur fait remarquer que lorsqu'on parle
des troubles de la conscience comme d'un symptôme essentiel de
l'épilepsie, cela ne veut pas dire que l'on considère ces troubles
comme le dernier terme de la symptomatologie, car au-dessous
de ces troubles et plus profondément, il y a des modifications dans
les atomes constituants des molécules qui comprennent les cellules
nerveuses; seulement on est obligé de désigner ces modifications
par le signe appréciable qui les représente. Pendant longtemps,
on a défini l'épilepsie « une perte de la conscience avec état con-
vulsif » et il est certain que, dans une attaque d'épilepsie vraie,
ni l'un ni l'autre de ces deux éléments ne doit ni ne peut manquer
complètement ; mais on a certainement attaché trop d'importance
au côté purement moteur de la crise épileptique; des altérations
' Telle est notre pratique. (B.)
, REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 435
plus importantes et non moins marquées existent en effet dans les
centres supérieurs. La nature et le degré du trouble mental ont
une bien autre importance que l'état convulsif; et il serait plus
juste, au point de vue.symptomatologique, de définir l'épilepsie
un désordre de la conscience, puisque c'est là le seul symptôme
qui soit constant, et qui appartienne aussi bien à la forme psy-
chique qu'à la forme convulsive. Si l'auteur avait à fournir une
définition de l'épilepsie, il proposerait celle-ci :
« L'épilepsie est une maladie caractérisée par un état périodi-
« quement désordonné de la conscience, pouvant ou non être
« précédé, accompagné ou suivi de convulsions musculaires per-
« ceptibles ou non. »
On peut dire qu'il y a dans les attaques épileptiques trois degrés
de troubles de la conscience : 1° La perte complète de la cons-
cience normale et même de toute conscience proprement dite ;
2° Une atténuation de la conscience normale, celle-ci restant
toutefois coordonnée et capable d'enregistrer de faibles impres-
sions ; 3° Une accentuation ou une exaltation de la conscience.
Dans ce dernier cas, l'auteur admet qu'un abaissement plus ou
moins général de la tonicité des centres supérieurs aboutit à une
exagération de l'état de conscience, en sorte que la conscience
ainsi exagérée ou unifiée, ne reçoit plus de stimulations ou d'im-
pressions mentales appréciables par les voies ordinaires de com-
mnnication avec le monde extérieur; il n'ignore pas que cette
manière de voir n'est guère démontrable psychologiquement ; mais
c'est du moins l'hypothèse qui explique le mieux les faits cliniques
que l'on rencontre dans certains cas rares de somnambulisme et
dans les états connexes d'épilepsie somnambulique.
Un des points les plus difficiles à expliquer, c'est qu'un état d'in-
hibition ou d'exagération de la conscience puisse exister chez un
épileptique sans être suivi de convulsions apparentes. Dans cet état
le malade peut se livrer à toutes sortes de violences même homi-
cides. Peut-être l'explication de cet état d'inhibition - dans lequel
il y a une tendance vers l'unité de conscience, - peut-elle être
trouvée dans le brusque arrêt d'activité de certains centres : on
peut très bien concevoir qu'un phénomène d'arrêt soit ici aussi
désastreux qu'un phénomène de décharge nerveuse.
La première forme dont il a été parlé plus haut, c'est-à-dire la
perte absolue de la conscience, est de beaucoup la plus commune
dans l'épilepsie ; la seconde forme, où la perte de conscience est
incomplète ou atténuée, s'observe surtout chez les malades qui ont
pris beaucoup d'agents sédatifs (comme les bromures) et qui n'ont
plus que de légères décharges des centres corticaux. Les états
qui relèvent de la troisième forme tendent au somnambulisme, ou
plutôt à l'automatisme, car le somnambulisme, vrai dans l'épi-
lepsie est probablement très rare.
436 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
Les troubles mentaux que l'on observe chez les épileptiques sont
absolument tels que la logique les fait prévoir : le premier de ces
troubles c'est la difficulté et la lenteur avec lesquelles le malade
revient à son état normal, difficulté et lenteur qui vont en aug-
mentant à chaque nouvelle attaque, et laissent finalement des
traces permanentes ; il y a là moins de la folie qu'une déchéance
mentale progressive due au caractère incomplet de chaque retour
successif à la conscience normale.
- L'intensité et la longue durée de la prostration physique ne
trouvent pas toujours une explication suffisante dans les phéno-
mènes convulsifs ; et cette explication devient radicalement insuf-
fisante quand il s'agit du petit mal, et dans certaines crises psy-
chiques totalement dépouvues de convulsions.
La mémoire se perd progressivement, toujours par le même
processus de réparation incomplète après chacune des attaques.
Les formes d'aliénation mentale que l'on rencontre dans l'épi-
lepsie sont elles-mêmes en harmonie avec le processus de déchéance
mentale continuelle et progressive qui les provoque : elles ne com-
portent pas d'ordinaire de délire systématisé. Il semblerait que les
désordres moteurs, sensoriels et psychiques que l'on rencontre
dans les autres formes de folie trouvent ici leur équivalent ou leur
compensation dans l'attaque épileptique. R. de IUSUnAI'E CLAY.
L. Influence de l'hypertrophe lymphoïde sur l'épilepsie; par
Urban G. HITCHCOCK. (The llrew York medical Journal, 5 novembre
1898.)
Il s'agit d'un enfant qui présentait des attaques d'épilepsie attei-
gnant parfois le chiffre de dix par jour, et plus tard des symp-
tômes de petit mccl. Le bromure n'avait donné aucun résultat, et
le médecin qui le soignait ayant remarqué que l'enfant respirait
par la bouche fit examiner les fosses nasales par un spécialiste :
leur arrière-cavité était encombrée par des masses lymphoïdes dont
l'ablation fut suivie de la disparition des attaques ; elles reparu-
rent, mais disparurent de nouveau après une opération complé-
mentaire : il est juste de dire qu'elles firent de nouveau une
réapparition it la suite d'un coup sur la tête, et qu'elles n'ont pas
cessé depuis. On peut conclure de là que si les végétations adé-
noïdes ne sont peut-être pas capables de causer par elles-mêmes
l'épilepsie, elles peuvent tout au moins exercer une influence sur
ses manifestations. R. de Musgrave CLAY.
LI. Sur la nécessité d'étudier de près l'épilepsie; par L. Pierce
CLARK, (The New York médical Journal, 18 septembre 1897.)
L'épilepsie doit être étudiée de très près parce qu'elle est la
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 437
maladie qui comporte à la fois des phénomènes somatiques et des
phénomènes mentaux , et qui représente en quelque sorte le lien
entre les modifications du tissu organique et les modifications in-
tangibles de l'activité mentale. Par exemple il serait fort intéres-
sant de rechercher, dans la crise épileptique, quels sont les
muscles qui sont impliqués les premiers dans la convulsion, et de
mesurer, au moyen d'appareils de précision, l'énergie de cette
convulsion. Les troubles de la conscience, et leurs déplorables
effets, n'ont été, eux aussi, que médiocrement étudiés; cette étude
jetterait pourtant une grande lumière sur le mécanisme d'autres
troubles mentaux, et particulièrement de ceux qui se rattachent
à des états convulsifs. On considère trop volontiers l'épilepsie
comme unemaladiede la motricité, et cen'est guèrequerécemment
qu'on a un peu abandonné cette manière de voir. Le premier
symptôme auquel il faut attacher une importance capitale
est l'aura ; en effet, on s'aperçoit souvent, en serrant de près les
faits, que ce que le malade ou les assistants appellent l'aura n'est
autre chose que le début de l'attaque. - Un autre symptôme qui
mérite une attention particulière c'est la perte de la conscience,
qui très souvent n'est pas absolue, et dont il importerait de mesurer
le degré d'abolition ou de conservation : il faudrait aussi observer
soigneusement le mécanisme du retour à l'état de conscience nor-
male. 11 y a'encore un sujet d'étude très important : c'est l'in-
fluence de l'attaque isolée sur la mentalité du malade et sur les
processus physiologiques de son organisme. Tous ces points sont
l'objet de sérieuses investigations à la colonie des épileptiques de
Craig (dans l'Etat de New-York) et feront l'objet de publications
ultérieures. R. de MUSR.9VE CLAY.
LU. Epilepsie et surmenage oculaire; par John S. Kirkendall.
(The New-York médical Journal, 47 avril 1897.)
Résumé de quatre cas dans lesquels la correction d'un défaut
visuel a déterminé chez des épileptiques soit une amélioration
considérable soit une guérison complète. L'auteur croit fermement
que les irritations périphériques sont la cause d'une grande partie
de nos troubles nerveux, et que le surmenage oculaire figure au
premier rang de ces irritations : c'est pourquoi il conseille de
rechercher ces causes d'irritation le plus tôt possible afin d'y
remédier avant que leurs effets névropathiques soient devenus
permanents. R. de MUSGRAVE CLAY.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ lII;DICO-PSI'CUOLOGIQU1;
Séance du 29 janvier 1900. - Présidence de MM. J. Voisin
ET Magnan.
Installation du bureau.
M. J. Voisin passe en revue les différents travaux de la Société
dans le cours de l'année qui vient de s'écouler et se loue de la
bienveillance des membres de la société qui lui ont facilité sa
tâche de président. Il invite ensuite M. Magnan à prendre place pour
la seconde fois au fauteuil de la Présidence.
M.. Magnan remercie ses collègues de l'avoir appelé à présider
la Société pendant l'année de l'Exposition, qui va attirer à Paris
un si grand nombre de d'aliénistes ; il se félicite d'avoir à côté de
lui comme vice- Président M. le Professeur Joffroy et remercie
M. Ritti pour son zèle infatigable de secrétaire général. Il souhaite
enfin que les questions étudiées par la Société soient de plus en
plus nombreuses pour le plus grand bien-être des aliénés.
Projet de synthèse de toutes les classifications de la folie.
M. TOULOUSE propose d'appeler psychies les états mentaux, fon-
damentaux et psychoses les formes morbides. La psychie peut se
présenter sous deux états différents : la faiblesse intellectuelle
(meiopsychie) ou le simple trouble (dyspsychie).
La meiopsychie comprendra toutes les faiblesses intellectuelles
aussi bien acquises que congénitales.
Les psychies devront être divisées d'après l'âge où elles se sont
manifestées : en débilité mentale jusqu'à la puberté et en démence
après cette limite.
Il résulte de cette division qu'un cas de paralysie générale,
selon qu'elle surviendra avant ou après la puberté, sera appelée
idiotie ou démence.
Les forme morbides seront divisées selon le ton émotif : expan-
sion ou dépression. Le ton émotif peut, encore, être envisagé sous
sociétés savantes. 439.
deux formes différentes suivant qu'il y a des variations périodi-
ques (folie circulaire) ou qu'il n'en existe pas.
Suivant que les formes s'accompagneront ou non d'incohérence,
elles donneront naissance à trois autres groupes (cohérents,
incohérents, neutres). Une place à part est réservée à la confusion
mentale dont une variété serait la stupeur.
Enfin comme une classification naturelle, même complète, ne
peut englober tous les cas, une division est réservée aux cas indé-
terminés et mixtes, non susceptibles, d'entrer dans les autres
groupes.
Prix Aubanel.
LE Secrétaire général annonce le dépôt d'un seul mémoire.
Le Président désigne pour former la commission d'examen du
Prix "lubw1el, MM. Brunet, GIIRISTIAN, IvLII'PEL, NAGEOTTE, PACTET.
M. B.
Séance du 26 février 1900. Présidence de M. Magnan.
Mort de 111. Bouche/'eau.
Le Président annonce la mort de M. le Docteur Bouchereau,
médecin en chef à l'Asile clinique.
Plusieurs discours ont été prononcés à l'Asile clinique par
MM. Pelletier, au nom du Préfet de la Seine ; Ritti au nom de la
Société médico-psychologique; Meuriot, au nom de l'Association
des médecins aliénistes ; Gley, au nom de la Société de biologie,
Marcel Briand au nom des anciens Internes de M. Bouchereau ;
Jules Dagonet au nom des Médecins de l'asile clinique '.
M. LE Secrétaire général donne communication du discours
qu'il lu au nom de ses collègues. ·
M. Bouchereau ayant été Président de la Société, la séance est
ensuite levée en signe de deuil.
Séance du 26 février 1900. - Présidence de M. Magnan.
Rapport de la Commission des Finances.
A la reprise de la séance M. CIIRrTIN donne lecture d'un rapport
approbatif des comptes du Trésorier que le Président remercie de
sa gestion. Marcel BRI : 1ND.
' Voir la biographie, les obsèques et les discours dans le numéro
d'avril des Archives.
440 SOCIÉTÉS savantes.
SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE.
Séance du 5 avril 1900. Présidence de M. A. Joffroy.
T abes conjugal. - ni. Souques présente une malade atteinte de
tabes classique, le mari est lui-même tabétique, mais encore à la
période préataxique. Il nie la syphilis et reconnaît avoir eu à la
verge, à l'âge de dix-neuf ans, une érosion qui amis un mois à se
cicatriser et qui a nécessité l'application de divers topiques. Chez
la femme, on ne relève pas d'autres traces de sypliilis qu'une
fausse couche de septmois. Une autre malade eut, en 1884, une pa-
ralysie transitoire de la 3° paire suivie de récidive en 1890 et,
actuellement, le syndrome tabétique complet ; cette femme nie
la syphilis pour elle-même, mais son mari, qui a eu un chancre
en 1879, est aussi tabétique encore à la période préataxique.
Considérant ces deux cas et les seize cas relevés par M. Souques
dans la littérature rapprochés des cas de paralysie générale conju-
gale et de ceux où l'un des conjoints est ataxique et l'autre para-
lytique général, on voit qu'il y a mieux qu'une coïncidence ; il y a
relation de causalité, et celle-ci est bien la syphilis. Enfin, ces faits
corroborent l'hypothèse que des syphilis, puisées à la même source,
produisent les mêmes effets. N'a-t-on pas montré cinq paralytiques
généraux tenant leur syphilis de la même personne et aussi plusieurs
tabétiques devant leur vérole à une même femme ? Pourquoi d'ail-
leurs ne pas étendre à la syphilis ce que MM. Bezançon et Labbé ont
prouvé pour d'autres infections et notamment pour le vulgaire sta-
phylocoque, à savoir que des microbes déterminés ayant la même
origine se localisent de la même manière ? Des staphylocoques
d'une même source, par exemple, en des inoculations diverses, se
sont toujours portés sur les articulations.
M. J. B.1BINSRI. Depuis plusieurs années, toutes les fois que je
suis en présence d'un malade atteint de tabes, je m'informe, s'il
est marié, de l'état de son conjoint, je demande à l'examiner, si
cela est possible, et je suis arrivé ainsi à observer une quinzaine
de cas de tabes conjugal.
Je n'ai pas de statistique à offrir et je ne suis pas en mesure de
déterminer avec précision le degré de fréquence du tabes conju-
gal chez les tabétiques mariés. Je crois cependant pouvoir affirmer
que les cas de ce genre sont trop communs pour qu'il soit permis
de n'y voir qu'une simple coïncidence. Ces faits ne peuvent guère
être compris que si, après avoir admis l'importance du rôle de la
syphilis dans la genèse du tabes, on suppose que l'un des conjoints
a été contaminé par l'autre.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 441
Mes observations m'ont appris que le plus ordinairement le
tabes n'a pas la même intensité et ne débute pas à la même épo-
que chez les deux conjoints, que parfois il est bien moins intense
et plus tardil' chez celui qui a été le premier infecté.
Le tabes peut être très marqué chez l'un et fruste chez l'autre,
d'où la nécessité, si l'on veut se faire une idée de la fréquence de
ces faits, de soumettre à un examen minutieux des personnes qui
ne vous y invitent pas et qui se montrent même parfois fort sur-
prises des questions qu'on leur pose à cet égard. Tel individu,
par exemple, qui présente le signe de Robertson, l'abolition du
réflexe rotulien et du réflexe du tendon d'Achille, qui est sujet à
des crises de douleurs fulgurantes et qui, par conséquent, a des
manifestations caractéristiques du tabes, pourra se croire simple-
ment en proie à des douleurs rhumatismales et il ne lui viendra
pas à l'esprit qu'il souffre de la même maladie que son conjoint
atteint d'atrophie papillaire ou d'incoordination motrice.
J'ai noté dans plusieurs de ces cas que le mariage avait eu lieu
fort longtemps, onze ans, treize ans après que l'un des conjoints
avait été contaminé; dans les faits de ce genre, c'est le mari qui
avait le premier subi l'infection, et la syphilis n'avait paru mani-
fester son action chez la femme que par des fausses couches, des
accouchements d'enfants morts-nés, et enfin par le tabes.
J'ai observé aussi deux fois des conjoints atteints l'un de tabes,
l'autre de paralysie générale; j'ai vu enfin récemment une femme
atteinte de paralysie spasmodique associée à de l'atrophie papil-
laire et dont le mari présentait des signes de tabes fruste.
M. Souques. La paralysie générale conjugale est beaucoup
mieux connue, surtout depuis le travail de mindel ; mais le tabes
conjugal est plus rare ou moins connu, car je n'en ai retrouvé que
16 cas. M. Babinski a dû tomber sur une série heureuse.
M. Déjerine a rarement vu à l'hôpital le tabes conjugal; on est
mal placé pour l'étudier dans le milieu hospitalier.
M. Babinski. C'est parce que le tabes du conjoint est presque
toujours très fruste, qu'il echappe souvent et qu'il demande une
recherche très minutieuse.
Pseuclo-myome; myalgie et rigidité musculaire. - ? II. KLIPPEL pré-
sente un malade atteint de cette curieuse affection ; toute excita-
tion (pincement, coup) détermine un état de crampe dans les
muscles du membre supérieur des deux côtés. Le malade a souf-
fert de rhumatismes.
Thorax en bateau. M. Marie présente 3 malades porteurs de
celte déformation et un malade myopathique du type Landouzy-
Déjerine dont le thorax affecte une forme déprimée qu'il ne faut
pas confondre avec le thorax en bateau. '
Aphasie motrice pure chez un paralytique général. - 1\1. Ballet
442 ) SOCIÉTÉS SAVANTES.
présente le cerveau d'un malade qui, au cours d'une paralysie
générale classique où la démence était restée assez légère, eut de
l'aphasie motrice pure durable. Le cerveau présente au niveau du
pied de la troisième frontale une dépression en cupule très nette au
niveau de laquelle, à l'autopsie, on trouva une boule d'oedème.
M. Marie fait observer que chez les paralytiques généraux, ces
dépressions en cupules dans le cerveau antérieur sont fréquentes
sans qu'on puisse y rattacher aucun symptôme particulier. La
boule d'oedème pouvait n'être qu'un foyer de fermentation cada-
vérique. On ne pourra conclure sur ce fait que quand l'examen
histologique aura été fait.
Deux cas de cécité corticale. M. Touche communique des des-
sins de deux cerveaux portant des lésions du cunéus, des lobules
fusiformes et de l'hippocampe. Les sujets pendant la vie se com-
portaient comme des aveugles périphériques.
Amnésie l'ét¡'o-anlél'o{Jl'(ttle consécutive à une tentative de pendai-
son. -ni. Joffroy rapporte l'histoire d'un mélancolique qui tenta
de se pendre ; la corde cassa et le malade fut trouvé sans connais-
sance au pied du murcontre lequel il s'était pendu. Après plusieurs
heures de coma, le malade se réveille en proie à un délire hallu-
cinatoire très violent et retombe dans le coma. Au réveil, le ma-
lade est calme, il reconnaît tout son monde, mais il a absolument
oublié non seulement la tentative de suicide, mais tout ce qui s'y
rapporte et tous les préparatifs de cette tentative. Le sillon laissé
par le lien montre que les deux carotides ont été comprimées. Au
contraire, un autre malade dont la tentative de pendaison a échoué
aussi n'a eu qu'une carotide comprimée, et bien qu'ayant présenté
les mêmes accidents convulsifs que le premier, il n'a pas eu d'am-
nésie. On a souvent parlé d'amnésie consécutive à la pendaison,
mais on a cherché à l'expliquer par la présence de signes d'hysté-
rie chez les sujets. Ici le malade n'avait pas l'ombre d'un stig-
mate d'hystérie. Mais ne sait-on pas que l'attaque d'épilepsie est
due à une anémie subite du cerveau, suivie de congestion en
retour et de coma ; ne voit-on pas aussi que les attaques sont sui-
vies d'amnésie. Pourquoi la pendaison qui comprime les deux
carotides, qui produit une anémie subite du cerveau et qui amène
des convulsions (face grimaçante, langue mordue, émission
d'urine) ne produirait-elle pas l'amnésie par le même processus ? '/
Nature de la sclérose tubéreuse hypert1'ophique. MM. CL. Pm-
lippe et HUDOEVRNIG apportent l'étude histologique détaillée de
deux cas appartenant à cette encéphalopathie infantile, qui fut
individualisée en 1880 par Bourneville d'abord, puis par lui et
Brissaud. Ils insistent sur la multiplicité des lésions constatées à
l'oeil nu et au microscope avec les nouvelles méthodes.
La sclérose, l'altération la plus apparente, se présente sous la
SOCIÉTÉS SAVANTES. 443
forme de nodosités, de granulations ou de simples épaississe-
ments diffus, dans l'écorce, dans les faisceaux blancs, au voisinage
des ventricules, à la surface de la méninge ventriculaire, même
dans le eervelet (circonvolutions et arbre de vie). Histologique-
ment, elle est constituée par une trame névroglique très dense,
par de nombreux noyaux névrogliques, par des vaisseaux très
altérés dans leurs parois et ddns leur calibre, depuis le simple
rétrécissement jusqu'à l'oblitération totale; enfin, par des cellules
volumineuses de 60 à 100 fi, surtout fréquentes dans les masses
blanches, cellules arrondies à noyaux souvent multiples, à proto-
plasma homogène et vitreux, sans granulations pigmentaires, ni
chromatophiles ; ces cellule=, avec la méthode de Nissl, ne se
comportent pas comme les vraies cellules nerveuses, jeunes, adultes
ou séniles; convenablement étudiées à tous les stades de leur
développement, elles paraissent plutôt être des cellules de nature
névroglique, considérablement hyperplasiées (cellules géantes).
Les éléments nerveux (tubes et cellules) subissent une atrophie
lente jusqu'à la destruction complète. Il n'y a pas d'infiltrats leu-
cocytaires, périvasculaires ou interstitiels. Les corps granuleux
sont très rares ; dans la gaine adventice des vaisseaux se voient
assez souvent des granulations myéliniques poussiéreuses.
La méningite fibro-plastique et lacunaire provoque une adhé-
rence intime entre la pie-mère et le tissu cortical sous-jacent,
atteint de la sclérose, décrite plus haut dans sa variété diffuse ;
cet état anatomique réalise, à n'en pas douter, le mécanisme des
ulcérations tel qu'il se présente dans la paralysie générale vraie.
Enfin, l'atrophie avec consistance (oetrtle se rencontre dans un
assez grand nombre de circonvolutions, au hasard', sur une éten-
due plus ou moins considérable. -
Cette multiplicité des lésions permet d'écarter avec beaucoup
de vraisemblance la théorie, nouvellement reprise, qui fait de la
sclérose tubéreuse hypertrophique de Bourneville et Brissaud, un
gliome, ou mieux, un neurogliôme ganglio-cellulaire. Pareilles
lésions étendues à la totalité du cerveau et même an cervelet, très
variées dans leur mode histologique, sont loin de rappeler le proces-
sus, habituellement univoque de toute tumeur. Elles ne res-
semblent aucunement au gliome ordinaire du cerveau, néo-
plasme le plus souvent unique. F. Boissier.
NÉCROLOGIE. - M. Gauckler, directeur administratif de l'asile
départemental de Cadillac (Gironde), vient de mourir. Il avait été
précédemment conseiller de préfecture et secrétaire général à
Nancy. Il serait bien à désirer, dans l'intérêt' des malades et pour
assurer un, bon recrutement du haut personnel des asiles, que les
places de ce genre soient données à des médecins.
444 SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ DE NEUROPATHOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE
DE MOSCOU
Séance annuelle publique du 22 octobre 1899.
Ont fait des communications :
4 W. JAKOVENKO. Les problèmes de la Psychiatrie ; 2 T. E. RYBA-
koff, Alcoolisme et aliénation mentale ; 3" W. A. Mouratow, Types
de dégénérescence dans le roman de Dostoïewski « Les frères Kara-
masoff ».
Séance du 19 novembre 1899.
D. DvoïTctOENKo. Contribution « la question de la sensibilité osseuse
(avec présentation d'un malade). Lorsqu'on applique un diapa-
son vibrateur à l'os, on obtient partout une sensation nette de
vibration. Les os, situés superficiellement, perçoivent plus nette-
ment que ceux cachés plus profondément. Les sujets jeunes per-
çoivent mieux que les personnes âgées. Une couche épaisse de
tissus mous affaiblit quelque peu cette sensation.
Les troubles de cette sensation consistent d'abord dans ceci,
qu'un diapason vibrant fortement est perçu faiblement ou pas du
tout. Si la sensibilité cutanée est abolie, le malade ne perçoit que
le contact du métal, tandis qu'à l'endroit normal la vibration est
nettement perçue. Parfois on peut noter, au contraire, l'exagéra-
tion de cette sensation. Parfois encore les vibrations du diapason
provoquent une sensation de picotement, ou de chaleur, ou même
de brûlure. Dans quelques cas examinés, le sujet accusait la vibra-
tion et en même temps une sensation de brûlure ; dans d'autres
cas, la brûlure s'accusait seule ou ne survenait que tardivement.
L'auteur a soumis à cet examen 43 sujets, dont 16 cas atteints
de tabes, 7 de myélite, 4 de gliomatose, 1 cas de sclérose en
plaques, 7 cas de névrites, 2 cas d'épilepsie, 1 cas de poliencépha-
lomyélite, 3 cas d'hystérie et deux cas de polyarthrite déformante.
Les observations détaillées de tous ces malades sont communi-
quées à la Société, de même que les schémas explicatifs des trou-
bles correspondants du sens de vibration. Dans l'immense majorité
des cas, on a constaté des troubles manifestes de ce mode de
sensibilité ; ces troubles coïncident souvent avec d'autres troubles
des divers modes de sensibilité, mais parfois ils sont isolés, sans
rapports avec d'autres troubles de la sensibilité.
S. NALBANDOFF. Contribution à la symptomatologie des troubles
tropleiques dans la syringomyélie (ostéomalacie). - N... présente
l'observation d'un malade (paysan) de la clinique atteint de syrin-
gomyélie. Dissociation de la sensibilité en lorme de demi-veste
(gauche). Arthropathie de l'épaule gauche, à forme liypertro-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 445
phique, à évolution lente (3-4 ans). Fracture de l'acromion. La
peau de la paume gauche est calleuse, toute la main gauche est
cyanosée. Exagération des réflexes rotuliens (surtout du côté
gauche) et du tendon d'Achille. Fin octobre 1898, le malade s'étant
coupé le pouce gauche, un abcès se forma près de l'ongle. Huit
jours après, le pouce se mit à augmenter de volume, devint rouge
et chaud. L'ongle se détacha au bout d'une quinzaine de jours, et
le malade l'arracha sans aucune douleur. Quelque temps après la
peau au-dessus de l'abcès s'amincit et donna issue à du pus. A
l'entrée du malade à la clinique on constate une augmentation
considérable du volume du pouce gauche (le volume de la phalange
basale du pouce droit est de 83 millimètres ; celui du pouce gau-
che est de 128 millimètres ; la phalangine du pouce droit mesure
83 millimètres ; celle du pouce gauche 125 millimètres). La peau
du pouce gauche est rouge, chaude, tendue, dure et pas dépres-
sible. L'articulation interphalangienne est immobile. Pas de lluc-
tuation. La pression est indolore. La radioscopie et la radiogra-
phie ont montré l'intégrité de tous les os de la main gauche, sauf
les deux phalanges du pouce qui sont absentes.
Au bout de quelques jours l'écoulement du pus s'arrêta et la
plaie se cicatrisa. Dans le but de confirmer les données de la
radiographie, on enfonce à travers la phalange basale du pouce
une aiguille, laquelle traverse les tissus de part en part sans ren-
contrer de grands obstacles du côté de la substance osseuse. La
ponction reste indolore. On traite le pouce par des enveloppements
méthodiques dans une bande élastique. Au bout de quelque temps
le volume du pouce diminue, la consistance augmente et la radio-
graphie donne une ombre plus foncée à l'endroit des os.
L'auteur admet que le processus observé chez son malade s'ap-
proche de l'ostéomalacie. Il existe évidemment un rapport entre
ce processus et le phlegmon initial des parties molles du pouce.
L'hypothèse de Rindfleisch sur la dissolution des sels, contenus
dans les os, sur l'influence de l'hyperémie vasculaire, peut égale-
ment être invoquée ici. L'observation offre un grand intérêt au
point de vue de l'histoire des troubles trophiques dans la syrin-
gomyélie.
Discussion. - 11. Roth fait remarquer l'intérêt exceptionnel de
l'observation de M. Nalbandoff.
Dr M. LUNTz. Deux cas de traitement opératoire de l'épilepsie cor-
ticale. - Observation 1. - àlne A. IL ? âgée de cinquante-cinq
ans, entrée au premier Hôpital municipal le 18 janvier 1899. Il y a
deux ans et demi la malade commença à accuser une faiblesse
générale, de la tristesse et de l'insomnie, et ensuite elle eut des
accès d'épilepsie corticale. Les convulsions commençaient toujours
par la jambe gauche, se répandaient en haut et, aussitôt ayant
446 SOCIÉTÉS SAVANTES.
atteint le membre supérieur, la*malade perdait connaissance.
Pendant son séjour à l'hôpital, la malade eut 19 accès jacksoniens,
de sept à quatorze jours d'intervalle entre les accès. Les accès étaient
suivis d'une hémiparésie gauche passagère. En dehors des accès
on remarquait encore des secousses presque quotidiennes dans la
jambe gauche, accompagnées de douleur très pénible. A l'examen
on ne constate rien d'anormal, sauf une légère parésie de la jambe
gauche. Légère céphalée généralisée. Le fond de l'oeil est normal.
L'administration de bromure et d'iodure à haute dose ne donne
aucun résultat. Le 10 août le Dr Xisseleff pratiqua la cranieclomie.
On trouva un épaississement et des adhérences de la dure-mère
avec les os du crâne dans la région du tiers supérieur des circon-
volutions centrales, sur une étendue de 3 1/2 cm. Le cerveau lui-
mëme ne présente rien d'anormal. A la suite de cette opération,
les secousses ont disparu complètement. La parésie de la jambe
gauche resta in statu quo.
Observation II. 1\Im. A. M..., âgée de vingt-deux ans. Neuf
mois avant son entrée à l'hôpital commença à souffrir de maux
de tète et tout de suite après apparurent des accès convulsifs,
débutant par lamoitié droite de la face, s'accompagnant de perte de
connaissance et se généralisant ensuite à tout le corps. Les accès
étaient suivis parfois d'aphasie et d'hémiparésie passagères. A
l'examen on constate : céphalées sans localisation précise, ver-
tiges légers aux mouvements de la tête ; névrite des nerfs opti-
ques, parésie légère de la main droite, exagération des réflexes
du côté droit. A l'hôpital les accès légers se répétaient presque
journellement, tandis que de grands accès ne se montraient que
tous les dix quinze jours. Craniectomie. Pendant l'opération on
trouve des adhérences entre la dure-mère et la pie-mère sous-
jacente dans la région du tiers inférieur des sillons de Rolando et
de S,ylvius.Au-dessous de la dure-mère se trouve un foyer de tuber-
culose ; un autre petit foyer tuberculeux, du volume d'un pois se
trouve immédiatement en arrière de la circonvolution centrale
postérieure. A la suite de l'opération survint de l'aphasie et une
hémiparésie droite transitoires. Un mois après l'opération, les
accès jacksoniens réapparurent.
Discussion. M. Korniloff doute que les adhérences trouvées
chez la première malade soient bien la cause des accès épilep-
- tiques, et il estime que dans les deux cas, les Tésulats opératoires
sont peu encourageants '.
Secrétaires des séances : W. MOURA WJEFF ; N. VERSILorr.
' Ces observations « peu encourageantes » sont publiées trop peu de
temps après l'opération. Il conviendrait d'avoir des renseignements au
bout d'un an, par exemple. (13.)
SOCIÉTÉS SAVANTES. 447
Séance du 19 décembre t899.
D. DVO1TCEENhO. Contribution ci la question de la sensibilité os-
seuse.. La sensibilité vibratoire reste normale dans toutes la
affections où la sensibilité générale est intacte. Dans toutes les
autres maladies qui s'accompagnent de troubles de la sensibilité,
on voit la sensibilité vibratoire se modifier dans l'un ou dans
l'autre sens. Dans les affections du système nerveux périphérique,
les troubles de la sensibilité cutanée et de la sensibilité vibratoire
sont toujours concordanls et proportionnels par rapport au degré
et à l'étendue des lésions. De même dans les maladies de la
moelle épinière avec troubles de la sensibilité cutanée on a toujours
observé des troubles de la sensibilité vibratoire.
Dans les myélites, surtout dans les cas graves, on a observé une
concordance complète entre les troubles de ces deux espèces de
sensibilité, tous les deux étant de caractère paraplégique. Dans la
gliomatose, au contraire, on observe une discordance très grande
sous ce rapport; ainsi lorsque l'insensibilité cutanée est en forme
de veste, les troubles de la sensibilité vibratoire se manifestent
aux parties sous-jacentes du squelette et en plus aux os des
membres inférieurs; dans quelques cas les troubles vibratoires ne
se manifestent que dans les os des jambes seulement, tandis que
dans les parties du squelette qui correspondent aux territoires de
la dissociation de la sensibilité, la vibration du diapason se per-
çoit de la façon normale. Dans le labes dorsale on observe toujours
des troubles vibratoires très prononcés dans les os du bassin,
et souvent aussi dans les os des membres inférieurs et même
dans le squelette de tout le corps. Les arthropathies tabétiques ne
donnent pas lieu à des troubles locaux particuliers de la sensibi-
lité vibratoire. Dans les affections cérébrales avec anesthèsies
cutanées, les troubles vibratoires correspondaient presque à celles-
là. Dans un cas d'hystérie sans anesthésies, on a constaté une
anesthésie vibratoire presque complète dans les os du bassin et les
parties centrales des membres.
Dans les cas d'hystérie avec anesthésie cutanée, des troubles
vibratoires ont été trouvés de la même nature et étendue.
Le sens vibratoire est un sens particulier et autonome; les sen-
sations de vibrations sont conduites principalement par les os et le
périoste, mais pas par la peau ni les parties molles.
Discussion : M. 13GRNSTEIN croit qu'il est plus correct de l'appe-
ler « sensibilité osseuse » et non « le sens vibratoire. M. Rorn
fait remarquer l'importance des troubles précoces de la sensibilité
osseuse (encore avant l'apparition des troubles de la sensibilité
cutanée) qui peuvent rendre compte de troubles « trophiques » de
la substance osseuse. Ont pris part à la discussion MM. KORNILOFF,
POSTOWSKY et TOKAHSKY.
448 SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. W. Mouravieff. Les altérations de la structure fine de la fibre
nerveuse après section. Les expériences ont été faites sur le nerf
sciatique des lapins et des cobayes. Section du nerf et examen du
bout périphérique du nerf sectionné, au bout de un à vingt-cinq
jours après l'opération. Coloration d'après les méthodes de Man-
ciii, de 13oUSCI ! , au formol-méthylène, à l'acide osmique et même
d'après la méthode de l3aehner. après durcissement dans la for-
maline à 4 p. 100. En général, toutes ces méthodes donnaient des
résultats analogues et se complétaient mutuellement.
Conclusions : 1) La gaine de myéline d'une fibre nerveuse nor-
male est d'une formation chimique complexe : on y reconnaît net-
tement deux substances. L'une apparaît sur de diverses prépara-
tions sous forme de petites granulations toutes du même volume,
distribuées d'une façon assez régulière le long de la fibre. Ces
granulations se colorent principalement par les couleurs basiques,
comme le bleu de méthylène, tionine, le bleu de toluidine, et elles
les retiennent même lorsque les tissus environnants sont déjà
décolorés. On peut les appeler pour cette raison les granulations
chromatophiles de la gaine de myéline. On peut considérer leur réac-
tion comme étant acide. La deuxième substance ne retient que
faiblement les substances colorantes, elle mérite par conséquent le
nom de substance (ichi-oinatophile ou basique. Elle se colore plus fai-
blement par des couleurs acides, comme l'éosine. Après le durcis-
sement du nerf dans la formaline, elle a l'aspect spongieux; dans
les mailles de cette éponge sont situées les granulations chroma-
tophiles. En outre les noyaux de la gaine de Schwan sont entourés
d'une petite quantité de protoplasme, qui se colore d'une façon
assez intense par le bleu de méthylène.
2) La base des altérations que subit la gaine de myéline du bout
périphérique d'un nerf sectionné, consiste dans la cessation des
processus synthétiques et la résorption de son contenu par les
liquides ambiants, en même temps que dans une hyperplasie
exagérée du protoplasme qui entoure les noyaux de la gaine de
Schwan, par suite d'une nutrition excessive de celle-ci, ou peut-
être ausi de l'influence irritative qu'exerce la myéline qui cesse de
fonctionner et commence à se désagréger.
3) Les modifications de la constitution chimique de la myéline
ne commencent qu'à une époque plus avancée, lorsque le proces-
sus de la destruction de la gaine de myéline est déjà bien pronon-
cé. Même le sixième et le septième jour, les procédés de Marchi
et de Bousch ne laissent apercevoir qu'un nombre relativement
restreint de petits tronçons de myéline, se colorant en noir. Même
plus tard le processus d'altération chimique de la gaine de myé-
line marche d'une façon très irrégulière : on constate toujours à
côté des amas noirs d'autres amas tout à lait pâles. Dans les pé-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 449
riodes ultérieures de la résorption de la myéline les processus chi-
miques jouent probablement un rôle important.
4) Les cylindraxes, dès le deuxième ou le troisième jour, se
désagrègent simplement le long de la fibre nerveuse, ou s'épais-
sissent d'abord d'une façon irrégulière et se divisent ensuite en
une série de tronçons très courts.
5) Les noyaux de la gaine de Schwan, ce produit probable du
mésoderme, se multiplient très rapidement. Le protoplasma qui
les entoure s'hyperplasie d'une façon luxurieuse et, peut-être,
comme le croit Ranvier, prend une part active à la segmentation
de la gaine de myéline. Pourtant la principale cause de la segmen-
tation est sans doute la résorption de la myéline, tandis que l'hy-
perplasie du protoplasme est un processus autant passif qu'actif.
6) Bientôt l'accroissement du protoplasma devient excessif,
monstrueux, en disproportion avec ses forces vitales, et il périt
dans une dégénération graisseuse. Alors il ne reste de la fibre ner-
veuse que la gaine de Schwan, vide avec nombreux noyaux dont
une partie plus tard disparait peut-être également (dégénération
graisseuse ? ). Par-ci, par-là les amas de la myéline dégénérée se
conservent encore très longtemps.
7) La méthode de formol-méthylène permet de distinguer une
grande quantité de parties constitutives de la fibre normale et
pathologique, les noyaux de Schwan, le protoplasma qui les en-
toure, les granulations chromatophiles de la myéline; dans
quelques fibres le cylindraxe apparaît très nettement tout le
long de la fibre nerveuse.
Discussion : M. Weidenhamer fait remarquer que la question de
l'orifice des noyaux de la gaine de Schwan du méso ou de l'ecto-
derme n'est pas encore tranchée.
M. Roth admet que dans le bout périphérique du nerf sectionné
les processus synthétiques peuvent encore avoir lieu, bien qu'affai-
blis. Dans la disparition de la myéline peut prendre part égale-
ment le protoplasma hyperplasié avec ses éléments cellulaires.
Les granulations chromatophiles de la fibre nerveuse peuvent bien
appartenir aux corps albuminoides.
M. Korniloff prend part à la discussion.
A. PROHR.4JLNSAY. Contribution à la question de la syrip7omyé-
lie héréditaire . - L'auteur a observé à l'hôpital Catherine trois
cas de syringomyélie non douteuse chez un vieillard âgé de soixante-
cinq ans et ses deux filles âgées respectivement de trente-deux et
dix-huit ans. La particularité du premier cas consiste dans les
phénomènes d'acromégalie dans les deux mains. Chez la troisième
malade il existe à l'heure actuelle une fracture spontanée et indo-
lore de l'épaule.
Mais l'intérêt principal de cette triple observation consiste dans
Archives, z série, t. IX. 29
450 SOCIÉTÉS SAVANTES.
ceci que nous avons affaire ici à « une famille gliomateuse ».
L'existence de la même affection chez trois membres de la même
famille ne peut pas être l'effet d'un pur hasard, c'est pourquoi
nous devons admettre l'existence de la syringomyélie héréditaire.
Ceci nous force d'admettre d'autre part que les anomalies d'évo-
lution doivent jouer un rôle dans la pathogénie de la syringomyélie.
Discussion : M. ! \1ouRAroFF croit que l'hérédité dans les affections
de ce genre peut se réduire à une anomalie du canal central.
M. Roth, vu le caractère électif de la gliomatose et de sa très
grande fréquence (qui augmente de plus en plus) s'incline à
admettre la nature parasitaire de la syringomyélie. Ont pris part
à la discussion MM. Postowsky, SERBSKyet PRCOBIiAJENS6Y.
. Secrétaires des séances : G. Rossolimo, A. BRNSTEIN.
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE.
Séance du mardi 20 mars 1900. PRÉSIDENCE de M. Jules Voisin.
Bleu de méthylène comme moyen de suggestion.
M. Jules Voisin. - Une jeune fille, âgée de vingt-deux ans, hys-
térique, présente depuis trois jours des spasmes rythmés du dia-
phragme qui l'empêchent presque complètement de parler et de
déglutir. Comme elle refuse de se laisser hypnotiser, je lui annonce
que je vais recourir à un médicament d'une puissance considérable;
avant une heure, les urines seront devenues bleues et elle sera
guérie. Je prescris alors une pilule contenant cinq centigrammes
de bleu de méthylène; quarante minutes après l'ingestion de la
pilule les urines deviennent bleues, en effet ; à partir de ce mo-
ment, la contractture spasmodique du diaphragme disparait
pour ne plus revenir.
M. Bérillon. Ce cas rentre dans ce que j'ai appelé la sugges-
tion armée. Souvent la suggestion indirecte à l'aide des agents
physiques permet de réussir, là où la suggestion verbale employée
seule a échoué.
M. Paul FARTEZ. Van Gehuchten a pu juguler des vomissements
incoercibles grâce à des applications cutanées de bleu de méthy-
lène dissous dans du collodion. J'ai eu recours à cette pratique
avec un plein succès chez deux hystériques qui présentaient des
algies diverses et des zones d'anesthésie. Il ne faut voir là, bien
entendu, qu'une action psychique.
Le traitement psychique de la folie délirante.
M. STADEL3fANN (de Wurtzbourg) décrit, sous le nom de folie
SOCIÉTÉS SAVANTES. 451
délirante, l'état psychopathique qui se manifeste par des repré-
sentations èt des émotions délirantes dont le malade a pleinement
conscience. Il cite l'observation d'un homme de trente ans qui, de-
puis la puberté, était torturé par la préoccupation de ce que devien-
draient dans l'avenir divers objets insignifiants qui lui tombaient
sous les yeux, tels qu'une mouche qui vole, l'allumette qu'il vient
d'allumer, la cendre de son cigare, les taches de bougie tombées à
terre, une carte d'entrée à un concert, un morceau de fer trouvé
dans la rue et cent autres objets d'une valeur insignifiante. Ce
malade, sans cesse harcelé et angoissé par ces préoccupations,
trouve la vie insupportable. II fut guéri par la suggestion hypno-
tique faite deux fois par jour pendant quatorze jours. Il y a de
cela quinze mois et la guérison persiste.
Phobies tactiles et visuelles.
M. Paul Farfz cite quatre cas de phobies conscientes avec
anxiété, angoisse, répulsion et dégoût, survenant à la vue d'objets
insignifiants comme des bouts d'allumettes, des bouts de bougie,
des taches de bougie, des bouchons, etc., chez des jeunes filles ou
jeunes femmes qui paraissent bien portantes et ne songent nulle-
ment à se faire soigner. Néanmoins, ces symptômes présentent
une certaine importance au double point de vue du pronostic et
de la prophylaxie. Les personnes qui les présentent devront être
placées dans un milieu psychiquement aseptique ; on devra leur
éviter les émotions, les surmenages, les traumatisme et les sur-
veiller tout particulièrement dans les cas d'infection ou d'intoxica-
tion ; ces dernières conditions pourraient, en effet provoquer
l'éclosion d'un trouble mental plus accentué.
M. Jules Voisin. - Dans ces cas, il s'agit d'individus dont l'héré-
dité est chargée ; en cherchant bien, on trouverait des stigmates
de dégénérescence physique ou psychique, en particulier, la
violence et l'impulsivité. Ces personnes peuvent, à un moment
donné, présenter de l'agoraphobie, de la claustrophobie, etc. Il est
à remarquer qu'elles ne deviennent jamais démentes.
M. Bérillon. Il ne faut pas exagérer l'importance de l'hérédité
et de la dégénérescence; d'ailleurs, bien peu nombreux sont ceux
dans l'ascendance desquels on ne pourrait relever une tare quel-
conque et il n'est, pour ainsi dire, pas de grands hommes qui
n'aient eu leurs petites manies. Souvent l'éducation et le milieu
jouent un rôle considérable dans l'éclosion de ces dernières et cela
est tout à fait vrai pour des phobies et des aversions collectives
telles qu'en présentent certaines sectes russes, comme les Molo-
kanes, etc.
Sur la nature des émotions.
M. le professeur STUnIPF (de Berlin) présente un travail dans le-
452 BIBLIOGRAPHIE.
quel, après avoir exposé et critiqué les théories de Ribot, Lange,
W. James, il montre l'importance des recherches médicales, psy-
chiatriques, physiologiques et expérimentales pour la détermina-
tion de la nature des émotions.
Tremblement et forme pui,liirso7zieizne.
M. BÉRILLON présente un malade qui, il y a trois mois, offrait
dans ses grandes lignes, la symptomatologie de la maladie de Par-
kinson, en particulier, le tremblement tout à fait typique dans
le bras droit et la main droite. Après avoir été, trois fois par
semaine pendant trois mois, soumis au traitement hypnotique, il
peut maintenant manger, boire, écrire et travailler; son facies
est redevenu normal ; le tremblement n'a pas complètement dis-
paru, mais il est considérablement atténué ; même, il peut souvent
être suspendu par la volonté du sujet et grâce à certains artifices
de psycho-mécanique. Le degré de l'amélioration obtenue est tel
qu'on peut se demander si, malgré la symptomatologie du début,
il s'agit bien de maladie de Parkinson ou d'une affection qui la
simule. M. PAU de Saint-Martin. Je soigne en ce moment un par-
kinsonien très avancé chez lequel j'ai essayé tour à tour les divers
médicaments préconisés en pareil cas; c'est encore l'hypnotisme
qui m'a donné les résultats les plus satisfaisants et les rémissions
les plus longues.
M. Colas présente et analyse le nouveau livre de Mme Clémence
Royer : « La constitution du monde; dynamique des atomes ; nou-
veaux principes de philosophie naturelle. »
BIBLIOGRAPHIE.
X. Les agnoscies. La cécité psychique en particulier ; par V.NODET.
1 volume, 222 pages in-8°. Paris, Fétu Alcan, 1899.
Faute d'un terme générique, les noms respectifs des défauts de
reconnaissance dans les diverses sphères psychosensorielles ont
été souvent employés d'une façon trop élastique. Apraxie, asym-
bolie, par exemple, ont fini par être appliqués hors des limites de
leur signification première; de là une confusion préjudiciable à la
clarté indispensable sur un terrain déjà si compliqué. Aussi l'usage
du mot agnoscie comprenant les interruptions de toutes les caté-
gories d'identifications cérébrales aura-t-il peut-être l'avantage de
faire mieux respecter l'acception délimitée des termes particuliers.
Deux observations l'une de l'auteur, l'autre de Lissauer et Hahn
BIBLIOGRAPHIE. 453
constituent la matière première du travail de M. Nodet, qui a pu
d'autre part trouver dans la littérature spéciale et grouper autour
de celles-ci soixante-cinq autres observations dont beaucoup,
quoique sans autopsie, sont encore fort intéressantes. Des deux cas
types, l'un est une cécité psychique avec légère agnoscie tactile
correspondant à un ramollissement du cunéus du lobule fusiforme
et du précunéus gauche avec lésion du bourrelet du corps calleux.
L'autre est une cécité psychique pure correspondant à un ramol-
lissement dans le lobe occipital gauche et dans le bourrelet du
corps calleux (agnoscies corticales et transcorticales). Dans les
autres faits cités la netteté est généralement moins grande sans
que la concordance anatomique y soit démentie ; tous éclairent
pour leur part la théorie.
Avant toute discussion l'auteur rappelle que l'identification,
phénomène excessivement général, dont il montre bien l'étendue
complexe et la mobilité, est à la base de l'activité psychique
même la plus élémentaire. L'impression sensorielle ne devient
représentation que par le travail des identifications successives,
travail qui insère le passé sur le présent par un mouvement se pro-
pageant de proche en proche sur un véritable réseau d'images à
recueillir, processus d'ailleurs essentiellement centrifuge. Pour
aniver à la teprésentation reconnue, ce processus parcourt deux
niveaux, deux catégories d'identifications cérébrales : les identifi-
cations primaires (sensations simples) et les identifications secon-
daires, supérieures. L'interruption des premières constitue les
anesthésies corticales sensitivo-sensorielles ; tandis que l'interrup-
tion des secondes seules donne les agnoscies, cécité, surdité psy-
chiques, asymbolie, etc. Comme l'indique le titre la cécité psy-
chique forme le fond véritable de cette thèse. Cela n'est dû ni au
hasard ni à la seule volonté de l'auteur, mais bien à ce fait, que
si la cécité psychique est la plus fréquente des agnoscies, elle est
aussi celle qui tient toutes les autres sous sa dépendance à un
degré variable. La cécité psychique a pour condition essentielle la
conservation de l'identilication primaire, dont l'existence et la
mesure peuvent être constatées par la valeur de l'acuité visuelle du
sujet, malgré l'hémianopsie (généralement droite) avec achroma-
topsie spéciale dont s'accompagne souvent cette agnoscie. Elle
s'accompagne aussi fréquemment d'agnoscie tactile, non par simple
concomitance, mais par une corrélation de dépendance réelle.
En effet la perception des formes primitivement tactile est passée
graduellement dans le domaine visuel au point que son trouble
peut servir de mesure à la cécité psychique. L'orientation qui pri-
mitivement tient aussi au domaine tactile (étant dans l'action
expansive ce qu'est la perception des formes sur le terrain spécu-
latif) est aussi devenue presque exclusivement visuelle ; si bien
qu'un trouble très étendu du territoire visuel diminue toujours
454 BIBLIOGRAPHIE. ,
l'orientation. Bien plus : la part délicate de l'orientation qui appar-
tient à la zone auditive s'est aussi laissée envahir dans les mêmes
proportions par l'extension progressive du domaine visuel et souffre
également des dommages de celui-ci. Nous voici donc amenés
dans l'aire de l'audition; mais la surdité psychique se trouve
rarement isolée (sauf la surdité verbale qui n'en est qu'une forme
très partielle, locale et spéciale), son importance est d'ailleurs très
inférieure à celle de la cécité psychique ; comme l'agnoscie tactile
(dont les formes localisées peuvent aussi exister seules) elle n'a de
valeur clinique que liée à l'agnoscie visuelle, malgré l'intérêt
théorique indiscutable de ces deux autres agnoscies considérées
isolément. Quant aux agnoscies olfactives et gustatives, si même
elles existent, leur valeur est extrêmement négligeable, tant est
infime le rôle des sphères sensorielles correspondantes dans le
mécanisme intellectuel humain.
Les associations d'agnoscies qui constituent l'asymbolie (trouble
général de la reconnaissance des objets) constitue un état psychique
des plus graves ; c'est presque une décérébration qu'un examen
minutieux peut seul distinguer de la démence. L'asymbolie n'est
d'ailleurs souvent qu'une étape sur le chemin de la démence, et
entre celle-ci et celle-là tous les degrés existent.
L'anatomie pathologique de la cécité psychique, d'après les faits
cités, consisterait fréquemment en une double lésion des lobes
occipitaux ; les cas les plus intéressants reconnaissent pourtant
généralement une lésion du seul lobe gauche (au moins chez les
droitiers). La prépondérance de l'hémisphère gauche dans les
actes mentaux supérieurs explique bien la suffisance de cette uni-
latéralité. La cécité psychique est probablement possible avec une
lésion purement corticale bien que dans toutes les observations de
ce travail il y ait extension du processus destructif à la substance
blanche. Enfin de quelques cas il ressort que l'agnoscie visuelle
spéciale par défaut de localisation dans l'espace est probablement
due à une lésion corticale des deux lobules pariétaux inférieurs, et
que l'agnoscie tactile (localisée) du membre supérieur serait déter-
minée par la lésion du tiers moyen des deux circonvolutions péri-
rolandiques.
M. Nodet a donc bien fait de contribuer à l'introduction du mot
agnoscie dans l'usage courant, je regrette seulement qu'il ait,
après d'autres, continué à priver le mot asymbolie du sens éty-
mologique si précis que lui avait donné Spamer. Cet auteur en
faisait le terme générique des agnoscies portant sur tous les sym-
boles, mots, lettres, chiffres, signes, notes de musique, formules,
gestes, expressions de tout ordre conventionnelles ou non, signaux,
etc. (aphasies, amimies, agraphies, cécité, surdité verbales, etc.).
Pourquoi en avoir fait une agnoscie générale ? Le travail de
M. Nodet est assez important pour qu'il eût pu ainsi fixer heureu-
BIBLIOGRAPHIE. 455
sement deux points de terminologie scientifique, dans un champ
d'études où on n'introduira jamais assez de clarté et d'uniforme
précision. Peut-être aussi aurait-il mieux fait de placer les obser-
vations avant la dissertation (avant le 2° chapitre) comme l'ont
fait d'autres auteurs selon la tendance actuelle en neurologie ; la
lecture de cet excellent travail y gagnerait en aisance et en intel-
ligence pour tous les confrères qui l'entreprendront d'ailleurs avec
profit. F. BOISSIER.
XI. L'instinct sexuel, évolution et dissolution; par Ch. FERG.
(Alcan, édit., 1899.)
L'auteur expose d'abord l'évolution de la fonction sexuelle et le
développement des instincts correspondants, il en montre ensuite
la dissolution régressive inverse et ses conséquences aux points de
vue sociaux, familiaux et médico-légaux. 1.
S'appuyant sur les multiples expériences de laboratoire que
l'auteur réalise depuis de longues années avec la patience et la
rigueur scientifique que l'on sait, il étudie les déviations et perver-
sions sexuelles élémentaires chez les animaux, leurs conséquences,
familiales ainsi que le crime et la folie dans la série animale,
questions neuves et du plus haut intérêt.
Allant ainsi du simple au complexe, il aborde ensuite les ano-
malies de l'instinct sexuel chez l'homme, inversion, perversion, etc.
Il en cherche l'explication dans les anomalies physiques ou fonc-
tionnelles ainsi que dans les circonstances de temps, de milieu,
d'hérédité, etc. Abordant enfin le point de vue curatif et prophy-
lactique, il traite de l'éducation et de l'hygiène sexuelle.
11 s'élève contre le préjugé qui consiste à vouloir marier les
anormaux sexuels pour les ramener à la normale, procédé qui se
traduit pratiquement par la reproduction multipliée de dégénérés
de ce genre. Il préconise la continence et en ce qui a trait à la res-
ponsabilité s'élève contre la théorie qui voudrait absoudre en
masse les pervers et invertis sexuels sous prétexte de dégénéres-
cence fatale.
«Il n'y a pas de raisons physiologiques pour que l'instinct sexuel
ne soit pas soumis comme les autres... la morale utilitaire comme
l'hygiène enseignent la nécessité et la restriction de ses écarts. »
De A. Marie.
XII. Travaux de neurologie chi1'llI'(licale, revue trimestrielle diri-
gée par le docteur A. CLIIP : 1ULT. Vigot frères, éditeurs.
Voici le sommaire du n° 4 de cette intéressante revue : A. Chi-
pault. Les conséquences trophiques de l'élongation des nerfs :
étude expérimentale et thérapeutique (mal perforant plantaire,
456 VARIA.
ulcères variqueux, mal perforant buccal, pied tabétique, etc.) ;
A. Fougères. Sur deux nouveaux cas d'ulcère variqueux traités
par élongation des nerfs; P. Delbet. Traitement des varices et
des ulcères variqueux en particulier par la dissociation fasciculaire
du sciatique (avec figures) ; M. Bardesco. Sur un cas de mal
perforant et sur deux cas d'ulcères variqueux traités par élonga-
tion des nerfs ; J. Crocq. Le traitement du mal perforant plan-
taire.par la faradisation du nerf postérieur et de ses branches
terminales; Jaboulay. D'un cas de troubles trophiques du pied
et de la jambe traité avec succès par distension des filets nerveux
entourant l'artère fémorale ; - Roncali.Un cas d'abcès traumatique
du lobe temporo-sphénoïdal (Suite et fin); M. H. Bejarano. Du
traitement de la névralgie faciale par les résections étendues et en
particulier par la résection périphérique totale du trijumeau.
VARIA.
Discours PRÉSIDENTIEL PRONONCÉ A la cinquante-septième réunion
annuelle DE l'Association 31ÉDICO-PSYCHOLOGIQUE, A EDILiBOURG,
' le 21 juillet 1898, par A.-R. URUQUIIARDT. (The Journal of Mental
Science, octobre 1898.)
Comme la plupart des discours présidentiels, cette harangue,
après un hommage rendu aux membres de l'Association décédés
dans l'année, est une sorte de revue des principales matières inté-
ressant l'Association. R. M. C.
CARLYLE, sa FEMME ET ses critiques ; par Sir James CRICaroN-
BROWNE. (The Journal of Mental Science, janvier 1898.)
Il y a dans cette longue étude beaucoup de choses intéressantes
sur le grand historien anglais ; mais elles sont étrangères à l'objet
ordinaire de nos études ; nous n'y relèverons donc qu'un seul
point. Plus inconsciemment sans doute que volontairement,
M-0 Carlyle nui plus que les critiques et les adversaires les plus
acerbes à la mémoire de son mari ; il parait cependant que l'au-
teur de l'Histoire de la Révolution française était à tous égards un
mari modèle et sa femme aurait été fort injuste envers sa mé-
moire. Sir James Crichton-Browne explique cette injustice en nous
apprenant que Zinc Carlyle subissait l'influence d'une prédisposi-
VARIA. 457
tion nerveuse héréditaire, qu'elle était atteinte d'une véritable ma-
ladie mentale dont les symptômes, d'ordre purement émotif, n'ont
jamais altéré en quoi que ce soit son intelligence, mais ont singu-
lièrement modifié ses jugements et ses interprétations de certains
faits. Dans beaucoup de ses lettres, un médecin psychologue
reconnaîtra sans peine cette forme de neurasthénie cérébrale qui
s'accompagne si souvent de dépression profonde en même temps
que de croyances et d'interprétations erronées. R. M. C.
Discours présidentiel PRONONCÉ A la cinquante-huitième réunion
annuelle DE l'Association MÉDICO -PSYCIIOLOG 1 QUE, tenue A LONDRES
LE 27 juillet 1899 ; par James BEVERIDGE SPENCE. (The Journal
of liental Science, octobre 1899.)
Comme la plupart des haranguesprésidentielles, celle-ci échappe
à l'analyse par la multiplicité des sujets auxquels elle touche ;
toutefois on peut signaler que l'idée directrice de l'orateur a été
de retracer les progrès importants réalisés depuis un temps assez
court dans l'amélioration du sort des aliénés et de la situation de
ceux qui les soignent. R. M. C.
LES ALIÉNÉS EN LIBERTÉ.
La folie de la persécution. Un individu correctement vêtu
s'adressait hier matin à un agent qui stationnait à l'angle de la
rue et du boulevard Montmartre et le suppliait de le protéger
contre des ennemis imaginaires qui, disait-il, avaient juré de le
tuer. Comme l'agent, aux propos incohérents de l'inconnu, com-
prenait qu'il avait affaire à un fou, il l'éconduisit doucement. Alors,
l'homme, tirant un couteau de sa poche, s'en porta un coup terri-
ble à la gorge. On l'a transporté immédiatement dans une phar-
macie, où il a reçu des soins, puis à l'hôpital Lariboisière. C'est
un ouvrier maçon nommé Gaston Soulac, âgé de vingt-huit ans,
dont on ignore le domicile. (L'Aurore, 20 avril 1900.)
Dangereux monomanie. - Depuis l'ouverture de la foire au pain
d'épice, une dizaine de plaintes ont été déposées entre les mains
de M. Leygonie, commissaire de police du quartier de la Roquette,
contre un individu dont on ne possède encore qu'un signalement
assez vague, qui se faufile dans la foule et pique, à l'aide d'un bis-
touri, les femmes passant à sa portée. Ce dangereux maniaque
est activement recherché. (L'Aurore, 20 avril 1900.)
Pauvre folle. Une fermière de Saint-Hilaire-sur-Erre, lime Chau-
veau, âgée de 68 ans, dont les facultés mentales étaient affaiblies,
s'est suicidée en se jetant dans un puits. (Le Bonhomme Normand,
14 décembre 1899.)
458 VARIA.
Une dépêche adressée le 4 février de Gars au Petit Var annonce
qu'un suicide a jeté une vive émotion au sein de la population. Le
nommé Jaume Rozé a mis fin à ses jours en se précipitant d'une
fenêtre du troisième étage de la rue principale de la localité. Le
malheureux est mort instantanément. On attribue ce suicide à un
accès de démence, Jaume Rozé ne jouissant pas de la plénitude de
ses facultés mentales.
Folie furieuse d'un employé de ministère. Un employé dans un
de nos ministères militaires, M. Georges B..., présentait, depuis le
commencement de celte année des marques manifestes de dérangement
cérébral. Il avait dû cesser, voici quelques semaines, de se rendre
à son bureau, et son état empirant inspirait de vives inquiétudes
aux habitants de la maison qu'il habitait, rue Cels, tout à côté de
la rue Daguerre. Hier, enfin, il s'était montré très agité durant
toute la journée ; le soir, aux premières ombres, il descendit dans
la rue, armé d'un couteau-poignard algérien, à la lame très effilée,
et se mit à se promener à grands pas, en prononçant de grandes
phrases incohérentes. Des passants voulurent le désarmer; mais
alors il devint tout à fait furieux et tenta de les frapper de son
arme.
Tout le quartier fut en émoi. On appela des agents, on alla cher-
cher le secrétaire du commissaire de police du quartier Montpar-
nasse. Lorsque celui-ci vint, le malheureux employé était remonté
chez lui et s'était barricadé dans sa chambre. Il fallut forcer les
portes. Mais, dès que le secrétaire eut pénétré dans la chambre, le
fou, redevenu à sa vue subitement furieux, se jeta sur lui avec son
arme dangereuse. Il fallut que trois agents entamassent la lutte
avec lui, et ce ne fut qu'après de longs efforts qu'ils purent se
rendre maître du forcené ; ils durent le porter tout ligotté au poste.
Le malheureux a été dirigé sur l'infirmerie spéciale du Dépôt.
(Le Temps du 10 février 1900.)
Drames de la folie. A Klaxon, dans le Lot, un sabotier nommé
Baptiste Miquel, âgé de quarante-quatre ans, qui, depuis quelque
temps, donnait des signes de folie, s'est tout à coup rué sur sa famille
composée de deux jeunes enfants, les a tués à coups de hache,
puis a fait subir le même sort à son vieux père qui venait essayer
de le désarmer. Sa femme, de retour d'un enterrement, allait être
tuée à son tour lorsque les voisins, accourus aux cris, sont venus
la délivrer et mettre en fuite le malheureux fou qu'on n'a réussi à
arrêter que dans la soirée.
A Auch, une femme Bourdelongue, dont le mari est garçon
de café, vient de tuer son enfant, âgé de trois mois, à la suite d'une
crise de folie furieuse. Elle a bourré la bouche du petit bébé de
VARIA. 459
linge, qu'elle a enfoncé dans la gorge à l'aide de ciseaux, jusqu'à
ce que 1 enfant ait rendu le dernier soupir. La femme Bordelongue
qui était sortie, il y a quelques mois, de l'asile des aliénés, a été
réintégrée dans cet établissement. (Le Temps du 10 février 1900.)
Le fou de la Charité. -Un de nos confrères racontait, ce matin,
qu'un malade conduit par des agents à l'hôpital de la Charité fut
admis d'abord, mais que, comme on constata un peu plus tard
qu'il venait de sortir d'une maison de santé, on le congédia sans
se préoccuper des conséquences de ce renvoi. A l'hôpital de la Cha-
rité on nous déclare que les choses se sont passées de la façon
suivante :
Le malade, qui se nommeEmile 0..., fut bien envoyé à l'hôpital
de la Charité par le commissaire de police du quartier Saint-
Thomas-d'Aquin, mais l'interne de service, dès le premier exa-
men, s'aperçut qu'il avait affaire à un fou et conseilla au gardien
de la paix qui le conduisait de l'emmener à l'infirmerie spéciale
de la préfecture de police.
Il fallait pour cela un ordre du commissaire de police. Pendant
que l'agent allait le chercher on laissa le fou dans la salle de
visites, en compagnie d'infirmiers qui lui administrèrent un cal-
mant. Mais l'attente se prolongea tant que les infirmiers, ayant à
travailler ailleurs, laissèrent seul un moment le'malade,
Celui-ci qui était redevenu tranquille, profita de cette circons-
tance pour quitter la salle et tranquillement gagner la rue Jacob.
Lorsque l'agent revint, l'homme avait disparu. On le chercha vai-
nement toute la journée. Mais entin, vers le soir, on le retrouva
boulevard Saint-Germain, où il exécutait, entouré de curieux, un
brillant « cavalier seul ». Les agents le reprirent, et, cette fois
sans encombre, le menèrent à l'infirmerie du Dépôt. (Le Temps du
17 mars 1900 ).
Les agents auraient dû emmener le malade avec eux au com-
missariat de police.
Le 16 mars, Auguste Thaon, garçon d'hôtel à Nice, a été tué
dans son lit par sa femme, Joséphine Peyron, d'un coup de couteau
au coeur. La malheureuse, prise d'un accès de folie, riait près du
cadavre. (Le Temps du 17 mars 1900.)
- Au petit village de Chenôve, dans la banlieue de Dijon, dit le
Radical, 8 mars, vient de se dérouler -un drame de la folie qui
aurait pu avoir les conséquences les plus graves. Depuis longtemps
déjà, un nommé Gelez, qui habite avec sa maîtresse une villa de
Chenôve, était atteint d'aliénation mentale. Il avait, lorsqu'un accès
s'emparait de lui, la manie de se livrer à de véritables fusillades
avec les armes nombreuses dont sa maison un véritable arsenal
était remplie. ·
460 VARIA.
Dimanche soir, armé d'une carabine Winchester, Gelez vint se
livrer à ses exercices habituels devant la maison du maire. Puis il
dirigea son tir vers deux vignerons qui étaient au travail. Ceux-ci
n'échappèrent aux balles qu'en se jetant à plat ventre sur le sol.
Le fou poursuivit le cours de ses exploits, mais, tout le village
s'étant réfugié dans les habitations, il en fut réduit à canarder les
maisons.
La gendarmerie prévenue réussit à grand'peine à s'emparer de
Gelez, qui a été transféré à l'asile des Chartreux. Une perquisition
pratiquée à son domicile a donné des résultats inattendus : dans
la salle à manger, quatre beaux chiens de chasse étaient étendus
sur la table, tout déchiquetés, tout ouverts, la boîte cranienne
sciée, le cerveau absent,
Si dans ses nombreuses fusillades Gelez n'a atteint personne, il
n'en a pas moins fait une victime : le maire de Chenôve, M. Drouin,
très affecté par ces événements tragiques, est mort dans la nuit
d'une congestion cérébrale dont les médecins font remonter la cause
à l'émotion ressentie.
Religieuse folle. La soeur directrice de l'école communale de
filles, à Breil, atteinte d'aliénation mentale, a tenté de mettre fin
à ses jours. Elle a été conduite à l'asile d'aliénés de Saint-Pons,
à Nice. Cette religieuse était, parait-il, malade depuis quelque
temps. Tout le monde, sauf quelques intimes, ignorait le genre de
sa maladie. (Petit Var, 4 février.)
La folie. Une femme de cinquante ans, Mme Brunswick,
demeurant rue du Mont-Cenis, 68, à Montmartre, qui, depuis quel-
ques jours, donnait des signes manifeste de démence, a tenté, hier,
de se suicider en s'entaillant la gorge à l'aide d'un couteau de
cuisine. Souffrant horriblement de la blessure qu'elle venait de se
faire, elle appela au secours, mais plutôt pour la débarrasser des
ennemis imaginaires qui en voulaient à sa vie, que pour lui don-
ner les soins qu'exigeait son état.
Quand les voisins accoururent à ses appels, elle était en proie à
une crise si intense que les agents, qu'on avait été quérir, durent
la lier pour la conduire, chez M. Carpin, commissaire de police,
qui l'a immédiatement envoyée à l'infirmerie spéciale du Dépôt.
Il y a peu de temps, la pauvre folle avait mis toute la maison
en révolution en prétendant qu'un malfaiteur s'était introduit chez
elle et avait tenté de l'assassiner en lui assénant sur la tête un
violent coup de sa pince-monseigneur. Et ce qui donnait quelque
créance à ce récit, c'est que la malheureuse femme portait, en
effet, au sommet du crâne, une blessure assez sérieuse. Maiscette
blessure, elle se l'était faite elle-même dans un des fréquents accès
de folie auxquels elle était sujette. (Le Figaro, 21 janvier 1900.)
VARIA. 461
- Le bon toqué Adalbert de Géraldine qui, l'autre jour, présentait
sa défense en vers devant le tribunal correctionnel, vient de re-
tomber entre les mains des alguazils de M. Lépine.
Il se trouvait, hier soir, à la terrasse d'un café de Montmartre,
quand l'idée lui vint brusquement de prononcer un grand discours
politique. Les passants s'assemblèrent et l'ineffable Adalbert dé-
versa sur eux les flots de son éloquence subversive. Il trouva
même le moyen d'outrager le président de la République, ce qui
lui valut d'être empoigné par deux vigoureux gardiens de la paix
et envoyé au Dépôt. (Le Matin, 4 février 1900.)
La CAMISOLE DE FORCE MORTELLE.
Une habitante de l'Isle-sur-Sorgue, Mme Pauline Bonnefoy, jour-
nalière, âgée de cinquante-cinq ans, poursuivait depuis 'quelque
temps les membres de la famille P... d'injures et de menaces. Sur
la plainte de M. P..., négociant, et sur sa déclaration que cette
femme était folle, 111 ? Bonnefoy fut examinée par trois médecins
de l'Isle, MM. Compagne, Tallet et Laffond.
Les docteurs furent unanimes à déclarer que 111me Bonnefoy
et sa fille Irma, âgée de vingt et un ans, étaient folles à lier,
atteintes de manie raisonnante avec hallucinations de l'ouie et de
la vue, et que, sous l'influence du délire, elles pourraient causer
de graves malheurs. En conséquence, les deux femmes furent
internées, le 10 du courant, à l'hospice des aliénés de Montdever-
gnes.
Mme Bonnefoy protestait avec fureur contre son internement
et se débattait avec une telle rage que les religieuses, gardiennes
de l'établissement, jugèrent nécessaire de lui passer la camisole
de force, se faisant aider dans cette opération par le cocher de
l'asile. Mme Bonnefoy, domptée, resta un instant comme hébétée,
puis jeta un grand cri et tomba sans connaissance. On crut d'abord
à un évanouissement. Mais tous les soins donnés à la malade ne
pouvaient la ranimer. On appela un médecin. Celui-ci ne put que
constater le décès de Mme Bonnefoy.
Les Drs Compagne et Laffont ont déclaré que la mort était due à
une syncope causée par l'horreur qu'avait éprouvée la malade en se
voyant mettre la camisole de force. (Le Temps, 13 février 1900.)
FOLIE RELIGIEUSE.
L'Allgemein HanJelsbla rapporte un drame épouvantable qui
vient de se passer à Altforst, un village de la Gueldre, près d'Ap-
peltern :
« Une secte religieuse, formée d'habitants de ce village, avait
décidé d'offrir un sacrifice au Seigneur. Dans la nuit de vendredi
462 varia.
à samedi, conformément à ce qui avait été décidé, deux jeunes
filles vinrent chanter des psaumes devant la demeure du cultiva-
teur Scherf, un des membres de la société. Aussitôt, Scherf appela
son domestique et l'assassina sur place.
« La tête et les bras du cadavre furent coupés, et Scherf, sa
femme et les deux chanteuses de psaumes se lavèrent les mains
dans le sang de la victime, puis, pour compléter le sacrifice, on
mit le feu à la chambre. Scherf, qui s'était rendu quelques heures
après à Batenburg, chez sa mère, a été arrêté à son retour, au
moment où il traversait Appeltern.
« A la nouvelle du fait, vingt membres se rendirent dans l'habi-
tation et se mirent à chanter des psaumes jusqu'à dimanche
matin. On ne les a pas laissé sortir de la maison, qui est cernée
par un cordon de gardes champêtres. Un détail : le cadavre avait
été saigné, et les vingt membres de la secte se sont lavé les mains
dans le sang. » (Le Temps, 9 février 1900.)
Le Siècle du 12 février complète ainsi les renseignements qui
précèdent :
« Le drame sanglant qui vient de se dérouler à Appeltern, en
Hollande, doit bien être attribué à un accès de folie religieuse. A
la suite d'un examen médical, le cultivateur Scherf a été interné
à la maison d'aliénés de Medemblik.
« On prétend qu'il voulait aussi sacrifier un de ses enfants. Sa
femme déclare « qu'il peut revenir à tout moment au logis, parce
« qu'il est tout-puissant ». Toutes les personnes atteintes de cette
folie religieuses sont enfermées dans leurs maisons, gardées par
la police. La gendarmerie de Nimègue est arrivée sur les lieux. Au
dernier moment, la nouvelle arrive que plusieurs personnes répu-
tées dangereuses ont été transférées à l'établissement d'aliénés de
Saint-Grave.
« Les cinq enfants de Scherf ont été retirés à leur famille et con-
fiés à des parents, ainsi que les trois enfants d'une veuve qui
appartient aussi à la secte. Le corps de la victime a été inhumé au
cimetière d'Appelterre. Les porteurs, les membres de la famille,
l'instituteur chef de l'école protestante et le bourgmestre ont seuls
été autorisés à assister à la triste cérémonie. Ce dernier a prononcé
une émouvante allocution. » -
FAITS DIVERS.
Asiles d'aliénés. Nominations et promotions. - M. le De La-
LANNE, médecin-adjoint à Maréville (Meurthe-et-Moselle), promu à
la 110 classe du cadre; Dr Dubuisson (Paul-Émile), médecin en
chef à l'Asile clinique (hommes) passe en la même qualité au ser-
vice des femmes, en remplacement de Dr Bouchereau, décédé ;
Le Dr Vallon, médecin en chef à Villejuif (Seine), passe en la même
qualité à l'Asile clinique (hommes), en remplacement de Dr Du-
buisson ; - Le De Marié (A.), médecin en chef à Dun-sur-Auron
(Cher), passe en la même qualité à Villejuif en remplacement du
Dr Vallon ; Le De Thibaud, médecin adjoint à Quimper, passe
en la même qualité à l'asile de Quatre-Mares (Seine-Inférieure),
en remplacement de Dr Thivet, nommé médecin en chef à Cler-
mont (Oise).
Asile d'aliénés DE la seine. A la suite du concours ouvert le
5 décembre 1899, et par arrêté préfectoral en date du 12 janvier
courant, ont été nommés :
Internes tilidaires en médecine : MM. Mailet (François-Joseph),
Vurpas (Claudius), Buvat (Jean-Baptiste), Parant (Armand-Victor),
Cayla (Léon-Ernest-llonoré-Louis), Meunier (Paul-Gaston).
Internes provisoires en médecine : MM. Masselon (Pierre-René),
Bienvenu (Paul-Léon), Guiard (Henri-Léon-Louis), Lefilliâtre (Ar-
mand).
Le sujet de la composition écrite a été le suivant : Sympathique
cervical. (Anatomie et physiologie.) Les questions orales don-
nées ont été les suivantes : Pathologie interne : Des crises gastri-
ques. Pustule maligne. - Formes cliniques de l'urémie. Patho-
logie externe : Symptômes et diagnostic de la hernie étranglée.
Mal de Pott. - Signes et diagnostic de la cuoealgie.
En ce qui concerne l'internat en pharmacie, ont été nommés à la
suite du concours du 6 novembre 1899 et par arrêté préfectoral du
12 janvier courant :
Internes titulaires en pharmacie : MM. Bricard (Eugène-Louis-
Joseph), Hirn (Marie-Emile), Desmots (Henri-Auguste), Tiffeneau
(Jules-César-Jean-Marie).
Internes provisoires en pharmacie : MM. Pouilh (Louis-Paul-Guil-
laume-Jules), Normand (Léon-Charles-Victor-Auguste), Lacroix
(Jean-Baptiste-Joseph), Ville (Henri-Lucien).
464 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
EMPOISONNEMENT.- Deux enfants de cinq et sept ans, de St-Vincent-
la-Châtre (Deux-Sèvres), ayant mangé des graines de datura, après
avoir éprouvé de violentes douleurs devinrent subitement fous
furieux ; on a peu d'espoir de les sauver. (Le Bonhomme Normand,
du 17 au 23 novembre 1899.)
Cooatss KNAPP. - The trealment of ce)'e& ? 'a <M)) ! ot's. Brochure in-4
de 13 pages. Boston, 1899. - Damrell und Upham, pubhshers.
DONATH (J.). - Ein Fall von traumatischer periodiscleer Llilzmung. -
Brochure in-8° de 10 pages. Wien und Leipzig, 1899. - Librairie
Braumüller.
GARNIER. Asile départemental d'aliénés de Dijon. Rapport médical,
compte moral et administratif présenté pour l'année 1899. - Brochure
in-8° de 58 pages. Dijon, 1899. Imprimerie Prodot-Carré.
Grasset. Analomie clinique des centres nerveux. Volume in-16,
cartonné, de 96 pages. Prix : 1 fr. 50. Paris, 1900. Librairie
J.-B. Baillière.
LEY. - Le traitement des enfants idiots et arriérés en Belgique.
Brochure in-8° de 17 pages. Gand, 1900. Imprimerie E.-Vander
Haeghen.
LUZENBEItGEIt (A.). Bolle erpaticlae recidivanli aile dita. Curale
colla galvanizzazione dei tronchi 71eî,vosi. - Brochure in-8° de 9 pages.
Napoli, 1899. Lihreria Detken e Rocholl.
Luzenberger (A.). Sull'acroparestesia (di Schultze) e sul suo tralla-
menlo per mezzo dell'eleltricita. Brochure in-8° de 15 pages. - Milan,
1899. - Librairie Fr. Vallardi.
LUZENBERGER (A.). Suit trattamento del varicocele per mezzo della
galvanofaradizzazione. Brochure ut-8° de 7 pages. Milan, 1899.
Librairie Fr. Vallardi. e v
Managez Rôle de l'arthritisme dans la pharyngite granuleuse.
Brochure in-8° de 3 pages. Paris, 1899. - Chez l'auteur, 14, rue
Duphot. ' 0
NINA-RoDRIGUES. - Métissage, dégénérescence et crime. Brochure
in-8° de 40 pages, avec 2 tableaux hors texte. Layon, 1899. Librairie
A. Storck.
Ponrtntrt. - Assistance et traitement des idiots, imbéciles, débiles, dégé-
nérés amoraux, crétins, épileptiques (adultes et enfants). Assistance et
traitement des alcooliques. Colonies familiales (Aperçu critique sur
l'article 2 du nouveau projet de loi portant revision de la loi du 30 juin 1888,
sur les aliénés), avec une préface de M. le D' Magnan. Tome VII de la
Bibliothèque d'éducation spéciale. Un volume in-8° de iv-212 pages.
- Prix : 5 francs. Pour nos abonnés : 3 fr. 50.
Le rédacteur-gérant : BOURNEVILLE.
Évreux, Ci). HhISSEV, imp. - 5-1900.
Vol. IX. Juin 1900. N" 54.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
PATHOLOGIE NERVEUSE.
Observation de chorée chronique héréditaire
d'Huntington, examen histologique ;
par Il
Le D P. KERAVAL, et Le D' G. RAVI,IRT,
Médecin directeur de l'asile Préparateur, chargé des travaux pratiques
d'Armentières. d'anatomie pathologique à la Faculté de Lille.
L'observation suivante a pour caractère d'être complète
au point de vue clinique et d'être appuyée par une étude
histologique détaillée. Nous ne saurions trop remercier
M. le professeur Curtis des conseils qu'il nous a donnés pour
mener à bien l'examen microscopique que l'on va lire et qui
aété pratiquédansson laboratoire. Il ne nous paraît pasnéces-
saire de faire une revue critique des faits de cette nature
déjà publiés, l'intérêt de l'observation résidant principale-
ment dans les altérations anatomo-pathologiques qui ont
été constatées. Peut-être publierons-nous plus tard un mé-
moire synthétique et analytique sur l'ensemble des chorées
de ce genre, confirmé par des recherches ultérieures de cli-
nique et d'anatomie pathologique. L'important, nous paraît
être pour le moment, de livrer ce fait à la publicité.
Observation clinique.
Brout... (Lucien-Henri), né le 20 octobre 1856, célibataire,
entre à l'asile d'Armentières le 4°r septembre 1899, il est atteint
Archives, 2' série, t. IX. 30
46G PATHOLOGIE NERVEUSE.
de démence, et présente les signes classiques de la chorée chroni-
que de Huntington. Nous recueillons sur ses antécédents
héréditaires et personnels les renseignements suivants dont l'inté-
rêt est très grand comme on va le voir. Le grand-père paternel
était grand buveur, il est mort des suites d'une affection cardiaque.
Le père de notre malade, fut bien portant durant sa jeunesse,
il n'eut pas de rhumatismes ; il était sobre, mais fumait beaucoup.
Il est soldat en France, revient chez lui à vingt-cinq ans, et deux
ans après, les premiers phénomènes choréiques apparaissent. En
cinq ans, ils avaient faits de tels progrès que le malade était hors
d'état de travailler. D'abord cantonnés aux bras, les mouvements
choréiques se montrèrent aux jambes, puis à la tête. La marche
était impossible cinq ans après le début et il dut entrer à l'hôpi-
tal d'Hazebroucq, il y mourut cinq ans après y être entré; il était
resté au lit, tout ce temps.
C'était un homme vif, à caractère bizarre ; il s'emportait facile-
ment et pour un rien battait femme et enfants. Mais un état men-
tal ne commença à se constituer qu'après son entrée à l'hos-
pice ; après trois à quatre ans il était en démence. Il avait deux
soeurs et un frère plus âgés que lui, qui ne présentèrent jamais
aucun trouble. Sa mère avait quarante-huit ans quand elle le mit
au monde.
Marié à dix-huit ans, il eut deux enfants, notre malade, et quatre
ans après, un autre garçon. Le frère de notre malade fort bien
portant étant jeune, était garçon boulanger à treize ans; c'était un
très solide gaillard à cette époque. Mais il fit de nombreux excès
tant alcooliques que vénériens. Après un refroidissement, il con-
tracte une bronchite et depuis, tousse constamment. Pas de rhu-
matismes. Il est soldat, va trente mois en Afrique dans la province
d'Oran ; il n'y contracte point de fièvres. Il y but beaucoup d'ab-
sinthe. Pas de maladies vénériennes.
A trente-huit ans, se montrèrent chez lui les premiers mouve-
ments choréiques, ils apparurent en hiver, et atteignirent la jambe
puis le bras gauche, et ce n'est qu'après deux années que la face
fut prise à son tour. Dans la moitié gauche du corps ses mouve-
ments sont constants, ils le sont moins dans les membres droits.
Les temps humides exerceraient sur ces mouvements très nette-
ment choréiques, une réelle influence. La volonté est impuis-
sante à arrêter ces mouvements qui persistent même pendant le
sommeil (comme chez son père et chez son frère). L'évolution
est lente mais progressive; la marche devient très difficile. La foire
musculaire n'est nulle part amoindrie ; il n'y a pas d'amaigrissement.
Le réflexe rotulien est exagéré. 11 n'y a pas de réflexe plantaire,
pas de trépidation épileptoïde. Les pupilles dilatées réagissent
bien, il n'y a pas de nystagmus, les yeux sont constamment en
mouvement. La sensibilité est intacte dans tous ses modes.
CHORÉE CHRONIQUE HÉRÉDITAIRE D'HUNTINGTON. 467 Î
Ce malade a toujours eu un caractère très vif; avec cela légère- >
ment craintif; il a peur de l'orage par exemple. Il n'a pas de mé-
moire : à l'école, sitôt appris, sitôt oublié, nous dit-il.
Vient maintenant : Brout..., bien portant étant jeune, malheu-
reusement excès alcooliques et vénériens. Passait fréquemment la
nuit et fatiguait énormément. La chorée débuta à vingt-quatre
ans, elle évolua rapidement. Les pieds et les bras, sont d'abord
pris, et, quatre ans après le début, la tête est également le siège des
mouvements. Non modifiés par la volonté, ces mouvements choréi-
ques existaient pendant la nuit, et, durant son sommeil, notre ma-
lade donnait des coups de pied et gesticulait. Ajoutons que les
membres gauches furent toujours les plus atteints. Depuis quel-
ques années, le malade rêvait beaucoup et tout haut.
Au moment où nous vîmes Brout... pour la première fois, les
accidents remontaient donc à dix-neuf ans. Voici l'observation telle
qu'elle fut prise par M. BOUTROIS, interne de l'établissement :
Brout... (Lucien-Henri), quarante-trois ans, célibataire, est
entré à l'asile le 1 ? septembre 1899 dans un état de misère phy-
siologique très avancée. La maigreur est extrême, la force physi-
que presque nulle. La station debout est presque impossible, les
jambes paraissent être le siège d'un certain degré de parésie et
nous sommes obligés de faire coucher le malade dès son arrivée.
L'examen physique dénote chez lui de nombreux signes de
dégénérescence. Asymétrie faciale marquée. Front bas, voûte du
palais ogivale. Le crâne, très étroit à la région frontale, va s'élar-
gissant vers les bosses pariétales, pour se rétrécir ensuite et se ter-
miner en pointe derrière le vertex, formant ainsi une variété
d'acrocéphalie assez remarquable. Les oreilles sont larges, les
replis presque effacés, les lobules adhérents. Très velus, le thorax
et le ventre surtout sont couverts d'une toison brune fort épaisse
et longue. Les sourcils sont extrêmement fournis. La taille est
moyenne. Les ongles des mains sont larges, cannelés dans le sens
de la longueur et très friables.
Ceux des orteils sont également le siège de troubles trophiques.
Tous sont épaissis en massue, hypertrophiés, formant de vérita-
bles excroissances cornées. Ceux du gros orteil notamment sont
enroulés sur eux-mêmes, se rabattant par leur extrémité libre vers
la matrice. Les organes génitaux paraissent normaux.
On ne relève pas chez ce malade de traces de syphilis ni d'alcoo-
lisme. Mais ce qui frappe surtout chez lui, ce sont les mouvements
ince-sants qui agitent toutes les parties de son être, mouvements
incoordonnés, sans aucun rythme, se produisant par secousses
brusques et imprévues.
Très faible, comme nous l'avons déjà dit, Brout... ne peut se
tenir sur ses jambes sans être soutenu ; l'étude de sa marche est
donc impossible. Toutefois, il est à signaler que lorsqu'on le sou
468' PATHOLOGIE NERVEUSE.
tient et qu'on le prie de faire un pas, son pied se jette désordon-
nément on avant de cinq à dix centimètres, la pointe légèrement
fléchie vers la jambe, le talon quittant à peine le sol.
Si l'on assied le malade, il s'incline subitement à droite ou à
gauche sur le dossier de sa chaise, pour se redressser ensuite, ou
bien fléchir le corps en avant. Les jambes et les bras sont conti-
nuellement en mouvement, les genoux s'écartent ou se rappro-
chent tout à coup, les pieds quittant le sol en partie tantôt de la
pointe, tantôt des talons. -
Les membres supérieurs en flexion et rapprochés du tronc ont
des mouvements moins fréquents. Les doigts cependant sont tou-
jours agités. Les épaules tantôt se baissent, tantôt s'élèvent et cela
ensemble on isolement.
La tête est animée de mouvements de rotation, de flexion, d'ex-
tension dans tous les sens. Tous les muscles de la face participent
également à l'agitation continuelle du reste du corps.
Dans le décubitus dorsal, position où l'examen du malade a été
le plus favorable, les membres sont également dans un perpétuel
mouvement. La flexion l'emporte en énergie sur l'extension, car
le malade n'est jamais en état de résolution complète. Les cuis-
ses sont fléchies sur le bassin, les jambes sur les cuisses, et l'en-
semble est agité de secousses qui produisent, ainsi que nous ten-
dons à le faire comprendre, des extensions passagères et jamais
complètes. Fréquemment, le malade couché, dresse verticalement
un membre inférieur gauche. Les bras sont ramenés vers le tho-
rax et légèrement élevés ; les avant-bras sont fléchis à angle droit
sur les bras. Les poignets et les cous-de-pieds ont des mouve-
ments de flexion, d'extension, de supination et de pronation.
Toutes les articulations des doigts et des orteils offrent ces mou-
vements de flexion et d'extension qui semblent des mouvements
d'impatience. A noter particulièrement les mouvements des arti-
culations métacarpo et métatarso-phalangiennnes qui écartent et
rapprochent de façon curieuse les doigts et les orteils. Et tout cela,
sans aucun rythme, aucune coordination, brusquement, par
secousses convulsives.
La même brusquerie se retrouve dans les contractions présen-
tées par les muscles du thorax et de l'abdomen, produisant une
sorte de frémissement du corps analogue à celui que produit le
chatouillement. L'attitude générale du malade d'ailleurs serait
assez justement comparée dans cette position à celle d'un jeune
chien couché sur le dos, les pattes en l'air pour se faire caresser.
. Etant donné l'état de déchéance mentale du malade, les mou-
vements intentionnels qu'on peut lui faire exécuter sont peu nom-
breux, par suite de la difficulté où l'on se trouve d'attirer son
attention. Cependant, lorsqu'on lui demande la main, il arrive à
la donner sans trop d'hésitations, probablement parce que cet
CHORÉE CHRONIQUE HÉRÉDITAIRE D'HUNTINGTON. 469
acte est assez court, car il lui est impossible de s'habiller et de
manger seul; si d'autre part on le prie de porter la main à une
épaule après l'avoir portée sur l'autre, la dernière partie de l'or-
dre ne s'exécute qu'avec beaucoup plus de lenteur et d'hésitations
que la première. - - ,
Pas de troubles notables de la sensibilité, bien qu'elle soit un peu
retardée. Légère inégalité pupillaire.
Réflexes : Réflexe rotulien exagéré surtout à gauche. Pas de
réflexe plantaire. Pas de trépidation épileptoïde; réflexes oculaires
conservés.
La respiration, le plus souvent normale, présente, par instants,
des troubles dans le rythme, ces troubles sont manifestement
causés par des spasmes du diaphragme qui concurremment con-
vulsent l'abdomen. Pas de fièvre.
La digestion se fait bien ; mais la mastication est difficile et la
déglutition des matières solides est pénible.
Rien de particulier du côté du coeur. Pas d'athérome. L'exa-
men sthétoscopique de l'appareil respiratoire dénote des lésions
de tuberculose pulmonaire avancée surtout à gauche, où la matité
est intense, le murmure vésiculaire complètement disparu, où l'on
trouve des craquements à la base et du gargouillement au sommet.
A droite, au sommet, quelques craquements.
Etat mental. Réaction pour les événements du monde exté-
rieur considérablement diminuée. Attention fugitive. La volonté
semble fort amoindrie. La mémoire est complètement troublée.
Brout... parle parfois seul, comme sous le coup d'hallucinations,
mais de façon à peu près incompréhensible, étant donnés-les
spasmes qui secouent aussi les muscles du larynx. Aux questions
qu'on lui pose, il répond, autant qu'on peut l'entendre, de-façon
incohérente.
Depuis le 30 août 1896 qu'il était pensionnaire à l'hôpital civil
d'Armentières, Brout... n'avait jamais paru jouir de la plénitude
de ses facultés. Cependant, il était calme, bien qu'ayant le carac-
tère assez morose et taciturne. Progressivement, son état moral
devint plus inquiétant, il s'aigrit, devint susceptible, hargneux. Il
y a quelques semaines, des troubles intellectuels plus graves se
manifestent chez lui et nécessitent son admission à l'asile d'aliénés :
devenu subitement impulsif, brutal envers ceux qui l'approchent,
il se livre à des actes incohérents, s'esquive le soir au moment du
coucher, et la nuit, très agité, pousse de grands cris, empêchant
ses camarades de salle de dormir.
A son arrivée à l'Asile, il semble que cet état d'agitation soit
pourtant un peu calmé, mais Brout... parait être en plein état de
démence. '"
16 septembre 1899. Le malade ne peut absorber aucun ali-
470 PATHOLOGIE NERVEUSE.
ment solide : on le nourrit avec du lait qu'on lui fait boire au
petit pot.
- L'agitation présentée à l'arrivée a disparu ; il est calme sur son
lit d'où il ne bouge pas, et ne parle que fort peu.
25. Le malade gâte. On l'envoie au quartier spécial Leuret.
Toujours le même état mental de démence, mais aussi de calme.
La première quinzaine d'octobre se passe assez bien ; rien ne vient
ajouter une note nouvelle à l'état mental et physique de Brout...
Cependant le 18 octobre, une eschare sacrée se produit. Elle
augmente rapidement les jours suivants et le 24 octobre elle
atteint les dimensions de la paume de la main. Le lendemain
25 octobre, autre eschare à l'angle supéro-interne de l'omoplate. La
lèvre inférieure est, vers la commissure gauche, le siège d'une
lésion trophique se présentant sous l'apparence d'une lame kéra-
tinisée recouvrant le derme rouge, infiltré de sérosité.
Les mouvements choréiques perdent leur énergie, ils sont moins
fréquents, moins étendus. Par contre, l'agitation intellectuelle
s'accroît : le malade crie, surtout la nuit, lance des injures de sa
voix contorsionnée, semble s'emporter contre des êtres invisibles,
et oppose une résistance aussi brutale que le permet son misé-
rable état physique aux infirmiers qui le soignent et le changent;
l'amaigrissement s'accentue.
Les jours suivants, les eschares grandissent. Le 30 octobre une
violente diarrhée se déclare : une nouvelle eschare commence à la
partie postérieure de la jambe, au niveau du condyle interne du
fémur.
Le malade tombe dans le marasme ; les accidents choréiques
deviennent de moins en moins sensibles.
Le 3 novembre, à 10 heures 15 du matin, le malade meurt, les
membres en résolution.
Autopsie. Examen histologique.- L'autopsie est pratiquée vingt-
quatre heures après la mort. La boite crânienne est ouverte, la
dure-mère incisée et réclinée, on constate alors que l'espace sous-
arachnoïdien est le siège d'un oedème d'aspect mousseux blan-
châtre, qui présente une anologie frappante avec de la salive blan-
che aérée ; il est particulièrement abondant au niveau des circon-
volutions ascendantes. Le système veineux pie-mérien, est très
congestionné. Granulations méningiennes nombreuses. L'écorce a
un aspect normal, toutefois les sillons frontaux semblent plus
accentués à droite qu'à gauche. L'encéphale est extrait et des
fragments prelevés dans chacune de ses parties sont fixés en vue
de l'examen microscopique. La moelle et les nerfs périphériques
ont été également fixés. Notons qu'un examen macroscopique
attentif n'a rien pu faire découvrir d'anormal.
Ecorce cérébrale. - Méthode de Nissl. - Circonvolution frontale
ascendante droite. Le nombre des cellules pyramidales parait sen-
CHORÉE CHRONIQUE HÉRÉDITAIRE D'HUNTINGTON. 471
siblement réduit et les éléments qui subsistent sont loin d'être
absolument sains. Les cellules nerveuses qui semblent le moins
altérées, ont leur protoplasme encore intact, mais la coloration
bleue, y est déjà presque uniformément répartie; toutefois on y
distingue encore de fines granulations et la teinte bleue, très mar-
quée dans la région basale de la cellule, est presque insignifiante au
niveau de son extrémité effilée. Quant au noyau, situé à peu près
exactement au centre des cellules, sa coloration est d'un bleu pâle,
on distingue en son centre un nucléole fortement teinté. Mais dans
bon nombre de cellules l'aspect est différent, et on trouve autour
du noyau coloré en bleu, une zone blanchâtre circulaire limitée
en dehors par le protoplasme cellulaire coloré en bleu ; les dimen-
sions de cette auréole blanche périnucléaire sont plus ou moins
considérables, si bien que dans certaines cellules la substance chro-
matique se réduit à une bande plus ou moins étroite bordant la
périphérie de la cellule. Dans d'autres cellules au contraire, c'est
immédiatement autour du noyau que se trouve la substance chro-
matique, le reste de la cellule étant grisâtre, presque incolore.
A côté de ces cellules qui semblent déjà malades, nous en voyons
un assez grand nombre en voie de désintégration : le noyau gonflé
occupe une grande partie du corps cellulaire et on voit son nucléole
accolé contre la membrane d'enveloppe ; quant au protoplasme
cellulaire, nous pouvons en saisir tous les degrés d'altération :
d'abord grisâtre, finement granuleux, nous le voyons disparaitre
autour du noyau,. et former alors à ce dernier une véritable cou-
ronne qui devient poussiéreuse et finit par disparaître, le noyau
profondément altéré, se trouvant en quelque sorte être misen liberté.
En examinant attentivement les préparations, on retrouve un grand
nombre de ces noyaux tranchant par leur pâleur sur les autres
éléments, ils ont un nucléole périphérique et sont pour la plupart
entourés de quelques débris poussiéreux, derniers vestiges du
protoplasme désagrégé. Leur nombre est très grand et il nous
représente le nombre des cellules pyramidales détruites.
Nous constatons enfin dans toute l'étendue de nos préparations,
une très grande abondance de petites cellules rondes, ou pour
mieux dire de petits noyaux assez régulièrement arrondis, bien
colorés en bleu, et pourvus d'un petit nucléole. Isolées en certains
endroits, ces petites cellules forment le plus souvent des agglomé-
rations 'composées de cinq et même dix éléments tassés les
uns contre les autres. Autour des vaisseaux et des capillaires
les plus fins, nous les voyons formant un véritable manchon au
conduit vasculaire, elles forment en certains points des alignements
parallèles et faiblements distants de la paroi du capillaire. Enfin,
ces cellules affectent avec les cellules nerveuses de l'écorce des rap-
portsqui présentent pour nous le plus grand intérêt, elles entourent
en certains points le corps cellulaire presque en entier ; les espaces
472
PATHOLOGIE NERVEUSE.
péricellulaires en contiennent deux, trois et peuvent même en con-
tenir jusqu'à six. Si on songe que ce nombre ne répond qu'à une
simple coupe, on peut se figurer combien peuvent êlre nombreuses
les petites cellules rondes autour d'une seule cellule pyramidale.
Les cellules nerveuses, à peu près normales, sont aussi bien
entourées de petites cellules que les éléments nerveux altérés, ces
derniers peuvent même sur certaines coupes n'en pas être envi-
ronnés. Au contraire on peut, en certains points, voir les éléments
altérés presque complètement pénétrés par les petites cellules, ces
dernières entourant le noyau altéré de la cellule nerveuse et sem-
blant achever d'en détruire la masse proloplasmique.
L'examen de coupes colorées par l'hématoxyline de Delafield et
le mélange de Van Giesen, nous permet, mieux que la méthode de
Nissl, de nous rendre compte des rapport des petites cellules avec
Fiy. Il. Ecorce cérébrale, Frontale ascendante-droite. (Méthode de
Nissl. Détails dessinés avec : Vérick. Oc. 3, Obj. 4.) Cette figure est
destinée à montrer l'abondance des petites cellules rondes dans toute
l'étendue de l'écorce cérébrale. Elle est la représentation exacte du
champ microscopique.
CHORÉE CHRONIQUE HÉRÉDITAIRE lHU ? TINGTO-.1. 473 na
les cellules nerveuses et leurs loges. On constate alors que les petits
éléments ronds, sont bien dans les loges et on les voit en certains
points refouler légèrement le corps cellulaire. Dans la subs-
tance blanche le développement de ces petites cellules est égale-
Fir. 12. - Écorce cérébrale. (.Méthode de Nissl. Vérick. Oc. 3, Obj. i.
Nous avons représenté dans cette figure, aussi fidèlement que possible)
les différentes altérations dont il a été question an cours de nos des-
criptions. Le lecteur y retrouvpra sans peine, l'élément à peu près,
normal et les altérations cellulaires multiples : gonflement nucléaire,
migration du nucléole à la périphérie, altéiation double du noyau,
raréfaction protoplasmique périnucléaire et finalement désintégration
et disparition presque complète du protoplasma. Enfin on y verra
repiésentés les nombreux éléments névrogliques formant en certains
points des amas en îlots, entourant en d'autres les cellules nerveuses
plus ou moins désagrégées, ou constituant enfin autour des capillaires
un véritable manchon.
474 PATHOLOGIE NERVEUSE.
ment très grand; nous les voyons également en grand nombre
appliquées le long des parois vasculaires.
Ce que nous venons de décrire pour la circonvolution frontale
ascendante droite, pourrait être répété pour la plupart des régions
de l'écorce. Nous avons pu en effet sur un très grand nombre de
coupes retrouver les mêmes altérations, mais c'est dans les circon-
volutions de l'hémisphère droit, et particulièrement dans les zones
psychomotrices de ces dernières, que nous les avons rencontrées
en plus grand nombre.
Nous ne nous sommes point borné à l'examen des cellules de
l'écorce cérébrale et avons pratiqué les méthodes de Weigert et
de Marchi.
La coloration de la névroglie par la méthode de Weigert ne
nous a rien montré d'intéressant, il ne nous a point paru que
les fibres de névroglie fussent augmentées en nombre. Sur des
coupes de l'écorce (frontale ascendante droite) colorées par l'héma-
toxyline de Weigert, on constate que le nombre des fibrilles corti-
cales tangentielles, est très diminué, il n'en existe plus par places,
et celles qui restent présentent, pour la plupart, un aspect moni-
liforme très accusé. Dans les régions profondes de l'écorce, l'aspect
est le même, et a côté de fibres saines, nous en trouvons qui
présentent de nombreux renflements incolores sur leur trajet ou
qui également renflées sur toute leur longueur, sont restées réfrac-
taires à la matière colorante.
La méthode de Marchi ne nous a point révélé d'altérations bien
nettes, tout au plus rencontre-t-on, par-ci par-là, quelques fibres à
myéline gonflées et fragmentées, ayant conservé l'acide osmique.
Moelle épinière. La méthode de Nissl a été appliquée ici sur
des coupes des différentes régions : les grandes cellules des cor-
nes antérieures sont à peu près normales, on ne rencontre pas
autour d'elles de petites cellules rondes; ces dernières, en revanche,
existent en grand nombre autour des cellules nerveuses plus petites
avec lesquelles elles affectent les mêmes rapports que ceux décrits
plus haut à propos de l'écorce cérébrale. Notons en outre que les
cellules nerveuses de la colonne de Clarke nous ont semblé plus
particulièrement atteintes; un certain nombre d'entre elles
présentent les différents aspects de la désintégration cellulaire.
La coloration de la myéline par l'hématoxyline de Weigert nous
a montré, disséminées irrégulièrement sur toute la surface de sec-
tion de la moelle, un certain nombre de fibres gonflées réfractaires
à la coloration. La méthode de Marchi a coloré en noir un certain
nombre de fibres irrégulièrement situées. En somme pas de dégé-
nérescence présentant l'apparence d'une systématisation.
Les nerfs périphériques traités également par la méthode de
Marchi ne présentent pas d'altération bien nette, la myéline a
bien, par places, retenu l'acide osmique, mais en aucun point nous
CHORÉE CHRONIQUE HÉRÉDITAIRE D'HUNTINGTON. 475
ne trouvons la fragmentation, ni la formation de boules caracté-
ristiques.
De quelle nature sont ces petites cellules rondes ? quel serait leur
rôle ? Elles apparaissent presque comme des noyaux libres, avons-
nous dit, leur protoplasme est en effet réduit à très peu de chose.
Le noyau arrondi contient un réseau de chromatine bien marqué;
jamais on ne trouve d'élément qui présente le noyau en bissac des
leucocytes polynucléaires. Si ces petites cellules étaient des leu-
cocytes, il faudrait admettre que ce sont des leucocytes mono-
nucléaires ou lymphocytes; or les leucocytes de cette variété sont
peu abondants et ce sont justement les seuls qui n'émigrent pas ;
d'ailleurs les vaisseaux sanguins, qui sont ici en partie vides, ne
présentent aucune trace de diapédèse.
D'autre part, elles présentent les caractères des cellules névro-
gliques. Sur des préparations colorées par la méthode de Rosin.
les noyaux se colorent en vert comme ceux des cellules névrogli-
ques, etl'on peut constatera l'aide d'un fort grossissement qu'autour
de quelques noyaux existe un petit liséré de protoplasme qui for-
me non pas un bord net mais un bord déchiqueté, comme si de
petits restes de fibrilles rompues étaient demeurés adhérents au
protoplasme cellulaire.
Tout ce que nous pouvons avancer, c'est que ce sont des éléments
d'origine ectodermique en voie de multiplication. S'agit-il d'élé-
ments névrogliques embryonnaires, ou bien sont-ce là des éléments
de réserve qui, à un moment donné, se réveillent et prolifèrent ? le
problème nous parait difficile à résoudre. Quel est d'autre part le
rôle joué par ces éléments ? Est-ce que ces nombreuses petites
cellules que nous rencontrons autour de quelques cadavres cellu-
laires jouissent du pouvoir de phagocyter les cellules nerveuses' ? ' ?
Que font alors les petites cellules que nous rencontrons autour des
cellules pyramidales d'apparence saine 1
N'est-il pas logique de se demander enfin si la présence de ces
éléments pathologiques dans les loges des cellules pyramidales de
la région motrice, n'est pas pour ces cellules une cause d'irritation,
et si les petits amas de mêmes éléments interposés entre les fibres
de l'écorce et entre celles de la substance blanche ne sont pas
également pour ces conducteurs une cause de perpétuelle excita-
tion que traduirait le mouvement choréique ?
En résumé : Altération des cellules pyramidales et des
petites cellules de l'écorce cérébrale allant de la raréfaction
protoplasmique périnucléaire jusqu'à la désintégration pres-
que complète des corps cellulaires. Infiltration interstitielle
et péricellulaiie de petites cellules rondes à gros noyau, à
protoplasme souvent imperceptible, dans tout le cortex et
476 . CLINIQUE MENTALE.
principalement au niveau des circonvolutions -ascendantes
droites. Ces petites cellules rondes déjà signalées par Grep-
pin, par Lannois et Paviot, et par Rispal, nous semblent bien
de nature névroglique. Ces altérations cellulaires et l'infil-
tration de cellules névrogliques existent également dans la
moelle et notamment dans la colonne de Clarke. Pas de
dégénérescence médullaire régulièrement distribuée; nerfs
périphériques à peu près intacts.
CLINIQUE MENTALE.
Hyperesthésie corticale dans l'alcoolisme aigu' ;
PARLES DOCTEURS
- 11. COLOLLAN, Et T -I . R 0 Dl El',
Ancien interne des asiles de la Seine. Interne de l'infirmerie du Dépôt.
Observation IV. Dégénérescence héréditaire : oncle paternel
aliéné alcoolique. Habitudes alcooliques depuis l'âge de treize
. MM.A/coo/m6xu6Mtg ! t;/t«/h<etnn<tO ! ts de la vue et de l'ouïe;
hyperesthésie cutanée ; hyperesthésie du centre auditif.
F... Louis, vingt et un ans, garçon jardinier. Entré le 23 juin
.1899, à une heure du matin à l'infirmerie du Dépôt. Sorti le 27
juin.
. Antécédents héréditaires. Mère morte d'une maladie de coeur.
Père, jardinier, buveur. Deux frères et deux soeurs bien por-
tants. Un oncle paternel, alcoolique, interné plusieurs fois.
Antécédents personnels. - Ne se rappelle pas avoir été malade
pendant sa jeunesse. A l'école, à l'âge de huit ans, apprend à
lire et à écrire, mais difficilement. A treize ans, il quitte l'école et
devient garçon jardinier chez son oncle qui lui enseigne le
métier.
Dès ce moment, il commence à boire, car il était traité, malgré
son jeune âge comme les autres ouvriers. Le régime de son oncle,
' Voir Archives de Neurologie, n° M, t. IX, 1). 38b.
HYPERESTHÉSIE CORTICALE DANS 1 : ALCOOLISME AIGU. Îi î
qui devient aussi le sien, était le suivant : petit verre de marc le
matin ; du vin blanc ou de l'absinthe, quelquefois les deux avant
déjeuner, et, avant diner, amer Picon ou grenadine au kirsch ;
vin blanc ou vin rouge à volonté aux repas.
Depuis cinq ans environ, F... ne dort plus la nuit. Son sommeil
est interrompu par des cauchemars ; il voit passer devant ses
yeux des mouches brillantes, de petites lueurs, des étincelles, etc.
Souffre de crampes dans les mollets. Depuis l'âge de seize ans,
il a des pituites le matin. Son caractère est devenu de plus en
plus irritable, et, à chaque instant il a des querelles avec son
oncle, querelles qui le décident a venir à Paris chercher de
l'ouvrage.
Le 22 juin, à onze heures du soir, il est trouvé par des agents sur
le Pont-Neuf, donnant des coups de pieds et des coups de poing.
Il dit se défendre ainsi contre cinq ou six hommes qui le poursui-
vent et veulent le tuer. Il est arrêté, conduit au poste et, de là à
l'Infirmerie du Dépôt à une heure du matin.
Examiné le lendemain à cinq heures du soir, F... est plus calme
et capable de répondre aux questions posées.
C'est un grand garçon robuste et bien musclé. Il est actuelle-
ment encore sous l'influence d'hallucinations spontanées, car si
on lui demande pourquoi il fixe continuellement la fenêtre : « c'est
qu'il y a des hommes, répond-il, qui lui font des signes derrière
les barreaux ; ils sont trois, celui qui est au milieu tient un grand
couteau. »
Ce ne sont pas seulement des hallucinations de la vue : il prétend
en effet entendre leur conversation, il est effrayé des paroles pro-
noncées par eux, c'est de sa mort qu'il s'agit.
Si, pendant un certain temps, on lui presse sur les globes ocu-
laires, il se plaint de voir passer des mouches brillantes et surtout
« des petits serpents de feu ». Longtemps après qu'on a cessé toute
pression. F... regarde les murs de sa cellule, et aux interrogations
qu'on lui pose sur les objets qui fixent son attention, il répond qu'il
aperçoit des raies scintillantes et des étincelles qui courent le
long de ces murs. En outre, l'hallucination concernant les hom-
mes cachés derrière la fenêtre, ramène à chaque instant sa vue
de ce côté.
Les tapotements sur les oreilles et l'application des mains sur le
conduit auditif externe, réveillent et exagèrent les hallucinations de
l'ouïe. Les hommes, cachés pour le tuer, parlent plus haut. Ils
disent : « Attendons que tout le monde soit parti et nous lui ferons
son affaire ; c'est au cou qu'il faut le frapper. »
C'est environ deux minutes que dure la perception nette des
paroles. Ce temps passé, elles redeviennent plus confuses, plus
éloignées, telles qu'on les observait avant l'expérience, puis elles
cessent. t. ' .
478 CLINIQUE MENTALE.
Si F..., ayant les yeux fermés, on lui fait toucher divers objets :
un crayon, le bord d'un chapeau, une boite d'allumettes, il ne
sait pas en définir la forme, et prend le bord de son chapeau
successivement pour une fourchette, puis pour un couteau.
Du côté des différents réflexes, on trouve le réflexe patellaire
peu accusé, le réflexe pharyngien très peu marqué, les réflexes
plantaire et palmaire exagérés, au point qu'il est presque impos-
sible de toucher le malade, tant au moindre frôlement ses gestes
sont brusques.
De même, surtout au niveau des côtes et sur la face antérieure
des bras et des cuisses, les moindres attouchements provoquent
une réaction très vive.
24 juin. La nuit a été meilleure que la précédente, bien que
le malade ait encore très peu dormi.
Les hallucinations de l'ouïe n'existent plus. Celles de la vue
persistent au même degré. Le tremblement et l'hyperesthésie ont
diminué. Même état des réflexes. Rien aux différents appareils.
26. F... n'a plus d'hallucinations d'aucune sorte, ni de symptô-
mes aigus d'alcoolisme ; il se rend compte que les troubles éprou-
vés par lui étaient dus aux excès de boissons qu'il avait faits en
ces derniers temps. Il part le lendemain 27 juin, remis en liberté
après la promesse, qu'il a faite probablement bien des fois, « de ne
plus boire ».
Si nous rapportons cette observation, malgré le peu d'hyper-
esthésie corticale que F... présente, c'est qu'elle a un point
très intéressant pour nous : l'apparition et l'exagération des
hallucinations de l'ouïe correspondant aux excitations. A un
moment de calme, nous appliquons nos mains sur les oreilles :
les hallucinations apparaissent bientôt, bien plus intenses et
nettes qu'avant l'excitation; elles disparaissent avec elle.
C'est bien l'hyperesthésie du centre auditif qui réagit sous
l'action de l'alcool.
Observation V. Habitudes alcooliques depuis la jeunesse. -
Alcoolisme subaigu avec excitation passagère ; hyperesthésie corti-
cale gustative.
P..., cinquante-deux ans, cordonnier, entré le 9 juin 1899, à
neuf heures du soir. Sorti le 10 juin à six heures du soir.
Antécédents héréditaires. Grands parents bourguignons,
vignerons, buveurs de vin. Père, marchand de vin, mort d'une
maladie de foie. Mère morte d'une attaque de paralysie. Un frère
et une soeur bien portants.
Antécédents personnels. Rien de particulier dans la vie du
HYPERESTHÉSIE CORTICALE DANS L'ALCOOLISME AIGU. 479
malade, si ce n'est des rhumatismes articulaires à l'âge de vingt
ans. Tout jeune, apprenti cordonnier, il a commencé à boire.
Depuis, le régime qu'il a suivi est toujours le même : vin blanc, ou
la goutte le matin, à midi et le soir amer Picon avant le repas, et
un litre de vin rouge par jour. 11 n'a jamais aimé l'absinthe, dit-il,
et c'est à peine si de temps en temps, il en a pris un verre. Sa
boisson favorite a toujours été l'amer Picon.
Depuis trois ou quatre ans, P... s'aperçoit que son sommeil est
troublé la nuit par des rêves effrayants, qu'il a du reste beaucoup
de peine à s'endormir, que ses mains sont tremblantes, ce qui le
gêne beaucoup pour son travail, qu'il vomit le matin en se levant.
Son caractère aussi a changé : il est beaucoup plus irritable
qu'autrefois, et le moindre ennui est cause qu'il reste des journées
entières silencieux, incapable de travailler. D'autres fois, il me-
nace sa femme de la tuer, lui reproche de faire venir des policiers
qui l'observent et encombrent sa maison.
Ces temps derniers, outre l'amer Picon comme apéritif, il
buvait surtout du vin, et en buvait jusqu'à vomir, quelquefois
trois litres à un repas. P..., qui est arrivé hier soir à l'Infirmerie
du Dépôt extrêmement surexcité, et incapable de subir un examen,
est un peu calmé aujourd'hui, le 10 juin.
C'est un homne de cinquante-deux ans, assez grand, encore
robuste pour son âge. Il est tout tremblant, et ni les pieds ni les
mains ne tiennent en place. Tout son corps est couvert de sueur.
Il ne semble pas qu'il existe en ce moment des hallucinations
sensorielles quelconques.
La sensibilité parait normale, et le frôlement, la piqûre, le pin-
cement, n'amènent pas des réactions très vives. Il en est de même
pour les chocs, même répétés. La suggestion ne produit pas
d'effet hallucinatoire.
Du côté des sens, de la vue, de l'ouïe, de l'odorat, le procédé de
Liepmann et les moyens ordinaires ne réveillent aucune halluci-
nation. Le malade répond très bien qu'il ne voit, n'entend et
ne sent rien.
En revanche, si, lui fermant les yeux, comme précédemment,
on lui fait tirer la langue, et qu'on lui passe une feuille de papier
à l'extrémité, aussitôt P... fait la grimace et dit : « Pourquoi me
faites-vous prendre du sulfate de quinine ? Je n'ai pourtant pas
la fièvre. Etes-vous bien sûr que ce soit du sulfate de quinine,
lui dit-on. Certainement, répondit-il, je le sens bien, c'est assez
mauvais. » Et il crache plusieurs fois. La persistance de cette sen-
sation dure plus d'une minute.
Vers quatre heures de l'après-midi, on le renouvelle, mais cette
fois sans résultat. Les symptômes immédiats d'alcoolisme ne sont
plus aussi évidents, sauf le tremblement, toujours très accusé. Le
malade est transféré à Ste-Anne à six heures du soir.
480 CLINIQUE MENTALE.
Le goût seul a réagi ici, et très désagréablement. Ce ma-
lade, calme d'apparence, causant tranquillement de choses
et d'autres, accuse à l'attouchement de la langue, la saveur
du sulfate de quinine. Le bout de papier était propre cepen-
dant, et ne venait pas d'un bocal pharmaceutique. C'est de la
quinine qu'on lui fait avaler, et pourquoi, puisqu'il n'a pas
de fièvre. Et il crache, recrache sa quinine. A quoi pourrons-
nous attribuer ce trouble hallucinatoire ? Au hasard ? Quel
hasard ? C'est le centre de la gustation qui a produit cette
sensation quand le papier a frôlé la langue. C'est l'hyperes-
thésie du centre du goût qui a senti le goût fictif de la
quinine.
Observation VI. - Dénénér·escence mentale. Délire alcoolique avec
hallucinations multiples. - Hyperesthésie de plusieurs centres sen-
soriels.
C... Georges, trente-cinq ans, sans profession, entré à Ste-Anne
le 3 avril, est fils d'un déséquilibré alcoolique, faible d'esprit et
de caractère, émotif et irritable qui délaissa le foyer domestique
au bout de quelques années de mariage, abandonnant sa femme
et ses deux petits enfants. Ce père, dénué de sentiments, a disparu
depuis des années : nous n'avons pas d'autres renseignements sur
lui. La mère est assez bien portante, mais débile d'esprit et d'un
caractère émotif, irritable. La soeur parait bien équilibrée, nous
ne l'avons aperçue qu'une fois et ne savons pas grand'chose sur
elle. Elle présente une asymétrie faciale caractéristique.
Dès son enfance, C... Georges a été un débile, un indigent
intellectuel. A l'école, il n'a rien appris ; il ne s'intéressait à
rien, grandissait apathique et indifférent. Il est à la charge de sa
mère depuis son bas-àge, car il n'a jamais pu apprendre un métier,
bien que plusieurs fois on l'ait placé comme apprenti. Il n'était
pas méchant, sa mère le gardait dans sa boutique de mercière
où il s'occupait un peu du ménage.
A vingt-cinq ans, on s'aperçut qu'il aimait assez le vin et les
alcools, mais n'ayant pas d'argent, il ne pouvait en abuser. Sa mère
le surprit plusieurs fois à voler dans sa caisse pour aller boire, et
dès lors elle la tint constamment fermée. Les derniers temps, il
était parvenu à se procurer le matin à jeun soit du rhum, un vul-
néraire ou un amer Picon. Dans la journée il consommait au
moins deux litres de vin et un ou deux verres de cognac.
Le 28 mars, on s'aperçoit qu'il devient bizarre, parait inquiet, il
ne dort plus aussi bien. Le 2 avril au soir le délire éclate : « il
voit à chaque instant des personnages imaginaires qui pénètrent
dans sa chambre », écrit-on dans le certificat d'internement, « il
HYPERESTHÉSIE CORTICALE DANS L'ALCOOLISME AIGU. 481
montre aux personnes présentes l'endroit où se trouvent ces per-
sonnages chimériques; des voleurs se sont introduits dans son ma-
gasin, il les fait voir aux personnes présentes et demande qu'on
aille chercher le commissaire de police pour les arrêter. » 1[ est
admis d'urgence à l'Asile clinique, où nous l'avons vu le lende-
main matin 4 avril. C'est un grand brun, bien musclé ; les- yeux
sont hagards, les traits inquiets. Tremblement généralisé ; pas de
température ; le pouls est bon.
Il raconte son histoire incohérente d'assassins, de souteneurs :
« une bande d'individus, de souteneurs le poursuivaient, il' était
en légitime défense, on lui avait volé sept francs, il redemandait
son argent..., les souteneurs tombent sur lui, essaient de le tuer
avec un rasoir... » 11 continue, en s'animant par instants au
souvenir de ses exploits.
Nous retenons son attention, nous lui suggérons une hallucina-
tion visuelle : « Tenez, regardez bien, qu'est-ce qu'il y a la ? »
Lui. « Hien... » mais une minute après : « Je vois, c'est un chien,
un joli petit chien », il se lève pour aller le caresser... « Ah ! il
n'y est plus. » "
Par le même procédé, il voit un homme avec un rasoir, il va
pour le désarmer, « il en a vu d'autres, lui ! il ne le craint pas ! » »
Il voit des petits rats, des souris sous une chaise, des insectes sur
le papier blanc qui se trouve sur la table, et avec ses 'doigts il
cherche à les écraser, il les voit sauter, il se dépêche, il les écrase
avec ses deux mains. Toutes ces hallucinations provoquées par la
suggestion cessent avec la stimulation, et le malade, devenu calme,
reprend son histoire d'assassins.
Ce même jour, nous avons pu produire des hallucinations mul-
tiples par les excitations périphériques ; ainsi par le procédé de
Liepntunn le malade voit « des étoiles..., une bande d'individus,
des hommes de toules sortes, ils se promènent, lui font des gri-
maces..., une femme avec un oiseau sur l'épaule..., un enfant...,
tout ce monde pêle-mêle, va et vient, change de forme... Il voit la
statue de Napoléon ler, il est à cheval ».
Langue. En frottant légèrement la pointe de la langue avec la
tête d'une épingle nous provoquons des hallucinations gustatives :
« Je sais, nous dit-il, c'est de l'ipéca », et peu après, « c'est du
sulfate de soude », puis : « ce n'est pas bon, c'est du sel de cuisine,
du gros sel, je n'en veux pas. »
Ne ? Par une légère action de compression et de relâchement,
il croit sentir « l'encens, oui, l'encens Les oreilles sont restées
sourdes aux excitations externes, et la peau n'a pu réveilleraucune
hullucination sous l'action des chocs.
5 avril. - Le malade a bien dormi, sans cauchemars. Il n'a pas
eu d'hallucinations ni hier après-midi, ni ce matin.
La suggestion reste sans action, et il sourit au souvenir de ses
Archives, 2° seie, t. JX 31 l
482 CLINIQUE MENTALE.
hallucinations d'hier. Pourtant par la compression des globes ocu-
laires, il voit « un gros chien danois qui se promène. Par l'excita-
tion de la membrane pituitaire, il croit sentir « du soufre et des
gaz ». La langue est également excitable, et l'on produit le goût du
« sucre ». Les oreilles ne donnent rien. 1
G. L'olfaction seule est encore sensible à l'excitation, il sent
« le citron... peut-être l'orange... » ; les autres sens restent insen-
sibles. Le lendemain et les jours suivants, rien d'anormal, tout
rentre dans l'ordre. Il se rend parfaitement compte de ses multiples
hallucinations. Transféré le 12 avril à Ville-Evrard.
L'hérédité chez ce malade est nette. Le père, alcoolique,
bizarre, déséquilibré a donné naissance au fils débile, sans
jugement personnel. Le déshérité, sous l'influence d'un ap-
point alcoolique, a eu une bouffée de délire toxique. Ce délire
n'a duré que deux jours, mais le troisième, le quatrième et
le cinquième jours le cerveau reste hyperesthésie, puisque,
après la cessation des hallucinations spontanées, nous pou-
vons, par l'excitation périphérique, par la suggestion, pro-
duire des hallucinations multiples de la vue, de l'odorat, du
goût.
Jusqu'ici, nos malades avaient été examinés en plein délire,
dans les moments d'accalmie, quoique sous l'influence encore
des hallucinations. Voilà donc un premier malade qui n'a
plus d'hallucinations spontanées, mais chez lequel nous pou-
vons réveiller plusieurs jours de suite des troubles halluci-
natoires, jusqu'à l'extinction complète de l'hyperesthésie
corticale.
Observation VII. Hérédité très lourde : Père et mère alcooliques
et épileptiques. - Alcoolisme aigu avec hallucinations multiples.-
Hyperesthésie des centres sensoriels .
M... Alphonse, âgé de trente-sept ans.
Antécédents héréditaires. Père buveur, avait des attaques épi-
leptiformes ; est mort dans une attaque. C'était un débile intellec-
tuel, d'une susceptibilité irraisonnée, émotif et irritable. - Mère
morte, avait des attaques très fréquemment, surtout des attaques
nocturnes, avec morsures de langue. Comme son mari, elle était
fantasque, déséquilibrée. De ces éléments générateurs, épileptiques
et déséquilibrés, naquirent trois fils. Pas de renseignements sur
les deux premiers. Le troisième est notre malade.
Antécédents personnels. Ainsi chargé par l'hérédité, M...
Alphonse est un débile de fintelligenee. Il a une conformation
HYPERESTHÉSIE CORTICALE DANS L'ALCOOLISME AIGU. 483
cranio-faciale, caractéristique de la dégénérescence mentale. Il
a été à l'école pendant cinq à six ans, mais n'a pu acquérir qu'une
instruction très élémentaire ; il sait lire, à peine écrire, et un peu
compter. Il n'a pu apprendre aucun métier, et actuellement il est
marchand au panier. Il a eu trois blennorrhagies, pas de syphilis,
et aucune autre maladie.
M... Alphonse est habituellement triste ; il se décourage facile-
ment, parfois il pense au suicide, mais n'a jamais tenté de se
donner la mort. Pourtant il aime la gaieté, et la cherche. Pour
s'en procurer, il s'adresse à l'alcool. ,
Jusqu'à l'âge de vingt ans, il ne buvait que le nécessaire, de un
demi à un litre de vin par jour. Mais la mélancolie noire s'épaissis-
sant en son âme, il pensa que l'absinthe pourrait faire naître quel-
ques rayons de gaieté et il but, d'abord un peu de rhum, le matin
à jeun, et de deux à trois litres de vin par jour, puis une absinthe
avant le déjeuner, une autre avant le dîner. 11 ne mangeait plus.
L'appétit se perdait. Il doubla le nombre de ses apéritifs. Il se
marie alors, mais ne fait pas bon ménage avec sa femme et la
quitte au bout de quelque temps. Cela le chagrine, et il redouble
la dose des boissons sous l'influence de cet ennui.
Ces excès amènent le délire alcoolique le 17 avril. Il reste deux
jours au dépôt et arrive à Sainte-Anne le 19. Nous l'examinons le
20 avril, le troisième jour de son arrestation.
Il a l'attitude d'un mélancolique, parle à voix basse, fixant le
parquet. 11 a bien dormi cette nuit, sans cauchemar, et il nous dit
que depuis un mois il dormait très mal, avait des cauchemars
terrifiants, des insomnies. Il y a cinq jours, il a eu des hallucina-
tions très pénibles de la vue et de l'ouïe : il voyait des animaux
fantastiques et entendait des injures grossières. Hier encore, vers
le soir, et même dans la journée, il a vu du feu, des flammes, des
animaux, de petits bonshommes qui dansaient et se moquaient de
lui. Mais ce matin, après un sommeil profond, se sent plus mai-
tre de ses sens. Nous essayons d'abord de faire réapparaître les
hallucinations de la vue par la suggestion mentale, mais nos
efforts restent sans résultats : il ne voit plus rien.
Par l'excitation des globes oculaires, il voit « du feu... c'est blanc.
Ce sont des flammes blanches » ; il voit aussi de la fumée, et « une
grande croix dans la fumée ».
Les oreilles. - En tapotant sur les oreilles, avec la paume de la
main, très légèrement, il nous dit d'abord qu'il n'entend rien, puis
tout à coup, il prête l'oreille : on lui cause, « on l'insulte, on
l'appelle cochon ».
La membrane olfactive n'est pas insensible à l'excitation périphéri-
que, et nous pouvons éveiller la sensation de parfums plus ou
moins vagues : ça sent fort, nous dit-il, c'est de l'encre, ça
sent l'encre. »
484 CLINIQUE MENTALE.
La langue est impressionnée sous l'action de frottement d'une
tête d'épingle. «C'est pâteux », ditle malade, en goûtant lentement,
et il ajoute bientôt, « c'est de la farine, mais c'est très mauvais ».
L'examen physique ne donne rien de particulier. Pas de tempé-
rature, le pouls est bon. Rien au coeur ni aux poumons, le foie
est un peu gros.
Un peu d'hyperesthésie sur les membres inférieurs au pincement t
et à la piqûre, sensibilité tactile conservée. Réflexes patellaires et
plantaires normaux. Pas de diminution du champ visuel.
21 avril. Le malade a bien dormi, sans trop de cauche-
mars, mais hier soir avant la tombée de la nuit, il a eu quelques
illusions. Il reste calme pendant notre examen, et conserve tou-
jours son attitude mélancolique.
Par le procédé de Liepnxcann : « Je vois un morceau de bois, il
brûle, je vois les flammes et la fumée... », il ne voit pas autre
chose, déclare-t-il. Les oreilles n'entendent pas de voix. La langue
a l'impression d'un goût amer, mauvais, qu'il ne peut pas définir.
L'olfaction est sensible à l'excitation : il sent du rhum, dit-il, mais
du mauvais rhum. La peau ne donne rien, les mains tremblent
toujours.
Le 22 avril toute hallucination a disparu. Le malade, complète-
ment revenu à lui, se rend compte de sa situation. La compres-
sion des globes oculaires, le tapotement des oreilles ne provoquent
plus d'hallucinations. Seules, la membrane pituitaire et la langue
sont encore excitables ; la compression des narines produit la sen-
sation d'un parfum, et le frottement de la pointe de la langue
provoque un goût légèrement amer.
Le lendemain et les jours suivants, M... dort d'un sommeil
calme, sans cauchemars. L'appétit est bon, le tremblement des
mains diminue. Transféré à Ville-Evrard'le 30 avril.
Observation VIII. - Dégénérescence mentale : très émotif, des doides.
Alcoolisme aigu ; hallucinations multiples ; hyperesthésie corli-
cale plusieurs jours de suite.
C... André, trente-trois ans.
Antécédents héréditaires. Père mort tuberculeux, a eu pendant
plusieurs mois du délire avec hallucinations multiples ; misan-
thrope, ne causant jamais à personne. Mère morte d'un cancer,
était d'humeur égale. - Un frère, commissaire de marine ; désé-
quilibré. très minutieux, veut que tous les soirs les boutons de son
uniforme soient enveloppés de papier de soie. Soeur également
bizarre, très nerveuse, s'emporte pour rien.
Antécédents personnels. - C... a été à l'école pendant huit
années, mais n'a jamais pu apprendre un métier. Il n'avait pas de
volonté, il fallait le guider comme un enfant. Il est resté peureux
HYPERESTHÉSIE CORTICALE DANS L'ALCOOLISME AIGU. 485
et sensible à l'excès : s'évanouit à la vue du sang, ne peut voir un
homme saigner du nez. Il a des doutes : quand il met une lettre à
la poste, il retourne plusieurs fois de suite pour être bien sûr qu'il
l'a jetée dans la boite. Si la réponse ne lui parvient pas aussitôt, il
croit avoir fait erreur d'adresse et écrit de nouveau.
En 1888, il se marie, mais sa femme le quitte trois ans après,
demandant le divorce pour cause d'ivrognerie. Son régime était à
ce moment le suivant : deux litres de vin blanc de huit heures du
matin à midi, vin rouge en mangeant, de l'absinthe avant le repas
et du cognac après.
Depuis quatre à cinq mois, C... présentait différents symptômes
d'alcoolisme, il avait des cauchemars, des crampes, des pituites.
Quelques jours avant son entrée au Dépôt, pris d'ennui, il redou-
bla la dose de ses boissons, et eut des hallucinations de la vue :
chats, chiens, rats, etc. :
Le 13 mai au soir, il se figure que des agents de police viennent
pour l'arrêter sur la plainte de différentes personnes, parce qu'il
doit de l'argent, et pour faux vols de bijoux. Il passe une mau-
vaise nuit avec hallucinations multiples. Le lendemain il se rend
citez le commissaire et se livre lui-même. Il arrive à l'Infirmerie du
Dépôt le 14 mai. Nous l'examinons le lendemain.
C'est un homme de taille moyenne, brun, traits réguliers et
sympathiques, mais envahis par l'inquiétude. Il répond à nos ques-
tions assez exactement. A eu encore ce matin des hallucinations.
Voici ce que nous avons obtenu par les différentes excitations :
Procédé de Llepmann. « Je vois, dit-il, une croix, il y a des
lettres dessus, P. A. P., une statue de femme..., un enfant qui va
il l'école, une route, une charrette et le cheval, un chien qui dérange
le cheval, le charretier qui arrive, le chien a l'air d'aboyer, mais
j'entends (nous pinçons la peau de la main droite), j'entends un
roulement de tambour...» Puis, toutes ces images hallucinatoires
parsemées pêle-mêle, sans liaison, sans constituer un délire, dis-
paraissent avec la cessation de l'excitant. Nous faisons remarquer
que l'excitation de la peau, le pincement a produit, au milieu des
hallucinations de la vue, des troubles auditifs : notre malade a
entendu un roulement de tambour lorsque nous lui avons pincé la
main.
.vue : . Il sent la lavande, ou plutôt, dit-il, « l'ean de Cologne ».
Langue. Nous frottons la face supérieure de la langue avec un
bout de papier, C... sent « une petite goutte acidulée, on dirait
du cassis ". Au même instant il a des hallucinations auditives
spontanées, « on lui reproche de manger du pain ». La suggestion^
ne produit rien.
16 mai. 11 a dormi un peu cette nuit ; toute la journée
d'hier, il a entendu des insultes, il distinguait très nettement la
voix d'un individu qui l'appelait « assassin, assassin. » .
486 CLINIQUE MENTALE.
Vue. - Procédé Liepmann : il voit une voiture sans cheval, le
cocher... le fouet à la main... des arbres.
Oreille. « Assassin de C..., tiens, c'est C..., l'assassin. »
Nez. « Ça sent très mauvais, c'est du mauvais vinaigre. »
Langue. - « Ça pique fort... c'est amer. »
17. - C... va'bien mieux, a dormi, quoique avec des cau-
chemars encore. « J'ai vu des chevaux à six pattes, des chevaux
fantastiques, énormes, monlés par des cavaliers énormes... ; ils
faisaient un bruit... un bruit... ils me frappaient sur la tête et je
me suis réveillé. » La vue réagit encore sous l'excitation périphé-
rique, et il voit « un cheval blanc ». - La membrane olfactive est
également sensible,' il sent « un parfum qui rapproche du lilas ».
L'irritation de la langue lui fait goûter « une orange très acide ».
En soufflant dans les oreilles nous provoquons une courte hallu-
cination : « non... allons plutôt...» »
Le lendemain et les jours suivants, les hallucinations périphé-
riques provoquées continuent, mais en diminuant ; nous en enre-
gistrons sans commentaires.
18. Tue : « Des pieuvres avec une très longue queue. »
Nez : « Parfum agréable. » Oreille : rien. - Langue : « Un
petit goût sucré. »
19. - Le nez et la langue restent seuls sensibles, il y a des
sensations plutôt agréables.
22. Il est calme maintenant, dort bien, et s'occupe un
peu dans la journée ; les excitations des globes oculaires, de la
membrane du tympan, et du nez ne produisent plus aucun trouble.
Seule, la langue reste encore excitable pendant quelques jours.
2 juin.-C... est très calme, aucun nerf sensoriel ne réagit sous
l'excitation périphérique.
Ce malade est intéressant à plusieurs points de vue. Nous ne
parlerons pas de l'hérédité paternelle, indiscutable. Ce sont
les troubles hyperesthésiques qui attirent notre attention.
Le cerveau, sous l'excitant alcoolique, est arrivé à une telle
hyperesthésie que tous les centres sensoriels, dès le début et
plusieurs jours de suite, réagissent sous l'irritation péri-
phérique.
En général, comme nous l'avons vu au cours des obser-
vations précédentes, ce cerveau est hyperesthésié partielle-
ment ; ici, c'est la vue qui réagit; dans tel autre cas, ce sont
les oreilles. Chez notre malade, il y a un ensemble, tout le
cerveau ou, pour mieux dire, tous les centres sensoriels sont
atteints. L'excitation de la vue, des oreilles, de la langue, du
nez, produit des troubles hallucinatoires.
HYPERESTHÉSIE CORTICALE DANS L'ALCOOLISME AIGU. 487
Un autre point saillant, c'est la ténacité de l'hyperesthésie
plusieurs jours après la disparition complète de toute hallu.
cination spontanée, C... accuse des sensations plus ou moins
agréables à la langue, quand nous la frottons d'un bout de
papier.
Quelle conclusion pourrons-nous tirer de cette observation ?
Faut-il voir chez notre malade un cerveau plus dégénéré,
donc plus apte à l'hyperesthésie ? Faut-il incriminer la nature
des boissons ? Nous inclinons plutôt vers cette hypothèse
que l'hyperesthésie corticale est en rapport avec la dégéné-
rescence mentale.
III
Maintenant que nous avons exposé nos observations, avant
de faire quelques réflexions sur les conclusions qui en
découlent, parlons des hallucinations, car et d'abord, les
phénomènes que nous avons observés peuvent-ils bien s'ap-
peler des hallucinations, c'est la première question qui se
pose après la lecture de nos observations. Qu'est-ce qu'une
hallucination ? « Une perception sans objet, répond Esquirol. »
Il faut donc à une hallucination l'apparence d'un objet exté-
rieur présent sans qu'il existe en réalité. « L'hallucination,
ditLeuret, n'est pas un souvenir, c'est une chose actuelle-
ment perçue; elle diffère autant et de la même manière du
souvenir que la sensation elle-même. »
« L'hallucination, dit M. Ch. Vallon, est une perception
sans impression. » Dès lors, les phénomènes observés chez
nos alcooliques ne sont plus des hallucinations, puisqu'ils
sont provoqués par une impression périphérique. Ici, il nous
faut aborder la physiologie de l'hallucination.
Nous prétendons que les troubles, les sensations que nous
avons provoquées chez nos alcooliques sont des hallucina-
tions proprement dites, et non point des pseudo-hallucinations,
des illusions.
Après la théorie de l'origine périphérique ou sensorielle
des hallucinations en général, théorie la plus ancienne, sou-
tenue par Plater, Sauvages, Darwin, etc., et la théorie
d'origine intellectuelle (Esquirol, Leuret, Brière de Boismont,
Delasiauve, etc.); après la théorie mixte (Baillarger, Marée,
Motet, etc.), pour ne citer que les principales, on est arrivé
488 CLINIQUE MENTALE.
avec le progrès de la science physiologique à la théorie
basée sur les expériences physiologiques. Formulée et com-
mentée par Taniburini, cette théorie est acceptée aujourd'hui
par les aliénistes, bien qu'avec des exceptions.
D'après cette théorie, l'hallucination est le résultat de
l'excitation pathologique des centres sensoriels de l'écorce.
C'est logique, mais ne satisfait pas tout le monde. Ne peut-
on pas produire des mouvements plus ou moins convulsifs
dans tel ou lel membre, en excitant les centres moteurs
correspondants ? Cette même irritation qui produit ici l'épi-
lepsie d'origine corticale, provoque là, dans les centres sen-
soriels des perceptions, des images emmagasinées dans les
cellules et qui s'imposent au patient comme des réalités.
« Les hallucinations sont aux centres sensoriels et à leurs
lésions ce que l'épilepsie est aux centres moteurs. » C'est une
sorle « d'épilepsie des centres sensoriels ».
M. Séglas qui, au Congrès des aliénistes et neurologistes
de France de 1896 (Nancy), a fait un brillant rapport sur ce
sujet, multiplie les exemples, et met tout son talent au-ser-
vice de cette épineuse question. Pourtant M. Vallon ne croit
pas à cette hallucination provoquée. C'est une fausse hallu-
cination, une pseudo-hallucination. « L'hallucination est
donc toujours et constamment un trouble cérébral, d'origine
cérébrale centrifuge, et jamais un trouble périphérique. »
(Ch. Vallon.) .
M. Ballet conclut également que le rôle du centre auditif,
bien que nécessaire, n'est pas suffisant pour produire l'hal-
lucination auditive. Il n'intervient, dans la règle, que d'une
façon secondaire et dans tous les cas, accessoire. Ainsi,
malgré l'apparence logique, malgré les faits physiologiques,
et les observations cliniques, des maîlres, comme MM. Ballet
et Vallon, n'acceptent pas la théorie des centres sensoriels.
Dans cette même discussion, M. Paul Garnier s'élevant contre
une interprétation de M. Régis, fait remarquer que de pré-
tendues hallucinations dites périphériques ne sont en réalité
que des illusions sensorielles. Par suite de lésions de l'oreille
il y a production affective de bruits variés (bourdonnements,
bruits de cloche, etc.). Il ne s'agit pas d'un fait créé de toutes
pièces, il ne s'agit que d'un fait transformé, c'est-à-dire d'une
illusion sensorielle, laquelle, comme la disait Lasègue, est il
l'hallucination ce que la calomnie est it la médisance. Il
HYPERESTHÉSIE CORTICALE DANS L'ALCOOLISME AIGU. 489
nous sera permis toutefois d'hasarder quelques explications,
afin d'exposer sur quoi nous nous basons, pour prétendre
que les phénomènes que nous avons observés chez nos ma-
lades, sont de véritables hallucinations.
Quel est le savant qui pourra nous dire qu'il y a émission
de pensée sans excitation quelconque d'une cellule cérébrale.
Nulle idee abstraite ou objective n'est conçue sans une irri-
tation préalable de la cellule psychique. Rien ne se Cl'é((
rien. Je veux penser à telle chose, j'excite mentalement des
cellules qui paraissaient dormir. Il y a donc excita;ti} ? J : \¡, ;
évoqué la pensée d'un tableau; j'ai donc agi sur UTh.'Cn.tre,
je vois à présent le tableau mentalement. Cette faculté ^
acquiert parfois une grande vivacité ; on voit des peintre
pouvant extérioriser un souvenir, se donner une sorte d'hal-
lucination consciente. Chez un individu dont la conscience
est incapable de discerner le vrai du faux, il y a hallucination
réelle.
Ainsi, pas d'hallucination sans excitation des centres sen-
soriels. Que cette excitation vienne de la périphérie, qu'elle
vienne des autres centres de l'écorce, il y a toujours excita-
tion des centres sensoriels, et la théorie de Tamburini se
justifie quand même. L'hallucination est toujours le produit
d'un des centres sensoriels irrité. Mais de là à dire que les
excitations mentales ont seules le monopole de produire des
hallucinations vraies, que les autres sont de fausses halluci-
nations, c'est trancher la question trop radicalement à notre
avis. Dans la tuberculose, on ne cherche pas si les bacilles
ont pénétré par la périphérie ou les centres : il y a bacille,
cela suffit. Que l'hallucination soit provoquée par l'excitation
mentale des centres sensoriels, ou par l'excitation périphé-
rique, le résultat est le même : il y a hallucination vraie. Ou
bien, pour être plus logiques, supprimons les périphrases
qui n'évoquent rien à la pensée, et disons qu'il y a deux
sortes d'hallucinations : celles qui sont produites par exci-
tation périphérique, hallucinations périphériques ; et, hallu-
cinations centrales, produites par l'excitation mentale.
Les sensations que nous avons pu produire chez nos
alcooliques sont donc des hallucinations périphériques.
- Maintenant que nous croyons avoir établi que nos alcoo-
liques ont eu des hallucinations, analysons, au point de .vue
clinique, les caractères intrinsèques de ces hallucinations,
490 CLINIQUE MENTALE.
relativement à leur point de départ, examinons les causes
primitives et secondaires de ces troubles.
Les hallucinations que nous avons étudiées ont leur point
de départ à la périphérie, à l'extérieur. Nous excitons un
nerf sensoriel ou sensitif, des terminaisons nerveuses des
organes des sens ; l'excitation est répercutée au centre,
grossie par les cellules hyperesthésiées, modifiée, transfor-
mée en image, et projetée au dehors sous forme d'halluci-
nation ; même dans les hallucinations provoquées par la
suggestion simple, l'excitation est périphérique, le point de
départ est toujours au dehors.
Ces phénomènes ne sont pas l'unique propriété des alcoo-
liques ; d'autres malades non intoxiqués par l'alcool ont des
hallucinations auditives, par suite généralement d'une exci-
tation cutanée, ou d'un organe des sens. M. Séglas rapporte
le cas d'une malade qui s'est entendue appeler « vieille
pouilleuse » au même moment qu'on fermait une porte.
Tous les aliénistes ont observé des cas pareils, ils ont vu
des hallucinations paraître par suite d'une excitation quel-
conque. Nous avons eu dans le service de M. Magnan un
dégénéré, avec appoint alcoolique, dont l'écorce cérébrale
était hyperesthésiée un mois encore après son internement,
au point que des coups sur les bras, sur les membres provo-
quaient des hallucinations. Chaque choc correspondait à une
syllabe.
Mais tous ces malades sont habituellement hallucinés. On
ne peut dire que l'excitation peut, à elle seule, provoquer des
hallucinations dans un cerveau vierge de toute hyperesthésie.
n'ayant pas été atteint antérieurement.
Les malades, chez lesquels on observe ces phénomènes,
sont en général des délirants persécutés chroniques, des
dégénérés. Chez les uns comme chez les autres, il y a une
hyperesthésie corticale, une excitabilité cérébrale telle qu'un
choc suffit pour produire l'image hallucinatoire.
Chez nos alcooliques, en dehors de l'intoxication, nous
avons trouvé une autre cause, la plus profonde, la dégé-
nérescence héréditaire qui plane sur le sort de tous les
aliénés. L'alcool ne suffit pas à produire l'hyperesthésie des
cellules. Sur un grand nombre d'alcooliques, même hérédi-
taires, nous n'avons pas observé ces phénomènes. Les cellules
nerveuses de l'écorce ont résisté chez eux aux premiers effets
HYPERESTHÉSIE CORTICALE DANS L'ALCOOLISME AIGU. 491
de l'absinthe. Résisteront-elles toujours ? Cela dépendra de
l'individu, de ses habitudes, de la quantité d'alcool absorbée.
Mais, si aujourd'hui nous n'avons pas découvert l'hyperes-
thésie, l'alcool, demain, achevant l'oeuvre de dégénérescence,
provoquera chez ces ivrognes aussi les phénomènes des
dégénérés héréditaires. Ils ne se débarrasseront pas en vingt-
quatre heures de toute intoxication physique et morale ;
comme chez les dégénérés, leurs hallucinations deviendront
complexes, tenaces et se systématiseront peu à peu. Ce ne
sont pas des prophéties; la science exige des faits. Nous en
avons vu et examiné de ces alcooliques, qui reviennent
périodiquement faire leur cure d'abstinence à l'asile. Nous
les avons trouvés chaque fois plus atteints. Nous avons vu
aussi des alcooliques vétérans présentant les phénomènes
d'hyperesthésie curticale.
Chez tous nos malades, disons-nous, nous avons trouvé
derrière l'alcool la marque de la dégénérescence héréditaire,
le legs des parents alcooliques, ou aliénés. Ce sont donc des
cerveaux préparés, des milieux de culture pour la pullulation
des phénomènes psychiques morbides.
Avant l'atteinte de l'alcool, ces déshérités avaient déjà un
caractère irritable, une écorce cérébrale facilement excitable.
L'alcool est venu, l'excitant par excellence; l'éréthisme de
la couche grise s'est encore développé et a produit les hal-
lucinations et le délire. C'est à ce moment qu'un choc, un
souffle suffisent pour faire réapparaître les hallucinations
qui semblent éteintes.
Puis, avec l'abstinence l'écorce se débarrasse de son
toxique. Théoriquement le malade dès ce moment ne devrait
plus avoir de symptômes morbides. En pratique il n'en est
pas ainsi. Si beaucoup d'entre eux ne manifestent plus aucun
trouble vingt-quatre ou quarante-huit heures après l'entrée,
quelques-uns restent excitables dix ou douze jours après et
même davantage. Chez les uns, la dégénérescence est peu
profonde, chez les autres elle est si intense que la tempête
passée, le cerveau gronde encore, s'agite sourdement comme
les vagues de l'Océan.
Cette ténacité des troubles hallucinatoires est proportionnée
à la dégénérescence héréditaire, mais elle est individuelle.
Et maintenant que nous savons que l'hyperesthésie corti-
cale alcoolique se rencontre surtout chez les prédisposés,
12 ' CLINIQUE MENTALE. 1
voyons si la nature des boissons y apporte son influence :
D'après nos recherches, soit chez les malades dont nous rap-
portons l'observation, soit chez d'autres que nous avons
examinés, nous sommes arrivés à cette conclusion, que ce
sont surtout les boissons dites épileptisantes qui produisent
le plus d'hyperesthésie. Mais une question se pose, que nous
signalons sans commentaire. Y a-t-il réellement des boissons
épileptisantes ? Les travaux de Macé, Magnan, Laborde,
Cadéac disent que l'absinthe est épileptisanle. Pourtant l'ab-
sinthe pure, nous a-t-on dit récemment, ne provoque pas
l'épilepsie. M. Adrian a démontré que l'absinthine pure,
même à dose élevée, ne produit aucune convulsion, et que
ce sont les impuretés qui amènent la crise. On nous a fait
remarquer d'autre part que l'alcool éthylique pur, à certaine
dose, chez les prédisposés, peut produire des crises convul-
sives.
Ce sont des questions complexes qui ne doivent pas
d'ailleurs nous arrêter ici. Il y a un fait incontestable, c'est
que la liqueur d'absinthe donne aux buveurs, tôt ou tard,
des attaques épileptiformes. La clinique est là, et les expé-
riences de laboratoire ne pourront jamais détruire ce que la
clinique a établi. Nous concluons donc que ce sont surtout
les buveurs d'absinthe qui présentent une écorce hyperesthé-
siée ; en seconde ligne viennent les consommateurs de ver-
mouth, amer, etc.
Nos alcooliques à l'écorce hyperesthésiée, après plusieurs
pèlerinages dans les asiles, deviendront-ils un jour des épi-
leptiques, non point par excès d'absinthe, mais par la cause
d'un cerveau d'une hyperesthésie spéciale ? Nous aurions
voulu suivre ces malades durant des années, leur prêcher
l'abstinence, bien entendu, et observer ceux qui seraient
revenus; nous aurions constaté ce que leur réserve ce cer-
veau hyperesthésie.
RECUEIL DE FAITS.
Idiotie symptomatique de lésions destructives du lobule
de l'Insula et de sclérose atrophique du lobe temporal ;
Par BOURNEVILLE et BELLIN.
Bien qu'incomplète à certains égards au point de vue cli-
nique, l'observation que nous allons rapporter mérite d'atti-
rer l'attention et 'est de nature à contribuer à la connais-
sance de l'anatomie pathologique des maladies nerveuses
chroniques de l'enfance.
Sommaire. Père rien d'anormal. - Grand-père paternel coléreux,
atteint de bronchite chronique. - Grand'mère paternelle, migrai-
netcse. - Cousin strabique à la suite de convulsions.
Mère, rachitique dans l'enfance, rhumatisante, nerveuse. -
Grand'mère maternelle, céphalalgies. - Arrière-grand-père mater-
nelnr01't d'apoplexie. - Grand-oncle excès de boisson. - Grand'
tante, gibbosité, troubles mentaux. - Grand-oncle, aliéné. -
Deux cousins atteints de convulsions dans l'enfance. - Gémellclrité :
l'un des jumeaux est mort de convulsions . ' ,
Pas de consanguinité. Inégalité d'tige de deux ans.
Conception, grossesse, accouchement, naissance, rien de particu-
lier. - Premières convulsions à huit mois pendant quatre heures :
consécutivement, diminution de l'intelligence, diplégie avec prédo-
minance de la paralysie à gauche, accès convulsifs. - Vers quinze
mois méningite ( ? ) : rémission des accès pendant trois moisr. z
Secousses de la tête et du tronc.
Description de la malade ù l'entrée (novembre 189î). - Ay-
métrie crânienne. - Contracture des membres du côté gauche. -
Préhension, marche, nulles. - Cachexie tuberculeuse progressive,
diarrhée, mort.
Autopsie : Asymétrie de la voûte et de la base du crâne. - Psezida-
kyste comblant l'espace demeuré vide par suite de la lésion qui a
détruit en partie le lobe temporal droit, tout le lobule de l'insula, etc.
Foyer d'aspect ocreux. At1'ophie de toutes les circonvolutions de
494 RECUEIL DE FAITS.
nMMp/teM dt'ot't. 7) ! aHMdepOfdse 13S iy ! 'a ? nmes. Dc-
l'hémisphère droit. - Inégalité de poids de 135 grammes. - Dégé-
né1'ations secondaires. - Petit foyer ocreux de la pointe du lobe tem-
poral gauche.
Wi... (Marguerite-Marie), née à Paris le 16 avril 1896, est entrée
à la Fondation Vallée le 22 novembre 1897.
Antécédents (Renseignements fournis par sa mère en novembre
1897). Père, trente ans, ébéniste, grand, vigoureux, sobre,
aucun accident nerveux ni syphilitique, caractère doux, laborieux,
aussi a-t-on été surpris quand, un dimanche soir, il a quitté sa
femme, avec laquelle il vivait d'accord, emmenant avec lui la
soeur de celle-ci, âgée de seize ans. - (Son père, soixante-huit
ans, ne fait pas d'excès de boisson ; il est atteint de bronchite
chronique et sujet à de violentes colères. Sa mère, soixante-
cinq ans, est en bonne santé;, elle aurait eu des migraines fré-
quentes mais peu intenses et aurait supporté beaucoup d'ennuis
de la part de son mari. - Grands-parents paternels et maternels
n'auraient été ni névropathes, ni alcooliques. Oncles et tantes
des deux côtés, renseignements insuffisants. L'enfant de l'un des
oncles maternels louche à la suite de convulsions. -- Treize frères
ou soeurs dont quatre seraient morts en bas-âge de cholérine,
Les autres seraient bien portants ainsi que leurs enfants. Ni
aliénés ni épileptiques, etc., etc., dans le reste de la famille.)
Hère, vingt-huit ans, ménagère, ni convulsions, ni indices de
syphilis; rhumatisante, cardiaque, nerveuse, sans migraine, intel-
ligence moyenne. Aurait eu dans l'enfance des manifestations
rachitiques qui ont disparu. (Son père est sobre et n'offre
aucun accident à signaler. - Il en est de même de sa mère qui
présente seulemnt des céphalalgies. - Grand-père paternel mort
probablement d'une attaque d'apoplexie à quarante-six ans; pas
d'excès. Grand'mère paternelle, quatre-vingts ans. - Grands-
parents maternels, aucune affection nerveuse, morts à soixante-
dix-neuf et soixante-dix-sept ans. - Un oncle paternel, qui faisait
la vie et buvait beaucoup, a succombé à une maladie de foie.
Une tante paternelle, atteinte d'une gibbosité, n'aurait pas toutes
ses facultés. - Plusieurs oncles maternels en bonne santé, sauf un
qui, consécutivement à un coup de soleil ( ? ), a dû être interné dans
un asile. Trois tantes maternelles n'avant rien à noter. Deux de
. leurs enfants ont eu des convulsions. Un frère et une suceur
jumeaux morts le premier à vingt-huit mois de convulsions ; l'autre
d'une maladie à la jambe ( ? ). - Deux autres SOEW'S sont bien por-
tantes dont la plus jeune est partie avec le père de l'enfant, comme
nous l'avons dit plus haut. - Dans le reste de la famille ni aliénés,
ni paralytiques, etc., etc.).
Pas de consanguinité. - Inégalité d'âge de deux ans.
Deux enfants : 1° une fille, pas de convulsions, intelligente;
2° notre malade.
IDIOTIE SYMPTOMATIQUE DE LÉSIONS DE L'INSULA. 495
Antécédents personnels. - Pas de détails sur la conception. -
Grossesse accidentée par des vomissements et des troubles car-
diaques ; ni émotions, ni oedème, etc. - Accouchement à terme,
naturel; présentation du sommet; eau en quantité moyennez
la naissance, pas d'asphyxie. Elevée au biberon avec du lait de
vache. A un mois, l'eufant fut conduite chez une tante, à la cam-
pagne, où elle resta jusqu'à un an. C'est là qu'elle a eu, à huit
mois, ses premières convulsions qui coïncidèrent, dit-on, avec l'appa-
rition des premières dents. Ces convulsions survinrent la nuit,
débutèrent par un cri, envahirent la peau et les membres; elles
durèrent quatre heures. On ignore si elles furent plus fortes d'un
côté que de l'autre. On assure que, consécutivement, l'intelligence
aurait diminué, que l'enfant ne reconnaissait plus ni les personnes,
ni ses jouets, était indifférente à tout ce qui se passait autour
d'elle. On remarqua encore que le côté gauche du corps était plus
malade que le droit.
A partir de ces convulsions, l'enfant aurait eu presque quoti-
diennement des accès convulsifs, se répétant 8 ou 10 fois en vingt-
quatre heures. Souvent, quand on la prenait sur les bras, elle
rejetait la tête en arrière et avait 8 ou 10 secousses convulsives.
- Dans ses accès, l'avant-bras gauche se fléchissait sur la poitrine
et demeurait ainsi raide pendant l'accès.
Vers le milieu du mois d'août 1897, Marguerite fut piise de
vomissements, de constipation, de cris nocturnes, avec élévation
de la température, le tout accompagné d'assoupissement. Le mé-
decin qui la soigna aurait diagnostiqué une méningite. Ces acci-
dents durèrent trois semaines. Après cette maladie, l'enfant resta
trois mois sans avoir d'accès. On prétend qu'ils étaient modifiés et
consistaient en secousses de la tête et du tronc, revenant deux ou
trois fois par jour. L'état intellectuel n'aurait pas été modifié par
la maladie qualifiée de méningite.
Nous manquons de renseignements sur les maladies infectieuses,
les manifestations scrofuleuses, etc. 1.
Etat actuel (novembre 1897). - L'enfant a l'aspect d'une stru-
meuse. Le visage est boufli, pâle, sans expression, les yeux sont
chassieux. Elle crie ou pleure sans cesse et ne reste pas tranquille.
La l'été est bien développée mais asymétrique, la bosse pariétale
droite est très saillante, la gauche peu; les bosses frontales sont à
peine accusées, le front est droit, aplati. Les cheveux sont châ-
tains, abondants, en broussailles, raides, coupés courts. Les arcades
sourcilières sont peu saillantes, ombrées de sourcils courts et fins.
Les paupières fines, souples, légèrement bouffies, sont bordées de
cils longs, bien implantés à la paupière supérieure, irrégulière-
' La mère est partie en Angleterre et nous n'avons pas eu la possi-
bilité de la revoir pour compléter certains points de l'observation.
49C RECUEIL DE FAITS.
ment implantés et moins abondants à la paupière inférieure. Les
yeux ne présentent pas de lésions apparentes, les iris bleu clair,
les pupilles, égales, réagissent bien à la lumière et à l'accommo-
dation. L'examen fonctionnel de la vision est impossible. La
bouche est grande, les lèvres, assez épaisses, sont rosées. Le men-
ton, petit, est arrondi. Les joues sont pleines, boulfies, pâles. Les
oreilles sont symétriques, peu écartées du crâne, bien ourlées; le
lobule est mal dessiné, adhérent. Au niveau du tragus, on note
une petite excroissance charnue. L'ouïe est normale. La vozitepala-
tine est excavée, non ogivale, le voile du palais est normal. Les
amygdales sont grosses. La langue ne présente rien de particu-
lier. Le goût existe car l'enfant aime le lait et le préfère sucré. La
dentition est incomplète, irrégulière. Les incisives de la première
dentition présentent des érosions linéitormes. Les autres dents
sont normales. L'enfant a de fréquentes vomituritions, bave sou-
vent. t.
Le cou est court, large, le larynx saillant, le corps thyroïde dif-
ficile à sentir à la palpation. Le thorax est bien conformé. L'exa-
men des poumons et du coeur est négatif. L'abdomen est sailiant,
arrondi, les parois sont souples, la cicatrice ombilicale ne fait pas
relief, la palpation et la percussion ne dénotent rien d'anormal du
côté des organes intra-abdominaux.
Les meiubres supérieurs sont bien développés, gras, mais le bras
gauche présente une attitude vicieuse. L'avant-bras est en demi-
flexion sur le bras, la main à demi fléchie en pronation; par mo-
ments, l'attitude de l'avant-bras restant la même, la main se ploie
en supination et se fléchit sur la face dorsale de l'avant-bras. Les
mouvements spontanés existent à droite, mais sont affaiblis car
l'enfant n'aide en rien pour s'habiller, se laver, etc. A gauche.
résistance plus grande aux mouvements provoqués.
Les membres inférieurs sont assez bien développés, les mouve-
ments provoqués sont normaux. L'enfant se tient debout mais ne
marche pas. Essaie-t-on de la faire avancer en la soutenant, on
remarque que le membre inférieur gauche présente une certaine rai-
deur, que le genou ne se plie pas et que le bassin s'incline du côté
opposé, que la colonne vertébrale s'incurve du côté gauche qui est
évidemment plus faible. L'enfant ne change pas sespieds de place.
On note une petite cicatrice au-dessous de la rotule gauche.
Les réflexes sont normaux.
Puberté : Pénil saillant, grandes lèvres épaisses, les petites
lèvres sont peu saillantes forment, en s'unissant à la partie supé-
rieure un petit capuchon qui recouvre complètement le clitoris.
Orifice de l'hymen circulaire, hymen intact, fosse naviculaire pro-
fonde, fourchette saillante, région anale normale.
W... prend des panades qu'on lui donne à la cuiller etdu lait au
biberon qu'elle tient bien et rejette dès qu'il est vide. Après le
IDIOTIE SYMPTOMATIQUE : LÉSIONS DE L'INSULA, ETC. 497
repas, elle met ses doigts dans sa bouche et rend souvent les
aliments; bave abondante, constipation, gâtisme.
Parole, attention, sentiments affectifs, nuls. Sommeil souvent
interrompu par des cris. W... se réveille et pleure dès qu'elle est
mouillée. Lorsqu'elle est assise, balancement antéro-postérieur du
tronc en même temps qu'elle tourne la main gauche et agite les
doigts.
La température rectale, prise matin et soir pendant les cinq pre-
miers jours de l'admission, a oscillé entre 3riz,2 et 36° (six fois
sur douze au-dessous de 37°).
Traitement : Huile de foie de morue, sirop d'iodure de fer, deux
bains salés par semaine. Gymnastique : exercices du saut, de la
marche, des jointures.
1898. Janvier. - Comme l'enfant ne présente pas trace de cica-
trices vaccinales on la vaccine; résultat négatif. L'état de l'enfant
ne s'est pas amélioré ; elle ne prête aucune attention à ce qui se
passe autour d'elle : elle ne rit jamais, n'a aucune affection pour
les personnes qui la soignent, elle reste insensible aux caresses.
Comme alimentation, elle ne prend que du lait.
1899. Janvier. Même état. La santé physique parait bonne.
Même régime; W... prend le lait avec avidité; crie beaucoup quand,
aux repas, elle n'est pas servie l'une des premières : c'est sa seule
manifestation intellectuelle.
Mars. - L'enfant maigrit visiblement depuis quelques jours.
On ne constate rien aux poumons, ni au coeur ; il n'y a pas de rai-
deur de la nuque, pas de photophobie, rien du côté de l'abdo-
men. L'examen est très difficile. Régime lacté absolu, sirop de
glycéro-phosphate de chaux.
Avril. - L'enfant conserve son appétit ordinaire; malgré cela,
son état s'aggrave, l'amaigrissement s'accentue, il y a une diarrhée
continuelle. L'examen, du poumon reste négatif, la palpation de
l'abdomen ne fait pas découvrir de ganglions mésentériques volu-
mineux. Diagnostic : tuberculose. Mérne traitement général, plus
2 gr. 50 de salicylate de bismuth par jour.
Mai. - L'enfant présente toujours le même état général mau-
vais, l'amaigrissement progresse plus marqué au thorax. Sur les
cuisses, on note quelques papules d'un rouge brunâtre, isolées
par des intervalles de peau saine (éruption papuleuse des gâteux).
Juin. Même état général. Depuis quelques jours, la diarrhée
a cessé, mais l'enfant a de fréquents vomissements, elle pleure
sans cesse et tousse de temps en temps. La percussion des pou-
mons dénote de la submatité et une résistance spéciale au doigt
dans les régions sous-claviculaires. A l'auscultation, qui est extrê-
mement difficile à pratiquer, l'enfant criant et se débattant sans
relâche, on trouve quelques râles humides disséminés dans les
poumons plus nombreux aux sommets. Les ganglions du cou,
Archives, 2' série, t. IX. 32
498 RECUEIL DE FAITS.
des aines, des aisselles sont augmentés de volume, isolés (poly-
micro-adénie) ; érythème des régions fessières et inter-fessière.
La conjonctive droite est injectée surtout au niveau de l'angle
externe de l'oeil où existe un pannus. Congestion irradiant autour
de deux volumineuses phlyctènes séparées. Même aspect de la con-
jonctive gauche où l'on ne constate qu'une seule phlyctène. Les
lèvres et le menton sont rouges; on y note une légère desquama-
tion furfuracée; dans la conque du pavillon droit, la desquama-
tion se fait en lamelles plus épaisses. Pendant le jour, l'enfant
dort assez bien, mais la nuit elle crie sans cesse. Même traite-
ment général, vaseline boriquée sur les régions qui desquament,
lavage des yeux à l'eau boriquée tiède.
Juillet. - Les yeux sont complètement guéris. La diarrhée
s'est établie de nouveau, l'état général est de plus en plus grave,
la cachexie s'accuse rapidement.
En août et septembre, la cachexie tuberculeuse s'accentue pro-
gressivement, la diarrhée est continuelle. L'enfant tousse très
rarement. Le 2r septembre la température rectale était descendue
à 35°,4 (vérifiée avec un autre thermomètre). W... boit encore 2 à
3 litres de lait chaque jour.
Mort le 10r octobre sans avoir présenté de symptômes nouveaux;
la cachexie est complète.
Température après décès.
IDIOTIE SYMPTOMATIQUE : LÉSIONS DE L'INSULA, ETC. 499
notablement plus petite que la gauche. (Atrophie du lobe frontal
correspondant.) L'apophyse crista-galli est petite, arrondie. Le
trou occipital n'a rien de particulier. Nombreuses atlhérences très
fines des lobes temporaux à la partie antérieure des fosses cor-
respondantes ; adhérences nombreuses de la dure-mère le long du
bord supérieur des deux hémisphères. Les sinus sont vides.
La pie-mère, épaissie, sans fausses membranes, est peu vascula-
risée au niveau de la base. L'artère sylvienne droite est moitié
ohM petite que la gauche. Les artères cérébrales antérieures
paraissent égales, il en est de même des autres artères. Les
nerfs optiques et le chiasma sont égaux. Le tubercule mamillaire
droit semble un peu plus petit que le gauche. Dans son tiers interne,
le pédoncule cérébral droit est moins bombé que le gauche ; il en
est de même de la moitié droite de la protubérance. La moelle
ayant été sectionnée trop haut, on ne peut comparer ni les olives
ni les pyramides. - La glande pinéale est un peu grosse, d'as-
pect vitreux. - La glande pituitaire est petite, foncée. Liquide
céphalo-rachidien recueilli : quatre cuillerées à soupe.
Cerveau. - L'inégalité de poids entre les deux hémisphères qui
est de 135 grammes donne une idée de l'atrophie de l'hémisphère
droit dont toutes les circonvolutions sont notablement réduites
par rapport aux circonvolutions de l'hémisphère gauche.
Hémisphère droit. - Il existe au niveau de tout le lobe tempo-
ral et de l'insula une lésion ancienne constituant un pseudo-kyste,
rempli de liquide céphalo-rachidien. Les vaisseaux de la pie-mère
correspondant à ce vaste foyer sont tous plus petits que du côté
opposé.
Lorsque la pie-mère et les vaisseaux sont enlevés, les régions
lésées se présentent avec une coloration jaune ocreuse plus foncée
par places, principalement au niveau de la corne d'Ammon et de
ce qui reste de la circonvolution de l'hippocampe. La lésion inté-
resse tout le lobe temporal aussi bien la face inférieure que la face
convexe. Le lobe a conservé sa forme générale.
A l'extrémité antérieure, ce qui reste des circonvolutions est
flasque, comme s'il s'agissait de deux membranes à demi acco-
lées, avec çà et là des parties dures qui forment comme des arêtes.
- Le foyer ocreux occupe tout T' jusqu'au pli pariétal inférieur
inclusivement et près de 2 centimètres du pied de PA. Tout le
lobule de l'insula est compris dans Id lésion. - A la place des digi-
tations on trouve une plaque jaune brunâtre, dure, avec quelques
arêtes en avant; cette plaque ocreuse arrive en dedans jusqu'à
4 millimètres de la bandelette optique (PL. IV).
Autour de cette lésion principale,-lobe temporal, insula les
circonvolutions contiguës sont très atrophiées, blanches, dures ;
c'est la partie supérieure de P2, tout P C, toute la moitié anté-
rieure de L 0, les circonvolutions qui bordent de chaque côté la
500 RECUEIL DE FAITS.
partie postérieure de Se. p. L'atrophie continue sur la face interne
de l'hémisphère, intéressant tout le coin et les bords de la fis-
sure calcarine. La circonvolution du nerf olfactif est réduite à
deux arêtes blanches dans toute sa longueur. Le pied de FA et
F' sont atrophiés et indurés (coloration blanche, induration très
nette, tranchant sur la coloration grise et la consistance molle des
autres circonvolutions. La plupart des circonvolutions atrophiées
ont un aspect vermicellé, sont réduites à 2, 3 ou 4 millimètres
de largeur et constituent autour de la lesion principale (lobe
temporal, circonvolution d'enceinte de la scissure de Sylvius et
lobule de l'insula), une zone de lésions moins accusées. Autour de
cette zone les circonvolutions sont petites, arrêtées dans leur
développement mais ont leur forme et leur consistance nor-
males. (PA, P', moitié supérieure de LQ, extrémité du lobe occi-
pital, pied de FA, F'.)
Par suite de la sclérose alrophique très accusée des circonvolu-
tions qui bordent la scissure parallèle, en arrière, et la fissure
calcarine il y a une encoche profonde entre le lobe occipital en bas,
P' et LQ en arrière (PL. IV et V).
Les circonvolutions frontales sont grêles, assez sinueuses dans
leur moitié antérieure, volumineuses, massives, comme hypertro-
phiées, dans leur moitié postérieure (F' qui est bifurquée, F2 et à
un moindre degré FI). Les circonvolutions de la face interne sont
grêles avec des sillons très superficiels. Le coin est très réduit
et composé de petites circonvolutions dures. Le lobe quadrilatère
est un peu induré, dur sur son bord inférieur. - Sur tout cet
hémisphère les sillons sont très peu profonds alors qu'ils sont très
accusés sur l'autre hémisphère.
Hémisphère gauche. - Les trois circonvolutions frontales sont très
sinueuses avec plusieurs plis de passage. Les circonvolutions
frontale et pariétale ascendantes sont très développées ainsi que
les insertions des trois circonvolutions frontales surtout de F' et
les lobules pariétaux supérieur et inférieur. Le lobe temporal dans
son entier et le lobe occipital sont formés de circonvolutions assez
volumineuses mais bien moins sinueuses que les circonvolutions
du lobe frontal (PL. VI et VII). Les deux caractères de la face externe
sont donc : la sinuosité des trois circonvolutions frontales et le
volume prédominant des circonvolutions pariétales.
Sur la face interne les circonvolutions sont bien développées et
n'offrent rien à signaler. Sur la face inférieure nous avons à
noter : 1° La sclérose atropl41que du gyrus reclus qui se présente
sous l'aspect de deux crêtes blanches et dures laissant entre elles
une fossette assez profonde, toutefois ces crêtes et la fossette
intermédiaire sont moins prononcées que du côté droit ; un foyer
ocreux occupant la corne d'Ammon, le tiers antérieur de la circon-
IDIOTIE SYMPTOMATIQUE : LÉSIONS DE L'iNSULA, ETC. 501
volution de l'hippocampe, puis la pointe des trois circonvolutions
temporales. Le foyer a la forme d'une équerre dont le côté le plus
grand correspond à la pointe du lobe temporal et la branche la
plus courte à la circonvolution de l'hippocampe. - Les circonvo-
lutions du foyer ocreux persistent sous forme d'arêtes dures ou
de crétes molles comme s'il s'agissait de deux membranes à
demi accolées. La partie de T' qui correspond au foyer est
blanche, atrophiée, dure. - Le lobule de l'insula ne présente
aucune lésion; il possède trois digitations bifurquées.
Des deux côtés, les ventricules latéraux et les masses centrales
n'ont rien à signaler. Voici quelques dimensions comparatives :
502 RECUEIL DE FAITS.
IDIOTIE SYMPTOMATIQUE : LÉSIONS DE L'INSULA, ETC. 503
III. L'idiotie était absolument complète chez cette fillette,
réduite à la vie végétative : la diplégie qui prédominait à
gauche et se compliquait de contracture avait rendu marche
impossible et la préhension très limitée. La parole, l'allen-
tion, les manifestations intellectuelles, les sentiments affec-
tifs étaient nuls. La physionomie était en harmonie avec ces
' Fig. 13.
804 RECUEIL DE FAITS.
symptômes (fla. 13). L'alimentation était réduite aux aliments
liquides qu'il fallait lui donner. Notons encore la bave, le
gâtisme, le balancement du tronc, les tics, les accès décris, etc.
IV. Sous l'influence de la tuberculose, le poids a progres-
sivement diminué de 12ls,§00 en janvier à 8 kilogrammes au
moment du décès. Durant le premier semestre de 1899, la
taille s'est élevée de 85 à 88 centimètres. Elle s'était sans
doute encore développée de juillet à la mort (octobre).
La température n'a jamais été très élevée dans le cours de
la tuberculose. Il y a eu, au contraire, une hypothermie. Du
21 au 31 août, elle a oscillé en 36°,8 et 37°,2; du '1er au 10 sep-
tembre entre 37° et 37°,8; du 11 au 14 entre 36°,4 et 37°,4; du
14 au 17 entre 37° et 38; le 18 la température tombe à 35°,6,
reste entre 36° et 37° jusqu'au 22 septembre, s'élève le soir
de ce jour à 37°,4, reste entre 37° et 36° jusqu'au 26, subit un
abaissement à 350 le 24. Du 27 au 30, elle varie de 36°,4 à
37°,6; le matin de la mort elle descend à 36 ? pour s'élever
à 36°,8 au moment même du décès.
Les notations thermométriques après la mort confirment
une fois de plus tout ce que nous avons dit si souvent, ailleurs,
sur l'importance de la thermométrie pour constater la réalité
de la mort.
V. La destruction totale du lobule de l'insula et du lobe
temporal, partielle des circonvolutions marginales a produit
une sorte de cavité à la face convexe de l'hémisphère. Cette
cavité a été comblée par la pie-mère épaissie et une infiltra-
tion cellulaire enfermant dans ses mailles une assez grande
quantité de liquide céphalo-rachidien : pseudo-kyste, comme
on disait autrefois, pseudo-porencéphalie pour employer le
langage d'aujourd'hui, car il n'y a pas, comme dans la poren-
céphalie vraie, de communication du foyer avec le ventricule
latéral et il existe, entre le foyer et le ventricule une couche
de substance nerveuse ayant encore une certaine épaisseur.
La lésion primitive nous paraît être celle qui a détruit le
lobule de l'insula du côté droit et intéressé profondément
le lobe temporal correspondant ainsi que la circonvolution
d'enceinte de la scissure de Sylvius. Elle nous semble pou-
voir être attribuée à une lésion vasculaire (oblitération) du
tronc sylvien et de presque toutes ses branches qui, ultérieu-
rement, ne se sont plus développées et ontété trouvées, l'au-
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 0O0
topsie, au moins moitié plus petites que le tronc et les bran-
ches du côté gauche.
A cette lésion s'est ajoutée une encéphalite qui a eu pour
conséquence une sclérose at·ophiete de la plupart des cir-
convolutions entourant le premier foyer.
Cette double lésion a entraîné un arrêt de développement
de tout l'hémisphère droit, bien mis en relief par les mensu-
rations comparatives des deux hémisphères cérébraux que
nous avons données et qui s'est traduit par une diminution
de poids de 135 grammes. D'où l'idiotie complète et la para-
lysie. La contracture s'explique par les dégénérations secon-
daires (pédoncule, protubérance, etc.). Rappelons aussi pour
mémoire, les lésions méningitiques.
Un dernier point à signaler c'est la lésion de l'extrémité
antérieure du lobe temporal gauche, analogue, sauf l'éten-
due, à celle qui a porté sur tout le lobe temporal droit. Ces
lésions symétriques ne sont pas rares et, en général, l'un des
hémisphères est toujours plus touché que l'autre 1. Une coupe
transversale, montre que la lésion de l'insula s'arrête à
l'avant-mur.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
PATHOLOGIQUES.
LXXI. De l'excitabilité de l'écorce du cerveau des animaux nou-
veau-nés ; par W. de BECHTEREV. (Neurolog. Ce ? 2t ? '(Zlblatt., XVII,
1898.)
En 1896, Soltmann montre que les centres moteurs des nouveau-
nés sont d'abord tout à fait inexcitables; au dixième jour, on peut,
en excitant l'écorce^ provoquer des mouvements dans le membre
antérieur; le treizième jour, les mouvements se propagent aux
membres éloignés; le seizième jour, les centres des muscles du
visage et des extrémités sont en pleine activité. Les recherches
de Tarchanow et Bechterew chez le lapin et le chat (1886), Paneth,
Marcacci (1882) et Lemoine (1880), signalent le développement
1 Nous espérons donner plus tard les résultats de l'examen hislolo-
91que.
506 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
relativement précoce de l'excitabilité de l'écorce motrice, chez le
chien et même chez le chat, parfois tout aussi excitable que chez
l'animal adulte, Telle est la raison des nouvelles études de Bary
et Bechterew sur le développement des centres moteurs de l'écorce des
animaux nouveau-nés. Chez les jeunes chiens de zéro à vingt jours,
l'écorce s'est montrée excitable 25 fois sur 38 ; en un tiers des cas,
elle ne fut pas excitable, mais il s'agissait, sans exception, d'ani-
maux âgés de moins de neuf jours. Cette inexcitabilité pouvait être
mise sur le compte d'encéphalocèles, d'hémorragies, de refroi-
dissement de la surface du cerveau, excepté dans quatre cas où
l'expérience fut conduite avec toute la prudence désirable. L'acti-
vité corticale se manifestait par des contractions nettes des
membres, parfois dès le premier jour de la naissance (chien). Cette
excitabilité corticale dépend d'ailleurs de facteurs très nombreux
souvent accidentels ; à côté du degré de maturité de l'animal en
expérience, il y a des variations individuelles. Ainsi s'explique
l'inconstance des résultats obtenus par les auteurs, pour une seule
et même espèce animale. Bary a vu aussi les contractions lentes
et traînantes, il a constaté que la période latente de l'excitation
corticale du muscle est, chez le nouveau-né, notablement plus lon-
gue que chez l'animal adulte. Il n'y a pour ainsi dire pas de diffé-
rence chez le nouveau-né entre la durée de cette période latente et
le temps que demande à s'effectuer la contraction musculaire,
quand on pratique l'excitation sous-corticale. Le faisceau pyra-
midal amyélinique, non développé, ne parait pas complètement
inexcitable; il ne tarde pas, tout au moins, à conduire des excita-
tions isolées sur certains muscles et groupes de muscles. Cette
aptitude lui est dévolue par l'intermédiaire du développement des
gaines de myéline. P. KERAVAL.
LXXII. Note relative au champ cortical des fibres des cordons pos-
térieurs ; par A. TSCIfCR61AH. (Neurolog. Centralbl., XVII, 1898.)
Chez le chat on détruit les noyaux médullaires des cordons pos-
térieurs ; les gaines myéliniques disparaissent non pas seulement
jusque dans la partie antérolatérale de la couche optique c'est-à-
dire dans la couche nucléaire antérieure de la masse de la couche
optique, dans l'écorce de la couche optique et dans la couche
grillée ainsi qu'au centre médian (Singer et Munzer, Ferrier et Tur-
ner, W. Mott), mais à travers la couche optique même, c'est-à-dire
qu'un nombre assez considérable de fibres sont atteintes dans leur
trajet à travers la couche optique, entre l'écorce de celle-ci et sa
masse (hile de la couche optique) et à leur point de sortie, dans leur
expansion. Ces fibres, la plupart situées en avant, passent en décri-
vant un arc par le pied du pédoncule cérébral et fournissent des
collatérales au corps de Luys (noyau hypothalamique). Un petit
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 507
petit nombre d'entre elles se dirigent sur la ligne médiane et,
gagnant le bord antérieur du pied du pédoncule, reposant immé-'
diatement sur la bandelette optique, vont à la région du tuber
cinereum ; elles forment une partie constitutive de la commissure
hypothalamique moyenne deMeynert,et arrivent, après avoir franchi
la ligne médiane par un chemin analogue entre la pédoncule et la
bandelette, dans les deux segments les plus internes du noyau
lenticulaire (globus pallidus) de l'autre côté, comme l'a signalé
Flechsig.
La plus grande partie des libres qui antérieurement et antéro-
latéralement ressortent de la couche optique et traversent le
pédoncule cérébral, arrivent au noyau lenticulaire du même côté,
soit en longeant la base pour se recourber plus tard en haut, soit
en gagnant directement et transversalement le globus pallidus. La
ramification des fibres en cet endroit ne parait pas très considé-
rable ; la plupart d'entre elles, en effet, se servant surtout de la lame
médullaire médiane et latérale ainsi que la couche blanche inter-
médiaire au putamen et à l'écorce de l'insula, abandonnent à
leur tour le noyau lenticulaire et se perdent en arrière dans la cou-
ronne rayonnante. Une autre catégorie de fibres, dites directés,
s'échappent latéralement de la couche optique, par la coque de
celle-ci, pénètrent dans la capsule interne, et montent, éparpillées
dans la masse de ses fibres, dans la couronne rayonnante en sui-
vant principalement la face postérieure du noyau lenticulaire.
Les cellules des noyaux du cordon postérieur envoient donc des
fibres directes du côté opposé à l'écorce. En un mot, il existe un
système de fibres croisées qui vont de l'écorce du cerveau au
noyau du cordon postérieur, et passent par la masse de la couche
optique, et, en partie, par le noyau lenticulaire. Ce système entre
en rapport avec la couche optique par des rameaux latéraux. Il
est surtout formé des fibres longues du noyau du cordon postérieur
qui se terminent dans la couche nucléaire de la couche optique.
C'est le système thalamique croisé du noyau du cordon postérieur.
Quelle partie de l'écorce gagnent les fibres qui traversent la cou-
che optique ? Très probablement, d'après les travaux de Meynert,
Ellenberger, Monakow, Flechsig et Hoesel, aux régions du cerveau
du chat qui correspondent à la pariétale ascendante de l'homme, h
en serait de même des faisceaux bien plus riches en fibres qui
subissent une interruption momentanée dans la couche optique,
du système thalnmocortical (Monakow).
C'est du même territoire, c'est-à-dire de la partie de l'écorce
située autour du sillon de Rolando que part le système du cordon
latéral des pyramides, autrement dit une partie des faisceaux
cortico-musculaires (Marchi, Algheri, Tschermak).
P. Keraval.
508 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
LXXIII. La localisation dans le domaine du corps genouillé externe ;
par S.-E. Henschen. (Neurolog. Centralblatt., XVII, 1898.)
Les faisceaux optiques ou visuels qui commencent à la rétine et
se terminent dans l'écorce du lobe occipital ou de la fissure calca-
rine (ergot de Morand) se composent de deux neurones. L'un, le
neurone antérieur, part des cellules nerveuses de la rétine, et se
rend au corps genouillé, où il se ramifie. L'autre, le neurone posté-
rieur, part des cellules du corps genouillé, et se termine par des
arborescences dans l'écorce de la fissure calcarine. L'impression
visuelle étant produite par le contact des nerfs de la rétine et des
cellules nerveuses de la région occipitale, le mécanisme de l'inter-
ruption par le corps genouillé est de première importance. Il y a
homonymie entre les faisceaux visuels rétiniens et les éléments de
la rétine. Le quadrant supérieur de la rétine serait innervé par le
faisceau supérieur du nerf optique et de la bandelette optique; son
quadrant inférieur par le faisceau inférieur de ces organes (Mar-
chand, Narris, Henschen, Pick).
En arrière, les faisceaux visuels occupent deux plans. Le plan
visuel cortical se limite aux lèvres de la fissure calcarine dont la
lèvre supérieure correspond au quart de cercle supérieur de la
rétine des deux yeux (Hun, Henschen). On ne sait pas grand'chose
sur la localisation précise des éléments de la rétine dans le plan
pariéto-occipital.
Que se passe-t-il donc dans le corps genouillé externe Voici
une observation dans laquelle une lésion limitée du corps genouillé
externe a produit une hémianopsie. Il s'agit d'une femme de cin-
quante et un ans frappée successivement d'apoplexie avec hémi-
anesthésie gauche, d'hémianopsie complète du côté gauche avec
rétrécissement concentrique de la moitié droite du champ visuel,
et finalement d'hémianopsie du quart inférieur gauche ; elle est
morte dans ce dernier état. L'observation a duré du 9 juin 1889 à
fin avril 1893. On trouve un kyste hémorragique dans le segment
occipital de la couche optique et du pulvinsr, qui a pénétré jusqu'à
la limite supérieure du corps genouillé détruit en ce point, mais a
respecté la bandelette et le faisceau visuel occipital; ce qui prouve
que le segment supérieur du corps genouillé correspond au quart
supérieur de la rétine, et que le territoire lésé de cet organe
innerve les deux moitiés de la rétine, l'hémianopsie du quadrant
en question étant toujours latérale. Cette hémianopsie étant
demeurée permanente pendant plusieurs années, après la dispa-
rition de l'action indirecte de l'hémorragie, il appert que les deux
moitiés supérieure et inférieure du corps genouillé ne se peuvent
suppléer, qu'il s'agit bien d'une localisation, et que le segment
supérieur du corps genouillé réunit les fibres des deux moitiés
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 509
supérieures dps deux rétines, mais jusqu'au corps genouillé les
faisceaux des deux yeux ont un trajet complètement séparé.
P. J{ERAVAL.
LXXIV. L'entrecroisement partiel des nerfs optiques dans le
chiasma des mammifères supérieurs ; par W. de Bechterew.
(uro;. Centmllil.. XVII, 1898.)
Les opinions étant partagées, il est bon d'interroger la physio-
logie expérimentale. Knoll sectionne le nerf optique, il obtient la
cécité de l'oeil du même côté et la dilatation de la pupille ; il sec-
tionne la bandelette, il obtient cécité et mydriase du côté opposé.
Brown-Séquard opère chez le cochon d'Inde et le lapin. La section
transverse d'une bandelette lui donne la cécité de l'oeil du côté
opposé ; il sépare le chiasma dans le sens antéro-postérieur, il
produit une cécité bilatérale totale ; il lèse le corps genouillé
externe et le tubercule quadrijumeau ; et il conclut que : il l'exis-
tence d'un seul hémisphère cérébral suffit à la vision binoculaire;
chaque bandelette est unie à l'hémisphère du même côté, donc
avec les deux moitiés rétiniennes ; 2° l'amaurose consécutive à
la lésion de la bandelette optique, du corps genouillé externe, du
tubercule quadrijumeau et d'autres parties de l'hémisphère du
même côté, tient, non à un trouble fonctionnel des centres opti-
ques ou à des troubles dans la conductibilité, mais à l'excitation
produite par l'endroit lésé sur la nutrition de l'oeIl ou du nerf
optique.
Il faut se défier des espèces animales, des dispositions anato-
miques spéciales qui leur sont propres (expériences de Gudden et
Nicati).
Chez le chien la réaction antéro-postérieure du chiasma, et la
section transverse de la bandelette prouvent un entre-croisement
partiel dans le chiasma de cet animât ( Bechterew). La première muti-
lation entraine une cécité incomplète; l'animal voit et évite certains
objets, présente quelque divergence dans les axes des yeux pour
la vision de loin, et conserve une réaction nette des pupilles à
l'égard de la lumière. La seconde opération détermine une hémi-
anopsie bilatérale avec déchéance fonctionnelle bilatérale de la
moitié du champ visuel du côté opposé, un rétrécissement du
champ visuel de l'oeil opposé toujours beaucoup plus marqué que
du côté de la lésion; la déchéance du champ visuel est limitée
dans les deux yeux par la verticale, mais la vision distincte
parait toujours diminuée dans l'oeil opposé, intacte dans l'oeil du
même côté. La destruction du corps genouillé externe ou des
autres voies optiques plus lointaines entraine aussi une hémi-
anopsie avec déficit de la moitié du champ visuel croisée dans les
deux yeux, lacune plus considérable dans l'oeil opposé à la lésion.
510 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
La pupille de l'oeil opposé est simplement un peu plus dilatée;
généralement rien du côté de la réaction des pupilles, quelquefois
seulement réaction pupillaire hémiopique de Wilbrand. Ferrier a
chez le singe, à la suite d'une section transverse de la bandelette,
constaté une hémianopsie homonyme des deux yeux, avec, du
côté opposé à la lésion, réaction pupillaire hémiopique : Ce qui
prouve un entre-croisement partiel dans le chiasma des mammifères
supérieurs.
Et l'homme ? Il y a majorité écrasante des cliniciciens en faveur
de l'entre-croisement incomplet. P. IERAV : 1L.
LXXV. Observation de tumeur cérébrale de la région motrice
gauche ; hémiplégie gauche ; absence d'entre-croisement des
pyramides; par Pu. Zenner,. (Neurolog. Cenlrnlbl., XVII, 1898.)
Homme de trente ans. Le 18 mai 1896, on constate une hémiparésie
gauche avec hémiplégie faciale gauche, complète dans le territoire
du facial supérieur, incomplète dans le territoire du facial inférieur,
mais pasde réaction dégénérative. La langue dévie un peu à gauche;
propension de la tête à tomber en avant. Le patient parait éprou-
ver plus de difficulté à tourner les yeux à gauche qu'à droite.
Intégrité de la sensibilité cutanée ; percussion du crâne plus dou-
loureuse à gauche. Céphalée frontale et temporale droite, et grande
faiblesse. Intelligence très obtuse ; réponses très lentes. 11 aurait
eu pendant l'année des attaques répétées de convulsions cloni-
ques du côté gauche. A l'ophtalmoscope, congestion de la papille :
artères et veines notablement dilatées, mais pas de névrite optique
nette.- Il reste ainsi deux mois en conservant l'appétit et la déglu-
tition. La céphalée, parfois violente, est ensuite insignifiante.
Expression de la démence, quelquefois mélancolique, propension
à la somnolence. Deux accès de faiblesse colossale. Jamais de con-
vulsions. Diagnostic. Tumeur cérébrale probable. La paralysie ne
s'accroît pas ; la céphalée n'est pas trop violente ; la névrite ne se
développe pas ; pas d'épilepsie jacksonienne ; mais pas d'amé-
lioration. Mort le '4 août 1896. On trouve une tumeur sous-dure-
mérienne qui occupe les ascendantes gauches; elle paraît plutôt les
avoir déplacées que détruites. Elle mesure 8 centimètres de haut
en bas, 6 centimètres d'avant en arrière, 5 centimètres de profon-
deur. C'est un gliosarcome. Il n'y a pas d'entre-croisement des
pyramides. P. licsavAL.
LXXVI. De la teneur en fibres blanches des ascendantes d'un
individu normal du sexe masculin ; par A. PAssow. (Neurolog.
Centtualbl., XVII, 1898.)
Cerveau d'un menuisier de trente-trois ans, sain d'esprit, mort
très rapidement de phthisie pulmonaire. Durcissement dans le
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. J1'1
liquide de Huiler. Division des ascendantes droites en six blocs à
peu près d'égal volume de haut en bas, soigneusement numérotés,
de la scissure interhémisphérique à l'opercule. On ne perd pas de
vue la frontale ascendante dans laquelle on fiche des aiguilles.
Durcissement dans l'alcool absolu. Inclusion dans la celloïdine.
1 741 coupes en série que l'on colore au moyen de la méthode de
Wolters modifiée par Kaes (Neicrolog. Centralbl., 1891). Nomencla-
ture des couches d'Edinger (Nervoese CcntmIOr;¡al1e, Leipzig, 1896).
Voici ce que montre la frontale ascendante droite. - De bloc en
bloc, les fibres tangentielles forment des couches de plus en plus four-
nies et de plus en plus larges du bloc n° 1 au bloc n° 4 ; elles devien-
nent ensuite moindres dans les 5° et 6° blocs. Le système des
fibres superradiaires, vers la base de la circonvolution, constitue des
couches de plus en plus et uniformément touffues du bloc n° i au
bloc n°3, si bien que, dans le 4° bloc, les fibres arrivent jusqu'aux
fibres tangentielles; mais cette richesse de fibres s'accompagne du
rétrécissement de toute la couche ; dans les deux derniers blocs,
la couche est de nouveau large mais presque complètement
dénuée de fibres. Le tassement des fibres superradiaires est pro-
duit par le treillis interradiaire avec la raie externe de Baillarger
ou Gennari (figures).
Les parties les plus riches en fibres du 4° bloc corrrespondent à
la région de la main et des doigts. Les parties les plus pauvres des
5° et 6° blocs correspondent à la région de la tête, du facial et de
l'hypoglosse. P. KERAVAL.
LXXVII. Contribution à la casuistique des tumeurs cérébelleuses;
par A. BOETTIGER (Neurolog. Centralbl., XVII, 1898.)
Début par des troubles de l'équilibre, des vomissements, une
papille étranglée, indiquant le siège de la tumeur dans la fosse
postérieure du crâne. Ataxie en marchant et pendant la station
debout, indiquant l'atteinte du cervelet. Pas de signe de Romberg;
titubation surtout prononcée à droite, comme pendant les ver-
tiges. Parésie de l'arcade gauche du voile du palais ; mouvements
choréiformes de la langue ; accélération de pouls; maladresse des
mouvements délicats des doigts et des orteils à droite ; ataxie
nette, quoique faible, du bras droit ; tremblement intentionnel de
la main droite, surtout pour les mouvements compliqués tels que
ceux de l'écriture ; hypoexcitabilité mécanique des muscles, réa-
gissant normalement à l'électricité. Pas de réflexes tendineux, si
ce n'est celui du tendon d'Achille droit, normal, et le réflexe
patellaire droit qui n'est que fort affaibli.
Analyse fort complète des symptômes cérébelleux directs et des
symptômes cérébelleux de voisinage entraînant l'auteur à conclure
à l'existence d'une tumeur de la partie postérieure de l'hémi-
512 Z REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
sphère cérébelleux gauche. Ce n'est pas un tubercule, car il n'y a
ni hérédité, ni phénomènes permettant de le soupçonner. Les pro-
grès lents des symptômes montrent que la tumeur s'accroît lente-
ment ; ceci est plutôt en faveur d'un gliome que d'un sarcome,
et permet de repousser l'intervention opératoire.
P. IICItAVe\L.
LXX VIII. Observations sur les terminaisons nerveuses sensitives
dans les muscles volontaires; par A. RUFFINI. (Bi,aii2, part. LXXIX.)
Il s'agit de la question des fuseaux musculaires, des organes
intra-tendineux et des corpuscules de Pacini intra-musculaires.
Les muscles volontaires renferment trois ordres de fibres ner-
veuses : les motrices, les sensorielles, les vasomotrices. Rien de
nouveau pour les fibres motrices déjà bien connues ainsi que leur
terminaison dans les plaques de Kiihne. - Les fibres sensorielles
chez les vertébrés supérieurs se terminent dans les muscles volon-
taires de trois manières différentes : par des fuseaux musculaires,
par des organes de Pacini et au voisinage des formations tendi-
neuses par les organes de Golgi. Chacune de ces terminaisons
représente un mode de sensibilité différente et sans préciser l'au-
teur demande que des expériences exactes viennent déterminer
quelle est celle qui représente le sens musculaire. F. 13ossmrs.
LXXIX. Le Fuseau musculaire dans les conditions pathologiques ;
par F. BATTEN. (Drain, LXXVII et LXXVIII.)
Après une revue très documentée de tout ce qui a été écrit sur
la structure, les fonctions et la morphologie des fuseaux muscu-
laires et après une étude complète des méthodes techniques de
recherche, l'auteur examine les modifications de ces fuseaux dans
un certain nombre d'états morbides où il a pu les retrouver.
Dans la paralysie infantile, les fuseaux musculaires restent tout
à fait indemnes. - Dans le tabès ils étaient normaux chez deux
sujets et dégénérés chez un troisième. Dans un cas de myopa-
thie de Leyden ils étaient accrus en nombre et d'apparence nor-
male quant à leur structure. - Normaux aussi dans un cas
d'atrophie musculaire progressive et dans un cas de névrite péri-
phérique, ils étaient au contraire atrophiés dan, un cas de trau-
matisme du plexus brachial remontant il un an avec perte de la
sensibilité et de la motilité ; atrophiés également dans des cas de
section expérimentale de troncs nerveux chez le chat. Ce mémoire
de plus de 40 pages est richement documenté au point de vue
bibliographique et rehaussé de très nombreuses planches, il
éclaire réellement la question des terminaisons sensitives dans les
muscles. F. BoissiER.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 513
LXXX. La métamérie dans les trophonévroses ; par E. Brissaud.
(Nouv. Iconogr. de la Salpêtrière, no 2, 1899.)
L'existence des trophonévroses n'est plus à démontrer et depuis
les travaux de Ross, Allen, Stear, Head, ces troubles peuvent
être localisés dans les différents étages radiculaires ; cette leçon
tend à démontrer que la localisation des lésions pourra peu à peu
être poursuivie jusque dans les étages Mt/e7ome)'M et éclairer
définitivement la thèse de la métamérie spinale. Présentation
et discussion. d'un certain nombre de cas de zona, de scléroder-
mies, d'urticaire, de lichen, de dystrophie unguéale, etc., qui
démontrent la disjonction des segments métamériques 11 ! ! Jélomèl'es
et dc1'matomè/'es. 11. C.
LXXI. La localisation motrice médullaire est une localisation
- segmentaire; par van GHF1UCHTEIV et INELIS. (Journal de Neurologie,
1899, n° 16.)
D'après les auteurs de ce travail les différents amas cellulaires
qui existent à la périphérie de la corne antérieure dans le renfle-
ment cervical et dans la moelle lombo-sacrée président à l'inner-
vation de tous les muscles d'un segment de membre, quel que
soit nombre de ces muscles, quelle que soit leur fonction phy-
siologique, quels que soient les nerfs périphériques qui s'y termi-
nent.
Cette conclusion résulte des recherches de MM. van Gehuchten
et Nelis sur les modifications des cellules de la moelle dans les
cas de mélectomie récente. La localisation motrice médullaire
n'est donc en rapport ni avec les nerfs, ni avec les muscles des
membres, elle est segmentaire et peut être considérée comme une
véritable métamérie motrice. Ce fait a une double importance :
physiologique et pathologique.
Au point de vue physiologique il tend a démontrer que la con-
traction isolée d'un groupe physiologique de muscles dans un
segment donné de membre ne résulte pas uniquement de ses con-
nexions médullaires, mais qu'au-dessus du noyau segmentaire
des muscles de la jambe, du pied, de la main, etc., il doit exister
des centres plus élevés, tenant sous leur dépendance les différents
groupes de muscles qui, dans un segment donné, remplissent des
fonctions physiologiques différentes.
Au point de vue pathologique il permet de comprendre comment
dans un grand nombre d'affections médullaires accompagnées
d'atrophie musculaire, cette atrophie peut se localiser plus ou
moins nettement dans l'un ou l'autre segment soit du membre
thoracique, soit du membre abdommal. G. Deny.
Archives. 2° série, t. IX. 33
M4 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
LXXXII. Nouvelles recherches sur l'origine du facial supérieur et
du facial inférieur; par M. G. MARINESCO. (Presse médicale, 16 août'
1899.)
On peut distinguer dans le noyau du facial, chez presque tous les
animaux, trois groupes de cellules : un groupe interne ou noyau
secondaire interne,-un groupe moyen, formé lui-même par un seg-
ment antérieur et un segment postérieur, chez le chien tout au
moins, et un groupe externe. L'étude des lésions de réaction à dis-
tance produites par la section des diverses branches du facial
établit que le facial supérieur a son origine dans le noyau commun
de ce nerf. Ainsi se trouve détruite l'opinion longtemps admise,
d'après laquelle le facial supérieur a son origine dans un noyau
différent et peut-être dans le noyau du moteur oculaire externe.
Les recherches expérimentales faites par l'auteur sur le chien, le
chat et le lapin et exposées en détail dans ce travail, permettent
d'affirmer, malgré les légères différences observées dans les cons-
tatations recueillies chez ces divers animaux, que le noyau du
facial supérieur est situé à la partie postérieure du noyau moyen
du facial.
Le groupe interne du noyau primitif est constitué par deux
espèces de cellules : 1° de grosses cellules sticochromes qui siègent
surtoutàla partie antérieure de ce groupe et que M. Marinesco tend à
considérer comme représentant l'origine de l'auriculaire; 2° de
petites cellules contenant relativement peu de substance chroma-
tique, qui, probablement, sont l'origine des nerfs des muscles
intérieurs de l'oreille ou même peuvent être des cellules sympa-
thiques. Quant au groupe externe, il sert d'origine, chez le chien
et le chat, à la branche du facial inférieur qui passe devant le
masséter. Chez le lapin, le tronc du facial, à sa sortie du trou
stylo-mastoïdien, se divise en quatre branches, à chacune des-
quelles correspond, d'après M. Marinesco, un noyau principal.
Ce sont : 1° la branche auriculaire, dont M. van Gehuchten a loca-
lisé l'originedans la partieexternedu groupe interne; 2° labranche
zygomatico-temporale naissant de la partie postérieure du groupe
moyen; 3° la branche bucco-labiale supérieure émanant du groupe
externe; 4° la branche bucco-labiale inférieure issue de la partie
ventrale du groupe moyen.
Chez l'homme, la configuration générale du noyau du facial et
de ses groupes parait différente, au premier examen, de celle du
même noyau chez les animaux qui ont servi aux recherches précé-
demment exposées par l'auteur. Sur certaines coupes, choisies
surtout chez le foetus, M. Marinesco a pu retrouver très facilement
les trois groupes avec leurs subdivisions. Mais il faut reconnaître
que cette division, d'une simplicité schématique, en trois groupes
ou en noyaux secondaires à grand axe antéro-postérieur, ne cor-
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 515
respond pas à la plupart des pièces. L'orientation des groupes
cellulaires et leurs rapports réciproques ne sont pas constants;
cependant, malgré toutes ces variations, c'est vers la parlie pos-
térieure et médiane ou médiane externe qu'il faut chercher
le noyau du facial supérieur. Ces constatations histologiques
trouvent leur confirmation dans divers faits cliniques : cas de
lésions alrophiques du noyau du facial avec participation des
muscles orbiculaire, sourcilier et fronlal; cas de paralysie bulbaire
progressive infantile et familiale décrite par Hoffmann. Remak,
Bernhardt, Fazio, Londe, etc. A. 1ENAYRGU.
LXXXIH. Lésion en foyer de la capsule interne. Paralysie laryngée,
syndrome de Weber; par DIDE et G. A. WmL. (Presse médi-
cale, 12 juillet 1899.)
Les faits rapportés par Déjerine, Garel et Dor, Eisenlohr per-
mettent de supposer que les fibres nerveuses laryngées, parties de
l'écorce cérébrale un peu en arrière du pied de la troisième fron-
tale, suivent un trajet plus ou moins voisin du faisceau géniculé.
MM. Dide et Weil relatent une observation de nature à confirmer
cette hypothèse. Il s'agit d'une femme de soixante-deux ans,
issue d'une famille dont plusieurs membres avaient présenté des
troubles paralytiques, très nerveuse, présentant même des idées
confuses de persécution et ayant fait des excès alcooliques. Cette
femme a été atteinte soudainement d'accidents de paralysie réali-
sant dans leur ensemble le syndrome de Weber avec paralysie du
larynx siégeant du côté droit comme la paralysie des membres.
A l'autopsie, on a constaté l'existence d'un foyer de ramollissement
au niveau de la partie antérieure de la portion ventriculaire de la
couche optique gauche; ce foyer dépassait en bas lacouche optique
et intéressait le pédoncule cérébral au niveau de l'émergence de la
troisième paire; la partie la plus antérieure du bras postérieur de
la capsule interne était également envahie. L'écorce cérébrale était
intacte; on n'a constaté aucun foyer sous-cortical dans la région
rolandique.
Après avoir fait remarquer que les altérations de la couche
optique n'ont aucun rapport avec la motilité du larynx, les auteurs
formulent les conclusions suivantes : Les libres laryngées intra-
corticales passent dans la capsule interne, au voisinage du genou,
à la partie antérieure du bras postérieur. Il semblerait que la
paralysie laryngée accompagnant le syndrome de Weber fût en
rapport avec une lésion de la partie antérieure du pédoncule cé-
rébral. MM. Dide et Weil signalent la fréquence de la paralysie
laryngée dans l'hémiplégie alterne et son absence dans les hémi-
plégies par lésions cérébrales. A. rENAYROU.
516 6 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
LXXXIV. Un cas de paraplégie avec autopsie ; par Van Gehuchten.
(JOUI ? de Neurologie, 1899, n° 19.)
Il s'agit d'un homme de trente-trois ans qui était atteint d'une
paraplégie flasque complète avec paralysie de la vessie et du
rectum, exagération des réflexes rotuliens, abolition des réflexes
crémasténen et abdominal. Il existait en outre une anesthésie des
deux membres inférieurs jusqu'au niveau d'une ligne horizontale
passant par la septième côte. De la septième à la cinquième côte
on constatait une zone d'hyperesthésie très nette.
A l'autopsie on trouva dans le canal rachidien une tumeur im-
plantée sur la face externe de la dure-mère au niveau du sixième
et septième segment médullaire dorsal. La moelle à ce niveau
n'avait subi aucune déformation ni destruction apparente de sa
substance. La compression avait cependant été suffisante pour en
suspendre le fonctionnement.
Un second point à faire ressortir c'est que la tumeur englobait
les filets radiculaires du cinquième et du sixième nerf dorsal,
c'est-à-dire des nerfs correspondants à la zone d'hyperesthésie.
En terminant l'auteur fait remarquer que l'extirpation de cette
tumeur pratiquée au début aurait inévitablement fait disparaître
tous les symptômes de la paraplégie. G. D.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
XXXII. Un cas d'acromégalie; par le Dr W.-M. 1,EYriSKY. (Journal
of nervous and mental disease, février 1899.)
Malade de trente-six ans. Début de croissance exagérée des
extrémités il y a cinq ans ; brouillard dans la vue il y a un an ;
fourmillement dans les bras et les mains l'année dernière ; taille
6 pieds 1 pouce, poids 245 livres ; mâchoire inférieure projetée
half an inch en avant de la supérieure ; lèvre inférieure épaissie ;
langue fendillée, large ; os de la face augmentés de volume ;
nez élargi et allongé, narines élargies. Glande thyroïde normale.
Pouls : 84 pulsations. Os des extrémités supérieures et infé-
rieures augmentées de volume. Du talon à l'extrémité des orteils
on mesure 11 inches 1/4. Réaction pupillaire se fait avec paresse.
Pour l'oeil droit, champ visuel très rétréci pour le vert, normal
pour la couleur blanche. Pour l'oeil gauche, hémianopsie tem-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 517 7
porale complète, et contraction du champ visuel pour le 'vert,
le bleu et le rouge. Pas de scotome central. Olfaction complète-
ment abolie. Le malade était fort buveur de wisky, et on pou-
vait penser à mettre sur le compte de cette habitude, les troubles
visuels. Mais l'absence de scotome central, la conservation du
champ visuel normal pour le blanc tandis que rétréci pour les
autres couleurs, ne permet pas d'incriminer l'alcoolisme. Le cas est
intéressant en ce qu'il a permis de poser un diagnostic précoce.
D'autre part les symptômes sont tels qu'il est permis de croire à
l'existence d'une tumeur de l'hypophyse même en l'absence d'acro-
mégalie. POULIiD.
XXXIII. Sclérose combinée subaiguë de la moelle épinière et ses
relations avec l'anémie et la toxémie ; par Cn.-L. Dan. (The
journal of zzeruous and mental diseuse, janvier 1899.)
Cette maladie a des caractères à la fois cliniques et anatomiques
très spéciaux, et elle mérite sans aucun doute d'être distinguée de
certaines affections se rapprochant d'elle, comme la parésie, le
tabès, l'ataxie héréditaire, la myélile chronique ou la sclérose
disséminée. Se basant sur l'analyse soigneuse de 17 cas suivis
d'autopsie, il donne à la maladie les caractères suivants : .
Etiologie : L'anémie pernicieuse se voit dans 10 p. 100.des
cas ; dans les autres cas on trouve d'ordinaire une anémie très
marquée ou un état cachectique. Souvent, sinon toujours, cepen-
dant, les symptômes nerveux se développent avant l'apparition
,des signes d'anémie extrême. ' '
Symptômes : Comme symptôme initial, on constate d'ordinaire
une paresthésie ayant en général pour siège les pieds, associée à
un certain degré de faiblesse des mêmes parties. Puis, un degré
bien accentué d'ataxie, symptôme qui augmente avec la perte de
la motilité. Souvent de fortes douleurs dans le dos et les jambes.
Les anesthésies ne surviennent qu'à une période avancée de la
maladie et il peut y avoir dissociation des sensibilités comme dans
la syringomiélie. '
Au début, les réflexes rotuliens sont exagérés, et quelquefois on
constate le clonus du pied, si bien que le malade présente Iles
symptômes de paraplégie ataxo-spasmodique. Plus tard, la spas-
ticité peut diminuer et les réflexes disparaitre. '.
Au bout de quelques mois, les bras sont pris, et les premiers
symptômes qui apparaissent sont : paresthésie, faiblesse, mala-
dresse et très légère anasthésie. Dans un cas, le mal a débuté. par 'r
les bras. Les nerfs craniens sont rarement atteints et les troubles
oculaires font presque toujours défaut. A une période avancée,
surviennent des troubles du rectum et de la vessie.
L'anémie est d'ordinaire une anémie secondaire, mais dans' un
518 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
nombre considérable de cas, il s'agit d'anémie pernicieuse typique.
Marche : rapide; dans l'espace de six mois à un an, la maladie a
atteint son summum. La mort survient de six mois à deux ans après
le début, quelquefois trois ans.
Anatomie pathologique : Les cordons postérieurs sont pris les
premiers et plus fortement que le reste de la moelle. Ils sont inté-
ressés dans toute leur longueur, mais les lésions frappent surtout
les parties postérieures et médianes.
Plus tard et à moindre degré, les cordons latéraux sont atteints
surtout au niveau des faisceaux pyramidaux croisés. Les cornes
antérieures sont atteintes très sérieusement, mais tardivement.
Enfin, il peut y avoir du ramollissement de la moelle et produc-
tion de cavités.
Les vaisseaux sanguins sont quelque peu altérés (dégénéres-
cence hyaline, parois épaissies, dilatations et hémorrhagies par
places, affaissement) mais il est impossible de dire l'importance de
ce facteur.
Diagnostic : Cette affection se distingue de l'ataxie locomotrice
par l'absence de syphilis, l'apparition rapide, l'anémie, la faiblesse
musculaire, l'absence de symptômes oculaires et de douleurs ful-
gurantes, par l'exagération des réflexes au début, par les progrès
constants et rapides de la maladie. La névrite multiple s'exclut par
le début lent, l'ataxie marquée, l'absence d'atrophie musculaire
et de douleur, l'apparition de troubles du rectum et de la vessie.
Dans un cas de Dana, on constatait une dissociation des sensi-
bilités, ce qui pouvait faire porter le diagnostic de syringomyélie.
On évite l'erreur en considérant la marche constante et rapide de
la sclérose combinée subaiguë. Il y a peu de points communs entre
la paraplégie ataxique de Gowers et notre affection.
On peut toujours trouver place pour cette affection dans quelque
forme de tabès, de myélite chronique, ou de sclérose disséminée.
L'existence d'une anémie marquée et spécialement d'anémie
pernicieuse, est, avec l'ataxie, la paralysie et la marche rapide,
pathognomonique.
Pathogénie : Cette maladie est une affection toxique ; mais il est
difficile de reconnaître la cause de cette intoxication.
11 pourrait bien se faire, ajoute l'auteur, que cette sclérose com-
binée soit un empoisonnement d'origine familiale, attaquant le
système nerveux central prédisposé de ceux qui sont de la période
de déclin de leur vie. POULAIID.
XXXIV. Formes communes de la méningite et leurs caractères cli-
niques. Etude plus particulière de la méningite séreuse ; par
Ch.-L. DANA. (The journal of nervous and mental diseuse.)
L'auteur réduit à 5 formes communes, les nombreuses variétés
' REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 519
de méningite qui furent décrites : La pachyméningite externe et
interne; la léptonzéningite qui peut revêtir trois formes : forme
cérébro-spinale épidémique ; forme purulente simple ; forme
tuberculeuse ; la méningite séreuse. Si les deux premiers types de
méningite sont bien connus, le troisième l'est moins et mérite
l'attention.
Il y a trois variétés de méningite séreuse, toutes dues à un
épanchement séreux plus ou moins rapide dans les ventricules et
l'espace sous arachnoïdien, et toutes amenant des symptômes
semblables à ceux de la méningite vraie :
1° OEdème cérébral aigu, d'oidinaire consécutif à des trauma-
tismes séreux de la tête, amenant des symptômes semblables à
ceux de la méningite, durant 2 ou 3 jours et disparaissant, en
général, rapidement (méningite séreuse traumatique) ;
2° Méningite séreuse aiguë qu'on rencontre dans l'alcoolisme et
autres états toxiques analogues, appelée « cerveau humide »,
« wet brain », simulant de très près la méningite, et durant une
dizaine de jours.
3° Méningite séreuse décrite par Quincke, quelquefois très aiguë,
mais quelquefois subaiguë ou récurrente et durant trois, quatre se-
maines ou davantage.
Méningite séreuse traumatique. - Traumatisme céphalique en
est la cause. Stupeur pendant un jour, puis le cou se raidit, les
pupilles se contractent, la température s'élève, la peau devient
hyperesthésique ; il s'y ajoute une certaine rigidité des jambes, de
la constipation. Léger délire ; douleur de tête ; raideur du cou peut
devenir excessive. Quelquefois, agitation et secousses dans les
jambes, vomissements. Tout cet ensemble parait très menaçant,
et en trois ou quatre jours tout se modifie, tous les symptômes
s'améliorent et la convalescence arrive en quelques jours. L'examen
anatomique montre l'existence d'un exsudat séreux aigu.
Méningite séreuse alcoolique (et toxique). Conséquence d'une
intoxication alcoolique profonde, accompagnant quelquefois la
période d'épuisement après l'usage prolongé des narcotiques, ou
survenant dans l'inanition. Elle se présente sous les aspects cli-
niques suivants : Malade en delirium tremens ; le delirium cesse,
et laisse le malade irritable, agité, hébété, en divagation. D'autres
fois, le malade passe en cet état sans avoir débuté par du delirium.
Au bout de quelques jours, délire doux, légère fièvre (101° ou
102° F) ; léger mal de tête, peu de vomissements ; pas de convul-
sions. Raideur du cou, du dos et des extrémités ; secousses dans les
muscles. Symptôme de Koenig quelquefois. Peau hyperesthésiée.
Abdomen rétracté. Langue chargée ; constipation. Pupilles con-
tractées. Quelquefois conjonctivite et même kératite. Pas de névrite
optique. Après cinq ou six jours d'excitation : hébétude, état
semi-comateux. Cou moins rigide, extrémités moins raides. Peau
520 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. .
toujours très sensible. Troubles vaso-moteurs (tâche cérébrale).
Peau perd son élasticité (putty skin). Quelquefois miction et défé-
cation involontaires. T. de 99° à 101° F. Mort au début de la
convalescence vers la fin de la deuxième semaine. Ponction lom-
baire à la dernière période : liquide séreux, abondant, stérile.
Tableau clinique ressemble à celui des méningites, les seules
différences sont : céphalée moins grande, début plus lent, délire
moins aigu, moins de fièvre, pas de névrite optique, moins de
troubles généraux.
Méningite séreuse de Quincke et Boenninghaus. C'est une hydro-
céphalie aiguë acquise. Quelquefois marche rapide suivie de gué-
rison (type bénin) ; quelquefois marche rapide et fatale (type
malin) ; quelquefois marche chronique (hydrocéphalie chronique
acquise) ; d'autres fois, guérison et rechute (recurrent serous me-
ningitis).
Dans la forme aiguë, on trouve comme causes : fièvre infectieuse
moitié des cas); traumatisme (rare); otite moyenne. Examen bac-
tériologique du liquide céphalo-rachidien a toujours été négatif.
Symptômes. - Symptômes d'irritation cérébrale : Céphalée,
délire, suivis de stupeur et coma. Convulsions générales fréquentes;
raideur du cou et des jambes ; secousses. Fièvre quelquefois (un
tiers des cas). Plusieurs de ces symptômes peuvent manquer et le
diagnostic ne peut guère être fait que par la marche ultérieure
favorable et par la ponction lombaire. La forme chronique ; prend
quelquefois les symptômes de tumeur cérébrale : Névrite optique,
céphalée, vomissements, vertiges, convulsions, paralysie des nerfs
crâniens, même faiblesse et douleurs dans les extrémités. Pour le
diagnostic, il faut se baser sur : les rémissions et les arrêts, l'aug-
mentation de volume du crâne, l'absence de symplômes localisés.
, FOULARD.
XXXV. Cas de syringomyélie; par Carslam. (British medical
Journal, 31 décembre 1898.)
L'auteur expose dans cet article un cas détaillé de syringomyélie
avec quelques symptômes nouveaux. Ces symptômes sont des
(roubles oculo-pupillaires relevant de lésions de la substance
blanche de la moelle.
L'auteur développe un parallèle entre la sclérose latérale et
l'hystérie, particulièrement en ce qui concerne l'anesthésie géné-
rale à la douleur, au chaud et au froid. D. M.
XXXVI. Un cas de tuberculome de la protubérance annulaire;
par F. SANO. (Jozirn. de Neurologie, 1899, n° 15.)
11 s'agit d'un homme de vingt-neuf ans, ayant eu des abcès gan-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 551 1
glionnaires du cou, qui fut atteint au mois de décembre d'une
hémiplégie flasque complète, y compris le facial inférieur, avec
exagération des réflexes tendineux et cutanés. Cette hémiplégie,
qui occupait le côté droit, avait été précédée de maux de tête, de
vertiges et de vomissements.
A l'autopsie de ce malade qui succomba dans le coma on trouva
un noyau tuberculeux développé dans la partie supérieure et anté-
rieure gauche de la protubérance annulaire.
XXXVII. Quelques cas de torticolis spasmodiques ; par R. H. PARny.
(Bntish médical Journal, VII, 1898.)
L'examen de ces cas, au nombre de trois, inspire à l'auteur les
remarques suivantes :
Dans le torticolis spasmodique, deux groupes de muscles
demandent il être traités : d'un côté le sterno-matoïdien, de l'autre
le groupe occipital. Le traitement médical a échoué complète-
ment et non seulement n'a pas guéri, mais n'a même pas amélioré
le spasme. Si aucune amélioration ne succède au massage, il faut
avoir recours à la résection du nerf spinal accessoire, mais il faut
prévenir le malade que la guérison n'est pas à espérer de l'opéra-
tion seule, mais qu'il faut pratiquer le massage des muscles du
côté opposé pendant un assez long temps, et qu'occasionnellement
on peut être obligé d'avoir recours à la division des nerfs qui
innervent ces muscles. C. Schépiloff.
XXXVIII. Epilepsie d'origine périphérique; par Frank H. ËDSALL,
de Madison. (Médical news, novembre 1899.)
L'épilepsie idiopathique n'a jamais une origine purement péri-
phérique ; sa cause intime est toujours une lésion des centres ner-
veux, l'irritation des nerfs périphériques n'est que la cause occa-
sionnelle de ses manifestations. L'auteur rapporte quatre observa-
tions d'épileptiques présentant des troubles marqués de la réfrac-
tion du milieu de l'oeil, et de l'hypermétropie dont les attaques
disparurent au moins pour un temps, grâce à l'usage de verres
corrigeant leur trouble visuel. A. V.
XXXIX. Syringomyélie avec mains succulentes, attitude de prédi-
cateur et acromégalie ; par SABRUÈS, (Nouv. Iconogr. de la
' Salpêtrièl'e, ne'7, 1899.)
XL. Aphasie amnésique ; par TIIEIOEL. (Nouv. Iconogr. de la Salpé-
' trière, n° 6, 1899.)
. Deux observations, dont une avec autopsie, d'une affection
rare, étudiée récemment par le Dl' Pitres et dont la lésion centrale
52 : 2 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
n'est point encore définitivement établie. Certaines autopsies ont
démontré que la substance corticale n'était pas altérée et que le
lobule pariétal inférieur n'était pas atteint par le processus né-
crobiotique, ce qui a amené Pitres à formuler l'hypothèse que
l'aphonie amnésique est produite par la rupture d'une partie des
voies commissurales qui réunissent les centres différenciés des
images verbales aux parties de l'écorce dans lesquelles s'opèrent
les actes supérieurs.
L'intéressante autopsie de l'auteur (destruction étendue des
faisceaux blancs, avec intégrité presque complète du cortex) vient
à l'appui de l'hypothèse du Dr Pitres. R. C.
XLI. Le trophoedème chronique héréditaire ; par H. hIEIGE.
(Nouv. Iconogr. de la Salpétrière, ho 6, 1899.)
Les recherches de Milroy (1893) portant sur une famille de 97
individus échelonnés sur 6 générations et présentant 22 cas de
difformité oedémateuse des membres inférieurs, celles de l'auteur
portant sur 4 générations d'une même famille et présentant 8 cas
d'oedème chronique (ces cas n'étant imputables à aucune des affec-
tions connues comme pouvant être productrices d'oedème) parais-
sent démontrer l'existence d'un oedème héréditaire chronique,
blanc, dur et indolore, qui doit être considérée comme une dys-
trophie spéciale, tt'o/,hoedëme et qui, comme tous les troubles de
développement, résiste jusqu'à ce jour à tous les traitements.
R. C.
XLII. OEdème dystrophique du membre inférieur; par A. Vicou-
roux. (Nouv. Iconogr. de la Salpétrière, n° 6, 1899.)
Observation présentant les mêmes caractères cliniques que
celles de Meige, mais avec cette particularité qu'il n'a été relevé
aucun cas analogue chez les ascendants. R. C.
XLIII. L'urine dans l'épilepsie ; par A. M. BLEILE. (The New York
Médical Journal, 8 mai 1897.)
Ce travail porte sur l'examen de l'urine de douze malades pen-
dant trente jours : on a recherché le poids spécifique et la quan-
tité, l'urée, les phosphates, les sulfates et l'indican.
On a constaté que les attaques épileptiques ne modifient ni dans
un sens ni dans un autre, ni le poids spécifique ni la quantité de
l'urine émise.
L'excrétion des phosphates urinaires est augmentée dans la
majorité des cas d'épilepsie et le rapport des phosphates alcalins
aux phosphates terreux est modifié au profit des premiers, ce qui
s'explique par l'intensité, pendant l'attaque, des contractions mus-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 523
culaires, laquelle équivaut à une somme considérable d'exercice
normal.
Dans tous les cas SOI est resté plus ou moins au-dessous du
taux normal.
Dans bon nombre de cas, et pour un bon nombre d'attaques on
a trouvé une quantité d'indican supérieure à la normale.
Le chiffre normal de l'urée (30 grammes par jour) est rarement
atteint, ce que faisait d'ailleurs prévoir la nature de l'alimentation.
Quant à ses variations après les attaques, on trouve 17 fois une
augmentation, 21 fois une diminution et 5 fois un état station-
naire.
Sauf dans un seul cas l'excrétion de l'acide urique a toujours
été un peu inférieure à la normale. Il résulte des recherches ins-
tituées pour éclaircir ce point que ni l'acide urique ni le taux de
son rapport avec l'urée ne jouent de rôle étiologique dans la pro-
duction des attaques d'épilepsie. Les résultats obtenus démontrent,
et ce fait vient à l'appui de la théorie de l'auto-intoxication, que
les urines des épileptiques, possèdent une toxicité supérieure à la
toxicité normale. R. de lIUSGli4VE-CLAl.
XLIV. Un cas de gliome du corps calleux; par le Dr Charles ZALES&I.
(,Vedycyna, 25 février.)
Les tumeurs du corps calleux sont extrêmement rares, la litté-
rature n'en connaît que vingt cas. Il n'y a aucun changement dans
le fonctionnement cérébral tant qu'elles ne sont pas grandes.
Bristowe a essayé de faire la symptomatologie de ces tumeurs,
ce sont les troubles de l'intelligence, de la parole (sans l'aphasie)
et les parésies. Bruns prétend que si la tumeur est située dans la
partie antérieure du corps calleux il y a de l'astasie dans la
partie postérieure de l'hémianopsie et qu'un des symptômes cons-
tants sont les parésies croisées.
Les autres auteurs, Oppenheim, Brissaud, soutiennent que le
signe prédominant de ces tumeurs est le trouble de l'intelligence.
D'ailleurs le diagnostic ne peut être fait que post mortes. Le
malade, âgé de soixante ans, observé par l'auteur, entre à l'hô-
pital disant qu'il souffre depuis deux semaines de maux de tête et
de vertiges ; jusqu'à ce temps il était- toujours bien portant.
L'anamnèse difficile à cause des troubles de l'intelligence. Consti-
tution bonne, les pupilles neréagissent pas à la lumière, accommo-
dation conservée, vision normale. On observe une raideur des
muscles; le malade ne peut s'asseoir et semble être fait d'une seule
pièce. Hémiparésie droite, à gauche la force musculaire conser-
vée, les réflexes tendineux augmentés, sensibilité conservée. Ten-
dance au sommeil. Les réponses lentes et brèves. L'urine foncée,
émission fréquentepar de très petites quantités, on trouve 2 p. 1000
524 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
d'albumine. Comme le malade présentait les phénomènes rénaux
depuis dix ans, on prononce le diagnostic de l'urémie. A l'examen
microscopique de l'urine on trouve des cellules épithéliales, des
globules de sang et de pus.
Les jours suivants la raideur des muscles augmente, la pupille
ne réagit plus ; le malade vomit, semble plus abattu. On se préoc-
cupe surtout de l'état de son urèthre, on trouve du rétrécissement.
Le cinquième jour de son arrivée à l'hôpital, le malade meurt dans
les convulsions cloniques et une perte de connaissance. A l'autopsie
faite par le professeur Przewoski on trouve un gliome qui occupe
un tiers du corpscalleux. Il entre par sa moitié antérieure, dans la
partie moyenne de l'hémisphère gauche et par la partie postérieure
dans la substance blanche du lobe occipital. La tumeur n'est pas bien
délimitée, de couleur gris rougeàtre; on trouve un foyer hémorra-
gique. La tumeur exerçait une pression sur la veine Galienetsurles
hémisphères qui étaient pâles, les ventricules latéraux contenaient
beaucoup de liquide. La pie-mère pàle, le cervelet et la moelle ne
présentaient rien. Pas de grandes lésions dans les reins; on trouve
une cystite et le rétrécissement de l'urèthre.
Le fait à noter est que le malade souffrait seulement depuis deux
semaines. Le corps calleux qui n'appartient pas à la sphère in-.
tellectuelle tolérait bien longtemps la tumeur. Le corps calleux
joue un rôle énorme comme le conducteur des fibres d'association.
.Probablement par l'action compensatrice, d'autres cellules étaient
entrées en jeu. Le malade avait l'intelligence affaiblie, la perception
et l'association des idées difficiles, ces troubles ne sont survenus
qu'à la suite de pénétration de la tumeur dans les hémisphères,
mais tout semblait donner la prépondérence aux reins.
Quant à la raideur, elle était observée par Ii;6sterdans un cas du
gliome de la partie antérieure du corps calleux; chez le malade
de l'auteur, la raideur des muscles augmentait chaque jour, l'opistôt-
hosnos était bien marqué. Les méninges du malade ont été trou-
vées saines. On peut considérer cette raideur comme un phéno-
mène secondaire qui est survenu à la suite de compression.
On cite parfois des troubles dans la vision, ainsi, que le pré-
tend Martin. Le malade de l'auteur a présenté une vision oculaire
normale. G. DE Majewska.
XLV. Un cas de syphilis héréditaire de la moelle épinière avec
autopsie ; par Gilles de la TOURETTE et G. DURANTE. (Nouv.
Iconogr. de la Salpêtrière, n° 2, 1899.)
Examen histologique méticuleux, mettant en lumière la dégé-
nérescence des faisceaux pyramidaux croisés, des faisceaux céré-
belleux directs et des faisceaux de Gowers, l'intégrité absolue des
cordons postérieurs et des zones radiculaires postérieures, du
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 525
bulbe, de la protubérance avec quelques altérations minimes de la
substance corticale du cerveau. Les auteurs estiment que ces der-
nières altérations seraient incapables d'avoir donné naissance à
une dégénérescence secondaire des faisceaux pyramidaux, qui ne
pût non plus résulter de lésions périphériques ou radiculaires, de
sorte qu'il faut voir dans ce cas, une affection systématisée de la
moelle d'origine purement spinale et secondaire à un ancien foyer
de myélite. 11. C.
XLVI. Un cas de syringomyélie avec troubles de la sensibilité
à topographie radiculaire et avec troubles moteurs à marche
ascendante; par van GEIIUCIITEr¡. (Joll1'n. de Neurologie, 1899,
n° 18.)
Ce cas de syringomyélie présentait plusieurs particularités in-
téressantes : 1° D'abord la marche de l'atrophie qui au lieu d'être
ascendante était descendante : elle a débuté par les muscles de
l'épaule pour descendre de là le long du bras et de l'avant-bras.
2° Le mode de distribution de la dissociation syringomyélique au
niveau du membre supérieur gauche qui était nettement radicu-
laire au lieu d'être segmentaire. La diminution de la sensibilité
douloureuse et thermique existait dans les régions cutanées dépen-
dant des 5, 6, 7 et 8° racines cervicales. Elle faisait défaut le long
de la face interne du bras et de l'avant-bras tributaire de la racine
postérieure du te et du 21 nerf dorsal.
Un autre point intéressant c'était l'extension de la dissociation
syringomyélique dans le domaine du nerf trijumeau, phénomène
que l'auteur attribue à la présence dans la moelle cervicale de
fibres sensitives du trijumeau. G. DENY.
XLVII. Formes frustes de scléroses en plaques à début mono ou
hémiplégique avec amyotrophie; par Glorieux. (Joum. de Neuro-
logie, 1899, n° 18.)
Ces formes frustes de scléroses en plaques à début mono ou
hémipléhique s'observent surtout chez des jeunes filles et peuvent
être facilement confondues avec l'hystérie.
Le phénomène des orteils en extension, signalé par Babinski,
indiquant l'existence d'une lésion de la voie pyramidale, est un
symptôme de la plus haute importance pour différencier la sclé-
rose en plaques de la névrose hystérique. G. D.
XLV111. Sclérose en plaques chez un enfant, par M. le professeur
Raymond. (Presse médicale, 5 août 1899.)
M. le professeur Raymond a consacré une de ses leçons cliniques
à la discussion du cas d'un enfant de six ans, qui a présenté, à la
526 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
suite d'une atteinte de fièvre scarlatine, un ensemble d'accidents
qui peuvent se résumer ainsi : Des désordres de la marche, qui
dépendent à la fois d'un état de parésie et d'un état de rigidité
spasmodique des membres inférieurs. Du tremblement intentionnel
aux quatre membres. Une exagération des réflexes tendineux
avec trépidation spinale aux membres inférieurs. Du nystagmus
dynamique et un strabisme fonctionnel. De l'embarras de la
parole, qui se manifeste quand l'enfant est obligé de porter une
grande attention à ce qu'il dit ; une sorte d'agitation choréiforme
de la langue. Enfin, le petit malade a eu d'une façon intermittente
et à des intervalles très irréguliers, de l'incontinence des urines et
des matières. La constatation de la parésie spasmodique des
membres inférieurs éveillait immédiatement l'idée du tabes spas-
modique ; mais, ce dernier étant considéré par M. Raymond
comme un simple syndrome capable de servir de masque à des
affections et à des lésions organiques très dissemblables, il était
nécessaire de compléter et de préciser le diagnostic. Parmi les
maladies dont l'existence pouvait être soupçonnée, se présentait
d'abord la sclérose en plaques. Toutes les manifestations observées
chez le malade figuraient dans la symptomatologie de cette affec-
tion ; le jeune âge du sujet, ne pouvait faire rejeter ce diagnostic,
puisqu'il est aujourd'hui établi, contrairement à l'opinion soutenue
par divers auteurs, en particulier par Erb en 1878 et par Grasset
en 1886, que la sclérose en plaques n'est pas très rare dans l'en-
fance. Il était permis aussi de se demander si les accidents survenus
chez cet enfant n'étaient pas symptomatiques de la variété d'affec-
tions spasmo-paralytiques infantiles désignées sous le nom de
diplégie cérébrale spasmodique infantile ou maladie de Little. Le
diagnostic de la sclérose en plaques et de la diplégie cérébrale
spasmodique constitue souvent un problème très difficile ou même
impossible à résoudre. M. le professeur Raymond en cite plusieurs
exemples. Dans le cas dont il s'agit, le diagnostic de diplégie céré-
brale spasmodiqne a été rejeté pour les raisons suivantes : l'en-
fant n'était pas né avant terme; il n'était pas né à la suite d'un
accouchement laborieux, en état d'asphyxie apparente; il était
normalement conformé au moment de la naissance; il s'était bien
développé jusqu'à l'âge de six ans, époque à laquelle il a contracté
la scarlatine et, au moment où il a été examiné, il ne présentait
aucun retard dans son développement intellectuel, aucune mal-
formation du crâne. Le tremblement intentionnel à grandes am-
plitudes, plus fréquent dans la sclérose en plaques que dans la
diplégie cérébrale spasmodique tendait encore à faire rejeter ce
dernier diagnostic. Malgré cela M. le professeur Raymond ne se
prononçait pas catégoriquement.
Dans l'une comme dans l'autre hypothèse, le malade n'avait que
peu de chances d'amélioration. La médecine est, en effet, impuis-
, REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 537 7
santé contre les manifestations spasmodiques; elle est seulement
capable d'en atténuer les conséquences par l'orthopédie et la méca-
nothérapie. Elle est également inefficace contre la sclérose en
plaques; on a bien représenté, en ces derniers temps, cette affec-
tion comme curable ; mais, dans les cas terminés par guérison, on
a toujours le droit de douter de l'exactitude du diagnostic et de se
demander si on n'a pas été en présence de cas d'hystérie ou de
neurasthénie, maladies capables de simuler la sclérose en plaques
avec une parfaite ressemblance. Charcot préconisait contre la
sclérose en plaques le nitrate d'argent administré à l'intérieur;
M. Raymond déclare qu'il ne croit pas à l'efficacité de ce médica-
ment. Il lui préfère l'iodure de potassium ou de sodium à faibles
doses progressivement croissantes et associé à un traitement élec-
trothérapique (galvanisation de la moelle avec des courants faibles)
et à des bains tièdes prolongés. A. Fenayrou.
XLIX. Surmenage oculaire et épilepsie; par C. M. CApps. (The
New York Médical Journal, 16 septembre 1899.)
On sait que les anomalies de la réfraction sont capables de pro-
voquer un grand nombre d'états névropathiques, et il semble tout
à fait logique d'admettre qu'elles peuvent déterminer la produc-
tion de convulsions épileptiques. Quand on considère la disposi-
tion compliquée des nerfs de l'iris et des procès ciliaires, on
n'est pas évidemment amené à croire que l'effort fait par l'oeil
pour arriver à une réfraction normale soit capable de causer direc-
tement une attaque d'épilepsie; mais on peut admettre que la
continuité de l'effort qui porte sur les filets nerveux qui régissent
l'accommodation est susceptible, à la longue, de provoquer un
état réflexe du sympathique aboutissant à un paroxysme con-
vulsif. L'auteur relate brièvement deux observations à l'appui de
la théorie qu'il défend. R. de Musgrave-Clay.
L. La cécité hystérique; par Arthur-T. Muzzy. (The New York
Médical Journal, 16 septembre 1899.)
La fréquence des affections oculaires de nature hystérique est
très diversement appréciée par les différents auteurs. La plupart
d'entre eux attribuent principalement ces alfections aux très jeunes
filles, fait que l'observation contredit absolument puisqu'on ne les
rencontre que très rarement avant la vingtième année et qu'à
partir de cet âge jusqu'à quarante-cinq ou cinquante ans, elles se
répartissent à peu près également. On a observé ces affections
chez les hommes, mais elles suivent assez exactement la propor-
tion des hystériques mâles. Le Dr Schweinitz dit que la cécité
hystérique s'observe chez les jeunes filles, chez les femmes et quel-
528 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
quefois chez les hommes, que la perte de la vision est complète et
presque toujours unilatérale ; que la pupille réagit promptement
lorsque l'aeil sain est fermé, que la pupille, à l'ophtamoscope,
est normale ; que beaucoup de ces malades ont de l'achroma-
topsie, ou de la dyschromatopsie, et, par surcroît de l'hémia-
nopsie. Mais il y a deux points importants qu'il n'a pas signalés ;
ce sont la brusquerie du début, et l'anesthésie de la conjonctive
et de la cornée. L'affection peut avoir une longue durée ; mais le
pronostic est favorable. R. DE l\fU ! 'GRAVE-CL\Y.
LI. La dysphagie hystérique ; par A. COOLIDGE jar. (The Neiv York
Médical Journal, 28 août 1897.)
Bonne étude sur la dysphagie hystérique, sur l'historique de la
question, sur le diagnostic différentiel de la maladie et sur le trai-
tement. lI. 111. C.
LU. Cécité hystérique ou fonctionnelle ; par Alvin A. IIUUüELI..
(The New-York Médical Journal, 17 juillet 1897.)
Les cas de perte complète de la vision de l'un ou des deux yeux
sans modifications appréciables du fond de l'oeil et sans lésion du
nerf optique ou du cerveau, avec retour progressif et finalement
complet de la fonction visuelle au bout de quelques jours ou de
quelques semaines, sont des cas rares. Aussi l'auteur a-t-il cru
avec raison qu'il serait intéressant de publier trois faits de ce genre
qu'il a pu observer récemment, et qu'il considère comme relevant
de l'hystérie. Il ne risque aucune interprétation, et se borne à con-
clure que lorsque nous connaîtrons le mode de production de
l'anesthésie hystérique de certaines zones cutanées et celui des
paralysies musculaires hystériques, nous pourrons peut-être, par
analogie, imagmer une explication quelque peu rationnelle de la
cécité hystérique. H. DE MoscsvL-CLar.
Ivrogne assassin. - Le nommé Pierlot abandonnait, il y a quel-
ques années, sa femme demeurant à Faulx (leurthe-et-Moselle)
pour aller en Algérie. Il revint dernièrement sans ressources et
ayant pris des habitudes d'ivrognerie. Sa femme ayant refusé de
reprendre la vie commune, il l'a tuée d'un coup de fusil. (Le Bon-
homme Normand du 17 au 23 novembre 1899.)
SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE.
Séance du 10 avril 1900. - Présidence DE M. Jules Voisin
Suggestion par lettre.
M. Jules Voisin rapporte le cas d'une jeune fille qui fut guérie
assez vite de phobies et d'obsessions en lisant régulièrement une
lettre qu'il lui avait remise dans ce but.
M. BERNIIEDI (de Nancy). Je puis citer un cas analogue. Il inté-
resse une brésilienne hystérique qui jadis, grâce à l'hypnotisme,
avait été débarrassée d'un tic de la lace survenu à la suite d'une
émotion. Un beau jour, elle vint me trouver parce qu'elle avait,
depuis quelque temps, cinq à six ciises par jour. Je pus l'en guérir
par suggestion. Elle retourna au Brésil, mais à la suite d'une émo-
tion, les crises reparurent. Elle m'écrivit,. désespérée : elle vit ses
crises disparaître après avoir lu une lettre dans laquelle je lui
affirmais qu'elle était guérie. Une autre fois encore, la même sug-
gestion par lettre débarrassa cette femme d'obsessions et d'impul-
sions au suicide.
M. BIiRILLON. - Un jeune homme atteint d'incontinence d'urine
venait d'être reçu à l'Ecole navale. Très affecté de son infirmité,
craignant d'être réformé, il vint me trouver l'avant-veille de son
entrée au Borda et je pus le guérir en une seule séance. Mais trois
mois après, 1 incontinence reparait. Il m'écrit une lettre éplorée.
Alors je lui envoie ma carte de visite sur laquelle j'ai écrit des
suggestions qu'il devra lire attentivement chaque soir avant de se
coucher. L'incontinence disparut définitivement.
Hypnotisme et suggestion.
M. Bernheim (de Nancy) expose en quoi il diffère de M. Liébeault,
le fondateur de l'école de Nancy. L'hypnotisme n'est un état ni
anormal, ni antiphysiologique, ni pathologique. Tous les phéno-
mènes réalisés pendant l'hypnose peuvent être reproduits par la
suggestion pendant l'état de veille, principalement la catalepsie
Archives, 2' série, t. IX. 34
530 SOCIÉTÉS SAVANTES.
élastique ou rigide. Il n'est pas nécessaire que le sujet dorme pour
qu'il puisse être suggestionné thérapeutiquement. Tout dans l'hyp-
nose se ramène à la suggestion, laquelle, mettant en oeuvre une
propriété normale, à savoir la suggestibilité, apprend au cerveau
à faire de l'inhibition et de la dynamogénie.
M. Bérillon. Avant de faire de la suggestion curative, il faut
préparer le terrain, plonger le sujet dans un état qui ne comporte
ni discussion ni résistance, créer un état passif, comme dit Lié-
beault, réaliser l'inhibition et le monoidéisme. Sans doute, la sug-
gestion à l'état de veille est parfois puissante, mais souvent aussi
elle est tout à fait inefficace ; alors, il est indispensable d'endormir
le sujet. Si l'idéoplastie peut parfois réussir seule, il est le plus
souvent nécessaire de réaliser au préalable l'hypotaxie. L'hypno-
tisme a une doctrine, une tradition; il a pour ancêtres : Braid,
Durand (de Gros), Liébeault, Charcot, Dumontpallier, etc. Pour
prouver la réalité de l'hypnotisme, il suffirait de citer les recher-
ches de Bianchi, lequel a constaté pendant l'hypnose une modifi-
cation de la tension artérielle évaluée au sphygmomètre.
M. PAU de SAINT-MARTIN. - Il y a dans l'hypnotisme quelque
chose de plus que dans la suggestion. Chez un de mes malades,
j'obtiens facilement pendant l'hypnose ce qu'il me refuse systéma-
tiquement quand je le lui suggère à l'état de veille. D'ailleurs, la
simple contemplation d'un objet brillant peut endormir sans que la
moindre suggestion intervienne.
. 11f. Paul MAGNIN. - C'est ainsi que j'ai vu une personne tomber
en somnambulisme après qu'elle eut reçu dans les yeux des rayons
solaires réflétés dans une glace. J'ai vu aussi chez Dumontpallier
des malades présenter un sommeil pathologique et, une fois gué-
ries, cesser d'être suggestibles.
M. Jules Voisin. - Au fond, tout le monde est du même avis;
le désaccord ne porte que sur les mots. Même quand nous n'avons
pas profondément endormi notre malade, nous l'avons plongé dans
un état particulier et, ainsi, rendu plus sugestilVe.
i Présentation de malades.
M. 13ÉRILLON présente : 1° une jeune fille atteinte d'obsession
vertigineuse auto-suggérée ; 2° un jeune enfant à propos duquel il
discute le diagnostic d'hémiplégie organique et d'hémiplégie hys-
térique. - ho. Stadelmann (de Wurtzbourg) fait part d'un travail
.dans lequel il relate un certain nombre d'expériences faites pen-
dant le sommeil hypnotique et portant sur des illusions visuelles.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 531
SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE
Séance du 3 mai 1900. - Présidence de M. Joffroy.
Un cas de tétanos céphalique avec diplégie faciale. (Titéorie' ? ter-
veuse périphérique du tétanos.) M. CROUZON rapporte une obser-
vation recueillie dans le service de M. P. Marie : le malade après
une chute contre une porte, a été pris de trismus au bout de
qualre jours, d'une paralysie faciale périphérique bilatérale, et, au
bout de dix jours, de crises d'étouffements qui l'ont mené à la
mort en soixante-douze heures. Il s'agit donc d'un cas de tétanos
céphalique typique avec diplégie faciale. La porte d'entrée était
une plaie de la racine du nez occupant exactement la ligne mé-
diane. Si l'on rapproche ce cas de ceux où la paralysie faciale et
le trismus siégeaient du même côté que la blessure, on est auto-
risé à dire qu'il existe une relation entre le point d'inoculation et
la diffusion de la toxine tétanique.
Un cas d'hémianopsie homonyme temporale gauche avec conser-
vation de la vision centrale. M. FERRA ND montre le cerveau.
Celui-ci présente un foyer de ramollissement du lobe occipital
droit, intéressant la face inférieure de la face interne du lobe
occipital avec destruction du cunéus; le pli courbe parait intact.
L'auteur signale aussi l'atrophie du tubercule mamillaire du
même côté, qui serait expliquée par la même source d'irrigation
de ce tubercule et du lobe occipital. Le malade n'avait jamais
présenté de signes d'aphasie sensorielle.
Névrites professionnelles du nerf 11,édian et du nerf cubital chez
un ouvrier menuisier porteur d'une ancienne fracture du coude.
M. HUET. Ouvrier menuisier, âgé de dix-neuf ans, exerçant sa pro-
fession depuis quatre ans. L'an dernier il a vu apparaître à la
main droite des fourmillements dans le domaine du nerf cubital,
puis de l'affaiblissement et de l'atrophie des muscles. Celle-ci
s'étend non seulement à tous les muscles de la main innervés par
le cubital, mais encore à ceux innervés par le médian; dans tous
ces muscles il existe de la D R; au contraire les muscles de l'avant-
bras sont restés indemnes. '
A l'âge de neuf ans le malade s'est fait une fracture du coude,
consistant, comme le montre une radiographie dans un décolle-
ment de l'épi trochlée attirée au bas et fixée à la partie interne de
la base de l'oléocrâne.
Les névrites sont-elles une conséquence tardive de la fracture du
532 SOCIÉTÉS SAVANTES.
coude ? La névrite du cubital pourrait être expliquée de cette
façon mais non la névrite du médian. Elles paraissent plutôt
avoir été produites par un travail ayant exposé pendant plusieurs
semaines les éminences thénar et hypothénar à une compression
assez forte et prolongée.
"-
Sur un cas de`paralysie spinale infantile avec participation du
nerf récurrent. - M. HUET. Chez un enfant atteint vers la fin de
la première année, d'une paralysie spinale infantile nettement
caractérisée, on voit se développer simultanément des troubles
laryngés comme ceux que détermine la paralysie d'un nerf récur-
rent. Ces troubles laryngés apparaissent brusquement au moment
de la période fébrile d'invasion de la maladie; ils suivent la même
évolution que la paralysie du membre inférieur frappé par la para-
lysie infantile; comme elle ils s'améliorent progressivement en
laissant encore, trois ans après, des traces qui ne disparaîtront
sans doute jamais complètement. Aucune autre cause ne peut
expliquer cette paralysie récurrentielle; il n'exisle pas d'adéno-
pathie trachéo-bronchique; des végétations adénoïdes du naso-
pharynx ont disparu rapidement après deux séances de grattage
sans qu'aucune amélioration parallèle se soit produite dans l'émis-
sion de la voix. Tout donc dans le mode d'apparition des troubles
laryngés, dans leur évolution, et dans leur reliquat semble bien
indiquer que la paralysie de quelques muscles intrinsèques du
larynx relève du même processus que celui qui a déterminé la
paralysie du membre inférieur; par conséquent il semble très
vraisemblable que des cellules d'origine d'un nerf récurrent ont
été atteintes par ce processus. Dans ce cas la survie a été possible
en raison de la localisation très limitée des lésions du bulbe.
M. MARIE. - Nous voyons en effet peu de cas avec phénomènes
bulbaires et phénomènes liés aux nerfs crâniens. A l'étranger la
paralysie infantile se montre souvent sous forme d'épidémies, ce
qui dans de tels cas est un bon guide pour le diagnostic. Chez
nous l'affection étant toujours isolée, et les conditions épidé-
miques ne venant pas nous donner d'indications, de tels cas nous
font naturellement penser à la méningite et le diagnostic nous est
plus difficile.
Deux faits de chirurgie testiculaire : 10 Névralgie du cordon trai-
tée avec succès par la résection de ses nerfs;2° Epilepsie avec aura
au niveau d'un névrome du cordon; ablation. - 1\1. CHIPAIILT. Les
deux faits suivants de chirurgie testiculaire sont particulièrement
intéressants au point de vue neurologique : 4°, Homme de trente-
deux ans ; à vingt-deux , légère blennorrhagie . A vingt-cinq
ans, débutent des crises douloureuses, commençant par le cor-
don gauche, et qui s'aggravent au point de rendre la marche, la
défécation, la miction presque impossibles. Pas d'hystérie, ni
SOCIÉTÉS SAVANTES. 533
d'épilepsie, ni de tabes. L'épididyme gauche est le point de départ
des douleurs. Il est du reste de consistance et de forme normales.
Résection des nerfs du cordon. Hypoesthésie transitoire de la
bourse. Amélioration rapide. Guérison datant de quatre mois et
demi. Le malade a augmenté de 17 kilos, chasse, a des éjacula-
lations. etc.
2° Homme de vingt-neuf ans. Sans antécédents. Première crise
d'épilepsie à quatre ans, à la suite d'une descente forcée des tes-
ticules. Depuis absence de crises à aura douloureux et crémasté-
rien dans la bourse gauche. Le palper du cordon détermine des
crises. Opothérapie testiculaire avec résultat passager. Sous mes
yeux, en six mois, se développe une tumeur du cordon dont le
palper provoque l'aura caractéristique. Pas trace d'hystérie. La
tumeur est enlevée. C'était un névrome. Résultat thérapeutique
trop récent pour en parler.
Gigantisme et acromégalie. M. ACHARD présente un malade qui
dès l'âge de vingt ans mesurait 21,oui et atteint actuellement
à trente-huit ans 2ra,12. Ce gigantisme est héréditaire. Le sujet
sans être acromégalique typique a les pommettes extrêmement
saillantes, le menton en galoche, les doigts larges, la main trop
longue par rapport aux autres segments du membre supérieur, la
langue hypertrophique, la voix caverneuse. Il est glycosurique,
ohose assez fréquente chez les acromégaliques.
M. Brissaud, voit dans ce malade une confirmation de sa théorie,
qui met dans le même cadre morbide l'acromégalie et le gigan-
tisme. ' ,
Maladie de Morvan. M. LESAGE montre des photographies et
des coupes de la moelle d'un malade qui avait présenté aux
quatre extrémités des panaris multiples avec atrophie musculaire
et mutilation de phalanges, le diagnostic avait hésité entre lèpre
et maladie de Morvan. L'anesthésie s'arrêtait nettement en bra-
celet et en jarretière au milieu des membres. A l'autopsie on
trouva la substance grise saine dans la moelle. Lésions de névrite
sans lépromes ni bacilles dans les nerfs des membres.
M. DÉJEUNE a connu ce malade et n'est pas éloigné d'en faire
un lépreux à cause de l'intégrité de la moelle avec anesthésie pro-
fonde et en raison du séjour du sujet aux colonies.
M. Marie est du même avis, mais parce qu'il retrouve sur les
coupes de M. Lesage des altérations médullaires qu'il a décrites
dans la lèpre avec M. Jeanselme, altérations qu'il considère comme
endogènes.
Syndrome de Weber. - MM. CESTAN et Bourgeois rapportent
l'observation d'un malade atteint de cette affection. A l'autopsie
ils ont trouvé des foyers de ramollissement intéressant le pédon-
534 BIOGRAPHIE.
cule cérébral gauche et ayant détruit les noyaux de la troisième
paire gauche. Ils insistent sur la dispositions en foyers bien loca-
lisés de ces ramollissements, sur la perte du réflexe lumineux
consensuel. Chez^leur malade examiné un mois après le début
apoplectiforme, ils n'ont pas trouvé la trépidation spinale et ils
ont observé au contraire très facilement le signe des orteils de
Babinski. 1
M. SCIIEI\B d'Alger envoie des photographies d'une malade
atteinte de tic professionnel. Tic de la mendiante. F. BOISSIER.
BIOGRAPHIE.
AR11ND-A.-U. SEMELAIGNE.
Armand-Vital Semelaigne épousait, le 2G novembre 1818, Marie-
Arthure-Félicité Rostaing, âgée comme lui de vingt-et-un ans.
Fils de cultivateur, et membre d'une famille où tous étaient
fermiers ou petits propriétaires, il ne possédait pourtant pas cet
amour du sol qui semble inné au coeur des paysans ; possesseur
d'une très modeste aisance, il avait accepté, en attendant mieux,
les fonctions d'instituteur à Quincarnon, son village natal.
Le 30 octobre 1820 le jeune couple eut la joie de voir naitre un
fils qui reçut les prénoms d'Armand-Aimé-Dieudonné.
L'enfant passa ses premières années au village, fréquentant
l'école, la vieille église et la lisière de la forêt voisine. A l'àge
de six ans, il partit pour Evreux, où son père venait d'obtenir une'
place à l'administration des contributions directes. Ce séjour à la
ville fut de courte durée ; quinze mois plus tard une pneumonie
emportait le chef de famille, et la veuve revint à Quincarnon.
Presque sans ressources, elle dut travailler pourvivreet élever son
fils. Le jeune Armand aimait passionnément l'étude; il posséda
en peu de temps les connaissances que l'on pouvait acquérir à
l'école du village, où il aidait le maitre à faire sa classe. A l'âge
de quinze ans on lui offrit, soit de se préparer à devenir instituteur,
soit d'entrer dans l'administration où son père, malgré le court
séjour qu'il y avait fait, n'avait rencontré que l'estime de tous.
Mais son ambition était autre. Désireux de pousser plus avant
ses études, il supplia sa mère de le mettre en pension. Fière de
son enfant et confiante en l'avenir, elle consentit, sans hésiter, à
biographie. 535
de nouveaux sacrifices. Il part donc pour Evreux, entre en pension,
puis au collège, qu'il quitte en 1838, après sa rhétorique. L'année
suivante il prend la diligence pour Paris, et après quelques mois
de séjour dans cette ville, passe son baccalauréat ses-lettres
le 27 août 1839. Sur les conseils du Dr Auzoux et du libraire Asselin,
ses compatriotes, il se décide à entreprendre ses études médioales
Alors finit, disait-il plus tard, la première phase de sa vie « la
plus heureuse, sans contredit, car elle n'a pas été tourmentée par
les soucis de l'avenir, ni les inquiétudes du lendemain.» Etde ce jour
Commença « la lutte de tout homme aux prises avec la fortune
adverse. Depuis la mort de mon père, mon léger patrimoine ne
s'était pas accru, et cependant je me disposais à parcourir une
carrière qui demande. des ressources pour plusieurs années. N'im-
porte, je me confieai à la grâce de Dieu et je partis. Le coeur est
si plein d'espérance à vingt ans. Je pris ma première inscription
avec la joie du jeune homme qui voit s'ouvrir nn horizon pluslarge
devant ses yéux. Mais bientôt survint la gêne et de là le commen-
cement de mes désillusions. » Le plus souvent il en était réduit à
déjeuner d'un morceau de pain et de quelques radis, et parfois le
soir il ne pouvait souper. Faute d'argent, il ne passa, dans l'es-
pace de quatre années, que son baccalauréat ès-sciences et son
premier examen de médecine, et souvent même, dénué de toutes
ressources, il dut prendre la diligence, rentrer au village et y
séjourner le temps de rétablir sa santé ébranlée et de réunir
quelques nouvelles ressources. Peu après son premier examen, il
fut atteint d'une fièvre typhoïde grave et garda le lit pendant six
semaines ; la convalescence fut longue et il ne se rétablit, que
grâce à sa robuste constitution. « Ma mère travaillait toujours et
le fruit de ses labeurs et de ses veilles était pour moi la manne
qui tombait du ciel. » Lui aussi travaillait dans l'espoir d'assurer
un jour l'aisance de celle qui se dévouait pour lui.. En
novembre 1844, il revient à Paris et concourt à l'externat. Reçu, il
choisit Bicêtre où les externes étaient logés et entre dans le service
de Leuret. alors malade, et suppléé par Delasiauve; celui-ci s'inté-
ressa à son jeune compatriote, et le maître et l'élève se lièrent
d'une vive et sincère affection qui devait toujours durer. Leuret,
ayant repris son service, lui offrit d'accompagner un malade en
Italie. Il accepta avec enthousiasme. « Je l'aimai presque ce jour-là,
dit-il. » En effet il eut toujours de la reconnaissance pour Leuret,
et rendait pleine et entière justice à ses grandes qualités de clini-
cien, mais il n'éprouva jamais pour lui une affection vraie, comme
pour Delasiauve. Leuret était fantasque et morose; un jour il cau-
sait avec ses élèves, les prenait dans sa voiture pour les conduire
à Paris; le lendemain sa froideur éteignait toute tentative d'ex·
pansion. Delasiauve, au contraire, bien qu'emporté, 'était ouvert et
affectueux ; on riait de ses violences, et on l'aimait. Après quatre
536 BIOGRAPHIE.
mois d'absence, Semelaigne rentre à Bicêtre. Le pécule amassé
pendant son voyage lui permet de passer l'année suivante sans
tribulations, dans le service de Rostan. En 1847, il étudie la chi-
rurgie avec Roux^les accouchements avec Dubois, car il comptait
s'établir en Normandie et y pratiquer la médecine. Au mois d'avril,
il se trouve de nouveau sans ressources et est obligé de quitter
Paris. « Je revins encore m'abriter sous le toit maternel. De nou-
veaux ennuis m'y attendaient, car je vis l'automne et l'hiver et
l'automne encore disparaître sans pouvoir retourner à Paris. Enfin
avec l'hiver suivant (celui de 1849) je repris la route que j'avais
déjà si souvent mesurée, mais cette fois pour ne pas revenir.
M. Auzoux, qui a toujours suivi mes pas avec une tendre sollicitude,
mit son cabinet d'anatomie à ma disposition. Je pus donner quel-
ques leçons. Après avoir vu ma vie ballottée par les vents contraires,
j'arrivai au terme de mes études... » Sa thèse inaugurale, soute-
nue devant la Faculté le 28 août 1851, avait pour titre : de la
Dysménorrhée membraneuse et de la Membrane dysménorrlzéale.
Il retourna alors dans son pays, comptant y exercer son art, y
vivre et y mourir. Mais la destinée en avait disposé autrement.
Présenté par Delasiauve à Casimir Pinel, il devint son médecin-
adjoint, et bientôt après son gendre. Les soucis d'argent étaient
finis. La vie de Semelaigne, devait dès lors s'écouler doucement,
partagée entre sa famille, ses malades et l'étude. Le 11 décembre 1860
l'Académie de Médecine lui décernait un prix pour son mémoire
sur le diagnostic et le traitement de la mélancolie. L'un des prin-
cipaux collaborateurs du Journal de Médecine mentale, fondé par
son maitre Delasiauve, il y fit paraître de nombreux et intéressants
travaux, parmi lesquels ses Etudes historiques sur l'aliénation
mentale dans l'antiquité qui malheureusement n'ont pas été ter-
minées ; ses notes, fruit de plusieurs années de travail, disparu-
rent, brûlées sans doute pendant la commune. Dans cette doulou-
reuse époque de la guerre et de l'insurrection, il fit son devoir
avec calme et simplicité. Chirurgien-major au 35e bataillon de la
garde nationale de la Seine, il assista aux batailles de Champigny
et de Buzenval; dès que ses devoirs envers le pays lui laissaient
quelques instants de liberté, il accourait à la maison de santé de
Saint-James où se trpuvaient encore quelques malades et où il
entretenait une ambulance à ses frais. Pendant la Commune,
Neuilly fut bombardé et les pensionnaires transportés dans les
caves ; Semelaigne vécut ainsi quelques semaines, dans une anxiété
perpétuelle, tremblant pour les malades confiés à ses soins et
angoissé par la pensée que sa femme, éloignée et dangereusement
malade, pouvait mourir sans qu'il lui fut donné de la revoir.
Enfin dans les derniers jours de l'insurrection, il put s'éloigner
sans crainte et revoir les siens. Il reprit ensuite ses travaux et ses
occupations.
BIOGRAPHIE. 537
Ses études sur la médecine ne suffisaient pas à son activité.
Epris de son pays natal, où il se rendait chaque année, il en étu-
dia l'histoire, parcourant les bibliothèques, feuilletant les vieux
manuscrits, et consigna le fruit de ses recherches dans les ou-
vrages suivants : Histoire de Conches; -Ro6ert de Floques, bailli
d'Evreux et capitaine de Conches, ou l'expulsion des Anglais de la
lVormandie; .- Aveux et dénombrements de la vicomté de Conches;
- Yvvs d'Evreux.
Membre de la Société médico-psyclaologique depuis le 10 novem-
bre 1862, il fut appelé à en diriger les séances en 1886. A la mort
de Blanche il devint président de l'Association mutuelle des méde-
cins aliénistes de France.
La vieillesse vint peu à peu, les forces diminuèrent, et depuis
quelques années il avait cessé de s'occuper de sa maison de santé;
mais l'intelligence demeura intacte, et, peu de semaines avant sa
mort, ceux qui l'approchaient par hasard ne pouvaient soupçon-
ner une fin prochaine. Fin lettré et possesseur d'une riche biblio-
thèque, il savait occuper ses loisirs forcés et ne cessait de lire et
travailler que pour sourire à ses petits-enfants qu'il adorait. Il vit
la mort venir et l'accueillit sans faiblesse et sans récrimination,
car toujours il sut regarder le mal en face et se résigner. Le 14
novembre 1898, des accidents urémiques se déclaraient; le 16, au
matin, il tombait dans le coma, à l'instant même où l'un de ses
petits-fils venait d'entrer dans la vie. Pendant près d'une semaine
il demeura en cet état, luttant, de toute sa robuste constitution,
contre la mort qui l'enlaçait. Le 22 novembre, sur le ? huit heures
du soir, il s'éteignait doucement et sans qu'il fût besoin de lui
fermer les yeux.
Armand Semelaigne. d'une taille plutôt haute, avait les épaules
fortes et la carrure puissante. Son front était large, sa chevelure
épaisse, sa barbe longue et blanche. Son visage respirait la bien-
veillance et la bonté. Il avait conscience de sa valeur et ne par-
lait jamais de lui-même ; il était généreux et faisait l'aumône sans
ostentation. Tous ceux qui l'ont connu l'ont aimé, et l'on peut
dire hardiment que dans sa longue et belle carrière, il n'a jamais
rencontré d'ennemis.
Si d'aucuns s'étonnaient de ne pas voir résumée, en cette
notice, l'oeuvre scientifique du médecin, je leur dirais que je me
suis borné à décrire l'homme, tel que je l'ai connu, tel que je l'ai
aimé. René Semelaigne.
Index des principaux ouvrages concernant la médecine men-
tale, publiés par Armand SEMELAIGNE.
Diagnostic et traitement de la dipsomanie (Journal de Médecine
mentale) ; Considérations diagnostiques sur les diverses espèces de
538 BIBLIOGRAPHIE.
suicide (idem) ; - Du diagnostic, différentiel du délire aigu (idem) ;
Cas remarquable de fureurs passagères (idem) ; - Le curé
Gauchelin ou récit d'une vision nocturne (idem) ; - De la réorgani-
sation du service des aliénés dans le département de la Seine (idem) ;
Des caractères 'différentiels de l'erreur pathologique (idem); -
Eludes historiques sur l'aliénation mentale dans l'antiquité (idem) et
réunies en volume en 1869 ; - Du sommeil pathologique chez les
aliénés (Annales Médico-Psychologiques, 1885). - (Voir le portrait
du D Semelaigne en tète du numéro.)
BIBLIOGRAPHIE.
XIII. Le dressage des jeunes dégénérés ou orthophrénopédie; par le
Du' H. Thulié. Vol. in-8° de 678 pages, avec 33 figures. Aux
bureaux du Progrès Médical, 14, rue des Carmes, Paris, 1900.
Tout le monde reconnaît aujourd'hui qu'il est de l'intérêt de la
société elle-même de s'occuper de l'enfance dégénérée, et que c'est
là le seul moyen de diminuer la criminalité juvénile. Mettre ces
jeunes déshérités dans l'impossibilité de nuire, est bien; essayer
sur eux un redressement intellectuel et moral est mieux, et c'est
la possibilité de ce redressement, que l'auteur va nous démontrer.
La criminalité juvénile suit en effet une progression alarmante.
A quelque cause qu'on l'attribue, il est un fait avéré, c'est que,
tous les jours l'hérédité devient pluslourde etque plus nombreuses
se présentent les tares dégénératives qui engendrent des anormaux
de tous les degrés. Peut-on, en toute équité, rendre responsables
de leurs écarts, ces malheureux qui en venant au monde appor-
tent avec eux les germes de toutes les perversions pathologiques,
en même temps qu'une incapacité absolue de réagir contre eux,
tant au point de vue physiologique qu'au point de vue moral. Les
en punir est monstrueux : ce sont des malades et, comme tels, ils
ont besoin d'un traitement approprié, ils relèvent de l'orthophré-
nopédie (traitement médico-pédagogique).
L'auteur va d'abord s'occuper des dégénérés inférieurs. Il trace
l'historique de l'éducation des idiots depuis Itard et Séguin, jus-
qu'à M. Bourneville, cite les principales définitions de l'idiotie,
sans en donner une nouvelle, estimant que la meilleure ne vaut
pas « la vue et l'observation de ces malheureux ». Il se tient dans
la même réserve pour la classification des idioties, désespérant de
bibliographie. 539
pouvoir réussir à renfermer dans quelques descriptions, ces minus
habentes, qui ne se distinguent des enfants normaux que par des
signes négatifs.
Le traitement médico-pédagogique ne peut avoir toujours la
prétention d'obtenir une complète guérison; son ambition se borne
souvent à atténuer le mal, à l'enrayer, et, dans les cas les plus
graves, mais aussi les moins fréquents, à en diminuer le hideux
aspect. La médecine proprement dite, ou plutôt la médecine à mé-
dicaments a un rôle très limité; elle ne peut que conseiller des
pratiques hygiéniques, et ses moyens d'action ne comprennent
dans certains cas particuliers que des bromures, des vésicatoires
sur la tête, et l'ingestion de glande thyroïde. L'intervention chi-
rurgicale n'est jamais indiquée. La médecine pédagogique, au con-
traire, doit diriger le traitement et c'est d'elle seule qu'on peut
attendre les meilleurs résultats.
L'auteur connaît ce qui se passe à Bicêtre, dans la section des
enfants arriérés. Aussi la méthode qu'il préconise, parce qu'elle
a fait ses preuves, est-elle la méthode qui y est employée, mé-
thode d'éducation imaginée par Itard, complétée par Séguin, per-
fectionnée par M. Bourneville et ses collaborateurs. 11 expose avec
clarté les principes de cette méthode, en détaille les procédés et
fait assister le lecteur au redressement progressif des fonctions
organiques, ainsi qu'à l'éducation successive des fonctions de rela-
tion, des sens et de l'intelligence. Peut-être l'auteur s'est-il montré,
à notre avis, un peu trop affirmatif dans certaines critiques à
l'égard de Séguin; notre pratique journalière nous a permis de
constater combien cet éducateur a,' dans l'élaboration de sa
méthode, fait preuve d'un rigoureux esprit d'observation, et comme
lui nous croyons que le langage articulé est le langage véritable, et
que tant que l'enfant n'émet que des sons vocaux, il fait du bruit,
il gazouille, mais il ne parle pas.
C'est encore de ce qui se fait à Bicêtre, que s'inspire l'auteur
lorsqu'il parle de l'enseignement professionnel. Développer physi-
quement et intellectuellement l'idiot serait une oeuvre vaine, si on
ne cherchait pas à utiliser, à occuper l'activité musculaire et psy-
chique que l'éducation aura provoquée.
Nous devons assister les idiots, l'intérêt général le commande;
d'abord pour nous mettre à l'abri de leur dangereuse inconscience
et aussi pour éviter une véritable contagion en les laissant au
milieu de leur famille. Les sentiments d'humanité, que la civilisa-
tion affine tous les jours davantage, ne nous permettent pas de
recourir à l'Eurotas pour les supprimer, pas plus qu'à la castration
pour tarir dans sa source leur descendance. Nous devons à ces
êtres disgraciés le respect que nous devons à tout être vivant, nous
devons nous occuper d'eux; les redresser dans la mesure de la
gravité de leur affection, est un impérieux devoir. Qu'on les sou-
540 bibliographie.
mette, dès l'âge le plus tendre, au traitement médico-pédagogique,
que l'on crée des asiles-écoles, des sections particulières d'adultes :
ces imbéciles, ces idiots ne constitueront plus un danger public et
pourront par leur travail, si minime soit-il, compenser une partie
des sacrifices que la société se sera imposés pour eux.
Que si l'orthophrénopédie peut efficacement être appliquée aux
dégénérés inférieurs, à plus forte raison pourra-t-elle rendre des
services incontestables auprès des dégénérés supérieurs. Ces der-
niers présentent dans leur état psychique et moral, plutôt un déve-
loppement désordonné, mal équilibré, qu'un arrêt de développe-
ment. En observant de près les bizarreries de leur conduite, les
étrangetés de leurs manies, on s'aperçoit qu'elles peuvent les con-
duire au crime, à moins que par un traitement approprié on essaie
d'opérer chez eux un redressement. Cette constation amène l'auteur
à condamner le système de correction et d'isolement absolu, et à
préconiser une thérapeutique pédagogique.
Les lois de 1791 et de 1810 relatives aux crimes et délits de l'en-
fance, ne se préoccupent en aucune façon du redressement moral
des jeunes détenus par l'éducation. La loi de 1850 marque un
progrès; l'enfant condamné à la colonie pénitentiaire ou correc-
tionnelle, n'est pas simplement un détenu, mais un élève qu'un
éducateur a la charge de redresser et sur lequel l'Etat a le devoir
de veiller. Dans l'esprit de la loi, sinon dans son application,
l'idée d'expiation, de vengeance sociale est remplacée par l'idée de
réforme. Mais elle pose encore la question de discernement, que la
loi belge de 1894 n'a pas hésité à faire disparaître. Chez nos voisins
l'enfant n'est jamais puni : il est acquitté ou confié à l'adminis-
tration de la bienfaisance. Que n'agissons-nous, comme eux I
A quel âge doit s'arrêter la minorité pénale ? En France à 16 ans.
d'après le code. Nos tribunaux, s'ils condamnent, condamnent à
une peine dont la durée est inversement proportionnelle à l'âge
de l'enfant. Qu'attendre alors d'un redressement de quelques mois ?
Les juges peuvent-ils en déterminer la durée ? En Allemagne, si
l'enfant est condamné, il reste enfermé tant qu'il n'est pas amendé,
sans toutefois aller au delà de la vingtième année. Il y aurait lieu
aussi de réformer la correction paternelle. Le législateur, s'il tient
compte des voeux émis par divers congrès, pourra rendre possible
et efficace le redressement des jeunes dévoyés.
Une première mesure à prendre, pour enrayer le mal, serait de
rendre réelle l'obligation scolaire et de supprimer de ce fait les
vagabondages et l'école buissonnière. Nos écoles ne sont pas assez
spacieuses ? qu'on les agrandisse et qu'on punisse sévèrement les
parents indifférents. Si l'état d'infériorité intellectuelle empêche
l'enfant de pouvoir suivre avec fruit les cours normaux, qu'on se
décide à créer les classes spéciales annexées ou non aux écoles
primaires, dont M. Bourneville demande depuis si longtemps l'or-
bibliographie. 541 1
ganisation '. Que les petits réfractaires de l'école soient traqués,
comme en Angleterre, qu'on pratique sur eux une râfle sans merci,
et qu'on les dirige sur des maisons cellulaires de répartition, d'où, ,
après examen médical et pédagogique, ils seront envoyés soit dans
des familles choisies à cet effet, soit dans des maisons de réforme
ou devant un tribunal compétent. Chaque département pourrait
avoir son école de réforme, ou, si son budget ne le permet pas,
s'entendre avec les départements voisins pour instituer des écoles
interdépartementales 2. Il est évident qu'il faudrait en même temps
améliorer les lois sur l'enfance dite coupable. Les Anglais en pra-
tiquant ce système, au moins dans ses grandes lignes, ont vu
diminuer la criminalité juvénile et, chose qui ne doit pas nous
étonner, c'est encore un Français, Demetz, qui le premier eut
l'idée de ce système. Les théories de ce philanthrope ont trouvé
chez nos voisins d'outre-Manche, un accueil que notre pays lui a
refusé.
Plusieurs systèmes ont été imaginés et essayés pour l'organisa-
tion des écoles de réforme. Il y a d'abord le système de caserne-
ment pratiqué en Belgique : c'est le plus économique, mais le
- moins efficace. Il y a le système dit de famille, usité en Allemagne
et en France (Mettray), où les enfants sont placés par groupe de 15
à 40, sous la direction d'un chef de famille, aidé d'un sous-chef et
de deux frères aînés ; mais là l'influence de la femme fait défaut ;
en Angleterre on a paré à cet inconvénient, en plaçant à côté du
directeur, une matrone, sa femme le plus souvent. Ce système est
bon, mais il est coûteux. Il y a encore le système cellulaire, qui
est à réprouver. Le meilleur est le système dit progressif ou irlan-
dais, dans lequel l'enfant subit d'abord le régime cellulaire, pour
être ensuite envoyé dans une colonie industrielle ou agricole et
- être enfin mis en congé d'essai sous la surveillance de comités spé-
ciaux. Le système irlandais combiné avec le système de famille,
serait presque l'idéal : l'école Lepelletier-Saint-Fargeau l'a, à peu
près, mis en pratique. L'auteur recommande la séparation des
sexes et la catégorisation rigoureuse d'après le degré de corrup-
tion.
Après quelques jours d'existence cellulaire, le nouvel admis devra
être placé dans une section réunissant les enfants présentant avec
lui quelques similitudes de caractère. Cette catégorisation doit être
1 Si, en France, les nombreuses publications de M. Bourneville à ce
sujet n'ont pas encore attiré l'attention du gouvernement, elles ont eu
pour heureuse conséquence d'en provoquer la réalisation dans un certain
nombre de pays étrangers.
Il Il aurait peut-être lieu de placer dans ces établissements publics
et les dégénérés inférieurs (idiots, arriérés intellectuels), et les dégénérés
supérieurs (idiots et imbéciles moraux).
M2 bibliographie.
basée sur le degré d'éducabilité du sujet, et non d'après la nature
des fautes. Peut-être l'auteur est-il trop absolu quand il voudrait
voir réunis dans le même groupement tous les instables et dans
un autre tous les inertes ; notre expérience personnelle nous a per-
mis de constater maintes fois qu'un enfant doué d'une activité
brouillonne se trouvait bien de la fréquentation d'un enfant sans
énergie physique et intellectuelle et réciproquement.
La première chose à créer chez notre élève sera le reflexe de
l'obéissance. Il faut que l'enfant en arrive à exécuter un ordre aus-
sitôt donné, et cela, comme par habitude, comme d'instinct. La
gymnastique d'ensemble est, pour obtenir ce résultat, tout indi-
quée, surtout si le rythme est marqué par un chant, un tambour,
un piano, ou une fanfare joyeuse. Les filles, aussi bien que les gar-
çons, tirent bénéfice de ces exercices.
La gymnastique ne donne pas seulement l'habitude de l'obéis-
sance, elle donne aussi celle de l'attention et celle de la volonté ;
c'est dire qu'elle contribue pour une large part à l'éducation men-
tale.
Dans l'enseignement primaire, l'instituteur doit viser à faire
acquérir des notions plus précises qu'étendues. L'effort seul devra
être récompensé et non le résultat obtenu. Nous trouvons repro-
duite ici la méthode d'enseignement déjà décrite à propos des
dégénérés inférieurs, avec quelques modifications de détails bien
inutiles.
L'enseignement professionnel n'aura pas seulement pour but de
donner à l'enfant des habitudes d'ordre et de travail, il lui procu-
rera un moyen d'existence pour le jour où il rentrera dans la
société. Les indisciplinés qui ne voudraient pas d'un travail assidu,
seront employés d'abord aux corvées ennuyeuses, et d'eux-mêmes
ils demanderont bientôt à être employés dans un atelier. Il sera
bon de leur faire tenir un livret où seront marqués au jour le jour
leurs dépenses et leur gain : par là on les habituera à se rendre
compte des difficultés de la lutte pour la vie, à suivre des règles
d'économie pour prévenir la maladie ou le chômage. Cette méthode
de redressement coûtera peut-être cher, mais on économisera en
prisons, ce qu'on aura dépensé en écoles et il y aura eu des crimes
en moins.
Le dressage de la conscience est, sans contredit, la partie la plus
délicate de l'orthophrénopédie. Au point de vue théorique, on pré-
parera l'amendement du sens moral en ne cessant de répéter, de
mettre sous les yeux, de faire apprendre des maximes courtes,
précises, ou sous forme de questionnaire. L'auteur nous énumère
les principaux devoirs qu'il faudra rappeler sans cesse au jeune
dégénéré. Il faut provoquer chez lui une sorte d'obsession morale,
dont il ne puisse plus se débarrasser..
A l'entraînement intellectuel, doit se joindre l'habitude de la
bibliographie. 543
pratique. Que l'entourage prêche d'exemple. La nouvelle vie mo-
rale dont on donnera le spectacle au dégénéré en traitement, pro-
duira sur lui une impression aussi efficace que le bien-être maté-
riel dans lequel on le fait vivre depuis son admission. Surtout pas
de colère dans la répression. L'enfant est essentiellement imitateur,
ne lui proposez donc que des modèles parfaits. On fait ainsi de la
suggestion à l'état de veille, suggestion qui du reste a de tout
temps été la base de l'éducation . A rejeter la suggestion hypno-
tique, qui annihile la volonté ou rend l'individu sans défense contre
les influences du dehors. En cas d'indocilité, les seules sanctions
pénales doivent être la réprimande et l'isolement de la cellule.
Quant aux récompenses elles iront des félicitations devant les
camarades assemblés, à certains avantages matériels et à la sortie
définitive.
Mais il faut penser à l'avenir, à la fixation du redressement. Sur
ce point la loi de 1850 est à réformer, qui limite à la vingtième
année le droit de patronage des jeunes libérés. Il y a danger à
laisser sans appui et sans conseils l'être que vous avez amendé,
durant le temps qui va de sa libération au départ pour le régi-
ment. A nos législateurs de combler cette lacune, et à favoriser par
tous les moyens la'formation de comités dont l'action commence
pendant l'internement de l'enfant, s'exerce au moment de la libé-
ration, se poursuive, sans se lasser jamais. jusqu'à la caserne et
au delà. Les résultats obtenus par la Société de protection des enga-
gés volontaires élevés sous la tutelle administrative, due à l'initiative
privée et fondée par F. Voisin, prouvent mieux que toute démons-
tration l'efficacité de ces créations.
Pour mettre le lecteur au courant de l'état actuel de la question,
M. Thulié nous donne in extenso les lois intéressant l'enfance cri-
minelle. Une série d'observations empruntées au service du D'Bour-
neville à Bicêtre, vient en terminant préciser les résultats qu'on est
en droit d'attendre, du traitement médico-pédagogique des dégé-
nérés.
Le livre du Ut' Thulié est plein de sentiments élevés ; il fait hon-
neur à celui qui l'a écrit. Il serait à souhaiter que nos législateurs,
qui parlent si souvent d'humanité et de devoirs sociaux, le lisent
attentivement et se laissent aller à ses conseils. J. BOYER.
' Le traitement moral des aliénés n'est en partie que de la suggestion.
(Voir Leuret, Traitement moral de la folie.)
FAITS DIVERS.
Asiles d'aliénés. - Nominations et promotions : AL le Dr Bon-
nier, ancien prefet, directeur de l'établissement thermal d'Aix-
les-Bains , est nommé directeur du cinquième asile d'alié-
nés de la Seine (Maison Blanche), à dater du 1er mai 1900 ;
M. le Dr Dupain, médecin en chef à l'asile public d'aliénés de
Saint-Méen (Ille-et-Vilaine), est nommé médecin en chef de la
colonie familiale de Dun-sur-Auron (Cher) en remplacement de
M. le D1' Marie nommé médecin en chef à l'asile de Villejuif
(Seine); - M. le D1' Chardon, médecin adjoint à l'asile Saint-
Venant (Pas-de-Calais), est nommé médecin en chef à Saint-
Méen en remplacement du 1), Dupain nommé à Dun-sur-Auron ;
- M. le ur LwoFF, médecin adjoint à Prémontré (Aisne) est
nommé en la même qualité à Dun-sur-Auron (poste créé);
M. le D1' Broquère, directeur-médecin à l'asile de la Roche-Gandon
(Mayenne), est promu à la première classe du grade.
Suicide d'un jeune garçon. - On a retiré hier du canal Saint-
Martin le cadavre d'un garçon âgé de quinze ans, nommé Henri
Armand, demeurant avec ses parents, 84, rue hecrétan. Ce jeune
désespéré, qui était apprenti dans une fabrique de bijouterie, avait,
à diverses reprises, manifesté l'intention de se suicider, afin
d'échapper aux tracasseries de ses petits camarades qui, le trou-
vant un peu gauche, l'accablaient de sarcasmes. (Le Temps du
25 mars 1900.)
COURTADE (D.). - L'irritabilité dans la série animale. - Volume in-8.,
cartonné de ZiG pages. - l'IIX : : 2 francs. - Paris, 1900. - Librairie
Cati et Naud.
101llCE. - Mémento de médecine thermale à l'usage des praticiens. -
Volume in-8° de 242 pages. - Prix : 4 francs. - l'd 1'1 s, 190U. - Librairie
Slalome.
. PILEZ (A.). - Ein weiterer Beitrag zur Lehre von der Milcrocephalie
nebsl zusammen fassender Bel'iente ùbei- die El'l'otye der Cmniotomie bei
der jlIik1'ocephal1e - Brochure in 8° de 50 pages, avec 8 ligures et une
planche hors texte. - Wlen, 1899. - Extrait du Jahrbucher sur Psy-
chiall'ie.
Regnard (A.). Génie et folie; réfutation d'un pai,adoxe. - Volume
in-8° de 166 pages. - Pans, 1899. - Librairie O. VOIll.
Le rédacteur-gérant ; iiOURNEVILLE.
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EXPLICATION DES PLANCHES
PLANCHE I -
Sillons el circonvolutions de la face externe de l'hémisphère gauche.
Les chiffres indiquant la largeur des circonvolutions en centimètres,
mesulées sur le cerveau durci.
r 111., sillon fronto-marginal ; - fi., premier sillon frontal; - f2.,
deuxième sillon frontal; 1"2" sillon de la deuxième circonvolution
frontale; - p F ? pied de la première circonvolution fronlale;
F ? première circonvolution frnntale; - p F2., pied de la deuxième cir-
convolution frontnle; - F3., deuxième citconolution fiontale;- p F ?
pied de la troisième circonvolution frontale; - F ? troisième circonvo-
lution frontale; - cap, cap de sa troisième circonvolut on froniale;
pr i., si1 loti prérolaudtque inférieur; Op F., opercule contât;
i f op., incisure fronlale de l'opercule; C,a., frontale ascendante;
S., scissure de Sylvius; - Lui., scissure de TIolal1llo (partie postérieure); -
R ? scissure de Rolando (partie antérieure) ; P a., pariétale ascen-
dante ; po r., sillon po^t-rolandique ; c m., encoche du sillon
calloso-marginal ; p t., sillon pariétal transverse; p l ? deuxième
sillon pariétal tmr.svrrse; - i p., sillon inter-panétal; - Op.li., oper-
cule rolandique; - Op P., opercule pariétal; - i p op., incision parié-
tale de l'opercule ; - G s 111., gyrtis supra-marginal ; P ? première
circonvolution pariétale; Pe., deuxième circonvolution pariétale; ? sillon intermédiaire de Jensen; - j ? deuxième sillon intermédiaire;
l' c., pli courbe; - 7r p o ? premier pli de passage pariéto-occipital de
Gratiolet; --p p o2., deuxième pli de passage pariéto-occipital de Gra-
tiolet ; p o., scissure pariéto-occipitale : o a., sillon occipital anté-
rieur de vVermike, i o., sillon intpr-oecipital; - 0'" première cir-
convolution occipitale; 0 ? deuxième circonvolution occipitale;
0 ? troisième circonvolution occipitale; D., circonvolution descendante
d'Kcker : 0 ? deuxième sillon occipital; T ? première circonvolution
temporale; - T2.. deuxième circonvolution temporale.
PLANCHE II
Face externe de l'hémisphère gauche.
l.. F., lobe frontal; f'2. ('), deuxième sillon frontal; pr i., sillon
prérolandique inférieur; - R'. (2), scissure de Rolando (partie antérieure);
R. (3), scissure de Rolando (partie postérieure); cm ? encoche du
sillon calloso-margmal; - po r. (4), sillon post-rolandique; -p t., sillon
pariétal transverse; - o. o. (5), scissure pariéto-occipntale; -o ci. (°), sillon
occipital antérieur; - L. o., lobe occipital ; j'. ('), sillon intermédiaire de
Jensen.
(*) Marqué par erreur F'2 stir la planche. 1
0 - R -
(') i SR -
(') - po po -
(10) Marque" par erreur P sur la planclie.
(0) - Se -
(') Al j -
ARCHIVES, 26 série, t. IX. 3ti
546 EXPLICATION DES PLANCHES.
PLANCHE III
Face interne de l'hémisphère gauche.
si (marqué par erreur F"), sillon olfactif; -so., sillon sus-orbitaire;
fm. (au lien de Sc. cm), sillon fronto-marginal ; R' (an lieu de R),
scissure de Rolando (partie postérieure); H. (au lieu de SR), scissure
de Rolando (partie antérieure); - c m ? portion verticale du sillon calloso-
marginal - poo., sillon post-rolandique; - pt., sillon pariétal trans-
verse ; - Sp., scissure sous-pariétale ! -po., scissure pariéto-occipitale.
PLANCHE IV.
Face externe ou convexe de l'hémisphère gauche.
S. R., sillon de Rolande ; - F1, F3, F3, ] ? 21, 3' circonvolutions fron-
tales ; - F. A., circonvolution frontale ascendante; P. A., circonvo-
lution pariétale ascendante; - 111, pli pariétal supérieur; r Ps, pli pariétal
inférieur; P', C., pli courbe; Sc. f. s., scissure frontale supérieure;
- Se. f. i., scissure frontale inférieure; - Sc. p. f., scissure parallèle
frontale. Sc. ip , scissure interpariétale; L. O., lobule orbitaire;
L. O. C., lobule occipital ; - Sc. S., scissure de Sylvius; Op. F., oper-
cule frontal;-Op. li., opercule rnlandique ; - Op. P., opercule pariétal;
S. P. E., scissure perpendiculaire externe; L. L, lobule de l'insula;
Se. p., scissure parallèle; Tl, Te, T', t ? 2°, 3' circonvolutions tem-
porales ; F. 0., foyer ocreux.
PLANCHE V.
Face interne de l'hémisphère gauche.
Sc. cm., scissure calloso-marginale; F. ca., fissure calcarine;
Sc. to', 1" scissure temporo-occipitale; Se. to2, 2' scissure temporo-
occipitale ; F ? 4° circonvolution frontale interne; - C. C. C. circon-
volution du corps calleux; C. C., corps calleux; L. P., lobule para-
central ; L. Q., lobule quadrilatère ou avant-coin; - C., coin;
P. F. L., pli fronto limbique; -P. P. P., pli pariéto limbique postérieur;
C. A., corne d'Ammon; G. R., gyrus rectus.
PLANCHE VI.
Face externe au convexe de l'hémisphère gauche.
Les lettres ont la même signification que celles de la Planche IV.
PLANCHE VII.
Face interne de l'hémisphère gauche.
F. 0., foyer ocreux. Les autres lettres ont la même signification que
celles de la Planche V.
TABLE DES MATIÈRES
Abcès du cerveau chez un enfant,
avec érvsipèle, opération, etc.,
par Dayle, 162.
Aboulies. Le rôle des émotions dans
la pathogénie et la thérapeutique
des -, par Valantin et Hartem-
berr, 66, - et suggestion, par
Paul de Saint-Martin, 118.
Acromégalie. Humeur de l'hypo-
physe sans -, par Burr et lices-
mann, 343, -, par Le8lnsky, 516.
Gigantisme et -, par Achard,
533. *
Acvosctes. Les -, la cécité psy-
chique en particulier, par Nodet,
452.
Aiguille. Désordres produits par
une - dans la paume de la main,
par Naere, 329.
Alcoolisme. Progrès de l'- dans
les campagnes, 188. Drames de
l ? 271. - et réforme sociale,
par Loiseau, 356. HyperesthésIe
corticale dans l'- aigu, par Colo-
han et Rodiot, 380,476.,
Aliénation. Le rôle de l'auto-sug-
gestion dans certaines formes
il ? par Voisin, 54.
Aliénés. Examen des urines chez
les -, par Klein, 23H. La nouvelle
loi sur la folie et l'internement
des -, par Lyon, 246. Etudes
cliniques et pathologique;; des ma-
ladies des poumons chez les -;
par Agost1l11, 309. Assistance des
- en Russie, pai Ergolsiii, 132.
Traitement des - violents par
le séjour au lit à l'asile-clinique
de l'avis, par Roubmowitch, 163.
- en liberté, 189, 457.
Amnésie. Antéro -rétrograde, par
JofTrov, 4\2.
AoroTnormES. Les anesthésies, pa-
ralysies et - en tranches et la
théorie métnméryue de Brissaud,
par Crocq, 330.
Anesthésies. Les -, paralysies et
amyotrophlee en tranches et la
théorie métamérique de Brissaud
par Crocq, 330.
Aphasie congénitale du cervelet chez
un chien, par Déganello et Span-
garo, 306. Hémiplégie droite avec
- , par Marie, 318. - amnésique.
par Tienel, 521. - motrice chez
un paralytique général, par Bal-
let, ! r11. "
Archives d'anthropologie criminelle,
par Lacassage et Tarde (1898-
1899), 88.
Artériosclérose de l'encéphale, par
Iiowalewaki, 1r7.
Ascendantes. Tumeur en libres
blanches des d'un individu
normal, par Passon, 510.
Asiles d'aliénés. Organisation du V°
- par 'l'aguet, 19, t7, 91, 272.
Rapport médico-administratif sur
l'- de Dijon, par Garnier. 352.
- 381, 384, 463.
Assassin sourd-muet, 272.
Assassinat d'un médecin par un
déséquilibré, par \Vehlm, 51.
Assistance. L'- des buveurs, par
Coulonjou, 187. - et traitement
des idiots, imbéciles, débiles, etc.
Revision de la loi de 183, 264.
Nécessité de l'- des arriérés, 270.
Association Mé(liCO-PSYCI1010giqlle
. d'Edimbourg, par Urquhardt, 456.
- , par Spence, 457.
Asymétries endocraniennes et autres
particularités morphologiques de
la base du crâne, par Ruggeri,
308.
Ataxie locomotrice. La pathologie
récente de 1'- et son influence
sur le traitement, par Hamsson
Mettler, 76.
ATHETOSE bilatérale avec quelques
symptômes inaccoutumes, par
CumpheH, 338.
Atrophie. De 1' musculaire dans
la sclérose multicolore, par
Brauer, 145. musculaire pro-
giessive typique, par Bdiley, sa.
548
TABLE DES MATIERES.
Bibliographie, 264, 281, 3;;S, 4,,2,
538.
Biographie. Semelaigne, 531.
Bulbe. Extirpation des canaux
semi circulaires et dégénérations
consécutives dans le - et le cer-
velet, par Duganello, 307. Sang
et circulation du -, par Adam-
kiewicz, 419.
Camisole de force mortelle, 461.
Capsule interne. Les sons au foyer
de la -, par Dide et Weil, 515.
CAIILYLE, sa femme et ses critiques,
par Crichton Biowne, 456.
CATATONIE. Lts symptômes compli-
qués de la -, par \\'urcester, 328.
CÉCITÉ. Un cas de surdité et (le -
veibales, par Séreux et
ner, 256. - corticale, par Touche,
lei2. Agnoscies et - psychique
par Nmlet, 452. - hysteriyuu
par Muzzy. 527, - hystérique ou
fonctionnelle, par Hubbell, 528.
CELLULLES. Remarques sur la struc-
ture (les-des ganglions spinaux,
par Lenhossrll, liO. Contnbu-
tions à la coioiation des - ner-
veuses, par Lnitlden et Sorgo.
1 l6. De la structure des - lier-
veuses des ganglions spinaux,
par lIelll1ann, 149. La-nerveuse
représente-t-elle une unité em-
bryologique, par Onoflio, 311.
Cérébrale. Excitabilité de l'écorce
- citez les animaux nouveau-
nés, par Bechterew, 505.
CÉRe.13ROPLÉGIE. Sur les rapports de
la - infantile avec l'idiotie, par
Tanzi, 236.
Cerveau. Voies de communication
dans la partie caudale du - du
pl ! ron, avec les corps stliés, par
Waiifmbfrg, 421.
Cervelet. Ramollissement du -
par Touche, 256. Aphasie congé-
nitale du- chez le chien, par Da-
ganello et Spangaro, 306.
anormaux, par Mai le, 345. Extir-
pation des canaux semi-clrculaires
et dégénératlolls dans le bulbe
et le , par Deganello, 307. Tu-
meur du -, par Libertini, 312.
CHantE. Des troubles psychiques
dans la- dégénéiative, par La-
dame, 97. chronique hérédi-
taire de Huntington, par Kéraval
et Raviart, 466.
Convulsions post traumatiques avec
énilepsie essentielle. par 1111rallir,
226.
Cordons postérieurs. Dégénéres-
ceuces descendantes des -, par
Zappert, 422. Champ cortical des
fibres des-, par'l'schetmak, 50G.
Corps calleux. Gliome du -, par
Zahlu, 523.
Corps genouillés. Localisations
dans les - externes, par lIens-
chen, 508.
COItItEC.'1'10,NS corporelles en Russie,
par 1 t enl : el, 93.
Courant. Dosage du - induit, par
Kurella, 149.
Chamectomie. Convulsions post
traumatiques. Epilepsie essen-
tielle. , par Mil allé, 226.
Crémastlrien. Des troubles du ré-
11·ae patellaire et du réflexe -
dans la paralvsie générale, par
Jlarandou de 6lontytl. 46.
CRI',T¡ISME. Traitement thyroïdien
dans le- sporadique par Kophk
70. Le - ; diagnostic avec l'idio-
tie, par Kophk, 243.
Crimes. Les - contre la religion en
ltnssie par Tarnwvslu, 91.
Criminalité. Le mouvement de la-
en Itusste, par 'l'arnowsla, 88.
Dégénérés Olisessions et impul-
sions à l'homicide et au suicide
chez les , par Carrier, 357.
Dressage des jeunes -, par'lhu-
lié, 538.
Dégénérescence et mariage, par
Talbot, 56. De la des fibres du
bulbe, dans la démence paraly-
tique, par de Bechterew, 149
Technique histologique des
des coi dons, par Schaiîer, 156.
La polynrte simple est toujours
l'expression de la -, par Scabia.
234. Le phocomelus de l'humérus
dans l'épilepsio considéré comme
stigmate de -, par Clark, 241.
Délinquance. Tempérament et -,
par Marty, 89.
Délire. Origine infectieuse du
, aigu, par Branchi et Picomo, 233.
'Objets de piété, instrument de
meurtre dans le - religieux, par
Cu lierre, 289. - de la jalousie,
par villers, 427.
Démence. Dégénérescence des fibres
du bulbe dans la - paralytique,
par de Bechterew, 149. - pré-
coce, par Finzi et Nedrani, 235.
TABLE DES MATIERES.
549
Les stéréotypies dans les -, par
Ricci, 236. Diagnostic précoce de
la - paralytique, par l'aton, 259.
Dendrites. Etat variqueux des -
conicales, par Soukhanoff, 273.
Diabète hydrurique an cours de la
tuberculose, par Klippel, 235.
Origine infectieuse du -. par
Klippel, 315.
Docimasie. de la - hépathique,
par Lacassagne et Martin, 90.
Dysphagie hvstérique, par Coolnlge,
528.
1)vsmrorrmus par tumeur maligne
de la pituitaire, par A.-ostini. 332.
Ecritures. Etudes chronoscopiques
sur les -, par Ubici, 306.
Emotions. Le rôle des dans les
aboulées, par llartenberg et Va-
lentin, 66. Origine des , pai
\I. de Fleury, 172. Nature des -,
par Stumpf, 451.
Empoisonnement. Altérations des élé-
ments nerveux dans l' - aigu
par l'aluminium, par Zouder,
310.
Hxcu'u.u.E. Artériosclérosede) ?
par Kowalewski. 1 n. Maturité
des faisceaiixconducteurs de l'-
par Doellken, 151. Calcification
des rameaux de l' - dans l'epi-
lepsie, par 1l0ckhlltIS, 158.
EPILEPSIE. Rapport médico-légal sur
un cas d' -, par de Moor et Du-
chàteau, 57. Traitement de l' -
par l'adouts v. et les bromures,
par Epinhaver, 60. Effets bienfai-
sants de la suppression des bro-
mures dans l' -, par Petersen,
il. Zona consécutII il l'adminis-
tration de l'arsenic dans un cas
d' -, par Clark, 7f. - avec 519
attaques en 49 heures, par Spret-
un, 7'r. Calcification des rameaux
de l'encéphale dans l' - par
Ilcckhaux, 158. De l'emploi de
l'atropine dans l' -, par Wa-
chenhmm, 160. La bromiuine
dans l' -, par l3oloni, 165. Gué-
rison d'un cas d' - héréditaire
par une attaque d'hémiplégie,
par Brunet. 224. - essentielle
cràniectomie, par llirallié, 226.
Sur les rapports de l' - nocturne
avec la retroéjaculation, par Ha-
milton, 240. Le phocomelus de
l'humérus dans l' -, par Clark,
241. -, par J'II, de Fleury, 257.
Théorie de l' -, par Nlouratow,
259. , trépanation accidentelle,
par Jacqum, 299. Accès téta-
noïdes dans l' -, par Clark, 327.
Un cas d' - jacksonnienne hys-
térique, par Crocq, 331. l'roprlé-
tés du sang dans Il , par Har-
ter, 425.' Attaques frustes d' ,
par Fé : é, 429. Mal de tête dans
l ? par L. P. Clark, 433. - et
digestion, par Spratllng, 434.
Troubles de la conscience dans
1' -, par Clark, 434. llvperthro-
phie l)mpho'lde dans Il -, par
Hitchcock, 436. Nécessité d'étu-
dier de près l' -, par Clark, 436.
et surmenage : par Kirkandall,
137. - corticale traitement opé-
ratoire, par Luntz, 445. - d'ori-
gille périphérique, par Ellsall.
521. Urine dans Il , par Bleile,
522. Surmenage oculau et -
par Capps, 527. - avec aura au
niveau d'un névrôme du cordon.
par Chipault, 132.
EPIL¡;PTIQU¡;. Les songes d'attaque
chez les -, par Ducosté, 237. Les
- 272. Elimination des éthers
dans les urines des -, par Ga-
laute et Savini, 312. Manière de
prendre soin des -, par Lord,
129. Similitudes entre la folie l'-
et la folie alcoolique, par Nos.
431. 1.
EitGO(,It.1111E. L' - dans les rccher.
ches psychologiques, par Colucci.
311.
EXCIT1BILITI : ELECTRIQUE. De t' du
radial, par Gumpertz, IIS.
Expertise. Responsabilité dans Il -
judiciaire, par Roux, 59.
Facial. Origines dn -, par Mai 1-
nesco, 51 i.
Faisceau DE GowERS. Trajet central
du -, par liossollmo, 153. ·
Foui;. Génie et - , par Regnard,
42. - et homicide, Par .111sou,
43. - Syphilitique, par Belkier.
é3.- post opératoire, par Dup ay,
H. L'alitement dans les formes
aisucs de la -, par Chr istlan,
165. - puerpérale, par Mac Do-
n3ld, 238. Opérations gynécolo-
giques dans la par \lantou,
288. La marche vers la -, par
Beker, 246. Nouvelle loi sur la -
et sur l'internement des aliénés,
par Lyon, 216. Limite scienti-
f ! qli entre l'état sain et la -,
550 TABLE DES MATIÈRES.
parHunge, 246. Synthèse des
classifications de la , par Tou-
loure, 438. Traitement psychique
de la - délirante, par Stadel-
mann, 450. 4161.
Folle. Capacité de la - cerebel-
leuse, par Ruggeri, 310.
Fonctions psychiques. Progrès de la
médecine et de l'hygiène des -,
par Sikorsky, 62.
Force musculaire. Influence de
l'électricité sur la-, par CapriaU,
311.
Fractures du crâne avec quelques
symptômes inusités, par Hollan-
day, 7f. Arthropathie du genou
consécutives à une - du crâne.
parChipault, 257.
Fumeurs et fumeuses d'opium, par
Bérillon, 177. 1
Ganglions spinaux. De la structure
des cellules nerveuses des-,par
Hermann, I 49.
Génie et folie, par Regnard, 42.
Gigantisme et acromégalIe, par
Achard, 533.
Glaucome. Excision du ganglion
cervical sympathique dans un
cas de -, par Boll, Henaud et
Bartlett, 80.
IIÉ1111NESTF1ÉSIE hysthérique traitée
par la résonabilisation progres-
sive, par Vial, 212.
Hémianopsie. Ramollissement du
cumeus et -, par Marie et Crou-
zon, 174. homonyme tempo-
ral gauche, par Ferrand,531.
Hemilpégie. Guérison d'une épilep-
sie héréditaire par une attaque
d' -, par Brunet, 224. droite
avec aphasie, par Marie, 348.
Hémiplégiques. Sur les mouvements
auxiliaires des -, par Amant,
311.
IIÉAl15PA5J1E. Un cas d' -, par Ba-
binski, 253.
Hérédité. Sur l' de quelques phé-
nomènes oniriques, par Gian-
nellt, 308.
IIÉTÈROTOP1E. Recherches histolo-
giques sur une moelle atteinte de
syringomyélie et d' -, par Lom-
bardi, 306. , canal central
double et triple de la moelle, par
Senator, 320.
Homicide. Folie et -, par Allson,
13.
Hypnose. Procédé pour obtenir l'-
chez les réfractaires, par Charpen-
tier, Farez, Bérillon et Maguin,
175.
Hypoglosse. Altérations cellulaires
du noyau d'origine après section
de , par Foa, 308.
Hypophyse. Tumeur de Il - salis
acromégalie, par Russotiaux, 313.
Hypothèse de Ramon y Calai sur
les entrecroisements sensoriels,
sensitifs et moteurs, par Lugaro,
310.
Hystérie et infection, par Esquerdo,
332. Cas classique d ? par Ram-
boldi, 333.
II1'STÉnO-ÉPILEP'rIQUE. Autre mutila-
tion survenant sous l'influence
des rêves chez une -, par Béril-
joli, 178.
Idiotie. Deux cas d' myceoeJéma-
teuse, par'l'anzi, 236. Happons de
la cérébroplégie infantile et de
l' - , pal' 'l'allzi, 236. Crétinisme
sporadique diagnostic avec l' -,
par Koplek, 243. symptoma-
tique. Lésions de l'insula, par
Bourneville et Belin, 495.
Images. Sur le siège des - motrices,
par Hartenberg, 333.
Impulsions homicides, par sugges-
tion, par Voisin, 177.
Infections. Hystérie et -, par Es-
querdo,332.
Insomme. Influenc- de Il sur les
échanges organiques, par Varozzi.
308.
Intelligence. Limite entre l'état
sain de l' - et de la folie, par
Hunge, 246.
Intoxication. Réactions individuel-
les dans les -, par Joffroy et
1,el-valix, 258. - Altérations de la
circulation cérébrale dans l' -
alcoolique aiguë, par de Bechte-
tew, 312.
10DISME constitutionnel, thyroi-
(liqine etmaladie de llasedow, par
Jamius, 60.
Ivresse. Un cas d' furieuse, par
Fraucotte, 427.
Ivrognerie. 178.
Jury. Monographie d'un d'as-
sises, par Âjatn, 9+.
Localisation de la conscience mus-
culaire dans un cas de trauma-
TABLE DES MATIÈRES.
Sol
tlsme de la tète, par Muratow, 1
416. La motrice médullaire
est segmentaire, par van Gehuch- I
ten et Neli, 513.
Loi. La derogative aux disposi-
tions de la procédure civile et à
la procédure de l'interdiction par
Kurella, 55. La sur les exper-
tises médico-légales et les listes
d'experts, par Toulouse, 166.
Maladie DE BASEDOW. Iodisme cons-
titutionnel, thyruïdisme et-, par
Jamien, 60. - héréditaire avec
oedème des paupières et crises de
sommeil, par Meige, 346.
Maladies cérébrales. Intervention
chirurgicale dans les -, par
Fisher, 78.
Maladies mentales. Que sont les ?
par Arndt, 52. - familiales, par
Trénel, 166. Alcalinité du sang
dans quelques , par Lambranzi,
234.
.Maladie de Morvan, par Lesage,
533.
Maladies nerveuse. L'influence du
climat sur les -, par Brown,
162. Notes cliniques de la section
(les - l'hôpital militaire de
IOew, par Tchinen, 399.
Manie. Fréquence relative de la -.
par Hemrlchsen, 51. - aiguë
transitoire chez un syphilitique,
par O'Donovan, 164 ? mélanco
lie et psychose Mamaco dépressi-
ve, par Gucci, 234.
Mariage et dégénérescence, par Tal-
bot,56.
.Médecine. Les progrès de la - et
l'hygiène des fonctions psyclit-
ques, par Sikorsky, 62.
Mélancolie, Manie et psychose
mamaco dépressive, par Gucci,
234. Corde musculaire dans la
- Vallon et Wahl, 413.
Mélancolique. La sénilité précoce
chez les -, par Arnaud, 235.
Mémoire. Origine de quelques er-
reurs de la -, par Finzi, 306.
Méningite cérébro-spinale épidé-
mique, par Hirsch, 75. Sérum
antlpesteux dans la cérébro-
spinale épidémique, pal Mac
Nabb, 163. - svphilitiqtie fron-
tale, par Sano, 330. Formes com-
munes de la et - séreuse, par
Dana, 518.
Mesmérisme. Suggestion et , par
Boriac, 337.
Métamérie dans les trophonévroses,
par Bris3aud, 513.
MÉRALGIE paresthénique, par Sabra-
zès et Cabannes, 174. Les pseudo
d'origine radiculaire, par Chi-
pault, 348.
MÉCROSTHÈMESur un nouveau symp-
tôme d'auto-, par Bloch, 352.
Moelle ÉPINIÈRE. Kecheiches histo-
logiques sur une - atteinte de
sm imnomyélie, par Lombardi, 316.
Altérations des cellules de la -,
consécutives à l'occlusion de
l'aorte abdominale, par Righetti,
306. Les dégénérescences rétro-
grades dans la -, par Ceni, 309.
Malformation de la - chez une
idiote atteinte de diplégie infan-
tile, par Livé, Heterotopie, canal
double et triple de la -. par
Senator, 320. Un cas de tumeur
de la -, par Collins, 426.
Morphinisme. Dédoublement de la
personnalité dans le -, par Bé-
raton,350.
Myalgie. Pseudo mydme, - rigi-
dité musculaire, par Iüippél,4l.
Myopathie primitive aveccéphosco-
lévrie, par Cochez et Scheib, 316.
\IwoEEUnrEUx. Etat - aigu avec
tachycrardte, glycosurie, etc., par
Osier, 342.
Myxoedème. Traitement tliytoidieii
dans un. cas de-, parBonney, 71.
Variété de fruste, par Cam-
broni et Lambranzt, 236.
Nécrologie Ganckles, 443.
Nerfs crâniens. Connexions , cen-
trale des ' moteurs, par n'oma-
now, 142.
Nerfs optiques. Entrecroisement
partiel des -, par de Bechterew,
509.
Nerveuse. Altérations de la fibre
après section, par Mouravieff.
448.
Neurasthénie. Echanges nutritifs
dans la , par de Bechterew,
158.
Neurologie CHIRURGICALE, par Chi-
pault, 455.
Névralgie du cordon, résection des
nerfs, par Chipault, 532.
Névrites expérimentales, par Mom-
dio, 311, 332. - dps nerfs médian
et cubital, par Huet, 531.
3152
TABLE DES MATIERES.
Névrose, 239.
OEDÈME dystropluque des membres
inférieurs, par Vigouroux, 522.
Pachymémngite HlhlORRHAGIQUE ayant
simulé une paralysie générale,
par Bourdin, 53. - chez un
enfant de 9 ans, par Spiller,
343.
Paralysie. Etude clinique sur la -
aritante, par Collines et Moskens,
75. Anesthésies, - et amyotro-
phie en tranches et théorie mé-
tamérique de Brissaud, parCrocq,
330. Diagnostic de la - bulbaire.
parJtosce, 331. - bulbaire, asthé-
nique, par Punton, 339 ;,llarSuck-
(er,3Él.-du plexus brachial, par
compression, par Leszinski, 427.
- spinale infantile avec partici-
pation du nerf récurrent, par
Huet, 532.
Paralysie générale. Troubles com-
parés des dlvels réflexes aux trois
périodes de la -, par llalandon
de Monlyel, 46. De la chez la
I*etnine,pai,('rei(letibei-g '6 Trans-
formation du tableau clinique de
la -, par menuet. 50. Pachymé-
ningite hémorragique ayant si-
mulé une -, par Bourtlln, 53. La
- au point de vue médico-légal,
par Kovalewsky, 59. De l'atrophie
du cerveau dans la -, par Bru-
net, 167. Pupilles dans un cas de
- au début, par Tanzi. 233. Si-
philis cérébrale et -, par Pa-
trick, 240. Diagnostic précoce de
la -, par Sachs, 251.
Paralytiques généraux. Conditions
biologiques des familles des -
par Béchet, 121. Surdité chez un
, par Sérieux, 346.
Paranoïa alcoolique, par Séanx 53
par Loop, 3t2. par de Mat-
tos, 268.
Paraplégie hystérique et suggestion
curative, par Bloch, 351. - avec
autopsie par van Gehuchten, 516.
Péritonite. Lésions des éléments
nerveux dans la , par perfora-
tion, par Barbucci, 306.
Phobies tactiles et visuelles, par
Fal'r'z, 151.
Phylogénese du cordon antérieur
des pyramides, par Bikeles, 152,
Pituitaire. Tumeur du corps -,
par Wallon et Cheiiey, 12 1.
POLIEIiCEP111LITES, par Koriiiloff,
261.
Poliomyélites. Petite épidémie de
, par Newmark, 331.
Pollakiurie. Polyurie et - hysté-
rique, par Abadie, 193.
POLIURIE et pollakiurie hystérique,
par Abadie, 193.
Polynévrite. Forme douloureuse
d'une tuberculeuse, par Du-
four, 256.
Pouls. Le - cérébral, par Sciam-
mana, 310.
Pmx Aubanel, 439.
Procès. Les - aux animaux. par
Lemesle, 177.
Protubérance. Tuberculose de la .
par Sano, 520.
Psychiques. Troubles d'origine
tuberculeuse, par Bernheim, ni.
Psychologie religieuse et ventrilo-
qtiie, par Garnault, 352.
Psychose Nenro - traumatique.
par Ide, 247. d'origine infec-
tieuse, par Ballet, 258.
Psïciiothérapie. Résultats de la
clinique de - d'Amsterdam, par
van Renterghem, 63.
Pupille. Semeiologie de la -, par
Jarino, 307. - Phénomène palpé-
de la -, par 1111nrazzini,
313.
I'UPILLIIIi. Phénomène -, non en-
core décrit, par Westphal, 313 ;
par l'eltz, 313,
Pwmues. Philogenèse du cordon
antérieur des -, par Bilcebs,
152.
Radial. Excitabilité électrique du
- , par Gumpertz, 148.
Réflexe. De l'éminence hypothénar.
par Ilolzinqer, 1a7.-t'rbtemlu -.
de 8choefer, par Babinski, 169. -
Pupillaires dus à l'attention, par
Pillez, 321.
Réforme. Alcoolisme et - sociale,
par Loiseau, 356.
Respiration de Cheynes-Slockes chez
un chnr{>Ïilnp, par Bourdillon. 331.
Responsabilité criminelle, hier et
aujourd'hui, par Bombarda, 58.-
Le problème de la -, et de l'p ?
pertise judiciaire, par Roux, 59.
Ruban du REIL. Développement du
et ses communications avec
les centres, par Doellken, 322.
Sclérose. De l'atrophie musculaire
TABLE DES MATIERES.
56S i
dans la- - multiloculaire. par
Brauer, 145. - tuberculose hy-
perlrophlque par Philippe et Ilu-
doeviing, 442. - combinée de la
moelle, rapport avec l'anémie et
la hucémie, par Dana, 517.
SCI.I110>P ou plaques, traitée par la
rééducation lonctionnelle, par
lIartenlJPrg, 65. Histologie et
pathologie de la -. par Erben,
1e3.- avec amyotrophie, par Glo-
rienx, 525. - citez un enfant,
. par Raymond, 525.
Semelaigne, biographie, 531.
SENS musculaire. A propos de
quelques travaux récents, par
Verger, 32.
Sensibilité. Connaissance du trouble
de la - de 13ernhdl'dt. par Adler.
150; par \ortow6l, 155. Le
Il'Icho.oesthéstomèlre électrique et
la -, du système pileux du corps,
par de Bechterew, 159. - D1S'O-
ciation syringomyélique de la -
dans les mypltles. liai, linor, 139.
Trouble de la-, à la cuisse, par
Good, 150 - A la douleur de la
peau, par Motschiitlcowsky, 150.
- osseuse, par Dvoitcheuho, 411,
447.
Sexuel. Instinct - Son évolution
et sa dissolution, par Féré, 455.
Simulateur. Odvssée d'un délin-
quant -, par Garnier, 30.
S 1TI0PIIOBr.S sur l'élimination des
éthers sulfuriques dans les urines
(les épileptiques et des -, par
Galante et Savini, 320 p.
Société d'hypnoloieet psychologie,
86, 174, 350, 4' 0,529. - médtro-
psychologique, par 11. l3riaml, 165,
438. de neurologie, par Boissier,
81, 169. 252, 315, HO, 531. - de
neuropathologie et de psychiatrie,
de Moscou, 259, 444.
Sommeil. Le rôle du - provoqué
dans la thérapeutique suggestive,
par Valeutin, 61. Opérations pra-
tiquées durant le - hypnotique,
par Mac Donald, 165.
Spondylose rhlzomélique, par Achard
et Clerc, z ? .
Stéréognostique. Sens- par Sailer,
424.
STËnLOTYPiss.Lesdans tesdémen-
ces, par Ricci, 236.
Suggestibilités, par Crocq, 33a.
Suggestion. Le tôle del'auto dans
l'aliénation, par Voisin. 54. Quel-
ques considérations surla thérà-
peutique, par Liébault, 64. Cas
traités par l'hypnotisme et la -
par Osg-ood ldson, 68. Aboulies
et -, par l'au de Saint-Mai tin,
178. Psychologie de la -, par
liai tenbprg, 3.0, - et mesméns-
- me, par Bôirac, 337. Le problème
de la -, par Durand, 337. - et
hypnotisme, par Bernheim, 338 ;
paraplégie e
hystérique, et - curative, par
Blocli, 351. -, par Sabrazès, 521.
Le bleu de méthylène moyen de
- , par Voisin, 450. par lettre,
par Voisin, Beriitieim, Béril ! on,
529.
Suicide d'enfant, 95.
Surdité etcéci lé verbales avecautop-
sie, par Sérieux et Farnaricr, 256.
- verbale chez un paralytique
géliéial, par Sérieux, 346.
Superstition : possession du démon.
268.
Syndrome de Weher, par Souques,
par Cestan et Bourgeois, 533.
Syphilis céiébrale et méningée, trai-
tement par les injection» de sels
insolubles de mercure, par Lmtzon,
77 Différenciation entre la céré-
brale et la paralysie générale, par
Patrick, 246. - et tabès port-
syphililique, par Tchiriew, 399.
héréditaire de la moelle, par
Gilles de la Tourette et Durante,
524.
Syringomyélie cavitaire et-pachy-
méningitique. par Philippe et
Ouerthur, 72. Les formes -, 173.
héréditaire, par NalbandofT,
267. Recherches hittologiques sur
une moelle atteinte de et d'hé-
térotcpie, par Lombardi, 306.
Pathogénie de la bulbaire, par
Dionisi, 332. Troubles trophiques
dans la -, par \albandoff, +il.
héréditaire, par Préobrajenski,
î49 ; par Carlaw, 5' ? 0,-et acro-
mésaiie, par Sabrazès, 3.1.
avec sensibilité radiculaire et
troubles moteurs à marche ascen-
dante, par Van Gehuchten, 525.
Système nerveux. Durcissement du
central, par Pfisler, 147. Alté-
rations du consécutives à l'ar-
rachement des nerfs, par Mari-
nesco. 155. Le - central, structure
et fonctions, par Soury, 179. Le
pouvoir tératogène et dégénérant 1
iN/
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.
de la neurine, de l'alcool et de
l'acétone, par Alirto, 34. Nouvelle
coloration du -, par Kronthall,
315. Eléments anatomiques du -,
par Lenhossek, 316.
Tabès. Coupes de moelle dans un
cas de -, par Klippel, 171. -
cervical, par de Rucli, 20t z
observé à Johns Hopkins Itospital,
par Thomas, 344. Syphilis et -
port syphilitique, par 'l'chirrem,
399. - conjuguai, par Souques.
440.
Tarétique. Affection de la peau
chez un -, par P. Marie, 170.
Tatouage chez les lemmes en cor-
rection au llauov're, par Snell, 5G.
Terminaisons nerveuses dans les
muscles volontaires, par Ilaffiiii,
512.
Tétanos céphalique avec déplégie
faciale, pU' Crouzon, 534.
Tempérament et délinquance, par
Marty, 89.
Thorax en bateau, par Marie, 441. 1.
TxYR01D1S\IE. lodisme constitution-
nel. - et maladie de Basedow,
par Jaunin, 60.
Tic. Guérison d'un. - sans an-
goisse, par Bartenberg, 61. Trai-
tement de la maladie des -, par
Spehl, 65. - d'élévation des deux
yeux, par Crouzon, 170.
Torticolis spasmodique, par Parrv,
52).
Traumatisme. Idées de persécutions
avec hallucinations consécutives
a un. - psychique chez un gly-
cosurique, par Farez, 351.
Tremblement et forme 1111 kinwn-
nienne, par Bérillon, 452.
Trépanation. Epilepsie, acciden-
telle, par Jacquin, 299.
Tricho oesthésiomètre électrique et
la sensibilité du système pileux,
par de Bechterew, 159.
Tnoettoenéw chronique héréditaire,
par illelge, 512.
Troubles nerveux et psychiques
chez les travailleurs du caout-
chouc, par Laudenheimer, 43.
Tuberculose. Diabète hydruiique au
cours de la- par Klippel, 255.
Tumeurs du corps calleux, par
Touche, 171. cérébrales, par
Wiener, 78, par Wenhardt, 139.
du corps calleux et de la
corne d'Aumon , par Schupfer.
307. - de l'hypophyse sans acro-
mégalie, par Brun et lieesmann,
3'r3. cérébelleuses, par Bletti-
ger, 511.
Tympanite gastrique, vomissements
nerveux, etc., par Ewald, 329.
Vacher l'Eventreur, par Lacassagne
Pierret, ltebattel, Lannots, Des-
tot, 89.
Vagabondage en France, par Bérard,
88.
Veniriloquie. La religieuse
comme moyen de suggestion des
foules, par Garnault, 178. La
psychologie religieuse et la -,
par Garnault, 352.
Vertébrale. Rigidité de la colonne
- par Zenner, 4` ? 6.
Volonté dans ses rapports avec la
responsabilité pénale, par Dalle-
magne, 185.
Zona consécutif à l'administration
d'arsenic dans un cas d'épilepsie.
par Clark, 7 4.
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS
Abadie, 193.
Achard, 83, 253, 533.
Adamhiewiczk, 419.
Adler, 150.
Agostini, 57, 309, 332.
Ajain, 94.
,111son, 43.
Arnaud, 235, 311.
Arndt, 52.
Babinski, 169, 253, 254,
255, 256, 440.
Bailey, 344.
Baker, 246.
Bail, 80.
Ballet, 81,254,258,44).
Barducci, 306.
Bartlett, 80.
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.
555
Battex, 512.
Béchet, 121.
Bechterew (de), 119,
158, 159, 312, 503,
509.
Bellin, 495.
Bérard, 88.
Bérillon, 87, 176, 117,
178, 350, 452, 529.
Berkley, 43.
Bernheim, 174,338, 529.
Bel-lilieim, 174,338,529.
Bethe, 31G.
Blanchi, 233.
Bikeles, 152.
Bleile, 522.
Bloch, 35t.
Bodoni, 165.
Boettiger, 611.
Boirac, 337.
Boissier, 81, 169, 2 : 2,
345, 440.
Bombarda, 58.
Bonney, 71.
Bouchereau, 358, 439.
Bourdillon, 331.
Bourdm, 53.
Bourgeois, 533.
Bourneville, 49 : i.
Branler, 145.
Brtand, 1G5, 438.
Bi,issaud, 513.
Brown, 162.
Brunet, 167, 224.
Cabannes, 1 i'r.
Campbell, 328.
Capriati, 311.
Capps, 527.
Carrier, 357.
Carslam, 520.
Ceni 309.
Cestan, 533.
Charpentier, 86, 175.
Cheney, 424.
Chipault, 85, 257, 318,
4S5.532.
Christian, 165.
Clark (C), 74, 241, 327.
Clark (L.-P.), 433. 431,
436.
Clerc, 252.
Cochez, 346.
Collins, 75, 426.
Cololian, 385, 476.
Calucci, 311. I.
Coolidge, 528.
Coulonjou, 187.
Coutand, 87.
Couvelaire, 83.
Crichton-Browiie, 456.
Crocq, 330. 331, 335.
Crouzon, 170, 174, 531.
Cullerre, 289.
Dallemaque, 185.
Uana, 517,.51R.
Daganello, 306, 307.
Déjerine, 81, 347.
Destot, 89.
Dide, 513.
Dionisi, 332.
Doellken, 151, 322.
Doyle, 162.
Duchâteau, 57.
Ducosté, 237.
Dufour, 82, 256.
Dumontpallier, 339.
Duplay, 4+.
Durand, 337.
Durante, 524.
Dvonchenlw, 4'11, 417.
Edsall, 521.
Erben, 143.
Erjolsky, 132.
Esquerdo, 332.
Retienne, 86.
Ewald, 329.
Farez, 86, 17, 306, 351,
451.
Farnarier, 2,ï6.
Féré, 429. 455.
Ferrand, 531.
FUlZi, 235,
Fisher, 78.
Fleury (de), 172, 257.
Francotte, 427.
Frenkel, 93.
Foa, 308.
Galante, 312.
Garnault, 178.
Garnier, 1, 352.
Gauckler, 443.
Gehuchten (van), 513,
516, 525.
Giannelh, 308.
Gilles de la Tourette,
254, 524.
Glorieux, 525.
Gucci, 234.
Gumpertz, 148.
Hamilton, 240.
Hanenberg, 61, 66,333,
334.
Ileimann, 149.
Henschen, 508.
Hertel', 425.
Ilinrichsen, 51.
Hirsch,75.
Hitchock, 436.
Hochhaus, 158.
Hollanday, 74.
Holzinzer, 157.
Hubbell, 528.
Iludoevring, 442.
fluet, 531, 532.
Ide, 247.
Jacquin, 299.
Jaunin, 60.
Jofiroy, 258, 347, 442.
Keraval, 465.
Knkendal, 437.
Klein, 239.
Kleppel. 82, 171, 255,
345.44).
Kopilk, 70, 243.
Korniloff, 261.
Kowalewsky, 59, 147.
Kronthal, 315.
Kurella, 55, 149.
Lacassagne, 88, 89, 90.
Ladame 97.
Lambranzi, 234, 236.
Lannois, 89.
Landenheimer, 48.
Lavastine, 252.
Lemesle, 177.
Lenhossek, 140, 316.
Lesage, 533.
Leszynski, 427, 516.
Lévi, 310.
Libertini, 312.
Liébault. 64.
Lintson, 77.
Loiseau, 356.
Lombardi, 206.
Loop, 342.
Lord, 429.
Lugea. 0, 310.
Luithlen, 146.
Luntz, 445.
Lyon, 246.
Mac Donahl, 165, '38.
Mac Nabb, 163.
Maere, 329.
Magnan, 264.
Magnin, 176.
Maneton, 238.
Marandon de Montyel.
46. 267.
556
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.
Marie (P.), 85, 170, 174,
315, 411. 1.
Marinesco, 85, 155, 514. .
ylat.mo, 307.
Martin, 90.
Marty, 89.
Mattos (de), 268.
Meige, 316, 522.
Mendel, 50.
feuler, 7G.
Milkin, 73.
Mingazznn, 313.
lltnur, 139.
111'allié. 226.
11l.tO, 311.
Monriio, 311.
Moor (de), &7.
ylosee, 331. J.
Iolscllal\o\\'ky, 150.
Iouralow, 2G9, 51G.
Mour.,vieff, 262, ils.
111usken-. 75.
Jluzzy, 527.
Nalbandoff, 262, 4li4.
Nalluw"ky (de), 155.
Nelis, 513.
Newinaik, 331. 1.
Nordet, 452.
Noot, 431.
Oberlhur, 83. 172. 173.
Obici, 306.
0'1)onovan, 16't.
Onofrio, 311.
Osgood Mason, 68.
Osier, 342.
Parry, 521.
Passa\\'. 510.
Palou, 219.
Patrick, 246.
Peterson. 71.
Pfister, 147.
Philippe, 83, 172, 173,
442.
Piccimino, 3 ?
Pierret, 89.
Ptltz, 313, 3 ? l.
l'ornain, 265.
]Pi,éobrajeiis] ? 1119.
l'union, 339. "
Ranfoldi, 333.
Raviart, 163.
Raymond, 525.
ltebiitlel, 89.
Iteesmann, 313.
Hegllard, 12.
Henaud, 80..
Henterghem (van), r. : 1
66.
Ricci, 236.
Righefi. 300.
Bmi, 862.
HOdlt'l', 3Sa, 476.
Romanow, 1 42.
ltoqnes de l'ursac, 82
Hos>oIItIlO, 153.
Rolh, 261.
Itoubmowttch. 163.
Houx, 59.
Huroni, 512.
I Itueri, 305.310.
Rllnge, 26,
Sabrazès, 1 i i, 521.
Sachs, 251.
Siior, 424.
Saint-Martin (de). 178.
Sano, 330, 520.
Savini, 312.
Scalm. 234.
SvIWfTrr, 15G.
bcherb, 3f6.
Schuper, 307.
Sctammaua, 310.
Seaux, 53.
Semelaigne, 534.
Sérieux,"256, 31(i.
Srvauf,258.
Senator, 320.
Sikorski, 62.
Siukler, 341.
Suell, 50.
Surg-o. 14.
Soukhanoff, 273.
Souques, 82, 255. 349.
440.
Soury, 179.
Spanaro, 30G.,
SlteltÎ, 65.
Spence, 457.
Spuller, 343.
Spinhayer. 60.
Spratlmn, 434.
Spretttng. 74.
Sladplmann, 150.
Stumpf, h11
Taquet, 27..
Talboi, 56.
Tambroui, 236.
'l'nuzi, 3a, 23G.
Tarde, 8S.
1'arnow.l.v, SS, 91.
Tclnnew, : JU9.
Thomas, 3 44.
Thulié. 538.-
Tomluison, 248.
'louche, 171, 256, 348,
442.
Touluse, IG6, 38.
'J'réne ! , WG, 521.
Tschermak. 506.
Urquarhdt, 436.
Valentin, 61.
Vallon, 413.
Varozzi, 308.
Vedrani. 235.
Veiger, 32.
Via], 212.
Vigoureux, 522.
Villers, 427.
Vlavianos, 8G.
Voisin, .1, 54, 87, 165,
177, 3 : 0, 450, 529.
\Vachenheim, 160.
Wahl, 413.
\Valleml>erg, 421.
Wallon, 421.
Wehrlin. 54.
Weidenliammer. %2,
Weil, 515.
Wcnhardt, 139.
Weslplial. 313.
Wiener, 78.
Worcester, 328.
7.aleshi, M3.
Zapperl, 422.
Zenner, 426,510.
T.oucler. 310.
Evreux, Ch. Héiussey, imp. - 0-1000,