(1900) Archives de neurologie [2ème série, tome 09, n° 49-54] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales
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(1900) Archives de neurologie [2ème série, tome 09, n° 49-54] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales

ARCHIVES

DE E

NEUROLOGIE

Dr SEMELA1GNE

ARCHIVES

DE

NEUROLOGIE

REVUE MENSUELLE

DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES

Fondée par J.-M. CHARCOT

PUBLIÉE SOUS I.A DIRECTION DE MM.

A. JOFFROY

Professeur de clinique

des

maladies mentales

a la Faculté de médecine

de Pans.

V. MAGNAN

Membre de l'Académie

de médecine

Médecin de l'Asile clinique

(Sle-Aune).

F. RAYMOND

Professeur de clinique

des maladies

du système nerveux

à la Faculté de médecine

de Paris.

COLLABOH1TBU11S PRINCIPAUX

¡l'l. ABADIE, ATHANASSIO, IIABINSKI. BALLET, BÉCHET G.), BELLIN,

BLANCHARD (11.), LLLIN, üOISILIi (1<'.), BOVCOUR (P.), BOYER (J.), BHIAND (M.),

HIIIS"AUD (E.), BItOlIAItUIiL (l'.),BRI;NET (D.).CATSABAS, CHAIIIIEHT, CHAHOX,

CIIIIISTIN, COLOLIN, CULLEHIIE, 1)lill()VE (11.). UENY, DEVAY, UUCAMP,

DU\' AL (M4TI""), FAUr.HER, FEHE (Cii ), FENAYIIOU, F'EIIIiIEII, FRANCOTTE,

GILLES DE 1,A TOUIIETTE. GAHNIOE (S.), G0111SAlILT, GRASSET, JAf.QCIN,

JOURDAN, KERAVAL, LIUAfE, LA\UOIiZY, LEGItaIN, LWOFF, MABILLE, MARIE,

VIEItZEJf'sIVSICY, 511RALLIÉ, IIISGItAVE-(;I,AY,NOIR,

l'lERRI;T, PITRES, IIa\'fARI', REGIS, HEGNAB' (l'.), REGNIER (P.), IIII : IIEft (P.),

RELL\Y (P), HODIET, HOTU (W.), qÙ(1AS. CÉItIEI'X, ? OLLII-11,

SOUKH1,NOFF,.SOIIQ(il ? SOI'HV (J.). TAGUET. TCHIIIIEW, TEINTURIER (E.),

TIIUI,I); (II.), UHR.OLA. VALLON. VERGER (H.), VIAL, VILLAIID,

VOISIN (J.), \VRL, l'VON (P.). -

Rédacteur en chef : BOURNEVILLE

' Secrétaires de la rédaction : J.-B. CHARCOT tr J. NOIR

Dessinateur : LEUBA

Deuxième série, tome IX. 1900.

Avec 13 figures dans le texte et 7 planches.

PARIS

BUHKAUX DU PROCHES MÉDICAL

14, rue des Carmes.

1900

Vol. IX. Janvier 1900. N° 49.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

MÉDECINE LÉGALE.

L'Odyssée d'un délinquant simulateur.

(contribution A l'étude DE la simulation DE la folie) ;

Par le D' Samuel GAIINIER,

Médecin en chef directeur de l'Asile de Dijon.

La simulation, dit Ambroise Tardieu (Elude médico-légale

sur la folie, `3° édit. Baillière, 1880, p. 242), tient une place

considérable dans l'histoire médico-légale de la folie, non que

les exemples en soient de fait très fréquents, mais parce que

l'expert placé en face d'un aliéné dont la justice lui a donné

la mission d'examiner l'état mental, doit, en toutes circons-

tances, se préoccuper de la possibilité de la simulation et

établir dans des conclusions positives que la folie qu'il a

constatée est bien réelle. Ces paroles du célèbre médecin

légiste sont profondément sages et l'aliéniste, dans la recher-

che de la véritable mentalité d'un délinquant, doit toujours,

en effet, se poser le problème d'une simulation possible inten-

tionnelle de la folie et régler sa méthode d'examen en consé-

quence. La méthode très généralement applicable, malgré la

diversité des espèces en médecine légale, est, à mon sens,

celle de ne rien. préjuger de la question à résoudre et de pui-

ser d'abord dans l'examen direct du sujet les éléments décisifs

d'une conviction à son égard. Sans doute parfois, cet examen

direct pourra être négatif, mais cette constatation même sera

un premier jalon dans la recherche de la vérité. C'est en se

Archives, 2'série, t. IX. 1

Z MEDECINE LEGALE.

'gardant de toujours accepter les présomptions du dossier

comme démontrant d'ores et déjà la folie, qu'on évitera de

faire fausse route, car si suggestives qu'elles puissent paraî-

tre, elles doivent être considérées comme essentiellement

provisoires. Quant aux cas eux-mêmes de simulation, je ne

partage point l'opinion du maître' éminent qu'était Tardieu,

au point de vue de leur peu de fréquence et je crois au con-

traire qu'ils sont bien moins rares qu'il ne l'a donné à enten-

dre. Soit qu'il se soit agi de folie prétextée ou alléguée, soit

de folie véritablement simulée, j'en ai, pour mon compte,

observé de nombreux cas. -Ici c'est un individu qui, pour

échapper à la relégation, simule des attaques presque jour-

nalières d'épilepsie, là c'est un disciplinaire qui, pour obtenir

sa réforme, réussit à donner le change sur son état véritable

en simulant un accès d'excitation maniaque avec idées de

grandeur; tantôt c'est un criminel, qui pour échapper à la

répression d'un assassinat, simule aussi l'épilepsie; tantôt

enfin c'est un individu, qui poursuivi pour attentats à la

pudeur, cherche à se faire passer pour inverti sexuel. Dans

tous ces cas, et j'en passe encore nombre d'autres similaires,

l'intérêt évident de la simulation devait .éveiller des doutes

sur la sincérité des phénomènes simulés ou allégués et par

conséquent rendre l'examen direct de ces pseudo-malades

plus approfondi. J'ai pu arriver à démasquer la supercherie

des uns et des autres et il serait d'un grand intérêt de dresser

le bilan de la simulation, à l'aide de toutes les observations

de simulateurs, qu'on pourrait recueillir. On verrait l'ingé-

niosité parfois étonnante de ceux-ci et combien ils ont pro-

gressé dans cette voie, laissant bien loin derrière eux, la tac-

tique du fameux Dérozier de Morel qui, questionné sur son âge,

répondait, après avoir hésité : 245 fr. 35 et forçait ainsi par

trop évidemment la note. Nos simulateurs d'aujourd'hui sont

beaucoup moins maladroits et j'en ai connu un qui connais-

sait à fond les symptômes de la folie impulsive et les décri-

vait avec une précision clinique absolue. L'exemple de simu-

lation, que je me propose de relater ici, est d'autant plus inté-

ressant, que l'individu dont il s'agit a pleinement réussi à se

faire passer pour fou et qu'après avoir été enfermé dans un

asile, en bénéficiant de l'irresponsabilité attachée à sa soi-

disant qualité de malade, pendant deux ans au moins, a

réussi à en sortir par décision d'un tribunal. La folie simulée

L'ODYSSÉE D'UN DÉLINQUANT SIMULATEUR. 3

par cet homme avait été successivement la grande hystérie

avec idées de suicide et la folie des persécutions avec délire

des grandeurs, alors que la plupart des simulateurs, sinon

tous, choisissent au contraire des genres moins compliqués

et partant d'une imitation plus facile. Ce qu'il y a enfin de

particulier à ce cas, c'est que l'aveu de sa simulation a été

fait par le simulateur lors de la deuxième expertise, motivée

par un délit commis assez longtemps après qu'il fut sorti, par

décision judiciaire, de l'asile où il était séquestré.

Pour mettre en relief cet exemple de simulation, je ne vois

pas d'autre moyen pratique, que d'emprunter au rapport

rédigé jadis sur le délinquant en le complétant par d'autres

documents, tout ce qui peut faire ressortir la physionomie

propre de cette affaire.

La mission qui m'incombait à l'égard du simulateur Cing...

me fut ainsi tracée par le juge d'instruction. Je devais recher-

cher, au vu du dossier et de l'information comme aussi des

observations par moi faites, si cet individu inculpé de vol, de

fabrication et de falsification de certificats, jouissait de la

plénitude de ses facultés mentales ou si au contraire sa res-

ponsabilité était abolie ou atténuée, et dans ce dernier cas

examiner s'il devait être considéré comme un individu dan-

gereux et s'il était nécessaire dès lors de prescrire son inter-

nement dans un asile d'aliénés.

I. De la procédure il résultait les faits suivants : dans la

journée du 3 août 1895, une somme de 17 francs composée de

trois pièces de 5 francs et d'une pièce de 2 francs avait été

dérobée dans le logement d'un garde-champêtre de la ville

de B.... Le larcin avait dû être commis par quelqu'un au

courant des habitudes du garde et de sa femme : ceux-ci

s'étaient absentés deux fois dans la journée et l'inculpé

Cing..., alors occupé à réparer le toit comme couvreur, fut de

suite soupçonné. Aucune effraction n'avait d'ailleurs été cons-

tatée et le voleur avait pu se glisser facilement du toit par

une fenêtre restée ouverte et ressortir après avoir fouillé le

meuble qui contenait l'argent, sans être vu. Arrêté le lende-

main, Cing... fut trouvé porteur de trois pièces de 5 francs,

deux pièces de 1 franc et 20 centimes de billon. Il nia être

l'auteur du vol, bien qu'on eut trouvé dans la mansarde où

ce vol s'était accompli, des traces d'une terre identique à celle

qui souillait ses chaussures de travail dont l'empreinte s'ap-

4 MÉDECINE LÉGALE.

pliquait en outre exactement à celles laissées dans la pièce.

Malgré ses dénégations, il fut maintenu en état d'arrestation

et il déclara aussitôt « que si on le mettait en prison il s'en-

lèverait la vie et que la poursuite contre lui serait sans

effet ». -

Devant le juge d'instruction, Cing... prétendit d'abord

faussement être veuf et avoir deux enfants habitant avec sa

belle-soeur à Or... et nia toutes les condamnations de son

casier. Questionné sur une information judiciaire dont il

avait été l'objet en z1892 et qui s'était terminée par un arrêt

de non-lieu, mais avec placement dans un asile de z1892 à

1894, il reconnut le fait de sa séquestration, mais prétendit

que son internement avait été provoqué par l'autorité mili-

taire, ce qui était encore faux. Deux jours après, il reconnut

par lettre l'exactitude de son casier judiciaire et finit par

avouer qu'à la suite d'une poursuite du parquet de L... il

avait été enfermé comme irresponsable de ses actes, mais il

ne voulut pas se reconnaître l'auteur du vol dont on l'incul-

pait. II ajoutait qu'une condamnation comme voleur le tue-

rait et priait le magistrat instructeur, en raison de sa maladie

dont les symptômes lui revenaient, de vouloir bien recon-

naître son innocence avant que sa raison ne fût totalement

ébranlée. Trouvant que le juge d'instruction ne semblait faire

aucun cas de ses lettres, ce prévenu avait adressé ensuite une

plainte au procureur général, se plaignant qu'on l'inter-

rogeait sans égard « pour son état alarmant et sa raison

ébranlée » ; puis, quand le magistrat l'eut fait paraître devant

lui, il rendit l'interrogatoire impossible par ses réponses inju-

rieuses et ses interpellations directes, ou son silence parfois

obstiné.

Pendant ce temps, on découvrait dans les papiers saisis sur

Cing..., un certificat de bonne conduite émanant du 2° régi-

ment étranger à Sa... (Algérie), qu'il avait falsifié pour se

le rendre applicable; un autre certificat, délivré par le secré-

taire de la commission des hospices d'Aix, signalant son

séjour à l'hôpital de cette ville en date du 23 mars 1895 et à

l'aide duquel on pouvait constater son passage de ville en

ville jusqu'à Ancy-le-Franc, où il avait été secouru en der-

lier lieu le z18 avril suivant. Les mentions de ce second certi-

ficat étaient exactes, sauf les mots ajoutés après coup à la

suite de son nom par Cing..., savoir « atteint d'hystérie » et

L'ODYSSÉE D'UN DELINQUANT SIMULATEUR. 0

celui de B... surchargé. On retrouva également, entièrement

écrit de sa main, annexé à un bulletin de sortie de l'hospice

de B... où il avait séjourné du 18 mai au 18 juillet z1895, un

faux certificat portant le timbre de l'hospice, dans lequel un

prétendu médecin traitant le déclarait atteint d'hystérie et

l'avoir traité de cette maladie contractée en Algérie (le direc-

teur de l'hospice précité avait bien certifié que Cing... avait

été traité pour hystérie, mais il avait ajouté qu'il lui avait

fait, aussi bien qu'au personnel de la maison, l'effet d'un indi-

vidu très roublard, mais nullement d'un fou). Enfin se trou-

vaient encore dans les papiers du prévenu les pièces fausses

ou falsifiées suivantes : 1° une déclaration sur papier à en-tête

du cabinet du maire de Melun, en date du 22 avril 1895,

attestant que Cing... avait occupé le poste de chef de bureau

il la Mairie de cette ville ; 2° une déclaration certifiant qu'il

avait, du 2 avril au 2 mai 1895, été employé comme garde-

particulier des propriétés de la Préfecture de Melun avec le

cachet du Préfet de Seine-et-Marne; 3° une attestation du

directeur -du dépôt de Beni-Messous (Algérie) mentionnant

son séjour pendant dix jours dans cet établissement, mais

les dates en avaient été falsifiées pour établir un séjour

d'un an; 4° un bulletin de sortie, du 17 mars 1895, de l'hôpi-

tal de Mustapha où Cing... avait encore inscrit à la suite de

son nom les mots « atteint d'hystérie » ; 5° enfin deux certifi-

cats d'incurabilité imprimés, dont il avait rempli les blancs

en portant le diagnostic d'hystérie et en imitant la signature

illisible d'un médecin traitant.

Si ces diverses constatations étaient de nature à faire dou-

ter, chez l'inculpé, de la réalité d'un état actuel de folie,

cependant le dossier de cet individu nous apportait de son

côté le fait authentique de son internement, car poursuivi en

1892, il avait bénéficié d'un non-lieu motivé par les conclu-

sions d'un rapport médico-légal en date du 4 février 1893. Ce

rapport avait été dressé à la suite d'une expertise faite sur

Cing... et prescrite au vu d'un certificat du médecin de la

prison, le signalant comme étant atteint d'hystéro-épilepsie,

d'idées de persécution et de suicide. Voici d'ailleurs comment

s'exprimait le document fourni à la justice : « Cing... est un

dégénéré chez lequel nous trouvons de l'hystérie et un délire

des persécutions.

« Comme signes de dégénérescence, nous notons de la

si MÉDECINE LÉGALE.

microcéphalie, de l'asymétrie faciale, du strabisme conver-

gent, des dents mal implantées, une voûte du palais ogivale.

«'Quant à l'hystérie, quoique nous n'ayons jamais été

témoin de crises, il existe d'autres signes qui nous suffisent

pour établir notre diagnostic. En effet, nous observons chez

L'inculpé une anesthésie presque généralisée, une douleur à

l'épigastre produite par une pression légère. Pas de zones

véritablement hystérogènes, il est vrai, mais à la suite de

notre examen, deux crises suivies d'accès d'agitation se pro-

duisent. Dans l'une, Cing... se réveille en sursaut, s'assied

sur son lit, pousse des cris, a des hallucinations terrifiantes

de la vue; dans l'autre, il se lève, renverse le lit d'un malade,

le matin on le trouve couché sous le sien. Cingier ne gardait

aucun souvenir de ces deux accès d'agitation. Ajoutons à cela

la mobilité du caractère, les idées hypocondriaques, le

besoin de faire sans cesse des réclamations et de se plaindre

de tout et nous aurons la preuve que Cing... est en puissance

d'hystérie.

« Le délire de la persécution n'est pas moins évident. A la

prison de L... Cing... prend en haine le gardien-chef, le

'médecin de la prison, tes'membres du parquet, tous ont

voulu l'empoisonner. A l'asile, ses conceptions délirantes

persistent, puis à la suite d'un examen nous devenons un de

ses persécuteurs, nous sommes le complice de ses ennemis.

Ceux-ci l'insultent, le menacent, il les entend pendant la nuit,

On veut se débarrasser de lui, parce qu'il réclame l'héritage

auquel il a droit et que l'Empire lui a soustrait, pour le don-

ner à l'abbé de Gy. Les surveillants le narguent, l'insultent,

conspirent contre lui, mettent du poison dans ses aliments,

car eux aussi sont soudoyés par l'abbé de Gy. De ce qui pré-

cède nous concluons : Cing... est un aliéné héréditaire chez

lequel se sont développés l'hystérie et le délire des persécu-

tions ; il est irresponsable de ses actes, dangereux pour la

'sécurité publique et doit être maintenu dans un asile. M

Envoyé à l'asile le 12 mars 1892, l'inculpé y avait séjourné

'jusqu'au 16 novembre 1894, époque de la sortie ordonnée par

'décision du tribunal, devant lequel il s'était pourvu et qui en

'avait jugé ainsi, malgré l'avis du médecin traitant. Celui-ci,

'en effet, appréciait la situation mentale de son client dans

les termes suivants :

« Le nommé Cing... (Jules) est un dégénéré llystéro-épilep-

L'ODYSSÉE D'UN DÉLINQUANT SIMULATEUR. 7

tique, sujet à des impulsions dangereuses et manifestant

depuis son admission, à des intervalles rapprochés, des idées

délirantes de persécutions avec projets de vengeance contre

ses persécuteurs. Vaniteux, d'une intelligence médiocre, il

parle à tout propos de son exubérance d'intelligence, de ses

hautes capacités, de ses relations parmi les journalistes, etc.

Il méprise profondément les infirmiers et les malades qui

l'entourent; il ne manque aucune occasion de le leur prouver

par ses injures blessantes et par ses moqueries.

« Menteur, calomniateurr, il exagère à plaisir des faits sans

importance, dans l'intention de nuire ; il crée de toutes pièces

des actes délictueux, qu'il attribue aux personnes qu'il hait

et au besoin provoque de faux témoignages pour appuyer ses

assertions; il menace à tout propos, d'une révocation, le

directeur et il se charge de le faire condamner à la prison

ainsi que les infirmiers; il est, en un mot, un fléau pour le

quartier qu'il habite où son unique préoccupation est de

porter le désordre et de susciter des difficultés de toutes

sortes.

« Egoïste, complètement dépourvu de sens moral et de sen-

timents affectifs, sans pitié pour les malades, malgré toutes

ses réclamations humanitaires, il les frappe brutalement, soit

qu'ils le frôlent en passant, soit qu'ils fassent du bruit; il les

excite les uns contre les autres, pousse les gardiens à la bru-

talité afin de pouvoir les dénoncer ensuite aux autorités.

« Il est d'unejrritabilité excessive et se met dans des accès

de fureur pour des motifs futiles. Tout récemment, il a pro-

féré des menaces de mort contre le surveillant T... en bran-

dissant un morceau de fer pointu; cet instrument primitif a

été trouvé dans les balayures où il l'avait jeté. 1

« Foncièrement mauvais et pervers, il sera toujours un être

antisocial et constituera un danger public, s'il vit en liberté.

Dénué de ressources, paresseux, doué d'aucune aptitude spé-

ciale, ne connaissant aucun genre de travail et incapable de

rester nulle part à cause de son mauvais caractère, de son

amour de changement et de ses crises nerveuses, Cing...

sera tout d'abord un vagabond et un mendiant.

« Entraîné par ses mauvais instincts, ses habitudes invété-

rées de vol et par besoin, il redeviendra rapidement un escroc

et un voleur. Et cédant à ses impulsions dangereuses, consé-

quences de son affection convulsive, à ses idées bien arrêtées

8 MÉDECINE LÉGALE.

de vengeance et à son délire de persécution, il pourra devenir

à bref délai un assassin. »

Ainsi donc Cing... avait été bel.et bien aliéné, s'il avait

cessé de l'être, de sorte que l'expertise à son sujet devenait

aussi délicate -que nécessaire. Tout d'abord, pour bien con-

naître cet homme, il était indispensable de fouiller dans son

passé depuis son enfance jusqu'aux poursuites actuelles et

voici ce que nous apprîmes :

Observation.

Cing... (Jules-Xavier), célibataire, était né à B..., le 18 mai 1868.

Sa mère. A... M... veuve Ducom..., vivait alors en concubinage

avec Cing... père, veuf de son côté. Deux mois après sa naissance,

Cing... fut légitimé par le mariage de ses parents qui, à l'époque

où il fut conçu, étaient d'un âge avancé, puisque le père avait

soixante-deux ans, la mère quarante-six. Cette dernière mourut à

quarante-neuf ans ; la cause de son décès est inconnue et ses anté-

cedents personnels et héréditaires n'ont pu être établis. Cing...

père vécut jusqu'à l'âge de soixante-treize ans et fut emporté par

une pneumonie; il n'y avait aucune trace de maladie mentale ou

nerveuse de son côté.

Devenu orphelin à dix ans, Cing... fut placé à l'hospice de

B..., comme enfant assisté et confié, le 27 décembre suivant, à un

cultivateur D..., qui le ramena à l'hospice dépositaire six mois

après. Ce nourricier a fait à son sujet la déclaration qui suit :

« Cing... n'a jamais fait ni dit, pendant qu'il est resté chez moi,

quelque chose qui puisse faire douter de ses facultés mentales. A

l'école du village où je l'envoyais, je n'ai jamais su qu'il s'était fait

remarquer. » De nouveau confié à un autre nourricier, le 14 juil-

let 1879, il fut encore ramené à l'hospice de B..., le 4 novembre

suivant. Placé deux jours après chez un troisième nourricier, il re-

vint pour la troisième fois à l'hospice, le 19 septembre 1880, d'où il

déserta le 2b suivant. Voici l'appréciation formulée par le deuxième

nourricier sur Cing... : « Je n'ai jamais rien remarqué dans l'état

mental de cet enfaut, il m'a paru jouir de toutes ses facultés. Il

était doué d'un caractère colérique (sic), rétif, en un mot, incons-

tant. Je n'ai jamais constaté chez lui que des idées désordonnées

et même banales; son intelligence était médiocre, suffisante pour

contenter les personnes chez qui il était, telles que nous, par

exemple, si son caractère eût été moins mauvais. Cing... m'obéis-

sait eucore, mais il n'écoutait pas ma femme. » Le troisième mai-

tie de Cing... déclara, au contraire, qu'il n'avait eu qu'à se louer

de lui au point de vue de la conduite et du travail, ajoutant : Je

n'ai jamais remarqué qu'il m'eût soustrait la moindre des choses,

l'odyssée D'UN délinquant simulateur. 9

en un mot il avait toute ma confiance ; quant à ses facultés men-

tales, je n'ai pas remarqué qu'il ait jamais eu une absence d'es-.

prit, son caractère était très doux et il était très obéissant.

Dès qu'il eut déserté l'hospice de B..., Cing... se présenta, en lui

dissimulant sa situation véritable, à un maître ramoneur de la ville,

qui l'embaucha; mais au bout d'un mois de travail, n'ayant pu ob-

tenir, a-t-il dit, le paiement convenu, le quitta pour se rendre à

Dijon où un autre ramoneur l'aurait exploité de la même façon.

Dégoûté du patronat, Cing... voulut alors vivre seul et jusqu'à l'hi-

ver de 1882, se mit à ramoner dans les campagnes, pour gagner

misérablement sa vie. A ce moment, il réfléchit qu'il valait mieux

se faire mettre en correction (sic) pour apprendre ainsi un métier

et s'instruire et voici ce qu'il imagina dans ce but.

'Se trouvant à Troyes, il s'introduisit furtivement dans la gare

des marchandises et de là dans un train en partance pour Paris.

A Provins, le contrôleur lui demanda son billet qu'il ne put pro-

duire et fut remis entre les mains du gendarme de service. Le

21 janvier 1883, il fut condamné à demeurer jusqu'à vingt ans dans

une maison de correction et dirigé sur la colonie pénitentiaire de

la Fouilleuse. Après un an de séjour dans cette maison, Cing...

voyant, a-t-il déclaré, qu'il n'apprenait pas de métier, demanda

son transfert au quartier correctionnel de Rouen où il espérait être

plus favorisé. Quoique l'établissement de la Fouilleuse n'existe

plus, on a pu établir que Cingier fut évacué en réalité pour incon-

duite, le 31 mai 1884, sur le quartier correctionnel de Rouen. Dans

ce dernier établissement, quoi qu'il n'ait donné aucun signe de fo-

lie ou de désordres cérébraux, son caractère empoité lui valut

plusieurs punitions. Admis à contracter un engagement militaire

en 1887, il fut refusé, paraît-il, pour sa vue, et libéré définitive-

ment le 11 septembre de la même année. Cing... se fixa alors à

Rouen sous la tutelle de la Société de patronage des jeunes libérés

et travailla dans un atelier de construction. A la paie de la pre-

mière semaine, très mortifié, a-t-il dit, de voir qu'au lieu d'argent,

le caissier lui répondait : Je paierai à celui qui s'occupe desjeunes

libérés, il s'adressa à cette Société afin d'obtenir des secours pour

se rendre à P... où il pensait trouver de l'ouvrage. Arrivé dans

cette ville, après avoir fait la route à pied, il se trouva avec deux

francs, en plein chômage d'hiver et dut se diriger ailleurs. Il ar-

riva à D... où il entre dans une auberge, se fait servir à manger

et avoue qu'il ne peut payer. Le tribunal lui inflige 8 jours de pri-

son, d'où il sort'le 1 CI' décembre 1887. De nouveau, il filoute à A...

des aliments dans une auberge et est condamné à 6 mois de pri-

son et 16 francs d'amende. Il fut condamné encore, sous un faux

nom, à Nîmes, à 15 jours de prison pour filouterie d'aliments; à

peine sorti de prison, en septembre 1888, il vola les clefs qu'il put

trouver sur sa route dans un village, dans le but, a-t-il dit, d'aller

10 MÉDECINE LÉGALE.

en centrale pour y gagner quelque argent et passer en Algérie.

Condamné pour ce fait à 6 mois de prison, il insulta les juges et

alla en appel, à Montpellier; il est condamné par la Cour il 2 ans

pour injures et à 6 mois pour vol, qu'il subit à la maison centrale

de 1\îme·. Sorti le 11 octobre 1890, pour être dirigé sur le 4° ba-

taillon d'infanterie légère d'Afrique, il est réformé de nouveau par

la Commission spéciale pour acuité visuelle inférieure à un demi

de l'oeil droit et bronchite chronique. Il s'embarque alors pour Al-

ger, où il ne trouve pas à s'occuper, car on lui demande des réfé-

rences et des certificats, qu'il n'a point. De concert avec un cama-

rade de centrale qu'il rencontre, il vole des ballots de flanelle le

16 octobre 1890 et est condamné à Alger à 6 mois de prison le

27 novembre. A sa sortie de prison, il devint ouvrier graisseur à

bord des paquebots; après plusieurs voyages il se décida enfin à

revenir en France. En juillet 1891, il passait à Saiut- : 1...,quand un

vol d'un ciboire fut commis dans l'église de la localité. Dénoncé

plus tard par un nommé B..., comme auteur de ce vol, Cing... ne

put. d'abord être retrouvé, attendu qu'arrêté à Dijon, il y purgeait

une condamnation à 2 mois de prison pour vol et port d'armes

prohibé. Découvert, il fut amené, à l'expiration de sa peine, à L...

où une information était dirigée contre lui pour le vol précité du

ciboire. Devant le tribunal, il soutint d'abord que le vol avait été

commis avec effraction, afin de passer aux assises, et dès qu'il vit

que son affaire ne passerait pas à la session la plus proche, com-

mença à donner des signes d'aliénation mentale. Transféré, en fé-

vrier 1892, dans un asilé d'aliénés, sur la demande du médecin de

la prison qui le certifiait hystéro-épileptique et délirant par per-

sécution, il fut, au bout de neuf mois d'observation, déclaré aliéné

dangereux, atteint d'hystérie et de délire des persécutions, comme

on l'a vu et maintenu dans l'établissement. Sorti en octobre 189-'r,

par décision du tribunal, de l'asile où il était séquestré, Cing... se

rendit à Marseille et de là à Alger. En janvier 1893, il était pré-

sent au dépôt de Beni-.Messous, en février et mars à l'hôpital de

Mustapha d'Alger, d'où il fut rapatrié en France. A la fin de mars,

il arrivait à Aix et se dirigeant par étapes avec secours de route

sur Paris, y arriva en avril. Puis il revint à B... et séjourna dans

l'hospice de cette ville du 18 mai au IL, juillet 1895. Sorti volon-

tairement il s'employa ensuite comme ouvrier couvreur et il tra-

vaillait depuis un mois, lorsque les dernières poursuites pour vol

eurent lieu.

Dans cette existence mouvementée de Cing..., on remarqua

sans peine qu'il n'avait donné aucun signe de dérangement céré-

bral jusqu'en 1892. Depuis sa sortie de l'asile, en 1894, il était, en

outre, loin d'avoir été jugé fou par ceux qui avaient pu l'observer.

C'était d'abord à la date du 17 août 189j, M. 0..., préposé aux

entrées de l'hospice de B..., déclarant que Cing... était atteint

L'ODYSSÉE D'UN DÉLINQUANT SIMULATEUR. Il I

d'épilepsie, ou du moins qu'il simulait admirablement cette mala-

die et ajoutant qu'il jouissait de la plénitude de ses facultés men-

tales et était considéré comme un chevalier d'industrie. Puis le

directeur du dépôt de l3eni-Viessous, qui n'avait aucunement mis

en doute l'équilibre des facultés mentales de l'inculpé. D'autre

part, son ancien patron à B..., avait été l'ès explicite, en disant le

9 août 1895 : « Je n'ai occupé Cing... comme ouvrier que pendant

trois jours et demi. Il raisonnait bien et m'a paru très intelligent

pour son travail de couvreur. C'est un bon ouvrier et je ne me suis

pas aperçu d'aucun dérangement de ses facultés mentales. Enfin,

un ouvrier, son compagnon de travail, avait fait une déclaration

identique. J'ai travaillé, avait-il dit, trois jours avec Cing..., je

n'ai fait aucune remarque sur son état mental, j'ai seulement vu

qu'il était d'une hardiesse extrême. Il marchait sur les toits comme

dans la rite et grimpait comme un chat sans se servir d'échelle ;

son raisonnement m'a paru excellent, car il parlait très bien.

Donc, au moment de son arrestation, les présomptions de folie

chez Cing .. ne paraissaient uniquement résulter que du fait de

son internement dans un asile d'aliénés. Quels furent les résultats

obtenus par son examen direct ?

IL Contrairement aux articulations du rapport médico-

légal de 1893, je ne reconnus pas chez cet individu une réelle

asymétrie de la face, pas plus que de la microcéphalie et une

implantation vicieuse des dents. Les seules malformations,

qui me parurent évidentes, furent un strabisme convergent

et une voûte du palais en ogive. Bien qu'il eût été réformé

pour bronchite chronique, Cing... fut trouvé d'une constitu-

tion robuste et après avoir minutieusement exploré chez lui

la sensibilité générale, il me fut impossible de retrouver une

zone quelconque d'anesthésie, ce qui était singulièrement

suspect. C'est alors que je le questionnai sur ses crises hys-

tériques et son délire des persécutions dont le rapport médi-

cal m'avait donné la relation clinique, et aussitôt Cing..., se

mettant à rire, m'avoua d'emblée que son hystérie n'avait

été qu'une supercherie adroite et que son délire des persécu-

tions d'autrefois avait été simulé de toutes pièces. Il me

raconta qu'il avait mis dedans les médecins, qu'il était assez

fort pour cela et qu'il me duperait bien à mon tour, s'il le

voulait. Je ne fus pas autrement stupéfait de ces brutales

déclarations et priai Cing... de me détailler par le menu les

phases de son existence, en s'étendant principalement sur la

période de son aliénation mentale prétendue. Il me remit

12 7 MÉDECINE LÉGALE.

alors ultérieurement un mémoire contenant le récit très

explicite de sa simulation. Voici ce récit, que je crois devoir

faiie connaître dès maintenant et dont je modifie seulement

l'orthographe : , - .

« Après sept mois de prévention, ayant vu toutes les significa-

tions arriver à mes compagnons, qui passaient aux assises de mars

(en 1892), je le trouvai dur pour moi. Je consultai un nommé G...,

malade évadé d'un asile d'aliénés près d'Aix (Bouches-du-Rhône)

qui me conseilla de simuler la folie et qu'au bout de six mois je

serais dehors.

« Un beau jour je m'entendis avec des camarades et ne man-

geai plus rien, mais me faisant passer du pain par eux en-dessous. »

« Petit à petit, je réduisais la portion, à seule fin d'y habituer le

corps sans trop souffrir, puis je disais aux camarades que j'enten-

dais des voix et notamment celle de AI. le juge d'instruction et de

11. le procureur de la République à L..., qui s'entendait avec un

prétendu abbé de Gy pour me faire voler et me faire couper la

tète.

« Ces prévenus et accusés les rapportaient au gardien-chef et

ce dernier au parquet de L... Puis j'allais à la visite médicale et

disais qu'on me torturait, qu'on mettait des iodoformes (sic) dans

mon pain. Alors M. C... me piqua la tête, le front avec une épingle'

et me demanda si je sentais. Je disais que non sur le front, mais

que si sur les joues à seule fin de le tromper plus facilement. Je

lui disais que j'avais des spasmes nerveux et il me donnait du

bromure que je ne prenais pas; quelques gouttes d'éther que je

prenais et qui m'enivraient, attendu que je m'affaiblissais en

réduisant journellement ma nourriture, afin de tromper tout le

monde.

« Enfin un matin je m'entends avec le malade G... et faisant

avec ma ceinture et une serviette une corde que j'attache à des'

barreaux d'une fenêtre des lieux d'aisance. Puis je recommande

bien à mon camarade G... de crier au moment où je me pendrais.

Sur sa promesse, je barricade la porte et je me pends solide-

ment sans secousse à seule fin de ne pas me disloquer. G... se

mit à crier au secours et l'on enfonce la porte; l'on me dépend.

Je fais le mort, je retiens fortement ma respiration jusqu'à deve-

nir bleuâtre.

« On court chercher un médecin, on me pique les cuisses à

l'éther et je reprends ma respiration petit à petit, tout en affec-

tant des hoquets, des efforts violents; puis je tourne des yeux

effroyables. Le médecin C... me fait donner du lait et fait mettre

du chloral dedans pour me faire dormir, recommande de me faire

donner quelques gouttes d'éther, quand je serais trop secoué par

les spasmes, que je m'étais plaint quelques jours auparavant.

L'ODYSSÉE D'UN DÉLINQUANT SIMULATEUR. 13

Au bout de deux jours je fus mené d'urgence à l'hôpital de L...,

sur un certificat d'irresponsabilité délivré par le D C... Quatre

jours après, je suis transféré à l'asile d'aliénés de D...

« J'étudiai les genres différents des malades. Je vis un hysté-

rique que j'étudiai voulant simuler cette maladie.

« Bref, M. G... m'interrogea, je lui dis que j'entendais des voix,

que l'on était tout le temps après moi, que c'était pour me voler

mes biens de Gy. Cette dernière phrase, biens de Gy, c'était pour

mieux le tromper, qu'il s'entendait avec les persécuteurs de notre

famille, et toul cela sans rire et à des intervalles irréguliers, sur-

tout lorsque le temps était orageux. C'est alors qu'il me fit désha-

biller, me piqua avec une épingle et voulut voir si j'étais anesthé-

sié. A des endroits, je disais que je ne ressentais rien, à d'autres

que si; mais ayant soin de laisser tout un côté comme soi-disant

insensible, à seule fin de ne pas éveiller ses soupçons.

« Sur ces entrefaites vint un nommé P... qui était envoyé par le

tribunal d'A... et qui simulait aussi. Il se disait Ravachol, anar-

chiste et se faisait passer pour ce célèbre assassin. Je lui conseil-

lai de crier fort, de ne frapper personne, de faire du bruit la

nuit et cela à des derniers quartiers de la lune, surtout par les

temps d'orages, de faire des grimaces affreuses (rictus, sic), de

faire ressortir qu'il avait été atteint de maladies vénériennes, de

dire que les soeurs le persécutaient parce qu'il ne voulait pas les

satisfaire, en un mot d'écrire des lettres insensées, de se dévêtir

nu comme un ver, mais cela les jours chauds, à seule fin qu'il

n'ait pas trop à en souffrir, d'obéir aux surveillants à seule fin de

ne pas se faire camisoler, ce qui l'aurait fait souffrir, etc., etc.

« En un mot, j'observais les folies des sujels qui étaient mes com-

pagnons et souvent ce pauvre P..., en lui dictant sa conduite, à

faire surtout en la présence du médecin G..., qui à la visite le

regardait faire ses rictus sataniques et obscènes, et les inscrivait.

« Ce que voyant, moi et P... en faisaient des gorges chaudes.

Bref, je disais que je voyais des fantômes, des guignols, des bêtes

à tête humaine, en un mot tout ce que je remarquais chez les

fous atteints du délire de persécution.

« J'avais trouvé en arrivant à l'Asile une réclame (dite anti-épi-

leptique de Liège) qui donnait certains symptômes des maladies

nerveuses, notamment de l'épilepsie et de l'hystérie. Je m'inculquai

bien le contenu de cette maladie qui était celui-ci : L'hystérie,

maladie presque exclusive au sexe féminin, tirée du mot utérus

matrice, que à tort ou à raison les docteurs en médecine croyaient

que le siège se trouvait dans la matrice ou ovaire, que certaines

personnes atteintes de cette maladie n'avaient pas cette boule qui

part de l'estomac et remonte au cou, fait ou plutôt étouffe le

sujet, gêne la respiration, que d'autres avaient cette boule, qui

n'est autre cliose que les nerfs concentrés et fait gonfler l'estomac;

'1 r MÉDECINE LÉGALE.

que le sujet ressent une douleur perforante au-dessus de la tête,

comme un clou que l'on enfoncerait et que l'on nomme le clou

hystérique; que le sujet sent le mal venir avant que de tomber,

qu'il peut tomber à la suite d'une émotion quelconque, qu'il a une

mousse très légère aux lèvres après ses chutes, ou au commence-

ment du ses crises, que d'abord il pâlit, puis devient très rouge

et reste quelquefois plusieurs minutes à terre, après chute, mais

qui n'est pas le cas ordinaire, que les mouvements sont cloniques

et toniques, quelquefois cloniques seulement; que son caractère

est aigri ou triste, que généralement le sujet ou sujette sont sen-

sibles, etc., etc.

« Me basant sur ces données, je montai la tête à 111. le Dr G...

Petit à petit j'exposai les prétendues convulsions hystériques, mais

en ayant soin de ne jamais tomber devant lui, d'avoir ma connais-

sance lorsqu'il arriverait, rentrant les pouces dans la paume 'le la

main et me raidissant il seule fin de faire croire à une contraction

nerveuse, jetant l'estomac en avant, retenant ma respiration, ce qui

me faisait devenir très rouge, quelquefois violet; en un mot le

trompant fermement. Quelquefois il donnait l'ordre à un surveil-

lant de me pincer à l'improviste. Je laissais pincer jusqu'au sang

sans bouger, quoique ressentant très bien ce que l'on me faisait,

mais j'étais résolu à simuler jusqu'au bout. En un mot j'étais sur

mes gardes. ,

« Il me donna d'abord du bromure de potassium, 6 grammes,

puis je le jetais à la dérobée; alors il me donna du chlorhydrate

de morphine, 25 milligrammes par jour, que je disais me faire

du bien, mais que je faisais couler dans mon cou. Quelquefois

j'étais forcé à avaler, je me contraignais et disais au surveillant,

cela me fait du bien.

« Puis au départ de M. G... en octobre 1593, je comptais sortir

promptement. Je corrompais les employés, flattant leurs passions,

disant toujours comme eux, les contrariant par moments et

finissant par leur donner raison, à seule fin de ne pas éveiller leurs

soupçons, qui auraient gêné mes projets, puis adroitement je les

amenais tout doucement à la captivité et à leur faire passer des

lettres aux autorités supérieures. J'avais fait un passe-partout

avec une clef à sardine, j'allais voler du papier à lettre au chef de

quartier, que je cachais dans la terre.

« Puis je demandais au Directeur une feuille de papier à lettre et

j'écrivais trois lettres ou quatre. Je lui remettais celle qui m'avait

été donnée et faisais passer les autres par des voies détournées.

Puis quelque temps après, je voyais le médecin furieux, ou bien

me faisant des reproches, c'était une réponse d'une de mes lettres.

« Il me faisait surveiller, fallait que j'arrive en face du surveil-

lant, alors je volais une plume au gardien dans sa chambre et

avec une petite écorchure au bras, j'écrivais avec mon sang, rela-

L'ODYSSÉE D'UN DÉLINQUANT SIMULATEUR. 15

tant que le directeur-médecin me gardait toutes lettres adressées

aux autorités et que j'étais forcé d'user de ces stratagèmes pour

revendiquer mes droits. , . ' -

a A force le parquet s'est ému et par ordre du garde des sceaux

au mois de novembre 1894, il me fit appeler devant tous les

membres rassemblés en conseil et me montra les rapports du

directeur-médecin. Je réussis, fort de mon droit, à prouver le con-

traire, et démontrai que je jouissais de la plénitude de mes facul-

tés, dont je ne m'étais jamais départi, mais il est vrai que j'avais

l'ait une bétise en simulant. »

RÉFLEXION ? .

Apres avoir pris connaissance de celte véritable confession,

je demandai à Cing... quelques explications complémentaires

et lui fis remarquer tout d'abord que le second médecin de

l'asile avait conclu à son sujet comme le premier, et notam-

ment en face des crises qui eurent lieu en sa présence, à une

aliénation mentale qui rendait sa maintenue nécessaire.

Cing... répliqua aussitôt qu'il fut amené à simuler des

crises devant ce second médecin, parce qu'il avait compté d'a-

bord sur lui pour obtenir sa sortie régulière et qu'il s'était

aperçu bien vite qu'il le leurrait de réponses évasives, s'en

rapportant pour juger son cas aux notes du registre de la

loi. C'est alors qu'exaspéré, dit-il, de pareils atermoiements,

je simulai plusieurs crises pour éprouver la sûreté de son dia-

gnostic, et que je réussis à le mettre dedans (sic) comme le

premier. Je lui lis observer ensuite que dans une de ses crises

il s'était cependant fait un jour une entaille assez profonde au

cuir chevelu, ce qui était un indice d'inconscience au moment

de la chute. Cing... reconnut aussitôt la justesse de mon

observation, mais répondit qu'il avait alors mal calculé sa

chute et que ce fut bien involontairement qu'un pareil acci-

dent lui était arrivé. S'enorgueillisant d'avoir réussi à tromper

ainsi successivement les médecins et leur entourage, Cing...

revint sur cette prétention dont il avait déjà fait étalage, à

savoir, que s'il l'avait voulu, j'aurais été roulé (sic) comme

mes confrères. C'est alors que je résolus d'obtenir de lui de

me rendre témoin d'une de ses crises et pour y arriver flattai

sa vanité dont j'avais déjà pu mesurer l'étendue, disant qu'en

présence d'une de ses crises, j'aurais à mon tour sans doute

cru à son authenticité. Après quelques hésitations de sa part,

16 MÉDECINE LÉGALE.

je finis par vaincre la répugnance de Cing... qui consentit a

ce que je lui demandais et aussitôt du fauteuil où il était

assis dans mon cabinet, il se laissa choir brusquement en

avant, la face tournée de côté contre le sol. Il avait dans

cette position la face rouge et congestionnée, de la raideur

généralisée et de temps en temps des mouvements convulsifs

dans les membres, les bras comme contractures à la suite et

tordus sur eux-mêmes ; les pouces fléchis dans la paume de

la main, enfin une légère écume se voyait sur ses lèvres. Je

mis fin brusquement à cette scène, en disant à Oing... de se

relever, ce qu'il fit aussitôt, lui déclarant que j'étais d'autant

plus satisfait, que la crise dont il venait de me présenter le

tableau, devait être identique à celles d'autrefois, mais qu'elle

ne pouvait donner l'illusion de la réalité, car tout en présen-

tant certains phénomènes vrais, elle ne donnait l'impression

ni d'une crise d'hystérie, ni d'une crise épileptique. Et en

effet, cette crise m'avait paru d'emblée une espèce d'hybride,

constituée par la superposition atténuée et incomplète des

manifestations convulsives de chacune de ces deux névroses,

ce qui pouvait sinon en démasquer le caractère apocryphe,

du moins en révéler le caractère très équivoque. Je fus donc

convaincu et assuré que Cing... n'était pas un hystéro-épi-

leptique et dès lors je n'eus plus de raison pour lui refuser ce

qu'il me demandait avec insistance, de l'occuper dans l'en-

ceinte de l'établissement à réparer des toitures. Notons

encore que Cing... ne présenta pendant son séjour aucune

trace de délire, et que mis sur le terrain de son ancien pré-

tendu délire de persécutions, il maintint toutes ses premières

affirmations négatives à cet égard. En fuit il ne se plaignit

jamais de la nourriture qu'il trouvait excellente, et ses reven-

dications d'autrefois au sujet de biens à Gy, me parurent

avoir nne apparence de fondement, puisqu'il résultait effecti-

vement d'une lettre de son oncle, en date du 22 novem-

bre 1892, qu'un certain Etienne Cing..., son parent, avait à

Gy « laissé en mourant une succession; qu'il y avait eu un

procès conduit par le notaire L... d'O... et qui n'avait pas été

terminé. » Ceci dit, j'achève maintenant l'exposé des consta-

tations que je fis à l'époque, au double point de vue intellec-

luel et moral.

III. L'inculpé me parut assez bien doué, quoi qu'on en ait

pu dire. Etant donné le peu d'instruction qu'il avait reçue, il

L'ODYSSÉE d'un DÉLINQUANT SIMULATEUR. 17

savait les quatre règles, s'exprimait bien, écrivait passable-

ment malgré de nombreuses fautes d'orthographe et possé-

dait des connaissances historiques. Je remarquai qu'il aimait

les récits de voyage et sa passion pour le drame ; ses convic-

tions religieuses me semblèrent à peu près nulles et constatai

que s'il se défendait de verser dans les théories anarchistes, il

protestait cependant contre l'organisation actuelle ne man-

quant pas de déverser son esprit critique dans ce sens.

Sa mémoire fut trouvée très développée, car il avait

amassé une foule de détails sur les hommes et les choses,

dont il savait tirer parti à un moment donné. Il avait en sa

possession un vieux livre de médecine, dont il faisait son bré-

viaire. L'étudiant moins pour s'instruire en réalité que pour

y puiser des données utilisables selon lui un jour ou l'autre,

Cing... était plein de vanité, car il se glorifiait, comme je l'ai

déjà dit, non seulement d'avoir dupé plusieurs médecins,

mais d'être apte à tout travail, ce qui était évidemment exces-

sif. On aurait pu croire au premier abord qu'il était faible

d'esprit eu égard aux falsifications grossières des pièces ofli-

cielles retrouvées en sa possession, mais en réfléchissant t

comme il l'avait parfaitement observé lui-même en réglant

sa conduite en conséquence, que ces pièces lorsqu'elles sont

comme celles qu'il exhibait, à la fois salies et détériorées par

l'usage, ne sont qu'à peine vérifiées par ceux à qui elles sont

présentées, je trouvai là une preuve de la perspicacité de son

jugement, puisqu'il avait su tabler sur cette façon de faire

presque générale et réussir chaque fois, comme il l'avait

pensé. En même temps qu'il était vaniteux, l'inculpé était

d'une susceptibilité extrême; il en avait donné maintes

preuves et, devant M. le juge d'instruction, il s'était insurgé

contre ce qu'il avait appelé un manque d'égards à son endroit.

Il avait prétendu être interrogé à son heure et comme il n'a-

vait pas eu satisfaction, il avait écrit sur-le-champ à M. le

Garde des Sceaux pour se plaindre de la façon dont on le trai-

tait. Dès qu'il n'obtenait pas sur-le-champ la satisfaction à

laquelle il croyait avoir droit, il se posait en victime. Enfin il

était menteur et chaque fois que son intérêt était en jeu, il

n'était jamais à court d'explications artificieuses.

Pendant son séjour à l'asile, Cing... fut employé, comme

je l'ai dit, à la réparation des toitures de concert avec un gar-

dien qui l'aidait tout en le surveillant. Cette surveillance lui

Archives, 2° série, t. ]X, 2

18 MÉDECINE. LÉGALE.

pesait, comme une marque de défiance qui s'est trouvée ulté-

rieurement justifiée. Il m'avait promis d'ailleurs de ne pas

chercher à s'évader et pour la nuit il couchait au dortoir

commun, où la surveillance était plus effective. Je savais

enfin qu'en cellule, il était capable d'accomplir une évasion

qui eût été périlleuse pour tout autre que lui, car il était

d'une agilité peu commune et sur un toit il était aussi à son

aise que sur le sol. Donc au bout de quelques jours il avait

refusé de travailler à côté d'un surveillant, qui, disait-il, ne

faisait rien et racontait aux religienses du quartier où il tra-

vaillait, des détails blessants sur son compte. De guerre lasse,

je me décidai à enlever le gardien et me fier à sa bonne foi,

ce dont il parut très flatté vis-à-vis des malades et du person-

nel. Tout alla bien pendant quelque temps, son travail d'ail-

leurs fut excellent et rapide et il était rayonnant d'avoir pu

me montrer son savoir-faire en même temps qu'il passait son

temps loin des malades et des surveillants. Ayant retrouvé

parmi le personnel de ceux-ci, plusieurs de ceux qui l'avaient

connu dans sa première séquestration, il les avait englobés

dans la même défiance méprisante, ne manquant jamais de

les harceler par des réflexions mordantes et satiriques, quand

il en trouvait l'occasion, ce qui était loin de lui attirer leur

sympathie. Il l'avait senti du reste, n'acceptant pas d'observa-

tions d'eux, et lorsqu'il leur demandait quelque chose, il

entendait être servi de suite.

Cing..., au surplus, s'était montré insupportable dans son

humour en général et ce fut le trait le plus saillant de son

caractère. Aux observations des gardiens, il répliquait par

des propos indécents, excitant encore contre eux les malades

et leur montrant comment ils pourraient escalader les murs.

Enfin même vis-à-vis de ceux-ci, il ne montrait ni bienveil-

lance, ni tolérance, frappant un jour un malade, pour mettre

un terme à ses bruyantes déclamations, et une autre fois se

relevant la nuit dans le dortoir pour faire taire un nommé 111 ?

qui l'avait empêché de dormir par ses ronflements.

Ces constatations diverses avaient en somme montré Cing...

sous un aspect singulièrement' voisin de celui sous lequel il

s'était révélé à l'Asile, pendant les six derniers mois de sa

séquestration d'autrefois, mais cette indiscipline, cette inso-

ciabilité, cette arrogance et cette susceptibité dans ses allures

n'étaient point par elles-mêmes des preuves de folie.

l'odyssée D'UN DÉLINQUANT simulateur. 19

La situation était telle quand l'inculpé réussit à s'évader.

Cette évasion toute regrettable qu'elle ait été, ne fut cepen-

dant pas, selon moi, un incident d'une réelle gravité. Notre

inculpé, selon toute vraisemblance, ne pouvant échapper

bien longtemps à des recherches sérieuses et son expertise

touchant à sa fin. Au surplus, cette évasion n'était pas de

nature à faire varier mon jugement sur lui et c'était là le

point capital, puisque je possédais tous les éléments suffisants

pour porter un jugement motivé sur lui.

IV. L'état mental de cet individu ne laissait pas que d'être

assez complexe en raison du fait de son internement anté-

rieur dans un asile d'aliénés et des circonstances véritable-

ment exceptionnelles de sa sortie. Et, en effet, si Cing...

n'était pas actuellement aliéné, je dus néanmoins examiner

subsidiairement quel avait pu être son état mental à l'époque

de sa séquestration, car au cas où il aurait été véritablement

aliéné, sa responsabilité pénale aurait pu, de ce seul chef, se

trouver diminuée dans une certaine mesure.

Dans l'hypothèse d'une folie actuelle chez l'inculpé, je n'é-

tais démenti ni par l'observation à laquelle il avait été sou-

mis, ni par ce qu'on savait de positif sur lui, ni même par

l'expertise faite autrefois sur son état mental, en avançant

que cette folie ne pouvait qu'appartenir au groupe de celles

qui ne lèsent pas le raisonnement. Cing..., en effet, avait

prouvé surabondamment qu'il était en pleine possession de

lui-même, puisqu'il raisonnait, observait, faisait des déduc-

tions,,avait gardé en un mot l'intégrité de ses facultés syllo-

gistiques. Or, comme d'une part, la folie impulsive ne ren-

trait en aucune façon dans les données de son cas, et que de

l'autre le délire des persécutions pouvait aussi être écarté du

seul fait que l'inculpé n'avait présenté pendant l'observation,

ni hallucinations, ni illusions sensorielles, ni les interpréta-

tions délirantes spéciales à cette folie, il s'ensuivait que si

Cing... était fou, il ne pouvait l'être qu'en le supposant

atteint de folie morale.

Le seul problème d'une folie morale se posait nécessaire-

ment dans l'espèce en récapitulant l'observation entière de

Cing... A n'envisager celle-ci que superficiellement, il était

certain qu'on ne pouvait qu'être frappé chez cet inculpé de

l'instabilité de ses idées, de la puérilité de certains de ses

jugements, de l'irritabilité manifeste de son caractère, de la

20 MÉDECINE LÉGALE.

vanité de sa nature et surtout de la portée antisociale de ses

actes depuis qu'il avait quitté B..., enfant assisté, jusqu'à

l'époque de son internement, en 1892, dans un asile d'aliénés

et depuis sa sortie de cet établissement. Mais, outre que ces

constatations pouvaient s'appliquer exactement à un imbé-

cile et Cing... était loin d'en être un, je crus pouvoir démon-

trer qu'elles étaient insuffisantes pour étayer l'existence chez

lui d'une folie morale et par suite à entraîner la conviction

dans ce sens. Et, en effet, les fous moraux se recrutent parmi

les individus à hérédité très chargée, et rien n'indiquait que

Cing..., bien que porteur de deux stigmates de dégénéres-

cence physique, la voûte du palais en ogive, un strabisme

convergent, et comme tare d'origine, l'âge avancé de ses

- parents lors de sa conception, fùt un héréditaire vésanique et

par suite ayant, ou bien des fous dans ses ascendants ou ses

collatéraux, ou bien des individus mal équilibrés, épilep-

tiques, hystériques ou suicidés. Dans ces conditions, il eût été

plus qu'excessif de lui reconnaître une prédisposition héré-

ditaire quelconque.

D'un autre côté, les fous moraux présentent dès leur bas

âge une perversion morale qui, s'accentuant encore à la

puberté,- se traduit par une mentalité des plus anormales,

actes de crauté, de méchanceté précoce, etc., ce qui n'était

pas davantage le cas de Cing..., qui ne manifesta subitement

des signes de folie qu'à vingt-quatre ans, sans avoir présenté

dans son enfance ou sa jeunesse des marques de déséquili-

bration mentale. Enfin le fou moral, on le sait, ne s'acharne

qu'après son entourage immédiat, ne ment que pour le plai-

sir de mentir, ne vole que pour le plaisir de voler, ne tue

que pour le plaisir de tuer, et puisant toute sa satisfaction

dans les souffrances d'autrui, ne fait le mal que pour le mal,

tandis que Cing... n'était menteur que pour pallier ses torts

et tirer profit de ses mensonges, n'était voleur que pour se

procurer de l'argent ou des ressources et non pas pour satis-

faire un besoin de son organisme. La différence entre le fou

moral et l'inculpé était donc radicale sans compter que vou-

loir réduire ainsi comme je l'ai déjà dit dans une autre affaire

médico-légale (Annales 111édicu -Psychologiques, j juillet-

août '18as), la folie morale a des actes nuisibles ou criminels

« qui ne s'accompagneraient d'aucun autre indice de déran-

gement d'esprit, concomitant ou épisodique, n'est pas loin

l'odyssée d'un délinquant simulateur. ? 1.

d'être un mythe ». Cela est si vrai que Camuset a déjà pu

écrire (Archives de Neurologie, mars 1892) : « Quand on ren-

contre des individus qui n'ont pas la notion de l'honneur, ni

de la probité, pour qui la vie humaine compte pour peu, dont

les actes sont régis seulement par la passion, par l'instinct et

par l'intérêt, qui souvent tirent leur orgueil de leurs méfaits et

qui font alors le mal pour le mal, on ne dit plus que ce sont

des fous moraux, mais des criminels. » Sans aller ainsi jus-

qu'à la négation même de la folie morale, je me crus auto-

risé valablement à affirmer que Cing... n'en était pas atteint,

bien qu'ayant pu offrir jadis des indices de dérangement

d'esprit concomitants de ses méfaits et en mesure de pouvoir

établir par surcroît, que l'hystéro-épilepsie et le délire des

persécutions dont cet inculpé avait été gratifié, n'avaient

jamais été réels et avaient été simulés par lui, ce qui ache-

vait en outre de prouver qu'il n'était pas faible d'esprit.

Pour démontrer cette dernière thèse, j'aurais pu faire d'a-

bord état des aveux très explicites et très circonstanciés de

Cing... en matière de simulation, et de l'échantillon de son

savoir-faire à cet égard, lorsque sur mes instances, il me

rendit témoin clans mon cabinet, d'une crise semblable s

celles qu'il avait présentées jadis. J'aurais pu ensuite remon-

tant dans son passé, montrer Cing..., cessant de présenter

des crises à l'Asile, lorsqu'il eut acquis la certitude de la

réussite de son stratagème, pour les répéter à nouveau en

décembre 1893, après le changement de résidence du premier

médecin qui l'avait observé, se flattant ainsi d'avoir mystifié

le second, qui s'en rapportant, avait-il dit, trop servilement

au diagnostic de son confrère, lui avait refusé un élargisse-

ment qu'il espérait. Il m'eût été facile de faire observer que

pendant plus de huit mois Cing... n'avait plus présenté de

crises convulsives, lorsqu'il voulut entreprendre d'obtenir sa

sortie par l'intermédiaire du Tribunal, contre l'avis du mé-

decin traitant; qu'une fois libéré, il avait su exciper de sa

prétendue névrose chaque fois qu'il devait en bénéficier,

cherchant à en établir l'authenticité par de faux certificats.

Le faisceau de toutes ces circonstances eût été suffisant déjà

à ébranler, sinon à détruire, l'opinion que cet homme avait

été fou, mais je préférai rester sur le terrain médical pour y

puiser des arguments sans réplique sérieuse.

Me refusant à discuter l'opinion ancienne du Dr C... qui

09 a

MEDECINE LEGALE.

n'avait pas eu un instant l'idée d'une simulation possible de

Cing... et croit peut-être encore aujourd'hui à la folie de cet

individu, dont la tentative de suicide la prison de L...,

aurait dû à l'époque lui paraître tout au moins des plus sus-

pectes, eu égard il l'intérêt évident d'une simulation, je ne

voulus retenir que le rapport médical de 1893 et les consta-

tations de ce document. Ce dernier affirmait, sans preuve

nette et convaincante que Cing... était un héréditaire dégé-

néré ; il admettait l'hystérie comme démontrée, sans qu'une

seule crise eût été constatée de visu, par l'auteur, en se basant

presque uniquement sur une anesthésie cutanée superficielle

des plus faciles à alléguer, mais dont les étranges localisa-

tions (anesthésie de la nuque jusqu'à la septième vertèbre

cervicale, excepté sur la ligne médiane et dans un espace de

deux centimètres de chaque côté de cette ligne, etc.) devaient

inspirer une méfiance bien naturelle. Et, en effet, nous cons-

tatâmes depuis que Cing... n'était aucunement anesthésique,

ce qui eût été singulier dans l'hypothèse d'une hystérie même

latente, alors que cette anesthésie était autrefois si marquée

et le seul signe objectif de la névrose prétendue.

Le polymorphisme du délire observé chez Cing... aurait dû

en outre éveiller l'attention la moins réfléchie sur son authen-

ticité. Dans ce délire à manifestations certainement équi-

voques, on avait trouvé des idées de persécution, des hallu-

cinations du goût et de l'ouïe, des idées hypocondriaques

et même des idées ambitieuses qui étaient survenues simulta-

nément chez un sujet dont la mobilité de caractère et les

troubles nerveux purement subjectifs en faisaient d'ores et

déjà un hystérique à idées de suicide. Cette antinomie n'é-

tait-elle pas bien faite, à priori, pour surprendre et si la

coexistence de plusieurs délires d'origine différente est démon-

trée en pathologie mentale, du moment où l'hystérie était

déjà admise comme cause efficiente de certains phénomènes

morbides, il eût fallu discuter la pathogénie de tous les autres

et se. demander pourquoi la nature eût été assez marâtre

chez Cing..., pour rassembler subitement chez lui et sans

cause prédisposante ou occasionnelle manifeste, presque

toute la pathologie mentale. Cette discussion avait été omise,

comme celle de la simulation par un individu dont la menta-

lité n'avait pas jusque-là été touchée et qui avait un intérêt

majeur il en imposer sur son véritable état d'esprit. D'ailleurs,

l'odyssée d'un délinquant simulateur. 23

quand un délire aussi touffu prend naissance, sans pouvoir

être nettement rattaché à une crise d'hystérie, dont il aurait

été un épiphénomène, chose d'ailleurs sans précédent bien

établi, il eût été bien permis de se montrer sceptique sur sa

réalité objective. Dans la forme qu'avait prétendu lui donner

Cing..., un délire de persécution concomitant de l'hystérie

délirante et évoluant d'emblée vers les idées ambitieuses avec

hallucinations variées était une forme clinique inconnue par

son exagération même. Et en effet, ce n'était pas le type

Lasègue, puisqu'on ne retrouvait pas la période des inter-

prétations morbides préparant l'éréthisme du centre cortical

et par conséquent l'hallucination de l'ouïe. On savait de plus

que Cing... était entré de plain-pied dans la folie, en enten-

dant la voix de ses persécuteurs et que ceux-ci étaient exclu-

sivement ceux qui s'occupaient avec raison de son affaire,

savoir : le procureur, les gardiens de la prison et les méde-

cins qui l'examinaient. Or, cet exclusivisme de ses idées de

persécution, joint à la singularité de leur évolution et à l'ap-

parition subite d'hallucinations, devaient inspirer de plus les

doutes les plus légitimes, pour ne pas dire plus ; enfin le fait

que Cing... avait pu faire des remarques dans le milieu où il

avait vécu, pendant les neuf mois de son observation médi-

cale et s'assimiler successivement différents symptômes d'alié-

nation mentale qui s'échelonnèrent d'ailleurs dans un ordre

chronologique des plus fantaisistes, devait être pris en con-

sidération. Il ne fut pas jusqu'à la lecture des notes médi-

cales (du 1er janvier au 16 novembre 1894) le présentant plu-

tôt comme un être indiscipliné, acariâtre et agressif, que

comme un persécuté toujours immuable dans un délire qui

ne fait que progresser, qui ne fût la démonstration éclatante

d'une transformation bien insolite, survenue dans la menta-

lité de Cing... et par suite la négation du diagnostic de délire

des persécutions, dont il avait été revêtu.

Mais, aurait-on pu dire, la simulation même de cet homme,

en l'admettant comme prouvée, venait à l'appui de sa désé-

quilibration mentale, c'est-à-dire de sa folie ? A cela je répon-

drais que le seul intérêt qu'avait Cing... à simuler, et il n'é-

tait pas douteux, suffisait à faire bon marché de l'objection.

Je crus donc, avec la plus entière conviction clinique, que

non seulement l'inculpé n'était pas aliéné, mais qu'il ne

l'avait jamais été et qu'il était temps d'enlever à cet homme

24 ik MÉDECINE LÉGALE.

la qualité de malade. Il n'avait pas d'ailleurs hésité, dans un

accès de franchise inespéré, il la répudier, en déchirant lui-

même le dernier voile qui aurait pu donner le change à cet

égard.

J'envisageai ensuite, en me plaçant au point de vue de son

entière sanité d'esprit, la conduite de Cing..., et je vis com-

bien celle-ci s'était dessinée logiquement, car le propre de la

vérité est de s'adapter merveilleusement à toutes les circons-

tances de fait. Lorsqu'en 1892, Cing... eut été inculpé d'un

vol (qu'il nie et que peut-être il n'a pas commis), prévoyant

comme il me l'avait dit, que le tribunal correctionnel le con-

damnerait sur la déposition de ses dénonciateurs, il soutint

que le vol avait été accompagné d'effraction, ce qui devait

rendre le tribunal incompétent. Cette première victoire rem-

portée, il se flatta d'en gagner une deuxième devant le jury,

mais son dépit fut grand, quand en février 1892 il vit sa

détention préventive, déjà longue, reculée jusqu'aux assises

de juin ; c'est alors qu'il tâtonna dans la voie de la simulation

de l'aliénation mentale pour s'y jeter définitivement à plein

collier, sur les conseils d'un épileptique évadé d'un asile, qui

l'assurait de sa liberté six mois après, si son stratagème réus-

sissait. A l'asile où on le conduisit, il continua son système

jusqu'au jour où il fut certain que sa supercherie avait plei-

nement réussi (neuf mois et plus), puis il ne présenta plus de

crises et réclama sa sortie, qui lui fut refusée. Il s'évada, fut

repris, porta plainte à toutes les autorités et devint insuppor-

table à l'établissement par son attitude. Un médecin nouveau

vint à l'observer; il espéra cette fois obtenir plus facilement

sa sortie régulière, mais on temporisait contre son gré; dès

lors il se vengea à sa façon en renouvelant ses crises d'autre-

fois, pour éprouver ainsi, a-t-il dit, le savoir de notre con-

frère. 'La satisfaction de l'avoir « mis dedans » obtenue, il

l'insulta, le menaça et écrivit de tous côtés pour obtenir sa

sortie malgré lui, en se disant guéri. Ses allégations finirent

par être écoutées du tribunal; il sortit alors la tête haute en

narguant la médecine. Depuis, il erra sans se fixer nulle part,

enfin gagna Alger où il excipa d'un retour de sa maladie

pour se faire hospitaliser et ensuite rapatrier, mais ne réussit

qu'à donner l'impression d'un chevalier d'industrie. Il revint

àB... et lorsqu'il fut prévenu de vol, il joua de nouveau de

la maladie dont de faux certificats attestaient d'ailleurs l'exis-

L'ODYSSÉE d'un délinquant simulateur. 25

tence, insulta M. le juge d'instruction, le prit de haut avec

lui, le dénonça au Garde des Sceaux et finit par être envoyé,

peut-être contre son gré, dans un asile pour être observé.

Réfléchissant alors qu'au pis-aller, il valait mieux pour un

vol de peu d'importance en somme, qui pourrait n'entraîner

qu'une minime condamnation à temps, revendiquer sa sanité

d'esprit, que de faire le fou, ce qui devait lui attirer une

séquestration peut-être illimitée, il me lit les aveux compro-

mettants que l'on connaît. Enfin, au bout d'un mois environ,

après avoir gagné ma confiance en me promettant de ne pas

s'évader, il s'evada cependant après avoir réfléchi sans doute

qu'il était préférable encore de tenter la chance de ne pas

être retrouvé à temps et échapper ainsi à une répression, que

de charger sûrement, en restant en observation à l'asile, son

casier judiciaire de nouveaux mois de prison. Qu'il se soit

trompé dans certaines de ses déductions, peu importe, l'es-

sentiel fut de montrer que la logique la plus rigoureuse avait

dicté à Cing... sa conduite, la simulation n'ayant été pour

lui qu'un moyen dans le passé, comme sa franchise en était

un autre dans le présent. Un véritable aliéné, dans les mêmes

circonstances, eût été loin de se comporter de là même façon.

Je fus donc amené nécessairement à formuler les conclusions

suivantes qui répondirent à toutes les questions du problème

qui m'avait été posé à son sujet :

'lu Cing... (Jules-Xavier) jouit de la plénitude de ses facultés

mentales ; .

2° Il n'a jamais été aliéné et par conséquent son interne-

ment dans un asile ne peut lui créer un motif d'atténuation

de sa responsabilité pénale;

3° 11 doit rendre compte à la justice des actes pour lesquels

il se trouve poursuivi.

A la suite de mon rapport, Cing... qui n'avait pu être -

retrouvé depuis son évasion, fut le 15 novembre 1895 con-

damné par défaut à six mois de prison. Arrêté ultérieurement

à Marseille sous l'inculpation de vagabondage et de port

d'armes prohibé, il fut condamné à quinze jours de prison

le 23 novembre de la même année. Le 15 décembre suivant,

le tribunal de Saint-Etienne lui infligeait par défaut une

amende de 500 francs pour exercice illégal de la médecine ! /

26 6 médecine légale.

Enfin le 26 décembre 1893, il fut condamné à six mois de

prison pour port illégal de décoration, exercice illégal de la

médecine et outrages à des agents. C'est alors qu'il fit opposi-

tion au jugement par défaut du 15 novembre 1895, préten-

dant s'appeler non Cing..., mais Ducom..., c'est-à-dire qu'il

empruntait le nom du fils de sa mère, né d'un premier ma-

riage. Il fut transféré à B... le 2 janvier 1896 et le tribunal

rendit un premier jugement déclarant qu'il y avait identité

entre Ducom... et Cing... Sur appel, la Cour confirma ce

jugement'et le tribunal put rendre enfin un second jugement

maintenant purement et simplement le jugement par défaut

du 15 novembre 1895. Cing... acheva à la prison de B... la

peine prononcée contre lui à Alger et subit ensuite la peine

prononcée contre lui à B..., puis un dernier arrêt de la Cour

d'appel d'Aix, en date du 24 février IS98, l'a condamné pour

vol à cinq ans de prison, 100 francs d'amende et à la reléga-

tion.

Ainsi se termina l'odyssée de ce simulateur remarquable

qui, loin de finir par l'assassinat comme l'avait prédit un des

médecins qui l'avait observe, se cantonna dans le vol et l'es-

croquerie, et sut mettre encore à profit ses lectures médicales

d'antan et sa cohabitation avec les aliénés, pour s'établir

médecin à Saint-Etienne, puis à Alger où il avait arboré le

ruban rouge à sa boutonnière. On voit qu'il avait fait

des progrès depuis son contact avec la médecine et qu'il

avait plus d'un tour dans sun sac. Je m'applaudis d'avoir

démasqué un tel délinquant, dont l'intelligence naturelle

n'était pas douteuse. Ses aveux de simulation furent pour

moi une superfétation, car mon siège était fait et je n'en fis

état que pour démontrer l'erreur dans laquelle était tombé le

premier expert, sur la foi d'un premier certificat. Je devais

d'autant plus relever cette erreur de diagnostic d'aliénation

que la folie étant admise dans son passé, je devais, pour

déclarer plus fard Cing... responsable, démontrer que cette

folie était guérie, ce qui était impossible en présence des

termes du certificat de situation qui fut libellé, lorsqu'il sor-

tit de l'asile en 1894, par décision judiciaire.

ASILES D'ALIÉNÉS.

Organisation du Ve Asile de la Seine ' ;

Par le D' TAGUgT. ,

Le projet primitif comportait un médecin en chef, assisté d'un

médecin adjoint. Dans son rapport de 189T, au conseil général, : 11. le D'' Brousse ayant demandé que le médecin-adjoint de

Maison-Blanche, fût chargé d'un service, an même titre que ses

collègues de Villejuif, j'ai été amené à proposer la création de

deux sections absolument autonomes. Ce dédoublement du service

médical a amené un remaniement assez important du plan primi-

tif, chaque service comportant ses quartiers ordinaires et ses

quartiers spéciaux.

Chaque section comporte une moyenne de 300 lits; est-ce trop ?

oui, pour les médecins qui demandent l'assimilation absolue des

services d'aliénés à ceux des hôpitaux; mais qui oublient qu'un

bon tiers de nos malades vivent de la vie végétative la plus com-

plète, et qu'espérer modifier leur état physique et mental c'est se

tromper et tromperies autres. Il existe dans la Seine, et en pro-

vince, de grands et de petits services, y a-t-il parmi ces derniers,

toute proportion gardée, une guérison de plus, un décès de moins ?

Je laisse à la statistique, qui a parfois du bon, le soin de

répondre. Je considère que les services de 800 lits et même plus,

comme il en existe en province, peuvent être dangereux pour la

santé, le bien-être des malades ; mais je considère aussi que les

services de 200 malades, et même 150, ainsi que cela a été

demandé au Congrès de Toulouse, ne sont pas moins dangereux.

Dans le premier cas, en effet, on ne fait rien, ou pas assez, sous

le prétexte qu'on a trop à faire ; dans le second, on arrive à s'en

désintéresser pour porter son activité ailleurs, et on ne fait rien, ou

presque rien, pour des raisons absolument contraires. Ces petits

services existent, a-t-on dit, à' l'étranger, c'est une erreur ; mais

existeraient-ils que cela ne prouverait encore rien, tout ce qui nous

vient de l'étranger n'est pas à imiter, et nous l'avons démontré

dans un autre travail inséré dans les Archives de Neurologie.

On s'accorde généralement à reconnaître que la réunion des

' L'asile de llaison-I3lanclie, ou mieux le Va asile, est situé sur le do-

maine de Ville-Evrard, à Neuillysur-\Iarne (Seine-et-Oise).

28 asiles d'aliénés. -

sexes dans un même asile, en facilitant l'échange de services

réciproques, constitue une économie des plus importantes; et,

cependant, par une contradiction assez singulière, ce sont les

asiles qui ne reçoivent qu'un seul sexe qui sont les plus prospères,

les mieux organisés. Pour l'asile de Maison-Blanche la question

devait être prise de plus haut. Parmi les projets généreux de

notre époque-en faveur des aliénés, il en est qui ne peuvent être

acceptés d'emblée et sans contrôle; mais il en est d'autres, au

contraire, qui ont la rare fortune de s'imposer d'eux-mêmes ; tel

est celui qui consiste à donner le plus de liberté possible aux

malades, en tant que compatible avec leur état mental et la sécu-

rité publique. Or, il n'est pas douteux que la réunion des deux

sexes, dans le même asile, où certains services sont nécessaire-

ment communs, ne soit un obstacle insurmontable à cette liberté

dont je viens de parler et ne conduise à sacrifier un sexe au béné-

fice de l'autre.

Comme conséquence de cette mesure, l'asile a été aménagé de

manière à donner aux malades le plus de liberté possible. Ce ne

sera pas, seulement, ici, l'illusion de la liberté par la disparition

des murs et des sauts de loups et leur remplacement par un

simple grillage, dissimulé sous la verdure ' ; mais encore une liberté

relative par la disposition de grands espaces clos, en dehors des

préaux, où les malades pourront se livrer à des jeux divers,-se

promener, sous une surveillance aussi discrète que possible :

liberté qui s'étendra non plus à quelques privilégiées, mais à

toutes les malades qui seront susceptibles d'en jouir dans une

certaine mesure.

Conformément à ce qui existe dans certains asiles de l'étranger,

il a été créé un réfectoire central pouvant recevoir 300 malades.

Y prendre ses repas constituera une récompense pour les aliénées

travailleuses, un encouragement pour d'autres ; pour toutes, un

plus grand confortable et un plus grand bien-être, et surtout, une

diversion puissante à l'existence monotone des quartiers. Ce réfec-

toir central est aménagé d; telle sorte qu'il puisse être trans-

formé, en quelques minutes, en une salle de spectacle.

En créant une usine centrale commune aux deux asiles, pour

l'électricité et l'eau, l'administration a fait une décentralisation

des plus heureuses, dont on ne tardera guère à constater les

excellents résultats. Ce n'est là, très probablement, qu'un ache-

minement à la création de nouveaux services : boulangerie, abat-

toir, ateliers de toutes sortes servant de magasins d'approvision-

nement pour les deux établissements.

Chaque quartier comporte, au rez-de-chaussée, un vestibule avec

' A l'exemple de ce que nous avons fait dans notre service à Bicêtre et

partiellement à l'Institut aéclico-yédarlogiue à Vitry. (B.)

ORGANISATION DU Ve asile DE la seine. 29

un lavabo ; d'un côté deux chambres de gardiennes et un dortoir

de 16 lits, un lit par panneau. Au fond du dortoir, un cabinet

d'aisances avec une vidange spéciale des plus ingénieuses, à droite

et à gauche un lavabo de cinq cuvettes, dont deux avec robinets

indépendants. Les grandes glaces qui les surmontent dans toute

leur étendue constituent une innovation qui ne peut manquer

d'être très appréciée dans un asile de femmes, où la coquetterie

ne perd jamais ses droits. En avant du lavabo, des porte-serviettes

et de petits casiers, avec un numéro correspondant à celui de son

lit, où chaque malade déposera les divers objets qui servent à sa

toilette et qui. dans la plupart des asiles, sont communs à tous

les malades du même quartier. En arrière de ces porte-serviettes,

des bidets et des cuvettes mobiles.

De l'autre côté, le logement de la sous-surveillante, composé de

deux pièces; trois petites chambres d'isolement avec portes vitrées '

en verre dalle; une office avec fourneau, un robinet d'eau filtrée,

un robinet d'eau de Marne : la salle à manger; la salle de réunion.

Au premier étage, sur le palier, un poste de secours contre

l'incendie, la chambre de la veilleuse ; à droite un dortoir de

14 lits avec deux chambres de gardiennes ; à gauche, un dortoir

de 16 lits, offrant les mêmes dispositions que celui du rez-de-

chaussée. Soit au total 49 lits.

La disposition intérieure est exactement la même dans les

autres quartiers (7 pour la première section, 6 pour la seconde),

sauf aux malpropres, où nous comptons une chambre d'isole-

ment en plus et une salle de bain.

L'infirmerie comporte, outre les chambres du personnel de sur-

veillance, au rez-de-chaussée un dortoir de 10 lits, dit de surveil-

lance continue, cinq chambres d'isolement, une salle d'opérations,

une salle de bains, un réfectoire et une salle de réunion. Au pre-

mier étage, un dortoir de 14 lits; dix grandes chambres; des bidets,

un bain de siège, etc...

Après les expériences qui semblent si concluantes du traitement t

par le lit, préconisé par il1. le D1' Magnan,a l'Asile clinique, il peut

paraître téméraire de parler de quartier cellulaire dans un asile

nouveau ; mais n'est-ce pas trop se presser, et aller trop vite en

besogne que de demander la démolition de' ceux qui existent ?

Nous avons donc conservé le quartier cellulaire de Maison-Blanche,

jusqu'à nouvel ordre, mais en le décapitant comme quartier spé-

cial, pour en faire une simple annexe des quartiers d'agitées des

deux sections, et en lui faisant subir des transformations impor-

tantes. C'est ainsi que 12 cellules ont été supprimées pour être

converties en G grandes chambres, soit 3 par section, destinées à

recevoir, pour la journée, les malades qui peuvent être atteintes

d'une crise aiguë, et celles qu'il est nécessaire d'isoler momenta-

nément pour diverses causes, dont le médecin reste le seul juge.

30 asiles d'aliénés.

Les autres cellules, par mesure d'économie, ont été conservées,

telles qu'elles ont été construites, c'est-à-dire assez mauvaises.

Dans ma pensée elles ne devront servir que pour isoler, la nuit,

les malades qui ne peuvent rester en dortoir. Le quartier cellulaire

ainsi compris devient une sauvegarde, un moyen de traitement, et

non plus une sorte de détention rendant la surveillance et la

garde des agitées par trop faciles. Nous ajouterons que cette solu-

tion nous permet de supprimer deux postes de sous-surveillantes

et de reporter le reste du personnel sur les quartiers d'agitées.

La question du couchage, et plus spécialement celui des gâteux,

m'avait d'autant plus préoccupé que dans une lettre adressée à

M. le Préfet, lI. le directeur de l'assistance publique faisait con-

naître que, dans les services de son administration, les lits de

gâteux étaient supprimés depuis longtemps et remplacés par des

lits ordinaires avec matelas en laine de tourbe, ou de libre de

bois, recouverts par une toile imperméable, alors qu'une autre

toile préservait le drap de dessous et le traversin. Or, nous

n'avons trouvé ces lits dans aucun service de Bicêtre ' ou de la

Salpêtrière; tout ce que nous avons pu apprendre, c'est qu'ils

existaient « peut-être » dans un service d'enfants assistés.

Le système de couchage des gâteux dans les services d'aliénés

relevant de l'assistance publique, sauf peut-être celui des enfants,

est des plus primitifs. Je prends la Salpêtrière, par exemple. Les

matelas n'existent, croyons-nous, que dans un seul service, celui

de 111. Jules Voisin. Partout ailleurs, les gâteuses couchent sur la

paille, dans des lits en bois dits à bateau. Le système employé

par M. le Dl' Voisin est à retenir : une paillasse sur laquelle on

étend un matelas ordinaire, qu'on recouvre ensuite d'un drap et

pardessus celui-ci une alèze pliée en huit. S'il s'agit de grandes

gâteuses, cette alèze est roulée autour de la malade, qui se trouve

ainsi emmaillotée comme un enfant. Les malades, cela n'est pas

douteux, passent la nuit dans leurs déjections, ou dans l'urine;

mais n'en est-il pas de même avec les matelas à trois segments de

nos services, avec cette différence, cependant, que nos malades

sont moins mouillées, une partie de l'urine filtrant dans la paille.

après avoir traversé le drap. Mais cet avantage est compensé

par d'autres inconvénients, comme celui qui résulte, par exemple,

de la solution de continuité des matelas à segments qui est fré-

quemment le point de départ d'eschares, d'érysipèle, etc.

Dans son service de la Clinique, 111. le D1' Magnan a adopté ce

système de couchage, mais avec certaines modifications. Le lit en

fer avec sommier remplace le lit en bois et la paillasse, l'alèze est

changée aussi souvent que cela est nécessaire, non seulement le

' Les lits de laine de tourbe ou de fibre de bois sont exclusivement

employés dans notre service de gâteux il Bicêtre. (B.)

ORGANISATION DU Ve ASILE DE LA SEINE. 31

jour, mais encore la nuit. C'est, en résumé, ce que nous ferions

dans nos maisons pour un des nôtres qui tomberait dans le gâtisme.

C'est le système que nous avons adopté pour nos services de

gâteuses. La moyenne des malades de cette catégorie est de

12 p. 100, soit de 30 à 35 par service, sur lesquelles la moitié ne

gâte que d'une manière accidentelle, ou ne fait qu'uriner au lit.

Est-ce trop demander au personnel de ces quartiers qui, soit dit

en passant, est au moins le double de celui des quartiers similaires

de l'assistance, que de changer les alèzes chaque fois que cela est

nécessaire. Pour la nuit, le service sera plus difficile, aussi avons-

nous prévu pour ces quartiers deux veilleuses au lieu d'une. Nous

sommes persuadé que le chiffre des grandes gâteuses baissera

rapidement, du moment où il faudra les changer et il suffira, pour

cela, de les présenter une ou deux fois, par nuit, sur la siège,

comme cela se pl atique dans certains asiles C'était par trop com-

mode de coucher ses malades et d'attendre jusqu'au lendemain

matin pour les changer.

Dans sa visite dans les asiles d'Angleterre et d'Écosse, la com-

mission du conseil général a pu constater qu'il n'y avait pas d'uni-

forme ; à l'asile de Clairbury, notamment, chaque malade choisit le

tissu qu'il préfère et on fait la robe sur commande.

Dans les asiles de la Seine le costume est uniforme et obliga-

toire, qu'on soit calme, agité ou gâteux. Des nécessités de service

ne nous permettant pas de laisser à chaque malade le choix de sa

robe, nous avons adopté un moyen terme entre ce qui se pratique

à l'étranger et ce qui existe chez nous. A Maison-Blanche les

malades auront le choix entre trois robes de nuance différente,

mais de la même qualité. En cas d'évasion, il sera encore facile de

les reconnaître. Dans les asiles de province, à Dun-sur-Auron,

notamment, les malades sont absolument libres d'acheter sur leur

pécule, ou leur argent de poche, une robe de leur goût qui reste

leur propriété. Pourquoi n'en serait-il pas de même à Liaison-

Blanche' ? 11 y aurait à la fois une économie et une satisfaction à

donner aux malades. J'en connais qui n'ont jamais voulu quitter

l'asile, pour une promenade au dehors, pour ne pas se montrer

en public avec le costume de la maison, la livrée de la folie.

Il y aura, dit une circulaire ministérielle, dans les quartiers

spéciaux à agitées épileptiques, malpropres et infirmeries un sur-

veillant pour 10 malades; dans les autres, un surveillant pour 20.

Cette moyenne, qui est loin d'être atteinte dans les asiles de pro-

vince, n'a pas paru suffisante dans la Seine. Nous avons pu aug-

menter cette moyenne d'une manière très sensible, sans grever,

pour cela, le budget d'une seule unité, et voici comment. L'asile de

Maison-Blanche ne comporte pas de salle de couture commune à

' Et dans nos salles de gâteux.

(B.)

32 ' REVUE CRITIQUE.

tous les malades, c'est là une lacune, voulue, ou non, qui n'en

tourne pas moins au grand avantage du travail et, surtout, des

malades. Ne sont admises dans l'ouvroir que les malades absolu-

ment calmes et qui sont susceptibles de donner un travail réel et

productif et qui sont immédiatement réintégrées dans leurs quar-

tiers pour peu qu'elles exigent une certaine surveillance, ou pour

une foule de raisons que les médecins n'arrivent jamais à

connaître. Ce n'est pas ici le lieu de faire le procès du personnel

secondaire des services généraux ; mais n'est-ce pas un non-sens

que de lui confier des malades qu'il ne connaît pas, auxquels il

n'est pas habitué, et à qui on ne fera jamais comprendre qu'il a

pour mission de conduire des malades et non des ouvriers, des

mercenaires ? Au Ve asile, et cela ne constitue pas une innovation

proprement dite, nous aurons un atelier de couture par quartier,

où chaque malade donnera la dose de travail qu'elle pourra

donner, sous la surveillance d'infirmières qui les connaissent,

vivent de son existence. Le nombre de sous-surveillantes ou d'in-

firmières employées à la couture, varie suivant les asiles, de 3 à C ;

nous nous contenterons de 4, que nous reporterons dans les

deux premiers quartiers de chaque section, où doivent se trouver

les ateliers les plus importants. La moyenne, au lieu d'être de

20 dans ces quartiers, ainsi que le veut la circulaire ministérielle,

sera de 12 plus une fraction, non compris les veilleuses dont le

service ne cesse qu'à 8 heures du matin ; dans les quartiers

spéciaux elle variera de 7 à 10.

REVUE CRITIQUE.

Sur le sens musculaire à propos de quelques

travaux récents ' ; ;

Par Henri VERGER,

Chef de clinique médicale à l'Université de Bordeaux.

IL- LOCALISATION cérébrale DU sens musculaire.

Le rôle physiologique des sensations musculaires que nous ve-

nons d'étudier est de nous faire connaître les caractères qualitatifs

' Voir Archives de Seul'ologie, n° 48, t. VIII, 461, 1899.

SENS MUSCULAIRE 33

et quantitatifs de nos mouvements, leur étendue et leur direction

et.la résistance qu'ils rencontrent. Après avoir contribué à former

les images motrices enregistrées dans notre mémoire, elles nous

permettent de contrôler incessamment les mouvements exécutés

à la suite du réveil conscient de ces mêmes images motrices.

L'étude des troubles du sens musculaire pourrait donc ainsi

logiquement comprendre deux divisions principales. Dans la pre-

mière on étudierait les troubles mnésiques résultant de la perte

de ces images conscientes dont nous venons de parler, troubles

qui seraient au sens musculaire ce que la cécité psychique est au

sens de la vision. Dans une seconde viendraient prendre place les

troubles de perception sensorielle, où l'impression née à la péri-

phérie n'est plus perçue soit par suite d'une lésion des voies de

conduction, soit par la destruction des groupes corticaux de cel-

lules sensitives spécialement affectées à ces impressions. En fait

il vaut mieux distinguer d'une part les troubles du sens muscu-

laire consécutifs à des lésions des voies de conduction, où le ma-

lade conserve intactes ses images motrices antérieures, mais ne

peut plus contrôler l'exécution de ses mouvements volontaires, et

d'autre part les troubles consécutifs aux lésions des centres, en

prenant le mot centre non plus dans le sens étroit qu'on lui don-

nait autrefois, mais dans le sens plus large qui en fait simplement

un groupe de neurones sans préjuger en rien de leur exacte délimi-

tation dans l'écorce.

Dans le premier cas le principal symptôme sera l'ataxie des mou-

vements. Dans le second si l'on veut admettre qu'un mouvement

volontaire est toujours et nécessairement précédé de la reviviscence

d'une image motrice formée de résidus sensitifs, on aura une im-

puissance plus ou moins complète de concevoir un mouvement et

par suite de l'exécuter; cliniquement on constatera de la paralysie.

Cette étude de pathologie nerveuse nous amène en somme à

l'étude physiologique des voies de conduction et de la localisation

corticale du sens musculaire.

L'ataxie locomotrice, dont le principal symptôme est une impuis-

sance totale à dirigerles mouvements volontaires, coïncidant avec

la conservation intégrale de la force musculaire, est l'exemple clas-

sique de troubles du sens musculaire par lésion des voies de con-

duction centripète. C'est l'étude de cetle maladie qui a permis de

localiser ces voies centripètes du sens musculaire dans les cordons

postérieurs. Aussi bien n'y a-t-il de ce côté aucune controverse et

ne nous y attarderons nous pas davantage.

11 n'en est pas de même pour le trajet intra-encéphalique de ces

fibres sensitives. Les documents très incomplets dont dispose la

science à l'heure actuelle ne permettent pas de dire si les fibres du

sens musculaire ont dans le bulbe, la protubérance et le pédon-

cule un trajet distinct de celui des autres fibres de la sensibilité

Archives, 2' série, t. IX 3

34 4 REVUE CRITIQUE.

générale, ou si elles s'y mêlent d'une façon complète comme dans

la moelle. L'étude anatomique des dégénérescences est impuis-

sante à combler cette lacune et d'autre part les lésions de cette

partie de l'encéphale sont à la fois trop rares et trop rapidement

mortelles dans la plupartdes cas pour que leur étude puisse fournir

des notions certaines.

Les lésions de la capsule interne sont ¡,l'encontre fréquemment

observéesetpermettent la plupart du temps une survie assez longue

des malades. Aussi de ce côté sommes-nous plus avancés sans que

la question soit encore complètement résolue.

C'est Ludwig Turk ' qui établit le premier en se basant sur des

observations célèbres l'existence d'un faisceau sensitif situé dans

la capsule interne en arrière du faisceau pyramidal, soit dans la

dernière moitié du bras postérieur. Des observations de Charcot,

Magnan, Bourneville, Pitres, etc., vinrent bientôt confirmer cette

manière de voir. Un type clinique particulier était dès lors cons-

titué : c'était l'hémianesthésie capsulaire sensitivo-sen50rielle ana-

logue de tous points aux hémianesthésies hystériques. Ce type

était peu après reproduit expérimentalement par Veyssière 2. Les

troubles du sens musculaire faisaient partie intégrante du syn-

drome. Charcot crut pouvoir distinguer dans cette étroite région

qu'il appela lé carrefour sensitif, pensant que toutes les fibres

sensitivo-sensorielles s'y réunissaient, plusieurs zones secondaires,

admises ensuite par Ballet 3. C'est ainsi qu'il attribua au sens mus-

culaire un faisceau spécial situé en avant du faisceau sensitif pro-

prement dit attribué à la sensibilité tactile, et répondant par suite

en avant au faisceau pyramidal.

Ces notions sont encore classiques à l'heure actuelle. Redlich

admettait cette différentiation en 1893. Cependant plusieurs tra-

vaux récents tendent à remettre la question à l'étude. La contro-

verse qui s'éleva vers 1881 entre les partisans de la voie sensitive

directe (Flechsig) et ceux de l'interruption du faisceau sensitif dans

la couche optique (Von Monakow et 11anhaim) n'est pas encore

terminée. Cependant Flechsig et Hosel * se sont ralliés à une opi-

nion mixte en adoptant l'existence d'un ruban de Reil cortical

direct et d'un ruban de Reil thalamo-eottical. Plus récemment

encore 1)éjerine et Long mettent en doute l'existence de l'hémi-

' Ludwig Turk. liais. Acad. des Wissenscli, vol. XXXV. 1859.

2 Véyssière. L'hémiallesthésie de cause cérébrale. Thèse de Paris,

1874. i.

' G. Ballet. Le faisceau sensitif. Thèse de Paris, 1877.

* Flechsig. Noliz. die « Schleiffe » belre//éml. Neurologisch. Central-

blalt, 1896, p. 419.

1 Déjeriiie et Long. Sur la localisation des lésio21s daiisl'hé) ? ziaîzesiliésie

dite capsulaire. (Société de biologie, °i décembre 1898.)

SENS MUSCULAIRE. 35

anesthésie capsulaire du type classique Turk-Charcot et pensent

que l'hémianesthésie n'existe que dans deux cas :

1° Lorsqu'il y a une lésion thalamique détruisant les fibres ter-

minales du ruban de Reil et les fibres d'origine du neurone tha-

lamo-cortical.

2u Lorsque le thalamus étant intact ses connexions avec l'écorce

cérébrale sont complètement détruites; pour réaliser cette condi-

tion il faut une très volumineuse lésion capsulaire.

Ces auteurs admettent donc que les fibres sensitives font un pre-

mier relai au niveau de la partie postérieure et inférieure du noyau

externe du thalamus. De là partiraient des fibres cortico -thalami-

ques ascendantes. Mais ces fibres ne forment pas dans la capsule

un faisceau distinct; elles occuperaient intimement mêlées aux

fibres descendantes toute la partie postérieure depuis le genou

jusqu'au faiseau rétro-lenticulaire. Ce faisceau rétro-lenticulaire

est composé de fibres visuelles et les lésions siégeant à ce niveau

produisent l'hémianopsie.

Les faits anatomiques sont donc impuissants à nous révéler le

trajet exact des fibres centripètes affectées au sens musculaire.

Il y a tout lieu de croire cependant que comme les autres fibres

sensitives elles ont un relai au moins partiel au niveau de la

couche optique. La clinique montre en tout cas que dans l'hémi

plégie cérébrale vulgaire due à des lésions. capsulaires empiétant

plus ou moins sur la couche, optique et les noyaux du corps strié,

les troubles du sens musculaire sont extrêmement fréquents. Ici

cependant il y a encore controverse. Tous les auteurs sont d'accord

sur la rareté de l'hémianesthésie organique complète et le temps

n'est peut-être pas loin où ce type morbide lorsqu'il existe sera

attribué a des phénomènes hystériques surajoutés il la lésion or-

ganique. Il n'en est pas de même lorsqu'il s'agit des troubles in-

finiment moins saillants et plus difficiles à étudier qui avaient

déjà été signalés par Tripier en 1880 '.

Redlich 2 a trouvé des troubles des sens musculaire et stéréo-

gnostique dans 23 p. 100 des cas. Il a établi que le défaut du sens

musculaire était le symptôme dominant des anesthésies des hémi-

plégiques vulgaires et que bien qu'il n'y ait pas de rapport cons-

tant entre l'anesthésie musculaire et l'anesthésie tactile, elles

allaient rarement l'une sans l'autre.

Bourdicault-Dumay 3 confirme la fréquence des troubles de la

1 Tripier. De l'anesthésie dans les lésions cérébrales. (Revue de méde-

cinq, 1880,)

3Ltedlict. Ueber Slowotgen der Muskelsinns und der Slereognischen

sinnes bei cler cerebralen Hémiplégie (Wt'et ! 6rR7 : ) ! M. n'ochensclu ift,18û3,

il - 2L)

3 Loco cilato

36 REVUE CRITIQUE.

sensibilité générale dans l'hémiplégie cérébrale et admet lui aussi

l'indépendance relative des troubles du sens musculaire et de ceux

de la sensibilité tactile.

Claparède 1 écrit dans ses conclusions : « La perte du sens mus-

culaire est indépendante de l'anesthésie au tact, à la douleur et

aux températures et vice versa.

En examinant ses observations il croit pouvoir établir dans les

types cliniques les divisions suivantes :

1° Anesthésie tactile et perte du sens musculaire;

2° Anesthésie tactile sans perte du sens musculaire;

3° Perte du sens musculaire sans anesthésie tactile.

Il ajoute du reste qu'il ne lui est pas permis de rien conclure,

quant à la fréquence relative de ces trois syndromes. D'autre part,

dans la production du trouble spécial qu'il étudie sous le nom

d'hémiataxie post-hémiplégique il attribue un certain rôle à la

perte du sens musculaire, qu'il aurait trouvé nettement en défaut

7 fois sur 20 observations. Il est à noter que les quatre modalités

du sens musculaire ne sont pas toujours atteintes de la même façon

et au même degré.

A côté de ces auteurs qui admettent la grande fréquence des

troubles de la sensibilité générale et du sens musculaire dans les

hémiplégiques nous en trouvons d'autres qui les nient et les con-

sidèrent comme des quantités absolument négligeables. Abba ne

les aurait trouvés que 2 fois sur 50 observations. Dans ces deux

cas il admet qu'on doive les rapporter à une lésion de la partie

postérieure de la capsule. Cette assertion conforme à l'opinion

classique n'est appuyée d'aucune vérification posl morlem.

Vladimir Aluratov 2 se base pour établir le diagnostic d'une lésion

corticale avec une lésion capsulaire sur ce que dans les lésions de

celte dernière partie le sens musculaire serait intact. Aucune

observation probante, il est vrai, n'est apportée à l'appui de cette

thèse singulière.

Dans la thèse d'Abba l'examen attentif de ses observations

montre que dans beaucoup de cas les malades n'ont été examinés

qu'un ou deux ans après l'ictus initial, et c'est peut-être ce qui

explique la contradiction apparente de sa statistique avec celle de

Dourdicault-Dumay.

Nous avons nous-même étudié cette question avant d'avoir con-

naissance des travaux que nous venons de citer 3 et nous sommes

arrivé à cette conclusion que les troubles de la sensibilité générale

1 hoc. cil., p. 133. ! Wladimir Muratov. Localisation du sens musculaire à propos d'un

cas de traumatisme cérébral. (Nell1'ologischen Cecilrcclblall, 1898.)

3 Henri Verger. Les troubles de la sensibilité générale dans l'hémiplé-

gie cérébrale vulgaire. (Archives cliniques de Bordeaux, 1897.)

SENS MUSCULAIRE. 37

existaient dans l'immense majorité des cas d'hémiplégie cérébrale,

mais qu'ils tendaient à s'atténuer et même à disparaître après un

temps plus ou moins long variant de quelques semaines à plusieurs

mois et même plusieurs années. Nous avons depuis continué ces

recherches et il s'est ensuivi une confirmation de ces idées.

Toutefois, s'il nous est permis de croire que les troubles du sens

musculaire sont pour ainsi dire la règle dans la première période

de l'hémiplégie cérébrale, il nous est plus difficile de savoir exac-

tement dans quel rapport sont atteintes les différentes notions de

mouvements actifs, de position et de résistance. Dans la plupart

des cas la notion de position est manifestement altérée tandis que

les malades conservent la notion brute du mouvement actif et

passif. Cette perte est plus marquée pour les segments de l'extré-

mité des membres, pour les doigts en particulier, que pour ceux

de la racine. il se confirme également que les troubles du sens

musculaire ont une importance beaucoup plus grande que ceux de

la sensibilité tactile. C'est là surtout ce qui paraît acquis en bloc

il l'heure actuelle. La détermination des points de détail demande

de nouvelles recherches.

De même que pour l'étude du trajet des fibres sensitives, l'étude

de la localisation corticale du sens musculaire est inséparable de

celle de la localisation de la sensibilité générale.

Le sens musculaire est plus ou moins lésé chez les individus

porteurs de lésions en foyer siégeant dans la zone rolandique, dans

cette zone que depuis Charcot et Pitres ont dénommée la zone mo-

trice. Beaucoup d'observations en l'ont foi, et d'autre part les obser-

vations données comme contradictoires sont trop souvent incom-

plètes. Nous avons pu établir que l'akinesthésie était le caractère

dominant des anesthésies corticales. A vrai dire elle est rarement

complète; les malades parétiques ont encore la sensation brute du

mouvement qu'ils exécutent, mais ils n'en perçoivent nettement les

yeux fermés ni l'étendue, ni la direction.

Ces seules preuves cliniques, encore bien incomplètes, sont heu-

reusement corroborées d'une part par les recherches expérimen-

tales et d'autre part parles découvertes anatomiques récentes sur

le trajet et les terminaisons du faisceau sensitif. Tout concorde à

montrer que le siège des sensations musculaires se trouve dans

la zone rolandique.

Les auteurs dont nous analysons les travaux s'abstiennent pour

la plupart d'émettre une opinion ferme sur la question. Claparède

et Bourdicault-Dumay acceptent l'existence d'une zone sensitive

musculaire conjointe à la zone sensitive tactile, et comme elle

superposée il la zone motrice proprement dite, Abba se croit en

' Henri Verger. Les anesthésies consécutives aux lésions vaso-7no-

trices. (Thèse de Bordeaux, 1897.)

38 REVUE CRITIQUE.

droit de repousser cette opinion et tend à rattacher toutes les anes-

thésies cérébrales à une lésion de la partie postérieure de la capsule

interne. Mais comme le fait justement remarquer Claparède, la

capsule interne n'est qu'un lieu de passage et il faut bien admettre

que les fibres qui la traversent se terminent quelque part dans

l'écorce.

La conception des centres sensitifs accolés aux centres d'incita-

tion motrice, encore qu'au premier abord elle paraisse le mieux

s'accorder aux faits, est passible de nombreux reproches. Elle parait

surtout un pis-aller et de fait les auteurs qui ont émis cette

théorie sont plutôt sobres de détail quant à son interprétation

psychologique.

La théorie des centres kinesthésiques de Bastian dérivée pour

une part des théories sensitives de Munk et de Schiff est plus

complète en ce sens qu'elle explique les faits d'une façon satisfai-

sante et qu'elle identifie le fonctionnement des éléments de la

zone rolantique à celui des autres éléments sensoriels de l'écorce.

Les circonvolutions frontale et pariétale ascendantes, avec la partie

postérieure du lobe frontal et la partie antérieure du lobe pariétal

seraient l'endroit où se ferait la perception consciente du com-

plexus sensitif que Bastian englobe sous le nom de sensations

kinesthésiques et qui correspond comme nous l'avons vu au sens

musculaire pris dans son accéplion la plus générale. En outre de

leur rôle de perception, les éléments de cette zone auraient un

rôle mnésique. C'est là que se fixeraient les impressions kines-

thésiques dont les diverses combinaisons forment les images

motrices ; nous avons vu que les images motrices ne pouvaient

être formées que de résidus sensitifs. La recolleclion de ces images

motrices serait le pl'imllm moues que nous avons trouvé à l'ori-

gine du mouvement volontaire. Charles Féré a montré à ce pro-

pos comment le réveil à la conscience d'une image motrice était

toujours suivi d'un commencement d'éxécution et qu'entre le

simple phénomène psychique conscient non suivi d'effet apparent

et le mouvement volontaire il n'y avait qu'une différence d'inten-

sité dans la représentation mentale. La dénomination de zone

motrice reste donc vraie quand même dans cette théorie, appli-

quée à la zone rolandique, puisqu'en dernière analyse c'est de là

que partirait l'excitation primordiale qui va retentir sur les cellules

motrices bulbo médullaires.

Toute question de théorie mise à part il serait du reste inexact

de croire que dans les processus perceptifs de la sensibilité mus-

culaire comme aussi de la sensibilité tactile tout doit se passer

dans l'écorce rolandique. En effet, et nous avons insisté sur ce

fait dans notre thèse inaugurale, les anesthésies corticales sont

' Chalton Bastian. The muscularsense. (Brain, avril 18S7.)

SENS MUSCULAIRE. 39

toujours incomplètes et le sujet conserve la perception de la sen-

sation brute en perdant la perception de ses variations qualita-

tives et quantitatives. Nous avons dit plus haut d'autre part que

dans les anesthésies des hémiplégiques vulgaires on retrouvait

souvent des caractères identiques. Il est donc logique de penser

qu'il existe au-dessous de l'écorce ou dans d'autres parties encore

inconnues, des groupes de neurones où peut se faire à la lumière

d'une conscience moins parfaite, la perception des sensations

musculo-tactiles. La destruction des centres supérieurs corticaux

n'abolirait avec les images motrices que les perceptions plus éle-

vées et plus délicates et aussi celle des associations sensitives

complexes d'où résultent les sensations complètes et vives de

l'état normal.

III. - Du toucher actif.

On doit entendre sous le nom de toucher actif un complexus

sensitif qui s'exerce dans sa forme la plus parfaite par la palpa-

tion manuelle et qui permet d'apprécier sans le secours des autres

sens la nature, la forme et certaines propriétés extérieures des

objets placés dans la main. Si à ce phénomène sensoriel vient

s'ajouter un processus psychique d'association soit avec des sensa-

tions de même nature antérieurement perçues et déjà fixées dans

la mémoire, soit avec des sensations différentes, surtout visuelles,

la représentation mentale complète de l'objet surgit dans la

mémoire. En sorte qu'on peut dire qu'il s'agit d'une véritable

vision tactile et continuer la métaphore en donnant au symptôme

qui résulte de la perte du toucher actif le nom de « cécité tactile ».

Ces expressions qui ont déjà été quelque peu employées sont évi-

demment mauvaises en ce sens qu'elles sont susceptibles d'induire

en erreur. Elles ont tout au moins le mérite de faire comprendre

avec force l'idée qu'elles expriment, puisque c'est surtout à la

vision qu'on peut attribuer dans la vie courante la reconnaissance

des objets.

Il nous semble que l'expression de toucher actif est préférable à

celle de sens stéréognostique qu'emploient la plupart des auteurs

et notamment ceux dont nous nous occupons plus particulière-

ment ici. En effet, et dans l'esprit même de l'auteur qui l'a le mieux

étudié ', le sens stéréognostique se rapporte surtout à la notion de

forme des objets comme l'indique du reste l'étymologie. Au con-

traire, l'idée qu'évoque l'expression de toucher actif, plus parlicu-

' Hoffmann. Slcreognosliche Versuche, altgeslellt ur Lrnzilllcezzg der

lUemenle der Gefultlsilzns, aus denen die 1'orslellungen der Korper im

liaume geLilclel werdelz. (Deutsch. Arch. sur Zain. 3lecl., ISSi, p. 528,

et 1885, p. 130 et 39S.

40 REVUE CRITIQUE.

lièrement employée par les Américains est beaucoup plus com-

plète puisqu'elle comprend à la fois l'idée de l'activité nécessaire

pour sa perception et l'idée de reconnaissance tactile en général.

De plus, elle a l'avantage de ne point préjuger' de la nature du

phénomène, et ne tranche point d'emblée la question après tout

discutable, de savoir s'il s'agit d'une association de sensations

élémentaires diverses, ou d'un sens réel ayant une existence auto-

nome.

L'analyse psychologique du phénomène de la reconnaissance

d'un objet par le palper seul reconnaît la mise en jeu de plusieurs

modes de la sensibilité générale dont chacun permet de constater

une propriété particulière. Ainsi grâce à la notion de position des

doigts on reconnaîtra la forme; la consistance ne sera reconnue

que par la perception de la notion d'effort qui mesure la résistance

opposée par l'objet. Mais la forme, l'étendue et la consistance sont

des propriétés insuffisantes, à elles seules, à nous faire reconnaître

complètement un objet. Il faut y joindre les caractères de la

surface extérieure qu'apprécie le tact multiplié par les mouve-

ments de la main qui palpe. C'est l'association de toutes ces sen-

sations complexes qui constitue le toucher actif. L'image tactile

d'un objet est donc en dernière analyse un résidu de sensations

musculaires et tactiles.

Hoffmann avait établi, en se basant sur seize observations cli-

niques, qu'il n'existait aucun rapport constant entre l'état de la

perception stéréognostique et celui des divers modes de la sénsi-

bilité générale. Le sens stéréognostique pouvait être intact avec

un affaiblissement concomitant d'un des modes quelconques de

la sensibilité générale, et inversement il pouvait être aboli malgré

l'intégrité complète des sensibilités à la chaleur, au contact et à la

température de notion, de localisation, de position et de poids.

Bourdicault-Dumay se rallie en partie aux idées précédentes.

Ayant anesthésié par une pulvérisation de chlorure d'éthyle la

pulpe du pouce ou des deux doigts suivants, il a constaté que son

sujet reconnaissait encore les objets. Cette intéressante expérience

montre que si la notion du toucher actif dépend à la fois de tous

les modes de la sensibilité musculo-tactile elle ne dépend complè-

tement d'aucun en particulier. C'est surtout la faculté de localiser

sur le tégument et la notion de position des phalanges qui ont la

plus grande part dans la formation de cette notion complexe. « Il

y aurait, dit-il, trouble du sens stéréognostique toutes les fois

qu'il y aurait abolition des images commémoratives tactiles et par

suite impossibilité de rapprocher les sensations éprouvées de

' Dana. The localisation of culaneous andmuscular sensations and

memories. (Journal of nervous and mental diseuse ? ew-1-orl : , décem-

bre 1891.)

SENS MUSCULAIRE. 41

celles déjà produites par des objets semblables. » Cette assertion

est absolument vraie, mais il ne faut pas oublier que les troubles

du toucher actif existent également avec des lésions des voies de

conduction centripète.

Georges Gasne 1 insiste sur la nécessité de considérer ce sens

stéréognostique à part et en fait le résultat d'une fonction d'asso-

ciation. Il s'appuie sur deux observations où le sens stéréognos-

tique était seul aboli, toutes les autres modalités de la sensibilité

tactile et musculaire étant intactes. Mais il s'agit de deux hysté-

riques et il nous parait que l'on doive, autant que possible, s'abs-

tenir de tirer de ces observations des conclusions applicables à la

physiologie normale, parce que les processus de physiologie

pathologique de la grande névrose sont encore trop à l'état

d'hypothèses.

Un fait cependant ressort clairement de ces diverses études. Le

toucher actif est bien le résultat d'une fonction d'association et

cette seule particularité explique qu'il puisse subsister, certaines

sensations élémentaires étant abolies. En effet, à défaut de pro-

priétés non perçues, une autre propriété pourra à elle seule pro-

duire une impression assez forte pour éveiller de suite l'image

mentale de l'objet considéré. Nous avons vu un malade anesthé-

sique complet au tact mais dont le sens musculaire était intact,

qui à la longue reconnaissait un morceau de pain par la facilité

avec laquelle il l'écrasait. Dans les cas où le toucher actif ne

donne aucun résultat malgré l'intégrité respective de ses sensations

composantes, il s'agit vraisemblablement d'un défaut d'associa-

tion comparable à ce qui se passe dans les aphasies dites de

conductibilité.

Tout cela, comme le fait remarquer Claparède, est encore assez

mal étudié. Toutefois nous ne croyons pas comme lui que la perte

du toucher actif soit un symptôme négligeable en clinique, juste-

ment parce que cette perte révèle une lésion assez importante.

Dans les études que nous avons faites de la sensibilité des hémi-

plégiques, c'est une des modalités sensitives que nous avons trouvée

le plus souvent et le plus profondément atteinte=. Ce symptôme

ne manque également presque jamais dans les paralysies d'ori-

gine corticale. ,

Y a-t-il lieu d'attribuer au toucher actif une localisation corticale

spéciale ? Bourdicault-Dumay croit pouvoir, sous toutes réserves du

reste, localiser cette faculté à l'union du tiers moyen et du tiers

1 Georges Gasne. Sens stéréognostique et centres d'association. (Nou-

velle iconographie de la Salpêtrière, 1898, no 1.)

e Plus récemment (Journal de physiologie et de pathologie générale,

septembre-1899) Claparède a signalé l'altération du sens stéréognostique

dans les hémiplégies infantiles.

1 ? REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

inférieur de la pariétale ascendante des deux côtés. Il s'appuie

pour cela sur deux observations de Wernicke et une de Dubbers,

où l'examen nécroscopique a été pratiqué. Dans les cas que nous

avons rapporlés dans notre thèse inaugurale il s'agissait de lésions

intéressant l'écorce rolandique. Par suite et étant donné qu'il

s'agit en somme d'une spécialisation plus haute et plus complexe

de la sensibilité musculo-tactile de la main et des doigts, il est peu

probable qu'il faille chercher en dehors des centres kinesthésiques

du membre supérieur la localisation du toucher actif. Les argu-

ments de G. Gasne nous paraissent insuffisants à entraîner la

conviction contraire. Toutefois la question appelle des recherches

de confirmation.

Arrivé au terme de cette courte revue des idées exprimées par

les auteurs les plus récents sur le sens musculaire il nous parait

que la question est entrée dans sa phase de fixation définitive, et

que les grandes lignes du moins sont arrêtées. Il ne semble pas

que la psychologie physiologique ait désormais de grands progrès

à faire dans l'étude analytique des sensations musculaires. En

revanche la question de la localisation cérébrale du sens muscu-

laire et de ses rapports physiologiques avec les autres fonctions

de l'encéphale est encore imparfaitement élucidée. Néanmoins

d'importants jalons sont posés et les résultats déjà obtenus nous

permettent d'en espérer bientôt de plus complets.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

1. Génie et folie ; par le De A. Regnard.

Dans un important travail aussi attachant par le fond que par

la forme, l'auteur montre que la folie n'est qu'une exception chez

les hommes de génie : 2 à 2 1/2 p. 100 environ.

Chez onze grands hommes aliénés dont l'histoire est analysée,

toujours la folie a fait tort au génie : seuls les fanatiques religieux

ont été servis par leur état plus ou moins complet d'aliénation

plus ou moins lucide : et la preuve faite pour, les génies s'applique

aux hommes de simple talent.

Le génie sera toujours une énorme exception. Qu'on ne dise

plus, désormais, qu'il confine à la folie ; au plus bas de l'échelle

sont les imbéciles, les fous complets et les fous moraux ; au som-

met les hommes de génie, les héros de l'humanité, dont l'organi-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 43

sation cérébrale parfaite constitue l'épanouissement suprême des

forces organiques, l'essence de la nature et de la vie.

La destinée des peuples a pu se trouver parfois entre les mains

d'aliénés ; mais ceux-ci n'avaient rien à faire avec le génie. et si

certains héros du fanatisme religieux ont pu exercer la plus fâcheuse

influence sur ces destinées, ils ne l'ont fait qu'en exploitant les

instincts les plus inférieurs de l'espèce humaine.

En démontrant que la réalité objective du génie résulte précisé-

ment du fonctionnement du cerveau à son plus haut degré de

perfection, on ruine du même coup la théorie de « l'homme de la

nature ». Ainsi que par le passé l'avenir appartient aux grands

hommes, et non, comme le prétendent les Tolsloïciens, aux médio-

crités. (Annales médico-psychologiques, juin 1899.) E. B.

IL Folie et homicide; par le Dl' ALLSON.

La question des rapports de la folie avec le crime et surtout avec

crimes de violence commis par les maniaques chroniques, les per-

sécutés dangereux, les imbéciles irresponsables, les épileptiques ou

autres, présente une grande importance et intéresse non seulement

le médecin, mais encore tous ceux qui ont às'occuper de l'adminis-

tration de la justice et des méthodes de protection de la commu-

nauté.

De l'intéressante étude faite par l'auteur il ressort que les dan-

gers de folie homicide seraient de beaucoup diminués si les dispo-

sitions suivantes étaient prises à l'égard des aliénés criminels dan-

gereux ; un hôpital spécial pour les aliénés devrait être institué

auprès des tribunaux et institutions pénales.

Il devrait être fait par les tribunaux un examen plus complet

des conditions mentales des personnes accusées de crime. De meil-

leures méthodes devraient être employées pour obtenir le témoi-

gnage des experts médicaux.

Le médecin de la prison devrait disposer d'une autorité plus

grande. Des notes cliniques plus complètes devraient être prises

dans la prison. Les aliénés dangereux devraient être maintenus en

traitement jusqu'à ce que les troubles mentaux aient disparu. (The

A îie ? ica2z Journal of ¡nsanil ? avril 1899.) E. 13.

111. Deux cas de folie syphilitique ; par le professeur BERKLEY.

Dans un premier cas, il s'agit d'nn homme de vingt-huit ans,

syphilitique qui, huit mois avant son entrée à l'asile, eut une at-

taque apoplectique, puis, à quelques mois d'intervalle, une seconde

après laquelle il présente une hémiplégie gauche, de l'embarras de

la parole avec un mélange d'idées de persécution et de grandeur.

A l'asile, il a encore de la parésie du côté gauche, de l'embarras

44 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

de la parole, de l'exagération des réflexes, du tremblement. Mal-

gré un traitement spécifique énergique, l'état empiie peu à peu, la

démence apparaît, il survient des crises épileptiformes et le malade

succombe sept mois après son entrée ; l'autopsie est faite deux

heures et demie après la mort.

La surface de la pie-mère est couverte d'un exsudat gélatineux ;

elle est légèrement adhérente à l'écorce.

Les vaisseaux de la base du crâne sont considérablement épais-

sis et présentent sur leurs bords de fines rayures blanchâtres.

Le bulbe et la moelle sont fortement congestionnés. A l'examen

microscopique, les artères de la base présentent de l'endartérite

oblitérante.

Dans les artères des méninges, la tunique intel ne n'est pas alté-

rée, mais la tunique externe est envahie par une prolifération de

petites cellules rondes a large noyau, disposées sous forme de no-

dules, formant ainsi une périartérite noueuse.

Les vaisseaux des méninges rachidiennes ne présentent que peu

d'altérations. De même, le^ coupes de moelle par les diverses mé-

thodes restent négatives au point de vue pathologique.

Dans le bulbe, quelques cellules présentent, avec le bleu de mé-

thylène, une chromatolyse centrale. Dans l'écorce cérébrale, les

cellules de la névroglie sont nombreuses autour des vaisseaux. Quant

à ces derniers, artères et veines, ils présentent des altérations inten-

sives de leur tunique externe. Les capillaires sont tordus et épais-

sis. En certains points, la lumière de l'artère est oblitérée ; les ter-

ritoires irrigués par ces vaisseaux oblitérés ne se colorent plus par

l'hématoxyline et montrent leurs éléments dégénérés, nécrosés.

En dehors de ces zones de ramollissement jaune, qui ne se voient

plus dans la substance blanche sous-corticale, les cellules nerveuses

ne présentent que de légères altérations. Dans les corps striés, les

altérations vasculaires sont moins intenses que dans l'écorce.

Le second cas rapporté par l'auteur est un cas de folie aiguë dé-

veloppée pendant la période florissante de la syphilis. C'est une

forme de trouble mental assez peu fréquente et toujours caracté-

risée par des crises furieuses d'excitation maniaque suivies d'un

état demi-comateux de durée variable.

L'observation citée en est un exemple typique ; sous l'influence

d'un traitement anlisyphili tique des plus énergiques, le malade

guérit en quelques mois. (The American Journal of iiisaiiity, avril

1899.) E. B.

IV. De la folie post-opératoire; par M. le professeur Duplay.

(Presse médicale, 28 juin 1899.)

M. Duplay résume en ces termes ses idées sur la pathogénie de

la folie post-opératoire. 11 est, jusqu'ici, très difficile de dire quelle

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 45

cause agit spécialement dans le développement de la folie post-

opératoire. Il semble que, malgré quelques exceptions de folie post-

opératoire sans hérédité, sans tare appréciable, on peut presque

affirmer qu'une opération est incapable, par elle seule, de déter-

miner la folie et que celle-ci ne survient que chez des prédisposés ;

la prédisposition héréditaire ou acquise semble jouer le rôle prin-

cipal dans sa production. D'autre part, chez les prédisposés, il est

possible que les intoxications d'origine interne ou externe : alcoo-

lisme, infections, auto-infections, le choc nerveux, la préoccupa-

tion de l'opération, aient, suivant les cas, une certaine part dans

l'apparition des accidents. Quant aux autres causes : anesthé-

siques, antiseptiques, cachexie, nature et siège de l'opération, or-

gane sur lequel elle porte (abstraction faite des interventions por-

tant sur les centres nerveux et sur le corps thyroïde), elles n'ont

qu'une action très secondaire, voire même douteuse.

L'auteur admet que la folie post-opératoire peut revêtir toutes

les formes de l'aliénation mentale ; celles-ci peuvent même, selon

lui, se confondre et se mêler les unes avec les autres. Il pense que

l'apparition de ces trouhles psychiques a lieu généralement du

deuxième au troisième jour après l'opération et que, dans les cas

où ils se développent tardivement, trois ou quatre mois, par

exemple, après l'intervention chirurgicale, on peut se demander si

l'acte opératoire a eu une réelle influence sur la production de la

folie et si on a eu vraiment affaire à des psychoses post-opéra-

toires. Enfin, il considère la guérison comme la terminaison la plus

fréquente de la folie post-opératoire.

Il rapporte l'observation d'un homme de soixante-quatorze ans,

qui a été atteint de troubles psychiques, quatre jours après avoir

subi une légère opération consistant en une incision pratiquée sur

la face dorsale du prépuce dans le but de libérer un calcul retenu

dans la cavité préputiale par un phimosis. Ces désordres céré-

braux se sont traduits tout d'abord par de la bizarrerie des idées

et par des actes désordonnés, sans but; ensuite, se sont manifestées

des idées érotiques et des idées de persécution avec tendance à la

violence, véritable délire de persécution, dit l'auteur, qui se sont

atténuées à leur tour et ont cédé la place à un état mélancolique

avec affaiblissement de la mémoire, incohérence des propos et lé-

ger embarras de la parole. Cet état persistait encore sept mois

après l'opération. M. Duplay attribue les troubles psychiques ob-

servés chez ce malade, à une prédisposition à délirer résultant

de sa déséquilibration mentale, à son âge avancé, à la présence

dans son urine, d'une faible quantité de sucre et de traces d'albu-

mine qui mettait son organisme dans une situation d'infériorité

réelle, et enfin aux craintes qu'il avait éprouvées au moment de se

décider à l'opération. A. Fenayrou.

46 6

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

V. Des troubles comparés du patellaire, du crémastérien et du

pharyngien étudiés chez les mêmes malades aux trois périodes

de la paralysie générale; par nI. DIAR1NUON de 10 ? TYIL. (Presse

médicale, 10 juin 1899.)

Dans ce travail, 111. Marandon de Alontyel rapproche les résul-

tats des recherches qu'il a faites, chez les mêmes malades, sur

chacun de ces réflexes séparément, recherches qu'il a exposées

dans plusieurs mémoires publiés antérieurement. Il compare la

nature des altérations de ces réflexes, leur degré et leur fréquence

relative aux diverses périodes et dans les diverses formes de la

paralysie générale; il étudie aussi les relations de ces altérations,

d'une part avec l'alcoolisme et la syphilis envisagés comme agents

étiologiques de cette affection, et, d'autre part, avec les troubles

de la sensibilité à la douleur et au loucher et les troubles du

sens génital qui s'observent chez les sujets atteints de cette ma-

ladie.

De cet article, qu'il n'est guère possible d'analyser, nous ne

retiendrons que les points suivants : les trois réflexes sont, au

cours de la périencéphalite chronique plus souvent -anormaux que

normaux. Ils sont, à peu de chose près, altérés aussi fréquemment

les uns que les autres (dans plus des deux tiers des cas), à la pre-

mière période de la paralysie générale, et, par la suite, il est très

utile de rechercher ces altérations (exagération, affaiblissement,

abolition) au début du mal, pour faire le diagnostic, dans les cas

douteux. Les troubles de ces réflexes ne fournissent aucune indi-

cation relative au pronostic dans la paralysie générale et il n'est

pas vrai que la conservation de ces réflexes se rencontre surtout

avec un minimum de signes physiques; dans les rémissions, il

n'est pas rare de les trouver tous les trois plus ou moins altérés.

A. FENAYROU.

VI. De la paralysie générale progressive des aliénés chez la

femme; par B. Greidenberg. (Neurolog. CentrulbL, XVII, 1898.)

1 Statistique. Il est entré à l'asile de Symphéropol (Crimée)

de 1885183U, pour la première fois :

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

47

Ce qui fait, pour cent entrées, plus de quinze paralytiques géné-

raux, et presque neuf paralytiques générales. Soit un paralytique

pour six hommes ; une paralytique générale pour onze femmes.

Accroissement de la paralysie générale.

48 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

étaient mariées; 4° ce sont les villes qui en ont fourni le plus ;

5° la combinaison de plusieurs causes telles que la syphilis, l'al-

coolisme, l'hérédité, les émotions morales et le traumatisme

paraît prédominer ; mais l'auteur n'a pu établir l'étiologie que

pour 39 malades. La lutte pour la vie est un terme collectif dési-

gnant toutes les conditions défavorables de la vie dans lesquelles

vit notre société actuelle, elle agit sur tous sans exception et

prépare le terrain sur lequel les cinq facteurs précédemment énu-

mérés se donnent libre carrière ; 6° on constate principalement la

déchéance physique et la démence tranquille; l'évolution est plus

lente, plus paisible et par suite, plus longue que chez l'homme.

Conclusions. 1° Les femmes paraI} tiques générales ont beau-

coup augmenté de nombre et relativement plus que les hommes

paralytiques ; 2° le rapport numérique de la paralysie générale

chez l'homme et chez la femme dépend d'une série de conditions

générales, locales et individuelles ; il ne peut, par suite, être partout

le même ; 3° la femme tend à devenir l'égale de l'homme surtout

dans les classes inférieures et chez quelques sujets des classes

moyennes. Cela a été l'inverse pour l'homme ; aussi chez lui la

paralysie générale a-t-elle commencé en haut de l'échelle sociale

pour atteindre ensuite le bas ; chez la femme elle atteint d'abord

les classes inférieures, puis, maintenant, les classes moyennes.

Maladie d'abord aristocratique chez l'homme, elle devient plus ou

moins démocratique; c'est le contraire chez la femme; 4° en

Taurie, il y a eu un rapide essor de la vie citadine avec tous ses

éléments pernicieux au point de vue du système nerveux; il y

existe plusieurs villes maritimes avec leurs inconvénients sociaux,

et, entre autres, leurs populations flottantes d'ouvriers et de jour-

naliers. Aussi constate-t-on en douze ans la proportion d'une

femme paralytique pour deux paralytiques généraux ; 5- les

causes de la paralysie générale sont les mêmes chez l'homme et

la femme ; chez cette dernière, elles paraissent plus fréquemment

se combiner; 6° Les particularités signalées plus haut donnent à

l'image clinique de la paralysie générale chez la femme un cachet

spécial; 7° la marche en est plus lente, la durée plus prolongée.

P. Keraval.

VII. Des troubles nerveux et psychiques chez les travailleurs du

caoutchouc (Intoxication par le sulfure de carbone); par Il. LAU-

DEiOEWJER. (Neurolog. Centratbl., XVII, 1898.)

Importante monographie écrite à l'aide d'une cinquantaine de

malades et de la bibliographie existante.

I. Troubles somatiques généraux. - Catarrhe chronique des mu-

queuses, bronchite opiniâtre, parfois avec fièvre, gastrite, entérite,

constipation, conjonctivite avec oedème palpébral, érythème facial,

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 49

surlout chez les myopes courbés sur les vases de sulfure; urine

pâle, peu dense, d'odeur douceâtre. Rien dans le sang.

IL Troubles Mft'MMa ? a) Par contact direct : anesthésie locale,

névrite du cubital, parésieavecdégénérescence partielle du médian;

b) névrose ; troubles nombreux de la sensibilité par action centrale

(inhalations) ; neurasthénie avec état aigu et prédominance dans

les extrémités inférieures; lassitude avec incertitude de la démarche

(diminution de la force brute); parésie des péroniers; exagération

des réflexes tendineux et hyperexcitabilité musculaire ; pseudo-

tabes (11 cas); amblyopie avec choroidite (rare); hypochondrie;

affaiblissement de l'énergie psychique, de la mémoire ; apathie ;

rêvasserie, quelquefois excitabilité, agitation, angoisse, loquacité;

atrophie bilatérale des interosseux sans lésion périphérique. Le

pronostic n'est cependant pas mauvais, quand le malade peut quit-

ter l'atmosphère morbigène, au moins dans les cas légers.

III. Troubles psychiques. - Ils peuvent être directement produits

par le poison, ils se confondent souvent avec les troubles nerveux

(voyez l'état neurasthénique et hypochondriaque aigu) et rappel-

lent les phénomènes d'excitation, puis de stupeur des centres mo-

teurs, chez les animaux en expérience. L'influence purement

nocive du poison est démontrée, comme l'influence bienfaisante

des prescriptions hygiéniques. Mais inversement, les tares hérédi-

taires constituent une prédisposition, de même que les tares névro-

pathiques.

Sur vingt-cinq psychopathes observés, il y eut sept formes ma-

niaques. Après une courte phase dépressive. agitation violente, avec

polyidéisme, érotisme, gaieté. Exaltation alternant avec de la dé-

pression hypochondriaque produite par des sensations anormales.

Au milieu de sa loquacité exubérante et joyeuse, le malade se plaint

tout il coup de boutons de soufre qu'il a dans le cou, de son sang

qui s'arrête au coeur, de son estomac. En même temps, tremble-

ments des mains, accélération du pouls, inégalité pupillaire, ou

réaction pupillaire lente. Durée de un à quatre mois. Terminaison

favorable.

La plupart des faits concernent des formes dépressives. D'abord

agitation hallucinatoire, confusion mentale extrême; puis, angoisse

impulsive, idées de persécution, idées hypochondriaques. C'est le

plus souvent un délire mélancolique aigu curable. Durée moyenne,

deux mois trois quarts. Dix observations : quatre seulement incu-

rables ayant abouti à un délire hallucinatoire chronique, non sys-

tématisé, à un délire systématisé chronique provoqué et entretenu

par des hallucinations; à un délire systématisé chronique de persé-

cution et de grandeur.

Observations de stupeur. Elles ont participé de la catatonie ana-

logue à celle de l'hébéphrénie, ou de la stupeur aiguë, et ont

Archives, série, t. IX. 4

50 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. '

généralement guéri après quelques mois de maladie. Pas de phé-

nomènes d'excitation motrice ; pupilles larges et paresseuses.

Chez quelques intoxiqués, on a simplement constaté une altéra-

tion du caractère à modalité furieuse; un affaiblissement prolongé

et incurable des facultés intellectuelles (démence simple) ; une

amnésie très opiniâtre témoignant d'une réelle destruction des élé-

ments corticaux. - La thérapeutique consiste à traiter les symp-

tômes, à faciliter l'élimination du toxique, il relever la nutrition

générale, à instaurer la prophylaxie et avant tout la prophylaxie

industrielle.

P. KERAVAL.

VIII. Quelles modifications a, dans ces dix dernières années, subies

le tableau clinique de la paralysie générale des aliénés ; par

E. NENDEL. (New'olo[j. Centralbl., XVII, 1898.)

1° Elle est devenue démentielle. Statistiques anciennes, statis-

tiques de Mendel en 1880 et de Scholinus pendant les huit der-

nières années. On ne trouve d'ailleurs plus dans les paralysies gé-

nérales typiques les idées de grandeur au^si prononcées qu'aupa-

ravant. Voyez Angioletto (il manicomio, 1897) ; Collins (Médical

Record, 1898) ; Bruns (Société des aliénistes de la Basse-Saxe et de

Westphalie). L'augmentation du nombre des déments paralytiques

s'est effectuée dans un laps de temps trop court pour qu'on puisse

l'imputer à l'amélioration des éléments du diagnostic. ·

2° Les rémissions sont devenues fréquentes et considérables. Les

malades peuvent souvent reprendre leurs occupations pendant un

ou deux ans, et ne paraissent touchés intellectuellement que pour

ceux qui vivent continuellement auprès d'eux. Ou l'affection, cons-

tituée par une crise d'hypochondrie et par des modifications du

caractère, escortées d'une immobilité réflexe des pupilles, d'une

exagération ou d'une absence des réflexes tendineux, de l'analgésie

des jambes, de troubles de la parole ou de l'écriture à peine mar-

qués, guérit tout à coup et ne récidive point avant, parfois, des

années, Il faut donc être prudent en matière de pronostic.

3° En revanche, comme jadis, on constate des cas de démence

extl'aordinairement rapide. Alors, en général, il existe des attaques

apoplectiformes, souvent inaperçues parce qu'elles se bornent à des

vertiges, ou qu'elles ont lieu la nuit.

4° La paralysie générale, plus clémente, est aussi plus fréquente.

Il est probable que la proportion centésimale de sa fréquence ex-

cède l'accroissement du chiffre de la population. Cela est évident

pour la femme, car pour 3,5-4 hommes, il y a maintenant une

femme paralytique.

5° Fréquence ascendante de la paralysie générale et du tabes

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 51

dans le même ménage. Quatorze observations de l'auteur ; netteté

de l'infection syphilitique.

6° Si la moyenne de l'âge n'a pas varié, on constate une exigé-

ration extrême de la paralysie générale chez l'enfant ou le jeune

homme au-dessous de vingt ans (voy. A 1'chiv f. Psychyialrie,

XXVI). Et le sexe féminin y est aussi fréquemment atteiht, sinon

plus, que le sexe masculin. Peut-être des recherches anatomiques

exactes permettront-elles, en ces cas, et dans ceux de démence

familiale de IIomen, de rattacher avec précision, aux lésions sy-

philitiques du système nerveux, celles de la paralysie générale !

7° La progression de la fréquence doit être, en ce qui concerne

l'adulte, rapprochée de la constatation de la syphilis que l'on trouve

dans plus de 75 p. 100 des faits; la lutte pour la vie, les déceptions,

l'excès d'ambitions non légitimées par les qualités du sujet, sont

des causes certaines. En ce qui concerne la femme, son émancipa-

tion et sa participation de plus en plus marquée à la vie sociale

commune expliquent l'essor pris par la maladie.

8° Comment expliquer la modification de la forme ? On manque

d'éléments d'appréciation. Ce ne peut être imputé à l'effet d'un

traitement antisyphilitique antérieur, car qu'il ait eu lieu on non,

le tableau clinique demeure le même ; on ne saurait davantage,

arguer des effets d'un internement précoce ou d'une amélioration

due au traitement. La dégénérescence invoquée par les psychiatres

contemporains, qui rendrait les cerveaux de la fin du xixe siècle,

incapables de fournir de l'exaltation maniaque, n'est pas accep-

table sous la formule actuelle. Peut-être est-ce le poison syphilitique

qui s'est modifié ; il est certain que la syphilis des autres organes

internes est aussi devenue plus bénigne, sans qu'on puisse certifier

que le traitement ait à lui seul produit cela. L'avenir décidera 1. 1.

P. [\¡ : RAVAL.

IX. Fréquence relative de la manie simple aiguë et des formes

périodiques; par 0. IlmecusES.

Indépendamment des autres détails, on a distingué jusqu'à pré-

sent deux formes de la manie tout à fait différentes et par leur

évolution et par leur nature : d'une part la manie simple, aiguë;

d'autre part les formes périodiques typiques de la manie qui se

réunissent aux formes circulaires. Ces dernières, formes pério-

diques et circulaires, sont regardées comme affectant des malades

entachés d'hérédité alors que la manie simple aiguë est consi-

dérée comme attaquant le cerveau normal.

Or, dans la récente classification de Kraepelin la manie simple

1 Nous avons évité chez nos syphilitiques des accidents graves, des

complications cérébro-spmales en insistant sur l'emploi régulier des

bains, des purgatifs et de l'hydrothérapie. (B.)

52' REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

aiguë se trouve comprise dans les formes maniaques de la folie

périodique. La question d'étiologie devient importante : doit-on

s'en tenir à l'ancienne idée que la manie simple est une maladie

du cerveau normal accidentellement affaibli ou considérer avec

Kraepelin toute attaque maniaque comme constitutionnelle.

La question à examiner revient à celle-ci; y a-t-il une manie

simple aiguë, peut-il se présenter ou non, chez un individu à

mentalité normale non entaché d'hérédité, une attaque maniaque

simple se terminant par la guérison D'après les recherches et

statistiques de l'auteur, faites à l'Asile d'aliénés de l3urglii>lzli, sur

233 cas de manie, 17 seulement peuvent être considérés comme

ayant définitivement guéri, soit une proportion de 7,3 p. 100.

Et -encore dans 7 cas seulement il a pu être prouvé qu'aucune

rechute ne s'était présentée depuis quatorze à vingt et un ans, ce

qui porterait la proportion des cas de manie simple aiguë à

4,7 p. 100 cas de manie. Quoi qu'il en soit, il parait certain que

la manie simple aiguë est une maladie rare. (The alimist and

neurologist, janvier 1899.) E. B.

X. Que sont les maladies mentales; par le professeur Arndt.

De l'ensemble des divers processus sensitivo-sensoriels qui

forment la vie consciente générale et surtout de leur coopération,

résulte une conscience plus forte et plus nette, la conscience de

soi-même. La créature se sent quelque chose de complet en elle-

même, comme un tout existant pour elle : le sentiment de l'indi-

vidualité, de la personnalité, le moi prend naissance, ce moi qui

perçoit la sensation et se reconnaît comme tel, comme quelque

chose de spécial, de particulier. De ce moi, qui est une sensation,

dépendent les processus émotionnels et mentaux; de lui dépend la

détermination de l'état mental et moral autrement dit, dans un

cas donné, la santé mentale ou la maladie mentale.

Les maladies mentales ne sont pas seulement des maladies du

cerveau mais bien plutôt des maladies de l'individualité tout en-

tière. Le moi peut être modifié, pathologiquement modifié, malade

même si les sensations qui agissent sur lui, sont différentes de ce

qu'elles étaient auparavant, pathologiquement modifiées elles-

mêmes par la maladie, ce qui conduit à cette idée, confirmée par

l'observation, que toutes les maladies du corps peuvent être une

cause de maladie mentale, de folie chez un individu prédisposé,

présentant un défaut de résistance : la maladie mentale se présen-

tera comme toutes les autres manifestations de la vie.

La modification du moi peut varier depuis les degrés les plus

atténués, le moi restant conscient de lui-même, comme cela se

présente dans chaque maladie, jusqu'aux degrés les plus intenses

qu'on pourrait appeler les falsifications du moi, quand ce dernier

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 53

ne peut plus rien apprécier qui corresponde à la réalité et c'est

alors le véritable terrain de la folie. Si les cas extrêmes sont faciles

à apprécier il n'en est plus de même des cas de transition, des cas

intermédiaires en présence desquels le médecin légiste pourra se

trouver embarrassé. (The alien. ancl¡1ew'ol" janv. 1899.) E. B.

XI. Pachyméningite hémorragique ayant simulé une paralysie

générale; par le DrBoURDIN. (Annales rnédiCO-PSYCIL010g., août 1899.)

Parmi les maladies qui simulent le mieux, sinon le plus sou-

vent, la paralysie générale, la pachyméningite doit être placée au

premier rang, au même titre que les pseudo-paralysies géné-

rales. C'est ainsi que le malade, dont l'intéressante histoire est

publiée et dont la pachyméningite a été constatée à l'autopsie sans

autres lésions, a pu cliniquement présenter successivement tous

les symptômes de la méningo-encéphalite diffuse : idées de gran-

deur, démence, embarras de la parole, indécision de la démarche,

inégalité pupillaire, tremblement de la langue, ictus apoplecti-

formes ou épileptiformes, etc.

La pachyméningite n'offre aucun symptôme qui lui soit propre

et, en ce qui a trait au diagnostic différentiel avec la paralysie

générale, l'erreur peut résulter encore de la similitude d'étiologie :

l'alcoolisme, la syphilis peuvent produire aussi bien l'une que

l'autre maladie; l'hérédité elle-même jouera parfois un rôle adju-

vant très efficace dans l'une et l'autre.

Les deux seuls signes qui, peut-être, pourront parfois faciliter

le diagnostic de pachyméningite, sont :

1° La gravité des ictus et même des vertiges ; ceux-ci, dans la

paralysie générale, où ils se montrent surtout au début, sont ordi-

nairement légers, se réduisent à de simples étourdissements, alors,

que dans la pachyméningite ils sont plus intenses, de plus longue

durée et suivis d'amnésie, quelquefois d'aphasie, et presque tou-

jours d'hésitation, de titubation dans la démarche; 2° l'atténuation

de la déchéance du sujet, tant au physique qu'au moral, avant la

période des grandes attaques. E. BLIN.

XII. Un cas de paranoïa alcoolique; par 11. Seaux. (liull. de la

Soc. de Méd. mentale de Belgiitte, juin 1899.)

Il s'agit d'un homme de quarante-cinq ans, sans antécédents

héréditaires connus, mais se livrant depuis plus de vingt-quatre

ans à des excès de boisson, qui, après avoir offert les symptômes

du délire alcoolique aigu, présenta une maladie mentale caracté-

risée par du délire de persécution avec hallucinations auditives et

visuelles, délire de persécution évoluant dans un cercle exclusive-

ment délimité par des excitations sexuelles.

cl'4 REVUE DE-MÉDECINE LÉGALE.

En même temps on constatait chez ce malade des signes d'al-

coolisme : tremblement très accentué et étendu il tout le corps,

insomnie intense et enfin troubles digestifs très accentués. Pour

admettre la nature alcoolique de la paranoïa constatée chez son

malade l'auteur se base sur l'existence d'un état d'intoxication

alcoolique bien avéré, sur l'absence de toute autre cause, et sur-

tout sur le caractère spécial des idées délirantes et des hallucina-

tions. - G. D.

XIII. Le rôle de l'auto-suggestion dans certaines formes d'aliénation

mentale; par 1\1. A. Voisin. (Revue de psychologie clinique et théra-

peutique, février 1898.)

11. Voisin rapporte l'observation d'une hystérique âgée de vingt

ans, qui a présenté brusquement un délire mélancolique, auquel

n'a pas tardé à succéder un état maniaque avec hallucinations de la

vue revêtant parfois un caractère terrifiant, idées mystiques et

idées érotiques. Pendant près de deux mois, cette malade a obsti-

nément refusé toute nourriture et a dû être alimentée par les

moyens artificiels. Après sa guérison, survenue trois mois environ

après le début de la maladie, elle a pu faire connaître le motif de

son refus persistant de s'alimenter; ce motif résidait dans cette

idée délirante, véritable auto-suggestion, qu'elle devait, comme

Noire-Seigneur, jeûner pendant quarante jours.

L'auteur pense que l'auto-suggestion joue dans l'étiologie et la

.symptomatologie de la folie, un rôle beaucoup plus important

qu'on ne le suppose généralement. 11 reconnaît qu'il est difficile de

connaître en détail ces auto-suggestions des aliénés, parce que,

souvent, ceux-ci n'en parlent pas, ou, ne guérissant pas, gardent

leurs secrets. Cependant il estime que des observations comme

celle qu'il vient de relater, semblent devoir engager et encourager

les médecins à employer la thérapeutique suggestive età supprimer

ainsi les auto-suggestions maladives par des contre-suggestions

appropriées. A. Fenayrou.

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

1. Assassinat d'un médecin par un individu déséquilibré ;

par le D1' WEHRUN.

L'intéressant rapport médico-légal que publie le Dr 1'ehrlin

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 55

démontre de nouveau cette banale vérité à savoir que ce ne sont

pas les fous furieux et les aliénés avérés qui sont dangereux ; mais

ce sont surtout ces individus, dont le nombre est légion, se trou-

vant sur le sentier étroit qui sépare la santé de la folie, qui com-

mettent sous l'influence d'une cause futile les crimes les plus

atroces.

Il s'agit d'un individu passant pour normal et bien doué, qui, à 11

la suite d'une simple discussion relativement à des honoraires,

tue son médecin dans des circonstances particulières.

Le rapport concluait à la responsabilité avec la restriction qu'il

fallait prendre en considération que l'accusé était un déséquilibré

impressionnable et qu'il avait perpétré son crime sous l'impression

d'une forte émotion. L'accusé fut condamné à quinze ans de réclu-

sion. (Annales médico-psychologiques, août 1899.) E. B.

IL La loi dérogatoire aux dispositions de la procédure civile et

à la procédure de l'interdiction; par II. Kurella. (Centmlbl. f.

Nervenheilk., XXI. N. F., IX, 1898.)

Etude des § 650-688 du nouveau code civil allemand, en ce qui

concerne l'interdiction pour maladie mentale. L'interdiction pour

ivrognerie est devenue possible, mais liberté est laissée à chaque

pays de l'Allemagne de donner, au moyen d'une loi régionale,

aux bureaux des pauvres oudescommunesL4rae»iM. Conzznzznalver-

boender) le droit de requérir l'interdiction des buveurs. On pourra

ainsi surveiller et interner cette foule de buveurs qui vont de la

prison à l'asile et vice versa, si l'administration crée des asiles spé-

ciaux pour cette détention.

Procédure de l'interdiction. Les anciennes ordonnances dispo-

saient que l'interrogatoire de l'individu à interdire par le juge

pouvait ne pas avoir lieu quand, d'après l'avis de ce dernier, « il

était insignifiant pour-la décision ». A l'avenir cet interrogatoire

ne peut être supprimé que s'il est lié à des difficultés spéciales, ou

s'il n'est pas praticable sans causer préjudice à l'état de santé de

l'individu à interdire (§ 654).

La nouvelle ordonnance admet l'internement dans un asile de

l'individu à interdire, même, excepté au criminel, dans un asile

privé. Mais il faut : 10 que l'internement, après avis médical : a) soit

demandé pour établir l'état mental, b) soit praticable sans préju-

dice pour la santé de l'individu à interdire; 2° qu'on ait, pour

cette mesure, l'acceptation du requérant (§ 656).

Ce dernier dispositif met la cause à la discrétion du requérant

qui par économie (c'est lui qui supporte les frais) ou par crainte

que l'observation à l'asile ne soit pas favorable à l'interdiction à

laquelle il est intéressé, peut refuser son acceptation. Le juge est

obligé de se prononcer sans cette observation.

56 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

L'observation a l'asile n'est pas admise dans le cas où l'inter-

diction est contestée, ou quand il y a relèvement postulé d'un

jugement d'interdiction ayant force de loi. '

Ajoutons que les dépenses de l'internement sont supportées par

l'Etat quand la motion d'internement est écartée, ou quand l'inter-

diction est prononcée contre un indigent. § 058.

Quel douloureux enfantement ! P. KERAVAL.

III. Le tatouage chez les femmes en correction au Hanovre; par

0. SNELL. (Ce7lli·Lll)i. ? Nel'venheilk" XXI, N. F. IX, 1898.)

L'établissement correctionnel d'Himmelsthiire près Hildesheim

est destiné à l'emprisonnement des condamnées en vertu du 361,

n°S 3-8 du Code pénal. Ce sont des prostituées ayant, à plu-

sieurs reprises, manqué aux prescriptions de la police des moeurs,

ou des vagabondes, condamnées fréquemment pour mendicité,

sans domicile, anciennement aussi prostituées. De 1893 il 1897, sur

464 écrouées on constatait 15 tatouées, soit 3,23 p. 100 de seize à

trente-quatre ans. Comme ailleurs, le tatouage est donc bien plus rare

chezla femme que chez l'homme, etil consiste le plus ordinairement

en lettres et signes simples tels que coeur, anneaux, sur les bras et

les mains de préférence. Point de tatouages obscènes. Générale-

ment il est unicolore, soit bleu-foncé, noir de fumée, encre de

Chine noire, quelquefois bleu-foncé associé à un peu de rouge. Un

seul cas concerne un tatouage rouge (deux lettres en rouge) au

milieu de la poitrine. P. KERAVAL.

IV. Dégénérescence et mariage; par le D'' T.1L13oT.

Le danger qui résulte des mariages consanguins fait de temps à

autre le sujet de travaux médicaux, en même temps qu'il a été

reconnu par l'Église, les lois civiles et la croyance populaire.

D'après les derniers travaux sur ce sujet il n'y a pas plus de

chances de maladie ou d'état anormal pour les enfants issus de

parents consanguins que pour ceux,issus de parents de sang

étranger, à la condition que les parents soient l'un et l'autre

indemnes de toute tendance maladive ou dégénérative. L'erreur

des anciennes doctrines sur lesquelles est fondée la prohibition

des mariages consanguins n'a pas été de constater que la maladie

et les difformités sont plus fréquentes chez les enfants issus de

mariages, mais d'attribuer ce résultat malheureux au seul fait

que les parents étaient reliés ensemble par les liens du sang.

En somme, ce qu'il y a à attendre d'un mariage consanguin,

c'est l'accentuation des caractères familiaux, quels qu'ils soient.

D'autre part il est certain que la similitude de tempérament

produite par un milieu commun, ce que Strahan a appelé la cou-

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 57 Î

sanguinité sociale, peut être un puissant facteur dans la produc-

tion de toutes les dégénérations héréditaires.

Le fait pour les individus de vivre au milieu des mêmes condi-

tions extérieures, d'avoir les mêmes habitudes, les mêmes travaux,

les mêmes distractions, tend à engendrer les mêmes maladies, les

mêmes dégénérations, indépendamment de toute relation consan-

guine : il n'est pas rare que des gens sans aucune relation con-

sanguine même éloignée, soient en réalité beaucoup plus unis par

le tempérament que s'ils étaient cousins ou même plus proches.

(The alienist and neurologist, janvier 1899.) E. 13.

V. Rapport médico-légal sur un cas d'épilepsie psychique; par

les D" de DIOOR et DUCH : 1TE9U. (Bulletin de la Soc. de illéd. men-

tale de Belgique, juin 1899.)

VI. Considérations sur l'inefficacité de la peine chez les criminels

vrais; par le professeur Cesare AGOSTINI. (Revue de psychologie

clinique et thérapeutique, mars 1899.)

L'auteur considère comme justifié ce mot d'Holtzendorff : « Les

systèmes de pénalité sont en faillite. » La peine, telle, du moins,

qu'on la comprend et qu'on l'applique aujourd'hui, ne satisfait pas

aux fins d'une répression aussi équitable qu'efficace et ne réussit

nullement à protéger la société contre la corruption et le dom-

mage inséparables de fout délit. On conçoit facilement que la

peine soit sans action sur les criminels-nés, chez qui le crime est

la résultante nécessaire, inévitable d'une conformation spéciale de

l'organisme et du cerveau; en effet, loin de les amender, la prison

fait naître en eux une haine plus violente contre la société et pré-

pare la récidive; on sait que celle-ci est la règle chez les criminels

vrais. L'inutilité de la peine, comme moyen d'intimidation des

gens disposés à mal faire, est aussi manifeste. Peut-être, cepen-'

dant, le châtiment aurait-il, chez les criminels d'occasion et les

criminels par passion, une certaine efficacité comme moyen de

répression, en favorisant leur amendement, par le sentiment de la

honte et le chagrin qui l'accompagne; mais cet avantage parait

bien faible, si on le met en balance, d'une part, avec la déprava-

tion qu'engendre la vie de prisonnier chez les criminels d'occasion,

et d'autre part, avec le préjudice que cause à la société une sous-

traction d'énergie parfaitement susceptible d'être utilisée à son

profit et de remédier au mal qui a été fait.

« Il n'y a qu'un moyen, pour la société, dit en terminant M. le

professeur Agostini, de lutter victorieusement contre les ravages

du crime, c'est d'appliquer les principes de l'Ecole positive mo-

derne, si bien mis en lumière par Lombroso et Ferri et qui peu-

vent, se résumer ainsi : - substituer à la notion de la responsa-

58 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

bilité morale, celle de la responsabilité sociale; - substituer éga-

lement à la conception de la peine comme instrument d'expiation

et d'amélioration individuelle une conception d'ordre social, fondée

sur le droit que possède la collectivité de se protéger et de se

défendre contre tout élément de nature à menacer ses lois orga-

niques, et, par là, son existence même; remplacer les condam-

nations à temps, pour tout individu incapable de se réadapter

aux conditions de la vie commune, par la relégation perpétuelle e

dans des colonies pénitentiaires où un travail obligatoire indem-

nisera les honnêtes gens des sacrifices que leur coûte l'entretien

des criminels. » A. Fenayrou.

VII. Responsabilité criminelle hier et aujourd'hui; par le D''Miguel

Bombarda (de Lisbonne). (Revue de psychologie clinique et

thérapeutique, janvier 1899.)

Le problème de la détermination de la responsabilité crimi-

nelle, journellement proposé aux médecins par les tribunaux, ne

devrait plus être formulé ; le temps n'est plus, en effet, où le prin-

cipe de la responsabilité criminelle, qui reste encore la base du

code pénal des sociétés actuelles, était universellement admis et où

l'on croyait à la possibilité d'arriver par l'observation intérieure à

la connaissance exacte de tous les phénomènes de la vie psychique.

« Il faut, dit M. Miguel Bombarda; renoncer à entreprendre l'ana-

lyse de l'esprit d'autrui. L'esprit de l'homme est pour lui-même

un océan d'illusions. Nos actes, nos décisions, nos jugements, nos

sentiments même, sont pour nous des phénomènes si obscurs que

nous ne sommes jamais sûrs de rien, en ce qui touche à nos pro-

cessus psychiques et aux motifs qui nous font agir... Si notre vie

psychique est ainsi pleine d'incertitudes pour nous-mêmes, que

n'en sera-t-il pas de celles que nous cherchons à interpréter chez

autrui ? Ici, en effet, redoublent les causes d'obscurité, et la psy-

chologie expérimentale appelée à les dissiper en est encore à ses

tout premiers débuts. » En somme, le problème de la responsabi-

lité criminelle se réduit actuellement à une question de diagnostic;

mais les médecins légistes sacrifient encore, d'une façon générale,

aux anciennes idées, en se perdant dans des analyses psycholo-

giques aussi périlleuses que prétentieuses. Et c'est ainsi qu'ils sont

amenés fréquemment à admettre une responsabilité atténuée,

qui, si elle est, à la rigueur, compatible avec l'hypothèse des facul-

tés de l'âme, se trouve en contradiction flagrante avec le critérium

tiré d'un état pathologique. L'apparence de l'intégrité de l'esprit,

constatée dans certains cas, tels que ceux d'épilepsie non compli-

quée de folie, selon l'expression consacrée, ne saurait justifier l'ad-

mission de la responsabilité atténuée; les fous moraux sont et

doivent être considérés comme des malades et l'on n'a pas à se

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 59

préoccuper de savoir,si on ne risque pas, par cela même, de qua-

lifier d'aliénés l'immense majorité des criminels de droit commun.

En somme, selon 11. Miguel Bombarda, « la constatation d'un

trouble fonctionnel du cerveau, anesthésie, paralysie, convulsions,

qui, de par sa persistance doit être' élevé à la hauteur d'un stig-

mate est suffisante à dénoncer la maladie. C'est la « marque de

fabrique », c'est le signe évident d'une construction défectueuse de

l'organe psychique, d'une anomalie de l'évolution ; c'est le signe

de la maladie mentale. C'est donc assez pour le diagnostic et,

partant, pour la décision de l'expert ». A. Fenayrou.

VIII. Le problème de la responsabilité et l'expertise judiciaire ; par

le D1' Joanny Roux. (Revue de psychologie clinique et thémpeu-

tique, février 1899.)

L'auteur signale la nécessité de refondre sur'de nouvelles bases

le code criminel; le libre arbitre n'est qu'une illusion : le détermi-

nisme le plus absolu règne partout, aussi bien dans les actes hu-

mains que dans les autres phénomènes de la nature; par suite, il

ne saurait être question de responsabilité. L'idée de vengeance,

conséquence de l'admission du dogme de la responsabilité, doit

être abandonnée, et la société doit simplement s'efforcer de pré-

venir le crime et d'en réparer les conséquences. Il est à souhaiter

que les magistrats renoncent a poser aux médecins-experts, cette

demande : Ce prévenu est-il responsable ? Quel était son degré de

responsabilité ? Ceux-ci, en effet, ne peuvent répondre qu'à côté de

la question. Ce que la justice devrait demander aux médecins-

experts, c'est de déterminer sous quelles influences l'inculpé a agi

. et dans quelle mesure il peut se corriger et réparer le mal qu'il a

causé à la société. A. LB\A71toU.

IX. La paralysie générale au point de vue médico-légal; par M. le

professeur Iiow,I,EVSSZ. (Bull de la Soc. de Méd. mentale de Bel-

gique, décembre 1898.)

Au point de vue médico-légal l'auteur envisage trois circons-

tances dans lesquelles les actes d'un paralytique général peuvent

donner lieu à une expertise : 1 dans l'état de maladie, 2° pendant

les périodes de lucidité et 3° après sa mort.

Dans l'état de maladie il faut distinguer la période prodromique,

la période d'état et la période de démence.

Pendant la période prodromique le système nerveux central du

prévenu étant déjà dans des conditions anormales de nutrition et

de fonctionnement, celui-ci rie doit être considéré que comme par-

tiellement responsable des actes qu'il parait avoir accomplis dans

un état de parfaite conscience, et, comme entièrement irrespon-

60 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.' \ '

sable de ceux qui présentent un caractère de morbidité plus

accentué.

A la période d'état ainsi qu'à celle de démence il va de soi que

l'irresponsabilité et' l'incapacité civile doivent être considérées

comme absolues. ·

La même conclusion s'applique aux actes commis par des para-

lytiques dans leurs intervalles lucides ou pendant les rémissions

de la maladie. -

Quant à l'appréciation rétrospective d'actes commis par des

paralytiques alors que ceux-ci sont morts, elle est incontestable-

ment beaucoup plus délicate et devra être surtout basée autant

que possible sur des faits objectifs, en particulier sur les carac-

tères de l'écriture et sur les dépositions des témoins. G. DENY.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

1. Iodisme constitutionnel, thyroïdisme et maladie de Basedow;

par le Dr ,TAUN1N. (Rcu, méd. de la Suisse romande, mai 1899.)

Sans avoir la prétention de trancher d'une façon absolue la

question encore controversée de la pathogénie de la maladie de

Basedow, l'auteur, s'appuyant sur les relations étroites de l'io-

disme constitutionnel et du thyroïdisme avec cette affection, se

déclare plutôt partisan de la théorie thyroïdienne du goitre

exophtalmique.

Il admet qu'à côté des cas où la lésion thyroïdienne est primi-

tive, il en est d'autres d'origine nerveuse, ou cette lésion est se-

condaire et relate un certain nombre de faits qui viennent à l'appui

de cette opinion. G. DENY.

II. Le traitement de l'épilepsie par l'association de l'adonis

vernalis et des bromures; par le Dl' Spinhayer. (Bulletin de la

Soc. de Méd. mentale de Belgique, décembre 1898.)

L'auteur a fait prendre la mixture de Betcherew (adonis ver-

nalis et bromure de potassium) à onze épileptiques sans interrup-

tion pendant un mois. Chez tous elle a été fort bien supportée mais

aucun d'eux n'a guéri. La mixture cependant a eu dans un cas

des effets manifestes consistant en une diminution du nombre ou

de l'intensité des accès ; dans deux cas on a observé en outre une

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 61 1

amélioration de l'état intellectuel et chez une malade une suppres-

sien presque complète de l'urination au lit.

Dans les cinq autres cas, on n'a pas constaté de modification des

accès. Le traitement de Betcherew s'est montré supérieur aux

bromures seuls dans cinq cas. Dans un cas où son action avait été

nulle le traitement de Flechsig (opium et bromures), a au contraire

donné des résultats assez satisfaisants. G. D EN Y.

III. Traitement et guérison d'un cas de tic sans angoisse; par

M. P. IIartenberg. (Revue de psychologie clinique et thérapeutique,

janvier 1899.)

Observation d'un malade qui, ayant pris, à l'occasion d'une

éruption d'acné, l'habitude de se gratter la face, n'a pu, malgré

les efforts volontaires les plus énergiques, se défaire de cette ha-

bitude vicieuse, qui est devenue un véritable tic sans angoisse,

selon l'expression de 111. Hartenberg. Le traitement a consisté en

une série d'exercices (combinaisons de mouvements de flexion et

d'extension de l'avant-bras sur le bras et d'élévation et d'abaisse-

ment du membre), tendant à établir une association étroite entre

le geste vicieux et un mouvement antagoniste destiné à le corriger,

de telle sorte que l'ébauche du premier entraînât aussitôt la mise

en oeuvre du second. Au bout de six jours de traitement, le malade

était guéri.

A propos de cette observation, M. Hartenberg fait ressortir l'im-

portance de l'angoisse comme élément de pronostic des tics. Le

tic sans angoisse, simple habitude vicieuse, développée sur un

terrain névropafhique, mais à névropathies de préférence uni-

formes avec manifestations superficielles et transitoires, est facile-

ment curable. Quant au tic avec angoisse, véritable obsession mo-

trice systématisée, manifestation d'un état anxieux fondamental,

il est d'une ténacité désespérante, comme les autres obsessions,

telles que la folie du doute, le délire du toucher, etc.; il résiste, le

plus souvent, au traitement local et peut même être aggravé par

lui; en pareil cas, il faut ^'attacher à modifier le terrain patholo-

gique sur lequel le tic a pris naissance : c'est donc contre la né-

vrose d'angoisse, et non contre le tic, que doivent être dirigées les

ressources de la thérapeutique. A. FENAYROU.

IV. Le rôle du sommeil provoqué dans la thérapeutique sug-

gestive ; par le Dr P. Valentin. (Revue de psychologie clinique et

thérapeutique, septembre 1898.)

L'auteur distingue entre le sommeil profond, suggéré, identique

au sommeil naturel, et le sommeil profond des somnambules hys-

tériques, étudié par Charcot sous la dénomination d'hypnotisme.

62 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

Tandis que le premier consiste en la transformation pure et simple

du sujet en dormeur ordinaire et n'a rien de pathologique, le

second est un accident nerveux, équivalent expérimental des atta-

ques spontanées de somnambulisme naturel. Indépendamment de

ces deux états où le sommeil est réel, il en existe un autre dans

lequel les sujets n'ont.que l'illusion du sommeil, mais une illusion

si forte qu'ils la prennent eux-mêmes pour la réalité. La première

variété de sommeil profond n'est guère favorable foi la suggestion

thérapeutique ; il faut, en effet, réveiller le malade, tout au

moins dans une certaine mesure, pour le faire bénéficier des sug-

gestions étrangères au sommeil lui-même; c'est dans la période

hypnagogique qu'on utilise alors avec le plus de fruit son aptitude

naturelle à accepter les idées et à les traduire en actes. La deu-

xième variété, l'hypnotisme des hystériques, très efficace contre

les désoi dres somatiques de l'hystérie est remarquablement infidèle

contre les troubles purement psychiques; le grand hypnotisme est

impuissant à modifier favorablement la personnalité des bystéri1

ques, -parce que la condition même de son existence est une ma-

ladie de la personnalité. A plus forte raison, ne saurait-il être

érigé en méthode éducative. Quant à cette variété de sommeil pro-

fond qui n'est que l'illusion du sommeil, il facilite la suggestion

en exaltant la suggestibilité des sujets; ceux-ci, en effet, se trou-

vent placés, par ce fait qu'ils ont accepté l'idée de dormir, dans

un état de passivité consentie de tout l'organisme qui met

à la disposition de l'opérateur une source d'énergie immense,

issue des profondeurs de la vie affective et qui ne demande qu'à

être canalisée dans le sens de la guérison. Il est aujourd'hui

démontré que l'intervention de ce sommeil est loin d'être néces-

saire dans tous les cas pour obtenir des résultats thérapeutiques

par la suggestion. En somme, le sommeil provoqué est une pré-

face au traitement psychologique, mais non une partie essentielle

et intégrante de ce traitement. Il sert tantôt d'amorce, tantôt de

point d'appui à la suggestion thérapeutique. Il a donc sa place

marquée parmi les nombreux procédés auxiliaires dont dispose le

médecin psychologue pour s'assurer l'obéissance du malade et le

diriger à son gré. Bien qu'il ne soit pas en droit meilleur de ces

procédés, un rôle important lui restera dévolu dans la thérapeu-

tique suggestive. A. Fenayrou.

V. Les progrès de la médecine contemporaine et l'hygiène des

fonctions psychiques; par le Dr ,I . A. Sikorsky (de Kiew)

(Traduit du russe par M. Bramson. (Revue de psychologie clinique

et thérapeutique, novembre et décembre 1898.)

Al. Sikorsky affirme la nécessité du travail pour l'entretien de la

vie et de la santé du système nerveux; mais il ajoute que si un

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 63

travail régulier et modéré exerce sur la santé neuro-psychique

une influence favorable, en revanche l'irrégularité du travail et

son exagération, le surmenage, ont sur elle une action manifeste-

ment perturbatrice. Le travail d'élaboration des idées qui constitue

le mode le plus élevé de l'activité psychique, est particulièrement

utile : en lui, en effet, git la source féconde de ce perfectionne-

ment continu du dynamisme cérébral, qui se produit, selon l'ex-

pression consacrée, « à l'état d'exercice », et dépend tout entier

d'un bon fonctionnement des centres psychiques supérieurs.

L'auteur est d'avis qu'il faut périodiquement interrompre le travail

quotidien ordinaire et le remplacer par le travail intellectuel; il

est amené à souhaiter la diminution du nombre d'heures de travail

de l'ouvrier, nécessaire pour donner à celui-ci le minimum de

loisir'indispensable à la satisfaction des besoins supérieurs de

l'homme. Il constate l'action funeste du poison psychique le plus

répandu, l'alcool, et vante les bons effets de certaines boissons,

telles que le café et le thé, qui exercent sur le système nprveux une

action fortifiante et stimulante. Enfin, il insiste sur la nécessité de

la diffusion de l'instruction populaire; car, pour lui, améliorer le

fonctionnement cérébral, c'est augmenter d'autant la force de

résistance de l'être humain. A. rwannou.

VI. Résultats obtenus à la clinique de psychothérapie d'Amsterdam,

de 1893 à 1897 ; par le D' W. Van Rentergueu. (Revue de psi cho-

logie clinique et thérapeutique, mars et avril 1898.)

L'auteur a traité par les divers procédés de la psychothérapie,

principalement par la suggestion à l'état de sommeil provoqué,

488 malades. Sur ce nombre, 55 seulement ont été réfractaires aux

manifestations hypnotiques. La grande majorité des malades

traités étaient des adolescents ou des adultes ; ils étaients atteints,

pour la plupart, de maladies chroniques et avaient été soumis

sans succès, antérieurement, à d'autres médications. La proportion

des guérisons s'est élevée à 32 p. 100, celle des demi-guérisons à

25, p. 100, celle des améliorations à 10 p. 100; l'effet n'a été nul

que dans 17 p. 100 des cas.

Sur 27 malades atteints d'affections organiques du système ner-

veux, 10 ont été améliorés (3 hémiplégies, 3 myélites chroniques,

une sclérose en plaques, 3 tabes). Le traitement s'est montré

particulièrement efficace contre les manifestations hystériques et

neurasthéniques; l'auteur estime que dans la pluralité des cas

d'hystérie et de neurasthénie, on doit recourir à la thérapeutique

suggestive, tant à l'état de veille qu'à l'état- de sommeil. Son expé-

rience lui permet d'affirmer que, contrairement à tout ce qui a été

soutenu, les neurasthéniques sont en général hypnotisablea. Les

essais de traitementdel'épilepsie par la psychothérapie n'ont donné

64 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

aucun résultat. Cette méthode thérapeutique a été employée

avec avantage chez un certain nombre de malades atteints de

troubles mentaux divers : Ainsi M. Van Renterghem attribue au

traitement moral prolongé aidé de la suggestion à l'état de veille

et à l'état de sommeil, la guérison de 6 mélancoliques ou lypéma-

niaques (sur 12 traités); il signale aussi la guérison de deux cas

d'alcoolisme chronique, d'un cas de morphinomanie et d'une

psychose consécutive à l'influenza et l'amélioration de 3 cas de

délire systématisé, d'un cas d'insanité morale, de 2 cas d'obses-

sions, d'un cas de syphiliphobie etc. Nous trouvons encore men-

tionnés dans ce travail, de nombreux succès complets ou partiels,

obtenus dans le traitement de diverses affections névropathiques,

d'accidents nerveux tels que névralgies, crampes, douleurs indéter-

minées, etc., de troubles fonctionnels dus à des maladies internes

ou externes, de la chlorose et des troubles menstruels, etc. L'au-

teur fait remarquer, que, dans un grand nombre de cas incurables,

il a réussi à faire du bien à ses malades par un traitement psy-

chique et suggestif; il considère la suggestion comme un succé-

dané précieux de beaucoup de remèdes : narcotiques, eupeptiques,

roborants, etc. A. Fenayrou.

VII. Quelques considérations sur la suggestion thérapeutique; par

11. A.-A. Liébault (de Nancy). (Revue de psychologie clinique et

thérapeutique, décembre 1897.)

M. Liébault donne, dans ce travail, un résumé de ses idées surle

principe, le mode d'action, les procédés et les résultats de la sug-

gestion thérapeutique. Cette méthode de traitement n'est que l'uti-

lisation de la propriété qui appartient à l'esprit de réagir, au

moyen des centres et des nerfs soumis au cerveau sur les fonctions

et les tissus de l'organisme. « D'après les travaux de lI. le D1' Du-

rand (de Gros), on sait que le cerveau, centre des centres, possède

pour sa part, et comme en double, les propriétés que les autres

centres inférieurs possèdent chacun séparément. En conséquence,

les impressions enregistrées dans le cerveau représentent des sen-

sations venues du monde extérieur par l'intermédiaire des termi-

naisons sensibles et déjà préformées antérieurement dans les centres

inférieurs du système nerveux. 11 en résulte qu'il suffit d'intro-

duire l'idée dans le cerveau pour reproduire dans le domaine des

centres inférieurs, en lieu et place, et avec exactitude, les phéno-

mènes vitaux qui lui correspondent et dont les organes doivent

être le siège. » De simples affirmations à l'état de veille, ont la

propriété de provoquer des effets curatifs chez certains sujets ; ces

affirmations deviennent autrement efficaces si elles sont faites

pendant le sommeil artificiel; et, dans ce cas même, elles agissent

d'autant mieux et plus vite que les sujets sont plus près de l'état

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 65

somnambulique profond. Le sommeil provoqué, résultat d'une

suggestion reçue d'autrui, comme le sommeil naturel est la con-

séquence d'une auto-suggestion, permet, en effet, au sujet, privé

de son pouvoir d'initiative, de diriger sur n'importe quel point de

l'organisme, d'après la 'suggestion qui lui est adressée, sa force

nerveuse préalablement accumulée sur l'idée de dormir. Ainsi

s'explique la possibilité de la production de phénomènes d'excita-

tion ou de sédation, le cerveau diminuant ou augmentant, suivant

les cas, son influence active sur les tissus; on comprend de même

que, plus il y aura de force nerveuse immobilisée sur l'idée de

dormir et plus les effets curatifs obtenus parla suggestion devien-

dront importants.

Les procédés de suggestion ne peuvent guérir toutes les affections

morbides, mais ils ont, du moins, et surtout dans le sommeil, une

influence bienfaisante sur le plus grand nombre d'entre elles,

quand même elles seraient incurables. Jamais, dit M. Liébault,

les agents médicamenteux n'arriveront, dans certaines maladies, à

la hauteur des résultats que donne la suggestion thérapeutique.

Ainsi, il a obtenu lui-même, par cette méthode, la guérison d'un

grand nombre d'affections chroniques contre lesquelles, les traite-

ments ordinaires avaient échoué, tels que des goitres kystiques,

des tumeurs parotidiennes, des engorgements ganglionnaires, des

ulcères variqueux, une ulcération du pied pour laquelle l'amputa-

tion avait été jugée nécessaire. II n'ignore pas que ces faits sont

regardés comme des impossibilités par la plupart des médecins;

mais il ajoute qu'ils ne sont pourtant pas plus extraordinaires que

d'autres, tels que l'apparition d'exanthèmes, de vésication et de

stigmates, qu'il a obtenus avec le concours de MM. 13ernhéim,

Beaunis et Liégeois, par la suggestion seule ou renforcée par une

émotion. 0 A. FENAYROU.

VIII. A propos du traitement de la maladie des tics; par E. Speul.

(Journ. de Neurologie, 1899, n° 1.)

Pour prouver que c'est bien à la suggestion et non à l'isolement

que doit être attribuée la guérison de certains tics, l'auteur rap-

porte l'observation d'un enfant de quatorze ans, atteint d'un tic

généralisé de la face, chez lequel l'isolement absolu prolongé pen-

dant trois ans n'a produit aucun résultat. La suggestion directe, à

l'état de veille, a déterminé au contraire la guérison au bout de

trois semaines. G. D.

IX. Un cas de sclérose en plaques traité par la méthode de ré-

éducation fonctionnelle; par le D' P. IIartenberg. (Revue de psy-

chologie clinique et thérapeutique, juillet 1898.)

Il s'agit d'une malade de vingt et un ans, atteinte de sclérose

Archives, 21 série, t. IX. 5

66 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

en plaques depuis cinq ans environ. Les divers traitements aux-

quels elle avait été soumise ne lui avaient procuré que des amé-

- locations passagères, et, en définitive, avaient échoué. Bien que

peu confiant dans le résultat définitif de la méthode thérapeutique

qu'il allait mettre en oeuvre, M. IIartenberg a eu l'idée de faire sur

cette malade un essai de rééducation'fonctionnelle. Les symptômes

dominants étaient les suivants : Contracture musculaire des mem-

bres inférieurs, titubation, vertige, émotivité exagérée, nystagmus;

au point de vue fonctionnel, ils se traduisaient par un manque de

stabilité de la station debout, une grande incertitude de la marche

et une sorte d'agoraphobie. Le traitement, exposé en détail dans

ce travail, a consisté en un entraînement progressif, physique et

psychique (exécution d'exercices réguliers et méthodiques de

marche, appuyée par des exhortations, des conseils, une stimula-

tion énergique par la voix, le geste, etc.); il a été suivi assez rapi-

dement d'une amélioration notable. Trois mois environ après le

début du traitement, on ne constatait « plus de vertige, plus de

nystagmus dans les positions moyennes, plus de titubation, plus

d'agoraphobie, la contracture tendait à disparaître complètement.

L'état physiqne et psychique était excellent. L'état des réflexes des

membres inférieurs n'avait jamais varié », ce qui prouvait que

l'amélioration était purement fonctionnelle. Malheureusement,

cette amélioration n'a pas persisté et, à la suite d'une contrariété,

est survenue brusquement une aggravation due probablement à

une nouvelle poussée de myélite.

L'auteur fait observer que la méthode de rééducation dont il

s'est servi dans ce cas, diffère par le but poursuivi, les procédés

employés et le mécanisme thérapeutique, de celle que M. Froenkel

a inventé pour le traitement du tabes. Celui-ci s'adresse unique-

ment au symptôme ataxie, tandis que par celle-là, M. IIartenberg

s'est efforcé de corriger, à la fois, la contracture, les vertiges, la

titubation et secondairement le nystagmus et l'instabilité neuro-

musculaire, base physiologique de l'émotivité. De nouveaux faits

d'observation permettent actuellement à l'auteur de penser qu'il

n'est pas impossible d'obtenir par cette méthode, dans le traite-

ment de la sclérose en plaques, des résultats plus favorables que

ceux qu'il a eus dans le cas présent; mais la persistance de ces

résultats reste toujours subordonnée à la rapidité d'évolution des

lésions anatomiques de la maladie. A. Fenayrou.

X. Le rôle de l'émotion dans la pathogénie et la thérapeutique

des aboulies; par MM. IIartenberg et VALENTI : '1. (Revue de psy-

. chologie clinique et thérapeutique, décembre 1897 et janvier

1898.)

Les auteurs considèrent, avec 11. Ribot, l'émotion comme un

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 67 I

complexus psycho-physiologique constitué, d'une part, par des

modifications du système vaso-moteur, et, d'autre part, par la

conscience que nous avons de ces modifications. Deux grandes

variétés d'émotions, la tristesse et la peur, comprenant une série

.de variétés secondaires qui en sont comme des nuances (abatte-

ment, découragement, angoisse, terreur, etc.) exercent tout par-

ticulièrement une influence paralysante sur la volonté. Suivant

Lange, le substratum physique de la première consiste en une

constriction anormale des petits vaisseaux; celui de la seconde

réside, en cette même constriction, à laquelle se joint une con-

traction spasmodique de tous les muscles organiques. Dans les

cas d'aboulie générale, l'émotivité dépressive très développée des

sujets, a une tendance plus ou moins marquée suivant le cas, à

entrer enjeu à propos des diverses déterminations volontaires, à se

fixer sur les idées qui commandent les actes et à opposer son

action inll1bitoire au pouvoir dynamogène de la volition, provo-

quant ainsi un état de lutte susceptible de s'accompagner d'une

véritable angoisse. Dans ces cas, l'émotivité revêt tour à tour des

modes d expression nombreux et variés. Au contraire, dans les

aboulies que les auteurs appellent paiticulières, parmi lesquelles

se rangent les phobies inhibitoires, l'émotivité se localise d'une

manière constante sur un territoire déterminé de l'activité volon-

taire ; elle n'entre en jeu que dans des circonstances spéciales qui

la provoquent et en favorisant la répétition. Parmi ces phobies

inhibitoires les auteurs distinguent : 1° les phobies constitution-

nelles qui se sont liées à un fond de dégénérescence héréditaire

et sont le plus souvent rebelles au traitement (Exemple : l'agora-

phobie essentielle de Legrand du Saulle); 2° les phobies occasion-

nelles survenant chez des nerveux non dégénérés à l'occasion d'un n

événement insolite qui a décharné et comme polarisé leur émoti-

vité, L'idée du fait initial rappelle l'émotion et celle-ci. à son tour

ramène l'aboulie; ce sont des aboulies par hypermnésie émotive.

1\1 : \1. Valentm et IIartenberg; préconisent contre ces diverses

aboulies par émotivité, le traitement moral. Les aboulies géné-

rales, indice d'un trouble général et permanent des fonctions

volontaires, ne peuvent être combattues que par des méthodes péda-

gogiques spéciales, mises en jeu dès le premier âge et ayant pour but

l'éducation méthodique de la volonté, de la sensibilité, de l'intel-

ligence et du sens moral. Contre les aboulies particulières, les

auteurs ont employé une méthode thérapeutique nouvelle qu'ils

ont appelée'le traitement par l'action. Cette méthode repose sur

cette opinion que, l'élément émotionnel étant le facteur prépon-

dérant dans la production des aboulies par émotivité, il y a lieu de

s'attaquer directement à lui, c'est-à-dire de chercher à modifier

physiologiquement le terrain émotionnel sur lequel l'aboulie a

pris naissance. Voici comment les auteurs décrivent ce mode do

b5 REVUE DE THERAPEUTIQUE.

traitement et le mécanisme de son action : « Nous faisons agir

nos malades et nous dirigeons leur activité précisément dans le

sens où l'émotivité vient lui faire obstacle. Le mouvement ou le

système de mouvements qu'ils ne peuvent pas accomplir, nous le

leur faisons exécuter. Un sujet, par exemple, qui a une impotence

fonctionnelle par auto-suggestion émotive et qui ne marche pas

par peur de la douleur, nous le faisons marcher. Pour cela, nous

le prenons par la main, nous le stimulons de la voix et du geste,

nous le tirons en avant malgré lui, sans accorder d'importance

aux symptômes physiques de sa peur, - pàleur, dyspnée, an-

goisse, ni à ses supplications constantes. Nous triomphons de l'in-

hibition créée par son émotivité. Nous recommençons dès le len-

demain et autant qu'il est nécessaire, les divers temps de cette

gymnastique psycho-mécanique. Ainsi, cherchons-nous à obtenir

du même coup plusieurs résultats distincts : 1° Tout d'abord l'exer-

cice musculaire provoque une vaso-dilatation qui a pour consé-

quence subjective, le retour des états émotifs slhéniques : la joie,

la confiance, le sentiment de l'énergie. 2° Ensuite par l'exercice et

la stimulation, nous secouons la torpeur et la dépression du ma-

lade, nous rétablissons les fonctions de la motilité, partiellement

ou totalement oubliées. 3° D'autre part, l'action augmente considé-

rablement le pouvoir de l'idée curative que notre suggestion a in-

troduite dans le cerveau; du moment qu'une idée est réalisée, elle

s'affirme et se fo·tifie. 4° Enfin, l'exécution de l'acte est pour le

malade la preuve indiscutable de sa possibilité. Elle ébranle en

lui la conviction de son impuissance plus profondément que ne

sauraient le faire les plus éloquents discours. Les faits sont les

meilleurs arguments. » MM. Hartenberg et Valentin affirment que

la méthode du traitement par l'action leur a donné de bons

résultats qui les engagent à persévérer dans cette voie.

A. Fenayrou.

XI. Quelques cas traités par l'hypnotisme et la suggestion; par

R. Osgood MASON. (The New-York médical Journal, 14 jan-

vier 1899.)

Les cas rapportés par l'auteur peuvent se diviser en quatre caté-

gories : 1° cas d'un caractère purement psychique ; 2° cas démon-

trant les effets de la suggestion sur les processus physiologiques;

3° traitement des souffrances physiques; 4° emploi éducationnel

de l'hypnotisme. Nous résumons ici les diverses observations con-

tenues dans ce travail.

1° Observation I. - Femme de quarante et un ans, mariée,

mélancolie avec idée prédominante d'une complète inaptitude aux

choses les plus ordinaires de la vie. Amélioration, puis gué-

rison, sans rechute jusqu'à présent.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 69

Observation IL,- Jeune fille dont le père est médecin, dix-

huit ans, excellente santé, terreur de la foudre et des éclairs.

- Guérison.

2° Observation III. Jeune allemande, vingt-six ans, céliba-

taire, très intelligente, sans hystérie, sans nervosisme. Constipa-

tiun rebelle : effet immédiat d'une cuillerée d'eau dont l'action a

été suggérée.

Observation IV. Femme de quarante-deux ans, célibataire,

institutrice, grande facilité à rougir dès qu'on lui parle; elle s'en

afflige parce que sa rougeur attire l'attention, mais surtout parce

qu'elle s'accompagne d'une véritable confusion mentale qui lui

lait perdre les idées et les mots et la rend ridicule. Cet état s'est

amélioré, et à l'heure actuelle, elle continue elle-même son trai-

tement au moyen de l'auto-suggestion.

Observation V. Femme de trente-huit ans, célibataire,

névrite traumatique dont le début remonte il trente-cinq ans,

coloration violet foncé de la main et du bras droit, qui sont froids,

désagréables au toucher, et frappés d'impuissance absolue : les

muscles sont atrophiés, les doigts contractés. Ce cas est traité par

le sommeil hypnotique seul, sans suggestion ; tous les phénomènes

anormaux ont disparu au réveil ; toutefois ils ne tardent pas à

reparaître, mais cèdent de nouveau au sommeil hypnotique.

L'expérience n'a pu être poursuivie, la malade étant morte

trois semaines après.

3° Observation VI. Femme de vingt-huit ans, mariée ; cinq

jours après son troisième accouchement température très élevée,

congestion de la face, troubles mentaux. insomnie, pouls à 116,

dur, irrégulier : douleur dans le dos et les membres, angoisse.

l'as de lait, pas de gonflement des seins. Au réveil du sommeil

hypnotique, les conditions suggérées se réalisent : sensation de

bien être et abaissement de la température. Guérison lente,

mais complète.

Observation VII. Acteur de quarante deux ans, alcoolique et

morphinomane. Le traitement par la suggestion hypnotique dura

six mois et la guérison fut parfaite.

4° Observation VIII. - Garçon de neuf ans; père criminel,

mère douce et intelligente. Notion du bien et du mal très

émoussée : cet enfant est sujet à des violences à des colères, à des

actes de cruauté. Le traitement hypnotique a donné des résul-

tats très marqués et très avantageux.

, Il. DE IUSGR.\1'E-CL.1Y.

70 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

XII. Les résultats définitifs du traitement thyroïdien dans le cré-

tinisme sporadique; par Henry Koruh. (The New-Yorlc médical

Journal, 16 juillet 1898.)

Autrefois les malades atteints de crétinisme soit endémique soit

sporadique étaient groupés ensemble dans des asiles communs.

Fagge, en séparant le crétinisme sporadique de l'endémique, a

-réalisé un premier progrès; aujourd'hui le traitement thyroïdien

en réalise un second en permettant de soigner dans la famille les

cas sporadiques. Les résultats de ce traitement sont frappants, car

au bout de trois semaines les phénomènes les plus apparents de

la maladie s'atténuent ou disparaissent. Le myxoedème facial

s'atténue, l'état d'anémie s'améliore, la langue diminue de volume

et l'enfant reconnaît sa mère. Mais dans l'étude des résultats du

traitement, il convient de distinguer entre les cas qui appar-

tiennent à la première enfance, à l'enfance, à l'adolescence et à

l'âge adulte. Ce serait trop demander à un traitement que de

réclamer de lui une égale influence dans les cas où l'organisme

est depuis des années assommé par la maladie et dans ceux où il

vient seulement d'être atteint. On peut donc prévoir que les résul-

tats seront d'autant plus satisfaisants que l'influence idiotisante se

sera exercée pendant un temps plus court. L'auteur rapporte ici

trois cas appartenant à la toute première enfance ; il rappelle à

cette occasion les symptômes bien connus du crétinisme spora-

dique et montre que les symptômes disparaissent pendant le trai-

tement thyroïdien.

Il y a une seconde catégorie de crétins, dont l'âge va de quinze

mois à deux ou même il quatre ans et chez lesquels le médecin se

trouve en face d'une idiotie crétinique complètement développée ;

l'auteur en rapporte deux cas ; et il y a enfin une troisième caté-

gorie, qui deviendra d'autant plus rare que le médecin sera plus

habile à découvrir de bonne heure la maladie : elle comprend les

crétins appartenant à la seconde enfance, à l'adolescence, à l'âge

adulte : dans ces deux catégories les résultats du traitement

thyroïdien, encore assez favorables dans la seconde, s'abaissent

considérablement pour la troisième.

Avant tout et par dessus tout, la médication thyroïdienne sup-

plée à l'absence de fonction du corps thyroïde. Il n'est donc pas

étonnant que l'on voie souvent les symptômes reparaître quand

on suspend la médication.

On a proposé récemment de soumettre à la médication thyroï-

dienne pendant leur grossesse les femmes qui ont mis au monde

un crétin. En le proposant on a évidemment pensé à la syphilis,

où cette méthode peut, en effet être utile; mais l'analogie n'a rien

de réel et les faits la contredisent au lieu de justifier : le succès

même de la méthode ne prouverait rien.. Il. de MosGnnvE-CLAY.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 71 1

XIII. Effets bienfaisants de la suppression des bromures dans le

traitement de l'épilepsie, par Frederick PETERSON. (The New-York

Médical journal, 2a avril 1897.)

S'il est impossible de méconnaître la grande utilité des bromures

chez beaucoup d'épileptiques, il faut bien admettre d'autre part

que chez un grand nombre de malades, ils ne donnent aucun

résultat avantageux, et que chez quelques-uns leur administration

est même suivie d'effets fâcheux : on en arrive même quelquefois à

se demander si le remède n'est pas pire que le mal. Une opinion

généralement admise veut qu'on ne puisse pas, sans inconvénient

ou même sans danger, supprimer la médication bromurée. L'auteur

se propose de démontrer que cette opinion n'est pas fondée. Les

cas où la suppression radicale du médicament produit l'état du

mal ou augmente le nombre des crises sont réels, mais peu com-

muns, et certainement en très petite minorité. Ce qui est vrai, c'est

que le plus souvent, surtout chez les malades saturés, la diminu-

tion brusque ou même progressive des doses améliore l'état du

malade, diminue dans une mesure importante le nombre des

attaques, tout en atténuant leur gravité modifie favorablement la

santé physique générale et rétablit, à un degré considérable, la

mémoire et l'intelligence.

L'auteur rapporte ensuite à l'appui de sa manière de voir onze

observations fort intéressantes, mais qu'il serait trop long de

résumer ici, et il ajoute qne ces onze cas sont suffisamment démons-

tratifs pour prouver que la suppression des bromures chez les

épileptiques traités depuis longtemps de cette manière, est géné-

ralement suivie d'une amélioration très nette, et parfois même

tout à fait surprenante ; et si à ce moment on essayait un médica-

ment nouveau ou une méthode nouvelle, on serait exposé à attri-

buer à ce médicament ou à cette méthode une valeur thérapeu-

tique considérable : pour se mettre à l'abri de cette cause d'erreur,

il ne faut donc juger un agent anli-épileptique, quel qu'il soit,

médicament, méthode ou acte opératoire, que si l'on peut l'expéri-

menter sur des sujets qui n'ont jamais été - ou que depuis long-

temps déjà ne sont plus - traités par la médication bromique.

R. DE AlUSGRiVE-CLAY.

XIV. Résultat extraordinairement heureux du traitement thyroïdien

dans un cas de myxcedème, par S. G. Bonney. (The Net-York

Médical journal, 2 avril 1898.)

Femme de cinquante-quatre ans, mariée, deux enfants, pas d'héri- .

dite spéciale. 11 y a huit ou dix ans, tendance à la somnolence qui va

en augmentant. Il y a quatre ans, lassitude, dégoût de tout effort

physique : ces efforts d'ailleurs s'accompagnent de fatigue et de pal-

72 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

pitations.11 y a deux ans, gonflement de la face dont la peau devient

sèche et rugueuse. Il y a un an et demi, sensation de froid, même

dans une chambre très chauffée; en même temps modifications men-

tales appréciables. Pas d'hallucinations, mais faiblesse mentale,

perte de la mémoire, inintelligence des choses les plus simples,

lenteur et hésitation de la parole; altération de la voix qui devient

rauque et désagréable. Ulcération des gencives et chute de dents.

- Larmoiement, diminution de la vision, du goût et de l'ouie. Tous

ces symptômes vont en s'aggravant, et en juillet 189 l'auteur

voit le malade, et porte le diagnostic de myxoedème. Il y avait de

l'engourdissement et des fourmillements cutanés, un froid aux

pieds continuel, avec deux zones de sensation brûlantes au milieu,

du tibia; la peau du corps entier était sèche, rude, fendillée par

places, squameuse à d'autres endroits, Le pouls était faible, mal-

aisé à trouver, dépressible ; l'urine était normale. La pigmentation

cutanée présentait une anomalie intéressante : la décoloration de

la face s'étendait en bas jusqu'à la base du cou où elle était

limitée par une ligne de démarcation très nette. Mais juste au

niveau de la glande thyroïde, on trouvait un espace rectangulaire,

nettement délimité, long de trois pouces et large d'un pouce et

demi, absolument dépourvu de toute pigmentation : cette diffé-

rence de coloration avait été remarquée depuis fort longtemps,

mais s'était notablement accentuée depuis deux ans. La malade

fut mise au repos -absolu, et traitée par les tablettes de corps

thyroïde desséché, à partir du 3 août 1897. Les effets de cette

médication sont notés par l'auteur aux dates du 8, dit II, du 14,

du 17 et du 21 août et montrent avec quel soin l'administration

de ce remède doit être surveillée, l'augmentation minime de

la dose du 17 août ayant amené pendant un instant des résultats

défavorables. Un mois après le début de la médication, l'améliora-

tion s'était accentuée au point que l'on pouvait,-et c'était l'avis

de la famille, la considérer comme équivalent à un retour à l'état

normal. La médication fut continuée à doses très atténuées pen-

dant un mois encore, et la guérison, depuis ne s'est pas démentie.

Quelques particularités intéressantes ont été notées pendant la

période d'amélioration ; ce sont les suivantes : 1° desquamation

de la paume des mains et de la plante des pieds ; 2° mouvements

choréiques fréquents des lèvres, du nez et des sourcils (des

toubles choréiques légers avaient persisté depuis l'enfance jusqu'à

l'apparition de myxoedème); 3° une augmentation de la chute des

cheveux pendant les deux ou trois semaines ; elle a complètement

cessé ensuite; 4° la disparition complète de la surface nue pigmen-

tée au niveau du corps thyroïde; : riz la formation d'un sillon trans-

versal bien défini à la racine de chacun des ongles, se déplaçant

avec la croissance de l'ongle. On notera surtout dans ce cas la

courte durée du traitement, les très faibles doses de médicament

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. ,3 3

employées, et enfin le danger qu'il y a à augmenter ces doses sans

précautions et sans surveillance suffisantes.

11. DE nI05GIiAVE-CL11.

XV. Considérations sur le rôle et la valeur de l'hypnotisme dans le

traitement des maladies ; part. P. (Tite iYe ? D-Yoî-1; iliedi-

cal Journal, 26 mars 189S.)

Quelle que soit l'idée que l'on se fait de la véritable nature de

l'état hypnotique, on est obligé d'admettre que l'hypnose est un

état normal, qu'elle n'implique aucune maladie du corps ou de

l'esprit, qu'elle n'indique pas que la volonté soit affaiblie ni asservie,

et qu'elle ne constitue pas un état spécial à un petit nombre de

sujets. Elle est tout simplement un état psychologique appartenant

à la mutualité uormale. On a parfaitement démontré que les idiots

et les aliénés ne sont pas hypnotisables, et que les enfants et les

hystériques ne sont que très difficilement influencés. Aussi l'auteur

pense-t-il que les dangers de l'hypnotisme employé comme agent

thérapeutique sont nuls en fait, que le sentiment de bien et de mal

n'est pas affaibli dans l'état hypnotique (il serait même plutôt

aiguisé et affiné) et qu'il ne résulte pour le malade de l'emploi des

pratiques hypnotiques aucune atténuation ni de sa volonté, ni de

sa moralité, ni de sa personnalité.

Cela posé, il faut rechercher dans quelles maladies l'hypnotisme

se montrera particulièrement utile : évidemment dans les états

moi bides du système nerveux qui intéressent plus spécialement

les conditions mentales. L'auteur se défend de considérer la psycho-

thérapie comme un agent curatif de l'hystérie ou de la neurasthé-

nie, mais il en a constaté les avantages dans le traitement de ces

maladies à la condition d'y avoir recours pour remédier aux états

morbides mentaux et moraux qui accompagnent et aggravent sou-

vent les affections. Dans les idées fixes, dans les formes multiples

de phobies, dans certaines formes d'insomnie habituelle, si fré-

quentes chez les hystériques, la psychothérapie est un agent très

utile. Dan divers états moraux, accompagnés ou non de symptô-

mes nerveux, par exemple lorsque le malade a perdu son indivi-

dualité et ne se rend plus compte de sa responsabilité personnelle

dans la dipsomanie et les autres habitudes impérieuses, elle sera

encore une très précieuse ressource. A l'appui de cette manière

de voir, l'auteur rapporte quatre observations, la première d'ago-

raphobie et neurasthénie ; -la seconde de mélancolie et insomnie ;

la troisième d'idée fixe ; la dernière de céphalalgie persistante et

rebelle. 0

R. DE \IUSGIi.IVE-CL.1T.

7't r REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

XVI. Zona consécutif à l'administration de l'arsenic dans un cas

d'épilepsie ; par Perce CLARK. (The New-Yorl Médical Journal,

12 juin 189î.)

On n'est pas d'accord sur la relation possible de cause il effet

entre l'administration de l'arsenic contre l'acné d'origine bronique

et l'apparition du zona. L'auteur rapporte un cas dans lequel l'eclo-

sion rapide du zona après l'emploi de doses modérées de liqueur

de Fowler et sa prompte disparition après la cessation du médica-

ment paraissant bien établir un rapport de cause à effet : mais il

persiste, au point de vue général à considérer ce rapport comme

très rare. R. de lIuscnavE-CLm.

XVII. Fracture du crâne avec quelques symptômes inusités

opération- guérison ; par Gray G. Hollanday. (The \Tcm=Yorlc

Médical Journal, 5 mars 1898.)

Il s'agit d'une fracture du crâne avec dépression osseuse : pen-

dant qu'on l'examine, le malade est calme, ne souffre pas et expli-

que les conditions dans lesquelles il a été blessé ; il voulait même

continuer son travail mais ses camardes l'en ont empêché ; il a un

peu saigné du nez. La table osseuse est déprimée, mais la peau est

intacte. - Une heure et demie après, le blessé est sourd, et quand

on se fait entendre de lui en criant, il manque des mots (et surtout

des noms propres) dans ses réponses : il fait un effort visible pour

se rappeler ces mots manquants. Puis, pendant une dizaine de

minutes, il se remet à répondre et à parler normalement ; il retombe

ensuite à peu près dans l'état antérieur. Le pouls présente quelques

intermittences à ce moment puis surviennent des phénomènes con-

vulsifs d'une intensité remarquable, pendant lequel toutefois le bras

et la jambe du côté droit demeurent immobiles. Les convulsions

s'accompagnent de vomissements et d'une diminution de la sensibi-

bilité générale. Cette crise convulsive fut suivie de plusieurs autres.

L'opération du trépan avec relèvement de la table osseuse (la dure-

mère n'était pas déchirée) fut pratiquée quelques heures après

l'accident : le pouls-s'améliora au moment même du relèvement

de l'os déprimé. La guérison fut parfaite.

R. DE MUSGRAVE-CLAY.

XVIII. Un cas remarquable d'épilepsie avec cinq cent dix-neuf atta-

ques en quarante-neuf heures, avec des notes sur le traitement

et sur l'autopsie; par \VILLI u P. SPR1T1NG. (The ,\"e1(1 York

Médical Journal, 15 mars 1899.)

Les points sur lesquels l'auteur s'est proposé d'attirer l'attention en

rapportant ce cas intéressant sont bien connus et d'ordre négatif.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 75

Ce sont : d'abord la persistance remarquable avec laquelle les crises

se manisfesteut et se renouvellent en dépit de tous les efforts thé-

rapeutiques les mieux dirigés pour les modérer ou les supprimer;

et en second lieu l'impossibilité absolue de découvrir à l'autopsie

soit à l'ceil soit au micioscope une lésion quelconque capable de

rendre compte de l'état convulsif, alors même que les convulsions

se sont répétées plusieurs centaines de fois pendant un temps aussi

court que quarante-neuf heures. IL DE Musgraye-Clay.

XIX. Etude clinique de vingt-quatre cas de paralysie agitante,

avec quelques remarques sur le traitement de cette maladie ;

par Joseph COLLINS et L. J. J. llusmvs. (The tVe2a York Médical

Journal, 8 juillet 1899.)

On n'a pas ajouté grand'chose au point de vue clinique à la

description que Parkinson a donné de la paralysie agitante en

1823, et ce que l'auteur se propose ici c'est surtout de rechercher ses

causes réelles ou supposées, d'apprécier sa fréquence, de déter-

miner les symptômes initiaux et le mode de début, et de rechercher

quels sont les facteurs qui influencent sa marche.

Sur les 24 cas étudiés, il y a 18 hommes et 6 femmes. L'hérédité

directe a été constatée dans 4 cas, l'hérédité indirecte dans 4 cas;

l'absence de toute hérédité dans 11 cas ; les renseignements man-

quent dans 5 cas.

Au point de vue de l'étiologie, on peut résumer les faits en

disant que les facteurs les plus important sont l'ûge. le sexe, la

nationalité, la moralité, les émotions violentes et surtout de

nature dépressive, l'hérédité directe ou indirecte, et les maladies

infecteuses. Le traumatisme ne paraît jouer qu'un rôle étiologique

assez effacé.

L'auteur décrit ensuite longuement les symptômes de la mala-

die, et son tableau ne diffère pas du tableau classique. Il iusiste

longuement aussi sur le traitement. P. DE AIusGRWE-CLiY.

XX. Relation de quatre cas de méningite cérébro-spinale épidé-

mique, particulièrement au point de vue de la valeur de la

ponction lombaire comme moyen de diagnostic; par José L. Hmsn.

(1'he New York Médical Journal, 19 août 1899.)

Bien que les symptômes cliniques dans les quatre cas rapportés

par l'auteur indiquassent clairement l'existence d'une méningite

cérébro-spinale, le diagnostic absolu ne pouvait être fourni que

par la ponction lombaire. Dans les quatre cas, on rencontre soit

dans le liquide retiré, soit par voie de culture le Diplococcus in-

t1'aællulnl'is mêningilidis.

La ponction lombaire a donc ici confirmé le diagnostic ; mais

76 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

elle a d'autres avantages que ceux d'un procédé de vérification :

elle sert à déterminer la pression du liquide spinal dans l'état de

santé et dans l'état de maladie : à l'état normal en se servant d'un

manomètre à mercure, Pfaundler a trouvé une pression moyenne

de 25 millimètres, et chez les hydrocéphales, de 37 millimètres;

dans la méningite tuberculeuse, la pression moyenne est de 40

millimètres, mais dans un-cas, le chiffre exorbitant de 110 a été

'atteint. Le liquide spinal présente, suivant les cas, des aspects

variables qui ont une valeur diagnostique : il contient presque

toujours à l'état normal des traces d'albumine.

On n'est pas d'accord sur la valeur thérapeutique de la ponction

lombaire.

' L'auteur termine par quelques remarques sur le manuel opéra-

toire. R. de MUSGllAYE-CLIY.

XXI. La pathologie récente de l'ataxie locomotrice et son influence

sur le traitement; par L. HARRISON AIETTLER. (The New York

Médical Journal, 15 octobre 1898.)

La conception jusqu'ici classique de l'ataxie locomotrice invo-

quait toutes sortes de théories étiologiques et pathogéniques,

basées sur le fait d'un processus inflammatoire de la moelle et de

ses membranes, et sur des troubles circulatoires provoqués par

l'athérôme artériel et des modifications histologiques dues à l'action

de la syphilis en d'autres agents toxiques : de là tout naturellement

découlait un pronostic fort sombre ; mais depuis quelques années,

dit AI. Mettler « on a heureusement changé tout cela ». Les décou-

vertes récentes sur l'anatomie et la physiologie de la neurone, son

importance comme unité nerveuse, sa substitution à l'espèce de

congloméré cellulaire et fibrillaire de l'ancienne histologie, tout

cela a révolutionné la conception et le traitement des maladies du

système nerveux, et surtout de l'ataxie locomotrice, type des

maladies systématiques de dégénérescence. Les modifications de la

neurone par les influences héréditaires, toxiques ou de nutrition

ont relégué au dernier plan le processus scléreux et donné plus

d'importance à la dégénérescence primitive des éléments paren-

chymateux. Le tabes, suivant 111übius, n'est pas une néoplasie

syphilitique, mais une dégénérescence parenchymateuse atro-

phique centripète des neurones de sensibilité, suivie de sclérose.

Dans ces conditions, et la première période de la maladie consis-

tant en de simples altérations nutritives, le pronostic, pourvu que

le diagnostic soit suffisamment précoce, doit devenir beaucoup

moins défavorable,

L'auteur entre ici dans des considérations étendues relatives

aux neurones et à leurs rapports avec la pathologie de l'ataxie ;

il résume cette pathologie nouvelle en disant que la vitalité de

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 77

l'appareil nerveux est abaissée, sous une influence héréditaire

ou acquise, et que la nutrition des neurones devient par là défec-

tueuse. Les neurones qui desservent le sens musculaire le plus

spécialisé et le plus récemment acquis sont les premières à

montrer des signes de nutrition défectueuse dans les parties les

plus éloignées de leurs centres nutritifs altérés dans les ganglions

spinaux postérieurs, les parties lointaines étant respectivement les

arborisations de la peau et de la moelle.

La conséquence de cette doctrine nouvelle, en faveur de la-

quelle l'auteur estime qu'il existe des preuvcs très fortes, est une

modification favorable du pronostic, comme il a été dit plus haut,

et une simplification du traitement, qui doit dès lors avoir pour

objet précis de rétablir la [onction métabolique normale des cel-

lules nerveuses ou neurones. R. de \luscnAVr.-CLar.

XXII. La syphilis cérébrale et méningée, son traitement par les

injections intra-musculaires de sels insolubles de mercure :

quelques points de technique par J. COI'LIN LITNSON. (The zéro

York Médical journal, 2 sept. 1899.)

L'observation, qui ne s'écarte pas du type ordinaire, est surtout

intéressante en raison du traitement auquel le malade a été soumis.

L'auteur expose que dans la syphilis tertiaire, tout comme aux

autres périodes de la maladie, il faut un traitement énergique et

régulier. Pendant trois ans, ou même davantage, il faut donner

quatre séries d'injections de salycylate de mercure par an. On

donnera deux injections par semaine pendant cinq semaines en-

viron soit 9 à 10 injections et chaque injection contiendra,

si le malade peut supporter cette dose, deux grains (c'est-à-dire

0,12 a 0,13 centigrammes) de salicylate de mercure. Beaucoup de

malades tolèrent cette dose que l'on abaissera de près de moitié

pour ceux qui sont plus sensibles au médicament. Entre les séries

d'injections du sel de mercure, on donnera trois fois par jour dix

minimes (le minime anglais est une mesure de capacité qui équivaut

à 0,06 centimètre cube) d'une solution saturée d'iodure de potas-

sium : s'il y a urgence, on augmentera de deux gouttes par jour

jusqu'à l'apparition des premiers symptômes d'iodisme. Le mer-

cure est l'agent curatif de la syphilis, et l'iodure l'agent prophy-

lactique de l'endarténte syphilitique.

La technique des injections est simple et sûre ; nous la résumons

ici d'après l'auteur : mélanger la quantité de salicylate de mer-

cure chimiquement pur nécessaire à une injection avec la quantité

voulue d'huile d'amandes douce stérilisée : aseptiser la peau au

niveau de l'injection avec une solution de sublimé à 1 p. 500;

plonger l'aiguille verticalement à une profondeur d'au moins deux

pouces et vers la partie supérieure de la fesse. Faire l'injection

78 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

lentement et retirer l'aiguille lentement aussi : antiseptiser la

piqûre et la fermer avec un peu de collodion. L'auteur n'a jamais

vu d'abcès survenir à la suite de ces injections. En graduant la

dose suivant la susceptibilité du malade, ces injections sont peu ou

point douloureuses et ne nécessitent pas le repos. L'absorption du

mercure commence très promptement après l'injection et son eh-

- mination dure de quatre à sept jours la répétition des doses telle

qu'elle a été indiquée plus haut place donc le malade sous l'action

continue du mercure.

Il est indispensable avant de commencer les injections de s'as-

surer que les dents du malade sont en parfait état, et de constater

aussi l'absence de toute lésion rénalp. Dans les cas de néphrite

il ne faut pas donner de fortes doses de mercure, car môme les

doses faibles sont mal tolérées;. il est même sage d'examiner

l'urine au moins une fois pendant le cours du traitement.

R. DE IUSCR1VE-CL.1-.

Dans quels cas l'intervention chirurgicale est-elle justifiée

dans les maladies cérébrales ; par Edward D. Fisiier. ( The neuf

York Médical journal, 16 avril 1898.)

Les principales indications de l'intervention chirurgicale sont :

1° la fracture du crâne, avec phénomènes de compression et con-

sécutivement, paralysie, crises épileptiformes ou coma; 2° les émor-

rhagies méningées, soit traumatiques soit dues à la pachyménm-

gite hémorragique ; 3° les tumeurs du cerveau lorsqu'elles siègent

au voisinage de l'écorce ou même dans le cervelet, mais pas lors-

qu'elles sont profondes ou siègent à la base ; il faut ajouter ici

qu'il existe quelquefois alors qu'on pense ne pas pouvoir enlever

la tumeur, une indication d'opération partielle celle-ci pouvant

atténuer des symptômes graves tels que les vomissemenis, la cépha-

talgie et les convulsions; 4° les crises d'épilepsie jacksonienne;

5° enfin l'abcès du cerveau principalement sous la forme la plus

commune, celle qui est consécutive à une otite moyenne.

L'auteur ajoute que dans les opérations cérébrales il faut se

garder des ouvertures trop petites qui diminuent les résultats favo-

rables sans restreindre le danger : il faut ouvrir largement, et ce

faisant on voit mieux et on soulage mieux.

R. DE nIUSGIt3VE-CL.11.

XXIV. Étude sur deux cas de tumeur cérébrale, avec la relation des

résultats opératoires dans l'un, et de l'autopsie dans l'autre ;

par Alfred W1ENER. (Tite New l'orle Médical Journal, 15 oc-

tobre 1808.)

Observation I. - Homme de vingt ans, né à sept mois. Père

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 79

alcoolique. N'a marché et parlé qu'à trois ans. A dix-sept ans,

otite moyenne aiguë à droite, rupture du tympan, écoulement

purulent abondant durant plusieurs mois, légère surdité consécu-

tive. En mars 1897, perte subite de la parole, avec raideur du bras

droit et de la face, le tout ne durant qu'un moment ; il s'endort

et se réveille bien portant : il n'y avait pas eu de perte de con-

naissance ; avant l'attaque il avait souffert de fréquents maux de

tête avec nausées ; cette céphalalgie était surtout frontale. Un

mois après, deuxième attaque plus grave, portant sur tout le côté

droit. mais surtout sur la face et le bras, et avec perte de con-

naissance. Les maux de tête augmentent, la vue s'affaiblit, l'oeil

droit ne voit pas la lumière, la pupille est inerte, la papille a des

bords peu accusés. Parésie faciale droite. Réflexe rotulien absent

sur deux côtés. Affaiblissement de l'ouïe; aphasie motrice. Sensi-

bilité partout conservée. Pas de troubles trophiques. Tous ces

symptômes indiquent un néoplasme cérébral ; le traitement anti-

syphilitique reste sans effets. Quant au siège de la tumeur plu-

sieurs des symptômes paraissaient indiquer une lésion de la base,

au voisinage de la protubérance et du cervelet; d'autre part, la

paralysie partielle de la face et du bras, la forme Jacksonienne

de l'épilepsie, la céphalalgie frontale plaidaient en faveur d'une

lésion voisine des centres de la face et du bras, dans les circon-

volutions centrales. L'observation ultérieure du. malade vint

éclairer la question et montrer que la tumeur était corticale, et

qu'elle intéressait le centre de la face et du bras en même temps

que l'extrémité postérieure de la troisième frontale gauche, c'est-

à-dire le centre du langage. La question d'une intervention chirur-

gicale se posait et fut résolue par l'affirmative, mais il fallut s'y y

reprendre à deux fois en raison de l'abondance de l'hémorragie.

L'incision de la dure-mère montra une tumeur ayant exactement

le .siège diagnostiqué, mais qu'on ne put enlever, le moindre

attouchement déterminant une hémorragie importante. Après

l'opération le malade resta à l'hôpital ; il n'avait plus d'attaques

épileptique ; il était complètement aveugle. Un abcès se forma à

la surface de la tumeur, et ouvert, donna issue à du pus. Bientôt

le malade eut des hallucinations de la vue ; la tumeur continuait

à grossir, mais en somme l'état s'est amélioré puisqu'il n'y a plus

de céphalalgie intense ni de crises épileptiformes.

Observation IL Garçon de sept ans. Père alcoolique : en 1897

douleur à la jambe droite. Un peu plus tard, traumatisme (coup

de poing) à la région fronlo-pariétale droite. Céphalalgie cons-

tante et intense. Parésie des deux branches inférieures du facial à

droite. Pupilles répondant à la lumière, mais un peu paresseuse-

ment. Analgésie de la face à droite, parésie des deux membres de

ce même côté; réflexe rotulien totalement absent des deux côtés.

80 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

Pas de troubles de la vessie ni du rectum. l'as d'attaques épilep-

tiformes, névrite optique double. Ici encore les symptômes indi-

quaient un néoplasme que l'on jugea devoir être sous-cortical, et

siéger à l'intérieur ou dans le voisinage immédiat de la capsule

interne ; comme nature on jugea que ce devait être un gliome.

Après avoir vu son état s'aggraver et ses souffrances devenir into-

lérables, l'enfant considérablement affaibli par une scarlatine, finit

par succomber. A l'autopsie, on trouva que l'hémisphère gauche

présentait des circouvolutions très aplaties, et avait une consis-

tance plus molle que l'hémisphère droit. Le cerveau ayant été

durci, une coupe horizontale montra une tumeur molle et infil-

trante qui occupait la plus grande partie de l'hémisphère gauche.

A la partie supérieure l'hémisphère tout entier paraissait envahi,

et à la région frontale la tumeur empiétait sur la couche corticale.

A la partie inférieure de l'hémisphère, le siège de la tumeur était

absolument frontal. Le centre ovale, le corps strié et la capsule

interne étaient presque entièrement détruits. Le corps calleux était

un peu envahi par 'infiltration. L'examen microscopique montra

que cette tumeur était un glio-sarcôme. '

L'auteur termine ce travail par quelques remarques sur trois

points qui étaient communs à ces deux cas : 1" l'absence de

réflexes rotuliens au début de la maladie; 2° l'ataxie frontale;

3° l'étiologie. DU 11uSGRHE-CLAY.

XXV. Excision du ganglion cervical sympathique supérieur doit

dans un cas de glaucome, avec une revue des travaux publiés

sur la chirurgie des ganglions cervicaux; par James Moire BILL,

L'D11N C. Renaud et Willard 131RTLRTT. (The tG'tU-109'Ii Médical

Journal, le" juillet 1899.)

Les auteurs pensent que cette opération est la première de ce

genre qui ait été faite en Amérique : il s'agit d'une femme de

cinquante-six ans, sourde muette, et atteinte de glaucome. L'extir-

pation du ganglion cervical sympathique donna d'excellents résul-

tats au point de vue de la douleur. Les auteurs ont été amenés à

conclure que cette intervention opératoire serait justifiée alors

même qu'elle n'aurait pas d'autre résultat favorable qu'un soula-

gement immédiat et considérable et qu'elle est bien préférable il

l'énucléation. Ils se proposent d'y avoir recours la première fois

qu'ils se trouveront en présence d'un cas de glaucome sans perte

complète de la vue. La revue des travaux publiée sur la chirur-

gie des ganglions cervicaux, qui termine le travail est intéressante

et utile. R. DE 11USGRAYE-CLAY.

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE.

Séance du î décembre 1899.

M. DÉJERJNE. Perte du sens stéréognostique. Un corroyeur sy-

philitique, mais n'ayant eu aucun accident spécifique depuis six

ans, est pris soudain d'attaques d'épilepsie partielle s'annonçant

par des mouvements de l'index gauche ; l'attaque intéresse tout le

côté gauche, mais ne se généralise pas, la perte de connaissance

n'est pas complète. A la suite de ces attaques, il n'est survenu ni

monoplégie brachiale, ni hémiplégie, mais seulement une légère

faiblesse musculaire à gauche, la sensibilité au tact et à la tempé-

rature sont indemnes, mais avec erreurs de localisation ; la sensi-

bilité à la douleur est très légèrement diminuée. La notion des at-

litudes est par contre totalement perdue jusqu'au coude, à l'avant-

bras et à la main, et jusqu'au genou au membre inférieur. Quant

au sens stéréognostique, il est absolument aboli à gauche, un ob-

jet saisi ne peut pas être reconnu les yeux fermés; le malade appré-

cie si l'objet est froid ou chaud, mou ou dur, rude ou lisse, mais

n'en peut estimer ni le volume, ni la forme, ni le poids. Les sensi-

bilités profondes sont abolies. Le diagnostic est : pachyméningite

gommeuse de la région rolandique. Le traitement spécifique a

d'ailleurs amélioré le malade. Il faut, pour que ces troubles soient

appréciables que, malgré la localisation de la lésion, l'hémiplégie

soit très faible. Ces cas sont rares au moins à cet état de netteté.

Discussion : M. MARIE a vu assez fréquemment de tels cas à Bi-

cêtre. M. Brissaud et M. MARIE font remarquer que ces malades ne

font aucun effort pour déterminer la forme ou la nature de l'objet

saisi, ne pensant plus à rechercher cette détermination, comme

s'ils n'avaient plus conscience que cette faculté d'appréciation

puisse exister ; tels les hémianoptiques ne cherchant plus à voir ce

qui est du côté où ils ne voient plus.

M. Ballet. Delirium tremens chloralique. Un malade de vingt-

six ans, morphinique, prenant du chloral depuis longtemps, a pris

il plusieurs reprises 7 grammes de chloral dans les vingt-quatre

heures ; trois jours après la suppression du médicament il pré-

Arcuives, 2e série, t. IX. 6

82 SOCIÉTÉS SAVANTES.

sente tous les signes du delirium tremens. La seule différence

entre ce chloralisme suraigu et le delirium tremens alcoolique

consiste.en ce que dans le premier les hallucinations sont moins

vives, à part cela, le syndrome est identique. D'autre part, le deli-

rium chloralique se produit généralement sous l'influence de la

pression brusque ; il faut donc pratiquer la décliloralisatiori lente.

Sur une demande de 11. Marie, : \1. Ballet ajoute que malgré la ré-

duction par les urines de la liqueur de Fehhng dans le chloralisme

aigu l'ensemble symptomatique, ne permet pas de confondre

celui-ci avec le coma diabétique.

M. KLIP1'FL. Encéphalopathie adissonnienne. - Un mafade adis-

sonien typique se mit à avoir des attaques d'épilepsie suivies de

délire et de coma. A l'autopsie : simple congestion des méninges

et encéphalite corticale subaiguë. On 'soit d'ailleurs dans la mala-

die d'Adisson tous les degrés de l'encéphalopathie, depuis la

simple dépression constante chez ces malades, jusqu'à l'encépha-

lite complète. Brown-Séquard avait déjà montré l'influence du

poison adissonien sur les centres nerveux et produit des crises

convulsives avec le suc des glandes surrénales.

MM. H. Dm : oua et Rogues de FUI\SAC. Neurasthénie et capsules

surrénales. - L'opothérapie, par les capsules surrénales, a été jus-

qu'alors surtout employée dans le traitement de la maladie d'Adi-

son. Son action a été particulièrement efficace contre l'asthénie et

le cas de il ! . Béclère, bien connu de tous, en est un exemple re-

marquable. A côté des adissoniens à signes complets, au nombre

desquels se trouve l'asthénie, il y a des cas frustes, sans pigmen-

tations. L'un de ceux-ci a fait récemment l'objet d'une clinique de

1\1. Dieulafoy.

Existe-t-il une troisième catégorie de malades, dont l'affection

dépende d'une simple diminution de fonctions des capsules surré-

nales sans grosse lésion anatomique, et se traduisant par une as-

thénie musculaire, en tout semblable à celle des adissoniens ,/

Ces malades, classés actuellement dans le groupe si commode

de la neurasthénie, peuvent-ils bénéficier d'un traitement par les

capsules surrénales ?

Telles sont les hypothèses que soulèvent les auteurs en relatant

l'observation d'une 'malade de cinquante-cinq ans qui, depuis six

ans. souffrait de neurasthénie et depuis deux ans et demi se trou-

vait confinée au lit, parlant à peine, ne pouvant manger seule,

incapable du moindre effort, même de mastiquer ses aliments, et

devenue gâteuse.

Cette femme a été soumise, depuis février 1898, au traitement

par l'extrait surrénal pris en capsules. Au bout de trois mois, l'a-

mélioration s'est manifestée, elle n'a fait que progresser chaque

jour et la malade, après vingt mois de cè traitement, guérie depuis

SOCIÉTÉS SAVANTES. '83

longtemps, a pu sortir du service de M. le professeur Jotï·roy où

elle était soignée. Il semble donc ici que la thérapeutique, utili-

sant une substance active, réputée même dangereuse par quelques-

uns, ait eu un résultat favorable. C'est en multipliant l'emploi de

cette méthode chez des sujets choisis avec discernement et pris

parmi ceux où l'anesthénie musculaire tient la première place^

qu'on arrivera peut-être alla confirmation des vues exprimées par

les auteurs. t

M. 13alO's.\UD présentera.prochainement un cas analogue.

111. Socques. Traumatisme de la queue de cheval. - Il s'agit d'une

jeune fille présentant une fracture de la première lombaire, et les

signes systématiques exacts de l'écrasement de la queue de cheval

en ce point. 1

lI. Achard présente une malade atteinte de tabes et de goitre

exophtalmique ; il considère la chose comme une coïncidence le

tabes paraît accélérer les accidents de la maladie de Basedow.

Syringomyélie et hydrocéphalie. - lI. COUYELAIRE présente des

pièces provenant de l'autopsie d'un homme chez lequel M. Pierre

Marie avait fait le diagnostic de syringomyélie et d'hydrocéphalie

et qui mourut à l'âge de trente-six ans. Les points les plus inté-

ressants de cette observation sont : 1° le début ttès précoce de l'af

fection dont les premiers symptômes remontaient à l'enfance ;

2° les caractères de la main droite, main de prédicateur qui est

presque spéciale à la syringomyélie et mérite d'être considérée

quand elle existe, comme un des signes diagnostiques capitaux

de cette affection ; 3° la mort par accidents bulbaires (crises dysp-

néiques) ; 4° La coexistence d'une grosse hydrocéphalie (620 cen-

timètres cubes) et d'une syringomyélie. La moelle, depuis le bulbe

jusqu'à 1 centimètre du cône terminal, était réduite à une coque

de 1 à 2 millimètres d'épaisseur limitant une cavité celluleuse.

Atrophie considérable des racines. Amincissement de la dure-mère.

11. : 'I11RIE à une objection de 11. Joffroy, répond qu'ici il ne s'agit

pas d'une dilatation simple du canal épendymaire, mais bien d'une

syringomyélie vraie.

\nI. CL. Philippe et Oberthùr communiquent, avec dessins et

préparations à l'appui, onze autopsies de .syringomyélie, du service

de : 'IL le professeur Raymond. Aujourd'hui, ils veulent étudier les

relations de la syringomyélie et de la pachyméningite, en parti-

culier celles de la pachyméningite cervicale hypertrophique. Dans

toutes leurs autopsies, la dure-mère est altérée, mais avecuneinten-

sité très variable; tantôt, c'est un simple épaississement partiel

appréciable à l'oeil et au toucher; tantôt, c'est une virole qui

adhère aux méninges molles, à la moelle, aux racines rachi-

diennes, même au périoste de l'os voisin, surtout dans la région

84 SOCIÉTÉS SAVANTES.

cervicale, et autour du collet du bulbe. Ce type excessif - véri-

table pachyméningite cervicale hyperlrophique est associé le

plus souvent à des lésions syringomyéhques de la moelle, consi-

dérables ; mais il n'accompagne pas nécessairement les grandes

cavités, et il peut exister sans que la moelle soit très altérée; d'où

la conclusion que syringomyélie et pachyméningite cervicare hyper-

trophique évoluent parallèlement sous l'influence de la même cause,

sans être nécessairement liées l'une à l'autre.

Histologiquement, cette pachyméningite, très active, s'accom-

pagne d'une fibrose considérable et de néoformations cellulaires

intense ? , avec grosses altérations vasculaires. Cliniquement,

elle doit expliquer les douleurs fulgurantes. fréquentes au niveau

de la nuque et dans les membres supérieurs, au début et au cours

de la syringomyélie. M. VACHARD insiste sur le rôle des vaisseaux

dans le processus de la syringomyélie.

AI. Brissaud montre qu'en raison de la disposition des artères

médullaires et radiculaires il n'y a pas lieu de s'étonner que les

altérations pachyméningitiques ne correspondent pas toujours

exactement au siège de la syringomyélie. Ce qui amène une argu-

mentation documentée de la part de M. Philippe. La discussion

étant d'un intérêt capital, la question sera reprise et portée à

l'ordre du jour de la prochaine séance.

111111. CL. Philippe et R. CESTAN ont pu étudier trois autopsies de

méningo-myelite tuberculeuse, dont chacune présente une évolu-

tion et des lésions histologiques spéciales. La première est une

fméningite cérébro-spinale aiguë, avec caséification, nodulaire ou

diffuse, interstitielle et périvasculaire, sans cellules géantes, mais

à bacille de Koch. - Cliniquement, la maladie a évolué en trois

semaines. - Le deuxième cas, plus classique, représente un mal

de Pott vertébral avec pachyméningite caséeuse et myélite par

propagation (forme de Charcot et llfichnud). - La troisième

autopsie est un bel exemple de myélite parenchymateuse primitive,

qui évolue sans lésions méningée, interstitielle ou vasculaire, sous

forme de nodules intra-médullaires au niveau desquels les cylin-

dres-axes, gros et tuméfiés, remplissent des gaines myéliniques,

amincies et dilatées. Ces cas heureusement choisis, démontrent

la pluralité des formes de la méningo-myelite tuberculeuse, et

l'existence d'un nouveau type de myélite tuberculeuse primitive

(type parenchymateux subaigu) qui doit être rapproché du type

aigu étudié en 1886, par le professeur Raymond.

AI. Gilles DE la TOURETTE montre combien de tels cas prouvent

la réserve que l'on doit apporter dans les interventions chirur-

gicales dans ces cas de myélite, dite par compression et qui sou-

vent sont bel et bien des myélites tuberculeuses.

M. TOUCUE communique un cas de ramollissement de la région

SOCIÉTÉS SAVANTES. 85

temporale et rolandique avec dégénération totale du pied du

pédoncule et du faisceau pyramidal des deux côtés.

Deux cas de méralgie pareslhesique traités par résection du fémoro-

cutané. A. Chipa ult. Le fait de mésalgie paresthésique traité par

résection du fémoro-cutané que vous a présenté Souques, étant, je

crois, le seul existant jusqu'à présent, je crois intéressant de vous

présenter les deux faits inédits suivants, de même ordre :

1° Femme, cinquante et un ans; douleurs de la cuisse droite,

datant de deux ans, accompagnées de boiterie depuis le début de

1899. En mars, au repos, pas de douleurs; dès que la marche

commence, survient la crise méralgique, qui s'exaspère de plus en

plus et s'accompagne bientôt d'une boiterie, caractérisée par l'im-

mobilisation en légère flexion du membre inférieur que la malade

déploie avec le bassin, en s'aidant d'une béquille et d'une canne.

Hypoesthésie sur le territoire du fémoro-cutané. Le diagnostic

de rhumatisme déformant ayant été porté par plusieurs chirur-

giens, une radiographie est faite dont le résultat reste négatif.

Le 12 mars, résection du fémoro-cutané. A sa suite, anesthésie,

au lieu d'hyopesthésie. D'abord, les crises continuent avec cette

modification que les douleurs se disposent maintenant non plus

en plaque, mais en couronne, à la périphérie du territoire du

fémoro-cutané. Puis, en avril, l'amélioration se fait. Bientôt il n'y

a plus de boiterie, plus de crises que les jours d'orage, et encore

insignifiantes. En somme, résultat très satisfaisant ;

2° Homme trente-six ans, horticulteur, variqueux. Crises méral-

giques survenant lorsque le malade bêche, au bout d'un quart

d'heure, puis presque de suite. Hypoesthésie. Le 12 juillet, ré-

section du fémoro-cutané, qui se montre criblé de varicosités,

pleines de sang lorsque la cuisse est fléchie, vides lorsqu'elle est

étendue. D'abord continuation des crises, avec douleurs en cou-

ronne. Puis elles disparaissent peu à peu. Depuis la fin d'août, le

malade ne souffre plus : il lui semble seulement parfois, lorsqu'il

a bêché plusieurs heures, qu'on lui tiraille la peau à la partie anté-

rieure de la cuisse. Plaque d'anesthésie post-opératoire stationnaire.

Au point de vue pathogénique, je remarquerai l'état nettement

variqueux du nerf chez un de mes malades. Au point de vue théra-

peutique, la marche en deux étapes de la guérison : d'abord dis-

position en couronne des douleurs dans les crises post-opératoires;

puis, au bout d'un mois environ, leur disparition définitive.

Ces résultats sont encourageants et légitiment la résection du

fémoro-cutané, intervention insignifiante, dans les cas rebelles et

graves de méralgie paresthésique.

MAI. Marie et MARiKEsco communiquent six cas d'encéphalite

dont deux suppurés, avec dégénération de cellules géantes chro-

matolyse, lésions de la capsule interne, etc.

86 SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. Etienne de Nancy : un cas de purpura hystérique et un cas

d'ecchymoses spontanées chez un neurasthénique. Ce cas paraît

exceptionnel à M. Gilles de la Tourette qui fait observer que

M. Etienne lui-même dit dans sa communication que ce malade

s'était déjà montré sujet au purpura. La prochaine séance est

fixée au 11 janvier. F. BOISSIER.

SOCIÉTÉ D'IlYPiNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE.

Séance du 21 novembre 1899. Présidence de 111. Jules Voisin.

Ilyperhidr·ose abondante des mains guérie par l'hypnotisme.

,il. Albert Charpentier. Cette affection, assez rare, au moins

en tant que localisée à la seule région palmaire, arrive ai rendre

la vie sociale intolérable et résiste à tout traitement médicamen-

teux. Elle a cédé à la suggestion hypnotique chez un jeune homme

de vingt-deux ans qui souffrait de ce trouble depuis sept ans.

M. Paul FAREz. Je connais un cas analogue traité avec succès

par 11. Bérillon et par moi. Il s'agissait d'un élève du Conserva-

toire qui devait concourir en comédie. Affligé, lui aussi, d'hy-

perhidrose palmaire et obligé de prendre par la taille la jeune

fille qui lui donnait la réplique, il maculait régulièrement la robe

de cette dernière. L'hypnotisme eut raison de cette sudation exa-

gérée qui constitue, au premier chef, un phénomène émotif, au

même titre, par exemple, que le « trac ». Il existe une hyperhi-

drose émotive bien connue des dermatologistes : il la consultation

de l'hôpital Saint-Louis, les malades défilent tout nus devant le

personnel médical et ils suent tous abondamment des- aisselles.

C'est en vertu d'un même mécanisme que l'hypersécrétion sudo-

rale est provoquée par l'émotion, puis tarie par la suggestion :

ces deux facteurs, en effet, agissent comme modificateurs de la

vasomotricité. Et il y a là un nouvel argument en faveur de la

doctrine physiologique qui fait prévenir la sueur non pas des

glandes dites sudoripares, mais des bouquets papillaires. La sécré-

tion sudorale devient ainsi fonction de la vaso-constriction et de la

vaso-dilatation; tout ce qui modifie celles-ci modifie du même

coup la quantité de sueur secrétée.

L'hypnotisme en médecine infantile.

1\1'. VLAViANOS (d'Athènes) présente trois enfants qu'il a soignés,

par l'hypno-suggestion, le premier pour une chorée de Sydenham,

SOCIÉTÉS SAVANTES. 87

le deuxième pour un tic convulsif des yeux, du nez et de la bouche

sans coprolalie, le troisième pour un bégaiement nerveux ou labio-

phobie. Ce dernier malade, encore en cours de traitement, a déjà

été très amélioré; les deux premiers sont tout à fait guéris. Les

enfants sont très facilement hypnotisables; la suggestion les

guérit de leurs troubles nerveux, et, en outre, les rend plus dociles,

plus travailleurs, plus attentifs.

Fugues hystériques et métrorrhagies guéries par l'hypnotisme.' «

M. Jules VOISI ? Cette dame était sujette à des fugues hysté-

riques ; le matin, elle quittait son domicile et s'éloignait à cinq ou

six kilomètres pour revenir ensuite chez elle; il lui était impossible

de se rappeler ce qui venait de se passer, si ce n'est quand elle

était plongée dans le sommeil hypnotique. Ces fugues étaient l'é-

quivalent et comme l'ébauche de crises hystériques. Je fis à cette

malade, pendant l'hypnose, la suggestion que toutes les fois qu'elle

se sentirait poussée à faire une fugue, elle rentrerait immédiate-

ment chez elle, s'endormirait profondément, puis, après ce som-

meil se réveillerait seule tout il fait calme et bien portante. La

suggestion s'est toujours réalisée à la lettre, et cela depuis dix ans.

Dernièrement cette personne est venue me trouver pour des

métrorrhagies que j'ai pu faire disparaître par suggestion.

Hystérie et suggestion.

M. Berillon présente une jeune fille de seize ans qui a manifesté

divers troubles hystériques : tels que aménorrhée, crises convul-

sives, douleurs abdominales de pseudo-appendicite, perte de

connaissance, mutisme, hémianesthésie quatre fois alterne croisée,

impotence des membres inférieurs, vomissements, hoquet incoer-

cible, refus des aliments, paralysie du bras droit, cécité, photo-

phobie, etc. L'hypnotisme a fait disparaître tous ces symptômes ;

grâce il la suggestion, cette jeune fille est redevenue tout à fait bien

portante.

Des émotions gaies chez quelques animaux.

M. Albert Coutald lit une étude critique de psychologie com-

parée d'après les travaux de Godenius Rudolphus, Laurent Joubert,

Louis Vives, Léon Dumont, etc. Les animaux supérieurs manifes-

tent leur gaieté non seulement par des bonds, des appels de voix,

des caresses, des mouvements des membres ou de la queue, mais

encore par des contractions particulières de la face et des modifi-

cations de la physionomie; au contact de l'homme, l'animal a

affiné son émotivité et perfectionné ses moyens de plaire; ainsi,

des appétits préhistoriques ont évolué sous l'influence de la domes-

tication.

BIBLIOGRAPHIE.

1. Archives d'anthropologie criminelle, de psychologie normale et

pathologique. A. Lacessaguc et G. Tarde, directeurs; années 1898

et 1899 1.

1° Le mouvement de la criminalité en Russie (1874-1891); par

E. Tarnowsky. -Au total, il n'y a pas en Russie un mouvement

bien net d'ascension de la criminalité générale. Le nombre des

délits s'est accru, mais cet accroissement est probablement une

pure apparence en rapport seulement à des interventions plus

fréquentes des petits tribunaux. Mais si la criminalité générale est

restée presque stationnaire, certains crimes ont augmenté pendant

que d'autres diminuaient. Ainsi les attentats de toute nature

contre les personnes ont plus que doublé de 1874 à 1894, alors

qu'eu égard à l'augmentation de la population, les crimes contre

les propriétés ont diminué. Quelles sont les raisons de ce phéno-

mène assez particulier ? Les sources d'information dont a pu dis-

poser 111. Tarnowsky, sont à coup sûr très insuffisantes. Et sa

réponse à cette question reste obscure.

3° Le vagabondage en France; par Alex. Bérard, député de l'Ain.

- Le nombre des vagabonds a considérablement augmenté et

augmente d'une façon presque régulière, malgré des oscillations.

Les prévenus de vagabondage étaient en moyenne annuellement

2.910 de 1826 à 1830. Ils sont aujourd'hui tout près de 20.000

[19.971 en 1890 ; 17.887 en 1891 ; 19.723 en 1894]. Cette aug-

mentation est-elle due en partie à une répression plus exacte du

délit, à une police mieux faite, et à des moeurs de plus en plus

incompatibles avec l'état même de vagabondage ? C'est possible.

Mais des exemples récents tout à fait mémorables prouvent que le

vagabondage trouve encore dans notre pays des facilités extraor-

dinaires. Et nous savons que nos communes rurales ont eu de

plus en plus à souffrir de la présence ou du passage inquiétant des

chemineaux.

Il y a deux catégories principales de vagabonds : 1° Les roulot-

tiers qui vivent en famille autour d'une carriole et se répandent

dans les villages pour mendier, ou vendre de menus objets de leur

' Voir Archives de Neurologie, no 47, t. VIII, p. 426, 189).

BIBLIOGRAPHIE. 89

fabrication, paniers, meubles de jardin. Ils prélèvent un lourd

tribut sur les récoltes. le long des routes ; 2° Les chemineaux,

généralement d'anciens ouvriers qui ont d'abord cherché du tra-

vail et se sont fait embaucher de temps en temps, mais qui finis-

sent par s'abandonner à l'oisiveté de la vie nomade ? et ne vivent

plus guère que de vols et de mendicité. Il y a fréquemment chez

le chemineau un criminel latent. Eu 1890, 78 p. 100 des prévenus

récidivistes avaient d'abord été condamnés pour vagabondage.

AI. Bérard n'indique pas de remède bien précis contre le danger

social de l'accroissement du nombre des vagabonds, dont les

causes restent obscures. Et d'ailleurs, si les communes rurales ne

sont pas mises en état et en demeure de mieux garantir leur sécu-

rité, il n'y en a peut-être point. En Russie, c'est en foule que de

pauvres diables nomadisent, et pour mettre obstacle au goût du

vagabondage, on interdit au paysan de quitter son village sans la

permission de la police. Nous ne pouvons pas recourir à ce moyen.

Mais les vagabonds arrêtés pourraient être renvoyés dans leur

commune natale ou mis à la charge de celle-ci.

3° Vacher l'évenl¡'e1l¡'. Rapports de MM. Lacassagne, PIEI1nET,

HEBHTEL, Lannois, DES1'01'. - Il est inutile de refaire ici l'histo-

rique de l'épouvantable affaire Vacher dont les détails sont encore

présents à toutes les mémoires. On se rappelle aussi les conclusions

des experts : « Vacher n'est pas un épileptique, ce n'est pas un

impulsif. C'est un immoral violent, qui a été temporairement

atteint de délire mélancolique avec idées de persécution et de sui-

cide. Vacher est donc un criminel, il doit être considéré comme

responsable, cette responsabilité étant il peine atténuée par les

troubles psychiques antérieurs, »

Ces conclusions ont entraîné la mise à mort du misérable, sans

qu'aucune plainte, aucune surprise se soit manifestée. Mais elles

n'ont pas obtenu l'adhésion de tous les spécialistes. II est évident

que Vacher enfermé une première fois dans un asile d'aliénés,

aurait dû y être maintenu. Si je ne me trompe, d'après des infor-

mations plus complètes que celles jusqu'ici publiées, il aurait eu

un oncle épileptique.

4° Tempérament et délinquance. Etude statistique; par le D'' J.

M\RTY. Le diagnostic des tempéraments est bien imprécis, et la

recherche à laquelle s'est livré le D'' Marty, assez délicate par con-

séquent. Il a réuni dans cent observations de délinquants cotés

comme sanguins, autant d'observations de délinquants cotés comme

lymphatiques, 119 cotés comme nerveux, 20 comme bilieux,

200 comme lymphatiques sanguins, 171 comme lymphatiques ner-

veux, 200 comme nerveux sanguins. Et voici quelques-unes des

constatations auxquelles il est arrivé : Au point de vue de la préco-

cité. au premier rang se présenteraient les lymphatiques, et, loin

90 BIBLIOGRAPHIE.

en arrière, les derniers, les lymphatiques nerveux. Cela est-il bien

significatif ? N'est-ce pas un résultat accidentel ?

Les lymphatiques viennent au premier rang dans le délit de vaga-

bondage. Pour les crimes et délits contre les personnes, le tempé-

rament sanguin tient de beaucoup la tête. Et franchement on

pouvait en être certain d'avance d'après la définition même du

tempérament sanguin. Pour les attentats sans violence contre les

propriétés, les lymphatiques nerveux, l'emportent sur les sanguins,

mais de peu. Pour les habitudes d'ivresse, ce seraient les lympha-

tiques purs. Les lymphatiques nerveux y seraient les moins enclins

mais on ne voit guère en cela. une relation de cause à effet.

En dehors des délits en rapport avec des impulsions violentes

qui caractérisent les sauguins. il n'y a donc pas en somme de divi-

sion tranchée entre les délinquants des divers tempéraments. Et il

me semble bien impossible d'admettre par exemple que le tempé-

rament soit pour quelque chose dans les délits de chasse ou les

contraventions à la police des chemins de fer. Ces dernières con-

traventions se sont, parait-il, toutes rencontrées dans le tempera-

ment lymphatique. Mais elles ont été évidemment conditionnées

par toute autre chose que le tempérament. Elles ont pu l'être par

les professions des délinquants par exemple. Il est d'ailleurs ad-

missible que le tempérament ait été pour quelque chose dans le

choix de la profession. Mais il y a péril il rechercher, à affirmer

une relation directe entre les divers tempéraments et les divers

délits, si nombreux et subordonnés à tant d'influences purement

extérieures. '

En étudiant les délinquants militaires M. llarty a trouvé que les

sanguins sont les moins délictueux, les plus voleurs, les plus sou-

mis, que les nerveux sont les plus violents, les plus portés aux

attentats contre les personnes et les biens, les plus ivrognes, etc.

Toutes ces déterminations sont assez peu consistantes', et ne s'ac-

cordent pas toujours entre elles.

° De la docimasie hépatique; par LCASSAGNE et Etienne MARTtN.

Le glucose, produit dé' la digestion intestinale des aliments

hydrocarbonés, passe directement de l'intestin dans le foie. Celui-

ci, d'où vient le glucose qui fournit les trois quarts de la chaleur

musculaire, en régularise la proportion dans le sang. Il en arrête

l'excès. Et lorsque cette proportion s'abaisse au-dessous de 0 gr. 2

p. 100, au contraire, à l'aide de son ferment glycolitique, il

transforme une. partie de sa provision de glycogène en sucre et

compense la perte de l'organisme par un excédent de production.

Mais que cette perte continue, et il s'épuise. Le phénomène domi-

nant de l'agonie consisterait dans- cet épuisement. Le glycogène

est un témoin, peut-être un régulateur de la vie hépatique. Sans

glycogène, le foie n'arrête plus les poisons venus de l'intestin.

BIBLIOGRAPHIE. 91

Si l'on administre à un lapin une dose massive de poison, les

éléments nerveux sont sidérés et tous les organes s'arrêtent. Dans

le foie extirpé on retrouve alors les réserves de glycogène emma-

gasinées. Mais si on administre à un lapin une dose modérée de

phosphore ou d'arsenic, l'organisme lutte pied à pied et, pour cette

lutte, le ioic lance dans la circulation tout son glucose en réserve

sous forme de glycogène. Dans ce cas le foie extirpé après la mort

ne contient ni glycogène, ni glucose. Des constatations semblables

ont été faites sur l'homme. Le foie des suppliciés fut trouvé rem-

pli de matières sucrees. Celui de morts de maladie se montre au

contraire privé totalement de glucose et de glycogène.

Toutes les maladies, entraînant la mort par agonie, entraînent-

elles comme phénomène concomitant l'épuisement du foie en

matières sucrées ? Oui, répondent MM. Lacassagne et Etienne

Martin. En analysant la substance du foie d'un cadavre on peut

donc savoir si la mort a été violente et brusque ou si elle a été

précédée d'une lente agonie. Nos auteurs décrivent le manuel opé-

ratoire à suivre pour faire cette recherche. Et c'est cette recherche

qu'ils appellent docimasie hépatique. La docimasie hépatique per-

met de reconnaître si un mort-né a été tué ou s'il a succombé à

une affection.

Elle a permis d'établir que deux enfants morts subitement, sans

qu'aucun médecin les ait examinés, étaient morts cependant de

maladie, et non par suite d'un crime, comme on l'avait'soupçonné.

L'exemple le plus typique des services qu'elle peut rendre, est le

suivant : Un individu de trente ans reçoit dans l'abdomen un coup

de couteau. Amené à l'hôpital, il meurt au bout de trois jours.

L'autopsie dénota une blessure de l'épigastrique avec hémorragie

abondante dans la cavité péritonéale ; et de plus des signes de

péritonite récente. Le juge d'instruction demandait si la mort était

le fait de l'hémorragie ou de la maladie survenue consécutivement

L'examen du foie prouva qu'il renfermait une quantité assez consi-

dérable de glucose. La mort était donc le fait de l'hémorragie et

non de la maladie encore à son début.

Gaz Les- crimes contre la religion en Russie ; par E. Tarnowski. - z

Il y a en Russie des- crimes contre la religion qui chez nous n'en

sont heureusement pas ou n'existent même pas. La loi russe punit

les blasphèmes et injures ou simples railleries contre la religion,

images ou rites, l'irrévérence aux lieux saints indépendamment du

trouble de l'ordre dans les églises. De plus elle défend l'abjuration

de la foi et des règlements de l'orthodoxie. Elle impose les obser-

vances prescrites par celle-ci; elle interdit l'existence même de

sectes dissidentes, punit la propagande en leur faveur, et châtie

sévèrement toute conversion à une religion non chrétienne et

même tout abandon de l'orthodoxie en faveur d'une autre religion

92 ) ' BIBLIOGRAPHIE.

chrétienne, catholicisme ou protestantisme. Les crimes contre la

religion en Russie sont donc d'une criminalité spéciale en rapport

avec son état de civilisation et la très faible culture de ses popula-

tions. Ils ne sont pas très nombreux, puisque les condamnés pour

ces crimes n'entrent que dans la proportion de 3 p. 100, dans

l'ensemble des autres condamnés. Mais leur accroissement a été

considérable depuis 1887, s'élevant de 653 à 1230 en 1896. Et voici

comment se répartit cette augmentation entre les différentes caté-

gories de soi-disant crimes anti-religieux :

- 1 BIBLIOGRAPHIE. 93

dit encore \I. Tarnowski. » Ce n'est pas assurément parce qu'elle

est plus religieuse que la Russie. Au contraire, c'est parce qu'elle

l'est beaucoup moins. L'intolérance est la source des soi-disant

crimes contre la religion; ou elle donne ce caractère à des actes

indifférents et même à des actes qui sont de pures manifestations

de l'esprit religieux.

7° Les corrections corporelles en Russie ; par IL IneNhCL. On

commence à avoir honte en Russie des corrections corporelles.

Mais naguère elles y étaient partout usitées; « avec une intensité

certainement inconnue chez les peuples sauvages». Même dans les

familles nobles, même dans la famille impériale, on corrigeait les

enfants de la même manière que les serfs. « La Russie ieprésentait

une grande Ecole-écurie où le mot enseigner était remplacé par le

mot battre. » En 1858, on a flagellé, dans les onze hcées de l'Aca-

démie de Kiew SOI élèves sur 4.109, un septième, et dans le lycée

de Gitomir on en a flagellé 290 sur GOO, près de la moitié. Encore

en 1879, les brigands Bykow et Tchaïkim ont été condamnés, le

premier à 12.000, le second à 11.000 coups de cravache, à la mort

déguisée sous l'apparence d'une correction inapplicable du fait de

son énormité.

Un auteur russe, Pomialowski a décrit la vie qu'il a menée lui-

même dans un séminaire. Tous les jours on y fessait, tantôt cha-

que dixième, tantôt la moitié de la classe, pour les raisons les plus

futiles. Des professeurs s'acharnaient particulièrement sur ceux qui

par hasard échappaient à ces corrections d'ensemble. L'auteur

lui-même a reçu la fessée quatre cents fois, et jusqu'à quatre fois

dans la même journée.

Aujourd'hui, dans l'armée, les soldats, en dehors de ceux privi-

légiés par leur naissance, deviennent disciplinaires pour la faute

la plus légère, et dès lors, ils peuvent être condamnés aux verges

par le commandant de leur compagnie. Ceux qui sont envoyés dans

les compagnies de discipline y sont particulièrement exposés. Ces

condamnations tendraient seulement à diminuer depuis 1875, car

elles seraient descendues ( ? ) de 2.133 à 3t8 en 1893. Tous les

paysans peuvent être condamnés aux verges par les tribunaux

ruraux, sauf ratification par le sous-préfet. De sorte que dans les

pays de conquêtes, les sujets, les vaincus, ont ce spectacle de leurs

vainqueurs fouettés en public sur l'ordre de leurs chefs. Les cor-

rections illégales infligées sans jugement par des administrateurs,

ne se comptent pas.

Dans les prisons, les corrections par le fouet ont un caractère

particulièrement atroce. Le patient est couché sur le ventre, les

bras liés autour du banc sur lequel on l'étend, et il est frappé sur

les reins avec le plel', knout fait d'une tresse de cuir, large de trois

doigts et qui se termine par trois bouts de lanière libres. Un méde-

94 FAITS DIVERS. ,

cin qui a assisté à l'une de ces exécutions à l'ile Sakhaline, s'ex-

prime ainsi au sujet du patient : « Prokhorow avait les cheveux

collés au front par la sueur, le cou gonflé.' Déjà après 6 à 10 coups

de plet', le corps couvert de cicatrices par les punitions précédentes,

rougit, devient bleuâtre ; l'épiderme éclate à chaque coup. Après

20 à 30 coups, Prokhorow marmotte comme un homme ivre ou

délirant : « Je suis un homme malheureux, je suis mort. Pouiquoi

me punit-on ' ? Puis c'est un cri continu, terrible, un bruit de

vomissement; Prokhorow ne dit plus rien, mais mugit et râle ;

depuis le commencement de la peine s'est écoulé, croirait-on, une

éternité, mais le surveillant ne crie que : quarante-deux, quarante-

trois. C'est loin des quatre-vingt-dix coups prononcés par la puni-

tion. Je sors... Enfin, quatre-vingt-dix. On détache rapidement les

mains et les. pieds et on aide Prokhorow il se mettre debout. La

région sur laquelle on a frappé est toute bleue d'ecchymoses et

laisse couler le sang. Les dents claquent, le visage est jaune, humide,

les yeux hagards... Quand on lui donne des gouttes, il mord

convulsivement le verre... On lui mouille la tête et on l'em-

mène... »

Maigre les protestations réitérées des médecins, rien n'a pu

jusqu'à présent faire abandonner ces pratiques barbares. niais

l'administration russe a de plus en plus de peine à trouver des

brutes assez cupides ou assez féroces pour faire le métier de bour-

reau.

8° Monographie d'un jury d'assises; par Maurice Ajam. Le jury

d'assises en question est celui de la Sarthe, que AI0 Ajam a pu

étudier de très près puisqu'il a plaidé longtemps et souvent devant

lui. Il n'en dit pas que du bien. Mais il se tient aux nécessités pra-

tiques, et fait une large part au bon sens, bien que le sens, dit

commun ne soit pas toujours le meilleur, le plus fin, le plus

relevé. De sorte qu'il aboutit au bout du compte, à la défense for-

melle du jury, sur cette observation topique, que les défenseurs

d'assises ont pratiquement établi que, dans un jury, l'intelligence

était une quantité négligeable. » Z.\IJ0ROWSKI.

FAITS DIVERS.

Asiles d'aliénés. - Nominations et promotions. - M. MEKGA-

DusQur, ancien préfet, nommé directeur de l'asile d'aliénés (châ-

teau Picon), en remplacement de M. Calès, décédé; - M. le

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 95

D1' .MO : 'lEsm : R, médecin adjoint à l'asile public d'aliénés d'Aix, pro-

mu à la classe exceptionnelle du cadre; - 11. le Dr COULOG. mé-

decin adjoint à l'asile public d'aliénés de Clermont, promu a la

1 rye classe du cadre ; - AI. le D' Tenade, médecin en chef de l'asile

de Leymé (Lot) (admissible au concours de Bordeaux. 1896), nommé

médecin adjoint à l'asile de Lafond (Charente-Inférieure), en rem-

placement du D' MAHOX, nommé médecin en chef préposé respon-

sable du quartier d'aliénés de l'hospice d'Agen ; - ici. CLÈRE

(Gabriel), ancien sous-préfet, nommé directeur de l'asile public

d'aliénés de Sainte-Catherine-Izerne (Moulins, Allier). (Novembre.)

- ici. le D' Pichenot, médecin en chef à Montdevergues (Vaucluse),

promu à la 1 ? classe du cadre; 11. le D' Join-Ni IC, docteur-méde-

cin à Atencon, promu à la 2° classe du cadre. (Décembre.)

Asile DE Villejuie (tramway Chatelet-Villejuif). Service de

M. Toulouse. Le mercredi à 9 h. 1/2 visite du service. Conférences

cliniques au lit des malades.

Suicide d'enfant. - A la suite d'une faute légère, Louis .Mignon,

huit ans, 0, impasse de l'Avenir, à Paris, était envoyé en pénitence

dans sa chambre, par sa belle-mère. Une heure plus tard, on

pénétrait dans sa chambre où l'on -trouva le cadavre du pauvre

petit qui se balançait dans le vide, suspendu par une cordelette à

un clou du plafond (L' Indicateur de Cognac, 10 novembre).

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

FI : RI; (Ch.). - L'instinct sexuel. Evolution el dissolu ! ion. Volume

i ? 18 cartonné de 346 pages. - Prix : 4 Irdncs.-Yaris,15J9.-Libracrie

F. Alcan.

Grasset et Gibert. - La dissociation dite syritxgomyélique des sensi-

bilités. Brochure in-8u de -47 pages. MontpeHn'r, 1S99. Imprimerie

Boeiiin.

Guerrini (G.). Sur une question de priorité. Brochure ici-8- de

3 pages. - Bologne. 1S9S. lixtrnit de l'dtnalomischer Anzeiger.

Guerrini (G.). Dell' azione délia (atica sulla slrttllurct délie cellule

nervose délia co<'/ecct'ff. Brochure in-8» de 2 pages. - Palermo, 1999.

Extrait de la lliforma medica.

Jahresberichl ùbei, die leislungen und fortschrilte au( dem gebiele

der Neurolooie und Psychiatrie. Deuxième année, 1898. - Volume

il'-SI de 1400 pages. - Prix : 10 francs. Berlin, 1899. Librairie

Harger.

Kodet (V.). - Les agnoscies; la cécité psychique en particulier. -

96 avis. ,

Volume in-8° de 220 pages. - Prix : 4 francs. - Paris, 1899.- Librairie

F. Alcan.

The Johns Ilospilal /ippo< ? Nous venons de recevoir du mine VIII,

en un seul fascicule les nos 1-2. Ce fascicule torme un volume de 151 pages,

illustré de figures. - Ce journal est publié par l'Etat de Baltimore (États-

Unis).

Viunte Ois y ESQUEHDO. - Ilislerismo e ! )'ecc;on. - Brochure in-8"

de 24 pages.- Madrid, 1899.- l1evisla de Medicintt y cirugia p ? aclicas.

AVIS A NOS COLLABORATEURS. - Nous prions

instamment nos collaborateurs de bien vouloir nous ren-

voyer, dans un délai de trois jours, leurs épreuves corrigées

et de toujours nous les adresser 14, rue des Carmes.

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étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions

instamment nos souscripteurs dont l'abonnement cesse à

cette date, de nous envoyer le plies tôt possible le montant

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par la poste, et nos abonnés n'ont rien à payer en sus du

prix de leur renouvellement.

Nous leur rappelons que, à moins d'avis contraire, la

quittance de réabonnement leur sera présentée, aug-

mentée des frais de recouvrement, il. partir de

ce jour. Nous les engageons donc il. nous envoyer DE

SUITE leur renouvellement par un mandat-poste.

Afin d'éviter toute erreur, nous prions également nos

abonnés de joindre à leur lettre de réabonnement et à toutes

leurs réclamations la BANDE de leur journal.

- Nous rappelons il. nos lecteurs que l'abonnement collec-

tif des Archives de Neurologie et dit Progres Médical

est réduit il. 30 francs pour la France et l'Etranger.

- Jusqu'au 31 décembre, la COLLECTION COMPLÈTE

des Archives de Neurologie sera livrée il. nos nouveaux

abonnés au prix de cent vingt francs, y compris l'abon-

nement de 1899. - ri partir du ICI' janvier 1900 le prix de

la collection complète (18S0-'1Sg9) sera porté il. CENT CIN-

QUANTE francs.

Le rédacteur-gérant : Bourneville

livrew, Ch. Ilémssev, imp. - 1-9J.

Vol. IX. Février 1900. N° 50

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

PATHOLOGIE NERVEUSE.

Des troubles psychiques dans la chorée

dégénérative

(Chorée héréditaire, chorée de Huntington ') ;

Par le D' P. L.1D.1JIC (de Genève).

On n'est pas d'accord sur la signification nosographique

qu'il convient de donner à la chorée de Huntington. Les uns

avec Charcot, Huet et Jolly font rentrer cette affection dans

les « chorées chroniques » ; les antres avec Lannois, .\Ioebius

et Wollenberg en font une maladie spéciale, distincte, nette-

ment caractérisée, qui forme une espèce clinique à part dans

le groupe des chorées. Avant de traiter la symptomatologie

des troubles psychiques dans la chorée dégénérative, il est

donc nécessaire de se demander de quelle affection on entend

parler. Il est évident que si l'on fait rentrer dans cette

rubrique tous les cas de chorée chronique, le tableau symp-

tomatologique sera singulièrement étendu, au point que l'on

risquerait alors de passer en revue la pathologie mentale tout

entière. Nous pensons en conséquence qu'il faut se restreindre

aux cas typiques de la maladie, et n'accepler qu'avec une

grande réserve les nombreuses observations plus ou moins

' Ce travail a fait l'objet d'une communication à la Société des méde-

cins aliénistes suisses réunis à Lugano, le 22 septembre 1899, et les pièces

anatomiques ont été présentées à la Société médicale de Genève, le

4 octobre 1899.

Archives, 21 série, t. IX. 7

98 PATHOLOGIE NERVEUSE.

similaires qui appartiennent aux formes de transition ou

aux formes frustes, et qu'on voudrait y ajouter. Celte règle

doit être appliquée à plus forte raison pour les névroses et

les psychoses dont l'anatomie pathologique est à peine ébau-

chée, comme c'est le cas pour la chorée dégénéralive.

Nous prendrons donc pour base de notre élude les seules

observations qui répondent au type connu depuis la descrip-

tion de Huntington en 18 vil-), et qui présentent les trois carac-

tères suivants : 1° La maladie est héréditaire. Il ya des familles

entières de choréiques, chez lesquels s'ajoutent toujours un

élément nerveux. Lorsqu'une génération est épargnée, la

chorée ne se reproduit plus dans les générations suivantes ;

2° La chorée débute de la .manière ordinaire ; elle atteint

ensuite les degrés les plus élevés et conduit le plus souvent

aux troubles psychiques, avec impulsions fréquentes au sui-

cide, et lentement enfin à la mort, sans qu'on ait jamais observé

une guérison ; 3° L'affection ne débute jamais dans la jeu-

nesse ; le plus souvent entre trente et quarante ans, rarement

au delà de cet âge. Elle atteint également les deux sexes.

Huntington croyait que la maladie était particulière à

Long-Island (Etals-Unis) où son père et son grand-père, qui

étaient aussi médecins, l'avaient déjà observée dans certaines

familles.

Les observations subséquentes ont montré que l'on devait

modifier certains termes de sa définition, spécialement t

quant aux conditions héréditaires, à la nature du trouble

mental et à l'époque de l'apparition de la maladie. Mais les

traits fondamentaux posés par Huntington restent intacts, et

il est nécessaire de ne pas trop s'en éloigner si l'on veut s'en

tenir au type primitif et ne pas se perdre dans le dédale des

chorées chroniques.

En déblayant ainsi le terrain de tout ce qui l'encombre,

nous limitons nettement le champ de cette étude, et nous

écartons d'emblée tous les éléments qui seraient de nature à

troubler le tableau symptomatologique, déjà suffisamment

compliqué, des troubles psychiques dans la chorée hérédi-

taire dégénérative. Nous retrouvons les caractères tracés par

Huntington dans l'observation suivante qui offre à plusieurs

égards un type remarquable et très net de chorée dégéné-

rative. J'ai pu suivre l'observation de ce malade pendant

quatre ans environ et j'en ai fait récemment l'autopsie.

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Chorée DÉGÉN8f\ATIVE (DE HUNTINGTON n

Famille B...

100 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Alfred B... est mort à cinquante ans, après avoir souffert de

chorée pendant quinze ans. C'est à l'âge de trente-cinq ans, en

effet, que remonte Je début de sa maladie, qui se fit d'une façon

insidieuse et sans cause apparente.

.,lntécé lents héréditaires (voir le tableau ci-contre). - Sa tare

héréditaire, est très chargée. Nous possédons des renseignements

sur quatre générations.

Première génération. La grand'mère paternelle est morte

choréique, après bien des années de maladie. Il y avait plusieurs

cas d'épilepsie dans sa famille.

Deuxième génération. - Le père était paysan. Il mourut cho-

réique et paralysé à cinquante-deux ans, après avoir été dix ans

sans pouvoir travailler. Il avait cinq frères et une soeur, oncles et

tante de notre malade.

Le frère aîné mort choérique à soixante-quinze ans célibataire.

Le second, mort il cinquante-cinq ans choréique, alcoolique,

interné dans un asile d'aliénés. Un troisième imbécile, sur lequel

je n'ai pu avoir de renseignements. -

Les deux autres, non choréiques, mariés, sont morls jeunes,

c'est-à-dire avant l'âge où apparaît habituellement la chorée. Le

premier sans enfants, le second a eu un enfant névropathe. La

tante a été, m'a-t-on dit, choréique pendant trente ans, elle est

morte octogénaire.

Quant à la mère de notre malade, elle est morte à quatre-vingt-

deux ans d'un catarrhe bronchique.

Troisième et quatrième générations. Notre malade, marié,

choréique, sans enfants, avait trois frères et quatre soeurs.

Un seul frère choréique, âgé aujourd'hui de cinquante-cinq ans,

a dû se divorcer, par suite de violences qu'il exerçait sur sa

femme. Il s'est remarié et se porte à des voies de fait sur sa

seconde femme, plus résignée que la première. De celle-ci il eut

un fils, maintenant âgé de vingt-neuf ans, qui est un alcoolique

dangereux, querelleur et violent. Pas d'enfants de sa seconde

femme. Les deux autres frères de notre malade sont morts jeunes,

l'un à vingt-trois ans, l'autre à trente ans, c'est-à-dire avant l'âge

ou la chorée héréditaire se déclare ordinairement. Le second,

marié, a une fille atteinte d'hémiplégie cérébrale infantile.

Parmi les quatre soeurs, deux sont choréiques et démentes,

l'une âgée de cinquante-deux ans est internée dans un asile d'alié-

nés. Elle eut six enfants, dont quatre sont morts en bas âge

d'affections cérébrales (méningites ? ) ; une fille (bye enfant) morte

subitement à vingt-trois ans dans un accès d'épilepsie. Il ne lui

reste donc qu'une seule fille, âgée de quinze ans, idiote et para-

lysée. La seconde soeur choréique et démente a eu une seule fille,

imbécile, devenue folle, actuellement internée dans une maison

de santé.

TROUBLES PSYCHIQUES DANS LA CHOREE DÉSÉNÉRAT1VË. 101

La soeur aînée, non choréique, âgée actuellement de soixante-

cinq ans, célibataire, sourde, borgne et imbécile. La seconde

soeur, non choréique aussi, âgée de soixante-trois ans, est imbé-

cile, d'un caractère difficile. Elle a une fille de trente-cinq ans,

epileptique, aliénée, internée depuis l'âge de vingt ans, et nn fils

de quarante aus qui est marié et qui a un fils de dix-huit ans, sur

lequel je n'ai point de renseignements.

Nous voyons que dans la quatrième génération, il n'est pas

encore question de choréiques, aucun des enfants n'ayant atteint

- l'âge fatal. Mais nous constatons que la plupart d'enlre eux sont

frappés de graves infirmités, causées par des affections organiques

congénitales des centres nerveux, idiotie, paralysie, épilepsie, hémi-

plégie cérébrale infantile.

A propos des circonstances héréditaires dans la chorée de

Huntington, je rappellerai, sans y insister, la discussion qui

a été soulevée au sujet de l'importance de l'hérédité directe,

similaire dans cette maladie, par opposition à l'hérédité psy-

chopathique et neuropathique générale, polymorphe, hérédité

de transformation, qui serait la règle dans la chorée vulgaire

de Sydenham. Je me bornerai à faire remarquer que dans

notre cas les sources héréditaires pathologiques sont de deux

ordres.

On rencontre en effet, à l'origine, dans la famille de l'aïeule,

concurremment avec la chorée dégénérative, le haut mal,

l'épilepsie, dont plusieurs auteurs, Hoffmann, lluet, Jolly,

Remak, Wille, ont déjà signalé l'étroite parenté avec la cho-

rée de Iluntington. C'est sans doute à la gravité de cette

complication pathologique héréditaire qu'est due la dégéné-

rescence rapide et irrémédiable de la famille de noire

malade.

Antécédents personnels. - Alfred 13... était en très bas âge lors

de la mort de son père. il fut toujours chétif et très nerveux. Il

marcha assez tard et tombait souvent; il a toujours été très mala-

droit de ses mains. Vers l'âge de sept ans il eut des crises ner-

veuses convulsives lorsqu'on le contrariait. A l'école son dévelop-

tement se fit assez bien, quoiqu'il fut toujours un enfant arriéré.

11 a parlé tiès tard et il apprit péniblement à écrire. Son carac-

tère était irritable, susceptible; ses colères soudaines et violentes.

Son intelligence plutôt vive, sa mémoire excellente. Son humeur

a toujours été capricieuse et instable.

Il lit un apprentissage de coiffeur, mais il s'énervait lorsqu'il

fallait raser les clients ou couper les cheveux. Il dut abandonner

102 PATHOLOGIE NERVEUSE.

complètement le rasoir et les ciseaux à l'âge de vingt-quatre ans.

Dès qu'il entreprenait un travail exigeant une attention soutenue,

il était vite énervé. Il n'apprit jamais bien à calculer et n'aimait

point la lecture. On ne signale pas de graves maladies infectieuses

pendant son enfance. En particulier il n'eut jamais d'accès de

chorée vulgaire.

Il était sujet depuis son adolescence à des accès de migraines

épouvantables et restait alors vingt-quatre heures an repos absolu

dans une chambre obscure, avec des vomissements violents et

des douleurs de tète intolérables. Ces accès revenaient périodi-

quement deux fois par mois. C'était peut-être des équivalents

d'accès épileptiques ? Ils étaient souvent provoqués par des causes

morales, des ennuis. Le malade s'énervait facilement, il recevait

très mal les clients. Il dut cesser complètement de coiffer à l'âge

de trente et un ans. Ses migraines cessèrent peu d'années après

son mariage, au moment où les premiers symptômes de sa mala-

die actuelle se déclarèrent. Avec la disparition des migraines les

facultés intellectuelles commencèrent à baisser, la mémoire à dimi-

nuer rapidement. A cette époque il eut pendant six mois des crises

singulières de toux nerveuse qui se répétaient périodiquement tous

les soirs à la même heure et duraient trois à quatre heures chaque

nuit.

Jamais il n'eut de période de tristesse ni de mélancolie au

début de sa maladie. Il était d'un caractère plutôt gai, jovial, mais

ne supportait aucun souci, aucun ennui.

Marié à trente-deux ans, il n'eut jamais d'enfants. Sa femme

qui m'a fourni la plupart des renseignements ci-dessus, affirme

qu'au début de son mariage son mari avait des rapports sexuels

normaux avec elle, mais que tôt après il manifesta des propen-

sions contre nature et qu'il se mettait dans des colères terribles

lorsqu'elle refusait de se prêter à ces rapports avilissants.

Elle en avait peur. Il l'a souvent menacée avec un couteau. Sa

maladie débuta trois ans environ après son mariage, sans qu'on

puisse bien en préciser la date. Il avait des mouvements nerveux,

faisait des grimaces et devenait de plus en plus susceptible et

colérique. Peu à peu les mouvements choréiques se générali-

sèrent et les crises d'excitation mentale devinrent plus fréquentes

et plus violentes. L'aggravation des symptômes s'est manifestée

surtout depuis l'âge de trente-huit ans; dès lors la maladie a

suivi une marche progressive, mais elle s'est soudain considéra-

blement aggravée il y a cinq ans, à la suite d'une cure d'eau

froide à la Kneipp, qui le rendait tout à fait fou, à ce que raconte '

sa femme, encore très émue à ce souvenir. C'est après cette cure

qu'on remarqua surtout la diminution sensible de sa mémoire.

Symptômes cliniques. Status en novembre 1897. Le malade

d'apparence chétive, âgé de quarante-huit ans, est de petite taille

TROUBLES PSYCHIQUES DANS LA CHORÉE DÉGÉNERATIVE. 103

amaigri. Il ne pèse que 48 kg. 500. Je n'ai pas l'intention de

décrire avec détails les mouvements desordonnés et incessants

dont il est agité. Qu'il me suffise de dire que ce sont des mouve-

ments choréiqnes généralisés de la tête, du tronc, de la face et

des membres; des grimaces, des contorsions, des secousses

variées et inattendues. Comme beaucoup d'auteurs, ',j'ai observé

que, contrairement à ce que prétendait lIunlington, les mouve-

ments n'atteignaient pas les degrés les plus élevés, mais étaient

plutôt moins vifs et moins brusques que dans la chorée vulgaire.

La parole très difficile, entrecoupée par les mouvements incoor-

donnés de la bouche et de la langue. Le malade répond très len-

tement, et par saccades, aux questions qui lui sont posées. Il

tire la langue droite, mais ne peut la maintenir tranquille hors

de la bouche; elle se meut dans tous les sens, entre et sort plu-

sieurs fois de la bouche, même après qu'on lui a dit de cesser de

la tirer. Pas de mouvements fibrillaires. Les mouvements des

yeux sont normaux.

La démarche du malade est très gênée, comme ébrieuse. Il fait

deux ou trois pas avec des contorsions de tronc, puis soudain une

jambe frappe le sol et s'arrête, menaçant de le faire tomber.

On a souvent dit qu'un des caractères distinctifs de la cho-

rée de IIuntington consistait dans la suspension que la volonté

du malade pouvait momentanément exercer sur les mouve-

ments involontaires, qui s'exagèrent au contraire par l'effet

de la même cause dans la chorée vulgaire. Ce caractère n'a

pas d'importance à notre avis. Le malade avait bien la faculté

de réprimer jusqu'à un certain point et pendant un court

instant les mouvements choréiques, surtout lorsqu'on lui com-

mandait des mouvements intentionnels (donner la main, et

lorsqu'il était tout à fait calme, prendre un objet, marcher

deux ou trois pas, etc.), mais il n'en était pas toujours ainsi

et nous ne pouvons attribuer à ce symptôme la valeur d'un

caractère diagnostique différentiel, d'autant plus qu'on l'ob-

serve aussi dans certains cas de chorée de Sydenham.

Les émotions morales, la présence d'autres personnes, la

honte de se sentir observé, le sentiment du ridicule dans la

rue, quand les enfants couraient après lui comme après un

ivrogne, en se moquant, tout ce qui était de nature à provo-

quer de l'excitation mentale augmentait considérablement

les mouvements choréiques. Ces mouvements cessaient com-

plètement pendant le sommeil. Ils ont persisté, en s'affaiblis-

sant dans le cours des dernières semaines jusqu'à la veille de

la mort.

104 PATHOLOGIE NERVEUSE.

L'écriture devenait de plus en plus difficile (lig. 1, 2, 3). Il

s'enfermait seul dans une chambre pendant des heures pour

copier péniblement une page d'écriture. A la fin Alfred B...

ne pouvait plus donner que sa signature avec beaucoup de

peine, mais elle resta toujours lisible. De même la parole fut

de plus en plus embarrassée et indistincte. Le malade ne put

prononcer aucune parole pendant les quinze derniers jours

de sa vie. Son intelligence était toutefois conservée et il mon-

trait par ses gestes qu'il avait bien compris les questions qui

lui avaient été posées et auxquelles il lui était impossible de

répondre.

Il souffrait depuis longtemps de troubles ataxiques de la

déglutition. Le malade mangeait très gloutonnement. Six

mois avant son décès il ne pouvait plus manger seul. Sa

femme était obligée de le nourrir, mais il était alors d'une

impatience extrême et se précipitait souvent sur la nourri-

ture avant qu'elle soit mise en menus morceaux. Il avalait de

l'ig. 4. - Spécimen de l'écriture du 9 mai 1881.

Fig. 2. Spécimen de l'écriture du 5 février 1895.

TROUBLES PSYCHIQUES DANS LA CHORÉE DEGÉNÉRATIVE. IOJ

travers et, à maintes reprises, sa femme dut aller chercher

au fond de sa gorge les bouchées qui le suffoquaient. Il risqua

plusieurs fois de s'étouffer comme cela est arrivé pour un des

malades de Facklam, et dans un cas rapporté par Osier.

Les troubles de la déglutition s'aggravèrent beaucoup pen-

dant les derniers jours de sa maladie, quand la paralysie des

musclcs du pharynx vint s'ajouter à l'ataxie des mouvements.

Les réflexes patellaires étaient très exagérés. Quand on tapait

sur le tendon du rotulien le malade avait des soubresauts de

tout le corps. Pas de clonus de pied.

. Pendant les derniers six mois de son existence le malade

ne pouvait pas non plus s'habiller seul. Sa femme était obli-

gée de lui passer tous ses vêtements et comme il ne voulait

pas paraître avoir besoin d'une aide, cette corvée journalière

n'était pas une mince affaire ; d'autant plus que le malade

s'emportait au moindre prétexte, et abreuvait sa compagne

d'invectives et de menaces. Ceci nous amène au coeur même

de notre sujet, à la description des troubles psychiques.

Notons encore que le malade n'offrait aucun trouble de la

sensibilité et que l'exploration des organes de la poitrine et

de l'abdomen ne permettait de découvrir aucun signe patho-

logique dans les viscères de ces cavités. Le malade eut toujours

un gros appétit et un excellent sommeil, ce qui ne l'empêchait

pas de maigrir. Pour le repas du soir il exigeait ordinaire-

ment qu'on lui servît des omelettes de huit oeufs !

Symptômes psychiques. Le malade qui avait toujours

été d'un caractère difficile devint de plus en plus susceptible,

impatient et irritable, très exigeant et capricieux. Il faisait

Fin. 3

106 1 PATHOLOGIE NERVEUSE.

des scènes de violences pour un rien et sa femme en était

terrifiée. Il entrait dans des accès furieux, s'agitant, se

démenant, vociférant, sans pouvoir prononcer un mot, et

menaçant de tuer sa femme; il s'emparait de tout ce qui lui

tombait sous la main pour le lui lancer à la figure. Maintes

fois, comme nous l'avons dit, il la menaça avec un couteau.

C'est alors qu'il menaçait aussi de se suicider. Il partit brus-

quement un soir qu'il s'était fâché pour une vétille à son sou-

per, en disant qu'il allait se jeter au Rhône. Comme il ne

rentrait pas sa femme fut dans l'angoisse une grande partie

de la nuit. Un voisin qui était allé à sa recherche, le trouva,

non loin de son domicile, assis dans un coin sombre, d'où il

pouvait surveiller sa maison, et le ramena chez lui à deux

heures du matin. Une autre fois il se tenait au bord d'une

fenêtre ouverte disant qu'il en avait assez de la vie et qu'il

allait se précipiter dans la rue. L'aurait-il fait, comme le croit

fermement sa femme, si elle ne l'en avait pas empêché ? Quoi

qu'il en soit, les occasions de s'ôter la vie ne lui ont jamais

manqué, mais je me suis assuré que jamais il n'a fait une

véritable tentative de suicide.

Le malade n'a jamais eu d'hallucinations ni d'idées déli-

rantes d'aucune sorte. Pas d'accès de mélancolie proprement

dite, bien qu'il fût loin de se résigner et d'accepter philoso-

phiquement sa maladie. Tout au contraire il s'en exaspérait

et ne trouvait d'autre apaisement à sa rage que dans une

occupation manuelle enfantine qui lui donnait l'illusion d'être

de quelque utilité. Sa femme, qui était coiffeuse, lui confiait

des démêlures de cheveux à trier ; il faisait cet ouvrage avec

lenteur et maladresse, et s'y piquait souvent les doigts ; mais

il avait le sentiment d'accomplir un travail utile et cela le

calmait momentanément.

On remarqua un affaiblissement graduel de son intelligence

qui n'aboutit cependant pas à la démence complète. La luci-

dité d'esprit était conservée, sauf peut-être dans ses accès de

fureur, où le malade ne voulait rien entendre. Son caractère

devenait de plus en plus enfantin ; son humeur était désa-

gréable et capricieuse. Le malade avait les exigences d'un

enfant gâté, ses mouvements de colère étaient puérils; il était

devenu boudeur, grognon, récalcitrant, timide devant les

étrangers, insupportable dans son intérieur.

Il n'avait pas d'accès de jalousie contre sa femme, qui du

TROUBLES PSYCHIQUES DANS LA CHORÉE DÉGÉNÉRATIVE. 107

reste l'a entouré de soins jusqu'à son dernier jour et s'est

entièrement sacrifiée à lui, avec un dévouement et une abné-

gation rares. Mais il était jaloux de son travail ; il ne pouvait

supporter de la voir active et travailleuse, alors qu'il se sen-

tait impotent et inutile. Cette situation réciproque donna

souvent lieu à des scènes pénibles entre les époux. A la fin,

de guerre lasse, elle cessa complètement son petit commerce et

ferma son magasin pour avoir la paix; elle se consacra dès

lors entièrement aux soins qu'exigeait la maladie de son mari.

Pendant les dernières semaines, le malade ne pouvait plus

sortir de son lit; il s'affaiblit graduellement; ses mouvements

choréiques diminuaient de plus en plus et s'arrêtèrent même

complètement le dernier jour de sa vie. Les membres inertes,

retombent complètement paralysés lorsqu'on les soulève. Le

malade ne peut plus avaler ; son pouls s'affaiblit progressi-

vement et finit par disparaître; la respiration, sans râle ni

rythme intermittent, devient de plus en plus superficielle. Le

malade se cyanose et se refroidit; il s'éteint sans sueurs ni

convulsions le 4 juillet 1899 à sept heures du soir. Nous

dirons plus loin les résultats de l'autopsie.

En nous basant sur cette observation et en la comparant avec

celles, de plus en plus nombreuses, qui ont été publiées pen-

dant ces dernières années, nous essayerons d'esquisser la

symptomatologie psychique de la chorée héréditaire dégéné-

rative, telle qu'elle nous apparaît aujourd'hui.

Nous nous occuperons d'abord des troubles psychiques

élémentaires qui s'observent dans la chorée de Huntington,

avant de discuter la question de savoir si ces troubles carac-

térisent une forme déterminée de psychose spéciale à cette

maladie.

Les premiers auteurs qui étudièrent les troubles mentaux

des choréiques en général, Rilliet et Barthez, Watson, 'Vun-

derlich, Romberg, Arndt, et beaucoup d'autres à leur suite,

ont signalé l'irritabilité du caractère comme un des signes les

plus habituels de la chorée. Ce trouble psychique élémentaire

est mentionné dans la très grande majorité des cas de chorée

de Huntington, où il atteint même un degré extraordinaire.

Il ne manque peut-être jamais à une certaine période de la

maladie, à moins d'une déchéance précoce profonde des

facultés intellectuelles. En tout cas il forme, à notre avis, le

') 08 ' - PATHOLOGIE NERVEUSE.

trait essentiel et fondamental de l'état psychique des malades

atteints de chorée héréditaire. C'est lui qui marque souvent

le début de la maladie et qui domine ensuite le tableau symp-

tomalologique. Il s'allie communément à l'affaiblissement t

progressif des facultés mentales, comme nous le dirons tout t

à l'heure, et constitue avec ce dernier, dont il n'est en réalité

qu'une des manifestations, le syndrome caractéristique de la

« psychose choréique dégénérative progressive ».

Notre malade, qui représentait un type très pur de chorée

de Huntington, offrait ce trouble du caractère au plus haut

degré. Nous avons vu à quel point il était irritable, suscep-

tible, irascible ; ses emportements, ses colères allaient sou-

vent jusqu'à la fureur. Ses menaces, ses vociférations et ses

gesticulations caractérisaient de véritables accès maniaques,

comme on en a fréquemment noté dans la chorée aiguë.

Si j'insiste sur ce symptôme de l'irritabilité du caractère

chez les choréiques héréditaires, c'est qu'il me paraît très

important aussi à un autre point de vue. Je crois qu'il va nous

donner la clef d'une contradiction que j'ai remarquée entre

l'opinion générale des auteurs, au sujet de la fréquence du

suicide dans la chorée de Uuntington, et la réalité des

faits.

' Depuis que Huntington a affirmé que ces malades avaient

des impulsions fréquentes au suicide, presque tous les auteurs

répètent à l'envi cette affirmation. Or, mon malade n'avait

jamais fait de tentative de suicide, bien qu'il ait souvent

menacé de se détruire dans ses accès d'emportement contre

sa femme. J'ai voulu rechercher dans la littérature médicale

si les suicides et les tentatives de suicide étaient vraiment

aussi fréquents qu'on le disait, et j'ai dû me convaincre qu'il

n'en était rien. Voici, en effet, les résultats de mon enquête,

que je n'ai pas eu le loisir de faire aussi complète que je l'au-

rais désiré, mais qui représente néanmoins la forte majorité

des cas publiés jusqu'ici. Je prends les observations par

ordre chronologique.

Ewald, en 18S ! r, est le premier auteur qui attira l'attention

sur le mémoire de Huntington, dont personne n'avait parlé

depuis 1872. Il rapporte deux observations de chorée chro-

nique où il n'est pas question d'idées de suicide, ni même de

troubles mentaux.

' En 1885 King, dans le Neiv-York médical Journal, publie

TROUBLES PSYCHIQUES DANS LA CHORÉE DÉGÉNÉRATIVE. 109

l'histoire d'une famille qui fournit de nombreux choréiques

pendant quatre générations. Vous trouverez dans les auteurs

que King a particulièrement insisté sur les troubles mentaux

et les idées de suicide dans la chorée héréditaire. Cependant,

s'il faut en croire ces mêmes auteurs, car je n'ai pu me pro-

curer le travail original, une seule des malades de King, sur

un très grand nombre d'autres, a tenté à deux reprises de se

suicider. On ne dit pas comment ni dans quelles circons-

tances ces tentatives se sont produites, ce qu'il importerait

fort de savoir. Peut-être King donne-t-il plus de détails sur

ces incidents dans son mémoire ? En tout cas cette observa-

tion isolée au milieu de tant d'autres négatives, est loin de

prouver, comme on l'a dit, la fréquence du suicide, dans les

cas de King, où le suicide est tout au contraire une rare

exception.

Perctti, la même année, dans un travail souvent cité, rela-

tant douze cas de chorée héréditaire dans deux familles pro-

venant de la même souche, ne mentionne nulle part les idées

de suicide.

Le travail de Huber, de Zurich, paru en 1887, très docu-

menté et dont nous reparlerons, ne dit pas un mot de suicide

sur les neuf cas de chorée dans la famille Rinderknecht.

En 1888, nous avons d'abord l'important mémoire de Lan-

nois dans la Revue de médecine, sur lequel nous aurons à

revenir. Dans aucun des six cas rapportés par Lannois, il

n'est parlé d'impulsions au suicide.

La même année Bastianelli a observé un choréique de

trente-huit ans qui aurait eu un cousin germain choréique

aussi, mort à quarante ans par suicide. après avoir été long-

temps aliéné. Il importerait de savoir si ce suicide a quelque

relation avec la chorée. Quoi qu'il en soit, le malade observé

par l'auteur n'a pas manifesté d'idées de suicide et l'histoire

du cousin germain aurait besoin d'être contrôlée de plus

près, avant d'être acceptée comme une preuve de la fré-

quence ( ! ) du suicide dans la chorée de Huntington.

Hoffmann, en 1888 aussi, a quatre cas personnels, chez

lesquels il ne parle pas d'idées de suicide. Même année le cas

de Klippel et Ducellier, avec quatre autres choréiques chez

les ascendants d'un alcoolique et des aliénés. Ces auteurs ne

parlent pas de suicide.

Deux revues critiques sur la chorée héréditaire parurent

110 ' PATHOLOGIE NERVEUSE.

cette même année '1888, en Angleterre et en Italie. Ilerrin-

gham, très au courant des travaux américains, ne dit pas un

mot du suicide, et Seppilli, qui n'a pas de cas personnels, se

borne à dire, d'après les auteurs, que les troubles psychiques

sont en général légers ( ? ) dans cette maladie, mais qu'ils

peuvent s'aggraver jusqu'à la mélancolie avec tendance au

suicide.

Le travail fondamental de Iluet sur la Chorée chronique

est de 1889. On y trouve 58 observations personnelles ou

résumées d'autres auteurs, parmi lesquelles on n'en pourrait

pas citer une seule où le suicide ou même la tentative de sui-

cide ait été observé comme conséquence de la chorée. Du

reste il n'est parlé de suicide que dans les 4 observations

suivantes :

Observation I. Le grand-père maternel choréique s'est pendu

à un âge avancé. Un oncle aurait eu également la chorée et se

serait noyé volontairement en se jetant dans un puits. Remarquez

ce conditionnel dubitatif. Un frère alcoolique et choréique s'est pendu

à quarante-six ans. Nous pensons que c'est à l'alcool et non à la

chorée qu'il faut attribuer ce suicide. La malade elle-même qui

fait le sujet de l'observation, ne parait pas avoir manifesté des

idées de suicide. Du moins il n'en est pas parlé dans son observa-

tion, quoique Iluet le dise plus tard (1. c., p. f7G) lorsqu'il discute

l'état mental des choréiques. Voici ce passage :

« Chez beaucoup de ces malades il existe au début de leur affec-

tion un penchant très grand à la tristesse. Les uns... recherchent

la solitude et n'osent plus sortir, de peur d'être pris, comme cela

leur arrive souvent, pour des ivrognes. Les autres, éclairés sur

leur sort, par la maladie qu'ils ont vue développée chez leurs as-

cendants, ou chez des frères ou soeurs, en redoutent les terribles

conséquences, tombent dans le désespoir et sont pris d'idées de

suicide, »

Comment Iluet justirie-t-il une généralisation aussi affir-

mative ? En citant deux seuls cas, celui de King et sa pre-

mière observation, dont nous venons de montrer le peu de

valeur démonstrative à cet égard. Il y ajoute, il est vrai,

l'observation suivante, qui n'est pas plus probante à notre

avis, et dont nous interprétons différemment les incidents

relatifs aux idées de suicide.

Observation XXIV. Il s'agit d'un homme de soixante et un

ans, ancien soldat, puis gendarme, qui avait eu beaucoup à souf-

TROUBLES PSYCHIQUES DANS LA CHORÉE DÉGÉNGR1T1'E. 111

frir pendant le siège de Paris. Il fut atteint de petits mouvements

choréiques involontaires depuis l'àge de trente ans, mais comme

il fut gendarme jusqu'à quarante-six ans, sa chorée ne devait pas

beaucoup le gêner. C'est à l'âge de cinquante-trois ans, ses mou-

vements involontaires ayant beaucoup augmenté, qu'il a manifesté

des idées de suicide, répétant « qu'il valait mieux en finir que de

vivre comme cela ». Il aurait même ébauché, dit-on, des tentatives

de suicide dans les circonstances suivantes : Un jour il se dirigea

vers un puits, après avoir dit qu'il allait s'y jeter, ce qui permit à

son fils de l'arrêter. Une autre fois, sa femme l'a trouvé un cou-

teau à la main, disant qu'il voulait mourir et se couper la gorge,

mais sans faire mine de mettre ce projet (était-ce bien un projet ? )

à exécution. Une troisième fois sa femme l'a trouvé devant une fe-

netre ouverte, menaçant de se précipiter dans la cour.

Je présume qu'aucun médecin aliéniste n'appellera ces

menaces des « tentatives de suicide ». Elles répondent exac-

tement à ce que nous avons observé chez notre malade et

doivent être expliquées autrement, comme nous le dirons

bientôt.

Mais continuons la revue des auteurs.

Dans la même année 1889, Kornilow publie l'observation

d'une femme de soixante ans, choréique, sans anomalies psy-

chiques, d'humeur égale et tranquille. Il n'est pas fait men-

tion d'idées de suicide. Sukling a présenté le z16 octobre 1889

à une société médicale anglaise, la Midland medical Society,

un choréique âgé de trente-neuf ans à hérédité similaire,

sans dire un mot d'idées de suicide.

'' En 1890 Cirincione et Mirto publient 5 observations sans

parler de suicide. En 1891 les cas de Jolly et Remak n'en font

pas mention. Il n'en est pas question non plus dans l'intéres-

sante discussion soulevée à leur sujet au sein de la Société

de psychiatrie de Berlin.

La même année parait la dissertation inaugurale de Dreves

sur la chorée progressive. Cet auteur rapporte 3 observations

dont la seconde concerne un homme de soixante-lrois ans,

atteint de mélancolie avec tentative de suicide, après huit ans

de chorée. N'ayant pas eu le travail original sous les yeux,

j'ignore si l'auteur a noté les circonstances qui ont marqué

cette tentative de suicide, sans la connaissance desquelles on

ne peut juger le cas.

En '189 ? notre collègue Greppin publie l'intéressante

observation qu'il fit à la clinique psychiatrique de Bâle et

1 il-) 2 PATHOLOGIE NERVEUSE.

dans laquelle il n'est pas question d'idées de suicide. Il en est

de même dans les 2 cas de Schmidt parus la même année.

En 1892 encore, 3 nouvelles observations de Sinl : ler dans le

Médical Record de New-York, où l'on ne trouve pas un mot

de suicide. Néanmoins dans les réflexions dont il fait suivre

ses cas, l'auteur dit que dans la chorée héréditaire les symp-

tômes mentaux se présentent sous forme de mélancolie, avec

tendance au suicide, irritabilité de l'humeur, et il ajoute que

les accès de violence sont communs, ainsi que les illusions

supposées, « supposed delusions ». En se fondant sur ce pas-

sage Karl Zinn a pu dire (A1'ch. ? Psych., t. XXVIII, p. 427)

dans son travail « Beziehungen der Clrorea zu Geistesstôrung n

que Sinkler avait comme Dreves insisté spécialement sur la

tendance au suicide dans la forme chronique de la chorée. Il

n'en est pas moins vrai qu'il n'est pas question de suicide

dans les observations publiées par Sinkler.

Schlesinger publie 3 cas aussi en 1892, où il ne parle pas

de suicide, Oppenheim et Oppe n'en parlent pas davantage

dans leurs observations de 1893. Menzies (1892 et 1893) non

plus sur 38 cas. Il en est de même pour le cas de Lannois et

Chappuis (Lyon médical, 1893). Osier (1893) non plus (nom-

breux cas dans deux familles), à en juger d'après l'analyse

de Neurologisches Cezzt·alblatt.

Les cas présentés le 28 mai 1895"à la Société de Neurolo-

gie et de Psychiatrie de Vienne, par v. Solder, n'offraient

pas non plus d'idées de suicide. Nous en dirons autant de

celui de Kronthal et Kalischer, également de 1895, et de ceux

de Clarke, en 1897.

En tri 1898 nous avons le très important mémoire de Facklam

avec 8 observations personnelles de l'auteur.

Dans deux cas seulement il est parlé d'idées de suicide. Une

emme de trente-huit ans (Obs. IV) voulait se laisser mourir

de faim et refusait pendant quelques jours les aliments. Elle

menaça de se pendre avec son mouchoir. Il s'agit encore

d'une menace, comme vous le voyez, et non pas d'une tenta-

tive de suicide. Dans l'observation VIII, chez une choréique

de cinquante ans, dont le père était épileptique, il est ques-

tion d'impulsions au suicide, sans autres détails. La malade

menaçait son mari avec une hache ou des couteaux. Elle

l'enduit une fois de pétrole et y aurait mis le feu, si elle n'en

avait pas été empêchée par sa fille. Peut-être les impulsions

TROUBLES PSYCHIQUES DANS LA CHORÉE DÉGÉNÉRATIVE. 113

au suicide étaient-elles dans ce cas de même nature que celles

que nous avons observées chez notre malade, c'est-à-dire

plutôt des menaces dans les accès de colère ? car Facklam ne

fait pas mention de véritables tentatives de suicide.

Joseph Collins (New-York). The Pathology and Morbid

Anatomy of lIuntington's Chorea, with remarks on the deve-

loppement and treatment of the disease. The Ame1'ican Jour-

nal of the Dled. Science, vol. CXVI, p. 175, 1898. II... cin-

quante-cinq ans, déprimé, parfois idées de suicide (sometimes

suicidai). Pas un mot de plus.

Enfin, cette année même, en 1899, nous avons le volume

classique de Wollenberg, de Hambourg, dans la collection

Nothnagel, qui traite de main de maître l'histoire de la

« Chorée dégénérative » et dans lequel nous ne trouvons la

mention que d'un seul cas de suicide chez la tante choréique

d'un de ses malades, qui se noya de désespoir. Nous tenons

enfin un cas qu'on pourrait rattacher à la chorée, bien que

l'auteur se borne à signaler le suicide sans entrer dans aucun

détail à son sujet. N'omettons pas en outre de faire remar-

quer qu'il ne s'agit pas du malade qu'il a observé lui-même,

mais d'une parente qu'il n'a pas connue. Aussi Wollenberg

est-il moins affirmatif au sujet du suicide dans la chorée dégé-

nérative que beaucoup,d'auteurs qui l'ont précédé et qui ont

répété sans preuves à l'appui l'affirmation première de Lion-

tington. Wollenberg se borne à dire que cette forme de cho-

rée présente souvent au début une dépression psychique,

plus ou moins accentuée, qui conduit parfois (zuweilen) au

suicide. Il aurait été plus exact de dire très rarement (sehr

selten).

La dernière publication parue est une dissertation inaugu-

rale de Hermann Etter à la Faculté de médecine de Tubingue.

Cet auteur nous donne 6 observations personnelles, dans

3 desquelles il est question d'idées ou de tentatives de sui-

cide. La première concerne un homme de quarante-sept ans,

choréique, qui chercha à se noyer dans sa baignoire en plon-

geant sa tête sous l'eau. Cette tentative eut lieu sous l'in-

fluence de l'alcool ; le malade s'était enivré et était atteint de

fureur alcoolique.

Dans l'observation II il s'agit d'une femme de quarante-six

ans, choréique et faible d'esprit, qui avait fait, cinq ans aupa-

ravant, une tentative de suicide en s'empoisonnant avec de

Archives, 2' série, t. IX, 8

114 r PATHOLOGIE NERVEUSE.

l'arsenic en compagnie d'une autre femme toutes deux

guérirent. Elle donnait pour motif de cette tentative les

mépris et les blessures d'amour-propre auxquels elle était

exposée de la part de son entourage. Cette femme avait pro-

hlablement subi la suggestion de sa compagne, comme c'est

ordinairement le cas banal chez les imbéciles.

Quant au troisième cas (Obs. IV), il est dit simplement

qu'un homme de soixante-deux ans, atteint de chorée dégé-

nérative, déplorait sa maladie et souhaitait souvent la

mort. t.

En résumé, après cette longue revue et les observations

que j'ai faites sur mon malade, je conclurai que le suicide ou

les tentatives de suicide n'appartiennent pas au tableau

symptomatologique des troubles mentaux dans la chorée de

Huntington. Il n'existe pas un seul cas absolument certain de

suicide ou môme de tentative de suicide provenant directe-

ment d'un accès de désespoir causé par le sentiment qu'au-

rait le malade du triste avenir qui lui était réservé. On cons-

tate fréquemment au contraire des menaces de suicide, qui

ne sont jamais suivies de véritables tentatives, et qui sont

simplement ducs à des mouvements de colère. Ce n'est pas

dans l'intention de s'ôter la vie que le malade annonce qu'il

va se suicider, mais uniquement pour effrayer son entourage.

Ce symptôme est le résultat de l'excitabilité maladive des

choréiques, dont nous avons parlé.

Je relèverai encore une particularité qui se rapporte à

cette question. Tous les auteurs qui affirment la fréquence du

suicide chez les choréiques chroniques en trouvent l'explica-

tion dans l'accès de mélancolie qui serait de règle au début

de la maladie, lorsque le malheureux prédestiné à l'affection

fatale qui a frappe ses ascendants se voit atteint par les pre-

miers symptômes de la chorée. Or, il n'en est rien. Les quel-

ques cas de suicides et de tentatives de suicide que nous venons

de citer se sont produits presque tous longtemps après le

début de la maladie, le plus souvent lorsque le malade était

à un âge avancé et pour des motifs étrangers à la chorée.

Puis cet accès de mélancolie du début est-il vraiment aussi

régulier qu'on le dit ? Nous ne le croyons pas, car il est assez

rarement mentionné par les auteurs. Il n'en a pas été ques-

tion chez mon malade. Il y a sans doute chez la plupart des

malades atteints de chorée de Huntington des poussées tran-

TROUBLES PSYCHIQUES DANS LA CHORÉE DÉGÉNÉRATIVE. 1 ha

sitoires irrégulières de mélancolie et d'excitation maniaque,

comme chez tous les dégénérés. Le terrain psychique des

choréiques héréditaires est, en effet, celui de la dégénéres-

cence mentale, et nous devons nous attendre à y rencontrer

toutes les formes de psychoses qui s'observent chez les dégé-

nérés.

Toutefois les hallucinations, les idées délirantes, les mani-

festations paranoïaques sont certainement des phénomènes

accessoires, accidentels qui ne relèvent pas directement de la

maladie et n'appartiennent pas à sa symplomatologie habi-

tuelle. Les idées de grandeur ou de persécution, bien qu'elles

existent, revêtent le caractère propre à la débilité mentale et

n'ont pas celui des cas ordinaires de paranoïa.

Par contre l'affaiblissement progressif des facultés intel-

lectuelles est avec l'irritabilité du caractère le trouble men-

tal caractéristique de la chorée héréditaire. Cet affaiblisse-

ment qui s'accompagne d'une diminution progressive de là

mémoire, aboutit très souvent à la démence complète et,

comme plusieurs auteurs l'ont fait remarquer, le tableau dé

la maladie devient alors fréquemment absolument semblable

à celui de la paralysie générale. Il existe peut-être même des

cas où les deux maladies ont évolué ensemble sur le même

individu. Cependant je crois qu'on pourra toujours arriver

par un examen soigneux à faire le diagnostic différentiel et à

attribuer à chaque maladie les symptômes qui en dépendent.

Je sais bien qu'on a voulu faire aussi un rapprochement

entre les lésions anatomo-pathologiques des deux maladies

qui relèveraient toutes deux d'une méningo-encéphalique

chronique, avec réduction des fibres tangentielles de l'écorce,

et atrophie des cellules de la seconde couche. Je me réserve

de discuter cette question dans une autre occasion, lorsque

j'aurai fait les recherches nécessaires sur le cerveau de mon

malade, dont le durcissement n'est pas encore terminé. A la

réunion des psychiatres et neurologistes de l'Allemagne

centrale à Halle, le 24 octobre 1897, le professeur Binswan-

ger de Iéna, a cité un cas de sa clinique dans lequel on

aurait trouvé à l'autopsie les signes typiques de la paralysie

générale, ajoutant qu'un cas semblable aurait été observé à

la clinique de lIitzig. Greppin, tout en constatant la disparition

de'nombreuses cellules nerveuses et la réduction des fibres

tangentielles, a fait remarquer cependant qu'il n'y avait pas

'l'16 6 PATHOLOGIE NERVEUSE.

trace de prolifération des cellules araignées, comme on le

voit souvent dans la paralysie générale. Facklam non plus.

Je reviendrai tout à l'heure sur l'anatomie pathologique

macroscopique de la maladie de Huntington et je vous

donnerai un résumé sommaire des résultats de l'autopsie que

j'ai faite. - -

Les troubles psychiques peuvent-ils faire défaut dans la

chorée héréditaire ? Arndt, en 1868, prétendait qu'il n'y

avait pas de chorée sans trouble mental. ilalloclc, tout

récemment (Journal of nervous and mental disease, 1898,

XXV, p. Soi) constatant que les troubles moteurs s'accom-

pagnent presque régulièrement de troubles intellectuels dans

la chorée de Huntington, propose d'appeler cette maladie

Bementia c/w1'eica, comme on dit Dernentia paralytica.

Phlebs, en 1892, avait déjà fait une proposition analogue,

en montrant les analogies qui existent entre la paralysie

générale et la chorée héréditaire. Les deux maladies débu-

tent dans l'âge mûr, de trente-cinq là cinquante ans, toutes

deux sont progressives et aboutissent à la démence ; on

observe aussi occasionnellement des idées de grandeur dans

la chorée de Huntington, etc. Par opposition à ceux-ci, nous

devons citer les auteurs qui ont publié des cas de chorée

héréditaire sans troubles mentaux.

Les deux cas de Ewald d'abord, où l'on n'a constaté ni

affaiblissement de l'intelligence, ni troubles intellectuels.

Toutefois il ne paraît pas que ces malades aient été soumis

à une analyse psychologique spéciale et, en tout cas, leur

maladie n'a pas été suivie assez longtemps pour qu'on puisse

accepter ces observations comme concluantes.

Dans une observation de Huet (obs. XVI prise dans le ser-

vice de Déjerine, à Bicêtre) le malade âgé de cinquante-deux

ans était atteint de chorée depuis treize ans et ne présentait

aucun affaiblissement des facultés intellectuelles. 11 est à

remarquer que ce malade n'avait pas d'antécédents hérédi-

taires névropathiques. Il avait un caractère gai, déplorait son

état, mais en avait pris son parti et le supportait avec rési-

gnation. Ce cas peut être dénommé « chorée chronique »,

mais on ne saurait le faire rentrer dans le cadre de la « cho-

rée hériditaire », ni à plus forte raison de la « chorée dégé-

nérative ». '

J'ai déjà parlé du cas de Kornilow, dont je n'ai pu consulter

TROUBLES PSYCHIQUES DANS LA CHORÉE DÉGÉNÉRATIVE. 117

le travail original. Je citerai encore une observation de L.

Loewenfeld (Zùr Lehre von der heredit2ren Huntington'scher

Chorea, Centralblatt sur Neraetz7heilhunde and Psychiatrie,

22° année, juin 1899, p. 321). que l'auteur apporte contre la

proposition de Ilallock d'appeler cette maladie « Démence cho-

réique ». Le malade de Loewenfeld avait conservé intact ses

facultés intellectuelles et un oncle de ce malade, arrivé à la

vieillesse, après avoir souffert toute sa vie de troubles cho-

réiques, avait conservé aussi ses facultés. Au point de vue

mental le malade de Loewenfeld présentait toutefois une par-

ticularité qui n'a pas encore été signalée dans la chorée de

Huntington. Il avait des obsessions avec des impulsions au

suicide, et, en y regardant de plus près nous voyons que ce

malade appartenait bien plutôt à un autre groupe patholo-

gique qu'à celui des chorées, car sa maladie datait de l'en-

fance et les mouvements involontaires avaient un caractère

coordonné. Loewenfeld pense qu'il représente une forme de

transition entre la maladie des tics de Gilles de la Tourette et

la chorée héréditaire ; peut-être serait-il plus rationnel de la

faire rentrer complètement dans la maladie des tics ? On sait

en effet que beaucoup de cas de chorée récidivante de l'en-

fance appartiennent à cette maladie, et Gilles de la Tourette

vient de publier une leçon sur la chorée des femmes enceintes

(Semaine médicale, 13 septembre 1899, p. 305) dans laquelle

il conclut que la chorea gravida1'ttm doit être rayée du cadre

nosographique, parce que tous les cas de soi-disant chorée

des femmes enceintes ressortissent notoirement soit à la

chorée hystérique, soit aux tics convulsifs, soit peut-être

aussi à la maladie de Huntington.

Avant donc d'admettre avec Loewenfeld et d'autres auteurs

qu'il existe à côté de la chorée héréditaire dégénérative pro-

gressive à terminaison démente, une autre forme plus légère

de la maladie, sans troubles intellectuels. il faut attendre de

nouvelles observations suffisamment prolongées, et conduites

jusqu'à l'autopsie.

Quant au rapprochement qu'on a voulu faire de la psychose

choréique de IIuntington avec la paralysie générale, en

l'appelant Démence choréique suivant la proposition de

IIalloclc; j'aurais une objection plus grave, d'un autre ordre,

à y opposer ; objection basée sur la différence fondamentale

qui existe entre les deux maladies au point de vue étiolo-

118 PATHOLOGIE NERVEUSE.

gique. La paralysie générale, en effet, est une psychose

essentiellement infectieuse, individuelle, où la prédisposition

héréditaire ne joue pour ainsi dire aucun rôle, car on ne doit

jamais confondre l'infection du foetus par le virus de ses

parents avec les tares constitutionnelles de son hérédité qui

ne forment qu'une prédisposition et ne sont pas une maladie.

Tandis qu'au contraire la chorée de Huntington est une affec-

tion essentiellement héréditaire, familiale', dégénérative, qui

ne relève pas d'une infection de l'organisme pendant la vie

foetale ou après la naissance, mais bien d'une dégénérescence

congénitale des centres nerveux. Il ne convient donc pas de

la mettre en parallèle avec la paralysie générale et je pense

qu'on fera bien de s'en tenir provisoirement à classer les

troubles psychiques de la chorée de Huntington sous le nom

de psychose choréique dégénérative progressive, en atten-

dant le moment où la connaissance suffisante de ses lésions

anatomiques permettra d'en faire une psychose organique

cataloguée.

Résultais de l'autopsie (S juillet 1899) vingt-deux heures après la

mort. La rigidité cadavérique est très prononcée. L'autopsie de

la têle est seule autorisée.

Le crâne est dur, non épaissi, raréfié par places. Nombreuses

granulations de Pacchioni. La dure-mère est adhérente tout le long

de la faux du cerveau, sur les bords des deux hémisphères, depuis

les lobes frontaux jusqu'aux occipitaux. Sa surface interne est par-

' faitement lisse. Les méninges sont épaisses, troubles, infiltrées,

oedémateuses. Les sinus et le réseau veineux gorgés de sang fluide

et noir. La pie-mère n'adhère nulle part aux circonvolutions; elle

se détache partout très facilement sur les hémisphères cérébraux

et sur le cervelet. OEdème du cerveau ; les circonvolutions sont

baignées parle liquide. L'hydrocéphale externe est très abondant.

Nulle part on ne constate d'extravasations sanguines. Les circon-

volutions sont généralement amincies, les sillons sont béants et

profonds. Il n'y a pas d'adhérences à la base. Peu de sang; les ar-

tères sont souples, non athéromateuses.

Poids de l'encéphale avec les méninges, immédiatement après

l'autopsie, 1 A 10 grammes. Après un mois de séjour dans le liquide

de Muller :

TROUBLES PSYCHIQUES DANS LA CHORÉE DÉGÉNÉRATIVE. '1 9

.Morphologie des hémisphères. Sillons et circonvolutions. L'asy-

métrie entre les deux hémisphères est très prononcée, surtout

dans la région rolandique. L'hémisphère gauche présente une scis-

sure de Holando normale, tandis que le droit offre une anomalie

très rare : la séparation de la scissure de Holando en deux moi-

tiés distinctes (voir planche 1).

On sait que le sulcus ]tolllndi apparaît vers la fin du cinquième

ou au début du sixième mois de la vie embryonnaire. On le décrit

habituellement comme une incissure légère, entre le bord supérieur

de l'hémisphère et la scissure de Sylvius. Cette incissure s'étend

peu à peu des deux côtés et forme la scissure de Holando. Or,

en 4SJ, Cunninbau, à Dublin, découvrit que cette scissure se

forme souvent en réalité par deux incissures distinctes.. Une infé-

rieure, qui apparaît la première et qui forme les deux tiers de la

scissure de Holando ; une supérieure, apparaissant à la surface du

cerveau comme une légère dépression vers le bord supérieur de

l'hémisphère. Un pont de substance cérébrale sépare d'abord com-

plètement les deux parties ; une mince ligne de dépression super-

ficielle s'y dessine bientôt et s'agrandit rapidement pour finir par

réunir en une seule scissure les deux portions originelles de la

scissure de Holando. Dans quelques cas très rares la réunion n'a

pas lieu et c'est ce qui est arrivé pour l'hémisphère droit de notre

malade. On y voit le segment inférieur se perdre au sein de la cir-

convolution pariétale ascendante. Il semble qu'en allant à la re-

cherche de la portion supérieure qu'il ne trouvait pas, il ait poussé

des branches dans différentes directions pour faire cette recherche,

car il se termine par une trifurcation bien singulière. Nous consi-

dérons cette anomalie comme un stigmate de dégénérescence. Le

cerveau de notre malade en présente du reste plusieurs autres.

l3etzius (Biolouische Ulltel'suclwngen, 15 octobre 1898) a contrôlé

récemment les données de Cunningham et les a confirmées, tout z

en maintenant que dans la majorité des cas la scissure de Holando

se forme par un seul sillon continu, dont la partie supérieure est

plus superficielle. Dans un tiers des cas cependant, au sixième

mois, Hetzius a constaté que la scissure de Holando était formée

de deux parties distinctes.

Une autre anomalie de l'hémisphère droit de notre malade se

voit dans l'arrangement général des sillons du lobe pariétal et du

lobe occipital. On sait que ce qui distingue le cerveau de l'homme

de celui des singes anthropomorphes c'est une configuration spé-

ciale de ces lobes où domine la direction antéro-postérieure des sil-

lons, tandis que chez les singes pithécoïdes ce sont les sillons ver-

ticaux, dont la fente simienne est le principal exemple, qui don-

nent à ces lobes leur aspect particulier. Or, sous ce rapport, l'hé-

misphère droit de notre malade a tout à fait le cachet pithécoïde.

Un large sillon occipital antérieur (Wernicke) semble continuer la

120 . PATHOLOGIE NERVEUSE.

scissure perpendiculaire externe, ou segment externe de la scis-

sure pariéto-occipitale, formant ainsi une véritable fente simienne,

comme on l'observe parfois dans les cerveaux d'idiots. Mais ici

les deux sillons sont séparés par un très mince pli de passage pa-

riéto-occipital supérieur (premier pli de passage de Gratiolet). Au

devant du sillon occipital antérieur, le sillon intermédiaire de Jen-

sen, démesurément développé, partage la convexité de l'hémis-

phère presque tout entière et se jette d'un côté dans le sillon

interpariétal et de l'autre par une petite branche horizontale dans

le premier sillon temporal.

Le 1), Pfister de Fribourg en Brisgau vient de publier des re-

cherches très complètes sur la région occipitale (weber die Occipi-

tal Région, 1899), résultant de l'examen de 350 hémisphères. Dix

fois seulement sur ces 350 hémisphères, le sillon transverse occi-

pital était complètement séparé du sillon interpariétal, auquel il

est presque toujours rattaché. Or, dans les deux hémisphères de

notre malade le sillon transverse était indépendant du sillon inter-

pariétal.

Remarquons encore que le lobe frontal offre le type des quatre

circonvolutions que Benedikt trouvait caractéristique des cerveaux

de criminels, ce qui est une erreur. Quoi qu'il en soit, de cerveau

de notre malade offre, en résumé, dans sa configuration exté-

rieure de nombreuses et graves anomalies que nous devons consi-

dérer comme des stigmates de dégénérescence.

L'asymétrie des faisceaux pyramidaux est très apparente dans le

bulbe. A l'entre-croisement des pyramides fait suite immédiatement

du côté droit un faisceau pyramidal direct très développé et bien

délimité, qui manque totalement à gauche.

Nous ne voulons pas aborder maintenant l'étude de l'ana-

tomie pathologique de la chorée dégénérative, nous reservant

de le faire plus tard, lorsque nous aurons examiné au micros-

cope notre cerveau durci. Nous nous bornerons donc à rele-

ver aujourd'hui les anomalies grossières que nous venons de

signaler. Très peu d'auteurs ont donné des détails sur la mor-

phologie cérébrale dans la maladie de Huntington. Kronlhal

et Kalischer, en 1895, signalent aussi une anomalie des cir-

convolutions rolandiques .dans l'hémisphère droit. Elles

étaient atrophiées et la pariétale ascendante avait deux pieds

dans la scissure de Sylvius. Lannois et Paviot, en 1898, ont

aussi trouvé une atrophie très prononcée des circonvolutions

rolandiques dans l'hémisphère droit de leur malade. En

outre, la pariétale ascendante à droite était coupée en trois

parties à peu près égales par deux sillons transversaux. Il

PARALYTIQUES GÉNÉRAUX. 121

est intéressant de remarquer que les anomalies signalées jus-

qu'ici l'ont toujours été dans la région rolandique de l'hémis-

phère droit. Si les recherches futures viennent confirmer la

fréquence de l'asymétrie et des anomalies de la région mo-

trice du cerveau chez les personnes atteintes de chorée héré-

ditaire, on devra y reconnaître le stigmate anatomique de la

dégénérescence des centres nerveux qui fournirait l'explica-

tion du caractère essentiellement familial, héréditaire et

dégénératif de cette maladie.

[L'explication des Plancues sera donnée à la fin du numéro

de juin.] '

CLINIQUE MENTALE

Conditions biologiques des familles des paralytiques

généraux ;

Par le Der Gaston BÉCIIET,

E\-interne des Asiles de la Seine.

Dans un travail paru dans le journal l'Encéphale (1883)

sur les conditions biologiques des familles des paralytiques

généraux, MM. Bail et Régis s'expriment ainsi : « La paraly-

sie générale n'est pas une folie et ne doit pas être classée,

comme on le fait généralement à tort, parmi les folies. Cette

maladie n'est pas une folie, non seulement parce que ses

symptômes sont tout différents, mais aussi parce que, en tant

qu'espèce morbide, elle ne fait pas partie de la famille des

folies, parce qu'elle ne naît point comme elles de la folie et

n'engendre point la folie, ainsi que l'avait déjà pensé M. Dou-

trebente ; enfin parce qu'à l'instar des maladies cérébrales,

elle naît des maladies cérébrales et engendre des maladies

cérébrales. Les paralytiques généraux appartiennent non pas

aux familles d'aliénés qui n'existent pour ainsi dire pas dans

ces familles, mais aux familles des cérébraux, et s'il existe

une hérédité pour la paralysie générale, ce n'est point l'héré-

dité vésanique ou de la folie, mais l'hérédité cérébrale ou,

122 , CLINIQUE MENTALE.

comme disait M. Doutrebente, l'hérédité des tendances con-

gestives. Il suit de là que les paralytiques généraux, n'engen-

drent point des vésaniques, mais des cérébraux et que si les

enfants de ces malades sont voués à une classe de maladies

spéciales en raison de la paralysie générale de leur père ou

de leur mère, ce n'est point à la folie, mais aux affections

cérébrales et aux affections cérébrales de tout ordre. »

Cette manière de voir nous semble exagérée et en contra--

diction évidente avec les faits. A côté de l'hérédité conges-

tive, il faut faire une place importante à l'hérédité vésaniquc

et il n'est point nécessaire en somme de séparer d'une façon

si absolue la paralysie générale des autres vésanies. Telle est

l'opinion de J. Fairet, de Lionel, de Christian, d'Arnaud, etc.

Telle est celle que nous avons soutenue dans notre thèse

inaugurale. Nous la reproduisons aujourd'hui, nous appuyant

sur le même travail mais avec des conclusions qui nous sem-

blent davantage d'accord avec les faits.

40 familles de paralytiques généraux ont été étudiées avec

soin aux quatre points de vue suivants : z10 longévité ; 2° nata-

lité ; 3° vitalité ; 4° morbidité. Nous avons suivi le plan de

MM. Bail et Régis.

A. Longévité. Première génération (grands-parents).

Sur les 160 grands-parents appartenant aux 40 familles

de paralytiques généraux que nous avons étudiées, 2 seule-'

ment nous sont restés inconnus.

Des 1S sur lesquels nous avons obtenu des renseignements

3 sont encore vivants, lob sont morts. L'âge moyen de ces 15o

grands-parents pris au moment du décès est de soixante-seize

ans. En séparant les grands-parents du côté paternel de ceux du

coté maternel, on trouve :

Du côté paternel : 39 grands-pères donnant comme moyenne

d'âge au moment de leur mort soixante-seize ans et 39 grand'-

mères donnant soixante-dix-sept ans, ce qui porte la moyenne

pour l'ensemble des grands-parents du côté paternel à soixante-

seize ans et demi.

Du côté maternel : 39 grands-pères donnant comme moyenne

d'âge au moment de leur mort soixante-dix-sept ans, 40 grand'-

mères donnant soixante-quatorze ans, ce qui porte la moyenne

pour l'ensemble des grands-parents du côté maternel à soixante-

quinze ans et demi.

En séparant les grands-parents du sexe masculin des grands-

parents du sexe féminin, on trouve pour les grands-parents du

PARALYTIQUES GÉNÉRAUX. 123 3

sexe masculin 39 grands-pères paternels donnant soixante-seize

ans et 39 grands-pères maternels donnant soixante-dix-sept ans,

en moyenne soixante-seize ans et demi.

Les grands-parents du sexe féminin se répartissent en 39 grand'-

mères paternelles donnant soixante-dix-sept ans et 40 grand'-

mères maternelles donnant soixante-quatorze ans ce qui porte

leur moyenne d'ensemble il soixante-quinze ans et demi.

Résumons ces résultats :

Ages moyens des grands-parents réunis : 76.

-124 CLINIQUE MENTALE.

En se plaçant à un point de vue moins général on trouve que

sur les 155 grands-parents il a existé :

PARALYTIQUES GÉNÉRAUX. 125

parents décédés. Chez les paralytiques généraux cet âge

atteint soixante-quinze et soixante-seize ans, c'est-à-dire

dix ans de plus.

A la génération suivante l'âge moyen des parents morts

dans les familles normales étant de cinquante-sept ans à

peine, d'après Bail et Régis, nous le trouvons de soixante-un

ans dans les familles de paralytiques généraux.

Sans doute, il est bon de faire quelques réserves. Que sont

ces familles normales qui servent de point de comparaison

dans le travail de MM. Bail et Régis ? Où trouver ces familles

étalons ? N'y a-t-il point là une cause d'erreur sérieuse et

indiscutable ? C'est notre opinion. Mais si, négligeant ces

familles normales, nous comparons la moyenne générale de

longévité à celle des familles des paralytiques généraux,

nous retrouvons les mêmes différences. Nos conclusions sont

donc exactes :

La vie est plus longue chez les ascendants des paralytiques

généraux qu'elle ne l'est généralement et les cas de longévité

extraordinaire y sont aussi bien plus fréquents.

B. Natalité. Deuxième génération (oncles, tantes,

pères, mères). Dans les 40 familles de paralytiques géné-

raux qui font l'objet de ce travail, nous avons pu obtenir les

renseignements les plus précis sur le nombre d'individus issus

des grands-parents, c'est-à-dire sur le nombre des individus

nés dans la deuxième génération.

Le nombre est de 280, ce qui donne comme moyenne pour

chaque famille, le chiffre de 7.

MM. Bail et Régis ont trouvé celui de 6,20. Le détail pour

chaque famille est le suivant :

120 CLINIQUE MENTALE.

Troisième génération (frère et soeur). A la troisième généra-

tion, nous avons trouvé 263 individus, c'est-à-dire 263 frères et

soeurs des malades, eux compris, ce qui donne comme moyenne

G,5 pour chaque famille.

.\1.\1. Bail et Régis ont trouvé 0, te pour chaque famille.

PARALYTIQUES GÉNÉRAUX. " 127 Î

Dans les familles normalés, ils donnent 57 p. 100 morts et

i ? a p. 100 vivants.

Les 59 morts se composent de 31 pères et de 28 mères.

Les 21 vivants se composent de 9 pères et de 12 mères, soit

12,25 p. 100 pères vivants et 20,33 p. 100 mères vivantes.

11f. l3all et Régis trouvent dans les familles des paralytiques,

20,31 pères vivants et 48,95 mères vivantes p. 100; et dans les

familles norniales 31 p. 100 pères vivants et 54 p. 100 mères

vivantes.

Troisième génération (frères et.soeurs). Sur les 220 individus

nés a la troisième génération dans les familles de nos 40 paraly-

tiques généraux, 84 sont morts à l'heure actuelle et 13G vivants,

soit 38,18 p. 100 morts et 01,72 p. 100 vivants.

Les 84 morts se répartissent de la façon suivante, au point de

vue de l'âge auquel ils ont succombé :

128 8 CLINIQUE MENTALE.

2° Dans les familles normales.

PARALYTIQUES GENERAUX.

129

MORBIDITE

130 . CLINIQUE MENTALE.

Sur 1565 individus, \111. Ball et Régis trouvent qu'en dehors des

maladies rangées sous la rubrique vieillesse, affections chirurgi-

cales, débilitation générale, etc., les maladies les plus communes

dans les familles des paralytiques généraux sont les affections

cérébrales qui y figurent pour le chiffre de 143, alors que les affec-

tions de l'appareil respiratoire n'y sont représentées que par le

chiffre de 105 et les autres maladies par des chiffres bien plus bas

encore, 43, 2 : i, 22.

Les maladies les moins fréquentes sont les névroses et la folie

qui n'y figurent que pour le chiffre 13.

Sur 1565 individus, MM. Bail et Régis n'ont trouvé que

4 aliénés.

Notre statistique est toute différente.

Sur 714 individus, après les maladies rangées sous la rubrique

vieillesse, etc., et qui y figurent pour le chiffre de 81, viennent les

maladies de l'appareil respiratoire avec '7C, ensuite les maladies

cérébrales avec 40, les névroses et la folie avec 35, les maladies de

l'appareil digestil'avec 34, les affections hépatiques avec 30.

Sur 714 individus, nous avons trouvé 23 aliénés.

A la première génération, nous en avons 8;

A. la seconde 10 ;

A la troisième génération, à laquelle appartiennent les paraly-

tiques généraux, 5.

Dans les familles normales d'après MM. Rail et Régis, les

causes de mort sont presque égales pour les différents groupes

de maladies : celles de l'appareil respiratoire tenant la pre-

mière place à cause du nombre considérable de vieillards

mourant de ces maladies et les névroses avec la folie se trou-

vant placées assez loin de l'échelle. Mais il faut remarquer

que, tandis que sur 1565 individus appartenant aux familles

'des paralytiques généraux, il n'y en a que 13 morts de mala-

dies rangées sous la rubrique nervosisme, névroses, suicide,

folie, sur z1497 individus appartenant aux familles normales

il s'en trouve 17 morts de ces mêmes maladies, c'est-à-dire

une proportion plus élevée.

MM. Rail et Régis en concluaient donc naturellement à une

hérédité tout à fait spéciale pour les paralytiques généraux,

l'hérédité des tendances congestives. Nos conclusions seront

toutes différentes. ,

La paralysie générale ne differc pas essentiellement des

. autres vésanies et comme le dit Christian, il n'y a pas lieu

d'imaginer pour elle une hérédité spéciale. A côté de l'héré-

dité congestive, il faut faire une place importante à l'hérédité

PARALYTIQUES GÉNÉRAUX. 131

vésanique. Nous signalerons également le nombre important

d'individus morts d'affection hépatique. L'alcoolisme est un

facteur éliologique important dans ce cas.

Aux 30 individus morts d'affection hépatique, si nous ajou-

tons les 3 individus morts alcooliques, nous obtenons un

chiffre de 33 individus dont on peut attribuer la mort à

l'alcoolisme. A côté de l'hérédité congestive et de l'hérédité

vésanique, il faut donc placer l'hérédité alcoolique. M. Ma-

gnan, du reste, a prouvé que la paralysie générale peut être

l'aboutissant de l'alcoolisme chronique.

Nous n'avons pas voulu dans ce travail étudier les relations

de la syphilis et de la paralysie générale. C'est une question

assez importante pour mériter une étude spéciale.

Conclusions GÉNÉRALES. 1° La durée de la vie ou longé-

vité est supérieure chez les ascendants des paralytiques

généraux à celle que présentent les familles normales ; 2° la

moyenne des naissances ou natalité est plus élevée dans les

familles de paralytiques généraux que dans les familles nor-

males. Celte moyenne étant de quatre naissances et demie

par familles normales, se trouve être de six et demie dans les

familles de paralytiques généraux. Les paralytiques généraux

appartiennent tous à des familles très nombreuses. A la

deuxième génération, la natalité est un peu inférieure dans

les familles des paralytiques généraux. Les paralytiques

généraux sont donc susceptibles d'engendrer tout comme les

individus normaux et ils laissent comme la plupart des

hommes une famille dont il faudra plus tard suivre la trace.

Toutefois, ils ont une tendance plus prononcée que les indi-

vidus normaux à la stérilité ;

3° La puissance de vie ou vitalité est beaucoup inférieure

dans les familles de paralytiques généraux à celle qu'on

trouve dans les familles normales. L'époque de la vie où la

vitalité est la moins forte aussi bien dans les familles de

paralytiques généraux que dans les familles normales est le

bas âge ; mais ce défaut de vitalité en bas âge s'exagère d'une

façon notable chez les paralytiques généraux ; 4° la morbi-

dité c'est-à-dire la fréquence des diverses maladies dans les

familles de paralytiques généraux présente des différences

notables avec celle observée dans les familles normales.

Tout en conservant le premier rang à l'hérédité conges-

tive, il faut remarquer que l'hérédité vésanique se place im-

132 ACTUALITÉS.

médiatement après. La paralysie générale rentre donc dans

le cadredes autres vésanies et il n'y a plus lieu d'imaginerpour

elle une hérédité spéciale. L'hérédité alcoolique est aussi un

facteur étiologique important. 1

ACTUALITES.

Assistance des aliénés en Russie.

Les questions concernant l'assistance territoriale des aliénés en

Russie; par V. N. Ergolsky (Obozrénie 7sichinlrü, G, 7, 8, 9,

1898). Situation actuelle de l'assistance territoriale des

aliénés; par le même (ibis., 1 ; 1899). Points de vue fonda-

mentaux de l'assistance territoriale des aliénés ; par le même

(Ihid., 2, 3, 1899). De l'organisation de l'assistance territo-

riale des aliénés ; par le même (Ibid., 4, 5, 6, 7, 1899).

De judicieux et bienfaisants esprits se préoccupent, depuis long-

temps déjà, d'assurer l'assistance publique des aliénés en Russie

qui laisse énormément à désirer. Pour s'en convaincre il suffit de

lire l'étude critique consacrée par M. Encosxv aux projets de

IACODI (directeur de l'hôpital des aliénés d'Orlow) et de ]AiiowENKo

. (directeur de l'hôpital psychiatrique de l'Intercession de la Sainte-

Vierge à Moscou), ainsi qu'à la brochure de M. GowsiËtEW.

L'insuffisance, pour ne pas dire plus, de l'assistance des aliénés

en ce pays, ressort nettement des faits regrettables racontés par le

même auteur qui ne peut s'empêcher de s'exprimer à peu près

ainsi :

« Il y a près de trente ans que nos institutions territoriales,

encore fraîchement écloses, se sont, pour la première fois, trouvées

aux prises avec l'obligation d'avoir à se soucier du sort des aliénés

qui leur incombaient... Et cependant il est impossible de s'illu-

sionner ; comme il y a trente ans, non seulement nous ne possé-

dons pas de système d'assistance mûrement réfléchi et bien

proportionné, de plan d'action solide, pratique, bien constitué,

basé sur la coordination des éléments simples de la science avec

les nécessités locales ; mais encore nous ne voyons même point

poindre à l'horizon l'indication catégorique de l'organe social qui

doit prédominer en cette affaire, et prendre à sa charge, sinon

ASSISTANCE DES ALIÉNÉS EN RUSSIE. 133

l'installation tout entière, au moins parties, et quelles parties,

de cette installation ? S'il est d'autres organes sociaux qu'il con-

vienne de faire intervenir, quels sont-ils, et dans quelle mesure

doivent-ils participer à l'assistance ? Cette assistance même cons-

titue-t-elle un besoin de la nation, un de ces besoins impérieux,

inéluctables, appelant une satisfaction absolue ; ou n'est-elle que

de la pure philanthropie, un objet de luxe, en tout ou en par-

tie ? ... »

« Ce qui se passe, conclut M. L''RGOSLIiY, en mettant en relief

l'anomalie et le chaos de l'assistance des aliénés en Russie, et dans

les territoires des gouvernements du pays, en révèle en même temps

les conséquences, c'est-à-dire les incalculables calamités pour les

malades, pour leurs proches, pour la société tout entière. »

Il est donc légitime d'organiser cette assistance, à raison des

besoins criants que l'on en constate partout ; à raison de ce que

pense le peuple même de ses maux et du soulagement qu'ils

nécessitent partout, dans les chaumières, au village, en ville; à

raison de l'origine même de l'aliénation mentale qui prend sa

source dans la vie de la nation. Et on peut l'organiser dans des

conditions modestes, de façon à satisfaire largement tous ceux

qui en auront besoin rapidement, en temps opportun.

Sans doute on a clamé : Où s'arrêtera le nombre des malades ?

Une assistance perpétuelle engloutira le budget !

Il convient de faire remarqner à ce propos, que les chiffres de

l'accroissement annuel actuellement observés sont anormalement

renforcés par la poussée des malades qui se sont pour ainsi dire

amassés jusqu'aux portes des années présentes. Si l'on développait

l'assistance, si l'on répandait les bienfaits d'établsssements hospi-

taliers dans tous les coins des gouvernements de la Russie, on

arriverait fatalement, tôt ou tard, à diminuer cette exagération

du nombre des aliénés, produite par le flot de ceux qui n'ont pas

été admis dans les asiles pendant les années antérieures.

Cela ne veut pas dire que la quantité des assistés deviendrait

alors stationnaire. Non, l'énormité naturelle de la population

russe, et la nature des maladies mentales s'y opposerait. Ne sont-

ce point des affections longues, qui, sous forme de guérisons,

améliorations, et décès, fournissent un nombre de sorties de

l'asile inférieur à celui des nouvelles éclosions qui ont leur place

marquée dans l'établissement ? Forcément, par conséquent, même

en cas d'assistance normale, et parfaite, il y aura toujours un cer-

tain accroissement des maladies mentales.

Mais on a, par contre, le droit de compter sur un arrêt de cette

augmentation du nombre des aliénés, le jour où l'organisation

complète et progressive de l'assistance permettra de liquider l'ar-

riéré et de recevoir rapidement de nouveaux malades. Il arrivera

un moment où le chiffre des nouveaux aliénés dans une période

134 ACTUALITÉS.

de temps donnée sera inférieur à celui de ceux de la période pré-

cédente et d'autant moindre que les causes de l'accumulation des

malades auront cessé, que ces malades seront traités à temps.

Il va de soi que l'on serait.encore plus affirmatif à ce sujet si

l'on avait la perspective de voir disparaître les épouvantables

secousses causées à la société par des fléaux tels que la guerre,

dont l'ébranlement se répercute sur l'augmentation des clients de

l'assistance publique en général et des aliénés en particulier.

Jusqu'à présent, d'après des documents du reste incomplets,

l'assistance des aliénés en Russie a coûté huit à dix fois moins,

au minimum, que le reste de la médecine publique, en ce qui con-

cerne les dépenses territoriales.

En tout cas, l'assistance publique et les soins des aliénés indi-

gents présentent un tel caractère d'urgence nationale qu'ils incom-

bent bien réellement aux institutions territoriales; elles doivent

en supportel la majeure partie des frais.

L'assistance publique des aliénés peut s'effectuer par le moyen

d'hôpitaux ou d'infirmeries, où l'on maintienne les malades sans

conditions; de colonies closes impliquant la même séquestration;

de l'assistance à domicile, si tant est que cela soit indiqué, ou de

l'assistance familiale chez des nourriciers, quand on la croira fai-

sable. M. Ergolsky s'en tient au système suivant.

Les exemples qui témoignent des grands malheurs imputables

au transport des aliénés des cercles ou districts éloignés à l'éta-

blissement psychiatrique du gouvernement correspondant, ainsi

qu'à l'encombrement de l'établissement central en question.

montrent que l'asile psychiatrique du gouvernement est le seul

établissement de cette immense étendue de territoire qui s'appelle

un gouvernement russe. Il importe donc de faire participer les

assemblées territoriales des cercles à l'assistance des aliénés.

1. Chaque hôpital territorial provincial de cercle (ouyezde)

sera pourvu d'une section psychiatrique ou d'un bureau psychia-

trique d'admission de cinq à dix lits.

Ce petit asile servira de refuge à tous les aliénés d'un cercle

donné. On les y conservera de quelques semaines à un mois ou

deux avant de les diriger surle siège du gouvernement correspon-

dant. Pendant ce temps naturellement on les y soignera. Par

conséquent il en est qu'on ne sera pas obligé d'envoyer si loin, à

raison de la forme de leur maladie mentale.

Et, en tout cas, le transfert s'en pourra faire par coupes, en des

conditions convenables. La dépense ainsi'comprise n'en serait pas

trop lourde, car on n'aurait guère alors, pour chaque cercle, que

six à huit transferts par an.

Chaque gouvernement comprend environ dix cercles (ouyezde).

Si l'on disposait seulement de cinq lits d'aliénés par cercle, on

ASSISTANCE DES ALIÉNÉS EN RUSSIE. lu

hospitaliserait, séance tenante, cinquante malades qui n'auraient

pas à aller à l'asile du gouvernement. En somme un pavillon.

La statistique montre que les hôpitaux des cercles absorbent

40 p. 100 du nombre des places des aliénés entrant dans les hôpi-

taux d'aliénés des gouvernements. Elle montre aussi que, si le

temps de séjour des malades dans les sections d'admission ne

dépassait pas deux mois, les dimensions proposées plus haut suf-

firaient. l.

On pourrait encore disposer un bureau d'admission auprès des

hôpitaux particuliers que possèdent en outre certaines villes de

cercles groupées, auprès des grands hôpitaux appartenant aux

centres industriels, auprès des hôpitaux des voies ferrées. Que de

petits refuges on obtiendrait pour les aliénés !

Cela coûterait environ cinq à dix mille roubles (12500 francs à

25 000 francs) de premier établissement ; 1 500 à 3 000 roubles

(3 750 francs à 7500 francs) de frais annuels, par refuge. Et cela

plairait beaucoup à la population qui aime ses hôpitaux de cercles.

Il est vrai que les médecins de ces hôpitaux de cercles ne sont

pas aliénistes. C'est fàche.ux, mais c'est peu grave, pour si peu

d'aliénés. Et, au fait, puisque les Universités sont pourvues de

chaires de psychiatrie, il n'y a qu'à forcer étudiants et candidats

à passer des examens de pathologie mentale '.

IL Dans tous les chefs-lieux des gouvernements, existent des

établissements psychiatriques dépendant des assemblées telTito-

riales des gouvernements correspondants.

Qu'on y mène tous les aliénés des campagnes occupant les

rayons voisins, tous ceux de la ville principale du gouvernement

envisagé, ceux enfin qui, dans les cercles examinés supra auront

été, dans leurs bureaux d'admission respectifs, jugés atteints d'une

affection mentale longue, ou d'une période aiguë à évolution pro-

longée. Il convient cependant, auparavant, de réorganiser ces

asiles sur des bases précises.

Mais ces bases précises, qui sont principalement constituées par

des recherches statistiques, sont fort difficiles à obtenir. Le dénom-

brement des aliénés dans les villages russes et dans les villes des

cercles est impossible. Moscou et Saint-Pétersbourg étant mis à

part, à cause de leur situation spéciale et des exigences pure-

ment scientifiques qui priment ici la question d'assistance propre-

ment dite, on peut obtenir des documents des médecins direc-

teurs de trente des hôpitaux territoriaux de gouvernements

qui existent, M. Ergolsky a commencé une enquête qui lui permet

déjà, croit-il, de fixer : 4° le nombre général des places d'aliénés

dont devra disposer un institut psychiatrique territorial de gou-

' C'est la thèse que nous soutenons depuis longtemps. (B.).

136 . - ACTUALITÉS.'

vernement; 2° celui des aliénés violents ; 3° celui des agités dan-

gereux ; 4° celui des tranquilles dangereux ; 5° la proportion des

malades à isoler ou à contenir; 6° celle des agités non dangereux ;

- 70 celle des tranquilles non dangereux ; 8° celle des gâteux ;

9° celle des affections somatiques à aliter.

Il en conclut que l'asile réorganisé devra comprendre en tout

cinq cents places. : trois cents places pour la division des hommes,

deux cents pour la division des femmes.

Les trois cents places d'hommes se décomposeront en :

108 pour la section de traitement proprement dit ;

192 pour la colonie. 1

Les deux cents places de femmes se répartiront en :

88 pour la section de traitement pur;

.' 112 pour la colonie.

ASSISTANCE DES ALIÉNÉS EN RUSSIE. 137

à la campagne dans une colonie tout hôpital qui occupe actuelle-

ment une ville. '

Les 108 hommes et les 88 femmes qui relèvent de la section de

traitement actif peuvent, sans aucun inconvénient, profiter de

l'hôpital qui se trouve en ville et dont l'organisation a déjà

absorbé pas mal de ressources. Si, en effet il ne remplit pas main-

tenant toutes les exigences médicales, c'est qu'il est accaparé par

des malades dont la place serait dans une colonie.

Les malades propres à l'assistance coloniale seront au nombre

de 304 : 192 hommes, 112 femmes. S'il y a des inconvénients écono-

miques et administratifs à fonder des colonies éloignées de l'asile,

ces inconvénients peuvent être atténués, et ils -ne sont pas d'une

nature telle qu'ils doivent permettre de négliger la proportion des

malades justiciables d'une colonie et l'avantage matériel qu'en

retirerait l'administration de l'établissement correspondant.

Une colonie fermée près de l'asile est donc indispensable. Pour

l'organiser il faudra acquérir tout près, à cinq verstes par exemple

de la ville, une propriété de cent déciatines, où l'on puisse faire

de l'agriculture, de la culture maraîchère, une métairie.

Dans cette propriété on élèvera des baraquements capables de

contenir chacun 25 à 30 individus, soit 6 à 7 pour les hommes,

4 à 5 pour les femmes. On élèvera une cuisine contiguë à une

salle à manger spacieuse servant de salle de réunion en même

temps. On construira aussi un petit pavillon divisé en deux par-

ties ; une partie pour les femmes, une partie pour les hommes ;

chaque partie formera deux chambres d'isolement ; on y accédera

par une pièce destinée à servir de pharmacie, de chambre

d'admission et d'infirmerie momentanée.

III. - Les composantes de la progression des aliénés, à laquelle

on doit s'attendre dans le ressort de chaque territoire (tableaux),

montrent qu'il faut que l'assistance des aliénés prévoie un troi-

sième organe.

C'est la colonie d'aliénés de circonscription, inter-gouvernemen-

tale, destinée à servir à plusieurs gouvernements russes à la fois.

Elle sera nécessaire pour certaines catégories d'aliénés, avanta-

geuse pour les malades comme pour la population saine qui les

entoure.

En effet l'encombremeut futur des asiles ainsi développés est

certain. On aura trop à faire avec les aliénés des années précé-

dentes ; on n'aura pas le temps de se mettre au courant des arri-

vants. Il y aura forcément réplétion d'aliénés dont l'assistance

peut et doit reposer sur les principes d'une large application des

portes ouvertes, du no ? eslaaizit, soit à l'aide de colonies proprement

dites, soit à l'aide de l'assistance familiale dans les villages voisins,

aux portes de l'hôpital.

138 ACTUALITÉS.

Déjà nos colonies fermées actuelles qui appartiennent aux terri-

toires des gouvernements éprouvent des désagréments dus au

voisinage de la grande ville, de la liberté relative dont y jouissent

quelques colons. Et le mouvement inhérent aux asiles correspon-

dants (tableaux) rend obligatoire d'isoler l'établissement d'un

centre. -

Comme il est impossible d'enlever les établissements installés

dans les gouvernements du point du central de ces derniers, où

sont ces asiles, sans causer un grand dommage à la population,

et qu'il est impraticable d'entasser, sans les séparer de la ville,

une plus ou moins grande quantité d'aliénés qui ont en partie

besoin d'une notable liberté, il n'y a qu'à organiser des colonies

de circonscription, desservant plusieurs gouvernements à la fois,

et les déchargeant d'une fraction de leurs aliénés.

On y enverrait ceux qui après avoir passé par les' bureaux

d'admission des cercles, par les asiles des territoires des gouver-

nements, et avoir successivement habité l'établissement et sa

colonie fermée, n'ont pas guéri ou ne sont pas assez améliorés,

pour pouvoir sortir. Malades en somme observés pendant 3 ou

4 ans, voués jusqu'à la fin de leurs jours à un établissement d'alié-

nés. Déments, indifférents, psychopathes à formes mentales finies,

immobiles, auxquels on donnera une liberté bien plus large que

dans les colonies fermées.

Aussi est-il préférable que ces colonies fonctionnent à des dis-

tances plus impénétrables. Et c'est alors qu'apparaîtra l'utilité du

développement d'un patronage.

La statistique décèle la pléthore de dix asiles de gouvernements

en quatre à cinq ans. Elle prouve que ces établissements alimen-

teraient précisément une colonie de ce genre s'appliquant à une

circonscription composée de dix gouvernements, et qu'il faudrait

que cette colonie comprit 1500 malades au moins, car il importe

de compter avec un certain degré de développement de l'institu-

tion.

Une colonie de ce genre dépendrait directement de l'adminis-

tration et des finances de l'Etat, de l'Empire.

Tous les aliénés traités par le système d'assistance publique qui

vient d'être esquisse devraient recevoir traitement et assistance sans

bourse délier. P. KMKAVAL.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

I. Dissociation syringomyélitique de la sensibilité dans les myé-

lites transverses; par L. Vlmoa. (Neurolog. Cezlralbl., XVII,

1898.)

Revendication de priorité contre Marinesco. Celui-ci, dans la

Semaine médicale du 13 avril 1898, signalait dans les compressions

de la moelle (myélite transverse) la dissociation en question et le

réflexe contralatéral. Minor, au Congrès de Moscou disait, le

21 août 1897 : 1° Dans les cas graves, avec autopsies, de lésions

traumatiques de la moelle, à la suite de fractures, déplacements,

luxations, etc., des vertèbres, on constate fréquemment deux es-

pèces de foyers morbides. Les uns, locaux ; les autres localisés.

2° Le foyer local gît au-dessous de l'endroit du traumatisme os-

seux ; il est la conséquence d'une destruction mécanique simple,

mais diffuse, incoordonnée, en un mot d'un écrasement de la sub-

stance de la moelle épinière dépourvu de règle. Dans les cas rares

de compression légère, on peut trouver le tableau histologique

d'une myélite par compression. 3° Parmi les phénomènes cli-

niques, abstraction faite de l'absence de réflexe rotulien, il faut

attribuer une importance spéciale, au point de vue de la locali-

sation, à une zone parfois fort large de dissociation syryngomyé-

litique de la sensibilité; c'est la conservation de la sensibilité tactile

contrastant avec la perte de la sensibilité à la douleur et à la

température, dans les segments immédiatement sus-jacents au

territoire de la complète anesthésie. C'est ce que l'auteur a ob-

servé dans la plupart des cas. P. KERAVAL.

IL Observation de tumeur cérébrale s'étant traduite par les

symptômes du mal sous-occipital et par de l'hémiatrophie de

la langue; par J. WENUARDT. (Neurolog. Ce71ti,cilbl., XVII, 1898.)

Plusieurs et importants symptômes étaient en faveur de la

spondyhte, la tumeur ayant altéré les vertèbres et leurs articula-

tions et en imposant, par suite, pour un processus tuberculeux.

Leyden a déjà indiqué que la lésion tuberculeuse, carcinomateuse,

ou sarcomateuse de l'apophyse odontoide de l'axis présente exac-

tement le même tableau pathologique, si ce n'est que, dans les

140 REVUE d'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

deux derniers cas, les douleurs ne cessent pas pendant le décubi-

tus dorsal. Dans l'espèce, on concluait à une lésion de l'articula-

tiou atloïdo-occipitale et à la propagation de la lésion au trou

condylien antérieur, pour les raisons suivantes. Il existait : 1° des

douleurs irradiées dans la région de la nuque et de l'occiput, qui

s'exaspéraient par le moindre mouvement, par la pression des

deux premières vertèbres cervicales, et diminuaient par la sta-

tion couchée ; 2° une attitude anormale, avec rigidité, de la tête

en avant et à gauche; 3° une atrophie hémilatérale de la langue ; 1

4° le malade en s'asseyant et en se couchant soutenait sa tête. Les

mouvements de flexion et de rotation de la tête autour de la'per-

pendiculaire, par leur extrême circonscription, révélaient une lésion

de l'articulation de la première avec la deuxième vertèbre cervi-

cale. L'atteinte de l'hypoglosse gauche et l'incurvation de la

colonne vertébrale à gauche montraient que l'altération avait prin-

cipalement détruit la moitié gauche des vertèbres. Et l'on pensait à

la tuberculose par suite des antécédents du patient, et de la cons-

tatation d'une tumeur élastique, un peu fluctuante, à la paroi

postérieure du pharynx (abcès par congestion probable). Une carie

de la base de l'occipital et des première et deuxième vertèbres

cervicales était indéniable. A l'autopsie on trouvait bien les os et

les articulations détruits comme on le pensait, mais par unnyxo-

chondrosarcome, ayant pris naissance sur l'os basilaire, ayant

comprimé l'hémisphère cérébelleux gauche, le bulbe, la protubé-

rance, l'hypoglosse du côté gauche. P. KEnAVaL.

III. Remarques sur la structure des cellules des ganglions

spinaux; par M. de Lenhossek. (Neural. Centnal6l., XVII, 1898.)

Réponse à M. Ileimann qui dans les lrchiv f. patholog. Anato-

mie, t. 132, 1898) a critiqué le travail de Lenhossek sur le même

sujet in Archiv f. Psychiatrie, t. XXIX. D'abord les études de

Ileimann concernent le lapin. Puis, la fixation au sublimé est loin

d'être bonne ; ce qu'il y a de mieux, c'est parties égales de solu-

tions concentrées de sublimé et d'acide picrique.

Quant à la coloration de la substance tig-oïde des cellules ner-

veuses (corps de Nissl), c'est bien réellement le bleu de toluidine

qui est lé meilleur. Sur les coupes transverses de corps d'embryon

on voit les paities du système nerveux, dont les cellules sont déjà

pourvues de tigioïde, ressortir en bleu intense, même par les plus

faibles grossissements. Il suffit, pour arriver à ce résultat, de sou-

der, à l'aide d'eau distillée et de glycérine albumineuse, sur la

porte objet, les coupes à la celloïdine ou à la paraffine, et de les

y abandonner pendant la nuit dans une solution concentrée de

bleu de toluidine. Le lendemain on rince à l'eau, on différencie à

l'alcool, on éclaircit au carbolxylol ou au xylol, on inclut dans le

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 141

baume du Canada. Cela vaut mieux que la thionine ou le bleu

de méthyle. On peu ! , en sus, avant la différenciation à l'alcool,

colorer à l'en throsine, mais il faut être prudent, parce que la

matière colorante acide du bleu de toluidine pourrait être

déplacée.

L'aspect si différent de la structure de chacune des cellules ner-

veuses dans les ganglions spinaux (cellules obscures, cellules

claires, cellules à fines granulations, cellules à grosses granula-

tions), irrégulièrement enchevêtrées, tient réellement à une diffé-

rence de structure de chaque cellule. Celle-ci est produite : 1° par

la différence de quantité et de répartition de la tigroïde, c'est-à-

dire par la différence d'épaisseur et de finesse de la granulation;

2° par les rapports différents d'épaisseur de la substance fonda-

mentale, c'est-à-dire du protoplasma de la cellule qui existe entre

la substance tigroïde. La division de Marinesco, la chromophilie

de Flesch et Koneff et celle de Nissl qu'IIeimann emploie dans les

deux sens avant de prévenir de laquelle il veut parler, doivent

céder le pas à la description des diverses colorabilités, densités,

granulifications des cellules nerveuses des ganglions spinaux,

purement et simplement.

En ce qui concerne le noyau et le nucléole, des auteurs il résulte

que la basophilie du nucléole n'est que relative. Tandis que la

vraie basichromatine des noyaux du tissu cellulaire ambiant fixe

le vert de méthyle du mélange Ehrlich-l31ondi, cette matière colo-

rante dans le nucléole est aisément partiellement ou tout à fait

déplacée par la rubine acide (fuchsine acide) ; il n'y a que des

parties les plus superficielles du nucléole, sous forme de petites

mottes, qui se révèlent basophiles types, et jouissent tout à fait

des mêmes affinités tinctoriales que la chroma tine. Malfatti a

constaté que l'acide nucléique pur de la levure, devient vert franc

dans le mélange de vert de méthyle et de fuchsine acide, tandis

que les nucléines pauvres en phosphore y deviennent violet

bleuâtre; les nucléines très pauvres en phosphore deviennent

ronge pur. Ainsi serait justifiée l'hypothèse que le nucléole des cel-

lules des ganglions spinaux est constitué par un composé voisin de

la nucléine, qui s'en distingue par une teneur plus faible en phos-

phore ; il n'y a qu'à la surface du nucléole qu'il y ait de petites

particules de nucléine type, riche en phosphore.

La structure de la substance fondamentale, c'est-à-dire du proto-

plasma des cellules des ganglions spinaux qui existe entre les

mottes de tigroïde, parait maintenant à l'auteur être celle de

M. Flemming qu'admet M. Ileimann. Il y a aussi, dans les gan-

glions spinaux des mammifères, des cellules à différenciation

fibrillaire du plasma fondamental. La striation fibrillaire, M. Len-

hossek l'avait déjà reconnue dans le cylindraxe et la partie de la

cellule du ganglion spinal désignée sous le nom de cône originel.

142 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

Lugaro possède de beaux échantillons de grandes cellules à struc-

ture périphérique fibrillaire chez les chiens empoisonnés par l'ar-

senic. On en voit de belles chez la grenouille (coloration hémato-

xyloferrique). Parfois chez les mammifères, en fixant bien les

éléments en question, on constate une structure fibrillaire évi-

dente des couches marginales, une disposition réticulaire de

la substance fondamentale à dessin soit plutôt granuleux, soit

plutôt fibriforme. P. KERAVAL.

I V. Contribution à la question des connexions centrales des nerfs

craniens moteurs ; par M. P. 1l0MANow. (Neurolog. Centmcl6l.,

XVII, 1898.)

Après avoir déterminé chez les chiens, au moyen du courant

faradique, le centre cortical de tel ou tel nerf, l'auteur détruit

l'écorce de l'endroit correspondant en l'enlevant à la curette. Il

laisse ensuite l'animal vivre vingt ou trente jours, puis il l'autop-

sie,place l'encéphale dans la liqueur de Marchi et en pratique des

coupes ininterrompues en séries.

Voici les conclusions relatives au trijumeau, au facial et à l'hy-

poglosse. Figures.

L'ablation à la curette du centre cortical du trijumeau ou la

destruction des centres du facial et 'de l'hypoglosse entraine tou-

jours une dégénérescence descendante dans la pyramide du même

côté. La lésion du centre du facial se traduit par une dégénéres-

cence surtout marquée dans la partie antéromédiane de la pyra-

mide ; on trouve des fibres dégénérées par toute la pyramide dans

les lésions du centre du trijumeau et de l'hypoglosse.

Au niveau des noyaux de chaque nerf, de même que de la pyra-

mide dégénérée dans la direction du raphé, on voit se diriger des

fibres dégénérées qui s'en vont du côté opposé. Ces fibres peuvent

être, en ce qui concerne la lésion du centre du facial, suivies tout

près de son noyau ; il n'en est pas de même pour la lésion du

centre du trijumeau et de l'hypoglosse.

La lésion du centre cortical de l'hypoglosse révèle un entre-

croisement des libres des pyramides dégénérées dans toute

retendue des noyaux de ce nerf; mais on n'en rencontre plus

au-dessus du noyau.

Les fibres pyramidales dégénérées qui vont au noyau du facial

accomplissent leur entre-croisement dans toute l'étendue des

noyaux de ce nerf et même au-dessus de ces noyaux dans le ter-

ritoire des olives supérieures.

Les fibres pyramidales qui vont au noyau du trijumeau s'entre-

croisent surtout, bien au-dessus de l'extrémité supérieure des

noyaux de ce nerf, dans le segment éloigné des tubercules quadri-

jumeaux inférieurs. Au niveau de l'extrémité inférieure des noyaux

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 143

du trijumeau, il n'y a plus entre-croisement ; on voit simplement

des fibres dans le voisinage du noyau.

La lésion des centres corticaux du trijumeau et du centre infé-

rieur du facial révèle l'existence, en outre, de fibres pyramidales

dégénérées qui vont au noyau du côté opposé; il existe des fibres

de ce genre qui vont au noyau du même côté.

Quand les expériences et les coupes ont été bien réussies, il

n'existe pas de fibres dégénérées dans les systèmes de fibres qui

sont en dehors des pyramides. Dans la pyramide même, qui con-

tient des fibres dégénérées, on rencontre toujours, au-dessous du

niveau des noyaux du nerf examiné, des fibres dégénérées que,

quoiqu'en petit nombre, on peut suivre jusque dans la moelle

jusqu'au cordon latéral du côté opposé. La lésion isolée du centre

cortical de n'importe quel nerf cranien, entraîne donc toujours

une dégénérescence de fibres quelconques allant à la moelle. La

dégénérescence de toutes les fibres des pyramides qui dégénèrent

après lésion du centre cortical d'un nerf crânien quelconque.

n'indique donc point les connexions centrales de ce nerf. Cette

particularité, propre aux expériences de ce genre, empêche de

localiser exactement les voies cherchées dans le territoire du

pédoncule cérébral et de la capsule interne, car. dans ces deux

régions, on trouve des fibres dégénérées qui, assurément, n'ont

aucun rapport avec les noyaux du nerf examiné. Nous ne possé-

dons donc aucun point de repère pour distinguer quelles sont.

parmi les fibres dégénérées, celles qui appartiennent au système

du nerf examiné, et celles dont le trajet appartient à la moelle.

P. KERAVAL.

V. Contribution à l'histologie et à la pathologie de la sclérose

en plaques insuliforme; par S. Eruen. (i)t.111-010g. Centralbl.,

XVII, 1898.)

Comme l'indique la suscription complémentaire, l'auteur s'est

attaché à préciser à l'aide de cinq observations favorables, le déve-

loppement des lésions, l'extension de la substance de soutène-

ment, les altérations primitives, de la substance blanche de la

moelle. Il passe en revue le tremblement intentionnel et la cura-

bilité de certains symptômes.

Conclusions : 1° La multiplication considérable des fibres nerveuses

les plus fines dans les parties scléreuses des cordons de la moelle,

peut être le produit d'une dégénérescence ou d'une régénérescence

des fibres nerveuses. - Dégénérescence, disent les uns, car les gaines

de myéline sont dégénérées, d'où la dégénérescence des cylin-

draxes, car, au début de sclérose, il y a toujours tuméfaction d'un

certain nombre de fibres nerveuses et par suite une compression

qui réduit les nerfs voisins à l'état de fibres minces et de fibres

144 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

extrêmement minces. Régénérescence, dit l'auteur, car l'état des

foyers scléreux ne se peut allier à l'idée d'une compression qui

devrait porter sur tout le diamètre de la moelle; suivant le degré

de la compression, on devrait trouver des fibres intermédiaires

comme volume aux grosses fibres et aux toutes petites, et l'on

n'en trouve point. En un mot, le grand nombre des fibres nerveuses

fines plaide en faveur de leur nature ; ce sont des éléments ner-

veux de néoformation et non des éléments nerveux rapetissés

anciens. La dissociation montre que ce sont de jeunes cylindraxes

néoformés. On ne peut dire si lè nombre des cylindraxes fins pro-

gresse avec le développement de la sclérose ou si cette régénéra-

tion s'arrête à un certain stade; mais on les trouve surtout dans

la sclérose avancée.

2° Les travées de névroglie de la sclérose en foyers s'étendent

et ont d'abord l'aspect homogène; plus tard elles paraissent com-

posées de fibrilles extrêmement fines. La masse homogène de ces

travées épandues se compose à un fort grossissement de points

isolés entourés d'un clair halo, qui trahissent, en certains endroits,

la coupe des fibres nerveuses à myéline fines. Le contour de la

gaine de myéline n'est pas lisse, il est filamenteux, comme dans la

moelle normale du reste. Comme il existe aussi des altérations de

ces gaines, et une réplétion inusitée, en certains endroits, de fibres

de petit calibre où il n'y a pas de prolifération de névroglie, il

appert que les altérations des éléments nerveux sont primitives et

que celles du tissu interstitiel suivent.

3° En ce qui concerne les altérations vasculaires, rien de nou-

veau, sauf en un cas, où la sclérose se développait certainement

le long de la l'artère interfuniculaire ;

4° A côté de la déchéance, de l'atrophie, de la tuméfaction bour-

souflée et de la transformation protoplasmique des gaines de myé-

line, on peut dans l'axe de la moelle constater la tuméfaction de

quelques cylindraxes, leur éclatement, leur état ondulé. Ce qui

veut dire que quelques cylindraxes disparaissent dès le début de la

sclérose en plaques. C'est précisément ce quifait le tremblement inten-

tionnel. La suppression de l'action de quelques fibres des voies

psychomotrices en est la cause. Briicke a montré que le mouve-

ment volontaire d'un muscle est dû aux décharges successives de

chaque fibre comparables à celles de chaque fusil dans le feu de

peloton. Il suffit qu'une partie des fascicules musculaires ne donne

plus son concours à une partie de l'impulsion motrice pour que la

force du muscle qui se contracte soit affaiblie. Par suite les com-

posants de ce mouvement sont passagèrement déséquilibrés; le

mouvement perd de son uniformité et de sa rondeur; il s'exé-

cute par saccades, d'une façon interrompue. C'est précisément là

le tremblement intentionnel. Le mouvement intentionnel résulte

d'un trouble de la contraction intérieure de chaque muscle, tandis

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 145

que l'ataxie est due à une altération des synergies musculaires, du

concours ordonné de plusieurs muscles ou groupes de muscles.

L'ataxie tient à des foyers qui siègent au-dessus de la moelle

(Zuckerkandl et Erben). Contrairement il ce qu'ont dit Strumpell,

Bruns, 0. Huber, il faut séparer le tremblement intentionnel de

l'ataxie ;

5° Comme Charcot (1886) et Popoff (t89fi), \I. Erben trouve par

la constatation d'unnombre remarquable de petites fibres qu'il peut

y avoir néoformation de cylindraxes. Cette néoformation explique

que dans le cours de la sclérose multiloculaire, il puisse se réta-

blir des fonctions déchues, il puisse se produire des rémissions

(C.-S. Freund), et quant aux symptômes sensitifs, et quant à la

paralysie de la vessie, quant aux troubles rectaux. La diminution

considérable de l'acuité visuelle petit elle-même rétrocéder.

P. KERAVAL.

VI. De l'atrophie musculaire dans la sclérose multiloculaire;

par L. RuAUEn. (Neurolog. Cenluulbl., XVII, 1898.)

Observation tout entière dans l'atrophie musculaire précoce de

plus en plus prononcée ultérieurement. Pas du tout de tremble-

ment intentionnel, pas de nystagmus, pas de troubles de la

parole. La parésie spasmodique des jambes survient bien après

l'installation primordiale de l'atrophie musculaire bilatérale, non

compliquée, des bras et surtout des petits muscles des mains.

On croit successivement à une atrophie musculaire progressive

et à une sclérose latérale amyotrophique.

A l'autopsie, au lieu de gros foyers scléreux, petits foyers avec

altérations cellulaires des segments de lamoelle recélant les centres '

trophiques des petits muscles des mains; cela a suffit pour empê-

cher la paralysie spasmodique des extrémités inférieures de se

produire.

A côté de cellules déchues, on trouve un grand nombre de cel-

lules très probablement saines, ce qui explique : que les nerfs

périphériques n'aient présenté que relativement des altérations si

faibles; que les muscles les plus atrophiés n'aient pas dégénéré

complètement et qu'ils fussent encore capables d'un certain mou-

vement volontaire.

Dans les nerfs périphériques, ou constatait cependant l'existence

de gaines de myéline en voie de dégénérescence, de fibres com-

primées et séparées les unes des autres par le tissu conjonctif

multiplié (tronc nerveux des bras, et minuscules destinés aux

muscles) ; en certains endroits seulement, il y a atrophie vraie. Il

faut remarquer que le processus est déjà ancien, puisque la ma-

ladie est vieille de vingt-trois ans, et que, par suite, on ne peut plus

Archives, `3e série, t. IX. 10

'1 IG REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

le prendre sur le fait. 11 y a du reste peu de névroglie, ce qui

indiquerait qu'il n'y a pas eu de sclérose ordinaire.

L' ! typel'id,ose localisée de l'avant-bras droit qui s'est montrée

finalement est intéressante. P. Keraval.

Y1L Contribution à la coloration des cellules nerveuses;

par F. LuIT11LEU et J. SonGo. (Neurolog. Ceizii@albl., XVII, 1898.)

Emploi du bleu de méthyle polychrome de Unna permettant

d'employer préalablement liqueur de Muller, ou acide chromique.

1° Durcir soit dans l'alcool, soit dans la liqueur de Muller, soit

dans le formol, soit dans le formol et la liqueur de Muller. Un dur-

cissement de six à huit semaines avec lavage de l'excès de chrome

est particulièrement favorable ; 2° inclure dans la celloïdine et la

paraffine; on préférera la première pour les pièces durcies à la

liqueur de Muller. On pratiquera des coupes très minces ; 3° les

coupes transportées de l'eau dans la solution de bleu de méthyle

polychrome de Griibler, y resteront vingt-quatre heures à la tem-

pérature de la chambre, ou au bain-marie jusqu'à développe-

ment de vapeurs; 4° lavages à l'eau distillée changée de temps à

autre, pendant vingt-quatre heures; 5° différencier sur le porte-

objet, sécher, asperger du mélange d'éther et de glycérine de Unna

(Griibler), jusqu'à ce qu'à l'oeil nu la substance blanche se dis-

tingue de la substance grise (8, 15, 25 secondes; enlever l'excès;

sécher au papier filtre ou au linge lisse ; G° arroser plusieurs fois

d'alcool absolu; sécher; 7° éclaircir à l'essence d'origan; 8° baume

du Canada.

Les granulations des cellules, celles du nucléole, les noyaux '(

de la névroglie sont violets (durcissement à l'alcool ou au formol)

ou tirent sur le bleu (durcissement chromique). Quelquefois le

nucléole est rouge. Le tissu conjonctif et les cylindraxes sont bleus

excepté pour les préparations durcies à l'alcool (la décoloration en

est presque complète).

Dans les préparations durcies à la liqueur de Muller, ou au formol

et à la liqueur de Muller, les gaines de myéline sont d'un violet-

rouge avec prédominance de violet ou de rouge; si l'on ajoute

aux coupes colorées, mais non encore différenciées, une solution

de sublimé ou de chlorure de platine à 0,50 ou 1 p. 100 les teintes

en question sont intenses et franches, mais aux dépens de la colo-

ration des cellules.

Jamais néanmoins la coloration du fin réseau des fibres blanches

de la substance grise n'est aussi belle que par les procédés de

Weigert et Weigeit-Pal. ·

Ces préparations se conserveront pendant plus de neuf mois, si

l'on a soin : de bien laver les coupes colorées à l'eau distillée pen-

dant vingt-quatre heures, d'employer une essence d'origan fraîche

REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. z47

et exempte d'alcool; de se débarrasser complètement de l'éther

à la glycérine, et de l'alcool en lavant énergiquement à l'alcool et

à l'essence d'origan. P. Keraval.

VIII. Contribution au durcissement « in situ » du système nerveux

central; par H. PFISTER. (Neurolog. Centralbl., XVII, 1898.)

Le cadavre ayant le bassin relevé de façon à ce que la partie

supérieure du corps et de la tête soient basses, on enfonce un tro-

cart entre la troisième et la quatrième lomhaire, et l'on injecte

au formol à l'aide d'un irrigateur ou d'une grosse seringue. Chez

un enfant l'auteur a parfaitement durci toute la moelle, le bulbe,

la protubérance, le cervelet. Mais le cerveau n'a été que faible-

ment touché, probablement à cause d'une quantité insuffisante 110

à 140 centimètres cubes. Cette méthode lombaire est excellente pour

la moelle épinière.

Pour durcir le cerveau, il faut, modifiant le procédé de P. Marie»

introduire le trocart au milieu du bord inférieur de l'orbite en

exerçant une compression en haut et en arrière sur le globe de

l'oeil dans la direction du canal infraorbitaire, de façon à pénétrer,

par la fente orbitaire supérieure, dans l'espace arachnoïdien, au

niveau du pôle temporal. Le cadavre est, naturellement, dans le

décubitus dorsal. Cette méthode, est particulièrement facile dans

l'hydrocéphalie externe. Dans le cas d'hydrocéphalie interne, on

pratique une incision à la peau des deux côtés de la suture sagit-

tale, on perfore les pariétaux, à un centimètre ou deux de la su-

ture coronaire, et l'on introduit perpendiculairement la canule

jusque dans les ventricules latéraux dilatés ; on aspire le contenu

des ventricules, on injecte à la place le liquide durcissant et l'on

durcit, ainsi, par l'intérieur, les hémisphères et les ganglions cen-

traux.

L'introduction de la canule dans la région sous-occipitale, entre

l'atlas et le trou occipital, la tête étant fortement fléchie sur la

poitrine (décubitus abdominal), ne donne qu'un durcissement mé-

diocre du cerveau et de la moelle, même si l'on a la précaution de

faire pénétrer l'instrument à 5 ou 7 centimètres de profondeur.

La combinaison des deux méthodes, spinale et cérébrale, doit

donner d'excellents résultats Mais il serait bon de pratiquer une

conlre-ouverture pour assurer l'écoulement dans le canal vertébral,

ou dans le crâne, d'agir très lentement, afin d'éviter des compres- z

sions. La solution Sainton et Kattwinkel à 90 d'alcool et 10 de

formol est la meilleure. P. Keraval.

IX. L'artériosclérose de l'encéphale; par P.-J. KOWALEWSKY.

('Yelli-0109. Centmzlbl., XVII, 1898.) '

Trois observations ayant pour phénomènes connus : la sclérose

148 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

des artères du fond de l'oeil, des tempes, des extrémités supé-

rieures ; l'hypertrophie du ventricule gauche avec renforcement du

deuxième bruit; le ralentissement du pouls (40 ou 60). Symp-

tômes : bourdonnements d'oreilles, vertige plus ou moins continu,

entrecoupés, d'accès vertigineux violents ressemblant au vertige

épileptique; lipothymies; accès d'angoisse; affaiblissement de l'ouïe

et de la mémoire; insomnie, constipation. Il y faut joindre, en

d'autres cas, de l'affaiblissement de l'intelligence, de l'achopement

syllabique, des attaques apoplectiformes avec pertes de connais-

sance et parésies consécutives; amblyopie en brouillard; tituba-

tions en marchant. Ces symptômes se groupent différemment sui-

vant les espèces. Mais le premier groupe est commun à toutes;

c'est lui qui doit être produit par les altérations artérielles et doit

être appelé : phénomènes types de l'artériosclérose encéphalique. Le

second groupe dépend, lui, de la place occupée par la lésion du

système nerveux central ; il constitue les accidents types de la ma-

"ladie locale.

Le traitement antiscléreux de Rumpf n'a pas encore donné de

résultats. On peut continuer à l'expérimenter. Les iodiques sem-

blent supérieurs pourvu qu'on réglemente sagement la manière de

vivre. P. KERAVAL.

X. De l'excitabilité électrique du radial ; par K. GUMPERTZ.

(Neurolog. Centralbl., XVII, 1898.)

L'auteur, en 1892, dans la Deutsche medic. Wochnsch1'ift, faisait

remarquer que chez les saturnins le radial ne réagissait pas au

courant faradique à l'ouverture du circuit au pôle positif, et qu'il

ne donnait point non plus ASZ galvanique. Il pensait qu'il s'agis-

sait des prodromes d'une dégénérescence du nerf. Depuis, Bernhardt

a attribué à la situation profonde du nerf ces phénomènes, qui se

montreraient, d'après lui, également chez les individus sains.

M. Gumpertz a donc réexaminé en'détail gens sains et malades.

Or, sur cinquante et un sujets, il n'a vu que trois fois la réaction

anormale en question, explicable en chaque espèce. La situation

profonde du nerf n'était donc point en cause.

Il est un nerf qu'il est bien plus difficile d'exciter que le radial,

c'est le tronc de l'hypoglosse. L'exploration faradique en est trou-

blée par la vive contraction du peaucier du cou ; l'exploration gal-

vanique, par les réflexes pénibles de la déglutition. Parfois cepen-

dant M. Gumpertz a obtenu un mouvement certain de la langue du

côté excité, mais exclusivement par le courant induit, et alors il a

vu que l'anode faradique développait une action qui n'était pas

essentiellement inférieure à celle exercée par la cathode ; une fois

il a pu obtenir ASZ galvanique tandis qu'il ne pouvait avoir AOZ.

Donc M. Bernhardt se trompe. P. KERAVAL.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 149

XI. De la structure des cellules nerveuses des ganglions spinaux;

par E. Heimann. (Neurolog. Centralbl., XVII, 1898.)

Réplique de l'auteur aux critiques de Lenhossek. La fixation au

sublimé est une bonne chose, et le séjour des ganglions spinaux

du lapin dans ce liquide pendant vingt-quatre heures est suffi-

sant. Le bleu de toluidine n'est pas du tout un agent de colora-

tion spécifique électif de la tigroïde. Ayant mis la nomenclature de

Flesch entre parenthèses, il s'est servi du terme de chromophilie au

sens de Nissl. La charpente du noyau n'est pas acidophile puis-

qu'elle se colore aux couleurs basiques. M. Ileimann est fort

heureux d'être d'accord avec Lenhossek sur la structure fibrillaire

de la cellule nerveuse. P. RERA V AL.

XII. Contribution au dosage du courant induit; par KURELLa.

(Centrralbl. f. Ne·veaheilk., XXI, N. F., IX, 1898.)

Pour obtenir des indications physiologiques comparables, l'au-

teur se propose d'assurer la constante du courant primaire. Il

intercale donc dans le circuit du courant primaire de l'appareil à

chariot un galvanomètre du genre de celui d'une batterie continue

qui puisse fournir la mesure de la force de ce courant. En arrière

du galvanomètre est disposé un rhéostat de charbon ou de gra-

phite à résistance graduellement progressive. La force est em-

pruntée enfin à des éléments à immersion Leclanché combinés de

telle sorte que pour une résistauce au rhéostat de 10 ohms on ait

dans la spirale primaire un courant de 500 milliampères. On con-

trôle avant de commencer l'application toutes les fois que ce con-

trôle parait utile et l'on intercale les résistances nécessaires pour

assurer la constance quantitative du courant. Dans ces conditions

l'écart des bobines n'a pas à varier, et les indications fournies par

les patients sont bien des indications physiologiques. '

P. KERAVAL.

XIII. De la dégénérescence des fibres du bulbe dans la démence

paralytique ; par W. DE BECHTEREW. (Centralbl. f. Nervenheilk.,

XXI, N. F. IX. 1898.)

Voici un malade mort dans le cours du 3° stade d'une paralysie

générale de longue durée. Dans le bulbe et au niveau de la protu-

bérance, il y a dégénérescence totale : de tout le territoire de la

partie réticulée de l'étage supérieur des pédoncules cérébraux à

l'exception des fibres radiculaires des faisceaux centraux du

même étage; de presque toute la région de la couche intermé-

diaire des olives et du ruban de Reil avec conservation du ruban

de Reil latéral et du corps trapézoïde. Il existe une forte dégéné-

150 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

rescence des deux pyramides, des faisceaux aberrants, d'une por-

tion considérable des fibres du corps recliforme à l'exception des

fibres cérébello-olivaires. Si cette observation est exceptionnelle,

dans les autres cas on constate toujours quelque dégénérescence

des fibres du tronc du cerveau ; cette dégénérescence n'est jamais

totalement absente. Il s'agit évidemment de dégénérescences

secondaires par atrophie des cellules nerveuses correspondant aux

systèmes atteints. C'est à rechercher en détail. P. KERA VAL.

XIV. Contribution à la connaissance du trouble de la sensibilité

de Bernhardt ; par ADLER. (Neurolog. Crntm'Lbl., XVII, 1897.)

Observation de trouble de la sensibilité de Bernhardt à la

cuisse ; par A. GOOD. (Neurolog. CenGralbl , XVII, 1898.)

L'observation de M. Adler est semblable à celle de Koester

(Ne2rrolog. Centrnlbl., 1897). Il s'agit d'un employé des postes qui

depuis vingt-quatre ans, deux fois par jour, classe en wagon des

correspondances. Il est debout pendant le va-et-vient du wagon et

ne fait que quelques pas ça et là. Homme vigoureux de quarante-

neuf ans, non nerveux. Dans le cas de M. Good, c'est une infir-

mière parfaitement saine, sans tare et bien constituée qui, par

suite d'un travail prolongé à la buanderie, présente une première

atteinte de névrite qui disparaît complètement. Récidive six ans

plus tard ; cette fois, après quinze mois, il reste encore des trou-

bles évidents de la sensibilité, mais pas de douleurs. IEadVAL.

P. KERAVAL.

XV. Sensibilité à la douleur de la peau ; par 0. nlOTSCHU7KO\VSK1'.

(N £ 1ll'otoy. Centoalbl., XVI, 1897.)

Etude physiologique toute de détails appuyée par mille exa-

mens pratiqués par l'auteur au moyen de sou algésimètre.

Chez l'homme tout à fait sain, il y a des oscillations de la sensi

bilité à la douleur entre 0,15 et 1,5 millimètre. Le centre de la

sensibilité douloureuse la plus faible est la peau du bassin. De là

elle s'accroît graduellement, en haut jusqu'à la tête et jusqu'aux

doigts, en bas jusqu'aux orteils. La plus grande sensibilité est

dévolue à la peau du front, près la limite du cuir chevelu, et

aux plis de la peau entre les phalanges du côté de la paume de la

main. Les parties les moins sensibles sont la fesse et la plante du

pied. Le cuir chevelu est généralement fort sensible ; les chauves

sentent la douleur à 0,15 et 0,02 millimètre.... Dessins et tableaux

établissant les détails des régions chez l'homme et la femme.

La sensibilité tactile n'est pas parallèle au degré de la sensibilité

douloureuse. Plus la peau est mince, plus sa sensibilité est grande.

Mais le degré de la sensibilité douloureuse n'est pas partout inver-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 151

sement proportionnel à l'épaisseur de la peau; ainsi, en arrière de

l'oreille, où la peau est si mince, il faut pour sentir la douleur

0,5 millimètre ; à la limite des cheveux et du front où la peau est

épaisse 0,2 millimètres suffisent. Entre l'épaisseur de la peau,

d'une part, et la sensibilité tactile et douloureuse, d'autre part, il

n'y a pas de rapport direct.

Nous ne pouvons passer en revue tous les éléments et tous les

modificateurs de la sensibilité douloureuse. Il faut lire ce mé-

moire. D'autant que, comme le fait remarquer l'auteur, les résultats

obtenus par chaque observateur sont en conformité avec les mé-

thodes et les procédés d'examen de cet observateur. P. Keraval.

XVI. Maturité des faisceaux conducteurs de l'encéphale des

animaux; par DOELLKEK. (Neurolog. Centralbt., XVII, 1898.)

Coupes en série transverso-perpendiculaires, horizontales, et

antéropostérieures d'encéphales de chiens et de chats. Colora-

tion de Weigert et Pal. Etude comparative d'animaux âgés de

trente-cinq jours, deux mois, trois mois, et d'animaux adultes.

Voici quel est dans ces conditions le développement successif des

manchons de myéline dans les trajets conducteurs. I. Chez le

chat. Avant- l'âge de huit jours, on ne constate pas de fibres à

myéline. Du huitième au neuvième jour on constate la myélinisa-

tion successive : 1° de faisceaux de la capsule interne qui vont au

gyrus coronaire et au gyrus crucial antérieur et postérieur

(ascendantes de l'homme) ; 2° de la bandelette olfactive ; 3° du

trigone ; 4° de la partie supérieure de la commissure des cornes

d'Ammon; 5° de la lamelle de la corne d'Ammon, située dans le

gyrus hippocampi, qui constitue une partie de la saillie ventricu-

laire de la corne d'Ammon (alveus). Du dixième au onzième

jour se myélinisent : 1° une partie de la circonvolution du corps

calleux (cingulum) ; 2° un mince faisceau allant de la capsule

interne dans le gyrus ectosylvien postérieur ; 4° la partie la plus

antérieure des troisième et quatrième circonvolutions arquées.

Du treizième au quatorzième jour apparaissent : 1° une étroite

lamelle située dans la partie moyenne du gyrus marginal; 2° des

faisceaux qui vont de la capsule interne dans le gyrus ectosylvien

postérieur. Du quinzième au seizième jour on voit : 1" le tiers

moyen du corps calleux; 2° la partie sombre de la commissure

antérieure. IL Chez le chien, la myélinisation, un peu plus

tardive que chez le chat, d'un jour ou deux, est très nette. Le

neuvième jour il n'y a de fibres à myéline que dans le gyrus

coronaire, le gyrus crucial antérieure et postérieur, et les voies

de communication de la capsule interne avec ces circonvolutions.

Du onzième au douzième jour on en voit dans le trigone; la

partie supérieure de la commissure ammonique ; la voie de com-

152 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

munication de la capsule interne à la partie postéro-inférieure du

gyrus marginal; la partie supérieure des troisième et quatrième

circonvolutions arquées. Le quatorzième jour se dessinent les

faisceaux allant du corps genouillé externe au gyrus marginal et

post splénial. Du dix-septieme au vingtième jour, ce sont : le tiers

moyen du corps calleux (d'abord), le tiers antérieur de celui-ci

(un peu plus tard); les fibres du corps calleux proviennent surtout

de la proue (côté interne) du gyrus crucial antérieur et postérieur

et du gyrus coronaire. En réalité les fibres d'association entre les

circonvolutions ne se voient guère à ce moment que dans une

partie de la sphère tactile (gyrus coronaire), et encore y sont-elles

rares ; peut-être y en a-t-il aussi dans la radiation optique. Il n'y

a certainement pas de fibres de projection dans tous ces endroits.

Mais il convient de procéder à de nouvelles études et de délimiter

exactement les zones corticales.

La myélinisation du cerveau des animaux dépourvus de circon-

volutions s'effectue en d'autres étapes mais dans les mêmes condi-

tions. Tels les lapins, les rats, les souris, les cobayes. La maturité

de faisceaux déterminés n'a pas non plus lieu exactement le même

jour chez tous les animaux d'une même espèce ; tel chien, par

exemple, était plus développé le dix-septième jour qu'un autre au

vingtième jour, tel chat présentait un développement plus accen-

tué le quinzième jour qu'un autre le seizième. Mais du huitième

au dix-huitième jour on ne voit jamais que des systèmes de fibres

isolés. Et la maturité suit pour chaque faisceau la loi de succes-

sion formulée. P. Keraval.

XVII. La phylogénèse du cordon antérieur des pyramides; par

G. l3¡KELE.S. (Neunolog. Ceatmclbl., XVII, 1898.)

Dans son livre intitulé Der feinere Bail £ le)' ilrerureasystems

(1895) de Lenhossek dit que le cordon antérieur des pyramides se

substitue aux fibres des pyramides qui ne s'entrecroisent pas et

occupent d'ordinaire le cordon latéral, et que dans la moelle des

mammifères où il n'existe que des faisceaux latéropyramidaux

l'entre-croisement est non total mais partiel (Sherrington). La

semi décussation des faisceaux pyramidaux et, par suite, l'action

de la sphère corticale motrice sur les deux moitiés du corps

paraît être une règle péremptoire. Tandis que chez les carnivores,

toutes les fibres, entrecroisées ou non, peuvent occuper le cordon

latéral, chez l'homme, les fibres, qui ne s'entrecroisent pas, se

séparant des fibres qui s'entrecroisent, descendent, indépendantes,

sous la forme du cordon antérieur des pyramides, en continuant

directement leur trajet cérébral. Dans les cas donc où il n'y a pas

de cordon antérieur des pyramides, on doit admettre que les

fibres qui eussent formé ce cordon se sont jointes non au cordon

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 153

latéral croisé des pyramides, mais au cordon latéral des pyramides

du même côté.

D'après la description précédente de Lenhossek, on devrait

penser que quand il n'existe pas de cordon antérieur des pyra-

mides, une lésion de la capsule interne d'un hémisphère cérébra

ira, dans la moelle produire une dégénérescence du cordon latéral

du côté opposé ainsi qu'une dégénérescence du cordon latéral du

même côté notablement plus considérable qu'en toute autre cir-

constance. Voici une observation qui prouve que non.

Il s'agit d'une hémiplégie récente consécutive à une embolie de

la sylvienne ayant entraîné un ramollissement des faisceaux

moteurs de la capsule interne. On constate une dégénérescence

considérable du cordon latéral du côte opposé ; dans le cordon

antérieur du même côté, près du sillon antérieur, quatre à six

mottes noires esquissent un cordon antérieur des pyramides réduit

au minimum, le cordon latéral du même côté contient simple-

ment, dans la partie la plus élevée de la moelle cervicale, au niveau

de la région du faisceau pyramidal, quelques mottes noires

disséminées, dont le nombre n'est point du tout plus grand que

dans des cas où les cordons antérieurs des pyramides sont bien

développés (colorât. Marchi).

Par conséquent le ordon antérieur des pyramides ne se substi-

tue pas du tout aux fibres du cordon latéral des pyramides qui

ne s'entrecroisent pas, il constitue uniquement le déplacement

de celles-ci. 11 y aurait plutôt lieu de croire qu'il représente une

nouvelle voie, longue, chargée d'unir le cerveau à la moelle, quel-

que chose comme le faisceau sulco-marginal de Marie ou le fais-

ceau marginal antérieur de Loewenthal. Une lésion expérimen-

tale de la moelle cervicale du chien a pu produire, dans le point où

chez l'homme existe une dégénérescence du cordon antérieur des

pyramides, une très intense dégénérescence descendante, tandis

qu'au même endroit il y avait une dégénérescence ascendante

insignifiante. Il est donc possible que ces faisceaux, intersegmen-

taires chez l'homme et quelques mammifères, se transforment au

moins en partie en longs cordons. P. Keraval.

XVIII. Du trajet central du faisceau de Gowers; par G.-J. ROSSOLIMO.

(1\'etsroLog. Cenircel(7l., XVII, 1898.)

Il s'agit d'une affection spinale produite chez une fillette de

douze ans, par métastase d'un sarcome à petites cellules du tissu

rétropéritonéal. A la hauteur des racines dorsales moyennes on

constate une dégénérescence ascendante, tout à fait symétrique,

des faisceaux de Goll, des faisceaux latéro-cérébelleux, et des fais-

ceaux de Gowers ; il existé aussi dans la région des racines anté-

154 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

rieures une dégénérescence ascendante du faisceau fondamental

du cordon antérolatéral. Figures.

La description détaillée du faisceau de Gowers peut se résumer

ainsi. Au niveau du double entre-croisement, il se présente, à la

surface externe du bulbe, sous la forme d'un triangle dont le

sommet vient de la ligne médiane et qui est en dehors de la corne

antérieure; ce triangle est plus étendu que ne le comporte d'ordi-

naire le volume de ce'faisceau, et quelques-unes de ses fibres

tendent à pénétrer dans le territoire des faisceaux latéro-cérébel-

leux ; des noyaux du cordon de Goll, du même côté, quelques

libres dégénérées s'en vont en arc de cercle aux faisceaux de

Gowers. Tout le long du territoire des olives inférieures, le fais-

ceau de Gowers occupe la place qui lui est propre; il en est de

même à la périphérie, entre le corps restiforme et la racine ascen-

dante du trijumeau d'une part, la surface postéro-externe de l'olive

d'autre part ; toujours triangulaire, il émet, en bas, des fibres

infléchies au corps restiforme; des noyaux des cordons de

Goll partent encore des fibres dégénérées qui décrivent des arcs

de cercle plus brusques pour se rendre au territoire dégénéré des

faisceaux latéro-cérébelleux. A la hauteur des fibres du corps tra-

pézoïde, le faisceau de Gowers, s'éloignant de la périphérie, se

place à la face postérieure de celui-ci, et devient un faisceau

allongé à fibres un peu obliques ; quelques fibres dégénérées

gagnent encore le corps restiforme. Plus l'on monte, plus le terri-

toire du corps restiforme est absorbé par le cervelet, tandis que

le faisceau de Gowers devient de plus en plus postéro-externe ; au

début, il occupe l'angle formé par le côté interne de la racine du

facial et le côté postérieur du corps trapézoïde, et, plus tard, il

est contigu au côté externe du ruban de Reil médian. A la hauteur

du noyau latéral de l'étage supérieur des pédoncules cérébraux,

le faisceau de Gowers décrit une courbe brusque pour pénétrer en

plein dans le ruban de Reil latéral, mais, sans s'y éparpiller, il

longe le territoire de celui-ci, pour se rapprocher de la valvule de

Vienssens et de la région de l'entre-croisement du pathétique. Ici

une partie de ses fibres s'unissent au faisceau de Gowers de

l'autre côté en formant un entrecroisement disséminé ou fascicu-

laire ; les pédoncules cérébelleux supérieurs sont tout le temps

demeurés normaux. Dans la région des tubercules quadrijumeaux,

le faisceau de Gowers, composé de fibres des deux côtés, occupe

le territoire du ruban de Reil latéral, fournit un trousseau au

tubercule quadrijumau postérieur, qui embrasse ce dernier par

sa partie antérieure, et continue à monter jusqu'au tubercule

quadrijumeau antérieur. A ce niveau, il exécute une rotation à

direction antéro-externe, et pénètre dans le faisceau longitudinal

intermédiaire pour s'éparpiller dans le réseau qui entoure la

face antérieure de la substance noire de Soemmering et dans la

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 155

substance noire même. On en retrouve plusieurs laisceaux arci-

formes, au niveau du genou de la capsule interne, et un gros

trousseau dans les . deux segments qui constituent le globus

pallidus du noyau lenticulaire. Les libres de ce trousseau

arrivent par la partie occipitale du globus pallidus et en gagnent,

en haut, les parties antérieures.

Par conséquent, les fibres du faisceau de Gowers, originaires de

la moelle lombaire, traversent les organes et territoires sus-indi-

qués, fournissent quelques fibres aux cordons latéro-cérébelleux

sur toute l'étendue du corps restiforme, reçoivent quelques fibres

du cordon de Goll du même côté, s'entre-croisent partiellement

dans la valvule de Vieussens et se terminent : 1° dans les tuber-

cules quadrijumeaux postérieurs; 2° dans la substance noire de

Soemmering; 3° dans le globus pallidus (ou segments internes du

noyau lenticulaire).

Le faisceau latéro-cérébelleux a le trajet et la situation que l'on

sait; il se termine dans les circonvolutions du vermis supérieur.

Quelques fibres du cordon de Goll non-entre-croisées passent sans

subir d'interruption niveau eu du noyau de ce dernier, dans le

corps restiforme, dans le faisceau de Gowers et dans les faisceaux

latéro-cérébelleux. Enfin les mêmes pièces anatomiques ont per-

mis de suivre jusqu'en haut, jusque dans la formation réticulaire

du bulbe, la zone radiculaire du territoire dégénéré du faisceau

fondamental antéro-latéral ; au niveau de la formation réticulaire

en question, ces fibres s'épuisaient dans l'angle postéro-interne de

l'olive inférieure. P. KERAVAL.

XIX. Contribution à la connaissance du trouble de la sensibilité de

Bernhardt; par M. DE N,\RTOWK ! . (Neurol. Cmtl'albl., X VII, 1898.)

Cinq observations de paresthésies diverses dans le domaine du

fémoro-cutané externe, dont une caractérisée par l'addition au

syndrome de Bernhardt d'unedouleur occupant ellaface externe de

la cuisse et la jambe, le tout indiquant une névralgie du plexus

lombaire, une névrite. Refroidissement général ou local, maladie

infectieuse antécédente, longue station debout, telles furent les

causes. Importants résultats thérapeutiques, entre autres, une

guérison complète, absolue, grâce à la patience du malade, au

massage, à l'électricité. P. KERAVAL.

XX. Altérations du système nerveux consécutives à l'arrache-

ment des nerfs ; quelques considérations relatives à leur nature ;

par G. lianmesco. (iYell ? 0109. Ce ? ! <)7t ? XVII, 1898.)

Trois sortes de phénomènes succèdent à la résection des prolon-

gements des cellules nerveuses : 1° une phase de réaction caracté-

risée par la dissolution de la substance chromophile, le déplace-

156 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

ment du noyau qui quitte le centre de la cellule et se rapproche

de la périphérie ; 2° une phase de réparation. Le protoplasma cel-

lulaire augmente de volume, le noyau reprend sa place normale,

la cellule devient pycnomorphe mais elle s'hypertrophie jusqu'au

106° jour qui suit la section, puis elle décroit de volume. Quelques

cellules ne peuvent suffire aux dépenses de réparation de leur pro-

longement périphérique ; elles s'atrophient ou meurent; d'autres

font preuve d'énergie-et survivent à la section de leur cylindraxe.

Quand la régénération du nerf suit son cours normal, la répara-

tion des cellules s'effectue également et de même manière. Si

la régénération est arrêtée, la force de réparation est plus ou

moins anéantie. La régénération des nerfs périphériques est donc

fonction de la réparation des cellules et celle-ci dépend de celle-là.

En réséquant un morceau de nerf ou mieux en arrachant le

nerf, on arrête la phase de régénération de la cellule. En ce cas,

vingt jours plus tard, la cellule diminue de \olume dans toutes

ses parties, et devient complètement apycnomorphe. Telles cellules

à peine visibles ou complètement disparues, se présentent à l'état

d'éléments pâles, atrophiés, dont le protoplasma umforme, plutôt

transparent qu'opaque, montre un noyau fortement atrophié ainsi

que son contenu; les prolongements de la cellule ont complète-

ment disparu ou sont réduits à peu de chose. La substance achro-

matique est parfois en même temps altérée, ce qui donne l'im-

pression de solution de continuité. D'autres cellules sont atrophiées

et sombres; il y a atrophie du corps et des prolongements de la

cellule, le noyau n'est pas atrophié au même degré que le proto-

plasma cellulaire. L'obscurité tient à ce qu'il reste dans le proto-

plasma cellulaire une certaine quantité de substance chromatique

qui se laisse colorer en bleu. On sait que la substance achroma-

tique se compose d'une partie réticulaire, fibrillaire, organisée et

d'une substance fondamentale amorphe ; c'est celle-ci qui, dans

les divers états pathologiques, est colorable; et cette colorabilité

est peut-être bien due à la rétraction du réseau fibrillaire de la

cellule nerveuse. Telle est la phase 3, la phase de dégénérescence.

La résection des nerfs ou leur arrachement, en empêchant la

réunion des deux extrémités des nerfs, empêche la réparation

des altérations de réaction de la cellule et entraine sa mort. Il

n'y a donc pas deréparation chez les amputés, ce qui prouve que la

réparation complète des lésions centrales n'a lieu qu'après le réta-

blissement de la continuité du nerf. P. Isnavnt.

XXI. Contribution à la technique histologique des dégénérescences

des cordons tout à fait au début ; par K. SCHAFFER. (Neurolog.

Centralbl., XVII, 1898.)

Sur les pièces durcies au liquide de Muller on a des moyens de

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 157

déceler les deux stades caractéristiques de la dégénérescence

secondaire des cordons. C'est pour le premier stade (résolution des

gaines de myéline en gouttes ou en globules) le mélange osmiobi-

chromique de Marchi qui colore en un noir intense les produits

de décomposition. C'est pour le second stade (la myéline et le

cylindraxe résorbés et remplacés par de la névroglie hyperplasiée)

le réactif à l'hématoxyline de Weigert; il donne une coloration

jaune d'ocre clair du faisceau dégénéré qui tranche sur le ton

brun sépia des tissus environnants.

Comment révéler le stade prodromique de tuméfaction, de bour-

souflement, de varicosité des fibres myéliniques ? Par un surdurcis-

sement de trois, quatre, six mois dans la liqueur de Muller suivi de

l'action de la liqueur de Marchi déjà citée. On coupe en disques minces

que l'on place une semaine dans cette dernière en changeant le

liquide une fois. On lave pendant une semaine, ou mieux, pendant

deux semaines, à l'eau pure renouvelée chaque jour. On inclut dans

lacelloïdine pour pratiquer des coupes de40 à 50 ix, dont on collo-

dionne au besoin la surface (Duval) ou que l'on sertit dans les

plaques colloïdiques de Weigert, car elles sont friables. On déshy-

drate, on éclaircit. Le début des dégénérescences en question

apparaît alors uniformément jaune; les fibres saines sont d'un

brun foncé. P. KERAVAL..

XXII. Un réflexe de l'éminence hypothénar ; par F. Holzinzer.

(Neurolog. Cent1"albl., XVII, 1898.)

La compression en dehors du pisiforme, les doigts étant à demi

fléchis, produit un plissement de la peau du bord cubital de la

main, dont l'intensité varie suivant les individus, mais qui toujours

se traduit par le dessin d'un sillon rectiligne ou arqué ou par des

plis convergeant en un sillon sur l'éminence hypothénar. Il s'agit

d'un réflexe du petit palmaire, -d'une contraction non convulsive,

lente, durant à peu près aussi longtemps que la pression effectuée

sur le pisiforme, qui fréquemment s'accompagne d'une sensation

nette, voire désagréable. Si l'on prolonge la pression pendant

quelques minutes, apparaissent quelques convulsions dans l'aire

du sillon et la sensation devient plus désagréable mais le sillon

disparait peu à peu; exagère-t-on alors la pression, le sillon se

reforme mais pour peu de temps.

Le même réflexe se produit quelquefois quand on comprime les

tendons de la région pulmonaire du carpe ou quand on pince de

dehors en dedans la pulpe du petit doigt, ou en forçant à l'adduc-

tion l'annulaire étendu. Les divers modes d'excitation de la peau

ne jouent dans l'espèce aucun rôle ou le rôle en est très effacé ; ce

sont évidemment les appareils tendineux qui sont les fauteurs de

ce réflexe; il ne se produit du reste pas chez tout le monde.

158 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

Le petit palmaire s'insère à l'aponévrose palmaire ainsi qu'à la

peau et au bord cubital de la main ; l'aponévrose palmaire a des

attaches au pisiforme. Le déplacement du pisiforme tend l'aponé-

vrose palmaire et le muscle, mais il faut auparavant que le muscle

soit détendu. Le réflexe est plus fort et plus aisé à produire quand

les doigts sont préalablement fléchis. P. KERAVAL..

XXIII. De la calcification prématurée des vaisseaux de l'encéphale,

considérée comme cause d'épilepsie ; par Hociihaus. (Neurolog.

Celltmlbl., XVII, 1898.)

Observation. Brasseur de vingt-huit ans, atteint d'épilepsie

depuis dix-huit moi,. Il en meurt et l'on constate une calcification

très étendue des plus petits vaisseaux de l'encéphale, surlout pro-

noncée dans les ascendantes etla corne d'Ammon du côté gauche.

Cette calcification qui a évidemment déterminé un trouble de la

nutrition cérébrale (thèse de Coulbault, 1881), ne s'explique ici

ni par une lésion des os (Virchow), ni par la syphilis (Huber).

L'ingestion de liquides et d'alcool est seule en cause. Mais pourquoi

la calcification n'a-t-elle atteint que les vaisseaux fins, il est pos-

sible qu'ils aient été originairement moins résistants.

P. KERAVAL.

XXIV. Du trouble des échanges nutritifs dans la neurasthénie ;

par W. de 13,ccnrcaw. (Neu1'olog. Centralbl., XVII, 1898.)

L'auteur a constaté dans la neurasthénie des anomalies de l'oxy-

dation suivantes. Toujours, surtout dans les cas graves, il y a

diminution plus ou moins considérable de l'urée excrétée, et, la

plupart du temps, excès d'acide urique. Le rapport de la totalité

de l'azote contenue dans l'urine à la quantité d'azote de l'urée

(coefficient de l'énergie d'oxydation, expression de la respiration

des tissus de Poehl) indique constamment un notable abaissement

de l'intensité d'oxydation de l'urée. Le rapport de la quantité

d'acide urique à la quantité d'acide phosphorique (à l'état de sel

bisodique) montre constamment un excès de décomposition d'acide

nrique (Zenner), attribuable à une diathèse urique plus ou moins

marquée.

Le rapport de la totalité de l'azote de l'urine à la quantité

d'acide phosphorique est augmenté ; il y a en un mot augmenta-

tion du coefficient qui, d'après Zulzer, indique l'énergie de décom-

position du tissu nerveux (Bechterew). Est aussi augmenté le rap-

port de l'ensemble de l'acide phosphorique à la quantité d'acide

tdycéro-phosphorique; ceci d'après Lepin, indiquerait une décom-

position de la lécithine. En bien des cas enfin il y a élévation du

rapport de la quantité d'acide sulfurique aux acides phospho-

REVUE D'ANATOMIE Er DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 159

ripues doubles, ce qui sert d'index pour la fermentation putride

de l'intestin. Celle-ci jouerait en effet un rôle dans les irrégularités

nutritives et notamment dalis celles de l'oxydation des substances

azotées. Les troubles intestinaux pourraient bien d'ailleurs être

provoqués par les facteurs étiologiques auxquels on impute la

neurasthénie. Le surmenage mental, la vie sédentaire des intellec-

tuels peuvent, par exemple exercer, sur les viscères abdominaux

une influence défavorable au point de vue de la circulation intes-

tinale et hépatique. Les secousses morales peuvent déterminer des

perturbations vasomotrices. La composition de la nourriture

mériterait également un examen. P. Keraval.

XXV. Le tricho-oesthésiomètre électrique et la sensibilité du sys-

tème pileux du corps; par W. DE Bechteriav. (Ncurolog. Cen-

tralbl., XVII, 1898.)

En touchant à peine les parties de la peau recouvertes de poils,

on produit une sensation comparable au chatouillement; il suffit t

d'un simple attouchement mettant en mouvement les poils de la

surface de la peau sans déterminer la sensation de contact (Nois-

chewsky, Société de médecine de Dinabourg ou Dwensk, 2 avril

1896, 23 novembre 1896). Pour procéder à ce délicat examen, le

mieux est de se servir d'un cheveu, ou mieux, d'un délicat ressort

de montre que l'on enclave entre les extrémités d'une pince et qui

sert à toucher la peau recouverte de poils (Ossipow et Noischewsky '%-

Nowing lekarskie, 1896, n° 9). Cet instrument a été perfectionné

sur les indications de Bechterew.

C'est maintenant une tige montée sur un manche d'électrode,

pourvue à son extrémité d'une pince entre les mors de laquelle

est assujettie une spirale capillaire. Le courant électrique du man-

che de l'électrode vient animer d'oscillations la tige et la garni-

ture qui porte le ressort de montre. Tout cela est réglé comme il

faut. On obtient ainsi un contact très fin. Cet instrument n'a pas

encore suffisamment servi.

Les expériences de Noischewky et Ossipow avec le tricho-oesthé-

siomètre ordinaire, ont fourni les résultats suivants.

Il existe un véritable réflexe pileux, à la région antérieure du

front, surtout au niveau de la glabelle, à la limite du cuir chevelu

de la tête, à la peau des joues, au-dessus du pli naso-labial; l'at-

touchement y détermine un frémissement général du corps; il en

est de même à la face interne du nez (ici éternûments fréquents),

et à la région, du pubis ou au pourtour de l'anus.

La sensibilité plus faible sur la peau de la face, plus encore

dans les régions barbues, est de moins en moins accusée, au cou,

à l'épaule, le long du tronc jusqu'aux plis inguinaux en avant et

aux fesses en arrière, à la face dorsale des mains, à la face posté-

160 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

rieure de la cuisse, etc... Ne sont pas du tout sensibles, la paume

de la main, la plante des pieds, le gland du pénis, régions com-

plètement dépourvues de poils, mais, par contre, extrêmement

tactiles.

L'intensité de la sensibilité des poils est en raison de la finesse

et de l'épaisseur de ceux-ci. Les sensations' en question sont pro-

duites par les vibrations des poils mêmes. La répartition de cette

sensibilité ne correspond pas du tout à celle de la sensibilité tac-

tile ; elle représente une qualité spéciale de la sensibilité cutanée

tout à fait différente de celle du tact et de la douleur, car on a noté

dans les cas pathologiques, qu'elle a parfois disparu, alors que la

sensibilité tactile est conservée, qu'en revanche elle peut être exa-

gérée, tandis que la sensibilité tactile et douloureuse est demeurée

sans changement. P. KERAVAL.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

XYVI. De l'emploi de l'atropine dans l'épilepsie; par L. Waciieniieim.

(The New York Médical Journal, 22 juillet 1899.)

L'emploi de la belladone et de son alcaloïde dans le traitement

de l'épilepsie n'est pas, il s'en faut de beaucoup, une nouveauté ;

l'auteur croit néanmoins devoir publier l'observation d'un cas

dans lequel l'emploi de l'atropine et du bromure, suivant une

méthode qui diffère de la méthode ordinaire lui a donné des

résultats exceptionnellement favorables. Partant de ce fait, bien

observé et soigneusement relaté, il entre dans d'intéressantes con-

sidération de physiologie thérapeutique : 11 rappelle que le grand

reproche que l'on a fait à la belladone, préconisée par Trousseau,

est d'être un irritant cortical ; les critiques qui font cette objec-

tion paraissent ignorer que la belladone est à un degré bien plus

élevé encore un agent paralysant périphérique et un stimulant

des centres spinaux et médullaires, y compris les centres vaso-

moteurs. La pathogénie de l'épilepsie idiopathique est une des

questions les plus obscures de la neurologie : on est en présence

d'un seul fait bien établi, c'est que l'on a affaire à une irritation

des cellules corticales; quant à la nature de l'agent irritant, elle

donne lieu à plusieurs théories. L'une d'elles, très répandue, très

acceptée veut que la maladie soit organique et dépende d'une

prolifération de la névroglie, et d'une dégénérescence des cellules

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. ICI L

corticales, et que l'aboutissement de cette irritation chronique

soit une explosion nerveuse analogue à la décharge de la bou-

teille de Leyde. On peut objecter à cette théorie : 10 que les cellules

corticales fonctionnent d'une manière parfaitement régulière dans

l'intervalle des attaques ; 2° que l'attaque-type envahit simultané-

ment toute l'écorce, au lieu de se propager par irradiation en

partant des zones les plus affectées comme dans l'épilepsie Jack-

sonienue ; et 3° que cette théorie préjuge la question de l'étiologie

de l'état anatomique, et qu'elle ne dit pas si les cellules sont pri-

mitivement irritées directement ou seulement hypéresthésiées, ce

qui est un point capital. La physiologie de la cellule nerveuse

exige en effet que, tout au moins dans un processus chronique,

l'hypéresthésie précède l'irritation directe, ou qu'elle en soit à tout

le moins la première manifestation ; l'hypéresthésie de la cellule

nerveuse peut d'ailleurs être obtenue par bien d'autres moyens

que le stimulus mécanique de la prolifération du tissu connectil,

notamment par certains poisons tels que la strychnine et la téta-

noloxine.

Ceci nous amène à la seconde théorie, comparable à la théorie

que Traube a donnée de l'urémie, et suivant laquelle il s'agirait

d'une névrose vaso-motrice, d'origine toxique ou auto-toxique.

Kussmaul et Tenner ont montré que l'anémie cérébrale brusque

provoquait des convulsions généralisées. Marie a le premier sug-

géré l'idée d'auto-intoxication. Cette manière de voir est celle qui

jusqu'ici explique le mieux l'apparition occasionnelle de l'épilepsie

à la suite des fièvres infectieuses. Sa fréquence dans l'alcoolisme

chronique, ses relations très nettes d'hérédité et de symptomato-

logie avec les autres névroses et les psychoses, et enfin l'existence

indiscutable d'un grand nombre de guérisons. La marche de la

maladie serait la suivante : l'intoxication primitive aiguë déter-

mine une ou plusieurs attaques convulsives, qui, à leur tour pro-

duisent une irritabilité anormale des cellules corticales : celles-ci

deviennent moins capables de résistance même à l'égard d'exci-

tations plus faibles, et on se trouve alors en présence d'un cercle

vicieux ; le retour de plus en plus fréquent des attaques finit sans

doute par déterminer des altérations anatomiques permanentes

(dégénérescence cellulaire et prolifération consécutive de la névro-

glie) : l'indication thérapeutique évidente est de briser ce cercle

vicieux.

Sur cette base pathogénique, nous pouvons établir l'action des

bromures et de l'atropine : les bromures diminuent la sensibilité

des cellules corticales devenues hypéresthésiques aux variations

de l'afflux sanguin ; l'atropine stimule les centres vaso-moteurs et.

parla, régularise, l'afflux sanguin. Aussi les bromures se montrent-

ils surtout utiles dans les premières périodes du traitement, pour

engourdir l'irritabilité corticale jusqu'au moment où la tonicité

Archives, 2° série, t. 11. 11

162 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

vasculaire est ramenée au degré convenable ; quand le résultat

est obtenu, les bromures deviennent moins importants, et l'on

peut en diminuer les doses ou les supprimer complètement. Mais

il ne faut pas se faire d'illusion : ni le bromure ni l'atropine ne

répondent à l'indication causale : si l'épilepsie dépend d'une into-

xication passagère, ces agents suspendront l'action destructive

des crises convulsives jusqu'à ce que la substance toxique ait cessé

d'agir ; et si comme cela parait être le cas chez la majorité des

épileptiques, la cause est permanente, il est évident que le traite-

ment dont il vient d'être question demeurera simplement pallia-

tif. H. de l\IUSGRA VE-CLA Y.

XXVII. Abcès du cerveau chez un enfant de trois mois, compliqué

d'érysipèle de la tête et de la face ; opération ; guérison ; avec

quelques considérations rapides sur la valeur diagnostique des

symptômes, par William J. DoYLE. (The New-York Médical Journal

29 juillet 18U9.)

Enfant (fille) de trois mois, présentant au niveau de la fonta-

nelle antérieure un gonflement très marqué, qui la déborde d'un

demi pouce latéralement et bombé au-dessus des tissus voisins, et

qui donne à la pression une sensation légère, mais nette, de fluc-

tuation. En dehors de ce signe rien ne faisait prévoir un abcès.

Une intervention chirurgicale est décidée, l'auteur la pratique,

incise la dure mère, et ouvre le sinus longitudinal; malgré ses pré-

cautions, l'hémorragie est si abondante qu'il faut tamponner et

remettre à plus tard la fin de l'opération. Trois jours après, en

enlevant le pansement, on le trouve souillé de pus : on lave avec

la solution de sublimé à 1 p. 5 000 ; on n'a plus retrouvé de pus et

l'enfant a guéri sans incident. Quant à l'érysipèle, il s'est déve-

loppé séparément, mais très nettement à la fois sur la tête et la

face, avec la marche et les caractères d'une forme bénigne, et il a

parfaitement guéri. Cette observation est suivie de remarques

sur la symptomatologie des abcès du cerveau.

R. DE Musgrave-Clay.

XXVIII. L'influence du climat sur les maladies nerveuses ; par

Sanger 13non. (I'Ite.7Vciv-l"oi,k MedicalJo ! l1'nal, 17 juillet 1897.)

Les principaux points signalés dans ce travail sont les suivants :

Reaucoup de personnes dont l'équilibre nerveux est instable,

quelle que soit l'origine de cette instabilité, présentent des troubles

nerveux très accusés lorsqu'elles passent d'une altitude faible à

une altitude très considérable. Ces troubles prennent surtout la

forme d'agitation générale, d'inquiétude, d'insomnie et de tinte-

ments d'oreilles.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. '163

Le climat le plus propre à rétablir un système nerveux débilité

est un climat sec, froid, ensoleillé, avec peu de vent et d'une alti-

tude qui ne dépasse pas mille mètres. La plupart des maladies qui

bénéficient d'un climat en bénéficient par l'intermédiaire du sys-

tème nerveux.

L'air de la mer aggrave certaines formes de troubles nerveux

fonctionnels, mais beaucoup moins souvent que l'air des grandes

altitudes. Quand on veut relever la faculté de récupération orga-

nique compromise par l'âge ou la maladie, il faut n'envoyer

qu'avec prudence le malade dans un climat froid, mais il faut

néanmoins dans un grand nombre de cas préférer ce climat froid

aux climats chauds sur lesquels on le dirige ordinairement. '

R. DE nlUS6LlAVE-CL.1Y,

XXIX. Le traitement des aliénés violents par le séjour au lit à

l'Asile clinique de Paris; par Louise G. HOBINOVITCII. (The New-

Yonlc Médical Journal, 31 décembre 1898.) ,

Nous n'avons pas à insister sur ce travail, les opinions et les

méthodes du savant aliéniste de Sainte-Anne étant bien connues

de nos lecteurs. li. M. C.

XXX. Le sérum antistreptococcique dans la méningite cérébro-

spinale épidémique; par Charles-P. MAC NABB. (The New-York

Médical Journal, 25 février 1899.)

Ce travail, qui renferme deux observations, se termine par les

conclusions suivantes :

« 1° Le sérum antistreptococcique exerce une influence nette-

ment stimulante sur les centres nerveux dans le coma méningi-

tique, mais les mêmes effets pourraient suivre l'administration

d'une injection hypodermique chaude salée.

2° Il active probablement la phagocytose, et par là il agit à la

façon d'un antidote sur le diploeocczcs inlracellularis.

3° Il prévient probablement l'infection de l'exsudat par le pus,

et diminue ainsi le danger dans tous les cas où le malade survit

pendant les trois ou quatre premiers jours.

4° 11 résulte de l'observation des cas que j'ai eus sous les yeux

que l'on peut espérer obtenir un sérum antidiplococcique de la

méningite intracellulaire qui aura nettement pour effet d'enrayer

la terrible toxémie de la méningite, et que l'effet du sérum anti-

streptococcique ne s'associant pas au précédent après le second jour

contribuera à empêcher l'infection streptococcique de l'exsudat.

5° Je sais parfaitement que l'amélioration constatée dans les cas

que j'ai observés peut résulter d'une simple coïncidence et n'être

pas due à l'emploi de sérum ; mais s'il en est ainsi, elle ne ressem-

164 -il REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

blait du moins aucunement à tout ce que j'ai pu observer aupara-

vant dans des cas semblables.

6° Je suis convaincu que chez le premier de mes malades, l'amé-

lioration aurait été plus rapide si l'usage des injections quoti-

diennes avait été continué pendant quelques jours de plus ; et si

je rencontrais un autre cas pareil à celui de mon second malade,

je n'hésiterais pas à injecter pendant les premières trente-six heures

de quarante à soixante centimètres cubes de sérum. »

Il. de Musgrave-Clay.

XXXI. Observation de manie aiguë transitrice survenue chez un

syphilitique plus de trois ans après la guérison apparente de la

syphilis; par Charles 0'Dovov,N. (The New-York Médical journal,

3 juin 1899.)

Nous .relevons les points les plus intéressants de cette observa-

tion ; ce qu'il y a certainement de plus remarquable c'est la brus-

querie avec laquelle une syphilis en apparence guérie fait explosion

chez ce jeune homme de vingt-cinq ans sous la forme de manie

aiguë, et cela sans qu'on ait pu découvrir une cause provocatrice.

Le chancre datait de quatre ans et le malade avait été sérieuse-

ment traité par des médecins qu'on a tout lieu de supposer com-

pétents.

Il n'avait eu depuis aucune manifestation syphilitique de quel-

que nature que ce soit. Il avait un métier pénible qu'il accomplissait

sans fatigue et sans difficulté. Il est marié et sa femme ne présente

aucun .signe d'infection. Le diagnostic était à faire entre l'épi-

lepsie et la syphilis du système nerveux central; le retour nocturne

des paroxysmes militait en faveur d'un diagnostic aussi bien que

de l'autre ; mais la rapidité de l'aggravation, et la brusque appa-

rition de symptômes d'excitation maniaque malgré des doses

élevées de bromure, faisaient pencher la balance en faveur de la

syphilis. D'ailleurs si les renseignements fournis par le sujet au

moment même de sa maladie au point de vue de l'infection primi-

tive étaient fort peu satisfaisants, ils ont été dans la suite très

explicites. La syphilis n'avait laissé ni marques ni cicatrices sur

aucune partie du corps, et les cheveux n'étaient pas tombés.

L'excitation maniaque a été extrêmement violente, s'est accom-

pagnée d'hallucinations terrifiantes et s'est toujours aggravée pen-

dant la nuit. Dans la journée, l'aspect du malade rappelait plu-

tôt la démence, avec un état soupçonneux. Une fois interné, le

malade s'améliora rapidement ; est-ce sous l'influence du change-

ment de milieu ou de traitement anti-syphilitique ? c'est ce qu'il est

actuellement impossible de préciser : mais l'avenir de cet homme

.sera intéressant à étudier. R. de Musgrave-Clay.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 165

XXXII. Opérations chirurgicales pratiqués pendant le sommeil hyp-

notique ; par Arthur Aiac-DotnL). (The lfetv-Yon,4 Médical journal

24 juin 1899).

Les deux opérations que l'auteur se propose de relater ont été

pratiquées pendant le sommeil hypnotique par le Docteur Schmelz,

de Nice. Mais s'il est indiscutable, comme le prouvent d'alleurs

les deux faits dont il s'agit, que l'hypnotisme peut rendre de réels

services à la chirurgie comme agent d'anesthésie, il ne faudrait

pas voir là une méthode susceptible d'une application générale.

La première des deux opérations relatées conistait en une ampu-

tation du sein pour une tumeur du poids d'environ deux kilo-

grammes la seconde avait pour but de remédier à un ectropion

de la paupière inférieure gauche. Toutes deux ont été pratiquées

sans la moindre hâte du chirurgien et sans la moindre souffrance

du malade. R. DE Musgrave-Clay y

XXXIII. La bromipine dans le traitement de l'épilepsie ; par 130D01\I.

(Riv. di pat. nerf. et ment., fasc. IX, 1899.)

Huit observations dont l'auteur conclut que la bromipine n'est

pas un agent thérapeutique plus efficace et plus actif que les bro-

mures communément employés pour traiter l'épilepsie, mais qu'il

est mieux toléré et éliminé beaucoup plus lentement.

J. SÉGLAS.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.

Séance du 27 novembre 1899. PRÉSIDENCE de M. J. Voisin.

L'alitement dans les formes aiguës'de la folie.

M. Christian déclare, à propos de la lecture du procès-verbal,

qu'il n'est pas systématiquement hostile à l'alitement des aliénés. 11

se borne à émetlre des doutes au sujet de l'assertion de M. Sérieux

qui disait dans sa dernière communication sur ce sujet que cette

méthode transformerait les asiles. '

166 SOCIÉTÉS SAVANTES.

La loi sur les expertises médio-légales et les listes d'experts.

M. TOULOUSE expose que la loi votée à la Chambre des députés

sur les expertises médico-légales, établit des experts nommés par

le Tribunal et des experts de droit, les premiers pouvant être

choisis sans formalité par l'accusation ou la défense et les seconds

ne pouvant l'être que sur ordonnance du Président du Tribunal.

Cette restriction tendra à rendre difficile la désignation des experts

de droit. Or, ces derniers n'étant pas nommés par l'autorité judi-

ciaire doivent présenter plus d'indépendance et par conséquent

plus de garantie à l'accusé

- Diminuer les facilités de les choisir, c'est donc diminuer ces

garanties. 11 faut en conséquence mettre sur le même pied les deux

catégories d'experts. Il y aurait même intérêt à allonger la liste

des membres de droit, en y faisant figurer, à côté des professeurs

et des médecins des asiles et des quartiers d'hospice, des membres

élus par des Sociétés savantes en l'espèce, par la Société médico-

psychologique.

M. Toulouse n'est pas partisan du super-arbitrage, qui a d'ail-

leurs été écarté par la loi nouvelle. Ce système tendrait, dit-il, à

établir des fonctionnaires permanents qui, ayant le dernier mot

dans toutes les expertises litigieuses, imposeraient, comme

science d'état, leurs idées personnelles sur la pathologie mentale

et la responsabilité des aliénés.

M. Toulouse demande en conséquence que la Société émette un

voeu en faveur de l'adoption du principe des experts de droit.

M. P. G,ancna fait observer qu'il n'est pas dans les usages de la

Société d'émettre des voeux.

M. TOULOUSE demande alors la nomination d'une Commission

spéciale chargée d'étudier la question des experts.

La Société décide que la question restera à l'ordre du jour.

. Maladies mentales familiales.

M. TRÉ1VEL. L'étude de l'hérédité familiale permettra peut-être

de décrire en pathologie mentale comme en pathologie nerveuse

des types morbides intéressants. Jusqu'ici il n'existe guère de

travaux sur ce sujet si l'on en excepte la folie gémellaire et le

suicide héréditaire. Cependant un certain nombre d'observations

de folie similaire chez frères et soeurs ont déjà été recueillies par

Doutrebente, Brunet et Vigouroux, Pain, etc. MM. Bourneville et

Séglas ont décrit une idiotie familiale.

Les faits rapportés ici se rapportant à des psychoses systéma-

tisées, il y a lieu de faire une distinction avec la folie à deux, mais

une psychose systématisée familiale pourra éventuellements'accom-

1 SOCIÉTÉS SAVANTES. 167 ï

pagner de délire à deux si les malades vivent en commun. Les

cas de démence précoce, prématurée ou présénile, la folie pério-

dique paraissent se présenter assez fréquemment sous la forme

familiale. A citer encore le délire aigu chez deux soeurs.

Enfin, il peut y avoir des combinaisons de troubles mentaux

(démence en particulier) et de maladies nerveuses familiales.

Il y aurait un certain intérêt, même au point de vue pratique, à

rechercher et à décrire ces psychoses qui, selon le mot de More),

« semblent résumer en une seule'entité morbide la folie de plu-

sieurs membres d'une même famille ».

M. I)OUTREi3rNTE rappelle que cette idée avait été déjà exposée

par M. Régis dans un travail sur la folie à deux.

M. TouLOUSE pense que la contagion psychique n'a pas été suffi-

samment étudiée.

Sur la proposition de M. ARNAUD, la Société décide de mettre à

l'ordre du jour l'étude des maladies mentales familiales. M. B.

Séance du 11 décembre 1899. Présidence DE M. J. Voisin.

Elections. Après élections, le bureau est ainsi constitué

pour 1900. - Président : AI. Magnan ; Vice-Président : \I. le PRO-

fesseur JoFrROx ; Secrétaire général : \I. Rzrrl; Trésorier : \f. Brunet;

Secrétaires annuels : MM. SEMELAIGNE et SOLFIER.

De l'atrophie du cerveau dans la paralysie générale.

M. Brunet donne lecture d'un mémoire d'où il résulte que l'atro-

phie du cerveau serait constatée dans la paralysie générale lorsque

cette affection suit sa marche progressive habituelle, que la mort

ne survient pas, pendant la première période, il la suite de mala-

dies incidentes ou d'un travail phlemasique trop intense.

Elle lui est prouvée :

1° Par l'aspect extérieur du cerveau : amincissement des circon-

volutions, dépression à leur face libre, agrandissement des espaces,

anfractuosités, sillons et scissures qui les séparent, ainsi que des

cavités ventriculaires ;

2° Par l'augmentation de quantité du liquide céphalo-rachidien

destiné à combler le vide produit par l'atrophie, quantité qu'il a

vu s'élever, dans quelques cas, jusqu'à 300 grammes;

3° Par la diminution du poids de l'encéphale ;

4° Par la fréquence de l'inégalité du poids des hémisphères céré-

braux qui existe chez plus de la moitié des individus atteints de

paralysie générale. -

M. Brunet a pesé l'encéphale de 313 malades morts de cette

affection dont il a résumé les résultats dans quelques tableaux. Il

a trouvé un poids moyen de z47 grammes chez l'homme et de

168 SOCIÉTÉS SAVANTES.

1089 chez la femme, ce qui constitue une diminution sur le poids

moyen de l 19 grammes chez le premier et de 151 grammes chez

la seconde. Sa moyenne ne diffère que par 3 grammes en moins

de celle de Baillarger pour la femme, mais elle est bien inférieure

pour les deux sexes à celles de Parchappe, Boys et Bra. Celle de

Parchappe, qui est de 13l grammes est beaucoup trop élevée,

surtout pour les hommes, ce qui tient à ce qu'elle n'est basée que

sur 14 individus dont la moitié sont morts à la première période,

au bout de 2 à 4 mois.

Il est d'ailleurs impossible que les statistiques, concernant

l'atrophie du cerveau, puissent concorder complètement entre elles,

à cause de sa grande variabilité due à la durée et à l'intensité des

phénomènes phlegmasiques. Pour démontrer cette variabilité,

M. Brunet a réparti ses pesées par séries de 50 grammes. Il trouvé

que le poids de l'encéphale des femmes paralytiques était diminué

dans 80 cas de 47 à 438 grammes, qu'il différait peu du poids

normal dans 7 cas et que dans 7 autres il était augmenté de 20 à

69 gr. Chez 150 hommes ce poids était diminué de 69 grammes

à 443, se rapprochait du poids normal 42 fois et présentait une

augmentation de 61 à 183 grammes dans 27 cas.

A l'état normal les hémisphères cérébraux sont à peu près égaux

en poids et on peut considérer comme un état' pathologique une

inégalité qui atteint au moins 10 grammes, inégalité qui ne se

rencontre guère que dans l'épilepsie, la paralysie générale et cer-

taines lésions locales.

Cette inégalité tient dans la paralysie à ce que le processus

inflammatoire auquel elle se rattache prédomine sur l'un des deux

hémisphères. Ce qui le prouve, c'est que l'auteur a trouvé toujours

sur le côté le plus atrophié des adhérences plus nombreuses.

L'inégalité des hémisphères existait 53 fois chez la femme et

124 fois chez l'homme. Le gauche auquel quelques auteurs

attribuent une plus grande activité physiologique était- atrophié

dans 101 cas, tandis que le droit ne l'était que 71 fois. - Cette iné-

galité était de 10 à 15 grammes dans 144 cas et de 16 à G7 grammes

dans 93 cas. ,

Elle permet de constater l'atrophie du cerveau là où l'on aurait

pu ne pas en soupçonner l'existence en raison du volume normal

ou exagéré de l'encéphale. Elle était aussi fréquente chez les indi-

vidus dont cet appareil nerveux n'avait rien perdu de son poids

physiologique que chez les autres.-Dans les 30 cas où le cerveau

était plus volumineux qu'à l'état normal (l'auteur l'a constaté

21 fois), la femme et l'homme dont l'encéphale était le plus lourd,

avaient, celle-là une inégalité de 29 grammes celui-ci de 22 grammes

Ce fait s'explique par le développement de la paralysie générale

chez des individus atteints d'hypermégalie, dont la phlegmasie

était peu intense et prédominait sur un hémisphère.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 169

M. Brunet a constaté, comme Baillarger, que le poids moyen du

cervelet n'était pas augmenté dans la paralysie générale.

M. TOULOUSE répond que dans la statistique de Crokley Clapham,

publiée dans le Dictioczczar of psychological medicin la moyenne du

poids de 209 cerveaux de déments séniles était supérieure à la

moyenne de 243 cerveaux de paralytiques généraux.

On y trouve en effet que dans la démence sénile elle s'élève à

1276 grammes, tandis que dans la paralysie générale elle n'atteint

que 1218 gr. 1. Marcel l3nT.aNn.

SOCIÉTÉ NEUROLOGIQUE.

Séance du i janvier 1900.

Sur le prétendu réflexe antagoniste de Schaefer.

M. BADtKSKr. M. Schaefer, dans le n° 22 de 1899 du Neurolo-

gischcs Centralbllltt, appelle l'attention sur un phénomène réflexe

dont voici la description :

Lorsqu'on presse énergiquement le tendon d'Achille dans son

tiers moyen ou son tiers supérieur entre le pouce et l'index, on

provoque chez l'individu sain une sensation de douleur légère et

en même temps une très faible extension du pied et parfois aussi

une flexion des orteils. Or, dans certains états pathologiques, chez

des malades atteints d'hémiplégie cérébralé organique, la même

manoeuvre donne lieu à une sensation douloureuse plus intense et

en outre à une flexion du pied, ainsi qu'à une extension des orteils

du côté paralysé. Ce réflexe pathologique, qui a ceci d'important

au point de vue du diagnostic qu'il peut permettre de déceler

l'existence d'une affection grave de l'encéphale, se distinguerait

des autres réflexes tendineux parce que la réaction, au lieu de

s'opérer dans les muscles dont le tendon est excité, se manifes-

terait dans les antagonistes, d'où la dénomination de « réflexe

antagoniste », que M. Schaefer propose de donner à ce phéno-

mène.

M. Schaefer n'a sans doute pas connaissance de mon travail sur

le Phénomène des orteils, non plus que des diverses publications

qui ont paru sur ce sujet en France et à l'étranger, autrement il

eût été frappé de la similitude des résultats obtenus chez les

hémiplégiques organiques par son procédé et par le chatouille-

ment de la plante du pied et il eût été alors vraisemblablement

170 SOCIÉTÉS SAVANTES.

conduit à se demander si la flexion du pied et l'extension des

orteils qu'il obtient sont sous la dépendance de la pression du

tendon d'Achille ou bien ne sont pas simplement dues à l'excita-

tion de la peau.

C'est le problème que je me suis posé et voici comment j'ai pro-

cédé pour le résoudre.

J'ai examiné plusieurs hémiplégiques présentant le phénomène

des orteils.

En pratiquant la manoeuvre décrite par Schaefer, j'ai obtenu

comme lui la flexion du pied et l'extension des orteils. Puis, je

me suis contenté de pincer exclusivement la peau dans le voisi-

nage du tendon d'Achille ou encore dans d'autres parties du

membre inférieur et j'ai constaté les mêmes mouvements réflexes.

Les membres de la Société peuvent vérifier le fait sur les malades

atteints d'hémiplégie organique que j'ai fait venir assister à la

séance.

Rien n'autorise donc à soutenir que le réflexe de Schaefer soit

un réflexe tendineux paradoxal. Il y a tout lieu d'admettre qu'il

s'agit simplement d'un réflexe cutané.

En résumé ce prétendu réflexe antagoniste n'est autre chose que

le phénomène des orteils, qui peut être provoqué, non seulement

par le chatouillement de la plante du pied, mais aussi par l'exci-

tation d'autres parties du tégument.

M. P. A1 me demande jusqu'où s'étend la zone active de la peau.

M. Babinski. Les recherches précises n'ont pas encore été

dirigées dans ce sens; d'ailleurs les limites varient selon les sujet ? .

Affection singulière de la peau de la barbe chez un tabètique.

M. Pierre Marie. Le malade présenté porte au niveau de la

peau de la barbe des ulcérations superficielles assez étendues dont

la nature est mal déterminée. Les dermatologistes les ont consi-

dérées comme 'des troubles trophiques : le malade présente plu-

sieurs signes de présomption en faveur du tabès. M. Pierre

Marie n'a jamais vu de troubles trophiques semblables dans le

tabès et demande aux membres de la Société si quelqu'un d'entre

eux peut porter un diagnostic ferme.

Tic d'élévation des deux yeux.

M. O. CRouzoN. Le malade présenté a l'habitude quand il veut

fixer son attention sur tel ou tel objet de placer ses yeux dans

l'élévation. Puis, par un effort de volonté, il peut les ramener dans

l'état d'équilibre normal. Il déclare avoir, dans la partie inférieure

de son champ visuel, la sensation d'un gouffre noir situé au

devant de ses pas.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 171

L'histoire de ce malade est très simple : au mois d'août 1899, il

eut un ictus et resta sans connaissance pendant dix-sept heures,

pendant deux mois il eut des troubles de la parole et de la vue ;

enfin il lui est resté ce trouble de la vision.

L'examen de l'appareil de la vision chez ce malade a montré

qu'il ne s'agissait ni d'une paralysie ni d'une contracture des

muscles droits inférieurs ou droits supérieurs, mais d'un trouble

de la fonction de l'élévation ou de l'abaissement et que ce phéno-

mène devait être rangé parmi les tics et rapproché du torticolis

mental. On a notéaussi un certain degré d'amblyopie, mais aucune

autre altération fonctionnelle ni organique.

L'état mental est affaibli sans qu'aucun trouble psychique ou

somatique ait pu faire porter un diagnostic de paralysie géné-

rale.

11 s'agit donc chez ce malade d'un tic et cette localisation à une

une fonction des muscles de l'oeil a paru intéressante à signaler.

M. Joffroy déclare d'un haut intérêt la communication de

M. Crouzon, mais le phénomène signalé ne peut pas être considéré

comme un signe prodromique de paralysie générale, pas plus qu'il

ne pense que le malade soit un paralytique général. Pour lui,

d'ailleurs, quand il y a trouble des muscles extrinsèques de l'oeil,

toutes les présomptions sont plutôt en faveur d'une lésion cir-

conscrite, ou d'une syphilis cérébrale plutôt qu'en faveur d'une

paralysie générale.

Tumeur du corps calleux.

M. Touche. La tumeur occupe toute la hauteur du corps cal-

leux, commence en arrière du genou et se continue jusqu'à la

partie moyenne de la couche optique. Les symptômes ont été de la

dysarthrie, d'abord intermittente, puis permanente; des attaques

d'épilepsie localisées à la moitié droite de la face, avec déviation

conjuguée de la tête et des yeux du même côté. Dans l'intervalle

des crises : paralysie faciale inférieure gauche avec déviation de la

tète et des yeux à gauche.

Présentation de photographies de coupes de moelle dans un cas spécial

de tabès.

M. Klippel. Cette moelle présente des lésions sur toute la

hauteur des cornes antérieures, et des lésions des racines posté-

rieures dans la région dorsale moyenne seulement. Le cordon de

Goll est sain sur la plus grande partie de leur étendue. La moelle

lombaire présente une légère sclérose diffuse. Donc, malgré

l'abondance des lésions, dans ce cas, il n'y a de lésions cornu-

radiculaires postérieures que dans la région dorsale. Ceci peut

172 SOCIÉTÉS SAVANTES.

s'accorder avec l'étiologie' : alcoolisme et chancre, peut-être syphi-

litique (sans accidents secondaires). De plus, le malade était un

tuberculeux avancé et avait eu une fracture du sternum. Si on

admet pour les traumatismes des membres inférieurs une relation

avec le développement ultérieur du tabès lombaire, on peut

admettre ici une relation entre cette fracture du sternum et ce

tabès dorsal. Comme symptômes : pas de troubles oculaires, pas

d'ataxie locomotrice des membres inférieurs. Réflexe patellaire

aboli.

M. P. Marie, Est-il bien certain que les dégénérations secon-

daires des racines postérieures, lésion exogène, constituent tout le

tabès ? Il faudrait donner une part plus importante aux lésions

endogènes, la moelle étant malade par elle-même; et ne faut-il pas

dans 'ce cas aussi considérer les lésions lombaires diffuses comme

nées sur place et non pas secondaires ?

M. Déjerine. La participation des lésions endogènes est encore

bien difficile à déterminer nettement, attendu que les racines pos-

térieures envoient des fibres dans toutes les parties de la moelle

où elles peuvent par conséquent laisser voir des dégénérations..

Mais dans le cas cité, le malade étant tuberculeux, ces lésions

lombaires peuvent bien n'être que des lésions cachectiques.

M. Dupré. De plus le malade était alcoolique, ce qui suffirait

pour expliquer l'abolition du réflexe patellaire..

Origine des émotions.

- M : MAURICE DE FLEUflY communique l'histoire d'un épileptique

venant à .l'appui de la théorie actuelle de la genèse de l'émotion

L'émotion organique étant primitive à l'idée et celle-ci résultant

d'un besoin de justification logique de la part du sujet.

Syringomyélîe cavitaireet syringomyélie pachyméningilique.

Cl. PHILIPPE et Oberthur communiquent des recherches histo-

logiques et cliniques, pour aider à la classification des cavités

intra-médullaires. Commençant par la maladie à cavités, de

beaucoup la plus fréquente, la syringomyélie, les auteurs dis-

tinguent la syringomyélie cavitaire et la syringomyélie pachymé-

ningilique.

Dans la syringomyélie cavitaire, le processus histologique évolue

lentement, il présente, çà et là, surtout dans le voisinage des

vaisseaux qui restent calibrés, une dégénérescence spéciale, qui, en

s'agrandissant constitue la fente, puis la cavité. Les vaisseaux sont

rarement oblitérés, et aussi, ils prennent une part peu active à la

formation des cavités pathologiques. Le canal central est atteint

SOCIÉTÉS SAVANTES. 173 3

de façons très variées. Cliniquement, la syringomyélie cavitaire,

dure des années; son évolution n'est pas fatalement progressive,

mais elle présente souvent des périodes de rémissions très

longues. C'est la forme lente, à tendance cicatricielle.

La syringomyélie pachyméningitique, plus rare, a été observée

trois fois par MM. Cl. Philippe et Oberthur : La moelle augmentée

de volume, avec pachyméningite cervicale hypertrophique souvent

généralisée, laisse échapper, à la coupe, un liquide lactescent,

louche, chargé de cellules granuleuses et de débris de parenchyme

médullaire. Au microscope, on retrouve aussi une dégénérescence

spéciale de la névroglie, mais là, cette dégénérescence, au lieu

d'aboutir à des cavités avec parois, comme dans la forme précé-

dente, disloque tout le tissu nerveux, et le transforme en une

série de petits tronçons qui s'émieltent progressivement. Ce type

a été décrit sous les noms les plus divers, notamment par M. Jof-

froy, dans sa thèse sur la pachyméningite cervicale hypertro-

phique ; par M. Miura et par M. Schwarz, dans des travaux plus

récents. MM. Cl. Philippe et Oberthur, en font une variété de la

syringomyélie, car ils ont pu saisir tous les intermédiaires entre

cette forme et la syringomyélie cavitaire admise par tout le

monde; ainsi dans un cas, les deux formes avaient évolué sur la

même moelle, l'une au-dessus de l'autre.

Cliniquement, la syringomyélie pachjméningitique évolue en

quelques années, très rapidement, avec des symptômes envahis-

sants : c'est la forme maligne de la maladie.

M. Philippe continue immédiatement par sa seconde communi-

cation :

Les fausses syringomyélies.

Cl. Philippe et Oberthur. Les autres cavités intra-médullaires

dues à l'hydromyélie, à l'hématomyélie, aux myélites diverses, ne

présentent pas au complet les caractères histologiques de la syrin-

gomyélie qu'il s'agisse de la forme cavitaire ou de la forme pachy-

méningitique. Elles sont ordinairement locales, petites', associées

à d'autres lésions qui en précisent la pathogénie. Leur symptoma-

tologie n'est pas aussi complète que celle de la syringomyélievraie

et le diagnostic reste ordinairement possible, quoique parfois dil-

ficile. Les auteurs proposent de séparer nettement ces cavités intra-

médullaires d'avec la vraie syringomyélie.

M. Achards Il faut en effet établir des distinctions dans les

syringomyélies, mais la distinction anatomique n'impose pas de

différence de nature.

M. Philippe. En effet dans des cas où le processus anatomique

est d'instinct, la nature est la même.

1 Sans aucune localisation ni systématisation spéciales.

174 SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. JORFROY demande ce qu'a été l'évolution ; si les lésions ont

commencé dans la région cervicale pour prendre naissance après

dans la région dorsale, dans le cas si intéressant de MM. Philippe

et Oberthur.

M. Philippe. Tout tend il démontrer que les lésions de début

ont apparu dans la région cervicale (s. pachyméningitique), mais

les deux ordres de lésions ont toujours évolué indépendamment

l'un de l'autre.

M. Joffroy. L'intérêt de la question serait maintenant de

savoir si les lésions de la moelle et celles des méninges ne mar-

chent pas assez simultanément pour qu'on puisse dire syringo-

myélie pachyméningitique ou pachyméningite syringomyélique.

Ramollissement du Cll11eUS et hémianopsie.

MM. Pierre Marie et 0. CROUZUN. Les pièces présentées pro-

viennent de l'autopsie d'un malade présentant, depuis quatre ans,

comme seul symptôme, une hémianopsie latérale droite survenue

avec plusieurs ictus. On trouve, au niveau de l'hémisphère céré

bral gauche, un ramollissement total du cuneus, un petit ramol-

lissement de la circonvolution linguale et une autre lésion analogue

à la face inférieure du cervelet du côté gauche.

nlérnlpie pareslhésique.

MM. SA13RAZÈS et C\B\NiOES (Bordeaux) notent, dans la méralgie,

le refroidissement local et l'absence de réaction sécrétoire à la pi-

locarpine ; la guérison est possible par un traitement purement

médical. F. Baissier.

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE.

Séance du 19 décembre 1899. Présidence DE M. PAUL llncmN,

vice-président.

Troubles psychiques d'origine tuberculeuse.

M. Samuel 13EnrruEm, s'appuyant sur un certain nombre de faits

cliniques et expérimentaux tire les conclusions suivantes :

10 Au cours de la phtisie pulmonaire, on peut observer et on

note fréquemment des formes multiples de psychoses, depuis la

sociétés savantes. 175

simple hypochondrie jusqu'à la folie délirante. Quelquefois même,

la phtisie se termine par la paralysie générale ; -,

2° Les troubles mentaux et la tuberculose peuvent marcher de

front ou alterner mutuellement. Presque toujours l'amélioration

de la lésion bacillaire est accompagnée de la rémission ou de la

guérison des phénomènes psychiques.

3° Cet état pathologique double n'est pas une simple coïncidence.

Il semble démontré cliniquement, par analogie de faits, et expéri-

mentalement, que l'infection bacillaire exerce une action directe

sur le névraxe et qu'elle peut causer la défaillance du système

nerveux central : en conséquence, les psychoses dont il s'agit sont

d'origine bacillaire;

4° A cause de la latence de l'évolution des phénomènes tubercu-

leux chez les aliénés, il me parait utile, quand on est en présence

d'un mélancolique, d'un maniaque on d'un délirant, de se préoc-

cuper de son état thoracique, surtout quand le sujet maigrit,

tousse, ou a eu des hémoptysies, ou lorsque son organisme subit

une déchéance brusque accompagnée de fièvre.

5° En ce qui concerne la médecine légale, il serait désirable que

les inculpés de quelque forfait fussent examinés d'une façon

attentive, aussi bien au point de vue des manifestations tubercu-

leuses qu'au point de vue de la mentalité celles-là pouvant

souvent fournir d'utiles indications sur celles-ci et laisser prévoir

la prochaine déchéance de la raison, par suite, mitigeant singu-

lièrement la responsabilité actuelle des tuberculeux.

Un procédé pour reproduire l'hypnose profonde chez des sujets

réfractaires.

M. Albert Charpentier. Pour produire l'état somnambulique

chez des sujets réfractaires, je leur fais respirer en une ou deux

minutes 30 ou 40 grammes d'éther, à l'aide du masque. Après cela,

les suggestions thérapeutiques peuvent être faites. Le malade est

ensuite réveillé sans difficulté. Sans doute, le consentement préa-

lable est indispensable, l'examen minutieux du coeur s'impose, et

ce n'est, en somme, qu'un moyen exceptionnel, très efficace cepen-

dant dans certains cas déterminés.

M. Paul Ferez. Il a déjà été publié un certain nombre de

tiavaux touchant les anesthésiques médicamenteux dans leurs

rapports avec la suggestion, notamment par Gibert (du Havre),

Herrero (de Valladolid) et Riffat (de Salonique). On sait que, pen-

dant le sommeil chloroformique, les suggestions sont efficaces.

Par la chloroformisation préalable, accompagnée de la suggestion,

on arrive toujours à l'hypnotisation, quelles que soient les résis-

tances conscientes ou inconscientes, volontaires ou involontaires

opposées par le sujet. Le chloroforme est donc un moyen sugges-

176 SOCIÉTÉS SAVANTES.

tif de premier ordre et avec lui, semble-t-il, on arriverait à hyp-

notiser n'importe qui. D'une manière générale, le sommeil produit

par un toxique ou un narcotique quelconque présente, comme

d'ailleurs le sommeil naturel, des périodes aussi favorables à la

suggestion que l'hypnotisme lui-même. Il n'est même pas néces-

saire de recourir à des doses relativement considérables de nar-

cotique pour produire un état suffisant de suggestibilité chez des

malades réfractaires à l'hypnotisme. Aussi, Auguste Voisin, dans

son service de la Salpêtrière, faisait respirer de très petites doses

de chloroforme, chez des malades qui s'agitaient, se débattaient,

brisaient tout, criaient, vociféraient, il produisait par l'inhalation

de cinq à six gouttes de chloroforme, une accalmie, pendant la-

quelle la simple fixation du regard réalisait le sommeil. Et celui-

ci était bien le sommeil hypnotique, car il durait aussi longtemps

qu'on le voulait et cessait par simple suggestion; une fois il fut

maintenu pendant trois jours, une autre fois pendant quatre

jours. ,

M. BERILLOIV. J'ai étudié, de mon côté, à ma clinique, l'action

de certaines substances comme adjuvants de la suggestion et, en

particulier, le chloroforme, le bromure d'éthyle, le protoxyde

d'azote, la morphine, l'hypnal, le chloral, le bromidia; je les ai

complètement abandonnés et je les bannis systématiquement de

ma pratique. C'est que le chloroforme, par exemple, est dange-

reux, même à très petite dose; en effet, c'est dès le début, lors de

la première inhalation même, qu'un réflexe inhibiteur peut pro-

duire une syncope mortelle. Si un accident survenait, on ne man-

querait pas de dire que le médicament a été administré sans

indication suffisante. Et puis, il convient de ne faire aucune con-

cession à la toxicomanie. Notre rôle est précisément d'agir par des

moyens psychiques; si l'hypnotlsation ezt longue et difficile, ne

nous laissons pas décourager : exigeons des délais; le malade doit

faire l'apprentissage de ce traitement, s'y préparer et s'y entraî-

ner. Tout au plus, me permettrais-je l'emploi d'un anesthésique

hypothétique, comme l'acétal, corps doué d'une assez forte odeur

mais dont l'mhalation est tout à fait inoffensive.

M. Paul Magnix. - Je suis tout à fait d'avis de proscrire de la

pratique hypnotiqne un médicament qui présente des dangers de

toxicomanie. On prétend, de nos jours, guérir l'hystérie, par

l'éthérisation poussée même jusqu'à l'anesthésie opératoire : on

fabrique ainsi des éthéromanes. Jadis, à la Pitié, un médecin des

hôpitaux préconisait les-injeclions de morphine comme traitement

de l'hystérie; quelque temps après, il présenta à la Société anato-

mique le foie d'une de ses hystériques comme le foie d'une mor-

phinomane.

SOCIÉTÉS SAVANTES. '1%Î

Les procès aux animaux.

M. Henri LEMESLE lit une étude médico-légale sur les procès faits

aux animaux pendant le moyen âge. Des sangsues, des rats, des

sauterelles, des chenilles, des porcs, etc., furent l'objet de procé-'

dures en règle, d'excommunications et d'anathèmes. Il faut voir

dans ces faits une application de la conception toute théologique

du moyen âge touchant la responsabilité : le bien et le mal sont

l'oeuvre de Dieu ou du démon et l'agent du crime ou du délit doit"

être frappé sans considération de la conscience ou de l'inconscience

lors de l'exécution.

Fumeurs et fumeuses d'opium.

M. Bérillon. -- Des fonctionnaires français ont rapporté d'Indo-

Chine l'habitude de fumer de l'opium et ils s'y livrent dans leur

appartement. La femme de l'un d'entre eux s'est prêtée avec com-

plaisance à la préparation des pipes d'opium que fumait son mari ;

elle n'a pas tardé à subir les effets de l'intoxication par la fumée, '.

puis à fumer elle-même; il se déclara, en outre, chez elle, des

symptômes d'hystérie et de neurasthénie anxieuse. Bien que cette

personne fût très hypnotisable, la suggestion hypnotique fut im-

puissante contre ces derniers symptômes, aussi longtemps que la z

malade en dissimula la cause. Lorsqu'elle eut confessé qu'elle

fumait de l'opium, la suggestion hypnotique opéra la suppression

de cette habitude sans grande difficulté. Du même coup, les acci-

dents nerveux furent dissipés. Il est curieux de noter que le chat

de la maison et une bonne qui vivait dans l'appartement présen-

tèrent des signes de l'état de besoin lorsqu'ils ne furent plus

soumis à l'action de la fumée d'opium.

Séance du mardi 16 janvier 1900. Présidence DE M. LE Dr Jules

Voisin.

Impulsions homicides guéries par suggestion.

M. Jules Voisin. Une malade était obsédée par l'idée de tuer

son enfant; elle ne vivait plus, ne mangeait plus, ne dormait plus.

J'ai essayé de l'hypnotiser, mais elle ne parvint pas à dormir pro-

fondément. Néanmoins, par la suggestion, j'ai été assez heureux

pour lui rendre la vie possible en faisant disparaître ses angoisses

et ses impulsions. Il ne faut pas croire que la suggestion ne peut

pas être efficace parce que le sommeil n'est pas profond. Il est

rare que, au bout de trois, quatre ou cinq séances, on n'arrive

pas à créer un état suffisant de suggestibilité.

.Archives, 2'série, t. IX. 2

z8 SOCIÉTÉS SAVANTES.

La ventriloquie religieuse comme moyen de suggestionner les foules.

M. GARNAULT montre à l'aide de textes et de documents authen-

tiques que la ventriloquie donne l'explication des statues parlantes,

des prophètes et des pythonisses des religions antiques.

Aboulie et suggestion.

M. Pau DE SdINT-VIAIiTIN rapporte un cas d'aboulie qu'il a guérie

par suggestion directe, grâce à une discipline journalière minu-

tieusement réglée, à une gymnastique morale et à un entraînement

progressif de la volonté.

Auto-mutilations survenant sous l'influence de rêves chez

un hysléro-épileplique.

M. Béiullon présente un malade âgé de trente-un ans, qui

parfois, le matin, quelques minutes après son réveil, est pris

d'impulsions irrésistibles, il s'est frappé le crâne avec une hache

et a saigné abondamment ; une autre fois, il a essayé avec ses

doigts de s'arracher l'oeil droit de l'orbite et, comme il n'y par-

venait pas, il eût recours à son couteau ; une autre fois encore, il

s'est arraché coup sur coup sept' dents avec des tenailles ; un beau

jour, il saisit ses organes génitaux dans les mains et les tira forte-

ment comme pour les arracher ; parfois aussi, il fait pénétrer sa

main dans l'arrière-gorge qu'il laboure jusqu'au sang ; une fois il

avança la langue entre les dents puis frappa un violent coup de

poing de bas en haut sur la mâchoire inférieure. Quand il réalise

ces actes, il n'éprouve aucune souffrance ; il est même content de

les avoir accomplis. Ces crises ne sont jamais acompagnées de

perte de connaissance, ni d'écume à la bouche, ni de miction invo-

lontaire ; elles reproduisent un rêve survenu pendant la nuit.

Ce malade est actuellement soumis au traitement hypnotique.

Ce malin il a encore eu des idées d'auto-mutilation, mais ses

mains se sont paralysées et lui ont refusé tout service, ainsi que

je l'avais expressément suggéré. J'espère arriver à guérir ce mal-

heureux qui, dans son pays, en province, est devenu un objet de

scandale et d'horreur pour ses concitoyens. C'est dans l'inhibition

des rêves que sera le secret de la guérison définitive.

Ivrognerie. -Anne Gicquello, dix-huit ans, de Colpo (Morbihan),

avait accompagné sa mère en justice de paix à Grandcamp. Au

retour, les deux femmes s'arrêtèrent dans quelques cabarets et

Anne prit des absinthes. La mère et la fille, ivres toutes deux, se

querellèrent et la fille frappa sa mère, avec un couteau, à la gorge.

La mort fut instantanée. Anne est arrêtée. (Bonhomme Normand,

janvier.)

BIBLIOGRAPHIE.

IL Le système nerveux central. Structure et fonctions. Histoire cri-

tique des théories et des doctrines ; par Jules Sounv. 2 volumes

gr. in-8 jésus, d'ensemble x-1870 pages, avec figures. Carré et

Naud, éditeurs, Paris, 1899. Prix : 50 fr.

M.Jules Soury, professeur et directeur d'études à l'Ecole pratique

desHautes Etudes, à la Sorbonne, vient depublierunvolumesurle

système nerveux central qui prendra rang parmi les plus grands

livres de science du dix-neuvième siècle.

C'est l'histoire critique des théories et des doctrines de psycho-

logie physiologique, depuis les premières conceptions grecques

jusqu'aux plus récentes découvertes contemporaines, que retrace

M. Jules Soury. Seul, sans nul doute, parmi les savants de notre

temps, M. Jules Soury, qui depuis trente-cinq années s'est consacré

à l'histoire des doctrines psychologiques, pouvait l'entreprendre et

l'achever. C'est l'oeuvre de toute une vie de l'un de ces rares esprits

qui unissent à l'érudition approfondie du neurologiste et du phy-

siologiste, les qualités de l'humaniste, la pénétration du critique

et la hauteur de pensée du philosophe.

Le premier tiers de l'ouvrage est attribué à l'antiquité et aux

temps modernes; les deux autres tiers concernent l'époque con-

temporaine depuis 1870.

« La théorie scientifique des localisations fonctionnelles de

l'encéphale et de la moelle, écrit M. Jules Soury, est assez tard

venue dans le monde, mais le principe de la localisation des fonc-

tions psychiques de la sensibilité et de l'intelligence est presque

aussi vieux que la pensée humaine. La localisation des fonctions

des sensations et de l'intelligence, des passions et de la motilité

volontaire, dans les organes thoraciques et abdominaux, a cer-

tainement précédé de longtemps la localisation dans l'encéphale,

mais le principe reste le même, quel que soit le siège assigné à ces

fonctions. Aux plus lointaines époques, comme de nos jours, la

grande curiosité scientifique de l'homme sur l'origine et la- nature

de ses sensations et de ses idées ne s'est reposée que dans la con-

sidération des différents organes de son corps dont l'activité varie

plus particulièrement avec la qualité et l'intensité de ses émotions,

de ses passions et de ses pensées. »

C'est cette vue qui fait, sous la diversité et l'opposition des doc-

180 BIBLIOGRAPHIE.

trines, l'unité du livre de M. J. Soury. Il expose tout d'ahord les

théories relatives à la structure et aux fonctions des organes de la

vie, de la sensibilité et de la pensée, chez les premiers philosophes

grecs, puis chez Platon, chez Hippocrate, chez Aristote, Hérophile,

Erasistrate et Galien, auxquels il consacre des chapitres considé-

rables.

Dans les temps modernes, il étudie, pour ne citer que les princi-

pales doctrines, celles de Descartes, de Spinoza, de Hobbes, de

Willis, de Vieussens, de Cabanis, de Stahl, de Bichat, de Sommer-

ring, de Kant, de Gall, de Flourens, de Bouillaud, de l'École de la

Salpêtrière, de Hurdach, de Baillarger, etc., et enfin de Paul Broca

et de Fritsch et Ilitzig.

« La première localisation scientifique d'une fonction psychique

du cerveau fut. celle du langage articulé dans le pied de la troi-

sième circonvolution frontale gauche; elle date de 1861 et dérive de

l'observation clinique et de l'anatomie pathologique de l'aphémie.

« Quant à la théorie actuelle des localisations cérébrales, telle

qu'elle a été constituée par les travaux de Fritsch et Ilitzig, David

Ferrier, Hermann Munk, Luciani, Charcot, Exner, elle est née de

la découverte de l'excitabilité de la substance cérébrale au moyen

de l'électricité; elle date de 1870 et relève surtout de l'expérimeu-

tation physiologique et de la méthode anatomo-clinique. »

Dans la seconde partie de son oeuvre, consacrée aux doctrines

contemporaines, M. J. Soury étudie les fonctions conductrices du

système nerveux central, les voies sensitives et motrices, les voies

sensorielles et les voies d'association ; puis le rôle de l'écorce céré-

brale et la psychologie comparée dans la série animale; puis les

centres sensitivo et sensori-moteurs, la cénesthésie, les émotions,

la vision, l'audition, l'olfaction, la théorie des centres de projection

et d'association du télencéphale, et enfin la théorie des neurones.

Ici figurent les observations que les savants de toute nationalité,

Français, Allemands, Russes, Italiens, Espagnols, Belges, Anglais,

etc., ont accumulées depuis trente ans. Les noms et les doctrines

de Meynert, de Munk, d'Edinger, de von Monakow, d'Exner, de

Flechsig, de Charcot, de Pitres, de Bourneville, de Richet, de Déje-

rine, de Goltz, de Iaelliker, de Wernicke, de Iietzius, de Lugaro, de

Luciani, deTamburini, de Bechterew, de Golgi, de Cajal, de Nissl,

de van Gehuchten, de von Lenhossek, etc., etc., reviennent sans

cesse sous la plume de M. J. Soury. Il n'est pas de document, inté-

ressant tel point spécial des sujets traités qui ne soit mentionné et

critiqué.

Analyser cette oeuvre immense est chose impossible. Contentons-

nous de donner un aperçu de quelques-uns des points traités par

M. Soury.

La question de la nature des centres moteurs a longtemps divisé

les physiologistes. David Ferrier, malgré les critiques de Munk,

.BIBLIOGRAPHIE. 181 1

maintient encore que ces centrés sont anatomiquement dis-

tincts des centres de la sensibilité tactile ou générale et du

sens musculaire. Exner émet la doctrine contraire de la senso-

mobilité. D'accord avec l3astian, Munk, Flechsig, Wernicke,

Tamburini, Luciani, etc., il soutient que les centres de la moti-

lité et de la sensibilité tactile se confondent. Les centres dits

moteurs n'ont pas de fonctionnement spontané. Leur mise en acti-

vité est subordonnée aux excitations venant des régions sensitives

et sensorielles. Qu'il s'agisse'donc de mouvements réflexes, auto-

matiques ou volontaires, le mécanisme est le même. Le réflexe de

la déglutition est empêché par l'anesthésie locale du larynx. La

destruction des nerfs de la sensibilité entraîne la perte du mouve-

' ment des yeux, de la face, de la locomotion, etc. Le mouvement

volontaire proprement dit est précédé d'une représentation men-

tale de l'acte à accomplir, et l'événement qui détermine les con-

tractions appropriées est une image, que Bastian appelle kines-

thésique, formée par des résidus de sensations musculaires, ten-

dineuses, articulaires, etc. Les centres de sensibilité kinesthési-

que sont reliés avec les aires de la vision, de l'audition, etc. Que

des excitations sensitives ou sensorielles soient les antécédents

nécessaires du mouvement, c'est ce que démontre assez la surdi-

mutité, les aphémies, les agraphies. Vareth; un élève d'Exner, et

Manqué, de Bruxelles, l'ont expérimentalement prouvé par leur

.méthode de circonvallation ou d'isolement des centres moteurs.

Par la section des fibres d'association reliant ces centres aux diffé-

rents territoires sensitifs ou sensoriels, ils ont déterminé la même

paralysie que par la destruction des centres kinesthésiques eux-

mêmes.

M. J. Soury incline à croire avec Bastian que les paralysies hys-

tériques sont dues à des spasmes vaso-moteurs. Le spasme des

vaisseaux de telle ou telle région du cerveau entraîne l'abolition

partielle ou complète de l'activité fonctionnelle de cette région et

partant la paralysie de la motilité ou de la sensibilité. Ces mala-

dies fonctionnelles sont donc causées par des altérations de nutri-

tion du tissu nerveux. Ce ne sont pas, bien entendu, des névroses

sine matera. « L'hystérie nous parait, écrit M. J. Soury, comme à

Charcot, à Pierre Janet, à Paul Blocq, à Sigm. Freud, une mala-

die mentale. » Les troubles de l'intelligence ne sauraient natu-

rellement être séparés de leurs conditions organiques : la cons-

cience, la mémoire, la volonté, etc., sont précisément de simples

résultantes de la synergie anatomique et physiologique, de la syn-

thèse fonctionnelle des différents territoires de projection et

d'association de l'écorce du cerveau antérieur.

M. J. Soury consacre un chapitre à la théorie des contractures.

L'ancienne hypothèse des propriétés excito-motrices du faisceau

pyramidal a été combattue en particulier par Pierre Marie qui le con-

182 BIBLIOGRAPHIE.

sidère comme possédant un rôle d'arrêt, se.s fonctions inhibitrices

s'exercant sur les cellules motrices de la moelle. Mais cette théorie

était incomplète. Dans les cas de paraplégie flasque et de lésion <

transversale totale de la moelle cervico-dorsale, la contracture fait

défaut, malgré la dégénération secondaire et la sclérose des fais-

ceaux pyramidaux. Van Gehuclrlen a dégagé de nombreuses obser-

vations cliniques la loi d'après laquelle la zone motrice du télencé-

phale exerce par les fibres cortico-spinales une inhibition sur les

centres moteurs inférieurs, tandis que l'écorce du cervelet et les

masses grises du mésencéphale et du rhombencéphale tiansmet-

tent constamment une action excitatrice aux cellules motrices de

la corne antérieure de la moelle par l'intermédiaire des fibres

cérébello-spinales et du faisceau longitudinal postérieur. Quand

l'action corticale du télencéphale se trouve affaiblie ou suspendue,

on observe la rigidité musculaire accompagnée d'une exagération

considérable des réflexes de la partie du névraxe située au-dessous

du siège de la lésion. Quand l'interruption anatomique ou fonc-

tionnelle atteint aussi les fibres d'origine cérébelleuse et mésen-

céphalique, on observe la paraplégie flasque des membres qui

dépendent du tronçon inférieur de la moelle avec l'affaiblissement

et même l'abolition des réflexes correspondants.

Comme l'a dit Meynert, le corps entier se projette dans l'écorce

cérébrale. Tous les tissus, tous les organes, toutes les fonctions du

corps sont représentés par quelque territoire propre dans le télen-

céphale. La respiration, la déglutition, l'estomac, les intestins, les

glandes, les sphincters, les vaso-moteurs, les actions trophiques,

les échanges organiques ont leurs conditions thalamiques et

corticales. M. Soury indique les plus récentes découvertes faites

dans cette voie.

11 réfute la théorie d'après laquelle il existerait des organes

périphériques et des centres cérébraux de la douleur. La douleur

n'est pas une sensation spécifique, mais un mode de la sensibilité

générale. Toute sensation comporte un ton affectif. 11 y a plaisir

ou douleur par la sommation d'excitations perçues par le télencé-

phale. Quand cette sommation ne peut avoir lieu, comme dans la

syringomyélie, la sensibilité tactile, musculaire, articulaire et vis-

cérale peut persister, mais avec analgésie et thermo-anesthésie.

La théorie de Lange et de W. James sur les émotions est vive-

ment critiquée par M. J. Soury. Il n'existe pas, dit-il, de sensa-

tion, de perception, d'image, de concept même sans ton affectif,

et, suivant l'intensité et la complexité du processus psychique,

sans émotion concomitante. C'est là qu'il faut voir la cause des

émotions. La conscience des variations organiques est postérieure.

C'est en quelque sorte le choc en retour d'un ensemble de réactions

parties de l'écorce. Outre d'ailleurs le centre vaso-moteur de la

moelle allongée, il existe un centre vaso-moteur cortical, localisé

BIBLIOGRAPHIE. 183

dans la région rolandique. Qu'il s'agisse d'une impression simple

comme un son strident, ou d'un souvenir ou d'une idée, c'est le

retentissement de cet événement psychologique sur les centres

moteurs et vaso-moteurs qui détermine secondairement l'état de

cénesthésie correspondant.

M. Soury étudie ensuite le rire et le pleurer. Le pleurer physio-

logique est dû à l'activité combinée des centres corticaux du facial,

de la sécrétion lacrymale, etc. Le rire et le pleurer spasmodiques-

sont causés par des lésions bilatérales des aires motrices du cer-

veau, ou par des lésions capsulaires, abolissant l'inhibition volon-

taire sur les centres thalamiques qui président aux fonctions

automatiques et réflexes de l'organisme en rapport avec les sen-

timents, les émotions et les passions.

Le chapitre de la vision renferme des discussions approfondies

sur les centres et les faisceaux de projection de la vue, sur les

hémianopsies, les hallucinations hémiopiques homonymes et

la cécité corticale. Il y est démontré en particulier que l'hallu-

cination résultant d'une lésion d'un lobe occipital doit affec-

ter partiellement les champs visuels des deux yeux et être

de nécessité bilatérale et homonyme. Dans le chapitre de

l'audition, M. J. Soury décrit avec les plus grands détails les

voies centrales et les relais suivis par les impressions du son,

du ganglion cochléaire à l'écorce du télencéphale, les fonctions

des canaux semi-circulaires, les relations fonctionnelles du laby-

rinthe et des zones rolandiques. Au chapitre de l'olfaction,

M. Soury étudie les terminaisons du nerf olfactif dans les lobes fron-

tal et temporal, la structure histologique spéciale du gyrus forni-

catus, le faisceau d'association de la corne d'Ammon et de la fascia

dentata. Il cite l'exemple remarquable d'involution régressive du

lobe olfactif du dauphin et en tire cette conclusion que partout et

toujours là fonction a ciéé l'organe. Il aborde enfin la théorie des

neurones.

Au moment où Golgi institua sa méthode, les actes réflexes du

système nerveux étaient expliqués parles anastomoses des prolon-

gements protoplasmiques du réseau diffus de Gcrlach. Golgi rem-

plaça cette théorie par celle de l'anastomose des prolongements

cylindraxiles des cellules sensitives et motrices. Forel dénonça

cette nouvelle hypothèse et Koelliker combattit les opinions de

Golgi sur la nature non nerveuse des prolongements protoplas-

miques. Forel déclara que la continuité de substance n'était pas

nécessaire pour expliquer la propagation de l'onde nerveuse et il

inaugura, avec His, la doctrine des neurones. L'invention de ce der-

nier mot revient à Waldeyer. Cajal confirma définitivement la

thèse de la terminaison libre des prolongements protoplasmiques

et cylindraxiles de la cellule nerveuse. La coloration de Nissl mit

en évidence les blocs chromatiques du cytoplasma. Flemming et

' Cajal découvrirent que les courants nerveux suivent dans la cel-

lule et ses prolongements les fibrilles d'un réseau de spongio-

plasma achromatique. Deux théories restaient en présence : celle

des unicistes qui, avec Meynert et Koellileer,croient àl'unité struc-

turale et fonctionnelle de la cellule nerveuse dans les différents

-territoires, et expliquent par les connexions périphériques les pro-

priétés diverses des diverses aires corticales ; et celle des particula-

ristes, qui, à l'instar de Munie, de Flechsig et de Nissl, sans méconnaî-

- tre l'importance des connexions périphériques, considèrent comme

- fondée l'hétérogénéité structurale et fonctionnelle des cellules

des centres différents. Pour prendre parti dans cette question,

Cajal s'est livré à de nouvelles études de morphologie cellu-

laire. Il défend la thèse de l'hétérogénéité. Il a découvert dans la

quatrième zone de la scissure calcarine des cellules étoilées

autochtones, qui lui paraissent caractériser la rétine corticale. Il

réfute l'hypothèse de Mathias Duval sur l'amiboisme des cellules

- nerveuses, mais il admet la contractilité des ceilules de névroglie,

permettant un contact plus intime entre les panaches des cellules

' pyramidales et les arborisations cylindraxiles. Koelliker rejette

cette vue. Rien n'établit à son sens l'existence d'une propriété iso-

latrice de lanévroglie, simple substance de protection et de sou-

. tien. Van Geliuchten est avec Cajal l'auteur de la loi de polarisa-

tion dynamique des éléments nerveux. M. Soury présente enfin les

objections de von Lenhossek et de Cajal aux opinions de Bethe,

de Nissl, d'après Apathy, qui voudraient que les courants ner-

veux fussent transmis par un réseau interstitiel de fibrilles inter

et intra-cellulaires, unissant toutes les cellules du névraxe. La

théorie des neurones demeure acceptée comme l'expression de

la vérité par la plupart des anatomistes et des anatomo-patholo-

gistes.

Que d'enseignements, de discussions savantes et de vues élevées

dans cette oeuvre de systématisation des doctrines psycho-phy-

siologiques ! Plus on approfondit cet ouvrage et plus on admire la

puissance de pensée de l'auteur.

C'est bien « l'histoire anatomique et physiologique de l'intelli-

gence, l'histoire naturelle del'esprit humain », que M. Jules Soury

à écrite. « Cette étude des organes des sens, des centres de pro-

jection et d'association de l'encéphale demeure, dit-il, la source

. la plus élevée de notre connaissance de l'univers considéré comme

un phénomène cérébral. »

M. Jules Soury rend par son livre unique d'inappréciables ser-

vices aux neurologistes et aux psychologues en permettant à l'esprit

d'embrasser d'une vue synthétique et critiqne les théories que les

penseurs de tous les temps ont émises sur la nature de la pensée et

les faits que des milliers de savants ont recueillis et vérifiés. Les

plus récentes découvertesjettent un jour nouveau sur les problèmes

BIBLIOGRAPHIE. 185

psychologiques. Elles démontrent que les fonctions intellectuelles

ne sont point localisables dans des éléments histologiques consi-

dérés isolément, mais qu'elles dépendent des faisceaux d'associa-

tion, unissant les divers centres cérébraux.

L'attitude de M. J. Soury en présence de tant de conceptions et

de solutions variées est toujours celle de l'historien philosophe et

du critique. « Les données du problème le plus élémentaire, dit-il,

changent nécessairement avec les moyens d'investigation, et comme

ceux-ci se renouvellent sans cesse les résultats atteints par une

génération ne sont qu'un moment dans le devenir d'une science. »

Le grand oeuvre de.M. Jules Soury demeurera dans l'histoire des

sciences comme le monument de ce que l'homme aura su de la

structure et des fonctions du névraxe, des fondements et des ori-

gines de la conscience, au seuil du vingtième siècle.

Jules Courtier.

III. La volonté dans ses rapports avec la responsabilité pénale;

par le Dr Dallesugne.

M. Dallemagne, professeur de médecine légale à l'Université de

Bruxelles, qui, dans l'Encyclopédie des aide-mémoire de Léauté,

avait déjà publié deux volumes sur la physiologie et la pathologie

de la volonté, vient d'en publier un nouveau sur la volonté dans

ses rapports avec la responsabilité pénale qui s'appuie sur eux et

en est le complément.

M. Dallemagne rejette complètement le spiritualisme, ses facultés

immatérielles multiples, son libre arbitre absolu, ses idées innées

et considère, avec juste raison, tous les phénomènes psychiques

comme n'étant qu'un résultat de notre organisation. Il est parti-

san de la théorie de Flechsig qui divise le cerveau en centres de

projection et en centres d'association. Les centres de projection ne

sont autres que les organes sensoriels auxquels sont juxtaposées les

fibres motrices. Les procédés de coloration employés, depuis quel-

ques années, ont fait faire de grands progrès à l'étude des neurones

et nous ont appris à bien connaître leur mode de développement,

ce qui est d'uneimportance capitale pour la psycho-physiologie. Les

neurones ne sont aptes à fonctionner que lorsque leur cylindre axe

est revêtu de sa gaine de myéline destinée à l'isoler, à le protéger

et la coloration de celle-ci par l'hémaloxy11ne, permet de consta-

ter le moment précis de cette myélinisation. C'est ainsi que l'on

sait aujourd'hui que les centres de projection se développent avant

les centres d'association et que les centres de projection suivent

toujours le même ordre d'évolution qui commence par celui de la

sensibilité tactile, musculaire, aponévrotique, viscérale, située

sur les circonvolutions ascendantes et une partie des circonvolu-

tions avoisinantes, continue par le cendre olfactif qui réside sur

186 BIBLIOGRAPHIE.

la circonvolution de l'hippocampe, par le centre visuel placé à la

face interne du lobe occipital, et par le centre auditif localisé

sur la première temporale. On ignore encore où siège le centre de

projection du goût. Le développement des centres de projection

avant celui des centres d'association est une preuve certaine que

nos connaissances proviennent des sensations et confirme le vieil

axiome d'Aristote : Nihil est in intellectu qllod non prius fuit 'il !

sensu. Les centres d'association sont destinés à relier entre eux les

centres de projection et à élaborer les perceptions sensorielles. Cette

nouvelle psycho-physiologie a le tort de ne pas tenir uu compte

suffisant des facultés morales et de limiter presque entièrement le

rôle des centres d'association à un rôle intellectuel.

La volonté n'est pas une faculté spéciale ; elle n'est qu'un pro-

cessus qui ne diffère de l'acte réflexe qu'en ce que des neurones

des centres d'association, plus ou moins nombreux suivant la

complexité de l'acte volontaire, viennent s'interposer entre le neu-

rone moteur et le neurone sensisif qui accomplissent à eux seuls

l'acte réflexe. Entre cet acte le plus simple, le plus élémentaire et

les phénomènes volontaires les plus compliqués, on trouve tous

les intermédiaires. Il n'existe pas de libre arbitre absolu, puisque

notre liberté morale est subordonnée entièrement à l'action des

neurones, dont l'organisation, le fonctionnement, sont un résul-

tat de l'hérédité, de l'instruction, de l'éducation que l'on a reçues,

du milieu où l'on a vécu.

Une discordance profonde existe entre le magistrat chargé d'ap-

pliquer la loi, basée sur un libre arbitre absolu, et l'expert dont les

convictions se rapprochent chaque jour davantage de la psycho-

physiologie scientifique. Cette discordance est plus marquée en

théorie qu'en pratique, le magistrat atténuant la rigidité de ses

principes par les circonstances atténuantes, l'application de la loi

de Bérenger, tandis que, de son côté, l'expert ne tient pas compte

des variations physiologiques si nombreuses de la volonté, et, de

cette manière, une bonne entente peut régner entre eux. Lorsque la

science aura définitivement triomphé du spiritualisme, M. Dalle-

magne ne croit pas que le code pénal aura à subir des modifications

aussi profondes qu'on se l'imagine au premier abord. C'est là

un point qu'il me semble difficile à admettre, car si tous les cri-

minels sont des dégénérés, comme l'admettent Lombroso et beau-

coup de psychologues italiens, ou, si du moins, ils ne jouissent

que d'une liberté morale très faible ou presque nulle, la société

n'aura plus le droit de les punir, mais celui de se protéger contre

eux, de les mettre dans l'impossibilité de lui nuire, et de tâcher

d'améliorer leur état mental.

L'expert ne doit se préoccuper actuellement que de savoir si

l'inculpé a une volonté normale ou anormale, si l'action de cette

volonté n'est pas entravée par un défaut de discernement congé-

BIBLIOGRAPHIE. 187

nital, comme dans l'idiotie, l'imbécillité, la débilité mentale, ou

acquis comme dans la démence. Des impulsions irrésistibles avec

obsessions chez les dégénérés, sans obsessions chez les épileptiques,

les hystériques, les neurasthéniques, des suggestions hypnotiques,

entraînent à des actes dont on ne saurait être responsable.

M. Dallemagne étudie les troubles de la volonté dans toutes les

formes de l'aliénation mentale et adopte, en grande partie, pour

cette étude, la classification de M. Magnan. Il admet' comme

limites extrêmes d'âge, dans la paralysie générale, 35 et 4 ! ) ans ;

ces limites sont beaucoup trop étroites et on observe souvent cette

affection en deçà et au delà de ces limites. Ses descriptions des

différentes formes de l'aliénation sont très claires, malheureusement

beaucoup trop écourtées par suite du cadre étroit où il était forcé

de se mouvoir ; aussi ne sauraient-elles dispenser les personnes,

médecins ou magistrats, qui voudraient connaître la médecine

légale des maladies mentales, de recourir à des traités plus com-

plets. Il admet comme assez fréquente l'épilepsie larvée ; nous

croyons au contraire qu'elle est très rare et que M. Christian qui

en nie l'existence, et dont il raille l'opinion, est beaucoup plus

près de la vérité que Lombroso, qui la voit partout, même dans

les productions les plus élevées du génie. Une pareille théorie n'a

rien de scientifique, n'est appuyée sur aucune preuve et ne mérite

pas d'être discutée. M. Dallemagne ne pousse pas, du reste, jusque-

là l'exagération. Dans notre longue carrière, c'est à peine si nous

en avons vu deux cas, et encore étaient-ils douteux.

Dr Daniel Brunet.

IV. L'Assistance des Buveurs; par E. CouLONJOu.

(Thèse de Toulouse, 1899.)

Après une étude approfondie du danger présenté parles buveurs

d'habitude par opposition au danger moindre représenté par

l'ivrogne, l'auteur regrette l'hésitation des pouvoirs élus français

à légiférer contre les buveurs. Alors que les pays étrangers ont

depuis longtemps des moyens d'action excellents avec 46 0/0 de

guérisons pour les buveurs traités. Le Buveur est celui qui, c sans

jamais s'enivrer ni se rendre compte du danger de boire, prend

chaque jour de l'alcool à doses toxiques » au lieu que l'ivrogne

· se rend compte, après l'ivresse et grâce il elle, que l'alcool est

nuisible, il se promet de ne plus boire, mais a perdu la force

morale »... Les buveurs sont des malades susceptibles d'être traités

et curables par des moyens connus donnant au moins 40 p. 100

de guérisons. Le nombre des buveurs diminue dans les pays qui

possèdent des asiles pour buveurs, il augmente en France où il n'y

en a pas. Dans l'état actuel de nos asiles d'aliénés où de par la loi et

de par l'organisation même, on ne peut interner et traiter que des

188 . VARIA.

alcooliques délirants, il est inutile et impossible d'interner les

buveurs. L'auteur demande donc la fondation d'asiles de buveurs

analogues à ceux qui fonctionnent depuis tant d'années en Amé-

rique, en Suisse, en Allemagne, etc. Il les voudrait divisés en

trois sections successivement occupées par le même malade à

mesure que l'amélioration se produirait et qu'il pourrait jouir

d'une liberté plus grande, quitte à rétrocéder dans une section

inférieure en cas d'incartade. Les malades étant curables et néces-

sitant une action assidue de la part du médecin, chaque service ne

devrait avoir plus de 100 malades pour un médecin, sans préjudice

des médecins adjoints ou internes. Le personnel rigoureusement

choisi, abstinent, sûr et bien payé. En sortant le malade se place-

rait sous la tutelle d'une société de tempérance. L'auteur ne doit

être buveur ni de thé ni d'eau-de-vie il en juger par son apprécia-

tion du pouvoir désaltérant respectif de ces deux breuvages,

appréciation qui ne me parait pas aussi juste que l'ensemble de

l'ouvrage. F. BoissIEr.

VARIA.

Note sur les progrès DE l'alcoolisme dans NOS campagnes

Dans une commune rurale du département de l'Eure, G..., dont

les habitants sont pour la plupart des agriculteurs, l'alcoolisme

s'est propagé d'une manière vraiment effrayante. D'après des

renseignements puisés à des sources sûres, il serait bu dans cette

commune, qui ne compte guère que 000 habitants, plus de

100 hectolitres d'eau-de-vie, rhum ou kirsch, par année, en dehors

d'une petite quantité (6 à 8 hectolitres) provenant des bouilleurs

de cru. L'absinthe entre aussi pour une notable proportion dans

la consommation constatée par la régie dans cette commune; et

cette consommation augmente chaque année. On m'a assuré

qu'en dehors des hommes, il y avait une trentaine de femmes qui

étaient habituellement en état d'ivresse; et l'instituteur m'a

affirmé qu'une bonne moitié des enfants arrivaient à l'école en

état d'ébriété. Les hommes boivent chez eux et au cabaret, presque

tous ont l'habitude, avant de se rendre à leur travail, d'absorber

a jeun un nombre plus ou moins considérable de petits verres

d'eau-de-vie. Les femmes et les enfants boivent à la maison et

c'est en général avec du café qu'elles absorbent l'eau-de-vie, le

rhum ou le kirsch. Il est facile de se rendre compte à priori des

varia.' 189

ravages que peut exercer un tel régime sur la santé et la moralité

des individus. Les autres communes suivent de très près celle

dont nous venons de parler surtout en Normandie et en Bretagne.

Les aliénés EN liberté.

D'après une dépêche de Bourges, 23 novembre, le parquet de

Saint-Amand a. fait arrêter un nommé Debeddes, cultivateur à

Vesdun, qui a assommé son fils à coups de manche de hache,

puis l'a étranglé avec une serviette passée autour du cou. Oeheddes, <

creusa ensuite dans la cave une fosse, où il enterra le cadavre

qu'il recouvrit de paille et de plusieurs sacs de pommes de terre.

La victime, qui ne jouissait pas de ses facultés mentales, était

entrée dans l'église pendant la nuit et avait sonné les cloches à

toute volée. Le père dit qu'il a tué son fils pour le punir de cette

algarade. (Le Temps du 24 novembre 1899.)

Un aiguilleur qui devient /'ou. Vers huit heures hier soir, le

chef de gare de l'avenue de Clichy (ligné de Ceinture), surpris de

voir que plusieurs trains annoncés depuis longtemps par la gare

précédente, ne fussent' pas encore passés, se rendit pour se ren-

seigner auprès de l'aiguilleur le plus voisin, près du pont des Epi-

nettes. Son étonnement fut grand lorsqu'il trouva l'aiguilleur à

demi-nu, gesticulant et dansant sur la voie, à quelques pas de sa

cabine. Le malheureux était devenu subitement fou. Il a été envoyé

à l'infirmerie du dépôt. (Le Petit Temps du 12 décembre 1899.)

Blessés grièvement par un fois. La place du Panthéon a été

le théâtre hier, un peu avant midi, d'une scène de véritable sau-

vagerie. Un passant est devenu subitement fou. Il s'est mis, en

poussant des cris incohérents, à déchirer ses habits ; et, comme

des curieux s'approchaient, brusquement il tira de sa poche un

fort couteau à virole, l'ouvrit et s'élança sur eux.

Un employé de commerce, M. Louis Ferrand, fut atteint à la

poitrine et tomba, baignant dans son sang. Un garçon laitier, qui

descendait de sa voiture, laissa là ses bouteilles et accourut cou-

rageusement pour tenter de désarmer le fou. Mais les mouvements

de ce dernier étaient tellement furieux que le nouvel anivant,

M. Paul Verres, fut atteint à son tour et mis hors de combat. Aux

cris poussés par les deux blessés, des agents de police accoururent t

du poste central de la mairie du 5e arrondissement, toute voisine,

et engagèrent la lutte avec le fou. Heureusement, celui-ci eut l'ins-

piration de jeter son couteau ; il voulut continuer à se déshabiller.

Les agents profitèrent du moment et s'emparèrent sans retard de

l'homme ; mais il fallut le ligoter pour le conduire aux bureaux

de M. Berthelot, commissaire de police du quartier de la Sorbonne.

Le magistrat fit conduire le fou, que des papiers trouvés sur lui

190 VARIA.

firent reconnaître pour un nommé Emile G..., employé chez un

tailleur du boulevard de Sébastopol, à l'infirmerie spéciale du

Dépôt. Quant à ses deux victimes, elles ont dû être transportées à

l'hôpital de la Pitié. (Le Temps du lb décembre 1899.)

Une scène de folie. M. Truy, secrétaire adjoint du commissa-

riat de police de M. Archer, re rendait hier rue du Faubourg-Mont-

martre pour opérer l'arrestation d'un garçon de bureau nommé

Omer Lesnes, qui venait d'être pris d'un accès de folie furieuse et

menaçait de mort ses voisins. M. Truy avait à peine pénétré dans

le domicile de cet homme que le fou, qui s'était tapi au fond de sa

chambre, s'arma d'un couteau de cuisine et se précipita sur le

secrétaire du commissaire. Celui-ci put parer le coup et se jeta à

son tour sur l'aliéné. Après une terrible lutte au cours de laquelle

il fut contusionné, M. Truy réussit à désarmer Omer Lesnes et à le

maîtriser. Le malheureux homme a été envoyé à l'infirmerie du

Dépôt. (Le Temps du 23 décembre 1899.)

Folie criminelle. Le commissaire de police de Clichy a été

prévenu qu'un crime avait été commis chez un marchand de vin

du boulevard Victor-Hugo. Il s'y est rendu ce matin. La porte et

les fenêtres étaient closes. Avec l'aide d'un serrurier, il a ouvert.

Rien n'était dérangé au rez-de-chaussée. Au premier étage on ne

remarquait aucun désordre. Le magistrat appelle, à plusieurs re-

prises, M. Lucq, le marchand de vin. Personne ne répondant, il se

décide à ouvrir la porte de la chambre à coucher, et il aperçoit,

pendu, le cou pris dans une cordelette, un enfant de trois ans. Le

père gisait inanimé sur le lit, la tête trouée par des balles de revol-

ver. Le corps de l'enfant était froid. La mort remontait à plusieurs

heures. Le père respirait encore. Son état n'a pas permis de l'in-

terroger. On en est donc réduit aux conjectures. Des voisins nous

ont dit que le meurtrier avait perdu sa femme, il y a quelques

mois, et que cette mort avait altéré ses facultés. 11 parlait fréquem-

ment, depuis cet événement, de suicide, et le sort de son enfant le

préoccupait beaucoup. Il aura profité sans doute du sommeil du

pauvre petit pour lui passer la corde autour du cou et le pendre.

Il a tenté ensuite de se faire justice après l'accomplissement de son

crime. (Le Temps du 25 décembre 1899.)

La folie d'une mère. Le quartier Necker a été mis en émoi hier

soir par un drame lamentable. Au numéro 3 de la rue Hobert-

Fleury, au troisième étage, demeurent les époux Boillot. Le mari

est cantonnier de la ville de Paris, la femme est ménagère. Deux

filles étaient nées de celte union. Lucie, âgée de sept ans, et Fer-

nande, âgée de cinq ans. Depuis quelque temps, la mère donnait

des signes de dérangement cérébral; mais ces troubles étaient bien

loin de faire prévoir le drame qui s'est passé hier soir. Dans

l'après-midi, le père s'était rendu à son travail. Vers quatre heures,

FAITS DIVERS. 191

les petites filles, retour de l'école, rentrèrent à la maison, où elles

trouvèrent leur mère. Que se passa-t-il entre elles ? On ne le sait.

Mais, vers six heures, des passants virent la mère tenir suspendue

dans l'air, à la fenêtre de son logement, l'ainée de ses filles. Tout

à coup, elle lâcha l'enfant, qui tomba sur le pavé où elle se fendit

le crâne. La mort fut instantanée.

Tandis que des passants relevaient le cadavre, la mère reparut

à sa fenêtre avec sa seconde enfant. Celle-ci, prévoyant l'horrible

traitement qu'elle allait subir, criait désespérément. Bientôt, sa

mère la lança dans l'espace et la pauvre petite vint s'écraser à son

tour sur le trottoir, où elle expira, au milieu des cris d'horreur

des passants rassemblés. La femme Boillot la suivit de près; elle

monta sur l'appui de la fenêtre et s'élança dans le vide. La mal-

heureuse folle s'abattit sur la chaussée; elle avait les deux jambes

cassées et le crâne fendu. Cependant elle respirait encore ; mais

elle ne vécut pas longtemps. Transportée à l'hôpital Necker, elle

rendit le dernier soupir avant d'avoir repris connaissance. On peut

juger du désespoir du père quand, rentrant chez lui vers sept

heures, il vit les cadavres de ses petites filles qu'il adorait et ap-

prit la mort de sa femme et l'horrible drame qui l'avait précédé.

(Le Temps, il janvier z

Ces faits montrent la nécessité, qui s'impose impérieu-

sement, d'hospitaliser les aliénés dès le début de leur maladie .

FAITS DIVERS.

Asile d'aliénés. Nominations et promotions. M. le D1' Cnoos-

TEL, médecin-adjoint à l'asile de Saint-Méen (llle-et-Vilaine, a été

promu à la classe exceptionnelle. M. le Dr Fenayrou, médecin-

adjoint à l'asile de Naugeat (Haute-Vienne), a été promu à la

classe exceptionnelle (Arrêtés du ICI' janvier 1900). M. le

Dr ALOIBEIiT-GOGET, médecin-adjoint à l'asile de Bassens (Savoie)

(classe exceptionnelle), a été promu aux mêmes fonctions à l'asile

de Brou (Rhône) (même classe) (20 janvier).

UNE folle brûlée VIVE. - La maison nationale d'aliénés de

Saint-Maurice, « Charenton », a été, dans la journée d'hier, le

théâtre d'un terrible accident. Une pensionnaire de l'établissement,

II1mo veuve Victoire Cussant, âgée de soixante ans, profitant d'une

courte absence de~ la surveillante spécialement attachée à son

z BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

service, s'approcha de la cheminée, dans laquelle pétillait un feu

de bois. Une étincelle provenant du foyer tomba sur les vêtements

en flanelle de l'aliénée, qui prirent feu en une seconde. La malheu-

reuse, entourée de flammes, poussait des cris d'effroi et se préci-

pitait, la tète baissée, contre les murs de sa chambre. Quand les

surveillantes accoururent, elle gisait sans connaissance sur le sol;

ses vêtements étaient entièrement consumés et son corps ne pré-

sentait plus qu'une plaie affreuse. Malgré les soins qui lui ont été

prodigués, la malheureuse a succombé après une terrible agonie.

(Le Petit Parisien du 21 novembre 1899.) Le mot surveillante

semble désigner d'habitude les infirmières; or, à Charenton, ce

sont des religieuses.

Drames DE l'alcoolisme. Au Thillot (Vosges), un nommé

Simonnin, étant rentré légèrement ivre et ayant eu une discussion

avec son (ils, s'arma d'un gourdin et en asséna deux coups formi-

dables sur la tête du jeune homme. Ce dernier riposta par deux

vigoureux coups de pied dans l'abdomen de son père, qui s'affaissa

et mourut presque sur-le-champ. (L'Indicateur de Cognac, 23 no-

vembre 1899). , ,

.13 \l,LET (G.). Suedenborg (Histoire d'un visionnaire au xviu0 siècle).

Volume in-18 de xu-228 panes. =- Prix' : 2 fr. 50.

Garn'ier. Asile d'aliénés de Dijon. Rapport médical. Compte moral

et administratif présenté pour l'année 1899. - Brochure in-8° de

58 pages. Dijon, 1899. Imprimerie Sirodot-Carré.

i)[ARI%1;1 (C.-I'.). - Una santa. Delirio Lrolico-Itelirlioso. -- Brochure

m-8° de 9 papes. - S. Maurilio Canavese, 1897.

Massachusetts school for llze fee6le mizzclecl (Piftysecon<i animal report

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l'ord. Volume in-18 de xI'11-239 pages. Paris, 1899. Librairie

O. Doin.

'Le rédacteur-gérant : Bouriseville.

Évreux, Ch. lléwsssr, imp.- ? -1000.

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Vol. IX. Mars 1900. ' N° 51.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE.

Polyurie et Pollakiurie hystériques ;

Par Jew A13ADIE,

Interne des hôpitaux de Bordeaux. 1

La connaissance du symptôme polyurie comme manifesta-

tion paroxystique et permanente de l'hystérie n'est pas de date

bien ancienne. Elle remonte à la thèse d'agrégation de M. Lan-

cereaux, en 18G9, qui réunissait onze observations plus ou

moins probantes. Depuis cette époque, la polyurie nerveuse

a été étudiée en 1891, par MM. Debove, Mathieu, Babinski et

leurs travaux sont consignés dans les Bulletins de la Société

médicale des hôpitaux. En '1893, M. Ehrhardt reprenait

son étude dans sa thèse inaugurale, ajoutait aux recher-

ches antérieures le résultat de ses propres observations

et affirmait définitivement l'existence de la polyurie perma-

nente dans le cadre symptomatique de l'hystérie. Dans son

traité de l'hystérie, M. Gilles de la Tourette consacre à la

polyurie un long chapitre très documenté. Quelques travaux,

peu nombreux, ont paru à la suite.

Dans la foule pressée des diabètes insipides, avec ou sans

modifications du chimisme urinaire, au milieu des polyuries

de tous noms, polyurie simple, essentielle, transitoire, trau-

matique, alcoolique, nerveuse, héréditaire, des dégénérés,

émotive, hystérique, il est encore difficile de se reconnaître.

Aussi avons-nous tenu à rapporter ici quelques données sur

cette question complexe, qui pourront servir, pour leur

Archives, 2* série, t. IX. 13

194 CLINIQUE NERVEUSE.

petite part, à la solution du problème. L'observation qui

suit est celle d'un polyurique avec pollakiurie guéri par sug-

gestion indirecte.

M..., quarante-trois ans, employé de commerce, né à Nancy,

entre à l'hôpital Saint-André, salle 16, service de M. le professeur

Pitres, le 12 décembre 1895 pour troubles de la miction.

Son père est mort à l'âge de quarante et un ans, à la suite d'une

rupture d'anévrysme, dit notre malade. Il n'avait jamais contracté

d'habitudes d'alcoolisme; il se plaignait souvent de douleurs rhu-

matismales. Sa mère est encore en vie, elle a soixante-dix ans et

jouit d'une très bonne santé : elle a toujours été très vive, très irri-

table, elle a même eu de grandes attaques convulsives d'hystérie

dont le malade a été souvent le témoin. Ce dernier a un frère âgé

de trente-quatre ans, qui souffre de rhumatismes. Deux soeurs et

un frère sont morts en bas âge, nous n'avons pu savoir de quelles

affections. Dans son ascendance ou parmi ses collatéraux, nous

n'avons retrouvé de tare névropathique de nature quelconque.

M... a toujours eu une santé excellente. Durant son enfance,

pendant l'adolescence, il échappa aux maladies communes à cha-

cun de ces âges. En particulier il n'eut jamais, alors qu'il était

enfant, d'incontinence nocturne d'urine : il n'en a jamais eu plus

tard.

A dix-sept ans, en 1870, il s'engage, fait la campagne, est pris

à Metz et amené en captivité à Glocau, en Silésie. Là, il est atteint

d'une blennorragie bénigne, de courte durée, sans complications

et qui disparut au bout d'un mois sans laisser la moindre trace. Il

s'évade bientôt, rentre en France, continue la campagne, souffre

du froid et de la fatigue sans aucun préjudice pour sa santé. Il

habite Paris de 1871 à 1885, Nancy de 1885 à 1887. Enfin en 1889,

il est envoyé par une maison de commerce à la Nouvelle-Calédonie,

puis à Sumatra, enfin à Saïgon. Pendant ce séjour aux colonies,

il n'a jamais été malade, il a partout échappé aux maladies de ces

pays.

En mars 1893, il revenait de Saïgon, sur le paquebot le Calédo-

nier¡, lorsque, en face de Candie, le bateau fut assailli par une vio-

lente tempête : le gouvernail fut cassé et emporté, la cale inondée

et pendant quatorze jours les passagers souffrirent du froid et

manquèrent de vivres. M..., pour sa part, fut très impressionné

par cet incident du voyage. Il ne perdit cependant pas, malgré le

danger, un seul instant, l'espoir d'en sortir, relevant même, dit-il,

le courage de certains de ses compagnons.

C'est au milieu de ces tribulations, qu'apparurent chez lui pour

la première fois, des troubles de la miction. Il éprouvait le jour un

besoin plus fréquent d'uriner et la nuit, il était obligé d'uriner

deux et trois fois. Cette fréquence insolite ne s'accompagnait d'au-

POLYURIE ET POLLAKIURIE HYSTÉRIQUES. 195

cunc espèce de sensation douloureuse. M... n'y attacha d'abord

aucune importance, mettant ces troubles légers sur le compte du

changement brusque de climat et de température.

Cet état de choses empire après son arrivée à Bordeaux. Dans

l'impossibilité de continuer son travail plus longtemps, les besoins

d'uriner devenant plus impérieux et plus fréquents, le jet de l'urine

devenant de plus en plus filiforme, le malade croit à une affection

de son canal de l'urèthre, et se rend à la clinique des maladies des

voies urinaires. Le passage de sondes amènent quelques sensations

douloureuses, un peu de sang dans les urines, mais rendent au jet

son calibre normal. Dans un deuxième examen, on constate l'inté-

grité absolue du système uro-génital : il est adressé alors à la cli-

nique des maladies du système nerveux. Enfin M... n'a jamais con-

tracté la syphilis. Il n'a jamais, en France comme aux colonies,

abusé des boissons alcooliques.

Etat actuel le 15 décemb1'e. - M... est un homme de taille

moyenne mais d'aspect robuste, nullement amaigri, et qui semble

jouir d'une vigoureuse santé.

Etendu dans le décubitus dorsal, les téguments sont normale-

ment colorés ; toutefois, à la face interne de la cuisse gauche et

sur la face antérieure de la région du genou du même côté, on

constate une large traînée érythémateuse due à l'écoulement de

l'urine.

Rien de particulier à signaler à la face. Pas d'asymétrie faciale.

Les pupilles sont égales, réagissent également bien à la lumière,

à l'accommodation et à 'a douleur. Les mouvements des paupières,

ceux du globe oculaire sont tous possibles. Il n'y a pas de nystag-

mus. Tous les muscles de la face fonctionnent normalement.

La langue se meut librement dans la cavité buccale : elle n'est

pas déviée ; tirée hors de la bouche, elle ne tremble pas. La den-

tition est mauvaise, deux dents ont été cassées d'un coup de sabre,

les autres sont plus ou moins cariées. La voûte palatine est nor-

male. Le réflexe pharyngien est très affaibli.

Les masses musculaires du tronc et des membres ont un volume

et une tonicité normaux, recouvertes par des téguments d'aspect

et d'épaisseur habituels. Pas de troubles de la motilité des mem-

bres. Pas de tremblement des mains, pas de tremblement inten-

tionnel, pas de trépidation épileptoïde de la rotule ou du pied. Le

sens musculaire est conservé. Il n'existe ni sensations de dérobe-

ment de jambes, ni soubresauts dans le lit. Le malade n'a jamais

eu de douleurs à type fulgurant ou lancinant. Il n'existe pas non

plus de diathèse de contracture à la malaxation des muscles, au

tiraillement, à l'insufflation ou à l'excitation légère. Les réflexes

abdominaux sont très faibles. Les réflexes testiculaires ne sont

pas constants, quand ils se produisent, ils sont normaux. Les

196

CLINIQUE NERVEUSE.

réflexes rotuliens sont eux aussi normaux. Le chatouillement de

la plante des pieds est perçu, des deux côtés, comme un simple

contact.

Il n'y a pas de déviation de la colonne vertébrale celle-ci, n'est

douloureuse à la percussion en aucun de ses points. On ne cons-

tate ni troubles trophiques, ni troubles vaso-moteurs.

La sensibilité cutanée est normale et égale partout au contact.

Au pincement et à la piqûre, on parvient à délimiter quelques

zones très nettes d'hypoesthésie très marquée, disséminées sur la

moitié gauche du corps (flg. 4 et b). La sensibilité osseuse, arti-

culaire, musculaire n'est pas altérée. La sensibilité viscérale, en

particulier celle des testicules, et de la région épigastrique pro-

fonde sont conservées. La cornée, la conjonctive sont peu sensibles

des deux côtés, et moins à gauche qu'à droite. De même les mu-

1'ir. 4.

rr,. .

POLYURIE ET POLLAKIURIE HYSTERIQUES.

197

queuses pituitaire et linguale sont hypoesthésiques au contact et à

la piqûre à gauche.

La vue est bonne. Jamais de diplopie ou de polyopie monocu-

laire. Pas de dyschromatopsie. Le champ visuel est rétréci con-

centriquement à 50° (fia. 6 et 7). L'ouie est parfaitement conservée

et égale des deux côtés en acuité. L'odorat est fortement diminué :

le malade sent à peine le chloroforme, l'assa fetida, l'ammoniaque.

De même pour le goût : il est peu incommodé du goût du sulfate

de quinine en particulier.

Il n'existe pas d'haphalgésie pour l'or ou pour l'argent. Le

malade n'a jamais ressenti enfin de sensations douloureuses spon-

tanées quelconques ou présenté de phénomènes paresthésiques

ou dysesthésiques.

Son intelligence est très nette, sa mémoire intégralement con-

servée. Il s'inquiète de son état, s'informe des moyens susceptibles

de le guérir, impatient de se voir débarrasser de cette affection

gênante qui lui interdit tout travail soutenu, toute propreté dans

ses vêtements, et dans les objets de literie, ce qui le fait congédier

de tous les logements garnis qu'il habite. Il n'est pas abattu

cependant moralement et sa maladie ne lui suggère aucune idée

noire. Il a des insomnies fréquentes, il rêve beaucoup, sans cau-

chemars cependant, sans que ses rêves même évoquent quoi que

ce soit de ses troubles unitaires.

Il n'est pas sujet aux maux de tète, n'a jamais d'absences ou de

Fig G.

Firl. i.

198 CLINIQUE NERVEUSE.

vertiges. Jamais il n'a eu d'attaques de nerfs d'aucune nature. Il

est d'uu caractère calme, pas irritable, pas violent.

L'examen des organes splanchniques dénote les particularités

suivantes : le coeur et les poumons sont sains et fonctionnent par-

faitement. L'appareil digestif est en parfait état. L'appétit est bon,

les digestions sont faciles, les selles régulières. Le malade n'a

jamais présenté ni polyphagie, ni polydipsie à aucun moment

depuis le début de sa maladie. Le foie a un volume normal : ses

fonctions sont normales. Les organes génitaux paraissent sains.

Les érections toutefois sont supprimées depuis huit mois, environ

deux mois après l'apparition des premiers phénomènes anormaux

de la miction. Il n'a cependant jamais eu de spermatorrhée.

La pression exercée dans la région rénale ne réveille aucune

douleur. On cherche soigneusement les uns après les autres tous

les signes de néphrite, sans en rencontrer un seul au moment de

l'examen ou dans les antécédents du malade.

La palpation n'est pas douloureuse sur le trajet des uretères ou

dans la région vésicale. L'urèthre est indemne de toute lésion :

seuls les bords du méat sont rouges et quelque peu tuméfiés. L'ex-

ploration du canal de l'urèthre, soigneusement faite, l'examen

endoscopique, pratiqué au cystoscope, permettent d'affirmer l'in-

tégrité absolue de ces organes. La vessie a une capacité normale.

Le malade a la sensation du liquide qui entre dans la cavité vési-

cale après le passage d'une sonde, mais il n'a plus la sensation de

plénitude de la vessie. Il perçoit aussi tout le long de son trajet le

contact du cathéter.

Seule, la miction est anormale. Ce n'est pas, à proprement par-

ler de l'incontinence que présente le malade : il éprouve tout à

coup le besoin d'uriner et ce besoin est chaque fois si soudain et

si impérieux qu'il ne peut défaire assez vivement son pantalon ou

sauter assez vite de son lit et l'urine part en jet dans ses culottes ou

dans les draps. L'émission est toujours suivie d'un léger ténesme

vésical, sans être accompagnée jamais de véritable douleur ou de

sensation de brûlure dans le canal. La quantité ainsi émise dépasse

rarement 40 à 50 centimètres cubes chaque fois. Ces besoins peu-

vent se répéter ainsi, deux, trois fois de suite à quelques minutes

d'intervalle, la quantité d'urine rejetée est alors évidemment de

moins en moins considérable. Il peut arriver au contraire que le

malade reste facilement une heure sans uriner. En moyenne, le

nombre des mictions est de vingt à trente par vingt-quatre heures.

La nuit n'exerce qu'une très légère influence sur ce nombre : à

peine semble-t-il que les émissions soient plus rares. Elles gar-

dent, pendant le sommeil, leur même caractère de brusquerie,

qui réveille, souvent trop tard, le malade endormi.

D'ailleurs, ces caractères n'ont pas varié depuis le début de ces

symptômes ; seule, la fréquence devient de plus en plus grande.

POLYURIE ET POLLAKIURIE HYSTÉRIQUES. 199

Cependant, il y a un mois environ, le malade, éprouvant tout à

coup le besoin d'uriner, fut tout étonné de ne pas voir s'écouler

une seule goutte de liquide ; malgré tous ses efforts, il ne pouvait

parvenir alors à pisser. Puis deux, trois minutes après, alors qu'il

y pensait le moins, nouveau besoin impérieux suivi cette fois

d'émission facile, naturelle. Ces phénomènes de rétention passa-

gère ont été eux-mêmes transitoires; ils ont bientôt disparu pour

ne plus se reproduire.

C'est dans ces conditions que nous avons fait recueillir au malade

la totalité des urines émises en vingt-quatre heures. La quantité

ainsi obtenue a été de 3 400 centimètres cubes et le nombre des

mictions de 25. Un échantillon a été prélevé et soumis à une ana-

lyse rigoureuse. Voici le résultat de cette analyse :

200 CLINIQUE NERVEUSE.

moindre que celle des deux autres symptômes, la polyurie et

la pollakiurie. Notre polyurique était un homme et un adulte.

C'est la règle : de très rares cas ont trait à des personnes du

sexe féminin. L'alcoolisme, signalé dans presque toutes les

observations, fait ici complètement défaut : l'alcool ou les

essences n'ont pu créer des altérations interstitielles et faire

du rein un lieu de moindre résistance, comme le veulent Lan-

cereaux, Ehrhardt, comme l'admet Gilles de la Tourette.

Dans l'enfance, pas d'incontinence nocturne d'urine, plus

tard, aucune lésion suffisante des organes uro-génitaux qui

soit un centre d'attraction de la névrose '. L'émotion morale

du danger couru sur un bateau pendant une tempête, a suffi

seule à faire éclore l'hystérie et à localiser d'emblée sa mani-

festation symptomatique unique sur l'appareil urinaire. Mais

cette manifestation ne s'est pas montrée tout d'abord avec

son maximum d'intensité, à la façon habituelle des accidents

hystériques : insignifiante au début, elle a progressé lente-

ment, comme une affection organique, pour constituer huit

mois après seulement une infirmité intolérable. Pourtant la

polyurie, apparue chez notre malade, s'est présentée chez lui

avec des caractères de simplicité remarquable. Elle est mo-

deste tout d'abord en quantité, et le volume total des urines

émises en vingt-quatre heures n'excède pas quatre litres. La

composition chimique est encore à peu près normale : l'ana-

lyse ne révèle ni élévation du taux de l'urée, ni exagération

de la quantité des phosphates, mais elle montre une augmen-

tation notable des chlorures, G gr. 50 par litre, soit environ

23 grammes par jour. Nous vérifions ainsi, en passant, la

formule chimique, absence de phosphaturie, défaut

d'azoturie, proportion plus élevée des chlorures, carac-

téristique, d'après Ehrhardt, de la polyurie hystérique. En

somme, ces résultats témoignent d'une déperdition restreinte

en qualité et en quantité. Aussi nous n'avons relevé ni la

polydipsie, ni la polyphagie que les observateurs se plaisent

à constater dans des polyuries, qualifiées peut-être à tort

d'hystériques, car elles s'accompagnent de troubles de la

' A Souques. Contribution il l'élude du râle des idées fixes dans la

pathogénie de la polyurie hystérique. (Archives de Neurologie, 1894,

p. 448.)

E. Brissaud. ]'otyw'ie nerveuse et polyurie hystérique. (Presse Médi-

cale, avril 1897, p. 165 ; ou bien : Leçons sur les maladies nerveuses.

Deuxième série. p. 505.)

POLYURIE ET POLLAKIURIE HYSTÉRIQUES. 201

nutrition rares dans l'hystérie et que traduit urologique-

ment l'élimination de proportions considérables d'urée ou de

phosphates. La conséquence immédiate, c'est la conservation

des forces, de l'embonpoint, l'intégrité des facultés mentales,

toutes choses que nous avons constatées chez notre malade.

- L'histoire clinique de notre polyurique serait, en somme,

bien simple et, en particulier, le pronostic de son affection

perdrait chez lui beaucoup de sa gravité habituelle, s'il ne

se compliquait de deux facteurs importants, la pollakiurie et

la ténacité des accidents hystériques chez l'homme.

La pollakiurie est, en pareil cas, signalée par presque tous

les auteurs ; elle est regardée comme un signe au début et

considérée comme un symptôme banal, surtout lorsqu'elle est

transitoire ou qu'elle accompagne des polyuries considé-

rables. Les grandes hyperdiurèses de dix, vingt litres, l'ex-

cluent même souvent. A côté de grands symptômes, tels que

la polydipsie, la polyphagie, la déchéance physique et psy-

chique, conséquences fatales de la dénutrition et de l'hypo-

chondrie, elle peut encore passer inaperçue. Mais il n'en est

pas de même chez notre malade : c'est au contraire le seul

symptôme que rapporte l'histoire de ses antécédents patho-

logiques, c'est toujours le seul dont il se plaigne. Il est

décomposable cliniquement en deux éléments distincts,

mais étroitement liés l'un à l'autre : le premier, c'est la fré-

quence des mictions, la pollakiurie proprement dite, l'autre,

c'est la nécessité impérieuse de satisfaire l'acte. Le premier

interdit au malade toute application soutenue dans son tra-

vail, lui fait craindre le jour d'aller dans la rue, en chemin

de fer, le soir de s'endormir, la nuit le prive de sommeil.

Le second crée le besoin pressant qui, s'il n'est promptement

satisfait, fait naître une sorte d'incontinence consciente et

angoissante. Ces deux termes se rencontrent dans un grand

nombre de maladies, l'un le besoin fréquent, avec une inten-

sité à peu près identique, l'autre, le besoin impérieux, avec

des variations suivant l'affection considérée. Peu marqué

dans le diabète sucré, dans le mal de Bright, il est surtout

manifeste dans les inflammations vésicales. Dans les premières,

la pollakiurie est simplement fonction de l'hyperdiurèse, car

l'une accompagne toujours l'autre; l'exagération de la sécré-

tion urinaire crée la distension vésicale rapide et incessante,

d'où la fréquence des mictions. Mais la vessie peut être tolé-

202 -) CLINIQUE NERVEUSE.

rante au delà de sa capacité physiologique, et la miction peut

être retardée dans une certaine mesure au gré du malade.

La même interprétation s'applique d'ailleurs à la pollakiurie

des polyuries hystériques à grand débit. Il n'en est pas du

tout de même dans certaines affections de la vessie. La mu-

queuse enflammée devient hyperexcitable ; au moindre con-

tact de l'urine, la douleur apparaît et avec elle, la nécessité

d'expulser immédiatement le contenu de la vessie. Si le

malade résiste, les réflexes se succèdent en courant inin-

terrompu, le besoin devient de plus en plus impérieux pour

causer enfin le ténesme vésical et la miction involontaire.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, chaque

nouvelle quantité d'urine sécrétée viendra de nouveau mettre

en jeu l'arc sensitivo-spinal, et produire la pollakiurie impé-

rieuse. S'il existe un centre médullaire de la miction, déter-

miné par Budge, il existe aussi un centre cérébral analogue,

résultat du fonctionnement psychique de nos occupations et

de nos préoccupations urinaires ; il peut, lui aussi, être le

point de départ du réflexe et produire le besoin d'uriner par

son activité propre. La preuve en est faite par l'apparition de

ce besoin à la suite d'impressions visuelles ou auditives en

rapport avec l'acte. Les perturbations de ce centre déter-

minent des modifications de la fonction et les troubles ainsi

produits ont été décrits par M. J. Janet sous le nom de

troubles psychopathiques de la miction' : parmi eux, se range

la pollakiurie psychopathique, qui, elle aussi, est une polla-

kiurie impérieuse, mais commandée par l'activité du centre

cérébral urinaire.

Le cas de notre malade n'est cependant pas comparable à

l'un de ces trois groupes de troubles analogues. Il se distingue

du premier par une hyperdiurèse peu abondante, coïncidant

avec une fréquence extrême des mictions. Il se sépare du

second par l'intégrité des voies d'excrétion de l'urine et

l'absence de lésions vésicales douloureuses.

Enfin, le défaut d'obsessions urinaires, la persistance du

symptôme pendant le sommeil, son apparition en dehors de

toute idée fixe, la différencie du dernier. Quelle explication

faut-il donc fournir de la pollakiurie de notre malade ? Le

réflexe de la miction est dû, pour Kûss et Duval à une excita-

' J Janet. Les troubles psychopathiques de la miction. Thèse, Paris,

1890.

POLYURIE ET POLLAKIURIE HYSTÉRIQUES. 203

tion de la muqueuse du col de la vessie. Guyon par l'obser-

vation clinique, Mosso et Pellacani par l'expérimentation

démontrent que le besoin d'uriner naît au contraire de la mise

en tension du muscle vésical. Ces deux théories sont loin de

s'exclure l'une l'autre et les quelques données de physiologie

pathologique que nous énoncions plus haut semblent prouver

l'existence d'une part de vérité dans chacune d'elles. Le mus-

cle vésical ou la muqueuse qui le tapisse peuvent être,

ensemble ou séparément, le point de départ du réflexe. Pour

qu'il y ait pollakiurie, il faut donc une hyperexcitabilité de

l'un, de l'autre ou des deux à la fois. Mais aucun de ces symp-

tômes n'existe dans l'observation précédente : le malade per-

çoit le passage du cathéter tout le long de son trajet, il a la

sensation du liquide injecté dans la vessie; cependant la mu-

queuse ne réagit pas à ce contact et le besoin d'uriner n'ap-

paraît point. D'un autre côté, la capacité de la vessie est non

seulement normale, mais encore la sensation de plénitude de

la vessie n'existe plus : le muscle vésical se laisse distendre

sans essayer d'expulser son contenu. Il n'existe donc pas plus

d'hyperexcitabilité muqueuse ou musculaire que de lésions

anatomiques. Les organes périphériques du réflexe sont sains,

seule la fonction est perturbée. L'hyperactivité fonctionnelle

vésicale, dont la pollakiurie impérieuse est la traduction cli-

nique, devient aussi difficile à interpréter physiologiquement

que la plupart des accidents hystériques de même nature.

Pourtant les faits de ce genre ne sont pas nouveaux. Depuis

que les Anglais ont décrit et étudié l'irritable bladder, on a

rapporté bon nombre de vessies irritables en tous points sem-

blables à celle de notre malade : de lésions organiques,

point, dans l'appareil urinaire comme dans l'appareil génital,

la pollakiurie impérieuse seule s'exerçant sur un terrain for-

tement entaché de névropathie. Ces vessies se confient plus

facilement aux chirurgiens des voies urinaires, les neuro-

pathologistes les connaissent peu ou ne les signalent pas dans

leurs descriptions. L'étude attentive des faits antérieurs,

l'examen minutieux de ces malades doivent rendre aux uns

et aux autres leur véritable place en nosographie, et ratta-

cher leur étude à celle des accidents urinaires dus à l'hystérie.

Parmi les névralgies vésicales, à côté de la cystalgie névro-

pathique, considérée jusqu'ici comme la seule vessie irritable

hystérique, il existe une autre vessie irritable hystérique,

204

CLINIQUE NERVEUSE.

dont la pollakiurie impérieuse peut être l'unique manifestation

clinique. ·

Quoi qu'il en soit, notre malade ne réclamait de nous ni des

considérations, ni des hypothèses sur son cas pathologique.

Il nous a été donné d'obtenir sa guérison par un traitement

psychothérapique et de faire ainsi la preuve de notre dia-

gnostic. Pour frapper plus profondément son esprit, il lui est

administré chaque matin, avec le cérémonial d'usage, une

pilule de bleu de méthylène. Ce médicament, nous le savons,

a été préconisé tour à tour pour chaque maladie : il n'a

jamais fait ses preuves pour aucune et il est certain que,

dans ce cas particulier, son action est restée purement psy-

chique. Aussi les bons résultats se sont montrés de suite et

nous retrouvons dans l'observation tout un tableau qu'il serait

trop long et fastidieux de rapporter ici et dont nous relève-

rons seulement quelques détails.

Le 18 décembre, la quantité totale des urines émises en vingt-

quatre heures est de 3 400 centimètres cubes, le nombre des mic-

tions nécessaires à cette excrétion est de 25. Le 19 décembre, le

traitement est institué : le malade, frappé par la coloration étrange

de ses urines, voit leur taux diminuer progressivement à partir de

ce jour; les mictions sont de moins en moins fréquentes.

Voici le résumé des modifications survenues au sur et à mesure

de l'administration régulière des pilules.

POLYURIE ET POLLAKIURIE HYSTERIQUES.

20

206 CLINIQUE NERVEUSE.

.

cacité de ce médicament M... a vu son action, lente au début,

devenir de plus en plus rapide et complète. Il s'estime bientôt

guéri, ne demande plus qu'à reprendre ses occupations et il sort

de l'hôpital le 15 février, délivré de son infirmité.

Cette guérison démontre à son tour la nature hystérique

des accidents que présentait notre malade. Il nous a paru

curieux de faire, pour ainsi dire, la contre-épreuve et d'es-

sayer de reproduire par suggestion directe, chez des hystéri-

ques, ces symptômes de polyurie et de pollakiurie impérieuse.

L'idée n'est pas neuve, du moins en ce qui concerne la polyu-

rie et l'expérience a déjà été réalisée pour elle. M. Kourilskii' 1

rapporte le fait suivant survenu dans le service de M. Hirtz,

à l'hôpital Tenon, en 1895. Deux hystériques sont couchés

côte à côte : l'un est atteint de polyurie hystérique, l'autre

est en traitement pour une bronchite banale. L'un pisse

27 litres en vingt-quatre heures et l'autre s'intéresse vive-

ment à la maladie de son voisin. M. Ilirtz, frappé de ce

voisinage dit un jour aux élèves qu'il ne serait pas surpris de

voir le second imiter son camarade et présenter de la polyurie

à son tour. Saisi par cette supposition suggestive, le malade

voit en réalité le volume de ses urines monter de 2 litres

à 3100, puis à 5, 6, 8 litres : quelques jours après, il urinait

15 litres en vingt-quatre heures. Au sur et à mesure de l'aug-

mentation de cette hyperdiurèse, l'appétit qui faisait complè-

tement défaut auparavant, augmentait progressivement

jusqu'à devenir de la polyphagie; la soif devenait intense, et

de grandes quantités de liquide étaient nécessaires pour la

calmer. En même temps, la densité de l'urine diminuait, le

taux des chlorures s'élevait, l'urée, les phosphates gardaient

leurs proportions normales. A aucun moment, il n'a été pos-

sible de retrouver des traces de sucre ou d'albumine. Le ma-

lade a quitté brusquement l'hôpital, et l'on ne sait comment

s'est terminé l'affection qu'il y avait contractée.

Il s'agit bien là d'un cas de polyurie hystérique provoqué

par suggestion indirecte. Ce sont des faits analogues que nous

avons pu reproduire. Voici le détail de nos expériences :

Mad. G..., âgée de quarante-deux ans, est une hystérique

du service de M. le professeur Pitres. Elle est atteinte depuis

cinq ans d'intolérance gastrique élective. Elle présente tous

' Kourilski. De la polyurie hystérique. Th. Paris, 1895, obs. II, p. 54.

POLYURIE ET POLLAKIURIE HYSTÉRIQUES. 207

les stigmates de la névrose ; elle a de grandes crises convul-

sives, de fréquents accès d'hypnose spontanée; elle a eu de

nombreuses attaques de contracture ou de paralysie transi-

toires. Elle est d'ailleurs- facilement hypnotisable et accepte

merveilleusement les suggestions.

Les troubles moteurs gastriques, dont elle est atteinte

gênent son alimentation ; ses repas sont modestes ; ils se com-

posent de 800 à 1 000 grammes d'aliments solides, consistant

en soupes, potages, pain, poissons, fruits. Elle boit peu, à

peine 1 litre d'eau ou de limonade dans une journée. Malgré

cela, son état général est excellent, elle est forte et fraîche

et n'a jamais témoigné de la moindre dénutrition. Les urines

recueillies à plusieurs reprises, avant toute expérience attei-

gnent un volume de 00, 600, 800 centimètres cubes au plus

en vingt-quatre heures. Un fâcheux incident nous a empêché

d'en pratiquer l'analyse.

Nous lui suggérons, dans le sommeil hypnotique, d'uriner

davantage, plus de 3 litres, disons-nous, pour lui fixer un

point de repère. Revenue à l'état normal, elle ignore la sug-

gestion. Les urines sont recueillies au sur et à mesure de leur

excrétion : en vingt-quatre heures, leur quantité totale était

de 3500 centimètres cubes. Le nombre des mictions a été

de 6; le besoin d'uriner se faisait sentir chaque fois normale-

ment ; la malade pouvait y résister et la quantité émise

chaque fois a varié de 250 à 500 centimètres cubes. Les jours

suivants, nous laissons persister la suggestion sans la renou-

veler. Les quantités d'urine sont successivement de 2 750,

2 250, 500 centimètres cubes, avec 7, 6, puis 7 mictions.

Aucun phénomène n'a suivi cette hyperdiurèse : la faim n'est

pas augmentée, la malade a bu un demi-litre d'eau à peine

en plus de sa ration habituelle. Elle n'a éprouvé aucune gêne,

aucun changement dans son état, elle est seulement surprise

de cette exagération de sécrétion urinaire, habituée qu'elle

est à des chiffres plus modestes. Un échantillon d'urine a été

prélevé le dernier jour sur le volume total et soumis à l'ana-

lyse. En voici le résultat :

208 CLINIQUE NERVEUSE.

POLYURIE ET POLLAKIURIE HYSTÉRIQUES. 209

caractère à cette dernière. L'ordre est accepté et fidèlement

exécuté. La malade qui avait pissé plus de 5 litres la veille,

n'urine plus que 8DO centimètres cubes, durant les vingt-quatre

heures qui suivent. La soif a diminué : elle a bu moins d'un

litre et demi. Voici le détail de l'analyse :

210 CLINIQUE NERVEUSE.

pensé, apparaît menaçant le besoin d'uriner. Pour ne déran-

ger personne et ne pas attirer l'attention de son côté, 1-e G...

essaie de se retenir ; le besoin redouble d'intensité, l'angoisse

apparaît, l'oblige à se précipiter hors de sa place; sans plus

penser au désordre et au bruit qu'elle occasionne, elle tra-

verse les rangs de ses compagnes, saute les bancs inoccupés,

se lance vers la porte, court à perdre haleine dans les cou-

loirs, entre dans la salle comme une folle, veut gagner au

plus tôt les cabinets, mais inutilement, l'angoisse est à son

paroxysme, les efforts deviennent impuissants et l'urine

coule le long de ses jambes. Elle s'arrête alors, et dans le

bien-être qui suit la crise, elle se lamente cependant d'avoir

pris tant de peine pour un aussi piètre résultat. Pendant la

nuit, elle a eu plusieurs mésaventures analogues, à tel point

que, pour ne plus pisser dans ses draps, ou le long de ses

jambes dans sa course vers les cabinets, elle installa un réci-

pient près de son lit, à portée de sa main et chaque fois que

le besoin la réveillait, elle sautait vivement à terre et pissait

à même dans le bocal qui lui servait à recueillir la totalité de

ses urines.

Nous avons cherché à savoir si ces phénomènes de polla-

kiurie impérieuse étaient liés chez elle à une idée quelconque,

d'ordre urinaire, et notamment à celle de voir le besoin se

reproduire. Nous l'avons pour cela interrogée à l'état de

veille, et dans le sommeil hypnotique, sans découvrir la

moindre trace d'une idée de cette nature pouvant expliquer

par son retour la répétition de l'acte. De même les rêves sur-

venus pendant le sommeil dans le cours de ses expériences

n'ont eu aucune influence : car ils ont porté sur des choses

banales, étrangères aux suggestions données, sans aucun rap-

- port avec les phénomènes bizarres présentés par la malade.

Celle-ci a été plus d'une fois dans ces derniers jours, étonnée

des perturbations de sa fonction urinaire. Rassurée par nos

paroles, confiante en nous, elle n'en a jamais été émue ou

effrayée. Nous n'avons pas trompé cette confiance aveugle,

car une dernière suggestion a fait disparaître complètement,

dès le lendemain, toute trace de désordre rénal et vésical.

Les jours suivants, la diurèse ne présentait plus que des pro-

portions normales : 1 000, 1 200, 800 centimètres cubes. Le

nombre des mictions était de six ou de huit : la vessie avait

repris sa sérénité antérieure.

POLYURIE ET POLLAKIURIE HYSTERIQUES. 211

En résumé, nous avons pu produire par suggestion hypno-

tique, sur une hystérique. les symptômes de polyurie, de

pollakiurie simple et de pollakiurie impérieuse avec les carac-

tères identiques à ceux relatés dans notre observation. Alors

que la diurèse habituelle était de 800 à 1000 centimètres cubes,

l'hyperdiurèse provoquée a atteint plus de 5 litres. Aucun

changement vraiment appréciable n'est survenu dans l'état

de la malade en expérience, si ce n'est des modifications du

chimisme urinaire : les proportions d'urée et de phosphates

sont restées normales, la densité diminuait et le taux des

chlorures s'élevait en raison directe de l'augmentation de la

polyurie. Nous n'avons tenu aucun compte des traces d'albu-

mine, des cellules épithéliales et des leucocytes que con-

tenait l'urine : ces éléments anormaux sont imputables à des

causes étrangères, de valeur négligeable. La pollakiurie

simple s'est montrée avec la polyurie : la pollakiurie impé-

rieuse au contraire a été obtenue en dehors de toute hyper-

diurèse, avec les caractéristiques que nous lui avons recon-

nues précédemment. Aussi pouvons-nous, il nous semble, à

la suite de notre observation et des expériences qu'elle a sus-

citées, poser les conclusions suivantes :

Parmi les troubles urinaires dus à l'hystérie, il existe une

pollakiurie impérieuse, accompagnée ou non de polyurie. Il

faut vraisemblablement rattacher à cette pollakiurie impé-

rieuse les faits déjà connus de vessies irritables simples,

sans coexistence de lésions organiques : à côté de la vessie

cystalgique, considérée jusqu'ici comme la seule vessie irri-

table hystérique, il existe un deuxième groupe de vessies

irritables hystériques, dont la pollakiurie impérieuse est la

seule traduction clinique.

La polyurie, la pollakiurie impérieuse peuvent apparaître

en l'absence de toute tare alcoolique, de tout antécédent

génito-urinaire et indépendamment de toute idée fixe de cet

ordre.'

La polyurie, la pollakiurie simple, la pollakiurie impé-

rieuse peuvent être provoquées par suggestion directe :

elles présentent alors les mêmes caractères que la polyurie

et la pollakiurie hystériques spontanées : les unes et les

autres sont susceptibles de guérir par suggestion directe ou

indirecte.

THÉRAPEUTIQUE.

Hémianesthésie hystérique traitée par la resensi-

bilisation progressive. Preuve directe de la

localisation corticale des centres viscéraux.

Principe d'un traitement mécanique de l'hystérie ;

Par M. le D' VIAL.

Mlle Zoé A..., âgée de vingt-deux ans, tailleuse.

Antécédents héréditaires. Grand-père paternel mort paraplé-

gique ; père et mère assez nerveux, s'emportant facilement.

Antécédents personnels. Née à terme, élevée au sein maternel.

Marche et parle de bonne heure; pas de retard dans sa dentition

qui est bonne. Toute jeune, elle est éprouvée par là rougeole et

la varicelle. A dix ans, angine diphtérique. En mars 1897, rhu-

matisme aigu; en octobre, scarlatine. Sa puberté est assez tour-

mentée ; mais Zoé est toujours bien portante en dehors de ses

accidents pathologiques et très gaie surtout jusqu'en août 1896.

A cette époque, allant se promener sur le bord de la mer avec

des amies, elle se baigne et disparait sous l'eau, ne sachant pas

nager; on la retire tout de suite, l'incident ne semble pas avoir

de suite prochaine; elle goûte et retourne à la maison.

A partir de ce jour, elle change de caractère, pleure souvent

sans motif, ne décolère pas, devient très capricieuse; elle fuit la

compagnie et ne chante plus comme elle le faisait souvent aupa-

ravant. Petit à petit, elle souffre de nombreux points douloureux

qui ont leur siège à la tête, à la poitrine, à l'estomac, au bas-

ventre, dans le dos, aux membres inférieurs.

Sa tête lui semble enserrée comme dans un étau, d'autres fois

elle a la sensation nette d'un clou qui s'enfonce en avant des

pariétaux. Sa poitrine douloureuse ne peut plus respirer à fond;

un gros poids l'oppresse qui lui pèse sur le sternum; une boule

qui lui vient du creux épigastrique l'étouffe au gosier.

Elle souffre beaucoup de l'estomac, ne supporte plus le corset;

en 1897, la sensation d'appétit disparaît, ainsi que le besoin de la

faim; une anorexie très grande s'installe; elle vomit le peu qu'elle

prend. Du reste, l'agustie a déjà précédé l'anorexie,' les mets

n'ont plus aucun goût, malgré qu'elle les relève fortement par des

TRAITEMENT MECANIQUE DE : 'L'HYSTÉRIE. 213

épices. Une constipation opiniâtre se déclare et souvent elle ne va

à la selle que tous les huit jours. Elle souffre beaucoup pendant

la période de ses règles; elle n'a jamais de pertes.

Elle se rend vaguement compte que son ouïe a diminué à

droite; que les objets qu'elle voit ont un côté plus petit que l'autre

- le côté droit; elle s'étonne quelquefois de ne plus sentir les

piqûres qu'elle se fait à la main droite et de ne plus se brûler

quand cette même main saisit un fer à repasser chaud.

Elle maigrit beaucoup; elle ne dort plus, en proie à des rêves

terrifiants, des rêves d'animaux surtout. Dans la journée, elle ne

peut fixer un objet brillant sans voir tout trouble devant elle, sen-

tant ses paupières devenir très lourdes; elle est prise alors d'un

besoin irrésistible de dormir, se réveillant quelques minutes après.

Ajoutons enfin, qu'au plus fort de ses gastralgies, elle a de vagues

idées de persécution, se demandant qui peut la faire souffrir ainsi;

cet état mental fait place à un excès de religiosité, sans qu'elle

tombe dans un délire mystique.

J'examine Zoé A... le 16 mars 1899 : c'est une hystérique qui

n'a jamais eu de grandes attaques, mais qui présente de l'hémi-

anesthésie droite totale et complète avec clou, rétrécissement du

champ visuel droit, boule, anorexie.

Je propose à la famille de traiter Zoé par la méthode de resensi-

bilisation de M. P. Sollier et je commence mes séances le 21 mars;

elles se sont continuées sans de grandes interruptions jusqu'au

18 mai. J'ai fait de la resensibilisation progressive à ma malade

que je mettais à chaque séance en somnambulisme.

21 mars. Avant de faire sentir à Zoé ou de réveiller les par-

ties de son corps anesthésiées, je lui ai demandé : Sentez-vous

votre corps en entier ? Non, je ne sens que le côté gauche.

Sentez les orteils de votre pied droit : elle les fléchit aussitôt, les

étend sans avoir conscience des mouvements qu'elle exécute. Elle

réssent quelques douleurs dans ses orteils qui sont le siège de

picotements, de fourmillements, de brûlures. La séance dure trois

quarts d'heure. Je réveille Zoé en lui soufflant sur les yeux. Il

lui semble qu'une toile obscurcit,sa vue ; je la rendors profondé-

ment, lui dis de se réveiller complètement ; au commandement la

toile existe toujours, puis disparait au bout d'une minute. Zoé a

recouvré la sensibilité des orteils de son pied droit.

22. Sentez votre pied droit ? Elle remue les orteils et le

pied. ? Mon pied est lourd, puis moins lourd + ça me lance +

J'ai des picotements, des brûlures + ça me tiraille dans le pied

+ ça me ronge + Tiens, je ne souffre plus -f- Je sens mon pied.

Séance d'une heure. Héveil le plus complet possible.

23. Sentez votre cheville droite : Elle remue les orteils et le

' Le signe + signifie : sentez davantage.

214 zip THÉRAPEUTIQUE.

pied qui lui tiraille encore un peu + La cheville me brûle + on

me ronge la cheville + J'ai des noeuds, des boules dans la che-

ville + On dirait que çà va craquer + Elle fait toutes sortes de

mouvements du pied sur la jambe + ça va craquer + ça craque.

Ah ! je me sens mieux + J'ai encore des noeuds dans la cheville

ça craque + La cheville ne me fait plus mal, elle est plus

petite, je la sens bien. - Sentez-vous votre pied ? Oui. Vous

appartient-il ? Ça ne me fait plus mal, mais je ne puis dire si c'est

à moi. 11 me semble que ce n'est pas collé. -Séance de une heure

et demie. La malade sent très bien son pied à la douleur, à la

piqûre, un peu moins au contact.

24. Sentez votre mollet droit depuis la cheville jusqu'au

genou : Je ne sens rien. z Sentez la peau seulement : çà me

pique, çà me brûle, j'ai des fourmis + çà me démange + çà me

chatouille + c'est froid, c'est tiède + Il me semble que je sens la

peau. Sentez la chair, votre mollet. Zoé fait des mouvements

de flexion et d'extension des orteils, du pied, de la jambe z Çà

brûle dans le mollet + J'ai des noeuds, des boules, il y en a beau-

coup ? Çà se défait, ces boules, çà craque + çà me tiraille encore

+ çà cuule dans le mollet + c'est froid + ma jambe est grosse,

lourde, enveloppée de coton z Tiens, je n'ai plus de boules +

ma jambe devient petite + Les mouvements sont très peu accen-

tués + ça ne me fait plus mal.

Sentez l'os de la jambe : Ça me fait mal, on me le broie + c'est

très douloureux z- on me ronge l'os, tout autour + çà diminue

un peu + La cheville me fait mal z- Elle va craquer + Elle cra-

que + Je me sens mieux.

Sentez votre jambe en plein : Elle fait quelques mouvements de

reptation. Sentez depuis le genou non compris jusqu'aux

orteils : Le mollet me fait mal + On me ronge l'os de la jambe

+ Çà craque à la cheville + Je sens ma jambe + Elle ne me fait

plus mal. Réveil. Séance de une heure et demie.

25. Sentez votre genou : La cheville me fait mal. Sentez

votre genou : Il brûle + 11 est gros + Il me fait mal en dedans

- Elle fait des mouvements de flexion de la jambe sur la cuisse

- Ça craque dans le genou ? Il y a encore des boules + ça

craque fort -f- mon genou diminue + Il me fait toujours mal en

dedans. Séance de près d'une heure.

zig. La cheville me fait mal + On me ronge l'os de la jambe.

Sentez votre genou : Ça craque + Il devient plus petit + Le

genou ne me fait plus mal + On ne me ronge plus l'os de la

jambe + La cheville me fait encore mal, là, en arrière au ten-

don d'Achille. z Ça ne me fait plus mal. - Réveil au bout d'une

heure. La sensibilité sous tous les modes est restaurée.

21-31 murs. Sentez votre cuisse : Les réactions continuent,

identiques, plus intenses, au sur et à mesure que je réveille la

' TRAITEMENT MÉCANIQUE DE L'HYSTÉRIE. 215

peau, les muscles, l'os de la cuisse. La malade fléchit la cuisse sur

le bassin, accomplit aussi des mouvements de rotation en dedans,

en dehors, d'adduction et d'abduction. Ce sont les adducteurs qui

se réveillent les derniers. Pendant ces séances, le point de la che-

ville reparaît, véritable centre douloureux d'où partent des lan-

cées très vives qui s'irradient jusqu'à la racine de la cuisse. La

resensibilisation de la cuisse se fait par segments perpendiculaires

à l'axe de la cuisse. Une seule fois, Zoé accuse nettement la sen-

sation d'un plan douloureux, brûlant, qui sépare la cuisse en deux

dans le sens antéro-postérieur et vertical : c'est lorsque la malade

a recouvré à peu près entièrement la sensibilité de la cuisse,

mais d'une façon plus complète à la partie externe qu'à la partie

interne. A la séance du 31 mars, Zoé n'accuse plus que quelques

mouvements de reptation du membre inférieur droit qui, dit-elle,

est énervé. Je la réveille enfin après que le point de la cheville a

disparu, alors qu'elle sent complètement son membre inférieur-

droit qui ne lui fait plus mal du tout.

Ajoutons que dans toutes les séances qui précèdent, nous

n'avons point encore attiré l'attention de Zoé sur sa tête. Plusieurs

fois, elle a porté les mains à la tête, dans la région rolandique.

Lui demandant le pourquoi de ces mouvements, elle nous a

répondu que la tête lui faisait mal, précisément dans la région

rolandique gauche. Ces points de la tête ont disparu après la

séance du 31 mars.

1-4 avril. Resensibilisation de la hanche et de la fesse droite.

Les séances sont très douloureuses; la malade accuse surtout la

sensation de l'os iliaque rongé ; le point de la cheville reparaît ;

Zoé accuse un point douloureux au-dessus de l'arcade crurale

droite, point d'hyperesthésie qui s'accompagne de douleurs sour-

des, plus vives à la pression au renflement lombaire et d'un point

de la tête, dans le lobule paracentral. Au sur et à mesure que la

malade sent davantage, les divers points douloureux s'effacent et

disparaissent complètement dans la séance du 4 avril.

5. Je lui rends la sensibilité du bas-ventre, organes génitaux

et périnée. La malade accuse des tiraillements partant des reins

et descendant jusqu'aux adducteurs des cuisses, puis des brûlures

du vagin seulement avec picotements et fourmillements des

organes génitaux externes. Elle fait quelques mouvements de va-

et-vient du bassin, de soulèvement et d'abaissement. Puis, il y a

disparition complète de toute douleur et Zoé recouvre la sensibi-

lité normale de toute la région abdominale inférieure, périnéale

et inguinale.

6 et 7. Resensibilisation du membre supérieure droit. Les

mouvements ouvrent toujours la scène : petits mouvements des

doigts qui se fléchissent, s'étendent, s'écartent, distension brusque

du membre supérieur droit; mouvements de flexion et d'extension

216 Ô THÉRAPEUTIQUE.

de la main sur l'avant-bras, de l'avant-bras sur le bras. La malade

s'étire, après avoir accusé nettement un point au renflement cer-

vical de la moelle. Les diverses sensations subjectives dues au

retour de la sensibilité, et semblables il celles dues au [retour de

la sensibilité du membre inférieur, sont accusées par la malade

qui ne sent plus aucune douleur lorsque tout énervement a dis-

paru. Le point de la colonne s'efface. Je réveille la malade : la

sensibilité normale est revenue.

8. Resensibilisation du dos : La malade réagit par de faibles

mouvements en arc de cercle; elle s'étire, allonge les jambes,

accuse des picotements, des brûlures; on lui ronge la colonne

vertébrale; puis, tout disparaît : il ne reste que quelques points

douloureux à la pression de la colonne : la malade sent son dos.

9. Resensibilisation de l'abdomen : Brûlures de la paroi,

secousses de l'intestin, gargouillements; coups de couteau dans

l'intestin, sensation de torsion de l'intestin, sensation d'un ser-

pent qui se noue et se dénoue. Mon ventre est chaud, dit la

malade. Puis, elle ne sent plus rien et l'anesthésie a disparu.

10. Flanc droit, région hépatique. La malade accuse une

sensation de brûlure, de picotements. Il y a un point douloureux

très net à la tète et dans la première pariétale droite, tout près de

la ligne médiane, en arrière de la ligne bi-auriculaire.

11-21. Resensibilisation de la joue, des mâchoires, gencives,

dents, lèvres, langue, bouche, oesophage et estomac.

Les réactions sont intéressantes pour ce qui concerne l'estomac.

La malade, lorsque je lui fais sentir son estomac, a un point dou-

loureux au creux épigastrique et deux points à la tête dont l'un

prédominant à gauche et situés au-dessus du lobule du pli courbe

dans la première pariétale. Les points cérébraux sont accusés très

vivement par la malade lorsque l'anesthésie est en voie de régres-

sion. En plein travail, je percute doucement les points cérébraux

sans avoir prévenu ma malade. Je lui demande ce que je lui fais

et ce qu'elle ressent et à ma grande surprise, elle me répond :

Monsieur, vous me faites mal, vous me frappez dans l'estomac.

Je ne me suis pas tenu à cette seule expérience ; je l'ai renou-

velée pour l'estomac. Nous reviendrons dans le commentaire de

l'observation sur le fait que nous venons de signaler.

Quant aux sensations subjectives accusées par la malade, elles

sont les suivantes : brûlures, tiraillements, coups de couteau dans

l'estomac, barres en croix, puis barre transversale, estomac plein

et se creusant par îlots ; les îlots se rejoignent, l'estomac se creuse,

la barre transversale disparait, l'estomac est chaud, puis froid , la

malade a faim à son estomac. Déjà le réveil de la bouche a amené

une vive sensation de soif qui se maintient à partir de ce moment.

22-30. Resensibilisation du nez, du cou, de la poitrine. Zoé

TRAITEMENT MÉCANIQUE DE L'HYSTÉRIE. 217

recouvre rapidement la sensibilité du nez et du cou. Cette dernière

fait disparaître définitivement la boule. Pour la poitrine, je dé-

compose en partant de la peau, des seins, des muscles, de laçage

osseuse thoracique. A noter que la sensibilité du sternum est

la plus longue à être récupérée. J'ordonne enfin à la malade de

sentir l'intérieur de sa poitrine, de sentir sa respiration. Les mou-

vements respiratoires deviennent aussitôt plus amples, s'accompa-

gnant d'une sensation d'étouffement que la malade ne peut ana-

lyser, mais qu'elle localise dans la région cardiaque. La poitrine

grossit beaucoup, puis se rapetisse, il y a quelque chose qui me

brûle là-dedans, dit la malade. Puis, on dirait que c'est pourri là

où ça m'étouffe. Quelques points douloureux se montrent sur-

tout au-dessous du sein gauche, à la colonne vertébrale au-dessous

du renflement cervical, puis au pied des deux deuxièmes frontales.

Si je comprime les points cérébraux en même temps que le point

médullaire, la malade se contorsionne, souffre beaucoup de la poi-

trine et lorsque la pression a cessé, elle respire mieux, l'étouffe-

ment disparaît, la poitrine lui fait moins mal. J'ai renouvelé plu-

sieurs fois cette expérience; toujours, à la pression, la malade

s'étouffait davantage, souffrait de plus en plus et toujours il y

avait une notable amélioration de la dyspnée et de la souffrance

quand la compression cessait. J'ai aussi percuté les pieds des

deuxièmes frontales. La malade a nettementaccusé des sensations

de coups dans l'intérieur de la poitrine, sensations qui cessaient

lorsque cessait ma percussion. Je dois ajouter que la malade n'a

définitivement recouvré la sensibilité de la poitrine que lorsque je

lui ai rendu la sensibilité de son cerveau. '

2 mai. Resensibilisation de l'oreille droite : sifflements, bat-

tements, oreille bouchée, gonflée ; puis sensation d'écoulement de

liquide et enfin sentiment de bien-être.

3-1. Resensibilisation de l'oeil droit. Sentez vos yeux : mes

yeux se détournent + on les brûle + on les tiraille. Les yeux

sursautent dans les paupières. - Ça me fait mal à la tête (région

occipitale d'abord, puis temporale gauche dans le voisinage du

pli courbe). ? - La tête est projetée en arrière +il y a des fils

qui partent de derrière la tète jusqu'au fond de l'oeil + Je vois

noir, bleu, rouge, vert, marron ? noir, vert, jaune, rouge +noir,

rouge, bleu, vert, jaune, rose, mauve, marron + noir, rouge, bleu,

marron, rose, jaune + noir, rouge, bleu, vert ? mes yeux s'en-

foncent + mon oeil gauche est froid, le droit brûle encore un peu

+ Il se refroidit -r- La malade fronce les sourcils, se frotte les

yeux. - + Je vois jaune, mauve, bleu pâle, rose + rouge, mauve,

jaune, blanc + c'est clair + c'est bleu, plus clair à gauche + Je

vois rose clair, bleu pâle + c'est clair des deux yeux également +

c'est bleu, rouge, c'est blanc, blanc, toujours blanc. Je réveille

ma malade qui s'écrie : Oh ! que j'y vois clair ! 1

218 THÉRAPEUTIQUE.

5. Cuir chevelu, front, crâne : brûlures, picotements, os

rongé, boules qui éclatent, os qui craqnent.

6-9. Sentez votre cerveau : J'ai la tête lourde + J'ai un cercle

autour de la tête. Quel âge avez-vous ? Je ne sais si j'ai vingt ou

vingt-un ans z J'ai un ruisseau tout autour de la tête. Quel

âge avez-vous ? J'ai vingt ans. + Les grosses lourdeurs ont passé

+ ça ne coule plus. Quel âge ? Je crois avoir vingt-un ans +

J'ai des tiraillements dans la tête + ça me passe vite, je n'ai plus

rien + Il me vient par moments des douleurs d'un côté, de l'autre

- J'ai la tête lourde + Je ne sais pas quel âge j'ai. Elle fait

quelques mouvements avec son bras droit.

Pourquoi ces mouvements ? Mon bras droit est crispé. Je lui

fais sentir son bras droit. -)- J'ai la tête meurtrie + c'est lourd,

mon cerveau est plein ? Je crois avoir vingt-un ans + Je respire

mieux, dit-elle, après avoir fait une grande inspiration -) Elle

fait un mouvement de sursaut du tronc. Pourquoi ? On m'a piqué

dans le dos + Ça m'a passé + Le sommet de la tête me fait mal

- - - Elle s'étire Quel âge ? Je ne sais pas z On me lance des

coups de pincette dans le cerveau -f- J'ai un gros poids sur la tête

+ Ça fait mal sur le front+ Ça me fait mal aux tempes + J'ai la

tête lourde -f- Elle me fait mal tout autour + Elle s'étire + ça me

fait mal là en arrière (protubérance occipitale) + On me lance des

coups de pincette rougie + ma tête est lourde + Je ne sais si j'ai

vingt ou vingt-un ans.

C'est le 9 mai, 8 heures et quart du matin. Je laisse la malade

endormie jusqu'à 11 heures 10 du matin. Sentez votre cerveau

+ Je ne sais si j'ai vingt ou vingt-un ans -I- - Elle fait des mou-

vements de la tête -f- J'ai la tête lourde -j- c'est meurtri + c'est

lourd ? Je ne me rappelle pas mon âge + J'ai, je crois, vingt-un

ans, sans en être sûre + Les tempes me font mal ? On dirait

qu'on me serre la tête + on dirait que j'ai un ruisseau dans la

- tête ? ça coule + ça me court dans la tête + Je suis agacée des

bras + et elle ébauche quelques mouvements z Je sens mes bras

+ La tête me fait mal là (point cérébral de la poitrine). Je per-

cute le point : je sens qu'on me frappe dans la ! poitrine. Je la

réveille.

10, 6 heures 30 matin. Sentez votre cerveau : J'ai vingt à

vingt-un ans, ma tête est lourde + Le front me fait mal + La tête

me fait mal tout autour + La poitrine me fait mal -f- J'ai la tête

lourde + Elle est grosse derrière par moments + Ma tête est

pleine -j- J'ai près de vingt-un ans + La tête me pèse -f- Ça me

pique sur la tête + Quel âge avez-vous ? Je suis en 1896. Quel

mois ? Au mois d'août. Que faites-vous ? Je me promène avec

mes amies du côté de Saint-Henri, nous allons à la mer + 11 est

4 heures de l'après-midi ? nous prenons un bain + Je suis dans

l'eau + Je ne me rappelle plus + J'ai failli me noyer + Je sors de

TRAITEMENT MÉCANIQUE DE L'HYSTÉRIE. 219

l'eau, je m'habille, on m'aide, parce que je suis lourde ? Je goûte

sur le bord de la mer ? nous allons à la maison z nous montons

le Pradel, tout en causant + nous arrivons à la maison,-c'est

l'heure du souper + Je soupe toute seule, étant en retard + ma-

man me gronde + Je ne réponds rien à maman, parce qu'elle

n'aurait pas voulu que j'aille à la mer+ Je me couche, je dors, je

me réveille + Je travaille, je fais un corsage, je suis dans la cour

- Il est 5 heures de l'après-midi, c'est mercredi - c'est jeudi z-

maman me lave la tête parce qu'elle me dit que ma tête sent mau-

vais + J'aide maman à faire les lits ? Je travaille, mais je ne suis

plus aussi gaie, sans savoir pourquoi -f- C'est dimanche -f- Je ne

chante plus, je suis contrariée, mes tantes me font de la peine en

montant la tête maman contre moi z Avant mon accident,

j'étais gaie, contente ; maintenant je ne sors plus, je travaille +

Mm0 T... me dit toujours des choses parce que je ne monte pas la

voir z C'est lundi ? Je fais toujours pareil ? Je me lève, je tra-

vaille, je vais me promener par force; maman me gronde, je ne

veux plus sortir-)- Mardi, mercredi ? Je sors un peu sur la route,

je vais à la maison -f- Jeudi ; maman me gronde parce qu'on lui

dit que je parle au frère de L... + Vendredi, toujours pareil +

Samedi, je fais les chambres + Dimanche, je vais à la messe, cela

ne me fait rien. Réveil à 8 heures.

11. Je languis ? La tête me fait mal + Je ne sais pas où je

suis z il est lundi + La tête me fait mal + On dirait qu'on m'y

lance des coups, je suis agacée -[- mardi + plus je suis seule,

moins je m'ennuie + Jeudi ? Vendredi -f- Je vais à Eguilles, près

Aix. C'est la fête, je m'amuse un peu avec deux demoiselles. Je

la laisse endormie jusqu'à il heures du matin. - A 11 heures :

Sentez votre cerveau : Il me semble que c'est mercredi + Je cher-

che, je ne sais pas où je suis + Le front me fait mal + J'ai des

noeuds dans la tête + Je suis en 1897 ou 1898, je ne sais pas + Je

suis couchée, je ne sais où + Toute la tête me fait mal + Il y a

quinze à dix-huit jours que j'ai failli me noyer z C'est samedi, je

suis à Eguilles, je me lève à 6 heures et demie du matin, je vais à

la procession, à la messe ; tout le monde parle à la messe + Je

déjeune et mange de la soupe, du lapin et du canard ? Je me lève

de table à 3 heures, je vais danser, je vais me coucher. Je la

réveille, il est midi. Dans l'après-midi, Zoé présente de la confu-

sion mentale très nette. Le soir, à 9 heures et quart, je l'endors +

C'est dimanche, je vais tourner du foin + Lundi z- Mardi + Je

retourne à Saint-Antoine + C'est mercredi, etc., etc. - Nous

sommes en octobre, novembre, décembre. + C'est le leur jan-

vier 1899. Je la plonge en hypnose profonde pour toute la nuit.

10 heures soir.

12. 9 heures matin. ? Nous sommes en février 1897, en mars.

T-J'ai une vive douleur à la hanche gauche + Le docteur vient

'220 THÉRAPEUTIQUE.

me voir ? Avril, mai, etc. ? novembre, j'ai de gros maux d'esto-

mac, j'étouffe - Janvier 1898 ? J'ai mal à l'estomac + Je m'en-

nuie.

13. - -f- février 1898 z- mars -f- L'estomac me fait mal, j'ai des

vomissements -)- C'est le 1G mars -+- Je suis malade -f- L'estomac

me fait souffrir + Je rends + Le docteur vient + C'est le 18 mars '

- Je suis couchée + Je prends du lait, de l'eau minérale, des po-

tions ? On me fait des frictions au chloroforme, à l'essence de

térébenthine + c'est lundi + un rebouteux vient qui me met un

emplâtre sur l'estomac, les vomissements cessent -j- J'entends du

bruit, c'est le soir ; c'est comme des chaînes qu'on remue (c'est le

rebouteux qui se livre à une scène d'incantation quelconque) ?

J'ai peur + Je souffre moins ? Je reste huit jours couchée et trois

mois malade z C'est le mois d'avril, mai, juin, je suis un peu

mieux + Je vais à Sanary -j- Août -t- Septembre + Nous démé-

nageons pour aller aux Nouveaux Abattoirs-(-C'est le 5 septembre

z Je travaille + Octobre - L'estomac me fait mal, j'ai envie de

rendre + novembre + décembre + Je souffre de la tête, de l'es-

tomac, de la poitrine + Janvier + Je suis agacée, je ne sais pour-

quoi. Réveil à 10 heures et demie.

14. + C'est le 22 janvier, fête à Saint-Antoine + 23 janvier+

Je souffre du dos, de la tète, de la poitrine, de l'estomac-f- février

+ Je souffre davantage. Il est 7 heures 25 du matin. 3 mars,

je rends + Je vois M. A..., le dimanche ? Je souffre davantage +

7 mars, je m'étouffe + Les remèdes ne me font rien + M. A... me

dit que ce sont les nerfs -f- M. A... me pique, me donne une nou-

velle potion + 16 mars, c'est 8 heures du soir, j'ai mal au côté,

je suis couchée + Il vient le D'' Vial qui m'écoute + Vendredi, je

me lève à midi + Je souffre beaucoup -f- Je vais en ville chez le

D1' Vial -f- Samedi + Mardi, 2 heures; je suis couchée; j'attends

le docteur + Le voilà qui arrive, il m'endort, il me fait sentir mes

orteils + II est cinq heures + Je pense à mes orteils + Je suis ré-

veillée, je souffre toujours beaucoup de l'estomac + Je sens un

peu mes orteils -f- Je sens mon pied ? Je souffre de la cheville +

Je suis contente, parce que je sens mon pied + c'est vendredi,

c'est samedi, je sens mon pied et un peu la jambe, j'ai chaud +

Je sens la cuisse, je sens la hanche + Je suis un peu énervée +

c'est dimanche, nous allons nous promener en ville + Je com-

mence à sentir mon estomac z La poitrine me fait mal z Je sens

un peu la tête + Oh ! c'est le 14 mai + c'est 7 heures et demie+

Je suis couchée+ Je sens ma tête ? Il est 8 heures -La poitrine

me fait toujours mal. A ce moment, il est 8 heures et quart.

J'ordonne à ma malade de se sentir complètement des pieds à la

tête + ça se colle, dit-elle, la cheville, le genou, la hanche, l'é-

paule + Je suis mieux.

A 8 heures 30, elle se réveille spontanément. Je lui referme les

TRAITEMENT MÉCANIQUE DE L'HYSTÉRIE 21

yeux + Je lui fais sentir complètement la tête -f- Ma tête est plus

légère + J'ai toujours comme un voile sur le cerveau + Le voile

disparaît. Elle se réveille spontanément. Il est 8 heures 35.

Au réveil, Zoé exprime son étonnement d'y voir plus clair, dis-

tinctement, de pouvoir respirer à fond, de se sentir elle-même.

Tout s'est collé, dit-elle, je ne suis plus la même, ou plutôt, il me

semble que je suis tout comme avant mon accident. Elle a soif,

elle a faim et se lève toute joyeuse, en riant aux éclats, ayant pleine

conscience du sentiment de la vie. Elle passe une bonne journée.

Le lendemain, 15 mai, je l'endors de nouveau : elle me raconte

le rêve qu'elle a fait dans son sommeil et qu'elle ne se rappelait

pas au réveil. Je lui fais une séance de resensibilisation générale,

fréquemment entrecoupée par des réveils spontanés.

Les jours suivants, 1G, 17 mai, Zoé se plaint que des douleurs

très vives, lancinantes, en éclair, la l'ont souffrir quelques se-

condes ; elle localise leur siège à la cuisse, la cheville, à la poi-

trine. Mise en garde contre la possibilité de leur retour, dès qu'une

de ces douleurs se manifeste, ou bien même lorsqu'une simple

sensation d'énervement fatigue un de ses membres, elle procède

immédiatement à la représentation mentale de la partie du corps

énervée, endolorie; elle la sent, elle la réveille, le tout a\ec des

mouvements appropriés qu'elle exécute avec conscience et tout

rentre dans l'ordre immédiatement.

Le 18 mai, j'essaie de l'endormir ; je n'y arrive que difficile-

ment ; je procède à un réveil général. La séance dure quelques

minutes à peine ; Zoé se réveille spontanément. Depuis, elle n'é-

prouve rien d'anormal, mange beaucoup, dort très bien, est d'une

gaieté folle et, à l'heure actuelle, si cet état persiste, je puis être

en droit de considérer Zoé comme guérie ; elle ne présente plus

aucun accident hystérique tout comme de stigmates permanents

qui, tous, ont disparu.

Commentaires. La malade que j'ai traitée par la méthode

de M. P. Sollier avait une hémianesthésie droite totale et

complète datant de près de trois ans, développée assez rapi-

dement à la suite de l'émotion provoquée par l'accident

d'août 1896. La perte de la sensibilité de l'estomac et de la

poitrine était un facteur important dans la gravité du cas.

Sans nous arrêter aux modifications du caractère, l'anesthésie

viscérale avait amené un grand amaigrissement de la malade

qui mangeait excessivement peu et qui, par périodes, ren-

dait à peu près tout ce qu'elle prenait. Notons aussi que la

malade était en proie à une insomnie tenace et rebelle à toute

médication.

222 THÉRAPEUTIQUE.

Cette observation est en tous points semblable à celles

publiées par M. Sollier. Zoé a présenté pendant le travail de

resensibilisation des réactions presque identiques dans leur

nature et leur succession à celles qu'accusaient les hysté-

riques de M. Sollier.

Le phénomène le plus net; chez elle, est celui de la régres-

sion et de la progression de la personnalité; le couronne-

ment de la synthèse du moi se fait à la fin de la progression

et Zoé le traduit par celte expression pittoresque : Je sens

que tous mes membres se collent.

Le travail auquel j'ai soumis ma malade m'a permis de

contrôler les vues si intéressantes de M. Sollier sur les loca-

lisations cérébrales. J'ai toujours constaté la corrélation qui

existait entre la disparition de l'anesthésie des membres et

des viscères et l'apparition de zones d'hyperesthésie siégeant

à la calotte en des endroits bien déterminés, toujours iden-

tiques à eux-mêmes. Ces zones, voilées avec l'anesthésie

totale, devenaient douloureuses dans les parties du corps

correspondantes; et, lorsque la sensibilité était devenue nor-

male, les zones disparaissaient.

Est-on en droit de conclure que ces zones sont superposées

à des surfaces de l'écorce qui sont et demeurent les centres

soit des membres, soit des viscères ? La réponse ne fait pas

de doute pour ce qui concerne les membres car la localisa-

tion des zones des membres est superposable à la localisa-

tion des centres corticaux de ces membres. M. Sollier a con-

clu par analogie à l'existence réelle des centres viscéraux.

Or, l'expérience de la percussion des zones viscérales n'est-

elle pas une preuve de plus et ne démontre-t-elle pas directe-

ment qu'il existe des centres viscéraux ? ` ?

Je percute la zone de l'estomac, par exemple ; je demande

à la malade, plongée en somnambulisme, de me dire ce que

je fais et ce qu'elle éprouve, et, toujours, j'ai obtenu la même

réponse : Vous me frappez dans l'estomac. J'ai renouvelé

l'expérience pour le larynx, pour la poitrine, sans que la

malade travaillât à ce moment à la resensibilisation du larynx

et de la poitrine, mais après avoir, dans des séances anté-

rieures, déterminé un certain degré de sensibilité des deux

organes, constamment, la malade a répondu : Vous me frap-

pez à la gorge, à la poitrine. Analysons ce fait d'expérimen-

tation :

TRAITEMENT MÉCANIQUE DE L'HYSTERIE. 223 3

1° Je percute au cuir chevelu la zone d'hyperesthésie d'un

organe : je donne naissance à une impression transmise par

le trijumeau ; en plus, je détermine une onde vibratoire qui

va rencontrer l'écorce ;

2° Le sujet extériorise une sensation donnée : c'est là une

conséquence de la loi de l'extériorisalion des sensations ;

3° Le sujet n'extériorise pas au cuir chevelu : donc, l'im-

pression recueillie par le trijumeau reste dans le domaine de

l'inconscient ;

4° Le sujet extériorise dans l'organe dont j'ai persécuté la

zone d'hyperesthésie : donc, l'onde vibratoire a actionné

l'écorce en un point qui est le centre cortical de l'organe,

centre qui renferme les résidus des sensations antérieures

parties de l'organe.

On peut m'objecter que la sensation transmise par le triju-

meau, quoique inconsciente, peut réveiller la représentation

mentale de l'organe ou bien que des fibres d'association

relient le point de l'écorce touché par l'onde à un centre

idéatif où le fait de la percussion réveille la représentation

mentale de l'organe.

Je réponds : a) que l'extériorisation qui ne se fait pas au

cuir chevelu mais dans l'organe écarte l'hypothèse de l'inter-

vention du trijumeau; p) que, si je percute des zones diffé-

rentes, j'obtiens des extériorisations différentes; par consé-

quent en admettant même qne le centre idéatif soit en cause,

je ne puis expliquer la différence des extériorisations que par

la non-homogénéité des points de l'écorce qui ont été touchés

par l'onde vibratoire : ce qui revient à dire que ces points

sont les centres des organes dont on a percuté les zones d'hy-

peresthésie.

Donc, si en percutant une zone hyperesthésique correspon-

dant à un organe donné, j'obtiens constamment des sensa-

tions déterminées que la malade localise dans l'organe, je

suis en droit de conclure que des fibres de projection relient

à l'organe en question un centre donné de l'écorce, auquel se

superpose la zone d'hyperesthésie. Par conséquent, l'expé-

rience de la percussion démontre directement l'existence des

centres viscéraux.

Il est un autre point sur lequel je désire appeler l'attention.

Lorsque je fais récupérer à ma malade la sensibilité de la

poitrine, je note une amplitude respiratoire plus grande ainsi

224 4 RECUEIL DE FAITS.

qu'une sensation d'étouffement; la malade accuse un point

douloureux médullaire au-dessous du renflement cervical et

deux points douloureux cérébraux au pied des deux deuxièmes

frontales. A un moment donné, je comprime en même temps

les points douloureux cérébraux et médullaires.

Je note alors une plus grande amplitude respiratoire, une

suffocation plus intense, le tout accompagné de contorsions

en arc de cercle. Je cesse brusquement la compression : la

malade respire mieux, plus à fond, est moins suffoquée qu'a-

vant l'expérience. Que puis-je conclure ?

Les symptômes observés pendant la compression se rap-

portent-ils à une aneslhésie plus grande de la poitrine, pro-

voquée par la compression même ? Est-ce que, par le fait que

je cesse brusquement la compression, les points cérébraux et

médullaires ne se réveillent pas, amenant ainsi une resensibi-

lisation plus avancée de la poitrine ?

S'il en est ainsi, ne voit-on pas là le principe d'un traite-

ment nouveau de l'hystérie, traitement tout mécanique, des-

tiné à resensibiliser le corps, à le réveiller par une action

directe sur les points douloureux médullaires ou cérébraux ?

C'est là une simple vue de l'esprit, déduction qui s'appuie sur

l'expérimentation et sur l'observation de symptômes dont la

pathogénie est à contrôler.

RECUEIL DE FAITS.

Guérison d'un cas d'épilepsie héréditaire, datant

de cinquante ans, par une attaque d'hémiplégie ;

Par il ! . le D' D.1\IEL BRUNET.

La nommée G... Marie, née en 1812 à 1\evers (Nièvre), domiciliée

en cette ville, journalière, célibataire, sans instruction, est entrée

à l'asile d'aliénés de La Charité le 14 mars 1837. Son père est épi-

leptique et il est à l'asile depuis le 28 juillet 181o. L'intelligence

de cette femme est à peu près la même que celle des personnes de

GUÉRISON D'UN CAS D'ÉPILEPSIE HÉRÉDITAIRE. 225

sa condition, n'est pas affaiblie. La menstruation, régulière, s'est

établie à quinze ans.

D'après le certificat médical d'admission à l'asile du D' Fichet,

de Nevers, la nommée G... est épileptique depuis l'âge de sept ans

et la première crise convulsive a paru à la suite de la scarlatine.

Les attaques se produisent à peu près tous les mois, le jour ou la

nuit. Quelque temps avant son entrée à l'établissement, elles

avaient augmenté de fréquence, revenaient tous les quinze jours,

quelquefois même tous les huit jours.

Après chaque crise convulsive elle était atteinte de délire avec

hallucinations de la vue durant plus ou moins longtemps ; elle

voyait des hommes sous son lit, croyait qu'ils voulaient soulever

ses jupons, cherchait à les frapper à coups de pied, leur disait des

injures, manifestait parfois l'intention de les tuer. Mon prédéces-

sieur.' comme directeur-médecin de l'asile de La Charité, le D1' Bon-

net, a constaté sur le registre légal, que cette malade avait de fré-

quentes attaques d'épilepsie.

En 1857, elle fut prise d'une hémiplégie gauche incomplète, à la

suite de violentes crises convulsives. Celles-ci diminuèrent, après

cette hémiplégie d'une manière graduelle, pour cesser tout à fait

en 1800 et ne plus reparaitre pendant les dix-sept ans qu'elle con-

tinua il vivre. La cessation complète des crises épileptiques jus-

qu'à sa mort, produite le 12 juillet 1877 par une attaque d'apo-

plexie, m'a été confirmée parle D''Faucher actuellement directeur-

médecin de l'asile de La Charité. Pendant les deux années que

j'ai dirigé cet asile en 1871 et 1872, j'ai observé avec le plus

grand soin cette malade dont le cas me paraissait intéressant et je

n'ai jamais observé la moindre attaque épileptique chez elle. Son

intelligence etait à peu près normale, son émotivité n'était pas exa-

gérée ; elle n'avait pas la sensiblerie des hémiplégiques; elle mar-

chait en traînant beaucoup la jambe du côté gauche, se servait un

peu de la main de ce côté, travaillait à la lingerie. Elle était tou-

jours très calme. nullement irascible et répondait avec précision

aux questions qu'on lui adressait.

Elle se demandait si ses attaques épileptiques avaient bien com-

plètement cessé, si elle n'en aurait pas encore la nuit, parce qu'elle

éprouvait quelquefois le matin de la lassitude, de la céphalalgie,

comme lorsqu'elle en avait autrefois. Je l'ai fait observer d'une

manière spéciale par les deux malades assez intelligentes qui cou-

chaient de chaque côté d'elle, par l'infirmière du dortoir. Jamais

on n'a rien remarqué qui pût motiver ses craintes. On ne l'a pas

entendue pousser de cris, on n'a pas constaté qu'elle avait uriné

au lit. Si elle avait eu alors des crises nocturnes, il est bien pro-

pable qu'elles se seraient aggravées, pendant les cinq années qu'elle

a encore vécu, de manière à ne plus passer inaperçues et peut-être

des crises diurnes auraient-elles fini par s'y ajouter.

Archives, 2' séiie, t. IX 15

226 6 RECUEIL DE FAITS.

La guérison d'un cas d'épilepsie grave, héréditaire, au bout

d'une duré3 de cinquante ans, prouve qu'on ne doit jamais

désespérer de cette maladie et qu'on ne doit pas hésiter à

pratiquer la crâniotomie toutes les fois qu'on peut soup-

çonner une cause d'irritation dans un point limité de l'écorce

cérébrale. Comment l'attaque d'hémiplégie a-t-elle agi chez

notre malade ? L'autopsie n'ayant pas été faite, on ne peut

faire que des suppositions, mais l'hypothèse la plus probable

consiste à admettre qu'il s'est produit un raptus hémorrha-

gique dans les circonvolutions dont l'irritation déterminait

l'épilepsie, que cette irritation, atteinte par ce raptus, a fini

par disparaître complètement, par suite de l'inflammation qui

s'est développée autour de lui, pour amener sa cicatrisation.

Le fait qui précède méritait d'être connu. D'habitude, les lésions

qui ont produit une hémiplégie peuvent déterminer souvent chez

l'enfant ou l'adolescent, parfois chez l'adulte, des accès d'épilepsie.

Nous n'avions jamais vu l'inverse. En ce qui concerne l'action

thérapeutique de la craniectomie nous renvoyons le lecteur à

l'observation suivante. B.

Convulsions post-traumatiques. - Épilepsie

essentielle. Craniectomie ;

Par le D' Cil. MIRALLIÉ.

Dans une leçon clinique faite il l'Hôpital Saint-Jacques de

Nantes', nous avons exposé et discuté l'histoire d'un malade

atteint de crises convulsives. Ce malade a été soumis à la

craniectomie. Nous nous bornons ici à rapporter son his-

toire clinique et à donner des renseignements sur ce qui est

advenu après l'opération.

Cet homme, vigoureux et fortement constitué, est âgé aujour-

d'hui de trente-six ans. Son père est mort goutteux ; sa mère est

vivante et bien portante. Les frères et soeurs du malade ne présen-

tent aucun accident nerveux, sauf un frère jumeau du malade qui

a uriné au lit jusqu'à un âge assez avancé.

Bien portant jusqu'alors, notre malade, couvreur, subit un trau-

1 La leçon a été publiée dans la Gaz. méd. de Nantes, 1899, p. 218.

CONVULSIONS POST-TRAUMATIQUES. 227

1

matisme grave en 1889'' Il tombe de 22 mètres de hauteur, du toit

d'une église, il traverse un plafond et vient s'abîmer sur les mar-

ches de l'autel. Le côté gauche du front est blessé, le poignet droit

fracturé ; pendant huit jours le malade reste sans connaissance à

la clinique chirurgicale où l'on constate une fracture du crâne. Dès

que le malade revint à lui, il s'aperçut qu'il avait perdu la vision

de l'oeil gauche et de la moitié interne de l'oeil droit. Malgré tous

les soins son état oculaire persiste le même aujourd'hui.

Sorti de l'hôpital, après vingt-sept mois, le malade put travail-

ler comme manoeuvre ; sa santé était excellente et il ne se ressen-

tait nullement de son accident, sauf bien entendu pour ce qui con-

cerne la vision.

Quatre ans après apparaissent des crises convulsives dans les

conditions que voici : un matin il quitte un de ses amis, qui part

à son travail. Quelques heures après on lui demande de prêter

aide pour remonter chez lui cet ami, victime d'un traumatisme ; il

le remonte dans sa chambre et alors s'aperçoit que son ami est

mort. Immédiatement il perd connaissance et est pris d'une crise

convulsive. Depuis cette époque les crises se répètent fréquemment,

mais à intervalles irréguliers : toujours chaque crise est annoncée

par la vision de l'ami mort. De plus chaque fois que le malade voit

passer devant lui un enterrement, la crise se déclare. Parfois ces

crises présentent le caractère de somnambulisme. Sans en avoir

conscience le malade transporte un objet d'un point à un autre.

En 1896, nous examinons ce malade avec notre collègue et ami

Vignard. Il a eu la veille une crise dans les cabinets et présente à

la face interne de la cuisse gauche, dans toute sa hauteur une large

ecchymose résultant d'une chute faite pendant cette crise. Nous

constatons en outre une hémianesthésie sensitivo-sensol'ielle droite

et pensons à des crises d'hystérie.

Après avoir repris quelques mois son travail, le malade est enfin

hospitalisé à Saint-Jacques, dans la salle des épileptiques, où nous

le suivons attentivement depuis plusieurs semaines. Les accidents

qu'il présente sont divers :

1° Comme jadis, à la vue d'un enterrement, il est pris d'une sen-

sation d'angoisse, et s'il ne peut se retirer, il tombé sans connais-

sance ;

2" En dehors de ces cas, il est pris le jour de crises convulsives,

annoncées par une aura toujours la même : la vue de son ami

mort. Les membres sont agités de mouvements convulsifs : ni cris

ni miction involontaire.

3° Parfois il présente de véritables absences : un jour il poussait

une brouette; soudain il s'arrête, immobile, le corps fléchi; une

salive abondante coule de sa bouche ; ses camarades l'appuient

contre un mur ; peu à peu il revient à lui, mais reste pendant plu-

sieurs heures presque inconscient de ses actes. D'ailleurs, il ignore

228 RECUEIL DE FAITS.

complètement cet accident qui nous est raconté par ses compa-

gnons.

4° Les crises nocturnes se passeraient ainsi, d'après les rensei-

gnements puisés près des infirmiers et des voisins de lit du malade :

notre homme pousse un cri unique ; le bras droit se contracture

en flexion de tous ses segments, la main en face de la tête, dans

une attitude de défense; la jambe droite se prend à son tour ; puis

le bras gauche qui se place comme le bras droit, mais sur un plan

horizontal inférieur ; enfin la jambe gauche. Les membres sont

ensuite agités de secousses cloniques. Le malade se mord la

langue, mais n'urine jamais sous lui. Le lendemain, le malade se

réveille brisé, mais ne se souvient en rien de sa crise : la morsure

de la langue seule lui en indique l'existence.

Telle est l'histoire de notre malade ; voyons ce que nous donne

son examen. 01

La motilité volontaire des quatre membres et de la face est par-

faite ; pas trace de paralysie ni de parésie ; la force musculaire est

bien conservée, et la résistance aux mouvements passifs est nor-

male. Cependant le bras droit semble un peu moins fort que le

gauche, n'oublions pas d'ailleurs que le poignet droit a été frac-

turé.

Les troubles de la sensibilité sont plus intéressants : du côté

droit du corps, sur la face, les membres et le tronc, il existe une

anesthésie totale, complète pour tous les modes de la sensibilité,

tact, douleur, chaud, froid; le sens musculaire est très diminué,

le malade n'arrive pas, ou arrive très lentement après une série de

tâtonnements à mettre le bras gauche dans la position imposée

au bras droit, et réciproquement. Le sens stéréognostique est

aboli.

L'ouïe est très diminuée à droite : Le malade n'entend une

montre qu'à quatre centimètres à droite, alors qu'il l'entend à

quinze centimètres à gauche; l'odorat est aboli complètement à

droite : le malade ne reconnait ni l'ammoniaque, ni l'éther, ni le

chloroforme, qui sont par contre vivement sentis à gauche. Le

goût est diminué à droite. Il existe donc unehémianesthésie sensi-

tivo-sensorielle, qui s'arrête franchement à la ligne médiane du

corps.

L'examen oculaire a été pratiqué par M. le professeur Dianoux.

A gauche, l'acuité visuelle est non chiffrable. A droite, il existe une

hémiopie temporale très nette pour toutes les couleurs, blanc,

fouge et vert. Le malade ne perçoit que les objets placés dans la

moitié interne du champ visuel, limité en dehors sur la ligne mé-

diane par une verticale avec encoche centrale. En outre ce champ

visuel hémiopique est rétréci ; la vision rouge atteint 2;i, le blanc

30, le vert 40. L'ophthalmoscope montre d'autre part une atrophie

double des nerfs optiques.

CONVULSIONS POST-TRAUMATIQUES : CRANIECTOMIE. 229

Quand on presse dans l'aisselle droite, on provoque une sensa-

tion de gêne et d'angoisse respiratoire. Il n'existe pas d'autre zone

hystérogène. Pas de sensation de boule. Pas de trouble des

sphincters ; pas trace d'atrophie musculaire; le malade est au con-

traire fortement musclé.

Les réflexes rotuliens et radiaux sont forts, mais il n'existe pas

de trépidation épileptoïde ni aux pieds ni aux mains. L'intelligence

est bien conservée. La parole est nette ; le malade trouve facile-

ment ses mots et les articule nettement ; aucun trouble d'aphasie

motrice ou sensorielle.

A la région frontale gauche supérieure, notre malade présente

la cicatrice d'une ancienne fracture. Cette cicatrice descend de la

racine des cheveux, à égale distance de la ligne médiane du crâne

et de la fosse temporale gauche, sur une étendue de deux centi-

mètres environ. A ce niveau, la peau est déprimée, mais mobile

sur les plans profonds. Le palper montre que l'os frontal est à ce

niveau nettement enfoncé suivant la ligne de la cicatrice. L'exa-

men du reste du crâne ne révèle aucune autre altération.

Quel traitement allons-nous faire subir à ce malade ? Le traite-

ment bromuré a été essayé, sans aucune espèce de résultat ; les

crises, loin de s'éloigner, semblent au contraire, augmenter de

fréquence.

Faut-il trépaner ? Pendant un temps, on a beaucoup trépané, et

les observations se sont accumulées très rapidement ; à qui appor-

terait la plus grosse statistique, toujours avec résultats excellents.

Depuis quelque temps on trépane moins, les observations

publiées sont plus rares. C'est que nous connaissons aujour-

d'hui le résultat éloigné des premières tentatives chirurgicales.

L'ancienneté préhistorique de la trépanation, son innocuité ne

suffisent pas à l'imposer ; ses résultats thérapeutiques sont la

seule base d'appréciation. Et encore faut-il se défier de certaines

observations. Vous trouverez dans les statistiques les plus récentes,

des faits publiés huit jours après l'intervention, et considérés et cotés

partout comme des succès. Ce n'est vraiment ni scientifique ni sérieux.

Pour juger une telle intervention, il faut attendre un an et plus.

Si nous agissons ainsi, nous verrons l'aspect véritable de la ques-

tion. Cet aspect le voici : en 1878, Echeverria, sur 143 cas d'épi-

lepsie traumatique guéris notait 93 guérisons et 18 améliorations.

Avec les progrès de l'antisepsie et de la technique, les succès

auraient dû augmenter : erreur complète. Agnew, en 1891, ne

compte que 4 guérisons sur 57 cas dont 32 autres avaient paru

momentanément améliorés. Tout récemment (décembre 1896), un

élève de Ballet, Thouvenet, étudiait les résultats éloignés de la tré-

panation dans l'épilepsie jacksonnienne ; il put retrouver malades

opérés jadis, et comptés parmi les plus brillants succès chirurgi-

caux, et voici ce qu'il constate :

230 RECUEIL DE FAITS.

1° Malade de vingt-huit ans, était atteint depuis six ans de crises

très fréquentes. Péan lui enlève un librolipome développé aux

dépens de la pie-mère. Deux mois et demi après l'opération, Péan

signalait son succès thérapeutique à l'Académie : les crises avaient

complètement disparu depuis l'opération. Mais quinze jours plus

tard les crises réapparaissaient ; une nouvelle trépanation débar-

rassa le malade d'une récidive de la tumeur, en même temps

qu'on pratiqua, une ablation large de la substance cérébrale, les

suites immédiates de l'opération furent des plus satisfaisantes, et

pendant plus de trois mois le malade n'eut pas de crises. Puis elles

revinrent et le malade finit par succomber.

2° Deux mois après une intervention, M. Péan signalait à l'Aca-

démie, l'histoire d'un enfant de quatre ans et demi qu'il trépana

pour des crises convulsives dues à un abcès sous-méningé. Pen-

dant un an la guérison se maintint ; puis les crises léapparurent,

moins fréquentes il est vrai, mais persistant encore après plusieurs

années.

3° M. Reynier enlève à un enfant de dix ans et demi un gliome.

Les crises disparaissent pour reparaître au seizième jour ; seconde

intervention ; les crises disparaissent pendant deux mois, et l'opé-

ration est placée au rang des guérisons. Malheureusement, un mois

après la publication, les crises réapparaissent et l'état de l'enfant

redevient le même qu'avant l'opération. Troisième intervention, on

trouve au lieu du néoplasme une cicatrice que l'on tente d'extir-

per. « Les crises épileptiformes persistent et n'ont jamais cessé

depuis. Aujourd'hui le malade a dix-neuf ans ; son épilepsie s'est

compliquée de troubles mentaux assez graves pour nécessiter

autour de lui une surveillance de tous les instants. »

4° Un trépané de M. Le Dentu voit ses crises disparaître pendant

cinq mois pour reparaître ensuite.

Tels sont les faits, dans leur brutalité décevante. Certains faits

considérés jadis comme des succès définitifs n'ont pas maintenu

leurs promesses.

Est-ce cependant une raison suffisante pour rejeter toute inter-

vention ? Ce serait là une exagération ridicule et en particulier

chez notre malade, nous serions partisan d'une intervention. Cet

homme a des crises fréquentes, au moins toutes les semaines, il

est dans l'impossibilité absolue de gagner sa vie et réclame qu'on

le débarrasse à tout prix de ses crises. D'autre part, le traitement

médical essayé sous toutes ses formes s'est montré complètement

impuissant. Nous n'avons pas le droit de priver notre malade de

la seule chance qui lui reste, l'intervention, quelque faible que

puisse être cette chance. Nous ferons donc opérer ce malade, mais

nous n'oublierons pas le conseil qu'Allen Starr tire de sa grande

expérience. Nous exposerons la situation au malade, nous lui mon-

trerons l'inanité du traitement interne ; nous lui dirons que l'inter-

CONVULSIONS POST-TRAUMATIQUES : CRANIECTOMIE. 331

vention est seule capable de l'améliorer, et nous avouerons sincè-

rement l'aléa de cette thérapeutique. Nous ne promettrons en

somme rien au malade, nous contentant de le laisser tenter sa

chance, tout incertain que soit le résultat.

Personnellement, nous croyons que pendant l'intervention il

faudra suivre la règle suivante, qui découle de la lecture des obser-

vations. Si l'on se trouve en présence d'une lésion extra-cérébrale,

l'enlever largement. Si, au contraire, les enveloppes sont saines,.

si le cerveau parait sain, mieux vaut se replier en bon ordre. Atta-

quer la corticalité cérébrale, c'est enlever une partie des cellules

et sectionner leurs prolongements ; c'est causer peut-être une para-

lysie irrémédiable et laisser une cicatrice aussi nocive que la

maladie première, au point de vue des accès convulsifs. Donc, opé-

rer sur la calotte cranienne, et respecter la masse encéphalique.

Le malade est opéré à la fin de juin 1898 par notre collègue et

ami VIGNARD. Il pratique une première trépanation au niveau de la

cicatrice frontale. Après mise à nu de l'us, on se rend compte de la

dépression manifeste qui existe à ce niveau, dépression d'environ

3 à 4 millimètres. La dépression est circonscrite par quatre cou-

ronnes de trépan distantes l'une de l'autre d'environ 2 centimètres

à 2 centimètres et demi. Sur la face interne du fragment osseux

enlevé, on voit une saillie, nettement parallèle à la cicatrice cuta-

née ; il y a eu à ce niveau un enfoncement de la voûte cranienne.

Au-dessous les méninges sont normales, mais déprimées au niveau

de la saillie osseuse. A ce niveau aussi la substance cérébrale est

déprimée, mais normale d'aspect. On pratique alors une seconde

trépanation au niveau du centre moteur cortical du bras droit. Il

n'existe à ce niveau aucune lésion ni de l'os, ni des méninges,

ni du cortex. Sans replacer les rondelles osseuses, on suture les mé-

ninges et la peau. Les suites opératoires sont des plus simples.

Pendant les jours qui suivirent, le malade accusa une augmenta-

tion de l'acuité visuelle de l'oeil gauche ; mais cette amélioration

ne se maintint pas et peu à peu l'oeil revint à l'état primitif.

Le malade rentré au service des épileptiques, ne présente plus

de grandes attaques pendant cinq mois. Pendant ce temps il avait

de temps à autre des absences légères, très fugaces et dont il se

rendait compte. Mais à partir du mois de décembre 1898, les at-

taques revinrent moins fréquentes qu'avant l'opération, mais aussi

longues. Voici d'ailleurs le relevé exact des attaques en 1898 et

1899 : .

1898. Janvier : une attaque le 8, durée, quinze à dix-huit mi-

nutes ; une autre le 21, de dix-huit à vingt minutes, -Février :

une attaque le 14, durée vingt-deux à vingt-cinq minutes ; une autre

le 28, durée de dix à treize minutes. Mars : une attaque le 12, du-

232 RECUEIL DE FAITS.

rée vingt à vingt-deux minutes ; une seconde, le 20, de dix mi-

nutes ; une troisième, le 29, de dix à douze minutes.- Avril : une

attaque le 20, durée, treize à quinze minutes. Alai : une attaque

le 22, durée, six minutes ; une autre le 30, de dix minutes.

Juin : une attaque le 27, durée, quinze minutes ; une autre le 28,

de douze minutes. -

Opération (fin juin 1988). De juillet à novembre, pas d'accès,

quelquefois et à de rares intervalles un léger vertige. - Décembre :

un accès le fer, durée, dix-huit minutes.

1899. Janvier : un accès le 2. Février : accèsde quinze minutes

le 9 et un autre de deux minutes le 10. Rien en mars. En

avril : un accès de dix minutes le 4, un autre de douze minutes

le 10. En mai : un accès de dix minutes le 12 et une série de

trente-cinq minutes le 23 (4 accès). - Rien en juin. - En

juillet : un accès de douze minutes le 6 et un le 23 août. A cette

date le malade quitte Nantes pour aller dans sa famille à Paris.

Après l'opération nous avons pu assister à des accès qui

avaient tous les caractères de l'épilepsie essentielle. En par-

ticulier l'attaque du 2 janvier 1899, qui s'est produite dans

notre cabinet. Le malade subitement, après nous avoir exposé

certains chagrins de famille, brusquement pousse un cri, et

tombe à terre, agité des deux côtés à la fois par des convul-

sions cloniques ; morsure de la langue, écume à la bouche,

miction involontaire. Cette attaque dura au moins un quart

d'heure, après quoi le malade resta plusieurs heures dans un

coma absolu. Il n'y a donc aucun doute sur le diagnostic

d'épilepsie essentielle.

L'opération a eu, chez ce malade, un résultat favorable mais

passager. Dans le service on n'a relevé que le nombre des

grandes attaques. De par le tableau ci-dessus ou voit que

pendant les cinq mois qui ont suivi l'intervention, il n'y eut

pas de grandes attaques, mais à partir de ce temps elles

reviennent, moins fréquentes peut-être qu'avant l'opération,

mais cependant assez fréquentes et assez intenses pour empê-

cher le malade de se livrer à un travail quelconque. Mais à

mesure que l'on s'éloigne de l'époque de l'intervention chi-

rurgicale les attaques semblent devenir plus violentes en

même temps que les absences deviennent plus fréquentes. En

résumé le bénéfice de l'intervention a été passager, et, après

une période de repos, les attaques sont revenues comme avant.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 233

Ce fait, très intéressant, s'ajoute à ceux que nous avons

communiqués au Congrès des aliénistes et neurologistes

d'Angers et à ceux que nous avons publiés dans le Progrès

médical et les Archives de neurologie. Nous en publierons

d'autres qui, comme les précédents, démontreront l'inutilité

de la craniectomie dans le traitement de l'épilepsie. B. '' 1

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

XIV. Sur l'origine infectieuse du délire aigu ; par BlANCHI et

PICCININO. (.1nl1. di nevrol., l'asc. I-lI, 1899.)

Le délire sensoriel aigu comprend un groupe de maladies infec-

tieuses et toxiques représentées par des syndromes très semblables,

faciles à confondre entre elles, en l'absence de tout caractère parti-

culier à chacune, sauf l'intensité et le décours. Au point de vue

pathogénique, les syndromes correspondent à des infections et des

intoxications diverses l'une de l'autre. Alors que dans les formes,

moins graves, curables, on ne trouve que des staphylocoques et

streptocoques, dans les formes graves, mortelles, très rares, il

existerait un bacille spécifique déjà décrit par les auteurs. *

J. SÉGLAS.

XV. Singulière manière d'être des pupilles dans un cas de para-

lysie générale au début ; par Zanzi. (Riv. di pat. nerf. et ment.,

fasc. IX, 1899.)

Cas de rigidité pupillaire intermittente. Il s'agit d'un paralytique

chez lequel, avant la période définitive dans laquelle les pupilles

devinrent définitivement inégales, il y eut plusieurs phases de

rémission presque complète. Les pupilles présentèrent toujours

des réactions normales dans les phases de rémission, et l'inégalité

habituelle avec rigidité dans les exacerbations.

La solidarité et le parallélisme des deux manifestations morbides,

de localisations diverses, supposent une cause exerçant une action

générale, le plus vraisemblablement toxique. Les alternatives des

symptômes sont l'indice apparent de l'aggravation et de l'atténua-

tion de ce facteur toxique, dont l'action trop intense et répétée

finit par déterminer la mort de l'élément anatomique et la perte

permanente de la fonction. J. Séglas.

23t Il REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

XVI. La polyurie simple est toujours l'expression d'un fait de

dégénérescence; par SCABIA. (Riv. di pat. neru. et ment., rase.

VII, 1899.)

La polyurie simple doit être toujours regardée comme l'expres-

sion d'un fait de dégénérescence; et lorsqu'il existe en même temps

des symptômes d'hystérie ou d'une autre névrose, ils ne sont que

surajoutés tout simplement à ceux de la dégénérescence. Ou peut

conserver les dénominations de polyurie hystérique, neurasthé-

nique, etc... Elles seront seulement plus explicites, et signifieront

en premier lieu que la polyurie simple s'est développée sur un

fond nettement dégénéré. J. SËGHS.

XVII. Manie, mélancolie et psychose maniaco-dépressive ;

par Il. Gucci. (Riv. di pat. nerf. et ment., fasc. VII, 1899.)

Recherches critiques à propos de la psychose maniaco-dépres-

sive de Kroepelin. -' L'auteur admet l'existence d'une psychose

maniaco-dépressive, dont cependant Kroepelin aurait exagéré

l'importance. L'idée d'absorber dans cette forme tous les cas de

manie et de mélancolie ne correspond pas à l'examen des faits,

qui lui ont confirmé l'existence de la manie et de la mélancolie,

comme maladies différentes, indépendantes, telles qu'on les a con-

sidérées et décrites depuis longtemps. J. Séglas.

XVIII. L'alcalinité du sang dans quelques maladies mentales ;

par Lambranzi. (Riv. di pat. neru. et ment., fasc. VII, 1899.)

Elle est absolument normale dans la forme maniaco-dépressive

de Kroepelin, dans l'hypochondrie, la démence précoce, la démence

sénile, la phrénasthénie, les périodes interparoxystiques de l'épi-

lepsie et de l'hystérie. Elle est probablement normale dans

l'amentia, quelques crises hystériques et la chorée de Huntington.

Elle est inférieure à la normale dans la démence paralytique, et

l'épilepsie pendant l'accès convulsif et un peu avant et après. Elle

est probablement inférieure à la normale durant et après l'attaque

hystérique et dans la dystrophie-thyroïdienne.

L'auteur fait remarquer que les altérations de l'alcalinité du

sang qui peuvent se manifester dans les premières formes de

psychoses doivent être rapportées à l'agitation motrice intense et

prolongée ou au ralentissement exagéré du travail musculaire et

peuvent être ainsi considérées comme accidentelles. En revanche,

celles qui se rencontrent dans la paralysie générale et l'épilepsie,

sont en rapport direct avec la nature même de la maladie, et peu-

vent être permanentes dans l'une, épisodiques dans l'autre.

.. J. SÉGLAS.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 235 5

XIX. La sénilité précoce chez les mélancoliques; par Serafino

ARNAUD. (Riv. di pat. neou. et ment., fasc. IX, 1899.)

Plus fréquentes chez les vieillards, les formes de psychose mé-

lancolique reuvent cependant se développer à toutes les périodes

de la vie, le plus souvent à la période moyenne. La femme est

plus prédisposée que l'homme à cette forme de psychose, surtout

à cette époque de la vie. An delà de cinquante ans, la différence

entre les deux sexes disparait, parce que la sénilité atteint une

grande partie des caractères sexuels secondaires.

Chez le plus grand nombre des mélancoliques, il y a une pro-

fonde déchéance des fonctions organiques. Dans certains cas,

cette déchéance est purement fonctionnelle, sans lésions appa-

rentes des organes; dans d'autres, elle est accompagnée de carac-

tères évidents d'une involution précoce de l'organisme. La pro-

portion des premiers cas est de 39 p. 100; celle des seconds de

10,9 p. 100.

Chez les mélancoliques présentant des caractères de sénilité

précoce, le pronostic est presque absolument défavorable. Sur

109 malades observés par l'auteur, il n'y eut aucune guérison, et

seulement 4 améliorations. Dans tous les autres cas, la marche de

la psychose ne présenta aucune rémission et s'achemina plus ou

moins rapidement vers la chronicité. J. Séglas.

XX. Contribution clinique à la doctrine de la démence précoce;

par les DIS Finzi et VEDIIANR. (Rie. sp. di faSC. 1-11, 1899.)

Dans ce travail, les auteurs se sont inspirés des vues exposées

par Kroepelin dans la dernière édition de son Traité de psychia-

trie. Ils pensent, qu'en s'en tenant au critérium clinique qui classe

les maladies mentales suivant l'ensemble de leur évolution et leur

terminaison, il existe des formes cliniques qui ne peuvent rentrer

logiquement dans les descriptions des maladies communes, et que

l'unique forme décrite jusqu'à ce jour, présentant des caractères

cliniques identiques est l'hébéphrénie de Hecker. Ces caractères

cliniques fondamentaux se résumant dans une forme particulière

d'affaiblissement psychique acquis, sont d'autre part communs à

ces cas, et à ceux-là seuls qui en grande partie sont désignés du

nom de catatonie de Kalhbann, de paranoïa fantastica (paranoïa

hallucinatoire) et de démence paranoïde de Kroepelin.

D'où la nécessité clinique de les comprendre sous une même

dénomination nosographique, celle de démence précoce. Il est

extrêmement probable que le syndrome catatonique, comme les

hallucinations et les idées délirantes ne sont pas pathognomoni-

ques et caractéristiques à eux seuls d'une forme morbide déter-

minée, mais se présentent dans différentes maladies, en se super-

236 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

posant aux signes vraiment pathognomoniques et se modifiant en

conséquence plus ou moins. Il semble seulement qu'ils soient

plus fréquents dans ces formes de démence juvénile qui présen-

tent les mêmes caractères cliniques fondamentaux que la maladie

décrite par Hecker. J. SÉGLAs.

XXI. Deux cas d'idiotie myxoedémateuse ; par Tanzi.

(Riv. di pat. zzezv. et ment. fasc. IV, 1899.)

XXII. Une variété de myxoedème fruste; par Tambroni et Lambranzi.

(Riv. di pat. Msn'. et ment., fasc. V, 1899.)

XXIII. Les « Stéréotypies » dans les démences et spécialement dans

les démences consécutives ; par le D' C%Nzio Ricci. (Riv. sp. di

(l'en., fasc. 1-Il, 1899.)

Etude complète et très intéressante des différentes variétés de

stéréotypies que l'auteur divise en trois groupes : 1° attitudes ou

stéréotypies akinésiques ; 2° mouvements ou stéréotypies paraki-

nésiques ; 3" actes ou stéréotypies dyspraxiques. Au point de vue

de leur signification, elles se classent en deux catégories entre

lesquelles il est difficile de tracer une limite distincte : dans la pre-

mière il s'agirait de reviviscence de phénomènes ataviques, dans

la seconde de phénomènes automatiques proprement dits. Quelques

brèves considérations sur la séméiologie, la fréquence, le mode de

développement, la valeur pronostique terminent le mémoire.

J. SÉGLAS.

XXIV. Sur les rapports de la cérébroplégie infantile avec l'idiotie ;

par E. Tant. (Reu. di pat. neru. et ment., fasc. V, 1899.)

Les caractères différentiels entre l'idiotie vulgaire et la cérébro-

plégie psychique peuvent se résumer schématiquement de la façon

suivante :

Formes vulgaires d'idiotie et Formes classiques, frustes et

d'imbécillité . purement psychiques d'idiotie et

d'imbécillité cérébroplégiques.

Hérédité névropalliique. L'hérédité manque (en général).

Absence d'étiologie dans les Il existe presque toujours un

antécédents personnels. facteur étiologique individuel :

dystocie, traumatisme somatique

ou psychique, infection, hérédo-

syphilis.

Les symptômes apparaissent Les symptômes apparaissent à

graduellement. l'improviste.

Absence de paralysies, parésies, Il existe des paralysies, paré-

contractures, épilepsie, chorée ou sies, contractures, épilepsie, cho-

lonrs équivalents, rée, athétose, pseuclo-attétose,

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 237

hypertonie, exagération des ré-

flexes patellaires, sauf dans les

formes de cérébroplégie purement

psychique.

Malformations typiques hérédi- Déformations accidentelles par

taires. atrophie

Caractères psychiques de per- Caractères psychiques d'insuffi-

version : vanité, hypocrisie, iras- sauce : inactivité, inaITectivité,

cibilité, dégradation morale. anidéisme, alalie ; ou activité

ordonnée, caractère bon, idéation

régulière, mais limités.

Délires paranoides, idées déli- Absence,

rantes.

Episodes (courts) de mélancolie, Absence,

manie, amentia. ,

Aptitudes partielles. Absence.

Régularité de la microcéphalie Désharmonie de la microcé.

si elle existe ; microcéphalie vraie phalie si elle existe, microcéphalie

par agénésie. fausse.

Prédominance des variétés Prédominance des variétés dé-

eaaltées. primées.

L'évolution peut être marquée L'évolution est divisée en une

d'incidents psychopathiques, à la période aigué et une chronique

suite desquels peut survenir de qui dure toute la vie. Cette del-

la démence secondaire, qui aug- nière est quelquefois progressive,

mente la dégradation psychique quelquefois décroissante, spécia-

des malades. lement en raison de l'allure clffé-

rente de l'épilepsie.

Elles embrassent tous les degrés Elles embrassent tous les degrés

d'imbécillité, mais spécialement de l'insuffisance psychique, mais

les plus légers, et toutes les va- spécialement les plus graves; et

riétés possibles y compris la folie dans les cas d'idiotie légère ou

morale. nulle, absence de toute note psy-

chopathique et de dépravation

éthique.

Longévité. Vie courte.

Les idioties vulgaires sont des Les cérébroplègies psychiques

anomalies héréditaires. (extra-rolandiques etrolandiques)

représentent les résidus d'une

maladie accidentelle.

J. S1 : GL.4S.

XXV. Les songes d'attaques des épileptiques; par Maurice DucosTÉ.

(Journal de Médecine de Bordeaux. 1899, nos zig49.)

Quatre observations d'épileptiques dont les songes présentent

des particularités fort intéressantes. Ces songes ne se produisent

que lorsque les malades ont des attaques; ils ne surviennent pas

en dehors d'elles et ne se placent, dans le temps, ni avant ni

après. On peut donc admettre la formule suivante : « Il est des

songes spéciaux toujours les mêmes pour un même malade

ZOO REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

qui imprègnent la conscience au moment d'une crise épileptique. »

Une des particularités les plus curieuses de ces songes, c'est

qu'on peut assez facilement les schématiser en quatre phases

parallèles aux phases de l'attaque convulsive. Dans le songe

l'aura existe, même lorsqu'elle est insensible à l'état de veille, la

période tonique est une phase d'immobilisation, d'angoisse, la

période clonique d'agitation, de fuite, de lutte; enfin lorsque le

stertor apparaît, la mort termine le songe. Cette constance de la

mort dans les « songes d'attaques » leur constitue un autre carac-

tère bien spécial, d'autant qu'elle s'accompagne invariablement

d'une douleur cérébrale particulière. Enfin la prédominance du

rouge dans les tableaux du rêve est à remarquer.

Si le diagnostic de certains cas d'épilepsie peut tirer quelque

secours de cette notion nouvelle, le pronostic semble également

devoir parfois en faire son profit. M. Maurice Ducosté n'a pas

hésité dans un cas à placer des vésications circulaires au-dessus

du point de départ d'une aura périphérique, insensible à l'état de

veille et révélée simplement par le songe : les résultats ont semblé

satisfaisants. En outre, le « songe d'attaque » calque fidèlement

les mutations de l'attaque elle-même; de telle sorte qu'on peut,

au récit seul des songes, suivre la marche des attaques et savoir

notamment si elles restent ou non complètes.

Une observation est encore intéressante en ce sens que le malade

présentait des .troubles psychiques transitoires après un rêve tou-

jours semblable à lui-même; mais derrière ce rêve se cachait une

attaque d'épilepsie, de telle sorte que ce qu'on aurait pu prendre

pour une « psychose onirique » n'était qu'un trouble post-paroxys-

tique. L'auteur rapproche ses « songes d'attaques » des « rêves

d'accès » de Féré, et pense avec raison, semble-t-il que

l'étude des rêves des épileptiques présente une réelle importance.

XXVI. Sur la folie puerpérale; par C. 1\L\CDONALD. (Médical Record,

18 février 1899.)

Revue de vulgarisation à l'usage des praticiens non spécialistes.

L'auteur y reproduit les vues du professeur Clouston, d'Edim-

bourg. A. M.

XXVII. Opérations gynécologiques dans la folie; par 111ANTON

(de Détroit). (Médical News, 11 mars 1899.)

Dix-sept observations de psychoses opérées par l'auteur sur

lesquelles une seule récidive et sept guérisons ou améliorations de

l'état mental. Les psychoses ainsi traitées furent quatre mélanco-

lies, deux manies, trois folies périodiques et des monomanies et

paranoïa diverses plus ou moins compliquées de démence.

Dix cas dataient de plus de dix ans; dans quatre cas il y eut

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 239 9

lieu à hystérectomie totale, dans les autres à des curettages tra-

chélorrhaphies ou ventrolixations pour déviations. A. Marie.

XXVIII. Névroses (Médical Record, mars-avril-mai 1899). Suites

d'articles originaux : 1° Sur l'hystél'O-ll'awnatisme au point de vue

médico-légal (et les psychoses secondaires); par P. 13ALLLY, de

New-York (4. mars); 2° Sur les névroses cardiaques et leur

traitement (traces sphygmographiques à l'appui de l'effet des

bains de Nauheim); par T. ScuoTn de Nauheim (11mars);-

3° Sur l'étiologie et le traitement de la neurasthénie (analyse de

333 cas); par J. COLLUIS et C. PIIJLLIPS, de New-York (25 mars);

le point de vue thérapeutique est ici soigneusement développé

au dépend du côté clinique que le grand nombre des cas invo-

qués semblait impliquer; 4° Sur le traitement de la chorée par

l'emploi prolongé du chloral à haute dose; par L. LICHT5Cl ! EIN

(le, avril, 3 observations) ; - 5° Sur les équivalents d'épilepsie;

par S. BROWN. 5 observations d'épilepsie larvée ou accompagnée

de migraines ophtalmiques (29 avril) ; 6° Sur l'épilepsie idiopa-

thiqzie, son diagnostic et son traitement (Kbr trinitrine hyoscitze, etc.);

par W. LESZYNSKY (20 mai). A. M.

XXIX. Compte rendu préliminaire de l'examen des urines chez les

aliénés, avec le compte rendu de 202 cas; par Edwin-G. KLEtN.

(The 11'eiv York Médical Journal, 18 mars 1899.)

Voici les points principaux à relever dans ce travail :

Chez 50 des aliénés observés, la moyenne des vingt-quatre heures

a été de 1.125 centimètres cubes pour les hommes et de 1.020 cen-

timètres cubes pour les femmes. La densité moyenne pour le même

nombre de malades, de 1.019. La réaction a toujours été acide. Le

total des résidus était en général au-dessous de la normale. L'urée,

comme dans l'urine normale, variait avec la densité, mais son taux

général était abaissé.

Les phosphates étaient au-dessous de la moyenne chez les ma-

lades agités, et au-dessus chez les sujets déprimés. Les oxalates

étaient en excès chez six des malades déprimés. Dans trois cas sur

quatre, les chlorures ont été trouvés en excès après une attaque

d'épilepsie ; il en a été de même après une crise convulsive au

cours d'une paralysie générale. L'excès d'acide urique a été fré-

quemment observé dans la démence et plusieurs fois dans la para-

lysie générale. L'excès d'urates se rattachait ordinairement à un

état dyspeptique. On a trouvé de la peptonurie deux fois sur douze

cas de paralysie générale. Sur les 202 cas observés, l'albumine a

été trouvée quatre fois. Le sucre a été rencontré quatre fois, ce qui

fait rentrer les aliénés à cet égard dans la moyenne ordinaire.

R. DE MUSGRIN'E-CLIY.

240 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

XXX. Sur les rapports de l'épilepsie nocturne avec la rétro-éjacula-

tion du liquide séminal; par ALUN Mac LAIE IIAnrILTOM. (The

New York Médical Journal, 23 avril 1898.)

Tout le monde sait combien le diagnostic des attaques nocturnes

d'épilepsie est quelquefois difficile; et comment elles demeurent

souvent ignorées du malade, ne se traduisant au -réveil que par

des sensations assez peu caractéristiques. Dans ces cas l'inconti-

nence d'urine a une grande valeur séméiologique, et ce symptôme

est peut-être plus souvent qu'on ne pense chez l'enfant le premier

signe de l'épilepsie ; mais on n'a jusqu'ici attaché que peu ou point

d'importance aux rapports de l'orgasme sexuel ordinaire avec la

névrose convulsive. Récemment l'auteur a pu observer un certain

nombre de cas dans lesquels il existait un symptôme peu com-

mun, et pouvant être rapporté à l'épilepsie de deux manières dif-

férentes, soit en précédant des crises convulsives apparaissant

pendant les heures de veille, soit parce que, en tant que phéno-

mène perturbateur du sommeil, il se présentait sous une forme

assez sérieuse pour qu'on fût amené à le considérer comme une

forme nette d'attaque épileptique nocturne. L'auteur pense donc

avoir découvert une forme de l'épilepsie nocturne consistant en

un orgasme vénérien sans écoulement du sperme au dehors, et se

terminant par une rétro-éjaculation du liquide séminal. Ces phé-

nomènes se présentaient sans être nécessairement accompagnés

de rêves voluptueux, et le malade n'en conservait que rarement le

souvenir, bien qu'il fut quelquefois éveillé en ce moment par une

sensation de contraction musculaire locale et de battement. L'ap-

parition ultérieure dans le cours de la journée suivante d'attaques

épileptiques bien caractérisées a convaincu l'auteur qu'il ne s'agit

pas là de l'acte physique ordinaire de l'éjaculation, mais qu'il s'a-

gissait effectivement d'un signe probant de l'épilepsie. Dans ces

cas, l'examen de l'urine révéla dans le liquide la présence de

spermatozoïdes qui ne s'y rencontraient pas à d'autres moments ;

et dans un cas, la présence d'une morsure récente de la langue

vint corroborer l'interprétation proposée. Quant à la rétro-éjacu-

lation par elle-même elle constitue un fait connu depuis longtemps.

Un semblable état de choses est-il la cause ou simplement un

épisode de l'épilepsie, c'est ce que l'auteur se déclare incapable de

décider. Mais ce qui résulte positivement de la connaissance de ces

faits, c'est que lorsque des troubles nocturnes de cet ordre existent

chez un malade, il convient de soigner, non seulement l'état local

s'il y a une lésion, mais encore de traiter le malade comme un

épileptique avéré ; et si un problème médico-légal venait à surgir,

il serait nécessaire d'examiner quotidiennement l'urine à l'aide du

microscope et de rechercher avec soin les autres symptômes propres

à confirmer le diagnostic d'épilepsie. Il. DE 1\lUSGItAVE-CLAY.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 241

XXXI. Le phocomelus de l'humérus dans l'épilepsie considéré

comme un stigmate de dégénérescence, avec deux observations;

par L. l'IEaas Clark. (The Nezo York Médical Journal, 13 mai 1899.)

Si la fréquence et la variété des stigmates que l'on rencontre

dans une maladie peuvent donner la mesure de son degré de dé-

générescence, l'épilepsie doit figurer au premier rang avec l'idiotie

et l'imbécillité. L'auteur tient d'abord à expliquer que s'il a em-

ployé le terme phocomelus, qui est ordinairement pris dans la

littérature médicale dans le sens d'une monstruosité, c'est à cause

de son étymologie et pour désigner le raccourcissement du membre,

et non point pour l'assimiler à une monstruosité, puisqu'il entend

simplement en faire un stigmate. L'humérus est de beaucoup l'un

des os longs qui présentent le moins de variétés de longueur, et

dans le petit nombre d'anomalies qui lui sont attribuées, l'épilep-

sie n'est pas mentionnée. La bibliographie de l'anthropométrie est

fort étendue et surtout alimentée par les auteurs français ; depuis

vingt ans, bien avant que les stigmates de dégénérescence aient

été admis par l'ensemble des médecins, Bourneville mesure avec

soin les épileptiques ; mais malgré les allusions fréquentes qu'il

fait à l'asymétrie du crâne, de la face, etc., on ne voit nulle part

qu'il ait soupçonné que les anomalies des os longs accompagnent

l'épilepsie ; il parle d'asymétrie, mais non d'anomalies ou de mons-

trtcosités. Féré, dans ses premiers travaux, ne parait pas s'en

préoccuper, et c'est seulement dans le Twentieth Centw'y Practice

qu'il reconnaît le raccourcissement des membres comme stigmate

épileptique.

L'auteur intercale ici une première observation due à Raymond

et Janet; il s'agit d'une jeune fille épileptique, âgée de dix-neuf

ans, présentant une asymétrie presque complète du corps ; le

crâne est irrégulier, le côté gauche de la face moins développé, le

côté gauche du thorax plus petit. Les deux bras sont de longueur

inégale ; à gauche la distance de l'acromion à l'épicondyle est de

28 centimètres, et à droite de 29 centimètres. Les deux avant-bras

présentent le même degré d'asymétrie. Il existe un raccourcisse-

ment correspondant des extrémités inférieures.

L'auteur passe ensuite en revue les travaux publiés dans divers

pays. En France, Féré, jusqu'au travail mentionné plus haut, ne

s'est pas occupé du raccourcissement du membre. Il passe ensuite

aux travaux publiés par Bourneville et ses internes; en raison du

caractère très novateur et très complet de ces travaux, en raison

surtout des mensurations prises systématiquement pendant des

années, M. Clark avait espéré trouver là l'indication de quelques

anomalies ; or dans toutes les observations publiées avec détails,

l'humérus a été mesuré et il est toujours indiqué comme de lun-

gueur égale des deux côtés ; cinq ou six cas, dans lesquels Bour-

AnCII1YES, 2* série, t. IX. 16

242 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

neville signale un degré très accusé de raccourcissement progressif

consécutivement à une hémiplégie associée à l'épilepsie, ne peuvent

entrer en ligne de compte puisqu'il s'agit là d'une conséquence

pathologique et non pas d'un stigmate congénital ; l'auteur résume

cependant, en raison de l'intérêt qu'elles présentent, quelques-unes

de ces observations. Il passe ensuite aux auteurs italiens : l'im-

portance que l'école deLombroso attache aux sigmates de dégé-

nérescence lui avait fait espérer des faits intéressants ; mais Lom-

broso ne mentionne même pas ce sujet. Tonnino, qui publie un

volume sur les rapports de l'épilepsie avec la dégénérescence, ne

parle pas des os; Donaggio publie un article sur le développement

des membres dans l'épilepsie, mais ne s'occupe que des muscles,

et mesure la circonférence des membres en négligeant leur lon-

gueur. Enfin Virchow a publié sur le phocomelus, en 1898, un travail

que M. Clark n'a pu se procurer.

L'auteur examine ensuite l'asymétrie humérale considérée

comme fait anthropologique ; il résume les données fournies par

Guldberg, Arnold, Krause, Rollet, von liasse et ! \1atiezJ¡a ; ce der-

nier auteur donne de ses recherches les conclusions suivantes : chez

les adolescents, les extrémités sont souvent d'égale longueur; l'ex-

trémité droite est ordinairement la plus longue, surtout chez

l'homme ; chez l'adulte la symétrie parfaite est rare, et c'est

encore le côté droit qui est prédominant. L'auteur rapporte en-

suite deux observations : la première est celle qui a été publiée

avec une photographie, par le Dl' Peterson ; la malade est passée

depuis sous la direction du D1' Clark, qui a complété l'observation;

il signale surtout à propos de cette malade un détail fort intéres-

sant et que le D1' Peterson avait omis d'indiquer, c'est que le

membre du côté opposé au phocomelus était hémiplégique depuis

la première enfance. La deuxième observation est complètement

personnelle à l'auteur. Il. de ! \1USGRAVE-CLAY.

XXXII. Paranoïa ; par Ross GEORGE Loor. (The New York Médical

Journal, 8 octobre 1898.)

On sait que la paranoïa est un délire systématisé dans la pro-

duction duquel l'hérédité joue un rôle important ; elle est plus

rare que la manie et la mélancolie dont elle diffère radicalement

dans la plupart de ses manifestations; le délire systématisé peut

être expansif ou hypocondriaque, ou bien encore ces deux variétés

peuvent alterner. L'intelligence est souvent peu atteinte, aussi

a-t-on désigné longtemps cette forme d'aliénation mentale sous le

nom de folie partielle ; cependant il est dangereux de laisser de

pareils malades en liberté. Elle est surtout fréquente chez la femme

à la puberté et à la ménopause. Elle rentre dans la catégorie des

maladies par dégénérescence, et les stigmates de cet état s'y ob-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 243

servent très souvent. Elle se présente sous deux formes, une forme

primitive (Wahnsinn) et une forme secondaire (Verrùcktheit). La

première est brusque dans son début, la seconde se développe d'une

façon plus lente et plus progressive. Le pronostic est défavorable,

et le traitement ne donne guère de résultats. Ce mémoire est suivi

de trois observations. H. de ! \IOSGR : 1VR-CL.1Y.

XXXIII. Le crétinisme sporadique; son diagnostic différentiel avec

certaines formes d'idiotie et avec d'autres maladies ; par Henry

IOPLIA. (The New York Médical Journal, 4 septembre 1897.)

L'auteur commence son travail par un historique sommaire de

la question du crétinisme en Amérique et passe ensuite à la défi-

nition du crétinisme sporadique. Le crétinisme sporadique, ou

myxoedème infantile ou congénital doit actuellement com-

prendre les cas congénitaux autrefois décrits sous le nom de ra-

chitisme congénital. Il peut, soit être congénital ou foetal, soit ap-

paraître quelque temps après la naissance. Le tableau clinique du

crétinisme endémique et du crétinisme sporadique est similaire,

mais non identique. Ici se place un résumé historique de l'étude

du crétinisme endémique sur lequel nous n'insistons pas.

Hilton Fagge a le premier employé le terme de crétinisme spo-

radique, et à l'heure actuelle nous désignons par cette dénomi-

nation un état particulier, analogue par beaucoup de ses traits

cliniques, au crétinisme endémique, apparaissant soit pendant la

vie intra-utérine, soit quelque temps après la naissance, et dû

probablement au poison qui agit sur le corps thyroïde et cause la

dégénérescence myxoedémateuse ou crétinoïde. Il y a quelques-

unes des particularités du crétinisme sporadique qui ne se ren-

contrent pas dans la forme endémique; dans cette dernière, par

exemple, nous avons constaté la réunion des sutures osseuses du

crâne ; dans les cas sporadiques, au contraire, on remarque

une tendance contraire, les fontanelles et les sutures demeurent

longtemps sans se réunir, et la dentition est retardée. Dans la

forme sporadique, la peau est beaucoup plus nettement myxoedé-

mateuse que dans la forme endémique.

L'auteur a observé plusieurs cas de crétinisme sporadique, et il

les relate dans son travail ; le premier de ces cas était remarquable

par trois particularités très accentuées : l'état myxoedémateux, la

macroglossie, et l'abaissement de la température rectale. La mar-

che avait été très tardive, et était demeurée incertaine, comme

dépourvue d'aplomb. La macroglossie a diminué lentement. Les

mains sont restées un peu volumineuses. Traitement : médication

thyroïdienne. Il est à remarquer que cet enfant avait eu de l'ictère

des nouveau-nés, et que deux autres malades atteints comme

celui-;ci de crétinisme sporadique, et dont l'une était sa soeur, ont

également eu de l'ictère.

244 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

Dans le second cas, où une amélioration fut obtenue comme

chez le malade précédent et par le même traitement, il y avait

prédominance des symptômes myxoedémateux ; l'enfant avait été

bien portant jusqu'à l'âge de quinze ou seize mois; à ce moment,

apparition d'abcès multiples, dont quelques-uns ressemblaient à

ceux de la syphilis congénitale, à laquelle pourtant ils ne se ratta-

chaient nullement; en s'ouvrant ils donnaient non du pus, mais

un liquide blanchâtre, crémeux ; ils disparurent sous l'influence de

la médication thyroïdienne. 11 faut noter en passant qu'une sus-

pension passagère de cette médication fit reparaître tous les symp-

tômes myxoedémateux. L'enfant est resté très arriéré, mais non

dépourvu d'intelligence. Il peut marcher sans être soutenu. La

voix a un timbre normal. Le petit malade a toujours froid.

Dans le troisième cas, il s'agit d'un enfant d'un mois qui pré-

sentait de légers symptômes de crétinisme. Sa mère avait déjà ac-

couché d'un crétin. L'aspect absolument stupide de l'enfant, l'a-

baissement de la température rectale, la conformation particulière

des extrémités, surtout par rapport au tronc, l'épaississement de

la langue, les rides du front et des mains, le front bas, rappelant

celui d'un animal, l'épaisseur des lèvres, la macroglossie, la ru-

desse du cri, enfin l'amélioration immédiate de la plupart de ces

phénomènes sous l'influence du traitement thyroïdien, tout cela

indiquait nettement qu'il s'agissait d'un cas de crétinisme congé-

nital. Il est intéressant de remarquer que, dans ce cas, la propor-

tion de l'hémoglobine au début était plus élevée que plus tard,

bien que la médication thyroïdienne ait été immédiatement em-

ployée, ce qui semblerait indiquer que l'anémie du crétinisme se

développe à mesure que la maladie progresse, et n'existe pas

encore à la période initiale.

Dans ces différents cas, le traitement thyroïdien a certainement

arraché ces petits malades à une idiotie perpétuelle, mais il n'a pu

aboutir à la restauration parfaite de l'état psychique.

Des cas pouvant simuler le crétinisme ont été publiés par divers

observateurs, tantôt comme des cas de pseudo-crétinisme, tantôt

comme des cas de crétinisme vrai. La dénomination de pseudo-

crétinisme est passible de plusieurs objections, mais il demeure

certain qu'il y a des cas qui pour n'être pas du crétinisme vrai,

sont très difficiles à classer. L'auteur va essayer de décrire quel-

ques-unes de ces formes spéciales et de montrer en quoi elles dif-

fèrent du crétinisme vrai ; il envisagera successivement : 1° le na-

nisme, avec idiotie, et arrêt partiel du développement intellectuel;

1.0 l'idiotie du type mongolien ; 3° la lipomatose généralisée (qui

est une forme d'idiotie partielle avec accumulation graisseuse) ;

4° un état spécial d'bydrémie anémique qu'il faut distinguer de la

dégénérescence du crétinisme.

1° L'auteur a pu observer un cas de la première catégorie ; il

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 245

s'agit d'une fillette de dix ans et demi née de parents sains, mais

dont une tante était épileptique. Cette naine était très bien confor-

mée, avec des pieds et des mains parfaitement proportionnées. La

tête était de forme régulière avec légère tendance à la brachycé-

phalie. Pas de myxoedème; l'enfant est intelligente, curieuse de

s'instruire, joue volontiers avec d'autres enfants; elle ne parle que

depuis un an. La température rectale est normale. L'enfant se met

facilement en colère. L'expression du visage n'est pas celle du cré-

tinisme ; pas de prognathisme.

2° Le type mongolien de l'idiotie a peut-être plus que tout autre

type, été rangé parmi les faits de crétinisme. Les idiots du type

mongolien présentent en effet un grand nombre de particularités

qui les font ressembler aux crétins ; ils ont en outre fort souvent

du strabisme et leurs yeux sont manifestement du type mongo-

lien. La tête est petite, souvent du type brachycéphalique, les fon-

tanelles restent longtemps ouvertes et la dentition est retardée.

Mais il n'y a pas de myxoedème, et les mains, quoique plates, ne

sont pas en soucoupe comme celles-des vrais crétins; il manque

enfin cette teinte verdâtre de la peau et ce prognathisme qui se

rencontrent dans le crétinisme. Les muscles sont flasques, mais il

n'y a pas de difformité des membres. L'action favorable du traite-

ment thyroïdien chez ces malades est encore discutée. L'auteur

rapporte ici une observation résumée d'idiotie du type mongolien

accompagnée de macroglossie.

3° La lipomatose généralisée est excessivement rare ; M. Koplik

a été assez heureux pour en rencontrer un cas : il s'agit d'un en-

fant de dix ans, sans hérédité ; la tête était petite et le front bas;

mais là s'arrêtait la ressemblance avec le crétinisme. Il n'y avait

pas de prognathisme, pas de myxoedème, pas d'anémie. L'accu-

mulation adipeuse était énorme. L'intelligence était bornée. La

faiblesse et le tremblement musculaire, ainsi que la cécité partielle

que l'on observait chez ce petit malade paraissaient une consé-

quence de la dégénérescence graisseuse.

4° Le dernier ordre de faits renferme les états d'anémie hydré-

mique, dans lesquels le gonflement des paupières, de la face et des

lèvres, simule pour un observateur inexpérimenté, un début de

dégénérescence myxoedémateuse. Mais l'hydrémie s'étend rare-

ment à d'autres parties du corps. La température rectale est nor-

male, et l'intelligence de ces malades est ordinairement très vive.

Dans aucun des cas publiés on n'a trouvé d'albuminurie. En somme

l'analogie avec l'état myxoedémateux est tout à fait superfiéielle.

Il n'y a pas de macroglossie, pas de chute des cheveux, pas de sé-

cheresse ni de dureté de la peau ; l'auteur rapporte ici deux obser-

vations résumées de cette maladie. R. DE Musgrave-Clay.

246 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

XXXIV. La marche vers la folie; par SmTx Bai;En. (The New York

Journal, 14 août 989'7.)

Les éléments de la marche progressive vers la folie se rencon-

trent surtout dans l'atavisme, dans le mariage, dans les défauts

de l'éducation. Les données fournies par ces divers éléments peu-

vent conduire à une prophylaxie utile de l'aliénation mentale.

1;. M. C.

XXXV. La nouvelle loi sur la folie et sur l'internement des aliénés;

par S.-B. Lyon. (The Nezv York Médical Journal, 10 août 1897.)

Commentaire et discussion de la législation sur les aliénés mise

récemment en vigueur dans l'Etat de New-York. R. M. C.

XXXVI. Les points de différenciation entre la syphilis cérébrale

et la paralysie générale des aliénés ; par Iiocx T. PATRICK. (The

New York Médical Journal, 20 août, 27 août, 10 septembre et

17 septembre 1898.)

Ce travail est la reproduction de deux leçons cliniques faites

par M. Patrick; il constitue un exposé clair et méthodique de la

question, et à ce titre, il est intéressant. R. M. C.

XXXVII. Sur la limite scientifique entre l'état sain de l'intelligence

et la folie ; par Edward C. l3uncE. (The New York Médical Journal,

1er octobre 1898.)

Les conclusions de l'auteur sont les suivantes :

« 10 La folie est le symptôme de tout processus pathologique

intéressant les centres psychiques du cerveau; par conséquent la

ligne de démarcation entre l'état sain et la folie se trouve au point

précis où l'état pathologique du cerveau diverge de l'état sain du

cerveau, le mot cerveau étant pris dans le sens de centres psy-

chiques. »

. « 2° Les dénominations de « folie » et de « fous » doivent être

appliquées à tout état dans lequel se manifestent des déviations

du type normal de la fonction psychique. Si les mots soulèvent

ici quelque objection, nous ne demandons pas mieux que de les

supprimer et de les remplacer par d'autres ne présentant pas les

mêmes inconvénients. La disparition du langage scientifique cou-

rant de ces vocables, serait en effet accueillie par tout le monde

avec une réelle satisfaction, puisqu'ils demeurent entourés d'une

atmosphère de superstitions et de préjugés dignes du moyen

âge. »

« 3° Les opinions énoncées dans ce travail aideraient certaine-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 247

ment à dissiper les pires malentendus qui existent au sujet de la

folie et des fous. Il ne faut négliger aucune occasion de faire à

cet égard une propagande systématique. Quand il demeurera

acquis une lois pour toutes que la folie est le symptôme d'une

véritable lésion du cerveau, une maladie comme toutes les autres,

accessible au traitement, nous qui luttons actuellement en faveur

des méthodes plus rationnelles et plus humanitaires, nous ren-

contrerons moins d'obstacles dans nos efforts pour obtenir ce qui

nous est nécessaire pour atteindre notre but. »

R. DE nIUSGR1'G-CLaY.

XXXVIII. Observation d'un cas de neuro-psychose traumatique ;

par C.-E. IDE. (The New York Médical Journal, 9 septembre 1899.)

Homme de cinquante et un ans, très bien portant, pas alcoolique

et ne paraissant pas syphilitique. En octobre 1893, il est projeté

hors de sa voiture, perd connaissance, et revenu à lui, a beaucoup

de peine à marcher. Il resta au lit environ une semaine avec les

symptômes suivants, que nous résumons : pour le cerveau : cé-

phalalgie occipitale sourde, insomnie, sensation de bandeau fron-

tal, endolorissement du cuir chevelu; pour l'intelligence :

crainte morbide de voir du monde, abattement moral; pour la

moelle : douleur au dos, aux bras, au ventre : tremblement des

mains et des bras; pour l'appareil digestif, selles muqueuses et

sanglantes ; pour la sensibilité et la motilité : dysphagie,

vision imparfaite, tintements d'oreille.

Lorsqu'il quitte son lit on note, pour le cerveau les mêmes

symptômes; pour l'intelligence, le malade ne veut ni voir du

monde ni rester seul : il est irritable (il ne l'était pas) et oublieux;

pour la moelle, il a mal au dos, il boite; il y a de la paralysie

des jambes et de la vessie, de l'hyperesthésie de la peau du dos,

de la diminution de la puissance génitale, du tremblement des

mains et des bras, de l'exagération du réflexe rotulien; - au

point de vue vasomoteur, froid aux extrémités, sueurs exagérées,

teinte bleue des pieds et des mains, tachycardie, palpitations;

pour l'appareil digestif, constipation, anorexie, dyspesie, douleurs

intestinales et épigastriques; au point de vue sensoriel et mo-

teur : tintements d'oreilles, vision imparfaite et photophobie,

dysphagie, exagération de l'ouïe, limitation concentrique du

champ visuel, conjonctive injectée, asthénopie motrice, sensibilité

douloureuse des globes oculaires : diminution de la sensation du

toucher et de la thermo-esthésie, lenteur du sens musculaire, etc.

- Le malade s'amaigrit rapidement, et lui qui était grand tra-

vailleur, perdit absolument le goût du travail. Comme il y avait

en jeu une question de dommages-intérêts, on pouvait se deman-

der s'il n'y avait pas simulation : l'auteur, pour de bonnes rai-

248 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

sons, repousse cette hypothèse; aussi admet-il qu'il s'agit dans ce

cas d'une neuro-psychose traumatique vraie. R. M. C.

XXXIX. Etude sur l'histoire naturelle des manifestations cliniques

et des altérations pathologiques dans les maladies du poumon

chez les aliénés; par-H.-A. TOMLINSON. (The New Y01'k.Medical

Journal, 11 mars 1899.)

Les recherches de l'auteur ont porté sur 167 décès dont 50 ont

été attribués à la phthisie. Sur 72 autopsier 24 étaient des cas de

phthisie; mais même dans les autres autopsies on a toujours

trouvé des lésions pulmonaires. Une recrudescence de tuberculose

dans l'asile à un moment donné était manifestement due à ce que

la moitié au moins des vaches de l'asile était tuberculeuse : cette

cause a été puissamment aidée par l'encombrement. Dans la plu-

part des cas où la tuberculose a été constatée, elle était récente.

On a trouvé la dégénérescence du tissu pulmonaire aussi souvent

dans les cas d'insuffisance rénale que dans ceux qui se ratta-

chaient à la phthisie, et en fait des lésions se sont rencontrées

dans presque toutes les autopsies : quand elles manquaient on

trouvait tout au moins une augmentation de la densité du pou-

mon. où le microscope révélait une hyperplasie du tissu connectif.

Dans tous les cas aussi on a trouvé des adhérences pleurales,

accusées surtout 'dans les cas de phthisie naturellement, et attei-

gnant leur minimum de fréquence chez les paralytiques généraux.

L'accroissement de la densité pulmonaire était d'autant plus

marqué que le malade avait présenté des stigmates de dégénéres-

cence plus accusés, et se retrouvait d'ailleurs à un égal degré dans

d'autres organes, dans le foie, dans la rate, dans les reins.

Un fait curieux à signaler a été l'apparition chez des dégénérés

primitifs d'une affection aiguë avec températures élevées et pros-

tration considérable, s'accompagnant d'expectoration abondante,

de troubles digestifs intenses, de perte d'appétit, d'émaciation,

et dans laquelle les crachats contenaient d'innombrables bacilles.

Le tableau clinique rappelait absolument ce que l'on décrivait

naguère sous le nom de phthisie catarrhale aiguë. Puis les bacilles

disparaissaient, l'expectoration cessait et le malade guérissait;

aucun des malades ainsi atteints n'est mort de tuberculose.

Dans un grand nombre de cas, exception faite pour ceux dont

le début a été brusque, la tuberculose a évolué lentement et

l'amaigrissement n'a jamais été excessif. Dans les cas lents, les

bacilles sont peu abondants et peuvent manquer complètement,

mais on rencontre toujours des staphylocoques, des streptocoques

et quelquefois des pneumocoques. Dans les cas rapidement mor-

tels au contraire, les bacilles sont très abondants. Les hémoptysies

sont rares ou nulles chez les aliénés.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 29

Le type de dégénérescence pulmonaire que l'on observe chez les

aliénés se rapproche de celui que l'on observe dans la tuberculose

des vaches : et l'absence des symptômes les plus intolérables de

la phthisie (douleur, dyspnée, toux, expectoration) chez les dé-

ments dégénérés nous montre précisément à quel point la dé-

chéance mentale rabaisse alors l'homme au niveau de l'animal.

On se demande souvent, en faisant une autopsie d'aliéné tuber-

culeux comment la vie est demeurée possible avec une destruction

si étendue du tissu pulmonaire.

En somme, la phthisie chez les aliénés, et surtout dans les vieux

asiles est proportionnellement plus commune comme cause de

mortalité que dans la pratique médicale ordinaire. Elle a donné,

pour la dernière année étudiée, dans l'asile que dirige l'auteur,

37 décès, c'est-à-dire 46 p. 100 du chiffre total des décès.

L'auteur ajoute qu'il a été conduit par une étude attentive de

l'anatomie pathologique des poumons et des autres viscères chez

les aliénés à admettre qu'il existe toujours chez ces malades un

état fibreux, très accusé chez les dégénérés primitifs, moins mar-

qué dans les types instables. Le genre de vie des aliénés dans les

asiles les y prédispose d'ailleurs. Il. de Musgrave-Clay.

XL. Sur le diagnostic précoce de la démence paralytique ; par

STEWART PATON. (The New York Médical Journal, 3 septembre

1898.) .

Deux écoles sont en présence, relativement à l'étiologie de la

démence paralytique : pour Tune d'elles, représentée surtout par

Hirschl ee Vlobius cette maladie n'est qu'une forme tardive de la

syphilis; pour l'autre, représentée par Naecke, la syphilis serait

un facteur important, mais insuffisant s'il n'était renforcé par

l'hérédité. Bien que la démence paralytique puisse être observée

dans la jeunesse et aussi à un âge très avancé, ce n'est pas de ces

cas précoces ou tardifs que l'on veut s'occuper ici, mais surtout de

ceux qui se manifestent à l'âge, beaucoup plus habituel, de qua-

rante à cinquante ans. On peut appliquer à la précocité du

diagnostic de la démence paralytique, cette remarque de Heine

qu' « il n'y a qu'un philosophe qui puisse diagnostiquer la folie ».

La possibilité pour la période prodromique de durer plusieurs

années ajoute souvent à la difficulté du diagnostic, sans compter

que les symptômes de cette période, comme ceux des périodes

suivantes d'ailleurs, peuvent être influencés par beaucoup de

facteurs assez mal dégagés jusqu'ici, et parmi lesquels il faut

mentionner les différences de climat. La grande variété de formes

sous laquelle la maladie peut se présenter, ressort suffisamment

de la simple lecture de la classification d'Arnaud qui décrit une

forme démente (sans délire); une forme ambitieuse ou expansive;

250 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

une forme mélancolique; une forme mixte; une forme circulaire

ou alternante ; une forme spinale, et enfin une forme épileptique.

On a beaucoup insisté sur ce qu'on a appelé improprement les

formes classiques, et trop peu sur le caractère protéiforme des

premiers indices de trouble mental, qui sont ordinairement plus

apparents pour la famille que pour le médecin. Assez souvent les

premiers symptômes sont pendant assez longtemps ceux de la

neurasthénie (Binswanger). Souvent aussi on constate de l'irrita-

bilité dans le caractère et de l'insomnie. Les phénomènes soma-

tiques à ce moment peuvent faire complètement défaut. On sait

que la diminution ou la perte de la puissance sexuelle est souvent

précédée par une période d'activité génitale exagérée. Ou ne sau-

rait trop insister sur la nécessité qu'il y a pour le diagnostic à ne

pas admettre que la démence paralytique à sa première période

est caractérisée par un ensemble bien défini de symptômes psy-

chiques. Au point de vue des troubles locaux, les symptômes ocu-

laires occupent ordinairement la première place dans l'ordre

chronologique (inégalité pupillaire et ophthalmoplégie interne et

externe). Siemerling et Bodeker insistent sur la rareté de la para-

lysie des muscles de l'oeil, et Ballet sur la diminution ou la perte

du réflexe de l'accommodation. Les altérations ophthalmoscopiques

sont très fréquentes, mais nullement pathognomoniques. Dans la

majorité des cas les réflexes profonds sont exagérés durant la

première période; quant aux réflexes tendineux ils demandent à

être mieux étudiés qu'ils ne l'ont été jusqu'ici. Les symptômes

moteurs sont très importants, et caractéristiques en ce qu'ils ne

suggèrent pas l'idée d'une perte de l'action musculaire, mais d'une

suspension ou d'une inhibition de l'impulsion volontaire. Les

troubles moteurs sont ordinairement transitoires et susceptibles

de rétrocéder, presque jamais progressifs, et sont ordinairement

précédés par des attaques apoplectoïdes ou épileptoïdes. Le trem-

blement des muscles de la face et de ceux des extrémités est un

signe précoce; les troubles de la parole dépendent de deux élé-

ments, l'un cortical et l'autre bulbaire. Dans bien des cas les

symptômes bulbaires font défaut. Les troubles psychiques de la

parole et de l'écriture sont habituellement caractérisés par une

incoordination générale non seulement dans la formation des

mots et des phrases mais encore dans l'expression des idées. Il

peut y avoir des symptômes aphasiques, mais l'aphasie vraie ne

se rencontre pas, sauf le cas de complications. La sensibilité géné-

rale n'a pas été suffisamment étudiée dans les périodes de début,

mais si l'on se reporte aux lésions nombreuses qui ont été cons-

tatées dans les faisceaux sensoriels de la moelle, on sera amené à

croire que ses altérations sont plus fréquentes qu'on ne le pense

d'ordinaire, mais qu'elles passent souvent inaperçues en raison

de l'état mental du malade. Lorsque la maladie débute par des

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 231

attaques épileptiformes, il faut faire le diagnostic différentiel avec

l'épilepsie : l'âge du malade y aidera beaucoup, l'épilepsie étant

une maladie à début jeune. En résumé le diagnostic de la dé-

mence paralytique au début est toujours difficile, mais peut

cependant être établi avec un degré considérable de certitude, en

se basant non sur un signe palhognomonique, mais sur un grou-

pement de symptômes. En tout cas il ne doit jamais reposer uni-

quement sur les symptômes psychiques. '

R. DE nIUSGR.IVE-CL : 1Y.

XLI. Le diagnostic précoce de la paralysie générale' (démence

progressive); par B. S.\CHS. (The New York Médical Journal, juillet

1898.)

Les conclusions présentées par l'auteur sont les suivantes :

La paralysie générale ou mieux encore la démence paralytique

constitue une désignation commode des manifestations cliniques

d'un grand nombre de processus morbides différents affectant le

cerveau, et aboutissant finalement à l'atrophie et à la destruction

des éléments cérébraux, surtout des éléments corticaux. Le type

classique de la démence paralytique représente la plus grave de

ces maladies et se termine fatalement dans au moins 95 cas

sur 100; mais il est bon de se souvenir qu'il est d'autres formes

morbides, ayant avec le type fondamental une si étroite ressem-

blance que le diagnostic différentiel peut être fort malaisé et dont

cependant le pronostic peut quelquefois être beaucoup moins

défavorable. C'est pour cette raison, et aussi à cause des faits

qu'il a euToccasion d'observer que l'auteur conseille une étude

très attentive de la période initiale de la paralysie générale et

recommande de ne pas perdre de vue la possibilité des longues

rémissions et même de la guérison complète.

Il se peut que la maladie se soit modifiée; mais il est probable

que notre opinion sur ce point tient surtout à ce que d'autres

formes pathologiques deviennent plus fréquentes, ou à ce que

nous savons mieux les reconnaître qu'autrefois. -

La survie actuellement plus longue à partir du moment où la

maladie est constatée est peut-être due à ce que le malade est

entouré de plus de soins, mais peut-être aussi à ce que les symp-

tômes initiaux sont reconnus plus tôt. Parmi ces symptômes les

signes de trouble mental ont surtout une importance prépondé-

rante, car on ne pourrait pas faire le diagnostic sur la foi des

seuls symptômes physiques. Mais lorsque les signes physiques

coïncident avec un trouble mental quelconque, ils prennent une

' L'auteur emploie le mot parésie : nous conservons dans l'analyse de

son travail la dénomination, plus habituelle, de paralysie générale.

zu SOCIÉTÉS SAVANTES.

toute autre valeur; parmi ces signes de début il faut noter le

tremblement de la face, l'hésitation de la parole, la trémulation

du langage et les anomalies de la réaction pupillaire. Ce dernier

signe doit être étudié avec beaucoup de soin, car il fournit sou-

vent des indices relativement à une intoxication, alcoolique ou

autre. -

L'auteur, en terminant, tient à revenir sur ce fait que la pré-

sence des symptômes communément regardés comme apparte-

nant à la paralysie générale n'implique pas nécessairement

l'existence d'une maladie mortelle, et que par conséquent il con-

vient de ne jamais désespérer et de faire bénéficier le malade d'un

traitement raisonné et assidu, tel qu'on le dirigerait contre une

maladie réputée curable. R. DE MUSGRAVE-CLAY.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE.

Séance du lce février 1900.

Spondylose rhizomélique. MM. VACHARD et Clerc présentent un

malade atteint d'ankylose des septième vertèbre cervicale, pre-

mière, deuxième, troisième, quatrième dorsale avec cyphose

en ligne brisée, atrophie musculaire avec contractions fibril-

laires de la région cervico-scapulaire et humérale, scoliose légère

et ankylose double des articulations scapulo-humérales. Ce serait

une spondylose rhizomélique à début supérieur tant l'homologie

est complète avec la spondylose rhizomélique à marche commune,

frappant tout d'abord les membres inférieurs. A ceci s'ajoute de

la dissociation de la sensibilité ; l'atrophie musculaire revêt la

forme syringomyélique et au début il y a eu des douleurs à type

et localisation pachyméningitique cervicale. Ne pourrait-il pas

y avoir un rapport quelconque entre ces altérations médullaires

et la spondylose.

M. LEUGNET LAVASTI1E présente un cas typique de spondylose

rhizomélique ; le malade a une ankylose complète de la colonne

vertébrale (cyphose dorso-cervicale, lordose lombaire et scoliose à

concavité gauche) et des deux articulations de la hanche. Les ar-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 253

ticulations temporo-maxillaires sont presque complètement immo-

biles et l'articulation de l'épaule droite ne permet qu'une abduc-

tion de 30° environ. Le malade pour se tenir debout présente une

attitude en Z ; quand il marche les pieds croisent à chaque pas

l'axe de direction. On note de l'atrophie simple des muscles

grands pectoraux et grands fessiers (sans modifications de l'exci-

tabilité et de la contractilité électriques) et des mouvements

fibrillaires. Les formules hématologiques et urinaires sont nor-

males.

Sur un cas a" hémispasme. J. 13AUmsm. - Voici un malade âgé de

trente-quatre ans, qui est atteint d'un hémispasme dont le début

remonte à quatre ans et qui occupe le côté gauche du corps. Les

mouvements spasmodiques apparaissent à tout instant quand le

malade est à l'état de veille ; ils se reproduisent jusqu'à huit et

dix fois par minute; ilssont surtout intenseslorsque le malade est

debout et qu'il cherche à porter le bras gauche en avant. Ou voit

alors l'avant-bras gauche fléchir énergiquement surle bras, l'épaule

gauche se soulever, la tête se porter en arrière et exécuter en

même temps un mouvement de rotation de gauche à droite ; on

observe aussi parfois quelques mouvements spasmodiques peu

marqués dans le membre inférieur gauche. Ce spasme n'est pas

douloureux. Il disparait complètement pendant le sommeil. Il

n'existe aucun trouble de la contractilité électrique; il n'y a pas

d'amyotrophie. La sensibilité est normale. Il en est de même des

réflexes tendineux. Outre le spasme, les seuls phénomènes patho-

logiques qui aient été constatés sont les suivants : tandis qu'à

droite la forme du pied et le réflexe cutané plantaire sont nor-

maux, à gauche le gros orteil est étendu sur le métatarse et le cha-

touillement de la plante du pied accentue encore cette attitude

en exagérant l'extension du gros orteil.

Au cou le spasme occupe principalement le trapèze et le sterno-

mastoïdien gauches ; la forme des mouvements, leur mode de

succession, l'attitude à laquelle ils donnent lieu reproduisent le

tableau classique de l'affection connue sous la dénomination d'hy-

perkinésie du spinal, de spasme fonctionnel ou de crampe fonc-

tionnelle du cou, de torticolis mental. Il n'est pas rare, du reste,

que le spasme du cou s'associe à des mouvements spasmodiques

du bras. Ce qui fait la rareté de ce cas c'est que le spasme du

membre supérieur est ici très marqué et que le membre inférieur

est atteint. Mais l'intérêt principal de cette observation consiste

en ce qu'elle peut contribuer à éclairer la pathogénie du spasme

fonctionnel-du cou. J'attire en particulier l'attention de la Société

sur l'état du réflexe cutané plantaire; l'excitation de la plante du

pied donne lieu à de la flexion du gros orteil à droite et à de l'ex-

tension du gros orteil du côté gauche. Or, si l'on admet que tous

254 SOCIÉTÉS SAVANTES.

les phénomènes nerveux observés chez ce malade sont de même

origine, qu'en particulier le spasme musculaire dépend de la

même cause que le trouble dans le réflexe plantaire, et je ne vois

aucune i aison pour supposer qu'on ait affaire ici à une association

de deux maladies différentes, si, d'autre part, conformément il l'opi-

nion que j'ai soutenue et qui à été acceptée par la plupart des

neurologistes, l'on admet aussi que le phénomène des orteils est un

indice d'une perturbation dans le fonctionnement du système py-

ramidal, on est amené à penser que c'est à une perturbation de ce

genre qu'il faut attribuer dans ce cas le spasme musculaire. Si

maintenant on considère que les caractères chimiques du spasme

du cou chez ce malade sont semblables à ceux qu'on observe dans

les cas ordinaires de spasme fonctionnel du cou, on est conduit à

cette idée que cette affection doit dépendre sinon toujours, au moins

parfois de quelque irritation du système pyramidal, dont je ne

saurais du reste préciser la nature.

Discussion : 1\1. Ballet fait observer que pendant le paroxysme

spasmodique la main de ce malade ressemble a une main athéto-

sique, ce qui n'est pourtant pas le cas, et la prédominance du

spasme est telle que tout le membre présente l'aspect d'un mem-

bre contracturé, l'erreur serait facile à commettre à un examen

superficiel. La pathogénie par altération pyramidale est admis-

sible ; mais elle ne doit être que secondaire, dans de tels cas le

processus mental doit toujours être à l'origine. En tout cas l'athé-

tose vraie reconnaissant pour cause une lésion pyramidale définie,

on peut comprendre la ressemblance entre ce syndrome et celui

présenté par le malade examiné, chez qui le signe de Babinski

dénote une altération pyramidale.

M. Babinski. Malgré cette ressemblance, il n'y a pas identité

absolue entre les mouvements de la main de ce malade et ceux de

l'athétose dans notre cas la main prend souvent l'attitude d'une

main qui fait les « cornes ». L'état des réflexes diffère dans

l'athétose ; je ne nie pas la prépondérance originelle du trouble

mental,je constate seulement la'présence de l'irritation pyramidale.

M. Gilles de la TOURETTE. La valeur diagnostique du signe

de Babinski est-elle absolue ou relative ? Une de mes malades,

vingt ans, hystérique à crises convulsives très nettes, eutune grippe

et fut prise de fièvre et de coma, ce qui fit croire à des accidents

méningitiques, l'existence de l'hystérie connue permettait seule

d'espérer que ces accidents n'étaient que le fait de la névrose. Le

signe de Babinski devait trancher cette question; il fut positif.

Malgré cette constatation je préférai maintenir le diagnostic d'hys-

térie seule, que confirma promptement la guérison. Je pourrai

par contre citer des cas de lésions organiques où le signe des or-

teils a fait défaut. l.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 255

M. BABINS&I. Je ferai observer que je n'ai pas soutenu que le

phénomène des orteils fût nécessairement sous la dépendance

d'une grosse lésion du système pyramidal; j'ai dit que ce phéno-

mène est lié à une perturbation dans le fonctionnement de ce

système. Cette perturbation peut être passagère, comme cela a

lieu dans l'épilepsie, où pendant la crise on peut observer le signe

des orteils, alors que le réflexe est normal en dehors des crises.

11 ne me parait pas démontré que, dans le cas de M. Gilles de la

Tourette, il se soit agi de trouble moteurs hystériques; du reste.

ne serait-ce qu'en raison de la fièvre, on n'avait pas affaire là au

tableau classique de l'hémiplégie hystérique. Pour ma part je n'ai

jamais observé le phénomène des orteils dans l'hystérie; je ne l'ai

jamais constaté chez un malade dont le système pyramidal pût

être considéré comme normal ; et, s'il existe des cas de ce genre,

ils doivent être tout à fait exceptionnels. Je demande que le phé-

nomène des orteils soit maintenu à l'ordre du jour et que tous

mes collègues fassent des recherches pour fixer définitivement la

valeur caractéristique absolue ou non de ce signe.

Diabète hydrurique au cours de la Tuberculose. M. KuppEL.

Dans le cours d'une tuberculose ulcéreuse à marche subaiguë, un

malade fut pris brusquement d'une soif ardente ; puis, consécu-

tivement, d'une polyurie abondante. Il ne s'agissait là que d'un

diabète hydrurique : les huit ou dix litres d'urine émis quoti-

diennement par le malade ne renfermèrent jamais ni sucre, ni

excès d'urée. La survie se prolongea pendant deux mois.

On sait le rôle des infections et de l'auto-intoxication cachec-

tique sur le système nerveux ; le plus souvent, sous l'influence

de ces causes, il y a une hyperexcitabilité manifeste. Ne serait-ce

pas en créant cette hyperexcitabilité que la tuberculose fit appa-

raître le diabète hydrurique chez ce malade, qui d'ailleurs était

un prédisposé héréditaire ? Ici contrairement à ce qui semble se

produire ordinairement, c'est bien la soif et la polydipsie qui ont

précédé la polyurie.

Double syndrome de Weber avec autopsie. M. Souques.

Une femme de cinquante ans, à la suite de céphalée et d'étourdis-

sements, présente un double syndrome de Weber, ainsi caractérisé :

une hémiplégie gauche avec une paralysie complète et totale de

la troisième paire droite, d'une part, et une hémiparésie droite

avec une paralysie partielle et incomplète de l'oculo-moteur com-

mun gauche d'autre part.

A l'autopsie, on trouve des lésions bilatérales dans la région

pédonculaire ; dans le pédoncule cérébrale droit, un foyer de ra-

mollissement qui détruit le noyau rouge, les fibres de l'oculo-

moteur commun et une partie du pied du pédoncule ; dans le

pédoncule cérébral gauche, un foyer scléreux détruisant le quart

25b SOCIETES SAVANTES.

interne du pied du pédoncule et affleurant les fibres de l'oculo-

moteur gauche. Le moteur oculaire commun droit était complète-

ment dégénéré. Enfin, il existait deux foyers symétriques d'arté-

rite nodulaire, situés entre la bifurcation du tronc basilaire et la

communicante postérieure.

La filiation des lésions est la suivante : entérite nodulaire en-

globant dans son foyer l'origine d'une ou de plusieurs artérioles

pédiculaires, obstruction de celles-ci et foyer de ramollissement

dans le pondécule.

La topographie des lésions intra-pédonculaires explique physio-

logiquement les symptômes observés pendant la vie, c'est-à-dire le

double syndrome de Weber.

Deux cas de ramollissement du cervelet. M. Touche. Sa pre-

mière malade a présenté des symptômes tout à fait semblables

à ceux de la sclérose en plaques, à l'autopsie : ramollissement de

la face inférieure du cervelet. La seconde a éprouvé une chorée

généralisée étendue même à la face avec mouvements athéto-

siques, réflexes exagérés, secousses de toutle corps, sans douleurs

ni troubles objectifs de la sensibilité; à l'autopsie : ramollissement

aigu de la face supérieure du cervelet, comprenant le vermis et les

régions voisines.

M. Babinski. -A propos de la première malade, il n'y a pas lieu

de s'étonner si une lésion cérébelleuse a reproduit le syndrome de

la sclérose en plaques. Cette dernière affection ne s'accompagne du

tremblement typique que lorsque le cervelet est pris ou lorsqu'il

y a des plaques à localisation bulbo-protubérantielles intéressant

des fibres cérébelleuses. Quand la moelle est seule atteinte ce

tremblement n'existe pas.

D'une forme douloureuse de polynévrite tuberculeuse : du rôle im-

portant de la tuberculose en pathologie nerveuse. - 1\1. Dufour pré-

sente une femme de trente ans qui souffre depuis trois ans d'une

névrite douloureuse non mutrice; douleurs des membres inférieurs

exagérées parla marche, douleurs su perlicielles et des massesmus-

culaires : névralgies des membres supérieurs et du globe oculaire

avec troubles accommodatifs, phénomène de doigt mort. La pré-

sence d'adénopathies tuberculeuses non suppurées et de submatité

du sommet droit permet de rattacher ce cas à la bacillose. Il se

distingue des formes habituelles par sa longue durée, sa localisa-

tion purement sensitive, son évolution précoce.

A propos de ce cas, l'auteur rappelle le rôle important qu'il faut

faire jouer à la tuberculose comme facteur étiologique des maladies

du système nerveux.

Un cas de surdité et de cécilé verbales suivi d'autopsie. MM. P.

Sérieux et FARNAniER.H s'agit d'une femme de trente-six ans, chez

laquelle depuis quatre ans on a constaté de l'affaiblissement intel-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 257

tectuel, des attaques épileptiformes et de surdité verbale. Durant

son séjour de plus d'une année à Ville-Evrard, on a observé une

surdité verbale très caractérisée, permanente, presque complète,

de la cécité verbale, de l'agraphie et des troubles très notables

du langage parlé (diminution du vocabulaire, périphrases, para-

phasie, jargonaphasie). Assez fréquemment survinrent des. accès

épileptiformes suivis de surdité corticale totale passagère. Il existait

également des troubles moteurs, sensitifs et trophiques plus ac-

centués après les ictus.

A l'autopsie, sclérose cérébrale atrophique, probablement dif-

fuse (diminution de poids de 300 grammes, granulations ventricu-

laires), mais à prédominance très marquée au niveau des lobes

temporaux et frontaux des deux hémisphères. Les lobes temporaux

sont très notablement réduits de volume, surtout le lobe gauche.

Cette observation mérite d'être rapportée : 1° au point de vue

de la localisation de l'aphasie sensorielle ; 2° en ce qu'elle consti-

tue un exemple exceptionnel d'un cas d'aphasie due à la sclérose

cérébrale atrophique ; 3° comme contribution à l'histoire, à peine

connue, de la symptomatologie de la sclérose cérébrale de

l'adulte.

Epilepsie. M. de FLEURY présente les graphiques de la force

dynamométrique de deux malades atteints d'épilepsie générale

d'emblée avec prédominance dans un côté du corps de l'excitation

préparoxystique et de la fatigue post-convulsive. C'est quelque

chose d'intermédiaire entre l'épilepsie jacksonienne et l'épilepsie

générale.

M. de FLEURY présente deux cas d'épilepsie sensorielle (auditive).

Chez l'une et l'autre de ces malades, les accès se sont d'abord

constitués de simples bourdonnements d'oreille, qui sont allés se

rapprochant et augmentant d'intensité, pour aboutir à des atta-

ques convulsives. Suppression des accidents par le bromure à

petites doses et un régime alimentaire rigoureux..

Arthropathie trophiqite du genou consécutive à une fracture verté-

braie, M. A. Cilll'AULT.- Rien n'est plus rare queles arthropathies

trophiques consécutives aux fractures vertébrales. J'ai revisé avec

soin la bibliographie de la question. Le fait de J.-K. Mitchell m'a

tout l'air d'un cas de rhumatisme vrai réveillé par le traumatisme,

le fait de Gull d'un cas d'oedème hystéro-traumalique des extrémités,

le fait de Delprat d'un cas d'arthrite traumatique due au même

accident que la fracture vertébrale ; restent les faits d'Alexandrine

et de Morandeau, où sans avoir rien constaté cliniquement, on

a trouvé à l'autopsie du sang dans un certain nombre d'articula-

tions. Au contraire le fait dont je vous présente les radiographies

parait incontestable.

Il s'agit d'un homme de trente ans, d'une santé magnifique qui,

Archives, 2» série, t. IX. 17

258 SOCIÉTÉS SAVANTES.

à la suite d'une chute de voiture, se fit au mois de septembreder-

nier une fracture des troisième et quatrième dorsales avec paralysie

sensitivo-motrice complète etflasque, rétention d'urineetdesfeces,

bientôt eschares. Un mois après l'accident, sans cause locale, sans

cystite, sans fièvre, les genoux et les cousde-pied se mirent à gon-

fler, et en trois jours, se remplirent de liquide, particulièrement

abondant dans le genou gauche : la rotule flottait à plus de un

centimètre au-dessus des condyles. Epaississement manifeste des

extrémités articulaires du fémur et du tibia gauche. Pas de dou-

leurs. l'as d'ecchymoses, presque pas d'oedème périarliculaire.

Huit jours plus tard, des radiographies furent faites et permirent

de constater, outre la réalité de l'épaississement osseux, l'ossifica-

tion des ligaments latéraux interne et externe du genou. Depuis,

les épanchements ont diminué ; le genou gauche est seul tou-

jours très atteint. L'état sensitivo-moteur est stationnaire. Il y a

de la fièvre, les eschares se sont creusées. Le pronostic est grave.

Par son évolution et les constatations radiographiques, l'arthro-

pathie me parait dans ce cas, être de nature trophique. Elle se

rapproche des arthropathies analogues constatées à la suite de

coups de couteau de la moelle par les professeurs Joffroy, Vignes,

Kirmisson, à la suite d'une paralysie pottique grave par Vincent,

de tumeurs des méninges rachidiennes par moi-même, arthro-

pathies où un épanchement presque toujours sanguin constitue

l'élément clinique essentiel et qui semblent d'un pronostic assez

bénin, soit à cause de la curabilité de la lésion médullaire, soit au

contraire parce que le malade, immobilisé au lit, ne peut, con-

trairement à ce que font les ataxiques, traumatiser sans cesse

son articulation malade.

Psychose d'origine infectieuse.- M. Ballet pour M. ANGGLAD cite

le cas d'un malade atteint de polynévrite des membres inférieurs et

de tuberculose qui présentait en outre un délire actif de persécu-

tion, à l'autopsie duquel on trouva des lésions du faisceau posté-

rieur. M. Anglade insiste sur ce fait que les idées de persécution

sont consécutives aux douleurs par le fait du besoin d'interpréta-

tion de la part du malade. Dans un tel cas si l'on peut dire

névrite infectieuse, il est impossible de dire psychose infec-

tieuse. Ce terme doit être réservé pour les psychoses réel-

lement et directement causées par l'infection. Ici la marche

est la suivante : l'infection crée la névrite qui produit les douleurs,

et celles-ci par besoin d'explication provoquent la névrose chez un

prédisposé.

Réactions individuelles dans les intoxications. MM. JoFFROY et

SE : RVAUX. On voit des absinthiques présenter de très bonne

heure et avec des doses faibles de l'épilepsie; alors que d'autres avec

des excès énormes présentent des troubles profonds, mais pas .

SOCIÉTÉS SAVANTES. 259

d'épilepsie. Il y a chez l'homme une prédisposition héréditaire à

présenter telle réaction plutôt que telle autre sous l'influence des

poisons. Cette prédisposition spéciale individuelle se retrouve

aussi chez les animaux. Pour l'alcool éthylique, sur 113 lapins :

1 a eu de l'épilepsie; 4 des convulsions générales non épileptiques;

83 des convulsions localisées. Les autres, des accidents non con-

vulsifs. Pour le même poison sur 33 chiens : 1 a eu la grande

épilepsie ; 2 des convulsions localisées non épileptiques ; 29 des

accidents non convulsifs.

Pour le (1l1'{UfOt : sur 83 lapins ; 19 ont présenté la grande épi-

lepsie ; 18 des convulsions généralisées non épileptiques; ` ? des

convulsions localisées ; 23 des accidents non convulsifs.

Pour l'aldéhyde : sur 38 lapins ; 8 grande épilepsie, 9 convulsions

généraliséesnon épileptiques ; 22 convulsions localisées ; 19 acci-

dents non convulsifs. \

Pour l'absinthe : le poison étant donné lentement, graduellement

jusqu'à ce que la mort survienne; sur 10 lapins : 1 a eu la grande

épilepsie ; 2 des convulsions généralisées non épileptiques; 4 des

convulsions localisées ; 3 sont morts sans convulsions.

Pour la morphine : sur 38 lapins; 11 ont eu la grande hystérie ;

9 des convulsions généralisées sans épilepsie ; 10 des convulsions

localisées ; 8 des accidents non convulsifs.

Pour l'urine : sur 42 lapins : 3 ont eu de la grande épilepsie ;

8 des convulsions localisées, 31 n'ont pas eu de convulsions.

Dans tous les cas la dose toxique mortelle est restée sensible-

ment constante au lieu que le mode de réaction individuelle a varié.

F. Boissma.

SOCIÉTÉ DE NEUROPATHOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE

DE MOSCOU.

Séance du 24 Septembre 1899

W.-A. Mouratow. Contribution à la théorie de l'épilepsie.

M. Mouratow s'arrête longuement sur les formes transitoires

entre l'épilepsie locale, Jacksonienne, et l'épilepsie généralisée

d'emblée « épilepsia genuina ». Il rejette la théorie « médullaire »

et se prononce pour l'origine corticale de la névrose. Comme

démonstration, il cite deux observations inédites.

1° Fillette, âgée de neuf ans. A l'âge d'un an a eu une encéphalite.

Depuis elle a deux fois par an des accès d'épilepsie unilatérale, jack-

260 SOCIÉTÉS SAVANTES.

sonienne. Dans le courant des dernières quatre années s'ajoutèrent

des accès de petit mal, avec obnubilation de la conscience, symp-

tômes vaso-moteurs, incontinence d'urine et parfois encore quel-

ques contractions toniques (jamais de secousses cloniques). La

combinaison des accès jacksoniens avec des accés d'épilepsie géné-

rale et leurs rapports avec l'ancienne affection cérébrale est évi-

' dente.

2° Malade adulte. A partir de l'âge de 20 ans, accès d'épilepsie

psychique. Psychose épileptique. Mort dans l'état de mal épilep-

tique. A l'autopsie, on constate, en dehors des altérations atrophi-

ques de toute l'écorce, une inflammation circonscrite dans le

domaine des circonvolutions centrales. Microscopiquement on

note : sclérose de la neuroglie, dégénération des fibres nerveuses

au-dessous du foyer inflammatoire et dans ses environs. L'auteur

explique l'absence de phénomènes locaux par la localisation super-

ficielle du processus. Il réfute également la théorie de la « décharge

paralytique » de Binswanger. Pour lui la décharge paralytique

n'existe pas et ce n'est pas cette décharge qui rend compte de la

perte de counaissance et de la chute du corps dans l'accès épilep-

tique. L'altération épileptique du cerveau équivaut au point de

vue physiologique à la perte de sa résistance. De faibles excita-

tions primitives partant d'un centre quelconque provoquent des

excitations secondaires dans toutes les cellules corticales ; toutes

ces excitations, étant d'une tension et d'une direction bien diffé-

rente, en se composant n'amènent aucun effet local, mais au con-

traire empêchent la formation des combinaisons stables et pro-

duisent la perte de connaissance et la paralysie. On obtient un

phénomène comparable à l'interférence des mouvements ondula-

toires. Dans la deuxième phase de l'accès, les excitations sont

encore très fréquentes, d'où la secousse tonique générale ; quand

elles deviennent plus rares, les secousses toniques sont remplacées

par des contractions cloniques et l'évolution ultérieure de l'accès

correspond à la localisation du foyer (épilepsie locale). Comme

moments provocateurs des accès, l'auteur admet les altérations

nutritives des cellules de l'écorce (processus de métamorphose

locale d'après Weigert-Edinger).

L'application de cette théorie rend compte de tous les phéno-

mènes épileptiques. Elle peut servir d'appui à la pathogénie corti-

cale de l'épilepsie.

Conclusions; 1° Entre l'épilepsie générale et l'épilepsie locale, il

n'y a pas de différence essentielle au point de vue de la patho-

génie des accès ; 2° L'épilepsie générale dans beaucoup de cas est

l'expression d'une affection cérébrale, dans d'autres cas c'est une

, névrose de l'écorce : 3° L'anatomie pathologique peut seulement

.démontrer la localisation corticale de l'épilepsie. La pathogénie

-des accès peut être expliquée, en prenant, comme point de départ

SOCIÉTÉS SAVANTES.. 261 J

les données anatomiques et en les rapprochant de la clinique et

de l'expérimentation (méthode d'équivalents cliniques).

Discussion. M. S. KORNILOFF croit que les lésions trouvées chez

le deuxième malade de M. Mouratow dans les circonvolutions

centrales peuvent bien ne pas être la cause de l'épilepsie, mais

simplement un fait accidentel chez un épileptique. M. W. ROTH

prend également part à la discussion.

A. Koarttcorr. Contribution ci la casuistique des polietzcéphalites.

Observation I. Garçon âgé de six ans. Début de l'affection

sans processus infectieux préalable, par des céphalées, vomisse-

ments, démarche titubante, somnolence, mais sans perte de con-

naissance. Tous les symptômes se développèrent durant une dizaine

de jours. A l'entrée à l'hôpital on nota encore l'ataxie des mem-

bres, faiblesse générale et peut être aussi un état parétique léger

des jambes. Parésie légère du nerf facial inférieur, absence des

réflexes tendineux ; les réflexes cutanés sont plutôt exagérés. Inté-

grité des sphincters. Paralysie complète des muscles des yeux pour les

mouvements d'en haut et d'en bas, tandis que les mouvements latéraux

des yeux s'effectuent bien mais, avec un léger nystagme au regard

à gauche. La réaction des pupilles à la lumière et à l'accommodation

est paresseuse, la convergence est insuffisante. Le pouls est fré-

quent. Le lendemain de l'entrée, l'enfant eut des crampes aux

bras et aux jambes. A partir de ce jour amélioration progressive :

disparition d'abord de l'ataxie et de la parésie des extrémités,

ensuite de la paralysie faciale et de la titubation. Un mois plus

tard commença l'amélioration des mouvements des yeux en bas,

plus tard encore on nota une amélioration progressive des mou-

vements en haut. A ce moment les réflexes tendineux existent

déjà, mais faibles.

L'auteur attire l'attention sur la forme spéciale des paralysies

oculaires chez son malade ; on les rencontre rarement aussi bien

caractérisées que dans cette observation. En outre, il croit que son

cas, confirme l'hypothsèe de Kahler et Picq, et il pense qu'en

dehors de l'infection et de l'intoxication il existe d'autres facteurs

étiologiques de lapoliencéphalite de nature inconnue.

Observation II. - Le cas est intéressant au point de vue étiolo-

gique. Il a trait à une malade qui fut atteinte de céphalées inten-

ses et ensuite de paralysie de la sixième paire droite. La paralysie

céda au traitement par le K. J. Le mari de la malade est syphili-

tique. Au bout de quatre ans il se développe chez la malade dans

l'espace de trois-quatre jours des phénomènes bulbaires : paralysie

de la déglutition, respiration fréquente, palpitations, pouls petit

faiblé 120, cyanose des extrémités et de la face, paralysie faciale

supérieure bilatérale, paralysie du voile du palais avec perte des

reflexes de celui-ci, paralysie de la langue. Légère parésie du bras

262 SOCIÉTÉS SAVANTES.

droit. Prostration. Les réflexes tendineux sont plutôt exagérés.

On institue un traitement mercuriel et ioduré et l'état de la malade

s'améliore rapidement (en dix jours).

L'auteur ne croit pas que l'affection relève simplement d'une

artérite syphilitique, car il faudrait pour cela une lésion trop élec-

tive des artères destinées aux noyaux moteurs du bulbe et de la

moelle. Il faut plutôt croire que nous avons à faire dans cette obser-

vation à un processus encéphalitique dont le moment étiologique

est la syphilis.

Observation III. Malade tabétique présentant les symptômes

d'Argyll-Robertson, de Westphal, de Romberg, une atrophie

du nerf optique gauche, et des douleurs fulgurantes. Contracte

l'influenza, et dixjours plus tard on voit apparaître des symptômes

bulbaires et médullaires. D'abord embarras de la parole et dispha-

gie et titubation très accusée. Température 38,6-38,7. Pouls 110.

Ensuite paralysie du voile du palais, au bout de trois jours para-

lysie progressive des membres inférieurs et supérieurs, procédant

des grandes articulations aux petites; deux-trois jours plus tard

paralysie faciale bilatérale inférieure et supérieure. La conscience

est presque intacte. La température monte jusqu'à 39,2. Pendant

huit jours l'état du malade est variable. Finalement ilmeurt de para-

lysie du coeur. Dans cette observation, comme dans la précédente,

on n'a pu noter aucun désordre de la sensibilité, c'est pourquoi

l'auteur pense qu'on peut exclure la polynévrite et diagnostiquer

une polyencéphalite.

Discussion. M. Mouratow pense qu'on ne peut pas nier l'in-

fluence de la tuberculose sur le développement de la polyencépha-

lite dans le premier cas de l'auteur. On peut supposer également

une myélite disséminée. m. MOURAIVIEFF ne croit pas qu'on puisse

exclure dans la troisième observation une myélite disséminée,

celle-ci pouvant évoluer avec troubles minimes du côté de la sen-

sibilité. M. HOTU croit que dans la troisième observation il peut

bien s'agir d'une polynévrite.

M. Weideniiasimer fait remarquer que l'ataxie aiguë se montre

aussi dans la méningite séreuse. Le cas de M. Kornilloff est

peut-être un cas de méningo-encéphalite (comme les observations

de Oppenheim).

S. N.\LB\NDOW. Un cas de syringomyélie héréditaire.

L'auteur a eu la bonne fortune d'observer la syringomyélie chez

une mère et son fils. Le fils, conducteur de chemin de fer, âgé de

trente-trois ans, entra à la clinique pour des phénomènes névritiques

récents aux membres inférieurs. Le père du malade est mort de tuber-

culose. La mère est atteinte de la même maladie. Le malade, le plus

âgé de huit enfants ,est né en état d'asphyxie. 11 y a dix ans, brû-

lure indolore à la région de l'omoplate droite (cicatrice de dix à

SOCIETES SAVANTES.

263

douze centimètres). Il y a sept ans, panaris indolore du pouce droit

(le pouee est déformé). En outre, plusieurs autres coupures et brû-

lures presque indolore des doigts. Cicatrice au poignet. Abus

d'alcool. A l'examen le malade apparaît de taille moyenne et de

nutrition suffisante : Scoliose. Certaine faiblesse des mouvements

volontaires des membres supérieurs, et notamment de la main

droite. Dissociation de la sensibilité en demi-veste au bras droit

et à la moitié droite du corps, de même qu'au poignet gauche. Du

côté des membres inférieurs on note des phénomènes de névrite,

à savoir, faiblesse et trouble de tous les modes de la sensibilité à

type périphérique, sensibilité des trones nerveux et des muscles

et certaine atrophie musculaire. Les réflexes patellaires sont exa-

gérés.

La mère du malade est âgée de cinquante-cinq ans. Il y a vingt

ans, faiblesse progressive de la main gauche avec formation con-

sécutive des gtiffes, il y a douze ans panaris indolore à l'index de

la main droite avec déformation consécutive des doigts. Vers la

même époque, fracture spontanée de l'humérus dans le voisinage

de l'articulation de l'épaule. Il y a ciuqans apparut une faiblesse des

doigts de la main droite. La main prend la forme d'une griffe. Il y

a deux ans, certaine faiblesse de la vessie. Multiples brûlures indo-

lores de la main. Cicatrices. Etat présent. Cyphose accusée avec cer-

taine scoliose. La fracture de l'humérus gauche a été constatée

par la radiographie (le cliché est présenté à la Société). Mains en

griffes avec atrophie intense. Exagération des réflexes rotuliens.

Clonus du pied gauche. Dissociation de la sensibilité aux membres

supérieurs et au tronc. Anesthésie complète à la douleur et à la

température dans le domaine de la main gauche, du poignet et de

l'avant-bras droit. Certaine diminution de la sensibilité thermique

dans la moitié inférieure du tronc et des membres inférieurs.

Après avoir constaté le fait de la manifestation familiale de la

syringomyélie, l'auteur passe en revue la littérature du sujet. Les

faits analogues de syringomyélie héréditaire, cités par les auteurs

sont très peu nombreux et peu démonstratifs, de sorte que le cas de

M. Nalbandow peut êt'e considéré comme le premier cas bien

établi de la transmission héréditaire de la syringomyélie.

L'observation est encore intéressante dans ce sens qu'elle four-

nit une preuve directe de la théorie embryogénétique de l'origine

de la syringomyélie.

Ont pris part à la discussion, MM. Muratow, Kornilow et Roth.

Secrétaires de la séance : W. l\1oun.\ VIEE ? N. Wersiloif

BIBLIOGRAPHIE.

V. Assistance et traitement des idiots, imbéciles, débiles, dégénérés

amoraux, crétins, épileptiques (adultes et enfants). - Assistance

et traitement des alcooliques. Colonies familiales (Aperçu cri-

tique sur l'article 2 du nouveau projet de loi portant revision de la

loi du 30 juin 1838). - Préface de M. le D1' nlaôuan. In-8°. Paris,

aux bureaux du Progrès Médical et chez F. Alcan.

Dans la séance du 23 décembre 1898, la Chambre des Députés

a voté l'urgence sur le projet de loi portant révision de la législa-

tion'du 30 juin 1838, relative aux aliénés. Il y a donc lieu d'espé-

rer que la discussion ne tardera pas à s'ouvrir, et qu'après douze

ans d'attente - le vote du Sénat est de 1887 nous serons enfin

dotés d'une loi nouvelle plus en harmonie avec nos aspirations et

nos besoins.

Parmi les bonnes innovations que contient le projet présenté

dans un excellent rapport par le Dr Dubief, député de Mâcon,

il faut citer l'article 2 sur lequel M. le D'' Pornain vient de

publier une très intéressante et très instructive étude. Cet article

assure pour l'avenir le traitement des idiots, imbéciles, arriérés,

crétins, épileptiques et buveurs, dont ne s'était pas préoccupé le

législateur de 1838; il autorise en outre avec l'isolement à l'asile,

seul permis aujourd'hui, le placement dans la famille du malade

et les colonies familiales. M. Pornain propose certaines adjonc-

tions qui ont une réelle utilité et émet certaines critiques qui ne

' sont pas sans fondement.

Notre confrère expose avec clarté et dans un style élégant,

agréable à lire, l'histoire complète de l'assistance des divers grou-

pes de malades énumérés plus haut et les meilleurs moyens d'as-

surer cette assis tance. A son avis, le placement familial direct,

c'est-à-dire le traitement du malade dans sa propre famille avec

allocation de secours individuels en argent, doit toujours être

préféré quand il est possible, en l'entourant toutefois de toutes les

garanties nécessaires : enquête sur la moralité des intéressés, ser-

vice de surveillance et d'inspection, société de patronage, etc. Sans

doute, le malheur est que ce mode d'assistance ne convient qu'aux

déments séniles : c'est même pour eux le seul qui convienne, car

il permet au vieillard d'achever sa vie et de s'éteindre au milieu

des siens et procure à ceux-ci la joie d'entourer de soins et d'af-

fection leurs vieux parents jusqu'au dernier moment.

BIBLIOGRAPHIE. 265

Mais ni l'idiot, ni l'imbécile, ni le crétin, ni l'épileptique ne

peuvent être soignés à domicile, à quelques rares exceptions près,

les trois premiers, parce qu'ils nécessitent une surveillance et une

éducation que le famille ne peut assurer, le quatrième, à cause de

ses crises et des impulsions qui, à leur suite, éclatent à l'impro-

viste. Ce que je viens de dire pour ces malades du placement fami-

lial direct, je le redirai du placement familial indirect, c'est-à-dire

des colonies familiales.

Le D1' Pornain préconise ce second mode d'assistance, à la con-

dition toutefois que ces colonies soient le plus rapprochées pos-

sible du domicile de l'assisté. Notre confrère a raison d'insister

sur ce point qui est le gros reproche dont est passible Dun-sur-

Auron où le D'' Marie a démontré victorieusement la possibilité de

l'assistance familiale en France, niée a priori par tous les défen-

seurs des vieilles méthodes de traitement, c'est-à-dire par à peu

près tout le monde. Nous qui demandons depuis dix ans la réor-

ganisation de tout notre système d'assistance de la folie, nous

sommes reconnaissants au D1' Marie d'avoir fourni à nos adver-

saires la preuve expérimentale que nous n'étions pas de chimé-

riques rêveurs; malheureusement Dun-sur-Auron est très loin de

Paris et ne remplit pas la condition fondamentale qu'avec raison

réclame le Dl Pornain. Quoiqu'il en soit, les colonies familiales

ne conviennent, d'une manière générale, ni aux idiots, ni aux

imbéciles, ni aux crétins, ni aux épileptiques. Si on ne veut pas

s'exposer à des mécomptes, il est indispensable de se modeler sur

Dun-sur-Auron et de n'y placer que des aliénés chroniques ou

inoffensifs et aussi des déments séniles pour lesquels l'assistance

familiale directe aura été reconnue irréalisable.

Pour les idiots, les imbéciles, les crétins et les épileptiques, à

quelques-uns près, on n'a donc le choix, qu'entre l'asile spécial ou

le quartier spécial dans un asile ordinaire. Il n'y aurait que des

avantages à réunir ensemble les trois premiers, mais il ne faut pas

songer un instant à mettre avec eux les épileptiques. M. Pornain

a raison de préférer l'asile spécial au quartier spécial, sous la

réserve toutefois d'une séparation complète des débiles et des con-

vulsifs. Nous sommes encore de l'avis de notre confrère qui met

bien en relief que ces établissements doivent être des asiles-

écoles afin de soumettre ces infortunés au traitement médico-péda-

gogique et orthophrénique, les seuls rationnels et qui, en l'état

actuel de nos connaissances, permettent d'obtenir dans de notables

proportions tout au moins l'amélioration de leur état. Je suis

encore à voir un seul épileptique ou un seul idiot que la chirurgie

ait amélioré. J'ai, en ce moment, dans le quartier spécial d'épilep-

tiques que j'ai organisé à Ville-Evrard un malade qui a subi six

opérations, deux à droite et deux à gauche sur le sympathique

cervical et deux trépanations; or, après chaque opération, l'état

266 BIBLIOGRAPHIE.

s'est aggravé si bien, qu'après la sixième, c'est l'opérateur lui-

même qui a dû signer un certificat afin d'obtenir le transfert de

son opéré de son service il l'Asile clinique. J'ai encore dans ma

section cinq autres épileptiques qui ont été trépanés sans aucun

résultat. La question est pour moi jugée.

Reprenant une excellente idée du Dr Bourneville, M. Pornain

demande ensuite la création de classes spéciales annexées à une

ou plusieurs écoles municipales ordinaires pour les enfants arrié-

rés, indisciplinés, mais sans perversion des instincts et sans acci-

dents convulsifs, et pour les enfants améliorés par le traitement

médico-pédagogique des asiles-écoles. Ces classes spéciales au-

raient, en effet, l'avantage de diminuer, dans une certaine

mesure, les charges des départements.

Notre savant confrère trouve que l'article 2 n'est pas suffisam-

ment impératif quant à l'admission deces ma'heureux qui devrait

être obligatoire. Cette obligation serait d'une incontestable utilité

et, en principe, nous partageons l'opinion du D1' Pornain, mais,

en pratique, seule la famille a le droit d'isoler un malade qui n'a

pas encore commis aucun méfait : le respect de la liberté et de

l'autorité des parents ne permet guère d'aller plus loin. Ce qu'il faut

donc, c'est de faire comprendre aux familles qu'il est de l'intérêt

du malade de réclamer l'assistance et que cette assistance ne soit

jamais refusée quand elle est demandée.

Le D1' Pornain émet encore deux regrets : le premier est relatif

au délai de dix ans accordé aux départements pour l'ouverture des

établissements spéciaux ou des sections spéciales destinés au

traitement et à l'éducation des sujets dont nous nous occupons; le

second, à l'omission dans le nouveau projet du mot imbéciles que

portaient les anciens textes ; il y aurait lieu de le rétablir et d'y

ajouter lesodéâénérés amoraux. Ces derniers, en effet, dont l'état

mentol est fort bien et fort soigneusement décrit par l'auteur

relèvent de l'Asile-Ecole et peuvent bénéficier de l'Assistance

orthophrénique.

Le délai de dix ans est, en effet, un peu'long, surtout quand on

pense que douze années se sont déjà écoulées'depuis le dépôt à la

Chambre de la loi votée par le Sénat; mais il y a peut-être dans

la proposition de ce long temps une tactique parlementaire. L'ar-

ticle 2 accroit dans de notables proportions les charges départe-

mentales, or, la plupart des députés sont conseillers généraux; si

on veut avoir leur vote, indispensable en l'espèce, peut-être est-il

prudent de ne pas trop demander d'un coup. Il sera plus facile

d'obtenir gain de cause sur le second point d'autant plus que le

paragraphe 4 de l'article porte déjà les mots : imbéciles, arriérés.

Ne serait-il pas plus simple et plus élastique de se servir d'une

expression qui engloberait toutes les catégories ?

Enfin, le Dr Pornain, dans une dernière partie, la plus intéres-

BIBLIOGRAPHIE. 267 Î

sante peut-être, traite à fond la question si pleine d'actualité et

qui soulève de si vives controverses de l'assistance des buveurs.

Avec tous ceux qui se sont occupés de ce point particulier, il

demande non seulement des asiles spéciaux, mais encore une loi

spéciale ou tout au moins, à défaut de celle-ci, un ou des articles

additionnels à la loi sur les aliénés ou à la loi répressible sur

l'ivresse pour permettre l'internement des buveurs d'habitude et

leur maintien à l'asile pendant le temps nécessaire à assurer leur

guérison. -

En effet, le projet présenté par le Dr Dubief contient cette grave

lacune d'ordonner la construction des locaux destinés au traite-

ment de l'ivrognerie sans fournir les moyens de forcer les ivrognes

à les occuper. Or, il est parfaitement inutile d'avoir des établisse-

ments de buveurs si ceux-ci peuvent les quitter pour recommencer

leurs libations aussitôt dissipées les fumées de l'ivresse. L'expé-

rience que j'ai acquise durant les trois années que j'ai dirigé le

quartier spécial de buveurs que j'ai fondé à Ville-Evrard m'a lar-

gement démontré l'absolue nécessité de dispositions légales pour

assurer le traitement de l'ivrognerie, Le D'7jubief nous donne

l'outil, mais pas le moyen de'nous en servir.

J'aurai fini quand j'aurai signalé le voeu très juste et très huma-

nitaire que formule le Dr Pornain dans la conclusion suivante qui

est la dernière de son consciencieux travail : « Quant aux aliénés

victimes des erreurs judiciaires et quelquefois médicale-, la science

et l'humanité réclament la revision de la sentence qui les a frap-

pés. »

Au Congrès de Rouen, M. Giraud a rappelé que les délais d'ap-

pel pour le Procureur général étaient de soixante jours et il a

raconté qu'il avait pour habitude quand on transférait de la pri-

son dans son service une aliénée condamnée à tort avant l'expira-

tion du soixantième jour, de solliciter l'appel du parquet général

et d'obtenir ainsi l'annulation du jugement de première instance.

C'est là une procédure très simple et très expéditive à laquelle tous

les aliénistes devraient recourir. Mais, passé ce délai, il ne reste

que la revision, pas facile toujours à obtenir et toujours fort

longue. Toutefois mieux vaut encore y recourir, comme le désire

M. Pornain, que de laisser peser sur l'aliéné et sa famille la honte

d'une condamnation imméritée.

Mais je m'aperçois que je me suis laissé entraîner et qu'il con-

vient de m'arrêter. C'est que le sujet n'est pas seul intéressant :

l'oeuvre du D' Pornain l'est également, et il y a vraiment grand

plaisir à examiner avec lui les problèmes d'assistance de la folie.

Je ne saurais donc trop recommander la lecture de son travail à

tous ceux que ne laissent point indifférents les déshérités de l'in-

telligence : la dégénérescence morale, l'épilepsie et l'ivrognerie.

. Dr E. MARANDON DE MONTY EL.

268 VARIA.

VI. A. Paranoïa ; par J. de MATTOS. (Lisbonne, 1898, un vol.

in-f2, 200 p.)

M. de Mattos a entrepris le dur labeur de reprendre toute l'his-

toire des délires systématisés suivant toutes leurs dénominations

depuis Arétée jusqu'à aujourd'hui : 1° Phase initiale avec les

mélancolies comprenant tous les délires fixes, avec plus tard les

monomanies; 2° Phase analytique (Fabret, Snell, etc.) ; 3° Phase

synthétique (Morel, Magnan, Tauzi, Cramer, Westphall). Daus la

seconde partie de l'ouvrage, toutes les théories précédemment

exposées sont critiquées de la manière la plus scientifiquement

serrée, et la « Paranoïa » est séparée des « Veruckteit » en com-

battant les idées de Schule et de Krafft-Ebing aussi bien que celles

de Lasègue, de Foville, de Morel et de Magnan, la critique porte

sur le terrain clinique et pathologique et plus encore sur l'étiolo-

gie et la pathogénie. L'auteur repousse l'idée d'un raisonnement

d'un besoin d'explication de la part du malade, amenant le délire

ambitieux. Celui-ci éclot spontanément. Les délires paranoiaques

sont primitifs et d'origine idéative ; M. de Mattos n'admet nul-

lement le rôle pathogénique des hallucinations sur le délire, rôle

admis par l'Ecole française ; pour lui la conception délirante pré-

cède l'hallucination. Il repousse également la théorie classique de

l'obsession qui, pour lui, n'est qu'une forme abortive de délire

systématisé ; ce dernier à son tour est une obsession progressive,

à l'appui de cette théorie, l'auteur aborde une ontogénie très

abstraite montrant que l'idéation normale et pathologique se

forme comme l'être pensant lui-même, d'une manière graduelle et

en quelque sorte stratifiée, par la voie atavique. Il conclut en

demandant l'extension de l'idée de dégénérescence et sa plus grande

généralisation. La paranoïa n'est en dernière analyse qu'une dégé-

nérescence. F. 130¡SSIER.

VARIA.

Superstitions, possession DU démon.

Sous ce titre : Le Sauvage de Valley-River ; Superstitions, les

Annales de la propagation de la Foi de septembre 1897, rapportent

le récit d'un missionnaire qui, après avoir rapporté que les « sau-

vages » de ce pays croient aux sorciers, se livrent, au son des

tambours, à des danses et à un formidable tapage pour chasser

le démon auteur des maladies, poursuit ainsi :

VARIA. 269

« A ma première visite, je trouvai là un sauvage réellement pos-

sédé du démon. D'après un pacte conclu entre lui et le prince des

ténèbres, après sept ans il devait devenir sa propriété. Je n'ai ja-

mais pu connaître les conditions du contrat. Les sept années

étaient écoulées et le démon semblait vouloir s'emparer de sa

proie. Pendant le jour. ce sauvage était en parfaite santé ; mais,

à la tombée de la nuit, tout à coup, il était jeté à terre, ses mem-

bres se raidissaient, il pouvait à peine parler. Je fus appelé pen-

dant une de ces crises. 11 était gisant sur le sol. Je lui adressai

quelques paroles, l'exhortant à embrasser la religion catholique.

Il me répondit :

« Je vois le diable. Déjà je brûle. Le mauvais esprit me dit que

tes paroles sont bonnes, ainsi que ta religion; mais il s'empresse

d'ajouter qu'il est trop tard. Quand bien même je prierais, je

n'irais pas au ciel. Nous avons l'ait un pacte ensemble, il faut le

suivre jusqu'au bout. »

Je répliquai qu'il ne fallait pas ajouter foi à ces paroles, car le

démon est le père des mensonges. « Lorsque tu parles, reprit

le sauvage, le mauvais esprit tourne la tête, il a honte. » En-

fin après une heure d'encouragements, notre possédé devint plus

calme et me dit : « Je vais réfléchir, et demain je te donnerai une

réponse. »

Le lendemain à 10 heures, il vint me voir. 11 était alors bien

portant. Je lui conseillai de nouveau de se faire baptiser. Quelques

sauvages païens se mirent de la partie. Il donna enfin son con-

sentement. De suite, je l'instruisis, afin de pouvoir le baptiser avant

mon départ. Après les instructions nécessaires, je commençai les

cérémonies. J'arrivai aux questions :

« - Crois-tu en Dieu le père, tout-puissant, créateur du ciel et

de la terre ? » - « Oui, » me répondit-il. » Je lui demandai : -.

« Crois-tu en Jésus-Christ son fils unique ? », etc. Il me répond

encore affirmativement. Enfin, me voilà à la troisième question :

« Crois-tu au Saint-Esprit ? » - Croyant sans doute que je dou-

tais de sa foi, il répond brusquement : « Tu n'as pas besoin de me

demander tout cela ; je comprends tout, je comprends tout. »

IL reçut donc le saint baptême et il n'eut pas à s'en repentir.

Le démon le laissa et il revint en parfaite santé. Avant de le quitter,

je lui recommandai de nouveau de faire souvent le signe de la

croix, lui disant qu'avec ce signe il pourrait chasser le mauvais esprit.

Singulier état psychologique que celui de ce missionnaire catho-

lique se moquant des sauvages de Valley-River, parce qu'ils croient

à la possession démoniaque, font des cérémonies bizarres pour

supprimer l'influence néfaste des sorciers et chasser le démon, -

alors que lui-même croit au démon et que sa religion prescrit

aussi des cérémonies non moins bizarres sous prétexte de délivrer

les prétendus démoniaques !

270 VARIA.

NÉCESSITÉ DE L'ASSISTANCE DES ARRIÉRÉS.

Sous ce titre : Le Crime d'un (ou, le Temps du 9-6 janvier

rapporte le fait suivant : -.

Un crime horrible a été commis hier soir, à Charenton, par un

fou. Le malheureux, dans un accès de délire, a d'abord essayé

d'étrangler sa mère, puis, s'apercevant- après quelques instants

qu'elle vivait encore, il lui a presque tranclié la tête à coups de

rasoir. Voici, sur ce drame, les renseignements que nous avons

recueillis :

Mme veuve Laurent, âgée de soixante-cinq ans, habitait depuis

longtemps avec son fils Paul, qui a vingt-deux ans, un petit loge-

ment rue des Quatre-Vents. l'aul Laurent avait eu une jeunesse

maladive. Faible d'esprit autant que de corps, on ne put jamais

l'employer à aucun travail sérieux : au cours de la seule tentative

qn'on fit de l'occuper dans un atelier de chaudronnerie, il reçut

à l'oeil gauche et à la main droite deux blessures graves qui le

dégoûtèrent à tout jamais de travailler.

Depuis, il resta chez sa mère, passant le temps en longues rêve-

ries dont il ne sortait guère que pour quereller la vieille femme.

Les signes de dérangement cérébral qu'on avait autrefois remar-

qués devinrent chez lui plus fréquents. Il y aquinze jours, dans une

crise de désespoir inexpliquée, il se tira même trois coups de revolver

dans la tête ; mais, les blessures étant insignifiantes, le jeune

homme ne resta que quelques jours à l'hôpital, et on le ramena

ensuite chez sa mère. Vainement les voisins conseillaient à celle-ci

de le placer dans une maison de santé. Mm0 Laurent s'y refusa

formellement, par affection pour le malheureux. Sa bonté devait

avoir les plus tristes conséquences.

Hier soir, à sept heures, Paul Laurent rentrait, rue des Quatre-

Vents, dans un état de surexcitation extraordinaire. « J'ai peur

de lui, dit sa mère, aux voisines, tellement peur que je ne me

coucherai pas cette nuit... » Cependant, jusque vers huit heures,

on n'entendit du dehors rien d'anormal : à peine quelques éclats

de voix. Mais on y était habitué dans la maison et on n'y attacha

pas d'importance. Ce ne fut qu'un peu plus tard qu'une femme,

dont la chambre est voisine de celle de 111 ? Laurent, entendit

crier faiblement : « Au secours, il m'assassine ! » et comprit qu'un

drame se passait à côté. Malheureusement, cette jeune femme était

alitée, elle ne put appeler personne, et même s'évanouit de frayeur.

Enfin, à huit heures et demie, Paul Laurent sortit tout à coup

de l'appartement. Il en ferma soigneusement la porte, puis se

dirigea en courant vers la mairie de Charenton, où se trouve un

poste de police. J'ai tué ma mère, s'écria-l-il en entrant dans

le poste. Arrêtez-moi 1

VARIA. 27'1 Il

Les gardiens de la paix maintinrent le jeune homme, qui était

couvert de sang, et M. Cuvillier, commissaire de police, se rendit

aussitôt rue des Quatre-Vents, muni d'une clef que lui avait remise

le parricide lui-même. Dans la chambre à coucher, il trouva le

cadavre de la vieille femme étendu à terre : la tête avait été

presque complètement détachée du tronc à coups de rasoir.

Cette constatation faite, le commissaire de police revint au

poste. Mais pendant plus d'une demi-heure il fut impossible d'ar-

racher au meurtrier autre chose que des paroles incohérentes.

Enfin, à force de douceur, le magistrat finit par calmer le fou qui

lui dit alors : Pourquoi a-t-elle voulu absolument me faire boire

ma potion ? (On lui donnait chaque soir une potion calmante.)

Je ne voulais pas boire. Elle a insisté. Alors je me suis fâché, et,

la saisissant par le cou, j'ai cherché à l'étrangler. Elle est tombée

en criant. J'ai serré plus fort, et comme elle ne bougeait plus, je

l'ai étendue au milieu de la pièce. J'allais ensuite m'en aller, mais

au moment où je sortais, elle a tourné la tête. Alors j'ai pris un

rasoir, et je lui ai coupé le cou...

Ce récit fait tout d'une haleine et d'une voix très calme, le fou

fondit en larmes. Mais bientôt ses yeux se séchèrent, il recom-

mença à divaguer et le commissaire ne put obtenir de lui aucun

détail nouveau. Paul Laurent a été conduit aujourd'hui à l'infir-

merie spéciale du Dépôt. Aujourd'hui également on a transporté à

la Morgue le corps de la victime, qui sera examiné par un méde-

cin légiste. (Le Temps, 26 janvier 1900.)

Drames DE l'alcoolisme.

Ivrogne incendiaire. De janvier à août, et notamment en

janvier, février, juillet et août, un incendiaire s'amusait à

mettre le feu aux meules de blé ou d'avoine appartenant

aux cultivateurs de Prasville (Eure-et-Loir). C'est ainsi que

MM. Violette, Prévost, Deshaye, Morchoisne et Marceau eurent

chacun des meules brûlées pendant la nuit. Après le troisième

incendie, mais sans le soupçonner d'en être l'auteur et simplement

parce qu'il buvait, on révoquait de ses fonctions de tambour des

pompiers un habitant du pays, Adolphe Gesse. Or, le lendemain

de l'incendie de la meule de M. Morchoisne, dans le courant

d'août, on constatait la disparition de l'ancien tambour des pom-

piers. Gesse fut arrêté peu après. Non seulement il se reconnut

l'auteur de l'incendie de la meule de Morchoisne, mais encore il

fit connaître que c'était lui qui avait allumé les autres meules.

Quand on l'interrogea sur les mobiles de ces incendies, il répon-

dit : « C'est une idée comme ça qui me faisait agir quand j'avais

bu. » Gesse est, en effet, un ivrogne, un alcoolique invétéré. Tous

272 FAITS DIVERS.

les incendies qu'il a allumés, il les a allumés soit le samedi soir,

soit le soir d'un dimanche ou d'une fête, alors qu'il était ivre. Il

mettait le feu pour pouvoir boire encore aux frais de la commune

et après l'heure réglementaire, puisque en cas d'incendie, on paie

à boire à ceux qui travaillent à l'extinction du feu et que les ca-

barets restent ouverts toute la nuit. Gesse n'a que 30 ans. Il exer-

çait la profession de vacher. Il était, en outre, tambour des sapeurs-

pompiers. Les médecins qui l'ont examiné au point de vue mental

ont conclu il sa responsabilité limitée. L'ivrogne incendiaire a été

condamné à deux ans de prison. (Le Bonhomme Normand, 17 î

au 23 novembre 1899.)

FAITS DIVERS.

Asiles publics d'aliénés. Nominations et promotions : M. le

Dr Levet, médecin adjoint à Montleverques (Vaucluse), est nommé

en la même qualité à Bassens (Savoie); M. le U Dnaw.nrc, médecin

adjoint àBailleul (Nord), est promu à la première classe du cadre;

- Ni. le D'Tuivet, médecin adjoint à Quatre-Mares (Seine-Infé-

rieure), est nommé médecin en chef à Clermont (Oise) en rem-

placement du Dr Champard, décédé (février).

Sourd-muet assassin. La cour d'assises de l'Aisne a condamné

à huit ans de travaux forcés le nommé Joseph Hubert, vingt et

un ans, sourd-muet qui bousculé sur la route par un bicychste, le

sieur Cotterel, coutelier, l'avait tué d'un coup de canne à épée,

puis s'était sauvé en enfourchant la bicyclette de sa victime. (Le

Bonhomme Normand du 17 au 23 novembre 1899.)

Les épileptiques. - La demoiselle Clémentine Bouvet, âgée de

68 ans, de Saint-Germain-de-la-Coudre, qui est épileptique, est

morte au cours d'une crise de cette terrible maladie. (Le lion-

homme Normand, 14 décembre 1899.)

Le rédacleur-geranl : BOUR,,E'ILLE.

Errew, Ch. lIf.mssE'1 imp. - 2 1900.

Vol. IX. Avril 1900. N" 52.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

ANATOMIE PATHOLOGIQUE.. ,

- i *'

Sur l'état variqueux des dendrites cortica : la. :

Par le Dr Serge SOUKHANOFF ',

Médecin de la Clinique psjcbialmiue de Moscou.

Les prolongements protoplasmiques ou dendrites des cel-

lules nerveuses de l'écorce cérébrale des animaux vertébrés

adultes, traitée par la méthode de Golgi-Ramon y Cajal, dif-

fèrent d'une manière très marquée des prolongements cylin-

draxiles ; l'une des marques distinctives la plus caractéristique

des dendrites du prolongement nerveux au cyliudraxile est,

entre autre, que les premières sont couvertes d'une masse

d'appendices latéraux particuliers, portant divers noms ;

Ramon y Cajal les nomme épines collatérales; les auteurs

anglais pour les désigner emploient le terme eMtMnoe;

D1" Stefanowsl : a a proposé de leur donner le nom d'appen-

dices piriformes,. il y a des auteurs qui les nomment sim-

plement appendices, d'autres appendices épineux. Le mieux,

selon nous, qui leur convient, c'est le nom d'appendices

collatéraux ; le terme épines ou appendices épineux n'est

point tout à fait juste, car les appendices en question n'appa-

raissent pas pointus, mais ils sont arrondis.

On observe des appendices collatéraux non seulement chez

les vertébrés, mais aussi chez divers invertébrés; nous en

avons rencontré chez l'homme, le chien, le chat, le cobaye,

4 Du laboratoire de la clinique psychiatrique de l'Université de Moscou.

Archives, 2' série, t. IX. 18

274 ik ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

le lapin, la souris, la poule, le choucas, le carassin et la gre-

nouille. Ils ont été aussi trouvés par quelques auteurs non

seulement dans l'écorce cérébrale, mais encore dans diverses

régions du cerveau. Quant à leur grandeur elle est très variée

même sur une seule et même dendrite ; de pair avec les

appendices comparativement gros ou très menus se trouvent

des appendices collatéraux d'une grandeur moyenne, dont le

nombre domine sur les autres. C'est surtout le panache pro-

toplaslique des cellules pyramidales et les dendrites de la

couche superficielle de l'écorce cérébrale, qui sont richement

pourvus d'appendices collatéraux. Sur le corps cellulaire et sur

les gros prolongements protoplasmatiques qui prennent leur

origine du corps cellulaire, par exemple, sur la tige ascen-

dante des cellules pyramidales les appendices collatéraux

commencent à paraître seulement à quelque distance du corps

cellulaire. Dans l'écorce cérébrale les dendrites de presque

toutes les cellules nerveuses sont recouvertes d'une grande

quantité d'appendices collatéraux, mais il faut remarquer,

que dans l'écorce cérébrale des animaux adultes bien por-

tants on rencontre parfois des cellules nerveuses, sur les pro-

longements desquelles on ne parvient pas à voir d'appendices

collatéraux ; peut-être, ce sont des éléments nerveux appar-

tenant au type des cellules à prolongement cylindre-axe court

ou ascendant (cellules de Golgi et celles de Martinotti) ; les

dendrites de ces dernières cellules se trouvent en état vari-

queux et diffèrent très nettement des prolongements proto-

plasmatiques normaux et bien développés. Dans l'écorce céré-

brale de certains animaux nouveau-nés il existe un grand

nombre d'appendices collatéraux, chez d'autres, au contraire il

n'y en a qu'un petit nombre.

En nous basant sur les recherches personnelles de l'écorce

cérébrale de quelques animaux vertébrés nouveau-nés, nous

pensons que chez les animaux nouveau-nés qui viennent au

monde en état de faiblesse (comme par exemple, la souris, le

chaton, le choucas, etc...) la structure de l'écorce cérébrale

diffère de beaucoup de celle des animaux adultes ou de ceux

qui, dès qu'il sviennent au monde, ont la capacité de marcher

et même de courir tout de suite (le cobaye, le poulet, etc.);

cette différence histdlogique entre l'écorce cérébrale em-

bryonnaire et entre l'écorce cérébrale bien développée con-

cerne non seulement le degré de développement du corps

SUR l'état variqueux DES DENDRITES corticales. 275

cellulaire, mais elle s'exprime encore très visiblement dans

la structure et dans l'aspect extérieur de maints prolongements

protoplasmatiques qui ont dans le premier cas par leur lon-

gueur des épaississements et des gonflements et sont pauvres

en appendices collatéraux.

Dans l'écorce cérébrale des animaux adultes normaux

quelques-unes des dendrites terminales, préalablement celles

qui traversent les couches superficielles de l'écorce cérébrale,

se trouvent par place en état perlé; mais ce dernier n'est

point très marqué. Notons ici encore que sur les dendrites

terminales, où existent des gonflements ou des épaississe-

ments, le nombre d'appendices collatéraux diminue et ils

commencent à se disposer d'une manière irrégulière.

Certains auteurs doutent de la réalité de l'existence des

appendices collatéraux et les envisagent comme un produit

artificiel, provenant pendant l'imprégnation des- éléments

nerveux par le chromate d'argent.

Ramon y Cajal parvint à s'assurer à l'aide de la coloration

spéciale des cellules nerveuses corticales par le bleu de méthy-

lène, que les prolongements protaplasmatiques sont aussi

couverts d'appendices collatéraux ; on peut le voir aussi sur

les préparations traitées par la méthode de Cox. Ayant en vue

qu'il y a des auteurs, qui croient que les appendices collaté-

raux se manifestent seulement grâce à l'usage de l'acide

osmique, nous avons fait aussi des préparations sans avoir eu

recours à ce dernier et nous avons pu constater tout de même

l'existence des appendices collatéraux.

Ainsi donc, d'après nous il ne faut pas douter que les appen-

dices en question sont réels. D'un autre côté, si même nous

admettons que les appendices collatéraux sont un produit

artificiel il est incompréhensible alors de savoir pourquoi on

les voit toujours seulement sur les prolongements protoplas-

matiques des cellules corticales et pourquoi elles manquent

toujours sur le corps cellulaire et sur les prolongements

cylindraxiles. En résumant les données histologiques concer-

nant la question qui nous intéresse pour le moment, nous

en venons aux conclusions suivantes :

z10 Les prolongements protoplasmatiques des cellules ner-

veuses de l'écorce cérébrale des animaux adultes normaux

sont couverts d'une masse d'appendices collatéraux; 2° ce

n'est que çà et là qu'on peut observer dans l'écorce cérébrale .

276 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

des dendrites terminales qui sont en élat perlé ; 3° chez

quelques-unes des cellules nerveuses de l'écorce cérébrale,

que l'on rencontre très rarement et qui n'appartiennent pas

à la catégorie des éléments pyramidaux, tous les prolonge-

ments protoplasmatiques ont un aspect variqueux et sont

tout à fait privés d'appendices collatéraux; 4° les appendices

collatéraux ne sont pas développés à un même degré chez

différents vertébrés nouveau-nés; 5° ces appendices augmen-

tent de beaucoup la quantité de la substance protoplasma-

tique nerveuse.

En passant dans la région des données pathologiques, nous

rencontrons ici des modifications particulières des prolonge-

ments protoplasmatiques de cellules nerveuses corticales

dans divers procès pathologiques ; ces modifications portent

différents noms chez différents auteurs, à savoir : état

variqueux des dendrites, atrophie variqueuse, état perlé,

état moniliforme, atrophie moniliforme, etc. Le processus

morbide se manifeste parce que l'état moniliforme, qu'on

observe dans l'écorce cérébrale des .animaux adultes nor-

maux très rarement, dans les cas pathologiques se renforce

et s'exprime en outre dans une forme un peu autre. Ce sont

les dendrites terminales qui s'altèrent le plus facilement et

préalablement celles qui passent dans les couches superfi-

cielles de l'écorce cérébrale; le processus variqueux se. pro-

page ordinairement dans la direction du corps cellulaire et

sur une seule et même branche protoplasmatique on peut

observer divers degrés de déformation ; la partie centrale de

la dendrite déformée peut rester intacte. Les dendrites basi-

laires des cellules pyramidales se soumettent à la lésion plus

tard. Les épaississements et les gonflements, disposés sur le

trajet des prolongements protoplasmatiques, le plus souvent

ont une forme sphérique ou fusiforme ou quelque autre.

Leur grandeur présente aussi beaucoup de variations et ils se

disposent à une distance inégale l'une de l'autre. Il faut

penser que l'état moniliforme se développe ainsi : avant tout

survient la déformation des contours des dendrites, ensuite

apparaissent sur ces dernières des épaississements fusiformes

qui plus tard se transforment en gonflements sphériques.

L'état variqueux ou moniliforme des prolongements proto-

plasmatiques s'accompagne toujours d'un même phénomène

caractéristique, à savoir : dans les endroits de la dendrite, où

SUR l'état variqueux DES DENDRITES corticales. 277 Î

existe un état perlé plus ou moins marqué, les prolongements

collatéraux se disposent irrégulièrement et pas sous un coin

droit vers la longueur du prolongement protoplasmatique,

leur nombre diminue et^par places, ils disparaissent même

totalement.

En nous basant sur nos recherches nous sommes arrivés

à la conviction que l'état moniliforme dans diverses condi-

tions pathologiques présente seulement une différence quan-

titative et non qualificative : 1° on l'observe dans les intoxica-

tions chroniques et subaiguës par l'arsenic, l'alcool, le sul-

fonal, etc... ; 2° on le constate dans diverses espèces d'auto-

intoxications, comme, par exemple, dans l'urémie, aprèb

l'extirpation de la glande thyréoïdienne, etc.. ; 3° il peut se

développer très rapidement dans le trouble brusque de la

circulation dans l'écorce cérébrale, comme, par exemple,

dans nos expériences de ligature des carotides et dans les

expériences de Monti de provocation des foyers emboliques

du cerveau.

En pratiquant nos recherches sur diverses intoxications

nous ne parvînmes jamais à constater un état variqueux des

dendrites de l'écorce cérébrale peu de temps après l'intoxi-

cation ; il se développait dans les cas en question presque

toujours seulement dans quelques jours; c'est seulement dans

les intoxications des animaux par le trional qu'il survenait

comparativementvite, à savoir : après un jour et demi à deux

jours et demi.

Ainsi, il ne faut pas douter que les prolongements proto-

plasmatiques des cellules nerveuses de l'écorce cérébrale peu-

vent se modifier, donnant un tableau d'un état moniliforme,

qui n'est pas toujours également exprimé. Les conditions de

l'apparition de ce processus sont très variées.

Certains auteurs pensent que la déformation des den-

drites ci-dessus décrite peut être quelquefois comme le

résultat des modifications cadavériques. Par exemple, Havet

indique que l'état variqueux des prolongements protoplas-

matiques, se développant comme phénomène cadavérique est

aussi accompagné d'une disparition d'appendices collatéraux.

L'auteur en question a fait la remarque, que quelques-uns

des résultats de nos expériences faites au laboratoire de

M. le professeur Van Gehuchten doivent être regardés comme

produit artificiel cadavérique. Nous ne pouvons pas être

278 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

d'accord avec M. llavet, et voilà pourquoi : les résultats de

nos recherches spéciales, faites pour éclaircir la question con-

cernant l'apparition de l'état moniliforme cadavérique, ont

démontré que l'état variqueux des prolongements protoplas-

matiqnes des cellules nerveuses de l'écorce eérébrale, comme

phénomène post-mortem, se développe chez divers animaux

normaux avec une vitesse inégale, ce qui dépend de diverses

conditions, et l'état moniliforme dans ces cas porte tout de

même un caractère un peu autre, à savoir : dans ces cas pré-

valent souvent des gonflements sphériques, et il n'y a pas ici

de lésion préalable des dendrites terminales. Plus la tempé-

rature dans laquelle a été conservé le cadavre est haute et

plus il y a de temps écoulé après le moment de la mort, plus

il faut s'attendre à des changements cadavériques. Sur la

rapidité de l'apparition de ces derniers a beaucoup d'influence

aussi l'épaisseur des tissus cutanés et osseux du crâne ; plus

ils sont fins, plus il y a de possibilité, sans doute, à l'air exté-

rieur de pénétrer à travers ces tissus, et d'autant plus vite

surviennent les modifications cadavériques, ce dans quoi

nous nous sommes assuré, en faisant nos expériences sur dif-

férents animaux (souris, cobayes, lapins).

La température basse empêche l'apparition de l'état mo-

niliforme post-mortem des dendrites corticales; par exemple,

lorsque le cadavre de la souris a été exposé pendant un jour

et demi à quatre jours à une forte gelée, la structure de

l'écorce cérébrale ne présente rien de particulier. Si le

cadavre d'un cobaye restait à une température de 15" Réau-

mur durant dix-huit heures, les modifications post-mor-

telles étaient insignifiantes et après vingt-quatre heures elles

étaient plus marquées. Si on prend la température un peu

plus basse, alors on ne peut constater avec pleine assurance

l'apparition des changements cadavériques après le temps

indiqué.

La manifestation des modifications cadavériques n'est pas

égale dans les cellules saines et les cellules déjà modifiées

par l'un ou l'autre processus morbide. Confirmons ce que

nous venons de dire d'un exemple : dans l'écorce cérébrale

d'un cobaye soumis pendant plus de dix jours à une intoxi-

cation par le sulfonal et dont le cadavre resta sans autopsie

quelques heures, on observa un état moniliforme des den-

drites très marqué, et dans l'écorce d'un cobaye normal, dont

SUR l'état variqueux DES dendrites corticales. 279

l'autopsie eut lieu dix-huit heures après la mort, l'état vari-

queux des dendrites n'atteint point à un degré tant soit peu

important. Par conséquent, on peut supposer que les prolon-

gements protoplasmatiques des cellules nerveuses avec trouble

de nutrition quelques heures après la mort de l'animal se

modifient comparativement vite, donnant le tableau d'un

état moniliforme plus ou moins marqué.

En terminant la revue-des conditions qui provoquent l'état

variqueux des dendrites des cellules nerveuses corticales, il

nous reste encore à mentionner les expériences de M. De-

moor et de M»e Stefonowska, qui s'en sont occupés sous la

direction de M. le professeur Ileger. Ce dernier et ses élèves

aussi admettent que les dendrites de l'écorce cérébrale ont

la propriété de changer rapidement leur forme sans l'influence

de différents narcotiques, et ils basent leurs conclusions sur

des expériences correspondantes. Ayant fait nous-même des

expériences identiques, nous eûmes dans tous les cas ana-

logues des résultats négatifs.

A présent, passons à la considération des données citées

plus haut au point de vue de la physiologie normale et patho-

logique. Comme nous l'avons vu, presque toutes les cellules

nerveuses de l'écorce cérébrale ont sur leurs dendrites une

grande quantité d'appendices collatéraux, de grandeur varia-

ble, qui sontdela même substance protoplasmatique nerveuse

que les dendrites elles-mêmes, et qui servent d'appendices ter-

minaux à ces dernières. Il est possible que ces appendices

participent dans la perception des excitations cellulipètes qui

parviennent à la cellule nerveuse des autres éléments ner-

veux. On peut considérer les dendrites des cellules nerveuses

comme des organes ayant une liaison intime avec la nutrition

de la cellule ; les appendices collatéraux doivent aussi avoir

un rapport avec cette fonction. Plus la cellule nerveuse est

riche de prolongements protoplasmatiques et plus elle a

d'appendices collatéraux, plus son activité est compliquée et

plus elle réclame de substance nutritive.

Nous ne pûmes nous convaincre de la propriété des den-

drites à changer rapidement leur forme et à passer dans un

état variqueux sous l'influence des narcotiques et c'est pour

cela que nous ne pouvons pas être d'accord avec l'opinion

que l'état moniliforme des prolongements protoplasmatiques

est une indication immédiate sur la contractilité du proto-

280 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

plasma nerveux et présente un substratum d'un état phy-

siologique.

M. Mathias Duval, se basant sur les recherches obtenues

par les auteurs belges, et sur les expériences de M. Manoué-

lian, faites dans son laboratoire, pense que l'état monili-

forme des dendrites sert de preuve immédiate d'amoe-

boïsme des éléments nerveux, avec quoi non plus nous ne

pouvons être d'accord. Nous croyons que l'état moniliforme

des prolongements protoplasmatiques doit être considéré

comme une modification très grossière. La mobilité physio-

logique du protoplasma nerveux a lieu probablement sous

une lorme plus délicate et plus fine. Si nous admettons que

les appendices collatéraux des dendrites présentent des

organes mobiles , alors les modifications même presque

nulles de leur forme et de leur grandeur peuvent être accom-

pagnées de changements physiologiques très marqués.

Nous sommes arrivé à la conviction que l'état moniliforme

des prolongements protoplasmatiques des cellules nerveuses de

l'écorce cérébrale ne peut pas servir d'expression du procès

physiologique, mais on l'observe dans divers états patholo-

giques. En comparant les résultats reçus par nous et les don-

nées analogues des autres auteurs, nous nous sommes assuré

que l'état variqueux des dendrites est une indication sur

l'état pathologique de la cellule nerveuse développée. Lais-

sant de côté l'aspect perlé des prolongements protoplas-

matiques des cellules nerveuses embryonnaires, nous nous

occuperons d'une manière plus détaillée de l'examiner comme

un symptôme pathologique.

Nous avons déjà indiqué plus haut que les cellules ner-

veuses de l'écorce cérébrale dans diverses conditions patho-

logiques réagissent par un état moniliforme des dendrites,

qui est le même du côté qualificatif : En débutant dans les

prolongements les plus longs et par conséquent les moins

fermes, il se propage graduellement en direction cellulipète.

Il faut penser, pour cette raison, que les rameaux terminaux

des prolongements protoplasmatiques apparaissent comme

appendices qui se modifient le plus facilement. Comme il est

bien probable que les dendrites des cellules nerveuses servent

non seulement à la réception par le neurone des ! impul-

sions cellulipètes du côté des autres unités nerveuses, elles

apparaissent aussi comme organes prenant une vive part

SUR l'état variqueux DES DENDRITES corticales. 281

dans la nutrition de la cellule nerveuse, c'est-à-dire des or-

ganes ayant une liaison intime avec le système vasculaire ;

il est donc compréhensible alors, qu'un dérangement de

nutrition provoqué d'un moyen ou d'un autre, se reflète

sans doute sur l'état des organes aussi délicats que les

prolongements protoplasmatiques des cellules nerveuses.

Quelle est donc la forme du trouble de nutrition dans l'écorce

cérébrale qui mène à l'état moniliforme des prolongements

protoplasmatiques de ses cellules nerveuses ? Des modifica-

tions plus grossières, comme par exemple, une modification

. rapide et aiguë de la circulation vasculaire dans le cerveau,

provoquée par la ligature des carotides, mène à des défor-

mations très profondes des dendrites de l'écorce cérébrale ;

quant à l'h3'perbémie causée par l'influence des narcotiques

sur le cerveau, elle donne un tout autre tableau, c'est-à-dire,

qu'on ne peut pas constater dans ces conditions des éloigne-

ments marqués de la normale. Mais sous l'influence d'une

intoxication ou d'une auto-intoxication comparativement

d'assez longue durée, peut-être qu'il n'y a point dans l'écorce

cérébrale d'aussi grossiers changements vasculaires, comme,

par exemple, après la ligature des carotides, mais des modi-

fications moins grossières de circulation du sang qui mènent

à la diminution de la capacité d'attirer et d'absorber le maté-

riel nutritif, dont la substance chimique subit des modifi-

cations profondes. Certaines intoxications plus facilement

que d'autres provoquent l'état moniliforme des prolonge-

ments protoplasmatiques de l'écorce eérébrale. Evidemment,

les substances qui ont une affinité plus proche avec les élé-

ments du système nerveux central, provoquent plus vite quel-

quefois les changements morphologiques dans les prolonge-

ments protoplasmatiques des cellules nerveuses.

L'état variqueux des dendrites, même très marqué, ne peut

être envisagé comme un état qui mène absolument au dépé-

rissement du corps cellulaire et, par conséquent, de tout le

neurone ; autant que nous avons pu nous en convaincre, en

nous basant sur des expériences personnelles, l'état moni-

liforme des prolongements protoplasmatiques, sous des condi-

tions favorables, peut s'effacer graduellement.

Plus il y a de dendrites intéressées par l'état variqueux et

plus ce dernier est rapproché du corps cellulaire, plus la lé-

sion de la cellule est grave et intense. D'après l'exploration

282 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

de certains auteurs qui se sont servi de la méthode de Golgi

(par exemple, Ceni), même lorsque l'état variqueux est très

marqué, la cellule nerveuse conserve sa fonction trophique

relativement au prolongement cylindraxile, dont la dégéné-

rescence ne survientque quand les épaississements etles gon-

flements, placés sur les dendrites, passent déjà sur le corps

cellulaire.

Venant à la conclusion que l'état perlé des prolongements

protoplasmatiques des cellules nerveuses de l'écorce céré-

brale chez les animaux adultes sert à démontrer l'état

pathologique des éléments nerveux, nous devons le considé-

rer comme une atrophie particulière, comme dégénérescence

suigeneris. Bien des auteurs pourl'indicationdel'état monili-

forme des dendrites, comme état pathologique, employent

des termes différents ; dans la région qui nous intéresse nous

rencontrons les termes suivants : atrophie variqueuse, dégé-

nérescence variqueuse, etc... De notre côté nous trouvons,

que le terme « atrophie variqueuse des prolongements pro-

toplasmatiques ou des dendrites » est très commode, simple

et compréhensible pour marquer la dégénérescence en ques-

tion.

L'état perlé des prolongements protoplasmatiques des

cellules nerveuses de l'écorce cérébrale qui a été constaté

dans des maladies psychiques accompagnées de démence,

donna lieu à certains auteurs (Peelers, Azoulay et Klippel)

de mettre en liaison les modifications constatées avec affai-

blissement de l'activité mentale ; en même temps on fait

attention à ce que l'état variqueux des dendrites s'accom-

pagne toujours d'une diminution et même d'une disparition

totale d'appendices collatéraux, servant, comme le pensent

Demoor, Stefanowska et quelques autres auteurs, à la forma-

tion des contacts entre les éléments nerveux. Peeters indique à

ce propos que le nombre d'appendices collatéraux des prolon-

gements protoplasmatiques dans l'écorce cérébrale, diminue

évidemment, au sur et à mesure que les capacités mentales

s'affaiblissent. Demoordans un de ses derniers ouvrages, dédié

spécialement à la discussion de la question de ce que présente

l'état moniliforme, applique à l'explication des phénomènes

de la région de la vie mentale, normale, ainsi que de la

région de la psychopathologie, son opinion sur l'état va-

riqueux des dendrites.

SUR l'état variqueux DES DENDRITES corticales. 283

Anglade dit qu'il a observé l'état perlé des dendrites dans

certaines maladies psychiques, parmi lesquelles il nomme,

par exemple, la mélancolie, mais sans souligner la liaison

avec l'abaissement des capacités mentales.

Agapoff (Russie) a constaté chez les paralytiques généraux

de pair avec l'état moniliforme des dendrites corticales

une diminution considérable des appendices collatéraux.

Des données que nous venons de citer on voit que les faits,

concernant l'état moniliforme des prolongements protoplas-

matiques des cellules nerveuses de l'écorce cérébrale dans des

maladies mentales sont pour le moment peu nombreux et

ne nous permettent pas de faire des conclusions définitives.

Pourtant des combinaisons obliques nous font penser qu'un

état moniliforme, tant soit peu répandu, des dendrites cor-

ticales chez l'homme doit correspondre à un tableau clinique

de démence. Nous sommes venu à cette combinaison à cause

de ce fait que chez les jeunes animaux, qui les premiers

jours de leur vie se trouvent en état de faiblesse et ne peuvent

pas marcher, les cellules nerveuses corticales présentent de

grandes particularités, se réduisant à l'existence d'un grand

nombre de prolongements protoplasmatiques qui se trou-

vent en état variqueux. Ainsi par exemple dans l'écorce

cérébrale d'un chaton normal, qui a vécu trois jours, nous

avons constaté un nombre assez considérable de cellules ner-

veuses, dont les dendrites étaient en état variqueux.

Par conséquent, l'insuffisance de développement psy-

chique chez certains animaux nouveau-nés peut être mise en

dépendance directe d'un développement insuffisant et incom-

plet des neurones de l'écorce èérébrale, se manifestant dans

l'existence d'un état perlé des prolongements protoplasma-

tiques et dans leur pauvreté en ramifications collatérales et

en appendices collatéraux, ce qui saute aux yeux à l'examen

microscopique de l'écorce cérébrale d'un chaton nouveau-né.

En comparant l'écorce cérébrale traitée par la méthode

de Golgi, prise chez un animal adulte avec des modifications

régressives dans les prolongements protoplasmatiques, c'est-

à-dire, avec une atrophie variqueuse de ces derniers, et

l'écorce cérébrale des animaux nouveau-nés qui viennent au

monde dans un état de faiblesse, il est facile, une fois qu'on

est déjà habitué, de dire à quoi nous avons affaire, puisque

l'état moniliforme comme dégénérescence variqueuse des

284 -il ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

dendrites diffère par des particularités très marquées del'état

perlé des prolongements protomasplatiques chez certains

animaux nouveau-nés. Ainsi donc, la supposition que l'atro-

phie variqueuse des dendrites signifie leur retour à l'état

embryonnaire peut être admise avec certaines explications.

L'analogie existe seulement relativement à ce que dans le

premier cas l'état moniliforme des prolongements protoplas-

matiques des cellules nerveuses de l'écorce cérébrale doit

correspondre, évidemment, à l'affaiblissement des capacités

mentales, tandis que dans le second cas l'état moniliforme,

ressemblant à un cet tain degré à celui du premier cas, sert

à démontrer un développement incomplet de l'activité psy-

chique.

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CLINIQUE MENTALE

Les objets de piété comme instruments de meurtre

dans le délire religieux; .. .

Par le D'A. CULLERRE,

Médecin-directeur de l'asile d'aliénés de La Rocle-sur-Ton.

L'homicide, le suicide, les mutilations accomplis avec' une

sombre et cruelle énergie et une sûreté de main qui tient de

l'automatisme sont le propre du délire religieux. Ce fait

d'observation est trop connu pour que je veuille y revenir;

il est pourtant un point qui, dans l'histoire de ces réactions

délirantes, n'est pas complètement étudié, c'est le choix des

moyens mis en oeuvre par les aliénés mystiques pour obéir à

ces impulsions.

On sait que l'exécution des actes dont nous parlons a par-

fois une signification symbolique. A côté de ceux qui tuent

dans des conditions banales, uniquement occupés de l'idée

d'expédier leur victime au ciel, il en est qui s'entourent de

circonstances extraordinaires, prétendant, par exemple,

renouveler le sacrifice d'Abraham. D'autres, comme Lovat,

se crucifient tout vivants en mémoire du supplice du Christ ;

d'autres, pour se mutiler, se coupent le bras qui a été l'ins-

trument du péché; nombreux sont ceux qui, pour s'assurer

un degré de perfection supérieur ou pour se punir d'un man-

que à la chasteté, s'amputent les parties génitales ; ce dernier

cas est particulièrement fréquent si j'en crois ma propre

Archives, 2e série, t. IX. 19

290 CLINIQUE MENTALE.

expérience, car j'ai observé successivement quatre aliénés qui,

sous l'influence du remords, avaient cherché à se débarras-

ser de leurs testicules.

Mais de même que l'exécution de l'acte peut être empreinte

d'un cachet symbolique trahissant ainsi d'une façon éclatante

son origine, de même l'instrument choisi peut emporter à son

tour une signification nettement mystique et religieuse. Peut-

être doit-on voir précisément quelque signification de ce

genre dans l'emploi préféré du couteau ou de la hache par

les délirants religieux chroniques, l'arme blanche étant celle

à laquelle les livres sacrés font le plus fréquemment allusion.

J'ai été frappé de ce fait qu'un mégalomane religieux observé

par moi depuis plusieurs années, ayant, pour obéir à une

voix d'en haut, sacrifié dans la même nuit son père, sa mère

et leur domestique, s'était servi d'une hache, arme dont il

n'avait pas l'habitude, alors que, passant une partie de son

temps à la chasse, il maniait presque quotidiennement un

fusil.

Mais une preuve plus certaine de ce choix mystique, qu'il

soit pleinement conscient ou simplement inspiré par d'obscu-

res auto-suggestions ignorées du malade lui-même, nous est

donnée par des faits dont la signification n'est pas le moins

du monde douteuse. Ce sont ceux où le fétichisme religieux

intervient pour fournir l'instrument qui servira à la perpétra-

tion de l'acte impulsif : objets de piété, crucifix, statuettes,

médailles, chapelets, etc. Ces objets ne sont pas, pour nom-

bre de croyants, de simples signes, de pures images, mais des

choses qui participent de la divinité, qui sont douées d'une

mystérieuse puissance.

Dans le choix de ces instruments de meurtre, l'intention

mystique est évidente. Frapper quelqu'un à l'aide de l'un de

ces objets sacrés, c'est commettre une action doublement

justifiée et par l'absence de péché pour celui qui l'exécute,

et parla sanctification de la victime. Se tuer ou se mutiler

soi-même dans les mêmes conditions, c'est exécuter un acte

d'expiation ou de sacrifice également innocent, louable et

utile pour le salut. Ce raisonnement n'est peut-être pas expli-

citement formulé par le malade, surtout si celui-ci appartient

à la forme aiguë du délire religieux ou la conscience subit de

si fréquentes éclipses, soit partielles, soit même totales, mais

il existe en substance au fond de sa pensée la plus intime

OBJETS DE PIÉTÉ COMME INSTRUMENTS DE MEURTRE. mol

c'est de cette pensée toute saturée de mysticité que fait érup-

tion l'impulsion la plus soudaine et la plus aveugle en appa-

rence, aussi bien que l'impulsion consciente qui, avant d'abou-

tir à sa conclusion logique, a obsédé et angoissé le malade

pendant des jours, parfois des mois et des années.

Celle sorte de neutralisation manichéenne du principe du

mal par celui du bien est d'ailleurs fréquent, dans un autre

ordre d'idées, chez les délirants mystiques. Un des malades

que j'observe actuellement voulant combattre, en lui-même

et en sa femme, le démon de la concupiscence, la faisait cou-

cher auprès de lui un rosaire enroulé autour de ses hanches

et de ses cuisses. Une aliénée citée par MM. Vallon et Marie

se livrait à la masturbation à l'aide d'un crucifix « croyant

sanctifier l'acte i o.

lime souvient d'avuir été une fois appelé en toute hâte

auprès d'une malade qu'une de ses compagnes, atteinte d'un

délire de couleur religieuse, venait d'asphyxier à moitié en

lui enfonçant de force un chapelet dans la gorge afin de chas-

ser le démon dont elle la disait possédée. J'ai vu assez fré-

quemment des aliénés avaler, dans un but de sanctification

des médailles bénites ou encore leur anneau de mariage,

objet qui, par son symbolisme mystique et par la bénédiction

rituelle qu'il a reçue dans la cérémonie religieuse de l'union

conjugale, est supposé doué de vertus préservatrices. En 1890,

j'ai observé une femme qui a étouffé son enfant en lui enfon-

çant jusqu ce que mort s'ensuivit, une statuette de la Vierge

dans la bouche. En 1892, j'ai soigné un jeûne homme qui,

dans une crise délirante, assomma presque soii père en lui

assénant sur la tête un coup porté avec une statue en plâtre

de la Vierge. Enfin, ces temps derniers, je recevais une femme

qui, dans un paroxysme délirant, avait, pour se'préserver du

démon, avalé un christ de métal brisé et qui succombait

duelquesjours aprèàdes hémonhagies foudroyantes du tube

digestif causées par les aspérités de ce corps étranger d'un

genre peu ordinaire. Je donnerai ici la relation de ces trois

faits cliniques qui, tous les trois, appartiennent à la forme

aiguë hallucinatoire du délire religieux.

Observation I. Délire religieux avec hallucinations. Démono-

' Vallon et Marie. Des psychoses religieuses et évolution progressive.

(Archives de Neurologie, 1897.) . - ,

92 CLINIQUE MENTALE.

manie. Meurtre de son enfant par suffocation à l'aide d'une statuette

de la Vierge. Guérison.

C..., femme L..., trente-huit ans, est admise le 27 mars 1890. Père et

mère vivants, très âgés, non malades. Une nièce du père s'est

pendue dans un accès de délire ; une soeur de la mère est atteinte

d'aliénation mentale. Ils ont eu cinq enfants : trois garçons nor-

maux, une fille exaltée, hystérique à grand fracas, dont les scènes

de ménage mettent tout le village en émoi, et la malade.

Cette dernière, bien que délicate de santé, n'a fait aucune maladie

sérieuse, à part, dans son enfance, la fièvre intermittente, endé-

mique dans le pays. Elle a été réglée à quatorze ans sans accident. A

21 ans, elle a eu, sous l'influence de contrariétés intimes, un accès

de délire ayant duré une dizaine de jours et à la suite duquel elle

est restée, pendant un an, dans un état d'équilibre mental ins-

table ; la moindre contrariété lui troublait les idées. Mariée à

vingt-huit ans, elle eut, au boutde deux ans et demi, un premier enfant

mort presque en naissant et dont l'extraction avait nécessité l'em-

ploi du forceps. Deux ans et demi plus tard, elle eut un second

enfant qui a vécu. Pas d'autre grossesse. A la suite des dernières

couches, prolapsus utérin qu'il a fallu contenir par un pessaire.

Depuis quelques jours, elle se sentait fatiguée, incapable de se

livrer à ses occupations habituelles ; l'intelligence était obtuse ; les

règles apparurent. Dimanche dernier 23 mars, elle se rend à la

messe, mais est incapable de trouver l'office dans son livre, tant

elle était troublée et avait la vue brouillée. Dans la soirée, elle se

rend au confessionnal, mais le curé la renvoie en lui disant qu'elle

ne balbutiait que des choses incompréhensibles. Dans la nuit, le

délire éclate : elle a peur, elle entend autour d'elle des ennemis

menaçants, elle croit que le diable va l'emporter en enfer. L'état

panophobique est tel qu'elle n'a plus conscience de ses actes.

Le lendemain, toujours dominée par la peur du démon, elle croit

entendre son enfant âgé de quatre ans lui dire qu'il veut aller rejoindre

son petit frère (mort peu après sa naissance) : « Maman, aller à

petit frère. » Bientôt une voix impérieuse lui ordonne de le tuer :

« Tue-le ; il faut que tu le fasses ! » Cependant elle résistait, mais

bientôt l'impulsion fut la plus forte et saisissant soudain une sta-

tuette de la Vierge, elle l'enfonça dans la bouche de l'enfant jusqu'à

complète asphyxie.

Les voisins étant survenus, la maltraitèrent ; puis le mari s'étant

avancé à son tour, elle se jeta sur lui et le mordit à la lèvre, terri-

fiée et croyant avoir à se défendre contre ses violences. Elle n'a

conservé qu'un souvenir très confus de l'événement. Lorsqu'elle

reprit possession d'elle-même, elle se trouva attachée sur son lit,

ne se rendant pas compte de ce qui s'était passé et ne voulant pas

croire que son enfant fût mort.

OBJETS DE PIÉTÉ COMME INSTRUMENTS DE MEURTRE. 293

A son entrée, aucun délire, mais un grand affaissement physique

et moral, ainsi qu'une oblitération complète de la sensibilité affec-

tive. Elle se plaint d'avoir la tête lourde, de ne pouvoir se tenir

debout à cause de vertiges continuels. Elle a de la diarrhée; elle

dort, n'est pas tourmentée et accepte avec un certain fatalisme les

faits accomplis. Aspect un peu chétif, taille de ni,54 environ, tête

globuleuse, aplatie postérieurement avec asymétrie faciale. Proé-

minence de la bosse frontale droite, atrophie relative du même

côté de la face; voûte palatine très profonde, très ogivale, sans

déviation du raphé. Pas de stigmates hystériques.

10 avril. Elle est en ce moment en période menstruelle ; se

plaint toujours d'étourdissements. Elle semble moins indifférente et

pleure au souvenir de son enfant.

22. Hier, elle a manifesté un peu d'excitation, s'est imaginée

qu'elle allait mourir, a réclamé de l'eau bénite, faisait des génu-

flexions, entendait en elle-même une voix lui disant que son mari

était perdu, était dans une anxiété très vive. Ce matin la face est

rouge, la peau chaude, la langue un peu saburrale. Elle se plaint

d'angoisse et de palpitations. Elle souffre aussi de dysurie et de

ténesme rectal. On retire, non sans difficultés, de ses parties géni-

tales, un énorme pessaire en porcelaine, cause de ces accidents.

23. Retour de l'anxiété, elle réclame l'aumônier pour se con-

fesser, dit qu'elle est damnée, qu'il n'y aura pas de pardon pour

elle. A huit heures elle dormait profondément. A minuit, elle

s'agite, parle, se lève interpelle d'un air furieux sa voisine de lit,

veut la faire lever, s'accroche à elle, l'égratigne ; on a de la peine

à lui faire lâcher prise. Recouchée, elle délire, manifeste des idées

de damnation et de désespoir. Ce matin sa face est vultueuse, sa

langue est blanche, épaisse ; elle a conscience de l'agitation de la

nuit, sauf de quelques-uns des détails de ses actes. Elle se rappelle

avoir brutalisé sa voisine parce qu'une voix lui disait que cette

femme lui avait jeté un sort et était cause de son tourment.

24. Hier dans la journée, état stuporeux avec obtusion intel-

lectuelle profonde, grand gâtisme. Vers cinq heures, retour de

l'activité mentale et du délire, composé d'idées tristes et de diva-

gations roulant sur sa vie passée, principalement sa jeunesse. Ce

délire de mémoire a duré trois heures. Ensuite elle a recommencé

à interpeller les autres malades, à les menacer, les accusant de lui

avoir jeté des sorts, réclamant un couteau pour se tuer.

25. - Hier, délirante et hallucinée, entendait ses parents, récla-

mait avec fureur leur présence; à plusieurs reprises, elle s'est jetée

sur la surveillante : le regard fixe et brillant, puis elle se cachait

sous ses couvertures, une criminelle comme elle ne devant pas être

vue. L'état saburral a disparu.

Les jours suivants, le délire continue, tantôt de couleur démo-

niaque, tantôt gai. Elle rit des heures entières, voit son mari auprès

294 CLINIQUE MENTALE.

d'elle, lui parle; voit aussi un poteau avec une corde destinée à la

pendre Au moment où le délire change de forme, on a remarqué

que la malade faisait de grands efforts de vomissements avec

expulsion de crachats glaireux. Une nuit elle brise les carreaux de

la fenêtre de sa chambre, voulant se précipiter pour obéir à l'appel

des démons, etc.

La période délirante prend fin avec le retour des règles qui a eu

lieu le 30 avril et au bout d'un an ne s'était pas renouvelée, ce qui

engage à lui donner sa sortie le 28 avril 1891.

Je ne connais pas, dans la littérature médico-psychologique,

de cas analogue à celui-là. Cependant Bail rapporte succinc-

tement, dans ses cliniques, une observation d'infanticide

accompli dans des circonstances à peu près semblables : « On

connaît, dit-il, l'histoire de celte dame qui, réveillée au milieu

de la nuit par une apparition céleste, vil, un ange qui lui

ordonnait d'envoyer au ciel sa petite fille âgée de dix-huit

mois. Elle se leva, et après avoir couronné son enfant de

roses blanches, elle prit un couteau et lui ouvrit le cou. » Ici,

le couronnement de la victime est une particularité symboli-

que analogue à celles auxquelles nous avons fait allusion en

commençant et peut-être le choix du couteau, arme du sacri-

fice dans les religions anciennes, doit-il être considéré comme

emportant lui-même un sens mystique, ainsi que nous l'avons

précédemment admis. La femme a peur des armes tranchan-

tes, en général, et répugne à s'en servir. Pour se suicider, les

femmes se pendent, se précipitent, se noient ou s'empoison-

nent. C'est encore le poison qu'elles choisissent pour accom-

plir les homicides dont elles se rendent coupables. Le couteau

est donc bien une arme dont le choix paraît déterminé par

la nature du délire.

Observation Il. Délire religieux de forme démonomaniaque.

Hallucinations et crises panophobiques. Tentative de parricide à

l'aide d'une statue de la Vierge. Guérison.

Pierre Y..., vingt-neuf ans, célibataire, est admis le 7 novembre

1892. C'est un homme de petite taille, d'un tempérament névropa-

thique/ainé de huit enfants, tous bien portants et bien constitués.

Le père, âgé de soixante ans, sourd depuis l'âge de dix-neuf ans,

est bien portant. La mère, âgée de cinquante-deux ans, n'offre à

noter qu'une myopie progressive qui l'a rendue presque aveugle.

Elle a une nièce propre aliénée.

y... a eu à deux ans des convulsions qui ont menacé sa vie. A

OBJETS DE PIÉTÉ COMME INSTRUMENTS DE MEURTRE. 295

vingt ans il fut pris de fièvre quarte qu'il garda six mois. Nerveux,

émotif, il ne se livre pas habituellement à la boisson qu'il ne sup-

porte pas, du reste, car iL chaque fois qu'il s'est enivré il a eu un

petit accès maniaque avec agitation violente, confusion des idées

et délire de courte durée.

Depuis deux ans, il se plaignait d'un sentiment de constriction à

la gorge avec sensation de corps étranger se déplaçant du coeur à

la gorge et inversement. Depuis plusieurs années, on remarquait

chez lui une grande tristesse. Il y a deux mois, en revenant d'une

foire, il s'est cru poursuivi par quatre individus qui voulaient le

tuer. On constate chez lui des préoccupations religieuses inusitées

et des craintes d'être empoisonné. Il s'imagine avoir des bouchons

plein la gorge et fait remonter le mal à une époque (il y a précisé-

ment deux ans) où il a pris une tasse de café servie par sa tante

qu'il accuse d'avoir voulu l'empoisonner en y mettant du liège

mâché.

Il a quatre jours, dans la nuit, il se plaint du mal de gorge et

demande à boire. Sa mère lui offre de l'eau de Lourdes, mais

aussitôt il s'écrie qu'elle veut l'empoisonner. Le lendemain les

idées délirantes persistent. S'étant mis, sous prétexte de se guérir,

à absorber un litre de vin chaud, il est pris soudain d'une formi-

dable crise panophobique : il tremble, pousse des cris, voit du feu

partout, a peur, écoute, croit qu'on vient pour le tuer, s'échappe et

court à travers le village en poussant des cris et en appelant au

secours. Aux idées de persécutiou se joint un délire religieux : il

faut se confesser ; tout le monde est damné ; le démon s'est emparé

de tous. Excitation maniaque intense ; il menace de donner un

coup de couteau au médecin qui vient le voir. Toujours inquiet,

aux écoutes, il saute par la fenêtre pour s'enfuir. Ses parents sont

surtout l'objet de ses défiances : la nuit dernière il a fait venir son

père auprès de son lit et à un moment où il avait le dos tourné,

il lui asséna sur la tête un formidable coup d'une Vierge en plâtre

qu'il tenait à la main, lui faisant une large plaie du cuir chevelu.

10 novembre. - Depuis son entrée agité, anxieux, craint qu'on

ne l'empoisonne, toujours prêt à se jeter sur tout le monde. Parfois

il a quelques paroles raisonnables, le plus souvent il manifeste des

idées religieuses et démoniaques. Il prétend que sa gorge a été

bouchée par des bouchons de liège ; croit avoir une maladie qui

lui a été donnée par un sort. Traits tirés, yeux hagards, toujours

en mouvement. Voix enrouée. Pas d'anesthésie ni de stigmates

hystériques. Tremblement nerveux continuel. Il a chanté toute la

nuit dernière et s'est jeté sur le gardien qui, ce matin, a ouvert sa

cellule ; cris inarticulés.

12. Plus calme, moins délirant.

27. L'amélioration de l'état physique se poursuit sous l'in-

fluence d'injections reconstituantes mais le délire, qui s'était calmé,

296 CLINIQUE MENTALE.

s'est réveillé. L'agitation est assez vive et le délire assez confus,

roule invariablement sur les sorciers, Dieu, le démon, la jalousie

de ses parents contre lui, etc.

Au bout d'un mois, la crise délirante s'est peu à peu apaisée et

le malade a repris toute sa lucidité. Il sort guéri fin février 1803.

Dans ses crises panophobiques, ce malade, pour ses réactions

défensives, se sert de tout ce qui lui tombe sous la main; c'est

ainsi qu'il menace le médecin d'un couteau parce qu'il a simple-

ment peur du médecin ; mais quand il veut accomplir un acte

d'expiation religieuse, il se sert d'une statue de la Vierge. En

effet, il considère sa famille comme coupable envers Dieu non

moins qu'envers lui-même, veut l'obliger à la pénitence, et

c'est, en quelque sorte, en connaissance de cause qu'il frappe

son père après l'avoir fait approcher de son lit et en profitant

d'un moment où il a le dos tourné. L'emploi de la statue de

la Vierge, comme instrument de l'acte, a donc un sens nette-

ment mystique, bien que le malade n'en ait peut-être pas eu

pleine conscience et que ses souvenirs n'aient pu, sur ce point,

nous fournir des explications catégoriques.

Observation III. Délire religieux de forme dépressive. Démono-

manie, hallucinations, crises panophobiques. Ingestion d'un christ,

laémorrhagiesinlestinales; mort ; autopsie.

P..., femme J..., trente-quatre ans, mariée, sans enfants, admise

le 18 décembre 1899. Son père, âgé de soixante-dix ans, est un

ivrogne invétéré. Sa mère est morte à trente ans de fièvre puerpé-

rale. Rien à noter chez les collatéraux. Elle est la cinquième de

six enfants dont trois sont morts en bas âge ; une soeur plus jeune

qu'elle est faible d'esprit. Comme antécédents personnels, on note

une pleurésie à vingt ans et des tendances névropathiques très

accentuées avec un caractère porté à se tracasser, à amasser de

l'argent, ayant toujours peur de manquer. Cependant c'est la pre-

mière fois qu'elle présente des troubles mentaux graves.

L'étiologie de la maladie actuelle est assez obscure : elle avait

eu de graves contrariétés avec sa belle-soeur et avait fait le serment

de rompre avec elle et de ne lui parler jamais; récemment elle

lui a parlé et depuis ce temps elle est inquiète, elle se tourmente,

s'imagine être parjure. Peu à peu ses idées se troublent et depuis

huit jours elle est en plein délire religieux avec idées de damna-

tion : le malin esprit s'est emparé d'elle, elle est morte, le diable

va l'emmener en enfer ; elle entre dans des crises d'anxiété formi-

dables avec hallucinations terrifiantes, refus d'aliments, impulsions

à se briser la tête, véritables crises de possession démoniaque pen-

OBJETS DE PIÉTÉ COMME INSTRUMENTS DE MEURTRE. 297

dant lesquelles la conscience parait complètement obscurcie. Le

la décembre au soir, s'étant emparée d'un crucifix, elle réussit, en

le brisant, à en arracher le christ qu'elle a subitement mis dans sa

bouche et avalé. Les parents ne peuvent décrire exactement cet

objet dont les dimensions seraient relativement assez grandes.

19 décembre. Hier, à l'entrée, la malade est calme mais a

l'air effrayé, le regard effaré; elle reste au lit à la condition que

l'infirmière ne la quitte pas. Par moments, elle délire : « Je suis

perdue, je suis damnée, les démons sont après moi. » L'infirmière

s'étant éloignée, elle se précipite d'un bond à l'autre bout de la

salle et saisissant une malade par le's cheveux, elle la secoue avec

violence en s'écriant qu'elle est damnée. Vers trois heures et demie

du matin, le calme revient jusqu'à sept heures. A ce moment,

nouvelle crise panophobique avec délire démoniaque et impulsion

au suicide ; crie qu'elle veut se tuer; les deux infirmières qui sont de

chaque côté de son lit n'ayant pas la force de la maintenir, elle

entraîne le lit et les deux filles à portée de la fenêtre voisine et d'un

violent coup de poing brise un carreau et se fait à l'avant-bras,

au-dessus du poignet, une plaie large et profonde avec section

complète des fléchisseurs. Il faut employer le chloroforme pour faire

le pansement et réunir la plaie par une suture. Etat saburral des

voies digestives combattu par les laxatifs ; régime lacté. On cherche

vainement dans les évacuations le corps étranger qu'elle a dû ava-

ler le 15 décembre. La palpation de la région épigastrique et

abdominale ne permet aucune constatation de nature à nous

éclairer.

Les jours suivants, crises d'agitation furieuse avec hallucina-

tions terrifiantes de l'ouïe : « On lui dit qu'elle a mérité la mort,

qu'elle a commis un crime en avalant le crucifix ; pourtant elle l'a

fait précisément pour se préserver du démon. » Attitude effrayée

avec hallucinations de l'ouïe; alternatives de calme pendant

lesquelles elle se plaint de sensations de serrement à la gorge et de

douleurs d'estomac et dans la région du sein droit; prétend

qu'elle ne peut digérer, que le sang l'étouffera, que le médecin lui

a prédit qu'elle mourrait par le sang. La langue demeure légère-

ment saburrale, la plaie du bras s'est infectée.

31. Ces jours derniers elle était un peu plus calme sans modi-

fication de l'état mental mais aujourd'hui l'agitation réparait avec

des crises panophobiques. Idées de suicide, veut s'échapper pour

aller se jeter sous un train : « Je suis damnée, je suis perdue,

j'aime mieux mourir que d'appartenir au démon. »

2 janvier 1900. Vers quatre heures du soir, état nauséeux

avec efforts de vomissements : elle rend environ une cuillerée de

sang rouge et très clair, puis a une syncope. A sept heures et

demie, elle veut aller sur le vase et a une nouvelle syncope. A dix

heures et quart, vomissements abondants de sang pur que l'on

298

CLINIQUE MENTALE.

peut évaluer en volume à 7j centilitres environ. A la suite de cette

hémorrhagie la malade succombe en quelques minutes, en pleine

connaissance.

Autopsie. - Poumons et coeur exsangues, adhérences pleurales

généralisées du poumon droit anciennes. La masse intestinale est

gonflée de gaz et est d'une teinte rouge vineux uniforme. Pas de

signes de péritonite. Foie, rein=, rate exsangues, pâles et mous.

Utérus petit, sans vice de conformation ; les ovaires présentent

plusieurs kystes séreux de la grosseur d'une noisette.

Estomac énormément dilaté par du sang liquide et des caillots.

Une ligature est jetée sur l'oesophage et le duodénum ; en prati-

quant cette dernière, on aperçoit, il.} cen-

timètres environ du pylore une large taclie

ecchymotique dont la partie centrale est

tellement amincie qu'elle se déchire quand

on exerce une traction sur l'anse duodénale

pour passer le fil. L'estomac ouvert suivant la petite

courbure est absolument rempli de sang fluide au

milieu duquel flottent quelques caillots mous et

quelques débris de pulpe d'orange; la muqueuse

est légèrement rosée par imbibition. Vers le milieu

de la grande courbure on remarque deux taches

ecchymotiques très superficielles et de même

dimension; nulle part trace d'ulcération ni d'in-

llmamalion jusqu'au pylore. A 3 centimètres au

delà du pylore largement dilaté existe sur la paroi

duodénale une ulcération mal délimitée dont le

fond est ouvert. mais où l'on ne trouve pas trace

de vaisseaux ulcérés. Au milieu des caillots retirés

de 1 estomac on trouve un christ en alliage très lourd (antimoine 7)

dont un des bras est cassé; la main de l'autre bras et les deux

pieds sont également brisés et ces extrémités présentent des

pointes et des arêtes vives. Ce christ, pendant les manipulations

de l'autopsie, a dû glisser dans l'estomac par l'orifice pylorique lar-

gement relâché ; sa longueur est de centimètres, son envergure

de 3 centimètres et son poids est de 20 grammes. Le cerveau n'a

pas été examiné.

Nous relevons, parmi les idées délirantes émises par la

malade, la suivante qui est bien caractéristique : « On lui dit

qu'elle a mérité la mort, qu'elle a commis un crime en ava-

lant le crucifix ; pourtant elle l'a fait précisément pour se

préserver du démon. » Son intention est ainsi nettement

affirmée et ne laisse subsister aucune équivoque. Elle voulait

donc éloigner d'elle le démon en avalant le crucifix, ce qui,

1'ig. S.

ÉPILEPSIE. TRÉPANATION ACCIDENTELLE. 299

dans son imagination déréglée et en proie au délire, devait

l'emporter de beaucoup en efficacité sur les autres procédés

de préservation mystique habituellement usités tels que le

contact d'objets bénits, l'eau de Lourdes, les prières, etc. Son

acte n'est pas, à proprement parler, un suicide ni une tenta-

tive de mutilation ; cependant ce n'est pas purement et sim-

plement un acte de défense semblable à celui de l'alcoolique

qui, pour fuir des ennemis pressants, prend une fenêtre pour

une porte et se lue en tombant du haut de la maison. C'est

un coup de désespoir analogue à celui de l'individu qui se tue

volontairement pour échapper à une obsession insupportable,

comme l'idée du déshonneur, d'un supplice imminents. Le

démon était là, présent ; il fallait sans délai se mettre hors

de ses atteintes et, pour celà, elle ne voit rien de mieux que

d'arracher le christ de la croix et de l'avaler. Si elle n'a pas

calculé les conséquences de son action, il est vraisemblable

que la crainte de ses conséquences, eût-elle pu les prévoir,

ne l'eût pas arrêtée. C'est pourquoi il nous a paru légitime

de joindre cette observation aux deux précédentes.

' Une seule remarque, pour terminer : comme on devait s'y

attendre, nos trois sujets sont des prédisposés, des hérédi-

taires ; les deux premiers sujets à des bouffées délirantes, le

troisième habituellement obsédé.

RECUEIL DE FAITS.

Épilepsie. Trépanation accidentelle;

Par le D' G. JACQUIN,

Chef de clinique mentale à l'Unirersité de Lon.

Sommaire. - Antécédents héréditaires. Père mort ci soixante ans d'une

attaque d'apoplexie, après deux ictus qui l'avaient laissé hémiplé-

gié. Mère morte ci soixante-quinze ans de phtisie galopante; deux

enfants : a) le malade, b) un frère mort d'albuminurie ci soixante-

quatorze ans.

300 RECUEIL DE FAITS.

Antécédents personnels. Rien dans la première enfance, pas de

convulsions. Pas d'alcoolisme, ni syphilis. Pas d'excès vénériens.

Fièvre typhoïde à l'dge de dix-huit ans, à forme grave avec délire,

et qui dura quatre mois ; trois mois après apparaissent les pre-

miers phénomènes convulsifs.

X..., célibataire, trente-sept ans.

Histoire de la maladie. Les crises du début étaient courtes,

sans cri initial, sans émission d'urine ; mais avec chute, morsure

de la langue, perte de connaissance. La crise été précédée d'une

aura que décrit assez bien le malade ; il lui semblait avoir quelque

chose de lourd sur l'estomac qui remontait au cerveau; à partir

de ce moment il avait la sensation d'un instrument qui tournait

rapidement en faisant un bruit analogue à celui d'une horloge

qu'on remonte. Ces crises revenaient assez régulièrement une fois

tous les mois.

Depuis l'année 1894 les crises sont plus franches, plus fréquentes :

elles sont surtout nocturnes, pas de cri, mais perte de connais-

sance, morsure delà langue, émission involontaire d'urine et quel-

quefois de matières fécales, écume sanguinolente, phase de con-

vulsions cloniques, ronflement et assoupissement.

Le malade ne conserve aucun souvenir de sa crise ; après celle-

ci, il est abruti et présente un peu de torpeur intellectuelle, de fai-

blesse générale qui persiste plus ou moins longtemps. La durée

des crises, courte en général, n'a jamais dépassé quelques minutes.

Le malade suit un traitement par le bromure de potassium à

hautes doses. En 1897, les crises augmentent de fréquence, deux

ou trois par semaines la nuit, et souvent se répètent deux ou trois

fois par nuit.

Examen somatique. Rien au coeur, pouls un peu tendu. Em-

physème pulmonaire. Appareil digestif normal. Urines : élimination

moyenne, ni sucre, ni albumine.

Système nerveux. - Réflexes rotuliens normaux. Force muscu-

laire égale des deux côtés. Pas de troubles de la station debout,

ni de la marche. Pas d'incoordination. Léger tremblement des

doigts. Pas de troubles de la sensibilité subjective; sensibilité tac-

tile, thermique, à la douleur intactes ; pas de zones hystérogènes.

Vision : pupilles égales, non contractées, réagissent à la lumière et

à l'accommodation. Acuité auditive diminuée surtout à droite. Rien

au goût.

Etat mental. Mémoire un peu paresseuse, pas de troubles de

la parole, pas d'incohérence des idées ou des actes. Sommeil bon,

pas de cauchemars. Le malade, très impressionnable, pleure faci-

lement ; état habituel de tristesse, tendance marquée à l'hypo-

chondrie. Etat physique : pas d'anomalies.

En octobre 1897, le malade, alors qu'il était assis près de sa

EPILEPSIE. TRÉPANATION ACCIDENTELLE. 301

cheminée prend une crise et tombe dans le feu : heureusement

celui-ci, composé de cendres chaudes et de quelques charbons

ardents, ne flambait pas.

Le malade, n'a jamais pu savoir combien de temps il était resté

dans le feu ; c'est un voisin qui l'a trouvé la tête encore au milieu

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302 RECUEIL DE FAITS.

des cendres. Quand on le relève, on constate une brûlure linéaire

allant de l'angle interne de l'oeil gauche à la commissure gauche

de la l'èvre ; une brûlure à l'oreille gauche; et enfin une brûlure

siégeant sur le cuir chevelu à gauche, empiétant sur la ligne mé.

diane, brûlure profonde ayant atteint toutes les couches de l'épi-

crane, et allant jusqu'à l'os ; d'une longueur de 15 centimètres

sur 12 centimètres de large. Pansement picriqué.

Quelques semaines après, une plaque de sphacèle se limite net-

tement par un sillon assez profond d'où s'échappe du pus ; cette

plaque, plus longue, que large, de forme presque rectangulaire, est

noirâtre ; le séquestre que représente les figures 9 et 10 se limite,

les bords taillés en biseau sont déchiquetés. Lavages de la région

a l'eau phémquée, pansement il la vaseline boriquée, renouvelé

tous les jours.

Le malade n'a jamais eu de température, ni de réaclion géné-

rale. Au mois de juin 1898, en proie à des démangeaisons intolé-

rables, en se grattant, il aide involontairement il l'élimination du

séquestre qui le lendemain se détachait avec le pansement.

Le séquestre, dont la figure 9 donne les dimensions exactes,

comprend ainsi qu'on le voit sur la figure 10 : une majeure paltie

du pariétal et du frontal gauches, une petite portion du pariétal

et du frontal droit, ainsi que les sutures correspondantes, fronto-

pariétale, métopique et sagittale. La face externe est lisse, de colo-

ration jaunâtre, les bords découpés en biseau. La face interne

est plus intéressante car elle permet de mieux voir les parties de

la paroi cranienne composant le fragment osseux éliminé.

La table externe et une partie du diploé composent ce séquestre;

il y manque la table interne sauf en deux points A et B qu'on voit

en saillie sur la figure 10, à ce niveau la calotte osseuse a été éli-

minée dans toute son épaisseur.

La plaie, couverte de bourgeons charnus assez exubérants, sup-

pure et saigne facilement. Au niveau des points A et 13, à leur

partie correspondante sur la tête du malade, la plaie parait dépri-

mée. Ces deux dépressions sont soulevées légèrement par des mou-

vements d'expansion réguliers et synchrones aux pulsations car-

diaques. Le soulèvement de ces régions s'exagère quand le malade

tousse, éternue, fait des efforts, etc.

Le malade qui, avant son accident, prenait deux ou trois fois par

semaine et chaque fois plusieurs crises remarque que les crises

seraient moins fréquentes (une fois par semaine). Depuis l'élimi-

nation du séquestre (ler juin au 17 juin 1898), il n'a eu que deux

petites crises successives dans la nuit du 16.

Juillet 1898. la crises; août, 10 crises; seplenzbne,-13'crises,;

octobre, 1(i crises. · .

Novembre, 15 crises. A cette époque la plaie est complètement

cicatrisée. mais aux deux, points où la table interne s'est éliminée,

Fig. 10. - Séquestre. Face interne : a. pariétal gauche; b, frontal gauche. (Grandeur naturelle.)

304 RECUEIL DE FAITS.

la région est déprimée, et subit toujours de légers mouvements

d'expansion. Etat général bon.

Le malade que nous avons vu à plusieurs reprises en janvier et

en décembre 1899, nous affirme que ses crises sont aussi fréquentes

qu'avant l'accident, toujours précédées de l'aura auditive déjà

décrite. ·

Malgré les nombreuses lacunes que présente notre observa-

tion, il nous a paru intéressant de la publier. Elle aurait été

plus concluante, si nous avions pu relever très exactement, le

nombre des accès, suivre et examiner de plus près le malade;

mais il s'agit d'un cas de clientèle observé par hasard, et où

les investigations cliniques sont forcément très restreintes.

Le caractère des crises, telles qu'elles nous ont été décrites,

est suffisamment net pour qu'on puisse porter le diagnostic

d'épilepsie ; les relations de cause à effet avec la fièvre

typhoïde sont aussi fort probables, car le malade avant son

infection éberthienne n'était pas convulsivant, les crises sont

survenues comme complication de cette infection.

Etant donné la variété d'aura sensorielle (auditive) si bien

décrite par le malade, et l'affaiblissement notable de l'ouïe,

nous avons cherché à savoir si, pendant sa fièvre typhoïde

ou à la période de convalescence, X... n'aurait pas eu de

localisation infectieuse du côté de l'appareil auditif; nos in-

vestigations n'ont pas abouti, car les souvenirs du malade ne

sont pas assez précis, et l'examen otoscopique n'a pu être

fait. ,

Notre observation montre encore une variété d'accidents

auxquels sont sujets les épileptiques ; la brûlure a été, dans

notre cas, très étendue et très profonde, et pourtant le malade

a supporté sans complications, et la suppuration longue, et

l'élimination du séquestre crânien, il n'a en effet gardé le lit

que pendant quelques jours après l'accident. Ce fait viendrait

à l'appui de l'assertion de quelques auteurs : à savoir la résis-

tance si considérable des épileptiques, vis-à-vis des trauma-

tismes, des infections, etc.

Enfin, à côté de cet exemple assez rare d'élimination acci-

dentelle d'un séquestre aussi étendu, il reste un dernier point,

le plus intéressant peut-être de l'observation : l'action tltém-

peutique de la trépanation accidentelle constatée chez le

malade après sa brûlure, sur ses crises convulsives.

L'examen de la figure 10 montre bien, en deux régions, A

ÉPILEPSIE. TRÉPANATION ACCIDENTELLE. 305

et B, que la table interne lait partie du fragment osseux ; ces

deux zones, véritables couronnes irrégulières de trépan, sont

situées à gauche de la suture sagittale, la première (B) à che-

val sur la suture fronto-pariétale gauche, la deuxième (A) en

arrière de la précédente (ftg. 10).

La brûlure a fait chez notre malade ce qu'aurait fait le

trépan du chirurgien. Si l'on note l'état du malade avant,

pendant et après l'accident, il ressort clairement que le nom-

bre des crises s'est abaissé au moment, et quelques semaines

après la brûlure, mais qu'après cette période d'amélioration

passagère, les crises sont revenues semblables comme fré-

quence, comme nature, comme intensité à ce qu'elles étaient

primitivement.

Ce fait vient donc s'ajouter aux exemples nombreux déjà,

de trépanation dans l'épilepsie, qui montrent, qu'en dehors

d'antécédent traumatique, de signe de tumeurs ou de trace bien

nette de localisation dans la convulsion, cette opération pro-

cure quelquefois une amélioration transitoire, mais jamais

une guerison définitive.

Ainsi qu'on le voit par l'observation de notre ami Miraillé

publiée dans le dernier numéro des 'Archives et par celle

qui précède, l'appel que nous avons adressé à tous pour avoir

des renseignements sur les suites ultérieures de la craniec-

tomie au point de vue thérapeutique chez les épileptiques et

les idiots n'est pas resté sans écho. Nous renouvelons cet

appel, désireux de préciser nettement la valeur du traitement

chirurgical de l'épilepsie et de l'idiotie.

Le cas de M. le Dr .Jacquin est du plus haut intérêt. Le

sequestre éliminé à la suite d'une brûlure survenue au cours

d'un accès est plus large que tous les volets osseux opéra-

toires. Le résultat curatif est le même : suspension momen-

tanée des accès - ce qui arrive souvent après des brûlures

limitées au cuir chevelu ou intéressant d'autres parties du

tégument. Nous rappellerons à ce propos qu'au Congrès

d'Angers nous avons montré le crâne d'un adolescent offrant

une large perforation congénitale qui n'avait pas empêché

l'apparition de l'épilepsie. B.

Archives, 2* série, t. IX. 20

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

XXVI. Recherches histologiques sur une moelle épinière atteinte

de syringomyélie et hétérotopies multiples; par LOMBARD).

(inn. di nevr., fasc. 1-11, 1899.)

Une observation dont l'auteur tire les conclusions suivantes :

dans la paralysie générale, on peut voir se former dans la moelle

épinière des cavités de nouvelle formation. Dans le cas particulier,

elles siégeaient dans la substance grise, et se développaient à la

périphérie des vaisseaux, dont les tuniques sont épaissies par un

processus d'artério-sclérose. Il existait dans ce cas des troubles

trophiques des mains et des pieds, en rapport direct avec la pré-

sence de ces cavités de nouvelle formation, étant donné leur

localisation dans les régions cervicale et lombaire. Les hétéropies

ne sont pas non plus une rareté dans la paralysie générale, et

quelquefois, comme dans le cas actuel, la syringomyélie se trouve

en rapport direct avec ces anomalies de développement.

J.SLGLAS.

XXVII. Études chronoscopiques sur l'écriture; rapports entre la

rapidité de l'écriture, la pression et l'effort musculaire ;

par G. Ouici. (Riv. clz pal. nerv et ment. fasc. II. 1899.)

XXVIII. Aplasie congénitale du cervelet chez un chien; par

DEGAIOELLO etSravcARO. (Riv. di put. ner0. et ment., fasc. II, 1899.)

XXIX. Sur les lésions des éléments nerveux dans le cours de la

péritonite par perforation; par l3.muacc. (Riv. di pat. nerv. et

ment., fasc. 111, 1899.)

XXX. Recherches expérimentales sur l'origine de quelques erreurs

de la mémoire; par.). Fmzi. (Riv. di pal. nerv. et iiieizt., fase. 111,

1899.)

XXXI. Sur les altérations des cellules nerveuses de la moelle

épinière consécutives à l'occlusion de l'aorte abdominale; par

IlIGIIETT1. (Riv. di pat. nerv. et me21t ? fzssc. IV, 1899.)

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 3U1

XXXII. Les tumeurs du corps calleux et de la corne d'Ammon; par

le D'' ScuuurFn. (Riv. sp. di fieu., fasc. 1-11, 1899 )

Une observation personnelle et une revue critique très intéres-

sante des travaux antérieurs sur le sujet. En ce qui concerne en

particulier lé diagnostic, l'auteur pense que l'on devra soupçonner

une tumeur du genou du corps calleux quand le tableau clinique

est dominé longtemps avant l'apparition des troubles moteurs,

par les troubles psychiques, qui peuvent être même le seul symp-

tôme présenté par le malade; quand il y a participation isolée ou

précoce de l'un ou des deux nerfs faciaux inférieurs; quand la

tête est tournée vers le côté où existe la paralysie ou en général

quand il y a contracture des muscles du cou et de la nuque ; quand

la paralysie des bras est plus accentuée que celle des membres

inférieurs; quand il y a dans la marche des troubles rappelant

l'ataxie cérébelleuse.

On soupçonnera a une tumeur de la partie médiane du corps

calleux quand le vomissement fera défaut ou ne se présentera

qu'accidentellement; et quand l'affaiblissement des membres supe-

rieurs et inférieurs se présentera presque simultanément et ne se

manifestera que tardivement comme paralysie véritable. Enfin, on

soupçonnera une tumeur de la partie postérieure du corps calleux

si la paralysie commence par les membres inférieurs, si le facial

reste indemne, si la marche n'est intéressée que tardivement,

enfin, si les symptômes rappellent ceux des lésions cérébelleuses.

J. SÉGLAÓ.

XXXIII. Extirpation des canaux semi-circulaires et degéné-

rations consécutives dans le bulbe et le cervelet; par le Du

DEGAiOELLO. (Itiv. sp. di. fieu., fasc. 1, 1899.)

De ses expériences, l'auteur conclut que même la racine vestibu-

laire subit la dégénération ascendante. L'extirpation unilatérale

des canaux semi-circulaires détermine une dégénération bilaté-

rale dans le bulbe et le cervelet. Il faut donc admettre dans ces

organes une décussation des fibres nerveuses du nerf vestibulaire.

Il existe un lien intime, anatomique et physiologique, entre les

canaux semi-circulaires et le cervelet. La gravité des phénomènes

présentés par les animaux privés des canaux semi-circulaires est

en rapport avec l'intensité du processus dégénératif qui se mani-

feste dans le bulbe et dans le cervelet. J. SMLAS.

XXXIV. Contribution à la séméiologie de la pupille; par le

^ U'' Maiuno. (Riv. sp. di. fuit., fasc. Il, 1899.)

Les pupilles des enfants sont toujours normales pour la dila-

308 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

tation et les réflexes : cependant elles réagissent très peu sous

l'influence de la douleur. La pupille est très sensible aux intoxi-

cations presque physiologiques (alcool, nicotine); dès lors, si l'on

rencontre chez les adultes des anomalies, toute autre cause éli-

minée, on est en droit de les attribuer à ces intoxications. Les

troubles pupillaires (mydriase, inégalité, troubles des réflexes)

sont fréquents dans les maladies communes; les variations que

peuvent subir, dans le cours de la maladie, le diamètre pupillaire

et les réflexes est souvent un signe pronostique de valeur. Con-

trairement à l'opinion courante, les troubles pupillaires seraient

très rares chez les tuberculeux, plus communs dans les anémies,

très fréquents dans les maladies des voies digestives. Dans l'hys-

térie et la neurasthénie, les pupilles sont toujours dilatées, tout au

moins normales, jamais rétrécies, rarement inégales et présentant

un retard des réactions. Dans les névralgies, la pupille est très

variable et le signe de Seeling-Muller inconstant. Dans les tumeurs

cérébrales il existe presque toujours des troubles pupillaires graves

et complexes. Dans les hémorragies cérébrales, ils sont moins

fréquents, sauf le myosis qui est constant dans les hémorragies

protubérantielles. Ils sont également graves et complexes dans la

méningite basilaire tuberculeuse. Dans la syphilis centrale, l'iné-

galité est presque constante; fréquente dans la poliomyélite.

Dans la chorée, il y a presque toujours de la mydriase. Les

pupilles sont toujours normales dans la sclérose en plaques et la

syringomyélie. Dans l'épilepsie, rigidité presque constante pendant

l'accès, avec myosis ou mydriase; dans les intervalles, la mydriase

est plus fréquente. Dans le tabes dorsalis, myosis, et signe de

Robertson constants. J. SÉGLAS.

XXXV. Asymétries endocraniennes et autres particularités mor-

phologiques de la base du crâne ; par Giuffiuda-Ruggeri. (Riv.

sp. di (l'en., fasc. II, 1899.)

XXXVI. Sur l'hérédité de quelques phénomènes oniriques ;

par G1ANNELLl. (Riv. sp. di fi-en., fasc. II, 1899.)

XXXVII. Influence de l'insomnie expérimentale sur les échanges

organiques ;- par Giulio Varozzi. (Riv. di pat. nerv. et ment.,

fasc. I, 1899.)

XXXVIII. Sur les altérations des cellules du noyau d'origine à la

suite de la section ou de l'extirpation de l'hypoglosse; par

G. FoA. (Riv. di pat. nerv. et ment., fasc. I, 1899.)

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 309

XXXIX. Les dégénérescences rétrogrades dans la moelle épinière

en rapport avec le rétablissement fonctionnel dans le domaine

des nerfs lésés ; par le D CENI. (Riv. sp. di /'ren., fasc. II, 1899.)

L'auteur tend à démontrer : 1° que les lésions dégénératives

ascendantes des cordons postérieurs de la moelle, de quelque ori-

gine qu'elles puissent être, sont constamment en rapport intime

avec le défaut de rétablissement de la fonction de sensibilité dans

le territoire d'un nerf lésé ou suturé ; 2° l'importance capitale que

doit avoir la régénération des fibres nerveuses périphériques dans

le rétablissement de la sensibilité dans le territoire d'un nerf lésé.

J. SÉGL4S.

XL. Le poids spécifique de la substance blanche et de la subs-

tance grise dans les différentes régions du cerveau chez les alié-

nés ; par le Dr AGOSTINI. (Riv. sp. di fren., fasc. II, 1899.)

Dans les psychonévroses, le poids spécifique des diverses par-

ties de l'écorce cérébrale, de la substance blanche, du cervelet ne

s'éloigne pas d'une façon appréciable des moyennes normales, et

les modifications notées se doivent attribuer à l'état d'hyperhémie

ou d'anémie, à la distribution différente du sang dans le tissu

nerveux. C'est seulement quand la lésion de la cellule nerveuse

devient irréparable, que l'affaiblissement démentiel consécutif est

grave que le poids spécifique se trouve sensiblement altéré.

Dans les autres affections mentales, accompagnées de désordres

encéphaliques aigus ou chroniques, avec processus secondaires

d'atrophie, de ramollissement, de dégénérescence, d'hyperplasie

conjonctive, de sclérose, alors qu'il existe une altération grave et

progressive des éléments nerveux (démence paralytique, alcoo-

lique, sénile, hémiplégique, etc.), le poids spécifique subit des

altérations notables et constantes.

En pareil cas, dans la région de l'écorce où prédominent les

lésions de ramollissement, d'atrophie, d'oedème, d'anémie persis-

tante des éléments nerveux, comme par exemple dans la période

ultime de la paralysie générale, le poids spécifique descend beau-

coup au-dessous de la normale ; en revanche là où se montrent

des processus d'inflammation aiguë, d'hyperplasie conjonctive,

d'hyperhémie, comme dans le délire aigu, la folie épileptique alcoo-

lique, la période congestive delà paralysie générale, le poids spé-

cifique de l'écorce cérébrale est supérieur à la normale. Par ordre

de fréquence, on trouve spécialement atteintes les circonvolutions

des régions antérieure et rolandique ; puis lespariétales et tempo-

rales, enfin les occipitales. Les lésions siègent toujours dans lesdeux

hémisphères, plus graves, tantôt d'un côté, tantôt de l'autre. Dans le

310 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

même cerveau on peut trouver certaines zones corticales ayant

un poids spécifique élevé, tandis qu'il sera diminué dans d'autres.

Pour la substance blanche, les variations de son poids spécifique

sont soumises aux mêmes lois que pour la substance grise. Il

convient de noter l'abaissement considérable observé dans les cas

de folie pellagreuse, de démence paralytique et de démences con-

sécutives à des processus de destruction et de dégénération, ainsi

que l'augmentation dans la folie épileptique et alcoolique et le

délire aigu.

Pour le cervelet, le poids spécifique ne parut que rarement mo-

difié dans les aliénations mentales et seulement dans celles en rap-

port avec des processus d'inflammation aiguë, d'anémie ou d'hyper-

hémie cérébrales. Il en fut de même pour le bulbe. J. Ségalas.

XLI. Considérations critiques sur l'hypothèse de Ramon y Cajal

sur la signification des entrecroisements sensoriels, sensitifs et

moteurs; parLuGARO. (Riv. di pal. nerv. et ment. fasc. VI, 1899.)

XLII. Sur un cas de malformation de la moelle épinière chez

une idiote affectée de diplégie infantile; par Guilio LEN-1. (Riv.

di pat.nerv. et ment., fasc. VII, 1899).

XLIII. Sur les altérations des éléments nerveux dans l'empoison-

nement subaigu par l'aluminium ; par ZOUDER. (Riv. di pat.

nerv. et ment., fasc. VIII, 1899.)

XLIV. Le pouls cérébral dans les diverses positions du sujet ;

par le professeur Sciammana. (Riv. Sp. di frein., fasc. I, 1899.)

Le pouls cérébral est d'autant plus ample que la position du

sujet est plus voisine de la verticale, et en tout cas. que la posi-

tion du tronc est plus droite. La position du sujet et du tronc res-

tant la même, le pouls cérébral est d'autant plus ample que des

changements de volume ont plus de facilité pour s'effectuer d'une

façon indépendante des changements dans les rapports de conti-

guité entre la surface de l'encéphale, les bords de la brèche

osseuse et les tissus mous qui la recouvrent. Dans la position

droite du tronc, toutes conditions relatives à la forme, à la posi-

tion de la brèche, il l'enfoncement et la résistance des tissus mous

qui la recouvrent restant d'ailleurs égales, le pouls est d'autant

plus ample que l'inclinaison de la tête dans un sens ou dans

l'autre favorise mieux la congestion active de l'organe. J. Scr.ns.

XLV. La capacité de la fosse cérébelleuse ; par le

D1' GU11·'FIIICTa-ItUGGEftI. (Riv. Sp. di fren., fasc. I, 1899.)

La capacité de la fosse cérébelleuse est peu influencée par la

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 311 1

conformation cranienne. Si l'on admet qu'à des types craniens,

essentiellement différents, comme l'ellipsoïde et le sphénoïde,

correspondent des races différentes, il apparaît clairement que les

oscillations de la capacité cérébelleuse font partie de ces varia-

tions somatiques, qu'elles ne sont pas liées à des variations

ethniques, mais restent strictement individuelles. En outre la cons-

titution physique, après le sexe et la taille, parait être le facteur

le plus important de ces variations individuelles. J. SMLAS.

XLVI. L'ergographe dans les recherches de psycho-physiologie;

par COLUCC1. (Ann. t<t)Mt))'o ? fasc. V-VI, 1899.)

XLVII. Le pouvoir tératogène et dégénératif de la neurine, de l'al-

cool éthylique et de l'acétone sur le système nerveux embryon-

naire ; par MtRTO. (Ann. di nevr., fasc. IV-V, 1899.)

XLVIII. De l'influence de l'électricité sur la force musculaire ;

par Carlcraxt. (Ann. di ne) ? fasc. 1-11, 1899.)

XLI\. Sur les mouvements auxiliaires des hémiplégiques ; par

Serafino ARNAUD. (Riv. di pat. nerv. et ment., fasc. 111, 1899.)

11 y a des hémiplégiques qui peuvent, temporairement et volon-

tairement, vaincre la contracture des fléchisseurs des doigts et de

l'avant-bras, au moyen des mouvements auxiliaires. La contrac-

ture chez les hémiplégiques dépend du défaut d'équilibre entre la

tonicité des divers groupes musculaires ; ce sont les moins frappés

qui entrent en contracture. La résolution dépend surtout de l'inhi-

bition s'exerçant sur les muscles atteints. Selon l'auteur, les

mouvements auxiliaires pourraient dépendre non d'un fait simple,

tel que la suppléance de groupes musculaires jusque-là inactifs,

mais de la concomitance entre le mouvement de ces groupes

musculaires et la diminution de l'hypertonicité des fléchisseurs.

La fonction corticale qui préside à ces mouvements agit directe-

ment sur l'hypertonicité des fléchisseurs.

L'apparition des mouvements auxiliaires et la diminution de

l'hypertonicité des fléchisseurs réprésente un complexus de phé-

nomènes qui autorisent à formuler un pronostic favorable pour la

cessation de la contracture. J. Scr.AS.

L. La cellule nerveuse représente-t-elle une unité embryologi-

que ; par ONOFRIO. (Ami. dinerv., fasc. 1l1, 1899.)

LI. Contribution à l'étude des névrites expérimentales ; par

MoNDto. (Ann. di nevr., fasc. III, 1899.)

312 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

LU. Un cas de tumeur du cervelet ; par LIBERTI : ,(1. (Ann. di nerv.,

fasc. III, 1899.)

LUI. Sur l'élimination des éthers sulfuriques dans les urines des

épileptiques et des sitiophobes; par Galante et S ? vINI. (Ann.

dinerv., fasc. I-11, 1899).

L'approche de l'accès épileptique ou des troubles équivalents,

augmente la quantité des éthers sulfuriques, qui atteint son maxi-

mum avec l'accès, pour aller ensuite en diminuant graduellement

dans certains cas, ou pour revenir immédiatement dans d'autres it

la quantité normale. On doit admettre que dans les cas de sitio-

phobie il y a trouble des fonctions intestinales et spécialement

putréfaction des albuminoïdes, révélée par l'augmentation des

éthers sulfuriques. J. SEGLAS.

LIV. Des altérations de la circulation cérébrale dans l'intoxication

alcoolique aiguë; par W. DE BECIITEREV. (Centralbl. f. Ne1'ven-

laeilk., XXI. N. F., IX, 1898.)

Expériences de M. Beinar dans le laboratoire de M. Bechterew. in-

gestion dans l'estomac, ou sous la forme de solution alcoolique

d'extrait de sangsue, dans les veines, de 2 grammes d'alcool à 95°

par kilogr. du poids du corps du chien en expérience : moyenne

0,S par kilogr.

Conclusions. L'introduction dans les veines d'alcool augmente

l'activité du coeur et la pression du sang : il en résulte un hypé-

rémie généralisée du cerveau. Puis le coeur s'arrête, la pression du

sang diminue, les ondes du pouls deviennent plus rares, et appa-

raît de l'anémie cérébrale déjà manifeste à la fin du premier stade

de l'augmentation de la pression. L'anémie artérielle s'associe

d'ordinaire à une hypérémie veineuse du cerveau. - Troisième

stade. Malgré l'abaissement de la pression générale, et la diminu-

tion de l'activité du coeur, l'hypérémie artérielle reparait par suite

de paralysie ou de parésie des vasoconstricteurs du cerveau.

Quatrième stade. Le coeur reprend son activité, le pouls s'accélère,

le courant carotidien augmente, mais, malgré l'exagération de

la pression, l'hypérémie cérébrale ne reparait point.

L'introduction dans les veines de petites doses d'alcool déter-

mine de l'augmentation de la pression du sang et assez égale-

ment de l'hypérémie cérébrale ; il y a un certain parallélisme

entre les deux phénomènes. La mort s'accompagne d'une hypé-

rémie marquée du cerveau. La respiration s'arrête avant l'arrêt

du coeur.

L'ingestion par l'estomac d'alcool à petites doses produit une

modification insignifiante de la circulation cérébrale; on constate,

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 313

d'abord, une légère hypérémie, plus tard une anémie également

très légère. L'ingestion stomacale d'alcool à hautes doses pro-

voque une hypérémie cérébrale persistante suivie d'une anémie :

parfois c'est l'inverse. P. KERAVAL.

LV. Sur un phénomène pupillaire non encore décrit; par

A. WESTPHAL. Nouveaux phénomènes pupillaires, par J. PILTZ.

Du phénomène palpébral de la pupille (de Galassi) ; par

G. Mingazzini. (Neu1'olog. Ceztrnl6l., XVIII, 1899.)

La contraction énergique de l'orbiculaire détermine un rétrécis-

sement de la pupille de l'oeil correspondant. Ceci se produit d'au-

tant mieux que cette pupille sera plus insensible à la lumière,

qu'elle réagira plus lentement sous l'influence de la lumière et

qu'elle ne sera pas rétrécie. Plus l'effort de contraction de l'orbi-

culaire est vigoureux, et il l'est si l'observateur écarte les pau-

pières du patient malgré lui, plus le globe de l'oeil se porte en

haut et en dehors, plus rarement en haut et en dedans, tandis que

le myosis en question se produit (Bernhardt). On l'observe chez la

plupart des malades atteints d'immobilité pupillaire réflexe (para-

lytiques généraux, tabétiques, syphilitiques) quand les pupilles

sont larges ou moyennement dilatées, que la réaction à la conver-

gence et à l'accommodation soit bien conservée ou diminuée, le

myosis est généralement alors très considérable (A. Westphal).

Ce phénomène est rare chez les gens bien portants ou chez ceux

qui n'ont qu'une maladie fonctionnelle du système nerveux.

La convergence n'y est pour rien, car il y a rotation simultanée

du globe de l'oeil en haut et en dehors. Non plus l'accommodation,

puisqu'il apparaît alors qu'il n'y a presque pas ou pas du tout de

rétrécissement pupillaire accommodatif. La cause n'en est pas

davantage imputable à la modification invoquée de la circulation

irienne par la contraction de la paupière comprimant l'oeil, car,

ni chez les malades à pupilles immobiles sous l'influence de la

lumière, ni chez les gens sains à pupilles réagissant bien, la pres-

sion exercée sur le globe oculaire ne modifie la largeur des pu-

pilles, qui, au contraire, change quand s'effectue la contraction

vigoureuse de l'orbiculaire. Ce myosis serait donc un mouvement

associé de l'orbiculaire, tout comme la rotation concomitante du

globe de l'oeil en haut et en dehors.

La synergie produite par la même impulsion volontaire agissant

à la fois sur l'occlusion de l'oeil (parlefacial) à la fois sur d'autres

muscles du même organe, dont parle Bernhardt, s'interpréterait

ici comme suit. Les pupilles ne fonctionnant plus pour la conver-

gence et l'accommodation, l'occlusion vigoureuse de la paupière

vient donner un stimulant au sphincter irien et à la branche pu-

pillaire de l'oculomoteur commun. Par quelle voie anatomique ?

314 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

Chez les lapins et les cochons d'Inde la branche oculaire du facial

a son noyau original dans le noyau de l'oculomoteur commun

(Mendel). La clinique et la physiologie expérimentale ont déjà

mis en évidence la simultanéité de la contraction de l'orbiculaire

palpébral et du sphincter pupillaire, quand un pinceau lumineux

frappe subitement, vivement, fortement l'oeil (l3ridsall Uhthoff

Hitzig). Ainsi parle M. Westpiul.

AI. PILTZ rappelle qu'il s'agit là de la réaction paradoxale ou

inverse des pupilles à la lumière des paralytiques généraux

(Charcot, Forel) qui est non point un réflexe lumineux mais le

résultat d'un mouvement associé de la fermeture volontaire des

yeux.

Il l'étudie comparativement chez 22 paralytiques généraux,

25 stupides ou déments, 8 épileptiques, 9 tabétiques, 7 aveugles,

23 individus bien portants, sous deux formes.

1° Celle du myosis après une énergique et volontaire occlusion

palpébrale ; 2° celle du myosis pendant l'exagération de l'effort

(maintien des paupières par l'observateur).

La première forme du symptôme paraît généralement coïncider

avec l'immobilité ou la réaction paresseuse des pupilles à la

lumière, mais elle peut aussi se produire sur des pupilles réagis-

sant bien. La seconde forme apparaît le plus habituellement sur

des pupilles dont la réaction à la lumière est troublée, mais se

montre bien plus souvent que la première forme chez les individus

sains doués d'une bonne réaction pupillaire à la lumière.

Chez un tabétique aveugle (atrophie des nerfs optiques), dont

les pupilles étaient tout à fait insensibles à la lumière, la pupille

d'un oeil se rétrécit chaque fois qu'il clignote simplement de

l'autre oeil, le premier oeil restant dans le plan horizontal. C'est

là la réaction consensuelle de la pupille par l'orbiculaire ; de plus,

le simple clignotement des yeux provoque une contraction très

vive et très forte des deux pupilles comme plus haut.

Le mécanisme pourrait bien être celui de la modification de la

circulation irienne par la pression déterminée sur le globe au

moyen de l'énergie de la contraction palpébrale. Voici par exem-

ple une malade atteinte de paralysie de l'oculomoteur commun

du côté gauche depuis de longues années; l'eeil malade ne peut

du tout se mouvoir en haut ou en bas, la pupille en est immobile

à la lumière, à l'accommodation, à la convergence, mais elle se

rétrécit quand elle regarde en haut ou ferme les deux yeux. Si

l'on maintient les paupières qui essaient énergiquement de se

fermer, le globe s'échappe horizontalement en dehors, et la pu-

pille se rétrécit notablement.

La forme première de ce symptôme seule avait déjà été observée

par Wundt. Physiologische Psychologie, 1880, page 172, et H. Gif-

ford. Archives of opthalmologie, XXIV, cah. 3. 0

REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 1315 S

C'est Galassi qui l'a découvert, il y a douze ans, dit M. Mingaz-

zini, en 1887, Bolletino, della Soc. Lancis. degli Ospedali, di

Roma, VII, fascicule 14 (juin 87 et janvier 88). 11 s'agissait d'un

cas de paralysie périphérique incomplète, par lesion osseuse, de

l'oculomoteur commun; la réaction pupillaire par la paupière

permettrait, en quelques cas, tous les autres mouvements des

pupilles étant perdus, de distinguer une paralysie périphérique

d'une paralysie centrale. En mai 1890, Fortunati le retrouvait

chez un tabétique atteint d'ophtalmoplégie incomplète du même

oeil. La persistance de la réaction des pupilles par la paupière

s'expliquerait, d'après Galassi, par la période de réparation au

début de laquelle serait l'oculomoteur commun ; les fibres pupil-

laires de ce nerf sont déjà redevenues conductrices, mais pas

aussi aisément qu'à l'état normal, la résistance aux incitations en

est plus grande que physiologiquement. Le courant qui réussit à

la vaincre n'est pas celui qui est produit par une excitation sen-

sible d'origine réflexe, c'est celui qui est produit par un mouvement

associatif résultant de la même impulsion volontaire. Celle-ci,

palpébrale, agit, simultanément, sur les fibres lisses du sphincter

pupillaire excessivement irritables parce qu'il y a eu névrite de

l'oculomoteur commun, aussi la réaction est-elle fort énergique.

P. Keraval.

LVI. Une nouvelle coloration du système nerveux ; par P. Kaon-

THAL. (Ne2tro(o,g. CentralLl., 1VIII, 1899.)

On prépare une solution de formiate de plomb en versant goutte

à goutte de l'acide formique dans une solution aqueuse d'acétate

de plomb ; il précipite des aiguilles cristallines blanches et fines.

On filtre et on redissout dans l'eau ; on a une solution très saturée

de formiate de plomb. On place des petits morceaux de système

nerveux de 8 millimètres de long et assez minces dans un mélange,

à parties égales, de cette solution et d'une solution de formaline à

10 p. 100, pendant cinq jours; puis, sans laver, dans un mélange

à parties égales d'une solution de formaline à 10 p. 100 et d'hy-

drogène sulfuré, en solution, en ayant soin d'arroser préalable-

ment les pièces, de ne pas les immerger brusquement. On les y

laisse ensuite cinq jours. Puis on les soumet à l'action de l'alcool

de plus en plus pur, on inclut, pour pratiquer les coupes, dans la

celloïdine, on éclaircit au carboxylol, ou monte au baume de Ca-

nada xylolé. Dans ces conditions, elles se conservent pendant des

.mois; s'il n'en était pas ainsi, c'est que la solution d'hydrogène

sulfurée, sursaturée, contiendrait du soufre libre. D'ailleurs, la

coloration sombre des préparations provient de la formation d'un

sulfure de plomb, puisque la substance noire se dissout dans l'acide

nitrique concentré.

316 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

Cellules et fibres nerveuses sont d'un gris sombre tirant sur le

noir, ou légèrement brunâtres. Ce sont les éléments mêmes des

tissus, la matière histologique propre, qui sont colorés. Aussi cel-

lules et fibres sont-elles pleines de petits grains noirs, très réguliè-

rement agglomérés, très fins, toujours égaux entre eux dans les

mêmes éléments anatomiques. Ces grains sont gros dans les grosses

cellules des cornes antérieures, petits dans les granulations de la

couche granuleuse du cervelet, très petits dans les fibres nerveuses.

L'auteur montre, à l'appui, de grandes cellules pyramidales de

l'écorce (lapin), la couche externe de la substance corticale grise

du cervelet, les prolongements cellulaires de l'écorce du cerveau

de l'homme, les cornes antérieures et la substance blanche de la

moelle du lapin, les fines cellules-araignées de la substance blanche

cérébrale et cérébelleuse, enfin la moelle d'un tabétique ; ici, dégé-

nérescence du tissu nerveux sans prolifération, s'accusant par une

coloration claire qui tranche sur la partie saine, tandis que la pro-

lifération s'annonce par une coloration sombre tranchant sur le

tissu sain ; détails merveilleux.

C'est une méthode admirable, facile, qui, pour six francs envi-

ron, permet de colorer tout un encéphale. Elle permettra plus

particulièrement d'analyser l'écorce grise, d'individualiser, pour

ainsi dire, chaque cellule avec ses parties constitutives et ses pro-

longements et d'établir ainsi l'anatomie physiologique de chaque

élément. Cette description systématique nous conduira à l'ana-

tomie pathologique d'affections inconnues, telles que la folie

systématisée. P. KERAVAL.

LVII. Étude critique du travail de A. Bethe. Les éléments anato-

miques du système nerveux et leur valeur physiologique » ; par

M. DE LC\IIOSSE6. Explications désirées par M. de LeNUOSS> : r. ;

par A. BETHE. (Neurolog. Centralbl., XVIII, 1899.)

L'étude de l'écrevisse commune, sur laquelle M. Bethe se fonde

pour combattre la théorie des neurones, peut se résumer ainsi.

Chaque segment du corps de cet animal est armé d'un ganglion

divisé en deux parties, réunies par une commissure transverse de

fibres, affectées à chaque moitié du corps. Le ganglion se compose

d'un manteau de cellules, la plupart unipolaires, qui entoure un

épais feutrage formé des ramuscules des fibres nerveuses et des

dendrites, appelé neurophile (His). Les cellules sont, les unes mo-

trices, les autres commissurales. Les premières envoient leur pro-

longement principal dans les racines; les secondes, dans les com-

missures transverses et longitudinales. Le prolongement principal

lance dans le neurophile ses prolongements accessoires (Retzius)

qui s'y fragmentent : ce sont bien des dendrites (Bethe, de Lenhos-

sek). Les racines nerveuses pénètrent dans les ganglions ; elles y

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 317

sont toujours mixtes, les fibres motrices émanant des prolonge-

ments des cellules des ganglions, les fibres réceptrices arrivant des

cellules sensorielles périphériqnes placées sous les antennules; ces

cellules-là envoient dans les antennules un court prolongement

périphérique et dans le ganglion un long prolongement central qui

est la fibre sensitive. Jusque-là rien de nouveau ; c'est la répétition

de l'anatomie du lombric (de Lenhossek et Retzius, 1892). Le

schéma est même conforme à la théorie du neurone; on y voit et

les terminaisons des dendrites et celles des fibres sensitives sous la

forme d'arborescences terminales libres.

C'est la structure fibrillaire des éléments nerveux qui est inté-

ressante. Le bleu de toluidine et l'acide molybdique ont mis en

évidence les neurofibrilles d'Apâthy et les grilles de fibrilles intra-

cellulaires. Seulement les grilles intracellulaires de l'écrevisse ne

sont pas aussi développées que dans les préparations d'Apâthy. Et

il n'y a pas de différence entre les fibres motrices et les fibres sen-

sitives quant au nombre et à la force des neurofibrilles comme il y

en a chez les sangsues et le lombric.

Mais en quoi cela peut-il contredire à la théorie du neurone ?

Les éléments nerveux, chez les invertébrés comme chez les verté-

brés, renferment des fibres spéciales nettes, oui; mais M. Bethe

n'a pas constaté le passage des neurofibrilles d'une unité nerveuse

à une autre; il n'a pas vu que le neuropile doive être consideré

comme un vrai réseau où se fondraient, en formant un grillage,

les fibrilles primitives, il n'a pas constaté la continuité des fibrilles

primitives de deux neurones dans ce grillage. Personne ne l'a

encore montré. Jusqu'ici les deux méthodes de coloration, celle de

Golgi st celle du bleu du méthyle montrent la cessation brusque

de deux éléments morphologiques. La prétention d'Apâthy de tenir

le neuropile central pour une grille élémentaire de diffusion, ne

suffit pas. Bethe dit meme que chez l'écrevisse il n'a pu se con-

vaincre de l'existence d'une vraie grille. Qu'il publie en tout cas sa

méthode de coloration pour qu'on puisse contrôler la continuité

des cellules nerveuses.

Au point de vue physiologique, les cellules nerveuse de l'écrevisse

sont, dans les ganglions, séparées par un certain espace du neuro-

pile puisqu'elles sont disposées à la surface de celui-ci comme un

manteau. Le corps de chaque cellule n'a d'autre prolongement que

son prolongement principal épais qui s'enfonce dans le neuropile ;

les branches qui correspondent aux dendrites émanent, dans le

neuropile, du prolongement principal. Or on dit que les courants

d'excitation reçus par les dendrites ne se portent pas dans le

corps de la cellule, qui se tient à l'écart, mais vont directement

au lieu d'implantation des dendrites en contournant la cellule, et,

celluli-fugitifs, au prolongement principal, pour de là se transpor-

ter aux fibres motrices périphériques. Seulement, pour le démon-

318 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

trer, il faudrait enlever complètement le complexus des proto-

plasmas des cellules nerveuses, en épargnant autant que possible

le neuropile et les racines nerveuses. On verrait si et à quel point

les mouvements réflexes ont souffert. Bethe y aurait réussi trois

fois, à la partie de l'encéphale de l'écrevisse qui forme le centre

nerveux de la seconde antenne : il n'en est rien résulté au point

de vue de ces fonctions sauf le troisième ou le quatrième jour

après l'opération, où l'antenne est complètement paralysée. Il en

conclut que la cellule, cette partie du neurone qui contient le

noyau, n'est pas absolument nécessaire à la manifestation essen-

tielle du réflexe, mais que le fonctionnement permanent de l'appareil,

réflexe central est impossible sans la cellule qui exerce sur le neu-

rone une action nutritive; le protoplasma en est l'agent, tandis

que le protoplasma et son noyau ne participent point aux fonc-

tions purement nerveuses. Seulement M. Bethe n'a enlevé qu'une

partie de la cellule, il a laissé les éparpillements de son proto-

plasma dans le neuropile, il a laissé les ramifications accessoires

de son prolongement principal qui doivent être regardées comme

des dendrites, qui sont des parties du protoplasma; c'est ce qui

explique la persistance des fonctions inhérentes au protoplasma.

Généralisant son assertion à toute la série animale, il. Bethe

ajoute que la cellule, organe purement trophique, n'a de rapport

avec la fonction nerveuse que parce qu'elle représente un poste de

passage approprié à une plus ou moins grande quantité de neuro-

fibrilles, parce qu'elle est, notamment chez les vers, le réceptacle

de la grille intra-cellulaire de fibrilles , intercalée entre les

fibrilles réceptrices et les fibrilles motrices. Les fibrilles et la grille

sont les voies conductrices des ondes excitatrices, sans que le

protoplasma cellulaire et le noyau les influencent. C'est possible,

mais non prouvé par l'expérience chez l'écrevisse. Entre le réflexe

simple d'un segment d'écrevisse et le jeu compliqué des fonctions

neuropsychiques des organismes supérieurs il y a une énorme

distance. Peut-on raisonnablement comparer les cellules des gan-

glions spinaux des écrevisses à celles des vertébrés ? Chez ces der-

niers, le corps de la cellule, piriforme, ne s'écarte pas du tout, des

extrémités nerveuses; il est copieusement entrelacé par les expan-

sions terminales, corbelliformes, des fibres sympathiques et autres.

Sans doute le corps de la cellule, avec ses dendrites, exerce une

influence sur la nutrition du neurone, probablement par la subs-

tance basophile (colorable, tigroïde de Nissl) ; mais toute cellule

possède à côté de la substance tigroïde, à côté des petites fibrilles

qui serpentent entre les mottes de tigroïde, une plus ou moins

forte quantité de plasma fondamental, siège très probable d'une

activité nerveuse spécifique. La multiplicité des formes, des rami-

fications, des dimensions, des dispositions, des structures, des

variétés des cellules, par exemple des cellules pyramidales, en

REVUE D'ANATOMIE Er DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 319

divers points de l'écorce ne se comprendrait pas si ces cellules

n'avaient qu'un rôle nutritif, on ne comprendrait pas non plus

leurs altérations dans toutes les affections nerveuses et mentales.

M. Bethe exagère le rôle nerveux et conducteur des neurofibrilles.

Sans doute elles servent à la conductibilité mais il y a aussi la

substance inlerfibrillaire. Il est vrai que Bethe et Apâthy pré-

tendent que ces fibrilles pénètrent les fibres musculaires et les épi-

théhums, dénudées, sans plus avoir de substance périfibrillaire.

Bethe dit que les fibres myéliniques des vertébrés, au niveau de

l'étranglement de lianvier sont dépourvues de substance inter-

brillaire entre les fibrilles de leur cylindraxe. Or toutes les méthodes

de coloration, sauf celle au bleu de méthyle, susceptible d'ailleurs

d'une autre interprétation, l'y décèlent. L'autre nuance trouvée par

Bethe et Mann, qui leur fait croire à l'existence d'une substance

toute différente, prouve uniquement que la substauce interfibril-

laire a subi quelque modifications physique ou chimique en ce

point.

Les conclusions tirées par M. Bethe de ses expériences fussent-

elles exactes, elles ne prouveraient pas la continuité des voies

conductrices et elles s'expliquent tout aussi avantageusement par

le contact des tractus sensitifs et destractus moteurs que par leur

continuité. Mais c'est la préparation histologique qui doit prouver

cette continuité.

M. Bethe attribue enfin les phénomènes intellectuels non plus

aux cellules mais aux fibrilles et à la grille qu'elles forment. Le

monde psychique serait le résultat des excitations externes sur la

grille des fibrilles de l'encéphale. La mémoire, pour lui, n'est pas

produite par une provision d'images commémoratives conservées

dans la cellule. Car elles ne sont pas spontanées, elles surviennent

à tout instant, sont d'origine récente, et disparaissent aussitôt

sous l'action des excitations extérieures. Il y a bien un reste des

impressions sensorielles, mais c'est une simple disposition. - Com-

ment alors se fait-il que la même impression sensorielle éveille chez

divers individus des images commémoratives toutes différentes ' ?

Parce que les impressions sensorielles antérieures ont laissé divers

états et que, par suite, la même impression sensorielle ramène chez

chacun ces états divers qui engendrent réactionnellement, des

images variées (De Lenhossek). Et c'est précisément la disposition

de Bethe qui est une allure spéciale physique ou chimique de la

substance nerveuse, un ordonnancement particulier des molécules

du cerveau, obtenu soit dans la cellule, soit dans la grille des ^

fibrilles, la mémoire en un mot. La mémoire est un état ; qu'une

onde excitatrice vienne iL parcourir les séries de molécules grou-

pées d'une manière déterminée, et l'image commémorative appa-

raîtra en nous : voilà le phénomène.

Réponse de .1/. Bethe. - La méthode de Golgi ne donne jamais

320 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

d'image complète d'un élément nerveux parce qu'elle incruste la

substance dans laquelle sont incluses les neurofibrilles. Or, Apâthy

et moi avons montré que cette substance n'accompagne générale-

ment pas les fibrilles dans tow leur parcours. Le système nerveux

central des vertébrés n'est pas non plus propre à résoudre la ques-

tion, néanmoins nous avons des documents qui, sous peu, vont

nous permettre une réponse très nette. Chez les invertébrés, et

surtout dans les organes où les éléments nerveux sont répartis en

surface, il y a sûrement des anastomoses entre les cellules, on y

voit toutes les transitions entre les anastomoses larges et entre les

anastomoses très fines ne provenant que d'une neurofibrille

(Apâthy). Il est à supposer que ces cellules-là sont l'intermédiaire

de réflexes tout à fait diffus; c'est ce qui explique que les cellules

voisines sont reliées entre elles. Cela n'a plus lieu quand il s'agit

de réflexes orientés dans une direction déterminée dans le système

nerveux central. Il n'est donc pas probable que l'on trouve des

anastomoses de cellules sises à côté les unes des autres, dans les

collections de cellules de même sorte des animaux vertébrés. Dans

les préparations au bleu de méthyle des ganglions de la sangsue,

Apâthy a vu des anastomoses, mais elles sont très rares, car la

coloration cesse généralement où cesse la substance périfibrillaire.

Les préparations de neurofibrilles typiques sont toujours em-

pruntées à des coupes minces; et il faut avoir de la chance pour

tomber sur la liaison de deux cellules nerveuses au moyen des

fibrilles primitives dans le système nerveux central. Mais chez la

sangsue on voit fréquemment ce qui suit : les fibrilles primitives

d'une cellule nerveuse se divisent en branches minces et passent

dans un réseau (grille élémentaire d'Apâthy et de Bethe). De cette

grille élémentaire partent des fibrilles plus épaisses qui s'en vont

à d'autres cellules : jamais on ne voit une fibrille primitive se ter-

miner dans le neuropile ; toujours on peut la suivre jusqu'à

d'autres limites de la coupe. C'est pourquoi il y a lieu de penser à

un lien de continuité entre les cellules du système nerveux cen-

tral par les fibrilles. P. KERAVAL.

LVII. Hétérotopie, canal central double et triple de la moelle;

par H. SENATOR. (Nezerolog. Cenlralbl., XVIII, 1899.)

L'observation avec l'autopsie a été publiée dans la Berlin. klin,

Wochenschré/ft, n° 8, 1899. Il s'agit d'une moelle étroite et mince,

macroscopiquement bien conformée, sauf au niveau du renflement

"lombaire; à l'oeil nu on trouve une dépression ellipsoïde de la

substance grise dont le diamètre longitudinal est nettement trans-

versal et le bord postérieur un peu échancré. Cette dépression,

voisine de la corne postérieure, dont elle est séparée par une large

raie de substance blanche normale, occupe le faisceau cunéiforme

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 321

droit, un peu en avant de son milieu. Elle est constituée par des

cellules nerveuses semblables à celles des cornes postérieures,

des noyaux névrogliques, quelques fibres à myéline, des vaisseaux.

Elle n'est pas étendue en hauteur, car on ne la trouve plus sur les

coupes un peu au-dessus et un peu au-dessous.

Ce n'est pas tout; les régions dorsale et lombaire ont un canal

central double et triple. Le canal central, simple dans la moelle

cervicale, a la forme et le volume habituels; il est presque tout à

fait rempli d'une masse celluleuse. A partir des quatrième et cin-

quième segments dorsaux, en descendant, on trouve deux canaux

revêtus d'épithélium; l'un, à grand diamètre longitudinal antéro-

postérieur, occupe presque la place normale, au milieu ; un se-

cond, plus petit, à gauche du premier, affecte la même direction.

Plus bas, les deux canaux augmentent de volume, et il s'y ajoute

un troisième ovale, ayant aussi son diamètre longitudinal antéro-

postérieur situé en arrière des deux autres, à peu près au milieu,

d'ailleurs aussi revêtu d'épithélium. Dans le renflement lombaire

tous trois sont revêtus d'épithélium : il y en a un de chaque côté,

en avant du segment de cercle antérieur des cordons postérieurs,

d'égal volume, mais celui de droite, triangulaire, a sa pointe diri-

gée en arrière, celui de gauche est plutôt circulaire; le troisième,

plus petit, est en arrière du canal de droite.

La malade, dont provient cette pièce, avait une série de troubles

nerveux des plus graves, mais pas de symptômes médullaires

proprement dits, ce qui concorde avec les observations des autres

hétérotopies vraies. P. KERAVAL.

LIX. Des réflexes pupillaires dus à l'attention; par J. PILTZ. (Neuro-

log. Centralblatt, XVIII, 1899.)

Une personne capable de s'observer et de commander à ses opé-

rations mentales est placée dans une chambre éclairée au gaz de

telle façon que lorsqu'elle fixe un point déterminé du mur en face

d'elle, ses pupilles sont moyennement dilatées. A côté du plan de

la ligne du regard est mis un chapeau noir qu'elle peut au besoin

regarder sans cesser de viser le mur. Porte-t-elle dans ces condi-

tions son attention sur le chapeau, on obtient une mydriase corti-

cale, un réflexe cortical dit d'attention, parce qu'il est en rapport

avec l'attention donnée à-l'objet sombre, placé à la périphérie du

champ visuel. Un bec de gaz étant disposé à gauche du patient,

et un chapeau noir à droite, le patient continue à fixer droit devant

lui un point sur le mur. Sans changer la direction du regard, il porte

son attention tantôt à la flamme de gauche, tantôt au chapeau,

alternativement. On voit alors la pupille se rétrécir puis se dilater

notablement; les pupilles reviennent à leur largeur moyenne quand

il porte son attention sur la muraille. Or, chaque fois que le patient

Archives, 2* série, t. IX. 21

322 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

a l'idée de prêter attention au chapeau, il y a dilatation, il y a au

contraire rétrécissement quand il s'attache à la flamme. Si, tou-

jours sans modifier la direction du regard, il dirige d'une façon

persévérante son attention sur la flamme, la pupille est animée de

plusieurs contractions successives ; ce phénomène correspond à

plusieurs efforts successifs d'une attention décroissante, explicables

par ce que la ligne du regard n'est pas directement dirigée sur

l'objet.

- La simple représentation intellectuelle d'un objet obscur entraine

de même la dilatation des pupilles; ainsi en est-il quand le patient

pense à l'obscurité du jardin la nuit. L'idée qu'il se fait d une

source lumineuse invisible pour lui provoque un rétrécissement

des pupilles, mais moins vif. L'idée représentative d'objets indiffé-

rents, encrier, table, fontaine, etc., reste sans influence sur la

largeur des pupilles. L'attention sur un objet obscur placé dans le

champ visuel dilate cependant plus fortement les pupilles que

la simple idée d'un objet obscur placé derrière le dos du patient.

La dilatation des pupilles est, au reste, plus lente que leur con-

traction. La dilatation pupillaire en rapport avec un effort muscu-

laire tient tout simplement à l'opération psychique correspondante

en l'écorce cérébrale et non aux phénomènes physiques vasculaires

invoqués dans l'espèce. Les pupilles se dilatent aussi bien quand le

patient agit sur un dynamomètre que quand il songe à cet effort

musculaire.

Conclusions. 1° Les pupilles se contractent : a) fortement

lorsque l'attention est tournée sur un excitant lumineux; b) faible-

ment quand elle est portée sur l'idée de lumière; 1° Les pupilles

se dilatent : a) fortement, quand l'attention se porte sur un objet

obscur; b) faiblement, quand elle est appelée sur l'idée d'un objet

obscur; 3° Les idées correspondant à des objets indifférents

(au point de vue de leur intensité lumineuse) n'agissent point sur

les pupilles; 4° La force de la modification des pupilles dépend

du degré (de l'intensité) de l'attention. P. KERAvAL.

LX. Contribution au développement du ruban de Reil et de ses

communications avec le centre; par A. DOELLKEN. (IVeU-010g.

Cenlralbl., XVIII, 1899.)

Faites chez les souris et les rats des coupes de 30 d'épaisseur

au plus ; chez les lapins, les chats, les chiens, des coupes de oO p.

au maximum, bien égales, bien nettes. Servez-vous de lamelles

de photoxyline. Placez dans une solution d'hématoxyline (Pal) à

froid, pendant 4-5 jours; chauffez deux heures à + 37° au plus.

Laissez refroidir. Mettez dan'; l'eau de source six à huit heures

sans changer l'eau, puis, pendant un quart d'heure ou une demi-

heure dans l'eau distillée alcaline (2 à 3 gouttes de liqueur de KO

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 323

caustique par lilre). Décolorez dans une solution d'hypermanga-

nate de li à 0,50 p. 100 environ, jusqu'à ce que les points amyéli-

niques soient transparents. Lavez à l'eau distillée. Portez dans une

solution d'acide oxalique à 1 p. 100 jusqu'à ce que les endroits

amyéliniques soient brun clair, les points myéliniques, l'écorce et

les noyaux encore plus sombres. Portez ensuite dans beaucoup

d'eau distillée où la coupe s'éclaircit encore. A ce monnnt, les

fibres sont bleu foncé, l'écorce et les foyers de noyaux franche-

ment brun clair, les endroits amyéliniques jaune clair. Les con-

tours des noyaux et leurs foyers dans les gros ganglions sont bien

accusés de même que l'écorce.

Chez un foetus humain de sept mois déjà pounu de fibres myé-

liniques dans la couronne rayonnante, entre la capsule interne et

les ascendantes, les cellules nerveuses présentent déjà divers degrés

de maturité, quant à la forme du corps de la cellule, en divers

segments de l'écorce. La zone olfactive, surtout au niveau de la

lame perforée antérieure qui va à l'insula et s'intercale entre la

zone olfactive frontale et la zone olfactive temporale, la circonvo-

lution de l'hippocampe, les ascendantes (champs embryogéni-

ques corticaux 1, 2, 4 de Flechsig), montrent la forme du corps

des cellules, la disposition des couches de celles-ci, le rapport

quantitatif entre les cellules et le tissu intermédiaire, identiques

à ce qu'ils sont dans l'encéphale mûr. Les territoires terminaux

(de Flechsig) surtout le cerveau frontal, contiennent des cellules

pressées les unes contre les autres, encore embryonnaires et dis-

posées tout autrement que chez l'adulte. Ceci prouve que les

cellules comme les fibres nerveuses, prennent, successivement, dans

les diverses zones corticales de Flechsig, leur forme définitive, et

que la substance intermédiaire suit le mouvement d'adaptation

quantitatif par rapport aux cellules (Flechsig).

La partie latérale du ruban de Reil principal fournit-elle les

principaux trousseaux chargés de gagner par le noyau lenticu-

laire la couronne rayonnante ? Et ces trousseaux proviennent-ils

exclusivement des noyaux des cordons postérieurs ? Figures.

Chez un chat de six jours et chez le lapin nouveau-né, la couche '

intermédiaire des olives, qui ne contient que peu de fibres du

noyau de Burdach latéral, va jusqu'au corps trapézoïde (de la pro-

tubérance). Chez un chat de trois jours ou de six jours, cette

même couche intermédiaire des olives s'avance au-dessus de l'en-

tre-croisement.mais la plus grande partie de ces fibres se perdent

au niveau du corps trapézoïde. On peut cependant suivre ce qu'il

en reste (1/3 ou 1/4) jusque dans la formation réticulaire de la

calotte tout près du tubercule quadrijumeau antérieur. Chez des

lapins de cinq à huit jours la couche intermédiaire des olives se

termine à peu près pour moitié au niveau du corps trapézoïde, et

la partie qui continue donne des fibres au noyau latéral supérieur

324 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

de Flechsig (noyau parabigéminé). Au niveau du bord supérieur

de la protubérance, le ruban de Reil principal s'infléchit en arrière

pour gagner la calotte : ses fibres s'écartent les unes des autres,

surtout transversalement; entre elles il existe en ce point un noyau

rond qui doit être l'extrémité supérieure du noyau réticulaire de

la protubérance de Bechterew. Au-dessus de ce noyau, on retrouve

un ruban de Reil riche en fibres par suite probablement de la

jonction des trousseaux de la formation réticulaire ou restes du

cordon latéral.

A la partie la plus inférieure du pédoncule cérébral, le ruban

de Reil se partage en trois faisceaux peu distincts. Le faisceau le

plus externe commence à s'éparpiller et se perd dans la formation

réticulaire à l'état de tubercule quadrijumeau; un petit nombre

de ses fibres va dans la substance noire; il ne parait pas certain

que cette partie du ruban, pas plus que les autres s'unisse au

noyau rouge. Le faisceau moyen, composé de fibres très fines,

ou ruban de Reil de Goll, en décrivant un arc de cercle à conca-

vité antérieure, passe dans le centre médian de la couche optique

et dans les parties mitoyennes du noyau latéral où il se termine.

Notons que, le pulvinar n'étant pas très développé chez le chat, le

chien, les rongeurs, le centre médian de la couche optique n'est

pas tout à fait médian (Détails dans le mémoire). Le faisceau

interne ou médian du ruban de Reil s'en va, par-dessus le bord

supérieur et interne de la substance noire et un peu en dehors,

au hile de la couche optique ; c'est un trousseau peu compact

entre les fibres duquel existent des cellules constituant chez le rat

et la souris un assez gros noyau presque sphérique, un peu

au-dessous du hile en question. C'est là qu'on voit des fibres de la

calotte arciformes à l'état de trousseaux lâches se rendre au ruban

de Reil et même à ce noyau qu'elles traversent ; ces trousseaux

proviennent de la région du faisceau longitudinal postérieur et du

noyau rouge. Les trois faisceaux du ruban de Reil paraissent

échanger des fibres. Celles des fibres qui proviennent du noyau

rouge s'en vont jusque dans la partie postérieure du groupe

nucléaire antéro-latéral de la couche optique. Le ruban de Reil

traverse en assez bon ordre le hile de la couche optique, fournit

un certain trajet antéro-postérieur et s'en va aboutir provisoire-

ment aux segments antérieurs du groupe nucléaire antérieur de

la couche optique.

Voici maintenant un cerveau de chat anormalement précoce qui

montre à quatre jours et demi un trousseau de fibres blanches

allant de la couche optique à la capsule interne. D'ordinaire c'est

chez les foetus humains de sept mois qu'on constate un trousseau

de fibres à myéline puissant, allant du ruban de Reil principal

latéral aux deux segments internes du noyau lenticulaire ou globus

pallidus, d'où part un embranchement de la commissure de

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 325

Meynert pour rejoindre le globus pallidus de l'autre côté. Le corps

de Luys n'a pas de rapport ici avec la commissure de Meynert

(Monakow et Mahaim) mais il est en rapports fournis avec les

pédoncules cérébelleux supérieurs. Peut-être déjà aux faisceaux

du ruban de Reil les premiers parus qui vont au noyau de Luys se

mélange-t-il des fibres des pédoncules cérébelleux supérieurs; la

masse principale de ces dernières ne se myélinise que plus tard

(Flechsig).

En tout cas, de très bonne heure, apparaît dans le pied du

pédoncule cérébral un premier et unique faisceau qui doit être

attribué au ruban.de Reil. Tout près de la substance noire se

trouve le noyau subthalamique de Luys qui, chez le chien, le rat,

la souris, a la forme d'une olive, et chez le chat ou le lapin, celle

d'une pyramide tronquée, triangulaire, à arêtes mousses. Sa face

la plus grande est en avant du pédoncule, sa base s'en éloigne :

cet organe, très vasculaire, très net, chez le chat et le lapin,

envoie de très nombreux prolongements évidents dans le pied du

pédoncule. C'est entre les prolongements latéraux du pédoncule

qu'on constate d'abord quelques fibres myéliniques ainsi que dans

la partie la plus externe du noyau (fibres en anses). On voit ensuite

les fibres s'avancer en haut, entre le premier et le deuxième

segment du globus pallidus et pénétrer dans le second. Successi-

vement, de bas en haut, apparaissent des fibres qui passent entre

les prolongements inférieur et moyens. Toutes les fibres forment

un trousseau qui va au noyau lenticulaire. Elles constituent une

lame de substance blanche, en dehors du premier segment du

globus pallidus et vont à la partie interne du second segment.

Toutes ces fibres ne vont pas au noyau lenticulaire même ; d'au-

cunes s'en vont directement, en le contournant, à la capsule

interne. Puis arrive un moment où le trousseau est plus épais ; ses

fibres sont, en bas, entourées des prolongements latéraux du corps

de Luys, en haut circonvenues par tous les prolongements de cet

organe. Elles finissent par devenir très épaisses et se rendent, pour

la plupart, à la moitié postérieure du deuxième segment du noyau

lenticulaire qu'elles traversent pour gagner la capsule interne. Ces

fibres-là ne s'éloignent pas beaucoup du bord interne. Dans le

même segment du noyau lenticulaire existent aussi beaucoup de

fibres myéliniques très minces, de nombreuses fibres en anses. Il

est très probable qu'une partie du trousseau se rend directement

à la capsule interne par la lame de substance blanche et par le

premier segment du globus pallidus. Les fibres, dans la capsule

interne, deviennent plus fines et plus délicates. Le centre ovale de

la région motrice contient exclusivement des fibres rares et très

délicates. La capsule interne donne aussi passage à un trousseau

qui va au pédoncule antérieur de la glande pinéale. Le trousseau

des fibres épaisses va à la circonvolution cruciale et à la circonvo-

326 REVUE D'ANATOJIIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

lution coronaire du chien (animal de dix jours) ; il occupe sur des

coupes horizontales le tiers antérieur de la capsule interne.

Chez le chat on voit nettement le trousseau sortir du corps de

Luys, pénétrer dans l'écorce de la zone psychomotrice; puis, de

celle-ci descend un trousseau de fibres myéliniques d'un volume

double (fibres conductrices centrifuges ? ). Plus bas on retrouve un

fort trousseau sis en dedans du deuxième segment des globus

pallidus; il traverse le premier segment du même organe et se

rend au pied du pédoncule cérébral ; il occupe successivement par

rapport au trousseau du corps de Luys .une direction antéro-pos-

térieure et antérieure, en se rendant en bas, à la protubérance où

il gagne le faisceau pyramidal. Peut-être une partie de ce trous-

seau reste-t-elle dans le premier segment du globus pallidus,; il

est, en tout cas, fort mince dans la partie inférieure du pied du

pédoncule et dans la protubérance. On voit aussi chez les foetus

humains de six à sept mois un faisceau myélinique allant du corps

de Luys à la capsule interne, en se dirigeant vers la couronne

rayonnante, et un faisceau qui va du noyau lenticulaire à la capsule

interne en se dirigeant vers la couronne rayonnante. Il n'existe

pas de fibres myéliniques allant de la couche optique à la cou-

ronne rayonnante. Mais, plus tard, dans la capsule interne appa-

raît un faisceau myélinique qui, du globus pallidus, par-dessus la

face antérieure de la couche optique, va au pédoncule antérieur

de la glande pinéale; ce sont de fortes fibres inconnues des

auteurs (cinquième zone des fibres spéciales du noyau lenticulaire

de Flechsig).

Le corps de Luys est encore en relation avec les tubercules qu t-

drijumeaux. A partir du troisième jour de la vie chez le chat et le

lapin il envoie de nombreuses fibres à la substance noire, qui, à

peu près à la même époque reçoit des fibres issues de la subs-

tance blanche moyenne des tubercules quadrijumeaux. Ces fibres

viennent surtout dans la partie postérieure de la substance noire;

on trouve là de nombreuses cellules entre lesquelles des fibres

myéliniques nombreuses en anses. La substance blanche moyenne

du tubercule quadrijumeau supérieur et peut-être aussi du

tubercule quadrijumeau inférieur projette finalement beaucoup de

fibres dans le corps de Luys même. Mais ces éléments ne se

myélinisent que lorsque depuis longtemps est organisé le faisceau

qui va au noyau lenticulaire et à l'écorce; il en est de même pour

le trousseau qui va du ruban de Reil principal au corps de Luys

(Bechterew et Tschermak).

Les faisceaux de Reil corticaux de la couche optique n'appa-

raissent point avant le neuvième jour; à ce moment apparaissent

des fibres qui vont de la couche optique à la capsule interne.

Nous avons vu l'exemple anormal du faisceau de la partie posté-

rieure de la capsule interne chez un chat de quatre jours et demi.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 327 7

D'ordinaire du neuvième au dixième jour apparaissent encore des

fibres dans la partie antérieure de la capsule interne, qui vont à

la région de la zone sensible du corps : leur calibre et leur colora-

tion les fait nettement distinguer des fibres du premier système.

Les fibres du ruban de Reil sises entre le corps de Luys et le

territoire originaire des faisceaux pyramidaux occupent une place

à part; leur calibre très fort chez la souris et le rat ne permet

cependant point de les voir sortir du noyau lenticulaire pour

continuer leur route, de les suivre jusque dans l'écorce; pas

davantage chez le lapin. C'est chez le chien et le chat que nettes

elles se distinguent des autres fibres dans les circonvolutions de

la zone sensible du corps. Chez le chien, elles sortent de la capsule

interne pour aller d'abord dans la circonvolution coronaire où

elles s'infléchissent en décrivant un arc de cercle accusé, les

fibres antérieures formant même un angle aigu, pour se rendre à

la circonvolution cruciale. Elles se terminent pour la plupart dans

la partie externe des circonvolutions cruciales, d'autres abou-

tissent au segment limitrophe postérieur du sillon coronaire. Il y

a d'ailleurs quelques variétés individuelles en rapport avec la

situation variable de la scissure cruciale.

L'ordre et le sens dans lequel se développent les conducteurs

centraux indique le sens de leur conductibilité. P. IZERaVAL.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

I. Accès tétanoïdes dans l'épilepsie; par le D' Pierce Cr.anx.

Dans les accès épileptiques les spasmes toniques et cloniques

se rencontrent, en général, au même degré.

Dans certains cas très rares il peut arriver que seuls les spasmes

toniques se présentent constituant des accès tétanoïdes de l'épi-

lepsie. Sur 200.000 attaques observées par l'auteur, un seul cas

peut se rapporter à celte variété d'épilepsie.

De l'étude de ce cas qu'il relate tout au long et des recherches

effectuées à ce sujet, l'auteur lire les conclusions suivantes :

i° Les convulsions exclusivement toniques des accès de petit

mal épileptique ne sont pas identiques aux accès tétanoïdes.

2° Les accès tétanoides, quoique très rares, sont établis clini-

quement ; mais une variété distincte de l'épilepsie, la soi-disant

épilepsie tétanoïde de Prichard, n'est pas démontrée.

328 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

3° Les accès tétanoïdes ne sont qu'une modification de l'épilep-

sie vraie et n'ont probablement aucun rapport avec le tétanos.

(The Anerican journal of insanity, avril 1899.) E. BLIN.

IL Le symptôme complexe de la catatonie ;

par le Dr WoRCESTER. -

Kahlbaum définit la catatonie : une maladie du cerveau à évo-

lution cyclique dans laquelle les symptômes psychiques prennent

tour à tour la forme de mélancolie, de manie, de stupeur, de

confusion et finalement de démence, un ou plusieurs des symp-

tômes psychiques pouvant manquer et dans laquelle, à côté des

symptômes psychiques se présentent, comme symptôme essentiel,

dans le système nerveux moteur, des modifications à caractère

général de spasme. Le travail de Kahlbaum a donné lieu à de

nombreuses discussions. Trois questions se posent à ce sujet :

Il, Les symptômes décrits sont-ils uniformément associés ?

2° Manquent-ils dans des cas qu'on peut croire être de même

nature.

3° Peuvent-ils se rencontrer dans des cas qu'il y a des raisons de

croire pathologiquement distincts.

En réponse à la première question l'auteur rapporte six obser-

vations présentant les caractères décrits par Kahlbaum.

Quant à la seconde question, sa croyance est qu'il existe un

grand nombre de cas qui ne présentent pas les symptômes mus-

culaires décrits par Kahlbaum et, néanmoins, sont réellement de

même nature.

Enfin les observations rapportées par le DrWorcester établissent

que le groupe des symptômes de la catatonie peut se trouver en

connexion, et probablement comme une conséquence d'autres

conditions morbides bien définies telles que, par exemple, l'épi-

lepsie générale.

Provisoirement, il parait juste de conclure que le symptôme

complexe catatonique peut se rencontrer dans un certain nombre

de conditions morbides diverses bien qu'il soit de beaucoup plus

fréquent dans la classe de cas auxquels Kraepelin a donné le nom

de démence précoce : son pronostic est relativement défavorable.

(The American journal of insanity, avril 1899.) E. B.

III. Un cas d'athétose bilatérale avec quelques symptômes

inaccoutumés; par le Dr G. C.MPIJ¡¡ : LL.

Il s'agit d'un cas d'athétose bilatérale chez une enfant de deux

ans et demi avec participation des muscles de la nuque, de l'orbi-

culaire des lèvres et de l'élévateur de la lèvre supérieure.

Il existe en même temps, de temps à autre des spasmes du col

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 329

de la vessie, s'opposant à la miction d'une façon absolue pendant

un quart d'heure, et des crises de sueurs profuses nocturnes. L'in-

telligence de l'enfant est un peu inférieure à la normale. (The alie-

nist and neurologist, avril 1899.) E. B.

IV. Tympanite gastrique, vomissements nerveux et autres

troubles gastriques nerveux; par EWALD.

Résumé, d'après l'ouvrage du Dr Ewald, de Berlin, sur les

névroses et leurs relations physiologiques -avec les organes impor-

tants, de quelques formes de névroses gastriques, tympanite et

vomissements.

Deux cas sont cités de vomissements graves causés par irrita-

lion nerveuse, exemples qui montrent combien le diagnostic peut

être quelquefois difficile.

Suit la relation d'un cas intéressant de névrose cérébro-gas-

trique se présentant sous forme de crises d'anxiété accompagnées

de sensations de constriction de l'estomac et de dyspnée. Ces

crises étaient souvent consécutives à une sorte d'accès d'appétit

dévorant. (The alienist and neu1'ologisl, janvier 1899.) E. B.

V. A propos d'un cas de tabes cervical ; par le 1), de BucK.

(Journal de Neurologie, 1899, n° 13.)

L'auteur relate un cas de tabes, qui, contrairement à la règle

générale, a débuté par les segments cervico-dorsaux de la moelle,

et attire particulièrement l'attention sur ce fait que le malade pré-

sentait à la fois une exagération des deux réflexes rotuliens et une

abolition des réflexes du tendon d'Achille.

La première condition de ce phénomène doit être recherchée,

d'après l'auteur, dans une atteinte relativement peu prononcée

de la zone radiculaire de Westphal au niveau des segments médul-

laires correspondant au réflexe rotulien (du deuxième au cinquième

segment lombaire) alors que la moelle cervico-dorsale était le

siège principal des lésions. Quant à l'interprétation de l'exagéra-

tion du réflexe rotulien, elle est difficile en l'absence de lésions du

faisceau pyramidal (le phénomène des orteils faisant défaut) et l'on

est obligé de soupçonner un état spécial d'irritation des téléneu-

rones sensibles à ce niveau.

Quoi qu'il en soit, ce fait est une confirmation de l'existence de

la cinquième catégorie de tabétiques admise par van Gehuchten.

G. DE,,¥.

VI. Désordres produits par le séjour d'une aiguille dans la

paume de la main ; par M. le Dr MAERE (de Gand). (Journ. dl ! '<

Neurologie, 1899, n° 13.) ..

Une jeune fille en voulant prendre une aiguille, fixée sur une

330 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

pelotte, la cassa et se l'enfonça dans la paume de la main au niveau

du troisième métacarpien gauche. Trois opérations successives

avec les images radiographiques comme guide, n'ont pu amener

la découverte de l'aiguille. Aussi les lésions déterminées par ce

corps étranger sont-elles considérables : atrophie de la main et de

l'avant-bras, rétraction tendineuse, douleurs spontanées surtout il

l'endroit du corps étranger et au niveau du carpe. La main est

contracturée et ne possède aucune force. La sensibilité tactile est

relativement conservée. G. D.

VII. Un cas de méningite syphilitique frontale (arachnoïdite

pariétale gommeuse); par M. F. Sans. (jours. de Neural., 1899

n° 13.)

La malade qui fait le sujet de cette observation se plaignait

d'une céphalalgie insupportable, mal localisée, presque constante,

puis bientôt après d'une parésie généralisée avec titubation, diffi-

culté de la parole, etc. Elle mourut dans le coma et à l'autopsie on

trouva à la face antérieure de la dure-mère au niveau de la région

frontale gauche une large plaque rouge, végétante, hémorragique.

Deux ou trois productions gommeuses, d'aspect un peu jaunâtre

au centre, confirmaient l'hypothèse de l'affection syphilitique.

malgré les anciennes négations de la patiente. L'arachnoïde viscé-

rale et la pie-mère étaient intactes.

Dans la tumeur épaisse au maximum de quatre millimètres, la

dure-mère elle-même est très peu épaissie, la partie pariétale de

l'arachnoïde semble seule avoir été le point de départ des altéra-

tions. Pas d'examen histologique. G. D.

VIII. Les anesthésies, paralysies et amyotrophies en tranches

et la théorie métamérique de Brissaud ; par J. Crroaa. (Journal

de Neurologie, 1899, n° 15.)

Ce travail contient la relation de deux observations qui viennent

à l'appui de la théorie métamérique de Brissaud. La première est

un cas de myélite transverse, d'origine traumatique, dans lequel

les troubles sensilivo-moteurs des membres inférieurs étaient

limités par des lignes circulaires perpendiculaires à l'axe de ces

membres.

La seconde est un cas de sclérose en plaques s'accompagnant

au niveau des quatre membres d'une dissociation syringomyélique

de la sensibilité, limitée par des lignes circulaires bien tranchées;

il existait en outre des troubles trophiques remarquables aux

mains et aux pieds, phénomènes qui engagent à admettre, à côté

de la sclérose en plaques, des lésions syringomyéliques dont la

topographie fonctionnelle ne peut s'expliquer que par la théorie

métamérique de Brissaud. G. D.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 331

IX. Respiration de Cheyne- Stokes pendant le sommeil chez

une enfant choréique; par Ph. BOURDILLON. (Rev. méd. de la

Suisse romande, 1899, n°7.)

Il s'agit d'une fillette de douze ans atteinte de chorée de Syden-

ham dont le rythme respiratoire normal à l'état de veille. deve-

nait intermittent pendant le sommeil : à une période d'apnée

absolue qui dure sept à huit secondes, succède une période de

respiration composée de dix à douze mouvements respiratoires. Le

premier est tout à fait superficiel, les suivants deviennent de plus

en plus profonds et bruyants, puis l'intensité des excursions tho-

raciques s'abaisse progressivement et la respiration cesse complè-

tement. Il s'établit alors une nouvelle pause respiratoire d'une

durée sensiblement égale à la précédente. Pendant le sommeil il

n'existe aucun mouvement choréique. G. D.

X. Un cas d'épilepsie jacksonienne hystérique ; par

J. CROCS. (Journ. de Neurologie, 1899, n° 17.)

Il s'agit d'un homme de vingt ans dont les antécédents hérédi-

taires et personnels étaient profondément entachés de tuberculose

et qui fut atteint subitement d'épilepsie jacksonienne bien carac-

térisée avec céphalalgie localisée, douleur à la percussion de la

zone rolandique, etc.

Le diagnostic de lésion tuberculeuse au niveau de la zone rolan-

dique semblait s'imposer mais le malade guérit complètement et

rapidement à la suite de l'administration de pilules de nitrate

d'argent auxquelles M. Crocq avait attribué devant le malade des

propriétés miraculeuses. Cette guérison par suggestion indirecte

prouve bien qu'il s'agissait d'un cas d'épilepsie jacksonienne d'ori-

gine hystérique. G. D.

XI. Diagnostic de la paralysie bulbaire chronique progressive ;

par W. IoSEE. (Médical Record, 25 février 1899.)

Après avoir repris l'examen des symptômes sans rien ajouter

aux descriptions de Duchenne et de Charcot, l'auteur critique la

dénomination de paralysie labio-glosso-laryngée, aujourd'hui

d'ailleurs délaissée. Il rappelle l'importance à ce propos des

troubles pharyngiens et termine par le diagnostic différentiel avec

les paralysies pseudo-bulbaires, les tabès spamodiques, les chorées,

l'atrophie musculaire progressive avec ses phénomènes oculaires,

les tumeurs, gommes et compressions médullaires. A. M.

XII. Une petite épidémie de poliomyélite; par L. NEWMARK. (Médical

News, 28 janvier 1899.)

Cinq observations observées à Le Grand en Californie. L'auteur

332 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

soupçonne un élément toxique infectieux qu'il n'a pu déterminer.

A propos de ces cas il esquisse une revue rapide des épidémies

analogues signalées antérieurement dans la science. A. M.

XIII. Névrites (Médical Record, avril-juin 1899). 1° Névrites scia-

tiques et brachiales avec névralgies; par W. MORTON (15 avril).

80 cas résumés traités par l'électrisation statique guérison. L'au-

teur préconise le traitement préventif par courants de haut

potentiel; 2° Cas de névrite multiple alcoolique avec autopsie;

par Lansw et S.-E. ZELLiFrE (8 juillet). Examen histologique

(11 planches) montrant diverses dégénérescences cellulaires

centrales particulièrement la chromatolyse périnucléaire et

l'excentricité des noyaux. A. M.

XIV. La pathogénie de la syringomyélie bulbaire ;

par le D' Diomsi. (Riv. Sp. di (l'en., fasc. 1. 1899.J

En résumé, des faits qu'il a pu observer, l'auteur arrive à con-

clure que le type de syringomyélie bulbaire qu'il étudie peut être

mis en rapport avec des anomalies du développement du canal

médullaire et du cerveau rhomboïdal dans une période qui corres-

pond environ au deuxième ou troisième mois de la vie embryon-

naire. J. S.

XV. Un cas de « dyspituitarisme » par tumeur maligne de la

pituitaire ; par AGOSTlxl. (Riv. di pat. nerv. et ment., fac. IV,

1899.)

Observation d'un malade de cinquante-six ans. Au point de vue so-

matique : couleur jaune terreux de la peau; absence complète de

poilsàla face, aux aisselles,au pubis; développement musculaire très

faible ; verge petite, testicules atrophiés, canal inguinal perméa-

ble. Tête brachycéphale avec légère plagiocéphalie gauche. Stra-

bisme convergent de l'oeil droit. Pas de phénomènes acromégaliques.

Sensibilité générale obtuse ; paresthésie auditive, olfactive, gus-

tative ; vue affaiblie, atrophie papillaire commençante. Au point

de vue psychique, un certain degré d'imbécillité avec idées vagues

de persécution entretenues par des hallucinations visuelles, olfac-

tives, gustatives. Mort par catarrhe gastro-intestinal. A l'autopsie,

fibrosarcome mélanique de la glande pituitaire. J. SÉGLAS.

XVI. Hystérie et Infection; par V. OTS Y > : SQUEnDO. (Revista de

Itledicina y Cirugita, 1899.)

Tout en admettant avec Grasset le rôle considérable joué par

l'infection dans la genèse de l'hystérie, l'auteur se refuse à séparer

l'hystérie grippale de l'hystérie commune. Celle-ci est bien une

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 333

dégénérescence cérébrale, stigmate organique qui ne disparait

qu'avec la vie. Un dilemme se pose pourtant : ou cette dégénéres-

sence est uniquement une altération héréditaire de l'organisation

cérébrale ; ou elle est le résultat de causes déterminantes de

natures diverses (trauma, infection) ayant agi sur le cerveau pen-

dant le premier âge. La première partie représente plutôt l'opinion

de l'auteur ; mais l'hérédité produit seulement un état d'équilibre

instable qui peut se maintenir indéfiniment jusqu'à ce qu'une cause

qui est très souvent une infection, vienne faire éctater les manifes-

tations de la névrose. Cinq observations dont trois d'hystérie

mâle, viennent confirmer cette donnée. Les considérations diagnos-

tiques et pronostiques aussi bien que l'étiologie et la pathogénie

permettent le rapprochement de ces cas avec les psychoses dégé-

nératives. L'hystérie, quel que soit son mode d'apparition, est tou-

jours aussi incurable par quelque moyen thérapeutique qu'on la

traite. On obtient des rémissions plus ou moins durables, guéri-

sons seulement apparentes. Pour conclure : les états infectieux

déterminent souvent l'hystérie chez les prédisposés; le syndrome

est dans ce cas le même que dans l'hystérie ordinaire dont on

ne peut la séparer à aucun point de vue. Il n'y a pas d'hystérie

d'origine infectieuse distincte. F. BOISSIER.

XVII. Un cas classique d'hystérie ; par RANFOLDI. (ans. di neur.,

fasc. 1V-V, 1899.)

XVIII. Sur le siège des images motrices; par le Dr P. HARTENBERG.

(Revue de psychologie clinique et thérapeutique, avril 1899.)

L'auteur définit en ces termes le mot « image ». « Par image,

dit-il, nous entendons, non la révélation consciente d'un fait sen-

sitif ou moteur, mais le mécanisme nerveux qui est le substratum

physiologique de l'opération. » Conformément à cette définition,

l'image motrice représente le mécanisme nerveux qui préside à

l'exécution d'un mouvement; mais cette expression de mécanisme

nerveux doit elle-même être précisée; il ne s'agit ici que du mé-

canisme cortical moteur et il ne saurait être question des éléments

sensitifs, d'ordre cénesthésique ou visuel, qui interviennent dans la

représentation corticale d'un mouvement. L'usage même a con-

sacré le terme « image motrice » pour une partie seulement de ce

mécanisme cortical moteur, la plus élevée, la plus essentielle, celle

qui se produit dans les centres d'association; c'est, dans ces centres,

en effet, que se réalise la combinaison dynamique qui caractérise

chaque mouvement. Ainsi, « en ce qui concerne le mot parlé,

c'est dans le centre verbal d'association qu'il a véritablement son

siège de conservation et de reproduction. Alors que, dans l'émission

verbale d'un mot, le centre cortical de projection et le centre bul-

334 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

baire d'exécution sont un lieu de passage pour l'articulation de

tous les mots, ont une fonction commune, l'image motrice du

centre d'association n'appartient qu'à ce mot seul. ne produit que

celui-là seul, est doué d'une activité spécialisée, spécifique. Quant

à son mécanisme, il est essentiellement un mécanisme de coordi-

nation. Le terme d'image motrice est donc inexact, puisqu'en réa-

lité le rôle de cette image ne consiste pas à mouvoir, mais à coor-

donner seulement ».

- En somme, le siège des images motrices « se trouve sur le ter-

ritoire des centres d'association de Flechsig, et plus spécialement

sur les confins de ce territoire, dans la proximité des centres de

projection, sur ce qu'on a nommé les zones marginales. Certaines

familles de ces images sont aujourd'hui bien localisées : celle de

l'articulation des mots et celle de l'écriture par exemple. Nul doute

que toute espèce de mouvements coordonnés et adaptés à une cer-

taine fonction, tout automatisme usuel, ne possède également une

localisation aussi précise de ses images motrices, qu'on définira

peut-être un jour. Il est bien difficile de dire quel rôle exact

jouent dans la constitution de ces images, et les terminaisons

protoplasmiques et le corps cellulaire, et les prolongements cylin-

draxiles ». A. Fenayrou.

XIX. Essai d'une psychologie de la suggestion; par M. P. Harten-

BERG. (IE7l21 de psychologie clinique et thérapeutique, août 1898.)

La suggestion, dit M. Bernheim, est « l'acte par lequel une idée

est introduite dans le cerveau et réalisée par lui ». M. llartenberâ

adopte cette définition qui lui sert de point de- départ et de base

de discussion dans ce travail. Il considère l'idée comme la syn-

thèse fonctionnelle d'images (verbales, sensorielles, motrices, affec-

tives) ; ces images sont étroitement unies entre elles, et la mise en

activité de l'une d'elles entraine presque fatalement celle de toutes

les autres. L'introduction d'une idée dans le cerveau, qui constitue

l'un des éléments de la suggestion, sera donc réalisée par suite de

l'évocation d'une des images qui constituent cette idée. 11 y a

autant de variétés de suggestion que de variétés d'images, mais

les images verbales étant de beaucoup les plus importantes, la

suggestion verbale est aussi la plus commune et la plus puissante.

La réalisation de l'idée est la conséquence de l'entrée en activité de

ses images composantes. L'idée se fait, selon sa nature, sensation,

mouvement, émotion, quand ses images constituantes acquièrent

une intensité suffisante. Il en est ainsi, en particulier, de l'idée de

sommeil : endormir un sujet par suggestion, c'est lui faire réaliser

l'idée de sommeil par l'évocation, soit de son image. auditive ver-

bale, soit de ses autres images composantes (verbales, sensorielles,

cénesthésiques). Le sommeil ainsi provoqué n'est nullement un

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 33S

état exceptionnel du système nerveux, mais une simple modalité

fonctionnelle de son activité normale, entrainant une augmenta-

tion de la suggestibilité ; il n'y a donc pas lieu d'attribuer au

sommeil provoqué cette fonction spéciale qu'on appelle hypno-

tisme.

Une idée a d'autant plus de chances d'être réalisée qu'on évoque

simultanément un plus grand nombre de ses images composantes;

ces évocations d'images exigent aussi, pour êtres actives, une suffi-

sante aptitude du cerveau à la représentation mentale. M. Har-

tenberg insiste en terminant sur le rôle capital que joue l'élément

affectif dans la suggestion. Une idée n'agit que si elle est sentie et

elle se réalise d'autant plus énergiquement qu'elle est fortifiée

davantage par une émotion; un cerveau n'est apte à réaliser des

suggestions qu'autant qu'il est apte à éprouver des émotions.

A. Fenayrou.

XX. Les suggestibilités ; par le Dr Crocq fils (de Bruxelles). (Revue de

psychologie clinique et thérapeutique, juin et juillet 1898.)

L'auteur a résumé lui-même, dans les conclusions suivantes,

que nous croyons devoir reproduire textuellement, son très inté-

ressant travail : 1° Il y a suggestion chaque fois qu'une idée est

introduite dans le cerveau et acceptée par lui. 2° La suggestibilité

est la faculté plus ou moins grande d'accepter les suggestions ;

3° la suggestibilité dépend essentiellement de deux facteurs :

l'impressionnabilité et la force de résistance. 4° Si l'on représente

par 1 l'impressionnabilité et par H la force de résistance, la for-

mule de l'individu normal sera : I : R = 2 : 4. 5° Cette équilibra-

tion parfaite étant idéale, les formules : I : R=`3 : 3; I : It =3 : 4;

I : R = 4 : 4, peuvent être considérées comme normales. 6° Les

individus possédant une force de résistance légèrement amoindrie

(1 : R = 2 : 3; I : R = 2 : 2), n'accepteront pas les suggestions

qui pourraient porter atteinte à leur honneur, leur position, à

leur avenir, à leur santé, aux personnes qui leur sont chères; mais

ils accepteront celles qui, sans menacer fortement leur person-

nalité ou leur famille, constituent cependant des fautes qu'ils n'au-

raient sans doute pas commises sans une influence étrangère.

,0 Ceux qui ont une impressionnabilité légèrement exagérée

(I : R = 3 : ; I : R = 4 : 4), présenteront encore une suggesti-

bilité permettant l'acceptation des suggestions peu conséquentes,

mais ils n'obéiront plus par noblesse, par manque de résistance;

ils ne se laisseront suggestionner que si l'on s'adresse à leur im-

pressionnabilité, à leur sensualité. 8° Lorsque l'impressionnabilité

et la force de résistance sont plus profondément atteintes, on a

affaire à des suggestibilités pathologiques. 9° Les individus dont

la force de résistance est considérablement diminuée (1 : R = 2 : 1 ;

336 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

I : R == 2 : 0), accepteront les suggestions les plus graves, par

mollesse, sans contrôle. 10° Ceux dont l'impressionnabilité est

considérablement exagérée (I : R = 5 ou 0 : 4; 1 : R = 7 ou 8 : 4),

pourront encore accepter les suggestions les plus graves, mais ils

n'obéiront plus par mollesse, par manque de résistance; ils ne se

laisseront suggestionner que si l'on s'adresse à leur excessive im-

pressionnabilité. 11° Entre ces deux types de suggestibilités patho-

logiques, il y a' des transitions et des combinaisons infinies, ré-

sultant d'une altération simultanée de 1 et deR. 12° La suggestibi-

lité hypnotique, varie dans des proportions aussi grandes que les

suggestibilités normales et pathologiques à l'état de veille. Cer-

tains sujets sont des automates parfaits, d'autres résistent aux

suggestions les plus simples. Entre ces deux extrêmes, il existe une

infinité de suggestibilités intermédiaires formant une chaîne inin-

terrompue. 13° L'hypnose consistant essentiellement en une disso-

ciation fonctionnelle des centres nerveux, provoquant une annihi-

lation plus ou moins profonde du centre psychique supérieur et

conscient, et, par suite, une diminution de la résistance (fonction

du centre supérieur) et une augmentation de l'impressionnabilité

(fonction des centres inférieurs), on comprend pourquoi, en géné-

ral, la suggestibilité hypnotique croit, en raison de la profondeur

de sommeil provoqué. 14° Lorsque la suggestibilité hypnotique ne

croit pas en raison de la profondeur du sommeil, c'est que, ou

bien la formule de l'état de veille n'est pas normale (hyper-sugges-

tibilité), ou bien les centres inférieurs présentent par eux-mêmes

une résistance automatique (hypo-suggestibilité). 13°Si l'on admet

qu'il n'y a pas d'hypnotisme, qu'il n'y a que des états variables

de suggestibilité, on ne comprend pas comment un individu dont

la formule habituelle est normale (I : Il = 2 : 3), puisse se trans-

former subitement en un automate complet (I : Il = 8 : 0), sous

l'influence du somnambulisme profond qui ne serait lui-même

qu'une manifestation de la suggestibilité. 16° Si l'hypnose n'est

qu'une manifestation de la suggestibilité, il faudrait croire que

ceux seuls qui possèdent à l'état de veille une hyper-suggestibilité

très accentuée, sont susceptibles de présenter un somnambulisme

profond, ce qui nous ramènerait à croire, avec Charcot, que les

névrosés sont plus hypnotisables que les normaux. 17° En admet-

tant l'existence de l'hypnotisme et en le considérant comme dû à

la dissociation fonctionnelle des centres nerveux aboutissant aune

annihilation plus ou moins forte du centre psychique supérieur et

conscient, dissociation pouvant résulter de toutes les impressions

capables de distraire ce centre de son rôle de contrôle, de fixer

l'attention, on conçoit qu'un individu intellectuellement normal

puisse se transformer en un automate et l'on comprend pourquoi

les individus normaux sont en général plus hypnotisables que les

névrosés, dont l'attention ne peut être fixée. A. FENAYROu.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 337

Yin. Suggestion et mesmérisme; par E. BOIRAC. (Revue

de psychologie clinique et thérapeutique, mai 1898.)

L'auteur ne partage pas l'opinion de M. Bernheim d'après la-

quelle « il n'y a pas d'hypnotisme, mais il n'y a que la sugges-

tion ». Il admet que l'hypnotisme braidique est profondément

distinct du suggestionnisme, quoiqu'ils s'unissent presque toujours

pratiquement dans la plupart des phénomènes que nous obser-

vons. De même, il croit, avec M. Durand (de Gros), que le mesmé-

risme ou magnétisme animal et la suggestion sont deux agents

distincts, également réels, indépendants l'un de l'autre, qui peu-

vent se suppléer et se contrefaire mutuellement, comme ils peu-

vent aussi se combiner pour la production d'effets communs. La

plus grande partie de ce travail est consacrée à la justification de

cette conception. Nous n'en retiendrons qu'un seul point : c'est

que l'existence distincte du mesmérisme et de la suggestion étant

admise, il reste fort difficile, dans la généralité des cas, de faire la

part de l'action de chacun de ces éléments. Dans la pratique, dit

M. Boirac, le mesmérisme, comme le braidisme, facilitela besogne

de la suggestion et cela, très fréquemment, à l'insu des sugges-

tionneurs eux-mêmes ; il prépare, en quelque sorte, le terrain sur

lequel la suggestion pourra ensuite évoluer.

Peut-être arrivera-t-on un jour à démontrer l'unité de nature de

la suggestion, de l'hypnotisme braidique et du mesmérisme,

comme on commence à découvrir l'unité de nature des phénomè-

nes de chaleur, de lumière et d'électricité; mais, actuellement, on

ne saurait faire, à ce sujet, que des hypothèses. Quoi qu'il en soit,

la condition commune de tous ces phénomènes parait être une

sorte de plasticité anormale de la force nerveuse, qui se trouve

ainsi capable de subir docilement toutes les impressions qui lui

viennent, soit du dedans (et c'est alors la suggestion ordinaire, ou,

pour mieux dire, l'auto-suggestion), soit du dehors (et c'est alors

le mesmérisme, soit simple, soit compliqué de télépathie impro-

prement nommée suggestion mentale). A. FENAYROU.

XXII. Le problème de la suggestion; par J. P. DURAND (de Gros).

(Revue de psychologie clinique et thérapeutique, mars et avril

1898.)

Tout en considérant comme une affaire de mots sans grande

importance la question du maintien ou de la suppression du

terme d'hypnotisme, M. Durand (de Gros), est d'avis de conserver

cette expression avec laquelle le public est, dit-il, déjà familiarisé,

qui lui est plutôt sympathique, quoi qu'on dise, et qu'une débapti-

sation désorienterait.

Il considère la suggestion comme une dérogation radicale, un

AncI ! l\'r.s,2- série, t. IX. 22

338 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

démenti flagrant à ce que la science nous a appris jusqu'à ce jour

à regarder comme les fondements de l'ordre naturel. La sugges-

tion, en effet, ne puise ses éléments dans aucune substance, ne

s'appuie sur aucune réalité, soit tangible, soit seulement conce-

vable. C'est quelque chose d'inobjectif, c'est l'idée pure et cette

idée pure se montre pourtant le succédané parfait des plus éner-

giques agents de la matière médicale. L'auteur s'attache à démon-

trer que les théories automatistes de la physiologie sont insuffi-

santes à rendre compte de tous les faits indiscutablement établis

de suggestion. D'après lui, certains de ces faits, tels que des sug-

gestions d'effets d'ordre végétatif, ne peuvent s'expliquer que si

l'on admet avec lui que les centres nerveux de l'axe céphalo-rachi-

dien et ceux du système grand sympathique sont le siège d'un

principe conscient, c'est-à-dire d'une individualité psychologique

distincte, possédant sensibilité, discernement et volonté, à l'instar

du centre cérébral proprement dit, siège de ce que nous nommons

notre « moi, > : , notre conscience, notre âme. Suivant cette théorie,

les fonctions de la vie végétative seraient loin d'être celles d'un

mécanisme matériel et aveugle; les moteurs des fonctions de la

nutrition seraient de même nature que le moteur suprême des

actes de la vie de relation, c'est-à-dire, agiraient avec une dose de

conscience, de discernement et de volonté. Ainsi le « moi » ne

serait que le récepteur et le transmetteur de la suggestion tandis

que les centres inférieurs, les « sous-moi », seraient les agents

préposés à sa réalisation. Enfin M. Durand (de Gros) affirme que

les suggestions à terme d'actes de la vie de relation avec oblitéra-

tion entière de leur souvenir dans l'esprit du suggestionné et exé-

cutées, le moment venu, à l'insu de ce dernier et avec une infail-

lible sûreté, seront toujours une énigme impénétrable, « si l'on

repousse ce qu'il se refuse à appeler une hypothèse et qu'il appelle

sans hésitation, la vérité triomphante du Polyzoïsme ».

A. FENAYROU.

XXIII. Suggestion et hypnotisme; par M. le Professeur Bernheim

(de Nancy). (Revue de psychologie clinique et thérapeutique, janvier

1898.)

« Il n'y a pas d'hypnotisme », répète encore une fois M. le

professeur Bernheim. En effet, il n'existe pas de différence fonda-

mentale, du moins au point de vue symptomatique, entre le som-

meil, dit hypnotique, résultat de la suggestion, et le sommeil

naturel. Les phénomènes considérés comme caractéristiques de

l'hypnose, catalepsie, suggestibilité, hallucinabilité, etc., ne sont

pas l'apanage exclusif des sujets en état de sommeil provoqué; ils

peuvent être réalisés par suggestion pendant le sommeil naturel

ou même à l'état de veille chez certains individus. Bien plus,

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 339

M. Bernheim affirme que tous les sujets hallucinables et sugges-

tibles à l'état de sommeil ou au moins après la suggestion préalable

du sommeil le sont d'emblée, sans celle-ci, à l'état de veille; la

suggestibilité est indépendante du sommeil. 11 reconnaît volontiers

que le sommeil constitue un état d'âme qui, souvent, exalte la

suggestibilité; il est parfois utile de le provoquer, mais il faut se

garder de croire que l'efficacité de la thérapeutique suggestive

est d'autant plus grande que le sommeil est plus profond.

En somme, la suggestion faite pendant le sommeil provoqué ou

dans un état voisin et la suggestion à l'état de veille ont des indi-

cations distinctes, au point de vue thérapeutique; l'une donnera

des résultats plus favorables que l'autre dans certains cas et se

montrera inférieure à elle dans des circonstances ou chez des

sujets différents. A. Fenayrou.

XXIV. De la suggestion et de l'hypnotisme ; par M. A. DUMONTP.1LLIER.

(Revue de psychologie clinique et thérapeutique, décembre 1897.)

Contrairement à M. le Professeur Berheim qui soutient qu' « il

n'y a pas d'hypnotisme » et à M. le Dl' Hartenberg qui demande

que l'on ne « parle plus d'hypnotisme, ce mot seul effrayant tout

le monde, mais seulement de suggestion », M. Dumontpallier

pense qu'il faut garder de l'hypnotisme, le vocable et la chose. Il

reconnaît volontiers que la suggestion, à l'état de veille présente de

nombreux avantages; il accorde également à la suggestion une

grande importance puisqu'il reconnaît que le sommeil provoqué en

est lui-même un résultat. Mais son expérience personnelle lui a

démontré que la suggestion dans l'état d'hypnose, a une action

thérapeutique plus grande qu'à l'état de veille, et, par suite, il

estime qu'il est souvent opportun d'avoir recours à la suggestion

hypnotique, et qu'il n'y a pas lieu de rayer de notre vocabulaire,

bien qu'il effraye certaines gens, le mot hypnotisme qui désigne

un état psychique qui favorise la suggestion en augmentant la

suggestibilité des sujets. A. FENAYMU.

XXV. Paralysie bulbaire asthénique, avec l'observation d'un cas ;

par John Punton. (Journal of ne/'vous and mental disease, sep-

tembre 1899.)

1\1'"0 B..., vingt-cinq ans. Début il y a trois ans, quelque temps

après un premier et pénible accouchement. Premiers symptômes :

Faiblesse intermittente des muscles de l'oeil; vision double, obs-

curcissement plus ou moins marqué de la vue. Ptosis de la pau-

pière gauche plus accentué à certains moments. Amyosthénie

marquée. Faiblesse extrême à la suite du plus léger exercice; mas-

tication devint peu à peu difficile, la déglutition pénible et impar-

faite, articulation des mots défectueuse.

340 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

- La voix changea de hauteur, de ton, et de qualité, devint nette-

ment nasale. Langue moins habile, « engourdie », avec des mou-

vements limités, imparfaits, pénibles. Troubles marqués de la dé-

glutition surtout celle des solides.

De légers efforts;corporels amènent une fatigue anormale, de la

prostration, une accélération du coeur.

Dans l'espace de deux ans à partir du début, elle a vu apparaître :

Ptosis de l'oeil droit; faiblesse des muscles de la face. Les mouve-

ments des lèvres se limitèrent graduellement, et leur coaptation

(comme dans l'action de siffler) devint impossible ; strabisme des

deux yeux, et limitation des mouvements de l'oeil dans toutes les

directions; larmoiement.

Examen. - Yeux fixes, sans mouvement. Un léger degré de pro-

trusion oculaire. Larmoiement très accentué. Pupilles réagissent.

Ptosis des deux yeux surtout marqué à gauche. Diplopie.

Face. - Pâleur. Perte de la tonicité musculaire. Parésie profonde

à droite, moindre à gauche.

Coaptation insuffisante des lèvres pour siffler et prononcer les

labiales. Torsion légère de la face du côté gauche dans le rire et

l'action de montrer les dents.

Masséters à peu près également parétiques ; la coaptation des

mâchoires avec quelque force est impossible. Pas d'atrophie, ni

secousses fibrillaires.

Organes de la parole et de la déglutition. - Langue épaisse et

molasse, sans dentelures, ni atrophie, ni tremblement. Pas de mou-

vements de latéralité. Voile du palais, a perdu sa forme arquée

Il est abaissé et flasque. Voix épaisse, indistincte, nasillarde. Parole

fatigue vite la malade. Constricteurs du pharynx complètement

parétiques. Déglutition des solides difficile, les liquides passent

par le nez. Constatation de la paralysie de la corde vocale

gauche.

Tronc et extrémités. Maigre, elle a perdu 47 livres. Pas d'atro-

phie ni contractions fibrillaires. La force des extrémités semble

normale. Pas de troubles sensitifs.

Réflexes. Réflexes superficiels normaux. Réflexes profonds,

légèrement exagérés, diminuant à la répétition. Excitabilité élec-

trique normale.

Marche. - Des arrêts momentanés; pas de rétrocession.

Le tableau clinique montre qu'il s'agit là d'un trouble purement

moteur, d'un arrêt de la fonction motrice. Pas de troubles sensi-

tifs superficiels ou profonds. L'ophtalmoplégie externe complète

(mouvements pupillaires sont intacts) démontre la prise des troi-

sième et sixième noyaux; la faiblesse bilatérale des muscles de la

mastication dénote la participation de la branche motrice du cin-

quième nerf; la paralysie faciale d'un côté et la parésie de l'autre,

donnant une déviation faoiale unilatérale quand les muscles fonc-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 341 1

tionnent, la pâleur, l'absence d'expression, l'état'de repos du visage,

sont choses dues à la suppression de l'innervation de la septième

paire; l'état paralytique qui entraine les troubles de la phonation,

de la vocalisation, de l'articulation et de la déglutition dénote la

participation des neuvième et dixième nerfs dont les fibres motrices

partent en commun du noyau ambigu, lequel est une continuation

de la colonne cellulaire motrice de la corne antérieure, tandis que

le douzième nerf est responsable des troubles moteurs de la langue.

Diagnostic. -La différenciation doit être faite particulièrement

avec la paralysie pseudo-bulbaire et la paralysie bulbaire dégéné-

rative vraie.

Le diagnostic avec la paralysie pseudo-bulbaire est plus difficile

à cause de l'absence d'atrophie dans les deux cas. Le diagnostic de

paralysie bulbaire vraie repose sur les caractères suivants de la

paralysie bulbaire asthénique : .,

Etat de la langue pui n'est pas atrophiée, et sans contractions

fibrillaires. Absence d'atrophie dans tous les muscles. Caractère

transitoire des parésies. Réflexes conservés. Réaction électrique

normale. Etat psychique sain. Muscles ciliaires intacts, vision nor-

male. Pas d'écoulement de salive. '

Apparition de fatigue et de prostration sous l'influence du plus

léger exercice, spécialement dans les muscles desservis par les

nerfs moteurs crâniens, mais aussi, à un certain degré, dans tout

l'organisme. Absence de troubles sensitifs ou sensoriels. POUL1RD.

XXVI. Paralysie bulbaire asthénique ; par Wharton SrNKLER.

. (Journal of nCl'vous and mental diseuses, sept. 1899.)

La malade, âgée de trente-sept ans, présenta sept ans auparavant

un ptosis graduel de l'oeil gauche d'abord, de l'oeil droit ensuite.

Quatre mois plus tard (1893, janvier) ptosis complet. Après six semai-

nes de traitement, il reste il peine un léger degré de chute des pau-

pières. 2 ans et 10 mois plus tard (1895, octobre), nouvelle réappa-

rition du ptosis. Deux ans après (1897, octobre) diplopie progres-

sive. Parésie des deux droits internes, et légèrement aussi des deux

droits supérieurs. Rétrécissement très marqué des champs visuels.

Un an et deux mois plus tard '(1898, décembre), peu de temps

après un accouchement facile, l'acuité visuelle commença à dimi-

nuer plus rapidement, et un mois plus tard, elle n'avalait plus bien.

Bras et mains commencèrent à perdre leur force; faiblesse dans

les jambes également. La faiblesse des muscles de la gorge, la

difficulté pour avaler et prononcer ont été les symptômes les plus

avancés.

A l'examen : Veux en partie fermés ; sourcils élevés pour tirer en

haut les paupières et permettre la vision. Face sans expression,

comme un masque. Pas de paralysie des muscles de la face, ni de

31 : .r REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE..

la langue ni des lèvres. Voix nasillarde, sifflante, indistincte. Apho--

nie devient presque complète quand la malade a parlé quelque

temps, puis, après un certain temps de repos, la parole redevient

tout à fait distincte. Déglutition difficile. Après avoir mâché et dé-

gluti un peu de temps, l'effort pour avaler devient grand, les liqui-

des reviennent quelquefois par le nez. A l'inspection, les muscles de

la gorge semblent flasques. Bras faibles et vite fatigués après

exercice. Démarche irrégulière et maladroite. La force des mem-

bres inférieurs disparait bientôt et la démarche perd sa stabilité.

Réflexes rotuliens sont conservés et, en apparence, ne s'épuisent

pas par la répétition. Pas de troubles sensitifs. Les muscles répon-

dent au courant faradique, et bien qu'ils réagissant modérément,

leur excitabilité faradique ne s'épuise pas comme l'ont observé

Jolly et d'autres. Pas d'atrophie de la langue ni d'aucun muscle ;

pas de tremblements fibrillaires.

La fatigue qui survient dans les divers muscles (muscles de l'oeil

et de la gorge, ceux des jambes et des bras), est très caractéris-

tique de l'affection et la distingue des paralysies bulbaires orga-

niques.

Dans les antécédents de la malade on ietrouve du nystagmus

avec tremblement de la tête (secousses, tremblement rotatoire) chez

deux de ses frères et deux de ses fils. Ces faits suggèrent à

W. Sinkler, l'idée d'une prédisposition héréditaire à des lésions du

système nerveux, et d'un défaut de développement dans les tractus

moteurs de la moelle et du pont. La paralysie bulbaire asthénique

aurait dans ce cas profité, pour se développer, de la faiblesse héré-

ditaire du système nerveux. P.

XXVII. Etat myxoedémateux aigu, avec tachycardie, glycosurie

melaena, manie, puis mort ; par WILLIAM Osier. (The Journal of

nervous and mental disease, février 1899.)

L'auteur rapporte une observation clinique dans laquelle il y a

combinaison de symptômes myxoedémateux et de symptômes pro-

pres au goitre exophtalmique. Plusieurs cas analogues ont été

publiés antérieurement, mais, dans tous ces cas, le myxoedème a

suivi les symptômes du goitre exophtalmique. Ce malade au con-

traire présenta d'abord les caractères d'un myxoedème aigu, à

marche rapide et plus tard vinrent s'adjoindre des symptômes de

goitre exophtalmique à marche aiguë, c'est-à-dire tachycardie,

tremblement léger, délire et diarrhée. L'exophtalmie, absente au

début fut constatée plus tard mais resta légère.

W. Osier pense que dans ce cas il y a perversion des fonctions

de la glande thyroïde, ayant pour résultat de créer une toxémie,

présentant à la fois certains caractères du myxoedème et certains

caractères de la maladie de Graves. p.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 343

XXVIII. Un cas de pachyméningite interne hémorrhagique chez un

enfant de 9 ans, avec changements dans les cellules nerveuses ;

par William G. SPILLEIi. (titre Journal ofnervous and mental di-

sease, novembre 1899.)

L'auteur rapporte ce cas de pachyméningite hémorrhagique sur-

tout intéressant par l'examen histologique très complet des lésions.

Les modifications pathologiques des cellules nerveuses consistaient

en une tuméfaction marquée et une chromatolyse intense. Dans

beaucoup de cellules il ne restait qu'une petite quantité d'éléments

chromophiles dans une portion du corps cellulaire et les prolon-

gements dendritiques avaient disparu ou étaient très indistincts.

Ces modifications étaient constatées dans tout le système nerveux

central (écorce cérébrale et cérébelleuse, noyaux bulbaires, cellu-

les de la moelle).

Le mauvais état général peut à la vérité causer ces altérations

cellulaires, mais il est très probable que les lésions méningées sont

suffisantes pour les expliquer. Au point de vue clinique, on est en

droit de supposer que ces altérations cellulaires peuvent amener

un trouble fonctionnel. 11 est probable qu'une relation existe entre

ces lésions anatomiques et la débilité mentale du sujet observé,

mais elles ne semblent avoir aucune action sur la motilité, car on

ne constate aucune espèce de paralysie. Ce fait montre que la

chromatolyse n'est pas nécessairement facteur de troubles fonc-

tionnels.

XXIX. Tumeur de l'hypophyse sans acromégalie ; par Charles-W.

BURR et David RKESMANN. (The journal of mental of nervous

diseuse, janvier 1899.) .. .

Les auteurs pensent que l'acromégalie est due à une affection

de l'hypophyse, et le cas qu'ils rapportent, loin de combattre cette

théorie vient l'appuyer fortement, en montrant que, dans certains

cas de tumeur de l'hypophyse, on peut expliquer l'absence d'acro-

mégalie.

L'examen postmortem de cette tumeur montra en effet que, si

elle englobait, elle ne détruisait point l'hypophyse. Et cette non-

destruction du tissu hypophysaire explique l'absence d'acromé-

galie. Leur théorie s'appuie sur plusieurs faits : la les examens post-

mortem qui ont été faits antérieurement. Dans 61autopsies d'acro-

mégaliques, 58 fois on trouva l'hypophyse malade ; 2° l'histoire

clinique : chez un très grand nombre de cas d'acromégalie on

observe : des symptômes de tumeur cérébrale (céphalée, vertiges,

névrite optique) ; de l'hémianopsie, un des principaux signes

d'affection de l'hypophyse ; des troubles visuels augmentant paral-

lèlement aux modifications osseuses, ne débutant jamais très

344 -il REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

longtemps après le début de l'affection, et quelquefois notés long-

temps avant son début ; 3° l'analogie entre ces affections hypophy-

saires et celles de la glande thyroïde. Si une affection de la glande

thyroïde peut causer le myxoedème, pourquoi l'acromégalie ne

pourrait-elle pas avoir pour cause une altération de l'hypophyse ' ?

Après une critique des différentes objections qui ont été faites à

cette théorie ils tirent cette conclusion que l'acromégalie est

causée par une affection de l'hypophyse, mais, pour que les mani-

festations acromégaliques se produisent, il faut que la lésion soit

complète, c'est-à-dire atteigne le tissu glandulaire dans son

entier. P.

XXX. Atrophie musculaire progressive atypique ; par le Dr Pearce

Bailey. New York neurological Society. (The journal of nervozcs

and mental disease, janvier 1899.) ,

Il s'agit d'un jeune homme de vingt-six ans, dont l'affection

débuta par une ophtalmoplégie externe bientôt suivie d'atrophies

symétriques des extrémités. L'ophtalmoplégie débuta par une chute

de la paupière supérieure gauche et rotation en dehors de l'oeil

gauche. Quelques mois plus tard. mêmes symptômes à l'oeil droit.

Dix-sept mois plus tard faiblesse dans les extrémités,localisée pour les

membres supérieurs au triceps des deux côtés, pour les extrémités

inférieures, aux groupes musculaires tibiaux antérieurs. L'examen

des yeux fait à l'heure actuelle, deux ans et demi après le début

de l'affection, montre que la parésie porte à des degrés divers sur

tous les muscles moteurs du globe oculaire tandis que la muscu-

lature intrinsèque (accommodation, motilité pupillaire) est tout à

fait intacte. P.

XXXI. Etude statistique de cas de tabes observés à « Johns Hopkins

hospital »; par le D1' IL-lI. Thomas, de Baltimore. (The journal

of ne1'VOUS aizd mental disease, février 1899.)

L'observalion porte sur 111 cas et voici ce que donne celte sta-

tistique :

Syphilis : Certaine dans 12 cas ; douteuse dans 63 cas. Dans un

nombre important de cas on ne retrouve aucune trace de maladies

vénériennes, et il semble que la syphilis ne soit pas le seul facteur

du tabes.

Symptômes marquant le début du labes : Douleur dans 57 cas ;

ataxie dans 24 ; engourdissement des extrémités dans G ; paralysie

de la vessie dans 5 ; nausées, vomissements et crises gastriques

dans 4; douleur allant du pénis au rectum dans 2 cas.

Fréquence relative des divers symptômes : Atrophie optique : dans

11 cas parmi lesquels deux furent accompagnés d'ataxie marquée,

SOCIÉTÉS SAVANTES. 345

8 d'ataxie légère ; 1 cas fut sans ataxie. Dans la plupart des cas

d'atrophie optique l'ataxie fut donc légère. Dans deux de ces cas

d'atrophie optique le signe de Romberg existait en dépit de la

cécité. Paralysie des muscles de l'oeil : dans 33 cas. Signe d'Argyl-

Robertson : dans 70 cas.

Puissance sexuelle : Elle fut recherchée dans 75 cas. On nota la

perte de la puissance et du désir dans 38 cas,. parmi lesquels trois

furent précédés d'exagération. Dans 24, affaiblissement ; dans un '

cas, puissance perdue mais désir persistant ; dans un autre cas,

augmentation du désir et de la puissance ; dans 10 cas, fonctions

sexuelles normales.

Troubles du sens musculaire : dans 38 cas sur 44 examinés.

Arthropathies de Charcot : furent typiques dans, 5 cas ; gonfle-

ment suspect des jointures dans 3 autres cas.

Troubles mentaux : dans 7 cas.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE

Séance du 8 mars 1900.

Deux cervelets anormaux. M. Marie. Le premier de ces cerve-

lets présente à sa face postérieure une déformation du lobe droit.

Une hémorragie du ventricule latéral droit du cerveau a déterminé

de ce côté une pression qui a enfoncé l'amygdale de ce côté dans

le trou occipital, déterminant ainsi une compression du bulbe.

Le second cervelet était celui d'un malade légèrement hydrocé-

phale, ici les deux amygdales se sont enfoncées dans le trou occipi-

tal déterminant une compression bilatérale du bulbe. N'y-t-il pas

lieu d'accorder une certaine part à la déformation du cervelet et

à la compression du bulbe dans le processus du coma et de la

mort par hémorragie cérébrale.

Origine infectieuse du diabète hydrurique. M. KLIPPEL rappelle

qu'à la dernière séance il a entretenu l'assemblée d'un cas de dia-

bète hydrurique au cours d'une phtisie. M. Robin a étudié égale-

ment plusieurs cas de polyurie et de grand diabète dans la phtisie

346 SOCIÉTÉS SAVANTES.

chronique tout à fait analogues à celui de M. Klippel. M. Sauvages

en rapporte un cas pareil survenant à la suite d'une fièvre typhoïde

chez une femme de vingt-huit ans. Là encore la soif a précédé la

polyurie sans qu'il y ait eu ni glycosurie, ni phosphaturie, ni sura-

bondance d'urée. L'infection devient ainsi une cause de polyurie

au même titre qu'une violente émotion morale. Le diabète polyu-

rique dans de tels cas peut ainsi que d'autres névroses telles que

la chorée reconnaître comme cause déterminante une infection

chez un prédisposé.

Un cas de maladie de Basedow héréditaire avec oedème des pau-

pières et crises de sommeil. M. MEIGE. - Il s'agit d'une femme de

vingt-huit ans dont la mère souffre depuis vingt ans de goitre

exophtalmique. La malade après avoir présenté toute sa vie des

troubles névropathiques prodromiques fut prise en 1899 de la

maladie de Basedow classique, à laquelle vient s'ajouter de l'oedème

indolore des paupières, très gênant pour regarder en haut et de

côté. Avec cela le sujet présente depuis la même époque une invin-

cible somnolence, elle se lève à midi, se couche de bonne heure et

souvent encore elle est prise de sommeil dans l'intervalle. Au réveil

elle montre de l'agitation, une mimique forcée et un langage pré-

cipité. Elle n'est pas hystérique. N'y a-t-il pas lieu devant ces

troubles particuliers d'admettre, pour la pathogénie, l'hypothèse

de la participation des glandes parathyroides dans le processus

morbide ?

Un cas de myopathie primitive avec cypho-scoliose énorme et inté-

grité de la face. MM. COCHEZ et SCIIERB. M. Meige communique

pour les auteurs une série de photographies relatives à ce cas.

Névrite cubitale chez un boulanger. M. HUET. Ce cas est un fait

de névrite professionnelle, le malade ayant l'habitude de diviser la

pâte exclusivement avec le bord interne de l'avant-bras. Le nerf

cubital est intéressé seul. Le court fléchisseur du pouce qui

reçoit des filets nerveux étrangers au cubital ne présente pas de

réaction de dégénérescence.

M. Marie a vu des cas analogues chez des tanneurs.

Un cas de surdité verbale chez un paralytique général. M. Paul

Sérieux. Cette observation est intéressante en raison de l'ex-

trême rareté des faits de ce genre. Au point de vue clinique il s'agit

d'un paralytique général, sans délire, chez lequel la surdité

verbale se montre à l'état isolé, sans cécité verbale,- ni aphasie

motrice, ni agraphie. Il existe seulement un certain degré de

paraphasie, de paragraphie et de jargonagraphie d'origine senso-

rielle. L'audition est intacte. C'est par l'écriture seule qu'on peut

entrer en communication avec le patient. Cet état de surdité ver-

bale, presque complète, qui avait suivi une série d'attaques épilep-

tiformes et apoplectiformes, persiste durant plusieurs mois,

SOCIÉTÉS SAVANTES. 347

jusqu'à la mort, sans modifications. Donc trouble isolé et permanent

de la sphère du langage : deux caractères, en général liés à l'exis-

tence d'une lésion nettement circonscrite, et qu'il est exceptionnel

de rencontrer dans la paralysie générale.

L'examen anatomique montre une méningo-encéphalite intéres-

sant presque exclusivement les lobes temporaux des deux hémis-

phères, mais de beaucoup plus accentuée et plus circonscrite dans

le lobe temporal gauche.

Dans l'hémisphère gauche les adhérences sont presque exclusi-

vement limitées à la première temporale; de plus il existe au

niveau du tiers moyen de cette circonvolution, un foyer d'altération

maxima, équivalent à peu près à la destruction de la région

intéressée par une lésion circonscrite telle qu'un ramollissement.

L'enlèvement de la pie-mère détermine la séparation complète de

la substance blanche et de la substance grise, celle-ci restant

adhérente à la méninge (altération très caractéristique décrite par

Baillarger en 18 ? et attribuée par lui à la sclérose de la substance

blanche et au ramollissement de l'écorce).

Ce cas peut donc - chose rare dans les autopsies de paraly-

tiques généraux être utilisé au point de vue de la localisation

du centre de l'audition verbale. Il démontre en outre que si l'alté-

ration de la démence paralytique est essentiellement diffuse on

n'en rencontre pas moins cependant, chez certains sujets, des

foyers très limités de inéningo-encéplialite (avec séparation de

l'écorce et de la substance blanche) qui déterminent des symp-

tômes relevant habituellement de lésions circonscrites.

M. Marie n'a jamais vu de cas de surdité verbale absolument

pure. Il croit de tels cas exceptionnellement rares. Dans des ser-

vices comme le sien où se trouvent un très grand nombre de

malades à lésions circonscrites, plus certainement que dans les

services d'aliénés, il n'a rien vu de pareil, et se demande si des

cerveaux de paralytiques généraux peuvent permettre de décrire

des cas d'une telle netteté.

M. DËJEtUNE reconnaît la rareté de la surdité verbale tout à fait

pure, il a pu pourtant, avec M. Sérieux, suivre une femme qui a

été atteinte pendant deux ans de surdité verbale pure, mais qui

devint ensuite aphasique sensorielle. Le malade de Lipmann avait

aussi la surdité verbale pure, malheureusement une hémorragie

cérébrale qui entraîna la mort détruisit et noya la lésion primitive.

M. Marie pense néanmoins que les théories actuelles sur le siège

temporal des auditions spéciales laissera plus tard beaucoup de

déchet.

M. JEFFROY. 11 y a souvent discordance entre l'étendue des

lésions de la paralysie générale et le degré minime des symptômes;

et les paralytiques généraux peuvent très bien présenter des syn-

348 SOCIÉTÉS SAVANTES.

dromes nets. Une femme alcoolique employée dans une distillerie

eut des attaques épileptiformes suivies d'aphasie sensorielle tran-

sitoire d'abord puis permanente. L'autopsie montra que la malade

était une paralytique générale avec prédominance des lésions sur

le lobe temporal.

M. Sérieux. La rareté des surdités verbales ou autres surdités

psychiques dans les services hospitaliers tient sans doute à ce que

ces cas pris à un premier examen pour des aliénés ou des déments

sont aussitôt envoyés dans les services d'aliénés, comme semble le

confirmer les travaux de Baillarger et de Vernicke.

Hémiplégie droite avec aphasie. M. Marie communique pour

M. ToucnE ce cas dans lequel la malade avait conservé.la faculté de

chanter des chansons avec les paroles alors que dans le langage

ordinaire elle n'avait conservé que « to to to », et ayant gardé des

mots seulement le nombre des syllabes. Elle présentait en outre

de la surdité verbale. A l'autopsie : ramollissement du pied de la

troisième et de la deuxième frontales s'enfonçant par l'insula

jusqu'à la capsule interne et empiétant sur le lobe temporal.

Les pseudo-méralgies paresthésiques d'origine radiculaire.

M. A. CHIPULT. Parmi les quelques difficultés de diagnostic qu'est

susceptible de soulever la méralgie paresthésique, il en est une

qui n'a pas été assez discutée et qui cependant eût dû être soulevée

à propos de quelques cas publiés sous ce nom surtout les cas bilaté-

raux et à évolution tabétique ultérieure ; c'est le diagnostic avecles

lésions des premières racines lombaires, avec les pseudo-méralgies

radiculaires.

J'ai observé. un fait de ce genre tout à fait probant.

Il est relatif à un homme de quarante-deux ans qui lorsqu'il

vint me voir, souffrait des sensations paresthésiques à la partie

antérieure des cuisses, avec crises provoquées par les changements

de position. Son médecin avait diagnostiqué méralgie paresthé-

sique. Je fis de même tout d'abord. Ce diagnostic me devint sus-

pect le jour où j'assistai à une crise que le malade calma en

fléchissant la région lombaire, sans que les cuisses prissent part à

ce mouvement. J'appris alors qu'il avait fait autrefois une chute de

bicyclette suivie de lombago, que les faux pas retentissaient dans

la région lombaire; enfin, un examen attentif me révéla que les

deuxième et troisième apophyses étaient très douloureuses à la

pression et que le territoire des troubles sensitifs différait quelque

peu de celui de la méralgie. A droite, il descendait moins bas à la

partie antéro-externe de la cuisse, s'étendait plus loin en dedans

et en avant du côté des bourses, en dedans et en arrière du côté

des fesses, il figurait, non le territoire du fémoro-cutané, mais

celui des première, deuxième et peut être troisième racines lom-

baires. A gauche, où les troubles sensitifs occupaient plusieurs

SOCIÉTÉS SAVANTES. 349

zones indépendantes, l'existence d'une de ces zones au niveau de

l'espace iliaque postéro-supérieur plaidait dans le même sens. Il

s'agissait donc, non d'une méralgie paresthésique, mais d'une

pseudo-méralgie par lésion traumatique radiculaire.

Je n'ai insisté, dans cette description que sur les caractères qui

différenciaient ce cas d'un cas de méralgie : les analogies étaient

beaucoup plus grandes et le rendaient véritablement trompeur.

Les pseudo-méralgies radiculaires par lésion vertébrale sont du

reste d'ordinaire d'un diagnostic moins délicat : qu'elles soient

d'origine traumatique, pottique ou néoplasique, il existe en règle

générale des symptômes rachidiens, moteurs et dystrophiques qui

rendent l'erreur difficile.

Mais il existe d'autres variété de pseudo-méralgie radiculaire :

1° La pseudo-méralgie tabétique. Elle se distingue par le caractère

des troubles sensitifs, plus hypoesthésiques que paresthésiques et

trompeurs seulement lorsqu'il s'y associe des crises fulgurantes de

topographie superposable, ce qui est rare ; plus variables d'inten-

sité et d'étendue que les troubles sensitifs de la méralgie ; je dirais

de topographie radiculaire si ces variations n'étaient, vraiment

décevantes ; enfin associés à des troubles sensitifs d'un'autre siège

et il d'autres symptômes du tabes ; 2° La pseudo-méralgie radicu-

laire réflexe d'origine viscérale en entendant ce mot de réflexe

dans le sens que lui a donné Héad. Le territoire plutéo-crural de

cet auteur seul ou associé à son territoire sacro-femoral, rappelle

de très près le territoire des premières racines lombaires et par

conséquent celui du féméro-culaire, avec les divergences signalées

Sans accorder, et j'en suis bien loin aux hyperesthésies décrites par

Héad la précision topographique qu'il leur attribue et même peut

être à cause de leur disprécision, je les crois susceptibles d'être

trompeuses. Je les ai vues, chez une jeune femme à la suite d'une

cautérisation du col, siéger à la partie antérieure de la cuisse et

s'exaspérer sous forme de crise au moindre essai de marche ; leurs

caractères, l'attitude prise par la malade, rappelaient absolument

la méralgie et c'est un diagnostic auquel, en l'ignorance de la

cause j'aurais fort bien pu m'arrêter.

Ces pseudo-méralgies radiculaires sont intéressantes au point de

vue thérapeutique, car, sauf les pseudo-méralgies tabétiques, elles

relèvent de la clinique : en présence d'une pseudo-méralgie radi-

culaire par lésion de la colonne vertébrale, il faut mobiliser celle-

ci en présence d'une pseudo-méralgie réflexe, il faut traiter la

lésion viscérale et d'ordinaire cervico interne qui en est la cause.

M. Souques dans une thèse sur ce sujet a publié l'observation

d'un homme tombé sur la région lombaire et ayant conservé une

douleur fémoro-cutanée avec anesthésie. Il n'a pas conseillé le

traitement chirurgical. " F. BoISSIER.

3JO 0 SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ U'H-YI'vOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance du mardi 20 février 1900. Présidence DE JULES Voisin.

Dédoublement de la personnalité sous l'influence du morphinisme.

M. BÉRILLON. J'ai observé chez une jeune femme morphinomane

deux personnalités absolument différentes, suivant qu'elle est ou

non sous l'influence de la morphine. En 189foi, à l'âge de vingt-trois

ans, elle s'adonne il la morphine et subit alors un changement

complet de personnalité ; elle devient calculatrice, intéressée ; sa

mémoire, ses facultés de raisonnement se développent, ses apti-

tudes à penser, à réfléchir, à associer des idées, à compter, à cogita-

tionner deviennent prépondérantes; les dispositions affectives sont

abolies. En 1897, elle tente une première cure sérieuse de sa mor-

phinomanie ; pendant un mois, la morphine est supprimée, mais

alors apparait une nouvelle personnalité ; elle cesse de s'occuper

de ses comptes, fait des libéralités, n'attache plus aucun prix à

l'argent et ne se préoccupe plus de l'avenir; en même temps, l'af-

fectivité reparait et se manifeste par des impulsions passionnelles,

des accès de jalousie, etc. Dès qu'elle retourne à la morphine, elle

recommence à éplucher minutieusement ses comptes, à arranger

ses affaires, remplacer les questions de sentiment par les questions

d'intérêt. Au bout de dix-huit mois, elle suit un nouveau traite-

ment devenu efficace grâce à la suggestion hypnotique; mais cette

guérison marque le retour de la personnalité émotionnelle et affec-

tive. Or, un jour elle est atteinte de diphtérie grave ; pour com-

battre certains troubles cardiaques, le médecin fait des injections

hypodermiques de morphine. Aussitôt la personnalité calculatrice,

intéressée, exclusive de toute affectivité réapparaît; cette femme

se fait apporter ses livres de compte et pendant huit heures consé-

cutives épluche minutieusement les dépenses de ménage dont elle

n'avait eu nul souci depuis dix-huit mois; cette disposition au cal-

cul et aux raisonnements positifs persiste quatre mois. Alors, de

nouveau soumise au traitement psychothérapique, elle redevient

prodigue, impulsive, portée aux manifestations passionnelles. Ainsi

dans la personnalité morphinique, elle est cogitationnelle ; dans la

personnalité normale, elle est aflective et émotive ; la première de

ces manières d'être est absolument sous la dépendance de la mor-

phine qui joue le rôle de cause provocatrice.

M. Jules Voisin. Cette femme est une hystérique à l'état habi-

tuel ; elle devient sérieuse, économe, rangée, calculatrice sous l'in-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 351

fluence de la morphine : certains auteurs ont, en effet, prétendu

avoir guéri des hystériques par la morphine ; ils les ont, il est vrai

rendues morphinomanes.

Idées délirantes de persécution avec hallucinations auditives et

visuelles consécutives à un traumatisme psychique chez une glycosu-

rique ; traitement hypnotique et guérison des troubles mentaux mal-

gré la persistance de la glycosurie.

M. Paul FAREZ. Mmo B..., âgée de trente-quatre ans, mère de

famille, israélite, habite une grande ville de province qui, en 1899,

a été très troublée pour des questions politiques et religieuses.

Cette dame a été très affectée par la violence de la campagne anti-

sémite ; la vue des placards « N'achetez rien aux Juifs ! » lui fit

craindre pour la prospérité de sa maison de commerce ; elle souf-

frit des taquineries dont ses fils furent l'objet au lycée ; un.de ses

enfants, atteint d'appendicite, dut être opéré, ce qui -lui causa les

angoisses que l'on devine ; un de ses parents qu'elle chérissait

beaucoup vint à mourir, et elle en éprouva un grand chagrin. Au

mois de juillet 1899, la nuit, elle est réveillée en sursaut par les

cris : « A bas les Juifs ! Mort aux Juifs ! » Elle se précipite à la

fenêtre où elle voit les gendarmes en train de réprimer une

bagarre et de disperser les manifestants. Elle en éprouve une

émotion très violente. Ce traumatisme psychique, survenant chez

une prédisposée, soumise depuis quelque temps à un surmenage

non seulement émotionnel, mais physique, est le point de départ

des désordres mentaux.

Dès lors, 111 ? B... est en proie à une idée fixe; on la poursuit,

on veut la frapper et la faire mourir ! Elle entend des menaces ;

elle connaît les gens qui lui en veulent, les voit, les nomme. Elle

se sent poursuivie chez elle, chez des parents, chez des amis, dans

la rue, en voyage. La nuit, elle est harcelée par les mêmes hallu-

cinations et ne peut s'endormir... Elle devient inquiète, défiante,

jalouse, colère, violente ; les sentiments affectifs sont affaiblis; les

facultés intellectuelles obnubilées. Le processus intellectuel va à

la dérive suivant l'automatisme des associations morbides.

Au mois de novembre, on l'amène à Paris pour l'interner, mais

auparavant, on me prie de tenter le traitement hypnotique et j'ob-

tiens une amélioration considérable dès les premières séances.

Comme Mmo B... est glycosurique, je pense un moment avoir

affaire à un cas de « syndrome lévulosurique » de P. Marie, mais

le polarimètre accuse une déviation dextrogyre. Après seulement

dix-neuf séances quotidiennes de suggestion, Mec B... retourne en

province, tout à fait guérie, bien que sa glycosurie persiste ; celle-

ci, en effet, n'a cédé que plus tard au traitement médicamenteux.

Paraplégie hystérique et suggestion curative suggérée au médecin

par la malade elle-même. M. Maurice BLOC11. - Une malade atteinte

352 BIBLIOGRAPHIE.

de paraplégie hystérique me fait appeler auprès d'elle. Elle connaît

ma méthode de traitement préventif de la tuberculose par l'inocu-

lation du sang capillaire d'un congénère et elle s'attend à être

inoculée, elle aussi. Conformément à son attente, je l'inocule, en

effet, et la paraplégie guérit. Cette guérison est bien, à ce qu'il

semble, l'effet d'une autosuggestion.

Sur un nouveau symptôme : l'automicrosthésie. M. M. BLOCO. Il

y a quelques années, un savant allemand signalait la microsthésie

ou perversion du tact, laquelle fait trouver tous les objets plus

petits et moins lourds. J'ai observé tout récemment une femme

qui se plaignait amèrement de maigrir de plus en plus, et récla-

mait avec insistance un traitement tonique et réparateur. Or, en

fait, elle ne maigrissait pas du tout, mais présentait cette perver-

sion du tact qui lui faisait paraitre plus petites toutes les parties

de son corps. Dans le cas particulier, j'appelle ce symptôme l'auto-

microsthésie.

La psychologie religieuse et la ventriloquie. M. GARNAULT pré-

sente un sujet ventriloque et explique comment la ventriloquie a

été la base de tous les oracles et de toute l'inspiration parlée

religieuse dans l'antiquité.

BIBLIOGRAPHIE.

VII. Rapport médico-administratif sur l'asile départemental d'alié-

nés de Dijon pour l'exercice 1898 ; par M. le De GARNIER, in-8°,

56 pages.

Ce rapport est très important, rédigé avec beaucoup de soin, et

il serait à désirer que tous les chefs de service des asiles fussent tenus

de publier le leur, chaque année. Cela stimulerait leur zèle, per-

mettrait de suivre le développement de leurs établissements et d'en

faire, plus tard, un historique complet. Malheureusement certains

départements refusent d'autoriser cette dépense, qui cependant est

peu élevée.

Le compte médical indique le mouvement de la population et

contient de nombreux tableaux de statistique, relatifs aux admis-

sions, aux sorties et aux décès, suivis d'observations assez étendues.

Le nombre des aliénés de l'asile de Dijon, comme celui de presque

tous les asiles, va toujours en augmentant par suite de l'admis-

BIBLIOGRAPHIE. 353

sion d'un chiffre de plus en plus élevé d'incurables, d'où il résulte

que les admissions sont plus nombreuses que les sorties et les-

décès réunis. Pendant l'année 1898, ce nombre a augmenté de 20

individus, s'est élevé de 591 à G17, comprenant 297 hommes et

320 femmes. Les admissions comptent 147 admis pour la première

fois; 40 par suite de rechute; 14 par réintégration pour cause de

sortie avant guérison; 7 par transfèrement d'un autre établissement,

total 208. 3 individus compris dans les admis pour la première

fois, qui avaient été envoyés par lajustice, pour être mis en obser-

vation, ont été reconnus comme non aliénés, ce qui réduit les

admissions des malades de cette catégorie à 144. Sur ces 144 alié-

nés, 31 seulement présentaieut des chances de guérison, par suite

de l'entrée d'un grand nombre d'idiots, d'imbéciles, d'épileptiques

et de déments. Le petit nombre de malades curables, admis à

l'établissement de Dijon, se rencontre dans tous les asiles des

départements, excepté dans ceux qui ont de très grandes villes,

comme le Nord, la Seine-Inférieure, la Gironde, les Bouches-du-

Rhône, le Rhône. Il prouve que le personnet médical actuel est

bien suffisant et qu'il n'a pas besoin d'être augmenté. La sépara-

tion des fonctions de directeur de celles de médecin en chef, l'au-

tonomie des médecins adjoints, qui rompent l'unité des services,

sont rejetées, avec raison, par tous les directeurs-médecins, non

pas dans leur intérêt personnel, comme on le prétend sans aucune

preuve, mais uniquement dans l'intérêt des asiles et des aliénés eux-

mêmes. A qui fera-t-on croire qu'un directeur-médecin, qui doit

consacrer tout son temps à ses fonctions, ne puisse pas soigner,

dans une année, une centaine de malades au plus, et assurer, en

même temps, les soins hygiéniques d'un certain nombre d'incu-

rables ? Les médecins adjoints pour lesquels on ne cesse de récla-

mer l'autonomie, mettent la plupart en pratique cette idée et sont

plutôt pour leurs chefs de service, à l'égard desquels ils affeetent

une indépendance complète, une gêne qu'un aide efficace. 11 serait

grand temps de ne plus en nommer, ceux qui existent actuelle-

ment étant déjà trop nombreux. Dans la plupart des asiles, il

devrait y avoir seulement deux internes, dont un docteur en méde-

cine et ils seraient faciles à recruter si on voulait leur assurer une

position convenable. M. Garnier a trouvé enfin un médecin adjoint

et un interne de son choix qui garantissent une parfaite harmonie

dans le personnel administratif et médical de l'établissement pour

le plus grand bien du service. Je souhaite que ces espérances ne

soient pas déçues... Cela n'existe plus guère aujourd'hui.

M. Garnier n'a constaté sur les 18 paralytiques généraux admis

pour la première fois que quatre cas de syphilis et n'en a pas noté

un seul cas sur les 13 décédés dont 8 étaient à l'asile depuis plus

d'un an. Il reconnaît que les renseignements sur les antécédents

étiologiques de ces malades n'étaient pas toujours très complets,

Archives, 2* série, t. IX. 23

354 BIBLIOGRAPHIE.

ce qui ôte toute valeur à ce point de statistique, comme il le re-

donnait lui-même.

25 aliénés ont guéri, 21 la première année de leur séjour à l'asile

- la seconde.

On sait que la folie devient rapidement incurable et qu'au bout

de trois ou quatre ans les guérisons sont rares.

La mortalité de l'asile de Dijon e<t assez élevée ; pour la période

septennale qui s'étend de 1892 à 189S, elle a été de 1e,37 p. luO

par rapport à la population moyenne; H,02 pour les hommes

40,86 pour les femmes. Elle a été de 9,47 p. 100 par rapport au

chiffre d'aliénés traités. M. Garnier ne la trouve pas exagérée parce

qu'elle est inférieure à celle des asiles de la Seine. On ne doit pas

comparer la mortalité de ces derniers établissement à ceux de

province, où les cas de folie aiguë et récente, plus graves que ceux

de l'aliénation chronique, et ceux de paralysie générale presque

toujours mortels, sont beaucoup moins nombreux. J'ajouterai

qu'il y a ordinairement de l'encombrement ce qui rend défec-

tueuses leurs conditions hygiéniques, augmente leur mortalité.

Trois malades sont morts de fièvre typhoïde à l'asile, où elle

existe presque toujours depuis un certain nombre d'années, ce

que M. Garnier attribue à la mauvaise qualité de l'eau que l'on

pompe dans un puits de la propriété de l'établissement. Si cette

eau est la cause réelle de la fréquence de la fièvre typhoïde, ce

dont il est facile de s'assurer par l'analyse bactériologique, on de-

vrait y renoncer, au moins pour l'alimentation et en demander

pour cet usage a la ville de Dijon qui, certes, ne la refuserait pas.

Pendant les huit années que j'ai dirigé cet asile, nous ne nous

servions que de l'eau de la ville pour tous les besoins de l'établis-

sement, mais nous n'en avions pas toujours une quantité suffisante

pour la buanderie, et c'est cette raison, qui a décidé un de mes suc-

cesseurs à la prendre dans la propriété. M. Garnier conseille le

tout-à-l'égout et- le drainage pour assainir le sous-sol, mais ces

opérations me paraissent difficiles sinon impossibles à effectuer,

parce que le terrain est presque au niveau de la rivière qui longe

la propriété, dans laquelle elle déborde souvent.

Il résulte du compte administratif que la situation financière est

très satisfaisante, gràce surtout au grand nombre de pensionnaires

de première et de deuxième classe dont les recettes ont été en 1898

de 107,783 fr. 50. L'excédent des recettes ordinaires sur les dépenses

de même nature a été pour cet exercice de 34.700 fr. 91, excédent

qui augmentera à l'avenir d'environ 8.000 francs, le conseil général

ayant rétabli le prix de journée de 1 franc qu'il avait diminué de

cinq centimes, il y a quelques années, dans un accès de mauvaise

humeur contre un directeur-médecin.

Pour augmenter encore les ressources de l'établissement, M. Gar-

nier propose la construction de pavillons de pensionnaires devant

BIBLIOGRAPHIE. 355

contenir 15 à 16 places, dont le prix minimum, beaucoup plus élevé

que celui de la première classe actuelle, serait de G francs par jour.

L'asile de Dijon est situé dans un bas-fond humide et dominé par un

coteau assez élevé qui en restreint la ventilation. Il est un des plus

anciens asiles de France, recevant déjà des malades en 18f3, et a

été bâti d'après un plan très défectueux qui se prête peu à l'agran-

dissement. Sans penser à le démolir, comme on l'a proposé autre-

fois, je pense qu'il conviendrait de n'y plus faire de constructions

nouvelles ou, du moins, de n'y édifier que des constructions abso-

lument indispensables. Les pensionnats actuels serviraient de quar-

tiers pour les indigents tranquilles et, lorsqne je les ai bâtis, j'ai

toujours eu la pensée qu'ils recevraient un jour cette destination ;

autrement je n'aurais pas choisi l'endroit qu'ils occupent.

L'asile de Dijon serait alors exclusivement consacrée aux indi-

gents et aux pensionnaires du régime commun, formerait un éta-

blissement de moyenne valeur, sans pouvoir jamais aspirer à être

un asile modèle. Quant au pensionnat on en construirait un entiè-

rement neuf, dans un endroit plus élevé, plus salubre, doué d'une

eau pure et abondante. Il serait complètement indépendant de

l'asile actuel, aurait un directeur-médecin spécial et une adminis-

tration particulière. Les services généraux pourraient être cons-

truits pour r00 pensionnaires qui seraient répartis en plusieurs

pavillons qu'on bâtirait au sur et à mesure de leur nécessité. On

pourrait se contenter maintenant de pavillons contenant 130 places

puisqu'il n'y a aujourd'hui que 100 pensionnaires. Ce pensionnat

prendrait vite une grande extension en raison de la position privi-

légiée de Dijon pour un établissement de la sorte, et serait une

source de bénéfices considérables pour le département. Si on ne

prend pas ce parti, on sera forcé, d'ici quelques années, de faire

de nouvelles constructions, et pour les pensionnaires et pour les

indigents, afin decombattre l'encombrement qui parait commencer

déjà, si j'en juge par les nombreuses affections intestinales qu'on y

observe, ce qui aggravera ses mauvaises conditions hygiéniques et

thérapeutiques actuelles.

Je crois, du reste, que, partout, il y aurait avantage à construire

des pensionnats distincts des asiles d'indigents, du moment que

les pensionnaires spéciaux sont assez nombreux, qu'ils atteignent

le chiffre de 80 par exemple : la séparation des indigents des

pensionnaires n'aurait que des avantages pour les départements du

Nord, de la Seine-Inférieure, de la Gironde, des Bouches-du-Rhône.

C'est là une question sur laquelle je me propose de revenir, dans

un autre travail, d'une manière pins complète, ne pouvant la déve-

lopper à propos d'un simple compte rendu. Cette séparation serait

la meilleure manière d'alléger les fonctions et la responsabilité des

directeurs-médecins, de maintenir la réunion de ces fonctions et de

donner partout un nouvel essor aux pensionnats, les familles répu-

356 BIBLIOGRAPHIE.

*

gnant toujours à l'idée de mettre leurs membres dans des maisons

où existent des indigents, dont le contact est impossible à éviter,

qui n'ont reçu ni la même éducation, ni la même instruction, qui

n'ont pas les mêmes habitudes. D1' Daniel Brunet.

VIII. Alcoolisme et réforme sociale; par le Dr G. LOISEAU. (Thèse,

J.-B. Baillière et fils, éditeurs.)

Au moment où l'Etat, par la nomination d'une commission de

la Tuberculose, semble vouloir organiser la prophylaxie et le trai-

tement de ce fléau terrible, la très importante thèse du D' Loi-

seau vient à son heure pour rappeler qu'un des meilleurs

moyens de faire la prophylaxie de cette aflection, sera de combat-

tre énergiquement l'alcoolisme, facteur de tuberculisation au pre-

mier chef.

L'auteur, dans ce travail du plus haut intérêt, après avoir rap-

pelé dans son introduction que l'alcool est facteur de dégénéres-

cence pour l'individu et pour la race, montre dans un premier

chapitre comment l'Etat favorise l'alcoolisme. Les wagons-bar ne

sont pas oubliés. Le privilège des bouilleurs de crû et la loi du

17 juillet 1880 sur les cafés, cabarets et débits de boissons sont

discutés avec sagacité.

Dans le chapitre n sont résumées toutes les formes que l'action

législative peut revêtir dans la lutte contre l'alcoolisme : Prohibi-

tion, impôt sur l'alcool, monopole, lois sur l'ivresse et les débits,

etc. L'auteur préconise comme première mesure à appliquer en

France, la limitation légale des cabarets telle qu'elle est définie

dans le projet de loi présenté au Sénat par \i\I. Siegfriedet Béren-

ger. « Mais comme l'Etat professe volontiers qu'il ne peut réprimer

« l'alcoolisme qu'autant que les moeurs s'y prêtent i>, comme l'al-

cool estpourle budget une source de revenus considérables, comme

les corps élus sont soumis à la tutelle des habitants, il ne faut

attendre de l'initiative des pouvoirs publics, aucune réforme

sérieuse. Il est donc nécessaire de soulever l'opinion publique,

« d'amener une sorte de réforme sociale, en luttant contre l'alcoo-

« lisme dans l'école, dans l'armée, dans la marine, dans la classe

«, ouvrière ».

Chacune de ces divisions forme autant de chapitres où sont

condensés une foule de renseignements sur la lutte antialcoolique

dans ces divers milieux.

Le chapitre consacré à l'armée, montre qu'après l'école, c'est

peut-être le terrain le plus propice à l'action antialcoolique; le cha-

pitre sur la marine, très pittoresque d'allures, stigmatise les formes

variées de l'exploitation du marin sous le couvert de son amour

immodéré de l'alcool.

La lutte contre l'alcoolisme dans la classe ouvrière termine cette

BIBLIOGRAPHIE. 357

étude ; l'auteur y rappelle les constatations du Dr Brunon sur l'al-

coolisme ouvrier; les causes de cette alcoolisation du peuple sont

passées rapidement en revue ; une courte enquête, qui mérite d'être

continuée, montre que presque tout est à organiser pour lutter

efficacement contre l'alcool dans les usines, chantiers, etc. Vient

ensuite l'étude des remèdes, le rôle des chefs d'industrie, la néces-

sité d'améliorer les logements ouvriers sont mis en évidence;

écoles ménagères, cafés et restaurants de tempérance basés uni-

quement sur l'abstinence d'alcool, cercles ouvriers, éducation du

peuple sont préconisés par le Dr Loiseau pour combattre l'alcoo-

lisme ouvrier, car, ainsi que le rappelle l'épigraphe de ce chapitre,

« le combat pour la tempérance est la condition première de toute

« amélioration matérielle ou morale des classes laborieuses. »

Cette thèse écrite dans un but qu'on ne saurait trop louer est à

la fois un recueil richement documenté et un essai de réforme

sociale des plus intéressants, devant lequel aucun médecin ne peut

rester indifférent. J.-B. Charcot.

IX. Contribution à l'étude des obsessions et des impulsions à l'homi-

ride et au suicide chez les dégénérés au point de vue médico-légal ;

par le D1' G. Carrier (de Lyon). Aux bureaux du Progrès médi-

cal, Paris, F. Alcan, 1899.

Historique, psychophysiologie, étiologie, symptômes, pronostic,

diagnostic et traitement, telles sont avec des faits cliniques et des

considérations médico-légales très développées, les divisions de ce

travail d'ensemble.

L'auteur se rallie à la doctrine de Magnan relative aux syndromes

épisodiques de dégénérescence en ce qui concerne les obsessions et

impulsions à l'homicide et au suicide. Il repousse toute idée de

responsabilité atténuée et n'admet avec l'école anthropologique

moderne qu'une responsabilité à bases biologiques et sociales. Il

conclut à la nécessité de la réforme de l'expertise médico-légale

basée sur l'étude approfondie et généralisée de la psychiatrie.

Les enfants dégénérés seront l'objet d'une éducation médico-

pédagogique appropriée au point de vue social prophylactique. -

Des quartiers spéciaux pour l'internement des impulsifs dangereux

de cet ordre doivent être installés ainsi que des asiles-prisons pour

criminels moraux. Leur sortie ne pourra s'effectuer que sur juge-

ment rendu après avis des médecins. Dr A. Marie.

N. B. Nous rappelons à nos lecteurs que nos collabora-

teurs ont toute latitude pour formuler leurs opinions person-

nelles. B.

NECROLOGIE.

LE D' GUSTAVE BOUCHEREAU,

.Médecin eu clief à l'.lsile elmiyae (Sainle-.W ne). ,

(1835-1900)

Médecin de l'asile clinique depuis trente-trois ans, le

Dr Gustave Bouchereau est mort en activité de service le

21 février 1900, à l'ube de soixante-cinq ans.

Gustave Bouchereau, issu d'une vieille famille médicale de

la Touraine, est né à Montrichard (Loir-et-Cher), le 20 juin

BOUCHEREAU. 359

1835. Son grand-père était médecin, il voyait beaucoup de

malades, mais à vrai dire, peu de clients ; propriétaire aisé,

il tirait ses ressources de ses terres, et la profession médicale

n'était pour lui qu'une sorte d'apostolat bienfaisant et chari-

table au profit de ses compatriotes qu'il soignait, conseillait,

éduquait, réconfortait physiquement et moralement ; ceux-ci

à leur tour l'adoraient.

Son père, esprit ouvert, franc, aventureux et indépendant,

avait passé les premières années de sa jeunesse à voyager,

parcourant presque toujours à pied, diverses parties de

l'Europe et en particulier de la Russie.

Dans ces longs voyages, aux prises parfois avec de grosses

difficultés, il avait acquis des hommes et des choses une expé-

rience qui lui a été des plus utiles. Rentré dans sa famille, il

s'occupa du soin de son domaine ; il était bon et généreux

pour tous, aussi ses compatriotes l'avaient-ils pendant plus

de quarante ans, sous tous les régimes et parfois malgré

l'opposition du gouvernement, élu conseiller général.

Sa mère était une femme intelligente, douce, affable, d'une

sensibilité exquise, d'une grande bonté. Bouchereau avait

hérité des qualités du coeur de sa mère et de la droiture du

caractère de son père. Elève du collège de Blois, il vient à

e Paris compléter ses études dans l'institution Barbet, une des

plus florissantes de l'époque, où l'on ne se contentait pas de

surcharger la mémoire par des exercices d'entraînement pour

les examens, mais où de fortes études générales donnaient une

instruction solide qui dépassait les besoins du baccalauréat.

Dès ses premières inscriptions de. médecine, il prit la bonne

habitude de fréquenter les hôpitaux et il fut un des élèves les

plus assidus d'Andral et de Grisolle. Nommé interne des

hôpitaux en 1863, il est successivement interne de Falret

père, de Vulpian et de Charcot à la Salpêtrière et suit régu-

lièrement les leçons de Baillarger; sa vocation se dessine

ainsi et dès la fin de 1866, il est chargé par l'administration ici

préfectorale d'aller soigner à l'asile de Vaucluse en construc-

tion, le personnel et les ouvriers au milieu desquels s'étaient

développés de nombreux cas de diarrhée cholériforme.

Le le, janvier 1867, il est avec son collègue et ami Magnan .

nommé médecin du Bureau d'admission,vers lequel convergent

tous les aliénés du département de la Seine. Ce vaste champ

d'étude et d'expérience avait fait de lui un clinicien hors de pair.

360 NÉCROLOGIE.

Dans sa thèse sur les hémiplégies anciennes (1866), il met à

profit ses connaissances cliniques et anatomo-pathologiques

de la Salpêtrière; deux intéressantes communications à la

Société de biologie sur la pathogénie des lésions cérébrales,

révèlent par les considérations qui les accompagnent, à

l'époque surtout où elles ont été présentées, à la fois avec des

qualités prénétrantes d'analyse, un puissant esprit de généra-

lisation. (Anévrismes miliaires de la rétine et du cerveau

dans un cas d'alcoolisme chronique. Compte rendu de la

Société de Biologie, t. I, 5e série, 1869. Infarctus multiples

avec ramollissement dans plusieurs organes ; rupture de la

paroi antérieure du ventricule gauche. Compte rendu de la

Société de Biologie, 4e série, t. IV, 1867. En collaboration

avec Magnan.)

Plus tard, en 1884, il expose devant la Société de Biologie les

résultats de ses recherches sur le régime alimentaire des aliénés.

En 1870,de nouveaux devoirs s'imposent et trouvent Bouche-

reau prêt à tous les dévouements; c'est surtout par ses démar-

ches et son active intervention auprès du gouvernement et de

l'administration de la ville de Paris qu'on obtint peu avant

l'investissement de la capitale, l'évacuation en province d'une

grande partie des malades de l'asile Sainte-Anne, mesure de

prévoyance qui permit d'assurer pendant le siège l'assistance

et le traitement des aliénés que les souffrances, les privations

et les secousses de cette douloureuse période avaient rendus

plus nombreux. Une ambulance fut organisée à l'asile et c'est

dans le combat de Châtillon, en allant recueillir et panser

les blessés sur le champ de bataille, qu'une balle lui traversa

la cuisse gauche. Porté à l'ordre du jour pour sa belle con-

duite, il reçut la croix de la Légion d'honneur. Deux mois

après, à peine convalescent de sa blessure, marchant avec

difficulté, il reprend son service, heureux de se retrouver au

milieu de ses malades. Il publie alors en collaboration avec

Magnan deux mémoires d'un vif intérêt historique et clinique,

car ils révèlent d'une façon saisissante l'influence des grandes

commotions politiques sur le développement des maladies

mentales : le premier lu à l'Académie de médecine dans la

séance du 21 novembre 1871, ne fut pas étranger à la vive

campagne commencée alors contre l'alcoolisme; il avait pour

titre : Statistique des alcooliques entrés au Bureau d'admis-

sion à Sainte-Anne pendant les mois de mars, avril, mai,

BOUCHEREAU. 361

juin '1810 et les mois correspondants de 1871 ; le second :

Statistique des malades entrés en 1870 et en 1871 au Bureau

d'admission des aliénés de la Seine, a été communiqué à

la Société médico-psychologique par Bouchereau et y a

soulevé une fort instructive discussion {Annales méd. psch.,

·1872, t. VIII, p. 261 et 342).

Clinicien avant tout, Bouchereau donna la mesure de son

savoir dans les leçons très suivies qu'il fit à partir de 1872 et

ses publications telles que son article Satyriasis du Diction-

naire de Dechambre, font regretter qu'elles n'aient pas été

plus nombreuses.

Bouchereau était membre de la Société de Biologie depuis

1874 et fut à deux reprises en z1881 et 1886 élevé par la haute

estime de ses collègues à la vice-présidence. En 1871, il avait

été nommé membre titulaire de la Société médico-psycholo-

gique ; chargé comme secrétaire annuel du compte rendu des

séances, il prit une part active à ses travaux et fut élu prési-

sident en 1891. Il était depuis ·188 secrétaire de l'Association

mutuelle des médecins aliénistes de France et il remplissait

cette tâche délicate avec le plus grand tact et la plus grande

bienveillance. La collection de ses rapports annuels constitue

une histoire des plus complètes de cette association durant

ces quinze dernières années, et ses discours, dans lesquels il

rendait hommage à la mémoire de ses collègues disparus,

sont tous empreints d'une vibrante émotion et de la plus affec-

tueuse cordialité.

A la fin de 1879, il est appelé à remplacer Prosper Lucas

comme médecin en chef de la section des femmes de l'asile

Sainte-Anne, et dans cet important service, au milieu de ses

malades, sa générosité naturelle eut occasion de prendre tout

son essor. Partisan convaincu des avantages pour certaines

catégories de malades de l'assistance familiale, il prêta son

concours le plus dévoué au développement de la colonie

de Dun-sur-Auron et il songeait depuis quelques années à la

fondation d'un office central d'accueil et de protection pour

les anciennes malades des asiles et aussi pour les femmes en

détresse qu'il voulait arracher à la mélancolie et au suicide.

La mort l'a surpris au milieu de ces projets philanthropiques,

et s'il a fait beaucoup de bien, tous ceux qui le connaissaient

savent qu'il en eût fait encore davantage.

362 NÉCROLOGIE.

Le service funèbre a été célébré le dimanche 25 février à

Montrichard au milieu de parents, d'amis et d'une grande

aflluence de la population ; mais une imposante cérémonie

avait eu lieu à l'Asile clinique où un catafalque avait été

installé dans le service même du D' Bouchereau. Là, devant

le cercueil et en présence d'une nombreuse assistance de con-

frères et d'amis, du personnel de l'établissement et d'un

grand nombre de malades, six discours ont été prononcés :

M. Pelletier, chef du service des aliénés à la Préfecture de la

Seine, parla au nom du Préfet de la Seine et de l'Administra-

tion ; M. Ritti, au nom de la Société médico-psychologique ;

M. Meuriot, au nom de l'Association mutuelle des médecins

aliénistes ; M. Gley, au nom de la Société de Biologie ;

M. Briand, au nom des anciens internes de Bouchereau, et

M. Dagonet, au nom du corps médical de l'Asile clinique

(Sainte-Anne).

Les cordons du poêle pendant le trajet de l'Asile clinique à

la gare d'Orléans étaient tenus par M. Pelletier, chef du ser-

vice des aliénés, M. Motet, secrétaire général de la Société

de médecine légale et membre de l'Académie de médecine,

M. Gley, secrétaire général de la Société de Biologie, agrégé

de la Faculté, M. Dubuisson, médecin de l'Asile clinique,

M. Meuriot, président de Y Association mutuelle des médecins

aliénistes de France, et M. Gréhant, professeur au Muséum.

Discours du De Ritti, au nom de la Société médico-

psychologique.

Au nom de la Société médico-psychologique, j'ai le doulou-

reux honneur d'apporter ici l'expression des profonds regrets

que lui cause la perte d'un de ses membres les plus distin-

gués.

Notre Compagnie, qui a le culte de la tradition, ne saurait

oublier que Bouchereau rédigea, pendant plusieurs années, le

compte rendu de ses séances avec un zèle et un dévouement

rares ; il a été son président en 1891 et, depuis bientôt trente

ans qu'il est des nôtres, il n'a pas cessé d'apporter, soit dans

nos discussions, soit dans les commissions, l'appui de son

jugement sûr et de sa compétence incontestée.

Mais Bouchereau n'a pas que des titres à notre reconnais-

sance, il en a aussi = et de très grands à notre estime, à

noire admiration. Sa vie, toute de probité, de droiture, de

BOUCHEREAU. 363 3

dévouement, est pour nous un exemple digne d'être médité.

Jamais il ne transigea avec le haut idéal qu'il s'était fait de

l'honneur et du devoir.

Sa bonté et sa bienveillance étaient extrêmes ; il se plaisait

à rendre service. Dans nos réunions, dans nos associations,

la place qu'il revendiquait était celle où il pouvait être utile,

faire le bien; et s'acquittait de sa lâche avec un tact, une

discrétion, un esprit de justice auxquels tout le monde rend

hommage. Aussi l'appelions-nous le bon, l'excellent Bouche-

reau ; jamais qualificatifs ne furent mieux appliqués. Il a

sans doute rencontré sur sa route l'ingratitude, parfois même

l'indifférence, mais jamais l'hostilité. Et si, à ses derniers

moments, selon une croyance populaire, les actes de sa vie se

sont rapidement déroulés devant ses yeux, il a pu se dire à

juste titre : Je meurs, sans laisser d'ennemis.

Si heureusement doué du côté du coeur et du caractère, il

ne l'était pas moins au point de vue de l'intelligence. Obser-

vateur d'une rare sagacité, il acquit rapidement des connais-

sances cliniques très étendues en médecine mentale et ner-

veuse, durant son internat il la Salpêtrière, dans les services

de Falret père et de Baillarger, de Charcot et de Vulpian.

Ces savants illustres tenaient en haute estime le savoir et le

dévouement de leur disciple ; lui, de son côté, conserva tou-

jours pour ces maîtres vénérés les sentiments les plus pro-

fonds de respectueuse gratitude. Personne d'entre nous n'a

oublié les pages vibrantes d'admiration et de reconnaissance

qu'il prononça en des circonstances solennelles : lorsqu'il fut

notre interprète sur la tombe de Baillarger ; ou qu'il prit la

parole, à l'inauguration du buste de ce maître regretté, au

nom de tous ses élèves; ou encore, lorsque, dans le discours

qu'il fit en quittant le fauteuil de la présidence de noire Com-

pagnie, il rappela avec une légitime fierté qu'il avait « suivi

« les services, écouté les leçons et profilé des conseils de ces

« hommes distingués ». Puis en une phrase où débordait tout

son coeur, il poursuivait : « Plusieurs ont laissé des fils que

« j'ai retrouvés dans cette enceinte et avec qui j'ai été heu-

« reux de contracter des liens d'amitié; aussi, chaque fois

« que nous avons l'occasion d'applaudir aux succès des fils.

« nul ne s'y associe avec une émotion plus vive que moi-

« même, j'unis dans un même hommage les pères aux fils

« dans nos applaudissements. »

364 NÉCROLOGIE.

Bouchereau soutint sa thèse de doctorat, en 1866, sur un

sujet peu connu alors : les hémiplégies anciennes. Quelques

mois après, il était nommé, en même temps que M. Magnan,

médecin répartiteur du bureau d'examen de l'asile Sainte-

Anne. De cette époque date, non pas l'amitié de nos deux

sympathiques collègues elle remontait déjà à plusieurs

années mais cette collaboration scientifique et médicale

qui dura jusqu'à la fin de '1879, où M. Bouchereau fut appelé

à remplacer Prosper Lucas comme médecin en chef de la sec-

tion des femmes de cet établissement. De cette collaboration

naquirent de nombreux et importants travaux, dont les plus

connus sont, d'une part, la statistique des alcooliques entrés

au Bureau d'admission pendant les mois de mars, avril,

mai, juin 1870 et les mois correspondants de 1871, et, d'autre

part, la statistique des malades entrés dans le même Bureau

d'admission de 1870 et 1871. Ces deux documents, d'un

intérêt scientifique indiscutable, pages douloureuses de l'an-

née terrible, devront être consultés par les historiens et les

sociologues, qui y trouveront des preuves en quelque sorte

vivantes de l'influence des grandes catastrophes sociales sur

la production de la folie.

Pendant cette période de deuil, Bouchereau fit tout son

devoir. Le jour où l'armée de Paris, se portant vers le sud,

voulut s'opposer à l'investissement de la capitale par l'en-

nemi, il se rendit avec l'ambulance de Sainte-Anne, au plus

fort de la bataille, à Châtillon, ramassant et réconfortant les

blessés, faisant les premiers pansements. Nos troupes trop

peu nombreuses, incapables de résister à la poussée des

masses allemandes, durent se replier; le combat allait cesser,

les ambulances continuaient leur oeuvre philanthropique,

lorsqu'une balle frappa notre regretté collègue et lui traversa

la cuisse gauche. Le projectile n'atteignit heureusement au-

cun vaisseau : la blessure guérit, sans qu'il survint aucune

complication. Le gouvernement de la Défense nationale, en

récompense de son courage et de son dévouement, décerna à

Bouchereau la croix de la Légion d'honneur. C'était là une

distinction méritée, et, nous pouvons dire à sa louange, elle

n'excita aucune jalousie parmi ses collègues.

Bouchereau fit toute sa carrière de médecin aliéniste dans

cet asile Sainte-Anne ; il comptait plus de trente-trois ans de

service au moment de sa mort. Pendant ce long espace de

BOUCHEREAU. 365

tèmps un tiers de siècle il se montra, du premier jour

jusqu'au dernier, médecin zélé et dévoué ; sa bonhomie, par-

fois un peu brusque mais cette brusquerie qui dissimule

mal un grand fond de bienveillance le servait beaucoup

auprès de ses malades, de qui il arrivait sans peine à gagner

la confiance et dont, phénomène plus rare ! il savait se faire

aimer.

Son nom restera attaché à la première tentative d'un en-

seignement de la pathologie mentale fait dans cet asile et

qu'un ukase du préfet de la Seine, inspiré par une fausse

sentimentalité, vint brusquement interrompre. Les leçons de

Bouchereau n'ont pas été publiées, et nous devons le regret-

ter. « Ceux qui les ont entendues, dit, en effet, notre savant

« collègue et ami, M. Motet, savent avec quel soin elles ont

« été préparées ; les sujets choisis ont été : de l'idiotie liée à

« certaines lésions cérébrales ; des actes impulsifs dans les

« différentes formes d'aliénation; expériences physiologiques

« sur le mode de production des attaques épileptiques et épi-

ce leptiformes. Ces sujets qui appartiennent aux études d'ana-

« tomie pathologique, de physiologie et de médecine légale,

« dans ce qu'elles ont de plus élevé, disent quelle est la

« variété des connaissances » de notre collègue. On voit par

cette appréciation empruntée au rapport de mon éminent

prédécesseur sur la candidature de Bouchereau au titre de

membre résidant de notre Compagnie, quel prix on attachait

à ses travaux, à ses recherches, à son enseignement.

La vie fut douce à notre collègue, parce qu'il sut l'em-

bellir par l'amitié. Il nous est impossible de ne pas rappeler

encore une fois les liens intimes qui l'unirent à M. Magnan.

Amitié de plus de quarante ans, qu'aucun nuage ne vint

assombrir ; une de ces amitiés, en lesquelles, selon les belles

expressions de Michel Montaigne, pensant à Etienne de La

Boëtie, les âmes « se meslent et se confondent l'une et l'autre

« d'un meslange si universel, qu'elles effacent et ne retrou-

« vent plus la cousture qui les a joinctes ». Cette « cousture

d'amitié si étroite et si joinctte », la mort l'a déchirée ; notre

vénéré président a senti comme si on lui arrachait une moi-

tié de lui-même, et il pleure celui dont la vie a été la sienne.

Puissent les témoignages de notre affectueuse sympathie

adoucir l'amertume de cette douloureuse séparation !

Au nom de la Société médico-psychologique dont je suis le

366 NÉCROLOGIE.

fidèle interprèle, je viens dire un adieu suprême à notre excel-

lent Bouchereau, qui fut plus que notre collègue, notre ami.

Mais lui, qui, durant toute sa vie, pensa moins à lui-même

qu'aux autres, il m'en voudrait si, en ce jour de deuil, j'ou-

bliais les siens qu'il a tant aimés : la femme dévouée qui a

entouré ses derniers moments de soins si touchants ; sa soeur

qui, pendant de longues années, fut pour lui pleine d'atten-

tions toutes maternelles et qui eut la douleur de ne pouvoir

assister à ses derniers moments : à toutes deux, ainsi qu'à

toute la famille, nous adressons l'hommage de nos respec-

tueuses sympathies et de nos sincères condoléances.

Adieu, Bouchereau, adieu, cher ami, adieu.

Discours de M. Pelletier, chef du service des aliénés.

D'impérieux devoirs retiennent M. le Préfet de la Seine à

l'Hôtel de Ville et ne lui permettent pas de venir apporter

lui-même au Dr Bouchereau le témoignage public de sa recon-

naissance et le tribut de ses regrets. M. le Directeur des af-

faires départementales, qui devait le représenter, s'est trouvé

empêché au dernier moment; mais ils m'ont expressément

chargé d'être l'interprète de leurs sentiments et d'apporter

au collaborateur dévoué, au chef de service éminent que la

mort vient d'enlever, l'hommage douloureux de l'administra-

tion départementale de la Seine. 1

Les liens du Dr Bouchereau avec le service des aliénés

commencent, à vrai dire, avec ses premières études médi-

cales. C'est en 1859 qu'il fut reçu externe des hôpitaux et

attaché au quartier des aliénés des hospices de Bicêtre et de

la Salpêtrière, qui étaient, à cette époque, les seuls établisse-

ments consacrés au traitement des aliénés de la Seine.

Interne provisoire en 1862, interne titulaire en 1864, il

demeure attaché aux quartiers spéciaux de ces hospices et

manifeste ainsi le dessein bien arrêté de se consacrer tout

entier à l'Assistance médicale des malheureux aliénés.

L'administration préfectorale de cette époque s'était mise

à l'oeuvre pour doter le département de la Seine des asiles

qui lui manquaient et c'est à ce moment que s'achevait l'asile

clinique, édifié sur le terrain de la ferme Sainte-Anne. Cet

BOUCHEREAU. 367 i

asile comportait un bureau d'admission et lors de l'ouverture

de l'établissement, en février 1867, M. le préfet Haussmann

arrêta son choix sur le D'' Bouchereau, en même temps que

sur son ami de la première et de la dernière heure, le Dr Ma-

gnan, pour remplir les fonctions de médecin du Bureau

d'admission. Depuis cette date, c'est-à-dire depuis la fonda-

tion de Sainte-Anne, la vie du D Bouchereau est, .pour ainsi

dire, confondue avec la vie même de l'asile qu'il n'a plus

quitté et où il vient de rendre le dernier soupir.

Nommé médecin répartiteur au mois d'octobre 1870, il

veut avoir sa part des dangers du siège de Paris, est attaché

comme chirurgien au 1360 bataillon de la garde nationale;

blessé au combat de Châtillon, il est cité à l'ordre du jour de

l'armée et est nommé, pour sa belle conduite, chevalier de

la Légion d'honneur. Après avoir ainsi donné avec sa modestie

habituelle l'exemple du devoir civique, il reprend sa place au

Bureau d'admission jusqu'en 1879, date à laquelle il est

appelé par M. le préfet Herold à succéder au D'' Lucas comme

médecin en chef de la division des femmes. C'est dans ce

poste où il est resté plus de vingt ans que la mort est venue

briser les liens intimes, profonds, qui l'attachaient à cet asile

depuis sa création.

Ses confrères, beaucoup plus autorisés et plus compétents,

vous diront ce que fut l'homme de science et ils vous rappel-

leront ses mérites de clinicien et ses travaux originaux.

Il m'appartient plus particulièrement de déclarer bien haut

devant ce cercueil quel chef de service exemplaire fut le

Dr Bouchereau. D'un caractère franc, loyal, paternel pour

ses malades, bienveillant, sans faiblesse avec son personnel,

maître autant aimé qu'estimé par ses nombreux élèves, sa

vie présente une admirable unité, c'est-à-dire un dévouement

absolu et sans trêve aux malheureux confiés à ses soins.

Chez cette nature d'élite, les années ne ralentissent ni l'ac-

tivité bienfaisante ni les constants efforts vers le progrès. Il

donna à l'administration une preuve bien manifeste de son

esprit ouvert aux réformes au moment où le Conseil général

prit l'initiative d'un essai de colonisation familiale en 1892.

Une des principales préoccupations était de ne commencer

l'expérience qu'avec des pensionnaires donnant toute sécurité

et pouvant, sans aucun risque, être rendues à la vie libre de

la colonie. Le 1)" Bouchereau se montra dès la première

368 NÉCROLOGIE.

heure partisan résolu de ce mode d'assistance ; il s'offrit avec

sa modestie et sa bonne grâce habituelles pour faire cette

sélection. C'est de son service que partit le premier convoi

de malades de la Seine pour la colonie de Dun qui a pris un

développement inespéré.

Associé à ces premières tentatives, le D1' Bouchereau fut

aussi parmi les premiers visiteurs de la colonie, avec la délé-

gation de la troisième commission du Conseil général. J'étais

aussi de cette visite et je me souviens de la satisfaction con-

fiante qu'il montrait en voyant les heureux résultats de

l'expérience qu'il avait favorisée de sa haute autorité. Je me

souviens surtout de la joie touchante que manifestaient

les anciennes malades de son service de l'Asile clinique

lorsqu'elles le reconnaissaient au cours des visites chez les

nourriciers. Ces témoignages, dans leur spontanéité, étaient

le plus bel hommage rendu à la bonté familière de l'homme

de coeur autant qu'au médecin. A ces retours de Dun, le

D1' Bouchereau nous quittait à Vierzon, ne pouvant résister à

la tentation d'aller passer quelques heures dans son cher

pays de Montrichard dont il parlait toujours avec émotion.

C'est là que vont être transportés ses restes, accompagnés

des regrets émus de tous ceux qui l'ayant approché, l'ont

tout de suite aimé. C'est là qu'il va reposer pour toujours ;

mais il laissera dans'cet asile, dont il fut un des fondateurs,

une mémoire pure et durable; il y laissera en môme temps

l'exemple et l'enseignement d'une noble vie.

Puissent ces témoignages et ces regrets adoucir pour sa

veuve en deuil et pour sa famille la douleur de la séparation

définitive ? Nous la prions d'agréer nos respectueux hommages

et à vous, cher et très regretté D' Bouchereau, j'adresse, au

nom de M. le Préfet de la Seine, un suprême adieu.

Discours de M. GLEY, secrétaire général de la Société

de Biologie.

Messieurs,

La Société de Biologie n'a jamais négligé de s'occuper des

phénomènes morbides qu'étudient les médecins aliénistes,

pour autant que ces phénomènes, dépassant la pure séméio-

BOUCHEREAU.. 369

logie, présentent un caractère marqué de généralité, tel

qu'il en puisse sortir des notions positives sur le fonctionne-

ment du cerveau troublé. Aussi a-t-elle toujours tenu il

compter parmi ses membres quelques représentants de la

psychiatrie. Depuis l'année 1874, le très regretté Bouche-

reau, ancien interne des hôpitaux, médecin en chef de l'asile

Sainte-Anne, était un de ces rares représentants.

Ce n'est pas pour nous, Messieurs, une vaine épithète que

ces mots de « très regretté ». La grande bonté de notre col-

lègue, sensible à ceux-là même qui avaient peu de'relations

avec lui, la franchise et la sûreté de son commerce lui avaient

valu toutes les sympathies. Et son assiduité pendant très

longtemps à nos séances ce n'est que depuis quelques

années, qu'il y venait moins régulièrement, son interven-

tion peu fréquente, mais toujours justifiée et par cela même

heureuse, dans les discussions auxquelles il croyait que ses

connaissances spéciales lui permettaient de prendre part,

lui avaient gagné l'estime générale. C'est l'estime que mérite et

retient toute compétence qui ne se manifeste qu'à bon escient

et avec la discrétion que l'on goûte dans tous les milieux, y

compris les sociétés scientifiques. La meilleure preuve que

l'on puisse donner et de cette sympathie et de cette considé-

ration qui entouraient notre collègue, c'est qu'il fut élu à

deux reprises vice-président de la Société, en 1881 et 1886.

Nos comptes rendus gardent quelques traces de ses travaux.

Deux observations qu'il y donna, en 1867 et 1869, en colla-

boration avec son intime ami, notre excellent et éminent

collègue Magnan, sont d'une réelle importance au point de

vue de la pathogénie des lésions cérébrales. En 1884, sur la

question délicate du régime alimentaire des aliénés, il nous

présenta des remarques judicieuses, accompagnées de plu-

sieurs observations conduites d'une façon rigoureusement

scientifique.

Les confrères de M. Bouchereau savent qu'il fut avant tout

un clinicien très instruit, très habile, d'une sagacité recon-

nue. L'exercice aiguisé de ces facultés, dans son service hos-

pitalier, satisfaisait sans doute en grande partie son esprit.

Pour nous, qui avons beaucoup apprécié tout ce qu'il nous a

donné, nous devons regretter que les preuves écrites de son

activité médicale ne soient pas plus nombreuses. Et c'est,

Messieurs, un regret de plus à ajouter, pour la Société de

Archives, 2° série, t. IX. 21 r

370 NÉCROLOGIE.

Biologie, à ceux que lui cause la disparition prématurée de

l'esprit juste, de l'intelligence bien faite, du spécialiste exercé

et de l'homme de bien qu'était notre honoré collègue.

Discours de M. MEUMOT,pes ! eM de l'Association mutuelle

des médecins aliénistes de France.

- Messieurs,

Je viens, au nom de l'Association mutuelle des médecins

aliénistes de France, dire un dernier adieu à notre excellent

collègue Bouchereau, secrétaire général de notre Association

déjà depuis de longues années ; il n'a jamais cessé un instant

de donner une partie de ses forces au labeur que lui impo-

saient ses fonctions. Vous vous souvenez tous du dévouement

avec lequel Bouchereau s'acquittait dans nos réunions de son

devoir de rendre compte de l'état de notre société, des

besoins de nos sociétaires, des infortunes de leurs veuves et

de leurs enfants. Nous avons pu apprécier dans maintes cir-

constances l'esprit de charité et les qualités de coeur de notre

collègue. Ses fonctions de secrétaire général de l'Association

chargeaient aussi Bouchereau du soin de venir rendre les.,

derniers devoirs aux collègues que nous perdions; il le faisait

toujours avec mesure et se montrait l'excellent confrère qu'il

était, sachant rendre justice à tous et faisant valoir le mérite

de chacun, dans un style honnête, franc, toujours cordial et

parfois vibrant. -

Notre société, quelque modeste qu'elle soit encore, n'en

remplit pas moins ses devoirs, et combien d'infortunes soula-

gées, combien de misères ignorées secourues ! Bouchereau ne

cessait de faire une propagande active auprès de nos jeunes

confrères pour les engager à venir à nous, leur montrant

combien notre Association était utile à ceux que la maladie

atteignait, ainsi qu'aux familles laissées dans la misère par

eeux qui étaient mortellement frappés avant l'heure. Bouche-

reau remplissait une véritable mission en s'occupant de

recruter des membres à notre société ; il 'voulait concourir

pour sa faible part à l'amélioration du sort de nos confrères

en les poussant vers l'Association qui est une bonne oeuvre

d'assistance et de prévoyance. Nous perdons beaucoup en

. BOUCHEREAU. 3-il

perdant Bouchereau, mais nous conserverons intact le souve-

nir du bien que nous lui avons vu faire, et nous chercherons

à suivre l'exemple qu'il nous a donné.

Il y a trente-six ans nous faisions Bouchereau et moi partie

de la même promotion de l'Internat des hôpitaux de Paris,

et nos relations commencées à cette époque se sont tpujours

continuées sans cesser d'être des plus intimes et des plus

cordiales, l'aménité de son caractère, la douceur de ses

moeurs, le charme et la sûreté de ses relations que tous

ses amis ont été à même d'apprécier, font qu'aujourd'hui

devant ce cercueil notre douleur est grande et nos regrets

. profonds et sincères.

Il ne m'appartient pas de retracer devant vous la belle

carrière médicale de notre camarade Bouchereau ; vous venez

d'entendre l'énumération de ses titres scientifiques, de ses

qualités comme chef hospitalier, on vient de vous dire la

grande part qu'il a prise dans la fondation de cette Ecole de

Sainte-Anne où il établit pour la première fois dans notre

pays avec Magnan l'enseignement de l'aliénation mentale, et

qui, aujourd'hui devenue célèbre même à l'étranger, cons-

titue une véritable pépinière pour les médecins aliénistes

français. Pendant trente-trois ans attaché à ce même asile, il

n'a cessé de se consacrer avec le dévouement le plus grand à

ses malades, et l'on a pu vous dire tout le succès de son ensei-

gnement, moi je ne veux que répéter ici, devant vous, combien

il était bon, charitable, compatissant avec les pauvres aliénés

qu'il soignait. C'était le véritable amour qu'il portait aux

malades qui lui a permis de faire tout le bien qu'il leur a

fait.

Bouchereau était un ami sûr, un coeur d'or, une âme bien-

faisante et c'est avec la plus sincère douleur que je salue sa

dépouille mortelle. Adieu, Bouchereau, ton souvenir restera

gravé dans le coeur de ceux qui t'ont aimé et de ceux que tu

as aimés.

Discours de M. DAGONET, médecin à l'Asile clinique.

Messieurs,

Cédant à la demande qui m'en a été faite avec insistance

par M. le Dr Magnan, je viens apporter au Dr Boucherau, le

312 NÉCROLOGIE. -

dernier hommage de son personnel et de ses malades. Cet

hommage eut été assurément beaucoup mieux exprimé par

M. le D'' Magnan, mais son émotion et son affection profondes

ne pouvaient lui permettre de prendre la parole, devant le

cercueil de l'ami excellent dont il vient d'être si cruellement

séparé.

D'autres, mieux que moi, pouvaient dire tout ce que nous

perdons en ce maître vénéré, dont l'érudition, le savoir, la

compétence en tout ce qui touche la médecine mentale, étaient

universellement reconnus.

C'est au sortir de l'Internat des hôpitaux de Paris que le

Dr Bouchereau a choisi la carrière des asiles vers laquelle le

portaient tous ses goûts. Le médecin aliéniste doit être bon

avant tout. C'est dans son service, au milieu de ses malades,

que la bonté, la générosité naturelle du D'' Bouchereau ont pu

se développer librement et arriver à leur complet épanouisse-

ment.

Pendant ses études, le Dr Bouchereau avait été pour ses

camarades, un ami dévoué et fidèle, et ces qualités ne se sont

pas démenties; il fut un ami fidèle et dévoué pour ses malades,

comme il l'avait été pour ses collègues.

Je ne [puis m'empêcher de citer ici les paroles qu'il pronon-

çait lui-même, le 29 mai dernier, à l'Association mutuelle des

médecins aliénistes de France en rappelant la mort de M. le

Dr Semelaigne.

Il disait de son collègue : « Votre qualité maîtresse était la

bienveillance », et il ajoutait : ce On n'avait pas de peine à

découvrir tout ce qu'il cachait de valeur sous une modestie

réelle. » Ces paroles ne s'appliquent-ellés pas à vous, mon

cher maître.

Ne gardons-nous pas de vous un souvenir pareil, nous qui

avons vécu à vos côtés, sans vous voir jamais une défaillance,

nous qui assistant à vos derniers moments, avons admiré

votre inébranlable fermeté et votre admirable courage au

milieu d'atroces souffrances et qui vous avons vu sourire à

votre compagne si dévouée, et à vos amis désolés, qui vous

entouraient de leurs soins impuissants. Vous avez montré

devant la mort le courage et la bonté, qui ont caractérisé

toute votre vie. Je ne puis dire la douleur de tous quand on

a appris la fatale nouvelle. L'une de vos malades que vous

aimiez, et vous les aimiez toutes, malgré les souffrances et la

BOUCHEREAU. 313 .3

faiblesse qui la clouaient sur son lit, a voulu être portée dans

votre chambre et vous contempler, une dernière fois, sur votre

lit mortuaire.

Vos malades, auxquelles vous avez consacré votre vie,

nous tous qui avons eu mille preuves de votre inépuisable

bonté, nous sentons profondément votre perte, c'est que vous

aviez vraiement le don de vous faire aimer, c'est que vous

étiez l'homme de bien, l'homme de coeur. Aussi le vide que

vous laissez parmi nous, ne sera-t-il jamais comblé.

Avant de terminer, je tiens à dire encore que vous n'avez

pas été seulement un travailleur infatigable et le plus cons-

ciencieux des hommes, mais que vous avez été aussi un

patriote. Pendant la guerre de 1870, vous vous êtes consacré

de toute votre âme, à l'organisation des ambulances. Vous

avez obtenu l'évacuation en province de trois cents malades

de l'asile Sainte-Anne et dans tous les services vous avez

donné des lits aux blessés, que vous alliez, vous et votre

collègue de l'asile, ramasser sur les champs de bataille. Vous

avez apporté dans cette tâche, toute l'ardeur de votre coeur,

et vous avez été vous-même blessé par une balle qui vous a

traversé la jambe.

Vous avez donc noblement payé votre dette à la Patrie,

Mais vous avez eu la tristesse de mourir sans avoir vu, se

réaliser « les réparations consolantes, sur lesquelle ont le

droit de compter, ceux qui ont foi dans la justice ». Tous,

nous conserverons pieusement la mémoire de l'ami excellent,

du médecin dévoué, de l'homme de bien, du patriote, que fut

le Dr Bouchereau.

Au nom de votre personnel, mon cher Maître, au nom de

vos malades, au nom de tous ceux qui vous ont connu et

aimé, je vous adresse un éternel adieu. (

Discours prononcé pa2- l. BRlA ! ;D, médecin en chef de l'Asile

de Ville juif, au nom des anciens internes de ill. Boit-

chereau.

Messieurs,

C'est au nom des anciens internes de M. Bouchereau, que

je viens adresser un suprême adieu au maître respecté devant

lequel je m'incline aujourd'hui pour la dernière fois.

374 NÉCROLOGIE.

« Quelque pénible que soit cette tâche, je tiens d'autant plus

à l'accomplir, cher Mailre, que votre modestie ne m'a jamais

permis de vous remercier suffisamment des conseils et du

savant enseignement qui ont guidé mes premiers pas dans une

carrière que vous venez de remplir avec tant de distinction.

Si vous pouviez m'entendre à cette heure suprême, qui sait

même si vous ne chercheriez pas à me fermer la bouche par

une de ces formules pleines d'affectueuse brusquerie qui vous

étaient familières pour détourner la conversation, quand vous

sentiez qu'il allait en sortir l'énonciation d'un fait à votre

louange.

S'il est vrai que les paroles n'ajoutent rien aux actes, ainsi

que vous le répétiez souvent, il est vrai aussi qu'elles servent

à les faire connaître : Les vôtres sont de ceux qu'on ne doit

pas laisser ignorer.

Mais, d'ailleurs, le culte, dont vous n'avez cessé d'honorer la

mémoire de vos maîtres qui avaient noms : Andral, Falret

père, Baillarger, Vulpian, Charcot, est un enseignement pour

nous.

Vous parliez souvent d'eux, toujours avec émotion et

reconnaissance, laissez-nous agir de même. Nous dirions de

vous tout le bien que l'on peut penser d'un honnête homme,

qu'il nous resterait' quelque chose à ajouter pour que votre

éloge fùt complet. »

J'ai eu l'honneur d'être l'interne de M. Bouchereau, alors

qu'il partageait avec mon autre maître M. Magnan, le service

du Bureau central de la répartition des aliénés. C'est à cette

époque que j'ai commencé à apprécier l'élévation de son

caractère si droit, où la bienveillance s'alliait à l'austérité,

comme pour la rendre aimable.

Les qualités les plus saillantes de M. le Dl' Bouchereau

étaient son extrême bonté et une modestie que l'étendue de

ses connaissances rendrait inexplicable, si on ne la savait

naturelle.

Tous ceux qui l'ont approché, élèves, collègues ou malades,

sans oublier son personnel qui lui était si respectueusement

dévoué, vous diront que sa bonté était aussi inépuisable

qu'oublieuse du service rendu. Sous des apparences parfois

trompeuses cet homme de devoir devenu, par profession, le

confident de tant de misères humaines, trouvait dans son

coeur, toujours ouvert, des trésors intarissables où il puisait,

BOUCHEREAU. 375

sans affectation, pour y chercher la parole qui réconforte

parce qu'on sent qu'elle ne vient pas seulement des lèvres.

Souvent même la consolation se manifestait sous une autre

forme en s'accompagnant d'un secours matériel qu'une

habile diplomatie arrivait à faire accepter sans humiliation.

Rien n'était touchant comme la gaucherie d'un geste dont

il était coutumier, mais dont il semblait s'excuser, comme s'il

l'eût accompli pour la première fois et comme s'il fût lui-

même l'obligé.

Obligé ? Peut-être l'était-il au fond, car il avait allégé son

coeur de la pensée qu'une infortune, connue de lui, aurait pu

n'être pas soulagée.

Les anciennes malades de son service, pour lesquelles il se

montrait un si généreux conseiller, pourraient vous répéter

que, chez lui, le bienfait, toujours spontané, n'attendait jamais

la sollicitation. Les malades étaient d'ailleurs l'objet de ses

constantes préoccupations, même après leur sortie de l'asile.

Parmi les améliorations qu'il souhaitait ardemment à leur

sort, il en est une qui le préoccupait beaucoup dans les der-

niers temps de sa vie. On trouve le reflet de cette sollicitude

dans les quelques lignes où, après avoir décrit avec une

émouvante simplicité les souffrances de la femme aux prises

avec les difficultés de la vie, il propose un remède, bien facile

à appliquer, qui montre toutes les ressources de sa pratique

du bien.

ce On est frappé, écrivait-il, du grand nombre de femmes

que la mélancolie sous diverses formes atteint à tout âge,

quelques-unes ont apporté en naissant une prédisposition

morbide qui s'est accentuée sous des influences diverses ;

d'autres n'étaient pas condamnées fatalement à la folie, mais

des malheurs successifs, des épreuves multiples ont peu à peu

abattu leur courage, diminué leur résistance et provoqué chez

elles l'apparition d'un délire mélancolique plus ou moins

grave...

« On sait quelles difficultés les femmes rencontrent durant

leur existence ; filles ou femmes, elles sont souvent délaissées

avec des enfants à leur charge. On a fondé un grand nombre

d'eeuvres destinées à les recevoir; mais trop souvent les

femmes les ignorent. »

Après avoir fait connaître le mal, M. Bouchereau proposait

le remède.

376 NÉCROLOGIE.

« Sans créer une organisation nouvelle il y aurait lieu,

pensait-il, d'avoir un office situé au centre de Paris dans un

établissement quelconque appartenant à la Ville ; chaque

jour, deux femmes s'y tiendraient à la disposition du public

féminin durant certaines heures de la journée et elles indi-

queraient aux femmes qui se présenteraient les nombreuses

fondations destinées à les secourir, à Paris ou dans la ban-

lieue, fondation ayant une origine publique ou privée avec

leur destination, le lieu exact de leur siège, les différentes

pièces ou papier d'identité nécessaires pour l'admission.

L'Administration, d'accord avec les Conseils général et muni-

cipal, fournirait chaque année une liste des oeuvres devant

être recommandées, car plusieurs reçoivent une subvention,

qui autorise à en connaître les rouages et en apprécier le fonc-

tionnement.

« Que de femmes, de jeunes filles hésiteraient à se donner

la mort, ou échapperaient à la maladie, si elles trouvaient un

appui durant les jours difficiles de la vie ! Chez elles, le déses-

poir ne dure souvent qu'un moment très court. Comment les

femmes connaîtraient-elles tant d'oeuvres d'assistance très

recommandables, anciennes ou nouvelles, fonctionnant régu-

lièrement à Paris, quand la plupart d'entre nous en ignorent

parfois même le nom ? Un bureau ou office de ce genre ren-

drait de réels services; tenu par deux femmes, il entraînerait

peu de dépenses, la femme, conclut-il, montre plus de délica-

tesse que l'homme dans la façon d'assister le malheureux, de

soigner l'infirme ou le malade ; nous recommandons cet essai

à la Commission d'Assistance publique, toujours fort bien-

veillante envers les malheureux. »

Permettez-moi, cher Maître, une seule réflexion : Le senti-

ment qui vous a dicté ces dernières lignes dément cette fois

la pensée que vous exprimez, quand vous écrivez que la

femme montre plus de délicatesse que l'homme dans sa façon

d'assister les malheureux. Quel est, en effet, le plus délicat,

de l'homme qui invoque ce touchant argument, pour solliciter

l'intervention d'une femme afin de rendre une assistance plus

efficace ou de cette femme elle-même ? Mon avis est que

l'avantage appartient à celui qui formule une telle propo-

sition.

Peu communicatif avec les étrangers, M. Bouchereau deve-

BOUCHEREAU. 377

nait volontiers causeur, aussitôt que se fermait le cercle de

cette intimité journalière qui unit si étroitement le maître et

les élèves dans l'exercice de notre profession.

Ce n'était pas seulement un érudit, c'était aussi un clinicien.

Ayant beaucoup observé il avait beaucoup appris, mais il ne

se livrait qu'à ceux qui sollicitaient son avis, comme si sa

modestie lui eût donné la crainte d'offenser un contradicteur

en montrant l'étendue de connaissances dont il se défendait

de vouloir faire étalage.

Pour lui, l'enseignement écrit n'était qu'une indication dans

la pratique de notre spécialité. L'enseignement oral primait

toute autre méthode, aussi ne se lassait-on jamais de l'entendre

dans les interprétations ingénieuses que lui suggérait sa

longue habitude des aliénés et sa fréquentation des maîtres

dont il invoquait sans cesse le témoignage.

En dehors de l'enseignement scientifique dont M. Bouche-

reau, dépositaire de la tradition orale de ses maîtres, a fait

bénéficier ses élèves il nous laisse un autre patrimoine : C'est

l'exemple de toute sa vie qui fut une vie de dévouement et de

devoir austère.

Indifférent à la louange comme à la critique, il ne relevait

que de sa conscience d'honnête homme. Sans aucune défail-

lance, sans aucune compromission, scrupuleux à l'excès, il

ne rencontra jamais sur sa route que des mains largement

tendues ou des fronts respectueux.

Sans autre ambition que celle de faire partout et toujours

le bien, il était de ceux dont on peut dire avec vérité qu'ils

ne recherchent de récompenses que dans la satisfaction que

leur laisse l'accomplissement du devoir.

Se plaignait-on à lui d'une injustice, vite, il s'efforçait de la

réparer ; lui signalait-on un acte d'ingratitude, loin de se

décourager dans sa bienfaisance, il trouvait toujours une

excuse à cet acte et en tirait souvent un argument pour sou-

lager de nouvelles infortunes, sans se préoccuper d'une

reconnaissance qui l'eût d'ailleurs embarrassé.

Tel est le maître que nous pleurons aujourd'hui.

Il succombe à la tâche, avant la fin de son sillon, en plein

combat pour le soulagement de la souffrance, dans cet asile

de douleur qu'est un service d'aliénés. Il disparaît sans avoir

profité de ce repos auquel un labeur quotidien de nombreuses

années aurait pu lui donner droit, s'il eût estimé que sa

378 NÉCROLOGIE.

journée fût terminée. Elle ne l'était cependant pas, puisqu'il

tombe, encore plein d'une activité qui ne s'est lassée qu'au

jour fatal où la maladie l'a terrassé.

Adieu, cher Maître ! vous n'emporterez point dans la tombe

le talisman qui fait naître l'estime et les respectueuses affec-

tions, car il réside uniquement dans l'exemple que vous nous

laissez.

Le devoir, telle était votre ligne de vie.

L'indulgence, telle était votre philosophie.

L'une des ambitions de vos élèves sera de laisser après eux

le souvenir qui vous survivra dans le coeur de ceux qui vous

ont connu.

« C'est là sans doute, cher Maître, l'hommage dont votre

modestie s'accommodera le mieux. Daignez l'accepter, car il

est sincère.

« Adieu, cher Maître, Adieu ! ... »

Regrets exprimés par M. ATTITALIN, président de la Com-

mission de surveillance, au sujet du décès de M. LE Dr Bou-

CHEVREAU, médecin en chef des asiles d'aliénés de la Seine.

Messieurs,

Depuis la dernière réunion de votre Commission, la mort

est venue à passer. M. le Dr Boucuereau est entré dans l'éter-

nel repos.

Membre de l'éminent corps médical de nos asiles, il vous

appartenait ainsi par un lien familial, et vous m'accorderez

d'avoir l'honneur de rappeler en quelques mots, devant

vous, ce que fut cet homme de science, ce que fut surtout

cet homme loyal et bon.

Quoique j'aie, personnellement, peu connu M. le Dr Bou-

C11EREAU, ma main, qui vient encore déposer un modeste

rameau sur sa tombe, n'est point tout à fait, pour lui, celle

d'un étranger. La vie judiciaire m'avait donné lieu de l'ap-

procher et de recueillir l'écho d'appréciations autorisées et

sincères. Depuis de longues années, le tableau des experts

légistes s'honorait du nom du savant praticien, alors que, de

mon côté, j'étais chargé d'un cabinet d'instruction, et plus

lard, de la direction du Parquet de la Seine. Nous nous

sommes ainsi rencontrés. Mes souvenirs évoquent un homme

BOUCHEREAU. 379

sympathique et simple, mes impressions font revivre un

savant; - impressions et souvenirs se contrôlent au mieux,

la vraie science et la modestie étant soeurs et ne se pouvant

jamais séparer.

Le Dr Bouchereau a toujours appartenu au corps médical

des asiles d'aliénés de la Seine; - il en était, Messieurs, le

doyen. Interne provisoire en 1862, titulaire en 1865, il

avait été, en 1867, lors de l'ouverture de l'asile Clinique

(Sainte-Anne), nommé médecin de l'administration en même

temps que son éminent confrère M. le Dr Magnan, et il

avait reçu, en 1879, la direction d'une division dans ce même

asile d'où la mort seule devait le faire sortir.

A quelque point de vue qu'on la considère, sa vie est un

enseignement.

Il fut un laborieux et un utile. On m'a dit, et, à l'avoir

vu, je le crois, qu'il aimait la science pour elle-même, que

son activité était effective et raisonnée, que son labeur était

discret et fécond, qu'il pensait de haut, et qu'il ne mesurait

son zèle ni à l'importance, ni aux chances du succès. Il

n'en avait pas moins acquis, comme clinicien, et notamment

dans le traitement de la mélancolie, une réputation univer-

selle et qui n'était due qu'à la seule élévation de son mérite.

Le Dr BoucnEREAU fut aussi un bon citoyen.

Lorsque vint l'année terrible, on le vit relever les blessés

sous le feu; et, dans cette lutte entre l'humanité et le

fléau de la guerre, être lui-même frappé d'une balle sur le

champ de bataille de Chàtillon.

Déjà d'ailleurs, en 1866, - renouvelant un de ces traits

dont s'honore l'histoire de la grande famille médicale dans

l'histoire du pays, il avait fait preuve d'un courage plus

grand encore, en se jetant, pour la combattre, au sein d'une

redoutable épidémie cholérique.

Mais, )Iessieurs, le Dr BoucnEREAU ne fut pas seulement

savant et brave; il fut vraiment homme en ce qu'il fut bon,

et en ce qu'il eut l'intuition profonde de ce que nous pouvons

appeler les devoirs nouveaux. Ses yeux à jamais fermés

eurent ce rayon de douceur qui, tout de suite, apaise et sou-

lage les désespérances.

Vous avez eu, presque tous, la bonne fortune de voir le

D'' Bouchereau dans son service même, et j'ai pu recueillir

ainsi l'écho des sentiments qu'il vous a inspirés. On m'a

380 NÉCROLOGIE.

dit combien vous avez été frappés de la tenue, de l'aspect

heureux, de ce service, de l'attachement que les malades

marquaient à leur médecin. On m'a dit aussi, et la

simplicité du cadre avive encore le tableau, - qu'une pauvre

malade infirme avait demandé à être portée auprès du lit

mortuaire du Dr Bouchereau pour le revoir une dernière fois.

Je ne sais aucune récompense qui, à l'heure suprême, puisse

égaler celle-là, aucune scène qui, davantage, doive tenter le

pinceau d'un grand artiste.

On m'a appris que cette bienveillance s'étendait à tout son

personnel; on m'a montré avec quelle insistance, dans ses

rapports annuels, le Dr Bouchereau revenait sur l'organisa-

tion d'un service de veille qui permît aux infirmières de se

reposer la nuit, et j'ai vu avec quelle chaleur il remerciait

des améliorations obtenues. Ici même, vous m'avez en-

tendu prendre la parole pour signaler des réformes à pour-

suivre, notamment au sujet du régime alimentaire et au sujet

de l'organisation d'ateliers pour les malades. Il fut un des

précurseurs dans cette voie du travail des aliénés, et, à ce

point de vue comme à bien d'autres, son service était consi-

déré comme un modèle. Il contribua puissamment aussi à

créer les colonies de traitement familial; il s'était montré,

dès la première heure, partisan résolu de ce mode d'assis-

tance, et c'est de son service qu'est parti le premier convoi

de malades à destination de Dun-sur-Auron.

En proclamant, le 24 février dernier, devant une tombe

ouverte, quel chef de service exemplaire fut le Dr Bouchereau,

M. Pelletier l'appréciait en ces termes : « D'un caractère

franc et loyal, paternel pour ses malades, bienveillant sans

faiblesse avec son personnl, maître autani aimé qu'estimé de

ses nombreux élèves, sa vie présente une admirable unité,

c'est-à-dire un dévouement absolu et sans trêve aux malheu-

reux confiés à ses soins. Chez cette nature d'élite, les années

ne ralentirent ni l'activité bienfaisante, ni les constants efforts

vers le progrès... Il laissera dans cet asile, dont il fut un des

fondateurs, une mémoire pure et durable ; il y laissera en

même temps l'exemple et l'enseignement d'une noble vie. »

Écoutez aussi, ces dernières lignes d'une notice publiée

dans le Progrès médical par M. Boissier : « Bouchereau ne

laisse derrière lui que d'unanimes et sincères regrets, sans

un envieux, sans un ennemi. »

varia. zig1 J

Ainsi donc, Messieurs, le Dr Bouchereau fut un de ces

hommes, trop rares peut-être, dont la vie s'est toujours

développée en pleine lumière, et qui, à leur heure dernière,

n'ont entendu autour d'eux qu'un murmure de gratitude et

de sympathie. Avoir le don de se faire aimer ! n'est-ce pas

le plus beau des rêves, et nous est-il, en vérité, permis de

plaindre l'homme qui le vit se réaliser ? Il sera mieux que

nous honorions sa mémoire en cherchant à faire revivre en

nous-mêmes les exemples civiques qu'il nous a légués.

C'est dans ce sentiment que nous allons, Messieurs, re-

prendre nos travaux.

VARIA.

Asiles d'aliénés.

Concours pour des emplois de médecin adjoint des asiles publics

d'aliénés. - Le président du conseil, ministre de l'intérieur et des

cultes, sur la proposition du conseiller d'État, directeur de l'as-

sistance et de l'hygiène publiques, - Vu la loi du 30 juin 1838;

l'ordonnance du 18 décembre 1839 et les décrets des 6 juin 1863 et

19 octobre 189r; - Vu le décret du 2o mars 18,lui2; Vu les arrêtés

ministériels des 18 juillet et 24 octobre 1888 et du 12 juin 1899;

Vu l'avis du conseil des inspecteurs généraux de l'assistance

publique, Arrête :

Article premier. Unconcours pour l'admissibilité aux emplois

de médecin adjoint des asiles publics d'aliénés aura lieu au mois

de mai 1900.

Art. 2. Le concours sera régional : il y aura quatre régions.

La circonscription de chaque région sera composée comme il est

indiqué dans le tableau annexé au présent arrêté. Dans la ire ré-

gion, le concours aura lieu alternativement à Lille et à Nancy. En

1900, il aura lieu à Lille. Dans la 2°, il Paris. Dans la 3°, à

Lyon. - Dans la 4°, alternativement à Montpellier, Bordeaux et

Toulouse. En 1900, il aura lieu à llontpeller.

Le nombre des places mises au concours est de douze, réparties

ainsi qu'il suit, entre les régions indiquées ci-après, savoir :

Région de Paris, G places. - Région du Nord, 3 places. Ré-

gion de l'Est, 2 places. Région du Midi, 2 places.

Art. 3. Les candidats devront être Français et docteurs d'une

des facultés de médecine de l'État et avoir satisfait à la loi sur le

382 VARIA.

recrutement de l'armée. Leur demande devra être adressée au

ministre de l'intérieur, qui leur fera connaître si elle est agréée et

s'ils sont admis à prendre part au concours.

Les demandes devront être parvenues au ministère de l'intérieur

(1 cr bureau delà directionde l'assistance et de l'hygiène publiques)

quinze jours, délai- de rigueur, avant la date fixée pour l'ouverture

du concours, qui aura lieu le 21 mai 1900.

Ils ne devront pas être âgés de plus de trente-deux ans au jour

de l'ouverture du concours. Ils auront à justifier de l'accomplisse-

ment d'un stage d'une année au moins comme interne dans un

asile public ou privé, consacré au traitement de l'aliénation men-

tale.

Les docteurs en médecine nommés par la voie du concours chefs

de clinique 1 ou internes dans les hôpitaux sont assimilés aux in-

ternes des asiles d'aliénés, et comme tels admis à prendre part au

concours sous les mêmes conditions de nationalité, d'âge et de

stage. Toute demande sera, en conséquence, accompagnée des

pièces faisant la preuve du stage, de l'acte de naissance du postu-

lant ainsi que de ses diplômes et états de services quelconques.

Les candidats seront libres de concourir, à leur choix, dans l'une

ou l'autre des régions. Au sur et à mesure des vacances d'emploi

qui se produiront dans les asiles publics de la région où ils auront

passé le concours, les candidats déclarés admissibles seront dési-

gnés au choix des préfets suivant l'ordre de classement établi par

le jury d'après le mérite des examens.

Art. 4. - A titre exceptionnel et lorsqu'il y aurait urgence à

nommer le médecin adjoint d'un asile dans une région où la liste

des admissibles se trouverait épuisée, l'administration supérieure

conservera la faculté d'appeler à cet emploi un candidat d'une

autre région. Tout médecin adjoint nommé pour son début dans

la région où il aura concouru pourra être ensuite envoyé avec ses

mêmes fonctions dans un asile situé hors de cette région.

Art. 5. - Les médecins adjoints pourront être nommés méde-

cins en chef ou directeurs médecins dans toute la France.

Art. 6. Le jury chargé de juger les résultats du concours sera

composé dans chaque région : 1° d'un inspecteur général des éta-

blissements de bienfaisance, docteur en médecine président ;

2° d'un professeur désigné par la faculté de médecine de la région

où se tiendra le concours ; 3° de trois directeurs médecins ou mé-

decins en chef de la région.

Les directeurs médecins et les médecins en chef appelés à faire

partie du jury seront désignés par voie de tirage au sort parmi les

docteurs qui remplissent l'une ou l'autre de ces fonctions dans un

' Chefs de clinique... dans les hôpitaux, c'est plutôt chefs de clinique

des Facultés de médecine qu'il faudrait dire.

VARIA. 383

des asiles publics dela région. Il sera procédé, en outre, au tirage

au sort d'un juré suppléant pris également parmi les directeurs

médecins et médecins en chef.

Art. 7. Les épreuves sont au nombre de quatre : 1° Une ques-

tion écrite portant sur l'anatomie et la physiologie du système

nerveux, pour laquelle il sera accordé trois heures aux candidats.

Le maximum des points sera de 30.

2° Une question orale portant sur la médecine et la chirurgie en

général, pour laquelle il sera accordé vingt minutes de réflexion

et quinze minutes pour la dissertation. Le maximum des points

sera de 20.

3° Une épreuve clinique sur deux malades aliénés. Il sera ac-

cordé trente minutes pour l'examen des deux malades, quinze

minutes de réflexion et trente minutes d'exposition. L'un des deux

malades devra être examiné et discuté plus spécialement au point

de vue médico-légal. Le maximum des points sera de 30.

4° Une épreuve sur titres. Les travaux scientifiques antérieurs

des candidats seront examinés par le jury et feront l'objet d'un

rapport qui pourra être communiqué aux candidats sur leur

demande. Le maximum des points sera de 10. Les points pour cette

épreuve devront être donnés au début de la première séance de

lecture des compositions écrites.

Art. 8. Ne sera pas soumis aux épreuves du concours insti-

tué par le présent arrêté le chef de clinique de pathologie mentale

et des maladies de l'encéphale de la faculté de médecine de l'uni-

versité de Paris, qui aura subi l'examen pour obtenir ce poste, en

conformité de l'arrêté du ministre de l'instruction publique et des

beaux-arts, du 12 juin 1899.

Le chef de clinique se trouvera par ce fait dans les mêmes condi-

tions pour être nommé médecin adjoint des asiles publics d'aliénés

que les candidats déclarés admissibles à la suite du présent concours.

11 ne pourra toutefois être appelé à ce poste qu'après l'épuisement

complet de la liste des candidats qui auront concouru antérieure-

ment à sa nomination de chef de clinique '.

Art. 9. Le conseiller d'État, directeur de l'assistance et de

l'hygiène publiques, est chargé de l'exécution du présent arrêté.

Fait à Paris, le 7 mars 1900. VALDECâ-Ij0U85EAU.

Répartition des départements entre les quatre régions établies pour

le concours de l'adjuvat des asiles publics d'aliénés.

Région de Paris. - Calvados, Cher, Côtes-du-Nord, Deux-

Sèvres, Eure, Eure-et-Loir, Finistère, llle-et-Vilaine, Indre, Indre-

' On ne dit pas s'il sera appelé à choisir avant ou après les candidats

qui seront nommés à la suite du concours annoncé.

384 FAITS DIVERS.

et-Loire, Loir-et-Cher, Loire-Inférieure, Loiret, Manche, Maine-et-

Loire, Mayenne, Morbihan, Oise, Orne, Sarthe, Seine, Seine-et-

Oise, Seine-et-Marne, Seine-Inférieure, Vendée, Vienne.

Région du Nord. - Aisne, Ardennes, Aube, Belfort, Doubs,

Marne, Haute-Marne, Meurthe-et-Moselle, Meuse, Nord, Pas-de-

Calais, Haute-Saône, Somme, Vosges.

Région de l'Est. - Ain, Allier, Hautes-Alpes, Ardèche, Côte-

d'Or, Drôme, Isère, Jura, Loire, Haute-Loire, Nièvre, Puy-de-

Dôme, Rhône, Saône-et-Loire, Savoie, Haute-Savoie, Yonne.

Région du Midi. Aude, Basses- Alpes, Alpes-maritimes,

Ariège, Aveyron, Bouches-du-Rhône, Cantal, Charente, Charente-

Intérieure, Corrèze, Corse, Creuse, Dordogne, Gard, Haute-Ga-

ronne, Gers, Gironde, Hérault, Landes, Lot, Lot-et-Garonne, Lo-

zère, Basses-Pyrénées, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Orientales,

Tarn, Tarn-et-Garonne, Var, Vaucluse, Haute- Vienne, Algérie.

Cet arrêté comporterait un certain nombre de réflexions.

Nous nous bornerons à relever que, au ministère de l'inté-

rieur, on ne parait pas se rendre un compte suffisant de la

préparation d'un concours. N'accorder que deux mois et

demi aux candidats pour se préparer à un concours de ce

genre, qui doit être sérieux, est absolument insuffisant.

FAITS DIVERS.

Asiles d'aliénés. Promotions : M. le D1' Blin, médecin en

chef de la colonie annexée à l'asile public d'aliénés de Vaucluse,

est compris dans la 2° classe du cadre; M. le D1' Vigouroux,

médecin adjoint à la colonie familiale de Dun-sur-Auron (Cher) est

nommé médecin en chef dans le même établissement (poste créé).

Asile d'aliénés DE Saint-Alban. Un emploi de second interne en

médecine est vacant à l'Asile public d'aliénés de Saint-Alban (Lo-

zère). - 600 francs, logement, nourriture, chauffage, éclairage,

blanchissage. Conditions : 12 inscriptions. S'adresser au directeur

de l'Asile.

Le rédacteur-gérant : BOURNEVILLE.

Éweux, Ch. Héhissey, imp ? r1000.

Vol. IX. Mai 1900. N° 53.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE MENTALE.

Hyperesthésie corticale dans l'alcoolisme aigu;

PAR LES DOCTEURS .

P. COLOLIAN, et T A. RODIET,

Ancien interne des asiles de la Seine. Interne de l'infirmerie du Dépôt.

I

Considéré au point de vue médical et social, l'alcoolisme

. est une de ces questions ardentes qui ont été l'objet de tra-

vaux considérables. Mais un point sur lequel l'attention n'a

pas été attirée, ou du moins qui n'a fait naître que quelques

constatations restreintes, c'est l'hyperesthésie de l'écorce céré-

brale, dont sont atteints plusieurs alcooliques. C'est au cours

de l'alcoolisme aigu que les malades la manifestent. Dès la

première heure de leur internement, et quelques jours de

suite, même chez ceux qui ne semblent plus avoir d'halluci-

nations, on peut, par une excitation externe, réveiller des

troubles hallucinatoires dans la sphère- de tel ou tel sens,

phénomène dû à l'hyperesthésie des couches grises du

cerveau.

Ce sont ces phénomènes que nous avons recherchés très

minutieusement chez nos malades dans les services de nos

maîtres, à l'Infirmerie du Dépôt, chez M. Garnier, et à l'ad,¡"">1"

mission de Sainte-Anne, dans le service de M. Magnan. "

Liepmann, un des premiers, observa cette hyperesthésie :

Archives, 2' série, t. IX. 25 . :

386 CLINIQUE MENTALE.

il fit naître des hallucinations visuelles en pressant sur les

globes oculaires. On avait déjà constaté qu'il suffisait de faire

fermer les yeux aux malades pour que les hallucinations

apparaissent (Krafft-Ebing).

M. Magnan -a noté « que des chocs sur la peau peuvent

provoquer la sensation d'une morsure, de la reptation d'une

couleuvre, de la piqûre d'un insecte, etc., et appeler même

des hallucinations très nettes des autres sens (vue, ouïe,

odorat, etc.)1 ». En soufflant dans le conduit auditif externe,

il a vu souvent s'éveiller des hallucinations auditives.

Un auteur russe, Mierzejewski2, qui a étudié quelques-uns

deces phénomènes, observe qu'au début du delirium tremens,

il existe une telle excitation dans la sphère de la vision que

l'impression chromatique laisse une trace longuement per-

sistante. Si les visions hallucinatoires surviennent chez ces

malades au moment où, à la périphérie le nerf optique est

soumis à une forte excitation par le fait d'une trace forte-

ment colorée, cette dernière vient se confondre avec la figure

hallucinatoire, pour lui prêter la teinte correspondante, ou

des accessoires.

Ce même auteur a observé un alcoolique chez lequel la

sensation éprouvée par la peau se confondait avec l'halluci-

nation, et en déterminait la localisation. La percussion de la

peau avec l'aide d'un marteau, provoquait chez cet individu

des hallucinations auditives, se traduisant par des voix inju- .

rieuses. Ainsi, pour plusieurs auteurs, l'excitation cutanée

peut produire des hallucinations réflexes.

D'autres phénomènes ont été observés, prouvant toujours

l'excitation corticale, l'hyperesthésie des centres nerveux en

.général, mais surtout des organes des sens. Ainsi, de même

- que chez les persécutés non alcooliques ou persécutés déli-

rants chroniques, l'excitation ou l'hallucination d'un des sens

provoque bien d'autres hallucinations chez les alcooliques

ayant des tendances au délire de persécution, ou franche-

ment persécutés. L'un de nous a signalé ces phénomènes

dans sa thèse inaugurale3. Un alcoolique persécuté trouve

, Magnan. Leçons cliniques sur les maladies mentales, 1S97, p. 207.

. Mierzejewski. Contribution à l'élude des hallucinations alcooliques.

(Extrait des Archives slaves de Biologie, mars 1886.)

' Cololian. Les alcooliques persécutés. (Thèse de Paris, 1897.)

HYPERESTHÉSIE CORTICALE DANS L'ALCOOLISME AIGU. 387

mauvais goût aux aliments; aussitôt il sent des odeurs par-

ticulières qui le fixent sur la nature des aliments qu'on lui

sert : ils sont empoisonnés. Le trouble de la dégustation,

l'hallucination gustative éveille un autre trouble, celui de la

membrane olfactive, et l'interprétation délirante naît consé-

cutivement.

L'auteur russe, que nous avons cité plus haut rapporte des

phénomènes analogues. Il y a des sujets, dit-il, chez lesquels

l'excitation d'un des organes sensuels donne lieu à deux

sensations distinctes : l'une a pour siège la sphère de l'organe

qui subit l'excitation, tandis que l'autre se déclare dans la

sphère d'un sens qui, en apparence, n'est nullement intéressé

par l'excitation. L'observation de Brühl sur les deux frères

Nüssbaumer en est un exemple. L'audition des sons musicaux

réveillait chez ces deux frères des sensations chromatiques

où chaque ton musical avait la couleur correspondante déter-

minée ; à tel point que ces jeunes gens durent renoncer à

fréquenter les concerts où la multiplicité des couleurs qu'ils

percevaient simultanément avec les tons musicaux les jetait

dans une grande agitation.

D'autres alcooliques, toujours à écorce cérébrale hyperes-

thésiée, ayant des hallucinations, voient leurs perceptions

fausses augmenter d'intensité sous l'action d'une excitation

périphérique. Nous avons vu un cas semblable dans le service

de il. Magnan. C'était un homme adulte, alcoolique forte-

ment halluciné. Il suffisait de lui percuter la poitrine pour

qu'immédiatement les voix injurieuses redoublassent d'inten-

sité et de tonalité. D'ailleurs nous rappelons plus loin

l'observation d'un malade chez qui les frictions sur les oreilles

et l'application des mains sur le conduit auditif externe

réveillaient et exagéraient les hallucinations de l'ouïe. Les

hommes, cachés pour le tuer, parlaient plus haut. Cela

durait deux, minutes environ, puis les hallucinations redeve-

naient plus confuses, plus éloignées, telles qu'on les obser-

vait avant l'excitation.

Dans cet ordre de faits, Mierzejewski cite le cas d'un avocat

halluciné entendant des voix d'espions. Ces voix venaient-

elles à se taire, ou devenaient-elles confuses, le malade se

frictionnait la peau de l'avant-bras à plusieurs reprises en

prêtant l'oreille. Ce procédé, assurait-il, lui facilitait la per-

ception des paroles proférées par les espions, en les rendant

388 CLINIQUE MENTALE.

plus intelligibles et plus nettes. Voilà donc ce que nous

avons cherché à éveiller chez nos alcooliques.

Chez les uns, nous excitons les membranes olfactives en

comprimant et lâchant alternativement les narines. Ces

sensations sont-presque toujours très désagréables. Ils nuus

disent sentir le « poisson pourri », le « soufre brûlé », ou

bien le « tabac » (nous ne fumons pas), « la menthe très

forte, la menthe acidulée». Il y a de rares privilégiés qui

sentent « la rose ». Nous pourrions multiplier ces exemples,

prouver que ces sensations durent quelques minutes, qu'on

peut les éveiller plusieurs fois de suite, chaque fois qu'on

excite la membrane olfactive' Mais nous les étudierons en

détail, et avec tous leurs caractères dans nos observations.

En frottant légèrement la face supérieure de la langue,

avec une pointe émoussée ou simplement un bout de papier,

après avoir fait fermer les yeux au malade, nous avons

provoqué des hallucinations gustatives très accentuées. L'un

nous dit lui avoir mis dans la bouche « du sulfate de soude »,

« de la quinine », et il fait une grimace. Un autre prétend,

fâché, qu'on le force à avaler des choses très amères, il

crache avec dégoût. Un troisième croit déguster de « l'ab-

sinthe ». La sensation de celte liqueur, disons-le en passant,

revient souvent troubler le souvenir de nos malades. Pour-

tant, dans la sphère de la gustation, les troubles provoqués

sont, en général, de nature désagréable. On pourra remar-

quer que les alcooliques ayant des troubles gaslro-intesti-

naux, ont communément la bouche « mauvaise ». Certes,

mais comment expliquer autrement que par l'hyperesthésie

corticale, que le même malade, calme, n'ayant aucun mau-

vais goût en bouche, sente la « quinine » après une légère

excitation, et fasse effort pour la cracher. La sensation hal-

lucinatoire est chez lui tellement nette qu'il nous reproche

de lui donner le médicament amer, et qu'il raisonne avec

entêtement : « Mais je n'ai pas de fièvre, pourquoi me faire

prendre de la quinine ? » Quoique rares, des sensations plus

agréables se révèlent quelquefois. Un malade avait le goût

du « sucre », un autre, un « goût agréable » qu'il ne pouvait

définir.

Pour l'audition, nous avons, comme M. Magnan, obtenu

des hallucinations en ne variant que la façon de les obtenir.

Notre maître soufflait dans le conduit auditif, et les halluci-

HYPERESTHÉSIE CORTICALE DANS L'ALCOOLISME AIGU. 380

nations s'éveillaient sous ce simple souffle. Nous tapotons sur

les conduits auditifs extérieurs très légèrement, bien entendu,

avec la paume des deux mains; ou nous appliquons simple-

ment les mains sur les oreilles, c'est toujours, en résumé,

le même principe : exciter le nerf acoustique, le centre

auditif, afin de provoquer l'hallucination.

Il n'est pas toujours nécessaire de recourir à une action

mécanique pour éveiller les troubles. Chez certains malades,

fortement intoxiqués, la suggestion suffit. Il ne faut qu'attirer

alors l'attention de l'alcoolique sur un objet quelconque, et

lui dire d'un ton affirmatif : « regardez, voyez-vous l'homme

qui est là. » Le malade qui contait son histoire de.voleurs,

d'assassins, sans paraître halluciné, hésite un instant, puis

avoue en effet apercevoir l'homme qui « lui fait des gri-

maces ». On peut à l'infini varier ces hallucinations sug-

gestives.

M. llierzejewslci combine la suggestion à une légère exci-

tation. « On applique, dit-il, la main sur la poitrine d'un de

ces alcooliques dont l'attention est fortement captivée par

des illusions des sens. Si, en même temps on lui crie qu'une

araignée, une grenouille ou un être de ce genre rampe sur

sa poitrine, on verra le malade fixer des yeux l'endroit

désigné, et, une expression d'horreur peinte sur le visage,

repousser des mains l'objet imaginaire. »

L'hyperesthésie, que nous cherchons, dans ce travail, à

localiser dans l'écorce cérébrale, dans les centres des sens,

n'est cependant pas limitée au cerveau. Les nerfs périphé-

riques, les terminaisons nerveuses sont aussi le champ de

l'envahissement alcoolique. Ou trouve fréquemment chez les

alcooliques une hyperesthésie périphérique, que nous avons

signalée dans nos observations, pour rester fidèles à la

clinique.

Toutefois, bien qu'il y ait hyperesthésie aux centres et à

la périphérie, la nature de la lésion n'est pas la même. La

cause dans les deux cas est l'alcool, sans doute, mais tandis

qu'il y a aux centres une surexcitation qui provoque des

hallucinations sous la moindre excitation d'un des organes

sensoriels, à la périphérie il y a toute autre chose. Aux

centres, les sensations sont subjectives, ce sont des percep-

tions sans objet; à la périphérie, il y a une lésion réelle, la

névrite alcoolique, bien étudiée par Charcot et ses élèves.

390 CLINIQUE MENTALE.

Le cerveau, qui réagit sous le moindre choc, est alcoolisé,

mais non lésé encore; les nerfs qui réagissent très doulou-

reusement, sont pathologiquement atteints. Au cerveau ce

sont des hallucinations; à la périphérie, ce sont de vraies

douleurs, des douleurs réelles provoquées par la lésion.

Voilà pourquoi, tout en les signalant dans nos observa-

tions, nous écartons l'étude des hyperesthésies périphériques

pures. Nous pouvons noter en passant, comme on l'a signalé

depuis Magnus IIuss, que ces hyperesthésies périphériques

existent surtout au début de l'intoxication alcoolique, autre-

ment dit, et qu'elles ont pour siège les membres, le plus

ordinairement. t.

Cette hyperesthésie cutanée produit des interprétations

délirantes et hallucinatoires ; à ce litre, elle entre dans notre

sujet. Ainsi, le malade, à qui l'on donne des petits coups sur

la poitrine ou les membres, sent douloureusement le choc.

C'est le nerf malade qui réagit. Mais immédiatement des

hallucinations le réveillent, le malade ressent des morsures,

des piqûres d'animaux, « la reptation d'une couleuvre »

(Magnan), c'est que le cerveau hyperesthésie intervient.

Tous ces phénomènes ne sont pas très fréquents, on ne

les trouve point à chaque pas, il faut avec patience les

rechercher. Pour les observer, nous avons examiné un bien

grand nombre de malades. Et il a fallu les examiner dès la

première heure de leur internement, alors qu'ils n'avaient

pu se débarrasser encore complètement de leur toxique.

C'est à ce moment qu'on peut se rendre compte de l'hyper-

esthésie des couches corticales du cerveau. Dans deux ser-

vices seulement nous pouvions rencontrer de pareils cas : à

l'Infirmerie du Dépôt et à l'Admission de Sainte-Anne, ser-

vices qui donnent journellement asile à un grand nombre

d'aliénés. Chacun de nous ayant été interne dans un de ces

services, le choix des malades nous était facile.

Autant que possible nous avons écarté les alcooliques réci-

divistes, les ivrognes qui, comme des hirondelles d'infortune

et de vice, reviennent périodiquement chercher le calme et

l'hygiène de l'asile. Beaucoup de ces malades, d'après le peu

d'expérience que nous avons des aliénés, nous semblent trop

complaisants aux médecins. Ils racontent tout ce qu'on veut,

avec force détails, et le désir de plaire supplée souvent à la

réalité dans leur imagination. Il faut s'en méfier. D'ailleurs,

HYPERESTHÉSIE CORTICALE DANS L'ALCOOLISME AIGU. 391 L

pour bien mettre en évidence les phénomènes que nous

recherchions, nous avions la prévoyance de ne point sug-

gérer, aussitôt en face du malade, des idées qui pussent

éveiller des hallucinations. En frottant les globes oculaires,

nous ne disions pas : « voyez-vous telle chose ? » mais nous

interrogions simplement : « que voyez-vous ? regardez bien;

qu'entendez-vous ? écoutez bien. » .

La suggestion pure venait à son temps, isolément, sans

aucune excitation périphérique, en simple suggestion à l'état

de veille. ,

Parmi tous les alcooliques, nous faisions encore un choix.

Quand il s'agit de démontrer un nouveau phénomène chez

des malades, il faut des faits probants, nets, au-dessus de

toute discussion. Nous éliminions donc, et d'emblée,

les alcooliques très fortement intoxiqués, atteints d'une

grande agitation mentale et physique, les cas de delirium

treanens, avec ou sans fièvre. Nous savons tous qu'il est

impossible de fixer l'attention de ces malades. Et c'est la

première condition que nous réclamions : alcooliques, oui,

mais pas agités. On voit ainsi après combien d'éliminations

nous avons pu recueillir les quelques observations que nous

rapportons.

Un obstacle d'ordre non médical, mais social, s'est dressé

devant nous à l'infirmerie du Dépôt. Le nombre des alcoo-

liques femmes, dans les conditions qu'il nous fallait, est très

restreint. La plupart étaient trop agitées pour subir l'épreuve

de l'excitabilité corticale. Ces quelques examens des femmes

placées sous la surveillance des soeurs, devenaient un vrai

labeur. Mais il ne nous appartient pas de critiquer l'ordre des

choses, des constitutions médico-religieuses. Revenons à nos

malades.

II.

Observation I. Dégénérescence mentale. Père alcoolique ;

frères buveur*. Habitudes alcooliques depuis l'âge de vingt-

deux ans. - Dipsomanie à l'époque des. règles. - Accès subuigu

de l'alcoolisme. Hyperesthésie du centre auditif.

C..., quarante-trois ans, teinturière, entrée à l'infirmerie du

Dépôt le 3 juillet 1899, à 9 heures du soir. Sortie le juillet à

6 heures du soir.

Antécédents héréditaires. Père charbonnier, mort il y a deux

392 CLINIQUE MENTALE.

ans; alcoolique, buvait surtout du vin, prenait aussi la goutte tous

les matins. Mère vivante, en bonne santé, non buveuse. Trois frères

bien portants, buveurs.

Antécédents personnels. - N'a jamais rien eu étant jeune, si ce

n'est la scarlatine à l'âge de trois ans. A été à l'école jusqu'à qua-

torze ans ; apprenait facilement mais ne travaillait pas, dit-elle,

car le travail l'ennuyait. N'a jamais eu de convulsions, mais un

caractère irritable.

A quinze ans, elle entre en apprentissage comme blanchisseuse.

A cette époque ne buvait pas du tout, car elle était très surveillée

par sa mère. Elle quitte sa famille à l'âge de vingt-deux ans, pour

vivre avec un amant qui l'emmène à Paris et l'entretient assez lar-

gement pour qu'elle ne travaille pas. Mais comme il était buveur

lui-même, il lui donne, dès les premiers jours de vie commune,

des habitudes d'alcoolisme. Du vin blanc tous les matins, comme

apéritif du vermouth ou de l'absinthe, aux repas du vin blanc, du

café et le petit verre, tel était le régime.

Depuis longtemps déjà la femme C... remarque qu'il y a certains

moments où elle éprouve le besoin de boire et ne peut y résister.

C'est surtout à l'époque de ses règles qu'elle est prise de cette im-

pulsion irrésistible. Deux jours avant ou la veille de ses menstrues,

elle prend du vin et du cognac jusqu'à ce qu'elle soit en complet

état d'ivresse. Pendant tout le temps que durent ses règles, la dip-

somanie persiste. L'écoulement terminé, elle reprend son régime

ordinaire. Quand elle était jeune fille, et avant de connaître son

amant, elle n'éprouvait pas ce besoin d'ivrognerie. Son amant l'a

quittée il y a trois mois, et depuis elle boit davantage pour

s'étourdir et oublier cet abandon.

Depuis quatre ans environ les nuits sont mauvaises. Outre les

insomnies, elle avait des crampes, des douleurs dans les mollets,

des cauchemars. Elle se réveillait brusquement au milieu de la

nuit, criant qu'on voulait l'assassiner, que des hommes étaient

dans sa chambre. Après le départ de son amant, C..., pour faire

diversion à son chagrin, buvait le soir en se couchant du rhum ou

du cognac.

Depuis trois mois, et surtout depuis un mois, les nuits sont de

plus en plus troublées, un cauchemar persistant se reproduit,

presque toujours pendant son sommeil. On entre chez elle pour la

violer, des hommes lui tiennent les bras, d'autres les jambes et

l'on se livre sur elle au coït. Actuellement, depuis quelques jours,

elle voit dans sa chambre des télescopes sans cesse braqués sur elle,

pour observer ses moindres mouvements. Des hommes qu'elle

appelle des sténographes, entrent chez elle « innombrables», sui-

vant son expression ; ils lui parlent, disent « qu'elle est en catalep-

sie, qu'il faut la violer, la tuer ensuite », etc. Ils lui font respirer de

HYPERESTHÉSIE CORTICALE DANS L'ALCOOLISME AIGU. 393

l'encens, de la myrrhe, ou bien du chloroforme, du sérum. « En

ce moment, dit-elle, ma chambre est pleine d'odeurs. »

Examinée douze heures environ après son arrestation, C..., très

surexcitée lors de son entrée, est calme et répond avec intelligence

aux demandes qui lui sont faites.

C'est une femme petite, plutôt laide, mais la physionomie

expressive, les yeux vifs, les dents bien plantées, ne présentant

pas de signes physiques apparents de dégénérescence. Pas de

tremblements du corps, des mains seulement et de la langue. Pas

d'hyperesthésie ou d'anesthésie.

Les chocs sur la paroi costale ne réveillent aucune espèce d'hal-

lucinations. Du côté des réflexes on trouve une exagération assez

marquée, surtout en ce qui concerne le réflexe patellaire.

La malade ne présente pas en ce moment d'hallucinations spon-

tanées de la vue, ainsi qu'on l'a observé chez elle cette nuit pen-

dant qu'elle était en cellule. Les pressions légères sur les globes

oculaires lui font voir des étincelles, des petites flammes, et ce

qu'elle appelle « un miroitement », persistant encore quelques

secondes après avoir cessé les pressions. Mais elle ne voit pas ceux

qu'elle nomme les « sténographes», et la suggestion est impuis-

sante à reproduire les effets du cauchemar.

En revanche, si on lui frictionne légèrement les oreilles, et qu'on

tienne les mains appliquées un certain temps sur le conduit audi-

tif externe, elle entend venir derrière le mur ses interlocuteurs

habituels, et ils lui disent très nettement : «Tu nous em... la

C... ; tu n'es pas folle » ; un instant après, ils disent encore a m... »,

puis elle ne les entend plus. L'hallucination a duré environ une

minute. On la reproduit de la même façon vingt minutes après la

première expérience. En ce qui concerne les autres sens, odorat,

goût, on ne note rien de particulier.

4 juillet. La nuit a été assez calme, la malade a dormi quel-

que peu. Les hallucinations de l'ouie sont par instants spontanées,

mais si dans un moment de calme on refait l'expérience de la

veille, immédiatement la malade se plaint d'entendre des grossiè-

retés par les mêmes « sténographes » qui reviennent sans cesse

dans son délire.

S --nlême état. Transférée il l'Asile clinique.

Voilà donc une première malade dont le père était alcoo-

lique. Les enfants de cet ivrogne sont tous devenus buveurs

soit d'absinthe, soit de vin. Notre malade est, de plus, une

dégénérée syndromique, la crise de dipsomanie à l'époque

des règles nous prouve combien ce cerveau était peu résistant.

La dipsomanie apparaît surtout quand une cause physiolo-

394 CLINIQUE MENTALE.

gique, les menstrues, intervient, augmentant le nervosisme

et amoindrissant la force volontaire, la résistance cérébrale.

Au moment de ses règles, contrainte par le syndrome

dipsomanie, et en temps ordinaire;- par le penchant hérédi-

taire C... boit, et la crise d'alcoolisme subaigu survient. Les

hallucinations ne semblent pas très fréquentes chez elle, le

cerveau est peu hyperesthésié dans sa totalité. Mais, si les

centres de la vision, de l'olfaction, de la gustation restent

sourds aux excitants, le centre auditif retentit sous la très

légère irritation de la membrane du tympan. En maintenant

nos mains sur les oreilles de la malade, ou bien en les frot-

tant, elle entend des voix hallucinatoires, qui cessent un peu

après la suspention de l'excitation, pour réapparaître avec

elle.

Observation II. Alcoolisme héréditaire : mère buveuse d'absinthe ;

grand-père matel'wl alcoolique. Convulsions dans l'enfance. -

Habitudes d'alcoolisme depuis l'âge de dix-huit ans. Actuelle-

ment alcoolisme subaigu, hallucinations multiples ; hyperesthésie

deseentres auditifs, gustlltirs et de la vision.

L... Arsène, trente-deux ans, garçon de lavoir, entré à l'infir-

merie du Dépôt le 13 juin 1899, à trois heures du soir, sorti le

14 juin à six heures du soir. Jamais arrêté pour ivresse ni interné.

Examiné quatre heures après son arrivée.

Antécédents héré liiaires. Grand-père maternel alcoolique.

Père ébéniste, séparé de sa femme, non buveur. - Mère patronne

de lavoir, buveuse de vin et [d'absinthe, a fait, d'après les rensei-

gnements de l'homme d'affaires, un héritage d'une grosse somme,

en partie dissipé actuellement. Pas d'autres enfants.

Antécédents personnels. Convulsions pendant sa jeunesse.

Fièvre typhoïde à l'àge de treize ans, ayant duré deux mois. A

dix-huit ans, le malade buvait déjà beaucoup. Il aidait sa mère

dans les travaux du lavoir, « et, dit-il, c'est un métier qui donne

soif, il fait très chaud dans les lavoirs : les laveuses ont continuel-

lement besoin de feu pour sécher le linge ·. Son régime est tou-

jours le même depuis quatorze années : un petit verre de marc le

matin en se levant, vin blanc comme apéritif avant déjeuner, à

table, environ un litre de vin rouge à chaque repas, café avec petit

verre après déjeuner, et absinthe avant diner.

Depuis quelque temps, à la suite d'accidents et sur le conseil du

médecin, L... avait cessé de prendre l'absinthe, mais l'avait rem-

placée par l'amer picon. Aussi, depuis longtemps les symptômes

d'alcoolisme ont apparu : insomnies avec hallucinations nocturnes.

tremblement des mains, crampes dans les mollets.

HYPERESTHESIE CORTICALE DANS L'ALCOOLISME AIGU. 395

Au commencement de l'année 1808, le malade fut pris au milieu

de la nuit, d'un accès de delirimn tremens, d'après le diagnostic

du médecin qui fut appelé immédiatement.

Plus récemment, dès le début de la période de vingt-huit jours

que notre malade accomplit à l'heure actuelle, il se produisit une

nouvelle attaque de delirium lremens. La mise en réforme fut

même discutée par les médecins militaires.

L... s'était marié, il y a à peu près un an, avec une femme plus

jeune que lui. Dès les premiers jours du mariage, il l'accuse de ne

pas l'aimer, d'être froide avec lui, de le tromper, d'être de conni-

vence avec sa mère pour se moquer de lui. Depuis trois mois sur-

tout, il est triste, parle de se tuer « pour ne plus avoir d'ennuis ».

Sa mère, qui le voit de plus en plus incohérent, et craint un

malheur, car sa bru a quitté le domicile conjugal depuis dixjours,

se décide à faire conduire son /ils à l'infirmerie spéciale du

Dépôt.

Nous nous trouvons en présence d'un homme bien constitué,

normalement musclé, de taille moyenne. La face est rouge et cou-

verte de sueur, les yeux brillants; le tremblement est généralisé

à tout le corps. Les pupilles sont égales, il n'y a pas d'embarras de

la parole. Le pouls est fréquent et rapide. Rien du côté de l'appa-

reil respiratoire.

A l'examen de la sensibilité, ce qui frappe tout d'abord, c'est

une hypete.lt1uJsie très accusée au niveau de la nuque, des régions

dorsale et costale. Cette hyperesthésie n'existe ni au visage, ni à

la face antérieure et postérieure des cuisses, des jambes, mais

elle est très marquée à la plante des pieds et à la face antérieure

des bras et des avant-bras. Dans toutes ces régions hyperesthésiées,

le moindre frôlement produit une commotion et des contorsions

de tout le corps, avec des mouvements de défense, et le malade

exprime une véritable douleur.

Le pincement ne produit pas une réaction aussi vive. Des chocs

sur les régions intercostales et surtout au niveau des lombes et de

la région dorsale, provoquent le même effet que les frottements,

avec cette différence que la sensation parait persister plus long-

temps.

Vue. Par le procédé de Liepmann, les hallucinations provo-

quées sont très nettes. Le malade aperçoit des lueurs tremblo-

tantes, des étincelles, et, si on lui demande l'endroit le plus éclairé,

il désigne celui où il a vu ces lumières. Mais, chez lui, les halluci-

nations de la vue sont très fugaces, et si on essaie de les détermi-

ner à nouveau, très peu de temps après les avoir une première

fois produites, le résultat est négatif.

Ouïe. L... a les yeux fermés. On lui presse légèrement sur

les oreilles pendant quelques secondes, et on lui dit : « Ecoutez

bien, et dites-moi ce que vous entendez . » « C'est un bourdon-

396 CLINIQUE MENTALE.

nement lointain, répond-il, qui se rapproche et devient à chaque

instant plus fort ; il semble que ce soient plusieurs voitures qui se

suivent. J'entends très bien. » Après un temps : « Est-ce terminé ?

Entendez-vous toujours ? » « Pas encore, dit-il, le bruit vient

des berges de la Seine, il est encore plus éclatant que tout à

l'heure et il se rapproche. » Puis, tout à coup, deux minutes envi-

ron après le début de la sensation, le malade s'écrie : « Je n'en-

tends plus rien, c'est fini. »

Quinze minutes après cette première tentative, on la renouvelle

et le résultat est le même, le même bruit qui est entendu, l'im-

pression en est rendue dans des termes identiques.

Goût. - On ferme les yeux du malade, on lui fait tirer la langue

et on lui passe dessus une -feuille de papier roulé : « Avalez,

lui dit-on, quel goût avez-vous dans la bouche ? » « Vous

m'avez fait prendre une poudre qui a une odeur d'absinthe, mais

bien plus forte, répond-il, Dieu ! que c'est mauvais ! » Vous

aimez pourtant l'absinthe. « Oui, mais ce que vous m'avez donné

est trop fort, j'ai envie de vomir. » Et il crache. Cette impression

dure peu, mais on la reproduit facilement par le même procédé,

quelque temps après le premier essai.

Odorat. Les moyens ordinaires (pression des narines, sugges-

tion) n'amènent aucun résultat, et, à chaque interrogation, le

malade répond : « Non, je ne sens rien. »

14 juin. L... a très peu dormi ; cependant il est resté calme

et demande sa liberté, se disant guéri. Le tremblement a diminué.

Le malade est toujours sous l'influence de ses idées mélancoli-

ques, mais les hallucinations provoquées facilement hier, ne se

réveillent plus, quelle que soit l'excitation. Transféré à l'Asile

clinique.

Cet homme, L..., a une légère tare, mais une tare hérédi-

taire d'alcoolisme qui le poussait à boire. L'on n'est pas

impunément fils et petit-fils d'alcoolique. Son histoire d'al-

coolique est celle de tous ses compagnons d'infortune. Ce

sont les hyperesthésies qui nous intéressent. L... en a à la

périphérie, et aux centres; mais l'hyperesthésie périphérique

ne produit pas d'interprétation délirante.

Nous nous sommes expliqués suffisamment au début de ce

travail pour ne pas insister ici. La vue, le goût, l'ouie réa-

gissent sous l'excitation périphérique. Celle-ci provoque et

réveille aux centres des troubles hallucinatoires qui durent,

comme dans la première observation, un peu plus que l'exci-

tation.

HYPERESTHÉSIE CORTICALE DANS L'ALCOOLI811E AIGU. 397 Î

Observation il Père buveur. Habitudes alcooliques surtout

depuis quelques années. Alcoolisme subaigu, délire, de teinte

mystique, hallucinations multiples. 13peresllvésie de plusieurs

centres corticaux.

B... Pierre, soixante-cinq ans, professeur de lettres. Entré à

l'Infirmerie du Dépôt le 6 juin à neuf heures du soir ; sorti le

8juin à six heures du soir.

Antécédents héréditaires. - Père mort, d'hémorrhagie cérébrale,

très buveur. Mère morte d'une maladie de poitrine ' ? Une soeur

bien portante.

Antécédents personnels. Pas de maladies graves dans sa jeu-

nesse. Assez intelligent, B... est devenu apte il exercer la profes-

sion d'instituteur sans grandes difficultés. Le seul reproche qu'il ait

mérité vient du goût qu'il a éprouvé de bonne heure pour les bois-

sons.

Depuis quelques années surtout, B... a pris des habitudes

alcooliques très accusées. Aux repas, il boit modérément, mais

tous les matins un petit verre de marc, et avant déjeuner et dîner,

un amer picon, souvent deux. C'est là sa boisson préférée, car il

dit ne pas aimer l'absinthe. Café et petit verre après chaque repas.

Le malade, qui prétend n'avoir jamais été en état d'ivresse, ren-

trait souvent tellement ivre que sa concierge était obligée de le

coucher. D'autres fois, et cela depuis quelque temps, il ne repa-

raissait pas chez lui pendant plusieurs jours, couchant on ne sait

où.

Le 6 juin, B ? ameute toute une foule aux environs de l'Odéon

par ses discours extravagants. Il se disait envoyé par Dieu sur la

terre pour remplacer le Christ dont il est le frère. Comme lui, il

doit être crucifié pour racheter les péchés des hommes. Conduit

au commissariat de police, il est de là transféré à l'Infirmerie du

Dépôt.

Examiné douze heures après son arrivée, B... ne délire plus

avec autant d'intensité qu'au moment de son arrestation, et il est

capable de répondre aux questions posées.

C'est un homme encore robuste pour son âge, assez grand, la

figure toute rouge, les yeux brillants. Tremblement généralisé.

Comme signe physique de dégénérescence, on trouve que les

boules frontales sont complètement aplaties, ce qui fait paraître

le front presque carré ; les oreilles sont très écartées de la tète et

la voûte palatine est ogivale. Du côté de l'intelligence, il est facile

de constater que l'instruction est supérieure à la moyenne ; il

répond facilement aux questions posées sur sa vie.

Interrogé sur les troubles éprouvés par lui dans ces derniers

temps, il répond avec réticence, de même du reste qu'il avoue dif-

398 CLINIQUE MENTALE.

ficilement ses excès, il signale cependant une absence de sommeil

dont il souffrait beaucoup, dit-il. Souvent, pour se reposer, il se

couchait dans la journée, mais alors il avait des cauchemars : il

se voyait crucifié ou brûlé et jeté à l'eau. C'est même la persistance

de ce rêve, dans lequel le supplice de la croix revenait toujours,

qui le l'ait se comparer à Jésus-Christ. Très nettement il la voyait

cette croix, et la dépeint avec les bêtes immondes, serpents, rats,

grenouilles, qui rampaient et grouillaient au bas, s'efforçant de

monter jusqu'à lui.,

Outre ces rêves, depuis longtemps le malade souffre de pituites,

et de plus, il s'est aperçu que sa mémoire avait beaucoup diminué

ces derniers temps.

En examinant la sensibilité, l'on trouve une hyper·estlu'sie très

marquée aussi bien au frottement qu'à la piqûre. Le moindre attou-

chement sur la poitrine ou sur les bras, par exemple, produit un

mouvement de recul avec sur la figure une expression de douleur

très nette, et le malade s'écrie : « Mais vous me faites mal, lais-

sez-moi. » Le pincement n'amène pas une réaction aussi marquée,

et il semble que ce soit surtout une couche superficielle de la peau

qui soit hyperesthésiée. Cette exagération de la sensibilité existe

sur tout le corps, mais surtout au niveau des côtes, des membres

des régions plantaires et palmaires.

Si l'on ferme les yeux du malade et qu'on lui frappe l'une de

ces parties brusquement avec le doigt : « Ce sont des coups de

marteau pour enfoncer les clous, dit-il, comme je souffre !

Mettez-moi en croix tout de suite. »

Du côté des organes des sens, les hallucinations peuvent être

réveillées facilement et sont très nettes. Si l'on presse pendant un

certain temps sur les globes oculaires, il voit « une grosse lampe,

avec des petites bougiesqui dansent, il y aaussi une figure mais il

ne distingue pas bien », et si l'on renouvelle l'expérience, c'est

toujours la même vision qui reparaît.

Ouïe. En frottant légèrement les oreilles du malade, et en

soufflant dans le conduit auditif externe, on entend cette réponse

à la question : « Vous n'entendez rien ? » « On roule des canons

dans la cour, on dirait aussi un chemin de fer qui passe sous un

tunnel. » Et il se bouche les oreilles tellement le bruit est fort,

disant qu'il en a mal à la tête.

Goût. Si l'on touche légèrement la langue avec du papier

roulé, après avoir fermé les yeux de 13..., il demande : « Pourquoi

m'avez-vous mis de la saleté sur la langue ? C'est très pâteux et je

ne peux pas l'avaler, quel mauvais goût » »

Odorat. Des pressions légères sur les narines ne produisent

rien d'anormal.

7 juin. - B... a très peu dormi cette nuit. Il croit toujours que,

frère de Jésus, son heure est proche et qu'il sera crucifié, mais les

MALADIES NERVEUSES A L'HOPITAL MILITAIRE DE KIEF. 399

hallucinations ne sont plus aussi intenses, et on ne peut plus les

réveiller comme hier, par des moyens artificiels. Le tremblement

persiste, et aussi l'hyperesthésie épidermique. Transféré à l'asile

Sainte-Anne.

Peu de choses dans le passé de ce vieil instituteur. Ce sont

les phénomènes psychiques actuels qui doivent attirer notre

attention. Parlons d'abord de son délire mystique, rare en

général chez les alcooliques chroniques, surtout quand ce

délire prend, comme chez notre malade, une forme presque

systématique, persistant plusieurs jours de suite. L'hyperes-

thésie cutanée réveille le même délire : ce sont des coups de

marteau, on va le crucifier, qu'on se dépêche, il est prêt, lui.

Les centres hyperesthésiés réagissent de même aux exci-

tations périphériques : l'ouïe, la vue, l'odorat, le goût

deviennent les champs hallucinatoires, après une légère

irritation des nerfs sensoriels. Mais ces troubles ne durent pas.

Le lendemain tout disparaît.

B..., quoique fils d'un buveur, n'est pas un de ces dégé-

nérés, à tare héréditaire très chargée, comme ceux dont

nous rapportons plus loin l'histoire. Le cerveau a résisté long-

temps à l'intoxication avant d'enfanter un délire. Le peu

d'hyperesthésie que nous avons notée chez lui, est due surtout

à l'alcool. Nous nous expliquerons plus tard sur ces points.

(.1 suivre.)

CLINIQUE NERVEUSE.

Notes cliniques de la section des maladies nerveuses

à l'hôpital militaire de Kief ;

Par professeur S. TCI31ftII : \\-.

I. - Sur le traitement de la syphilis en général et du tabès

post-syphilitique.

Il y a plus de dix-sept ans que je suis professeur des mala-

400 CLINIQUE NERVEUSE.

dies nerveuses : d'abord je l'étais à l'hôpital militaire Nicolas

à Saint-Pétersbourg, puis il l'hôpital militaire de Kief. De

toutes les maladies organiques du système nerveux central,

qu'il m'est arrivé de rencontrer pendant ce laps de temps,

surtout parmi Messieurs les officiers, la plupart des cas se

rapportaient aux maladies du système nerveux central post-

syphilitique.

Ces observations m'ont définitivement convaincu que l'in-

iection de la syphilis comme une maladie constitutionnelle

ne peut jamais être complètement guérie. Il arrive qu'au

bout de vingt ou trente années, cette maladie n'étant pas

assez traitée mène à l'affection successive du système des

vaisseaux sanguins ou à l'hypertrophie des éléments du

tissu conjonctif du système nerveux central, laquelle ne

cède à aucun autre traitement, si ce n'est le traitement

spécifique.

Par suite de cela, à la fin de la période plus aiguë de la

syphilis qui donne diverses affections du derme et des mem-

branes muqueuses en aucun cas on ne peut regarder le ma-

lade comme complètement guéri, mais au contraire : il faut

lui expliquer, que cette maladie, par sa nature, est toujours

incurable; que, sous l'influence du traitement, elle a consi-

dérablement perdu sa force et son caractère contagieux et

qu'on ne peut répondre qu'aucune affection grave post-syphi-

litique ne le menace que, si dans l'espace des dix ou quinze

premières années, il ne répète ce traitement spécifique tous

les trois ans au moins. Tous les agents qui irritent, soit

immédiatement, soit par les vaisseaux sanguins, les éléments

du tissu conjonctif, tels que : les fréquents refroidissements

du corps, de la tête ou des extrémités, surtout des extrémités

inférieures, l'abus des boissons spiritueuses, les occupations

intellectuelles renforcées, tous les excès, etc., doivent être

absolument évités.

C'est la première conclusion à laquelle j'ai été amené

par de longues observations. La seconde conclusion, à la-

quelle je suis arrivée en observant les traitements spécifiques

réitérés des malades nerveux, qu'avaient déjà eu la syphilis

antérieurement, concerne le traitement spécifique lui-même.

Le traitement spécifique, assez répandu contre la syphilis

chez nous en Russie, de même que dans les autres endroits

du Nouveau Monde et de l'Ancien, consiste en frictions mer-

MALADIES NERVEUSES A L'HÔPITAL MILITAIRE DE KIEF. 401 l

curielles ou en injections mercurielles sous-cutanées, et sou-

vent dans l'emploi simultané intérieurement des préparations

iodurées. Quant aux bains chauds, on les prescrit, tous les

trois ou quatre jours, ou pas du tout, comme pendant les

injections mercurielles interstitielles. Pendant ce traitement

on juge de l'absorption du mercure, selon la quantité de

ce métal dans l'urine, et plus il y a de mercure dans l'urine,

plus il est absorbé par l'organisme et par là, il agit plus

énergiquement contre le virus syphilitique. Cette action du

mercure se renforce encore plus, d'après un avis très

répandu chez nous, par la combinaison des préparations

iodurées, surtout dans le traitement des cas invétérés de la

syphilis. En outre, l'introduction du mercure ioduré, directe-

ment dans l'organisme, passe pour un remède médical, encore

plus efficace contre les affections diverses syphilitiques. Seu-

lement l'apparition de la stomatite fait interrompre ce traite-

ment et souvent la veille même d'une affection des vaisseaux

sanguins plus dangereuse encore du système nerveux central.

Voyons à présent, si les effets de l'emploi du mercure et

de l'iode sur l'organisme se renforcent à cause de leur combi-

naison et si dans le fait, la quantité du mercure ioduré dans

l'urine peut servir de mesure de la saturation de l'organisme

par ces préparatifs !

Pour plus d'évidence faisons les deux expériences sui-

vantes : frictionnons deux sujets qui seraient approximati-

vement du même poids et de la même constitution, avec la

même quantité de mercure, en même temps, nous donnerons

à l'un d'eux, en outre, des préparations iodurées.

Après avoir analysé leur urine, nous trouverons chez l'in-

dividu, qui n'a pas absorbé de préparations iodurées, une

quantité de mercure bien moindre dans l'urine, que chez

l'autre. N'avons-nous pas le droit, d'en déduire que le mer-

cure s'accumule en quantité plus grande dans l'orga-

nisme de l'individu qui ne se médicamente pas par les pré-

parations iodurées que dans celui de l'autre ! Il n'en peut être

autrement, si l'on prend en considération l'équivalent en-

dosmotique des sels iodurés, surtout du mercure ioduré, par

rapport à l'épithélium néphrétique Puis admettons, que le

mercure, frictionné ou introduit d'une autre manière dans

l'organisme, forme des albuminates et de cette manière est

retenu pour quelque temps dans l'organisme. Pendant cette

Archives, 2° série, t. IX. ' 26

402 CLINIQUE NERVEUSE.

période de son séjour temporaire dans l'organisme, il agit

d'une manière destructive sur le virus syphilitique. Ensuite

les albuminates mercuriels peu à peu disparaissent et le

mercure se dégage de nouveau de l'organisme par l'urine,

par la sueur, par la salive et par toutes les autres sécrétions.

Il est clair que plus le mercure reste dans l'organisme,

plus il neutralise l'activité du virus syphilitique. Maintenant,

introduisant dans l'organisme qui reçoit le mercure, les pré-

parations iodurées, non seulement nous ne renforçons pas

l'activité du mercure, mais au contraire les préparations

iodurées, avant d'avoir produit quelque effet sur ce dernier,

se combinent avidement avec le mercure dont ils favorisent

l'élimination renforcée de l'organisme.

Après cela, nous voyons clairement, pourquoi après ce

double traitement, on rencontre beaucoup plus souvent, d'un

côté, les récidives de la syphilis et toutes les affections secon-

daires du tissu conjonctif du système nerveux central,-et de

l'autre côté, différentes affections des gencives et de la bou-

che, malgré l'emploi de différents gargarismes. Ainsi, nous

arrivons à conclure que le traitement simultané par le

mercure et par l'iode, surtout par les préparations du mercure

ioduré, doit être positivement abandonné.

Voyons maintenant, quelle forme du traitement mercuriel

il faut préférer : les frictions mercurielles, les pilules mercu-

rielles ou les injections sous-cutanées ? Il me semble qu'il ne

peut y avoir le moindre doute sur l'efficacité des frictions

mercurielles ! Il s'agit à présent de savoir sous quelle forme

employer le mercure pour les frictions, quelle partie du

corps frictionner et à quels intervalles ? Outre, l'ancienne

préparation mercurielle (unguent. hydrarg. ciner. simplex et

duplex), les médecins d'Aix-la-Chapelle, ont en usage, ces

derniers temps, le savon au mercure (sapo mercurialis), dont

on frotte le corps du malade, trempant la main dans l'eau,

durant un temps moins long, que ne le nécessite la friction

avec, l'onguent. Et moi aussi, me fondant sur ma pratique per-

sonnelle, je puis dire, que le savon au mercure, préparé par

le pharmacien d'Aix-la-Chapelle Neunerdt, se prête mieux

aux frictions et plus vite que l'onguent et que l'organisme

absorbe plus de mercure, en tant qu'on peut en juger, par la

quantité du mercure, dégagé par l'urine, chez le même indi-

vidu. Mais il n'y a rien à dire non plus contre l'ancienne pré-

MALADIES NERVEUSES A L'HÔPITAL MILITAIRE DE KIEF. 403

paration de l'onguent, si ce n'est que la friction de cette

préparation n'exige un laps de temps plus long.

Quant à la partie du corps qui doit être frictionnée, il est

d'usage (on ne sait pas pour quelle raison) de frictionner la

poitrine, les jambes et les bras. Cependant, il n'y a aucun

fondement rationnel à préférer ces parties de la superficie

de la peau, car les glandes sudorifères et les bulbes des

cheveux, dans les fourreaux desquelles on frictionne, existent

aussi dans les autres parties de la peau. Moi, personnelle-

ment, je préfère le dos, les côtés et la poitrine, mais surtout

le dos et les côtés, je fais chaque jour frictionner ces parties.

Les bains jouent un rôle bien important. Ici non plus, je

ne puis consentira deux bains par semaine. D'abord sous

l'influence des bains, le mercure circule plus facilement dans

l'organisme, ensuite il est déjà prouvé que les bains activent

le dégagement du mercure de l'organisme par l'urine et par

la sueur et, par suite, se dégageant moins par la cavité de la

bouche et par la salive, il ne mène pas si vite à la stomatite,

ordinairement regardée comme signe de la saturation mer-

curielle de l'organisme.

A cause de cela je recommande particulièrement le traite-

ment suivant : chaque jour un bain de 35° C, de 20 à 30 mi-

nutes et 1/2 heure ou une heure après le bain, la friction.

Pendant six jours il faut faire la friction et le septième seu-

lement un bain, et je conseille de se soumettre à ce traite-

ment pendant cinq ou six semaines. Avec cela j'ordonne or-

dinairement les gargarismes avec une solution saturée de

chlorate de potasse, de sept à huit fois par jour, surtout après

le manger, et je conseille de se nettoyer chaque jour avec

une brosse à dents, les dents et la langue en cas où cette

dernière se trouverait chargée.

Ce qui est très important dans ce traitement, c'est la régu-

larité des fonctions de l'estomac, et je recommande particu-

lièrement aux patients de veiller aux selles. Enfin, aux per-

sonnes qui fument beaucoup, je limite le nombre de cigarettes

ou de cigares.

Avec un pareil traitement je n'ai jamais obsemé le dé-

veloppeoaent de la stomatite qui ferait interrompre le traite-

ment commencé quoiqu'on frictionnât le malade chaque

jour avec du savon mercuriel ou de l'onguent de 5 6 6 grammes.

De cette manière, je pouvais laisser de cinq six semaines mes

404 CLINIQUE NERVEUSE.

malades sous l'influence d'une assez grande quantité de mer-

cure, sans porter atteinte àla régularité de leurs fonctions na-

turelles et sans provoquer chez le malade, ni la salivation,

ni l'affection de la cavité de la bouche et des gencives. Le

sommeil du malade était régularisé par des bromures.

Quant à l'emploi du mercure en pilules, intérieurement,

je n'ai pas d'expérience personnelle; mais, il me semble que

cette méthode cède en tout cas à la première. D'abord dans

le traitement par les pilules mercurielles, nous formons des

albuminates mercuriels plus aux dépens de l'albumine cir-

culant qu'aux dépens de l'albumine organisée ; tandis que la

syphilis est une affection constitutionnelle. Ensuite, introdui-

sant le mercure dans les voies digestives, nous dérangeons

jusqu'à un certain point la digestion même. En tout cas, à

juger d'après les données anamnestiques, cette espèce de

traitement arrêtait pour longtemps les récidives ou surtout

les affections successives du tissu conjonctif. Cela peut être,

car ces données anamnestiques se rapportent en majorité,

aux vieillards, aux hommes de la génération précédente dont

l'organisme était plus solide.'

Il reste encore une méthode plus nouvelle d'introduire le

mercure dans l'organisme;- ce sont les injections sous-cu-

tanées du mercure. Avec l'introduction de cette méthode, il

semblait qu'on eut renoncé pour toujours à toutes les autres

méthodes de l'introduction du mercure, et il ne restait qu'à

les faire moins douloureuses. En effet, quoi de meilleur que

cette méthode d'introduction dans l'organisme, d'une quan-

tité exactement déterminée de mercure et l'expérience mon-

trerait quelle quantité exacte de mercure suffirait pour un

kilo de malade dans le but de le guérir radicalement de la

syphilis ! En outre, connaissant cette quantité de mercure,

on pourrait beaucoup plus vite l'introduire, sans se salir avec

les frictions, où l'on ne sait jamais combien de mercure est

absorbé par l'organisme. La pratique cependant n'a pas

justifié l'espérance que l'on mettait dans cette méthode de

traitement. Bientôt on s'aperçut qu'il était impossible de dé-

terminer la quantité de mercure qui ayant été introduit dans

l'organisme à l'aide de l'injection sous-cutanée, serait suffi-

sante pour la guérison complète du malade. Mais les récidives,

les affections des vaisseaux sanguins et l'hyperplasie du tissu

conjonctif dans les divers organes devinrent beaucoup plus

MALADIES NERVEUSES A L'HÔPITAL MILITAIRE DE KIEF. 405

fréquentes qu'avec les frictions, on a été obligé de répéter

les injections sous-cutanées et de faire monter leur nombre

dans un temps comparativement court de lido à 200 et plus,

et le malade non seulement n'était pas guéri, mais la maladie

récidivait toujours ou menaçait la vie du malade, par l'affec-

tion des organes importants. Voici quelques exemples de

l'insuffisance du traitement de la syphilis par les injections

sous-cutanées de mercure.

Un jeune étudiant du deuxième cours avait été infecté

par la syphilis au mois de mars 1894. Au mois d'avril de la

même année, on lui avait fait 40 injections sous-cutanées ; au

mois de février 1895, à l'occasion d'une récidive on lui

fit de nouveau 40 injections ; et au mois de septembre de la

même année, il eut une lésion de la capsule interne à gauche,

qui paralysa du côté droit, les extrémités de la face et de la

langue.

Un officier est atteint de paralysie à droite n. abducentis.

On le traite par les injections sous-cutanées de mercure et les

manifestations de la paralysie n. abducentis, ne s'affaiblissent

pas du tout.

Le jeune officier qui fut traité de la syphilis par les injec-

tions sous-cutanées de mercure, gagna la paralysie du côté

gauche, n. abducentis ; il entra à l'hôpital, on lui fit des

injections mercurielles sous-cutanées ; mais les manifestations

de la paralysie sont stationnaires, etc., etc.

Et vraiment, prenons de nouveau deux malades, friction-

nons l'un avec du mercure en forme d'onguent et, faisons à

l'autre des injections sous-cutanées. L'analyse de l'urine du

second donnera une quantité beaucoup plus grande de mer-

cure que celle du premier. Certainement, la quantité de mer-

cure introduite dans l'organisme dans les deux cas, n'est pas

la même, mais il n'y a aucun doute, que le mercure introduit

dans l'organisme, sous la peau est absorbé immédiatement

par les capillaires des vaisseaux sanguins, se dégage beau-

coup plus vite de l'organisme que le mercure dont on fric-

tionne la peau et qui reste sous la forme d'albuminates. C'est

pourquoi à présent, que nous avons l'expérience d'une ving-

taine d'années, pour les injections sous-cutanées de mercure,

nous avons constaté que les récidives de la syphilis, les affec-

tions consécutives des vaisseaux sanguins et l'hyperplasie du

tissu conjonctif dans les divers organes, étaient devenues plus-

406 CLINIQUE NERVEUSE.

fréquentes ce qui n'était jamais arrivé lors des traitements pré-

cédents par les frictions mercurielles et l'emploi des pilules

mercurielles ; enfin, la cause même du traitement infruc-

tueux de la syphilis par les injections sous-cutanées, nommé-

ment le temps relativement court que le mercure reste dans

l'organisme, est ainsi plus ou moins expliquée. Après cela,

il serait jusqu'à un certain point étrange de recourir, à pré-

sent, aux injections mercurielles sous-cutanées dans le but du

traitement des formes premières de la maladie, ainsi que des

maladies post-syphilitiques, d'autant plus qu'on n'a pu écarter

la douleur des injections sous-cutanées. Seulement dans les

cas dangereux, où le traitement doit s'effectuer très rapide-

ment, on peut recourir aux injections sous-cutanées, mais

n'oubliant jamais que ce traitement rapide est insuffisant et,

quand les affections graves sont disparues, il faut prescrire

au malade les frictions mercurielles.

Après le traitement susdit par des frictions mercurielles,

pendant cinq ou six semaines, je donne au malade une se-

maine ou deux de repos, et je lui prescris trois fois par se-

maine les bains de 35° C. de vingt à trente minutes et les

préparations iodurées intérieures.

Je prescris les préparations iodurées en proportion de

0,5-4 grammes, dans un verre de lait ou dans du lait coupé

d'eau de Seltz, trois fois par jour, surtout après les repas. Le

mercure commence d'abord à se dégager par l'urine en quan-

tité plus grande, que pendant les frictions.

'Le sommeil est régularisé par l'emploi des bromures et

on suspend le gargarisme. Si le fonctionnement du coeur

s'affaiblit un peu, alors je donne au malade, du vin léger par

moitié avec l'eau de Seltz, en y ajoutant une cuiller à soupe

de Levico ou Roncegno, pendant les repas, ou une prépa-

ration de caféine nitro-benzoïque de 0,15 à 0,30, deux ou

trois fois par jour.

Je prescris un traitement successif pareil, pendant six

semaines au moins. C'est ainsi, que tout le traitement antisy-

philitique, occupe au moins trois mois et donne ordinaire-

ment les meilleurs résultats.

Ici, je voudrais faire remarquer qu'une telle méthode de

traitement mercuriel, ne nuit en aucune façon à l'orga-

nisme, mais au contraire améliore la nutrition et mène

même à l'engraissement. Je n'oublierai jamais un aide-ehi-

MALADIES NERVEUSES A L'HÔPITAL MILITAIRE DE KIEF. 407

rurgien d'Aix-la-Chapelle, qui à présent, a déjà soixante ans,

fait chaque jour plusieurs frictions depuis quarante ans et

prend tous les jours un bain chaud. Use porte aussi bien, que

peut se porter un homme de son âge.

Il va sans dire que si le malade est en état de joindre au

traitement mercuriel les eaux sulfureuses, Piatigorsk, Aix-

la-Chapelle, Luchon, Bousk et autres, c'est encore mieux. En

outre, je conseille de boire chaque matin et chaque soir, de

l'eau sulfureuse, un verre au deux. L'action de l'eau chaude

sulfureuse, absorbée intérieurement, n'est pas connue exac-

tement ; il est possible qu'elle sert au rétablissement de la

composition normale de l'albumine, dont à mesure de sa

formation se dégage le soufre.

Après cette digression, retournons à ces affections du sys-

tème nerveux qui se rencontrent chez les syphilitiques,

comme les affections successives syphilitiques qui n'étaient

pas suffisamment traitées ou que le malade était sous l'in-

fluence de fréquents refroidissements ou de l'alcool. La piu-

dart de ces affections, surtout de notre temps et parmi les

officiers, sont le tabès (tabès dorsalis atactica). Maintenant,

il n'est pas difficile de rencontrer des sujets âgés de trente

ans, sans aucun antécédent nerveux et déjà atteints de celte

horrible maladie. Pendant tout ce temps, parmi les officiers,

je n'en ai pas rencontré un seul qui, atteint du labès n'ait

pas eu de précédents syphilitiques. Pendant ce même temps,

dans la pratique privée, je n'ai rencontré que 2 ou 3 tabéti-

ques non héréditaires, chez lesquels le tabès commença après

trente ans, et qui niaient obstinément les antécédents syphi-

litiques ; mais ces malades, de même, ne pouvaient rien dire

de positif, par rapport à leurs parents. Quelles sont donc les

causes d'une hypertrophie si fréquente et si précoce du tissu

conjonctif du syslème nerveux central, chez ces malheu-

reux ? 9

La réponse est bien simple : la cause en est dans le traite-

ment insuffisant de la syphilis, en même temps, que certaines

conditions climatiques, et dans l'abus des boissons spi ri-

tueuses.

Qui est la cause de cela ? Si douloureux que cela soit, il faut

avouer que la principale cause, en est dans l'état comtempo-

rain de la syphilologie, et de messieurs les syphilologues

eux-mêmes. En effet, trouvez actuellement un syphilologue

408 CLINIQUE NERVEUSE.

qui, après plusieurs traitements mercuriels, et après la fin

des manifestations primitives et secondaires chez le malade,

surtout quand le sujet ne peut plus en infecter d'autre, ne lui

annoncerait pas sa guérison complète ! Ajoutez-y encore que

tout syphilologue contemporain traite son malade abso-

lument par les.injections sous-cutanées mercurielles ; c'est-à-

dire par la méthode, qui comme nous l'avons vu, est loin

d'être suffisante, et vous comprendrez pourquoi le patient

guéri, retournant à toutes ses habitudes anciennes qui sont

coutumières au service militaire, gagne sitôt quelque maladie

dans le genre du tabès dorsalis atactica, etc. Vous ne ren-

contrerez décidément pas un médecin, qui renvoyant un

syphilitique, quasi guéri, lui aura dit : qu'il ne doit plus à

l'avenir abuser des boissons spiritueuses, même ne plus boire

du tout, et que les refroidissements, sont pour lui extrême-

ment nuisibles; que, si l'accomplissement de ses devoirs de

service l'exige, il doit changer de genre de service. Je ne

crois pas que quelqu'un se permit de désobéir, si on lui disait

sérieusement et si on ne lui démontrait les conséquences en

cas de désobéissance.

Maintenant, parlons du traitement de ces malades. La forme

du tabès la plus répandue est la suivante : le malade, âgé de

trente à quarante ans, les yeux fermés, chancelle, vacille,

ne peut pas du tout marcher dans une chambre obscure; les

pupilles sont rétrécies et ne réagissent pas à la lumière ; à la

jonction de l'axe oculaire, on remarque (symptôme d'Argyl

Robertson) une certaine contraction ; l'acuité de la vue a

souffert, la vue périphérique devient plus ou moins limitée.

Il y a anesthésie de la sensibilité douloureuse et tactile de la

peau des membres inférieurs, de la partie inférieure du

corps et dans les mains, où par places elle est impressionnée

avec un retard plus ou moins considérable. Les réflexes rotu-

liens sont absents, la force des contractions des muscles est

conservée; avec les yeux fermés, la répétition d'un mouve-

ment quelconque, appris auparavant au moyen de la vue,

est impossible; la démarche ataxique; les douleurs lanci-

nantes dans les jambes, la sensation d'une ceinture serrant

le tronc au niveau du sacrum ou un peu plus haut. Si on y

ajoute les longues constipations, la déchéance de l'activité

sexuelle, surtout de l'érection de l'organe sexuel, une cer-

taine lenteur de l'évacuation de l'urine, exigeant certains

MALADIES NERVEUSES A L'HÔPITAL MILITAIRE DE KIEF. 409

efforts, puis si l'on commence à uriner, on ne peut s'arrêter

de plein gré, alors toutes ces manifestations donnent

l'image assez vraie d'un homme qui souffre du tabès dorsalis

ataclica. De ce type se distingue clairement les malades

atteints de tabès supérieur, avec les réflexes rotuliens élevés la

conservation et même quelque hypérestésie de la sensibilité

douloureuse cutanée dans les jambes, mais avec la vue qui

s'éteint parfaitement, peu à peu, des deux yeux.

Excepté le cas de tabès héréditaire, dans tous ces cas de

tabès atactica gagné vous constatez toujours la syphilis dans ,

les antécédents, avec de rares exceptions (voir plus haut) ?

quelquefois l'abus des boissons spiritueuses et presque Uni- '

jours les fréquents refroidissements du corps pendant'les

voyages ou à la chasse. ' u '%l

Quant au traitement de ces malades, certainement, il ne

peut être question de leur complète guérison, car nous ne pou-

vons aucunement faire que le tissu conjonctif de la moelle

épinière, déjà hyperplasié, se rétrécisse; ce que nous pou-

vons uniquement, c'est de faire disparaître ces altérations

syphilitiques des éléments du tissu conjonctif de la moelle

épinière, que précèdent ordinairement l'hypertrophie et qui

aggravent considérablement tous les accès maladifs du tabès

atactica.

Je dois compter ces altérations des éléments du tissu con-

jonctif de la moelle épinière précisément pour les éléments

spécifiques syphilitiques, car ils ne cèdent qu'au traitement

mercuriel antisyphilitique, Soumettant ainsi le malade à un

traitement antisyphilitique énergique, je tache simultané-

ment de soutenir de toute manière les éléments nerveux qui

périssent et je calme dans la mesure possible, les terribles

douleurs lancinantes. Dans le but de soutenir l'élément ner-

veux qui dépérit, je prescris :

1° Les douches latérales de Charcot. Sur le dos sous la

pression de 2 à 3 atmosphères, commençant de 22"C., dimi-

nuant chaque jour d'un demi degré et arrivant à '1 ? C.; la

durée de la douche est de une minute à une minute et demie ;

si les douches sont déjà réduites à 12° C., il faut les continuer

à celte température et il faut prendre ces douches simulta-

nément avec les bains chauds de 35° C ; 1

2° L'électrisation de la moelle épinière par le courant

électrique continu et celle de l'appareil génito-vésical,

410 CLINIQUE NERVEUSE.

par le courant faradique ou par l'électricité statique. Ici

je dois m'arrêter et m'expliquer d'une manière un peu plus

détaillée.

Electriser pendant deux ou trois minutes par un courant

continu et avec cela choisissant toujours la même direction,

ou en appliquant dans tous les cas le môme nombre d'élé-

ments, qui donnent dans différents cas un courant d'une

force différente, c'est comme si l'on n'électrisait pas du tout le

malade. Il faut s'expliquer clairement : que voulons-nous

atteindre par l'électrisation ? Si nous voulons augmenter

l'excitabilité des éléments nerveux et améliorer leur nu-

trition ; dans ce but, il serait utile d'employer un cou-

rant continu et sans avoir toujours la même direction;

car dans le cas contraire le passage du courant continu à

travers le tissu nerveux, y développe l'action électroto-

nique du courant, ce qui n'est pas à désirer. Je pratique

ordinairement dans ce but la méthode suivante. A l'élec-

trisation du dos, je prends deux électrodes rondes d'un

diamètre de 5 centimètres chacune ; je les applique ensemble

sur la partie moyenne de l'épine dorsale, et je ferme le cou-

rant continu de 5 15 milliampères den'importe quelle direc-

tion. Au contact des électrodes le malade n'éprouve évidem-

ment encore aucun courant. Ensuite, je sépare les électrodes

et les glisse le long de l'épine dorsale : l'une en haut, l'autre

en bas, assez vite, pour que, dans trente à quarante-cinq se-

condes, une électrode se trouve auprès de la première ver-

tèbre cervicale, et l'autre auprès de la deuxième vertèbre

lombaire ; toujours avec la même vitesse, je rapproche de

nouveau les électrodes jusqu'à les joindre. Quand les élec-

trodes se touchent, je change la direction du courant et de

nouveau je les sépare et les réunis, etc. Je répète celte opé-

ration 8 à 10 fois pendant une séance. Pendant la séparation

des électrodes j'entretiens le courant à la même force de 5 à

z15 milliampères.

Une pareille électrisation, par un courant continu, atteint

effectivement son but ; elle réveille l'excitabilité de la moelle

épinière, améliore sa nutrition et ne l'irrite pas ; car les alté-

rations de la densité du courant, sont si lentes, qu'elles ne

montrent aucune influence irritante sur ses éléments.

Quant à la faradisation et frankiinisation de l'appareilgénito-

vésical je dirai seulement, que l'une des électrodes avec la

MALADIES NERVEUSES A L'HÔPITAL MILITAIRE DE KIEF. 411 'l

surface relativement plus petite et joint avec la cathode du

courant de rupture, est passée sur la dixième vertèbre dorsale

et l'autre électrode avec la surface plus grande au-dessus de

la symphyse du pubis, ou sur le périnée. Quelquefois je

donne à cette électrode la forme d'un vase en verre ou en

porcelaine, où l'on verse de l'eau, en y ajoutant du chlorure

de sodium et on y met les organes sexuels extérieurs. Je con-

tinue une pareille électrisation pendant six ou huit minutes.

3° La cautérisation par Pacquelin de l'épine dorsale ordi-

nairement à 10 pointes de feu de chaque côté, dans les diverses

parties tous les dix ou quatorze jours.

4° Dans les cas de la déchéance particulière de l'activité du

centre de la moelle épinière génito-vésical : de l'érection et

de la défécation, je prescris 0,002 de nitrate de strychnine,

deux fois par jour en pilules.

Il est à propos de mentionner ici les injections sous-cuta-

nées de spermine et les guérisons miraculeuses des malheu-

reux tabétiques au moyen de ces injections.

L'idée seule de l'action efficace des injections'sous-cu-

tanées de spermine sur la sclérose des cordons postérieurs de

la moelle épinière peut être nommée absurde. Il est vrai

qu'au moment de l'injection, le malade sent une certaine

excitation : il lui semble qu'il urine, qu'il marche mieux,

mais une fois l'action excitante passée, la faiblesse du malade

reparaît. ,

Mais si les injections de spermine sont plus ou moins indif-

férentes, on ne peut pas le dire de l'autre opération, entre-

prise de temps en temps sur les tabétiques, selon la méthode

de M. Motchoutkowsky.

Quelque étrange que me semble la méthode d'étendre la

colonne vertébrale au moyen de la suspension du malade,

comme méthode du traitement de la moelle épinière, je dois

avouer que, moi aussi, j'aiisoumis quelques tabétiques à cette

méthode de traitement. Durant les premières suspensions

on remarquait, en effet, chez quelques malades, la diminution

des douleurs lancinantes, la démarche devenait un peu plus

sûre, l'urine se dégageait avec moins d'effort, etc. A mesure

qu'on continuait ces suspensions, non seulement, ces symp-

tômes revenaient avec leur ancienne force, mais ils empi-

raient. En effet, il n'en peut être autrement. Cette suspension

provoquant une extension considérable des racines de la

412 ) CLINIQUE NERVEUSE.

moelle épinière, agit certainement, d'une manière irritante

ou excitante sur la moelle épinière, provoquant, entre autre,

l'hypé1'émie de cette dernière, et il s'en suit l'amélioration

temporaire de toutes ses fonctions et l'interruption des dou-

leurs lancinantes. Mais par suite de la continuation de cette

extension des nerfs, l'action d'une pareille hypérémie de la

moelle épinière doit conduire à une plus forte hyperplasie

du tissu conjonctif de la moelle épinière, laquellese trouverait

sans cela en état d'irritation sous l'inlluence du virus syphi-

litique.

Enfin, contre les violentes douleurs fulgurantes, au début

du traitement, je prescris les injections sous-cutanées combi-

nées d'atropine et de morphine (Atrop. suif. 0,03, Morphii

muriat. 0,3, solut stéril. hydrarg. bichlor. cor. (1 : 5000) 15,0

Injecter sous la peau 1/2-2/3 gramme). Cette combinaison

de narcotiques a cet avantage sur la simple morphine, que

l'action calmante dure plus longtemps, et que le malade ne

s'habitue jamais à ces injections, ce qui fait qu'on n'est pas

obligé d'augmenter la quantité de la solution injectée.

Tel est approximativement le traitement que je fais subir

aux tabétiques, et il n'y a pas eu un seul cas où le malade

ne sentît un certain soulagement assez considérable- de ses

symptômes maladifs. La démarche du malade devient plus

régulière, il chancelait moins les yeux fermés, les fonctions

de l'appareil urinaire devenaient meilleures, les excréments se

dégageaient chaque jour et même sans' clystères, la sensibi-

lité douloureuse disparue, se rétablissait, le malade se sen-

tait en général plus fort, les douleurs lancinantes et le sen-

timent d'une ceinture disparaissaient à peu près, etsi, ancien-

nement, on voyait double dans le lointain, ce phénomène, dis-

paraissait. Parfois, dans les cas invétérés du tabès, quand la

période des douleurs aiguës et lancinantes est déjà passée, au

commencement du traitement, les douleurs reparaissaient de

nouveau pour un certain temps, quoique tous les autres symp-

tômes de la maladie soient considérablement améliorés. Quant

aux résultats finaux du traitement d'un grand nombre de

tabétiques, traités selon cette méthode, je dois dire qu'il

m'est arrivé d'observer chez deux individus seulement le

rétablissement des réflexes rotuliens dans les membres infé-

rieurs, la suspension du vacillement avec les yeux fermés et

le rétablissement complet des fonctions urinaires ; mais, même

CORDE MUSCULAIRE DANS LA MÉLANCOLIE. 413

ces malades avaient encore de temps en temps le sentiment

de la constriction du tronc, la sensibilité douloureuse un peu

émoussée de la peau des extrémités inférieures et de la

partie inférieure, la faiblesse de l'érection de l'organe sexuel

et le rétrécissement des pupilles. A cause de cela, il est aussi

impossible de regarder ces malades comme complètement

guéris de la sclérose des cordons postérieurs de la moelle

épinière.

Prof. D' S. TClIlRtI : : W.

19 mars, Kief.

PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

Le phénomène de la corde musculaire

dans la mélancolie ; -

PAR R

CH. VALLON, ET waiil.

Médecin de l'asile de Villejitit. Interne des asiles de la Seine.

Les symptômes de l'ordre somatique dans la mélancolie

ont depuis fort longtemps appelé l'attention des observateurs

et c'est même sur leur présence qu'ont été basées plusieurs

théories 'pathogéniques de cette névrose. Dès 1700, Théodore

Bonet ' parle des troubles de la digestion et des lésions des

organes digestifs ; quelques années plus tard Boerhave 2 si-

gnale la lenteur du pouls et de la respiration, la froideur des

extrémités.

marche3 décrit avec beaucoup de détails les divers symp-

tômes de l'ordre somatique et déduit de leur présence une

conception-étiologique. « Il se produit, dit-il, chez les mélan-

coliques un ensemble de modifications des fonctions orga-

'. Th. lionet. Sepulchrelum siée analolilica ]Jmlica, in-fol., 1700. ! Commentaires, publiés par Van Swieten.

3 marche. Traité pratique des maladies mentales. Paris, t8j8, p. 317.

414 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

niques qui peuvent se résumer dans un seul mot, la dépres-

sion... quel que soit son degré, les modifications qu'elle

détermine, malgré leur intensité variable, sont toujours

identiques avec elles-mêmes et indiquent l'action d'une cause

uniforme agissant à la fois sur tout l'individu ». Calmeil1

à propos des signes physiques fait les remarques suivantes :

« beaucoup de lypémaniaques doivent avoir les voies diges-

tives malades bien avant de commencer à délirer... ; sur

quelques-uns les troubles de la digestion ne se déclarent que

pendant le cours de la maladie et dans ce dernier cas leur

apparition est souvent le signal de recrudescence dans les

phénomènes du délire. » Pour Calmeil il y a en somme

réaction de l'estomac sur le cerveau.

Pour Bail - ce sont les troubles de la circulation qui sem-

blent dominer l'état physique des mélancoliques et cet état

doit être attribué sans aucun doute à une cause générale.

Partant de cette idée il explique la pathogénie de la mélan-

colie de la manière suivante : « La stupeur, dit-il, est un phé-

nomène d'arrêt, dans lequel les fonctions cérébrales sont

partiellement suspendues, tant au point de vue intellectuel,

qu'au point de vue physique et au point de vue de l'influence

que l'encéphale exerce sur le reste du corps. A cet ordre

de faits, il faut rattacher la mélancolie et ses troubles divers

qui ne sont qu'une manifestation à un degré infime de ce que

nous voyons au suprême degré chez les malades en état de

stupeur ».

Au Congrès international de médecine mentale tenu à

Paris en z1887, M. le docteur BeLtencourt-Rodri-,ucs fait une

communication ayant pour titre : De l'influence des phéno-

mènes d'auto -intoxication et de la dilatation de l'estomac

dans les formes dépressives et mélancoliques ; il émet l'avis

qu'au nombre des causes prochaines et immédiates capables

de déterminer chez un individu prédisposé l'explosion de la

folie, on doit accorder une place importante aux phéno-

mènes d'auto-intoxication d'origine gastro-intestinale surtout

dans les formes dépressives de la folie.

' Dictionnaire encyclopédique des sciences méd., de Dechambre,

t. LV, art. 7 ? )ema< ! : e, p. 516, année 1876.

2 Bail. Leçons sur les maladies mentales (2* édition), p. 230 et 2G0.

3 Comptes rendus du Congrès international de médecine mentale

tenu à Paris en 1889, p. 409.

CORDE MUSCULAIRE DANS LA MÉLANCOLIE. 415

Dans un travail d'ensemble sur les auto-intoxications dans

les maladies mentales MM. Régis et Chevalier Lavaure met-

tent en lumière le rôle considérable des auto-intoxications

sur le développement des diverses formes de la folie. On

connaît d'ailleurs les heureux effets des lavages d'estomac et

des purgatifs dans les états mélancoliques.

Nous arrêterons là cette revue rapide et très incomplète des

opinions émises sur la nature de la mélancolie, tirée surtout

de la présence des phénomènes de l'ordre somatique dans

cette maladie. La tendance actuelle qui s'accuse tous les jours

de plus en plus c'est de considérer la mélancolie comme une'

maladie d'origine infectieuse ou tout au moins d'attribuer à

l'infection un rôle plus ou moins considérable dans son déve-

loppement.

A notre tour nous venons apporter notre pierre à l'édifice

et signaler dans la mélancolie, un phénomène physique dont

la présence milite en faveur de l'origine infectieuse de cette

psychose. Il s'agit du phénomène de la corde.

On désigne en clinique sous ce nom un phénomène normal

appelé par les physiologistes contraction locale qui s'exagère

dans certains états pathologiques. En voici la description

d'après Legros et Onimus 2 : « Un choc, une pression, un

tiraillement, un déchirement survenant soit sur un nerf mo-

teur, soit sur un muscle, produisent les phénomènes de con-

tractilité. Lorsque le choc ou la pression agissent directe-

ment sur le muscle, surtout suivant l'axe transversal, on voit

d'abord' sur le vivant le mouvement s'étendre à tous les

muscles, mais après ce mouvement d'ensemble on remarque

qu'un renflement persiste dans le point frappé. C'est la con-

traction locale que Schiff nomme idio-22111sezilaii@e. Il esta

remarquer que cette contraction locale s'accentue dans les

fièvres grades et quelque temps après la mort lorsque les

mouvements d'ensemble ont diminué ou cessé complète-

ment ».

Pour rechercher la contraction locale on peut frapper le

muscle, le biceps de préférence, avec le dos d'un couteau

1 Rapport présenté au Congrès annuel de médecine mentale, tenu à

La Rochelle en 1893, le session.

2 Dictionnaire encyclopédique des Sciences médicales de Decliambre,

t. X, art. Musculaire (Physiologie), p. Gi'J.

416 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

« on voit alors se former, dit Dlatliias Duval ', un gonflement

très accentué sur toute la ligne transversale selon laquelle

l'instrument a frappé le muscle, il persiste plus ou moins

longtemps dans le point où il s'est formé ».

On peut aussi produire le phénomène de la corde tout sim-

plement avec-la main : On saisit le biceps ou un autre

muscle par ses bords entre le pouce et l'index et on le tend

fortement puis on l'abandonne à lui-même.

Ce phénomène comme la plupart des symptômes muscu-

laires n'est que la manifestation d'affections portant soit sur

le système nerveux, soit sur l'ensemble de l'économie (ménin-

gite, états infectieux). Nous l'avons trouvé chez 32 mélanco-

liques sur 40 que nous avons examinés à ce point de vue

savoir : 29 hommes et 11 femmes. Chez les 29 hommes nous

l'avons constaté 26 fois ; chez les 'H femmes, 6 fois seulement

et moins accusé que dans le sexe masculin.

Sur nos 32 malades des deux sexes présentant le phéno-

mène de la corde, 8 étaient en outre atteints de troubles

gastro-intestinaux, 1 avait de l'albuminurie.

Nos mélancoliques se répartissaient ainsi au point de vue

de la variété de la psychose : Un cas de dépression mélan-

colique simple, huit cas de mélancolie stupide, seize de délire

mélancolique, trois de mélancolie anxieuse; trois de nos

malades étaient dans le stade mélancolique d'une folie à

double forme. -

La présence du phénomène de la corde dans la mélancolie

constitue en somme un nouveau point d'analogie entre cette

psychose et les maladies infectieuses, un argument de plus

en faveur de son origine infectieuse.

j Nouveau dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques de

Jaccoud, t. XXIII, art. Muscles, p. 231.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

LXI. Contribution à la localisation de la conscience musculaire

basée sur un cas de lésion traumatique de la tête ; par WL. Mu-

nanow. (Nwl'olo[J. Ceiiii,iilbl., XVII, 1898.)

La conception de l'espace ne dépend pas exclusivement des

mouvements des yeux ; elle est liée il chaque mouvement muscu-

laire. L'appréciation de l'impulsion qui émane de l'innervation et

du changement de situation d'un objet n'est pas une sensation

simple. Il est évident qu'elle résulte de la combinaison des sensa-

tions, c'est-à-dire d'une opération élevée de l'activité mentale.

Nous avons, dit l'auteur, déjà montré que les fibres arciformes

qui passent sous les circonvolutions ascendantes prennent part à la

formation des conceptions de l'espace. Il s'agissait d'une femme de

cinquante-trois ans, atteinte d'hémiplégie gauche, avec épilepsie

corticale et trouble du sens musculaire (1895), un fait analogue a

été publié par nous encore tout récemment (1891).

La cellule de la zone motrice de l'écorce du cerveau est l'organe

d'une conception isolée du mouvement. Pour organiser les idées

complexes qui constituent le sens musculaire, il faut l'opération

synergique de nombreuses cellules, c'est-à-dire la combinaison de

nombreuses idées de mouvement. Les fibres arciformes en question

sont les vectrices de ces combinaisons. En fait, les lésions circons-

crites même profondes dues à un processus dégénératif limité ne

sont suivies ni de troubles du sens musculaire, ni d'accès d'épi-

lepsie. Les fibres arciformes sont donc les voies d'association des

conceptions motrices; en effet, dans la dernière observation de

1897, de paralysie générale avec trouble du sens musculaire à

forme hémiplégique, la couche superficielle seule des fibres tan-

gentielles était dégénérée, les fibres profondes de Bechterew et

Baillarger étaient demeurées normales, tandis que les libres arci-

formes étaient fortement dégénérées.

Voici maintenant une observation de lésion traumatique du

cerveau comparable à une expérimentation. Il s'agit d'une jeune

fille de vingt-trois ans qui, dans la première année de sa vie, a fait

une chute ayant laissé après elle paralysie et accidents convulsifs.

L'examen du crâne pratiqué par Zernow au moyen de son encé-

phalomètre permet d'établir une lésion du crâne avec destruc-

Archives, 2' série, t. IX. 27

418 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

tion du tiers moyen des ascendantes, partiellement atteintes dans

leur tiers supérieur et inférieur, et du pli courbe. On constate une

hémiplégie des extrémités droites, ainsi que de la moitié droite

de la face; de l'atrophie musculaire; un arrêt de développement du

squelette ; troubles de la sensibilité ; trouble du sens musculaire ;

attaques d'épilepsie hémilatérales corticales caractéristiques et

stéréotypées. Il y a donc un foyer dans l'écorce de l'hémisphère

gauche. Le sens musculaire est le plus fortement atteint, et,

comme la paralysie, le trouble de la sensibilité est surtout marqué

sur l'extrémité supérieure ; sensibilité normale au thorax et au

tronc. Si nous avions affaire à une lésion des voies conductrices

nous aurions une anesthésie d'un autre type et autrement disposée.

Si la lésion de la capsule interne se traduit surtout par' une affec-

tion de la sensibilité tactile et du sens de la douleur à forme

hémiplégique, le sens musculaire demeure normal ou bien le

trouble du sens musculaire s'accompagne d'accidents des organes

sensoriels élevés, par suite de l'atteinte du segment postérieur de

la capsule interne. Nous ne sommes donc pas en présence de trou-

bles de la sensibilité tenant à l'altération des voies conductrices,

nous sommes en présence de la destruction des centres de percep-

tion qui coïncident avec la région motrice. Il y a, par conséquent,

lésion surtout du milieu, mais aussi du tiers supérieur et du tiers

inférieur des ascendantes, que trahissent les convulsions et la

paralysie du membre inférieur et de la face. C'est bien la place

de la lacune osseuse trouvée par Zernow. Et le concours de

l'altération osseuse et de la localisation clinique implique l'origine

traumatique des accidents dus à une hémorrhagie cérébrale, de

cette espèce, suivie de ramollissement. Les accès d'épilepsie pro-

viennent du processus destructif de l'écorce, de la dégénérescence

des fibres arciformes accompagnée de dégénérescence secondaire

ou tout au moins de trouble fonctionnel de l'écorce qui explique

qu'ils gagnent la face. Le trouble du sens musculaire est le résul-

tat d'une lacune dans les phénomènes d'association de la région

motrice de l'écorce, et prouve que la région motrice est l'organe

psychique des conceptions motrices. Toute conception motrice

procède de l'association entre eux des mouvements appris et de

leur combinaison avec les impressions sensibles simples. Les sou-

venirs antérieurs jouent un grand rôle dans l'appréciation des

mouvements passifs en rapport avec la sensibilité cutanée et la

sensibilité musculaire. Il en est de même pour les mouvements

appris. Pour qu'on arrive à bien percevoir la qualité et la quantité

du mouvement effectué, il faut que les centres cérébraux fonction-

nent ensemble, et que, par conséquent, il y ait intégrité des fais-

ceaux d'association qui les font communiquer entre eux. Aussi la

dégénérescence des fibres arciformes sous-corticales entraine-

t-elle un trouble du sens musculaire et de l'ataxie dans les mou-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 419

vements appris. Le trouble du sens musculaire est donc un

phénomène de déficit qui peut indiquer un processus destructif pro-

fond de la région motrice de l'écorce. P. KERAVAL.

LXII. La protection du territoire, du sang et de la circulation

du bulbe ; par A. AD : 11KIE ? ICL. (Ncurolog. Centralbl., XVII, 1898.)

Il existe un tabes syphilitique caractérisé par de l'ataxie avec

affaiblissement musculaire; on constate en outre : des paresthésies

tabétiques, des troubles fonctionnels des organes du bassin,

l'absence des phénomènes tendineux, l'intégrité de l'excitabilité

électrique du nerf et du muscle, l'intégrité de la sensibilité objec-

tive. Il se présente sous deux formes : 1° une forme subaiguë

passant à l'état chronique ordinaire ou tabes confirmé qui, à rai-

son du concours de l'ataxie et de l'affaiblissement musculaire, le

fait ressembler au tabes héréditaire de l'riedreich ou au tabès com-

biné de Westphal. - 2 Une forme aiguë aboutissant à des para-

lysies graves, se terminant par la mort quand on l'abandonne à

lui-même, ou par la guérison quand on institue à temps un trai-

tement antisyphilitique.

Quand l'ataxie se complique de paralysies, on voit la paralysie,

débutant par les membres inférieurs, envahir les muscles du bas-

sin, de l'abdomen, des membres supérieurs, de la nuque et du

cou, où elle se cantonne, soit jusqu'à la guérison, soit jusqu'à la

mort. Celle-ci est la conséquence de la paralysie des muscles du

tronc et des extrémités. Il peut arriver que la paralysie, après

avoir épuisé tous les muscles jusqu'à la tète, saute sur certains

nerfs crâniens, notamment sur l'oculomoteur commun, le facial,

l'hypoglosse.

Mais la mastication, la déglutition, la respiration et l'activité

cardiaque demeurent intactes, ce qui permet au malade entière-

ment paralysé de vivre ; son épave flotte et peut, la nature et

l'art aidant, être renflouée et sauvée.

Pourquoi le bulbe est-il épargné ? pourquoi la circulation du

bulbe est-elle préservée, tandis que la syphilis de la moelle pro-

duit l'endartérite de ce dernier organe ?

C'est que le courant sanguin qui irrigue la moelle ne vient pas

des vertébrales, il ne coule pas de haut en bas, il vient des artères

lombaires et coule de bas en haut à la moelle cervicale. Les

artères lombaires fournissent un grand canal, la grande artère

spinale d'Adamkiewicz, qui, avec les racines antérieures du plexus

sacré, arrive à la face antérieure de la moelle lombaire et charrie

de bas en haut le sang, le long de la ligne médiane de la moelle.

C'est dans celte direction que le sang va aux artères spinales laté-

rales d'Adamkiewicz, lesquelles le répartissent au réseau sanguin

qui arrose la surface de la moelle.

420 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

La grande artère spinale est, à cause de son volume, la porte

d'entrée la plus ouverte à la toxine syphilitique ; atteinte d'endar-

térite syphilitique, elle produit, de bas en haut, les lésions de la

moelle. Elle fournit une chaine anastomotique antérieure (Adam-

kiewicz) qui continue à grimper le long du sillon de la moelle, et

donne les artères du sillon. Celles-ci pénètrent dans la profondeur

du sillon comme autant d'échelons d'une échelle, s'enfoncent dans

la commissure antérieure, et se divisent en deux artères sulco-

commissurales par l'intermédiaire desquelles elles irriguent les

cornes antérieures de la substance grise. Ainsi s'expliquent les

paralysies par endartérite de la grande artère spinale et leur

marche.

Les nerfs crâniens les plus exposés à la parésie syphilitique

sont ceux qui sont les plus voisins des artères affectées par le

poison. Les uns sont affectés par le trouble circulatoire même ;

les autres par les exsudats gommeux venant des artères malades

dans les points où il existe un tissu lâche, ou bien des espaces

lymphatiques, comme dans les cavités sous-arachnoïdiennes de l'en-

céphale. C'est pourquoi sont de préférence atteints par la syphilis

les nerfs crâniens qui se trouvent près du cercle artériel de Willis

(oculomoteur commun), de l'artère basilaire (oculomoteur externe,

facial), des artères vertébrales (grand hypoglosse).

Le bulbe n'est pas atteint parce qu'il a une circulation diffé-

rente. Une injection de la moelle par la grande artère spinale

gagne le long de la face antérieure de la moelle jusqu'à la moelle

cervicale, jusqu'au point de celle-ci où les deux vertébrales perfo-

rent la dure-mère, c'est-à-dire jusqu'au point où commencent les

pyramides et où parait la première paire cervicale. Là finit la

chaîne anastomotique antérieure avec la première artère du sillon

qui irrigue les cornes grises antérieures de la première paire cer-

vicale. De même la masse de l'injection pénètre la face posté-

rieure de la moelle, et s'arrête en haut exactement à la limite du

quatrième ventricule.

Une injection de haut en bas par l'artère basilaire fait pénétrer

la matière injectée par les artères vertébro-cérébelleuses dans le

cervelet, mais non dans le bulbe.

Les deux courants sanguins cérébraux et spinaux se biisenlà la

limite du bulbe. Le bulbe est donc préservé contre le choc direct des

vagues des deux courants principaux. La circulation du bulbe l'isole

du courant de l'artère basilaire et de celui de la grande artère

spinale.

La circulation du bulbe est assurée par les deux vaisseaux qui

partent des côtés internes des deux vertébrales, sous le delta de

celles-ci, et convergent au niveau du segment inférieur des deux

pyramides.

Ce sont les artères vertébro-spinales (Adamkiewicz) qui ne vont

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 421

pas le moins du monde, comme on l'a cru, le long de la moelle

jusqu'au cône irriguer toute la moelle (on les avait appelées à tort

à cause de cela artères spinales), mais qui finissent exactement à

la limite inférieure des pyramides là où cesse justement en haut

la chaine anastomotique antérieure, au niveau de la première paire

cervicale. Une injection conduite de haut en bas, par l'artère basi-

laire, remplit ces vaisseaux sans injecter le bulbe lui-même, mais,

si on a eu préalablement la précaution de lier tous les autres vais-

seaux qui partent des artères vertébrales, on obtient, par l'injection

de l'artère basilaire, l'injection du bulbe (Mémoires de l'académie

impériale des sciences de Vienne, t. LVII, 1882). On voit alors que

les artères vertébro-spinales sont d'un calibre bien inférieur à celui

des autres artères vertébrales et que le genre et la distribution des

vaisseaux intérieurs du bulbe sont tout à fait aptes à briser le choc

de la vague vertébio-spinale. Ce n'est pas par quelques vaisseaux

de gros calibre qu'est assurée la circulation si importante de cet

organe de premier ordre, c'est par un grand nombre de vaisseaux

de tout petit calibre. Le courant sanguin qui s'y rend est donc

doublement brisé : par les artères vertébro-spinales fines qui vien-

nent des larges artères vertébrales par la résolution immédiate

en capillaires des artères vertébrospinales. Ainsi est défendu ce ter-

ritoire du plus important des centres nerveux contre les innom-

brables ennemis disséminés dans le torrent circulatoire ; ainsi est-il

préservé des mouvements ondulatoires violents et des variations

de la pression du sang qui seraient là plus dangereux qu'ailleurs.

Pour assurer l'égalité des fonctions les plus importantes il fallait

assurer l'uniformité et le calme des opérations physiologiques

par l'inviolabilité et la continuité du courant sanguin.

P. IEaavaL.

LX111. Une voie de communication de la partie caudale du cerveau

du pigeon avec le corps strié (tractus isthmostrié ou bulbostrié );

par A. WALLENBERG. (Neurolog. Centralbl., XVII, 1898.)

Expériences tendant à détruire le ganglion de l'isthme du

pigeon. L'aiguille en pénétrant dans les parlies centrales de

l'isthme a, en cette région, lésé diverses hauteurs de la limite

inférieure du cerveau moyen jusque dans le territoire de la cin-

quième paire. Méthode de coloration de Marchi. Ces altérations ont

permis de suivre un groupe de fibres constant qui va de l'isthme

dans le cerveau antérieur. On le voit, au niveau du noyau du

pathétique, sous la forme d'un cercle (section tranverse), à égale

distance du raphé, du bord latéral et antérieur de l'isthme, du

bord antérieur de la substance grise encéphalomédullaire. Au

point le plus rapproché du noyau du pathétique et du ganglion

de l'isthme, ces fibres s'entre-croisent partiellement avec celles du

422 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

côté opposé. Ce trousseau, pendant son trajet à travers le cerveau

moyen, se dirige sur la partie anléromédiane du champ postéro-

latéral de la paroi de l'infundibulum; il occupe, à la hauteur

du ganglion ecto-mamillaire d'Edinger, la partie postérieure de

ce ganglion, dont il n'est séparé que par une couche étroite ; à

partir de là il forme le segment antéro-médian du tractus strio-

thalamique ventral. Avec lui il affecte une direction transversale

sans cesser de rester près de la commissure antérieure. D'autres

fibres rayonnent en éventail en arrière et de côté vers le puta-

men ; elles forment jusque dans les régions frontales du cerveau

antérieur un faisceau longitudinal visible dans le manche de

l'éventail. Ce n'est qu'en arrière de la limite inférieure du renfle-

ment olfactif que ce faisceau s'épuise sur les côtés et en arrière

de cet organe : ses fibres se ramifient sur le bord antérieur du

corps strié, à peu près en son tiers moyen, et dans les parties

antérieures contiguës du segment le plus rapproché du noyau

lenticulaire. On se rappelle que Tschermak a, chez le chat,

trouvé des fibres communes au noyau du cordon postérieur et

au noyau lenticulaire. Il y a donc, chez le pigeon, un système

qui unit l'isthme aux parties antérieures du corps strié, et s'entre-

croise en partie dans la région inférieure du cerveau moyen. Mais

il est impossible de décider si ces fibres viennent des régions

inférieures de l'isthme ou si elles viennent du bulbe.

P. Keraval.

LXIV. Contribution à la dégénérescence descendante du cordon

postérieur; par J. ZAPPERT. (Nearolog. Centrulbl., XVII, 1898.)

Examen des pièces anatomiques de l'enfant de quelques jours

mort de syphilis (Jahrbiu : l. f. Kwule1'heilk.). On trouva une ménin-

gite limitée de la pie-mère enserrant seulement la moelle cervi-

cale et surtout à droite. Méthode de Marchi. La dégénérescence des

racines postérieures, limitée à la moelle cervicale, siège de la

méningite, plus accusée, comme celle-ci, à droite, occupe exacte-

ment l'endroit de passage des racines postérieures à travers la

pie-mère. La dégénérescence, intraspinale, a produit ladégénéres-

cence ascendante des faisceaux de Burdach, surtout à droite;

dans le champ du faisceau de Burdach, la dégénérescence est le

moins accusée au niveau de la zone postéro-externe (ceci est très

net au niveau de la moelle cervicale inférieure à droite); elle

monte très haut, malheureusement le bulbe manque. En bas, la

lésion étant limitée à la moelle cervicale, les parties latérales

droites du faisceau de Burdach ne tardent pas à apparaitre saines

dans la région des contingents latéraux du cordon postérieur. Il

demeure en revanche un reste de grains noirs entre le faisceau de

Burdach et le faisceau de Goll; cette zone de dégénérescence est

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 423

d'autant plus apparente que les cordons postérieurs sont ailleurs

indemnes de fibres dégénérées, et est encore plus accusée à droite.

Dans la moelle dorsale supérieure, une raie dégénérative, entre

le champ de Burdach et le champ de Goll, à extrémité plus

épaisse, s'étend jusqu'à la substance grise; elle se prolonge en

arrière sans atteindre cependant la périphérie postérieure de la

moelle. Cette raie diminue elle-même en bas et n'occupe plus, au

niveau de la moelle dorsale, que la partie antérieure du cordon

postérieur, vers la substance grise de la corne postérieure; elle

disparaît plus bas, de sorte qu'au niveau du tiers inférieur de la

région dorsale il faut une grande attention pour voir quelques

grains noirs dans le cordon postérieur droit et il n'y a plus rien

du tout dans la moelle lombaire même des deux côtés du sillon

postérieur. C'est la virgule de Schultze, dégénérée, comme elle

l'est chez les animaux, chez lesquels on a comprimé la moelle

dans les régions élevées. C'est la dégénérescence de la virgule de

Schultze, consécutive à une lésion des racines postérieures.

Quel rapport affecte la virgule de Schultze avec le faisceau postèro-

médian de la moelle lombaire et sacrée ? Voici une autre série de

pièces anatomiques empruntées à un adulte ayant succombé à

une compression au niveau de la deuxième paire dorsale, mais

dont l'évolution clinique n'a pas été communiquée. Le faisceau de

Schultze est fortement dégénéré des deux côtés jusqu'à la hauteur

de la onzième paire dorsale. Au niveau de la douzième paire, la

virgule a perdu sa forme, elle est remplacée par des grains irré-

gulièrement disséminés. Au niveau de la première paire lombaire

quelques grosses mottes, des deux côtés de la ligne médiane ; au

niveau de la deuxième paire lombaire, elles occupent très nette-

ment la place du faisceau postéro-inédian. Plus bas, rareté des

grains noirs ; plus bas encore impossible de les coordonner en un

groupe précis. En un mot la compression de la partie supérieure

de la moelle dorsale a provoqué la dégénérescence de la virgule

de Schultze et une lésion réelle, quoique faible, d'une zone postéro-

médiane. En outre, le cordon postérieur, dans toute la moelle

dorsale. présentait d'autres mottes noires disséminées; au niveau

de la huitième paire dorsale, on remarquait un groupe antéro-

médian peut-être un peu moins limité que la virgule de Schultze.

Plus bas, au niveau des dixième et onzième paires dorsales, il

était difficile de distinguer ces fibres médianes descendantes de celles

de la virgule; au niveau de la première paire lombaire, la zone

de Schultze ayant disparu, il reste cette dégénérescence médiane,

toujours située dans les parties antérieures du cordon postérieur;

de cette dégénérescence-là on ne constate plus qu'un faible résidu

au niveau de la deuxième,paire lombaire.- Ce qui veut dire qu'il

y a bien un faisceau posléro-médian des deux côtés delà ligne médiane ,

dont le trajet en bas est court ; qu'il y a une dégénérescence

424 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

médiane descendante, indépendante de la zone de Schultze, que

l'on peut suivre jusque dans la moelle lombaire mais qui disparaît

promptement à son tour. Nous conclurons avec f31schofi qu'une

partie des fibres constituant le faisceau posléro-médian occupe les

plans supérieurs de la moelle des deux côtés de la ligne médiane et

s'éparpille dans les parties antérieures du cordon postérieur. La plu-

part des fibres de la zone postéro-médiane paraissent provenir de

plans plus profonds.

Conclusions : i° La virgule de Schultze est, en partie du moins,

formée de fibres des racines postérieures descendantes de la région

supérieure de la moelle ; 2° A la formation du trousseau postéro-

médian prennent part des fibres descendantes que l'on voit déjà au

niveau de la moelle dorsale supérieure, dans la partie antérieure

du cordon postérieur. P. KERAVAL.

LXV. Contribution à l'étude du sens stéréognostique ; par Joseph

SAILER. (Jou1'1 ! alof nervous and mental diseuse, mars 1899.)

De l'étude de certains faits cliniques observés par lui-même,

d'accord avec les observations publiées par d'autres auteurs, et

d'après des expériences personnelles faites sur l'homme sain, l'au-

teur émet les conclusions suivantes :

10 Le sens stéréognostique est dû à une perception sensorielle

complexe dont les éléments sont probablement reçus dans le lobe

pariétal du cerveau, et ensuite reprises et analysées par un centre

ou des centres plus élevés. Il peut être perdu si l'un de ces centres

est lésé. 2° Dans le cas de lésion périphérique, c'est-à-dire

quelque lésion dans ou entre le centre du lobe pariétal et les ter-

minaisons des nerfs sensoriels dans la peau, le sens stéréognos-

tique se perd si le sens du tact disparaît, et il est grandement

altéré ou perdu si le sens de la localisation disparaît ; il est d'or-

dinaire, non toujours, altéré si le sens musculaire est perdu,

mais peut persister si toute autre forme de sensation cutanée se

perd ou se trouble. 3° Le centre de perception peut être atteint

par suite d'une lésion du cerveau, dans le cas d'apoplexie par

exemple, et dans ces cas le sens stéréognostique peut être perdu

quand bien même toutes les autres formes de la sensibilité seraient

conservées. POULARD.

LXVI. Tumeur du corps pituitaire; par les Drs L. WALLON et

CHENEY (de Boston). (Journ. of ne¡'vous and mental disease, 1899.)

C'est le cas d'un médecin âgé de vingt-six ans qui-mourut deux

ans et demi après l'apparition des premiers symptômes. Ces symp-

tômes furent : des céphalées progressives augmentant de violence

- des troubles visuels nombreux : asthénopie, perte du champ

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 425

visuel temporal de l'oeil gauche et plus tard, perte du champ visuel

nasal de l'oeil droit (hémianopsie homonyme) ; diminution de

l'acuité visuelle dans les deux yeux; plus tard perte de la vision

des couleurs dans le champ visuel temporal droit, par ailleurs

normal ; apathie intellectuelle progressive, somnolence, fai-

blesse physique générale.

Ce malade était un homme solide, aux traits forts et aux extré-

mités grandes : large nez, lèvres très épaisses, forte langue, grosses

mâchoires avec séparation des dents.

A l'autopsie : tumeur du corps pituitaire diagnostiquée : péri-

thélial angiosarcoma (endothélioma). Une petite partie de cette

tumeur était formée de petits tubes serrés les uns contre les autres,

certains étaient dilatés et contenaient une substance colloide. Un

certain nombre des cellules qui entraient dans leur constitution

avaient tendance à prendre le colorant éosine comme celles de la

glande pituitaire normale après fixation dans le liquide de Zenker.

De ces faits l'auteur conclut : 1° Certaines particularités congé-

nitales dans la croissance de certaines parties du corps ressem-

blant à celles de l'acromégalie, mais survenant sur des individus

par ailleurs bien portants, peuvent indiquer un défaut dans la

structure de la glande pituitaire, défaut qui peut dans la suite, être

le point de départ d'une tumeur pituitaire. - 2° L'apparition n

d'une tumeur pituitaire sans symptômes évidents d'acromégalie

ne permet pas de conclure nécessairement à l'absence de relation

entre glande pituitaire et acromégalie, car la persistance d'une

quantité même petite de tissu glandulaire sain est suffisante pour

perpétuer la fonction du corps pituitaire. -3° La réunion des symp-

tômes généraux d'une tumeur encéphalique avec l'atrophie

optique, et la perte du champ visuel temporal rend le diagnostic

de tumeur pituitaire presque certain. - 4° L'héiniacliromatopsie

n'est pas nécessairement d'origine centrale. Pool\rd.

LXVII. Notes sur les propriétés toxiques du sang dans l'épilepsie ;

par C.-A. HERTER. (Journal of nervous and mental diseuse,

février 1899.)

C.-A. llerter a fait de soigneuses recherches sur la toxicité du

sang des épileptiques, mais elles n'ont pas permis de tirer des con-

clusions positives. Dix fois, sur onze épileptiques observés, l'aug-

mentation de toxicité ne fut pas constatée. Dans un cas seulement

le sang était plus que normalement toxique.

Il est permis de supposer que cette méthode, suffisante pour dé-

montrer l'augmentation de toxicité du sang dans la pneumonie,

l'urémie, n'est peut-être point suffisante pour indiquer de légères

variations de la toxicité du sang. Ce sont ces considérations qui

empêchent l'auteur de tirer des conclusions précises sur l'exis-

426 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

tence ou l'absence de la toxicité du sang chez les épileptiques.

D'intéressants détails sont fournis sur la technique employée dans

ces expériences. P.

LXVIII Rigidité de la colonne vertébrale; par Philip ZNr;rn, Cin-

cinnati. (Journal of nei-voits and mental diseuse, novembre 1899.)

L'auteur rapporte un bon nombre d'observations de rigidité de

la colonne vertébrale faites antérieurement. Dans toutes ces obser-

vations il y a toujours « rigidité de la colonne vertébrale », accom-

pagnée, presque toujours, d'une déformation fixe consistant en

une courbure cyphotique arrondie de la région dorsale supérieure,

et une disparition de la concavité normale de la région lombaire.

Dans certains cas, il y a seulement « rigidité de la colonne ver-

tébrale ». Dans beaucoup, il s'y joint une ankylose des articulations

costo-vertébrales. Dans plusieurs, l'ankylose s'étendait aux articu-

lations de la hanche (Oppenheim, Strümpell, Baumier). Dans

d'autres enfin les articulations scapulo-humérales étaient aussi

immobilisées (Mutterer, deux cas observés par M. Marie et qualifiés

cr spondylose rhizomélique »).

Dans deux cas (Oppenheim, Bechterew) on a observé des trou-

bles attribués à une atteinte des racines rachidiennes (troubles de

sensibilité objective et subjective, faiblesse et atrophie musculaires).

Dans les trois observations de Zenner, il y a ligidité de la colonne

vertébrale sans atteinte à aucune autre jointure.

Il est difficile de dire jusqu'à quel point il est permis de réunir

ces diverses affections dans un même groupe.

Certaines ont très évidemment un caractère arthritique (ankylose,

crépitation des jointures, ostéophytes sur les vertèbres). Mais il

n'est pas évidentque tous les cas soient primitivement arthritiques.

Dans deux des cas qu'il rapporte, il a au contraire l'impression

que la manifestation primitive est un trouble musculaire. Les dou-

leurs ressemblaient beaucoup à celles du rhumatisme musculaire,

il n'y avait aucun symptôme articulaire et l'un des deux malades

présentait divers symptômes spasmodiques et disait toujours qu'il

était plus grand le matin au réveil que le soir au momeut de se

coucher. Foulard.

LXIX. Un cas de tumeur de la moelle épinière ; par le Dur Joseph

COLLINS. New York neurological Society. (The journal of nervous

and mental discase, janvier 1899.)

Cette tumeur, un sarcome à cellules rondes, siégeait au niveau

des deux dernières vertèbres dorsales et des deux premières lom-

baires. La symptomatologie eut comme caractères dignes de

remarque : (1) début soudain ; (2) perturbation complète et simul-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 427

tanée des fonctions vésicales et intestinales (incontinence fécale,

et rétention d'urine) ; (3) paraplégie douloureuse ; (4) douleur

localisée dans le dos; (5) absence de douleur névralgique irradiée

dans les extrémités; (6) précoce apparition de troubles trophiques

sous forme d'une eschare. ' P.

LXX. Paralysie du plexus brachial par compression; par le Dr

William-M. Leszynsky. (The journal of neuuous and mental diseuse,

novembre 1899.)

Paralysie du plexus brachial des deux bras par compression.

Biceps paralysé. Extenseurs et deltoïde extrêmement faibles. Atro-

phie au niveau de l'articulation de l'épaule. Pas de troubles sensi-

tifs. Excitabilité faradique perdue pour les neris et les muscles.

La paralysie a duré trois mois.

Cause : Paralysie survenue après ablation d'une tumeur abdo-

minale, consécutivement à la pression exercée pendant une heure

et demie par un appareil de maintien. D'ordinaire la pression de

cet appareil s'exerce entre la clavicule et la première côte. P.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

XLII. Un cas d'ivresse furieuse; par le Dr FRANcoTTE. (Bull. de la

Soc. de méd. ment, de Belgique, 1899, n" 94.)

11 s'agit d'un homme de vingt-trois ans, qui, à la suite de liba-

tions trop renouvelées, fut pris à la fin de la journée d'un délire

furieux au cours duquel il commit plusieurs actes de violence. Le

lendemain au réveil le malade ne conservait aucun souvenir des

actes accomplis pendant la période délirante.

Cet homme n'étant ni un buveur d'habitude, ni un dégénéré,

M. Francotte estime, étant donnée la courte durée des accidents

qu'il a eu affaire à un cas d'ivresse pathologique et non de délire

alcoolique aigu et il a conclu à l'irresponsabilité. G. DENY.

LXIII. Le délire de la jalousie ; par le D, Villers. (Bull. de la

Soc. de méd. ment, de Belgique, 1899, nos 93 et 94.)

Ce travail se termine par les conclusions suivantes :

Certains sujets sont atteints d'un trouble mental caractérisé par

428 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

une jalousie excessive, absurde, injustifiée, qui peut s'amplifier au

point de donner naissance à un délire, le délire de la jalousie.

Cette affection débute par des troubles du caractère, puis des

soupçons ridicules se font jour ; enfin, on voit éclater, provoquées

le plus souvent par des illusions et des hallucinations, des scènes

violentes, qui peuvent aller jusqu'au meurtre et au suicide. Dans

la grande majorité des cas, ce délire est accompagné d'idées

obscènes.

Parmi les causes de cette maladie, il faut citer en première

ligne la dégénérescence psychique, dont tous les sujets sont

atteints; vient ensuite l'alcoolisme qui, uni à la dégénérescence,

engendre presque tous les cas. Enfin on peut signaler l'hystérie, la

neurasthénie, les troubles des fonctions génitales chez la femme,

les traumatismes cérébraux, la sénilité, etc.

Outre les causes énumérées ci-dessus il en est d'autres, dont

l'influence est du reste secondaire ; ce sont les causes morales tels

que les chagrins. On peut encore citer comme facteur de cette

maladie le souvenir de faits passés, qui provoque parfois une

jalousie morbide que l'on peut appeler jalousie rétrospective.

Au point de vue neurologique le délire de la jalousie doit être

considéré comme une forme de paranoïa. La plupart des cas sont

des variétés de paranoïa alcoolique ; les autres relèvent de la pa-

ranoïa sexuelle.

Le diagnostic entre la jalousie passionnelle exagérée et le délire

de jalousie est parfois difficile : dans le premier cas le caractère

morbide se reconnaîtra par ce fait que la durée, l'intensité de la

passion et les réactions qui en résultent, ne sont nullement en rap-

port avec l'intensité des causes qui leur ont donné naissance. Dans

le second cas, les illusions, les hallucinations, les interprétations

délirantes permettent d'affirmer l'existence du délire et de la folie.

Le délire de la jalousie est aigu ou chronique. S'il est aigu, il a

pour cause l'ivresse ; il naît et disparait ordinairement avec elle.

Mais si les atteintes de délire aigu se répètent, elles peuvent pro-

duire un délire chronique. Ce dernier évolue très lentement et per-

siste, avec tous ses caractères, pendant des années. La guérison

est exceptionnelle et la terminaison ordinaire est la démence.

La médecine légale se ramène à une question de diagnostic. En

cas de délire de la jalousie bien caractérisé, l'irresponsabilité s'im-

pose. Dans les cas de jalousie excessive, non délirante, la respon-

sabilité est également atténuée parce que, sous l'influence de cette

passion, le jugement se fausse et la qualité de la personne morale

s'altère plus ou moins profondément 1. G. Deny.

' M. le Dr Villers a réuni ses travaux sur les délires de la jalousie

dans une brochure de 100 pages. (Bruxelles, Henni Lamertin, édit.,

20, rue du Marché-aux-Bois.)

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 429 9

LXIV. Note sur des attaques frustes d'épilepsie constituées par

les derniers phénomènes de la grande attaque; par M. FÉRÉ.

(Journal de Neurologie, 1899, n° 22.)

Les faits observés jusqu'à présent permettent de douter que dans

la dissociation de l'accès d'épilepsie et dans l'épilepsie fruste d'au-

tres phénomènes que les phénomènes précurseurs ou les phéno-

mènes de l'aura soient capables de se présenter isolément.

Trois observations relatées dans ce travail prouvent que les phé-

nomènes tardifs et conscients (céphalée, crises de sanglots, accès

de vomissements) peuvent aussi se manifester isolément et ronsti-

tuer des attaques frustes. G. D.

XLV. Sur la manière de prendre soin des épileptiques; par John

H. Lord. (The Journal of Mental Science, juillet 1899.)

L'auteur s'occupera dans ce travail non seulement des épilep-

tiques aliénés, mais aussi des épileptiques sains d'esprit; et la

première question qui se pose est celle des aménagements à leur

fournir ; elle n'est pas aisée à résoudre, et l'on devra, à cet égard,

se guider principalement sur lé h pe d'épilepsie auquel on a af-

faire ; à ce point de vue on peut grouper les épileptiques en 4

catégories : 1° grosses lésions cérébrales, telles que ramollisse-

ments localisés, gommes syphilitiques, traumatismes, etc. ; 2° al-

coolisme chronique, syphilis en tant que virus, saturnisme, etc.,

sans signes de lésion cérébrale localisée ; 3° cas hystéroïdes, assez

incurables pour être rangés avec l'épilepsie vraie ; 4° épilepsie

congénitale, souvent associée à l'imbécillité ; H" épilepsie idiopa-

thique. Il est évident que le premier groupe, par exemple,

demande à être hospitalisé. Il faut examiner encore, au point de

vue du placement des épileptiques, dans quelle mesure leurs

facultés mentales sont atteintes ou intactes, et aussi à quel genre

d'occupation ils sont aptes.

L'auteur s'occupe ensuite de la santé physique des épilep-

tiques et des causes de la mort chez ces malades, et il insiste

sur l'extrême fréquence de la tuberculose pulmonaire.

Tout ce que l'on peut dire au sujet de l'amélioration des amé-

nagements destinés aux épileptiques aliénés est naturellement

applicable à plus' forte raison encore aux épileptiques sains

d'esprit : il faut noter d'ailleurs que le passage de la raison

à la folie, chez ces malades, est commun, et que l'on perd

le plus souvent entre le début de la maladie et le début des

troubles mentaux un temps qui serait précieux à utiliser pour le

traitement. Sans aller jusqu'à l'assertion extrême qu'aucun épi-

leptique ne devrait être en liberté, il faut reconnaître qu'il y a lieu

de s'occuper d'un tel malade, et tout au moins de le surveiller,

430 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

lorsque ses parents et ses amis ne peuvent pas le faire, et cela au

moyen d'institutions appropriées ; c'est l'intérêt bien compris du

malade et de la société, et l'auteur développe ce double point de

vue. Puis il passe en revue les diverses institutions consacrées au

traitement des épileptiques ; nous le suivrons rapidement dans

cette revue. -

Eu 1889, on fonda. à Maghull, près de Liverpool, un « home »

pour les épileptiques non aliénés, des deux sexes; ce «home» »

qui est (litige uniquement par une surveillante et un personnel

d'infirmières, a admirablement rempli sa mission. Un détail à

noter : au début, il n'y avait pas d'homme dans la 'maison et on

souleva dans la presse la question de savoir si les malades du sexe

masculin ne devaient pas être soignés par des hommes. Les infir-

mières s'acquittaient si bien de leur besogne, beaucoup mieux,

selon l'avis de la commission, que n'eussent fait des infirmiers,

que ce fut uniquement pour donner satisfaction à l'opinion publi-

que qu'un infirmier leur fut adjoint. Il reste, d'ailleurs, tout à fait

au second plan et n'a guère d'autre rôle que de protéger les infir-

mières, en cas de délire passager d'un des pensionnaires. Le

nombre des malades de l'établissement est de 119, chez lesquels

on constate une amélioration à la fois de l'état général et de l'état

pathologique.

Vient ensuite le Meath Home pour les femmes et les filles épi-

leptiques, à Westbrook, dans le comté de Surrey. L'établissement

est petit (20 malades), mais donne, lui aussi de très satisfaisants

résultats.

En 1894, on voit apparaître une tentative plus vaste en faveur

des épileptiques sains; lagénérositèdeM. E. Passmore permet d'ou-

vrir le premier bâtiment de ce qui est en passe de devenir une

grande colonie d'épileptiques à Cllalfont-Saint-f'eters, dans le

Buckinghamshire. Le but de cette institution est : 1° de faire quit-

ter la ville aux épileptiques pour les installer à la campagne; 2° de

leur donner une occupation régulière ; 3° de favoriser chez eux

une existence régulière et bien ordonnée, à l'abri de toute excita-

tion, avec abstinence complète à l'égard de l'alcool, et de leur

fournir une nourriture simple et abondante. La colonie a débuté

en 1891 avec 9 malades, elle en renferme aujourd'hui 85 et s'amé-

nage actuellement pour en recevoir 200.

Sous l'inspiration du Comité des asiles de Manchester et de

Chorlton et en partie grâce à'l'influence et aux efforts du Dr Qui.

Rhodes, une colonie pour les imbéciles et les épileptiques va être

créée près de Rivington, dans le Lancashire ; elle sera imitée de

celle d'Alt-Scherbitz. Du Lancashire et du Dr Bhodes aussi vient

la pensée de créer à Chelford une colonie pour les épileptiques

sains d'esprit.

Enfin, le plus récent projet émane du Conseil de comté de

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 431

Londres, qui a décidé de construire à Horton une colonie de tra-

vail pour les épileptiques aliénés, qui recevra environ 300 malades.

L'auteur entre ensuite dans quelques détails sur la statistique

des épileptiques en Angleterre et sur le prix de revient de leur

entretien, puis il termine par une très sommaire revue des insti-

tutions consacrées à ces malades dans les autres pays. La première

en date est l'hôpital de l'Ohio, ouvert en 1893 et actuellement en

mesure de réunir 900 malades. Des établissements analogues

existent dans les Etats de Pennsylvanie, de New-Jersey, de Californie,

et de Massachusetts; mais le plus remarquable est la colonie de

Craig, il Sonyea, dans l'Etat de New-York, ouverte en 1896. Deux

points sont à noter dans cette colonie, d'abord l'établissement

d'une école d'infirmiers et d'infirmières où sera enseigné spéciale-

ment l'art de soigner les épileptiques, ensuite l'organisation mi-

nutieuse et prévoyante de tout ce qui peut servir à l'étude clinico-

pathologique de l'épilepsie. L'auteur ne fait que mentionner la

colonie bien connue de Bethel, à Bielefeld, près de Hanovre, qui

ayant débuté par recevoir 4 épileptiques, contient aujourd'hui plus

de 3.000 personnes, et il termine en rappelant seulement les

noms des établissements analogues de Alt-Scherbitz,Uchtspringe,

Dalldorf, 'VÜhlgarten, etc. R. de 1)[USCRAVr-CL.Y.

XLVI. Les points de similitude entre la folie épileptique et la

folie alcoolique; par R.-H. NOOTT. (T7ee Journal of Mental

Science, juillet 1898.)

Les analogies qui existent entre la folie alcoolique et la folie

épileptique ont été déjà signalées. Le présent travail a pour but

de montrer de nouveau ces analogies, plus spécialement dans les

actes criminels de violence commis dans ces deux états et dans

les phénomènes mentaux qui précèdent ces actes et conduisent à

leur accomplissement. L'analogie existe aussi bien à l'état chro-

nique qu'à l'état aigu ; mais l'auteur se borne ici aux formes

aiguës, et par là il entend d'une part l'état aigu d'alcoolisme ou de

manie alcoolique et d'autre part la période paroxystique de la

folie épileptique, celle qui est en rapport immédiat avec les crises.

Il espère démontrer qu'il existe souvent dans la manie alcoolique

aiguë un état identique à l'état dit d'automatisme mental qui est

caractéristique de l'état post-épileptique, et une période durant

laquelle, bien que la conscience soit abolie, des actes compliqués

et intentionnels peuvent être exécutés sans que le malade en con-

serve le moindre souvenir après l'attaque. Il rapporte sommaire-

ment dix observations très démonstratives à l'égard de la thèse

qu'il soutient, et il fait remarquer que bien que la perte absolue du

souvenir des actes accomplis soit aisée à simuler et que la plupart

du temps cette simulation soit particulièrement avantageuse au

432 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

malade, toutes les précautions possibles ont été prises ici pour

éliminer cette cause d'erreur.

Ces observations sont suivies de remarques que nous résumons

ici. Bn se reportant aux travaux de Hughlings Jackson sur les folies

épileptiques, on peut se demander si la manie alcoolique n'est pas

la conséquence d'une « lésion de décharge » analogue à celle de

l'épilepsie. L'état où sont placés les centres nerveux les plus élevés

par l'ingestion d'une quantité immodérée et toxique d'alcool déter-

mine des phénomènes mentaux très semblables à ceux que l'on

observe dans la manie épileptique. Pourquoi n'y aurait-il pas une

lésion de décharge semblable aussi ? Quant à la perte de cons-

cience, elle peut, dans un cas comme dans l'autre, être complète

ou incomplète. En ce qui touche les rapports de la conscience

avec l'activité des centres nerveux les plus élevés, les cas rappor-

tés et tous les cas semblables confirment nettement l'opinion de

H. Jackson et de divers auteurs sur la matière, c'est-à-dire la doc-

trine de concomitance que II. Jackson a formulée dans les termes

suivants : « 1° les états de conscience diffèrent totalement des

états nerveux des centres nerveux les plus élevés ; 2° les deux

états sont simultanés, parce que tout état mental implique un état

nerveux corrélatif; et 3° malgré le parallélisme des deux états,

il n'y a entre eux aucune interférence. »

L'auteur étudie ensuite les points de ressemblance entre les

deux catégories de cas. L'observation clinique nous apprend que

d'une manière générale les attaques légères d'épilepsie sont plus

souvent suivies de manie que les attaques violentes. Dans la manie

épileptique comme dans la manie alcoolique, on observe des de-

grés variables d'intensité et de dissolution (ce mot pris au sens

que lui donne H. Jackson), correspondant à des manifestations

nerveuses variables elles aussi. Par exemple dans certains cas

d'épilepsie, la « décharge-» initiale est suivie d'un coma profond

et court, d'une complète démence transitoire ; les mêmes phéno-

mènes peuvent être observés dans l'alcoolisme aigu. A la vérité,

les convulsions accompagnent le coma épileptique, mais, si elles

sont bien moins fréquentes, elles se rencontrent pourtant aussi

dans l'alcoolisme aigu. Dans quelques cas, aussi bien chez l'alcoo-

lique que chez l'épileptique, les communications étant coupées

entre les centres moyens et inférieurs, alors dans un état très

accentué d'instabilité, et les centres supérieurs qui exercent nor-

malement sur eux une action de contrôle et de protection on voit

se manifester des actes de violence et de destruction accomplis

sans aucun but. Chez d'autres malades, mais dans les deux mala-

dies aussi, les actes ont un caractère complexe et un but. Quel-

quefois la conscience est entièrement abolie, mais quelquefois

aussi il subsiste une conscience partielle mais ne possédant qu'un

degré d'activité insuffisant pour permettre à la réflexion et au

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 433

jugement d'exercer leur influence protectrice sur les activités des

tractus sensitivo-moteurs correspondants.

Quelquefois le malade présente, au moment même de l'acte, des

idées délirantes, des illusions, des hallucinations qui aboutissent

à l'acte de violence; mais dans l'étude de ces faits, dans les-

quels les activités nerveuses les plus élevées sont engagées indé-

pendamment de la conscience, on se trouve en présence d'une

difficulté grave qui est la suivante : tandis que les activités motrices

se prêtent à l'étude objective, les activités sensorielles étant pure-

ment subjectives, on est obligé de s'en rapporter, en ce qui les

concerne, aux renseignements fournis par le malade. Ce qui pa-

rait démontré, c'est que la mise en jeu de ces dernières activités

se rattache souvent à la peur. Chez l'alcoolique comme chez l'épi-

leptique, l'accomplissement de l'acte de violence est souvent ac-

compagné d'une sensation de soulagement (détente nerveuse).

Enfin, les traumatismes de la tête, l'insolation qui déterminent

souvent l'épilepsie favorisent certainement l'apparition des effets

extrêmes de l'alcool. L'auteur insiste en terminant sur la grande

importance de ces deux formes de folie au point de vue médico-

légal. R. DE IUSGR.1VE CLAY.

XLVII. Le mal de tête dans l'épilepsie; par L. Pierce CLARS.

(The New York médical Journal, 19 juin 1897.)

La céphalalgie est l'un des plus importants parmi les symptômes

post-convulsifs de l'épilepsie ; elle ne manque presque jamais,

et de quelque façon qu'ils la décrivent, les malades la rapportent

toujours à la môme partie du crâne : la région frontale. Diverses

théories ont été invoquées pour l'expliquer ; toutes sont hypothé-

tiques. On peut admettre pourtant que l'épuisement nerVeux con-

sécutif à l'énorme décharge d'énergie corticale qui caractérise la

crise épileptique suffit à justifier l'existence de cette céphalalgie;

mais certains physiologistes soutiennent' que la céphalalgie ne

prend jamais naissance dans le tissu cérébral, et beaucoup de

psychologistes assurent que toute sensation a nécessairement une

origine périphérique. Aux premiers tout au moins on peut répon-

dre par l'argument tiré de la céphalalgie qui succède à une sim-

ple fatigue cérébrale par excès de travail et qui ne peut être due

qu'à l'épuisement des centres nerveux impliqués dans l'excès

d'activité mentale.

Il est intéressant de noter que le mal de tête est beaucoup plus

intense chez les malades qui n'ont, après l'attaque, que peu ou

point de sommeil que chez ceux qui ont un sommeil prolongé. Il

est à remarquer aussi qui est particulièrement violent chez les

épileptiques qui ont eu pendant l'attaque les plus grands mouve-

ments convulsifs, et qu'il est aisément soulagé précisément par

Archives, 2' série, t. IX. 28

434 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

les médicaments qui, dans tous les autres points du corps,

agissent particulièrement sur la fatigue pour la calmer, comme

l'opium et la morphine. Il est toutefois préférable de s'abstenirde

ces médicaments. On voit d'après ce qui vient d'être dit qu'il faut

toujours engager les épileptiques à dormir après l'attaque '. Bien

des phénomènes post-convulsifs, tels que l'automatisme, le délire,

et même les folies épileptiques, sont provoqués ou précipités par

un entourage malavisé qui se hâte de réveiller le malade. On peut

ajouter que le pronostic doit être beaucoup plus réservé chez les

malades qui n'ont pas de période de sommeil après l'attaque et

chez ceux qui ont de la céphalalgie frontale constante et violente

que chez les autres. R. de l\ ! USG11.AVE Clay,

XLVIII. Epilepsie et digestion ; par Edgar J. SPnATLmG. (The New

York médical Journal, ler octobre 1898.)

La digestion parfaite est l'antagoniste de toutes les névroses

fonctionnelles : en effet la nutrition parfaite de la cellule nerveuse

en assure l'intégrité.

L'auteur n'a pas vu un seul cas d'épilepsie idiopathique dans

lequel l'alimentation ne pût être mise en cause : il est évident

qu'il y a d'autres causes, mais les digestions défectueuses et le

défaut d'assimilation sont certainement à la racine du mal. Il est

remarquable de voir de quelle manière une série de crises épilep-

tiques est interrompue par un nettoyage complet du tube diges-

tif. Sur plus de cent cas pris au hasard, l'auteur n'a pas rencontré

une seule fois un état normal de la nutrition : dans 40 p. 100 des

cas l'estomac était dilaté : dans 90 p. 100 du catarrhe gastro-in-

testinal existait. R. de 111USGRAVE CLAY.

XLIX. Etude sur les troubles de la conscience dans l'épilepsie; par

Pierce Clam. (The New York nzedical Journal, 11 septembre 1897.)

Après une assez longue discussion sur la définition de la cons-

cience et ses modalités, l'auteur fait remarquer que lorsqu'on parle

des troubles de la conscience comme d'un symptôme essentiel de

l'épilepsie, cela ne veut pas dire que l'on considère ces troubles

comme le dernier terme de la symptomatologie, car au-dessous

de ces troubles et plus profondément, il y a des modifications dans

les atomes constituants des molécules qui comprennent les cellules

nerveuses; seulement on est obligé de désigner ces modifications

par le signe appréciable qui les représente. Pendant longtemps,

on a défini l'épilepsie « une perte de la conscience avec état con-

vulsif » et il est certain que, dans une attaque d'épilepsie vraie,

ni l'un ni l'autre de ces deux éléments ne doit ni ne peut manquer

complètement ; mais on a certainement attaché trop d'importance

au côté purement moteur de la crise épileptique; des altérations

' Telle est notre pratique. (B.)

, REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 435

plus importantes et non moins marquées existent en effet dans les

centres supérieurs. La nature et le degré du trouble mental ont

une bien autre importance que l'état convulsif; et il serait plus

juste, au point de vue.symptomatologique, de définir l'épilepsie

un désordre de la conscience, puisque c'est là le seul symptôme

qui soit constant, et qui appartienne aussi bien à la forme psy-

chique qu'à la forme convulsive. Si l'auteur avait à fournir une

définition de l'épilepsie, il proposerait celle-ci :

« L'épilepsie est une maladie caractérisée par un état périodi-

« quement désordonné de la conscience, pouvant ou non être

« précédé, accompagné ou suivi de convulsions musculaires per-

« ceptibles ou non. »

On peut dire qu'il y a dans les attaques épileptiques trois degrés

de troubles de la conscience : 1° La perte complète de la cons-

cience normale et même de toute conscience proprement dite ;

2° Une atténuation de la conscience normale, celle-ci restant

toutefois coordonnée et capable d'enregistrer de faibles impres-

sions ; 3° Une accentuation ou une exaltation de la conscience.

Dans ce dernier cas, l'auteur admet qu'un abaissement plus ou

moins général de la tonicité des centres supérieurs aboutit à une

exagération de l'état de conscience, en sorte que la conscience

ainsi exagérée ou unifiée, ne reçoit plus de stimulations ou d'im-

pressions mentales appréciables par les voies ordinaires de com-

mnnication avec le monde extérieur; il n'ignore pas que cette

manière de voir n'est guère démontrable psychologiquement ; mais

c'est du moins l'hypothèse qui explique le mieux les faits cliniques

que l'on rencontre dans certains cas rares de somnambulisme et

dans les états connexes d'épilepsie somnambulique.

Un des points les plus difficiles à expliquer, c'est qu'un état d'in-

hibition ou d'exagération de la conscience puisse exister chez un

épileptique sans être suivi de convulsions apparentes. Dans cet état

le malade peut se livrer à toutes sortes de violences même homi-

cides. Peut-être l'explication de cet état d'inhibition - dans lequel

il y a une tendance vers l'unité de conscience, - peut-elle être

trouvée dans le brusque arrêt d'activité de certains centres : on

peut très bien concevoir qu'un phénomène d'arrêt soit ici aussi

désastreux qu'un phénomène de décharge nerveuse.

La première forme dont il a été parlé plus haut, c'est-à-dire la

perte absolue de la conscience, est de beaucoup la plus commune

dans l'épilepsie ; la seconde forme, où la perte de conscience est

incomplète ou atténuée, s'observe surtout chez les malades qui ont

pris beaucoup d'agents sédatifs (comme les bromures) et qui n'ont

plus que de légères décharges des centres corticaux. Les états

qui relèvent de la troisième forme tendent au somnambulisme, ou

plutôt à l'automatisme, car le somnambulisme, vrai dans l'épi-

lepsie est probablement très rare.

436 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

Les troubles mentaux que l'on observe chez les épileptiques sont

absolument tels que la logique les fait prévoir : le premier de ces

troubles c'est la difficulté et la lenteur avec lesquelles le malade

revient à son état normal, difficulté et lenteur qui vont en aug-

mentant à chaque nouvelle attaque, et laissent finalement des

traces permanentes ; il y a là moins de la folie qu'une déchéance

mentale progressive due au caractère incomplet de chaque retour

successif à la conscience normale.

- L'intensité et la longue durée de la prostration physique ne

trouvent pas toujours une explication suffisante dans les phéno-

mènes convulsifs ; et cette explication devient radicalement insuf-

fisante quand il s'agit du petit mal, et dans certaines crises psy-

chiques totalement dépouvues de convulsions.

La mémoire se perd progressivement, toujours par le même

processus de réparation incomplète après chacune des attaques.

Les formes d'aliénation mentale que l'on rencontre dans l'épi-

lepsie sont elles-mêmes en harmonie avec le processus de déchéance

mentale continuelle et progressive qui les provoque : elles ne com-

portent pas d'ordinaire de délire systématisé. Il semblerait que les

désordres moteurs, sensoriels et psychiques que l'on rencontre

dans les autres formes de folie trouvent ici leur équivalent ou leur

compensation dans l'attaque épileptique. R. de IUSUnAI'E CLAY.

L. Influence de l'hypertrophe lymphoïde sur l'épilepsie; par

Urban G. HITCHCOCK. (The llrew York medical Journal, 5 novembre

1898.)

Il s'agit d'un enfant qui présentait des attaques d'épilepsie attei-

gnant parfois le chiffre de dix par jour, et plus tard des symp-

tômes de petit mccl. Le bromure n'avait donné aucun résultat, et

le médecin qui le soignait ayant remarqué que l'enfant respirait

par la bouche fit examiner les fosses nasales par un spécialiste :

leur arrière-cavité était encombrée par des masses lymphoïdes dont

l'ablation fut suivie de la disparition des attaques ; elles reparu-

rent, mais disparurent de nouveau après une opération complé-

mentaire : il est juste de dire qu'elles firent de nouveau une

réapparition it la suite d'un coup sur la tête, et qu'elles n'ont pas

cessé depuis. On peut conclure de là que si les végétations adé-

noïdes ne sont peut-être pas capables de causer par elles-mêmes

l'épilepsie, elles peuvent tout au moins exercer une influence sur

ses manifestations. R. de Musgrave CLAY.

LI. Sur la nécessité d'étudier de près l'épilepsie; par L. Pierce

CLARK, (The New York médical Journal, 18 septembre 1897.)

L'épilepsie doit être étudiée de très près parce qu'elle est la

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 437

maladie qui comporte à la fois des phénomènes somatiques et des

phénomènes mentaux , et qui représente en quelque sorte le lien

entre les modifications du tissu organique et les modifications in-

tangibles de l'activité mentale. Par exemple il serait fort intéres-

sant de rechercher, dans la crise épileptique, quels sont les

muscles qui sont impliqués les premiers dans la convulsion, et de

mesurer, au moyen d'appareils de précision, l'énergie de cette

convulsion. Les troubles de la conscience, et leurs déplorables

effets, n'ont été, eux aussi, que médiocrement étudiés; cette étude

jetterait pourtant une grande lumière sur le mécanisme d'autres

troubles mentaux, et particulièrement de ceux qui se rattachent

à des états convulsifs. On considère trop volontiers l'épilepsie

comme unemaladiede la motricité, et cen'est guèrequerécemment

qu'on a un peu abandonné cette manière de voir. Le premier

symptôme auquel il faut attacher une importance capitale

est l'aura ; en effet, on s'aperçoit souvent, en serrant de près les

faits, que ce que le malade ou les assistants appellent l'aura n'est

autre chose que le début de l'attaque. - Un autre symptôme qui

mérite une attention particulière c'est la perte de la conscience,

qui très souvent n'est pas absolue, et dont il importerait de mesurer

le degré d'abolition ou de conservation : il faudrait aussi observer

soigneusement le mécanisme du retour à l'état de conscience nor-

male. 11 y a'encore un sujet d'étude très important : c'est l'in-

fluence de l'attaque isolée sur la mentalité du malade et sur les

processus physiologiques de son organisme. Tous ces points sont

l'objet de sérieuses investigations à la colonie des épileptiques de

Craig (dans l'Etat de New-York) et feront l'objet de publications

ultérieures. R. de MUSR.9VE CLAY.

LU. Epilepsie et surmenage oculaire; par John S. Kirkendall.

(The New-York médical Journal, 47 avril 1897.)

Résumé de quatre cas dans lesquels la correction d'un défaut

visuel a déterminé chez des épileptiques soit une amélioration

considérable soit une guérison complète. L'auteur croit fermement

que les irritations périphériques sont la cause d'une grande partie

de nos troubles nerveux, et que le surmenage oculaire figure au

premier rang de ces irritations : c'est pourquoi il conseille de

rechercher ces causes d'irritation le plus tôt possible afin d'y

remédier avant que leurs effets névropathiques soient devenus

permanents. R. de MUSGRAVE CLAY.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ lII;DICO-PSI'CUOLOGIQU1;

Séance du 29 janvier 1900. - Présidence de MM. J. Voisin

ET Magnan.

Installation du bureau.

M. J. Voisin passe en revue les différents travaux de la Société

dans le cours de l'année qui vient de s'écouler et se loue de la

bienveillance des membres de la société qui lui ont facilité sa

tâche de président. Il invite ensuite M. Magnan à prendre place pour

la seconde fois au fauteuil de la Présidence.

M.. Magnan remercie ses collègues de l'avoir appelé à présider

la Société pendant l'année de l'Exposition, qui va attirer à Paris

un si grand nombre de d'aliénistes ; il se félicite d'avoir à côté de

lui comme vice- Président M. le Professeur Joffroy et remercie

M. Ritti pour son zèle infatigable de secrétaire général. Il souhaite

enfin que les questions étudiées par la Société soient de plus en

plus nombreuses pour le plus grand bien-être des aliénés.

Projet de synthèse de toutes les classifications de la folie.

M. TOULOUSE propose d'appeler psychies les états mentaux, fon-

damentaux et psychoses les formes morbides. La psychie peut se

présenter sous deux états différents : la faiblesse intellectuelle

(meiopsychie) ou le simple trouble (dyspsychie).

La meiopsychie comprendra toutes les faiblesses intellectuelles

aussi bien acquises que congénitales.

Les psychies devront être divisées d'après l'âge où elles se sont

manifestées : en débilité mentale jusqu'à la puberté et en démence

après cette limite.

Il résulte de cette division qu'un cas de paralysie générale,

selon qu'elle surviendra avant ou après la puberté, sera appelée

idiotie ou démence.

Les forme morbides seront divisées selon le ton émotif : expan-

sion ou dépression. Le ton émotif peut, encore, être envisagé sous

sociétés savantes. 439.

deux formes différentes suivant qu'il y a des variations périodi-

ques (folie circulaire) ou qu'il n'en existe pas.

Suivant que les formes s'accompagneront ou non d'incohérence,

elles donneront naissance à trois autres groupes (cohérents,

incohérents, neutres). Une place à part est réservée à la confusion

mentale dont une variété serait la stupeur.

Enfin comme une classification naturelle, même complète, ne

peut englober tous les cas, une division est réservée aux cas indé-

terminés et mixtes, non susceptibles, d'entrer dans les autres

groupes.

Prix Aubanel.

LE Secrétaire général annonce le dépôt d'un seul mémoire.

Le Président désigne pour former la commission d'examen du

Prix "lubw1el, MM. Brunet, GIIRISTIAN, IvLII'PEL, NAGEOTTE, PACTET.

M. B.

Séance du 26 février 1900. Présidence de M. Magnan.

Mort de 111. Bouche/'eau.

Le Président annonce la mort de M. le Docteur Bouchereau,

médecin en chef à l'Asile clinique.

Plusieurs discours ont été prononcés à l'Asile clinique par

MM. Pelletier, au nom du Préfet de la Seine ; Ritti au nom de la

Société médico-psychologique; Meuriot, au nom de l'Association

des médecins aliénistes ; Gley, au nom de la Société de biologie,

Marcel Briand au nom des anciens Internes de M. Bouchereau ;

Jules Dagonet au nom des Médecins de l'asile clinique '.

M. LE Secrétaire général donne communication du discours

qu'il lu au nom de ses collègues. ·

M. Bouchereau ayant été Président de la Société, la séance est

ensuite levée en signe de deuil.

Séance du 26 février 1900. - Présidence de M. Magnan.

Rapport de la Commission des Finances.

A la reprise de la séance M. CIIRrTIN donne lecture d'un rapport

approbatif des comptes du Trésorier que le Président remercie de

sa gestion. Marcel BRI : 1ND.

' Voir la biographie, les obsèques et les discours dans le numéro

d'avril des Archives.

440 SOCIÉTÉS savantes.

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE.

Séance du 5 avril 1900. Présidence de M. A. Joffroy.

T abes conjugal. - ni. Souques présente une malade atteinte de

tabes classique, le mari est lui-même tabétique, mais encore à la

période préataxique. Il nie la syphilis et reconnaît avoir eu à la

verge, à l'âge de dix-neuf ans, une érosion qui amis un mois à se

cicatriser et qui a nécessité l'application de divers topiques. Chez

la femme, on ne relève pas d'autres traces de sypliilis qu'une

fausse couche de septmois. Une autre malade eut, en 1884, une pa-

ralysie transitoire de la 3° paire suivie de récidive en 1890 et,

actuellement, le syndrome tabétique complet ; cette femme nie

la syphilis pour elle-même, mais son mari, qui a eu un chancre

en 1879, est aussi tabétique encore à la période préataxique.

Considérant ces deux cas et les seize cas relevés par M. Souques

dans la littérature rapprochés des cas de paralysie générale conju-

gale et de ceux où l'un des conjoints est ataxique et l'autre para-

lytique général, on voit qu'il y a mieux qu'une coïncidence ; il y a

relation de causalité, et celle-ci est bien la syphilis. Enfin, ces faits

corroborent l'hypothèse que des syphilis, puisées à la même source,

produisent les mêmes effets. N'a-t-on pas montré cinq paralytiques

généraux tenant leur syphilis de la même personne et aussi plusieurs

tabétiques devant leur vérole à une même femme ? Pourquoi d'ail-

leurs ne pas étendre à la syphilis ce que MM. Bezançon et Labbé ont

prouvé pour d'autres infections et notamment pour le vulgaire sta-

phylocoque, à savoir que des microbes déterminés ayant la même

origine se localisent de la même manière ? Des staphylocoques

d'une même source, par exemple, en des inoculations diverses, se

sont toujours portés sur les articulations.

M. J. B.1BINSRI. Depuis plusieurs années, toutes les fois que je

suis en présence d'un malade atteint de tabes, je m'informe, s'il

est marié, de l'état de son conjoint, je demande à l'examiner, si

cela est possible, et je suis arrivé ainsi à observer une quinzaine

de cas de tabes conjugal.

Je n'ai pas de statistique à offrir et je ne suis pas en mesure de

déterminer avec précision le degré de fréquence du tabes conju-

gal chez les tabétiques mariés. Je crois cependant pouvoir affirmer

que les cas de ce genre sont trop communs pour qu'il soit permis

de n'y voir qu'une simple coïncidence. Ces faits ne peuvent guère

être compris que si, après avoir admis l'importance du rôle de la

syphilis dans la genèse du tabes, on suppose que l'un des conjoints

a été contaminé par l'autre.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 441

Mes observations m'ont appris que le plus ordinairement le

tabes n'a pas la même intensité et ne débute pas à la même épo-

que chez les deux conjoints, que parfois il est bien moins intense

et plus tardil' chez celui qui a été le premier infecté.

Le tabes peut être très marqué chez l'un et fruste chez l'autre,

d'où la nécessité, si l'on veut se faire une idée de la fréquence de

ces faits, de soumettre à un examen minutieux des personnes qui

ne vous y invitent pas et qui se montrent même parfois fort sur-

prises des questions qu'on leur pose à cet égard. Tel individu,

par exemple, qui présente le signe de Robertson, l'abolition du

réflexe rotulien et du réflexe du tendon d'Achille, qui est sujet à

des crises de douleurs fulgurantes et qui, par conséquent, a des

manifestations caractéristiques du tabes, pourra se croire simple-

ment en proie à des douleurs rhumatismales et il ne lui viendra

pas à l'esprit qu'il souffre de la même maladie que son conjoint

atteint d'atrophie papillaire ou d'incoordination motrice.

J'ai noté dans plusieurs de ces cas que le mariage avait eu lieu

fort longtemps, onze ans, treize ans après que l'un des conjoints

avait été contaminé; dans les faits de ce genre, c'est le mari qui

avait le premier subi l'infection, et la syphilis n'avait paru mani-

fester son action chez la femme que par des fausses couches, des

accouchements d'enfants morts-nés, et enfin par le tabes.

J'ai observé aussi deux fois des conjoints atteints l'un de tabes,

l'autre de paralysie générale; j'ai vu enfin récemment une femme

atteinte de paralysie spasmodique associée à de l'atrophie papil-

laire et dont le mari présentait des signes de tabes fruste.

M. Souques. La paralysie générale conjugale est beaucoup

mieux connue, surtout depuis le travail de mindel ; mais le tabes

conjugal est plus rare ou moins connu, car je n'en ai retrouvé que

16 cas. M. Babinski a dû tomber sur une série heureuse.

M. Déjerine a rarement vu à l'hôpital le tabes conjugal; on est

mal placé pour l'étudier dans le milieu hospitalier.

M. Babinski. C'est parce que le tabes du conjoint est presque

toujours très fruste, qu'il echappe souvent et qu'il demande une

recherche très minutieuse.

Pseuclo-myome; myalgie et rigidité musculaire. - ? II. KLIPPEL pré-

sente un malade atteint de cette curieuse affection ; toute excita-

tion (pincement, coup) détermine un état de crampe dans les

muscles du membre supérieur des deux côtés. Le malade a souf-

fert de rhumatismes.

Thorax en bateau. M. Marie présente 3 malades porteurs de

celte déformation et un malade myopathique du type Landouzy-

Déjerine dont le thorax affecte une forme déprimée qu'il ne faut

pas confondre avec le thorax en bateau. '

Aphasie motrice pure chez un paralytique général. - 1\1. Ballet

442 ) SOCIÉTÉS SAVANTES.

présente le cerveau d'un malade qui, au cours d'une paralysie

générale classique où la démence était restée assez légère, eut de

l'aphasie motrice pure durable. Le cerveau présente au niveau du

pied de la troisième frontale une dépression en cupule très nette au

niveau de laquelle, à l'autopsie, on trouva une boule d'oedème.

M. Marie fait observer que chez les paralytiques généraux, ces

dépressions en cupules dans le cerveau antérieur sont fréquentes

sans qu'on puisse y rattacher aucun symptôme particulier. La

boule d'oedème pouvait n'être qu'un foyer de fermentation cada-

vérique. On ne pourra conclure sur ce fait que quand l'examen

histologique aura été fait.

Deux cas de cécité corticale. M. Touche communique des des-

sins de deux cerveaux portant des lésions du cunéus, des lobules

fusiformes et de l'hippocampe. Les sujets pendant la vie se com-

portaient comme des aveugles périphériques.

Amnésie l'ét¡'o-anlél'o{Jl'(ttle consécutive à une tentative de pendai-

son. -ni. Joffroy rapporte l'histoire d'un mélancolique qui tenta

de se pendre ; la corde cassa et le malade fut trouvé sans connais-

sance au pied du murcontre lequel il s'était pendu. Après plusieurs

heures de coma, le malade se réveille en proie à un délire hallu-

cinatoire très violent et retombe dans le coma. Au réveil, le ma-

lade est calme, il reconnaît tout son monde, mais il a absolument

oublié non seulement la tentative de suicide, mais tout ce qui s'y

rapporte et tous les préparatifs de cette tentative. Le sillon laissé

par le lien montre que les deux carotides ont été comprimées. Au

contraire, un autre malade dont la tentative de pendaison a échoué

aussi n'a eu qu'une carotide comprimée, et bien qu'ayant présenté

les mêmes accidents convulsifs que le premier, il n'a pas eu d'am-

nésie. On a souvent parlé d'amnésie consécutive à la pendaison,

mais on a cherché à l'expliquer par la présence de signes d'hysté-

rie chez les sujets. Ici le malade n'avait pas l'ombre d'un stig-

mate d'hystérie. Mais ne sait-on pas que l'attaque d'épilepsie est

due à une anémie subite du cerveau, suivie de congestion en

retour et de coma ; ne voit-on pas aussi que les attaques sont sui-

vies d'amnésie. Pourquoi la pendaison qui comprime les deux

carotides, qui produit une anémie subite du cerveau et qui amène

des convulsions (face grimaçante, langue mordue, émission

d'urine) ne produirait-elle pas l'amnésie par le même processus ? '/

Nature de la sclérose tubéreuse hypert1'ophique. MM. CL. Pm-

lippe et HUDOEVRNIG apportent l'étude histologique détaillée de

deux cas appartenant à cette encéphalopathie infantile, qui fut

individualisée en 1880 par Bourneville d'abord, puis par lui et

Brissaud. Ils insistent sur la multiplicité des lésions constatées à

l'oeil nu et au microscope avec les nouvelles méthodes.

La sclérose, l'altération la plus apparente, se présente sous la

SOCIÉTÉS SAVANTES. 443

forme de nodosités, de granulations ou de simples épaississe-

ments diffus, dans l'écorce, dans les faisceaux blancs, au voisinage

des ventricules, à la surface de la méninge ventriculaire, même

dans le eervelet (circonvolutions et arbre de vie). Histologique-

ment, elle est constituée par une trame névroglique très dense,

par de nombreux noyaux névrogliques, par des vaisseaux très

altérés dans leurs parois et ddns leur calibre, depuis le simple

rétrécissement jusqu'à l'oblitération totale; enfin, par des cellules

volumineuses de 60 à 100 fi, surtout fréquentes dans les masses

blanches, cellules arrondies à noyaux souvent multiples, à proto-

plasma homogène et vitreux, sans granulations pigmentaires, ni

chromatophiles ; ces cellule=, avec la méthode de Nissl, ne se

comportent pas comme les vraies cellules nerveuses, jeunes, adultes

ou séniles; convenablement étudiées à tous les stades de leur

développement, elles paraissent plutôt être des cellules de nature

névroglique, considérablement hyperplasiées (cellules géantes).

Les éléments nerveux (tubes et cellules) subissent une atrophie

lente jusqu'à la destruction complète. Il n'y a pas d'infiltrats leu-

cocytaires, périvasculaires ou interstitiels. Les corps granuleux

sont très rares ; dans la gaine adventice des vaisseaux se voient

assez souvent des granulations myéliniques poussiéreuses.

La méningite fibro-plastique et lacunaire provoque une adhé-

rence intime entre la pie-mère et le tissu cortical sous-jacent,

atteint de la sclérose, décrite plus haut dans sa variété diffuse ;

cet état anatomique réalise, à n'en pas douter, le mécanisme des

ulcérations tel qu'il se présente dans la paralysie générale vraie.

Enfin, l'atrophie avec consistance (oetrtle se rencontre dans un

assez grand nombre de circonvolutions, au hasard', sur une éten-

due plus ou moins considérable. -

Cette multiplicité des lésions permet d'écarter avec beaucoup

de vraisemblance la théorie, nouvellement reprise, qui fait de la

sclérose tubéreuse hypertrophique de Bourneville et Brissaud, un

gliome, ou mieux, un neurogliôme ganglio-cellulaire. Pareilles

lésions étendues à la totalité du cerveau et même an cervelet, très

variées dans leur mode histologique, sont loin de rappeler le proces-

sus, habituellement univoque de toute tumeur. Elles ne res-

semblent aucunement au gliome ordinaire du cerveau, néo-

plasme le plus souvent unique. F. Boissier.

NÉCROLOGIE. - M. Gauckler, directeur administratif de l'asile

départemental de Cadillac (Gironde), vient de mourir. Il avait été

précédemment conseiller de préfecture et secrétaire général à

Nancy. Il serait bien à désirer, dans l'intérêt' des malades et pour

assurer un, bon recrutement du haut personnel des asiles, que les

places de ce genre soient données à des médecins.

444 SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ DE NEUROPATHOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE

DE MOSCOU

Séance annuelle publique du 22 octobre 1899.

Ont fait des communications :

4 W. JAKOVENKO. Les problèmes de la Psychiatrie ; 2 T. E. RYBA-

koff, Alcoolisme et aliénation mentale ; 3" W. A. Mouratow, Types

de dégénérescence dans le roman de Dostoïewski « Les frères Kara-

masoff ».

Séance du 19 novembre 1899.

D. DvoïTctOENKo. Contribution « la question de la sensibilité osseuse

(avec présentation d'un malade). Lorsqu'on applique un diapa-

son vibrateur à l'os, on obtient partout une sensation nette de

vibration. Les os, situés superficiellement, perçoivent plus nette-

ment que ceux cachés plus profondément. Les sujets jeunes per-

çoivent mieux que les personnes âgées. Une couche épaisse de

tissus mous affaiblit quelque peu cette sensation.

Les troubles de cette sensation consistent d'abord dans ceci,

qu'un diapason vibrant fortement est perçu faiblement ou pas du

tout. Si la sensibilité cutanée est abolie, le malade ne perçoit que

le contact du métal, tandis qu'à l'endroit normal la vibration est

nettement perçue. Parfois on peut noter, au contraire, l'exagéra-

tion de cette sensation. Parfois encore les vibrations du diapason

provoquent une sensation de picotement, ou de chaleur, ou même

de brûlure. Dans quelques cas examinés, le sujet accusait la vibra-

tion et en même temps une sensation de brûlure ; dans d'autres

cas, la brûlure s'accusait seule ou ne survenait que tardivement.

L'auteur a soumis à cet examen 43 sujets, dont 16 cas atteints

de tabes, 7 de myélite, 4 de gliomatose, 1 cas de sclérose en

plaques, 7 cas de névrites, 2 cas d'épilepsie, 1 cas de poliencépha-

lomyélite, 3 cas d'hystérie et deux cas de polyarthrite déformante.

Les observations détaillées de tous ces malades sont communi-

quées à la Société, de même que les schémas explicatifs des trou-

bles correspondants du sens de vibration. Dans l'immense majorité

des cas, on a constaté des troubles manifestes de ce mode de

sensibilité ; ces troubles coïncident souvent avec d'autres troubles

des divers modes de sensibilité, mais parfois ils sont isolés, sans

rapports avec d'autres troubles de la sensibilité.

S. NALBANDOFF. Contribution à la symptomatologie des troubles

tropleiques dans la syringomyélie (ostéomalacie). - N... présente

l'observation d'un malade (paysan) de la clinique atteint de syrin-

gomyélie. Dissociation de la sensibilité en lorme de demi-veste

(gauche). Arthropathie de l'épaule gauche, à forme liypertro-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 445

phique, à évolution lente (3-4 ans). Fracture de l'acromion. La

peau de la paume gauche est calleuse, toute la main gauche est

cyanosée. Exagération des réflexes rotuliens (surtout du côté

gauche) et du tendon d'Achille. Fin octobre 1898, le malade s'étant

coupé le pouce gauche, un abcès se forma près de l'ongle. Huit

jours après, le pouce se mit à augmenter de volume, devint rouge

et chaud. L'ongle se détacha au bout d'une quinzaine de jours, et

le malade l'arracha sans aucune douleur. Quelque temps après la

peau au-dessus de l'abcès s'amincit et donna issue à du pus. A

l'entrée du malade à la clinique on constate une augmentation

considérable du volume du pouce gauche (le volume de la phalange

basale du pouce droit est de 83 millimètres ; celui du pouce gau-

che est de 128 millimètres ; la phalangine du pouce droit mesure

83 millimètres ; celle du pouce gauche 125 millimètres). La peau

du pouce gauche est rouge, chaude, tendue, dure et pas dépres-

sible. L'articulation interphalangienne est immobile. Pas de lluc-

tuation. La pression est indolore. La radioscopie et la radiogra-

phie ont montré l'intégrité de tous les os de la main gauche, sauf

les deux phalanges du pouce qui sont absentes.

Au bout de quelques jours l'écoulement du pus s'arrêta et la

plaie se cicatrisa. Dans le but de confirmer les données de la

radiographie, on enfonce à travers la phalange basale du pouce

une aiguille, laquelle traverse les tissus de part en part sans ren-

contrer de grands obstacles du côté de la substance osseuse. La

ponction reste indolore. On traite le pouce par des enveloppements

méthodiques dans une bande élastique. Au bout de quelque temps

le volume du pouce diminue, la consistance augmente et la radio-

graphie donne une ombre plus foncée à l'endroit des os.

L'auteur admet que le processus observé chez son malade s'ap-

proche de l'ostéomalacie. Il existe évidemment un rapport entre

ce processus et le phlegmon initial des parties molles du pouce.

L'hypothèse de Rindfleisch sur la dissolution des sels, contenus

dans les os, sur l'influence de l'hyperémie vasculaire, peut égale-

ment être invoquée ici. L'observation offre un grand intérêt au

point de vue de l'histoire des troubles trophiques dans la syrin-

gomyélie.

Discussion. - 11. Roth fait remarquer l'intérêt exceptionnel de

l'observation de M. Nalbandoff.

Dr M. LUNTz. Deux cas de traitement opératoire de l'épilepsie cor-

ticale. - Observation 1. - àlne A. IL ? âgée de cinquante-cinq

ans, entrée au premier Hôpital municipal le 18 janvier 1899. Il y a

deux ans et demi la malade commença à accuser une faiblesse

générale, de la tristesse et de l'insomnie, et ensuite elle eut des

accès d'épilepsie corticale. Les convulsions commençaient toujours

par la jambe gauche, se répandaient en haut et, aussitôt ayant

446 SOCIÉTÉS SAVANTES.

atteint le membre supérieur, la*malade perdait connaissance.

Pendant son séjour à l'hôpital, la malade eut 19 accès jacksoniens,

de sept à quatorze jours d'intervalle entre les accès. Les accès étaient

suivis d'une hémiparésie gauche passagère. En dehors des accès

on remarquait encore des secousses presque quotidiennes dans la

jambe gauche, accompagnées de douleur très pénible. A l'examen

on ne constate rien d'anormal, sauf une légère parésie de la jambe

gauche. Légère céphalée généralisée. Le fond de l'oeil est normal.

L'administration de bromure et d'iodure à haute dose ne donne

aucun résultat. Le 10 août le Dr Xisseleff pratiqua la cranieclomie.

On trouva un épaississement et des adhérences de la dure-mère

avec les os du crâne dans la région du tiers supérieur des circon-

volutions centrales, sur une étendue de 3 1/2 cm. Le cerveau lui-

mëme ne présente rien d'anormal. A la suite de cette opération,

les secousses ont disparu complètement. La parésie de la jambe

gauche resta in statu quo.

Observation II. 1\Im. A. M..., âgée de vingt-deux ans. Neuf

mois avant son entrée à l'hôpital commença à souffrir de maux

de tète et tout de suite après apparurent des accès convulsifs,

débutant par lamoitié droite de la face, s'accompagnant de perte de

connaissance et se généralisant ensuite à tout le corps. Les accès

étaient suivis parfois d'aphasie et d'hémiparésie passagères. A

l'examen on constate : céphalées sans localisation précise, ver-

tiges légers aux mouvements de la tête ; névrite des nerfs opti-

ques, parésie légère de la main droite, exagération des réflexes

du côté droit. A l'hôpital les accès légers se répétaient presque

journellement, tandis que de grands accès ne se montraient que

tous les dix quinze jours. Craniectomie. Pendant l'opération on

trouve des adhérences entre la dure-mère et la pie-mère sous-

jacente dans la région du tiers inférieur des sillons de Rolando et

de S,ylvius.Au-dessous de la dure-mère se trouve un foyer de tuber-

culose ; un autre petit foyer tuberculeux, du volume d'un pois se

trouve immédiatement en arrière de la circonvolution centrale

postérieure. A la suite de l'opération survint de l'aphasie et une

hémiparésie droite transitoires. Un mois après l'opération, les

accès jacksoniens réapparurent.

Discussion. M. Korniloff doute que les adhérences trouvées

chez la première malade soient bien la cause des accès épilep-

- tiques, et il estime que dans les deux cas, les Tésulats opératoires

sont peu encourageants '.

Secrétaires des séances : W. MOURA WJEFF ; N. VERSILorr.

' Ces observations « peu encourageantes » sont publiées trop peu de

temps après l'opération. Il conviendrait d'avoir des renseignements au

bout d'un an, par exemple. (13.)

SOCIÉTÉS SAVANTES. 447

Séance du 19 décembre t899.

D. DVO1TCEENhO. Contribution ci la question de la sensibilité os-

seuse.. La sensibilité vibratoire reste normale dans toutes la

affections où la sensibilité générale est intacte. Dans toutes les

autres maladies qui s'accompagnent de troubles de la sensibilité,

on voit la sensibilité vibratoire se modifier dans l'un ou dans

l'autre sens. Dans les affections du système nerveux périphérique,

les troubles de la sensibilité cutanée et de la sensibilité vibratoire

sont toujours concordanls et proportionnels par rapport au degré

et à l'étendue des lésions. De même dans les maladies de la

moelle épinière avec troubles de la sensibilité cutanée on a toujours

observé des troubles de la sensibilité vibratoire.

Dans les myélites, surtout dans les cas graves, on a observé une

concordance complète entre les troubles de ces deux espèces de

sensibilité, tous les deux étant de caractère paraplégique. Dans la

gliomatose, au contraire, on observe une discordance très grande

sous ce rapport; ainsi lorsque l'insensibilité cutanée est en forme

de veste, les troubles de la sensibilité vibratoire se manifestent

aux parties sous-jacentes du squelette et en plus aux os des

membres inférieurs; dans quelques cas les troubles vibratoires ne

se manifestent que dans les os des jambes seulement, tandis que

dans les parties du squelette qui correspondent aux territoires de

la dissociation de la sensibilité, la vibration du diapason se per-

çoit de la façon normale. Dans le labes dorsale on observe toujours

des troubles vibratoires très prononcés dans les os du bassin,

et souvent aussi dans les os des membres inférieurs et même

dans le squelette de tout le corps. Les arthropathies tabétiques ne

donnent pas lieu à des troubles locaux particuliers de la sensibi-

lité vibratoire. Dans les affections cérébrales avec anesthèsies

cutanées, les troubles vibratoires correspondaient presque à celles-

là. Dans un cas d'hystérie sans anesthésies, on a constaté une

anesthésie vibratoire presque complète dans les os du bassin et les

parties centrales des membres.

Dans les cas d'hystérie avec anesthésie cutanée, des troubles

vibratoires ont été trouvés de la même nature et étendue.

Le sens vibratoire est un sens particulier et autonome; les sen-

sations de vibrations sont conduites principalement par les os et le

périoste, mais pas par la peau ni les parties molles.

Discussion : M. 13GRNSTEIN croit qu'il est plus correct de l'appe-

ler « sensibilité osseuse » et non « le sens vibratoire. M. Rorn

fait remarquer l'importance des troubles précoces de la sensibilité

osseuse (encore avant l'apparition des troubles de la sensibilité

cutanée) qui peuvent rendre compte de troubles « trophiques » de

la substance osseuse. Ont pris part à la discussion MM. KORNILOFF,

POSTOWSKY et TOKAHSKY.

448 SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. W. Mouravieff. Les altérations de la structure fine de la fibre

nerveuse après section. Les expériences ont été faites sur le nerf

sciatique des lapins et des cobayes. Section du nerf et examen du

bout périphérique du nerf sectionné, au bout de un à vingt-cinq

jours après l'opération. Coloration d'après les méthodes de Man-

ciii, de 13oUSCI ! , au formol-méthylène, à l'acide osmique et même

d'après la méthode de l3aehner. après durcissement dans la for-

maline à 4 p. 100. En général, toutes ces méthodes donnaient des

résultats analogues et se complétaient mutuellement.

Conclusions : 1) La gaine de myéline d'une fibre nerveuse nor-

male est d'une formation chimique complexe : on y reconnaît net-

tement deux substances. L'une apparaît sur de diverses prépara-

tions sous forme de petites granulations toutes du même volume,

distribuées d'une façon assez régulière le long de la fibre. Ces

granulations se colorent principalement par les couleurs basiques,

comme le bleu de méthylène, tionine, le bleu de toluidine, et elles

les retiennent même lorsque les tissus environnants sont déjà

décolorés. On peut les appeler pour cette raison les granulations

chromatophiles de la gaine de myéline. On peut considérer leur réac-

tion comme étant acide. La deuxième substance ne retient que

faiblement les substances colorantes, elle mérite par conséquent le

nom de substance (ichi-oinatophile ou basique. Elle se colore plus fai-

blement par des couleurs acides, comme l'éosine. Après le durcis-

sement du nerf dans la formaline, elle a l'aspect spongieux; dans

les mailles de cette éponge sont situées les granulations chroma-

tophiles. En outre les noyaux de la gaine de Schwan sont entourés

d'une petite quantité de protoplasme, qui se colore d'une façon

assez intense par le bleu de méthylène.

2) La base des altérations que subit la gaine de myéline du bout

périphérique d'un nerf sectionné, consiste dans la cessation des

processus synthétiques et la résorption de son contenu par les

liquides ambiants, en même temps que dans une hyperplasie

exagérée du protoplasme qui entoure les noyaux de la gaine de

Schwan, par suite d'une nutrition excessive de celle-ci, ou peut-

être ausi de l'influence irritative qu'exerce la myéline qui cesse de

fonctionner et commence à se désagréger.

3) Les modifications de la constitution chimique de la myéline

ne commencent qu'à une époque plus avancée, lorsque le proces-

sus de la destruction de la gaine de myéline est déjà bien pronon-

cé. Même le sixième et le septième jour, les procédés de Marchi

et de Bousch ne laissent apercevoir qu'un nombre relativement

restreint de petits tronçons de myéline, se colorant en noir. Même

plus tard le processus d'altération chimique de la gaine de myé-

line marche d'une façon très irrégulière : on constate toujours à

côté des amas noirs d'autres amas tout à lait pâles. Dans les pé-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 449

riodes ultérieures de la résorption de la myéline les processus chi-

miques jouent probablement un rôle important.

4) Les cylindraxes, dès le deuxième ou le troisième jour, se

désagrègent simplement le long de la fibre nerveuse, ou s'épais-

sissent d'abord d'une façon irrégulière et se divisent ensuite en

une série de tronçons très courts.

5) Les noyaux de la gaine de Schwan, ce produit probable du

mésoderme, se multiplient très rapidement. Le protoplasma qui

les entoure s'hyperplasie d'une façon luxurieuse et, peut-être,

comme le croit Ranvier, prend une part active à la segmentation

de la gaine de myéline. Pourtant la principale cause de la segmen-

tation est sans doute la résorption de la myéline, tandis que l'hy-

perplasie du protoplasme est un processus autant passif qu'actif.

6) Bientôt l'accroissement du protoplasma devient excessif,

monstrueux, en disproportion avec ses forces vitales, et il périt

dans une dégénération graisseuse. Alors il ne reste de la fibre ner-

veuse que la gaine de Schwan, vide avec nombreux noyaux dont

une partie plus tard disparait peut-être également (dégénération

graisseuse ? ). Par-ci, par-là les amas de la myéline dégénérée se

conservent encore très longtemps.

7) La méthode de formol-méthylène permet de distinguer une

grande quantité de parties constitutives de la fibre normale et

pathologique, les noyaux de Schwan, le protoplasma qui les en-

toure, les granulations chromatophiles de la myéline; dans

quelques fibres le cylindraxe apparaît très nettement tout le

long de la fibre nerveuse.

Discussion : M. Weidenhamer fait remarquer que la question de

l'orifice des noyaux de la gaine de Schwan du méso ou de l'ecto-

derme n'est pas encore tranchée.

M. Roth admet que dans le bout périphérique du nerf sectionné

les processus synthétiques peuvent encore avoir lieu, bien qu'affai-

blis. Dans la disparition de la myéline peut prendre part égale-

ment le protoplasma hyperplasié avec ses éléments cellulaires.

Les granulations chromatophiles de la fibre nerveuse peuvent bien

appartenir aux corps albuminoides.

M. Korniloff prend part à la discussion.

A. PROHR.4JLNSAY. Contribution à la question de la syrip7omyé-

lie héréditaire . - L'auteur a observé à l'hôpital Catherine trois

cas de syringomyélie non douteuse chez un vieillard âgé de soixante-

cinq ans et ses deux filles âgées respectivement de trente-deux et

dix-huit ans. La particularité du premier cas consiste dans les

phénomènes d'acromégalie dans les deux mains. Chez la troisième

malade il existe à l'heure actuelle une fracture spontanée et indo-

lore de l'épaule.

Mais l'intérêt principal de cette triple observation consiste dans

Archives, z série, t. IX. 29

450 SOCIÉTÉS SAVANTES.

ceci que nous avons affaire ici à « une famille gliomateuse ».

L'existence de la même affection chez trois membres de la même

famille ne peut pas être l'effet d'un pur hasard, c'est pourquoi

nous devons admettre l'existence de la syringomyélie héréditaire.

Ceci nous force d'admettre d'autre part que les anomalies d'évo-

lution doivent jouer un rôle dans la pathogénie de la syringomyélie.

Discussion : M. ! \1ouRAroFF croit que l'hérédité dans les affections

de ce genre peut se réduire à une anomalie du canal central.

M. Roth, vu le caractère électif de la gliomatose et de sa très

grande fréquence (qui augmente de plus en plus) s'incline à

admettre la nature parasitaire de la syringomyélie. Ont pris part

à la discussion MM. Postowsky, SERBSKyet PRCOBIiAJENS6Y.

. Secrétaires des séances : G. Rossolimo, A. BRNSTEIN.

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE.

Séance du mardi 20 mars 1900. PRÉSIDENCE de M. Jules Voisin.

Bleu de méthylène comme moyen de suggestion.

M. Jules Voisin. - Une jeune fille, âgée de vingt-deux ans, hys-

térique, présente depuis trois jours des spasmes rythmés du dia-

phragme qui l'empêchent presque complètement de parler et de

déglutir. Comme elle refuse de se laisser hypnotiser, je lui annonce

que je vais recourir à un médicament d'une puissance considérable;

avant une heure, les urines seront devenues bleues et elle sera

guérie. Je prescris alors une pilule contenant cinq centigrammes

de bleu de méthylène; quarante minutes après l'ingestion de la

pilule les urines deviennent bleues, en effet ; à partir de ce mo-

ment, la contractture spasmodique du diaphragme disparait

pour ne plus revenir.

M. Bérillon. Ce cas rentre dans ce que j'ai appelé la sugges-

tion armée. Souvent la suggestion indirecte à l'aide des agents

physiques permet de réussir, là où la suggestion verbale employée

seule a échoué.

M. Paul FARTEZ. Van Gehuchten a pu juguler des vomissements

incoercibles grâce à des applications cutanées de bleu de méthy-

lène dissous dans du collodion. J'ai eu recours à cette pratique

avec un plein succès chez deux hystériques qui présentaient des

algies diverses et des zones d'anesthésie. Il ne faut voir là, bien

entendu, qu'une action psychique.

Le traitement psychique de la folie délirante.

M. STADEL3fANN (de Wurtzbourg) décrit, sous le nom de folie

SOCIÉTÉS SAVANTES. 451

délirante, l'état psychopathique qui se manifeste par des repré-

sentations èt des émotions délirantes dont le malade a pleinement

conscience. Il cite l'observation d'un homme de trente ans qui, de-

puis la puberté, était torturé par la préoccupation de ce que devien-

draient dans l'avenir divers objets insignifiants qui lui tombaient

sous les yeux, tels qu'une mouche qui vole, l'allumette qu'il vient

d'allumer, la cendre de son cigare, les taches de bougie tombées à

terre, une carte d'entrée à un concert, un morceau de fer trouvé

dans la rue et cent autres objets d'une valeur insignifiante. Ce

malade, sans cesse harcelé et angoissé par ces préoccupations,

trouve la vie insupportable. II fut guéri par la suggestion hypno-

tique faite deux fois par jour pendant quatorze jours. Il y a de

cela quinze mois et la guérison persiste.

Phobies tactiles et visuelles.

M. Paul Farfz cite quatre cas de phobies conscientes avec

anxiété, angoisse, répulsion et dégoût, survenant à la vue d'objets

insignifiants comme des bouts d'allumettes, des bouts de bougie,

des taches de bougie, des bouchons, etc., chez des jeunes filles ou

jeunes femmes qui paraissent bien portantes et ne songent nulle-

ment à se faire soigner. Néanmoins, ces symptômes présentent

une certaine importance au double point de vue du pronostic et

de la prophylaxie. Les personnes qui les présentent devront être

placées dans un milieu psychiquement aseptique ; on devra leur

éviter les émotions, les surmenages, les traumatisme et les sur-

veiller tout particulièrement dans les cas d'infection ou d'intoxica-

tion ; ces dernières conditions pourraient, en effet provoquer

l'éclosion d'un trouble mental plus accentué.

M. Jules Voisin. - Dans ces cas, il s'agit d'individus dont l'héré-

dité est chargée ; en cherchant bien, on trouverait des stigmates

de dégénérescence physique ou psychique, en particulier, la

violence et l'impulsivité. Ces personnes peuvent, à un moment

donné, présenter de l'agoraphobie, de la claustrophobie, etc. Il est

à remarquer qu'elles ne deviennent jamais démentes.

M. Bérillon. Il ne faut pas exagérer l'importance de l'hérédité

et de la dégénérescence; d'ailleurs, bien peu nombreux sont ceux

dans l'ascendance desquels on ne pourrait relever une tare quel-

conque et il n'est, pour ainsi dire, pas de grands hommes qui

n'aient eu leurs petites manies. Souvent l'éducation et le milieu

jouent un rôle considérable dans l'éclosion de ces dernières et cela

est tout à fait vrai pour des phobies et des aversions collectives

telles qu'en présentent certaines sectes russes, comme les Molo-

kanes, etc.

Sur la nature des émotions.

M. le professeur STUnIPF (de Berlin) présente un travail dans le-

452 BIBLIOGRAPHIE.

quel, après avoir exposé et critiqué les théories de Ribot, Lange,

W. James, il montre l'importance des recherches médicales, psy-

chiatriques, physiologiques et expérimentales pour la détermina-

tion de la nature des émotions.

Tremblement et forme pui,liirso7zieizne.

M. BÉRILLON présente un malade qui, il y a trois mois, offrait

dans ses grandes lignes, la symptomatologie de la maladie de Par-

kinson, en particulier, le tremblement tout à fait typique dans

le bras droit et la main droite. Après avoir été, trois fois par

semaine pendant trois mois, soumis au traitement hypnotique, il

peut maintenant manger, boire, écrire et travailler; son facies

est redevenu normal ; le tremblement n'a pas complètement dis-

paru, mais il est considérablement atténué ; même, il peut souvent

être suspendu par la volonté du sujet et grâce à certains artifices

de psycho-mécanique. Le degré de l'amélioration obtenue est tel

qu'on peut se demander si, malgré la symptomatologie du début,

il s'agit bien de maladie de Parkinson ou d'une affection qui la

simule. M. PAU de Saint-Martin. Je soigne en ce moment un par-

kinsonien très avancé chez lequel j'ai essayé tour à tour les divers

médicaments préconisés en pareil cas; c'est encore l'hypnotisme

qui m'a donné les résultats les plus satisfaisants et les rémissions

les plus longues.

M. Colas présente et analyse le nouveau livre de Mme Clémence

Royer : « La constitution du monde; dynamique des atomes ; nou-

veaux principes de philosophie naturelle. »

BIBLIOGRAPHIE.

X. Les agnoscies. La cécité psychique en particulier ; par V.NODET.

1 volume, 222 pages in-8°. Paris, Fétu Alcan, 1899.

Faute d'un terme générique, les noms respectifs des défauts de

reconnaissance dans les diverses sphères psychosensorielles ont

été souvent employés d'une façon trop élastique. Apraxie, asym-

bolie, par exemple, ont fini par être appliqués hors des limites de

leur signification première; de là une confusion préjudiciable à la

clarté indispensable sur un terrain déjà si compliqué. Aussi l'usage

du mot agnoscie comprenant les interruptions de toutes les caté-

gories d'identifications cérébrales aura-t-il peut-être l'avantage de

faire mieux respecter l'acception délimitée des termes particuliers.

Deux observations l'une de l'auteur, l'autre de Lissauer et Hahn

BIBLIOGRAPHIE. 453

constituent la matière première du travail de M. Nodet, qui a pu

d'autre part trouver dans la littérature spéciale et grouper autour

de celles-ci soixante-cinq autres observations dont beaucoup,

quoique sans autopsie, sont encore fort intéressantes. Des deux cas

types, l'un est une cécité psychique avec légère agnoscie tactile

correspondant à un ramollissement du cunéus du lobule fusiforme

et du précunéus gauche avec lésion du bourrelet du corps calleux.

L'autre est une cécité psychique pure correspondant à un ramol-

lissement dans le lobe occipital gauche et dans le bourrelet du

corps calleux (agnoscies corticales et transcorticales). Dans les

autres faits cités la netteté est généralement moins grande sans

que la concordance anatomique y soit démentie ; tous éclairent

pour leur part la théorie.

Avant toute discussion l'auteur rappelle que l'identification,

phénomène excessivement général, dont il montre bien l'étendue

complexe et la mobilité, est à la base de l'activité psychique

même la plus élémentaire. L'impression sensorielle ne devient

représentation que par le travail des identifications successives,

travail qui insère le passé sur le présent par un mouvement se pro-

pageant de proche en proche sur un véritable réseau d'images à

recueillir, processus d'ailleurs essentiellement centrifuge. Pour

aniver à la teprésentation reconnue, ce processus parcourt deux

niveaux, deux catégories d'identifications cérébrales : les identifi-

cations primaires (sensations simples) et les identifications secon-

daires, supérieures. L'interruption des premières constitue les

anesthésies corticales sensitivo-sensorielles ; tandis que l'interrup-

tion des secondes seules donne les agnoscies, cécité, surdité psy-

chiques, asymbolie, etc. Comme l'indique le titre la cécité psy-

chique forme le fond véritable de cette thèse. Cela n'est dû ni au

hasard ni à la seule volonté de l'auteur, mais bien à ce fait, que

si la cécité psychique est la plus fréquente des agnoscies, elle est

aussi celle qui tient toutes les autres sous sa dépendance à un

degré variable. La cécité psychique a pour condition essentielle la

conservation de l'identilication primaire, dont l'existence et la

mesure peuvent être constatées par la valeur de l'acuité visuelle du

sujet, malgré l'hémianopsie (généralement droite) avec achroma-

topsie spéciale dont s'accompagne souvent cette agnoscie. Elle

s'accompagne aussi fréquemment d'agnoscie tactile, non par simple

concomitance, mais par une corrélation de dépendance réelle.

En effet la perception des formes primitivement tactile est passée

graduellement dans le domaine visuel au point que son trouble

peut servir de mesure à la cécité psychique. L'orientation qui pri-

mitivement tient aussi au domaine tactile (étant dans l'action

expansive ce qu'est la perception des formes sur le terrain spécu-

latif) est aussi devenue presque exclusivement visuelle ; si bien

qu'un trouble très étendu du territoire visuel diminue toujours

454 BIBLIOGRAPHIE. ,

l'orientation. Bien plus : la part délicate de l'orientation qui appar-

tient à la zone auditive s'est aussi laissée envahir dans les mêmes

proportions par l'extension progressive du domaine visuel et souffre

également des dommages de celui-ci. Nous voici donc amenés

dans l'aire de l'audition; mais la surdité psychique se trouve

rarement isolée (sauf la surdité verbale qui n'en est qu'une forme

très partielle, locale et spéciale), son importance est d'ailleurs très

inférieure à celle de la cécité psychique ; comme l'agnoscie tactile

(dont les formes localisées peuvent aussi exister seules) elle n'a de

valeur clinique que liée à l'agnoscie visuelle, malgré l'intérêt

théorique indiscutable de ces deux autres agnoscies considérées

isolément. Quant aux agnoscies olfactives et gustatives, si même

elles existent, leur valeur est extrêmement négligeable, tant est

infime le rôle des sphères sensorielles correspondantes dans le

mécanisme intellectuel humain.

Les associations d'agnoscies qui constituent l'asymbolie (trouble

général de la reconnaissance des objets) constitue un état psychique

des plus graves ; c'est presque une décérébration qu'un examen

minutieux peut seul distinguer de la démence. L'asymbolie n'est

d'ailleurs souvent qu'une étape sur le chemin de la démence, et

entre celle-ci et celle-là tous les degrés existent.

L'anatomie pathologique de la cécité psychique, d'après les faits

cités, consisterait fréquemment en une double lésion des lobes

occipitaux ; les cas les plus intéressants reconnaissent pourtant

généralement une lésion du seul lobe gauche (au moins chez les

droitiers). La prépondérance de l'hémisphère gauche dans les

actes mentaux supérieurs explique bien la suffisance de cette uni-

latéralité. La cécité psychique est probablement possible avec une

lésion purement corticale bien que dans toutes les observations de

ce travail il y ait extension du processus destructif à la substance

blanche. Enfin de quelques cas il ressort que l'agnoscie visuelle

spéciale par défaut de localisation dans l'espace est probablement

due à une lésion corticale des deux lobules pariétaux inférieurs, et

que l'agnoscie tactile (localisée) du membre supérieur serait déter-

minée par la lésion du tiers moyen des deux circonvolutions péri-

rolandiques.

M. Nodet a donc bien fait de contribuer à l'introduction du mot

agnoscie dans l'usage courant, je regrette seulement qu'il ait,

après d'autres, continué à priver le mot asymbolie du sens éty-

mologique si précis que lui avait donné Spamer. Cet auteur en

faisait le terme générique des agnoscies portant sur tous les sym-

boles, mots, lettres, chiffres, signes, notes de musique, formules,

gestes, expressions de tout ordre conventionnelles ou non, signaux,

etc. (aphasies, amimies, agraphies, cécité, surdité verbales, etc.).

Pourquoi en avoir fait une agnoscie générale ? Le travail de

M. Nodet est assez important pour qu'il eût pu ainsi fixer heureu-

BIBLIOGRAPHIE. 455

sement deux points de terminologie scientifique, dans un champ

d'études où on n'introduira jamais assez de clarté et d'uniforme

précision. Peut-être aussi aurait-il mieux fait de placer les obser-

vations avant la dissertation (avant le 2° chapitre) comme l'ont

fait d'autres auteurs selon la tendance actuelle en neurologie ; la

lecture de cet excellent travail y gagnerait en aisance et en intel-

ligence pour tous les confrères qui l'entreprendront d'ailleurs avec

profit. F. BOISSIER.

XI. L'instinct sexuel, évolution et dissolution; par Ch. FERG.

(Alcan, édit., 1899.)

L'auteur expose d'abord l'évolution de la fonction sexuelle et le

développement des instincts correspondants, il en montre ensuite

la dissolution régressive inverse et ses conséquences aux points de

vue sociaux, familiaux et médico-légaux. 1.

S'appuyant sur les multiples expériences de laboratoire que

l'auteur réalise depuis de longues années avec la patience et la

rigueur scientifique que l'on sait, il étudie les déviations et perver-

sions sexuelles élémentaires chez les animaux, leurs conséquences,

familiales ainsi que le crime et la folie dans la série animale,

questions neuves et du plus haut intérêt.

Allant ainsi du simple au complexe, il aborde ensuite les ano-

malies de l'instinct sexuel chez l'homme, inversion, perversion, etc.

Il en cherche l'explication dans les anomalies physiques ou fonc-

tionnelles ainsi que dans les circonstances de temps, de milieu,

d'hérédité, etc. Abordant enfin le point de vue curatif et prophy-

lactique, il traite de l'éducation et de l'hygiène sexuelle.

11 s'élève contre le préjugé qui consiste à vouloir marier les

anormaux sexuels pour les ramener à la normale, procédé qui se

traduit pratiquement par la reproduction multipliée de dégénérés

de ce genre. Il préconise la continence et en ce qui a trait à la res-

ponsabilité s'élève contre la théorie qui voudrait absoudre en

masse les pervers et invertis sexuels sous prétexte de dégénéres-

cence fatale.

«Il n'y a pas de raisons physiologiques pour que l'instinct sexuel

ne soit pas soumis comme les autres... la morale utilitaire comme

l'hygiène enseignent la nécessité et la restriction de ses écarts. »

De A. Marie.

XII. Travaux de neurologie chi1'llI'(licale, revue trimestrielle diri-

gée par le docteur A. CLIIP : 1ULT. Vigot frères, éditeurs.

Voici le sommaire du n° 4 de cette intéressante revue : A. Chi-

pault. Les conséquences trophiques de l'élongation des nerfs :

étude expérimentale et thérapeutique (mal perforant plantaire,

456 VARIA.

ulcères variqueux, mal perforant buccal, pied tabétique, etc.) ;

A. Fougères. Sur deux nouveaux cas d'ulcère variqueux traités

par élongation des nerfs; P. Delbet. Traitement des varices et

des ulcères variqueux en particulier par la dissociation fasciculaire

du sciatique (avec figures) ; M. Bardesco. Sur un cas de mal

perforant et sur deux cas d'ulcères variqueux traités par élonga-

tion des nerfs ; J. Crocq. Le traitement du mal perforant plan-

taire.par la faradisation du nerf postérieur et de ses branches

terminales; Jaboulay. D'un cas de troubles trophiques du pied

et de la jambe traité avec succès par distension des filets nerveux

entourant l'artère fémorale ; - Roncali.Un cas d'abcès traumatique

du lobe temporo-sphénoïdal (Suite et fin); M. H. Bejarano. Du

traitement de la névralgie faciale par les résections étendues et en

particulier par la résection périphérique totale du trijumeau.

VARIA.

Discours PRÉSIDENTIEL PRONONCÉ A la cinquante-septième réunion

annuelle DE l'Association 31ÉDICO-PSYCHOLOGIQUE, A EDILiBOURG,

' le 21 juillet 1898, par A.-R. URUQUIIARDT. (The Journal of Mental

Science, octobre 1898.)

Comme la plupart des discours présidentiels, cette harangue,

après un hommage rendu aux membres de l'Association décédés

dans l'année, est une sorte de revue des principales matières inté-

ressant l'Association. R. M. C.

CARLYLE, sa FEMME ET ses critiques ; par Sir James CRICaroN-

BROWNE. (The Journal of Mental Science, janvier 1898.)

Il y a dans cette longue étude beaucoup de choses intéressantes

sur le grand historien anglais ; mais elles sont étrangères à l'objet

ordinaire de nos études ; nous n'y relèverons donc qu'un seul

point. Plus inconsciemment sans doute que volontairement,

M-0 Carlyle nui plus que les critiques et les adversaires les plus

acerbes à la mémoire de son mari ; il parait cependant que l'au-

teur de l'Histoire de la Révolution française était à tous égards un

mari modèle et sa femme aurait été fort injuste envers sa mé-

moire. Sir James Crichton-Browne explique cette injustice en nous

apprenant que Zinc Carlyle subissait l'influence d'une prédisposi-

VARIA. 457

tion nerveuse héréditaire, qu'elle était atteinte d'une véritable ma-

ladie mentale dont les symptômes, d'ordre purement émotif, n'ont

jamais altéré en quoi que ce soit son intelligence, mais ont singu-

lièrement modifié ses jugements et ses interprétations de certains

faits. Dans beaucoup de ses lettres, un médecin psychologue

reconnaîtra sans peine cette forme de neurasthénie cérébrale qui

s'accompagne si souvent de dépression profonde en même temps

que de croyances et d'interprétations erronées. R. M. C.

Discours présidentiel PRONONCÉ A la cinquante-huitième réunion

annuelle DE l'Association MÉDICO -PSYCIIOLOG 1 QUE, tenue A LONDRES

LE 27 juillet 1899 ; par James BEVERIDGE SPENCE. (The Journal

of liental Science, octobre 1899.)

Comme la plupart des haranguesprésidentielles, celle-ci échappe

à l'analyse par la multiplicité des sujets auxquels elle touche ;

toutefois on peut signaler que l'idée directrice de l'orateur a été

de retracer les progrès importants réalisés depuis un temps assez

court dans l'amélioration du sort des aliénés et de la situation de

ceux qui les soignent. R. M. C.

LES ALIÉNÉS EN LIBERTÉ.

La folie de la persécution. Un individu correctement vêtu

s'adressait hier matin à un agent qui stationnait à l'angle de la

rue et du boulevard Montmartre et le suppliait de le protéger

contre des ennemis imaginaires qui, disait-il, avaient juré de le

tuer. Comme l'agent, aux propos incohérents de l'inconnu, com-

prenait qu'il avait affaire à un fou, il l'éconduisit doucement. Alors,

l'homme, tirant un couteau de sa poche, s'en porta un coup terri-

ble à la gorge. On l'a transporté immédiatement dans une phar-

macie, où il a reçu des soins, puis à l'hôpital Lariboisière. C'est

un ouvrier maçon nommé Gaston Soulac, âgé de vingt-huit ans,

dont on ignore le domicile. (L'Aurore, 20 avril 1900.)

Dangereux monomanie. - Depuis l'ouverture de la foire au pain

d'épice, une dizaine de plaintes ont été déposées entre les mains

de M. Leygonie, commissaire de police du quartier de la Roquette,

contre un individu dont on ne possède encore qu'un signalement

assez vague, qui se faufile dans la foule et pique, à l'aide d'un bis-

touri, les femmes passant à sa portée. Ce dangereux maniaque

est activement recherché. (L'Aurore, 20 avril 1900.)

Pauvre folle. Une fermière de Saint-Hilaire-sur-Erre, lime Chau-

veau, âgée de 68 ans, dont les facultés mentales étaient affaiblies,

s'est suicidée en se jetant dans un puits. (Le Bonhomme Normand,

14 décembre 1899.)

458 VARIA.

Une dépêche adressée le 4 février de Gars au Petit Var annonce

qu'un suicide a jeté une vive émotion au sein de la population. Le

nommé Jaume Rozé a mis fin à ses jours en se précipitant d'une

fenêtre du troisième étage de la rue principale de la localité. Le

malheureux est mort instantanément. On attribue ce suicide à un

accès de démence, Jaume Rozé ne jouissant pas de la plénitude de

ses facultés mentales.

Folie furieuse d'un employé de ministère. Un employé dans un

de nos ministères militaires, M. Georges B..., présentait, depuis le

commencement de celte année des marques manifestes de dérangement

cérébral. Il avait dû cesser, voici quelques semaines, de se rendre

à son bureau, et son état empirant inspirait de vives inquiétudes

aux habitants de la maison qu'il habitait, rue Cels, tout à côté de

la rue Daguerre. Hier, enfin, il s'était montré très agité durant

toute la journée ; le soir, aux premières ombres, il descendit dans

la rue, armé d'un couteau-poignard algérien, à la lame très effilée,

et se mit à se promener à grands pas, en prononçant de grandes

phrases incohérentes. Des passants voulurent le désarmer; mais

alors il devint tout à fait furieux et tenta de les frapper de son

arme.

Tout le quartier fut en émoi. On appela des agents, on alla cher-

cher le secrétaire du commissaire de police du quartier Montpar-

nasse. Lorsque celui-ci vint, le malheureux employé était remonté

chez lui et s'était barricadé dans sa chambre. Il fallut forcer les

portes. Mais, dès que le secrétaire eut pénétré dans la chambre, le

fou, redevenu à sa vue subitement furieux, se jeta sur lui avec son

arme dangereuse. Il fallut que trois agents entamassent la lutte

avec lui, et ce ne fut qu'après de longs efforts qu'ils purent se

rendre maître du forcené ; ils durent le porter tout ligotté au poste.

Le malheureux a été dirigé sur l'infirmerie spéciale du Dépôt.

(Le Temps du 10 février 1900.)

Drames de la folie. A Klaxon, dans le Lot, un sabotier nommé

Baptiste Miquel, âgé de quarante-quatre ans, qui, depuis quelque

temps, donnait des signes de folie, s'est tout à coup rué sur sa famille

composée de deux jeunes enfants, les a tués à coups de hache,

puis a fait subir le même sort à son vieux père qui venait essayer

de le désarmer. Sa femme, de retour d'un enterrement, allait être

tuée à son tour lorsque les voisins, accourus aux cris, sont venus

la délivrer et mettre en fuite le malheureux fou qu'on n'a réussi à

arrêter que dans la soirée.

A Auch, une femme Bourdelongue, dont le mari est garçon

de café, vient de tuer son enfant, âgé de trois mois, à la suite d'une

crise de folie furieuse. Elle a bourré la bouche du petit bébé de

VARIA. 459

linge, qu'elle a enfoncé dans la gorge à l'aide de ciseaux, jusqu'à

ce que 1 enfant ait rendu le dernier soupir. La femme Bordelongue

qui était sortie, il y a quelques mois, de l'asile des aliénés, a été

réintégrée dans cet établissement. (Le Temps du 10 février 1900.)

Le fou de la Charité. -Un de nos confrères racontait, ce matin,

qu'un malade conduit par des agents à l'hôpital de la Charité fut

admis d'abord, mais que, comme on constata un peu plus tard

qu'il venait de sortir d'une maison de santé, on le congédia sans

se préoccuper des conséquences de ce renvoi. A l'hôpital de la Cha-

rité on nous déclare que les choses se sont passées de la façon

suivante :

Le malade, qui se nommeEmile 0..., fut bien envoyé à l'hôpital

de la Charité par le commissaire de police du quartier Saint-

Thomas-d'Aquin, mais l'interne de service, dès le premier exa-

men, s'aperçut qu'il avait affaire à un fou et conseilla au gardien

de la paix qui le conduisait de l'emmener à l'infirmerie spéciale

de la préfecture de police.

Il fallait pour cela un ordre du commissaire de police. Pendant

que l'agent allait le chercher on laissa le fou dans la salle de

visites, en compagnie d'infirmiers qui lui administrèrent un cal-

mant. Mais l'attente se prolongea tant que les infirmiers, ayant à

travailler ailleurs, laissèrent seul un moment le'malade,

Celui-ci qui était redevenu tranquille, profita de cette circons-

tance pour quitter la salle et tranquillement gagner la rue Jacob.

Lorsque l'agent revint, l'homme avait disparu. On le chercha vai-

nement toute la journée. Mais entin, vers le soir, on le retrouva

boulevard Saint-Germain, où il exécutait, entouré de curieux, un

brillant « cavalier seul ». Les agents le reprirent, et, cette fois

sans encombre, le menèrent à l'infirmerie du Dépôt. (Le Temps du

17 mars 1900 ).

Les agents auraient dû emmener le malade avec eux au com-

missariat de police.

Le 16 mars, Auguste Thaon, garçon d'hôtel à Nice, a été tué

dans son lit par sa femme, Joséphine Peyron, d'un coup de couteau

au coeur. La malheureuse, prise d'un accès de folie, riait près du

cadavre. (Le Temps du 17 mars 1900.)

- Au petit village de Chenôve, dans la banlieue de Dijon, dit le

Radical, 8 mars, vient de se dérouler -un drame de la folie qui

aurait pu avoir les conséquences les plus graves. Depuis longtemps

déjà, un nommé Gelez, qui habite avec sa maîtresse une villa de

Chenôve, était atteint d'aliénation mentale. Il avait, lorsqu'un accès

s'emparait de lui, la manie de se livrer à de véritables fusillades

avec les armes nombreuses dont sa maison un véritable arsenal

était remplie. ·

460 VARIA.

Dimanche soir, armé d'une carabine Winchester, Gelez vint se

livrer à ses exercices habituels devant la maison du maire. Puis il

dirigea son tir vers deux vignerons qui étaient au travail. Ceux-ci

n'échappèrent aux balles qu'en se jetant à plat ventre sur le sol.

Le fou poursuivit le cours de ses exploits, mais, tout le village

s'étant réfugié dans les habitations, il en fut réduit à canarder les

maisons.

La gendarmerie prévenue réussit à grand'peine à s'emparer de

Gelez, qui a été transféré à l'asile des Chartreux. Une perquisition

pratiquée à son domicile a donné des résultats inattendus : dans

la salle à manger, quatre beaux chiens de chasse étaient étendus

sur la table, tout déchiquetés, tout ouverts, la boîte cranienne

sciée, le cerveau absent,

Si dans ses nombreuses fusillades Gelez n'a atteint personne, il

n'en a pas moins fait une victime : le maire de Chenôve, M. Drouin,

très affecté par ces événements tragiques, est mort dans la nuit

d'une congestion cérébrale dont les médecins font remonter la cause

à l'émotion ressentie.

Religieuse folle. La soeur directrice de l'école communale de

filles, à Breil, atteinte d'aliénation mentale, a tenté de mettre fin

à ses jours. Elle a été conduite à l'asile d'aliénés de Saint-Pons,

à Nice. Cette religieuse était, parait-il, malade depuis quelque

temps. Tout le monde, sauf quelques intimes, ignorait le genre de

sa maladie. (Petit Var, 4 février.)

La folie. Une femme de cinquante ans, Mme Brunswick,

demeurant rue du Mont-Cenis, 68, à Montmartre, qui, depuis quel-

ques jours, donnait des signes manifeste de démence, a tenté, hier,

de se suicider en s'entaillant la gorge à l'aide d'un couteau de

cuisine. Souffrant horriblement de la blessure qu'elle venait de se

faire, elle appela au secours, mais plutôt pour la débarrasser des

ennemis imaginaires qui en voulaient à sa vie, que pour lui don-

ner les soins qu'exigeait son état.

Quand les voisins accoururent à ses appels, elle était en proie à

une crise si intense que les agents, qu'on avait été quérir, durent

la lier pour la conduire, chez M. Carpin, commissaire de police,

qui l'a immédiatement envoyée à l'infirmerie spéciale du Dépôt.

Il y a peu de temps, la pauvre folle avait mis toute la maison

en révolution en prétendant qu'un malfaiteur s'était introduit chez

elle et avait tenté de l'assassiner en lui assénant sur la tête un

violent coup de sa pince-monseigneur. Et ce qui donnait quelque

créance à ce récit, c'est que la malheureuse femme portait, en

effet, au sommet du crâne, une blessure assez sérieuse. Maiscette

blessure, elle se l'était faite elle-même dans un des fréquents accès

de folie auxquels elle était sujette. (Le Figaro, 21 janvier 1900.)

VARIA. 461

- Le bon toqué Adalbert de Géraldine qui, l'autre jour, présentait

sa défense en vers devant le tribunal correctionnel, vient de re-

tomber entre les mains des alguazils de M. Lépine.

Il se trouvait, hier soir, à la terrasse d'un café de Montmartre,

quand l'idée lui vint brusquement de prononcer un grand discours

politique. Les passants s'assemblèrent et l'ineffable Adalbert dé-

versa sur eux les flots de son éloquence subversive. Il trouva

même le moyen d'outrager le président de la République, ce qui

lui valut d'être empoigné par deux vigoureux gardiens de la paix

et envoyé au Dépôt. (Le Matin, 4 février 1900.)

La CAMISOLE DE FORCE MORTELLE.

Une habitante de l'Isle-sur-Sorgue, Mme Pauline Bonnefoy, jour-

nalière, âgée de cinquante-cinq ans, poursuivait depuis 'quelque

temps les membres de la famille P... d'injures et de menaces. Sur

la plainte de M. P..., négociant, et sur sa déclaration que cette

femme était folle, 111 ? Bonnefoy fut examinée par trois médecins

de l'Isle, MM. Compagne, Tallet et Laffond.

Les docteurs furent unanimes à déclarer que 111me Bonnefoy

et sa fille Irma, âgée de vingt et un ans, étaient folles à lier,

atteintes de manie raisonnante avec hallucinations de l'ouie et de

la vue, et que, sous l'influence du délire, elles pourraient causer

de graves malheurs. En conséquence, les deux femmes furent

internées, le 10 du courant, à l'hospice des aliénés de Montdever-

gnes.

Mme Bonnefoy protestait avec fureur contre son internement

et se débattait avec une telle rage que les religieuses, gardiennes

de l'établissement, jugèrent nécessaire de lui passer la camisole

de force, se faisant aider dans cette opération par le cocher de

l'asile. Mme Bonnefoy, domptée, resta un instant comme hébétée,

puis jeta un grand cri et tomba sans connaissance. On crut d'abord

à un évanouissement. Mais tous les soins donnés à la malade ne

pouvaient la ranimer. On appela un médecin. Celui-ci ne put que

constater le décès de Mme Bonnefoy.

Les Drs Compagne et Laffont ont déclaré que la mort était due à

une syncope causée par l'horreur qu'avait éprouvée la malade en se

voyant mettre la camisole de force. (Le Temps, 13 février 1900.)

FOLIE RELIGIEUSE.

L'Allgemein HanJelsbla rapporte un drame épouvantable qui

vient de se passer à Altforst, un village de la Gueldre, près d'Ap-

peltern :

« Une secte religieuse, formée d'habitants de ce village, avait

décidé d'offrir un sacrifice au Seigneur. Dans la nuit de vendredi

462 varia.

à samedi, conformément à ce qui avait été décidé, deux jeunes

filles vinrent chanter des psaumes devant la demeure du cultiva-

teur Scherf, un des membres de la société. Aussitôt, Scherf appela

son domestique et l'assassina sur place.

« La tête et les bras du cadavre furent coupés, et Scherf, sa

femme et les deux chanteuses de psaumes se lavèrent les mains

dans le sang de la victime, puis, pour compléter le sacrifice, on

mit le feu à la chambre. Scherf, qui s'était rendu quelques heures

après à Batenburg, chez sa mère, a été arrêté à son retour, au

moment où il traversait Appeltern.

« A la nouvelle du fait, vingt membres se rendirent dans l'habi-

tation et se mirent à chanter des psaumes jusqu'à dimanche

matin. On ne les a pas laissé sortir de la maison, qui est cernée

par un cordon de gardes champêtres. Un détail : le cadavre avait

été saigné, et les vingt membres de la secte se sont lavé les mains

dans le sang. » (Le Temps, 9 février 1900.)

Le Siècle du 12 février complète ainsi les renseignements qui

précèdent :

« Le drame sanglant qui vient de se dérouler à Appeltern, en

Hollande, doit bien être attribué à un accès de folie religieuse. A

la suite d'un examen médical, le cultivateur Scherf a été interné

à la maison d'aliénés de Medemblik.

« On prétend qu'il voulait aussi sacrifier un de ses enfants. Sa

femme déclare « qu'il peut revenir à tout moment au logis, parce

« qu'il est tout-puissant ». Toutes les personnes atteintes de cette

folie religieuses sont enfermées dans leurs maisons, gardées par

la police. La gendarmerie de Nimègue est arrivée sur les lieux. Au

dernier moment, la nouvelle arrive que plusieurs personnes répu-

tées dangereuses ont été transférées à l'établissement d'aliénés de

Saint-Grave.

« Les cinq enfants de Scherf ont été retirés à leur famille et con-

fiés à des parents, ainsi que les trois enfants d'une veuve qui

appartient aussi à la secte. Le corps de la victime a été inhumé au

cimetière d'Appelterre. Les porteurs, les membres de la famille,

l'instituteur chef de l'école protestante et le bourgmestre ont seuls

été autorisés à assister à la triste cérémonie. Ce dernier a prononcé

une émouvante allocution. » -

FAITS DIVERS.

Asiles d'aliénés. Nominations et promotions. - M. le De La-

LANNE, médecin-adjoint à Maréville (Meurthe-et-Moselle), promu à

la 110 classe du cadre; Dr Dubuisson (Paul-Émile), médecin en

chef à l'Asile clinique (hommes) passe en la même qualité au ser-

vice des femmes, en remplacement de Dr Bouchereau, décédé ;

Le Dr Vallon, médecin en chef à Villejuif (Seine), passe en la même

qualité à l'Asile clinique (hommes), en remplacement de Dr Du-

buisson ; - Le De Marié (A.), médecin en chef à Dun-sur-Auron

(Cher), passe en la même qualité à Villejuif en remplacement du

Dr Vallon ; Le De Thibaud, médecin adjoint à Quimper, passe

en la même qualité à l'asile de Quatre-Mares (Seine-Inférieure),

en remplacement de Dr Thivet, nommé médecin en chef à Cler-

mont (Oise).

Asile d'aliénés DE la seine. A la suite du concours ouvert le

5 décembre 1899, et par arrêté préfectoral en date du 12 janvier

courant, ont été nommés :

Internes tilidaires en médecine : MM. Mailet (François-Joseph),

Vurpas (Claudius), Buvat (Jean-Baptiste), Parant (Armand-Victor),

Cayla (Léon-Ernest-llonoré-Louis), Meunier (Paul-Gaston).

Internes provisoires en médecine : MM. Masselon (Pierre-René),

Bienvenu (Paul-Léon), Guiard (Henri-Léon-Louis), Lefilliâtre (Ar-

mand).

Le sujet de la composition écrite a été le suivant : Sympathique

cervical. (Anatomie et physiologie.) Les questions orales don-

nées ont été les suivantes : Pathologie interne : Des crises gastri-

ques. Pustule maligne. - Formes cliniques de l'urémie. Patho-

logie externe : Symptômes et diagnostic de la hernie étranglée.

Mal de Pott. - Signes et diagnostic de la cuoealgie.

En ce qui concerne l'internat en pharmacie, ont été nommés à la

suite du concours du 6 novembre 1899 et par arrêté préfectoral du

12 janvier courant :

Internes titulaires en pharmacie : MM. Bricard (Eugène-Louis-

Joseph), Hirn (Marie-Emile), Desmots (Henri-Auguste), Tiffeneau

(Jules-César-Jean-Marie).

Internes provisoires en pharmacie : MM. Pouilh (Louis-Paul-Guil-

laume-Jules), Normand (Léon-Charles-Victor-Auguste), Lacroix

(Jean-Baptiste-Joseph), Ville (Henri-Lucien).

464 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

EMPOISONNEMENT.- Deux enfants de cinq et sept ans, de St-Vincent-

la-Châtre (Deux-Sèvres), ayant mangé des graines de datura, après

avoir éprouvé de violentes douleurs devinrent subitement fous

furieux ; on a peu d'espoir de les sauver. (Le Bonhomme Normand,

du 17 au 23 novembre 1899.)

Cooatss KNAPP. - The trealment of ce)'e& ? 'a <M)) ! ot's. Brochure in-4

de 13 pages. Boston, 1899. - Damrell und Upham, pubhshers.

DONATH (J.). - Ein Fall von traumatischer periodiscleer Llilzmung. -

Brochure in-8° de 10 pages. Wien und Leipzig, 1899. - Librairie

Braumüller.

GARNIER. Asile départemental d'aliénés de Dijon. Rapport médical,

compte moral et administratif présenté pour l'année 1899. - Brochure

in-8° de 58 pages. Dijon, 1899. Imprimerie Prodot-Carré.

Grasset. Analomie clinique des centres nerveux. Volume in-16,

cartonné, de 96 pages. Prix : 1 fr. 50. Paris, 1900. Librairie

J.-B. Baillière.

LEY. - Le traitement des enfants idiots et arriérés en Belgique.

Brochure in-8° de 17 pages. Gand, 1900. Imprimerie E.-Vander

Haeghen.

LUZENBEItGEIt (A.). Bolle erpaticlae recidivanli aile dita. Curale

colla galvanizzazione dei tronchi 71eî,vosi. - Brochure in-8° de 9 pages.

Napoli, 1899. Lihreria Detken e Rocholl.

Luzenberger (A.). Sull'acroparestesia (di Schultze) e sul suo tralla-

menlo per mezzo dell'eleltricita. Brochure in-8° de 15 pages. - Milan,

1899. - Librairie Fr. Vallardi.

LUZENBERGER (A.). Suit trattamento del varicocele per mezzo della

galvanofaradizzazione. Brochure ut-8° de 7 pages. Milan, 1899.

Librairie Fr. Vallardi. e v

Managez Rôle de l'arthritisme dans la pharyngite granuleuse.

Brochure in-8° de 3 pages. Paris, 1899. - Chez l'auteur, 14, rue

Duphot. ' 0

NINA-RoDRIGUES. - Métissage, dégénérescence et crime. Brochure

in-8° de 40 pages, avec 2 tableaux hors texte. Layon, 1899. Librairie

A. Storck.

Ponrtntrt. - Assistance et traitement des idiots, imbéciles, débiles, dégé-

nérés amoraux, crétins, épileptiques (adultes et enfants). Assistance et

traitement des alcooliques. Colonies familiales (Aperçu critique sur

l'article 2 du nouveau projet de loi portant revision de la loi du 30 juin 1888,

sur les aliénés), avec une préface de M. le D' Magnan. Tome VII de la

Bibliothèque d'éducation spéciale. Un volume in-8° de iv-212 pages.

- Prix : 5 francs. Pour nos abonnés : 3 fr. 50.

Le rédacteur-gérant : BOURNEVILLE.

Évreux, Ci). HhISSEV, imp. - 5-1900.

Vol. IX. Juin 1900. N" 54.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

PATHOLOGIE NERVEUSE.

Observation de chorée chronique héréditaire

d'Huntington, examen histologique ;

par Il

Le D P. KERAVAL, et Le D' G. RAVI,IRT,

Médecin directeur de l'asile Préparateur, chargé des travaux pratiques

d'Armentières. d'anatomie pathologique à la Faculté de Lille.

L'observation suivante a pour caractère d'être complète

au point de vue clinique et d'être appuyée par une étude

histologique détaillée. Nous ne saurions trop remercier

M. le professeur Curtis des conseils qu'il nous a donnés pour

mener à bien l'examen microscopique que l'on va lire et qui

aété pratiquédansson laboratoire. Il ne nous paraît pasnéces-

saire de faire une revue critique des faits de cette nature

déjà publiés, l'intérêt de l'observation résidant principale-

ment dans les altérations anatomo-pathologiques qui ont

été constatées. Peut-être publierons-nous plus tard un mé-

moire synthétique et analytique sur l'ensemble des chorées

de ce genre, confirmé par des recherches ultérieures de cli-

nique et d'anatomie pathologique. L'important, nous paraît

être pour le moment, de livrer ce fait à la publicité.

Observation clinique.

Brout... (Lucien-Henri), né le 20 octobre 1856, célibataire,

entre à l'asile d'Armentières le 4°r septembre 1899, il est atteint

Archives, 2' série, t. IX. 30

46G PATHOLOGIE NERVEUSE.

de démence, et présente les signes classiques de la chorée chroni-

que de Huntington. Nous recueillons sur ses antécédents

héréditaires et personnels les renseignements suivants dont l'inté-

rêt est très grand comme on va le voir. Le grand-père paternel

était grand buveur, il est mort des suites d'une affection cardiaque.

Le père de notre malade, fut bien portant durant sa jeunesse,

il n'eut pas de rhumatismes ; il était sobre, mais fumait beaucoup.

Il est soldat en France, revient chez lui à vingt-cinq ans, et deux

ans après, les premiers phénomènes choréiques apparaissent. En

cinq ans, ils avaient faits de tels progrès que le malade était hors

d'état de travailler. D'abord cantonnés aux bras, les mouvements

choréiques se montrèrent aux jambes, puis à la tête. La marche

était impossible cinq ans après le début et il dut entrer à l'hôpi-

tal d'Hazebroucq, il y mourut cinq ans après y être entré; il était

resté au lit, tout ce temps.

C'était un homme vif, à caractère bizarre ; il s'emportait facile-

ment et pour un rien battait femme et enfants. Mais un état men-

tal ne commença à se constituer qu'après son entrée à l'hos-

pice ; après trois à quatre ans il était en démence. Il avait deux

soeurs et un frère plus âgés que lui, qui ne présentèrent jamais

aucun trouble. Sa mère avait quarante-huit ans quand elle le mit

au monde.

Marié à dix-huit ans, il eut deux enfants, notre malade, et quatre

ans après, un autre garçon. Le frère de notre malade fort bien

portant étant jeune, était garçon boulanger à treize ans; c'était un

très solide gaillard à cette époque. Mais il fit de nombreux excès

tant alcooliques que vénériens. Après un refroidissement, il con-

tracte une bronchite et depuis, tousse constamment. Pas de rhu-

matismes. Il est soldat, va trente mois en Afrique dans la province

d'Oran ; il n'y contracte point de fièvres. Il y but beaucoup d'ab-

sinthe. Pas de maladies vénériennes.

A trente-huit ans, se montrèrent chez lui les premiers mouve-

ments choréiques, ils apparurent en hiver, et atteignirent la jambe

puis le bras gauche, et ce n'est qu'après deux années que la face

fut prise à son tour. Dans la moitié gauche du corps ses mouve-

ments sont constants, ils le sont moins dans les membres droits.

Les temps humides exerceraient sur ces mouvements très nette-

ment choréiques, une réelle influence. La volonté est impuis-

sante à arrêter ces mouvements qui persistent même pendant le

sommeil (comme chez son père et chez son frère). L'évolution

est lente mais progressive; la marche devient très difficile. La foire

musculaire n'est nulle part amoindrie ; il n'y a pas d'amaigrissement.

Le réflexe rotulien est exagéré. 11 n'y a pas de réflexe plantaire,

pas de trépidation épileptoïde. Les pupilles dilatées réagissent

bien, il n'y a pas de nystagmus, les yeux sont constamment en

mouvement. La sensibilité est intacte dans tous ses modes.

CHORÉE CHRONIQUE HÉRÉDITAIRE D'HUNTINGTON. 467 Î

Ce malade a toujours eu un caractère très vif; avec cela légère- >

ment craintif; il a peur de l'orage par exemple. Il n'a pas de mé-

moire : à l'école, sitôt appris, sitôt oublié, nous dit-il.

Vient maintenant : Brout..., bien portant étant jeune, malheu-

reusement excès alcooliques et vénériens. Passait fréquemment la

nuit et fatiguait énormément. La chorée débuta à vingt-quatre

ans, elle évolua rapidement. Les pieds et les bras, sont d'abord

pris, et, quatre ans après le début, la tête est également le siège des

mouvements. Non modifiés par la volonté, ces mouvements choréi-

ques existaient pendant la nuit, et, durant son sommeil, notre ma-

lade donnait des coups de pied et gesticulait. Ajoutons que les

membres gauches furent toujours les plus atteints. Depuis quel-

ques années, le malade rêvait beaucoup et tout haut.

Au moment où nous vîmes Brout... pour la première fois, les

accidents remontaient donc à dix-neuf ans. Voici l'observation telle

qu'elle fut prise par M. BOUTROIS, interne de l'établissement :

Brout... (Lucien-Henri), quarante-trois ans, célibataire, est

entré à l'asile le 1 ? septembre 1899 dans un état de misère phy-

siologique très avancée. La maigreur est extrême, la force physi-

que presque nulle. La station debout est presque impossible, les

jambes paraissent être le siège d'un certain degré de parésie et

nous sommes obligés de faire coucher le malade dès son arrivée.

L'examen physique dénote chez lui de nombreux signes de

dégénérescence. Asymétrie faciale marquée. Front bas, voûte du

palais ogivale. Le crâne, très étroit à la région frontale, va s'élar-

gissant vers les bosses pariétales, pour se rétrécir ensuite et se ter-

miner en pointe derrière le vertex, formant ainsi une variété

d'acrocéphalie assez remarquable. Les oreilles sont larges, les

replis presque effacés, les lobules adhérents. Très velus, le thorax

et le ventre surtout sont couverts d'une toison brune fort épaisse

et longue. Les sourcils sont extrêmement fournis. La taille est

moyenne. Les ongles des mains sont larges, cannelés dans le sens

de la longueur et très friables.

Ceux des orteils sont également le siège de troubles trophiques.

Tous sont épaissis en massue, hypertrophiés, formant de vérita-

bles excroissances cornées. Ceux du gros orteil notamment sont

enroulés sur eux-mêmes, se rabattant par leur extrémité libre vers

la matrice. Les organes génitaux paraissent normaux.

On ne relève pas chez ce malade de traces de syphilis ni d'alcoo-

lisme. Mais ce qui frappe surtout chez lui, ce sont les mouvements

ince-sants qui agitent toutes les parties de son être, mouvements

incoordonnés, sans aucun rythme, se produisant par secousses

brusques et imprévues.

Très faible, comme nous l'avons déjà dit, Brout... ne peut se

tenir sur ses jambes sans être soutenu ; l'étude de sa marche est

donc impossible. Toutefois, il est à signaler que lorsqu'on le sou

468' PATHOLOGIE NERVEUSE.

tient et qu'on le prie de faire un pas, son pied se jette désordon-

nément on avant de cinq à dix centimètres, la pointe légèrement

fléchie vers la jambe, le talon quittant à peine le sol.

Si l'on assied le malade, il s'incline subitement à droite ou à

gauche sur le dossier de sa chaise, pour se redressser ensuite, ou

bien fléchir le corps en avant. Les jambes et les bras sont conti-

nuellement en mouvement, les genoux s'écartent ou se rappro-

chent tout à coup, les pieds quittant le sol en partie tantôt de la

pointe, tantôt des talons. -

Les membres supérieurs en flexion et rapprochés du tronc ont

des mouvements moins fréquents. Les doigts cependant sont tou-

jours agités. Les épaules tantôt se baissent, tantôt s'élèvent et cela

ensemble on isolement.

La tête est animée de mouvements de rotation, de flexion, d'ex-

tension dans tous les sens. Tous les muscles de la face participent

également à l'agitation continuelle du reste du corps.

Dans le décubitus dorsal, position où l'examen du malade a été

le plus favorable, les membres sont également dans un perpétuel

mouvement. La flexion l'emporte en énergie sur l'extension, car

le malade n'est jamais en état de résolution complète. Les cuis-

ses sont fléchies sur le bassin, les jambes sur les cuisses, et l'en-

semble est agité de secousses qui produisent, ainsi que nous ten-

dons à le faire comprendre, des extensions passagères et jamais

complètes. Fréquemment, le malade couché, dresse verticalement

un membre inférieur gauche. Les bras sont ramenés vers le tho-

rax et légèrement élevés ; les avant-bras sont fléchis à angle droit

sur les bras. Les poignets et les cous-de-pieds ont des mouve-

ments de flexion, d'extension, de supination et de pronation.

Toutes les articulations des doigts et des orteils offrent ces mou-

vements de flexion et d'extension qui semblent des mouvements

d'impatience. A noter particulièrement les mouvements des arti-

culations métacarpo et métatarso-phalangiennnes qui écartent et

rapprochent de façon curieuse les doigts et les orteils. Et tout cela,

sans aucun rythme, aucune coordination, brusquement, par

secousses convulsives.

La même brusquerie se retrouve dans les contractions présen-

tées par les muscles du thorax et de l'abdomen, produisant une

sorte de frémissement du corps analogue à celui que produit le

chatouillement. L'attitude générale du malade d'ailleurs serait

assez justement comparée dans cette position à celle d'un jeune

chien couché sur le dos, les pattes en l'air pour se faire caresser.

. Etant donné l'état de déchéance mentale du malade, les mou-

vements intentionnels qu'on peut lui faire exécuter sont peu nom-

breux, par suite de la difficulté où l'on se trouve d'attirer son

attention. Cependant, lorsqu'on lui demande la main, il arrive à

la donner sans trop d'hésitations, probablement parce que cet

CHORÉE CHRONIQUE HÉRÉDITAIRE D'HUNTINGTON. 469

acte est assez court, car il lui est impossible de s'habiller et de

manger seul; si d'autre part on le prie de porter la main à une

épaule après l'avoir portée sur l'autre, la dernière partie de l'or-

dre ne s'exécute qu'avec beaucoup plus de lenteur et d'hésitations

que la première. - - ,

Pas de troubles notables de la sensibilité, bien qu'elle soit un peu

retardée. Légère inégalité pupillaire.

Réflexes : Réflexe rotulien exagéré surtout à gauche. Pas de

réflexe plantaire. Pas de trépidation épileptoïde; réflexes oculaires

conservés.

La respiration, le plus souvent normale, présente, par instants,

des troubles dans le rythme, ces troubles sont manifestement

causés par des spasmes du diaphragme qui concurremment con-

vulsent l'abdomen. Pas de fièvre.

La digestion se fait bien ; mais la mastication est difficile et la

déglutition des matières solides est pénible.

Rien de particulier du côté du coeur. Pas d'athérome. L'exa-

men sthétoscopique de l'appareil respiratoire dénote des lésions

de tuberculose pulmonaire avancée surtout à gauche, où la matité

est intense, le murmure vésiculaire complètement disparu, où l'on

trouve des craquements à la base et du gargouillement au sommet.

A droite, au sommet, quelques craquements.

Etat mental. Réaction pour les événements du monde exté-

rieur considérablement diminuée. Attention fugitive. La volonté

semble fort amoindrie. La mémoire est complètement troublée.

Brout... parle parfois seul, comme sous le coup d'hallucinations,

mais de façon à peu près incompréhensible, étant donnés-les

spasmes qui secouent aussi les muscles du larynx. Aux questions

qu'on lui pose, il répond, autant qu'on peut l'entendre, de-façon

incohérente.

Depuis le 30 août 1896 qu'il était pensionnaire à l'hôpital civil

d'Armentières, Brout... n'avait jamais paru jouir de la plénitude

de ses facultés. Cependant, il était calme, bien qu'ayant le carac-

tère assez morose et taciturne. Progressivement, son état moral

devint plus inquiétant, il s'aigrit, devint susceptible, hargneux. Il

y a quelques semaines, des troubles intellectuels plus graves se

manifestent chez lui et nécessitent son admission à l'asile d'aliénés :

devenu subitement impulsif, brutal envers ceux qui l'approchent,

il se livre à des actes incohérents, s'esquive le soir au moment du

coucher, et la nuit, très agité, pousse de grands cris, empêchant

ses camarades de salle de dormir.

A son arrivée à l'Asile, il semble que cet état d'agitation soit

pourtant un peu calmé, mais Brout... parait être en plein état de

démence. '"

16 septembre 1899. Le malade ne peut absorber aucun ali-

470 PATHOLOGIE NERVEUSE.

ment solide : on le nourrit avec du lait qu'on lui fait boire au

petit pot.

- L'agitation présentée à l'arrivée a disparu ; il est calme sur son

lit d'où il ne bouge pas, et ne parle que fort peu.

25. Le malade gâte. On l'envoie au quartier spécial Leuret.

Toujours le même état mental de démence, mais aussi de calme.

La première quinzaine d'octobre se passe assez bien ; rien ne vient

ajouter une note nouvelle à l'état mental et physique de Brout...

Cependant le 18 octobre, une eschare sacrée se produit. Elle

augmente rapidement les jours suivants et le 24 octobre elle

atteint les dimensions de la paume de la main. Le lendemain

25 octobre, autre eschare à l'angle supéro-interne de l'omoplate. La

lèvre inférieure est, vers la commissure gauche, le siège d'une

lésion trophique se présentant sous l'apparence d'une lame kéra-

tinisée recouvrant le derme rouge, infiltré de sérosité.

Les mouvements choréiques perdent leur énergie, ils sont moins

fréquents, moins étendus. Par contre, l'agitation intellectuelle

s'accroît : le malade crie, surtout la nuit, lance des injures de sa

voix contorsionnée, semble s'emporter contre des êtres invisibles,

et oppose une résistance aussi brutale que le permet son misé-

rable état physique aux infirmiers qui le soignent et le changent;

l'amaigrissement s'accentue.

Les jours suivants, les eschares grandissent. Le 30 octobre une

violente diarrhée se déclare : une nouvelle eschare commence à la

partie postérieure de la jambe, au niveau du condyle interne du

fémur.

Le malade tombe dans le marasme ; les accidents choréiques

deviennent de moins en moins sensibles.

Le 3 novembre, à 10 heures 15 du matin, le malade meurt, les

membres en résolution.

Autopsie. Examen histologique.- L'autopsie est pratiquée vingt-

quatre heures après la mort. La boite crânienne est ouverte, la

dure-mère incisée et réclinée, on constate alors que l'espace sous-

arachnoïdien est le siège d'un oedème d'aspect mousseux blan-

châtre, qui présente une anologie frappante avec de la salive blan-

che aérée ; il est particulièrement abondant au niveau des circon-

volutions ascendantes. Le système veineux pie-mérien, est très

congestionné. Granulations méningiennes nombreuses. L'écorce a

un aspect normal, toutefois les sillons frontaux semblent plus

accentués à droite qu'à gauche. L'encéphale est extrait et des

fragments prelevés dans chacune de ses parties sont fixés en vue

de l'examen microscopique. La moelle et les nerfs périphériques

ont été également fixés. Notons qu'un examen macroscopique

attentif n'a rien pu faire découvrir d'anormal.

Ecorce cérébrale. - Méthode de Nissl. - Circonvolution frontale

ascendante droite. Le nombre des cellules pyramidales parait sen-

CHORÉE CHRONIQUE HÉRÉDITAIRE D'HUNTINGTON. 471

siblement réduit et les éléments qui subsistent sont loin d'être

absolument sains. Les cellules nerveuses qui semblent le moins

altérées, ont leur protoplasme encore intact, mais la coloration

bleue, y est déjà presque uniformément répartie; toutefois on y

distingue encore de fines granulations et la teinte bleue, très mar-

quée dans la région basale de la cellule, est presque insignifiante au

niveau de son extrémité effilée. Quant au noyau, situé à peu près

exactement au centre des cellules, sa coloration est d'un bleu pâle,

on distingue en son centre un nucléole fortement teinté. Mais dans

bon nombre de cellules l'aspect est différent, et on trouve autour

du noyau coloré en bleu, une zone blanchâtre circulaire limitée

en dehors par le protoplasme cellulaire coloré en bleu ; les dimen-

sions de cette auréole blanche périnucléaire sont plus ou moins

considérables, si bien que dans certaines cellules la substance chro-

matique se réduit à une bande plus ou moins étroite bordant la

périphérie de la cellule. Dans d'autres cellules au contraire, c'est

immédiatement autour du noyau que se trouve la substance chro-

matique, le reste de la cellule étant grisâtre, presque incolore.

A côté de ces cellules qui semblent déjà malades, nous en voyons

un assez grand nombre en voie de désintégration : le noyau gonflé

occupe une grande partie du corps cellulaire et on voit son nucléole

accolé contre la membrane d'enveloppe ; quant au protoplasme

cellulaire, nous pouvons en saisir tous les degrés d'altération :

d'abord grisâtre, finement granuleux, nous le voyons disparaitre

autour du noyau,. et former alors à ce dernier une véritable cou-

ronne qui devient poussiéreuse et finit par disparaître, le noyau

profondément altéré, se trouvant en quelque sorte être misen liberté.

En examinant attentivement les préparations, on retrouve un grand

nombre de ces noyaux tranchant par leur pâleur sur les autres

éléments, ils ont un nucléole périphérique et sont pour la plupart

entourés de quelques débris poussiéreux, derniers vestiges du

protoplasme désagrégé. Leur nombre est très grand et il nous

représente le nombre des cellules pyramidales détruites.

Nous constatons enfin dans toute l'étendue de nos préparations,

une très grande abondance de petites cellules rondes, ou pour

mieux dire de petits noyaux assez régulièrement arrondis, bien

colorés en bleu, et pourvus d'un petit nucléole. Isolées en certains

endroits, ces petites cellules forment le plus souvent des agglomé-

rations 'composées de cinq et même dix éléments tassés les

uns contre les autres. Autour des vaisseaux et des capillaires

les plus fins, nous les voyons formant un véritable manchon au

conduit vasculaire, elles forment en certains points des alignements

parallèles et faiblements distants de la paroi du capillaire. Enfin,

ces cellules affectent avec les cellules nerveuses de l'écorce des rap-

portsqui présentent pour nous le plus grand intérêt, elles entourent

en certains points le corps cellulaire presque en entier ; les espaces

472

PATHOLOGIE NERVEUSE.

péricellulaires en contiennent deux, trois et peuvent même en con-

tenir jusqu'à six. Si on songe que ce nombre ne répond qu'à une

simple coupe, on peut se figurer combien peuvent êlre nombreuses

les petites cellules rondes autour d'une seule cellule pyramidale.

Les cellules nerveuses, à peu près normales, sont aussi bien

entourées de petites cellules que les éléments nerveux altérés, ces

derniers peuvent même sur certaines coupes n'en pas être envi-

ronnés. Au contraire on peut, en certains points, voir les éléments

altérés presque complètement pénétrés par les petites cellules, ces

dernières entourant le noyau altéré de la cellule nerveuse et sem-

blant achever d'en détruire la masse proloplasmique.

L'examen de coupes colorées par l'hématoxyline de Delafield et

le mélange de Van Giesen, nous permet, mieux que la méthode de

Nissl, de nous rendre compte des rapport des petites cellules avec

Fiy. Il. Ecorce cérébrale, Frontale ascendante-droite. (Méthode de

Nissl. Détails dessinés avec : Vérick. Oc. 3, Obj. 4.) Cette figure est

destinée à montrer l'abondance des petites cellules rondes dans toute

l'étendue de l'écorce cérébrale. Elle est la représentation exacte du

champ microscopique.

CHORÉE CHRONIQUE HÉRÉDITAIRE lHU ? TINGTO-.1. 473 na

les cellules nerveuses et leurs loges. On constate alors que les petits

éléments ronds, sont bien dans les loges et on les voit en certains

points refouler légèrement le corps cellulaire. Dans la subs-

tance blanche le développement de ces petites cellules est égale-

Fir. 12. - Écorce cérébrale. (.Méthode de Nissl. Vérick. Oc. 3, Obj. i.

Nous avons représenté dans cette figure, aussi fidèlement que possible)

les différentes altérations dont il a été question an cours de nos des-

criptions. Le lecteur y retrouvpra sans peine, l'élément à peu près,

normal et les altérations cellulaires multiples : gonflement nucléaire,

migration du nucléole à la périphérie, altéiation double du noyau,

raréfaction protoplasmique périnucléaire et finalement désintégration

et disparition presque complète du protoplasma. Enfin on y verra

repiésentés les nombreux éléments névrogliques formant en certains

points des amas en îlots, entourant en d'autres les cellules nerveuses

plus ou moins désagrégées, ou constituant enfin autour des capillaires

un véritable manchon.

474 PATHOLOGIE NERVEUSE.

ment très grand; nous les voyons également en grand nombre

appliquées le long des parois vasculaires.

Ce que nous venons de décrire pour la circonvolution frontale

ascendante droite, pourrait être répété pour la plupart des régions

de l'écorce. Nous avons pu en effet sur un très grand nombre de

coupes retrouver les mêmes altérations, mais c'est dans les circon-

volutions de l'hémisphère droit, et particulièrement dans les zones

psychomotrices de ces dernières, que nous les avons rencontrées

en plus grand nombre.

Nous ne nous sommes point borné à l'examen des cellules de

l'écorce cérébrale et avons pratiqué les méthodes de Weigert et

de Marchi.

La coloration de la névroglie par la méthode de Weigert ne

nous a rien montré d'intéressant, il ne nous a point paru que

les fibres de névroglie fussent augmentées en nombre. Sur des

coupes de l'écorce (frontale ascendante droite) colorées par l'héma-

toxyline de Weigert, on constate que le nombre des fibrilles corti-

cales tangentielles, est très diminué, il n'en existe plus par places,

et celles qui restent présentent, pour la plupart, un aspect moni-

liforme très accusé. Dans les régions profondes de l'écorce, l'aspect

est le même, et a côté de fibres saines, nous en trouvons qui

présentent de nombreux renflements incolores sur leur trajet ou

qui également renflées sur toute leur longueur, sont restées réfrac-

taires à la matière colorante.

La méthode de Marchi ne nous a point révélé d'altérations bien

nettes, tout au plus rencontre-t-on, par-ci par-là, quelques fibres à

myéline gonflées et fragmentées, ayant conservé l'acide osmique.

Moelle épinière. La méthode de Nissl a été appliquée ici sur

des coupes des différentes régions : les grandes cellules des cor-

nes antérieures sont à peu près normales, on ne rencontre pas

autour d'elles de petites cellules rondes; ces dernières, en revanche,

existent en grand nombre autour des cellules nerveuses plus petites

avec lesquelles elles affectent les mêmes rapports que ceux décrits

plus haut à propos de l'écorce cérébrale. Notons en outre que les

cellules nerveuses de la colonne de Clarke nous ont semblé plus

particulièrement atteintes; un certain nombre d'entre elles

présentent les différents aspects de la désintégration cellulaire.

La coloration de la myéline par l'hématoxyline de Weigert nous

a montré, disséminées irrégulièrement sur toute la surface de sec-

tion de la moelle, un certain nombre de fibres gonflées réfractaires

à la coloration. La méthode de Marchi a coloré en noir un certain

nombre de fibres irrégulièrement situées. En somme pas de dégé-

nérescence présentant l'apparence d'une systématisation.

Les nerfs périphériques traités également par la méthode de

Marchi ne présentent pas d'altération bien nette, la myéline a

bien, par places, retenu l'acide osmique, mais en aucun point nous

CHORÉE CHRONIQUE HÉRÉDITAIRE D'HUNTINGTON. 475

ne trouvons la fragmentation, ni la formation de boules caracté-

ristiques.

De quelle nature sont ces petites cellules rondes ? quel serait leur

rôle ? Elles apparaissent presque comme des noyaux libres, avons-

nous dit, leur protoplasme est en effet réduit à très peu de chose.

Le noyau arrondi contient un réseau de chromatine bien marqué;

jamais on ne trouve d'élément qui présente le noyau en bissac des

leucocytes polynucléaires. Si ces petites cellules étaient des leu-

cocytes, il faudrait admettre que ce sont des leucocytes mono-

nucléaires ou lymphocytes; or les leucocytes de cette variété sont

peu abondants et ce sont justement les seuls qui n'émigrent pas ;

d'ailleurs les vaisseaux sanguins, qui sont ici en partie vides, ne

présentent aucune trace de diapédèse.

D'autre part, elles présentent les caractères des cellules névro-

gliques. Sur des préparations colorées par la méthode de Rosin.

les noyaux se colorent en vert comme ceux des cellules névrogli-

ques, etl'on peut constatera l'aide d'un fort grossissement qu'autour

de quelques noyaux existe un petit liséré de protoplasme qui for-

me non pas un bord net mais un bord déchiqueté, comme si de

petits restes de fibrilles rompues étaient demeurés adhérents au

protoplasme cellulaire.

Tout ce que nous pouvons avancer, c'est que ce sont des éléments

d'origine ectodermique en voie de multiplication. S'agit-il d'élé-

ments névrogliques embryonnaires, ou bien sont-ce là des éléments

de réserve qui, à un moment donné, se réveillent et prolifèrent ? le

problème nous parait difficile à résoudre. Quel est d'autre part le

rôle joué par ces éléments ? Est-ce que ces nombreuses petites

cellules que nous rencontrons autour de quelques cadavres cellu-

laires jouissent du pouvoir de phagocyter les cellules nerveuses' ? ' ?

Que font alors les petites cellules que nous rencontrons autour des

cellules pyramidales d'apparence saine 1

N'est-il pas logique de se demander enfin si la présence de ces

éléments pathologiques dans les loges des cellules pyramidales de

la région motrice, n'est pas pour ces cellules une cause d'irritation,

et si les petits amas de mêmes éléments interposés entre les fibres

de l'écorce et entre celles de la substance blanche ne sont pas

également pour ces conducteurs une cause de perpétuelle excita-

tion que traduirait le mouvement choréique ?

En résumé : Altération des cellules pyramidales et des

petites cellules de l'écorce cérébrale allant de la raréfaction

protoplasmique périnucléaire jusqu'à la désintégration pres-

que complète des corps cellulaires. Infiltration interstitielle

et péricellulaiie de petites cellules rondes à gros noyau, à

protoplasme souvent imperceptible, dans tout le cortex et

476 . CLINIQUE MENTALE.

principalement au niveau des circonvolutions -ascendantes

droites. Ces petites cellules rondes déjà signalées par Grep-

pin, par Lannois et Paviot, et par Rispal, nous semblent bien

de nature névroglique. Ces altérations cellulaires et l'infil-

tration de cellules névrogliques existent également dans la

moelle et notamment dans la colonne de Clarke. Pas de

dégénérescence médullaire régulièrement distribuée; nerfs

périphériques à peu près intacts.

CLINIQUE MENTALE.

Hyperesthésie corticale dans l'alcoolisme aigu' ;

PARLES DOCTEURS

- 11. COLOLLAN, Et T -I . R 0 Dl El',

Ancien interne des asiles de la Seine. Interne de l'infirmerie du Dépôt.

Observation IV. Dégénérescence héréditaire : oncle paternel

aliéné alcoolique. Habitudes alcooliques depuis l'âge de treize

. MM.A/coo/m6xu6Mtg ! t;/t«/h<etnn<tO ! ts de la vue et de l'ouïe;

hyperesthésie cutanée ; hyperesthésie du centre auditif.

F... Louis, vingt et un ans, garçon jardinier. Entré le 23 juin

.1899, à une heure du matin à l'infirmerie du Dépôt. Sorti le 27

juin.

. Antécédents héréditaires. Mère morte d'une maladie de coeur.

Père, jardinier, buveur. Deux frères et deux soeurs bien por-

tants. Un oncle paternel, alcoolique, interné plusieurs fois.

Antécédents personnels. - Ne se rappelle pas avoir été malade

pendant sa jeunesse. A l'école, à l'âge de huit ans, apprend à

lire et à écrire, mais difficilement. A treize ans, il quitte l'école et

devient garçon jardinier chez son oncle qui lui enseigne le

métier.

Dès ce moment, il commence à boire, car il était traité, malgré

son jeune âge comme les autres ouvriers. Le régime de son oncle,

' Voir Archives de Neurologie, n° M, t. IX, 1). 38b.

HYPERESTHÉSIE CORTICALE DANS 1 : ALCOOLISME AIGU. Îi î

qui devient aussi le sien, était le suivant : petit verre de marc le

matin ; du vin blanc ou de l'absinthe, quelquefois les deux avant

déjeuner, et, avant diner, amer Picon ou grenadine au kirsch ;

vin blanc ou vin rouge à volonté aux repas.

Depuis cinq ans environ, F... ne dort plus la nuit. Son sommeil

est interrompu par des cauchemars ; il voit passer devant ses

yeux des mouches brillantes, de petites lueurs, des étincelles, etc.

Souffre de crampes dans les mollets. Depuis l'âge de seize ans,

il a des pituites le matin. Son caractère est devenu de plus en

plus irritable, et, à chaque instant il a des querelles avec son

oncle, querelles qui le décident a venir à Paris chercher de

l'ouvrage.

Le 22 juin, à onze heures du soir, il est trouvé par des agents sur

le Pont-Neuf, donnant des coups de pieds et des coups de poing.

Il dit se défendre ainsi contre cinq ou six hommes qui le poursui-

vent et veulent le tuer. Il est arrêté, conduit au poste et, de là à

l'Infirmerie du Dépôt à une heure du matin.

Examiné le lendemain à cinq heures du soir, F... est plus calme

et capable de répondre aux questions posées.

C'est un grand garçon robuste et bien musclé. Il est actuelle-

ment encore sous l'influence d'hallucinations spontanées, car si

on lui demande pourquoi il fixe continuellement la fenêtre : « c'est

qu'il y a des hommes, répond-il, qui lui font des signes derrière

les barreaux ; ils sont trois, celui qui est au milieu tient un grand

couteau. »

Ce ne sont pas seulement des hallucinations de la vue : il prétend

en effet entendre leur conversation, il est effrayé des paroles pro-

noncées par eux, c'est de sa mort qu'il s'agit.

Si, pendant un certain temps, on lui presse sur les globes ocu-

laires, il se plaint de voir passer des mouches brillantes et surtout

« des petits serpents de feu ». Longtemps après qu'on a cessé toute

pression. F... regarde les murs de sa cellule, et aux interrogations

qu'on lui pose sur les objets qui fixent son attention, il répond qu'il

aperçoit des raies scintillantes et des étincelles qui courent le

long de ces murs. En outre, l'hallucination concernant les hom-

mes cachés derrière la fenêtre, ramène à chaque instant sa vue

de ce côté.

Les tapotements sur les oreilles et l'application des mains sur le

conduit auditif externe, réveillent et exagèrent les hallucinations de

l'ouïe. Les hommes, cachés pour le tuer, parlent plus haut. Ils

disent : « Attendons que tout le monde soit parti et nous lui ferons

son affaire ; c'est au cou qu'il faut le frapper. »

C'est environ deux minutes que dure la perception nette des

paroles. Ce temps passé, elles redeviennent plus confuses, plus

éloignées, telles qu'on les observait avant l'expérience, puis elles

cessent. t. ' .

478 CLINIQUE MENTALE.

Si F..., ayant les yeux fermés, on lui fait toucher divers objets :

un crayon, le bord d'un chapeau, une boite d'allumettes, il ne

sait pas en définir la forme, et prend le bord de son chapeau

successivement pour une fourchette, puis pour un couteau.

Du côté des différents réflexes, on trouve le réflexe patellaire

peu accusé, le réflexe pharyngien très peu marqué, les réflexes

plantaire et palmaire exagérés, au point qu'il est presque impos-

sible de toucher le malade, tant au moindre frôlement ses gestes

sont brusques.

De même, surtout au niveau des côtes et sur la face antérieure

des bras et des cuisses, les moindres attouchements provoquent

une réaction très vive.

24 juin. La nuit a été meilleure que la précédente, bien que

le malade ait encore très peu dormi.

Les hallucinations de l'ouïe n'existent plus. Celles de la vue

persistent au même degré. Le tremblement et l'hyperesthésie ont

diminué. Même état des réflexes. Rien aux différents appareils.

26. F... n'a plus d'hallucinations d'aucune sorte, ni de symptô-

mes aigus d'alcoolisme ; il se rend compte que les troubles éprou-

vés par lui étaient dus aux excès de boissons qu'il avait faits en

ces derniers temps. Il part le lendemain 27 juin, remis en liberté

après la promesse, qu'il a faite probablement bien des fois, « de ne

plus boire ».

Si nous rapportons cette observation, malgré le peu d'hyper-

esthésie corticale que F... présente, c'est qu'elle a un point

très intéressant pour nous : l'apparition et l'exagération des

hallucinations de l'ouïe correspondant aux excitations. A un

moment de calme, nous appliquons nos mains sur les oreilles :

les hallucinations apparaissent bientôt, bien plus intenses et

nettes qu'avant l'excitation; elles disparaissent avec elle.

C'est bien l'hyperesthésie du centre auditif qui réagit sous

l'action de l'alcool.

Observation V. Habitudes alcooliques depuis la jeunesse. -

Alcoolisme subaigu avec excitation passagère ; hyperesthésie corti-

cale gustative.

P..., cinquante-deux ans, cordonnier, entré le 9 juin 1899, à

neuf heures du soir. Sorti le 10 juin à six heures du soir.

Antécédents héréditaires. Grands parents bourguignons,

vignerons, buveurs de vin. Père, marchand de vin, mort d'une

maladie de foie. Mère morte d'une attaque de paralysie. Un frère

et une soeur bien portants.

Antécédents personnels. Rien de particulier dans la vie du

HYPERESTHÉSIE CORTICALE DANS L'ALCOOLISME AIGU. 479

malade, si ce n'est des rhumatismes articulaires à l'âge de vingt

ans. Tout jeune, apprenti cordonnier, il a commencé à boire.

Depuis, le régime qu'il a suivi est toujours le même : vin blanc, ou

la goutte le matin, à midi et le soir amer Picon avant le repas, et

un litre de vin rouge par jour. 11 n'a jamais aimé l'absinthe, dit-il,

et c'est à peine si de temps en temps, il en a pris un verre. Sa

boisson favorite a toujours été l'amer Picon.

Depuis trois ou quatre ans, P... s'aperçoit que son sommeil est

troublé la nuit par des rêves effrayants, qu'il a du reste beaucoup

de peine à s'endormir, que ses mains sont tremblantes, ce qui le

gêne beaucoup pour son travail, qu'il vomit le matin en se levant.

Son caractère aussi a changé : il est beaucoup plus irritable

qu'autrefois, et le moindre ennui est cause qu'il reste des journées

entières silencieux, incapable de travailler. D'autres fois, il me-

nace sa femme de la tuer, lui reproche de faire venir des policiers

qui l'observent et encombrent sa maison.

Ces temps derniers, outre l'amer Picon comme apéritif, il

buvait surtout du vin, et en buvait jusqu'à vomir, quelquefois

trois litres à un repas. P..., qui est arrivé hier soir à l'Infirmerie

du Dépôt extrêmement surexcité, et incapable de subir un examen,

est un peu calmé aujourd'hui, le 10 juin.

C'est un homne de cinquante-deux ans, assez grand, encore

robuste pour son âge. Il est tout tremblant, et ni les pieds ni les

mains ne tiennent en place. Tout son corps est couvert de sueur.

Il ne semble pas qu'il existe en ce moment des hallucinations

sensorielles quelconques.

La sensibilité parait normale, et le frôlement, la piqûre, le pin-

cement, n'amènent pas des réactions très vives. Il en est de même

pour les chocs, même répétés. La suggestion ne produit pas

d'effet hallucinatoire.

Du côté des sens, de la vue, de l'ouïe, de l'odorat, le procédé de

Liepmann et les moyens ordinaires ne réveillent aucune halluci-

nation. Le malade répond très bien qu'il ne voit, n'entend et

ne sent rien.

En revanche, si, lui fermant les yeux, comme précédemment,

on lui fait tirer la langue, et qu'on lui passe une feuille de papier

à l'extrémité, aussitôt P... fait la grimace et dit : « Pourquoi me

faites-vous prendre du sulfate de quinine ? Je n'ai pourtant pas

la fièvre. Etes-vous bien sûr que ce soit du sulfate de quinine,

lui dit-on. Certainement, répondit-il, je le sens bien, c'est assez

mauvais. » Et il crache plusieurs fois. La persistance de cette sen-

sation dure plus d'une minute.

Vers quatre heures de l'après-midi, on le renouvelle, mais cette

fois sans résultat. Les symptômes immédiats d'alcoolisme ne sont

plus aussi évidents, sauf le tremblement, toujours très accusé. Le

malade est transféré à Ste-Anne à six heures du soir.

480 CLINIQUE MENTALE.

Le goût seul a réagi ici, et très désagréablement. Ce ma-

lade, calme d'apparence, causant tranquillement de choses

et d'autres, accuse à l'attouchement de la langue, la saveur

du sulfate de quinine. Le bout de papier était propre cepen-

dant, et ne venait pas d'un bocal pharmaceutique. C'est de la

quinine qu'on lui fait avaler, et pourquoi, puisqu'il n'a pas

de fièvre. Et il crache, recrache sa quinine. A quoi pourrons-

nous attribuer ce trouble hallucinatoire ? Au hasard ? Quel

hasard ? C'est le centre de la gustation qui a produit cette

sensation quand le papier a frôlé la langue. C'est l'hyperes-

thésie du centre du goût qui a senti le goût fictif de la

quinine.

Observation VI. - Dénénér·escence mentale. Délire alcoolique avec

hallucinations multiples. - Hyperesthésie de plusieurs centres sen-

soriels.

C... Georges, trente-cinq ans, sans profession, entré à Ste-Anne

le 3 avril, est fils d'un déséquilibré alcoolique, faible d'esprit et

de caractère, émotif et irritable qui délaissa le foyer domestique

au bout de quelques années de mariage, abandonnant sa femme

et ses deux petits enfants. Ce père, dénué de sentiments, a disparu

depuis des années : nous n'avons pas d'autres renseignements sur

lui. La mère est assez bien portante, mais débile d'esprit et d'un

caractère émotif, irritable. La soeur parait bien équilibrée, nous

ne l'avons aperçue qu'une fois et ne savons pas grand'chose sur

elle. Elle présente une asymétrie faciale caractéristique.

Dès son enfance, C... Georges a été un débile, un indigent

intellectuel. A l'école, il n'a rien appris ; il ne s'intéressait à

rien, grandissait apathique et indifférent. Il est à la charge de sa

mère depuis son bas-àge, car il n'a jamais pu apprendre un métier,

bien que plusieurs fois on l'ait placé comme apprenti. Il n'était

pas méchant, sa mère le gardait dans sa boutique de mercière

où il s'occupait un peu du ménage.

A vingt-cinq ans, on s'aperçut qu'il aimait assez le vin et les

alcools, mais n'ayant pas d'argent, il ne pouvait en abuser. Sa mère

le surprit plusieurs fois à voler dans sa caisse pour aller boire, et

dès lors elle la tint constamment fermée. Les derniers temps, il

était parvenu à se procurer le matin à jeun soit du rhum, un vul-

néraire ou un amer Picon. Dans la journée il consommait au

moins deux litres de vin et un ou deux verres de cognac.

Le 28 mars, on s'aperçoit qu'il devient bizarre, parait inquiet, il

ne dort plus aussi bien. Le 2 avril au soir le délire éclate : « il

voit à chaque instant des personnages imaginaires qui pénètrent

dans sa chambre », écrit-on dans le certificat d'internement, « il

HYPERESTHÉSIE CORTICALE DANS L'ALCOOLISME AIGU. 481

montre aux personnes présentes l'endroit où se trouvent ces per-

sonnages chimériques; des voleurs se sont introduits dans son ma-

gasin, il les fait voir aux personnes présentes et demande qu'on

aille chercher le commissaire de police pour les arrêter. » 1[ est

admis d'urgence à l'Asile clinique, où nous l'avons vu le lende-

main matin 4 avril. C'est un grand brun, bien musclé ; les- yeux

sont hagards, les traits inquiets. Tremblement généralisé ; pas de

température ; le pouls est bon.

Il raconte son histoire incohérente d'assassins, de souteneurs :

« une bande d'individus, de souteneurs le poursuivaient, il' était

en légitime défense, on lui avait volé sept francs, il redemandait

son argent..., les souteneurs tombent sur lui, essaient de le tuer

avec un rasoir... » 11 continue, en s'animant par instants au

souvenir de ses exploits.

Nous retenons son attention, nous lui suggérons une hallucina-

tion visuelle : « Tenez, regardez bien, qu'est-ce qu'il y a la ? »

Lui. « Hien... » mais une minute après : « Je vois, c'est un chien,

un joli petit chien », il se lève pour aller le caresser... « Ah ! il

n'y est plus. » "

Par le même procédé, il voit un homme avec un rasoir, il va

pour le désarmer, « il en a vu d'autres, lui ! il ne le craint pas ! » »

Il voit des petits rats, des souris sous une chaise, des insectes sur

le papier blanc qui se trouve sur la table, et avec ses 'doigts il

cherche à les écraser, il les voit sauter, il se dépêche, il les écrase

avec ses deux mains. Toutes ces hallucinations provoquées par la

suggestion cessent avec la stimulation, et le malade, devenu calme,

reprend son histoire d'assassins.

Ce même jour, nous avons pu produire des hallucinations mul-

tiples par les excitations périphériques ; ainsi par le procédé de

Liepntunn le malade voit « des étoiles..., une bande d'individus,

des hommes de toules sortes, ils se promènent, lui font des gri-

maces..., une femme avec un oiseau sur l'épaule..., un enfant...,

tout ce monde pêle-mêle, va et vient, change de forme... Il voit la

statue de Napoléon ler, il est à cheval ».

Langue. En frottant légèrement la pointe de la langue avec la

tête d'une épingle nous provoquons des hallucinations gustatives :

« Je sais, nous dit-il, c'est de l'ipéca », et peu après, « c'est du

sulfate de soude », puis : « ce n'est pas bon, c'est du sel de cuisine,

du gros sel, je n'en veux pas. »

Ne ? Par une légère action de compression et de relâchement,

il croit sentir « l'encens, oui, l'encens Les oreilles sont restées

sourdes aux excitations externes, et la peau n'a pu réveilleraucune

hullucination sous l'action des chocs.

5 avril. - Le malade a bien dormi, sans cauchemars. Il n'a pas

eu d'hallucinations ni hier après-midi, ni ce matin.

La suggestion reste sans action, et il sourit au souvenir de ses

Archives, 2° seie, t. JX 31 l

482 CLINIQUE MENTALE.

hallucinations d'hier. Pourtant par la compression des globes ocu-

laires, il voit « un gros chien danois qui se promène. Par l'excita-

tion de la membrane pituitaire, il croit sentir « du soufre et des

gaz ». La langue est également excitable, et l'on produit le goût du

« sucre ». Les oreilles ne donnent rien. 1

G. L'olfaction seule est encore sensible à l'excitation, il sent

« le citron... peut-être l'orange... » ; les autres sens restent insen-

sibles. Le lendemain et les jours suivants, rien d'anormal, tout

rentre dans l'ordre. Il se rend parfaitement compte de ses multiples

hallucinations. Transféré le 12 avril à Ville-Evrard.

L'hérédité chez ce malade est nette. Le père, alcoolique,

bizarre, déséquilibré a donné naissance au fils débile, sans

jugement personnel. Le déshérité, sous l'influence d'un ap-

point alcoolique, a eu une bouffée de délire toxique. Ce délire

n'a duré que deux jours, mais le troisième, le quatrième et

le cinquième jours le cerveau reste hyperesthésie, puisque,

après la cessation des hallucinations spontanées, nous pou-

vons, par l'excitation périphérique, par la suggestion, pro-

duire des hallucinations multiples de la vue, de l'odorat, du

goût.

Jusqu'ici, nos malades avaient été examinés en plein délire,

dans les moments d'accalmie, quoique sous l'influence encore

des hallucinations. Voilà donc un premier malade qui n'a

plus d'hallucinations spontanées, mais chez lequel nous pou-

vons réveiller plusieurs jours de suite des troubles halluci-

natoires, jusqu'à l'extinction complète de l'hyperesthésie

corticale.

Observation VII. Hérédité très lourde : Père et mère alcooliques

et épileptiques. - Alcoolisme aigu avec hallucinations multiples.-

Hyperesthésie des centres sensoriels .

M... Alphonse, âgé de trente-sept ans.

Antécédents héréditaires. Père buveur, avait des attaques épi-

leptiformes ; est mort dans une attaque. C'était un débile intellec-

tuel, d'une susceptibilité irraisonnée, émotif et irritable. - Mère

morte, avait des attaques très fréquemment, surtout des attaques

nocturnes, avec morsures de langue. Comme son mari, elle était

fantasque, déséquilibrée. De ces éléments générateurs, épileptiques

et déséquilibrés, naquirent trois fils. Pas de renseignements sur

les deux premiers. Le troisième est notre malade.

Antécédents personnels. Ainsi chargé par l'hérédité, M...

Alphonse est un débile de fintelligenee. Il a une conformation

HYPERESTHÉSIE CORTICALE DANS L'ALCOOLISME AIGU. 483

cranio-faciale, caractéristique de la dégénérescence mentale. Il

a été à l'école pendant cinq à six ans, mais n'a pu acquérir qu'une

instruction très élémentaire ; il sait lire, à peine écrire, et un peu

compter. Il n'a pu apprendre aucun métier, et actuellement il est

marchand au panier. Il a eu trois blennorrhagies, pas de syphilis,

et aucune autre maladie.

M... Alphonse est habituellement triste ; il se décourage facile-

ment, parfois il pense au suicide, mais n'a jamais tenté de se

donner la mort. Pourtant il aime la gaieté, et la cherche. Pour

s'en procurer, il s'adresse à l'alcool. ,

Jusqu'à l'âge de vingt ans, il ne buvait que le nécessaire, de un

demi à un litre de vin par jour. Mais la mélancolie noire s'épaissis-

sant en son âme, il pensa que l'absinthe pourrait faire naître quel-

ques rayons de gaieté et il but, d'abord un peu de rhum, le matin

à jeun, et de deux à trois litres de vin par jour, puis une absinthe

avant le déjeuner, une autre avant le dîner. 11 ne mangeait plus.

L'appétit se perdait. Il doubla le nombre de ses apéritifs. Il se

marie alors, mais ne fait pas bon ménage avec sa femme et la

quitte au bout de quelque temps. Cela le chagrine, et il redouble

la dose des boissons sous l'influence de cet ennui.

Ces excès amènent le délire alcoolique le 17 avril. Il reste deux

jours au dépôt et arrive à Sainte-Anne le 19. Nous l'examinons le

20 avril, le troisième jour de son arrestation.

Il a l'attitude d'un mélancolique, parle à voix basse, fixant le

parquet. 11 a bien dormi cette nuit, sans cauchemar, et il nous dit

que depuis un mois il dormait très mal, avait des cauchemars

terrifiants, des insomnies. Il y a cinq jours, il a eu des hallucina-

tions très pénibles de la vue et de l'ouïe : il voyait des animaux

fantastiques et entendait des injures grossières. Hier encore, vers

le soir, et même dans la journée, il a vu du feu, des flammes, des

animaux, de petits bonshommes qui dansaient et se moquaient de

lui. Mais ce matin, après un sommeil profond, se sent plus mai-

tre de ses sens. Nous essayons d'abord de faire réapparaître les

hallucinations de la vue par la suggestion mentale, mais nos

efforts restent sans résultats : il ne voit plus rien.

Par l'excitation des globes oculaires, il voit « du feu... c'est blanc.

Ce sont des flammes blanches » ; il voit aussi de la fumée, et « une

grande croix dans la fumée ».

Les oreilles. - En tapotant sur les oreilles, avec la paume de la

main, très légèrement, il nous dit d'abord qu'il n'entend rien, puis

tout à coup, il prête l'oreille : on lui cause, « on l'insulte, on

l'appelle cochon ».

La membrane olfactive n'est pas insensible à l'excitation périphéri-

que, et nous pouvons éveiller la sensation de parfums plus ou

moins vagues : ça sent fort, nous dit-il, c'est de l'encre, ça

sent l'encre. »

484 CLINIQUE MENTALE.

La langue est impressionnée sous l'action de frottement d'une

tête d'épingle. «C'est pâteux », ditle malade, en goûtant lentement,

et il ajoute bientôt, « c'est de la farine, mais c'est très mauvais ».

L'examen physique ne donne rien de particulier. Pas de tempé-

rature, le pouls est bon. Rien au coeur ni aux poumons, le foie

est un peu gros.

Un peu d'hyperesthésie sur les membres inférieurs au pincement t

et à la piqûre, sensibilité tactile conservée. Réflexes patellaires et

plantaires normaux. Pas de diminution du champ visuel.

21 avril. Le malade a bien dormi, sans trop de cauche-

mars, mais hier soir avant la tombée de la nuit, il a eu quelques

illusions. Il reste calme pendant notre examen, et conserve tou-

jours son attitude mélancolique.

Par le procédé de Liepnxcann : « Je vois un morceau de bois, il

brûle, je vois les flammes et la fumée... », il ne voit pas autre

chose, déclare-t-il. Les oreilles n'entendent pas de voix. La langue

a l'impression d'un goût amer, mauvais, qu'il ne peut pas définir.

L'olfaction est sensible à l'excitation : il sent du rhum, dit-il, mais

du mauvais rhum. La peau ne donne rien, les mains tremblent

toujours.

Le 22 avril toute hallucination a disparu. Le malade, complète-

ment revenu à lui, se rend compte de sa situation. La compres-

sion des globes oculaires, le tapotement des oreilles ne provoquent

plus d'hallucinations. Seules, la membrane pituitaire et la langue

sont encore excitables ; la compression des narines produit la sen-

sation d'un parfum, et le frottement de la pointe de la langue

provoque un goût légèrement amer.

Le lendemain et les jours suivants, M... dort d'un sommeil

calme, sans cauchemars. L'appétit est bon, le tremblement des

mains diminue. Transféré à Ville-Evrard'le 30 avril.

Observation VIII. - Dégénérescence mentale : très émotif, des doides.

Alcoolisme aigu ; hallucinations multiples ; hyperesthésie corli-

cale plusieurs jours de suite.

C... André, trente-trois ans.

Antécédents héréditaires. Père mort tuberculeux, a eu pendant

plusieurs mois du délire avec hallucinations multiples ; misan-

thrope, ne causant jamais à personne. Mère morte d'un cancer,

était d'humeur égale. - Un frère, commissaire de marine ; désé-

quilibré. très minutieux, veut que tous les soirs les boutons de son

uniforme soient enveloppés de papier de soie. Soeur également

bizarre, très nerveuse, s'emporte pour rien.

Antécédents personnels. - C... a été à l'école pendant huit

années, mais n'a jamais pu apprendre un métier. Il n'avait pas de

volonté, il fallait le guider comme un enfant. Il est resté peureux

HYPERESTHÉSIE CORTICALE DANS L'ALCOOLISME AIGU. 485

et sensible à l'excès : s'évanouit à la vue du sang, ne peut voir un

homme saigner du nez. Il a des doutes : quand il met une lettre à

la poste, il retourne plusieurs fois de suite pour être bien sûr qu'il

l'a jetée dans la boite. Si la réponse ne lui parvient pas aussitôt, il

croit avoir fait erreur d'adresse et écrit de nouveau.

En 1888, il se marie, mais sa femme le quitte trois ans après,

demandant le divorce pour cause d'ivrognerie. Son régime était à

ce moment le suivant : deux litres de vin blanc de huit heures du

matin à midi, vin rouge en mangeant, de l'absinthe avant le repas

et du cognac après.

Depuis quatre à cinq mois, C... présentait différents symptômes

d'alcoolisme, il avait des cauchemars, des crampes, des pituites.

Quelques jours avant son entrée au Dépôt, pris d'ennui, il redou-

bla la dose de ses boissons, et eut des hallucinations de la vue :

chats, chiens, rats, etc. :

Le 13 mai au soir, il se figure que des agents de police viennent

pour l'arrêter sur la plainte de différentes personnes, parce qu'il

doit de l'argent, et pour faux vols de bijoux. Il passe une mau-

vaise nuit avec hallucinations multiples. Le lendemain il se rend

citez le commissaire et se livre lui-même. Il arrive à l'Infirmerie du

Dépôt le 14 mai. Nous l'examinons le lendemain.

C'est un homme de taille moyenne, brun, traits réguliers et

sympathiques, mais envahis par l'inquiétude. Il répond à nos ques-

tions assez exactement. A eu encore ce matin des hallucinations.

Voici ce que nous avons obtenu par les différentes excitations :

Procédé de Llepmann. « Je vois, dit-il, une croix, il y a des

lettres dessus, P. A. P., une statue de femme..., un enfant qui va

il l'école, une route, une charrette et le cheval, un chien qui dérange

le cheval, le charretier qui arrive, le chien a l'air d'aboyer, mais

j'entends (nous pinçons la peau de la main droite), j'entends un

roulement de tambour...» Puis, toutes ces images hallucinatoires

parsemées pêle-mêle, sans liaison, sans constituer un délire, dis-

paraissent avec la cessation de l'excitant. Nous faisons remarquer

que l'excitation de la peau, le pincement a produit, au milieu des

hallucinations de la vue, des troubles auditifs : notre malade a

entendu un roulement de tambour lorsque nous lui avons pincé la

main.

.vue : . Il sent la lavande, ou plutôt, dit-il, « l'ean de Cologne ».

Langue. Nous frottons la face supérieure de la langue avec un

bout de papier, C... sent « une petite goutte acidulée, on dirait

du cassis ". Au même instant il a des hallucinations auditives

spontanées, « on lui reproche de manger du pain ». La suggestion^

ne produit rien.

16 mai. 11 a dormi un peu cette nuit ; toute la journée

d'hier, il a entendu des insultes, il distinguait très nettement la

voix d'un individu qui l'appelait « assassin, assassin. » .

486 CLINIQUE MENTALE.

Vue. - Procédé Liepmann : il voit une voiture sans cheval, le

cocher... le fouet à la main... des arbres.

Oreille. « Assassin de C..., tiens, c'est C..., l'assassin. »

Nez. « Ça sent très mauvais, c'est du mauvais vinaigre. »

Langue. - « Ça pique fort... c'est amer. »

17. - C... va'bien mieux, a dormi, quoique avec des cau-

chemars encore. « J'ai vu des chevaux à six pattes, des chevaux

fantastiques, énormes, monlés par des cavaliers énormes... ; ils

faisaient un bruit... un bruit... ils me frappaient sur la tête et je

me suis réveillé. » La vue réagit encore sous l'excitation périphé-

rique, et il voit « un cheval blanc ». - La membrane olfactive est

également sensible,' il sent « un parfum qui rapproche du lilas ».

L'irritation de la langue lui fait goûter « une orange très acide ».

En soufflant dans les oreilles nous provoquons une courte hallu-

cination : « non... allons plutôt...» »

Le lendemain et les jours suivants, les hallucinations périphé-

riques provoquées continuent, mais en diminuant ; nous en enre-

gistrons sans commentaires.

18. Tue : « Des pieuvres avec une très longue queue. »

Nez : « Parfum agréable. » Oreille : rien. - Langue : « Un

petit goût sucré. »

19. - Le nez et la langue restent seuls sensibles, il y a des

sensations plutôt agréables.

22. Il est calme maintenant, dort bien, et s'occupe un

peu dans la journée ; les excitations des globes oculaires, de la

membrane du tympan, et du nez ne produisent plus aucun trouble.

Seule, la langue reste encore excitable pendant quelques jours.

2 juin.-C... est très calme, aucun nerf sensoriel ne réagit sous

l'excitation périphérique.

Ce malade est intéressant à plusieurs points de vue. Nous ne

parlerons pas de l'hérédité paternelle, indiscutable. Ce sont

les troubles hyperesthésiques qui attirent notre attention.

Le cerveau, sous l'excitant alcoolique, est arrivé à une telle

hyperesthésie que tous les centres sensoriels, dès le début et

plusieurs jours de suite, réagissent sous l'irritation péri-

phérique.

En général, comme nous l'avons vu au cours des obser-

vations précédentes, ce cerveau est hyperesthésié partielle-

ment ; ici, c'est la vue qui réagit; dans tel autre cas, ce sont

les oreilles. Chez notre malade, il y a un ensemble, tout le

cerveau ou, pour mieux dire, tous les centres sensoriels sont

atteints. L'excitation de la vue, des oreilles, de la langue, du

nez, produit des troubles hallucinatoires.

HYPERESTHÉSIE CORTICALE DANS L'ALCOOLISME AIGU. 487

Un autre point saillant, c'est la ténacité de l'hyperesthésie

plusieurs jours après la disparition complète de toute hallu.

cination spontanée, C... accuse des sensations plus ou moins

agréables à la langue, quand nous la frottons d'un bout de

papier.

Quelle conclusion pourrons-nous tirer de cette observation ?

Faut-il voir chez notre malade un cerveau plus dégénéré,

donc plus apte à l'hyperesthésie ? Faut-il incriminer la nature

des boissons ? Nous inclinons plutôt vers cette hypothèse

que l'hyperesthésie corticale est en rapport avec la dégéné-

rescence mentale.

III

Maintenant que nous avons exposé nos observations, avant

de faire quelques réflexions sur les conclusions qui en

découlent, parlons des hallucinations, car et d'abord, les

phénomènes que nous avons observés peuvent-ils bien s'ap-

peler des hallucinations, c'est la première question qui se

pose après la lecture de nos observations. Qu'est-ce qu'une

hallucination ? « Une perception sans objet, répond Esquirol. »

Il faut donc à une hallucination l'apparence d'un objet exté-

rieur présent sans qu'il existe en réalité. « L'hallucination,

ditLeuret, n'est pas un souvenir, c'est une chose actuelle-

ment perçue; elle diffère autant et de la même manière du

souvenir que la sensation elle-même. »

« L'hallucination, dit M. Ch. Vallon, est une perception

sans impression. » Dès lors, les phénomènes observés chez

nos alcooliques ne sont plus des hallucinations, puisqu'ils

sont provoqués par une impression périphérique. Ici, il nous

faut aborder la physiologie de l'hallucination.

Nous prétendons que les troubles, les sensations que nous

avons provoquées chez nos alcooliques sont des hallucina-

tions proprement dites, et non point des pseudo-hallucinations,

des illusions.

Après la théorie de l'origine périphérique ou sensorielle

des hallucinations en général, théorie la plus ancienne, sou-

tenue par Plater, Sauvages, Darwin, etc., et la théorie

d'origine intellectuelle (Esquirol, Leuret, Brière de Boismont,

Delasiauve, etc.); après la théorie mixte (Baillarger, Marée,

Motet, etc.), pour ne citer que les principales, on est arrivé

488 CLINIQUE MENTALE.

avec le progrès de la science physiologique à la théorie

basée sur les expériences physiologiques. Formulée et com-

mentée par Taniburini, cette théorie est acceptée aujourd'hui

par les aliénistes, bien qu'avec des exceptions.

D'après cette théorie, l'hallucination est le résultat de

l'excitation pathologique des centres sensoriels de l'écorce.

C'est logique, mais ne satisfait pas tout le monde. Ne peut-

on pas produire des mouvements plus ou moins convulsifs

dans tel ou lel membre, en excitant les centres moteurs

correspondants ? Cette même irritation qui produit ici l'épi-

lepsie d'origine corticale, provoque là, dans les centres sen-

soriels des perceptions, des images emmagasinées dans les

cellules et qui s'imposent au patient comme des réalités.

« Les hallucinations sont aux centres sensoriels et à leurs

lésions ce que l'épilepsie est aux centres moteurs. » C'est une

sorle « d'épilepsie des centres sensoriels ».

M. Séglas qui, au Congrès des aliénistes et neurologistes

de France de 1896 (Nancy), a fait un brillant rapport sur ce

sujet, multiplie les exemples, et met tout son talent au-ser-

vice de cette épineuse question. Pourtant M. Vallon ne croit

pas à cette hallucination provoquée. C'est une fausse hallu-

cination, une pseudo-hallucination. « L'hallucination est

donc toujours et constamment un trouble cérébral, d'origine

cérébrale centrifuge, et jamais un trouble périphérique. »

(Ch. Vallon.) .

M. Ballet conclut également que le rôle du centre auditif,

bien que nécessaire, n'est pas suffisant pour produire l'hal-

lucination auditive. Il n'intervient, dans la règle, que d'une

façon secondaire et dans tous les cas, accessoire. Ainsi,

malgré l'apparence logique, malgré les faits physiologiques,

et les observations cliniques, des maîlres, comme MM. Ballet

et Vallon, n'acceptent pas la théorie des centres sensoriels.

Dans cette même discussion, M. Paul Garnier s'élevant contre

une interprétation de M. Régis, fait remarquer que de pré-

tendues hallucinations dites périphériques ne sont en réalité

que des illusions sensorielles. Par suite de lésions de l'oreille

il y a production affective de bruits variés (bourdonnements,

bruits de cloche, etc.). Il ne s'agit pas d'un fait créé de toutes

pièces, il ne s'agit que d'un fait transformé, c'est-à-dire d'une

illusion sensorielle, laquelle, comme la disait Lasègue, est il

l'hallucination ce que la calomnie est it la médisance. Il

HYPERESTHÉSIE CORTICALE DANS L'ALCOOLISME AIGU. 489

nous sera permis toutefois d'hasarder quelques explications,

afin d'exposer sur quoi nous nous basons, pour prétendre

que les phénomènes que nous avons observés chez nos ma-

lades, sont de véritables hallucinations.

Quel est le savant qui pourra nous dire qu'il y a émission

de pensée sans excitation quelconque d'une cellule cérébrale.

Nulle idee abstraite ou objective n'est conçue sans une irri-

tation préalable de la cellule psychique. Rien ne se Cl'é((

rien. Je veux penser à telle chose, j'excite mentalement des

cellules qui paraissaient dormir. Il y a donc excita;ti} ? J : \¡, ;

évoqué la pensée d'un tableau; j'ai donc agi sur UTh.'Cn.tre,

je vois à présent le tableau mentalement. Cette faculté ^

acquiert parfois une grande vivacité ; on voit des peintre

pouvant extérioriser un souvenir, se donner une sorte d'hal-

lucination consciente. Chez un individu dont la conscience

est incapable de discerner le vrai du faux, il y a hallucination

réelle.

Ainsi, pas d'hallucination sans excitation des centres sen-

soriels. Que cette excitation vienne de la périphérie, qu'elle

vienne des autres centres de l'écorce, il y a toujours excita-

tion des centres sensoriels, et la théorie de Tamburini se

justifie quand même. L'hallucination est toujours le produit

d'un des centres sensoriels irrité. Mais de là à dire que les

excitations mentales ont seules le monopole de produire des

hallucinations vraies, que les autres sont de fausses halluci-

nations, c'est trancher la question trop radicalement à notre

avis. Dans la tuberculose, on ne cherche pas si les bacilles

ont pénétré par la périphérie ou les centres : il y a bacille,

cela suffit. Que l'hallucination soit provoquée par l'excitation

mentale des centres sensoriels, ou par l'excitation périphé-

rique, le résultat est le même : il y a hallucination vraie. Ou

bien, pour être plus logiques, supprimons les périphrases

qui n'évoquent rien à la pensée, et disons qu'il y a deux

sortes d'hallucinations : celles qui sont produites par exci-

tation périphérique, hallucinations périphériques ; et, hallu-

cinations centrales, produites par l'excitation mentale.

Les sensations que nous avons pu produire chez nos

alcooliques sont donc des hallucinations périphériques.

- Maintenant que nous croyons avoir établi que nos alcoo-

liques ont eu des hallucinations, analysons, au point de .vue

clinique, les caractères intrinsèques de ces hallucinations,

490 CLINIQUE MENTALE.

relativement à leur point de départ, examinons les causes

primitives et secondaires de ces troubles.

Les hallucinations que nous avons étudiées ont leur point

de départ à la périphérie, à l'extérieur. Nous excitons un

nerf sensoriel ou sensitif, des terminaisons nerveuses des

organes des sens ; l'excitation est répercutée au centre,

grossie par les cellules hyperesthésiées, modifiée, transfor-

mée en image, et projetée au dehors sous forme d'halluci-

nation ; même dans les hallucinations provoquées par la

suggestion simple, l'excitation est périphérique, le point de

départ est toujours au dehors.

Ces phénomènes ne sont pas l'unique propriété des alcoo-

liques ; d'autres malades non intoxiqués par l'alcool ont des

hallucinations auditives, par suite généralement d'une exci-

tation cutanée, ou d'un organe des sens. M. Séglas rapporte

le cas d'une malade qui s'est entendue appeler « vieille

pouilleuse » au même moment qu'on fermait une porte.

Tous les aliénistes ont observé des cas pareils, ils ont vu

des hallucinations paraître par suite d'une excitation quel-

conque. Nous avons eu dans le service de M. Magnan un

dégénéré, avec appoint alcoolique, dont l'écorce cérébrale

était hyperesthésiée un mois encore après son internement,

au point que des coups sur les bras, sur les membres provo-

quaient des hallucinations. Chaque choc correspondait à une

syllabe.

Mais tous ces malades sont habituellement hallucinés. On

ne peut dire que l'excitation peut, à elle seule, provoquer des

hallucinations dans un cerveau vierge de toute hyperesthésie.

n'ayant pas été atteint antérieurement.

Les malades, chez lesquels on observe ces phénomènes,

sont en général des délirants persécutés chroniques, des

dégénérés. Chez les uns comme chez les autres, il y a une

hyperesthésie corticale, une excitabilité cérébrale telle qu'un

choc suffit pour produire l'image hallucinatoire.

Chez nos alcooliques, en dehors de l'intoxication, nous

avons trouvé une autre cause, la plus profonde, la dégé-

nérescence héréditaire qui plane sur le sort de tous les

aliénés. L'alcool ne suffit pas à produire l'hyperesthésie des

cellules. Sur un grand nombre d'alcooliques, même hérédi-

taires, nous n'avons pas observé ces phénomènes. Les cellules

nerveuses de l'écorce ont résisté chez eux aux premiers effets

HYPERESTHÉSIE CORTICALE DANS L'ALCOOLISME AIGU. 491

de l'absinthe. Résisteront-elles toujours ? Cela dépendra de

l'individu, de ses habitudes, de la quantité d'alcool absorbée.

Mais, si aujourd'hui nous n'avons pas découvert l'hyperes-

thésie, l'alcool, demain, achevant l'oeuvre de dégénérescence,

provoquera chez ces ivrognes aussi les phénomènes des

dégénérés héréditaires. Ils ne se débarrasseront pas en vingt-

quatre heures de toute intoxication physique et morale ;

comme chez les dégénérés, leurs hallucinations deviendront

complexes, tenaces et se systématiseront peu à peu. Ce ne

sont pas des prophéties; la science exige des faits. Nous en

avons vu et examiné de ces alcooliques, qui reviennent

périodiquement faire leur cure d'abstinence à l'asile. Nous

les avons trouvés chaque fois plus atteints. Nous avons vu

aussi des alcooliques vétérans présentant les phénomènes

d'hyperesthésie curticale.

Chez tous nos malades, disons-nous, nous avons trouvé

derrière l'alcool la marque de la dégénérescence héréditaire,

le legs des parents alcooliques, ou aliénés. Ce sont donc des

cerveaux préparés, des milieux de culture pour la pullulation

des phénomènes psychiques morbides.

Avant l'atteinte de l'alcool, ces déshérités avaient déjà un

caractère irritable, une écorce cérébrale facilement excitable.

L'alcool est venu, l'excitant par excellence; l'éréthisme de

la couche grise s'est encore développé et a produit les hal-

lucinations et le délire. C'est à ce moment qu'un choc, un

souffle suffisent pour faire réapparaître les hallucinations

qui semblent éteintes.

Puis, avec l'abstinence l'écorce se débarrasse de son

toxique. Théoriquement le malade dès ce moment ne devrait

plus avoir de symptômes morbides. En pratique il n'en est

pas ainsi. Si beaucoup d'entre eux ne manifestent plus aucun

trouble vingt-quatre ou quarante-huit heures après l'entrée,

quelques-uns restent excitables dix ou douze jours après et

même davantage. Chez les uns, la dégénérescence est peu

profonde, chez les autres elle est si intense que la tempête

passée, le cerveau gronde encore, s'agite sourdement comme

les vagues de l'Océan.

Cette ténacité des troubles hallucinatoires est proportionnée

à la dégénérescence héréditaire, mais elle est individuelle.

Et maintenant que nous savons que l'hyperesthésie corti-

cale alcoolique se rencontre surtout chez les prédisposés,

12 ' CLINIQUE MENTALE. 1

voyons si la nature des boissons y apporte son influence :

D'après nos recherches, soit chez les malades dont nous rap-

portons l'observation, soit chez d'autres que nous avons

examinés, nous sommes arrivés à cette conclusion, que ce

sont surtout les boissons dites épileptisantes qui produisent

le plus d'hyperesthésie. Mais une question se pose, que nous

signalons sans commentaire. Y a-t-il réellement des boissons

épileptisantes ? Les travaux de Macé, Magnan, Laborde,

Cadéac disent que l'absinthe est épileptisanle. Pourtant l'ab-

sinthe pure, nous a-t-on dit récemment, ne provoque pas

l'épilepsie. M. Adrian a démontré que l'absinthine pure,

même à dose élevée, ne produit aucune convulsion, et que

ce sont les impuretés qui amènent la crise. On nous a fait

remarquer d'autre part que l'alcool éthylique pur, à certaine

dose, chez les prédisposés, peut produire des crises convul-

sives.

Ce sont des questions complexes qui ne doivent pas

d'ailleurs nous arrêter ici. Il y a un fait incontestable, c'est

que la liqueur d'absinthe donne aux buveurs, tôt ou tard,

des attaques épileptiformes. La clinique est là, et les expé-

riences de laboratoire ne pourront jamais détruire ce que la

clinique a établi. Nous concluons donc que ce sont surtout

les buveurs d'absinthe qui présentent une écorce hyperesthé-

siée ; en seconde ligne viennent les consommateurs de ver-

mouth, amer, etc.

Nos alcooliques à l'écorce hyperesthésiée, après plusieurs

pèlerinages dans les asiles, deviendront-ils un jour des épi-

leptiques, non point par excès d'absinthe, mais par la cause

d'un cerveau d'une hyperesthésie spéciale ? Nous aurions

voulu suivre ces malades durant des années, leur prêcher

l'abstinence, bien entendu, et observer ceux qui seraient

revenus; nous aurions constaté ce que leur réserve ce cer-

veau hyperesthésie.

RECUEIL DE FAITS.

Idiotie symptomatique de lésions destructives du lobule

de l'Insula et de sclérose atrophique du lobe temporal ;

Par BOURNEVILLE et BELLIN.

Bien qu'incomplète à certains égards au point de vue cli-

nique, l'observation que nous allons rapporter mérite d'atti-

rer l'attention et 'est de nature à contribuer à la connais-

sance de l'anatomie pathologique des maladies nerveuses

chroniques de l'enfance.

Sommaire. Père rien d'anormal. - Grand-père paternel coléreux,

atteint de bronchite chronique. - Grand'mère paternelle, migrai-

netcse. - Cousin strabique à la suite de convulsions.

Mère, rachitique dans l'enfance, rhumatisante, nerveuse. -

Grand'mère maternelle, céphalalgies. - Arrière-grand-père mater-

nelnr01't d'apoplexie. - Grand-oncle excès de boisson. - Grand'

tante, gibbosité, troubles mentaux. - Grand-oncle, aliéné. -

Deux cousins atteints de convulsions dans l'enfance. - Gémellclrité :

l'un des jumeaux est mort de convulsions . ' ,

Pas de consanguinité. Inégalité d'tige de deux ans.

Conception, grossesse, accouchement, naissance, rien de particu-

lier. - Premières convulsions à huit mois pendant quatre heures :

consécutivement, diminution de l'intelligence, diplégie avec prédo-

minance de la paralysie à gauche, accès convulsifs. - Vers quinze

mois méningite ( ? ) : rémission des accès pendant trois moisr. z

Secousses de la tête et du tronc.

Description de la malade ù l'entrée (novembre 189î). - Ay-

métrie crânienne. - Contracture des membres du côté gauche. -

Préhension, marche, nulles. - Cachexie tuberculeuse progressive,

diarrhée, mort.

Autopsie : Asymétrie de la voûte et de la base du crâne. - Psezida-

kyste comblant l'espace demeuré vide par suite de la lésion qui a

détruit en partie le lobe temporal droit, tout le lobule de l'insula, etc.

Foyer d'aspect ocreux. At1'ophie de toutes les circonvolutions de

494 RECUEIL DE FAITS.

nMMp/teM dt'ot't. 7) ! aHMdepOfdse 13S iy ! 'a ? nmes. Dc-

l'hémisphère droit. - Inégalité de poids de 135 grammes. - Dégé-

né1'ations secondaires. - Petit foyer ocreux de la pointe du lobe tem-

poral gauche.

Wi... (Marguerite-Marie), née à Paris le 16 avril 1896, est entrée

à la Fondation Vallée le 22 novembre 1897.

Antécédents (Renseignements fournis par sa mère en novembre

1897). Père, trente ans, ébéniste, grand, vigoureux, sobre,

aucun accident nerveux ni syphilitique, caractère doux, laborieux,

aussi a-t-on été surpris quand, un dimanche soir, il a quitté sa

femme, avec laquelle il vivait d'accord, emmenant avec lui la

soeur de celle-ci, âgée de seize ans. - (Son père, soixante-huit

ans, ne fait pas d'excès de boisson ; il est atteint de bronchite

chronique et sujet à de violentes colères. Sa mère, soixante-

cinq ans, est en bonne santé;, elle aurait eu des migraines fré-

quentes mais peu intenses et aurait supporté beaucoup d'ennuis

de la part de son mari. - Grands-parents paternels et maternels

n'auraient été ni névropathes, ni alcooliques. Oncles et tantes

des deux côtés, renseignements insuffisants. L'enfant de l'un des

oncles maternels louche à la suite de convulsions. -- Treize frères

ou soeurs dont quatre seraient morts en bas-âge de cholérine,

Les autres seraient bien portants ainsi que leurs enfants. Ni

aliénés ni épileptiques, etc., etc., dans le reste de la famille.)

Hère, vingt-huit ans, ménagère, ni convulsions, ni indices de

syphilis; rhumatisante, cardiaque, nerveuse, sans migraine, intel-

ligence moyenne. Aurait eu dans l'enfance des manifestations

rachitiques qui ont disparu. (Son père est sobre et n'offre

aucun accident à signaler. - Il en est de même de sa mère qui

présente seulemnt des céphalalgies. - Grand-père paternel mort

probablement d'une attaque d'apoplexie à quarante-six ans; pas

d'excès. Grand'mère paternelle, quatre-vingts ans. - Grands-

parents maternels, aucune affection nerveuse, morts à soixante-

dix-neuf et soixante-dix-sept ans. - Un oncle paternel, qui faisait

la vie et buvait beaucoup, a succombé à une maladie de foie.

Une tante paternelle, atteinte d'une gibbosité, n'aurait pas toutes

ses facultés. - Plusieurs oncles maternels en bonne santé, sauf un

qui, consécutivement à un coup de soleil ( ? ), a dû être interné dans

un asile. Trois tantes maternelles n'avant rien à noter. Deux de

. leurs enfants ont eu des convulsions. Un frère et une suceur

jumeaux morts le premier à vingt-huit mois de convulsions ; l'autre

d'une maladie à la jambe ( ? ). - Deux autres SOEW'S sont bien por-

tantes dont la plus jeune est partie avec le père de l'enfant, comme

nous l'avons dit plus haut. - Dans le reste de la famille ni aliénés,

ni paralytiques, etc., etc.).

Pas de consanguinité. - Inégalité d'âge de deux ans.

Deux enfants : 1° une fille, pas de convulsions, intelligente;

2° notre malade.

IDIOTIE SYMPTOMATIQUE DE LÉSIONS DE L'INSULA. 495

Antécédents personnels. - Pas de détails sur la conception. -

Grossesse accidentée par des vomissements et des troubles car-

diaques ; ni émotions, ni oedème, etc. - Accouchement à terme,

naturel; présentation du sommet; eau en quantité moyennez

la naissance, pas d'asphyxie. Elevée au biberon avec du lait de

vache. A un mois, l'eufant fut conduite chez une tante, à la cam-

pagne, où elle resta jusqu'à un an. C'est là qu'elle a eu, à huit

mois, ses premières convulsions qui coïncidèrent, dit-on, avec l'appa-

rition des premières dents. Ces convulsions survinrent la nuit,

débutèrent par un cri, envahirent la peau et les membres; elles

durèrent quatre heures. On ignore si elles furent plus fortes d'un

côté que de l'autre. On assure que, consécutivement, l'intelligence

aurait diminué, que l'enfant ne reconnaissait plus ni les personnes,

ni ses jouets, était indifférente à tout ce qui se passait autour

d'elle. On remarqua encore que le côté gauche du corps était plus

malade que le droit.

A partir de ces convulsions, l'enfant aurait eu presque quoti-

diennement des accès convulsifs, se répétant 8 ou 10 fois en vingt-

quatre heures. Souvent, quand on la prenait sur les bras, elle

rejetait la tête en arrière et avait 8 ou 10 secousses convulsives.

- Dans ses accès, l'avant-bras gauche se fléchissait sur la poitrine

et demeurait ainsi raide pendant l'accès.

Vers le milieu du mois d'août 1897, Marguerite fut piise de

vomissements, de constipation, de cris nocturnes, avec élévation

de la température, le tout accompagné d'assoupissement. Le mé-

decin qui la soigna aurait diagnostiqué une méningite. Ces acci-

dents durèrent trois semaines. Après cette maladie, l'enfant resta

trois mois sans avoir d'accès. On prétend qu'ils étaient modifiés et

consistaient en secousses de la tête et du tronc, revenant deux ou

trois fois par jour. L'état intellectuel n'aurait pas été modifié par

la maladie qualifiée de méningite.

Nous manquons de renseignements sur les maladies infectieuses,

les manifestations scrofuleuses, etc. 1.

Etat actuel (novembre 1897). - L'enfant a l'aspect d'une stru-

meuse. Le visage est boufli, pâle, sans expression, les yeux sont

chassieux. Elle crie ou pleure sans cesse et ne reste pas tranquille.

La l'été est bien développée mais asymétrique, la bosse pariétale

droite est très saillante, la gauche peu; les bosses frontales sont à

peine accusées, le front est droit, aplati. Les cheveux sont châ-

tains, abondants, en broussailles, raides, coupés courts. Les arcades

sourcilières sont peu saillantes, ombrées de sourcils courts et fins.

Les paupières fines, souples, légèrement bouffies, sont bordées de

cils longs, bien implantés à la paupière supérieure, irrégulière-

' La mère est partie en Angleterre et nous n'avons pas eu la possi-

bilité de la revoir pour compléter certains points de l'observation.

49C RECUEIL DE FAITS.

ment implantés et moins abondants à la paupière inférieure. Les

yeux ne présentent pas de lésions apparentes, les iris bleu clair,

les pupilles, égales, réagissent bien à la lumière et à l'accommo-

dation. L'examen fonctionnel de la vision est impossible. La

bouche est grande, les lèvres, assez épaisses, sont rosées. Le men-

ton, petit, est arrondi. Les joues sont pleines, boulfies, pâles. Les

oreilles sont symétriques, peu écartées du crâne, bien ourlées; le

lobule est mal dessiné, adhérent. Au niveau du tragus, on note

une petite excroissance charnue. L'ouïe est normale. La vozitepala-

tine est excavée, non ogivale, le voile du palais est normal. Les

amygdales sont grosses. La langue ne présente rien de particu-

lier. Le goût existe car l'enfant aime le lait et le préfère sucré. La

dentition est incomplète, irrégulière. Les incisives de la première

dentition présentent des érosions linéitormes. Les autres dents

sont normales. L'enfant a de fréquentes vomituritions, bave sou-

vent. t.

Le cou est court, large, le larynx saillant, le corps thyroïde dif-

ficile à sentir à la palpation. Le thorax est bien conformé. L'exa-

men des poumons et du coeur est négatif. L'abdomen est sailiant,

arrondi, les parois sont souples, la cicatrice ombilicale ne fait pas

relief, la palpation et la percussion ne dénotent rien d'anormal du

côté des organes intra-abdominaux.

Les meiubres supérieurs sont bien développés, gras, mais le bras

gauche présente une attitude vicieuse. L'avant-bras est en demi-

flexion sur le bras, la main à demi fléchie en pronation; par mo-

ments, l'attitude de l'avant-bras restant la même, la main se ploie

en supination et se fléchit sur la face dorsale de l'avant-bras. Les

mouvements spontanés existent à droite, mais sont affaiblis car

l'enfant n'aide en rien pour s'habiller, se laver, etc. A gauche.

résistance plus grande aux mouvements provoqués.

Les membres inférieurs sont assez bien développés, les mouve-

ments provoqués sont normaux. L'enfant se tient debout mais ne

marche pas. Essaie-t-on de la faire avancer en la soutenant, on

remarque que le membre inférieur gauche présente une certaine rai-

deur, que le genou ne se plie pas et que le bassin s'incline du côté

opposé, que la colonne vertébrale s'incurve du côté gauche qui est

évidemment plus faible. L'enfant ne change pas sespieds de place.

On note une petite cicatrice au-dessous de la rotule gauche.

Les réflexes sont normaux.

Puberté : Pénil saillant, grandes lèvres épaisses, les petites

lèvres sont peu saillantes forment, en s'unissant à la partie supé-

rieure un petit capuchon qui recouvre complètement le clitoris.

Orifice de l'hymen circulaire, hymen intact, fosse naviculaire pro-

fonde, fourchette saillante, région anale normale.

W... prend des panades qu'on lui donne à la cuiller etdu lait au

biberon qu'elle tient bien et rejette dès qu'il est vide. Après le

IDIOTIE SYMPTOMATIQUE : LÉSIONS DE L'INSULA, ETC. 497

repas, elle met ses doigts dans sa bouche et rend souvent les

aliments; bave abondante, constipation, gâtisme.

Parole, attention, sentiments affectifs, nuls. Sommeil souvent

interrompu par des cris. W... se réveille et pleure dès qu'elle est

mouillée. Lorsqu'elle est assise, balancement antéro-postérieur du

tronc en même temps qu'elle tourne la main gauche et agite les

doigts.

La température rectale, prise matin et soir pendant les cinq pre-

miers jours de l'admission, a oscillé entre 3riz,2 et 36° (six fois

sur douze au-dessous de 37°).

Traitement : Huile de foie de morue, sirop d'iodure de fer, deux

bains salés par semaine. Gymnastique : exercices du saut, de la

marche, des jointures.

1898. Janvier. - Comme l'enfant ne présente pas trace de cica-

trices vaccinales on la vaccine; résultat négatif. L'état de l'enfant

ne s'est pas amélioré ; elle ne prête aucune attention à ce qui se

passe autour d'elle : elle ne rit jamais, n'a aucune affection pour

les personnes qui la soignent, elle reste insensible aux caresses.

Comme alimentation, elle ne prend que du lait.

1899. Janvier. Même état. La santé physique parait bonne.

Même régime; W... prend le lait avec avidité; crie beaucoup quand,

aux repas, elle n'est pas servie l'une des premières : c'est sa seule

manifestation intellectuelle.

Mars. - L'enfant maigrit visiblement depuis quelques jours.

On ne constate rien aux poumons, ni au coeur ; il n'y a pas de rai-

deur de la nuque, pas de photophobie, rien du côté de l'abdo-

men. L'examen est très difficile. Régime lacté absolu, sirop de

glycéro-phosphate de chaux.

Avril. - L'enfant conserve son appétit ordinaire; malgré cela,

son état s'aggrave, l'amaigrissement s'accentue, il y a une diarrhée

continuelle. L'examen, du poumon reste négatif, la palpation de

l'abdomen ne fait pas découvrir de ganglions mésentériques volu-

mineux. Diagnostic : tuberculose. Mérne traitement général, plus

2 gr. 50 de salicylate de bismuth par jour.

Mai. - L'enfant présente toujours le même état général mau-

vais, l'amaigrissement progresse plus marqué au thorax. Sur les

cuisses, on note quelques papules d'un rouge brunâtre, isolées

par des intervalles de peau saine (éruption papuleuse des gâteux).

Juin. Même état général. Depuis quelques jours, la diarrhée

a cessé, mais l'enfant a de fréquents vomissements, elle pleure

sans cesse et tousse de temps en temps. La percussion des pou-

mons dénote de la submatité et une résistance spéciale au doigt

dans les régions sous-claviculaires. A l'auscultation, qui est extrê-

mement difficile à pratiquer, l'enfant criant et se débattant sans

relâche, on trouve quelques râles humides disséminés dans les

poumons plus nombreux aux sommets. Les ganglions du cou,

Archives, 2' série, t. IX. 32

498 RECUEIL DE FAITS.

des aines, des aisselles sont augmentés de volume, isolés (poly-

micro-adénie) ; érythème des régions fessières et inter-fessière.

La conjonctive droite est injectée surtout au niveau de l'angle

externe de l'oeil où existe un pannus. Congestion irradiant autour

de deux volumineuses phlyctènes séparées. Même aspect de la con-

jonctive gauche où l'on ne constate qu'une seule phlyctène. Les

lèvres et le menton sont rouges; on y note une légère desquama-

tion furfuracée; dans la conque du pavillon droit, la desquama-

tion se fait en lamelles plus épaisses. Pendant le jour, l'enfant

dort assez bien, mais la nuit elle crie sans cesse. Même traite-

ment général, vaseline boriquée sur les régions qui desquament,

lavage des yeux à l'eau boriquée tiède.

Juillet. - Les yeux sont complètement guéris. La diarrhée

s'est établie de nouveau, l'état général est de plus en plus grave,

la cachexie s'accuse rapidement.

En août et septembre, la cachexie tuberculeuse s'accentue pro-

gressivement, la diarrhée est continuelle. L'enfant tousse très

rarement. Le 2r septembre la température rectale était descendue

à 35°,4 (vérifiée avec un autre thermomètre). W... boit encore 2 à

3 litres de lait chaque jour.

Mort le 10r octobre sans avoir présenté de symptômes nouveaux;

la cachexie est complète.

Température après décès.

IDIOTIE SYMPTOMATIQUE : LÉSIONS DE L'INSULA, ETC. 499

notablement plus petite que la gauche. (Atrophie du lobe frontal

correspondant.) L'apophyse crista-galli est petite, arrondie. Le

trou occipital n'a rien de particulier. Nombreuses atlhérences très

fines des lobes temporaux à la partie antérieure des fosses cor-

respondantes ; adhérences nombreuses de la dure-mère le long du

bord supérieur des deux hémisphères. Les sinus sont vides.

La pie-mère, épaissie, sans fausses membranes, est peu vascula-

risée au niveau de la base. L'artère sylvienne droite est moitié

ohM petite que la gauche. Les artères cérébrales antérieures

paraissent égales, il en est de même des autres artères. Les

nerfs optiques et le chiasma sont égaux. Le tubercule mamillaire

droit semble un peu plus petit que le gauche. Dans son tiers interne,

le pédoncule cérébral droit est moins bombé que le gauche ; il en

est de même de la moitié droite de la protubérance. La moelle

ayant été sectionnée trop haut, on ne peut comparer ni les olives

ni les pyramides. - La glande pinéale est un peu grosse, d'as-

pect vitreux. - La glande pituitaire est petite, foncée. Liquide

céphalo-rachidien recueilli : quatre cuillerées à soupe.

Cerveau. - L'inégalité de poids entre les deux hémisphères qui

est de 135 grammes donne une idée de l'atrophie de l'hémisphère

droit dont toutes les circonvolutions sont notablement réduites

par rapport aux circonvolutions de l'hémisphère gauche.

Hémisphère droit. - Il existe au niveau de tout le lobe tempo-

ral et de l'insula une lésion ancienne constituant un pseudo-kyste,

rempli de liquide céphalo-rachidien. Les vaisseaux de la pie-mère

correspondant à ce vaste foyer sont tous plus petits que du côté

opposé.

Lorsque la pie-mère et les vaisseaux sont enlevés, les régions

lésées se présentent avec une coloration jaune ocreuse plus foncée

par places, principalement au niveau de la corne d'Ammon et de

ce qui reste de la circonvolution de l'hippocampe. La lésion inté-

resse tout le lobe temporal aussi bien la face inférieure que la face

convexe. Le lobe a conservé sa forme générale.

A l'extrémité antérieure, ce qui reste des circonvolutions est

flasque, comme s'il s'agissait de deux membranes à demi acco-

lées, avec çà et là des parties dures qui forment comme des arêtes.

- Le foyer ocreux occupe tout T' jusqu'au pli pariétal inférieur

inclusivement et près de 2 centimètres du pied de PA. Tout le

lobule de l'insula est compris dans Id lésion. - A la place des digi-

tations on trouve une plaque jaune brunâtre, dure, avec quelques

arêtes en avant; cette plaque ocreuse arrive en dedans jusqu'à

4 millimètres de la bandelette optique (PL. IV).

Autour de cette lésion principale,-lobe temporal, insula les

circonvolutions contiguës sont très atrophiées, blanches, dures ;

c'est la partie supérieure de P2, tout P C, toute la moitié anté-

rieure de L 0, les circonvolutions qui bordent de chaque côté la

500 RECUEIL DE FAITS.

partie postérieure de Se. p. L'atrophie continue sur la face interne

de l'hémisphère, intéressant tout le coin et les bords de la fis-

sure calcarine. La circonvolution du nerf olfactif est réduite à

deux arêtes blanches dans toute sa longueur. Le pied de FA et

F' sont atrophiés et indurés (coloration blanche, induration très

nette, tranchant sur la coloration grise et la consistance molle des

autres circonvolutions. La plupart des circonvolutions atrophiées

ont un aspect vermicellé, sont réduites à 2, 3 ou 4 millimètres

de largeur et constituent autour de la lesion principale (lobe

temporal, circonvolution d'enceinte de la scissure de Sylvius et

lobule de l'insula), une zone de lésions moins accusées. Autour de

cette zone les circonvolutions sont petites, arrêtées dans leur

développement mais ont leur forme et leur consistance nor-

males. (PA, P', moitié supérieure de LQ, extrémité du lobe occi-

pital, pied de FA, F'.)

Par suite de la sclérose alrophique très accusée des circonvolu-

tions qui bordent la scissure parallèle, en arrière, et la fissure

calcarine il y a une encoche profonde entre le lobe occipital en bas,

P' et LQ en arrière (PL. IV et V).

Les circonvolutions frontales sont grêles, assez sinueuses dans

leur moitié antérieure, volumineuses, massives, comme hypertro-

phiées, dans leur moitié postérieure (F' qui est bifurquée, F2 et à

un moindre degré FI). Les circonvolutions de la face interne sont

grêles avec des sillons très superficiels. Le coin est très réduit

et composé de petites circonvolutions dures. Le lobe quadrilatère

est un peu induré, dur sur son bord inférieur. - Sur tout cet

hémisphère les sillons sont très peu profonds alors qu'ils sont très

accusés sur l'autre hémisphère.

Hémisphère gauche. - Les trois circonvolutions frontales sont très

sinueuses avec plusieurs plis de passage. Les circonvolutions

frontale et pariétale ascendantes sont très développées ainsi que

les insertions des trois circonvolutions frontales surtout de F' et

les lobules pariétaux supérieur et inférieur. Le lobe temporal dans

son entier et le lobe occipital sont formés de circonvolutions assez

volumineuses mais bien moins sinueuses que les circonvolutions

du lobe frontal (PL. VI et VII). Les deux caractères de la face externe

sont donc : la sinuosité des trois circonvolutions frontales et le

volume prédominant des circonvolutions pariétales.

Sur la face interne les circonvolutions sont bien développées et

n'offrent rien à signaler. Sur la face inférieure nous avons à

noter : 1° La sclérose atropl41que du gyrus reclus qui se présente

sous l'aspect de deux crêtes blanches et dures laissant entre elles

une fossette assez profonde, toutefois ces crêtes et la fossette

intermédiaire sont moins prononcées que du côté droit ; un foyer

ocreux occupant la corne d'Ammon, le tiers antérieur de la circon-

IDIOTIE SYMPTOMATIQUE : LÉSIONS DE L'iNSULA, ETC. 501

volution de l'hippocampe, puis la pointe des trois circonvolutions

temporales. Le foyer a la forme d'une équerre dont le côté le plus

grand correspond à la pointe du lobe temporal et la branche la

plus courte à la circonvolution de l'hippocampe. - Les circonvo-

lutions du foyer ocreux persistent sous forme d'arêtes dures ou

de crétes molles comme s'il s'agissait de deux membranes à

demi accolées. La partie de T' qui correspond au foyer est

blanche, atrophiée, dure. - Le lobule de l'insula ne présente

aucune lésion; il possède trois digitations bifurquées.

Des deux côtés, les ventricules latéraux et les masses centrales

n'ont rien à signaler. Voici quelques dimensions comparatives :

502 RECUEIL DE FAITS.

IDIOTIE SYMPTOMATIQUE : LÉSIONS DE L'INSULA, ETC. 503

III. L'idiotie était absolument complète chez cette fillette,

réduite à la vie végétative : la diplégie qui prédominait à

gauche et se compliquait de contracture avait rendu marche

impossible et la préhension très limitée. La parole, l'allen-

tion, les manifestations intellectuelles, les sentiments affec-

tifs étaient nuls. La physionomie était en harmonie avec ces

' Fig. 13.

804 RECUEIL DE FAITS.

symptômes (fla. 13). L'alimentation était réduite aux aliments

liquides qu'il fallait lui donner. Notons encore la bave, le

gâtisme, le balancement du tronc, les tics, les accès décris, etc.

IV. Sous l'influence de la tuberculose, le poids a progres-

sivement diminué de 12ls,§00 en janvier à 8 kilogrammes au

moment du décès. Durant le premier semestre de 1899, la

taille s'est élevée de 85 à 88 centimètres. Elle s'était sans

doute encore développée de juillet à la mort (octobre).

La température n'a jamais été très élevée dans le cours de

la tuberculose. Il y a eu, au contraire, une hypothermie. Du

21 au 31 août, elle a oscillé en 36°,8 et 37°,2; du '1er au 10 sep-

tembre entre 37° et 37°,8; du 11 au 14 entre 36°,4 et 37°,4; du

14 au 17 entre 37° et 38; le 18 la température tombe à 35°,6,

reste entre 36° et 37° jusqu'au 22 septembre, s'élève le soir

de ce jour à 37°,4, reste entre 37° et 36° jusqu'au 26, subit un

abaissement à 350 le 24. Du 27 au 30, elle varie de 36°,4 à

37°,6; le matin de la mort elle descend à 36 ? pour s'élever

à 36°,8 au moment même du décès.

Les notations thermométriques après la mort confirment

une fois de plus tout ce que nous avons dit si souvent, ailleurs,

sur l'importance de la thermométrie pour constater la réalité

de la mort.

V. La destruction totale du lobule de l'insula et du lobe

temporal, partielle des circonvolutions marginales a produit

une sorte de cavité à la face convexe de l'hémisphère. Cette

cavité a été comblée par la pie-mère épaissie et une infiltra-

tion cellulaire enfermant dans ses mailles une assez grande

quantité de liquide céphalo-rachidien : pseudo-kyste, comme

on disait autrefois, pseudo-porencéphalie pour employer le

langage d'aujourd'hui, car il n'y a pas, comme dans la poren-

céphalie vraie, de communication du foyer avec le ventricule

latéral et il existe, entre le foyer et le ventricule une couche

de substance nerveuse ayant encore une certaine épaisseur.

La lésion primitive nous paraît être celle qui a détruit le

lobule de l'insula du côté droit et intéressé profondément

le lobe temporal correspondant ainsi que la circonvolution

d'enceinte de la scissure de Sylvius. Elle nous semble pou-

voir être attribuée à une lésion vasculaire (oblitération) du

tronc sylvien et de presque toutes ses branches qui, ultérieu-

rement, ne se sont plus développées et ontété trouvées, l'au-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 0O0

topsie, au moins moitié plus petites que le tronc et les bran-

ches du côté gauche.

A cette lésion s'est ajoutée une encéphalite qui a eu pour

conséquence une sclérose at·ophiete de la plupart des cir-

convolutions entourant le premier foyer.

Cette double lésion a entraîné un arrêt de développement

de tout l'hémisphère droit, bien mis en relief par les mensu-

rations comparatives des deux hémisphères cérébraux que

nous avons données et qui s'est traduit par une diminution

de poids de 135 grammes. D'où l'idiotie complète et la para-

lysie. La contracture s'explique par les dégénérations secon-

daires (pédoncule, protubérance, etc.). Rappelons aussi pour

mémoire, les lésions méningitiques.

Un dernier point à signaler c'est la lésion de l'extrémité

antérieure du lobe temporal gauche, analogue, sauf l'éten-

due, à celle qui a porté sur tout le lobe temporal droit. Ces

lésions symétriques ne sont pas rares et, en général, l'un des

hémisphères est toujours plus touché que l'autre 1. Une coupe

transversale, montre que la lésion de l'insula s'arrête à

l'avant-mur.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

LXXI. De l'excitabilité de l'écorce du cerveau des animaux nou-

veau-nés ; par W. de BECHTEREV. (Neurolog. Ce ? 2t ? '(Zlblatt., XVII,

1898.)

En 1896, Soltmann montre que les centres moteurs des nouveau-

nés sont d'abord tout à fait inexcitables; au dixième jour, on peut,

en excitant l'écorce^ provoquer des mouvements dans le membre

antérieur; le treizième jour, les mouvements se propagent aux

membres éloignés; le seizième jour, les centres des muscles du

visage et des extrémités sont en pleine activité. Les recherches

de Tarchanow et Bechterew chez le lapin et le chat (1886), Paneth,

Marcacci (1882) et Lemoine (1880), signalent le développement

1 Nous espérons donner plus tard les résultats de l'examen hislolo-

91que.

506 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

relativement précoce de l'excitabilité de l'écorce motrice, chez le

chien et même chez le chat, parfois tout aussi excitable que chez

l'animal adulte, Telle est la raison des nouvelles études de Bary

et Bechterew sur le développement des centres moteurs de l'écorce des

animaux nouveau-nés. Chez les jeunes chiens de zéro à vingt jours,

l'écorce s'est montrée excitable 25 fois sur 38 ; en un tiers des cas,

elle ne fut pas excitable, mais il s'agissait, sans exception, d'ani-

maux âgés de moins de neuf jours. Cette inexcitabilité pouvait être

mise sur le compte d'encéphalocèles, d'hémorragies, de refroi-

dissement de la surface du cerveau, excepté dans quatre cas où

l'expérience fut conduite avec toute la prudence désirable. L'acti-

vité corticale se manifestait par des contractions nettes des

membres, parfois dès le premier jour de la naissance (chien). Cette

excitabilité corticale dépend d'ailleurs de facteurs très nombreux

souvent accidentels ; à côté du degré de maturité de l'animal en

expérience, il y a des variations individuelles. Ainsi s'explique

l'inconstance des résultats obtenus par les auteurs, pour une seule

et même espèce animale. Bary a vu aussi les contractions lentes

et traînantes, il a constaté que la période latente de l'excitation

corticale du muscle est, chez le nouveau-né, notablement plus lon-

gue que chez l'animal adulte. Il n'y a pour ainsi dire pas de diffé-

rence chez le nouveau-né entre la durée de cette période latente et

le temps que demande à s'effectuer la contraction musculaire,

quand on pratique l'excitation sous-corticale. Le faisceau pyra-

midal amyélinique, non développé, ne parait pas complètement

inexcitable; il ne tarde pas, tout au moins, à conduire des excita-

tions isolées sur certains muscles et groupes de muscles. Cette

aptitude lui est dévolue par l'intermédiaire du développement des

gaines de myéline. P. KERAVAL.

LXXII. Note relative au champ cortical des fibres des cordons pos-

térieurs ; par A. TSCIfCR61AH. (Neurolog. Centralbl., XVII, 1898.)

Chez le chat on détruit les noyaux médullaires des cordons pos-

térieurs ; les gaines myéliniques disparaissent non pas seulement

jusque dans la partie antérolatérale de la couche optique c'est-à-

dire dans la couche nucléaire antérieure de la masse de la couche

optique, dans l'écorce de la couche optique et dans la couche

grillée ainsi qu'au centre médian (Singer et Munzer, Ferrier et Tur-

ner, W. Mott), mais à travers la couche optique même, c'est-à-dire

qu'un nombre assez considérable de fibres sont atteintes dans leur

trajet à travers la couche optique, entre l'écorce de celle-ci et sa

masse (hile de la couche optique) et à leur point de sortie, dans leur

expansion. Ces fibres, la plupart situées en avant, passent en décri-

vant un arc par le pied du pédoncule cérébral et fournissent des

collatérales au corps de Luys (noyau hypothalamique). Un petit

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 507

petit nombre d'entre elles se dirigent sur la ligne médiane et,

gagnant le bord antérieur du pied du pédoncule, reposant immé-'

diatement sur la bandelette optique, vont à la région du tuber

cinereum ; elles forment une partie constitutive de la commissure

hypothalamique moyenne deMeynert,et arrivent, après avoir franchi

la ligne médiane par un chemin analogue entre la pédoncule et la

bandelette, dans les deux segments les plus internes du noyau

lenticulaire (globus pallidus) de l'autre côté, comme l'a signalé

Flechsig.

La plus grande partie des libres qui antérieurement et antéro-

latéralement ressortent de la couche optique et traversent le

pédoncule cérébral, arrivent au noyau lenticulaire du même côté,

soit en longeant la base pour se recourber plus tard en haut, soit

en gagnant directement et transversalement le globus pallidus. La

ramification des fibres en cet endroit ne parait pas très considé-

rable ; la plupart d'entre elles, en effet, se servant surtout de la lame

médullaire médiane et latérale ainsi que la couche blanche inter-

médiaire au putamen et à l'écorce de l'insula, abandonnent à

leur tour le noyau lenticulaire et se perdent en arrière dans la cou-

ronne rayonnante. Une autre catégorie de fibres, dites directés,

s'échappent latéralement de la couche optique, par la coque de

celle-ci, pénètrent dans la capsule interne, et montent, éparpillées

dans la masse de ses fibres, dans la couronne rayonnante en sui-

vant principalement la face postérieure du noyau lenticulaire.

Les cellules des noyaux du cordon postérieur envoient donc des

fibres directes du côté opposé à l'écorce. En un mot, il existe un

système de fibres croisées qui vont de l'écorce du cerveau au

noyau du cordon postérieur, et passent par la masse de la couche

optique, et, en partie, par le noyau lenticulaire. Ce système entre

en rapport avec la couche optique par des rameaux latéraux. Il

est surtout formé des fibres longues du noyau du cordon postérieur

qui se terminent dans la couche nucléaire de la couche optique.

C'est le système thalamique croisé du noyau du cordon postérieur.

Quelle partie de l'écorce gagnent les fibres qui traversent la cou-

che optique ? Très probablement, d'après les travaux de Meynert,

Ellenberger, Monakow, Flechsig et Hoesel, aux régions du cerveau

du chat qui correspondent à la pariétale ascendante de l'homme, h

en serait de même des faisceaux bien plus riches en fibres qui

subissent une interruption momentanée dans la couche optique,

du système thalnmocortical (Monakow).

C'est du même territoire, c'est-à-dire de la partie de l'écorce

située autour du sillon de Rolando que part le système du cordon

latéral des pyramides, autrement dit une partie des faisceaux

cortico-musculaires (Marchi, Algheri, Tschermak).

P. Keraval.

508 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

LXXIII. La localisation dans le domaine du corps genouillé externe ;

par S.-E. Henschen. (Neurolog. Centralblatt., XVII, 1898.)

Les faisceaux optiques ou visuels qui commencent à la rétine et

se terminent dans l'écorce du lobe occipital ou de la fissure calca-

rine (ergot de Morand) se composent de deux neurones. L'un, le

neurone antérieur, part des cellules nerveuses de la rétine, et se

rend au corps genouillé, où il se ramifie. L'autre, le neurone posté-

rieur, part des cellules du corps genouillé, et se termine par des

arborescences dans l'écorce de la fissure calcarine. L'impression

visuelle étant produite par le contact des nerfs de la rétine et des

cellules nerveuses de la région occipitale, le mécanisme de l'inter-

ruption par le corps genouillé est de première importance. Il y a

homonymie entre les faisceaux visuels rétiniens et les éléments de

la rétine. Le quadrant supérieur de la rétine serait innervé par le

faisceau supérieur du nerf optique et de la bandelette optique; son

quadrant inférieur par le faisceau inférieur de ces organes (Mar-

chand, Narris, Henschen, Pick).

En arrière, les faisceaux visuels occupent deux plans. Le plan

visuel cortical se limite aux lèvres de la fissure calcarine dont la

lèvre supérieure correspond au quart de cercle supérieur de la

rétine des deux yeux (Hun, Henschen). On ne sait pas grand'chose

sur la localisation précise des éléments de la rétine dans le plan

pariéto-occipital.

Que se passe-t-il donc dans le corps genouillé externe Voici

une observation dans laquelle une lésion limitée du corps genouillé

externe a produit une hémianopsie. Il s'agit d'une femme de cin-

quante et un ans frappée successivement d'apoplexie avec hémi-

anesthésie gauche, d'hémianopsie complète du côté gauche avec

rétrécissement concentrique de la moitié droite du champ visuel,

et finalement d'hémianopsie du quart inférieur gauche ; elle est

morte dans ce dernier état. L'observation a duré du 9 juin 1889 à

fin avril 1893. On trouve un kyste hémorragique dans le segment

occipital de la couche optique et du pulvinsr, qui a pénétré jusqu'à

la limite supérieure du corps genouillé détruit en ce point, mais a

respecté la bandelette et le faisceau visuel occipital; ce qui prouve

que le segment supérieur du corps genouillé correspond au quart

supérieur de la rétine, et que le territoire lésé de cet organe

innerve les deux moitiés de la rétine, l'hémianopsie du quadrant

en question étant toujours latérale. Cette hémianopsie étant

demeurée permanente pendant plusieurs années, après la dispa-

rition de l'action indirecte de l'hémorragie, il appert que les deux

moitiés supérieure et inférieure du corps genouillé ne se peuvent

suppléer, qu'il s'agit bien d'une localisation, et que le segment

supérieur du corps genouillé réunit les fibres des deux moitiés

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 509

supérieures dps deux rétines, mais jusqu'au corps genouillé les

faisceaux des deux yeux ont un trajet complètement séparé.

P. J{ERAVAL.

LXXIV. L'entrecroisement partiel des nerfs optiques dans le

chiasma des mammifères supérieurs ; par W. de Bechterew.

(uro;. Centmllil.. XVII, 1898.)

Les opinions étant partagées, il est bon d'interroger la physio-

logie expérimentale. Knoll sectionne le nerf optique, il obtient la

cécité de l'oeil du même côté et la dilatation de la pupille ; il sec-

tionne la bandelette, il obtient cécité et mydriase du côté opposé.

Brown-Séquard opère chez le cochon d'Inde et le lapin. La section

transverse d'une bandelette lui donne la cécité de l'oeil du côté

opposé ; il sépare le chiasma dans le sens antéro-postérieur, il

produit une cécité bilatérale totale ; il lèse le corps genouillé

externe et le tubercule quadrijumeau ; et il conclut que : il l'exis-

tence d'un seul hémisphère cérébral suffit à la vision binoculaire;

chaque bandelette est unie à l'hémisphère du même côté, donc

avec les deux moitiés rétiniennes ; 2° l'amaurose consécutive à

la lésion de la bandelette optique, du corps genouillé externe, du

tubercule quadrijumeau et d'autres parties de l'hémisphère du

même côté, tient, non à un trouble fonctionnel des centres opti-

ques ou à des troubles dans la conductibilité, mais à l'excitation

produite par l'endroit lésé sur la nutrition de l'oeIl ou du nerf

optique.

Il faut se défier des espèces animales, des dispositions anato-

miques spéciales qui leur sont propres (expériences de Gudden et

Nicati).

Chez le chien la réaction antéro-postérieure du chiasma, et la

section transverse de la bandelette prouvent un entre-croisement

partiel dans le chiasma de cet animât ( Bechterew). La première muti-

lation entraine une cécité incomplète; l'animal voit et évite certains

objets, présente quelque divergence dans les axes des yeux pour

la vision de loin, et conserve une réaction nette des pupilles à

l'égard de la lumière. La seconde opération détermine une hémi-

anopsie bilatérale avec déchéance fonctionnelle bilatérale de la

moitié du champ visuel du côté opposé, un rétrécissement du

champ visuel de l'oeil opposé toujours beaucoup plus marqué que

du côté de la lésion; la déchéance du champ visuel est limitée

dans les deux yeux par la verticale, mais la vision distincte

parait toujours diminuée dans l'oeil opposé, intacte dans l'oeil du

même côté. La destruction du corps genouillé externe ou des

autres voies optiques plus lointaines entraine aussi une hémi-

anopsie avec déficit de la moitié du champ visuel croisée dans les

deux yeux, lacune plus considérable dans l'oeil opposé à la lésion.

510 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

La pupille de l'oeil opposé est simplement un peu plus dilatée;

généralement rien du côté de la réaction des pupilles, quelquefois

seulement réaction pupillaire hémiopique de Wilbrand. Ferrier a

chez le singe, à la suite d'une section transverse de la bandelette,

constaté une hémianopsie homonyme des deux yeux, avec, du

côté opposé à la lésion, réaction pupillaire hémiopique : Ce qui

prouve un entre-croisement partiel dans le chiasma des mammifères

supérieurs.

Et l'homme ? Il y a majorité écrasante des cliniciciens en faveur

de l'entre-croisement incomplet. P. IERAV : 1L.

LXXV. Observation de tumeur cérébrale de la région motrice

gauche ; hémiplégie gauche ; absence d'entre-croisement des

pyramides; par Pu. Zenner,. (Neurolog. Cenlrnlbl., XVII, 1898.)

Homme de trente ans. Le 18 mai 1896, on constate une hémiparésie

gauche avec hémiplégie faciale gauche, complète dans le territoire

du facial supérieur, incomplète dans le territoire du facial inférieur,

mais pasde réaction dégénérative. La langue dévie un peu à gauche;

propension de la tête à tomber en avant. Le patient parait éprou-

ver plus de difficulté à tourner les yeux à gauche qu'à droite.

Intégrité de la sensibilité cutanée ; percussion du crâne plus dou-

loureuse à gauche. Céphalée frontale et temporale droite, et grande

faiblesse. Intelligence très obtuse ; réponses très lentes. 11 aurait

eu pendant l'année des attaques répétées de convulsions cloni-

ques du côté gauche. A l'ophtalmoscope, congestion de la papille :

artères et veines notablement dilatées, mais pas de névrite optique

nette.- Il reste ainsi deux mois en conservant l'appétit et la déglu-

tition. La céphalée, parfois violente, est ensuite insignifiante.

Expression de la démence, quelquefois mélancolique, propension

à la somnolence. Deux accès de faiblesse colossale. Jamais de con-

vulsions. Diagnostic. Tumeur cérébrale probable. La paralysie ne

s'accroît pas ; la céphalée n'est pas trop violente ; la névrite ne se

développe pas ; pas d'épilepsie jacksonienne ; mais pas d'amé-

lioration. Mort le '4 août 1896. On trouve une tumeur sous-dure-

mérienne qui occupe les ascendantes gauches; elle paraît plutôt les

avoir déplacées que détruites. Elle mesure 8 centimètres de haut

en bas, 6 centimètres d'avant en arrière, 5 centimètres de profon-

deur. C'est un gliosarcome. Il n'y a pas d'entre-croisement des

pyramides. P. licsavAL.

LXXVI. De la teneur en fibres blanches des ascendantes d'un

individu normal du sexe masculin ; par A. PAssow. (Neurolog.

Centtualbl., XVII, 1898.)

Cerveau d'un menuisier de trente-trois ans, sain d'esprit, mort

très rapidement de phthisie pulmonaire. Durcissement dans le

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. J1'1

liquide de Huiler. Division des ascendantes droites en six blocs à

peu près d'égal volume de haut en bas, soigneusement numérotés,

de la scissure interhémisphérique à l'opercule. On ne perd pas de

vue la frontale ascendante dans laquelle on fiche des aiguilles.

Durcissement dans l'alcool absolu. Inclusion dans la celloïdine.

1 741 coupes en série que l'on colore au moyen de la méthode de

Wolters modifiée par Kaes (Neicrolog. Centralbl., 1891). Nomencla-

ture des couches d'Edinger (Nervoese CcntmIOr;¡al1e, Leipzig, 1896).

Voici ce que montre la frontale ascendante droite. - De bloc en

bloc, les fibres tangentielles forment des couches de plus en plus four-

nies et de plus en plus larges du bloc n° 1 au bloc n° 4 ; elles devien-

nent ensuite moindres dans les 5° et 6° blocs. Le système des

fibres superradiaires, vers la base de la circonvolution, constitue des

couches de plus en plus et uniformément touffues du bloc n° i au

bloc n°3, si bien que, dans le 4° bloc, les fibres arrivent jusqu'aux

fibres tangentielles; mais cette richesse de fibres s'accompagne du

rétrécissement de toute la couche ; dans les deux derniers blocs,

la couche est de nouveau large mais presque complètement

dénuée de fibres. Le tassement des fibres superradiaires est pro-

duit par le treillis interradiaire avec la raie externe de Baillarger

ou Gennari (figures).

Les parties les plus riches en fibres du 4° bloc corrrespondent à

la région de la main et des doigts. Les parties les plus pauvres des

5° et 6° blocs correspondent à la région de la tête, du facial et de

l'hypoglosse. P. KERAVAL.

LXXVII. Contribution à la casuistique des tumeurs cérébelleuses;

par A. BOETTIGER (Neurolog. Centralbl., XVII, 1898.)

Début par des troubles de l'équilibre, des vomissements, une

papille étranglée, indiquant le siège de la tumeur dans la fosse

postérieure du crâne. Ataxie en marchant et pendant la station

debout, indiquant l'atteinte du cervelet. Pas de signe de Romberg;

titubation surtout prononcée à droite, comme pendant les ver-

tiges. Parésie de l'arcade gauche du voile du palais ; mouvements

choréiformes de la langue ; accélération de pouls; maladresse des

mouvements délicats des doigts et des orteils à droite ; ataxie

nette, quoique faible, du bras droit ; tremblement intentionnel de

la main droite, surtout pour les mouvements compliqués tels que

ceux de l'écriture ; hypoexcitabilité mécanique des muscles, réa-

gissant normalement à l'électricité. Pas de réflexes tendineux, si

ce n'est celui du tendon d'Achille droit, normal, et le réflexe

patellaire droit qui n'est que fort affaibli.

Analyse fort complète des symptômes cérébelleux directs et des

symptômes cérébelleux de voisinage entraînant l'auteur à conclure

à l'existence d'une tumeur de la partie postérieure de l'hémi-

512 Z REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

sphère cérébelleux gauche. Ce n'est pas un tubercule, car il n'y a

ni hérédité, ni phénomènes permettant de le soupçonner. Les pro-

grès lents des symptômes montrent que la tumeur s'accroît lente-

ment ; ceci est plutôt en faveur d'un gliome que d'un sarcome,

et permet de repousser l'intervention opératoire.

P. IICItAVe\L.

LXX VIII. Observations sur les terminaisons nerveuses sensitives

dans les muscles volontaires; par A. RUFFINI. (Bi,aii2, part. LXXIX.)

Il s'agit de la question des fuseaux musculaires, des organes

intra-tendineux et des corpuscules de Pacini intra-musculaires.

Les muscles volontaires renferment trois ordres de fibres ner-

veuses : les motrices, les sensorielles, les vasomotrices. Rien de

nouveau pour les fibres motrices déjà bien connues ainsi que leur

terminaison dans les plaques de Kiihne. - Les fibres sensorielles

chez les vertébrés supérieurs se terminent dans les muscles volon-

taires de trois manières différentes : par des fuseaux musculaires,

par des organes de Pacini et au voisinage des formations tendi-

neuses par les organes de Golgi. Chacune de ces terminaisons

représente un mode de sensibilité différente et sans préciser l'au-

teur demande que des expériences exactes viennent déterminer

quelle est celle qui représente le sens musculaire. F. 13ossmrs.

LXXIX. Le Fuseau musculaire dans les conditions pathologiques ;

par F. BATTEN. (Drain, LXXVII et LXXVIII.)

Après une revue très documentée de tout ce qui a été écrit sur

la structure, les fonctions et la morphologie des fuseaux muscu-

laires et après une étude complète des méthodes techniques de

recherche, l'auteur examine les modifications de ces fuseaux dans

un certain nombre d'états morbides où il a pu les retrouver.

Dans la paralysie infantile, les fuseaux musculaires restent tout

à fait indemnes. - Dans le tabès ils étaient normaux chez deux

sujets et dégénérés chez un troisième. Dans un cas de myopa-

thie de Leyden ils étaient accrus en nombre et d'apparence nor-

male quant à leur structure. - Normaux aussi dans un cas

d'atrophie musculaire progressive et dans un cas de névrite péri-

phérique, ils étaient au contraire atrophiés dan, un cas de trau-

matisme du plexus brachial remontant il un an avec perte de la

sensibilité et de la motilité ; atrophiés également dans des cas de

section expérimentale de troncs nerveux chez le chat. Ce mémoire

de plus de 40 pages est richement documenté au point de vue

bibliographique et rehaussé de très nombreuses planches, il

éclaire réellement la question des terminaisons sensitives dans les

muscles. F. BoissiER.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 513

LXXX. La métamérie dans les trophonévroses ; par E. Brissaud.

(Nouv. Iconogr. de la Salpêtrière, no 2, 1899.)

L'existence des trophonévroses n'est plus à démontrer et depuis

les travaux de Ross, Allen, Stear, Head, ces troubles peuvent

être localisés dans les différents étages radiculaires ; cette leçon

tend à démontrer que la localisation des lésions pourra peu à peu

être poursuivie jusque dans les étages Mt/e7ome)'M et éclairer

définitivement la thèse de la métamérie spinale. Présentation

et discussion. d'un certain nombre de cas de zona, de scléroder-

mies, d'urticaire, de lichen, de dystrophie unguéale, etc., qui

démontrent la disjonction des segments métamériques 11 ! ! Jélomèl'es

et dc1'matomè/'es. 11. C.

LXXI. La localisation motrice médullaire est une localisation

- segmentaire; par van GHF1UCHTEIV et INELIS. (Journal de Neurologie,

1899, n° 16.)

D'après les auteurs de ce travail les différents amas cellulaires

qui existent à la périphérie de la corne antérieure dans le renfle-

ment cervical et dans la moelle lombo-sacrée président à l'inner-

vation de tous les muscles d'un segment de membre, quel que

soit nombre de ces muscles, quelle que soit leur fonction phy-

siologique, quels que soient les nerfs périphériques qui s'y termi-

nent.

Cette conclusion résulte des recherches de MM. van Gehuchten

et Nelis sur les modifications des cellules de la moelle dans les

cas de mélectomie récente. La localisation motrice médullaire

n'est donc en rapport ni avec les nerfs, ni avec les muscles des

membres, elle est segmentaire et peut être considérée comme une

véritable métamérie motrice. Ce fait a une double importance :

physiologique et pathologique.

Au point de vue physiologique il tend a démontrer que la con-

traction isolée d'un groupe physiologique de muscles dans un

segment donné de membre ne résulte pas uniquement de ses con-

nexions médullaires, mais qu'au-dessus du noyau segmentaire

des muscles de la jambe, du pied, de la main, etc., il doit exister

des centres plus élevés, tenant sous leur dépendance les différents

groupes de muscles qui, dans un segment donné, remplissent des

fonctions physiologiques différentes.

Au point de vue pathologique il permet de comprendre comment

dans un grand nombre d'affections médullaires accompagnées

d'atrophie musculaire, cette atrophie peut se localiser plus ou

moins nettement dans l'un ou l'autre segment soit du membre

thoracique, soit du membre abdommal. G. Deny.

Archives. 2° série, t. IX. 33

M4 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

LXXXII. Nouvelles recherches sur l'origine du facial supérieur et

du facial inférieur; par M. G. MARINESCO. (Presse médicale, 16 août'

1899.)

On peut distinguer dans le noyau du facial, chez presque tous les

animaux, trois groupes de cellules : un groupe interne ou noyau

secondaire interne,-un groupe moyen, formé lui-même par un seg-

ment antérieur et un segment postérieur, chez le chien tout au

moins, et un groupe externe. L'étude des lésions de réaction à dis-

tance produites par la section des diverses branches du facial

établit que le facial supérieur a son origine dans le noyau commun

de ce nerf. Ainsi se trouve détruite l'opinion longtemps admise,

d'après laquelle le facial supérieur a son origine dans un noyau

différent et peut-être dans le noyau du moteur oculaire externe.

Les recherches expérimentales faites par l'auteur sur le chien, le

chat et le lapin et exposées en détail dans ce travail, permettent

d'affirmer, malgré les légères différences observées dans les cons-

tatations recueillies chez ces divers animaux, que le noyau du

facial supérieur est situé à la partie postérieure du noyau moyen

du facial.

Le groupe interne du noyau primitif est constitué par deux

espèces de cellules : 1° de grosses cellules sticochromes qui siègent

surtoutàla partie antérieure de ce groupe et que M. Marinesco tend à

considérer comme représentant l'origine de l'auriculaire; 2° de

petites cellules contenant relativement peu de substance chroma-

tique, qui, probablement, sont l'origine des nerfs des muscles

intérieurs de l'oreille ou même peuvent être des cellules sympa-

thiques. Quant au groupe externe, il sert d'origine, chez le chien

et le chat, à la branche du facial inférieur qui passe devant le

masséter. Chez le lapin, le tronc du facial, à sa sortie du trou

stylo-mastoïdien, se divise en quatre branches, à chacune des-

quelles correspond, d'après M. Marinesco, un noyau principal.

Ce sont : 1° la branche auriculaire, dont M. van Gehuchten a loca-

lisé l'originedans la partieexternedu groupe interne; 2° labranche

zygomatico-temporale naissant de la partie postérieure du groupe

moyen; 3° la branche bucco-labiale supérieure émanant du groupe

externe; 4° la branche bucco-labiale inférieure issue de la partie

ventrale du groupe moyen.

Chez l'homme, la configuration générale du noyau du facial et

de ses groupes parait différente, au premier examen, de celle du

même noyau chez les animaux qui ont servi aux recherches précé-

demment exposées par l'auteur. Sur certaines coupes, choisies

surtout chez le foetus, M. Marinesco a pu retrouver très facilement

les trois groupes avec leurs subdivisions. Mais il faut reconnaître

que cette division, d'une simplicité schématique, en trois groupes

ou en noyaux secondaires à grand axe antéro-postérieur, ne cor-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 515

respond pas à la plupart des pièces. L'orientation des groupes

cellulaires et leurs rapports réciproques ne sont pas constants;

cependant, malgré toutes ces variations, c'est vers la parlie pos-

térieure et médiane ou médiane externe qu'il faut chercher

le noyau du facial supérieur. Ces constatations histologiques

trouvent leur confirmation dans divers faits cliniques : cas de

lésions alrophiques du noyau du facial avec participation des

muscles orbiculaire, sourcilier et fronlal; cas de paralysie bulbaire

progressive infantile et familiale décrite par Hoffmann. Remak,

Bernhardt, Fazio, Londe, etc. A. 1ENAYRGU.

LXXXIH. Lésion en foyer de la capsule interne. Paralysie laryngée,

syndrome de Weber; par DIDE et G. A. WmL. (Presse médi-

cale, 12 juillet 1899.)

Les faits rapportés par Déjerine, Garel et Dor, Eisenlohr per-

mettent de supposer que les fibres nerveuses laryngées, parties de

l'écorce cérébrale un peu en arrière du pied de la troisième fron-

tale, suivent un trajet plus ou moins voisin du faisceau géniculé.

MM. Dide et Weil relatent une observation de nature à confirmer

cette hypothèse. Il s'agit d'une femme de soixante-deux ans,

issue d'une famille dont plusieurs membres avaient présenté des

troubles paralytiques, très nerveuse, présentant même des idées

confuses de persécution et ayant fait des excès alcooliques. Cette

femme a été atteinte soudainement d'accidents de paralysie réali-

sant dans leur ensemble le syndrome de Weber avec paralysie du

larynx siégeant du côté droit comme la paralysie des membres.

A l'autopsie, on a constaté l'existence d'un foyer de ramollissement

au niveau de la partie antérieure de la portion ventriculaire de la

couche optique gauche; ce foyer dépassait en bas lacouche optique

et intéressait le pédoncule cérébral au niveau de l'émergence de la

troisième paire; la partie la plus antérieure du bras postérieur de

la capsule interne était également envahie. L'écorce cérébrale était

intacte; on n'a constaté aucun foyer sous-cortical dans la région

rolandique.

Après avoir fait remarquer que les altérations de la couche

optique n'ont aucun rapport avec la motilité du larynx, les auteurs

formulent les conclusions suivantes : Les libres laryngées intra-

corticales passent dans la capsule interne, au voisinage du genou,

à la partie antérieure du bras postérieur. Il semblerait que la

paralysie laryngée accompagnant le syndrome de Weber fût en

rapport avec une lésion de la partie antérieure du pédoncule cé-

rébral. MM. Dide et Weil signalent la fréquence de la paralysie

laryngée dans l'hémiplégie alterne et son absence dans les hémi-

plégies par lésions cérébrales. A. rENAYROU.

516 6 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

LXXXIV. Un cas de paraplégie avec autopsie ; par Van Gehuchten.

(JOUI ? de Neurologie, 1899, n° 19.)

Il s'agit d'un homme de trente-trois ans qui était atteint d'une

paraplégie flasque complète avec paralysie de la vessie et du

rectum, exagération des réflexes rotuliens, abolition des réflexes

crémasténen et abdominal. Il existait en outre une anesthésie des

deux membres inférieurs jusqu'au niveau d'une ligne horizontale

passant par la septième côte. De la septième à la cinquième côte

on constatait une zone d'hyperesthésie très nette.

A l'autopsie on trouva dans le canal rachidien une tumeur im-

plantée sur la face externe de la dure-mère au niveau du sixième

et septième segment médullaire dorsal. La moelle à ce niveau

n'avait subi aucune déformation ni destruction apparente de sa

substance. La compression avait cependant été suffisante pour en

suspendre le fonctionnement.

Un second point à faire ressortir c'est que la tumeur englobait

les filets radiculaires du cinquième et du sixième nerf dorsal,

c'est-à-dire des nerfs correspondants à la zone d'hyperesthésie.

En terminant l'auteur fait remarquer que l'extirpation de cette

tumeur pratiquée au début aurait inévitablement fait disparaître

tous les symptômes de la paraplégie. G. D.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XXXII. Un cas d'acromégalie; par le Dr W.-M. 1,EYriSKY. (Journal

of nervous and mental disease, février 1899.)

Malade de trente-six ans. Début de croissance exagérée des

extrémités il y a cinq ans ; brouillard dans la vue il y a un an ;

fourmillement dans les bras et les mains l'année dernière ; taille

6 pieds 1 pouce, poids 245 livres ; mâchoire inférieure projetée

half an inch en avant de la supérieure ; lèvre inférieure épaissie ;

langue fendillée, large ; os de la face augmentés de volume ;

nez élargi et allongé, narines élargies. Glande thyroïde normale.

Pouls : 84 pulsations. Os des extrémités supérieures et infé-

rieures augmentées de volume. Du talon à l'extrémité des orteils

on mesure 11 inches 1/4. Réaction pupillaire se fait avec paresse.

Pour l'oeil droit, champ visuel très rétréci pour le vert, normal

pour la couleur blanche. Pour l'oeil gauche, hémianopsie tem-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 517 7

porale complète, et contraction du champ visuel pour le 'vert,

le bleu et le rouge. Pas de scotome central. Olfaction complète-

ment abolie. Le malade était fort buveur de wisky, et on pou-

vait penser à mettre sur le compte de cette habitude, les troubles

visuels. Mais l'absence de scotome central, la conservation du

champ visuel normal pour le blanc tandis que rétréci pour les

autres couleurs, ne permet pas d'incriminer l'alcoolisme. Le cas est

intéressant en ce qu'il a permis de poser un diagnostic précoce.

D'autre part les symptômes sont tels qu'il est permis de croire à

l'existence d'une tumeur de l'hypophyse même en l'absence d'acro-

mégalie. POULIiD.

XXXIII. Sclérose combinée subaiguë de la moelle épinière et ses

relations avec l'anémie et la toxémie ; par Cn.-L. Dan. (The

journal of zzeruous and mental diseuse, janvier 1899.)

Cette maladie a des caractères à la fois cliniques et anatomiques

très spéciaux, et elle mérite sans aucun doute d'être distinguée de

certaines affections se rapprochant d'elle, comme la parésie, le

tabès, l'ataxie héréditaire, la myélile chronique ou la sclérose

disséminée. Se basant sur l'analyse soigneuse de 17 cas suivis

d'autopsie, il donne à la maladie les caractères suivants : .

Etiologie : L'anémie pernicieuse se voit dans 10 p. 100.des

cas ; dans les autres cas on trouve d'ordinaire une anémie très

marquée ou un état cachectique. Souvent, sinon toujours, cepen-

dant, les symptômes nerveux se développent avant l'apparition

,des signes d'anémie extrême. ' '

Symptômes : Comme symptôme initial, on constate d'ordinaire

une paresthésie ayant en général pour siège les pieds, associée à

un certain degré de faiblesse des mêmes parties. Puis, un degré

bien accentué d'ataxie, symptôme qui augmente avec la perte de

la motilité. Souvent de fortes douleurs dans le dos et les jambes.

Les anesthésies ne surviennent qu'à une période avancée de la

maladie et il peut y avoir dissociation des sensibilités comme dans

la syringomiélie. '

Au début, les réflexes rotuliens sont exagérés, et quelquefois on

constate le clonus du pied, si bien que le malade présente Iles

symptômes de paraplégie ataxo-spasmodique. Plus tard, la spas-

ticité peut diminuer et les réflexes disparaitre. '.

Au bout de quelques mois, les bras sont pris, et les premiers

symptômes qui apparaissent sont : paresthésie, faiblesse, mala-

dresse et très légère anasthésie. Dans un cas, le mal a débuté. par 'r

les bras. Les nerfs craniens sont rarement atteints et les troubles

oculaires font presque toujours défaut. A une période avancée,

surviennent des troubles du rectum et de la vessie.

L'anémie est d'ordinaire une anémie secondaire, mais dans' un

518 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

nombre considérable de cas, il s'agit d'anémie pernicieuse typique.

Marche : rapide; dans l'espace de six mois à un an, la maladie a

atteint son summum. La mort survient de six mois à deux ans après

le début, quelquefois trois ans.

Anatomie pathologique : Les cordons postérieurs sont pris les

premiers et plus fortement que le reste de la moelle. Ils sont inté-

ressés dans toute leur longueur, mais les lésions frappent surtout

les parties postérieures et médianes.

Plus tard et à moindre degré, les cordons latéraux sont atteints

surtout au niveau des faisceaux pyramidaux croisés. Les cornes

antérieures sont atteintes très sérieusement, mais tardivement.

Enfin, il peut y avoir du ramollissement de la moelle et produc-

tion de cavités.

Les vaisseaux sanguins sont quelque peu altérés (dégénéres-

cence hyaline, parois épaissies, dilatations et hémorrhagies par

places, affaissement) mais il est impossible de dire l'importance de

ce facteur.

Diagnostic : Cette affection se distingue de l'ataxie locomotrice

par l'absence de syphilis, l'apparition rapide, l'anémie, la faiblesse

musculaire, l'absence de symptômes oculaires et de douleurs ful-

gurantes, par l'exagération des réflexes au début, par les progrès

constants et rapides de la maladie. La névrite multiple s'exclut par

le début lent, l'ataxie marquée, l'absence d'atrophie musculaire

et de douleur, l'apparition de troubles du rectum et de la vessie.

Dans un cas de Dana, on constatait une dissociation des sensi-

bilités, ce qui pouvait faire porter le diagnostic de syringomyélie.

On évite l'erreur en considérant la marche constante et rapide de

la sclérose combinée subaiguë. Il y a peu de points communs entre

la paraplégie ataxique de Gowers et notre affection.

On peut toujours trouver place pour cette affection dans quelque

forme de tabès, de myélite chronique, ou de sclérose disséminée.

L'existence d'une anémie marquée et spécialement d'anémie

pernicieuse, est, avec l'ataxie, la paralysie et la marche rapide,

pathognomonique.

Pathogénie : Cette maladie est une affection toxique ; mais il est

difficile de reconnaître la cause de cette intoxication.

11 pourrait bien se faire, ajoute l'auteur, que cette sclérose com-

binée soit un empoisonnement d'origine familiale, attaquant le

système nerveux central prédisposé de ceux qui sont de la période

de déclin de leur vie. POULAIID.

XXXIV. Formes communes de la méningite et leurs caractères cli-

niques. Etude plus particulière de la méningite séreuse ; par

Ch.-L. DANA. (The journal of nervous and mental diseuse.)

L'auteur réduit à 5 formes communes, les nombreuses variétés

' REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 519

de méningite qui furent décrites : La pachyméningite externe et

interne; la léptonzéningite qui peut revêtir trois formes : forme

cérébro-spinale épidémique ; forme purulente simple ; forme

tuberculeuse ; la méningite séreuse. Si les deux premiers types de

méningite sont bien connus, le troisième l'est moins et mérite

l'attention.

Il y a trois variétés de méningite séreuse, toutes dues à un

épanchement séreux plus ou moins rapide dans les ventricules et

l'espace sous arachnoïdien, et toutes amenant des symptômes

semblables à ceux de la méningite vraie :

1° OEdème cérébral aigu, d'oidinaire consécutif à des trauma-

tismes séreux de la tête, amenant des symptômes semblables à

ceux de la méningite, durant 2 ou 3 jours et disparaissant, en

général, rapidement (méningite séreuse traumatique) ;

2° Méningite séreuse aiguë qu'on rencontre dans l'alcoolisme et

autres états toxiques analogues, appelée « cerveau humide »,

« wet brain », simulant de très près la méningite, et durant une

dizaine de jours.

3° Méningite séreuse décrite par Quincke, quelquefois très aiguë,

mais quelquefois subaiguë ou récurrente et durant trois, quatre se-

maines ou davantage.

Méningite séreuse traumatique. - Traumatisme céphalique en

est la cause. Stupeur pendant un jour, puis le cou se raidit, les

pupilles se contractent, la température s'élève, la peau devient

hyperesthésique ; il s'y ajoute une certaine rigidité des jambes, de

la constipation. Léger délire ; douleur de tête ; raideur du cou peut

devenir excessive. Quelquefois, agitation et secousses dans les

jambes, vomissements. Tout cet ensemble parait très menaçant,

et en trois ou quatre jours tout se modifie, tous les symptômes

s'améliorent et la convalescence arrive en quelques jours. L'examen

anatomique montre l'existence d'un exsudat séreux aigu.

Méningite séreuse alcoolique (et toxique). Conséquence d'une

intoxication alcoolique profonde, accompagnant quelquefois la

période d'épuisement après l'usage prolongé des narcotiques, ou

survenant dans l'inanition. Elle se présente sous les aspects cli-

niques suivants : Malade en delirium tremens ; le delirium cesse,

et laisse le malade irritable, agité, hébété, en divagation. D'autres

fois, le malade passe en cet état sans avoir débuté par du delirium.

Au bout de quelques jours, délire doux, légère fièvre (101° ou

102° F) ; léger mal de tête, peu de vomissements ; pas de convul-

sions. Raideur du cou, du dos et des extrémités ; secousses dans les

muscles. Symptôme de Koenig quelquefois. Peau hyperesthésiée.

Abdomen rétracté. Langue chargée ; constipation. Pupilles con-

tractées. Quelquefois conjonctivite et même kératite. Pas de névrite

optique. Après cinq ou six jours d'excitation : hébétude, état

semi-comateux. Cou moins rigide, extrémités moins raides. Peau

520 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. .

toujours très sensible. Troubles vaso-moteurs (tâche cérébrale).

Peau perd son élasticité (putty skin). Quelquefois miction et défé-

cation involontaires. T. de 99° à 101° F. Mort au début de la

convalescence vers la fin de la deuxième semaine. Ponction lom-

baire à la dernière période : liquide séreux, abondant, stérile.

Tableau clinique ressemble à celui des méningites, les seules

différences sont : céphalée moins grande, début plus lent, délire

moins aigu, moins de fièvre, pas de névrite optique, moins de

troubles généraux.

Méningite séreuse de Quincke et Boenninghaus. C'est une hydro-

céphalie aiguë acquise. Quelquefois marche rapide suivie de gué-

rison (type bénin) ; quelquefois marche rapide et fatale (type

malin) ; quelquefois marche chronique (hydrocéphalie chronique

acquise) ; d'autres fois, guérison et rechute (recurrent serous me-

ningitis).

Dans la forme aiguë, on trouve comme causes : fièvre infectieuse

moitié des cas); traumatisme (rare); otite moyenne. Examen bac-

tériologique du liquide céphalo-rachidien a toujours été négatif.

Symptômes. - Symptômes d'irritation cérébrale : Céphalée,

délire, suivis de stupeur et coma. Convulsions générales fréquentes;

raideur du cou et des jambes ; secousses. Fièvre quelquefois (un

tiers des cas). Plusieurs de ces symptômes peuvent manquer et le

diagnostic ne peut guère être fait que par la marche ultérieure

favorable et par la ponction lombaire. La forme chronique ; prend

quelquefois les symptômes de tumeur cérébrale : Névrite optique,

céphalée, vomissements, vertiges, convulsions, paralysie des nerfs

crâniens, même faiblesse et douleurs dans les extrémités. Pour le

diagnostic, il faut se baser sur : les rémissions et les arrêts, l'aug-

mentation de volume du crâne, l'absence de symplômes localisés.

, FOULARD.

XXXV. Cas de syringomyélie; par Carslam. (British medical

Journal, 31 décembre 1898.)

L'auteur expose dans cet article un cas détaillé de syringomyélie

avec quelques symptômes nouveaux. Ces symptômes sont des

(roubles oculo-pupillaires relevant de lésions de la substance

blanche de la moelle.

L'auteur développe un parallèle entre la sclérose latérale et

l'hystérie, particulièrement en ce qui concerne l'anesthésie géné-

rale à la douleur, au chaud et au froid. D. M.

XXXVI. Un cas de tuberculome de la protubérance annulaire;

par F. SANO. (Jozirn. de Neurologie, 1899, n° 15.)

11 s'agit d'un homme de vingt-neuf ans, ayant eu des abcès gan-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 551 1

glionnaires du cou, qui fut atteint au mois de décembre d'une

hémiplégie flasque complète, y compris le facial inférieur, avec

exagération des réflexes tendineux et cutanés. Cette hémiplégie,

qui occupait le côté droit, avait été précédée de maux de tête, de

vertiges et de vomissements.

A l'autopsie de ce malade qui succomba dans le coma on trouva

un noyau tuberculeux développé dans la partie supérieure et anté-

rieure gauche de la protubérance annulaire.

XXXVII. Quelques cas de torticolis spasmodiques ; par R. H. PARny.

(Bntish médical Journal, VII, 1898.)

L'examen de ces cas, au nombre de trois, inspire à l'auteur les

remarques suivantes :

Dans le torticolis spasmodique, deux groupes de muscles

demandent il être traités : d'un côté le sterno-matoïdien, de l'autre

le groupe occipital. Le traitement médical a échoué complète-

ment et non seulement n'a pas guéri, mais n'a même pas amélioré

le spasme. Si aucune amélioration ne succède au massage, il faut

avoir recours à la résection du nerf spinal accessoire, mais il faut

prévenir le malade que la guérison n'est pas à espérer de l'opéra-

tion seule, mais qu'il faut pratiquer le massage des muscles du

côté opposé pendant un assez long temps, et qu'occasionnellement

on peut être obligé d'avoir recours à la division des nerfs qui

innervent ces muscles. C. Schépiloff.

XXXVIII. Epilepsie d'origine périphérique; par Frank H. ËDSALL,

de Madison. (Médical news, novembre 1899.)

L'épilepsie idiopathique n'a jamais une origine purement péri-

phérique ; sa cause intime est toujours une lésion des centres ner-

veux, l'irritation des nerfs périphériques n'est que la cause occa-

sionnelle de ses manifestations. L'auteur rapporte quatre observa-

tions d'épileptiques présentant des troubles marqués de la réfrac-

tion du milieu de l'oeil, et de l'hypermétropie dont les attaques

disparurent au moins pour un temps, grâce à l'usage de verres

corrigeant leur trouble visuel. A. V.

XXXIX. Syringomyélie avec mains succulentes, attitude de prédi-

cateur et acromégalie ; par SABRUÈS, (Nouv. Iconogr. de la

' Salpêtrièl'e, ne'7, 1899.)

XL. Aphasie amnésique ; par TIIEIOEL. (Nouv. Iconogr. de la Salpé-

' trière, n° 6, 1899.)

. Deux observations, dont une avec autopsie, d'une affection

rare, étudiée récemment par le Dl' Pitres et dont la lésion centrale

52 : 2 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

n'est point encore définitivement établie. Certaines autopsies ont

démontré que la substance corticale n'était pas altérée et que le

lobule pariétal inférieur n'était pas atteint par le processus né-

crobiotique, ce qui a amené Pitres à formuler l'hypothèse que

l'aphonie amnésique est produite par la rupture d'une partie des

voies commissurales qui réunissent les centres différenciés des

images verbales aux parties de l'écorce dans lesquelles s'opèrent

les actes supérieurs.

L'intéressante autopsie de l'auteur (destruction étendue des

faisceaux blancs, avec intégrité presque complète du cortex) vient

à l'appui de l'hypothèse du Dr Pitres. R. C.

XLI. Le trophoedème chronique héréditaire ; par H. hIEIGE.

(Nouv. Iconogr. de la Salpétrière, ho 6, 1899.)

Les recherches de Milroy (1893) portant sur une famille de 97

individus échelonnés sur 6 générations et présentant 22 cas de

difformité oedémateuse des membres inférieurs, celles de l'auteur

portant sur 4 générations d'une même famille et présentant 8 cas

d'oedème chronique (ces cas n'étant imputables à aucune des affec-

tions connues comme pouvant être productrices d'oedème) parais-

sent démontrer l'existence d'un oedème héréditaire chronique,

blanc, dur et indolore, qui doit être considérée comme une dys-

trophie spéciale, tt'o/,hoedëme et qui, comme tous les troubles de

développement, résiste jusqu'à ce jour à tous les traitements.

R. C.

XLII. OEdème dystrophique du membre inférieur; par A. Vicou-

roux. (Nouv. Iconogr. de la Salpétrière, n° 6, 1899.)

Observation présentant les mêmes caractères cliniques que

celles de Meige, mais avec cette particularité qu'il n'a été relevé

aucun cas analogue chez les ascendants. R. C.

XLIII. L'urine dans l'épilepsie ; par A. M. BLEILE. (The New York

Médical Journal, 8 mai 1897.)

Ce travail porte sur l'examen de l'urine de douze malades pen-

dant trente jours : on a recherché le poids spécifique et la quan-

tité, l'urée, les phosphates, les sulfates et l'indican.

On a constaté que les attaques épileptiques ne modifient ni dans

un sens ni dans un autre, ni le poids spécifique ni la quantité de

l'urine émise.

L'excrétion des phosphates urinaires est augmentée dans la

majorité des cas d'épilepsie et le rapport des phosphates alcalins

aux phosphates terreux est modifié au profit des premiers, ce qui

s'explique par l'intensité, pendant l'attaque, des contractions mus-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 523

culaires, laquelle équivaut à une somme considérable d'exercice

normal.

Dans tous les cas SOI est resté plus ou moins au-dessous du

taux normal.

Dans bon nombre de cas, et pour un bon nombre d'attaques on

a trouvé une quantité d'indican supérieure à la normale.

Le chiffre normal de l'urée (30 grammes par jour) est rarement

atteint, ce que faisait d'ailleurs prévoir la nature de l'alimentation.

Quant à ses variations après les attaques, on trouve 17 fois une

augmentation, 21 fois une diminution et 5 fois un état station-

naire.

Sauf dans un seul cas l'excrétion de l'acide urique a toujours

été un peu inférieure à la normale. Il résulte des recherches ins-

tituées pour éclaircir ce point que ni l'acide urique ni le taux de

son rapport avec l'urée ne jouent de rôle étiologique dans la pro-

duction des attaques d'épilepsie. Les résultats obtenus démontrent,

et ce fait vient à l'appui de la théorie de l'auto-intoxication, que

les urines des épileptiques, possèdent une toxicité supérieure à la

toxicité normale. R. de lIUSGli4VE-CLAl.

XLIV. Un cas de gliome du corps calleux; par le Dr Charles ZALES&I.

(,Vedycyna, 25 février.)

Les tumeurs du corps calleux sont extrêmement rares, la litté-

rature n'en connaît que vingt cas. Il n'y a aucun changement dans

le fonctionnement cérébral tant qu'elles ne sont pas grandes.

Bristowe a essayé de faire la symptomatologie de ces tumeurs,

ce sont les troubles de l'intelligence, de la parole (sans l'aphasie)

et les parésies. Bruns prétend que si la tumeur est située dans la

partie antérieure du corps calleux il y a de l'astasie dans la

partie postérieure de l'hémianopsie et qu'un des symptômes cons-

tants sont les parésies croisées.

Les autres auteurs, Oppenheim, Brissaud, soutiennent que le

signe prédominant de ces tumeurs est le trouble de l'intelligence.

D'ailleurs le diagnostic ne peut être fait que post mortes. Le

malade, âgé de soixante ans, observé par l'auteur, entre à l'hô-

pital disant qu'il souffre depuis deux semaines de maux de tête et

de vertiges ; jusqu'à ce temps il était- toujours bien portant.

L'anamnèse difficile à cause des troubles de l'intelligence. Consti-

tution bonne, les pupilles neréagissent pas à la lumière, accommo-

dation conservée, vision normale. On observe une raideur des

muscles; le malade ne peut s'asseoir et semble être fait d'une seule

pièce. Hémiparésie droite, à gauche la force musculaire conser-

vée, les réflexes tendineux augmentés, sensibilité conservée. Ten-

dance au sommeil. Les réponses lentes et brèves. L'urine foncée,

émission fréquentepar de très petites quantités, on trouve 2 p. 1000

524 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

d'albumine. Comme le malade présentait les phénomènes rénaux

depuis dix ans, on prononce le diagnostic de l'urémie. A l'examen

microscopique de l'urine on trouve des cellules épithéliales, des

globules de sang et de pus.

Les jours suivants la raideur des muscles augmente, la pupille

ne réagit plus ; le malade vomit, semble plus abattu. On se préoc-

cupe surtout de l'état de son urèthre, on trouve du rétrécissement.

Le cinquième jour de son arrivée à l'hôpital, le malade meurt dans

les convulsions cloniques et une perte de connaissance. A l'autopsie

faite par le professeur Przewoski on trouve un gliome qui occupe

un tiers du corpscalleux. Il entre par sa moitié antérieure, dans la

partie moyenne de l'hémisphère gauche et par la partie postérieure

dans la substance blanche du lobe occipital. La tumeur n'est pas bien

délimitée, de couleur gris rougeàtre; on trouve un foyer hémorra-

gique. La tumeur exerçait une pression sur la veine Galienetsurles

hémisphères qui étaient pâles, les ventricules latéraux contenaient

beaucoup de liquide. La pie-mère pàle, le cervelet et la moelle ne

présentaient rien. Pas de grandes lésions dans les reins; on trouve

une cystite et le rétrécissement de l'urèthre.

Le fait à noter est que le malade souffrait seulement depuis deux

semaines. Le corps calleux qui n'appartient pas à la sphère in-.

tellectuelle tolérait bien longtemps la tumeur. Le corps calleux

joue un rôle énorme comme le conducteur des fibres d'association.

.Probablement par l'action compensatrice, d'autres cellules étaient

entrées en jeu. Le malade avait l'intelligence affaiblie, la perception

et l'association des idées difficiles, ces troubles ne sont survenus

qu'à la suite de pénétration de la tumeur dans les hémisphères,

mais tout semblait donner la prépondérence aux reins.

Quant à la raideur, elle était observée par Ii;6sterdans un cas du

gliome de la partie antérieure du corps calleux; chez le malade

de l'auteur, la raideur des muscles augmentait chaque jour, l'opistôt-

hosnos était bien marqué. Les méninges du malade ont été trou-

vées saines. On peut considérer cette raideur comme un phéno-

mène secondaire qui est survenu à la suite de compression.

On cite parfois des troubles dans la vision, ainsi, que le pré-

tend Martin. Le malade de l'auteur a présenté une vision oculaire

normale. G. DE Majewska.

XLV. Un cas de syphilis héréditaire de la moelle épinière avec

autopsie ; par Gilles de la TOURETTE et G. DURANTE. (Nouv.

Iconogr. de la Salpêtrière, n° 2, 1899.)

Examen histologique méticuleux, mettant en lumière la dégé-

nérescence des faisceaux pyramidaux croisés, des faisceaux céré-

belleux directs et des faisceaux de Gowers, l'intégrité absolue des

cordons postérieurs et des zones radiculaires postérieures, du

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 525

bulbe, de la protubérance avec quelques altérations minimes de la

substance corticale du cerveau. Les auteurs estiment que ces der-

nières altérations seraient incapables d'avoir donné naissance à

une dégénérescence secondaire des faisceaux pyramidaux, qui ne

pût non plus résulter de lésions périphériques ou radiculaires, de

sorte qu'il faut voir dans ce cas, une affection systématisée de la

moelle d'origine purement spinale et secondaire à un ancien foyer

de myélite. 11. C.

XLVI. Un cas de syringomyélie avec troubles de la sensibilité

à topographie radiculaire et avec troubles moteurs à marche

ascendante; par van GEIIUCIITEr¡. (Joll1'n. de Neurologie, 1899,

n° 18.)

Ce cas de syringomyélie présentait plusieurs particularités in-

téressantes : 1° D'abord la marche de l'atrophie qui au lieu d'être

ascendante était descendante : elle a débuté par les muscles de

l'épaule pour descendre de là le long du bras et de l'avant-bras.

2° Le mode de distribution de la dissociation syringomyélique au

niveau du membre supérieur gauche qui était nettement radicu-

laire au lieu d'être segmentaire. La diminution de la sensibilité

douloureuse et thermique existait dans les régions cutanées dépen-

dant des 5, 6, 7 et 8° racines cervicales. Elle faisait défaut le long

de la face interne du bras et de l'avant-bras tributaire de la racine

postérieure du te et du 21 nerf dorsal.

Un autre point intéressant c'était l'extension de la dissociation

syringomyélique dans le domaine du nerf trijumeau, phénomène

que l'auteur attribue à la présence dans la moelle cervicale de

fibres sensitives du trijumeau. G. DENY.

XLVII. Formes frustes de scléroses en plaques à début mono ou

hémiplégique avec amyotrophie; par Glorieux. (Joum. de Neuro-

logie, 1899, n° 18.)

Ces formes frustes de scléroses en plaques à début mono ou

hémipléhique s'observent surtout chez des jeunes filles et peuvent

être facilement confondues avec l'hystérie.

Le phénomène des orteils en extension, signalé par Babinski,

indiquant l'existence d'une lésion de la voie pyramidale, est un

symptôme de la plus haute importance pour différencier la sclé-

rose en plaques de la névrose hystérique. G. D.

XLV111. Sclérose en plaques chez un enfant, par M. le professeur

Raymond. (Presse médicale, 5 août 1899.)

M. le professeur Raymond a consacré une de ses leçons cliniques

à la discussion du cas d'un enfant de six ans, qui a présenté, à la

526 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

suite d'une atteinte de fièvre scarlatine, un ensemble d'accidents

qui peuvent se résumer ainsi : Des désordres de la marche, qui

dépendent à la fois d'un état de parésie et d'un état de rigidité

spasmodique des membres inférieurs. Du tremblement intentionnel

aux quatre membres. Une exagération des réflexes tendineux

avec trépidation spinale aux membres inférieurs. Du nystagmus

dynamique et un strabisme fonctionnel. De l'embarras de la

parole, qui se manifeste quand l'enfant est obligé de porter une

grande attention à ce qu'il dit ; une sorte d'agitation choréiforme

de la langue. Enfin, le petit malade a eu d'une façon intermittente

et à des intervalles très irréguliers, de l'incontinence des urines et

des matières. La constatation de la parésie spasmodique des

membres inférieurs éveillait immédiatement l'idée du tabes spas-

modique ; mais, ce dernier étant considéré par M. Raymond

comme un simple syndrome capable de servir de masque à des

affections et à des lésions organiques très dissemblables, il était

nécessaire de compléter et de préciser le diagnostic. Parmi les

maladies dont l'existence pouvait être soupçonnée, se présentait

d'abord la sclérose en plaques. Toutes les manifestations observées

chez le malade figuraient dans la symptomatologie de cette affec-

tion ; le jeune âge du sujet, ne pouvait faire rejeter ce diagnostic,

puisqu'il est aujourd'hui établi, contrairement à l'opinion soutenue

par divers auteurs, en particulier par Erb en 1878 et par Grasset

en 1886, que la sclérose en plaques n'est pas très rare dans l'en-

fance. Il était permis aussi de se demander si les accidents survenus

chez cet enfant n'étaient pas symptomatiques de la variété d'affec-

tions spasmo-paralytiques infantiles désignées sous le nom de

diplégie cérébrale spasmodique infantile ou maladie de Little. Le

diagnostic de la sclérose en plaques et de la diplégie cérébrale

spasmodique constitue souvent un problème très difficile ou même

impossible à résoudre. M. le professeur Raymond en cite plusieurs

exemples. Dans le cas dont il s'agit, le diagnostic de diplégie céré-

brale spasmodiqne a été rejeté pour les raisons suivantes : l'en-

fant n'était pas né avant terme; il n'était pas né à la suite d'un

accouchement laborieux, en état d'asphyxie apparente; il était

normalement conformé au moment de la naissance; il s'était bien

développé jusqu'à l'âge de six ans, époque à laquelle il a contracté

la scarlatine et, au moment où il a été examiné, il ne présentait

aucun retard dans son développement intellectuel, aucune mal-

formation du crâne. Le tremblement intentionnel à grandes am-

plitudes, plus fréquent dans la sclérose en plaques que dans la

diplégie cérébrale spasmodique tendait encore à faire rejeter ce

dernier diagnostic. Malgré cela M. le professeur Raymond ne se

prononçait pas catégoriquement.

Dans l'une comme dans l'autre hypothèse, le malade n'avait que

peu de chances d'amélioration. La médecine est, en effet, impuis-

, REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 537 7

santé contre les manifestations spasmodiques; elle est seulement

capable d'en atténuer les conséquences par l'orthopédie et la méca-

nothérapie. Elle est également inefficace contre la sclérose en

plaques; on a bien représenté, en ces derniers temps, cette affec-

tion comme curable ; mais, dans les cas terminés par guérison, on

a toujours le droit de douter de l'exactitude du diagnostic et de se

demander si on n'a pas été en présence de cas d'hystérie ou de

neurasthénie, maladies capables de simuler la sclérose en plaques

avec une parfaite ressemblance. Charcot préconisait contre la

sclérose en plaques le nitrate d'argent administré à l'intérieur;

M. Raymond déclare qu'il ne croit pas à l'efficacité de ce médica-

ment. Il lui préfère l'iodure de potassium ou de sodium à faibles

doses progressivement croissantes et associé à un traitement élec-

trothérapique (galvanisation de la moelle avec des courants faibles)

et à des bains tièdes prolongés. A. Fenayrou.

XLIX. Surmenage oculaire et épilepsie; par C. M. CApps. (The

New York Médical Journal, 16 septembre 1899.)

On sait que les anomalies de la réfraction sont capables de pro-

voquer un grand nombre d'états névropathiques, et il semble tout

à fait logique d'admettre qu'elles peuvent déterminer la produc-

tion de convulsions épileptiques. Quand on considère la disposi-

tion compliquée des nerfs de l'iris et des procès ciliaires, on

n'est pas évidemment amené à croire que l'effort fait par l'oeil

pour arriver à une réfraction normale soit capable de causer direc-

tement une attaque d'épilepsie; mais on peut admettre que la

continuité de l'effort qui porte sur les filets nerveux qui régissent

l'accommodation est susceptible, à la longue, de provoquer un

état réflexe du sympathique aboutissant à un paroxysme con-

vulsif. L'auteur relate brièvement deux observations à l'appui de

la théorie qu'il défend. R. de Musgrave-Clay.

L. La cécité hystérique; par Arthur-T. Muzzy. (The New York

Médical Journal, 16 septembre 1899.)

La fréquence des affections oculaires de nature hystérique est

très diversement appréciée par les différents auteurs. La plupart

d'entre eux attribuent principalement ces alfections aux très jeunes

filles, fait que l'observation contredit absolument puisqu'on ne les

rencontre que très rarement avant la vingtième année et qu'à

partir de cet âge jusqu'à quarante-cinq ou cinquante ans, elles se

répartissent à peu près également. On a observé ces affections

chez les hommes, mais elles suivent assez exactement la propor-

tion des hystériques mâles. Le Dr Schweinitz dit que la cécité

hystérique s'observe chez les jeunes filles, chez les femmes et quel-

528 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

quefois chez les hommes, que la perte de la vision est complète et

presque toujours unilatérale ; que la pupille réagit promptement

lorsque l'aeil sain est fermé, que la pupille, à l'ophtamoscope,

est normale ; que beaucoup de ces malades ont de l'achroma-

topsie, ou de la dyschromatopsie, et, par surcroît de l'hémia-

nopsie. Mais il y a deux points importants qu'il n'a pas signalés ;

ce sont la brusquerie du début, et l'anesthésie de la conjonctive

et de la cornée. L'affection peut avoir une longue durée ; mais le

pronostic est favorable. R. DE l\fU ! 'GRAVE-CL\Y.

LI. La dysphagie hystérique ; par A. COOLIDGE jar. (The Neiv York

Médical Journal, 28 août 1897.)

Bonne étude sur la dysphagie hystérique, sur l'historique de la

question, sur le diagnostic différentiel de la maladie et sur le trai-

tement. lI. 111. C.

LU. Cécité hystérique ou fonctionnelle ; par Alvin A. IIUUüELI..

(The New-York Médical Journal, 17 juillet 1897.)

Les cas de perte complète de la vision de l'un ou des deux yeux

sans modifications appréciables du fond de l'oeil et sans lésion du

nerf optique ou du cerveau, avec retour progressif et finalement

complet de la fonction visuelle au bout de quelques jours ou de

quelques semaines, sont des cas rares. Aussi l'auteur a-t-il cru

avec raison qu'il serait intéressant de publier trois faits de ce genre

qu'il a pu observer récemment, et qu'il considère comme relevant

de l'hystérie. Il ne risque aucune interprétation, et se borne à con-

clure que lorsque nous connaîtrons le mode de production de

l'anesthésie hystérique de certaines zones cutanées et celui des

paralysies musculaires hystériques, nous pourrons peut-être, par

analogie, imagmer une explication quelque peu rationnelle de la

cécité hystérique. H. DE MoscsvL-CLar.

Ivrogne assassin. - Le nommé Pierlot abandonnait, il y a quel-

ques années, sa femme demeurant à Faulx (leurthe-et-Moselle)

pour aller en Algérie. Il revint dernièrement sans ressources et

ayant pris des habitudes d'ivrognerie. Sa femme ayant refusé de

reprendre la vie commune, il l'a tuée d'un coup de fusil. (Le Bon-

homme Normand du 17 au 23 novembre 1899.)

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE.

Séance du 10 avril 1900. - Présidence DE M. Jules Voisin

Suggestion par lettre.

M. Jules Voisin rapporte le cas d'une jeune fille qui fut guérie

assez vite de phobies et d'obsessions en lisant régulièrement une

lettre qu'il lui avait remise dans ce but.

M. BERNIIEDI (de Nancy). Je puis citer un cas analogue. Il inté-

resse une brésilienne hystérique qui jadis, grâce à l'hypnotisme,

avait été débarrassée d'un tic de la lace survenu à la suite d'une

émotion. Un beau jour, elle vint me trouver parce qu'elle avait,

depuis quelque temps, cinq à six ciises par jour. Je pus l'en guérir

par suggestion. Elle retourna au Brésil, mais à la suite d'une émo-

tion, les crises reparurent. Elle m'écrivit,. désespérée : elle vit ses

crises disparaître après avoir lu une lettre dans laquelle je lui

affirmais qu'elle était guérie. Une autre fois encore, la même sug-

gestion par lettre débarrassa cette femme d'obsessions et d'impul-

sions au suicide.

M. BIiRILLON. - Un jeune homme atteint d'incontinence d'urine

venait d'être reçu à l'Ecole navale. Très affecté de son infirmité,

craignant d'être réformé, il vint me trouver l'avant-veille de son

entrée au Borda et je pus le guérir en une seule séance. Mais trois

mois après, 1 incontinence reparait. Il m'écrit une lettre éplorée.

Alors je lui envoie ma carte de visite sur laquelle j'ai écrit des

suggestions qu'il devra lire attentivement chaque soir avant de se

coucher. L'incontinence disparut définitivement.

Hypnotisme et suggestion.

M. Bernheim (de Nancy) expose en quoi il diffère de M. Liébeault,

le fondateur de l'école de Nancy. L'hypnotisme n'est un état ni

anormal, ni antiphysiologique, ni pathologique. Tous les phéno-

mènes réalisés pendant l'hypnose peuvent être reproduits par la

suggestion pendant l'état de veille, principalement la catalepsie

Archives, 2' série, t. IX. 34

530 SOCIÉTÉS SAVANTES.

élastique ou rigide. Il n'est pas nécessaire que le sujet dorme pour

qu'il puisse être suggestionné thérapeutiquement. Tout dans l'hyp-

nose se ramène à la suggestion, laquelle, mettant en oeuvre une

propriété normale, à savoir la suggestibilité, apprend au cerveau

à faire de l'inhibition et de la dynamogénie.

M. Bérillon. Avant de faire de la suggestion curative, il faut

préparer le terrain, plonger le sujet dans un état qui ne comporte

ni discussion ni résistance, créer un état passif, comme dit Lié-

beault, réaliser l'inhibition et le monoidéisme. Sans doute, la sug-

gestion à l'état de veille est parfois puissante, mais souvent aussi

elle est tout à fait inefficace ; alors, il est indispensable d'endormir

le sujet. Si l'idéoplastie peut parfois réussir seule, il est le plus

souvent nécessaire de réaliser au préalable l'hypotaxie. L'hypno-

tisme a une doctrine, une tradition; il a pour ancêtres : Braid,

Durand (de Gros), Liébeault, Charcot, Dumontpallier, etc. Pour

prouver la réalité de l'hypnotisme, il suffirait de citer les recher-

ches de Bianchi, lequel a constaté pendant l'hypnose une modifi-

cation de la tension artérielle évaluée au sphygmomètre.

M. PAU de SAINT-MARTIN. - Il y a dans l'hypnotisme quelque

chose de plus que dans la suggestion. Chez un de mes malades,

j'obtiens facilement pendant l'hypnose ce qu'il me refuse systéma-

tiquement quand je le lui suggère à l'état de veille. D'ailleurs, la

simple contemplation d'un objet brillant peut endormir sans que la

moindre suggestion intervienne.

. 11f. Paul MAGNIN. - C'est ainsi que j'ai vu une personne tomber

en somnambulisme après qu'elle eut reçu dans les yeux des rayons

solaires réflétés dans une glace. J'ai vu aussi chez Dumontpallier

des malades présenter un sommeil pathologique et, une fois gué-

ries, cesser d'être suggestibles.

M. Jules Voisin. - Au fond, tout le monde est du même avis;

le désaccord ne porte que sur les mots. Même quand nous n'avons

pas profondément endormi notre malade, nous l'avons plongé dans

un état particulier et, ainsi, rendu plus sugestilVe.

i Présentation de malades.

M. 13ÉRILLON présente : 1° une jeune fille atteinte d'obsession

vertigineuse auto-suggérée ; 2° un jeune enfant à propos duquel il

discute le diagnostic d'hémiplégie organique et d'hémiplégie hys-

térique. - ho. Stadelmann (de Wurtzbourg) fait part d'un travail

.dans lequel il relate un certain nombre d'expériences faites pen-

dant le sommeil hypnotique et portant sur des illusions visuelles.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 531

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE

Séance du 3 mai 1900. - Présidence de M. Joffroy.

Un cas de tétanos céphalique avec diplégie faciale. (Titéorie' ? ter-

veuse périphérique du tétanos.) M. CROUZON rapporte une obser-

vation recueillie dans le service de M. P. Marie : le malade après

une chute contre une porte, a été pris de trismus au bout de

qualre jours, d'une paralysie faciale périphérique bilatérale, et, au

bout de dix jours, de crises d'étouffements qui l'ont mené à la

mort en soixante-douze heures. Il s'agit donc d'un cas de tétanos

céphalique typique avec diplégie faciale. La porte d'entrée était

une plaie de la racine du nez occupant exactement la ligne mé-

diane. Si l'on rapproche ce cas de ceux où la paralysie faciale et

le trismus siégeaient du même côté que la blessure, on est auto-

risé à dire qu'il existe une relation entre le point d'inoculation et

la diffusion de la toxine tétanique.

Un cas d'hémianopsie homonyme temporale gauche avec conser-

vation de la vision centrale. M. FERRA ND montre le cerveau.

Celui-ci présente un foyer de ramollissement du lobe occipital

droit, intéressant la face inférieure de la face interne du lobe

occipital avec destruction du cunéus; le pli courbe parait intact.

L'auteur signale aussi l'atrophie du tubercule mamillaire du

même côté, qui serait expliquée par la même source d'irrigation

de ce tubercule et du lobe occipital. Le malade n'avait jamais

présenté de signes d'aphasie sensorielle.

Névrites professionnelles du nerf 11,édian et du nerf cubital chez

un ouvrier menuisier porteur d'une ancienne fracture du coude.

M. HUET. Ouvrier menuisier, âgé de dix-neuf ans, exerçant sa pro-

fession depuis quatre ans. L'an dernier il a vu apparaître à la

main droite des fourmillements dans le domaine du nerf cubital,

puis de l'affaiblissement et de l'atrophie des muscles. Celle-ci

s'étend non seulement à tous les muscles de la main innervés par

le cubital, mais encore à ceux innervés par le médian; dans tous

ces muscles il existe de la D R; au contraire les muscles de l'avant-

bras sont restés indemnes. '

A l'âge de neuf ans le malade s'est fait une fracture du coude,

consistant, comme le montre une radiographie dans un décolle-

ment de l'épi trochlée attirée au bas et fixée à la partie interne de

la base de l'oléocrâne.

Les névrites sont-elles une conséquence tardive de la fracture du

532 SOCIÉTÉS SAVANTES.

coude ? La névrite du cubital pourrait être expliquée de cette

façon mais non la névrite du médian. Elles paraissent plutôt

avoir été produites par un travail ayant exposé pendant plusieurs

semaines les éminences thénar et hypothénar à une compression

assez forte et prolongée.

"-

Sur un cas de`paralysie spinale infantile avec participation du

nerf récurrent. - M. HUET. Chez un enfant atteint vers la fin de

la première année, d'une paralysie spinale infantile nettement

caractérisée, on voit se développer simultanément des troubles

laryngés comme ceux que détermine la paralysie d'un nerf récur-

rent. Ces troubles laryngés apparaissent brusquement au moment

de la période fébrile d'invasion de la maladie; ils suivent la même

évolution que la paralysie du membre inférieur frappé par la para-

lysie infantile; comme elle ils s'améliorent progressivement en

laissant encore, trois ans après, des traces qui ne disparaîtront

sans doute jamais complètement. Aucune autre cause ne peut

expliquer cette paralysie récurrentielle; il n'exisle pas d'adéno-

pathie trachéo-bronchique; des végétations adénoïdes du naso-

pharynx ont disparu rapidement après deux séances de grattage

sans qu'aucune amélioration parallèle se soit produite dans l'émis-

sion de la voix. Tout donc dans le mode d'apparition des troubles

laryngés, dans leur évolution, et dans leur reliquat semble bien

indiquer que la paralysie de quelques muscles intrinsèques du

larynx relève du même processus que celui qui a déterminé la

paralysie du membre inférieur; par conséquent il semble très

vraisemblable que des cellules d'origine d'un nerf récurrent ont

été atteintes par ce processus. Dans ce cas la survie a été possible

en raison de la localisation très limitée des lésions du bulbe.

M. MARIE. - Nous voyons en effet peu de cas avec phénomènes

bulbaires et phénomènes liés aux nerfs crâniens. A l'étranger la

paralysie infantile se montre souvent sous forme d'épidémies, ce

qui dans de tels cas est un bon guide pour le diagnostic. Chez

nous l'affection étant toujours isolée, et les conditions épidé-

miques ne venant pas nous donner d'indications, de tels cas nous

font naturellement penser à la méningite et le diagnostic nous est

plus difficile.

Deux faits de chirurgie testiculaire : 10 Névralgie du cordon trai-

tée avec succès par la résection de ses nerfs;2° Epilepsie avec aura

au niveau d'un névrome du cordon; ablation. - 1\1. CHIPAIILT. Les

deux faits suivants de chirurgie testiculaire sont particulièrement

intéressants au point de vue neurologique : 4°, Homme de trente-

deux ans ; à vingt-deux , légère blennorrhagie . A vingt-cinq

ans, débutent des crises douloureuses, commençant par le cor-

don gauche, et qui s'aggravent au point de rendre la marche, la

défécation, la miction presque impossibles. Pas d'hystérie, ni

SOCIÉTÉS SAVANTES. 533

d'épilepsie, ni de tabes. L'épididyme gauche est le point de départ

des douleurs. Il est du reste de consistance et de forme normales.

Résection des nerfs du cordon. Hypoesthésie transitoire de la

bourse. Amélioration rapide. Guérison datant de quatre mois et

demi. Le malade a augmenté de 17 kilos, chasse, a des éjacula-

lations. etc.

2° Homme de vingt-neuf ans. Sans antécédents. Première crise

d'épilepsie à quatre ans, à la suite d'une descente forcée des tes-

ticules. Depuis absence de crises à aura douloureux et crémasté-

rien dans la bourse gauche. Le palper du cordon détermine des

crises. Opothérapie testiculaire avec résultat passager. Sous mes

yeux, en six mois, se développe une tumeur du cordon dont le

palper provoque l'aura caractéristique. Pas trace d'hystérie. La

tumeur est enlevée. C'était un névrome. Résultat thérapeutique

trop récent pour en parler.

Gigantisme et acromégalie. M. ACHARD présente un malade qui

dès l'âge de vingt ans mesurait 21,oui et atteint actuellement

à trente-huit ans 2ra,12. Ce gigantisme est héréditaire. Le sujet

sans être acromégalique typique a les pommettes extrêmement

saillantes, le menton en galoche, les doigts larges, la main trop

longue par rapport aux autres segments du membre supérieur, la

langue hypertrophique, la voix caverneuse. Il est glycosurique,

ohose assez fréquente chez les acromégaliques.

M. Brissaud, voit dans ce malade une confirmation de sa théorie,

qui met dans le même cadre morbide l'acromégalie et le gigan-

tisme. ' ,

Maladie de Morvan. M. LESAGE montre des photographies et

des coupes de la moelle d'un malade qui avait présenté aux

quatre extrémités des panaris multiples avec atrophie musculaire

et mutilation de phalanges, le diagnostic avait hésité entre lèpre

et maladie de Morvan. L'anesthésie s'arrêtait nettement en bra-

celet et en jarretière au milieu des membres. A l'autopsie on

trouva la substance grise saine dans la moelle. Lésions de névrite

sans lépromes ni bacilles dans les nerfs des membres.

M. DÉJEUNE a connu ce malade et n'est pas éloigné d'en faire

un lépreux à cause de l'intégrité de la moelle avec anesthésie pro-

fonde et en raison du séjour du sujet aux colonies.

M. Marie est du même avis, mais parce qu'il retrouve sur les

coupes de M. Lesage des altérations médullaires qu'il a décrites

dans la lèpre avec M. Jeanselme, altérations qu'il considère comme

endogènes.

Syndrome de Weber. - MM. CESTAN et Bourgeois rapportent

l'observation d'un malade atteint de cette affection. A l'autopsie

ils ont trouvé des foyers de ramollissement intéressant le pédon-

534 BIOGRAPHIE.

cule cérébral gauche et ayant détruit les noyaux de la troisième

paire gauche. Ils insistent sur la dispositions en foyers bien loca-

lisés de ces ramollissements, sur la perte du réflexe lumineux

consensuel. Chez^leur malade examiné un mois après le début

apoplectiforme, ils n'ont pas trouvé la trépidation spinale et ils

ont observé au contraire très facilement le signe des orteils de

Babinski. 1

M. SCIIEI\B d'Alger envoie des photographies d'une malade

atteinte de tic professionnel. Tic de la mendiante. F. BOISSIER.

BIOGRAPHIE.

AR11ND-A.-U. SEMELAIGNE.

Armand-Vital Semelaigne épousait, le 2G novembre 1818, Marie-

Arthure-Félicité Rostaing, âgée comme lui de vingt-et-un ans.

Fils de cultivateur, et membre d'une famille où tous étaient

fermiers ou petits propriétaires, il ne possédait pourtant pas cet

amour du sol qui semble inné au coeur des paysans ; possesseur

d'une très modeste aisance, il avait accepté, en attendant mieux,

les fonctions d'instituteur à Quincarnon, son village natal.

Le 30 octobre 1820 le jeune couple eut la joie de voir naitre un

fils qui reçut les prénoms d'Armand-Aimé-Dieudonné.

L'enfant passa ses premières années au village, fréquentant

l'école, la vieille église et la lisière de la forêt voisine. A l'àge

de six ans, il partit pour Evreux, où son père venait d'obtenir une'

place à l'administration des contributions directes. Ce séjour à la

ville fut de courte durée ; quinze mois plus tard une pneumonie

emportait le chef de famille, et la veuve revint à Quincarnon.

Presque sans ressources, elle dut travailler pourvivreet élever son

fils. Le jeune Armand aimait passionnément l'étude; il posséda

en peu de temps les connaissances que l'on pouvait acquérir à

l'école du village, où il aidait le maitre à faire sa classe. A l'âge

de quinze ans on lui offrit, soit de se préparer à devenir instituteur,

soit d'entrer dans l'administration où son père, malgré le court

séjour qu'il y avait fait, n'avait rencontré que l'estime de tous.

Mais son ambition était autre. Désireux de pousser plus avant

ses études, il supplia sa mère de le mettre en pension. Fière de

son enfant et confiante en l'avenir, elle consentit, sans hésiter, à

biographie. 535

de nouveaux sacrifices. Il part donc pour Evreux, entre en pension,

puis au collège, qu'il quitte en 1838, après sa rhétorique. L'année

suivante il prend la diligence pour Paris, et après quelques mois

de séjour dans cette ville, passe son baccalauréat ses-lettres

le 27 août 1839. Sur les conseils du Dr Auzoux et du libraire Asselin,

ses compatriotes, il se décide à entreprendre ses études médioales

Alors finit, disait-il plus tard, la première phase de sa vie « la

plus heureuse, sans contredit, car elle n'a pas été tourmentée par

les soucis de l'avenir, ni les inquiétudes du lendemain.» Etde ce jour

Commença « la lutte de tout homme aux prises avec la fortune

adverse. Depuis la mort de mon père, mon léger patrimoine ne

s'était pas accru, et cependant je me disposais à parcourir une

carrière qui demande. des ressources pour plusieurs années. N'im-

porte, je me confieai à la grâce de Dieu et je partis. Le coeur est

si plein d'espérance à vingt ans. Je pris ma première inscription

avec la joie du jeune homme qui voit s'ouvrir nn horizon pluslarge

devant ses yéux. Mais bientôt survint la gêne et de là le commen-

cement de mes désillusions. » Le plus souvent il en était réduit à

déjeuner d'un morceau de pain et de quelques radis, et parfois le

soir il ne pouvait souper. Faute d'argent, il ne passa, dans l'es-

pace de quatre années, que son baccalauréat ès-sciences et son

premier examen de médecine, et souvent même, dénué de toutes

ressources, il dut prendre la diligence, rentrer au village et y

séjourner le temps de rétablir sa santé ébranlée et de réunir

quelques nouvelles ressources. Peu après son premier examen, il

fut atteint d'une fièvre typhoïde grave et garda le lit pendant six

semaines ; la convalescence fut longue et il ne se rétablit, que

grâce à sa robuste constitution. « Ma mère travaillait toujours et

le fruit de ses labeurs et de ses veilles était pour moi la manne

qui tombait du ciel. » Lui aussi travaillait dans l'espoir d'assurer

un jour l'aisance de celle qui se dévouait pour lui.. En

novembre 1844, il revient à Paris et concourt à l'externat. Reçu, il

choisit Bicêtre où les externes étaient logés et entre dans le service

de Leuret. alors malade, et suppléé par Delasiauve; celui-ci s'inté-

ressa à son jeune compatriote, et le maître et l'élève se lièrent

d'une vive et sincère affection qui devait toujours durer. Leuret,

ayant repris son service, lui offrit d'accompagner un malade en

Italie. Il accepta avec enthousiasme. « Je l'aimai presque ce jour-là,

dit-il. » En effet il eut toujours de la reconnaissance pour Leuret,

et rendait pleine et entière justice à ses grandes qualités de clini-

cien, mais il n'éprouva jamais pour lui une affection vraie, comme

pour Delasiauve. Leuret était fantasque et morose; un jour il cau-

sait avec ses élèves, les prenait dans sa voiture pour les conduire

à Paris; le lendemain sa froideur éteignait toute tentative d'ex·

pansion. Delasiauve, au contraire, bien qu'emporté, 'était ouvert et

affectueux ; on riait de ses violences, et on l'aimait. Après quatre

536 BIOGRAPHIE.

mois d'absence, Semelaigne rentre à Bicêtre. Le pécule amassé

pendant son voyage lui permet de passer l'année suivante sans

tribulations, dans le service de Rostan. En 1847, il étudie la chi-

rurgie avec Roux^les accouchements avec Dubois, car il comptait

s'établir en Normandie et y pratiquer la médecine. Au mois d'avril,

il se trouve de nouveau sans ressources et est obligé de quitter

Paris. « Je revins encore m'abriter sous le toit maternel. De nou-

veaux ennuis m'y attendaient, car je vis l'automne et l'hiver et

l'automne encore disparaître sans pouvoir retourner à Paris. Enfin

avec l'hiver suivant (celui de 1849) je repris la route que j'avais

déjà si souvent mesurée, mais cette fois pour ne pas revenir.

M. Auzoux, qui a toujours suivi mes pas avec une tendre sollicitude,

mit son cabinet d'anatomie à ma disposition. Je pus donner quel-

ques leçons. Après avoir vu ma vie ballottée par les vents contraires,

j'arrivai au terme de mes études... » Sa thèse inaugurale, soute-

nue devant la Faculté le 28 août 1851, avait pour titre : de la

Dysménorrhée membraneuse et de la Membrane dysménorrlzéale.

Il retourna alors dans son pays, comptant y exercer son art, y

vivre et y mourir. Mais la destinée en avait disposé autrement.

Présenté par Delasiauve à Casimir Pinel, il devint son médecin-

adjoint, et bientôt après son gendre. Les soucis d'argent étaient

finis. La vie de Semelaigne, devait dès lors s'écouler doucement,

partagée entre sa famille, ses malades et l'étude. Le 11 décembre 1860

l'Académie de Médecine lui décernait un prix pour son mémoire

sur le diagnostic et le traitement de la mélancolie. L'un des prin-

cipaux collaborateurs du Journal de Médecine mentale, fondé par

son maitre Delasiauve, il y fit paraître de nombreux et intéressants

travaux, parmi lesquels ses Etudes historiques sur l'aliénation

mentale dans l'antiquité qui malheureusement n'ont pas été ter-

minées ; ses notes, fruit de plusieurs années de travail, disparu-

rent, brûlées sans doute pendant la commune. Dans cette doulou-

reuse époque de la guerre et de l'insurrection, il fit son devoir

avec calme et simplicité. Chirurgien-major au 35e bataillon de la

garde nationale de la Seine, il assista aux batailles de Champigny

et de Buzenval; dès que ses devoirs envers le pays lui laissaient

quelques instants de liberté, il accourait à la maison de santé de

Saint-James où se trpuvaient encore quelques malades et où il

entretenait une ambulance à ses frais. Pendant la Commune,

Neuilly fut bombardé et les pensionnaires transportés dans les

caves ; Semelaigne vécut ainsi quelques semaines, dans une anxiété

perpétuelle, tremblant pour les malades confiés à ses soins et

angoissé par la pensée que sa femme, éloignée et dangereusement

malade, pouvait mourir sans qu'il lui fut donné de la revoir.

Enfin dans les derniers jours de l'insurrection, il put s'éloigner

sans crainte et revoir les siens. Il reprit ensuite ses travaux et ses

occupations.

BIOGRAPHIE. 537

Ses études sur la médecine ne suffisaient pas à son activité.

Epris de son pays natal, où il se rendait chaque année, il en étu-

dia l'histoire, parcourant les bibliothèques, feuilletant les vieux

manuscrits, et consigna le fruit de ses recherches dans les ou-

vrages suivants : Histoire de Conches; -Ro6ert de Floques, bailli

d'Evreux et capitaine de Conches, ou l'expulsion des Anglais de la

lVormandie; .- Aveux et dénombrements de la vicomté de Conches;

- Yvvs d'Evreux.

Membre de la Société médico-psyclaologique depuis le 10 novem-

bre 1862, il fut appelé à en diriger les séances en 1886. A la mort

de Blanche il devint président de l'Association mutuelle des méde-

cins aliénistes de France.

La vieillesse vint peu à peu, les forces diminuèrent, et depuis

quelques années il avait cessé de s'occuper de sa maison de santé;

mais l'intelligence demeura intacte, et, peu de semaines avant sa

mort, ceux qui l'approchaient par hasard ne pouvaient soupçon-

ner une fin prochaine. Fin lettré et possesseur d'une riche biblio-

thèque, il savait occuper ses loisirs forcés et ne cessait de lire et

travailler que pour sourire à ses petits-enfants qu'il adorait. Il vit

la mort venir et l'accueillit sans faiblesse et sans récrimination,

car toujours il sut regarder le mal en face et se résigner. Le 14

novembre 1898, des accidents urémiques se déclaraient; le 16, au

matin, il tombait dans le coma, à l'instant même où l'un de ses

petits-fils venait d'entrer dans la vie. Pendant près d'une semaine

il demeura en cet état, luttant, de toute sa robuste constitution,

contre la mort qui l'enlaçait. Le 22 novembre, sur le ? huit heures

du soir, il s'éteignait doucement et sans qu'il fût besoin de lui

fermer les yeux.

Armand Semelaigne. d'une taille plutôt haute, avait les épaules

fortes et la carrure puissante. Son front était large, sa chevelure

épaisse, sa barbe longue et blanche. Son visage respirait la bien-

veillance et la bonté. Il avait conscience de sa valeur et ne par-

lait jamais de lui-même ; il était généreux et faisait l'aumône sans

ostentation. Tous ceux qui l'ont connu l'ont aimé, et l'on peut

dire hardiment que dans sa longue et belle carrière, il n'a jamais

rencontré d'ennemis.

Si d'aucuns s'étonnaient de ne pas voir résumée, en cette

notice, l'oeuvre scientifique du médecin, je leur dirais que je me

suis borné à décrire l'homme, tel que je l'ai connu, tel que je l'ai

aimé. René Semelaigne.

Index des principaux ouvrages concernant la médecine men-

tale, publiés par Armand SEMELAIGNE.

Diagnostic et traitement de la dipsomanie (Journal de Médecine

mentale) ; Considérations diagnostiques sur les diverses espèces de

538 BIBLIOGRAPHIE.

suicide (idem) ; - Du diagnostic, différentiel du délire aigu (idem) ;

Cas remarquable de fureurs passagères (idem) ; - Le curé

Gauchelin ou récit d'une vision nocturne (idem) ; - De la réorgani-

sation du service des aliénés dans le département de la Seine (idem) ;

Des caractères 'différentiels de l'erreur pathologique (idem); -

Eludes historiques sur l'aliénation mentale dans l'antiquité (idem) et

réunies en volume en 1869 ; - Du sommeil pathologique chez les

aliénés (Annales Médico-Psychologiques, 1885). - (Voir le portrait

du D Semelaigne en tète du numéro.)

BIBLIOGRAPHIE.

XIII. Le dressage des jeunes dégénérés ou orthophrénopédie; par le

Du' H. Thulié. Vol. in-8° de 678 pages, avec 33 figures. Aux

bureaux du Progrès Médical, 14, rue des Carmes, Paris, 1900.

Tout le monde reconnaît aujourd'hui qu'il est de l'intérêt de la

société elle-même de s'occuper de l'enfance dégénérée, et que c'est

là le seul moyen de diminuer la criminalité juvénile. Mettre ces

jeunes déshérités dans l'impossibilité de nuire, est bien; essayer

sur eux un redressement intellectuel et moral est mieux, et c'est

la possibilité de ce redressement, que l'auteur va nous démontrer.

La criminalité juvénile suit en effet une progression alarmante.

A quelque cause qu'on l'attribue, il est un fait avéré, c'est que,

tous les jours l'hérédité devient pluslourde etque plus nombreuses

se présentent les tares dégénératives qui engendrent des anormaux

de tous les degrés. Peut-on, en toute équité, rendre responsables

de leurs écarts, ces malheureux qui en venant au monde appor-

tent avec eux les germes de toutes les perversions pathologiques,

en même temps qu'une incapacité absolue de réagir contre eux,

tant au point de vue physiologique qu'au point de vue moral. Les

en punir est monstrueux : ce sont des malades et, comme tels, ils

ont besoin d'un traitement approprié, ils relèvent de l'orthophré-

nopédie (traitement médico-pédagogique).

L'auteur va d'abord s'occuper des dégénérés inférieurs. Il trace

l'historique de l'éducation des idiots depuis Itard et Séguin, jus-

qu'à M. Bourneville, cite les principales définitions de l'idiotie,

sans en donner une nouvelle, estimant que la meilleure ne vaut

pas « la vue et l'observation de ces malheureux ». Il se tient dans

la même réserve pour la classification des idioties, désespérant de

bibliographie. 539

pouvoir réussir à renfermer dans quelques descriptions, ces minus

habentes, qui ne se distinguent des enfants normaux que par des

signes négatifs.

Le traitement médico-pédagogique ne peut avoir toujours la

prétention d'obtenir une complète guérison; son ambition se borne

souvent à atténuer le mal, à l'enrayer, et, dans les cas les plus

graves, mais aussi les moins fréquents, à en diminuer le hideux

aspect. La médecine proprement dite, ou plutôt la médecine à mé-

dicaments a un rôle très limité; elle ne peut que conseiller des

pratiques hygiéniques, et ses moyens d'action ne comprennent

dans certains cas particuliers que des bromures, des vésicatoires

sur la tête, et l'ingestion de glande thyroïde. L'intervention chi-

rurgicale n'est jamais indiquée. La médecine pédagogique, au con-

traire, doit diriger le traitement et c'est d'elle seule qu'on peut

attendre les meilleurs résultats.

L'auteur connaît ce qui se passe à Bicêtre, dans la section des

enfants arriérés. Aussi la méthode qu'il préconise, parce qu'elle

a fait ses preuves, est-elle la méthode qui y est employée, mé-

thode d'éducation imaginée par Itard, complétée par Séguin, per-

fectionnée par M. Bourneville et ses collaborateurs. 11 expose avec

clarté les principes de cette méthode, en détaille les procédés et

fait assister le lecteur au redressement progressif des fonctions

organiques, ainsi qu'à l'éducation successive des fonctions de rela-

tion, des sens et de l'intelligence. Peut-être l'auteur s'est-il montré,

à notre avis, un peu trop affirmatif dans certaines critiques à

l'égard de Séguin; notre pratique journalière nous a permis de

constater combien cet éducateur a,' dans l'élaboration de sa

méthode, fait preuve d'un rigoureux esprit d'observation, et comme

lui nous croyons que le langage articulé est le langage véritable, et

que tant que l'enfant n'émet que des sons vocaux, il fait du bruit,

il gazouille, mais il ne parle pas.

C'est encore de ce qui se fait à Bicêtre, que s'inspire l'auteur

lorsqu'il parle de l'enseignement professionnel. Développer physi-

quement et intellectuellement l'idiot serait une oeuvre vaine, si on

ne cherchait pas à utiliser, à occuper l'activité musculaire et psy-

chique que l'éducation aura provoquée.

Nous devons assister les idiots, l'intérêt général le commande;

d'abord pour nous mettre à l'abri de leur dangereuse inconscience

et aussi pour éviter une véritable contagion en les laissant au

milieu de leur famille. Les sentiments d'humanité, que la civilisa-

tion affine tous les jours davantage, ne nous permettent pas de

recourir à l'Eurotas pour les supprimer, pas plus qu'à la castration

pour tarir dans sa source leur descendance. Nous devons à ces

êtres disgraciés le respect que nous devons à tout être vivant, nous

devons nous occuper d'eux; les redresser dans la mesure de la

gravité de leur affection, est un impérieux devoir. Qu'on les sou-

540 bibliographie.

mette, dès l'âge le plus tendre, au traitement médico-pédagogique,

que l'on crée des asiles-écoles, des sections particulières d'adultes :

ces imbéciles, ces idiots ne constitueront plus un danger public et

pourront par leur travail, si minime soit-il, compenser une partie

des sacrifices que la société se sera imposés pour eux.

Que si l'orthophrénopédie peut efficacement être appliquée aux

dégénérés inférieurs, à plus forte raison pourra-t-elle rendre des

services incontestables auprès des dégénérés supérieurs. Ces der-

niers présentent dans leur état psychique et moral, plutôt un déve-

loppement désordonné, mal équilibré, qu'un arrêt de développe-

ment. En observant de près les bizarreries de leur conduite, les

étrangetés de leurs manies, on s'aperçoit qu'elles peuvent les con-

duire au crime, à moins que par un traitement approprié on essaie

d'opérer chez eux un redressement. Cette constation amène l'auteur

à condamner le système de correction et d'isolement absolu, et à

préconiser une thérapeutique pédagogique.

Les lois de 1791 et de 1810 relatives aux crimes et délits de l'en-

fance, ne se préoccupent en aucune façon du redressement moral

des jeunes détenus par l'éducation. La loi de 1850 marque un

progrès; l'enfant condamné à la colonie pénitentiaire ou correc-

tionnelle, n'est pas simplement un détenu, mais un élève qu'un

éducateur a la charge de redresser et sur lequel l'Etat a le devoir

de veiller. Dans l'esprit de la loi, sinon dans son application,

l'idée d'expiation, de vengeance sociale est remplacée par l'idée de

réforme. Mais elle pose encore la question de discernement, que la

loi belge de 1894 n'a pas hésité à faire disparaître. Chez nos voisins

l'enfant n'est jamais puni : il est acquitté ou confié à l'adminis-

tration de la bienfaisance. Que n'agissons-nous, comme eux I

A quel âge doit s'arrêter la minorité pénale ? En France à 16 ans.

d'après le code. Nos tribunaux, s'ils condamnent, condamnent à

une peine dont la durée est inversement proportionnelle à l'âge

de l'enfant. Qu'attendre alors d'un redressement de quelques mois ?

Les juges peuvent-ils en déterminer la durée ? En Allemagne, si

l'enfant est condamné, il reste enfermé tant qu'il n'est pas amendé,

sans toutefois aller au delà de la vingtième année. Il y aurait lieu

aussi de réformer la correction paternelle. Le législateur, s'il tient

compte des voeux émis par divers congrès, pourra rendre possible

et efficace le redressement des jeunes dévoyés.

Une première mesure à prendre, pour enrayer le mal, serait de

rendre réelle l'obligation scolaire et de supprimer de ce fait les

vagabondages et l'école buissonnière. Nos écoles ne sont pas assez

spacieuses ? qu'on les agrandisse et qu'on punisse sévèrement les

parents indifférents. Si l'état d'infériorité intellectuelle empêche

l'enfant de pouvoir suivre avec fruit les cours normaux, qu'on se

décide à créer les classes spéciales annexées ou non aux écoles

primaires, dont M. Bourneville demande depuis si longtemps l'or-

bibliographie. 541 1

ganisation '. Que les petits réfractaires de l'école soient traqués,

comme en Angleterre, qu'on pratique sur eux une râfle sans merci,

et qu'on les dirige sur des maisons cellulaires de répartition, d'où, ,

après examen médical et pédagogique, ils seront envoyés soit dans

des familles choisies à cet effet, soit dans des maisons de réforme

ou devant un tribunal compétent. Chaque département pourrait

avoir son école de réforme, ou, si son budget ne le permet pas,

s'entendre avec les départements voisins pour instituer des écoles

interdépartementales 2. Il est évident qu'il faudrait en même temps

améliorer les lois sur l'enfance dite coupable. Les Anglais en pra-

tiquant ce système, au moins dans ses grandes lignes, ont vu

diminuer la criminalité juvénile et, chose qui ne doit pas nous

étonner, c'est encore un Français, Demetz, qui le premier eut

l'idée de ce système. Les théories de ce philanthrope ont trouvé

chez nos voisins d'outre-Manche, un accueil que notre pays lui a

refusé.

Plusieurs systèmes ont été imaginés et essayés pour l'organisa-

tion des écoles de réforme. Il y a d'abord le système de caserne-

ment pratiqué en Belgique : c'est le plus économique, mais le

- moins efficace. Il y a le système dit de famille, usité en Allemagne

et en France (Mettray), où les enfants sont placés par groupe de 15

à 40, sous la direction d'un chef de famille, aidé d'un sous-chef et

de deux frères aînés ; mais là l'influence de la femme fait défaut ;

en Angleterre on a paré à cet inconvénient, en plaçant à côté du

directeur, une matrone, sa femme le plus souvent. Ce système est

bon, mais il est coûteux. Il y a encore le système cellulaire, qui

est à réprouver. Le meilleur est le système dit progressif ou irlan-

dais, dans lequel l'enfant subit d'abord le régime cellulaire, pour

être ensuite envoyé dans une colonie industrielle ou agricole et

- être enfin mis en congé d'essai sous la surveillance de comités spé-

ciaux. Le système irlandais combiné avec le système de famille,

serait presque l'idéal : l'école Lepelletier-Saint-Fargeau l'a, à peu

près, mis en pratique. L'auteur recommande la séparation des

sexes et la catégorisation rigoureuse d'après le degré de corrup-

tion.

Après quelques jours d'existence cellulaire, le nouvel admis devra

être placé dans une section réunissant les enfants présentant avec

lui quelques similitudes de caractère. Cette catégorisation doit être

1 Si, en France, les nombreuses publications de M. Bourneville à ce

sujet n'ont pas encore attiré l'attention du gouvernement, elles ont eu

pour heureuse conséquence d'en provoquer la réalisation dans un certain

nombre de pays étrangers.

Il Il aurait peut-être lieu de placer dans ces établissements publics

et les dégénérés inférieurs (idiots, arriérés intellectuels), et les dégénérés

supérieurs (idiots et imbéciles moraux).

M2 bibliographie.

basée sur le degré d'éducabilité du sujet, et non d'après la nature

des fautes. Peut-être l'auteur est-il trop absolu quand il voudrait

voir réunis dans le même groupement tous les instables et dans

un autre tous les inertes ; notre expérience personnelle nous a per-

mis de constater maintes fois qu'un enfant doué d'une activité

brouillonne se trouvait bien de la fréquentation d'un enfant sans

énergie physique et intellectuelle et réciproquement.

La première chose à créer chez notre élève sera le reflexe de

l'obéissance. Il faut que l'enfant en arrive à exécuter un ordre aus-

sitôt donné, et cela, comme par habitude, comme d'instinct. La

gymnastique d'ensemble est, pour obtenir ce résultat, tout indi-

quée, surtout si le rythme est marqué par un chant, un tambour,

un piano, ou une fanfare joyeuse. Les filles, aussi bien que les gar-

çons, tirent bénéfice de ces exercices.

La gymnastique ne donne pas seulement l'habitude de l'obéis-

sance, elle donne aussi celle de l'attention et celle de la volonté ;

c'est dire qu'elle contribue pour une large part à l'éducation men-

tale.

Dans l'enseignement primaire, l'instituteur doit viser à faire

acquérir des notions plus précises qu'étendues. L'effort seul devra

être récompensé et non le résultat obtenu. Nous trouvons repro-

duite ici la méthode d'enseignement déjà décrite à propos des

dégénérés inférieurs, avec quelques modifications de détails bien

inutiles.

L'enseignement professionnel n'aura pas seulement pour but de

donner à l'enfant des habitudes d'ordre et de travail, il lui procu-

rera un moyen d'existence pour le jour où il rentrera dans la

société. Les indisciplinés qui ne voudraient pas d'un travail assidu,

seront employés d'abord aux corvées ennuyeuses, et d'eux-mêmes

ils demanderont bientôt à être employés dans un atelier. Il sera

bon de leur faire tenir un livret où seront marqués au jour le jour

leurs dépenses et leur gain : par là on les habituera à se rendre

compte des difficultés de la lutte pour la vie, à suivre des règles

d'économie pour prévenir la maladie ou le chômage. Cette méthode

de redressement coûtera peut-être cher, mais on économisera en

prisons, ce qu'on aura dépensé en écoles et il y aura eu des crimes

en moins.

Le dressage de la conscience est, sans contredit, la partie la plus

délicate de l'orthophrénopédie. Au point de vue théorique, on pré-

parera l'amendement du sens moral en ne cessant de répéter, de

mettre sous les yeux, de faire apprendre des maximes courtes,

précises, ou sous forme de questionnaire. L'auteur nous énumère

les principaux devoirs qu'il faudra rappeler sans cesse au jeune

dégénéré. Il faut provoquer chez lui une sorte d'obsession morale,

dont il ne puisse plus se débarrasser..

A l'entraînement intellectuel, doit se joindre l'habitude de la

bibliographie. 543

pratique. Que l'entourage prêche d'exemple. La nouvelle vie mo-

rale dont on donnera le spectacle au dégénéré en traitement, pro-

duira sur lui une impression aussi efficace que le bien-être maté-

riel dans lequel on le fait vivre depuis son admission. Surtout pas

de colère dans la répression. L'enfant est essentiellement imitateur,

ne lui proposez donc que des modèles parfaits. On fait ainsi de la

suggestion à l'état de veille, suggestion qui du reste a de tout

temps été la base de l'éducation . A rejeter la suggestion hypno-

tique, qui annihile la volonté ou rend l'individu sans défense contre

les influences du dehors. En cas d'indocilité, les seules sanctions

pénales doivent être la réprimande et l'isolement de la cellule.

Quant aux récompenses elles iront des félicitations devant les

camarades assemblés, à certains avantages matériels et à la sortie

définitive.

Mais il faut penser à l'avenir, à la fixation du redressement. Sur

ce point la loi de 1850 est à réformer, qui limite à la vingtième

année le droit de patronage des jeunes libérés. Il y a danger à

laisser sans appui et sans conseils l'être que vous avez amendé,

durant le temps qui va de sa libération au départ pour le régi-

ment. A nos législateurs de combler cette lacune, et à favoriser par

tous les moyens la'formation de comités dont l'action commence

pendant l'internement de l'enfant, s'exerce au moment de la libé-

ration, se poursuive, sans se lasser jamais. jusqu'à la caserne et

au delà. Les résultats obtenus par la Société de protection des enga-

gés volontaires élevés sous la tutelle administrative, due à l'initiative

privée et fondée par F. Voisin, prouvent mieux que toute démons-

tration l'efficacité de ces créations.

Pour mettre le lecteur au courant de l'état actuel de la question,

M. Thulié nous donne in extenso les lois intéressant l'enfance cri-

minelle. Une série d'observations empruntées au service du D'Bour-

neville à Bicêtre, vient en terminant préciser les résultats qu'on est

en droit d'attendre, du traitement médico-pédagogique des dégé-

nérés.

Le livre du Ut' Thulié est plein de sentiments élevés ; il fait hon-

neur à celui qui l'a écrit. Il serait à souhaiter que nos législateurs,

qui parlent si souvent d'humanité et de devoirs sociaux, le lisent

attentivement et se laissent aller à ses conseils. J. BOYER.

' Le traitement moral des aliénés n'est en partie que de la suggestion.

(Voir Leuret, Traitement moral de la folie.)

FAITS DIVERS.

Asiles d'aliénés. - Nominations et promotions : AL le Dr Bon-

nier, ancien prefet, directeur de l'établissement thermal d'Aix-

les-Bains , est nommé directeur du cinquième asile d'alié-

nés de la Seine (Maison Blanche), à dater du 1er mai 1900 ;

M. le Dr Dupain, médecin en chef à l'asile public d'aliénés de

Saint-Méen (Ille-et-Vilaine), est nommé médecin en chef de la

colonie familiale de Dun-sur-Auron (Cher) en remplacement de

M. le D1' Marie nommé médecin en chef à l'asile de Villejuif

(Seine); - M. le D1' Chardon, médecin adjoint à l'asile Saint-

Venant (Pas-de-Calais), est nommé médecin en chef à Saint-

Méen en remplacement du 1), Dupain nommé à Dun-sur-Auron ;

- M. le ur LwoFF, médecin adjoint à Prémontré (Aisne) est

nommé en la même qualité à Dun-sur-Auron (poste créé);

M. le D1' Broquère, directeur-médecin à l'asile de la Roche-Gandon

(Mayenne), est promu à la première classe du grade.

Suicide d'un jeune garçon. - On a retiré hier du canal Saint-

Martin le cadavre d'un garçon âgé de quinze ans, nommé Henri

Armand, demeurant avec ses parents, 84, rue hecrétan. Ce jeune

désespéré, qui était apprenti dans une fabrique de bijouterie, avait,

à diverses reprises, manifesté l'intention de se suicider, afin

d'échapper aux tracasseries de ses petits camarades qui, le trou-

vant un peu gauche, l'accablaient de sarcasmes. (Le Temps du

25 mars 1900.)

COURTADE (D.). - L'irritabilité dans la série animale. - Volume in-8.,

cartonné de ZiG pages. - l'IIX : : 2 francs. - Paris, 1900. - Librairie

Cati et Naud.

101llCE. - Mémento de médecine thermale à l'usage des praticiens. -

Volume in-8° de 242 pages. - Prix : 4 francs. - l'd 1'1 s, 190U. - Librairie

Slalome.

. PILEZ (A.). - Ein weiterer Beitrag zur Lehre von der Milcrocephalie

nebsl zusammen fassender Bel'iente ùbei- die El'l'otye der Cmniotomie bei

der jlIik1'ocephal1e - Brochure in 8° de 50 pages, avec 8 ligures et une

planche hors texte. - Wlen, 1899. - Extrait du Jahrbucher sur Psy-

chiall'ie.

Regnard (A.). Génie et folie; réfutation d'un pai,adoxe. - Volume

in-8° de 166 pages. - Pans, 1899. - Librairie O. VOIll.

Le rédacteur-gérant ; iiOURNEVILLE.

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EXPLICATION DES PLANCHES

PLANCHE I -

Sillons el circonvolutions de la face externe de l'hémisphère gauche.

Les chiffres indiquant la largeur des circonvolutions en centimètres,

mesulées sur le cerveau durci.

r 111., sillon fronto-marginal ; - fi., premier sillon frontal; - f2.,

deuxième sillon frontal; 1"2" sillon de la deuxième circonvolution

frontale; - p F ? pied de la première circonvolution fronlale;

F ? première circonvolution frnntale; - p F2., pied de la deuxième cir-

convolution frontnle; - F3., deuxième citconolution fiontale;- p F ?

pied de la troisième circonvolution frontale; - F ? troisième circonvo-

lution frontale; - cap, cap de sa troisième circonvolut on froniale;

pr i., si1 loti prérolaudtque inférieur; Op F., opercule contât;

i f op., incisure fronlale de l'opercule; C,a., frontale ascendante;

S., scissure de Sylvius; - Lui., scissure de TIolal1llo (partie postérieure); -

R ? scissure de Rolando (partie antérieure) ; P a., pariétale ascen-

dante ; po r., sillon po^t-rolandique ; c m., encoche du sillon

calloso-marginal ; p t., sillon pariétal transverse; p l ? deuxième

sillon pariétal tmr.svrrse; - i p., sillon inter-panétal; - Op.li., oper-

cule rolandique; - Op P., opercule pariétal; - i p op., incision parié-

tale de l'opercule ; - G s 111., gyrtis supra-marginal ; P ? première

circonvolution pariétale; Pe., deuxième circonvolution pariétale; ? sillon intermédiaire de Jensen; - j ? deuxième sillon intermédiaire;

l' c., pli courbe; - 7r p o ? premier pli de passage pariéto-occipital de

Gratiolet; --p p o2., deuxième pli de passage pariéto-occipital de Gra-

tiolet ; p o., scissure pariéto-occipitale : o a., sillon occipital anté-

rieur de vVermike, i o., sillon intpr-oecipital; - 0'" première cir-

convolution occipitale; 0 ? deuxième circonvolution occipitale;

0 ? troisième circonvolution occipitale; D., circonvolution descendante

d'Kcker : 0 ? deuxième sillon occipital; T ? première circonvolution

temporale; - T2.. deuxième circonvolution temporale.

PLANCHE II

Face externe de l'hémisphère gauche.

l.. F., lobe frontal; f'2. ('), deuxième sillon frontal; pr i., sillon

prérolandique inférieur; - R'. (2), scissure de Rolando (partie antérieure);

R. (3), scissure de Rolando (partie postérieure); cm ? encoche du

sillon calloso-margmal; - po r. (4), sillon post-rolandique; -p t., sillon

pariétal transverse; - o. o. (5), scissure pariéto-occipntale; -o ci. (°), sillon

occipital antérieur; - L. o., lobe occipital ; j'. ('), sillon intermédiaire de

Jensen.

(*) Marqué par erreur F'2 stir la planche. 1

0 - R -

(') i SR -

(') - po po -

(10) Marque" par erreur P sur la planclie.

(0) - Se -

(') Al j -

ARCHIVES, 26 série, t. IX. 3ti

546 EXPLICATION DES PLANCHES.

PLANCHE III

Face interne de l'hémisphère gauche.

si (marqué par erreur F"), sillon olfactif; -so., sillon sus-orbitaire;

fm. (au lien de Sc. cm), sillon fronto-marginal ; R' (an lieu de R),

scissure de Rolando (partie postérieure); H. (au lieu de SR), scissure

de Rolando (partie antérieure); - c m ? portion verticale du sillon calloso-

marginal - poo., sillon post-rolandique; - pt., sillon pariétal trans-

verse ; - Sp., scissure sous-pariétale ! -po., scissure pariéto-occipitale.

PLANCHE IV.

Face externe ou convexe de l'hémisphère gauche.

S. R., sillon de Rolande ; - F1, F3, F3, ] ? 21, 3' circonvolutions fron-

tales ; - F. A., circonvolution frontale ascendante; P. A., circonvo-

lution pariétale ascendante; - 111, pli pariétal supérieur; r Ps, pli pariétal

inférieur; P', C., pli courbe; Sc. f. s., scissure frontale supérieure;

- Se. f. i., scissure frontale inférieure; - Sc. p. f., scissure parallèle

frontale. Sc. ip , scissure interpariétale; L. O., lobule orbitaire;

L. O. C., lobule occipital ; - Sc. S., scissure de Sylvius; Op. F., oper-

cule frontal;-Op. li., opercule rnlandique ; - Op. P., opercule pariétal;

S. P. E., scissure perpendiculaire externe; L. L, lobule de l'insula;

Se. p., scissure parallèle; Tl, Te, T', t ? 2°, 3' circonvolutions tem-

porales ; F. 0., foyer ocreux.

PLANCHE V.

Face interne de l'hémisphère gauche.

Sc. cm., scissure calloso-marginale; F. ca., fissure calcarine;

Sc. to', 1" scissure temporo-occipitale; Se. to2, 2' scissure temporo-

occipitale ; F ? 4° circonvolution frontale interne; - C. C. C. circon-

volution du corps calleux; C. C., corps calleux; L. P., lobule para-

central ; L. Q., lobule quadrilatère ou avant-coin; - C., coin;

P. F. L., pli fronto limbique; -P. P. P., pli pariéto limbique postérieur;

C. A., corne d'Ammon; G. R., gyrus rectus.

PLANCHE VI.

Face externe au convexe de l'hémisphère gauche.

Les lettres ont la même signification que celles de la Planche IV.

PLANCHE VII.

Face interne de l'hémisphère gauche.

F. 0., foyer ocreux. Les autres lettres ont la même signification que

celles de la Planche V.

TABLE DES MATIÈRES

Abcès du cerveau chez un enfant,

avec érvsipèle, opération, etc.,

par Dayle, 162.

Aboulies. Le rôle des émotions dans

la pathogénie et la thérapeutique

des -, par Valantin et Hartem-

berr, 66, - et suggestion, par

Paul de Saint-Martin, 118.

Acromégalie. Humeur de l'hypo-

physe sans -, par Burr et lices-

mann, 343, -, par Le8lnsky, 516.

Gigantisme et -, par Achard,

533. *

Acvosctes. Les -, la cécité psy-

chique en particulier, par Nodet,

452.

Aiguille. Désordres produits par

une - dans la paume de la main,

par Naere, 329.

Alcoolisme. Progrès de l'- dans

les campagnes, 188. Drames de

l ? 271. - et réforme sociale,

par Loiseau, 356. HyperesthésIe

corticale dans l'- aigu, par Colo-

han et Rodiot, 380,476.,

Aliénation. Le rôle de l'auto-sug-

gestion dans certaines formes

il ? par Voisin, 54.

Aliénés. Examen des urines chez

les -, par Klein, 23H. La nouvelle

loi sur la folie et l'internement

des -, par Lyon, 246. Etudes

cliniques et pathologique;; des ma-

ladies des poumons chez les -;

par Agost1l11, 309. Assistance des

- en Russie, pai Ergolsiii, 132.

Traitement des - violents par

le séjour au lit à l'asile-clinique

de l'avis, par Roubmowitch, 163.

- en liberté, 189, 457.

Amnésie. Antéro -rétrograde, par

JofTrov, 4\2.

AoroTnormES. Les anesthésies, pa-

ralysies et - en tranches et la

théorie métnméryue de Brissaud,

par Crocq, 330.

Anesthésies. Les -, paralysies et

amyotrophlee en tranches et la

théorie métamérique de Brissaud

par Crocq, 330.

Aphasie congénitale du cervelet chez

un chien, par Déganello et Span-

garo, 306. Hémiplégie droite avec

- , par Marie, 318. - amnésique.

par Tienel, 521. - motrice chez

un paralytique général, par Bal-

let, ! r11. "

Archives d'anthropologie criminelle,

par Lacassage et Tarde (1898-

1899), 88.

Artériosclérose de l'encéphale, par

Iiowalewaki, 1r7.

Ascendantes. Tumeur en libres

blanches des d'un individu

normal, par Passon, 510.

Asiles d'aliénés. Organisation du V°

- par 'l'aguet, 19, t7, 91, 272.

Rapport médico-administratif sur

l'- de Dijon, par Garnier. 352.

- 381, 384, 463.

Assassin sourd-muet, 272.

Assassinat d'un médecin par un

déséquilibré, par \Vehlm, 51.

Assistance. L'- des buveurs, par

Coulonjou, 187. - et traitement

des idiots, imbéciles, débiles, etc.

Revision de la loi de 183, 264.

Nécessité de l'- des arriérés, 270.

Association Mé(liCO-PSYCI1010giqlle

. d'Edimbourg, par Urquhardt, 456.

- , par Spence, 457.

Asymétries endocraniennes et autres

particularités morphologiques de

la base du crâne, par Ruggeri,

308.

Ataxie locomotrice. La pathologie

récente de 1'- et son influence

sur le traitement, par Hamsson

Mettler, 76.

ATHETOSE bilatérale avec quelques

symptômes inaccoutumes, par

CumpheH, 338.

Atrophie. De 1' musculaire dans

la sclérose multicolore, par

Brauer, 145. musculaire pro-

giessive typique, par Bdiley, sa.

548

TABLE DES MATIERES.

Bibliographie, 264, 281, 3;;S, 4,,2,

538.

Biographie. Semelaigne, 531.

Bulbe. Extirpation des canaux

semi circulaires et dégénérations

consécutives dans le - et le cer-

velet, par Duganello, 307. Sang

et circulation du -, par Adam-

kiewicz, 419.

Camisole de force mortelle, 461.

Capsule interne. Les sons au foyer

de la -, par Dide et Weil, 515.

CAIILYLE, sa femme et ses critiques,

par Crichton Biowne, 456.

CATATONIE. Lts symptômes compli-

qués de la -, par \\'urcester, 328.

CÉCITÉ. Un cas de surdité et (le -

veibales, par Séreux et

ner, 256. - corticale, par Touche,

lei2. Agnoscies et - psychique

par Nmlet, 452. - hysteriyuu

par Muzzy. 527, - hystérique ou

fonctionnelle, par Hubbell, 528.

CELLULLES. Remarques sur la struc-

ture (les-des ganglions spinaux,

par Lenhossrll, liO. Contnbu-

tions à la coioiation des - ner-

veuses, par Lnitlden et Sorgo.

1 l6. De la structure des - lier-

veuses des ganglions spinaux,

par lIelll1ann, 149. La-nerveuse

représente-t-elle une unité em-

bryologique, par Onoflio, 311.

Cérébrale. Excitabilité de l'écorce

- citez les animaux nouveau-

nés, par Bechterew, 505.

CÉRe.13ROPLÉGIE. Sur les rapports de

la - infantile avec l'idiotie, par

Tanzi, 236.

Cerveau. Voies de communication

dans la partie caudale du - du

pl ! ron, avec les corps stliés, par

Waiifmbfrg, 421.

Cervelet. Ramollissement du -

par Touche, 256. Aphasie congé-

nitale du- chez le chien, par Da-

ganello et Spangaro, 306.

anormaux, par Mai le, 345. Extir-

pation des canaux semi-clrculaires

et dégénératlolls dans le bulbe

et le , par Deganello, 307. Tu-

meur du -, par Libertini, 312.

CHantE. Des troubles psychiques

dans la- dégénéiative, par La-

dame, 97. chronique hérédi-

taire de Huntington, par Kéraval

et Raviart, 466.

Convulsions post traumatiques avec

énilepsie essentielle. par 1111rallir,

226.

Cordons postérieurs. Dégénéres-

ceuces descendantes des -, par

Zappert, 422. Champ cortical des

fibres des-, par'l'schetmak, 50G.

Corps calleux. Gliome du -, par

Zahlu, 523.

Corps genouillés. Localisations

dans les - externes, par lIens-

chen, 508.

COItItEC.'1'10,NS corporelles en Russie,

par 1 t enl : el, 93.

Courant. Dosage du - induit, par

Kurella, 149.

Chamectomie. Convulsions post

traumatiques. Epilepsie essen-

tielle. , par Mil allé, 226.

Crémastlrien. Des troubles du ré-

11·ae patellaire et du réflexe -

dans la paralvsie générale, par

Jlarandou de 6lontytl. 46.

CRI',T¡ISME. Traitement thyroïdien

dans le- sporadique par Kophk

70. Le - ; diagnostic avec l'idio-

tie, par Kophk, 243.

Crimes. Les - contre la religion en

ltnssie par Tarnwvslu, 91.

Criminalité. Le mouvement de la-

en Itusste, par 'l'arnowsla, 88.

Dégénérés Olisessions et impul-

sions à l'homicide et au suicide

chez les , par Carrier, 357.

Dressage des jeunes -, par'lhu-

lié, 538.

Dégénérescence et mariage, par

Talbot, 56. De la des fibres du

bulbe, dans la démence paraly-

tique, par de Bechterew, 149

Technique histologique des

des coi dons, par Schaiîer, 156.

La polynrte simple est toujours

l'expression de la -, par Scabia.

234. Le phocomelus de l'humérus

dans l'épilepsio considéré comme

stigmate de -, par Clark, 241.

Délinquance. Tempérament et -,

par Marty, 89.

Délire. Origine infectieuse du

, aigu, par Branchi et Picomo, 233.

'Objets de piété, instrument de

meurtre dans le - religieux, par

Cu lierre, 289. - de la jalousie,

par villers, 427.

Démence. Dégénérescence des fibres

du bulbe dans la - paralytique,

par de Bechterew, 149. - pré-

coce, par Finzi et Nedrani, 235.

TABLE DES MATIERES.

549

Les stéréotypies dans les -, par

Ricci, 236. Diagnostic précoce de

la - paralytique, par l'aton, 259.

Dendrites. Etat variqueux des -

conicales, par Soukhanoff, 273.

Diabète hydrurique an cours de la

tuberculose, par Klippel, 235.

Origine infectieuse du -. par

Klippel, 315.

Docimasie. de la - hépathique,

par Lacassagne et Martin, 90.

Dysphagie hvstérique, par Coolnlge,

528.

1)vsmrorrmus par tumeur maligne

de la pituitaire, par A.-ostini. 332.

Ecritures. Etudes chronoscopiques

sur les -, par Ubici, 306.

Emotions. Le rôle des dans les

aboulées, par llartenberg et Va-

lentin, 66. Origine des , pai

\I. de Fleury, 172. Nature des -,

par Stumpf, 451.

Empoisonnement. Altérations des élé-

ments nerveux dans l' - aigu

par l'aluminium, par Zouder,

310.

Hxcu'u.u.E. Artériosclérosede) ?

par Kowalewski. 1 n. Maturité

des faisceaiixconducteurs de l'-

par Doellken, 151. Calcification

des rameaux de l' - dans l'epi-

lepsie, par 1l0ckhlltIS, 158.

EPILEPSIE. Rapport médico-légal sur

un cas d' -, par de Moor et Du-

chàteau, 57. Traitement de l' -

par l'adouts v. et les bromures,

par Epinhaver, 60. Effets bienfai-

sants de la suppression des bro-

mures dans l' -, par Petersen,

il. Zona consécutII il l'adminis-

tration de l'arsenic dans un cas

d' -, par Clark, 7f. - avec 519

attaques en 49 heures, par Spret-

un, 7'r. Calcification des rameaux

de l'encéphale dans l' - par

Ilcckhaux, 158. De l'emploi de

l'atropine dans l' -, par Wa-

chenhmm, 160. La bromiuine

dans l' -, par l3oloni, 165. Gué-

rison d'un cas d' - héréditaire

par une attaque d'hémiplégie,

par Brunet. 224. - essentielle

cràniectomie, par llirallié, 226.

Sur les rapports de l' - nocturne

avec la retroéjaculation, par Ha-

milton, 240. Le phocomelus de

l'humérus dans l' -, par Clark,

241. -, par J'II, de Fleury, 257.

Théorie de l' -, par Nlouratow,

259. , trépanation accidentelle,

par Jacqum, 299. Accès téta-

noïdes dans l' -, par Clark, 327.

Un cas d' - jacksonnienne hys-

térique, par Crocq, 331. l'roprlé-

tés du sang dans Il , par Har-

ter, 425.' Attaques frustes d' ,

par Fé : é, 429. Mal de tête dans

l ? par L. P. Clark, 433. - et

digestion, par Spratllng, 434.

Troubles de la conscience dans

1' -, par Clark, 434. llvperthro-

phie l)mpho'lde dans Il -, par

Hitchcock, 436. Nécessité d'étu-

dier de près l' -, par Clark, 436.

et surmenage : par Kirkandall,

137. - corticale traitement opé-

ratoire, par Luntz, 445. - d'ori-

gille périphérique, par Ellsall.

521. Urine dans Il , par Bleile,

522. Surmenage oculau et -

par Capps, 527. - avec aura au

niveau d'un névrôme du cordon.

par Chipault, 132.

EPIL¡;PTIQU¡;. Les songes d'attaque

chez les -, par Ducosté, 237. Les

- 272. Elimination des éthers

dans les urines des -, par Ga-

laute et Savini, 312. Manière de

prendre soin des -, par Lord,

129. Similitudes entre la folie l'-

et la folie alcoolique, par Nos.

431. 1.

EitGO(,It.1111E. L' - dans les rccher.

ches psychologiques, par Colucci.

311.

EXCIT1BILITI : ELECTRIQUE. De t' du

radial, par Gumpertz, IIS.

Expertise. Responsabilité dans Il -

judiciaire, par Roux, 59.

Facial. Origines dn -, par Mai 1-

nesco, 51 i.

Faisceau DE GowERS. Trajet central

du -, par liossollmo, 153. ·

Foui;. Génie et - , par Regnard,

42. - et homicide, Par .111sou,

43. - Syphilitique, par Belkier.

é3.- post opératoire, par Dup ay,

H. L'alitement dans les formes

aisucs de la -, par Chr istlan,

165. - puerpérale, par Mac Do-

n3ld, 238. Opérations gynécolo-

giques dans la par \lantou,

288. La marche vers la -, par

Beker, 246. Nouvelle loi sur la -

et sur l'internement des aliénés,

par Lyon, 216. Limite scienti-

f ! qli entre l'état sain et la -,

550 TABLE DES MATIÈRES.

parHunge, 246. Synthèse des

classifications de la , par Tou-

loure, 438. Traitement psychique

de la - délirante, par Stadel-

mann, 450. 4161.

Folle. Capacité de la - cerebel-

leuse, par Ruggeri, 310.

Fonctions psychiques. Progrès de la

médecine et de l'hygiène des -,

par Sikorsky, 62.

Force musculaire. Influence de

l'électricité sur la-, par CapriaU,

311.

Fractures du crâne avec quelques

symptômes inusités, par Hollan-

day, 7f. Arthropathie du genou

consécutives à une - du crâne.

parChipault, 257.

Fumeurs et fumeuses d'opium, par

Bérillon, 177. 1

Ganglions spinaux. De la structure

des cellules nerveuses des-,par

Hermann, I 49.

Génie et folie, par Regnard, 42.

Gigantisme et acromégalIe, par

Achard, 533.

Glaucome. Excision du ganglion

cervical sympathique dans un

cas de -, par Boll, Henaud et

Bartlett, 80.

IIÉ1111NESTF1ÉSIE hysthérique traitée

par la résonabilisation progres-

sive, par Vial, 212.

Hémianopsie. Ramollissement du

cumeus et -, par Marie et Crou-

zon, 174. homonyme tempo-

ral gauche, par Ferrand,531.

Hemilpégie. Guérison d'une épilep-

sie héréditaire par une attaque

d' -, par Brunet, 224. droite

avec aphasie, par Marie, 348.

Hémiplégiques. Sur les mouvements

auxiliaires des -, par Amant,

311.

IIÉAl15PA5J1E. Un cas d' -, par Ba-

binski, 253.

Hérédité. Sur l' de quelques phé-

nomènes oniriques, par Gian-

nellt, 308.

IIÉTÈROTOP1E. Recherches histolo-

giques sur une moelle atteinte de

syringomyélie et d' -, par Lom-

bardi, 306. , canal central

double et triple de la moelle, par

Senator, 320.

Homicide. Folie et -, par Allson,

13.

Hypnose. Procédé pour obtenir l'-

chez les réfractaires, par Charpen-

tier, Farez, Bérillon et Maguin,

175.

Hypoglosse. Altérations cellulaires

du noyau d'origine après section

de , par Foa, 308.

Hypophyse. Tumeur de Il - salis

acromégalie, par Russotiaux, 313.

Hypothèse de Ramon y Calai sur

les entrecroisements sensoriels,

sensitifs et moteurs, par Lugaro,

310.

Hystérie et infection, par Esquerdo,

332. Cas classique d ? par Ram-

boldi, 333.

II1'STÉnO-ÉPILEP'rIQUE. Autre mutila-

tion survenant sous l'influence

des rêves chez une -, par Béril-

joli, 178.

Idiotie. Deux cas d' myceoeJéma-

teuse, par'l'anzi, 236. Happons de

la cérébroplégie infantile et de

l' - , pal' 'l'allzi, 236. Crétinisme

sporadique diagnostic avec l' -,

par Koplek, 243. symptoma-

tique. Lésions de l'insula, par

Bourneville et Belin, 495.

Images. Sur le siège des - motrices,

par Hartenberg, 333.

Impulsions homicides, par sugges-

tion, par Voisin, 177.

Infections. Hystérie et -, par Es-

querdo,332.

Insomme. Influenc- de Il sur les

échanges organiques, par Varozzi.

308.

Intelligence. Limite entre l'état

sain de l' - et de la folie, par

Hunge, 246.

Intoxication. Réactions individuel-

les dans les -, par Joffroy et

1,el-valix, 258. - Altérations de la

circulation cérébrale dans l' -

alcoolique aiguë, par de Bechte-

tew, 312.

10DISME constitutionnel, thyroi-

(liqine etmaladie de llasedow, par

Jamius, 60.

Ivresse. Un cas d' furieuse, par

Fraucotte, 427.

Ivrognerie. 178.

Jury. Monographie d'un d'as-

sises, par Âjatn, 9+.

Localisation de la conscience mus-

culaire dans un cas de trauma-

TABLE DES MATIÈRES.

Sol

tlsme de la tète, par Muratow, 1

416. La motrice médullaire

est segmentaire, par van Gehuch- I

ten et Neli, 513.

Loi. La derogative aux disposi-

tions de la procédure civile et à

la procédure de l'interdiction par

Kurella, 55. La sur les exper-

tises médico-légales et les listes

d'experts, par Toulouse, 166.

Maladie DE BASEDOW. Iodisme cons-

titutionnel, thyruïdisme et-, par

Jamien, 60. - héréditaire avec

oedème des paupières et crises de

sommeil, par Meige, 346.

Maladies cérébrales. Intervention

chirurgicale dans les -, par

Fisher, 78.

Maladies mentales. Que sont les ?

par Arndt, 52. - familiales, par

Trénel, 166. Alcalinité du sang

dans quelques , par Lambranzi,

234.

.Maladie de Morvan, par Lesage,

533.

Maladies nerveuse. L'influence du

climat sur les -, par Brown,

162. Notes cliniques de la section

(les - l'hôpital militaire de

IOew, par Tchinen, 399.

Manie. Fréquence relative de la -.

par Hemrlchsen, 51. - aiguë

transitoire chez un syphilitique,

par O'Donovan, 164 ? mélanco

lie et psychose Mamaco dépressi-

ve, par Gucci, 234.

Mariage et dégénérescence, par Tal-

bot,56.

.Médecine. Les progrès de la - et

l'hygiène des fonctions psyclit-

ques, par Sikorsky, 62.

Mélancolie, Manie et psychose

mamaco dépressive, par Gucci,

234. Corde musculaire dans la

- Vallon et Wahl, 413.

Mélancolique. La sénilité précoce

chez les -, par Arnaud, 235.

Mémoire. Origine de quelques er-

reurs de la -, par Finzi, 306.

Méningite cérébro-spinale épidé-

mique, par Hirsch, 75. Sérum

antlpesteux dans la cérébro-

spinale épidémique, pal Mac

Nabb, 163. - svphilitiqtie fron-

tale, par Sano, 330. Formes com-

munes de la et - séreuse, par

Dana, 518.

Mesmérisme. Suggestion et , par

Boriac, 337.

Métamérie dans les trophonévroses,

par Bris3aud, 513.

MÉRALGIE paresthénique, par Sabra-

zès et Cabannes, 174. Les pseudo

d'origine radiculaire, par Chi-

pault, 348.

MÉCROSTHÈMESur un nouveau symp-

tôme d'auto-, par Bloch, 352.

Moelle ÉPINIÈRE. Kecheiches histo-

logiques sur une - atteinte de

sm imnomyélie, par Lombardi, 316.

Altérations des cellules de la -,

consécutives à l'occlusion de

l'aorte abdominale, par Righetti,

306. Les dégénérescences rétro-

grades dans la -, par Ceni, 309.

Malformation de la - chez une

idiote atteinte de diplégie infan-

tile, par Livé, Heterotopie, canal

double et triple de la -. par

Senator, 320. Un cas de tumeur

de la -, par Collins, 426.

Morphinisme. Dédoublement de la

personnalité dans le -, par Bé-

raton,350.

Myalgie. Pseudo mydme, - rigi-

dité musculaire, par Iüippél,4l.

Myopathie primitive aveccéphosco-

lévrie, par Cochez et Scheib, 316.

\IwoEEUnrEUx. Etat - aigu avec

tachycrardte, glycosurie, etc., par

Osier, 342.

Myxoedème. Traitement tliytoidieii

dans un. cas de-, parBonney, 71.

Variété de fruste, par Cam-

broni et Lambranzt, 236.

Nécrologie Ganckles, 443.

Nerfs crâniens. Connexions , cen-

trale des ' moteurs, par n'oma-

now, 142.

Nerfs optiques. Entrecroisement

partiel des -, par de Bechterew,

509.

Nerveuse. Altérations de la fibre

après section, par Mouravieff.

448.

Neurasthénie. Echanges nutritifs

dans la , par de Bechterew,

158.

Neurologie CHIRURGICALE, par Chi-

pault, 455.

Névralgie du cordon, résection des

nerfs, par Chipault, 532.

Névrites expérimentales, par Mom-

dio, 311, 332. - dps nerfs médian

et cubital, par Huet, 531.

3152

TABLE DES MATIERES.

Névrose, 239.

OEDÈME dystropluque des membres

inférieurs, par Vigouroux, 522.

Pachymémngite HlhlORRHAGIQUE ayant

simulé une paralysie générale,

par Bourdin, 53. - chez un

enfant de 9 ans, par Spiller,

343.

Paralysie. Etude clinique sur la -

aritante, par Collines et Moskens,

75. Anesthésies, - et amyotro-

phie en tranches et théorie mé-

tamérique de Brissaud, parCrocq,

330. Diagnostic de la - bulbaire.

parJtosce, 331. - bulbaire, asthé-

nique, par Punton, 339 ;,llarSuck-

(er,3Él.-du plexus brachial, par

compression, par Leszinski, 427.

- spinale infantile avec partici-

pation du nerf récurrent, par

Huet, 532.

Paralysie générale. Troubles com-

parés des dlvels réflexes aux trois

périodes de la -, par llalandon

de Monlyel, 46. De la chez la

I*etnine,pai,('rei(letibei-g '6 Trans-

formation du tableau clinique de

la -, par menuet. 50. Pachymé-

ningite hémorragique ayant si-

mulé une -, par Bourtlln, 53. La

- au point de vue médico-légal,

par Kovalewsky, 59. De l'atrophie

du cerveau dans la -, par Bru-

net, 167. Pupilles dans un cas de

- au début, par Tanzi. 233. Si-

philis cérébrale et -, par Pa-

trick, 240. Diagnostic précoce de

la -, par Sachs, 251.

Paralytiques généraux. Conditions

biologiques des familles des -

par Béchet, 121. Surdité chez un

, par Sérieux, 346.

Paranoïa alcoolique, par Séanx 53

par Loop, 3t2. par de Mat-

tos, 268.

Paraplégie hystérique et suggestion

curative, par Bloch, 351. - avec

autopsie par van Gehuchten, 516.

Péritonite. Lésions des éléments

nerveux dans la , par perfora-

tion, par Barbucci, 306.

Phobies tactiles et visuelles, par

Fal'r'z, 151.

Phylogénese du cordon antérieur

des pyramides, par Bikeles, 152,

Pituitaire. Tumeur du corps -,

par Wallon et Cheiiey, 12 1.

POLIEIiCEP111LITES, par Koriiiloff,

261.

Poliomyélites. Petite épidémie de

, par Newmark, 331.

Pollakiurie. Polyurie et - hysté-

rique, par Abadie, 193.

POLIURIE et pollakiurie hystérique,

par Abadie, 193.

Polynévrite. Forme douloureuse

d'une tuberculeuse, par Du-

four, 256.

Pouls. Le - cérébral, par Sciam-

mana, 310.

Pmx Aubanel, 439.

Procès. Les - aux animaux. par

Lemesle, 177.

Protubérance. Tuberculose de la .

par Sano, 520.

Psychiques. Troubles d'origine

tuberculeuse, par Bernheim, ni.

Psychologie religieuse et ventrilo-

qtiie, par Garnault, 352.

Psychose Nenro - traumatique.

par Ide, 247. d'origine infec-

tieuse, par Ballet, 258.

Psïciiothérapie. Résultats de la

clinique de - d'Amsterdam, par

van Renterghem, 63.

Pupille. Semeiologie de la -, par

Jarino, 307. - Phénomène palpé-

de la -, par 1111nrazzini,

313.

I'UPILLIIIi. Phénomène -, non en-

core décrit, par Westphal, 313 ;

par l'eltz, 313,

Pwmues. Philogenèse du cordon

antérieur des -, par Bilcebs,

152.

Radial. Excitabilité électrique du

- , par Gumpertz, 148.

Réflexe. De l'éminence hypothénar.

par Ilolzinqer, 1a7.-t'rbtemlu -.

de 8choefer, par Babinski, 169. -

Pupillaires dus à l'attention, par

Pillez, 321.

Réforme. Alcoolisme et - sociale,

par Loiseau, 356.

Respiration de Cheynes-Slockes chez

un chnr{>Ïilnp, par Bourdillon. 331.

Responsabilité criminelle, hier et

aujourd'hui, par Bombarda, 58.-

Le problème de la -, et de l'p ?

pertise judiciaire, par Roux, 59.

Ruban du REIL. Développement du

et ses communications avec

les centres, par Doellken, 322.

Sclérose. De l'atrophie musculaire

TABLE DES MATIERES.

56S i

dans la- - multiloculaire. par

Brauer, 145. - tuberculose hy-

perlrophlque par Philippe et Ilu-

doeviing, 442. - combinée de la

moelle, rapport avec l'anémie et

la hucémie, par Dana, 517.

SCI.I110>P ou plaques, traitée par la

rééducation lonctionnelle, par

lIartenlJPrg, 65. Histologie et

pathologie de la -. par Erben,

1e3.- avec amyotrophie, par Glo-

rienx, 525. - citez un enfant,

. par Raymond, 525.

Semelaigne, biographie, 531.

SENS musculaire. A propos de

quelques travaux récents, par

Verger, 32.

Sensibilité. Connaissance du trouble

de la - de 13ernhdl'dt. par Adler.

150; par \ortow6l, 155. Le

Il'Icho.oesthéstomèlre électrique et

la -, du système pileux du corps,

par de Bechterew, 159. - D1S'O-

ciation syringomyélique de la -

dans les mypltles. liai, linor, 139.

Trouble de la-, à la cuisse, par

Good, 150 - A la douleur de la

peau, par Motschiitlcowsky, 150.

- osseuse, par Dvoitcheuho, 411,

447.

Sexuel. Instinct - Son évolution

et sa dissolution, par Féré, 455.

Simulateur. Odvssée d'un délin-

quant -, par Garnier, 30.

S 1TI0PIIOBr.S sur l'élimination des

éthers sulfuriques dans les urines

(les épileptiques et des -, par

Galante et Savini, 320 p.

Société d'hypnoloieet psychologie,

86, 174, 350, 4' 0,529. - médtro-

psychologique, par 11. l3riaml, 165,

438. de neurologie, par Boissier,

81, 169. 252, 315, HO, 531. - de

neuropathologie et de psychiatrie,

de Moscou, 259, 444.

Sommeil. Le rôle du - provoqué

dans la thérapeutique suggestive,

par Valeutin, 61. Opérations pra-

tiquées durant le - hypnotique,

par Mac Donald, 165.

Spondylose rhlzomélique, par Achard

et Clerc, z ? .

Stéréognostique. Sens- par Sailer,

424.

STËnLOTYPiss.Lesdans tesdémen-

ces, par Ricci, 236.

Suggestibilités, par Crocq, 33a.

Suggestion. Le tôle del'auto dans

l'aliénation, par Voisin. 54. Quel-

ques considérations surla thérà-

peutique, par Liébault, 64. Cas

traités par l'hypnotisme et la -

par Osg-ood ldson, 68. Aboulies

et -, par l'au de Saint-Mai tin,

178. Psychologie de la -, par

liai tenbprg, 3.0, - et mesméns-

- me, par Bôirac, 337. Le problème

de la -, par Durand, 337. - et

hypnotisme, par Bernheim, 338 ;

paraplégie e

hystérique, et - curative, par

Blocli, 351. -, par Sabrazès, 521.

Le bleu de méthylène moyen de

- , par Voisin, 450. par lettre,

par Voisin, Beriitieim, Béril ! on,

529.

Suicide d'enfant, 95.

Surdité etcéci lé verbales avecautop-

sie, par Sérieux et Farnaricr, 256.

- verbale chez un paralytique

géliéial, par Sérieux, 346.

Superstition : possession du démon.

268.

Syndrome de Weher, par Souques,

par Cestan et Bourgeois, 533.

Syphilis céiébrale et méningée, trai-

tement par les injection» de sels

insolubles de mercure, par Lmtzon,

77 Différenciation entre la céré-

brale et la paralysie générale, par

Patrick, 246. - et tabès port-

syphililique, par Tchiriew, 399.

héréditaire de la moelle, par

Gilles de la Tourette et Durante,

524.

Syringomyélie cavitaire et-pachy-

méningitique. par Philippe et

Ouerthur, 72. Les formes -, 173.

héréditaire, par NalbandofT,

267. Recherches hittologiques sur

une moelle atteinte de et d'hé-

térotcpie, par Lombardi, 306.

Pathogénie de la bulbaire, par

Dionisi, 332. Troubles trophiques

dans la -, par \albandoff, +il.

héréditaire, par Préobrajenski,

î49 ; par Carlaw, 5' ? 0,-et acro-

mésaiie, par Sabrazès, 3.1.

avec sensibilité radiculaire et

troubles moteurs à marche ascen-

dante, par Van Gehuchten, 525.

Système nerveux. Durcissement du

central, par Pfisler, 147. Alté-

rations du consécutives à l'ar-

rachement des nerfs, par Mari-

nesco. 155. Le - central, structure

et fonctions, par Soury, 179. Le

pouvoir tératogène et dégénérant 1

iN/

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

de la neurine, de l'alcool et de

l'acétone, par Alirto, 34. Nouvelle

coloration du -, par Kronthall,

315. Eléments anatomiques du -,

par Lenhossek, 316.

Tabès. Coupes de moelle dans un

cas de -, par Klippel, 171. -

cervical, par de Rucli, 20t z

observé à Johns Hopkins Itospital,

par Thomas, 344. Syphilis et -

port syphilitique, par 'l'chirrem,

399. - conjuguai, par Souques.

440.

Tarétique. Affection de la peau

chez un -, par P. Marie, 170.

Tatouage chez les lemmes en cor-

rection au llauov're, par Snell, 5G.

Terminaisons nerveuses dans les

muscles volontaires, par Ilaffiiii,

512.

Tétanos céphalique avec déplégie

faciale, pU' Crouzon, 534.

Tempérament et délinquance, par

Marty, 89.

Thorax en bateau, par Marie, 441. 1.

TxYR01D1S\IE. lodisme constitution-

nel. - et maladie de Basedow,

par Jaunin, 60.

Tic. Guérison d'un. - sans an-

goisse, par Bartenberg, 61. Trai-

tement de la maladie des -, par

Spehl, 65. - d'élévation des deux

yeux, par Crouzon, 170.

Torticolis spasmodique, par Parrv,

52).

Traumatisme. Idées de persécutions

avec hallucinations consécutives

a un. - psychique chez un gly-

cosurique, par Farez, 351.

Tremblement et forme 1111 kinwn-

nienne, par Bérillon, 452.

Trépanation. Epilepsie, acciden-

telle, par Jacquin, 299.

Tricho oesthésiomètre électrique et

la sensibilité du système pileux,

par de Bechterew, 159.

Tnoettoenéw chronique héréditaire,

par illelge, 512.

Troubles nerveux et psychiques

chez les travailleurs du caout-

chouc, par Laudenheimer, 43.

Tuberculose. Diabète hydruiique au

cours de la- par Klippel, 255.

Tumeurs du corps calleux, par

Touche, 171. cérébrales, par

Wiener, 78, par Wenhardt, 139.

du corps calleux et de la

corne d'Aumon , par Schupfer.

307. - de l'hypophyse sans acro-

mégalie, par Brun et lieesmann,

3'r3. cérébelleuses, par Bletti-

ger, 511.

Tympanite gastrique, vomissements

nerveux, etc., par Ewald, 329.

Vacher l'Eventreur, par Lacassagne

Pierret, ltebattel, Lannots, Des-

tot, 89.

Vagabondage en France, par Bérard,

88.

Veniriloquie. La religieuse

comme moyen de suggestion des

foules, par Garnault, 178. La

psychologie religieuse et la -,

par Garnault, 352.

Vertébrale. Rigidité de la colonne

- par Zenner, 4` ? 6.

Volonté dans ses rapports avec la

responsabilité pénale, par Dalle-

magne, 185.

Zona consécutif à l'administration

d'arsenic dans un cas d'épilepsie.

par Clark, 7 4.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS

Abadie, 193.

Achard, 83, 253, 533.

Adamhiewiczk, 419.

Adler, 150.

Agostini, 57, 309, 332.

Ajain, 94.

,111son, 43.

Arnaud, 235, 311.

Arndt, 52.

Babinski, 169, 253, 254,

255, 256, 440.

Bailey, 344.

Baker, 246.

Bail, 80.

Ballet, 81,254,258,44).

Barducci, 306.

Bartlett, 80.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

555

Battex, 512.

Béchet, 121.

Bechterew (de), 119,

158, 159, 312, 503,

509.

Bellin, 495.

Bérard, 88.

Bérillon, 87, 176, 117,

178, 350, 452, 529.

Berkley, 43.

Bernheim, 174,338, 529.

Bel-lilieim, 174,338,529.

Bethe, 31G.

Blanchi, 233.

Bikeles, 152.

Bleile, 522.

Bloch, 35t.

Bodoni, 165.

Boettiger, 611.

Boirac, 337.

Boissier, 81, 169, 2 : 2,

345, 440.

Bombarda, 58.

Bonney, 71.

Bouchereau, 358, 439.

Bourdillon, 331.

Bourdm, 53.

Bourgeois, 533.

Bourneville, 49 : i.

Branler, 145.

Brtand, 1G5, 438.

Bi,issaud, 513.

Brown, 162.

Brunet, 167, 224.

Cabannes, 1 i'r.

Campbell, 328.

Capriati, 311.

Capps, 527.

Carrier, 357.

Carslam, 520.

Ceni 309.

Cestan, 533.

Charpentier, 86, 175.

Cheney, 424.

Chipault, 85, 257, 318,

4S5.532.

Christian, 165.

Clark (C), 74, 241, 327.

Clark (L.-P.), 433. 431,

436.

Clerc, 252.

Cochez, 346.

Collins, 75, 426.

Cololian, 385, 476.

Calucci, 311. I.

Coolidge, 528.

Coulonjou, 187.

Coutand, 87.

Couvelaire, 83.

Crichton-Browiie, 456.

Crocq, 330. 331, 335.

Crouzon, 170, 174, 531.

Cullerre, 289.

Dallemaque, 185.

Uana, 517,.51R.

Daganello, 306, 307.

Déjerine, 81, 347.

Destot, 89.

Dide, 513.

Dionisi, 332.

Doellken, 151, 322.

Doyle, 162.

Duchâteau, 57.

Ducosté, 237.

Dufour, 82, 256.

Dumontpallier, 339.

Duplay, 4+.

Durand, 337.

Durante, 524.

Dvonchenlw, 4'11, 417.

Edsall, 521.

Erben, 143.

Erjolsky, 132.

Esquerdo, 332.

Retienne, 86.

Ewald, 329.

Farez, 86, 17, 306, 351,

451.

Farnarier, 2,ï6.

Féré, 429. 455.

Ferrand, 531.

FUlZi, 235,

Fisher, 78.

Fleury (de), 172, 257.

Francotte, 427.

Frenkel, 93.

Foa, 308.

Galante, 312.

Garnault, 178.

Garnier, 1, 352.

Gauckler, 443.

Gehuchten (van), 513,

516, 525.

Giannelh, 308.

Gilles de la Tourette,

254, 524.

Glorieux, 525.

Gucci, 234.

Gumpertz, 148.

Hamilton, 240.

Hanenberg, 61, 66,333,

334.

Ileimann, 149.

Henschen, 508.

Hertel', 425.

Ilinrichsen, 51.

Hirsch,75.

Hitchock, 436.

Hochhaus, 158.

Hollanday, 74.

Holzinzer, 157.

Hubbell, 528.

Iludoevring, 442.

fluet, 531, 532.

Ide, 247.

Jacquin, 299.

Jaunin, 60.

Jofiroy, 258, 347, 442.

Keraval, 465.

Knkendal, 437.

Klein, 239.

Kleppel. 82, 171, 255,

345.44).

Kopilk, 70, 243.

Korniloff, 261.

Kowalewsky, 59, 147.

Kronthal, 315.

Kurella, 55, 149.

Lacassagne, 88, 89, 90.

Ladame 97.

Lambranzi, 234, 236.

Lannois, 89.

Landenheimer, 48.

Lavastine, 252.

Lemesle, 177.

Lenhossek, 140, 316.

Lesage, 533.

Leszynski, 427, 516.

Lévi, 310.

Libertini, 312.

Liébault. 64.

Lintson, 77.

Loiseau, 356.

Lombardi, 206.

Loop, 342.

Lord, 429.

Lugea. 0, 310.

Luithlen, 146.

Luntz, 445.

Lyon, 246.

Mac Donahl, 165, '38.

Mac Nabb, 163.

Maere, 329.

Magnan, 264.

Magnin, 176.

Maneton, 238.

Marandon de Montyel.

46. 267.

556

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

Marie (P.), 85, 170, 174,

315, 411. 1.

Marinesco, 85, 155, 514. .

ylat.mo, 307.

Martin, 90.

Marty, 89.

Mattos (de), 268.

Meige, 316, 522.

Mendel, 50.

feuler, 7G.

Milkin, 73.

Mingazznn, 313.

lltnur, 139.

111'allié. 226.

11l.tO, 311.

Monriio, 311.

Moor (de), &7.

ylosee, 331. J.

Iolscllal\o\\'ky, 150.

Iouralow, 2G9, 51G.

Mour.,vieff, 262, ils.

111usken-. 75.

Jluzzy, 527.

Nalbandoff, 262, 4li4.

Nalluw"ky (de), 155.

Nelis, 513.

Newinaik, 331. 1.

Nordet, 452.

Noot, 431.

Oberlhur, 83. 172. 173.

Obici, 306.

0'1)onovan, 16't.

Onofrio, 311.

Osgood Mason, 68.

Osier, 342.

Parry, 521.

Passa\\'. 510.

Palou, 219.

Patrick, 246.

Peterson. 71.

Pfister, 147.

Philippe, 83, 172, 173,

442.

Piccimino, 3 ?

Pierret, 89.

Ptltz, 313, 3 ? l.

l'ornain, 265.

]Pi,éobrajeiis] ? 1119.

l'union, 339. "

Ranfoldi, 333.

Raviart, 163.

Raymond, 525.

ltebiitlel, 89.

Iteesmann, 313.

Hegllard, 12.

Henaud, 80..

Henterghem (van), r. : 1

66.

Ricci, 236.

Righefi. 300.

Bmi, 862.

HOdlt'l', 3Sa, 476.

Romanow, 1 42.

ltoqnes de l'ursac, 82

Hos>oIItIlO, 153.

Rolh, 261.

Itoubmowttch. 163.

Houx, 59.

Huroni, 512.

I Itueri, 305.310.

Rllnge, 26,

Sabrazès, 1 i i, 521.

Sachs, 251.

Siior, 424.

Saint-Martin (de). 178.

Sano, 330, 520.

Savini, 312.

Scalm. 234.

SvIWfTrr, 15G.

bcherb, 3f6.

Schuper, 307.

Sctammaua, 310.

Seaux, 53.

Semelaigne, 534.

Sérieux,"256, 31(i.

Srvauf,258.

Senator, 320.

Sikorski, 62.

Siukler, 341.

Suell, 50.

Surg-o. 14.

Soukhanoff, 273.

Souques, 82, 255. 349.

440.

Soury, 179.

Spanaro, 30G.,

SlteltÎ, 65.

Spence, 457.

Spuller, 343.

Spinhayer. 60.

Spratlmn, 434.

Spretttng. 74.

Sladplmann, 150.

Stumpf, h11

Taquet, 27..

Talboi, 56.

Tambroui, 236.

'l'nuzi, 3a, 23G.

Tarde, 8S.

1'arnow.l.v, SS, 91.

Tclnnew, : JU9.

Thomas, 3 44.

Thulié. 538.-

Tomluison, 248.

'louche, 171, 256, 348,

442.

Touluse, IG6, 38.

'J'réne ! , WG, 521.

Tschermak. 506.

Urquarhdt, 436.

Valentin, 61.

Vallon, 413.

Varozzi, 308.

Vedrani. 235.

Veiger, 32.

Via], 212.

Vigoureux, 522.

Villers, 427.

Vlavianos, 8G.

Voisin, .1, 54, 87, 165,

177, 3 : 0, 450, 529.

\Vachenheim, 160.

Wahl, 413.

\Valleml>erg, 421.

Wallon, 421.

Wehrlin. 54.

Weidenliammer. %2,

Weil, 515.

Wcnhardt, 139.

Weslplial. 313.

Wiener, 78.

Worcester, 328.

7.aleshi, M3.

Zapperl, 422.

Zenner, 426,510.

T.oucler. 310.

Evreux, Ch. Héiussey, imp. - 0-1000,