ARCHIVES
DE E
NEUROLOGIE
ARCHIVES
DE E
NEUROLOGIE
REVUE MENSUELLE
DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES
Fond 13 FAR J.-M. CHAKCOT
f'UIILII.( : S()US LA DIIiRC'l'ION 11F : mn.
A. JOFFROY
Professeur de clinique
des
maladies mentales
a la Faculté de médecine
de P.l1 ¡s.
V. MAGNAN
Membre de l'Académie
de médecine
Médecin de l'Agile clinique
(Ste-Anne).
F. RAYMOND
Professeur de clinique
des maladies
du système lier* eux
a lu faculté de médecine
de Pans.
CQLLAUOIU.TKuns ritmcrAUx
I.\I. ATHAVASSIC, 13AU1 ? Slil, ISALLIr'C,jBI'slt ? IItD (li.), BHNCHAHU (Ii.), BLIN,
f301SSIElt (BONNE. B05C, BOUIIIJIN, BOYEII (J.). 1111 lAND ( : 1L), ItI31S5AlIU (E.),
BROIIARDEL (l'.), UATSAHAS. C.HABBEItT, CHAUOX, CHRISTIAN, COLOUAX,
COULONJOU, COUIt110\T, CIILLEllllE, UI ? I30VS (M.). UENY, UIÎVAY,
UUC.1111', IIUSAL (hTII"8), FAIINAIIIEH (F.), FAUCHER. FEItE (Cu.), C'EN4YI301 : ,
1lmlllEH, FRANCOTTE, GILLES DE LA TO111t1r'C'lE, GAItN[1111 (5 ?
GENTES, GOMIIAULT, GRASSET, JOURUAN, IOEHA V AL, LANDOUZY, LEGIIAIN.
LEROY (Il.). LWO £ o'I1, HABJLLE. MARIE, 611EItZEJEIVSKY, MIRALL1É, P10\GOI;B,
\IIISGItAVE-( : LAY, NOIR, l'IEI(l1--T, PITRES, ItEGIS, ]tEGNAI(l) (P.),
RÉGNIER (P.), ltl(;111'11 Il'.), ItELI.AY (P.). ROT» (W.), HOUX (J.), SÉGLAS.
SlcIlIEI'X, v0l.l.ll ? It, SOIt()11l.S, SOIIHY IJ.), TEINTURIER (E.), TilUl.l ? (II.), UlllliOLA.
VALLON, YEDEL, VEIIGEII (11.), V1LLAIIIJ, VOISIN (J.), YY01 (P.).
Rédacteur en chef : UOUIINEVII.I.E
Secrétaires de la rédaction : .J.-H. (;11/\lIeo'l' et J. NOIR
Dessinateur : LEUB.1
Deuxième série, tome VIII. 1899.
Avec 6 figures dans le texte.
PARIS
BU H EAUX DU PIiO(IiCS 11lls`OICAL
1 1. rue des Carmes
1899
Vol. VIII. Juillet 1899. N° 43
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE MENTALE.
L'IDEE FIXE;
Par le 1), P. KEHAVAL,
Médecin directeur de l'asile d'Armentières (Nord).
Historique.
Préciser le sens et la valeur actuels du symptùme connu
sous le nom d'idée fixe, peut-être un peu oublié de nos jours,
en tracer les rapports avec l'état mental normal et les princi-
pales formes psychopathiques dans lesquelles il se montre, tel
est le but de cette étude.'
L'importance des premières descriptions des maladies men-
tales faites par les maîtres français, en des ouvrages immor-
tels, grandit de jour en jour, à raison même des détails et des
aperçus, ^quelquefois distincts, dont on se plaît paitout en
France et à l'étranger à compléter en quelque sorte leurs
oeuvres. L'Allemagne, qui s'est d'abord inspirée, et pendant
longtemps, de leurs travaux traduits et commentés par ses pre-
miers sujets, a bientôt énormément produit dans le sens que
nous indiquons ; ce sont tantôt des livres d'ensemble exami-
nant les psychoses sous des jours incontestablement originaux
bien que parfois assez obscurs, tantôt des mémoires dans
lesquels un luxe d'analyse donne souvent l'illusion d'une
pénétration complexe quelque peu étrange.
En ce qui concerne l'idée fixe, nous ne pouvons nous empê-
cher de faire remarquer que le terme est passé tel quel dans
Archives, '2" série, t. VIII. 1
2 CLINIQUE MENTALE.
toutes les langues en subissant à peine l'adultération de mise
en pareils cas.
En lisant, par exemple Y Allgemeine Psychopathologie d'EnI-
minguaus, on constate la place honorable réservée par l'au-
teur allemand dans ce volume aux fixe (inhaltlich falsche)
Ideeiz 1.
Puis, comme en France et en tout autre pays, on se préoc-
cupe moins des idées fixes jusqu'au jour où M. Wernicke
reprend le problème sous le nom d'idée prévalente (iibel'We1'-
thige), en '18022. Cette dénomination particulière appuyée
d'une théorie spéciale suscite des communications de
MAI. SELLE 3 et Neisser 4 à propos d'une question qui devient à
l'ordre du jour ainsi qu'on peut s'en convaincre en étudiant
comparativement le mémoire de M. S,4FLL ".
En 1894 et en 1896 Wernicke0 publie l'objet systématique
de son enseignement, tout à fait original, et expose dogmati-
quement sa façon de penser sur l'idée fixe ou prévalente. Ses
manières de voir ne sont cependant point partagées par
M. KoepPEN 7 qui combat la valeur du terme, et repousse la
nécessité de son maintien, contre 111. FlUEDMANN 8, Elles sont
enfin examinées en trois articles successifs parL.-A. KocH 9.
L'intérêt qui s'attache, comme le montreront les dévelop-
pements ultérieurs, à tout un faisceau de problèmes soulevés
par l'idée fixe, nous a engagé, à approfondir, autant que
possible, les éléments divers qu'elle met en jeu. Favorisé par
la présence dans notre service d'un certain nombre de mala-
' Leipzig, in-8°, 1878, p. 202.
1 Deutsche medicinische )Voc/te/ ! sc/t) ? 7, 23 juin 1892. LX° Congrès
des aliénâtes de l'Est de l'Allemagne; session de l3reslau, 26 novem-
bre 1892, in Allgemeine Zeilschri/'t sur Psychiatrie, t. LI, 1891.
' 1.111° Congrès des aliénistes de l'Est de l'Allemagne; session de
Sorau, 25 juin 1893. Allgemeine Zeitschrift sur Psychiatrie, t. LI, 1894.
, LXCongrès de l'Est de l'Allemagne ; session de Breslau, loc. cil.
o Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie, XLI. 4.
° Grundriss de,' Psychiatrie, lu« partie, Leipzig, in-8°, 1894; 2' partie,
Leipzig, ici-81, 1896.
' 7 Société psychiatrique de 13erlitz, 15 décembre 189t. L'idée prévalente
et ses rapports avec le délire des persécuteurs processifs.
" Contribution à la connaissance et à l'intelligeuce des délires bénins
et à courte évolution. Neurologisches Cenlralblall, t. XIV, 1895.
' Centralblalt für Nel'venheilkllncZ" t. XIX. N. F., vu, 1896. Les idées
prévalentes.
L'IDÉE fixe. 3
des caractéristiques, nous en avons, le plus que nous avons
pu, dégagé les termes, et sur notre invitation, M. G.-R. LAU-
RENT, interne à l'établissement, a écrit sur ce sujet sa thèse
inaugurale ' qui a été récompensée par la Faculté de
Lille.
Exposons donc maintenant les points fondamentaux de la
question.
Généralités.
Le mécanisme des idées délirantes et, par suite, du délire,
n'est point facile à élucider. Peut-être n'en saisissons-nous
pas bien le jeu parce que nous ne nous attachons pas suffi-
samment à bien observer, à observer en médecins ce qui,
normalement se passe dans le fonctionnement des idées et des
sentiments, dans les facultés mentales. Sans doute toutes les
littératures nous fournissent des types d'observation de ce
genre ; mais il ne faut pas oublier que les descriptions et les
réflexions des auteurs qui ont étudié l'humanité et les milieux
sociaux sont le produit d'esprits, évidemment cultivés, évi-
demment parfois assez fins pour s'immortaliser par la vérité
des types qu'ils décrivent, mais ne procédant pas de la mé-
thode scientifique et étrangers aux habitudes d'analyse incul-
quées par la précision des connaissances scientifiques. Nous
n'avons pas la prétention de faire mieux. Qu'on nous per-
mette simplement de consigner ici quelques considérations
relatives à notre sujet.
Quelle est la définition crue de l'idée fixe ? L'idée fixe est
une idée qui apparaît dans le cerveau et n'en sort plus. Les
profanes ont consacré cette expression qui, pour eux, est
synonyme de folie, ou peu s'en faut. Serrons-en de près les
aspects en nous basant sur l'observation des faits.
Avant tout, un homme qui a une idée fixe n'est point par
cela même un fou ; sinon, comme nous l'allons voir, il n'y
aurait plus de mobile suivi des actes dans le domaine de la
pensée.
Quand l'explorateur Livingstone, de condition modeste,
dépourvu de ressources et de moyens d'action, se propose,
tout jeune, de devenir assez instruit pour se livrer efficace-
ment à l'étude des régions inconnues, il a une idée fixe. Quand
' L'Idée fixe et son rôle en pathologie mentale. Ville, 1898.
4 CLINIQUE MENTALE.
un enfant fixe à son avenir le but de telle ou telle profession,
il a une idée fixe. Les idées prévalentes de pudeur, d'honneur,
de probité, etc. CWEHNICKE) sont autant d'idées fixes.
La crainte d'un insuccès, de la malveillance des autres, aux
examens ou dans toute autre démarche, l'appréhension du
ridicule, de la gaucherie, de la maladresse, constituent sou-
vent un groupe de préventions, de doutes, de terreurs, contre
soi ou à l'égard de ses semblables, qui représentent une série
d'idées fixes.
Le désir de parvenir, l'image mentale de quelque complica-
tion, de quelque événement prévu ou imprévu, d'un concur-
rent, d'un adversaire se présente toujours à l'esprit d'une
façon soutenue et, par conséquent, entraîne des idées fixes de
grandeur et de persécution sociales. Seulement ce sont toutes
des idées fixes physiologiques, normales, qui deviennent le
pivot de l'activité humaine. Pourquoi ?
Parce que l'individu qui les fabrique ne les regarde pas
comme évidentes, indiscutables, par elles-mêmes, sans les
contrôler. Celui qui les pense, les analyse ; il en creuse en
rumine, sans trouble, la base même ; il les vérifie méthodique-
' ? ment, et, s'appuyant sur des motifs plausibles, il les légitime,
s'il y a lieu, ou non, ultérieurement. 11 fonde alors sur ces
idées sa règle de conduite. Ce qui domine surtout dans l'idée
fixe physiologique, c'est qu'elle ne s'impose pas à la cons-
cience. Tout au contraire, elle appelle le contrôle du sujet.
Pour se hisser, par exemple, à la situation à laquelle il
atteignit, Livingstone se rendit compte de tout ce qu'il avait à
apprendre. Et, par des procédés, pénibles pour lui, mais
accessibles, il arriva à son but. Il ne s'imagina pas qu'il était
déjà ce qu'il fallait qu'il devînt. Il ne perdit pas le sens de la
réalité et des movens de modifier cette réalité, quelque
grandes que fussent les difficultés à vaincre. Il se mit patiem-
ment au contraire et énergiquement en quête des voies et
moyens pratiques de s'instruire, et, plus tard, des voies et
moyens pratiques de voyager, dans les régions inexplo-
rées.
Ainsi font, chacun dans sa sphère, les enfants, les jeunes
gens, les hommes qui ambitionnent l'exercice d'une profes-
sion qui leur sourit, qui brûlent du désir d'inventer, d'illus-
trer leur pays ou de tenter quelque projet utile.
Prenons maintenant les idées prévalentes inculquées par
l'idée fixe. 5
l'éducation, qui servent de norme à la conduite de la vie.
Leur raison d'être est, à l'origine, l'objet d'une explication
rationnelle dans l'intimité du Moi; la nécessité de s'y con-
former apparaît à l'esprit comme la base de l'ordre et du relè-
vement de l'humanité.
Quant aux idées d'appréhension, de mauvaise humeur, de
dépression, qui se traduisent par la crainte d'être mal appré-
cié, d'être entouré d'envieux, de gens pernicieux, quant aux
idées d'espérance, d'élévation, de protection, de passions ou
d'antipathies partagées, elles s'accompagnent, elles aussi,
chez les gens normaux, toujours de l'intervention du juge-
ment qui, par un mécanisme naturel, inévitable, s'intercale
entre les réflexions suscitées par l'idée fixe de grandeur ou de
persécution physiologique, et incite précisément au contrôle
de la réalité de cette idée. C'est le jugement qui modère les
imputations tendant à en préciser la légitimité et en examine
le bien ou le mal fondé; c'est lui qui empêche qu'elles ne
s'imposent à la conscience comme si elles étaient vraies, qui,
par conséquent en atténue les conséquences sur les actes, qui
refrène l'imagination portée à tracer une ligne de conduite
logique mais erronée et exagérée en rapport avec les idées en
question.
L'état de l'humeur correspondant à ces idées, qu'il les pro-
voque ou qu'il soit provoqué par elles, n'est, en ces conditions,
que momentané malgré la fixité de l'idée. Il n'est, en tout cas,
que conditionnel, en vertu de l'intervention du contrôle psy-
chique, du sens critique. Or, c'est sur l'état de l'humeur que
'\VERNICIOE appuie principalement sa théorie, sinon nouvelle,
au moins ingénieusement reprise et soumise à de nouveaux
développements.
Ce qu'il importe de souligner pour le moment c'est que la
vie normale a pour base l'idée fixe physiologique. Il y a donc
deux espèces d'idées fixes. Une idée fixe physiologique et une
idée fixe pathologique. ,
. ' Division des idées fixes.
. Quelques idées, dit Laurent, qui, loin de fuir comme les
autres idées, aussi rapidement qu'elles, surgissent, fixent l'at-
tention et deviennent elles-mêmes, la source d'autres associa-
tions d'idées, présentent déjà un élément de fixité. Si l'une
6 CLINIQUE mentale.
d'elles prend une importance exceptionnelle, et s'impose à
l'esprit elle a le caractère de la fixité.
Elle devient alors le centre d'irradiation des états de cons-
cience, sans cependant.en entraver le cours, mais s'impose
réellement à l'esprit.
IDÉES fixes PHYSIOLOGIQUES. - Il en est toutefois de l'idée
fixe, comme des obsessions. Il existe des idées fixes normales,
comme il existe des obsessions normales ; ces dernières sont
des images mentales qui détournent l'attention parce qu'elles
n'ont rien de commun avec ce qui préoccupe. Mais l'idée fixe
physiologique diffère de l'idée obsédante physiologique en ce
qu'elle n'apparaît point ex abrupto, sans préparation du fond
de l'inconscient. S'il est quelquefois difficile d'en retrouver
l'origine autrement que dans une impression profonde, le plus
souvent elle repose sur tout un ensemble de faits saillants,
de circonstances propres à l'individu qui l'a conçue. Elle est
l'aboutissant régulier, naturel, de toute une série d'associa-
tions d'idées combinées et convergeant vers le même but, la
conclusion logique d'un raisonnement et prend une base cer-
taine et sûre dans l'ensemble de l'existence antérieure du
sujet qu'elle résume. Celui-ci, en pleine conscience, la retient
parce qu'elle a une relation plus directe avec ses tendances
psychiques, y consacre son attention, l'étudié, la raisonne,
se l'assimile. 1 -
Peut-on attribuer à l'idée fixe physiologique l'épithète de
prévalente, synonyme, pour Wernicke d'idée fixe ? Si l'on
entend par là que l'idée formule un but qui guide tous les
actes, un projet vers lequel tendent toutes les pensées, une
cible sur laquelle s'orientent toutes les forces de la volonté et
de l'intelligence, on la peut conserver. L'idée fixe ou préva-
lente normale a en effet pour caractère que le passé de l'in-
dividu qui la nourrit, lui donne une allure personnelle.
Tantôt on en trouve la source dans l'éducation, l'instruc-
tion, les études préalables ; tantôt c'est dans le caractère du
sujet, dans le milieu où il a vécu, ou avec lequel il a été en
contact. Toujours, quelle que soit l'empreinte personnelle
dont l'idée fixe est modelée, quel que soit le mode d'activité
de l'intelligence, il y a de la part de l'individu qui l'a engen-
drée adaptation ou essai d'adaptation normale à la réalisation
de l'idée.
Idée directrice (Leitmotiv), raisonnée et consécutive, abou-
L'IDÉE FIXE. 1
tissant naturel et logique de l'ensemble des phénomènes qui
concourent à former le Moi, l'idée fixe vise un but; l'individu,
pour l'atteindre, emploie des moyens dosés d'après la diffi-
cullé du but. Cela ne veut pas dire que ce but soit toujours
possible ; il est quelquefois en disproportion avec les moyens
de l'individu. Quelquefois même ce but est impraticable. C'est
l'histoire de certains inventeurs malheureux. Les uns s'obsti-
nent, malgré l'impraticabilité du projet ; or ce projet est im-
praticable, tantôt parce que les éléments n'en ont pas été suf-
fisamment étudiés, tantôt parce que l'inventeur ne se rend pas
compte de la véritable impossibilité actuelle de trouver les
éléments qui lui manquent, ou de les appliquer pour le mo-
ment. L'inventeur est simplement dans Y erreur, mais la dis-
proportion et l'illusion du but demeurent physiologiques
parce que l'idée n'est ni délirante ni absurde en soi. Qui eût
dit, il y a quelques années qu'il n'y avait pas de gaz perma-
nents eût été tenu pour fou ; la plupart des thèmes imagi-
naires de Jules Verne commencent à sortir du néant ; il n'est
pas jusqu'à la constitution moléculaire des métaux qui,
remaniée, ne fasse entrevoir aujourd'hui la voie de la trans-
mutation jadis considérée comme une utopie. Ce qui montre
l'absurdité, voisine du délire, de ceux qui jadis ont préconisé
la poursuite de ces découvertes, ce sont les procédés empiri-
ques grossiers ou incohéreuts qu'ils prétendaient employer
pour réaliser ces désiderata, et les essais alchimiques, encore
dépourvus de méthode scientifique, qu'ils faisaient. Quant
à ceux qui affirmaient sans preuves avoir découvert ce qu'ils
ne pouvaient démontrer, c'étaient ou des imposteurs ou, pré-
cisément, des fous, ainsi qu'on va le voir à propos des idées
fixes pathologiques. Quiconque, en tout cas, témoigne de
l'orientation logique d'une idée possible par un organisme
psychique normal et fonctionnant régulièrement, est sous l'in-
fluence d'une idée fixe physiologique.
Idées fixes pathologiques ou délirantes. Il est des tran-
sitions, parfois insensibles, entre les idées saines et les idées
délirantes, c'est entendu ; mille exemples ont été de cela
publiés partout. Parmi les inventeurs malheureux dont nous
parlions tout à l'heure, il en est qui sont malades. Nous avons
été personnellement en relations avec quelques-uns de ceux-
là. Nous nous rappelons en avoir connu un qui avait inventé
une machine à traction ; il plaçait des chevaux dans l'intérieur
8 1 CLINIQUE MENTALE.
d'un wagon ; on les faisait tourner ou marcher sur place atte-
lés qu'ils étaient à un appareil qui, à l'aide de plusieurs engre-
nages, communiquait le mouvement à l'une des roues du
wagon. Telle était la machine destinée, je ne sais plus pour-
quoi, à remplacer la locomotive. Ce malheureux avait dépensé
une somme assez forte, tout son avoir, à exécuter son inven-
tion. Qui n'a vu à l'Exposition Universelle de 1889, la loco-
motive à pieds d'éléphants articulés. 11 priori, et sans qu'il
soit besoin d'être grand clerc, on a des raisons de penser que
c'étaient là des inventions futiles auxquelles avait certaine-
ment présidé un sens critique défectueux ; le mobile en était
formé d'idées fixes normales et pathologiques, trahissant
déjà un affaiblissement du jugement. Ajoutons que l'un de
ces inventeurs avait possédé à une certaine époque une situa-
tion stable lui permettant de vivre très confortablement, et.
de continuer à créer, si telle était sa fantaisie, des machines
de ce genre ou d'un genre plus utile, sans demander l'aide de
personne; or, par suite d'une aberration indéniablement
vicieuse, pour se consacrer tout entier à la fougue de son ima-
gination créatrice, en homme supérieur qu'il se croyait, il
avait, sans motif aucun, abandonné le pain abondant de
chaque jour pour errer à la recherche du veau d'or que
devaient infailliblement lui rapporter ses trouvailles. N'est-ce
point la déviation pathologique d'une idée fixe déjà entachée
. de morbidité ?
Il est des cas où la différence entre l'idée saine et l'idée
délirante est plus difficile à apprécier parce que, pour la
déceler, il faut pouvoir disposer de connaissances profes-
sionnelles et techniques, ou contrôler les assertions de l'indi-
vidu. Le médecin à qui l'on présente un mémoire d'algèbre
et de mécanique illustré de dessins compliqués est bien embar-
rassé. Que répondre à celui qui affirme descendre d'une
grande famille, être l'objet de tracasseries, avoir été en butte
aux obsessions d'une héritière, etc ? ...
Heureusement qu'une idée fixe délirante, fut-elle seule, est,
ainsi que l'évolution nous le démontre, incompatible, long-
temps au moins, avec l'intégrité de l'esprit. Les bizarreries et
les excentricités que les gens du monde classent souvent
encore dans le domaine de l'état normal, sont, parfaitement
et à juste titre, aujourd'hui regardées comme des anomalies
déjà graves. A fortiori l'idée délirante. Il est démontré qu'à
l'idée fixe. 9
la hase, il existe une profonde perturbation de la conscience,
du jugement, de la raison.
Le premier argument en faveur de cette thèse est que l'in-
dividu ne reconnaît pas son erreur, ne la rectifie pas. La
logique et la méthode avec lesquelles les malades de cette
espèce défendent, fréquemment, d'une façon fort ingénieuse,
leur idée délirante, indiquent que le mécanisme même de la
pensée n'est pas atteint, qu'il n'y a pas dissociation des
facultés. Mais ce mécanisme et ses rouages, s'ils continuent
à marcher en vertu de l'exercice antérieur et de l'habitude,
aboutissent, appliqués à l'idée fixe, à des erreurs systéma-
tiques. Les prémisses de l'idée fixe, l'idée fixe quant à sa
teneur (inhaltliclt), n'ont pas été soumises à l'action du mé-
canisme logique qui en eût décelé la fausseté ; le malade les
tient pour vraies et il raisonne sur cette soi-disant vérité, en
en tirant les conséquences qu'elle comporte. C'est justement
parce qu'il n'admet pas le principe de la vérification ? 'ë6f-
lable qu'il a il ne idée fixe pathologique. En d'autres cas, il
tire des conséquences fausses d'une idée prévalente exacte,
par application du mécanisme logique, mais en faisant inter-
venir un élément conséquentiel faux, admis par lui pour
vrai; c'est alors cet élément conséquentiel qui est la dévia-
tion pathologique d'une idée prévalente physiologique, et se
substitue à celle-ci ; c'est cet élément conséquentiel qui
devient l'idée fixe pathologique. Plus tard, l'affaiblissement
intellectuel se met de la partie, et avec lui apparaît la disso-
ciation pathologique du mécanisme logique, mais bien plus
tard. .
L'idée fixe ou son dérivé immédiat prend donc le caractère
délirant ou pathologique lorsque le sujet en estfaux et impos-
sible par rapport à celui qui l'émet. ' ' - , : t
1
Mécanisme des idées fixes. ... w -
- On nous enseigne d'ordinaire que normalement nous
acquérons des idées justes, soit en tirant des jugements et
conclusions de prémisses données, par le fonctionnement
régulier des facultés d'idéation et de combinaison, soit en
interprétant et en élaborant dans le champ de la conscience
des perceptions sensorielles de toute nature. De là à dire que
l'idée délirante pouvait émaner de l'intelligence ou des sens,
10 CLINIQUE MENTALE.
il n'y avait qu'un pas. Faux jugements ou fausses conclu-
sions tirées de fausses prémisses ou de prémisses vraies
interprétation fausse de perceptions vraies transformées par
le Moi interprétation correcte de fausses perceptions
telles sont les combinaisons qui se présentent à l'esprit du
psychologue. -
Mais la genèse de l'idée' fixe pathologique est presque tou-
jours issue d'un trouble intellectuel primitif L'hallucination
est rare au début; quand elle existe, elle ne survient, en
général, que tardivement, pour corroborer, compléter, illus-
trer (LAURENT), l'erreur du malade, renforcer, pour ainsi dire
le trouble cérébral ; Y hallucination n'est pas la cause propre
de l'idée fixe.
Nous avons précédemment touché un mot du trouble intel-
lectuel en question. Mais nous n'en avons pas décrit par le
menu les ressorts.
Normalement le mécanisme de la cogitation est considéré
comme le produit d'une sorte de rayonnement des idées en
tous sens. Ce poly-idéisme physiologique, par associations à
rayons multiples, suit cependant, d'après Wernicke, un cer-
tain ordre, sans lequel la conscience n'est point saisie, n'est
point meublée, si l'on veut, des idées qui doivent, en défini-
tive, en constituer la teneur, former, en d'autres termes, le
Moi pensant. Ainsi s'expliquerait comment le poly-idéisme
physiologique du rêveur, se coordonne et s'oriente quand le
rêveur se ressaisit, réfléchit, devient attentif et travaille. Cet
ordre des associations conceptuelles serait, en quelque sorte
préformé. Il correspondrait à l'ordre dans lequel, à l'origine,
se sont emmagasinées et associées les conceptions ; pour
tous les individus, en effet, l'association des idées, aurait,
dès le début de la vie mentale, suivi une orientation préala-
ble à peu près identique. Le monde extérieur s'est gravé dans
la conscience, s'y est reflété, en conservant aux objets l'ordre
et la succession naturels que leur a donnés la nature. Les
idées d'eau, de glace, de vapeur d'eau s'associent dans l'es-
prit/en un ordre déterminé par l'expérience du froid et du
chaud ; la sensation cutanée du froid éveille l'idée que l'eau
se congèle ; l'association d'idée conjointe du thermomètre
fait intervenir une perception optique. Aux associations con-
ceptuelles plus compliquées que nous apprenons des per-
sonnes qui nous entourent, correspond encore un ordre
l'idée fixe. Il 1
préétabli qui, lui, vient de l'imitation; l'instinct mimétique
nous a appris à nous servir des sens les plus grossiers, à
apaiser notre faim. L'ordonnancement déterminé des concep-
tions, a trouvé, à une certaine époque du développement,
un instrument très efficace dans la parole articulée qui a
fixé les rapports délicats et exacts qui existent entré les no-
tions d'objets concrets, entre celles-ci et les événements ou
les actes (le temps), ainsi que la situation de la personne
agissante. Par la parole ont été inventés les termes abrévia-
tifs d'associations plus complexes ou notions abstraites,
souvent purement verbales, telles que l'amour, la crainte,
l'angoisse, l'espérance, le chagrin, expressions qui résument
des événements comparables à la notion d'objets concrets.
Tuut; y compris la structure de la proposition, l'enchaînement
logique des phrases, concourt normalement à régulariser la
pensée au cordeau. Penser ou répondre à une question, c'est
trouver une idée initiale qui mette en mouvement l'ensemble
des chaînons antérieurement acquis ou associés qui, jadis,
avaient présidé à la mise en train des autres idées, et qui
vous font trouver l'idée finale.
Qu'est-ce qui peut troubler cette régularité ? Wernicke
n'hésite pas à accuser l'émotivité, l'affectivité, le sentiment
du plaisir ou de la douleur indéfinissable que chacun connaît.
Il dit que toute activité cogitative normale est liée à un léger
degré de ce mouvement affectif intérieur. En dehors des
émotions proprement dites qui troublent évidemment l'acti-
vité de la pensée, il est des idées dont le texte s'allie à un
sentiment de plaisir ; d'autres, à un sentiment de déplaisir.
Une suite d'idées dont le texte a eu pour l'individu un avan-
tage (éducation, formation du caractère) s'allie à un vif sen-
timent de plaisir. 11 en est au contraire d'autres que l'indi-
vidu a acquises dans des conditions telles qu'elles lui ont
causé un sentiment désagréable. Il faut encore tenir compte
de la plus ou moins grande fréquence d'utilisation de certains
groupes de conceptions qui influence l'activité de la pensée,
la répétition des mêmes vibrations physiologiques corres-
pondantes, la reproduction et le rappel des mêmes idées.
Ces conditions sont particulièrement claires quand il s'agit
de séries d'idées qui peuvent, pour l'homme, devenir des
motifs d'action. C'est par elles que celui qui les pense ap-
précie ses conceptions ad valorent d'après leur teinte senti-
12 li CLINIQUE MENTALE.
mentale, d'après la spécificité des vibrations physiologiques et
affectives qu'elles lui causent, et qu'ainsi il les range, les
gradue, en vertu de l'impression préformée que chacune lui
a causée, à leur valeur. Quand donc une idée se présente à
notre esprit comme supérieure aux autres, si elle prévaut
dans notre esprit, c'est que nous jouissons de la faculté d'en
apprécier le pourquoi et d'en rectifier au besoin l'exagéra-
lion par l'estimation du pour et du contre. Toutefois, l'acti-
vité de la conscience, qui nous donne l'appréciation de la
valence normale des conceptions, est déjà troublée à l'état
normal, lorsqu'on est en proie à de certaines conceptions
prévalentes telles que l'honneur, la pudeur, la pureté, qui
sont il, priori, pour les gens éduqués des motifs directeurs de
leurs actes. Mais il y a encore loin des idées prévalentes phy-
siologiques aux idées prévalentes pathologiques, car dans le
premier cas les éléments précédemment exposés du sens
critique subsistent.
L'idée prévalente pathologique au contraire n'est pas du
tout considérée par le malade comme une intruse, une'étran-
gère, ayant pénétré, malgré lui, dans sa conscience. Elle lui
apparaît comme l'expression de sa propre nature, et il com-
bat pour sa réalisation, convaincu que, ce faisant, il lutte
pour sa propre personne. Sans doute, souvent, on l'entend se
plaindre de ne pouvoir penser à autre chose, mais il la consi-
dérera néanmoins comme normale, justifiée, expliquée com-
plètement par son mode de production. Le meilleur exemple
de ce fait est fourni par l'installation du délire systématisé.
Une transformation intellectuelle s'effectue qui présente au
malade que sa personne est menacée. Il éprouve un senti-
ment d'inquiétude et de perplexité comparable au sentiment
d'inquiétude, de perplexité, de demi-angoisse psychique
qu'éprouve chacun de nous parfois, sans motifs, avant de
l'aire une démarche, surtout avant une démarche, sinon im-
portante, au moins considérée comme telle. Nous autres,
sujets sains, nous le dissipons par un examen attentif des
idées vraies opposées aux idées antagonistes, par un raison
nement à l'appui duquel se présentent des arguments con-
traires, nous nous remettons, comme on dit. Chez le sujet
transformé, comme nous l'avons indiqué, à son insu, rien de
semblable ne se passe ; toutau contraire, il éprouve un senti-
ment de vide dans le champ de la conscience ; une agitation
L'IDÉE FIXE. 13
intérieure arrive, s'accroît, se développe; la'tension psy-
chique s'en mêle et, avec elle, une explication évolue, se
déroule, l'idée fixe devient de plus en plus forte, par suite de
cette explication qui lui semble satisfaisante.
A côté de cela, il est des cas dans lesquels l'idée fixe paraît
en contradiction trop vive avec les anciennes idées, le malade
éprouve alors une sorte de besoin de vérification de la réalité
- de cette idée nouvelle ; bientôt cependant, malgré lui, l'idée
s'enracine, la critique et la réflexion affaiblies demeurent im-
puissantes au travail de la vérification.
Finalement, les associations d'idées ne rayonnent plus
dans les sens d'abord multiples puis ordonnés qu'elles de-
vraient normalement prendre ; elles convergent sur un
unique but. Des jugements faux, de fausses combinaisons
d'idées sont fabriqués et aboutissent fatalement à des con-
clusions erronées.
Nature des idées fixes. -
L'idée fixe pathologique reflète, en certains cas, l'état d'es-
prit habituel du malade et ses tendances; on y peut surprendre
l'action des intérêts, du milieu, du genre d'occupations sur
elle ; les persécutés par le diable, les francs-maçons, les jé-
suites appartiennent à cette catégorie. Mais il est loin d'en
être toujours ainsi. Nombreux sont les cas dans lesquels, sous
l'influence peut-être d'une transformation des sentiments
et des intérêts habituels du patient par le trouble qui conduit
à l'idée fixe fausse ou pathologique, le malade manifeste de
nouveaux sentiments d'une tout autre direction, voire dia-
métralement opposés. à ses idées ordinaires. C'est le pendant
des faits dans lesquels l'idée fixe constitue l'hypertrophie du
caractère normal.
Que vaut dans l'espèce la théorie de 'WERNICIOE, sur le rap-
port entre l'idée et l'affectivité. Nous avons vu que, pour lui,
il n'y a pas d'idée normale qui n'entraîne une appréciation
sentimentale. Par suite, il y aurait entre les sentiments habi-
tuels du malade et les conceptions fausses qu'il forge les
plus étroits rapports. Si l'on veut dire, par là, qu'un faux
jugement d'un individu normal comporte un cortège de
sentiments (crainte, espérance, opinions préconçues) et qu'il
en est de même d'un jugement normal, c'est possible. Et,
14 CLINIQUE MENTALE.
en tout cas, il est certain qu'à l'idée fausse pathologique se
rattachent toujours des sentiments de plaisir ou de peine exa-
gérés ; les idées délirantes, concernant la personnalité physi-
que et mentale du sujet, sont toutes accompagnées d'évalua-
tions d'intérêts qui se sont éveillées d'emblée en lui ou qui
ont été mises en éveil par une fabrication pathologique. Dans
l'état de poly-idéisme physiologique, il y a, pour ainsi parler,
indifférence ou contrebalancement des sentiments qui accom-
pagnent les idées ; l'affectivité est, en revanche, plus par-
ticulièrement excitée par une idée fixe normale; elle est exa-
gérée unilatéralement par une idée fixe pathologique, et c'est
cette évaluation sentimentale prévalente qui rend le délirant
d'abord égoïste, égocentrique, et, à cause de cela, si dange-
reux. Sous cette influence, en outre, la sphère intellectuelle
inconsciente, excitée par des troubles fonctionnels organi-
ques extra-cérébraux, réagit directement sur l'organe psy-
chique et l'interprétation fausse, allégorique et imaginaire
. des sensations éprouvées colore défavorablement la nature
des idées exprimées.
Caractère des idées fixes.
L'idée fixe normale repose donc sur tout un ensemble
de faits saillants et de circonstances particulières à l'indi-
vidu ; elle prend une base solide dans sa situation sociale,
son éducation, ses études, et sur l'appréciation correcte
des éléments actuels de celles-ci ou de leurs perfectionne-
ments.
L'idée fixe pathologique ne se rattache jamais qu'à quelque
degré au bagage des connaissances antérieures ; le plus sou-
vent, elle est en opposition, en contradiction immédiate avec
le milieu où l'individu a l'habitude de vivre, elle n'a, en tout
cas, que des rapports éloignés, douteux ou transformés par
l'esprit du patient, avec ses vues antérieures ; elle manque
le plus ordinairement de raison d'être chez celui qui la for-
mule. Un ouvrier se prétend d'une famille princière ; une
dame se dit recherchée ostensiblement ou indirectement
par un monsieur qui n'a jamais pensé à l'épouser et tutti
quanti.
L'absence de base, la futilité, la déraison de l'idée fixe
pathologique sont frappantes. La conscience du sujet l'admet
l'idée FIXE. 45
malgré cela, ce qui prouve que le sens critique ne fonctionne
pas ; bien plus, loin de disparaître comme disparait l'erreur
commune quand elle est soumise à l'étude du jugement, elle
est tenace, en dépit de son absurdité même.
L'idée fixe pathologique n'est pas consécutive et travaillée
comme l'idée fixe normale ; elle émerge presque toujours
ex abrupto sans avoir été ni préparée ni naturellement ame-
née par des combinaisons de raisonnements. C'est évidem-
ment une lacune, un trouble dans le fonctionnement de
l'enchaînement des idées au point de vue mécanique et syllo-
gistique qui en amène l'éclosion, soudaine, inattendue;
aussi est-elle irrationnelle, illogique. Elle sert alors de
canevas à la faculté logique qui, sur ce thème, travaille
comme sur une base vraie. Elle s'installe dans le champ de
la connaissance, devient stable, adhérente, s'associe au ré-
seau de l'idéation dont elle fait désormais partie. Une idée
fausse ordinaire, au contraire, disparaît complètement à la
lueur du jugement momentanément obscurci, et cette dis-
parition sert de palladium, de préservatif, contre des erreurs
à venir.
M. Wernicke rattache la date des conceptions préva-
lentes pathologiques, à des souvenirs de n'importe quel évé-
nement ou d'une série d'événements particulièrement trou-
blants, tels que des intérêts lésés dans une affaire d'héritage,
la nouvelle du suicide d'un ami, la perte d'un mari, les
attentions mal interprétées d'un monsieur à l'égard d'une
vieille fille, les reproches infructueux d'une femme au sujet
d'une habitude insignifiante de son époux, le souci de la
conversion d'une personne égarée, une injustice fictive ou
réelle vivement ressentie, un jugement ou une condamnation
tous événements ayant déchaîné la colère, la mortification,
l'affliction, le dégoût, l'excitation sexuelle ; mais l'auteur
allemand ajoute que « tout événement peut du reste conduire
à une idée prévalente, et qu'en ce cas, l'événement en ques-
tion n'a rien à voir avec l'espèce du trouble émotif)). Inver-
sement des idées prévalentes normales peuvent déterminer
une attitude morbide ; ainsi en est-il des gens qui se sui-
cident après la perte de leur fortune, à la suite d'un jugement
qui les déshonore, par désespoir de la mort d'une personne
chère ; ils ne sont pas aliénés, mais exécutent un acte anor-
mal. Ces opinions corroborent les nôtres.
16 CLINIQUE MENTALE.
Étude clinique.
A. Physiologie pathologique. - L'idée fixe pathologique
est un symptôme de perturbation profonde des facultés.
Quelle est la première origine matérielle de sa genèse ? `l
Voici un homme normal, qui pense sans cesse à plusieurs
choses presque en même temps; à un moment donné, il est
plus spécialement accaparé par une idée ou par un courant
d'idées prévalent. Le poly-idéisme physiologique, puis, l'or-
donnancement des idées, dont nous avons parlé, finalement,
la sélection d'une ou de plusieurs idées, dépendent très pro-
bablement de lois en rapport avec de petits centres chimiques
qui sont préétablis, et produisent des phénomènes molécu-
laires, des attractions ou des répulsions de tentacules cellu-
laires de certains neurones. Sans doute, on peut se figurer
de cette façon la production des phénomènes précédents.
Mais ce ne sera qu'une explication bien vague, tant qu'on
n'aura pas distingué les centres et qu'on n'en aura point
précisé le jeu. l41r-rrrnT s'était Rattaché à un essai de déter-
mination et de classement qui n'a pas réussi. On ne connaît
pas les régions de la volonté, de la raison, des adaptations
du Moi.
On sait que l'idée qui surgit du poly-idéisme physiologi-
que, ou de la disjonction de l'ordre préétabli dans la série
des idées, qui devient en un mot l'idée prévalente physiolo-
gique, est immédiatement soumise par la conscience à un
examen rigoureux à l'aide des moyens de contrôle dont elle
dispose ; la conscience en vérifie avant tout l'objet, le rap-
proche des connaissances intérieures du cerveau, et un juge-
ment est rendu sur cette idée. Si elle est reconnue fausse ou
impraticable, le Moi la rejette sur le champ.
Mais l'idée fixe pathologique, produit de la disjonction la
plus avancée de l'ordre préétabli en question, quelque dé-
raisonnable ou absurde qu'elle soit, devient d'autant plus
prévalente qu'elle est plus absurde et plus déraisonnable, elle
adhère, victorieuse de tous les contrôles du sens critique, et
s'affirme progressivement tyrannique,
Admettre qu'il y a un trouble profond de la raison, de la
critique, du jugement qui fait que la conscience altérée ne
reconnaît plus la fausseté de cette idée et lui permet de sub-
l'idée FIXE. 17
sister en dépit de son absurdité, c'est faire une constatation
plutôt que de suivre pas à pas les éléments de la genèse
physiologique. Ou bien le sens critique ne permet plus à ces
malades de comparer, comme il faut, leurs conceptions ac-
tuelles à ce que fut leur passé psychologique ; ou bien il ne
leur permet plus de conclure de ce rapprochement à la faus-
seté de l'idée, à son incompatibilité avec leur personnalité .
psychique; ou, en troisième lieu, le sens critique ne fonc-
tienne plus du tout. Et cependant ces malades sont très sou-
vent fort intelligents, plus intelligents même que ne le com-
porte leur condition sociale.
Quand on leur montre l'insanité de leurs prétentions, ce
sont eux qui haussent les épaules; ils vous disent que, tout
inadmissible que puisse paraître leur idée, elle est l'expres-
sion de la vérité, ils vous citent des histoires d'enfants natu-
rels appartenant à de hautes personnalités, d'héritages inat-
tendus, de grands seigneurs déguisés, de trésors cachés, de
simples personnages tels que Napoléon élevés à des rangs
supérieurs.
On en est, somme toute, réduit à enregistrer une lésion du
sens critique, du jugement, lésion primitive et principale,
qui, en enlevant au malade ses propres moyens de contrôle,
le livre sans défense à la fantaisie de son imagination, surex-
citée déjà par la notion confuse du trouble qui le frappe.
L'idée fixe pathologique est donc une conception délirante
par modification du débit et de l'association ordinaires des
idées, du poly-idéisme physiologique normal, absurde ou dé-
raisonnable parce qu'elle manque de base, qui survient ex
ab1'upto, sans aucune opération préparatoire du raisonne-
ment. Ferme et stable comme un roc, dès le début, elle est
due à l'altération du sens critique. L'individu n'en a pas
conscience ; il a au contraire conscience qu'il est dans le
vrai.
B. Diagnostic. D'après les développements précédents, il
est, au point de vue spécial où nous nous sommes placé, tout
à fait nécessaire d'établir, s'il y a, dans un cas clinique
donné, idée prévalente anormale, ou idée prévalente restant
encore dans les limites de la santé. Wernicke, fidèle à sa théo-
rie croyait tout d'abord pouvoir arriver à se prononcer
d'après l'examen du motif invoqué par le sujet. Mais il n'a
pas tardé à reconnaître que, dans le cadre même de cette
Archives, 21 série, t. VIII. 2
lao CLINIQUE mentale.
théorie du trouble affectif inhérent au souvenir, ce critérium
ne laissait pas d'être embarrassant, les motifs invoqués
par les malades, notamment par ceux qui sont devenus des
persécutés, étant souvent réels. Les caractères que nous
avons donnés, plus haut sont donc en soi ceux auxquels on se
devra référer. Les processifs, par exemple, le sont fréquem-
. ment devenus il la suite d'une réelle injustice.
Et comment l'idée prévalente s'étant installée domine-t-elle
la question ? Tantôt il n'y a pas eu lutte ; elle s'est installée avec
une facilité contrastant avec l'absurdité ou l'irréalisation de
l'idée. Tantôt elle est demeurée à la suite de l'antagonisme
qui normalement existe entre l'idée en question et.les con-
ceptions opposées chargées, chez l'homme physiologique, de
corriger graduellement une prévalencc quelconque ; celles-ci
sont restées impuissantes. C'est alors qu'apparaît le défaut
d'appréciation des relations du Moi avec le monde extérieur,
l'aictoplailie, qui correspond à la dissociation des éléments du Li
contenu de la conscience, à la disjonction confirmée de
l'ordre préétabli du mécanisme de l'association des idées qui
la meublent (WlmNICIOE).
C. Diagnostic différentiel. Distinguons l'idée fixe pa-
thologique de l'idée délirante passagère, de l'erreur physiolo-
gique, de l'obsession.
z10 L'idée fixe pathologique se distingue de Vidée délirante
passagère de la façon suivante :
L'idée fixe pathologique finit par fausser les conceptions
encore normales, ou par les annihiler. Elle amène des asso-
ciations d'idées, des sentiments, des désirs, comme toute idée
saine, qui influencent l'ancienne personnalité, c'est-à-dire
les sentiments, les conceptions, les tendances de l'ancienne
personnalité qu'elle transforme ou annihile. Changeant la
masse des conceptions les plus solidairement associées, et
historiquement les mieux établies dans la conscience de l'in-
dividu, elle est éminemment dangereuse.
Les explications et combinaisons de l'esprit malade inter-
viennent, et aussi les hallucinations. Elles ont pour origine
les changements d'état de la conscience, les sensations
morbides, et correspondent à l'état d'esprit et à l'ensemble
du texte des autres conceptions. Les explications produi-
sent un soulagement psychique, en satisfaisant le raisonne-
ment.
l'idée fixe. 19
La conception délirante passagère se forme-t-elle, géné-
ralement par suite d'essais d'explications d'un état quelcon-
que qui n'est pas forcément conforme à l'état d'esprit du
sujet ? Elle peut même être tout à fait étrangère aux autres
conceptions de l'individu. Mais aussi, par un retour continuel
dans le champ de la conscience, elle peut, avec le temps,
prendre l'importance de l'idée fixe, c'est-à dire s'assimiler
et devenir systématique.
En revanche, quand on examine un délirant, il ne faut pas
s'attendre à la présence permanente dans la conscience du
malade de l'idée fixe génératrice du délire, pas plus qu'une
conception juste n'est toujours présente dans le cerveau d'un
homme normal ; elle peut devenir latente, au moins tempo-
rairement, et se rectifier. Mais elle ne saurait être dissimulée,
longtemps au moins, car le malade ne peutcacher son délire
que s'il reconnaît le caractère choquant, bizarre, de son
idée; or, c'est précisément l'inconscience de cette absurdité,
la perle du sens critique, qui donne naissance à l'idée fixe. «
2° L'idée fixe pathologique se distingue de l'c1'l'ew' phy-
siologique par les caractères que voici :
L'idée fausse normale résulte, soit d'un trouble dans le
débit des associations d'idées, soit d'une déviation de raison-
nements combinés qui n'atteignent pas leur but. C'est pour-
quoi LEU nET pensait que la folie n'est qu'une erreur et que,
comme telle, elle devait être rectifiée. Il y a cependant une
différence entre celui qui émet une idée erronée et un fou.
Il existe des cas, toutefois, où cela n'apparaît point.
Si certaines idées délirantes sont en effet absurdes et cho-
quantes, il est aussi des erreurs extravagantes. Par contre,
que d'idées délirantes possibles, dont la nature délirante
n'est révélée que par une enquête; on peut parfaitement
être empoisonné, victime de la malveillance, intoxiqué par
la sypliilis. Une assertion ne suffit point ; il faut établir
le comment de la chose, et c'est dans le développement de
ce comment que le médecin s'aperçoit que le plaignant se
trompe. Ainsi sont mises en lumière la faiblesse et la nullité
des arguments, l'infirmité des déductions, et des prémisses,
les lacunes, les inconséquences ou les contradictions, telles,
que la santé mentale est inadmissible. Le malade peut avoir
conservé les connaissances élémentaires propres à corriger
son erreur, il est incapable de s'en servir utilement ; car, ce
20 clinique mentale.
qu'il considérait jadis comme vrai, lui semble maintenant
une erreur, et, ce qui est faux, il le tient pour vrai.
L'aliéné a une attitude nouvelle bien caractéristique qui
témoigne de la différence entre sa conscience passée et sa
conscience présente. Celui-ci, devenu, dit-il, magicien, va
pouvoir voler en l'air ; celui-là, mathématicien, affirme
avoir trouvé la quadrature du cercle; un autre, ingénieur,
proclame sa découverte du mouvement perpétuel. Or,
l'erreur d'un homme normal s'expliquerait par son ancienne
manière de voir, son degré d'instruction ; il n'y aurait pas
une contradiction aussi grossière.
L'idée fixe de l'aliéné est le symbole, de ses intérêts, de
ses perceptions, de ses sentiments; l'affectivité devient pré-
dominante. L'idée erronée de l'homme normal n'a pas ce
caractère ; ses croyances mystiques s'il en a, resteront à
l'état platonique, en ce sens qu'il ne subordonnera pas toute
sa vie concrète à celte foi ; les croyances mystiques de
l'aliéné prennent un- corps tel qu'il en devient l'esclave,
parce qu'il les transforme en des forces uniquement occupées
de son Moi, de sa personne.
L'aliéné reste insensible à la discussion. L'homme normal
est accessible à la rectification au moyen des connaissances
qui forment le bagage de son cerveau, ou par l'intervention
d'une instruction acquise, d'une vérification qui lui est
soumise. On ne saurait nier néanmoins qu'il n'y ait des cas
mixtes ; par exemple, ceux des erreurs implantées dans des
cerveaux momentanément désordonnés, comme il arrive chez
certains inventeurs malheureux ou un peu malades. On peut
arriver encore cependant à déloger l'erreur, ce qui est
impossible dans le cas d'idées fixes morbides. C'est comme
cela parce que c'est ainsi, répond ou pense l'aliéné.
3° Quels sont les signes différentiels de l'idée fixe et de
Y obsession ? « Il y a, dit Laurent, nombre de nerveux et de
mélancoliques qui se plaignent de ne pouvoir se débarrasser
de certaines idées importunes et pénibles dont ils sai-
sissent parfaitement le caractère insensé et absurde. Ces
idées se mêlent à leurs idées conscientes, logiques et
associées, troublent la marche de ces dernières, et, par là,
causent des inquiétudes. Elles provoquent même des impull
sions à certains actes que, d'après leur nature, le malade
trouve ridicules. »
· l'idée fixe. 21
Tels sont en effet les caractères de l'obsession d'après- la
formule de Magnan, caractères justifiant la dénomination
allemande de conception irrésistible (Zivaagsvo·slelluag).
Les mots que nous avons soulignés, en spécifient avec préci-
sion les qualités.
Apparaître subitement et involontairement, en interrom-
pant la marche des idées du malade; faire irruption dans la
conscience ; s'imposer à l'attention avec une énergie gê-
nante en repoussant la critique et la réflexion, et dispa-
raître spontanément, tels sont les éléments de l'obsession.
Elle ne s'insinue pas dans l'idéation, comme si elle était
une idée vraie, sans que le patient en ail conscience. Non,
le sujet la voit absurde, déraisonnable, criminelle, il cher-
che à s'en débarrasser, comme d'un corps étranger, et lutte
contre elle avec toutes les forces de sa volonté; cette lutte
n'a lieu qu'en provoquant une angoisse. Et alors, ou l'ob-
session disparaît vaincue par la volonté, ou elle reparaît, ou
elle demeure en entretenant la perplexité. Tout contribue
ainsi à tyranniser le malheureux.
La fixité de l'obsession est incontestable ; c'est une idée
fixe, mais une idée fixe, consciente, visible, nettement perçue
pour ce qu'elle est ; elle est en rapport avec la direction
uniforme donnée au débit et à l'association des idées,
mais généralement, elle prend la forme d'accès, et toujours
en provoquant la résistance du sujet qui sent ce qui se passe
en lui.
On a quelquefois des obsessions à l'état normal. Qui n'a été
hanté en pleine réflexion par le retour incessant d'une ou
de plusieurs idées semblant entraver les autres, s'implantant
avec obstination dans le champ de la conscience, et re-
fusant de s'évanouir ? Celle répétition constante s'accom-
pagne d'une modalité sentimentale unicolore qui détonne
sur la sensation indifférente, produite par l'idéation nor-
male.
L'idée obsédante a lieu quelquefois par la voie de l'asso-
ciation des idées, à la suite d'une perception sensorielle, d'un
événement surprenant, d'un mot, d'une conversation, ou
bien, sous l'action d'un mouvement purement organique.
Ainsi, dans le premier cas, un incendie, une émotion vive,
sera l'agent causal. Dans le second, ce doit être une excitation
intérieure ; exemple, l'obsession par névralgie ou toute autre
22 '2 clinique mentale.
sensation physique d'organes. Invariablement elle arrive
spontanément et par envahissement brusque, aperçu, du
champ de la conscience.
Les idées obsédantes sont : les unes non-émotives, les
autres émotives. Quand il s'agit des premières, le moi se
trouve obligé de se concentrer sur une idée bizarre, tout à
fait en désaccord avec le reste de ses pensées, que dis-je,
formant un contraste brutal avec elles (Schuele) ; ce sera :
une épithète injurieuse, un blasphème, une idée stupide, une
impulsion à commettre un acle compromettant. C'est ce que
l'on observe chez les héréditaires.
L'idée obsédante émotive procède d'un état nerveux anté-
rieur dépressif. Exemples : les mélancoliques qui cherchent,
pendant la période douloureuse du début de leur affection,
sans cesse une explication à leur étal ; voici tout à coup
qu'ils se souviennent d'un événement effrayant, et cette idée
émotive va persister, maintenue par leur disposition mé-
lancolique. D'abord surpris, le moi n'y attache pas toute sa
valeur, mais est obligé de ruminer constamment cette idée
jusqu'à ce qu'elle s'incorpore à lui.
L'idée obsédante tend parfois à un acte épouvantable ; elle
pousse une mère au meurtre de son enfant. La conscience
reste d'abord étrangère à cette pensée qui éclate comme un
coup de tonnerre ; mais le sentiment douloureux, parfois
accompagné de sensations névralgiques, qu'elle éveille, la
fait triompher du raisonnement et du jugement, et le calme
n'apparaît qu'une fois que l'impulsion a été exécutée.
Est-il bien utile à présent d'insister sur les différences frap-
pantes qui existent enlre l'obsession et l'idée fixe ? Le sujet
en est très varié, la forme, multiple; rumination de problèmes
philosophiques, de mots, de questions métaphysiques, insi-
gnifiants au point de vue de la conduite de l'obsédé, ou
d'actes qui, en devenant incoercibles, peuvent aboutir à des
catastrophes sociales, telle en est l'échelle.
Ce qu'on ne saurait trop répéter, c'est que « le moi, dans
l'obsession, a toujours connaissance de ce qui se passe en
lui, et, ce qui le prouve d'autant mieux, c'est qu'il lutte avec
toutes les forces de sa volonté contre le phénomène qui
s'impose. Cette préoccupation démontre que celte nouvelle
idée qui entre, comme un coin, dans le champ de l'idéalion,
troublant le cours normal des états de conscience, lui esl
, l'idée fixe. , 23
étrangère et pénible ; ce qui est le contraire de ce qui se
passe pour l'idée fixe avec laquelle, inconsciemment, le ma-
lade s'identifie. » (Magnan et LEGR.11N. La pleine conscience
de l'état représente le grand caractère de l'obsession. Mais il
y a des obsessions normales. En quoi diffèrent-elles des obses-
sions pathologiques ? - ,
L'obsession normale, transitoire, ordinairement facile à
réprimer, n'entrave point les centres supérieurs qui ne per-
dent ni leur contrôle, ni leur influence modératrice, sur les
centres psycho-moteurs; elle n'aboutit point à l'impulsion
(Magnan).
L'obsession pathologique, elle, n'est point un incident
passager et sans importance de la vie ordinaire ; elle ne se
contente point du rôle de phénomène isolé dans le sein des
états psychopathiques, elle finit par se répéter et par être per-
sistante. Cette répétition et cette persistance tendent à inter-
rompre le cours régulier de la vie ; c'est un acte définitive-
ment psychopalhique, revenant par paroxysmes avec une
intensité croissante, qui devient irrésistible.
Plus elle revêt ce caractère, plus le malade lutte en pro-
testant contre le sujet de ces problèmes, de ces idées qui
l'assiègent et qu'il déclare absurdes, plus ses efforts sont vains,
plus il ressent douloureusement l'impuissance de sa volonté.
Chaque lutte nouvelle le plonge dans une angoisse progres-
sive; sa souffrance morale, extrême au prorata de la vigueur
du paroxysme, retentit bientôt sur la sphère physique et
provoque les phénomènes de l'angoisse matérielle : palpita-
tions de coeur, accélération du pouls, douleurs précordiales,
et autres sensations pénibles.
Retour incessant des accès d'obsession, - résistance inutile
du malade, irrésistibilité du phénomène, conscience
très nette de la manifestation morbide qui s'impose,-lutte
énergique du patient dans le but de s'en affranchir,-torture
morale de l'idée de son impuissance, retentissement phy-
sique de l'état réactionnel, soulagement. consécutif à la
satisfaction donnée aux.centres surexcités, - voilà les signes
de l'obsession dont l'état lucide de la conscience est à lui
seul pathognomonique.
Conception s'insinuant dans l'auto-conscience intacte, sans
que le malade en ait conscience, par suite de l'affaiblisse-
ment du jugement, et dominant toutes les pensées,-absence
24 CLINIQUE mentale.
de lutte et de rébellion contre l'idée nettement conçue, qui,
loin de paraître étrangère et pénible, est assimilée comme
vraie, s'identifie avec le malade complètement, celui-ci se
l'assimilant au point qu'elle devient la raison première
(Leitmotiv) de tous ses actes, voilà les signes de l'idée
fixe. -
Le mode d'origine psychique de l'idée fixe est clair; on
peut remonter à sa genèse conforme à la marche de l'asso-
ciation des idées et suivre l'enchaînement des idées déli-
rantes. L'obsession surgit confusément dans le domaine de
l'inconscient, n'est point conforme à la manière de voir,
de sentir, de concevoir habituelle ; elle y est même souvent
opposée : loin de satisfaire le malade, elle lui cause d'abord
dé la surprise, puis une pénible et inquiétante oppression.
Pitres et Régis ' croient que l'élément émotif domine l'ob-
session, tandis que l'élément intellectuel dominerait l'idée fixe
bien que, à en juger par la conduite des malades, la sphère
affective soit réellement prise dans les deux espèces mor-
bides. Seulement dans l'idée fixe, l'affectivité impressionne
le malade dans le sens d'une réaction agie en rapport avec
le sens de l'idée; il se soumet à celte idée et veut agir
comme le lui commande sa pensée dont il ne critique aucu-
nement le texte cependant faux (izhaltlicla (alsche), Dans
l'obsession, l'affectivité impressionne le malade dans le sens
d'une réaction contre le texte justement de l'idée qui lui est
soumise, et dont il critique la valeur grâce à l'intégrité de
son jugement conservé.
D. Evolution DE l'idée FIXE. - Quelle influence l'idée fixe
cxerce-t-elle sur les autres domaines de l'intelligence ?
a) Sphère psychomotrice. L'idée fixe pathologique est
considérée par le malade comme une idée réelle. Il est na-
turel qu'il y conforme ses actes. Il s'y conforme cependant
dans une certaine mesure. Cette mesure dépend-elle de son
caractère antérieur et de son tempérament primordial ? S'y
substitue-t-il, de par l'idée fixe, un tempérament et un carac-
tère qui n'étaient pas ceux du malade ? Y a-t-il des varian-
tes ? On ne sait au juste. On pourrait citer des exemples en
faveur' de la première manière de voir; on pourrait citer des
Congrès de Moscou, 1897.
L'IDEE FIXE, 25
exemples en faveur de la seconde. Il est patent qu'il y a des
malades qui s'adonnent plus ou moins à la mise en acte des
conséquences de l'idée fixe.
b) Sphère psychique. La conception des idées fixes
porte toujours sur l'ensemble des manières de voir et des
croyances intimes du sujet. Elle modifie certainement pro-
fondément les connaissances antérieures, concrètes ou
abstraites, qui étaient le produit des données de l'expé-
rience. De là des déterminations erronées, de là la folie
intellectuelle, le délire. Une foule de pensées délirantes
suivent ces modifications, et, par leur intermédiaire, s'orga-
nise une conception délirante, puis un délire qui transforme
radicalement la personnalité : le Moi sent, pense et veut
d'une façon toute différente.
C'est alors le système délirant. Tout ce que fait le ma-
lade a pour mobile son délire. Il dépense une activité souvent
prodigieuse pour affermir, parachever, asseoir, travailler ses
conceptions fausses. L'idée fixe laissait encore quelque répit
àl'idéation et à la volonté, relativement aux pensées et aux
actes qui n'avaient avec elle qu'un rapport éloigné. Le délire
systématisé absorbe l'être entier.
La stabilité du tableau pathologique qui, par suite de son
immobilité, mérite le nom d'idée fixe, et qui, en raison de sa
séparation, de sa circonscription relative, avait inspiré aux
savants les noms de délire partiel, de délire circonscrit,
d'auto-psychose circonscrite, n'appartient, en fait, généra-
lement qu'à un stade passager, puisque, dans la plupart des
cas, il s'y ajoute des conceptions délirantes d'explication
capables de prendre une extension progressive. Par suite de
corrections subsidiaires du contenu de la conscience, de
falsifications des souvenirs qui, sous diverses formes, pro-
duisent, de compte à demi avec l'idée fixe, une construction
délirante solidement charpentée, est enfanté un texte déli-
rant compliqué qui ne correspond plus à la cause originelle
relativement simple et insignifiante, voilée par le délire.
C'est pourquoi dans les cas anciens, on arrive à débrouiller
le délire sans pouvoir dépasser le champ des hypothèses
quant à l'idée prévalente qui en a constitué la pierre de
base; on en est également réduit aux suppositions quant à
l'événement qui a pu la provoquer. En cet état pas de gué-
rison possible.
26 CLINIQUE mentale.
Cet avis est aussi celui de Wernicke. Il affirme la possi-
bilité de la guérison d'une psychose qui s'en tiendrait à
l'idée prévalente ; il l'aurait obtenue en provoquant des con-
ceptions opposées correctrices puissantes, et il en cite deux
exemples chez des aliénés processifs. Ainsi, il leur aurait
fait honte de leur situation de malades, de fous, et les aurait
menacés de la nécessité de leur mise en tutelle, leur recom-
mandant après leur sottie de l'asile, d'éviter toute excitation
passionnelle.
Ce serait, du reste, d'après l'auteur allemand, le propre
des dégénérés, d'être hantés par des symptômes d'aliénation
mentale isolés, comme les idées prévalentes, ou peu intenses.
Ils sont sur les confins de la folie. Ce n'est pas à dire que des
individus non dégénérés ne puissent être affectés d'auto-psy-
choses circonscrites, à moins que « l'on ne s'obsline à regar-
der précisément celte forme mentale comme une preuve de
dégénérescence. »
Pour L.-A. Hotu, c'est quand les idées prédominantes n'ont
pas le caractère d'idées systématisées vraies, c'est quand,
malgré l'autophilie indéniable du sujet, elles ne se soudent
point en un système délirant bien coordonné, qu'elles indi-
quent une lare psychopathique congéniate (dégénérescence
vraie) ou acquise (de par l'alcool, par exemple). Ainsi en
est-il de celui qui vient raconter que sa femme est devenue
infidèle; de celui qui s'imagine avoir pour femme ou pour
fiancée, une personne qui en réalité lui est étrangère ou qu'il
connaît à peine, accusant, en sus, quelqu'un de la vouloir
débaucher ; du poète en imagination, qui vous récite une
poésie de Uhland comme étant de lui. Certains types mor-
bides ressemblent aux psychoses circonscrites, mais ils n'eu
ont point la systématisation vraie; il convient de les ranger
simplement à côté des délires systématisés. M. Kocu divise à
cet égard les délires des persécutés persécuteurs processifs
en trois catégories : 1° ceux dont le psuké est préalablement
intact; 2° ceux qui sont des dégénérés ayant subi la dé-
chéance psychopathique ; 3° les psychotiques à délire cir-
conscrit.
Nous ne pouvons entrer, sous peine de redites, dans l'ana-
lyse et l'élude critique des diverses opinions correspondantes.
Le moment est venu de classer ce qui nous parait topique
avec le plus d'impartialité possible.
l'idée fixe. 27
E. Documents cliniques. Les preuves de l'étude précé-
dente sont assez délicates à fournir, bien qu'on puisse les
trouver. Il faut pour cela avoir la chance d'observer l'idée
fixe à sa première période. Une fois, en effet, que les ma-
ladies mentales ont évolué pendant quelque temps, le mé-
lange de symptômes de toutes sortes ne permet plus d'en
concevoir, ni d'en démontrer l'enchaînement, la subordina-
iion. Nous avons observé l'idée fixe ou recueillie des obser-
vations péremptoires d'idée fixe dans les états suivants :
l° Idée fixe greffée sur la débilité et l'épuisement phy-
tiques.
a) Neurasthénie. - Toute apathie intellectuelle en rapport
avec une défaillance cérébrale fonctionnelle, durable ou tem-
poraire, peut produire de la sommation, de la stupeur, des
obsessions, des impulsions, des idées fixes, et aussi du délire.
Ces troubles, transitoires, disparaissent quand il n'existe
aucune autre cause de perturbation mentale, avec l'épuise-
menl du cerveau qui en a permis le développement.
Si c'est une idée fixe, elle sera mobile, et s'évanouira assez
rapidement. On pourra enregistrer une idée fixe hypochon-
driaque quelquefois nettement délirante.
Tel est le cas tiré de Krafft EIInc' et reproduit par Lau-
RENT dans sa thèse (p. 8).
Observation I. Idée {ire dans la neurasthénie. Guérison.
M. H...., inspecteur de gare, quarante et un ans, marié, est
amené à la clinique de Gratz, le 14 aoùl 1882 ; il se croyait le chef
de gare, et se comportait en conséquence.
Le malade se démène, confus et irrité, il demande à être amené
devant ses supérieurs, puisqu'il est chef de gare. Sa place n'est
pas ici. 11 ignore qu'il se trouve dans un hôpital, se sent tout à fait
bien portant et est irrité, à juste titre, que l'ancien chef ne veuille
pas lui transmettre ses fonctions de service.
Le malade a le crâne normal, il n'a pas de lièvre; il est visible-
ment épuisé, peut à peine se tenir sur ses jambes. Pouls petit,
fréquent et facile à déprimer. Tremblement des mains. Bientôt le
malade s'endort, fait un somme prolongé ; le 15, il est cliente,
mimiquement assez dégagé, mais il se croit toujours chef de gare
et prétend avoir trouvé le décret de nomination à ce poste, il y a
quelques jours, dans son armoire, chez lui. Il n'a pas réfléchi
1 Traité de psychiatrie. Édition française, page 536.
z8 CLINIQUE MENTALE.
.longuement sur la question de savoir comment ce décret était
parvenu dans son armoire et pourquoi ou ne le lui avait pas remis
par la voie officielle réglementaire.
Comme il était dit qu'il devait prendre immédiatement son nou-
veau service, il s'est rendu, dans ce but, au bureau; mais l'ancien
chef de gare, qui, de tout temps, lui fut hostile, l'avait accueilli
grossièrement et n'avait pas voulu lui transmettre son service. Il
est parti, s'est plaint chez des gens de sa connaissance, est revenu
vers l'ancien chef, mais celui-ci n'a pas voulu céder. Froissé, irrité
et perplexe, il est rentré chez lui et a tout raconté à sa femme.
Celle-ci l'a déclaré fou. Ensuite, le médecin est venu et a essayé
de le calmer. De ce qui s'est passé à partir de ce moment, il n'a
qu'un souvenir sommaire. Il sait qu'il a passé, la nuit du 13 sans
sommeil, contrarié et craignant de nouvelles vexations du chef;
il se sentait tout à fait malade par agitation et humiliation, n'avait
le coeur ni à manger ni à boire.
Le 14, on l'a amené à Gratz, où tout lui parait étrange.
Le 15, le malade est tranquille, mais toujours avec son idée fixe.
Il motive sa prétendue promotion par le fait que le Conseil de
direction des chemins de fer veut lui offrir une compensation pour
les mauvais traitements et la mauvaise situation matérielle qu'il a
dû supporter dans le passé; car, depuis deux ans et demi, il est
très surmené dans son service; il a une nombreuse famille et n'a
qu'un petit salaire, des dettes, des soucis pour vivre, et, par dessus
le marché, un chef qui lui fait des misères et des collègues qui lui
en veulent. Depuis quelque temps, il est devenu las, épuisé, irri-
table, oublieux jusqu'à perdre toute notion momentanément. Pour
comble, il avait encore cette préoccupation que dans cet état il
ferait des bévues et s'attirerait des amendes. Ces derniers temps,
il était particulièrement fatigué et épuisé et avait souvent à peine
le temps de prendre ses repas et de dormir, de plus, le sommeil
n'était plus réparateur.
Le 16, après avoir passé une bonne nuit, après un sommeil répa-
rateur, le malade demande, d'un air embarrassé, à rentrer chez
lui. Il voudrait savoir si l'histoire de sa nomination est exacte. Il
commence à rectifier ses idées. L'après-midi, il annonce, plein de
joie, que son idée fixe s'est éloignée. Dans la nuit du 12, il avait
rêvé qu'il était devenu chef de gare et que le décret de cette nomi-
nation se trouvait dans son armoire. Le matin, il s'était alors levé
plein d'émotion joyeuse et ne s'était pas donné la peine de s'assu-
rer si le fait était exact ou non. (Incapacité d'un cerveau épuisé à
rectifier des événements arrivés en songe.)
Les paroles bienveillantes des médecins, ainsi que leurs obser-
vations, l'ont mis en éveil et ont provoqué sa critique. Le malade
nie avoir une prédisposition héréditaire, avoir eu autrefois des
maladies; il affirme formellement ne s'être jamais alcoolisé. Il est
' L'IDÉE FIXE. 29"
visiblement épuisé, a beaucoup de mal à rassembler ses idées et à
les exprimer. Grâce- à de bons soins et à un bon sommeil, il se
remet rapidement et peut quitter la clinique, le 20 août guéri, sauf
quelques malaises neurasthéniques. '
b) Maladies générales. C'est encore le mécanisme de
l'épuisement du système nerveux.
Voici une observation de délire de persécutés persécuteurs;
cette observation est empruntée à M. Selle 1 ; il la considère
comme un exemple de dégénérescence acquise.
Observation IL - Idée fixe chez un homme affaibli matériellement.
Revendications contre l'Etat.
Homme de cinquante-huit ans. A fait les campagnes de 64, 66,
67, 70 et 71. En 1865, il a eu une fièvre typhoïde grave. En 1870,
il a eu un rhumatisme aigu, qui a duré quatorze jours. Depuis
cette dernière campagne, il éprouve des douleurs dans les bras et
les jambes. Incapable, dit-il, d'exercer son métier de-potier, il
demande l'assistance comme invalide. Plusieurs médecins l'ont
examiné et déclaré non fondé dans ses demandes. Il assiège con-
tinuellement les autorités de ses requêtes. Il est condamné 5 fois
pour avoir pénétré au ministère de la guerre de Berlin, et y avoir
fait du scandale. Il finit par croire qu'il est contreminé dans ses
projets par des ennemis et profère des injures contre la majesté
impériale, ce qui le fait amener à l'asile. A l'établissement il tra-
vaille assidûment, mais sans abandonner la légitimité de ses réclu-
mations. Il ajoute que si Sa Majesté ne tient pas compte des injures
qu'il avait proférées contre elle dans les écrits qu'il lui a adressés,
il collera ses factums à tous les coins de rues.
Nous croyons qu'il est rationnel d'en rapprocher une obser-
vation personnelle en rapport avec la migraine ophthalmique
Cette observation montre jusqu'à un certain point les rela-
tions qui peuvent exister entre l'idée fixe, les groupes d'idées
fixes, les idées fixes obsédantes. Elle semble un lien entre la
faiblesse irritable et l'excitation cérébrale spéciale que
M. Wernicke accuse de la disjonction du contenu de la con-
science, de l'ordre préétabli des associations d'idées.' L'idée
fixe peut en effet se rencontrer dans certaines névralgies par-
ticulièrement dans la migraine ophthalmique.
Loco cilalo. (.Allgemeine Zeitschrift (il Psychiatrie, LI, 1.)
30 CLINIQUE MENTALE.
Observation III. Idée fixe dans la migraine ophtalmique.
(Personnelle.)
H.... quarante ans, ingénieur, est atteint depuis l'Age de treize
ans, d'une migraine ophtalmique' ainsi caractérisée : l'accès
débute toujours par une diminution de l'acuité visuelle soudaine,
analogue à celle que cause la contemplation d'un objet brillant
ou des rayons solaires. Cette amblyopie, accompagnée d'éblouis-
scrnents, légère, s'accuse, suivant l'accès, davantage d'un côté ou
de l'autre. Elle n'empêche pas le malade de distinguer un ensemble,
mais elle nuit à la perception des détails, sur lesquels, au début
de l'accès, il semble que le sujet, qui en a parfaitement conscience,
soit obligé de diriger chacun des points de la rétine, et encore se
rend-il bien compte que dans son champ visuel il y a des lacunes,
des points noirs : puncla coca, Ce phénomène, toujours plus mar-
qué de l'oeil droit ou de l'oeil gauche, ne tarde pas à aboutir à une
hémiopie caractéristique verticale. Supposons que l'amblyopie
brusque affecte l'oeil gauche, elle gagne d'abord l'oeil droit, puis,
l'hémiopie, portant sur l'ensemble du champ visuel bilatéral ver-
tical, se classe comme il est habituel pour une hémianopsie homo-
nyme qui aurait son origine dans l'hémisphère gauche du cerveau.
Cette hémiopie s'accompagne de scotome scintillant bilatéral,
mais prédominant dans l'oeil gauche par lequel ont commencé les
accidents. Dans certains cas, l'accès s'arrête là. Mais il est fréquent
aussi de le voir se développer comme suit :
Il se produit de l'excitation intellectuelle caractérisée par une
profusion d'idées, d'ailleurs bien ordonnées, qui, pour cette raison,
ne rappellent en rien l'excitation maniaque. Chacune de ces idées,
normales du reste, s'accompagne de l'afflux obsédant et gênant de
conceptions relatives à un groupe de pensées similaires. Ces
conceptions constituent un vrai malaise mental, car elles s'accom-
pagnent d'un retentissement psychique : elles incitent le champ
de la conscience où elles se répercutent comme s'il y avait une
espèce d'écho cérébral, en vertu duquel il semble qu'elles soient
réfléchies dans le moi où elles provoquent des réflexions critiques,
correspondant à chacune d'elles, de la part du patient, forcé,
malgré lui, d'établir une sorte de contrôle mental sur chaque
phrase qui se présente à son esprit, de la soupeser et de con-
clure par oui ou par non sur les caractères des pensées qui lui
viennent. t.
C'est de la cogitation à double ou triple effet simultané à laquelle
il n'y a d'autre remède que le sommeil, les yeux bien clos, dans
un milieu sombre et calme; une sorte de rumination sur plusieurs
thèmes, dont l'un, ainsi qu'on le verra plus loin, est emprunté à
l'évolution de la maladie même dont M. H... est atteint.
. L'IDEE fixe. 31
Cette excitation spéciale s'accompagne bientôt, à son tour, de
légers troubles de la sensibilité dans les membres du côté droit
(noter que l'amblyopie dans l'accès envisagé a débuté par l'oeil
gauche). C'est une anesthésie comparable à celle que l'on éprouve
à la suite d'une compression, avec mêmes frémissements. Ces
troubles montent à la moitié droite de la face. La motilité est en
même temps touchée, bien que le malade réalise les mouve-
ments de translation, dans des conditions telles que personne ne
peut s'apercevoir qu'il est légèrement hémiplégique il droite, de
bas en haut.
A ce moment apparaissent des accidents aphasiques comprenant
à la fois de l'aphasie motrice (rappelons encore que l'accès a
débuté par l'oeil gauche), de la cécité verbale et de l'agraphie.
M. IL ? qui est très instruit, a longuement analysé ses crises, et
comme, pendant leur évolution, il jouit très nettement de ses
facultés, il connaît par là même la formule de ces perturbations.
Tout se dissipe environ au bout d'une heure : les images men-
tales des mots et des lettres reviennent. Pour s'en assurer, M. H...
prononce mentalement des phrases, et c'est ainsi qu'il s'aperçoit
de la netteté de sa vision mentale, de ses obscurités ou de ses
oscillations en mieux ou en pis. C'est précisément parce qu'il est
éclairé par une expérience déjà longue des allures des différentes
scènes des accès de migraine et de celles de leurs variétés, qu'au
début d'un accès, quand il éprouve l'excitation intellectuelle dont
nous avons parlé, il est également obsédé par le besoin de savoir
où en est sa vision mentale, de sorte qu'à la rumination psychique
dépendante de l'écho psychique vu plus haut, se joint l'analyse
personnelle du degré des images que suscitent les phrases en
question. -
Quand la migraine ophtalmique débute par l'oeil droit, l'hémio-
pie est inverse, plus accusée à droite, tout en conservant les
mêmes caractères. Il se produit ensuite de l'hémianesthésie et de
l'hémiplégie légères du côté gauche, mais il n'y a ni aphasie, ni
cécité verbale, ni agraphie. L'excitation intellectuelle est nulle ou
à peine marquée.
L'intelligence et la vigueur physique de Il ... n'ont aucune-
ment diminué. Depuis son jeune âge jusqu'à ce jour, il a suffi aux
exigences de sa carrière; il a écrit, il a produit les travaux néces-
sités par les diverses études qu'il lui a fallu faire, et' il a fourni
des travaux d'homme fait. Il apprend encore facilement et s'assi-
mile remarquablement, même les connaissances étrangères à sa
profession.
M. H... ajoute que, depuis quelques années, il tend à avoir un
bien moins grand nombre d'accès de migraine ophtalmique
qu'ils sont surtout aborlifs, et se rapprochent de plus en plus du
scotome scintillant exclusif, ne se répercutant point sur le corps
32 CLINIQUE MENTALE.. /
ou le cerveau, quelque soit le début de l'hémiopie, droit ou
gauche.
Même quand l'hémiopie apparaît par l'oeil gauche, il est bien
plus rare à présent que l'aphasie et ses variétés se mettent de la
partie; c'est tout au plus, si, à la phase d'acmé de 1'liéiiiiopie et
du scotome scintillant il se montre un peu d'affaiblissement des
images mentales. Quanl à 1' ! tYPcl'idéation obsessive, dont nous avons
parlé, il y a bien des années qu'elle ne s'est produite.
Aucune tare organique. Impossible de rien savoir sur l'hérédité.
Il ne parait y avoir ni tumeur cérébrale (intégrité du fond de l'oeil),
ni paralysie générale, ni syphilis, ni épilepsie. Aucun des symp-
tômes prémonitoires des premières affections n'a, du reste, été
relevé. Les traitements les plus divers, y compris le traitement
antisyphilitique, ont été institués sans amener de modification
notable. Le temps seul a transformé, atténué les accès aujourd'hui
courts et n'exigeant plus le sommeil.
Ce qui en revanche parait évident, c'est que le lendemain du
jour où M. Il... a séjourné dans un endroit chaud, en nombreuse
société, où surtout, dans ces conditions, il a fumé outre mesure,
sans avoir pris soin, en rentrant chez lui, de dormir la fenêtre
ouverte, souvent il a eu le matin en s'éveillant, ou dans la journée,
un accès de migraine ophthalmique. 11 faut encore remarquer que
les prodromes de l'accès se montrent quelquefois la nuit, éveillent
le patient et lui font s'apercevoir, à la lueur de la bougie, de son
hémiopie; il se recouche, dort, et le lendemain tout a disparu.
Enfin, quoique l'accès de migraine soit suivi d'une certaine
fatigue cérébrale, le travail consécutif est néanmoins possible et
efficace; il existe simplement un endolorissement céphalique cor-
respondant à l'hémisphère cérébral originaire des troubles. Cette
céphalée est comparable à une douleur obtuse qui s'exaspère par
l'ébranlement de la toux qui frappe comme d'un choc violent l'in-
térieur du crâne, le front, le temporal à droite et à gauche. Cette
céphalée se montre aussi parfois alors qu'il n'y a pas eu d'accès ;
elle est alors considérée par le malade comme le reliquat d'un
accès nocturne discret.
(A suivre.)
PATHOLOGIE MENTALE.
MYSTICISME ET FOLIE ' ;
Par le D'A. MARIE,
Médecin en chef de la Colonie de Dun.
CONSIDÉRATIONS HISTORIQUES ET 111ÉDIC0-LÉG1LCS.
Il faut arriver au xvltte siècle, pour voir les épidémies de
délires religieux à forme dépressive, faire définitivement place
à celles à forme théomaniaque. Antérieurement, on rencontre
bien dans l'histoire des cas d'illuminisme, mais ils sont isolés
et assimilés à la possession, par les lois civiles et religieuses
contemporaines. Jeanne d'Arc en est un bel exemple. Elle
devançait son temps de trois siècles. '
Au sortir des ténèbres du moyen âge, lorsque le Christia-
nisme triomphant des anciennes superstitions polythéiques
du paganisme, donne naissance à des religions nouvelles
schismatiques, la conception monothéique prévaut définitive-
ment. Nous trouvons le reflet de cette évolution mentale,
normale, dans les conceptions pathologiques des délirants.
Plus d'épidémie de lycanlhropie, les anxieux, jouets des
esprits inférieurs, c'est-à-dire reflétant les vieilles supersti-
tions de l'idolâtrie grossière primitive sont clairsemés et isolés.
Si l'on rencontre encore des démonopathes endémiques, ce
sont plutôt des obsédés que des possédés. La foi désormais
établie au Dieu sauveur tout-puissant, semble préserver la
personnalité des attaques du démon. Les individualités ne
sont plus entamées que tardivement et c'est Dieu lui-même
ou ses représentants qui viendront hanter les aliénés. Au lieu
des blasphémateurs qu'on livrait en masse au bûcher d'au-
trefois, c'est une armée de prophètes qui se lève et il n'est
pas toujours facile de distinguer les écrits des vulgaires lliéo-
1 Voir Archives de Neurologie, n° 40, t. VU, 1899, p. 257.
AnclII\'I : s,2o série, t. VIII. 3
34 PATHOLOGIE MENTALE.
mânes de ceux des prophètes écoutés comme Jean IIuss,
Luther ou Calvin.
On l'a dit, c'est un siècle de foi et d'exaltation religieuse
que celui où se produisent ces schismes tendant à ramener la
religion à sa pureté primitive. Les aliénés y seront des mys-
tiques convaincus de la présence de Dieu jusqu'en eux-mêmes.
A une phase intermédiaire de l'évolution se produisirent
ces épidémies d'envoûtement, de vampirisme, qui dénotent
déjà une plus grande résistance psychique, tandis que les
anciens zoanthropes et ensorcelés objectivaient la source de
leurs souffrances en deçà de lcur personnalité physique (inclu-
sion d'animaux), ceux qui accusent les goules ou les vampires
objectivent dans le monde extérieur, des entités imaginaires;
leurs personnalités physiques et morales sont attaquées, mais
résistent. L'évolution historique, on le voit, est conforme à
la gradation des faits cliniques. Cette évolution, hâtons-
nous de le dire, n'est pas spéciale au pays, à la race ni à l'ère
actuelle. On la retrouve dans l'histoire du développement de
tous les groupements humains sous toutes les latitudes, à
toutes les époques'.
« Primus in orbe deos fecit limon » dit Pétrone. En
effet, l'homme divinisa d'abord l'objet de ses terreurs, et le
culte naquit de la peur; l'homme apprit à craindre ses dieux,
avant de les adorer.
Les cérémonies primitives ont toutes pour but d'apaiser
une divinité toujours courroucée; il faut des victimes, des
sacrifices, et pour épargner sa vie, l'homme immole celle des
animaux ou même de ses semblables.
Les dieux sont d'abord les eaux, les nuages, les roches
dont les cataclysmes naturels mettent en danger l'humanité
naissante; c'est le culte naturaliste. Puis les animaux féroces,
tapis dans l'ombre des forêts, prennent sur l'autel du
temple la place du caillou primitif*.
Enfin, le symbole est dégagé de l'idole ; ce n'est plus l'ani-
mal même qu'on adore, mais la force qu'il représente, la
ruse, le courage, etc.
' J. Vinson. Les religions. Delahaye, Paris, 1888.
' Les Tarasques, les bêles du Gévaudan, sont remplacées ailleurs par
d'autres êtres; actuellement encore au Japon, les renards jouent le même
rôle que nos loups garons, et l'on peut observer des folies avec disso-
ciation de la personnalité et véritable possession par les renards (Kit-
suma-tsuki). V. A11P., s. 7, t. XV, p. r21. U Taret.
MYSTICISME ET FOLIE. 35
La période naturaliste prend fin, l'homme a pu abstraire
et dégager la propriété essentielle de sa figuration maté-
rielle. Le zoomorphisme n'est plus que symbolique, c'est le
mode d'expression d'une conception plus élevée, c'est un lan-
gage religieux. Enfin les dieux s'humanisent (autant au sens
littéral que figuré) ; les idoles ont encore des têtes d'animaux
exprimant telle qualité de la divinité, mais le corps est celui
de l'homme ou inversement (Egypte, Assyrie, etc.).
L'anthropomorphisme pur s'établit peu à peu; c'est alors
le panthéon grec avec ses mythes multiples. Le polylhéisme
a succédé au fétichisme primitif, la phase théologique com-
mence. Mais la conception en est encore imparfaite; les dieux
capricieux ne sont pas toujours propices à l'homme. Aussi les
peuples adoptent-ils de préférence telle divinité comme plus
favorable aux gens de l'endroit; c'est un acheminement vers
le monothéisme, mais auparavant se constitue la croyance à
deux principes opposés, le mal et le bien en lutte (Mani-
chéens, Albigeois, etc.). Ce dualisme fait enfin place au
monothéisme vrai, à la croyance en un seul Dieu tout-puis-
sant ami de l'homme.
Les spéculations philosophiques se dégageant de la théo-
sophie mystique repoussent finalement la révélation et croient
pouvoir établir seules l'existence d'un être suprême, c'est un
pas de plus en avant, c'est la phase métaphysique qui pré-
parc l'étape dernière scientifique et positive.
Si l'on compare aux différents stades de l'évolution précitée
les cas pathologiques que nous fournissent l'histoire et la
clinique, on verra qu'ils viennent à l'appui de la théorie
générale et se rattachent à l'une des phases théologique,
polytliéique ou fétichique.
« Les aliénés, dit Semerie 1, renversent le principe de la
transformation des hypothèses positives; méconnaissant ce
principe de philosophie première, ils tendent à former des
hypothèses toujours moins simples et moins exactes que
' Les hypothèses métaphysiques, dit de même Couard, consistent à
faire intervenir une cause indépendante des organes, existant tantôt en
dehors de l'homme (action divine ou démoniaque), tantôt dans l'homme
supposé double (corps et aime) ou triple (corps, principe vital et âme
pensante). La première de ces hypothèses n'appartient plus qu'à l'histoire.
Elle a disparu avec les derniers bûchers, mais on l'entend encore exprimer
par des aliénés qui expliquent ainsi les tourments et les hallucinations
qui les obsèdent. (Cotlard. De la folie, p. 213,)
36 PATHOLOGIE MENTALE.
celles qu'ils repoussent ; fermant les yeux à l'évidence et
dédaignant les opinions courantes, ils font eux-mêmes leur
théorie; mais ils n'inventent rien, et, croyant s'affranchir, ils
ne font que restaurer des idées abandonnées.
L'analyse de cet état mental se ramène à un excès de sub-
jectivité ; il s'ensuit que l'aliéné, en revenant à des hypo-
thèses trop subjectives, ne fait que parcourir à l'inverse les
différents, stades de l'évolution mentale normale; il passe
ainsi de l'état positif à l'état abstrait et de là à l'état fictif. Il
est en effet curieux de retrouver les hypothèses des aliénés
dans les théories abandonnées qui eurent cours en science
et en religions. La théorie du physiologiste V. llelmont sur
l'archée épigaslrique et la localisation de l'âme dans le dia-
phragme n'est-elle pas celle de nos hallucinés à voix épigas-
trique ' ? ?
Les explications adoptées par les hallucinés pour rendre
compte des phénomènes qu'ils étaient quelquefois les pre-
miers à constater sur eux-mêmes, ont pu varier suivant les
époques et les temps. Tant qu'on a cru que les dieux avaient
le pouvoir de descendre sur la terre, Jupiter, Mercure, Apol-
lon, Diane, Vénus apparaissaient très souvent aux aliénés ;
les personnes du sexe croyaient s'unir alors à des satyres, au
dieu Pan, à des dieux métamorphosés en serpents, en cygnes,
en taureaux.
A une époque plus rapprochée de nous, les anges et les
démons ont pris la place des dieux dans les conceptions
déraisonnables de l'homme et la singularité du délire des
cloîtres, du délire de la sorcellerie prouve que l'imagination
des poètes, si on la compare à celle des monomaniaques, est
bien loin de tenir le premier rang pour la fécondité et la puis-
sance de' l'invention 2.
Malgré celte diversité apparente, on peut ramener à deux
groupes les déités mises en cause selon que ce sont des esprits
malfaisants ou bienveillants, dieux ou diables. Or en somme,
l'évolution de l'idée diabolique, ditCh. ltichet, depuis le xviie
siècle, peut se résumer en un mot. Le diable a été vaincu. Il
n'y a plus de possession par les mauvais anges. Mais il reste
encore la possession par les bons anges.
4 Des symptômes intellectuels de la folie, P. Dclahayr, 1867.
Calmeil. De la folie (théories), t. 11, p. 115.
MYSTICISME ET FOLIE. 37,
Ce qui au xviio siècle, aurait fait brûler, aujourd'hui sanc-
tifie. Marie Alacoque, Marie Moerl de Kaltern, Louise Lateau,
si elles avaient vécu du temps de Bodin, auraient été exor-
cisées, peut-être brûlées. Mais les temps sont changés; on en
a fait des saintes, on ne les a ni exorcisées ni brûlées.
Saintes ou possédées, peu importe. Nous savons qu'elles
sont tout simplement des malades'.
Les convulsionnaires de Saint-Médard, les Ursulines de
Loudun étaient animées par des esprits étrangers, mais tandis
que pour celles-ci c'étaient des esprits mauvais, pour les
autres, c'était l'esprit de Dieu.
Il n'était pas sans intérêt de savoir laquelle : des deux
grandes divisions du christianisme, qui se partagent le monde
civilisé, du catholicisme ou du protestantisme, prédispose le
plus à ce genre d'aliénation mentale. D'après Elus, il y aurait
parmi les catholiques moins d'aliénés par suite de préoccu-
pations religieuses. Et en effet le catholicisme n'admet pas
de discussions : il est donné aux croyants qui l'acceptent sans
examen et sans que l'esprit ait à se préoccuper de sujets sou-
vent abstraits, douteux ou insaisissables. En Angleterre et
en Amérique et dans toutes les contrées protestantes, les
dogmes religieux sont un sujet de libre examen et de discus-
sions incessantes; les sectes se multiplient, la liberté de la
controverse excite les passions et entraîne toutes les forces
de l'esprit dans une voie souvent périlleuse. < 1
11 est à remarquer, dit d'autre part Bail (599), que l'idée
de la perdition sans autre complication et sans trouble sen-
soriel est incontestablement plus fréquente chez les protes-
tants que chez les catholiques. Et d'abord la doctrine de la
prédestination interprétée dans toute sa rigueur est faile selon
les théologiens pour tranquilliser l'esprit, mais c'est à la
condition de l'interpréter dans un sens favorable. Lorsque au
contraire on vient à l'interpréter en sens inverse, ce qui est
arrivé à plus d'un mystique, il en résulte une idée fixe qui
conduit presque infailliblement à l'aliénation mentale. Je ne
prétends point d'ailleurs qu'il s'agisse ici d'un rapport de
cause à effet. Il faut sans doute avoir l'esprit déjà malade
pour s'abandonner à des terreurs de cette espèce, mais enfin-,
pour les prédisposés la pierre d'achoppement est toujours là.
1 Cil, Iticlrt. L'homme cl l'intelligence, p. 550,553 ? ¡
38 PATHOLOGIE MENTALE.
Il faut y joindre une crainte qui surtout aux époques de fer-
veur religieuse a poursuivi bon nombre de protestants, la
crainte d'avoir commis le péché irrémissible.
D'après Marcé, le culte dans lequel a été élevé ou que pro-
fesse le sujet aurait une grande influence sur la forme du
délire ; voici comment s'exprime cet auteur : « Le délire,
dit-il, fanatique ou religieux du catholique et celui du pro-
testant, comme aussi des sectes qui se rattachent au protes-
tantisme n'offrent pas, dans la règle, le même caractère. Chez
le premier, il y a ordinairement crainte de manquer son
salut, syndérèse, appréhension de punitions célestes, terreur,
désespoir; chez l'autre, mysticisme, prétention de comprendre
et d'expliquer la partie symbolique de l'Ecriture Sainte,
orgueil, exaltation prophétique. En un mot, le catholique
devient fou parce qu'il se croit damné, le protestant parce
qu'il se croit prophète; l'un se regarde comme réprouvé,
l'autre comme envoyé du ciel. » D'après Marc, les mégalomanes
religieux se rencontreront donc surtout parmi les protestants
et les mélancoliques religieux, au contraire, parmi les catho-
liques. Il serait intéressant d'instituer sur ce point une vaste
enquête dans les asiles de France et de l'étranger.
Quoi qu'il en soit de ces opinions, la science manque de
documents positifs pour la solution de cette question : un seul
fait d'observation pratique doit être regardé comme acquis,
c'est que, chez les protestants, les préoccupations religieuses
portent en général sur des questions de controverse théolo-
gique, tandis que, chez les catholiques, la crainte d'une con-
fession incomplète, le remords d'une mauvaise communion
et des scrupules de conscience sont les idées qui prédominent
au milieu du délire religieux '.
Il en résulte que la mélancolie religieuse est plus fréquente
chez les seconds, la théomanie chez les premiers.
Or nous voyons dans l'histoire apparaître les théomanes
avec le grand schisme de la réforme, alors qu'auparavant
régnaient presque exclusivement les épidémies de possession.
Comme Calmeil le remarque à la fin de son étude philo-
sophique, de nouvelles erreurs menacent encore la patho-
logie encéphalique et mentale; or c'est du magnétisme et du
spiritisme que dérivent à nouveau ces épidémies de disso-
' Marcé. Médecine menlule, p. 100 et 101.
MYSTICISME ET FOLIE. 39
ciation de la personnalité dont l'Amérique protestante a donné
les premiers et récents exemples. Les esprits frappeurs rem-
placent ici le diable des possessions primitives, mais le méca-
nisme de la psychose est le même ainsi que sa contagion
rapide aux hystériques. Il est curieux de voir ainsi l'équiva-
lent de la démonopathic ancienne renaître dans des milieux
modernes et d'une confession différente.
J'ai vu, il y a quelques années, dit Bail, un homme fort
intelligent et d'un esprit cultivé. Il s'était adonné à des invo-
cations surnaturelles après avoir lu certains ouvrages de
spiritisme, et il avait fini par évoquer un mauvais esprit;
mais semblable à ces enchanteurs maladroits qui, faute de
connaître les formules sacramentelles, après avoir fait
paraître le diable, ne pouvaient plus se débarrasser de lui,
il était resté en tète à tête avec son persécuteur et se croyait
'lié par un pacte irrévocable, qui le rendait esclave du démon
auquel il avait voulu commander'. 1. -
Le déterminisme purement psychologique de la volonté,
dit Manouvricr, se trouve limité, contrarié, ou même annihilé
par l'autonomie des centres moteurs. Cette autonomie mécon-
nue par les sensualisles est la condition physiologique du
sentiment que nous avons de notre liberté intérieure=.
C'est inversement la condition pathologique des idées déli-
rantes de possession démoniaque ou théomaniaque, aussi
bien dans les délires religieux anciens que dans les psychoses
spiriles des néo-mystiques.
Aussi l'école italienne ne voit-elle dans tous ces phénomènes
que des manifestations d'atavisme. Les arabesques compli-
quées, les figures allégoriques, les gestes et les attitudes
cabalistiques, les interprétations fantastiques des faits natu-
rels, les jeux de mois, néologismes et idiomes particuliers
qui pullulent dans la paranoïa, en colorent le délire d'une
façon si vive et si grotesque, qu'ils nous font absolument
revivre dans les phases les plus éloignées de l'évolution his-
torique mentale. ,
Ils rappellent l'écriture cunéiforme et hiéroglyphique
comme expression absolument matérielle et figuration de
conceptions abstraites, la conservation des amulettes symbo-
1 Bail, p, 185.
* Revue philosophique, 1881, t. XVII.
40 PATHOLOGIE MENTALE.
lisant les âmes des trépassés (première manifestalion féti-
chique), les évocations d'outre-tombe, les mots de l'alchimie
du moyen âge et de la magie arabe, les cérémonies hiérati-
ques d'antique date, importés chez nous du mysticisme orien-
tal..... Ces phénomènes se rencontrent chez les paranoïaques
et chez les primitifs, ils sont l'expression d'une condition
psychologique commune.
L'hylozoïsme des astrologues, la mantique des thauma-
turges et des mages, la cartomancie, l'alchimie, la chirogno-
monie ainsi que la croyance à la mâle-nuit, au chevillage et
aux envoûtements se rencontrent dans le délire des aliénés
superstitieux actuels. La démonolâtiïe même n'est qu'une
religion abandonnée; Belzébuth et Belphégor ont eu leurs
temples (Baattzebuth et Baal de Pégor). Ce fétichisme des
aliénés est donc pour Tauzi de provenance atavique mani-
feste comme le symbolisme (Allegorismig) des psychologues
allemands. Il semble, dit M. Richet, que l'intelligence de
l'homme, toutes les fois que ses fonctions sont perverties,
revienne à l'état de nature et ne puisse trouver comme image
de terreur et de dégoût que les animaux malfaisants qui
excitaient la terreur et le dégoût des premiers âges de l'hu-
manité '.
Meynert, en 1884, étudiant la genèse de ces sortes de con-
ceptions morbides, les considère comme innées, immanentes
chez l'homme normal, à l'état inconscient. Elles apparaissent
et passent au premier plan, sous l'action dévastatrice d'une
maladie qui inhibe, les fonctions supérieures modératrices et
rectificatrices. Ces tendances mystiques, prennent alors l'in-
tensité des fonctions spinales, quand les fonctions corticales
sont supprimées.
La superstition existe à l'état d'élément inconscient dans le
cerveau normal oit elle se trouve en quelque sorte noyée et
couverte par le développement complet des facultés intellec-
.tuelles qui en effacent toute trace dans la conscience. Vienne
une perturbation, l'idée délirante peut acquérir alors l'éner-
gie suffisante pour apparaître et pour l'emporter.
L'affection mentale, « interrompant les associations nor-
inhales, facilite par là même la production des images men-
tales anormales qui prennent d'autant plus d'intensité qu'elles
1 II. et I., 188, 287.
MYSTICISME ET FOLIE. l11
ne peuvent se répandre sur les autres territoires inhibés pour
y être contrôlées. En d'autres termes ces tendances mysti-
ques qui restent inconscientes dans le cerveau sain, prendront t
par le seul fait de l'isolement, l'intensité et la prépondérance
que prennent les fonctions spinales quand les fonctions corti-
cales sont suspendues ».
Meynert continuant sa comparaison rapproche le dévelop-
pement de l'idée délirante de la prédominance de certains
muscles quand leurs antagonistes sont paralysés.
Il n'y a plus d'arrêt, de transformation, d'une partie des
processus associés, mais au contraire libre développement
dans le champ de la conscience d'une conception erronée par
suite de l'absence de notions correctrices.
Dès lors, ces interprétations délirantes sont la conséquence
d'un esprit inné, identique à celui qui a constitué et constitue
encore le fond mental de certains peuples, pour qui elles
représentent l'expression la plus élevée de la pensée ; elles
répondent au besoin d'expliquer la genèse de phénomènes
naturels, et donnent une certaine logique aux pratiques
superstitieuses de ces intelligences incomplètes.
Par rapport à l'évolution de l'espèce, nous naissons avec
une somme d'acquisitions, ou, comme dit Sergi, de stratifica-
tions ; que la couche la plus récente et la plus parfaite s'al-
tère, les couches sous-jacentes reparaissent et l'homme ainsi
diminué devient absolument l'analogue de son ancêtre, le
sauvage, confiant dans son gri-gri protecteur.
On peut ainsi définir ces délires, la réapparition d'une
superstition, subconsciente dans le cerveau- développé (Mey-
nert). Ceci revient à dire que l'éréthisme psycho-moteur et
sensoriel est objectivée lorsque la synthèse mentale incom-
plète amène l'automatisme involontaire et le défaut de subjec-
tivité.
CONSIDÉRATIONS MÉDICO-LÉGALES.
Les réactions médico-légales les plus fréquentes des mys-
tiques sont de deux ordres. Les unes divergentes en quelque
sorte, visant leurs semblables, les autres convergentes, les
atteignant eux-mêmes. Malheur aux simples mortels, si les
visionnaires s'avisent de croire qu'ils sont destinés à laver
dans le sang la tache originelle du péché, car on en a vu plu-
42 PATHOLOGIE MENTALE.
sieurs tuer avec joie pour opérer, disaient-ils, la plus glorieuse
des résurrections *. '
Un missionnaire, dit Pinel, par ses fougueuses déclama-
tions et l'image effrayante des tourments de l'autre vie,
ébranle si fortement l'imagination d'un vigneron crédule,
que ce dernier croit être condamné aux brasiers éternels, et
qu'il ne peut empêcher sa famille de subir le même sort que
par ce que l'on appelle le baptême du sang ou le martyre. Il
essaie d'abord de commettre un meurtre sur sa femme, qui
ne parvient qu'avec la plus grande peine à s'échapper de ses
mains. Bientôt après, son bras forcené se porte sur deux
enfants en bas âge, et il a la barbarie de les immoler de
sang-froid pour leur procurer la vie éternelle. Il est cité
devant les tribunaux, et, pendant l'instruction de son procès,
il égorge encore un criminel qui était avec lui dans le cachot,
toujours dans la vue de faire un sacrifice expiatoire. Son
aliénation étant constatée, on le condamne à être renfermé
pour le reste de sa vie, dans les loges de BicèLre. L'isolement
d'une longue détention, toujours propre à exalter l'imagina-
tion, l'idée d'avoir échappé à la mort, malgré l'arrêt qu'il
suppose avoir été prononcé par les juges, aggravent son
délire et lui font dès lors penser qu'il est revêtu de la toute-
puissance, ou, suivant ses expressions, qu'il est la quatrième
personne de la Trinité; que sa mission spéciale est de sauver
le monde par le baptême du sang et que tous les potentats
réunis de la terre ne sauraient attenter à sa vie.
Plus de dix ans s'étaient passés dans une étroite réclusion,
et les apparences soutenues d'un état calme et tranquille
déterminèrent à lui accorder la liberté des entrées dans les
cours de l'hôpital.
Quatre nouvelles années d'épreuves semblaient rassurer,
lorsqu'on vit tout à coup se reproduire ses idées sanguinaires
comme un objet de culte et une veille de Noël, il forme le
projet atroce de faire un sacrifice expiatoire, de tout ce qui
lui tomberait sous la main.
Il se procure un tranchet de cordonnier, saisit le moment
de la ronde du gardien, lui porte par derrière` un coup qui
heureusement glisse sur les côtes, coupe la gorge à deux
aliénés qui étaient à ses côtés et il aurait poursuivi le cours
4 Calmeil, p. 81. -
MYSTICISME ET FOLIE. 43
de ses homicides, si on ne fut promptement parvenu à s'en
rendre maître et a arrêter les suites funestes de sa rage
effrénée'.
Un malade que nous avons pu observer, au cours d'une
bouffée déliranle polymorphe avec idée d'inspiration divine
d'emblée et d'obsession démoniaque, a déliré à la suite de
tentatives de prosélytisme tendant à lui faire embrasser, la
religion protestante ; lorsqu'il a été interné, il se mettait en
devoir de trancher la tête à sa maîtresse qui cependant déli-
rait avec lui, mais ne se convertissait pas assez vite.
Ces malades se complaisent aux lecLures de l'ancien testa-
ment ; leur imagination est surtout frappée par les passages
tragiques et le récit des homicides religieux tels que le meur-
tre de Jephté ou le sacrifice d'Abraham. C'est ce dernier que
renouvelaient fréquemment les anabaptistes illuminés, si
l'on en croit Catrou ='.
« Deux frères, à la suite de prédications fanatiques, sont
pris de théomanie. L'un des deux explique à l'autre qu'il a
entendu la voix de Dieu et qu'il a reçu l'ordre de renouveler
sur lui, le sacrifice d'Abraham, et, du tranchant de son épée,
il coupe la tête' de son frère, la fait rouler aux pieds de ses
parents et de ses amis épouvantes. Le meurtrier sort aussitôt
dans la rue, portant encore dans sa main l'épée fumante du
sang de son frère; puis, d'une voix effrayante : « La volonté
« du Père céleste est accomplie ! -» s'écrie-t-il. »
Il est d'autres mystiques non plus plongés dans les textes
sacrés et occupés à revivre les temps bibliques, mais au con-
traire activement mêlés aux agitations politiques de leur
époque. Ce qui domine chez eux au point de vue mental,
c'est toujours le mysticisme, mais non pas seulement en tant
qu'exagération des sentiments religieux, mais comme ten-
dance pour ainsi dire instinctive à s'exalter des clioses de la
religion ou de la politique, à en nourrir un esprit déjà
malade pour aboutir en fin de compte à des conceptions et à
des déterminations véritablement pathologiques. C'est cet
état mental qui produit les régicides vrais, les sauveurs de
république par l'assassinat, ou encore les bienfaiteurs de
l'humanité par la dynamite.
4 F. Voisin. Causes des maladies mentales, p. 41.
2 Histoire des anabaptistes, 1700, t. 11, p. 251.
44 PATHOLOGIE MENTALE.
M. Régis dit de ces malades, que leur tempérament mys-
tique leur fait épouser avec ardeur la querelle politique ou
religieuse que l'occasion fait surgir. Alors ils s'exaltent et ils
en arrivent, par une initiation plus ou moins longue, à
transformer des idées de parti en idées véritablement déli-
rantes. --
C'est pourquoi le délire des régicides est un délire essen-
tiellement mystique, soit religieux, soit à la fois religieux et
politique, soit enfin, mais dans des cas plus rares, exclusive-
ment politique, suivant leur caractère et le milieu ambiant.
Dans sa forme habituelle, ce délire se traduit par la
croyance à une mission à remplir, mission inspirée de Dieu,
le plus souvent, et devant être couronnée par le martyre 1.
Ravaillac avait été longtemps obsédé par un esprit qui
l'assaillait et tourmentait de nuit, puis il eut des visions et
des voix intérieures. (Mathieu, Mort cl'lle2·i IV.)
Une nuit, J. Clément, étant dans son lit, Dieu lui envoya
son ange en vision, lequel avec une grande lumière se pré-
senta à lui et lui montra un glaive nu (Palma Cayet).
Le complément en effet de l'obsession homicide fréquente
chez ces mystiques est l'idée d'un martyre glorieux consé-
cutif, consistant dans le châtiment humain de leur crime,
châtiment qui doit hâter leur transfiguration dans l'autre
monde. C'est une sorte de suicide indirect caractéristique du
délire mystique; aux époques de propagande religieuse les
martyrs vont au-devant des bourreaux; Plolémé Philadelphe
dut défendre l'enseignement de l'immortalité de l'âme dans
ses États, dans la crainte de les voir se dépeupler ainsi.
Encore de nos jours les cérémonies religieuses de la Mecque
et de Jagernautb sont marquées par l'écrasement volontaire
de nombreux fanatiques sous les pieds des chevaux et les
roues des chars sacrés.
L'espoir d'une vie meilleure peut pousser au suicide, à plus
forte raison lorsque celui qui y a recours se croit l'émanation
directe de la divinité méconnue sur cette terre. Pour s'iden-
tifier plus complètement avec le Christ qu'ils croient être, des
illuminés, pratiquent sur eux-mêmes des mutilations et des
tortures rappelant de plus ou moins près les douleurs de la
Passion de Jésus. L'exemple classique de ce genre de réac-
1 Les régicides, p. 32.
MYSTICISME ET FOLIE. 4 S
lion souvent renouvelée depuis, est le cas classique de
Mathieu Lorat rapporté par Marc'.
Mathieu Lorat, cordonnier à Venise, dominé par des idées
mystiques, se coupa les parties génitales et les jeta par la
croisée. Il avait préparé d'avance tout ce qu'il lui fallait pour
panser sa plaie et n'éprouva aucun autre accident fâcheux.
Quelque temps après, il se persuada que Dieu lui ordonnait
de mourir sur la croix ; il réfléchit pendant deux ans sur les
moyens d'exécuter son projet, et s'occupa de préparer les
instruments de son sacrifice. Enfin le jour est arrivé : Lorat
se couronne d'épines, dont trois ou quatre pénétrèrent dans
la peau du front; un mouchoir blanc serré autour des flancs
et des cuisses couvre les parties mutilées; le reste du corps
est nu; il s'assied sur le milieu de la croix qu'il a faite et
ajuste ses pieds sur un tasseau fixé à la branche inférieure de
la croix, le pied droit reposant sur le pied gauche; il les tra-
verse l'un et l'autre d'un clou de cinq pouces de longueur
qu'il fait pénétrer, à coups de marteau, jusqu'à une grande
profondeur dans le bois; il traverse successivement ses deux
mains avec des clous longs et acérés, en frappant la tête des
clous sur le sol de sa chambre, élève ses mains ainsi percées
et les porte contre les trous qu'il a pratiqués d'avance, à
l'extrémité des deux bras de la croix et y fait pénétrer les
clous afin de fixer ses mains. Avant de clouer la main gauche,
il s'en sert pour se faire, avec un tranchet, une large plaie au
côté gauche de la poitrine. Cela fait, à l'aide de cordages
préparés et de légers mouvements du corps, il fait trébucher
la croix qui tombe en dehors de la croisée, et Lorat reste
suspendu à la façade de la maison. Le lendemain on l'y trouva
encore; la main droite seule était détachée de la croix et pen-
dait le long du corps. On détacha ce malheureux, on le trans-
porta aussitût à la clinique impériale. Aucune plaie n'était
mortelle : Lorat guérit de ses blessures, mais non de son
délire.
On remarqua que pendant l'exaspération de son délire, il
ne se plaignait pas, tandis qu'il souffrait horriblement pen-
dant les intervalles lucides. Il fut transféré à l'hospice des
insensés; il s'y épuisa par des jeûnes volontaires et mourut
phtisique le 8 avril 1806.
' Bibliothèque médicale, p. 76, 1811.
116 PATHOLOGIE MENTALE.
Le dernier exemple de crucifié volontaire offre, avec le
précédent, la plus complète analogie, il a été signalé à Koenigs-
bcrg le 5 avril 1898.
Un prêtre irlandais, que nous avons observe, était atteint
de délire mélancolique à teinte mystique; il se livrait publi-
quement à l'onanisme, puis se lamentait et cherchait opiniâ-
trement à se mutiler. C'est ainsi qu'il s'est en partie arraché
les testicules. A l'entrée il opposait un refus d'alimenta-
tion absolu, puis il a tenté par deux fois de se précipiter
du haut d'un escalier. Maintenu au lit, camisole et surveillé,
il s'est entaillé profondément la langue avec les dents; il a
ainsi rongé ses propres lèvres et entamé les commissures,
enfin il a dilacéré de la même façon les draps à la portée de
sa bouche pour en avaler les lambeaux et s'étouffer. 13ù11-
lonné, il est mort d'une perforation intestinale, due à des
corps étrangers antérieurement ingurgités.
Cette énergie sauvage, apportée à l'accomplissement du
suicide par les mystiques, est encore plus stupéfiante lors-
qu'elle affecte la forme collective et épidémique; on a observé
aux xvue, xviii0 et xix° siècles des suicides en masse, parmi
les fanatiques orthodoxes russes (incinérés volontaires dans
le Raskol Russe. Sapojnikow, Moscou 91) et tout récemment
encore une épidémie de suicides religieux par l'emnurcmcnt
et l'ensevelissement vifs, a sévi près de Tchernigow. La rela-
tion due au Dl' Sikorski nous montre là les prophéties habi-
tuelles et la présence d'une délirance active attachée à son
oeuvre de lugubre prosélytisme qu'elle clôt de son propre sui-
cide avec les derniers meneurs.
On le voit, ces réactions des mystiques sont caractérisées
par une ténacité, en quelque sorte surhumaine, pour
emprunter une expression à leur délire même. Les précau-
tions actuelles les plus minutieuses, comme le long espace
de temps écoulé, n'en viennent trop souvent pas à bout.
Quand on a affaire au lieu de délirants systématiques à des
mélancoliques religieux simples, les réactions n'en sont pas
moins dangereuses, ils tuent encore au cours de raptus où ils
se croient les instruments du démon, ou bien pour être à leur
tour exécutés ensuite, châtiment désiré mais mérité à leurs
yeux, qu'ils ne se sentent pas le courage de s'infliger eux-
mêmes.
Les mutilations, la castration surtout sont également fré-
MYSTICISME ET FOLIE. 47
quentes (cette dernière peut s'opérer en masse comme cela
se fait chez les Skoptsi Russes) 1 ; on connaît la tentative de
Mme de Bielfeld qui cherchait à s'ouvrir le ventre, se croyant
enceinte du diable.
Dans d'autres cas (démences, paralysies générales, etc.),
la mort est la conséquence accidentelle d'une hallucination
comme pour ce malade d'Esquirol (t. I, p. à à qui une
voix céleste dit : « Mon fils, viens t'asseoir à côté de moi ! » »
aussitôt il saute par la fenêtre et se tue. Un autre croit
entendre les harmonies célestes et voit un char lumineux qui
vient le prendre pour le porter au ciel, il ouvre sa croisée
pour entrer dans le char et se précipite. -
Ces quelques exemples suffisent à montrer que les fous
religieux sont, entre tous les aliénés, les plus constamment
dangereux pour eux-mêmes et pour leurs semblables.
Les mutilations, le suicide et l'homicide sont en quelque
sorte des réactions banales chez eux, il s'ensuit la nécessité
absolue d'un internement précoce.
A l'asile ils seront l'objet d'une surveillance incessante
tant au point de vue des attentats sur les autres malades
et le personnel qu'au point de vue des réactions vis-à-vis
d'eux-mêmes; il est des cas où les moyens mécaniques de
contention sont nécessaires, outre la surveillance attentive
et continue du personnel.
Au point de vue des sorties, on doit se souvenir du malade
de Pinel dont vingt années de calme n'avaient pas atténué
les tendances homicides. -
Au point de vue social, l'internement n'est pas moins indi-
qué pour éviter la contagion, le délire religieux étant le type
du délire communiqué le plus fréquent. Ce sera le moyen
thérapeutique infaillible de guérison pour les débiles ou, hys-
tériques contagionnés; le diagnostic du délirant actif prin-
cipal sera des plus importants; à son égard le pronostic est
en effet tout différent, la chronicité ordinaire de sa psychose
écarte le plus souvent l'hypothèse d'une guérison prochaine
et d'une sortie qui pourrait faire renaître l'épidémie première.
' Nos lecteurs consulteront avec fruit sur ce sujet, la très intéressante
brochure de notre ami Teinturier, intitulée : Les Skoptzy (étude méclico-
légale sur une secte religieuse qui pratique la castration). Pans, librairie
du Progrès médical.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
I. La rétraction de l'aponévrose palmaire chez les diabétiques ;
par le Dr Marécual. (jours. de Neurologie, 1899, n° 9.)
On trouvera dans ce travail la relation de deux cas de diabète
au cours desquels est apparue une rétraction bilatérale de l'apo-
névrose palmaire. Cette rétraction se présentait avec ses caractères
habituels : les deux derniers doigts de chaque main étaient en
flexion, la peau de la paume de la main adhérait fortement aux
tissus sous-jacents, etc. Etant donné que cette double rétraction
de l'aponévrose palmaire s'observe dans la goutte, le diabète, le
rhumatisme, etc., l'auteur croit qu'elle doit rentrer dans le groupe
des trophonévroses, attribuables soit à une altération des rameaux
nerveux périphériques, ou plutôt, en raison de sa bilatéralité, à
une lésion des centres nerveux. G. DERNY.
IL Un cas d'acromégalie en gant; par 1. CRocQ. (Joum, de
Neurologie, 1899, n" 9.)
Observation d'une femme de quarante-cinq ans qui, à la suite
de travaux de couture exagérés, est atteinte depuis plus de dix
ans, d'une atrophie avec déformation en griffe des deux mains.
Cette atrophie est exactement limitée aux muscles des mains et ne
dépasse pas les plis articulaires des poignets. Il n'existe aucune
modification de la sensibilité. L'auteur pense qu'il s'agit dans ce
cas d'une poliomyélite chronique et pour expliquer la localisation
de l'amyotrophie à l'extrémité du membre supérieur, il admet
que la lésion est elle-même localisée à Vêlage métamérique de la
main. G. D.
III. Des lésions compensatrices dans l'angine de poitrine; par le
D1' J. I'wvmsur, médecin en chef de l'Hôtel-Dieu de Varsovie.
(Gazela Lykarslui, janvier 1899.)
L'auteur a observé plusieurs cas où l'angine de poitrine fut
suppléée petit à petit par d'autres lésions qui diminuèrent notam-
ment le mauvais pronostic et les crises douloureuses de cette
funeste maladie. Ces lésions compensatrices peuvent selon M. Pa-
winski, évoluer dans deux voies, tantôt c'est une insuffisance
aortique qui parait, tantôt une insuffisance mitrale. Ces deux
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 49
lésions peuvent être relatives et absolues; elles ne sont que
passagères et aboutissent finalement à l'hypertrophie du muscle
cardiaque. L'insuffisance mitrale suite d'une angine de poitrine se
développe moins souvent que l'autre ; l'angine apparaît générale-
ment à l'âge où les artères deviennent athéromateuses, ce qui
provoque une insuffisance aortique. En général, ces lésions dimi-
nuent la tension artérielle et permettent aux artères coronaires de
se remplir plus facilement. La tension moins grande du sang dans
les artères excite moins les nerfs du coeur.
Si l'organisme se défend contre une maladie en se créant d'au-
tres portes, il faut que le médecin aide un peu la nature. L'auteur
est de cet avis qu'il faut donner à un coeur ainsi malade un sang
contenant beaucoup d'hémoglobine pour produire un travail plus
grand. C'est pourquoi le régime lacté n'est pas toujours bon. -
Il faut donner une nourriture substantielle et la viande convient
le mieux dans ce cas. Le coeur normal absorbe 3 p. 100 sur
10 p.. 100 d'oxygène total, le coeur malade en use 5 p. 100. On
voit de ceci quel danger présente pour le malade une nour-
riture peu substantielle. L'épuisement est parfois plus grand, si
avec le régime lacté on donne de grandes doses d'iodure ; on a
abusé des combinaisons iodées dans cette maladie. Le camphre,
caféine, digitale et une nourriture riche en albuminoïdes produi-
sent un plus grand effet.
La suppléance qui se fait en créant des lésions moins dange-
reuses est très importante au point de vue du travail que le malade
peut produire. Il faut qu'au moment de la production de nouvelles
lésions le malade garde le lit; le médecin doit être en éveil, quand
l'oppression et la douleur remplacent les crises d'angine de poi-
trine. En général, ces lésions, en augmentant le rythme du coeur,
produisent la dégénérescence graisseuse et sclérose des artères qui
au commencement bienfaisantes, peuvent envahir les coronaires, et
dans ce cas l'organisme ne trouve plus de salut. G. de \i,aEWSKA.
IV. Un cas de tremblement segmentaire dans la sclérose en
plaques ; par le professeur Grasset. (Revue Neurologique, avril.)
(Voir p. 395 du n°41.) .
V. Deux cas d'ophtalmoplégie externe chez deux frères jumeaux;'
par le professeur Homen.
Il s'agit de deux cas d'ophtalmoplégie externe, chronique et
progressive, d'une pureté peu commune et présentant un intérêt
tout spécial par le fait que les deux malades étaient frères jumeaux
et par l'opération qui fut exécutée sur eux, par le Dr Forselles,
constituant ainsi le premier essai de transplantation tendineuse
ou musculaire dans un pareil cas. >
Archives, 2" série, t. VIII. 4
sol REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
L'opération fut la suivante : incision horizontale au travers du
sourcil gauche, le long du bord de l'orbite. Quand on a pénétré
dans l'intérieur de celle-ci, le muscle releveur atrophié est
attiré et coupé en son milieu . Cela fait, la peau recouvrant
le muscle frontal est détachée jusqu'à mi-hauteur du front et
sur le muscle frontal ainsi mis à nu on fixe au moyen de
trois sutures au catgut l'extrémité libre de la partie périphérique
du muscle élévateur ; la plaie est refermée par des sutures cuta-
nées. Dans l'un des cas, il survint une infection de la plaie, qui
neutralisa totalement le succès de l'opération.
Dans le second cas, l'opération eut une utilité manifeste et les
résultats en auraient été encore plus efficaces si l'on n'avait craint
d'aller trop loin et si l'on n'avait fixé le tronçon périphérique de
l'élévateur un peu plus haut sur le muscle frontal. Cette opération,
facilement exécutable en pratique, serait à recommander dans les
cas du même genre, lorsque le ptosis atteint un degré trop
gênant. (Revue 12etti-ologigtie, mars 1899.) E. B.
VI. Les contractures et la portion spinale du faisceau pyramidal;
par le professeur Grasset.
- De tous les chapitres de localisations spinales, si brillamment
créés et développés par Charcot, aucun n'est resté plus discuté
dans son existence et plus difficile dans sa théorie que le chapitre
du cordon latéral et de ses rapports avec les contractures. Tout
d'abord, l'auteur démontre la réalité et la vérité de cette loi ana-
tomo-clinique (qui découle des premiers travaux de Charcot) : les
contractures permanentes et l'état pariéto-spasmodique d'origine
médullaire sont en rapport constant avec la lésion de la partie spi-
nale du faisceau pyramidal. Les preuves démonstratives de cette
loi anatomo-clinique se rencontrent dans les huit groupes de faits
suivants : 1" contracture tardive permanente des hémiplégiques ;
2° sclérose latérale amyotrophique; 3° tabès spasmodique; 4° tabès
combiné; 5° sclérose en plaques; fit compression de la moelle et
myélites transverses ; 7° hémiplégie spasmodique infantile ; 8° ma-
ladie de Little.
Admettant comme cliniquement démontrée la corrélation cons-
tante entre les contractures (et l'état spasmodique) d'une part et
la lésion du faisceau pyramidal, de l'autre, par quel mécanisme
la lésion ou l'absence des faisceaux pyramidaux entraine-t-elle la
contracture permanente ou l'état pariéto-spasmodique ?
Depuis Vulpian, Charcot et Brissaud, il est acquis que la con-
tracture est due à l'exagération du tonus. Le centre du réflexe
tonus est dans les cellules des cornes antérieures de la substance
grise. Les voies centripètes de ce réflexe sont les prolongements
cellulifuges des neurones ganglionnaires sensitifs et les voies cen-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 51
trifuges sont les prolongements cellulifuges des cellules antérieures
de la moelle.
- Au-dessus de ces cellules radiculaires, sont les cellules sem-
blables des étages supérieurs, qui agissent sur les premières par
les fibres courtes et plus haut il y a « quelque part » un centre
régulateur d'où part une action nerveuse double et antagoniste :
une action inhibitrice qui passe par les faisceaux pyramidaux
(Anton., P. Marie) et une action excitatrice qui passe par les voies
indirectes ponto-cérébello-spinales. (Van Gehuchten.) La contrac-
ture est le résultat de la suppression de l'action inhibitrice (des-
truction pathologique ou absence congénitale du faisceau pyra-
midal) avec conservation de l'action excitatrice (par les voies indi-
rectes ponto-cérébelleuses).
Voilà qui parait acquis définitivement. Reste un point à établir :
où est le centre régulateur d'où part cette double action inhibi-
trice et excitatrice sur le tonus ? Tous les auteurs disent : elle
est dans l'écorce cérébrale. Et alors à tous les auteurs on objecte :
pourquoi la contracture n'apparaît- elle que quand la lésion
atteint la partie sous-protubérantielles du faisceau pyramidal ?
Pour résoudre cette difficulté, il faut et il suffit que le centre
d'où part cette double action modificatrice du tonus ne soit pas
dans l'écorce, mais soit plus bas, dans la protubérance.
L'écorce cérébrale a certainement une action sur les réflexes et
sur le tonus; mais les réflexes complexes comme le tonus ont un
centre régulateur automatique, et c'est de ce centre automatique
que partent les actions inhibitrices et excitatrices en question. Or
ce centre automatique est tout à fait distinct du centre volontaire, .
comme il est distinct du centre réflexe simple inférieur (médul-
laire), et c'est ce centre automatique que le professeur Grasset place
dans la protubérance.
En résumé, la contracture d'origine spinale est bien liée à l'alté-
ration où à l'absence de la portion spinale du faisceau pyrami-
dal ; cette altération déterminant la contracture par la suppression
de l'action inhibitrice du tonus qui part de la protubérance et vient
aux cellules radiculaires par le faisceau pyramidal. (Revue neuro-
logique, février 1899.) E. B.
VIL Des paralysies généralisées dans la fièvre typhoïde ;
par le Dr Etienne.
Les cas de paralysies généralisées, diffuses, au cours de la fièvre
typhoïde, sont rares, mais tous sont loin d'être absolument com-
parables entre eux. L'auteur a eu la bonne fortune d'en recueillir
plusieurs observations qui peuvent servir à éclairer cette difficile
question de pathologie générale nerveuse.
La complication constituant les paralysies généralisées, observées
52 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
dans le cours ou dans la convalescence de la fièvre typhoïde, peut
se présenter sous trois types cliniques, trois syndromes, traduisant
l'action élective de l'agent pathogène sur le corps du neurone péri-
phérique ou sur son prolongement, ou bien sur le neurone péri-
phérique dans sa totalité.
1. Syndrome manifestant la poliomyélite antérieure suraiguë
ascendante, groupe auquel on peut conserver le nom, d'ailleurs
impropre, de maladie de Landry (secondaire).
IL Syndrome manifestant la polynévrite.
III. Paralysie généralisée de type mixte traduisant la lésion com-
binée des deux éléments du neurone périphérique. (Revue iieiii,olo-
gique, février 1899.) E. B.
VIII. Syphilis et tabes; par M. E. Touche. (Presse médicale,
15 mars 1899.)
Sur 23 hommes tabétiques soignés à l'hospice de Brévannes,
M. Touche en a trouvé 12 notoirement syphilitiques. Le tabes a
éclaté chez ces 12 malades à une époque très variable. D'après
le tableau donné par l'auteur, il est tout à fait impossible de pré-
voir, en se basant sur l'époque d'invasion de la syphilis, la date
de l'apparition du tabes. Le fait que la syphilis ait été traitée dès
le début, qu'elle ait été bien ou mal traitée, ne semble avoir sur
l'époque tardive ou prochaine de l'apparition du tabes qu'une
influence bien problématique. - A. FENA YROU.
IX. Myxoedème spontané infantile ; par M. Briquet. (Presse
médicale, 4 mars 1899.)
D'après l'auteur, il y a lieu de distinguer trois sortes de myxoc-
dème infantile : 1° le myxoedème congénital, comprenant les cas,
d'ailleurs rares, où le corps thyroïde parait manquer dès la nais-
sance ; 2° le myxoedème infantile spontané; celte variété corres-
pondait au myxoedème spontané de l'adulte, mais se caractérise-
rait par ce fait que l'altération ou l'atrophie du corps thyroïde,
est survenue à une époque quelconque de la croissance; 3° le
myxoedème infantile opératoire, désignant les accidents qui sur-
viennent après l'ablation du goitre, quand celle-ci est pratiquée
avant que le corps ait atteint son développement complet. M. Bri-
quet étudie le myxoedème spontané infantile qui se distingue du
myxoedème spontané de l'adulte, en ce que la suppression des
fonctions thyroïdiennes chez un enfant entraine immédiatement
un arrêt complet dans le développement de l'intelligence et un
ralentissement ou un arrêt dans le développement du squelette
(nanisme). A propos de l'étiologie de cette affection, il se demande
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 53
s'il faut incriminer, comme on le fait généralement, une thyroïdite
survie d'atrophie du corps thyroïde; en effet, d'ordinaire, cette
thyroïdite ne se manifeste par aucun symptôme, et il est bien
difficile d'en déterminer la cause. Peut-être pourrait-on admettre
dit-il (et, alors, il n'y aurait pas lieu d'établir une distinction entre
le myxoedème congénital et le myxoedème spontané), que, par
suite d'une malformation congénitale, certains sujets naissent avec
un corps thyroïde trop petit, insuffisant d'emblée (myxoedème
congénital), ou ne devenant insuffisant que plus tard, à un mo-
ment où les besoins de l'organisme en thyroïdine augmentent
(myxoedème infantile, myxoedème de l'adulte). L'idée d'une mal-
formation congénitale expliquerait, mieux que celle d'une thyroï-
dite infectieuse accidentelle, les cas où, dans la même famille, il
y a plusieurs sujets atteints d'affections d'origine thyroïdienne,
plusieurs, infantiles, par exemple. M. Briquet considère comme
moins plausible que la précédente, l'hypothèse d'après laquelle le
corps thyroïde manquerait ou serait insuffisant dès la naissance,
mais les accidents ne se produiraient qu'au moment où les organes
capables de les suppléer (thymus, glande pinéale), disparaîtraient
ou deviendraient eux-mêmes insuffisants, époque très variable,
selon les sujets. A. FENAYROU.
X. Névralgie paresthésique. Névrite du fémoro-cutané ; par
M. l ? A. Lop. (Presse médicale, 1 ? mars 1899.)
L'auteur rapporte une observation de l'affection décrite en 1895
par Bernhardt sous le nom de paresthésie du nerf fémoral cutané
externe, et dénommmée méralgie par Roth (Berlin, 1895). La ma-
ladie s'est développée, il y a un an, chez un homme de trente ans,
arthritique, exposé par sa profession à la fatigue et au froid
humide. Elle a débuté par de vives douleurs comparables à des
.cpups de canif, et survenant par accès (six à huit en 24 heures)
dans le tiers inférieur de la cuisse droite ; les crises douloureuses,
duraient en moyenne de 24 à 36 heures. La plus violente de ces
crises a eu une durée beaucoup plus longue. Elle est survenue
manifestement à la suite d'une grande fatigue et a provoqué des
douleurs telles qu'elles arrachaient des cris au malade ; le membre
était frappé d'incapacité fonctionnelle totale; la peau du tiers infé-
rieur de la cuisse était rouge, violacée, chaude, raidie; il était
impossible d'y faire un pli; il semblait au malade que cette partie
du membre était recouverte de carton dur. Il existait au tiers
inférieur de la face antérieure de la cuisse jusqu'à un centimètre
au-dessus de la rotule, et à la face externe de la même région
jusqu'au grand trochanter de l'insensibilité à la piqûre, à la cha-
leur et au froid et une hyperesthésie tactile très grande. Les dou-
leurs étaient exaspérées par la marche. A la suite du traitement
.54 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
mis en oeuvre (pulvérisations de chlorure d'éthyle, badigeonnage
d'essence de Wintergreen), les symptômes s'atténuèrent, mais ne
disparurent pas. Bien que le malade ait été antérieurement atteint
de fièvre bilieuse hématurique et de fièvre typhoïde, l'auteur rejette
l'hypothèse d'une névrite périphérique à cause de l'ancienneté de
ces infections. Il considère la fatigue et le froid humide comme les
causes occasionnelles de cette névrite et admet que ces facteurs
eux-mêmes ont agi à la faveur d'un agent prédisposant : l'arthri-
- trisme. A. FENAYROU.
' XI. Chorée variable; par M. E. BRISSAUD. (Presse médicale,
' 15 février 1899.)
L'auteur rapporte un cas remarquable de chorée variable, d'où
ressortent nettement les deux particularités suivantes : 10 mode
de début identique à celui de la chorée franche; 2° existence de
mouvements complexes simulant un tic d'habitude. La jeune fille
dont il s'agit, issue d'un père absinthique, et présentant elle-même
de nombreuses tares physiques (infantilisme, stigmates physiques
de dégénérescence) et une déséquilibration mentale manifeste, a
été atteinte des premiers symptômes de chorée, à l'âge de treize
ans et demi, cinq mois après avoir été atteinte d'un érysipèle. Les
mouvements nerveux consistaient au début, en un simple cligne-
ment convulsif des paupières; puis la malade se mit à tirer la
langue, et, enfin, peu à peu, les mouvements se généralisèrent.
Le diagnostic de chorée franche s'imposait alors. La première
crise dura quatre mois; elle cessa tout d'un coup, du jour au
lendemain. Après deux mois de rémission, une nouvelle crise
semblable à la première survint brusquement; elle fut suivie
d'une autre rémission. Et, depuis lors, jusqu'au momeiitoù elle
fut observée par l'auteur, c'est-à-dire pendant trois ans, cette
jeune fille présenta une série ininterrompue de crises et de rémis-
sions toujours approximativement égales en durée et en intensité.
Pendant le séjour de la malade dans le service de M. Brissaud, les
symptômes se modifièrent à diverses reprises ; les mouvements
devinrent plus rares, plus brusques, plus limités, se répétant tou-
jours à peu près sous la même forme (mouvements brusques de
projection des bras en avant, de haussement des épaules; geste
semblant avoir pour but d'écarter avec la main une mèche de
cheveux imaginaire); c'était presque à s'y méprendre la maladie
des tics. Les tics disparurent ensuite et furent remplacés par la
- coprolalie monosyllabique la plus classique ; enfin, celle-ci céda
elle-même la place à un nouveau tic consistant en un claquement
des doigts accompagnant un geste de vive impatience. La nature
dégénérative de cette névrose n'est pas douteuse; elle est surtout
attestée par la variété et la variabilité des mouvements choréiques.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 55
A raison de ces particularités, le terme chorée polymorphe des
dégénérés a paru à M. Magnan préférable à celui de chorée
variable. Cette dénomination aurait incontestablement l'avantage
d'éviter l'emploi d'un mot nouveau pour désigner le caractère
fondamental de cette névrose, caractère commun à tous les phé-
nomènes nerveux de la dégénérescence, le polymorphisme. Mais
comme l'expression, chorée variable, impliquant à la fois des va-
riations dans la forme et dans le temps, dans la durée, est plus
générale et plus précise que la première, M. Brissaud est tenté
de la conserver. A. Fenayrou.
XII. Tubercules de la couche optique; par MM. Démange
et Spillmann. (Presse médicale, 8 février 1899.)
Observation d'une jeune fille de dix-sept ans, soeur de plusieurs
tuberculeux, à l'autopsie de laquelle MM. Démange et Spillmann
ont trouvé dans l'hémisphère cérébral droit un vaste foyer de
ramollissement occupant la presque totalité de la portion centrale
du centre ovale, et une tumeur du volume d'une noisette siégeant
au milieu de la couche optique droite et touchant par sa péri-
phérie au bras postérieur de la capsule blanche interne ; l'examen
histologique a démontré que cette tumeur était un tubercule. Il
existait, dans la moelle, de la sclérose descendante du faisceau
pyramidal. Les poumons et le foie présentaient quelques lésions
tuberculeuses si peu prononcées que l'examen clinique n'avait pu
les révéler. La maladie avait débuté par des attaques épilepti-
formes avec convulsions localisées au bras et à la jambe gauches ; ,;
ces attaques, d'abord simples, s'accompagnèrent plus tard d'apha-
sie passagère ; puis survint de l'hémiparésie gauche, à laquelle
succéda bientôt une hémiplégie complète ; des phénomènes de
contracture ne tardèrent pas à apparaître. Pendant un an environ,
l'état de la malade resta stationnaire. Lors de son entrée à l'hôpi-
tal de Nancy, elle présentait une hémiplégie gauche totale avec
atrophie musculaire et contractures particulièrement accusées au
membre supérieur ; on constatait, en outre, des troubles de la sen-
sibilité musculaire, de l'hémianesthésie gauche et des troubles
visuels (diplopie, strabisme interne de l'oeil gauche par inter-
valles). Pas de céphalée ni de vomissements. Conservation de l'in-
telligence et de la mémoire. La situation s'aggrava progressive-
ment ; les troubles visuels surtout s'accentuèrent : perte de la
vision de l'oeil gauche ; constatation à l'ophtalmoscope, de neuro-
rétinite avec atrophie de la papille; puis les mêmes symptômes
apparurent à l'oeil droit et la cécité devint complète. La malade
mourut dans le coma, dix-huit mois environ après le début des
accidents.
La compression de la branche postérieure de la capsule interne
56 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
par la tumeur explique l'hémianesthésie, symptôme qui fait habi-
tuellement défaut en pareil cas, et la sclérose des faisceaux pyra-
midaux ; peut-être faut-il aussi lui attribuer la destruction de la
substance blanche depuis le point comprimé de la substance
blanche jusqu'aux régions postérieures de l'écorce cérébrale. Les s
auteurs pensent que les troubles de la vision sont probablement
dus à l'oedème lymphatique du nerf optique, lequel peut, à lui
seul, produire des lésions graves de ce nerf et conduire à la cécité,
sans qu'il soit nécessaire de faire intervenir l'hypothèse très pro-
blématique de toxines sécrétées par la tumeur. A. Fenayrou.
XIII. Sur le phénomène de Ch. Bell dans la paralysie faciale péri-
phérique et sur sa valeur pronostique; par MM. Bordier et
Frenkel. (Presse médicale, 11 janvier 1899.)
MM. Bordier et Frenkel reconnaissent volontiers que le phéno-
mène qu'ils croyaient avoir observé, les premiers, dans la para-
lysie faciale périphérique et dont ils ont donné la description
dans le numéro du 8 septembre 1898 de la Semaine médicale, avait
été signalé, mais incomplètement, avant eux par Ch. Bell, et
rapporté, après cet auteur, sans développement, par divers neuro-
logistes allemands. Ils constatent ensuite que la valeur pronos-
tique et l'interprétation du « phénomène de Ch. Bell u, telles
qu'elles ont été établies par eux, résistent aux critiques dont elles
ont été l'objet et restent exactes. A. Fenayrou.
XIV. Artérite syphilitique des deux sylviennes et du tronc basi-
- laire; par M. C. Bacaloglu. (Presse médicale, 1er mars 1899.)
Observation d'un malade de trente-quatre ans, qui, trois ans
et demi après avoir contracté la syphilis, fut atteint brusquement
d'hémiplégie droite. Cette hémiplégie disparut en quelques se-
maines. Le traitement spécifique fut prescrit au malade, mais
celui-ci refusa de s'y soumettre. Dix-huit mois plus tard, il fut
frappé d'hémiplégie droite avec aphasie, hémiplégie qui, cette fois,
se dissipa seulement aux membres pour se cantonner à la région
du facial inférieur avec persistance des troubles de la parole.
Malgré le traitement antisyphilitique énergique auquel il fut sou-
mis, il ne tarda pas à mourir, après avoir présenté une agitation
violente bientôt suivie de coma avec troubles respiratoires et vaso-
.moteurs, troubles des sphincters, et élévation extrême de la tem-
pérature. A l'autopsie, on constata, du côté droit, des lésions
d'endo-périartérite ancienne de.la cérébrale moyenne, et un foyer
de ramollissement périphérique au niveau de l'insula; du côté
gauche, de la thrombose de la sylvienne, au niveau où cette artère
fournit les perforantes antérieures et un foyer de nécrobiose au
SOCIÉTÉS SAVANTES. 57,
niveau de la partie antérieure et externe du noyau lenticulaire. La
circonvolution de Broca et les circonvolutions fronto-pariétales
étaient congestionnées, mais il n'y avait pas de ramollissement
périphérique ; la lésion était centrale, située au noyau lenticulaire.
Il existait en plus de l'artérite oblitérante du tronc basilaire, sans
nécrobiose du bulbe.
Cette observation montre la bilatéralité des lésions et leur
symétrie, ainsi que la précocité des lésions; celles-ci sont surve-
nues, en effet, dans le cours de la quatrième année après l'infec-
tion syphilitique. Elle montre aussi des lésions d'endo-périartérite
d'âge différent, évoluant successivement. Elle met enfin en relief
l'importance du traitement spécifique intensif, surtout après une
première atteinte. A. FENAYROU.
XV. Sur quelques variétés d'hémorragies méningées;
par le professeur BOINET,
Cet article a été analysé dans le numéro de juin des Archives de
Neurologie, p. 499.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.
Séance du 27 mars 1899. Présidence de M. J. Voisin.
Rétablissement du prix Esquirol.
Suivant les 'conclusions du rapport du secrétaire général, la
Société décide de rétablir le prix Esquirol dont elle prélèvera le
montant sur son propre fonds. M. B.
Séance du 24 avril 1899. PRÉSIDENCE DE M. J. Voisin.
L'hérédité dans les familles d'aliénés et la théorie générale
de l'hérédité.
M. Sollier donne lecture d'un rapport sur le mémoire commu-
niqué par M. Orchan=lki dans la séance de février. Le mémoire se
58 SOCIÉTÉS SAVANTES.
compose de deux parties : une de statistiques, statistiques très
nombreuses et portant sur des chiffres de familles examinées,
allant parfois jusqu'à deux cent cinquante et trois cents. Ce sont
ces statistiques qui présentent le plus grand intérêt.
Quant à l'autre partie, c'est de la théorie et de l'hypothèse, et
bien que les considérations auxquelles se livre l'auteur offrent une
certaine vraisemblance par la logique des déductions et l'argument
des remarques, il serait téméraire, dit le rapporteur, de porter sur
elles un jugement précis. Mais ce qu'il peut dire, c'est que le travail
de M. Orchanski met en relief bien des points de vue que soulève
cette question toujours d'actualité qu'est l'hérédité tant normale
que pathologique. M. Sollier propose, en conséquence, à la Société
de mettre en discussion les principales conclusions de l'auteur qui
ont, en dehors de leur intérêt théorique, un intérêt pratique au
point de vue de la prophylaxie des affections nerveuses et men-
tales en particulier, en montrant l'influence réciproque des deux
parents sur la ressemblance et l'évolution des descendants.
M. B.
Séance du 20 mars 1899. Présidence de M. J. Voisin.
Prix Moreau (de Tours).
La Société, acceptant les conclusions de M. BOISSIER, rapporteur
de la Commission du prix Moreau (de Tours), décerne ce prix à
M. Bernard-Leroy pour son mémoire sur L'illusion de fausse recon-
naissance. Une mention très honorable est en outre accordée au
travail de M. Wahl sur La descendance des paralytiques généraux et
à celui de M. Lalanne sur Les persécutés mélancoliques. Huit mé-
moires avaient été présentés pour le concours.
Prix Belhomme.
M. SOLLIEtt donne lecture du rapport de la commission du prix
Belhomme. Deux mémoires avaient été présentés. Le prix avec
une somme de 450 francs est accordé à M. J. Boyer, professeur à
l'Institut médico-pédagogique à Vitry. Une mention avec une
somme de 250 francs est décernée aux auteurs de l'autre mémoire,
MM. Rodier et Ameline, internes à l'Asile clinique. En 1901, les
candidats auront à traiter Du délire chez les idiots ci les imbéciles
ci l'exclusion des arriérés.
11h18 Roi3lNOWlTCII communique quelques observations d'aliénés
présentant des obsessions et diverses impulsions morbides. L'au-
teur conclut que l'isolement est le meilleur traitement qui con-
vienne à ces malades.
SOCIÉTÉS SAVANTES. z 59
La myoclonie épileplique.
M. Maurice Dide donne lecture d'un travail sur la myoclonie épi-
leptique. Le phénomène, impossible à produire artificiellement,
est toujours conscient. Les secousses myocloniques, dont la durée
ne dépasse pas une seconde, peuvent se montrer dans tous les
muscles. Elles préoccupent beaucoup plus les malades que les
attaques caractérisées et, comme celles-ci, s'améliorent par le
bromure. Elles peuvent précéder de plusieurs années l'apparition
du grand mal. Marcel BRIAND.
CONGRES DES ALIENISTES ET NEUROLOGISTES.
Xe Session. Marseille, avril 1899 '.
Pour compléter le compte rendu que nous avons donné du
Congrès de Marseille, nous croyons devoir donner le résumé
d'une communication de M. Mabille et d'une autre de
MM. Febvré et Picqué.
Psychoses POLYN1 : ,1'RIT1QUES.
M. L1BILLE. Comme M. Régis, je crois que les caractères men-
taux de l'affection décrite par ICorsakoff sous le nom de psychose
polynévritique ne diffèrent pas sensiblement de ceux qu'on ren-
contre dans les autres psychoses par auto-intoxication,. 6'est tou-
jours le même trouble à base de confusion mentale, le même
ensemble de phénomènes hallucinatoires à caractère plus ou
moins terrifiant, la même perte plus ou moins accentuée des sou-
venirs, troubles variant peut-être avec la nature ou la durée d'ac-
tion de l'agent toxique. La polynévrite peut elle-même, d'ailleurs,
exister sans les troubles mentaux.
Ce qui me paraît surtout dominant dans l'étude de ces psy-
choses par auto-intoxication, avec ou sans polynévrites, c'est la
persistance fort longue des troubles amnésiques, alors même que
les autres troubles, les troubles névritiques en particulier, ont
disparu. A l'appui de ma thèse, je puis citer deux observations
de malades qui ont guéri après avoir conservé pendant assez
longtemps des troubles de la mémoire.
' Voir le dernier numéro, juin, p. 476-506.-
,60 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Dans mes deux observations, le vin était l'agent toxique; ainsi,
chez ma première malade, il s'agit d'une femme originaire de l'île
de Ré, née de père et mère alcooliques. Alcoolique elle-même, elle
buvait au robinet du tonneau jusqu'à être ivre-morte; elle ne bu-
vait que du vin. A son entrée (novembre 1895), confusion mentale
avec intermittence de calme et d'agitation, troubles hallucinatoires
à forme zoophique, paraplégie symétrique bilatérale avec atrophie
des muscles des jambes et des cuisses, avec pieds en varus équin,
oedème des extrémités et peau luisante. Pas d'albumine, pas de
sucr.e, pas de stigmates hystériques. L'impotence fonctionnelle
s'amende graduellement et disparaît vers avril 1896 et l'état men-
tal s'améliore. Mais pendant plusieurs semaines, la perte de la
mémoire subsiste. Ma seconde observation est identique à la
première. Dans ces deux cas, les phénomènes d'ivresse et l'alcool
devin ont déjouer un rôle important. J'ajouterai que l'alcool
de vin a été rarement signalé dans l'étiologie de l'affection en
question.
Du RÔLE DE L'HYGIÈNE ET DE LA GYNÉCOLOGIE DANS LES SERVICES DE
femmes aliénées; par les Drs Picqué, chirurgien de la Pitié et des
asiles de la Seine, et FEBvRÉ, médecin de l'asile de Ville-Evrard.
Depuis quelques années, des réformes sérieuses ont été appor-
tées dans les services d'aliénés. Le vieil asile avec ses quartiers
toujours fermés et toujours symétriques, ses murs élevés, ses
moyens de contention, tend à disparaître pour faire place à un
régime de liberté qui, de jour en jour, prend plus d'extension. La
sélection entre les diverses catégories d'aliénés est venue à son tour,
et a permis l'essai de modes d'hospitalisation appropriés aux
diverses formes d'aliénation mentale observées. L'étude compara-
.tive de l'hospitalisation dans les asiles proprement dits, les asiles
colonies et les colonies familiales ou agricoles, basées sur des ex-
périences faites à l'étranger, est aujourd'hui l'objet de discussions
approfondies, tant à la Commission de surveillance des asiles de la
Seine, qu'au sein de la grande Commission organisée par le conseil
général de la Seine, en vue de la réforme des services d'aliénés. La
question de l'assistance des aliénés préoccupe à juste titre l'opi-
nion publique, qui s'est émue des critiques passionnées qui se sont
élevées contre nos établissements de traitement. Les asiles de la
Seine n'ont naturellement pas échappé à des attaques dont la vio-
lence exagérée a été heureusement tempérée par un examen im-
partial du fonctionnement des établissements hospitaliers similaires
de l'étranger.
Dans cet article, notre intention n'est pas d'aborder la question
de l'organisation en général des asiles d'aliénés; nous voulons
seulement nous borner à examiner un côté de la question, en nous
SOCIÉTÉS SAVANTES. 61
plaçant au point de vue de l'hospitalisation des femmes aliénées.
Notre pratique hospitalière déjà longue et les observations que
nous avons faites en commun, nous ont prouvé que, dans la com-
position actuelle des services d'aliénés on n'a peut-être pas tenu
suffisamment compte de certaines considérations d'ordre hygié-
nique et thérapeutique spéciales à la femme.
L'asile, construit toujours sur le même plan et pour un nombre
de lits fixé à l'avance, avec des bâtiments identiquement disposés
à l'intérieur, qu'il s'agisse de l'hospitalisation des hommes ou des
femmes, n'a été pendant longtemps qu'une « renfermerie », des-
tinée à éloigner de la société des êtres susceptibles de devenir une
cause de danger ou de trouble.
Depuis quelques années, les idées humanitaires qui se font jour
tendent à substituer à cette manière un peu primitive, pour ne pas
dire un peu barbare, de concevoir l'isolement des aliénés, une mé-
thode non plus uniforme, mais s'inspirant des conditions physi-
ques et intellectuelles présentées par les aliénés, suivant leur âge,
leur sexe, leur délire, leurs aptitudes, etc.
Néanmoins, il faut bien l'avouer, rien ou presque rien n'a été
fait pour donner à la femme aliénée certains soins hygiéniques
dont elle a absolument besoin et dont la privation constitue pour
elle un véritable supplice. On peut encore voir dans certains asiles
de province des sections comprenant plus de cent malades sans un
lavabo, des dortoirs de soixante malades et plus sans le moindre
filet d'eau destiné aux usages de la toilette. Les affections gyné-
cologiques chez les femmes aliénées sont cependant d'une extrême
fréquence, sur soixante-six malades examinées par M. le Dr Picqué
et par moi au point de vue gynécologique, sept seulement n'ont
présenté aucune lésion des organes génitaux, soit environ une
proportion de 89 p. 100 de femmes aliénées affectées de lésions de
l'appareil génito-urinaire. Nous devons dire que nous comprenons
sous ce titre toutes les lésions inflammatoires ou autres, en excep-
tant toutefois les altérations scléro-kystiques de l'ovaire et les
salpingites légères contre lesquelles nous n'avons jamais institué
un traitement chirurgical.
La question des interventions chirurgicales chez les aliénées,
agitée autrefois par Loiseau et Azam, à propos des folies sympathi-
ques, a été de nouveau soulevée le 31 aoùt 1897 à Montréal au
65° congrès de la Brit. med. Association (section de psychiatrie),
par MM. les D's Rohé et Hobbs. La statistique du Dr Rohé, méde-
cin en chef de l'asile de Maryland, porte sur 34 cas, et se décom-
pose ainsi : 11 guérisons complètes (état physique et état mental),
9 améliorations, il états stationnaires, 3 morts opératoires. La
statistique du Dr Ilobbs, médecin de l'asile de London (Ontario),
porte sur 80 cas et elle donne les résultats très favorables suivants ;
30 guérisons, soit 37 1/2 p. 100; 18 améliorations, soit 22 i/2p.100;
62 SOCIETES SAVANTES.
et 28 états stationnaires, soit 35 p. 100, 4 morts, soit 5 p. 100 du
total.
- Le Dr Russell, médecin directeur de l'asile d'aliénés d'Hamilton,
s'est déclaré l'adversaire résolu de toute intervention chirurgicale,
chez les aliénées, en s'appuyant sur l'opinion de 120 aliénistes de
la Grande-Bretagne et d'Amérique; mais il est facile de se con-
vaincre que, pour beaucoup de ces médecins, la question mal
posée laissait supposer qu'il s'agissait du traitement systématique
de la folie par la chirurgie.
En Belgique, le Dr Cuylitz a communiqué à la Société de Méde-
cine mentale de Bruxelles, un travail très important sur les opéra-
rations gynécologiques en médecine mentale ; mais il a paru sur-
tout envisager l'hystérie et l'épilepsie. Jacobs, tout en admet-
tant certaines relations sympathiques, est peu partisan de l'inter-
vention chirurgicale au cours des psychoses. - En Italie, Angelucci
et Pieraccini ont publié également un mémoire très important sur
la question.
En France, peu de chirurgiens se sont occupés de la question
lors de la discussion sur les psychoses. Quelques-uns ont émis
une opinion toujours peu favorable à l'intervention chirurgicale
chez les aliénées. D'autre part, des observations ont été publiées.
Terrillon a cité, il y a quelques années, une observation qui a
trait à ce sujet.
Le Dr Piéchaud, au congrès des médecins aliénistes de 1896, a
relaté deux observations relatives à des interventions chirurgicales
et suivies, l'une de guérison, l'autre d'amélioration de l'état men-
tal. Ces cas sont restés isolés. Aucun auteur n'a songé à en dé-
duire l'enseignement qu'ils comportent réellement. Enfin Cossa
(thèse de Montpellier) a consacré sa thèse à la question du traite-
ment chirurgical de la folie sympathique.
M. le professeur Joffroy, dans une leçon clinique très remar-
quable, a traité incidemment la question des rapports de la chi-
rurgie et de l'aliénation mentale.
Nous ne voulons pas nous étendre plus longuement sur l'histo-
rique de la question ; nous n'avons pas en effet l'intention de
revenir sur les théories émises à propos de la folie sympathique.
Le terme de folie sympathique est d'ailleurs un terme générique
vague, qui évoque simplement l'idée du retentissement à distance
d'organes éloignés et malades, sur le cerveau, et qui doit dispa-
raître pour faire place à des états intellectuels bien définis, liés ou
non à la dégénérescence. Nous croyons, toutefois, que la grande
chirurgie de l'abdomen qui a été jusqu'à ce jour peu pratiquée sur
les aliénées en raison de lacunes hospitalières, peut dans certains
cas aboutir à des résultats inespérés, en faisant cesser brusque-
ment des troubles organiques graves, survenus à la suite de lésions
organiques ou de néoplasmes très étendus. De même, nous pensons
SOCIÉTÉS SAVANTES. 63
que les aliénées doivent bénéficier de toutes les nouvelles données
gynécologiques, inconnues au moment où Loiseau et Azam pu-
bliaient leurs travaux sur la folie sympathique. '
L'importance des causes physiques dans la genèse du délire
ne saurait être niée ; elle a été mise en évidence dans les traités de
Pinel, de Marcé, d'Esquirol, qui ont toujours insisté sur le mode
de réaction du cerveau en présence de la souffrance physique.
Si, comme nous l'exposions dans un mémoire présenté à la Société
de chirurgie de Paris, certaines aliénées semblent jouir d'une résis-
tance très grande aux agents physiques, si, rarement, elles font
entendre une plainte ou accusent un malaise, elles n'en sont pas
moins impressionnées par les moindres causes extérieures, par de
simples variations atmosphériques. L'irritabilité constitue dès
lors l'élément le plus redoutable du délire, surtout dans les formes
de la folie dont les préoccupations hypochondriaques donnent la
note prédominante.
Ces quelques considérations prouvent surabondamment le rôle
tout humanitaire que nous voulons assigner à la gynécologie
appliquée aux aliénées. Nous avons été frappés par l'énorme pro-
portion des affections de l'utérus ou de ses annexes, chez les
femmes aliénées. Notre statistique donne le chiffre de 89 p. 100;
George Rohé, second surintendant à l'hôpital des aliénés de Syker-
ville (Maryland), déclare que 60 p. 100 des folles internées présen-
tent des lésions des organes pelviens. Isabel Dowenport, à l'hô-
pital Illinois à Iïaul : alcee, a trouvé une proportion de 80 p. 100, et
Hobbs, au congrès de Montréal, a donné le chiffre de 93 p. 100.
En présence de telles statistiques, les médecins ou chirurgiens
des Asiles peuvent-ils se désintéresser de la situation de malheu-
reuses aliénées, susceptibles d'être guéries ou améliorées par un
traitement bien dirigé ? Ont-ils le droit d'ignorer ou de laisser sans
soins des affections utérines curables, et de laisser s'ajouter à des
souffrances morales déjà si terribles, des souffrances physiques,
qu'il est en leur pouvoir d'atténuer ou d'éviter ? Pour notre part,
nous avons pensé qu'il était cruel de ne pas intervenir, et nous
sommes intervenus dans les conditions suivantes : -.
Jamais une aliénée n'a été examinée et ci plus forte raison opérée,
sans le consentement écrit de la famille. Toutes les interventions
gynécologiques ont été pratiquées avec les précautions antisep-
tiques et aseptiques qui sont de règle dans les hôpitaux de Paris.
Jamais une opération n'a été tentée sur un organe sain ou chez
des épileptiques ou des hystériques en vue de remédier à leur état de
nervosité.
Des installations particulières ont été réalisées à l'infirmerie de
l'asile de Ville-Evrard (division des femmes), afin de donner à
toutes les malades opérées ou à opérer des garanties de sécurité
presque absolues. Une sous-surveillante et des infirmières spécia-
64 SOCIÉTÉS SAVANTES.
lement affectées au service de gynécologie, ont été seules chargées
de donner des soins aux malades opérées ou à opérer.
A défaut de chambre d'opération, une chambre d'isolement bien
éclairée, absolument réservée à la chirurgie, a été utilisée et amé-
nagée pour toutes les opérations. ·
Notre intervention a toujours été justifiée. L'initiative que nous
avons prise, avec le consentement des familles, et en dehors de
toute idée préconçue sur les rapports qui peuvent exister entre les
maladies mentales et les lésions de l'appareil génital de la femme,
ne pouvait être que parfaitement légitime. Nous sommes intervenus,
soit médicalement, soit chirurgicalement, chez 22 malades, et nous
avons constaté par la suite : 11 guérisons, 3 états stationnaires,
7 améliorations, 1 mort.
Les observations de ces malades sont développées dans le tra-
vail que nous avons soumis à la Société de chirurgie et intitulé :
Du rôle de l'intervention chirurgicale, et en particulier des opérations
chirurgicales dans certaines formes d'aliénation mentale.
Ces observations sont réparties en trois groupes :
Le premier groupe comprend les malades chez lesquelles l'affec-
tion mentale a évolué parallèlement à la lésion des organes géni-
taux. La guérison, à la suite de l'intervention chirurgicale, a été
complète. Ces faits, favorables à la doctrine de la folie sympa-
thique, auraient été plus nombreux et utilisés parles partisans des
psychoses sympathiques, si.les aliénées avaient pu, à cette époque,
bénéficier des ressources de la chirurgie. Ils démontrent en tout
cas, l'influence des causes physiques au point de vue de l'éclosion
et du développement du délire.
Dans le deuxième groupe nous avons rangé des délires sura-
joutés à un délire primitif et développés à la suite d'obsessions
hypochondriaques. L'imagination, qui déjà chez l'homme sain est
un élément de dépression si accusé en face de la douleur physique,
est capable de créer, sous l'influence d'une cause irritante quel-
conque, sinon un vrai délire, du moins des interprétations déli-
rantes variées ou un délire secondaire surajouté au délire primitif.
Chez la femme douée d'une impressionnabilité excessive, l'atten-
tion toujours appelée vers certaines lésions des organes génitaux,
dégénère en une obsession capable de devenir angoissante et de
masquer, par sa prédominance, les anciennes idées délirantes.
D'où la nécessité de dissocier les souffrances morales et les souf-
frances physiques en supprimant si possible ces dernières. Sans
guérir l'état antérieur d'aliénation mentale, l'acte opératoire met
l'organisme en état de lutter efficacement contre le délire et contre
ses manifestations dangereuses ; en même temps, il prévient l'épui-
sement qui peut résulter de certaines lésions (fibromes avec
hémorragie) et il supprime, dans certains cas, les autres intoxica-
tions qui jouent dans la pathogénie de la folie un rôle prédominant.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 65
Le troisième groupe comprend les opérations faites dans le but
d'activer la convalescence mentale. Ce groupe est le plus impor-
tant ; il démontre les bienfaits de la gynécologie appliquée à des
lésions de peu d'importance mais susceptibles dé prolonger un état
de malaise indéfinissable, avec répercussion sur l'activité en
général et persistance d'une teinte de mélancolie en apparence non
justifiée. L'examen des organes génitaux, pratiqué à ce moment,
révèle parfois, soit une vaginite, soit une métrite,'soit des ulcéra-
tions d'une ou de deux lèvres du col de l'utérus. Quelques injec-
tions au permanganate de potasse, un simple curettage, une opé-
ration de Schroeder, triomphent de cet état de lassitude, dont l'ori-
gine est alors trouvée, et la convalescence mentale, un instant'
enrayée, marche rapidement vers une guérison définitive.
Nous nous proposons de suivre nos opérées ; mais dès à présent
nous attendons beaucoup de cette thérapeutique, uniquement
dirigée contre la douleur physique. Des résultats inespérés ont été
la conséquence d'opérations peu graves mais supprimant certaines
souffrances, certains troubles exagérés ou mal interprétés par des
imaginations en puissance du délire.
Aucun accident de chloroforme n'est survenu dans le service.
L'anesthésie, contrairement à ce qu'on serait tenté de croire, s'est
toujours produite rapidement, sans période d'excitation bien vive.
Au cours de la convalescence mentale, alors que la santé intel-
lectuelle est si fragile, l'appréhension d'une opération, les inhala-
tions de chloroforme, n'ont jamais amené de rechutes.
Cette remarque a son importance, au moment où les travaux
sur les folies post-opératoires tendent à faire rejeter les interven-
tions chirurgicales chez les aliénées.
Pour nous résumer, nous dirons que certaines réformes hospi-
talières s'imposent afin de doter tous les services de femmes aliénées
d'un petit arsenal chirurgical destiné aux interventions chirurgicales
de peu de gravité (curettages, opérations de Schroeder). Les infir-
meries, notamment, doivent être pourvues d'une salle aseptique,
d'une étuve Poupinel, pour désinfecter et aseptiser les instruments
et les objets de pansements (compresses, ouate, crins, etc.), d'ap-
pareils de balnéation et d'injection divers; elles doivent être
exemptes de parquets, de boiseries, d'objets impossibles à désin-
fecter et dont l'entretien par le frottement et l'époussetage ne peut
que propager des germes morbides.
Le personnel de surveillance de ces infirmeries doit être recruté
parmi les sous-surveillantes et infirmières diplômées, ayant déjà
accompli un long stage dans les autres services. L'asile ne doit
plus être, en un mot, un refuge destiné à abriter toutes les misères,
mais un hôpital de traitement, permettant par sa disposition et
par son outillage médical et chirurgical, de parer à toutes les
éventualités morbides d'ordre chirurgical ou médical.
Archives, 2e série, t. VIII. 5
66 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Il est illogique et cruel de se désintéresser de la situation de
malheureuses aliénées, dont le délire n'est souvent que l'expres-
sion de la douleur, atteintes de lésions organiques ou inflamma-
toires, dont elles seraient certainement débarrassées par une
intervention opportune si elles jouissaient de leur liberté. Il est
nécessaire, selon nous, d'éloigner de l'esprit de malades si acces-
sibles aux obsessions et aux interprétations délirantes, toutes les
causes capables d'entretenir, d'activer, d'étendre ou d'augmenter
le délire.
Les vaginites si nombreuses, dont nous avons parlé, sont loin
d'être toujours la conséquence d'une contagion gonococcique ;
elles sont, pour la plupart, placées sous la dépendance de l'absence
de soins hygiéniques. Les persécutées, sans cesse disposées à
cacher leurs souffrances ou à les attribuer à des agissements
occultes, donnent, en pareil cas, libre cours à leur imagination
douée d'une activité morbide, elles pensent il des attentais odieux
commis sur leur personne pendant la nuit, et se condamnent à
l'insomnie, afin d'échapper à des souillures dont elles voient les
traces dans certaines sécrétions qui ne sont que le résultat d'une
inflammation qu'elles ignorent. Les perversions génitales chez la
femme aliénée sont tellement fréquentes, tellement pénibles, elles
ont un tel retentissement sur son état général, qu'il est, de toute
nécessité d'en empêcher le développement ou d'en atténuer les
funestes effets, par des soins hygiéniques spéciaux 1,
Journée du dimanche 9 avril.
Réception à l'asile d'Aix. Inauguration du buste du Dr Pontier ? ,.
L'excursion à Toulon, placée avant la visite de l'asile d'aliénés
d'Aix en Provence, a eu pour conséquence de réduire un peu le
nombre des congressistes qui ont suivi cette partie du programme.
Ils ont été reçus à la gare par le Maire, M. le Dr Bertrand, par le
médecin directeur, le Dr Ph. Rey, par les Dy Chabrier, président et
Bourguet, membre de la Commission de surveillance. On s'est
rendu en voiture à l'asile situé à l'extrémité d'une des plus belles
avenues de la ville. Les assistants se sont réunis dans la salle de
la Bibliothèque de l'asile où il a été procédé à l'ouverture officielle
. Dans toutes les divisions des aliénées des asiles, les médecins doi-
vent se préoccuper de plus en plus des affections organiques de tout
genre et surtout des affections utérines et de l'hygiène sexuelle. (13.)
° Nous reproduisons cette partie du Compte rendu du Congrès de
Marseille parce que l'épreuve que nous avions adressée, pour corrections,
à notre ami le U' l'h. Itey, est parvenue trop tard à l'imprimerie pour
être corrigée. ¡(il,)
SOCIÉTÉS SAVANTES. 67
de l'Ecole professionnelle pour les surveillants et infirmiers, orga-
nisée par le médecin-directeur qui a exposé le programme des
cours et présenté un règlement et un livret d'instructions géné-
rales pour les agents du personnel de surveillance. Puis, M. Rey
a donné le mouvement de l'aliénation mentale dans les Bouches-
du-Rhône et quelques considéralions sur les formes de la folie.
L'alcoolisme a fait des progrès dans les centres ruraux. La popu-
lation de son asile, le 9 avril, était de 786 malades dont 407 et
379 femmes. Ces malades proviennent des Bouches-du-Rhône, de
la Corse et de l'Algérie; la moyenne des admissions a été de 197,
pour les trois dernières années.
M. Rey fournit ensuite des renseignements sur le compte admi-
nistratif, sur le régime alimentaire et les régimes spéciaux pour les
infirmeries, sur la transformation des services généraux devenus
insuffisants par suite de l'accroissement de la population qui a
amené l'encombrement de l'asile. De là, nécessité de nouvelles cons-
tructions, en particulier pour les travailleurs, une nouvelle infir-
merie pour les femmes, pour le pensionnat. Les locaux qui devien-
draient disponibles serviraient à désencombrer l'asile. Il y aura à
procéder à de grands mouvements de terrains pour dégager le
bâtiment d'administration et achever l'avenue. La situation finan-
cière de l'asile permet de réaliser tous ces projets.
La cérémonie d'inauguration du buste du Dr Pontier a eu lieu
ensuite dans la grande salle d'honneur de l'établissement décorée
pour la circonstance de trophées de drapeaux et de plantes vertes.
De nombreuses notabilités, invitées par l'aimable directeur, M. Rey,
avaient pris place, dès il heures, dans l'enceinte qui leur était
réservée. -- Le Dr Chabrier, président de la Commission de sur-
veillance, souhaite la bienvenue au Congrès, en excellents termes.
M. Doutrebente prend ensuite la parole et, dans un discours
très applaudi, rend un hommage ému à la mémoire de l'ancien
directeur-médecin.
Un choeur (hommes et femmes) composé de pensionnaires de
l'établissement, accompagné par un orchestre excellent, a exécuté
une cantate, composée pour la circonstance, que l'auditoire entier
a applaudie frénétiquement.
SI. Pontier fils, conservateur du musée et auteur du monument
qui va perpétuer le souvenir de son père, a remercié vivement le
congrès en quelques paroles empreintes d'une douce émotion. Le
buste remarquable est, nous assure-t-on, très ressemblant : il
repose sur un piédestal tout simple. La place définitive du monu-
ment sera dans la salle de la Commission, dans laquelle, à cause
de ses dimensions exiguës, n'a pu avoir lieu l'inauguration.
Un banquet de quatre-vingts couverts réunissait ensuite les con-
gressistes et les invités autour d'une table somptueusement ser-
68 SOCIÉTÉS SAVANTES.
vie. De nombreuses dames, pour la plupart femmes des membres
du congrès, en toilettes claires, piquaient çà et là sur la teinte
sombre des habits noirs des nuances gaies qui ajoutaient encore
à l'éclat de ce festin.
- Au Champagne, des discours ont été prononcés par MM. le
if Chabrier; Cotelle, sous-préfet; Leydet, sénateur; Perreau,
député; le Dr Rey, MM. les Drs Drouineau et Doutrebente et le
pasteur protestant, le Dl' Pichenot et le représentant de la Presse.
Ensuite, le groupe des danseurs de Saint-Cannat a. exécuté, au
son du tambourin, de vieilles danses provençales devant les invi-
tés. La musique des Touristes de l'Union a exécuté, durant cette
fête charmante, des morceaux variés de son répertoire.
Les malades,dont la table avait été particulièrement soignée, ont
pris part à toutes ces réjouissances.
Avant la cérémonie d'inauguration, les congressistes avaient visité
les différents quartiers de l'asile, guidés par le U' Hey, qui leur a
fait les honneurs de son établissement avec une exquise bonne
grâce. On a remarqué la nouvelle infirmerie pour la section des
hommes, l'installation récente également des bains-douches, et
les cellules capitonnées du quartier de traitement. Tous les quar-
tiers sont éclairés à l'électricité. Les lampes des dortoirs se
transforment en veilleuses au moyen de commutateurs spéciaux.
La population arabe offre un intérêt particulier, tant au point
de vue des formes mentales et des différentes manifestations du
délire qu'au point de vue anthropologique. Sur près de 80 de ces
malades, des deux sexes, il n'y avait, à ce jour, aucun cas de
paralysie générale.
Voici, en terminant, quelques renseignements sur le Dr Pontier,
créateur et premier directeur de l'asile d'aliénés du Mont-Perrin.
' M. Charles Pontier naquit à Aix le 6 mai 1809. En 1852, il fut
chargé de la direction du quartier d'aliénés, situé alors à l'hospice
d'Aix. Dans ces difficiles fonctions, il eut à donner maintes fois
des preuves de son inaltérable dévouement aux malades qu'il soi-
gna avec une sollicitude qui ne se démentit jamais.
Un peu plus tard, ayant réalisé des économies par une sage
administration, M. Pontier put faire l'acquisition du terrain sur
lequel s'élève l'asile actuel. Les travaux furent poussés activement;
mais, hélas ! la mort ne lui permit pas d'achever l'oeuvre qu'il
avait entreprise et le 15 mars 1878 il succombait, emporté à l'âge
de soixante-neuf ans par une maladie qui le minait depuis un
certain temps. Le monument érigé à la mémoire de cet homme de
bien n'est qu'une réparation qui élait due à celui qui consacra sa
vie entière au soulagement de ses semblables atteints par le plus
terrible des maux : la folie.
Pour compléter ce qui précède, voici quelques renseigne-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 69
ments sur l'asile d'aliénés d'Aix, en Provence, que M. le
Dr Ph. REY a bien voulu nous communiquer :
70 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Aumôniers :
1° Aumônier catholique, 2.000 francs, logé au dehors;
2° Pasteur protestant, 300 francs, logé au dehors;
3° Rabbin, 300 francs, logé au dehors '.
P7'ix de journée. - 1 fr. 20 pour le département des Bouches-du-
nhône; 1 fr. 20 pour celui de la Corse; 1 fr. 35 pour celui d'Alger.
Prix des pensions. 1'° classe, 1.600 francs, 4 fr. 38 par jour;
2° classe, 1,200 francs, 3 fr. 33 par jour; 3° classe, 800 francs,
2 fr. 19 par jour.
L'abonnement au trousseau est de 400 francs par an pour la
lro classe, 300 francs pour la 2° et 200 francs pour la 3°.
Balance du Compte financier de 1898 :
BIBLIOGRAPHIE. 71 1
L'asile d'Aix est parfaitement tenu, ainsi que nous l'avons
constaté dans notre visite, avec "'1. Pelletier, chef du service
des aliénés à la Préfecture de la Seine, dans notre visite par-
ticulière du 7 avril. Nous ne parlerons pas de l'encom-
brement et du remède à y apporter, espérant y revenir pro-
chainement à propos d'autres asiles, mais nous croyons
devoir signaler la situation pénible qui *est faite aux aliénés
de l'Algérie que l'on envoie à l'asile d'Aix. Il y a là une situa-
tion barbare à laquelle il conviendrait de remédier d'urgence.
Le directeur de l'Assistance publique en France, M. Monod,
accomplirait une réforme de premier ordre, vraiment répu-
blicaine, c'est-à-dire humaine, s'il prenait l'initiative de la
création d'un asile pour nos départements d'Algérie.
Rappelons en terminant les efforts faits par M. Rey pour
la création d'un asile-école interdépartemental pour les en-
fants idiots, imbéciles, arriérés et épileptiques de la région.
L'administration supérieure, ainsi que nous l'avons déjà dit
plusieurs fois, devrait également se préoccuper de cette
réforme. Dans ce but, elle devrait préparer le personnel
enseignant en créant, nous ne dirons pas une école normale,
mais des bourses pour un groupe d'instituteurs et d'institu-
trices, brevetés, qui passeraient successivement, durant un
temps à déterminer, à l'Institution nationale des sourds-
muets, à l'Institution nationale des jeunes aveugles ou à
l'école Braille, et à l'asile-école des idiots de Bicètre. La réa-
lisation de cette idée aiderait aussi à la fondation des classes
spéciales pour les enfants arriérés. BOUR\GVILLI ?
BIBLIOGRAPHIE.
1. Les myélites syphilitiques ; par Gilles de L TOURETTE,
(Collection des u Actualités médicales, J.-B. Baillière et fils.)
Ce petit volume, aussi agréable dans la forme que substantiel
dans le fond, constitue une suite de descriptions cliniques enchai-
nées dans un ordre méthodique et simple qui en rend la lecture
facile et l'assimilation certaine. 11 sera lu avec plaisir et profit,
72 BIBLIOGRAPHIE.
aussi bien par l'étudiant à qui il s'adresse spécialement, que par
le praticien et même le spécialiste.
L'auteur met en lumière, au début de son travail, toute l'impor-
tance pratique de son sujet, en affirmant avec l'autorité qui s'at-
tache à ses travaux, « qu'il reste certainement au-dessous de la
vérité en disant que sur dix affections médullaires plus de la
moitié reconnaît la vérole pour cause immédiate ». Mais si ces
affections découlent J'un même processus anatomo-pathologique,
à évolution plus ou moins rapide et généralement connu, les
localisations topographiques des lésions affectent une variabilité
et une irrégularité qui rendent très difficile la description des types
'cliniques et cette difficulté se trouve encore augmentée par ce fait
« que l'étude à laquelle nous sommes accoutumés des maladies
systématiques de la moelle a créé une certaine habitude d'observer,
une manière spéciale de raisonner dont l'esprit se défait difficile-
ment ». « Je ne serais pas étonné, pour ma part, dit M. Gilles
de la Tourette, que cette éducation particulière ait nui jusqu'à
présent, dans une certaine mesure, aux descriptions, à l'établisse-
ment des types cliniques de la syphilis médullaire, »
L'auteur glisse rapidement sur le mal de Polt syphilitique et les
gommes syphilitiques intnuventé6rule·, dont le diagnostic étiologique
relativement facile, impose le traitement, il passe successivement
en revue les grandes formes médullaires de la syphilis acquise : la
syphilis maligne précoce du système nerveux, les myélites aiguës,
les myélites chroniques, les myélites à formes irrégulières.
La seconde partie de l'ouvrage traite des déterminations spé-
ciales de la syphilis héréditaire : syphilis héréditaire congénitale,
syphilis héréditaire précoce et tardive.
Tous ces chapitres sont à lire en entier. Ils sont enrichis d'ob-
servations personnelles dont les résumés judicieux éclairent la
bizarrerie et la multiplicité des symptômes cliniques, la difficulté
fréquente des commémoratifs étiologiques, l'extrême importance
du diagnostic précoce, et la vérification même de ce diagnostic
par l'efficacité du traitement spécifique énergique.
Dans une troisième partie l'auteur développe la question du
traitement : indications générales, médication (mercure et iodure de
potassium à hautes doses). Le mercure devra dans la méthode de
choix être administré par les frictions cutanées, dans le cas d'ur-
gence par les injections sous-cutanées. L'iodure de potassium sera
absorbé par la voie buccale, dans les cas ordinaires, ou dans les
cas d'urgence par la voie sous-cutanée. L'ouvrage se termine par
quelques rapides considérations sur la durée du traitement, le
traitement général, l'utilité comme traitement adjuvant dans des
cas particuliers de l'électricité et de la révulsion, la médication chez
les enfants.
Je ne saurais mieux faire, en terminant cette importante et trop
BIBLIOGRAPHIE. 73
courte analyse d'un ouvrage essentiellement pratique, que de citer
ces mots de l'auteur : * Croyez-m'en, si vous avez des syphilitiques
dans votre clientèle, lorsqu'ils viendront de temps en temps vous
consulter et vous demander s'il ne serait pas bon de reprendre le
traitement, ne vous bornez pas, ainsi qu'on le fait très générale-
ment, à inspecter leur gorge ou leur tégument cutané, pour voir
s'il ne s'y trouve pas quelque lésion en activité. Percutez leurs
réflexes rotuliens, il vous arrivera plus souvent que vous ne pourriez
le croire, de les trouver exagérés ; demandez alors s'il n'existe pas
une sensation anormale de lassitude après une station debout un
peu prolongée, si la course n'est pas difficile, si la miction ne
nécessite pas des efforts. Et si vous relevez quelques-uns de ces
symptômes dont le malade oubliait même de vous parler, inter-
venez activement : « Vous ferez de bonne et utile besogne, vous
couperez en herbe des myélites qui allaient évoluer dans le sens
spasmodique. » t R. CHAROS.
IL Kliniske og aetiologiske studier over psykisk udviklingsmangler
/tûs6o ? 'H (Etudes cliniques et étiologiques sur le développement
défectueux de l'intelligence chez les enfants) ; par Carl LooFT,
docteur en médecine. Bergen, Norvège,'1897.
Dans le premier chapitre de ce livre de 184 pages, l'auteur a
décrit l'idiotie et l'imbécillité en général avec les renseignements
spéciaux à ces états chez les enfants norvégiens. Il a trouvé, que
20,6 p. 100 des garçons idiots et imbéciles (328 examinés) étaient
épileptiques et 12,1 p. 100 des filles (249 examinées). Il a trouvé,
que l'esprit, l'humeur et le moral et tous les instincts sont plus
souvent altérés chez les idiots et imbéciles épileptiques que chez
es mêmes non épileptiques, 38 p. 100 des garçons et 31 p. 100 des
filles étaient des héréditaires. '
11,27 p. 100 des idiots et imbéciles et 7,7 p. 100 des filles avaient
eu des convulsions infantiles, mais celles-ci n'avaient point, en
aucun cas, paru plus tard que dans la 14° année.
Dans le second chapitre l'auteur a décrit les arriérés, qu'il a
examinés dans les écoles publiques de Bergen (Norvège), il a aussi
fait la craniométrie et le mesurage du thorax et du corps des
arriérés et il a trouvé que tous les arriérés étaient moins déve-
loppés que les enfants normaux du même âge; ils avaient tous
des signes de rachitisme, qu'il a trouvés être la cause aussi du
développement défectueux des enfants arriérés.
16,8 p. 100 étaient des héréditaires et en 20,3 p. 100 des cas les
maladies infectieuses chroniques et les intoxications (alcooliques)
étaient les causes de la maladie.
Dans un autre chapitre (p. 92), l'auteur a décrit l'idiotie myxoe-
démateuse (l'idiotie crétinoïde). Après avoir rappelé les travaux du
74 BIBLIOGRAPHIE.
Dr Bourneville et des autres médecins français et anglais (Ireland,
Teleford-Smith, etc.), il publie cinq observations personnelles, les
premières qui ont été notées en Norvège, où il semble que ces
idiots ne sont pas aussi rares qu'on le croyait autrefois. Le
crétinisme endémique n'existe pas en Norvège.
Dans les derniers chapitres sont exposés les résultats des études
de l'auteur sur l'étiologie de l'idiotie et de l'imbécillité se basant
sur 539 observations.
Il a trouvé : 1° que l'hérédité mentale était la cause dans
17,4 p. 100; 2° l'alcoolisme chez les parents de 3,7 p. 100 et 3° la
tuberculose chez les parents de 9,1 p. 100; 4° la naissance pénible
et difficile, à l'accouchement, ont été les causes de l'idiotie dans
quelques cas (0,7 p. 100).
Dans un district de la Norvège (Bergens stift) l'auteur a trouvé
que les premiers-nés inanimés étaient lesplusuiombreux parmi les
idiots; en un autre district (llamar stift) la première et la quatrième
cause; en un troisième district (ICristiansands stift) la troisième et
la deuxième étaient les plus fréquentes. '
Les naissances de jumeaux et de trois jumeaux sont très fré-
quentes dans les familles où sont des idiots.
En Norvège l'auteur a trouvé jusqu'à 10 et 14 p. 100 des nais-
sances de jumeaux dans les familles où sont des idiots; dans
les autres familles on ne trouve que 1,3 p. 100; dans 4 à 5 p. 100 des
cas l'idiot était lui-même un jumeau.
Le rachitisme est, en Norvège, très souvent la cause de l'idiotie
,ct de l'imbécillité. L'auteur a examiné à propos de cette question
(p. 145-156), 76 enfants très rachitiques et il a trouvé que l'intelli-
gence était très peu développée chez 59 d'entre eux. Chez 19,4
p. 100 d'idiots et d'imbéciles 5 : 39 - il a trouvé le rachitisme
comme cause de l'état morbide.
L'auteur a fait des examens sur l'hygiène de l'enfance dans
10 districts divers de Norvège et il a fait le parallèle de celle-là et
de la fréquence de l'idiotie et de l'imbécillité (p. 166 et 167); là où
l'hygiène de l'enfance est mauvaise, où on trouve beaucoup d'en-
fants rachitiques, où les convulsions infantiles sont fréquentes, et
Ja mortalité des nourrissons grande, on rencontre aussi le plus
grand nombre d'idiots et d'imbéciles.
Les chiffres que l'auteur a empruntés il la statistique officielle
norvégienne et les courbes qu'il a dessinées, démontrent les corré-
lations. En Norvège, les garçons idiots et imbéciles sont plus
nombreux que les idiotes et les imbéciles (filles).
VARIA.
La diminution de l'emploi DE l'alcool ET ses résultats
EN NORVÈCLE '.
La production indigène de l'alcool, calculée à 50 p. 100 d'alcool
pur, avarié entre 7.868.000 litres en 1891, 4.943.000 litres en 1883
et 5.976.000 en 1896. Les quantités employées dans l'industrie et
aux usages pharmaceutiques ont atteint leur maximum, en 1876,
avec 12.268.000 litres et leur minimum, en 1896 avec 4.229.000 li-
tres, provenant surtout de l'importation, qui a largement dépassé
l'exportation de ces mêmes produits. La quantité d'alcool par
habitant a varié de 6,7 litres en 1876 et 2,3 en 1890.
La consommation de la bière a varié de 432.061 hectolitres
en 1891 à 214.261 hectolitres en 1871, et a été par habitant de
23,2 litres en 185r, 19,8 en 1894, 17,7 en 1895 et 16,2 en 1896.
L'importation du vin, grâce à la modification des droits de
douane pendant ces dernières années, a été en augmentant et a
remplacé l'alcool dans la consommation. L'importation, qui était
en moyenne de 1.672.sou litres pendant la période 1881-1885, a
atteint 2.967.300 litres en 1895 et 5,606.000 en 1897, portant prin-
cipalement sur des gros vins à bon marché qui remplacent l'alcool
dans la consommation; cependant au commencement de 1898
l'importation semble s'êlre un peu ralentie.
Une diminution sensible a été constatée dans le nombre des
accidents causés par l'alcoolisme depuis les quarante dernières
années, dans les campagnes plutôt que dans les villes ; les décès
causés par l'alcoolisme comptés pendant des périodes quinquen-
nales depuis 1856 jusqu'à 1896, ont été de 33, 22, 24, 29, 18, 10, 8
et 10,5 pour 10.000.
Pendant la période de 1856 à 1890, 13,7 p. 1C0 des aliénés étaient
des alcooliques; ce nombre a été ensuite en diminuant et descen-
dait à 7,6 p. 100 en 1891 et à 4,4 p. 100 en 1893. Les suicides, qui
avaient été en augmentant de 1826 à 1850, ont diminué depuis;
ils avaient été pendant la période 1846-1850 de 109 par million
d'habitants et par an, et pendant les trois périodes quinquennales
1881-1896, ils sont descendus à 68, 66 et 65 par million d'habitants
1 D'après le Reiclescctaei7er du I décembre 1898 et la Neddclelscl' fra
IPI slalislislé cerelmtlGuuerttc. '. " . .
76 FAITS DIVERS.
et par an. La durée moyenne de la vie semble aussi avoir aug-
menté.
La criminalité a également baissé : elle était en moyenne par
an de 194,5 par 100.000 habitants pendant la période de 1851
à 1855, elle n'était plus que de 180,3 pendant la période 1871-1874
et de 142,1 pendant la période 1891-1894. (Bulletin de l'Office du
Travail de février 1899.)
Un FOU furieux A la SALPÊTRIÈRE.
Un placier, Charles Simonnet, âgé de vingt-six ans, demeurant
28, rue Broca, atteint de la folie de la persécution, se présentait,
hier matin, à la visite de l'hospice de la Salpêtrière, et demandait
à voir immédiatement le médecin consultant, afin que celui-ci le
mit dans un cabanon pour le soustraire à ses persécuteurs. Comme
on n'obtempérait pas à son désir, il entra dans une indicible fureur
et se précipita dans la salle de visite où se trouvait M. le docteur
Voisin et engageait avec les infirmiers une lutte terrible au cours
de laquelle tout fut bouleversé dans la salle, causant un vif émoi
parmi les personnes venues à la consultation. On dut mettre la
camisole de force au malheureux qui, sur un certificat du docteur,
fut dirigé en hâte sur l'infirmerie spéciale du dépôt. (Le Soleil
du 28 mai 1899.)
Pourquoi ne pas l'avoir dirigé de suite sur l'Asile clinique puis-
qu'il u'y avait pas de doute sur la réalité de la folie, au lieu de le
trimballer à l'infirmerie du dépôt et de là audit Asile clinique ? 2
FAITS DIVERS.
UN bébé TUÉ par UNE fillette. Le Petit Parisien du 22 mai i
publie la dépêche suivante d'Alger :
Il y a quelques jours, disparaissait un bébé de trois ans, le jeune
Etienne Grecco, fils d'un jardinier employé à la ferme Raphaël,
près d'El-Affroun ; après de longues recherches restées infruc-
tueuses on eut l'idée de vider un immense bassin servant à ali-
menter des alambics destinés à distiller du géranium; un spectacle
horrible s'offrit à la vue : le cadavre gisait au fond du réservoir,
presque méconnaissable ; toute idée d'accident devait être écartée,
car ce bassin qui s'élève à deux mètres au-dessus du sol est her-
métiquement fermé.
FAITS DIVERS. 77 %
Pendant que la gendarmerie procédait à une enquête, le jeune
René, fils du fermier Kaci, est venu déclarer au brigadier que
c'était sa soeur Thérèse qui avait jeté le petit Etienne dans le réser-
voir et avait aussitôt refermé le bassin, menaçant son frère de
mort s'il la dénonçait.
La petite Thérèse, âgée de douze ans, qui à ce moment se tenait
cachée chez son père, ayant été appelée, a avoué son crime, et,
comme on la questionnait sur le mobile qui l'avait fait agir, elle
a répondu cyniquement : C'est une idée comme cela !
La jeune criminelle issue d'un père arabe et d'une mère espa-
gnole, est le vice incarné; on devait même l'enfermer dans une
maison de correction à la suite d'un vol important qu'elle avait
commis récemment.
Trois évadés de Ville-Evrard. Trois individus se présentaient
hier, dans l'après-midi, chez M. R..., marchand de vin, rue Prin-
cesse, et demandaient des absinthes. Ils n'avaient point de cha-
peau, l'un des trois était même vêtu simplement d'une chemise,
d'un pantalon et de sandales. Mais, comme ils avaient demandé
leurs consommations poliment, le marchand de vin les servit. Ils
ne se disaient entre eux pas un mot. Ils burent lentement.
Mais, lorsque l'alcool de la dangereuse boisson eut opéré son
effet, voici que les trois hommes se lèvent poussant des cris inco-
hérents, lancent verres et bouteilles contre les glaces, puis assail-
lent le marchand de vin, qui tombe bientôt atteint à la joue gauche
par un verre cassé, perdant le sang. Les consommateurs s'affolent,
appellent les gardiens de la paix. Il fallut tout le poste de perma-
nence de la mairie du sixième arrondissement pour se rendre
maitre des trois énergumènes. On les conduisit chez M. Lagaillarde,
commissaire de police du quartier de l'Odéon, qui les interrogea.
Calmes par instants, puis redevenant furieux sans motif et
menaçant le magistrat, ils contèrent leur odyssée. Louis OEillet,
Georges Charron, Jean Berlet, âgés de trente à trente-cinq ans, se
sont échappés de l'asile de Ville-Evrard vendredi dernier, au
matin. Ils ont gagné par le Perreux et Nogent-sur-Marne, le bois
de Vincennes, dans les fourrés duquel ils ont couché depuis lors;
ils ne se sont nourris que des débris de victuailles et de pain,
laissés dans les clairières par les promeneurs du dimanche et les
rôdeurs. Lassés de cet ordinaire, et surtout poussés par un besoin
irrésistible de boire de l'alcool, ils quittèrent le bois hier matin,
rodèrent par la ville, sans manger, toute la journée, et se déci-
dèrent, vers quatre heures, à entrer dans le débit de la rue Prin-
cesse. M. Lagaillarde a fait diriger ce matin sur la préfecture de
police les trois évadés, qui regagneront ce soir l'asile. (Le Temps
du 24 mai 1899). Signalons que le Temps met les noms des
malades en toutes lettres.
78 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
CONTRE L.1LCOOLISIfE ? Frappés des dangers que fait courir à
nos populations bretonnes l'usage immodéré de l'alcool, les méde-
cins de la marine résidant à Brest et les médecins du département
du Finistère viennent d'adresser à leurs compatriotes un appel
dans lequel ils déclarent que, ne pouvant rester spectateurs impas-
sibles du fléau, ils veulent éclairer les pouvoirs publics et prévenir
leurs concitoyens des dangers qu'ils courent. Cet appel se termine
ainsi :
« Nous adressons aux pouvoirs publics, tant civils que militaires,
un respectueux mais énergique appel, les sollicitant par tous les
moyens en leur pouvoir, de mettre un terme à l'invasion du pays
par l'alcool et de s'opposer à la dégénérescence nationale, certaine
et prochaine, si des mesures efficaces ne sont. pas bientôt prises.
Nous adressons à nos compatriotes les plus chaleureuses, les plus
pressantes, les plus patriotiques exhortations, les suppliant, s'ils
veulent que la France reste la France et que leurs fils puissent
encore être français, de se garder de l'alcool et des apéritifs
comme des plus dangereux de tous nos ennemis. » (Le Temps du
24 mai 1899.)
Morphinomane. Deux gardiens de la paix ont surpris, hier,
après-midi, dans un édicule de la cour de Home, à la gare Saint-
Lazare, une jeune femme paraissant âgée de trente ans, grande,
l'air distinguée qui, s'étant presque complètement déshabillée, se
faisait des piqûres de morphine sur le haut du corps... Conduite
au commissariat spécial de la gare, la malheureuse, qui tenait à
peine debout, déclara qu'elle était résolue à en finir avec la vie...
que des chagrins « mystérieux » la rongeaient, etc... Elle a donné
comme identité : Mmo Marchand, de l'Ermitage de Saint-Joseph,
demeurant rue de Flandre. M. Escourroux, commissaire spécial,
a fait transporter la pauvre malade à l'hôpital Beaujon, où elle a
été admise d'urgence. (La Lanterne du 30 mai 1889.)
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
HASLÉ (L.). Du bromure de camphre dans le traitement de l'épi-
lepsie. Volume in-8° de 8G pages. - Prix : 2 francs. Pour nos
abonnés : 1 fr. 35. Bureaux du Progrès Médical.
IIIRDLICKA (A.). Anthropological investigations on one Thousand
White and Colored Children of Both Sexes. The Inmates of the New-
York Juvénile Asylum. Volume in-8» de 86 pages, avec 12 figures,-
New-York, 1899. Wynkoof llallenbeck Crawlord C.,
- BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.- 79
JACI1·f0 de Léon. Polineurilis dolorosa toraco-braquial. Bro-
chure in-8° de 8 pages. Montevideo, 1898. Imprenta de « la Siglo ».
Kende (M.). Die acliolorlie de;' Tabès d01'salis. Brochure in-8° de
32 pages. Extrait du Zeilschrifl finir Klin. Medicin.
KiitcunoFF (T.). Grundiss der psychiatrie /7 ? slztclierende und
iil'yte. Volume in-8° de vi-361 pages. Prix : 7 fr. 50. Leipzig und
Wien, 1899. F. Deuticl;e.
LAMDOTTE (A.) et SANO (F.). - Section partielle du nerf médian. Suture.
Restauration fonctionnelle. Brochure in-8° de 1 pages. Bruxelles,
1899. Extrait du Journal de Neurologie. -
Marchand (L.). Pouls et température dans les accès épileptiques,
les vertiges épileptiques et les attaques h ? lsléro-épilepliques. Volume
in-So ùe \)6 pages. Paris, 1898. - Librairie Carré et Naud.
Mills (Ch.-K.). Some points of spécial inleresl in the study of Ihe
deep.s réflexes of Ihe Lotuer extrcmilies. Brochure in-4° de 30 pages,
avec 7 figures. 1'litladell)iiia, 1899. Chez l'auteur.
XOGUHS (E.) et Sirsoi. (J.). - Un cas fruste de tabès combiné. -
Brochure iti-8* de 12 pages. - touloupe, 1899. Imprimerie Mar-
ques et Cio, -
NoouÈs (E.) et Sirol (.1.). - Un cas de maladie d'AlYtn-Duchenne il.
marche anormale. Brochure in-8° de 8 pages. Toulouse, 1899.
Imprimerie 1< : l ! , Privât. ,
Nocuia (E.) et SIHOL (J.). Maladie de Thomsen il. forme fruste avec
atrophie musculaire. Brochure in-8° de 7 pages, avec une planche
hors texte. Pans, 1899. Librairie G. Basson.
PL.\1G1\.\HD-FL.\ISSIInEs (IL). L'état mental dans le goitre exophtal-
tique. Volume m-S° de 115 pages. Montpellier, 1599. Impri-
merie Firmin et 310ntane,
Rechenschaflsbericht ¡¡bel' die zill'chel'ische Kantonale Irrenheilans-
tait BU1',r¡/tÜlzti sur das Jahr 1898. Zurich, 1899. Buchdruckerei
Berichtbaus (Vorm. Ulrich und C°).
Revue philosophique. - Sommaire du numéro de mai 1S99 (2\,e année).
F. LE Dnwcc : La théorie biochimique de l'hérédité. - GOI3LOT : Fonc-
tion et finalité (le, article). J. PIIILIPPE : La conscience dans l'anes-
thésie chirurgicale. - IJUGAS : La dissolution et la conservation de la foi.
Analyses et comptes rendus. Revue des périodiques étrangers.
Livres nouveaux. Abonnement du 1°r janvier : Un an, Paris, 30 francs ;
départements et étranger, 33 francs. La livraison 3 francs. Félix
Alcan, éditeur, 108, boulevard Saint-Germain, Paris.
SANO (F.). ]let Tezzuwslels van den Mensch. Buste les Geschied-
kundig oce ! '= ! C/t/. Brochure in-8° de 2t pages.
Sano (F.). Un cas de paralysie d'origine scarlalineuse. Brochure
in-8° de 5 pages. Bruxelles, 1899. Extrait du Journal de Neuro-
logie.
Sajous (Ch.). Annual and analytical cyclopaedia of praclical
medicine. Tome Il, relié en 2 volumes formant ensemble 608 pages, avec
figures et planches hors texte.- New- York, 1898. Davis , publishers.
C'est là une très belle publication sur laquelle nous appelons toute
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Le rédacteur-gérant : Bourneville.
livrcui, Cli Ilémssev, imp. 799
Vol. VIII. Août 1899. N° 44
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE MENTALE.
L'IDÉE FIXE ' ; ;
Par le 1K P. KRRAVAL. '
Iéderin ,directeur de l'asile d'Armentlèl'(" (Nord),
2° Idée fixe dans la mélancolie. Les idées fixes sont en
général favorisées ici par ce fait que l'idéation du mélan-
colique est circonscrite et limitée. Mais, en même temps,' en
certains cas, il s'y associe des conceptions délirantes, et il
existe une sorte de systématisation. Les idées fixes sont en
outre, en tout cas, douloureuses et ressemblent quelquefois
à des obsessions.
En effet, le trouble et l'arrêt dans le débit des idées sont
favorables au développement des obsessions et des idées fixes.
C'est dans ces espèces-là que l'affectivité sera au plus haut
point atteinte, puisque la mélancolie même en est la maladie.
Observation IV. Idée fixe dans la mélrl11colie hypochondriaque : .'
. syphilophoLie. (Thèse LAUREAT, p. 64.)
H..., trente-trois ans, journalier, célibataire, prédisposé héré-
ditairement. Depuis quelque temps, le malade dépérit, devient
déprimé, peureux, croit qu'il va mourir, se sent abattu, tour-
menté d'angoisse cardiaque, se plaint de troubles divers et redoute
d'être atteint de la syphilis. De plus en plus déprimé, des actes
d'anxiété se produisent ; le malade est rempli, de l'inquiétude
qu'avec son corps pourri, il va infecter tout le monde ; il passe son
temps à regarder ses parties génitales, craint qu'on ne les lui
1 Voir Archives de Neurologie, n° 43, t. VIII, p. 1. 1899.
Archives, 2° sv ie, t. VIII. xi
S2 CLINIQUE MENTALE.
coupe, attend sa mort par pourriture et décomposition. Il vit dans
des émotions épouvantables et ne mange que par contrainte, se
disant indigne de vivre.
Au physique, leptocéphalie, grande anémie, nutrition ralentie,
du reste pas de traces de syphilis.
Sous l'action d'un traitement reconstituant et antisyphilitique, le
malade se remet peu à peu, la tension anxieuse disparait, l'amé-
lioration persiste et tend vers la guérison.
Observation V. Mélancolie avec idées de suicide. (SELLE,
loco cildo.)
Homme de quarante-deux ans, dépourvu de tare héréditaire. A
eu une blennorrhagie en 1890. Très sombre, il se considère comme
un homme très coupable et fait des tentatives de suicide. Conti-
nucllement déprimé, de-esperé, il est en proie à des hallucinations
de la vue. Prend part aux distractions des malades et travaille
assidûment. Il refuse de retourner chez lui, parce que, dit-il, il est
atteint d'une maladie sexuelle incurable. Il tient absolument à
cette idée p ? ,évctle7zte, et s'agile quand on lui dit que le médecin
n'a constaté aucun signe de celle-ci. Il s'y cramponne plus que
jamais, malgré l'insistance des siens à le faire retourner chez lui.
En dehors de ce thème, il est laborieux, gai, paisible.
3 Idée fixe chez les dégénérés. Ou bien elle débute
brusquement, et présente une évolution courte, ou bien elle
a une marche chronique ; ou enfin, elle se montre il l'origine
du délire systématisé des dégénérés.
, Observation YI (LEGIl.HN), Dégénéié. Idée fixe ambitieuse
d'apparition brusque. Durée courte. Guérison.
P..., Julien, trente ans.*
Vers le milieu de novembre 1885, P... se trouve quelque ressem-
blance avec le Prince Impérial, et il lui vient l'idée de se faire
passer pour ce dernier. Il s'accoutume peu à peu à cette idée et se
l'assimile si bien que, persuadé que Napoléon IV existe, que les
récits concernant sa mort sont mensongers, il écrit à l'Impératrice
en lui envoyant sa photographie, pour lui apprendre la vérité,
'pour lui dire que son fils lui est rendu. Voici la lettre qui édifiera
amplement le lecteur sur l'état mental de P... et sur la nature de
son délire. Nous lui laissons son style et son orthographe :
« A Sa lllnjcstait Eugénie, Impératrice des Français,
« ila chère mère, ci Chislehlll'st;
« Ma chère mère, -
a Je viens vous apprendre l'heureuse nouvelle que votre fils
l'idée fixe. 83
existe; pour mieux vous rassurer, il vient de se faire photogra-
phier à l'électricité avant d'aller au lit. Voilà six ans que vous
n'avez entendu parler de lui : j'ai quitté l'Afrique le 2 décembre
1879 pour me diriger vers l'Autriche, Vienne. Arrivant de là. j'ai
attrapé une grave maladie. Si, après la victoire, je n'ai pas démenti (i
ma mort, c'est que pour mon malheur, j'ai appris par la voix des
journaux que ma très chère mère a constaté ma mort, et pour ne
pas la compromettre, j'ai préféré souffrir et me faire l'esclave d'un
autre. J'ai quitté Vienne le 5 juillet, pour me rendre en Al;érie.
Arrivé le 9 juillet 1880 il Viutimillp, je vois un pauvre jeune homme e
bien triste, assis sur une banquette; je lui dis : « Que faites-vous
là ? » - « Je parle deutsch, j'arrive de Vienne, et je suis né
le 27 février 1863. à Presbourg (Hongrie) ; je vais trouver un de mes
oncles, qui est établi horloger-bijoutier à Marseille, une maison
très importante. Je suis horloger de mon état, et je vais travailler
chez lui. » « Le connais-tu ? » lui dis-je. « Non, il m'a vu
qu'à deux ans. » « C'est bien. » Il me ressemblait assez, et
je lui propose de me donner ses papiers et son passe-port; il
accepte, et je lui donne tout mon bien. Je l'ai quitté le 8 juillet
pour aller à Marseille. Arrivant il la gare le 1 1 juillet, tous ses
parents m'attendait; je les ai reconnu d'après la photographie, et
m'ont amené à la maison, croyant que j'étais leur neveu qui avait
travaillé dans l'horlogerie 5 ans, et moi qui n'avait pas l'habitude,
je n'arrivait à faire grand chose, je ne pouvais donc pas me bien
récomporter tout le temps, et ils me cherchaient dispute et me
traitaient tout sorte de chausses et ce qui était le plus embêtent
est qu'il fallait parler que le deutsch pendant un an, parce que
l'autre jeune homme qui est mort aujourd'hui, ne savait parler
que le deutcli. Enfin, je suis resté 4 ans dans la maison, et vous
dire ce que j'ai soufl'ert ! Pendant un an j'ai voyagé dans les pro-
vinces de France; j'ai quitté Marseille le 28 août 85 pour aller à
Presbourg, lieu de naissance de ce jeune homme pour lequel j'ai
passé. Arrivant à Vienne le 3 septembre 1885, j'ai cherché une
occupation, malheureusement je n'ai rien trouvé. J'ai quitté le
12 octobre pour venir à Paris. Enfin, maintenant, ma très chère
mère, je souffre le marlxre- de ne pas vous voir, car je suis dans
une situation pitoyable. J'espère que vous me tendrez la main, à.
votre fils, qui n'a cessé de penser à vous, et qui vous aime.
« J'ose espérer, ma très chère mère que vous accepterez celle
lettre de bon accueille, et que vous voudrez recevoir les baisers
d'un fils qui vous aime tendrement.
« Votre fils dévoué,
« Napoléon,
ç , Il Piiiice Impérial des Français. Il
84 CLINIQUE MENTALE.
«Voici mon nom sous lequel j'ai toujours voyagé :
« Jules P..., 5, rue...., Paris.
« Maintenant, ma très chère mère, si vous voulez venir à mon
aide, ici de me dire ce qu'il faut faire. M. Rouher où est-il ? Il n'est
pas à Paris. Ne fait pas attention à la lettre, je fais écrire par un
enfant, car je suis très faible. »
Il est inutile d'insister sur le tissu d'inconséquences que contient
cette lettre, ni sur l'absurdité des subterfuges employés par le
malade pour convaincre l'Impératrice de son identité. Le 1er décem-
bre 1885, n'ayant pas reçu de réponse à sa lettre, il se rend à la
Préfecture de police, et se présente au bureau de l'officier de paix
de la première brigade des recherches. Après avoir été introduit,
il s'exprime ainsi : « Monsieur, je suis le prince impérial et je
voudrais savoir si ma lettre, adressée par moi à l'impératrice
Eugénie, ma mère, est bien parvenue à destination. Je n'ai reçu
aucune réponse et je viens vous prier de faire des recherches. Oui,
je suis le prince impérial, fils légitime de S. M. Napoléon III et de
l'impératrice Eugénie. Au mois -de mai 1879, j'ai quitté l'Angle-
terre pour aller combattre les Zoulous. On m'a cru mort, je n'étais
que blessé et prisonnier, et j'ai pu me sauver déguisé en Zoulou. »
Toutes ces divagations étaient dites avec beaucoup de lenteur et
de calme.
Conduit au dépôt de la Préfecture, il est arrivé à Sainte-Anne
le 2 décembre. P... présente l'attitude extérieure et les signes phy-
siques de la dégénérescence mentale : oreilles très écartées de la
tête et très développées, lobule sessile, etc. Sa physionomie rappelle,
en beaucoup de points, celle du prince impérial; on le lui avait
probablement dit quelquefois. Il a toujours été mal équilibré; il
était peu stable dans les maisons où on l'occupait. Il travaillait
très irrégulièrement et laissait facilement le travail pour aller
s'amuser. Très peu intelligent, sa conversation était naïve et niaise.
A son arrivée à Sainte-Anne, il pleure et se lamente, déclare
formellement être le prince impérial et ajoute que M. 13ouher
devrait bien lui rendre des comptes, car il est sans ressources.
Il suffit de deux jours pour que le délire disparaisse.
Dès le 4 décembre, P... est tout confus et essaie, par divers
artifices, d'expliquer son délire. « C'est une bêtise que j'ai faite,
dit-il, je ressemble un peu au prince impérial. Je ne voulais pas
être prince, car on se serait aperçu de l'erreur à mon manque
d'instruction française. » Il prétend qu'on lui a fait dire qu'il était
le fils de l'Empereur et qu'une fois la chose dite, il l'a soutenue
devant les médecins.
Dans la suite, chaque fois qu'on lui parle de son idée ambi-
tieuse, on semble lui être particulièrement désagréable; il soutient
l'idée FIXE. 85
qu'il n'y a rien de vrai et qu'il n'a jamais voulu se faire passer
pour ce qu'il n'était pas. La guérison se maintient et le malade est
rendu à la liberté.
Observation VII (LEGnAin). Débile. Idée fixe à forme mystique.
Délire religieux. Evolution chronique.
S..., Elie, trente-quatre ans, entre à l'admission de Sainte-Anne
le 18 octobre 1885. Il vient de la prison de Mazas où il subissait
une prévention pour vagabondage. Une ordonnance de non-lieu a
été rendue. Son attitude, à l'arrivée, est bien caractéristique.
Tantôt il prend des poses de prédicateur et déclame des versets de
la Bible qu'il accompagne de commentaires appris par coeur, avec
une intonation spéciale dont la monotonie est rompue parfois par
des éclats de voix dans les passages pathétiques. Il a des larmes
dans la voix et ses accents dénotent une conviction profonde.
D'autres fois, il tombe dans une sorte d'extase; il prend des airs
penchés et inspirés; la tête, après avoir subi quelques oscillations,
tombe sur une épaule, et les yeux, tournés vers le ciel, s'humec-
tent de larmes. Pendant cette attitude contemplative, les bras
pendent le long du corps; le malade a l'attitude résignée. Il l'ait
part de son désir de contribuer à l'oeuvre d'évangélisation. Dieu
lui dit de suivre ses pensées. Il lui apparaît sous la forme créa-
trice. Il ne le voit pas réellement, il n'entend pas sa voix; mais il
se sent possédé et inspiré par lui.
Voici en quelques mots l'histoire de ses antécédents héréditaires
et personnels : .'
Antécédents héréditaires. Côté paternel : grand-père un peu
buveur ; père, soixante-huit ans, un peu emporté ; un oncle
buveur.
Côté maternel : grand'mère, intelligence très ordinaire, loquace :
au village, elle s'occupait de l'art de guérir et connaissait beau-
coup de recettes contre les maladies. La mère, cinquante-huit ans,
très émotive, grande faiblesse de caractère. Un cousin germain
faible d'esprit, idées mystiques. Dans les assemblées, il se levait
et annonçait l'évangile; il parlait au milieu de tout le monde sans
permission; on le traitait d'innocent.
Histoire du malade. Jusqu'à seize ans, peu de chose à signa-
ler. D'une intelligence très débile, il se faisait remarquer par une
timidité exagérée. Il avait déjà des sentiments de piété. De temps
en temps, il se masturbait seul. L'onanisme a d'ailleurs persisté
très longtemps, même après le mariage; il ne pouvait avoir de
relations avec sa,femme. Etant enfant et plus tard, pendant le
service militaire, il se rappelle très bien avoir voulu ramener ses
camarades et même ses supérieurs au respect de Dieu. D'ailleurs,
ces accès de prosélytisme ne duraient pas longtemps, car on se
moquait de lui.
86 CLINIQUE MENTALE.
Il y a plusieurs années, en 1878, en travaillant dans les caves
d'un marchand de vins, il eut, des accidents d'intoxication alcoo-
lique, dus en grande partie aux vapeurs qu'il respirait. Il rêvait
qu'il tombait dans un bassin, qu'il roulait dans l'eau, qu'il passait
dans des tuyaux ; sensations de chutes. Pendant plusieurs jours,
il éprouva des étourdissements, des lourdeurs de tête; les idées
s'embrouillaient : il allait et venait automatiquement. Il était
devenu très triste et voulait se débarrasser de la vie. C'est alors
qu'il se fit avec un rasoir des entailles au bras gauche et aux deux
jambes, vers le cou-de-pied. Il pensait, dit-il, être plus tôt réuni à
Dieu. Dans une lettre, il avait annoncé sa résolution d'en finir avec
ses jours ; il priait un ami de payer ses dettes. Il croyait aller au
ciel pour préparer, avec le Seigneur Jésus, des places à cet ami, à
tous ses parents et aux chrétiens. Ces accidents durèrent peu de
jours (mai 1878).
En juillet de la même année, il se marie. A cette époque, il
commence à s'occuper plus que jamais de l'évangélisation des
masses. A Nenchâtel, l'esprit de Dieu agissait sur lui. « Certes,
dit-il, ce n'est pas moi qui agissais. » Il quittait son travail et
allait au dehors propager l'Evangile. Il se rendait auprès des
employés de la police et leur demandait : « Vous ne connaissez
pas le Seigneur ? » Il n'a jamais entendu par les oreilles la voix
de Dieu; c'est par la pensée que celui-ci se manifestait à lui. i.
En 1882, il revient au pays natal sur le conseil de sa femme. Il
ne travaillait plus suffisamment pour entretenir son ménage;
il n'était plus occupé que de l'évangélisation et ne s'attirait que
des sarcasmes. 11 ne reste pas dans sa famille; il vient à Montauban,
colportant çà et là des bibles, dont il étudiait chemin faisant des
passages. A Montauban, il reste environ cinq mois, travaillant
dans la journée, et le soir, passant son temps à évangéliser les
voyageurs qui descendaient à l'auberge. Il est persuadé qu'il
accomplissait un devoir, en quittant sa femme et sa famille, et en
parcourant les routes, la Bible à la main.
Il se rend ensuite à Genève, en faisant la route à pied, portant t
un violon. En route, quand il passait dans un village, il réunissait
les habitants, les enfants surtout, et leur chantait des cantiques,
en s'accompagnant sur son instrument. Puis il faisait en public
la lecture de la Bible et la commentait. Il vivait de mendicité.
Comme ses prédications étaient peu lucratives, il faisait danser.
A Genève où il arrive en 1884, il est arrêté comme vagabond, puis
expulsé.
Revenu dans sa famille, il recommence à travailler, sans aban-
donner pourtant ses occupations religieuses. Puis, dans le courant
de 1885, repris de son humeur vagabonde, il part, vient il Paris,
en passant par la Suisse. 11 déclamait sur les routes, faisant de la
propagande pour l'Armée du Salut, récoltant des abonnements
l'idée fixe. 87 -1
pour le journal : En Avant ! se faisait donner de la nourriture et
des vêtements pour prix de ses exhortations. A Paris, il voulut
vivre des mêmes expédients, mais il ne tarda pas à être arrêté
comme vagabond.
Pendant son séjour à Sainte-Anne, du 13 octobre au 21 décembre.
il conserve la même attitude. Il n'a aucune conscience de son état.
Parfois, on le surprend dans un coin, en compagnie d'autres
malades, qu'il a rassemblés autour de lui, et auxquels il récite des
sermons appris par coeur. D'autres fois, il nous poursuit, et nous
demande de vouloir bien l'écouter, ou de lui indiquer les versets
qu'il doit apprendre.
Malgré -notre insistance, il n'arrive pas à comprendre qu'il doit
abandonner son existence de vagabondage, travailler pour vivre,
et rappeler sa femme auprès de lui. Il s'est attiré de la part des
chefs de l'Armée du Salut de sévères admonestations et une incul-
pation d'escroquerie, relativement aux placements du journal :
En avant ! Il ne se croit pas coupable, ainsi qu'il l'indique dans le
passage suivant d'une de ses lettres : « Je ne puis que maintenir
ce que je vous ai déjà dit, que j'ai reçu de la part de toutes les
personnes qui ont bien voulu m'accorder soit de l'argent, soit de
la nourriture, soit des vêtements qui pouvaient m'êlre utiles poui
mon voyage. Mais cela peut-il être considéré comme flagrant délit
d'escroquerie ? Je ne le crois pas du tout, car le Seigneur lui-
même nous dit : tout ouvrier est digne de son salaire. Et d'après
ces paroles, je me trouvais donc digne de recevoir des personnes
qui ne me refusaient pas de tendre attentivement l'oreille à mes
exhortations touchant les principes des saintes écritures, que j'ai
eu à coeur de leur annoncer. »
11 est dirigé sur Vaucluse dans le même état.
Observation VIII (Krafft-Ei>11ng). Dégénérée. Idée fixe « forme
érotiquc. Evolution chronique.
L.... Rose, quarante-cinq ans, est née d'un père religieux, excen-
trique et psychopathe. Puberté à l'âge de douze ans, sans
aucun malaise. Règles régulières. Jamais de conception.
Elle se maria à l'àge de seize ans. Le mariage ne fut pas heu-
reux. Elle prétend qu'à la suite d'une querelle de ménage, elle
n'adressa pas pendant quatre ans la parole à son mari. Après sept
ans de ménage, elle devint veuve. Elle vécut alors dans des condi-
tions modestes mais bien rangées; elle adopta deux enfants étran-
gers, une lillc qu'elle appelait « son petit brillant » et un garçon
qu'elle désignait sous le nom de « cousin doré ».
La malade parait une personne exaltée et originairement excen-
trique. De tout temps, elle eut beaucoup de goût pour la poésie,
la musique, le théâtre, mais pourtant n'embrassa pas la carrière
théâtrale parce que la position de comédienne ne lui paraissait
88 CLINIQUE MENTALE.
pas assez distinguée. Elle se peint elle-même comme une femme
ayant le coeur très tendre, très romanesque, sensible au bon et
au noble. Elle aurait été toujours bien portante. Pas de traces
d'hystérie. ,
Il y a cinq ans, elle fit dans le cercle de ses amies la connais-
sance d'un officier de grade supérieur. Il fit sur elle une profonde
impression. Comme une fois il l'appela bonne et gentille femme
(elle le prétend, du moins), demanda plus tard de ses nouvelles,
lui faisait dire le bonjour, elle crut qu'elle aussi ne lui était pas
indifférente. Obsédée par cette idée fixe, elle se rapprocha de lui,
lui envoya sa photographie, son adresse, des cadeaux, lui écrivit
des lettres. Tout revenait sans avoir été décacheté, et dans la rue
ce monsieur évitait soigneusement de la rencontrer. Elle en éprouva
un profond chagrin et pourtant elle ne put vaincre son profond
amour pour son « sanctuaire ». .
Un jour, elle remarqua que cependant, son « sanctuaire » la
désavouait publiquement; il y avait dans le journal, des annonces
adressées à elle. Elle reconnut au style, à de petits riens, par les
initiales des deux noms, que les annonces venaient de lui et lui
étaient adressées !
Ainsi'elle lut un jour : « Peux-tu songer à un coeur saignant qui
ne peut guérir que par ton traitement ? » Nouvelles tentatives de
rapprochement, lettres, etc., dont le résultat fut une annonce peu
polie dans le journal : « Que ne me laissez-vous pas tranquille !
Pas de réponse est aussi une réponse ». Alors elle fit insérer :
« Uans mon coeur il pourrait devenir fort ». Il y eut de nouveau
réponse grossière et enfin une réconciliation par « Myosotis ».
Comme réponse à une nouvelle annonce : « Conserve-moi mon
sanctuaire, ma lumière du ciel » elle lut : « Je suis ici, je suis à
Gratz ». La malade poursuit alors son « sanctuaire », le rencontre
enfin dans une promenade. Au lieu d'un abord aimable, elle
entendit ce monsieur s'écrier : « Vache ! » Alors elle s'évanouit de
douleur. Ce qui est surprenant, c'est que malgré tout, elle reçut
bientôt après des communications aimables par la voie du journal.
Malgré l'affront reçu, elle répondit avec la même amabilité par
des lettres et écrivait entre autres : « Ma chambre est très petite
et sans ornements, mais l'amour pour le sanctuaire la remplit
complètement ». A sa grande douleur, le sanctuaire ne faisait que
passer devant la maison (illusion) sans y entrer jamais. Un voyage
d'affaires nécessita son absence temporaire.
Quand elle rentra, ce monsieur était parti. Elle découvrit son
nouveau domicile et fit un voyage pour le rejoindre. Nouvelles
humiliations; nouveaux refus, bien qu'elle lui eût donné toute son
âme. Vivement chagrinée, elle partit pour Budapest. A peine
arrivée, elle trouva, dans le journal, cette annonce : « Prêt il tous
les sacrifices pous amener réconciliation ». Elle revient, envoie un
l'idée fixe. 89
oeillet avec ces mots : « Que le noble parfum de l'oeillet comble
l'abime qui est entre nous ! » De nouveau, profonde humiliation et
accès de syncope.
Sur la plainte de ce monsieur, elle dut se justifier devant la
police. On la congédia après l'avoir sermonée. Elle résolut d'éviter
l'infidèle. Bientôt après, elle lit de nouveau dans le journal : « Je
vous attends. » La malade, dit-on, a, de nouveau, en tenue décol-
letée, poursuivi ce monsieur, elle lui aurait même envoyé des pho-
tographies obscènes. Voilà pourquoi on l'a mise à l'hôpital pour
que son état mental fût observé. Là aussi, les annonces du journal
continuent : « Heureux avenir, tout est déjà arrangé ! » La malade
se résigne au fait inévitable. Elle ne peut pas s'expliquer la double
nature de l'homme, ni sa tromperie. Malgré toutes les déconve-
nues, elle aime toujours, avec enthousiasme, son « sanctuaire ! >
Elle est incapable de tout raisonnement critique.
Les hallucinations manquent absolument dans le tableau mor-
bide fait de rapports illogiques, d'interprétations délirantes et
d'illusions. ..
Observation IX (Laurent). Dégénérée. Idée fixe constituant seule
tout le délire pour aboutir, après de longues années, au délire des
dégénérés.
11°« X..., âgée de quarante-six ans, est examinée, pour la pre-
mière fois, en 1894. A cette époque, elle déclare être en proie à
une idée fixe, existant chez elle depuis quelques semaines après
son mariage, qui avait eu lieu en 1813. Le sujet de cette idée était
qu'elle devait être fatalement entraînée il tromper son mari un
jour ou l'autre. Elle ne peut voir un homme sans lui prêter la
pensée de songer à elle. Elle se figure qu'elle va être l'objet de
propositions déshonnétes, et il faut qu'elle garde tout son empire
sur elle-même pour ne rien laisser paraître de son trouble. Aussi,
appréhende-t-elle de recevoir un homme quand elle est seule, et
pourtant elle n'a jamais eu le moindre désir, la moindre pensée
d'adultère, elle est foncièrement honnête et tout son être se révolte
à la pensée d'appartenir à un autre qu'à son mari. Elle ne raisonne
pas son idée fixe, ou, du moins, elle ne réussit pas à se convaincre
que si quelqu'un voulait la violenter, elle aurait toujours, l'énergie
morale et physique nécessaire pour lui résister.
Il fallut de longs entretiens au sujet de sa santé, avant que
11 X... se dêcidàt à avouer la raison de ses tourments, et tant
qu'elle put elle dissimula l'existence de cette idée fixe. Le jour où
elle en parla, ce fut avec beaucoup de gêne et de contrainte et elle
fut très sobre de détails à son égard. Plus tard, elle se montra plus
communicative et on put être renseigné sur l'origine et l'évolution
de cette idée morbide. 'fout entière à ses pensées du moment, elle
90 CLINIQUE MENTALE.
ne s'était jamais donné la peine de réfléchir aux causes de son
malaise mental, et ce ne fut qu'en rappelant des souvenirs loin-
tains qu'elle précisa le fait que voici :
Histoire de la maladie. Etant à Nice, en voyage de noces, son
mari la laissa pendant quelques minutes à l'attendre devant un
magasin. A ce moment, un passant se permit de faire à son égard
une réflexion moitié laudative et moitié obscène : « Voilà une jolie
fille avec qui je voudrais bien coucher ». Tout d'abord simplement
troublée, elle n'y pensa guère, mais plus tard cette idée lui revint
et elle se mit à réfléchir à son sujet. Or, on peut se figurer les
réflexions qui peuvent s'éveiller en pareil cas dans l'esprit troublé
d'une jeune femme toute naïve.
Cette idée flottait de temps en temps devant elle, idée qu'elle
précisait mal alors et qui était à peu près celle-ci : « Comment
peut-il se faire qu'il y ait des femmes qui osent tromper leur mari ?
L'idée disparaissait ensuite pendant des mois pour revenir ensuite
pendant un temps plus ou moins long. Ce fut à peu près vers 1877,
trois ans après son début, qu'elle prit définitivement corps et que
Mrae X... commença à ne plus avoir un instant de repos, craignant,
dès qu'elle était avec un homme, de subir des propositions et d'être
entraînée à ce qu'elle ne voulait pas, et quand elle était seule, se
demandant avec inquiétude comment elle pourrait faire pour se
débarrasser de l'insolent s'il se présentait.
Arrivée à ce point, l'idée fixe en question devint un facteur
important dans la vie de Mme X..., et au bout de quelques années
finit par lui faire adopter une existence toute particulière.
Elle reste chez elle, sort le moins possible et seulement en voi-
ture, évite les réunions où elle sait devoir rencontrer des étrangers;
en un mot, elle se séquestre pour éviter la scène à laquelle elle
pense sans cesse et qu'elle redoute de voir survenir.
Elle se figure que son mari, à qui elle n'a pourtant jamais osé
avouer son délire, devine sa pensée secrète et va lui faire des
reproches sur la faute qu'elle n'a jamais commise et qu'elle
craint de commettre. Elle est souvent gênée devant lui et montre
le même embarras que si sa crainte s'était réalisée.
Vers 1888, autant que la malade peut préciser, commencèrent il
apparaître des troubles psychiques d'ordre neurasthénique si l'on
veut, mais rappelant aussi par bien des côtés le délire des dégé-
nérés : sensation de vide cérébral, fatigue intellectuelle rapide,
difficulté de soutenir de longues conversations à certains jours,
crainte de paraître bizarre, quasi-certitude que tout le monde devine
sa situation et la regarde d'une façon plus ou moins bienveillante.
Comme conséquence, sauvagerie beaucoup plus grande, et réclu-
sion plus complète. Avec des alternatives de mieux et de pis, ces
phénomènes vont en s'accentuant peu à peu depuis 1891 où leur
présence est constatée, ils n'ont fait que grandir.
l'idée fixe. 91
A côté de cette idée fixe principale, est venue progressivement,
et comme un corollaire obligatoire, s'en greffer une autre, d'un
genre de fixité tout autre, moins obsédante, mais certainement
aussi fatigante; celle de trouver remède à sa maladie.
Aussi cherche-t-elle de tous côtés un moyen de guérison; elle se
tient au courant de tout ce qui parait en médecine nerveuse; elle
lit les ouvrages de médecine et de science, elle s'emballe à la suite
du moindre progrès réalisé en thérapeutique mentale. Elle essaye
toutes les méthodes nouvelles, et frappe à la porte de tous les
guérisseurs. Ses nombreux échecs ne la rebutent pas, mais elle
s'indigne contre la science qui n'avance pas et les médecins qui
ne peuvent la guérir. A côté de cela, c'est une femme extrême-
ment intelligente, très lettrée et instruite, raisonnant fort bien sur
tout, et ne laissant jamais percer la moindre trace de ses pensées
intimes.
Antécédents. Sa santé physique est parfaite; elle n'a jamais
été malade de sa vie ; elle a cinq enfants tous bien portants. Tous
ses organes sont en bon état. Elle ne présente pas la moindre tare
physique.
Son hérédité n'est pas très chargée : son père était nerveux de
la même manière qu'elle, et parait avoir été en proie pendant
toute sa vie à des idées fixes ; il mettait, en tout cas, de l'entête-
ment à atteindre les buts qu'il se proposait. C'est un original,
disait-on; il était sujet aux migraines, avait eu de la chorée de
Sydcnham dans son enfance, et avait présenté à plusieurs reprises
des manifestations rhumatismales. Il mourut d'hémorragie céré-
brale à soixante et un ans. Sa mère était parfaitement équili-
brée, et mourut de pneumonie. Elle a trois frères et une soeur :
ses frères ne présentent aucune trace d'hérédité nerveuse, mais
ils ont eu les uns et les autres des manifestations arthritiques
diverses. Sa soeur a eu de l'hystérie convulsive dans les premières
années qui suivirent son mariage, et a conservé le caractère et les
allures d'une hystérique.
Commentaires. Depuis trois ans que cette malade est observée,
on assiste certainement à une évolution dans son délire. Il semble
que l'idée fixe perde un peu de sa puissance, et qu'à côté d'elle
viennent se greffer d'autres idées délirantes, comme, par exemple,
le souci de se soustraire à toutes les obligations mondaines, et la
recherche de plus en plus maladive de la guérison.
D'autres signes, moins précis, montrent que le délire s'étend,
perdant en intensité ce qu'il gagne en étendue; et il ne faudrait
pas être surpris que l'idée fixe vint un jour à disparaître au milieu
d'un chaos d'autres idées délirantes, et qu'un délire, d'abord très
coordonné, et plus tard moins systématique et même diffus, ne
vint à leur succéder.
92 CLINIQUE MENTALE.
Observation X (Personnelle). Dégénéré. Idée fixe ci forme omGi-
tieuse aboutissant au délire des dégénérés.
Th.... Georges, vingt-neuf ans, sans profession.
Antécédents. Rien de notable dans l'hérédité. Comme antécé-
dents personnels : aucune maladie grave; pas d'excès alcooliques.
Mais les signes de la dégénérescence ont pu être constatés de
bonne heure. Dès l'adolescence, il se fit remarquer par ses excen-
tricités. Devenu homme, bien que très intelligent et muni d'une
bonne instruction, mais d'une mobilité excessive, il fut toujours
un désoeuvré, incapable d'exercer une profession quelconque.
Outre son originalité, il était sujet à des impulsions, commettant
des fugues sans donner de ses nouvelles. Il disparut un jour brus-
quement, et, après de longues recherches, on le retrouve quelque
temps après dans une forêt de l'Algérie, la barbe et les cheveux
incultes, se nourrissant de racines et de plantes. De retour chez
lui, il continua la même existence de déséquilibré, inquiétant sa
famille par ses tendances délirantes de plus en plus accusées.
Histoire de la maladie. C'est vers 1895 que le délire fit sa pre-
mière apparition sous forme d'une idée fixe de grandeur. Cette
idée se développa de la manière suivante :
. Depuis longtemps, M. Th... avait été frappé de l'identité de son
nom avec celui que portaient les comtes de Champagne. L'idée lui
vint peu à peu qu'il était le descendant d'une famille ayant régné
sur la France. Un jour, en mettant son chapeau, il aperçut sur la
garniture intérieure, une couronne dorée. Ce détail insignifiant
fut pour lui une révélation. Dès lors, il ne douta plus que c'était
là l'emblème de la couronne qu'il devait porter et dont il était
dépossédé. 11 ne parla et n'agit plus qu'en prétendant au treille.
On dut l'interner (janvier 96).
Après avoir cherché sa généalogie qu'on lui avait dissimulée,
disait-il, son idée fixe se précisa, et depuis lors il s'intitule :
Georges Ier de Bourbon, 'fous ses écrits sont signés de ce nom et
portent la devise qu'il a adoptée : Ferro non auro. Henri IV est son
aïeul, et pour l'imiter il a changé de religion et embrassé la reli-
gion protestante. L'homme au masque de fer est son père, et il
écrit aux journaux pour les en informer. Il écrit aussi à la prin-
cesse Marthe de Guise, dont il prétend être le fiancé et qu'il appelle
sa chère cousine. Il revendique hautement ses titres de noblesse
royale et réclame sa libellé au nom du droit des gens. Lisons-le :
- Ferro non auro. . Asile public d'Armenlières, le 20 février 97.
« A Monsieur le Procureur de la République,
en son parquet, à Lille.
« Monsieur,
0 « J'ai eu l'honneur de m'adresser à vous, pour m'aider à me
l'idée fixe. 93
l'aire sortir d'ici, et vous ai même donné copie d'une lettre que
j'envoyai à S. M. le roi des Belges, dans laquelle je lui demandais
du service dans son armée. J'ai même pu écrire depuis que je
devais être considéré comme un de ses officiers (ceci est plus conven-
tionnel que réel, puisque je n'en reçus pas de réponse). J'avoue
d'ailleurs avoir eu tort de m'adresser à un autre pays que le mien,
ce qui peut paraître excusable, en considérant la situation des plus
pénibles dans laquelle je me trouve ici.
« Pour réparer cette faute, je viens d'écrire à M. le Ministre de la
Guerre afin qu'il m'autorise à servir ma Patrie.
« Cependant je ne puis toujours rester ici, et si je ne pouvais
obtenir une prompte solution, je vous prierais, M. le Procureur,
d'y mettre un terme, en usant de votre pouvoir, pour me faire
conduire à la frontière.
« A tous les points de vue, cette situation doit finir, je n'ai pas
eu le temps de liquider mes affaires, ce que je pouvais faire autre-
fois facilement sous le nom que je portais alors et que je ne puis
plus porter ni signer aujourd'hui.
« Je vais maintenant vous expliquer par quelle suite de circons-
tances. et quelles preuves je puis vous fournir pour me dire et avoir
le droit de porter le nom de Bourbon, si ma nature et ma religion
(protestante) ne suffisaient pas pour l'affirmer, après ce qui a déjà
eu lieu ici où on a essayé bien difficilement d'imiter le service mili- i-
taire (marques de mon linge G. T.).
« Vous n'êtes pas sans savoir absolument pourquoi j'ai été
interné puisque M. le D' M... m'a dit que vous avez bien voulu vous
occuper de moi.
« Je remonte à l'origine :
« Ayant trouvé à mon domicile, une assiette avec le blason des
comtes de Champagne, je me décidai à faire la généalogie du nom
que je portais alors et remontai ainsi jusqu'au bisaïeul dont il m'est
impossible de connaître l'ascendance.
« Ceci était resté dans cet état pendant quelque temps, lorsque
ayant eu besoin d'un chapeau, je trouvai imprimé dans la coiffe :
un casque en fer (le masque de fer), une couronne en or et un petit
drapeau blanc, avec ces mots écrits en anglais : F01'ked expressly for.
« Étant allé en demander compte au chapelier, bien que j'en
eusse déjà l'intuition en ce que depuis plusieurs jours je remar-
quais que l'on me regardait attentivement, je me rendis chez un
brocanteur.
« Mon attention fut alors attirée par un tableau (parchemin noir
avec ma devise : Ferro non auto) que j'achetai, trouvant une
grande analogie avec le masque de fer que je portais imprimé au
fond de mon chapeau. Evidemment ce tableau avait été placé là
pour moi. Il a dû appartenir certainement au bisaïeul dont j'ai
parlé tout à l'heure, et maintenant, cela ne fait aucun doute
94 i CLINIQUE MENTALE.
dans mon esprit, il descendait certainement des Bourbons par
Henri IV, Louis XIII et l'homme au masque de fer, le frère de
Louis XVI (d'une union que je suppose et puis presque affirmer
incestueuse).
« Portait-il à la Révolution le nom de Bourbon, et vit-il ses
parents monter sur l'échafaud, je l'ignore; toujours est-il qu'il dut
.prendre le nom de Th., comte de Champagne, qu'il avait peut-être
porté dans sa jeunesse, et dont il dissimule le litre. Puis s'étant
mésallié, il n'osa plus reprendre son nom de Bourbon et faire
valoir ses droits à la couronne de France. Comme c'est moi seul
qui ai découvert ceci, il est juste qu'à moi seul appartienne ce
parchemin.
« Je crois avoir à peu près terminé ce que j'avais à vous dire, et
;i force de trop prouver, on arriverait à bafouiller. J'espère cepen-
dant que vous devez être convaincu que je puis m'intituler comme
je vous l'affirme être le roi de France et de Navarre (in partibus
naturellement), et du droit de signer comme je le fait, après vous
avoir prié de m'excuser de vous avoir entretenu si longtemps et
en vous priant aussi de vouloir bien agréer l'expression de mes
sentiments les plus distingués.
« Georges 1 ? de Bourbon. »
Comme on peut en juger par ce qui précède, le délire sem-
ble se développer de plus en plus par extension progressive
de l'idée mère; mais il ne perd rien de sa physionomie pre-
mière, et ne subit pas de transformation notable.
Dernièrement des hallucinations de l'ouïe ont apparu, mais
elles restent rares. Leur sujet correspond à celui de l'idée fixe
première, et elles n'ont modifié en aucune façon le délire.
Voici maintenant un groupe d'observations analogues :
Observation XI (Neisser. Allgemeine Zeitschrift f. Psychiatrie :
LI, 1. 1894). Persécuté processif.
Un malade, à l'instigation du tribunal, a été mis et est eu ob-
servation à l'asile de Leubus. C'est à la suite d'un nombre infini de
requêtes de sa part et de réclamations processives qu'on a soup-
çonné l'existence de l'aliénation mentale. Il n'y a pas d'idées déli-
rantes ; il n'y a pas d'idées spéciales de persécution. Toute une
série fixe de conceptions en rapport avec une exagération intense
de l'émotivité, l'obsèdent et assiègent son idéation. Cet homme a
été il y peu de temps blessé à la tête; il est phtisique.
Observation (SELLE, loco cilalo). Délire de chicane tournant
autour d'une idée fixe.
Paysanne ; soixante ans. Depuis une émotion morale (son fils, par
l'idée fixe. 95
un acte infâme, a laissé passer son bien en des mains étrangères),
elle est tourmentée de Vidée fixe ou prêvalente que la vente est irré-
gulière, qu'il ne s'agit que d'un contrat apparent ; aussi s'adresse-
t-elle,.dès que cette conviction a pénétré dans son esprit, aux
tribunaux, qu'elle fatigue de ses réclamations. C'est une faible
d'esprit qui n'a jamais pu apprendre à lire et il compter; en
revanche elle a toujours présenté une exagération de la person-
nalité ; toujours prête à discuter, elle se montrait un peu irritable.
Une soeur de la malade est épileptique. Ses idées de persécution
consistent à se plaindre que les magistrats se soient tournés contre
elle et que les témoins se soient parjurés.
OIjSCn1'ATION tIII (SEr.Lr, loc. cit.). - Délil'e des paséclltés persécuteurs.
Une demoiselle de cinquante-huit ans, très tarée (héréditaire),
d'humeur violente, et très bizarre dans sa jeunesse, est en même
temps faible de corps. Son développement intellectuel a été très
lent. Jeune fille, elle a été souvent éprise, a manifesté des tendances
à l'exaltation religieuse. La perte de sa fortune l'a profondément
affectée et déprimée. Il s'est, chez elle, développé l'idée I)i-éraleî2le
qu'un M. de N... l'aime et veut l'épouser. Elle la conserve, en
dépit de toutes les contradictions, malgré l'intervention du mon-
sieur en question, qui lui a nettement fait comprendre qu'il
n'avait point ce dessein. Elle a importuné les autorités et a
demandé protection contre ses persécuteurs. Elle persiste à dire
qu'elle se mariera bientôt, et se plaint amèrement que ses parents
et les médecins soient cachés sous le toit.
4" Idée fixe dans le délire chronique. Elle naît par voie
conceptuelle. On enregistre alors une fiction à la base, sur
laquelle le malade échafaude un édifice d'erreurs, malgré la
correction apparente dans l'exécution de l'architecture de
celui-ci (DE KR.\FFT-EBI1W). C'est pourquoi la logique de ces
malades semble intacte; ainsi s'explique le nom ancien de
folie partielle usité en pareil cas. En réalité le sens critique
manque et c'est ce qui a entraîné l'erreur. L'idée fixe en cette
espèce morbide forme souvent un élément très net.
Elle naît quelquefois par voie hallucinatoire dès le début,
car nul n'ignore qu'il existe toujours des hallucinations dans
le délire chronique à une période avancée.
Le plus habituellement les premiers troubles se montrent
dans la sphère intellectuelle, et c'est alors qu'il n'est pas rare
de bien saisir à l'origine une idée fixe qui est le phénomène
pathologique initial.
C'est surtout à l'idée fixe du délirant chronique que se rap-
96. CLINIQUE MENTALE.
portent les développements nosographiques de ce mémoire.
Les prémisses du raisonnement étant fausses, certains anneaux
de la chaîne syllogistique- sont fréquemment faux ou les lacunes
sont comblées par des artifices d'imagination; l'aboutissant
est toujours, forcément, une série de conclusions vicieuses.
L'idée fixe, déraisonnable, insensée, subite, est le plus ordi-
nairement imputée par l'individu à sa propre personne vic-
timée, selon lui, ou sur le point de l'être. Après avoir duré,
généralement assez longtemps, elle mène à un système déli-
rant, plus ou moins coordonné, en engendrant d'autres idées
délirantes, qui se multiplient, s'agrègent, se combinent.
L'idée fixe de persécution notamment, d'abord posée par le
malade avee une certaine réserve (LASÈGUE) devient bientôt
tout à fait nette. Avec l'apparition des interprétations déli-
rantes ou des hallucinations de l'ouïe, l'idée s'affermit, devient L
de moins en moins variable, l'hésitation fait place à la certi-
tude. Le reste, on le connaît. C'est, quoi qu'il arrive, toujours
à l'origine un délire. circonscrit, roulant sur la même idée ou
sur une même série d'idées pour le même individu. Puis, l'or-
ganisation du délire le développe, en introduisant parfois
quelques variantes; invariablement la personnalité s'altère,
le Moi se transforme. A l'appui un beau type.
Observation XIV (personnelle). Idée fixe installée dès le jeune
âge sans trouble sensoriel (hallucinations apparues postérieurement)
pour aboutir au délire chronique systématique.
B... André, quarante ans, fumiste.
Rien à remarquer dans les antécédents héréditaires.
Antécédents personnels . - Méningite à l'âge de trois ans ( ? ).
Les troubles psychiques semblent remonter chez lui il son jeune
âge, ou tout au moins, il semble, dès sa jeunesse, avoir réagi
intellectuellement d'une manière anormale.
Voici, d'ailleurs, ce qu'il raconte : Vers l'âge de trois ans, ayant
fait une fièvre cérébrale, à ce qu'on lui a dit, le Dr S... qui le soi-
gnait, demanda à M"10 B..., qui se désolait de le voir si malade :
« Vous tenez donc tant que.ça à cet enfant ? » La dame B... répon-
dit qu'elle y tenait autant que la belle-fille du docteur pouvait
tenir à lui.
Plus tard, vers l'âge de sept ans, on rapporta un soir son père
mort, à la maison. Cette mort était des plus mystérieuses, selon
lui. Parti le matin bien portant pour la ville voisine, il était revenu
au dernier train le soir, on l'avait vu iL'la gare; le lendemain
matin, on le trouvait mort dans un remblai près de la station.
l'idée fixe. 97
Cette mort l'affecta beaucoup ; dès ce moment il conçut des
soupçons, et l'idée entra dans sa tête qu'un jour il aurait la preuve
que cet homme avait été assassiné.
A quelque temps de là, dans un conseil de famille, il entendit
le dialogue suivant entre l'aîné des B... et sa mère : « Qu'avez-vous
fait de ses papiers » Ce à quoi la mère répondit qu'elle les croyait
plus en sûreté chez M. le Curé. Le frère aîné répondit alors :
« Mère, vous avez fait son malheur. »
« J'étais loin de me douter alors qu'il était question de moi
raconte B... ; mais comme j'étais obsédé, depuis la mort de mon
père, par Vidée fixe qu'un jour je saurais pourquoi cet homme était
mort, j'en conclus par la suite, que le père Il... n'était que mon
père adoptif, et que, comme il ne voulait pas se départir de mes
papiers d'origine, les personnes qui avaient intérêt à les posséder
l'avaient fait disparaître, pour les obtenir de la mère. »
Déjà les paroles aimables des uns, les saluts respectueux des
autres, des allusions saisies au vol sur le secret de son origine,
la remarque qu'on lui a préféré de tout temps ses prétendus frères
et soeurs, avaient éveillé chez lui le soupçon qu'un mystère entourait
sa naissance et qu'il pouvait bien être le fils d'un personnage
historique, et voilà l'idée fixe définitivement installée et notre
malade persuadé que ceux dont il porte le nom ne sont pas ses
parents, mais seulement des parents adoplifs; que son père a été
assassiné pour lui ravir plus sûrement ses papiers d'origine; il
est entretenu dans sa conviction par d'incessantes interprétations
délirantes.
Telle est la base initiale de son délire : une idée fixe, installée
dès l'enfance dans son cerveau et s'y étant ancrée avec la puissance
des acquisitions faites à cet âge, sans l'intervention d'aucun trouble
sensoriel.
Dès lors, B... mène une existence des plus mouvementées.
D'une acuité psychique d'autant plus vive, que toutes ses facultés
sont tendues toujours vers le même objet, il scrute attentivement
tout ce qui se dit, tout se qui ce fait ; et dans toutes choses, par
une série de raisonnements plus ou moins logiques, il découvre
quelque ressort caché, quelque allusion à sa personne et à sa
situation.
Engagé à la légion étrangère, à vingt trois ans, on commença il
lui faire des misères ; un officier s'était acharné à sa perte et vou-
ut le faire passer au conseil de guerre. De retour à Paris, il exerça
sa profession de fumiste, mais toujours on le tracassait, on le
renvoyait de tous les ateliers ; les femmes s'en mêlèrent, tentèrent
de le pousser au vol, à la débauche, dans l'anarchie. Las de cette
existence il partit pour Buenos-Ayres ou il resta six ans, mais la
vie lui devint vite intenable, on l'empêchait de gagner sa vie, on
voulut l'assassiner. '
Archives, 2" série, t. VIII. 7
98 CLINIQUE MENTALE.
C'est vers cette époque, c'est-à-dire vers l'âge de trente ans, que
les hallucinations de l'ouïe firent leur apparition. On commença à
l'insulter dans la rue. Les journaux firent campagne contre lui ; il L
comprenait en lisant certains articles que c'était lui que l'on visait.
Ainsi maltraité, il se dit que s'il était un simple B..., on ne l'aurait
pas persécuté de la sorte.
Le délire s'étend, sous l'influence des hallucinations, les idées
de grandeur vont venir s'ajouter aux idées de persécution.
Revenu en France pour se faire rendre justice, il entendit une
voix, qu'il reconnut être celle du commandant du navire, l'appeler
Michel de Stephenson. Ce lut pour lui un trait de lumière ; le mys-
tère de son origine était éclairci. -
A son arrivée à Paris, il fut interné à Vaucluse; évadé on le
reprit à Bruxelles, puis à Tournai et enfin à Armentières où il se
trouve depuis trois ans.
Son état actuel est celui du délire chronique à son complet déve-
loppement ; il possède des biens immenses dont on voudrait
s'emparer. Les Orléanistes sont ses principaux ennemis. Les chefs
des partis dynastiques lui font toutes sortes de misères et s'en-
tendent pour le perdre. On agit par le spiritisme sur lui, sur sa
parole et sur sa pensée, on lui fait dire le contraire de ce qu'il
pense. On l'insulte incessamment de Hollandais, de Prussien, de
bête habillée en homme.
Les hallucinations ont envahi les autres sens et même la sensi-
bilité générale ; on met des poisons dans ses aliments, il les recon-
nait au goût et à l'odeur, on lui lance sur le corps des vapeurs
brûlantes.
Tout ce qui se dit et se fait a trait à sa situation ; la guerre
Turco-Grecque et le conflit Hispano-Américain, n'ont éclaté qu'à
cause de lui ; voici d'ailleurs un échantillon de ce qu'il écrit jour-
nellement :
« A leurs Excellences les Ambassadeurs des
puissances principalement intéressées dans la question
concernant ma situation.
« Excellences,
« Voyant que tout ce que j'emploie pour sortir de ma situation
et de la France ne me sert absolument à rien, et que vos puis-
sances deviennent la complice forcée du drame que la France s'est
plue de vous jeter sous les yeux, car si on me tient ici, ce n'est que
par tous les procédés qui ont été exercés sur moi depuis mon plus
jeune âge ; je propose à vos Excellences de me faire tirer au sort
et que le sort décide à quelle nation je dois appartenir. Comme ma
situation concerne toutes les puissances, j'espère que toutes les
puissances y ont le même intérêt que la France, car je ne resterai
l'idée fixe. \)\1
Français que si le sort m'y oblige ; sinon je me verrai forcé de
vous faire remarquer que je n'ai jamais vendu mon corps aux Fran-
çais, pas plus qu'au parti politique qui s'acharne contre moi. Je
vous ferai entendre par le même procédé qu'il m'est impossible de
faire face à ma situation politique.
« Reste donc la question première et si vous ne me rendez jus-
tice, sur ce que je vous demandais tout à l'heure, je vous ferai
remarquer que ces biens ne viennent nullement des pouvoirs
publics, et que leur seule provenance est l'accumulation de
l'agiotage.
« Vous ne pouvez m'obliger à faire du socialisme, vu que vous
le prohibez dans vos propres principes, et quand Ilothschild par-
tagera, je partagerai aussi. Si vous ne me rendez pas justice sur
ce point, je serai obligé de me considérer la victime d'un bandi-
tisme international vu que l'on agit avec moi pis que les bandits
de grand chemin, car ceux-là sont au moins sous l'action d'une loi
et ne sont pas exempts de l'impunité.
« Si je vous tiens ce langage, c'est parce que je m'y trouve
obligé, vu que je suis complètement à la merci de toutes les dro-
gues que les médecins me font absorber dans ma nourriture. Cela
est tout simplement inique et odieux, car ils savent bien que je ne
suis qu'un instrument entre leurs mains.
« J'ose espérer que vos Excellences daigneront me rendre satis-
faction et me tirer de la griffe de mes bourreaux, ou bien de me
faire transporter dans une ile, où au moins je n'aurai pas sous les
yeux le spectacle de tant d'ignominies.
« Je prie donc vos Excellences de bien approfondir toutes les
questions, et d'en finir avec une pareille existence, et de recevoir
mes sentiments de profond respect.
« IL.. dit de STEPIIENSON. »
Observation XV. Autopsychose circonscrite. Wernicke, in G ? 'lll1-
driss der Psychiatrie.)
Il s'agit d'un homme de soixante et un ans, qui se dit il l'asile
à cause des inaportunites dirigés contre lui au dehors. Ici il est
tout à fait à l'abri, se sent bien depuis quatre ans qu'il y est et
'espère bien y rester. Tous les essais de sortie qu'il a faits ont mal
tourné : les mêmes vexations ont abouti à l'intervention de la po-
lice et à son internement.
D'abord ce fut il cause d'un certain Monsieur qu'il ne connaît
que de nom, qui habitait dans son voisinage et qu'il rencontrait
fréquemment dans la rue. Ce Monsieur se tenait fixe en l'attendant
et avait l'air de compter les fenêtres d'une maison. Ayant quitté ce
côté de la rue, le malade remarqua que le même Monsieur parlait
au même endroit à une personne de sa connaissance, et sur son
100 CLINIQUE MENTALE.
compte, il en est convaincu bien qu'il ne pût entendre ce qu'il
disait. Il aborda alors ces deux messieurs et leur dit : « Vous
disiez peut-être quelque chose de moi ? » Puis il gagna sa demeure
tout en s'apercevant que les deux messieurs le suivaient et se
tenaient devant sa maison. Arrivé chez lui, il prit sa canne, alla il
la fenêtre et la brandissant il les interpella en disant : « Montez je
vais vous servir ». Une scène du même genre détermina les deux
messieurs à le suivre réellement jusque chez lui, à prendre son
nom et à se plaindre à la police. -
On constata alors l'existence d'un délire des rapports du Moi.
exclusivement dirigé contre un maitre charpentier. Celui-ci, frère
d'un monsieur que le malade connait bien, était, il y a six ans,
comme lui, habitué d'un marchand de vin désigné. Pendant des
années, le malade s'est intéressé à la fille de ce marchand de vin
et lui a fait des propositions matrimoniales, auxquelles il a coupé
court parce qu'il a constaté que le père de la jeune fille ne faisait
pas de bonnes affaires.Le charpentier a probablement dit à l'autre
Monsieur : « Voilà le coquin qui a autrefois lâché la jeune fille. »
On ne trouve pas chez notre homme d'autres symptômes psy-
chotiques. Mais il est et demeure convaincu de ce qu'il avance.
Sur sa demande il est mis en liberté quelques semaine plus tard;
il revient néanmoins pour la même raison, ressort, et rentre pour
la troisième fois. Et maintenant il ne veut plus quitter l'asile.
Les deux dernières aventures- concernaient des importunités plus
nombreuses dans lesquelles étaient intervenues d'autres personnes
encore et la police.
C'était toujours d'après lui, le maître charpentier qui, entre
temps, avait raconté l'histoire à d'autres, et la police était inter-
venue pour provoquer sa mise en observation et obtenir qu'il frit
taxé d'aliénation mentale.
A l'asile on ne constate aucune antre interprétation délirante,
aucune autre affection mentale.
M. Wiîrnicke fait remarquer que le début de l'affection a
été constitué par une idée prévalente ayant entraîné une ap-
préciation délirante qui mérite le nom de délire de relations
du Moi, de la personnalité. Ce délire s'est ensuite étendu,
puis est demeuré stationnaire ou plutôt il est devenu nul à
l'asile. L'origine de l'idée prévalente doit, selon lui, être cher-
chée dans le contraste entre la manière peu honorable dont
a agi le palient et son caractère autrement équitable. Il est
probable, dit-il, qu'il a fait sur ce sujet son examen de con-
science et s'est trouvé coupable, souillé moralement. Ainsi
préoccupé, il s'est offusqué d'un regard, de l'attitude expec-
tante d'un homme qui connaissait sa conduite, et il en a, par
l'idée fixe. 101 1
association d'idées, faussement interprété la portée. Toutes
ses idées ont alors constamment convergé sur le texte domi-
nant de son idée fixe, fausse non point quant à l'acte qu'il a
commis, mais quant à la valeur de cet acte. Il s'est exagéré
son action dans ses rapports avec les personnes qui l'entou-
raient, à l'exemple du héros de Dostoïewsky, dans Crime et
châtiment, qui croit que tout le monde lit son meurtre sur sa
figure et le lui reproche; le héros de Dostoïewsky est du reste
un névropathe. Comme lui, il se dénonce.
Observation XVI (personnelle). Idée fixe développée sans trouble
sensoriel aboutissant au délire systématique. Hallucinations tardives
et rares.
D... Alphonse, trente-sept ans, tisserand.
Rien dans l'hérédité.
Comme antécédents personnels, il y a à noter : des convulsions
dans l'enfance; des excès alcooliques fréquents.
Le début des troubles psychiques remonte à l'année 1834.
A ce moment D..., jusque la bien portant, commença à devenir
inquiet et soupçonneux. Il remarqua que dans les tissages où il
travaillait, on lui jouait de vilains tours, on dérangeait son métier
pendant son absence ; dans d'autres cas, il ne plaisait pas, on le
regardait de travers, mais ce qui le frappa le plus fut ce que sa
mère lui raconta au sujet de la vie de sou grand-père.
Ce dernier, enfant trouvé, fut élevé à l'Hospice général de Lille.
Le mystère de la naissance de son aïeul hanta l'esprit surexcité
de D... Il se dit qu'on lui cachait quelque chose et, dès ce moment
l'idée germa que le grand-père était peut-être le fils de quelque
personnage illustre et riche.
Obsédé par cette idée fixe, il se mit sans tarder à la recherche
de la parenté de son aïeul ; il se rendit à la mairie de Lille, puis à
l'Hospice général ; là il sut la date du dépôt de l'enfant, et un des
employés qui le renseignait prononça à voix basse le mot de la
Trémoille. Evidemment on voulait lui cacher l'origine de son
grand-père; mais il avait entendu le mot, et ce nom de la Tré-
moille se grava dans sa tête. C'était donc un représentant de la
plus vieille noblesse française qui avait déposé son aïeul enfant il
l'Hospice général de Lille; or, réfléchit-il, à ce moment il n'y avait
' aucun moyen de locomotion, et le marquis de la Trémoille ne se
serait certainement pas dérangé de si loin pour le fils de sa cuisi-
nière ou de son cocher ; c'est donc qu'il s'agissait d'un personnage
princier probablement ; et il en conclut que son grand-père était
un descendant des Buurbons à la maison desquels les la Trémoille
étaient attachés.
102 CLINIQUE MENTALE.
Voici d'ailleurs ce qu'il écrit il ce sujet.
' « Asile d'Armentières, 5 mars 1898.
(D'après le calendrier grégorien )
« Pour la Personne représentant la justice,
soit divine, soit humaine.
« La personne appelée Keraval m'empêche de sortir de l'asile
pour aller voir à l'Hospice général de Lille pour que l'on me four-
nisse des renseignements sur mon grand-père, déposé en cet éta-
blissement le le août 1799 par une ou plusieurs personnes dont
une se nommait la Trémoille, et c'est après avoir entendu ce
nom-là que je me suis dit : Alors ce doit être le petit-fils de celui
qu'on a appelé Louis Capet de Bourbon, roi de France, 160 du nom
donc si c'est cela je ne me nomme pas D... mais je suis un Bour-
bon, et je crois mes droits égaux aux leurs. Donc, si des moyens
quelconques appartenant aux D... ont été donnés au gouverne-
ment de la République sans leur assentiment, il me semble que la
justice la plus élémentaire est qu'ils doivent en être instruits.
Maintenant, si mes droits de naissance sont supérieurs aux leurs.
c'est à moi qu'il appartient de disposer et de discuter le bien ou
mal fondé de la chose en question à moins qu'il y aurait des
Bourbons d'Espagne dont les droits seraient supérieurs aux miens.
ce qui peut bien être sans que j'en aie aucune connaissance.
D'ailleurs. je voudrais bien que ce soit un autre Bourbon que moi
qui s'occupât de cette affaire délicate, car moi, je ne me crois pas
assez intelligent pour cela.
« S'il m'était possible de voir ici dans l'asile d'Armentières des
personnes représentant ou les personnes mêmes : 1° L'évêque de
Cambrai ; 20 Victoria de Cobourg ; 3° Prince de Galles ; 4U Baron
de Rothschild ; 5° Léopold de Cobourg ; 60 Félix Faure ; 7° le géné-
ral des Jésuites; 8° Alphonse XIII ; 9° le duc d'Orléans, et plusieurs
autres personnages, je pourrais leur dire et demander bien des
choses.
« Pour terminer, je tiens à vous prévenir que je ne suis pas plus
disposé à passer pour l'appelé D... que pour celui qu'on a appelé
et qu'on nomme Jésus-Christ, et je crie de tout coeur : Vive la
vérité et à bas les crapules ?
« Alphonse D...
« Arrière nelil-lils d'un homme qui ne s'appelait pas Il.... »
Les différentes démarches qu'il lit de divers côtés pour recher-
cher l'étymologie de son nom, et trouver sa généalogie, eurent
pour résultat de le faire interner (avril 189j). Son et(il actuel est le
suivant :
Bien que l'idée fixe primitive existe encore à la base du délire.
l'idée fixe. 103
celui-ci b'est considérablement étendu ; les idées de grandeur et de
persécution se sont accrues et développées ; les hallucinations ont
apparu.
Le doute, au sujet de son origine, existe encore, mais il ne peut
encore préciser de quel personnage il descend ; tantôt il signe :
Wilhelm de lioheuzollern; tantôt, Alphonse Capet de Bourbon, ou
bien, Emile Buonaparle. Etendant son délire dubitatif à tous ceux
qui l'entourent, il se pose des interrogations continuelles sur leur
identité, ne s'adressant à ceux qui l'approchent qu'en ces termes :
« L'appelé X..., ou la personne appelée X... » Cet état est entre-
tenu par des illusions de la vue qui lui font prendre, par exemple,
certains malades de son quartier pour sa mère; lui-même doute
de son sexe.
Les idées de persécution coexistent chez lui avec la mégaloma-
nie. Mais elles sont peu nettes et n'occupent guère que le second
plan. Les hallucinations, assez rares, existent depuis un certain
temps, et occupent la plupart des sens et la sensibilité générale.
On lui a ouvert la tête et accroché, à l'intérieur du crâne, une
clochette qu'il entend sonner à chaque mouvement. Voici com-
ment il raconte les différents troubles qu'il éprouve :
« Asile d'Armentières, 12 avril 1898.
« A la personne appelée Keraval,
« Quand je demeurais avec ma mère, à M..., j'ai entendu des
voix, et, ensuite, ayant réfléchi, j'ai été pris de frayeur ; c'est donc
en me tenant par la pensée que des gens que je ne connais pas
m'ont terrifié ainsi. De ces voix, l'une grave, me disait : « prends
autant d'hommes que Napoléon, » l'autre, voix de femme, s'écria :
« Au revoir Alphonse ! » J'en conclus que ma famille et moi,
sommes enserrés dans un filet à ne pouvoir en sortir, et cela par
des gens que je ne connais pas, et qui, malgré toutes les questions
que j'ai posées depuis que je suis à l'Asile, n'ont pas eu le courage
de se faire connaître.
« Maintenant si, avant de m'appeler Alphonse D... je portais un
autre nom, je veux le savoir; si, comme je l'ai eu dans l'idée, il
est possible que l'on donne une forme d'homme à un animal tel
que porc ou autre, et que je suis un produit de ce genre, recélant
en soi un objet quelconque tel que pierre, diamant ou clochette,
je veux qu'on me coupe la tête pour pouvoir prendre l'objet en
question, sinon je veux, à tout prix, savoir ce que l'on me veut,
en me mettant sous l'intluence de ce qu'on appelle des caloriques,
moulins et autres mécaniques endiablées, comme celle qui me fai-
sait penser que pour toutes les petites bêtises que j'avais commises,
j'allais être roué vif ou brûlé.
104 CLINIQUE MENTALE.
« Il faut vous dire que ce n'est que depuis que je suis dans l'asile
d'Armentières que je me suis aperçu que j'étais tenu par la pensée
et, comme je suis certain que ma pensée a changé de direction
depuis moins de cinq ans, je me demande pourquoi, et dans quel
but, moi qui avant l'année 1894, ne savais absolument rien concer-
nant ma filiation.
« Maintenant, je voudrais savoir pourquoi, depuis que je suis
ici, l'on m'a flanqué dans la tête, des idées que j'étais l'Etre
suprême.
« Il faut nécessairement que les gens qui inculquent ces idées-là
aux autres soient fous ou canailles.
« Comme je l'ai dit, je suis fatigué de tout cela et je veux à tout
prix savoir ce que l'on me veut.
« L'appelé : Alphonse D... »
L'observation suivante se rattache à celle des persécutés per-
sécuteurs mais sans dégénérescence mentale, ou tout au moins
elle peut être considérée comme intermédiaire au délire chro-
nique pur et au délire systématisé des dégénérés, M. WER-
NICKE auquel elle est empruntée la regarde comme un
exemple d'idée prévalente sexuelle aboutissant à la systéma-
lisalion.
Observation XVII. Délire des persécutés persécuteurs discret.
(WEHN1ChE in G1'll1 ! dl'iss, etc.)
Demoiselle de quarante ans, professeur de sciences dans une
école supérieure de filles, zélée, assidue, un peu surmenée dans sa
profession. Elle croit remarquer qu'un de ses collègues, céliba-
taire, avec lequel, durant des années, elle a entretenu commerce
d'amitié, nourrit des desseins sur elle. Ainsi, pendant qu'il enseigne,
il va souvent à la fenêtre de sa classe pour la voir, car de là il
peut la contempler dans sa classe à elle. Pendant ses heures de
liberté, il se tient fréquemment sur un palier par où elle doit
passer avec ses élèves pour se rendre à sa classe. Il la salue avec
une attention particulière, toutes sortes de rencontres accidentelles
la confirment dans son idée. Elle en est fort émue; elle passe des
heures de jour et de nuit il se demander comment elle doit agir, et
ce qu'elle doit faire pour que les élèves et le personnel ne s'en
aperçoivent point. Elle se surveille donc, combine toute espèce
d'expédients alin d'éviter des rencontres, arrive à ne plus le saluer.
Elle croit bientôt remarquer que les élèves s'en sont aperçues,
surprend des remarques ayant rapport à cela, et perçoit peut-être
quelques voix isolées qui disent : « Comme il parait chagrin ! »
Des collègues qui ne la voyaient guère auparavant la visitent à
présent plus souvent, et parlent bien fréquemment (c'est surpre-
l'idée fixe. 105
nant ! ) du jeune homme; les bonnes amies s'éloignent d'elle et
paraissent désapprouver 'sa relation. Le directeur lui-même s'en
mêle : il cause pendant les heures de loisir avec le professeur en
question et le retient éloigné d'elle à un tout autre endroit que
celui qu'il avait coutume d'occuper jadis. Quelque temps après le
professeur quitte l'école et s'en va à l'étranger. Pendant la visite
qu'il lui a faile pour prendre congé avant son départ, il s'est mon-
tré extrêmement troublé, il a confondu les couleurs, il lui a lancé
un long regard qui signifiait qu'il savait très bien ce qui se passait
en elle et qu'il répondait à son penchant. Quand il a été parti, elle
a été en butte à des pointes d'ironie, à des malices, à des plaintes,
à des attentions déplacées : ses rapports avec lui étaient évidem-
ment connus, car toutes les fois qu'il était question du professeur
parti, elle sentait des insinuations. Le directeur a dû en avoir fait
l'objet d'une allusion pendant une conférence, car elle l'a compris
à la mine des assistants un jour qu'elle y est venue. Telle est l'his-
toire des deux dernières années.
Ne recevant pas de nouvelles directes du fugitif, elle s'est mise à
douter qu'il fût un homme d'honneur. Elle a dû reconnaître que
sa manière d'être vis-à-vis de lui a pu le détacher; mais elle s'est
dit que lui, en homme loyal, eût dû s'expliquer. Pénétrée et outrée
du sacrifice qu'elle avait, par son attitude, fait à la discipline de
l'école, elle fait au directeur, dont elle n'a pas oublié l'intervention
indélicate, une scène violente; on lui impose un congé de six mois,
en lui conseillant de s'adresser à une maison de santé. Le direc-
teur de la maison de santé qu'elle fréquente constate alors un délire
de grandeur et de persécution et la croit incurable. M. Wernicke la
voit, trois ans après le début de sa maladie, dans une famille amie
dont elle était l'hôtesse et où elle se rendait utile en instruisant
les enfants.
Comme elle ne présente aucune anomalie, il atténue la sentence
précédente. Cette demoiselle, bien élevée, affinée, déclare carré-
ment qu'elle avait bien le droit de se conduire comme elle l'a fait
vis-à-vis du jeune homme et de l'école. Elle demeure persuadée
que le jeune homme a eu le dessein de lui faire une proposition de
mariage, et il ne lui a jamais dit un mot qui pût être interprété
différemment. S'il ne s'est pas franchement expliqué, c'est à cause
des intrigues et des interventions indélicates du directeur et de
tout le personnel enseignant; s'il ne s'est pas ouvertement déclaré
c'est pour ces motifs-la.
En vain M. Wernicke lui donne-t-il l'assurance que ce sont pures
suppositions de sa part, suppositions tenant à une idée préconçue
maladive, à une illusion. Elle ne le croit pas, mais se laisse con-
duire dans une maison de santé, où, d'ailleurs, elle ne reste que
quelques semaines. Maintenant deux autres années se sont écou-
lées et elle exerce sa profession dans une école particulière où elle
106 CLINIQUE mentale.
plait par son activité et sa diligence. Elle a cependant complète-
ment rompu avec tous ses parents qu'elle accuse en partie de ce
qu'elle ait été frustrée du bonheur de sa vie. Des conceptions
délirantes d'explications et des adultérations des souvenirs, sont
devenues les pierres angulaires d'un système organisé.
Les réflexions de 111. ,,\VERNICIOE ne sont pas moins intéres-
santes. 11 dit que, si au lieu d'une demoiselle bien élevée,
prude, pleine d'un tact exquis, on avait eu affaire à une per-
sonne tranchante, brutale, elle eût formulé des revendications
énergiques, et fût devenue une persécutée persécutrice.
Pour le professeur de Breslau, la pluralité des cas analo-
gues doivent être rapportés à des idées prévaleules, fixes,
quelconques. Si le fonds particulier du système demeure
caché aux observateurs, c'est à raison des préjugés de ces
derniers.
Chez cette demoiselle, il n'y avait pas de terrain psychopa-
thique sur lequel pût fleurir l'idée prévalente. Il faut accuser
l'époque critique, le surmenage mental, un mode d'existence
peu confortable ; telles ont été les causes de l'idée prédomi-
nante sexuelle. Nous terminerons par deux observations
dans lesquelles les hallucinations ont joué bientôt un rôle
indéniable.
Observation XVJII (Personnelle). Idée fixe développée avec des
troubles hallucinatoires, servant de base à un délire systématisé
chronique.
D.... Pierre, quarante-six ans, chef d'atelier.
Rien à signaler dans les antécédents héréditaires. Dans ses anté-
cédents personnels, il faut noter : une fièvre typhoïde à l'âge de
quatorze ans. De plus une de ses filles est idiote. L'origine de son
délire doit être cherchée dans une idée fixe qui s'est développée de
la manière suivante :
Il était bien portant et parfaitement heureux lorsque, son beau-
frère étant venu habiter chez lui, il devint soucieux et inquiet.
A plusieurs reprises, il remarqua certaines particularités qui éveil-
lèrent son attention et sa jalousie. L'idée germa dans son esprit
que sa femme avait des relations incestueuses avec son frère. Ceci
se passait en 1892.
Une phrase sans importance prononcée par ce dernier au cours
d'une conversation légère, le confirma dans ses soupçons. EII réllé-
chissant et en rappelant à lui ses souvenirs, il se remit en mémoire
certains faits qui avaient passé inaperçus et qui lui apparurent il
présent comme significatifs. Dès lors, il employa tous les moyens
l'idée fixe. 107
pour lui faire avouer sa faute. Il exerça une surveillance étroite de
tous les instants : le jour, quittant plusieurs fois son travail pour
rentrer chez lui à l'improviste, dans le but de les surprendre, la
nuit, ne dormant pas, toujours aux aguets.
Cette tension continuelle de l'esprit vers le même objet ne tarda
pas à éveiller les hallucinations de l'ouïe qui vinrent transformer
en certitude les soupçons de D....
Il déserta le lit conjugal et, à travers la cloison, entendait les
soupirs de volupté des deux coupables. Il se précipitait alors pour
les surprendre, mais ne trouvait jamais rien d'anormal. Il entendit
aussi des voix qui l'insultaient et parlaient de lui, principalement
celle de sa femme qui se moquait de lui, l'appelant cocu. Il alla
trouver le commissaire de police pour porter plainte et écrivit au
procureur de la République. Ne recevant aucune réponse, il accusa
sa femme de l'avoir interceptée. On l'interna en 1893.
Actuellement : Son idée fixe avec ses caractères érotique et
jaloux se retrouve dans son délire, mais les idées de persécution
dominent la scène. Sa femme le harcèle et le poursuit sans lui
laisser aucun repos. Elle s'est attiré la complicité de l'ingénieur en
chef de l'atelier pour le maintenir enfermé et se débarrasser de lui.
Son délire, on le voit, s'est étendu en même temps que les trou-
bles sensoriels ont envahi les autres organes des sens et la sensi-
bilité générale. Sa femme et ses complices actionnent une machine
électrique qui marche continuellement et de plus en plus fort,
paralysant ses organes et ses sens, le brûlant, le congestionnant,
provoquant la toux, le rire, des démangeaisons, etc. On lui fait
respirer de mauvaises odeurs, on lui donne des érections. Cette
machine, qui fonctionne depuis avril 1894, communique avec lui par
des fils invisibles. Il en fait la description dans des schémas qu'il
distribue aux médecins de l'établissement pour leur expliquer ses
souffrances. Il raconte tout ce qu'il endure, dans de nombreuses
lettres, où il se plaint amèrement des tortures qu'on lui fait
subir :
« D..., Pierre, ancien élève du collège de Saint-Malo.
ancien élève de l'école nationale d'Arts
et Métiers d'Angers, .
ous-clef d'atelier au matériel roulant
du chemin de fer du Nord,
« .l Monsieur le Procureur de la République,
« J'ai l'honneur de vous informer qu'Elvire P..., ma femme, est
coupable d'excitation de mineurs à la débauche (adultère avec des
petits garçons). Elle a des complices.
« J'aurais honte de vous mentir. Ce n'est point une exagération,
mes souffrances sont intolérables. '
108 CLINIQUE MENTALE.
« La machine fait craquer mes os, brider ma chair, se tordre et
se briser mes muscles et mes nerfs.
« Je suis assassiné, martyrisé, le jour par Elvire P..., la nuit
par ses complices. Elvire P..., qui fait des bâtards dans l'asile
(pour ses couches, elle s'alite), habite avec un interne dans le bâti-
ment d'administration. Les dimanches et fêles, je suis assassiné
par celui avec qui elle loge. Elle m'a déshonoré, elle a détruit la
dignité du foyer domestique, l'amour conjugal, l'amour filial et
l'amour maternel.
« Je suis né sur l'Ida, dans la neige éternelle,
« Son âpre souille, en mes larges poumons
" A versé l'air salubre et la sève des monts,
« La liberté, l'horreur de l'infidèle,
« Et pour l'immense azur, l'amour de 1'liiioiidelle.
« 11 est inadmissible que je reste dans la situation qui m'est
faite. Il y a plus de deux ans que je n'ai dormi, il y a quarante-
six mois que je n'ai mangé. 11 y a vingt et un mois que je vis avec
des gens qui n'ont plus rien de naturel, vingt et un mois que je suis
en butte à une persécution de la part des gens que je connais, sans
compter ceux que je ne connais pas. Aussi, mon existence est
devenue intolérable.
« Jamais je n'ai si bien compris la fausse position dans laquelle
se trouve un malheureux cerf assailli par une meute : c'est après
moi qu'on sonne l'hallali !
« Mon royaume n'est pas de ce monde.
« J'ai pour l'immense azur l'amour de l'hirondelle.
« Je suis saoul d'électricité, saoul d'entendre parler, saoul de
voir des singeries. Je suis devenu sourd de l'oreille droite. J'ai la
jambe gauche pleine de varices I
a Attention que la bande de crapules qui me torturent ne se
torchent pas avec mes lettres.
a Pierre D... Coucou. 'J
C'est Lien un délire de persécution avec son cortège d'hal-
lucinations multiples qui a succédé à l'idée fixe première. La
période de transformation de la personnalité n'est encore
qu'ébauchée, et ne se traduit que par quelques idées d'or-
gueil, perdues au milieu des idées de persécution.
Observation XIX (Personnelle). Idée fixe par interprétations
. délirantes. Hallucinations consécutives. Délire chronique.
M.... Georges, quarante ans, comptable.
A noter pour tout antécédent : une fièvre typhoïde à l'âge de
huit ans. 0
l'idée fixe. )OH
Le malade a puisé dans des chagrins domestiques peut-être,
d'ailleurs également imaginaires, l'origine de ses malaises. S'étant
aperçu en 1894, que sa femme entretenait des relations intimes
avec le frère de son patron, il quitta la maison où il travaillait à la
suite d'une scène de violence provoquée par ses soupçons. Puis,
comme il ne pouvait, à la suite de ce qui s'était passé, vivre en
bonne harmonie avec sa femme, il l'autorisa à se retirer dans sa
famille jusqu'après ses couches, ignorant qu'il existait aussi des
relations entre elle et son oncle.
Il la revit quatre mois plus tard sur son lit de mort à la suite de
ses couches. Une pièce qne sa femme croyait avoir près d'elle, et
qu'elle voulait lui remettre, avait disparu. Ce pouvait être un testa-
ment annulant celui de son oncle deux ou trois jours auparavant,
alors qu'il était encore à Paris. Le soir, elle mourait ayant auprès
d'elle sa famille qui s'était emparée de tout ce qui se trouvait chez
lui, argent, papiers, clefs.
Ne pouvant, dans la situation où il se trouvait, conserver son
enfant près de lui, il se décida, malgré les inquiétudes qui l'assail-
laient déjà, à le confier à une garde. Le lendemain du jour où il
l'avait apporté, il s'aperçut qu'on avait changé l'enfant ( ? ). Ce fut
pour lui un trait de lumière; tout s'expliquait, les manoeuvres de
la famille de sa femme et la substitution de l'enfant : le but était
de s'emparer d'une somme de 100.000 francs provenant du gain
d'obligations ( ? ) qui se trouvaient dans ce que sa femme lui avait
apporté en mariage ( ? ).
Voilà donc un homme d'abord simplement défiant et ombra-
geux, arrivant par une série d'interprétations délirantes à Vidée
fixe qu'on lui a changé son enfant dans le but de s'emparer de sa
fortune. -
Il commence dès lors à agir dans le sens de son idée et à com-
mettre des actes marqués au sceau de la folie et qui vont rapide-
ment amener son internement. 11 demande une enquête au
Procureur de la République, enquête qui, naturellement, ne donne
aucun résultat. Pour vivre, il se met à travailler à droite et à
gauche, mais déjà on le tracassait, on l'empêchait de gagner sa vie.
Les hallucinations de l'ouïe apparurent rapidement; on répon-
dait à sa pensée, on l'injuriait, on indisposait tout le monde contie e
lui.
On l'interna en 189.
Dans des rapports soigneusements rédigés et adressés à la Justice,
il expose ses griefs et réclame justice.
On a indignement abusé de sa confiance; on a fait ses affaires
en son lieu et place sans qu'il lui soit seulement possible d'en
avoir connaissance. Son avoué lui a extorqué sa signature et son
pouvoir et c'est muni de ce pouvoir qu'il a accaparé toutes ses
affaires.
110 CLINIQUE MENTALE.
Son état actuel est celui du délire de persécution à son complet
développement.
Il se joue autour de lui une comédie qui n'est qu'un odieux
chantage. Tous ceux qui l'entourent sont payés par la famille de sa
femme pour le faire disparaître, dans la crainte qu'il ne réclame
contre eux.
Ses persécuteurs ne lui épargnent aucune souffrance ; on « le fait
mourir à petit feu ».
Les hallucinations de l'ouïe ont augmenté de fréquence et le
trouble a gagné les autres sens et aussi la sensibilité générale.
Il est continuellement sous l'influence de l'hypnotisme, et c'est
de cette façon qu'on est arrivé à se rendre maître de lui; on lui
fait prendre du mercure, de la créosote, de l'arsenic, un tas de
drogues et de poisons dans les aliments. La nuit, il ne peut
dormir; on le viole, on le peigne, on lui provoque des fistules et
des hernies.
Le délire ambitieux occupe le second plan et est encore bien
effacé; il se borne à l'idée qu'on l'a voulu déposséder d'une somme
de 100.000 francs, patrimoine de sa femme, du moins le suppose-t-il,
car il ne fournit pas plus de preuves de cela que de la trahison de
sa femme et de la substitution d'enfant dont il parle; ses argu-
ments sont faibles.
1)0 Idée fixe dans l'hystérie. L'idée fixe dans l'hystérie
se confond avec l'étude des idées conscientes et subcons-
cientes circonscrites. C'est ce qu'a développé magistralement
P. JANET' dans ses recherches expérimentales, relatives « non
pas uniquement 11 des idées obsédantes d'ordre intellectuel,
mais à des états émotifs persistants, à des états de la per-
sonnalité qui restent immuables, en un mot à des états psy-
chologiques, qui, une fois constitués, persistent indéfini-
ment et ne se modifient plus suffisamment pour s'adapter aux
conditions variables du milieu environnant ». Tel est ce. que
M. JANET appelle l'idée fixe dans un sens fort large. C'est
également ce qu'on trouvera dans les travaux de G. Ballet - 2
et SOUQUES'. 3.
L'idée fixe s'y traduit le plus souvent par un symptôme
physique dont la nature est en rapport avec son objet.
Elle peut donner naissance, en passant de l'idée fixe pri-
mitive consciente à l'état d'idée fixe subconsciente, àdessymp-
1 Xévroses et idées fixes, t. I, Paris, 1898.
, Aúasiespal' oúsessionsel idées (i,1'e ? (Semail/e mérlicale, janvier 1898.)
3 Archives de 1\'1 ? I'oloflil', 189.'i.
ARRÊT DE DÉVELOPPEMENT DE L'IIUMÉRUS GAUCHE. 'I'I'l
tomes en apparence différents, tels que sommeil, somnambu-
lisme, insomnie, mais au fond des plus connexes. Le sommeil
sous forme de crise est une rêverie absorbante qui supprime
la perception des autres phénomènes et se rapproche beaucoup
des somnambulismes; on constate entre eux toutes les transi-
tions et on peut voir le même sujet passer de l'un à l'autre.
L'insomnie n'est qu'un phénomène secondaire, la conclu-
sion d'un rêve terrifiant qui, par les émotions et les mouve-
ments qu'il détermine, amène le réveil. Le fait essentiel est
le rêve et son développement exagéré. D'ailleurs en certains
cas les trois phénomènes se présentent chez le même sujet il
propos de la même idée fixe (P. JANET). 1
Peut-être ces recherches éclaireront-elles un jour les phé-
nomènes complexes de l'aliénation mentale proprement dite.
C'est encore un terrain à part.
RECUEIL DE FAITS
ARRÊT DE DÉVELOPPEMENT DE L'HUMERUS GAUCHE
DANS UN CAS D'HÉMIPLÉGIE CÉRÉBRALE INFANTILE ;
Par M. R wnon BEIINARD,
\Iéecin-major de =° classe, répétiteur à l'École du semée de santé militaire.
Chen... (Baptiste-Lucien) soldat de 2e classe au 97e régiment
d'infanterie entre à l'hôpital Desgenettes le 15 mars 1898, pour une
atrophie du hras gauche. Il est envoyé de Montmélian pour être
soumis à une observation complète et présenté, s'il y a lieu, à la
commission de réforme. La difformité date de l'enfance, elle est
très apparente ; mais la musculature du sujet étant vigoureuse, la
gêne fonctionnelle n'est pas très considérable.
Antécédents. Chen... est né à Artos (Isère) le 3 décembre 1876,
dans une famille robuste. D'après lui, son père est rhumatisant
sa grand'mère paternelle était rhumatisante, son grand-père
paternel est mort jeune par accident. Sa mère est très nerveuse,
elle a eu des attaques de nerfs, elle a une sorte de paralysie du
bras gauche accompagnée de troubles de la sensibilité : ce bras
'11 Z RECUEIL DE FAITS.
est faible et la main est maladroite, elle tient mal les objets et les
laisse échapper facilement. Il n'a pas de renseignements sur ses
grands-parents du côté maternel. Il a eu deux fières : l'un
plus âgé que lui est mort à six mois dans des convulsions, l'autre
plus jeune est bien constitué, on ne lui connaît d'autre infirmité
qu'une hernie apparue peu après sa naissance. Une SOEUI' qui
est vivante et bien portante.
Lui-même était bien conformé quand il est né. Sa mère avait eu
une frayeur pendant sa grossesse, mais il était arrivé à terme, et
ses deux bras sont restés égaux jusqu'à l'âge de dix-huit mois.
A cette époque, il a eu une maladie grave, des convulsions qui
ont laissé après elles une paralysie incomplète du côté gauche.
Chen... nous a montré une photographie où il se trouve repré-
senté il douze ans avec ses camarades de classe : il est au moins
aussi développé qu'eux, mais sa figure est déjà un peu asymé-
trique, la fente palpébrale gauche est un peu plus ouverte, et la
commissure labiale tombe un peu de ce côté.
En 1896, Chen.. a souffert d'une « fluxion de poitrine ». Des
convulsions se sont produites à cette occasion et la convalescence
a été longue, pénible, surtout à cause de maux de tête très persis-
'tantes : ces maux de tête sont fréquents chez Chen..., ils s'ajoutent à
toutes ses indispositions, à toutes ses fatigues il suffirait même de
quelques mouvements brusques (sauts par exemple) pour les rap-
peler : c'est le côté droit de la tête qui est le plus endolori.
Le 1 ? janvier 1898, Chen... étant en permission a été pris de
' La mère de Clien ? a bien voulu répondre par les renseignements
suivants aux questions qui lui ont été adressées pour préciser ce point
des antécédents de son fils. Au septième mois de sa grossesse, elle a été
serrée par un boeuf contre un mur et elle a eu grand'peur : elle a souf-
fert beaucoup du reste et a fait appeler le médecin par peur d'un avorte-
ment. Cependant l'accouchement s'est fait à terme et sans aucune
complication, quoique un peu long. Depuis l'accident elle est restée
souffrante. L'enfant était bien conformé à la naissance, on n'a constaté
aucune anomalie, aucune douleur, dans le membre supérieur gauche
jusqu'à la maladie convulsive indiquée par Chen... Ces convulsions rai-
dissaient tous le corps de l'enfant, surtout le côté gauche, et dans le
côté gauche surtout le bras. Pendant la convalescence il y avait de la
raideur de ce côté. On a remarqué tout de fuite qu'il était plus faible
que l'autre. L'enfant «grognait lorsqu'on voulait lui faire ployer le bras
pour l'habiller et lorsqu'on serrait un peu le côté gauche ». Deux mois
après (à vingt mois) on s'apercevait déjà que le bras gauche était plus
court que le droit. Ce membre est resté raule plus longtemps que les
autres membres, et moins actif dans ses mouvements. La jambe était
tordue jusqu'à l'âge de cinq ans, elle ne marchait pas, elle s'accrochait
il l'autre, « depuis l'âge de cinq ans elle est toujours allée en se redres-
sant insensiblement. » Il n'y a ni syphilis ni alcoolisme chez les
ascendants.
ARRÊT DE DÉVELOPPEMENT DE L'HUMÉRUS GAUCHE. 113
fièvre avec céphalalgie violente, courbature, anorexie, diarrhée,
épistaxis. Le médecin appelé parla de lièvre muqueuse ; mais il
délivra plus tard au malade un certificat constatant une ménin-
gite et établissant une relation entre les phénomènes cérébraux
actuels et l'impotence du bras gauche ( ? ) Chen... rentre mal remis
à Montmélian, se rétablit tout à fait à l'hôpital et arrive à Lyon en
bonne santé.
Etat actuel. C'est un garçon vigoureux et bien conformé pour
sa taille (1 m. ûi) ni amaigri, ni anémié : son teint est frais, ses
joues sont un peu creuses par suite plutôt d'une conformation
naturelle que d'une nutrition insuffisante. Toutes les fonctions
physiologiques s'exercent normalement et Chen... ne se dit pas
malade, mais seulement gêné par l'infirmité de son bras gauche.
L'inégalité de¡; deux bras est manifeste (voir les photographies),
le déficit du côté gauche est de 55 millimètres d'après les mensu-
rations faites il diverses reprises.
114
RECUEIL DE FAITS.
par l'intégrité des masses musculaires et par l'apparence tout il
l'ait normale de leur disposition anatomique. Les circonférences
ues deux bras sont du reste à
peu près égales.
Ces différences ne devien-
nent sensibles que si l'on
étudie en détail les divers
muscles et si l'on analyse leurs
mouvements.
Musculature. - Les mu=cles
du cou paraissent normaux.
Les sterno-mastoïdiens sont
égaux ; le trapèze gauche est
plus volumineux, son bord
supérieur est plus dur et plus
épais. Le grand pectoral au
contraire est plus épais et plus
résistant à droite; il en est
de même du grand dorsal
jugé par le volume de son bord
antérieur-et du rhomboïde :
il n'est pas possible d'apprécier
le volume de l'angulaire. Les
digitations du grand dentelé
sont visibles des deux côtés;
mais elles sont plus grêles et
plus molles du côté gauche.
Deltoïde. Pris à pleines mains
ce muscle ne paraît pas diffé-
l'ent à gauche de ce qu'il est
il droite : cependant la masse
des faisceaux musculaires est
moins épaisse à gauche, la dé-
pression sous-acromiale est
moins couverte, plus accessible
et cependant la silhouette du
moignon de l'épaule dessine
la même courbe : les deux pro-
fils sont superposables. C'est
que les couches superficielles
sont un peu plus flasques et
plus épaisses aussi à gauche.
11 est plus facile de plisser la
peau de ce côté et le pli est plus gros. Les fosses sus et sous-épi-
neuses sont plus apparentes à gauche, les muscles correspondants
sont moins volumineux et moins résistants.
IW fj. 1.
ARRÊT DE DÉVELOPPEMENT DE L'HUMÉRUS GAUCHE. 118
Biceps. La longue portion est plus grêle et plus molle à
gauche. La courte portion au contraire et le coraco-bracbial ont
plus d'epalsseur et de fermeté :
sur ce point, l'asymétrie des
deux bras est plus marquée.
Le triceps brachial gauche est
plus mince et moins résistant
que le droit. A l'avant-bras, les
différences d'un côté à l'autre
ne sont pas appréciables.
Toutes ces petites inégalités
se totalisent en une différence
d'aspect plus facile à constater
qu'à expliquer par des mensu-
rations précises. Les formes
dans leur ensemble sont plus
nettement masculines à droite,
à gauche elles tendent au fémi-
nismc.
Molilité. - Ces défectuosités
de la musculature ont pour
conséquence un affaiblisse-
ment relatif dont le malade
a le sentiment très net et dont
l'exploration au dynamomètre
donne la mesure approxima-
tive :
116
RECUEIL DE FAITS.
surtout quand la position est maintenue longtemps, met en
évidence l'inégal développement des muscles de l'épaule. Le
deltoïde a des faisceaux plus courts 'du côté gauche, et de ce
côté le faisceau antérieur est plus fort tandis que les faisceaux
moyen et postérieur sont plus grêles. Le triceps brachial est
vigoureusement contracté à droite, il l'est faiblement à gauche,
de ce coté aussi la brièveté de la masse musculaire est évidente ;
au contraire la longueur de la portion tendineuse du muscle est
égale à droite et à gauche. Dans ce mouvement on constate
encore que les muscles de l'avant-bras font un relief plus accusé
à droite. Chen... a beaucoup de peine à maintenir son membre
supérieur gauche dans cette position, il le laisse retomber peu à
l'iy. 3.
ARRÊT DE DÉVELOPPEMENT DE L'HUMÉRUS GAUCHE. 11 7
peu malgré ses efforts, et un tremblement léger apparaît. En
même temps l'aisselle gauche se baigne de sueur tandis que
l'aisselle droite est à peine moite. ij'ct)M)H du bras en abduc-
tion reste incomplète à gauche, il eu est de même de l'élé-
vation du bras au-dessus de la tète, malgré une forte contrac-
tion compensatrice du trapèze et un mouvement de bascule de
l'omoplate. Le mouvement de moulinet est complet à droite; à
gauche malgré une forte inclinaison du tronc vers le côté opposé,
le cône décrit par le bras reste orienté en avant, en dehors et un
peu en bas. La flexion de l'avant-bras sur le bras accentue l'asy-
métrie des biceps. A gauche le ventre de ce muscle parait déjeté en
dedans comme si, la longue portion étant inerte, tout l'effort por-
FifJ.4.
118 RECUEIL DE FAITS.
tait sur la courte portion et le coraco-brachial : le tendon bicipital
et son expansion sont plus forts à droite. La corde du long supi-
nateur est mieux tendue à droite.-La pronation et la supination
s'effectuent avec une égale facilité des deux côtés, mais on l'arrête
plus facilement à gauche. Il en est de même pour la flexion et
l'extension des poignets. -
Les mouvements du tronc, du bassin, des membres inférieurs
ne diffèrent pas d'un côté à l'autre. La marche se fait sans
aucune irrégularité.
L'asymétrie reparait dans le détail des mouvements de la face.
La fente palpébrale gauche paraît un peu plus longue et un peu
plus fermée, la pupille gauche au contraire est plus dilatée. Chen...
ne ferme pas facilement les yeux isolés mais il a moins de diffi-
culté à fermer le gauche- Ses élévateurs de l'aile du nez et de la
lèvre supérieure sont plus faibles que leurs congénères de droite :
cela se voit surtout dans le sourire et l'expression du mépris. La
langue n'est pas déviée au repos, ses mouvements sont normaux.
La luette est un peu déviée à droite.
Les mouvements réflexes peuvent être considérés comme nor-
maux des~deux côtés, bien qu'ils semblent relativement affaiblis à
gauche : l'examen a porté sur les réflexes plantaire, abdominal,
crémastérien, rotulien, calcanéen, olécrânien.
Mouvements involontaires. Il n'y a jamais eu chez Chen... de
mouvements athétosiques ou choréiques, mais il lui arrive souvent
quand il est immobile, de sentir de petits mouvements involon-
taires dans l'épaule gauche et dans le bras, jamais ailleurs. 11 s'agit t
de contractions fasciculaires qu'il est facile d'apercevoir quand on
fait rester le malade au repos. Chen... dit encore qu'il éprouve
parfois un léger tremblement dans le côté gauche, mais quelque-
fois aussi à droite.
La sensibilité est normale dans tous ses modes. L'acuité visuelle
et auditive est normale et égale des deux côtés : il n'y a pas de
rétrécissement du champ visuel.
Les troubles trophiques sont peu nombreux. L'humérus gauche
si raccourci est plus mince que l'humérus droit au moins dans la
partie diaphysaire. Cela est sensible à la simple palpation, et la
radioscopie montre bien qu'il ne s'agit pas d'une apparence. Les
extrémités de l'os au contraire sont normales; la tête de l'humérus
a le même volume des deux côtés. De plus il y a il gauche une
lésion ccrliculairs : dans les mouvements passifs de l'épaule on
constate déjà une résistance qui doit intervenir aussi pour une
part dans la limitation des mouvemenls actifs, quand ces mouve-
ments quels qu'ils soient sont un peu forcés. Chen... se plaint d'un
tiraillement douloureux dans la jointure; c'est une douleur qu'il
a toujours éprouvée depuis son enfance, il la ressent mieux depuis'
que, par son incorporation, il est obligé à des exercices actifs. Cette
ARRÊT DE DÉVELOPPEMENT DE L'HUMÉRUS GAUCHE. 119
ankylose incomplète de l'épaule est très apparente sur les radio-
graphies.
La gracilité de certains groupes de muscles a été signalée déjà.
Il s'agit plutôt d'un développement incomplet que d'une atrophie
car les réactions électriques sont les mêmes à gauche et à droite
pour l'excitation faradique : l'excitabilité galvanique des muscles
n'a pas été étudiée.
L'arrêt de développement porte aussi sur le système vasculaire,
l'artère radiale est plus fine à gauche, le pouls plus faible. Les réac-
tions vaso-motrices sont plus faciles de ce côté : le frottement de
la peau fait apparaître une raie rouge persistante ; l'aisselle est
constamment baignée de sueur à gauche, même au repos, tandis
que l'aisselle droite reste sèche. 11 n'y a pas de différence de tem-
pérature entre les deux côtés.
Chen... porte peu de stigmates de dégénérescence. Les oreilles, le
crâne, la bouche (dents, palais) sont bien conformés, les mains
aussi, il n'a pas d'oligodactylie cubitale, mais l'axe des deux der-
niers doigts décrit une légère concavité qui s'oppose à une conca-
vité des deux premiers. Cette faible anomalie est un peu plus appa-
rente à la main droite.
Les testicules sont bien conformés. Le testicule gauche est plus
petit, moins déclive ; il remonte souvent vers l'anneau inguinal.
I.e prépuce n'est pas long, le méat est largement ouvert par un
hypospadias qui s'arrête au niveau du sillon balano-prépucial. Le
système pileux est bien développé, il n'y a rien d'anormal sur la
peau : quelques noevi pigmentaires très clairsemés. Le fonctionne-
ment des appareils digestifs, circulatoire, urinaire, etc... est tout
il fait régulier.
Chen... sait lire et écrire, sa mémoire est assez fidèle; mais son
esprit n'est pas très vif et il n'a pas beaucoup de goût pour le tra-
vail intellectuel. La lecture, dit-il, le fatigue, elle aggrave des ver-
ti'ges et des défaillances auxquels il est sujet, et augmente un mal
de tête qui se cantonne avec ténacité dans la région pariétale
droite et qui résille à des doses répétées d'antipyrine. Chen... s'est
plaint souvent de cette céphalée.
Chen... a été réformé le 2S mai 1898.
Il s'agit en résumé d'un homme qui, des suites d'une affec-
tion nerveuse aiguë de l'enfance, a gardé une amyotrophie
hémilatérale gauche diffuse, à peine appréciable. Son humé-
rus gauche, au contraire, a subi un arrêt manifeste dans son
développement.
Ainsi présenté, le fait trouve une explication facile. Cepen-
dant le diagnostic a présenté quelques difficultés. Chen... a
été présenté à la Société de médecine de Lyon, devant la-
120 0 RECUEIL DE FAITS.
quelle, faute des renseignements précis fournis depuis par
la mère, il a fallu discuter certaines hypothèses.
Chen... affirmait, d'une manière très catégorique, que son
infirmité lui venait d'une maladie et non d'un accident ; il
n'y avait donc pas à s'arrêter à l'idée d'une fracture ou d'un
décollement épiphysaire. Ce dernier traumatisme entraîne
pourtant assez souvent une difformité toute pareille à celle
de Chen... On en peut voir des exemples décrits et figurés
dans un travail récent de P.-S. de Magalheies ' et dans les
mémoires plus anciens de Vogt", Bruns3, Jetter4, etc... L'hy-
pothèse de troubles trophiques consécutifs à une lésion arti-
culaire était plausible, puisque l'examen direct de l'épaule et
la radiographie s'accordaient à prouver l'existence d'une an-
kylose depuis longtemps douloureuse. La diffusion des trou-
bles constatés et surtout l'histoire de la phase aiguë et infan-
tile de l'affection ne vont pas avec une arthrite primitive.
Pour les mêmes raisons, on ne pouvait admettre une malfor-
mation congénitale méconnue par les parents pendant les
premiers mois de l'existence de l'enfanta C'est certainement
une affection du système nerveux qu'il fallait rechercher à
l'origine de cette infirmité.
Une névrite peut arrêter le développement des régions
innervées par le nerf malade 1. A cet âge, en l'absence des
facteurs étiologiqucs habituels, avec cette diffusion hémila-
térale des altérations, c'est une hypothèse peu acceptable.
Les deux maladies susceptibles d'expliquer le fait actuel
sont : la paralysie infantile et l'hémiplégie cérébrale infan-
' P.-S. de Magalheies. Un cas de raccourcissement considérable du
bras du côté gauche dû il un arrêt de croissance de l'humél'us COi 'l'es-
pondant (Revue de chirurgie, 1898, p. 412).
2 P. Vogt. Die traumalisclie 1,71)il)hyseiili-eiîiiiirl 2111tl cleueiz Eiiifliiss
auf"das Liingei ! U'achsthum ciel' ¡¡Ùlu'enknochel/ {Arch. de Lanf/enbeck, ISi8,
Bd. \lll, p. 3F3).
3 P. Bruns. Ueber traumalisclie Epiphysentl'enl/unrl {Arcli. de /"an-
geitbeek, 1882, Bd. XX\'lI, p. 210).
' G. Jetter, cité par de Magalheies.
Il Il y aurait même des atrophies professionnelles de l'humérus !
Duparcque. 31éi) ? . sur l'inégalité professionnelle de longueur des membres
supérieurs considérée comme cause d'erreurs diagnostiques et pronos-
tiques [Gaz. hebd., 23 janvier 1863, p. 5b).
6 L. Jacquet et Napieralski. Névrite prolongée du membre inférieur
droit avec arrêt de développement et hyperoslose calcanéenne (Soc. mécl.
hôp., 20 mai 1898, p. W 0).
ARRET DE DÉVELOPPEMENT DE L'HUMÉRUS GAUCHE. 121 1
tile. C'est à la paralysie infantile que l'on pense d'abord :
les déformations qu'elle produit sont communes, le sque-
lette est ordinairement atteint, quelquefois même il est
atteint presque seul, l'intégrité des muscles étant relative-
ment respectée. La participation de la face dans les alté-
rations n'était pas un argument important contre elle,
puisque les muscles innervés par le facial sont intéressés
quelquefois dans la poliomyélite antérieure aiguë des enfants'. '.
Mais l'état actuel des muscles, moins atrophiés qu'arrêtés
dans leur accroissement, la conservation des réflexes, la
répartition rigoureusement unilatérale des lésions, devaient
inspirer des doutes, et d'autres considérations amenaient à
conclure en faveur d'une sclérose cérébrale. L'intelligence de
Chen... peut être considérée comme moyenne, suffisante; ce-
pendant ses conceptions sont un peu lentes, son attention se fixe
avec peine, il n'a aucune curiosité ; en un mot il ne pense pas
beaucoup. On peut encore invoquer en faveur d'une lésion
superficielle du cerveau la céphalalgie presque constante dont
le malade se plaint, les petits mouvements involontaires
qu'on remarque parfois dans les muscles de l'épaule gauche.
L'absence de phénomènes spasmodiques a embarrassé un
moment, mais les renseignements donnés par la mère ont
appris qu'ils avaient existé pendant toute l'enfance de Chen ?
Le diagnostic de sclérose cérébrale semble bien légitime.
Au- reste, l'observation actuelle n'est pas absolument iso-
lée. M. Féré 2 décrit chez les hémiplégiques infantiles des
arrêts de développement des os tout à fait identiques à celui-
ci. Dans les faits étudiés par lui, le trouble trophique est plus
marqué aux membres supérieurs qu'aux membres inférieurs :
mais il n'est pas aussi étroitement localisé que chez Chen...
à un segment du squelette. M. Féréa résumé dans un tableau
les chiffres recueillis dans ses mensurations. Chez les sujets
normaux, le rapport entre les longueurs du bras et de
l'avant-bras est de 72,3 à 100 en moyenne. Chez les hémi-
plégiques infantiles, l'écart minimum a été de 91,66 à '100.
t llé( : Jère. Un cas de paralysie spinale infantile avec participation du
nerf facial (Soc. uécl. lrJh., 2 mars 1898, p. 269).
2 Ch. Féré. Sole sur l'arrêt de développement des membres dans l'hé-
miplégie cérébrale infantile el sur ses analogies avec des malformations
réputées congénitales {liée, de mécl.. 1896, p. 115); Du même. Les pro-
portions relatives des os du bras chez les hémiplégiques infantiles et les
dégénérés (Soc. de biol" 1897, p. 0).
122 1) RECUEIL DE FAITS.
Dans le cas actuel, le rapport serait de 101,87 à 100. On
voit que l'écart est considérablement réduit, puisque la pro-
portion est renversée : l'avant-bras est plus long que le bras.
L'anomalie est donc très marquée. Mais ce qu'il y a de très
particulier chez Chen..., c'est que le rapport en question est
éloigné des limites habituelles, même du côté sain. A droite,
en effet, le rapport entre les longueurs respectives du bras et
de l'avant-bras est de 100 à 88,7 ; c'est le rapport indiqué
comme normal pour le foetus par M. Feré (d'après llamy).
Faut-il croire que Chen... était déjà un dégénéré avant d'être
un hémiplégique infantile ? 11 semble plus logique de suppo-
ser que la lésion cérébrale a retenti sur l'autre côté en frap-
pant le côté hémiplégie, el que seule elle est responsable de
cette double anomalie dans l'évolution des membres supé-
rieurs. Ne voit-on pas chez les hémiplégiques adultes la force
musculaire amoindrie même dans les membres indemnes ?
Il y a certainement une part à faire au cerveau dans les
arrêts du développement de ce genre; et il ne serait pas sans
intérêt de rapprocher de pareils faits les lésions cérébrales
observées dans certaines monstruosités'; mais une simple
observation clinique sans examen anatomique ne comporte
pas une pareille discussion.
EPILEPSIE : DEUX TREPANATIONS. PERSISTANCE DES ACCÈS ;
Par M. JdUIiUaV,
iiiieiiie à l'asile S..lII1LPjcl'I'C (l<U'scillc).
Uucul..., vingt-trois ans, verrier, est entré le 22 septembre lScJ7
à l'Asile public d'aliénés de Saint-Pierre.
Antécédents héréditaires. - Père mort à cinquante ans, mère à
quarante-cinq ans. Trois frères et une soeur morts très jeunes.
Tuberculose du côté maternel. Pas d'épilepsie dans sa famille.
1 Troisier. Sole sur l'état de la moelle épillière dans un cils d'héllli-
JI/élie ztailhonaciqrte (.lrch. de llr ! /siol., IV, p. 72, 1871). - F. Dreyrolls,
Arrêt de développement des membres supérieurs. EC/l'Ut/ac ? ie. ,1/lél'll-
lion des méninges localisée à la région des centres moteurs (l'nogr. med.,
1878, p. 483). L. Edinger. /Uic/oel/I/Ull ? Ilild {;ehi"11 in eiiieiii Fuite voit
angebomem ilungel eines Yorderanns (AI'ch. f. poclleol. anal., LXXXIX,
p..i6, 188 ? ).
ÉPILEPSIE : DEUX TRÉPANATIONS. PERSISTANCE DES ACCÈS. 123
Antécédents personnels. - Variole à l'âge de cinq ans. A sept ans
et demi, premier accès. Un peu auparavant, il avait été très
effrayé par les gendarmes qui le poursuivaient parce qu'il prenait
du bois à la gare.
Au début, ces accès étaient peu nombreux, cinq à six par an.
Ils passaient inaperçus tant leur durée était courte (quelques
secondes). Il en a eu à l'école sans que l'instituteur s'en aperçoive,
car il ne tombait pas, restait assis sur son banc. A dix-sept ans,
il entre dans une verrerie. A partir de ce moment, les crises
deviennent de plus en plus fortes et de plus en plus nombreuses,
(trois ou quatre par jour). Il les sent venir : son caractère se
modifie, il est plein de mauvaises idées, dit-il, et surtout de l'idée
du suicide, il s'énerve ; il a des tremblements de tout le corps ;
c'est dans cet état qu'arrive l'accès. Lorsque celui-ci est terminé,
tout rentre dans l'ordre, D... redevient calme, il n'a plus de mau-
vaises idées. Il vit ainsi jusqu'à l'âge de vingt ans. A cette époque,
il se jette après un accès, par la fenêtre, s'écrase le nez, se fait
des contusions multiples ce qui l'oblige à entrer à l'hôpital de la
Conception. Pendant son séjour dans cet hôpital, il a de nouvelles
crises.
M. le De Poucel lui fait une trépanation de la partie supérieure
de l'occipital gauche (avril 18cl6). Après l'opération, l'état du
malade semble amélioré, il ne voit plus reparaitre les accès et se
croit complètement guéri. Six mois après l'opération, il est opéré
de nouveau du même côté (il est impossible de savoir quels ont
été les motifs de cette seconde opération; novembre 189tri). Quel-
ques jours après, les accès reviennent, mais avec moins d'intensité.
Il ne les sent plus venir, c'est-à-dire qu'il n'a plus, auparavant,
d'idées mauvaises (tentatives de suicide, d'homicide), ni d'énerve-
ment. Il sort de la Conception, sept mois après. Rentré chez lui,
les accès deviennent de plus en plus forts, s'accompagnent d'exci-
tation, ce qui l'engage à rentrer à la Conception où il reste quinze
jours et est amené ensuite à l'Asile (22 septembre 189 i). De ce
moment au 14 mars 1899, époque à laquelle il entre à l'infirmerie
où il est soumis au traitement par le trional, il a des accès nom-
breux avec agitation, environ 80 à 100 en un an.
Entré à l'infirmerie le 14 mars 1899, ce même jour à il heures
il a une crise qui n'a pas duré cinq minutes ; à 1 h. Si une autre
de dix minutes; à 3 h. 1/2 une troisième. Pendant la nuit du
14 au la, trois accès à 11 heures, 2 heures et 5 heures.
15 mars. Deux accès, l'un à 10 heures, l'autre à midi ; il a
senti venir le dernier, l'infirmier lui a donné immédiatement un
paquet de trional de 0,50, l'accès n'a duré que deux minutes. La
nuit a été tranquille. Depuis ce jour, les crises se sont succédé
à des intervalles plus ou moins réguliers, mais un fait à noter,
c'est qu'il n'y a plus d'agitation.
124 RECUEIL DE FAITS.
Etal actuel. Ce malade est plongé dans une prostration légère,
il parle peu, la face présente des cicatrices de la variole, le nez
est écrasé. Au niveau de l'occipital gauche se trouve une dépre,s-
sion de 8 à 10 centimètres de long sur 2 il 3 centimètres de hauteur.
A ce niveau, on perçoit les battements artériels; le cerveau est en
contact avec les téguments. Depuis quelques jours, ses crises
s'accompagnent de délire mystique; -il fait le mort, croit qu'il a
été crucifié et que des anges l'emportent vers Dieu.
Cette observation ne saurait être concluante sur les résul-
tats obtenus par le traitement de l'épilepsie par le trional.
La quantité donnée de ce médicament a été insuffisante et
irrégulièrement administrée. Peut-être pourrait-on attribuer
au trional la disparition de l'excitation qui accompagnait les
accès et qui n'a plus reparu depuis l'administration de ce
médicament. t.
Poursuivant notre enquête sur l'action thérapeutique de la
trépanation dans les maladies nerveuses, nous demandons
à nos collègues des asiles de bien vouloir nous communiquer
les cas de trépanation qu'ils ont dans leurs services et, dans
les visites des asiles que nous faisons de temps en temps,
nous demandons il voir les trépanés. C'est ainsi que, à l'asile
Saint-Pierre de Marseille, M. le ]Y Maunier nous a montré
le malade, sujet de l'observation qui précède et que son
interne, .11. Jourdan, a eu l'obligeance de nous transmettre.
Bien qu'elle offre quelques lacunes, elle n'en est pas moins
d'un réel intérêt. Il en ressort, point capital, que la trépana-
tion n'a pas guéri l'épilepsie. Il y a eu une rémission et,
comme dans cette opération, il y a toujours, malgré les pré-
cautions les plus minutieuses, un écoulement sanguin consi-
dérable, la rémission qui suit d'habitude mais non cons-
tamment l'opération, peut être, dans une certaine mesure
attribuée à cette perte de sang. Relevons la disparition de
l'aura psychique, l'action du trional, et signalons la nécessité :
1° de toujours relever très exactement le nombre des accès,
afin de bien juger l'action des traitements, médical et chirur-
gical ; 2° d'avoir une description des accès, ce qui n'est pas
toujours facile; 3° de faire, à l'occasion, une autopsie com-
plète de ces malades et de conserver la calotte crânienne pour
bien voir et décrire les lésions. Bourneville.
REVUE CRITIQUE.
1. Apuntes para el estudio estructural de la corteza visual del
cerebro humano (con b foto r.); par S. ltauov y Cual. (Reu.
Ibero-Americcoaa de cène. med., Marzo, 1S09. Madrid, 1899.)
Deux théories contraires dominent les conceptions actuelles de
la structure et des fonctions de l'écorce du télencéphale : celle des
uniciiles qui, avec Mèynert et l5LLIFiER, croient à l'unité structu-
rale et fonctionnelle de la cellule nerveuse et expliquent par les
connexions périphériques la diversité des propriétés des diverses
aires de l'écorce cérébrale ; celle des particularités qui, à l'instar
de muni, de FLEcHSic, de Nt ? SL, sans méconnaître l'importance
des connexions périphériques, c'est-à-dire de la structure des appa-
reils périphériques des sens, fait d'organisation et d'évolution
phylogénique d'où résulte tout ce qu'il y a de vrai dans la doc-
trine de la spécificité des sensations , considèrent comme histolo-
giquement fondée l'hétérogénéité fonctionnelle de chaque terri-
toire du cortex. C'est afin de pouvoir prendre position à son tour
dans ce débat, en toute connaissance de cause, que Raton y Cual
inaugure une série d'études sur la structure comparée des
diverses régions de l'écorce du cerveau humain.
L'examen histologique de cerveaux d'enfants de quinze, vingt et
trente jours, par les méthodes deWEiGERr, de GOLCI et de Nissl, lui
a déjà révélé quelques détails « nouveaux » qu'il fait connaître
dans cette première note sur les caractères morphologiques et
fonctionnels des éléments constituant les couches de l'écorce du
cuneus et de la scissure calcarine. Ce n'est qu'après avoir étudié
ainsi toutes les provinces de l'écorce que Cajal formulera son juge-
ment définitif sur la question. En attendant, ce n'est pas en vain,
on le conçoit, que l'oeil d'un Cajal a contemplé à son tour ces ré-
gions qu'avaient décrites à leur point de vue, avec les secours de
la technique du temps, Vicq d'Azyr, Gennari, 13aillarcer, Meynert.
Point de doute que l'écorce de la scissure calcarine ne se dis-
tingue des autres territoires corticaux par des caractères mor-
phologiques tout à fait particuliers. Tandis que, des huit couches
stratifiées de cette écorce, les trois premières, la couche moléculaire,
ou couche des panaches des pyramides, la couche des petites
pyramides et la couche des pyramides moyennes n'offrent rien de
spécial, la quatrième couche, celle des cellules étoilées ou strie de
126 REVUE CRITIQUE.
Gennari, caractérise éminemment au contraire la « rétine corti-
cale », comme nous l'avons souvent appelée après IIENSCIIEN. Là,
dans ce complexus de fibres myéliniques, où tant de prolonge-
ments nerveux sont mêlés, Cual a distingué : 1° des cellules ner-
veuses étoilées autochtones ; 2° des ramifications de fibres ner-
veuses de fort calibre montant de la substance blanche ; 3° des
ramifications d'axones ascendants de cellules des couches infé-
rieures (zone des grains, zone des pyramides géantes, zone des
corpuscules polymorphes) ; 4° des ramifications collatérales
d'axones de cellules des zones supérieures (couches des pyramides
petites et moyennes). Des éléments spéciaux de forme variée.
mitrale, semi-lunaire, etc., mais surtout étoilée, constituent donc
en fort grand nombre cette quatrième couche, cellules dont les
dendrites se ramifient exclusivement dans ce plexus nerveux.
L'observation toujours plus approfondie de cette zone a déjà per-
mis à Cajal de la subdiviser en deux (couches des grandes et des
petites cellules étoilées),et d'y décrire : 1° des cellules étoilées
géantes ; 2° des cellules étoilées moyennes à longs et forts axones
descendants, à épaisses collatérales ascendantes et à collatérales
destinées aux couches inférieures ; 3° des cellules petites à courts
dendrites variqueux, à axone court, descendant, ascendant ou hori-
zontal, et s'épuisant dans l'épaisseur même de la strie. De pyramides
proprement dites, CAJAL u'en a jamais aperçu en cette région.
Une autre particularité qui distingue l'écorce visuelle des autres
aires corticales, même de l'aire sensitivo-motrice, où elles sont
pourtant fort nombreuses, c'est le nombre des fibres ascendantes
de fort calibre qui montent de la substance blanche pour se rami-
fier horizontalement dans la quatrième couche. Comme ces fibres
conservent leur gaine de myéline jusqu'à leurs ramifications pri-
maires et secondaires, elles contribuent surtout à donner au
ruban de VicC D'Azvn sa coloration blanche. Les fibrilles de ces
axones ne laissent pas de contracter des rapports de contiguïté en
nombre infini avec les corps et les dendrites des cellules indigènes
de cette zone, c'est-à-dire de la couche des cellules étoilées,
comme elles ont fait d'ailleurs pour les tiges des pyramides et des
cellules des couches inférieures. Souvent ces longues fibres myéli-
niques croisent verticalement la strie de GE;>¡1\AIII et vont au delà,
jusque dans la couche des pyramides moyennes (troisième couche),
puis se recourbent brusquement en bas ou s'infléchissent sur de
grands espaces pour se résoudre finalement dans la couche des
cellules étoilées en collatérales et en prolongements axiles termi-
naux. L'aire de distribution de ces fibres est énorme; leurs rami-
fications ultimes entrent certainement en contact avec des cen-
taines de cellules nerveuses de la zone des cellules étoilées et avec
un nombre considérable de grandes, de petites et de moyennes
pyramides.
REVUE CRITIQUE. 127 7
A quelle espèce de cellules appartiennent ces fibres nerveuses ?
Sont ce des fibres optiques venues des centres optiques primaires,
des fibres de projection, ou des fibres d'association intercorticale ? ` ?
Il s'agit bien, selon Canal, de fibres optiques; voici les raisons sur
lesquelles repose cette présomption :
sont beaucoup plus délicates que ces fibres afférentes de la région
visuelle. Il n'y a pas jusqu'aux axones des pyramides géantes de
l'écorce qui ne soient moins épais que la plupart des fibres con-
sidérées.
« 2° Lesfibres blanches afférentes découvertes par nous en d'autres
territoires de l'écorce du cerveau (Ici fibres de Cipal, comme les
appelle KÕLL1KF.I\) ne manquent jamais dans l'écorce des régions
de la sensibilité générale ou spéciale (écorce sensitivo-motrice,
écorce acoustique, écorce visuelle, etc.); elles semblent au con-
traire faire défaut dans les aires corticales d'association.
a 3° La physiologie et l'anatomie s'accordent pour établir que la
région visuelle doit recevoir un courant considérable de libres
optiques ; il est donc naturel de considérer comme appartenant à
des faisceaux de cette nature les innombrables fibres myéliniques
qui se distribuent dans la zone des cellules étoilées, dès qu'on
admet que les puissants plexus nerveux que ces fibres contribuent
à former, constituent en quelque sorte le facteur spécifique de la
sphère visuelle. »
Enfin, de la couche sous-jacente, cinquième couche de cette aire
corticale, couche des petites cellules sphéroïdales {couche des grains)
ou couche des petites cellules ri axone ascendant, comme la dé-
nomme CAJAL, ainsi que de la septième couche des cellules 'polo-
morphes, montent d'innombrables axones qui, après avoir émis
des collatérales dans les couches inférieures se ramifient dans le
plexus optique, ou strie de Gennaiu, entre les cellules étoilées de
la quatrième zone. Ajoutez qu'en traversant cette région, les
axones ascendants destinés à la couche moléculaire y abandonnent
des collatérales, en même temps que nombre d'autres prolonge-
ments axiles de neurones des diverses couches stratifiées, et que,
à travers cette strie, passent les tiges des pyramides géantes de la
sixième couche et celles des corpuscule polymorphes, les dendrites
ascendants des grains et les fascicules d'axones descendant des
petites et moyennes pyramides des deuxième et troisième couches.
Les cellules de la couche des grains (cinquième couche ou
couche de petites cellules il axone ascendant) sont des cellules
petites, il dendrites descendants ou latéraux courts, dont un ou
plusieurs prolongements montent dans la zone des cellules étoilées,
à cylindraxe ascendant, émanant le plus souvent de l'extrémité
inférieure du corps cellulaire et finissant par pénétrer dans la strie
de Gennaiu où il s'arborise.
128 . REVUE CRITIQUE.
La couche cles cellules pyramidales géantes, ou sixième zone, est
formée d'une ou deux rangées de puissants neurones dont l'énorme
développement des dendrites basilaires frappe l'observateur ;
l'axone descend dans la substance blanche après avoir envoyé
deux ou trois collatérales dans la couche des cellules polymorphes.
La couche des cellules polymorphes, ou septième zone, renferme
quatre espèces d'éléments nerveux : 1° les plus nombreux sont des
cellules fusiformes, ovoïdes, triangulaires, dont l'axone se recouvre
en arc au-dessous des corps cellulaires avant de monter dans la
zone des cellules étoilées et de s'y ramifier et envoie quelquefois
un fin prolongement axile jusqu'à la substance blanche. Des colla-
térales sortent aussi de cet axone au cours de son trajet dans la
couche des grains, destinées aux couches inférieures. La tige pro-
toplasmique s'épuise dans la zone des cellules étoilées ; 2' cellules
fusiformes ou triangulaires; souvent de taille gigantesque, dont
l'axe traverse toute l'écorce et monte jusque dans la couche molé-
culaire, non sans abandonner des collatérales destinées aux plexus
de la zone de Gennaiu et il d'autres zones ; 3° cellules du deuxième
type de GOLGI, à cylindraxe court, s'arborisant dans cette même zone
des cellules polymorphes; 4° cellules-triangulaires ou fusiformes,
radialement orientées, dont l'axone pénètre dans la substance
blanche ; ces derniers axones sont fort rares et gisent souvent en
pleine substance blanche (8° couche). Dans le travail in caeM
qu'il prépare, l'éminent histologiste espagnol divise ainsi en deux
la couche des cellules polymorphes : 1° couche des grandes cellules
à axones ascendants ; 2° couches des cellules polymorplies propre-
ment dites ou couche des éléments fusiformes de IEYNEllT; la plu-
part'des axones de ces derniers neurones descendent jusque dans
la substance blanche.
Il semble bien résulter de cette première étude de morphologie
comparée des éléments nerveux constituant les diverses couches
stratifiées d'une aire fonctionnelle de l'écorce cérébrale, de l'aire
de la « rétine corticale », qu'il existe des types cellulaires définis,
à fonction également distincte et déterminée.
CAJAL décrit encore deux types cellulaires nouveaux qu'il a
découverts dans différentes régions de l'écorce.
Les cellules du premier type se rencontrent peut-être dans
toutes les zones stratifiées des circonvolutions, quoique jusqu'ici
CAJAL ne les ait vues que dans celles des pyramides moyennes de
l'aire corticale visuelle, dans l'aire motrice et dans l'aire acoustique,
où ces neurones sont surtout fort nombreux. Du corps cellulaire,
allongé, sortent deux panaches dendritiques fort longs, l'un
ascendant, l'autre descendant; les branches de celui-ci peuvent
descendre jusque dans la zone des cellules polymorphes. L'axone,
d'une finesse extrême, issu de la partie supérieure ou inférieure du
cytoplasma, se décompose rapidement en une infinité de filaments
REVUE CRITIQUE. 129
verticaux fascicules, ascendants et descendants, si longs qu'ils
traversent presque toute l'épaisseur de la substance grise. Cajal a
vu un véritable faisceau de filaments axiles s'appliquer aux tiges
protoplasmiques et aux corps cellulaires des cellules pyramidales
disposées en séries verticales ; il estime donc vraisemblable que
ces nouveaux éléments nerveux, d'une morphologie si curieuse,
appartiennent à la catégorie des neurones d'association, neurones
à axones courts dont l'office est d'associer dans le sens vertical
les pyramides situées dans des zones distinctes d'un territoire
cortical.
Les cellules du second type sont des éléments dont le volume
est presque aussi considérable que celui des grandes pyramides.
Du corps cellulaire, de forme étoilée ou triangulaire, sortent
trois ou un plus grand nombre de branches dendritiques horizon-
tales, fort étendues, d'où partent des rameaux ascendants qui se
divisent et se subdivisent sur de grands espaces dans l'écorce ;
point d'épines sur ces rameaux dont les expansions ultimes sont
très variqueuses. L'axone, puissant, à direction oblique ou hori-
zontale, émet sur son trajet une multitude de collatérales. La ter-
minaison de l'axone de ces neurones n'étant pas encore connue,
on ne saurait porter un jugement définitif sur leur nature. Cepen-
dant l'orientation de ce prolongement, ainsi que d'autres raisons,
rendent probable qu'ils représentent « une variété spéciale d'élé-
ments d'association iulracorlicaux, éléments destinés à établir, à
de grandes distances, des connexions entre des groupes de pyra-
mides très écartées », quoique appartenant à un même territoire
cortical. Bref, ces éléments seraient, dans l'épaisseur de l'écorce, ce
que sont, dans la couche moléculaire, les cellules de CAJAL et de
lii,,rzius.
Les fibres myéliniques à fort calibre dont Czar, a suivi les
ramifications dans la 4" zone de l'écorce de l'aire visuelle lui ont
rappelé celles qu'il a vues se distribuer dans l'aire sensitivo-
motrice et qui proviennent sans doute de la voie sensitive centrale.
Or là aussi aussi ces fibres se terminent électivement dans une
couche de l'écorce grise où abondent, quoiqu'en moins grand
nombre, des cellules étoilées spéciales. « Si, conclut CAJAL, ces
faits se confirmaient pour toutes les sphères corticales de la sen-
sibilité les zones d'association de Elixiisig demeurant en dehors
il serait légitime de considérer cette couche comme le facteur
anatomique spécifique de l'écorce sensitivo-sensorielle, et, partant,
comme le lieu d'élection où l'image du monde extérieur, recueillie
par les sens, est projetée et transformée en sensation. »
Jules Souri.
Archives, 2' série, t. VIII. 9
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
I. Le tribromure de salol; sa valeur comme hypnotique chez
les aliénés ;*par le D1' Yiallon.
Si le nombre des hypnotiques s'accroît chaque jour, malheureu-
sementla plupart de ces médicaments, si prônés au début, tombent
bientôt dans l'oubli. Parmi les nouvelles acquisitions, il convient
de signaler le tribromure de salol, médicament auquel les premiers
expérimentateurs ont accordé une action hypnotique des plus
importantes.
De l'expérimentation faite par l'auteur sur 3 aliénés, il résulte
que l'efficacité du tribromure comme hypnotique chez les aliénés,
se manifeste d'une façon particulière dans un seul groupe, chez
les agités chroniques, chez les débiles et déments avec périodes
d'excitation ; chez les autres malades, son action n'est guère
appréciable.
Aussi malgré son efficacité sur un certain groupe de malades, le
tribromure n'est-il pas, d'après les conclusions de M. Viallon, un
médicament à préconiser dans la thérapeutique des aliénés, à
cause : 1° de son action hypnotique très inconstante et peu pro-
noncée ; 2° de son insolubilité et, par suite, des nombreuses diffi-
cultés dans son administration chez les aliénés agités ; 3 de son
prix actuellement très élevé. {Annales médico-psychologiques,
avril 1899.) E. n.
II. Morphinomanie. Traitement par la méthode de sevrage rapide ;
par M. G. Comar. (Presse médicale, 15 mars 1899.)
L'auteur rapporte l'observation d'un homme de quarante-deux
ans, sans aucune tare nerveuse héréditaire et sans antécédents
spéciaux, qui, ayant été soumis, il y a huit ans, pour une otite
aiguë, à un traitement par le chlorhydrate de morphine en injec-
tions sous-cutanées, a continué depuis lors à user de ce médi-
cament et est arrivé à en absorber une dose quotidienne de
12 grammes. A plusieurs reprises, il a essayé de se démorphiniser
par la méthode lente ; il y est parvenu trois fois, à une période
où il ne prenait que des doses relativement faibles du toxique ;
mais la suppression a toujours été de courte durée (1 à 3 mois). Un
quatrième essai de démorphinisation lente a échoué; la dose quo-
tidienne absorbée par le malade était alors trop forte (5 grammes)
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 131
pour que cet essai pût réussir, et il n'a pu descendre au-dessous
de 50 centigrammes. Après cette tentative infructueuse, il a aug-
menté de nouveau la quantité quotidienne de morphine, et est
resté plusieurs années à 5 grammes ; puis, en l'espace de deux
mois, il est passé de S il 1 grammes. Il a absorbé pendant plu-
sieurs mois cette dose énorme ; à la suite d'ennuis, il a essayé, sans
succès, de s'empoisonner en s'injectant 25 grammes de chlorhy-
drate de morphine, et enfin, il est entré dans une maison de santé
pour s'y faire traiter. Il représentait à ce moment le type accom-
pli de la cachexie morphinique. M. Comar l'a traité par la sup-
pression brusque. En neuf jours, il a pu, sans accident, supprimer
totalement le poison. Un purgatif, au début de la cure et deux
injections de 25 centigrammes de caféine le dixième jour, ont été
les seuls médicaments qu'il ait fait prendre à son malade pendant
toute la durée du traitement. L'hydrothérapie froide fut employée
pendant la convalescence; celle-ci fut très rapide; le malade en-
graissa dans de très notables proportions, le sommeil reparut au
bout de quelques jours sans qu'il fût nécessaire de prescrire des
hypnotiques, et le malade put sortir de la maison de santé, en
excellent état au physique et au moral, deux mois après son
entrée.
L'auteur pense que, dans ce cas, l'emploi de la méthode lente
eût entraîné rapidement la cachexie et eût maintenu longtemps
le malade dans un état de faiblesse dont il n'eût pu faire les frais.
Il a remarqué la nécessité du bon fonctionnement du tube digestif
et de tous les organes qui doivent faire les frais des rénovations
glandulaires qui suivent la suppression du poison. La diarrhée,
les vomissements, les sueurs profuses, les urines abondantes, la
salivation, etc., sont des symptômes favorables et qu'il faut res-
pecter au cours de la démorphinisation. M. Comar admet avec
M. Sollier que l'emploi des adjuvants destinés à remplacer la mor-
phine ou à calmer la douleur pendant la suppression, ne fait
qu'entraver la rénovation glandulaire et doit être rejeté. Il consi-
dère l'emploi des hypnotiques comme inutile et dangereux.
A. FEXAYROU.
111. La morphinomanie ;'par M. le professeur DEBovE.
(Presse médicale, le, février 1899.)
De la leçon sur la morphinomanie, faite par M. le professeur
Debove dans son cours de pathologie interne, nous ne retien-
drons que les points suivants : tout morphinisé ne devient pas
morphinomane; pour devenir morphinomane, il faut une prédis-
position spéciale, qu'il est bien difficile de définir d'une manière
précise; certains sujets sont plus vulnérables que d'autre, maison
ne peut les reconnaître il l'avance; aussi, en pratique doit-on
132 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
agir, pour l'administration de la morphine avec autant de pru-
dence que si cette prédisposition était constante et se rappeler
que la morphinomanie peut toujours être créée par un emploi
prolongé des injections.
Au point de vue du pronostic, M. Debove distingue entre les
grands morphinomanes et les petits morphinomanes ; les premiers,
qui doivent leur état à une prédisposition plus accentuée, à une
morphinisation invétérée, aux doses considérables de poison
qu'ils absorbent, sont incurables ; ils seront, d'une façon intermit-
tente, les hôtes des maisons de santé, des hôpitaux, des asiles
d'aliénés ou des prisons ; les autres ont encore assez d'énergie
pour se guérir et se guériront par le traitement moral combiné à
la démorphinisation lente qui constitue pour cette catégorie de
malades la méthode thérapeutique de choix. M. Debove préconise
pour les grands morphinomanes l'internement dans une maison
de santé. Il rejette la démorphinisation brusque, à cause des
souffrances atroces qu'elle cause au malade et des dangers aux-
quels elle expose (collapsus, syncope mortelle), et la démorphini-
sation lente qui exigerait chez ces sujets une surveillance trop pro-
longée et trop difficile. Il est donc amené à adopter pour les grands
morphinomanes la méthode rapide, avec ou sans substitution à la
morphine (méthode substitutive) d'un autre poison plus facile il
supprimer. On peut, dit-il, se servir utilement d'alcool, d'opium,
d'antipyrine, pour soutenir les forces du malade et diminuer ses
souffrances pendant les premiers jours de la démorphinisation ;
mais il faut aussi avoir soin de ne jamais laisser ces substances iL
la disposition du malade, et en cesser l'emploi le plus rapide-
ment possible. Ilitzig, attribuant à l'hyperacidité du suc gastrique,
la plupart des accidents de la démorphinisation, conseille, pen-
dant cette période, l'emploi des lavages d'estomac; ce moyen
adjuvant, peut, d'après \I. Debove, être remplacé efficacement
par les alcalins ou le carbonate de chaux à haute dose.
A. FENAYROU.
IV. Traitement de la maladie de Basedow par l'ovarine;
par M. DELAUNAY (de Poitiers). (Presse médicale, 21 janvier 1899.)
L'auteur a eu l'idée de traiter par l'ovarine une malade chez qui
les symptômes du goitre exophtalmique s'étaient développées au
moment précis de la ménopause. L'administration de cette subs-
tance aux doses habituellement prescrites dans le traitement des
accidents de la ménopause, amena presque immédiatement, une
amélioration considérable, et bientôt une guérison qui semble
devoir être définitive. Diverses médications, entre autres la thyroï-
dine, avaient été employées antérieurement et n'avaient donné
qu'une amélioration insignifiante. A. rErinYftou.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 133
V. Sur le traitement du torticolis mental et des tics similaires ;
par MM. E. BRISS\l. : D et FElNDEL. (Journ. de Neurologie, 1899, n° 8.)
Après avoir relaté plusieurs cas de torticolis mental ou de tics
similaires qui ont été améliorés ou -guéris par des séances d'im-
mobilité et de mouvements appropriés, les auteurs concluent en
disant que tout traitement des tics pour être efficace doit tendre à
la rééducation de la volonté et à augmenter son pouvoir d'inhibi-
tion il l'égard d'actes purement automatiques. Pour obtenir ce
résultat, il faut s'attacher à établir une association entre l'image
motrice du tic qui est persistante et une image antagoniste cura-
tive qu'il s'agit de créer. Puis la suggestion, le repos absolu, 1 im-
mobilité, le silence, au besoin l'isolement, voilà les moyens théra-
peutiques qui, employés isolément ou combinés, permettent
d'espérer la guérison complète des tics d'habitude. Mais encore
faut-il que ces actions portent leur effort respectivement et toutes
à la fois sur l'état mental du sujet, car un tic, simple ou complexe,
et quelle que soit sa cause, est fatalement une maladie mentale.
G. D.
VI. Contribution à l'étude de l'épilepsie et de son traitement;
par Casimir W¡SLOCK1, médecin des consultations à l'hôpital
Saint-Hoch, de Varsovie. (K)'on : /M6<;cAt : )'s/.Y<, 15 mars.)
L'auteur considère l'épilepsie partielle ou essentielle comme le
résultat de l'irritabilité de l'écorce cérébrale. Cette irritabilité peut
être produite par une tumeur, comme dans l'épilepsie partielle ou
par un corps qui existe dans les liquides de l'organisme au mo-
ment de l'accès et qui agit sur l'écorce cérébrale, comme dans
l'épilepsie essentielle. Ici nous sommes en face de la théorie d'in-
toxication et d'autointoxication, qui soutient, que le corps irritant
peut venir du dehors, (syphilis, saturnisme), ou ètre le résultat de
la transformation des matières. Les corps qui agissent sur l'écorce .
cérébrale sont des leucomaïnes et toxalbumines; ce sont les pro-
duits de désassimilation des aliments azotés et de la désagréga-
tion des tissus. L'urine émise après l'accès contient en masse de
ces produits toxiques (Voisin, Houchard, Unverricht, Krainski).
Alors pour qu'il y ait un accès, il faut une irritabilité de l'écorce ou
la présence dans l'organisme des produits toxiques.
La thérapeutique a deux voies il suivre : 1° Diminuer l'irrita-
bilité de l'écorce, en opérant les tumeurs, calmer les systèmes ner-
veux, en donnant le brome; 2° agir sur les toxines de l'orga-
nisme par une nourriture appropriée.
La thérapeutique a fait beaucoup dans le premier cas, on fait
des opérations, on abuse du bromure. Selon l'auteur, pour agir
dans le second cas, il faut diminuer la consommation des produits
13 'k REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
azotés et les remplacer par-un véritable contre-poison des intoxi-
cations, le lait L'auteur pendant quatre ans a traité 30 cas d'épt-
lepsie essentielle par le régime lacté absolu; pour que ce régime
soit mieux supporté, il donne différentes préparations comme
le fromage blanc, koumys,. kéfir. Si pour quelques raisons le
régime lacté est mal toléré, le régime végétarien est celui qui se
supporte mieux sans donner de toxalbumines et leucomaines.
L'auteur à vu toujours les crises d'épilepsie diminuer; il cite le cas
d'un garçon qui, sous l'influence de son oncle un vieux maniaque,
a cessé tous les traitements; les accès devinrent excessivement
fréquents; le malade, il cause de sa langue couverte de morsures,
n'a pu prendre que du lait, les crises s'amendèrent; quand il était
fatigué du régime, il reprenait de la viande, les accès recommen-
çaient. Le malade effrayé recourait au lait.
L'auteur arrive a ces conclusions : que le lait ne peut amener
l'intoxication, comme on le voit à chaque instant avec le brome.
Qu'il ne peut produire de mauvais effet sur l'intelligence comme
le fait le brome. Que le lait est un des meilleurs contrepoison
contre les produits toxiques élaborés par l'organisme. Dans les
cas où le lait et le brome ne peuvent pas être donnés longtcmpas
on peut, pour mieux faire, les alterner. G. DE L1EV'Sha.
Vif. Un cas de tétanos chez l'enfant de trois ans guéri par le sérum
antitétanique; par le D1' Edouard 13;L\NIIAI\Dr (Gactu Lekll1 ? ka,
18 mars.)
L'auteur est d'a\is que chaque cas de tétanos guéri par le sérum
doit être publié, car selon lui, la réaction contre l'emploi de la
sériiintliérapie est trop grande (Gottstin, Kassowitz, l'urjesr) et
ceci peut nuire à la propagatiun de ces bons moyens qui ont
diminué la mortalité dans la proportion au moins de ;0 p. 100.
L'auteur a été appelé il la campagne près d'un enfant de tiois il
quatre ans, couché sur le ventre, la tête relevée en haut, le front
ridé, lèvres contractées, de temps en temps un rire sardonique.
Le tronc et les membres inférieurs sont tranquilles et normaux,
mais au toucher on sent une raideur extrême. Le moindre
mouvement produit des secousses tétamformes de tout le corps :
ces secousses duraient dix minutes dans les membres inférieurs,
elles sont moins longues au tronc et aux membres supérieurs.
L'alimentation impossible, la parole changée. L'enfant avalait
les liquides mais chaque déglutition forcée provoquait une con-
traction des muscles du visage et du pharynx.
L'inspection de la musculature antérieure impossible à cause de
la position de l'enfaut sur le \ entre. Facultés intellectuelles
intactes, température 35°, ; pouls, 10 à.
L'enfant regardait à la grange les travaux, son pied glissa et il
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 13
tomba. Le lendemain on a remarqué que l'enfant avait la tête un
peu de côté, après survinrent les secousses. Les portes d'entrée
du bacille de Nicolaïer étaient deux légères écorchures une
au niveau d'un tiers du cubital, l'autre sur la hanche. L'auteur
administra du chloral et seulement le cinquième jour reçut le
sérum de l'Institut Pasteur. Il a injecté seulement 3 centimètres
cubes (chaque tube est de 10 centimètres cubes), la température de
35° a monté à 38°; les secousses cessèrent. Le lendemain on injecte
le reste du flacon, l'enfant présente une éruption dans le genre
de rubéole. Le jour suivant, l'auteur injecte le contenu du tube
entier. L'enfant tousse, chaque fois expectore un liquide sangui-
nolent. On entend des râles dans la poitrine, les ganglions sont t
tuméfiés. Les mouvements passifs sont sans douleurs, mais les actifs
provoquent les crises. La première fois l'enfant se couche sur le dos.
A l'injection du troisième flacon les phénomènes s'aggravent,
le tétanos généralisé se montre, l'enfant refuse toute nourriture, la
période d'aggravation continue douze heures. Pour calmer l'exa-
gération nerveuse on donne trois fois par jour la solution de chlor-
hydrate de morphine de 0,003 p. 100 d'eau. L'état s'améliore,
l'enfant commence à avaler du pain.
On injecte le quatrième flacon, la période d'aggravation plus
forte que les précédentes dure vingt heures ; l'enfant était
presque froid, les secousses tétaniformes sont très fortes. Mais à
la fin l'enfant reprend la vie et semble marcher vers la guérison.
On avait pris du sérum pendant douze jours ; une semaine l'état
de l'enfant fut satisfaisant, mais après, les crises commencèrent,
on donnait de nouveau la morphine. Le douzième jour on injecta
le cinquième flacon. La période de réaction dura six heures et'
fut très inquiétante ; l'enfant était couvert de sueurs profuses, sur
tout le corps se montra une éruption. Mais le lendemain l'enfant
commença à marcher.
On injecte la moitié du sixième flacon, pendant deux jours la
douleur, les secousses apparaissent, la faiblesse est très grande,
mais après le troisième jour, tout disparait et l'enfant commence
à guérir. L'enfant guérit après trente-deux jours de traitement
antitétanique et trente-sept jours après l'apparition des premiers
phénomènes.
On voit qu'au commencement du traitement, l'organisme réa-
gissait bien, la température montait, les secousses disparaissaient,
mais avec l'emploi ultérieur la période réactionnaire dura plus ou
moins longtemps, mais l'organisme revenait à la santé après
chaque injection, d'une manière absolue.
L'auteur a recueilli 32 cas de tétanos connus jusqu'à ce jour,
où le sérum fut appliqué, pour juger si la période réactionnaire
dépend de chaque individu ou si elle est inhérente à la nature du
sérum. 1
136 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
On a observé cinq fois l'élévation de la température, trois fois de
l'urticaire, éruption pigmentaire deux fois, l'infiltration du lieu
de l'injection deux fois, l'inflammation du tissu conjonctif une
fois, l'inflammation des voies urinaires une fois, l'inflammation
glandulaire trois fois.
Parmi ces 32 cas, il y avait 12 décès. Avant l'emploi du sérum
la longueur de l'incubation influait beaucoup sur l'évolution du
tétanos, plus l'incubation était longue, plus on avait une meilleure
issue. Maintenant on peut dire que la guérison survient plus
sûrement si l'emploi du sérum est immédiat après l'incubation.
L'auteur arrive aux conclusions que : 1° le sérum diminue la
mortalité dans le tétanos au moins de 50 p. 100; 2° les phéno-
mènes accessoires quoique graves passent sans laisser de traces;
3° chaque praticien dans le tétanos de Nicolaïer doit administrer
le sérum. G. de \In.mvsr .
VIII. Quelques mots sur la nature et les indications de la théra-
peutique suggestive; par le D" Forel. (Heu, méd. de la Suisse
romande, 1898, n° 12.)
Par suggestion il faut entendre, d'après l'auteur, une représen-
tation consciente, vive et interne, qui actionne le cerveau et
produit d'une façon inconsciente, ou plus exactement subcon-
sciente, un dynamisme nerveux quelconque, central ou irradiant
la périphérie. Le dernier apparaît dans la conscience du sujet
d'jjne façon qui l'étonne. I.e sujet ne peut saisir le mécanisme
par lequel la suggestion, c'est à dire la représentation constante
actionnante, conduit au dynamisme, c'est à dire à l'effet, à ce
qu'on appelle la réalisation de la suggestion.
Ce n'est pas dans le traitement de l'hystérie et bien moins
encore dans celui des maladies mentales que la thérapeutique
suggestive exerce sa véritable influence. Son véritable domaine
est celui des troubles fonctionnels des' principaux appareils.
Il faut savoir en outre, en médecine comme en chirurgie, dis-
tinguer partout le facteur suggestif qui, selon les cas, s'ajoute
aux symptômes d'une maladie ou aux éléments d'une guérison,
ou se soustrait d'eux, et le traiter pour son compte, c'est à
dire par la suggestion. G. D.
REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.
I. Pathologie et criminalité; par E. Jentsch. (Cenlranl. f.
Nervenhcilk. XX. \. F., vin, 1897.)
Observation I. Délit passionnel chez une hystérique de vingt-
huit ans qui a itriolé un prêtre, son amant. Faiblesse d'esprit.
Observation Il. Dégénéré de dix-huit ans, illettré, puéril et
hardi, ayant volé un de ses camarades de concert avec deux
autres ouvriers, à la suite d'une débauche commune. Atrophie
congénitale du médius, de l'annulaire, et de l'auriculaire de la
main gauche; l'indicateur n'a que la première phalange.
Observation 111. Jeune fille de vingt-quatre ans; grand
nombre de vols et de leurres de toute espèce; mélange d'anomalies
congénitales (aspect crétinoïde de la face, index céphalique très
faible), de troubles intellectuels secondaires et de simulation.
Folie morale chez une héréditaire dégénérée.
Observation IV. Homme de soixante-deux ans, très méritant,
ayant une carrière hien remplie, qui a assassiné sa femme, le
jour même et au moment où, d'un commun accord, ils se pré-
sentaient tous deux au tribunal pour divorcer. Délire systématisé
dejalousie. Irresponsabilité; quelque excitabilité; quelque hérédité
uém opathique. P. Keraval.
II. Quelques réflexions sur les expertises, à propos de l'examen
médico-légal du meurtrier C.... et rapport sur son état mental;
par le Dl' S. Garnier.
Le maire d'une commune du Jura se promenait surle champ de
fête lorsqu'un individu se dirige vers lui et, sans dire un mot, sai-
sissant M. G... d'une main, lui plonge de l'autre son couteau dans
la gorge à plusieurs reprises.
L'assassin, à l'instruction, dit qu'il a tué \1. G... parce que cet
homme ne lui plaisait pas, « parce que, nommé par les Républi-
cains, il faisait mine de les mépriser et de marcher du côté de la
réaction. Du reste, en dehors de la politique, il n'avait rien à lui
reprocher. Son crime était un crime politique. »
M. S. Garnier montra que ce crime se trouve être en réalité non
un acte passionnel politique, mais un épiphénomène pathologique
d'une folie dont les éléments constitutifs délirants, greffés sur les
138 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.
préoccupations habituelles de l'inculpé, c'est-à-dire la politique,
ont donné à cette folie sa caractéristique personnelle. En consé-
quence des conclusions du rapport légal, la Chambre des mises en
accusation rendit un arrêt de non-lieu.
Dès que celte décision fut connue, un journal de. la région, bien
connu pour son intransigeance réactionnaire, proclama que l'effet
produit par la décision de la cour était tout à fait affligeant. Dans
une série d'articles presque quotidiens, où toute mesure était
dépassée, le conseiller rapporteur et surtout le médecin expert
furent vilipendés avec une désinvolture et une mauvaise foi cyni-
ques : leur silence devant l'injure fut même qualifié de scandaleux.
L'auteur estime qu'une telle campagne de presse eût été rendue
impossible si le rapport médico-légal, avant l'arrêt de non-lieu,
avait pu être publié ou soumis à une commission médico-judi-
ciaire. (Annales médico-psychologiques, février iS9'J.) E. B.
III. Consultation médico-légale au sujet d'un internement ;
par le D'' Henry Bonnet.
i
Un nommé S..., ayant été interné il l'asile de Lehon, sortit
calme et non guéri par décision du tribunal de Dinan.
Mal conseillé, il crut devoir se servir de cette décision pour
attaquer en séquestration arbitraire, devant le tribunal de Saint-
Malo, un médecin des environs de cette ville qui avait donné le
certificat d'entrée.
Le tribunal de Saint-Malo, en déboutant S... de toutes ses
demandes, fins et conclusions, donna complètement raison à
toutes les déductions de la consultation qui avait été demandée à
l'auteur. (Annales médico-psychologiques, décembre 1898.) E. B.
IV. Médecine légale de l'alcoolisme; par le D' Lent ? (Il«ll. de la
Soc. de méd. ment, de Belgique, mars 1899.)
Il faut distinguer, d'après l'auteur, parmi les sujets qui s'adon-
nent à l'alcool : les buveurs d'habitude et les alcoolisés ou alcooli-
ques.
Chez le buveur d'habitude, étant donné qu'il ne présente encore
aucune trace d'intoxication, l'alcool n'a qu'une influence acces-
soire et ne doit guère entrer en ligne de compte au point de vue
de la responsabilité.
Les alcoolisée offrent deux types morbides bien déterminés :
l'intoxication alcoolique (aigué ou chronique) et les formes déli-
¡'antes alcooliques.
Dans l'intoxication alcoolique aiguë ou ivresse la responsabilité
doit rester entière, d'après M. Lenlz, si l'ivresse évolue d'une façon
normale. Les délinquants, au contraire, qui commettent des actes
. REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 139
répréhensibles au cours d'ivresses anormales caractérisées, soit
par une exagération de l'un ou l'autre des phénomènes ordinaires
de l'ébriété, soit par l'apparition de penchants ou d'instincts déré-
glés doivent jouir d'une irresponsabilité complète.
Dans l'alcoolisme chronique, c'est l'état de conservation ou de
déchéance des facultés intellectuelles qui devra servir de guide
pour apprécier le degré de responsabilité du sujet.
Quant aux formes délirantes alcooliques elles ne tirent de l'alcool
même ou de l'influence alcoolique aucune particularité de nature
il modifier la responsabilité des malades. Il en est de même dans
les états délirants, convulsifs, somnambuliques, etc., qui se déve-
loppent si facilement chez les dégénérés à la suite de quelques
excès alcooliques. G. D.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
1. Les phénomènes de la distraction cérébrale et les états dits
de dédoublement de la personnalité ; par le Dl' Lauits.
On peut supposer, dans le cerveau intelligent deux groupes de
centres : a) des centres de la mémoire et du langage intérieur,
centres subalternes, centres domestiques, normalement soumis
aux seconds et dirigeables par eux; b) des centres de coordination
intellectuelle supérieure, actionnés (hypothèse spiritualiste) ou
non (hypothèse matérialiste) par une force de nature spéciale, qui
font la pensée, dirigent et commandent les premiers : c'est, en
bloc, le centre supérieur.
L'inhibition exercée par le centre supérieur sur les centres
subalternes, inhibition qui est maxima dans les actes de la ie
ordinaire, qui s'atténue lors du sommeil normal, pour devenir
minima ou nulle lors de l'état hypnotique et des états analogues, '
peut, même à l'état de veille chez certains sujets, se trouver en
défaut, être diminuée et donner lieu à des phénomènes auxquels
on n'accorde peut-être pas une suffisante importance. 11 arrive
que tel être, comme s'il était hypnotisé, parle, agit, fait différents
actes souvent bien combinés, sans en avoir conscience.
Cet état se rencontre fréquemment : on l'observe surtout chez
les penseurs. On l'appelle diblraction : alors que le cerveau vit,
pense, que la personnalité, par conséquent, continue de s'affirmer
intérieurement, certains centres accessoires sont distraits du méca-
140 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE..
nisme cérébral pour lequel ils ne sont momentanément pas néces-
saires ; ils évoluent alors en vertu des associations habituelles;
leurs réflexes parfois bien combinés, bien synthétisés, sont provo-
qués par les objets, les sons, les images extérieurs, comme le sont
ceux des hypnotisés; ils s'harmonisent souvent entre eux d'une
façon suflisante pour amener l'apparition de pseudo-personnalités
qui ne sont que les schémas généralement simples, souvent d'une
grande banalité, sous la forme desquels les sujets observés avaient
emmagasiné dans leur mémoire l'expression de telle personnalité
existant ou ayant existé, Ilobespierre, Danton, 13onapa'rle, etc...
A l'état de veille cet état est appréciable chez les médiums; il
n'est autre qu'une distraction plus complète, survenant chez des
individus susceptibles par naissance ou par habitude, par exer-
cice, de les provoquer ou de les l'aire provoquer souvent chez eux.
Plus leur mémoire est riche, plns et mieux elle a été meublée
dans les états habituels par l'intelligence, plus aussi on peut les
trouver intéressants, car plus le schéma de la personnalité simulée
par les centres secondaires est complet ou varié, ou bien combiné.
Un médium ininstruit, stupide ne produirait qu'un Mahomet
pauvre d'esprit, un Jules César imbécile. un Descartes inintel-
ligent. (Annale* médico-psychologiques, décembre 1898 ) E. B.
IL La descendance des alcooliques. Influence de l'hérédité
paternelle; par les D' S.u,na-r.s et Brengues.
Les auteurs ont pu dresser l'arbre généalogique d'une lignée de
buveurs d'habitude qui s'étend jusqu'à la cinquième génération
inclusivement. L'arbre généalogique qui a été établi rend compte
du rôle joué dans ce cas par l'hérédité paternelle.
Depuis le trisaïeul jusqu'à la génération actuelle l'alcoolisme
sévit à tous les degrés et sous toutes les formes, avec ses funestes
conséquences. Il résulte de ces faits que l'alcoolisme des ascen-
dants n'aboutit pas nécessairement, ainsi qu'on l'a dit, à l'extinc-
tion de la famille, même à la quatrième génération, mais imprime
à la descendance, des stigmates profonds de dégénérescence phy-
sique, intellectuelle et morale, et cela alors même que la ligne
'maternelle ne joue aucun rôle effectif dans l'hérédité morbide.
(Revue neurologique, novembre 1898.) E. B.
III. La dermographie chez les aliénés ; par MM. Téré et Lance.
(jours. de Neurologie, 1898, nez 23.)
La possibilité d'écrire sur la peau en faisant saillir le derme a
été rencontrée par les auteurs de ce travail à des degrés divers
chez 48 aliénés sur 229. C'est chez les paralytiques généraux que
ce phénomène a été noté le plus souvent. Chez ceux-ci, comme
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. d41
en général chez les autres malades, l'intensité de l'urticaire artifi-
ciel est faible ou moyenne; dans deux cas seulement il s'est montré
fort : chez un paralytique général et chez un dément qui présen-
taient tous deux des phénomènes de dépression très marqués.
La dépression générale de l'organisme ne paraît donc pas
exclusive de la réaction vaso-motrice qui caractérise l'urticaire
artificiel. G. D.
IV. L'Occultisme scientifique; par S. Crocq fils. (.Tou·n. de
Neurologie, 1898, n° 19.) .
La conclusion de ce travail est que les phénomènes occultes se
relient intérieurement aux phénomènes spirites et que les expé-
riences et les faits sur lesquels on se base pour affirmer l'existence
de forces inconnues s'expliquent suffisamment par la fraude et
par l'automatisme psychologique ou pathologique. G. D.
V. Paralysie générale chez une imbécile; par le Dr CoLr.EanE.
Dans un mémoire sur la démence paralytique chez les imbé-
ciles, publié en 1897, M. Luigi Cappelletti dit n'avoir trouvé dans
la littérature spéciale que deux cas semblables à celui qui faisait
l'objet de son travail. L'auteur en signale un troisième, cité en
résumé dans la thèse d'un de ses anciens internes.
Chez cette imbécile, entrée à l'asile avec les signes cliniques
d'une paralysie générale associée, le cerveau proprement dit pesait
'73' ! grammes et l'encéphale entier 872. La paralysie générale ne
serait donc pas le monopole des gens d'esprit : M. Cullerre a ren-
contré, au contraire, de nombreux débiles parmi les parah tiques
de la classe rurale. (Annales médico-psychologiques, avril ld9g.)
E. R.
VI. Hallucinations religieuses et délire religieux transitoire dans
l'épilepsie ; par le D'' H. 1.1BILLG.
L'auteur rapporte quatre observations intéressantes qui démon-
trent amplement l'influence des crises épileptiques sur la nature
religieuse des hallucinations. Dans ces observations,* en effet, les
hallucinations paraissent presque aussitôt après la crise épilep-
tique ; elles se prolongent pendant un temps variable portant sur
la vue ou sur l'ouïe, et le malade en a conscience, peut en rendre
compte. Ces troubles de la sensibilité sont pour lui l'origine d'un
délire mystique transitoire qui dure parfois plusieurs jours. Le
délire religieux tend à disparaître en même temps que les crises
épileptiques, fait qui confirme les rapports étroits unissant les
crises aux hallucinations religieuses. (Annules médico-pschologiqucs,
février 1899.) E. B.
142 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
VII. Quelques contributions à la psychologie du sommeil chez les
sains d'esprit et chez les aliénés; par le De l'iLCZ.
D'une série d'observations faites sur ses propres rêves depuis plus
de cinq années, et d'autre part sur les aliénés de la cliniquê psy-
cbiatriqne de Vienne, l'auteur tire les conclusions suivantes :
1° Une périodicité ou régularité de l'intensité des 1 êves .IÚSt pas
démontrable ; 2° il y a une certaine corrélation entre la profondeur
du sommeil et la matière des rêves. Le sommeil le plus profond
est sans lèves. Dans le sommeil d'une profondeur moyenne, des
associations et des images plus anciennes apparaissent. Des im-
pressions nouvelles ne s'entremêlent dans les rêves que lors d'un
sommeil peu paisible; 3° dans le sommeil calme, chaque impres-
sion nouvelle n'est reproduite qu'après un temps assez long;
4° généralement les aliénés à formes chroniques ne rêvent pas de
leurs idées morbides. (Annales znédico-psgeleolo71qzzcs, février 1899.)
. , E. B.
VIII. Lèpre et aliénation ; par le professeur Kov ALEYSKY.
On a observé chez les lépreux les lésions suivantes : ménin-
rites. hydrocéphalies aiguës, apoplexie, épilepsie, hémicranif,
convulsions, maladies de la moelle, mélancolie, manie, démence.
Ces données permettent de poser les conclusions suivantes :
1° des lésions du système nerveux central ont été observées chez
des lépreux; 2° bien que rares, elles existent cependant; 3° il est
désirable que l'attention des observateurs soit plus sérieusement
dirigée sur cette question ; 4° la lèpre doit être admise comme
cause étiologique de l'aliénation ; 5° en fait de maladies mentales
chez les lépreux, on a observé la mélancolie, la manie, la démence,
l'amentia de Meynert.
A en juger d'après l'analogie de l'action des autres maladies
infectieuses sur la sphère mentale, il paraîtrait que la lèpre
pourrait plutôt faire naître l'amentia, que d'autres maladies
mentales. (Revue neurologique, mars 1899.) E. 13.
IX. Du sens algésique étudié chez les mêmes malades aux trois
périodes de la paralysie générale ; par le De MARANDON de
Montyel. (l3acll, de la Soc. de méd. mentale de Belgique, sep-
tembre 1808.)
M. Marandon de Montyel a étudié la sensibilité à la douleur au
moyen de la piqûre et du pincement chez 108 parai} tiques géné-
raux depuis le début de la maladie jusqu'à sa terminaison. Dans
65 p. 100 des cas le sens algésique a été trouvé affaibli, aboli,
exagéré ou simplement retardé. Ces modifications s'obsenent
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 143
surtout au début et à la période ultime de la maladie. Elles n'ont
du reste aucune valeur diagnostique car il n'est pas démontré
qu'elles précèdent les troubles moteurs et n'ont pas davantage de
signification pronostique. G. D.
X. Notes sur l'urobilinurie et l'hématoporphyrinurie toxiques
dans les maladies nerveuses; par le D1' IlAsco\ EC.
L'urobilinurie et l'hématoporphyrinurie ont été observées dans
quelques maladies nerveuses et souvent après l'empoisonnement
par le sulfonal : l'auteur cite deux cas de ce dernier genre.
L'urobiline et l'hématoporphyrine peuvent se trouver dans
l'urine à l'état normal mais c'est seulement dans les états
morbides qu'elles y apparaissent en grande quantité. Si on
observe l'urobilinurie et l'hématoporphyrinurie au cours d'une
intoxication sulfonalique, on ne peut pas affirmer qu'elles sont
dues à l'intoxication même, ni si elles ne sont pas un phénomène
occasionnel. Il est possible que le sulfonal crée, dans certains cas,
des conditions qui altèrent l'innervation normale des organes et
des tissus de l'organisme; alors apparaît un échange nutritif
anormal, à savoir l'urobilinurie ou l'hématoporphyrinurie. (Revue
neurologique, avril j1. E. U.
XI. Dégénérescence et stigmates mentaux; malformation de
l'ectoderme ; myoclonie épisodique (paramyoclonus multiplex
dans un cas de maladie de Recklinghausen) ; par MM. FEINDEL et
Froussard.
Observation intéressante de paramyoclonus mulliplex chez un
individu porteur des tumeurs cutanées et des noevi pigmentaires
qui caractérisent la maladie de Uecklinghausen. Dégénérescence,
stigmates congénitaux, maladie de Uecktinghausen, sont chez le
même sujet confondus, engrenés. C'est qu'ils sont une seule et
même conséquence du même phénomène : le trouble de dévelop-
pement embryonnaire du feuillet ectodermique, sous l'influence
de l'alcoolisme paternel.
Le feuillet ectodermique seul a eu son évolution troublée ; de là
les signes extérieurs de la maladie de Reckhnghausen ; mais la
partie de l'ectoderme incluse dans le crâne et le canal neural n'est
pas normale, elle n'a pas un fonctionnement parfait (défaut de
l'intelligence, etc.), un clioc peut faire éclater un trouble intense
de cette portion incluse et le choc (accident grave), dans le cas
actuel, a déterminé une myoclonie.
Cette observation est un argument en faveur de cette opinion
que : les signes physiques de la maladie de Recklinghausen sont
des stigmates de la dégénérescence, cette maladie représentant une
144 SOCIÉTÉS SAVANTES.
forme de dégénérescence. En résumé, le malade en question appa-
rait comme un dégénéré portant pour stigmates de sa dégénéres-
cence les symptômes physiques de la maladie de Recklinghausen
et la myoclonie dont il est atteint est un produit de sa dégéres-
cence. (Revue neurologique, janvier 1899.) E. Bu : >.
\II. Du rôle de l'hérédité dans l'étiologie de la paralysie générale;
par J. CROCQ. (JOUI'n de Neurologie, 1899, nos si et 7 )
D'après l'auteur, la paralysie générale ne serait qu'une des nom-
breuses manifestations nerveuses de l'état diatMsÏlfue c'est-à-dire
d'un état morbide éminemment héréditaire caractérisé par une
altération du système nerveux amenant à sa suite des troubles
nutritifs ou intellectuels plus ou moins profonds et donnant lieu
aux maladies diathésiques. A ce titre, les ascendants, comme les
descendants du paralytique général sont toujours profondément
diathésiques et comme tels présenteront une résistance organique
moindre et pourront, suivant la qualité des croisements qui auront
présidé à leur conception, être atteints d'affections diathésiques
plus ou moins graves. G. D.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ DE INEUROPATIIOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE
DE MOSCOU.
Dans la séance annuelle publique tenue par la Société le
21 octobre 1898, des discours ont été prononcés par : 1° le
Dr A. Iiorniloff, agrégé : Sur l'assistance des épileptiques : 20 le
professeur Kojevnikolf : Les troubles de la circulation sous l'in-
fluente des émotions psychiques; 3 le 0" Tokarsky : L'hypnotisme et
la suggestion au point de vue de la médecine légale.
Séance du 22 janvier 1899.
W. WOROUIEFF. - Contribution ci la question des particularités
stigmates) physiques des aliénés.
Parmi les particularités physiques, réputées comme stigmates
SOCIÉTÉS SAVANTES. '145 5
(physiques) de dégénérescence, l'auteur attire l'attention surtout
sur la conformation de l'oreille externe. Il a examiné sous ce
rapport, et d'après le schéma de Schwalbe, 325 ouvriers d'usine,
originaires du gouvernement de Riazan. Il a constaté en tout
314 anomalies, notamment chez 180 de ces ouvriers (sains), ou
57,23 p. 100, tandis que 119 individus examinés, ou 42,i7 p. 100,
ne présentaient aucune anomalie de conformation du côté des
oreilles.
En outre l'auteur a constaté parmi ces ouvriers de nombreux cas
de difformations diverses des dents (en tout 204 anomalies den-
taires chez 184 sujets). Pourtant ces deux catégories d'anomalies
ne concordent point, et le plus grand nombre d'anomalies auri-
culaires se trouvent parmi ceux qui ne présentent aucune anomalie
du côté des dents, et vice versa.
L'auteur en conclut que certaines anomalies auriculaires consi-
dérées comme stigmates de dégénérescence, n'ont pas d'autre
valeur que celle de simples particularités individuelles, ou d'ano-
malies du type anatomique de l'oreille, mais sans rapport
manifeste avec les troubles mentaux.
Discussion. \V. Jakovenko fait remarquer que l'insuffisance
quantitative des recherches de l'auteur n'autorise pas à en tirer
des conclusions catégoriques. D'autre part il n'a pas été fait
mention dans le travail de Worobieff sur les particularités
psychiques des sujets examinés. L. pense que la combi-
naison des stigmates physiques et psychiques de dégénérescence
n'est pas obligatoire chez le même individu. W. SHRBSKY croit
que les données de l'auteur permettent des conclusions inverses, à
savoir qu'il existe beaucoup de dégénérés parmi la population
ouvrière, d'apparence bien portante. A. 13E[i,'ZSTEI.\ ne croit pas
logique d'opposer la population saine en général à celle des asiles
d'aliénés, attendu que des deux côtés se trouvent également des
dégénérés et des personnes non dégénérées. W. Roth l'ait noter
l'importance des photographies dans ce genre de recherches.
S. NALBAKDOFF. Un cas de myotonie familiale (maladie de
7'/tCH : sM), compliquée de tabès.
N... présente deux frères, affectés de la maladie de Thomsen,
chez lesquels la maladie est prononcée d'une façon très faible, de
sorte qu'elle serait passée entièrement inaperçue, si l'aîné de ces
deux frères ne s'était pas adressé à l'hôpital pour des symptômes
tabétiques. Voici son observation succincte.
Georges L : ..., vingt-huit ans. bijoutier. Père alcoolique, mère morte
de diabète. Le malade se disait toujours bien portant. Il y a huit ans,
chancre avec tuméfaction indolore des glandes inguinales. Depuis
un an remarque de l'ataxie dans les mouvements des membres
inférieurs.
Archives, 2° série, t. VIII. 10
146 SOCIÉTÉS SAVANTES.
A l'examen on constate de l'ataxie manifeste, les signes de
Romberg et de Westphall et des troubles de la sensibilité (hypo-
esthésie). En outre, symptômes manifestes de la maladie de
Thomsen,dont le début se rapporte évidemment à l'âge de la pre-
mière enfance. L'exécution des mouvements faibles ou d'intensité
moyenne ne présente pas de difficultés, mais celle des mouvements
énergiques ou forts est difficile ou impossible au début; à mesure
que le mouvement s'exécute l'obstacle disparait. Un morceau du
muscle gastrocnémien excisé et examiné sous le microscope montre,
à côté de l'hypertrophie des noyaux, l'hypertrophie des fibres
musculaires.
Le frère du malade, Michel E..., âgé de dix-huit ans, présente
des symptômes plus prononcés de la myotonie. En effet, le malade
accuse la même difficulté des mouvements au début dans les
muscles de la face et notamment à la mastication et aux mouve-
ments des globes oculaires.
L'analyse des urines a montré chez les deux malades une
augmentation de créatinine et une diminution notable d'acide
urique. Les mêmes symptômes de myotonie se retrouvent chez
un troisième frère, interrogé par lettre. On a soumis à un examen
médical deux autres frères de ces malades (les plus âgés), et on
a constaté chez ceux-ci rien qu'une inégalité des pupilles, comme
chez les deux malades, et chez l'un d'eux un bruit à la pointe du
coeur, comme chez l'un des deux myotolliques.
L'auteur pense que la maladie de Thomsen est une affection
congénitale.
Secrétaires des séances : A. 13EI\;-¡STEli'i, W. Mouuawieff.
Séance du 19 février 1899.
P. HossoLmu. L'évolution récidivante de la polynévrite intersli-
lielle hypertrophique progressive de l'enfance.
Il s'agit d'une femme âgée de vingt-quatre ans, sans aucuns
antécédents personnels (pas d'infections, ni d'intoxications), qui
présente pour la troisième fois le même symptôme complexe,
qu'à l'âge de douze ans et de vingt et un ans. La durée des deux
premières atteintes fut de six mois. Le début de toutes les trois
atteintes fut progressif, de même que la terminaison des deux pre-
mières fut graduellement régressive. Dans les intervalles, guérison
presque complète. Les deux dernières récidives eurent lieu trois
mois et demi et un mois respectivement après des couches
normales (les grossesses furent également normales). Toutes les
deux fois, les principaux phénomènes du côté des membres furent
précédés d'une parésie de courte durée du nerf moteur oculaire
externe du côté droit. L'affection consiste en une parésie à évolu-
tion progressive de tous les quatre membres avec ataxie, atrophie
SOCIÉTÉS SAVANTES. 147
musculaire, secousses fibrillaires (notamment dans les membres
supérieurs); anesthésies légères dans les parties périphériques des
membres; certaine sensibilité à la palpation des troncs nerveux,
notablement gonflés et durs, et qui, aux membres supérieurs, pré-
sentent en outre des nodosités ; ensuite disparition des réflexes
tendineux, intégrité des organes pelviens, parfois inégalité pupil-
laire, allusion au signe d'Argyll Robertson, nystagmus horizontal
dynamique, cypho-scoliose, pied varo-équin, avec orteils en griffe
et plantes voûtées.
M. Rossolimo fait le diagnostic de la forme de Déjerine, de névrite
interstitielle, avec faible tendance à la généralisation et participa-
tion du nerf moteur oculaire externe, ayant déterminé les phéno-
mènes dégénératifs subaigus; les deux dernières récidives sont
dues à l'auto-intoxication puerpérale.
Discussion. Le professeur Hoth, qui a vu et examiné deux
malades de Déjerine, trouve que chez la malade, présentée par
Rossolimo. les troncs nerveux se comportent quelque peu autre-
ment à la palpation : chez ceux-là notamment ils sont seulement
plus consistants, plus durs, peut-être aussi uu peu gonflés. Du côté
clinique, la forme de Déjerine se distingue par son évolution pio-
gressive plus accusée, et les malades présentent des antécédents
héréditaires. -Prennent paît à la discussion en outre MM. le profes-
seur Kojewnikoffet Moltschanoff.
W. Iakowenko. La régularité du processus d'accroissement des
aliénés dans la population du gouvernement de Moscou, d'après
le recensement de 1893.
En 1893 il fut procédé au recensement de tous les malades
aliénés du gouvernement de Moscou. Tous ces malades furent
visités et examinés dans leurs domiciles par des médecins alié-
nistes ; les résultats de l'examen et de l'interrogatoire subis par
l'entourage des malades furent enregistrés sur des feuilles spéciales,
d'après un programme uniforme, très détaillé et établi d'avance.
Le nombre d'aliénés, relevé dans cette statistique, fut de 2.06, dont
1. t74 hommes et 852 femmes.
Quand on groupe ces malades d'api ès la durée ascendante de
leur affection mentale, on obtient le tableau suivant qui indique,
par période de dix ans, la période il laquelle remonte leur affection,
et le nombre des malades se rapportant à chacune de ces périodes
décennales :
11 résulte de ce tableau que d'après la durée de l'affection
le nombre des malades subit une progression décroissante,
dont le dénominateur est de 0,5. Uu tel groupement n'est pas,
selon toute vraisemblance, l'effet d'un simple hasard de com-
binaison des chiffres, mais constitue plutôt l'expression de la loi
de l'acc/'oissel1tenhles aliénés. Une pareille analogie s'observe dans
148
SOCIÉTÉS SAVANTES.
la loi d'accroissement de la population saine d'après l'àge, exprimé
également en périodes décennales, et où on voit également dans
les tableaux synoptiques dressés par divers pays, un groupement
SOCIÉTÉS SAVANTES. 149
par M. Jakowenko. Des observations ont été faites en outre par
MM. Boutzke, Postowoky et Worobieff.
T. IlTr3 : lhONr·. Sur les altérations du système nerveux central
dans les paralysies saturnines.
En introduisant des préparations saturnines chez les cobayes et
les lapins, l'auteur a obtenu des phénomènes parai) tiques très
accusés d'abord dans les membres postérieurs, ensuite dans les
membres antérieurs de ces animaux. La durée de l'intoxication,
auxquels ceux-ci furent soumis, variait entre cinq et soixante jours.
A l'examen microscopique on trouve des altérations manifestes
dans les cellules des cornes antérieures. Le corps des cellules parait
homogène ou granuleux, la substance clrromatoplrile disparait
souvent, à la périphérie ou même dans tout le corps cellulaire ;
dans les cas plus graves (plus longue durée de l'intoxication) on
voit des vacuoles apparaitre à l'intérieur des cellules, principale-
ment il la périphérie, vacuoles de volume et de nombre variables.
En outre on constate une hyperémie de la substance grise de
la moelle. Les nerfs périphériques restèrent indemnes dans presque
la moitié des expériences. Dans les autres cas on trouva des phé-
nomènes de névrite plus ou moins accusés, de caractère segmen-
taire.
M. Rybakoff penche à croire que les cellules médullaires sont
les éléments les plus sensibles à l'intoxication saturnine, et dans la
plupart des cas c'est dans leur altération qu'il faut chercher
la cause des phénomènes paralytiques.
Discussion. M. 1 ! 1 : \OR, en se basant sur un cas ancien, examiné
anatomiquement, admet que la paralysie saturnine relève de la poly-
névrite. M. Soukuanoff estime que les altérations expérimen-
tales qu'on observe chez les animaux ne sont pas obligatoires chez
l'homme. M. Moltciianoff regrette que M. Rjbakoff n'ait pas
suivi dans ses expériences le processus de la régénération des
cellules. En outre, ses propres expériences lui font croire que le
nombre de vacuoles reste le même, sur des préparations traitées
par le formol. M. KOR : \1 LOI'F croit que les altérations du système
nerveux peuvent également relever de la cachexie générale et par
conséquent être consécutives, secondaires. M. Mocravieff dit
que les altérations du système nerveux peuvent varier d'une espèce
animale à l'autre. M. Versiloff a trouvé une cllromalolyse
légère périphérique comme phénomène normal chez des pigeons
bien portants. Des observations ont été faites en outre, par
M. le professeur Kojewnikoffet )1. Savey-Vloâilevitclr.
Secrétaires des séances : W. MOUR\V1EFF ; N. VERSILOFF.
150 SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ ! IIIÉDICO-PSYCIIOLOGIQUE.
Séance du 26 juin 1899. Présidence DE M. J. Voisin.
Présentation d'un exhibitionniste.
M. Magn4n. Je vous demande la permission de vous présenter
un malade, un exhibitionniste, chez lequel l'exhibitionnisme affecte
certains caractères différents de ceux que l'on observe habituelle-
ment dans les cas de ce genre.
L'exhibitionniste, vous le savez, est un dégénéré syndromique
qu'envahit par accès paroxystiques l'idée obsédante d'exposer
les organes génitaux aux regards des femmes. Très lucide, se
rendant compte de l'absurdité et du caractère délictueux de l'acte,
il résiste d'abord, lutte contre cette idée qui, en raison même de
la résistance, devient plus pressante, plus impérieuse et fait naître
un état de malaise de plus en plus pénible, accompagné de palpi-
tations, de serrement, de barre épigastrique et d'une angoisse si
profondément douloureuse qu'elle finit par devenir irrésistible.
L'acte accompli, tout se calme, il ne reste plus qu'un grand soula-
gement, une grande satisfaction. 11 ne s'agit ici que des vrais
exhibitionnistes, il n'est point' question des déments séniles, des
paralytiques généraux, des déments avec lésion circonscrite, etc.,
qui sans nulle conscience se livrent à l'étalage génital.
Chez notre malade l'idée obsédante est continue, permanente,
c'est une sorte de besoin dont le malade ne peut s'affranchir, qu'il
subit, sa volonté n'ayant pas suffisamment d'énergie pour lutter
et résister. Aussi n'y a-t-il pas d'accès paroxystiques, mais le
sujet toujours prêt à s'exhiber succombe à la première occasion
favorable.
Voici l'histoire du malade :
T... est un dégénéré, fils d'une mère nerveuse dont la soeur est
hystérique il présente une notable asymétrie faciale. Toutefois,
dans son enfance, aucun trouble pathologique ne faisait prévoir
les perversions intinctives constatées plus tard.
A quinze ans, il commence à se livrer à l'onanisme et pendant
deux ans il s'y adonne sans la moindre réserve.
A dix-sept ans, il s'exhibe pour la première fois ; il était, dit il,
occupé à dresser des pierres pour repasser les instruments, quand
il aperçoit la bonne de la maison, il met hors du pantalou ses
organes génitaux plutôt pour riie, dit-il, et tout en continuant à
travailler, les étale au grand jour au moment où la jeune fille
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passe près de lui. Celle-ci l'interpelle- vertement et continue son
chemin.
Il regrette aujourd'hui, dit-il, qu'elle ne l'ait pas fait arrêter
cette première fois, une leçon sévère l'eût peut-être corrigé à ce
momeut où l'habitude n'était pas encore prise et eut prévenu,
croit-il, la série de déplorables mésaventures qu'il a eu à subir.
Quoi qu'il en soit, il passe plusieurs mois sans renouveler l'acte.
Quelque temps après il a pour la première fois des relations
sexuelles avec une femme, mais sans grande satisfaction,
aflirme-t-il.
L'année suivante, âgé de dix-huit ans, il commence à éprouver
d'une façon obsédante le désir de s'exhiber; tout d'abord, il se
fait voir de loin, mais peu à peu il perd toute retenue et se montre
dès qu'il se trouve à portée d'une femme.
Dès cette époque 1879, il est condamné à un mois de prison pour
outrage public à la pudeur, il s'était masturbé devant une femme
au marché du Temple.
Cette condamnation n'enraya en rien ses tendances exhibition-
nistes ; peu de temps après sa sortie de prison, il recommença et
renouvela fréquemment l'acte, passant rarement un mois sans
exhibition.
En 1885, il est condamné à six mois de prison ; il s'était arrêté
dans la rue et avait exposé ses organes génitaux aux regards de
deux femmes qui étaient accoudées à une fenêtre ; le mari de l'une
d'elles et le concierge le firent arrêter.
Eu 1888, il subit une troisième condamnation, cette fois à treize
mois de prison, il s'était exhibé devant des jeunes filles.
En 1893, il est condamné à quinze mois de prison, il s'était
posté à une porte du marché du Temple, la verge pendante hors
du pantalon.
L'année suivante, il se marie espérant trouver là une sauvegarde
pour l'avenir ; il épouse une jeune fille pour laquelle il éprouvait,
dit-il, une vive affection. Ses relations conjugales sont normales;
deux enfants naissent dans les trois premières années du mariage,
mais malgré l'attrait de la famille, les satisfactions que lui procure
son intérieur, le besoin de s'exhiber n'en persiste pas moins et de
temps à autre il recommence ces pratiques étranges. Non seule-
ment il va s'exhiber au dehors, mais deux fois, il n'a pu s'empê-
cher d'exposer son organe viril aux regards des amies de sa lemme
en visite chez lui.
En 1895, il se fait encore arrêter après s'être exhibé, mais il est
l'objet d'un non-lieu après examen médico-légal et il est envoyé à
l'asile Sainte-Anne.
En ISOG, nouvelle arrestation dans le département de l'Yonne;
après un examen médico-légal il est placé à l'asile d'Auxerre.
Cette dernière aventure provoque de la part de la femme une
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demande en divorce. Désolé. de ne pouvoir se rendre maître de ces-
dispositions obsédantes, honteux et découragé, il fait une tentative
de suicide. 11 avait déjà en 18 19, lors de sa première condamna-
tion, essayé de se pendre dans sa cellule.
Le 2 novembre 1898, une dame D... vient déclarer au commis-
saire de police du quartier des Arts-et-Métiers qu'étant assise sur
un banc placé dans le square du Temple, elle a vu un individu
assis à côté d'elle montrer ses parties sexuelles à des enfants qui
jouaient aux environs. Quand il se voyait observé, dit-elle, cet
individu cachait sa nudité avec un journal. Quand il a vu arriver
le garde du square que j'étais allé prévenir, cet homme a pris
la fuite.
D'autre part, Mme S... dépose qu'elle a également vu l'individu
assis sur le banc dans le suare du Temple, montrer ses parties
sexuelles à des enfants qui jouaient il proximité. Cet individu qui
lisait un journal a placé ce journal sur son pantalon déboutonné
quand il a vu que nous l'observions.
Le 10 février 1899, 11m D... passant au square du Temple
aperçoit l'exhibitionniste du mois de novembre dernier et le fait
arrêter; c'était T... En même temps une jeune fille Mlle L... se
présente au commissariat et fait la déclaration suivante : « Je suis
envoyée par le garde du square du Temple il qui je me suis plainte
qu'un individu m'avait fait voir ses parties sexuelles aujourd'hui
à une heure du soir.
« Voici comment le fait est arrivé. Passant dans le square du
Temple, j'ai reconnu un individu qui, l'an dernier me poursuivait
dans le même square en cherchant à me faire voir ses parties.
N'étant pas bien sûre de le reconnaître, je me suis assise sur un
banc et je ne regardai plus cet homme qui, cinq minutes après,
vint s'asseoir près de moi, déboutonna sa brayette et, malgré
moi, j'aperçus toute sa nudité. J'allais aussitôt chercher un agent,
mais à mon retour l'individu avait disparu. >
Mise en présence de T... elle le reconnaît immédiatement et
celui-ci raconte alors au commissaire sa triste odyssée.
Sur les instances de la mère mandée au commissariat, T... est
laissé libre, mais celle-ci munie d'un certificat médical le place à
l'asile Sainte-Anne où sur ordonnance du juge d'instruction, il
devient l'objet d'une enquête médico-légale.
T... est très attristé et très affecté de ce qui lui est arrivé,
il raconte qu'il n'y peut rien, que le besoin de se montrer est chez
lui continu, permanent, que parfois le désir est plus fort, mais
que si un obstacle, la présence d'un agent par exemple, l'empêche
d'accomplir l'acte, il attend l'occasion sans éprouver de grands
malaises, sans spasmes ni palpitations, il peut même aller prendre
un repas sans avoir donné satisfaction au besoin d'exhibition. Il
n'a pas habituellement d'érection dans l'exhibition et ne recherche
SOCIÉTÉS SAVANTES. 153
pas d'ordinaire des femmes qui lui plaisent. Dans quelques cas
rares, il s'est onanisé et parfois l'éjaculalion est survenue sans
érection. Ce besoin d'exhibition ne s'accompagne pas, d'ailleurs,
du désir de copulation ; il ne cherche pas à séduire la femme et
ce ne serait pas là, dit-il, un moyen de lui plaire. Il ne recherche
pas non plus l'orgasme sexuel puisqu'il n'entre pas en érection
et qu'il n'a pas de pollution, mais son désir est d'attirer l'attention
de la femme, de voir les regards de celle-ci dirigés sur ses organes
et quand elle parait prendre plaisir à ce spectacle, il en est
heureux et éprouve une très grande satisfaction. Cette jouissance
a un attrait qu'il ne peut comparer, dit-il, aux relations conju-
gales qui ne sauraient l'empêcher de s'exhiber. D'ailleurs, c'est
préférable, ajoute-t-il, aux rapports intimes avec les femmes, qui
épuisent et ne peuvent se répéter que deux ou trois fois, tandis
que je puis dans une après-midi, me montrer huit, dix fois et
davantage, toujours avec le même plaisir.
Ce besoin étrange occupe tellement sa pensée que dans ses rêves
il se voit parfois s'exhibant devant des femmes qui le regardent et
souvent, contrairement à ce qui se passe à l'état de veille, il a
une érection suivie de pollution.
Pour se montrer, il lui est arrivé parfois de quitter le travail;
mais habituellement il profite des heures de repos pour s'exhiber.
Il va d'habitude dans une promenade, dans un square, s'assied
sur un banc déjà occupé par une ou plusieurs femmes, il déplie un
journal, lie conversation avec sa voisine sur des banalités, débou-
tonne le pantalon, sort ses organes et s'arrange, dit-il, de façon il
ce que la femme puisse le bien voir. Si quelqu'un approche, il
laisse retomber sur ses cuisses le jourual qui cache tout.
Parfois il se promène les organes sortis, recouverts par son par-
dessus et quand il passe à côté d'une femme, rapidement il
entr'ouvre les basques de son vêtement.
Sans qu'il choisisse précisément ses spectatrices, il s'adresse de
préférence aux femmes qui paraissent devoir être disposées à
plaisanter, les bonnes. les ouvrières ; une femme avec un enfant
lui inspirerait plus de retenue ; il ne se montre pas habituelle-
ment aux petites filles, mais parfois il s'adresse aussi bien aux
vieilles qu'aux jeunes, aux laides qu'aux jolies, sans avoir jamais
dans ces circonstances, le désir de relations sexuelles. « Chez moi,
dit-il, tout cela est idéal puisque ça ne me fait rien du côté des
organes génitaux et que je n'ai pas d'érection. » C'est, en effet,
un perverti sexuel psychique, un cérébral antérieur.
.Nous ne trouvons pas chez T... l'accès paroxystique des exhibi-
tionnistes ordinaires avec l'obsession. la lutte, la résistance,
l'angoisse douloureuse, l'irrésislibilité de l'impulsion, chez lui
c'est une obsession continue, une sorte de besoin qui l'obsède
mais qui n'atteint pas l'impulsion irrésistible; toutefois, l'acte
154 SOCIÉTÉS SAVANTES.
s'accomplit mais par faiblesse de la volonté qui, sans nulle
énergie, laisse le malheureux à la merci de la moindre occasion
qui se présente.
Notre rapport qui a été suivi d'un non-lieu ce terminait par les
conclusions suivantes :
1° T... est un dégénéré en proie à des perversions de l'instinct
sexuel ;
2° C'est sous l'influence d'une obsession morbide que ne peut
enrayer une volonté sans énergie, qu'il exhibe sesorganes génitaux
pour attirer les regards des femmes;
3° T... n'est pas responsable de l'outrage public à la pudeur qu i
lui est reproché, mais son état mental exige la continuation
du traitement dans l'asile d'aliénés où il est actuellement intenté.
M. ARNAUD demande quelle différence il y a au point de vue
psychique, entre cet exhibitionniste qui présente sa verge à l'état
flasque et les autres qui se montrent ordinairement en érection ? '1
M. Magnan. Celui-ci ne recherche aucune sensation tandis
que les autres sont des trotteurs. L'idée de s'exhiber ne s'accom-
pagne pas comme chez lui d'angoisse.
Présentation de pièces anatomiques.
11. DOUTREDFNTE présente un crâne d'idiot, mort à vingt ans avec
tous les caractères de l'infantilisme. Les sutures ne sont pas
ossifiées, ce qui prouve l'inutilité des opérations tentées pour
obtenir le développement du cerveau par la distension de la boite
crânienne.
Paralysie générale juvénile.
M. TOULOUSE communique l'observation d'une jeune fille consi-
dérée comme épileptique depuis son enfance jusqu'à l'âge de
dix-neuf ans et qui, à cet âge, a présenté de l'affaiblissement
intellectuel, de l'embarras de la parole et de l'inégalité pupillaire
ainsi que des accès épileptiformes en série. Quelques mois après
elle succombait et on trouvait à l'autopsie des lésions que M. Tou-
louse attribue à une paralysie générale juvénile. Pour lui la para-
lysie générale juvénile est plus fréquente qu'on le suppose. Il croit
que bien des cas considérés comme de la démence précoce chez
les épileptiques ne sont que des formes méconnues de paralysie
générale.
M. ARKAUD. Avant d'étendre le domaine de la paralysie géné-
rale, il conviendrait de la delimiter exactement au point de vue
histologique. Au point de vue clinique la malade de M. Toulouse
se présente jusqu'à l'âge de dix-neuf ans avec tous les caractères
de l'épilepsie classique sans aucun signe de paralysie générale.
Puis, brusquement, elle manifeste tous les symptômes de la para-
SOCIÉTÉS SAVANTES. ibis
lysie générale et meurt trois mois après et cependant les lésions
histologiques seraient celles d'une vieille méningo-encéphalite
diffuse. Il n'y a donc pas de concordance entre les faits cliniques
et l'autopsie. Il ne croit pas qu'il s'agisse de paralysie générale
juvénile.
M. TOULOUSE. Avant de délimiter le domaine de la paralysie
générale, il convient de connaître toutes les variétés. Je n'ai fait
d'ailleurs qu'émettre une hypothèse et je demande quel diagnostic
il conviendrait d'appliquer.
M. ARNAUD. Si la paralysie générale est encore dans une
période d'évolution, au point de vue de l'histologie, la clinique
en est faite. Le diagnostic, qui semble s'appliquer le mieux
à l'observation présentée, est celui d'une démence précoce chez
une épileptique.
M. Toulouse ne pense pas que l'histologie de la paralysie géné-
rale soit en voie d'évolution. Ce qui lui fait croire que sa malade
est bien une parah tique générale, c'est qu'elle avait des accè= en
série, qu'on ne rencontre pas chez les épileptiques et qui sont
fréquents dans les cas s'accompagnant de lésions organiques.
M. DoorsEUEVr n'a observé au contraire les accès en série que
dans l'épilepsie essentielle. Us sont relativement rares dans la
paralysie générale. Marcel Briand.
SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE.
Séance du 0 juillet 1899. Présidence de M. A. JOFFROY.
M. le professeur JOFFROY ouvre la séance en donnant un aperçu
des travaux qui ont été accomplis en France et à l'étranger depuis
près d'un demi-siècle, dans la ueuro-patUologie. Il estime que l'hé-
rivage laissé par Charcot et Duclenne (de Boulogne) doit fructifier
entre les mains de leurs élèves et de tous ceux qui s'intéressent il
l'étude des maladies du système nerveux.
Surdité vc bale pure, de nature hystérique.
M. Raymond montre deux jeunes tilles, de vingt et de quinze ans,
qui sont atteintes de surdité verbale pure, elles ne comprennent
absolument pas la parole; elles entendent les sons, l'ouïe est nor-
male, mais la signification des mots leur échappe. La plus âgée est
'SOCIÉTÉS SAVANTES.
dans cet état depuis neuf ans, la plus jeune depuis dix mois. L'une
est fille d'épileptique, a un frère aliéné; l'autre n'a pas d'antécé-
dents névropathiques; toutes les deux ont des stigmates hysté-
i iques.
Quelle est donc la nature de cette surdité verbale ?
Ciiarcot croyait que l'aphasie hystérique n'existait pas. Pourtant
il admettait que le mutisme n'était en somme qu'une forme d'apha-
sie. Comment expliquer alors la surdité de ces deux jeunes filles ?
Aucune lésion organique ne la justifie : seule l'hystérie parait en
cause, l'opinion de Charcot est trop absolue. Dès lors, il ne faut
plus répéter que l'hystérie est impuissante à créer la surdité ver-
bale pure.
M. Gilles de L1 TOUftETTE demande si ces deux malades sont
sujets à la suggestion.
M. RAYMOND. Ces malades n'ont jamais été hospitalisés précé-
demment, aucune suggestion ne parait avoir été faite. La plus
jeune a eu, dans so-i enfance, une otite; cette affection l'effraya;
la crainte d'une opération fit que quelques jours après, elle pré-
senta les premiers stigmates hystériques : les crises convulsives.
Du phénomène des orteils dans l'épilepsie.
M. M.-J. Baiunski. Dans le dernier travail que j'ai publié sur
le phénomène des orteils j'ai rapporté un cas d'épilepsie jackson-
nienne où ce phénomène avait été constaté immédiatement après
la crise, du côté qui était le siège dse mouvements convulsifs, tan-
dis qu'en dehors des crises, le réflexe cutané plantaire était normal.
J'ai observé depuis des faits analogues.
Tout récemment, chez une malade atteinte de néoplasme intra-
crânien et sujette à des actes caractérisés par quelques mouvements
convulsifs généralisés par une perle de la connaissance, de l'incon-
tinence de l'urine et des matières fécales, j'ai noté pendant une
crise, outre une abolition de réflexe anal, le phénomène des orteils
des deux côtés, tandis que les réflexes tendineux ne présentaient
pas de modification; un quart d'heure environ après le début de la
crise, la malade ayant repris connaissance, le réflexe anal avait
reparu et le réflexe cutané plantaire était redevenu normal.
J'ai observé aussi le signe en question au moment de la crise
pendant un espace de temps d'une durée plus ou moins longue,
chez les individus sujets à des crises d'épilepsie dite idiopathique,
et chez lesquels le réflexe cutané plantaire était normal en dehors
des crises.
Le signe des orteils dans les cas de ce genre est tantôt unilatéral,
tantôt bilatéral; il est parfois accompagné de l'exagération des
réflexes tendineux et de trépidation épileptoide du pied, ainsi que
de l'abolition du réflexe anal.'
SOCIÉTÉS SAVANTES. -157
Dans l'hystérie, pendant les attaques, ainsi qu'en dehors des
attaques le phénomène fait constamment défaut. Il en résulte que
la constatation de ce signe pendant une crise chez un sujet dont le
réflexe cutané plantaire est normal en dehors des crises, permet
d'écarter l'hypothèse d'attaque hystérique et pourrait, dans un cas
douteux, servir à établir le diagnostic d'épilepsie. Je dois ajouter
que l'absence de ce signe ne prouverait pas que l'épilepsie n'est
pas en cause car le phénomène des orteils peut faire défaut dans
les crises épileptiques. -
Traitement chirurgical de la méralgie pareslhésique.
M. Souques. La méralgie paresthésique étant le plus souvent
rebelle iL tout traitement médical et quelques guérisons consécu-
tives à la résection du nerf fémoro-cutané ayant été publiées par
plusieurs auteurs, M. Souques a essayé ce traitement sur sa malade
âgée de 20 ans, qui souffrait d'une méralgie paresthésique occa-
sionnée par un travail excessif.
M. Mauclaire fit la résection du lémoro-culané ; les suites opé-
ratoires furent parfaites. Le nerf examiné histologiquement était
sain. Comme c'était à prévoir, l'anesthésie augmenta et dessina
exactement la zone du fémoro-cutané. Dix jours après l'opération,
la malade put se lever, marcher sans éprouver de douleurs, ce
qu'elle ne pouvait faire auparavant. M. Souques comptait donc
présenter ce cas à la Société de neurologie comme un exemple de
guérison de la méralgie paresthésique, après une résection du
fémuro-cutané, mais il apprend maintenant que depuis trois jour=,
quelques légères crises douloureuses sont survenues; mais elles le
sont beaucoup moins que les anciennes. Le traitement chirurgical
donne donc d'excellents résultats, non une guérison complète
dans ce cas, mais une amélioration très notable.
Claudication intermittente douloureuse.
M. Brissaud rapporte l'observation d'un homme de lettres,
russe, âgé de soixante ans, goutteux, migraineux, gros mangeur,
fumeur et buveur. Il y a deux» ans il fut atteint d'une sciatique
gauche dont il sembla guéri deux mois après. Puis, survint une
nouvelle douleur d'un caractère tout différent ; elle avait pour
siège le nerf fémoral cutané gauche, était superficielle, épider-
mique, et se trouvait exaspérée par le frottement ; de plus, elle
était nettement intermittente et subordonnée à la marche : régu-
lièrement, vingt minutes de marche la provoquaient : pour la
faire disparaître, un an et de dix minutes était nécessaire et suf- r-
fisant. Si le malade se remettait à marcher, la douleur reparais-,
sait au bout de vingt minutes, pour disparaître après dix nouvelles
158 SOCIÉTÉS SAVANTES. -
minutes de repos, et ainsi de suite. Depuis quinze mois l'état est
le même qu'au premier jour.
Au niveau du membre atteint, on constate une légère atrophie
musculaire. M. Brissaud pense qu'il s'agit d'une artérite goutteuse
qui détermine une forme spéciale de claudication intermittente ;
en effet, il n'y a ici ni boiterie,-ni crampe, ni engourdissement ;
le phénomène unique consiste en une douleur superficielle stricte-
ment cantonnée dans le domaine du fémoro-cutané.
11. Gilles de lv Toureite a observé un cas analogue, et il
demande à M. Brissaud combien de temps après le début de la
claudication est survenue l'atrophie. '
M. Brissaud répond que l'atrophie est survenue quinze mois
après.
Suites éloignées de la résection du sympathique dans l'épilepsie
essentielle.
M. Souques. Le traitement de l'épilepsie essentielle par la
résection du sympathique est à l'ordre du jour ; ce traitement
esl-il suivi de guérison ou au moins d'amélioration, la question
est délicate. Voici un cas qui pourra servir à la résoudre. Un
homme de quarante-trois ans, épileptique avéré, subit il y a six
mois la résection du sympathique ; les crises cessèrent, puis
reparurent; à l'heure actuelle, elles sont aussi fréquentes et aussi
intenses qu'antérieurement à l'opération.
M. Déjerine. Cette opération vantée contre l'épilepsie, parait
inutile, car elle n'a jamais donné de résultats indiscutables; et
dangereuse, car la résection des sympathiques, est toujours suivie
de troubles trophiques, surtout chez les sujets jeunes '.
m(;<omye'<<6 compliquant une section médullaire.
M. DEJËRiK. Le malade qui fait l'objet de cette communica-
tion, me paraissait au premier examen banal de paraplégie com-
plète : perte absolue de la motilité, de la sensibilité des réflexes
dans les membres inférieurs; un tt aumatisme, capable d'avoir
sectionné la moelle, expliquait ces symptômes. Mais en outre
existait sur la moitié droite du thorax, et sur la face interne du
bras droit, une dissociation syringomyélique de la sensibilité. Ce
fait assez difficile à comprendre, fut expliqué par l'autopsie. La
section siégeait au niveau de la première lombaire; au-dessus de
cette section, le canal cenlral était dilaté et formait une cavité qui,
à partir de la 9° paire dorsale, avait détruit complètement la
' Les deux cas que nous connaissons sont également défavorables à
cette opération. (13.).
SOCIÉTÉS SAVANTES. 159
corne postérieure droite; cette lésion persistait dans toute la hau-
teur de la colonne dorsale et diminuait peu à peu pour dispa-
raître au niveau de la 7° paire cervicale.
La dissociation syringomyélique de la sensibilité était donc
expliquée par ce fait ; mais ce qui est à remarquer, c'est que la
distribution de l'anesthésie était la même que celle qui serait
résultée d'une lésion radiculaire.
M. Brissaud. Celte lésion des fibres radiculaires existe peut-
être ; le refoulement produit par l'hématomyélie et la compression
qui en résulte rendent cette supposition légitime.
M. Déjerine. L'examen histologique ne permet pas de croire
que ce refoulement ait été assez énergique pour comprimer les
fibres radiculaires.
Hémiplégie gauche et paralysie alterne de l`c sensibilité.
M. Ballet. Il est assez difficile de localiser une lésion protu-
bérantielle. Un homme est atteint d'une hémiparésie gauche avec
intégrité des mouvements de la face ; une anesthésie complète à la
douleur et à la chaleur avec conservation du tact existe à droite.
Ces deux ordres de symptômes feraient songer à un syndrome de
13rown-SéIJuard traduisant une lésion de la moitié gauche de la
moelle cervicale. Une paralysie alterne de la sensibilité indique
une lésion dans la région supérieure de la protubérance, lésion
intéressant la bandelette de Reil et le trijumeau. Mais cette lésion
ainsi localisée n'explique pas les troubles de la moitié du bras et
de la jambe gauche. Faut- supposer une lésion unique intéressant
la bandelette de Reil et le trijumeau, d'une part, ou ayant gagné
le faisceau pyramidal, d'autre part, ou faut-il admettre deux
lésions distinctes ? Le problème est très probablement inso-
luble.
Délire toxique avec crises épileplil'om1Cs causées par le sulfate
. de cinchonidine .
.\1. BALLEr. M"lc X..., atteinte de névralgies, prit dernièrement
un cachet de 75 centigrammes de sulfate de quinine ; quelques
heures après elle eut une crise épileptiforme, suivie d'hallucina-
tions visuelles. Ce délire si manifestement hallucinatoire ne pou-
vait être qu'un délire toxique. 11 restait un second cachet ; on en fit
l'analyse et on trouva du sulfate de cinchonidine. D'où il suit que
l'ingestion de ce sel a été la cause du délire observé.
Considérations cliniques sur l'avenir des convulsifs infantiles.
M. Dufour. De l'étude de soixante-six cas, il tire les conclu-
sions suivantes : 1° Les convulsions infantiles du premier âge sont
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d'origine épileptique; - 2° Elles ne se rencontrent pas chez les
hystériques non entachés d'épilepsie; 3° Tout convulsif infantile
est toujours disposé à réagir de façon épileptique à l'occasion des
causes multiples au nombre desquelles l'intoxication et l'infection
jouent le principal rôle ; 4° Pratiquement, la présence des con-
vulsions infantiles dans le cas de difficulté de diagnostic entre
l'épilepsie et l'hystérie doit faire admettre le diagnostic d'épi-
lepsie ; 5° Chez les convulsifs infantiles, la thérapeutique doit
s'attacher, plus que chez d'autres, à écarter toute infection,
intoxication ou auto-intoxication pour éviter cette réaction épi-
leptique.
L'absence des convulsions infantiles dans le passé des hystéri-
ques, même convulsifs, peut s'expliquer par ce fait que l'émotion,
qui est à la base des paroxysmes hystériques, manque à peu près
totalement dans le jeune âge.
M. Marie admet que les conclusions de M. Dufour sont en partie
légitimes : 75 à 80 p. 100 des épileptiques ont des convulsions
pendant leur première enfance. Mais M. Dufour croit que ces con-
vulsions sont déjà de nature épileptique. M. Marie ne partage pas
cette opinion. Ces convulsions résultent d'une infection ou d'une
intoxication ayant lésé plus ou moins les cellules cérébrales, et
c'est le reliquat de cette lésion qui, ultérieurement, crééra l'épi-
lepsie. Il y a, certes, une épilepsie essentielle, héréditaire; mais
les exemples en sont beaucoup plus rares qu'on ne le croit. Sou-
vent l'épilepsie a été créée par accident, par une action sur les
cellules corticales d'une infection ou d'une intoxication pendant
l'enfance.
M. HODDO cite à l'appui de l'opinion de M. Marie le cas suivant :
un enfant ayant subi une infection grave eut des convulsions, puis
mourut. On trouva, à l'autopsie, des lésions manifestes des cellules
pyramidales des zones motrices.
M. JOFFROY trouve considérable le rôle de l'hérédité. Il est prouvé
par la fatalité, qui pèse si lourdement sur la descendance des épi-
leptiques ; il est encore prouvé par cette prédisposition si spéciale
qu'il faut admettre pour expliquer pourquoi certains intoxiqués
par l'absinthe ou par d'autres poisons réagissent suivant le mode
épileptique, alors que d'autres supportent sans inconvénient des
doses doubles ou triples des mêmes poisons. A côté des épilep-
sies accidentelles, il y a,toujours l'épilepsie héréditaire.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 161
SOCIÉTÉ D'UYPKOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE.
Neuvième séance annuelle (Lundi 10 juillet 1899). Présidence
de M. Jules Voisin, médecin de la Salpêtrière.
Traitement psychothérapique des impulsions chez les aliénés.
M. STADELIfAnN (de Wurtzbourg) rapporte l'observation d'un
malade atteint de dégénérescence mentale et dont l'obsession était
caractérisée par de la pyrophobie. Le malade avait tellement
peur du feu qu'il se sentait obligé d'enterrer les bouts de ciga-
rettes, les débris d'allumettes, et qu'il vivait dans une anxiété
profonde à l'idée qn'il aurait pu mettre le feu. Après quinze jours
de traitement la guérison a été complète ; elle s'est maintenue
depuis treize mois. '
Incontinence d'urine et suggestion pendant le sommeil naturel.
M. Paul FAREz rapporte l'observation d'un jeune garçon de cinq
ans et demi atteint d'incontinence d'urine et guéri par la suggestion
pendant le sommeil naturel. Celui-ci est un état passif que nous
n'avons pas besoin de produire et que la nature nous offre tout
réalisé. Il faut se décider à en tirer parti, toutes les fois que le
sommeil hypnotique n'aura pas été accepté par la famille, ou que,
après avoir été accepté par cette dernière, il n'aura pas pu être
obtenu par le médecin. La suggestion pendant le sommeil naturel
est donc une sorte de succédané de la suggestion hypnotique ;
sans doute elle comporte une technique plus délicate, mais le
domaine en est plus étendu et l'efficacité tout aussi grande.
Un curieux cas d'incontinence urinaire spasmodique pendant le coït.
M. Paul Fanez. Une femme mariée, mère de famille, âgée de
30 ans, laisse échapper inconsciemment cinq ou six petits jets
d'urine, lors des coïts accompagnés de spasme vénérien et au
moment même où ce spasme survient. C'est qu'alors les contrac-
tions des muscles droits de l'abdomen agissent directement sur
une vessie distendue et forcent l'urine il s'échapper sous forme de
jets synchrones à ces mêmes contractions musculaires. Cette
femme est hystérique ; elle est atteinte de bégaiement urinaire,
c'est-à-dire que, par une sorte d'inhibition psychique, elle ne peut
vider sa vessie avant de se coucher, à cause de la présenee de son
mari. Grâce à l'hypnotisme, j'ai combattu cette phobie, obtenu la
déplétion de la vessie avant chaque coït et renforcé par suggestion
Archives, 2° série, t. VIII. Il
162 SOCIÉTÉS SAVANTES.
l'action constrictive du sphincter vésical pendant le rapport. Il y
a de cela quinze mois et, depuis, cette incontinence n'a pas reparu
une seule fois.
Applications thérapeutiques de l'aimant.
M. Paul Joire (de Lille). L'application des aimants détermine des
effets qui ne peuvent être le résultat ni d'une suggestion faite
par l'opérateur, ni d'une auto-suggestion du sujet. Sans doute, on
peut, par suggestion, obtenir le transfert d'une paralysie ou d'une
contracture, comme on peut aussi guérir ces affections par sugges-
tion. Mais, pour qu'il y ait suggestion, il faut que le malade sache
et comprenne ce qui doit arriver ; pour qu'il y ait auto-suggestion
il faut qu'il craigne ou qu'il désire l'objet de la suggestion. Or,
quand chez un malade, atteint, par exemple, de la paralysie d'un
membre, on applique l'aimant sur le membre sain, le malade, par
suggestion, pourra bien faire disparaître la paralysie, mais il ne
la fera point passer dans le membre sain. Il ne peut pas penser
que l'on commence par déplacer son mal, ce qui, à ses yeux ne le
guérit pas; il ne peut pas le désirer. Donc, quand ce phénomène se
produit, il y a autre chose que la suggestion. Il existe donc une
action spéciale de l'aimant sur le système nerveux. M. Joire
rapporte plusieurs observations de crises douloureuses, rebelles
aux diverses médications, et qui ont pris fin dès l'application de
l'aimant. Si l'on ajoute que ces applications de l'aimant ont été
faites chez des personnes peu sensibles aux procédés hypnotiques
ou présentant une grande résistance à la suggestion, on se rendra
compte de l'utilité de ce moyen thérapeutique.
Phobies neurasthéniques traitées par auto-suggestion.
M. Lépinay rapporte une série de phobies qu'il a observées sur
un homme de trente ans, telles que la peur de traverser les places,
de cheminer seul, de regarder par une fenêtre, etc. Ces phobies
étaient venues à la suite d'un accident de voiture et résistèrent à
différents traitements. Le malade se traita par auto-suggestion ;
par l'entraînement méthodique de sa volonté et par des exercices
variés, il put bientôt recouvrer graduellement toutes ses facultés
et vaincre ses différentes phobies. Il procéda à son traitement
.comme s'il avait reçu la suggestion d'autrui.
Tic nerveux traité avec succès par la suggestion hypnotique.
M. VL.1VIANOS (d'Athènes), rapporte le cas d'une malade atteinte
depuis trois ans et demi, d'un tic convulsif du cou et de la tête.
Elle n'a ni hérédité chargée, ni antécédents personnels morbides.
Au cours de cette affection, elle a eu deux rémissions à la suite
de deux émotions, une joie, puis une frayeur. Elle faisait le mou-
vement de non; le spasme était localisé aux muscles de la nuque
SOCIÉTÉS SAVANTES. 163
et au sterno-cléido-mastoïdien gauche. Elle fut endormie et dès
la deuxième séance elle fut améliorée; après la quatrième séance,
elle était complètement guérie.
Tabagisme et alcoolisme guéris par la suggestion hypnotique.
M. Bourdon (de Méru) cite plusieurs cas d'alcoolisme et de taba-
gisme guéris par la suggestion hypnotique plus ou moins long-
temps prolongée; la suggestion portait sur l'abstinence complète
d'emblée, plutôt que sur la diminution progressive. L'auteur a
aussi guéri parla psychothéraphie l'onanisme, l'onychophagie, la
passion du cabaret, du billard, etc. ; en rendant les jeunes gens
meilleurs et plus laborieux, il a ainsi fait de l'orthopédie morale.
L'onanisme et son traitement psychothérapique.
M. 13Lau.LOn. Les habitudes d'onanisme, lorsqu'elles revêtent
un caractère d'irrésistibilité, dénotent, chez les individus qui les
présentent, des perturbations fonctionnelles profondes des centres
cérébro-spinaux. Lors même que les sujets sont doués d'un
certain développement intellectuel, on peut toujours constater
qu'ils présentent toujours une certaine aboulie, par rapport à
l'habitude automatique dont ils sont atteints. En effet, ces sujets,
tout en ayant conscience des dangers que leur font courir les
pratiques d'onanisme, se déclarent absolument impuissants à y
résister. On a imaginé un grand nombre d'appareils de contention
pour réprimer les habitudes d'onanisme. En voici quelques
échantillons à titre de curiosité. Aucun d'eux n'a amené la
guérison de ces malades. Cela tient à ce qu'il importe avant tout,
non d'empêcher par des moyens mécaniques la réalisation de
l'impulsion automatique, mais bien de procéder à la rééducation
de la volonté et de créer chez ces malades de véritables centres
psychiques d'arrêt. On y arrive assez rapidement par l'application
de la suggestion hypnotique. Les sujets ne tardent pas à recon-
naître qu'ils sont capables de résister dans une certaine mesure à
l'habitude. Bientôt leur résistance s'organise et la guérison
s'établit. La durée du traitement varie nécessairement selon
l'ancienneté des habitudes et le terrain névropathique sur lequel*
elles se sont développées. Chez les onanistes dont le développement
intellectuel est normal et dont les stigmates de dégénérescence
sont peu accentués, la guérison de l'onanisme par la suggestion
est rapide et durable.
Communications diverses :
M. Jules Voisin. Un cas de délire de persécution avec hallucina-
tions religieuses et idées de possession. Action thérapeutique de
la suggestion. M. Letlu (de Sannois), Tic douloureux de la face
164 BIBLIOGRAPHIE.
datant de deux ans, traité avec succès par la suggestion hypno-
tique et l'auto-hypnotisation. M. Lionel Dauriac Les causes
d'erreur dans l'interprétation des phénomènes- psychiques. -
M. GISCARD. Étude psychologique sur les envies des femmes
enceintes. M. 13.1RADUC. Photographies de fluide vital.
M. GARNAULT. La ventriloquie comme procédé d'illusion religieuse
et magique. M. Bourdon (de Merlu). Accouchements sans
douleur d'après la méthode du D1' Paul Joire. -hi. COSTE DE
LAGRAVE. De l'auto-suggestion expérimentale. M. COUTAUD.
Manifestations du rire et des émotions chez quelques animaux.
BIBLIOGRAPHIE.
III. Revue des Thèses de la Faculté de Médecine de Bordeaux
(année 189T-1898); par les Des Régis et L. DE PERRY.
1. Etudes plélhysmopraplciques en psyeho-physiologie ;
par le Dl' L'IIEmmcn.
L'étude des phénomènes vaso-moteurs en psychologie, née avec
Mosso, est vaste et complexe : l'emploi de la méthode pléthysmo-
graphique met en relief un certain nombre de faits correspondant
aux divers états psychiques.
1° Les phénomènes intellectuels tels que : attention, mémoire,
association d'idées, raisonnement, imagination, travail cérébral
court, s'inscrivent tous sur le tracé pléthysmographique en vaso-
constriction. Cette réaction vasculaire suit une loi fixe : le phéno-
mène vaso-moteur est nettement secondaire et consécutif à l'acte
cérébral. Quant au temps perdu, à l'intensité et à la durée de
réaction, ils varient avec les individus.
Les réactions circulatoires peuvent se manifester seules ou s'ac-
compagner de phénomènes respiratoires : chez certains individus
les réactions respiratoires prennent une importance telle que les
sujets pourraient être classés en deux groupes réactionnels : type
respiratoire, type circulatoire.
2" Dans les phénomènes de volonté deux cas peuvent se pré-
senter : a) si le phénomène de volonté est purement cérébral, le
tracé pléthysmographique présente une chute en vaso-constriction;
b) si le phénomène de volonté a déterminé un effort physique, il
se produit une élévation du tracé.
bibliographie. 165
3° Les phénomènes de sensibilité, surprise, peur, douleur, don-
nent lieu à de la vaso-constriction.
Les émotions agréables provoquées volontairement (évocation
d'idées gaies) donnent lieu à un phénomène de vaso-dilatation.
Les émotions désagréables provoquées volontairement(idées tristes),
phénomène de vaso-constriction, parfois accompagné de réactions
respiratoires importantes. Les réactions agréables dont l'origine
remonte à la mise en action des organes des sens provoquent en
général des réactions vaso-dilatatrices. Les émotions désagréables
dues aux organes des sens provoquent des réactions inconstantes
surtout en ce qui concerne le goût et l'odorat.
Les bruits désagréables (grincement de bouchon, dissonnance,
audition musicale désagréable, donnent lieu à de la vaso-constric-
tion. Les auditions agréables (musique) donnent lieu à des réactions
diverses selon le morceau et l'aptitude du sujet à la musique.
4° Lorsqu'il s'agit de phénomènes tenant à la fois de l'intelli-
gence et de la sensibilité, le plus souvent le phénomène intellec-
tuel l'emporte, vaso-constriction.
2. De l'arthralgie hystérique du genou; par le De LEPINTE.
L'arthralgie hystérique du genou survient à la suite d'un trau-
matisme semblant agir comme suggestion. Elle présente deux
formes : to une forme pure dont les symptômes, la douleur et la
contracture, oflrent des caractères tout particuliers, sans phéno-
mènes locaux réactionnels; 2° une forme mixte ou hystéro-orga-
nique, constituée par l'association de l'arthralgie à une affection
préexistante de nature inflammatoire.
Dans la forme pure, l'articulation est d'ordinaire indemne de
toute altération; cependant il peut s'y produire diverses lésions
matérielles. Le diagnostic surtout dans la forme mixte est parfois
très difficile à établir : l'expectation est la meilleure conduite à
tenir. Quant au pronostic il est sérieux par la durée de l'affection,
par sa ténacité, par la possibilité de diverses complications et par
sa tendance fréquente aux récidives, et l'absence de traitement
absolument spécifique.
3. Traitement de l'épilepsie essentielle par les opérations pratiquées
sur le grand sympathique ; par le D1' Biuaxd.
Aucun fait nouveau à signaler dans ce travail.
4. Des psychoses dans leurs rapports avec les affections des reins;
par le D' 6U £ 'LOLI.
Les affections des reins agissent par auto-intoxication et peu-
vent donner naissance à la plupart des formes mentales connues,
qui varieront selon le terrain préparé parles prédispositions héré-
166 BIBLIOGRAPHIE.
ditaires. Les excès alcooliques, les intoxications en général, les
infections comme le paludisme viennent parfois combiner leur
action avec l'urémie et provoquer l'explosion de l'aliénation
mentale.
L'urémie délirante se révèle plus spécialement par de la stupeur
avec hébétude, ou confusion mentale et hallucination. L'hébétude
s'accompagne souvent de phénomènes cataleptoïdes quelquefois
extatiques. Enfin dans le cours d'une folie chronique, l'urémie
intercurrente se manifeste par des symptômes psychiques indé-
pendants, tels que l'hébétude et la stupeur ou même de la démence
qui devient définitive.
5. De la valeur thérapeutique des courants continus dans le traite-
ment de la névralgie du trijumeau; par le Dr MIAS.
Dans la plupart des névralgies faciales graves que l'on ne peut
rattacher ni à la syphilis ni à l'impaludisme, ni à une lésion locale,
la thérapeutique médicale ou chirurgicale est impuissante. 11
faut donc avoir recours au traitement galvanique par les hautes
intensités et les longues durées d'application. Ce traitement est
exempt de tout inconvénient et par suite de tout danger, de plus
il laisse le champ libre aux interventions ultérieures. Son action
ne relève nullement de la suggestion, elle est classée parmi les
effets électrolytiques du courant.
6. Contribution ci l'élude du bégaiement et de son traitement pratique;
par le D1' '1·nou.s-DEnEVOC.
Le bégaiement est une affection gênante qui met celui qui en
est atteint en état d'infériorité au pomt de vue social en l'annihi-
lant, pour ainsi dire, en paralysant ses autres facultés. Dans bon
nombre de cas, il disparait par un traitement simple dont l'appli-
cation est à la portée de tous les médecins. -
Ce traitement est basé essentiellement sur le rétablissement
d'une respiration vocale normale et quelques exercices peu com-
pliqués de gymnastique articulatoire destinés à rétablir l'harmonie
entre le cerveau qui commande et l'appareil phonateur qui doit
obéir. S'il y a complication spastique, le traitement pourra s'ad-
joindre la psychothérapie. Dans tous les cas surveiller l'état men-
tal du bègue, raffermir sa volonté, lui donner confiance, et l'ha-
bituer à se contrôler lui-même dans le but d'éviter les rechutes.
7. Essai sur la pathologie des sémites; par le D1' l3LRacD.
Dans ce travail consacré à la biologie et à la sociologie des
Israélites, l'auteur étudie les caractères principaux de celle race.
11 constate tout d'abord la précocité et la longévité. Mais ce qui
nous intéresse le plus c'est la pathologie juive, dont les facteurs
BIBLIOGRAPHIE. 167
dominants sont l'hérédité et la consanguinité. Dans les maladies
dues à la consanguinité nous relevons : 1° la surdi-mutité; 2° la
rétinite pigmentaire; 3° l'idiotie, qui indiquent un degré marqué
de dégénérescence.
Après avoir signalé, comme principale conséquence de l'hérédité
chez l'homme israélile, le neuro-artbritisme, l'auteur passe en
revue, mais de façon superficielle et beaucoup trop rapide, les
principales manifestations nerveuses, la neurasthénie, l'hystérie,
l'aliénation mentale.
8. Essai sur l'état mental dans l'abstinence; par le Dr LASSiGKAMOE.
L'abstinence, d'après Piorry, est une modification du régime
habituel consistant soit dans la privation totale d'aliments, soit v
simplement dans leur diminution. Deux phénomènes principaux
se rattachent à l'abstinence prolongée : la faim et l'inanition, inti-
mement liées l'une à l'autre.
On peut distinguer deux sortes d'abstinence : 1° l'abstinence
volontaire comprenant le jeûne expérimental des grands jeûneurs,
Succi, Merlatti ; le jeûne comme moyen de suicide employé par
Viterbi, Guillaume Granié; le jeûne religieux; 2° l'abstinence forcée,
qui comprend, en dehors de l'abstinence dans les maladies
(pyrexies, aliénation mentale, hystérie), les jeûnes déterminés par
la misère, les famines, les jeûnes accidentels causés par exemple
par les éboulements de mines, les jeûnes dus à des naufrages,
naufrage de la « Méduse » et celui plus récent de la « Ville-de-
Saint-Nazaire ». A l'appui de ces faits, des observations rigou-
reuses, en particulier la relation intéressante et inédite des délires
d'inanition observés par le D' Maire sur lui-même et ses compa-
gnons, dans le naufrage de la « Ville-de-Saiut-Nazaire ».
L'état mental créé par l'abstinence peut se résumer ainsi :
1° On constate un développement des facultés intellectuelles et
en particulier de l'imagination, si l'abstinence n'est pas trop pro-
longée et surtout si elle est volontaire et habituelle; 2° à un degré
plus marqué, il existe d'une part, un changement du moral ou du
caractère se traduisant par de l'irritabilité, de l'égoïsme, de la
cruauté, etc.; d'autre part des troubles intellectuels, diminution de
la mémoire, de la volonté, tendance aux impulsions irrésistibles et
parfois subites, instinctives; 3° puis viennent des troubles psy-
chiques nocturnes : mauvais sommeil, rêves, cauchemars, illu-
sions, hallucinations, délire et impulsions;
4° Des troubles psychiques diurnes marquent le maximum de
gravité : rêvasseries, illusions, impulsions et délire quelquefois
aigu; 5° enfin sous l'influence de ces troubles, et en particulier
des impulsions, des hallucinations, du délire, il peut se produire
des actes graves, surtout des violences, qui ont leur importance
168 BIBLIOGRAPHIE.
au point de vue médico-légal. Dans ces cas l'appréciation de la
responsabilité reste naturellement subordonnée à la constatation
des troubles psychiques et de leur gravité.
On peut 'établir un parallèle entre l'état mental de l'abstinence
et celui des intoxications. L'on trouve très peu de différence entre
les troubles mentaux de l'abstinence et ceux des intoxications :
mêmes modifications générales de l'intelligence et du moral,
mêmes troubles nocturnes, et à un degré plus marqué mêmes
troubles diurnes.
Le raisonnement, la clinique, l'expérimentation sont d'accord et
semblent établir que les phénomènes pathologiques de l'inanition
sont dus à un empoisonnement par autophagie, c'est-à-dire par
auto-intoxication, sans qu'il soit possible encore de préciser dans
quelles conditions exactes et par suite de quels troubles de nutri-
tion se produit cette auto-intoxication. '
9. L'éncrvement ; par le D1' ! lhnGA1N.
Il existe un syndrome clinique possible à déterminer et répon-
dant à ce que le public désigne sous le nom d'énervement. L'éner-
vement est caractérisé le plus souvent par la succession de deux
phases, l'une d'excitation, l'autre de dépression, mais dont la pre-
mière seule est caractéristiqne. Ces états peuvent donc être rappro-
chés des états neurasthéniques ou hystériques. Naturellement
l'énervement subit de notables modifications suivant les personnes
qui en sont atteintes, leur éducation, leur état de santé habituel
et aussi suivant les moments. Ce qu'il y a de vrai, c'est que l'éner-
vement peut résulter d'états neurasthéniques et hystériques,
comme il peut aussi conduire le sujet soit à l'hystérie, soit à la neu-
rasthénie. M. Régis considère l'énervement comme étant surtout t
une petite neurasthénie. ,
Quant au pronostic, il dépendra de l'état de santé habituel du
sujet, de ses tendances pathologiques, de la fréquence et de l'in-
tensité des crises d'énervement.
Comparant l'énervement avec l'alcoolisme, l'auteur tire cette
conclusion que l'énervement semble être le résultat d'une intoxi-
cation : l'étude de l'étiologie confirme cette opinion. Du reste le
traitement le prouve péremptoirement : tout ce qui parait être
une suppression des causes d'intoxication, diminue l'énervement.
L'éducation sérieuse de la volonté du sujet sera aussi un excellent
complément du traitement. (A suivre.)
IV. Névroses et idées fixes; par le professeur F. RAYMOND et le
Dr l'. Janet. 2° série, grand in-80 de 500 pages, avec 9 figures
dans le texte. Paris, F. Alcan, 1898. ZD
Cette deuxième série pour laquelle M. Raymond s'est joint à
BIBLIOGRAPHIE. 169
M. Janet vient encore donner corps à cet heureux procédé qui
consiste à amasser et à classer judicieusement des faits exacte-
ment relevés et décrits. Du nombre et du caractère de ces faits se
dégagent presque d'eux-mêmes des commentaires sobres mais
clairs, justes, sans subtilités ni hypothèses risquées et sans vaines
hardiesses. C'est la consécration d'une méthode autrement féconde
que celle des ouvrages théoriques. Le premier volume était le
fruit de l'observation concentrée, étude longue et profonde d'un
même sujet qui présente un double danger : de dressage du sujet
par l'observateur, et... celui de l'observateur par le sujet : plus
l'observateur croit à l'importance d'un fait, d'un détail, plus ce
détail grandit chez le sujet, et réciproquement, plus ce fait se
montre avec netteté et plus l'observateur croit à son importance. x
Ce second volume, au contraire, a pour base l'observation dispersée,
portant sur un grand nombre de malades examinés complètement,
mais d'une manière en quelque sorte extemporanée. Les inconvé-
nients de ces deux méthodes employées isolément sont visibles, mais
l'excellence de leur emploi simultané ou alternatif est évidente,
c'est ce que prouve ce second volume qui fait plus que compléter le
premier en donnant à l'ensemble de l'oeuvre sa véritable portée.
II s'agit ici des maladies produites par les émotions, des idées
obsédantes et de leur traitement. Que l'on songe à toutes les clas-
sifications laborieuses, mais éphémères ; aux nomenclatures cadu-
ques ; aux systèmes croulant avant la complète édification aux-
quels les faits de ce genre ont donné lieu, et l'on comprendra « le
diagnostic d'infirmière » auquel on est trop souvent obligé de
revenir en pareille matière, et le service rendu par un retour à
des méthodes plus naturelles et plus logiques, méthodes stables
parce qu'elles commencent par se donner une base, et sûres parce
qu'elles étudient les obstacles avant de vouloir les franchir. Cent
cinquante-deux observations touffues composent le livre de
1\i\i. Raymoud et Janet; il ne faut même pas songer à en résumer une
seule tant elles sont éloignées de tout inutile détail et de toute
digression accessoire ; chaque mot porte son idée, il y est dit
tout ce qui doit être connu et rien que cela. Cette concision n'est
même pas le moindre mérite des auteurs, et l'on sent avec satis-
faction que tout est à lire. Les auteurs procèdent toujours du fait
le plus simple aux faits les plus complexes, ils recherchent
d'abord un type pathologique pur, comme la nature en présente
quelquefois pour passer ensuite aux cas plus ou moins hybrides
pour lesquels l'énoncé bref du diagnostic caractérise plutôt la pré-
dominance d'un syndrome que la totalité de l'affection, en tant
qu'entité isolée et bien tranchée. Ainsi, pour les confusions men-
tales, nous trouvons d'abord une confusion mentale primitive
pure, puis une confusion mentale secondaire chez une hystérique,
ensuite une confusion avec délire, enfin une confusion mentale
]70 O BIBLIOGRAPHIE.
périodique, etc. Telle est la conduite de chacun des chapitres. En
tète des aboulies viennent encore les aboulies primitives consécu-
tives à une pyrexie ou arrivées graduellement au moment de la
puberté, puis les aboulies primitive^ avec idées fixes; les aboulies
secondaires psychiquenzent bien entendu, c'est-à-dire précédées
d'un trouble mental préalable qui leur a préparé la voie, tels que :
idées fixes, état émotionnel persistant ; enfin les aboulies pério-
diques qu'il ne faut pas confondre avec les délires circulaires dont
elles ne présentent pas la phase d'excitation.
Après- les aboulies les auteurs étudient les délires coenesthé-
siques, ces troubles subjectifs de la personnalité où les altérations
du moi sont éprouvées par le malade lui-même, et les délires
émotifs systématiques dont la tendance à la généralisation arrive
à constituer des délires émotifs généralisés, évolution que permet
de suivre très clairement cette-série d'observations. C'est dans ce
chapitre que se place la toujours suggestive étude des phobies et
des obsessions angoissantes donnant lieu à de si jolies dénomi-
nations : sidéro-dromophobie, triskaidekaphobie, enfin les obses-
sions impulsives et les impulsions formeut la transition entre la
première partie qui traite des troubles psychiques purs et la
seconde où on les voit se compliquer de troubles somatiques. En
effet, entre les idées fixes claires et manifestes, uniquement psy-
chiques dans leurs effets et celles plus dissimulées qui provoquent
des accidents physiques, on rencontre tous les degrés. On voit par
les travaux de M. Janet combien ces idées fixes subconscientes, si
difficiles à dépister et qu'il faut souvent chercher pendant l'hyp-
nose ont d'importance, et combien leur découverte a éclairé cette
question et rendu effective la thérapeuthique. Attaques de som-
meil, fugues, vagabondage ; troubles divers de la sensibilité et du
mouvement ; troubles du langage reproduisant avec plus de net-
teté encore ceux que provoquent les lésions centrales ; spasmes et
autres désordres viscéraux, vasomoteurs, sécrétoires et trophi-
ques, viennent complètement terminer cette attachante série de
faits. Chacun de ces 152 cas forme un tout qui porte en soi sa part
relative de conclusions, tandis que de l'ensemble se dégage, entre
bien d'autres idées générales, celle de l'émotion venant comme
un déclic déchaîner les accidents ou venant par sa violence ou sa
répétition, enfoncer l'idée fixe comme un corps étranger dans un
terrain rendu instable, malléable et fragile, par une hérédité où se
révèlent de nombreuses causes de déchéance, causes parmi les-
quelles l'alcoolisme de l'un au moins des ascendants est d'une
manière frappante la plus fréquente. Ce travail rendra donc de
féconds services à tous les hommes d'études par son fond si subs-
tanciel où il y a tant à puiser, comme par sa méthode si lumi-
neuse. Les cliniciens y trouveront leur part et aussi les psycho-
logues. F. Baissier.
BIBLIOGRAPHIE. 171 1
Y. De la phtisie et en particulier de la phtisie latente dans ses
rapports avec les psychoses; par J. Cuvrsricrs, ancien interne de
l'asile d'aliénés de La Roche-sur-Yon (Thèse de Paris, 1899).
Sur les conseils de M. Cullerre, M. Chartier a entrepris, dans sa
thèse inaugurale, de rajeunir cette vieille question des rapports de
la phtisie et de la folie. Il s'est attaché surtout à étudier les psy-
choses qui se développent chez les individus atteints de tuberculose
latente. Le bacille tuberculeux sécrète des produits solubles, des
toxines, qui prennent naissance au niveau des foyers bacillaires
et dont l'énergie nous est révélée par les effets de la tuberculine
de Koch. La production des désordres dynamiques tels que ceux
de la sphère psychique causés par les toxines tuberculeuses ne
saurait donc être mise en doute ; ils sont de même ordre que
tous ceux que l'on attribue à la diathèse tuberculeuse et qui
atteignent, par exemple, l'estomac et les reins. Si ces toxines
provoquent indiscutablement de la dyspepsie et de l'albuminurie,
il faut nécessairement admettre qu'elles sont aussi capables de
produire le délire, qui- est la manière de réagir de l'organe
cérébral.
Et quels sont les individus qui délirent sous l'influence de cette
infection ? Ceux qui sont très aptes à délirer naturellement, c'est-
à-dire les prédisposés, les héréditaires, les dégénérés. Aussi,
n'existe-t-il pas une forme spéciale de folie des tuberculeux.
Chacun délire avec son idiosyncrasie propre comme le prouvent
les nombreuses et intéressantes observations de M. Chartier. Ce
n'est qu'à une période avancée de la phtisie que la psychose peut
prendre des allures particulières plus en rapport avec le degré
d'intoxication de l'économie et dont la description bien connue de
Clouston peut donner une idée.
On sait que Bail, dans son étude de la folie tuberculeuse, en
décrit trois formes qui répondent aux conditions suivantes :
1° Les deux affections suivent une marche parallèle ;
2U La phtisie et la folie obéissent à la loi d'alternance et se
remplacent mutuellement ;
3° La folie remplace la phtisie dans les familles de tuberculeux
par une sorte de transformation de l'hérédité morbide.
M. Chartier passe en revue ces trois hypothèses. En ce qui
concerne la première, il reconnaît qu'elle est exacte et répond aux
cas les plus habituels. C'est il eux que s'applique la description de
Clouston.
Les faits d'alternance sont beaucoup moins fréquents, tout en
étant réels. Il s'agit dans ces cas, non pas de révulsion, comme le
pensait Bail, mais de perturbations nutritives qui atteignent alter-
nativement le cerveau où elles favorisent la naissance du délire,
172 VARIA.
et le poumon où elles préparent le terrain pour le développement
du bacille de Koch. Quant à la troisième hypothèse de Bail, elle
n'est pas le moins du monde justifiée. Il n'existeentre la tuberculose
et la folie frappant une même famille que le lien très général créé
par la dégénérescence. En matière de maladie infectieuse, il' ne
saurait s'agir, en effet, d'hérédité de métamorphose.
L'auteur consacre ensuite quelques pages au diagnostic. Après
avoir rappelé les signes qui révèlent la tuberculose à sa période de
germination, signes d'uue haute valeur pour l'aliéniste, M. Chartier
signale comme particulièrement significatives les crises de palpita-
tions nocturnes et les pertes séminales qui surviennent dans les
mêmes circonstances. Mais, à son avis, une des sources les plus
précieuses d'information réside dans les antécédents personnels et
héréditaires des malades : l'existence antérieure d'une pleurésie
ou même d'accidents pulmonaires moins caractérisés peut avoir
une réelle valeur inductive. Le fait d'appartenir à une famille
décimée par la tuberculose n'est pas moins important.
Un résumé sous forme de conclusions correspondant aux divers
problèmes abordés dans le cours de la thèse termine ce travail
intéressant dont nous n'avons esquissé que les parties principales.
VARIA.
LES drames DE l'alcoolisme.
Rue d'Uzès, le sieur Cottin, trente-deux ans, placier en
dentelles, rentrait ivre. Sa femme lui ayant fait des observations,
il la tua d'un coup de revolver. Il a été arrêté.
A Haspres (Nord), Simon Dhaussy, quatre-vingts ans, culti-
vateur, habitant avec son fils, quarante-cinq ans, célibataire, a
été trouvé dans un trou, à moitié décapité par un coup de hache.
Le fils, qui habitait avec lui, était dans un état complet d'ivresse.
Il a été arrêté comme auteur du crime.
Emile Sorel, né à Martigny, quarante-huit ans; sa femme,
née Delphine Guérin, originaire de Clécy, quarante et un ans,
et leurs fils Emile, dix-sept ans, et Albert, onze ans, habitaient à
Martigny, près Falaise. Sorel était presque toujours entre deux
vins. Mercredi, il était encore pris de boisson lorsque son fils
Emile revint de faire un charriage avec ses deux chevaux. Il l'aida
VARIA. 173
à les dételer. Il était six heures du soir. Soudain, le jeune homme
entendit un coup de feu dans la maison. Il y courut et vit sa mère
couverte de sang qui tomba comme une masse. « Elle en tient ! »
cria Sorel. En entendant son garçon appeler du secours, il se
sauva dans sa chambre où il se tira un coup de sa carabine dans
le côté. La mort a été aussi instantanée. On a trouvé sur l'assassin
deux autres cartouches. On en a conclu qu'il avait l'intention de
tuer ses deux fils ; mais rien ne le prouve. Ce crime ne peut être
attribué qu'à une fureur déterminée par l'alcool. (Bonhomme
Normand, 12-20 juillet.)
On nous mande de Lyon qu'hier, dans un accès de délire
alcoolique, le nommé Bazus, âgé de quarante-trois ans, typographe,
a frappé sa femme, Marie Simonetti, âgée de trente-deux ans, d'un
coup de couteau à la cuisse et lui a tiré un coup de revolver il la
tête; puis, croyant l'avoir tuée, il s'est appuyé contre la poitrine
la pointe du couteau et, se jetant contre un mur, s'est enfoncé
l'arme jusqu'à la garde dans le coeur. La mort a été instantanée.
La femme a été transportée à l'Hôtel-Dieu. On n'a pas pu extraire
la balle logée dans le crâne ; cependant, les médecins espèrent la
sauver. Les deux époux étaient sourds-muets. C'est leur petit
garçon, âgé de cinq ans, qui n'a pas hérité de l'infirmité de leurs
parents, qui a raconté la scène, il ne cessait de répéter : « Méchant
papa, il a fait bobo à maman » 11 a été recueilli par sa tante
maternelle. (Le Temps, du 7 juillet 1899.)
Pauvles petits ! - Pierre Martin, cinquante-huit ans, casseur
de cailloux à Notre-Dame-de-Courson, a eu quatorze enfants qu'il
n'a jamais corrigés outre mesure. Pierre Martin a la tête un peu
dérangée par suite d'excès de boisson. Quand il est gris, il prend
son plus jeune enfant dans ses bras, le dorlote, le berce; on dirait
qu'il veut lui donner le sein. Malheureusement, un soir, pendant
que Martin tenait son dernier bébé dans ses bras, il tomba avec
dans la cheminée. Une chaudière d'eau bouillante fut renversée et,
le pauvre petit fut tellement brûlé qu'il mourut peu de temps après.
Devant le tribunal, Martin fait le pantin et amuse fort l'auditoire
quand il dit au président : « Tu sais, moi, monsieur, j'sais pas,
j'étais gris. Quant à ma bourgeoise, j'sais pas... D'mande-lui.
L'principal, c'est qu'on s'arrange tous les deux. » Martin
attrape tout de même deux mois de prison pour homicide par
imprudence. (Bonhomme Normand, 27 juin.)
FAITS DIVERS.
Asiles d'aliénés. Nominations et promotions : JI. le Dl' S.\NTE-
noise, médecin adjoint à l'asile public de Saint-Ylie près Dôle, est
nommé médecin adjoint de l'asile de Dijon en remplacement de
M. le Dr ViALLON; - Par divers arrêtés M. le D'' DoDERO a été
nommé médecin adjoint à l'asile Saint-Ylie (Jura) ; M. le
D1' Keraval, directeur médecin à Armentières a été promu à la
classe exceptionnelle du cadre; Il. le De FAN), médecin adjoint
à la Roche-Gandon (Mayenne) est élevé à la classe exceptionnelle.
. Intérêts professionnels. Dans son audience du 10 juin 1899,
le Conseil d'Étal statuant au contentieux a décidé qu'un médecin-
inspecteur d'un asile départemental d'aliénés, élu député, et qui
se trouve avoir droite une pension de retraite par suite de la
suppression postérieure de son emploi, peut réclamer la jouissance
de cette pension ci dater de la cessation de ses fondions. C'est donc
à tort que, dans l'espèce, le Conseil général du département inté-
ressé avait pris une délibération portant que le médecin n'entre-
rait en jouissance de cette pension qu'à l'époque de la cessation
du mandat de député. (Sem. med. n° 25, 1899.)
Aliénés en liberté. M. Arnaudin, quarante et un ans, rece-
veur de l'enregistrement à Vimoutiers (Orne), qui était, depuis
quelque temps, obsédé par des idées de persécution, s'est tué en
se tirant un coup de fusil dans la tète. (Bonhomme Normand,
27 juin.)
Les chaleurs ont causé, à Paris, de nombreux cas de trans-
ports au cerveau. Une ancienne danseuse, Marguerite l'ouroy, a
été prise de folie, place Clichy. Au commissariat, elle enleva d'un
coup de pied les lunettes du commissaire. Pendant qu'on la
conduisait à l'infirmerie, elle brisa les glaces du fiacre et voulut
étrangler les inspecteurs, qui eurent toutes les peines du monde à
la maîtriser. A la station de la Porte-Maillot, un voyageur très
correct, M. S..., ingénieur, subitement pris d'un accès d'aliénation
mentale, se plantait sur la voie, au moment où un train venant de
Paris était en vue et levait l'index pour l'arrêter. Des employés
l'empoignèrent et le firent conduire au commissariat des Ternes.
Enfin, des agents ont arrêté, boulevard de Clichy, un cocher,
déséquilibré également, qui leur avait jeté sur la tête un seau
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 175
d'eau, probablement destiné à leur rafraîchir les idées. (Bonhomme
Normand du 20 juillet 1899.)
La folie. Pris d'un subit accès de folie, un nommé Fortet,
âgé de quarante ans, plongeur, tirait, hier matin, plusieurs coups
de revolver sur une boutique de blanchisseuse, rue Aumaire.
Arrêté et conduit au commissariat ce fou furieux a déclaré avoir
voulu se venger des blanchisseuses qui le narguaient et empoison-
naient son linge. Il a été envoyé à l'infirmerie du Dépôt. (La Fronde.
11 juillet 1899.)
Suicide d'enfant. Le jeune Georges Berliot, quatorze ans,
d'Amiens (Somme), craignant des reproches de ses parents, s'est
couché sur la voie ferrée et a été écrasé par un train. (Bonhomme
Normand, 20 juillet.)
Bechterew (W.-V.). lieben die 1,'e(letiliiil der gleichzeiligen
Anwendung hypnolischer Suggeslionen und Anderer Jlillel bei der
l3elzaadlun ! 3 des chronischen Alcoholismus. Brochure in-8o de 3 pages.
- Coblenz, 1899. - Librairie W. Groos.
Bechterew (W.-V.). 1-ebei- unwillhuiiichen IIal'l/abyany bcim
Lackerz. Urochure in-S° de 2 pages. Leipzig, 1899. Librairie
Veit et C ?
BECHTEKEW. i\'eue Beobachlungen und palholorliscTt-attatooaische
Unlersuclzrutrlen liber )7e ? ei< der l\ïl'belsÛub. Brochure in-S° de
13 pages, avec une planché hors texte. Leipzy, 1899. Librairie
W. Vogel. -
Bechterew. Veber periodische acide Paranoïa simplex cils besondere
form pel'iodischel' l'sychosen. Brochure in-8° de 14 pages. Berlin,
1899. - Librairie vou S. Karger.
Br.CIITLIIEW. Ein neues Algesimeter. Brochure in-S° de 5 pages,
avec 5 figures. Leipzig, 1899. Librairie Veit and C°.
130un...EvILLE. Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie,
l'hystérie el l'idiotie. (Compte rendu du service des entants idiots, épilep-
tiques et arriérés de Bicêtre pour 1S98), publiées avec la collaboration de
MM. Cestcln, Chapotin, Kalz, Noir (J.), Philippe, Sebihau et Boyer.
T. XIX de. la collection. - Un fort volume in-8° de t.xwvu-` ? 3'r pages,
avec 13 figures dans le texte et 13 planches hors teste.- Prix : 7 francs.
Pour nos abonnés : 5 flancs. Bureaux du Progrès médical. ,
Bm.uôFS CAIIVALIIO. Desequilibrio apparente entre a natalidade e a
mortalidade na cidade do l/iv-JaneÎ7'o. Brochure 111-81 de 23 pages.-
I\io-de-Janeiro, 1899.- Typographia Besuard frères. *
Cestin (R.). Le syndrome de Utile, sa valeur noologique, sa
pathogénie. Volume 111-8- de 131 pages. Paris, 1899. Librairie
G. Sleinheil.
'1'76 \ avis. ,
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M. Il. DURAirD n'a plus aucune fonction au Progrès
Médical. Il est remplacé par M. Aimé ROUZAUD qui
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QUANTE francs.
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Nous rappelons à nos abonnés, aux auteurs et aux éditeurs
qu'il est rendu compte dans les Archives de tous les ou-
vrages dont il est envoyé deux exemplaires. Les ouvrages
dont il ne sera adressé qu'un exemplaire seront simplement
annoncés.
le Le rédacteur-gérant : BOUR1OEYILLE.
l : vrew, Ch. Il''R1BEY, IInp. - 899
Vol. VIII. Septembre 1899. N° 45
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
PHYSIOLOGIE.
DOUBLE CClV1'ItB D'INNERVATION CORTICALE
o CUL 0 - [ 0 Till CE;
Par le D' .lowv ROUX.
Depuis quelques années, la question des centres corticaux
a notablement changé de face. Il ne s'agit plus de rechercher l'
dans l'écorce des territoires distincts, dont le rôle exclusif
soit de régler telle ou telle fonction, de commander à cer-
tains groupes musculaires, ou d'élaborer les impressions
centripètes venues d'une région déterminée. La doctrine des
centres autonomes et distincts, exclusivement moteurs ou
exclusivement sensitifs, a vécu.
Il n'y a plus que des centres réflexes (Exner) ou si l'on
préfère des centres sensillvo-moteurs.
Celte doctrine depuis déjà longtemps soutenue au point de
vue physiologique (voir les travaux de Schiff, Tripier, Bastian,
Dana, Luciani et Tamburini) a reçu sa consécration anato-
mique surtout des recherches embryologiques de Flechsig.
Le système nerveux est un chemin de la force, répète
volontiers le professeur Pierret. L'écorce cérébrale reçoit de
l'influx nerveux et en projette : pour cela des fibres ner-
veuses viennent s'y terminer ou y prennent naissance. On
distingue dans cette écorce deux sortes de zones : les zones
de projection et les zones d'association. Les premières com-
muniquent directement à la périphérie par des fibres centri-
pètes et des fibres centrifuges mélangées. Les secondes ne
Archives, 2° série, t. VIII. 12
178 8 PHYSIOLOGIE.
communiquent avec la périphérie qu'indirectement, par l'in-
termédiaire des zones de projection. Il n'existe pas de zones
n'ayant que des fibres centrifuges ou que des fibres centri-
pètes. Toute zone de projection est donc susceptible et de
recevoir de l'influx et d'en émettre, d'être et sensitive et
motrice.
Il y a longtemps qu'on savait qu'au niveau des circonvo-
lutions centrales, les fibres centripètes étaient mêlées aux
fibres centrifuges. Monakow avait déjà démontré aussi
l'existence de fibres centrifuges mêlées aux radiations
optiques centripètes. C'est à Flechsig que revient l'honneur
d'avoir établi qu'il s'agit là d'une loi générale : que toute
zone de projection est en rapport avec la périphérie dans les
deux sens centripète et centrifuge, ainsi s'est trouvé définiti-
vement établie la doctrine qui fait des centres corticaux, des
centres réflexes ou sensitivo-moteurs. De même que les
centres moteurs des anciens auteurs sont en même temps sen-.
sitifs, de même les centres sensoriels (vision, audition, etc.)
sont en même temps moteurs. Il m'a semblé que ces notions
nouvelles étaient susceptibles d'éclairer la question si contro-
versée de l'innervation corticale oculo-motrice, et permet-
taient de reviser les observations et doctrines anciennes il ce
sujet.
Nous étudierons successivement : 1° Le rôle de la corlica-
lité dans la physiologie normale des mouvements oculaires,
tel que nous permettent de le concevoir les données anato-
miques; '2" Les applications il la pathologie.
CHAPITRE PREMIER
RÔLE DE LA CORTICALll'É 1) ? ÇS LA PHYSIOLOGIE NORMALE
DES MOUVEMENTS OCULAIRES
Les mouvements oculaires réflexes et inconscients, tels
que le réflexe irien à la lumière, ne nous occuperont pas;
ils se passent entièrement dans les noyaux gris de la base;
l'écorce n'y a aucune part.
I. Mouvements réflexes conscients involontaires. - L'oeil
en tant qu'organe sensoriel (rétine) correspond à une zone
du cortex bien déterminée : le centre visuel cortical situé à la
DOUBLE CENTRE D'INNERVATION CORTICALE, ETC. 119
face interne et inférieure du lobe occipital (cuneus, lobe lin-
gual et lobe fusiforme d'après Déjerine et Viallet scissure
calcarine, lobe lingual et lobe fusiforme d'après Brissaud
la scissure calcarine seulement avec ses deux lèvres, d'après
Henschen).
L'oeil, avec ses muscles, en tant que doué de la sensibilité
générale (trijumeau) correspond à une autre zone de pro-
jection. Celle-ci doit faire partie de la zone de projection du
reste de la face : rien ne' nous autorise à l'en séparer
(hémianesthésie). Les fibres centripètes, faisant suite aux
filets du trijumeau, abordent la corticalité en un point
encore assez mal déterminé, mais correspondant vraisembla-
blement à la partie inférieure de la frontale ascendante, et
aux pieds des deuxième et troisième frontales '. Ces deux
zones peuvent être lésées isolément ou simultanément
(hémianesthésie, hémianopsie)
L'existence de deux zones de projection centripète, nous
permet déjà de concevoir l'existence de deux zones de pro-
jection centrifuge (motrice) superposées aux premières.
A. Rôle moteur du centre visuel cortical. Centre oculo-
moteur postérieur. Une vive lumière se produit à ma
droite : mon regard se dirige de ce côté, mes yeux, conver-
gent sur le point lumineux, ma pupille se conlracte au degré
nécessaire, mon cristallin accommode. Tous ces mouvements
ont été involontaires, réflexes, mais conscients 2. Que s'est-il
passé au point de vue physiologique ? La rétine a été impres-
sionnée fortement, l'impression s'est propagée par les nerfs
optiques, les bandelettes, les noyaux gris centraux, les radia-
tions optiques jusqu'au centre visuel cortical. Là s'est pro-
duite une sensation consciente : la vision d'une lumière à ma
droite; et c'est en cela que ce centre est sensitif. Puis l'im-
pression s'est réfléchie par les fibres nerveuses centrifuges,
mêlées aux radiations optiques centripètes, jusqu'aux noyaux
gris centraux, où par l'intermédiaire des oculo-moteurs s'est
produit le mouvement de latéralité des yeux à droite, la con-
vergence, la contraction irienne, la contraction du muscle
1 Dans cet article nous aurons en vue, moins d'établir des localisa-
tions précises que de donner une vue d'ensemble de la question, et mon-
trer le jour véritable sous lequel elle doit être envisagée.
- Au moins dans leur ensemble : j'ai conscience de regarder droite.
180 PHYSIOLOGIE.
de Brucke et peut-être des modifications au niveau de la
rétine '. Voilà autant de mouvements dont le point de départ
est le centre visuel cortical. Il est bien certain que ces mou-
vements ne sont pas le résultat de réflexes se passant dans
les noyaux de la base ; car ils ne se produisent plus lorsque
le centre visuel cortical est lésé'1 (hémianopsie et cécité
d'origine corticale). D'autre part, c'est bien par les fibres
centrifuges émanées du centre visuel cortical que celui-ci
agit sur les noyaux oculo-mofeurs car ces mouvements se
produisent encore lorsque les circonvolutions centrales dites
motrices sont lésées' (voir plus loin).
L'idée d'ailleurs n'est pas neuve de faire jouer un rôle
oculo-moteur à l'écorce du lobe occipital. Nous avons à ce
sujet un certain nombre de données expérimentales.
Bechterew excitant la deuxième circonvolution primitive ou
externe du chien entre le bord postérieur du gyrus sigmoïde et
la pointe du lobe occipital a vu : 1° la déviation des yeux du
côté opposé ; 2° une légère occlusion des paupières ; 3° le
rétrécissement des pupilles. Ce n'est pas, probablement, que
la face convexe du lobe occipital joue un rôle par elle-même.
Mais nous savons que les fibres qui se rendent au centre
visuel, ou en parlent, passent immédiatement au-dessous de
cette circonvolution. Il est vraisemblable que dans l'expé-
rience de Bechterew l'excitation a diffusé, est allé exciter les
fibres sous-jacentes allant du centre visuel aux noyaux gris
centraux.
Luciani et Tamburini avaient déjà fait une expérience
semblable. Ils furent les premiers à considérer le centre
visuel cortical comme un centre sensitivo-moteur. Schaefier6
a précisé davantage encore. Les yeux se dirigeaient en bas
par l'excitation de la zone supérieure du lobe occipital, en
haut par l'excitation de la zone inférieure, latéralement par
' Joanny Roux. Réflexes rélino-réliniens (arc. d'opht., juin 1898). Le
signe d'Argyll Robeolson (Province médicale, avril 1898). Mécanisme
analomique de l'attention (Arch. neurologie, décembre 1898).
2 Ceci pour répondre aux auteurs qui placent dans les noyaux gris de
la base le centre réflexe de ces mouvements. \
3 Ceci pour répondre à ceux qui prétendraient que le circuit réflexe
passe du centre visuel cortical aux circonvolutions centrales.
1 Schaeller. Experiznents on the eleclrical excitations of the visual
area of the cérébral cortex in the monkey (Bmin, avril 1888).
DOUBLE CENTRE D'INNERVATION CORTICALE, ETC. 181
l'excitation de la zone intermédiaire. Il note que les mouve-
ments étaient plus intenses lorsque l'excitation était portée
à la face interne du lobe occipital. Il admet que l'excitation
produit des images subjectives qui sont projetées dans la
partie correspondante du champ visuel : le regard est alors
attiré de ce côté comme dans l'exemple que nous avons donné
plus haut. Et ce qui prouve que l'excitation passe bien par
les fibres centrifuges mêlées aux radiations optiques, c'est
que les expériences donnent les mêmes résultats lorsqu'on
enlève les circonvolutions centrales dites motrices.
Des expériences analogues ont été faites par Unverrich,
Danillo, Munk. L'hypothèse des images visuelles subjec-
tives (Schoeffer) n'est pas nécessaire, car l'excitation de la
substance blanche du lobe occipital produit les mêmes mou-
vements (Danillo). La section du corps calleux ne change rien
aux résultats (Munk). La section de la couronne rayonnante
du lobe occipital empêche ces mouvements de se produire
(Munk). Même chez les oiseaux où l'entrecroisement optique
est complet l'excitation d'un seul lobe occipital produit les
mouvements des deux yeux (Steiner).
L'expérimentation et l'anatomie normale s'accordent donc
à faire de la face interne et inférieure du lobe occipital un
centre non seulement sensitif, mais aussi moteur. Nous
verrous plus loin que ces données concordent également
avec ce que nous apprend la clinique et l'anatomie patholo-
gique..
Voilà donc une première zone corticale jouant un rôle
dans les mouvements des globes oculaires et des paupières' :
c'est le centre oculo-moteur postérieur, ou si l'on préfère le
centre sensol'io-1notew' de la vision. Ce n'est qu'un centre
'réflexe : par son intermédiaire, c'est la rétine qui commande
et dirige elle-même ses déplacements.
B. Centre oculo-moteur antérieur. La zone de projec-
1 Toute cette élude nous montrera que les mouvements des paupières
sont, au point de vue de leur physiologie, inséparables de ceux du globe
oculaire : et cela non seulement pour le releveur innervé par la troisième
paire, mais aussi pour l'orbiculaire innervé par la septième paire.
J'approche vivement mon poing fermé des yeux ouverts d'un malade ;
ils se ferment vivement : le centre réflexe a été le lobe occipital. En effet,
ce réflexe est aboli dans la cécité corticale, conservé dans certains cas
de paralysie des mouvements des yeux (V. plus loin) dans la paralysie
pseudo-bulbaire.
'18 : 2 PHYSIOLOGIE.
tion correspondant à la sensibilité générale de l'oeil et de ses
annexes est-elle en même temps motrice ? S'il en était autre-
ment, cette région échapperait à la loi générale citée plus
haut : nous n'avons aucune raison de le supposer. Qu'un
corps étranger vienne se loger sous notre paupière : il pro-
voquerà d'abord un clignement purement réflexe se passant
dans les noyaux de la base; puis, en même temps qu'une sen-
sation consciente pénible, une série de mouvements des pau-
pières destinés à l'expulser. L'observation et l'anatomie nor-
male nous permettent de supposer que ces mouvements ont
pour centre la zone de projection sensitive, correspondant
probablement au pied de la deuxième frontale. L'expérimen-
tation et surtout la pathologie nous donneront des argu-
ments plus positifs.
D'après Mott et Schaeffer l'excitation du tiers supérieur de
cette zone produirait une déviation latérale, et un abais-
sement des globes ; l'excitation du tiers moyen, la déviation
latérale simple; l'excitation du tiers inférieur, la déviation
latérale avec élévation.
Fritsch et Hitzig, Ferrier, Beevor et Horsley, Munk, Steiner
ont aussi produit des mouvements des yeux par l'excitation de
l'écorce du lobe frontal. Le temps perdu serait moindre que
dans les mouvements produits par l'excitation du centre pos-
térieur.
A la partie postérieure du lobe frontal, probablement au
niveau du pied de la deuxième frontale, existe donc une
portion de l'écorce correspondant à la sensibilité de l'oeil et
de l'orbite et à la mobilité du globe oculaire et des paupières.
C'est le centre oculo-moteur antérieur ou sensiliuo-7tolear'.
11. Mouvements conscients et volontaires. Pour simpli-
fier cette étude, nous n'avons examiné jusqu'ici que les mou-
vements manifestement involontaires, réflexes, quoique cons-
cients. Les mouvements dits volontaires ne sunt eux aussi
que des mouvements réflexes, mais plus compliqués. Au
point de vue psychologique, ils se distinguent des mouve-
ments réflexes automatiques parce que : 1° ils sont précédés
de la représentation consciente des mouvements à exécuter ;
1 II est possible qu'au centre oculo-moteur antérieur corresponde la
migraine ophtalmoplégique, comme au centile postérieur sensorio-
moteur correspond la migraine ophtalmique.
DOUBLE CENTRE D'INNERVATION CORTICALE, ETC. lu
2° ils sont accompagnés d'une illusion qui nous fait croire à
notre libre arbitre.
Un bruit insolite venant de la rue frappe mon' oreille,
excite mon attention, éveille l'idée d'aller voir ; puis l'image
du mouvement à exécuter se forme en moi, je me lève et
dirige mon regard vers la fenêtre. J'ai, en même temps, l'illu-
sion d'agir librement. A quoi cela répond-il au point de vue
psychologique ? A un simple réflexe : excitation du nerf sen-
soriel, conduction à la première circonvolution temporale,
traversée du centre d'association, l'insula, du pied de la
deuxième frontale qui fait mouvoir mes yeux, des autres
circonvolutions motrices qui me font me lever et marcher.
C'est dans la traversée du centre d'association que sont ap-
parus ' les deux caractères que nous avons attribués plus
haut aux mouvements dits volontaires.
Ici une question se pose : ces mouvements dits volontaires,
dont l'excitation provient d'un centre d'association, peuvent-
ils passer indifféremment par le centre antérieur ou par le
centre postérieur ? Dans le premier cas, ils sont précédés de
l'image sensitivo-mot'ice du mouvement à exécuter; dans
le second cas d'une image sensorio-motrice. Lorsque je me
lève pour aller voir dans la rite, ai-je en même temps que
la représentation du mouvement à exécuter, celle des sensa-
tions qui résulteront de ce mouvement, ou bien celle du spec-
tacle que je m'attends à voir ? L'observation psychologique
est impuissante à répondre. La pathologie nous fournira
peut-être la solution demandée. (l'oy. plus loin')
111. Action bilatérale et symétrique de chacun de ces centres.
Les muscles dont l'action est habituellement synergique
de celle des mêmes muscles du côté opposé, obéissent à la
fois aux deux hémisphères : une lésion unilatérale ne les
paralyse jamais complètement. Il en est ainsi par exemple
des muscles du pharynx, du larynx, du tronc, etc. Cependant
ces muscles obéissent encore d'une façon prédominante à
l'hémisphère du côté opposé; aussi u sont-ils pas absolu-
ment intacts dans l'hémiplégie (Féré ef Lépine).
Les muscles moteurs du globe oculaire agissent toujours
d'une façon synergique : il nous est absolument impossible
1 Comment ? Nous n'avons pas à envisager cette question ici : c'est tout
le problème de lu conscience-
'L84 PHYSIOLOGIE.
de mouvoir un oeil isolément. Cela nous fait déjà prévoir que
nous ne trouverons jamais de paralysies de ces musles sur
uu seul oeil, dans les lésions corticales.
Les muscles moteurs des paupières (orbiculaire-releveur)
agissent habituellement d'une façon synergique ; mais nous
.pouvons cependant mouvoir isolément la paupière d'un seul
- oeil. C'est dire que là, comme pour le pharynx et le larynx,
nous pouvons trouver d'un seul côté des troubles légers de la
motilité dans les lésions unilatérales. C'est ce que va nous
apprendre la pathologie. '
. CHAPITRE II
APPLICATIONS A LA PATHOLOGIE
Nous aurons à examiner successivement : I, les troubles
des mouvements oculaires et palpébraux dans les lésions
unilatérales ; II, dans les lésions bilatérales des hémisphères.
I. Dans les lésions unilatérales. Deux ordres de faits
sont à considérer : 1° la déviation conjuguée des yeux ;
1° les troubles moteurs des paupières.
. g Je". Déviation conjuguée de la tète et des yeux.
Nous ne pouvons faire ici l'historique de cette question, et
citer les nombreux travaux auxquels elle a donné lieu (Cru-
veilhier, Foville, Millard et Gubler, Charcot, Vulpian, Pré-
vost, Landouzy, Coingt, Grasset, Wernicke, etc., etc.). Nous
rappellerons seulement que son origine peut être multiple :
périphérique (lésions du labyrinthe), bulbaire (lésion du noyau
de Deiter), cérébelleuse (Thomas), protubérantielle (lésion du
faisceau longitudinal postérieur), pédonculaire, capsulaire,
et enfin corticale. Nous n'envisagerons que les cas où elle est
.due à une lésion des hémisphères.
- a) Déviation conjuguée de la tête et des yeux associée il
l'hémianopsie latérale. Cette forme n'est pas décrite iso-
lément dans les traités classiques : cependant on peut dire
que dans l'hémianopsie latérale homonyme, elle ne manque
à peu près jamais. Seulement elle est souvent passagère, dis-
paraît quelquefois au bout de plusieurs jours; elle peut être
facilement corrigée, le malade tourne sa tête et ses yeux du
DOUBLE CENTRE D'INNERVATION CORTICALE, ETC. 185
côté opposé sans difficultés. Cependant non seulement elle
est presqne constante, mais chez les malades dans.le demi-
coma, c'est un excellent signe qui permet de soupçonner le
trouble de la vision. Son explication psychologique est très
simple : le regard est attiré du côté du champ visuel sain;
comme dans l'exemple cité plus haut, le regard est attiré du
côté d'une vive lumière.
Tous les mouvements que nous avons mis plus haut sous
la dépendanee du lobe occipital (mouvements de latéralité,
convergence, pupille, accommodation), sont abolis d'un seul
côté : une bougie placée dans la moitié obscure du champ
visuel ne les provoque plus'. 1.
- Les impressions lumineuses venant du côté du champ
visuel intact ne sont plus contre-balancées par celles venant
du côté opposé. Le tonus des muscles oculaires sollicités
d'un seul côté prédomine dans ce sens. Mais c'est là en
quelque sorte une modification simplement de la statique,
et non de la dynamique. Des quatre centres auxquels obéit
chaque globe oculaire, un seul est détruit, les autres suffisent
à assurer l'intégrité des mouvements. Cette déviation stati-
que des yeux' se rencontre aussi bien dans la lésion de la
substance blanche que de l'écorce. L'anatomie nous a en
effet précédemment appris que les fibres centrifuges du
centre visuel sont intimement mêlées aux fibres centripètes.
La déviation conjuguée des yeux associée à ,l'hémiano-
psie est sous la dépendance des lésions du centre postérieur
sensorio-moteu1', ou de ses fibres de projection centripètes
et centrifuges.
b) Déviation conjuguée de la léte et des yeux dans les
lésions du pli courbe. Grasset et Landouzy, presque en
même temps 2, établirent l'existence d'un centre cortical de
la déviation conjuguée de la tête et des yeux au pied du
lobule pariétal inférieur (Landouzy), sur la circonvolution
qui coiffe le fond de la scissure de Sylvuis et le pli courbe
(Grasset). Cette localisation fut admise par Henschen et
Wernicke, très discutée au contraire par Charcot et Pitres,
1 Cette bougie, par contre, provoque encore le réflexe irien lumineux,
bien différent du réflexe, irien de la vision rapprochée (V. Dr J. Roux,
Le signe d',Ii ? 7yll Roberlson, loc. cil.).
2 Grassel. Montpelliel' médical, lâî9.- Landouzy. Bulletin de la Soc.
anat., 1879.
186 PHYSIOLOGIE.
qui montrèrent qu'il y a un grand nombre de faits négatifs.
Peut-on aujourd'hui interpréter les faits d'une façon plus
rationnelle, à la lumière des notions nouvelles ? Les lésions
du pli courbe déterminent de la déviation conjuguée, mais
d'une façon inconstante. Rappelons d'abord que ces mêmes
lésions du pli courbe déterminent aussi d'une façon incons-
tante de l'hémianopsie par lésion des fibres blanches sous-
jacentes (Déjerine et Viallet). Or nous savons déjà que la
lésion de ces fibres blanches sous-jacentes détermine en
même temps que de l'hémianopsie de la déviation conjuguée
de la tête et des yeux. Faut-il généraliser et dire que si la
lésion du pli courbe détermine de la déviation oculaire, c'est
toujours par l'intermédiaire de la lésion des fibres sous-
jacentes ? Ce serait peut-être imprudent, car alors cette dévia-
tion s'accompagnerait toujours d'hémianopsie. Or quoique
celle-ci demande à être recherchée, passe facilement ina-
perçue, nous ne sommes pas autorisé à dire qu'elle a été
méconnue dans les cas où elle n'est pas signalée concorni-
tamment avec la déviation oculaire. Peut-on admettre d'autre
part que les fibres centrifuges parlies du centre visuel
puissent êlre lésées isolément, indépendamment des fibres
centripètes ? Non, puisqu'elles sont mélangées (Monakow,
Flechsig). Mais ce que l'on peut admettrec'est qu'elles soient
impressionnées à distance (compression, modifications circu-
latoires) plus que les fibres centripètes. Nous savons, en effel,
que les fibres centripètes. en présence d'une cause patholo-
gique, conservent leurs fonctions plus longtemps que les
libres centrifuges correspondantes. Nous serions donc tenté
d'admettre la progression suivante pour les lésions du pli
courbe : une lésion très superficielle et légère ne détermine
aucun symptôme du côté des yeux ; une lésion un peu plus
prononcée détermine de la déviation conjuguée, par action
sur les fibres centrifuges issues du centre visuel curtical; une
lésion profonde détermine à la fois de l'hémianopsie et de la
déviation oculaire.
Disons cependant qu'il n'y a rien d'irrationnel à prolonger
jusqu'au pli courbe le centre postérieur des mouvements des
yeux. 11 n'est pas prouvé, en effet, que cette région soit privée
de fibres de projection (V : Déjel'ine 1). D'autre part, quoique
1 Déjerine. Soc. de Biol., 1897.
DOUBLE CENTRE D'INNERVATION CORTICALE, ETC. 187 1
superposées, les régions motrices et sensitives n'ont pas tou-
jours les mêmes limites. Le territoire de la sensibilité géné-
rale dépasse bien en arrière le territoire moteur. Il n'y aurait
rien d'irrationnel à supposer que le territoire oculo-moteur
dépasse en avant le territoire oculo-sensoriel.
Ce n'est donc qu'avec réserves que nous formulerons la
conclusion suivante : La déviation conjuguée des yeux,
consécutive aux lésions du pli courbe, est due à la suppres-
sion fonctionnelle des fibres sous-jacentes, issues du centre
postérieur sensol'io-moteur.
c) Déviation conjuguée de la tête et des yeux par lésion
du centre oculo-moteur &tK<ë ? 'teM) ? II est un grand nombre
de faits où la lésion, tout en étant hémisphérique, respecte le
centre postérieur sensorio-moteur ainsi que le pli courbe. Il
s'agit alors d'une lésion soit des circonvolutions dites mo-
trices, soit de leurs fibres de projection. Il est inutile de rap-
peler ces faits, ils sont très nombreux. Si les observations ne
sont pas encore assez précises, les lésions assez limitées pour
localiser exactement le centre oculo-moteur antérieur, elles
permettent d'affirmer son existence, et confirment ainsi les
données de l'observation de l'anatomie normale et de l'ex-
périmentation.
La déviation conjuguée des yeux, habituellement asso-
ciée à l'hémiplégie motrice, sans lésion ni du pli courbe,
ni du lobe occipital, est produite par une lésion du centre
oculo-moteur antérieur.
Théoriquement, on devrait avoir alors de l'anesthésie
sensitive, de même que dans les cas précédents nous avions
de l'anesthésie sensorielle. De ce que les troubles objectifs
de la sensibilité manquent souvent en réalité, il ne faudrait
en conclure que la théorie a tort, car nous savons avec quelle
facilité s'établissent les suppléances, en ce qui concerne la
sensibilité générale
§ 11. Troubles de la motilité des paupières.
Les mouvements des paupières, avons-nous dit, sont, au
point de vue physiologique, inséparables de ceux des mou-
vements oculaires. Les uns et les autres peuvent avoir
' Voir en particulier Brissaud, Troubles de la sensibilité dans les
hémiplégies corticales (Leçons cliniques, 1895).
188 PHYSIOLOGIE.
pour point de départ une excitation sensorielle de la
rétine, comme une excitation sensitive du trijumeau. Nous
rechercherons donc quels sont les troubles produits soit
par une lésion du lobe occipital, soit par une lésion du
centre oculo-moleur antérieur.
a) Dans les lésions du, lobe occipital. Lorsque celles-ci
sont isolées, les troubles sont peu appréciables, car peu
nombreux sont les mouvements palpébraux ayant la rétine
pour point de départ et le lobe occipital comme centre de
réflexion.
C'est d'abord le clignement réflexe produit par une vive
lumière; il est aboli dans les lésions du lobe occipital : une
lueur intense produite dans la moitié abolie du champ visuel
d'un hémianopsique ne provoque plus l'occlusion des pau-
pières.
- C'est en second lieu le mouvement de la paupière supé-
rieure, associé au mouvement d'élévation des globes
occulaires '. Ces deux mouvements étant sous la dépendance
de chacun des deux lobes occipitaux, ne sont pas troublés
dans les lésions unilatérales. Peut-être le serait-il dans l'hé-
mianopsie horizontale supérieure ; mais l'existence de celle-ci
est trop discutable.
b) Dans les lésions du centre oculo-moteur antérieur2.
Lorsque celles-ci sont isolées et unilatérales, les troubles
sont encore peu importants. Dans l'hémiplégie motrice com-
plète il est fréquent de trouver une intégrité presque com-
plète de la musculature oculaire et palpébrale. On sait à
quelles discussions a donné lieu en particulier l'intégrité
apparente de l'orbiculaire (facial supérieur).
Pour expliquer cette intégrité il n'est peut-être pas suffisant
d'invoquer, comme on l'a fait, l'innervation symétrique et bila-
térale : les muscles oculaires et palpébraux obéissent non
pas à deux, mais à quatre centres, deux de chaque côté ; l'un
d'eux peul être supprimé sans que la motililé soit abolie.
Ce n'est pas à dire cependant que la suppression de ce centre
' On sait que la dissociation de ces mouvements dans le goitre
exophtalmique constitue le signe de de Graefe.
2 Cette partie de notre sujet vient d'être étudiée d'une façon magis-
trale par Miraillé (Arch. Neur., 1899. n° 1). Ce travail très complet nous
permettra d'être bref.
DOUBLE CENTRE D'INNERVATION CORTICALE, ETC. 189
ne doive provoquer aucun trouble; en fait, ces troubles exis-
tent, mais sont très légers. '
A l'état normal il nous est possible de fermer et d'ouvrir
un oeil isolément; dans l'hémiplégie organique, ces mouve-
ments isolés deviennent impossibles du côté paralysé (Revil-
lod). Brissaud et Souques ont contesté la valeur clinique de ce
symptôme, en observant qu'à l'état normal un certain nom-
bre d'individus n'ont pas la faculté de fermer un oeil isolé-
ment. Pugliese (Revista di Patologia Méiose et mentale,
janvier'1897, vol. VII, n° 1, p. 14) a fait remarquer que tandis
que ce signe ne s'observe que chez 27 p. 100 des individus
normaux, presque tous les hémiplégiques le présentent. De
plus, il en est qui affirment que son apparition date de
l'ictus.. '
Si après avoir fait fermer les yeux à un hémiplégique, nous
plaçons nos deux pouces sur ses paupières et que nous lui
ordonnions d'ouvrir les deux yeux, nous sentons manifeste-
ment que le mouvement s'exécute avec moins de force du
côté paralysé. De même, en s'opposant à l'occlusion de la
paupière, on sent que l'orbiculaire se contracte avec moins
de force.
Enfin, très souvent, il y a une modification de l'état sta-
tique, du tonus musculaire : tantôt un rétrécissement, tantôt
un élargissement de la fente palpébrale (Pugliese)'.
En résumé, l'existence dans chaque hémisphère d'un dou-
ble centre oculo-moteur nous explique très bien pourquoi
dans l'hémiplégie la musculature oculaire et palpébrale' 2
reste relativement indemne.
Plus difficiles à expliquer sont les cas où une lésoin unila-
térale a, contrairement à la règle, paralysé complètement
soit l'orbiculaire (Chvostek, Huguenin, Pugliese et Milla) 3,
soit le releveur (Grasset, Landouzy, Chauffard, Lemoine,
Surmont, Gianelli, etc.). Ce sont ces faits qui ont servi de
' V. Miraillé, loc. cit.
2 In Pughese, loc. cil.
3 Si les autres muscles innervés par le facial supérieur restent aussi
indemnes, c'est probablement qu'ils obéissent aux mêmes centres, et
que chacun des centres oculo-moteurs commande à tous les muscles
groupés autour de l'oeil. On connait d'ailleurs l'association fonctionnelle
qui existe entre le releveur et le frontal, association rompue dans le
goitre exophtalmique (signe de Joffroy).
190 PHYSIOLOGIE.
base à la conception d'un centre particulier pour le facial
supérieur et d'un autre-centre pour le releveur.
Le centre du releveur a été localisé par Grasset' et Lan-
douzy2 au niveau du pli courbe, par les auteurs anglais
(Ferrier, de Bono, Hartley Bunting) au niveau du pied de la
deuxième frontale ou de la partie inférieure de la frontale
ascendante. Le centre de l'orbiculaire (c'est-à-dire du facial
supérieur) est placé aussi au niveau de cette dernière ? - région
par la majorité des auteurs. Cependant Mendel le,localise
au pli courbe, en se basant sur des expériences d'Exner et
Paneth, qui, par l'excitation de cette région, obtinrent chez
les animaux des contractions de l'orbiculaire du côté opposé.
On peut mettre tous ces auteurs d'accord en admettantqu'il
existe non pas un, mais deux centres, et que chacun d'eux
commande non pas tel ou tel muscle, mais tout l'appareil
meteur de la vision. Ces deux centres sont l'oculo-moteur
antérieur et l'oculo-moteur postérieur. Ce dernier, il est vrai,
ne siège pas au niveau du pli courbe, mais à la face interne
du lobe occipital ; les fibres centrifuges qui en partent pas-
sent au-dessous du pli courbe, d'où les effets des lésions et
des excitations de cette région.
La lésion des deux centres (ou de leurs fibres de projec-
tion) du même côté peut ne produire que des troubles légers,
puisque ceux du côté opposé continuent à agir bilatérale-
ment. Mais chez certains individus ayant une synergie fonc-
tionnelle moins complète, par conséquent, une action bilaté-
rale des centres moins solidement établi ; une lésion unilaté-
rale pourra déterminer une véritable paralysie, de même
qu'une lésion unilatérale peut quelquefois déterminer des
troubles bulbaires assez accentués.
En résumé, la lésion isolée d'un des centres oculo-moteurs
ne produit que des troubles très minimes du côté des pau-
pières ; chez la plupart des individus, la lésion des deux
centres du même côté produit des troubles légers ; dans
quelques cas rares, la lésion des deux centres du même côté
peut produire la paralysie du releveur.
La plosis d'origine corticale nous paraît donc avoir, dans
la majorité des cas, comme condition anatomique, une lésion
' Grasse). Progrès médical, l8îG, p. 106.
s Landouzy. -1·cl. gén. de médecine, 18î7.
DOUBLE CENTRE D'INNERVATION CORTICALE, ETC. 191
atteignant les deux centres oculo-moteurs. Et en effet, le plus
souvent, on trouve à l'autopsie des lésions très étendues ou
multiples. Il est cependant quelques cas où la lésion étant
plus limitée, l'interprétation est plus difficile.
Nous ne pouvons reprendre ici d'une façon complète la
discussion de ces faits, elle a été faite ailleurs (Charcot et
Pitres', Lemoine 2, Surmont3). Contentons-nous d'examiner
les faits qui ont été considérés comme les plus démonstratifs
d'un centre unique. .
Dans le cas de Lemoine, le malade eut en même temps que
sa blépharoptose une parésie du bras gauche, el, l'autopsie,
en même temps, qu'un ramollissement du pli courbe, montra
une hémorragie du pied de la deuxième frontale. Celle-ci, il est
vrai, était récente, mais il est tout au moins impossible d'af-
firmer que cette région (correspondant précisément au centre
oculo-moteur antérieur) fût saine. Dans le cas de Grasset,
il y avait une méningite diffuse de la convexité des deux
hémisphères. Dans le cas de Chauffard, la lésion s'étendait
jusqu'à la pariétale ascendante, de même que dans celui de
Surmont. Dans les cas de Landouzy et de Gianelli il s'agis-
sait de tumeurs pouvant agir à distance.
Même dans ces cas, il n'est donc pas illogique que les deux
centres oculo-moteurs, ou leurs fibres de projection, aient
été lésés simultanément. Nous ne parlons pas des autres
faits oit les lésions étaient toujours multiples ou très éten-
dues.
Il n'est pas impossible cependant que la paralysie des mus-
cles palpébraux puisse être due à la lésion d'un seul centre,
du centre oculo-moteur antérieur. Il s'agirait alors d'une
sorte d'inhibition fonctionnelle, de modifications du tonus, etc.
Faut-il interpréter de même les cas où, contrairement à
la règle, le facial supérieur est paralysé par une lésion hé-
misphérique ? Faut-il voir là la conséquence d'une lésion des
deux centres oculo-moteurs ? Nous serons beaucoup plus
réserve à ce sujet à cause de la rareté des faits et leur an-
cienneté, du inanque de précision dans les observations.
' Charcot et Pitres. Bibl. Charcol-Debove.
Lemoine. Rev. de médecine, 188î, p. 5j9.
3 Surmont. Th. Lille, 1887.
' Gianelli. La blephnroplose d'origine corticale (lIil'is/11 qlrrimlicinale
cli l'sicologirr, l'sicl ? Se Il 1 ? 1 , 1 807. 1" mai. n° I. p. 4j.
192 PHYSIOLOGIE.
. II. Troubles des mouvements oculaires dans les lésions
hémisphériques bilatérales. Les lésions bilatérales des
deux centres postérieurs sensorio-moteurs nous arrêteront
peu. Ils déterminent en même temps que la cécité corticale
l'abolition des mouvements réflexes conscients étudiés plus haut
(mouvement réflexe de-latéralité, convergence, contraction
irienne de la vision rapprochée, accommodation) avec conser-
vation des mouvements réflexes inconscients (réflexe irien à
la lumière, clignement produit par la sécrétion lacrymale)
se passant dans les noyaux gris de la base, et des mouve-
ments dits volontaires se passant dans le centre antérieur
sensitivo-moteur.
Les lésions bilatérales du centre oculo-moteur antérieur,
ou de ses fibres de projection, sont beaucoup plus intéres-
santes, et nous y insisterons un peu plus longuement. Etant
donné les relations de voisinage de ce centre avec ceux de
la langue, des lèvres, du pharynx et du larynx, c'est dans
les paralysies pseudo-bulbaires que nous devions chercher
l'existence des troubles djs à une double lésion du centre
oculo-moteur antérieur. Ces troubles paraissent très rares,
peut-être parce qu'ils sont très facilement méconnus, comme
nous le montrerons dans un instant. Voici d'abord les obser-
vations que nous avons pu réunir.
Observai ion 1 (Tournier, Rev. de méd., 1898, p. 671).
Femme de quarante ans, est atteinte d'abord'd'hémiplégie droite
avec aphasie. Dix mois après, attaque convulsive suivie de mono-
plégie gauche, de paralysie complète des mouvements volontaires
de la langue, des lèvres, des muscles de la face, trismus, déviation
conjuguée de la tête et des yeux. Du côté des yeux on note une
« ophtalmoplégie ne portant que sur les mouvements volontaires avec
conservation des mouvements réflexes ». « La malade, dont l'intel-
lect et la volonté sont intacts, ne peut mouvoir volontairement ni
ses globes oculaires, ni ses paupières, ni son front, ni ses joues.
Par contre, de temps à autre, involontairement, sous une influence
réflexe probablement, sont obtenus quelques mouvements peu accusés
des globes oculaires et les yeux peuvent se fermer ».
Autopsie. - il droilea « foyer de ramollissement occupant tout le
segment externe du noyau lenticulaire, la capsule externe, et res-
pectant l'avant-mur. C'est un ramollissement qui a une couleur
jaune d'ocre. Sur la coupe qui porte sur la pariétale ascendante
et sur la face répondent exactement à la coupe précédente, on
\ .
DOUBLE CENTRE D'INNERVATION CORTICALE, ETC. 19 ? )
voit que le ramollissement contourne en somme suivant un trajet
rectiligne la face externe de tous les noyaux gris ».
A gauche, ramollissement occupant le segment externe du noyau
lenticulaire, et plus en avant la partie supéro-interne de la couche
optique. « Sur le pli de passage du lobule pariétal supérieur avec
la pariétale ascendante, on trouve une petite tumeur semi-hémi-
sphérique. très dure, de la grosseur d'un demi pois ».
Observation II (Tiling, Petersb. med. Zeil, 18-il, s. 2set in Wernicke
Arch. f. Psych. t. XX, p. 273).
Le malade atteint de paralysie pseudo-bulbaire présentait du
côté des yeux les symptômes suivants : « Les yeux sont déviés à
gauche et ne peuvent pas volontairement être dirigés à droite, en
haut ou en bas ; cependant ces mouvements peuvent se produire
d'une façon involontaire. En outre, le malade ne peut pas fermer
volontairement les paupières, mais l'occlusion réflexe se produit » .
A l'autopsie : « Dans l'hémisphère gauche grand foyer de
ramollissement gris jaunâtre comprenant les deux circonvolutions
centrales dans toute leur longueur, le lobule pariétal inférieur, et
la plus grande partie de la région postérieure des trois circonvolu-
tions frontales et de l'insula.
A droite : foyer analogue mais plus petit comprenant la base
des deux circonvolutions frontales inférieures et la partie adja-
cente de la frontale ascendante. Dans la profondeur la lésion
atteint à peine la substance blanche ».
Ces deux observations sont extrêmement intéressantes et
réalisent un tableau clinique tout particulier et qui mérite de
retenir l'attention. Dans celui de Tournier il y avait une
« ophtalmoplégie ne portant que sur les mouvements volon-
taires, avec conservation des mouvements réflexes ». La
malade qui « ne peut mouvoir volontairement ni ses globes
oculaires, ni ses paupières, ni son front, ni ses joues », pré-
sente cependant « de temps à autre, involontairement sous
une influence réflexe probablement quelques mouvements
peu accusés des globes oculaires et les yeux peuvent se
fermer.
Grâce à l'obligeance de M. Devic et de M. Tournier, il nous
a été permis d'examiner cette malade. Etendue dans son lit,
avec le masque immobile de la paralysie pseudo-bulbaire, la
malade n'attirait nullement l'attention du côté de ses yeux :
ceux-ci ne présentaient aucune déviation, pas de strabisme;
de temps en temps le clignement se produisait normalement ;
Archives, 2» série, t. VIII. 13
194 PHYSIOLOGIE.
son regard se fixait sur les personnes qui l'approchaient. Les
troubles du côté des yeux pouvaient très facilement passer
inaperçus. Tous les mouvements ayant pour origine une
excitation de la rétine (mouvements de latéralité, conver-
gence, constriction de la pupille, clignement produit par une
lumière, par l'approche du poing) s'exécutaient normalement.
Nous savons maintenant que ces mouvements ont leur centre
de réflexion«dans le lobe occipital. Si au contraire on com-
mandait à la malade de fermer les yeux, elle s'y efforçait en
vain, alors qu'il suffisait d'approcher la main pour obtenir
ce mouvement. Il en était de même si on lui demandait de
regarder à gauche ou iL : droite. Les mouvements oculaires et
palpébraux, chez cette malade, ne pouvaient plus être déter-
minés que par une impression rétinienne. Les sensations
venues d'ailleurs, l'excitation transmise par les centres d'as-
sociations (V. plus haut : Mouvements volontaires) restaient
inefficaces.
L'observation de Tiling est calquée sur la précédente. Dans
ces deux cas, il y avait une suppression des deux centres
oculo-moleurs antérieurs; les yeux n'obéissaient plus qu'aux
centres oculo-moteurs postérieurs. Mais comme ceux-ci sont
capables de provoquer des mouvements parfaitement C001'-
donnés, adaptés à un but, d'apparence volontaire, les trou-
bles auraient certainement pu passer inaperçus à un examen
superficiel; cela a dû certainement arriver très souvent, et
voilà pourquoi nous trouvons une telle pénurie d'observa-
tions. Les faits suivants sont beaucoup moins concluants,
quoique encore très intéressants.
Observation III (Magnus, résumée d'après Lépine. Rev. de méd.,
1877 ; p. 917).
Femme de vingt-cinq ans, atteinte de paralysie pseudo-bulbaire, à
la suite de plusieurs ictus. En ce qui regarde les mouvements des
yeux, nous citons textuellement. « Elle ne peut pas davantage fer-
mer les paupières ; mais comme le bulbe oculaire jouit de tous
ses mouvements ( ? ) ainsi que l'élévateur de la paupière supérieure,
les paupières ne sont pas absolument immobiles. Bien que les
paupières ne puissent être fermées volontairement, elles le sont et
d'une manière complète si l'on approche vivement la main des yeux,
si on expose les yeux à une vive lumière, ou bien dans l'éternue-
menl. Dans le sommeil les paupières sont aussi fermées parfaite-
ment ; les mouvements de l'iris sont intacts. La malade ne peut
DOUBLE CENTRE D'INNERVATION CORTICALE, ETC. 19o 11;
plisser le front et les sourcils ; elle ne peut davantage mouvoir les
ailes du nez, les joues et la peau du menton, etc. ». Il existait en
outre des troubles de la mastication, de la déglutition, de la
parole.
Autopsie (Froriep). « Dans l'hémisphère droit, au bord externe,
là où le lobe antérieur et le lobe moyen se confondent, kyste
hémorragique ayant détruit deux circonvolutions. La cavité pou-
vait contenir une petite noix ; la face interne était tapissée par
une membrane jaune. »
Observation IV (Grasset, in Leç. cliniques, 1898, p. 494).
Homme de quarante-cinq ans, entré le 9 décembre 1896 au n° 6
de la salle Bouquet : il ne parle pas, n'articule aucun mot. Il
aurait (d'après le dire de sa famille) perdu la parole le 11 no-
vembre 1896, après un ictus nocturne sans perte de connaissance
qui laissa une hémiplégie gauche sans aphasie. Deux jours après
un deuxième ictus entraînait la déviation de la bouche et l'apha-
sie.
Déjà trois ans auparavant il s'était produit un ictus avec sensa-
tion de gêne et de pesanteur dans le bras gauche, puis paralysie
de la jambe gauche avec hémianestésie. Un an après il y avait eu
une deuxième poussée; trois mois après une troisième avec hémi-
plégie gauche. Il en était résulté une gêne à mâcher et à mouvoir
la mâchoire.
Nous relevons donc cinq ictus. C'est de plus un alcoolique. On
ne trouve pas d'hérédité.
La physionomie est toute spéciale, sans expression de senti-
ments, c'est un masque figé; les lèvres supérieure et inférieure
sont paralysées; il y a impossibilité de siffler et de souffler. La
langue, non atrophié, ne peut pas dépasser les arcades dentaires ;
ses mouvements de latéralité sont complètement impossibles. Les
mouvements de la mâchoire inférieure sont très difficiles et limi-
tés. Les mouvements des muscles jugaux sont abolis. Les réflexes
de la luette et du voile palais sont conservés, le goût est conservé,
la sensibilité de la face aussi. -
Notre homme présente de la dysphagie ; s'engoue facilement.
11 refoule les aliments avec les doigts au lieu de la langue. Le
froncement des frontaux est impossible. Les yeux sont grands
ouverts. Il ne peut absolument pas les fermer volontairement ; cli-
gnote à la lumière et à l'approche brusque de la main ; dort les
yeux fermes. La vue est bonne; pas de lésions ophtalmosco-
piques.
Ces deux faits (Magnus, Grasset) sont absolument compa-
rables aux précédents (Tiling, Tournier); seulement les trou-
191) PHYSIOLOGIE.
bles sont limités aux paupières : est-ce parce que les mouve-
ments oculaires ont été insuffisamment explorés ? ` ?
Là encore nous trouvons une suppression des mouvements
volontaires avec conservation des mouvements réflexes. Là
encore il faut admettre une suppression des deux centres oculo-
-moteurs antérieurs avec conservation des centres oculo-mo-
tetirs postérieurs. Nous avons assez insisté plus haut sur le
rôle de ceux-ci pour qu'on ne nous objecte pas que ce cli-
gnement réflexe avait son siège dans les noyaux de la base :
nous'avons vu que ce clignement réflexe était supprimé quand
le centre postérieur était lésé : approchez le poing du visage
d'un hémianopsique, il restera impassible tant que vous res-
terez dans la moitié obscure de son champ visuel.
Ces quatre observations sont les seules vraiment probantes
que nous ayons trouvées. Wernicke ' cite bien encore un cas
d'Andral, et un autre de Thomson, mais l'examen des yeux
nous a semblé insuffisant.
On doit très probablement ranger dans la même catégorie
deux observations d'Oppenheim et Siemerling (Charité 11nna-
¡en, 1897). Dans le premier cas, il s'agissait d'un homme de
soixante-cinq ans atteint de paralysie pseudo-bulbaire, et
présentant une paralysie incomplète des mouvements de
latéralité des yeux. Dans le second cas, un malade âgé de
quarante-neuf ans, atteint également de paralysie pseudo-
bulbaire, présentait des mouvements de latéralité des yeux
incomplets à gauche. ' - -
Nous préférons ne pas faire usage de ces observations, car
dans les deux cas il y avait des lésions bulbaires. Dans le
premier : petit foyer de ramollissement dans le raphé, au
niveau des tubercules quadrijumeaux antérieurs. Dans le
second : petits foyers dont deux sont situés symétriquement
à côté des fibres descendantes de la sixième paire.
- Enfin on pourrait aussi à la rigueur invoquer un cas d'An-
derlya 2 : il s'agissait d'un malade de la clinique de Leyden.
âgé de cinquante-deux ans, charpentier, atteint après plu-
sieurs ictus de paralysie pseudo-bulbaire, et présentant une
impossibilité de porter le regard à gauche. Cette observation
nous a paru trop incomplète.
' Wernicke, loe. cil., p. 273 et 2îf.. - .. - .
- Anderlva. Dissertation inaugurale. Berlin, 1892.. (In Neur. Centr.,
1892, p. 473.) . '
DOUBLE CENTRE D'INNERVATION CORTICALE, ETC. 1K7
Nous nous baserons donc seulement sur les quatre obser-
vations de Tiling, Tournier, Magnus et Grasset, pour établir
l'existence d'un tableau clinique tout particulier caractérisé
par l'abolition des mouvements volontaires des globes ocu-
{aires et des paupières, avec conservation de mouvements
réflexes-variés, coordonnés, adaptés, pouvant en imposer
.pour des mouvements volontaires.
C'est ici le lieu de revenir sur un point de physiologie nor-
male que nous avons laissé dans l'ombre. Tout mouvement
est réflexe, avons-nous dit : le mouvement dit volontaire
est celui qui dans son circuit comprend un centre d'associa-
tion. Dans la traversée de celui-ci apparaissent les deux faits
de conscience qui caractérisent le mouvement volontaire : il
est précédé de la représentation du mouvement à exécuter,
et il s'accompagne de l'illusion de la liberté. Nous savons
qu'un tel mouvement peut passer par le centre oculo-moteur
antérieur. Les quatre observations que nous avons citées
nous répondent qu'il n'en est pas de même pour le centre
oculo-moteur postérieur. L'incitation qui met en action le
centre oculo-moteur antérieur peut venir non seulement de
la périphérie mais des centres voisins. L'excitation qui. met
en jeu le centre oculo-moteur postérieur vient directement
de la périphérie par les radiations optiques '. -
Wernicke 2 qui rapporte le cas de Tiling et y joint celui
d'Andral et celui de Thomson, avait parfaitement -vu .tout
l'intérêt du tableau clinique que nous avons décrit. Il assimile
absolument ces troubles aux paralysies pseudo-bulbaires, et
propose le nom d'ophtalmoplégie pseudo-nudéaire 3 : plaçant
le centre des mouvements des yeux dans le lobule pariétal
inférieur, il admettait que l'ophtalmoplégie pseudo-nucléaire
était due à une double lésion des lobules pariétaux inférieurs.
' Cette conclusion ne vaut que pour les quatre cas que nous avons
rapportés, il est possible que chez d'autres sujets, le centre uculo-motQUr
postérieur puisse jouer un rôle dans les mouvements volontaires. Cela
nous expliquerait pourquoi les troubles oculaires sont .si ' rarement
signalés dans les paralysies pseudo-bulbaires. , '
' Wernicke, loc. cil ?
3 Dans un travail fait en collaboration avec M. Levic, nous avions cru
trouver un exemple d'ophtalmoplégie pseudo-nucléaire (Rev de méde-
cine, 1896. p. 412). Nous rattachons aujourd'hui cette observation au
svndrome d'Erb. ' 1 1
198 PHYSIOLOGIE.
Il est inutile de renouveler ici les observations présentées
plus haut sur cette localisation. Nous ferons simplement
remarquer que l'observation principale (celle de Tiling), sur
laquelle il s'appuie, est peu favorable à cette opinion. En
. effet, si à gauche les lésions atteignaient le lobule pariétal
inférieur, à droite le foyer beaucoup plus petit respectait
celui-ci. Des deux côtés le siège probable du centre oculo-
moteur antérieur (pied de la deuxième frontale) était atteint.
L'observation est donc beaucoup plus favorable à notre
opinion.
Conclusions. 1° L'anatomie normale, l'expérimentation,
l'observation clinique et anatomo-pathologique, s'accordent
à démontrer que l'oeil possède au point de vue moteur, de
même qu'au point de vue sensitif, deux zones de projection
corticales. L'une, le centre oculo-moteur antérieur, corres-
pondant à la zone de projection de la sensibilité générale
(trijumeau), a son siège probable au niveau du pied de la
deuxième frontale. L'autre, le centre oculo-moteur posté-
rieur, correspond à la zone de projection sensorielle
(rétine) au niveau de la face interne et inférieure du lobe
occipital.
2° Chacun de ces centres agit bilatéralement, et tient
sous sa dépendance non seulement les muscles innervés par
les nerfs oculo-moteurs, mais aussi l'orbiculaire des paupières
(septième paire), c'est-à-dire en somme tout l'appareil moteur
de la vision.
3° La lésion isolée du centre oculo-moteur antérieur peut
produire : a) la déviation conjuguée des yeux; b) des troubles
légers des mouvements palpébraux.
4° La lésion isolée du centre oculo-moteur postérieur pro-
duit la déviation conjuguée des yeux, et l'hémianopsie. La.
lésion du pli courbe agit de même par l'intermédiaire des
fibres sous-jacentes provenant de la face interne du lobe occi-
pital.
5° Le ptosis d'origine corticale est peut-être dû à une
lésion simultanée des deux centres oculo-moteurs du même
côté.
6° Une lésion bilatérale et symétrique atteignant les deux
centres oculo-moteurs antérieurs ou leurs fibres de projec-
tion produit un tableau clinique tout particulier caractérisé
par l'abolition des mouvements volontaires des yeux et des
DE L'APOPLEXIE PROGRESSIVE. 199
paupières avec conservation de mouvements réflexes coor-
donnés, adaptés et conscients. Ces mouvements sont sous
la dépendance des centres oculo-moteurs postérieurs restés
intacts.
PATHOLOGIE NERVEUSE.
DE L'APOPLEXIE PROGRESSIVE
DE SA VALEUR EN TANT QUE SYNDROME ANATOMO-CLINIQUE SPÉCIAL;
Par F.-J. 1 ! OSC et V. VEDEL (de Montpellier).
L'hémorragie cérébrale ne se marque pas toujours par
l'attaque d'apoplexie brutale. En dehors des cas où elle peut
ne se traduire que par des troubles paralytiques, il en est
d'autres dans lesquels les phénomènes apoplectiques se
montrent graduellement pour n'aboutir que plus ou moins
tardivement au coma et it la mort.
C'est à cette dernière l'orme que l'on a depuis longtemps
déjà donné le nom d'apoplexie progressive « ingravescent
apoplexy ». Fletcher 1 la décrit en 1846 et William Gull 2- en
relate plusieurs cas typiques dans un mémoire de 1859 'sur
les anévrysmes des vaisseaux cérébraux. Pour Abercrombie
et Thomas Watson 3 qui en ont donné une description pré-
cise, les traits caractéristiques de cette forme d'apoplexie
consistent dans l'absence de perte de connaissance au début.
l'aggravation graduelle des symptômes : malaise, céphalée.
vomissements, confusion, paralysies, la terminaison fatale
dans le coma avec ou sans convulsions. - Cette symptomato-
logie correspondrait à une hémorragie abondante pouvant
se faire jour dans les ventricules. -
1 Fletcher. Ingravescent apoplexy (Med. Times London, 18f6, XIII, 415).
' William Gull. Cases of aneurism of lhe cérébral vessels (Guy's Ilo ? 1).
Reports, 1859, 281).
3 In Broadbent. On iayavescenl apoplexy (Med. chier. TraRSaU..
1876, LIX, 335).
200 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Broadbent ' a repris cette étude en 1876 en se basant sur
cinq observations personnelles. Cet auteur a voulu montrer
que l'apoplexie progressive n'est pas seulement en rapport
avec un épanchement de sang abondant, mais encore que la
localisation de l'hémorragie est constante. Le territoire
- hémorragique serait situé sur le côté externe du noyau strié
'1'Jz.JJ'a-ventriculairc, entre ce ganglion et la capsule externe,
et il existerait un rapport étroit entre la symptomatologie et
le siège de la lésion. -
Depuis ce travail qui tendait à faire de l'apoplexie pro-
gressive un syndrome anatomo-clinique spécial, la question ne
parait pas avoir attiré beaucoup l'attention. Cependant en
1889, M. Puech 2 et, peu de temps après, M. Mossé publient
chacun une observation d'apoplexie progressive, avec hémor-
ragie située sur la face externe du noyau ventriculaire et
venant ainsi à l'appui des idées de Broadbent.
Deux cas qui sont venus à notre observation et qui ont
présenté quelques particularités, tant au point de vue anato-
mique que symptomatique, nous ont amenés à reprendre
l'étude de cette question et à envisager surtout l'étroitesse
du rapport que Broadbent s'est proposé d'établir entre l'évo-
lution des symptômes et la localisation de la lésion.
Le tableau symptomatiq1te de l'apoplexie progressive
avait été déjà bien tracé dans les observations de William
Gull et dans la description de Thomas Watson : « Le coma
n'est pas le premier symptôme. La maladie commence ordi-
nairement par une douleur de tète soudaine et aiguë. Le
malade devient pâle, défaillant, vomit le plus souvent, et
quelquefois mais non toujours tombe dans un état syncopal
avec refroidissement de la peau et un pouls faible. Il peut
apparaître aussi quelques convulsions. Parfois le malade ne
tombe pas, la douleur de tète ne s'accompagnant que d'un
état de confusion passager. Dans les deux cas, ces symptô-
mes disparaissent au bout de peu de temps ; le malade revient
à lui et peut marcher, mais la douleur de tête persiste.
Après un temps qui peut varier de quelques minutes à quel-
' Broadbent : On ingnauescertl apoplexij. A contribution lo the locali-
station of cei-ebi,cil toMVe'co-c/t/r. Transactions, vol. L1Y, p. 335, 1876).
' Puech. Apoplexie progressive et hémorragie ventriculaire (Progrès
médical, 1889). - 1
3 JlosN..Soc. de mécl. et de chir. 7r·al. (Gaz. heGcl., Montpellier, 1889).
DE [ : APOPLEXIE PROGRESSIVE. 20f f
ques heures et plus, le malade devient lourd, oublieux^
incohérent et tombe dans le coma d'où il ne sortira pas.
Parfois apparaît une paralysie d'un côté, mais le plus sou-
vent il n'y a pas de paralysie » (Watson).
Broadbent a complété cette description. D'après lui, en
dehors de la modalité progressive de l'attaque qui en est le
caractère distinctif, il semblerait toujours se produire à un
moment donné comme symptômes principaux des vomisse-
ments, une hémiplégie avec hémianesthésie et du sopor. Il
attire l'attention sur un léger degré de paralysie faciale, sur
la déviation latérale des yeux presque constante, avec par-
fois déviation conjuguée de la tête et des yeux, sur la- forma-
tion rapide d'eschares et la mort dans le coma profond
pouvant s'accompagner de contractures des membres para-
lysés et de mouvements convulsifs des membres sains,
ces derniers phénomènes en rapport avec la pénétration du
sang dans le ventricule.
Les trois observations nouvelles que nous apportons repro-
duisent dans leur ensemble les caractères donnés par Broad-
bent comme typiques de l'apoplexie progressive, mais avec
toutefois, comme nous le disions plus haut, quelques parti-
cularités qu'il nous a paru intéressant de relever. -
Observation 1 (M. Mossé) '. -
Femme, soixante-dix-sept ans, hospitalisée à la Clinique des
vieillards, service de M. Mossé.
Ne présentait rien de particulier, lorsque le 1er mai 1888, après
une sortie en ville, elle rentre à 2 heures de l'après-midi taciturne,
la figure renfrognée. Sans rien dire, elle va se coucher directe-
ment, ne répondant pas aux questions de ses voisines. Vomisse-
ments verdâtres fréquents. A 8 heures, les vomissements
cessent, mais la malade présente de légères secousses convulsives
plus marquées du côté droit. Si on l'interroge, elle montre par
sa physionomie et des pressions de main qu'elle comprend, mais
elle ne peut parler. Chute des paupières,
Le 2 mai matin, on constate une hémiplégie droite avec anes-
thésie. Température 38°. Le 3, déviation de la tête et îles
yeux du côté gauche. Température 3'J,2 à droite, 38°,8 à gauche.
il. le professeur Mossé a bien voulu nous communiquer celte obser-
vation au sujet de laquelle il avait déjà présenta quelques réflexions à
.lu Société de médecine et de chirurgie pratique de Montpellier (Gaz. kebd.
de Montpellier, 1889). Nous sommes heureux de l'en remercier...
20' : 1 2 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Le 4, la tête et les yeux tournent brusquement à droite;
convulsions; mort à 8 heures du matin.
A l'autopsie, méninges un peu épaisses. A la partie antérieure
du lobe frontal gauche on trouve un caillot de 3 centimètres de
haut sur 4 centimètres de long, ayant dilacéré la substance céré-
brale et faisant saillie sous les méninges molles. A la palpation du
lobe frontal on est frappé de son peu de consistance; il se laisse
profondément déprimer. A la coupe, toute la partie antérieure de
l'hémisphère est creusée par un caillot qui a mangé la substance
cérébrale depuis la partie antérieure de la troisième frontale
jusqu'à la scissure de Rolando. Il s'étend en dehors jusqu'au
niveau du corps calleux et en arrière vient dilacérer la capsule
externe. '
Observation II (Vedel).
C... Léon, cinquante-cinq ans, tailleur d'habits, entre à la clinique
du professeur Grasset le 18 février 1898, salle Fouquet, n° 13.
Les renseignements fournis par les personnes qui l'accom-
pagnent nous apprennent que la veille vers les 2 heures de l'après-
midi, notre malade jusque-là en état de santé convenable, a
éprouvé un fort mal à la tête avec vertige et s'est laissé choir. Il a
pu se relever, demander secours, et l'on n'a constaté à ce moment
qu'une certaine difficulté d'élocution, la connaissance restant
entière. Dans la soirée la marche devint impossible et il se montra
de la somnolence. La connaissance cependant n'était pas abolie,
et dans la voiture qui le portait le lendemain matin il l'hôpital,
le malade put demander : « Où me conduisez-vous 1 »
A la visite, on se trouve en présence d'un homme qui ne peut se
faire comprendre verbalement. Il entend les questions qu'on lui
pose mais ne peut y répondre que par un bredouillement inintel-
ligible. La connaissance persiste mais elle est obnubilée.. Le
malade est en état de somnolence avec une respiration inégale
et ronflante, et dès qu'on s'arrête de le questionner, il s'endort aux
trois quarts.
11 existe de la déviation conjuguée de la tête et des yeux :
la tête est inclinée sur l'épaule gauche, le menton et les yeux
sont fixés à droite ; on constate en outre de la paralysie faciale
gauche : l'orbiculaire des paupières est intact, mais la com-
missure labiale est affaissée à gauche, le voile du palais est
pendant du même côté, tandis que la langue ne peut dépasser les
arcades dentaires. Les pupilles sont égales, myotiques et impas-
sibles. On note encore un certain degré de parésie et d'hypes-
thésie dans le côté gauche, les phénomènes étant plus marqués
au niveau du membre supérieur qu'au niveau du membre infé-
rieur. Les réflexes tendineux sont exagérés. Pas de contractures.
Température 38°,3, pouls 80.
DE L APOPLEXIE PROGRESSIVE 203
Dans la soirée surviennent des vomissements abondants. L'état
s'aggrave progressivement : la torpeur s'accentue, l'indifférence
devient complète, l'apoplexie se constitue. Température 38°,9.
Le 19 au matin, le tableau de l'apoplexie est réalisé. La connais-
sance a disparu. Le côté gauche de la face est complètement
affaissé. Le myosis persiste. La déviation conjuguée de la tête
n'existe plus. Le bras gauche est complètement paralysé, la
jambe restant un peu moins atteinte. Les réflexes demeurent
exagérés. Pas de contractures. Température 3cJ°,5. Poulsl20. Bientôt
survient du stertor. Le malade entre dans le coma et meurt vers
4 heures de l'après-midi avec 40°,5.
Autopsie. Pie-mère un peu épaissie. Vaisseaux de la base
fortement athéromateux. Sylviennes béantes, dures, avec plaques
d'athérome sur toute leur étendue. ·
Hémisphère droit. La pie-mère enlevée on trouve, à la partie
antérieure de la scissure de Sylvius, la surface corticale ramollie
et déchiquetée, d'aspect sanglant. Un examen plus attentif montre
que la substance cérébrale du pied de la frontale ascendante et du
tiers postérieur de la troisième frontale est détruite, dilacérée par
des caillots qui font légèrement hernie à l'extérieur.
Coupe préfrontale. Rien de particulier.
Coupe passant par le pied de la troisième frontale. Foyer
hémorragique faisant une légère saillie à l'extérieur puis s'enfun-
çant dans la substance blanche sous forme d'une bande étroite qui
n'atteint pas la corne antérieure du ventricule.
Coupe passant par le milieu de la frontale ascendante. Foyer
hémorragique volumineux dans la substance blanche en avant de
l'insula. Un deuxième foyer siège au-dessous, entre le premier et
la partie antérieure de la surface externe du noyau lenticulaire ;
mais l'hémorragie est séparée du noyau lenticulaire par une bande
de substance blanche et se porte en avant à travers le pied de la
couronne rayonnante pour aboutir à la corne antérieure du ven-
tricule, sans la perforer.
Coupe passant par le bord antérieur du sillon de Rolando. - Les
deux foyers de la coupe précédente sont réunis, formant une vaste
hémorragie qui siège surtout au-dessous des circonvolutions en
avant de l'insula. Elle se continue en arrière le long de la surface
externe du noyau lenticulaire par un prolongement qui reste
séparé de la surface même du noyau par une bande de substance
blanche et va en s'effilant sans dépasser son tiers postérieur.
Coupe passant par le milieu de la pariétale ascendante. A ce
niveau, l'hémorragie est surtout marquée en avant du noyau
lenticulaire en pleine couronne rayonnante. Elle s'étend en arrière
vers l'insula, mais plutôt sous forme d'infiltration, en particulier
du côté de la capsule externe qui est peu atteinte. 11 existe éga-
204 . PATHOLOGIE NERVEUSE.
lement à la partie moyenne du segment externe du noyau lenti-
culaire une infiltration hémorragique..
Dans les coupes postérieures, l'hémorragie a disparu.
Observation III (Rose).
X..., femme âgée de quarante-cinq ans; rien de particulier dans
ses antécédents héréditaires ; comme antécédents personnels on
note, vers dix-huit ans, des accès de paludisme peu sévères.
Le 3 janvier 1892, cette femme présente une attaque avec para-
lysie du côté droit. Insuffisance aortique d'origine artérielle.
Dans la suite, contracture du côté hémiplégie. '. -
Le 14 février 1894, à'6 heures du matin, la malade se lève et ne
présente rien d'anormal, lorsque brusquement elle tombe, perd
connaissance et présente des mbuvements convulsifs du côté droit,
pendant une dizaine de minutes. La résolution devient complète,
sauf pour le bras et la jambe du côté droit qui demeurent con-
tracturés ; les membres gauches sont en état de paralysie flasque
et les paupières sont abaissées. Déviation de la tête et des yeux à
droite; pupilles punctiformes, immobiles à la lumière. Respiration
très irrégulière et très pénible. -
La malade demeure immobile mais bientôt on observe le retour
partiel-à.la connaissance, car si on l'interpelle fortement, elle
soulève ses paupières et montre qu'elle entend. -
. Vers midi, vomissements répétés se faisait sans efforts et par
gorgées de liquide jaunâtre.
Température axillaire, 38° à gauche.
Le lendemain 14, même état de résolution; paupières'abaissées,
léger nystagmus latéral ; la déviation de la tête et des yeux a
disparu, mais on constate par moments un strabisme divergent
assez prononcé. La malade fume la pipe des deux côtés, affaisse-
ment des- deux commissures, paralysie flasque à gauche.
Dans la soirée, l'oeil gauche est dévié en dehors, le droit regar-
dant en avant ; la commissure gauche est maintenant plus
abaissée que la droite. La malade a repris une conscience plus
marquée; elle montre par sa physionomie et par de légers mou-
. vements du membre inférieur droit qu'elle comprend.
La sensibilité est diminuée fortement à gauche par rapport au
côté droit; quand on pique les membres droits, la physionomie
de la malade exprime la souffrance et elle fléchit légèrement sa
jambe droite; la piqûre du côté gauche, même forte, ne produit
qu'une légère grimace. Il existe donc une hémiplégie droite avec
contracture et une hémiplégie gauche flasque avec hémihypos-
thésie. Un point intéressant et des plus nets, c'est l'exagération
nette des réflexes des deux côtés, surtout des réflexes rotuliens.
Pouls 120, température axillaire 38°,8 à droite, 38°,2 à gauche.
DE L'APOPLEXIE PROGRESSIVE. 20S 1>)
Le troisième jour (le 16 au matin) : depuis hier soir vers 10
heures, la malade a perdu progressivement conscience du monde
extérieur. Elle est actuellement dans un coma complet. Paupières
abaissées; oeil gauche fortement dévié en dehors, mais de temps
à autre l'oeil revient par un mouvement très lent, dans l'axe
antéro-postérieur. Pupille droite dilatée au maximum ; la gauche
demeure punctiforme. Paralysie flasque totale à gauche ; la con-
tracture a diminué à droite. Réflexes rotuliens encore exagérés
des deux côtés mais un peu moins qu'hier. Pouls IbO, embryo-
cardie. Relâchement des sphincters. Le soir, température 40°,8 il à
gauche, 40°,0 à droite. Elle meurt à 7 heures, sans convulsions.
Autopsie. Bras droit contracturé, fléchi dans chacun de ses
segments et collé au thorax. Le crâne ouvert, la dure-mère pré-
sente son aspect normal. Les méninges molles sont vivement
congestionnées ; suffusions sanguines sous-pie-mériennes dans la
région sylvienne des hémisphères droit et gauche.
La pie-mère enlevée, on remarque que l'hémisphère droit s'af-
faisse et s'étale et qu'il existe une véritable fluctuation au niveau
de la base dans la région fronto-sphénoïdale.
Si l'on sépare les deux hémisphères par la section du corps
calleux, il s'écoule de l'intérieur des ventricules un sang noir
comme de la pulpe de rate, très abondant. Le sang s'écoule du
ventricule latéral de l'hémisphère droit ; ce dernier étant vidé,
l'hémisphère s'aplatit et la substance cérébrale ramollie subit, au
niveau de l'insula, une déchirure par laquelle s'échappent de gros
caillots noirs.
La plus légère pression déchire la substance cérébrale, pour
ainsi dire réduite en bouillie. En explorant avec attention la
cavité ventriculaire vidée, on voit qu'il y a inondation complète
avec prédominance de l'hémorragie dans le diverticule sphé-
noïdal. Ce dernier s'est vidé par la rupture produite au niveau de
l'insula. Les parois ventriculaires sont ramollies et dilacérées par
le sang. - .
Les coupes verticales, suivant le procédé de Pitres, montrent
l'existence d'un vaste foyer hémorragique ayant rejeté les noyaux
gris en dedans, ayant détruit la capsule externe et l'avant-mur et
une partie du noyau lenticulaire et s'ouvrant à travers la couronne
rayonnante dans le diverticule sphénoïdal. Les vaisseaux sont,
d ce niveau, athéromateux et criblés d'anévrysmes miliaires.
L'hémisphère gauche présente une consistance à peu près nor-
male. On trouve dans le ventricule latéral quelques caillots venant
de l'hémisphère droit.
Les coupes de Pitres permettent de constater un petit foyer ocré
(foyer hémorragique ancien) sur la surface externe (partie
moyenne) du noyau lenticulaire, au niveau de la pédiculo-frontalé.
206 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Un peu plus loin, le foyer s'accentue et on a une cavité remplie
d'un liquide pulpeux, ocreux, comprise dans le corps lenticu-
laire et venant faire saillie à sa surface externe, contre la capsule
externe.
Au niveau de la coupe frontale, il existe en même temps un foyer
ancien du volume d'un haricot, dans la couche optique, à sa sur-
face externe, contre la capsule interne. La coupe pariétale pré-
sente les mêmes lésions, mais plus étendues.
Au niveau de la pédiculo-pariétale, le foyer de la couche optique
a creusé presque toute la partie ventriculaire de cette dernière ;
le foyer externe s'étend tout le long de la capsule externe, en
dedans de l'avant-mur.
D'après l'ensemble des observations publiées, nous voyons
que le début se marque plusieurs fois par du malaise, des
,sensations de vertige et de fatigue. Le malade de l'observa-
tion IV de Broadbent fait 200 mètres ne se sentant pas très
solide ; celui de son observation III est dans un état d'ivresse
apparente. Nous retrouvons cet état dans notre observation 1 :
la malade marche devant elle, la physionomie inquiète et
avec une sensation de malaise et de fatigue. Dans d'autres
cas, après quelques troublés vertigineux, le malade tombe,
sans perte de connaissance, sans paralysie, avec seulement
une sensation de faiblesse ; ou bien encore il présente une
chute brusque, avec phénomènes paralytiques, hémianes-
thésie, déviation de la tête et des yeux, sans perte de
connaissance ; enfin' le seul symptôme de début peut être
une attaque de paralysie qui disparaît rapidement.
L'absence de perte de connaissance, quelle que soit la
brusquerie et l'intensité des phénomènes de début est un des
caractères essentiels de l'apoplexie progressive ; - c'est ce
que Watson exprimait en disant que le coma n'est jamais
primitif. Cependant notre observation III nous montre que
la période de début d'une apoplexie progressive dans son
ensemble, peut aller jusqu'à la perte complète de connais-
sance : la malade, en effet, tombe brusquement avec une
hémiplégie gauche flasque, de la déviation de la tête et des
yeux à gauche, des convulsions à droite, des pupilles ponc-
tiformes et un état comateux. Il est vrai que ce coma
primitif disparaît rapidement pour laisser ensuite la maladie
évoluer comme dans les cas les plus typiques. Ce cas est à
rapprocher de l'observation IV de Gull : en se promenant, la
malade s'écrie tout à coup : « oh ! ma tête » laisse aller sa
DE .L'APOPLEXIE PROGRESSIVE. 201 I
main gauche, vomit et s'évanouit pour revenir à elle après
un court intervalle.
La douleur de télé peut être un des premiers phénomènes
dont se plaint le malade ; mais parfois elle n'apparaît, dans
les cas dont le début se fait par une paralysie brusque
qu'après cette dernière ; elle n'est même pas signalée dans
plusieurs observations.
Les vomissements ne font pour ainsi dire jamais défaut,
mais constituent ou bien un phénomène de début accompa-
gnant le malaise primitif, ou bien ne se montrent, et cela
assez souvent, qu'au bout de quelques heures et même un à
deux jours, après la production des phénomènes paralyti-
ques. Parfois peu prononcés et réduits même à de simples
nausées, ils peuvent être violents, répétés, et persister jus-
qu'au moment où le coma terminal s'installe.
Dans les cas les plus typiques, la paralysie apparaît gra-
duellement tantôt par une paresse croissante de tout un
côté, tantôt par des paralysies partielles successivement
surajoutées. Ainsi dans l'observation V de Broadbent, il
se produit un léger engourdissement du bras droit puis
une paresse de la jambe du même côté plus prononcée, enfin
une hémiplégie totale. Au lieu d'une marche aussi régulière-
ment progressive on peut voir, trois jours pan exemple après
la disparition rapide d'une légère attaque de paralysie du
début, se produire brusquement une hémiplégie complète.
Enfin dans quelques cas (obs. Puech et obs. III person-
nelle) les phénomènes paralytiques peuvent atteindre leur
maximum d'intensité dès le début sous forme d'une hémi-
plégie flasque.
La paralysie pèut être précédée de phénomènes convul-
sifs. Ainsi dans notre observation I la maladie présente,
après du malaise et des vomissements, des secousses convul-
sives dans le membre supérieur droit et l'on constate le '
lendemain une hémiplégie droite. Dans plusieurs autres cas,
où l'on note des phénomènes convulsifs dès le début, ces der-
niers se produisent du côté opposé où se fera la détermination
paralytique ; il en fut ainsi dans notre observation III, dans
l'observation IV de Broadbent, et surtout dans l'observa-
tion V de Gull où ces convulsions persistèrent pendant
plusieurs heures. -
Lorsque l'hémiplégie totale s'est établie, elle ne présente
208 . PATHOLOGIE NERVEUSE.
pas de rétrocession ; elle est flasque bien qu'il puisse exister
dans sa période d'établissement une rigidité passagère qui
paraît aller de pair avec les mouvements convulsifs signalés
dans le côté opposé. Cependant dans l'observation V de Gull,
la rigidité persiste jusqu'à la fin dans le côté paralysé.
Dans la plupart des observations l'état des réflexes n'a
pas été noté ; dans les cas où on les a recherchés au moment
de l'apparition des phénomènes paralytiques, on constate
qu'ils sont exagérés (obs. II personnelle) ou tout au moins
conservés (obs. Gull).
L'hémiplégie est le plus habituellement accompagnée
41'héi ? 21a)iesthésie. Les troubles de la sensibilité suivent assez
généralement la marche des phénomènes paralytiques. Dans
les cas où l'hémiplégie se produit brutalement comme phé-
nomène de début, l'hémianesthésie est également complète
(obs. de Puech et obs. III). Dans les cas où la paralysie s'est
établie progressivement, la marche des troubles sensitifs
n'est pas toujours bien indiquée ; mais ordinairement on note
une diminution de la sensibilité qui s'accroît progressivement
jusqu'à l'hémianesthésie complète lorsque la paralysie est
totale, sans toutefois arriver toujours à ce degré : ainsi-dans
l'observation V de Broadbent on ne constate qu'une hémipa-
resthésie avec une hémiplégie complète. Il peut se faire au
contraire que les troubles sensitifs prédominent au début sur
les troubles moteurs : dans l'observation IV de Broadbent,
la malade après quelques minutes de malaise présenta une
diminution de la sensibilité, puis une hémianesthésie com-
plète au bout d'une heure. Dans l'observation II de Broad-
bent, alors que l'hémiplégie gauche est totale, on remarque e
que lorsque le malade sort de son assoupissement, la sensi-
bilité qui paraissait abolie reparaît. Dans notre observation
III la sensibilité abolie le premier jour, reparaît au second,
pour disparaître définitivement le troisième.
La déviation de la tète et des yeux du côté de la lésion,
est notée dans la plupart des cas ; lorsque l'hémiplégie est
brusque d'emblée elle existe toujours ; elle peut apparaître
dès le début coïncidant' avec l'hémiparésie (obs. I de Broad-
bent, obs. II) ou bien elle se montre plus tardivement quand
l'hémiplégie s'est établie (obs. V de Broadbent, obs. I de
Mossé). Il est remarquer que dans notre observation II en
particulier, la déviation, qui coïncidait avec l'hémiparésie,
DE L'APOPLEXIE PROGRESSIVE. 209
disparaît lorsque l'hémiplégie devient complète. Cette dispa-
rition paraît du reste marcher avec l'établissement du coma.
Dans l'observation I, la déviation de la tète et des yeux qui
s'était faite à gauche, se déplaça brusquement du côté droit
peu de temps avant les convulsions terminales.
Les pupilles sont ordinairement égales, fortement contrac-
tées et immobiles, mais on peut observer dans la suite des
variations dans leur diamètre : ainsi dans l'observation IV
de Gull, les deux pupilles sont d'abord contractées, puis la
pupille gauche se dilate, enfin les deux pupilles sont tantôt
dilatées, tantôt contractées, sans cause apparente.
Dans la plupart des cas, les malades présentent de l'embar-
ras de la parole plus ou moins accentué, sans aphasie. Ce
fait est en rapport avec le siège habituel des lésions hémorra-
giques à droite. Dans les deux cas où l'hémorrhagie siégeait
à gauche, on note dans un cas (obs. V de Broadbent) une
simple difficulté d'élocution et dans l'autre (obs. I) de l'apha-
sie vraie.
Broadbent signale fréquemment comme phénomène de
début un état de confusion cérébrale qui fait ressembler ces
malades à des personnes en état d'ivresse. Cet état peut
manquer dans les cas où le malade est frappé brusquement
par des phénomènes paralytiques ; l'intelligence peut être
parfaitement conservée, mais ces malades ne tardent pas à
tomber dans un état de somnolence qui s'accuse de plus en
plus. Ils s'endorment d'abord facilement, la connaissance
demeurant conservée lorsqu'on les éveille ; puis la confusion
augmente, la somnolence faisant place au stertor. Le coma
profond s'établit tantôt brusquement (obs. I de Broadbent),
tantôt d'une façon très progressive. Tandis que dans la plu-
part des cas la progression se fait d'une façon régulière .de la
somnolence au coma profond, il est noté dans quelques
observations des alternatives de prostration (pendant laquelle
il est très difficile d'obtenir des' réponses, même par des exci-
tations fortes) et de lucidité de durée variable.
Si l'on envisage la marche générale des symptômes l'on
voit qu'elle peut être régulièrement progressive et pendant
une durée de plusieurs jours, jusqu'à vingt-cinq dans un' cas
de. Broadbent (les cas I, II, III, V de Broadbent sont des types
de ce genre ; de même nos cas 1 et II). Après quelque malaise,
un sentiment de faiblesse, le malade présente de la céphalée,
Archives, 2° série, t. VIII. 14
210 PATHOLOGIE NERVEUSE.
des vomissements, un engourdissement d'un bras puis de la
jambe, de la difficulté de la parole. A la fin de la journée ou
le lendemain, une hémiplégie avec hémianesthésie s'établit ;
le bredouillement devient plus accusé ; une tendance au
sommeil, de la somnolence coupée de réveils lucides se mon-
trent ; le sommeil devient de plus en plus lourd; la confu-
sion est plus forte au réveil ; enfin le malade tombe dans le
coma et meurt, avec ou sans convulsions,
La mort est, en effet, la terminaison dans tous les cas que
nous avons réunis. Elle survient plus ou moins tôt, après
quelques heures dans les cas les plus rapides, jusqu'à vingt-
cinq jours dans les cas les plus prolongés. La régularité de la
progression n'est pas d'ailleurs directement en rapport avec
la durée de la maladie. Nous avons vu, en effet, qu'il peut
exister des périodes intercalaires de lucidité, une sorte
d'amélioration au milieu desquelles le coma peut survenir
tout à coup.
En résumé, si l'ingTavescent apoplexy peut constituer au
point de vue clinique une forme d'apoplexie, elle doit cette
distinction au caractère progressif de l'évolution des symp-
tômes et non aux symptômes eux-mêmes. Ces derniers se
retrouvent dans le tableau de l'apoplexie cérébrale en
général.
Dans l'apoplexie progressive, la production tardive du coma
permet aux symptômes d'apparaître successivement et avec
plus d'évidence : de telle sorte que l'on pourrait considérer la
période qui s'écoule entre les premiers accidents et le coma
comme une période prodromique très prolongée et progres-
sivement aggravée de l'attaque d'apoplexie. Il est à remar-
quer en effet qu'à côté des attaques d'apoplexie ordinaires
avec ictus instantané, il en est dans lesquelles quelques phé-
nomènes prodromiques annoncent l'ictus.
En outre, dans notre observation III, nous voyons que le
caractère indiqué comme essentiel, indispensable, pour que
l'apoplexie puisse être dite « apoplexie progressive », 1' « ab-
sence de coma primitif» peut ne pas exister et néanmoins le
cas, de par sa marche générale, doit entrer dans cette forme
ainsi la malade après un ictus rapide reprend connais-
sance et à partir de ce moment la maladie évolue comme
une apoplexie progressive type jusqu'au coma terminal.
Enfin, les symptômes relevés ne se reproduisent pas clans
DE L'APOPLEXIE PROGRESSIVE. 911
un ordre constant, mais d'une façon très irrégulière ; il n'y
a pas de règle dans la progression.
Dès lors, comme au point de vue des symptômes et de la
marche on trouve tous les intermédiaires entre l'apoplexie
progressive et l'apoplexie ordinaire nous pouvons dire que
l'apoplexie progressive ne se distingue pas essentiellement
de l'apoplexie ordinaire.
L'étude anatomo-pathologique va-t-elle corroborer celle
conclusion ou nous conduire, comme le pense Broadbent, à
admettre l'existence d'un syndrome anatomo-clinique distinct.
L'aspect extérieur du cerveau peut ne présenter aucune
particularité ; mais en général on trouve, en dehors de suffu-
sions sanguines sous les méninges molles, des modifications
de la surface cérébrale, notamment au niveau de l'insula et
du lobe frontal. Comme le dit Broadbent, l'apparence exté-
rieure fait penser à l'existence d'une pression interne éner-
gique produisant la distension de ces circonvolutions. Cet
aspect est surtout remarquable au niveau des circonvolutions
de l'insula; celles-ci sont aplanies, les sillons étant effacés de
telle sorte que l'insula apparaît comme une élévation ovale et
unie. Les circonvolutions frontales peuvent subir la même
distension qui les déplisse en forme de sac. En ces points, la
substance cérébrale distendue est ramollie, se laisse très faci-
lement déchirer, et de celte déchirure, parfois considérable,
s'échappe un caillot volumineux et du sang noirâtre. Si l'on
fait, avant que la déchirure ne se produise, une section sur
la surface qui bombe, l'on arrive immédiatement sur le foyer
hémorragique, à travers une très mince couche de substance
cérébrale ramollie. Dans certains cas cependant (Obs. I et II)
la déchirure peut se faire spontanément et l'on trouve à l'au-
topsie un caillot plus ou moins volumineux faisant hernie
sous la pie-mère. Dans l'observation I, il existait à la partie
antérieure du lobe frontal gauche un caillot faisant une sail-
lie de 3 centimètres de haut sur 4 de large ; à la palpation le
lobe frontal se laissait profondément déprimer et l'on voyait
s'échapper au niveau de la déchirure du sang coagulé et
liquide. Dans l'observation II, il existait au niveau des pieds
de la troisième frontale et de la frontale ascendante, une dila-
cération à bords irréguliers de la substance cérébrale ; ces
bords étaient distendus par un caillot noirâtre placé derrière
et qui venait affleurer en bouchon à la surface.
212 PATHOLOGIE NERVEUSE.
On peut encore trouver du sang dans la scissure de Syl-
vius, dans l'espace interpédonculaire, mais du côté opposé à
la lésion. En effet, le sang venant des ventricules latéraux,
passe à travers le plancher du quatrième ventricule, dans
l'espace interpédonculaire, et de là chemine sous l'arach-
. noide pour gagner la scissure deSylviusdu côté opposé, l'écou-
lement dans la scissure du côté de la lésion étant empêché
par la compression du foyer hémorragique.
Les ventricules latéraux sont tantôt à l'état de vacuité,
tantôt remplis par une quantité plus ou moins grande de sang
noirâtre partiellement coagulé. Broadbent fait remarquer que
lorsque le sang a envahi les ventricules latéraux, la corne
descendante du côté lésé est toujours vide, le sang ne pou-
vant y pénétrer par suite de la pression exercée sur elle par
le foyer hémorragique. Dans certains cas cependant on a
observé que cette corne pouvait aussi être envahie par le sang
(obs. III et obs. IV de Gull).
Lorsqu'on fait sortir le sang des ventricules, la surface du
cerveau s'affaisse dans les points qui faisaient saillie. Si l'on
examine alors la paroi ventriculaire on constate une déchirure
longitudinale plus ou moins étendue et siégeant à des niveaux
variables.
il la coupe de l'hémisphère, il n'y aurait pas seulement,
d'après Broadbent, une hémorragie abondante (ce qui est la
règle, qu'il y ait ou non inondation ventriculaire), mais
encore la localisation de celle-ci serait « dans certaines
limites » constante. Le foyer siégerait sur le côté externe du
corps strié extraventriculaire, entre ce ganglion et la capsule
externe, dans les fibres qui séparent celle-ci de l'insula.
Le noyau ventriculaire paraît détruit au premier abord,
alors qu'en réalité il n'est qu'à peine atteint. En fait, il est
complètement disséqué de la capsule externe et rejeté forte-
ment en dedans; il peut toutefois être un peu entamé par
l'hémorragie dans sa partie externe (putamen).
L'étude des observations mêmes de Broadbent, montre que
l'hémorragie siège, en effet, à la surface externe du corps
lenticulaire. Mais elle peut intéresser la substance blanche du
pied de la couronne rayonnante en s'incurvant rapidement
vers la corne antérieure du ventricule, et formant un gros
foyer situé immédiatement en avant du corps strié (à la par-
tie extrême de la capsule interne), ou au loin en pleine région
DE L'APOPLEXIE PROGRESSIVE. 213
frontale. L'hémorragie peut se faire ainsi complètement en
avant, ne recouvrant même pas toute la surface externe du
corps strié. Dans d'autres cas, l'hémorragie qui s'est faite en
avant jusque dans le ventricule, dépasse un peu en arrière le
noyau lenticulaire et forme ub foyer à la partie la plus pos-
térieure de la capsule interne; ou bien encore le foyer hémor-
ragique s'étend de la région antérieure jusque dans l'extré-
mité postérieure de la capsule interne comprimant la corne
descendante du ventricule et rejoignant une hémorragie de
la partie externe de la couche optique. Dans un cas, l'hémor-
ragie était limitée au bord tout à fait postérieur de la face
externe du noyau lenticulaire et avait envahi, à travers la
capsule interne, la corne occipitale du ventricule.
Dans nos cas, nous voyons (obs. I) l'hémorragie former un
foyer énorme situé entre l'insula et le noyau lenticulaire en
partie détruit, ne dépassant pas ce dernier en arrière, mais
coupant en avant la partie extrême de la capsule interne et
venant former un foyer volumineux dans la substance blanche
antérieure. Dans le cas III, l'hémorragie s'est faite également
entre l'insula et le corps strié ; mais au lieu de se propager
en avant, elle se continue en arrière du corps strié, coupe la
capsule interne (partie postérieure) et fait par là irruption
dans les cornes descendante et occipitale du ventricule. L'ob-
servation II est particulièrement intéressante au point de vue
de la topographie de l'hémorragie : le foyer principal siège
en avant du corps strié dans la substance blanche, et il envoie
deux prolongements, l'un en avant jusqu'au niveau de la
corne antérieure du ventricule qu'il effleure sans l'ouvrir,
l'autre en arrière entre l'insula et le corps strié. Toutefois
cette dernière partie de l'hémorragie, au lieu de se faire
directement à la surface externe du corps lenticulaire, se fait
en dehors, dans l'avant-mur et la substance blanche qui l'a-
voisine ; elle n'atteint la substance même du noyau lenticu-
laire que tout il fait à la partie postérieure de ce dernier, il
n'y a même là qu'une simple infiltration pluL()tqu'unc hémor-
ragie. Dans ce cas, le foyer primitif siège évidemment dans
le pied de la couronne rayonnante .
D'après Broadbent, l'abondance de l'hémorragie s'expli-
querait par la dimension du ou des vaisseaux rompus, et par
la résistance légère opposée en ce point par la substance
cérébrale à l'hémorragie.
214 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Quant à l'absence de coma primitif et il la marche pro-
gressive de l'apoplexie, on devrait les expliquer par ce fait
que jusqu'au moment où la quantité de sang devient très
considérable, il n'y a en réalité ni rupture de fibres ou déchi-
rure de la substance grise, ni compression violente de la
substance cérébrale, phénomènes par lesquels on explique
ordinairement la production de l'ictus. L'explication de cette
particularité serait donnée par la constitution même de la
capsule externe : les fibres de celte dernière ne se dirigent
pas perpendiculairement du noyau exlravenlriculaire vers
les circonvolutions de l'insula; mais, venant de la partie in-
férieure des ganglions, au lieu de continuer leur marche
vers la scissure de Sylvius, elles suivent une direction paral-
lèle à la face externe du corps strié extraventriculaire et vont
croiser les fibres qui émergent de la capsule interne. L'hé-
morragie se faisant ordinairement au niveau de l'artère de
Charcot, c'est-à-dire à la face externe du noyau lenticulaire,
les fibres de la capsule externe se sépàrent très facilement,
sans résistance, du noyau lenticulaire et offrent, par suite, un
chemin facile à l'hémorragie. La pression exercée sur la
substance cérébrale par le sang extravasé est empêchée par
la proximité de la scissure de Sylvius et de la corne descen-
dante du ventricule latéral. Le coma donc ne deviendra pro-
fond que lorsque la compression sera portée à son maximum
par l'épanchement. l.
Ainsi, progression de l'hémorragie dans un espace facile à
cliver, et au voisinage de cavités empêchant une distension
brusque de la substance cérébrale, telles sont les deux rai-
sons essentielles du caractère progressif. L'hémorragie se
faisant en avant rencontre, il est vrai, les fibres de la cou-
ronne rayonnante; mais ces fibres, entrelacées en apparence,
offriraient, pour Broadbent, moins de résistance qu'un plan
continu de fibres serrées et laisseraient l'hémorragie cheminer
jusqu'au ventricule.
L'étude des observations nous amène-L-elle il accepter les
conclusions de Broadbent ?
Y a-t-il tout d'abord un rapport constant entre l'apo-
plexie progressive et la localisation étroite indiquée par
cet auteur ? %
Dans un certain nombre d'observations, l'hémorragie est
tellement volumineuse que toute la substance qui sépare le
DE L'APOPLEXIE PROGRESSIVE. 215
noyau lenticulaire de l'insula et une grande quantité de subs-
tance blanche en avant et en arrière, sont entièrement
détruites. Dans d'autres cas, l'hémorragie ne se fait que par-
tiellement au niveau de la surface externe du noyau ventri-
culaire, et le foyer le plus volumineux se trouve dans la subs-
tance blanche, à la partie, antérieure ou postérieure. Dans
l'observation V de Broadbent, l'hémorragie aflleure à peine
le noyau lenticulaire et se fait, on peut dire tout entière,
entre ce noyau et la corne occipitale du ventricule ; c'est
sans doute pour ce motif que Broadbent ajoutait comme cor-
rectif à sa formule que « la localisation est, dans certaines
limites, constante ». Dans notre cas Il, nous avons vu que
l'hémorragie ne se faisait pas à la surface externe du noyau
extravenlriculaire, mais bien dans la couronne rayonnante
et qu'elle envoyait simplement un prolongement en arrière
dans l'avant-mur, laissant toute la capsule externe en contact
avec le noyau lenticulaire.
En somme, dans-l'apoplexie progressive, l'hémorragie peut
se faire dans celle région étendue que Gendrin, Charcot,
Bouchard ont montré être le territoire préféré de l'hémorra-
gie cérébrale. Elle se fait sur le parcours de vaisseaux volu-
mineux, en particulier l'artère de 1 hémorragie de Charcot, qui
longent la face externe du corps strié et la dépassent en avant
et en arrière. L'hémorragie pourra se faire en un point quel-
conque de ce trajet, soit le long du corps strié, soit au niveau
des houppes terminales en pleine substance blanche et au
voisinage d'une des cornes ventriculaires. Comme nous trou-
vons ces divers sièges de l'hémorragie dans nos cas d'apo-
plexie progressive, nous pouvons dire que dans cette forme
d'apoplexie, l'hémorragie n'a point originellement de siège
qui lui soit spécial.
Il nous paraît donc difficile d'invoquer une localisation
étroite de l'hémorragie dans celle région comme cause de la
marche progressive des symptômes. Cette conclusion est bien
en rapport avec ce que nous avait laissé penser certains
faits cliniques qui nous montraient des intermédiaires entre
l'apoplexie progressive et la folme ordinaire de l'apoplexie.
D'ailleurs, une observation de William Gull vient nous mon-
trer qu'il n'est même pas nécessaire que l'hémorragie se fasse
dans la région habituelle de l'hémorragie cérébrale. Chez
son malade, en .effet, qui présentait la symptomatologie
216 PATHOLOGIE NERVEUSE.
typique de l'apoplexie progressive, l'hémorragie siégeait au
niveau de la protubérance.
Voici le cas de William Gull. Cases of tlae cérébral vessels.
(Guy's IIospital Reports). Cas. II. Aneurism in the substance
of the pons variolii; ingravescent apoplexy.
W..., quarante-trois ans, femme de cabaretier se plaignait
depuis une quinzaine de jours de dyspepsie et de douleurs de
tête. Le 26 février 1858, il 7 heures du matin, servant ses clients,
elle s'écria brusquement : « Oh ! ma tête, je vais mourir ! » et elle
tomba. Après sa chute, elle ne put plus parler, mais elle demeura
partiellement consciente pendant déux heures, ouvrant sa bouche
quand on le lui demandait, mouvant son bras et sa jambe
gauches. A 9 heures, elle entra dans le coma, les pupilles con-
tractées et immobiles, la respiration stertoreuse, faisant des
efforts pour vomir qui aboutissaient au rejet d'un peu de mucus.
La mort survint trois heures et demie après la chute.
A l'autopsie, on trouva dans le tiers inférieur du pont de Varole
sur la ligne médiane, un caillot récent du poids de deux drach-
mes. Après avoir enlevé ce caillot, on aperçut un anévrysme
pyriforme qui faisait saillie du toit de la cavité produite par
l'irruption du sang. Rien de particulier dans le reste du cerveau.
Le caractère progressif de l'apoplexie ne parait donc pas
en rapport avec la localisation, dans un point précis, de la
substance cérébrale. La cause de la progression est-elle en
rapport avec la disposition structurale de la région dans
laquelle s'est produite l'hémorragie ?
Nous avons vu que Broadbent explique la progression par
la disposition particulière des fibres permettant un clivage
facile, et par le voisinage des ventricules et de la scissure de
Sylvius, empêchant la compression du cerveau. Mais étant
donné le point de départ variable de l'hémorragie dans l'apo-
plexie progressive, toutes les hémorragies se faisant dans le
territoire de l'artère de Charcot, devraient posséder une
symptomatologie également progressive !
Peut-être faut-il tenir un certain compte du processus ana-
tomique qui se passe au niveau des anévrismes artériels eux-
mêmes et qui permettrait, dans certains cas, une sorte d'usure
progressive du sac sans rupture brusque. Au début, une lente
extravasation de sang pourrait se faire entre les fibres de la
substance cérébrale, au lieu d'une issue brusque capable de
provoquer l'ictus. D'ailleurs un fait rapporté par M. Mossé
DE L'APOPLEXIE PROGRESSIVE. 217 "j
nous autorise à douter de l'existence d'un rapport entre la
progression et la structure même de la région envahie. Chez
un malade qui avait présenté le tableau de l'apoplexie pro-
gressive, on ne constata à l'autopsie aucune lésion hémorra-
gique, mais seulement un peu d'oedème cérébral avec épan-
chement de sérosité dans le ventricule. Peut-être est-on
autorisé, dans des cas de cet ordre, à attribuer le syndrome
de l'apoplexie progressive à des troubles cérébraux liés à
l'urémie ou à quelque autre auto-intoxication.
En conclusion, l'apoplexie progressive au point de vue cli-
nique peut être considérée comme une forme d'apoplexie,
mais qui n'est pas tellement distincte des autres formes
qu'on ne puisse trouver des intermédiaires qui les ratlachent.
D'autre part, l'étude des lésions nous montre que l'hémorra-
gie ne trouve pas strictement son origine au niveau de la face
externe du noyau lenticulaire, mais peut se produire dans un
point variable d'une zone plus large, constituant la région de
l'hémorragie de Charcot, et quelquefois même en des points
cxlrahémisphériques comme le pont de Varole.
Il nous paraît donc difficile d'admettre que l'apoplexie
progressive corresponde, comme tendrait à le laisser penser
Broadbent, à un syndrome anatomo-clinique .précis. Toute
sa caractéristique tient clans la formation progressive de
l'hémorragie.
L'explication de la progression de cette hémorragie est
malaisée. Peut-être faut-il l'attribuer à l'absence de rupture
brutale du sac anévrysmatique et à son ouverture par usure
avec passage lent du sang dans la substance cérébrale au voi-
sinage d'un point eompressible, comme un venlricule ou l'in-
sula.
ÉPILFPTIQUE brûlée vivr. - M"10 Catherine Canton, âgée de
soixante-quatorze ans, demeurant à Saint-Just, a été brûlée vive,
la nuit dernière, à la suite d'une imprudence ou d'un accident.
Elle était descendue de sa chambre, portant une bougie à la
main ; comme elle était sujette à des attaques d'épilepsie, on
suppose qu'elle est tombée et que le feu s'est communiqué à
ses vêtements. On. s'est empressé de lui porter secours; mais
il était trop tard. La malheureuse est morte dans d'atroces souf-
frances. (Le Journal, l8 juin 1899.) - D'où la nécessité d'une sur-
veillance constante et partant de l'hospitalisation. ,
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
PATHOLOGIQUES.
1. Sur les causes de la cyclopie; parle professeur Francesco Leggb.
(Bull. délie scienze medicltc, n° 10, 1898.)
Recherches anatomiques portant principalement sur deux cas
de cyclopie chez l'agneau, et conduisant aux conclusions suivantes :
I. Les causes de la cyclopie dépendent d'une soudure précoce
des deux parties latérales du tube cérébro-médullaire qui se
rejoignent à la partie dorsale pour constituer la vésicule cérébrale
antérieure et, de l'époque plus ou moins précoce de cette soudure,
dépendent les divers degrés de cyclopie.
II. L'auteur n'admet pas que cette soudure puisse résulter d'une
pression exercée par le capuchon céphalique de l'amnios sur
l'extrémité céphalique de l'embryon, mais il croit que l'étroitesse
du capuchon céphalique, observée et décrite par Uarestc dans les
cas de cyclopie, défend des mêmes causes qui ont produit la
cyclopie et de l'airét de développement de la vésicule cérébrale
antérieure.
III. Ces causes auraient leur source dans l'atrophie des rameaux : \ :
artériels qui portent le sang dans l'extrémité céphalique de
l'embryon, d'autant plus que l'atrophie de la vésicule cérébrale
antérieure est toujours accompagnée de l'atrophie plus ou moins
profonde des arcs branchiaux et des autres organes de la face et
parties du crâne. 0
IV. Les diverses positions que peut présenter la trompe dans la
cyclopie, relalivement au bulbe oculaire, dépendent des nouveaux
rapports qu'affecte la vésicule oculaire primitive déplacée, depuis
le front jusqu'à l'ébauche nasale primitive, dans les divers cas de
cyclopie.. Il. Ctunox.
II. Recherches sur les lésions des centres nerveux consécutives
à l'hyperthermie expérimentale et à la fièvre ; par AI. le
Dr ALmaiaco.
On ne peut pas appliquer sans réserves les données de l'expéri-
mentation constatées chez le lapin, à la pathogénie humaine.
L'hyperthermie chez l'homme est très souvent, sinon toujours, in-
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 219
fectieuse ou toxique et en cas de constatation des lésions dans les
centres nerveux, il faut savoir distinguer ce qui revient à l'hyper-
thermie de ce qui revient à l'infection; attribuer en bloc à l'hyper-
thermie seule toutes les lésions trouvées chez un individu mort
par suite d'hyperthermie, serait une erreur. Il est fort probable,
d'autre part, que la cohésion des granulations élémentaires qui
constituent les éléments cbromatophiles est plus grande chez
l'homme que chez le lapin. En outre l'âge de l'individu peut jouer
un certain rôle dans les altérations qui accompagnent les maladies
fébriles. L'étude attentive des lésions produites par la fièvre chez
l'homme permet à l'auteur d'émettre les conclusions suivantes :
1° La température inférieure à 10°, même quand elle se prolonge
pendant plusieurs jours, ne semble pas être suffisante pour pro-
duire des lésions semblables à celles que détermine l'hyperthermie
expérimentale ;
2° Dans des cas infectieux fébriles, où la température a dépassé
40°, il peut se rencontrer des lésions, lesquelles n'appartiennent
pas toujours à l'hyperthermie, parce que leur aspect diffère de
celui produit par l'élév, tion thermique ;
3° C'est surtout dans les cas où la température a atteint ! ¡ 1°, et
s'est maintenue à cette élévation pendant quelques heures, que
des lésions analogues à celles de l'hyperthermie expérimentale se
rencontrent. Elles ressemblent à celles qu'on réalise en faisant
varier la température de l'animal entre 43° et 4o : le corps cellu-
laire est tuméfié, ses éléments chromatophilea ne présentent plus
leur aspect normal; à la périphérie, ils font habituellement défaut, t,
alors qu'à la pallie centrale ils sont mal individualisés, réduits à
des granulations difficiles à définir. La cellule a perdu son aspect
stricochrome et prend une teinte plus ou moins foncée, opaque :
elle est plus pâle à sa périphérie. (Revue neurologique , jan-
vier 1899.) E. 13.
II1. Contribution à l'étude de l'anatomie pathologique des aliénés;
par les D"5 DouTnruEwe et GOD \ULT.
Le hasard des rencontres d'autopsie a permis aux auteurs de
trouver à peu de temps d'intervalle, deux malformations sem-
blables sons forme de diverticules intestinaux, peut-être à des
étapes différentes de leur développement. Leur structure, qui ne
révèle pas d'élément inflammatoire, leur histologie macroscopique,
qui témoigne de l'existence dans leurs parois des trois tuniques,
persistantes (obs. II) ou atrophiées (obs. I) et paraissant accom-
pagnées de leurs éléments glandulaires et vasculaires ; l'absence
de perturbation organique signalant leur évolution, leur innocuité,
tout concourt à leur attribuer une origine congénitale qui semble
confirmer le développement embryogénique de l'intestin.
220 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
Les difformités ou malformations viscérales doivent-elles être
considérées comme des stigmates internes de dégénérescence au
même titre que celles relevées sur la face, les membres, etc. ?
Peut-être les malformations internes ne-sont-elles plus rares que
parce que les observateurs ont négligé de les rechercher. (Annales
médico-psychologiques, avril 1899 '.) E. B.
IV. Les phénomènes de réparation dans les centres nerveux après
la section des nerfs périphériques; par A. van GEH UCHTEX.
(Presse médicale, 4 janvier 1899.)
L'auteur répond aux critiques formulées contre lui par M. Mari-
nesco, dans de récents travaux. S'appuyant sur ses expériences et
ses travaux personnels, il s'attache à démontrer que son contra-
dicteur soutient des opinions en désaccord avec des faits d'obser-
vations indiscutables. C'est ainsi que M. Van Gehuchten soutient
que la section d'un nerf moteur spinal, chez le lapin, n'est pas
suivie inévitablement de chromatolyse dans les cellules d'origine
des fibres sectionnées, contrairement il ce qui se passe pour tout
nerf moteur cranien dont la section entraine toujours une réaction
cellulaire précoce. M. Marinesco nie l'exactitude de cette proposi-
tion qui est cependant d'accord avec certaines de ses propres expé-
riences. D'après M. Van Gehuchten, il n'est pas prouvé, ainsi que
l'affirme M. Marinesco que la réparation des cellules nerveuses,
altérées par suite de la section du nerf correspondant, marche plus
vite quand les deux bouts du nerf parviennent à se mettre en
contact. L'auteur est même porté à penser, mais il ne saurait
actuellement le prouver par des faits, que la soudure des deux
bouts est sans effet sur les phénomènes de réparation cellulaire.
Mais cette soudure lui parait avoir une influence sur le sort
ultérieur des cellules du nerf lésé. Dans le cas où elle a lieu.
les cellules reviennent à l'état normal; dans le cas contraire,
après ce retour à l'état normal, elles s'atrophient et disparaissent.
M. Van Gehuchten admet qu'à la suite de la section d'un nerf
moteur cranien, les cellules d'origine des fibres lésées parcourent
d'abord une phase de dissolution des éléments cllromatoplliles,
bientôt suivie d'une phase de réparation des mêmes éléments.
Selon M. Marinesco, cette seconde phase n'est pas fatale. Cette
' Nous avons l'habitude, et nous ne sommes pas le seul. de faire aussi
complètement que possible l'autopsie de nos malades. C'est pourquoi il
nous a été donné d'observer un certain nombre de malformations des
organes internes, dont quelques-unes ont été consignées déjà dans la
collection des Comptes rendus de notre service de Bicc;tre de 1880 à 1898.
Malheureusement cette collection qui a coulé, à nous et à nos internes,
beaucoup sous tous les rapports, semble moins connue de nos confrères
français que' des médecins étrangers. (B.).
REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 221
divergence d'opinion provient sans doute de ce que M. Marinesco
a étudié les lésions cellulaires après l'arrachement et non après la
section des nerfs ; or, il est établi que ces procédés d'expérimenta-
tion entrainent des résultats dissemblables.
Ces auteurs sont encore en désaccord sur le point de savoir à
quel moment après la section de l'hypoglosse, l'hypertrophie des
cellules d'origine de ce nerf atteint son maximum. Selon M. Ma-
rinesco,ce maximum s'observe du 90° au 100e jour;M. Van Gehuch-
ten rapporte des faits établissant nettement qu'il s'observe du 15e
au 20° jour. A la suite de la section du nerf vague dans la région
cervicale, les cellules du ganglion noueux de ce nerf, après la
phase de chromatolyse, ne présentent pas, d'après M. Van Gehuch-
ten, la phase de réparation,- mais s'atrophient et disparaissent.
M. Marinesco a contesté ce fait dont M. Van Gehuchten maintient
l'exactitude, attestée d'ailleurs par les figures qui accompagnent
son travail. De même, la dégénérescence et la disparition des cellules
du noyau dorsal du nerf vague dans le bulbe, après la section de
ce nerf à la région cervicale, est admise par M. Van Gehuchten et
niée par M. Marinesco. Ils ne sont encore pas d'accord sur la nature
motrice ou sensitive de ce noyau dorsal du vague. M. Marinesco
tend actuellement à le regarder comme sensitif, tandis que M. Van
Gehuchten, d'après de récentes recherches, considère comme
démontrée sa nature motrice. A. 1 L,.aarlou.
V. Le système osseux chez les aliénés ; par J.-F. l3mscols (Alton
Hans). (l3ritislv med. Journal, 3 décembre 1898.)
L'auteur étudie successivement les fractures chez les aliénés :
fractures spontanées et accidentelles, l'ostéoporose, l'état des os du
crâne dans la paralysie générale, les hyperostoses, le ramollisse-
ment et les abcès chroniques des os, etc. Plusieurs illustrations
sont jointes à ce travail. A. M.
VI. Anatomie pathologique d'un cas de myélite syphilitique ;
par Wiliamson (de Manchester). (British met. Journal, décem-
bre 1898.)
Les lésions pathologiques peuvent se résumer comme suit :
endartérite et dégénérescence hyaline des vaisseaux spinaux et
méningés ; inflammation légère des méninges, infiltration gom-
meuse des colonnes antéro-latérales droites de la région dorsale
supérieure, sclérose périphérique généralisée à la région dorsale
dans les colonnes latérales surtout, plaques de sclérose irrégu-
lières, plaque gommeuse de la région dorsale inférieure et sclérose
descendante lombaire, sclérose ascendante cervicale dans les
colonnes médianes et postérieures. A. Marie.
222 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
Vif. Nouvelles études sur la physio-pathologie du cervelet; par
GATTA. ( ? tara Rivisla clÍ1zico : therapeulica, n° 2, 1899).
L'auteur trace tout d'abord avec concision et méthode l'historique
de cette question toujours discutée et qui a donné lieu à tant de
travaux, soulevé tant de discussions, et conduit aux conclusions
les plus divergentes en passant par deux grandes périodes : la
première commencée par Rolando et qui a été illustrée par Flou-
rens ; la deuxième commencée par Luciani et qui reste encore
ouverte à l'heure actuelle.
Il n'est plus guère aujourd'hui question de mettre en discussion
ce fait que les lésions du cervelet produisent des troubles plus ou
moins accentués de l'équilibre, mais ce qui reste encore indéter-
miné, au milieu des expériences contradictoires, c'est le méca-
nisme physiologique qui produit ces troubles. Le cervelet est-il,
pour ne parler que d'opinions récentes et solidement édifiées sur
l'expérimentation, « un organe homogène, de renforcement,
exerçant sur le système nerveux une influence neuro-musculaire
sténique, tonique et statique » (Luciani), ou bien « un centre
d'une réaction spéciale qui s'applique au maintien de l'équilibre
c'est-à-dire un centre réflexe de l'équilibre » (Thomas). Pour
contribuer à éclaircir ce point, l'auteur s'est proposé d'étudier
seulement, chez des chiens soumis à la destruction du lobe mé-
dian, d'une moitié latérale et à la destruction complète du cerve-
let : 1° les tracés de la marche ; 2° les tracés des contractions mus-
culaires. L'étude de ces tracés, à l'aide d'un myographe spécial,
et d'empreintes colorées a conduit l'auteur aux conclusions sui-
vantes : a) Le cervelet est un organe unique, homogène et non
un groupe d'organes; b) on ne saurait dire avec précision si n'est
un organe terminal ou un organe intermédiaire, parce que sa
destruction totale entraîne des phénomènes qui 's'expliquent éga-
lement dans l'un et dans l'autre cas ; c) dans la plupart des cas
l'action du cervelet se concrète dans une réaction mise en jeu par
des excitations périphériques et des impressions centrales et s'exer-
çant sur les muscles et appareils d'où dépendent les différentes
attitudes et les différents mouvements du corps. R. CHARON.
VIII. De la porencéphalie ; par A. IIICIITER (Ce2lil-tilbl(LIt f Nervenheil-
Iiii)zde, XU, N. F. 1s.18 : t8).
Il est des cas dans lesquels (porencéphalies avec idiotie) le défaut
de longueur du diamètre antéropostérieur du crâne fait basculer
les rochers de telle sorte que la fente du cervelet, qui s'y insère,
avec le segment postérieur de la faux du cerveau, se porte en bas
et en avant. Le corps calleux, et principalement sa partie posté-
rieure, entre, en s'accroissant, dans la faux, où il se comprime. Le
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 223
corps calleux est ainsi tué dans les hémisphères ; il dégénère en
tissu conjonctif qui prolifère. On comprend la portée du phéno-
mène, étant donné le rôle du corps calleux, foetal et infantile, du
cinquième mois de la vie intra-utérine jusqu'à la cessation du
développement de l'encéphale. C'est ce qui explique pourquoi
31 p. 100 des porencéphalies sont bilatérales et au=si symétriques
(Siegmund, 9893. Andry, 1888.)
Des deux nouvelles observations qu'il donne l'auteur tire ce qui
suit : 1° Du corps calleux comprimé, ou, du moins, dans la
direction de ce qui eût dû être le corps calleux, partent des trac-
tus de tissu conjonctif, qui pénètrent dans les circonvolutions
symétriquement unies par cet organe ; 2° Ces trousseanx de
tissu conjonctif vont clans les voûtes des circonvolutions former des
fourches séparées qui les dissocient. C'est comme cela que se
forment les trous de dehors en dedans ; 3° Les tractus de tissu
conjonctif sont déjà disjoints dans leur trajet et forment ainsi des
cavités porencéphaliques; 4° Partout l'on suit les membranes
des trous, à l'état de travées de tissu conjonctif jusqu'au corps
calleux ; 5° Ces tractus sont du tissu conjonctif encore inachevé,
qui a déjà proliféré ; - 0° Les tractus ne vont pas dans la capsule
interne; 7° Les trous pénètrent fréquemment dans les ventri-
cules latéraux parceque le corps calleux vers lequel se dirige la
membrane du ti ou est le couvercle du ventricule latéral ; - 8° Le
mécanisme de la formation de lacunes porencéphaliques tient : a) à
l'accroissement ultérieur du cerveau alors que le tissu du corps
calleux subit la dégénérescence conjonctive ou la prolifération
conjonctive, ? /) à l'hydropisie qui survient aisément par trouble de
la circulation de la veine de Galien qui se jette dans le sinus droit
sous le corpscalleux qui la comprime ; car tous les cerveaux d'idiots
à corps calleux mince ne deviennent pas porencéphaliques ;
9° Si les lacunes porencéphaliques sont rares dans le cerveau fron-
tal, cela tient à ce que le genou du corps calleux n'est pas com-
primé par la faux du cerveau.
Les porencéphalies dont nous venons de parler sont donc d'ori-
gine centrale, c'est-à-dire qu'elles sont produites par la pression
de la faux du cerveau contre le corps calleux. C'est ce que prou-
vent : il, La symétrie rigoureuse d'un grand nombre des trous
bilatéraux dont la genèse s'explique naturellement par le méca-
nisme que nous venons de décrire ; 2° l'irradiation des tractus
conjonctifs, provenant du corps calleux, dans les circonvolutions
autrement intactes, qui exclut toute explication péripliréique, ;
3° l'atrophie si complète du corps calleux, constituée par quelques
tractus de tissu conjonctif, qui ne peut être produite que par la
pression totale exercée sur la partie postérieure du corps calleux.
P. IIEft.\\'.1L.
224' i REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
IX. De la nature et de la genèse de l'hystérie ; par P. SOLL1EI.
(Cenlralbl. f. 11'rvenheilii., XXI, N. F. IX, 1898.)
Lettres de l'auteur à Erlenmeyer; corrigées et traduites par ce
clinicien, sur son livre publié par Alcan. P. K.
X. Contribution à la physiologie et à la physiologie pathologique
du labyrinthe chez l'homme ; par M. EGGER (Cellt2'ctlbl. f. Ne1'-
venheilk., XXII, N. F. X, 1899). -
Nous ne percevons un mouvement circulaire auquel nous sommes
soumis que s'il est accéléré en plus ou en moins ; tout mouvement
uniforme nous parait être Je repos. Nous perdons même rapide-
ment la sensation de ce mouvement circulaire accéléré, tandis que
la sensation de la position du corps par rapport à la verticale
persiste. C'est que, dit Mach, les canaux semi circulaires servent à
la sensation de la rotation de translation tandis que l'utricule est
l'organe de perception de la position du corps par rapport à la
verticale. Breuer ajoute : L'accélération progressive du mouvement
rotatoire n'exerce ancune influence sur le liquide inclus dans les
canaux semi-circulaires, la perception du mouvement en question
n'est donc pas transmise par le labyrinthe, elle a lieu par le dépla-
cement des otolithes sur les cils des cellules. Quand on imprime
à l'individu un mouvement accéléré en avant, les otolithes sont
déplacés en arrière ; le même phénomène a lieu par la rotation
dans le plan des canaux semi-circulaires antéropostérieurs. Un
mouvement passif accéléré en avant n'excite que les otolithes ou
organes de l'équilibre, en déplaçant en arrière l'otolilhe sur les
cils des cellules. Les mouvements accélérés circulaires, eux, pro-
duisent un mouvement des otolithes et en même temps un dépla-
cement des canaux semi-circulaires : c'est l'association des deux
excitations qui forme l'image sensorielle du mouvement rotatoire,
tandis que l'excitation de l'utricule seule est ressentie comme
mouvement de progression et donne la notion de la position du
corps. Voici les confirmations cliniques.
Observation I. H..., de quarante-trois ans, totalement sourd,
depuis peu ; perception par le crâne à peu près nulle. Carie syphili-
tique bilatérale de l'oreille interne. Dans l'oreille moyenne, rien,
sauf une légère sclérose des deux tympans. Réflexes patellaires,
achilléens et cubital, normaux. Aucune anomalie de la sensibilité
cutanée ou motrice, titubation très forte du patient dans la situa-
tion verticale. Signe de Romberg. Impossibilité de se tenir sur une
jambe même les yeux ouverts. Démarche extrêmement incertaine
et vacillante, malgré les efforts d'arriver au but à grands pas et
rapidement ; il tombe quand on lui ferme les yeux. Debout ou en
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 220
marche, s'il penche rapidement la tète en avant, en arrière, à
gauche ou à droite. il tombe du côté où il a fait ce mouvement; si
ces inclinaisons céphaliques sont exécutées lentement, le patient
parvient à se préserver d'une chute. Le saut de la faible hauteur
de 40 centimètres à peine lui fait plier les deux jambes. Incapable
de sauter en avant et en hauteur de 10 centimètres. Émaciation,
disparition de la force musculaire. Conservation des sensations des
mouvements totaux passifs accompagnés de nystagmus rotatoire.
Fait-on tourner ce malheureux sur une plaque à mouvement cen-
trifuge dans toutes les directions du plan des canaux semi-circu-
laires, il indique très bien la direction du mouvement, il la sent
même plus que normalement. A l'arrêt, se produit le vertige- de
rotation ordinaire, c'est-à-dire la sensation opposée au mouvement
de rotation du début. Conservation des mouvements des yeux
compensateurs. Diagnostic. Lésion de l'organe de station; conser-
vation des canaux semi-circulaires percepteurs des mouvements.
Observation II. Femme atteinte de tabes bulbaire ; lésion
des 3°, 5°, 7°, z,9 ? 10", if, 12° paires. En ce qui concerne l'oculo-
moteur commun, le droit interne de l'oeil gauche est seul paralysé.
Sensation auditive abolie des deux côtés, qu'il s'agisse de la
transmission par l'air ou par les os. Conservation des réflexes
patellaires, achilléens, du coude ; à droite absence du réflexe
radial. Pas de signe de Romberg ; elle se tient même sur une
jambe sans grandes oscillations. Démarche normale, non ataxique,
non titubante, sûre, même les yeux fermés. Pendant la marche en
avant, l'inclinaison de la tête de gauche à droite fuit perdre l'équi-
libre, la malade tombe alors du côté droit. Saut en avant et en
hauteur très restreint. Diminution de la force par atrophie muscu-
laire. Sur la plaque centrifuge, la malade ne sent, les yeux fermés,
aucune rotation, elle croit être en repos. Pas de nystagmus de
rotation, quelle que soit la position de la tête. Pas de vertiges de
rotation. Quand elle voit l'appareil tourner, elle est prise de ver-
tiges. Diagnostic. Les canaux semi-circulaires chargés de perce-
voir les mouvements passifs totaux et incitateuis de= mouvements
des yeux compensateurs sont détruits ; l'organe de la statique est
conservé, c'est pourquoi la fonction de la station et de la locomo-
tion est indemne.
Observation III. Femme atteinte d'une tumeur bulboprotubé-
rantielle ; lésion unilatérale du nerf vestibulaire gauche, de la S''
paire, du glossopharyngien, du pneumogastrique et de l'accessoire
du même côté. Anesthésie totale de la moitié gauche de la tête et
de la face et, en outre, uneothésie dans la région de l'ophthalmique,
de l'étage supérieur du nerf maxillaire supérieur. Diminution de
l'ouïe à gauche; acuité auditive normale à droite. Aucun signe
positif relativement à l'oreille moyenne droite ou gauche. Diminu-
ascuwra, 2' série, t. VIII. 15
226 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
tion de la sensibilité de contact et des deux tympans. Uiminu-
nution de la force musculaiie du côté gauche du corps. fous les
réflexes sont exagérés. Signe de Romberg extrêmement marqué;
elle tombe. Impossibilité de se tenir sur une seule jambe à droite
ou à gauche. Dans la marche en avant, titubation toujours vers la
-.gauche; l'occlusion des yeux détermine un mouvement de manège
à gauche. Toute modification de la situation du corps détermine
un fort vertige ; d est impossible d'étudier avec précision les mou-
vements oculaires compensateurs à cause de l'anesthésie des
deux globes oculaires. Sur la plaque centrifuge, les rotations à
droite sont aussitôt perçues, les rotations à gauche paraissent
tantôt être perçues comme repos, tantôt être perçues comme
un mouvement dont il est impossible à la malade de préciser la
direction. Le vertige auriculaire galvanique n'est produit que par
l'oreille droite. Preyer a dit que le système des canaux semi-cir-
culaires occupant les trois dimensions de l'espace sert à percevoir
la direction du son. C'est une bonne occasion de contrôler cette
assertion chez cette malade qui, n'ayant qu'une faible diminution
de l'acuité auditive à gauche, ne sent pas les mouvements de rota-
tion pour les rotations de droite à gauche. On l'assied, les yeux
fermés, le visage à la périphérie de l'appareil centrifuge. L'obser-
vateur, en dehors de l'appareil, fait tourner celui-ci, c'est-à-dire
la malade, lentement de droite à gauche; en même temps, il fait
entendre à un mètre de distance, un coup de sifflet aigu. Pour
l'oreille gauche, elle donne des indications fausses ; pour l'oreille
droite elle donne des indications exactes. P. KERA VAL.
XI. Des altérations de la moelle consécutives à la forcipressure
de l'aorte abdominale chez le chien; par M. Rotiimann (Neuro-
log. Centralblatt. XVIII, 1899).
Le pincement de l'aorte au-dessus de l'artère mésentérique supé-
rieure pendant une heure détermine une paralysie des extrémités
postérieures et l'animal meurt quelques heures plus tard de lésions
intestinales graves (exp. 1 et II). La même opération effectuée
immédiatement au-dessus de l'artère rénale droite (exp. III à V)
produit des troubles graves de la motilité et de la sensibilité dans
les membres postérieurs, mais point de paralysie complète.
L'anémie de la moelle lombaire et sacrée est manifestement plus
grande que lorsqu'on pince l'aorte au-dessous des artères rénales.
Toutefois il se produit une circulation collatérale par les artères
spinales situées plus haut; c'est pourquoi les troubles moteurs
sont bien plus marqués après un pincement d'une heure qu'après
un pincement d'une heure un quart ou d'une heure et demie, et
ont disparu le lendemain de l'opération. Les chiens opérés sous
l'éther associé à la morphine ne remuent pas du tout les pattes
REVUE D'ANATOLE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 227
de derrière, alors qu'au bout d'une heure et demie de forcipressure
ils font des mouvements déjà accusés dès la première heure : cela
tient à ce que la circulation collatérale de plus en plus complète
rétablit rapidement la fonction des cellules nerveuses endommagées
par l'anémie. Mieux s'établit cette circulation collatérale, plus
faible est la différence entre l'anémie initiale de la moelle et l'irri-
gation consécutive à la disparition de l'obstacle; sinon, l'augmen-
tation en ce moment de la pression sanguine viendrait encore
nuire aux cellules déjà affaiblies; c'est aussi pourquoi les chiens
survivent, en l'espèce, 11'jours et davantage à la forcipressure. Il
ne se produit d'altérations rénales qu'après une forcipressure
d'une heure et demie; elles sont les mêmes que celles qui se pro-
duisent après une forcipressure de l'artère rénale même (Litten).
Dans les huit premiers jours qui suivent l'intervention. les troubles
moteurs et sensitifs sont revenus à la normale. Le pincement de
l'aorte au-dessous de l'artère mésentérique supérieure donne les
mêmes résultats (exp. VI et VII) que le pincement au-dessus des
artères rénales, mais l'intestin est plus atteint, et, par suite, l'issue
mortelle plus rapide. Des expériences complémentaires (exp. VIII
et IX) établissent l'importance de la narcose; les chiens endormis
restant bien tranquilles pendant l'opération, n'imposent aucune
fatigue à leurs cellules nerveuses anémiées par la forcipressure.
Anatomie pathologique. Les altérations des cellules des cornes
antérieures de la moelle sacrée et lombaire sont très considérables
chez les animaux qui ont succombé dans les six heures consécu-
tives il l'opération (exp. 1); on constate : un aspect indécis des
granulations de Nissl, la substance chromatophile périnucléaire
étant plus colorée que celle de la périphérie plus ramollie et par-
semée de taches incolores appartenant à la substance fibrillaire
fondamentale - des tendances à la vacuolisation - des modifica-
tions de formes du noyau repou,ssé à la périphérie ou isolé au
milieu d'une anse échancrée de la cellule malade. Dix à douze
heures après l'opération (exp. II et VI) les granulations de Nissl
ont disparu, le protoplasma d'un bleu diffus laisse voir un fin
réseau bleu sombre; le noyau bleu pâle occupe le milieu de l'élé-
ment anatomique ou est rejeté au dehors, les parties périphériques
sont claires ou bien elles sont transformées en compartiments com-
parables aux rayons d'une ruche dont les cloisons bleu foncé limi-
tent des chambres décoloréss, et au milieu est un petit noyau à
boi : ds irréguliers à protoplasma foncé. En ce dernier cas, il y a
peu de prolongements protoplasmiques et l'élément anatomique
est recoquillé. A côté'de cela, certaines cellules sont réduites à des
ombres au milieu desquelles le noyau disparait presque à l'état de
silhouette dans laquelle un point obscur représente le nucléole.
Dès les vingt-huit heures qui suivent la forcipressure on voit
déjà des signes de réparation (exp. V111), ils s'accompagnent chez
228 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
les animaux examinés dans les quatre cinq jours consécutifs de
vascularisation exagérée. Au sur et à mesure qu'on monte de la
moelle sacrée à la moelle lombaire inférieure et de celle-ci plus
haut, l'liypervascnlarisation et l'altération des cellules décroissent
d'intensité. Nulle part il n'y a de dégénérescences secondaires.
Chez les chiens qui ont'survécu le plus longtemps, quatorze et
seize jours (exp. V et VI) les cellules sont en nombre normal, on
constate à peine quelque division diffuse de la substance chroma-
tophile finement grenue, parfois accumulée autour du noyau
normal, rarement marginal. Puis les cellules sont à peu près nor-
males, il n'y a guère qu'un tassement de la substance chroma-
tique des granulations de Nissl autour du noyau. Les vaisseaux
sanguins, les artères surtout, ont les parois épaissies et sont dilatées.
En résumé -après 6 heures, état flou des granulations de Nissl,
avec accumulation centrale de la substance chromatique et forma-
tion de vacuoles au bout de dix il douze heures, coloration
bleue diffuse avec formation réticulée dans le corps de la cellule
et dissociation de quelques cellules au bout de vingt-huit
heures, les granulations se pressent encore autour du noyau,
quelques cellules sont divisées en compartiments rayonnés - dans
les cinq jours qui suivent, tantôt il y a peu de déviation de la nor-
male, tantôt la substance chromatique est complètement atrophiée,
la cellule est tuméfiée quoique son noyau soit conservé, les vais-
seaux de la substance grise sont très développés dans les
quatorze à seize jours suivants il y a peu de chose sauf la dispa-
rition de la substance chromatique peu modifiée d'ailleurs.
P. Keraval.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
IX. De l'importance de l'emploi simultané de la suggestion hyp-
notique et d'autres médicaments dans le traitement de l'alcoo-
lisme chonique; par \ ? uei3ecnTLnw. (Centralbl. f. Nervenheilk.,
XXII, N. F. X, 1899.)
L'hypnotisme excelle chez les buveurs d'habitude; presque tou-
jours, il y a cessation subite des habitudes, ou bien ils cessent défi-
nitivement de boire après avoir ingéré des doses modérées
d'alcool pendant un jour ou deux. Il suffit, pour maintenir la tem-
pérance, de pratiquer de temps à autre de nouvelles suggestions.
Cela dépend de la gravité de chaque cas particulier, de la profon-
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 229
deur de l'hypnose, du degré de la suggestibilité. On fait d'abord
deux séances par semaines ; puis, on les espace, finalement il faut
les répéter au moins à quelques mois d'intervalle. Il arrive quel-
quefois que d'un seul coup on obtient la tempérance pour de
nombreux mois; malgré cela, il convient de répéter les sugges-
tions à des intervalles de quelques semaines ou de deux à trois
mois. Dans l'ivrognerie périodique, l'hypnose peut encore exercer
une action utile et durable, à la condition de répéter la sugges-
tion pour éviter les rechutes. La fréquence de la récidive dépend
et du degré de la dégénérescence et d'autres facteurs parmi lesquels
le milieu, et surtout l'entraînement, l'intolérance de l'économie à
l'égard des spiritueux.
L'hypnotisme peut être pratiqué en plein délire alcoolique à
moins que l'excitation du malade le rende insensible à cette pra-
tique ; sinon, les hallucinations ne sont point une contre-indica-
tion. L'hypnose peut alors améliorer à ce degré l'état subjectil' du
patient qu'il obéisse à la suggestion nécessaire de dormir profon-
dément.
L'emploi simultané d'autres médicaments s'explique par les
troubles de la nutrition du système nerveux et d'autres organes
concomitants. Bains, frictions généralisées, bromures associés à la
codéine, la digitale, l'adonis vernalis, toniques et en particulier la
strychnine, sont indiqués. L'hypnose agit sur les troubles fonc-
tionnels, notamment sur la volonté. P. KERAVAL.
X. Traitement de la sciatique par l'ichthyol; par S. Crocs.
(Jourrz. de Neurologie, juin 1899.)
L'auteur de cette note dit avoir obtenu, à la suite de l'adminis-
tration de l'ichthyol 1¡¡lus et extra dans 24 cas de sciatique grave,
14 guérisons, 4 améliorations très notables et 2 insuccès. Il pres-
crit 6 à 8 capsules par jour de ce médicament et des frictions avec
un liniment ichthyolé. Sans être un antidote de la sciatique,
l'ichthyol serait, d'après M. Crocq, le remède le plus efficace pour
combattre cette affection, dans la généralité des cas. G. Dknv.
XI. Vomissements incoercibles de nature hystérique, traités par
la méthode d'Apostoli; par M. DECROLY. de Neurologie,
mai 1899
Observation d'une jeune hystérique, atteinte depuis cinq ans de
vomissements survenant après chaque repas sans efforts ni
souffrance, et qui fut sinon guérie, du moins sensiblement amé-
liorée par la galvanisation des deux pneumogastriques au cou,
suivant la méthode d'Apostoli. G. D.
230 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
XII. De l'emploi des bains prolongés chez les aliénés ; par E. 130YEu.
(Centralbl. f. llTervenheilk., XXII, N. F. X, 1899.)
Dans les petits services, il n'y a rien de mieux que les bains
permanents à 28" Il entretenus à cette température du matin au
soir, en prenant toutes les précautions pour garantir et appuyer la
fête, bien alimenter le malade dans son bain, ménager la suscep-
tibi11té clela peau (bains garnis, peau enduite de vaseline aux endroits
qui portent).- en surveillant le pouls et la température du patient
dont préalablement on aura attentivement examiné les poumons
et le coeur, en modérant la congestion céphalique au moyen
de compresses fraiches;- en employant desiptirmiers bien stylés.
Pour cela il faut doter chaque section de surveillance continue,
chaque section d'agités et de gâteux, d'une chambre de bains, de
façon à disposer d'une baignoire pour deux ou trois malades;
chaque série de deux ou trois baignoires sera séparée de la sui-
vante par des demi-cloisons. Les locaux, bien éclairés, seront faci-
lement accessibles, les baignoires seront parfaites et confortables.
Ces bains permanents (on ne les interrompt que pour la nuit)
conviennent à tous les accidents gangreneux, phlegmoneux, ulcé-
reux, traumatiques, à tous les malades excités qui se salissent,
se déshabillent, tentent de se faire du mal. Il y en a très peu qui
répugnent à ces bains chauds ; il n'y a guère que ceux qui ont vécu
longtemps en cellules. On vainc leur résistance par l'injection
d'un peu d'hyoscine. Pas n'est besoin de moyens de contrainte.
Le bain permanent réussit surtout dans l'agitation maniaque
pure. Il n'agit qu'en certains cas contre l'agitation de la catatonie
et de la démence précoce, grâce probablement à la suppression des
excitants extérieurs et à l'influence du milieu calme. Il produit
un calme parfait chez le maniaque vrai à la condition qu'il soit
appliqué pendant plusieurs mois. Ou en obtient aussi des résul-
tats, quoique moins sûrs, chez les agités paralytiques, il a réussi
chez quelques alcooliques et épileptiques. Quant aux mélancoliques,
l'expérience est encore insuffisante, mais les autres moyens séda-
tifs sont moins recommandables.
Tel sera le traitement de l'avenir qui nous débarrassera des sec-
tions de surveillance continue pour agités, des cellules, des
chambres d'isolement, des divisions d'agités et de malpropres.
P. Keraval.
XIII. Contribution au traitement du tabes et de la paralysie géné-
rale ; par ADLEU, (Centralbl. f. 6e ? : /te ? XXII, N. F. X, 1899.)
Ces maladies, de même que les affections des nerfs, des vais-
seaux, des viscères, scléreuses à base de syphilis, se trouvent bien
de Ilg et de Ag. La pommade de Crédé à base d'argent colloïde
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 231
(argent soluble dans l'eau et les liquides albumineux) à la dose
de trois grammes, en frictions d'un quart d'heure à une demi-
heure sur la peau une fois par jour, est très active. On peut donner
aussi des pilules d'argent colloïde, contenant chacune un centi-
gramme de ce produit; deux à trois pilules par jour. On associe la
pommade à l'ingestion intérieure de préparations mercurielles.
P. K.
XI. Le traitement de l'inversion du sens génital et de la mas-
turbation par la suggestion ; par DE 13ECIITER13\\'. (Cenlralbl. f.
Nervenheilt, XXII, N. F. X, 1899.)
Deux observations très intéressantes dont une autobiographie.
Il s'agit de la forme grave d'homosexualité avec perversion des
instincts. Invertis, pédérastes passifs, automasturbateurs et mas-
turbateurs pendant la pédérastie passive, tels sont ces deux mal-
heureux. L'un d'eux, neurasthénique, obtient une amélioration
passagère relative du bromure associé à la codéine et à l'adonis
vernalis, renforcé par trois séances de suggestion hypnotique. Les
sensations anales anormales et la dépression qu'il accuse sont
notamment liés atténuées par ce traitement. Le second, mastur-
bateur solitaire ou pendant l'acte du coït buccal qu'il adore prati-
quer sur autrui, se trouve particulièrement bien de la suggestion
hypnotique. M. de Bechterew fait remarquer la nécessité de plu-
sieurs séances, la durée du traitement suggestif dépendant de la
gravité et de l'individualité de chaque cas, du degré de suggesti-
bilité de l'individu. Il faut, pour réussir, arriver à obtenir une
hypnose assez profonde. Ceci fait, on passe à la suggestion à l'état
de veille et à l'état de demi-sommeil ; on a auparavant annoncé au
patient que, pour produire la suggestion, il n'est pas besoin qu'il
dorme, il n'a qu'à fermer les yeux, à penser fermement à sa santé
et à songer à ce qu'on lui suggère. Cela donne du courage au
malade; la suggestion à l'état de veille est plus aisée, le résultat
cherché arrive. Il y a lieu, si la suggestion n'agit pas suffisam-
ment. d'employer concurremment, les bains, le KBr et autres
médicaments, suivant chaque cas spécial. P. KERAVAL.
XV. Le traitement orthopédio-chirurgical de la maladie de Little;
par Vinceslas SAPINSKI. (Gazeta Lekarsl,a, mars 1899.)
La maladie de Little est causée par les perturbations pendant
la vie intra-utèrine, pendant la naissance ou par l'affaiblissement
fonctionnel qui survient après.
Deux chirurgiens allemands Lorenz et Hoffa, se sont occupés
spécialement du traitement de cette affection. L'aspect caractéris-
tique c'est la contracture de quelques groupes musculaires des
232 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
membres inférieurs. Cette contracture frappe les adducteurs et
fléchisseurs de la cuisse et les fléchisseurs de la jambe. Les extré-
mités inférieures sont tombanles, fléchies dans les genoux, le
plus souvent le pied bot varus. Dans les cas graves on peut voir la
rotation interne avec une subluxation coxoléiiiortile en arrière.
Schultess fait voir que l'articulation du genou a un aspect spécial
'citez ces malades ; chez les individus normaux la partie saillante
est formée par le condyle interne et la rotule; chez les malades
atteinis de Little le sommet de l'articulation esl formé par la
rotule, l'articulation a la forme angulaire. Pour Sclultess l'allon-
gement du ligament rotulien en est la cause
La marche est difficile, ne peut se faire qu'avec des béquilles,
les genoux se croisent pendant la marche, les doigts trainent par
terre. Les membres supérieurs sont pris rarement.
Parfois les muscles du visage sont touchés, on rencontre du
strabisme, nystagmus, béna3'emeut. Rarement la cérébralité est
abaissée. La sensibilité, réaction électrique sont normales, les
réflexes exagérés. Les dstocies et les naissances avant terme
semblent être la cause prédominante de cette maladie.
Chez les enfants nés avant terme, le cerveau n'est pas suffisam-
ment développé, les parties motrices se développent plus tard
c'est pourquoi elles sont faibles chez ces enfants. Ca dépend de
la circulation ralenlie (Brissaud) dans les centres moteurs des
extrémités inférieures. Le lobe paracentral se développe en dernier
lieu pendant la vie intra-utérine, finit son évolution complète
aprèslanaissance, il est moins bien conformé chezles nouveau-nés.
Dans les dystocies il y a des hémorrhagies dans l'espace sous-
arachnoïdien à cause du chevauchement des os pariétaux. Les
centres moteurs des membres inférieurs peuvent être contusionnés,
ce qui peut expliquer les troubles dans les membres inférieurs.
Frend explique ainsi le phénomène de la maladie : deux neu-
rones entrent en jeu dans la voie motrice; l'un qui va de l'écorce
des zones motrices aux cellules des cornes antérieurs, l'autre de
ces cellules aux muscles. Le neurone périphérique produit le
reflexe, le mouvement volontaire dépend du central et de son
action sur le périphérique. Dans la maladie de Little l'action du
neurone central est affaiblie, il y a un désiquilibre entre l'inner-
vation du cerveau et l'innervation médullaire des muscles. La thé-
rapeutique peut tirer des données pratiquesde ce fait, il faut déve-
lopper l'énergie du neurone corlico-moteur et régulariser les
fonctions du périphérique.
Le médecin doit fortifier les mucles abducteurs et extenseurs et
affaiblir leurs antagonistes. Le traitement chirurgical, la science
systématique de la marche et l'orthopédie bien appliqués donnent t
de bons résultats. Le massage combiné avec la gymnastique est
bien en vigueur dans la clinique de Hoffa pour les malades atteints
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 233
de Little. Ce massage est fait par le médecin d'abord à l'articulation
du cou de pied, ensuite, le genou et l'articulation coxofémorale.
Le massage est suivi des mouvements de chaque articulation. Le
médecin veille sur tout. Le D'' Kratenberg fait faire la gymnas-
tique avec des appareils. Par le massage et la gymuastique on
augmente la force desmuscles affaiblis.
Lorenz et Hoffa font des ténotomies et tendectomies sous-cuta-
nées. Lorenz conseille l'opération non sanglante sous le chloro-
forme vaincre la résistance des adducteurs. D'après Lorenz il y a
dans ces cas une élongation et une myorrhexie.
Dans les cas d'extrême contracture des muscles adducteurs, il
éloigne ce groupe, en coupant le nerf obturateur, alors l'action
d'adducteur est faite par le couturier.
Après l'opération il faut faire la correction de la position
vicieuse et mettre un appareil plâtré pour six semaines. Parfois
le redressement se maintient difficilement. lloffa le fait petit à
petit en ôtant l'appareil Lorenz recourt à son ostéoktast redres-
seur et corrige les plus grandes contractures en une séance. Après
avoir ôté l'appareil Hoffa met les opérés sur une table spéciale
faite de deux planches sur lesquelles ou couche les opérés pendant
deux heures et deux fois par jour avec les jambes fixées. Lorenz
met sur les genoux des opérés des sacs lourds. Apres l'opération
il ne faut pas oublier la science systématique de la marche.
L'auteur a observé bien longtemps dans la clinique de Hoffa
deux enfants chez lesquels les résultats étaient très satisfaisants,
tous les deux marchaient seulement avec un bâton. L'auteur les
a vu opérer et a assisté il la science systématique de la marche.
G. DE Majewska.
XVI. Des'principes essentiels du diagnostic et du traitement de
l'épilepsie dite essentielle ; par W. LESZYNSKI (de New-York).
(Med. Record, 20 mai 1899.)
L'auteur conclut de son expérience que l'épilepsie peut être
traitée avec succès grâce il un traitement méthodique et entrepris
dès le début. Trop souvent les praticiens ordinaires méconnaissent
ces indications et les neurologistes ne sont appelés à traiter les
épileptiques que trop lard. Quant à la guérison, comme le disait
Séguin, on ne la peut affirmer qu'après une observation de cinq
années passées sans crise avec la diminution progressive de tout
traitement médicamenteux. A. Marie.
XVI Considérations sur les progrès récents apportés à la chirurgie
du cerveau ; par 0. i\HLL (de Belfast). (Lrilisla med. Journal, l,
novembre 1898.)
Après des considérations générales sur les localisations fonction-
234 SOCIÉTÉS SAVANTES.
nelles du cerveau, les aires motrices, les rapports entre la super-
ficie du crâne et les diverses circonvolutions, la technique
opératoire de la trépanation, l'auteur donne quatre observations
personnelles de fractures du pariétal et du frontal pour lesquelles
il a pratiqué le trépan avec succès. Il considère comme une règle
générale de pratiquer le trépan dans tous les cas de fracture des
- os du cràne avec dépression des fragments, qu'il y ait ou non des
complications cérébrales. Ces complications en effet peuvent se
manifester plus tard. A. V.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIETE DE NEUROP.THOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE
DE MOSCOU.
Séance du 19 mars 1899.
D1' BnouEHAXstY. Un cas d'encéphalite aiguë hémorragique (avec
présentation de la malade).
La malade est une jeune fille, âgée de vingt-sept ans, sàns anté-
cédents héréréditaires. Pas de syphilis ni d'alcoolisme. Il y a
cinq ans, affection stomacale de nature indéterminée. En octo-
bre 1897, la malade eut de grands ennuis à cause d'un mariage
manqué. Dans la deuxième moitié du mois de novembre 1897,
apparition de céphalées, de vertiges, de vomissements fréquents
et de constipation ; du côté de la sphère psychique, certaine
inquiétude, loquacité, sensation de goût et d'odeur désagréables,
incohérence d'idées. A partir du 13 décembre, confusion mentale
complète, excitation motrice, tendances agressives, gâtisme et
insomnie; émaciation; perte du réflexe lumineux des pupilles;
parésie du muscle droit interne de l'oeil droit et de la jambe
droite; ataxie des membres inférieurs plus prononcée du côté
droit. Pouls 100, quelquefois irrégulier. Température 36,8-37,5,
puis le 19, elle monte à 39°, en même temps qu'apparaît une
parésie de la main gauche et une parésie du facial droit inférieur;
dépression mentale très prononcée; refus d'aliments; pouls 100-110
SOCIÉTÉS SAVANTES. 235
faible et irrégulier. A partir du 6 janvier 1898, l'état s'améliore
sensiblement; la parésie faciale disparait tout d'abord, puis sur-
vient le rétablissement des mouvements du poignet et de la main,
de l'oeil, de la réaction pupillaire. La malade reprend toute sa
lucidité d'esprit, mais ne se rappelle pas les noms des objets
même usuels et comprend difficilement ce qu'elle ht. A partir du
mois de mars l'aphasie diminue, mais on observe le développe-
ment progressif de la démence, en même temps que de l'abaisse-
ment de la vue (des deux côtés) avec décoloration des pupilles.
13... admet qu'il s'agit dans ce cas d'une encéphalite hémorra-
tique, localisée dans l'écorce et dans les noyaux du nerf moteur
oculaire commun. Les troubles de la vue relèveraient d'une névrite
rétrobulbaire de la même origine, probablement infectieuse
(influenza ? ).
L'observation présenterait une forme mixte Strümpell-1'er-
nicke.
Discussion. M. MouRATOrr croit qu'il s'agit plutôt dans ce cas
d'une affection fonctionnelle ou toxique diffuse, que d'une encé-
phalite aiguë hémorragique. MM. Serbsky et Postovsky, qui ont
vu la malade, il y a un an, admettent la possibilité de la nature
hystérique des troubles psychiques, bien qu'une lésion organique
primitive du cerveau ne puisse guère être exclue. M. KOJEY-
NIKOFF croit plutôt à une encéphalite disséminée, peu profonde.
N. \'rnsn.or.c. Les dégénérations secondaires chez les animaux,
consécutives aux lésions expérimentales du cervelet (avec présenta-
tion des préparations microscopiques et des figures).
Les expériences ont été faites sur les chiens (cinq en tout), chez
lesquels on a fait l'ablation de tout le cervelet, d'un hémisphère
(deux cas), du lobe médian et de la substanoe blanche d'un
hémisphère (avec destruction du corps dentelé). Préparations
d'après la méthode de Hasch.
Voici les conclusions de V... :
1° 11 existe un seul faisceau descendant droit spinal, lequel prend
son origine dans les amas gris intracérébelleux et se dirige à tra-
vers la partie interne du corps restiforme dans la substance réti-
culaire du bulbe, où il se dispose au-dessus de l'olive; au niveau
de la partie inférieure de l'olive inférieure, ce faisceau s'écarte de
plus en plus en dehors, pour se loger au bord interne de la pyra-
mide et le long du cordon antéro-latéral de la moelle. On
peut le suivre sur toute la hauteur de la moelle, où il occupe la
place du faisceau marginal antérieur de Lo\venthal ; les fibres de
ce faisceau se mettent en rapport avec les cornes antérieures de la
moelle du même côté et en partie également du côté opposé. Il
est impossible de constater la continuation directe des fibres céré-
belleuses dans des fibres radiculaires ;
236 SOCIÉTÉS SAVANTES.
2° Les connexions du cervelet avec le bulbe sont des plus com-
pliquées. Le système le plus développé est celui des fibres se diri-
geant à travers la partie externe du corps restiforme vers lé noyau
du cordon latéral du même côté et en partie à travers les fibres
arciformes externes antérieures du côté opposé; ,
3° Il existe indiscutablement un système descendant de fibres
- destinées à relier le cervelet avec l'olive du même côté, princi-
palement avec l'olive du côté opposé, passant à travers les fibres
arciformes internes, externes et interpyramidales;
,\cru Par l'intermédiaire des fibres arciformes internes s'établit la
connexion du cervelet avec le fascicule longitudinal postérieur du
même côté, et en partie du côté opposé; et par l'intermédiaire de
celui-ci, avec les nerfs crâniens de la 12°, 10°, 9° et 8° paires;
50 Il existe un système descendant reliant le cervelet avec le
noyau de Bechterew et celui de Deiters, avec le noyau accessoire
du nerf acoustiquedu même côté (par l'intermédiaire de la racine
latérale du nerf acoustique), et celui du côté opposé (par l'inter-
médiaire du corps trapézoïde). Ce dernier corps trapézoïde 'sert
également à le mettre en rapport avec les olives supérieures des
deux côtés; 6° Les fibres du pédoncule moyen descendent en
partie vers les noyaux de la protubérance des deux côtés, en partie
sous forme d'un faisceau vertical qui remonte le long du raphé et
rejoint le noyau réticulaire du tégument du côté opposé;
7° Les fibres du pédoncule antérieur passent en partie (mais en
partie seulement) du côté opposé; quelques-unes s'interrompent
dans les cellules du noyau rouge, mais la plupart se dirigent vers
le corps optique, où elles se terminent dans les noyaux internes et
externes. Au delà du noyau rouge on ne rencontre pas de fibres
non entrecroisées ;
8° Par l'intermédiaire du faisceau longitudinal postérieur s'éta-
blit la connexion du cervelet avec les noyaux de la 7°, 6°, 5°,
et 4° paire crânienne, principalement du même côté ; les fibres
qui se détachent du pédoncule antérieur servent à le mettre en
rapport avec le noyau du nerf moteur oculaire du même côté,
mais principalement du'côté opposé. On n'a pas encore noté de
continuation directe des fibres cérébelleuses dans les nerfs cra-
niens ;
9° Il existe une connexion croisée avec les noyaux de Bechterew
et de Deiters principalement par l'intermédiaire des fibres se
détachant du noyau « tecti globosi »; 10° Le « faisceau en
crochet » sert à la connexion du cervelet avec le floculus du côté
opposé; 11° Après l'extirpation du lobe moyen du cervelet on
peut constater des dégénérations secondaires dans le système
cérébello-vestibulaire des deux côtés; 12° La méthode de Busch
est préférable à celle de Marchi par la netteté des images obte-
nues et la facilité de la technique préparatoire.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 237 Î
Dr 1'carnwcucrr. Sur les altérations pathologo-analomiqlles du
système nerveux central, dues à l'cmpoisonnement par le poisson.
L'auteur a observé deux [cas d'empoisonnements mortels dus
il l'ingestion du hareng. Le premier malade, âge de vingt-cinq ans
est mort le lendemain, le deuxième, àgé de trente-trois ans, est
mort au bout de cinq jours. Chez celui-ci on a observé une séche-
resse très accusée de toutes les muqueuses et de la peau; exulcé-
rations des amygdales; constipation, anurie, constriction thora-
cique, céphalée et vertiges, température normale, lucidité d'esprit
jusqu'à la mort, légère mydriase, ptosis léger; parole impercep-
tible ; pas de paralysies ni d'anesthésies; faiblesse et oppression
croissantes. A l'autopsie, les données macroscopiques ont été
négatives dans les deux cas. A l'examen microscopique du cerveau
et de la moelle, on trouve : hypérémie vasculaire, émigration des
leucocytes dans les espaces périvasculaires de la substance blanche
et grise médullaire. Les cellules des cornes antérieures et des
colonnes de Clarke présentent une dégénération granulo-pigmen-
taire très prononcée. Sur les préparations colorées par les couleurs
d'aniline on trouve des cellules sans prolongements ou avec des
prolongements lacérés, sans noyaux ou aux noyaux déformés et
déplacés ; on y observe également de la chromatolyse périnu-
cléaire, diffuse ou insulaire, etc., etc.
Dans les cellules du renflement cervical, on constate souvent des
vacuoles. Les cellules des noyaux bulbaires ont subi de graves
altérations. Chez l'un des deux malades, on a trouvé une hémor-
ragie dans les noyaux du nerf pneumogastrique. Des altérations
analogues ont été constatées dans les cellules des noyaux de la
protubérance, des corps quadrijumeaux et des hémisphères.
Les plus graves lésions, dues à l'intoxication par le poisson, se
trouvent dans le bulbe. Le cervelet est le moins endommagé. On n'a
pas constaté de microorganismes sur les préparations examinées.
Dans la discussion quelques remarques ont été faites par
MM. RossoLmo, SOUKIIANOFF, 11OOIiTOI'I·, Moi'RAYIEFF et KOJKW-
1-'F.
Secrétaires des séances : ·. llounwrer; G. ROSSOLI.)10.
SOCIÉTÉ D'IIYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE.
Séance du lundi 19 juin 1899. Présidente DE M. Jules Voisin.
Psychonévrose post-infectieuse guérie put suggestion. At. Paul
Parez rapporte l'observation d'une hystérique qui, à la suite d'une
238 SOCIÉTÉS SAVANTES.
broncho-pneumonie grippale a présenté des impulsions irrésistibles
au chant, des crises convulsives, du délire, etc., et qu'il a guérie
en deux séances de suggestion faites dans la même journée. Ainsi
que l'ont démontré quelques 'auteuis et, en particulier, Régis, la
suggestion est le traitement de choix de ces états mentaux
. post-infectieux. L'agent infectieux, en effet, agit ici, sur un terrain
prédisposé, à la manière de l'émotion ou du choc moral, comme
agent de dissociation et de désagrégation de la conscience. Dès
lors, la suggestion est efficace en tant qu'elle stimule et fortifie
le pouvoir de coordination et de synthèse mentale, qu'elle corrige
et redresse la mauvaise habitude qui est en train de s'installer,
qu'elle réalise, en somme, une véritable restauration fonctionnelle.
Réponse à diverses critiques récemment adressées à l'hypno-
tisme. il. ;\IIL : \E BR.\ : \1WELL (de Londres) soutient, avec Liébeault,
Forel, Wetterstrand et tant d'autres, que l'hypnotisme n'offre
aucun dangei'. A l'appui de cette affirmation, il cite les témoi-
gnages récents de Percy Smith, de Myers, de Woods, d'Outterson.
Les observations que l'on a rapportées et dans lesquelles l'hypno-
tisme a été représenté comme dangereux ont été l'objet d'un
examen insuffisant ; ou bien, lorsque les faits rapportés sont
exacts, ils ne permettent pas les conclusions et les interprétations
que l'on en tire; on peut s'en rendre compte sur l'analyse de deux
cas récents. Il termine en justifiant la valeur thérapeutique de
l'hypnotisme dans les cas suivants : hystérie, dipsomanie, enfants
vicieux ou dégénérés, obsessions, neurasthénie, troubles mens-
truels, aliénation; il montre qu'à Auguste Voisin revient l'honneur
d'avoir été un précurseur dans le traitement hypnotique de
certaines formes d'aliénation mentale.
L'hypnotisme et le traitement de l'agoraphobie. M. VLnwaNOs
(d'Athènes) présente un nouveau malade, âgé de cinquante-quatre
ans, alcoolique depuis l'âge de vingt ans, qui fut autrefois interné
à l'Asile clinique et qui était atteint d'agoraphobie, et en outre
de monoscophobie, de musicophobie et d'amaxopbobie. Grâce il
l'hypnotisme, les phobies et l'appétence alcoolique ont disparu, le
goût du travail est revenu, le caractère a été modifié heureuse-
ment ; c'est le malade lui-même qui, tout reconnaissant, raconte
ces excellents résultats.
M. Jules Voisin. Il s'agit en somme dans ce cas, comme en
beaucoup d'autres, de phobies spéciales développées au cours
d'une aboulie. Traiter l'aboulie, c'est, du même coup, se rendre
maître de ces phobies.
La lumière tolorée en thérapeutique nerveuse. M. Guignan
revient sur la communication faite précédemment par M. Ilafl'egeay
et signale, comme cause d'erreur expérimentale possible, l'insuffi-
sance de la spécification des couleurs ; par exemple, un verre
SOCIÉTÉS SAVANTES. 239
violet peut être presque rouge ou presque bleu. 11. Camille Flam-
marion a établi de.petites serres entièrement vitrées de verres de
couleurs, mais soigneusement vérifiés au spectroscope; on n'a pu
trouver dans l'industrie des verres violets ne laissant passer que
les rayons violets ; les verres rouges sont bien monochromatiques,
mais les verts laissent passer du jaune, etc. Les expériences effec-
tuées à Juvisy ont démontré l'effet sédatif (sur les plantes, il est
vrai) de la lumière bleu-indigo. Les fraises de la serre bleue
n'étaient pas plus avancées en octobre qu'en mai. Dans le bleu,
on ne vieillit pas, mais on ne vit guère ; c'est presque un sommeil.
M. Félix Regnault. Si les couleurs qui se rapprochent du
rouge sont excitantes, si le vert donne une joie tranquille, si
le violet, l'indigo et le bleu sont calmants, on peut, comme cela
a été fait en Amérique, diagnostiquer le tempérament d'une
personne d'après la couleur préférée. La sociologie apprend que
chez tous les peuples, surtout chez les sauvages, la préoccupation
des couleurs est extrême : les classes riches seules portent, ou
même ont le droit de porter, les couleurs brillantes, écarlates,
et en particulier la pourpre ; au contraire, à Home, par exemple,
les pauvres gens et les esclaves portaient des habits de couleur
brune ou noire. Les peuples du Nord ont un goût particulier pour
les couleurs reposantes et sombres. Les musulmans, gens sérieux,
ont un goût particulier pour le bleu, de même que les septen-
trionaux.
Absence de pouvoir modérateur chez un individu inculpé d'outrage
public à la pudeur. M. 13t;RILLO\. - Cet individu présente plu-
sieurs rétrécissements du canal de l'urèthre ; l'un est situé dans
la région pénienne, l'autre dans la région membraneuse ; on cons-
tate également un spasme de cette région. L'existence de ces
lésions donne l'explication des troubles nerveux réflexes pour
lesquels il est poursuivi. A certains moments, sous l'influence de
l'irritation de l'urèthre, il tombe dans des états d'éréthisme
génital qui entraine l'exécution d'actes obscènes accompli» auto-
matiquement. Sous l'influence de l'irritation des organes génitaux,
la moelle se trouve émancipée et soustraite à l'influence cérébrale
psycho-motrice ; les centres inférieurs sont indépendants et fonc-
tionnent alors d'une façon irrésistible. Cet homme étant dépourvu
de pouvoir modérateur, son contrôle sur lui-même est presque
anéanti ; dès lors, on ne saurait guère le rendie responsable
d'impulsions réflexes irrésistibles. Le traitement devra être doublé ;
il portera à la fois sur l'état local et sur l'état mental ; il suppri-
mera la cause des impulsions, et, d'autre part, il donnera le
pouvoir de leur résister. (L'accusé ne fut pas acquitté, mais
il bénéficia de la loi Bérenger.)
BIBLIOGRAPHIE.
VI. L'Esprit scientifique contemporain ; par le ur Foveau DE Cour-
telles. (Bibliothèque Charpentier, Fasquelle, éditeur, 1899.)
Sous ce titre l'auteur nous donne une sorte de revue rapide de
l'état de la science à l'heure actuelle. Suivant son expression il
« veut élever une colonne tombale destinée à perpétuerle souvenir
du mort »,,c'est-à-dire du six° siècle quis'éteint. Il rend hommage
avant tout à la théorie de l'évolution, qui se retrouve à la base de
tous les phénomènes et permet un développement incessant et un
perfectionnement continu. 11 parle du rôle prépondérances con-
ditions mésologiqnes qui favorisent la progression en avant. Parmi
elles, la science se substituant à l'empirisme aide puissamment au
perfectionnement du corps et de l'intelligence. M. Foveau de Cour-
melles passe alors en revue une grande quantité de questions et de
chacune il dégage le rôle de la science. Il parle de la chimie
transformant l'alimentation, des machines appliquées à l'industrie
et lui donnant un nouvel essor, de l'hygiène progressant avec les
recherches de Pasteur et de ses élèves. Il montre la médecine avec
ses nouvelles méthodes curatives. Dans un autre ordre d'idées, il
consacre des chapitres à la sociologie, à l'éducation, à la philoso-
phie, à la littérature, au théâtre, à la religion, etc., etc. Et par-
tout il impose cette idée que les savants et la science ont tout
envahi et règnent désormais en souverains maîtres. Il y a lieu de
féliciter chaudement M. Foveau de Courmelles de cette oeuvre
intéressante. D'abord en raison de l'esprit dans lequel elle a été
conçue, et qui vient démontrer que la science n'a jamais fait fail-
lite comme certaines voix, malheureusement trop écoutées, tendent
à le faire croire. Il faut ensuite le féliciter de continuer brillam-
ment son rôle de vulgarisateur scientifique. Je remarquerai toute-
fois que la multiplicité des questions qu'il fait passer sous les yeux
du lecteur a été la cause fatale d'une défectuosité de cette oeuvre ;
il lui est impossible de donner à chacune des limites nécessaires :
il ne peut qu'effleurer cet tains sujets. Aussi rencontre-t-on par
endroits un manque de précision scientifique. Certaines théories
sont exposées sans discussion ; certaines opinions restent sans
développements. Or.ce livre étant essentiellement un essai de mise
au point, il s'ensuit pour le lecteur non prévenu une connaissance
insuffisante d'un fait ou une idée fausse à son sujet. Pour prendre
BIBLIOGRAPHIE. 2'il 1
des exemples intéressant plus spécialement la neurologie, je lis il
la page 27 cette phrase : Les femmes, dont l'infériorité cérébrale
parait admise par la science contemporaine, etc. », et la discussion
continue sur cette simple constatation. Je sais bien qu'à la
page 325 seulement il y a cette autre phrase : « La variabilité du
poids de l'encéphale nous a demontré que les différences pour
l'homme et la femme étaient moins que significatives. » 11 n'en est
pas moins vrai que je ne vois exprimé nulle part le fait suivant si
important lorsqu'on veut comparer les cerveaux de deux individus
de même espèce ou d'espèces différentes : il est admis par nombre
de savants (Richet, Manouvrier, Dubois (de la Haye), etc.) que le
poids absolu du cerveau n'est rien ; le poids relatif seul est tout;
c'est dans ce sens qu'on va même jusqu'à dire, étant donné
certaines considérations évolutives, que le cerveau de la femme
est relativement supérieur à celui de l'homme. M. Foveau
de Courmelles s'étonne aussi que certains crânes préhistoriques
soient plus développés que les nôtres (page 89), qu'on ne puisse
évaluer l'intelligence (page 91) au poids de l'encéphale : c'est tou-
jours la même notion de l'influence de la masse du corps sur le
poids du cerveau que je ne vois signalée nulle part. Le poids du
cerveau est fonction de l'intelligence et de la masse du corps. Ces
deux parties ne pouvant pratiquement être scindées on obtient
uniquement deux chiffres exprimant plus ou moins nettement
l'importance des deux variables (intelligence et masse du corps)
dont le poids du cerveau est fonction. Le problème complet avec
les procédés actuels de la science est encore insoluble, mais il n'en
est pas moins vrai qu'on a l'explication de ces faits et qu'on sait
tout au moins qu'il y a un rapport établi. Je trouve aussi regret-
table de voir l'auteur énoncer certaines opinions manifestement
erronées. Ainsi (page 89) on lit : « L'homme qui actionne son cer-
veau est dolichocéphale alors que le paysan est brachycéphale à
encéphale moins développé. » En premier lieu il n'est pas prouvé
qu'un cerveau de brachycéphale soit moins développé qu'un cer-
veau de dolichocéphale. En second lieu, si une ville située dans un
pays à type brachycéphale, présente plus de dolichocéphales, cela
ne tient en aucune façon au développement intellectuel du
citadin. 11 est évident, 'en y réfléchissant un peu, et surtout en
observant, que le paysan conservera longtemps le type primitif de
sa race; mais, devenu citadin, il le perdra par suite de mélanges et
de croisements faciles avec les étrangers toujours plus nombreux
dans les villes. Inversement si le type autochtone était dolichocé-
phale les habitants des villes deviendraient plus ou moins brachy-
céphales. Tout cela est très simple, mais malheureusement moins
séduisant que cette prétendue transformation du crâne sous les
efforts de la pensée ! En citant cette opinion sans la discuter,
M. Foveau de Courmelles propage une erreur. Dans un autre ordre
Archives, 2' série, t. VIII. 1tj
242 BIBLIOGRAPHIE. '
d'idées je me demande s'il faut regarder comme une conquête
scientifique la pénétration des médecins dans le Parlement ? Je ne
vois pas pourquoi la profession médicale fournirait des aptitudes
spéciales à faire de la politique. De plus il faudrait établir que
les médecins actuellement ou députés ou sénateurs sont vraiment
.des hommes de science : je crois qu'on en trouverait peu à qui
donner ce titre dans le Parlement. Il faudrait en outre prouver
que leur science peut s'appliquer ou s'est appliquée il résoudre la
question sociale, comme l'indique l'auteur. Bien loin d'y voir une
conquête de la science, je crois que celle-ci n'a rien à y gagner.
Quoi qu'il en soit, ces critiques, je dois le dire, sont plutôt des
regrets que l'auteur n'ait pas approfondi certaines questions,
quitte à publier deux volumes sur l'esprit scientifique contempo-
rain..Cela m'aurait procuré le plaisir de lire plus longuement son
style si varié et si agréable, de goûter des idées neuves et des
jugements originaux. Il n'y a pas de savant qui ne puisse
apprendre beaucoup par la lecture de l'Esprit scientifique contem-
po1'Ctin. G. PAUL-13oNcouR.
Nous croyons utile, à propos de l'analyse dj notre colla-
borateur et ami, M. le Dr Paul-Boncour, de rappeler le pas-
sage suivant de Paul Bert.
« Vous m'avez profondément blessé, Monsieur l'Évoque ; mais,
laissez-moi vous le dire, bien que cela vous soit sans doute fort
indifférent, je ne vous en veux pas. Il est clair pour moi que vous
n'avez pas pu comprendre la valeur que prenaient, en s'appliquant
à un homme de science, les expressions par vous employées.
Calomniateur, falsificateur, imposteur, ce sont là, en effet, des mots
d'un usage fréquent dans la langue des thaumaturges, et que se
renvoient volontiers, sans y paraître attacher d'importance, ceux
qui vivent de la crédulité et de la sottise humaines. Qu'ils se
jettent à la tête le célèbre mentiris impudentissime, c'est affaire à eux.
« Mais ne savez-vous pas, Monsieur l'Évêque, ce qu'est un
homme de science; quel culte ardent et sans partage il a voué à la
Vérité, l'éternelle et sainte Vérité, qu'il invoque et poursuit, malgré
les anathèmes des superstitions effarées ? Ne savez-vous pas que
sa parole respectée vaut jusqu'à inscription de faux ? Ne savez-vous
pas que le moindre soupçon sur sa véracité lui inflige la plus san-
glante injure ; que le mensonge est pour lui ce qu'est la prévarifi-
cation pour le juge, et la lâcheté pour le soldat ? Non, à coup sûr,
vous n'êtes pas accoutumé de parler à des hommes de science. »
(La Morale des Jésuites, par PAUL l3rnr; Dédicace à M. Freppel,
évêque d'Angers qui avait publiquement traité P. Bert de calom-
niateur et de falsificateur de textes.)
BIBLIOGRAPHIE. : ¿ 3
VII. Revue des Thses de la Faculté de Médecine de Bordeaux
(année 1897-1898); par les D" Régis et L. DE l'ERRY'. 1.
10. Le suc ovarien. Effets physiologiques et thérapeutiques ;
par le D'' GESTION.
L'auteur conclut : 1° de ses expériences : le suc ovarien glycé-
riné ou aqueux est beaucoup plus toxique pour le mâle que pour
la femelle qui, dans la majorité des cas, résiste à des doses sem-
blables et ne succombe en général qu'avec des doses deux fois plus
fortes. Les femelles pleines succombent aux mêmes doses que les
mâles. Le suc ovarien de brebis est aussi actif que le suc ovarien
de truie.
2° De ses observations cliniques et de celles des auteurs. : les
symptômes pénibles de la ménopause naturelle ont disparu ou se
sont considérablement amendés par l'ingestion d'extraits d'ovaires,
sans aucune autre médication. Les mêmes résultats ont été obser-
vés dans les troubles qui suivent la castration ovarienne. L'amé-
lioration rapide observée chez les aménorrhéiques et les chloro-
tiques est constante.
L'influence de l'extrait d'ovaire sur les troubles mentaux qui
accompagnent les lésions génitales ou la castration est réelle.
En même temps qu'une amélioration de l'état local, se produit
toujours une amélioration de l'état général. C'est même un des
premiers résultats observés après l'ingestion d'un extrait d'ovaire,
suc ovarien ou extrait sec : l'appétit revient, les digestions sont
plus faciles et l'évacuation intestinale se régularise.
Les diverses préparations d'ovaires ont la même action tant sur
l'état local que sur l'état général. L'ovairine, en pilules, paraît
plus pratique que le suc ovarien; mais on n'est jamais très sûr de
l'asepsie de ces préparations, comme on l'est avec les extraits
liquides, qui ont subi la filtration.
Comme dose,on ne doit pas dépasser pour le suc ovarien 3 cen-
timètres cubes par jour, en commençant par 1 centimètre cube et
en augmentant la dose tous les huit jours. Pour les pilules (10 cen-
tigrammes) on doit en donner deux par jour au début et augmenter
la dose jusqu'à six par jour.
Il est bon de mettre en garde les praticiens contre l'emploi de
la médication ovarienne chez les femmes enceintes, le suc ovarien
ayant presque toujours provoqué la mort expérimentalement
chez les femelles pleines. Enfin, on devra toujours commencer par
le traitement ovarien, avant d'en employer un quelconque, dans
tous les cas où il est indiqué, c'est-à-dire dans les troubles de la
ménopause naturelle ou post-opératoire, dans la chlorose et aussi
' Voir Archives de Neurologie, t. VIIT, no H. p. 461.
- ) 1.,k BIBLIOGRAPHIE.
dans les troubles psychiques provoqués par un défaut de sécrétion
ovarienne.
11. Des impulsions et en particulier des obsessions impulsives ;
par le Dl' Le Gnolcrrec.
Jadis les auteurs considéraient les impulsions symptomatiques
comme des entités morbides : peu à peu les faits mieux étudiés se
précisèrent, et on rattacha aux diverses psychoses dont elles relè-
vent, les impulsions. L'obsession impulsive s'est dégagée à son tour
de cet ensemble. Les impulsions, dans les principaux états mor-
bides ont, en effet, des caractères propres qui permettent le plus
souvent par l'examen des circonstances qui précèdent, accompa-
gnent ou suivent l'exécution, de diagnostiquer l'affection. Parfois
la difficulté de reconnaitre l'insanité des actes délictueux et cri-
minels, est telle, que la nécessité absolue de l'examen médico-
légal s'impose. Entre l'obsession phobique et l'obsession impulsive
il n'y a pas de démarcation tranchée : elles sont toutes deux accom-
pagnées d'une tendance à l'acte. Quant aux obsédés à tendances
homicides, ils cèdent rarement à leurs impulsions, et seulement
quand d'autres facteurs apportent leur appoint à l'obsession (dégé-
nérescence, alcoolisme).
12. Des délires dans l'ienpalittlisine, par le Dr CIIABAL.
Les auteurs ont signalé des troubles psychiques imputables à
l'impnludisme. Ils ont toujours considéré ces troubles jusqu'ici
comme des délires d'aliénation commune, rentrant dans le cadre
des vésanies. Quelques auteurs même sont allés jusqu'à nier l'exis-
tence de ces délires qu'ils faisaient dépendre de l'alcoolisme, con-
fusion naturelle, car dans ces cas, l'on a affaire à. des troubles
similaires.
Le délire palustre est un délire toxique et comme tous les délires
toxiques un délire de rêve. Ce délire en effet est en tous points
comparable aux troubles délirants de l'alcoolisme, et l'on y
retrouve, malgré la fièvre qui peut changer la manifestation
toxique les trois périodes assez bien caractérisée.
L'ivresse palustre appartient à l'accès sans suivre pourtant
exactement son évolution, mais toujours elle prend naissance
pendant l'élévation de température. On y retrouve : une ébauche
de période d'excitation de courte durée, qui fait place à la seconde
période (éb1'iellse) avec perturbations de l'intelligence. La fin de
i'accès impaludique se termine, comme l'ivresse, par le sommeil
de la période comateuse : sommeil profond avec perte complète de
la connaissance et de la sensibilité.
Les délires de la convalescence peuvent présenter tous les degrés,
depuis un simple état de stupeur rêveuse jusqu'à la confusion
BIBLIOGRAPHIE. l, Il b
mentale hallucinatoire aiguë. On distingue le délire palustre sub-
aigu qui, comme le délire alcoolique, est un rêve éveillé ou de
jour, faisant suite à un rêve endormi ou de nuit. On y retrouve
aussi des hallucinations ; les visuelles sont plus fréquentes que
celles de l'ouïe.
Le délire palustre aigu, qui n'est que l'exagération du subaigu
peut se présenter sous forme dépressive ou sous forme agitée.
Dans la forme dépressive, la stupeur est profonde, les hallucina-
tions existent, mais plus effrayantes et toujours menaçantes, c'est
ce qui explique les fugues des malades. Parfois, à cet état, se joint
un vrai délire avec idées hypochondriaques et de persécution, d'où
tendance au suicide (lièvre chaude des anciens). La forme agitée
n'est autre chose qu'une sorte de delirium tremens. Le délire
palustre aigu est celui qui constitue la fièvre pernicieuse coma-
teuse. Il se présente sous deux formes différentes : la dépressive
(stupeur intense) et l'agitée (convulsions, puis coma).
Les troubles lointains de l'impaludisme n'ont pas de caractères
bien spéciaux : il faut noter la fréquence des hallucinations de
l'ouïe et du délire de persécution. On a signalé aussi des pseudo-
paralysies générales, dont les autopsies n'ont révélé en aucune
façon les lésions matérielles propres à cette affection.
13. Le délire dmac la jalousie affective ; par le D1' hmEnr.
La jalousie affective est une passion qui consiste à vouloir pos-
séder seul les sentiments et l'attention d'un autre être. Elle s'ac-
compagne de défiance, d'inquiétude, parfois même d'angoisse.
Mais la jalousie affective ne reste pas toujours à l'état de simple
passion : elle peut franchir un degré de plus et devenir morbide.
Entre les deux existent comme toujours des états de transition
difficiles à classer, surtout chez les enfants, les vieillards, les
névropathes, et au cours des diverses étapes de la vie génitale.
La jalousie affective morbide comprend plusieurs degrés qui
peuvent aller depuis l'obsession consciente mais irrésistible jusqu'à
la psychose complète en passant par l'idée fixe délirante intermé-
diaire. En dehors de ces formes de jalousie morbide, idiopathiques
pour ainsi dire, l'on peut rencontrer des idées délirantes de
jalousie à titre de symptômes ou de phénomènes accessoires dans
un certain nombre de maladies mentales, notamment dans l'exci-
tation maniaque pure, la folie à double forme, la paralysie géné-
rale au début, l'imbécillité et en particulier dans la folie systéma-
tisée progressive. Qu'il soit idiopathiquc ou symptomatique, le
délire jaloux est presque toujours en rapport avec l'un des trois
facteurs suivants : 1° névrose (hystérie, neurasthénie, épilepsie) ;
2° alcoolisme ; 3° dégénérescence. Ces trois facteurs sont tantôt
séparés, tantôt associés pour le produire.
246 6 BIBLIOGRAPHIE.
L'éliologie du délire de la jalousie affective est celle de toutes les
psychopathies additionnée de certaines causes occasionnelles spé-
ciales, puisées dans les circonstances et le milieu.
Quant au diagnostic, il comprend plusieurs points : 1° la distinc-
tion de la jalousie-passion de la jalousie-maladie ; 2° dans la
jalousie maladie, la distinction des délires idiopathiques et des
délires symptomatiques ; 3° la distinction dans chacun des deux
groupes de la'variété morbide. Souvent ces différenciations pré-
sentent des difficultés surtout lorsqu'il s'agit de distinguer la pas-
sion à son paroxysme de la maladie, et dans celle-ci l'obsession
consciente et l'idée fixe du délire circonscrit des persécutés-
persécuteurs raisonnants.
En général, le pronostic est grave ; il varie, non pas tant suivant
la forme et l'intensité du délire que suivant le l'acteur qui le com-
mande. C'est dire que dans l'hystérie et dans l'alcoolisme la
jalousie morbide est moins tenace et moins définitive que dans la
neurasthénie et la dégénérescence des persécuteurs raisonnants.
Enfin, au point de vue médico-légal, la jalousie morbide soulève
les problèmes les plus intéressants et les plus graves soit au civil
soit au criminel. L'étude de la capacité, de la responsabilité des
délirants jaloux est comme toujours avant tout, en médecine
légale, une question de diagnostic. Cette capacité et cette respon-
sabilité varient donc suivant la forme clinique du délire et son
intensité et aussi, dans chaque forme, suivant les individus. 11 n'y
a donc pas de règle générale fixe; c'est une question d'espèce et
de mesure, variable suivant les cas.
1 L Esssai sur le subconscient dans les ceicvres de l'esprit et chez leurs
auteurs : par le D1' Paul CHABANEix.
Il est des individus qui présentent à certains moments, soit le
jour, soit la nuit, un état particulier difficile à définir, tenant le
milieu entre le sommeil et la veille, entrele conscient et l'inconscient
sorte de rêve somnambulique, ou comme on dit, de subsconcient.
Dans cet état, la cérébration automatique s'exerçant en pleine
liberté peut engendrer à côté de rêvasseries vagues et confuses,
des conceptions suivies, des scènes vivantes et coordonnées, par-
fois même des productions achevées de l'esprit, qui apparaissent
le plus souvent à l'individu comme nées en dehors de sa volonté,
ou même en dehors de lui.
Étant donnée la fréquence chez les hommes de talent et de génie
du somnambulisme et de la névropathie, des hallucinations oni-
riques, il était intéressant de savoir s'ils étaient particulièrement
sujets au rêve subconscient, et si oui quelle part ce subconscient
pouvait revendiquer dans leurs créations.
Il ressort de l'étude de l'auteur que le subconscient parait se
BIBLIOGRAPHIE. 21 ï
retrouver avec une grande fréquence chez les hommes de talent et
de génie, et que chez beaucoup, il intervient dans les productions
à un degré plus ou moins marqué. Certains même ont la sensa-
tion d'être comme étrangers à leurs productions. t Je n'y suis
pour rien, disait Mozart. » '
Cette démonstration met en lumière l'une des conditions psycho-
logiques les plus curieuses dans lesquelles puissent se produire les
grandes oeuvres de l'esprit humain. Elle établit aussi que la per-
sonnalité des hommes de talent et de génie, si diversement inter-
prêtée, est plutôt faite d'éréthisme nerveux que de folie et que les
grands créateurs sont souvent, non des insensés, mais des dor-
meurs éveillés perdus dans leur abstraction subconsciente, en un
mot des êtres à part marchant vivants dans leur rêve étoilé.
1H. Contribution à l'élude (ILS ùbSCSSiOiIS-ii71l2bitioî ? s et en particulier
de l'inhiùition génitale; par le DI SAOTAREL.
L'obsession-inhibition est une lésion de la volonté d'action ; le
sujet essaie vainement de transformer une idée en acte, » sa
volonté n'est plus suffisante pour actionner son système moteur et
les efforts qu'il tente à cet égard n'aboutissent qu'à augmenter
son trouble et son angoisse » (Régis). Ce phénomène peut se pro-
duire soit par manque de désir, soit par impuissance à agir.
L'aboulie du pouvoir se présente sous une forme obsédante. On
a ainsi une obsession-inh'bition comparable en sens inverse à
l'obsession-impulsion. Tandis que celle-ci, en effet, consiste essen-
tiellement dans la lutte anxieuse contie un acte qui tend à s'im-
poser, l'obsession-inhibition, elle, consiste dans l'effort anxieux
pour accomplir l'acte désiré. Comme toutes les obsessions, l'obses-
sion-inhibition peut se présenter en clinique sous les formes les
plus variées : parmi les plus fréquentes il faut citer l'inhibition
vésicale et l'inhibition génitale. Cette dernière est le phénomène
qui agit sur les centres psychiques pour supprimer la fonction bien
qu'il n'y ait aucune lésion essentielle organique. La syncope géni-
tale peut se présenter sous trois formes : le puissance conservée
pour toutes les femmes ; ` ? ° puissance conservée pour toutes les
femmes, saut pour l'épouse légitime ; 3° puissance conservée pour
l'épouse légitime et abolie pour les autres. Comme toutes les
obsessions, les inhibitions sont, ou constitutionnelles ou acciden-
telles. Elles s'observent soit chez les hystériques, soit surtout chez
les neurasthéniques, et se différencient par des caractères propres.
Naturellement il importe tant au point de vue du pronostic que
du traitement, de distinguer les obsessions-inhibitions des phéno-
mènes analogues qu'on peut rencontrer dans divers états morbides,
et en particulier de l'aboulie des mélancoliques. Généralement le
diagnostic est assez facile : cependant il est des cas où il est ditti-
21b (S BIBLIOGRAPHIE.
cile; ce sont ceux où il y a mélange de neurasthénie et de mélan-
colie, et où l'aboulie, par suite, participe de l'une et de l'autre.
16. De la précocité et des perversions de 'l'instinct sexuel
chez les enfants ; par le D' PÉLOFI.
' L'hérédité est capable de subir des transformations qui sem-
blent la faire dévier de l'état premier. En se transformant, l'héré-
dité a le pouvoir de faire des précoces, il tous les points de vue,
des sujets qu'elle atteint, aussi bien dans le domaine physique que
dans le domaine intellectuel et moral. Cette précocité porte le plus
souvent sur une faculté hypertrophiée aux dépens des autres, en
somme précocité partielle. Elle peut affecter des modalités diffé-
rentes et si elle porte sur de grandes facultés comme la mémoire,
l'intelligence, l'imagination, elle est susceptible d'atteindre d'au-
tres territoires particuliers et porter ce qui est assez fréquent-
sur la sexualité. Cette précocité sexuelle ne s'affirme pas toujours
avec un caractère normal : le plus souvent, au contraire, elle affecte
le type des aberralions génitales. Suivent quelques observations
dont l'une intéressante, d'onanisme irrésistible et d'éveil sexuel,
chez une petite fille observée à la clinique des maladies mentales
de la Faculté.
17. Moyens de défense et psychothérapie dans les obsessions;
par le U' BELLE ?
Les moyens de défense chez les obsédés constituent un véritable
mode de réaction psychique, bien différent de la réaction de
défense des aliénés. Mais ces moyens protecteurs peuvent parfois
amener du soulagement chez ceux qui les emploient. Le plus ordi-
nairement ils présentent pour eux des inconvénients sérieux soit en
renforçant l'obsession existante, soit en la compliquant d'une nou-
velle. Ces moyens de défense sont susceptibles d'ètre classés en
moyens psychiques, en moyens symboliques, en moyens matériels.
Les obsédés sont très susceptibles de recevoir des influences
suggestives variées, venant du milieu et de l'entourage. Très sou-
vent aussi il serait indiqué de procéder à l'isolement du malade
sous une forme appropriée. Malheureusement, on se heurte en pra-
tique à de nombreux obstacles. L'isolement est surtout profitable
aux neurasthéniques ou hystériques chez qui la névrose d'angoisse
atteint une grande intensité.
La psychothérapie à l'état de veille entendue daus son sens
le plus large est d'une importance capitale dans le traitement
psychique des obsessions. Bien conduite elle amène parfois des
guérisons, toujours des améliorations très sensibles. Il faut cepen-
dant faire observer que, si la psychothérapie hypnotique est toute-
puissante quand elle est applicable, c'est-à-dire chez les hystéti- i-
BIBLIOGRAPHIE. 219 '
ques et les hystéro-neurasthéniques, elle échoue dans les états
obsédants constitutionnels, qu'on les envisage comme relevant de
la neurasthénie ou de la dégénérescence.
VIII. Thèses de la Faculté de Médecine de Paris (année scolaire
1897-1898) sur la neurologie et la psychiatrie.
Abricossoff (Glafira). L'hystérie aux xvu° et xvin0 siècles (étude
historique). Aghavnian (Krikoris). Contribution à l'étude des
troubles trophiques dans l'hémiplégie organique. Ameline (Mal'ius).
Energie, entropie, pensée. Essai de psychophysique générale basée
sur la thermodynamique, avec un aperçu sur les variations de
l'entropie dans quelques situations mentales.Amice (Toussaint).
Aphasie traumatique. André (Jules). De la sialorrhée. Arondel
(Auguste). Etude sur les hallucinations des moignons. Astié
(André). Contribution à l'étude de la névrite canzotrophique des
tuberculeux. Attal (Joseph). Des troubles vasomoteurs dans
l'hystérie. Audureau (Jules). A propos de quelques tumeurs encé-
phaliques opérées.
Baillet (Arsène-Auguste). Les paralysies urémiqucs. - Bakradzé
(Marie). Contribution à l'élude du traitement chirurgical du pied
bot paralytique. Ballard (Julien). Comment meurent les épi-
leptiques. Ballet (Victor). De la paralysie bulbo-spinale ctsllté-
nique ou symptôme ! l'Ea·b. Bargy (François). De l'alcoolisme
au point de vue de la prophylaxie et du traitement. Beigbédcr
(Félix). Du délire dans l'érysipèle. Bélianine (MllG Catherine).
Troubles de la parole dans l'hémiplégie infantile. Bloch (Isidore).
Contribution à t'élude de la syringomyéloe à type scapulo-huméral. -
Boissou (Pierre). Etude critique des interventions sur le sympa-
thique cervical dans la maladie de Bccsedotc. Bounus (Gaston).
Contribution à l'étude de la maladie de Friectreich à début tardif.
Bouchard (Auguste). Elude sur les bourdonnements et bruits
d'oreilles. Bourgeois (Fernand). Contribution ci l'étude de la
claudication intermittente par oblitération artérielle. Bourggraff
(Paul). Contribution ci l'étude clinique et pathogénique du syndrome
de l3use ! toiu. - Brasiano (Ohm). Etude sur l'atrophie musculaire
dans l'hémiplégie. Brun gruger). Contribution à l'élude des sar-
comes des nel fi, et en particulier des nerfs du membre supérieur.
Champomier (Alexandre). De la morphine comme anesthésique en
obstétrique. - Cocard (René). Symptomatologie des fractures de la
base du at1nc. - Cololian (Maksoud-Boghos). Les alcooliques pP1'sé-
cutés. Corneille (Fernand). L'aphasie dans le diabète. Cour-
tillier (Léon). Contribution à l'étiologie et à la pathogénie du pied
bot congél11tal.- Créhange (Moïse). Contribution à l'étude de l'hémi-
ntélie. Czos (Olivier). De l'électrolyse bipolaire appliquée au
traitement des angiomes cl des noevi materni.
250 BIBLIOGRAPHIE.
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faciale périphérique. Decrelte (Edouard). Déformation des narines
dans le bec de lièvre. Delage (Léon). De la chorée gravidique. -
Delorme (Lubin-Émile). Contribution à l'étude de la clinique de la
- morphinomanie. - Del Pozo (Octave). Du traitement de la chorée de
Sydenham par l'arsenic à hautes doses. Devignevielle (Amédée).
Contribution à l'étude des accidents nerveux consécutifs aux frac-
turcs. Deyber (René). Etal actuel de la question de l'awoeboi : ,me
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(Alexis). Contribution à l'étude de la neurasthénie. Dubois
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de la paralysie infantile.
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du plexus brachial consécutives aux luxations de l'épaule.
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lruels. Etude clinique. Fauvet (Adolphe). Du traitement de la
neurasthénie par l'isolement. Fleury (Pierre). Contribution à
l'étude des hernies épigastriques. Foix (Jean). Des paralysies posl-
typhiques.- Fouqueau (Ernest-Paul). Observations d'accès d'éclamp-
sie puerpérale et traitement. François (Eugène). Elude sur la
lypémanie anxieuse.
Gamblin (Gabriel). De la tarsalgie dans ses relations avec les trou-
bles du système nerveux. Ganault (Ernest). Contribution à l'élude
de quelques réflexes dans l'hémiplégie d'origine organique. Gau-
cher (Fernand). Des déformations persistantes irréductibles des pieds
dans les paralysies alcooliques. Gauthier (Ernest). Des mouve-
ment : ; automatiques rythmiques. Gayzal (André). De l'insomnie
dans les affections cardiaques et enparticulier de l'insomnie d'origine
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2û2 VARIA.
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bution à l'élude de l'innervation des muscles du palais. - ! lotier
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thérapeutique thyroïdienne. - Villechauvaix (Jean). Cenu«attès,
malade et médecin. - Vivier (Henry). Sur l'infantilisme. - Volper
(NI'le liaïssa). Des troubles trophiques dans la lèpre.
Wetterwald (Félix). La commotion du labyrinthe.
L'Administration des Archives de Neurologie s'offre à pro-
curer, dans la mesure du possible, les thèses ci-dessus à ses
abonnés.
VARIA.
La mvladih, de Bluse Pascal; par le Dr Binet-Sanulé.
Blaise Pascal fut un génie malade, de l'avis de tous ceux qui
l'étudièrent. Des critiques de talent, depuis Vict. Cousin jusqu'à
M. Havet, et un médecin, relatèrent les divers symptômes qu'il
présenta, mais ne purent porter le diagnostic de sa maladie, parce
qu'à l'époque où ils écrivaient le syndrome n'en était pas encore
classé. Tous les syndromes que présenta Blaise Pascal, la faiblesse
générale, la paraplégie transitoire, l'oesophagisme. les troubles
digestifs, les algies multiples et variées, céphalalgie continue.
VARIA. 2,'ir ! 11)
odontalgie à cessation soudaine, gastralgie, entéralgie. la suré-
motivité, la tristesse chronique, les troubles de la sensibilité psy-
chique, les phobies, les hallucinations, les troubles du jugement
et du raisonnement, les altérations périodiques de l'état général,
constituent un tableau assez complet de la neurasthénie grave.
(Annales médica-psychologiques, avril 1899'.) E. BLm.
De L\ PEDAGOGIE; par Let et Sano.
Courte note dans laquelle les auteurs démontrent la nécessité
de constituer une science de l'éducation qui devra servir de base
aux pédagogues de l'avenir. Dans ce but MM. Ley et Sano
réclament la création de laboratoires destinés à permettre les
études de pédométrie, de physiologie, de psychologie, etc., pou-
vant contribuer à la connaissance plus complète de l'enfant. Ils
insistent en outre sur la nécessité d'étudier parallèlement les en-
fants normaux et les enfants anormaux et proposent d'annexer
aux établissements d'instruction des écoles spéciales pour les en-
fants arriérés.
Les premières écoles de ce genre ont été organisées en Alle-
magne, puis en Suède, en Danemark, en Angleterre, aux Etats-
Unis d'Amérique, en Belgique, eriAustralie. « En Franceil n'existe
que des asiles pour les idiots et on ne peut regretter, ajoutent
les auteurs, de voir les vaillants efforts faits depuis plusieurs
années par Bourneville, dans le but d'obtenir la création d'écoles
spéciales, avoir aussi peu de succès 3. (Journ. de Neurologie. 1899.
n° 9.) 6. DF-iy.
S o c m T de Neurologie.
La Société de Neurologie a été fondée, à Paris, le 8 juin 1899.
Elle a pour but de réunir, en assemblées périodiques, les médecins
qui s'occupent des maladies du système nerveux. Elle se compose
de membres titulaires et de membres correspondants nationaux et
étrangers.
La Société de Neurologie se réunit en séances publiques, le
premier jeudi de chaque mois (excepté les mois d'août, septembre
et octobre), à la Faculté de médecine de Paris, salle îles Thèses,
n° 2, il neuf heures et demie du matin. Des communications et
' Voir : Léliii, /. 'Amulette de Pascal.
Y C'est ce que nous avions voulu faire à l'Orphelinat Prévost, à Cempuis
et ce qui nous a valu des accusations aussi violentes qu'injustifiées de
la part des réactionnaires cléricaux du Conseil municipal de Paris et de
leurs journaux. (B.J.
- Voir aux annonces : Lettre f'f .ll. Cit. nl/lJ1l ? sur la création de classes
spéciales pour les en fruits arriéré*.
2d4 ik FAITS DIVERS.
présentations de malades ou de pièces sont faites par les membres
de la Société.
Des communications et présentations de malades ou de pièces
peuvent être faites par des personnes étrangères à la Société ; elles
doivent être annoncées au moins huit jours à l'avance au bureau
qui donne, s'il y a lieu, l'autorisation nécessaire. La durée de
chaque communication ne doit pas excéder un quart d'heure ; sa
longueur ne peut dépasser une page d'impression. La Revue nelll'o-
logique, organe officiel de la Société, publie le 1¡} de chaque mois
les bulletins des séances.
Composition du bureau. Président : M. Joffroy ; vice-président :
.M. Raymond; secrétaire général : M. Pierre-Marie; secrétaire des
séances : M. Henry Meige ; trésorier : M. Souques.
Membres titulaires fondateurs. 11111. Achard, Babinski, Ballet,
Brissaud, Dejerine, Dupré (E.), Gilles de la Tourette, Gombault,
Klippel, Parinaud, Parmentier, Paul Richer '.
FAITS DIVERS.
Les aliénés en liberté. Sous ce titre : Un fou meurtrier,
l'Aurore du 2 juin publie ce fait :
« Depuis quelque temps, M. Honoré Parisot donnait des signes
non équivoques d'aliénation mentale. Pour se soustraire à ses
violences, sa maîtresse, Marie Raclot, l'abandonna pour aller
habiter 29, rue des Prairies. Dans la soirée d'hier il la rencontra
rue Le Bua et lui offrit un bock. Au moment où elle s'asseyait,
Parisot saisit une paire de ciseaux et l'en frappa au sein gauche.
La malheureuse a été transportée à l'hôpital Tenon. Le fou-
meurtrier, désarmé aussitôt, a été envoyé à l'infirmerie du Dépôt. »
- La cour d'assises de Riom a jugé hier l'affaire du meurtre
commis à l'école normale sur l'élève Quinty par l'élève Vacher.
Presque tous les témoins étaient des professeurs ou des élèves de
l'école. Ils ont tous défendu Vacher. M. Sicard, avocat, a plaidé
l'irresponsabilité de son client et a prétendu que le meurtre était
dû à une crise épileptifo,ine. Le jury a rendu un verdict affirmatif
seulement sur la question de coups et blessures. En conséquence,
Vacher a été condamné à deux ans de prison. (Le Soleil du
' Voir le Compte rendu de la première séance il la page 95 du nu-
méro d'août. '
FAITS DIVERS. 255
2 juin 1899.) Voilà encore un malheureux malade, aliéné
méconnu, qui n'aurait pas dû être condamné et envoyé en prison,
mais placé dans un asile et soigné.
On a trouvé pendu ce matin, dans sa chambre, un boulanger
de la place du Peyrou, à Toulouse, nommé Jonquières, âgé de
trente-huit ans ; le malheureux était atteint de la monomanie de
la persécution. (Petit Parisien.)
- Un employé des ponts et chaussées de Fontenay, le nommé
Eugène Le Bolay. âgé de vingt-trois ans, se trouvant à la Roche-
sur-Yon, chez M ? veuve Niveau, sa grand'mère, rentière rue de
Nantes, a tenté de se donner la mort en s'ouvrant la gorge avec
un rasoir. Le malheureux, qui est atteint d'aliénation mentale, croit
être une victime de l'affaire Dreyfus et que les gendarmes vont
venir l'arrêter. Son état est très grave. (Petit Parisien du 15 août.)
L'alcool. On nous mande de Pau qu'un ancien préposé des
douanes nommé Pierre Busson, retiré à Baigorry, après avoir, dans
un accès d'alcoolisme, essayé de tuer diverses personnes, notam-
ment sa soeur, un garde des bois de M. D. Abdadie et la proprié-
taire du jeu de paume, avait été désarmé par la gendarmerie.
Relâché, il s'empara du couteau d'une vieille mendiante, la tua et
blessa sa soeur et une voisine. Il se porta ensuite un coup à la
gorge, puis se jeta dans la Nive. Les gendarmes purent s'emparer
de lui et le mettre en lieu sûr. (Le Temps du 12 juin 1899.)
Un loueur de voitures de Quimper, le nommé Jean Rival,
âgé de cinquante-cinq ans, demeurant avenue de la Gare, s'est
suicidé en absorbant de l'arsenic; cet homme était alcoolique.
(Petit Parisien, 11 août.)
L'incendie de alancillcac. La femme Veilleraud est main-
tenue en état d'arrestation. Alcoolique incorrigible, elle aurait,
paraît-il, commis son crime dans un moment d'éb1'iété. (La Petite
Gironde, 14 août.)
Sous ce titre : L'Affaire du boulevard Ornano, le Petit Parisien
du 21 août publie le fait suivant :
« Dans l'après-midi d'hier, vers une heure, le gardien de la paix
Charles Grandjean, du dix-huitième arrondissement, était requis
par le chef de gare de la station du boulevard Ornano pour pro-
céder à l'expulsion d'un individu qui causait du scandale dans la
gare. L'agent se trouva en présence d'un ouvrier terrassier que
l'ivresse rendait furieux, et il fut accueilli par des coups de pied
et de poing. Plusieurs personnes ayant pris parti pour l'ivrogne,
la foule s'amassa, et le gardien de la paix dut se réfugier dans
une salle de la gare, tandis qu'au dehors plus de six cents per-
sonnes proféraient contre lui des menaces de mort. Attirés par la
i ? 6 avis.
rumeur publique, le sous-brigadier Bouchez et les agents Zorzi,
Thévenin et Enocq accoururent, mais ce ne fut qu'après une lutte
terrible qu'ils purent s'emparer de l'ivrogne, le ligoter et le con-
duire au poste de la rue du Mont-Cenis. Les représentants de la
police ont tous été très malmenés ; mais l'état de Grandjean, qui
a dû interrompre son service, est le plus grave. L'ouvrier arrêté
'n'a pas voulu faire connaître son identité. Il s'est contenté de
déclarer il M. Carpin, qui a procédé à son interrogatoire, que ce
n'était pas la première fois qu'il « décollait » un agent. Le cou-
pable a été écroué au Dépôt.
ERRATUM. - Page 121-, ligne 30 au lieu de l'opération, il faut
lire I'amélioration.
CUAGN01\ (E.-P.) et Villeneuve. - Aliénés méconnus et condamnés.
Brochure in-8° de 11 pages. Montréal, 1899. G. Senécal et G1*.
CLERICI (A.) ed Media (E.). La malallia di Parkinson e l'eredo-
f'lI, : ilill1. ! ta. - Brochure in-8° de 23 pages. \lilano. 1899. Tambn-
rini et Cie.
Dowru (J.) und lIüLlL. - liin Fait 1'01/ Neurologia spel'malica.
Résection des Nervis lumbo-inuinalis und Xervus t'permK/fC ! e.rlen-
nus. Brochure in-8° de 9 pages. Vieil und Leipzig, 1898.
W. Braumüller.
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Brochure in-8° de 20 pages. Firenze, 1899. Chez l'auteur.
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Brochure in-8° de 24 pages. Florence, 1899. Chez l'auteur.
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10 pages, avec 4 figures. - Firenze, 1899. Chez l'auteur.
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texte. London, 1899. British Médical Journal.
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lume in-8°, cartonné, de 127 pages, avec 10 figures et 4 planches hors
texte. Manchester, 1899. Librairie Sherratt and Hughes.
7UCCARELLI (A.). Gli nomini di genio e la loro biografa clinica.
Brochure in-lG de 30 pages. Napoli, 1898. Tïpografia Molli e Juele
AVIS TRÈS IMPORTANT. - Depuis le 28 JUILLET
M. H. DURAND n'a plus aucune fonction au Progrès
Médical : IL est remplacé par 31. Aimé ROUZAUD, qui
est chargé exclusivement des annonces et de la partie
administrative.
Le rédacteur-gérant : T3oowewn.e.
lvrrm, 1 : 1. Ilfnmev. 11111). - qt'fI
Vol. VIII. Octobre 1899. N° 46
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE MENTALE.
RELATION D'UN CAS DE CONFUSION MENTALE
POSTOPERATOIRE;
Par le D' rwareoo,
- Iédccin-alljoinl de l'Asile d'aliénés de Limoges.
Malgré les nombreux travaux qui ont été consacrés en ces
dernières années à l'étude des troubles psychiques post-
opératoires, et les discussions importantes dont elle a été
l'objet en 1898 à la Société de Chirurgie et au Congrès des
médecins aliénistes d'Angers, l'accord est loin d'être fait
entre les auteurs sur cette question. Les divergences d'idées
portent non seulement sur l'étiologie et la symptomatologie
de ces désordres cérébraux, mais encore sur le sens précis
qu'il faut attribuer à l'expression de troubles psychiques
post-opératoires, et, par suite, sur la constitution de ce
groupe d'affections mentales. Trois opinions principales sont
en présence : d'une part, M. le De Picqué, chirurgien des
hôpitaux de Paris et des asiles d'aliénés du département de
la Seine ', éliminant les délires d'origine médicale, les délires
toxiques (délire alcoolique), les délires par intoxication mé-
dicamenteuse, et les délires dus à une intoxication septicé-
mique, survenus à la suite d'opérations chirurgicales, et
qu'il désigne sous le nom de faux délires post-opératoires,
n'admet, comme psychoses post-opératoires véritables, que
De L. Picqué. Du délire psychique post-opératoire. (Communication
à la Société de Chirurgie. Séance du 1" mars 1898.)
Archives, 2' série, t. V111. 17 ï
258 CLINIQUE MENTALE.
les cas dans lesquels le délire ne relève d'aucune des causes
déjà citées, et « survient sans fièvre chez des sujets qui ne
sont ni des malades ni des intoxiqués ».
D'après lui, dans ces derniers cas les troubles cérébraux
- se manifestent sous la'forme d'états d'excitation ou de
dépression. Les premiers de ces états apparaissent avec une
fréquence spéciale chez les enfants, les vieillards, les hysté-
riques, et surtout chez les malades atteints de prédisposition
héréditaire; ils peuvent être engendrés par toutes les opéra-
tions chirurgicales, même les plus simples. Quant aux états
de dépression, surtout fréquents chez les héréditaires et les
prédisposés, ils ne sont guère observés qu'à la suite de cer-
taines opérations déprimantes, telles que les amputations, la
castration, l'opération du varicocèle ayant entraîné l'atrophie
du testicule, la taille hypogastrique, l'établissement d'un
anus contre nature, etc.
M. le D'' Régis', au contraire, distingue, dans l'ensemble
des troubles psychiques post-opératoires, deux ordres de
faits : 1° les troubles psychiques survenant à l'occasion d'une
opération; 2° les troubles psychiques relevant, comme cause
fondamentale, de l'opération. Selon lui, les derniers, seuls,
doivent être retenus comme troubles psychiques post-opéra-
toires ; les autres sont des folies communes, des vésanies,
dues à la prédisposition, et n'ayant de commun avec l'opéra-
tion que la coïncidence. Contrairement à ce qui existe pour
ces vésanies qui affectent nécessairement une forme quelcon-
que, les vrais troubles psychiques post-opératoires répondent
à un même type clinique : la confusion mentale. Sur ce fond
de confusion mentale survient très fréquemment un état déli-
rant qui se présente avec tous les caractères de ce que
M. Régis appelle le délire onirique, et qu'il croit caractéris-
tique d'une intoxication endogène ou exogène.
Cet auteur classe les troubles psychiques post-opératoires
en trois groupes : 1° les troubles psychiques immédiats, qui
surviennent aussitôt après l'opération, et qui paraissent dus à
l'intoxication chloroformique agissant à la faveur du shock ;
2° les troubles psychiques secondaires, qui éclatent du
deuxième au dixième jour, et qui sont dus soit à la septicé-
' D' Régis. Les troubles psychiques post-opératoires. (Discussion au
Congrès des médecins aliénisles. Angers 1898. Compte rendu in La
Presse médicale, G août 1898.)
RELATION D'UN CAS DE CONFUSION MENTALE. 259
mie ou à une infection accidentelle, soit à une auto-intoxica-
tion déjà existante, ou réalisés chez certains individus moins
résistants par le shock opératoire : ce sont les plus nombreux
et les plus typiques; 3° les troubles psychiques tardifs, qui
n'apparaissent que plusieurs semaines après l'opération, et
que M. Régis attribue à l'asthénie de l'organisme produite
par diverses causes, telles que la déhilitation progressive, la
cachexie, la fièvre, à des pansements longtemps prolongés,
surtout à l'iodoforme, ou à la suppression d'un organe à
sécrétion interne tel que le corps thyroïde ou l'ovaire. Les
troubles psychiques post-opératoires sont donc, dans tous les
cas, d'après M. Régis, dus à un trouble de nutrition ou à une
intoxication de l'organisme.
Enfin, d'après une autre opinion, soutenue par M. le pro-
fesseur Joffroy et par M. le D'' Rayneau1, auteur du rapport
si documenté présenté au Congrès d'Angers, « il n'exibte point
un type spécial de psychose que l'on pourrait étiqueter folie
post-opératoire. Les troubles psychiques post-opératoires
présentent les symptômes les plus divers ». Ils sont le résul-
tat de l'action combinée d'une série de causes d'ordre psy-
chique ou physique sur des sujets prédisposés. L'action
pathogène de ces causes n'est d'ailleurs pas fatale, et la
constatation des groupements étiologiques, d'ordinaire les
plus puissants, ne permet pas de prédire avec certitude l'éclo-
sion de la folie post-opératoire. A plus forte raison ne per-
met-elle pas de « prévoir quelle serait la nature du délire,
la forme et la durée des accidents ».
En outre de ces différences essentielles que nous venons de
signaler dans la façon de concevoir les troubles psychiques
post-opératoires, on relève encore bien des divergences
d'opinion entre les aliénistes, sur ce sujet en général, et sur-
tout sur l'importance relative des divers facteurs suscep-
tibles d'être incriminés dans la pathogénie de ces désordres
cérébraux. M. Rayneau les a relatées, en détail, dans son
remarquable travail.
' De Rayneau. Les troubles psychiques posl-opéraloires. (Rapport au
Congrès des médecins aliénistes et neurologistes. Angers, 1898.) - Pro-
fesseur Jott'roy. Troubles psychiques post-opératoires. (Leçon clinique
publiée dans La Presse médicale, 19 mars 1898.) Troubles psychiques
post-opératoires. (Discussion au Congrès des médecins aliénistes. Angers,
1898.)
260 CLINIQUE MENTALE.
Seule, la clinique peut trancher définitivement la question.
Mais il est indispensable que les observations choisies comme
base d'appréciation, soient aussi précises et aussi complètes
que possible, et contiennent non seulement l'exposé des
-troubles délirants actuels, mais encore celui des antécédents
héréditaires et personnels des malades, et de toutes les parti-
cularités qui ont pu jouer un rôle dans l'étiologie de ces
accidents. Or, parmi la multitude des cas de troubles psy-
chiques post-opératoires qui ont été publiés, il en est un
grand nombre qui n'ont pas toute la précision de détails
désirable et qui, pour ce motif doivent être éliminés. Aussi
n'est-il peut-être pas inutile de relater de nouvelles observa-
tions. C'est ce qui nous a décidé à rapporter ici le cas sui-
vant :
Observation. Sommaire : Ligature de l'artère axillaire chez un
sujet prédisposé à la folie par une hérédité alcoolique et vésanique
et par une intoxication éthylique ancienne. Infection de la plaie
opératoire. Septicémie. Apparition des troubles mentaux huit
jours après l'opération. Confusion mentale avec délire onirique
et alternatives irrégulières d'excitation et de dépression. M bout
de huit mois, amélioration progressive. Troubles de la mémoire.
Guérison sans affaiblissement intellectuel.
C... (Jean), soixante ans, colporteur, est entré à l'asile d'aliénés
deNaugeat, le 6 avril 1898.
Antécédents héréditaires. Le père du malade est mort d'une
affection pulmonaire, à un âge assez avancé ; au cours de son
existence, il avait fait de sérieux excès de boisson, mais jamais
il n'avait présenté de troubles mentaux. La mère, décédée par
suite d'une affection cardiaque, a toujours joui de la plénitude de
ses facultés. C... a eu deux frères, dont l'un est mort en bas
âge, et l'autre a succombé à l'âge de vingt-six ans, par suite de
tuberculose pulmonaire. Une tante du côté maternel, décédée
à un Age très avancé, a été atteinte d'aliénation mentale pendant
les dix ou quinze dernières années de sa vie. Nous ignorons quelle
forme ont revêtu les troubles mentaux signalés chez cette parente
de notre malade.
Antécédents personnels. - C... a toujours eu une excellente
santé. Doué d'une intelligence moyenne, il s'est montré toute sa
vie très insouciant. Ami de la gaieté, ne songeant qu'à passer tran-
quillement le présent, sans se préoccuper de l'avenir, il a accepté
aussi philosophiquement que possible les rares événements malheu-
reux qui se sont produits pendant son existence.
RELATION D'UN CAS DE CONFUSION MENTALE. 261 1
Il a fait sept ans de service militaire en France ; pendant cette
période, il a mené joyeuse vie : il reconnaît qu'il a beaucoup bu
et qu'il s'est livré à quelques excès génésiques; mais il affirme
qu'il n'a pas contracté de maladie vénérienne.
Pendant quinze ans, C... a été employé en qualité d'infirmier
et de sous-surveillant à l'asile de Naugeat. Bien que l'exercice de
ces fonctions ne lui eût pas absolument fait perdre l'habitude de
boire d'une façon excessive, il accomplit son service dans des con-
ditions assez satisfaisantes, jusqu'au jour où une faute grave le fit
renvoyer de l'établissement. '
Il se trouva alors brusquement sans ressources et sans emploi,
obligé de chercher un moyen de subvenir à son existence et à celle
de son fils. La perspective de tomber dans une profonde misère ne
troubla pas un seul instant la tranquillité de son esprit. Son seul
souci fut de trouver un métier qui lui permit de gagner quelque
argent en conservant son indépendance et sa liberté. Il se fit col-
porteur. et, quoique les bénéfices qu'il retirait de ses ventes fussent
des plus minimes, il se trouva toujours, en cette situation, le plus
heureux des hommes. Il ne regretta qu'une chose : c'est que l'in-
suffisance de ses ressources l'empêchât presque toujours d'abuser,
et parfois même d'user des boissons alcooliques.
Au commencement de l'année 1898, C... remarqua qu'une gros-
seur apparaissait au niveau de la paroi antérieure de l'aisselle
gauche, en un point comprimé habituellement par la courroie
soutenant la boîte dans laquelle étaient renfermées ses marchan-
dises. Eu même temps que se développait cette grosseur, il res-
sentait des fourmillements dans le bras, et éprouvait une difficulté
croissante à mouvoir ce membre. Il dut cesser son travail; puis,
le volume de la tumeur s'étant accru dans de très notables pro-
portions, il se décida, à la fin du mois de février 189S, à entrer à
l'hôpital de Limoges. Là, il fut reconnu atteint d'un anévrysme de
l'artère axillaire, et la ligature de ce vaisseau fut jugée nécessaire.
Le malade accepta docilement les conseils du chirurgien, et ne fit
aucune difficulté pour se soumettre à l'opération qui lui fut pro-
posée. Son insouciance habituelle se manifesta encore en cette
circonstance; il ne se préoccupa pour ainsi dire pas des consé-
quences fâcheuses que cette affection et l'intervention chirurgicale
nécessitée par elle, pouvaient avoir pour un malheureux obligé,
comme lui, de travailler pour gagner sa vie. La perspective de
l'opération ne l'effraya nullement, et, le moment venu « il se mit,
dit-il, sur la table d'opération, comme il se serait couché sur son
lit pour se reposer après une grande fatigue ». La ligature de
l'axillaire fut pratiquée au commencement du mois de mars. Pen-
dant les premiers jours qui la suivirent, l'état mental de C...
n'attira nullement l'attention; sa santé générale, au contraire, fut
très sérieusement compromise; en effet, la plaie opératoire s'in-
26 CLINIQUE MENTALE.
fecta, une fièvre intense apparut, et le malade présenta les signes
ordinaires d'une septicémie aiguë.
Huit jours environ après l'opération, l'entourage de C... com-
mença à observer en lui des signes dénotant une légère altération
de ses facultés mentales. Plus impressionnable que de coutume,
il manifestait une émotivité anormale et, parfois, une véritable
sensiblerie; par intervalles, il prononçait des phrases bizarres ou
même vides de sens. Il ne semblait pas toujours se rendre bien
compte de ses actions, et certaines d'entre elles étaient empreintes
d'un cachet d'automatisme manifeste. Ses propos, ses gestes
même, semblaient, par moments, indiquer l'existence d'illusions
ou d'hallucinations de la vue. C'est ainsi qu'un jour, il dit il son
fils, au cours d'une visite de ce dernier : « Regarde là-bas ces gens
qu'on écorche ; en voici qu'on électrise », tandis qu'il n'y avait
dans la salle qu'un seul malade fort calme à qui on faisait un
pansement. En même temps que ces symptômes psychiques se
développaient, les troubles somatiques persistaient, au point de
compromettre même l'existence de C...; la fièvre était très pro-
noncée, les forces déclinaient rapidement, et un refus obstiné des
aliments et des médicaments aggravait encore la situation.
L'intensité des désordres cérébraux s'accrut graduellement. La
désorientation d'esprit déjà signalée chez C..., devint complète et
se manifesta par une incohérence absolue des propos et par des
actes désordonnés, accomplis sans but, avec une inconscience
évidente. Quoique très fatigué, épuisé par la fièvre et par une
abstinence prolongée, sinon absolue, il se levait parfois, courait
d'un lit à l'autre, se déshabillait, et errait nu dans le dortoir, inca-
pable de retrouver sa place sans le secours des infirmiers ou de
ses voisins. Il ne semblait pas se rendre compte de l'endroit où il
était et du temps qui s'était écoulé depuis son entrée à l'hôpital ;
il ne reconnaissait pas son entourage. Les illusions sensorielles et
les hallucinations persistaient, mais ne paraissaient pas de nature
terrifiante.
Dans les derniers jours du mois de mais, l'état physique s'amé-
liora sensiblement; la cicatrisation de la plaie fit de notables pro-
grès, et la fièvre diminua; mais C..., qui jusqu'alors avait été assez
calme, fut pris d'une vive excitation. Ses actes extravagants, sa
loquacité, 'sa turbulence diurne et nocturne, ne tardèrent pas à
nécessiter son admission à l'asile de Naugeat.
6 avril 1898. A son entrée dans cet établissement, l'état phy-
sique de notre malade attire tout d'abord notre attention; extrê-
mement amaigri, le teint pâle, terreux même, C... est dans un
état de faiblesse tel qu'un dénouement fatal nous parait imminent.
Le pouls est très rapide; on compte 116 pulsations par minute; la
langue est sèche et rôtie, mais il n'y a pas d'élévation de tempéra-
ture. L'auscultation du coeur ne révèle aucun bruit anormal; il
RELATION D'UN CAS DE CONFUSION MENTALE. 263
existe, cependant, une légère exagération du retentissement du
second bruit à la base. Les artères radiales et fémorales ne sem-
blent pas sclérosées. Les urines ne renferment pas d'albumine.
La plaie opératoire est à peu près cicatrisée; cependant, il per-
siste une fistule par laquelle s'écoule encore une assez grande
quantité de pus. Le membre opéré est considérablement
oedématié; la température en est sensiblement inférieure à celle
du membre sain , ses téguments sont violacés, cyanosés; sa sen-
sibilité est considérablement émoussée, mais le malade y ressent
fréquemment des fourmillements, et parfois même de vives douleurs
spontanées. Les mouvements du membre et en particulier ceux de
l'articulation de l'épaule sont très limités et très douloureux.
Dans la sphère psychique, les troubles ne sont pas moins
accentués. Un élément semble prédominer dans l'état mental du
malade : c'est la confusion des idées. C... parle presque continuelle-
ment ; ses propos ne sont qu'une suite de divagations incohérentes
formées par un assemblage de mots ou de membres de phrases
sans aucun rapport les uns avec les autres. Il s'exprime le plus
souvent sur un ton invariable, entrecoupant fréquemment ses
paroles de quelques instants de repos. De- temps à autre, il élève
la voix, et pousse des exclamations dont il est difficile de saisir
la signification ; ou bien il chante d'une façon monotone, ou plutôt
il psalmodie les mêmes incohérences.
Au milieu de ses divagations, nous relevons les phrases sui-
vantes : « Des machines me poursuivent... J'ai tout perdu » ; seuls
indices de l'existence d'un délire mélancolique et d'hallucinations
terrifiantes.
L'attitude, la physionomie du malade sont assez mobiles ; habi-
tuellement dépourvu d'expression, son regard s'anime lors des
paroxysmes de l'agitation. Souvent, cette exaltation, qui s'accom-
pagne d'ordinaire d'une gaieté bruyante, fait place, sans transi-
tion, à une grande dépression se traduisant par une attitude triste
et même par des pleurs. Les larmes et le rire se succèdent chez
lui avec une extrême facilité.
Ses actes sont, pour la plupart, empreints d'un cachet d'indiffé-
rence très marqué. C... fait des gestes bizarres qui paraissent
dépourvus de toute signification; il se couche dans les positions
les plus anormales, et, parfois, se place si près du bord du lit qu'il
lui arrive de perdre l'équilibre, et de tomber sur le sol; après sa
chute, il parait tout étonné de se voir étendu sur le parquet. Lors-
qu'on le laisse seul, il se lève et, machinalement, sans aucun but,
se promène dans le dortoir; puis, incapable de reconnaître son lit,
il se couche à la place d'un autre malade. En un mot, il a absolu-
ment les allures d'un automate.
11 parait, d'une façon générale, étranger au monde extérieur, et
ne prête que par intervalles une attention vague et fugitive à ce
264 CLINIQUE MENTALE.
qui se passe autour de lui. Toute l'attention dont il est capable,
est absorbée par ses idées délirantes et ses hallucinations, encore
que les unes et les autres ne soient ni très actives, ni même nom-
breuses. Ce n'est qu'avec peine que l'on parvient *a le tirer pour
quelques instants de ses rêveries, et à provoquer une réaction en
rapport avec les excitations que l'on fait agir sur lui. Lorsqu'on
-l'interroge, il est nécessaire de répéter plusieurs fois la même
question pour obtenir une réponse. Il faut, par l'intonation ou le
geste, stimuler énergiquement le malade pour réveiller son esprit
engourdi. La lenleur avec laquelle s'effectue le travail cérébral est
attestée par les longues hésitations qui précèdent chaque réponse;
la recherche de la solution attendue nécessite de la part du sujet
un effort considérable, mais encore souvent insuffisant.
C... éprouve de grandes difficultés à rappeler ses souvenirs;
certains d'entre eux paraissent réellement éteints, mais la plupart
persistent, plus ou moins vagues et incertains, il est vrai. C'est
ainsi qu'il est tout d'abord incapable de nous dire son âge; puis il
soutient qu'il a soixante-quatorze ans, et enfin il parvient à
trouver son âge véritable qui est de soixante ans. Alors qu'il a
habité l'asile de Naugeat pendant quinze ans et qu'il en connaît
très bien toutes les parties, il ne reconnaît pas le lieu où il se
trouve ; d'après ses réponses, il est manifeste qu'il se croit à
l'hôpital de Limoges; cependant, quelques instants après, il pro-
nonce quelques paroles prouvant qu'il comprend où il est. Il con-
fond les personnes, et ne semble pas reconnaitre ses anciens
camarades. Le jour de son entrée, il fait beaucoup de difficultés
pour s'alimenter. Il ne dort pas, malgré l'absorption de deux
grammes de chloral.
22 avril. L'état du malade ne s'est pas sensiblement modifié.
La confusion des idées persiste avec des alternatives irrégulières
d'excitation et de dépression. On ne distingue pas l'existence de
conceptions délirantes systématisées. Si quelques idées dé persécu-
tion se manifestent, à un moment donné, elles n'ont aucune con-
sistance, et sont tout à fait fugitives. Quant aux hallucinations,
elles paraissent en général dépourvues du caractère terrifiant
qu'elles ont, d'ordinaire, dans la confusion mentale. Ces constata-
tions, faites pendant la période aiguë de la maladie, ont été con-
firmées par les explications fournies par C... après sa guérison.
Le désordre des actes est toujours aussi accentué , l'insomnie
résiste aux hypnotiques prescrits quotidiennement. Le malade se
lève presque tous les jours, mais, il raison de sa faiblesse, il est
obligé de se recoucher au bout de quelques instants. Il s'alimente
d'une façon assez irrégulière ; cependant, il absorbe assez de nour-
riture pour qu'on puisse se dispenser de recourir au cathétérisme
oesophagien.
L'état physique s'améliore lentement; la plaie de l'aisselle con-
4 RELATION D'UN CAS DE CONFUSION MENTALE. 26D
tinue à suppurer, mais la quantité de pus qu'elle donne, a sensi-
blement diminué. Le teint reste pâle; le pouls est toujours pré-
cipité ; la température est normale.
21 mai. Pas de changement appréciable, ainsi que l'atteste la
conversation que j'ai eue aujourd'hui avec C... et dont voici quel-
ques fragments, textuellement reproduits (Les séries de points
indiquent les pauses faites par le malade) :
D. Y a-t-il longtemps que vous êtes ici ? "
il.... Plafond... Je vous la laisse... Blanc, noir... non... mais
c'est oui... Ri... fixe... arme... Non... toujours non... S... au plu-
riel... se... en face, portez armes... Pas... (long silence)... Oh ! je
sais votre nom... D'où êtes-vous 11 fait beau (Accès de rire)... du
côté que vous voudrez, écrivez, fixez... en face, bien en face... tour,
tourillon, rien.
D. Comment allez-vous ?
Il.... Près de moi... vous faites besoin... non... ah ! oui ? bien
heureux... malheureux, mais obligé... Touchez-moi, s'il vous plait
(Pleurs pendant une à deux minutes suivis d'éclats de rire subits).
D. Où êtes-vous ? -R. Fermez... (Éclats de rire)... nous ne pou-
vons pas.
D. N'avez-vous pas habité Naugeat autrefois ? -J'y suis revenu.
D. Comprenez-vous ce que je vous dis ? R... (Long silence)...
J'entends... (Il marmotte ensuite quelques mots inintelligibles, et
se met à faire des gestes; il joint les mains, puis remue les doigts,
et 'enfin se croise les bras. Sa physionomie est extrêmement
mobile.)
D. Connaissez-vous M. X... ? (fonctionnaire de l'asile qu'il a
connu jadis). R.... Oui... j'irais chez lui d ici là.
D. Avez-vous quelques ressources ? R.... Je n'ai rien... abso-
lument rien. (Exact.)
D. Depuis quand êtes-vous ici ? - R.... (Longue hésitation)... Je
n'en sais rien.
D. N'avez-vous pas subi une opération ? R.... On m'en a fait
plusieurs.
D. Quel âge avez-vous ? R. Quatre-vingt-dix-neuf ans.
Je renouvelle cette question, mais j'obtiens invariablement la
même réponse; quelques instants après, cependant, C... me dit
l'année exacte de sa naissance. 11 est donc manifeste que l'état
mental n'a guère changé ; la désorientation d'esprit et l'engour-
dissement de l'intelligence sont toujours très marquées ; on cons-
tate aussi les mêmes gesticulations bizarres et les mêmes actes
automatiques, sans but apparent. C... parait la plupart du temps,
ne pas avoir conscience de sa situation; en diverses circonstances,
cependant, il a prouvé que, non seulement il n'était pas tout à
fait étranger à ce qui l'entourait, comme on pouvait le soupçonner,
mais encore que, dans une certaine mesure, il se rendait compte
266 CLINIQUE MENTALE.
de sa position, et que son esprit était exceptionnellement capable
de fonctionner dans des conditions, sinon normales, du moins
assez satisfaisantes. C'est ainsi qu'il lui est arrivé à plusieurs
reprises de sortir spontanément de ses rêvasseries habituelles
pour donner aux infirmiers des conseils très sensés sur les mesures
provisoires à prendre à l'égard de malades devenus subitement
.agités ou violents.
La confusion des personnes existe toujours; C... prend un des
infirmiers pour un autre employé de l'asile, son ancien camarade
de travail et de fête, et donne aux autres personnes, dont plusieurs
étaient bien connues de lui autrefois, des noms de son invention.
Sur ce fond invariable de confusion mentale se greffent des
accès d'excitation et de dépression qui se succèdent il des inter-
valles très courts. Ces accès ont pour principaux caractères, leur
apparition et leur disparition soudaines ; leur durée est essentiel-
lement variable : tantôt ils ne persistent que quelques instants;
tantôt ils se prolongent pendant plusieurs heures ou même des
journées entières. L'excitation est généralement prédominante.
L'existence de ces accès parait subordonnée à celle d'hallucina-
tions visuelles et auditives plus ou moins actives, entretenant un
véritable délire onirique. C... a, du reste, après sa guérison, com-
paré spontanément à un rêve l'état dans lequel il se trouvait
alors.
A cause de sa faiblesse encore très grande, C... reste couché
presque continuellement; il se découvre fréquemment, est mal-
propre, crache sur les couvertures, renverse sur les draps la plus
grande partie des aliments qu'on lui présente. Il fait beaucoup de
difficultés pour manger. Les hypnotiques qui lui sont prescrits,
ne produisent pas d'effets appréciables, et le sommeil continue à
être rare.
Depuis quelques jours, le malade est atteint d'une légère bron-
chite, et présente des signes de congestion aux bases des poumons,
conséquence probable de refroidissements qu'il a contractés en se
découvrant dans son lit et en se promenant dans le dortoir dans
un costume des plus sommaires.
Malgré cette affection incidente, qui, du reste, parait bénigne,
l'état général tend à s'améliorer; C... recouvre ses forces lente-
ment, mais d'une façon régulière; il est toujours très amaigri;
son teint reste pâle. Aujourd'hui, à quatre heures du soir, le pouls
bat 95 pulsations par minute. La plaie de la région axillaire
est à peu près cicatrisée, et ne donne que quelques gouttes de
pus.
Juin. - L'état mental ne subit aucune modification. L'amélio-
ration de la santé générale se maintient et s'accentue. La plaie
opératoire est complètement guérie à la fin du mois.
Juillet. La confusion des idées persiste avec la même netteté.
RELATION D'UN CAS DE CONFUSION MENTALE. 267
On n'observe plus de dépression; l'excitation est encore très fré-
quente, mais semble avoir une tendance à décroître; cependant,
le malade est toujours bruyant la nuit. Mauvaise tenue. Malpro-
preté.
Amélioration de l'état physique; le malade se nourrit bien;
l'amaigrissement diminue. Impotence fonctionnelle à peu près
absolue du bras gauche. OEdème très accentué. Apparition d'ulcé-
rations au niveau de la face palmaire des phalangettes des qua-
trième et cinquième doigts, sans tendance à la réparation.
Septembre. - Le seul changement qui se soit produit, en ces
derniers temps, dans l'état du malade, consiste en une diminution
très notable des hallucinations et de l'excitation qu'elles entrete-
naient. La désorientation de l'esprit persiste avec les mêmes
caractères; elle est entrecoupée, cependant, de quelques instants
de lucidité relative. - L'état physique s'améliore de jour
en jour. Les ulcérations des doigts sont cicatrisées ; l'oedème du
membre supérieur gauche est toujours très accusé.
Octobre. Les facultés intellectuelles semblent sortir de la tor-
peur dans laquelle elles sont plongées depuis plusieurs mois. Le
malade se rend mieux compte de sa situation d'une façon géné-
rale. Les propos sont le plus souvent incohérents, mais les
moments de lucidité tendent à devenir plus fréquents et plus
prolongés. C... répond sensément à quelques questions, ou bien
il y répond par des jeux de mots ou des phrases à double sens,
attestant qu'il comprend bien ce qu'on lui dit (Il est à noter que,
de tout temps, le malade a eu coutume de faire des calembours
et de tenir des propos plaisants). Ce réveil de l'intelligence s'ac-
centue graduellement pendant les mois suivants. C... s'intéresse
tous les jours davantage à ce qui se passe auprès de lui ; il com-
mence à se préoccuper de sa position. Ses propos deviennent de
plus en plus sensés, ses actes plus raisonnables.
Décembre. A la fin du mois de décembre, la confusion des
idées a à peu près disparu, mais il existe encore une certaine
obnubilation intellectuelle et une lenteur anormale de l'idéation.
C... s'exprime raisonnablement; il fait beaucoup de jeux de mots,
comme avant sa maladie. Toute trace de délire s'est évanouie;
aucun symptôme n'indique plus l'existence d'hallucinations et
d'illusions sensorielles. Le malade ne commet plus d'erreurs de
personnalité; il a assez nettement conscience de sa situation
actuelle, et a recouvré la notion exacte du temps et des lieux. Mais
il est facile de constater qu'il y a, dans sa mémoire, d'importantes
lacunes ; l'étendue de ces dernières ne peut guère, en l'état actuel,
être déterminée avec précision, à cause de l'obtusiou mentale qui
persiste encore. Il semble cependant que le malade a conservé le
souvenir très exact de sa vie, jusqu'au jour où il a subi la ligature
de l'axillaire; l'amnésie ne porte que sur les événements qui ont
268 CLINIQUE MENTALE.
suivi l'opération; elle parait être absolue pour certains d'entre
eux, partielle seulement pour d'autres.
21 janvier. L'amélioration, constatée précédemment, s'est
accentuée d'une façon progressive, et le malade peut aujourd'hui
être considéré comme guéri de son accès de confusion mentale.
La crise, qui vient de se terminer, n'a laissé aucune trace fâcheuse
dans son organisation cérébrale, il n'existe pas d'affaiblissement
intellectuel appréciable.
C... se rend compte, depuis quelque temps, qu'il a été atteint
de folie. 11 n'a eu tout d'ahord que vaguement conscience de sa
situation présente, et n'a entrevu que d'une façon Liés indistincte
le tableau de l'ensemble des faits qui se sont écoulés pendant cette
période de trouble cérébral. Peu à peu, en même temps que son
intelligence recouvrait son ancienne vigueur, et que le travail de
la pensée devenait de plus en plus facile, sou état actuel lui est
apparu plus nettement, et ses souvenirs se sont étendus et précisés.
Mais cette précision est encore bien loin d'être parfaite. Les faits
les plus récents sont, d'une façon générale, ceux dont il a con-
servé la notion la plus exacte; ceux au contraire, qui remontent
à la période de début de son affection n'ont laissé, pour la plupart,
dans son esprit, qu'une impression confuse. Il est à noter, cepen-
dant, que le souvenir des idées délirantes et des hallucinations se
rapportant à cette époque, est beaucoup plus net que celui des
faits de la vie réelle. Cette particularité lient à ce que, par suite
de son délire et de la désorientation de son esprit, C... restait à
peu près, sinon absolument étranger à ce qui l'entourait, et que
les excitations reçues par ses organes des sens n'étaient pas per-
çues par le cerveau, ou ne l'étaient que très vaguement, et, par
suite, ne pouvaient laisser dans cet organe qu'une empreinte
nulle ou très légère. Par contre, certaines de ces hallucinations
l'ont assez vivement impressionné pour qu'il en ait conservé un
souvenir assez précis ; ce sont particulièrement les hallucinations
de nature triste ou terriliante, ainsi qu'il ressort des explications
qu'il a données sur l'état d'esprit dans lequel il a conscience de
s'être trouvé pendant sa maladie.
C... se souvient d'une façon très exacte des circonstances qui
ont précédé l'intervention chirurgicale; il se voit encore s'éten-
dant sur la table d'opération, et se soumettant aux inhalations de
chloroforme. Sous l'influence de cet agent, il a éprouvé des rêves
qu'il est incapable de raconter, mais qu'il croit avoir été des rêves
de voyages. Puis, il a perdu connaissance, et à son réveil il a été
surpris de se trouver dans son lit, et de constater qu'il ignorait
absolument ce qui s'était passé et la durée de son sommeil. Les
événements des premiers jours après l'opération n'ont laissé dans
son esprit qu'une trace très vague ; cependant, il se souvient d'avoir
conversé avec des malades couchés dans les lits voisins du sien, et
RELATION D'UN CAS DE CONFUSION MENTALE. 269
d'avoir appris par eux les incidents de l'acte chirurgical pratiqué
sur lui.
Il est incapable de dire comment et à quel moment ont apparu
les troubles mentaux. 11 ignore ce qui s'est passé à l'hôpital, à
dater du jour où il s'est mis à délirer, et n'a pas la notion de
la durée du séjour qu'il a l'ait dans cet établissement. Il se sou-
vient seulement d'avoir reçu la visite de son (ils; ce dernier est, du
reste, la seule personne qu'il ait toujours reconnue pendant la
période aiguë de sa maladie.
A l'asile, « il a été comme dans un rêve, dit-il. Le plus souvent,
il se croyait dans un pays étranger, ou dans un autre monde. Il
voyait le Malin esprit qui cherchait à le tenter pour l'emmener
avec lui en Enfer ; le Démon avait la forme d'un homme noir; il
n'en avait pas peur, au contraire il était bien résolu à lutter
contre lui, et à lui résister. Les médecins lui apparaissaient comme
des anges ; il était avec eux dans le paradis ou au purgatoire. Une
fois, il est allé au purgatoire pour voir un de ses amis auquel il
s'intéressait et qu'il croyait y être détenu.
« La religion jouait un grand rôle dans ses rêves ; cependant,
jamais il n'avait été dévot, et depuis longtemps il avait cessé toute
pratique religieuse. Dans son dortoir, se trouvait un autre malade
qu'il prenait pour un voleur; il l'a injurié maintes fois. Un jour, il
a vu une espèce de sang ; d'un homme, on voulait en faire deux ;
son fils était là pour quelque chose; il a voulu se sacrifier pour
lui.
« Une autre fois, il était allé jusqu'à Bordeaux ; en route, il
était entré dans une grange dont la porte était ouverte; les gen-
darmes l'ont arrêté pour s'être introduit dans ce bâtiment ; puis
on l'a conduit devant le tribunal, qui l'a jugé séance tenante. Un
étudiant qui s'est chargé de sa défense, a obtenu son acquittement,
en demandant lequel devait être rendu responsable des dégâts, s'il
en existait, de celui qui, détenteur de la clef, avait laissé la porte
ouverte, ou de celui qui, ayant trouvé le passage libre, s'était
introduit là sans intention malfaisante ». L'infirmier qui le soignait
a été confondu par lui avec un autre employé de l'asile, qu'il avait
connu jadis; C... n'a reconnu son erreur que le jour où il a réelle-
ment revu son ancien camarade.
« En général, dit-il, ses rêves étaient plutôt agréables que péni-
bles ; mais les cauchemars tristes ou terrifiants l'ont sans doute
impressionné plus que les autres, puisqu'il ne se souvient guère
que d'eux. Il était le plus souvent gai. Quelque chose lui disait
qu'il serait heureux. Parfois, cependant, il était triste et lar-
moyant. » -
C... insiste beaucoup moins sur sa désorientation d'esprit et sa
torpeur cérébrale, que sur ses hallucinations et ses illusions sen-
sorielles, et sur le délire entretenu par ces derniers symptômes.
270 CLINIQUE MENTALE.
Mais lorsqu'on le questionne sur la nature de ses pensées en
dehors de ses rêves, il répond spontanément « qu'il croit que la
plupart du temps, il ne pensait à rien ».
Au point de vue physique, l'état de notre malade est actuelle-
ment aussi satisfaisant que pos-ible; mais l'impotence fonction-
"nelle de son bras gauche est presque absolue. Cette situation, qui
le met dans des conditions défavorables pour gagner sa vie, ne
l'inquiète pas outre mesure. La philosophie qui l'a soutenu pen-
dant toute son existence, vient encore à sou secours et lui permet
de ne pas désespérer de l'avenir.
15 mars. L'élat du malade continue à être très satisfaisant.
Les lacunes de la mémoire, signalées plus haut, persistent sans
aucune modification.
L'observation que nous venons de rapporter est celle d'un
cas typique de confusion mentale. Avant de relater les parti-
cularités qu'elle a présentées dans sa symptomatologie et
son évolution, nous allons l'examiner au point de vue étio-
logique.
L'accès d'aliénation dont notre malade a été atteint à la
suite de la ligature de l'axillairc, a été la conséquence de
l'action combinée de l'hérédité, d'une intoxication alcoolique
ancienne et de l'infection post-opératoire.
Il y a lieu de rechercher quel a été le rôle de chacun de
ces éléments dans la genèse des désordres cérébraux.
Quoique son existence entière se fut passée sans rupture
de l'équilibre psychique, C... n'en était pas moins dans des
conditions favorables à l'éclosion de la folie. En effet, il était
fils d'un alcoolique, et dans la lignée maternelle une de ses
proches parentes avait présenté des troubles mentaux. Bien
que nous n'ayons pas eu connaissance de l'existence d'autres
tares dans sa famille, il n'en reste pas moins établi que notre
malade a subi l'influence d'une hérédité alcoolique et vésa-
nique.
L'action de l'hérédité alcoolique s'est manifestée pendant 1
toute la vie de C... par une tendance très prononcée à abuser
du vin et des liqueurs fortes. Pendant une longue série
d'années, il a pu, à son gré, satisfaire sa passion; son orga-
nisation cérébrale a subi alors, sans accident, l'action toxique
de doses considérables d'alcool; mais l'imprégnation prolon-
gée de son organisme par cette substance, a certainement
produit dans son système nerveux des altérations de nature
à diminuer encore sa force de résistance aux agents morbi-
RELATION D'UN CAS DE CONFUSION MENTALE. 271 1
fiques, modifications durables et non susceptibles de rétro-
céder après la cessation de l'absorption du poison.
L'influence de l'éthylisme sur la production des troubles
psychiques constatés chez notre malade, s'est donc traduite
par un accroissement de la prédisposition déjà existante à la
folie ; mais elle s'est limitée à cela, et on ne saurait voir
dans ce facteur la cause véritablement déterminante de
l'aliénation. Nous savons, en effet, que pendant les huit der-
nières années, C... a été obligé par le manque de ressources
de se soumettre, bien malgré lui d'ailleurs, à une abstinence-
sinon absolue, du moins relative, de sorte que, lorsqu'il a été
opéré, il était simplement un ancien alcoolique, et non un
intoxiqué actuel.
C'est huit jours après la ligature de l'artère axillaire pour
un anévrysme de ce vaisseau, que se sont manifestés chez C...
les premiers symptômes de folie. Ceux-ci ont apparu en
même temps que les signes d'une septicémie aiguë, consé-
quence de l'infection de la plaie opératoire, et il semble que
l'évolution des troubles psychiques ait été, dans une certaine
mesure, subordonnée à celle des troubles d'ordre physique ;
d'une part, les désordres cérébraux ont présenté un carac-
tère d'acuité très marqué pendant la période au cours de
laquelle la santé générale a été le plus gravement atteinte ;
d'autre part, leur physionomie ne s'est modifiée, et leur
intensité n'a commencé à décroître qu'à dater du jour où
l'état physique s'est amélioré. De .plus, la folie a revêtu chez
notre malade, la forme que certains auteurs, en particulier
M. le D'' Régis, considèrent comme caractéristique des états
toxi-infectieux : nous voulons parler de la confusion mentale
avec délire onirique. « Les délires toxi-infectieux ou auto-
toxiques, dit M. Régis ', ont tous pour formule clinique la
confusion mentale. Le délire toxi-infectieux, au moins dans
sa forme habituelle de confusion mentale subaiguë, est un
délire de rêve ou onirique... Le délire onirique correspond
très probablement, dans tous les cas, à une intoxication, et
semble en être la caractéristique clinique. »
Il nous paraîl donc légitime de penser qu'il n'y a pas eu
simplement un rapport de coexistence entre l'infection,
d'une part, et les désordres cérébraux, d'autre part, mais
1 D' Hégis. Sole sur les délires d'auto-intoxication et d'infection.
(Presse médicale, 3 août 1898.)
272 CLINIQUE MENTALE.
une relation de cause à effet. Mais, de ce que nous admettons
que l'infection a été la cause occasionnelle et déterminante
de la folie, il ne s'ensuit pas qu'on doive la considérer comme
le seul facteur important dans l'étiologie de la maladie.
L'action de l'inTection a- été manifestement subordonnée à
^celle de la prédisposition héréditaire et de la prédisposition
acquise par le fait d'une intoxication alcoolique ancienne.
Ces derniers éléments, dont l'influence sur la production de
la folie en général est bien connue, avaient préparé le ter-
rain, qui, sans eux, serait probablement resté stérile.
La participation de ces facteurs au développement des
troubles psychiques post-opératoires, ne constitue pas une
particularité spéciale au cas que nous étudions ; la plupart
des aliénistes sont d'accord pour reconnaître que c'est sur-
tout chez des héréditaires que se produisent, à la suite des
opérations chirurgicales, des désordres cérébraux qualifiés
suivant les cas et suivant les auteurs, de vrais ou de faux
délires post-opératoires, ou simplement de troubles psychiques
post-opératoires; de même, l'intoxication éthylique est fré-
quemment relevée dans l'étiologie de ces accidents, et il est
établi que, dans le sexe masculin, ceux-ci ne s'observent
guère que chez des alcooliques; mais, naturellement, la puis-
sance pathogène et l'action de cette cause varient suivant
l'intensité de l'intoxication et son ancienneté.
Peut-être l'état de faiblesse préexistant à l'opération et
aggravé par elle, a-t-il contribué, dans une certaine mesure, à
produire la folie chez notre malade ? Mais aucun fait ne nous
permet d'être affirmatif à cet égard.
La nature de l'opération et son siège ne sauraient être
incriminés, non plus que l'anesthésie chloroformique et
l'iodoforme employé pour les pansements.
L'influence de l'élément psychique semble aussi avoir été
réduite à son minimum. M. le professeur Joffroy ' attribue à
cet élément représenté par la « préoccupation qui précède et
accompagne une opération chirurgicale et par le choc moral
consécutif à un grand et brusque traumatisme, un rôle pré-
pondérant dans la pathogénie de la folie post-opératoire...
Dans la pathogénie de la production de troubles psychiques
consécutivement à une intervention chirurgicale, le rôle pré-
' Professeur Joffroy. Loc. cit.
RELATION D'UN CAS DE CONFUSION MENTALE. 273
pondérant nous paraît, dit-il, devoir être attribué à une
action psychique, à une activité pathologique de l'esprit,
à une suggestion, une auto-suggestion ou une inhibition,
c'est-à-dire à un processus que l'on n'a chance de voir se
produire largement, pathologiquement, que chez des prédis-
posés, des hystériques, des dégénérés ou des intoxiqués ».
Bien que notre malade fut sous l'influence d'une prédispo-
sition héréditaire manifeste, et d'une prédisposition acquise
résultant d'une intoxication éthylique ancienne, il a échappé
absolument à cette action psychique. L'insouciance, la tran-
quillité d'esprit, la confiance en l'avenir, qui ne lui avaient
jamais fait défaut au cours de son existence, ne l'ont pas
abandonné pendant le développement de la tumeur anévrys-
male, qui, pourtant, le mettait dans l'impossibilité de gagner
sa vie, et semblait devoir le plonger dans la plus profonde
misère. C'esl avec le plus grand sang-froid qu'il accepte de
se soumettre à l'opération jugée nécessaire; il n'a été ni
effrayé, ni même seulement préoccupé des conséquences
immédiates et éloignées de cette intervention chirurgicale,
et « il s'est mis, dit-il, sur la table d'opération, comme il se
serait couché sur son lit pour se reposer après une grande
langue ».
L'infection post-opératoire ayant été la cause occasionnelle
et déterminante de la maladie, et celle-ci ayant revêtu le
type habituel des folies toxiques, les troubles psychiques
constatés chez noire sujet, rentrent dans la catégorie des
faux délires post-opératoires de M. Picqué.
Pour les mômes raisons, ils se rangent dans le deuxième
groupe des vrais troubles psychiques post-opératoires de
M. Régis (groupe des troubles psychiques secondaires).
Pour nous, il nous paraît inutile d'adjoindre un qualificatif
à la dénomination de troubles psychiques post-opératoires.
Abstraction faite des cas où les troubles mentaux sont la
conséquence d'opérations pratiquées sur des organes à fonc-
tions spéciales, tels que la glande thyroïde et peut-être
l'ovaire, cas qui doivent être classés à part, il n'y a pas lieu
d'établir dans le groupe des psychoses post-opératoires, des
subdivisions basées sur l'étiologie.
Celle-ci tout entière est dominée par un élément auquel la
plupart des auteurs, et parmi eux MM. Joffroy et Rayneau,
attribuent un rôle prépondérant dans la genèse de ces trou-
ÀRCmvES, 2' série, t. VIII. 18
i 4 CLINIQUE MENTALE.
bles psychiques; cet élément, c'est la prédisposition hérédi-
taire ou acquise. Son influence est particulièrement nelte
dans le cas que nous venons de rapporter. L'action des
autres facteurs est, d'une façon générale, subordonnée à
l'existence de celui-ci. -
Il n'y a pas à cet égard de différence entre les causes
d'ordre psychique (préoccupation, choc moral, etc.), et les
causes physiques (infection, intoxication, cachexie, débilila-
tion générale de l'organisme, etc.). Par lui-même l'élément
toxi-infectieux, le seul véritable agent producteur des vraies
psychoses post-opératoires, selon M. Régis, n'engendre pas
plus fatalement des désordres cérébraux que les facteurs
d'ordre psychique auxquels M. Picqué attribue les troubles
mentaux qu'il appelle les vrais délires post-opératoires.
L'insuffisance de ces facteurs est démontrée par ce fait que
l'immense majorité des sujets atteints d'infection à la suite
d'opérations chirurgicales ne deviennent pas aliénés et que,
parmi les personnes que la perspective d'une opération et la
peur de ses conséquences préoccupent vivement et plongent
même parfois dans une véritable angoisse, un très petit
nombre seulement sont atteintes de folie.
Dans notre observation, nous n'avons relevé l'intervention
d'aucun facteur d'ordre psychique, mais il n'en est pas ainsi,
dans la majorité des cas ; le plus souvent, causes physiques
et psychiques se combinent suivant les modes les plus variés,
et il est impossible de déterminer avec certitude la part qui
revient à chacune d'elles dans la production de la folie post-
opératoire. Les mêmes éléments ne paraissent pas avoir
toujours la même influence ; ils n'agissent pas constamment
de la même façon et avec la même vigueur. Une foule de
circonstances peuvent intervenir, en effet, pour renforcer ou
atténuer leur puissance, soit directement, soit en augmentant
ou en diminuant la force de résistance de l'organe qui tient
sous sa dépendance la fonction psychique.
Si les diverses formes que revêt la folie post-opératoire
étaient toujours déterminées par les mêmes causes ou grou-
pes de causes, il serait légitime d'établir des subdivisions
dans cette classe de psychoses. Mais il n'est pas démontré
qu'il en soit ainsi. On tend à admettre avec M. Régis, que la
confusion mentale est le type habituel des folies toxiques ; et
notre cas en est un exemple bien net; cependant, d'une
RELATION D'UN CAS DE CONFUSION MENTALE. 275
part, il n'est pas encore prouvé que cette variété d'aliénation
est toujours d'origine toxi'infectieuse, et, d'autre part, il est
permis de penser qu'une infection ou une intoxication d'ori-
gine interne ou externe, peut jouer un rôle actif et même
décisif dans la production d'autres formes de folie. De même
que l'intoxication éthylique ne donne pas toujours lieu il la
folie alcoolique, mais contribue parfois à engendrer des
accès maniaques ou mélancoliques, de même une toxi-infec-
tion quelconque peut donner naissance à diverses vésanies,
à la manie ou à la mélancolie par exemple, aussi bien qu'à
Id confusion mentale.
Nous nous rangeons donc, en définitive, à l'opinion que
nous avons déjà citée plus haut, de-MM. Joffroy et Rayneau,
d'après laquelle « il n'y a pas un type spécial de psychose,
que l'on pourrait étiqueter folie post-opératoire ». Chez cer-
tains prédisposés, l'action combinée d'une série de causes
d'ordre physique ou psychique relevant d'une façon plus ou
moins directe de l'opération, détermine « l'éclosion d'une
bouffée délirante, le réveil d'un délire éteint, ou l'exaspéra-
tion d'une psychose actuelle. L'action pathogène de ces
facteurs n'est d'ailleurs pas fatale, et la constatation des
groupements étiologiques d'ordinaire les puissants ne per-
met pas de prédire avec certitude l'éclosion de la folie post-
opératoire. A plus forte raison ne permet elle pas de prévoir
quelle serait la nature du délire, la forme et la durée des
accidents ».
Nous n'insisterons pas sur les particularités qu'a présentées
dans sa symptomatologie et son évolution, le cas que nous
venons de rapporter. On trouve dans l'observation de C... les
caractères typiques de la confusion mentale. Pendant toute
la durée de la maladie, le symptôme fondamental de l'état
psychique du sujet a consisté en une désorientation très pro-
noncée de l'esprit, s'accompagnant d'une suspension par-
tielle du fonctionnement cérébral. Mais ce signe a été mas-
qué dans une certaine mesure, pendant une assez longue
période de temps, par un délire hallucinatoire (délire oni-
rique de M. Régis). De plus les conceptions délirantes, les
hallucinations et les illusions sensorielles, réagissant à leur
tour, suivant leur nature gaie ou triste, sur la manière
d'être du sujet, ont provoqué une série d'alternatives irré-
gulières d'agitation et de dépression, qui auraient pu, par-
276 CLINIQUE MENTALE.
moments, faire prendre pour des vésanies pures ces états
maniaques et mélancoliques symptomatiques.
Il est à noter que les hallucinations qui ont été la base du
délire onirique constaté chez notre malade, n'ont pas revêtu
^en général le caractère terrifiant ou simplement triste
qu'elles ont habituellement dans la confusion mentale. Les
renseignements donnés par le malade sont, à cet égard, des
plus nets. C... a conscience d'avoir eu des « rêves » plutôt
agréables que désagréables. « Quelque chose, dit-il, lui fai-
sait comprendre qu'il serait heureux. » Mais la plupart des
« rêves » agréables ou indifférents n'ont laissé dans son
esprit qu'un souvenir confus. Les « rêves » terrifiants ou
tristes, au contraire, paraissent l'avoir impressionné beau-
coup plus vivement; il se les rappelle avec une certaine pré-
cision dans les détails, ainsi qu'on peut s'en rendre compte
par la lecture de l'observation.
Le délire onirique a eu une évolution indépendante, jus-
qu'à un certain point, de celle de la confusion mentale..En
effet, celle-ci existait antérieurement à l'apparition du délire,
et a persisté assez longtemps après sa disparition.
La confusion mentale proprement dite s'est atténuée pro-
gressivement, jusqu'à la guérison complète. Le réveil de
l'activité cérébrale consciente et volontaire, s'est fait d'une
façon lente et graduelle. Le malade s'en rend bien compte
actuellement. Ses idées se sont éclaircies peu à peu; en
même temps, sa puissance d'attention s'est fortifiée; il a
recouvré d'abord vaguement, puis d'une façon de plus en
plus précise, la notion du monde extérieur. Il n'a eu tout
d'abord qu'une idée extrêmement confuse des particularités
de la crise qu'il venait de traverser; mais ses souvenirs se
sont précisés et étendus par la suite; cependant, quelques
lacunes, se rapportant pour la plupart à des faits qui se sont
passés, au début de son affection, ont persisté et persistent
encore dans sa mémoire.
Contrairement à ce qui s'observe dans la majorité des cas,
notre malade est sorti de cette longue crise complètement
guéri, sans affaiblissement intellectuel appréciable.
CLINIQUE NERVEUSE.
DEUX OBSERVATIONS D'HÉMIPLÉGIE AVEC Ht : \IIANESTIIÉSIE;
Par MM. MOXGOUR et GESTES (de Bordeaux).
La nature des hémianesthésies post-hémiplégiques est fort
discutée. Faut-il les concevoir comme des troubles purement
fonctionnels d'origine probablement hystérique ou bien
comme la résultante d'une lésion interrompant dans leur
trajet les fibres de conduction de la sensibilité ? Deux obser-
vations n'autorisent pas à prendre parti pour l'une ou
l'autre de ces hypothèses. Aussi, nous les donnons sans com-
mentaires. Nous ferons simplement remarquer que dans les
deux cas la lésion intéressait dans toute son étendue la par-
tie tout à fait postérieure de la capsule interne et que chez la
malade (Obs. I) qui a pu être suivie pendant plus de deux
mois, à l'anesthésie du début a fait suite une hypereslhésie.
Dans ces conditions on se demande s'il n'en eût pas été de
même dans l'hypothèse où 11. Bert... (obs. II) eut survécu
plus de six jours à son iclus. Chez ce malade dont la zone
motrice était inaltérée, les troubles de la motilité ne peuvent
s'expliquer que par une compression de la partie antérieure
de la capsule interne par le foyer hémorragique ; du reste
ces troubles de motilité diminuaient de jour en jour. Ne
pourrait-on pas également invoquer la compression comme
cause de l'hémianesthésie ? Les coupes ont été faites en
présence de M. le professeur Pitres qui a pu vérifier l'exac-
titude des schémas.
OBSERVATION I. Hémiplégie gauche complète. TIémianesthésie du
côté paralysé, suivie d'hyperesthésie. Mort. Autopsie.
Catherine D..., journalière, âgée de soixante-cinq ans, entre à
l'hôpital Saint-André le VA septembre 1898 dans le service de M. le
Dr Durand, salle 3, lit 19.
Cette malade, dont les antécédents héréditaires et personnels
n'offrent aucun intérêt, était en traitement pour troubles dyspep-
17S 8 CLINIQUE NERVEUSE.
tiques consécutifs à une distension de l'estomac. C'était une neu-
rasthénique sujette depuis longtemps aux vertiges, aux céphalées
et que l'on gardait dans le service par respect pour son âge et par
pitié pour sa misère.
Le 12 novembre 1898, elle fut atteinte d'une congestion pulmo-
naire des deux bases; son état fut grave pendant une semaine ;
après avoir présenté tous les signes d'une myocardite confirmée,
elle entra en convalescence et se trouvait à peu près guérie lorsque
le 11 décembre pendant 'son repas, elle fut prise à dix heures du
matin d'un ictus apoplectique sans perte de connaissance, qui laissa
à sa suite une hémiphégio gauche complète.
État de la malade le 12 décembre 1898. La commissure labiale
droite est tirée en haut; la commissure gauche est abaissée. Très '
légère déviation de la langue à gauche. Les piliers gauches du voile
du palais sont flasques et tombants. Facial supérieur intact. Au
membre supérieur gauche, la paralysie estcomplète avec début d'une
contracture en flexion de l'avant-bras sur le bras et des doigts dans
la main. Au membre inférieur gauche, l'inertie n'est pas absolue,
car à l'occasion d'une piqûre, la malade esquisse un très léger mou-
vement de flexion du minime amplitude. Pas de contractures.
OBSERVATIONS D'HÉMIPLÉGIE AVEC HÉ\fl.ANESTHÉSIE. 279
sensation douloureuse ou non. Même analgésie pour le thorax,
l'abdomen du côté gauche et pour la région cervicale gauche.
Seule la sensibilité à la chaleur est conservée à la face.
Odorat. Muqueuse pituitaire sensible à la piqûre et au contact.
Conservation de la sensibilité spéciale (épreuve de l'ammoniaque).
Gustation.-Conservation de la sensibilité générale sur les deux
moitiés de la langue. L'état de la sensibilité spéciale n'a pu être
recherché d'une manière suffisamment précise.
Vue. Conservation de la sensibilité conjonctivale. La malade
ne paraît pas avoir présenté de troubles de la vue. Nous n'avons pas
songé à rechercher l'existence de l'hémianopsie ; du reste, à aucun
moment l'examen du champ visuel n'eût été possible après l'ictus.
Ouïe. Intacte ; la malade ne s'est plainte d'aucun phéno-
mène subjectif. Pas de troubles de la parole. Pas d'aphasie. L'in-
telligence est évidemment obscurcie; néanmoins, la malade répond
assez nettement aux questions qu'on lui adresse et son examen est
relativement facile. Du côté droit non paralysé, nous n'avons à
signaler aucun trouble de sensibilité ou de motilité. La trépidation
épileptoïde signalée au début persiste seule.
15 décembre. Rotation conjuguée de la tête et des yeux à
droite, par conséquent du côté de la lésion encéphalique. Toute
tentative de redressement de la tête est extrêmement pénible ; il
est impossible de placer la face en position latérale gauche. Miction
et défécation involontaires. Depuis le début de l'ictus, la tempéra-
ture se maintient soir et matin au-dessus de 39°.
17. - La malade se plaint d'une céphalée frontale droite, ainsi
que de douleurs dans le coude et l'épaule du même côté. Elle
répond avec beaucoup de lucidité aux questions qu'on lui pose ;
mais, si on cesse de l'interroger, elle se met à délirer toujours sur
le même sujet ; elle raconte qu'une malade de la salle a placé dans
son lit un bras, qu'elle a mis à l'annulaire de la main un anneau
de mariage ; elle demande avec anxiété ce qu'elle va faire de ce
bras qu'elle croit sentir au pied du lit et insiste pour qu'on
l'enlève. Si on la découvre, elle dit en voyant son membre supérieur
paralysé : « Tiens ! voilà ce malheureux bras, enlevez-le ! » Elle
cherche à le prendre de la main droite, fait un effort pour le
soulever et s'écrie en le laissant retomber : « Mais, c'est le mien ! »
Ce délire qui est surtout nocturne s'accompagne de pleurs et de
lamentations sans fin.
19. Le délire a cessé en même temps que s'est produit
l'abaissement de la température. Sans avoir besoin de voir, ni de
toucher son membre paralysé, la malade se rend parfaitement
compte qu'il lui appartient et se lamente sur sa paialysie.
'31. Apparition dans la nuit d'un oedème blanc et mou qui
s'étend depuis la main jusqu'à l'aiticulation scapulo-humérale du
côté paralysé. Les mouvements imprimés aux articulations du
280 0 CLINIQUE NERVEUSE.
membre supérieur déterminent de vives douleurs sauf au niveau
des articulations métacarpo-phalangiennes et du poignet.
Au membre inférieur, l'oedème remonte jusqu'au genou où
apparait un début de contracture en flexion. Mêmes douleurs arti-
culaires sauf au niveau du cou-de-pied.
,6 janvier 1899. - Contracture en flexion du membre supérieur
et du membre inférieur gauche. Douleurs spontanées très vives,
surtout au niveau des petites articulations du pied. Disparition de
la rotation conjuguée de la tête et des yeux.
12. Les douleurs s'étendent au côté droit. Pas de modifications
dans les troubles de sensibilité.
19. En recherchant de nouveau l'état de la sensibilité chez la
malade, on constate que le pincement, la piqûre, l'impression du
chaud et du froid sont ressentis plus vivement du côté hémiplégie
que du côté sain, quel que soit du reste le segment de membre
examiné. Cet examen fait à plusieurs reprises a constamment
donné les mêmes résultats que l'on peut considérer comme exacts,
dans l'état intellectuel de cette malade. Les douleurs spontanées
sous la plante et sur le dos du pied gauche sont de plus en plus
vives ; des contractures sont nettement établies et l'on note pour la
première fois l'existence de la trépidation épileptoïde.
20. Les résultats fournis par l'examen de la sensibilité sont
des plus contradictoires, quelles que soient les précautions prises.
La piqûre fait éprouver à la malade une sensation douloureuse ;
quelques secondes après, l'anesthésie à la piqûre est absolue
toujours au même point. Le froid, la chaleur, le contact sontalter-
nati-vement perçus ou non perçus sans qn'il soit possible d'établir
des conditions précises modifiant la perception des impressions
douloureuses ou non.
Ce qui domine chez cette malade, c'est la variabilité de la
perception tantôt vive, tantôt nulle et à quelques secondes
d'intervalle, parfois même, elle rapporte au membre infé-
rieur droit les sensations qui ont pour origine une excitation
périphérique portée sur le membre inférieur gauche.
Cette malade vécut ainsi jusqu'au 19 février 1899. Depuis
le dernier examen, les troubles de la sensibilité ne se sont
pas modifiés. Du côté non paralysé, rien d'anormal ; du côté
hémiplégie nous constatons dans les mêmes régions tantôt
de l'hyperesthésie, tantôt de l'anesthésie à la piqûre ; depuis
un mois environ la sensibilité à la chaleur et au froid était
redevenue normale.
Autopsie. L'écorce de l'hémisphère droit parait intacte. On ne
remarque pas de vascularisation exagérée à la surface et aucun
OBSERVATIONS D'HÉMIPLÉGIE AVEC HÉMIANESTHÉSIE. 281
point n'est atteint de ramollissement. Il s'agit donc d'une lésion
centrale et c'est pour la mettre en évidence que nous avons fait la
coupe de Flechsig. Notre couteau a sectionné horizontalement l'hé-
misphère de dedans en dehors, il l'union du tiers supérieur et du
tiers moyen de la couche optique. C'est la surface de section du
fragment supérieur que nous représentons ici. Nous avons d'abord
décalqué la lésion sur un papier transparent, le cerveau préalable-
ment durci dans le formol et nous l'avons rapportée sur le schéma
ci-joint.
Les lésions sont les suivantes : Hémorragie cérébrale ayant détruit
le tiers postérieur au
noyau lenticulaire et de
la couche optique et les
deux tiers postérieurs de
l'avant-mur : le segment
rétro-lenticulaire et le
tiers postérieur du seg-
ment lenticulo-optique
de la capsule interne
(fit/, 5, A). Ne trouvant
point dans ces lésions
une raison suffisante
de l'hémiplégie qu'avait
présentée notre malade,
nous avons suivi le foyer
hémorragique qui s'en-
fonçait dans le centre
ovale, vers l'écorce céré-
brale, au niveau de la
zone rolandique, en con-
tournant le noyau caudé
en dehors. l'our nous
rendre compte de l'ex-
tension de l'hémorragie
de ce côté, nous avons fait des coupes de Pitres sur la frontale et
la pariétale ascendantes. Elles nous permettent de constater la
destruction, immédiatement au-dessus des noyaux centraux, au
niveau du pied de la couronne rayonnante de lieil, des fibres
unissant la capsule interne à la zone rolandique.
En résumé, il s'agit d'une hémorragie cérébrale ayant
détruit : 1° Au niveau du centre ovale : le pied de la cou-
ronne rayonnante de Reil; `3° Au niveau des noyaux cen-
traux : le quart postérieur du noyau lenticulaire et de la
couche optique, les deux tiers postérieurs de l'avant-mur ' ! % ig. 5.
a. substance grise; b, ,eulriculc5j c, lésions.
282 CLINIQUE NERVEUSE.
le segment rétro-lenticulaire et le tiers postérieur du segment
lenticulo-optique de la capsule interne.
Observation IL Hémiplégie droite complète. Hénzianesthésie
sel ? s itivo-se2tsoi-ielle du même coté.
M... Bertrand, soixante-huit ans, boulanger, entre à l'hôpital
Saint-André dans le service de M. le 1), Durand, salle 12, lit 1 i, le
18 mars 1899.
Antécédents héréditaires et personnels sans intérêt. Le 16 mars,
à 6 heures du matin, sans perte de connaissance, le malade s'est
aperçu en voulant se chausser que son bras droit était paralysé;
ayant voulu marcher, il constata une impotence complète du
membre inférieur du même côté. Ces accidents survinrent sans
troubles de la parole et se présentèrent dès le début avec l'inten-
sité qu'ils offrent aujourd'hui.
État actuel (19 mars). Paralysie faciale droite totale ayant
respecté les muscles innervés par le facial supérieur ; il semble
cependant que l'orbiculaire droit se contracte avec moins d'énergie
que l'orbiculaire gauche. Effacement des sillons et des plis de la
' face à droite ; déviation de la commissure labiale gauche en haut;
déviation de la langue du côté paralysé; légère ecchymose sur la
paupière droite.
Le voile du palais n'est pas atteint ; la luette est médiane; les
piliers ne sont pas plus tombants d'un côté que de l'autre et
paraissent se contracter avec la même énergie. Pas de reflux des
liquides par les fosses nasales.
État intellectuel. Le malade répond nettement aux questions
qu'on lui adresse ; il se rend compte de son état et cause avec
facilité.
Motilité. Membre supérieur droit. Impotence absolue de lout
le membre ; paralysie flasque. La température parait plus élevée
que celle du membre sain, la peau plus rouge et les veines plus
apparentes. Ecchymose au niveau de l'olécrâne.
Membre inférieur droit. -Impotence absolue. Paralysie flasque.
La température parait plus élevée. ,
Sensibilité. Tact. Nous touchons le coude gauche ; le malade
dit qu'on lui « prend le bras » ; pressé de préciser le point touché,
il répond « la main ». En recommençant quelques secondes après la
même manoeuvre, il déclare qu'on lui touche le ventre ; il n'en est
pas, du reste, très sûr, car il emploie les expressions suivantes : « il
me semble, je crois, etc. » Supprimant ensuite tout contact avec son
bras paralysé, il déclare que nous le touchons et inversement que
nous ne le touchons pas quand notre main repose sur son coude.
Les mêmes manoeuvres répétées sur le membre supérieur
gauche donnent des résultats tout différents. Le malade localise
OBSERVATIONS D'H1hIIPLÉGIE AVEC IiÉIL1\ESTHÉSIE. 283 3
très exactement le point touché. Avec sa main gauche, il explore
très bien les différentes régions de son membre supérieur droit
dont il apprécie fort bien l'élévation de température.
Au niveau du membre inférieur droil, résultat identique; le
sens du tact est absolument aboli ; il en est de même pour la
moitié gauche du tronc, du cou et de la face.
Sensibilité à la piqûre. Totalement' abolie au niveau de
l'avant-bras et de la main droite, elle semble légèrement conservée
au bras, à la moitié de la face et au membre inférieur; en tout t
cas, la sensibilité à la piqûre est incomparablement moins vive que
du côté sain. Si l'on pique fortement le membre inférieur droit, le
malade déclare éprouver une douleur légère qu'il rapporte au
membre inférieur sain.
Sensibilité au froid. Exactement superposée à la sensibilité à
la piqûre et avec les mêmes variations d'intensité.
La sensibilité à la chaleur paraît un peu mieux conservée tout en
étant notablement diminuée par rapport au côté sain.
Réflexes. Normaux à gauche, ils sont légèrement exagérés a
droite pour le membre inférieur (réflexe plantaire et rotulien). Au
membre supérieur droit, le réflexe des radiaux est très net.
Phénomène des orteils très évident.
21. Amélioration notable de la motilité, mais pas de modifi-
cation des troubles de sensibilité. Sous l'influence d'une piqûre Ou
d'un pincement un peu vifs, le malade réagit par des mouvements
assez amples du côté malade ; mais il n'accuse pas de douleur et
les pupilles ne subissent aucune modification.
Cependant si l'on prolonge l'examen il semble que par instants
M... éprouve une légère perception douloureuse très variable
d'intensité pourle même point examiné à différents intervalles, mais
parfois nulle. La contradiction dans les réponses devient telle
qu'on est obligé de suspendre l'examen et cette variabilité extrême
de la perception douloureuse est la constatation capitale en même
temps que l'exagération du réflexe moteur par rapport à ce qui se
passe du côté opposé sous l'influence d'une légère excitation péri-
phérique. Il convient d'ajouter que l'obuubilation mentale pro-
gresse de jour en jour. Cependant, M... ne présente aucune forme
d'aphasie, ni cécité verbale, ni surdité verbale. Il affirme qu'il
pourrait parfaitement écrire s'il avait la force de tenir une plume
ou un crayon ; il peut lire.
Sensibilité spéciale. Du côté de la langue, l'examen n'a donné
aucun renseignement précis, car il déglutit immédiatement les
aliments dont on voudrait lui faire apprécier la saveur. La moitié
droite de la langue est insensible à la piqûre.
Odorat. L'ammoniaque est sans action sur la muqueuse de la
narine droite qui ne perçoit pas la piqûre. Insensibilité de la con-
jonctive palpébrale du côté parahsé.
284
CLINIQUE NERVEUSE.
Il n'a pas été possible de prendre le champ visuel. Nous avons
cherché à nous rendre compte de l'existence ou non de l'hémia-
nopsie par un procédé primitif qui consistait à promener le doigt
dans toute l'étendue probable du champ visuel en veillant à la
fixité du globule oculaire. Dans ces conditions il ne nous a pas
paru exister d'hémianopsie, mais la méthode employée était trop
'rudimentaire pour que nous puissions conclure ferme des résul-
tats obtenus.
L'intelligence est très affaiblie ; elle est suffisante néanmoins
pour que l'on puisse ajouter foi aux réponses faites par M...
22. - Nuit très agitée ; le malade à tout-instant essaie de se
lever. A la visite du matin, le pouls est incomptable. Miction et
defécation involontaires; face turgide ; bredouillement continuel.
La motilité est toujours abolie. La sensibilité à la piqûre est
absolument nulle dans toute l'étendue du membre supérieur ; le
malade ne réagit même pas par un mouvement; au membre infé-
rieur, la piqûre est suivie d'une rétraction rapide, brusque, courte,
parfois même de mouvements de flexion du membre inférieur
sain ; mais il ne semble pas que M... perçoive de sensation dou-
loureuse, car, si l'on pique le membre gauche, il fait une grimace
syuuc : mve qui Il appu-
rait pas quand on pique
rait pas quand on pique
ou quand on pince le
membre droit.
La sensibilité est très
diminuée au niveau du
tronc, de l'abdomen et
de la face du côté droit;
elle existe cependant car
si l'on pique fortement
l'une quelconque de ces
régions, le malade porte
sa main gauche au point
blessé.
24. Anesthésie to-
tale pour le membre su-
périeur droit, et pour
le membre inférieur du
même côté. A gauche,
pas de troubles de la
sensibilité. Pas de trépi-
dation épileptoïde; pas
de trépidation rotu-
lienne. Pas de contrac-
tures. Pas de troubles trophiques. Mort dans la journée du 25 mars.
Autopsie. Pour la figuration des lésions, nous avons pris les
Fig. G.
a, subslance grise; G, ventricules; c, lésions.
SUR L'AMÉNORRHÉE D'ORIGINE NERVEUSE. 285
mêmes précautions que dans l'observation I. La coupe horizontale
qui est ici représentée (flg. 6) a sectionné en dedans la couche
optique à l'union de son tiers supérieur avec son tiers moyen, à
4 centimètres 1/2 du bord supérieur de l'hémisphère, pour
ressortir en dehors au niveau de la scissure de Sylvius.
Sans insister longuement sur la description des parties détruites
par l'hémorragie, nous ferons remarquer que la partie posté-
rieure et externe du noyau lenticulaire a disparu, qu'il en est de
même de la capsule externe, de l'avant-mur et surtout du quart
de la capsule interne. Enfin, le segment rétro-lenticulaire de Déje-
rine et le champ de de Wcrnicke sont aussi en grande partie
intéressés.
Pour nous rendre compte de l'étendue vérticale du foyer hémor-
ragique, nous avons fait une séiie de coupes superposées paral-
lèles à celle qui est représentée ici. Nous avons vu ainsi qu'il
s'arrête en haut.au niveau d'une coupe passant par le sinus du
corps calleux, en bas au niveau d'une coupe passant par la partie
la plus inférieme de la couche optique. L'extension vers l'écorce
cérébrale en dehors est de moins en moins grande à mesure qu'on
s'élève; cependant, il faut dire que partout où existe la lésion, les
parties essentielles (partie postérieure du noyau lenticulaire et de
la capsule interne) sont détruites.
En résumé, les lésions étaient les suivantes : 1° ramollis-
sement ancien avec la localisation et les dimensions sus-
indiquées ; 2° hémorragie ayant détruit essentiellement la
partie postérieure du noyau lenticulaire et le tiers postérieur
du segment lenticulo-optique de la capsule interne.
SUR L'AMENORRHEE D'ORIGINE NERVEUSE
Par le D' Euclxe COULOXJOU,
Interne de l'Asile d'aliénés de llontauban.
Notre attention a été plusieurs fois appelée, chez les sujets
atteints de psychoses diverses, sur la fréquence des troubles
de la menstruation. Ces troubles, chez les aliénées, revêtent
une allure un peu spéciale et nous semblent constituer un
point assez obscur et délaissé de la pathologie nerveuse. Il
serait cependant utile de se rendre un compte exact de la
nature et de la palhogénie de ces phénomènes ; peut-être
28G CLINIQUE NERVEUSE.
trouverait-on dans certains cas la raison des rapports encore
inexpliqués mais si fréquents qui existent entre certains
troubles psychiques et les fonctions vaso-motrices.
Ces rapports ne sont pas douteux; il est d'observation cou-
rante que toute modification psychique, même chez les sujets
normaux, a un retentissement sur la sphère vaso-motrice :
la peur, la joie, la colère, la mise enjeu de certains instincts
ou sentiments comme la pudeur, etc., amènent tantôt la
pâleur ou la rougeur des. téguments, les sueurs, et jusqu'à
l'angoisse précordiale. D'autre part, chez les sujets prédis-
posés, la frayeur ou les chagrins produisant une maladie
mentale, peuvent faire penser à une influence plus forle de
ces mouvements psychiques sur les vaso-moteurs ; et il est
hors de doute qu'un certain nombre de psychoses ont leur
origine clans les troubles de l'irrigation cérébrale. Ainsi s'ex-
pliqueraient par l'anémie ou va.so-constriction' des centres
nerveux les états mélancoliques et par l'hyperhémie ou
vaso-dilatation paralytique, les états congestifs ou mania-
ques.
Nous laissons de côté l'hystérie, qui entraîne si fréquem-
ment des troubles inexpliqués de la menstruation, comme de
bien d'autres fonctions. Mais, ayant rencontré chez plusieurs
malades qui n'ont aucun stigmate d'hystérie une aménorrhée
un peu spéciale, nous avons cherché à nous en expliquer les
causes. Pour arriver à un résultat certain, il est vrai, il fau-
drait connaître le mécanisme intime de la menstruation, ou
plus spécialement de l'écoulement sanguin accompagnant les
règles, et qui est le seul phénomène dont nous constatons la
disparilion. Or, les physiologistes ne sont guère d'accord sur
ce 'point. Les plus nombreux admettent que l'hémorragie qui
accompagne l'ovulation est due à la chute simultanée de
l'épilhéliun utérin; cette mue utérine serait sympathique du Li
développement de l'ovule, qui est aussi d'origine épithéliale.
Cette théorie ne rend pas compte des causes intimes du phé-
nomène, ni des relations prétendues entre les épithéliums
ovariens et utérins.
D'autres, avec Ch. Rouget, ayant constaté la présence dans
les ligaments larges de fibres musculaires lisses, admettent
une contraction périodique de ces fibres, entraînant à la fois
l'érection de l'ovaire, l'adaptation de la trompe et la conges-
tion artérielle intense par compression des veines ; ainsi s'ex-
SUR L'AMÉNORRHÉE D'ORIGINE NERVEUSE. 287 Î
pliqueraient la chute de l'oeuf, son arrivée dans la trompe, et
l'hémorragie par congestion. Mais on peut se demander
pourquoi dans certains cas d'absence de règles, l'ovulation
se fait quand même et aussi la fécondation; d'ailleurs, nous
ne voyons pas la cause de la contraction des fibres muscu-
laires.
11 est certain que l'innervation des vaisseaux joue un rôle
dans l'hémorragie menstruelle. Comment expliquer autre-
ment les cas si fréquents de déviation des règles ou d'hémor-
ragies supplémentaires par le nez, les oreilles, les poumons,
l'intestin, l'estomac. On pourrait alors admettre la théorie de
Yllüâer : « l'écoulement menstruel est un réflexe provoqué
par l'excitation des extrémités terminales des nerfs du folli-
cule, due à la distension de ce dernier. Cette action réagi-
rait sur les centres nerveux et amènerait par voie réflexe la
congestion des organes génitaux. » L'hémorragie serait due
à un réflexe, dont l'origine serait la distension périodique du
follicule. Cette explication rendrait compte de l'indépendance
fréquente des deux phénomènes des règles : ovulation et
hémorragie et viendrait à l'appui de la théorie de Beigel.
L'ovulation aurait toujours lieu ; l'hémorragie pourrait ne
pas se produire ou avoir lieu dans un autre endroit. Elle
aurait pour cause des phénomènes essentiellement nerveux
de vase-dilatation. Ces phénomènes ne se produiraient pas
dans certains états nerveux où les fonctions des centres sont
troublées (anémie) ou déviées (psychoses).
Nous admettons très volontiers cette explication : d'abord,
elle rend assez bien compte de la périodicité de l'écoulement
menstruel, lié à la maturité d'un ovule ; elle permet aussi de
comprendre les faits indéniables de fécondation sans règles.
Enfin, grâce à elle, nous allons pouvoir chercher une expli-
cation aux cas d'aménorrhée transitoire que nous avons
observés dans l'évolution des psychoses.
Nous possédons cinq observations, que nous avons recueil-
lies dans les formes suivantes : 10 Une mélancolie simple, sine
delirio, chez une jeune malade de quinze ans, peut-être dégé-
nérée ; 2° une manie aiguë, consécutive à une grippe infec-
tieuse, chez une malade de dix-sept ans ; 3° une manie chro-
nique, à sa troisième année d'évolution, chez une malade de
vingt-cinq ans ; 4° une imbécillité chez une malade de
vingt ans, qui avait toujours été bien réglée ; 5° une manie
288 CLINIQUE NERVEUSE.
intermittente, chez une malade de vingt-quatre ans, présen-
tant à chaque accès une aménorrhée transitoire.
Remarquons d'abord l'existence de l'aménorrhée dans des
formes mentales très différentes ; nous avons trois manies,
une mélancolie, une imbécillité. Chez aucune de ces malades,
~ il n'y avait de stigmates d'hystérie ; la première est peut-être
dégénérée, la dernière l'est certainement. Nous citerons seu-
lement l'observation de celle-ci, parce qu'elle en était à sa
troisième récidive et que, mieux que chez les autres, noua y
verrons bien établie la relation psycho-génitale.
Observation. : V. L ? vingt-quatre ans, domestique, origi-
naire du Tarn-et-Garonne, entre le 16 juin dans un état d'excita-
tion intense. C'est sa troisième séquestration, la première, il dix-
neuf ans, a duré trois mois; le deuxième à vingt ans a duré deux
mois et demi. Elle est sortie chaque fois guérie. Cette fois-ci, à la
suite de la peur d'un orage, trois jours avant, elle s'est mise à
délirer violemment; se croyait en feu, précipitée dans l'enfer,
voyait le diable ; refus de s'alimenter ; siliophobie, insomnies,
violences envers son entourage; prédominance d'idées mystiques ;-
besoin de marcher, de parler; hallucinations delà vue et de l'ouïe;
voit et entend son père mort depuis quinze ans; menace des per-
sonnes imaginaires.
Antécédents héréditaires. - Le père se suicide il cinquante-deux
ans, à la suite de chagrins après avoir présenté quelques troubles
mentaux. La mère et les six frères ou soeurs sont bien poi tants.
- -h : MeeH/sp<;)'.so) ! HC ? E)evée chez des religieuses, instruc-
tion assez bonne. A toujours été pn peu nerveuse, réagissait vive-
ment à toutes les impressions morales; cet état paraît attribuable
à l'anémie pour laquelle on l'a toujours traitée. Elle avait parfois
des crises très violentes de colère, avec tremblements, mais sans
perte de connaissance.- Les premières règles n'ont apparu qu'à
seize ans et seulement après les premiers rapports sexuels; elles
ont toujours été un peu irrégulières, avec des retards ou des
avances; lors de son premier internement elles ont été supprimées
pendant quatre mois; après sa sortie, la malade prit de l'armoise,
sur les conseils d'une vieille femme. Seconde suppression des
règles lors du second internement; elles reparaissent à la sortie,
à l'aide de quelques préparations ferrugineuses. Cette fois-ci, elle
n'avait pas eu ses règles, le mois de son entrée, elles avaient fort
diminué depuis quelques mois. La malade n'a jamais eu de forte
hémorragie; elle avait quelques pertes blanches qui ont disparu
depuis l'aménorrhée. Jamais d'épistaxis, ni d'autre hémorragie
supplémentaire.
Les troubles délirants du jour d'entrée disparaissent rapidement.
SUR L'AMÉNORRHÉE D'ORIGINE NERVEUSE. 289
Au bout de quinze jours, la malade est très calme, se rappelle son
délire, raisonne, travaille. Elle prend un peu d'embonpoint. Les
deux mois suivants se passent sans menstruation. Aux époques de
ses règles, il n'y a ni douleurs, ni hémorragies supplémentaires,
ni signes de rétention; toutes les autres fonctions s'accomplissent
bien. Au mois d'août, à l'époque présumée de ses règles, elle
prend de l'apiol : 0 gi. : ;0 par jour pendant trois jours, sans
résultat; Le traitement de la maladie mentale a consisté unique-
ment dans la balnéation journalière prolongée, et l'alimentation
artificielle les quinze premiers jours.
Ainsi, voilà une malade qui, ordinairement nerveuse,
emportée et anémique, présente, à chaque émotion un peu
forte, une crise de manie aiguë franche. Le suicide du père
après quelques troubles mentaux, il y a quinze ans, en fait
une dégénérée; il n'y a pas de crises, ni d'autres stigmates
d'hystérie. Nous sommes en présence d'une manie intermit-
tente chez une dégénérée. A chacun de ses trois internements,
la malade a rapidement recouvré ses fonctions psychiques ;
elle semble normale dans les intervalles. La forme mentale
ainsi établie en dehors de la névrose hystérique, il reste à
nous expliquer la suppression des règles survenant à chaque
accès de manie. Cette suppression peut être attribuée à trois
causes : l'état d'anémie; la congestion cérébrale ; les troubles
de l'innervation génitale.
La malade a toujours été considérée comme anémique ;
elle a longtemps avalé du fer, du jus de viande, du sang,
tout ce qui, dans son milieu, passe pour accroître le nombre
des globules. A vrai dire, aujourd'hui, elle ne présente pas
de signes d'anémie. Elle a le teint et les muqueuses colorés,
n'a pas de palpitations ni d'essoufflement, ni d'oedèmes; les
règles ont été supprimées brusquement et leur suppression
chaque fois coïncide avec la crise maniaque. De plus, une
anémique qui n'a pas ses règles, éprouve en général à leur
époque quelques symptômes douloureux se rapportant à
l'appareil de l'ovulation. Chez notre malade, il n'y a rien ;
les époques se succèdent sans modification.
Nous ne croyons donc pas à l'influence d'un état d'anémie
hypothétique. Peut-on attribuer l'aménorrhée à la déri-
vation sanguine provenant de la congestion cérébrale
maniaque ? Il y aurait anémie partielle des organes géni-
taux au profit des centres nerveux ; la congestion utéro-
ovarienne n'aurait pas lieu. Mais, outre qu'il est difficile
Archives, 20 série, t. VIII. 19
290 CLINIQUE NERVEUSE.
d'imaginer qu'un état congestif du cerveau soit assez pro-
noncé pour anémier à ce point les autres organes, pourquoi
la malade continue-t-elle à ne pas avoir ses règles lorsque la
congestion cérébrale n'existe plus ? Le délire a duré quinze
.jours ; mais deux mois après, la menstruation ne s'était pas
encore rétablie ; cependant la malade était calme, pouvait
être considérée comme normale. De plus, nous avons observé
la même aménorrhée dans des états mélancoliques, c'est-
à-dire d'anémie cérébrale. L'aménorrhée n'est donc occa-
sionnée ici ni par l'anémie générale, ni par l'anémie géni-
tale. Il reste la troisième hypothèse, celle des troubles de
l'innervation utéro-ovarienne, et voici l'explication que nous
en donnerons :
Périodiquement, un ovule arrive à maturité ; cette matura-
tion s'accompagne de phénomènes congestifs du follicule qui
l'entoure ; d'où, irritation intense des nerfs de ce follicule ;
ceLtè irritation est transmise par la moelle aux centres encé-
phaliques de perception, probablement par le faisceau latéral
mixte. Mais la perception ne se faisant pas, nous devons
admettre que le mouvement nerveux ne se transmet pas
jusqu'à l'écorce cérébrale. Il s'arrêterait au bulbe, sans
doute à l'endroit de l'entrecroisement des fibres du faisceau
latéral mixte ; là, par des fibres commissurales dont l'exis-
tence reste à mettre en évidence, il viendrait impressionner
les centres vaso-moteurs, que Schiff place dans la protubé-
rance et les pédoncules cérébraux. Le réflexe se produirait
alors, qui, par les voies descendantes (cordons anléro-laté-
raux) viendrait modifier la tonicité des vaisseaux. Cette mo-
dification consisterait, à l'état normal dans une excitation
des vaso-dilatateurs, d'où congestion génitale et hémorragie.
Supposons maintenant un état psychique anormal, entraî-
nant une perturbation dans les centres encéphaliques. Que
cet état soit accompagné de congestion ou d'anémie centrale,
nous devons admettre qu'il influe fortement sur certains
centres, en particulier sur ceux des vaso-moteurs. En effet,
dans les états psychiques, nous observons toujours une modi-
fication des réflexes de l'innervation des vaisseaux ; ils sont
tantôt exagérés, tantôt abolis, et les rougeurs émotives, les
sueurs réflexes, l'angoisse précordiale sont tantôt supprimées,
tantôt exagérées dans les psychoses. En règle générale, dans
la question qui nous occupe, il y aurait soit suppression du
IDIOTIE CONGÉNITALE ET HYPOSPADIAS. 291'
réflexe de la vaso-dilatation par inhibition, soit exagération
du réflexe contraire de la vaso-constriction.
Cette théorie permet de donner une explication à notre
cas ; cette explication est confirmée d'abord par le. fait de la
périodicité de l'aménorrhée, coïncidant toujours avec les
accès de manie et les fonctions rétablissant avec l'état
mental ; ensuite par l'inefficacité du traitement emména-
gogue suivi par la malade à plusieurs reprises.
, Nous en tirerons la conclusion suivante : l'hémorragie mens-
truelle est un réflexe, dont le point de départ réside dans les
nerfs du follicule et le point d'arrivée dans les vaso-moteurs
des organes génitaux. Nous sommes obligés d'admettre,
d'autre part, que la plupart des modifications psychiques ont
une répercussion sur les réflexes, tantôt pour les produire,
tantôt pour les empêcher. Pourquoi n'admettrions-nous pas
que le réflexe menstruel est identique à celui de l'angoisse
précordiale, par exemple, ou à celui de la sudation émotive,
c'est-à-dire capable d'être influencé par les mouvements
psychiques ? L'explication intime du phénomène nous
échappe ; mais ce n'est pas le seul cas où l'on ait à constater
des rapports constants entre des faits d'ordre très différent;
et l'histologie nerveuse, encore si incomplète, nous réserve
sans doute de grandes surprises au sujet des fibres incon-
nues qui relient les divers centres nerveux entre eux et avec
le système sympathique.
RECUEIL DE FAITS.
IDIOTIE CONGÉNITALE; HYPOSPADIAS
ET PSEUDO-IIEIt\IAPH110DIS\IE EXTERNE; i
Par ml. FAUCHER et BOURDIN,
Médecins l'Asile de la Chanté (Nièvre).
M... Gertrude, cinquante-trois ans, célibataire, sans profession,.
fille légitime, entre à l'asile de la Charité-sur-Loire, le 29 no-
vembre 1891, comme atteinte d'idiotie congénitale.
292 RECUEIL DE FAITS.
I. Antécédents héréditaires et personnels '. Les renseignements
nous font malheureusement défaut aussi bien sur les antécédents
héréditaires que personnels de notre malade ; c'est ainsi que nous
ne savons rien de son genre de vie, de ses habitudes, de ses
instincts, tous détails qui auraient eu cependant dans l'espèce
-une réelle importance. La malade a été conduite à l'asile par sa
nièce et un voisin ; aucun membre de la famille n'est venu
assister à l'enterrement.
Il. Etal physique. - M... est de petite taille (1 m. 50), de cons-
titution suffisamment robuste. Ce qui frappe au premier aboid d
dans sa physionomie, c'est la présence d'une barbe épaisse, d'un
noir foncé, qui lui donne un air rude et absolument masculin. Les
cheveux sont également noirs, longs et touffus. Le crâne est
aplati sur les côtés, rétréci par suite dans le sens transversal,
tandis qu'il est un peu allongé dans le sens antéro-postérieur
(dolichocéphalie). Le front est assez haut mais étroit; arcades
sourcilières saillantes ; sourcils noirs et fournis. La glabelle est
très accusée et détermine un sillon cutané assez profond au niveau
de la racine du nez. Celui-ci n'offre rien de particulier, non plus
que les oreilles, qui sont de dimensions moyennes, assez bien
ourlées, à lobule non adhérent. Les lèvres sont épaisses ; la
bouche un peu grande ; la voûte palatine est ogivale, la dentition
en mauvais état ; beaucoup de dents manquent, cependant les
incisives inférieures gauches existent encore, elles sont petites et
étroites, comme il est de règle dans le sexe féminin. Ajoutons que
la peau du visage est ratatinée, creusée de rides nombreuses et
profondes ; le regard terne, la physionomie dans son ensemble
peu expressive.
Le cou est gros et court (35 centimètres de circonférence) ; le
larynx mesure environ 8 centimètres de hauteur ; la saillie du
cartilage thyroïde (pomme d'Adam) est très prononcée. La voix de
la malade est absolument masculine.
Le thorax est peu développé; sa largeur, d'un acromion à
l'autre, est de 35 centimètres. La circonférence sous les aisselles
est de 85 centimètres. La hauteur approximative de la cage tho-
racique, mesurée verticalement du milieu de la clavicule au
rebord costal est de 32 centimètres. En arrière, la distance de la
crête de l'omoplate aux fausses-côtes est de 35 centimètres. La
poitrine de la malade est bombée en avant; on y constate la
présence de deux mamelles volumineuses, avec aréole brunâtre et
bien développée; les mamelons sont très allongés. A la palpation,
on sent de nombreux globules glandulaires ; cependant le réseau
veineux mammaire est peu apparent; pas de tubercules de Mont-
1 L'observation de cette malade, due à M. Margouhès, interne du
service, a été relatée dans le Rap. méd. de l'Asile de la Charité (1895).
IDIOTIE CONGÉNITALE ET HYPOSPADIAS. 293
gomery. La peau du thorax, comme aussi celle de l'abdomen, est
remarquable par sa blancheur et sa finesse; elle est absolument
glabre ; on ne trouve guère de poils que sous les aisselles.
Pas de déformation thoracique. A l'auscultation, signes d'em-
physème pulmonaire. Le coeur est un peu gros, sans lésion val-
vulaire. Ombilic normal ; les fesses sont plates ; pas d'ensellure
lombaire; pas de saillie bien marquée des hanches. La circonfé-
rence au niveau des crêtes iliaques est de 86 centimètres.
Les membres sont grêles, les muscles peu développés. Le bras,
à sa partie moyenne, mesure 21 centimètre à droite et 1 à gauche.
La main est petite, les doigts sont fins et allongés en fuseau; pas
de callosité de la face palmaire. La main droite mesure 18 cen-
timètres de longueur, la gauche 16. Les fémurs ne pré-
sentent pas l'incurvation ordinaire dans le sexe féminin; les
cuisses mesurent, à leur partie moyenne, 36 centimètres; la cir-
conférence au niveau des genoux est de 29 centimètres 1/2. La
longueur des cuisses, de l'épine iliaque antéro-supérieure à la
pointe de la rotule, est de 41 centimètres; celle des jambes, de la
rotule à la malléole externe, de 34 centimètres et demi. Ces
dimensions sont les mêmes à droite et à gauche. Le pied est petit,
bien cambré. La peau des membres rappelle de tous points celle
du tronc; comme celle-ci, elle est blanche, fine, et dépourvue de
poils, si ce n'est quelques-uns à la partie anté¡ o-extel'1le des
cuisses. La couche adipeuse sous-cutanée est relativement épaisse.
Organes génitaux : Au niveau de la symphyse pubienne, le sys-
tème pileux est très développé. Les poils sont longs, roides, d'un
noir foncé ; ils sont disposés en triangle, mais ce triangle est mal
délimité et l'on voit quelques poils aberrants de chaque côté dans
le pli abdomino-crural. Les poils se retrouvent au périnée, jusqu'en
arrière de l'orifice anal, qui est lui-même entouré d'une touffe
abondante.
Sur la ligne médiane, au-dessous du pubis, se voit un petit
organe qu'il est aisé de reconnaître pour une verge rudimentaire ;
elle mesure 6 centimètres de longueur de l'extrémité à la racine
des corps caverneux ; elle se termine par un petit gland avec
rebord cutané ou couronne bien net et caractéristique. Ce gland a
2 centimètres de longueur sur le. 1/2 environ de large, ce qui ne
laisse que 4 centimètres pour la verge proprement dite; encore
celle-ci ne fait-elle guère saillie que sur une longueur de 1 centi-
mètre 4/2 à 2 centimètres, la racine des corps caverneux étant
dissimulée sous le tissu adipeux de la région symphysienne. Le
gland est imperforé; cependant au point où devrait être norma-
lement le méat, on voit un petit cercle bleuâtre de 1 millimètre
environ de diamètre.
La peau recouvre la face supérieure et les faces latérales de la
verge, mais la face inférieure est à nu ; la peau forme donc une
394 RECUEIL DE FAITS.
sorte de pont, et va ensuite se confondre avec celle des régions
latérales. La verge ainsi recouverte d'un prépuce incomplet res-
semble assez à un clitoris coiffé de son capuchon; les deux petits
replis cutanés qui en se réunissant sur la ligne médiane forment
ce capuchon représenteraient les petites lèvres. Le prépuce
descend sur le gland, mais celui-ci peut être facilement découvert.
De chaque côté, deux larges replis cutanés, couverts de poils,
simulant grossièrement deux grandes lèvres, mais ils ne sont pas
réunis en avant, où ils laissent à découvert les petites lèvres, non
plus qu'en arrière, de sorte qu'ils restent accolés et pendants entre
les cuisses. Ils offrent chacun une saillie très apparente sur
laquelle nous reviendrons.
Si on écarte ces deux replis on découvre sur la ligne médiane,
au-dessous ou plutôt en arrière de la verge, une petite surface
rectangulaire, allongée dans le sens antéro-postérieur, où la peau
est recouverte d'une mince membrane rosée, présentant quelques
stries longitudinales. Cette surface a 3 centimètres de long sur
1 centimètre environ de large. Elle aboutit en arrière à une
ouverture linéaire par laquelle il est facile d'engager une sonde.
Cette sonde pénètre alors dans un canal et donne bientôt issue à
de l'urine; ce canal est donc l'urèthre, et l'orifice est le méat.
Mais ce méat est large, dilatable et n'offre aucunement l'apparence
d'un méat normal. Dès qu'on y introduit la sonde, il prend
l'aspect d'un triangle dont le sommet serait en avant. La base
postérieure est formée par une bride cutanée, de coloration rosée.
Cette bride cutanéo-muqueuse est tout ce qui existe de la paroi
inférieure de l'urèthre pénien ; la paroi supérieure est repré-
sentée par cette petite surface rectangulaire, recouverte d'une
mince membrane, que nous avons décrite en avant de l'urèthre ;
le méat n'existe pas, et est remplacé par l'orifice anormal où
s'engage la sonde.
Pour compléter l'examen extérieur de la région, disons que sur
les côtés, on trouve dans les replis cutanés simulant les grandes
lèvres, deux corps ovoïdes, mesurant, celui de droite 6 centi-
mètres de longueur sur 2 centimètres 1/2 d'épaisseur, celui de
gauche 6 centimètres 1/2 sur 3, et surmontés d'un corps allongé
qui leur est intimement uni et se continue avec un cordon s'en-
gageant dans le canal inguinal. 11 s'agit donc de testicules avec
épididyme et canal déférent. Le testicule gauche descend un peu
plus bas que le droit; de plus, on trouve au-dessous de lui, et
faisant corps avec lui, une masse arrondie, de la grosseur d'une
petite noix, lisse, rénitente, qui fait songer il une tumeur liquide
de petit volume. L'anus est large et ouvert, facilement dila-
table, en infundibulum : il est entouré de quelques petits nodules
hémorrhoïdaires. Le toucher rectal permet de sentir une prostate
.de faibles dimensions.
IDIOTIE CONGÉNITALE ET HYPOSPADIAS. 295
III. Fonctions. L'état général de notre malade à son entrée
est très 'satisfaisant ; elle est calme, mange et dort bien. La
sensibilité générale est un peu émoussée ; les mouvements
s'accomplissent avec assez de souplesse ; les réflexes sont nor-
maux. Pas de troubles sensoriels. Démarche un peu
lourde. La miction s'accomplit à croupetons; la conformation de
la région périnéale fait suffisamment comprendre qu'il n'en saurait
être autrement. Au point de vue de l'érection et de la copu-
ration, nous ne savons absolument rien, les renseignements font
absolument défaut sur les instincts et les tendances sexuelles du
sujet.
IV. Etat psychique. - Le vocabulaire de est très borné;
elle répond le plus souvent aux questions simplement par oui ou
par non, toujours en accompagnant ses réponses d'un sourire
niais. Elle ne répond même pas constamment, et il est à supposer
qu'elle ne comprend pas la plupart des questions qui lui sont
adressées. Elle reconnaît les personnes qui l'entourent, mais
est absolument incapable de fournir aucun renseignement sur sa
vie antérieure. Son attention est peu soutenue, sa mémoire très
faible. Depuis sa naissance, elle n'a jamais, parait-il, présenté une
lueur d'intelligence; elle n'a été susceptible d'aucune éducation
ni instruction. Elle est signalée conime très irascible; elle se fâche
pour les motifs les plus futiles et se montre alors prête à frapper
avec tout ce qu'elle trouve sous sa main. C'est ainsi qu'avant son
internement elle s'est livrée à des voies de fait sur un garde-
champêtre qui lui faisait des observations parce qu'elle faisait
aller les oies qu'elle était chargée de garder, sur les terres des
voisins. Ceux-ci eurent plusieurs fois à se plaindre de ses fureurs.
Le 24 janvier 1899, M... se plaint à la visite du matin de
souffrir de tout le corps, d'une façon d'ailleurs vague et sans
pouvoir donner, même par geste, une indication sérieuse. L'état
général est relativement satisfaisant ; rien au coeur ni aux
poumons, si ce n'est quelques signes d'emphysème. La malade
meurt subitement le lendemain, à 7 heures du matin.
V. Autopsie 1. Amaigrissement considérable ; la couche
adipeuse sous-cutanée est moins développée qu'à l'entrée de M...
à l'asile ; cependant la peau du tronc et des membres a gardé sa
blancheur et sa finesse et contraste étrangement avec la peau du
visage, ridée et flétrie, couverte d'une barhe noire et hirsute. Les
seins sont devenus flasques et pendants; les lobules glandulaires
ne sont plus sensibles au palper; la glande apparaît à la coupe
très atrophiée.
Tète : Les os du crâne sont peu épais. Pas d'adhérences des
1 L'autopsie a été faite vingt-six heures posl modem.
296 RECUEIL DE FAITS..
IDIOTIE CONGÉNITALE ET HYPOSPADIAS. 297
l'urèthre est de 3 centimètres. La portion spongieuse n'existe
guère que sur 2 centimètres 1/2 d'étendue ; c'est la longueur de
la bride cutanéo-muqueuse qui limite en arrière l'orifice uréthral.
Autrement dit, tandis que la paroi supérieure de cette portion
spongieuse mesure 4 à 5 centimètres, la paroi inférieure n'en a
que deux et demi, ce qui donne 8 centimètres 1/2 environ de
longueur réelle, et Il centimètres 1/2 de longueur apparente
jusqu'au niveau de l'angle pénien. Ajoulons enfin que l'ouverture
uréthrale est à 4 centimètres en avant de l'anus.
Les canaux déférents, les épididyncs sont normaux. Les testi-
cules sont bien développés ; ils offrent sur la coupe leur aspect
ordinaire, avec substance fondamentale gris jaunâtre, adhérente à
l'albuginée. Les hydatides pédiculées sont très apparentes, et à
long pédicule. La petite tumeur que nous avons signalée à gauche,
au-dessous du testicule, est intimement soudée à cet organe,
accolée à sa face inférieure. Cette tumeur est un petit kyste bilo-
culaire ; une des poches, la plus grande, ayant à peu près les dimen-
sions d'une noisette, contient un liquide clair et transparent ;
l'autre, un peu plus petite, est pleine d'un liquide blanchâtre,
lactescent. Le testicule gauche pèse 22 grammes, le droit 26.
La section de la verge montre la présence de deux corps caver-
neux imparfaitement développés. Au niveau du gland, la coupe
transversale révèle l'existence d'un petit cul-de-sac non ouvert à
l'extérieur; c'est ce cul-de-sac de 1 centimètre de long, sur
1 millimètre environ de diamètre, qu'on aperçoit par transparence
et qui donne à la peau, au point où devrait se trouver normale-
ment le méat, une coloration bleuâtre, au moins sur le cadavre.
Un petit pont cutané ferme donc en avant ce petit cul-de-sac.
Bassin : Ajoutons, pour terminer cette description, que le
bassin est bien conformé; il est peu élargi transversalement, ce
qui explique que les hanches soient peu saillantes. Les deux
moitiés semblent absolument symétriques. Les principales di-
mensions sont les suivantes :
D'une épine iliaque antéro-supérieure à l'autre : 25 centim. De
l'épine iliaque antéro-supérieure à l'épine pubienne : 14 cent'm.
Du promontoire au pubis : 10 centim. Du promontoire à la points
du coccyx (en flèche) : 12 centim. Du promontoire à chacune des
tubérosités ischiatiques : 16 centim. Hauteur du bassin (du pint
le plus élevé des crêtes iliaques au plan horizontal passant parles
tubérosités sciatiques) : 19 centim.
VI. Réflexions. 1° Il est regrettable qu'il n'ait pu nous
être fourni parla famille aucun renseignement sur les anté-
cédents de la malade. C'est malheureusement ce qui arrive
souvent dans nos asiles d'aliénés, malgré le soin que l'on
prend, en particulier à la Charité, de prier les médecins
298 RECUEIL DE FAITS.
signataires du certificat d'admission, de remplir eux-mêmes
la feuille de renseignements. Il est surprenant que le docteur
qui a examiné M... au dehors, et qui avait reconnu l'hypos-
padias, n'ait pas cru devoir fixer davantage son attention sur
ce point particulier ;
- 2° La partie surtout intéressante de l'examen physique
de 11..., c'est évidemment l'état de l'appareil génital. 11 s'agit
manifestement d'un cas d'hypospadias très accentué (hypos-
padias périncal de Bouisson, périuéo-scrotal de Duplay). On
sait que Bouisson admet quatre variétés d'hypospadias :
balanique, pénien, scrolal et pé2111éal, selon que l'ouverture
hypospadienne siège sur le gland, sur la verge, à l'angle du
pénis et du scrotum, ou au périnée. Duplay accepte cette
subdivision, mais appelle les deux dernières variétés : péno-
scrotale et périnéo-scrotale. Quoi qu'il en soit, c'est à la caté-
gorie périnéale qu'appartient notre sujet, puisque l'orifice
uréthral est situé chez lui à 3 centimètres en arrière de l'angle
péno-scrotal. Dugès(L : phéméridesdelliontpellier,lS ? 7) désigne
cette variété sous le nom d'hypospadias vulvif01'me, à cause
de.l'aspect plus ou moins comparable à une vulve, que pré-
sente le scrotum divisé sur la ligne médiane. Dans notre cas,
cette apparence est assez grossière; les deux moitiés du scro-
tum ne sont pas réunies en arrière, et la saillie des testicules
dans chacune des deux poches attire tout de suite l'attention;
Sans doute on pourrait songer à des ovaires en ectopie;
mais, outre la rareté du fait, la palpation dissipe vite toute
hésitation, puisqu'on sent facilement l'épidiUyme et le cor-
don en continuité directe avec l'organe.
Cet hypospadias a entraîné un arrêt de développement de
tout l'appareil génito-urinaire externe. Tandis que toute la
portion profonde de l'urèthre (urèthre postérieur) est bien
développé, comme l'a montré l'autopsie, il ne s'est formé, de
la portion spongieuse, que la paroi supérieure; il manque
presque toute la paroi inférieure, qui est réduite à un mince
lambeau cutanéo-muqueux de 2 centimètres et demi, environ
de longueur d'avant en arrière. L'enveloppe des bourses ou
scrotum est restée bifide; ses deux moitiés, contenant cha-
cune un testicule de dimensions normales, sont représentées
par les deux replis cutanés que nous avons décrits, et qui ne
rappellent vraiment que de très loin des grandes lèvres. Le
raphé médian n'existe pas; dans beaucoup de cas cependant,
IDIOTIE CONGÉNITALE ET HYPOSPADIAS. 299
il est signalé comme représenté par une bride médiane placée
sous la verge et s'étendant plus ou moins loin sur le périnée;
cette bride incurve alors la verge en bas. Rien de semblable
n'existe chez notre sujet; mais la verge est très petite, très
atrophiée; le gland, les corps caverneux sont rudimentaires,
et le méat n'est pas formé. Aucune trace d'orifice vaginal.
Comment s'expliquer l'erreur de sexe qui a été commise à
la naissance ? M..., en effet, est inscrite comme fille sur les
registres de l'état civil, et c'est comme femme également
qu'elle a été placée à l'asile. Cependant nous avons vu que
l'examen attentif des organes génitaux externes suffit pour
éviter l'erreur, du moins actuellement. En était-il de même à
la naissance ? Il est difficile de se prononcer; il semble peu
probable cependant que l'accouchement ait été fait par un
médecin. Toutefois, il faut tenir compte de la possibilité
d'une descente tardive des testicules : « Il n'y a personne, dit
Debierre, qui n'ait entendu parler de filles devenant subite-
ment garçons au moment où elles franchissaient un fossé ou
faisaient un effort violent. » C'est généralement à l'âge de la
puberté que se fait cette descente tardive des testicules,
néanmoins, elle a pu se faire à un âge plus avancé, et Lan-
douzy (de Reims) rapporte le cas de Marie Goulich, considérée
comme fille à sa naissance, et chez qui la descente des testi-
cules eut lieu à trente-trois ans.
Peut-on ranger M..., qui fait l'objet de notre observation,
dans la catégorie des hermaphrodites ? L'hermaphrodisme,
pour Geoffroy Saint-IIilaire, est la réunion, apparente ou
réelle, complète ou incomplète, des deux sexes sur le même
individu. L'hypospadias donne souvént lieu à des hermaphro-
dismes ; mais il ne suffit pas à lui seul à en constituer une
variété. Pour qu'il y ait hermaphrodisme, il faut que l'hy-
pospadias se complique (Klebs) de modifications dans l'habi-
tus général du corps telles que le type sexuel s'en trouve
altéré d'une façon notable. Or le mélange de ce qu'on appelle
les caractères sexuels secondaires, qui sont tous ceux non
tirés de l'état des parties génitales, est très complexe, et il
n'y a pas à compter sur eux pour classer le sujet dans l'un
ou l'autre sexe. C'est la glande génitale seule, ovaire ou tes-
ticule, qui détermine le sexe; Y hermaphrodisme vrai, c'est-
à-dire la réunion sur un même être de testicule et d'ovaire,
n'est pas admise par tous les auteurs pour l'espèce humaine.
300 RECUEIL DE FAITS.
S. Pozzi le nie formellement; tandis qu'IIerrmann, Debierre,
Lourent, et la plupart des auteurs avec eux l'acceptent.
On s'explique peut-être ces divergences d'opinion, si on se
reporte aux premières phases du développement embryogé-
nique ; il existe une période où ovaires ou testicules ne sont
pas encore nettement différenciés, et on a relaté des autop-
sies d'hermaphrodites chez qui les glandes génitales en étaient
restées, au moins l'une, à ce stade de l'évolution.
M... a, malgré les apparences, les organes génitaux exter-
nes d'un homme; les testicules sont même faciles à recon-
naître. De plus, l'autopsie ne nous a montré aucun vestige
d'organe sexuel féminin. Il n'y a donc pas le moindre doute
sur la sexualité; et cependant il serait impossible, par l'habi-
tus général du corps, d'affirmer le sexe. Le sujet était mâle
par la barbe, la voix, le larynx, par le bassin; il était femme
par la chevelure, la peau du tronc et des membres, la finesse
des dents, la gracilité des os, la forme du thorax, et surtout
par le développement des seins.
Nous plaçons ci-contre une photographie de M... due à
M. Rigal, interne du service, destinée à montrer l'aspect du
visage et des organes génitaux externes.
Nous pouvons donc ranger M... dans les pselldo-herma-
phrodites masculins, puisque l'hypospadias se complique
chez lui de modifications de l'habitus extérieur du corps,
pouvant jusqu'à un certain point induire en erreur pour la
détermination du sexe. Ces caractères féminins que nous
trouvons chez M... sont eux-mêmes dus à un arrêt de déve-
loppement, au moins d'après la théorie généralement admise.
Faut-il regarder le développement imparfait du tronc et des
membres comme la conséquence directe de l'hypospadias, ou
bien l'un et l'autre relèvent-ils d'une même cause efficiente
ayant simultanément produit un double arrêt de développe-
ment ? Cette dernière interprétation semble au premier abord
peu vraisemblable ; on connaît en effet les modifications
curieuses qui surviennent dans l'organisme à la suite de l'atro-
phie des organes génitaux. « On sait, dit Debierre, que, chez
les mâles privés de leurs testicules par la castration, les carac-
tères masculins ou bien ne se développent pas, ou bien s'étei-
gnent, de sorte qu'ils ne s'éloignent pas ou bien se rappro-
chent du type femelle. Les chapons n'acquièrent ni le plumage
ni le chant du coq; le cheval hongre perd sa vivacité et l'ar-
IDIOTIE CONGÉNITALE ET HYPOSPADIAS.
301
deur qui en fait à la fois la beauté et le danger; l'eunuque
des harems, comme jadis les chantres de la Chapelle Sixtine,
n'acquiert ni la corpulence ni la voix propre à son sexe.
Mais ce qu'il y a de plus curieux et de plus surprenant, c'est
que, par ces phénomènes inverses on voit des femelles
prendre, après l'ablation des ovaires, des caractères qui n'ap-
partiennent qu'aux màles : la vieille poule qui a passé l'âge
des amours prend un plumage brillant, des ergots acérés et
jusqu'aux instincts bruyants et belliqueux du coq. » Chez la
femme, après la ménopause, il n'est pas rare de voir appa-
raître une barbe plus ou moins épaisse, en même temps que
la voix prend un timbre absolument masculin.
Il est donc probable que la présence de caractères fémi-
nins chez un hypospade, chez notre sujet en particulier, n'est
pas le fait d'une coïncidence fortuite, mais que l'hypospa-
I"i,7. 7,
302 . RECUEIL DE FAITS.
dias est la cause même de l'apparition des signes féminins.
L'hypospadias étant créé, a entraîné un arrêt dans le déve-
loppement de l'habitus général.
3° La miction s'accomplissait chez M... dans la station
accroupie, comme chez la femme; le sujet d'ailleurs s'était
toujours considéré comme femme. Nous n'avons aucun ren-
seignement sur la possibilité chez lui d'érection et de copu-
lation : l'atrophie de la verge et des corps caverneux devait
rendre à peu près impossible, en tout cas très imparfaite,
l'érection. Nous en dirons autant de la copulation : quant à
la fécondation, elle est considérée généralement comme
incompatible avec ce degré d'hypospadias ; il y a lieu de
remarquer à ce sujet le développement des testicules, qui
ont tous deux le poids et le volume normal. La prostate, par
contre, est un peu petite.
4° L'autopsie a nettement révélé les causes de la mort, qui
ne peut être attribuée qu'à l'hémorragie cérébrale de l'hé-
misphère gauche. La pneumonie chronique, qui n'a jamais
donné lieu à des symptômes alarmants, a pu cependant débi-
liter le sujet et précipiter le dénouement.
A noter le poids de l'encéphale, sensiblement inférieur à
celui de la moyenne, surtout dans le sexe masculin; l'atro-
phie des circonvolutions frontales, l'athérome qui a été la
cause prédisposante de l'hémorragie du cerveau. Le coeur est
gros, ce qui peut s'expliquer par une lésion rénale possible
ou par la présence même des lésions athéromateuses.
Il est difficile de se prononcer, en l'absence d'examen
microscopique, sur la nature du petit kyste bilqculaire atte-
nant au testicule gauche. Il est probable que ce kyste était
congénital, et s'était formé aux dépens d'un diverticulum de
la queue de l'épididyme; peut-être l'une des deux poches,
dont le contenu est blanchâtre, d'aspect laiteux, contenait-elle
des spermatozoïdes dissous.
5° En ce qui concerne l'état psychique de notre malade, il
est permis de se demander s'il existe une relation de cause à
effet entre l'idiotie congénitale du sujet et l'hypospadias. La
question est anologue à celle que nous avons discutée à pro-
pos de l'état physique; mais ici le problème est singulière-
ment plus ardu.
L'idiotie congénitale est une lésion d'évolution, un arrêt
de développement de l'organisation psychique, comme l'hy-
IDIOTIE CONGÉNITALE ET HYPOSPADIAS. - ~ 303
pospadias est un arrêt du développement physique. Il existe
donc entre ces deux lésions une parité incontestable d'ori-
gine. Chez M..., l'idiotie semble tenir principalement à une
dysgénésie fonctionnelle; l'atrophie des circonvolutions, la
malformation crânienne, ne sont pas tellement accusées
qu'elles ne puissent se rencontrer chez un individu de men-
talité plus élevée. Nous ne trouvons point chez M... quel-
qu'une de ces grosses lésions comme en décrit M. Bourne-
ville : porencéphalie vraie ou fausse, hydrocéphalie, micro-
céphalie, plagiocéphalie, etc. Il est vrai qu'il faut tenir
compte des lésions histologiques probables; néanmoins on
peut dire que l'arrêt de développement de la masse encépha-
lique n'est pas des plus accentuée. Au contraire, nous avons
vu que le degré de l'hypospadias était des plus avancés. Dès
lors on doit admettre que le cerveau a poursuivi son déve-
loppement alors que depuis longtemps celui de l'appareil
génito-urinaire externe était arrêté. C'est environ à la quin-
zième semaine de la vie intra-utérine que se produit l'hypos-
padias vulviforme; le cerveau de M... s'est certainement déve-
loppé bien au delà de cette limite, mais la question est de
savoir si l'hypospadias une fois créé n'a pas pu nuire dans une
certaine mesure, par une espèce de sympathie encore inconnue,
au développement normal du cerveau, comme il a nui au dé-
veloppement régulier de l'habitus général du corps. L'hypos-
padias serait alors la cause provocatrice de l'idiotie. Il est évi
dent que cette relation causale est bien difficile à démontrer;
mais il ne répugne pas à l'esprit d'en admettre la possibilité.
On accorde plus généralement que l'idiotie et l'hermaphro-
disme sont les deux effets d'une même cause, la dégénéres-
cence héréditaire. L'hermaphrodisme à tous ses degrés n'a
que la valeur d'un stigmate physique de dégénérescence,
au même titre que la profondeur de la voûte palatine que
nous avons notée également chez M.... L'idiolie n'est que le
degré le plus avancé de la dégénérescence psychique : d'où
la relation que cette théorie établit entre les deux lésions. Il
est alors nécessaire d'admettre que la coïncidence n'est pas
fortuite, et que les hermaphrodites sont des débiles au point
de vue mental. C'est ce que dit en effet E. Laurent : « Au
point de vue intellectuel, les hermaphrodites sont presque
toujours des êtres inférieurs. A la dégénérescence physique
correspond bien souvent la dégénérescence psychique. »
304 RECUEIL DE FAITS.
Le Dr Pierre Louet (thèse de Bordeaux, 1889) a observé plu-
sieurs individus atteints de mono ou de cryptorchidie, une
des lésions les plus fréquemment causes d'hermaphrodisme,
qui étaient des imbéciles ou des débiles; il a vu en particulier
un hypospade scrotal qui était manifestement un déséquilibré.
-Magnan a signalé à la Société médico-psychologique deux cas
d'individus, hermaphrodites simples, et qui, au point de vue
intellectuel, étaient des débiles. Moreau (de Tours) a égale-
ment observé un être âgé de douze ans, réputé fille, gaiçon
en réalité, et atteint de débilité mentale. Christian, Legrand
du Saulle avaient déjà mis en relief l'importance des malfor-
mations génitales (cryptorchidie, hypospadias) sur le déve-
loppement des maladies mentales; Raffegeau, dans sa thèse,
étudie aussi l'influence éliologique de ces malformations
dans la genèse de certaines folies. Il s'agit, il est vrai, dans
ces cas, de folies acquises, qui se développent après la puberté,
lorsque le malheureux porteur de ces lésions comprend et se
préoccupe de la situation sociale qu'elles lui créent; mais on
peut admettre qu'il faut néanmoins une certaine prédisposi-
tion à la folie, et c'est ce que fait observer Raffegeau, qui
conseille aux médecins aliénistes et légistes de considérer
les sujets de ce genre comme des dégénérés et de les traiter
comme tels.
Ce sont surtout MM. Bourneville el Sollier qui ont étudié
la fréquence de la coexistence d'un certain degré de débilité
mentale et de malformations de l'appareil génital; or, parmi
les « anomalies sexuelles des épileptiques et des idiots »,
l'hypospadias à ses divers degrés est une des plus fréquentes :
il a été trouvé dix-sept fois sur 260 sujets, débiles, idiots ou
épileptiques, alors qu'à l'état normal il ne se rencontre guère
qu'une fois sur 300 individus (Rennes et Bouisson); encore ce
chiffre semble-t-il beaucoup exagéré.
Il est donc manifeste que l'hermaphrodisme, même dans
ses formes les plus simples, se complique fréquemment de
déchéance intellectuelle. Il est vrai que certains hermaphro-
dites ont été trouvés intelligents, actifs et laborieux; mais
tous seraient déséquilibrés par quelque point : ce seraient des
impulsifs, les uns mélancoliques jusqu'au suicide, les autres
maniaques. Chez notre sujet, il est remarquable de voir coïn-
cider une idiotie congénitale à peu près complète avec un
degré d'hermaphrodisme des moins avancés : il n'y avait
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 305
chez lui aucune dépression simulant plus ou moins un vagin
rudimentaire.
Nous devons par conséquent conclure qu'idiotie et arrêt
de développement des organes génitaux se trouvent fréquem-
ment associés chez le même individu, et relèvent d'une cause
unique, la dégénérescence héréditaire.
VII. Bibliographie. - Consulter principalement : 1° F. Guyon.
Vices de conformation de l'urèllhre chez l'homme ('thèse d'agrégation,
18G5) ; 2° S.Pozzi. Traité de gynécologie (1890) ; - 30 liaflegeau.
Du rôle des anomalies congéniales des organes génitaux dans le
développement de la folie chez l'homme (Thèse de Paris, 1884) ;
4° Bourneville et Sollier. Anomalies des organes génitaux chez les
idiots et les épileptiques (in Recherches clin, et thér«p. sur l'épilepsie,
l'hystérie et l'idiotie, 1888 t898) ; - 5° Sollier. Physiologie de l'idiot
et de l'imbécile (Paris, 1891) ; 6° Art. Idiotie, in Dictionnaire ency-
clopéclaque des sciences médicales, par Chambard ; - '7° Art. lIC1'JlW-
phrodisme, in Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, par
Ilermann ; 8° Km. Laurent. Les Bisexués (Gynécomastcs et ller-
mup/H'odttf) (G. Carré, 1894, Paris) ; - 0° EL surtout le petit ouvrage
si instructil' de notre savant maître, le Dr Debierre (de Lille) : <'/7er-
mapl ! 1'odisme (J.-B. Baillière, 1891, Paris).
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
XVI. Une observation de pseudo-tabes; par le De \'Aux. (Union
médicale du Canada, nu 5, 1899.)
Communication au Comité d'Etudes de l'Université de Montréal,
avec présentation du malade guéri. Très fine observation clinique
sur un cas diagnostiqué tubes par un professeur anglais de neuro-
logie. Le malade vint trouver l'auteur, avec ce diagnostic découra-
geant et l'afliimation que la médecine ne pouvait rien faire pour
lui. Un examen 'minutieux décelait chez lui sept signes évidents de
tabes : 1° signe de Bomberg; 2° signe de Wesphal; 3° crises gas-
triques ; 4° douleurs fulgurantes; 5° engourdissement, fourmille-
ments, dérobement des jambes; 6° démarche ataxique; 7° défail-
lance génitale graduellement progressive. La recherche des
commémoratifs permettait de nier toute hérédité nerveuse', et
d'éliminer au point de vue personnel toutes les intoxications, la
syphilis et les traumatismes. Le bilan des antécédents comprenait
seulement : rougeole, variole, rhumatisme inflammatoire, inconti-
nence d'urine dans l'enfance, épistaxis dans l'adolescence, existence
Archives, `3e séné, t. YIU. ;0
306 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
très ancienne d'un point douloureux au creux épigastrique. Mais le
D1' Valin se tenait au courant des travaux de Charcot et de ses
élèves, et il pensa de suite à l'existence d'un pseudo-tabes hysté-
rique. Il rassura son client et lui déclara qu'il pensait pouvoir
l'améliorer et peut-être le guérir, et puis il le soumit à un traite-
ment électrique par les bains statiques biquotidiens. Dès les pre-
mières séances les symptômes tabétiques disparurent; au bout t
d'un mois de traitement le malade était complètement rétabli.
Depuis un an sa guérison se maintient complète.
« Vous savez, messieurs, dit l'auteur, combien nos confrères
anglais négligent tout ce qui ne sort pas de leur pays. Pour moi,
c'est avec un grain de science que j'ai pu en remontrer à un pro-
fesseur beaucoup plus savant que moi, et ce grain de science me
vient de France ». R. CnAMN.
XVII. Maladies du sympathique; par B. ROBERT,
(revissa de 111edicina y ccrugia, n° 553.)
On ne recherche pas assez en pathologie l'état des fonctions du
sympathique; il ne suffit pas de reconnaître l'importance du rôle
qu'il joue dans la migraine, l'hémiatrophie faciale, la maladie de
Basedow, la pseudo-hypertrophie musculaire, l'asphyxie locale.
Pour bien d'autres maladies des perturbations viscérales instables
et non rattachables aune lésion des organes intéressés doivent
faire porter les recherches vers la chaine ganglionnaire. Combien
de phénomènes cutanés, rénaux, hépatiques, oculaires, cérébro-
spinaux, etc., simulent des troubles organiques définis des viscères
correspondants ! Mais ces phénomènes qui disparaissent plus ou
moins subitement n'ont d'autre cause qu'une ischémie ou une
hyperémie capillaire locale, ou tout autre trouble plus intime
encore de l'innervation sympathique. Devant ces perturbations
dynamiques, on a trop vite fait de prononcer le mot d'hystérie
ou d'hystérisme sans approfondir plus avant. Certains signes
pourraient cependant différencier ce qui relève des troubles sym-
pathiques de ce qui appartient à l'hystérie pure. La thérapeutique
n'est pas univoque devant ces deux cas. Dans le premier, les agents
physiques, les médications analgésiques, vasculaires, bromurées
sont actives; inertes dans le second elles cèdent le pas aux moyens
suggestifs sans effet dans le premier. F. 1301SSIER.
XVIII. Note sur un cas de zona du nerf trijumeau (branche ophtal-
mique de Willis et nerf maxillaire supérieur) ; par le Dr VILCOQ.
(.%0211·lz. de Neurologie, 1899, n° 1.)
XIX. Sur un cas de psycho-esthésie ; par E. GUTIIRIE.
(Brain, LXXVII et L1V11L)
Il s'agit d'un épileptique de cinquante-deux ans, éprouvant la
- REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 307
sensation d'un courant d'air glacé sur la cuisse pendant les mou-
vements, toutes les sensibilités étant normales d'ailleurs, sauf une
hyperesthésie pour la sensation de froid. L'auteur fait à cette
occasion une revue complète des travaux relatifs 1l ce phénomène
et conclut à la syringomyélie ou à quelque lésion obscure de
l'écorce comme origine. F. B.
XX. Un cas de paralysie d'origine saturnine; par M. Sano.
(JOli1 ? de Neurologie, 1899, n° 5.)
Il s'agit d'un homme de quarante-deux ans, qui au septième
jour d'une scarlatine, fut atteint d'une paralysie progressive des
deux membres supérieurs, précédée de douleurs et accompagnée
de troubles de la sensibilité, d'atrophie musculaire et de réaction
de dégénérescence. Tous ces accidents rétrocédèrent peu à peu,
sans toutefois disparaître complètement. L'auteur incline à penser
qu'il a eu affaire dans ce cas à une polynévrite infectieuse du plexus
brachial, sans toutefois exclure la possibilité de lésions poliomyé-
litiques. G. D.
XXI. Insuffisance nasale hystérique ; par M. Lermoyez.
(Presse médicale, 25 janvier 1899.)
L'insuffisance nasale affecte habituellement l'un des deux modes
suivants : ou bien elle est objective et réelle, et dans ces cas, les
sujets qui en sont atteints, présentant une imperméabilité nasale
due à une tumeur adénoïde, à une déviation de la cloison ou à
toute autre cause, respirent exclusivement par la bouche, souvent
sans en avoir conscience ; ou bien elle est subjective ou fausse, le
nez étant en réalité perméable, mais le sujet, par une illusion res-
piratoire ou par interprétation vicieuse inconsciente d'un état anor-
mal de la muqueuse pituitaire, se plaignant d'nne dyspnée nasale
purement imaginaire. M. Lermoyez en a observé un troisième
type, qu'il n'a trouvé décrit nulle part, dans lequel les fosses
nasales étaient libres et, cependant, tellement imperméables à
l'air que, la bouche seule étant maintenue close, l'asphyxie se
produisait par apnée absolue. La jeune fille chez qui il a constaté
cette insuftisance nasale, n'avait jamais pu respirer par le nez
depuis son enfance, par suite d'une obstruction nasale produite
par un vice de conformation des cornets inférieurs. La résection
de la tête de ces cornets rétablit la perméabilité des fosses nasales
et du pharynx nasal ; mais, deux mois après l'opération, M. Ler-
moyez constata la persistance de l'impossibilité de respirer par le
nez, de renifler et de se moucher. Il pensa d'abord qu'il se trou-
vait en présence d'une dyspnée nasale imaginaire et que si la ma-
lade persistait à tenir la bouche ouverte, c'était par difficulté de se
défaire d'une habitude vicieuse datant de l'enfance ; mais l'occlu-
308 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
sion de la bouche seule produisant l'apnée complète, il dut reje-
ter cette hypothèse. Il s'assura aussi que cette impossibilité de
respirer par le nez ne tenait pas à un spasme fonctionnel du voile
du palais, et, ayant éliminé toutes les causes d'insuffisance nasale,
il en arriva à penser qu'il avait affaire à un trouble d'ordre psy-
chique et à soupçonner l'hystérie. Il reconnut alors l'existence
latente de cette névrose, attestée par les signes suivants : anesthé-
sie à tous les modes de sensibilité et presque généralisée à toute
la surface du corps et des muqueuses, rétrécissement du champ
visuel; perte du goût et de l'odorat, disparition de la perception
crânienne des sons. La nature hystérique de cette insuffisance
nasale a été confirmée par la constatation de ce fait, que, l'apnée
consécutive a la fermeture de la bouche, tenait, non à l'occlusion
de cette cavité, mais à l'immobilisation du thorax réalisée aussi-
tôt automatiquement par la malade elle-même. L'occlusion simu-
lée, mais incomplète de la bouche, produisait d'ailleurs, comme
l'occlusion parfaite, l'apnée absolue ; de plus, la nuit, la malade
dormait la bouche close, sans manifester pendant son sommeil le
moindre signe d'insuffisance nasale.
Ce fait peut être rangé parmi les aboulies motrices systématisées
permanentes; on sait que les aboulies motrices respectent les
mouvements physiologiques, respiration, digestion, etc., et frap-
pent surtout les actes volontaires, intentionnels, ou les actes nou-
veaux ou nouvellement appris, exigeant une synthèse musculaire
qui, pour être correctement exécutée, a besoin d'une certaine
attention. La malade observée par M. Lermoyez semble déroger à
cette règle, mais cette dérogation n'est qu'apparente : le nez de
la malade ayant été obstrué réellement pendant une longue
période de temps, la respiration nasale constituait en réalité, pour
elle, une fonction physiologique nouvelle, dont elle devait apprendre
à se servir. A raison de l'hystérie, elle a été incapable de l'effort
d'attention et de volonté nécessaires pour réaliser la mise en train
de cette nouvelle fonction; elle s'est ainsi conformée à la règle
qui veut que la volonté des hystériques se trouve principalement
impuissante vis-à-vis des actions musculaires où se rencontre quel-
que nouveauté des mouvemeuts. A. Fenaykou.
XXII. L'alcoolisme avant l'alcool; par M.' A. DLLpFUCu. (Presse
médicale, 3 décembre 1898.)
L'alcoolisme n'est pas né d'hier, comme son nom, et les méde-
cins les plus anciens dont nous connaissons les oeuvres (llippocrate,
Erasistrate, Rufus Soranus, Galien, Arétée, etc.), ont vu et décrit
les divers accidents que l'abus du vin peut provoquer chez l'homme.
Parmi ces accidents, M. Delpeuch mentionne spécialement la cir-
rhose alcoolique. Le fait que cette maladie existait longtemps avant
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 309
la découverte de l'alcool paraît à l'auteur un des arguments les
plus solides que l'on puisse apporter à l'appui de l'opinion émise
par Lancereaux; à savoir que, de toutes les boissons alcooliques,
c'est le vin qui doit être le plus particulièrement incriminé dans la
cirrhose alcoolique. A. IEa.wnou.
XXIII. Contribution à l'étude de la névrite ascendante ; par
M. G. Marinesco. (Presse médicale, 23 novembre 1898.)
L'auteur rapporte l'observation d'une femme qui a été atteinte
de névrite ascendante du nerf sciatique, produite par une infection
streptococcique. L'examen histologique de ce nerf, de ses racines
et de la moelle épinière a révélé l'existence des lésions suivantes :
Au niveau de la zone d'infection, le nerf présentait : 1° des alté-
rations interstitielles, consistant dans l'infiltration de sa capsule,
du tissu conjonctif interfasciculaire et de la gaine lamelleuse des
faisceaux nerveux par des streptocopes et des leucocytes; 2" des
altérations vasculaires (envahissement de la gaine externe des
artérioles et des veines par les mêmes éléments) ; 3° des altéra-
tions parenchymateuses (tous les degrés de dégénérescence de la
fibre nerveuse, depuis la tuméfaction légère du cylindre-axe jus-
qu'à la fragmentation et l'atrophie de ce filament). Au-dessus de
la zone d'infection, l'envahissement microbien diminuait progres-
sivement et finissait par disparaître, mais l'infiltration leucocytaire
persistait dans la gaine des faisceaux nerveux, dans lestravées
conjonctives intra et iuterfasciculaires et dans la tunique externe
de certains vaisseaux. Dans la moelle les lésions localisées au-
dessous de la IVe lombaire, du côté correspondant au membre
malade, étaient également asculaires, interstitielles et parenchy-
mateuses. Il existait une infiltration leucocytaire de la gaine
externe de ramifications vasculaires irriguant surtout la corne
latérale et le groupe postéro-externe de la substance grise; on
constatait aussi la présence de nodules interstitiels formés de leu-
cocytes et des cellules névrogliques. Nulle part, dans la moelle,
il n'y avait des microbes. Les lésions des cellules nerveuses, loca-
lisées principalement dans la corne latérale, étaient plus ou moins
prononcées ; elles allaient de la tuméfaction légère du cytoplasma
avec migration du noyau jusqu'à l'atrophie de la cellule. Parmi les
cellules altérées, les unes, celles qui se trouvaient près des grands
foyers d'infiltration vasculaire, étaient tuméfiées, augmentées de vo-
lume, surtout dans le sens d'un diamètre, avec noyau plus ou moins
central et chromatolyse plutôt centrale; d'autres, surtout celles
siégeant le plus loin de ces mêmes foyers vasculaires, présentaient
des altérations rappelant tout il fait le type des lésions décrites par
M. Marinesco sous le nom de lésions secondaires.
D'après l'auteur, les lésions du nerf dans la zone d'infection
310 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
sont dues en grande partie aux masses considérables de microbes
infiltrés dans ses éléments interstitiels. Mais les produits toxiques
de ces microbes, les toxines, se propageant de proche en proche
jusque dans la moelle, ont donné naissance aux lésions vascu-
laires, interstitielles et parenchymateuses constatées dans la partie
supérieure du nerf et dans son centre médullaire. Cette propaga-
tion s'est faite directement par les voies lymphatiques. Les lésions
parenchymateuses du nerf ont elles-mêmes réagi à distance sur
les centres nerveux, déterminant ainsi des lésions cellulaires
secondaires qui ont été constatées à côté des altérations parenchy-
mateuses primitives.
M. Marinesco pense avoir démontré que la conception analomo-
clinique de la névrite ascendante est absolument fondée. La cause
la plus fréquente, sinon l'unique, est une infection locale, infection
qui n'a pas grande tendance à la diffusion. Les agents de l'infection
se propagent, grâce aux espaces lymphatiques du nerf, de proche
en proche, jusque dans la moelle épinière, c'est-à-dire qu'à la phase
névritique vient s'ajouter la phase médullaire. Toulefois la des-
truction d'un certain nombre de fibres nerveuses par le microbe et
ses toxines, détermine, dans certains cas, une répercussion sur le
centre, avant même que la substance toxique se soit propagée à la
moelle. Si, au contraire, il s'agit de poisons très diffusibles, les
lésions centrales seront très accusées, avant même qu'il existe des
lésions manifestes dans les nerfs. A. Fenayrou.
XXIV. Atrophie musculaire et osseuse du membre supérieur droit,
consécutive à des traumatismes violents et multiples ; par
SAi3R.zÈs etMARsY (nous. Iconogr. de la Salpélriène, n° 2, 1899).
XXV. Le tabes labyrinthique ; par P. l3owEn. (I\ro2tv. Iconogr. de
la Sctllrc7lrière, n° 2, 1899.)
Dans la description de cette affection à manifestations si
variables, les observateurs tendent naturellement à établir des
variétés fixées par la prédominance des symptômes cliniques :
tabes dorsalis, tabes supérieur. L'auteur trouve ces expressions
impropres et trop vagues, mais il ne serait pas mauvais de carac-
tériser les formes par un symptôme dominant, et résultant nette-
ment d'une lésion métamérique bien déterminée. Le symptôme
labyrinthique (signe de liomberg, difficulté de la marche dans
l'obscurité, surdité, bourdonnement, vertiges, etc.), dû à la lésion
de la plus grosse, la plus active, la plus importante, la plus vigi-
lante des racines spinales postérieures, qui ne fait que rarement
défaut dans le cortège symptomatique du tabes, et souvent se
manifeste dès le début de l'affection, mérite à ces divers titres de
servir à désigner la forme ou la phase du tabes dans laquelle se
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 311 1
manifestent particulièrement les troubles du labyrinthe. L'impor-
tance de cette spécialisation reconnue, peut conduire dans la pra-
tique, à des pronostics et diagnostics à longue portée permettant
d'éviter des interventions locales au moins inutiles.
R. CHAI\ON,
XXVI. Incontinence d'urine d'origine hystérique ; par P. Rivant.
(Vouv. Iconog. de la Salpèlrière, n° 2, 1899.)
XXVII. Étiologie et fréquence de la méningite sporadique suppurée;
par L. Napoléon Boston (de Philadelphie). (Médical 1\'ews,
mai 1899.)
Cette étude repose sur la statistique des autopsies de l'hôpital
de Philadelphie d'avril 1894 à octobre 1898. Dans cet espace de
temps, 80 cas furent observés qui se décomposent comme suit :
312 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
XXIX. Manifestations larvées de l'épilepsie; par SAUGER Unown.
. [Médical Record, avril 1899.)
Cinq observations... L'auteur signale entre autres les migrai-
nes, céphalalgies, cauchemars, comme des équivalents possibles
de la crise comitiale.
XXX. Un cas de spasme avec contraction hémiplégique sans
paralysie; par Gmnaccn Stewart. (British med. Journal, jan-
vier 1899.)
L'ancienneté de la contracture a produit une déformation per-
manente de la main et du pied (photographies et radiographies).
Le malade est un homme robuste d'âge moyen. L'auteur estime
qu'il y a une lésion au niveau de la couche optique, tout en
admettant la possibilité d'altérations corticales. Le traitement
employé fut l'iodure malgré l'absence d'antécédents spécifiques.
La suggestion hypnotique fut tentée sans le moindre résultat.
A. M.
XXXI. Sclérose en plaques. - Clinique du P1' de Rrnzi. (1'coua
Riuislc clinico therccp., n° 3, 1899.)
A l'occasion d'une observation de sclérose en plaques le maitre
fait ressortir toute l'importance que présentent pour lui au point
de vue diagnostic, les phénomènes spasmodiques des muscles des
membres, le tremblement qu'il attribue à une lésion des cellules
motrices cérébrales ou tout au moins du faisceau pyramidal intra-
cranien, les vertiges. Ces symptômes présenteraient une fréquence
et une fixité bien supérieures il d'autres signes comme le nystag-
mus et les troubles.de la miction et de la défécation. R. C.
XXXII. Sur les hémichorées ; par La Riva. (Académie de médecine
de Jladrid.)
Deux cas types d'hémichorée essentielle chez des enfants de
quatorze et quinze ans ne présentant pas trace d'hystérie, sans
aucune hémiplégie ni parésie et dont la marche évolutive a suivi
jusqu'à la guérison la marche inverse des chorées post ou pré-
hémiplégiques inspirent à l'auteur les remarques suivantes. La
chorée ne serait pas une névrose forcément généralisée à l'en-
semble du système nerveux, mais une névrose cérébrale pouvant
même n'intéresser qu'un seul hémisphère et dont le siège est en-
core douteux. Ce que l'on sait de l'anatomie pathologique des
hémichorées pré et post hémiplégiques : lésion de la partie posté-
rieure de la capsule interne affectant la couche optique, pourrait
tendre à chercher de ce côté la localisation de la cause de la cho-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 313
rée ; mais dans les deux cas de La Biva l'absence du signe de
Bechtereew (perte de l'expression réflexe des émotions dans la face
du côté opposé à la lésion thalamique) laisserait supposer que la
couche optique est indemne. Faut-il rechercher dans l'écorce la
localisation choréogène ' ? La question reste posée, en tout cas la
chorée essentielle serait une affection infectieuse du cerveau dont
le siège exact est à trouver (7}et)M<« de medicina y cirugia, na 572).
F. Boissier.
XI.\'111. Le délire dans les fractures du crâne ; par ARE1LZ \.
(Revisla de medicina y cirugia, 576.) .
A la période de commotion succède une période d'anémie aiguë
qui paraît indépendante de toute infection ou phlegmasie du
contenu crânien ; délire aigu. Après cette étape d'acuité survient
peu à peu un syndrome à marche lente en tout semblable à la
confusion mentale. Ces symptômes s'observent surtout dans les
fractures limitées ou propagées aux régions antérieures de la base,
ce qui semblerait devoir faire attribuer un rôle important pour
les fonctions psychiques aux circonvolutions orbitaires. Mais
contre ces conclusions milite l'expérience suivante à savoir qu'une
pression de 20 centimètres de mercure peut être supportée à la
base de deux lobes frontaux pendant un temps très long sans
aucune réaction psychique. F. Boissier.
XXXIV. Deux cas d'épilepsie jacksonnienne ; par II. Bmz.
Il s'agit de deux adultes présentant tout à coup de l'épilepzie
jacksonnienne typique s'établissant rapidement, début à la face,
puis successivement secousses dans les bras, enfin le membre infé-
rieur, pas de cri initial, etc. Recherche des antécédents, syphilis.
Guérison par le traitement mixte. (Revisla. med. cir., 5 î3.)
XXXV. Sur la paralysie diphtéritique ; par Frédéric BATTEURS.
(l31lisle med, Journal, 19 novembre 1898.)
Ce travail a été lu il la British association d'Edimbourg. Il porte
sur un cas de diphtérie où ont été appliquées les méthodes d'exa-
men de Marchi. L'auteur conclut à la probabilité de lésion domi-
nante dans les paralysies diphtériques, consistant en une
dégénérescence de la gaine de myéline des nerfs, dégénérescence
affectant également les fibres motrices et sensitives. A. Marie.
XXXVI. Diagnostic différentiel entre la sclérose en plaques et
l'hystérie ; par Thomas 13UZZ\I\D. (British med., mai 1899.)
L'auteur se borne à quelques remarques sur un certain nombre
314 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
de symptômes (réflexes du genou, anesthésies, contractures). Il
insiste en terminant sur la valeur du signe de Babinski sur le
phénomène des orteils.
XXXVII. Pathologie de la glande thyroïde; par Georges AfuaaAY
et CUIB, (British mcd. Journal, mars 1899.)
Cette étude comprend deux importants articles dans deux numé-
ros de journal et est accompagnée de microphotographies de pré-
paration histologiques de glande thyroïde. Des expériences de
thyroidectomie sur le singe ont permis de reproduire un myxoe-
dème caractéristique (2 photographies). Des déductions théra-
peutiques sur le crétinisme y sont développées avec photographies
à l'appui.
A signaler dans le Médical Record d'avril 1899 une étude
d'Hamilton sur les applications au traitement de la folie des
extraits des glandes thyroïdes et surrénales. A. Vigouroux.
XXXVIII. Syringomyélie; par CARSLAW (de Glascow). (British med.
Journal, décembre 1898.)
L'intérêt principal de ce cas consiste dans la distribution
spéciale des anesthésies, au froid et à la douleur. La dissociation
des sensibilités est généralisée. A. M.
XXXIX. D'un remarquable état de sommeil pathologique;
par F. Holzinger. (Neurolo. Centralblatt, XVIII, 1899.)
Il s'agit d'un homme de soixante ans, de la tribu de l'Oromo
dans le Choua (Ethiopie) qui, à peine assis(accroupi)se met dormir
profondément. Un appel ou un léger contact le réveille et il ouvre
les yeux comme effrayé, comme s'il sortait d'un profond sommeil.
Il dort ainsi au besoin toute la journée, sans demander à manger,
dès qu'on le laisse tranquille et se laisse d'ailleurs réveiller très
aisément. Il dit qu'il n'a rien autre chose que de se sentir conti-
nuellement fatigué, depuis deux ans. Le mouvement seul le tire de
cet état, sans l'en débarrasser. En revanche, la nuit son sommeil
est agité ; il a des visions d'une foule de gens autour de lui, aux-
quels il se met à parler sans en recevoir de réponses, il s'aperçoit
alors que ce sont des visions, prend peur et se met il crier. 11 se
croit possédé du malin esprit, empoisonné par ses ennemis, du
moins est-ce de sa part une supposition basée sur une croyance
populaire : syphilis légère ; jamais de maladies antérieures ni de
blessures. Quelque peu alcoolique, le malade ne se rend pas lui-
même compte s'il a la nuit rêves ou hallucinations vraies; il les
corrige il est vrai, mais elles reviennent toutes les nuits, et parfois
plusieurs fois la nuit; raison de plus pour qu'il croie aux sorciers.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 315
Il s'agit en réalité non d'une narcolepsie (attaques de sommeil)
mais d'une somnolence permanente; d'une léthargie d'Afrique,
décrite par Gowers d'après Gore, Gulrin, Mac Corthy. Il n'existe
ni épilepsie ni hystérie. P. Keraval.
XL. Des paralysies faciales récidivantes ; par M. UKRKuRDT.
(Nelll'olog. Cenlralbl., XVIII, 1899.)
11 s'agit des paralysies faciales périphériques survenant à plu-
sieurs reprises chez le même individu. L'auteur classe ses obser-
vations, donne neuf faits nouveaux, et dresse un tableau de 60 cas
personnels avec analyses correspondantes.
Conclusions. - 1° Elles représentent 7 p. 100 des paralysies
faciales; 2° Les hommes en paraissent plus fréquemment
atteints que les femmes; - 3° La récidive a lieu aussi bien avant
l'âge de vingt ans qu'après l'âge de cinquante ans, mais la plus
grande fréquence est entre vingt et cinquante ans. C'est aussi )'àge
des paralysies faciales périphériques; - 4° Le récidive a lieu soit
bientôt (quelques semaines) après la première paralysie, soit bien
des années après; '.i° Une seconde récidive ne se produit jamais
avant qu'il se soit écoulé un an ; c'est généralement au bout de
cinq ans, rarement sept ans; - 6° Le côté atteint par la première
paralysie n'est pas fréquenté par les récidives, mais il n'y a de
règle ni pour le côté pris par la première atteinte, ni pour les
récidives subséquentes; - 7° I.a plupart des observations témoi-
gnent d'une seule récidive; plus rarement il y a une seconde
récidive ; encore plus rares sont les troisième et quatrième réci-
dives ; - 8° Chez l'homme une seule récidive est plus fréquente
que chez la femme; 9° Une seconde récidive est plus fréquente
chez la femme que chez l'homme; - 10° Une seconde et une
troisième récidives ont lieu à égalité de fréquence chez l'homme
et chez la femme; 11° Les premières récidives constituent dans
la pluralité des cas des formes plus graves de paralysie (électri.
quement parlant) due les premières paralysies; 12° Un certain
nombre de paralysies faciales récidivantes (10 p. 100 à peu près)
dépendent d'inflammations chroniques ou de suppurations de
l'oreille moyenne, ou encore de lésions pathologiques de la base
du crâne. Dans ce cas, la récidive parait toujours occuper le coté
atteint à l'origine; 13° Une autre catégorie de paralysies
faciales récidivantes est formée par celles qui surviennent chez les
syphilitiques (6,6 p. 100), sans qu'on puisse dire que la syphilis
joue un rôle dans l'espèce; - HO Une troisième catégorie est celle
des paralysies faciales des diabétiques (5 p. 100); - 15° Une qua-
trième est constituée par les paralysies faciales des nerveux ou
héréditaires prédisposés (13,3 p. 100); - 16° Il reste 66,6 p. 100
de cas où on n'a pu constater les causes précédentes; - 17° Les
316 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
hypothèses de Despaigne, Philip, et autres, relatives à la structure
anormale des os du crâne et de la face chez les héréditaires et
prédisposés congénitaux, ne s'appliquent pas à la majorité des cas
de ce genre; - 18° L'origine infectieuse ou toxique des paralysies
faciales périphériques est très admissible mais non prouvée;
19° Une première atteinte de paralysie faciale confère-t-elle l'im-
munité ? La récidive si fréquente des maladies infectieuses de la
gorge et en particulier des amygdales inspire à cet égard un
doute d'autant plus justifié qu'une affection de l'oreille moyenne
et, par suite, du facial, est bien souvent amenée par une propaga-
tion du processus infectieux par la voie des trompes ; 20° Nous
n'avons donc point d'explication satisfaisante applicable à la plu-
ralité des cas de répétition d'une paralysie faciale périphérique
chez le même individu. P. 1\ ! : RA VAL,
XLI. Névralgie du trijumeau d'origine traumatique; par H \SClI.
V : cl1t1',ilbl. f. Nervcl1heill." XXI, N. F. IX, 1898.)
Il s'agit d'un forgeron qui pendant son travail a reçu sur le bord
supérieur de 1 orbite gauche un moine de quelques livres qui s'est
échappé du manche. Il y a eu lésion des parties molles, un peu
d'étourdissement. sans perte de connaissance. Quelques plaques
de pemphigus aigu sont survenues deux semaines après l'acci-
dent sur tout le terriloire du nerf atteint. Ce cas de névralgie
traumatique avec trouble trophique, rappelle à l'auteur une obser-
vation de psychose réflexe issue d'une cicatrice très gonflée, et
douloureuse, exactement située au niveau du trou sus-orbitaire,
Quelques semaines après l'excision de la cicatrice qui, d'ailleurs,
guérit le malade d'une psychose grave, datant déjà de près d'un
an, s'installait une furonculose assez incommode oècupant le ter-
ritoire de la peau innervée par le nerf et qui récidiva pendant assez
longtemps. P. KEil.H.\L.
XLiI. Contribution à la casuistique de l'astasie-abasie; parL. GOLD-
STEI,4. (l;enhcc(Gl. f. 1'emcvlccill ? XXI, N. 1 ? IX, 1898.)
L'auteur serait tenté de regarder l'astasic-abasie comme un
complexus symptomatique purement hystérique, de même que
Charcot. Un voici un cas qui rentre aussi dans l'hystérie. Il n'a
pas d'autre particularité que d'appartenir la forme pleinement
pure, typique. Il s'agit d'une vieille fille de trente-trois ans. Quoi-
qu'on ne pût découvrir aucune tare héréditaire, aucun stigmate
hystérique, le mutisme, les diverses sensations qu'elle éprouve, et
tout son air, indiquent l'hystérie. Cette astasie-abasie persistante
(elle dure depuis quatre ans), est une forme paralytique, à carac-
tères hystériques, elle a résisté parce que la malade a changé bien
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 317
souvent de médecins. « Nous lui suggérons, dit M. Goldstein, que
ceitainement l'électrisation la fera marcher et se tenir debout
dans cinq semaines, et lui fixons le jour; car le traitement lui don-
nera les forces nécessaires dans les jambes. Et c'est ce qui arrive.
Elle quitte le ht et se met à marcher comme un petit enfant à ses
débuts. Puis sous notre oeil, l'amélioration progresse graduelle-
ment ; sous l'influence des encouiagements, la voilà qui, quelques
semaines plus tard, descend l'escalier de son logement situé au
troisième étage. Deux mois après le début du traitement elle
nous rendait visite. » P. Keraval.
1LIII. Contribution au diagnostic électrique des paralysies de
l'oculomoteur commun; par J.-K.-A. WEIlTIIEIll-SALOMONSON.
(Neurolog.Centralbl., XVII, 18C8.)
1° Les muscles de l'oeil sont dits inaccessibles à l'examen électro-
diagnostique (C. Erb. ; Remah, Ilirt). Ziemssen indique qu'il a pu
chez les animaux provoquer, par l'excitation électrique, la con-
traction de l'iris. Mais on n'a point fait d'essais sur ce sujet chez
l'homme, dans les paralysies de l'oculomoteur commun. Pansier
(Electrothérapie oculaire, 1896) ne parle pas de l'examen électro-
diagnostique des muscles de l'oeil ; - 2° La cause de l'absence
de locomotion apparente du globe de l'ceil, quand on excite
les muscles de l'oeil par l'électricité, tiendrait, pour la plupart
des auteurs, il la faible résistance à la conductibilité électrique
du globe de l'oeil. La plupart des ondes du courant traver-
sent le globe, de sorte qu'une quantité infinitésimale seule en
atteint muscles et neifs. En vain excite-t-on les muscles à leur
insertion, après cocaïnisation de la conjonctive (procédé d'Eulen-
burg), on n'obtient pas d'excursion apparente du globe malgré
l'emploi d'un courant doué d'une force et d'une densité considé-
rables, de 0,50 milliampère,. malgré l'usage d'électrodes ayant
0,50 centimètre de surface. On devrait aller à 1 et 1,5 milliampère
pour atteindre le but, mais on risquerait de léser la rétine
(Ducbenne) ; - 3° Mais il est un muscle qui, en certaines circons-
tances, est accessible à l'excitation électrique percutanée, directe.
C'est l'élévateur de la paupière supérieure. Chez les individus nor-
maux il n'est excitable ni par le courant galvanique, ni par le
courant faradique ; non plus, chez les individus atteints de para-
lysie faciale périphérique. Dans le cas de blépharoptose paraly-
tique, il est parfois excitable, mais rien que par le courant
galvanique, à la condition, suivant les patients et les moments,
que ce courant ait une force de 0,03 à 1,4 milliampère^. Le point
excitomoteur git à quelques millimètres au-dessous du bord de
l'orbite et au milieu de celui-ci, c'est-à-dire au-dessous du point
le plus élevé du bord de l'orbite. L'électrode nécessaire, ronde, en
318 S REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
forme de bouton mesure 5 millimètres ; on la revêt de cuir ou de
flanelle. Il faut qu'on procède aux fermetures du courant à l'appa-
reil électrique et non sur le manche de l'électrode, sous peine de
croire à une contraction tandis qu'on déplace presque inévitable-
ment l'électrode. Mais on peut conserverie manche ordinaire parce
que l'électrode doit être fixée de la main gauche libre; 4° La
section d'un nerf moteur est suivie des phénomènes connus de la
réaction dégénérative, telle la modification de l'excitabilité galva-
nique directe qui apparaît déjà nettement dès le douzième jour.
On observe alors des contractions lentes ; quelques jours plus tard
elles se montrent sous l'influence d'un courant dont la force est
étonnamment faible. Ce qui a lieu pour tous les nerfs moteurs a
lieu aussi pour l'oculomoteur commun. Sa complète séparation
entraîne une exagération de l'excitabilité galvanique directe des
muscles innervés par celui-ci au bout d'environ trois semaines.
Et c'est pourquoi, à cette époque, l'élévateur se contracte tout à fait
lentement quand on pratique l'excitation galvanique directe au
point désigné supra. M. W... ajoute avoir observé des contractions
de l'élévateur dès le seizième jour après la production d'une para-
lysie de l'oculomoteur, que probablement il eut pu constater dès
le quatorzième jour. Il importe de se servir d'un courant de 1,2 mil-
liampère, dans la force duquel on n'est limité que par l'apparition
de contractions dans l'orbiculaire des paupières. A partir du qua-
torzième jour on peut diminuer la force du courant ; le vingt-cin-
quième jour un courant de 0,03' milliampère, fourni. par trois
éléments, produit la contraction minima. Fermez à la cathode et
vous avez le plus aisément du monde une contraction. Des cou-
rants plus forts se traduisent par une contraction à l'ouverture à
l'anode. Quelques jours plus tard apparaît aussi une contraction
à la fermeture de l'anode; elle est déjà bien plus forte que la con-
traction à l'ouverture de l'anode et peut être, encore plus tard,
produite au moyen d'une même intensité de courant que celle
qu'exige la fermeture à la cathode, iia U te est assez difficile à
obtenir et exige 1,4 milliampère. 5" Le reste de l'évolution cor-
respond, dans les divers cas, a l'évolution de la paralysie. Dans
les cas de moyenne gravité, l'excitabilité diminue très prompte-
ment avec l'apparition de la guérison. Dans les cas graves, l'excita-
bilité de l'élévateur subsiste assez longtemps. Au bout de huit mois
on parvient encore à produire des contractions, mais elles devien-
nent graduellement plus faibles et ne peuvent, en dernier lieu,
plus être obtenues, même avec les plus forts courants utilisables
de 1,4 milliampère; -' GO Les contractions sont toujours d'une
lenteur distincte, mais pas aussi lentes qu'on le voit dans les para-
lysies périphériques. La durée d'une contraction maxima est de
0,50 seconde le vingt-cinquième ou le trentième jour, c'est-à-dire
pendant la période d'excitabilité maxima. L'excursion de la pau-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 319
pière supérieure est, au début, très faible et ne comporte que des
fractions de milimètre. Plus tard elle augmente et peut atteindre
3 millimètres. '7° On peut obtenir des contractions de l'éléva-
teur dans les cas de-moyenne gravité et dans les cas graves de
paralysie périphérique de l'oculomoteur commun. Dans les cas
légers on ne peut produire de contractions quand la maladie dans
son ensemble a une durée de six semaines. Dans les paralysies
nucléaires et fasciculaires de l'oculomoteur commun on devait
à priori s'attendre à une excitabilité de l'élévateur correspondant
à la réaction dégénérative. Les faits n'ont pas confirmé cette pré-
vision ; en aucun cas de blépharoptose produite par une paralysie
fasciculaire ou nucléaire, il n'a pu être obtenu de contraction de
l'élévateur. Pas de contraction non plus dans un cas de blépha-
roptose congénitale. Aucune réaction, dans un cas de paralysie
de l'oculomoteur commun récidivante, malgré le développement
graduel d'une parésie permanente. (Voy. Psychititi-ische en 1tel ! ru-
logische llladen, 1898) ; 8° L'excitabilité de l'élévaleur de la pau-
pière supérieure est donc probablement un signe de réaction dégé-
nérative dans les paralysies de moyenne gravité et dans les para-
lysies graves de l'oculomoteur commun. La disparition rapide de
l'excitabilité indique le début de la guérison. L'excitabilité parait
manquer dans la blépharoptose produite par les paralysies
nucléaires et fasciculaires ainsi que dans les paralysies légères et
récidivantes ; - 9° L'impossibilité d'exciter les muscles du globe
de l'oeil doit être déterminée par la tonicité permanente de ces
muscles qui échappent à la détente volontaire du patient, en outre
des conditions défavorables de la résistance à la conductibilité
électrique (Ziemssen). C'est ce qui empêche l'excursion du globe
de l'oeil sous l'influence de l'excitation galvanique directe d'un
muscle de l'oeil paralysé. La lenteur indubitable de la contraction
ne peut vaincre la tonicité des muscles sains. Cela serait probable-
ment possible si le sujet était plongé dans une profonde narcose
chloroformique. C'est à voir de près. P. KEKAVAL.
XLIV. Deux cas d'ataxie de Friedreich; par P. Com. (Neurolog.
Centrulbl. XVII, 1898.)
Chez deux frères de onze ans et de treize ans et demi on cons-
tate une forme progressive caractérisée par : 1° de l'ataxie sta-
tique et locomotrice, 2° l'absence de réflexes patellaires et achil-
léens, 3° l'intégrité de la sensibilité cutanée, 4° des troubles dans
la notion de position, 5° l'intégrité des réflexes vésicaux et rectaux,
6° du nystagmus, '7° un léger trouble de la parole, 8° le pied de
Friedreich. En outre dans l'observation 1 il y a une lésion destruc-
tive chronique des poumons, dans l'observation Il il y a atrophie
du nerf optique. L'ataxie et la simultanéité de la même maladie
320 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
chez les deux frères attirent l'attention en première ligne; les
mouvements convulsifs rappellent bien la chorée infantile mais il
n'en saurait être question. L'auteur passe cependant en revue le
diagnostic différentiel d'avec : la sclérose en plaques, le tabe,
ordinaire ; la syphilis héréditaire ; la paraplégie ataxique de
Gowers; une tumeur cérébelleuse, l'hérédo-ataxie cérébelleuse de
P. Marie. Il ne se croit pas encoie en mesure de décider si, dans
la maladie de Friedreich, il y a, et à quel degré, des arrêts de
développement du cervelet, ni de préciser la localisation patliolo-
logique de la moelle. L'atrophie du nerf optique de l'observation Il
bien que particulière, n'exclut pas l'idée d'une maladie de Frie-
dreich ; c'est une maladie de Friedreich avec atrophie du nerf
optique, voilà tout.
C'est vraiment ici une maladie familiale puisqu'elle atteint deux
membres d'une même famille et tout jeunes (on sait que cette
maladie est rarement directement transmise); le père était un
ivrogne (fait noté par Ladame dans l'espèce). Les deux enfants
ont été atteints de scarlatine; cette maladie a pu exagérer la pré-
disposition à l'ataxie héréditaire et donner le coup de fouet à la
prédisposition latente.
Il est bon d'insister sur les mouvements irréguliers en forme
de tics (de la tête) des deux enfants, et sur ceux (des doigts) qui
rappellent l'athétose et la chorée. Les premiers survenaient seu-
lement dans la station debout ou quand la partie supérieure du
corps était dressée; ils tenaient peut-être à des efforts d'équilibre.
Les seconds apparaissaient déjà au repos (obs. II). 11 faut tous les
rapprocher des mouvements spontanés fréquemment associés à
l'ataxie, inconscients comme ces derniers, à cause des troubles du
sens musculaire.
Traitement. Alimentation reconstituante. Massage. Exercices
compensateurs de Frenkel. P. Keraval.
XLV. Un cas de contracture congénitale avec hypertrophie de l'ex-
trémité supérieure gauche; par S. KAUSCHER. (l'eurolo3. Cen-
lrulûlcatt, \'I1, 1898.)
C'est une contracture congénitale et permanente accompagnée
U'une augmentation de volume des muscles de l'avant-bras et du
bras qui sont durs et fermes, des éminences thénar et hypothénar
plus molle. L'hypertrophie atteint surtout les fléchisseurs et la
région du cubitus. Les os sont aussi un peu épaissis. Une convulsion
tonique permanente tend les interosseux, les longs fléchisseurs
des phalangettes, les fléchisseurs de la main du côté du cubitus.
Cette contracture permanente, en entraînant la flexion des doigts
et de la main, tournée en outre du côté du bord cubital, a aboli
la fonction du long extenseur des doigts. La fonction des muscles
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 321 1
innervés par le radial (long supinateur, triceps, extenseur du
carpe) est restée intacte ainsi que celle des extenseurs du pouce.
Pas d'atrophie visible des longs extenseurs des doigts. Les tendons
de l'extenseur commun des doigts, de l'extenseur de l'index et de
l'extenseur du petit doigt se contractent encore sous l'influence de
forts courants électriques. Il n'y a ni atrophie, ni impossibilité
fonctionnelle des éminences thénar et hypothénar, ce qui indique
une hypertrophie vraie. En un mot, il y a contracture de quel-
ques muscles innervés par le cubital et le médian, intégrité de
l'adducteur du pouce, de l'abducteur, de l'opposant du petit doigt,
du petit palmaire, innervés par le cubital ; dans le domaine du
médian, le fléchisseur sublime et le fléchisseur profond des doigts
sont seuls atteints.
L'hypertrophie atteint et les fléchisseurs contracturés et les flé-
chisseurs de lavant-bras (coraco-brachial, biceps), une partie des
extenseurs tels que le supinateur, l'extenseur radial et l'extenseur
cubital du carpe, peut-être aussi le triceps.
L'auteur insiste sur l'hypei trophie et le fonctionnement spontané
isolé du petit palmaire, en outre de l'influence exercée sur lui,
comme à l'état normal par l'excitation électrique du cubital. C'est
une anomalie physiologique.
La contracture congénitale de ce fait pourrait peut-être être
considérée comme d'origine intra-utérine (voy. le cas de Schuize).
Le diagnostic en est, en tout cas, simple quoiqu'il y ait des points
de contact avec la paralysie infantile cérébrale à forme monoplé-
gique, avec la contracture tardive post-hémiplégique, avec la dys-
trophie musculaire progressive, avec la tétanie et la myotonie,
avec les hypertrophies musculaires du surmenage des athlètes.
- P. KERAVAL.
XLVI. Notice historique relative à l'étude du tétanos céphalique
{tétanos hydropliobique, tétanos facial de Ed1 ? Rose); par M. 13ER;-¡-
iiardt. (7\'eu/'olog, Celltmnlatt, XVII, 1898.)
Edmond Rose, le créateur du type morbide n'a pas eu connais-
sance de la première observation de ce genre de Ch. Bell. Dans
son livre The nervous system of tlze lLtl))LCll2 body, Londres, 1830, on
trouve sous le n° 42 : observation de trismus compliqué de para-
lysie faciale. Elle a passé inaperçue et à Rose (t. VIII de la Chi-
¡'/t/'uie allemande, Stuttgart, 1897) et à Conrad Crunner (expert-
dentelle und lilinische Studietx «60' Tetanus, Tubiugue, 1894). Bell
l'ait remarquer que son observation ressemble à quelques obser-
vations de paralysie faciale locale puisque le malade ne pouvait
fermer l'oeil, mouvoir les lèvres et les joues, mais avec tétanisme
des masticateurs animés par la cinquième paire. Il mentionne un
cas d'hémiplégie faciale également produite par un coup sur la tête,
Archives, 2° série, t. VIII. 21
322 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
mais il repousse l'idée d'une lésion cérébrale, encore plus celle
d'une lésion' du nerf dans son trajet intra-osseux. Le trismus serait
dû, pour lui, à une lésion légère des téguments de la tempe chez
un sujet prédisposé. P. KERAVAL.
XL \11. Contribution à la pathologie des cellules des ganglions spi-
naux ; par 0. JULIUSI3URGER et E. MEYER. (iveuuolog. Centrulblatt,
XVII, 1898.)
1° Examen des cellules des ganglions spinaux dans la région
lombaire d'un idiot de dix-huit ans, mort subitement pendant une
période d'agitation apyrétique ayant duré depuis plusieurs jours.
Autopsie pratiquée quatre heures après la mort. Intégrité des organes
sauf un fort oedème pulmonaire. Durcissement dans l'alcool à 950 ;
inclusion dans la celloïdine. Les coupes sont colorées au bleu de
méthylène de Nissl, ou au vert d'iode additionné de fuchsine basi-
que (fuchsine basique 0,60 - vert d'iode 0,20 - eau distillée 100
- on colore pendant cinq à dix minutes et on décolore dans
l'alcool à 95° ou absolu). Le durcissement au formol et à la liqueur
de Millier et la coloration à la thionine, au rouge neutre, à l'alun
hématique donnent de très belles images.
Les cellules des ganglions spinaux sont entourées d'une capsule
de tissu conjonctif à la face interne de laquelle existe un endothé-
lium à une couche. Cette capsule est en rapport immédiat avec le
tissu conjonctif fibrillaire du ganglion, très développé ici, et carac-
térisé par une richesse nette de noyaux. Nombreuses cellules du
genre des cellules granuleuses, de deux espèces. A. Celles dont le
protoplasme semble diffus, contiennent des dépôts irrégulièrement
disposés de gros grains rouge vif (mélange de fuchsine et vert
d'iode); leur noyau, plus ou moins arrondi, présente de fines gra-
nulations vert bleuâtre. Les granulations protoplasmiques sont
plus nombreuses et d'un rouge qui tire sur le violet dans la colo-
ration à la thionine ; elles sont de couleur ocre, au rouge neutre.
B. Celles dont le protoplasme semble plus cohérent, plus limité,
contiennent des granulations infiniment plus fines, très serrées,
franchement violettes (par la fuchsine), bleues par la thionine,
rouge vif par le rouge neutre. Leur noyau est tout à fait semblable
à celui des cellules A. Dans les deux espèces le protoplasma
lui-même est incolore ; la grandeur des cellules est variable. Ce
sont surtout des cellules de l'espèce,A, qui ont été trouvées dans
le tissu conjonctif des nerfs périphériques, dans les trousseaux
extramédullaires des racines antérieures et postérieures, dans
l'écorce du cerveau; dans l'écorce elles occupaient même le voisi-
nage des vaisseaux et étaient en très petit nombre, à l'inverse des
nerfs et des racines.
Les cellules du ganglion spinal étaient surtout arrondies, quel-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.' 323
quefois allongées ou un peu anguleuses, le corps de la cellule res-
tant, comme à l'état normal contigu à la couche endothéliale. Il
n'y a qu'a confirmer les détails de Lenhossek ; les nuances qu'il a
décrites quant à leur constitution intime, tiennent aux variétés de
grosseur, de disposition, de nombre des « granules et mottes de
substance tigroïde » ainsi qu'à la variété de la constitution de la
substance fondamentale.
2° Examen de deux cas de tabes. Aucune anomalie de la substance
chromatique (Schaffer) ou tigroïde (Lenhossek) pas plus que chez
le jeune idiot qui n'avait présenté aucun symptôme spinal et dont
les cordons postérieurs étaient normaux. Rien non plus dans le
noyau ni le nucléole. Il semblait cependant y avoir davantage de
cellules petites et sombres que de cellules grandes et claires, plus
de cellules anguleuses, que normalement. Aucune multiplication
du tissu interstitiel ni des cellules granuleuses. Mais, de ce qu'il
n'y a pas d'altérations des petits grains et agrégats de petits grains
de la substance chromatique, il ne s'ensuit pas que la lésion du cor-
don postérieur ne dépende point d'un trouble primitif de la cellule du
ganglion spinal. En effet, le processus tabétique est lent. Quelque
opinion que l'on se fasse de la cause spéciale de ce processus, les
cellules des ganglions spinaux peuvent continuer à recevoir de la
périphérie une excitation qu'elles transforment de la manière qui
convient aux cordons postérieurs. Dès que les phénomènes d'exci-
tation normaux sont remplacés par des excitations anormales, la
capacité métamorphique normale de la cellule du ganglion spinal
est modifiée de telle sorte qu'au lieu qu'il se produise une méta-
morphose normale de l'excitation qui, de la périphérie, va à la
cellule, ait lieu une métamorphose anormale qui exerce sur les cor-
dons postérieurs une action nocive. Cette modification de l'activité
de la cellule du ganglion spinal aurait lieu non tout d'un coup
mais par accommodation progressive aux modifications des condi-
tions de la vie. C'est pourquoi on n'y trouve pas d'altérations de la
substance chromatique, qui ne sauraient résulter que de la réac-
tion plus ou moins aiguë de la cellule ou de son défaut d'accom-
modation. Il n'y a donc point d'altération essentielle de la sub-
stance fondamentale qui continue à exécuter sa fonction spécifique.
La modification de forme et le rapetissement de la cellule du
ganglion, s'ils étaient constants, montreraient simplement qu'il y
a lutte des organes à s'adapter aux nouvelles conditions de la vie
et que certains éléments meurent tandis que d'autres survivent et
continuent à prospérer. Rien ne prouve non plus qu'il y ait modifi-
cation primitive de la cellule en question, mais l'absence de lésion
anatomique ne permet pas d'en contester l'existence.
3° Examen d'un cas de paralysie générale. Il s'agit d'un homme
de quarante-neuf ans, ayant eu sept semaines avant la mort, à la
suite d'attaques congestives prédominant à gauche, une hémipa-
324 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
résie gauche persistante. Lésions des cordons postérieurs sem-
blables à celles du tabes sous deux aspects : 1° celui d'un pro-
cessus ancien (atrophie et disparition des fibres, multiplication
du tissu interstitiel) ; 2° celui d'un processus jeune. L'hémiparésie
doit être rattachée à la lésion primitive des cellules pyramidales
des ascendantes. Ce l'ait permet d'admettre que la lésion des
cordons postérieurs émanait d'un trouble primitif des cellules des
ganglions spinaux. P. Keraval.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
XIII. Recherches sur la glycosurie alimentaire dans les maladies
mentales au point de vue des rapports entre la folie et le dia-
bète ; par f3er.LCSmu. Institut psychiatrique de Naples. (Nuala
Rivisla clinico-lerapeut., n°4, 1899.)
Les expériences de Fauteur portent sur 29 malades examinés
dans deux manicomes et appartenant aux diverses formes men-
tales qui s'y rencontrent généralement. Il leur a été administré
par jour 5 grammes de glucose par kilogramme, soit environ
1 gr. 50 de plus que la limite extrême de destruction dont dispose
l'homme sain. Ces expériences très soigneusement .menées con-
duisent aux conclusions suivantes : 1° Les maladies mentales, par
elles-mêmes, ne sont pas capables de diminuer dans l'organisme
le pouvoir de destruction du sucre ; 2° Les convulsions épilep-
tiques, si intimes et répétées qu'elles soient, ne suffisent pas pour
déterminer positivement la glycosurie alimentaire ; 3° La glyco-
surie spontanée, non physiologique, doit être tenue pour un fait
exceptionnel dans les psychopathies ; 4° Elle est fréquemment
simulée par l'augmentation du pouvoir réducteur normal de
l'urine, dû probablement à l'augmentation des substances extrac-
tives éliminées. R. C.
XIV. Un cas de paralysie générale des aliénés chez une enfant; par
John THOllS0N et A. WELSH (d'Edimbourg). (British med. Journal,
avril 1899.)
L'observation se rapporte aune enfant entrée à l'Asile à onze ans
et morte à dix-sept et présentant tousles symptômes de la paralysie
générale. Syphilis congénitale chez quatre frères. L'autopsie con-
firme le diagnostic ainsi que l'examen histologique du cerveau.
A. M.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 325
XV. Symbolistes et décadents ; par le D' BGl-,OFF (de Moscou).
(Gd..IICLDG2LfG2U, 1899.)
L'auteur étudie le décadentisme comme mouvement littéraire
et esthétique récemment passé d'Europe occidentale en liussie.
En raison de ses manifestations bizarres et prétentieuses, l'auteur
croit pouvoir l'envisager comme un phénomène pathologique.
11 ne partage pas l'opinion de M. Nordau qui considère ce
mouvement comme signe de décadence. Il pense que ces ten-
dances mystico-symbolistes forment une réaction naturelle con-
tre le mouvement matérialiste utilitaire de notre fin de siècle.
Le succès de ce mouvement est dû à l'imitation. Les gens bien
portants imitent les malades et ces derniers créent autrement que
nous, justement parce qu'ils sont malades. Pour prouver sa thèse
l'auteur relate la vie de quelques représentants du décadenlisme,
dont presque tous ont été des gens neiveux et malades et dont
le physique porte souvent des stigmates de dégénérescence.
Il termine son exposé par les conclusions suivantes : dans
l'organisation évolutive mentale, le progrès s'opère par stratifica-
tions superposées, lés fonctions dernières venues sont les moins
stables et ne le deviennent qu'avec le temps; malgré leur déséqui-
libration fréquente, les hommes de génie sont en progénéres-
cences et non des névrosés ataviques.
Comme a dit Gladstone, ce qu'on prend pour ruine est la
matière réunie pour l'édifice futur. D. M.
XVI. Du délire dans l'intoxication par l'atropine; par E. DevEn
(Ccnlralbl. f. Nervcnheil/c, XXI, N. 1 ? IX, 1898.)
Homme de cinquante-sept ans, apporté à l'hôpital totalement
privé de connaissance. il y devient très agité. Pupilles extrême-
ment dilatées et insensibles à la lumière, langue tout à fait sèche,
voix enrouée croassante. Désordre complet et confusion des actes;
à ce qu'on lui demande ou à ce que l'on lui dit de faire, il répond
par un mouvement de tête, mais il est impossible d'obtenir de lui
ni l'exécution des ordres qu'on lui donne, ni aucune réponse for-
melle. Mouvements continus mais plutôt doux. Expression du
visage plutôt gaie, très souvent rire fugitif. De temps à autre il se
dispose à parler, mais n'émet que des sons inintelligibles, aux-
quels il ajoute des rires. Il semble parfois qu'il veuille interpeller
quelqu'un, en tournant la tête vers lui, et qu'il se dispose à écou-
ter, mais c'est tout. Deux fois il a uriné involontairement et
inconsciemment. Les pupilles très dilatées, sont insensibles à la
lumière, le visage est très rouge, la langue sèche, ainsi que les
lèvres. Pouls plein, dur, un peu accéléré. Pas de tremblement;
titubation, conservation de l'équilibre. Réflexes patellaires très
32G 6 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
vifs, réflexes abdominaux et crémastériens faibles. Bien de cer-
tain quant à l'état de la sensibilité. L'agitation augmentant vers
le soir. on fait deux injections de morphine, de chacune un centi.
gramme à 8 heures et à 10 heures du soir, qui procurent du som-
meil toute la nuit. Le lendemain matin, forte sueur. Au réveil,
quelque obtusion et quelque agitation dans les mains (mouvements
de préhension); mais il commence à parler, se rend compte de
l'endroit où il se trouve, sans avoir récupéré la mémoire.
Pupilles moins larges, sommeil réparateur pendant la journée et
la nuit suivante. Le lendemain matin, il se réveille tout à fait
valide et lucide.
Il raconte alors qu'occupé dans un [chantier de bûcherons, il a,
vers midi, bu la boisson rafraîchissante habituelle, une sorte d'in-
fusion préparée à l'aide de toute espèce de racines et de plantes.
Tous les travailleurs ont été frappés du goût de ce breuvage qui
les prenait à la gorge ; quelques-uns se sont tout à coup sentis
étourdis. Il en a bu de plus en plus ; plus il en buvait, plus il avait
soif. Il ne pouvait alors plus cracher dans ses mains comme d'ha-
bitude, il éprouvait une sécheresse de la gorge, de plus en plus
pénible, et se sentait comme ivre. Il ne se rappelle plus rien à par-
tir de ce moment. Ce n'est qu'en se réveillant le lendemain matin
qu'il a compris, en voyant les fenêtres grillées, où il était. Il a
guéri : c'était un buveur depuis plusieurs années, mais il n'avait
pas bu plus particulièrement en ces derniers temps,
P. KE1H VAL.
XVII. Des obsessions; par E. MENOEL. (neurol. Ccntral6l.,YVII, 4898).
L'obsession, ou conception irrésistible deWestphal. est une idée
qui s'impose à l'individu, en pleine conscience, son intelligence
demeurant d'ailleurs intacte; cette idée n'a rien à faire avec la
sensibilité affective. Elle résiste à toute tentative d'expulsion de
la part du patient, entrave le cours normal de ses pensées et
les heurte ; il ne cesse d'en reconnaître l'anomalie, la considère
comme un corps étranger auquel il résiste en pleine et parfaite
connaissance, en complète santé mentale.
On a depuis lors appliqué le nom d'obsession à des choses très
différentes. Et le rapport de Rehm au Congrès des naturalistes
allemands (session de Brunswick 1897) le montre nettement. On
ne doit appeler obsession que la sixième espèce de Rehm. En
effet, dans les cas purs, il ne doit y avoir de pathologique que le
fait suivant. Contre la volonté de celui qui en est atteint, prédo-
mine une association de conception qui se trouve en quelque sorte
poussée par un ou deux courants d'idées directeurs, par un ou
deux éléments qui chez l'homme normal sont réduits à un rôle
secondaire, à celui de satellite, comme cela a lieu dans le mécanisme
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 327 7
des contrastes psychiques normaux. La prédominance de ces idées
directrices refoule les autres : c'est ce que Morselli appelle la pa-
ranoïa rudimentaire. Cette expression est assez heureuse, dit
M. Mendel ; en effet dans la paranoïa développée, le point de
départ de la maladie est une association pathologique des idées.
Les éléments associés peuvent, en l'espèce, être parfaitement vrais;
ce qui fait qu'il y a idée délirante, c'est l'intervention d'idées, qui,
d'après les lois physiologiques de l'association des idées, ne de-
vraient pas coopérer. C'est d'autant plus acceptable que quelquefois
la paranoïa rudimentaire aboutit à une paranoïa indubitable ( ? )
P. KERAVAL.
XVIII. Délires menstruels périodiques; par le Dr TRÉNEL. (Annales
de Gynécologie et d'Obstétrique.)
Dans cette monographie intéressante, à plus d'un titre, le
Dr 'l'rénel décrit une forme de délire assez rare et dont la plupart
des traités de pathologie mentale ne parlent qu'incidemment. Il
étudie spécialement ces délires qui se reproduisent d'une façon
périodique au moment des époques menstruelles, l'état de la
malade restant normal dans l'intervalle des accès.
Reste à savoir quelle est la valeur de cet état normal et jusqu'à
quel point nous pouvons le considérer pur de toute manifestation
morbide. C'est là la question : la menstruation exagère-t-clle sim-
plement l'aptitude générale au délire ou bien peut-elle créer ce
délire de toutes pièces ? Krafft-Ebing adopte très nettement la
première opinion ; pour lui dans tous les cas de folie menstruelle
il s'agit d'un cerveau excitable dès l'origine d'une manière anor-
male et qui réagissait déjà d'une façon pathologique dans la
période prémorbide ainsi que dans l'intervalle des accès. Notre
collègue qui possède tous les éléments pour étudier cette question,
étant médecin dans un service de plus de 1.200 femmes, penche
en faveur de la seconde ; c'est du moins ce qui paraît ressortir de
son travail, bien que l'observation très complète présentée comme
type de délire menstruel ne soit pas tout à fait démonstrative. Il
mentionne dans cette observation quatre accès de délire menstruel
et convient d'ailleurs qu'il existe entre eux quelques différences
de détail dont la plus importante est une période intervallaire de
mélancolie continue.
Quoi qu'il en soit, le délire menstruel peut revêtir la forme
maniaque, mélancolique ou hallucinatoire ; souvent il débute
subitement il un moment variable des règles et se termine de
même. Les périodes intervallaires sont lucides en général dit le
D1' Trénel, l'affection est aiguc, subaiguë, prolongée ou chronique.
Elle débute à tous les âges (psychoses menstruelles primordiales,
communes ou climatériques). Son pronostic est relativement
328 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
bénin (08 p. 100 de guérisons) mais elle peut se terminer par la
chronicité, la démence, la transformation en une vésanie continue
vulgaire ou peut-être en une folie périodique vraie. Elle est sus-
ceptible de récidive.
' Quant au traitement, il est essentiellement variable. Dans les
accès maniaques et hallucinatoires les sédatifs et en premier lieu
le'bromure de potassium sont naturellement indiqués ; dans les
accès de forme dépressive et dans les périodes dépressives si fré-
quentes à la suite des accès maniaques il y aura lieu de relever
la nutrition et de surveiller en particulier l'alimentation. L'auteur
fait en outre observer qu'en raison de la courte durée des accidents,
les malades peuvent en général ètre soignés dans leurs familles
ce qui explique, en partie, la rareté relative de ces cas dans les
asiles. De Tiiivet.
XIX. Stupeur mentale intermittente; par le De Noble.
Il se rencontre fréquemment dans les asiles des cas anormaux
qui ne prennent place dans aucun des systèmes de classification
employés : tels sont certains cas de stupeur intermittente.
L'auteur rapporte tout au long un de ces cas de stupeur inter-
mittente à terminaison favorable après un séjour de onze mois à
l'Asile. La transition entre l'état normal et la stupeur ou récipro-
quement était absolument brusque : le même individu qui à dix
heures, par exemple, était plongé dans la stupeur la plus pro-
fonde nécessitant l'alimentation à la sonde, était à dix heures et
demie brillant, gai, plein d'intelligence et d'activité. Les inter-
valles lucides revenaient en moyenne tous les deux jours : le
temps passé en stupeur était prédominant. L'auteur ne se rat-
tache pas à l'opinion qui fait dépendre la stupeur intermittente
d'une disproportion entre l'appareil vasculaire et l'appareil ner-
veux : trop peu de cas de stupeur intermittente ont été observés
et étudiés pour qu'on puisse en tirer une théorie. (The Amel'ican
journal of izzsunlly, avril 1899.) E. Dux.
XX. Syphilis et folie; par le Dl' Collotti.
Dans une étude intéressante, l'auteur passe en revue les diverses
formes de folie qui peuvent tirer leur origine de l'infection syphi-
litique.
Au sujet de la paralysie générale, les opinions sont très parta-
gées. Un premier groupe d'aliénistes estime que la syphilis peut
donner naissance à la paralysie générale ; un second groupe refuse
à la syphilis la possibilité d'être une cause de paralysie générale,
admettant seulement une coïncidence entre les deux affections ; une
opinion intermédiaire considère que la syphilis ne donne pas
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 329
naissance à une paralysie générale vraie mais à une forme men-
tale qui lui ressemble tout en ayant des symptômes différents, une
évolution, une durée, des altérations différentes, la pseudo-para-
lysie générale.
Enfin depuis quelques années s'est produite une dernière théorie
éclectique d'après laquelle la syphilis peut conserver non seule-
ment la pseudo-paralysie générale, mais encore la paralysie géné-
rale vraie. Etroitement unie à l'histoire de la paralysie générale est
celle du Labes.
Sur 100 ataxiques, Beyer a trouvé 20 syphilitiques; Eulenburg,
25 ; Remak, 23; Bernhardt, 6; Erb, 50; Strumpell, 00; ;\Iobiu5,
80, et Fournier, 93.
Depuis les observations de Morgagni ont été publiées de nom-
breuses observations d'épilepsie vraie due à la syphilis. A côté de
nombreux auteurs qui trouvent défectueuse cette appellation de
syphilitiques appliquée à des symptômes qui ne'sont, en fait, que
des réactions du cerveau à l'égard de lésions probablement syphi-
litiques mais qui produiraient les mêmes symptômes si elles
étaient gliomateuses ou tuberculeuses, Fournier, hubino et d'au-
tres auteurs affirment l'existence d'une forme épileptique de
syphilis cérébrale secondaire qui peut être regardée non seulement
comme le résultat de lésions organiques, mais encore comme le
produit de troubles dynamiques qui en font une épilepsie para-
syphilitique.
La cborée syphilitique a été admise par les uns, niée par les
autres. Quelques cas de démence syphilitique améliorés par un
traitement spécial ont été rapportés par divers auteurs.
La question des psycho-névroses syphilitiques est une des plus
discutées et les opinions émises sont des plus discordantes. Apres
en avoir cité quelques-unes l'auteur regarde comme démontrée,
fondée sur des observations cliniques, l'existence d'une psycho-
névrose syphilitique des plus importantes à connaître en raison
du pronostic et de la thérapeutique. A l'appui de son opinion l'au-
teur rapporte cinq observations de psycho-névroses syphilitiques
dans lesquelles la cause et l'effet, le remède et l'amélioration sont
intimement et manifestement en rapport.
Le premier cas a trait à un malade atteint de manie aigué et
chez qui le traitement spécifique amène une amélioration rapide ;
le malade sort un mois et demi après ~son entrée. Il en est de môme
du second cas. Le troisième malade est un mélancolique avec
excitation par intervalle qui séjourne seulement deux mois a
l'asile. Même résultat rapide dans un cas de manie et dans un cas
de confusion mentale. (The alienist and nc2crologist, avril 1899.)
E. B.
330 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
XXI. L'imbécillité et la folie de l'imbécillité devant la loi
(Rapport médico-légal); par le D1' Hughes.
L'Etat de New-York a pris l'initiative de substituer au jury ordi-
naire, dans les cas criminels où la folie est invoquée par la défense
une commission composée d'experts ' médicaux particulièrement
compétents.
Cette juridiction a été employée pour le cas à propos duquel
l'auteur publie un intéressant rapport médico-légal : il s'agit d'un
faible d'esprit confinant à l'imbécillité et qui, le jour du mariage
de son frère, sur le reçu d'une lettre anonyme injurieuse pour sa
mère et sa soeur, tua son futur beau-frère. Quelque temps après
son incarcération, il tomba dans un état de dépression mélanco-
lique qui retarda son jugement de trois mois.
Les conclusions de la commission furent que l'assassin, en raison
de son imbécillité, était incapable d'apprécier la gravité de son
crime qu'il était non compos mentis.
A la suite du rapport médico-légal rédigé par le Dl' Hughes et
signé par tous les membres de la commission, chacun des cinq
membres de la commission a exposé, dans un rapport personnel
les raisons pour lesquelles il en est arrivé aux conclusions de la
commission. (The alienist and nell1'ologisl, avril 1899.) E. B.
XXII. Les trépidations et les phobies de la neuratonie cérébrale ;
par le or HUGHES.
Aux appellations ordinaires de neurasthénie ou de cérébras-
thénie, l'auteur préfère celle ne neuratonie. La cause primitive de
la neuratonie est la nutrition défectueuse de l'écorce cérébrale, en
particulier des neurones psychiques. Il peut arriver aussi que les
zones psychomotrices soient atteintes.
La mauvaise nutrition de la zone psychique peut tenir à l'ané-
mie, à la toxhémie, même -IL l'hyperhémie ou bien être due à une
défectuosité héréditaire du neurone qui peut conduire aux formes
graves des phobies confinant elles-mêmes aux idées délirantes de
la folie. La folie est toujours à craindre comme une terminaison
possible des phobies surtout lorsque celles-ci ne sont pas précédées
par des causes profondes d'altération du système nerveux ou un
grand shock psychique.
L'auteur cite quelques exemples de phobie : phobie chirogra-
phidue ou crainte d'écrire des lettres; phobie contagieuse avec
tremblement; phobie de contamination. (The alienist and neuro-
logist, janv. 1899.) E. B.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ 11ÉDICO-PSTCIIOLOGIQUE.
Séance du 31 juillet 1899. Présidence DE M. J. Voisin.
Démence épileptique paralytique spasmodique à l'époque de la puberté.
M. J. Voisin communique, en son nom personnel et au nom de
M. I.egros, cinq observations fort intéressantes de jeunes filles ou
adultes devenues démentes à la suite d'accès répétés d'épilepsie en
série et qu'un examen superficiel eût pu faire prendre pour des
paralytiques générales.
Ce qui caractérise surtout la démence dans les cas rapportés,
c'est qu'elle augmentait après les accès prolongés pour s'amélio-
rer relativement dans les espaces intercalaires. En même temps
que les observateurs constataient les troubles mentaux ; ils
notaient l'apparition de troubles physiques du côté delà démarche
et de la parole et même des paralysies fugaces. Ces malades
auraient pu être facilement prises pour des paralytiques géné-
rales. Cependant une observation attentive ne permettait pas de
confondre l'embarras de leur parole avec l'hésitation si caractéris-
tique qu'on observe dans la paralysie générale.
Ces cinq aliénées présentaient toutefois un rire niais, un aspect
béat ou bien un air ahuri et mélancolique. Elles avaient parfois
des idées de persécution, mais jamais d'idées de grandeur, de
richesse et leur démence n'offrait pas le caractère du délire mul-
tiple, non motivé et contradictoire de la paralysie générale.
Enfin, l'examen psychologique des lésions de l'encéphale a donné
dans les cinq cas, la preuve que ce dernier diagnostic, malgré cer-
taines apparences contraires, devait être écarté.
M. 1\nccorTE a fait l'examen histologique des lésions présentées
par deux des malades de M. J. Voisin. Sans parler de l'atrophie
du cerveau, qui pour lui n'a aucun caractère pathognomonique, il
a constaté que les vaisseaux étaient un peu dilatés partout; leurs
gaines très larges contenaient des amas pigmentaires, traces de
congestions répétées. Mais leurs parois ne présentaient pas la plus
petite infiltration de cellules anormales, ni la moindre trace d'in-
flammation. Il se base sur ce fait négatif pour conclure d'une façon
332 SOCIÉTÉS SAVANTES.
absolue que les cerveaux examinés n'appartenaient pas à des para-
lytiques générales.
M. TOULOUSE s'étonne que 11. Nageotte n'attache aucune impor-
tance à l'atrophie du cerveau comme signe de la paralysie générale.
At. Christian se montre surpris d'entendre soutenir une opinion
contraire. Il n'a jamais rencontré d'atrophie du cerveau dans les
nombreuses autopsies qu'il a pratiquées chez des paralytiques
généraux.
Histologie du myéloencéphale de Vacher.
M. TOULOUSE apporte le résultat de recherches histologiques
faites par 111f. Klippel, Philippe, Habaud, Lambroso par lui-même
et par son interne, sur le cerveau de' Vacher. Ces examens, un peu
différents dans les délails, se rapprochent par une conclusion com-
mune : On n'a pas découvert dans le cerveau de Vacher de lésions
pathologiques.
Observation d'acromégalie chez un dément épileptique. : \1. Farnarier communique l'observation d'un cas d'acromégalie
chez un dément épileptique du service de M. Sérieux. L'auteur
admet que l'hérédité neuro-arthritique ou vésanique offre un
terrain favorable au développement de l'acromégalie et que celle-
ci, à son tour, par les perturbations certaines qu'elle provoque
dans le fonctionnement des glandes à sécrétion interne comme
l'hypophyse réagit sur le système nerveux et détermine l'éclosion
d'affections nerveuses ou mentales variées.
, Un cas de paralysie générale avec hallucination.
M. Truelle donne lecture d'une observation de paralysie géné-
rale accompagnée d'hallucinations de l'ouïe et de la vue qu'il a
recueillie dans le service de M. Magnan. Il s'agit d'une femme de
trente-sept ans non syphilitique, mais fille d'une mélancolique et
elle-même un peu triste, qui présenta progressivement tous les
signes de la paralysie générale, en même temps que se montraient
des hallucinations de la vue et de l'ouïe sous l'influence desquelles
elle accomplit certains actes délictueux. Discutant ensuite la genèse
des hallucinations dans la paralysie générale, M. Truelle adopte la
théorie de M. Magnan qui les explique par la dégénérescence men-
tale dont sont frappés, avant l'apparition de la méningo-encépha-
lie chronique, les malades qui en présentent.
Ce cas offre une nouvelle confirmation de cette loi générale
formulée par M. Magnan qui veut que dans la paralysie générale
la vigueur du délire soit conditionnée par l'état de la lésion alors
que son existence ne l'est que par une prédisposition antérieure
Iarccll31\IAND.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 333
SOCIÉTÉ DE NEUROPATHOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE
DE MOSCOU.
Séance du 9 avril 1899.
Professeur FILATOFP. 'Encéphalite infectieuse chez deux frères.
F... Présente deux malades (frère et soeur) âgés de quatre et
cinq ans, alteiuts au mois d'août, à quatre jours d'intervalle, de
la même affection : début par frisson et fièvre, le lendemain, para-
lysie brusque des jambes et de la langue; ensuite, convulsions avec
perte de connaissance durant deux à trois heures. Chez la pre-
mière malade la fièvre cessa au bout de six semaines, reparut
quinze jours plus tard et continue jusqu'à ce jour. Pendant la
deuxième période fébrile elle eut souvent des .accès d'opistotonus
(une et même plusieurs fois par jour) ; dysphagie. Actuellement
la malade a perdu complètement la parole et la mimique, et ne
répond aucunement aux questions. Pas de paralysies, légère rigi-
dité dans les muscles des jambes ; ataxie et tremblement de
mains; parfois tremblement de la tête; intégrité de la sensibilité
et des céffexes; légère dysphagie.
Chez l'autre malade la fièvre dura quatre semaines : démarche
incertaine ; accès convulsifs avec perte de connaissance, en outre,
petits accès très fréquents consistant dans des chutes brusques,
le plus souvent sur le dos.
Le petit frère de ces deux malades présentés fut également
atteint à la même époque, de fièvre qui ne dura que quinze jours
et d'accès convulsifs, mais ne perdit pas la parole et guérit com-
plètement.
Après analyse des symptômes cliniques F... s'arrête au diagnos-
tic d'encéphalite, et notamment à la forme décrite par Leyden
et Goldscheider sous le nom d'encéphalo-myélite disséminée.
Discussion. 1. Mocratoff croit qu'il s'agit ici d'une affection
d'origine infectieuse : la longue durée de la fièvre peut bien tenir
1L la localisation du foyer dans le corps optique.
M. KOR1\ILOFF pense que l'affection pourrait êlre d'origine post-
infectieuse.
Le professeur IioAL1'i\Ih01·F croit à la possibilité d'une méningite
cérébro-spinale avec localisation ultérieure dans l'écorce cérébrale.
D1 PRLOBHAJh'1\bhY. - Deux cas de paralysies bizarres : .
P... présente deux malades (mère et fils) qui furent atteints
simultanément à la suite d'un empoisonnement alimentaire. Le
334 SOCIÉTÉS SAVANTES.
lendemain de l'ingestion des aliments suspects on constata chez le
fils la voix nasonée, des vertiges et une paralysie de tous les
quatre membres. Actuellement le malade présente une diplopie
avec ptosis double et parésie de tous les mouvements oculaires.
Figure en masque, parésie de la langue et du voile du palais, de
la déglutition et de la mastication ; parésie de tous les muscles,
des membres et du tronc sans H, D.; intégrité de la sensibilité,
des réflexes rotuliens et des organes pelviens (les autres réflexes
sont affaiblis), la température est normale. Après une aggravation
passagère des symptômes bulbaires, les phénomènes commencent à
s'améliorer. La mère présenta à peu près les mêmes symptômes
morbides et en plus un nystagmus horizontal.
A noter que la personne chez laquelle ces deux malades étaient
invités à diner, fut prise du même genre de troubles.
L'auteur croit qu'il s'agit ici d'une polyencéphalite analogue à
celle décrite par Oppenheim, par suite d'empoisonnement pto-
maïnique.
A la discussion ont pris part MM. KojEVKiKon-' et SEniiKY.
De STOU111NE. Des problèmes de l'organisation régulière du tra-
vail chez les aliénés.
Après une étude approfondie de la littérature de la question. S...
arrive à conclure que l'organisation du travail régulier dans les
asiles des aliénés s'impose sur la plus large échelle, comme mesure
a la fois hygiénique et thérapeutique.
Secrétaires des séances : S. HOSSOL1MO, V. Mouravieff. z
Séance du 30 avril 1899.
M. Rossolimo présente de nouveau la malade, atteinte de névrite
parenchymatellse subaiguë (troisième attaque, à la suite des couches)
greffée sur le terrain d'une polynévrite interstitielle hypertrophique
progressive infantile (Déjerine), malade présentée à la société il y a
deux mois. Actuellement, bien que l'affection fondamentale per-
siste (même hypertrophie des troncs nerveux) les phénomènes mor-
bides sont en grande partie bien atténués : la malade marche sans
être soutenue; l'ataxie est peu prononcée, la force motrice a aug-
menté, l'anesthésie est faible et peu étendue. Les autres symp-
tômes (voir la séance du 19 février 1899) sont restés in statu quo.
Professeur HOTH et D1' IvANOrr. Trois cas de cysticerques du
cerveau :
Observation I. Chaudronnier, âgé de trente-six ans. Malade
depuis quatre ans. Souffre d'accès de trois espèces : 1° accès épi-
leptiformes généralisés; 2° accès partiels à forme corticale, consis-
tant en secousses convulsives du bras droit avec inclinaison forcée
de la tète à droite ; 3° accès d'aphasie passagère avec tiraillements
de la langue du côté droit. En outre céphalées accompagnées sou-
sociétés savantes. 335
vent de nausées et de vertiges. Nombreuses tumeurs sous-cutanées
formées par des cysticerques,' du volume d'un petit pois ou d'une
noisette. Le malade est présenté à la Société.
Observation II. - Gardien d'usine, âgé de quarante-huit ans,
alcoolique. Accès épileptiformes généralisés à partir de l'année 1894
se répétant à intervalles éloignés. Depuis peu de temps accès de
convulsions partielles au bras droit, à la face et à la langue du
côté droit avec aphasie simultanée. Mort en état de mal épilep-
tique qui a duré six heures. A l'autopsie on a trouvé sous la pre-
mière cérébrale douze cysticerques, en partie calcifiés, en partie
encore vivants; l'un de ces cysticerques a l'aspect du soi-disant
« cysticercus racemosus ». Dans le voisinage des cysticerques on
constate les phénomènes d'une réaction inflammatoire plus ou
moins nettement accusée.
Quelques-uns des vésicules sont contenus dans une capsule
fibreuse consistante. La substance cérébrale est hypérémiée et
oedémateuse ; les ventricules sont dilatés. (Présentation des pièces
anatomiques.)
Observation III. - Ancien soldat, âgé de quarante-sept ans.
Souffre depuis vingt ans d'accès épileptiformes, se répétant une ou
deux fois par an. A l'autopsie on trouve à la surface convexe de
l'hémisphère droit des cysticerques du volume d'une petite noi-
sette, cause vraisemblable des accès convulsifs.
Les auteurs attirent l'attention sur l'absence totale de phénomènes
chez la plupart des malades atteints de cysticerques du cerveau
complètement développé, sur la diversité du caractère des accès
convulsifs chez le même malade, et enfin sur la rareté des phéno-
mènes d'abolition des fonctions cérébrales. Les symptômes céré-
braux irritatifs marchent probablement de pair avec l'intensité de
la réaction inflammatoire du voisinage de la tumeur ; ils relèvent
sans doute de celle-ci.
Discussion. M. Minor relate un cas de cysticerques multiples
observé par lui et qui évolua sous la forme d'une myélite par com-
pression à marche rapide, sans aucuns symptômes cérébraux. On
constata sous la peau la présence de nombreuses petites tumeurs
vésiculaires à cysticerques. L'autopsie révéla la présence d'un
énorme cysticerque sous la pie mère médullaire, au niveau de la
région dorsale de la moelle; en outre les ventriculaires cérébraux
contenaient toute une colonie de cysticerques libres.
M. Mouratoff, vu que les symptômes cérébraux font défaut
pendant la première phase de l'immigration des cysticerques et
n'apparaissent que dans les phases ultérieures, croit pouvoir en
conclure que la cause de ces symptômes réside dans la dégénéra-
tion de l'écorce cérébrale.
M. KOJEWNJKOFF pense que les phénomènes cérébraux orageux et
336 sociétés savantes.
graves qui éclatent brusquement dans les cas de cysticerques peu-
vent être mis sur le compte des mouvements actifs de ceux-ci ;
la réaction inflammatoire du voisinage joue naturellement aussi
un rôle important dans la pathogénie de ces troubles.
Des remarques ont été faites par MM. Korniloff et Minor.
M. Minor. Le groupe péronier des traumatismes médullaires
- (dite Peronealgruppe der Huckentraumen).
En se basant sur quelques données de la littérature et sur ses
observations personnelles, M... essaie de différencier un groupe
particulier de lésions médullaires, caractérisées principalement
par l'affection du nerf musculo-outané (peroneus). La localisation
présumée de l'affection se trouve dans ces. cas immédiatement
au-dessus du cône médullaire.
Oburvation I. Homme âgé de quarante-cinq ans. Chute
d'une hauteur de trois mètres. Immédiatement après l'accident
paraplégie inférieure complète, douleurs, abolition des réflexes
rotuliens ; intégrité des sphincters. Au bout de trois mois, guéri-
son complète à l'exclusion du nerf péronier gauche qui reste para-
lysé. La prédominance des douleurs et l'unilatéralité de.la paralysie
du péronier font admettre qu'il s'agit dans ce cas d'une lésion de
la queue de cheval. \
Observation II. Homme âgé de trente-deux ans. Chute d'une
hauteur de deux mètres sur la fese droite. Douleurs aiguës
d'intensité croissante pendant les premiers jours et paraplégie
motrice. Amélioration consécutive avec persistance de la paralysie
des nerfs péroniers (musculo-cutanés), ndtammeut du côté gauche,
où l'on constate aussi de l'hypoesthésie dans le domaine de ce
nerf. Les sphincters sont intacts.
Diagnostic : Lésion de la queue de cheval, principalement à la
hauteur de la première et de la deuxième racines sacrales.
Observation 111. - Homme âgé de trente-cinq ans. Chute de la
hauteur du 3° étage. Parésie bilatérale très accusée dans le
domaine du plexus sacral et du nerf musculo-cutané. Troubles de
la sensibilité très prononcés aux jambes et aux pieds, il dissocia-
tion s rinomyéltque, sauf à la plante du pied gauche où l'anes-
thésie est complète. Les réflexes rotuliens sont intacts. Les sphinc-
ters, touchés pendant le premier temps, redeviennent normaux.
Pas de douleurs. Le malade quitte l'hôpital au bout de deux mois
après l'accident avec paralysie bilatérale des nerfs péroniers.
Diagnostic : Hématomyélie centrale immédiatement au-dessus du
cône médullaire.
Observation tV. Homme âgé de dix-huit ans fait un faux pas
et tombe. Paralysie croissante des deux jambes; plus tard amélio-
ration progressive. Il reste une paralysie complète du nerf mus-
culo-cutané du côté droit et une légère parésie dans le domaine
SOCIÉTÉS savantes. 337
du même nerf du côté gauche. L'excitabilité électrique est pro-
fondément troublée. Hypoesthésie thermique aux régions postéro-
externes des deux jambes et aux plantes des pieds. Les sphincters
et les réflexes rotuliens sont intacts.
Diagnostic : Lésion probablement combinée et limitée (hémato-
myélie) de la moelle épinière et de la queue de cheval au niveau
de l'émergence de la première et de la deuxième racine sacrée.
Observation V. Homme âgé de dix-neuf ans, tombé d'une
hauteur de 14 mètres. Nombreuses contusions et fractures. Para-
plégie inférieure complète. Douleurs violentes au sacrum et aux
jambes : Rétention d'urine. Amélioration notable à partir de la
troisième semaine, mais on note encore une parésie très accusée
dans le domaine du plexus sacral, notamment des muscles fessiers
et une paralysie complète des deux nerfs musculo-cutanés. Au
bout de deux mois, le malade commence à marcher; sa démarche
a le type nettement péronier, plus balancement dans le bassin et
lordose (paralysie des fessiers). Abaissement de l'excitabilité élec-
trique dans le domaine du plexus sacral et R. D. dans le domaine
des nerfs jambiers antérieurs, surtout du côté droit. Abaissement
considérable de la sensibilité thermique dans le domaine des deux
nerfs musculo-cutanés, principalement du côté gauche.
Diagnostic : Hématomyélie centrale au niveau de la première et
de la deuxième racine sacrée.
Discussion. M. l\10URAVIEFF a observé plusieurs cas de lésions
médullaires du même type à évolution chronique.
M. LoUNTz relate deux observations personnelles analogues.
M. KOJEVNIKOFF montre que l'essai de M. Minor peut avoir une
grande valeur dans la symptomatologie des affections de la moelle
épinière. M. KORNILOFF prend part à la discussion.
Dr W. IIIOURl1'IGFF. Un cas d'apoplexie médullaire (avec présen-
tation du malade). Cocher, âgé de trente-neuf ans, toujours
bien portant. Pas de syphilis. Abus de boissons à partir de l'âge
de vingt-quatre ans. Il y a quinze ans, chute grave avec perte de
connaissance pendant une demi-heure et grande faiblesse générale
consécutive pendant un mois. La maladie actuelle débuta au com-
mencement de décembre 1896, en pleine santé apparente, par une
faiblesse et une paralysie brusque des deux bras. Il n'y eut ni ver-
tige, ni faiblesse des jambes. A l'examen, on constate une paralysie
complète des extenseurs de l'avant-bras des deux côtés, mais plus
prononcée à droite. Parésie incomplète des fléchisseurs. Certaine
faiblesse des muscles de l'épaule. Parésie très prononcée des mus-
cles qui ont pour fonction de rapprocher l'omoplate gauche vers
la colonne vertébrale. En même temps, on constate de l'atrophie
musculaire et de l'abaissement de l'excitabilité électrique, en pro-
Archives, 2° série, t. VIII. 22
338 SOCIÉTÉS SAVANTES.
portion directe avec le degré de la paralysie des muscles correspon-
dants. Hypoesthésie légère, tactile et douloureuse aux paumes de
la main ; certaine hypoesthésie thermique aux deux phalanges
terminales des trois derniers doigts de la main gauche. Les
réflexes tendineux des membres supérieurs sont exagérés ; le
réflexe rotulien est très abaissé du côté droit, et exagéré à gauche ;
les réflexes abdominal et crémastérien sont plus prononcés du
côté droit que du côté gauche. Les organes internes sont intacts.
L'apparition brusque des paralysies, la bilatéralité et le carac-
tère segmentaire de la lésion, dans l'absence de toute cause
d'embolie doit faire penser à une hémorragie médullaire, notam-
ment sur l'étendue du cinquième segment cervical jusqu'au pre-
mier dorsal inclusivement. Il s'agit sans doute d'une hémato-
myélie à forme tubulaire, ayant intéressé principalement les
groupes antérieur et interne des cellules des cornes antérieures ;
les cornes postérieures ne sont presque pas intéressées, puisque
les troubles de la sensibilité sont insignifiants. Il conviendrait
peut-être, d'après AI., de désigner ces cas sous le nom d'hémato-
myélie antérieure, en parallèle avec la poliomyélite antérieure.
MM. Versiloff, Kojevnikoff, Mouritoff et RossoLmo prennent
part à la discussion.
D,PopoFF.-Coiiii-ibiiiio71k la casuistique de la maladie de Duseclo2v.
P... relate deux observations de goitre exophtalmique avec
hémorragies de divers organes au cours de la maladie. La première
malade, âgée de trente-huit ans, a présenté tous les symptômes
classiques de Basedow, et en outre des hémorragies fréquentes
de l'utérus (la sphère génitale est normale), des gencives, des
lèvres, du nez et de nombreuses ecchymoses sous-cutanées. Au bout
de deux mois de traitement, tous les symptômes basedowiens se
sont amendés, et en même temps les hémorragies ont cessé.
La deuxième malade présente la forme fruste de la maladie
de Basedow, masquée par de multiples et fréquentes hémor-
ragies de l'utérus, du nez et de la gorge. La malade ne se
plaint que de ces hémorragies. On trouve en outre divers symp-
tômes d'hystérie. En présence des hémorragies variées sans cause
locale apparente, P... eut l'idée de rechercher les symptômes de
Basedow, et effectivement il constata une hypertrophie de la
glande thyroïde, une tachycardie, un tremblement généralisé et
une sensation de chaleur dans tout le corps. L'intérêt de cette
dernière observation réside purement dans ce que le symptôme
« hémorragies », qui passe pour un symptôme relativement rare
de la maladie de Basedow, a pu servir de point de départ pour
diagnostiquer la forme fruste de cette affection.
Discussion. - M. POSTOWSKY fait remarquer que la deuxième
malade de P... était sujette à des hémorragies dès l'enfance.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 339
M. KoJEVKmoFF pense que le rappoit causal entre les hémorra-
gies et le goitre exophtalmique n'est pas suffisamment élucidé
dans les observations de M. POPOFF. '
Secrétaires des séances : A. Bernstein ; N. VERSILOFF,
Séance du 14 mai 1899.
A. Beiistein. Contribution à la symptomatologie des signes
physiques des maladies mentales. (Communication préalable.)
Quand on porte avec le bout du doigt ou du marteau percuteur
un petit coup sec sur un muscle en état de relâchement, il se
forme parfois à l'endroit de la percussion, en même temps avec la
contraction librillaire habituelle ou en dehors de celle-ci, un bour-
relet dont l'axe long est perpendiculaire à la direction des fibres
musculaires (myoïdème, idiomnsculære Wulst). B... a examiné ce
phénomène sur le biceps de 123 aliénés. Le phénomène était net-
tement prononcé dans 44 cas sur 40 de démence précoce (IÜaepelin),
dans les 28 cas examinés de paralysie générale, dans 8 cas d'im-
bécillité congénitale. 11. manquait dans les 5 cas examinés.d'anzerztiia
(Meynert) etdans 0 cas SUl' 11 de psychoses émotives (dans les autres
5 cas de ces psychoses le bourrelet n'apparaissait qu'à la suite des
percussions répétées et disparaissait immédiatement). Les recher-
ches parallèles faites sur des malades atteints de diverses affec-
tions nerveuses ont permis de constater la présence de ce phéno-
mène dans tous les cas examinés d'épilepsie (8 cas), de syphilis
cérébro-spinale (6 ca), d'affections diverses du neurone moteur
' (névrite multiple, amyotrophie spinale, etc.) et de labes dorscclis.
Le phénomène faisait défaut dans les hémiplégies cérébrales (8 cas),
du côté malade, comme du côté sain et dans l'hystérie (4 cas). Les
recherches faites sur 10 personnes bien portantes ont toutes donné
un résultat négatif.
Discussion. M. IOURATOI'1 croit que la valeur du phénomène e
en question est très incertaine tant au point de vue théorique que
pratique, puisqu'on l'observe indifféremment dans nombre d'affec-
tions organiques et fonctionnelles du système nerveux, et dans les
états d'épuisement général. Le rapport de ce phénomène avec
l'affection du premier neurone moteur est douteux. Le bourrelet
musculaire tient plutôt à l'altération du tissu musculaire lui-
même. L'existence de la démence précoce, comme forme autonome,
n'est pas encore suffisamment démontrée, et en tout cas la pré-
sence du phénomène de bourrelet musculaire ne peut servir de
preuve d'autonomie de cette affection.
M. Korniloff dit que les nombreuses recherches qu'il a faites
pour élucider les conditions du phénomène de bourrelet muscu-
laire l'ont amené à des conclusions fermes. Le muscle qui se prête
mieux à l'étude de ce phénomène est le deltoïde.
340 SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. SERBSKY fait remarquer que le nombre de recherches fait
par Bernstein sur des personnes normales est insuffisant.
En outre, ont pris part à la discussion : MM. 13rB.xorF, Jaxo-
WENKO, KOJEVNIKOFF et POSTOWSKY.
M. Lioubouchine. - Un cas de démence organique chez une femme
' hystérique (avec présentation de la malade).
Couturière, âgée de vingt-huit ans, issue d'une famille d'alcoo-
liques et dont une soeur est hystérique. Depuis la puberté, ca-
ractère hystérique. En 1896, trois semaines avant ses couches,
éruption généralisée et rhinite persistante (syphilis ? ). Quinze
jours après les couches, première attaque hystérique Dix-huit
mois plus tard, deuxième attaque. A partir du printemps 1898,
les accès se répètent par séries. Chaque accès est suivi d'exci-
tation avec confusion mentale et hallucinations, parésies passa-
gères des membres supérieurs, parfois délire de possession. Sur-
dité. A l'examen, fait à l'entrée de la malade, le 8 décembre 1898,
on constate l'absence des réflexes rotuliens, symptôme de Romberg
peu prononcé. La parole et les pupilles ne présentent rien d'anor-
mal. Analgésies de tout le corps, sauf le plan du front. Absence
des réflexes pharyngés et plantaires. Surdité bilatérale (l'examen
objectif des oreilles donne un résultat négatif). L'humeur est très
variable, l'intelligence est intacte. Jusqu'au 9 décembre, la malade
eut six attaques. A partir de ce jour survient une série d'accès
apoplectiformes et épileptiformes avec hémiparésies passagères ;
affaiblissement progressif de l'intelligence, inégalité pupillaire,
trouble paralytique de la parole, assymétrie faciale. L'état de .
démence apathique est rarement remplacé par des hallucinations
avec excitation et délire de possession.
L... fait remarquer que la paralysie générale chez les hystériques
porte un cachet spécial qui dénote bien la présence de l'hystérie.
Ont pris part à la discussion : 111\i. 13orx,liocvwxorF et 1\IouRAToFF.
M. MOLTSCHANOFF. - Contribution à l'élude des affections blf11nOI'-
rhagiques du système nerveux (avec présentation de planches et de
préparations microscopiques).
Après avoir indiqué l'insuffisance de nos connaissances actuelles
relatives à la question de la pathogénie des affections blennorra-
giques du système nerveux, M... expose les résultats des expériences
qu'il a entreprises pour élucider le mécanisme de l'action du
gonocoque de Neisseret de sa toxine sur le système nerveux des
animaux : souris blanches, cobayes et lapins . La toxine gono-
coccique, employée par M., était extraite des cultures ensemencées
dans un milieu liquide (une partie de bouillon et une partie de
liquide de l'hydrocèle de l'homme), chauffées à 70° C. pendant un
quart d'heure.
L'intoxication chronique se manifestait par les phénomènes
SOCIÉTÉS SAVANTES. 341 1
suivants : 1° chez les cobayes, à partir de la troisième semaine de
l'injection, on observe une exagération des réflexes tendineux,
surtout de l'arrière-train ; à la fin du premier mois et au commen-
cement du deuxième, les réflexes disparaissent, pour réapparaître
au commencement du troisième mois; à la fin du premier et au
commencement du deuxième mois apparaissent des parésies et
des paralysies, principalement dans les extrémités postérieures,
accompagnées d'atrophies musculaires ; 2° chez les lapins tous ces
phénomènes se font jour un peu plus tard et sont moins pronon-
cés, mais on observe plus souvent un trouble du sens musculaire
des extrémités postérieures.
L'examen microscopique du système nerveux de 25 cobayes et
de 20 lapins ayant subi l'intoxication gonococcique a conduit M...
aux conclusions suivantes :
1° La toxine gonococcique produit dans le système nerveux des
altérations bien nettes et bien déterminées ;
2° Ces altérations, dans les cas d'intoxication aiguë, intéressent
principalement les cellules des cornes antérieures : chromatolyse
partielle ou généralisée, formation de vacuoles avec atrophie con-
sécutive de certaines cellules, etc., phénomènes qui ne présentent
du reste rien de spécial pour la toxine blennorragique. Ces altéra-
tions sont le plus prononcées chez les cobayes ;
3° Les cellules des ganglions spinaux subissent des altérations
analogues, mais un peu plus tard. Les cellules de l'écorce céré-
bi aie, des grands ganglions et des noyaux des nerfs crâniens sont
le moins atteintes ;
4° A côté des altérations cellulaires, on trouve une hypérémie
des méninges cérébrales et surtout médullaires, et une hypérémie
de la substance grise médullaire avec parfois des hémorragies à
l'intérieur de celle-ci ;
50 Le degré d'intensité de toutes ces altérations est proportion-
nel à la quantité de toxine injectée;
6° A partir de la troisième semaine chez les cobayes et de la
quatrième chez les lapins apparaissent des symptômes de névrite
dégénérative plus ou moins nettement prononcée ;
io A la fin du deuxième mois, et parfois même plus tard, se
développent des lésions dégénératives des racines postérieures et
des cordons postérieurs de la moelle.
La communication de L... a été accompagnée de démonstra-
tions micro-photographiques.
Discussion. M. HoTu a observé dans les intoxications des alté-
rations des capillaires. Des remarques ont été faites par JaaO\'E\60,
MOURAVOEFF, liOIiNILOFI, SOUEfL1N01'F, 1101E\\'NIf101'F.
Secrétaires des séances : G. ! 1osS0LDIO; N. VERSILOFF.
BIBLIOGRAPHIE.
IX. Le Syndrome de Utile : sa valeur 720SOt0/il2lP; sa pathogénie;
par le Dr IL CESTAN.
M. R. Cestan aborde, dans sa thèse inaugurale, deux questions
connexes de pathologie nerveuse, mises à l'ordre du jour en ce
moment, un peu partout : valeur nosologiqne du syndrome de
Little, et physiologie pathologique de la contracture vraie ou
organique.
Le travail commence par une mise au point des théories patho-
géniques du syndrome de Little; elles peuvent se grouper en
théories dualistes et en théories unicistes. Les dualistes (Seehg-
müller, Forster, Ruppreclt, Naef, Pierre-Marie, Brissaud, van
Gehuchten) y voient une maladie véritable, autonome, indépen-
dante des autres diplégies infantiles. C'est la dégéuération primitive
et isolée du faisceau pyramidal due à la naissance avant terme.
C'est une paraplégie spasmodique et congénitale des quatre mem-
brefs; plus prononcée aux membres inférieurs, appartenant en
propre aux enfants nés avant terme, caractérisée par l'état spas-
modique plus que par la paralysie, ne se compliquant ni de phé-
nomènes convulsifs, ni de troubles intellectuels, et susceptibles
sinon d'une guérison complète, du moins d'une amélioration pro-
gressive (I3rissaud). C'est une affection d'origine médullaire, exclu-
sivement due à l'absence de faisceaux pyramidaux dans la moelle
épinière, à cause de la naissance avant terme (van Gehuchten). Les
unicistes (Ross, Wolters, 0ler, llac Nult, Sachs, Freud, Raymond,
Massalongo), considèrent l'affection décrite par Little comme un
simple syndrome laisant partie du grand groupe des diplégies
cérébrales, au même tilre que l'hémiplégie spasmodique, l'hémi-
chorée congénitale, l'hémiathétose, l'athétose double, etc. L'auteur
défend cette dernière doctrine, en s'appuyant sur de nombreux
documents personnels, empruntés à la clinique du professeur
Raymond ou au service de M. Bourneville à l'hospice de Bicêtre.
Sur le terrain de l'observation clinique, l'étiologie et les symp-
tômes de la maladie de Little n'ont aucune spécificité. Accouche-
ments prématurés ou laborieux, simples convulsions, intoxications
héréditaires (syphilis ou alcoolisme) : voilà autant de causes étio-
logiques qui se rencontrent au début de la maladie de Little,
comme au début des diplégies cérébrales proprement dites. La
spasticité, la paralysie, les troubles intellectuels, les mouvements
bibliographie. 343
choréiques, athétosiques ou simplement post-hémiplégiques :
voilà autant de symptômes qui peuvent s'associer dans le syn-
drome de Little, comme dans les autres diplégies. Bref, en cli-
nique, tous les intermédiaires existent; c'est une suite ininter-
rompue de formes symptomatiques, depuis la simple rigidité
jusqu'à la paralysie avec idiotie totale. Il n'est pas possible d'isoler
une maladie qui serait caractérisée uniquement par la rigidité
spastique congénitale.
L'anatomie pathologique vient, d'ailleurs, renforcer cette con-
clusion unicistc, basée sur les observations cliniques. L'auteur
commence logiquement son étude par des recherches originales,
fort intéressantes, sur le développement et le parachèvement du
faisceau pyramidal : recherches qui complètent, tout en les modi-
fiant sur plusieurs points, les données publiées par Ilervouet
en 1881. A la naissance, le faisceau pyramidal est très spécial par
la finesse de ses cylindrés-axes, par la gracilité de ses gaines
myéliniques, enfin par le faible développement du stroma névro-
glique contrairement à l'opinion d'Hervouet. Ces notions d'histo-
logie normale permettent à M. IL Cestan de préciser avec plus de
netteté que les auteurs précédents, toutes les formules pathologi-
ques, qu'on peut rencontrer au niveau du faisceau pyramidal; il
étudie successivement la simple dysgénésie, la sclérose dense,
l'agénésie totale. Le matériel d'examen est considérable puisqu'il
comprend 15 cas, examinés aux principaux niveaux de la moelle,
du bulbe et de la protubérance, parfois même dans les circonvo-
lutions rolandiques, avec toutes les méthodes usitées en histo-
pathologie nerveuse (Weigert, Pal, Nissl, Marchi, etc ). La con-
clusion est que le faisceau pyramidal se trouve atteint de façon
très variable dans la maladie de Little. De plus, il existe toujours
une lésion cérébrale, mais très variée de siège, de nature et d'm-
tensité. En résumé, il n'y a pas une lésion unique, ainsi que l'exi-
gent les partisans de la théorie dualiste.
Dans la deuxième partie de sa thèse, M. Cestan, reprenant les
documents exposés plus haut, les fait servir à la discussion des
nombreuses théories pathogéniques de la contracture organique.
Nous ne saurions entrer dans le détail de toutes ces doctrines, dont
quelques-unes sont classiques.* L'argumentation, rigoureusement
conduite, et les critiques faites avec beaucoup d'à-propos et de
justesse, montrent aisément toutes les incertitudes qui empêchent
une solution définitive. L'auteur, très sagement, avoue ses hésita-
tions, tout en donnant ses préférences à la théorie d'Hitzig,
modifiée par von Monakow.
Ainsi, très variés, mais connexes, sont les sujets que l'auteur
aborde dans son travail inaugural. Sur chacun d'eux, M. Cestan a
su donner sa note originale, basée sur des faits cliniques et
anatomo-pathologiques, très heureusement choisis. Cette thèse
344 VARIA.
n'est donc pas seulement une mise au point, judicieusement con-
duite, des doctrines les plus récentes sur le syndrome de Little et
sur la pathogénie de la contracture; elle "constitue, avant tout, une
oeuvre personnelle dans laquelle le lecteur aura beaucoup à
prendre et à garder. Cl. Philippe.
X. Etude de la descendance des paralytiques généraux; par le
.- D1' L. WAHL. In-8°, Paris, Jouve et Boyer, 1898.
L'auteur ne prétend pas trancher cette question souvent abor-
dée mais qui n'a jamais été traitée à fond, il a assemblé un choix
de matériaux intéressants qui permettent d'esquisser d'impor
tantes conclusions et amorcent de nouvelles recherches. Ce travail
est donc surtout un copieux recueil de bonnes observations habi-
lement classées et précédées d'une revue générale de tout ce qui
a été dit à ce sujet. Les enfants de paralytiques généraux meu-
rent souvent dès le bas âge, ce qui est facile à comprendre eu
égard à la nature des causes de la maladie des ascendants : -.
syphilis, alcoolisme et surmenage ; ils sont d'autre part prédis-
posés aux affections du système cérébro-spinal (paralysie infantile,
affections convulsives), et à toutes les variétés des maladies men-
tales parmi lesquelles l'hérédité similaire est encore pour eux la
plus rare. Enfin, chez les descendants de P. G. les maladies men-
tales les plus communes sont la dégénérescence à tous ses degrés
depuis l'idiotie jusqu'à la simple instabilité. Les faits montrent
que loin de n'être exposés qu'à l'hérédité congestive par opposi-
tion à l'hérédité vésanique, ces sujets sont sous le coup de toutes
es maladies avec ou sans lésions du système nerveux.
P. 1301SSlER.
VARIA.
L'Union médicale DU Canada (nos 1 à 4, 1899).
Cette revue mensuelle, dont la forme et la langue sont celles de
notre pays et qui constitue l'organe officiel de la Faculté de Méde-
cine de Montréal, est riche en observations cliniques et en discus-
sions casuistiques. Bien que le n° 1 ne contienne aucun travail se
rapportant à la neurologie, je ne saurais le passer sous silence. Il
débute, en effet, par une simple relation de voyage du Dr Saint-
Jacques, intitulée « Universités allemandes Bonn », qui ren-
ferme surtout des observations et des critiques amicales dont a
médecine française peut faire son profit.
VARIA. 345
Assise sur le Rhin, adossée au Yennsberg, Bonn est une ville
charmante, mais Paris La science allemande est admirable,
mais nos savants français ! Quel dommage qu'en France on ne
rencontre point, avec des légions de professeurs et de privat-docen-
ten, d'immenses laboratoires et instituts, comme à Bonn ou à
Boston, où étudiants et praticiens trouvent pour travailler et arri-
ver, toutes les bonnes volontés et toutes les commodités désirables.
A Bonn, les hôpitaux, tous rassemblés autour de l'Université, sont
sous le contrôle exclusif du corps médical. Les gardes-malades
sont diplômées et soumises et un enseignement gradué. Le Il Saint-
Jacques a vu à l'oeuvre la religieuse catholique et les gardes-
malades laïques anglaises, américaines, françaises et allemandes.
Il estime que « comme vrai dévouement la soeur de charité est
au premier rang », mais à la condition d'avoir reçu un entraî-
nement sérieux. Il est heureux de constater qu'au Canada les reli-
gieuses commencent et se soumettre à un enseignement professionnel,
pour devenir des gardes-malades « modernes ». - Mais quelle
supériorité présente la nurse anglaise sur toutes les autres gardes-
malades par la sollicitude constante et éclairée, pour le bien-être
phy sique et moral je ne dis pas religieux - des malades.
L'Institut de pathologie de Bonn est colossal, ses collections
sont riches, mais elles sont loin d'égaler les musées Dupuytren et
Saint-Louis. ,
L'influence scientifique de l'Allemagne à l'étranger est considé-
rable surtout parce que la plupart des médecins allemands parlent
les langues étrangères, le français ou l'anglais souvent les deux.
« Si seulement en France, on se donnait la peine des langues
étrangères, dit le Dr Saint-Jacques, 'quelle influence la science
française à l'instar de l'art prendrait davantage à l'extérieur ! »
A bon entendeur, salut 1...
Suicides d'enfants.
Sous ce titre : Suicide d'un enfant de onze ans, on écrit de Reims,
au Petit Parisien :
« 11 y a trois jours, un enfant de onze ans et demi, Adolphe
Loth, demeurant chez son père, rue Jobert-Lucas, quittait la
maison paternelle en disant qu'il allait se noyer. On prêta peu
d'attention à ce propos, mais l'enfant n'étant pas rentré le soir, son
père, inquiet, commença des recherches. On fouilla le canal dans
la direction du pont de Saiut-Brice, où des passants avaient vu
l'enfant se diriger. Pendant deux jours les recherches restèrent
sans résultat ; ce matin elles viennent d'aboutir. Le cadavre du
malheureux enfant a été retrouvé dans le canal, exactement au
même endroit où sa mère s'était suicidée il y a environ un an. On
s'est souvenu alors que, depuis la mort de sa mère, Adolphe Loth
346 VARIA.
avait déclaré plusieurs fois qu'il irait « retrouver sa mère en mou-
rant comme elle ». Il paraitrait même qu'avant d'aller se jeter à
l'eau le pauvre petit désespéré s'était rendu au cimetière et avait
prié un instant sur la tombe de sa mère. »
- Un enfant de quatorze ans, le jeune Léon Gobin, garçon de
ferme à Saint-Sylvain, 'près Angers, a tenté de mettre fin à ses
jours en se tirant un coup de revolver dans la région du coeur ; il
reste peu d'espoir de le sauver.
A la suite d'une réprimande qui lui avait été faite par sa
mère, le jeune Louis Auguié, âgé de douze ans, habitant Assier,
près Cahors, s'est suicidé en se jetant sous les roues d'un train.
(Le Petit Parisien, 14 août.)
Société médico-psychologique : Prix BELHOMME fondé en 1882.
Prix triennal de 900 francs devant être décerné au meilleur
travail sur l'Idiotie.
1885. Moyens propres à développer la faculté du langage chez
les idiots : Pas de mémoire.
1886. De l'idiotie et en particulier des lésions anatomiques
des centres nerveux dans l'idiotie : M. Hricon (1.200 francs).
1889, - Hechercher s'il existe des signes anatomiques, physiolo-
giques et psychologiques propres aux criminels : Pas de mémoire.
1892. De la vision chez les idiots et les imbéciles : MM. Bonnet,
Marie. prix ; mention honorable : M. Armand Guibert.
1893. De l'audition chez les imbéciles et les idiots : Mention
très honorable avec 400 francs à MAI. Bonnet et Marie.
1895. Traitement hygiénique et pédagogique de l'idiotie
(arriérés, débiles, imbéciles, idiots) : M. Boyer, prix (700 francs) ;
M. Bonnet (100 francs), mention honorable.
1897. Du langage chez les idiots : M. Bonnet, prix (400 francs);
M. Maupaté, mention avec 200 francs.
1899. Du système musculaire chez les idiots et de son éduca-
tion : M. Boyer, prix (450 francs) ; MM. Bonnet et Marie, mention
honorable (avec 130 francs).
L'alcoolisme.
Un drame dans un escalier. Après avo : r passé la soirée chez
des amis, un ouvrier métallurgiste, M. Arthur Caleline, âgé de
trente-huit ans, qui occupe un petit appartement dans un hôtel
meublé tenu rue Basfroi par M. Lucadou, regagnait son domicile,
vers onze heures du soir, lorsqu'il croisa dans l'escalier un de ses
voisins, Jacques Drient, âgé de quarante ans, homme de peine.
Ce dernier, alcoolique invétéré, sortait de chez lui faisant un
vacarme épouvantable. L'autre s'effaça pour le laisser passer,
VARIA. 37
mais pris d'un subit accès de fureur, Drient s'élança sur lui et lui
porta plusieurs coups de couteau, le blessant grièvement et à deux
reprises au crâne.
Aux cris que poussait la victime, le logeur intervint, armé d'un
solide nerf de boeuf. A sa vue, Drient lâcha son premier adver-
saire qu'il tenait à la gorge, et bondit sur lui l'arme haute Une
lutte terrible s'engagea, à l'issue de laquelle l'alcoolique s'affaissa
poussant un cri sauvage et lâchant son arme. D'un coup de son
terrible bâton, M. Lucadou lui avait brisé le bras droit. A demi
assommé, grièvement blessé, Drient fut remis aux mains de gar-
diens de la paix qui le transportèrent à l'hôpital Saint-Antoine,
où il sera soigné et gardé à la disposition de M. Le-gonie; com-
missaire de police. Pendant ce temps, M. Cateline recevait dans
une pharmacie voisine les soins nécessaires, puis sur sa demande
était ramené à son domicile. (Petit Parisien, 16 août.)
Rue Ilry, à Neuilly, le nommé Gelineau, rentrant ivre, voulut
étrangler sa femme. Son fils Jules, seize ans, voyant sa mère en
danger, tua son père d'un coup de couteau. 11 a été arrêté. (boit-
homme Normand, 24 août.)
- Accident en ivresse. A Croix, près Roubaix, un ou-
vrier maçon nommé Joseph Erny, âgé de trente-trois ans, en état
d'ébriélé, voulut monter sur un tombereau en marche ; il s'y prit
si maladroitement qu'il tomba à califourchon sur le treuil et fut
pour ainsi dire empalé sur un crochet qui dépassait. L'infortuné
a été transporté à l'hôpital dans un état désespéré. (Petit Parisien,
25 août).
Tentative d'assassinat par une prostituée ivrognesse. Un
crime analogue à celui qui a ensanglanté il y a huit jours la com-
mune de Saint-Pol a failli se produire cour Codron, dans la rue
des Passerelles. Une fille de mauvaise vie, ivrognesse invétérée,
Léontine Pépin, a essayé de trancher la gorge de son amant avec
un rasoir. Le malheureux qui a pu se dégager en a été quitte
pour une affreuse balafre. Léontine Pépin qui était devenue subi-
tement folle a été conduite à l'hôpital où se trouve déjà la femme
Elisa Joachim, cette mégère qui a décapité son mari avec un
rasoir. (Petit Parisien, 27 août.) z
- Dans un accès alcoolique, la veuve Perrine Kerboul, âgée de
cinquante ans, demeurant rue de Sébastopol, à Brest, s'est ouvert
la gorge avec un couteau ; la mort a dû être presque immé-
diate. (Petit Parisien, 27 août.)
- Délire 'alcoolique 'et suicide. - Un soldat du 115° de ligne,
nommé Delaunay, de la classe 1895, qui venait d'avoir une discus-
sion avec un caporal, s'est dans un accès de délire alcoolique, pré-
cipité d'une fenêtre du deuxième étage dans la cour de la caserne
348 S VARIA.
Ernouf, à Alençon. La mort a été instantanée. Ce malheureux était
marié. (Petit Parisien, 3 sept.)
- Ivrognesse suicidée dans un violon. Une journalière nom-
mée Feron, âgée de trente-six ans, demeurant 08, rue d'Albanie,
au Havre, arrêtée pour ivresse place Notre-Dame, s'est pendue, à
l'aide de son mouchoir, dans le violon du poste de la rue des
Drapiers. Malgré tous les soins qui lui ont été prodigués, cette
fille n'a pu être rappelée à la vie.
Ivrogne incendiaire. Le Parquet de Saint-Brieuc s'est trans-
porté à Pléhedel et a mis en état d'arrestation le nommé Yves
Boscher, journalier, âgé de quarante et un ans. Ce triste individu,
ivrogne et paresseux, est inculpé d'incendie volontaire, de vols,
d'outrages publics à la pudeur et attentats sur la personne de ses
enfants qu'il forçait à mendier, les rouant de coups quand ils ne
lui rapportaient pas d'argent pour boire. Boscher a été écroué à
la maison d'arrêt de Saint-Brieuc. (Petit Parisien, 8 sept.).
LES aliénés en liberté,
Egorgé par sa femme, - Un terrible drame s'est déroulé la
nuit dernière, il Saint-Pol-sur-Ier, près Dunkerque. Une femme de
soixante-huit ans, Elisa Joachim, née Menez, a, d'un coup de
rasoir, tranché la gorge de son mari, Antoine Joachim, âgé de
soixante-dix ans; la mort a été instantanée, la tête ne tenait plus
que par les vertèbres.
La coupable est allée raconter son crime dans une boulangerie
et dans une épicerie voisines. Arrêtée peu après, cette femme a
déclaré qu'elle avait tué son mari parce qne ce dernier la trompait
avec une de ses voisines. Cette allégation est fausse. Très méchante,
la femme Joachim, qui était atteinte de la folie de la persécution,
rendait la vie très dure à son mari; ce dernier était un brave et
courageux ouvrier qui travaillait depuis quarante ans à la filature
Dickson. « C'est Dieu qui a voulu que je tue mon mari, a déclaré
la mégère. » (Petit Parisien, 21 août.)
Une folle. - Une dame de cinquante-cinq ans, appartenant
à une honorable famille des environs de Rennes, s'est présentée
hier soir devant le commissaire central, lui demandant une carte
d'entrée au conseil de guerre, afin, a-t-elle déclaré, « de pouvoir
tuer Dreyfus ». Cette femme, qui avait sur elle une somme de
700 francs, a été gardée à la disposition de la justice. Il est inu-
tile de dire qu'elle ne parait pas jouir de la plénitude de ses
facultés. La famille a été avertie. (Petite Gironde, 21 août.)
Au village de la Chabanne, commune d'Anville (Charente),
Mme Gaschet, âgée de cinquante et un ans, s'est suicidée en se
VARIA. 349
tirant un coup de fusil sous le menton. Depuis quelque temps la
pauvre femme donnait des signes de dérangement cérébral.
Le nommé Léandre Gesse, âgé de vingt-quatre ans, marin â
la Chaume, s'est pendu à un cormier à l'endroit dit « la Pièce-
Franche », commune du Château d'Olonne, en face la demeure
de sa fiancée. Ce jeune homme était atteint de la monomanie du
suicide. (Petit Parisien, août.)
- La nommée Marie Montandre, âgée de soixante ans, demeu-
rant à Aubeterre, près Barbezieux, vient de mettre fin à ses jonrs
en se pendant dans sa chambre à coucher. La malheureuse avait,
parait-il, manifesté à plusieurs reprises l'intention de se suicider.
(Petit Parisien, 12 sept.)
Suicide. Une malheureuse femme de cinquante et un ans,
qui ne jouissait pas de ses facultés mentales depuis quelque temps.
Marie Ferret, épouse Gaschet, cultivatrice à La Chabagne, com-
mune d'Anville, a mis fin à ses jours en se tirant un coup de fusil
sous le menton. (Petite Gironde, 15 sept.)
LES épileptiques ET LES IDIOTS.
Un jeune homme de dix-huit ans, Maurice Cotilleau, demeu-
rant aux Aubiers, près Niort, s'étant rendu à une mare située non
loin de la maison paternelle, dans le but de s'y livrer à la pêche,
s'y est noyé ; on suppose que le malheureux aura été pris d'une
crise d'épilepsie. (Petit Parisien, 2 sept.)
- La haine de l'argent. - Un pauvre idiot d'une quinzaine
d'années, Théodore Gueurlinger, demeurant chez son oncle, 4, rue
des Tanneries, était affecté depuis quelque temps d'une manie d'un
genre tout spécial. Il avait acquis, on ne sait pour quelle rai-
son, une haine féroce de l'argent, dont la seule vue le rendait fu-
rieux, et plusieurs fois on dut l'empêcher de déchirer les billets de
banque qu'il découvrait dans les meubles de son oncle. Plusieurs
fois aussi on le surprit jetant à l'égout les pièces de billon qu'il
recevait de part et d'autre pour des commissions. Cette lubie vient
d'avoir pour les parents de Théodore Gueurlinger une conséquence
des plus fâcheuses. Il y a trois jours, l'idiot parvenait à ouvrir une
armoire et dérobait les valeurs qu'elle contenait : deux billets de
banque de mille francs chacun, un reçu de mille francs du Crédit
foncier et unesommè d'environ 150 francs en or. Ne trouvant pas le
moyen pratique de faire disparaitre cet argent abhoré dans le voi-
sinage, l'infirme partit en campagne, cherchant un endroit sûr. Il
se rendit d'abord dans la plaine de Gentilly, où il déchira les
billets de banque et le reçu du Crédit foncier, dont les fragments
furent retrouvés par des passants qui les portèrent au commissa-
330 VARIA.
riat de police. Puis, rentrant dans Paris, le malheureux, arrivé
place Saint-Sulpice, engloutit dans un distributeur automatique
les 150 francs en or qui lui restaient.
Un agent, qui le voyait accomplir cette excentricité avec une
stupéfaction bien compréhensible, l'arrêta alors et le conduisit
- malgré ses protestations véhémentes, chez M. Yendt, commissaire
de police, où se trouvait déjà son oncle angoissé. Après explica-
tions, Théodore Gueurlinger a été envoyé par le magistrat à l'in-
firmerie spéciale du Dépôt, où il subira un examen médical. Les
fragments de billets de banque et l'or jeté dans le distributeur
de la place Saint-Sulpice ont été restitués à leur propriétaire.
(Petit Parisien, 15 sept.)
Enfants malades : voleurs ET incendiaires.
Voleur précoce. - Ces jours derniers, M. Dagiral, cordonnier
à Sainte-Même, près Châteauneuf, constatait la disparition de sa
montre, qu'il tenait suspendue au mur, dans son atelier.
11 s'enquit des personnes qui avaient pénétré chez lui et se rap-
pela avoir eu la visite d'un petit bambin-de onze ans, Joseph F...,
qui était venu faire mettre des clous à ses souliers. Comme l'en-
fant a déjà une très mauvaise réputation, les soupçons se por-
tèrent immédiatement sur lui, et, en le fouillant, on découvrit la
montre cachée dans ses vêtements.
Les parents du petit voleur, de fort braves gens, sont dans la
désolation et sont des premiers à demander son internement dans
une maison de correction, se jugeant impuissants il le corriger et
mettre un frein à ses instincts précoces de dépravation. La gen-
darmerie de Chàteaneuf a ouvert une enquête et dressé procès-
verbal. (Petite Gironde, 12 août.)
Ce n'est pas à la maison de correction qu'il faudrait envoyer
ce petit malade, mais dans une asile-école, organisé comme
les sections d'enfants de Bicêtre, de la Salpêtrière, de Vau-
cluse, de l'asile de la Roche-sur-Yon. Tous les départements
devraient avoir des asil'S-écoles pour les enfants idiots, ner-
veux, épileptiques et pervers.
La Petite Gironde du 23 août a publié une dépêche d'An-
goulême ainsi conçue :
La fillette Madeleine B..., âgée de sept ans, auteur de l'incendie
de Saint-Estèphe, a été écrouée à la maison d'arrêt d'Angou-
lême.
Lors d'une excursion récente en Eure-et-Loir, nous avons
eu communication du fait suivant dont on nous a montré
l'auteur.
faits DIVERS. 351
- A Faverolles (Eure-et-Loir) un enfant imbécile, âgé de huit
ans, fils d'un père ivrogne et d'une mère débauchée, a mis le feu,
en août, à une meule de blé. Quelques mois auparavant, il avait
mis le feu chez ses parents. Si, après le premier incendie on avait
placé cet enfant dans un asile-école (l'instituteur de la commune
n'en peut rien faire), on n'aurait pas eu le second incendie. Avant
de prendre cette mesure on attend probablement un troisième
sinistre.
Maires et préfets sont aussi coupables les uns que les autres.
Il y a aussi des responsabilités plus hautes.
FAITS DIVERS.
Les aliénés EN liberté. M. A..., commandant en retraite,
donnait depuis quelque temps des signes d'aliénation mentale; sa
femme avait introduit contre lui une instance en divorce. Hier
matin, alors que les avoués procédaient à l'inventaire, M. A...,
s'est frappé au ventre avec un couteau. Il a été transporté à l'hô-
pital du Mans. On pense que ses blessures ne sont pas mortelles.
(Petit Parisien.)
Le nommé Geneix, de Pons, âgé de ungt-trois ans, a été
conduit à la maison d'aliénés de Lafond. Pris d'un accès terrible,
il avait tout brisé chez lui. Plusieurs dévoués amis l'ont conduit au
chemin de fer ; ce malheurenx disait qu'il allait voir Dreyfus à
Paris. (Petite Gironde, 21 août.)
Suicide par injection sOUS-CUTA ! \ÉE, - Un brocanteur, M. Henri
Boulé, âgé de quarante-trois ans, demeurant 83, rue de Seine, a
mis fin à ses jours, hier soir, d'une façon étrange. Il se trouvait
dans un débit de vins situé au n° 81 de la rue de Ménilmontant, quand
soudain on le vit se piquer au bras droit avec une seringue dite
« seringue de Pravaz » et s'abattre aussitôt lourdement sur le sol.
Le malheureux fut transporté dans une pharmacie voisine,
mais tous les soins étaient inutiles, car il ne tarda pas à rendre
le dernier soupir. M. le Dr Viciot qui, avec M. Girard, commissaire
de police, a procédé aux constatations d'usage, n'a pu déterminer
d'une façon précise là nature du poison dont s'est servi le déses-
péré. Les motifs de ce suicide sont inconnus. M. Girard a fait trans-
porter le cadavre au domicile du défunt. (Petit Parisien du
27 juillet).
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Bourneville. Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie,
l'hystérie et l'idiotie. (Compte rendu du service des enfants idiots, él)ilep-
tiques et arriérés de Bicêtre pour 1898), publiées avec la collaboration de
MAI. Cestan, Chapotin, Katz, Noir (J.), Philippe, Sébiteau et Boyer.
T. XIX de la collection.- Un fort volume in-S° de i.x.\xvu-234 pages,
avec 13 figures dans le texte et 13 planches hors textes Prix : 7 francs.
- Pour nos abonnés : 5 francs. Bureaux du Progrès médical. - Prix
de la Collection complète : 100 francs.
Coulonjou (E.). De l'assistance des buveurs par l'internement dans
un asile spécial. - Volume in-8" de 88 pages. - Toulouse, 1899.
Imprimerie Marques et CI'.
Colonie nationale d'aliénés (le nouvel asile des portes ouvertes).
Discours prononcés par le Président de la République Argentine et le
Dr Carres. - Brochure in-8° de 18 pages. - Bueuos-Aires, 1899.
Imprenta de J. Peuser.
Grasset. - Diagnostic des maladies de la moelle (Siège des lésions).
Volume in-1G carré de 96 pages. Prix : 1 fi,. 50. - Paris, 1899.
Librairie J.-B. Baillère et fils.
KELLER (Clir.). Varcc svensha idiolaazslaller. - Brochure in-8° de
32 pages. Kobenhaven, 1898. Kyt Ttdsskrtft for Abnormwaesenet
omfattende Aanclssvage , Blinde, og Vanfre-Sagen.
111orncnnetven (J.). - Jolzctan Libeller og Johannes MoMen/taMet'.
Brochure in-8° de 21 pages, avec deux portraits. Kobenhavon. NU t
Tidsskrift for Abnormwaesenet.
Snxo (r.). La statistique des aliénés à Anvers. - Brochure in-8° de
16 pages. Gand, 1898. - Imprimerie Vander Baeghen.
Snso (F.). - Du régime des aliénés à Envers, Brochure in-8° de
24 pages. Anvers, 1899. - Imprimerie Buschmann.
Tissié (P.). Tics et toux spasmodique guéris ipar la gymnastique
médicale respiratoire. - Brochure in-8° de 16 pages. - Bordeaux, 1899.
Imprimerie G. Gounouilhou.
AVIS TRÈS IMPORTANT. - Depuis le 28 JUILLET
11. JI. DURAND n'a plus aucune fonction au Progrès
Médical. Il est remplacé par M. Aimé ROUZAUD qui
est chargé exclusivement des annonces et de la partie
administrative.
Le rédacteur-gérant : Bourneville.
Evreu\, Ch. ¡¡ÉIIISSEY, 107E1. - 1099
Vol. VIII. Novembre 1899. N° 47
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE NERVEUSE.
SYNDROME DE LANDRY PAU LÉSIONS EXCLUSIVES
DES CORNES ANTÉRIEURES
(MYÉLITE ASCENDANTE A ? TLRIEURE-AIGU1 ?
Par )1H. PAUL COURMONT et BONNE (de Layon). ?
. ?
Bien que l'histoire des paralysies ascendantes aigtil5-se,
fasse plus complète de jour en jour grâce aux observations
et aux travaux récents, il n'est pas sans intérêt d'apporfar'iitet
nouvelles pièces au débat toujours pendant entre les parti :
sans de la poliomyélite et ceux de la polynévrite motrice
comme cause plus ou moins exclusive de ces paralysies. Il
ést aussi un certain nombre de points sur la pathogénie de
ces affections, sur leur bactériologie, sur l'étendue et la valeur
des lésions constatées par les méthodes histologiques
récentes, qui ne peuvent être complétés que par l'étude de
cas observés à tous ces points de vue .aussi exactement et
aussi consciencieusement que possible ; c'est dans ce but que
nous publions cette observation, recueillie à la clinique
du professeur Bondet, avec des résultats histologiques et
bactériologiques aussi complets que le permettent les mé-
thodes actuelles et accompagnée des considérations générales
que ce cas nous a suggérées. ,
I. Observation clinique.
Observation. - R... Guillaume, cinquante-huit ans, salle Saint-
Augustin, n° 3fi. Le 7 avril 1898, le malade est apporté à l'hôpital
Archives, `3° série, t. VIII. 23
354 CLINIQUE NERVEUSE.
complètement paralysé. Il vivait seul et n'était pas sorti de chez
lui depuis trois jours lorsque ses voisins le visitèrent et le trou-
vèrent dans l'état actuel. Il a des troubles de la phonation et
s'exprime difficilement, d'une voie faible et voilée. Il peut cepen-
dant raconter que sa maladie a commencé le i avril, brusquement,
par des troubles de la motilité des membres inférieurs ; ceux-ci
d'abord simplement parésiés devinrent bientôt complètement para-
lysés et le malade ne put quitter son lit ; en même temps, il eut
des troubles généraux, de la fièvre, de la céphalée, pas de
rachialgie. Rapidement les troubles paralytiques gagnèrent les
membres supérieurs, puis le larynx ; depuis un jour la parole
est gênée et très difficile. Pas de troubles subjectifs de la sensibilité.
Nous n'obtenons pas de renseignements sur ses antécédents
personnels ou héréditaires ; il peut nous dire cependant qu'il
n'était pas malade avant l'affection actuelle. Des parents nous ont
appris ultérieurement que c'était un homme sobre, rangé, non
alcoolique, jouissant d'une excellente santé et auquel on ne con-
naissait point de tare ni de maladie antérieure.
A son entrée. - Homme d'aspect robuste, grand, bien constitué.
Faciès coloré, fébrile, couvert de sueur. Les troubles paralytiques
attirent tout d'abord l'attention. Les membres inférieurs sont
totalement paralysés, les membres supérieurs également; cette
paralysie est flasque, sans contracture. Les muscles du tronc et
de la ceinture scapulo-humérale paraissent parésiés. La respira-
tion est rapide (30 respirât, par minute) et difficile. Le diaphragme
est nettement parésié, le thorax se dilate mal ; il y a du tirage
sus-sternal, de la dépression des creux sus-claviculaires à l'inspi-
ration pendant laquelle on ne constate pas de contraction des
muscles respirateurs de la ceinture thoracique. La face n'est pas
paralysée, les paupières sont mobiles ; les lèvres s'agitent quoique
faiblement, la langue peut à peine remuer et sortir des arcades
dentaires. La parole est très difficile par parésie laryngée et
linguale. La déglutition est possible, mais le malade avale souvent
de travers.
Inégalité pupillaire ; la pupille gauche est plus dilatée. Il est
difficile, à cause de la paralysie de juger de l'état de la sensibilité
cutanée qui paraît diminuée.
Réflexes patellaires abolis, réflexes plantaires conservés; aboli-
tion des réflexes crémastérien et abdominal. Pas d'atrophie des
masses musculaires. Pas de troubles vaso-moteurs sauf une conges-
tion très marquée de la face avec sueurs abondantes en ce point.
Troubles de relâchement des sphincters ; le malade urine sous
lui. On retire à peine de la vessie quelques gouttes d'urine pour
la recherche de l'albumine qui est négative. Pas d'oedème des
jambes.
Les facultés intellectuelles sont intactes ; le malade comprend
LÉSIONS EXCLUSIVES DES CORNES ANTÉRIEURES. 355
tout ce qu'on lui dit et s'efforce d'y répondre ; il se rend compte de
tout ce qu'on fait autour de lui et le contraste est frappant entre
cette lucidité intellectuelle et l'immobilité complète des membres
et de la plupart des muscles moteurs.
Température : 39°. Pouls : 120°, rapide, fort et bondissant.
Rien d'anormal au coeur, ni aux poumons.
Le 8 avril, l'état est considérablement aggravé. Persistance de
la paralysie flasque généralisée. L'aphonie est complète ; la
langue peut encore se mouvoir légèrement ; lorsqu'on interroge le
malade il tâche de répondre et on voit ses lèvres s'agiter sans
qu'aucun son soit émis. La connaissance est complète ; le malade
reconnaît ses parents et essaie de leur parler. La température
monte (39°.0 hier soir, 40°2 ce matin) ; la peau est chaude, la figure
colorée et couverte de sueurs. Même état des réflexes. Le malade
a vomi ce matin. La respiration est de plus en plus difficile. Le
pouls est rapide, ample mais dépressible (120 par minute). Pendant
la journée l'état continue de s'aggraver, la température monte
à 40°,0 et le malade meurt dans la nuit.
Autopsie, le 10 avril. Cerveau. - A l'ouverture de la boite
crânienne on constate un oedème très marqué des espaces mé-
ningés ; ventricules cérébraux très dilatés. L'examen extérieur et
les coupes ne révèlent rien d'anormal dans le cerveau, le cervelet,
la protubérance ni le bulbe.
Moelle. - Les méninges rachidiennes sont distendues par un
liquide très clair qui s'échappe en jet lorsqu'on incise la dure-mère;
pas de congestion ni de lésion apparente des méninges. Les coupes
de la moelle qui est ferme et d'aspect normal ne révèlent non plus
aucune lésion macroscopique.
Des fragments de moelle, de bulbe, de cerveau, de nerfs périphé-
riques sont recueillis pour l'observation histologique. L'ensemen-
cement du liquide rachidien,de parcelles de substance médullaire
et bulbaire à diverses hauteurs est fait avec toutes les précautions
nécessaires. L'examen macroscopique des viscères n'a révélé
aucune altération importante. Rien aux poumons sauf un peu de
congestion des bases. Coeur normal. Foie gros légèrement conges-
tionné. Aux reins : pas d'altérations macroscopiques manifestes,
pas d'adhérence de la capsule.
II. - Examen ET considérations uistologiques '.
Nous avons examiné comparativement par la méthode de
Nissl et les méthodes ordinaires les renflements lombaire et
cervical de la moelle, la partie inférieure du bulbe rachidien
1 Fait au laboratoire d'histologie générale.
356 CLINIQUE NERVEUSE.
(noyaux de l'hypoglosse et du vague) et les circonvolutions
motrices.
Nerfs. Notre attention étant spécialement dirigée vers les
altérations cellulaires, nous n'avons fait des nerfs périphériques
- qu'une étude restreinte bornée à quelques troncs nerveux : médian
et sciatique poplité externe de chaque membre. Ces nerfs examinés *
au Pal et au Marchi, en coupes longitudinales et transversales ne
nous montrèrent aucune fibre dégénérée. D'autre part leur colora-
tion au carmin ne permit de déceler aucune prolifération intersti-
tielle, ni infiltration inflammatoire, ni modification du tissu engai-
nant, ni enfin d'altération des vaisseaux.
Les circonvolutions motrices ne nous montrèrent non plus aucune
altération des cellules nerveuses, des méninges, ni des vaisseaux.
Moelle. La moelle nous offrit des lésions d'autant plus accu-
sées qu'on les considérait en un point plus inférieur du névraxe :
ce que faisait prévoir du reste, l'évolution clinique de J'affec-
tion.
Au niveau du renflement lombaire, les lésions sont très avancées,
particulièrement dans la corne antérieure, et semblables dans les
deux moitiés de la moelle. Le Nissl montre de grandes variétés
dans l'affinité des cellules pour le bleu de méthylène et l'on
pourrait y décrire tous les degrés de piknomorphisme et de
chromatophilie s'échelonnant de l'état de lati=ue à l'état de repos
complet au temps ou Nissl et l3enda discutaient sur la signifi-
cation de ces différents aspects. Nombreuses aussi et variées
sont les chromatolyses périnucléaires ou périphériques, diffuses
ou limitées en un point du corps cellulaire. Dans certaines cellules
les corpuscules se fondent en blocs beaucoup plus volumineux et
présentant pour le colorant des degrés d'affinité différents.
A côté de ces lésions, d'une interprétation si délicate et qui
varient suivant la technique employée, il en est d'autres plus
importantes et dont la signification est beaucoup plus claire :
l'état hyalin, l'apparence vitreuse se retrouvent dans un certain
nombre de cellules, coïncidant ou non avec des déformations du
corps cellulaire qui prend en certains points l'apparence d'un bloc
sans prolongements, au milieu duquel on ne reconnaît que diffici-
lement le noyau.
Des vacuoles plus ou moins larges, allongées ou arrondies, vides
ou contenant quelques particules colorées, se rencontrent dans un
grand nombre de cellules dont le protoplasma a gardé tout autour
son aspect ordinaire ou au contraire est devenu hyalin. Quelques
cellules en présentent un certain nombre : deux, trois ; elles se
retrouvent aussi bien dans les morceaux fixés au Mùller que dans
ceux qui ont été traités au Nissl : mais dans ce dernier cas elles
sont rendues moins frappantes par les déformations concomi-
LÉSIONS EXCLUSIVES DES CORNES ANTÉRIEURES. 357
tanles du corps cellulaire. Nous les retrouverons en parlant du
pigment. Quelques-unes de ces vacuoles s'ouvrent à la surface du
corps cellulaire et forment ainsi des fentes, des encoches plus ou
moins profondes. En aucun point ce processus n'est allé jusqu'à la
fragmentation complète du corps cellulaire.
Nous chercherons plus loin à interpréter certaines lésions qu'il
nous suffit de mentionner ici : nous avons en vue les déformations
du corps cellulaire et de ses prolongements, les déplacements
apparents du noyau, les ruptures des prolongements protoplas-
miques ou cylindraxile et les modifications dans la répartition du
pigment que l'on trouve à l'état normal dans la plupart des
grandes cellules de la moelle.
Au niveau du renflement ce1'vicalles lésions cellulaires sont beau-
coup moins accentuées : les cellules les plus altérées présentent
une transformation hyaline de leur protoplasma, localisée à
un certain point, ou généralisée à tout le corps cellulaire, des
vacuoles en petit nombre ou des affinités anormales (diminuées)
pour les colorants basiques : carmin, bleu de méthylène, etc.
Quant aux altérations que nous croyons devoir rapporter à l'action
des réactifs, elles se montrent aussi prononcées qu'au renflement
lombaire : cela seul semble indiquer que ces lésions ne sont
peut-être pas forcément d'ordre pathologique, et qu'on peut les
attribuer à autre chose qu'à une exagération artificielle d'altéra-
tions réelles mais invisibles par elles-mêmes.
Rulbe. Nous n'avons examiné du bulbe que la partie inférieure,
comprenant les noyaux de l'hypoglosse et du vague, notre malade
n'ayant pas présenté pendant sa vie de symptôme net dans le
domaine des autres nerfs crâniens.
Le noyau de l'hypoglosse est le plus altéré. Un grand nombre
d'expérimentateurs ont noté cette prédilection des processus infec-
tieux pour ce nerf cranien. Pareil fait est également consigné dans
presque toutes les observations de paralysie asceiipante où le
bulbe a été examiné. On ne sait à quoi t'attribuertimais il est
permis de remarquer 1t ce propos que de tous les noyaux bul-
baires, celui de l'hypoglosse possède les cellules de beaucoup les
plus grandes et les plus richement arborisées, et que par ces seuls
caractères ces cellules se rapprochent ainsi le plus de celles des
cornes antérieures que tous les processus myélitiques aigus frap-
pent avec prédilection.
Chez notre malade les lésions de l'hypoglosse étaient peu avan-
cées, moins marquées encore que les lésions de la moelle cervicale
et consistaient uniquement en l'état hyalin, la coloration diffuse
d'un petit nombre de cellules. D'autres étaient vacuolées. Ces
quelques lésions avaient à peu près complètement disparu au
niveau du tiers supérieur du noyau, particularité rencontrée aussi
par plusieurs observateurs (Ballet et Marinesco) qui ont étudié les
358 CLINIQUE NERVEUSE.
lésions secondaires des cellules d'origine de l'hypoglosse après
section ou arrachement de ce nerf.
Le noyau dorsal du pneumogastrique formé de cellules beaucoup
plus petites que celles de l'hypoglosse est encore moins altéré. Les
lésions sont en tout cas plus nettes que celles du noyau ambigu qui en
présente qu'un très petit nombre de cellules mal colorées ou vacuo-
laires. Quant aux autres groupes cellulaires de la région (noyau
grêle, cunéiforme, olives et parolives), leur aspect est absolument
normal. On pouvait cependant, parmi les cellules qui sont dissémi-
nées sous le plancher en dehors des noyaux, sensitifs des vagues,
en trouver quelques-unes légèrement déformées et mal colorées.
Contrairement aux éléments nerveux, les éléments conjonctifs
(méninges, vaisseaux) ne présentent que des lésions minimes
dans toute la hauteur de la moelle et du bulbe. H n'existe en
aucun point de trace de diapédèse autour des cellules nerveuses
altérées. Les vaisseaux ne présentent nulle part de lésion de leur
tunique interne. On trouve cependant autour de quelques petits
vaisseaux et surtout près des méninges des zones d'infiltration
limité, mais assez serrée de petites cellules rondes.
Notons enfin que des préparations au marchai des renflements
cervical et lombaire nous montrèrent dans celui-ci surtout, un
petit nombre de fibres dégénérées, de petit diamètre en général,
disséminées sans ordre dans les régions de la substance blanche,
les plus voisines de l'axe gris ; quelques boules de myéline dans
les cornes antérieures et le long du trajet intramédullaire des
racines antérieures. Le pigment des cellules nerveuses est, dans
'ces préparations, fortement coloré en brun foncé.
Reins. Les reins (Millier, gomme, carmin) montrent une pro-
lifération interstitielle avancée, de la néphrite glomérulaire desqua-
mative peu intense et restreinte à un petit nombre de glomé-
rules ; ceux-ci ne présentent pas de lésions de leurs bouquets
vasculaires ; les vaisseaux de la substance corticale sont fortement
congestionnés. L'épithélium des tubuli contorti est trouble, ses
noyaux se colorent peu ou pas. On remarque dans les cavités
tubulaires des détritus granuleux fortement colorés par l'urine, ou
de véritables cylindres épithéliaux ; catarrhe très léger des tubes
droits. Malgré l'incertitude qui s'attache à tout examen histolo-
gique d'un organe aussi délicat que le rein quand il est prélevé
longtemps après la mort; on peut conclure de ces lésions à l'exis-
tence de deux processus : un processus ancien, primitivement ou
secondairement interstitiel; un processus récent, saisi, pour ainsi
dire, en activité et dont on voit les traces dans les lésions inflam-
matoires des épithéliums sécrétoires. Il est rationnel de l'assimiler
au processus qui a causé dans la moelle et le bulbe ces lésions
électives des éléments nobles, lésions qui ont entraîné les symp-
tômes paralytiques et la mort du malade.
LÉSIONS EXCLUSIVES DES CORNES ANTÉRIEURES. 359
Considérations histologiques. -
Nous avons toujours eu soin de 'comparer les résultats
fournis par la méthode de Nissl (modifiée par Gothard) à
ceux que donnent les autres méthodes histologiques, celles
surtout qui reposent sur l'emploi d'un fixateur différent
(Muller, carmin, etc.). Si en effet on doit admettre, ainsi
qu'on l'a fait remarquer', que les réactions doivent rendre
visibles en les exagérant les modifications d'ordre patholo-
gique, il n'est pas moins vrai, d'autre part que pour aucun
des réactifs usuels, en particulier pour aucun des fixateurs
employés en technique nerveuse on ne possède un détermi-
nisme absolument établi de leur mode d'action ; on ne peut
faire exactement la part de ce qui relève des réactifs, l'alcool
par exemple ou le formol, et de ce qui est attribuable au
processus pathologique dans l'ensemble de certaines altéra-
tions : telles sont les déformations du corps des cellules, leur
degré de rétraction, leurs modifications de structure intime
qui l'éloignent du type généralement admis comme indice de
l'état sain, type qui n'est lui-même qu'une moyenne. Ainsi
que l'un de nous l'a rappelé à propos des ganglions rachi-
clients2@ l'aspect d'une cellule nerveuse prise dans un ganglion
spinal et examinée à l'état frais, avec ou sans coloration au
hleu de méthylène, à l'aide des méthodes de Dogiel diffère
considérablement de l'aspect de cette même cellule fixée à
l'alcool et colorée au bleu de méthylène ou au bleu poly-
chrome. Il en est de même pour les grandes multipolaires cle
la rétine. Avec les méthodes dites vitales la substance chro-
matophile se présente sous un aspect chagriné, en grains
excessivement fins et réguliers, également répartis et cachant
complètement la structure fibrillaire de la substance fonda-
mentale. Après l'action de l'alcool ces éléments ont conflué
et forment des blocs plus gros, irréguliers dans leur forme
et leur répartition ; corpuscules cliromatophyles de Nissl.
A l'état frais les cellules d'un même ganglion spinal ne
présentent entre elles aucune différence dans la structure
' Nageotte et OEltlinger. Presse médicale, 1898. (A propos des fissures
mises en évidence dans le protoplasma des cellules par la fixation au
formol.)
2 Bonne. Recherches sur les éléments centrifuges des racines posté-
rieures, (Thèse de Lyon. 189î.)
360 CLINIQUE NERVEUSE.
de leur protoplasma. Après fixation par l'alcool, en particu-
lier, elles présentent au contraire des apparences si variées
que Nissl, V. Gehuchten, Marinesco, ont cru devoir les
répartir en plusieurs types en se basant uniquement, non sur
l'agencement et le nombre des prolongements des cellules,
^ainsi que Dogiel l'a fait avec raison mais sur l'aspect du
protoplasma coloré par le bleu de méthylène. Peut-on dans
ce cas affirmer que l'alcool, et d'une manière générale,
l'ensemble de la technique employée, n'a fait qu'accentuer
des différences invisibles il l'état frais ? Et surtout peut-on
avancer que cette modification se soit produite dans le même
sens et au même degré pour toutes les cellules examinées ? ' !
On ne saurait donc trop multiplier les comparaisons et les
points de repère pour une méthode aussi incertaine que
celle de Nissl, méthode basée sur une réaction (la coagu-
lation par l'alcool) dont les conditions sont mal connues. Ce
n'est pas à ce procédé que l'on peut demander de nous faire
pénétrer dans l'intimité des altérations que l'on considérait
autrefois comme purement dynamiques et que beaucoup
considèrent aujourd'hui comme étant le substratum de nombre
d'états pathologiques ou fonctionnels. Seules des lésions pour
ainsi dire grossières : vacuoles, état hyalin, modifications du
noyau, perte de l'affinité ordinaire pour les colorants doivent
être considérées comme sûrement pathologiques, surtout
lorsqu'il s'agit d'examens faits sur des pièces prises long-
temps après la mort. Ces lésions du reste sont toujours
visibles, quoiqu'à des degrés très divers, quelle que soit la
technique suivie. Il faut donc contrôler l'une par l'autre les
différentes méthodes. Dans de récents articles sur les soi-
disant lésions nerveuses du tétanos, Paviot2 montra quelles
interprétations erronées on avait faites de l'aspect des cellules
colorées au Nissl et faisait remarquer une fois de plus la
nécessité de l'emploi des méthodes usuelles pour éclaircir la
nature vraie de certaines apparences fournies par la seule
méthode de Nissl.
Il est inutile, pour un organe aussi altérable que la moelle,
d'employer des fixateurs délicats pour des pièces prises
vingt-quatre heures après la mort. L'usage des fixateurs
1 Anal, .In : " vol. 12.
2 Courmont, Doyon et Paviot. Réserves sur la méthode de \'iasl. (.luclr.
de Physiologie, 1898.)
LÉSIONS EXCLUSIVES DES CORNES ANTÉRIEURES. 361
courants tels que le Millier est seul rationnel; après fixation
prolongée par ce liquide, les éléments délicats supportent
mieux qu'après l'alcool les vicissitudes des manipulations
ultérieures. Ils sont moins rétractés, et surtout, fait banal et
qui met en relief l'action désorganisatrice de l'alcool,
l'aspect de leur protoplasma est beaucoup plus voisin de
l'aspect qu'ils offrent à l'état frais ; un chagriné fin et
uniforme remplace les corpuscules chromatophiles qui
donnent un aspect si particulier aux cellules fixées par ce
réactif, quelle que soit la coloration ultérieurement employée :
hématoxylines, picrocarmin, carmin aluné : ce dernier en
particulier colore les parties figurées avec une élection
presque aussi-parfaite que le bleu de méthylène.
Les modifications de la forme des cellules sont toujours
plus rares et moins accentuées après fixation par les bichro-
mates qu'après action de l'alcool ; dans ce dernier cas les
cellules sont souvent plus ratatinées et souvent aussi, si
l'action a été trop brusque ou trop prolongée, ont quitté les
parois de leur loge névroglique ; leur corps prend des formes
anguleuses et se déforme encore par la rupture des prolon-
gements. Si de ces faits on rapproche cette autre particu-
larité : la variété infinie de formes et de dimensions des
cellules de la moelle, on voit combien délicate est l'estimation
de ces apparences sur lesquelles la technique a une si grande
influence.
Décrites d'abord par OEltinger et Marinesco puis par un
grand nombre d'auteurs, les ruptures des prolongements
protoplasmiques produites il des niveaux voisins du corps
cellulaire nous paraissent devoir être attribuées surtout à
l'action du fixateur (alcool-formol) et ne pas être la représen-
tation exacte d'un processus pathologique, à moins qu'on
n'admette que l'alcool, se contentant d'exagérer et de conti-
nuer un processus commencé, ne produise la rupture juste
au niveau d'une altération protoplasmique quelconque du
prolongement.
Certains auteurs (Mongour et Carrière) figurent et donnent
comme étant le premier degré de ce processus de rupture
des gonflements circonscrits des prolongements, avec dispa-
rition, à partir de ce point des corpuscules chromatophiles
allongés qui caractérisent les portions proximales de tout
dendrilc. Or nous n'avons pu trouver de relation constante
36 CLINIQUE NERVEUSE.
entre cette disparition, cet aspect chromatophile généralisé
et localisé, et les ruptures des prolongements. Celles-ci par
contre, de même que les déformations par ratatinement du
corps des cellules sont plus nombreuses dans les pièces qui
ont séjourné plus longtemps dans l'alcool, et dans celles
surtout dont nous avions à dessein, complété le durcissement
en laissant se prolonger plus longtemps que de coutume
l'éther du bloc de collodion, ou en immergeant ce dernier,
suivant les conseils de certains auteurs dans de l'alcool
fort additionné de chloroforme. Notre conviction se base
enfin surtout sur la particularité suivante. Quel que soit le
nombre des prolongements rompus et les circonstances
techniques qui ont empêché ou favorisé cette rupture, elle
se produit toujours au niveau du point oÙ le prolongement
pénètre dans le feutrage névroglique qui entoure la cellule.
La rétraction du corps cellulaire agissant dans le sens cen-
tripète, il est naturel que le prolongement cède au niveau du
point où il est fixé par les fibres névrogliques qui l'entourent
et par ses propres ramifications. Une fois libre dans la cavité
de la cage névroglique, le corps cellulaire se rétracte et se
déforme ; la partie périphérique du prolongement qui est
fixée en place continue à affleurer les bords de la cage, juste
en face, ou à quelque distance suivant les hasards des
rétractions du segment central. Du reste un examen
attentif de préparations au Golgi nous persuade que des
conditions analogues président presque toujours il la produc-
tion des ruptures artificielles des dendrites ou du cylindre-
axe.
Les déplacements du noyau, tiennent une grande place
dans les descriptions que l'on fait actuellement des lésions,
pathologiques ou expérimentales, ou même des simples
modifications fonctionnelles des cellules nerveuses (Lugaro).
Quelquefois ces déplacements paraissent réels ; on ne
peut du moins leur attribuer aucune cause évidente. Dans
les pièces fixées à l'alcool, il est souvent évident que ces
déplacements apparents tiennent avant tout à la rétraction
du corps cellulaire sous l'influence d'un fixateur insuffisant.
11 est d'abord facile de remarquer que les noyaux les plus
excentriques s'observent dans des cellules dont un prolonge-
ment ou plusieurs a été le siège d'une rupture, cellules
qui offrent ainsi plus de prise à l'action de l'alcool, la défor-
LÉSIONS EXCLUSIVES DES CORNES ANTÉRIEURES. 363
mation ne portant pas également sur les parties encore
fixées et celles qu'a libérées la rupture du dendrite, le corps
cellulaire prend une forme irrégulière, le noyau est ainsi
plus ou moins éloigné de la position voisine du centre qu'il
occupe ordinairement dans les grandes multipolaires.
On conçoit, d'un autre côté, que par sa situation au centre
de la cellule, son contenu plus homogène, sa forme plus
régulière, il soit moins accessible que la masse du cytoplasme
à l'action déformante de l'alcool. Il constitue ainsi une sorte
de point fixe autour duquel se mouleront les parties rétrac-
tées et flétries pour ainsi dire du corps cellulaire, de telle
sorte qu'il parait quelquefois faire hernie et sur le point de
rompre la membrane d'enveloppe de la cellule. Cette rupture
peut d'ailleurs s'observer, nous l'avons notée plusieurs fois
dans le renflement lombaire, mais elle coïncidait toujours
avec une désorganisation beaucoup plus profonde du proto-
plasma et du noyau.
Les amas de pigment jaune brun qu'on peut observer
dans toute cellule des cornes antérieures nous fournissent
des termes de comparaison très utiles à l'explication des
phénomènes'de pseudo-migration du noyau. Comme lui ils
représentent des points consistants qui servent de moule
aux fluctuations artificielles de la forme du cytoplasme, sur
les contours duquel ils forment quelquefois des reliefs nets,
comparables à ceux que dessine le noyau dans des circons-
tances analogues. Ces deux phénomènes dépendent, partiel-
lement au moins, de l'action des réactifs, dans des propor-
tions qu'il serait imprudent de chercher à déterminer ; ce
sont des phénomènes mécaniques, dans lesquels le noyau ne
prend pas une part plus active que les amas de pigment.
Ce pigment avait été pris à tort comme l'indice d'une dégé-
nérescence lente du protoplasma nerveux. Dans les processus
myélitiques ordinaires, ses réactions ne varient jamais.
Malgré cette inertie nous le considérons comme un excellent
réactif non pas du chimisme mais de la statique protoplas-
mique et des modifications artificielles ou pathologiques de
celle-ci. A l'état normal, les grains formant en effet un ou
plusieurs amas, plus denses à leur centre, plus clairsemés
à la périphérie et siégeant souvent entre les points d'émer-
gence de deux prolongements protoplasmiques, occupant
d'autres fois tout le corps cellulaire et allant même jusqu'à
364 CLINIQUE NERVEUSE.
masquer le noyau. Suivant les différentes modifications dont
le cytoplasme a été le siège, on voit les grains déformer le
contour de la cellule par une saillie plus ou moins accentuée,
ou bien se collecter dans une région de densité inférieure à
. celle de la masse, c'est-à-dire dans une vacuole. Dans tous
ces cas. on voit l'amas pigmentaire prendre des bords plus
nets que normalement en devenant plus condensé. Cette
particularité permet de déceler de simples fissures ou des
vacuoles qui sans elles pourraient passer inaperçues; tout
amas pigmenlaire à limites nettes et non estompées comme
un pointillé d'ombre, témoigne que la portion du protoplasma
où il est situé a été le siège d'un remaniement. Ce remanie-
ment peut consister en une simple diminution de densité,
en la formation de vacuoles, en rétractions, etc., pour ne
parler que des modifications mécaniques.
L'altération peut enfin être beaucoup plus grossière : les
grains de pigment, quoique très clairsemés, infiltrent tout le
corps cellulaire qui est alors profondément désorganisé et ne
présente plus sa structure habituelle ; ou bien, par le fait
d'une rupture de la membrane d'enveloppe artificielle ou
pathologique - les grains se répandent dans la cavité de la
cage névroglique ; la cellule est toujours alors profondément
désintégrée.
Toutes ces considérations nous dispensent de chercher,
parmi les lésions cellulaires que nous venons de décrire, les
critériums qu'on a donnés de la réparabilité des processus
pathologiques. Sauf les désintégrations profondes, les lésions
évidentes que les méthodes anciennes montrent avec plus de
netteté que la méthode de Nissl, les modifications qu'on
a décrites comme appartenant à des processus réparables ou
irréparables, sont de celles que la technique suivie peut
modifier au plus haut point ou même créer de toutes pièce»,
et que d'autre part les altérations cadavériques inévitables
peuvent masquer ou défigurer.
III. Examen ET considérations bactériologiques.
Les recherches bactériologiques dans notre cas ont porté-
sur le sang pendant la vie et sur le système nerveux après la
mort.
a) Examen du sang pendant la vie a été absolument négatif. Le
sang avait été recueilli, la veille de la mort, dans une veine-
LÉSIONS EXCLUSIVES DES CORNES ANTÉRIEURES. 365
du pli du coude avec toutes les précautions d'usage (seringue
stérilisée à l'autoclave, etc.). Trois centimètres cubes ensemencés
en plusieurs tubes de bouillon et à -)-37" n'ont donné aucune
culture.
b) Recherches à l'autopsie. Des ensemencements en bouillon
furent faits à l'autopsie, avec toutes les précautions ordinaires :
10 avec un fragment de la partie antérieure de la moelle dorsale ;
2° avec un fragment analogue recueilli au bulbe ; 31 avec du
liquide céphalo-rachidien recueilli par ponction à travers la dure-
mère rachidienne préalablement cautérisée. Les tubes ensemencés
avec des fragments de tissu nerveux ont donné des cultures mélan-
gées de cocci, de bacilles indéterminés, et de diplocoques
analogues au pneumocoque et restant colorés par le Gram. Au
contraire le liquide des méninges rachidiennes donna des cultures
pures de diplocoques analogues à ceux des cultures des centres
nerveux.
Étant donné les causes inévitables de contamination acciden-
telle dans l'ensemencement du tissu nerveux, réduites au mini-
mum au contraire dans la prise du liquide céphalo-rachidien,
nous avons considéré surtout comme significatives les cultures
obtenues avec ce dernier ; l'élément microbien fourni par ces
cultures se retrouvait d'ailleurs, mais mélangé à d'autres, dans les
cultures des centres nerveux. Les caractères de ce microbe furent
les suivants :
Cultures faciles à obtenir et, à propager en bouillon à + 3 î°,
donnant un trouble uniforme et très accentué, sans voiles ni pelli-
cules. Sur gélose à+ 37°, cultures maigres sous forme d'un mince
voile grisàtre à peine visible et translucide, analogues à des
cultures de streptocoques; sur gélatine pas de culture visible. '
Les caractères morphologiques des cultures en bouillon furent
ceux-ci : diplocoques à grains un peu allongés, ressemblant à
certaines formes des pneumocoques, et très courtes chaînettes ;
ces éléments se colorent facilement et restent colorés par la
méthode de Gram; pas de capsules.
Les inoculations à l'animal ne purent, pour des raisons indé-
pendantes de notre volonté, être faites qu'un mois après l'isole-
ment de ce microbe, c'est-à-dire avec des cultures probablement
atténuées.
Ces inoculations furent négatives pour le lapin (2 centimètres
cubes dans la veine de l'oreille) et le cobaye (3 centimètres cubes
dans le péritoine). Nous pensons que ces insuccès peuvent tenir
au vieillissement de nos cultures.
Ce microbe se rapproche par certains de ses caractères du
pneumocoque et du méningocoque de Weichselbaum, mais il en
diffère absolument par la longue végétabihté des cultures
366 CLINIQUE NERVEUSE. -
en bouillon que nous avons pu réensemencer avec succès même au
bout de six semaines. C'est surtout au streptocoque pyogène que
cet agent ressemble le plus soit par sa morphologie, soit par les
caractères de ses cultures sur milieux solides (agar, gélatine).
Nous pensons avoir eu affaire à une forme un peu spéciale
de streptocoque et nous croyons que tel est bien l'agent pathogène
de la maladie, étant donné sa présence exclusive dans le.liquide
médullo-rachidien, et associée il d'autres agents (probablement
d'infection cadavérique) dans les centres médullo-bulbaires. Il ne
nous a été possible de déceler aucun agent microbien par colora-
tion des centres nerveux médullaires après durcissement et
inclusion dans la paraffine.
Ces résultats de l'examen bactériologique, décelant un
microbe à rapprocher, par certains de ses caractères, du
pneumocoque et du méningocoque, et par d'autres du strep-
tocoque pyogène, ces résultats ne sont pas faits pour nous
surprendre. On sait que la pathogénie infectieuse de la
plupart des myélites ascendantes est aujourd'hui un fait hors
de conteste. De plus, dans les observations récentes, bien
étudiées, au point de vue bactériologique, c'est à des agents
microbiens tels que le pneumocoque (Roger et Josué), le
streptocoque (0 £ , ttii-i-ci et âlirinespo 2, Reiiilinger 1), ou même
le diplocoque infra-cellulaire (Piccinino ') que l'on attribue la
genèse des lésions. ,
Nous n'insistons pas sur ces faits auxquels se joint le nôtre
pour prouver une fois de plus la nature infectieuse de la
paralysie ascendante, mais de leur groupement nous tente-
rons de déduire une explication de certain point que la notion
générale d'infection des centres médullaires n'élucide qu'im-
parfaitement. Ce point que l'étiologie ou l'anatomie patholo-
gique n'expliquent pas, c'est la marche régulière de ces
paralysies, marche progressive de bas en haut, atteignant
successivement et infailliblement tous les centres moteurs
échelonnés le long de la colonne médullo-bulbaire.
Sans doute, la propagation de cellule en cellule par simple
voisinage tout le long de la colonne grise antérieure est la
première explication qui s'offre à l'esprit. Mais il suffit, à
4 Roger et Josué. Presse >7écl., 1897.
' Ol : ltinger et )Iariiiebco. Semaine méd., 1895.
1 Remlinger. Soc. de Biologie, 1896.
. Picciniuo..111111. di Nevrologia, fasc. 1.
LÉSIONS EXCLUSIVES DES CORNES ANTÉRIEURES. 367 I
défaut d'autre argument, de réfléchir qu'au niveau du bulbe
les noyaux gris sont plus ou moins séparés les uns des autres
sans que cela arrête la propagation, pour voir que l'hypo-
thèse est insuffisante.
On peut songer à une systématisation de l'infection par les
vaisseaux de la partie antérieure de la moelle; mais ces
vaisseaux n'irriguent pas exclusivement les cornes anté-
rieures, et l'on sait que dans la paralysie infantile, affection
où celte pathogénie vasculaire a été mise en avant, les
lésions sont précisément diffuses dans bien des cas aux
cardons blancs voisins et dites « pseudo-systématiques »
(Marie). Tel n'est pas le cas dans notre observation.
Enfin on peut soutenir que l'infection ou l'intoxication
généralisée ne frappe la colonne grise antérieure que parce
que celle-ci plus sensible, présentant une susceptibilité plus
grande, réagit la première et entraîne des troubles mortels.
Mais resterait toujours inexpliqué ce fait mystérieux de la
marche progressivement ascendante des lésions.
Sans vouloir rejeter absolument la part de vérité que ren-
ferme chacune des théories précédentes, nous voulons pro-
poser l'hypothèse pathogénique suivante. Dans un certain
nombre de cas le liquide des méninges rachidiennes a paru
spécialement infecté. Tels les cas si intéressants de Chante-
messe et Ramond '. Dans notre observation le microbe causal
était à l'état de pureté dans le liquide méningé, et ce dernier
présentait une augmentation de quantité et de tension telle
qu'il s'échappa en jet lorsqu'on incisa la dure-mère rachi-
dienne, alors que le cerveau était déjà enlevé.
Il semble d'après ces faits que l'on puisse, dans certains
cas du moins, faire jouer un rôle dans la progression des
phénomènes paralytiques de bas en haut à l'infection et
peut-être à la tension du liquide des méninges rachidiennes.
On peut concevoir que cette infection, débutant, pour une
cause quelconque, à la partie inférieure de la colonne lom-
baire, remonte progressivement. de bas en haut par la voie
ouverte du canal vertébral ; qu'une infection méningée atté-
nuée atteigne ainsi successivement les différents étages de la
colonne. antérieure motrice, la plus superficielle et la plus
sensible parmi les centres médullaires ; et qu'enfin la com-
1 Chantemesse et Ramond. Soc. de Biol., 23 juillet 1898. Épidémie de
paralysie ascendante d'origine infectieuse.
368 CLINIQUE NERVEUSE.
pression exercée sur la moelle par la tension du liquide
puisse favoriser cet envahissement des cornes antérieures au
sur et à mesure que ce liquide produit en quantité exagérée
s'accumule de bas en haut le long du canal vertébral.
Une pareille hypothèse est passible d'objections, dont la
- première est celle du petit nombre de faits dans lesquels
on a noté soit une altération, soit une infection des méninges
rachidiennes. On peut répondre que dans la grande majorité
des cas on n'a relaté ni l'état ni la quantité du liquide céphalo-
rachidien et qu'on l'a rarement ensemencé.
Depuis que, grâce à la ponction de Quinche, l'attention a
été attirée du côté de l'examen du liquide rachidien, des
faits bien suggestifs ont été notés. Tout récemment, Schultze' 1
par une ponction lombaire, dans un cas de paralysie infantile,
trouva du pneumocoque dans le liquide céphalo-rachidien.
Pourquoi n'admettrait-on pas que, dans ce cas, l'agent
pathogène a envahi les cornes antérieures par la voie du
canal rachidien en infectant d'abord les méninges ?
On pourrait ainsi concevoir que, par l'intermédiaire du
liquide des méninges rachidiennes, tantôt l'infection se géné-
ralise d'emblée en même temps à la plus grande partie de la
colonne motrice, et tantôt l'envahit progressivement de bas
en haut, donnant dans le premier cas une poliomyélite anté-
rieure plus ou moins généralisée (paralysie infantile... etc..)
et, dans le second, une paralysie ascendante. Une telle hypo-
thèse ne peut sans doute s'appliquer qu'au cas de paralysie
ascendante par myélite. Mais si l'on considère que, dans un
grand nombre de cas où l'examen bactériologique a été fait,
le microbe trouvé (pneumocoque, diplocoque à rapprocher
de celui de Weichselbaum) est un de ceux que l'on incrimine
dans la paralysie infantile (Schultze) ou dans^la méningite
cérébro-spinale, une telle conception aurait ce résultat inté-
ressant de rapprocher au point de vue pathogénique ces
différentes affections des méninges rachidiennes et de la
colonne motrice antérieure.
IV. Considérations générales.
Cette observation nous semble intéressante surtout par la
localisation exclusive des lésions aux cellules motrices des
1 Schultze. liùiieli. oaecl. \Voch., 1898, n" 38.
1 LÉSIONS EXCLUSIVES DES CORNES ANTÉRIEURES. 369
cornes antérieures de la moelle et des noyaux moteurs
bulbaires, sans adjonction d'aucune autre altération du
système nerveux, ce qui explique la pureté du type clinique :
myélite ascendante aiguë à forme exclusivement motrice.
On sait en effet que rien n'est plus variable que l'état du
système nerveux central ou périphérique dans les maladies
donnant lieu au syndrome « paralysie ascendante » ou maladie
de Landry. Ce dernier auteur n'ayant pas donné de subs-
tratum anatomique à l'affection qu'il décrivait, puisqu'il
croyait à l'intégrité du système nerveux dans ces cas, les
découvertes ultérieures et les progrès de la méthode anatomo-
pathologique ont permis de décrire sous le nom de maladie
de Landry ou de paralysie ascendante tous les cas où se
réalisait l'ensemble de ce syndrome quelles que soient les'
lésions constatées, médullaires ou névritiques. A l'heure
actuelle, comme l'indiquait le professeur Raymond dans une
de ses cliniques', l'examen du système nerveux dans les cas
de paralysies ascendantes a fourni les résultats suivants.
·1° Pas de lésions macroscopiques ni microscopiques. Cette
opinion qui était celle de Landry ne s'appuyait jusqu'à ces
derniers temps que sur des cas où l'examen par la méthode
de Nissl n'avait pas été fait. Une observation de Giraudeau
et Levai- est venu combler cette lacune.
2° Lésions exclusivement médullaires. La littérature médi-
cale de ces dernières années est fort riche en faits de ce
genre. Les lésions signalées sont d'ailleurs fort variables
comme siège, comme intensité, comme extension. Souvent
les faisceaux blancs de la moelle sont atteints en même temps
que les cellules des cornes antérieures ; les altérations des
vaisseaux (infiltration des parois, thromboses, hémorrhagies),
l'épaississement de la névroglie, la prolifération des cellules
épendymaires sont fréquemment notées. On voit que, rare-
ment, une systématisation, une élection des lésions pour les
seules cellules motrices des cornes antérieures, se rencontre
aussi parfaite que dans notre cas. L'observation de Roger et
JosuéJ peut seule en être rapprochée. A part ces deux cas
il n'en n'existe pas, croyons-nous, où les lésions des éléments
1 Raymond. Clinique des maladies du système nerveux, 1896.
, Giraudeau et Levi. Revue nelll'ol., 15 octobre 1898.
3 Roger et Josué. Presse médicale, 1898.
Archivas, 2» série, t. VIII. 't
370 CLINIQUE NERVEUSE.
nobles ne soient accompagnées d'altérations vasculaires
d'intensité variable.
3° Lésions des nerfs périphériques, soit seules, soit asso-
ciées à des lésions médullaires.
Ces lésions ont été mises en évidence, surtout par Eichorst,
- -Déjerine, Pitres et Vaillard, Nauwerk et Barth, etc.
S'appuyant sur ces résultats complexes, diverses théories
virent successivement le jour sur la pathogénie de la maladie
de Landry. Pour les uns elle ne serait jamais l'expression
d'une lésion des centres, mais toujours d'une polynévrite
périphérique.
Nauwerk et W. Barth ont soutenu cette opinion en 1889
« on n'a pas fourni la preuve certaine qu'une affection des
centres, de la moelle et du bulbe en particulier, peut donner
naissance au tableau d'une paralysie ascendante typique ».
J, Ross et S. Bury ont défendu encore plus formellement
l'identité de la polynévrite et de la paralysie ascendante aiguë.
Tout récemment encore, Krewer2 a tenté d'établir, d'après
quatre observations cliniques et anatomo-pathologiques que
la maladie de Landry « n'est autre chose que le deuxième
et troisième stade d'une névrite chronique multiple passée
par continuité à la moelle épinière ». La polynévrite chro-
nique serait une condition sina qua non de la paralysie de
Landry !
D'autres auteurs se sont au contraire rattachés exclusive-
ment à la pathogénie médullaire.
Pour Senator notamment on ne doit donner le nom de
paralysie de Landry qu'aux cas de paralysie extensive exclu-
sivement motrice sans troubles de la sensibilité, ni réaction
de dégénérescence, et seulement avec lésions médullaires.
C'est une question de définition.
A l'heure actuelle, la pathogénie exclusivement névritique
pour tous les cas de paralysie ascendante ne peut plus être
légitimement soutenue. Si elle était admissible en 1889, au
moment où Nauwerck et Barth faisant remarquer l'invrai-
semblable diversité des lésions médullaires décrites dans celte
affection en concluaient au peu de valeur de ces observa-
tions, elle ne saurait actuellement résister aux travaux où
' Nauwerk et Barth. Zierller's Bei ? Oye : /11' patlwl, anal., 1889, Bd, V.
- Krewer (Sain L-IlétersboLir,). Zeitschrifl sur lilitz. Dleclicin., 1897,
p. 11j.
LÉSIONS EXCLUSIVES DES CORNES ANTÉRIEURES. 3-il 1
sont notées une description minutieuse des altérations des
cornes antérieures et une absence complète de lésions de
polynévrites. Aussi l'opinion de Krewer nous paraît légère-
ment paradoxale à l'heure- actuelle. Les quatre faits qu'il
apporte peuvent uniquement démontrer que la paralysie
ascendante d'origine médullaire peut se greffer sur une
polynévrite antérieure plus ou moins accusée et que le
malade meurt avec des lésions étendues à tout son neurone
moteur périphérique.
' Nous pourrions d'ailleurs critiquer sur bien d'autres points
ce mémoire de Krewer. -Nous retiendrons simplement ceci :
qu'il procède à une généralisation inadmissible basée sur
l'étude de quatre observations et fait table rase de toutes
celles, publiées avant lui, où l'intégrité des nerfs périphé-
riques a été spécialement notée, avec ou sans altération des
cellules médullaires.
Notre observation vient s'ajouter à quelques autres pour
montrer que si les faits analogues à ceux de Krewer sont
possibles, il arrive aussi que les centres des neurones
moteurs périphériques sont primitivement atteint sans aucune
lésion du nerf périphérique lui-même.
Faut-il dès lors se rattacher à l'opinion de Sénator et
regarder comme un entité morbide les cas de paralysie
ascendante aiguë avec symptômes purement moteurs et
lésion exclusivement médullaire et lui réserver le nom de
paralysie de Landry ? Laissant de côté les cas complexes
où des lésions successives ou simultanées des différentes par-
ties du neurone moteur périphérique viennent compliquer le
tableau, faut-il distinguer deux formes de paralysie ascen-
dante, l'une névritique, l'autre médullaire, chacune avec ses
caractères distinctifs ?
L'une serait caractérisée par des phénomènes sensitifs sub-
jectifs, par la douleur à la pression des muscles et des troncs
nerveux, par une évolution plus lente et une guérison plus
fréquente.
La forme médullaire pure ne s'accompagnerait jamais de
troubles sensitifs, présenterait une marche plus rapide, une
extension précoce aux noyaux bulbaires. Notre cas serait un
des types les plus purs de cette forme médullo-bulbaire.
Boudin', dans sa thèse a tenté une catégorisation de ces typcs
' Bodin. Les paralysies ascendantes. (Thèse Paris, 189G.)
373 CLINIQUE NERVEUSE.
cliniques. Sans doute une telle division, outre qu'elle aurait
l'avantage de classer les faits et de satisfaire l'esprit pourrait
avoir quelque importance pratique au point de vue du
pronostic.
Cependant il ne faut pas se dissimuler tout ce qu'une
~ pareille classification aurait d'artificiel. Comme le fait
remarquer M. Raymond il n'est pas difficile de trouver des
transitions insensibles, toutes les transitions possibles entre
les types et « on en vient à se demander où sont dans la
réalité des choses, ces lignes de démarcation entre la paralysie
ascendante aiguë, la poliomyélite antérieure aiguë de l'adulte
et la polynévrite motrice »-
« En présence d'un syndrome qui reflète plus ou moins
fidèlement les traits de la paralysie de Landry, il est souvent
impossible de décider si nous avons ou si nous n'avons pas
devant nous des lésions de polynévrite, de poliomyélite ou
des lésions spinales quelconques*. »
D'ailleurs attacher le nom de maladie de Landry à la
forme médullaire pure de paralysie ascendante aurait le
grand inconvénient à l'heure actuelle de créer plutôt que
d'éviter une confusion, puisque des tableaux cliniques assez
différents et des lésions anatomiques multiples ont été décrits
sous ce nom qu'il est peut-être un peu tard de vouloir ratta-
cher à autre chose qu'à un syndrome clinique.
En tout cas il n'est pas sans intérêt (quitte il les classer
plus tard) d'accumuler les observations présentant cet avan-
tage de correspondre, comme la nôtre, à un tableau clinique
bien net, sans adjonction de symptômes accessoires, et surtout
des lésions aussi exactement systématisées aux cellules,
centres des neurones moteurs périphériques, avec intégrité
des nerfs des vaisseaux et du tissu conjonctif.
Si l'on doit distinguer des types pathologiques extrêmes
différenciés par leur allure clinique et leur systématisation
anatomo-pathologique, nous croyons que c'est à^de tels cas
qu'il faut se reporter et notre observation nous semble repré-
senter un des types les plus purs de ce que nous appelle-
rions : myélite antérieure ascendante aiguë avec lésions
exactement localisées aux cellules des neurones moteurs péri-
phériques et avec symptômes uniquement moteurs.
' Raymond. Presse médicale, 1896, p. 29. Clinique des maladies du
système nerveux, 1896.
HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES VERBALES. 373
Conclusions. - 1° Il est des cas de paralysie ascendante à
forme motrice pure, dus à des lésions exclusives de la colonne
motrice médullo-bulbaire, sans atteinte des vaisseaux ni de
la substance blanche ni des nerfs. (Myélite ascendante anté-
rieure aiguë.)
2° L'infection du liquide céphalo-rachidien constatée dans
certains cas de paralysie ascendante semble pouvoir expli-
quer, mieux que toute autre hypothèse, la marche ascen-
dante et progressive des lésions, la colonne motrice étant
touchée par l'intermédiaire du canal rachidien chemin tout
préparé pour la propagation de l'infection. Cette hypothèse,
s'appuyant d'autre part sur l'identité des microbes causant
ordinairement la paralysie ascendante, la méningite cérébro-
spinale et parfois la polyomyélite antérieure (pneumocoque.
streptocoque méningocoque), rapproche au point de vue
pathogénique ces affections de la moelle et des méninges.
CLINIQUE MENTALE.
LES HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES VERBALES
- DANS L'ALCOOLISME;
Par le De P. COLOLIAN,
Ancien interne des Agiles de la Seine.
Les multiples hallucinations des sensibilités spéciales ont
été étudiées depuis fort longtemps par les aliénistes français
et étrangers. Mais ce n'est que récemment qu'un trouble
hallucinatoire spécial, dénommé aujourd'hui hallucination
psycho-motrice, a attiré l'attention des psychiatres. Il existe
des malades de toutes catégories, qui prétendent avoir une
voix « sourde », sans timbre ni son, intérieurement, une voix
qui leur cause et se fait comprendre.
C'est Baillargerl qui différencia ce groupe d'hallucinations
1 13aillarger. Des hallucinations, 1S40. Physiologie des hallucina-
tions dans ses recherches sur les maladies mentales.
374 CLINIQUE MENTALE.
sous. le n4)m d'hallucinations psychiques. Après avoir exposé
la façon dont s'expriment les malades, il donne cette défini-
tion : « Ce sont des perceptions purement intellectuelles,
ayant leur point de départ dans l'exercice involontaire de la
mémoire et de l'imagination, et qui sont souvent assimilées à
tort par les malades aux perceptions sensorielles. »
Legrand du Saulle avait aussi remarqué que certains ma-
lades disent entendre « des idées, des voix secrètes, inférieures,
sans langage parlé ». Maudsley le premier nomma ce trouble
« hallucination motrice ».
Avant ces auteurs d'autres avaient observé ces faits sans
leur donner d'importance. Certains auteurs mystiques, par-
lant de ces voix, disaient : « les unes sont intellectuelles et
se font dans l'intérieur de l'âme, les autres corporelles. »
Leuret rapporte le cas du frère Gilles et du roi saint Louis
qui « se parlaient sans aucun bruit de parole », et celui de
filme Guyon avec le père Lacombe, son confesseur, qui se
comprenaient sans parler, de sorte que peu à peu elle se
trouva réduite à « ne lui parler qu'en silence ». De même
Calmeil a observé quelques hallucinés qui se persuadent que
les voix partent de leur poitrine, de leur ventre, d'un organe
essentiel à la vie.
Parmi les auteurs actuels il faut citer le nom de M. Séglas' J
qui a bien étudié la question en 1888, et formé trois groupes
d'hallucinations psycho-motrices verbales pures : 1° halluci-
nations verbales motrices pures ; 2° des hallucinations ver-
bales motrices combinées à des auditives verbales ; 3° de
simples représentations mentales motrices associées ou non.
MM. Ballet 2, Ritti3, Séglas et Londe \ Roubinovitch ',
.Janet 6, Pieracciui7, ont rapporté des cas d'hallucinations
1 Séglas. Progrès médical, 1888, nO' 33 et 31, et Congrès de méd.
mentale de Nancy, 1895.
5 G. Ballet. Semaine médicale (Leçon à l'hôpital Saint-Antoine), 1891.
3 Ritti. Stigmates psychiques de dégénérescence (Annales médico-
psycho" 1892).
i Séglas et Londe. Hallucinations verbales motrices dans la mélancolie'
(Archives de neurologie, 1892, mars et mai).
II Roubinovitch. Contribution à l'étude clinique des hallucinations
verbales psycho-motrices (Annales médico-ps ! Jclwl" 1893, p. 100).
° Janet. Revue philosophique, mars, avril 1892.
7 Pieraccini. Accès de mutisme, 1893.
HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES VERBALES. 375
psychomotrices verbales. M. le professeur Joffroy 1, dès sa
première leçon d'ouverture à la chaire de pathologie men-
tale aborda ce sujet; depuis, il y est revenu à plusieurs
reprises.
M. Magnan2 qui, dans ses leçons à Sainte-Anne parla plu-
sieurs fois des hallucinations motrices verbales surtout chez
les délirants chroniques, écrit de nouveau dans son dernier
traité : « A côté de ces modalités de l'hallucination de l'ouïe,
prennent place des troubles spéciaux, moins sensoriels que
psycho-moteurs, les hallucinations psychiques ou motrices
verbales ; des voix intérieures parlent silencieusement dans
l'estomac, dans la gorge ; ce sont des voix qui ne sont pas
des voix, qui ne résonnent pas aux oreilles. Ces faits s'ex-
pliquent par la propagation au centre moteur du langage de
l'excitation du centre auditif cortical. » Signalons encore la
thèse de Marson3 sur le même sujet.
Après l'étude d'ensemble des hallucinations psycho-motrices
verbales, les auteurs ont été amenés à les étudier dans les
différentes formes de vésanies, au hasard de la clinique.
Sont-elles d'abord compatibles avec la raison ? Certes oui.
L'hallucination à elle seule, comme phénomène transitoire,
ne suffit pas à provoquer du délire ; les cas sont nombreux
d'individus ayant des hallucinations de l'ouïe, qui se rendent
parfaitement compte de leur état et ne délirent point. Brierre
de BoismonL', pour revenir aux hallucinations psycho-
motrices verbales, cite le cas d'une femme de quarante ans,
saine d'esprit, qui « depuis cinq ans entend des voix qui tan-
tôt résonnent fortement aux oreilles, tantôt sont intérieures
et silencieuses ».
M. Ballet' rapporte une observation qui lui fut communi-
quée par Charcot, d'un homme de quarante-cinq ans, non
aliéné, ayant depuis douze ans des voix intérieures et exté-
rieures. Au moment où la voix intérieure parle, malgré le
malade sa langue se meut.
' Jofiroy. Progrès médical, 1893, p. 413. Hallucinations unilatérales
(Arch. de neurologie, 1896).
* Magnan. Leçons cliniques sur les maladies mentales, 1897, p. 17.
3 maison. Contribution à l'élude des hallucinations verbales psycho-
motrices (Thèse de Paris, 1897). -
* Brierre de Boismont. Hallucinations, p. 578.
6 Ballet. Le langage intérieur, 1886, p. 64.
331(6 CLINIQUE MENTALE.
MM. Séglas et Londe' ont publié des observations de mélan-
coliques atteints d'hallucinations psycho-motrices verbales.
On a observé des cas semblables dans la manie. l3aillar-
ger a eu le cas d'un maniaque en convalescence, qui durant
quinze jours avait une voix intérieure épigastrique. blairet- 2
"a rapporté un autre cas. Janet cite un excité demi-maniaque
qui prétendait communiquer à distance avec certaines per-
sonnes.
Les hallucinations psycho-motrices verbales existent et
sont fréquentes dans le délire chronique (Magnan), dans les
délires de persécution (Legrand du Saulle, Jotfi-o3-).
M. Sérieux ? a rapporté deux cas de paralytiques généraux
ayant des hallucinations motrices verbales. -
Dans les délires toxiques, surtout dans l'alcoolisme, les
cas d'hallucinations psycho-motrices verbales sont très
rares. M. Vallon*, qui en rapporte deux exemples, les avoue
exceptionnels. D'ailleurs, l'un des malades de M. Vallon est
sujet à critique, M. Vallon lui-même avoue que c'est un cas
douteux. 1
Nous avons nous-même rapporté un cas d'alcoolique ayant
eu des hallucinations psycho-motrices verbales, dans notre
thèse 3 inaugurale.
Nous sommes heureux d'y ajouter ici quatre observations
d'alcooliques, ayant eu au moment de leur délire, avec des
hallucinations multiples de l'ouïe et de la vue, des halluci-
nations psycho-motrices verbales. Les trois malades ont été
étudiés dans le service de notre maître, )[. Magnan, à l'admis-
sion de Sainte-Anne. On sait combien sont nombreux les
alcooliques qui y entrent chaque jour. Pourtant, en l'espace
d'une année, nous n'avons pu relever que trois cas.
Observation I. - Dégénérescence mentale et hérédité : grand'mère
aliénée. - Début des habitudes alcooliques à vingt-trois uns.
Signes d'alcoolisme chronique à trente-cinq uns. - Hallucinations
de l'ouïe, de la vue et psycho-motniees verbales en 18()G.
' Sellas et Londe. Loc. cil.
Mairet. Montpellier médical, 8 novembre 18 ? ).
' Sérieux. Hallucination psycho-motrice chez une paralytique générale
(AI'ch. de neurologie, mai 18Ui). - Gaz. hebdolilad" 189g, il- 19.
' Vallon. Annales médico-psychol., 189a, p. 97.
' Cololian. Les alcooliques persécutés (Thèse de Paris, 1898, p. 56).
HALLUCINATIONS PSYCO-MOTRICES VERBALES. 377 Î
11 ? B..., trente-six ans. - Grand'mère maternelle a'iénée; est
dans un asile en province. Pèie, alcoolique invétéré, coléreux et
batailleur, est mort tuberculeux. Sa mère, une brave femme, vit
et se porte bien ; elle s'est mariée deux fois et a eu treize enfants,
dix avec son premier mari, trois avec le second. Notre malade est
née du second lit. Nous n'avons pas de renseignements sur les
enfants du premier lit; du second, deux soeurs sont mortes, l'une
bacillaire, à vingt-sept ans; l'autre d'une méningite, très probable-
ment tuberculeuse.
Quant à notre malade, elle n'a eu aucune maladie grave dans
son enfance. A été réglée à quinze ans et depuis l'est toujours
bien.
C'était une fille d'une intelligence moyenne, mais travailleuse,
allant régulièrement à l'école, aimant beaucoup l'étude. D'une
nature plutôt triste, un peu misanthrope, recherchait la solitude,
les livres tristes; dans son entourage, on la trouvait trop sérieuse
pour son âge.
A vingt-trois ans, prise d'ennui, elle cherche une distraction,
fait la connaissance d'un employé de commerce, alcoolique, avec
lequel elle vit maritalement. C'est lui qui la pousse à prendre des
boissons alcooliques, pour la distraire. Elle y prend goût et
retourne souvent à sa consolation. Elle continue ainsi journelle-
ment à s'intoxiquer, soit avec du cognac, soit avec des apéritifs.
En 189G, elle a perdu tout appétit; double alors la dose des apé-
ritifs. La nuit, elle avait des cauchemars pénibles; le matin, des
pituites jaune verdâtre; ses mains tremblaient : C'est à cette
époque qu'elle a des troubles hallucinatoires. , -
Elle a eu d'abord des hallucinations de l'ouïe, entendait distinc-
tement par ses deux oreilles une ou plusieurs voix d'hommes, de
femmes qui lui faisaient des reproches : « Tu fais mal ton ménage,
tu ne balayes pas bien. » Ces voix avaient des réflexions sur tout
ce qu'elle faisait.
Dans la soirée, à la tombée de la nuit, elle voyait des fantômes
autour d'elle, des têtes grimaçantes. Mais les hallucinations de la
vue ne prédominaient pas, elles étaient fugaces et peu nom-
breuses.
Hallucinations psycho-motj'iccs verbales. - Les voix des oreilles
lui posaient aussi des questions, et, elle s'aperçut un jour qu'une
autre voix, non articulée celle-là, sans aucun timbre, qu'elle
entendait néanmoins, répondait aux questions posées par les voix
des oreilles. Ainsi s'établissait en elle un dialogue singulier de la
voix intérieure aux voix externes. '
Les voix externes disaient : « Tu n'as pas payé tes notes, tu
as des dettes partout. » - « Ce n'est pas vrai, répondait la voix
intérieure, je n'ai pas de dettes, j'ai tout payé. »
La malade s'étonnait que la voix intérieure parlât en son nom,
378 CLINIQUE MENTALE.
répondant comme pour elle; mais souvent cette voix parlait aussi
au nom d'un tiers : « Non, aflirmait-elle, elle est une bonne per-
sonne, vous avez tort, vous. »
Quelquefois la voix intérieure et les voix des oreilles ne tom-
baient pas d'accord : la malade, affolée, 'assistait alors à des dis-
cussions, les voix s'entrechoquaient; celles des oreilles criant tant
qu'elles pouvaient, la voix intérieure ne parvenant pas à se faire
entendre.
Mmc B... assistait, muette spectatrice, à cette bataille hallucina-
toire, incapable de bouger. Elle crut comprendre plus tard que la
voix intérieure était sa voix intime, causant, disputant malgré elle.
Elle parlait donc automatiquement; quand les voix des oreilles
l'accusaient, la voix intérieure répondait sans son assentiment :
« Non, je n'ai pas fait ça. »
Elle ne pouvait désigner d'où venait cette voix, où elle se faisait
entendre; c'était parfois il l'estomac qu'elle sentait la réponse.
« Je réponds par l'estomac, disait-elle, tandis que j'entends par
les oreilles les questions et les injures que l'on m'adresse. » Elle
ressentait au même moment une contraction épigastiique, mais
la langue ne remuait pas.
Elle était hallucinée déjà depuis plusieurs jours quand le 7 mai
1890 les voix des oreilles lui prédisent un grand malheur : elle
allait devenir folle. Désolée, elle se sauve, les voix la poursuivent,
« Jette-toi par la fenêtre, lui crie-t-on dans les oreilles », et c'est
ce qu'elle fait.
Relevée dans la rue dans un état pitoyable, on la transporte à
l'hôpital Beaujon où l'on oonstate une fracture du bassin et plu-
sieurs plaies sur la tête et sur le corps. Elle s'était précipitée d'un
3e étage.
A l'hôpital les hallucinations continuent quelques jours, puis
diminuent grâce au régime, et cessent finalement. Elle reste deux
mois à l'hôpital. En sortant, elle n'avait aucune hallucination,
mais aussitôt sortie, elle recommence à boire.
Trois semaines après sa sortie les hallucinations, les cauchemars,
les pituites, le tremblement des mains réapparaissent avec une
légère variante. Ainsi la zooptie est plus caractéristique cette fois,
la malade voit des figures dans des lunes, elle a des visions de
chiens, de grenouilles, de chats, de souris. Les voix des oreilles
sont moins nombreuses. Elles sont au nombre de trois, dont une
d'homme, une bonne celle-là qui la protège contre les deux autres :
des voix de femmes. La voix intérieure n'a pas changé de carac-
tère.
Ces hallucinations ont des alternatives d'intensité et d'apaise-
ment suivant la quantité de boissons alcooliques ingérées.
Les hallucinations de l'ouïe lui suggèrent l'idée du suicide :
« Tue-toi, jette-toi à l'eau », entend-elle constamment. Elle va
HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES VERBALES. 379
trouver le commissaire de police pour mettre fin à cette pénible
« poursuite », à cette « triste comédie ». Et elle est envoyée à
l'infirmerie du Dépôt, puis à Sainte-Anne, de là à Villejuif où elle
entre le 21 novembre 1806.
C'est une femme de petite taille, brune, elle pèse 50 kilogrammes.
Les traits sont assez réguliers, les lobules des oreilles sont adhé-
rents, les dents en mauvais état.
A des hallucinations de l'ouie, quoique bien moins depuis qu'elle
se trouve à l'asile de \'illejuif. Les hallucinations psycho-motrices
verbales ont cessé depuis son arrestation.
La première nuit, elle a très mal dormi, a eu des mauvais rêves,
on la précipitait dans un puits.
Tremblement des mains.
L'examen des poumons ne donne rien de particulier. La pointe
du coeur bat dans le 6" espace intercostal et un peu en dehors. La
radiale bat régulièrement. Bien au foie.- Pas d'albumine ni sucre
dans les urine ? .
Le lendemain et les jours suivants les hallucinations disparais-
sent, le sommeil revient, l'appétit est meilleur, les mains trem-
blent moins.
Quinze jours après, tout accident alcoolique a disparu. Mais la
malade reste triste, déprimée, elle redevient ce qu'elle était avant
ses excès alcooliques.
Réflexions. 111N B... sans aucun doute est une prédis-
posée. Une lourde hérédité pèse sur elle; sa grand'mère.
une aliénée, son père un alcoolique auraient dû lui servir de
leçon et la mettre en garde contre les boissons alcooliques.
Poussée par la dégénérescence qui lui enlève toute résis-
tance sérieuse, elle a commencé à boire. Chez elle la dégéné-
rescence prédomine, l'alcool a fait le reste.
Un des points intéressants de ce cas, c'est que l'éréthisme
du centre cortical moteur verbal produit chez la malade non
seulement la représentation motrice, mais aussi une sorte
d'articulation réelle qui lui fait croire que la voix intérieure
est la sienne, et qu'elle parle automatiquement.
Observation II (Service de M. le D' Magnan). - Dégénérescence
mentale; grand-père et père alcooliques. Habitudes alcooliques
depuis longtemps. - Troubles hallucinatoires nocturnes et diurnes
vers la fin de 1896; délire alcoolique avec hallucinations multiples
et pénibles quelques jours avant son entrée; hallucination psycho-
motrice verbale.
facteur il Paris, tlente-six ans.
380 CLINIQUE MENTALE.
Père alcoolique, mort; s'enivrait souvent. Mère morte; pas de
renseignements. Deux frères et trois soeurs bien portants. Une
soeur morte tuberculeuse.
Antécédents personnels. Aucune maladie grave, mais chétif :
a toujours été un peu bizarre; peu intelligent. Il vivait seul depuis
cinq ans. Prenait du rhum le matin avant le déjeuner et parfois de
l'absinthe; du vin en mangeant. Avait des cauchemars depuis
quatre à cinq mois, des pituites, des crampes dans les jambes.
Depuis le mois de février 1897. il avait des hallucinations de
l'ouïe ; on lui disait des gros mots, des insultes, il les entendait
des deux oreilles. Souvent, les voix étaient multiples, c'étaient
celles de toute une foule; d'autres fois, c'était une conversation
entre une voix et lui; même il entendait la voix et il lui répondait,
elle lui ordonnait de dire « oui. non M, de faire tel ou tel acte. 11
avait depuis à peu près un mois des hallucinations psycho-mo-
trices ; une voix non articulée, mais bien comprise lui parlait dans
l'estomac. Cette voix n'avait pas de timbre, elle était pourtant
nette comme expression : « Tu vois comme l'on s'amuse bien
vous aurez 20 francs, il faut jouer aux courses et vous gagnerez. »
11 répondait à voix basse à cette voix intérieure : « Je ne veux pas
jouer, je n'aime pas tricher»; la voix intérieure répliquait : « Il
n'y a pas de tricherie dans le jeu ; c'est au plus malin. » La voix de
l'estomac était beaucoup plus désagréable que la voix des oreilles.
Au moment où la voix psycho-motrice se faisait entendre. la
langue du malade remuait et devenait sèche ; il ressentait en même
temps une sorte d'angoisse dans la poitrine.
Hallucinations de la vue. 11 croyait voir des hommes, des as-
sassins-derrière la porte.
Idées de persécution. - Dans la rue, les passants faisaient des
signes pour lui nuire, pour le taquiner ; on le regardait « en des-
sous », « sa soeur voulait l'empoisonner ». Il avait aussi des idées
de jalousie morbide, sa maîtresse le trompait avec des individus
inconnus.
Pendant un mois il traina avec des cauchemars pénibles des
hallucinations multiples, puis son entourage le trouvant très
malade, on le fit interner. Il est arrivé à l'Asile clinique le 1-j mars
180T, nous l'examinons le lendemain. C'est un homme de taille
moyenne, bien musclé; pas de signes apparents de dégénérescence
si ce n'est l'adhérence des lobules des oreilles, et la voûte ogivale
du palais.
Il tremble des deux mains, et cause l'air inquiet, tournant la
tète dans tous les sens, prêtant l'oreille aux moindres bruits. Il
s'arrête parfois dans sa conversation et écoute ses voix hallucina-
toires. Il a encore, en effet, des hallucinations de l'ouïe, il entend
toujours la voix intérieure lui donner de mauvais conseils : « Tape
donc, vaurien; ne mange pas, je te le défends. »
HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES VERBALES. 381
Le foie est un peu gros, il déborde de trois travers de doigts les
fausses côtes; il est sensible à la pression. L'estomac clapote au-
dessous de l'ombilic. Le coeur est un peu gros. Bien dans les pou-
mons ; urines normales. Pas de lièvre.
Le lendemain de son arrivée il va déjà bien mieux; il a bien
dormi ; les voix ne le tourmentent plus autant. Les jours suivants
tout trouble hallucinatoire a disparu, M... est revenu à l'état nor-
mal et nous promet de ne plus boire.
1
Réflexions. Le cas est simple, ce fils et petit-fils d'alcoo-
lique devient alcoolique à son tour; il boit, son sommeil se
trouble, l'appétit se perd, et un jour il entend des voix par
ses oreilles qui l'insultent, l'injurient. Puis ce sont des voix
non articulées, non entendues, mais bien comprises qui lui
parlent, et sa langue remue au moment où elles parlent.
C'est bien une hallucination motrice verbale apparue au mo-
ment du délire alcoolique, et qui disparait avec la suppression
du poison.
01l-"IIV.TIO-i III (Service de M. Magnan, asile clinique). Dégrnr-
rescence mentale et lourde hérédité : grand-père et tante aliénés.
Habitude alcoolique depuis peu de temps, mais abus depuis le com-
mencement de 1897. Délire alcoolique quelque temps après,
avec hallucinations auditives et psycho-motrices. Idées de persé-
cutiorz. Idées mystiques.
'l'..., employé de commerce, trente-six ans. - Grand-père
paternel mort aliéné à Bicêtre. Tante paternelle morte à Sainte-
Anne. Père presque en démence, alcoolique, boit du rhum tous les
matins à jeun. Mère morte d'une affection cérébrale, encépha-
lite ( ? ) suivant les médecins qui l'ont soignée; elle a succombé
quelques jours avant l'internement de notre malade.
T... est venu au monde à terme. Il n'a pas eu de maladie grave
étant enfant. A été à l'école pendant sept ans. C'était un jeune
homme silencieux, concentré, causant peu avec ses camarades ;
assez studieux pourtant et un peu sentimental. Il a pu acquérir
une instruction assez suffisante pour lui permettre de gagner sa
vie ; il gagnait de 4 il francs par jour.
Quoique aimant vivre à l'écart, à la façon d'un misanthrope, il
s'intéressait beaucoup aux questions politiques, les discutait avec
ardeur, se mettant en colère facilement, et tremblant alors de
tout son corps. Il était pourtant aimé de ses camarades pour la
douceur de son caractère.
Il s'occupait aussi de littérature, lisait beaucoup de romans, et
aimait bien la musique.
382 CLINIQUE MENTALE.
On voit que T... chargé par une lourde hérédité, n'avait pas la
bizarrerie des dégénérés, en général, et conservait l'équilibre
mental. Il n'était point mystique, nous notons ce fait sur lequel
nous reviendrons au cours de cette observation.
Depuis 1887, T... prenait chaque matin un verre de rhum. Mais
depuis le commencement de 1897, voyant sa mère souffrante et
son père incapable de travailler, T... se désolait ; pour se donner
un peu d'énergie et de force morale, il allait, où vont en général
les pauvres dégénérés : au cabaret. Plus il buvait, plus il sentait
le besoin d'un réconfortant psychique, et dès lors, augmentait
peu à peu la dose des boissons alcooliques. Dans son entourage
on remarquait que T... changeait beaucoup : lui, si ponctuel à
son travail, il devenait irrégulier. On voyait que souvent il sem-
blait prêter l'oreille à des voix imaginaires. Toujours est-il qu'il
dormait mal, avait des cauchemars, et perdait de plus en plus
l'appétit. Toutefois il continuait à boire; les camarades pour le
consoler, le marchand de vins pour le fortifier l'excitent tour à
tour.
Au commencement de mars 1897, il ne peut plus travailler et
cesse toute occupation. Vers le 18 mars, il est pris d'hallucina-
tions multiples, surtout de l'ouïe, et envoyé au dépôt de la préfec-
ture le 19. Il entre dans le service le 21 au soir, nous le voyons le
lendemain matin.
C'est un homme petit, maigre, brun; légère asymétrie faciale.
11 parle d'une voix basse, l'air inquiet.
11 a plusieurs sortes d'hallucinations :
Hallucinations de la vue. - Il voit autour de lui des animaux,
des chiens, mais ce sont surtout des gens, ses parents, son pro-
priétaire, ses cousines qui passent et repassent devant lui. Il les
voit derrière les vitres, à sa porte. La nuit, dans ses cauchemars,
ils apparaissent toujours sur la scène hallucinatoire. Les halluci-
nations de la vue ont été tardives, elles sont apparues deux jours
avant son arrivée dans le service et ont disparu graduellement en
l'espace de trois jours.
Hallucinations de l'ouïe. - Elles jouent un rôle secondaire dans
le délire de notre malade. Elles ont dû apparaitre, d'après nos
renseignements, trois ou quatre mois avant l'éclosion du délire
alcoolique. Elles ne présentent aucune particularité, ce sont, comme
chez tous les délirants alcooliques, des voix multiples, connues et
inconnues, qui lui reprochent ses habitudes alcooliques, le traitent
de « canaille », de « propre à rien », etc.
Hallucinations pS ! Jcho-motl'ices. - Elles jouent le plus grand rôle
chez T... Voici comment il les décrit lui-même : « J'entends
comme un souffle, un fluide dans la poitrine, la gorge, dans la
tête, et pourtant je ne l'entends pas par les oreilles, ce n'est pas
une voix articulée, c'est un fluide divin, et je comprends, c'est
HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES VERBALES. 383
même drôle. » Plus tard, il écrivait : « Une voix, que je n'enten-
dais pas par les oreilles, mais qui semblait me venir de la gorge,
m'encourageait. »
C'est bien là une hallucination psycho-motrice verbale. T... avait
remarqué aussi que souvent, quand il entendait « la voix divine »,
« le fluide », sa langue remuait dans sa bouche. Cette voix était
de nature mystique, elle prononçait des mots brefs, des paroles
d'encouragement : « Courage, confiance, espérance, charité. »
Elle lui dictait parfois tous ses actes; ainsi quand il ne mangeait
pas, elle lui ordonnait de manger ; s'il marchait trop longtemps,
elle lui disait de s'asseoir, et ce qui « est plus drôle, écrivait-il,
elle m'appelait de mon prénom, Alfred ».
Plusieurs jours après son entrée, alors que les autres hallucina-
tions avaient disparu, la voix divine se faisait encore entendre dans
la poitrine ou dans la gorge. Elle lui disait de prononcer certains
mots qu'il répétait tout bas, mots qui, selon elle, devaient lui
donner de la vigueur pour résister. Ces mots, les voici : « Mur,
vent, eau, Dieu, ciel, arbre, nuage, barrière, cheminée, pla-
fond, etc. » C'étaient surtout les mots vent, terre et barrière, qui
devaient avoir le plus grand effet.
La nature de cette voix provoquait une sorte de mysticisme
chez T... qui n'était point pieux auparavant. Il parlait de Dieu, de
la Sainte Vierge, de la protection du ciel, de la confiance qu'il
avait en Dieu, et priait fort souvent.
Idées de persécution. - Il a eu en outre pendant le cours de son
délire, des idées de persécution. Il croyait que ceux qui l'entou-
raient lui voulaient du mal, désiraient lui jouer de mauvais tours,
le tuer même. On allait également tuer son père pour s'emparer
de sa boutique.
L'examen physique ne nous révèle rien de particulier dans les
' organes. Les urines ne contiennent rien d'anormal. Les mains
et les muscles de la face tremblent beaucoup.
Deux jours après son entrée il va déjà^ mieux, quoiqu'il ait
encore des cauchemars la nuit, des hallucinations de l'ouïe et qu'il
entende encore sa voix intérieure.
Le 26 mars, il est plus calme, il dort bien, il a toujours quelques
hallucinations auditives et psyeho-motrices. - Le 30, il va bien
mieux et se dit guéri.
Le 5 avril il est bien en effet moralement et physiquement, il se
rend parfaitement compte qu'il a eu du délire alcoolique et nous
promet de ne plus boire. - Envoyé en convalescence à Ville-
Lvrard le 17 mai.
Réflexions. Ces hallucinations psycho-motrices sont
fréquentes chez les dégénérés atteints de folie mystique. Ce
fait a été observé plusieurs fois. Comme le malade de M. Val-
384 CLINIQUE MENTALE.
Ion ', notre malade a eu des idées mystiques. Lui, qui n'était
pas pieux auparavant, il prie Dieu et tous les saints dans son
délire et durant son intoxication alcoolique.
Est-ce le délire mystique qui a provoqué l'hallucination
psycho-motrice verbale, c'est possible. Cependant nous fai-
sons remarquer que notre malade avait des voix intérieures,
quand les préoccupations religieuses ont apparu. Nous signa-
lons simplement la coïncidence.
Observation IV (Service de M. le Dr Magnan). - Dégénérescence
mentale et hérédité : frère aliéné. - Alcoolisme chronique. - Idées
de jalousie et de persécution . - Défina alcoolique avec hallucina-
tions psycho-motrices verbales, hallucinations de l'ouïe, de la vue :
troubles de la sensibilité générale.
B... Pierre, soixante ans, cultivateur.
Antécédents héréditaires. Père alcoolique fieffé, mort en prison;
arrêté pour vol. Mère morte également, pas de renseignements sur
la cause de sa mort; elle était peu intelligente. Quatre frères,
dont un mort en bas Age, les deux autres se portent bien, mais le
plus jeune est un être bizarre, extravagant ; le quatrième est
interné depuis plusieurs années dans un asile d'aliénés en pro-
vince. Une soeur morte, nous ne savons de quelle maladie.
Antécédents personnels. B... Pierre, a été à l'ecole de six à
douze ans; était d'un caractère calme, un peu apathique, et même
sombre parfois, il ne s'amusait pas avec les camarades de son
âge. Néanmoins il a acquis un peu d'instruction. En sortant de
l'école, il a été d'abord scieur de bois, puis agriculteur.
B... n'a eu aucune maladie dans l'enfance ni la jeunesse. Il s'est
marié avant son service militaire. Etait-il heureux en ménage, '
« oh ! non » répond-il, ils se disputaient à chaque instant, et se sont
même quittés à un moment donné. Cette séparation fut pour B...
le point de départ de l'alcoolisme. Fils d'alcoolique, frère d'aliéné,
comme tous les autres dégénérés, il chercha dans l'alcool la con-
solation des mésaventures matrimoniales. Il but. Mais ne pouvant
supporter sa tristesse solitaire et la vie sans disputes, il revint il
sa femme et aux querelles. -
Ce ménage en désaccord continue] a mis au monde huit enfants.
Tous, à i'age de raison ont quitté leurs parents pour aller vivre
ailleurs, de sorte que nous n'avons pas de renseignements sur
eux. 13... savait, ou croyait savoir que sa femme le trompait. Les
premiers temps il n'en était pas jaloux. En 1875 il perd deux
enfants, l'un de vingt, l'autre de dix-sept ans. Cela le chagrine
' Ch. Vallon. .11111. 7)édico-I)sycho., 1895, p. 91.
HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES VERBALES. 385
beaucoup. C'est encore le marchand de vins qui soulage cette
douleur. B... devient désormais un alcoolique chronique. Il boit
chaque jour un verre de rhum avant d'aller aux champs, un
apéritif avant le déjeuner, et autant avant le diner, et en outre un
litre de vin.
Peu à peu il double la dose des petits verres. Puis viennent les
cauchemars, les pituites, le pyrosis, des vomissements, des crampes
dans les jambes et le tremblement des mains. Quelques mois après
ce début, B... avait des troubles psychiques, de la jalousie mor-
bide, des idées de persécution, plus tard les hallucinations de
l'ouïe, de la vue et les hallucinations psycho-motrices verbales
apparaissent.
Idées de jalousie. Lui, si ^indifférent de l'honneur de son'nom,
après trente ans de ménage, devient jaloux de sa femme toute
ridée, comme un jeune Othello. Il ne veut plus qu'elle sorte seule,
croit qu'elle ira coucher avec tout le monde. Il se sent tellement
transformé qu'il met sur le compte d'autrui, ce changement de
caractère, il l'attribue à une influence magnétique. Parfois il se
rend compte que sa jalousie est une « chimère », mais c'est plus
fort que lui, il y revient. Les idées de jalousie ont ouvert la porte
aux idées de persécution.
Idées de persécution. Depuis un mois il lui semblait que sa
femme et ses enfants lui en voulaient : ils étaient comme chiens
et chats, dit-il, le regardant de travers, lui faisant de gros yeux et
toutes sortes de misères, l'empêchant même de soupirer. Dans la
rue, les passants en riaient. Il lui semblait quelquefois qu'on allait
le tuer, il bousculait alors tout le monde autour de lui, afin qu'on
ne l'approchât point.
Hallucinations psycho-motrices verbales. -Depuis trois semaines,
un mois, il remarquait une chose bizarre : « des fois, on me cause
dans la tête, je ne puis dire si c'est une voix d'homme ou de
femme, ça n'a pas de timbre. « Cette voix lui dit sournoisement
que sa femme le trompe, lui ordonne d'exécuter telle ou telle
chose. Il y répond parlois, même il se fâche, puis il se tait car il
n'arrive pas à la faire taire. « Je sais, affirme-t-il, que c'est une
voix imaginaire, mais tout de même c'est bizarre. » Au moment où
la voix parle dans la tête ou dans la poitrine, il éprouve une sorte
d'angoisse dans la région gastrique.
C'est souvent dans la bouche qu'il entend la voix : « tu vas voir
ce qui va t'arriver, lui crie-t-elle. tu vas voir la putain. » Il sent
aussi des frémissements dans les pieds qui remontent jusqu'au
ventre. La voix lui dit alors : « c'est la maternité qui veut ça. »
Hallucinations de l'ouïe. - Il entend des voix d'hommes qui lui
disent que sa femme a couché avec tel ou tel individu, où elle est,
où elle va. « Cet homme, lui dit-on, est allé avec ta femme chez
le marchand de vins. » Il entend des coups de sifflet. Il a remarqué
Archives, 21 séi ie, t. VIII 25
38G CLINIQUE MENTALE.
que le coup de sifflet perçu par l'oreille éveille la voix intérieure :
« Quand j'entends le sifflet, on me cause dans la poitrine. » Ce fait
se produit non seulement quand se fait entendre le sifflet halluci-
natoire, mais aussi avec le bruit d'un sifflet réel. Ainsi, au moment
de notre examen, nous entendons un coup de sifflet de locomo-
tive, il s'arrête et nous dit : « Tenez, on a sifflé, j'ai entendu par
`les oreilles, et maintenant on vient me dire dans la poitrine que
je suis cocu. » Ainsi donc une excitation périphérique provoque
l'hallucination psycho-motrice.
Hallucinations de la vue. - Il a eu, comme tous les alcooliques
délirants, des hallucinations nocturnes et diurnes ; il voyait des
hommes autour de lui, des femmes, et même sa femme dans les
bras d'hommes. Il voyait également des animaux.
B... avait en outre îles troubles de la sensibilité générale; il se
sentait électrisé et avait des fourmillements sur tout le corps. Il
mettait ce phénomène sur le compte de l'électricité : « ce sont les
fils télégraphiques des routes qui me donnent ça, concluait-il. »
A la suite d'une scène de jalousie, poussé par ses idées de per-
sécution, il frappa sa femme à la tête et l'aurait tuée, mais il prit
la fuite et se rendit chez le commissaire auquel il conta qu'on vou-
lait le mettre à mort chez lui. Il fut arrêté et envoyé au dépôt.
Arrivé à l'Asile clinique le 25 juillet 1897, nous le voyons le troi-
sième jour de son arrestation.
C'est un homme petit, maigre, hàlé par le soleil, miné par
l'intoxication alcoolique. Les traits sont très anxieux, il se méfie
et parle très doucement. Il se penche en avant, regarde le sol,
sans oser vous fixer.
Il nous raconte ses misères, en s'interrompant fréquemment.
Depuis deux jours, dit-il, il est plus calme, dort mieux, mais il a
toujours ces voix des oreilles et surtout la voix interne, la voix de
la bouche, qu'il nomme « voix mystérieuse », mais tout de même
« voix imaginaire ».
Tremblement des mains. Les artères radiales sont sinueuses,
dures; les battements lents, quoique réguliers. Le coeur est un
peu gros, le second bruit à l'aorte est dur, claquant. Bien aux
poumons. Foie-un peu petit. 'Traces d'albumine dans les urines;
elles ont disparu quelques jours après.
Le 27 juillet, B... se sent tranquille, il n'a plus autant de cau-
chemars et dort assez bien. Les mains tremblent toujours.
Le 1er août, B... est triste, il dit bien n'avoir plus d'hallucina-
tions, mais il reste en un coin, isolé des autres malades. Il a
quelques idées vagues d'hypocondrie : il ne guérira jamais, il ne
peut plus digérer. Régime lacté pendant cinq jours.
Le 5 août, son état mental est meilleur, mais B... est toujours
un peu sombre.
Le 3 septembre il est calme, dort bien, il écrit à sa femme pour
HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES VERBALES. 387
lui demander pardon, il avoue avoir trop bu et promet de ne plus
recommencer. Transféré à Yille-Évrard.
Réflexions. B..., comme tous les autres est un dégénéré
héréditaire : son père alcoolique n'a pu avoir que des enfants
faibles d'esprit ou aliénés. Ainsi préparé par sa prédisposi-
tion héréditaire, il fait des excès de boissons, et s'alcoolise à
son tour.
Parmi tous les troubles de l'alcoolisme, celui qui attire
notre attention, c'est l'hallucination psycho-motrice verbale,
c'est la voix intérieure, il l'entend un peu partout, elle se
déplace, se dégageant une fois de la tète, une autre fois de
la bouche, de la poitrine.
Elle est réveillée par les excitations externes, les coups de
sifflet réels. Ainsi, non seulement l'excitation du centre
auditif cortical se propage au centre moteur du langage,
mais même l'excitation périphérique provoque l'éréthisme
du centre moteur du langage. Cette excitation vient souvent
de loin, ce sont « des frémissements » dans les pieds, des
troubles de la sensibilité générale qui provoquent la voix
interne; mais cette hallucination périphérique indirecte,
dont l'excitation porte en dehors de la zone d'innervation du
système phonateur, produit des voix moins nettes et moins
précises, le malade s'en rend compte lui-même, « on lui
parle, dit-il, mais il ne comprend pas ».
Plusieurs points demandent à être éclaircis dans les précé-
dentes observations. Mais examinons d'abord ce que c'est que
l'hallucination motrice verbale.
Pour quelques auteurs la fonction du langage prend part
à la production de cette hallucination. Ed. Fournie'y voit
une hallucination de cette fonction. Pour M. Simone c'est
une impulsion de la même function : « Est-ce là, dit-il, une
véritable hallucination, nous ne le croyons pas, c'est une
impulsion plutôt qu'une hallucination. » Pour M. Séglas3,
c'est 'une hallucination intéressant la fonction du langage
dans ses éléments psycho-moteurs.
' E. Fournie. Physiologie du système nerveux, 1Si`3, p. 818.
2 Max Simon. Lyon médical, 1880, nez iS et 19, et Monde des réves,
1880, p. 100.
a Séglas, Progrès médical, 1888, p. 125.
388 v ' CLINIQUE MENTALE.
Il est indispensable de voir ce qui se passe dans notre
esprit à l'état physiologique, pour pouvoir donner une expli-
cation à ce phénomène pathologique. Normalement, quand
nous pensons à quelque, chose, nous faisons appel à nos
diverses mémoires. Les multiples souvenirs réveillent en
nous des images plus ou moins précises ou plus ou moins
effacées, qui nous servent à édifier psychiquement notre
pensée. Les images réveillées, de natures différentes, se com-
binent, s'associent, et c'est ainsi que nous entendons notre
pensée même avant de l'avoir exprimée. Ces images, souvent
effacées chez les individus visuels et auditifs, sont au con-
traire prépondérantes chez les moteurs qui, pendant la
réflexion, parlent mentalement leur pensée, au lieu de la
lire'. 1.
« Chez moi, dit M. G. Ballet, comme chez la plupart des
moteurs, quand je pense, la parole intérieure devient sou-
vent assez vive pour que j'arrive à prononcer à voix basse
les mots que dit mon langage intérieur; c'est là notre forme
d'images vives à nous moteurs 2. »
A l'état pathologique, l'hallucination motrice verbale n'est
autre chose que la reproduction des images sensitives, avec
une force morbide, de sorte que « le malade perçoit des
paroles sans l'intervention d'images auditives » (Sérieux) 3.
Nous avons remarqué chez presque tous nos malades ce
fait observé déjà par les auteurs, que les sujets, au moment
oit la voix intérieure se fait percevoir, accusent des mouve-
ments, des sensations spéciales. Ces mouvements sont géné-
ralement localisés dans la gorge, la bouche, la langue, les
lèvres, presque toujours dans la zone d'innervation des
nerfs phonateurs. Pourtant on a vu des malades prétendre
qu'on leur causait dans les intestins, dans les articulations
(Baillarger), dans l'estomac ou dans les yeux (Séglas).
Habituellement, c'est la langue qui est le siège des mouve-
ments localisés. Le malade sent remuer sa langue à l'instant
où la voix se fait entendre.
A l'état normal, quand nous prononçons des mots menta-
lement, nous sentons à l'état d'ébauche, des mouvements
musculaires d'articulation dans la gorge, sur la langue ou ! Séglas. Progrès médical, 1888, p. 126.
= G. Ballet. Le langage intérieur, 18S6, p. 32.
3 Sérieux. Archives de neurologie, tS0-'r, p. 333. -
HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES VERBALES. 389
les lèvres. Rien de singulier à ce fait. Ces sensations tactiles
et musculaires ne sont que les résidus des images kines-
thésiques que l'articulation des mots provoque.
Mais il faut aussi tenir compte des sensations kinesthé-
siques variées localisées au larynx, dans les muscles respi-
ratoires. C'est qu'en effet au cours de l'articulation des mots,
les sensations tactiles et musculaires de la langue et des
lèvres ne sont pas les seules qui se produisent (Sérieux).
« Les deux phénomènes musculaires (expiration volontaire-
ment réglée et mouvements phonateurs du larynx) qui pré-
cèdent et préparent l'articulation intra-buccale, sont aussi
indispensables qu'elle à la formation de la parole et font
partie intégrante et nécessaire de l'acte d'ensemble... Trois
actes aussi clairement volontaires et aussi indéniablement
cérébraux doivent être représentés dans l'écorce, dans des
zones distinctes, mais fonctionnellement réunies et anato-
miquement associées entre elles par un système de fibres
anastomotidues. » (P. Raugé .)
Ainsi, à l'état pathologique, l'hallucination motrice verbale
n'est autre chose qu'une reproduction d'une intensité mor-
bide des images sensitives, motrices et verbales. C'est ainsi
que l'éréthisme du centre cortical du langage articulé chez
les hallucinés de toutes les variétés, et chez les alcooliques
que nous avons étudiés, retentit sur les centres voisins (sen-
- silivo-moteUl ? respiratoires, etc.) avec lesquels il a des con-
nexités intimes.
Comme nous l'avons fait remarquer à propos de notre
observation I, certains malades croient parler automatique-
ment. L'éréthisme du centre cortical moteur verbal produit
aussi des mouvements réels d'articulation, de sorte que les
individus semblent parler automatiquement. Cela s'explique.
L'excitation du centre de Broca, ainsi que l'a démontré
M. Jules Soury, produit suivant l'intensité, des symptômes'
variables. Ainsi l'éréthisme de ce centre détermine :
1° La représentation des mouvements :
1° Un courant nerveux centrifuge qui, suivant le degré
d'irritation pathologique du centre considéré, déterminera
dans les nerfs et dans les muscles destinés à l'articulation,
1 P. nitigé. Sur les centres psycho-moteurs de la parole articulée.
(Bulletin médical, 2U juin ]89 ? )
390 CLINIQUE MENTALE.
ou des états faibles d'innervation périphérique qui, sans
qu'il y ait d'articulation véritable, provoqueront une sensa-
tion analogue pour la conscience; ou des rudiments d'arti-
culation perceptibles seulement pour le malade; ou des
mouvements réels, mais toujours sans qu'aucune parole soit
prononcée en réalité. Toutefois, avec la durée et l'intensité
du centre cortical, une émission des mots pourra se pro-
duire. » (Jules Soury'.)
Parfois c'est une excitation externe (obs. IV) qui réveille
l'hallucination motrice verbale, ou bien ce sont les voix des
oreilles qui commencent, puis la voix intérieure répond
(ohs. I).
L'excitation jusque-là portait directement sur les organes
de la phonation et de l'articulation, mais il est des cas où
cette excitation porte beaucoup plus loin, bien en dehors de
la région d'innervation des organes phonateurs comme dans
l'observation IV. Le malade éprouve des élancements dans
les jambes; et, à mesure que cette excitation augmente elle
se transforme en hallucination motrice verbale; la voix est
d'abord peu précise, mais aussitôt qu'elle arrive dans la zone
des organes phonateurs elle est plus nette.
Il faut donc, pour la production d'une hallucination ver-
bale psycho-motrice :
1° Une prédisposition spéciale. Nos observations nous le
démontrent. Nos quatre malades sont d'abord des hérédi-
taires, puis ont cette prédisposition que M. le professeur
Joffroy2 nomme hallucinogène.
2° Une excitation périphérique ou centrale des organes
sensoriels.
Et comment expliquons-nous ces cas. Nos malades, des
dégénérés et des héréditaires, tous, enfants d'aliénés et d'al-
cooliques, se trouvent dans des conditions hallucinogènes.
L'alcoolisme ne fait qu'augmenter chez eux la susceptibilité
de l'encéphale, et lentement, progressivement produit son
action morbide sur tout le système nerveux. Dans le délire
alcoolique, l'encéphale, sursaturé d'alcool, est dans un éré-
thisme considérable, les hallucinations apparaissent mul-
tiples, effrayantes. Un bruit, un rien fait sursauter le malade;
' Soury. Les fonctions du cerveau, ? étiit., 1890, p. 370.
' Joffroy. Hallucinations unilatérales. (Archives de neurologie, 189G.)
HYSTÉRIE DE L'ENFANCE. 391
les excitations externes provoquent chez quelques-uns de
nouvelles hallucinations. Donc rien de surprenant que l'exci-
tation de» centres se propage, intéresse le centre moteur de
la fonction langage.
Généralement, ces hallucinations déterminent chez les
malades un état de dépression mélancolique ; souvent elles
entraînent un dédoublement de la personnalité, et surtout
l'idée de possession qui en est la conséquence. Chez nos
alcooliques, les hallucinations psycho-motrices verbales
n'ont pas eu plus de retentissement sur l'ensemble des idées
délirantes, que les autres troubles hallucinatoires.
En Jéfintiive les hallucinations psycho-motrices verbales
existent dans l'alcoolisme au même titre que les autres hal-
lucinations. Elles sont relativement très rares. Elles sont
comme les autres troubles hallucinatoires, la conséquence
de l'éréthisme cérébral provoqué par l'intoxication alcoo-
lique.
RECUEIL DE FAITS.
HYSTÉRIE DE L'ENFANCE;
Par BOURNEVILLE et J. BOYER.
Le cas d'hystérie mâle de l'enfance que nous allons rap-
porter, observé à l'INSTITUT niiDico-rEUacoctQuL, s'ajoute à
ceux que l'un de nous a déjà publiés. Il s'est terminé par la
guérison, en un temps relativement court, comme les autres,
et mérite, à plusieurs égards d'attirer l'attention de nos lec-
teurs.
Sommaire. Père, excès de boissons, mort ci trente-huit ans d'une
mccladie zle poitricze altri6zcée ci l'ulcoolisme.- Fas de renseignements
sur la famille ¡Jutemelle. -1llèl'e, nerveuse, morte ci trente-deux ans
d'une affection cardiaque. - Grand'mère maternelle, crises net-
veuses, congestion cérébrale. Pas d'autres renseignements sur
la famille maternelle. - Frère arriéré. - il utre frère très nerveux.
Pas de consanguinité. - Inégalité d'âge de six ans.
Conception et grossesse : Désaccord dans le ménage. - Naissance
392 RECUEIL DE FAITS.
rien de particulier. Aucun détail sur révolution physique. Pas
de convulsions. - Intelligence normale. Début des attaques en
octobre.
1897. - Affaiblissement simultané de la mémoire, déchéance
intellectuelle, embarras de la parole, peurs exagérées et sans motif.
Description du malade ci treize ans. Traitement médico-péda-
gogique. Disparition des attaques. - Amélioration progressive
de l'elat intellectuel et moral. - Guérison.
Gabriel F..., né à Villers-Cotterets le 4 août 1885, est entré à
l'Institut médico-pédagogique le 9 février 1898.
Antécédents (Renseignements fournis par la grand'mère pater-
nelle et par le médecin de la famille). - Père, négociant en vins,
excellent sujet, mais à la suite de contrariétés, s'est mis à boire.
Il n'a jamais pu s'accorder avec sa femme. Mort à trente-huit ans
d'une maladie de poitrine causée, dit-on, par l'alcoolisme. Dans les
derniers temps il était très exalté. - Grand-père paternel aucun
renseignement. - Grand'mère paternelle, soixante ans, bien por-
tante, intelligente, nerveuse. Pas d'autres renseignements sur
la famille paternelle.
Mère « névropathe des plus accentuées », sans cependant avoir
des attaques de nerfs. Caractère peu commode. Morte onze jours
après son mari d'une affection cardiaque à trente-deux ans.
Grand-père maternel aucun renseignement. Grand'mère mater-
nelle encore vivante, a des crises convulsives qui durent quelque-
fois deux heures; elle a toujours été malade, a eu récemment une
congestion cérébrale. Un frère bien portant, sobre. Pas d'alie-
nés, etc., dans la famille.
Pas de consanguinité. Inégalité d'âge de six ans, père plus
âgé.
Quatre enfants : 1° Garçon de dix-sept ans et demi; « le pauvre
enfant est bien de corps, mais il est arriéré, c'est un véritable
enfant; ce n'est pas un déséquilibré, mais c'est un sujet à cases
vides. » 2° Garçon, mort d'une bronchite, pas de convulsions.
- 3° Notre malade. 4° Garçon, huit ans, intelligent, a très
souvent des cauchemars, « c'est aussi un candidat aux troubles
nerveux ».
Notre malade. Au moment de la conception, et durant la
grossesse désaccord dans le ménage. Pas d'autres détails. -
Accouchement à terme, naturel, par la tête ( ? ). A la naissance,
rien de particulier. Jamais de convulsions. - Aucun détail sur
l'évolution physique et intellectuelle de l'enfant. N'aurait rien
présenté d'insolite jusqu'en octobre 1897. - Était même très
intelligent. A cette époque (rentrée des classes) Gabriel se
figure qu'il ne peut suivre la classe où on l'a placé au collège de
HYSTÉRIE DE L'ENFANCE. 393
Soissons. La vue de son professeur qui avait, nous dit-on, la voix
brève et les yeux méchants l'effraie au point de déterminer chez
l'enfant une violente crise nerveuse qui dura de huit heures du
matm à dix heures. On nous a affirmé qu'il n'y a eu aucune vio-
lence exercée vis-à-vis de l'enfant. A partir de ce moment, Gabriel
à la moindre contrariété, au moindre ennui (leçon non sue, devoir
non fait) a des attaques de durée variable; en a eu jusqu'à neuf
par jour. La grand'mère paternelle, qui l'a gardé à sa charge a
dû le retirer du collège. En même temps l'enfant devient de plus
en plus énervé, on constate un affaiblissement de la mémoire et de
l'intelligence. Le Dr moufter conclut à l'hystérie. Ce diagnostic
est sanctionné par M. le D'' Gilbert Ballet qui voit l'enfant et con-
seille son placement dans un établissement spécial. La crainte de
quitter sa famille provoqua chez l'enfant une rémission ; mais
pendant le temps que dura cette rémission, Gabriel se mit à
bégayer et le bégaiement ne disparut qu'à la réapparition des
attaques. Dans l'impossibilité de garder plus longtemps l'enfant
avec elle, la grand'mère le conduit à l'Institut méclieo-pédago-
gique,
Etat a l'entrée. - a) Etat physique. La physionomie parait
intelligente, très éclairée. Les cheveux sont blonds, assez épais,
plutôt raides, bien plantés, sans épis, n'empiétant pas sur le front,
limités régulièrement.
Le crâne est ovoïde, peut-être un peu plus fort à droite qu'à
gauche. Le front est assez large, haut, un peu bombé, les bosses
frontales sont saillantes et rapprochées, légère dépression au-
dessus des arcades sourcilières, qui forment une saillie assez pro-
noncée ; les sourcils sont très blonds, peu épais, à peine visibles
surtout aux extrémités externes, solution de continuité ; les pau-
pièzes sont boursouflées, surtout la paupière supérieure et pré-
sentent un fort ourlet qui s'étend jusqu'aux commissures externes;
les cils sont châtains, longs, fournis aux paupières supérieures,
plus blonds, courts et clairsemés aux paupières inférieures ; les
yeux sont gros, saillants, l'iris gris marron, la pupille dilatée en
face la lumière; la racine du nez est large, le ne; court, légèrement
levé, les narines visibles de face, elliptiques, celle de droite un
peu plus ouverte, les ailes peu dessinées ; les pommettes sont sail-
lantes et colorées ; la lèvre supérieure est large et saillante ; la
relèvre inférieure déborde sur la supérieure; la bouche est un peu
large (5 millimètres) ; le palais est un peu ogival, les dents sont
assez régulièrement plantées, les incisives médianes supérieures
larges en fer de bêche; l'incisive latérale droite s'imbrique sur
l'incisive voisine, la canine supérieure droite ne fait que pointer.
la mâchoire inférieure ne présente rien de particulier ; le menton
est rond; les oreilles sont égales et symétriques (longueur 6 centi-
mètres), décollées, l'ourlet est très accentué, le lobule non adhé-
394 RECUEIL DE FAITS.
rent. L'ensemble de la face présente une légère asymétrie, le côté
droit est un peu plus fort et lorsque l'enfant rit la commissure
labiale gauche se relève un peu ; le visage est rond ; la peau est
fine.
Le cou est moyen, circonférence médiane, 32 c. 5.
Le corps tout entier est bien proportionné, un peu bouffi ; la
musculature est ferme, la peau est fine. Le thorax est un peu
aplati, la région pectorale peu développée, le dos un peu rond, la
colonne vertébrale régulière, le ventre assez gros. Les membres
ne présentent rien de particulier.
Ptibei té : pénil glabre, ainsi que les aisselles et le corps tout
entier. Bourses pendantes, de niveau. Testicules égaux de la
dimension d'un oeuf de merle; verge normalement développée, cir-
conférence, 4 centimètres, longueur, 4 centimètres ; prépuce un
peu long, gland découvrable, méat normal ; anus glabre.
b) Etat physiologique. L'enfant est très actif et bruyant ; tous
les mouvements articulaires s'exécutent normalement. Dans la
station debout, l'attitude assise, la marche, tendance à se voûter.
Lorsque Gabriel a eu plusieurs attaques consécutives, il marche
les cuisses serrées l'une contre l'autre, les genoux se touchant; à
ces moments les articulations du genou et de la hanche ne peu-
vent, même passivement, exécuter que des mouvements très
limités. Organe des sens ; vue, myopie assez prononcée, à la
distance d'un mètre ne peut lire des lettres de 3 centimètres de
long ; l'oeil gauche est plus faible que l'oeil droit ; l'ouïe, normale
à droite et faible à gauche ; rien à signaler sur le toucher, le goût
et l'odorat. La parole est libre ; rire ttès facile. Les fonctions
digestives s'accomplissent normalement.
Rien à l'auscultation des poumons et du coew'; le foie déborde
légèrement les fausses côtes. -
Clou hystérique très prononcé ; rachialgie prononcée de la sep-
tième cervicale à la dernière lombaire ; point hystérique au niveau
de la septième dorsale ; zone hystérique au niveau des flancs et
au-dessus des aines.
La sensibilité à la chaleur au frôlement, au pincement, est con-
servée et égale des deux côtés. Sensibilité au chatouillement un
peu exagérée.
c) Etat psychologique. L'intelligence parait d'abord de force
moyenne ; en observant l'enfant, dans l'exercice de ses facultés
intellectuelles, on sent qu'il y a chez lui, sinon déchéance, au
moins un peu d'obnubilation dans les idées. La nature de ses
fautes d'orthographe, de ses erreurs de calcul. fait supposer que
l'enfant a oublié beaucoup de ce qu'il savait. C'est ainsi qu'il a la
notion des règles d'accord, mais il les applique à tort et à travers;
de même en arithmétique il commence une multiplication, mais
HYSTÉRIE DE L'ENFANCE. 395
est incapable de la mener jusqu'au bout. Ne connait absolument
rien en histoire et en géographie ; là nous nous trouvons encore
en présence d'une perte de mémoire, puisqne, d'après sa grand'-
mère, en juillet 1897 Gabriel aurait pu subir avec succès les
épreuves du certificat d'études primaires. - L'attention est de peu
de durée, la réflexion impossible, la mémoire comme engourdie,
l'imagination paresseuse. Un peu d'incohérence, beaucoup de
naïveté dans le jugement et le raisonnement.
d) Etat instinctif et moral. Gabriel est plutôt gai, aime la
société de ses maîtres et de ses camarades avec lesquels il joue
peut-être un peu trop bruyamment. Instinct de la conservation
exagéré, a peur de l'obscurité, du moindre bruit insolile. Taquin,
mais sans méchanceté. Bavarde sans cesse. tendance à semer la
discorde entre ses camarades. Très expansif. A la notion du bien
et du mal; rien d'exagéré dans ses pratiques religieuses. Ona-
nisme supposé. Il est assez ordonné, a soin de ses affaires,
respecte celles des autres. - Volonté plutôt active mais facile à
entraîner.
Description d'une attaque. Gabriel est debout adossé au cham-
branle d'une porte, tout à coup, sans cri initial, sans aura, le
corps se raidit dans l'extension la plus prononcée, les bras se
collent contre le tronc, la face se congestionne, les traits se cris-
pent, les yeux sortent de l'orbite, restent grands ouverts, la
pupille te dilate au point que l'iris ne forme plus qu'une zone
presque imperceptible. Comme le corps se penchant vers la gauche
menace de tomber on étend le malade de tout son long à terre.
Mouvements tétaniformes limités aux membres supérieurs, se pro-
duisant toutes les douze ou quinze secondes. Les mains sont
fermées, le pouce en dedans. Une bave mousseuse très abondante,
formant comme une petite noix s'échappe par intermittence de la
commissure labiale gauche. On l'essuie et elle se reproduit à
intervalles rapprochées. La tête et le regard sont légèrement
tournés à gauche. Le corps est raide, on le soulève en entier,
en prenant les deux pieds. Tendance à l'incurvation des rems,
on peut passer la main entre le sol et les fesses de l'enfant.
A mesure que l'attaque se continue, la face tout en restant con-
gestionnée se couvre de sueurs, les yeux se remplissent de larmes.
Les paupières restent immobiles même si on fait passer un objet
devant les yeux. L'attaque proprement dite a duré dix-huit
minutes. Puis Gabriel après avoir eu une demi-minute une expira-
tion sifflante s'est mis à respirer bruyamment et la rigidité a cessé
aussitôt. L'enfanL reprend en partie connaissance, il peut nous
dire qn'il soutire un peu de la tête. Le corps est affaissé comme
brisé de fatigue. 11 ne fait aucun mouvement. Cmq minutes après
sans que l'enfant perde connaissance à nouveau et que son corps
39C RECUEIL DE FAITS.
se raidisse, les membres supérieurs se projettent en avant dans
une secousse tétaniforme en même temps que la face reprend la
physionomie de l'attaque. Les bras restent quelques secondes
raides mais la main est ouverte, les doigts écartés ; si on les fait
se rapprocher ils s'écartent de nouveau dès qu'on ne les maintient
-plus. On a pu compter jusqu'à treize de ces secousses se repro-
duisant à peu près à cinq minutes d'intervalles. Quelquefois elles
sont accompagnées d'un coup de tête en avant ; assis l'enfant ne
tombe pas, mais debout, il fait plusieurs pas en avant, le tronc
très incliné, on doit le soutenir pour éviter une chute probable.
Traitement . Bain toutes les semaines, douche froide sur le
dos jusqu'au 15, et douche complète à partir du 10, tous les jours;
gymnastique, travaux scolaires et manuels, traitement moral. '
Février. Le 10, trois attaques. - Le 13, une (décrite ci-dessus).
- Le 14, trois Le i 5, deux. Le 17, deux. - Le 18, deux.
Toutes ces attaques ont présenté les mêmes caractères que celle
du 13. Les dernières ont montré quelque différence dans la période
de résolution. Au lieu des secousses tétaniformes qui marquaient
la seconde phase de l'attaque, nous constatons après plusieurs
cris de joie alternant avec des pleurs et des gémissements plaintifs,
de véritables mouvements coordonnées. Gabriel prend son mou-
choir des mains de l'infirmier, le plie en triangle, le place sur la
table et appuie son front dessus; dans un mouvement involontaire,
il le fait tomber à terre, le ramasse aussitôt et le remet en place ;
on l'appelle, il ne répond pas, les paupières se ferment si on fait
passcr un objet devant les yeux. Le 19, l'enfant se plaint toute
la matinée de ressentir, au niveau de l'épigastre, la montée d'une
boule qui lui donne l'angoisse de J'étouffemenl. Quelques heures
après, attaque.
Le 2-1, deux attaques ; elles se sont succédées à une demi-heure
d'intervalle. La première a duré cinquante minutes : le début a été
semblable à celui des autres; au bout de cinq minutes inhalations
d'éther : la raideur persiste, la face reste convulsée, mais les mou-
vements des bras se produisent à intervalles très éloignés. On
cesse l'inhalation au bout de dix minutes, la raideur du corps
ayant disparu. Gabriel se replie sur lui-même, puis brusquement
projette les jambes et les bras de tous côtés et renverse la tète en
arrière ; à diverses reprises l'incurvation du corps est très nette.
Le malade;essaie de mordre tout ce qui est à sa portée, ses pro-
pres mains, ses bras, la jambe de l'infirmier, une serviette, etc. Il
fait les mouvements d'une personne qui se défend et qui attaque,
les poings sont fermés, l'avant-bras replié sur le bras, la physio-
nomie exprime tantôt la frayeur, tantôt la colère ; il ne bave plus.
La deuxième attaque a présenté les mêmes caractères en raccourci;
durée, dix minutes. Le 28, une attaque ; dans la période de
résolution, Gabiiel tout en poussant des cris de joie essaie de
HYSTÉRIE DE L'ENFANCE. 397
rapprocher ses deux mains dont il tient les doigts écartés comme
s'il voulait les frotter l'une contre l'autre ; mais on dirait qu'un
obstacle s'oppose à leur contact. - Toutes les fois qu'il y a eu
attaque dans la journée, la nuit l'enfant est très agité, il parait
avoir des cauchemars, cause à haute voix, mais on ne comprend
pas ce qu'il dit. Dès le mois de février on le fait travailler en
classe aussi régulièrement que le permet son état.
Mars. Même traitement. - Onze attaques en tout. Durée
moyenne quatre minutes. La rigidité est beaucoup moins accentuée.
A la fin du mois de mars le malade est capable de faire correcte-
ment la suspension à l'échelle convexe et horizontale, et tous les
mouvements d'ensemble. I ? n classe il acquiert de nouveau ce
qu'il avait oublié : l'orthographe est meilleure, les devoirs de style
possibles, il a réappris la multiplication et la division. Moins
taquin avec ses camarades.
Avril. - Le 1er, sorte de vertige caractérisé par la fixité du
regard, durée dix secondes. - Le 5, attaque complète durée
vingt minutes. -- Le '1, sommeil agité, l'enfant s'est levé en dor-
mant a traversé sa chambre, a été dans la pièce voisine, a essayé
de monter dans le lit d'un camarade, puis est retourné à son lit. Il
a dormi ensuite paisiblement. La déchéance intellectuelle paraît
enrayée ; Gabriel travaille de mieux en mieux en classe ; il fait de
petits problèmes et possède les notions élémentaires de géographie.
Mai. - Le 19, hoquet au moment de se coucher, pendant une
heure. Le 21, petit accès de tristesse qui a duré deux heures ;
l'enfant s'était taquiné avec un de ses camarades. - La mémoire
revient, l'enfant peut apprendre de petits morceaux de récitation.
La marche est maintenant normale. On constate la dispa-
rition du clou et des zones hystériques ainsi que de la rachialgie.
Juin. Aucun accident nerveux. Les progrès en classe et en
gymnastique continuent. Dans ses conversations l'enfant fait preuve
d'esprit de suite et de jugement. \'a plus peur de l'obscurité.
L'impressionnabilité s'est fortement atténuée.
Juillet. Aucun accident nerveux. - Persistance de l'amélio-
ration intellectuelle. Gabriel a acquis quelques notions d'histoire
et de sciences naturelles.
Le 8 août, l'enfant quitte l'Institut médico-pédagogique.
Poids à l'entrée 41 kilogr.
à la sortie : 44,200.
Taille à l'entrée : 1 ? 46.
à la sortie : 1 ? 49.
Depuis que Gabriel a quitté l'Institut médico-pédagogique, nous
avons eu l'occasion de recevoir de ses nouvelles soit par sa grand'-
mère paternelle avec laquelle il habite, soit par le médecin qui
nous l'avait amené. L'enfant n'a plus eu d'accident nerveux. Il est
retourné au collège, où il se conduit bien, et travaille régulière-
398 RECUEIL DE FAITS.
ment. Lui-même nous a écrit en mai dernier, et sa lettre est celle
d'un enfant raisonnable et reconnaissant qui tient à montrer qu'il
n'a pas oublié ceux qui se sont occupés de lui. Une tante mater-
nelle, que nous avons vue le 6 octobre lScJ9, confirme ce qui pré-
cède et dit que Gabriel a toujours pris des douches. Même attes-
tation par une lettre de sa grand'mère du 7 octobre.
TABLEAU DES ACCIDENTS NERVEUX
REVUE D'ANATOLE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 399
mémoire se raffermit, l'intelligence réapparaît et le malade
réapprend ce qu'il avait perdu. Il devient capable d'un
travail intellectuel et physique assidu, il retourne au collège,
et, tout nous permet de croire qu'il y a eu guérison, car les
attaques n'ont pas reparu depuis mai 1898.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
PATHOLOGIQUES .
XII. Les voies centrales de la sensibilité générale (Étude anatomo-
c Unique) ; par le De Long. (Thèse de Paris, 1899, 280 pages,
î5 figures. Steinheil, éditeur.)
Travail du plus haut intérêt où l'auteur estime que, dans l'état
actuel de la science, il est nécessaire, pour l'étude des voies cen-
trales de la sensibilité générale, de revenir à la doctrine qui fut
défendue par les physiologistes, par Cl. Bernard et par Vulpian en
particulier ; en la complétant avec les acquisitions faites plus
récemment par la neurologie, on peut arriver aux conclusions sui-
vantes :
1° Les fibres afférentes à la moelle épinière se terminent en
s'arborisant autour des cellules de la substance grise, avec laquelle
elles ont des points de contact multiples, au-dessus et au-dessous
du plan d'implantation de chaque racine;
2° La substance grise qui reçoit les fibres centripètes des racines
rachidiennes postérieures et des nerfs sensitifs crâniens est un
élément fonctionnel très complexe ; ses connexions avec les autres
régions du système nerveux central sont multiples et, d'autre part,
ses divers étages sont eux-mêmes réunis par de nombreuses fibres
commissurales et d'association.
Parmi les fonctions qui incombent à cette substance grise, on
doit comprendre la conduction de la sensibilité générale dont les
impressions périphériques se transmettent de proche en proche
par des voies encore mal définies jusque dans les centres supé-
rieurs ;
3° Au delà du système des neurones périphériques on ne trouve
pas, dans la substance grise et dans les faisceaux blancs des cen-
tres nerveux, de voie indispensable à la transmission de la sensi-
400 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques.
bilité générale considérée dans sa totalité, ou à la transmission
d'une catégorie particulière d'impressions sensitives;
4° Le ruban de Reil médian représente un système complexe de
fibres. Il comprend d'abord des fibres ascendantes réunissant les
noyaux des cordons de Goll et de Burdach à la couche optique et
des fibres moins longues s'arrêtant en différents points de la subs-
tance grise;
5° Dans l'isthme de l'encéphale, l'étude des localisations céré-
brales tend à prouver que c'est principalement par la région de la
calotte que se fait la transmission de la sensibilité générale ; mais
on ne peut attribuer cette transmission au ruban de Reil seule-
ment ; il est nécessaire de faire entrer en ligne de compte la subs-
tance grise et les voies courtes de la formation réticulée ;
6° La couche optique constitue un relai pour les voies ascen-
dantes pédonculaires ; on sait en particulier que le ruban de Reil
médian s'arrête dans le noyau externe et le centre médian de la
couche optique ; -,
7° Les connexions de la couche optique avec l'écorce cérébrale
se font par le système des libres thalamo-corticales, mais il n'existe
pas, dans le segment postérieur de la capsule interne, de région
déterminée par laquelle ne passeraient que des fibres sensitives;
ces dernières sont en effet mélangées aux autres fibres verticales
ou transversales de la capsule interne ;
8° Sur l'écorce cérébrale, la motilité, la sensibilité générale et le
sens musculaire ont la même localisation ;
9° La multiplicité des moyens de transmission de la sensibilité
générale est en rapport avec l'importance des phénomènes de sup-
pléance qui jouent un grand rôle dans la physiologie normale et
pathologique des voies sensitives centrales. E. r.m.
XIII. Sur les altérations des grandes cellules pyramidales consécu-
tives aux lésions de la capsule interne ; par le Dr 11RIESCO.
En tenant compte de nos connaissances actuelles sur la réaction
des différents neurones après la section de leur prolongement
axillaire, l'auteur s'est demandé quel pouvait être le sort des
grandes cellules pyramidales après les lésions de la capsule
interne et, dans ce but, il a examiné le lobule paracentral, les
circonvolutions frontales et pariétales ascendantes dans six cas
d'hémiplégie due à des lésions plus ou moins anciennes de la cap-
sule interne.
Les altérations trouvées dans le lobule paracentral, du même
côté que le foyer destructif, portent exclusivement sur les grosses
cellules pyramidales; mais la lésion de celles-ci dépend, d'une
manière générale, de l'ancienneté du foyer et de son étendue. On
peut dire que plus le foyer est ancien, plus la dégénérescence et
REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 401
l'atrophie des cellules pyramidales sont avancées. Le protoplasma
de la cellule est transformé en substance jaunâtre, qu'on a appelée
à tort pigment et qui dérive par voie de transformation clinique,
des éléments chromatophiles. Cette réaction de la cellule nerveuse
pyramidale, allant jusqu'à son atrophie à la suite des lésions du
faisceau pyramidal dans la capsule interne, n'est qu'un cas parti-
culier que présente tout neurone moteur ou sensitif à la suite de
la destruction de son prolongement axillaire.
La dégénérescence progressive et invariable des neurones pyra-
midaux consécutive aux lésions en foyer de la capsule interne
nous démontre que ces lésions des cellules pyramidales sont irré-
parables. (Revue neurologique, mai ISH.) E. B.
XIV. Des différentes formes de paraplégie due à la compression
de la moelle épinière. Leur physiologie pathologique ; par
M. le professeur Van GEIIUCIlTE ? (Presse médicale, 10 mai 1899.)
D'après M. van Gehuchten, la production d'une paraplégie flasque
avec abolition des réflexes, à la suite d'une compression médul-
laire, est explicable, en l'état actuel de la science, par la seule
interruption anatomique ou fonctionnelle des fibres médullaires,
au point comprimé, et il n'y a pas lieu de la rattacher, ainsi
que le soutient M. Brissaud, il une dégénérescence des nerfs intra-
musculaires. Cela posé, l'auteur réunit dans le tableau suivant,
les formes les plus typiques de paraplégie due à une compression
médullaire.
402 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
qu'elles subissent ont lieu, tantôt dans le sens d'une aggravation,
tantôt dans le sens d'une amélioration. En somme, dans la symp-
tomatologie de la compression médullaire, tout dépend du degré
de compression que la moelle subit à un moment donné et du
nombre, et surtout de la nature des fibres nerveuses médullaires
momentanément ou définitivement mises hors de service.
Dans toute compression médullaire s'observent des troubles
moteurs; c'est que les fibres motrices sont plus sensibles au trau-
matisme que les fibres sensitives; mais ces fibres motrices elles-
mêmes ne sont pas également résistantes, les plus vulnérables
semblent être les fibres cortico-spinales et les fibres cérébello-spi-
nales. La compression de ces fibres produit la paraplégie spasmo-
dique avec exagération des réflexes (fer degré). Quand la compres-
sion augmente, et quelle interrompt automatiquement ou
fonctionnellement, en outre des fibres cortico-spinales et cérébello-
spinales, les autres fibres motrices provenant du mésencéphale,
de la protubérance annulaire et de la moelle allongée, la para-
plégie devient flasque et les réflexes tandineux sont abolis
(2° degré). Si la compression s'accentue encore, elle retentit sur
les fibres sensitives. Parmi celles-ci, les plus facilement atteintes,
sont celles du faisceau de Gowers, que M. Van Gehuchten consi-
dère comme servant à la transmission des impressions doulou-
reuses et thermiques. En effet, si, dans le cours d'une paraplégie
flasque, on voit survenir des troubles de la sensibilité, ceux-ci
retentissent tout d'abord sur la transmission des impressions dou-
loureuses et thermiques, transmission qui est affaiblie ou abolie.
Le fait que, dans certains cas, la sensibilité à la douleur est seule
atteinte, et que la zone d'analgésie s'étend parfois plus haut que la '
zone de thermo-anesthésie, permet de penser qu'il existe peut-
être dans le faisceau de Gowers des fibres distinctes pour la trans-
mission de la douleur et pour la transmission de la température.
Après la compression des fibres du faisceau de Gowers, on voit la
lésion médullaire amener la perte de la sensibilité musculaire
(compression des fibres du faisceau cérébelleux ou des fibres des
cordons postérieurs ? ). La sensibilité tactile (fibres des cordons
postérieurs ou fibres du faisceau cérébelleux ? ) persiste le plus
longtemps. Il est à remarquer que, de toutes les fibres de la
moelle, ce sont celles du faisceau cérébelleux et celles des cor-
dons postérieurs qui opposent au traumatisme le plus de résis-
tance, tandis que, dans la syphilis, ce sont les fibres des cordons
postérieurs qui paraissent les plus vulnérables.
La compression de la moelle épinière, à n'importe quel niveau,
ne retentit pas-toujours d'une façon systématique, d'abord sur
les fibres motrices et ensuite sur les fibres sensitives. A côté des
formes typiques, il existe des formes irrégulières, atypiques :
telles sont, par exemple, celles dans lesquelles les troubles sensi-
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 403
tifs surviennent avant que la compression n'ait mis hors de fonc-
tion toutes les fibres motrices; ou encore, celles dans lesquelles
la compression exerce son maximum d'intensité d'abord sur les
fibres sensitives. Dans une de ces formes dont la production n'a
pas encore reçu d'explication physiologique certaine, on observe,
il côté de troubles moteurs plus ou moins accusés, une exagéra-
tion de l'une ou l'autre forme de la sensibilité. A. FENAYROU.
XV. Les phénomènes de réparation dans les centres nerveux après
la section des nerfs périphériques; par M. G. Marinesco. (Presse
médicale, 19 avril 1899.)
Réponse de M. Marinesco aux assertions formulées par M. Van
Gehuchten dans un travail sur le même sujet, publié dans le nu-
méro dn 4 janvier 1899 de la Revue médicale. A. Fenayrou.
XVI. La manière d'être des cellules ;des ganglions spinaux dans le
tabes éclairée par la méthode de coloration de Nissl ; par
h. Sciiaffer (Neurolog. Cenl1' £ llbl., XVII, 1898.)
Le type normal de ces organes a été exposé par Lenhossek in
Archiv. f. Jf<7t)'os/mp. Anatomie, 1897.
En ce qui concerne la matière colorable du protoplasma cellu-
laire que Lenhossek nomme avec raison tigroïde, c'est le subs-
tratum propre de la matière tinctoriale de Nissl. Ceci dit, dans
les ganglions spinaux normaux, le protoplasma est intimement
uni à la capsule épithéliale, et contient des mottes, de grosseurs
les plus différentes, de forme angulaire, grumeleuse, distordue.
Les grosses sont attachées à la périphérie du protoplasma (cou-
ronne de mottes marginales) et sont composées de la soudure de
plusieurs petites mottes ensemble. A l'intérieur du protoplasma,
fines, extrêmement fines granulations. On doit, en ce qui concerne
la grosseur et le nombre des mottes, distinguer trois espèces de
cellules : 1° La cellule claire qui possède presque toujours sa cou-
ronne de mottes marginales; 2° La cellule à grosses mottes qui
ne possède pas sa couronne de mottes marginales ; la substance
tigroïde représente des corps déchirés, floconneux, quelquefois les
plus grosses sont à gros angles ; 3° La cellule intermédiaire aux
deux premières espèces.
Dans les ganglions spinaux tabétiques, il n'y a guère de cel-
lules nerveuses à considérer comme pathologiques. La substance
chromatique et le noyau sont normaux ; même dans les cas de
tabes absolu avec dégénérescence extrême des racines posté-
rieures. Ce noyau forme, comme dans les préparations normales,
une vésicule claire entourée d'une claire lisière sans mottes. Il est
extrêmement rare que le noyau soit recoquillé ou présente une
i 404 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
forme anormale. La substance chromatique est normalement
colorée. Jamais de vacuoles. Peut-être la substance chromatique,
dans le tabes au début, se colore-t-elle d'une façon plus intense et
se sature-t-elle de matière colorante plus que dans le tabes absolu :
c'est tout. Pas de capsules vides, pas de cellules des capsules qui
prolifèrent. Cette constatation négative, contraire à celle de Mari-
nesco, prouve que la lésion initiale du tabes ne doit pas être cher-
chée dans les ganglions spinaux. P. Keraval.
XVII. Recherches sur la moelle et le cervelet des oiseaux ;
par A. FHIEDLÆNDER. (Nezcrolog. Ce21tî-albl. XVII, 1898.)
Etude chez le pigeon domestique des relations de la moelle et
du cervelet, qui n'est chez l'oiseau qu'un vermis, au moyen de la
méthode des dégénérescences. Soixante-dix opérations sur cet ani-
mal éthérisé. Analyse fine de l'anatomie normale du cervelet et
de la moelle ainsi que de leurs rapports connus jusqu'ici. Détails
relatifs : A) aux expériences de sections transverses de la moelle
destinées à décider s'il y a dégénérescence ascendante et de quelles
fibres, LI)amlésions de diverses parties du cervelet pour savoir s'il
y a des fibres cérébelleuses descendantes.
Résumé. - I. Faisceaux qui à la suite de l'hémisection latérale de
la moelle dégénèrent dans la moelle en haut et en bus. - 1° Il y a
des fibres qui, au-dessus et au-dessous de l'endroit vivisecté, dé-
génèrent dans les mêmes zônes. Il doit donc y avoir dans la plu-
part des conducteurs de la moelle des oiseaux des faisceaux dans
les deux sens. Mais c'est moins accusé dans les cordons postérieurs ;
ils envoient en bas de courtes dégénérescences radiculaires, tandis
qu'on constate une dégénérescence qui monte jusqu'au bulbe.
Seulement la zone de dégénérescence est de plus en plus pauvre,
ce qui permet de penser qu'une très faible partie des cordons
postérieurs arrive au petit cordon postérieur du bulbe. Dans la
moelle lombaire, le cordon postérieur se colle sur le côté du
sillon postérieur sous forme de cordon postérieur médian. Les fibres
qui sortent des racines sensitives dont la direction est le plus
tranversale, se placent à côté des fibres déjà incorporées : ainsi se
forment un cordon postérieur médian et un cordon postérieur latéral ;
2° le faisceau cérébelleux des cordons latéraux dégénère toujours
dans toute son étendue en haut et en bas ; 3° dans les cordons an-
térieurs et aussi dans les cordons latémux on trouve des fibres
dégénérées en haut et en bas qui, tout près de l'endroit sectionné,
occupent ces deux organes, tandis qu'à quelque distance de cet
endroit, elles se limitent essentiellement aux cordons antérieurs
et encore à leur zone médiane. Ces fibres sont indubitablement,
pour la plupart, d'origine endogène et de longueurs différentes.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 405
il se trouve cependant aussi parmi elles, un nombre de faisceaux
originaires du cervelet qui méritent le nom de tractus céré6cllo-
spinal antérieur médian. Sur les coupes transverses de la moelle
ces fibres ne peuvent guère se séparer des fibres à trajet intra-
spinal, car elles dégénèrent en bas avec elles. Il est probable qu'il
faut ranger parmi les faisceaux endogènes (intraspinaux) un long
faisceau qui occupe les cordons antérieurs et ne peut être suivi
jusque dans le bulbe.
II. Faisceaux qui après l'Ieémisectiott latérale de la moelle dégénè-
rent dans le cervelet. - Dans le cervelet ne se prolongent que les
faisceaux de la moelle qui occupent la périphérie du cordon laté-
ral. Une coupe antéropostérieure montre que toute la masse des
fibres s'enfonce dans le corps restiforme et s'en va en arrière avec
lui. La plus grande partie .se termine sans s'entrecroiser dans les
circonvolutions supérieures du vermis. Les fibres antérieures et
transversales demeurent libres. Sur les coupes en séries trans-
versoperpendiculaires on voit que le corps restiforme fournit
d'abord deux trousseaux. L'un d'eux, d'abord transversal, s'inflé-
chit en haut et en arrière pour s'enfoncer dans le cervelet ; grêle,
il correspond probablement au segment antérieur du faisceau
cérébelleux du cordon latéral (lî-(icizis cérébellospinul antérieur).
Le second fournit la plupart de ses fibres à l'écorce supérieure du
vermis ; le reste contourne la face antérieure des gros noyaux
médians du cervelet, s'entrecroise sur la ligne médiane et se perd
peut-être en partie dans ces noyaux, en partie également dans
l'écorce inférieure du vermis.
III. Faisceaux qui dégénèrent en descendant à la suite d'une lésion
du cervelet. A côté des courts faisceaux qui dégénèrent du côté
correspondant à l'opération (faisceaux d'association) et du côté
opposé (faisceaux commissuraux) et qui sont les faisceaux propre-
ment dits du cervelet on constate la dégérescence d'un long faisceau
croisé. Une petite partie de ce faisceau rayonne dans la région de
la zone acoustique d'Ahlbom. Sa plus grande partie, sous la forme
d'un large ruban, s'en va, par le pédoncule cérébelleux inférieur,
dans le bulbe et dans le cordon latéral. Ce long faisceau correspond
au tractus céré6ellospiual, composé de fibres antérieures et posté-
rieures du faisceau cérébelleux du cordon latéral. Les libres posté-
rieures de celui-ci occupent dans le bulbe, le segment cérébral du
corps restiforme; les fibres antérieures (ou faisceau de Gowers)
sont représentées par les fibres qui passent à la partie inférieure
des olives et du trijumeau.
On constate aussi, mais non toujours, la dégénérescence du
pédoncule cérébelleux supérieur, des libres arciformes externes et
internes du bulbe. Intégrité constante et complète du télencéphale
et du mésencéphale. P. 11ER.11'AL.
406 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
XVIII. Contribution au trajet des fibres des racines postérieures
dans la moelle cervicale de l'homme; par K. Sciiafter. (Neurolog.
Centrcalbl., XVII, 1898 )
Voici deux observations de lésion isolée des racines, très propres
à éclairer la question des rapports des racines postérieures avec
la structure des cordons postérieurs. Figures. On sait que les
lésions des racines, tant de la moelle dorsale supérieure que de la
moelle cervicale inférieure, entraînent une dégénérescence intra-
spinale descendante et ascendante. La dégénérescence descendante
en rapport avec les lésions transverses de la moelle (Mlestplial,
Schultze, Kahler et Pick) s'explique par la division en Y des fibres
radiculaires postérieures. Mais elle peut atfecter plusieurs formes,
par exemple la forme en virgule (Schultze) ou se traduire par la
dégénérescence du champ ovale du cordon postérieur.
Ces deux observations mettent en lumière la dégénérescence de
Schultze. Cette dégénérescence en virgule tiendrait, d'après les
uns, à une lésion de la substance grise, d'après les autres, à une
lésion radiculaire. A l'exemple de Schultze, M. Schaffer la rattacha
en 1894 à une lésion des branches descendantes des racines posté-
rieures ; il croit aujourd'hui que son observation eût plutôt pu
servir d'appui à la thèse de la dégénérescence descendante consé-
cutive à une lésion de la substance grise (Déjerine et Sottas, Gom-
bault et l'hilipp, Tooth et Marie). Tooth dit que la dégénérescence
en virgule ne s'observe pas dans la section transverse expérimen-
tale des racines postérieures, et pense qu'il s'agit plutôt alors de la
destruction de fibres commissurales. Une observation récente de
destruction transverse de la moelle par spondylite prouve la dégé-
nérescence descendante en virgule consécutive. Discussion des faits.
Voici comment il faut les comprendre. La dégénérescence des-
cendante des cordons postérieurs survient dans le cas de lésion
transverse totale de la moelle tout aussi sûrement que dans le cas
de lésion des racines postérieures. Puis, les faits anatomiques sont
en faveur des fibres radiculaires descendantes dans le cordon pos-
térieur, et l'on constate la dégénérescence de Schultze dans les
lésions purement radiculaires Par conséquent la dégénérescence
descendante des cordons postérieurs est explicable par une lésion
des fibres radiculaires descendantes et l'hypothèse de fibres ner-
veuses endogènes dans la formation du petit trousseau de Schullze
est superflue. Dans la lésion transversale de la moelle de l'homme,
les racines postérieures sont toujours simultanément atteintes,
quoique dans leur trajet intramédullaire. Cela n'attaque pas
l'opinion, d'après laquelle la substance grise donne naissance à des
fibres destinées aux cordons postérieurs, car les recherches rela-
tives à la ligature de l'aorte, qui lèse principalement la substance
grise, prouvent que les cordons postérieurs sont altérés surtout
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 07
dans leur segment antérieur. Mais la forme de la dégénérescence
est tout à fait différente dans la ligature de l'aorte et dans la lésion
des racines (Singer et ? lIÜnzer, Schaffer). Il y a donc lieu de for-
muler que dans la zone en virgule de Schultze il n'y a que les branches
descendantes des racines postérieures (Schaffer). Il est également
possible qu'il y ait aussi des fibres provenaut des cellules funiformes
de la corne postérieure (Lenhossek, Marie), mais cela n'est pas
démontré.
Dégénérescence ascendante. - Nos faits confirment les observa-
tions de Pfeiffer, Sottas, Déjerine et Thomas, les études expéri-
mentales de Singer et Munzer, les lois de Kahler et Singer. Les
prolongements intramédullaires des racines dégénérées s'échelon-
nent successivement en dedans, en quittant la zone d'entrée
radiculaire, à partir du niveau des racines lésées, vers le bulbe ; -,
les zones qui correspondent aux racines dégénérées de la moelle
dorsale supérieure et de la moelle cervicale inférieure sont en
dehors de la cloison paramédiane.
Conclusions. - 10 Les observations relatives à la dégénérescence
de la deuxième et de la troisième racine dorsale sensitive, ou de
la septième racine postérieure cervicale, confirment la loi de
Kahler et Singer sur le trajet de la branche ascendante des racines
postérieures ; 2° le cordon de Goll parait simplement, dans la
moelle cervicale, limité latéralement par la cloison paramédiane,
tandis qu'en avant il n'y a pas de ligne limitante visible. Ici le
cordon de Goll contient, outre les racines sacrées et lombaires, les
huit racines dorsales inférieures : cette conclusion se tire de la
constatation que, dans la dégénérescence des deuxième et troisième
racines dorsales, la zone de dégénérescence (abstraction faite d'un
très petit coin postérieur de substance nerveuse saine) est immédia-
tement accolée à la cloison paramédiane; 3° les raies du cordon
postérieur qui correspondent au trajet de quelques racines, ne
permettent pas de décider que certains plans longitudinaux exclu-
sifs leur seraient seulement réservés; les prolongements intramé-
dullaires des racines postérieures se confondent intimement avec
les voisins; 4° les lésions des racines postérieures sont, contraire-
ment aux prétentions de Tooth, Déjerine et Sottas, Gombault et
Philipp, très certainement suivies de dégénérescence descendante
dans le cordon postérieur ; c'est la dégénérescence en virgule de
Schultze qui occupe le milieu du faisceau de Burdach. Celle-ci a
déjà cessé au niveau de la racine inférieure la plus immédiate, et
est, par conséquent d'un court trajet. La vraie dégénérescence de
Schultze est exclusivement produite par la lésion des fibres radi-
culaires postérieures ; les fibres endogènes n'y prennent (c'est
prouvé) pas part. Du reste la dégénérescence de Schultze n'est
qu'une fraction de l'ensemble de la dégénérescence descendante
du cordon postérieur. P. KERAVAL.
408 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
La terminaison des nerfs dans les organes centraux;
, par L. AUI'.RB.1C11. (Newolog. Centralbl.. XVII, 1898.)
Il s'agit des relations de la cellule nerveuse avec les dernières
ramifications cylindraxiles. Dans tous les points du système nerveux
central les cellules nerveuses et aussi leurs dendrites sont enlacées
d'un réseau à mailles fort épais qui les enveloppe ; il est formé de
petites fibres nerveuses qui portent de petits nodules. Ce réseau,
par places inextricable, est constitué par les arborescences ter-
minales amyéliniques. La méthode de coloration à l'hématoxyline
et il l'argent permet de compter le long des bords des cellules et
de leurs dendrites chacun des petits boutons terminaux, de se
rendre compte de l'énorme profusion des arborescences terminales
de chaque cellule et des plus grands prolongements protoplas-
miques correspondants (Congrès des naturalistes et médecins alle-
mandes, Francfort, 1896). Les nodules bleus sont accumulés autour
des cellules en masse bien plus grande que ne l'indiquent les pré-
parations de Ileld : C'est un vrai réseau qui enveloppe en certains
points les cellules comme d'une toile à mailles et prend part à
leur approvisionnement d'arborescences terminales.
Les grosses cellules motrices sont ainsi encadrées d'une couronne
de forts cylindraxes dont une partie doivent leur origine aux arbo-
rescences terminales. Les arborescences terminales se rendent
ainsi en rayonnant à leurs points d'insertion, souvent après un
court trajet. D'autres cylindraxes pourvus de boutonnets termi-
naux, parmi lesquels ceux que fournissent les arborescences
peuvent être suivis sur une longue étendue, sans qu'ils entrent,
pendant ce long chemin, en relations avec d'autres fibres ner-
veuses ; ceux-ci ne fournissent ni lacis, ni réseau il mailles. Enfin,
çà Ft là, au voisinage des cellules nerveuses, un vrai réseau fermé
est formé de fibrilles bien plus fines qui, ne s'entrecroissent pas
mais s'anastomosent ; dans le système des mailles sont enchâssées-
de petites varicosités ayant la dimension approchée des bouton-
nets terminaux qui dessinent les points nodaux. Impossible encore
de dire s'il y a une catégorie de cellules pourvues de réseaux ter-
minaux, s'il en existe une autre, n'en ayant pas, si cette organisa-
tion, qui parait concourir à l'égale répartition du courant excitateur
de l'influx nerveux, est généralement répandue.
Dans les cornes postérieures, et plus particulièrement dans la subs-
tance gélatineuse de Rolando, il n'y a qu'un réseau à mailles parais-
sant ininterrompu, pourvu d'épais renflements très nombreux, de
formes irrégulières (Golgi. Fine structure du système nerveux central
et périphérique, p. 249 et 250).
La couche granuleuse du cervelet et ses fibres mousseuses comportent
un réseau à mailles diffus, gigantesque par son étendne et sa pro-
longation il de très grandes distances. Entre les amas de cellules
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 409
granuleuses du cervelet, il existe des corps très nombreux, bleus,
à contours irréguliers, dont la zone extérieure, plus pâle, se pro-
longe dans un plexus formé de fibres nerveuses mille fois anasto-
mosées, tandis que le centre à bords dentelés ou projeté en
rameaux touffus se détache de la zone en question à l'état de
noyau beaucoup plus foncé. En réalité ce sont des fibres mous-
seuses à deux zones, une zone externe, et une zone interne. La
zone interne (objectif à immersion de Siebert apochromatique de
2 millimètres, ap. 1,30, oculaire 18) contient des mailles bleu
foncé, assez larges, formées de tractus de fibres relativement assez
gros et à points nodaux qui représentent des épaississements
proportionnellement volumineux; à l'intérieur de ces mailles
existe une substance un peu moins bleue, épaisse, vague, dont
l'accumulation à la région centrale de l'organe qui nous occupe
contraste avec la zone bleu clair externe. La zone externe, proba-
blement moins riche en substance tingible, incomparablement
plus transparente, ressemble à un fin tissu à mailles plus lâches,
s'étend par son bord externe, sous forme de voile membraneux clair
qui, tantôt enveloppe partiellement une cellule granuleuse, tantôt
pénètre entre les amas de granulations et entoure simultanément
plusieurs cellules. Ce même tissu de la zone externe glisse au-dessus
des fibres détachées du réseau sus-décrit, qui, par suite paraissent
enlacées dans cette membrane ténue à l'état d'entrelacement
rétiforme. Ces tractus membraneux qui portent les réseaux de fibres
nerveuses se déploient à travers la couche granuleuse formant un
système continu. 11 est fréquent de voir les corps mousseux con-
fondre leurs mailles sans intermédiaire de longues fibres ner-
veuses. Ces membranes se collent très intimement aux voussures
des amas de granulations, ce qui fait supposer que la zone centrale
des renflements mousseux constitue des organes terminaux, sans
cependant qu'on puisse les comparer aux terminaisons cylin-
draxiles. En effet du réseau des mailles repartent de fines fibrilles
ayant tous les caractères de vraies terminaisons nerveuses puis-
qu'elles s'ajustent au corps des cellules granuleuses au moyen des
boutons terminaux typiques.
La théorie du contact de Hamon y Cajal et Kelliker ne parait pas
devoir être remplacée par la théorie de l'adhérence de Held. Car
nulle part, on n'observe de passage ininterrompu du protoplasme
des terminaisons nerveuses et des cellules nerveuses. Les coupes les
plus minces à la paraffine montrent une limite linéaire tranchée
entre les fibres nerveuses amyéliniques et la cellule nerveuse.
D'autre part il est certain que les terminaisons nerveuses ont une
structure plus ou moins grenue, les granules en sont très fins et
paraissent cimentés par une substance intermédiaire qui les
empêche de se distinguer les uns des autres. Tandis que la cellule
se compose de rayons à mailles. Ces rayons, comme ceux d'une
410 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
ruche, sont remplis d'un neurohyaloplasme. Mais nulle part la
substance fondamentale de la cellule n'est en rapport continu
avec les terminaisons cylindraxiles. Il n'y a donc pas adhérence,
Les arborescences terminales agissent, par le coussinet de leurs
boutons terminaux, sur le protoplasme de la cellule nerveuse
d'une manière que nous ignorons; les boutons terminaux s'ap-
puient, s'appliquent intimement sur la surface de la cellule. Mais
s'il se fait une union physiologique, il n'y a pas adhérence anato-
mique. Impossible non plus de songer à un mouvement amiboïde
puisque les arborescences terminales ne jouent pas sur les cellules
elles dendrites. Se fait-il pendant la vie une modification molécu-
laire portant à la fois sur les bouton nets terminaux et les cellules.
Se formet-il une unité fonctionnelle de ces deux éléments malgré
la persistance de la discontinuité anatomique ? Nous ne savons.
La théorie du treillis élémentaire formé par les fibrilles primitives
(neuropil) d'Apàthy et Bethe n'est pas davantage admissible. La
structure de la substance fondamentale de la cellule est bien réti-
forme et en rayons analogues à ceux d'une ruche. Mais la cellule
nerveuse des animaux supérieurs n'est pas un simple endroit de
passage des fibrilles primitives se rendant, sans perdre leur indi-
vidualité, au neuropil. Les boutonnets terminaux sans nombre de
n'importe quelle grande cellule et ses dendrites qu'on peut aisé-
ment suivre, montrent qu'il faut, dans les éléments qui revêtent
les nerfs comme d'un épais feutrage, chercher les organes qui, au
sein des cellules mêmes, produisent une activité soit en exerçant
une influence directe sur le eorps de la cellule, soit en agissant
sur les dendrites centripètes et récepteurs de l'excitation. Assuré-
ment les fonctions du système nerveux prennent, chez les animaux
supérieurs au moins, leur source dans la multiple variation des
états d'éréthisme de ces éléments, accompagnés de la participa-
tion active du protoplasma cellulaire; dans la combinaison insé-
parable des arborescences terminales d'une part, des cellules
nerveuses et des dendrites d'autre part. P. KERAV.4L.
XX. Observation de sarcome de la dure-mère spinale. Contribution
à la connaissance des dégénérescences secondaires, consécutives
à la compression de la moelle; par F. Quensel. (Nell1'olof}. Cen-
tralbl., XVIII, 1898.)
Inteiruption transversale de la moelle incomplète, siégeant à à
peu près à la hauteur ou immédiatement au-dessus d'une gibbo-
sité de la colonne dorsale, gibbosité dont la pointe occupait la
huitième apophyse épineuse. 11 y avait douleur à la pression sur
les côtés de cette région. Ceitains symptômes permettaient de
spécifierla hauleureracte de l'interruption. C'était d'abord une unes-
thésie totale au niveau du dixième et d'une partie du neuvième segment
REVUE D'1\ TO\IIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 411 I
dorsal qui indiquait que le maximum de la compression siégeait
en cette dernière région. Mais la compression devait remonter au
huitième segment dorsal, car l'anesthésie était partielle dans le
domaine de ce dernier. On constatait par contre une hyperesthésie
caractéristique de l'atteinte de la septième racine postérieure de la
moelle.
Quelle était la nature de la compression ? Un traumatisme an-
cien suivi, longtemps après, d'accidents paralytiques et de troubles
de la sensibilité lents et symétriquee, rapproché de l'existence
actuelle d'une gibbosité faible, comparée à la compression, per-
mettait de croire à une affection tuberculeuse de la colonne verté-
brale. Cette gibbosité disparaissait complètement par un change-
ment de position, de sorte qu'il était difficile de lui rattacher
directement l'interruption spinale. Mais il n'y avait aucun autre
signe d'affection tuberculeuse, et par contre les symptômes cons-
tatés ne pouvaient point être considérés comme appartenant à
une tumeur : ils pouvaient tout aussi bien tenir à une carie verté-
brale. Bientôt l'état général devenait inquiétant. Insuccès du
traitement anti-syphilitique, cystite incurable, fièvre rémittente ;
accidents gangreneux au sacrum. Le malade demandant une opé-
ration, on la pratiqua. Et c'est alors qu'on trouva une tumeur occu-
pant le niveau des septième et huitième vertèbres dorsales ; du
volume d'un oeuf de pigeon, elle siégeait en arrière et sur les côtés
de la dure-mère, absorbait les septième et huitième racines sensi-
tives, pénétrant avec la septième de chaque côté dans le trou inter-
vertébral. La dure-mère était du reste normale au-dessus et au-
dessous de la tumeur, présentant simplement quelques pulsations
au-dessus. L'énucléation se fit aisément : il fallut seulement résé-
quer la septième racine, la moelle n'étant ni enserrée ni modifiée
dans sa consistance. Le malade mourut de septicémie.
Autopsie. Ramollissement de la moelle limité au niveau des
neuvième et dixième segments sur une étendue de 2 centimètres.
Dégénérescence ascendante des faisceaux de Goll, indistincte des
faisceaux latéro-cérébelleux; dégénérescence descendante des fais-
ceaux latéropyramidaux. Au microscope (figures) on constate, au
même niveau, la déchéance des libres myéliniques, l'atrophie et
la destruction des cellules nerveuses; abondance de cellules à gra-
nulations graisseuses, de cellules- araignées, de vaisseaux dilatés;
l'interruption est presque totale. Les dégénérescences sont celles
de Hoche (Archivf. Psychiatrie, aIVIII) notamment les dégénéres-
cences descendantes.
' L'intérêt principal des dégénérescences ascendantes réside dans
le faisceau de Gowers auquel s'attachent les noms de Patrick,
Meynert, Flechsig, Westphal, Lceweuthal, Auerbach, Quensel, Held,
Monakow, Molt et les observations cliniques de Bruns, Pa-
trick, Hoche, de Soelder. Dans notre cas particulier, le faisceau
412 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
décrit par de Soelder provient en partie d'une région placée au-
dessous du niveau des neuvième et dixième segments dorsaux ; on
ne constate pas d'autres lésions dans la moelle cervicale, mais on
a réussi à suivre de ces fibres jusqu'aux cellules du noyau externe
de la couche optique ; -elles subissent donc, dans l'espèce, une
interruption en même temps qu'une partie des autres conducteurs
sensitifs. Il est à remarquer que dans un cas de Iloesel, dans le-
quel un kyste apoplectique ancien avait détruit le corps genouillé
interne, la partie inférieure du pulvinar, les parties postérieures
du noyau antérieur de la couche optique, notre faisceau était
presque seul conservé alors qu'il y avait dégénérescence complète
du ruban de Reil. P. KERAYAL.
XXI. De l'oreille interne dans l'anencéphalie; par 0. Veraguth.
(Neurolog. Centralb., XVII, 1898.)
Examen du rocher d'un anencéphale de sept mois. Fixation
dans la liqueur de Mueller. Réfrigération. Durcissement dans l'al-
cool. Inclusion dans la celloïdine. Coupes colorées à l'hématoxy-
line et à l'éosine, et, en partie, au carmin.
Entre le limaçon et les autres organes du labyrinthe, court, dans
le tissu cartilagineux, un mince ruban à raies parallèles. Il est
impossible de savoir si les fines lignes qui passent entre les cellules
à petits grains sont des fibres nerveuses ou un simple stroma con-
jonctif ; mais la situation de ce ruban correspond à celle du ra-
meau cochléaire de l'auditif. A l'intérieur de ce tissu, gros et pe-
tits amas de cellules nerveuses évidentes dont chacune est séparée
du tissu conjonctif environnant par un halo ; on y voit un proto-
plasma finement grenu, avec un noyau central entouré d'une zone
plus claire. Ce sont des cellules nerveuses, bien qu'elles n'aient ni
prolongements protoplasmiques, ni cylindraxes, car elles ont un
aspect tout à fait semblable à celui des cellules nerveuses de la
moelle anencéphale et des ganglions spinaux. Elles tranchent, par
leur grandeur, sur le tissu environnant. On en voit également
quelques-unes dans le tissu cartilagineux de l'axe du limaçon. Le
ganglion spiral existe donc. On voit nettement à l'oeil nu le limaçon
osseux transformé. Le limacon membraneux a atteint un certain
degré de développement. La membrane de Reissner est bien déve-
loppée, le ligament spiral aussi ; tous deux sont recouverts d'épi-
thélium sur la face qui regarde la lumière du conduit. Pour la
membrane, c'est un épithélium à une couche; pour le ligament,
c'est quantité de petites cellules cylindriques. La paroi tympa-
nique, déchirée sur la plupart des coupes dans la partie membra-
neuse, est, sur d'autres, entièrement continue, du limbe spiral au
ligament spiral. Le sillon spiral est nettement délimité. Sur le
limbe spiral on voit bien les élevures papilliformes du tissu con-
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 413
jonctif, les dents auditives de Iluschke, entre lesquelles existent
des noyaux clairs à noyau franchement circonscrit. La lame spi-
rale membraneuse est dotée de sa membrane basilaire, de sa cou-
che de revêtement lympanique, de sa couche épithéliale, mais elles
sont incomplètement développées. La partie épithéliale du limaçon
membraneux a donné naissance à des éléments qui ne fussent pas,
ultérieurement, entrés en contact direct avec le nerf lui-même;
quant aux cellules auxquelles le nerf cochléaire eût dû envoyer ses
expansions terminales, elles ne se sont point différenciées.
. P. KER.V.IL.
XXII. Contributions expérimentales et anatomopathologiques à
l'étude de l'intoxication chronique par le sulfure de carbone ;
par G. KOESTER. (Ncuoolog. Cel1l1'olbl., XVII, 1898.)
Expériences sur sept lapins. Intoxication par inhalation pendant
quatorze jours, quatre semaines, deux mois, trois mois, trois mois
et demi. On prend des animaux en parlait état de santé. Ils gagnent
du poids pendant les premiers jours de l'intoxication, puis se
maintiennent en équilibre, et enfin diminuent de poids malgré une
nourriture bonne et surabondante. Un des animaux, empoisonné
pendant deux mois, s'accrut cependant jusqu'à sa mort. Parallèle-
ment à l'amaigrissement, survint une hyperexcitabilité graduelle
des muscles aux courants faradiques (expériences régulièrement et
mathématiquement conduites) ; l'hyperexcitabilité longue conduit
à la réaction de la fatigue nette du muscle. Puis, cette faiblesse
irritable fait, de la sixième à la septième semaine, place à une di-
minution graduelle de l'excitabilité, surtout marquée chez les
animaux devenus valétudinaires. Mais cette hypoexcitabilité n'est
pas inférieure à l'excitabilité électrique du début des expériences.
La phase d'hyperexcitabilité s'accompagne d'hyperesthésie des
membres. Chez deux animaux il y eut ensuite de l'anesthésie des
membres mais rien que des pattes. Forte dilatation des vaisseaux
de la tête, rougeur intense des oreilles, de la muqueuse nasale, des
conjonctives, avec chaleur vive; quelquefois, en sus, catarrhe chro-
nique conjonctival et bronchial. Mydriase avec perte de la réaction
pupillaire, parfois permanente (quatre cas), avec inégalité pupil-
laire continue (un cas). Chaque expérience était suivie de parésie et
d'ataxie, pendant une heure ou deux à peu près; la parésie finit
par subsister chez deux de ces animaux. On put constater nette-
ment également chez deux patients un état de stupidité consécutif
à l'agitation de la période d'hyperexcitabilité et d'hyperesthésie. En
résumé le début de l'intoxication se traduit par des phénomènes
d'excitation ; plus tard apparaissent des phénomènes de déficit.
L'autopsie ne révèle pas de lésions splanchniques ni musculaires,
pas de névrite. Quelque congestion et quelque ramollissement au
414 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
cerveau et à la moelle. Les cellules sont dégénérées. Les cellules des
ganglions spinaux présentent en effet une dilatation de l'espace pé-
ricellulaire, des échancrures et dentelures du noyau, par chroma-
tolyse du protoplasma qui se vacuolise autour du noyau. Celui-ci
se recroqueville ou la membrane du noyau se détache, ce qui peut
arriver au nucléole également. De sorte qu'à un moment donné,
toute la cellule s'émiette et se fond en un espace presque vide. Les
mêmes altérations existent dans les cellules des ganglions du grand
sympathique. En ce qui concerne les cornes antérieures, la chroma-
tolyse commence par les prolongements protoplasmiques des den-
drites des cellules qu'elle brise, ou bien elle monte dans la cellule
même. Finalement tous les prolongements sont détachés et des
restes rares et épais de protoplasma dégénéré, dans l'espace de la
cellule dilatée, marquent la place occupée autrefois par une cel-
lule bien développée. Fréquemment les arborescences terminales
c3lindraiiles qui entourent le corps de la cellule se détachent.
En même temps, les vaisseaux sont remplis et tendus, même les
plus petites anses capillaires péricellulaires.
Ces descriptions s'appliquent encore aux cellules de la protubé-
rance, du bulbe, du tronc, des hémisphères, des cornes posté-
rieures, ces dernières étant les moins affectées. Ce ne sont pas des
altérations post-morlem, car une seule et même espèce de cellules
présente des degrés variés de dégénérescence. Ces dégénérescences
se voient dans toutes les parties du cerveau, mais surtout dans
celles des couches corticales externes d'animaux morts-de bonne
heure, ou moins fortement intoxiqués. Ces différences disparais-
sent chez les animaux fortement et depuis longtemps empoisonnés.
Mêmes réflexions en ce qui concerne les cellules cérébelleuses
géantes de Purkinje.
Pathogénie. - Les troubles de la sensibilité sont donc d'origine
centrale, de là leur diffusion. Aux cellules des cornes antérieures,
il faut rattacher l'hyperexcitabilité, puis, 1 hypoexcilabilité élec-
trique, la réaction de fatigue, les parésies. Aux cellules du cerveau,
l'excitation, puis, la stupeur des animaux; on rapprochera de cette
constatation les psychoses polymorphes de l'intoxication chez
l'homme, explicables par les dégénérescences cellulaires des di-
verses couches corticales, dont les lésions permettent de déchiffrer
l'incurabilité. En cas d'intoxication faible, prédominance des phéno-
mènes d'excitation, réparation possible des lésions légères, à la
condition que le malade ne s'expose plus au sulfure de carbone.
P. K.
XXIII. Le faisceau optique médian du pigeon; par A. WALLEXBERG.
(Neurolog. Ceutoalbl., XVII, 1898.)
Dans la bandelette optique de l'oiseau, on distingue un groupe
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 415
de fibres médianes, que l'on peut suivre jusqu'à l'extrémité infé-
rieure du cerveau moyen, où il disparaît dans un gros amas, bien
limité, de cellules placées sur le côté du noyau du pathétique, que
l'on appelle ganglion de l'isthme (Edinger), ganglien optique pos-
térieur (Jelgersma).
Mais, la preuve de l'origine des fibres de ce faisceau dans le gan-
glion de l'isthme ? En détruisant le ganglion seul ou avec d'autres
organes tels que le cervelet, le pathétique, les parties supérieures
de l'isthme, on en obtient la dégénérescence. La méthode chromo-
osmique de Marchi permet de confirmer ce que l'on sait de sa si-
tuation à diverses hauteurs du cerveau moyen et du cerveau inter-
'médiaire. Par le ganglion de l'isthme, il fournit, à travers le cer-
veau moyen et la couche optique, des libres à l'écorce du lobe
optique, à la partie supérieure du corps genouillé thalamique,
ainsi qu'à un étroit noyau de cellules assez grosses qui s'intercale
entre le noyau rond thalamique et le pôle antérieur du corps ge-
nouillé externe. En arrière du chiasma, il se décompose en une
quantité de groupes étroits de fibres d'inégale épaisseur; sa masse
principale s'avance près de la limite postérieure du chiasma de
l'autre côté, tandis qu'une petite partie de ses fibres décrit, sur le
côté, un arc de conversion accentué pour se rendre à l'angle homo-
nyme. Malgré cela, ce dernier trousseau semble s'entrecroiser, car
on n'en trouve pas de fibres dans le nerf optique du même côté,
qui puissent être certainement tenues pour dégénérées. Du chiasma,
le faisceau optique médian gagne d'abord le bord externe du nerf
optique du côlé opposé ; puis, il oblique de haut en bas et de de-
hors en dedans sous la forme d'une couche grêle qui reste cepen-
dant à égale distance de la face supérieure et de la face inférieure
du nerf sans s'éloigner de la périphérie externe. L'examen d'une
coupe du nerf optique, bien perpendiculaire à l'axe, montre que
le faisceau en question est bien un groupe médian à faible excen-
tricité.
L'entrée du nerf optique dans le globe de l'oeil a lieu sous la
forme d'une étroite tige oblique, toujours dirigée de haut en bas
et de dehors en dedans qui appartient presque exclusivement au
segment de sphère interne, inférieur et postérieur de l'oeil. L'angle
que forme la papille avec la perpendiculaire est d'un peu plus de
30°. La tige de la papille et l'éventail qu'elle forme en faisant sail-
lie à l'intérieur du globe de l'oeil, décomposent celui-ci en deux
compartiments; un compartiment antérieur, interne, supérieur et
un compartiment postérieur, externe, inférieur. Or, le faisceau
optique médian se répand presque complètement dans le compar-
timent externe et postérieur, en pénétrant, avec les autres fibres
optiques, dans la rétine où il se termine entre les cellules de la
couche ganglionnaire. Quelques fibres isolées semblent pénétrer
par la couche moléculaire interne jusqu'au voisinage de la couche
41G REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
granuleuse interne. Chaque cellule est embrassée par les branches
terminales, comme par les branches d'une pince. Le territoire in-
nervé par le faisceau optique médian commence donc bien en dehors
de la papille et va jusqu'au voisinage de la macula, où cesse la couche
des fibres nerveuses. En dedans de la papille, on ne constate que
quelques dégénérescences éparses.
Le faisceau optique médian vient donc de l'isthme et se termine
dans la rétine autour des cellules de la couche ganglionnaire. Dans
ce trajet, il fournit aux postes de terminaison centrale du nerf op-
tique (lobe optique, corps genouillé thalamique, noyau à grosses
cellules).
D'autre part, l'écorce du lobe optique contient une couche de
cellules profondes qui fournissent des fibres de la substance
blanche profonde ; ces fibres forment quelques rameaux se ras-
semblant en bas et au milieu en un faisceau compact qui, en avant
de l'angle externe de la substance grise des cavités centrales de
l'isthme, s'incorpore au faisceau longitudinal latéral, et se dirige
en bas ; parvenu à la hauteur du noyau du pathétique, il oblique
en arrière et sur la ligne médiane vers le hile antérieur du gan-
glion de l'isthme autour des cellules duquel il se répand. C'est le
tractus isthinotectal. Les fibres originelles de ce faisceau dans la
substance blanche profonde du lobe optique ne reçoivent pas seu-
lement les fibres terminales du nerf optique, elles reçoivent encore
des fibres centrales des noyaux terminaux sensitifs et moteurs.
Le ganglion de l'isthme devient ainsi le centre d'un arc réflexe
dont la branche afférente (tractus isthmotectal) transmet les im-
pressions optiques, acoustiques et sensitives d'autres centres aux
cellules de ce ganglion; celles-ci les renvoient aux fibres du fais-
ceau optique médian qui représentent la branche efférente centri-
fuge de l'arc. Le faisceau optique médian se terminant dans la rétine
et dans les régions centrales du nerf optique, vient apporter et
coordonner les diverses impressions, dans le voisinage de la zone
dé la vision directe ; il renforce ou affaiblit, suivant les besoins, la
réceptivité de l'organe de la vue en certains points. C'est un appa-
1'cil d'accommodation de la rétine. P. KERAVAL.
XXIV. Le bulbe rachidien; parle professeur Mignault. (Union mé-
dicale du Canada, n° 5, 1899.) '
Début d'une série de conférences ayant pour but d'exposer l'ana-
tomie et la physiologie du bulbe, d'après les dernières données
histologiques.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
XVII. Un cas de méralgie paresthésique traité par la résection du
nerf fémoro-cutané ; par le D1' Souques.
Il s'agit d'une jeune fille de vingt et un ans, très bien portante,
d'aspect vigoureux, chez qui revenaient quotidiennement les trou-
bles suivants à l'occasion de la marche et surtout de la station
debout : c'est d'abord une sorte de frémissement douloureux qui
part de la région rétro-trochantérienne pour se propager en ligne
droite vers le triangle de Scarpa. Bientôt cette sensation pénible se
transforme en une véritable brûlure qui dépasse la zone précé-
dente en haut et en bas, allant de l'arcade de Fallope à la partie
moyenne de la cuisse ; cette sensation de brûlure s'accompagne de
douleurs térébrantes extrêmement vives. Chaque paroxysme dure
de dix à quinze minutes, rend toute marche impossible, oblige la
malade à s'asseoir ou à se coucher. La station assise calme et le
décubitus supprime la douleur, qui reparait dès que la malade se
remet debout, de telle sorte que les accès s'imbriquent et que la
douleur devient permanente.
En dehors des paroxysmes, il existe au niveau de la région
atteinle, une paresthésie persistante, même durant la nuit. Cette
situation intolérable a résisté aux méthodes thérapeutiques habi-
tuelles.
Pour expliquer la pathogénie de la méralgie, Roth admet une
compression du nerf fémoro-cutané. On peut supposer que la com-
pression s'exerce, dans quelques cas tout au'moins, soit au niveau
de l'arcade crurale. soit au niveau du canal du fascia lata. Dans ces
conjectures, la résection du nerf à ce niveau semble rationnelle.
Faite dans le cas présent par le D1' Mauclaire, elle a amené une
amélioration notable. (Revue neurologique, juillet 1899.) E. B.
XVIII. Traitement hydrique de l'aliéné ; par le De FOSTER.
L'hydrothérapie devrait être introduite dans les principales écoles
de médecine comme une branche régulière des études ; son impor-
tance thérapeutique est, en effet, telle qu'elle devrait être utilisée
aussi largement que possible par tous les praticiens en général et
non pas rester exclusivement dans les mains du spécialiste.
En ce qui concerne les aliénés, il n'y a pas de meilleur moyen
connu d'agir sur les modifications nutritives intracellulaires pré-
Archives, 21 série, t. VIII. 27
418 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
coces de la folie, que celle-ci soit le fait d'un effort fonctionnel, du
surmenage ou d'une influence toxique.
Sur 84 malades que l'auteur a traités par l'hydrothérapie, dans
l'année, 20 étaient atteints depuis moins d'un an ; de ceux-ci, 7 ont
guéri, 3 sont très améliorés et 4 améliorés notablement; parmi les
7 guéris il y avait 3 cas de manie aigué, 2 cas de confusion men-
tale, un cas de mélancolie aiguë et un cas de morphinisme. Sur
33 aliénés divers traités par l'hydrothérapie il n'en est pas un qui
n'en ait obtenu de bons effets.
L'auteur insiste sur l'épilepsie et la paralysie générale.
Il est à remarquer, pour l'épilepsie, que l'amélioration est moins
marquée dans les deux ou trois premiers mois que plus tard , il
faut être prévenu de cette particularité sous peine de considérer
comme nuls les effets de l'hydrothérapie qui sont cependant très
appréciables comme l'indique le tableau des Il cas cités dans le
travail. Quant à la paralysie générale, il n'existe pas de meilleur
témoignage de l'efficacité du traitement hydrique sur le cerveau
que dans cette affection. Sur 21 cas traités par l'hydrothérapie,
6 étaient, au bout de l'année, en rémission complète. (The American
Journal o/' ittscmily, avril 1879 '.) E. B.
XIX. Bains froids dans le delirium tremens; par M. M. Letulle.
(Presse médicale, 8 juillet 1899.)
M. Letulle rapporte l'observation d'un malade atteint de delirium
tremens, qu'il a traité avec succès par la balnéation froide. Ce mode
de traitement, qu'il a appliqué antérieurement dans deux autres
cas, ne lui a donné que des résultats favorables. Aussi estime-t-il
qne, de toutes les méthodes employées contre cet accident suraigu
de l'alcoolisme, la méthode de Brand est la plus sûre et la plus
efficace. A tout delirium tremens, dit-il, il donnerait sans hésiter,
et cela en toute sécurité, et il réitérerait des bains froids à 18°, dix
à quinze minutes durant, toutes les deux ou trois heures, suivant
la gravité du cas, jusqu'à cessalion complète et définitive du délire
et de l'hyperthermie. En agissant ainsi, il supprimerait « la bar-
bare camisole de force, ce moyen homicide par excellence ». A. F.
XX. Syndrome goitre exophtalmique survenu chez un goitreux. ,
Guérison par l'électricité ; par MM. VESLIN et Leroy. (Presse
médicale, 14 juin 1899.)
Les auteurs rapportent l'observation d'un homme de trente-
sept ans, fils et frère de névropathes, très impressionnable lui-
' Depuis vingt ans, nous employons dans le service des enfants de
l31cêire, les bains, les douches et les bromures, les purgatifs, d'une
façon méthodique, et nous y insistons dans chacun de nos Comptes
rendus. il.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 419
même et alcoolique, chez qui l'usage de la bicyclette amena
en 1894 la production d'un goitre. A la suite de courses longues
et rapides, se manifestèrent subitement, en août 1897, un en-
semble de signes réalisant bien nettement le syndrome du goitre
exophtalmique : douleur précordiale, palpitations, tachycardie,
éblouissements et sensation de congestion céphalique, augmenta-
lion brusque de volume du goitre, tremblement des doigts et
même du membre supérieur en entier, vitiligo, irritabilité et
surexcitation nerveuse, etc. A aucun moment, il n'y eut d'ophtal-
mie. Le diagnostic du syndrome goitre exophtalmique fut con-
firmé par la constatation d'une diminution considérable de la
résistance électrique. Le traitement institué fut le suivant : Sup-
pression des boissons alcooliques, de la bicyclette et de toute
fatigue; douches froides; deux électrisations par semaine, faites
de la manière suivante : une large électrode étant fixée sur la
nuque du malade, la petite ampoule était promenée sur la région
carotidienne et sur le goitre dans son ensemble. Les résultats du
traitement furent d'abord négatifs et on dut augmenter le nombre
des électrisations et remplacer les douches froides par des douches
tièdes quotidiennes. Au bout de deux mois et demi environ, une
amélioration notable se produisit. Mais une émotion violente
(frayeur) amena instantanément une rechute. Le traitement dut
être repris; sous son influence, les symptômes du goitre exophtal-
mique ne tardèrent pas à rétrocéder, le goitre diminua, les palpi-
tations disparurent, le sommeil redevint normal; le pouls tomba
à 100 pulsations. Un léger tremblement et des taches de vitiligo
persistèrent. Huit mois plus tard, l'état du malade continuait à
être très satisfaisant, mais le goitre subsistait toujours. A. F.
XXI. Des injections sous-arachnoïdiennes; par M. A. Slcalsn.
(Presse médicale, 17 mai 1899.)
Il est cliniquement établi que l'on peut introduire dans le
liquide céphalo-rachidien de l'homme, par la voie lombaire, des
sérums ou des substances salines, en quantités relativement assez
grandes, sans amener de réaction méningée vive et surtout persis-
tante. La diffusion, à travers toute la masse du liquide céphalo-
rachidien , des substances injectées en petite quantité dans la
cavité sous-arachnoïdienne lombaire et surtout cérébrale, s'opère
lentement ; en règle générale, le maintien de la substance active
au niveau des centres et des racines médullaires lombaires et son
échappée vers les centres nerveux supérieurs, restent subordonné
à sa nature, à sa densité, au taux de la dilution, à la quantité et
à la rapidité de l'injection. Au point de vue thérapeutique, la voie
sous-arachnoïdienne permet l'action directe et locale plus ou moins
persistante d'un agent médicamenteux sur les centre nerveux sous-
420 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
jacents; elle favorise, dans certaines conditions, la dissémination
de cet agent actif à travers tout l'axe nerveux cérébro-spinal.
Mais la valeur de cette méthode thérapeutique n'est pas encore
définitivement fixée et la plus grande prudence s'impose, du moins
pour le moment, dans son application. A. FENAYllOU.
y
XXII. De la méthode de traitement de l'épilepsie de Flechsig; par
LCUROEDER. (Centralbl. f. Nervenheilk., XXI, N. F., IX, 1898.)
Etude à l'aide de 24 observations. On commence à administrer
0,10 d'opium brut par jour en augmentant fous les six jours de
0,10 jusqu'à 0,80. On donne alors 0,80 pendant 10 jours. Tout à
coup on suspend l'opium et on donne d'emblée 10 grammes de
bromure (mélange d'Erlenmeyer). Chaque malade a pris ainsi en
quarante-cinq jours 22 grammes d'opium pur. Jusqu'à la dose de
0,40 on administre l'opium en deux fois, de 0,50 à 0,80 on l'ad-
ministre en trois fois ; à partir de 0,70 on couche le malade, on
l'alite aussi quand on passe de l'opium au bromure. On a soin de
bien alimenter, de donner des lavements préventifs et de bien sur-
veiller. Telle est la perturbation apportée dans l'économie que les
malades perdent considérablement de poids. On a dit que la capa-
cité de résorption de l'intestin était modifiée par l'opium et que,
grâce à cela, les doses de bromures étaient ainsi plus efficaces.
En tout cas, six semaines après la suspension de l'opium, sous
l'influence de la médication bromurée seule, le poids du corps
croit sans exception.
De l'étude des accès et de leur nombre, M. Schroeder formule
que les observations des divers observateurs ne sont pas compa-
rables entre elles, que les siennes sont également insuffisantes
pour qu'on puisse proposer ne varielur une méthode si énergique
et espérer un succès définitif. Elle parait cependant indiquée chez
les individus jeunes n'étant épileptiques que depuis peu. En tout
cas elle est exclusivement propre à des hôpitaux ou à des asiles,
car elle est dangereuse. P. KERAVAL.
XXIII. Contribution au traitement de la myotonie; par W. DE B'ECII-
TEREW. (Neurolop. Cenll'albl., XVI, 1898.)
Heureux effets de la gymnastique médicale et du massage dans
le traitement de cette maladie chez un médecin de quarante-six
ans en même temps goutteux. Sous l'influence de ces pratiques,
les mouvements involontaires disparurent presque complètement
et la santé s'est améliorée. Naturellement l'eau de Vichy et les
bains sont venus à la rescousse.
Mais la myotomie ne serait-elle pas l'effet d'un trouble dans la
nutrition du muscle puisqu'on trouve chez ces malades, même non
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 421
podagres, des altérations de l'urine et que leurs muscles révèlent
une hypertrophie des fibres musculaires devenu spisoïdes, ayant
perdu leurs stries transversales, ainsi qu'une multiplication des
noyaux du sarcolemme. Le massage et l'exercice, si salutaires
dans l'espèce, augmenteraient les échanges nutritifs du muscle,
le débarrasseraient de ses poisons et par suite de cette tension qui
le contracture. P. KERAVAL.
XXIV. Abus d'éther dans la Prusse Orientale; par Sommer.
(Neurolog. Centralbl., XVIII, 1899.)
Les classes pauvres de cette partie de la Prusse et de la Russie
contiguë, surtout les Lithuaniens, remplacent l'alcool par l'éther.
Depuis longtemps la liqueur d'Hoffmann est la grande panacée
de la région, mais c'est depuis 1887, époque à laquelle on a élevé
le prix de l'eau-de-vie, que la consommation en a considérable-
ment accru. L'alcool qui sert à la fabrication de l'éther étant
exempt d'impôt, l'éther sulfurique coûte meilleur marché que l'al-
cool. Dans le cercle deMemel, le litre d'eau-de-vie vaut 1 mark 30,
celui d'éther 1 mark (1 fr. 25) et il provoque, avec une sensation
de chaleur plus rapide, une ivresse plus agréable. On y a con-
sommé, tant en ville qu'à la campagne, officiellement, 8620 litres
d'éther en 1897. Dans le cercle d'Heydekrug, le détail au petit
verre en est quadruple au moins de celui de l'eau-de-vie à laquelle
l'éther est d'ordinaire mêlé dans la proportion de 1 à 2 ou 1 à 3 ;
on consomme aussi de l'éther pur dont on pourrait boire jusqu'à
25 centil. en une fois. Quand on parcourt le marché hebdoma-
daire de Memel on sent l'haleine éthérée des marchands et l'on
constate, en ville et ailleurs, la présence d'un bien plus grand
nombre d'ivrognes éthérés qu'autrefois. L'éther semble causer la ^
cirrhose hépatique et rénale, l'athéromasie, la dégénérescence
graisseuse du coeur et d'autres viscères. Les propagandes en
faveur de l'abstinence sont demeurées infructueuses. L'Etat a pour
devoir de classer l'éther parmi les produits pharmaceutiques pro-
hibés sans ordonnance médicale, et d'en augmenter l'impôt. -
P. KERAVAL.
XXV. Tabes et paralysie générale dans leurs rapports avec la
syphilis; proposition thérapeutique; par ADL>;R (Cenhoalbl. f.
Neroezheilk., XXI, N. F. IX, 1898).
Il existe un grand nombre d'altérations morbides produites par
la syphilis qui ont pour caractère la sclérose. La syphilis produit
ainsi la cirrhose de l'appareil respiratoire, l'artériosclérose, la
myocardite interstitielle, la cirrhose du foie, des reins et du testi-
cule, l'atrophie du nerf auditif et'surtout du nerf optique, le tabes
422 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
et la paralysie générale. Strumpell désigne le tabes et la paralysie
générale sous le nom d'affections, para, méta ou post-syphili-
tiques, qui sont à la syphilis ce que les[maladies nerveuses épiphé-
noménales sont aux maladies infectieuses aiguës, exemples : les
paralysies et ataxies post-diphtéritiques qui succèdent aux diph-
téries pharyngées préalables. Mais la plupart des affections tabé-
tiques progressent continuellement, il est cependant possible de
s'expliquer cette marche progressive quand on range le tabes et la
paralysie générale sur le même rang que les manifestations secon-
daires ou tertiaires de la syphilis. Pourquoi donc alors le mercure
donne-t-il de si piteux résultats ? Nous savons que les accidents
tertiaires ne cèdent pas aussi promptement au mercure que les
accidents secondaires, et qu'il nous faut, pour eux, associer l'iodure
de potassium au mercure. C'est pourquoi, pour combattre ces
lésions scléreuses d'origine syphilitique du tabes et de la paralysie
générale, on doit au mercure associer le protargol qui est une
combinaison chimique de l'argent à une matière proteique. Il est
bien supporté à la dose de 1 à 3 grammes par jour (Neisser) ; on
commencera par 0,30, trois fois par jour, en pilules, poudre ou
solution et l'on arrivera graduellement à 3 grammes. P. K.
XXVI. Contribution à l'étude des phénomènes paralytiques dans
les inoculations pasteuriennes; par L. 0. D.anscucwnrscu.(Vetv-
rolog. Centralbl., XVII, 1998.)
1° D'abord, le développement d'accidents survenus chez les
malades, doit-il être attribué aux inoculations qui ont été prati-
quées contre les morsures rabiques ? .
Il n'y avait pas d'auti-es causes d'accidents paralytiques en
dehors des inoculations en question. La première observation est
topique. 11 s'agit d'un individu en parfaite santé jusqu'aux inocu-
lations, dans le passé le plus immédiat duquel on ne trouvait
rien qui put expliquer les accidents paralytiques; point d'excès
alcooliques , point de syphilis. Une seconde observation
est celle de diplégie faciale ; on ne lui trouve aucune cause ; ni
syphilis, ni affection auriculaire ; point de signe de lésion des
méninges à la base, de lésion de la protubérance. Et d'ailleurs ce
n'était pas la marche d'une de ces diplégies-là. On ne peut songer
à des excès d'alcool : ni à l'époque du développement de la diplé-
gie, ni à la suite de la disparition de la paralysie faciale, on ne
constata de lésions d'autres nerfs périphériques. Et la diplégie
à frigorie ? c'est une maladie très,rare à Kasan ; depuis cinq ans,
l'auteur n'a pas vu un seul cas de diplégie faciale rattachable à
une polynévrite primitive et isolée. Les inoculations antirabiques
sont très probablement en rapport avec le développement, en
l'espèce, de la diplégie faciale.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. a'3
Dans les deux observations en question, il y avait polynévrite,
donc les accidents polynévritiques, consécutifs aux inoculations
antirabiques, peuvent être tout aussi bien produits par une myé-
lite que par une lésion du système nerveux périphérique.
2° Les accidents paralytiques consécutifs aux inoculations sont-
ils bien dus à l'inoculation ? Ne pourraient-ils résulter de l'intoxi-
cation rabique elle-même ?
Les inoculations peuvent en être la cause unique, car, dans la
seconde observation, le chien n'était pas notoirement enragé ; on
n'avait inoculé que par mesure prophylactique. Mais il est impos-
sible de comprendre la raison pour laquelle les inoculations
entraînent des paralysies puisque le malade fut inoculé en même
temps que deux de ses parents, et que seul il fut paralysé.
Dans les deux cas, les accidents paralytiques suivirent très rapi-
dement les inoculations. Ils apparurent chez le premier malade
cinq jours après la fin des vaccinations, huit jours après chez le
second malade. Dans les deux cas, en revanche, la paralysie fut
légère et le processus polynévritique, qui ne se propagea pas par-
tout, ne fut pas très marqué. P. Keraval.
XXVII. De l'importance des médicaments cardiaques dans le trai-
tement de l'épilepsie; parW. DE BECIITEREW. (Neurolog. Cent1'alb.,
XVII, 1898.)
L'auteur aurait guéri des épileptiques invétérés, jusqu'alors incu-
rables, par l'association de l'adonis vemalis aux bromures. Il donne
une observation qui concerne un homme de vingt-quatre ans pour
lequel on réclamait la trépanation. Au commencement de novem-
bre de 1892, de hautes doses de bromure demeurant sans résultat,
il ordonne :
424 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
ture de rhubarbe, des pilules de rhubarbe, ou un peu d'aloès. La
codéine est encore indiquée quand les attaques sont accompagnées
d'une extrême irritabilité sous forme d'excitation ou de dépres-
sion. Un bon succédané du mélange formulé plus haut est :
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. - 425
L'auteur en rapporte trois cas :
Dans le premier cas, tabes dorsal au stage paralytique, il y
avait évidence clinique d'un excès de liquide cérébro-spinal. Après
la ponction, au lieu d'une paralysie complète, il n'y a plus qu'une
ataxie modérée et les symptômes physiques s'améliorent.
Dans le second cas, tabes dorsal au stage ataxique, il n'y avait
pas d'évidence d'augmentation de la tension intra-durale, le diag-
nostic était rendu douteux par des fractures multiples et l'état
mental du malade. Aucune amélioration de l'ataxie.
Dans le troisième cas, tabes dorsal à la période pré-ataxique,
la ponction fut purement expérimentale et les effets consécutifs
tout à fait négatifs, les analyses bactériologiques et chimiques
furent négatives dans tous les cas.
De nouvelles expériences sont encore nécessaires pour détermi-
ner la valeur réelle de cette méthode. (The American journal o/'
insanity, avril 1899.) E. 13L1N.
XXX. Traitement médical de l'épilepsie; par le Dol HUGms.
Le traitement de l'épilepsie ne consiste pas seulement à empê-
cher le retour des crises mais encore à porter remède aux causes
et conditions qui amènent ces crises.
Il est probable que l'auto-intoxication joue un grand rôle dans
la production du paroxysme épileptique : la réputation que le
nitrate d'argent s'était acquise dans le traitement de l'épilepsie
tenait à la propriété qu'il possède de détruire les toxines intesti-
nales. -
Le traitement rationnel de l'épilepsie consiste à soigner le ma-
lade tout entier au moyen de tous les agents, de toutes les condi-
tions, mentales ou physiques, qui relèveront son tonus nerveux,
amélioreront sa stabilité nerveuse surtout dans les couches psy-
chomotrices du cerveau, et favoriseront son bien-être général.
Si les symptômes du grand mal sont relativement simples, son
étiologie est souvent un problème complexe : les états goutteux,
arthritiques, névropathiques, syphilitiques, paludéens, etc., doi-
vent être présents à l'esprit lorsqu'on étudie l'épilepsie et les
maladies épileptoïdes.
Emploi alternatif des bromures combinés et d'un seul bromure,
désinfection du tube digestif, digestion parfaite de son contenu,
retour de l'organisme dans les voies physiologiques de son action
partout où il en est sorti ; telle est la base scientifique et clinique
du traitement.
Tout le succès du traitement consiste dans le ménagement
rationnel de la convulsion, tandis que c'est une faute de recher-
cher uniquement la disparition des crises, car l'épilepsie aussi
.des aspects alternativement vertigineux, somnambuliques, psy-
426 6 BIBLIOGRAPHIE.
chiques et impulsifs, toute une cérébropathie, une neuropatho-
logie secondaires qui englobent souvent plus que le cerveau dans
la maladie. (Tlee alienist and neurologist, janvier 1899.) E. B.
XXXI. Un cas de tic traité par suggestion; par M. le D'' Félon.
(Journ. de Neurologie, 1899, nu ! 13.)
Il s'agit d'un tic du bras droit, du sterno-cléido-mastoïdien, du
trapèze et du deltoïde empêchant tout travail et qui fut traité par
la suggestion indirecte (iodure, pointes de feu) et par une sorte de
rééducation de la volonté et du pouvoir inhibiteur au moyen de
mouvements lents des membres supérieurs. L'amélioration a été
assez considérable pour permettre au malade de reprendre ses
occupations. E. B.
BIBLIOGRAPHIE.
XI. Archives d'anthropologie criminelle, de psychologie normale et
pathologique . A. LACASSAGNE et G. Tarde, directeurs; années 1898
et 1899. Éditeurs : Storck à Lyon; Masson et Cie à Paris.
1° Le tatouage médical en Egypte dans l'antiquité et à l'époque
actuelle; par le D1' FOUQUET. Le Dr Fouquet ayant enlevé les
bandelettes d'une momie de jeune Égyptienne de la Xdynastie,
observa sur le ventre des cicatrices linéaires saillantes, résultats de
scarifications, se détachant sur le fond bistré de la peau, les unes
en bleu, les autres en blanc. Il veut voir dans ce tatouage, une
pratique médicale, un mode de traitement. Nous savons, par des
statuettes découvertes par M. de Morgan dans des tombeaux pré-
pharaoniques, que les plus anciens Égyptiens connus, du moins
certains d'entre eux, connaissaient le tatouage ornemental. De
sorte que je ne vois pas pourquoi le tatouage qui couvre tout le
ventre de la momie dépouillée par M. Fouquet, ne serait pas pure-
ment ornemental comme les tatouages observés de nos jours sur
les mêmes parties du corps, chez des sauvages. Cependant M. Fou-
quet s'est assuré que de nos jours, en Egypte, diverses affections
sont traitées par de petits tatouages exécutés sur les parties ou au
voisinage des parties malades. Des femmes de petites tribus no-
mades, comparables à nos tziganes par leur misérable façon de
vivre, parcourent les rues en criant : yacloGl oua nitaleer : - Nous
tatouons et nous circoncisons. - Ceux qui se livrent à elles n'ont
BIBLIOGRAPHIE. 427 Î
pour but que de se faire imprimer sur le corps des motifs orne-
mentaux. Ce sont en général des musulmans. Chez les Coptes au
contraire, les tatouages exécutés par eux-mêmes ont un but thé-
rapeutique. Et c'est pour ce motif, sans doute, les Coptes passant
pour descendre des anciens Egyptiens, que 11. Fouquet les regarde
comme de tradition fort ancienne. Les opérateurs se servent de
plusieurs aiguilles, toujours en nombre impair, de trois à sept,
unies ensemble, « comme les tuyaux de la flûte de pan ». En sufi.
vant les lignes d'une esquisse tracée avec une pointe de bois trem-
pée dans un mélange de noir de fumée et de lait de femme, ils les
enfoncent obliquement dans la peau, en y faisant pénétrer ce
même mélange. Sur 97 observations relevées par M. Fouquet, les
tatouages médicaux avaient été faits 60 fois sur les tempes, 24 sur
les reins, 4 sur les pieds, 5 sur le tronc, 1 sur la nuque, etc.
Les maladies qu'ils avaient eu pour but de guérir étaient la mi-
graine et les névralgies, daus 60 cas; les lésions des os et des join-
tures dans 29 cas; des maladies d'estomac dans 4 cas; des mala-
dies de la peau dans 4 cas ; des tumeurs dans 2 cas.
2° Problèmes de criminalité ; par G. Tarde. - M. Tarde se de-
mande d'abord s'il y a une loi des transformations de la notion du
délit ? Il ne croit pas du tout à l'évolution unilinéaire des sociétés
progressistes, pas plus qu'à l'immutabilité absolue des sociétés non
progressistes. Il n'y a pas dans la vie des groupes sociaux, un
enchaînement de phases unique réglé une fois pour toutes par une
formule d'évolution. Cependant chez les Ossèthes du Caucase, par
exemple, des institutions primitives se sont admirablement con-
servées. Et d'après l'ouvrage de Kovalevski sur lequel j'ai moi-
même le premier appelé l'attention (Bullet. Soc. anthrop., 1896,
p. 101), M. Tarde pense que chez eux et chez toutes les nations
anciennes à l'état de clan, le crime était conçu non comme un
acte individuel, mais comme un fait collectif imputable à toute une
famille, ou toute une tribu, - non pas comme la violation volon-
taire d'un droit, mais comme un simple préjudice matériel.
L'impression que m'a laissée la lecture de l'étude de Kovalevski
est que chez les Ossèthes, n'étaient criminels que les actes suscep-
tibles de provoquer la vengeance de quelqu'un. Le premier souci
dans chaque famille était de s'assurer un héritier mâle, non pas
seulement pour le culte des ancêtres, mais pour avoir en lui un
vengeur. A l'égard de familles sans vengeur, les actes d'autres
familles n'entraînant aucune responsabilité effective, étaient mo-
ralement indifférents. La vengeance m'apparaissait donc comme la
base même de la notion de criminalité. La loi du talion a d'ailleurs
incontestablement un caractère universel.
M. Tarde cependant voit dans cette notion de criminalité basée
sur la vengeance et entraînant la responsabilité purement maté-
rielle, objective, d'une collectivité, famille ou clan, un résultat de
428 BIBLIOGRAPHIE.
l'état de guerre qui existait en permanence entre les clans fami-
liaux, les tribus. Et pour lui, sous le régime familial, les seuls
crimes, « dignes de porter ce nom », sont ceux commis dans le sein
même de la famille, entre parents. Ceux-là restent non vengés.
Ils ne comportent pas de réparation matérielle. Mais à eux s'atta-
che une réprobation morale tellement vive parfois, que leurs
auteurs sont obligés de s'exiler. « Toujours et partout, dit M. Tarde,
même dans notre Europe et de nos jours, il existe une conception
collective et tout objective du crime et une pénalité toute vindica-
tive qui lui correspond : dans les rapports des armées belligé-
rantes ou même des partis qui se disputent le pouvoir, la faute,
volontaire ou non, d'un seul, rejaillit sur tout son groupe et pro-
voque des représailles militaires ou politiques. Les relations d'ar-
mée à armée, de parti à parti, se sont substituées de la sorte à
celles de famille à famille, de clan à clan, qu'elles reproduisent en
les amplifiant. Mais en même temps, toujours et partout, même
dans les époques et les pays les plus sauvages, il existe une con-
ception individuelle et subjective du crime, à laquelle répond une
pénalité spirituelle,. bien plutôt épuratrice, parfois réparatrice et
pénitentiaire, que vindicative; celle-ci est née dans l'enceinte mu-
rée de la forteresse domestique »
Les transformations de la notion du crime ne seraient donc
guère plus qu'une apparence due à l'agrandissement successif du
cercle social qui, après n'avoir embrassé que des clans familiaux,
embrassent des nations de millions d'hommes.
On peut être séduit par la clarté et la simplicité de ces vues
quand on voit, en effet, les rapports entre nations civilisées comme
groupes séparés, rester si absolument au-dessous du niveau
moral atteint au sein de chacune d'elles. Mais elles auraient besoin
d'une démonstration ethnographique. Il y a bien des choses dans
la notion de crime et il y a eu des choses bien différentes :
M. Tarde se demande encore « s'il y a une formule générale, des
transformations subies, non plus par la notion même du crime, mais
par la nature des actes auxquels cette notion a été successivement
attribuée ». Par ce côté le problème des transformations de la cri-
minalité se saisit plus aisément. Nous savons bien en effet que des
actes, naguère envisagés comme les pires des crimes et châtiés
atrocement, sont devenus tout à fait indifférents. 'Et nous pré-
voyons qu'il en sera de même dans l'avenir de bien des actes au-
jourd'hui encore réprimés. Il est bien évident qu'une masse de
délits dépend de l'état de civilisation et des moyens de les com-
mettre. Mais M. Tarde admet une tendance générale commune
dans ces changements, « un ordre constant et irréversible malgré
sa multiformité ». Il ne peut pas nous dire si les crimes ont aug-
menté ou diminué graduellement. Et j'approuve fort sa réserve.
Les conditions climatériques et économiques ont une telle in-
BIBLIOGRAPHIE. 429 9
fluence sur la criminalité qu'elles peuvent réduire à rien celle des
changements dans l'état de civilisation. La criminalité est comme
nulle chez les peuples des régions arctiques. Et chez nous-mêmes
dans certains de nos départements agricoles, elle reste très faible,
alors qu'elle croit sous nos yeux en intensité et en quantité dans
nos grands centres urbains.
Mais au point de vue de la qualité il y a eu une modification
générale dans la criminalité, en rapport avec le développement de
notre civilisation industrielle. « A mesure qu'un peuple s'urbanise
et s'industrialise, dit exactement M. Tarde, sa criminalité devient
proportionnellement moins vindicative et moins violente, mais
plus cupide, plus astucieuse, plus voluptueuse. »
(A suivre.) ZABOROWSKI.
XII. Lettre à 31. Ch. Dupuy sur la création de classes spéciales pour
les enfants arriérés; par BOUItNEVILLG. (Publicat. du Progrès
médical, F. Alcan, éditeur, 1899, un brochure in-8° de 31 pages.)
En France, les amis des jeunes déshérités de la nature, des idiots,
arriérés de toutes sortes, se préoccupent vivement de l'issue de la
lutte engagée contre l'indifférence des pouvoirs publics, par les
partisans des méthodes médico-pédagogiques. M. Bourneville, qui
a fait plus que personne pour les enfants mentalement débiles,
adresse de temps à autre aux autorités compétentes un appel
pressant, documenté. L'opuscule qui vient de paraître indique
avec précision ce qui a été fait en Prusse et à Bruxelles dans une
voie où les Français « qui eussent pu être initiateurs » ne pourront
désormais être qu'imitateurs.
En Prusse, les enfants arriérés au nombre de 2.017 sont répartis
en 81 classes spéciales, dans 38 établissements créés en diverses
villes. L'éducation physique et technique a une place très impor-
tante dans les programmes, on surveille avec soin les progrès de
la psychose pour parer aussitôt que possible aux méfaits de l'épi-
lepsie. A Bruxelles, près de la moitié du temps de présence en
classe (11 h. 1/2 sur 29 h. 1/4) est consacré à l'éducation physique
et aux travaux manuels; les enfants arriérés classés d'abord selon
leur attitude en passifs et indisciplinés, sont répartis en petits
groupes aussi homogènes que possible et ne sont soumis au
régime commun que dans les deux dernières années de leur édu-
cation. Les résultats obtenus sont déjà probants ; beaucoup d'en-
fants sortent de ces établissements spéciaux capables d'exercer un
mètier.
L'opuscule de M. Bourneville, présenté sous forme de lettre au
ministre de l'intérieur, et comme réponse à une demande de ren-
seignements émanée du Directeur de l'enseignement primaire en
Italie, reproduit in extenso les documents communiqués par
430 NÉCROLOGIE.
M. Bossée, ministre de l'instruction publique en Prusse et par l'
M. Lacroix, directeur de l'École spéciale de Bruxelles. Des tableaux x
synthétisent un grand nombre de renseignements précis. Cette
publication fait souhaiter une fois de pins que des commissions
soient instituées pour étudier les moyens d'organiser en France
des classes spéciales pour les enfants arriérés '. DuraaT.
NÉCROLOGIE.
Le Dr DAUBY.
Nous avons le regret d'annoncer la mort du Dl' DaoBr, ancien
directeur-médecin en chef de l'asile d'aliénés d'Aix-en-Provence,
décédé le 10 août dernier, à l'âge de soixante-six ans.
Edouard Dauby naquit à Saint-Girons (Ariège), le 30 juillet 1833,
et commença ses études médicales à Paris. Il entra dans le service
des aliénés, en qualité d'interne à l'asile d'Auxerre, alors dirigé par
Renaudin. Il s'attacha à ce maître distingué et le suivit successi-
vement à Dijon et à Marseille. S'inspirant de ses idées en méde-
cine mentale, il écrivit sa thèse de doctorat intitulée : Quelques
considéi citions sur la menstruation dans ses rapports avec la folie;
elle fut présentée et soutenue le 29 août 1866. Dauby s'applique à
y développer l'idée émise dans la phrase suivante de Renaudin,
qu'il prend pour épigraphe : « La menstruation joue dans la vie
de la femme un rôle important dont il ne faut pas exagérer la va-
leur, mais auquel il faut donner une attention sérieuse comme
élément pathogénique assez fréquent de l'aliénation mentale. »
Quelques mois après, le 18 janvier 1867, Dauby était nommé
médecin-adjoint de l'asile de Pau; il n'y resta que deux ans et fut
nommé, en 1869, médecin en chef de l'asile de Fains (Meuse).
Se sentant surtout porté vers les questions administratives, il
sollicita et obtint, en 1872, le poste de directeur-médecin de l'a-
sile de Saint-Alban (Lozère); il l'occupa pendant près de quatre
ans et fut nommé ensuite en la même qualité à l'asile Sainte-
Catherine-d'Yzeure (Allier), où il ne fit que passer en quelque
sorte, car, le 23 mars 1878, il fut nommé directeur-médecin en
1 C'est le voeu que nous avons émis nous-même dans notre étude sur
l"Instabilité mentale et dans un article récent du Manuel général de
l'Instruction primaire.
. VARIA.. 431
chef de l'asile d'Aix-en-Provence. Il prenait la succession du
D''Pontier, fondateur de cet établissement; il continua l'oeuvre de
son prédécesseur et eut la bonne fortune de la terminer. Nos col-
lègues qui ont assisté au Congrès des médecins aliénistes et neu-
rologistes, tenu à Marseille en avril dernier, et visité la ville d'Aix,
ont pu constater qu'il était certes un des mieux compris parmi
les établissements d'aliénés. Des défauts, il en a sans doute; mais
où est la perfection en ce genre ?
Eu 1884, lorsque le choléra s'abattit sur la Provence, l'asile
d'Aix fut un des premiers atteints. Dauby, aidé par son personnel,
tint courageusement tête au fléau et parvint à enrayer le mal, à le
limiter, non sans des pertes sérieuses.
Dauby, que les questions administratives intéressaient tout par-
ticulièrement, a peu écrit : en dehors de sa thèse de doctorat, nous
ne connaissons de lui que deux rapports médico-légaux, publiés
dans les Annales médico-psychologiglles (1873 et 1875); son oeuvre
tout entière est dans le bel asile qu'il a contribué à édifier.
Notre regretté collègue prit sa retraite en mars 1890; il continua
de vivre à Aix où il s'était fait de nombreuses relations, grâce à la
droiture de son esprit et à l'aménité de son caractère. Rien en
avril dernier, où nous le vimes à la fête si gracieuse qui nous était
offerte par notre excellent confrère, M. Ph. Rey, aujourd'hui mé-
decin-directeur de l'asile d'Aix, rien ne permettait de prévoir que
la constitution si robusle en apparence de Dauby pouvait être
si sérieusement atteinte. Il souffrait en effet d'une affection hépa-
tique et une crise devrait l'enlever, en quelques'jours, à Aulus, où
il était allé chercher le repos et la santé. (Annales médico-psycho-
logiques, sept.)
VARIA.
L'alcoolisme.
Un drame qui révèle une cruauté vraiment incroyable s'est
déroulé, l'avant-dernière nuit, il Gennevilliers. On découvrait, hier
matin, dans cette localité, dans une maison du chemin du Pont,
le cadavre d'une jeune femme. Ce cadavre était tout contusionné;
il était recouvert de plaies, dont deux, l'une au bas-ventre et
l'autre au-dessous de l'oeil gauche, semblaient avoir été faites avec
un couteau ou quelque instrument tranchant. Des voisins établirent
bientôt l'identité de la victime. C'était une chiffonnière, âgée de vingt-
neuf ans, et nommée Barbara Hosmance.Aussitôt les soupçons des
432 - - FAITS DIVERS.
voisins se portèrent sur l'ami de la victime, un chiffonnier du nom
de Henri Lefèvre, et qui vivait avec elle depuis plus de quatorze ans.
Lefèvre fut arrêté; amené devant M. Kien, commissaire de police
d'Asnières, il ne tarda point à entrer dans la voie des aveux, et
voici, en résumé, le dramatique récit qu'il fit au magistrat :
Avec son amie, il rentrait hier soir, en voiture, à Gennevilliers.
Une dispute s'éleva entre eux. Le motif était des plus futiles : il
s'agissait d'une pièce de 20 francs. Pour discuter avec plus d'ai-
sance, on descendit de voiture, et, immédiatement, on en vint aux
coups. L'homme eut le dessus. Il terrassa la femme, la saisit par
les pieds et se mit à la traîner à travers les champs, les haies et
les fossés. Parfois il s'arrêtait, raconte-t-il, pour rouer un peu
plus sa malheureuse victime. Celle-ci, d'ailleurs, finit par s'éva-
nouir. Lefèvre, un gaillard d'une taille peu commune, la prit,
toute dégouttante de sang et souillée de boue, à demi nue, l'enleva
et la porta jusqu'à son domicile, peu distant. Il se coucha à côté
d'elle.
Mais vous n'aviez plus votre raison, lui dit le magistrat. -
Moi, monsieur, mais j'étais ivre. Et c'est ce matin seulement, à
mon réveil, que je me suis aperçu qu'elle était morte. M. Kien a
ouvert immédiatement une enquête, et il est établi que c'est bien
sur le compte de l'alcoolisme qu'il faut mettre ce drame horrible.
Lefèvre, en effet, était ivre à un tel point qu'il ne se rappelait
même plus ce qu'étaient devenus son cheval et sa voiture. Ceux-
ci ont été retrouvés dans la plaine de Gennevilliers, abandonnés
sur la route. '
Des constatations médicales il résulte que la femme Rosmance
n'a succombé que ce matin, à dix heures, après avoir souffert
atrocement toute la nuit. Son corps a été envoyé à la Morgue.
Quant au meurtrier, il a été dirigé sur le Dépôt. (Le Temps,
10" oct.)
FAITS DIVERS.
Faculté de médecine de Paris. MM. les D"s Roques, de FUR SAC et
Manheimer, anciens internes des asiles de la Seine, ont été nommés
chefs de la clinique des maladies mentales, à la suite du dernier
concours.
Le rédacteur-gérant : BOURNEVILLE.
Evreux, Ci]. liÉRI55EY, imp. - 1199
Vol. VIII. Décembre 1899. N° 48
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE NERVEUSE.
FOYERS DE RAMOLLISSEMENT CÉRÉBRAL ET TROUBLES
PSYCHIQUES ;
'Par Je D' R.OiARON,
Médecin des Asiles publics d'aliénés, directeur de l'Asile de Saint-Atban (Lozère).
I. L'étude des rapports du ramollissement cérébral avec
l'aliénation mentale n'occupe, aussi bien dans les traités de
psychiatrie, que dans ceux de médecine générale, qu'une
place peu considérable et l'on y rencontre les opinions et les
observations les plus contradictoires.
Baillarger signale quelques cas de délire ambitieux, pré-
cédé d'accès d'agitation courte et violente, chez des malades
atteints de foyers d'encéphalite. Calmeil affirme que ces
lésions sont toujours suivies de délire mélancolique.
Cotard et Prévost, dans leurs Eludes physiologiques et
pathologiques sur le ramollissement cérébral, déclarent
brièvement qu'aux phénomènes physiques «.peuvent s'ajouter
des troubles intellectuels, tels que du délire, qu'on peut,
avant l'attaque, rattacher, comme l'étourdissement, à l'is-
chémie cérébrale » ; mais qu'en résumé, le délire est un
symptôme rare, qui n'a été mentionné que dans un très petit
nombre d'observations ; que « les troubles intellectuels
qu'on observe le plus souvent consistent dans un état de
stupeur ou d'affaiblissement progressif des facultés, lorsque
le début du ramollissement s'est fait d'une façon graduelle ».
Une petite contradiction est à relever dans le mémoire des
Archives, 2. série, t. VIII. 28
434 CLINIQUE NERVEUSE.
auteurs, car elle montre que la question n'a pas été éclaircie :
Cotard dit que les troubles psychiques qu'on observe le plus
souvent dans les cas de ramollissement cérébral en foyer
consistent dans un état de stupeur ou d'affaiblissement pro-
gressif et, quelques ""lignes plus haut, il déclare qu'il n'a
trouvé du délire nettement accusé que dans un cas (obs. XIX).
Or cette observation, d'ailleurs fort insuffisante, au point de
vue psycho descriptif, indique nettement un accès transitoire
d'agitation à forme maniaque.
D'après Luys les lésions du lobe cérébral droit sont pres-
que toujours accompagnées d'une excitation spéciale des
facultés émotives. Grasset nous donne plusieurs observations
complètes de ramollissement cérébral étendu (écorce et
centre ovale), avec troubles maniaques transitoires, corres-
pondant à la période de début du processus nécrobiotique.
« Les lésions organiques circonscrites du cerveau, dit Cul-
lerre, peuvent être suivies d'un affaiblissement intellectuel
progressif, compliqué ou non de conceptions délirantes, avec
des caractères absolument identiques à ceux de la démence
sénile. » Pour André, le ramollissement cérébral ne produit
pas de troubles intellectuels très marqués et ne se traduit
que par de l'affaiblissement intellectuel progressif.
Nothnagel, sur la question des troubles psychiques liés
aux lésions nécrobio tiques du cerveau, ne nous apprend
qu'une chose, c'est que le résultat, auquel conduit l'analyse
de tous les faits cliniques, est franchement nul. Un seul
résultat positif lui semble acquis (il serait peut-être plus
juste de l'appeler négatif), c'est que les petits foyers circons-
crits, localisés dans la substance blanche du centre ovale,
lorsqu'ils se montrent isolés, ne produisent pas de troubles
psychiques, quel que soit le segment dans lequel ils siègent
et que tout bien considéré - « c'est un chapitre de méde-
cine mentale qui reste à écrire ».
La formation successive de petits foyers lacunaires dans le
cerveau, conduit seulement chez les vieillards à la démence,
dit Brissaud, et, quant au diagnostic, «lorsqu'à la suite d'un
ictus apoplectique, on voit se produire des troubles psy-
chiques non systématisés, obnubilation définitive de la
mémoire, sans troubles moteurs, on a tout juste le droit de
suspecter un ramollissement de la région frontale antéro-
supérieure ».
RAMOLLISSEMENT CEREBRAL ET TROUBLES PSYCHIQUES. 435
Régis déclare nettement que, parmi les lésions circons-
crites du cerveau, le ramollissement cérébral est celle qui
produit les troubles intellectuels les plus prononcés; que ces
troubles comprennent généralement une période prodro-
mique avec tristesse ou excitation, hallucinations surtout
visuelles, suivies d'affaiblissement intellectuel souvent pro-
gressif et Krafft-Ebing s'exprime ainsi : « Les maladies céré-
brales en foyer, si elles n'affectent pas l'écorce, peuvent se
produire sans entraîner aucun trouble psychique, mais sou-
vent cette complication a lieu par excitation, pression, dégé-
nérescence secondaire. Le tableau clinique est, dans ces cas,
celui de l'imbécillité progressive avec atrophie et agitation
périodique passagère, causée par des irritations et des
troubles de la circulation. »
II. Les documents recueillis dans la pratique médicale
courante, ne paraissent pas devoir éclairer le sujet qui nous
intéresse. Le symbolisme suggestif qui s'attache aujourd'hui,
dans la littérature et le langage ordinaires, aux mots 1'amol-
lissement, ramolli, semble gagner la littérature médicale,
au détriment de la rigueur scientifique et il n'est point rare
de voir entrer dans les asiles des malades, porteurs de cer-
tificats médicaux qui, aussi bien que les enquêtes adminis-
tratives signalent comme cause de troubles psychiques (non
spécifiés d'ailleurs ! ), un ramollissement célébrai, sans autre
indication topographique. Or si les travaux classiques de
Virchow, de Charcot et de. leurs élèves ont bien définitive-
ment fixé la pathogénie du ramollissement, ce mot ne peut-
être considéré comme exprimant un diagnostic anatomo-
pathologique qu'à la condition d'être accompagné d'un
terme localisant le siège du foyer de nécrobiose.
Chez les aliénés, indiqués à l'admission comme atteints de
ramollissement cérébral, dont il nous a été donné de prati-
quer l'autopsie, nous n'avons rencontré le plus souvent, que
des lésions généralisées résultant d'anémie, d'hyperhémie,
d'inflammations, méningées, d'artério-sclérose généralisée ;
aucun d'eux ne présentait un véritable foyer de ramollisse-
ment.
Au cours de ces dernières années, nous avons recueilli
six observations complètes de ramollissement cérébral en
foyer, remarquables autant par la localisation des lésions
436 CLINIQUE NERVEUSE.
que par leur étendue. Cinq des malades sont décédées de
quelques jours à quelques semaines après leur internement ;
elles étaient bien en puissance de ramollissement au moment
de leur admission dans l'asile. La lésion nécrobiotique n'avait
été diagnostiquée pour aucune d'elles avant l'admission.
De fait le diagnostic, ramollissement cérébral est souvent,
dans la pratique ordinaire, erroné ou formulé abusivement
et il est certain qu'il reste parfois impossible à établir, dans
les cas, par exemple, où, malgré une étendue considérable
de l'infarctus, il ne se traduit par aucun symptôme clinique
localisé du côté des appareils de relation, tandis que, dans
la sphère psychique, par suite de l'absence de localisation
des facultés intellectuelles, il ne produit que des troubles
dont les caractères n'ont pas été, jusqu'à ce jour, différenciés
de ceux qui sont le propre des vésanies, des processus
inflammatoires aigus ou chroniques, d'évolution ou d'invo-
lution.
Existe-t-il un état mental, un enchaînement de troubles
psychiques particuliers, dont l'étude puisse conduire ou
aider au diagnostic de ramollissement cérébral en foyer ?
C'est ce que nous avons voulu rechercher dans les observa-
tions qui suivent, en laissant de côté tout ce qui regarde la
pathogénie de ces différents ramollissements et en restant sur
le terrain clinique.
Observation I. Femme de quarante ans, sans hérédité
connue, alcoolique. A été atteinte il y a trois ans de troubles qua-
lifiés « Fièvre cérébrale » par la famille. Les renseignements
recueillis près du médecin traitant éclairent très complètement ces
accidents déjà anciens. Il s'agissait d'un accès violent d'agitation
à forme maniaque s'étant déclaré subitement, avec hyperthermie
considérable, céphalée intense, troubles gastriques, mouvements
désordonnés et incoercibles, délire chaotique, troubles hallucina-
toires terrifiants. Cette agitation ne dure que quatre à cinq jours,
ainsi que l'hyperthermie; on s'aperçoit que les facultés intellec-
tuelles sont obnubilées et que la vue est très faible. Un mois après,
le médecin constate une cécité double complète (atrophie des
nerfs optiques), et un affaiblissement psychique profond. - Il y a
huit mois, nouvel accès d'agitation pendant trois ou quatre jours
avec les mêmes caractères que le premier, mais avec prédomi-
nance d'idées de persécution, et recrudescence des hallucinations
visuelles terrifiantes : se voit poursuivie par des hommes..
RAMOLLISSEMENT CÉRÉBRAL ET TROUBLES PSYCHIQUES. 437
A l'admission la malade est en état de démence complète. Elle
se meut encore assez facilement, mais avec des mouvements
ataxiques et du tremblement des extrémités. Cécité complète
(atrophie papillaire). État hallucinatoire terrifiant.
Dix jours après l'admission, plusieurs chutes à droite. Agitation
très violente pendant vingt-quatre heures. Paroles et cris incohé-
rents. Mouvements épileptiformes, plus accentués à droite. Hyper-
thermie : 40°,4. Troubles gastro-intestinaux. Saburration des voies
digestives supérieures, odeur fétide. Le lendemain : aphasie, état
dysplégique plus accentué à droite. Gémissements. Mâchonne-
ment. Gâtisme. Coma et mort, quatorze jours après l'admission.
Autopsie. - Le cerveau présente des zones de coloration très
différentes : les lobes occipitaux sont affaissés, complètement déco-
lorés, le système vasculaire périphérique est pour ainsi dire dis-
paru et n'est représenté que par des traces de filets complètement
vides, la pie-mère n'est pas isolable, la substance grise n'est plus
qu'un magma diffluent, qui se laisse entraîner sous un filet d'eau
avec la substance blanche sous-jacente. - Les deux lobes frontaux
compas jusqu'à la scissure rolandique, apparaissent avec une colo-
ration rosée qui tranche sur le reste du cortex; le gauche est moins
pâle que le droit. Il y a encore quelques traces du système vasculaire
surtout à gauche, mais la substance grise est ramollie, dissociée
et se laisse entraîner sous un lilet d'eau. Les autres régions cor-
ticales paraissent normales. Les coupes verticales montrent le
centre ovale normal dans sa partie antérieure et ramolli dans le
système de projection des lobes occipitaux. Athérome très pro-
noncé de tout le système artériel, particulièrement du système de
l'hexagone de 1'illis.
Observation II. - Femme de quarante-neuf ans. Hérédité vésa-
nique et congestive. Aurait eu une fièvre typhoïde il y a six mois,
suivie d'accès d'épilepsie. Renseignements pris, il s'agit d'un accès
d'agitation très violente, analogue à ceux que nous avons constatés
dnns l'observation précédente, avec hyperthermie. Saburration et
fétidité des voies digestives, mouvements convulsifs généralisés,
mais plus accusés à gauche et suivis d'hémiparésie et d'hémi-
hypoesthésie du même côté. L'agitation n'aurait duré que cinq à
six jours. Douleurs céphaliques.
A l'admission, on constate un état d'agitation avec réactions très
violentes, hyperthermie : 38°,5. État hallucinatoire, auto-intoxica-
tion. - Deux jours après l'agitation est tombée. Les troubles
moteurs, sensibles et sensoriels persistent avec un affaiblissement
intellectuel profond.
Huit jours plus tard, nouvel accès d'agitation chaotique pendant
douze heures, avec hyperthermie, 39°,3, troubles sensoriels péni-
bles, particulièrement de la vue et du goût. Contractures du côté
438 CLINIQUE NERVEUSE.
gauche, suivies d'une inertie absolue du même côté avec destruc-
tion des sensibilités et des réflexes et diminution à droite. Coma
et mort onze jours après l'admission.
A l'autopsie on trouve un foyer de ramollissement intéressant la
capsule interne à droite dans toute son étendue et se propageant vers
le centre ovale particulièrement dans sa partie antérieure. Les
différences de coloration et de diffluence du magma ramolli indi-
quent manifestement que la lésion a été constituée par des pous-
sées successives d'ischémie.
Observation III.Femme vingt-sept ans. Alcoolisme et débauche.
A été frappée subitement il y a deux mois d'un accès d'agitation,
avec réaction très violente, incohérence bruyante des idées.
Hyperthermie. Après cet accès qui a duré de douze à quinze jours,
la malade est restée calme, mais paraplégique avec accentuation
à gauche et obnubilation intellectuelle.
A l'admission, affaiblissement intellectuel profond, avec hallu-
cinations visuelles terriliantes. Hémiparésie gauche plus accentuée
pour le membre inférieur. Incoordination des mouvements avec
maximum à gauche. Tremblement des extrémités des muscles de
la face. Déviation de la langue à gauche. Inégalité pupillaire. Con-
vulsions épileptiformes fréquentes, plus accentuées à gauche. Dou-
leurs céphaliques profondes. Escharres fessières. Gâtisme. - Huit
jours plus tard, démence absolue, avec persistance des troubles
hallucinatoires et attaques épileptiformes fréquentes. Mort dans le
coma vingt et un jours après l'admission.
Autopsie. Ramollissement très étendu du centre ovale de l'hémi-
sphère cérébral droit, formant une cavité bifide en avant et s'éten-
dant à toute la partie supérieure de la substance blanche. La partie
postérieure de cette cavité vient jusqu'à la substance grise de la
frontale ascendante (moitié supérieure) et ses deux extrémités
antérieures s'évasent jusqu'à la substance grise de la partie la plus
antérieure des circonvolutions frontales. Il parait bien que le foyer
s'est établi à la suite d'une seule poussée d'ischémie.
Observation IV. Femme de soixante-huit ans. Hérédité
inconnue. Internée il y a plus de quarante ans pour imbécillité.
S'était toujours montrée calme, facile à diriger et très active,
quand il y a environ douze ans, elle a été atteinte d'un violent accès
d'agitation qui est noté sur le registre d'inscription et sur lequel
les infirmières peuvent donner des renseignements suffisants. Cet
accès très violent n'a duré que quarante-huit heures, s'est accom-
pagné comme dhns les cas précédents de fièvre et de céphalée. Les
facultés intellectuelles sont restées un peu obnubilées. Il n'a été
noté aucun trouble moteur.
En 1892, nouvel accès d'agitation à forme maniaque avec hyper-
thermie : 39°,3, troubles gastriques. Suburration et fétidité des
RAMOLLISSEMENT CÉRÉBRAL ET TROUBLES PSYCHIQUES. 439
voies digestives. Pas de symptômes moteurs. Obnubilation intel-
lectuelle un peu plus accentuée. Continue à s'occuper réguliè-
rement.
Trois mois plus tard, même année, nouvel accès d'agitation qui
présente les mêmes caractères que les deux précédents mais dure
huit jours, et laisse, après lui un certain degré de parésie et
d'hypoesthésie du côté gauche. Un quatrième accès identique aux
autres se manifeste en 1893, il dura quatre jours et l'on constate
à sa suite un affaiblissement intellectuel profond avec hémiparésie,
hémianesthésie intéressant la face du même côté (chute de la
paupière supérieure). En octobre 1893, la malade meurt dans une
attaque apoplectiforme.
L'aulolJsie montre un vaste foyer de ramollissement du centre
ovale intéressant tout le lobe frontal droit. La substance grise corti-
cale parait intacte. Tout le système de projection des frontales et
de la frontale ascendante ne forme plus qu'un magma sangui-
nolent et rempli de caillots. La malade a succombé à une hémor-
ragie de l'artère striée externe qui a fait irruption dans la cavité
ramollie. Après lavage, on distingue parfaitement que la lésion
s'est formée de plusieurs foyers juxtaposés, d'avant en arrière. En
avant la cavité est décolorée et présente une disposition kystique,
rn arrière au niveau de la frontale ascendante, les éléments ner-
veux ne sont pas encore dissociés complètement.
Observation V. Femme de soixante-douze ans. Antécédents
héréditaires inconnus. Alcoolique. Aurait eu il y a deux mois un
accès d'agitation violente, avec cris et gesticulations incohérents.
Mouvements convulsifs des membres à droite, plus accentués au
membre supérieur et suivis d'hémiparésie du même côté.
A l'admission, on constate un affaiblissement physique, avec état
parétique des membres droits, plus accentué au membre supérieur.
La malade ne profère que des sons inarticulés et se livre à une
gesticulation qui, en y regardant de près, n'est pas incohérente,
mais a pour but de suppléer à la parole. Elle est simplement apha-
sique, ne manifeste aucune idée délirante, s'intéresse à tout ce
qui l'entoure et se laisse très facilement diriger. On constate seu-
lement un peu d'affaiblissement de la mémoire. Elle réclame par
tous les moyens qui sont en son pouvoir, sa sortie qui est décidée.
Au moment de quitter l'asile elle meurt subitement par rupture
du coeur, six semaines après son entrée.
A l'autopsie : foyer de ramollissement ocreux intéressant le }ded de
la troisième circonvolution frontale, le tiers inférieur de la frontale
ascendante, cortex cl substance blanche sons-jaccnle.
Observation Vs - Femme de cinquante-six ans. Antécédents
héréditaires inconnus. Alcoolisme. Est internée pour un accès d'agi-
tation violente avec hallucinations terrifiantes et fièvre qui a dis-
440 CLINIQUE NERVEUSE.
paru au moment de l'admission. Il ne persiste que des signes
d'embarras gastrique, de violentes douleurs céphaliques, de l'ob-
nubilation intellectuelle très accentuée. Mort quinze jours après,
l'admission par suite de pneumonie.
A l'aulopsie on découvre un foyer de ramollissement de la grosseur
d'une noix et intéressant les substances grise et blanche de la partie
la plus antérieure des deux premières circonvolutions frontales à
gauche.
IV. Les observations qui précèdent n'ajoutenl rien,
sans doute, aux recherches qui ont été faites sur l'anatomo-
pathologie et la clinique somatique du ramollissement céré-
bral. Il n'est peut-être pas cependant, sans intérêt de faire
remarquer : z10 la distribution bizarre et l'étendue considé-
rable que peuvent affecter les foyers de nécrobiose, intéres-
sant la substance corticale de lobes entiers (obs. I), ou leur
système de projection (obs. IV el III); 2° l'existence, dans
tous les cas, de douleurs céphaliques, en même temps que
l'excitation cérébrale et, dans la plupart des cas, de symp-
tômes convulsifs, aussi bien dans ceux où le ramollissement
n'intéressait que la substance blanche que dans ceux où la
substance grise était intéressée. Ces convulsions épilepti-
formes se sont surtout montrées fréquentes et violentes, chez
les malades qui présentaient les signcs d'auto-intoxicalion a
les plus accentués (obs. 1, II, III).
Dans tous nos cas, où il s'agissait de foyers étendus de
nécrobiose, produits par une ou plusieurs poussées, succes-
sives d'oblitérations vasculaires, nous avons recentré le
même cortège de manifestations psycho-palhologiques : :
accès d'agitation à forme maniaque et à début brusque, se
traduisant par une incohérence extrême de la gesticulation
et des actes sans réactions motrices violentes, par un véri-
table chaos des idées avec insomnie, anorexie, hyperther-
mie et troubles gastro-intestinaux, auto-intoxication, troubles
hallucinatoires à forme terrifiante, particulièrement de la
vue, douleurs céphaliques internes et continues, durée très
courte de l'agitation (quelques heures à huit à dix jours),
all'aiblissement intellectuel consécutif et progressif pouvant
très rapidement conduire à la démence complète. Rappelons
que quatre de nos malades sur six étaient alcooliques
reconnues.
Le petit nombre de nos observations, l'extrême variété des
RAMOLLISSEMENT CÉRÉBRAL ET TROUBLES PSYCHIQUES. 441
symptômes objectifs de l'agitation maniaque, la relativité
même des impressions reçues au cours de l'examen de cette
forme pathologique si mobile, nous gardent de généraliser
hâtivement et de chercher à dresser le tableau clinique de
l'état mental qui accompagne les foyers de ramollissement
cérébral. Disons seulement que notre expérience personnelle
lorsque nous nous trouverons en face de l'enchaînement
psycho-pathologique résumé plus haut, particulièrement
chez des alcooliques - nous autorisera, toutes autres con-
sidérations cliniques mises à part, à considérer comme très
probable l'existence d'un foyer de nécrobiose cérébral, d'une
étendue importante et causé par des oblitérations inflamma-
toires des vaisseaux... et attendons des observations nou-
velles.
V. De ce qui précède découle une remarque importante
au point de vue de la pratique hospitalière qu'on a trop de
tendance à négliger, quand il s'agit d'aliénés. Toutes les
malades dont les observations précèdent, sauf une qui était
internée depuis plus de quarante ans pour démence congéni-
tale, ont succombé, de quelques jours à quelques semaines
après leur internement, dans un état de démence absolument
inoffensif. En présence de ces accès d'agitation violente avec
hyperthermie, indiqués plus haut, permettant au moins de
penser à un foyer de ramollissement, le médecin pourrait
donc être autorisé à pronostiquer la chute très rapide de
cette agitation et son remplacement par un état d'affaiblis-
sement intellectuel progressif. Qu'il se termine après quel-
que temps par la mort, ou qu'il dure, cet état ne nécessitera
pas ou au moins ne rendra pas urgent l'internement dans
un asile et il ne faudra pas se hâter de conclure à la séqeus-
tralion.
S'il est vrai que, d'une façon générale, l'inlernement pré-
coce constitue un des plus forts appoints du traitement des
maladies mentales, il ne faut point en prêcher la souverai-
neté avec un fanatisme aveugle qui tendrait simplement à
rayer la thérapeutique mentale du cercle des préoccupations
médicales, comme elle l'est déjà dans l'opinion publique. A
l'heure actuelle les asiles regorgent de malades et leur trai-
tement individuel est devenu, par suite de l'insuffisance de
médecins responsables, absolument impossible. Une poussée
d'opinions généreuses se manifeste depuis quelque temps
442 ) THÉRAPEUTIQUE.
devant les rigueurs d'application de la loi de 1838. On prête
une oreille plus attentive aux doléances de ces malheureux,
relégués dans les asiles loin de leurs familles et de leurs
pays. L'idée du traitement individuel reconnu nécessaire,
du traitement à domicile, des colonies familiales, et des
petits hôpitaux spéciaux, fait peu à peu son chemin. Le pro-
cès des grands asiles est entamé et le temps approche, sans
doute, où les victimes des maladies psychiques seront assis-
tées et traitées comme tous les autres malades.
C'est là l'oeuvre de l'avenir. Pour le présent, ne pourrait-
on pas, par une mesure simple et facile, protéger les malades
et sauvegarder la dignité des familles tout en enrayant un n
peu l'encombrement progressif des établissements spéciaux !
Cette mesure consisterait tout uniment à ériger le thermo-
mètre en critérium de l'internement. Nul malade (sauf
exceptions urgentes) ne pourrait être interné dans un éta-
blissement d'aliénés que sur la délivrance d'un certificat
médical constatant qu'en dehors des troubles psychiques, il
ne présente aucun symptôme d'inflammation aiguë, parti-
culièrement de Y hyperthermie.
THERAPEUTIQUE.
TRAVAIL ET ALITEMENT DANS LE TRAITEMENT
DES MALADIES MENTALES.
(notice historique) ;
p A H
P. SÉl21GUY, ET F, F,\ ! \XA ! 11EH,
Médecin des Asiles d'aliénés de la Seine. Interne des Asiles d'aliénés de la Seine.
Bien peu nombreux, et en général d'efficacité bien dou-
teuse, sont les moyens thérapeutiques que nous pouvons
opposer aux affections mentales : aussi la croyance à l'incu-
rabililé de ces maladies, bien que démentie chaque jour par
LE TRAITEMENT DES MALADIES MENTALES. 443 3
l'expérience, est-elle très répandue dans le public et même
chez nombre de médecins. Chose plus singulière encore, cette
conviction erronée paraît partagée par certains psychiatres
qui considèrent volontiers tous les aliénés comme « des am-
putes du cerveau ». Ce préjugé de l'incurabilité de la plupart
des psychoses a eu des conséquences déplorables : si l'assis-
tance et le traitement des aliénés sont encore à l'heure
actuelle si défectueux en France, il faut l'attribuer en grande
partie à l'influence des idées inexactes généralement accep-
tées sur la nature de la folie et son traitement. Longtemps
en effet, l'attention de la plupart des médecins d'asile fut
moins retenue par les procédés thérapeutiques susceptibles
d'être appliqués à la cure des malades aigus, que par les
moyens de placer dans les meilleures conditions d'hygiène
physique et morale le groupe de beaucoup le plus impor-
tant par le nombre des chroniques, des incurables et des
convalescents. Le travail a fourni sous ce rapport d'excel-
lents résultats : comme il avait en outre l'avantage d'utiliser
des sujets considérés jusqu'alors comme des non-valeurs et de
diminuer leurs frais d'entretien, on comprend l'enthousiasme
qu'il excita au début de ce siècle.
Il faut reconnaître d'ailleurs qu'un progrès considérable
fut réalisé du jour où l'on fit travailler les aliénés. L'applica-
tion de l'ope7z-dooî- devait fatalement suivre, et la transfor-
mation de la « prison médicale » de jadis en colonie agricole
n'était qu'une question de temps. Mais, répétons-le, c'étaient
surtout les aliénés incurables, les chroniques et quelques
convalescents qui étaient appelés à bénéficier des avantages
multiples et incontestables du travail. Quant aux aliénés
aigus, aux sujets curables - les plus intéressants sans con-
tredit - comme ils n'étaient pas justiciables de la seule
méthode thérapeutique considérée comme efficace, le travail,
ils furenl quelque peu perdus de vue.
A la fin du siècle dernier, on traitait les aliénés comme les
malades ordinaires, dans les hôpitaux : on les laissait habi-
tuellement au lit, dans la plus grande promiscuité, les privant
ainsi d'air, de lumière et d'exercice. C'est à Pinel et à Esqui-
rol que revient l'honneur d'avoir réagi contre ces errements
déplorables et d'avoir insisté sur les avantages du travail.
« Dans tous les asiles publics, comme les prisons et les
hospices, dit Pinel, le plus sùr et peut-être l'unique garant
444 THéRAPEUTIQUE.
du maintien de la santé, des bonnes moeurs et de l'ordre, est
la loi d'un travail mécanique rigoureusement exécutée. Celte
vérité est surtout applicable aux hospices des aliénés, et je
suis très fortement convaincu qu'un établissement de ce
genre, pour être durable et d'une utilité soutenue, doit porter
sur cetle base fondamentale. Très peu d'aliénés, même dans
leur état de fureur, doivent êlre éloignés de toute occupation
active... » Plus loin le médecin de la Salpêtricre déclare
qu'il n'a cessé « de faire les instances les plus réitérées pour
obtenir de l'administration un terrain adjacent pour le faire
cultiver aux aliénés convalescents et accélérer leur rétablis-
sement », et il propose « d'adjoindre à tout hospice d'aliénés
un vaste enclos, ou plutôt de le convertir en une sorte de
ferme, dont les travaux champêtres seraient à la charge des
convalescents »'. Remarquons en passant, que Pinel insiste
sur l'utilité du travail pour les convalescents.
Esquirol exprime sur l'utilité du travail une opinion ana-
logue. Il déclare qu'on ne peut trop multiplier les salles de
travail. « A la Salpêtricre, le mot travail retentit sans cesse
à l'oreille des femmes aliénées qui s'excitent les unes les
autres : c'est une idée dominante. En rappelant au travail les
aliénés, on distrait ces malades, on arrête leur attention sur
des sujets raisonnables, on les amène à des habitudes d'ordre,
on active leur intelligence, et l'on améliore le sort des plus
indigents ? ».
A la même époque, J.-P. Falret et Voisin 'avaient. cherché,
dans leur établissement de Vanves, à procurer leurs malades
tous les genres de promenades et d'exercices, ainsi que des
terrains cultivables où ils pussent s'occuper. « Après l'isole-
ment, disaient-ils, la loi d'un travail mécanique, d'un exer-
cice pris en plein air est sans contredit la condition la plus
favorable à la guérison des aliénés. » Devant la Commission
du Conseil général de l'Eure, J.-P. Falret, après avoir
exprimé son opinion concernant l'action bienfaisante du
travail au point de vue thérapeutique, exprime ses regrets
de voir qu'on ne cherche pas à suivre la même voie pour
toute la France3. Il ajoute que ce qui l'a rendu si chaud par-
' Pinel. Traité médico-philosophique sur l'aliénation mentale, 2' édi-
tion. Paris, 18U9.
. Esquirol. Des maladies mentales. Paris, 1838, t. Il, p. 5'3.
3 Lefebvre-Duruflé. Rapport présenté au Conseil général de l'Eure, 1839.
LE TRAITEMENT DES MALADIES MENTALES. 445
lisan du travail, c'est la visite qu'il a faite plusieurs années
auparavant à l'asile de Wakefield en Angleterre.
Les idées de Pinel se répandirent rapidement en Allemagne :
Reil (1759-1813), professeur de clinique interne à Berlin,
demande que les asiles d'aliénés possèdent un domaine agri-
cole, des jardins, du bétail : ils doivent être organisés sous
forme de fermes. Il recommande les occupations en plein air,
les travaux agricoles : « Le travail, dit-il, entretient la santé,
favorise le sommeil, il amène l'oubli des idées délirantes.
(Organisation des établissements destinés aux incurables,
1817). Ilorn, qui enseigna la psychiatrie jusqu'en 1818 à
Berlin, prescrit le travail comme un agent thérapeutique
actif chez les malades curables et un moyen palliatif chez
les incurables : « Le travail, dit-il, doit être assidu, nécessiter
toute l'attention du patient, être exécuté d'une façon régu-
lière et sous une surveillance constante '. »
Sous l'influence ,des médecins aliénistes de la première
moitié du siècle (Ferrus entre autres), on voit se développer
peu à peu la colonisation des aliénés, oeuvre éminemment
française, bien qu'elle ait reçu à l'étranger un développement
qu'elle n'avait pas atteint en France. En 1820 on obtient
d'excellents résultats en employant les malades de Bicêlre
aux travaux agricoles sur les champs voisins ; en 1832, la
ferme de Sainte-Anne est créée : c'est une colonie agricole
pour une centaine de malades. Nous n'avons pas à insister
sur l'histoire de la colonisation qui a atteint son épanouis-
sement dans les asiles - colonies du genre de celui d'Alt-
Scherbitz. Foville en a fait ressortir les avantages en termes
excellents : « C'est chose merveilleuse, dit-il, de voir avec
quel empressement ceux des malades qui ne sont pas nés
aux champs acceptent ces occupations qui leur sont tout à
fait étrangères ; au milieu des détails attrayants de cette vie
nouvelle, l'aliéné sent qu'il se rapproche des habitudes ordi-
naires de la vie; ce travail régulier, s'accomplissant au grand
air pur des champs, harmonise les fonctions, rétablit les forces,
tourne enfin au profit d'une santé générale trop souvent
altérée; ajoutons à cela l'immense bienfait qui résulte de
l'échange qui s'opère constamment entre l'asile et la colonie;
une foule d'indications médicales nouvelles en découlent, et
1 P. Sérieux. Notice historique sur le développement de l'assistance
des aliénés en Allemagne. (Arch. de Neurologie, 1895, no 105.)
446 THÉRAPEUTIQUE.
constituent, à notre sens, les plus précieuses ressources du
traitement. Entraîné par l'exemple, le mélancolique sort peu
à peu de sa torpeur; sous ce ciel qui l'égaye, il se prend de
zèle pour ces animaux, ces plantes qui réclament ses soins; il
finit par se soustraire à ses sombres préoccupations. Des idiots,
des déments deviennent des ouvriers dociles, laborieux; et la
vie active et disciplinée de la colonié métamorphose bien des
aliénés incurables, regardés jusque-là comme dangereux. S'il
n'y a pas guérison alors, il y a au moins quelque satisfaction
consolante donnée à la folie que la science abandonne. »
Toutefois, la campagne énergique menée en faveur du
travail, si elle a abouti à la colonisation des aliénés con-
quête précieuse de la psychiatrie moderne, -cette campagne,
ainsi que nous l'indiquions plus haut, a dépassé le but. On
en arriva à voir dans le travail, une véritable panacée, un
remède héroïque de la folie; et l'aliéné aigu, non suscep-
tible d'être soumis à ce moyen de traitement, fut sacrifié à
l'aliéné travailleur. « La loi d'un travail mécanique », d'un
exercice en plein air, était considérée comme la condition la
plus favorable de la guérison; le travail, comme la base même
du traitement de l'aliénation mentale.
C'est ainsi que pour le D'Lapointe, le « travail dans la majo-
rité des cas est presque l'unique moyen de traitement qui
puisse être mis utilement en pratique »'. Dans une récente
communication au Congrès de Nancy, le même auteur n'est
pas moins catégorique : « La thérapeutique ordinaire dans
un asile d'aliénés se réduit à peu de chose, et je ne doute pas
que sous ce rapport la plupart des aliénistes ne partagent
cette manière de voir. Mais il est une thérapeutique qui jouit
à mes yeux d'une haute importance, c'est celle qui consiste
dans ce que l'on peut appeler le traitement moralisateur,
ou mieux esthétique, je ne dirai pas de l'aliénalion mentale,
mais des aliénés que l'asile renferme. Au résumé, c'est donc
dans le travail que se confond la thérapeutique par excel-
lence des aliénés-. »
On en est même arrivé, dans certains asiles, à considérer
le travail moins comme un moyen de traitement que comme
' Lapointe. De la réunion des fonctions médicales el administratives
dans les asiles d'aliénés . (.I)ala. nxéclico-psyclz., mars 1891.)
Lalioiiite. De l'internement des aliénés dans les asiles. Congrès des
médecins aliénistes et neurologistes de langue française. Nancy, 189G.
LE TRAITEMENT DES MALADIES MENTALES. 447
une source de bénéfices. Les inspecteurs du service des
aliénés ont dû rappeler aux chefs d'établissements que le
travail ne devait pas être envisagé comme un moyen d'aug-
menter les ressources de l'asile, mais comme un moyen de
traitement et de distraction '.
Résumons l'histoire du travail considéré comme agent
thérapeutique dans les maladies mentales, en disant que cette
méthode a été un progrès décisif dans l'évolution de l'assis-
tance des aliénés, mais qu'appliquée d'une façon exclusive,
con-idérée comme un dogme intangible, elle a eu certaines
conséquences fâcheuses : elle a fait passer au second plan le
traitement médical proprement dit; elle a renforcé le préjugé
de l'incurabilité des maladies mentales; elle a fait perdre de
vue la catégorie des sujets - ceux atteints de psychoses
aiguës que la nature de leur affection rendait inaptes au
travail. On en arriva ainsi à oublier que l'asile d'aliénés devait
être avant tout un hôpital pour le traitement des maladies
du cerveau. La conception de l'asile considéré comme un
dépôt de chroniques, d'incurables et de sujets dangereux ou,
dans l'appréciation le plus favorable, comme une colonie de
travailleurs, cette conception s'imposa d'une façon exclusive
à l'opinion publique, aux autorités administratives et aux
médecins eux-mêmes.
Or si le pessimisme que professent quelques médecins à
l'égard des résultats du traitement des psychoses est justifié
dans beaucoup d'états chroniques, il n'en est plus de même
quand il s'agit de psychoses aiguës. De nombreuses recherches
statistiques, contre lesquelles ne saurait prévaloir le scepti-
cisme de certains, démontrent que, pour de telles affections,
la guérison survient dans environ 60 p. 100 des cas. Du
moins la tendance naturelle des psychoses aiguës vers la gué-
rison ne doit-elle pas être entravée; et, précisément, certains
agents hygiéniques comme le travail si précieux quand
il s'agit d'aliénés chroniques, valides au point de vue
physique, sont inapplicables ou contre-indiqués chez les
malades atteints d'affections mentales aiguës. Ces états sont
en effet toujours associés étroitement à des troubles soma-
tiques : tels sont par exemple les délires toxiques, les psy-
1 Constans, Limier et Dumesnil. Rapport général it ill. le ministre de
l'Inlériem sur le service des aliénés en 1871. Paris, Imprimerie Natio-
uale, 1 suis.
448 THÉRAPEUTIQUE.
choses puerpérales, les délires post-convulsifs (hystérique,
épileptique), les états maniaques et mélancoliques, les psy-
choses périodiques, la confusion mentale, les délires halluci-
natoires aigus; il faut y ajouter aussi les épisodes aigus qui
surviennent au cours des états chroniques (paralysie géné-
rale, démences, délires systématisés, ètc). Les sujets atteints
de ces affections doivent être considérés comme des malades,
non comme des infirmes, et les soins qu'ils réclament sont
d'ordre purement médical.
Parmi les méthodes thérapeutiques qui leur sont appli-
cables, il en est une qui, peu employée encore en France, est
usitée avec grand avantage depuis une trentaine d'années par
la plupart des psychiatres allemands : nous voulons parler de
l'alitement ou clinolhérapie (Bettbehandlung). Il faut, à notre
avis, considérer cette méthode nouvelle comme un progrès
considérable dans le traitement des maladies mentales.
Certes, le repos au lit n'est pas une panacée universelle ;
il ne peut guérir, à lui seul, tous les états aigus d'aliénation;
du moins estimons-nous, d'après notre propre pratique
comme d'après celle de nombreux médecins aliénistes étran-
gers, que le repos au lit doit être la base du traitement des
maladies aiguës du cerveau, comme il l'est pour les maladies
de n'importe quel autre organe.
Chez les malades atteints de psychoses aiguës, ce qui doit
en effet retenir avant tout l'attention du thérapeute, c'est
l'état d'épuisement du cerveau et de l'organisme. Ces sujets
sont des épuisés et des surmenés. Le surmenage cérébral
déterminé par l'éréthisme des centres sensitivo-moteurs et
sensoriels de l'écorce, l'épuisement de l'organisme tout
entier consécutif à l'agitation, à l'insomnie, à l'inanition,
exigent impérieusement le repos, le repos physique aussi
bien que le repos psychique. Le traitement par le lit répond
à ces indications pressantes.
Parmi les symptômes physiques qui réclament plus parti-
culièrement le repos au lit, citons : la dénutrition, l'amaigris-
sement, le refus d'aliments, la faiblesse générale, l'âge
avancé, l'état puerpéral, la chlorose, les anémies, les troubles
circulatoires, sans parler des états fébriles ou subfébriles. Or
ces divers symptômes se rencontrent assez fréquemment chez
les mélancoliques, les maniaques, dans les psychoses post-
infectieuses, toxiques, puerpérales, etc.
LE TRAITEMENT DES MALADIES MENTALES. 449
Quant aux indications du repos psychique, du repos du
cerveau, elles sont constantes dans les formes aiguës. Qu'il
s'agisse en effet d'états d'excitation, ou de dépression, ou de
confusion, ou encore de délires hallucinatoires aigus, peu
importe. Toutes ces psychoses sont en rapport avec des
troubles plus ou moins graves de la nutrition de l'écorce
cérébrale et parfois même du système nerveux en son en-
tier (psychoses oL2éueülicesl. Que le cerveau soit sur-
mené par le fonctionnement exagéré des zones motrices
(étals maniaques), sensitives (mélancolie), sensorielles (états
hallucinatoires), ou que son activité soit suspendue par l'ac-
tion d'un toxique (confusion) , dans tuus ces cas, il est urgent
de laisser reposer l'organe intoxiqué ou surmené, afin de
permettre le retour à l'état normal des mutations nutritives
du neurone. Or seul le séjour au lit permet le repos complet
du cerveau ; outre que par suite de la situation horizontale
la circulation cérébrale est facilitée et le cerveau mieux irri-
gué, l'alitement permet encore le relâchement complet de
tous les muscles de la vie de relation, et par suite le repos des
centres moteurs ; il a aussi pour résultat de restreindre au
minimum toutes les stimulations périphériques (thermiques,
visuelles, auditives, cutanées, etc.) et par suite toutes les
réactions motrices. Il favorise le sommeil ; il diminue l'acti-
vité des troubles hallucinatoires en restreignant les causes
provocatrices des hallucinations et des illusions.
De plus le séjour des patients au lit modifie d'une façon
favorable le milieu : dans une salle dont tous les malades
sont alités, l'ordre et le silence sont moins souvent troublés,
par suite de l'absence des causes d'excitation, de désordre,
liées ailleurs à la promiscuité des aliénés, à leurs allées et
venues. Le malade peut donc se reposer physiquement et
psychiquement.
Les résultats du traitement par le lit sont unanimement
admis. L'alitement atténue à n'en pas douter l'intensité des
symptômes les plus pénibles des maladies mentales aiguës
et écarte les redoutables complications physiques et psy-
chiques auxquelles il faut en général attribuer la terminaison
de ces psychoses par la mort, la démence ou le passage à
l'état chronique. Il permet en outre de restreindre l'emploi
des hypnotiques ; l'isolement en cellule dont on a tant abusé
devient exceptionnel ; les affections organiques incidentes ne
Archives, 21 série, t. VIII 29
450 THÉRAPEUTIQUE.
passent plus inaperçues, grâce il la facilité d'examen que
donne le séjour au lit ; la physionomie de l'asile se trans-
forme et tend à se rapprocher de celle d'un hôpital.
Si nous ajoutons qu'à côté de sa haute valeur thérapeu-
tique, la clinothérapie offre comme avantage d'être facile-
ment applicable, aussi bien dans la clientèle privée qu'à
l'asile, on comprendra sans peine l'intérêt d'ordre pratique
qui s'attache à celte méthode.
Toutes ces raisons, qui nous ont poussé récemment à étu-
dier l'alitement au point de vue de sa technique, de ses
effets physiologiques, de ses indications générales et spé-
ciales', nous engagent aujourd'hui à eu exposer l'historique ;
il nous semble, en effet, que l'excellence de ce procédé thé-
rapeutique reçoit un éclatant témoignage du nombre et de
l'importance des travaux qu'il a suscités, ainsi que de la
concordance des résultats obtenus par les auteurs qui l'ont
expérimenté.
Si cette méthode a été longue à se répandre, il faut en
chercher l'explication dans les considérations qui précèdent;
il n'est pas impossible, en effet, que le dogme de la nécessité
du travail dans le traitement des maladies mentales, et aussi
certaines conceptions erronées sur la nature de la folie, aient
longtemps fait écarter l'idée d'aliter les aliénés, comme on le
fait des individus atteints d'une affection viscérale quel-
conque, et de traiter par le repos complet de l'organe les
maladies aiguës du cerveau.
Deux mots encore avant d'aborder l'historique du traite-
ment par le lit : il n'est jamais entré dans notre esprit la
pensée d'opposer la méthode du repos au lit à la méthode
du travail; chacune d'elle a son mérite, ses indications, et
fournit, dans des cas déterminés, d'heureux résultats; l'une
complète l'autre. Loin d'être en effet l'antagoniste du travail
considéré comme agent thérapeutique, l'alitement vient
combler une lacune dans le traitement des maladies mentales,
puisqu'il est appliqué précisément chez les sujets qui ne
peuvent bénéficier des bienfaits du travail. Pour résumer en
une formule simple notre manière de voir, nous dirons que
le repos au lit est pour les malades aigus ce que le travail
1 P. Sérieux et F. Farnarier. Le traitement des psychoses aiguës par le
repos au lil. (Semaine médicale, 11 oct. 1899, p. 331.)
LE TRAITEMENT DES MALADIES MENTALES. 451
(colonisation agricole) est pour les convalescents, les chro-
niques, et les incurables'.
Deux périodes peuvent être distinguées dans l'histoire du
traitement par le lit. Dans l'une, il n'est question d'appliquer
l'alitement qu'à telle ou telle catégorie restreinte de malades :
presque toujours il s'agit d'états mélancoliques ou neuras-
théniques, plus rarement de délires maniaques subfébriles.
Dans la seconde période, au contraire, le traitement par le
lit est envisagé comme une méthode applicable d'une façon
systématique à la plupart des psychoses aiguës.
I. C'est dans les étals caractérisés par la dépression psy-
chique, par l'inertie, l'immobilité, qu'on eut, en premier
lieu, recours au séjour au lit. A Guislain * revient le mérite
d'avoir, en 18¡), introduit le procédé en question dans la
thérapeutique des maladies mentales. « Presque tous nos
mélancoliques, écrivait le célèbre aliéniste belge, sont cou-
chés dans leur lit. Je prescris le repos du corps... Le lit sera,
pendant toute la première période du mal, une des grandes
ressources du traitement. D'abord le patient sera couché la
nuit et une grande partie du jour. Il se lèvera de temps en
temps, restera assis pendant une heure, deux heures, puis se
couchera derechef... Les mélancoliques ont besoin de repos
et de beaucoup de sommeil... On ne saurait s'imaginer com-
bien le décubitus prolongé facilite, chez les aliénés, le retour
du calme... Je le dis avec une intime confiance, nul moyen
ne m'a fourni des résultats plus satisfaisants dans le traite-
ment de la mélancolie. »
En 1801" un aliéniste anglais, Conolly, recommande,
d'après Brosius, le séjour au lit dans les états maniaques et
les autres formes avec excitation.
'Les chiffres ci-dessous montant quelles sont, dans un établissement
où l'on pratique la clinolhérapie, les proportions respectives des malades
traités par le lit et des aliénés travailleurs. Les 209 malades de l'asile de
Leubus (Silésie) se répartissaient ainsi en 1893 : soumis au traitement
par le ht d'une façon permanente : ? j,6 p. 100; intermittente : 10,G G
p. 100 ; travailleurs : 31,4 p. 100 ; isolés, 1,1 : p. 100.
2 Guislain. Leçons orales sur les phrénopulhies, ou traité théorique el
pratique des maladies mentales, t. 111, 'p. 2. Gand, 1852.
irez THÉRAPEUTIQUE.
Griesinger', en 1861, considère l'alitement comme conve-
nable et nécessaire dans certains cas de mélancolie aiguë
avec diminution générale des forces. D'après Paetz, vers la
même époque, Koeppe, à l'asile de Nietleben, laissait les
mélancoliques couchés une partie de la journée el, après les
avoir fait déjeuner au lit, leur administrait un hypnotique
pour les faire dormir quelques heures.
J.-P. Fairet, en 1864, le premier en France, parle du trai-
tement par le repos au lit pour certains mélancoliques et
certains maniaques. Il déclare que si Pinel et Esquirol ont eu
raison de réagir contre la tendance que l'on avait, à leur
époque, de maintenir les aliénés au lit dans les hôpitaux,
cette réaction a été excessive. « Dans certains états
maniaques aigus semi-fébriles, dit-il, de même que dans les
états mélancoliques caractérisés parmi profond sentiment de
lassitude et une prostration physique et morale poussés à
l'extrême, nous partageons complètement l'avis de notre si
regretté confrère le docteur Guislain, et nous conseillons le
séjour au lit de ces malades, au lieu de les laisser circuler en
plein air comme les autres aliénés. Il faut poser en principe
que ces aliénés, soit maniaques, soit mélancoliques, doivent
être maintenus au lit pendant certaines périodes de leur
affection, considérés comme malades physiquement et soi-
gnés à l'infirmerie comme des fébricitanls 2. »
Aux Etats-Unis, en 1875, 'Weir Mitchell recommande pour
le traitement des femmes atteintes d'hystérie grave et de
neurasthénie une méthode reposant essentiellement sur le
repos au lit (Rest cure, Rest treatmenl) combiné avec l'isole-
ment, le massage, la suralimentation et l'électrothérapie 3.
' Griesinger. Traité des maladies mentales, p. 518-5G5. (Traduction
française.) Paris, ISfi5. -
3 J.-P. Falret,. Des maladies mentales el des asiles d'aliénés. Paris, 181 t. 1.
Introduction p. LVI.
Rappelons que, en 1838, un aliéniste anglais. Ellis (A lnealise on Ihe
nature, symploms, causes and 1;,ealmeiil of isanity) insistait, sans cepen-
dant parler du traitement pour le lit, sur la nécessité du repos : « Tant
qu'il existe quelque symptôme d'une circulation trop abondante dans le
cerveau, il ne faut permettre qu'un exercice modéré au patient; il faut
le tenir aussi inaclif que possible jusqu'à ce que ces symptômes aient
cédé au traitement médical.» Ce fait se trouve consigné dans le rapport
présenté au Conseil général du département de l'Eure dans sa session
de 1839, au nom de la Commission des aliénés, par Lefebvre-Duruflé.
' Wen' Mitchell. On rest in lltc lrealrnenl of nervous diseuses, in
LE TRAITEMENT DES MALADIES MENTALES. 433
Dans ces divers états d'épuisement nerveux, le neurologue
américain se proposait pour but de rappeler les forces « chez
les malades affaiblies, émaciées et dont le sang était devenu
trop fluide ». Le repos au lit devait être continué pendant la
plus grande partie du traitement; l'exercice passif obtenu par
l'électricité et le massage rendait possible la suralimentation.
En lus3, W.-S. Playfair recommande, en Angleterre, la
méthode de Weir Mitchell comme traitement systématique
de l'hystérie grave, de certaines formes de neurasthénie et
de la chorée intense '.
E.-C. Séguin (de New-York) recommande également le
repos absolu, physique et psychique, dans le traitement de
la chorée et de la neurasthénie 2.
En 1888, MM. Belle et Lemoine firent connaître les résul-
tats qu'ils obtenaient par l'application aux mélancoliques
anxieux de la méthode de \\'eir Mitchell . Les deux aliénistes
français se proposaient, par le séjour au lit, dans le décubi-
lus dorsal complet aussi prolongé que possible, de lutter
contre l'anémie cérébrale et de soustraire le malade aux
influences extérieures qui peuvent alimenter son délire. Leur
tentative, spécialisée d'ailleurs à une l'orme de mélancolie, ne
parait guère avoir été imitée. En effet, en 1890, le professeur
Ball, qui cite la méthode de l'alitement, en parle comme
d'une nouveauté expérimentée seulement en Allemagne, et
sur la valeur de laquelle il ne peut se prononcer \ Cullerro
considère le traitement de la mélancolie par le séjour au lit
comme ayant pour but principal de congestionner le cerveau,
et par là de combattre l'insomnie due à l'anémie cérébrale".
Seguin's seriesof zlmerican clinical lectures, t. 1. n°4, 1875. - Fal wHI
bloocl, and hom lo make llzenz. Philadelphie, 1877. (Traduction française
par U. Jennings, sous le titre. : " Du traitement méthodique de la
neurasthénie et de quelques formes d'hystérie. » Paris, 1883.)
Avant Weir Mitchell, un médecin américain, Samuel Jackson, avait
recommandé le repos au lit chez les femmes hystériques et neurasthé-
niques.
' Playfair. Cité par Weir Mitchell in Fat and Lloocl and how lo
make lltem.
2 li.-C. Séguin. Leçons sur le traitement des névroses (ti-ad. franc.).
Paris, 1893.
3 lielle et Lemoine. Traitement de la mélancolie anxieuse. (Annales
médico-psychologirues, 188S.)
1 Bail. Leçons sur les maladies mentales. ? e édition. Paris, 1890.
0 Cullerro. Traité pratique des maladies mentales, 1890.
II e7-ri THÉRAPEUTIQUE.
Régis ', Dagonet et Duhamel 2 signalent également le
repos au lit comme pouvant être appliqué au traitement des
mélancoliques. Chaslin en montre les avantages dans le trai-
tement de la confusion mentale 3.
II. Guislain, J.-P. Falret. Weir Mitchell, qui avaient eu le
mérite de saisir les indications du repos au lit dans diverses
formes psychopathiques, n'eurent pas la bonne fortune de
voir leur oeuvre poursuivie dans leur propre pays. C'est à
l'étranger que les idées émises par eux se développèrent et
aboutirent à la création d'une véritable méthode thérapeu-
tique. Le traitement systématique des psychoses aiguës par
le séjour au lit a pris naissance, il y a une quarantaine
d'années, en Allemagne ; mais c'est surtout dans ces vingt
dernières années que cette méthode a gagné du terrain et
qu'elle a suscité un nombre considérable de travaux. D'Alle-
magne le traitement par le lit se répandit dans les pays de
langue allemande, puis en Russie et enfin en France, où il y
a encore peu de temps l'alitement était chose inconnue.
Cette méthode fut appliquée à la cure des aliénés aigus
par Ludwig lIIeyer ? dès 1860, el, deux ans plus tard, par
Brosius 5. Snell l'introduisit à l'asile de llildesheim en '18vil,
Eschenburâ 1 Lubeck en 1874. A cette période se rattache
également un travail de Rabow0.
En '1871, à l'asile de Brème, les cellules d'isolement sont
supprimées, et le traitement par le lit est appliqué non seu-
lement chez tous les aliénés entrants, mais encore chez les
malades chroniques présentant des manifestations aiguës. La
même année, Hergt insiste sur la nécessité de l'alitement
' Régis. Manuel pratique des maladies mentales, 1893.
° Dagonet et Duhamel. Traité des maladies mentales, 1891.
3 Chaslin. La confusion mentale primitive. Paris, 1895, p. ? O.
, Ludwig 12yer. lJas .Yu-I'e,II'aint und die (leiiische l's ! /clricrlr·ie. (.Illg.
Zeilsch. f. l'sych., 1860, t. XX. p. 512.)
'"Brosius. (Irrenfreund, 1862. 6.) Die Jsyte Rendorf und SI/yn bel
Coblenz, nebsl Mc;) : e<7.'«/) ? eH uber CI/l'millet bei Irren. l3erlm. 181 ?
Die Bellhehuurllrtull lier Irren. (Siederldndische Vel'ein ? l'sychiccl.,
1890, et l'sychialrische l3larlers, t. VIII et IX.)
Il Rabow. Behanrllmrl de/' psychischen Erregungszuslânde. (Ilerlin,
klinis. ll'ochensch., l81li, n°23.)
7 Iler-t. Ein;fle, zur tiehandluny riel' ,;eeleiist6,iii ? geii. (.lll ! l. Zeilsch.
f. l'syclrial., t. 1\\lll, p. 803, 18'i'i.)
LE TRAITEMENT DES MALADIES MENTALES. 455
chez les mélancoliques- et va mémejusqu'à conseiller le main-
tien au lit par la fixation du malade.
En 1879, la méthode est appliquée à l'asile-colonie d'Alt-
Scherbilz par Paetz ', et à l'asile de Baie par Wille 2. A Alt-
Scherbitz les pavillons construits depuis cette époque sont
aménagés spécialement en vue du traitement du lit.
C'est surtout à partir de 1880 que la méthode se répand
dans les asiles allemands. Scholz dans de nombreuses publi-
cations en fait connaître les avantages ; contrairement à
l'opinion de ceux qui, à l'exemple de Koeppe, voyaient dans le
travail l'agent curatif le plus puissant, il montre que la place
de l'aliéné aigu est dans un lit d'hôpital et non à l'atelier ou
aux champs : le séjour au lit est un moyen de traitement sou-
verain ou mieux la mesure hygiénique la plus importante
pour amener la guérison. Les travaux ayant trait à l'alite-
ment se multiplient. Citons la thèse de rlerslieim3, les publi-
cations de Relier \ de Schùle 5, de L. Meyer °, de Paetz7, de
Scholz8.
CI. Neisser, en 1889, introduit le traitement par le lit à
l'asilede Leubus (Silésie). Le même auteur, au dixième Congrès
international des sciences médicales, vulgarise la méthode de
l'alitement et crée le niut Be/tbehandlung9. Il poursuit sa
campagne dans une série de publications 10.
1 Paetz. Berichl ilber die l'rov. le,i,eit(tîisl(tli 7< ? p)-«jj ? e/ie;'&t/ : sur
1880-S1, p. 6.
5 \\'ille. l3ericlel itber lorer7anslrtl l3asel, lSï9. ]1.27.
3 Flersheim. liie 13r·ltuncllunc/ cler Manie in der l3t·lllal/e. (Thèse de
Gottingue. 1881.)
* C.-F.-W. Roller. Die lleilanslrrll Johannisberg bei Kaisersxverlh,
1883, p. 3.\, et ï : i,
' Scliùle. Traité clinique des maladies mentales, 18li. (l'raLlllct. fran-
çaise de Duhamel et J. Uaonet. 1888.)
° Lever. Die l3ehamlhenJ cler ]Jsychischell 7)')'fy)) ? <f/ Depl'es-
sionscuslcintle. (Thempellt. 31oi(tlsh., J887,)
7 Paetz. Ueber die ls'imiclrlvn7 von l : ebel'u'ac1ll1ngss/alionen. (,111,q.
Zeilsch. f. l's ! Jch.. t. XLI y, p. 421. li3Sï.)
8 Scholz. Weber 1j'achablheilllllgen in 7;'re;in) ? f/e ? (.l11g. Zeilsch.
f. l'sych., t. XLVIII, p. : ! 3 : 5, 1888.)
" Neisser. Die l3ellbeharztllrtztr/ der Irren. (l3erlirr. klin. Il'ocher7.sch.,
'1 sept. 1890.)
Il Neisser. 13ellnuhe bel Epilepsie. (7'/<e)'ef/)..Vocrs/i., n° 38, mars 1893.)
- Soch einmal die l3ellelranclluzrg der ll'I'ell, (.I11g. Zeilsch. f. l'sy-
chiatrie, t. L, p. 111, 1[J'\'.)
45G THÉRAPEUTIQUE.
Enfin, dans ces dernières années ont paru en Allemagne
les travaux de Hebold', de Roller de lilinkc3, de Paetz v,
de Scholz5, de Kraepelin6, delleilbronner 7.
D'Allemagne la méthode pénètre en Russie. Nombreux sont
les aliénistes russes qui l'unt expérimentée et qui s'en décla-
rent partisans. Citons le docteur Timoféiev qui, au retourd'un
voyage d'études en Allemagne, fait connaître le traitement
par le lit et l'emploie le premier en z1892, à l'asile Alexan-
dre III près de Saint-Pétersbomg8. En 1895, le professeur
Korsakov et ses élèves Bernstein et Rybakov expérimen-
tent cette méthode à la clinique psychiatrique de Moscou.
A. Bernstein publie, en 1897, une note sur le rôle du séjour
au lit9; il signale la promptitude avec laquelle la plupart des
maniaques s'habituent au lit; l'agitation s'atténue considéra-
blement ; le pavillon cellulaire de l'établissement reste inoc-
cupé. Plus de ces scènes «auxquelles nous étions accoutumés
pendant le système de l'isolement dans les cellules... Les ma-
lades gardent, grâce à la mise en scène de l'hôpital, leurs
qualités humaines qui dégénéraient bien vite autrefois dans
l'emprisonnement solitaire des cellules. Le gâtisme par terre,
compagnon indispensable du séjour dans les cellules, dis-
paraît complètement. »
A Ekaterinoslav, le docteur Govséiev pratique l'alitement t
dès 1894, et fait connaître en 1896 le résultat de ses observa-
tions10.
' IIPbold. l3ellbehnrzcllttnr/ und Zelle. (Allg. Zeilsch. f. Psychiatrie.
t. XLVII, p. 686, 1891.) .)
2 C.-F.-W. Itolfer. Die FM)'s</. Lippe'sclte Ileil-untl Pilegeanslail
Dindenhalls in Dmlce bei Lemflo. Bielete1d, 1891, p. -iG-106.
3 Klinke. Zur I,eschickle der J'reien llehandlung und der .lnu'ellltanfJ
der Bellrulie bei f7e ! <M/t)'a;t/.e«. (.JllfJ. Zeilsch. f. Psychiatrie, t. XLiX,
p. 669, 1893.)
1 Paetz. Die Kolonisirung des Geisleskranken. Berlin, 1893, p. ? os- ? 15.
' Scholz. Die nfichsle Aufgabe der Il'l'enpfll'.7e. (Allg. Zeils. ? l'sil-
chiat., p. G'J0, t. L, 1894.)
Kraepeliii. (.1ll,'l. Zeils. f. l'sych., t. XLI.)
Heilltronner. Bellbehandlunq uni'. 7 ? H=e/ : <MH : e)'e/;a/i/i/). (Allq.
Zeitsch. f. j'sych., t. LUI, 18U7.)
8 Timoféiev. Méthode de traitement des aliénés, dite du lil (en russe).
AI ? hiv psikltictlr., t. XIX, p. 3.)
' Bernstein. Sur le rôle du séjour au lil dans le trai lemenl des aliénés.
(Annales ? net/'eo ? yc/t0<., janvier 1897.)
10 Govséiev. Le régime du lil el sa valeur dans le traitement des alié-
nés (en russe). (Obozr. psikhialr., 189G, p. 5.)
LE TRAITEMENT DES MALADIES MENTALES. 457
A la clinique de l'Académie militaire de médecine de
Saint-Pétersbourg, le traitement par le lit est appliqué, en
1896, par le professeur BeUiterev et ses assistants Trapezni-
kov et Osipov. Ces derniers auteurs arrivent à conclure que
les aliénés s'habituent très facilement au séjour au lit; que
ce mode de traitement ne diminue pas sensiblement la durée
de la maladie; qu'il a l'inconvénient de déterminer (W 1-
constipation et de l'anorexie 1. Pour le professeur BecUteayyr
le traitement par le lit est indiqué chez les aliénes agités 1'
(aigus et chroniques), dans la démence aiguë, la stupeur.^a
dépression, chez les patients faibles, malpropres et chez cè'u' ' :
qui se fatiguent rapidement 2. '
En Angleterre, la méthode ne paraît pas encore très
répandue et nombre de médecins la critiquent. Hâck Tuke ne
lui consacre que quelques lignes dans son dictionnaire mé-
dico-psychologique3. Clouston range le séjour au lit parmi les
moyens de contrainte et, malgré les tendances en faveur du
repos, recommande'1'exercice chez tous les aliénés, sauf chez
les sujets neurasthéniques, les vieillards et dans les cas de
psychoses puerpérales. J. Balty Tuke, au contraire, est par-
tisan du traitement par le repos au lit; il admet que, dans les
psychoses aiguës, il existe une hyperémie de l'écorce que
l'exercice ne peut qu'exagérer. Il recommande d'associer à
l'alitement les calmants, les bains, le massage. D'autres
auteurs, Rayner, Rivers, Nicolson, recommandent également
le Rest in lied'. r.
Aux Etats-Unis, lIurd. recommande le traitement par le lit
dans les psychoses aiguës, sauf la manie.
En Suisse, Rabow, élève de Ludwig Meyer, introduit l'ali-
1 TrapcZlllkov et Osipov. Sur le traitement des aliénés par le lil.
(Société médicale de Saint-Pétersbourg, ;, ! liai ! Si)7.)
2 l3ecliterev. Ueber die rlmocmlatrrl der 13ellruhe bei Geislesl,wotnl,eu.
(Cenlr.-Bl. f. Xervenheilk. u. Psychiatrie, août )89'7.)
3 Une); Tuke. Art. « 73es1 in bed » in Diclior7ary of psycltological
medicin. (Londres, 1892, t. II, p. 1314.)
Rest aii(l Exe-cise riz Ilie li-eal»zeil of Nei,voiis ciel(1 lle;zl(tl DiseÉtses.
A Rest and Exercise in the lrealmeul of Nel'l'OUS and Mental Diseuses.
A discussion opened by T.-S. Clouston, M. D.. a ! .d J. tiatty Tuke.
M. D., at the animal meeting of the medico-psycliological association ;
july 1895. (Journal of Mental Science, 1895, p. M9.)
° Ilurd. The M il/al' loealnzenl of insane Patients. (Alienisl and tteu-
1'010girl, oct. 1sus3.)
458 THÉRAPEUTIQUE.
tement à Lausanne dès 1876. Wille l'applique il Baie en 1879,
Burckardt à Neuchâtel (1882), Martin à Genève 1.
En\utriclie, Krayatch pratique l'alitement des 1895; Borek
l'introduit en Bohème ; von KraIT't-Ehing, dans son traité,
considère cette méthode comme la prescription médicale la
plus importante et la plus bienfaisante.
Depuis quelques années un mouvement parait se dessiner
en France en faveur de la vieille méthode de Guislain et de
Falret ainsi réimportée de l'étranger. En 1894, au cours
d'une mission dont l'un de nous fut chargé en : \llemagne, en
Autriche et en Suisse, il s'est rendu compte de visu des avan-
tages que présente l'alitement et il a recueilli sur cette im-
portante question, l'opinion des psychiatres les plus auto-
risés. Ces faits sont consignes dans les relations de ce voyage
d'études 2, ainsi qu'au cours de diverses publications sur le
traitement par le lit dans l'épilepsie, les délires toxiques, la
mélancolie, les psychoses aiguës 3. A partir de 1894, il eut
l'occasion d'expérimenter le traitement par le lit dans cer-
tains cas pendant quelques intérims à l'asile de Villejuif.
En 1896, au Congrès français des médecins aliénistes et
neurologistes. un confrère russe, M. Serbski, demande aux
membres de l'assemblée si le traitement par le lit est appli-
qué en France. Aucune discussion n'est engagée sur cette im-
portante question.
Il faut arriver à l'année 1897 pour voir la méthode adoptée
systématiquement pour la première fois, en France, dans les
services de MM. Magnanà l'admission de Sainte-Anne, Joilroy
à la clinique des maladies mentales, Briand et Toulouse à
l'asile de Villejuif, Sérieux à la maison de Santé de Ville-
Evrard l,. .
1 Hoeliricli. Du traitement par le lit chez les aliénés. (Thèse de
C;ellève, 1898.)
Il. Sériew. L'assistance des alcooliques en Suisse, en Autriche, en
Allemagne. Montévrain, 1891. Notice historique sur le développement
Éla l'assistance des aliénés en Allemaqne. (Arcli. de neurologie,
nov. 19.)
1 Il. Sérieux et llarinesco. Essai sur la pathogénie et le traitement de
l'épilppsie. (131111. (le de méd. de Belgique, 18U ? )
Il. Sérieux. Le traitement des mélancoliques par le repos au lil.
{Berne de psychiatrie, août 1897.) - Le traitement des psychoses aiguës
par le repos au lit. (Revue internat, de lhémpeul. ci de pharmacol.,
15 sept. 1897.)
* Consulter, dans le Rapport sur le service des aliénés du département
LE TRAITEMENT DES MALADIES MENTALES. 459
Bien qu'à l'heure actuelle l'alitement soit pratiqué chez
nous seulement dans quelques services d'aliénés, il a fait
l'objet d'un certain nombre de travaux. Citons les pages
que lui ont consacrées Roubinovitch et Toulouse dans leur
traité de la mélancolie'; différents articles du Traité de
thérapeutique appliquée de A. Robin-; une note de 111. Ma-
gnan qui pose en principe que no-restraint et alitement
sont les deux méthodes générales à appliqner à tous les cas
de manie3. Rappelons encore une revue générale de Manhei-
mye ! ' 4; un article de P. Kéra val5; la thèse de Lacombes. Cette
année même Magnant et son élève Pochon ont fixé des indi-
cations spéciales de la méthode ; Toulouse et Marchand ont
fait connaître le résultat de leurs recherches au point de
vue de l'influence de l'alitement sur la nutrition et la tempé-
rature 9.
Enfin, dans une récente revue générale 10, nous nous effor-
de la Seine pour l'année 1897 (Muntévrain, 1898), les rapports de
JI31. \lanan, li. a ? Jo(lroy, p. ïtl ; Lriand. h U; 'l'onlouse, J. 39 et
Sérieux, p. 198.
1 ! \ulllJillo\'itch et Toulouse. La Mélancolie, Paris, 1897, p. 389.
5 Voir les articles indiqués ci-dessous du Traité de thérapeutique
appliquée, de A. Robin : Alagnan et Seneux. Traitement de l'intoxication
alcoolique. Alagnan et Pecharman. Thérapeutique générale des mala-
dies mentales. Traitement de la folie intermittente, P. Chashn.
Traitement du délire hallucinatoire. - Traitement de la confusion men-
tale. Hitti. Traitement de la mélancolie. Blin. Traitement des états
nuniaques.
3 Alagnan. Traitement de la manie. [Revue de psychiatrie, juillet 1897.)
"Ianheill1el'. Le traitement des aliénés au lil. (Tribune méd., 1898,
n- 37.)
5 P. Keraval. Le traitement de l'aliénation mentale par le repos au
lit. [Progrès méd. 18 juin 1898.)
0 Lacombe. Contribution à l'élude du traitement des aliénés par le
repos au lit. (Thèse de Paris, 1898.) \
7 lagilan. Il/lemenl, Traitement par le repos au lil, dans les formes
aiguës el subaigucs de l'alcuolisme. [Dixième Congrès des médecins alié-
nisles einelll'ologisies de France, lenu à Marseille du 4 au S avril 1899.)
"Pochon. Elude sur le traitement des aliénés agiles par le repos au
III. (Thèse de Paris, 1899.)
'TonloHse et Iarc¡'and. (Comptes rendus de la Soc. de biol.. mars
et 8 juillet JS ! J9.)
10 P. Sérieux et F. Parnarier. Le traitement des psychoses aiguës, etc..
toc. cil.
460 THÉRAPEUTIQUE.
cions de mettre la question au point et de fixer aussi exac-
tement que possible les indications de la méthode.
Telles sont les diverses étapes parcourues par la méthode
de l'alitement.
Comme on le voit, l'idée de soigner par le lit les sujets
atteints de psychoses aiguës afait du chemin depuis les essais
partiels de Guislain et de Falret, : ou peut dire qu'actuelle-
ment, ce mode de traitement n'est même plus discuté dans les
pays de langue allemande; il est appliqué par la majorité des
psychiatres russes ; bon nombre d'aliénistes anglais, hollan-
dais et amél'icainss'en déclarent partisans; enfin, les trop rares
auteurs qui l'ont expérimenté en France enontretiré les meil-
leurs résultats. Nul doute que son emploi ne se généralise de
plus en plus, pour le plus grand profit des malades et des méde-
cins ; aussi, profondément convaincus des avantages de toute
nature que présente ce procédé thérapeutique, nous n'hésitons
pas àaflirmer qu'il est appelé à prendre rang, avec la suppres-
sion des moyens de contention (no-l'estraint), le traitement
en liberté (open-dom') et la colonisation, parmi les conquêtes
les plus précieuses de la psychiatrie contemporaine. ·
Le traitement par le lit entraine comme corollaire obligé
une modification radicale de noire système suranné d'assis-
tance des aliénés, système désormais condamné sans appel.
L'application générale de la méthode en question amènera
fatalement la disparition de nos asiles-prisons où les exi-
gences de la thérapeutique tiennent si peu de place et leur
remplacement par des hôpitaux de traitement pour les aigus,
par des colonies agricoles et par l'assistance familiale pour
les convalescents, les intermittents, les chroniques et les
incurables.
L'alitement consacrera ainsi, d'une façon pratique, l'éléva-
tion des aliénés à la dignité de malades, proclamée il y a près
d'un siècle par Pinel, et restée depuis lors formule sans appli-
cation ; seul le traitement par le lit en assurera le développe-
ment intégral. On ne se contentera plus d'interner les aliénés :
on les traitera. Et la clinothérapie permettra de rendre guéris
à la société bon nombre de malheureux, que les conditions
trop longtemps défavorables du traitement des maladies men-
tales ont seules jusqu'ici condamnés à l'incurabilité.
REVUE CRITIQUE.
SUR LE SENS MUSCULAIRE A PROPOS DE QUELQUES
TRAVAUX RÉCENTS; -
Par llewu VERGER,
Chef de clinique médicale à l'Unhcl'sile de Bordeaux.
L'étude du sens musculaire est une de celles qui peuvent le
mieux montrer comment une conception physiologique présentée
au début comme très simple peut devenir de plus en plus com-
plexe au sur et à mesure que les chercheurs viennent ajouter des
données nouvelles au problème et retardent d'autant sa solution
définitive. Cette expression de « sens musculaire» introduite dans
la science par Charles Bel, en 1833, n'exprimait alors que l'idée
vague de sentiment de l'action du muscle, et nous retrouvons cette
même conception dans les travaux de Landry, 1852. Les auteurs
qui suivirent ne tardèrent pas à s'apercevoir qu'en réalité le sens
musculaire était quelque chose de beaucoup plus complexe.
Dnchenne (de Boulogne), en 1852, distingua la « sensibilité mus-'
culaireD qui renseigne sur le mouvement en cours d'exécution et la
« conscience musculaire » qui entre en fonction au moment d'exé-
cuter ce mouvement. En même temps, du reste, d'autres auteurs
ramenant la question sur son vrai terrain tendaient à placer l'ori-
gine des sensations en question, non point dans les muscles, au
moins dans les muscles seuls, mais dans la peau et l'expression
de sens des mouvements substituée à celle de sens musculaire ne
s'appliqua plus à un sens spécial, mais à une modalité particu-
lière des sensations tactiles. C'est Schiff qui émit le premier cette
idée reprise plus tard par Vulpian. Trousseau étudiant l'ataxie
développa encore le rôle de la sensibilité tactile et parla le pre-
mier de sensibilité articulaire.
Dès cette époque le problème était nettement posé et les auteurs
contemporains n'ont fait qu'amplifier la question, et y ajouter de
nouvelles données. Notre intention n'est pas de faire ici un exposé
complet de ces travaux, désirant nous limiter à l'étude critique de
quelques publications récentes '. Tous les auteurs contemporains
1 Pour l'historique voir Sollier. Le .sens musculaire. (Archives de Neii-
l'ologie, 1887.)
462 REVUE CRITIQUE.
s'accordent à admettre l'existence non pas d'un sens musculaire
autonome tel que l'avait conçu Charles Bell, mais d'un complexus
d'impressions périphériques perçues à l'occasion des mouvements
et provenant de sources multiples. A ce complexus sensitif dont
les différents éléments ont donné lieu à des discussions nom-
breuses., on a donné des noms plus en rapport avec les idées nou-
velles. L'expression de « sensations kinesthésiques Cl rée par
Charlton Bastian est évidemment celle qui exprime le mieux la
pensée moderne puisqu'elle renferme l'idée de multiplicité d'ori-
gine et celle de phénomènes liés au mouvement. 11 semblerait donc
qu'elle dut avoir toutes chances de supplanter celle de « sens
musculaire » qui, prise dans un sens étroit, ne correspond plus à
la réalité des faits. Il n'en est rien. Une expression qui a servi
quelque soixante ans est difficilement rayée du vocabulaire. Nous
la prenons donc telle quelle avec la majorité des auteurs, tout en
la sachant mauvaise, reconnaissant avec Claparède « que ce terme
est si utile en pratique que ceux-là même qui n'ont pas assez de
reproches à lui adresser ne savent pas s'en passer ».
La classification des sensations élémentaires, dont l'ensemble
constitue le sens musculaire. la détermination de leur importance
respective et le rôle qu'elles jouent dans la genèse des mouvements
et la coordination volontaire tels sont à l'heure actuelle, les points
en litige. Ces questions ont été étudiées presque simultanément
dans plusieurs travaux récents qu'il est intéressant de comparer.
Ce sont les thèses d'.lLba', de 13ourdicault-Dumay 2, de Cher-
clie«-sl : i 3, de Claparède1.
I. Psychologie du sens musculaire.
Après Bastian, Lamacq en 1891 ;, admettait quatre notions élé-
mentaires ou quatre modalités des sensations musculaires 6.
C'étaient : 1° La notion des mouvements actils perçue à l'occasion
1 Abba. Elude clinique des troubles de la sensibilité générale, des sens
musculaire et sléréognostiquc dans les hémiplégies de cause cérébrale.
Thèse de Paris, 1>i96.
2 Bourdicault-Dumay. Troubles de la sensibilité générale, du sens murs-
eulaire el du sens stéréognostigite dans les hémiplégies cérébrales. Thèse
de Paris, 1894.
3 Cherechewslu. Le sens des altitudes. Thèse de Paris, 'tS7.
4 Claparède. Le sens musculaire el l'hémiulaxie pos-hémiplégique.
Thèse de Ceuève, 1897.
5 Lamacq Le sens musculaire. Thèse de Bordeaux, 1891.
° Nous ne comprenons dans l'étude du sens musculaire ni la sensation
pioduite par la pression des muscles, ni la sensation de courbature qui
se produit au niveau des muscles fatigués. '
SENS MUSCULAIRE. 463
des mouvements volontaires et aussi des mouvements réflexes des
membres toutes les fois que la contraction musculaire est cause du
mouvement ; 2" La notion des mouvements passifs lorsque les
membres sont mis en mouvement par une cause externe quelcon-
que, et sans qu'aucune réaction musculaire intervienne; 3° La
notion de position des membres qui renseigne sur leur situation
dans l'espace par rapport aux autres parties du corps, qu'ils aient
été amenés à cette situation par des mouvements volontaires ou
par des actions externes; 4° La notion de poids qui peut se con-
fondre avec la notion de résistance au mouvement.
l3ourdicault-Uumay et Claparède conservent cette classification.
Abba poussant plus loin l'analyse examine successivement : la
perception des mouvements passifs, la notion de position, la force
musculaire, la sensation de pression avec des poids différents, le
sens de l'orientation et le sens stéréognostique. Il est aisé de voir
que si cette division répond à des nécessités d'examen clinique,
elle doit être simplifiée au point de vue physiologique. Outre qu'il
n'y est point parlé des mouvements actifs, le sens de l'orientation
fait double emploi avec la notion de position dont il n'est qu'une
variante; et d'autre part la notion de la différence des poids sou-
pesés ressoit seule au sens musculaire tandis que la sensation de
pression avec différents poids ressort à la sensibilité tactile et à la
sensibilité musculaire profonde.
Pour Cherchewaki il n'y aurait qu'une seule espèce de sensa-
tions périphériques perçues à l'occasion des mouvements. )t ramène
tout le sens musculaire à une seule notion fondamentale, celle
des attitudes segmentaires ou totales, expression qui'correspond à
celle de notion de position des membres. La notion de mouvement
actif ou passif serait une notion complexe, formée par la succes-
sion dans le temps d'une série de notions de position en sorte
qu'on aurait la perception d'un mouvement uniquement par la
perception des déplacements successifs. Outre que pour expliquer
la sensation du mouvement actif et la ramener à la sensation
des attitudes successives Cherchewski est obligé de faire appel à
un facteur d'origine centrale sur lequel nous aurons à revenir, une
grave objection peut être faite à sa théorie. Nous même avons pu
maintes fois constater chez des hémiplégiques en étudiant la notion
de position qu'ils se rendaient compte d'un certain déplacement
de leur membre, mais qu'ils étaient Incapables de se rendre éga-
lement compte de la position où ce déplacement l'avait amené.
Puisque la sensation^brute de mouvement passif peut exister sans
que la position définitive du membre soit elle-même perçue, il
parait bien diflicile de faire de la sensation de mouvement la
résultante de sensations de position qui en l'espèce ne se pro-
duisent pas.
Claparède n'admet pas cette simplification du sens musculaire
464 REVUE CRITIQUE.
et il s'est attaché à déterminer les rapports des quatre notions
élémentaires que nous avons énumérées, entre elles et avec les
sensations d'autre nature.
Pour lui, la sensation de position des membres, la plus facile à
explorer cliniquement n'est pas due à une sensation primitive irré-
ductible. Une position donnée d'un membre suscite certaines sen-
sations sur l'origine desquelles nous discuterons plus loin, mais
dont l'ensemble est insuffisant à former à lui seul une représen-
tation mentale, une image. C'est par association avec des souvenirs
visuels antérieurs que se crée l'image mentale de la position du
membre et de fait cette image est une image visuelle. La notion de
position serait le résultat d'un jugement. Le mot est peut-être
inexact car jugement suppose une opération mentale active, une
comparaison. Tout en reconnaissant le bien fondé des arguments
l'explication psychologiquenous semble défectueuse. Il va éveil de
l'image visuelle par association, mais cette image visuelle apparaît
seule dans la conscience sans que l'esprit ait à intervenir active-
ment. Il n'y a donc pas jugement si l'on admet qu'un jugement
est à proprement parler un phénomène conscient.
Claparède fait de plus justement observer, et ceci est un argu-
ment contre la théorie de Cherchewski que la notion de position
ne saurait exister en l'absence du mouvement. Cette assertion
repose sur ce fait facile à vérifier qu'on a d'autant plus de peine
à se rendre compte de la position d'un membre, que ce membre
est immobile depuis plus longtemps comme cela arrive le matin
au réveil, car il suffit du plus léger mouvement pour éveiller la
notion absente. Tout en étant vraie d'une manière générale, cette
explication ne saurait être généralisée.
La sensation de mouvement passif est un élément irréductible
qui précède dans le temps la sensation de position et de direction.
Et ici- se place dans le travail de Claparède une discussion des
plus intéressantes, car elle a pour objet l'étude des organes d'où
provient cette sensation simple. Trois sortes d'organes sont àcon-
sidérer, la peau, les muscles et les articulations avec les tendons.
Or l'auto-analyse psychologique, si minutieuse qu'elle soit, est im-
puissante à nous révéler autre chose qu'une sensation de mouve-
ment ; elle ne peut en déterminer les sources. Wundt a dit à ce
propos : « L'analyse de toutes ces sensations est particulièrement
difficile car c'est leur association même que nous avons été. habi-
tués à rapporter aux mouvements des parties de notre corps.
Chaque sensation élémentaire n'ayant de signification qu'en tant
qu'elle fait partie du tout donné nous avons perdu la faculté de
les percevoir d'une façon indépendante. »
Goldscheider cité par Clapaccde a tenté de résoudre la question
par l'analyse expérimentale. Partant de ce fait que si on empêche
artificiellement lavant-bras de se fléchir sur le bras, malgré l'e f
SENS MUSCULAIRE. 465
fort du biceps on n'a aucune sensation de mouvement, il croit pou-
voir établir que les sensations musculaires proprement dites n'in-
terviennent pas dans la formation de la notion de mouvement.
Bien que faisant des réserves au sujet de cette expérience, Clapa-
rède admet que les sensations de mouvement proviennent pour la
plus grande partie des articulations : « Leur source véritable,
dit-il se trouve, dans le frottement, si léger soit-il, des surfaces
articulaires, dans la tension ou le relâchement des capsules et des
ligaments, dans l'extension ou le plissement de la peau, des tissus
mous, des muscles et de leurs tendons, en particulier dans la ten-
sion de certains muscles et le relâchement simultané de leurs
antagonistes ». Il y a donc chez lui un juste éclectisme, car tout
en admettant la suprématie des sensations articulaires il se refuse
à dénier toute participation aux sensations musculaires proprement
dites.
Dans la production de la notion du mouvement actif il faut faire
intervenir les mêmes sensations, mais avec quelque chose de plus.
A la suite de Johannès Muller ' beaucoup d'auteurs avaient été
amenés à admettre l'existence d'une sensation spéciale accompa-
gnant l'influx nerveux volontaire lancé par le cerveau. Cette théo-
rie de l'origine centrale du sens musculaire n'est plus guère ad-
mise en tant que théorie exclusive. Wundt lui-même en qui elle se
personnifiait parmi les contemporains admet les sensations mus-
culaires périphériques et ne fait intervenir la sensation centrale et
d'activité cérébrale qu'à l'occasion des mouvements actifs =.
Cherchewski a repris la même idée et pour lui la sensation du
mouvement actif est constituée par l'association de la sensation
d'innervation d'origine centrale avec la sensation des attitudes
segmentaires. Claparède se refuse à admettre cette sensation d'in-
nervation et il montre le mal fondé des expériences qui prétendent
prouver l'origine centrale du sens musculaire. Les sensations illu-
soires des amputés, ou Weir Abitchell avait vu cette preuve sont
d'origine périphérique; notre maitre, le professeur Pitres, a
montré qu'elles disparaissaient par la cocaïnisation du moignon.
En l'absence de cette sensation d'innervation c'est l'existence de
la représentation mentale du mouvement précédant son exécution
qui d'après Claparède donne à ce mouvement son caractère volon-
taire. Et il montre comment on peut concilier les deux théories.
« Dans la pratique, dit-il, cette idée de mouvement se trouve être
consciente au moment même où le mouvement s'exécute, et comme
il arrive alors de la périphérie un certain nombre d'impressions
musculaires cutanées et articulaires, le tout se fusionne dans la
conscience en un sentiment suieaeris, assez vague en réalité et
' llandbllch d. Physiologie, II, p. 500, 1850.
. Lelarbucle des Physiol. Psychologie I, 1893.
Ancuwua, 2° série, t. VIII. 30
466 REVUE CRITIQUE.
qui est celui pour lequel Johannès Muller et Wundt avaient cru
devoir forger une théorie spéciale. »
Les sensations fournies par les organes périphériques sont de
plus différentes dans le mouvement actif et le mouvement passif;
les sensations musculaires et articulaires sont plus vives dans le
premier cas..Mais cette différence est secondaire pour la différen-
tiation des deux notions dans la conscience. La notion de la direc-
tion du mouvement est une résultante formée de la notion de
mouvement propre, avec les notions des positions successives en-
gendrées par ce mouvement même.
La sensation ou notion de résistance que Beaunis, partisan con-
vaincu des idées de Wundt déclarait être simplement due à la
conscience que nous avons de notre activité motrice centrale,
trouve pour Claparède une autre explication en conformité avec la
théorie de l'origine périphérique du sens musculaire. Elle résulte
de plusieurs éléments qu'il classe ainsi :
« 1° Dans le cas où un mouvement actif rencontre.une certaine
résistance les sensations musculaires et articulaires qui donnent
lieu à la sensation primitive de mouvement acquièrent une inten-
sité anormale; 2° La sensation kinesthésique qui a coutume d'être
associée à ces impressions musculaires et à l'image qui les pré-
cède est absente puisque en fait le mouvement est empêché ;
3° La tension des muscles atteint une importance considérable,
bien plus grande que dans un mouvement non contrarié ; 4° La
pression cutanée contre l'obstacle intervient également, mais elle
peut être considérée ici comme une sensation de peu d'impor-
tance relativement à celles qui précèdent. »
Par conséquent la notion brute de résistance résulterait d'un
désaccord dans les associations habituelles. Elle nécessiterait elle
aussi un jugement, une comparaison. Les autres notions, d'effort,
de pesanteur seraient des variantes de cette notion de résistance.
Dans le cas d'effort, il y a en plus des sensations habituelles qui
indiquent la résistance, une série d'impressions de même nature,
mais de sources différentes provenant des articulations et des
muscles de la glotte et du thorax.
La notion de la différence de poids est due à des variations
quantitatives de cette notion de résistance et l'appréciation de ces
poids est le résultat d'une opération mentale beaucoup plus com-
plexe dans laquelle interviennent des processus d'association.
Nous pouvons maintenant résumer en quelques mots les idées
de Claparède. Il n'y a en somme pour lui que des sensations de
mouvement, éléments psychologiquement irréductibles. maiaphy-
siologiquement analysables, et dans la formation desquels les
sensations musculaires proprement dites entrent pour une large
part. Les notions secondaires de position, de résistauce, de mou-
vement actif ou passif sont des résultats soit de variations' quali-
SENS MUSCULAIRE. 467 Î
tatives de ces sensations de mouvement, soit de leur association
avec d'autres éléments sensoriels ou mnésiques.
La théorie de Claparède est donc une théorie simpliste,
surtout si l'on tient compte de ce fait qu'au contraire de Cher-
chewski, il n'admet que des éléments périphériques à l'exclusion
d'un élément central du sens musculaire. Par de nombreux côtés
son travail réalise un progrès sensible.
Le rôle des sensations musculaires proprement dites avait en
effet été trop complètement écarté en tant que facteur de la sen-
sation de mouvement. Pour notre part nous pensons que si dans
la production de la sensation brute de mouvement le principal
rôle est dévolu aux impressions articulaires et cutanées, il n'en est
pas de même dans la perception des variations quantitatives du
mouvement actif, c'est-à-dire dans l'appréciation des résistances.
C'est ici semble-t-il la perception des variations d'intensité de la
contraction musculaire qu'on doit surtout considérer. Notre maître
le professeur Pitres a dit à ce propos : « La contraction d'un
muscle est accompagnée d'une sensation toute particulière qui fait
apprécier exactement le degré de durcissement actif des fibres
musculaires'. Si l'on veut réfléchir que dans ce mouvement actif
quel qu'il soit, il y a toujours une certaine résistance représentée
au minimum par le poids du membre à mouvoir, il est aisé de
concevoir que la perception d'une résistance plus élevée est seule-
ment le fait d'une variation quantitative de la sensation et que la
notion de désaccord entre les associations habituelles qu'invoque
Claparède n'a pas sa raison d'être. En effet cette idée de désaccord
implique l'idée de la perception nette d'un empêchement au mou-
vement ce qui ne saurait se faire sans une opération mentale, sans
un jugement. Or il nous parait que dans le fait de la sensation de
résistance, aucun jugement n'intervient si, comme nous le disions
plus haut, on admet que le jugement est un phénomène cons-
cient. Le jugement est seulement nécessaire quand il s'agit de
comparer entre elles deux sensations de résistance données,
comme par exemple dans l'action de comparer entre eux des
poids différents.
En ce qui concerne l'origine centrale ou périphérique du sens
musculaire la question nous semble parfaitement élucidée par
Claparède et nous nous rallions pleinement à sa manière de voir.
11 semble bien en effet qu'il faille admettre à l'origine du mou-
vement actif un phénomène cérébral conscient, et que ce soit la
reviviscence mnésique d'une image motrice préalablement enre-
gistrée. Mais cette image motrice ne peut être elle-même qu'un
résidu de sensations musculaires antérieurement perçues. Or,
' .1. Pitres. Leçons cliniques siii l'hystérie. Paris, 1891, \ol. I,
p. 110.
468 REVUE CRITIQUE.
entre la conscience, d'une représentation mentale et ce que les
auteurs appellent sensation d'innervation, entendant par là la sen-
sation de l'activité consciente des centres moteurs, il n'y a pas
autre chose qu'une différence de mots pour désigner un fait iden-
tique. -
Ceci nous amène à parler de l'origine de ces images motrices
conservées dans la mémoire. Tout le monde est d'accord pour
penser que les premiers mouvements du foetus comme aussi pro-
bablement ceux du nouveau-né sont des mouvements réflexes. Or,
dit Claparède, pour passer du mouvement réflexe au mouvement
volontaire on tourne dans un cercle vicieux car « si l'on veut com-
prendre le mouvement volontaire il faut lui présupposer une image
motrice, mais cette image motrice ne pourra se former qu'à la
suite d'un mouvement conscient ».
C'est que Claparède admet que le mouvemeut réllexe est par
définition non accompagné de phénomènes psychiques conscients.
Il n'en est point tout à fait ainsi. Sans doute il peut y avoir mou-
vement réflexe en dehors de toute conscience, mais chez l'individu
normal les mouvements réflexes des membres donnent lieu à une
représentation consciente au même titre que les mouvements pas-
sifs. L'individu qui a les yeux fermés et dont on percute pourla pre-
mière fois le tendon rotulien a conscience de la projection de sa
jambe en avant, encore que ce mouvemont soit parfaitement invo-
lontaire. Le mouvement instinctif que Claparède admet après
Wundt et qui participerait à la fois du réflexe, car il ne pourrait
être déterminé que d'une manière possible et sans que la volonté
puisse y prendre part et du mouvement volontaire proprement dit
parce qu'il donne lieu à des impressions conscientes susceptibles
de laisser des traces dans la mémoire, nous parait donc un inter-
médiaire superflu. Les mouvements du foetus sont certainement
inconscients, mais les mouvements réflexes du nouveau-né donnent
déjà lieu à des images motrices qui seront l'origine des futurs
mouvements volontaires. (A suivre.)
1
RECUEIL DE FAITS.
UN CAS D'HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES
CHEZ UN PARALYTIQUE GÉNÉRAL;
Par le il Raoul LEROY,
Médecin adjoint de l'Asile des aliénés d'Eerew.
Si on élimine les troubles sensoriels d'origine alcoolique
que présentent souvent les paralytiques généraux, on peut
dire que les hallucinations propres à l'encéphalite intersti-
tielle difluse sont relativement assez rares. Falret, Millet,
Thomeuf, Fournier vont même jusqu'à en contester l'exis-
tence, mais la majorité des aliénistes les admettent soit en
les considérant comme rares (Lunier, Lasègue, Marcé, Bail-
layer, Dagonet, Westphall, Iiraffl-Gbing, Magnan) soit en les
regardant comme fréquentes (Michéa, Trélat. Morel, Brierre
de Boismont, Foville, A. Voisin, Girma, Luys, Christian et
Ritli, Claüs, Schiile, Obersteiner). Notre collègue el ami le
Dr Baruk, qui a examiné dans sa thèse les différentes opinions
des auteurs, arrive à cette conclusion que les hallucinations
chez les paralytiques généraux se présentent à peu près dans
le tiers des cas et que les sens les plus fréquemment affectés
sont ceux de la vue et de l'ouïe.
Les hallucinations psycho-motrices n'avaient guère été
observées avant '1894 que par M. le Dr Girma qui en rapporte
trois exemples dans sa thèse, en les notant simplement. C'est
à M. le Dr Sérieux que l'on doit le premier travail intéressant
sur ces faits', travail publié à l'occasion du cas d'une malade
paralytique générale qui présenta des hallucinations motrices
verbales, accompagnées de mouvements involontaires de
mastication ou de grincements des dents, et un délire des per-
sécutions entretenu par ces troubles psycho-sensoriels. L'au-
topsie montra, entre autres choses, des lésions de méningo-
1 Sérieux. Archives de Neurologie, mai 1891.
-470 0 RECUEIL DE FAITS.
encéphaliteloealisées au niveau du centre moteur du langage
et des centres masticateurs.
Nous avons eu l'occasion de suivre pendant deux ans, à
l'asile des aliénés d'Evreux, un paralytique général qui pré-
senta également des hallucinations psycho-motrices et dont
l'observation nous a paru intéressante.
Ce malade, dégénéré héréditaire, syphilitique, estatleintde
tabes en '1893, puis présente des symptômes de paralysie
générale en 1807. Sous l'influence d'excès alcooliques, il fait
un véritable délire hallucinatoire (hallucinations visuelles,
auditives, kinesthétiques), où les idées de grandeur les plus
absurdes se joignent aux conceptions les plus incohérentes.
Au bout de quelques mois ce délire cesse et est remplacé par
une période de rémission.
Pendant cette période de rémission, sans nouvel appoint
alcoolique, se manifeste un délire mélancolique avec idées de
persécution, délire accompagné denombreuses hallucinations
de l'ouïe et d'hallucinations psycho-motrices. Par intervalle,
ces troubles sensoriels devenant très actifs déterminent des
idées de suicide et de violentes impulsions. Cette complica-
tion délirante de la paralysie générale semble«due à l'héré-
dité du malade dont le père présenta également des idées
mélancoliques. « Ces troubles psychiques accessoires' ne sont
pas en relation avec telle ou telle des lésions anatomiques.
Celles-ci n'agissent qu'en produisant l'affaiblissement intellec-
tuel, grâce auquel peuvent, à leur tour et dans certaines cir-
constances, se manifester des états délirants. L'hérédité
psychopathique ne perd pas son influence et intervient plus
d'une fois dans la genèse d'un épisode délirant. L'alcool est
la pierre de touche de la résistance cérébrale ; il décèle les
prédispositions vésaniques latentes. Il en est de même de
l'encéphalite interstitielle : - à peine le cerveau est-il touché
par la lésion que les aptitudes délirantes dusujetse révèlent,
précédant ou masquant les signes d'affaiblissement intellec-
tuel : tels sont, par exemple, les accès mélancoliques qui se
montrent chez certains individus que leurs antécédents héré-
ditaires prédisposent à cette spécialisation vésanique. »
L'autopsie du malade révéla quelques faits intéressants au
sujet de la pathogénie de ses hallucinations psycho-motrices,
' .Magnan et Séiieux. La paralysie générale.
HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES. 471
qu'il attribuait à « du monde dans l'estomac ». Il mourut de
cancer de l'estomac et ses méninges présentaient des adhé-
rences au niveau de la troisième circonvolution frontale
gauche (siège du centre des images verbales).
Observation. - PCtl'alysie générale survenue chez un labélique. Dégé-
nérescence mentale héréditaire. Syphilis. Accès maniaque avec idées
incohérentes de grandeur et délire hallucinatoire très intense, sous
l'influence d'excès alcooliques. Rémission. Délire mélancolique avec
idées de persécution. Tentative de suicide. Hallucinations multiples,
auditives, visuelles, psycho-motrices. Mort par cancer primitif de
l'estomac et cancer secondaire du foie.
Autopsie : encéphalite chronique interstitielle avec adhérences mé-
ningées localisées à la partie antérieure de l'hémisphère gauche,
deuxième et troisième frontales, extrémité inférieure de la frontale
ascendante. Sclérose des bandelettes externes des cordons postérieurs
de la moelle.
Eugène X..., chauffeur mécanicien, est né en 1854. Son père est
mort de ramollissement cérébral à l'asile des aliénés d'Evreux où
il était entré pour démence sénile avec idées de grandeur et idées
de persécution; il avait des hallucinations de l'ouïe et croyait
qu'on allait le guillotiner. Sa mère, décédée encore jeune, avait
des crises convulsives de nature probablement hystérique. Une de
ses cousines germaines du côté paternel est internée à l'asile
d'Evreux depuis 1868 pour idiotie avec cécité. Le malade eut dix
frères et soeurs. La plupart moururent en bas Age, sauf un frère
paraissant jouir actuellement d'une santé satisfaisante et une soeur
mariée dont la fille est paralysée du côté gauche.
Eugène X... eut une enfance délicate, se développa tardivement
et présenta des convulsions à plusieurs reprises. Il contracta la
syphilis à l'âge de vingt ans en 1874 et fut soigné pendant huit
mois avec des préparations mercurielles et de l'iodure de potassium.
Marié l'année suivante, il eut deux enfants l'aîné mort-né et une
fille aujourd'hui mariée et bien portante.
Ce fut en 1893 que le malade se vit forcé d'interrompre son tra-
vail de mécanicien au chemin de fer à cause de crises gastriques
intenses, périodiques etde vomissements alimentaires puis muqueux.
Le médecin, en raison des habitudes éthyliques de son client,
pensa à une gastrite alcoolique et le mit au régime du lait. L'af-
fection était plus sérieuse. Les crises gastriques « si atroces, au
dire du malade, qu'il voulait s'ouvrir le ventre avec un couteau »,
durant trois à quatre jours et cessant tout à coup comme par
enchantement étaient le premier symptôme d'un tubes dorsalis.
Eugène X... éprouva au bout de quelques mois des douleurs ful-
gllmnles dans les jambes comparables au passage d'une étincelle
41 : 2 RECUEIL DE FAITS.
électrique, des douleurs en ceinture siégeant au niveau de la poitrine
et enserrant le thorax comme dans une cuirasse, des fourmille-
ments dans les membres inférieurs.
Sa famille inquiète le conduisit à la consultation de la Salpé-
trière où les Drs Souques et Dutil firent le diagnostic de tabes
dorsalis et lui ordonnèrent des pointes de feu sur la colonne ver-
tébrale, des pilules de nitrate d'argent à 1 centigramme et de l'io-
dure de potassium. Leur examen avait donné les résultats suivants :
(mai 1894).
Abolition du réflexe rotulien (signe de Westphal).
Impossibilité de se tenir debout les yeux fermés (signe de Rom-
berg).
Disparition du réflexe à la lumière et conservation du réflexe à
l'accommodation (signe d'Argyll Robertson).
Le D1' Trousseau des Quinze-Vingts, rédigea à la même époque
la consultation ci-jointe : « 11 n'y a au fond des yeux que de légers
staphylomes postérieurs. La pupille droite est dilatée. il y a une
parésie de la pupille et du muscle ciliaire. Pour le moment le
malade n'accuse aucune diplopie mais il voit double de temps en
temps, ce qui doit tenir à une parésie de la troisième paire droite. »
Eugène X... continue à suivre son traitement pendant l'année 189j
et peut, malgré son affection de la moelle, s'occuper comme chauf-
feur dans une usine. L'année 18% n'amène aucune diminution
dans les symptômes tabétiques. Par moments, les jambes du
malade fléchissent, le laissant tomber à terre dans la rue, dans sa
chambre, sans que rien ne puisse faire prévoir cette chute. Le sol
ne lui offre aucune résistance sous les pieds et lui donne la même
sensation que du sable. Eugène X... éprouve des engourdisse-
ments, des fourmillements dans les jambes et les pieds, voit des
mouches noires voltiger devant ses yeux et souffre fréquemment
de maux de tête comparables à des coups de marteau. -
C'est au commencement de 1897 que la femme est frappée du
changement survenu dans le caractère de son mari. Il se montre
tantôt sombre, agressif, taciturne, restant des journées entières
sans parler à personne, tantôt loquace, incohérent. L'intelligence
diminue, le malade raconte des faits contradictoires, oubliant ce
qu'on lui a dit la veille. Son langage est enfantin, niais et par
intervalle incompréhensible, certains mots ou certaines fins de
mots ne pouvant plus être prononcés distinctement.
De plus, le malade éprouve des besoins génésiques invraisem-
blables, et se met à boire d'une façon immodérée. En avril 1897,
ictus, la perte de connaissance dure environ cinq minutes.
Sous l'influence des excès alcooliques, Eugène X... devient subi-
tement délirant. Le 15 juin 1897, il se met complètement nu dans
sa chambre, se rhabille et va se promener dans la forêt voisine,
secouant les arbres, appelant les oiseaux et voyant courir dans les
HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES 478 c
herbes des milliers de couleuvres et de sangliers. Il part sur les
bords de la rivière et se met à pêcher sans ligne avec une simple
baguette. En revenant le soir à la maison, il embauche tout le
monde sur la route pour monter une usine colossale ; il est mil-
lionnaire, possède des châteaux, des usines dont les murailles sont
en or, se croit généralissime, prince, empereur, distribue libéra-
lement aux premiers venus titres, dignités et fortune fabuleuse ;
les wagons du chemin de fer lui appartiennent et lui apportent
des tonneaux d'or.
Quelques jours après ses extravagances, Eugène X... entre à
l'asile des aliénés d'Evreux avec le certificat suivant rédigé par
M. le Dr Colin, médecin du service des aliénés de- la maison cen-
trale de Gaillon : « Paralysie générale progressive, embarras de la
parole. idées de grandeur et de richesse, excitation généralisée^
dans ces derniers jours de maladie, a fait des excès 0 cénitaex-ét'
alcooliques. » î'-v
Au physique, c'est un homme petit, amaigri offrant de no)Q'
breux stigmates de dégénérescence : asymétrie faciale, malform a
tions dentaires, grandes oreilles détachées de la tête, mal ourlées,
voûte palatine rétrécie, asymétrique. Il est dans un état d'agitation
extraordinaire et se met, dès son arrivée. à mesurer le terrain de
l'asile pour l'acheter et y faire construire des usines gigantesques.
Isolé en cellule, le malade déchire ses habits, ses draps, casse les
carreaux, gâte sous lui et présente un délire hallucinatoire très
intense dont voici un aperçu sommaire :
X... aperçoit derrière le carreau de sa cellule le géant des îles,
c'est un de ses camarades qui lui dit être marié avec la reine Olga.
Dieu défait le carreau de la porte et entre dans la cellule, le malade
le prend par le pied, mais l'apparition monte an plafond et dispa-
rait. Une voix lui crie z passe ta paille sous la porte, je vais y
mettre le feu, tu prendras une corde jetée par-dessus le mur qui te
conduira jusqu'à Gaillon par la rivière de l'Iton, nous t'enlèverons
avec des ballons, nous mettrons le feu aux meules de paille sur
la route ».
Puis ce sont des wagons d'or qui entrent dans la pièce, traînés
par une locomotive sur laquelle il monte et qu'il conduit. Son père,
ses frères, sa mère, ses oncles, morts depuis longtemps, ressuscitent
et viennent se coucher à ses côtés. Il les voit, les palpe et assiste
à mille transformations fabuleuses. Ses parents se changent en
éléphants, en sangliers et ont tous des jambes de girafe. Son père
le regarde fumant sa pipe dans le ventre d'un cochon vivant, toute
la famille entre dans le ventre d'un éléphant couché sur le lit.
Sa femme et sa fille l'appellent par la fenêtre : « Viens à Paris,
disent-elles. Tu sais bien que tu as canalisé la Seine de Paris au
Havre, on va te brûler au four crématoire. Fais 400 fois le tour de
ta cellule et tu trouveras alors un trou pour sortir. Tu iras dans
474 RECUEIL .DE FAITS.
le ventre' d'une baleine où tu vivras 400.000 ans . et le malade fait
constamment le tour de sa cellule à grands pas. La baleine entre
dans la cellule escortée de ses parents, puis la scène change, il se
trouve au milieu de hautes montagnes taillées à pic.
D'autres jours, Eugène X... se promène sur la mer, visite les îles
inconnues, pêche des poissons fantastiques et marche sur du sable
parsemé de diamants. Ou bien à la tête de ses armées, il fait la
guerre à l'Allemagne, le canon tonne, la fusillade éclate, la multi-
tude innombrable des soldats l'acclame. Il arrive en Russie avec
ses généraux pour conclure un traité avec l'empereur Nicolas Il
qui le reçoit au milieu de sa cour et pousse la familiarité jusqu'à
lui donner une gifle. Il va ensuite à l'île du diable délivrer Dreyfus
attaché à un piquet, le gracie et a des relations intimes avec la
femme de ce dernier, relations qu'il décrit avec force détails.
Le malade vit constamment dans un monde imaginaire. Les
murs de sa cellule lui semblent des caveaux remplis de têtes
d'hommes ; il veut construire des maisons jusqu'aux nuages et
faire tourner la terre sur des galets. Des voix lui commandent
d'agrandir le soleil et d'y mettre un tube au centre. Dieu descend
du soleil avec une immense bande de toile blanche qu'il doit
vendre ; il se croit camelot, déchire ses draps, ses habits et les
vend à haute voix.
Le sommeil lui est impossible, il doit marcher toute la nuit la
tête couverte d'un drap, sinon les voix l'insultent : « fainéant.
fainéant, veux-tu te lever ». Le soleil lui dit : « fais 7 pas, crache
7 fois et tu guériras ta vérole ».
Cet état hallucinatoire avec agitation et gâtisme se calme assez
rapidement au bout de deux mois. Au commencement de sep-
tembre 1897, Eugène X... devient propre, recouvre le sommeil, ne
délire plus et n'accuse aucune hallucination de la vue et de l'ouïe.
Nous pouvons alors l'interroger et voici le résultat de notre
examen confirmant le diagnostic de paralysie générale :
Affaiblissement intellectuel avec perte de la mémoire, oublie
facilement ce qu'il a fait, répète imparfaitement un article de
journal qu'il vient de lire.
Achoppement syllabique très net.
Attention faible, idées mobiles et contradictoires.
Se rend compte du temps et du lieu et ne présente plus aucune
idée délirante de grandeur.
Légère inégalité pupillaire D > G, les pupilles ne se contractent
pas à la lumière, ni à l'accommodation.
Pas de ptosis, pas de diplopie, mouches volantes devant les
yeux.
Sifflements presque continuels dans l'oreille droite.
Léger tremLlement des lèvres et de la langue, tremblement plus
accentué des mains.
HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES. k 1 épi
Au point de vue des symptômes tabétiques nous notons :
Absence complète des réflexes du genou, du tendon d'Achille.
du coude et du poignet.
Impossibilité de se tenir debout les yeux fermés.
I roubles de la marche peu accentués, appréciables seulement
en faisant marcher le malade « au commandement » et en lui
ordonnant de descendre un escalier.
Fourmillement dans les deux derniers doigts des mains, surtout
dans le petit doigt de la main droite.
Sensibilité tactile retardée aux membres inférieurs ; sensibilité
thermique normale ; sensibilité à la douleur considérablement
diminuée; il existe même des plaques d'anesthésie à la plante des
pieds. Pas d'hémiparésie. Pas de troubles trophiques.
L'auscultation du coeur ne dénote aucun symptôme morbide,
sauf des bruits sourds et mal frappés. Les artères radiales sont
atliéromateuses ; les pulsations normales. En raison des antécé-
dents spécifiques du malade, on lui prescrit des frictions mercu-
rielles alternant avec de l'iodure de potassium.
Le mois d'octobre amène encore de l'amélioration et le malade,
entré dans une véritable période de rémission, va travailler aux
ateliers de serrurerie de l'asile où il s'occupe d'une manière satis-
faisante. Il accuse seulement de temps en temps des maux de tête
et quelques étourdissements avec engourdissements passagers du
bras droit.
Cet état de rémission se maintient pendant deux mois et
Eugène X... est rendu à sa famille le 29 novembre 18'.n, se portant
bien physiquement et ayant beaucoup engraissé. Il est calme, ne
délire pas, raconte en riant les hallucinations fantastiques des
jours d'agitation et conserve seulement comme troubles morbides
un certain affaiblissement intellectuel, quelques accrocs de la
parole, de l'inégalité pupillaire D > G et ses symptômes tabé-
tiques.
Dix jours après sa sortie, le malade est ramené à l'asile; l'amé-
lioration ne s'était maintenue que cinq à six jours et avait été in-
terrompue par un délire franchement mélancolique avec idées de
culpabilité et idées de persécution. Eugène X... nous revient
sombre, inquiet, tremblant, il est ruiné, perdu, déshonoré, il est'
un grand assassin et demande la mort ; des voix l'insultent, lui
reprochent ses crimes. Un tableau noir présent devant ses yeux
porte le nom du candidat pour lequel il doit voter aux élections
législatives et lui dicte sa conduite politique. L'agitation est extrême,
X... déchire ses draps, se roule à terre, frappe aux murs, entend
la voix de sa femme et des menaces terribles.
23 décembre 1897. L'excitation s'apaise et est remplacée par
un grand état de confusion mentale, le malade est inconscient,
obnubilé, demande où il se trouve et ne se rappelle pas sa dernière
476 RECUEIL DE FAITS.
crise d'agitation. Les idées de persécution sont aussi actives : on
veut l'empoisonner, on lui envoie du fluide sur la figure et des
mouches noires devant les yeux.
14 janvier 1898. Persistance des hallucinations de la vue et
de l'ouïe et des troubles de la sensibilité générale : des voix lui
disent que le déluge arrive, il entend le son des cloches, il voit des
curés qui dansent dans la cour et sur son lit. On lui envoie à la
figure des poignées de poudre blanche, on l'injurie.
L'aspect du malade est celui d'un enfant craintif, il se cache
sous les lits, sous l'escalier, sous les tables, craignant qu'on lui
fasse du mal. Ces troubles sensoriels déterminent parfois des accès
d'angoisse avec cris et agitation. X... manifeste alors des inten-
tions de suicide et demande du poison pour en finir avec la vie. Le
22 janvier son gardien le trouve à moitié asphyxié, étranglé par
sa cravate qu'il serre de toutes ses forces autour de son cou; on
doit le surveiller étroitement.
i février 1898. Nous constatons à la visite une violente crise
d'agitation, le malade s'est déshabillé complètement dans la cour
et lorsque nous lui en demandons la cause, il nous répond « qu'il
n'est pas libre de ses actions, qu'on le fait chanter, qu'on le fait
parler malgré lui et qu'il préférerait être guillotiné ». En poussant
plus loin l'examen, nous constatons la présence d'h(illuciii(ilio ? zs
psycho-motrices très nettes. Le malade se plaint d'avoir « du monde
dans l'estomac», ce monde lui parle, le pousse à dire ce qu'il dit
et l'a forcé ce matin à se mettre tout nu. Il est impossible de se
rendre compte si ces hallucinations psycho-motrices s'accom-
pagnent de mouvements de la langue, l'affaiblissement intellectuel
étant trop considérable.
Pendant les mois de février et mars 1898, nous observons à
maintes reprises la présence successive ou simultanée d'hal-
lucinations auditives communes (sonneries de cloches); d'hal-
lucinations auditives verbales (menaces entendues par l'oreille) ;
d'hallucinations motrices verbales(voix intérieures dans l'estomac).
Ces hallucinations psycho-motrices ont toujours un caractère
pénible en rapport avec le délire mélancolique du malade, délire
qu'elles contribuent à entretenir : on lui fait des reproches, on
l'accuse de crimes épouvantables et le malheureux répète « qu'est-
ce que j'ai fait, maie tuez-moi donc ». Eugène X... explique bien
que les personnes qui sont dans son estomac ne lui parlent pas à
l'oreille, mais qu'il les entend intérieurement, en dedans de lui-
même. On ne saurait, du reste, trouver chez un paralytique géné-
ral l'hallucination motrice verbale aussi bien décrite que chez le
délirant chronique qui a conservé toute sa lucidité d'esprit.
Nous ne saurions dire si ces hallucinations motrices se sont
reproduites pendant un temps prolongé car à partir du mois de
mai 1898 l'intelligence d'Eugène X... baisse considérablement. Il
HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES. z111 -1
est apathique, inconscient, indifférent à tout ce qui se passe autour
de lui, le gardien doit le mener à table et le faire coucher. Il a de
temps à autre des accès de violente agitation où les idées de per-
sécution deviennent très actives sous l'influence d'hallucinations de
l'ouïe plus intenses. Le malade entend dire qu'on va lui couper le
cou, le brûler, lui arracher les yeux. il prétend qu'on l'empoisonne,
que ses voisins l'iujurient et il se met à courir de toutes ses forces
au risque de tomber. Paifois même il se précipite subitement sur
un autre aliéné et essaie de le frapper.
En juillet 1898, l'affaiblissement intellectuel est de plus en plus
considérable, l'inconscience absolue. Les troubles physiques sont
les suivants : embarras de la parole très prononcé ; inégalité
pupillaire > G D; brouillards devant les yeux; sonneries dans
l'oreille droite ; vertiges fréquents, fourmillements dans les deux
mains, céphalée, gâtisme intermittent; symptômes tabétiques
stationnaires.
Vers la fin de l'année 1898, le malade, qui conserve les mêmes
idées de persécution avec hallucinations de l'ouïe, accuse des idées
hypochondriuqzees : sa gorge est obstruée, son estomac est bouché,
ses aliments ne passent pas. Il se cachectise, maigrit beaucoup et
sa peau prend une teinte terreuse. L'alimentation est cependant
bonne sans aucun trouble gastrique apparent, du reste X... a
toujours bien digéré et n'a jamais mangé gloutonnement comme
la plupart des paralytiques généraux.
L'épreuve de la glycosurie alimentaire est négative. Une injec-
tion de bleu de méthylène, faite d'après la méthode de MM. Achard
et Castaigne, indique une perméabilité rénale considérablement
diminuée.
L'année 1899 amène un état démentiel complet, le malade reste
toute la journée inerte, endormi, « assoupi comme une marmotte»
selon l'expression de son gardien, ne causant à personne, ne s'in-
téressant rien, son aspect est à peu près celui d'un mélancolique
en stupeur. Toutes les semaines environ, il présente des accès de
mélancolie avec violente agitation. Des voix l'accusent «de manger
l'aimant, d'assassiner les gens », on va le tuer, le faire rentrer en
terre, lui arracher les yeux, lui couper les jambes. Pendant ces
crises qui durent une ou deux heures, le malade est très agité et
violent, essayant même quelquefois de sauter à la gorge de ses
voisins et de les étrangler.
La déchéance physique suit la déchéance intellectuelle, l'amai-
grissement augmente, les jambes enflent et le malade s'alite en
juin 1899, pour des vomissements muqueux presque aqueux et une
diarrhée persistante. L'appétit est nul ; pas de douleurs stoma-
cales ; pas d'hématémèses ; la peau est absolument terreuse. La
palpitation du ventre indique un foie très volumineux, de surface
inégale, pas de tumeur épigastrique. Le 10 juillet, l'apparition d'une
478 RECUEIL DE FAITS.
phlegmatia alba dolens de la jambe droite, vient affirmer l'exis-
tence d'un cancer. La mort arrive le 2-1 juillet 1899.
Autopsie faite vingt-quatre heures après le décès. Crâne :
résistant, d épaisseur normale ; la dure-mère est dépolie, non con-
gestionnée, sans adhérences à la voûte cranienne.
hémisphère gauche, 625 grammes ; pas de suffusions sanguines.
Les méninges minces sur le lobe occipital, plus épaisses à la partie
antérieure présentent des opalescences le long des scissures. Elles
se décortiquent facilement sur la grande partie de l'hémisphère et
adhèrent seulement sur le lobe frontal. Les ulcérations caracté-
ristiques sont peu accentuées et se montrent sur la deuxième et
la troisième frontale ainsi que sur l'extrémité inférieure de la
frontale ascendante. Le ventricule latéral renlerme quelques granu-
lations épendymaires. Hémisphère droit, 631 grammes ; pas de
suffusions sanguines. Les méninges assez épaisses, présentent des
opalescences le long des scissures et se décortiquent facilement
sur toute la surface de l'hémisphère. Le ventricule latéral ren-
ferme quelques granulations épendymaires. A la coupe, le cerveau
est pâle et ne présente aucune lésion en foyer dans les hémisphères ;
pas d'ahérome artérielle appréciable.
Cervelet, 150 grammes; pâle, méninges minces non adhérentes;
pas de lésions en foyer. Protubérante, 17 grammes. Le qua-
trième ventricule offre de nombreuses granulations sur le toit et
sur le plancher. -Moelle. Dégénération grise des cordons posté-
rieurs au niveau des bandelettes externes. L'examen histologique
n'a pas été pratiqué.
Poumons normaux, emphysème des bords. CO ! 111', 258 gram-
mes ; petit, flasque, libres musculaires de coloration feuille morte ;
surcharge graisseuse du ventricule droit, les orifices sont normaux.
Aorte, légèrement dépolie, non dilatée ; artères coronaires
saines. Estomac : Tumeur cancéreuse volumineuse siégeant au
niveau de la petite courbure. Cette tumeur formée de masses gri-
sâtres, ulcérées, respecte les orifices. Foie énorme. 3.150 gram-
mes. La surface inégale montre de nombreuses saillies, les unes
arrondies, les autres déprimées et cupuliformes à leur centre. Ces
marrons cancéreux sont isolés et de dimensions variables, leur
délimitation est nette; trois d'entre eux situés dans le bord pos-
térieur du foie sont énormes, de la grosseur du poing et complè-
tement ramollis. A la coupe, ces nodosités sphéroïdales sont d'une
coloration blanc jaunâtre tranchant sur le fond rouge-brun du
parenchyme. Le tissu hépatique respecté est congestionné et
gras.
La capsule est adhérente et on constate des adhérences entre le
foie, l'estomac et les organes voisins. - Rate, 180 grammes,
normale. Rein droit, 118 grammes ; petit, congestionné, la
capsule épaisse s'enlève facilement, la surface de l'organe est rouge
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 419
et parsemée d'étoiles de Vereheyen. A la coupe, la substance
corticale est réduite d'épaisseur et a subi la dégénérescence grais-
seuse. - Rein gauche, 158 grammes, gros, bosselé, congestionné,
capsule épaisse; à la coupe, mêmes lésions de dégénérescence
graisseuse très accentuée.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE
L\'I11. Névrites hémiplégiques par intoxication oxy-carbonée.
Valeur de l'électro-diagnostic ; par P. LEREBOULLET et F. ALURD.
Les accidents nerveux qui surviennent à la suite de l'empoison-
nement par la vapeur de charbon sont nombreux et variés.
Ce qui vient compliquer la difficulté de leur diagnostic, c'est qu'à
côté des pai alysies névritiques, à côté des paralysies hémiplégiques
d'origine centrale, on peut encore en observer un autre groupe,
où l'hystérie joue le principal rôle. Dans cette intoxication comme
dans les autres (sulfure de carbone, plomb, mercure, etc.) l'hys-
térie peut venir, à la faveur de l'intoxication, provoquer divers
accidents d'allure souvent complexe, et dont la vraie nature peut
être difficile à reconnaître.
Or, dans ces cas où le diagnostic entre la névrite périphérique
d'origine toxique et la paralysie hystérique reste hésitant, l'examen
électrique peut trancher la difficulté.
C'est ainsi que dans l'intéressante observation rapportée par
MM. Lereboullet et Allard, relative,à un cas de névrite périphé-
rique à forme hémiplégique, il résulta de l'examen électrique que
l'hypothèse de monoplégie hystérique, cliniquement admise pour
le membre supérieur, devait être formellement rejetée, et qu'à ce
membre supérieur existait une névrite, à la fois motrice et sensi-
tive, frappant en même temps toutes les branches terminales du
plexus brachial. Au membre inférieur, la névrite était purement
motrice et localisée, comme l'examen clinique avait permis de le
constater, au nerf sciatique et particulièrement à la branche
poplitée externe.
L'examen électrique peut avoir aussi une valeur pronostique par
la constatation ou l'absence de la réaction de dégénérescence.
(Revue neurologique, juillet 1899.) E. Uux.
480 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
XLIX. Quatre observations de tremblement; par le professeur
BOINET.
Dans le premier cas, il s'agit d'un officier chez qui, après des
- attaques de choléra est survenue une atrophie du membre supé-
rieur droit en même temps que se manifeste un tremblement com-
parable à celui de la sclérose en plaques. 11 est difficile desavoir si
cette atrophie du membre supérieur est due à la présence d'une
plaque de sclérose sur la moelle ou à une névrite périphérique
d'origine infectieuse.
Dans les trois cas suivants, le tremblement est d'origine hyst'é-
rique ; à type de sclérose en plaques dans la deuxième observa-
tion, parkinsonnien dans les deux autres. (Revue neurologique,
juin 1899.) E. B.
L. A propos de la chorée variable de Brissaud. Trois observations
de chorée; par Couvelaihe et Croupon.
En 1890, M. Brissaud décrivait à côté de la chorée mineure et à
côté de la chorée chronique progressive héréditaire un type nou-
veau de chorée qu'il appelait du nom de chorée variable des dégé-
nérés. Ce nouveau type était caractérisé par la multiplicité, la
variété des mouvements dans l'espace, par les rémissions et la
variabilité dans le temps, enfin, par la présence des stigmates de
dégénérescence chez les sujets atteints. Les trois observations
publiées qui présentent toutes le même caractère de tendance à la
chronicité et de variabilité des mouvements, forment, par leur
groupement, trois degrés intermédiaires à la chorée de Sydenham
et à la chorée variable des dégénérés. En elfet, tandis que la pre-
mière semble entrer dans le groupe de la chorée variable de
Brissaud, tandis que la troisième est une forme de la chorée de
Sydenham, la seconde est une forme de transition, une chorée
chronique non progressive de Ziehen. (Revue neurologique,
Juin 1899.) Il E. B.
LI. Hypertrophie pseudo-acromégalique segmentaire de tout un
membre supérieur, avec troubles syringomyéliques ayant la
même topographie; par A. Chauffard et V. Griffon.
L'augmentation des dimensions du bras droit est totale, depuis
la racine jusqu'à l'extrémité. Alors que le poignet droit a 22 cent. 1/2
de circonférence, le gauche n'en a-que 17 1/4; le bras droit a
33 centimètres de circonférence et le bras gauche 28 1/2 seule-
ment. D'autre part, la force dynamométrique donne 32 du côté
gauche et 24 seulement pour la main droite.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. ' 481 l
L'hypertrophie du bras droit parait porter surtout sur le sys-
tème osseux ; la peau a conservé son aspect normal.
En même temps, tout le long du membre supérieur droit, dans
la région de l'épaule, dans la partie droite du cou et la joue
droite, la sensibilité au contact se trouve diminuée, la sensibilité
à la douleur, au froid et à la chaleur est abolie.
Cette observation est particulièrement intéressante : d'une part,
par la coïncidence topographique exacte des troubles syringomyé-
liques et de l'hypertrophie ; en second lieu par ce fait que chez ce
malade il n'y a pas eu seulement chiromégalie, mais bien hyper-
trophie segmentaire de tout le membre supérieur jusques et y
compris la clavicule et l'omoplate : c'est la première fois que cela
ait pu être constaté. (Revue neurologique, mai 1899.) , E. B.
LII. Des fractures spontanées pendant les accès épileptiques ;
par le D1' Cuauon.
Si les fractures spontanées sont peu fréquentes, elles ne sont
pas absolument rares chez les épileptiques et elles présentent
quelques particularités qui permettent le plus souvent, sinon d'af-
firmer le diagnostic, au moins de le rendre très probable.
L'auteur a pu observer, chez des épileptiques, cinq cas de frac-
tures spontanées dont trois pour le fémur et deux pour l'hu-
mérus. Ces cinq cas comportaient comme symptômes communs :
siège de la fracture un peu au-dessous du tiers supérieur, direction
de la fracture très oblique de haut en bas et de dehors en dedans,
oedème de la région avec ecchymose très étendue occupant, pour
la cuisse, toutes les régions postérieure et interne ; pour les bras,
les régions antérieure et interne.
Au point de vue du diagnostic clinique, lorsque, chez un épilep-
tique avéré ou individu présentant des signes d'un accès convulsif
récent, on se trouvera en présence d'une fracture du fémur ou de
l'humérus, on devra songer à la possibilité d'une fracture sponta-
née ; lorsqu'on constatera que le siège de cette fracture est aux
environs de la partie médiane de l'os, que sa direction est oblique
de haut en bas et de dehors, en dedans, que la cuisse ou l'avant-
bras présente un oedème et une ecchymose considérables suivant
particulièrement la direction des grands muscles fléchisseurs et
adducteurs, qu'il n'existe aucune plaie ni contusion, indices d'un
choc ou d'une chute pouvant produire une fracture directe ou indi-
recte, on pourra déclarer la fracture très probablement spontanée;
si les commémoratifs ou l'examen personnel permettent de con-
sidérer comme certain que, au moment de l'accident, il existait
une immobilisation des extrémités supérieures des leviers osseux
(bassin ou épaule) et que les parties inférieures desdits leviers
(jambe, avant-bras) se trouvaient entravées dans leurs mouve-
AncmvES, 2° série, t. VIII. 31
482 '2 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
ments de flexion et d'adduction, on pourra affirmer la spontanéité
de la fracture.
Le diagnostic des fractures spontanées présente une grande
importance au point de vue de la médecine légale. (Annules
médico-psychologiques, août 1899.) E. B.
LUI. Théorie cérébrale de la respiration de Cheyne-Stockes;
par M. H \¡¡. (Presse médicale, 13 mai 1899.) -
A l'hypothèse, d'après laquelle la respiration de Cheyne-Stockes
serait due à un trouble de l'activité fonctionnelle du bulbe, siège
des centres moteurs de la respiration, tend à se substituer aujour-
d'hui une théorie qui attribue à ce phénomène une origine céré-
brale. D'après celte théorie, qu'admettent de nombreux auteurs,
en particulier M. le professeur Hichet et son élève Pachon, la fré-
quence et le rythme de la respiration ne dépendent pas exclusive-
ment de l'activité des centres bulbaires ; le cerveau exerce à l'état
normal une influence régulatrice sur ces centres et la diminution
ou la suppression de cette influence se manifeste par une respira-
tion irrégulière, intermittente, par le rythme Cheyne-Stockes. Il
est établi que, si ce mode respiratoire peut se produire au cours
des affections les plus diverses, lésions méningo-encéphaliques
(tumeurs, hémorrhagies, paralysie générale, méningites aiguës),
grandes infections (fièvre typhoïde, variole, pneumouie), intoxica-
tion, soit endogènes (urémies), soit exogènes (chloral, morphine,
oxyde de carbone); son apparition est toujours précédée, ou au
moins accompagnée par les symptômes d'une inhibition cérébrale
profonde, par les signes nettement accusés de la perte de l'influx
nerveux encéphalique.
La théorie cérébrale de la respiration de Cheyne-Stockes se
concilie fort bien avec l'hypothèse émise par MM. Stern et Pic, qui
fait de ce phénomène l'un des éléments d'un syndrome pério-
dique, caractérisé par l'évolution parallèle de ce mode respiratoire,
et d'un ensemble de symptômes qui relèvent de diverses sphères
de l'activité nerveuse (psychisme, motricité, sensibilité, vaso-
motricité) ; ces divers systèmes subissent de véritables éclipses
rythmiques de leur excitabilité, et, presque toujours, les périodes
d'excitabilité et de repos se succèdent, exactement synchrones aux
stades de polypnée et de pause respiratoire. A. Fenayuou.
LIV. Les plis cutanés formés par les adducteurs de la cuisse dans
la paralysie infantile, par J.-K.-A. WEl\TI ! 1M Salomonson. (Neuro-
log. Centrcclblatt, XVIII, 1899.)
Chez les jeunes enfants bien nourris, on trouve toujours à la face
interne de la cuisse, à trois ou quatre centimètres au-dessous du
périnée, un pli de la peau : c'est le pli des adducteurs. Chez les
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 483
enfants plus âgés et même chez l'adulte il devient une dépression'
légère à qui regardé les contours de la cuisse par devant. Cette
fossette correspond anatomiquement à l'endroit où les adducteurs
passent sous le couturier et le triceps crural, elle est en rapport
avec le lieu d'entrecroisement du bord supérieur du couturier et
des adducteurs. Nette chez les hommes musclés, elle l'est moins
chez les femmes grasses. Elle est située chez l'adulte aux deux tiers
ou aux trois quarts de la hauteur de la cuisse, à peine au milieu
chez les nourrissons. La fossette de l'adulte provient bien du pli
cutané des nourrissons car l'étude des enfants aux différents
âges montre qu'il est d'autant plus bas qu'ils sont plus âgés. Si
l'on constate des différences de hauteurs notables de ce pli chez les
nourrissons et les enfants.qui marchent, ces différences diminuent
progressivement chez les enfants plus âgés. L'abaissement du pli
cutané des adducteurs tient et à la modification de fonction des
extenseurs et au développement de la cuisse.
- Chez les enfants qui ne marchent point, les adducteurs et le
psoas iliaque l'emportent physiologiquement sur le triceps crural,
car ils reposent les genoux relevés. Le décubitus, les jambes
allongées, ne se voit que longtemps après qu'ils ont commencé à
marcher. L'extension suivant l'articulation des genoux est moins
puissante chez les nourrissons que la flexion suivant l'articulation
coxo-fémorale. A l'âge de quatre ans, et bien souvent avant, le
triceps crural l'emporte sur les autres muscles. Les adducteurs des
jeunes enfants sont plus actifs que ceux de l'enfant plus âgé, com-
parativement aux extenseurs de la jambe. Le développement de
la cuisse donne plus tard aux adducteurs un point d'application
moins favorable.
La paralysie infantile spinale, ou cérébrale, en portant atteinte
aux adducteurs et aux extenseurs de la jambe, modifie la forme et
la situation du pli cutané des adducteurs. Leur paralysie, dans la
poliomyélite, se traduit par un pli cutané plus superficiel et plus
bas que du côté sain ; il y a une différence de hauteur de un à
trois centimètres. Dans la paralysie d'origine cérébrale, il s'abaisse
de cinq à dix millimètres, et, parfois au-dessous, se forme un second
pli moins creux, ce dernier surtout chez les enfants bien nourris.
En tout cas, il existe un spasme considérable des adducteurs. Le
second pli doit tenir à la place où le bord inférieur du couturier,
en état de spasme, contourne le vaste interne, au mveau de la face
interne de la cuisse. P. 11ERAYAL.
LV. Contribution à l'étiologie des névroses fonctionnelles (hyslé-
rie et neurasthénie) ; par E. Biernacki. .M., par H. Vigouroux.
(Ncu1"olog. Cenlralbl., XVII, 1898.)
Dans la neurasthénie grave on constate parfois que le sang,
484 F REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
quoique chimiquement et physiologiquement normal, met autant
de temps que le sang défibriné à déposer et forme alors un plus
gros dépôt que normalement. Il semble y avoir oligoplasmie par
pauvreté de substances fibrinogènes. En réalité, le sang récem-
ment tiré de la veine est très dillicile il défibriner et on en extrait
macroscopiquement très peu de fibrine ; la quantité, au lieu de
2 p. 1000, n'atteint que 1,7 p. 1000 (4- observations). Inversement
chez une hystérique atteinte de mutisme et robuste, le sang con-
tenait deux fois plusde fibrine qu'à l'état normal ; il en était de
même chez un homme hystérique.
C'est pourquoi M. Biernacki a étudié méthodiquement la rapidité
avec laquelle le sang dépose spontanément en deux couches : celle
du plasma et celle du sédiment rouge (du sang non coagulé), dans
le sang défibriné. Il en expose les allures normales et montre
que dans cinquante cas d'hystérie et de neurasthénie, la teneur en
substances fibrinogènes, leur t) ans-formation cl leur régénération dans
le sang mort sont, comme le rapport de la quantité de fibrine à la
quantité de substances fibrinogènes, constamment anormaux.
Or que sont les substances fibrinogènes ? Ce sont des corps qui
donnent au sang les propriétés du tissu vivant, régularisent sa
capacité et son quantum d'oxygène ; la formation de la fibrine
marche de pair avec la fixation de l'oxygène libre. On doit les
tenir pour des matières albuminoïdes en voie d'oxydation. Si donc
le dépôt spontané du sang indique des anomalies dans le quan-
tum des substances fibrinogènes, c'est qu'il y a une anomalie dans
l'évolution des phénomènes qui se rattachent à la régulation et au
taux de l'oxygène, en un mot des phénomènes d'oxydation.
Chez certains neurasthéniques la coloration vive du sang vei-
neux, rapprochée du nombre normal des hématies, de la teneur
normale en eau et en hémoglobine et de la couleur du sang
non coagulé presque semblable à celle du sang artériel défibriné,
indique qu'il y a excès d'oxyhémoglobine. Puis, ce sont des ano-
malies de toute nature quant à l'oxygène libre dans le sang,
quant à l'hypercoagulabilité du sang, quant à la rapidité ou à la
lenteur de la sédimentation de ce liquide, rappelant des troubles
semblables dans les maladies fébriles, les affections des reins, les
maladies du coeur, ou autres affections organiques, mais en dif-
férant par ce fait qu'il n'y a pas généralement hydrémie dans les
névroses fonctionnelles qui nous occupent.
Rapprochant et différenciant ces signes des troubles d'oxydation
constatés dans l'hystérie et la neurasthénie, de ceux, du même
genre ou d'une nuance différente, de la chlorose, de la maladie de
Basedow, de l'arthritisme, de l'uricémie, des néphrites; l'auteur
en conclut que l'hystérie et la neurasthénie sont des complexus
symptomatiques, secondaires, consécutifs à l'action des produits
d'un trouble d'oxydation primitif sur le système nerveux. Elles
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 4b5
tiennent, comme le diabète sucré, la goutte, l'adiposité patholo-
gique, à des' processus d'oxydation anormaux de l'organisme. il
y a un trouble d'oxydation spécifique de l'uricémie, du diabète,
etc., il existe un trouble d'oxydation spécifique de l'hystérie. L'hys-
térie qui se produit dans la chlorose et la goutte existe parce
qu'il se produit simultanément un trouble d'oxydation hystéro-
gène ; l'hydrémie de la diathèse urique ne suffisant point.
Malheureusement on ne peut discuter ni les rapports opposés,
de l'hystérie et de la neurasthénie, ni le point de départ de ces
troubles d'oxydation névropathiques. Il doit y avoir vice congé-
nital (comme le dit Charcot) de l'appareil d'oxydation, qui reste
en équilibre dans les conditions habituelles, mais qui se déséqui-
libre très facilement, contrairement à ce qui- se passe chez un
individu normal. Les émotions morales précipitent alors les acci-
dents de la même manière qu'elles engendrent un accès de goutte,
qu'elles aggravent le diabète sucré. L'auto-suggestion vient de ca
que les produits de l'oxydation anormale hystéroneurasthénique |
modifient la suggestibihté.
Il ne faut pas, au surplus, oublier les grands symptômes maté-
riels des névroses fonctionnelles ; tels : l'hyperacidité, et l'ana-
cidité du suc gastrique, la prostatorrhée, les sueurs et la fièvre.
Tout cela devient facilement intelligible par l'action de toxines
produites par une oxydation anormale, qui, en même temps qu'elles
agissent sur le système nerveux central, exercent une influence locale.
L'évolution ressemble à celle de la goutte ; la guérison, souvent
même l'autoguérison, s'opère par équilibre temporaire des trou-
bles spéciaux d'oxydation.
R. Vigouroux rappelle, à cette occasion, ce qu'il a dit : 1° Dans
le traité élémentaire de Manqua (Paris, 3° édition, 1898), au
chapitre d'Electrothérapie écrit par lui au milieu de 1897 (t. II,
p. 914, 915, 916); 2° dans la neurasthénie de Levillain (appendice
thérapeutique, Paris, 1891) ; 3° dans neurasthénie et arthritisme
(Vigouroux. Paris, 1893, p. 2, 23, 39, 100, 109, fil).
P. 11CR : 1V1L.
LVI. De la paralysie phosphorée; par S.-E. HExscuEa. (Neurolog.
Cet'ft ? XVII, 1898.)
Observation purement clinique. Homme de soixante-dix ans
ayant été l'objet de plusieurs tentatives d'empoisonnement de la
part d'une servante. Vomissements de sang, affaiblissement néces-
sitant l'alitement pendant des mois. Dans l'espace d'un mois il a
éprouvé des douleurs podaliques qui ont été suivies de faiblesse et
d'une grande difficulté à marcher, mais les jambes, au lit, conser-
vaient leur mobilité. Puis est apparue de la paralysie des doigts.
Le patient ne put se lever que neuf mois plus Lard. Un an après
486 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
on trouvait encore de la faiblesse des mains et des pieds avec
diminution de la sensibilité tactile. Il y avait sensibilité à la douleur
des extrémités jusqu'au-dessus du genou et du coude, et sensibilité
musculaire. Les mains étaient bouffies, tandis que leurs muscles
étaient un peu atrophiés. Persistance des réflexes des muscles des
bras, mais disparition des réflexes patellaires. Kien du côté de la
~ vessie et du rectum. Difficulté de marcher : ataxie prononcée.
Aucun trouble psychique. L'auteur conclut : Il y a soit névrite,
soit altération de la moelle, rien de cérébral. Ce fait offre une
grande ressemblance avec l'intoxication arsénicale (douleur et
ataxie). En faveur d'une névrite phosphorée, nous trouvons :
grande sensibilité à la douleur, par compression des mnscles;
absence de réflexes patellaires ; atteinte des nerfs sensitifs et
moteurs; localisation des accidents surtout aux parties extrêmes
des membres. En faveur d'une myélite, l'ataxie, inexplicable par
l'anesthésie seule ; il est probable que de môme que dans les
lésions de l'intoxication arsenicale (Henschen, Elitzky et Rybalkin)
il faut craindre une atrophie des grandes cellules motrices, un
kyste hémorragique, la dégénérescence des faisceaux de Goll.
P. IERA ? 1L.
LVII. Observation de névrite optique avec cécité bilatérale, de
quatre semaines, terminée par la complète guérison ; par
H. Higier. ( ! ye1ll'olog. Centralbl., XVII, 1898.)
En sous-titre : Contribution à la clinique des névrites optiques
pures et concomitantes.
La plus fréquente des névrites optiques communes est la névrite
optique rétrobulbaire. Mais la névrite aiguë rétrobulbaire est pro-
portionnellement rare; et surtout la névrite aiguë bilatérale. En
voici une observation caractérisée par la perte foudroyante de la
vue, par l'apparition d'une papilUte dès le premier jour, par le
succès éclatant des injections sous-cutanées de pilocarpine, par le
retour complet de l'acuité visuelle malgré la persistance, durant
quatre semaines, d'une cécité bilatérale. Malade suivi pendant
nn an.
Il s'agit d'un homme de trente-huit ans, qui, à la suite d'une
émotion morale extrême (son fils est condamné à la déportation)
éprouve, le 5 juin 189G, de la céphalalgie et du scintillement devant
l'oeil droit. La douleur s'aggrave et des nuages obscurcissent les
deux yeux. Trois jours plus tard il est presque totalement aveugle.
Aucun trouble mental. Paresthésies diffuses dans l'occiput et la
tempe droite. Le mouvement des globes oculaires produit une
douleur intense notamment dans la partie médiane de la paroi
orbitaire ; ils sont sensibles à la pression. Ni exophthalmie, ni stra-
bisme. Paupières, conjonctives, cornées, et iris normaux. Milieux
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 487
de l'oeil transparents. Pupilles égales, mais fortement dilatées, ne
réagissant pas à la lumière, réagissant assez bien à la convergence.
Sens lumineux et acuité visuelle tout à fait éteints à l'oeil droit,
faibles à l'oeil gauche. Vision périphérique encore conservée en
haut et en dedans. Pas trace du sens des couleurs. Névrite optique
bilatérale, égale des deux côtés, rappelant la papille étranglée des
tumeurs cérébrales. Asymétrie faciale ; déviation de la luette à
gauche; plaques d'analgésie disséminées; exagération des réflexes
patellaires. Pas d'accidents cérébraux généraux. Ilien aux organes
internes. Apyrexie. Rien au pouls. Rate saine. Urines normales.
Appétit et sommeil bons. Aucune intoxication chronique; ni
syphilis, ni tuberculose. Aucun traumatisme. Famille névropa-
lhique ; les deux soeurs sont hystériques. Hepos dans une chambre
noire avec compresses chaudes sur les yeux fermés ; quelques
purgatifs, alimentation liquide, salicylate de soude et 1\1. Les phé-
nomènes s'aggravent. On essaie des frictions mercurielles qui
presque immédiatement déterminent de la stomatite. C'est alors
qu'on a recours à l'injection hypodermique d'une seringue par
jour, d'une solution de pilocarpine 0,20 pour 10. Après la sixième
injection, le vingt-quatrième jour de la maladie, le malade voit la
bougie qui brûle sur la table et distingue ; les pupilles réagissent
lentement mais nettement. A la suite de la quinzième et dernière
injection, il peut se promener seul dans la chambre, reconnait très
franchement les mouvements de la main de loin, déchiffre quel-
ques grosses lettres, compte les doigts à 50 centimètres de dis-
tance, distingue le blanc des couleurs vives ; la tuméfaction du
centre de la papille et de ses limites a complètement disparu.
Sept semaines après le début de l'affection, la vision périphérique
pour le blanc et les couleurs est seule tout à fait normale, mais il
n'y a guère que le rouge que l'oeil gauche perçoive bien distincte-
ment. Six mois après le commencement de la maladie, hyper-
métropie des deux yeux (1/2 D), acuité normale à gauche,
acuité d'un tiers à droite, réaction des pupilles à la lumière et à
l'accommodation, champ visuel tout à fait normal ; mais achro-
matopsie ; fond des deux yeux normal mais quelques éblouisse-
ments. On prescrit des pilules de strychnine et, en juin 4S9 î, acuité
normale et parfaite des deux yeux; plus du tout d'achromatopsie.
champ visuel complot, rien à la macula, papilles un peu pâles
dans leurs moitiés temporales, au pourtour légèrement pigmen-
tées ; le port de lunettes de conserve foncées supprime les éblouis-
sements.
Après examen des éléments du diagnostic relatifs à l'hystérie
aux embolies, thromboses, hémorragies, à l'urémie, aux
lésions centrales du cerveau (ou polioencéphalite) l'auteur conclut
à l'existence d'une névrite rétrobulbaire, ou plutôt intra-oculaire
(papillite aiguë), d'origine, vasomotrice par émotion morale intense.
488 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
Suit, à titre de comparaison, la nomenclature et le résumé
séméiologique des névrites optiques aiguës, à amaurose rapide : z
1° La névrite optique rétrobulbaire périphérique; 2° La névrite
optique à récidives ; 3° La névrite optique héréditaire et fami-
liale ; 4° La névrite optique au cours de la polynévrite ; 50 La
névrite optique dans le tabes dorsal; 60 La névrite optique de
l'encéphatite aiguë ; î° La névrite optique dans la myélite
aiguë ou subaiguë ; 8° La névrite optique dans la sclérose en
plaques ; 9° La névrite optique dans la maladie de Guerher
(vertige paralysant) et le koubisaguira japonais. P. KËRAVAL.
LVHL Des contractions de l'estomac, de l'intestin et de la vessie
pendant l'attaque d'épilepsie ; par W. Ossipow. (Nell1'olog. Cen-
tralbl., XVII, 1898.)
Expériences sur des chiens. Excitation au moyen du courant
induit de la zone motrice de l'écorce, ou bien injections hypoder-
miques d'essence d'absinthe cultivée. Enregistrement des phéno-
mènes : 1° Pendant l'attaque, il se produit des contractions sto-
macales, intestinales et vésicales qui, d'ordinaire, persistent pen-
dant un long espace de temps après. 2° Celles de l'estomac se
montrent dans environ 50 p. 100 des attaques ; elles se limitent
principalement au cardia et au pylore. 3u Les contractions de
l'intestin grêle, du gros intestin et de la vessie sont un accident
constant de l'attaque d'épilepsie : a) celles du jéjunum commencent
à la période clonique de l'attaque, un peu après la cessation des
convulsions des muscles striés; 1» celles de l'intestin grêle débu-
tent à peu près au milieu de la période clonique ; c) celles du gros
intestin apparaissent soit pendant la période tonique,'soit pendant
la période clonique ; elles se montrent assez souvent au début de
la période clonique ; d) celles de la vessie paraissent d'ordinaire
au début de la période tonique. 4u Les contractions intestinales
et vésicales sont très fortes ; elles ont le caractère d'une longue
contraction spasmodique, surtout en ce qui concerne le pros intes-
tin et la vessie. - 5° Entre deux fortes contractions et aussi après
la cessation de toutes les contractions produites par l'attaque d'é-
pilepsie, a lieu, dans la majorité des cas, une paralysie plus ou
moins longue (faible) des intestins et de la vessie.
Les conclusions suivantes se rattachent à des expériences con-
sécutives à l'ablation de la zone motrice de l'écorce pendant
l'attaque d'épilepsie; à la section transverse du tronc du cerveau à
diverses hauteurs de cette souche, et des nerfs périphériques
(nerf vague, grand splanchnique, phrénique) avec ou sans l'inter-
vention du curai e.
6° Les phénomènes relatifs à l'estomac, aux intestins, à la vessie,
observés dans le cours de l'attaque produite par l'influence du
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. * 489
courant faradique; dépendent non de l'excitation locale du centre
cortical de l'estomac, de l'intestin, de la vessie, mais de l'attaque
elle-même qui apparaît comme résultant d'une excitation d'en-
semble de la zone motrice de l'écorce cérébrale et des centres qui
y sont placés ; 7° L'asphyxie, qui se montre continuellement pen-
dant l'attaque d'épilepsie, est une cause adjuvante des contrac-
tions stomacales, intestinales, vésicales ; 8° L'estomac, comprimé
par le diaphragme et l'abdomen, de même que l'intestin et la
vessie se contracte pendant l'attaque d'épilepsie : 9° L'émission de
l'nrine et des matières fécales, si fréquente pendant l'attaque,
résulte a la fois de ces contractions et de la pression exercée sur
l'intestin et la vessie par la compression abdominale ; 100 II y a
analogie entre les convulsions épileptiques des muscles striés et
les contractions stomacales, intestinales et vésicales dé l'attaque ;
les unes et les autres dépendent de la zone motrice de l'écorce du
cerveau. - P. KERAvAL.
L11. Hystérie chez un chat et chez un serin; par IL IIigier.
(Ne1l1'otog. Ceîtti-albl., XVII, 1898.)
Petit chat de neuf mois bien portant, gai, aimable avec les
enfants, très intelligent. Un beau jour il est assailli par le chien du
concierge qui le mord profondément dans le dos. Il reste à terre
comme paralysé et pousse pendant quelques minutes des miaule-
ments plaintifs. Cinq à six semaines après on le voit paralysé du
train de derrière; paraplégie avec anesthésie totale des pattes'
postérieures et du tiers postérieur du tronc, sur toutes leurs faces :
analgésie presque absolue, insensibilité thermique. La moitié anté-
rieure du corps réagit bien. La queue est elle-même paralysée.
Pas de troubles de la nutrition, pas d'incontinence vésicale ou
rectale. On dirait d'une myélite transverse sauf les troubles recto-
vésicaux. Un beau matin la servante, pour se rendre compte de ce
qui allait advenir, jette la petite bête du rez-de-chaussée dans la
rue; comme tous les chats, elle se redresse sur les pattes et se met
à marcher, elle est instantanément guérie. Ce n'était qu'une
névrose traumatique. Les commémoratifs révèlent que sa mère
pendant qu'elle était pleine de lui, avait eu une sorte de chorée
(chorea gravidorum ? ).
C'est encore une émotion qui a agi sur l'oiseau. Un chat qui
s'était introduit dans la pièce jette bas la cage. On arrive attiré
par le bruit et l'on trouve, avant même que le chat ait pu agir,
l'oiseau étendu sur le plancher raide, immobile, comme mort.
Quelques gouttes d'eau froide le rappellent à la vie. Il récupère son
activité mais a perdu son talent de chanteur émérite : le voilà
aphone pendant six semaines et demie ; à cette époque il recouvre
ses capacités. Diagnostic : uévrose hystérique par terreur : perte de
490 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
connaissance, contracture tonique généralisée, mutisme par para-
lysie des adducteurs des cordes vocales. P. Keraval.
LX. Paralysie radiale consécutive à des attaques d'épilepsie ;
par Adlku. (Neu2'°loy. Centralbl., XVII., 189S.)
Chez deux épileptiques, paralysies post-paroxystiques, paraly-
sies totales du radial droit d'origine périphérique. On pouvait pen-
ser à une paralysie traumatique pendant un accès ou par com-
pression pendant le sommeil. Mais Gowers a signalé les paralysies
par contraction vive du triceps, pendant une extension soudaine et
violente du bras, ayant détermine une lésion du radial (Oppen-
heim). Gerulanus indique bien (Deutsche Zeitschrift f. Chirurgie,
XL VII, cah. 1) que le radial, dans son tiers moyen, est appliqué
sur le périoste dans une gouttière du tissu conjonctif, qui lui per-
met de se déplacer latéralement de plus de un centimètre; il y est
recouvert par le ventre musculaire du vaste externe du triceps. A
chaque contraction de ce muscle, le radial est donc comprimé sur
l'angle posléro-externe de l'os, mais il se déplace vers l'origine
tendineuse du muscle qui, en se tendant, le protège. Mais, que le nerf
soit l1é par les muscles de l'avant-bras et que brusquement le tri-
ceps se contracte, le radial peut être comprimé entre l'os et ce
muscle. Et bien, les contractions violentes et soudaines des mus-
cles pendant une attaque convulsive paraissent aptes à déterminer
la compression du nerf entre le muscle et l'os et à contusionner
le nerf.
Pourquoi donc la paralysie du radial est-elle néanmoins rare à
la suite des attaques d'épilepsie ? C'est que, probablement, pour
qu'elle ait lieu, il faut que le système nerveux ait perdu sa résis-
tance, comme chez le buveur, et que les convulsions musculaires
se succèdent dans le bras. Il faut, par exemple, que soudain se
produise une contraction du triceps pendant que les muscles de
l'avant-bras sont encore contractés et que le radial est fixé.
P. KERAYAL.
LXI. Un cas de monoplégie spinale de la jambe droite; par .1. Weil.
(Neurol. Ccnll'albl., XVII, 1898.)
La soudaine apparition d'une paralysie flasque de la jambe
droite, succédant à des douleurs instantanément disparues, l'ab-
sence de troubles de la sensibilité, sauf au courant faradique qui
n'est plus perçu, l'absence de troubles vésicaux, rectaux, sexuels ;
enfin la continuité de cet état, depuis dix-huit mois. tel est le ré-
sumé du complexus symptomatique. Il y faut ajouter une atrophie
progressive de tous les muscles insensibles au courant faradique;
c'est pourquoi l'auteur la rattache, de même que l'insensibilité
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 491
farado-cutanée et farado-musculaire, à la paralysie; pas de con-
traction sous l'action du courant, pas de douleurs non plus aux
forts courants faradiques. La paralysie comprend les muscles in-
nervés par les plexus lombaires et sacrés à partir de la troisième
racine lombaire jusqu'à la troisième racine sacrée ; il y a réaction
dégénérative. Enfin on constate une arthropathie du genou droit
par excitation mécanique en rapport avec le lancement de la jambe
droite.
Diagnostic. L'absence de fièvre exclut la poliomyélite anté-
rieure aiguë des adultes. L'examen de la région anale, et de la
colonne vertébrale élimine l'idée d'une tumeur. Une névrite ne
saurait se comprendre à raison de l'atteinte de deux plexus; de
plus, l'évolution ne la confirme point; intégrité de la sensibilité,
absence de paresthésies et de troubles trophiques correspondants.
Il ne reste plus qu'à croire à une apoplexie spinale; il doit y avoir
eu (le malade est artério-scléreux) une hémorragie des cornes anté-
rieures qui a fusé dans toute la région comprise entre la troisième
lombaire et la troisième sacrée. Cet accident, rare, expliquerait le
début subit, l'atrophie et la réaction dégénérative. Il s'agit, en
somme, d'un alcoolique qui s'est trouvé brusquement paralysé
pendant que, pesamment chargé, il montait un escalier. ' 1
P. KERAVAL.
LXII. De l'encéphalite hémorragique; par DEITERs.
(Neurolog. Cenl1'aZbl" XVII, 1898.)
Après un examen assez net de l'encéphalite aiguë non suppurée,
indépendante des foyers de ramollissement par oblitérations vas-
culaiies (\\'eruicke, 1881; Friedmann, 1889 ; Struempell, 1891),
l'auteur détaille une observation d'encéphalite hémorragique consé-
cutive à une thrombose préalable des veines, sans lièvre. Du moins,
est-ce son avis.
Il s'agit d'une femme de cinquante-deux ans, atteinte depuis
plusieurs années de folie systématisée, originaire de la méno-
pause, provoquée et entretenue par des hallucinations vives;
extrêmement excitée, fort défiante, elle se croit empoisonnée,
mange difficilement, tandis qu'à d'autres moments elle est tout
à fait sociable. A la fin juin elle est plus excitable que jamais et en
même temps apathique, muette, immobile. se nourrit extrême-
ment mal et s'amaigrit. Le 6 juillet elle se met au lit, devient tout
à fait inaccessible et renfermée; ratatinée sur elle-même, les extré-
mités froides, la tête un peu rouge, maussade, elle ne se laisse
point examiner. Elle s'engourdit peu à peu, le soir à 6 heures et
demie elle est prise de convulsions de la moitié gauche du corps
comprenant le bras, la jambe, la face; la tête est tournée à gauche
ainsi que les globes oculaires. Myosis punctiforme de la pupille
492
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
gauche; mydriase au maximum de la pupille droite; conservation
cependant de la réaction à la lumière. A 8 heures convulsions
dans le bras et la face du côté droit, coeur extrêmement accéléré,
pouls tendu, pas d'hyperthermie. Toute la nuit, sauf intervalles,
la malade est agitée de convulsions ; elle ne reprend pas connais-
sance. Le lendemain matin, elle est moribonde, le pouls, incomp-
table, est filiforme, la respiration, ronflante, prend le type Cheyne-
Stokes. Mort vers dix heures.
L'autopsie révèle les altérations dont il a été question plus haut
et une néphrite interstitielle. De nombreuses hémorrhagies céré-
brales, capillaires, comme celles que Friedmann a produites dans
ses expériences, ont provoqué une inflammation aseptique, méca-
nique du tissu nerveux, çà et lux côté de ces altérations et de
thromboses récentes de ces petits vaisseaux, on constate des throm-
boses veineuses de la pie-mère, anciennes. Il est à penser que
celles-ci ont en pour origine l'affection rénale commençante qui, se
greffant sur un mauvais état général, a altéré le sang, en a aug-
menté la coagulabilité. et provoqué la dégénérescence graisseuse
des cellules endothéliales des veines. De là les thromboses, les foyers
consécutifs, les phénomènes d'excitation, et la mort rapide pro-
duite par les oblitérations de plus en plus complètes.
\ P. IiEaavaL.
LXIII. Observation de surdité verbale après fracture de la base ;
parM. l3r.ocn et 11. L3«tscnowshr. (Ve2ll'Gloy. Cent#-tilbl.,XVII, 1898.)
Un cocher de quarante ans tombe de son siège sur le sol et
donne sur le pavé du côté gauche du crâne. Il demeure sans con-
naissance, et perd du sang par le nez, la bouche, l'oreille. Trois
quarts d'heure plus tard il revient à lui, vomit, s'en retourne à
pied chez lui, dine convenablement, lit le journal, cause et dort
tranquille. Le lendemain il semble entendre difficilement, et cela,
de plus en plus, les deux jours suivants, parle moins spontané-
ment, tronque parfois les mots ou les dénature. Visage rouge;
apyrexie, artériosclérose périphérique ; pouls ralenti (54 à 60),
régulier, fort et tendu. Rien autre si ce n'est rupture horizontale
des deux tympans. L'ouïe est bonné mais le malade ne comprend
pas les questions les plus simples ; il ne répond pas ou répond
quelque chose qui n'a pas de sens. Spontanément il parle très
peu mais parle bien, ou présente de la paraphasie verbale et
littérale. La fracture de la base est probable. Les deux autres
jours, la parole spontanée a disparu, ou bien il existe une para-
phasie inintelligible. Mais la connaissance est entière, il semble
souffrir de la tête, car il se saisit souvent le front. Marche lente,
mais progressive, le pouls se ralentit. On croit à un hématome
sous-dure-mérien au niveau du lobe temporal gauche et l'on
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 493
songe à une opération, quand, pendant la nuit du quatrième jour,
il se produit une attaque d'épilepsie corticale; brusque rotation de
la tête à gauche, avec convulsions cloniques violentes des extré-
mités et de la face du côté droit, perte de connaissance; stertor.
Trois attaques de quelques minutes entre chacune desquelles le
malade revient à lui. Tout à coup une quatrième un peu plus
longue emporte le patient. Autopsie : double fracture mastoï-
dienne.
Au niveau du pôle du lobe temporal gauche, la première tempo-
rale est transformée en une masse noire, molle, homogène. du
volume d'une cerise : cette bouillie bien limitée sur le territoire de
cette circonvolution, s'en va à deux centimètres en arrière, croise
obliquement d'avant en arrière la circonvolution en question.
s'enfonce dans sa substance blanche en se rapprochant de la base,
' pénètre obliquement de haut en bas la seconde temporale, en
pénètre aussi la substance blanche, et se termine à la limite de la
substance blanche et de l'écorce de la troisième temporale (figure).
Au microscope on constate une destruction hémorrhagique com-
plète de la pointe antérieure du lobe temporal gauche ; cette des-
truction se poursuit en bas sur une étendue de trois centimètres.
La'partie moyenne et postérieure des première et deuxième tem-
porales n'est point atteinte (figure).
11 y a donc eu une cécité verbale (aphasie sensorielle) simple,
sans paralysie, malgré l'extrême étendue du traumatisme. Les
symptômes ont marché progressivement, mais après un intervalle
de rétablissement apparent. Et cependant les lésions graves des
os avaient déchiré quelques branches de la sylvienne; il y avait eu
notamment une petite hémorrhagie de la pointe antérieure du
lobe temporale. L'hémorrhagie, dans la substance blanche des
première et deuxième temporales, ressemblait plutôt à un infarc-
tus ; là il y avait très probablement eu'hémorrhagie secondaire
par thrombose des vaisseaux originellement lésés.
La lésion des segments antérieurs des première et deuxième
temporales suffit donc pour produire la cécité verbale.
P. KERAVAL.
LXIV. Deux cas de tumeur cérébrale avec diagnostic précis de la
localisation; par L. Bruns. (.\-eurolog. Centrulbl., XVII, 1898.)
Observation I. - Sarcome à cellules rondes dans le lobe frontal
gauche.
Il s'agit d'une femme de quarante ans. L'hébétude indique déjà
la présomption d'une tumeur. L'hémiplégie droite, variable
comme l'hébétude, rapprochée d'une paraphasie dénotant une v
aphasie motrice, et de la sensibilité à la percussion du frontal
gauche, implique l'atteinte de l'hémisphère gauche. L'absence de
494 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
troubles sensitivo-sensoriels dénonce la moitié antérieure de
l'hémisphère gauche.
Où siège plus exactement cette tumeur frontale ? ' ?
Près des ascendantes' ? Non pas, car il n'y a pas de convulsion,
car l'hémiplégie droite varie en étendue et en intensité, parallèle-
ment au degré de l'obtusion intellectuelle (ce n'est qu'une affaire
de pression). Occupe-t-elle les parties antérieures du lobe temporal,
et, par suite, exerce-t-elle une pression sur la troisième fron-
tale (aphasie motrice) et sur les ascendantes ? Ce serait possible,
car l'hémiplégie droite est mobile, la jambe est très peu atteinte ;
il existe une sensibilité circonscrite il la percussion de la région
temporale gauche.
Bientôt apparaît une papille étranglée, à gauche, puis à droite,
bientôt apparaissent des vomissements, de l'amblyopie gauche,
des symptômes associés du côté des nerfs crâniens. C'est donc une
tumeur du lobe frontal gauche se développant vers la base où elle
comprime les nerfs qui entre le lobe frontal et la base se dirigent
dans la cavité oculaire.
Autopsie. La tumeur située sous le milieu de l'écorce du lobe
frontal paraît intéresser la substance blanche, du lobule orbitaire,
la partie orbitaire de la troisième frontale, le corps strié, les
parties limitrophes du centre ovale. Elle n'a pas touché aux par-
ties supérieures et supéro-externes du lobe frontal. Elle s'avance à
2 ou 3 centimètres en arrière du pôle frontal, s'amincit prompte-
ment en arrière, et, dans la partie postérieure du lobe frontal,
n'atteint que les éléments sous-jacents au plancher du ventricule
latéral; il existe un ramollissement dont le pourtour seul atteint la
zone des ganglions centraux et la capsule interne. Intégrité des
ascendantes, et de leur substance blanche, excepté tout près des
parties intérieures de ces circonvolutions. La tumeur s'est princi-
palement développée en bas et en dehors; elle a fortement com-
primé les parties orbitaires du lobe frontal en bas, ainsi que les
nerfs et vaisseaux sous-jacents. Intégrité de la substance grise.
Observation IL - Fongus de la dure-mère avec destruction du lobule
pariétal supérieur gauche.
Ici les troubles sensitifs du côté droit (hémi-anesthésie du tact de
la douleur, du sens du relief, de la notion de position), l'hémia-
nopsie du même côté, et l'aphasie sensorielle indiquent l'atteinte
de la partie postérieure de l'hémisphère gauche. S'agit-il du lobe
pariétal, du lobe occipital, du lobe temporal ? ?
Le caractère variable et peu intense de la cécité verbale exclut
les parties postérieures du lobe temporal. Ce n'est là qu'un symp-
tôme de voisinage. 1
Le lobe pariétal gauche serait plutôt atteint à cause des phéno-
mènes parétiques et de l'exagération des réflexes tendineux à
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 495
droite; il cause de l'existence d'une blépharoptose droite, c'est-à-
dire croisée par rapport à la tumeur (Landouzy) ; à cause des
symptômes permanents tels que les troubles de la sensibilité,
l'hémianopsie, la parésie légère du côté droit, et l'aphasie senso-
rielle. On arrive ainsi il penser que la tumeur siège au milieu de
l'ensemble des territoires en rapport avec ces symptômes, c'est-à-
dire dans le lobe pariétal gauche, et qu'elle produit en agissant
par voisinage : en arrière, l'hémianopsie droite ; en avant, l'hémi-
parésie droite ; en dehors, l'aphasie sensorielle.
Quel point du lobe pariétal gauche occupe la tumeur' ? L'absence
d'alexie proprement dite indique que le pli courbe est peu lésé, et
que, par suite, c'est le lobule pariétal supérieur qui est le plus
pris. L'absence de céphalalgie et l'absence de sensibilité à la per-
cussion sont en faveur d'une localisation dans la substance blanche
du lobule pariétal supérieur.
Les troubles du sens musculaire et de la perception du relief,
suivis d'hémi-analgésie du même côté (droit), rapprochés de l'hé-
mianopsie droite, engagent à penser qu'il y a eu aussi lésion de
la partie postérieure de la capsule interne et des irradiations
optiques adjacentes ou du corps genouillé externe.
L'autopsie met à nu un fongus, originaire de la dure-mère, à la
face interne de laquelle il adhère par un pédicule, qui, en végétant,
a profondément comprimé presque tout le lobule pariétal supé-
rieur gauche, a atrophié la pie-mère et la plus grande paitie de
l'écorce et de la substance blanche correspondante, a déplacé les
parties voisines surtout en arrière et en dehors, a déterminé de
l'oedème de toute la moitié postérieure de l'hémisphère gauche. Il
a aussi traversé de dedans en dehors la dure-mère, entre le
tiers moyen et le tiers postérieur de sa surface, et a alors usé le
pariétal gauche près de la ligne médiane en avant de la suture
lambdoïde ; cette végétation-là serait postérieure à l'autre.
P. KËRAVAL.
LXV. Sur une forme psychopathique particulière de rétention
d'urine; par W. de Bechterew. (1\'ezcroloc. Ceiztrulbl., XVII, 1898.)
La vessie et l'urèthre étant intacts, la miction est difficile, voire
impossible quand le sujet n'est pas seul. Efforts multiples impuis-
sants. Il suffit que le patient ne se croie pas observé, ou qu'il
arrive à détourner son attention ailleurs pour qu'il évacue sa
vessie bien et complètement. C'est l'émotion qui suspend ou arrête
l'évacuation commencée. Aucun trouble de ce genre ne se produit
en présence des proches vis-à-vis desquels le sentiment de la pudeur
est moins vif. Il n'existe aucune perturbation objective du système
nerveux, mais on constate une tare névropathique chez les
ascendants. L'influence de la masturbation est probable. M. Uay-
496 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE
mond a signalé des observations dans lesquelles le malade ne
pouvait pisser qu'à la sonde. C'est une dysurie émotive propre à
la jeunesse et à la puberté. '
Mécanisme. Pour uriner (.Tames,Janet, Raymond) on contracte
les parois vésicales et on détend le sphincter. Pour que le sphinc-
- ter demeure libre, il faut que l'attention du pisseur ne se porte
pas sur lui ; il faut qu'il oublie le muscle obturateur de la portion
membraneuse, surtout à la fin, pour que les dernières gouttes
'd'urine soient évacuées d'un coup de piston. Accorde-t-on trop
d'attention à cette fonction ou à celle du coït on ne fait rien qui
vaille. Toute préoccupation, surtout chez les prédisposés,
entraîne une contraction du sphincter. De là, épreinte, lourdeur,
douleur sourde dans la région périnéale (Guyon) et, finalement,
dysurie, anurie. '
Traitement. Détourner l'attention de ces organes, faire uriner
moins fréquemment pour que l'acte soit plus complet, cocaïniser
l'urèthre afin d'en diminuer la sensibilité. Il est des cas dans
lesquels rien ne fait, l'anurique devient hypochondriaque, éprouve
des sensations pénibles dans le périnée, ne pense qu'a sa vessie, et
souvent ne peut pisser qu'à la sonde (cas de Raymond avec
catarrhe vésical). Mais généralement KBr et les bains améliorent
l'émotivité, et, avec le temps, la maladie disparait (de Bechterew).
M. de Bechterew croit à l'existence d'une hyperexcitabilité
sphinctérienne avec dissociation fonctionnelle du sphincter et des
fibres vésicales désignées par les Allemands sous le nom de
detrusor urinât aussi irritées (d'où les épreintes urinaires). Il rap-
pelle que le centre du detrusor est, chez le chien, le bord mé-
dian du gyrus sigmoïde et en particulier son segment antérieur,
tandis que celui du sphincter est la partie postérieure de la
même circonvolution, tout près du centre du mouvement de la
queue. Le sphincter ne se détend pas quand le detrusor est déjà
contracté. L'attention est-elle détournée le sphincter se relâche,
l'urèthre est laissée libre, la vessie s'évacue. P. KERAYAL.
LXVI. Méningite ventriculaire chronique des adultes. Mort subite ;
par Bresler. (Nczcaôlog. Ccrztrv(Ll., VII, 1898.)
Il s'agit d'un individu présentant des crises d'épilepsie et de
l'alcoolisme. Des accès vertigineux succèdent aux accès convulsifs
et les remplacent. Plus tard on constate les signes d'une démence
paralytique avec obnubilation épileptoïde. Le diagnostic hésite
entre une épilepsie traumatique, une paralysie ou une pseudo-
paralysie générale alcoolique, et une tumeur cérébrale. L'autopsie
montre simplement une hydrocéphalie interne extrême avec gra-
nulations de l'épendyme, léger trouble de la pie-mère à la base.
L'auteur pense que l'alcoolisme chronique a provoqué les lésions
REVUE DE ^PATHOLOGIE NERVEUSE. 497
méningées et les granulations épendymaires. L'alcool, en engen-
drant une hyperplasie du revêtement des plexus choroïdes et de
l'épithélium épendymaire, a fait filtrer -une telle quantité de
sérosité qu'elle n'a pu s'écouler et a gêné l'écoulement du liquide
encéphalique. La pression intraventriculaire a comprimé la
substance cérébrale contre les parois du crâne, barré les veines et
les granulations de Pacchioni. Il y a donc eu accidents de pres-
sion cérébrale et à la fois symptômes convulsifs dus à l'influence
directe de l'alcool. '
Il est bon de remarquer qu'il ne s'est pas produit de papille
étranglée, qu'il ne s'est pas produit d'oedème du cerveau et qu'on
constate des traces d'une néphrite ancienne actuellement complè-
tement guérie. P. KERAVAL.
LXVII. Contribution à la critique de l'emploi de la notion trauma-
tique dans l'étiologie des maladies nerveuses ; par R. Gauppe.
(Cenlralbl. f. t1'envenlcillc , XXL N. F., IX, 1898.)
On a abusé du qualificatif traumatique dans la question de la
genèse des maladies nerveuses. Les inconvénients en sont évidents,
notamment au point de vue de la loi sur les accidents. M. Francke
vient par exemple de publier une observation de poliomyélite
antérieure aiguë consécutive à une chute sur le sacrum in Monats-
sclarifl f. Unfallheilkunde, 1898, n° 3. Or, c'est une névrite qui n'est
pas traumatique. A la suite de l'accident, le malade a souffert d'une
névrose traumatique, pas davantage. Bien plus tard, et tout à fait
indépendamment de l'accident, il a eu une affection organique.
En admettant l'exactitude du diagnostic de M. Francke, entre
l'hystérie et une affection spinale à lésion, il ne saurait y avoir de
relation étiologique. et, par conséquent, la seconde ne peut être
rattachée au traumatisme. On ne saurait dire, dans l'espèce, que
l'accident a affaibli les parties du système nerveux ultérieurement
lésées puisque l'hystérie est une maladie de l'encéphale et non de
la moelle. Impossible donc de parler alors d'une polioencéphalite
antérieure aiguë ou d'une névrite aiguë multiple consécutive à un
traumatisme.
Un traumatisme peut-il agir à plusieurs mois, à plusieurs an-
nées de distance et provoquer une maladie organique' ? On le dit
aujourd'hui, même quand, entre l'accident et la maladie, il s'est
écoulé un laps de temps de parfaite santé. On prétend vaguement
que le traumatisme a préparé le terrain à la maladie. C'est pos-
sible mais nous ne le savons pas. Si, en cas de doute, on incline à
favoriser le côté humain de la question des accidents, il ne faut
pas cependant exagérer et affirmer des hypothèses controversables.
P. 11LR : 1Y1L.
Archives, 2" série, t. VIII 3 :
498 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
LXVIII. Contribution à la pathologie des paralysies du médian
par M. Bernhardt. (Neurolog. Ces<)'< : /6 ? XVI, 1897.)
Il s'agit de ces cas où on enregistre une disproportion entre le
trouble moteur peu ou pas marqué et l'extrême altération de l'ex-
citabilité électrique. En voici un nouvel exemple. Les quelques
observations des auteurs et celles de M. Bernhardt (Cenlralbl. f.
Nenvenheilh., 1885) montrent que la lésion du médian au niveau
de l'articulation du poignet produit souvent des troubles plus
considérables de la sensibilité de la peau des doigts que de la
motilité des muscles de l'éminence thénar. Or il est constaté que
les éléments sensitifs et moteurs des deux nerfs (cubital et médian)
s'anastomosent les uns avec les autres; les faits cliniques semblent
donc indiquer, que dans un assez grand nombre de cas, les anas-
tomoses des fibres motrices remplissent plus complètement leurs
fonctions vicariantes que les anastomoses des fibres sensitives.
Est-il possible que les impulsions motrices prennent, en cer-
taines circonstances, une autre voie que la voie habituelle ? Oui,
d'après les expériences de sutures nerveuses croisées de Stefani
et Cavazzani, et l'opération de greffe nerveuse de Sick et Soenger.
Ou bien certaines parties motrices du canal encépllalo-médullaire
entrent alors en fonctions pour d'autres (Hemak); ou bien, pour
les fonctions motrices ainsi que cela a été constaté pour les fonc-
tions sensitives, de même qu'après l'ablation expérimentale de
zones corticales déterminées, d'autres éléments des mêmes zones
peuvent être dressés aux nouvelles fonctions comme suppléants
(Remak, Wundt). P. KE1\AVAL.
LXIX. Observation de névrite du fémoro-cutané externe ;
par W. V ? RD.1. ( ! \'el( ? '010g. Centralbl., XVI, 1897.) '
Il s'agit d'un homme de vingt-trois ans neurasthénique. Une
pérityphlite à exsudat étendu, avec fièvre modérée, nécessite l'ap-
plication d'un sac de glace sur la région iléocaecale. Il souffre
alors dans la région du fémoro-cutané externe gauche et se plaint
de douleurs spontanées, durant une à deux minutes, obtuses ou
violentes, accompagnées d'engourdissement et d'insensibilité.
Quatre semaines plus tard, dans la même région, diminution de
la sensation de contact ; le patient sent et localise une forte pres-
sion, mais peu les piqûres, peu le froid et le chaud, notamment
au centre de la zone en question. Il éprouve des douleurs sponta-
nées quand on lui a bien malaxé les téguments, accuse une ten-
sion nette en marchant et de l'engourdissement. Mais il n'a plus
d'accès douloureux. La pression au niveau de l'épine iliaque anté-
rieure et supérieure provoque des élancements; le cordon nerveux
y est perçu. Il se rappelle, trois mois avant la pérityphlite, avoir
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 499
perçu une sensation de velu au milieu de la même région ; depuis
il l'aurait encore éprouvée quelquefois mais passagèrement. Au-
cune cause de névrite en dehors de la bicyclette et de quelques
excès de morphine et de cocaïne sept ans auparavant pour rai-
sons morales pendant trois mois. Evidemment ce n'est pas la
pérityphlite qui a occasionné la névrite à gauche. Mais le sac de
glace peut l'avoir provoquée sur un nerf déjà malade. Il serait bon
de rapprocher de ce fait les paresthésies névralgiques de Bernhardt
survenues à la suite de fièvre typhoïde. P. KERA VAL.
LXX. Observation de paralysie traumatique du plexus brachial
(paralysie combinée du bras et de l'épaule de lE/'b); par Cuir.
RASCII. (Neccrolog. Centralbl., XVII, 1898.)
Paralysie soudaine du bras gauche par extension brusque en
arrière. Bras gauche pendant, flasque, le patient ne pouvant ni
rapprocher le bras de l'épaule, ni mouvoir l'avant-bras vers le
bras. Conservation des mouvements de la main et des doigts.
Atrophie des muscles paralysés qui poursuit son évolution pendant
dix mois. Violentes douleurs et paresthésies (fourmillements, en-
gourdissements, pattes de mouches, doigt mort) indiquant l'at-
teinte des fibres sensitives. Rougeur avec hyperthermie d'une zone
circonscrite de l'avant-bras malade, constituant un trouble vaso-
moteur fugitif et récidivant. lIyperhidrose unilatérale témoignant
de la participation du grand sympathique. Ascension centrale des
accidents caractérisée par : des douleurs irradiées de l'épaule au.
cou; de la sensibilité à la pression de la colonne cervicale; des
douleurs dans la moitié gauche de la tête et de la face; des névral-
gies dans le maxillaire inférieur du côté malade; des paresthésies
de la moitié gauche de la face (engourdissement, sensation de
peau adhérente) ; une diminution de la sensibilité céphalofaciale
du côté gauche; une extrême sensibilité à la douleur de tous les
points d'élection accessibles à la pression; un effacement du pli
nasolabial gauche; du nystagmus de l'oeil gauche, par accès; du
larmoiement, de la conjonctivite, de l'anesthésie de la cornée, du
coryza, toujours à gauche; de la douleur avec faiblesse du membre
inférieur gauche dont le sciatique est particulièrement sensible ;
de l'épuisement des réflexes tendineux patellaires; de l'hypoesthésie
cutanée de la jambe gauche. En un mot la plupart des uerfs cra-
niens et périphériques de la moitié gauche du corps sont atteints
par les progrès de l'irritation inllammatoire des cordons nerveux,
mais l'affection n'a point passé à droite. P. KERAVAL.
LXXI. Contribution à la pathologie du myxoedème ; par \\'. MURA TOW.
(Seurolog. Ce ? )0-ft ? XVII, 1898.)
Observation d'une fillette de six ans. Anatomie et histologie
d''7OO REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
pathologiques. On constate : 1° une lésion toxique des cellules de
l'écorce ; 2° des altérations secondaires (arrêt de développement)
des systèmes de l'encéphale et surtout des fibres arciformes ;
3° absence complète d'éléments développés, capables de fonction-
ner, dans la glande thyroïde ; 4° il s'agit d'une affection congéni-
tale, car la malade avait dès sa naissance l'aspect myxoedémateux.
L'état mental (idiotie) du myxoedème est donc expliqué par les
graves lésions anatomiques de l'écorce, et correspond aux symp-
tômes produits expérimentalement par Horsley qui observa une
diminution de l'activité de l'écorce chez les animaux thyroïdec-
tomisés. La glande thyroïde commençant à fonctionner du sixième
au huitième mois de la vie embryonnaire (Horsley) et les centres
nerveux supérieurs étant, à cette époque, en voie de développe-
ment, la toxine a, dans l'espèce, agi sur ces centres avant que le
développement n'en fut terminé ; elle a donc produit, non pas
seulement un trouble dans l'activité fonctionnelle, mais un arrêt
de développement. Le trouble de la nutrition des cellules a nui
aux fibres subordonnées. D'où l'atrophie prédominante des
faisceaux d'association supérieurs, des fibres arciformes, qui ne se
développent que plus tard et possèdent des fonctions exclusive-
ment psychiques. Les faisceaux conducteurs et le système des
libres du corps calleux ont été plus légèrement affectés. Ainsi
s'explique que l'état mental de l'enfant ait plus à souffrir que
celui de l'adulte et que la thyroïdinothérapie reste impuissante
chez le premier'. l'. IaFn.wAL.
LXXIf. Observation de sciatique bilatérale dans la néphrite paren-
chymateuse aiguë ; par M. Lapinsky. (Neurol. 1. Ceii tî ? X VI], 1898.)
Il s'agit, chez un homme de vingt-deux ans, d'accès douloureux
le long des sciatiques. Les troncs nerveux sont en effet très sensibles
au tiraillement et à la pression, mais il n'existe ni troubles fonc-
tionnels, ni réaction électrique anormale. C'est une névralgie. Au
microscope, les vasa nervorum sont dégénérés et oblitérés; le tissu
nerveux est hypérémiée ou infiltré de noyaux ou de cellules au
sein du périnerf et de l'endonerf ; déchéance de la- myéline par
places. Néphrite parenchymateuse aiguë. Toutes les branches prin-
cipales des sciatiques sont-prises. P. KERAVAL.
1.Y\III. Des attaques épileptiques et épileptoïdes revètant la forme
d'angoisse; par W. DE BFCIITEREW. (Nellrol. Centralbl., XVU, 1898.)
Les crises anxieuses ne sont pas absolument rares dans le cours
de l'épilepsie en général. Elles peuvent survenir sous la forme
' De nombreux faits montrent l'action puissante de l'emploi de la
glande thyroïde dans le traitement du myxoedème de l'enfant. (B.)
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 501
d'auraprae-épileptique ou à l'état d'accès complèlementautouomes,
qui alternent avec les attaques d'épilepsie. Il est plus rare de voir
l'angoisse constituer le symptôme le plus essentiel de la névrose
épileptique ; en ce cag, les attaques d'épilepsie proprement dites
diminuent nettement de fréquence, tandis que les crises anxieuses
se multiplient. D'ordinaire, les accès d'angoisse épileptique pro-
cèdent sans perte de connaissance et sans vertiges céphaliques. Ces
accès sont caractérisés par une grande opiniâtreté, et ils sont dif-
ficilement ou même point du tout accessibles au traitement par
les médicaments antiépileptiques. On les observe parfois encore
dans le cours des attaques congestives épileptiformes de la démence
paralytique. Ils se distinguent des angoisses neurasthéniques en
ce que l'angoisse épileptique ne se rattache aucunement à quelque
cause extérieure que ce soit telle que localité, tonnerre, foules,
comme cela s'observe dans la pathophobie. P. Keraval.
LXXIV. Observation d'hémiplégie hystérique; par GUT1'v.\n.
(Xeurolog. Ccntl'atbl., XVII, t898.)
Il s'agit d'une paysanne de soixante-deux ans, qui fit, il y a deux
ans, une chute dans un escalier. Elle accusait une terreur futile il
y a un an. A la suite de cette émotion. la voilà prise d'une aphasie
qui ne dure que quelques minutes. Quelques heures plus tard, appa-
rait une hémiparésie du bras et de la main gauches ; enfin, au bout
de quelques jours, parésie de la jambe gauche avec sensation de
froid et fourmillements. 11 existe de la douleur et un peu de rai-
deur dans la région occipitale et à la nuque, une diminution de la
mémoire et de l'acuité visuelle. Intégrité des nerfs craniens. Atro-
phie des muscles du bras et de la jambe gauches ; mouvements
spasmodiques dans le bras gauche; peut-être quelque diminution
de la force de ces membres. La sensibilité a diminué dans les ex-
trémités, mais elle présente des variations. Réflexes tout à fait
normaux. C'est tout au plus si, pendant la marche, on constate
un léger affaiblissement de la jambe gauche, et cet affaiblissement
n'existe évidemment pas toujours. Les mouvements passifs et ac-
tifs de toutes les articulations des quatre extrémités sont possibles
et efficaces, ils sont peut-être un peu moins vigoureux dans la
main gauche. Excitabilité galvanique et faradique régulière et
normale quant à l'étendue. L'intelligence est celle d'une sénile;
pensée moins vive, parole moins facile.
L'auteur fait remarquer que l'aphasie ne concorde pas avec le
côté atteint d'hémiplégie, et que, d'ailleurs, elle a disparu quelques
minutes après l'ictus, ce qui indique qu'elle est psychique. L'évo-
lution lente et graduelle des troubles parétiques ne saurait se rat-
tacher à un épanchement sanguin cérébral ou spinal, car la malade
dit elle-même qu'elle n'a éprouvé que de l'affaiblissement, qu'elle
502 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
a pu continuer à exécuter tous les mouvements, que, seule la force
nécessaire pour travailler lui a manqué (confirmé par son médecin);
il n'y a pas eu de paralysie flasque du tout. Il n'y a pas eu non
plus distorsion des traits du visage, paralysie faciale, paralysie du
voile du palais, paralysie de la langue. Il n'existe pas de contrac-
tures. En revanche, les spasmes musculaires légers ne sont pas
habituels dans la paralysie par apoplexie ; ce sont ces spasmes qui
entravent les mouvements et produisent la faiblesse. D'autre part,
la diminution de la sensibilité persiste ; elle varie; on la constate
tantôt du côté sain, tantôt du côté malade. A noter enfin tremble-
ments de la main gauche, paresthésies et atrophie des muscles du
côté gauche. Il s'agit donc d'une sénile affaiblie par l'âge et les
durs travaux, ayant subi un choc du fait d'une chute, tout en n'en
ayant pas conservé de traces apparentes. Un an plus tard, une
émotion. insignifiante détermine l'ictus et tous les phénomènes
qui, dans l'espèce, méritent le nom d'hystériques.
P. KERAVAL.
LXXV. Contribution à la symptomatologie et à l'étiologie des para-
lysies nerveuses périphériques de la région du cou; par A. 1101-F-
MANN. (Neuroloy. Centl'albl., XVIII, 1899.)
I. Paralysie périphérique de l'hypoglosse. Figure. On cons-
tate une paralysie atrophique isolée de la moitié gauche de la
langue, accompagnée de réaction dégénérative complèle chez une
personne saine sauf une otite moyenne chronique du côté gauche,
la tuméfaction de ganglions du cou, de fréquentes angines. L'évo-
lution, de concert avec l'existence de la réaction dégénérative,
indique que les racines ou le tronc de l'hypoglosse sont affectés.
Mais l'atteinte exclusive du territoire de l'hypoglosse, l'absence
de symptômes bulbaires, 1'uililatéralité éliminent une lésion
radiculaire ou nucléaire. Ce n'est point une lésion aiguë (hémor-
ragie circonscrite, ou poliomyélite) parce qu'il n'existe ni fièvre,
ni douleur, ni autre symptôme de ce genre, parce que la malade
(âgée de dix-sept ans) ne s'est aperçue de la paralysie qu'alors
que déjà l'atrophie de la langue était considérable, parce qu'enfin
les troubles ont continué à progresser. Une lésion bulbaire chro-
nique se fût accompagnée d'autres perturbations. C'est donc une
affection périphérique, difficile d'ailleurs à expliquer. Il s'agit
d'une névrite spontanée, par exemple rhumatismale, de l'hypo-
glosse ou d'une névrite ganglionnaire, non par compression (le
volume des ganglions et la région s'y opposent) mais par propa-
gation. L'affection pharyngée a enflammé les ganglions qui, a
leur tour, ont enflammé le nerf (Erb, Montesano, Marina, Dinkter).
Intégrité de la sensibilité et du goût ; l'application légère de la
cathode au cou provoque des deux côtés des mouvements de dé-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 503
glutition sous l'influence d'un courant de même force. La dé-
chéance de toute une moitié de la langue exerce peu d'action sur
le mouvement de cet organe; c'est que l'autre moitié peut la rem-
placer totalement. A ce sujet, il est intéressant de noter : l'existence
de convulsions fibrillaires et fasciculaires dans les deux moitiés
(lésion des trousseaux de libres qui traversent le milieu de la
langue) et de la parfaite dégénérescence sans aucune tendance à
la guérison au bout de douze mois de paralysie; -l'absence de
contracture de la moitié paralysée. Le raphé de la langue ne forme
pas de crochet, la langue ne s'incurve pas du côté paralysé. la
pointe revenant au côté sain; en un mot le raphé ne prend pas la
forme d'un S. « Il est probable, dit M. Hoffmann, que toutes les
fibres de l'b3'poglosse ne sont pas en tous les cas, simultanément,
et, dans une égale étendue, atteintes, ou que l'innervation com-
pliquée des muscles de la langue comporte des variétés indivi-
duelles. D'ailleurs quand progresse l'atrophie, la pointe propre-
ment dite de la langue c'est-à-dire la partie proéminente de la
langue n'est plus formée que par le côté sain, et lorsque le malade
retire sa langue, le côté paralysé retarde; ainsi se forme l'incur-
vation du raphé du côté sain contracté. »
II. Paralysie isolée du nerf axillaire. Figure. Etiologie par-
ticulière. Un jeune soldat de vingt-un ans en faisant l'exercice de
la lance à cheval, tombe sur son arme qui lui échappe ; la lance
pénètre à gauche du cartilage cricoïde, et ressort derrière le cou
près de la colonne vertébrale. Use produit une paralysie isolée de
la partie motrice de l'axillaire limitée au deltoïde. Et cependant le
malade peut élever le bras gauche en avant et latéralement, seule-
ment l'omoplate exécute une forte rotation lui faisant décrire un
angle de 45°. Or il est classique, que, dans la paralysie du deltoïde
le bras ne peut être éloigné du corps La galvanisation cursive du
muscle jointe à l'excitation faradique de l'axillaire permet bientôt
l'élévation du bras gauche jusqu'à la verticale en un mouvement
de fronde et son maintien en cette situation. Onze jours plus tard,
le bras peut être levé verticalement tranquillement en avant
comme sur le côté. Seulement, pour l'amener il l'horizontale, il
faut le concours d'une forte rotation de l'omoplate, d'une aussi
forte rotation que celle qui accompagne, pour l'omoplate droite,
l'élévation du bras droit à la position verticale. En effet, le mou-
vement d'élévation du bras gauche à l'horizontale se fait, dans
l'espèce, par les muscles de l'omoplate, et ce n'est qu'alors qu'in-
tervient le deltoïde pour l'élever jusqu'à la verticale. Telle est la
situation pendant un mois. Quatre mois plus tard tout est revenu
à la normale, si ce n'est que l'élévation de l'épaule gauche est
moins puissante que celle de l'épaule droite; si on donne au bras
gauche un haltère de six livres à soulever, on fait reparaître l'action
vicariante du grand dentelé; tant que le bras n'a pas atteint l'ho-
504 REVUE DE PATHOLOGIE NERVÈUSE.
rizoni 1 de il y a une forte rotation de l'omoplate, à partir de là le
deltuido reprend son activité.
La perforation totale du cou, sans lésion d'organe vital, est tout
aussi curieuse par la contusion entre la quatrième et la cinquième
cervicale de la branche motrice de l'axillaire, sans autre partici-
pation du plexus bracliial. La branche motrice de l'axillaire a été
lésée avant sa réunion au plexus brachial, ce qui donne à penser
que la branche sensitive correspond à une autre hauteur, ou qu'elle
est, tout au moins, séparée de la branche motrice, avant d'entrer
dans le plexus.
Le remplacement du deltoïde par le grand dentelé est une autre
curiosité. Normalement, le deltoïde porte le bras jusqu'à l'hori-
zontale, le grand dentelé complétant le mouvement de l'horizontale
à la verticale. Ici nous avons eu l'inverse. Mais il faut pour cela
'que le sus-épineux et le grand pectoral pressent énergiquementla
tête humérale dans la cavité articulaire. P. Keraval.
LXXVI. Contribution à la connaissance de la myélite aiguë
disséminée; par CUasTVEa. (Neurolog. Cet : <ra<6<., XVIII, 1899.)
Figure. Observation probable de myélite infectieuse à mar-
che particulièrement rapide. 11 s'agit d'une fillette de seize ans ; le
stade initial reste dans l'ombre. Quatorze jours avant l'admission,
il existe peu de fièvre, sensation anormale dans le dos, douleur
thoracique ; puis, se produit une parésie du bras droit et de la
jambe du même côté, finalement, du côté gauche, si bien qu'en
trois ou quatre jours la paralysie est généralisée. Quatre jours plus
tard, vomissements, insomnie, dysurie, rétention d'urine. On
diagnostique : hystérie. Elle entre le 2ï mai. On constate successi-
vement : inégalité pupillaire (la pupille droite est un peu plus
large que celle de gauche mais elle réagit bien) intégrité des
mouvements de la tête, du facial, de la langue, de la parole, de la
déglutition paralysie flasque des deux jambes faiblesse des
réflexes patellaires d'ailleurs égaux absence de réflexes cutanés
paralysie du bras droit et du bras gauche (celui-ci est moins
atteint) absence des réflexes du triceps brachial. Tous les mus-
cles réagissent à l'électricité; il existe : une anesthésie à la douleur
et au toucher des deux jambes; une diminution de tous les modes
de la sensibilité au tronc, à droite seulement; sensibilité normale
à la tête et au bras gauche, disparue à la partie inférieure du bras
droit. Vessie très pleine d'une urine alcaline (2 litres) non albumi-
neuse. Taches rouges multiples par pression sur les fesses. La
colonne vertébrale, non déformée, est libre de ses mouvements et
indolore à la pression. La température monte à 3 î°,8 et 40 ?
Accidents gangreneux du décubitus. P= : i24; Il = 2'\'. Intégrité des
poumons : quelque cyanose de la face avec macules blanches. On
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 503
note bientôt-0°,G-'r0°,8. Il se-produit de l'herpès labial. L'urine
devient trouble. P=1 ? G; ;Il. 26. On\entend des râles secs dans les
parties inférieures des deux poumons, les taches cyanotiques
faciales se multiplient. Délire nocturne, euphorie; tendance de la
malade à plaisanter; connaissance indemne. Rien au fond de
luit, rien dans le sang. Intégrité de la rate et des viscères. Le
2 juin, la tête penche un peu à droite; paralysie flasque des
deux bras ; pas de réflexes patellaires ; l'attention est difficile à
concentrer. Gâtisme : 40°,G ; P = 140, puis 1f ! r Délire nocturne;
légère parésie du facial droit ; pas de déviation de la langue; con-
servation de la réaction des pupilles. De temps à autre nystagmus
intentionnel. Les mouvements de la tête deviennent douloureux ;
la nuque est raide.l3=30. Grande obtusion intellectuelle; nom-
breux râles des deux côtés. P= 150, et plus. La fillette parle peu
et parait hébétée; elle délire et le nystagmus progresse. Dysphagie.
Tête rejetée en arrière et à droite ; raideur de la nuque; strabisme
divergent. T. 40°, 7. Mort en cet état le o.
Autopsie. Bronchopneumonie récente en foyers disséminés.
Pneumocoques. A diverses hauteurs de la moelle dorsale, foyers
disséminés ; infiltration de la pie-mère par de nombreuses cellules
rondes au niveau des zones d'entrée des racines. Ces foyers aug-
mentent en nombre et en dimension du renflement cervical à la
moitié de la moelle dorsale ; ils diminuent de là jusqu'au 1/3 de
la moelle lombaire où il existe encore un petit foyer dans le coi-
don latéral. Il est certain que la région moyenne de la moelle dor-
sale est séparée du reste de l'organe bien que peu de foyers s'éten-
dent de la périphérie au centre de la moelle ; généralement à la
périphérie il existe une lisière de substance nerveuse saine. Des
foyers qui avoisinent le centre partent deux ou trois vaisseaux
déjà altérés qui s'en vont dans la zone intacte. Les foyers, ceux
surtout qui occupent la substance grise, sont remplis de vaisseaux
pleins à éclater mais ne présentant point la forme de tire-bou-
chons ; on y constate aussi de nombreuses hémorragies récentes.
Les plus petits foyers lombaires renferment eux-mêmes un ou plu-
sieurs vaisseaux altérés qui en forment le centre. L'adventice en
est épaissie et lâche, la gaine lymphatique est remplie d'un liquide
et de grosses cellules à petites granulations, à noyau périphérique,
ordonnées en séries. Au lieu de nerfs on trouve des cellules gra-
nuleuses, eu séries régulières, séparées par des tractus de subs-
tance de soutènement, dont le protoplasma finement ou grossiè-
rement granuleux est parfois chargé de grosses mottes de myéline;
en outre, ça et là mottes de myéline, cylindraxes tuméfiés, et, en
certains points, tout se borne à des mailles vectrices de vaisseaux
sans traces de tissu nerveux. Ni dans la paroi des vaisseaux, ni
dans leur voisinage, il n'y a de collections de cellules rondes. A
partir du milieu de la moelle dorsale, le canal central est dilaté ;
506 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
ailleurs il semble divisé en deux ; tout près, cellules rondes accu-
mulées qui diffèrent (par la coloration) de celles des gaines vas-
culaires. La pie-mère participe peu au processus, ce qui élimine
l'idée d'une méningite suppurée, tuberculeuse, syphilitique. Evi-
demment les foyers sont en rapport avec les vaisseaux, c'est
pourquoi la substance grise est si atteinte, et qu'il y a eu
mobilisation si rapide de si nombreuses cellules granuleuses ser-
vant au transport d'abondants matériaux de destruction. Il est
impossible cependant de savoir d'où viennent ces cellules; les
éléments de la paroi des vaisseaux ne participant pas à l'altéra-
tion, il convient de se demander si les cocci et leurs produits
n'avaient pas produit quelque modification encore inconnue de
cette paroi, si les files de cocci, ceux notamment à capsules
n'avaient pas arrêté mécaniquement le cours du sangou de la
lymphe. Si l'on ne peut affirmer la myélite aiguë par invasion des
cocci, il est néanmoins probable qu'il y a eu infection puisqu'on a
trouvé des pneumocoques dans la substance de la moelle.
P. 11FR.1 ? 1L.
LXXVII. Contribution à la casuistique des tumeurs de la glande
pituitaire (sarcome angiomatode) ; par S. PEC11KI1 ? Z. (Neurolog.' ·
Centmlbl., XVIII, 1899.)
Observation complète, presque depuis le début des accidents
jusqu'à la mort, c'est-à-dire pendant plus de deux ans et demi.
Elle concerne un jeune homme de dix-sept ans ayant d'abord pré-
senté des accidents permettant de penser à une néphrite avec uré-
mie. Mais la lenteur du début, le développement lent et graduel
des symptômes, la longue durée de l'évolution, l'absence de signes
d'abcès ou autres affections (auriculaires ou nasales) expliquant
l'oedème, la non-existence de traumatisme, de maladies infec-
tieuses aiguës, l'apyrexie, l'exclusion forcée de la tuberculose ou
de la syphilis; tout cela milite en faveur d'un néoplasme. Il s'agit
de le localiser. Les deux nerfs optiques sont atteints dès les quel-
ques mois qui succèdent à l'apparition des céphalalgies ; cécité
complète d'un oeil avec hémianopsie de l'autre à la même époque;
atrophie bilatérale des papilles à une période plus avancée de la
maladie.^ Atteinte ultérieure des deux oculomoteurs communs ;
paralysie complète des muscles extrinsèques et intrinsèques des
yeux. Aucun autre sens n'est atteint. Il n'existe ni paralysie ni
convulsions localisées. Le néoplasme occupe donc la base et le
chiasma. Autopsie. Une tumeur colossale remplace la glande
pituitaire ; nulle part elle n'adhère à la base du crâne, sauf à la
partie basse du dos de la selle turcique. Elle se compose de trois
parties. La plus grosse, la plus ancienne, repose sur la selle qu'elle
a creusée d'une masse dure; un prolongement s'en va dans les ca-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 507
vités oculaires ; lisse brillant. sans adhérence avec la base du
crâne. La tumeur, irrégulièrement globuleuse sur la selle. couvre
le losange interpédonculaire, ainsi que les parties voisines, et pro-
jette un segment supérieur jusque dans le troisième ventricule,
tout en épargnant le cerveau simplement ramolli au pourtour. Les
masses, plus petites, cohérentes avec la portion moyenne, repo-
sent sur la base du cerveau, librement. Le corps pituitaire n'existe
plus. La tumeur est enfermée dans une capsule ayant à peu près
la structure de la dure-mère. C'est en effet celle-ci qui en est l'en-
veloppe, sauf au fond de la selle turcique où elle a été perforée.
La tumeur, originaire de la fosse moyenne du crâne, plus exacte-
ment de la glande pituitaire, est un sarcome; par suite, elle a
pris naissance dans le lobe postérieur de cette glande (Hertwig,
Schwalbe) a atrophié celle-ci, et les régions interpédonculaires,
s'est dégagée dans le troisième ventricule, a ramolli les parties cé-
rébrales adjacentes, et a produit des masses latérales, par infil-
tration de la capsule enveloppante. Aussi la capsule de ces der-
nières est-elle plus mince; elles sont elles-mêmes vascularisées. Il
y a eu ramollissement de la portion moyenne par dégénérescence
hyaline de ses vaisseaux ?
Tout énorme que soit le néoplasme, si vasculaire soit- il , il a
simplement envahi les cavités oculaires, comprimé et atrophié les
nerfs optiques et oculomotem communs; il y a eu (ce qui est
assez rare) infiltration de la gaine des nerfs optiques.
La compression, d'abord exercée sur la partie médiane du
chiasma qui contient les fibres entre-croisées de la bandelette op-
tique, explique I'A( ! unopAiC bitempontle, mais il est rare que les
choses restent en l'état, aussi nettement limitées, c'est pourquoi
l'on ne tarde pas, comme dans ce cas, à observer l'amalll'ose d'un
oeil associée à une hémianopsie de l'autre ; toute» les autres variétés
de troubles oculaires connues, dépendent de l'action plus particu-
lièrement exercée par la compression sur une moitié du chiasma,
une bandelette optique, les deux bandelettes optiques, les deux
nerfs optiques, la compression finale des fibres des nerfs optiques
aboutissant à l'ammt1'ose bilatérale complète. Les mêmes variétés de
troubles oculaires se voient aussi dans l'acromégalie; elles s'expli-'
quent juslement par l'hypertrophie concomitante du corps pitui-
taire ; mais l'inverse n'est pas vrai; l'acromégalie ne tient pas tou-
jours exclusivement à des lésions pituitaires,
Cependant nous avons eu chez notre malade une hypertrophie
des pieds, des extrémités inférieures et de la face, en imposant
pour l'oedème (sans empreinte à la pression) ; peut-être s'agissait-
il d'une simple augmentation de volume des parties molles (acro-
mégalie molle et non osseuse). Ceci permettrait aussi de croire
que le jeune homme avait une anomalie congénitale dans la struc-
ture de son corps pituitaire, s'étant accusée par des troubles nu-
508 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
tritifs (pachyacrie molle), de l'hypoplasie des organes sexuels, un
féminisme osseux, et que sur cette anomalie se serait développée
la tumeur maligne.
La névrite optique est le grand symptôme des tumeurs de cette
région. Elle se termine par une atrophie des nerfs optiques (Bath);
mais elle peut manquer quand la tumeur n'est pas assez volumi-
neuse pour exagérer la pression à l'intérieur du crâne, ou quand
elle comprime les gaines des nerfs optiques et empêche l'accès
dans ces gaines du liquide cérébro-spinal (Bath, Heusser, Hippel).
Les variétés de paralysies des muscles des yeux tiennent aux al-
lures variables de la tumeur dans ses rapports avec les divers nerfs
de l'oeil. Ici, quelques mois après le début de la maladie, les mou-
vements des yeux étaient conservés; la pupille droite réagissait
encore à la lumière et à l'accommodation, mais non la pupille
gauche. Dix-huit mois plus tard, les deux pupilles ne réagissaient
plus, les muscles extrinsèques de l'oeil n'étaient point paralysés.
Vingt-quatre mois après, les réactions pupillaires faisaient tout à
fait défaut, les mouvements des yeux étaient extrêmement limités,
mais l'examen précis était impossible parce qu'il y avait cécité
absolue et que le malade était somnolent.
La coexistence d'une néphrite (albuminurie) et d'une tumeur ma-
ligne de la selle lurcique rendait au début, dans l'espèce, le dia-
gnostic différentiel impossible, toutes deux génératrices de symp-
tômes urémiques et oculaires mutatis mutandis. L'image opWhal-
moscopique de l'urémie purement rénale est parfois identique il
celle d'une tumeur cérébrale. L'urémie et la tumeur cérébrale
peuvent produire : céphalalgies, vomissements, délire, convulsions,
épilepsie jacksonienne, hémiplégie, hémianopsie, amaurose, ralen-
tissement du pouls, attaques apoplectiformes, elc. La lenteur du
développement graduel et progressif a servi de boussole.
P. IiER.IV.1L.
LXXVIII. Tabes et surmenage physique ; par L. LOEWENFELD,
(Centralbl. f. Neruezzlreilh., XXI, N. F. IX, 1898.)
Aide relieur de trente-cinq ans. Le signe de Westphal, le signe
de Romberg, les douleurs lancinantes, les troubles subjectifs de la
sensibilité bilatéraux marqués aux pieds, l'ataxie en certaines cir-
constances, indiquent le tabes. Pas de symptômes pupillaires. Pas
de syphilis. Depuis quatre ans, il fait mouvoir avec les deux pieds
alternativement, pendant dix heures par jour, une lourde machine
à pédale en fer roide. Il travaille ainsi chaussé de cuir léger ou de
pantouffles. La maladie a débuté avec ce travail pénible, debout,
exigeant un effort considérable des jambes. C'est exactement le
même surmenage que celui de la machine à coudre, qui a agi à
l'égal d'une cause directe. P. KERAVAL.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ .\lJ DICO-Í)S YC H 0 LO G IQ U E.
Séance du 30 octobre 1899. Présidence de M. J. Voisin.
Le Président annonce la mort de M. Paul Janet, ancien président
de la Société et lève la séance en signe de deuil.
Le traitement des psychoses aiguës par le repos au lit.
M. Farnarier communique en son nom personnel et au nom de
M. SÉHIEUX une note sur la clinothérapie. Les effets physiologiques
de l'alitement encore peu étudiés paraissent, pense-t-il, être les
suivants : il modère et régularise les battements cardiaques et les
mouvements- respiratoires, élève la pression artérielle. abaisse la
température centrale, il diminue la destruction des globules
rouges; enfin il ralentit les processus d'oxydation intra-cellulaire,
par suite de la désassimilation, et amène l'augmentation du poids
du corps ; dans certains cas, cette économie sur les substances
brûlées serait peut-être compensée par une diminution de l'appétit,
entraînant un abaissement du poids du corps.
Les indications de la méthode peuvent se résumer en peu de
mots : elles se rencontrent chez tous les malades qui ont besoin
de repos, soit physique, soit psychique. C'est dire que l'alitement
est applicable à toutes les psychoses aiguës; que le cerveau, en
effet, soit surmené par le fonctionnement exagéré des zones
motrices (manie), sensitive (mélancolie), sensorielle (état halluci-
natoire), ou que son activité soit suspendue par l'action d'un
toxique (confusion mentale); dans tous ces cas il est urgent de
laisser reposer l'organe surmené ou intoxiqué, afin de permettre
le retour à l'état normal des mutations nutritives du neurone.
Ajoutons que sous le nom d'états aigus d'aliénation, nous com-
prenons à la fois les psychoses à évolution rapide et de date
récente (délire toxique, délire hallucinatoire, états maniaque et
mélancolique) et les épisodes aigus des affections chroniques
(paralysie générale, lésions cérébrales en foyers, délires systéma-
tisés chroniques).
Comme résultat, s'il ne parait pas absolument démontré que
510 SOCIÉTÉS SAVANTES.
l'on obtienne un chiffre de guérisons plus élevé que par les autres
méthodes, du moins diminue-t-on la durée de la maladie et
place-t-on le malade dans les meilleures conditions physiques et
morales de guérison. Un résultat appréciable de la clinothérapie,
c'est qu'elle supprime presque complètement l'isolement cellulaire;
elle modifie fort heureusement la physionomie de l'asile en subs-
tituant des salles d'hôpital, calmes et silencieuses, aux bruyants
quartiers d'agités, où les malades s'excitent mutuellement; enfin,
elle permet l'examen méthodique des malades par le personnel
médical.
Il n'existe pas de contre-indication absolue au traitement par le
lit, mais seulement quelques inconvénients facilement évitables :
tels que l'anorexie, la constipation, les amyotrophies et raideurs
mticulaires, etc.
En résumé, la méthode de l'alitement, par les résultats théra-
peutiques qu'elle donne, par les modifications heureuses qu'elle
apporte à la physionomie de l'asile, mérite de prendre place, avec
no-restraint et l'open-door, parmi les plus belles conquêtes de la
psychiatrie moderne. Il est permis d'espérer que le mode d'assis-
tance future des aliénés élevés à la dignité de malades comprendra
uniquement l'hôpital spécial pour les aigus, que l'on traitera '
comme des malades physiques, l'assistance familiale et la coloni-
sation pour les chroniques, les intermittents et les convalescents.
M. DooTREBENTE se montre surpris d'entendre dire que c'est
depuis qu'on les alite systématiquement que les aliénés sont élevés
à la dignité de malades. Il y a longtemps que Pinel, dit-il, leur a
rendu ce service. Le traitement au lit, ajoute-t-il, empêcherait la
déperdition des forces. Je ne vois pas trop comment ou a pu les
mesurer chez les maniaques. Si cette mensuration pouvait être
faite, on serait sans aucun doute étonné de leur conservation après
une période très longue d'excitation chez les maniaques non alités.
On nous dit aussi que l'alitement favorise l'examen des aliénés.
Dans tous les services auxquels j'ai pu être attaché, j'ai toujours
vu examiner très attentivement tous les entrants. Enfin les auteurs
nous avouent que ce traitement ne modifie pas la longueur de la
maladie. Alors à quoi bon changer de thérapeutique ?
Lorsqu'on a proposé de mettre à l'ordre du jour du Congrès
de 1900 le traitement des psychoses par l'alitement, j'ai l'ait
observer que si ces idées nouvelles venaient à se propager il fau-
drait démolir tous les anciens asiles. Je préférerais pour ma part
voir augmenter le nombre des chambres d'isolement où pourraient
être logés les aliénes turbulents qui deviennent une gêne pour
leurs voisins plus calmes et une cause de désordre.
M. Friand qui, un des premiers en France, a pratiqué la clinothé-
rapie et la pratique encore a d'abord couché et maintenues cou-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 511
chées toutes les entrantes de son service, sans distinction. 11 est
arrivé à cette conclusion que si cette thérapeutique donne dans
certains cas les meilleurs résultats elle n'est cependant pas appli-
cableindistinctement à tous les aliénés. En effet, dit-il, si la plu-
part des cas aigus sont favorablement amendés et si presque tous
les aliénés finissent par l'accepter il en est un certain nombre, et
ce ne sont pas les plus agités qu'il devient très difficile sinon
impossible de maintenir au lit, sans moyens de contrainte. Ces
malades finissent par concevoir contre le peisonnel de surveil-
lance une telle animosilé qu'ils deviennent non seulement un
élément d'agitation pour leurs voisins, mais un danger pour ceux
qui les approchent.
Après quelques jours d'essai le mieux est dans quelques cas de
ne pas persister à vouloir maintenir l'aliéné au lit quand sa résis-
tance se traduit par une lutte continuelle avec le personnel.
Si la multiplicité de chambres d'isolement est à désirer, on ne
saurait toutefois espérer qu'on pourra y traiter les agités au lit.
Le dortoir commun constitue un milieu spécial et en quelque sorte
une atmosphère nécessaire -IL cette thérapeutique dans laquelle
l'imitation complète la persuasion. Il se crée là une sorte de con-
tagion par l'exemple ou même une véritable suggestion agissant
tout aussi bien sur les malades que sur les agents de surveillance
qui s'étonnent du résultat obtenu.
Pour ce qui est du massage destiné à prévenir les ankyloses je
ne l'emploie pas parce qu'une semblable complication n'est guère
à craindre chez des malades qui, bien que couchées, n'en gesti-
culent pas moins pendant toute la journée et souvent même la
nuit.
M. SOLLIER a vu à IIeidelberg des agités maintenus au bain
depuis plusieurs mois. Il lui semble que cette pratique, si elle est
commode au point de vue de la surveillance qu'elle simplifie, ne
présente point les effets qu'on semble en espérer au point de vue
du traitement.
M. Doutrebente. -Il y a longtemps qu'en France on donne des
bains de quelques heures aux agités et plus particulièrement aux
paralytiques généraux. J'ai adopté, pour ma part, la méthode de
Foville père, qui mettait ses agités dans des bains prolongés à
partir de cinq heures du soir. On procure ainsi de meilleures
nuits aux malades les plus excités qui s'endorment plus volon-
tiers en sortant du bain.
M. FaaIvaLEa. M. Doutrebente nous objecte que nous n'ap-
portons aucun résultat ; cependant parmi les auteurs allemands
qui ont appliqué cette thérapeutique il en est qui ont constaté que
si la durée de la psychose n'était pas abrégée, les symptômes en
étaient moins pénibles. En ce qui concerne le massage j'ajouterai
512 ' SOCIÉTÉS SAVANTES.
que nous ne l'employons que chez les mélancoliques en vue
d'éviter les amyotrophies.
M. Christian lit très attentivement les rapports annuels du ser-
vice des aliénés du département de la Seine; il n'a pas vu que les
guérisons fussent plus nombreuses il Ville-Evrard que dans les
autres asiles.
M. Doutrebente a obtenu à Blois la guérison de 33 p. 100 des
aliénés traités en s'en tenant il l'ancienne thérapeutique.
.'IlARCEL Briand.
SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE.
Séance du 9 novembre. Présidence de M. JOFFROY.
MM. DEJEUNE et l3cnNnEm. Un cas de paralysie radiale par com-
pression, avec autopsie. La malade présentait une paralysie
radiale, qui, par sa physionomie clinique et surtout par ses réac-
tions électriques (signe d'Erb), réalisait le tableau classique. Elle
mourut au bout de vingt-cinq jours. A l'autopsie, l'examen
macroscopique révéla l'existence d'une ecchymose située à 3 cen-
timètres au-dessous du point de bifurcation du nerf circonflexe :
ecchymose qui, longue de 1 cent. 1/2 à 2 centimètres, avait aplati
le tronc nerveux. Au microscope, on ne put déceler aucune lésion
histologique dans n'importe quelle branche périphérique ; seule,
la myéline paraissait être légèrement grenue et faiblement colorée,
altérations qui ne pouvait être mise sur le compte des manipula-
tions. Mais, il n'y avait pas la moindre trace d'une dégénération
wallérienne pathologique : çà et là à peine quelques tubes avec
boules, comme il s'en rencontre dans tous les nerfs examinés sur
le cadavre. Ainsi, M. Déjerine conclut que la technique histologique
moderne reste incapable de nous renseigner sur la lésion qui,
dans la paralysie radiale par compression, empêche l'excitation
électrique, portée au-dessus, de passer par les filets nerveux com-
primés. Il rappelle qu'il n'a jamais pu créer expérimentalement
une paralysie par compression, du type qu'on observe chez
l'homme.
M. JOFFROY fait remarquer que l'expérimentation ne peut repro-
duire toutes les conditions pathologiques réalisées chez l'homme
(intoxications diverses, surtout alcoolique ; infections variées). La
SOCIÉTÉS SAVANTES. 513
paralysie radiale par compression se déclare seulement chez cer-
tains individus, prédisposés par une tare antérieure.
M. B,BiNsKi a pu faire expérimentalement une paralysie qui,
par certains caractères, ressemblait à la paralysie radiale de
l'homme, mais les phénomènes étaient très transitoires, durant à
peine une demi-heure.
M. Babinski présente un malade atteint incontestablement d'une
lésion bulbo-protubérantielle, avec hémiplégie alterne sensitivo-
motrice, paralysie périphérique du nerf facial et kératite neuro-
paralytique par altération du nerf trijumeau. Mais, surtout, ce
malade offre des troubles particuliers de la marche : la station
debout est possible sans appui, les yeux ouverts ou fermés;
cependant, au bout de 2 à 3 minutes, il tombe toujours du même .
côté. Si l'on commande au malade de marcher, il lance les jambes
avec une incoordination manifeste, tandis que la partie supérieure
du corps reste immobile et entraîne ainsi le malade en arrière.
Or, l'on sait bien que, dans la marche normale, la partie supé-
rieure du corps doit se porter en avant, pour déplacer le centre
d'équilibre du corps. Le malade présente donc une asynergie mus-
culuire. Cette asynergie s'observe encore dans d'autres mouvements
volontaires des bras mais surtout des jambes, Elle doit être attri-
buée, suivant l'auteur, à une lésion cérébelleuse.
M. Robinson. Surdité verbale mentale. Observation détaillée
concernant un homme de quarante ans, présentant des stigmates
de dégénérescence et de la surdité verbale mentale. Cette observa-
tion est à rapprocher de celle des deux jeunes filles présentées par
le professeur Raymond à la dernière séance.
M. CIIIPAULT. Balle dans le corps calleux. Etat de mal épileptique.
Hémiplégie. Trépanation. Guérison. 11 s'agit d'un malade, qui
s'est logé deux balles de petit calibre, par la bouche. Les radio-
graphies montrent qu'une de ces balles se trouve au-dessus du
corps calleux entre les faces internes des deux hémisphères.
M. GUILL.11N. La circulation des liquides lymphatiques dans la
moelle épinière. L'auteur, à la suite de recherches entreprises
d'après les conseils de M. P. Marie, croit pouvoir conclure à une
direction ascendante de la part des liquides nourriciers dans la
moelle. La circulation lymphatique serait indépendante dans les
cordons postérieurs et les cordons antéro-latéraux.
Le canal de l'épendyme serait un collecteur lymphatique ; les
espaces lymphatiques seraient réglés par la disposition de la
névroglie :
A la suite d'injections de granulations aseptiques dans les cor-
dons postérieurs du chien, on peut amener une dilatation du
Archives, 20 série, t. VIII. 33
514 4 SOCIÉTÉS SAVANTES.
canal central, et des espaces lymphatiques des cornes postérieures
simulant la syringomyélie.
L'auteur se demande si des substances toxiques ou microbiennes
ne peuvent pas suivre la même voie et donner ainsi certaines
formes de syringomyélie.
M. Paul Londe. Sur les troubles moteurs du goitre exophtalmique.
Théorie de l'hypotonie. Chez les Basedowiens, les phénomènes
fondamentaux sont attribuables à l'asthénie, à la parésie : ce sont
des troubles de déficit. Ils peuvent coïncider avec un défaut de
tonicité musculaire, ce qu'on a appelé l'hypotonie.
M. Londe se demande si cette même explication ne peut s'ap-
pliquer au manque de tonus cardio-vasculaire dans certains terri-
toires auquel il accorderait raie importance plus grande qu'a
l'excitation du sympathique.
Le manque d'action tonique et régulatrice du cervelet pourrait
être invoqué d'après lui.-
),[\1. DUFOOR et DIDE. Tuberculine. Tuberculose et encéphalopa-
thies délirantes. Quels sont les rapports qui unissent la tuber-
culose aux délires ? Y a-t-il coïncidence fortuite ou relation de
cause à effet, dans les cas de délire chez les tuberculeux ? Il est
difficile de trancher cette question d'une manière absolue : toute-
fois, les auteurs ont soumis dix malades délirants, chez lesquels
on ne trouvait pas de signes permettant d'affirmer l'existence
d'une tuberculose pulmonaire, à l'épreuve de la tuberculine. Trois
d'entre eux ont réagi d'une manière positive. Ils cachaient donc
une tare organique bacillaire. Cette tare inaperçue pourrait donc
jouer un rôle important dans la genèse de ces délires.
M. IiLIPPEL. Abcès cérébral et méningite aiguë. L'auteur rap-
porte l'observation et des photographies de pièces, concernant un
homme de son service ayant présenté les signes d'une méningite
aiguë avec signe de Kernig manifeste. L'autopsie démontra qu'il
s'agissait d'un abcès cérébral situé à gauche dans le centre ovale,
sans la moindre lésion des méninges. Le pus, jaunâtre, non fétide,
fut inoculé sans succès à une souris. Le liquide céphalo-rachidien
n'a pas été examiné pendant la vie.
MM. Cl. Philippe et Jonia. Anatomie pathologique de l'écorce
cérébrale dans la sclérose en plaques. Les auteurs ont étudié les
localisations de la sclérose en plaques au niveau de l'écorce céré-
brale, en examinant dans trois autopsies, la plupart des circonvo-
lutions par toutes les méthodes histologiques (Weigert-Pal, Mar-
chi, Nissl ; picro-carmin et hématoxyline alunée). Les foyers cor-
ticaux, existent toujours, mais ils sont plus ou moins nombreux;
dans un cas, ils étaient très marqués au point d'avoir envahi
presque complètement la circonvolution et son centre ovale. Leur
SOCIÉTÉS SAVANTES. 51 0
topographie, leurs dimensions, leur âge, leurs caractères histolo-
giques (démyélinisation et prolifération névroglique) varient dans
des limites considérables, absolument comme au niveau de la
moelle et du bulbe. Les auteurs insistent, avant tout, sur une
lésion non encore décrite; une méningite corticale intense, surtout
fibro-plastique, qui évolue sans endartérite ni endophlébite.
Ces résultats histologiques permettent de penser que l'écorce
cérébrale et ses lésions entrent pour une large part dans la symp-
tomatologie générale de la sclérose en plaques. La méningite peut
expliquer les attaques épileptiformes ou apoplectiformes, assez
fréquentes au cours de la maladie ; elle constitue un argument
de plus en faveur de l'origine infectieuse de la sclérose dissé-
minée. Enfin, comme le disait Charcot, en 1892, il faudrait
rechercher les formes mentales de la maladie et ses symptômes
psychiques, encore si mal caractérisés.
MM. Cl. Philippe et 0131',R71lllli. Une lésion bulbaire constante
dans .la syringomyélie avancée : sa valeur clinique pour la palho-
génie des anesthésies syringomyéliques. Dans quatre autopsies
de syringomyélie avancée, il existait une lésion bulbaire placée
dans la corne postérieure et dans la substance grise située en
avant des noyaux de Goll et de Burdach. Cette situation, très par-
ticulière et constante, fait que la lésion coupe les fibres sensitives
émanées des noyaux, et produit une dégénération plus ou moins
complète, unilatérale ou bilatérale, du ruban de Reil. Les auteurs
attirent l'attention sur ce processus qui marque l'envahissement
du bulbe par la syringomyélie et qui continue la gliose des cornes
postérieures de la moelle, comme il est facile de s'en rendre
compte en examinant des coupes sériées. Au point de vueclinique,
cette lésion bulbaire, qui fait dégénérer la grande voie sensitive du
bulbe et de la protubérance, doit jouer un rôle de premier ordre
dans la palhogénie des anesthésies syringomyéiiques dont la phy-
siologie pathologique reste si obscure encore à l'heure actuelle.
M. SICARD. Les muscles abdominaux et l'orifice inguinal chez les
hémiplégiques organiques. L'auteur s'élève sur ce qu'a de trop
absolu cette proposition soutenue par les classiques : à savoir que
dans l'hémiplégie organique les muscles à fonction synergique
sont respectés des deux côtés.
Des recherches méthodiques dans les services de MM. Raymond
et Brissaud, portant sur vingt-deux hémiplégiques, lui ont permis
de constater, en faisant tousser les malades, les faisant respirer
largement, et en palpant avec soin leur orifice inguinal, qu'il
existait une parésie certaine des muscles abdominaux du côté
paralysé.
516 SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ D'HVPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du 17 octobre 1899. Présidence DE M. Juliis Voisin.
Dédoublement de la personnalité et phénomènes subconscients
provoques par des manoeuvres de spiritisme.
M. BÉR(LLON présente une malade qui a fréquenté des réunions
spirites et n'a pas tardé à y jouer le rôle d'excellent médium à
réincarnations. Sous l'influence de la concentration de l'attention,
elle présentait des variations de personnalité analogues à celles
que l'on peut provoquer expérimentalement chez les hypnotisés.
Elle subissait inconsciemment la suggestion du milieu ambiant,
mais, à la fin de chaque séance, elle n'était ni réveillée ni
« déshypnotisée », comme cela doit toujours être fait après une
séance d'hypnotisme. Il en est résulté un état mental particulier
qui se manifeste par des phénomènes inconscients et automatiques
survenant à des intervalles de plus en plus rapprochés ; ses mou-
vements automatiques et ses actes impulsifs ont, pour un esprit
non averti, toutes les allures d'un délire maniaque. C'est ce qui
explique son séjour d'un mois dans un asile d'aliénés. Il s'agit, en
somme, d'une hystérique très dégénérée qui s'auto-hypnotise,
tombe dans un état de somnambulisme spontané, puis extériorise
les rêves qui surgissent dans son esprit. Tous ces états ont pu
être reproduits expérimentalement ; ils disparaissent aussi sous
l'influence de la suggestion. L'hypnotisme a déjà considérablement
amélioré cette malade, laquelle va continuer à être soumise à la
psychotérapie.
M. Jules Voisin. -'Cette malade est-elle tout à fait inconsciente
et ne joue-t-elle pas un rôle ? 1 1
M. Palll M1G : II'I. Elle a bien l'apparence d'une hystérique qui
simule et veut se rendre intéressante.
M. Paul Fanez. Elle a, en tous cas, très certainement la notion
au moins subconsciente du monde extérieur, puisque dans ses
diverses réalisations de types, elle évolue aisément dans cette salle
sans heurter ni tables ni chaises.
M. BÊRiLLON. Peut-être, au début, s'est elle prêtée avec com-
plaisance aux prétendues réincarnations ; sa vanité a pu être
agréablement chatouillée quand on lui a déclaré qu'un grand
médium venait d'éclore. Mais actuellement son état est devenu
insupportable et elle désire beaucoup en sortir, car il l'expose à
toutes sortes d'ennuis chez elle et dans les milieux qu'elle fréquente.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 517 7
Les états mentaux impliqués dans l'appréciation post-hypnotique
du temps.
M. Milne-Bramwel (de Londres). Après avoir rapporté les
études de Liégeois, Beaunis, Bernheim, Garney, sur ce sujet,
rapporte les nouvelles expériences faites par lui sur diverses per-
sonnes hypnotisées et dans lesquelles il suggérait d'accomplir tel
acte dans quatre mille quatre cent dix-sepl,... dix mille soixante-
dix,... onze mille quatre cent dix-sept... minutes, etc. Quarante-
cinq fois l'ordre fut exécuté à la minute ; dans huit cas il y eut de
légères différences qui n'excédèrent jamais cinq minutes.
Ghloroforme et suggestion.
M. Paul Farez. Tout récemment on a prétendu que la sugges-
tion après la chloroformisation était moins dangereuse que l'hypno-
tisation et devait toujours lui être préférée. C'est justement le
contraire qui est la vérité.
M. LE Menant des CiirsN,is. En effet, il faut renverser les
rôles. J'avais dernièrement une malade que j'ai essayé sept ou huit
fois d'hypnotiser : chaque séance me demandait au moins trois
quarts d'heure et me causait beaucoup de fatigue ; tous mes efforts
restèrent vains. C'est alors seulement que je me suis cru autorisé
à recourir à l'éther.
M. Fau de ST-atAxrm. Le chloroforme n'est excusable que
quand l'hypnotisme a échoué.
M. Félix REGNAULT. Si, comme on le prétend l'hypnotisme est
à ce point dangereux. la suggestion après chloroformisation pré-
- sentera à la fois les dangers de la suggestion et ceux du chloro-
forme. D'ailleurs, si, après échec de l'hypnotisme,' on décide de
- recourir à un hypnagogue, on est impardonnable de s'adresser au
chloroforme, puisqu'on dispose de l'éther. Et puis, l'art de la
suggestion est très complexe ; il comporte une série de précautions
parfois négligées ; ainsi le malade dort mieux le soir, à jeun, etc.
'Lorsqu'un malade est réputé réfractaire à la suggestion, cela tient
fort souvent bien moins à lui qu'au médecin.
M. Bérillon. Il convient aussi de préparer tout d'abord les
malades, de leur donner toutes sortes d'explications, d'aller au-
devant de leurs objections, de déployer une grande richesse
d'argumentation et de créer en eux une parfaite quiétude d'esprit.
Le succès est à ce prix.
M. Jules Voisin. Dans ma pratique j'évite aussi d'endormir
mon malade dès la première visite ; je le prépare ; je gagne sa
confiance, de manière qu'ensuite il demande de lui-même que
je l'hypnotise.
518 bibliographie.
Puissance de l'auto-suggestion.
MM. LEPIN \ et Bar\duc rapportent chacun un exemple de l'effi-
cacité de l'auto-suggestion.
BIBLIOGRAPHIE.
XIII. Education des dégénérés supérieurs. Réflexe de l'obéissance; par
H. Thulié. (Revue de l'Ecole d'Anthropologie, 13 janvier 1899.)
Pour faire l'éducation des dégénérés les moyens habituels sont
insuffisants. Ou se heurte à leur inertie maladive, à leur mauvaise
volonté. Leurs déplorables habitudes si elles ne sont pas innées
ont été souvent fortifiées par l'incurie ou l'aveuglement des pa-
rents. Avant de semer dans ce terrain ingrat, il faut le préparer
soigneusement. Suivant M. Thulié, c'est l'instinct de l'obéissance
qu'il faut créer; aussi il nuus donne une étude complète sur la
nature de cet instinctet sur la méthode à suivre pour le développer.
M. Thulié connaissant il fond le sujet, dont il nous entretient, il
serait désirable que sa' méthode fût généralisée. Un instinct étant
une action réflexe plus ou moins compliquée, à laquelle la cons-
cience ne prend aucune part, il faut décomposer l'instinct qu'on
veut créer en en faisant d'abord un réflexe conscient; puis en
multipliant la répétition des mêmes actes qui le .produisent, la
conscience devient de moins en moins nette, et finalement dis-
parait. A ce moment le réflexe est absolument instinctif : c'est un
véritable instinct créé ou mieux fixé par l'habitude, cette seconde
nature. Le but est donc d'amener le dégénéré à obéir automati-
quement. Comment faire naître cet instinct ? M. Thulié se rappe-
lant les merveilleux résultats obtenus à Bicêtre dans le service de
M. Bourneville chez des dégénérés inférieurs, emploie des moyens
analogues.il faut s'adresser à une fonction accessible à la discipline
la fonction du mouvement si facilement entraînée par le rythme et
par l'esprit d'imitation. De l'usage répété de l'exercice commandé,
du renouvellement continu d'un acte succédant à un ordre, 1 obéis-
sance se dégage sans que la conscience y prenne une part impor-
tante. D'ailleurs elle finit par disparaître en raison même de la
répétition de l'acte. La gymnastique des mouvements atteint ce
'but à l'exclusion de tout autre procédé. Les mouvements d'assou-
plissement en outre qu'ils sont excellents au point 'de vue hygié-
nique sont des mouvements d'ensemble par excellence. «'L'esprit
1 bibliographie. 519 q
d'imitation est une des causes les plus efficaces de l'entraînement. »
Enfin le rythme y joue un rôle important. L'exemple de ce qui se
passe dans le service de M. Bourneville prouve que les sensations
rythmiques s'imposent facilement aux intelligences les plus obs-
cures : elles fixent dans la mémoire les mouvements commandés.
Le son du tambour ou d'une musique épargne des oublis et main-
tient la cadence. Les dégénérés supérieurs subissent les mêmes
influences.
Lorsqu'une régularité inconsciente préside aux actes physiques,
la régularité intellectuelle s'en ressent. Un esprit disposé à obéir
au commandement du professeur de gymnastique ie sera égale-
ment à tout autre ordre; c'est une habitude que l'enfant prendra
d'une manière générale et dans toutes les circonstances de la vie,
à l'école comme dans la société, le réflexe de l'obéissance le sou-
mettra aux lois. M. Thulié ne s'est pas contenté d'exposer sa
théorie, il réfute chemin faisant les objections. Il s'attache princi-
palement à démontrer la supériorité des mouvements d'assouplis-
sement exécutés avec ensemble sur les autres méthodes de gymnas-
tique. Il rejette avant tout ces exercices acrobatiques si prisés dans
nos écoles, dont le résultat est opposé à tout raisonnement. Ils
fatiguent le corps et empêchent conséquemment tout effort utile
chez un enfant bien portant. Chez un dégénéré cet effet nuisible
s'accentue encore : c'est ce que nous avons constaté nous-même à
Bicêtre. G.-Paul BoNcouR.
XIV. Le corps et l'âme de l'enfant; par le Dr Maurice de FLEURY.
(Armand Colin, inédit., 1899.)
Venant après les constatations désolées de nos philosophes et de
nos éducateurs, qui signalent les vices de notre éducation sans
proposer ensuite aucun remède pratique, le livre de M. Maurice
de Fleury cause un réel plaisir. il trace aux parents ou à ceux
chargés de les remplacer près de leurs enfants une ligne de conduite
vraiment applicable et surtout vraimentraisonnable. Et cela, parce
que son point dedépart est solide : au lieu de se perdre, àl'e1(emple
de la plupart des traités pédagogiques, en considérations philoso-
phiques sur les facultés intellectuelles des enfants ou sur les fon-
dements de la morale, l'ouvrage débute simplement par l'étude
anatomique du cerveau, cette base indiscutable de toute activité
physique ou psychique. Une série de déductions montre ensuite
le mécanisme de la conscience, de la personnalité et de la volonté.
M. Maurice de Fleury essaie d'ailleurs, je dois le dire, de ménager
les susceptibilités spiritualistes de ses lecteurs. Y parviendra-t-il ?
C'est douteux malgré l'habileté qu'il y déploie : en tout cas son
livre n'a rien à y gagner. ,
Dans une suite de chapitres résultant toujours logiquement de
820 ' bibliographie.
ses constatations anatomiques- et physiologiques, il passe en
revue la colère, la paresse, la peur, le mensonge, etc. Il montre
la colère, cette explosion d'énergie accumulée sous pression
dans le cerveau. Il en décrit plusieurs formes variant suivant
les tempéraments. Naturellement il donne le traitement de cette
défectuosité et il le peut d'autant mieux qu'il l'a au préalable
analysée. Ses pages sur la paresse sont fort attachantes. Il n'y a
pas un paresseux mais des paresseux, c'est-à-dire des enfants qui
pour des raisons variables en arrivent à un état identique. C'est
donc une erreur grossière de dire : cet enfant est un paresseux sans
commentaire. Il faut remonter à la cause première pour s'aper-
cevoir que les uns sont paresseux par incapacité de travail, que
d'autres le sont par neurasthénie, que la mauvaise éducation et le
surmenage arrivent à des résultats similaires. Avec des notions de
ce genre le remède à apporter est simplifié. Ainsi il est facile de
s'apercevoir de l'inefficacité des punitions habituelles de nos lycées ;
elles sont uniformes bien qu'ayant pour but de redresser des vices
totalement différents. Ces quelques mots feront comprendre, je
l'espère, la conception particulière de l'ouvrage, mais il faut aussi
être informé de l'idée directrice qui a inspiré ces lignes d'un
intérêt si pratique. M. M. de Fleury est persuadé qu'il faut une
bonne souche pour faire une bonne race. Pour lutter dans la vie,
la force aussi bien physique que morale s'impose impérieusement.
Les considérations du début indiquent que cette énergie-ne tiendra
pas exclusivement du corps ou de l'âme. Cette dissociation serait
antiscientifique. « Les facultés de l'âme ne se distinguent en aucune
façon des fonctions de notre écorce grise », écrit M. de Fleury au
mépris ne toute conviction spiritualiste, affirmant ainsi qu'il
suffit d'étudier le corps pour arriver à des solutions pratiques. Les
parents trouveront un plan qui les dirigera dans leur rôle d'éduca-
teurs, ils pourront en faire une application intelligente, car ils
auront l'avantage manifeste d'en comprendre le pourquoi.
Les maîtres profiteront largement de cette oeuvre où ils n'auront
pas à redouter les introductions gonflées de psychologie trans-
cendante généralement inévitables dans tous les manuels pédago-
giques.
Pour ma pari, je sais gré il l'auteur d'avoir, tout en reconnais-
sant la supériorité de l'éducation anglo-saxonne, proposé des
moyens de s'en rapprocher. Il est évident que les Anglais ont des
qualités en partie puisées dans leurs écoles ou dans leur milieu
familial : mais comme il est impossible de bouleverser notre état
social pour mettre les jeunes Français dans des conditions iden-
tiques, il faut trouver des moyens d'éducation adaptés à notre
race. L'auteur en propose : il faut l'en féliciter. Il me semble su-
perflu d'ajouter que la compétence de M. M. de Fleury dans ces
questions d'hygiène morale et de neurologie a trouvé une occasion
NECROLOGIE. 521
nouvelle de se manifester brillamment. Parler de son style avec ses
qualités de clarté, de souplesse et d'élégance est également inutile,
chacun le connaît et l'apprécie. G.-PauL 130 : \COUR,
XV. Thérapeutique de la scoliose des adolescents;
parle D1' A. Chipault (Vigot frères, éditeurs).
- Le De Chipault, dont tout le monde juge à sa juste valeur
la haute compétence en matière de pathologie du rachis, donne
dans ce volume les résultats de son expérience personnelle pour
ce qui concerne la scoliose des adolescents. Après avoir dans le
premier chapitre, déclaré que cette affection doit toujours être
considérée comme grave, par les conséquences qu'elle peut entraî-
ner, surtout chez la femme (accouchements rendus impossibles),
l'auteur passe à l'étude des différents traitements appliqués à la
scoliose. Tous les procédés sont analysés et critiqués, avec une
parfaite impartialité et certainement avec une grande compétence.
L'adolescent est-il simplement menacé de scoliose ? c'est à une
thérapeutique préventive, mais sévèrement appliquée, qu'il faudra
s'adresser (massages, exercices, etc.). Au contraire l'affection est-
elle déclarée ? c'est alors contre la cause première du mal qu'il
faut s'appliquer à lutter. Aussi rejetant les procédés qui ne
s'attaquent qu'aux muscles en se basant sur la théorie qui incri-
mine dans la scoliose des lésions musculaires, l'auteur se déclare
partisan des procédés qui s'adressent directement au squelette
dont les lésions ont été constatées. Il emploie, en suivant une
technique qui lui est personnelle, la réduction suivie de conten-
tion. Cette technique, qu'il serait trop long d'analyser, a pour but
de détruire la polyankylose en position vicieuse et de la remplacer
par une polyankylose en bonne position. L'auteur est arrivé par
ce procédé à des résultats vraiment encourageants et la statistique
consciencieuse qui termine son livre est particulièrement instruc-
tive. ' X.
NÉCROLOGIE.
Le D'CALES.
Le D1' J.-G. Calés vient de mourir à l'âge de soixante et onze ans
à l'asile des aliénées de Cluteau-Picon, de Bordeaux, dont il était
le directeur depuis le 20 août 1889.
Issu d'une famille de médecins et longtemps médecin lui-même
à Villefranche-de-Lauragais, son pays natal, Calès avait ensuite
abordé la politique et avait été successivement nommé sous-
préfet, conseiller général et député de la Haute-Garonne.
Abandonnant la carrière législative en 1889, il avait été nommé
directeur de l'asile des aliénés de Bordeaux, à ce moment en voie
de reconstruction et de réorganisation, mais il avait conservé ses
fonctions de conseiller général, qu'il a remplies scrupuleusement
et fidèlement jusqu'au cours même de la session dernière.
Comme directeur de l'asile de Château-Picon, Calés s'est mon-
tré, en même temps qu'administrateur intelligent, homme bon et
dévoué au plus haut point ; aussi avait-il rapidement gagné à
Bordeaux les sympathies de tous.
On sait avec quelle amabilité cordiale il reçut en 1595 les
membres du Congrès des aliénistes et neurologistes à l'asile de
Bordeaux où une splendide réception leur fut offerte. 11 prononça
à cette occasion, une allocution pleine des généreux sentiments
dont il était animé vis-à-vis des aliénés et qui le peint tout entier.
Dans ces dernières années, la santé de Calés avait, à diverses
reprises, reçu des atteintes graves, mais rien ne faisait prévoir un
dénouement prochain, lorsque tout récemment, à peine à sa ren-
trée des vacances, il dut s'aliter et, en quelques jours, une con-
gestion pulmonaire l'emportait.
Cales fut à la fois un homme aimable et un homme de bien.
Tous ceux qui l'ont connu resteront fidèles à sa mémoire et gar-
deront de lui un bon et sympathique souvenir. E. Il.
VARIA.
Les cellules pour les aliénés dans les hôpitaux :
réformes URGLNTES.
« Voici un fait : Le soir de notre arrivée à Flaucourt, nous
apprenons qu'un de nos amis, jeune homme de vingt-six ans, en
entrant chez lui après une journée de travail dans les champs,
s'était senti malade, était monté se coucher et que dans la nuit
pris d'une fureur inexplicable il avait tout brisé dans sa chambre.
Le lendemain un médecin était venu, et sur le certificat que ce
dernier délivra et un deuxième certificat du maire il rentra à
l'hôpital le plus près : celui de Bourg-Achard.
« Naturellement notre premier soin en apprenant cette nouvelle
est d'aller rendre visite à ce pauvre jeune homme. Nous arrivons à
VARIA. S33
l'hôpital ; une religieuse nous ouvre, nous demande ce que nous
désirions ; après lui avoir dit l'objet de notre visite, elle nous prie
de la suivre, nous fait traverser un jardin, ensuite un bâtiment où
sont les salles des malades et nous dirige vers une petite bâtisse
derrière à droite, bâtisse qui nous fit l'effet d'une écurie. travers
les gros barreaux d'une toute petite fenêtre nous apercevons notre
malheureux ami endormi, étendu sur une paillasse, il élait cami-
solé et ses pieds nus touchaient les briques. Malgré l'insensibilité
que donne l'habitude d'être parmi les-personnes souffrantes nous
sentions les larmes nous venir aux }eux de voir un être humain,
un malade, dans un tel lieu, au-dessous d'une espèce de râtelier où
il y avait de la paille. 11 aurait pu dans un moment d'agitation se
fendre la tête contre les murs ou contre les barreaux puisqu'il
n'était pas attaché et qu'il n'y avait pas d'infirmiers pour le
garder. Nous pensions même qu'il aurait presque été humain
de l'enchaîner, au moins sa tête aurait été préservée.
« La religieuse s'apercevant de la bizarre figure que nous faisions,
nous dit alors, qu'il aurait était préférable de le conduire a Evreux
où il y a tout ce qu'il faut pour soigner ces gens-là. Mais vous
avez toujours bien un lit et un endroit autre que celui-ci. On ne
pourrait pas le tenir dans un lit.
« Décidément cette brave infirmière congréganiste aurait bien eu
besoin de suivre les cours professionnels pour apprendre la façon de
traiter les malades atteints de délire.
« Ce jeune homme était très intelligent, n'avait jamais présenté
aucun symptôme de dérangement cérébral, son attaque l'avait
pris si subitement qu'il ne pouvait guère être atteint que d'une
affection aiguë du cerveau, mais en supposant même que c'eût été
un fou chronique il n'était pas humain de le conduire dans un tel
lieu et de cette façon, même provisoirement. Nous comprenons
maintenant pourquoi les Normands ont une appréhension si vive de
l'hôpital. (L'Infirmier, 2 juillet 1899.)
Nous avons exposé dans le temps le Lrisle résultat de nos
visites dansles hôpitaux de province concernant la déplorable
situation des cellules affectées aux aliénés. A la suite de nos
dires, reconnus exacts, vérifiés par M. l'inspecteur Napias.
dont il. Monod avail fait l'objet d'une communication au
Congrès international de médecine mentale en '1889, M. Fal-
licres avait adressé aux préfets une circulaire pour faire
cesser les abus qui lui étaient signalés. Le fait ci-dessus
montre que la réforme est loin d'être complète et qu'il est
nécessaire d'appeler de nouveau l'attention de MM. les préfets
sur cette intéressante question d'assistance hospitalière.
B.
524 4 VARIA.
ASSISTANCE DES ENFANTS IDIOTS.
Sous le titre les Miséreux, le Petit Var du 11 novembre
rapporte le fait suivant :
Qui connaitra'jamais les misères insoupçonnées d'une ville ? Il
existe des créatures humaines qui vivent dans des conditions
lamentables, sans que l'on s'en doute. C'est le cas de deux enfants,
admis seulement hier à l'hôpital civil sur l'intervention et les
formalités de la police.
Dans un taudion de la rue Magnaque s'abritent trois personnes :
le père, journalier de l'arsenal, et ses deux fils Michel M..., âgé
de dix-sept ans, et Honoré M..., âgé de dix ans. Le père passait
trois sous par jour à ses deux enfants et c'est avec cela qu'ils
devaient vivre. Si encore ceux-ci avaient été doués comme tout le
monde ! Mais inintelligents, abêtis, ils n'avaient l'aîné comme
le plus jeune aucune initiative. Pour ainsi dire abandonnés,
livrés à eux-mêmes, ils erraient dans la rue, sans but comme la
bête, incapables même de parler.
Ces malheureux, atteints de crétinisme, étaient affligés en outre
d'une maladie de peau et vêtus de haillons. Chez eux, ils cou-
chaient sur les tringles de leur lit, à peine recouvertes de vieux
sacs. Pourtant, le père a, à sa disposition, un drap et une couver-
ture. Ces loqueteux ont fini par exciter la pitié de quelques gens
du quartier, lesquels ont signalé cette situation au commissaire
de police. Ce fonctionnaire s'est empressé d'y mettre un terme, en
ce qui concerne les jeunes Michel et Honoré M... Quant au père,
seul maintenant, il pourra se suffire.
Une meurtrière de douze ans. On mande d'Alger au Petit
Parisien : « 11 y a quelques jours, disparaissait un bébé de trois
ans, le jeune Etienne Grecco, fils d'un jardinier employé à la
ferme Raphaël, près d'El-rlffroun : après de longues recherches
restées infructueuses, on eut l'idée de vider un immense bassin
servant à alimenter les alambics destinés à distiller du géranium :
le cadavre gisait au fond du réservoir, presque méconnaissable.
Toute idée d'accident devait être écartée, car ce bassin, qui
s'élève à deux mètres au-dessus du sol, est hermétiquement fermé.
« Pendant que la gendarmerie procédait à une enquête, le
jeune René, fils du fermier Kaci, est venu déclarer au brigadier
que c'était sa soeur Thérèse qui avait jeté le petit Etienne dans le
réservoir et avait aussitôt refermé le bassin, menaçant son frère
de mort s'il la dénonçait. La petite Thérèse, âgée de douze ans, qui
à ce moment se tenait cachée chez son père, ayant été appelée, a
avoué son crime, et comme on la questionnait sur le mobile qui
l'avait fait agir, elle a répondu cyniquement : « C'est une idée
VARIA. 525
comme cela ! » La jeune criminelle, issue d'un père arabe et d'une
mère espagnole, est le vice incarné ; on devait même l'enfermer
dans une maison de correction à la suite d'un vol important
qu'elle avait commis récemment. »
Les deux faits qui précèdent indiquent la nécessité de l'hos-
pitalisation et du traitement des enfants idiots. Ce n'est pas
la maison de correction qu'il faut à la catégorie d'enfants
malades à laquelle appartient la fillette meurtrière mais
l'asile-école du traitement médico-pédagogique.
Tentative DE suicide d'un enfant A la prison.
Le Républicain Orléanais a rendu compte en son temps du juge-
ment du tribunal correctionnel de Gien en date du 19juilletdernier
qui acquittait comme ayant agi sans discernement, mais envoyant
en correction pendant trois mois le nommé Pinson (Louis- Maurice),
âgé de dix ans, domicilié à Châtillon-sur-Loire, qui avait soustrait
de l'argent et des bouteilles de liqueurs au préjudice d'un cafetier,
M. lforizet. Cet enfant qui est actuellement détenu à la prison de
Gien a tenté de mettre fin à ses jours dans les circonstances sui-
vantes :
Ce matin, vers cinq heures, quelques minutes avant le réveil des
prisonniers il a approché son lit d'une fenêtre et il a attaché à un
des barreaux son mouchoir dans lequel il a passé sa tête. Le gar-
dien, qui arrivait quelques instants après, ne voyant pas le jeune
Pinson dans son lit, examina la cellule et l'aperçut pendu au
barreau de la fenêtre. II s'empressa de le dépendre et de lui prodi-
guer les soins nécessaires. L'état de Pinson ne présente aucune in-
quiétude. (Le Républicain Orléanais du 4 août.)
Les réflexions précédentes s'appliquent également à ce
malheureux petit suicidé : traitement médico-pédagogique
dans une asile-école et non dans une maison de correction.
LES aliénés en liberté.
Un triple suicide. llemo Bussi, qui habite rue de la Véga avec
ses deux fillettes, l'une nommée Lucie et âgée de huit ans, la
seconde nommée Alice-Eugénie et âgée de trois mois, était depuis
quelque temps en proie au délire de la persécution. Elle se croyait
en butte à toutes sortes de machinations de la part d'ennemis
imaginaires. Le mari, ouvrier peintre, occupé actuellement à La
Rochelle, n'étant point là pour la rassurer, la malheureuse a perdu
tout à fait la tête : elle s'est asphyxiée hier avec ses deux enfants,
après avoir écrit au procureur de la République une lettre dans
526 VARIA.
laquelle elle lui faisait connaître sa funeste résolution. Des voisins,
inquiets de l'absence de 11 Bussi, pénétrèrent hier soir dans son
domicile et la trouvèrent étendue sur son lit, ayant à ses côtés ses
deux enfants qui étaient revêtus de leurs vêtements du dimanche.
Ni elle ni les fillettes ne donnaient signe de vie. Les voisins pré-
vinrent aussitôt le commissaire de police du quartier, qui informa
à son tour le malheureux mari. (Le Temps du 19 octobre 1899.)
Drame de la folie. Hier soir, veis dix heures, les gens qui
passaient devant le n° 9 de la rue Saint-Denis, entendirent des
coups de feu, puis virent s'élancer dans la rue une femme que
poursuivait un garçon d'hôtel criant : « Arrêtez-la ! A l'assassin !
La femme fut arrêtée par la foule, jetée à terre et piétinée. Elle
aurait été assommée sans l'intervention d'un ancien inspecteur de
la sûreté qui parvint à calmer les fureurs de la foule. Les gardiens de
la paix arrivèrent plus tard et on remit entre leurs mainslamalheu-
reuse qui fut conduite au poste delà rue des Prouvaires. Interrogée
parM. Bureau, commissaire de police, elle refusa de répondre. Tou-
tefois, on sait son nom : elle s'appelle Marie Boudon. De l'enquête
faite sur place par le commissaire se dégagent les faits suivants :
il y a une dizaine d'années, Marie Coutan, aujourd'hui âgée de
trente ans, avait épousé le fils de Mme veuve Boudon, propriétaire
d'un hôtel meublé, 9, rue Saint-Denis.
Le jeune ménage, installé, 59, rue Lhomond, vécut pendant
longtemps fort uni, la bru entretenant de bonnes relations avec sa
belle-mère. Une affaire de famille vint troubler cet accord, et
l'humeur de Marie Boudon changea soudain; elle se mit à hair sa
belle-mère. Evidemment sa raison avait chaviré; on surveilla la
jeune femme. Cependant, hier, elle échappa à cette surveillance,
sortit et se rendit chez l1-11 Boudon, mère, 9, rue Saint-Denis.
Celle-ci était dans le bureau de son hôtel en train d'écrire, assise
devant un secrétaire, lorsque sa bru entra brusquement et se mit à
l'injurier avec violence; puis, avant que la veuve eût le temps de
répondre, sa belle-fille tira de sa poche un revolver et fit feu à deux
reprises. 11 ? veuve Boudon glissant de la chaise sur laquelle elle
était assise, s'affaissa sur le parquet. Elle ne tarda pas à rendre le
dernier soupir, une balle avait traversé un poumon. Marie Boudon
a été envoyée au Dépôt. (Le Temps du 9 octobre 1899.)
Folie.- A onze heures du matin, hier, M. Foulègue, gardien de
phare à Saint-Mandrier, a réquisitionné les agents de la sûreté
Arnaud et Martel, pour pouvoir conduire un aliéné qui commet-
tait des extravagances et pouvait être un danger pour la sécurité
des voisins. Ce fou est un nommé Désiré M..., âgé de 27 ans. (Le
Petit Var, 24 septembre 1899.)
Un fois. - Hier matin, à sept heures, un homme élégamment
FAITS DIVERS. 527
vêtu, coiffé d'un chapeau haut de forme, escaladait les échafau-
dages de la gare de Lyon et s'installait commodément à une
dizaine de mètres de hauteur. Cet individu, qui n'était autre qu'un
malheureux aliéné, du nom de Eugène Lefèvre, se mit alors à
jeter sur les passants toutes sortes de projectiles.
Un rasssemblement formidable de curieux se forma et le com-
missaire de police du quartier, prévenu de ce qui se passait, dut,
dans l'impossibilité où il se trouvait de s'emparer du fou, prévenir
les pompiers. Ceux-ci, arrivés quelques instants après, ne purent
s'emparer du malheureux fou qu'après une heure d'efforts, et il a
fallu user de ruse pour le conduire à l'infirmerie spéciale du Dépôt.
(La France, 3a octobre 1899.)
La femme Truchet, de Loisé, près Mortagne, qui donnait des
signes d'aliénation, s'est noyée volontairement. (Le Bonhomme
Normand du 19 octobre 1899.)
Le nommé Edmond Chartier, trente-deux ans, de Pommartin
(Aube), sujet à des accès de folie, a tué sa voisine, la femme Fèvre,
soixante-deux ans, puis s'est donné la mort. (Le Bonhomme Nor-
11 ! wul, 20 octobre 1899.)
Tous ces laits montrent la nécessité de procéder à l'hospi-
talisation des aliénés dès que la folie est constatée : c'est
l'intérêt de la société car on éviterait les malheurs que nous
venons d'enregistrer; c'est l'intérêt des malades qui, soignés
dès le début, auraient plus de chances de guérison. B.
FAITS DIVERS.
Asiles d'aliénés. Nominations, promotions, etc. : M. DODERO,
médecin adjoint, nommé à Saint-Ylie (Jura), concours de Lyon
(juillet); M. Chaussinaud, directeur-médecin à Saint-Dizier
(Haute-Marne), élevé à la premiere classe du cadre; M. le
D1' Taule, directeur à l'Asile clinique (Sainte-Anne), admis à faire
valoir ses droits à la retraite pour infirmités à dater du leur octo-
bre 1899, est nommé directeur honoraire; M. GCILLOT (Maurice),
sous-chef de bureau au Ministère de l'Intérieur, chef du cabinet
de M. le conseiller d'État, secrétaire général du Ministère de l'In-
térieur, est nommé directeur de l'Asile clinique (Sainte-Anne)
528 FAITS DIVERS.
(septembre); M. le De CIIOCREAUX, médecin-adjoint il Alençon
promu à la classe exceptionnelle du cadre ? M. le or THIBAUD,
médecin adjoint à Quimper, est promu à la première classe du
cadre; M. le Dl' BELLAT, directeur-médecin à Brenty-la-Couronne
(Charente), est élevé à la première classe du cadrez. le
U aiLLAfAN, médecin-adjoint à Blois, esl promu à la classe excep-
tionnelle (octobre).
Asiles d'aliénés DE la Seine. Concours pour la nomination aux
plaees d'interne titulaire en pharmacie vacantes au ter janvier 1900
dans les asiles publics d'aliénés du département de la Seine, asile
Clinique, asiles de Vaucluse, Ville-Evrard et Villejuif. Le lundi
6 novembre 1899, à 1 heure précise, il a été ouvert, à l'Asile Clinique,
rue Cabanis, n°l, à Paris, un concours pour la nomination aux places
d'interne titulaire en pharmacie vacantes au ler janvier 1900, dans
lesdits Etablissements.
Concours de l'internat en médecine. Le jury, sauf modifications,
est ainsi composé : MM. Febvré et Legrain, médecins en chef de
Ville-Evrard. MM. Charpentier et J. Voisin, médecins en chef
de la Salpêtrière. M. Chaslin, de Bicêtre. M. B. Auger, chi-
rurgien de Beaujon. M. Thiroloix, médecin des hôpitaux.
Asile clinique. Clinique. des maladies mentales : M. le pro-
fesseur Joffroy, mercredi et samedi, à 9 h. 1/2. - ai. Magnan :
Exercices cliniques sur le diagnostic de la folie, le vendredi à 9 1/2.
Asile de Villejuif (Tramway Chatelet-Villejuif). Service de
lI1. Toulouse. - Le mercredi à 9 h. 1/2 visite du service. Confé-
rences cliniques au lit des malades.
Hospice de la SALPÊTRIÈRE. - Cours de clinique des maladies du
système nerveux (Professeur M. BAYUOND). M. Gilles de la Tou-
rette, chargé de cours, a commencé le cours de clinique des ma-
ladies du système nerveux le vendredi 24 novembre 1899, à dix
heures du matin (Hospice de la Salpêtrière), et le continuera les
mardis et vendredis suivants, à la même heure. Programme
d'enseignement supplémentaire : Séméiologie des maladies du sys-
tème nerveux. M. le Dr Cestan. Ilistologie normale et patholo-
gique du système nerveux. M. le Dl' Philippe. Psychologie cli-
nique, M. le Dr Janet. -Electrodiagnostic et électrothérapie. M. le
Dr liuet. Examen du larynx. M. le Dr Cartaz. Examen des
yeux. M. le Dr Sauvineau. Examen des oreilles. M. le D Gellé.
Une affiche ultérieure indiquera les jours et heures des confé-
rences supplémentaires.
Hôtel-Dieu. Pathologie mentale et nerveuse. - M. le Dr E.
Dupré, professeur agrégé, a commencé ses cours le vendredi
17 novembre 1899, à 10 heures du matin, dans le salon de la salle
FAITS DIVERS. 529
Sainte-Madeleine, et les continuera à la même heure, les mardis
et les vendredis suivants (Hôtel-Dieu).
Meurtrier inconscient. Le nommé Julien, habitant Latour-
Couzals, près Castres, qui s'était constitué prisonnier à la police
de Toulouse, s'accusant du meurtre de sa maîtresse, Félicie
Ducousseau, a fait preuve d'un cynisme surprenant lors de la
reconstitution de la scène du crime. Au moment où les magistrats
allaient se retirer, Julien, très calme, se tourne vers un domes-
tique de la maison et lui dit : « Donnez donc à ces messieurs des
serviettes pour s'essuyer les mains. » (Le Journal du Peuple,
13 octobre 1899.)
Fureur d'un alcoolique. Gervais Lagnel, trente-quatre ans,
était au service du sieur Eudeline, cultivateur à Campeaux. Pen-
dant la moisson, le fils Eudeline, soldat au 74°, en garnison à
Paris, vint aider son père. Il chargeait des gerbes d'orge pendant
que Lagnel et une servante les liaient. Eudeline, mécontent des
manières de Lagnel avec la jeune fille, lui en fit l'observation.
Pour toute réponse, Lagnel prit un râteau et en asséna trois coups
si violents sur la tête du jeune soldat que le râteau se brisa et que
l'une des dents pénétra dans les chairs et. resta dans la plaie.
Lagnel est un alcoolique qui a été interné trois fois au Bon-
Sauveur. Il est considéré comme un fou dangereux. Le tribunal
correctionnel de Vire ne l'a condamné qu'à un mois d'emprison-
nement. (Le Bonhomme Normand du 2C octobre 1899.)
Alcoolique. Le nommé Rousselet, âgé de M ans, disparu
depuis le 11 août dernier, a été trouvé dans la forêt d'Evreux par
le garde Lefèvre. Son cadavre était en décomposition. Rousselet
qui avait manifesté depuis longtemps l'intention de se suicider,
s'était en effet pendu à une branche d'arbre. C'était un alcoolique.
(Le Rappel de l'Eure du 2o novembre 1899.)
Alcoolisme DE l'enfance. Georges Bommert, cinq ans, dont
le père habite près le Mans (Sarthe), où il est bouilleur de cru,
avait bu, pendant l'abscence de ce dernier, une certaine quantité
d'eau-de-vie, fraîchement distillée. Le petit malheureux est mort
peu après dans d'horribles souffrances. (Le Bonhomme Normand,
9 novembre 1899.)
Une aveugle bachelière. Une jeune fille née aveugle et sourde-
muette, Mlle Hélène Keller, a passé un brillant examen de bacca-
lauréat au Rad-Cliff Collège de New-York. Elle a remporté le pre-
mier prix de grec, de latin, d'algèbre et de géométrie. (La Fronde
du 24 octobre 1899.) 0
Archives, 2" série, t. VIII. 3t
: 5 : 30 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
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et de toujours nous les adresser 14, rue des Carmes.
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étant l'une des plus importantes de l'année, noies prions
instamment nos sousc1'ipteu ? 'S dont l'abonnement cesse ci
cette date, de nous envoyer le plus tôt possible le montant
de leur renouvellement . Ils pourront nous adresser ce
montant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur
localité, qui leur remettra un reçu de la somme versée.
Nous prenons ci notre charge les frais de 3 p. 100 prélevés
par la poste, et nos abonnés n'ont rien à payer en sus du
prix de leur renouvellement.
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quittance de réabonnement leur sera présentée, aug-
mentée des frais de recouvrement, à partir de
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SUITE leur renouvellement par un mandat-poste.
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abonnés de joindre à leur lettre de réabonnement et à toutes
leurs réclamations la BANDE de leur journal.
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tif des Archives de Neurologie et du Progrès Médical
est réduit à 30 francs pour la France et l'Etranger.
- Jusqu'au 3U décembre, la COLLECTION COMPLÈTE
des Archives de Neurologie sera livrée à nos nouveaux
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nement de 1899. - A partir du 1 janvier 1900 le prix de
la collection complète (1880-1899) sera porté Ù CENT CIN-
QUANTE francs.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Asile punuc d'aliénés UR SAINT-¥ON, Rapport médical pour
l'année 1898. Brochure m-4° de z pages. Kouen, 1899. Impri-
merie Cagniard.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 531
AsH.n public d'aliénés de Qu.\RE-MARES. Rapport médical pour
l'année 1898. Biochure in-i°' de 20 pages. llouen, 1S99. Impri-
merie Cagniard.
Cariiieiî (Georges). Contribution it l'élude des obsessions el des
impulsions it l'homicide et au suicide chez les dégénérés. ln-8° de
19t pages. Prix : 3 francs; pour nos abonnés 2 Irancs.
Cuto 1Ui-T (A.). Thérapeutique de la scoliose des adolescents.
Volume in-18 de 261 pages, avec 07 figures. Prix : 4 francs. Paris,
1889. Librairie Vigot frères.
1)0\ATII. lier epileplische 11'azxdt·rlrich (Poriomanie). - Brochure
in-8° de 21 pages. Budapest. 1899. Chez l'auteur.
DOXATtI (J.). Beit1'lige zizi, Pathologie und Thérapie der l3asetlow-
schen /i.1'Unkheit. Brochure m-8'' de 14 pages. Budapest, )89 ! ).
Chez l'auteur.
Fyuretyvende 13ERET''(1)G Om. Aandssvageanslalten paa Gl Bn1·-
Kehusogebberodgaord vecl IveGer7havezz for 1(iî-et fra 1 april 1898, lil
31 maris 1899. - Brochure in-8, de 51 pages, avecS planches. Kebers-
haven, 1899. Tryki lios Nielsen and Lydlche.
Grasset. - La distribution segmentaire des symptômes en séméio-
10.'lie médullaire. (Leçons recueillies et publiées par Gibert.) Bro-
chure m-S° de 77 pages. Montpellier, 1899. Imprimerie 1)elord-
Boehm. -
GUE.RIN et Aimé (H.). Un cas de folie intermittente avec élude de
quelques éléments errologiques. Brochure in-8" de G pages. Nancy,
1899. Extrait de la Ile vue médicale de l'Est.
IIUALDR. (J.-B.) l'ro/itaxia de la toCU1'C/. Volume in-8° de 106 pages.
Buenos-Ayres, 1899. lmprentu Sau Jorge '.
(Iugon (E.). Massage thérapeutique. Volume in-18 de 300 pages.
Prix : franc". l'aris, 1599. Librairie Vigot frères.
Knu.rn (Chr.). De Kellershe laxzrlssza7e- : lzzslalfer.- Brochure in-8°
de 29 pages, avec 6 vues. Kobenhavn, 1899. Librairte Numa lr raen6el.
Le Uuicou (E.). Contribution LI l'élude du pronostic de l'épilepsie
chez les enfants. In-S° de aU pages. Prix : 2 fr. 50. Pour nos
abonnés : 1 fr. 25. Aux bureaux du Progrès médical.
It.4ULIN (J.-M.). Le .z;Ï1'e el les exhilaranls. Élude anatomique,
psycho-physiologique et pathologique. - Volume in 8° de xm '9 pages,
avec 100 photogravures et dessins. - Prix : 7 fr. 50.
Biche (A.). Va taxie des tabétiques el son ? Ot<emeM/. Volume
in-80 de 120 pages, aveu 9 planches et 5 ligures. - Prix : 1 francs.
SACHS (II.) und Irnrwo (C.-S.). - lJic E)7.'ra ? ! <-M)iye) ! des Nervensyslems
naclz Unfallen mil besonclerer Rerucksichtigung der Untersuchung und
l3egulaclrlun ? - Volume m-S° le : ,SI pages, avec 20 figures. Prix :
20 francs. Berlin, 1899. Librairie Fischer's.
SOUli1' (J.). Système nerveux central. Structure et fonctions. Histoire
critique des théories cl des doctrines. 2 volumes in-11 reliés formant
ensemble 1.863 pages, avec figures. Paris, 1899. Librairie Carré et
Naud.
Le rédacteur-gérant : BOUH ! OEVILI.¡;.
TABLE DES MATIÈRES
.-1. n \SIE. Contrihutlon il la casnistlque
de l'astasie -, par Goldeteiu, 316.
Abcès cérébral et méningite aiguë,
par Klippel, 514.
Abstinence. Essai sur l'état mental
clans l' -, par Lassignardie, 167.
ACROJIÉGALIE. Un cas d' - en gant,
par Crocq, 48.
Ai Fr : CTIO ! OE blennoriiiiagiques. Con-
tribtitioii à l'étude des - du sys-
tème nerveux, par Moltschanôff',
340.
Agoraphobie. L'hypnotisme et le
traitement de l' -, pur Vlavianos,
233.. ,
Aiguille. Désordres produits par
une-danslamain,parllaere, 511. 1.
Aimant. Applications thérapeutiques
de 1' -, par .Toire, 162.
Alcool. La diminution de l'emploi
le l' - et ses résultats en Nor-
vège, 75.
Alcoolisme Médecine légale de l ?
par Lentz, 138, Tabagisme et
guéris par la suggestion hypno-
tique, par Bourdon, 163. Dra-
mes de l' -, 172. De l'importance
de l'emploi simultané de la sug-
gestion hypnotique et d'autres mé-
dicaments dans le traitement de
l'- chronique, par de 13echterew,
228. L' - avant l'alcool, par Del-
peuch, 308. L' , 31n. L' 431.
Alcooliques. La descendance des-
Influence de l'hérédité paternelle,
par Sabrazès et Brengues. 140.
Aliénation. Lèpre et -, par Kova-
levsky, 142.
Aliénés. Contribution à la question
des particularités (stigmates) phy-
siques des -, par VorOI)ieff 144.
La régularité du processus d'ac-
croissement des dans la popu-
lation du gouvernement de Mos-
co ? d'après le recensement de
1893, par Jalcowenko, 117. Con-
tribution à l'étude de l'anatomie
pathologique des pai Doutre-
bentpet Gombault, 219. Le système
osseux chez les -, par eriqcoe,
221. De l'emploi des bains prolon-
gés chez les -, par 1J0yer, 230.
Les - en liberté, 174, 23, 3î8,
351, 525. Traitement hydrique de
l ? par Foster, zig.
Du sens -, étudié chez
les mêmes malades aux trois pé-
riodes de la paralysie générale,
par ! \1arandoll de Montyel, 142.
Aménorrhée. Sur l' - nerveuse, par
Conlon,jou, ? 85.
Anasthésies. paralysies et alllyotro-
pilles en tranches, par Crocq,
512.
A : OENCLPIIALIE. De l'oreille interne
dans l' - par Veragutb, 412.
Angine DE poitrine. Des lésions
compensatrices dansi ? par
l'awnsky, 4S.
Anthropologie. Archives d' cri-
minelle, de psychologie nolmale
et pathologique, par Lacassagne
et Tarde, 426.
Apoplexie. De l' progressive ,-
parlioscet Vedel, 199. Un cas d' -
médullaire, par Mouravieff, 337.
Arrêt DE développement. Dû l'hu-
mérus gauche dans un cas d'hé-
miplégie infantile, par Bernard,
111.
Arthrite syphilitique des deux syl-
viennes et du tronc basilaire, par
Bacaloglu, 56.
An'unnLCIr. De l' hystérique du
genou, par Lepinte, 165.
Asile D'tLnaGs, 174. Réception à
1' d'Aix. Inauguration du buste
du D' Pontier, 66-527.
Astasie. Contribution à la casuis-
tique de l' abasie, par Goglus-
tein, 310.
Ataxie. Deux cas d' de Fned-
reich, par Colin, 319.
Athétose. Un cas d' bilatérale,
par Campbell, 510.
Atrophie. Musculaire et osseuse du
TABLE DES MATIERES.
membre supérieur droit, consécu-
tive il des traumatismes violents
et multiples, par Sabrazès et l\1ar-
sy, 310.
.\ 1 ROP¡I,. Du délire dans l'intoxica-
tien par l' -, par Bey er, 325,
Bégaiement. Contribution à l'étude
du - et de son traitement pra-
tique, par Thomas Derevoge, J66.
I;ii311oGit,i,iiir, î1, 518.
Bnr nncnto : rN. Le - par illignault,
416.
Capsule interne. Sur les altérations
des grandes cellules pyramidales
consécutives aux lésions de la-,
par illarinesco, 100.
Cardiopathie (ou lleart Fear), par
Enlisch, 311.
CnT.rontc. Les symptômes de la -,
par Worcester, 501).
Cellules dans les hôpitaux et ré-
formes urgentes, par Bourneville,
522. -
Centres nerveux. Les phénomènes
de la léparatiun dans les - après
la section des nerfs périphériques,
par Marinesco, 403.
Cervelet. Nuuvelles études sur la
physio- pathologie du - par
Gain, 222. Les dégénérations se-
condames chez les animaux, con-
sécutives aux lésions expérimen-
tales titi -avec présentation des
préparations microscopiques et
des ligures, par Versllolf. 235.
Recherches sm la moelle et le
des oiseaux, par Fnedlander, 101.
CHHtLHGtE du cerveau. Considéra-
tions sur les progrès récents ap-
portés il la -, par Neill, 233.
Chloroforme et suggestion, par Fa-
rez, Le Menant des Chesnais, etc.,
517.
Chorée variable, par Brissaud, 54.
a propos de la de Brissaud.
Trois observations de la -, par
Couvelaire et Crouzon, 480.
Classes spéciales. Lettre ct \I. C. Du-
puy sur la création de- pour les
enfants arriérés, par Bourneville,
429.
Claudication intermittente doulou-
reuse, par Brissaud, 157.
Compression. Des différentes formes
de paralysie due à la - de la
moelle épinière. Leur physiologie
pathologique, 401.
Confusion mentale. Relation d'un
cas de post-opératoire, par
. Fenayrou, 257.
Congrès des aliénistes et neurolo-
gistes, 59.
Contracture. Un cas de congéni-
tale avec hypertrophie de l'extré-
mité supérieure gauche, par Ka-
lischer, 320.
Convulsifs. Considérations cliniques
sur l'avenir des infantiles, par
Du four, Marie, Iloddo, Joffroy, 159.
Corps calleux. Balle dans le , par
Chipault, 513.
Cot,cm : optique. Tubercules de la-,
par Démange et Spillmann, 55.
Criminalité. Pathologie et -, par
Jentsch, 137. Problèmes de la
par Tarde, 427.
CYCLONE. Sur les causes de la -.
par Legge, 218.
Décadents. Symbolistes et -, par
Ba,7elloff, 325.
Dédoublement. Les phénomènes de
la distraction cérébrale et les états
dits de de la personnalité, par
Laupts, 139.
Dégénérés. Education des supé-
rieurs, par Thulié, 518.
Dégénérescence et stigmates mpn-
taux. Malformation ue l'ectoderme;
myoclonie éptsodiclue, par Feindel
et Froussard, 1 13.
Délire. Le dans les fractures du
crâne, par AI eilza, 313. mens-
truels périodiques, par 'l'rénel,
327. Toxique avec crises épi-
leptiformes causées par le sulfate
de cinchol1ldll1p, par Ballet, 159.
DEt.iRiuo '1 HE'IES, Bains froids clans
le -, par Letulle, 418.
Démence. Un cas de organique
chez une femme hystérique, par
Lioubouchine, 340.
DERMOGRAPIIIE. La- chez les aliénés,
par Téré et Lance, 140.
Développement. Eludes cliniques et
étiologiques sur le défectueux
de l'intelligence, chez les enfants,
par Looft, 73.
Distraction. Les phénomènes de la
cérébrale et les états dits de
dédoublement de la personnalité,
par Lauuts. 139.
Dure-mère. Observation de sarcome
de la spinale; contribution à la
connaissance des dégénérescence
secondaire consécutives à la coin-
a34 Ir TABLE DES MATIÈRES.
pression de la moelle, par Ques-
nel, 410. Sur les titér"ltiolls
Empoisonnement. Sur les altérations
anatomiques du système nerveux
central dues il l' - par le poison,
par Tehe ! 'l1lcheff, 237. -
Encéphalite. Un cas d' aigué hé-
morragique avec présentation de
la malade, par Broukhansky, 23 ?
- infectieuse chez deux frères,
par F ilatoff, 333. - hémorragique,
par Deiters, 491.
Encéphalopathie et tuberculose,
par Dufour et Dide, 514.
Enervement. L ? par illargain, 168.
Enfants. Corps et âme de 1 ? par
de Fleury, 519.
E\1·'.1\1'S 11.1L.1DI : 5..\'oleurs et incen-
diaires, 350.
Epilepsie. Deux trépanations, per-
sistance des accès, par Jourdan,
122. Contribution il l'étude de l'-
et de son tl'a.tement, par Wis-
locki, 133. Suites éloignées de la
résection du sympathique dans
,1 - par Souques, 158. Des prin-
cipes essentiels du diagnostic et
du traitement de l' -, par Les-
zynsky, 233. Manifestations lar-
vées de l' -, par Brown, 3 12. Deux
cas d' - jacksonnienne -, par
Briz, 313. - de Flechsig. De la
méthode en traitement de l' -
de Feschsig, par Schroeder, ! r20.
De l'importance des médicaments
cardiaques dans le traitement de
l' -, par de Bechterew, 423. Trai-
tement médical de l' - pai
Huches, 425. Contraction de l'es.
tomac dans l' -, par Ossipow,
488. Paralysie radiale consécutive
il des attaques cI ? par Aduler ? 1tJ. Accès teianoiaes dans n -,
par Clark, 509, jacksonnienne
hystérique, par Crocq, 512.
Epileptique brûlée vive, 217. Dé-
mence - paralytique spasmo-
(11(lU(' à l'époque de la puberté,
par Voisin, 331. Observation d'a-
acromégalie, chez un fument,
par Farnaner, 332. Les - et les
idiots, 349. Des fractures sponta-
nées pendant les accès -, par
Charon, 484. Attaques - forme
d'angoisse, par de liechterew, 500.
Esprit SCIE nl'IOUE. L' contem-
plain, par Foveau de Cour-
melles, 240.
I : ruea. Abus d' - dans la l'russe
orientale, par Sommer, 421.
E\ adi'.s. Trois - de Ville-Evrard, 77.
HxniBti' ! 0.\ ! < ! srE.Prese ! )tation()'un,
150.
Faisceau optique. Le - médian du
pigeon, par Wallenberg, 424.
Faisceau pyramidal. Les contrac-
tures et la portion spinale du -,
par Grasset, 50.
Folie. Mysticisme et -, par Ma-
ne, 31. Syphilis et -, par Col-
lotti, 328. L'imbécillité et la -
de l'imbécillité devant la loi, par
Huches, 330.
Fou. Un
76.
Ganglions spinaux. Contribution àla
pathologie des cellules des -,
par Jullusbergel' et Meyer, 322.
Glycosurie. Recherches sur la -
alimentaire dans les maladies
mentales au point de vue ries
rapports entre la folie et le dia-
bète, par Btllisari, 32...
Goitre exophtalmique. Syndrome
survenu chez un goitreux. Guéri-
son par l'électricité, par Veslin et
Leroy, 115. Traitement du -
par l'ovanne, par Uelaunay, 132.
- par t'opou, 338. Troubles mo-
teurs dans le-,par P. Londe, 514.
Gynécologie. Du rôle de l'hygiène
et de la - dans les services de
femmes aliénées, par Picqué et
Febvré, 60.
Hallucinations religieuses et délile e
religieux transitoire dans l'épi-
lepsie, par Mabille. 141. Les -
psychomotllces verbales dans l'al-
coolisme, par Cololian, 373.
fIÉ' ! \TO)IY.L1E compliquant une sec-
tion médullaire, par Déjerine,
4. '8.
ti11T01'AI1PII5'RIfvUIIIE. Noies sur
l'urobilinurie et l' - toxiques
dans les maladies nerveuses, par
Ifascovec, 113.
IIÉ111CIioIiEES. Sur les -, par La
Riva, 312,
Hémiplégie cérébrale infantile. Arrêt
de développement de l'humérus
gauche dans un cas d' -, par
Bernard, 111. - gauche et para-
lysie alterne de la sensibilité
par Ballet, 159. Deux observations
TABLE DES MATIERES.
z35
il' - avec lvmiauethésie, par
Monnonr et Gentès, 277. - hysté-
rique, par Guttmann, 501. - al-
terne, par Babll1skl, 513.
Hémiplégiques. Muscles abdominaux
et orifice inguinal chez les -
par Sicard, 515.
Hémorragies méningées. Sur quel-
ques variétés'd ? par Bouet,57.
Hérédité. L' - dans les familles
d'aliénés et la théorie générale de
l'hérédité, par Sollier, '57.
Hygiène. Du rôle de l' - et de la
gynécologie dans les services de
femmes aliénées, par Picqué et
Febvré, 00.
Hyperthermie. Recherches sur les
lésions des centres nerveux con-
sécutives à l' - expérimentale et
à la fièvre, pal' il1arinesco, 228.
Hypertrophie. Pseudo-acroméga-
lique segmentaire de tout un
membre supérieur avec troubles
syrmgomyéliques ayant la même
topographie, par Chauffard et
Gtill'on, 480.
Hypospadias. Idiotie congénitale ; -
et pseudo-hermaphrodisme ex-
terne, par Faucher et 1J0unlin, 291.
HSTÉ111r. De la nature et de la
genèse de l' -, par Sellier, 2-Il.-
de l'enfance, par Bourneville et
lJoypr, 391. - chez un chat et un
serin, par lliier, 489.
Idée. L' - fixe, par Kéraval, 1-81,
et névrose, par Raymond et
/ Janet, 168.
Idiotie congénitale; hypospadias et
pseudo-hermaphrodisme externe,
par Faucher et Bourdin, 291.
Idiots. Les épileptiques et les -, 349.
Assistance des -, 524. Í.
Imbécillité. L'- et la folie de 1' -
devant la loi, par Ilughes. 330.
]%[P.tLUDISlF. Des délires dans l' -,
par Chabal, ait. 'J.
Impulsions. Traitement psychothéra-
pique des - chez les aliénés, par
Sladelmann, 161. Des - et en
particulier des obsessions impul-
sives, par Le Groignec, 2l\.
Incontinence d'urine et suggestion
pendant le sommeil naturel, par
Parez, 161. - Un curieux cas d'
spasmodique pendant le coït, t,
par Farez, 161. - d'oiigine hys-
par Bavant, 311. *
INOCULA'RIORS. Contribution à l'étude
des phénomènes paralytiques dans
les - pasteuriennes,"par Darks-
cllewltsct, f°2.
Inversion. Le traitement de l' du
sens génital et de la masturbation,
par la suggestion, par de Beeh-
terew, 231.
Jalousie. Le délire dans la affec-
tive, par Imbert, 215.
Labyrinthe. Contribution à la phy-
siolonie et à la physiologie patho-
logique du chez l'homme, par
Egger, 224.
Lèpre et aliénation, par Iiovalewsky,
142.
Lumière colorée. La en théra-
peutique nerveuse, par Grignan,
238, par Regnault et Bérillon,
239.
Maladie DE BASEDOW. Voir Goitre
exophtalmique
Maladie DE LI1TLE. Le traitement
orthopédio-chirurgical de la ,
par Lapmski, 231.
Maladies mentales. Contribution à
la symptologie des signes physi-
ques des -, par Bemstein, 339.
Travail et alitement dans le
traitement des -, par Sérieux et
Farnarier, 412.
LEDICO-LI.GAL. Quelques réflexions
sur les expertises à propos de
l'examen - du meurtrier C... et
rapport sur son état mental, par
Garnier, 137. Consultation au
sujet d'un internementpar Bonnet,
138.
Méningite. Etiologie et fréquence de
la sporadique suppurée, par
Boston, 311. syphilitique fron-
tale, par Sano, 315. ventri-
cutaue commune des adultes, par
Bresler, 496.
\I1`.n.LCm. Traltement cbirurical de
la paresthésique, par Souques
et Iauclaire, 157. Un cas de -
paresthésique traité par la rebec-
tion du nerf lémoro-cutané, par
Souques. 416.
Moelle. Des altérations de la -
consécutives il la forcipressure de
l'aorte abdominale chez le chien,
par llotbmanu, 226. Des difré-
rentes formes de paraplégie due à
la compression de la épinière.
Leur physiologie pathologique,
S36
TABLE DES MATIERES.
par Van Gehuchlen, 401. - Re-
cherches sur la - et le cervelet
des oiseaux, par Friedlaender, 40L
- Contribution au trajet des fibres
des racines postérieures dans la
ceivicale de l'homme, par
Schaffer, 406. Circulation Iympha-
tique de la -, par Guillain, 513.
Monoplégie spinale, par Weil, 490.
Morpiiinomanie. 78. Traitement par
la méthode de sevrage rapide, par
Comar, 130; , par Debove, 131.
1115·t : wccPn.t.e. Histologie du
de Vacher, par Toulouse, 332.
Myélites. Les syphilitiques, par
Gilles de la Tourette, 71. Ana-
tomie pathologique d'un cas de-
syphilitique, par \\'tlltamson, 2 ? 1.
aigué disséminée, par Fuers-
teiier, 504.
)IYOCLoNIE. La épileptique, par
Dide, 59. Dégénél esceuce et
stigmates mentaux; malformation
de l'ectoderme. - épisodique, par
Feindel et Froussard, 143.
)IYOTONIE. Un cas de - familiale
(maladie de Thomsen) compliquée
de tabes, par Nalbaiirioff, 1 45.
Contribution au traitement de la
- , par de f3ecbterew, 420.
1lsrrcrsuc et folie, par Marie, 31.
)1Y\OEDblE spontané infantile, par
Briquet, 52. Pathologie du -,
par lluratow, 199.
Nasale. Insuilisance - hystérique,
par Lermoyez, 307.
Nécrologie. 430. - Calés. 519. : \ERtS périphériques. Les phéno-
mènes de réparation dans les cen-
tres nerveux après la section des
, par van Gehuchten, 220 La
terminaison des - dans les organes
centraux, par Auerbach, 405.
Neurasthénie. Les trépidations et
les phobies de la cérébrale, par
Hughes, 330.
Névralgie paresthésique. Névrite du
fémoro-cutané, par Lop, 53. De
la valeur thérapeutique des cou-
- rants continus dans le traitement
de la du trijumeau, par 1111as,
166. du trijumeau d'origine
traumatique, par Hasch, 316. : 'ÍLvRIIE. Contribution à l'étude delà
ascendante, par Marinesco, 309.
parenchymateuse subaigus, par
Rossolimo, 334. hémiplégiques,
par intoxication o y - cal1;onée.
Valeur de l'électio-riiagnostic, par
Lereboullet et Allard, Í7f1.- olti-
que avec cécité bilatérale, par
Higier, 486. - du rémoro-cutané
externe, par \Varda, 498.
Névroses et idées fixes, par Ray-
mond et Janet, 168. Etiologie des
- fonctionnelles, par Blel'l1ackl,
483.
OBSESSIONS IJl[mT1OS. Contribution
à l'étude des - et eu particulier
de l'infibitton génitale, par Sati-
tarel, 247. - des -, par Mendel.
326.
Occultisme. L' - scientifique, par
Crocq, 1 U.
Oculomoteur commun, Contribution
au diagnostic électrique des pata-
lysies de l' -, par Weitheini-
Salomonsou, 317.
Ocm.o-nto'mcr.. Double centre d'Iuer-
vation corticale, par Roux, 177.
Onanisme. L' - et sou traitement
psychothérapique, par l3éi tllon,
163.
OYII't'AL\I07'LLGIE. Deux cas d' -
externe chez deux frères jumeaux,
par Homen, 49.
Oreille. De l' - interne dans
l'anencéphalie. par Veraguth, il2.
Orteils. Du phénomène des - dans
l'épilepsie, par Babinski, 156.
Paralysie. Sur les altérations du
système nerveux central dans la
- saturnine, par Rybakolf, l'r9.
Un cas de - d'ongine saturnine,
par Sano, 307. Sur )adinh-
térique, par 13d.tLers, 313. Cou-
tribution au diagnostic électrique
des de l'oculo-moteuruommun,
par Weriheim-Salomouson, 317.
Deux cas de bizarres, par
Prl'obrajenski. 333. Les plis cu-
tanés des inducteurs dans la
infantile, par Salomonson, 482.
De la - phosphorée, par llens-
cheu, 485. du médian, par
Bernhardt, î98. - traumatique
du plexus brachial, par Kosch,
î99. Symptomatologie et etioloye
des périphériques de la région
du cou, par Holilnann, 502.
radiale par compressions, par
11lJenue et Bernhetm. 512.
Paralysie nu'n.mr. Hémiplégie gau-
che et - sensibilité, par Ballet.
159.
TABLE DES MATIÈRES. S37
Paralysie faciale. Sur le phéno-
mène de Bell dans la - pénphé-
nque et sur sa valeur pronostique,
par Rordier et Frenkel, 56. Des
- récnlmantes, pal' Be ! nl>al'dt,
3La.
Paralysie générale chez une imbé-
cile, par Cullerre, 141. Du sens
algésique étudié chez les mêmes
malades au\ trois périodes de la
- . pal' Marandon de )lontyel. 1.>2.
17u rble de l'Uérédcté dans l'étio-
logie de la-. par Crocq, 1 H. -
pivénile, par Toulouse, 154. Con-
tribution au traitement du tabès
c't de la -, par Adler, 30. Un cas
rie ries aliénés chez une enfant,
324. Un cas de - avec hallucina-
tion, par Truelle. 322.
l'an u.w nnues ct : vi n,w. tude de la
descendance cles -, par 1'ahl.
311. - Un cas d'hallucinations
psycho-motiices chez un , pai
Leioy, 469.
Pascal. La maladie de Blaise -,
par Binet-Sanglé. 252.
Pathologie et criminalité , par
,Jentsch. J37.
l'ASTEUHIENto(ES. Contribution il
l'élude ries phénomènes paralyti-
ques dans les inoculations -, par
Ditrksclievntscli, 422.
Pédagogie. De la , par Ley et
Sano, 253.
Péromeh. Le groupe des trauma-
tismes médullaires, par Minor,
336.
)' ! ionn' : s.Lesnem'asthcnifjnes
traitées par auto-suggestion, par
Lépinay, 162. Les trépidations et
los - de la neuratome cérébrale,
par lluglies, 330.
Phtisie. Delà et en particulier de
la - latente dans ses rapports
avec les psychoses, par Chartier,
171.
l'ITLl1AIIIr.. Tumcurs de la glande-,
par Pechkranz, 500.
PI-ÉTIlY ! .)IOr.RAPIIIOU¡;S. Etude des -
en psycho-physiologie, par Lher-
Illll11er, 104. t.
I'ot.vn ! : v;me. L'évolution récidivante
de la - interstmelle Icypertro-
phique progressive de l'enlance,
par Rossolimo, 1 40.
Pom : nct`.ruac.ce. De la-, par Hichter,
22.
Ymv .t3elhomme, aS. Société mé-
dico-psychologique -, 346.
Esquirol. Bétablissement du -,
.)7. - Moreau, 58.
PSr.LDO-T13FS. Une observation de
- . par Valin, 30,5.
PS1C110-I : STII1351E. Sur un cas de -.
par Gulhne, 306.
Psychoses polynévritiques, par Ma-
bille, 59. Des - dans leurs
rapports avec les affections des
rems, par Guélon, 165. De la
phtisie et en particulier de la
phtisie latente dans ses rapports
avec les-, par Chartier, 171. Trahi-
tement des - par le repos au lit,
par Farnarier et Sérieux, 509.
Psychonévrose post-infectleuse gué-
rie par suggestion, par Farez, 237.
Psychothérapique. Traitement ries
impulsions chez les aliénés, par
Stadebnann, 161.
Ramollissement. Foyers de cé-
réblal et troubles psychiques par
Charon, 433.
Respiration de Cheane- Stockes.
Théorie cérébrale de la -, par
ISahé, 4S` ? . - pendant le som-
,,ici[ d'un choréique, par Bour-
riillon, 512.
Béteniton d'urine. Une foime psy-
chopatluque de la -, par de
l3ecloerew, 495.
HI : -I nACT1O. La de l'aponévrose
palmaire chez lesdiabétillues, pal
Maréchal, 48.
Saturnine. Un cas de paralysie
d'origine -, par Sano, 307.
SCI,Tliil i. Traitement de la ,
par l'ichthyol, par Croc'1, 22H.
bi'jterate dans la néphrite,
I,ttpillsiiy, 500.
Sclérose en plaques. Un cas de
tremblement segmentai ! dans
la -, par Grasset, 49. par
Henni, 312. Diagnostic différen-
tiel entre la et l'hystérie, par
Blizzard, 313. Ecorce cérébrale
dans la -, par Philippe et Jones,
514.
Scoliose ries adolescents, par Chi-
pault, 521. »
Sémites. Essai sur la pathologie
ries -, par Béraud, 166.
Sensibilité générale . Les voies
centrales de la -, par Long, 399.
Sens VUSCI,L : IInC. Sur le - à propos
de quelques travaux récents, par
Verger, 461.
538
TABLE DES MANIÈRES.
Société médico-psycholnnique, par
Briand, 57, 150, 231, 3'<6, 509.
de neuiopathologie et de psychia-
' trie de Moscou, lî4, 333, 23L -
de neurologie, 155, 213,' 512. -
d'1134ntolorle et de l,<;)chologie,
161, 237.516. -
Sommeil. Quelques contributions à
la psychologie du - clIez les
sains d'esprit et chez les aliénés,
par Pilez. 142. D'un remarquable
état de - pathologique, par
llolzinger, 314.
Sous-arachnoïdiennes. Des injec-
tions -, par Sicard 419.
SPASME. Un cas de - avec contrac-
tion hémiplégique sans paialvsie,
par Stewrt, 312.
SIIN,%-ljlrl]3A. Traitement du - par
l'incision suivie de la fermeture
du canal rachidien, par Yelver-
ton-Pearson, 424.
Spiritisme. Phénomènes provoqués
par le-. par Bérillon, jl6.
Stupeur mentale intermittente, par
Noble, 328.
Subconscient. Essai sur le - dans
les oeuvres de l'esprit et chez
leurs auteurs, par Chabaneix, 246.
Suc ovarien. Le -. Effets physio-
logiques et thérapeutiques, par
Bestion, 243.
Suggestive. Quelques mots sur la
nature et les indications (le
rapeutique , par Forel, 130.
.Suicides d'enfants, 345, par in-
jection sous-cutanée, 351. Tenta-
tive de - d'un enfant, 525.
Sulfure de carbone. Contributions
expérimentales etanatomio-patho-
logiques à l'étude de l'intoxication
chromqne par le -, par lirnster.
413.
Surdité verbale pure de nature
hystérique, 1 : JJ,1)arliaymond.-v il
la suite d'une fracturé du crâne,
par Bielkowskv, 402. - mentale,
par f3oblnson,Sl3.
Symbolistes et décadents; par Ba-
génon, 323. '
Sympathique. Traitement de l'épi-
lepsie essentielle .par les opél a-
tions pratiquées sur le grand -,
par 13riand, 16b. Maladies du -,
par Robent, 306.
Syndrome de LARDR)' par lésions
exclusives des cornes antérieures
(myélite ascendante antérieure ai-
guë), par Courmont et Bonne, 353.
1 S\).oDBO\lE de LITTLE. Le ; sa va-
leur nosologique ; sa pathogénie,
par Cestan, 342.
Sapiiilis et tabes, par Touche, 52.
- et folie, par Collotti,328.
SmvcowÉLte, par CarslaAv, 814.
Lésion bulbairedansla avancée,
par Philippe et Obertiiiit,, 515.
Tabagisme et alcoolisme guéris par
la suggestion hypnotique, 163.
il ABE. Syptitiset , par Touche, 52.
Contribution au traitement du
et de la paralysie générale par
Ailler, 230. Le labjlll1thique,
pal' Bounier, 310. La manière
d'être des cellules des ganglions
spinaux dans le-- éclairée par la
méthode de coloration de Nissl,
par Schafler, 403. et paralysie
générale dans leurs rapports avec
la syphilis; proposition théra-
peutique, par Adler, =r21. Symp-
tômes consécutifs à la ponction
lombaire dans le dorsal, par
Babcock, 424. et surmenage
physique, par Loewenfeld, 508.
cervical, par de Bucl : , 510.
Tatouage. Le - : médical en Ego pute
dans l'antiquité el il l'époque ac-
tuelle, par Fouquet, 426.
Temps. Appréciation post-hypno-
tique du -, par Bramwel, 517.
Tétanos. Un cas de chez l'en-
fant de trois ans guéri par le
sérum antitétanique, par Bern-
hardt, 13t. Notice historique
relative à l'étude du cépha-
lulue, pal Bernllardt, 321.
Thèses de la Faculté de médecine de
Paris (année scolaire 1897-1890 sur
la neurologie et la psychiatrie, 249.
Tiiaboi'de. Pathologie de la glande
- , par Murray, 314.
Tic traité avec succès par la sug-
gestion hypnotique, par Vlavia-
nos, 162. Un cas de traité par
la suggestion, par Féron.426.
Torticolis mental. Sur le traite-
ment du et des tics similaires,
par Ilrissaud et Feindel, 133.
Tremblement. Quatre observations
de -, par Boinet, 480.
Trépidations. Les et les phobies
de la neuratonie cérébrale, par
Ilugltes, 330.
Trihromure de salol. Le -; sa va-
leur comme hypnotique chez les
aliénés, par Viâilon, 130.
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.
539
Traumatique. Notion - dans l'etio-
logie ries maladies nerveuses, par
Gauppe. 497.
Tumeurs cérébrales avec diagnostic
rie la localisation, par Bruns,
493.
Tampanite gastrique, par W vald,
510.
Typhoïde. Des paralysies g-éném11-
sées dans la fièvre , par Etienne,
JI.
Urobilinurie. Notes sur l' - et
l'hématoporphyrinurie toxiques
dans les maladies nerveuses, par
Ilascovec, l 13.
Visuel. Structure du centre cortical
- du cerveau, par Hamon v Cajal
125.
Vomissements incoercibles de nature
hystérique traités par la méthode
d'Anostoli, par Decroly, 229.
Zona. Note sur un cas de - du
nerf trijumeau (branche ophtal-
mique de Willis et nerf maxillaire
supérieur), par Vilcoq, 300.
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS
Adler, 230, 421, 490. 1
Allard, 4ï ! ).
Aroilza, 313.
Arnaud, 154.
Allerbach,408.
Babcock, 42 >,
liabinsl.i, 156, 513.
Bacaloglu, 56.
Bdgenotr, 325.
Ballet, 159.
Iiatters, 313.
Bechterew (de) , 228,
`131,420.423,493,500.
Bellet, 248.
Bellisari, 3 ? i.
Bemstein, 33 ! J.' l
Béraurl, 166.
Bérillon, 163, 239, 516.
Bernai d, 111,
Bornhardt,l3É,315,321,
498.
Bernheim. 512.
Bestion, 243.
Beyer, 325.
Bielschowsky, 492.
Biernacld, 183.
Binet-Sanglé, ` ? : 2.
Boinet, 57, 410.
Bonne, 353.
Bonnet, 138.
Bonnier, 310.
Bordier, 56.
Bosc, 199.
Bourdillon, 512.
Bourdin, 291.
Bourdon, 163.
Bourneville, 391, 429.
522.
Boyer, 230, 391.
Ilramwel, 517.
Brengues, 140.
BresÎer, 496.
l3riand,5î, 150, 231,310.
509.
Briquet. 52.
Bnscol 221.
Brissaud, 5 É, 133, 1jÍ.
Briz, 313.
Bruns, 493.
Broukhansky, 234.
Ilrowl1, 312.
Buck (de), 510.
Blizzard. 313.
Calés, 521.
Campbell, 510.
Carslaw, 314.
Cestan, 342.
Cliabal, 241.
Chabaneix, 216.
Charon, 433, 481.
Chartier, ni.
Chauffard, 480. '
Chipault, 513, 519.
Clark, 509.
Colin, 319.
Collotti, 328.
Cololian, 373.
Comar, 130.
Coulonjou, 285.
Courmont, 353.
Couvelaire, 180.
Crocq, 48,141, 14v, 9,
512.
Crouzon, 480.
Cullerre, 141.
Da.rkschewitsch, 422.
Daubv, 430,
Debove, 131.
Drcroly, 229.
Deiters, 491.
Déjerine, 158. 512.
Delaunav, 132.
Delpeuch 305.
Démange, 55.
Derevoge, 166.
Diode, 59, 514.
Doutrebente, 1(,1, 219.
Dufour, 159, 514.
Egger, 224.
Englisch, 311.
Etienne, 51.
Ewald, 510.
Farez, 161, 237, 517.
Farnarier, 332, 442, 509.
Faucher, 291.
Febvré, 60.
Feindel, 133, 143.
Feuayrou,25î.
Féron, 426.
ï)40 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.
rllatofi, 333.
Fleury (M. de), 519.
Foret, 136. ·
Poster. 417.
Foveau de Gourmelles,
240.
Frenkel, 50.
Fnedlamder, 404.
Froussard, 143.
Fuerstner. 504.
Garnier. 137,
Gatta. 222.
Gauppe, 497.
Gelmcllten. 20, 401.
Gentôs, 277.
Gilles de la Tourette, 71.
Goldstein, 316.
Gomhault, 219.
Grasset, 49, 50.
Griffon, 480.
Grignan. 238.
Guélon, 165.
Guillain, 513.
Gutltrle, 306.
Ruthnatn],50).
Hascovec, Ii3.
Henschen, 48 : ).
Hiler. IS6. 'm9.
Ilûrijlo, 160.
Hoffmann, 502.
Holzin¡;er, 31 L
Homen, 42. '
Huches, 330, 425.
im'bert, 245.
Jakovenko, 145, ! 47.
Janet, 168.
.lentsclt, l3 ï.
'Joffroy, 160.
Joire. 102.
Jones, 51 4.
.lourdan. 122.
Jiiliusberger. 322.
Kalischer, 320.
Keraval, I. 81.
Klippel. 514.
Kcester. 'f 13.
Kosch, 499.
KûvaleAvsky, 142.
Lacassagne, -'120.
Lance, 1 \O.
Ldpinsln, 231, GOO.
La Riva, 312.
Lassignardie, 107.
Laupts, 139.
Lere, °18.
Le Groignae, 244. L
Lentz, 138,
1 Lépinay, 162.
Lepinte, 165.
Loreboullet, 479.
Lermoyez, 397.
Leroy, 41 ? sG9.
Leszynski. 233.
Letulle. : >18.
Lev. 2J3.
Lhérminier, 164.
Lioubouchine, 340.
Loewenleld, ;)O.
Loude. 51 'L
Long, 399.-
Loart, 73.
Lop, 53..
Mabille, 59. 111.
Maere, 511.
Marandon rie Montyel,
, t2.
Maréchal, 48.
Margain. 168.
.Marie, 33, 160.
\Iarnesco.2lS, 300,-i00,
403.'
lauclaire, 1;;7.
Mendel, 320.
Me\ rr, 322.
Mi as, 160.
Mignault, 410.
)11 uor, 336.
MoltschanofT, 340
hlongour; 'i7.
Mouravieff, 337.
MuratOAV, 499.
\lurray, 31 4.
Nalbaiirioff, 145.
Neill, 233.
Noble, 328.
Oherthur, 515.
OssipOAv, 488.
l'ml-Boncout t, 319, ;)1S,
520. '
Pawinski, 48.
Pechkrang, ;'06.
Pélofi, 248.
Perry (rle), 53.
Philippe, 514, 515.
Picqué, 60.
Pilez, I 42.
Pontier, 66.
Popofl, 335.
Preobrajensky,333.
Quensel, 410.
Rabé, 482.
Ramon y Calai, 123.
Hasch, 816. "9\ ! .
Bavant, 311.
Iiaymond. 15.ï, 1G8.
Régis, 243.
Régnait.239.
Renzi (de). 312.
IBchter. ? 2.
1\obel t, 306.
Roblllon 513.
Hosso ! imo,tK ! .33t 4
Hothmann. 226.
Roux. 17,.
BAbakolî. 149.
Sàbrazès, 1 10. ? L
Salomonsen, 482.
Sano, 253, 307, 511. I.
Sdlltarel, 217.
SChall"er, 103, 106,
Schroeder, 420.
Sérieux, 4 42, 509.
Sicar<I, 'r19, : I;i.
Solher, 57.
Sommer, 421 .
Souques, 157. 15S. 4 1 7
Splilmann, 55.
Stadelmann, 101.
Stewart, 31
Tarde, 426.
Tcherl1lchef ! . 23,
Téré, 140.
Thomson, 32 \.
Thulié, 518.
Touche. 52. ,
Toulouse, Ijl, 332
Trénel, 327.
Truelle, 332.
Valin, 305.
Vedel, 199.
Veraguth, 412.
Veiger. 461.
Versiloll. 235.
Veslin, 418.
Viallon, 130.
Vigouroux, 483.
Vil'coq, 306.
Vlavi`mos, -1G2, 233
Voisin, 331. 1
Wahl, 24 4.
Wallenberg, 414
Warda 498.
Weil, 490.
Welsh, 32f.
Wertheim Salomsun ,
317.
Wiliamson, 221.
Wislockl, 133.
Worcester, 509.
Woiobiefï, 144.
Yelverton-I'eartoii, 424-
Evrcua, Ch. IIERISSEY, pllnp. 12U