(1899) Archives de neurologie [2ème série, tome 08, n° 43-48] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales
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(1899) Archives de neurologie [2ème série, tome 08, n° 43-48] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales

ARCHIVES

DE E

NEUROLOGIE

ARCHIVES

DE E

NEUROLOGIE

REVUE MENSUELLE

DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES

Fond 13 FAR J.-M. CHAKCOT

f'UIILII.( : S()US LA DIIiRC'l'ION 11F : mn.

A. JOFFROY

Professeur de clinique

des

maladies mentales

a la Faculté de médecine

de P.l1 ¡s.

V. MAGNAN

Membre de l'Académie

de médecine

Médecin de l'Agile clinique

(Ste-Anne).

F. RAYMOND

Professeur de clinique

des maladies

du système lier* eux

a lu faculté de médecine

de Pans.

CQLLAUOIU.TKuns ritmcrAUx

I.\I. ATHAVASSIC, 13AU1 ? Slil, ISALLIr'C,jBI'slt ? IItD (li.), BHNCHAHU (Ii.), BLIN,

f301SSIElt (BONNE. B05C, BOUIIIJIN, BOYEII (J.). 1111 lAND ( : 1L), ItI31S5AlIU (E.),

BROIIARDEL (l'.), UATSAHAS. C.HABBEItT, CHAUOX, CHRISTIAN, COLOUAX,

COULONJOU, COUIt110\T, CIILLEllllE, UI ? I30VS (M.). UENY, UIÎVAY,

UUC.1111', IIUSAL (hTII"8), FAIINAIIIEH (F.), FAUCHER. FEItE (Cu.), C'EN4YI301 : ,

1lmlllEH, FRANCOTTE, GILLES DE LA TO111t1r'C'lE, GAItN[1111 (5 ?

GENTES, GOMIIAULT, GRASSET, JOURUAN, IOEHA V AL, LANDOUZY, LEGIIAIN.

LEROY (Il.). LWO £ o'I1, HABJLLE. MARIE, 611EItZEJEIVSKY, MIRALL1É, P10\GOI;B,

\IIISGItAVE-( : LAY, NOIR, l'IEI(l1--T, PITRES, ItEGIS, ]tEGNAI(l) (P.),

RÉGNIER (P.), ltl(;111'11 Il'.), ItELI.AY (P.). ROT» (W.), HOUX (J.), SÉGLAS.

SlcIlIEI'X, v0l.l.ll ? It, SOIt()11l.S, SOIIHY IJ.), TEINTURIER (E.), TilUl.l ? (II.), UlllliOLA.

VALLON, YEDEL, VEIIGEII (11.), V1LLAIIIJ, VOISIN (J.), YY01 (P.).

Rédacteur en chef : UOUIINEVII.I.E

Secrétaires de la rédaction : .J.-H. (;11/\lIeo'l' et J. NOIR

Dessinateur : LEUB.1

Deuxième série, tome VIII. 1899.

Avec 6 figures dans le texte.

PARIS

BU H EAUX DU PIiO(IiCS 11lls`OICAL

1 1. rue des Carmes

1899

Vol. VIII. Juillet 1899. N° 43

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE MENTALE.

L'IDEE FIXE;

Par le 1), P. KEHAVAL,

Médecin directeur de l'asile d'Armentières (Nord).

Historique.

Préciser le sens et la valeur actuels du symptùme connu

sous le nom d'idée fixe, peut-être un peu oublié de nos jours,

en tracer les rapports avec l'état mental normal et les princi-

pales formes psychopathiques dans lesquelles il se montre, tel

est le but de cette étude.'

L'importance des premières descriptions des maladies men-

tales faites par les maîtres français, en des ouvrages immor-

tels, grandit de jour en jour, à raison même des détails et des

aperçus, ^quelquefois distincts, dont on se plaît paitout en

France et à l'étranger à compléter en quelque sorte leurs

oeuvres. L'Allemagne, qui s'est d'abord inspirée, et pendant

longtemps, de leurs travaux traduits et commentés par ses pre-

miers sujets, a bientôt énormément produit dans le sens que

nous indiquons ; ce sont tantôt des livres d'ensemble exami-

nant les psychoses sous des jours incontestablement originaux

bien que parfois assez obscurs, tantôt des mémoires dans

lesquels un luxe d'analyse donne souvent l'illusion d'une

pénétration complexe quelque peu étrange.

En ce qui concerne l'idée fixe, nous ne pouvons nous empê-

cher de faire remarquer que le terme est passé tel quel dans

Archives, '2" série, t. VIII. 1

2 CLINIQUE MENTALE.

toutes les langues en subissant à peine l'adultération de mise

en pareils cas.

En lisant, par exemple Y Allgemeine Psychopathologie d'EnI-

minguaus, on constate la place honorable réservée par l'au-

teur allemand dans ce volume aux fixe (inhaltlich falsche)

Ideeiz 1.

Puis, comme en France et en tout autre pays, on se préoc-

cupe moins des idées fixes jusqu'au jour où M. Wernicke

reprend le problème sous le nom d'idée prévalente (iibel'We1'-

thige), en '18022. Cette dénomination particulière appuyée

d'une théorie spéciale suscite des communications de

MAI. SELLE 3 et Neisser 4 à propos d'une question qui devient à

l'ordre du jour ainsi qu'on peut s'en convaincre en étudiant

comparativement le mémoire de M. S,4FLL ".

En 1894 et en 1896 Wernicke0 publie l'objet systématique

de son enseignement, tout à fait original, et expose dogmati-

quement sa façon de penser sur l'idée fixe ou prévalente. Ses

manières de voir ne sont cependant point partagées par

M. KoepPEN 7 qui combat la valeur du terme, et repousse la

nécessité de son maintien, contre 111. FlUEDMANN 8, Elles sont

enfin examinées en trois articles successifs parL.-A. KocH 9.

L'intérêt qui s'attache, comme le montreront les dévelop-

pements ultérieurs, à tout un faisceau de problèmes soulevés

par l'idée fixe, nous a engagé, à approfondir, autant que

possible, les éléments divers qu'elle met en jeu. Favorisé par

la présence dans notre service d'un certain nombre de mala-

' Leipzig, in-8°, 1878, p. 202.

1 Deutsche medicinische )Voc/te/ ! sc/t) ? 7, 23 juin 1892. LX° Congrès

des aliénâtes de l'Est de l'Allemagne; session de l3reslau, 26 novem-

bre 1892, in Allgemeine Zeilschri/'t sur Psychiatrie, t. LI, 1891.

' 1.111° Congrès des aliénistes de l'Est de l'Allemagne; session de

Sorau, 25 juin 1893. Allgemeine Zeitschrift sur Psychiatrie, t. LI, 1894.

, LXCongrès de l'Est de l'Allemagne ; session de Breslau, loc. cil.

o Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie, XLI. 4.

° Grundriss de,' Psychiatrie, lu« partie, Leipzig, in-8°, 1894; 2' partie,

Leipzig, ici-81, 1896.

' 7 Société psychiatrique de 13erlitz, 15 décembre 189t. L'idée prévalente

et ses rapports avec le délire des persécuteurs processifs.

" Contribution à la connaissance et à l'intelligeuce des délires bénins

et à courte évolution. Neurologisches Cenlralblall, t. XIV, 1895.

' Centralblalt für Nel'venheilkllncZ" t. XIX. N. F., vu, 1896. Les idées

prévalentes.

L'IDÉE fixe. 3

des caractéristiques, nous en avons, le plus que nous avons

pu, dégagé les termes, et sur notre invitation, M. G.-R. LAU-

RENT, interne à l'établissement, a écrit sur ce sujet sa thèse

inaugurale ' qui a été récompensée par la Faculté de

Lille.

Exposons donc maintenant les points fondamentaux de la

question.

Généralités.

Le mécanisme des idées délirantes et, par suite, du délire,

n'est point facile à élucider. Peut-être n'en saisissons-nous

pas bien le jeu parce que nous ne nous attachons pas suffi-

samment à bien observer, à observer en médecins ce qui,

normalement se passe dans le fonctionnement des idées et des

sentiments, dans les facultés mentales. Sans doute toutes les

littératures nous fournissent des types d'observation de ce

genre ; mais il ne faut pas oublier que les descriptions et les

réflexions des auteurs qui ont étudié l'humanité et les milieux

sociaux sont le produit d'esprits, évidemment cultivés, évi-

demment parfois assez fins pour s'immortaliser par la vérité

des types qu'ils décrivent, mais ne procédant pas de la mé-

thode scientifique et étrangers aux habitudes d'analyse incul-

quées par la précision des connaissances scientifiques. Nous

n'avons pas la prétention de faire mieux. Qu'on nous per-

mette simplement de consigner ici quelques considérations

relatives à notre sujet.

Quelle est la définition crue de l'idée fixe ? L'idée fixe est

une idée qui apparaît dans le cerveau et n'en sort plus. Les

profanes ont consacré cette expression qui, pour eux, est

synonyme de folie, ou peu s'en faut. Serrons-en de près les

aspects en nous basant sur l'observation des faits.

Avant tout, un homme qui a une idée fixe n'est point par

cela même un fou ; sinon, comme nous l'allons voir, il n'y

aurait plus de mobile suivi des actes dans le domaine de la

pensée.

Quand l'explorateur Livingstone, de condition modeste,

dépourvu de ressources et de moyens d'action, se propose,

tout jeune, de devenir assez instruit pour se livrer efficace-

ment à l'étude des régions inconnues, il a une idée fixe. Quand

' L'Idée fixe et son rôle en pathologie mentale. Ville, 1898.

4 CLINIQUE MENTALE.

un enfant fixe à son avenir le but de telle ou telle profession,

il a une idée fixe. Les idées prévalentes de pudeur, d'honneur,

de probité, etc. CWEHNICKE) sont autant d'idées fixes.

La crainte d'un insuccès, de la malveillance des autres, aux

examens ou dans toute autre démarche, l'appréhension du

ridicule, de la gaucherie, de la maladresse, constituent sou-

vent un groupe de préventions, de doutes, de terreurs, contre

soi ou à l'égard de ses semblables, qui représentent une série

d'idées fixes.

Le désir de parvenir, l'image mentale de quelque complica-

tion, de quelque événement prévu ou imprévu, d'un concur-

rent, d'un adversaire se présente toujours à l'esprit d'une

façon soutenue et, par conséquent, entraîne des idées fixes de

grandeur et de persécution sociales. Seulement ce sont toutes

des idées fixes physiologiques, normales, qui deviennent le

pivot de l'activité humaine. Pourquoi ?

Parce que l'individu qui les fabrique ne les regarde pas

comme évidentes, indiscutables, par elles-mêmes, sans les

contrôler. Celui qui les pense, les analyse ; il en creuse en

rumine, sans trouble, la base même ; il les vérifie méthodique-

' ? ment, et, s'appuyant sur des motifs plausibles, il les légitime,

s'il y a lieu, ou non, ultérieurement. 11 fonde alors sur ces

idées sa règle de conduite. Ce qui domine surtout dans l'idée

fixe physiologique, c'est qu'elle ne s'impose pas à la cons-

cience. Tout au contraire, elle appelle le contrôle du sujet.

Pour se hisser, par exemple, à la situation à laquelle il

atteignit, Livingstone se rendit compte de tout ce qu'il avait à

apprendre. Et, par des procédés, pénibles pour lui, mais

accessibles, il arriva à son but. Il ne s'imagina pas qu'il était

déjà ce qu'il fallait qu'il devînt. Il ne perdit pas le sens de la

réalité et des movens de modifier cette réalité, quelque

grandes que fussent les difficultés à vaincre. Il se mit patiem-

ment au contraire et énergiquement en quête des voies et

moyens pratiques de s'instruire, et, plus tard, des voies et

moyens pratiques de voyager, dans les régions inexplo-

rées.

Ainsi font, chacun dans sa sphère, les enfants, les jeunes

gens, les hommes qui ambitionnent l'exercice d'une profes-

sion qui leur sourit, qui brûlent du désir d'inventer, d'illus-

trer leur pays ou de tenter quelque projet utile.

Prenons maintenant les idées prévalentes inculquées par

l'idée fixe. 5

l'éducation, qui servent de norme à la conduite de la vie.

Leur raison d'être est, à l'origine, l'objet d'une explication

rationnelle dans l'intimité du Moi; la nécessité de s'y con-

former apparaît à l'esprit comme la base de l'ordre et du relè-

vement de l'humanité.

Quant aux idées d'appréhension, de mauvaise humeur, de

dépression, qui se traduisent par la crainte d'être mal appré-

cié, d'être entouré d'envieux, de gens pernicieux, quant aux

idées d'espérance, d'élévation, de protection, de passions ou

d'antipathies partagées, elles s'accompagnent, elles aussi,

chez les gens normaux, toujours de l'intervention du juge-

ment qui, par un mécanisme naturel, inévitable, s'intercale

entre les réflexions suscitées par l'idée fixe de grandeur ou de

persécution physiologique, et incite précisément au contrôle

de la réalité de cette idée. C'est le jugement qui modère les

imputations tendant à en préciser la légitimité et en examine

le bien ou le mal fondé; c'est lui qui empêche qu'elles ne

s'imposent à la conscience comme si elles étaient vraies, qui,

par conséquent en atténue les conséquences sur les actes, qui

refrène l'imagination portée à tracer une ligne de conduite

logique mais erronée et exagérée en rapport avec les idées en

question.

L'état de l'humeur correspondant à ces idées, qu'il les pro-

voque ou qu'il soit provoqué par elles, n'est, en ces conditions,

que momentané malgré la fixité de l'idée. Il n'est, en tout cas,

que conditionnel, en vertu de l'intervention du contrôle psy-

chique, du sens critique. Or, c'est sur l'état de l'humeur que

'\VERNICIOE appuie principalement sa théorie, sinon nouvelle,

au moins ingénieusement reprise et soumise à de nouveaux

développements.

Ce qu'il importe de souligner pour le moment c'est que la

vie normale a pour base l'idée fixe physiologique. Il y a donc

deux espèces d'idées fixes. Une idée fixe physiologique et une

idée fixe pathologique. ,

. ' Division des idées fixes.

. Quelques idées, dit Laurent, qui, loin de fuir comme les

autres idées, aussi rapidement qu'elles, surgissent, fixent l'at-

tention et deviennent elles-mêmes, la source d'autres associa-

tions d'idées, présentent déjà un élément de fixité. Si l'une

6 CLINIQUE mentale.

d'elles prend une importance exceptionnelle, et s'impose à

l'esprit elle a le caractère de la fixité.

Elle devient alors le centre d'irradiation des états de cons-

cience, sans cependant.en entraver le cours, mais s'impose

réellement à l'esprit.

IDÉES fixes PHYSIOLOGIQUES. - Il en est toutefois de l'idée

fixe, comme des obsessions. Il existe des idées fixes normales,

comme il existe des obsessions normales ; ces dernières sont

des images mentales qui détournent l'attention parce qu'elles

n'ont rien de commun avec ce qui préoccupe. Mais l'idée fixe

physiologique diffère de l'idée obsédante physiologique en ce

qu'elle n'apparaît point ex abrupto, sans préparation du fond

de l'inconscient. S'il est quelquefois difficile d'en retrouver

l'origine autrement que dans une impression profonde, le plus

souvent elle repose sur tout un ensemble de faits saillants,

de circonstances propres à l'individu qui l'a conçue. Elle est

l'aboutissant régulier, naturel, de toute une série d'associa-

tions d'idées combinées et convergeant vers le même but, la

conclusion logique d'un raisonnement et prend une base cer-

taine et sûre dans l'ensemble de l'existence antérieure du

sujet qu'elle résume. Celui-ci, en pleine conscience, la retient

parce qu'elle a une relation plus directe avec ses tendances

psychiques, y consacre son attention, l'étudié, la raisonne,

se l'assimile. 1 -

Peut-on attribuer à l'idée fixe physiologique l'épithète de

prévalente, synonyme, pour Wernicke d'idée fixe ? Si l'on

entend par là que l'idée formule un but qui guide tous les

actes, un projet vers lequel tendent toutes les pensées, une

cible sur laquelle s'orientent toutes les forces de la volonté et

de l'intelligence, on la peut conserver. L'idée fixe ou préva-

lente normale a en effet pour caractère que le passé de l'in-

dividu qui la nourrit, lui donne une allure personnelle.

Tantôt on en trouve la source dans l'éducation, l'instruc-

tion, les études préalables ; tantôt c'est dans le caractère du

sujet, dans le milieu où il a vécu, ou avec lequel il a été en

contact. Toujours, quelle que soit l'empreinte personnelle

dont l'idée fixe est modelée, quel que soit le mode d'activité

de l'intelligence, il y a de la part de l'individu qui l'a engen-

drée adaptation ou essai d'adaptation normale à la réalisation

de l'idée.

Idée directrice (Leitmotiv), raisonnée et consécutive, abou-

L'IDÉE FIXE. 1

tissant naturel et logique de l'ensemble des phénomènes qui

concourent à former le Moi, l'idée fixe vise un but; l'individu,

pour l'atteindre, emploie des moyens dosés d'après la diffi-

cullé du but. Cela ne veut pas dire que ce but soit toujours

possible ; il est quelquefois en disproportion avec les moyens

de l'individu. Quelquefois même ce but est impraticable. C'est

l'histoire de certains inventeurs malheureux. Les uns s'obsti-

nent, malgré l'impraticabilité du projet ; or ce projet est im-

praticable, tantôt parce que les éléments n'en ont pas été suf-

fisamment étudiés, tantôt parce que l'inventeur ne se rend pas

compte de la véritable impossibilité actuelle de trouver les

éléments qui lui manquent, ou de les appliquer pour le mo-

ment. L'inventeur est simplement dans Y erreur, mais la dis-

proportion et l'illusion du but demeurent physiologiques

parce que l'idée n'est ni délirante ni absurde en soi. Qui eût

dit, il y a quelques années qu'il n'y avait pas de gaz perma-

nents eût été tenu pour fou ; la plupart des thèmes imagi-

naires de Jules Verne commencent à sortir du néant ; il n'est

pas jusqu'à la constitution moléculaire des métaux qui,

remaniée, ne fasse entrevoir aujourd'hui la voie de la trans-

mutation jadis considérée comme une utopie. Ce qui montre

l'absurdité, voisine du délire, de ceux qui jadis ont préconisé

la poursuite de ces découvertes, ce sont les procédés empiri-

ques grossiers ou incohéreuts qu'ils prétendaient employer

pour réaliser ces désiderata, et les essais alchimiques, encore

dépourvus de méthode scientifique, qu'ils faisaient. Quant

à ceux qui affirmaient sans preuves avoir découvert ce qu'ils

ne pouvaient démontrer, c'étaient ou des imposteurs ou, pré-

cisément, des fous, ainsi qu'on va le voir à propos des idées

fixes pathologiques. Quiconque, en tout cas, témoigne de

l'orientation logique d'une idée possible par un organisme

psychique normal et fonctionnant régulièrement, est sous l'in-

fluence d'une idée fixe physiologique.

Idées fixes pathologiques ou délirantes. Il est des tran-

sitions, parfois insensibles, entre les idées saines et les idées

délirantes, c'est entendu ; mille exemples ont été de cela

publiés partout. Parmi les inventeurs malheureux dont nous

parlions tout à l'heure, il en est qui sont malades. Nous avons

été personnellement en relations avec quelques-uns de ceux-

là. Nous nous rappelons en avoir connu un qui avait inventé

une machine à traction ; il plaçait des chevaux dans l'intérieur

8 1 CLINIQUE MENTALE.

d'un wagon ; on les faisait tourner ou marcher sur place atte-

lés qu'ils étaient à un appareil qui, à l'aide de plusieurs engre-

nages, communiquait le mouvement à l'une des roues du

wagon. Telle était la machine destinée, je ne sais plus pour-

quoi, à remplacer la locomotive. Ce malheureux avait dépensé

une somme assez forte, tout son avoir, à exécuter son inven-

tion. Qui n'a vu à l'Exposition Universelle de 1889, la loco-

motive à pieds d'éléphants articulés. 11 priori, et sans qu'il

soit besoin d'être grand clerc, on a des raisons de penser que

c'étaient là des inventions futiles auxquelles avait certaine-

ment présidé un sens critique défectueux ; le mobile en était

formé d'idées fixes normales et pathologiques, trahissant

déjà un affaiblissement du jugement. Ajoutons que l'un de

ces inventeurs avait possédé à une certaine époque une situa-

tion stable lui permettant de vivre très confortablement, et.

de continuer à créer, si telle était sa fantaisie, des machines

de ce genre ou d'un genre plus utile, sans demander l'aide de

personne; or, par suite d'une aberration indéniablement

vicieuse, pour se consacrer tout entier à la fougue de son ima-

gination créatrice, en homme supérieur qu'il se croyait, il

avait, sans motif aucun, abandonné le pain abondant de

chaque jour pour errer à la recherche du veau d'or que

devaient infailliblement lui rapporter ses trouvailles. N'est-ce

point la déviation pathologique d'une idée fixe déjà entachée

. de morbidité ?

Il est des cas où la différence entre l'idée saine et l'idée

délirante est plus difficile à apprécier parce que, pour la

déceler, il faut pouvoir disposer de connaissances profes-

sionnelles et techniques, ou contrôler les assertions de l'indi-

vidu. Le médecin à qui l'on présente un mémoire d'algèbre

et de mécanique illustré de dessins compliqués est bien embar-

rassé. Que répondre à celui qui affirme descendre d'une

grande famille, être l'objet de tracasseries, avoir été en butte

aux obsessions d'une héritière, etc ? ...

Heureusement qu'une idée fixe délirante, fut-elle seule, est,

ainsi que l'évolution nous le démontre, incompatible, long-

temps au moins, avec l'intégrité de l'esprit. Les bizarreries et

les excentricités que les gens du monde classent souvent

encore dans le domaine de l'état normal, sont, parfaitement

et à juste titre, aujourd'hui regardées comme des anomalies

déjà graves. A fortiori l'idée délirante. Il est démontré qu'à

l'idée fixe. 9

la hase, il existe une profonde perturbation de la conscience,

du jugement, de la raison.

Le premier argument en faveur de cette thèse est que l'in-

dividu ne reconnaît pas son erreur, ne la rectifie pas. La

logique et la méthode avec lesquelles les malades de cette

espèce défendent, fréquemment, d'une façon fort ingénieuse,

leur idée délirante, indiquent que le mécanisme même de la

pensée n'est pas atteint, qu'il n'y a pas dissociation des

facultés. Mais ce mécanisme et ses rouages, s'ils continuent

à marcher en vertu de l'exercice antérieur et de l'habitude,

aboutissent, appliqués à l'idée fixe, à des erreurs systéma-

tiques. Les prémisses de l'idée fixe, l'idée fixe quant à sa

teneur (inhaltliclt), n'ont pas été soumises à l'action du mé-

canisme logique qui en eût décelé la fausseté ; le malade les

tient pour vraies et il raisonne sur cette soi-disant vérité, en

en tirant les conséquences qu'elle comporte. C'est justement

parce qu'il n'admet pas le principe de la vérification ? 'ë6f-

lable qu'il a il ne idée fixe pathologique. En d'autres cas, il

tire des conséquences fausses d'une idée prévalente exacte,

par application du mécanisme logique, mais en faisant inter-

venir un élément conséquentiel faux, admis par lui pour

vrai; c'est alors cet élément conséquentiel qui est la dévia-

tion pathologique d'une idée prévalente physiologique, et se

substitue à celle-ci ; c'est cet élément conséquentiel qui

devient l'idée fixe pathologique. Plus tard, l'affaiblissement

intellectuel se met de la partie, et avec lui apparaît la disso-

ciation pathologique du mécanisme logique, mais bien plus

tard. .

L'idée fixe ou son dérivé immédiat prend donc le caractère

délirant ou pathologique lorsque le sujet en estfaux et impos-

sible par rapport à celui qui l'émet. ' ' - , : t

1

Mécanisme des idées fixes. ... w -

- On nous enseigne d'ordinaire que normalement nous

acquérons des idées justes, soit en tirant des jugements et

conclusions de prémisses données, par le fonctionnement

régulier des facultés d'idéation et de combinaison, soit en

interprétant et en élaborant dans le champ de la conscience

des perceptions sensorielles de toute nature. De là à dire que

l'idée délirante pouvait émaner de l'intelligence ou des sens,

10 CLINIQUE MENTALE.

il n'y avait qu'un pas. Faux jugements ou fausses conclu-

sions tirées de fausses prémisses ou de prémisses vraies

interprétation fausse de perceptions vraies transformées par

le Moi interprétation correcte de fausses perceptions

telles sont les combinaisons qui se présentent à l'esprit du

psychologue. -

Mais la genèse de l'idée' fixe pathologique est presque tou-

jours issue d'un trouble intellectuel primitif L'hallucination

est rare au début; quand elle existe, elle ne survient, en

général, que tardivement, pour corroborer, compléter, illus-

trer (LAURENT), l'erreur du malade, renforcer, pour ainsi dire

le trouble cérébral ; Y hallucination n'est pas la cause propre

de l'idée fixe.

Nous avons précédemment touché un mot du trouble intel-

lectuel en question. Mais nous n'en avons pas décrit par le

menu les ressorts.

Normalement le mécanisme de la cogitation est considéré

comme le produit d'une sorte de rayonnement des idées en

tous sens. Ce poly-idéisme physiologique, par associations à

rayons multiples, suit cependant, d'après Wernicke, un cer-

tain ordre, sans lequel la conscience n'est point saisie, n'est

point meublée, si l'on veut, des idées qui doivent, en défini-

tive, en constituer la teneur, former, en d'autres termes, le

Moi pensant. Ainsi s'expliquerait comment le poly-idéisme

physiologique du rêveur, se coordonne et s'oriente quand le

rêveur se ressaisit, réfléchit, devient attentif et travaille. Cet

ordre des associations conceptuelles serait, en quelque sorte

préformé. Il correspondrait à l'ordre dans lequel, à l'origine,

se sont emmagasinées et associées les conceptions ; pour

tous les individus, en effet, l'association des idées, aurait,

dès le début de la vie mentale, suivi une orientation préala-

ble à peu près identique. Le monde extérieur s'est gravé dans

la conscience, s'y est reflété, en conservant aux objets l'ordre

et la succession naturels que leur a donnés la nature. Les

idées d'eau, de glace, de vapeur d'eau s'associent dans l'es-

prit/en un ordre déterminé par l'expérience du froid et du

chaud ; la sensation cutanée du froid éveille l'idée que l'eau

se congèle ; l'association d'idée conjointe du thermomètre

fait intervenir une perception optique. Aux associations con-

ceptuelles plus compliquées que nous apprenons des per-

sonnes qui nous entourent, correspond encore un ordre

l'idée fixe. Il 1

préétabli qui, lui, vient de l'imitation; l'instinct mimétique

nous a appris à nous servir des sens les plus grossiers, à

apaiser notre faim. L'ordonnancement déterminé des concep-

tions, a trouvé, à une certaine époque du développement,

un instrument très efficace dans la parole articulée qui a

fixé les rapports délicats et exacts qui existent entré les no-

tions d'objets concrets, entre celles-ci et les événements ou

les actes (le temps), ainsi que la situation de la personne

agissante. Par la parole ont été inventés les termes abrévia-

tifs d'associations plus complexes ou notions abstraites,

souvent purement verbales, telles que l'amour, la crainte,

l'angoisse, l'espérance, le chagrin, expressions qui résument

des événements comparables à la notion d'objets concrets.

Tuut; y compris la structure de la proposition, l'enchaînement

logique des phrases, concourt normalement à régulariser la

pensée au cordeau. Penser ou répondre à une question, c'est

trouver une idée initiale qui mette en mouvement l'ensemble

des chaînons antérieurement acquis ou associés qui, jadis,

avaient présidé à la mise en train des autres idées, et qui

vous font trouver l'idée finale.

Qu'est-ce qui peut troubler cette régularité ? Wernicke

n'hésite pas à accuser l'émotivité, l'affectivité, le sentiment

du plaisir ou de la douleur indéfinissable que chacun connaît.

Il dit que toute activité cogitative normale est liée à un léger

degré de ce mouvement affectif intérieur. En dehors des

émotions proprement dites qui troublent évidemment l'acti-

vité de la pensée, il est des idées dont le texte s'allie à un

sentiment de plaisir ; d'autres, à un sentiment de déplaisir.

Une suite d'idées dont le texte a eu pour l'individu un avan-

tage (éducation, formation du caractère) s'allie à un vif sen-

timent de plaisir. 11 en est au contraire d'autres que l'indi-

vidu a acquises dans des conditions telles qu'elles lui ont

causé un sentiment désagréable. Il faut encore tenir compte

de la plus ou moins grande fréquence d'utilisation de certains

groupes de conceptions qui influence l'activité de la pensée,

la répétition des mêmes vibrations physiologiques corres-

pondantes, la reproduction et le rappel des mêmes idées.

Ces conditions sont particulièrement claires quand il s'agit

de séries d'idées qui peuvent, pour l'homme, devenir des

motifs d'action. C'est par elles que celui qui les pense ap-

précie ses conceptions ad valorent d'après leur teinte senti-

12 li CLINIQUE MENTALE.

mentale, d'après la spécificité des vibrations physiologiques et

affectives qu'elles lui causent, et qu'ainsi il les range, les

gradue, en vertu de l'impression préformée que chacune lui

a causée, à leur valeur. Quand donc une idée se présente à

notre esprit comme supérieure aux autres, si elle prévaut

dans notre esprit, c'est que nous jouissons de la faculté d'en

apprécier le pourquoi et d'en rectifier au besoin l'exagéra-

lion par l'estimation du pour et du contre. Toutefois, l'acti-

vité de la conscience, qui nous donne l'appréciation de la

valence normale des conceptions, est déjà troublée à l'état

normal, lorsqu'on est en proie à de certaines conceptions

prévalentes telles que l'honneur, la pudeur, la pureté, qui

sont il, priori, pour les gens éduqués des motifs directeurs de

leurs actes. Mais il y a encore loin des idées prévalentes phy-

siologiques aux idées prévalentes pathologiques, car dans le

premier cas les éléments précédemment exposés du sens

critique subsistent.

L'idée prévalente pathologique au contraire n'est pas du

tout considérée par le malade comme une intruse, une'étran-

gère, ayant pénétré, malgré lui, dans sa conscience. Elle lui

apparaît comme l'expression de sa propre nature, et il com-

bat pour sa réalisation, convaincu que, ce faisant, il lutte

pour sa propre personne. Sans doute, souvent, on l'entend se

plaindre de ne pouvoir penser à autre chose, mais il la consi-

dérera néanmoins comme normale, justifiée, expliquée com-

plètement par son mode de production. Le meilleur exemple

de ce fait est fourni par l'installation du délire systématisé.

Une transformation intellectuelle s'effectue qui présente au

malade que sa personne est menacée. Il éprouve un senti-

ment d'inquiétude et de perplexité comparable au sentiment

d'inquiétude, de perplexité, de demi-angoisse psychique

qu'éprouve chacun de nous parfois, sans motifs, avant de

l'aire une démarche, surtout avant une démarche, sinon im-

portante, au moins considérée comme telle. Nous autres,

sujets sains, nous le dissipons par un examen attentif des

idées vraies opposées aux idées antagonistes, par un raison

nement à l'appui duquel se présentent des arguments con-

traires, nous nous remettons, comme on dit. Chez le sujet

transformé, comme nous l'avons indiqué, à son insu, rien de

semblable ne se passe ; toutau contraire, il éprouve un senti-

ment de vide dans le champ de la conscience ; une agitation

L'IDÉE FIXE. 13

intérieure arrive, s'accroît, se développe; la'tension psy-

chique s'en mêle et, avec elle, une explication évolue, se

déroule, l'idée fixe devient de plus en plus forte, par suite de

cette explication qui lui semble satisfaisante.

A côté de cela, il est des cas dans lesquels l'idée fixe paraît

en contradiction trop vive avec les anciennes idées, le malade

éprouve alors une sorte de besoin de vérification de la réalité

- de cette idée nouvelle ; bientôt cependant, malgré lui, l'idée

s'enracine, la critique et la réflexion affaiblies demeurent im-

puissantes au travail de la vérification.

Finalement, les associations d'idées ne rayonnent plus

dans les sens d'abord multiples puis ordonnés qu'elles de-

vraient normalement prendre ; elles convergent sur un

unique but. Des jugements faux, de fausses combinaisons

d'idées sont fabriqués et aboutissent fatalement à des con-

clusions erronées.

Nature des idées fixes. -

L'idée fixe pathologique reflète, en certains cas, l'état d'es-

prit habituel du malade et ses tendances; on y peut surprendre

l'action des intérêts, du milieu, du genre d'occupations sur

elle ; les persécutés par le diable, les francs-maçons, les jé-

suites appartiennent à cette catégorie. Mais il est loin d'en

être toujours ainsi. Nombreux sont les cas dans lesquels, sous

l'influence peut-être d'une transformation des sentiments

et des intérêts habituels du patient par le trouble qui conduit

à l'idée fixe fausse ou pathologique, le malade manifeste de

nouveaux sentiments d'une tout autre direction, voire dia-

métralement opposés. à ses idées ordinaires. C'est le pendant

des faits dans lesquels l'idée fixe constitue l'hypertrophie du

caractère normal.

Que vaut dans l'espèce la théorie de 'WERNICIOE, sur le rap-

port entre l'idée et l'affectivité. Nous avons vu que, pour lui,

il n'y a pas d'idée normale qui n'entraîne une appréciation

sentimentale. Par suite, il y aurait entre les sentiments habi-

tuels du malade et les conceptions fausses qu'il forge les

plus étroits rapports. Si l'on veut dire, par là, qu'un faux

jugement d'un individu normal comporte un cortège de

sentiments (crainte, espérance, opinions préconçues) et qu'il

en est de même d'un jugement normal, c'est possible. Et,

14 CLINIQUE MENTALE.

en tout cas, il est certain qu'à l'idée fausse pathologique se

rattachent toujours des sentiments de plaisir ou de peine exa-

gérés ; les idées délirantes, concernant la personnalité physi-

que et mentale du sujet, sont toutes accompagnées d'évalua-

tions d'intérêts qui se sont éveillées d'emblée en lui ou qui

ont été mises en éveil par une fabrication pathologique. Dans

l'état de poly-idéisme physiologique, il y a, pour ainsi parler,

indifférence ou contrebalancement des sentiments qui accom-

pagnent les idées ; l'affectivité est, en revanche, plus par-

ticulièrement excitée par une idée fixe normale; elle est exa-

gérée unilatéralement par une idée fixe pathologique, et c'est

cette évaluation sentimentale prévalente qui rend le délirant

d'abord égoïste, égocentrique, et, à cause de cela, si dange-

reux. Sous cette influence, en outre, la sphère intellectuelle

inconsciente, excitée par des troubles fonctionnels organi-

ques extra-cérébraux, réagit directement sur l'organe psy-

chique et l'interprétation fausse, allégorique et imaginaire

. des sensations éprouvées colore défavorablement la nature

des idées exprimées.

Caractère des idées fixes.

L'idée fixe normale repose donc sur tout un ensemble

de faits saillants et de circonstances particulières à l'indi-

vidu ; elle prend une base solide dans sa situation sociale,

son éducation, ses études, et sur l'appréciation correcte

des éléments actuels de celles-ci ou de leurs perfectionne-

ments.

L'idée fixe pathologique ne se rattache jamais qu'à quelque

degré au bagage des connaissances antérieures ; le plus sou-

vent, elle est en opposition, en contradiction immédiate avec

le milieu où l'individu a l'habitude de vivre, elle n'a, en tout

cas, que des rapports éloignés, douteux ou transformés par

l'esprit du patient, avec ses vues antérieures ; elle manque

le plus ordinairement de raison d'être chez celui qui la for-

mule. Un ouvrier se prétend d'une famille princière ; une

dame se dit recherchée ostensiblement ou indirectement

par un monsieur qui n'a jamais pensé à l'épouser et tutti

quanti.

L'absence de base, la futilité, la déraison de l'idée fixe

pathologique sont frappantes. La conscience du sujet l'admet

l'idée FIXE. 45

malgré cela, ce qui prouve que le sens critique ne fonctionne

pas ; bien plus, loin de disparaître comme disparait l'erreur

commune quand elle est soumise à l'étude du jugement, elle

est tenace, en dépit de son absurdité même.

L'idée fixe pathologique n'est pas consécutive et travaillée

comme l'idée fixe normale ; elle émerge presque toujours

ex abrupto sans avoir été ni préparée ni naturellement ame-

née par des combinaisons de raisonnements. C'est évidem-

ment une lacune, un trouble dans le fonctionnement de

l'enchaînement des idées au point de vue mécanique et syllo-

gistique qui en amène l'éclosion, soudaine, inattendue;

aussi est-elle irrationnelle, illogique. Elle sert alors de

canevas à la faculté logique qui, sur ce thème, travaille

comme sur une base vraie. Elle s'installe dans le champ de

la connaissance, devient stable, adhérente, s'associe au ré-

seau de l'idéation dont elle fait désormais partie. Une idée

fausse ordinaire, au contraire, disparaît complètement à la

lueur du jugement momentanément obscurci, et cette dis-

parition sert de palladium, de préservatif, contre des erreurs

à venir.

M. Wernicke rattache la date des conceptions préva-

lentes pathologiques, à des souvenirs de n'importe quel évé-

nement ou d'une série d'événements particulièrement trou-

blants, tels que des intérêts lésés dans une affaire d'héritage,

la nouvelle du suicide d'un ami, la perte d'un mari, les

attentions mal interprétées d'un monsieur à l'égard d'une

vieille fille, les reproches infructueux d'une femme au sujet

d'une habitude insignifiante de son époux, le souci de la

conversion d'une personne égarée, une injustice fictive ou

réelle vivement ressentie, un jugement ou une condamnation

tous événements ayant déchaîné la colère, la mortification,

l'affliction, le dégoût, l'excitation sexuelle ; mais l'auteur

allemand ajoute que « tout événement peut du reste conduire

à une idée prévalente, et qu'en ce cas, l'événement en ques-

tion n'a rien à voir avec l'espèce du trouble émotif)). Inver-

sement des idées prévalentes normales peuvent déterminer

une attitude morbide ; ainsi en est-il des gens qui se sui-

cident après la perte de leur fortune, à la suite d'un jugement

qui les déshonore, par désespoir de la mort d'une personne

chère ; ils ne sont pas aliénés, mais exécutent un acte anor-

mal. Ces opinions corroborent les nôtres.

16 CLINIQUE MENTALE.

Étude clinique.

A. Physiologie pathologique. - L'idée fixe pathologique

est un symptôme de perturbation profonde des facultés.

Quelle est la première origine matérielle de sa genèse ? `l

Voici un homme normal, qui pense sans cesse à plusieurs

choses presque en même temps; à un moment donné, il est

plus spécialement accaparé par une idée ou par un courant

d'idées prévalent. Le poly-idéisme physiologique, puis, l'or-

donnancement des idées, dont nous avons parlé, finalement,

la sélection d'une ou de plusieurs idées, dépendent très pro-

bablement de lois en rapport avec de petits centres chimiques

qui sont préétablis, et produisent des phénomènes molécu-

laires, des attractions ou des répulsions de tentacules cellu-

laires de certains neurones. Sans doute, on peut se figurer

de cette façon la production des phénomènes précédents.

Mais ce ne sera qu'une explication bien vague, tant qu'on

n'aura pas distingué les centres et qu'on n'en aura point

précisé le jeu. l41r-rrrnT s'était Rattaché à un essai de déter-

mination et de classement qui n'a pas réussi. On ne connaît

pas les régions de la volonté, de la raison, des adaptations

du Moi.

On sait que l'idée qui surgit du poly-idéisme physiologi-

que, ou de la disjonction de l'ordre préétabli dans la série

des idées, qui devient en un mot l'idée prévalente physiolo-

gique, est immédiatement soumise par la conscience à un

examen rigoureux à l'aide des moyens de contrôle dont elle

dispose ; la conscience en vérifie avant tout l'objet, le rap-

proche des connaissances intérieures du cerveau, et un juge-

ment est rendu sur cette idée. Si elle est reconnue fausse ou

impraticable, le Moi la rejette sur le champ.

Mais l'idée fixe pathologique, produit de la disjonction la

plus avancée de l'ordre préétabli en question, quelque dé-

raisonnable ou absurde qu'elle soit, devient d'autant plus

prévalente qu'elle est plus absurde et plus déraisonnable, elle

adhère, victorieuse de tous les contrôles du sens critique, et

s'affirme progressivement tyrannique,

Admettre qu'il y a un trouble profond de la raison, de la

critique, du jugement qui fait que la conscience altérée ne

reconnaît plus la fausseté de cette idée et lui permet de sub-

l'idée FIXE. 17

sister en dépit de son absurdité, c'est faire une constatation

plutôt que de suivre pas à pas les éléments de la genèse

physiologique. Ou bien le sens critique ne permet plus à ces

malades de comparer, comme il faut, leurs conceptions ac-

tuelles à ce que fut leur passé psychologique ; ou bien il ne

leur permet plus de conclure de ce rapprochement à la faus-

seté de l'idée, à son incompatibilité avec leur personnalité .

psychique; ou, en troisième lieu, le sens critique ne fonc-

tienne plus du tout. Et cependant ces malades sont très sou-

vent fort intelligents, plus intelligents même que ne le com-

porte leur condition sociale.

Quand on leur montre l'insanité de leurs prétentions, ce

sont eux qui haussent les épaules; ils vous disent que, tout

inadmissible que puisse paraître leur idée, elle est l'expres-

sion de la vérité, ils vous citent des histoires d'enfants natu-

rels appartenant à de hautes personnalités, d'héritages inat-

tendus, de grands seigneurs déguisés, de trésors cachés, de

simples personnages tels que Napoléon élevés à des rangs

supérieurs.

On en est, somme toute, réduit à enregistrer une lésion du

sens critique, du jugement, lésion primitive et principale,

qui, en enlevant au malade ses propres moyens de contrôle,

le livre sans défense à la fantaisie de son imagination, surex-

citée déjà par la notion confuse du trouble qui le frappe.

L'idée fixe pathologique est donc une conception délirante

par modification du débit et de l'association ordinaires des

idées, du poly-idéisme physiologique normal, absurde ou dé-

raisonnable parce qu'elle manque de base, qui survient ex

ab1'upto, sans aucune opération préparatoire du raisonne-

ment. Ferme et stable comme un roc, dès le début, elle est

due à l'altération du sens critique. L'individu n'en a pas

conscience ; il a au contraire conscience qu'il est dans le

vrai.

B. Diagnostic. D'après les développements précédents, il

est, au point de vue spécial où nous nous sommes placé, tout

à fait nécessaire d'établir, s'il y a, dans un cas clinique

donné, idée prévalente anormale, ou idée prévalente restant

encore dans les limites de la santé. Wernicke, fidèle à sa théo-

rie croyait tout d'abord pouvoir arriver à se prononcer

d'après l'examen du motif invoqué par le sujet. Mais il n'a

pas tardé à reconnaître que, dans le cadre même de cette

Archives, 21 série, t. VIII. 2

lao CLINIQUE mentale.

théorie du trouble affectif inhérent au souvenir, ce critérium

ne laissait pas d'être embarrassant, les motifs invoqués

par les malades, notamment par ceux qui sont devenus des

persécutés, étant souvent réels. Les caractères que nous

avons donnés, plus haut sont donc en soi ceux auxquels on se

devra référer. Les processifs, par exemple, le sont fréquem-

. ment devenus il la suite d'une réelle injustice.

Et comment l'idée prévalente s'étant installée domine-t-elle

la question ? Tantôt il n'y a pas eu lutte ; elle s'est installée avec

une facilité contrastant avec l'absurdité ou l'irréalisation de

l'idée. Tantôt elle est demeurée à la suite de l'antagonisme

qui normalement existe entre l'idée en question et.les con-

ceptions opposées chargées, chez l'homme physiologique, de

corriger graduellement une prévalencc quelconque ; celles-ci

sont restées impuissantes. C'est alors qu'apparaît le défaut

d'appréciation des relations du Moi avec le monde extérieur,

l'aictoplailie, qui correspond à la dissociation des éléments du Li

contenu de la conscience, à la disjonction confirmée de

l'ordre préétabli du mécanisme de l'association des idées qui

la meublent (WlmNICIOE).

C. Diagnostic différentiel. Distinguons l'idée fixe pa-

thologique de l'idée délirante passagère, de l'erreur physiolo-

gique, de l'obsession.

z10 L'idée fixe pathologique se distingue de Vidée délirante

passagère de la façon suivante :

L'idée fixe pathologique finit par fausser les conceptions

encore normales, ou par les annihiler. Elle amène des asso-

ciations d'idées, des sentiments, des désirs, comme toute idée

saine, qui influencent l'ancienne personnalité, c'est-à-dire

les sentiments, les conceptions, les tendances de l'ancienne

personnalité qu'elle transforme ou annihile. Changeant la

masse des conceptions les plus solidairement associées, et

historiquement les mieux établies dans la conscience de l'in-

dividu, elle est éminemment dangereuse.

Les explications et combinaisons de l'esprit malade inter-

viennent, et aussi les hallucinations. Elles ont pour origine

les changements d'état de la conscience, les sensations

morbides, et correspondent à l'état d'esprit et à l'ensemble

du texte des autres conceptions. Les explications produi-

sent un soulagement psychique, en satisfaisant le raisonne-

ment.

l'idée fixe. 19

La conception délirante passagère se forme-t-elle, géné-

ralement par suite d'essais d'explications d'un état quelcon-

que qui n'est pas forcément conforme à l'état d'esprit du

sujet ? Elle peut même être tout à fait étrangère aux autres

conceptions de l'individu. Mais aussi, par un retour continuel

dans le champ de la conscience, elle peut, avec le temps,

prendre l'importance de l'idée fixe, c'est-à dire s'assimiler

et devenir systématique.

En revanche, quand on examine un délirant, il ne faut pas

s'attendre à la présence permanente dans la conscience du

malade de l'idée fixe génératrice du délire, pas plus qu'une

conception juste n'est toujours présente dans le cerveau d'un

homme normal ; elle peut devenir latente, au moins tempo-

rairement, et se rectifier. Mais elle ne saurait être dissimulée,

longtemps au moins, car le malade ne peutcacher son délire

que s'il reconnaît le caractère choquant, bizarre, de son

idée; or, c'est précisément l'inconscience de cette absurdité,

la perle du sens critique, qui donne naissance à l'idée fixe. «

2° L'idée fixe pathologique se distingue de l'c1'l'ew' phy-

siologique par les caractères que voici :

L'idée fausse normale résulte, soit d'un trouble dans le

débit des associations d'idées, soit d'une déviation de raison-

nements combinés qui n'atteignent pas leur but. C'est pour-

quoi LEU nET pensait que la folie n'est qu'une erreur et que,

comme telle, elle devait être rectifiée. Il y a cependant une

différence entre celui qui émet une idée erronée et un fou.

Il existe des cas, toutefois, où cela n'apparaît point.

Si certaines idées délirantes sont en effet absurdes et cho-

quantes, il est aussi des erreurs extravagantes. Par contre,

que d'idées délirantes possibles, dont la nature délirante

n'est révélée que par une enquête; on peut parfaitement

être empoisonné, victime de la malveillance, intoxiqué par

la sypliilis. Une assertion ne suffit point ; il faut établir

le comment de la chose, et c'est dans le développement de

ce comment que le médecin s'aperçoit que le plaignant se

trompe. Ainsi sont mises en lumière la faiblesse et la nullité

des arguments, l'infirmité des déductions, et des prémisses,

les lacunes, les inconséquences ou les contradictions, telles,

que la santé mentale est inadmissible. Le malade peut avoir

conservé les connaissances élémentaires propres à corriger

son erreur, il est incapable de s'en servir utilement ; car, ce

20 clinique mentale.

qu'il considérait jadis comme vrai, lui semble maintenant

une erreur, et, ce qui est faux, il le tient pour vrai.

L'aliéné a une attitude nouvelle bien caractéristique qui

témoigne de la différence entre sa conscience passée et sa

conscience présente. Celui-ci, devenu, dit-il, magicien, va

pouvoir voler en l'air ; celui-là, mathématicien, affirme

avoir trouvé la quadrature du cercle; un autre, ingénieur,

proclame sa découverte du mouvement perpétuel. Or,

l'erreur d'un homme normal s'expliquerait par son ancienne

manière de voir, son degré d'instruction ; il n'y aurait pas

une contradiction aussi grossière.

L'idée fixe de l'aliéné est le symbole, de ses intérêts, de

ses perceptions, de ses sentiments; l'affectivité devient pré-

dominante. L'idée erronée de l'homme normal n'a pas ce

caractère ; ses croyances mystiques s'il en a, resteront à

l'état platonique, en ce sens qu'il ne subordonnera pas toute

sa vie concrète à celte foi ; les croyances mystiques de

l'aliéné prennent un- corps tel qu'il en devient l'esclave,

parce qu'il les transforme en des forces uniquement occupées

de son Moi, de sa personne.

L'aliéné reste insensible à la discussion. L'homme normal

est accessible à la rectification au moyen des connaissances

qui forment le bagage de son cerveau, ou par l'intervention

d'une instruction acquise, d'une vérification qui lui est

soumise. On ne saurait nier néanmoins qu'il n'y ait des cas

mixtes ; par exemple, ceux des erreurs implantées dans des

cerveaux momentanément désordonnés, comme il arrive chez

certains inventeurs malheureux ou un peu malades. On peut

arriver encore cependant à déloger l'erreur, ce qui est

impossible dans le cas d'idées fixes morbides. C'est comme

cela parce que c'est ainsi, répond ou pense l'aliéné.

3° Quels sont les signes différentiels de l'idée fixe et de

Y obsession ? « Il y a, dit Laurent, nombre de nerveux et de

mélancoliques qui se plaignent de ne pouvoir se débarrasser

de certaines idées importunes et pénibles dont ils sai-

sissent parfaitement le caractère insensé et absurde. Ces

idées se mêlent à leurs idées conscientes, logiques et

associées, troublent la marche de ces dernières, et, par là,

causent des inquiétudes. Elles provoquent même des impull

sions à certains actes que, d'après leur nature, le malade

trouve ridicules. »

· l'idée fixe. 21

Tels sont en effet les caractères de l'obsession d'après- la

formule de Magnan, caractères justifiant la dénomination

allemande de conception irrésistible (Zivaagsvo·slelluag).

Les mots que nous avons soulignés, en spécifient avec préci-

sion les qualités.

Apparaître subitement et involontairement, en interrom-

pant la marche des idées du malade; faire irruption dans la

conscience ; s'imposer à l'attention avec une énergie gê-

nante en repoussant la critique et la réflexion, et dispa-

raître spontanément, tels sont les éléments de l'obsession.

Elle ne s'insinue pas dans l'idéation, comme si elle était

une idée vraie, sans que le patient en ail conscience. Non,

le sujet la voit absurde, déraisonnable, criminelle, il cher-

che à s'en débarrasser, comme d'un corps étranger, et lutte

contre elle avec toutes les forces de sa volonté; cette lutte

n'a lieu qu'en provoquant une angoisse. Et alors, ou l'ob-

session disparaît vaincue par la volonté, ou elle reparaît, ou

elle demeure en entretenant la perplexité. Tout contribue

ainsi à tyranniser le malheureux.

La fixité de l'obsession est incontestable ; c'est une idée

fixe, mais une idée fixe, consciente, visible, nettement perçue

pour ce qu'elle est ; elle est en rapport avec la direction

uniforme donnée au débit et à l'association des idées,

mais généralement, elle prend la forme d'accès, et toujours

en provoquant la résistance du sujet qui sent ce qui se passe

en lui.

On a quelquefois des obsessions à l'état normal. Qui n'a été

hanté en pleine réflexion par le retour incessant d'une ou

de plusieurs idées semblant entraver les autres, s'implantant

avec obstination dans le champ de la conscience, et re-

fusant de s'évanouir ? Celle répétition constante s'accom-

pagne d'une modalité sentimentale unicolore qui détonne

sur la sensation indifférente, produite par l'idéation nor-

male.

L'idée obsédante a lieu quelquefois par la voie de l'asso-

ciation des idées, à la suite d'une perception sensorielle, d'un

événement surprenant, d'un mot, d'une conversation, ou

bien, sous l'action d'un mouvement purement organique.

Ainsi, dans le premier cas, un incendie, une émotion vive,

sera l'agent causal. Dans le second, ce doit être une excitation

intérieure ; exemple, l'obsession par névralgie ou toute autre

22 '2 clinique mentale.

sensation physique d'organes. Invariablement elle arrive

spontanément et par envahissement brusque, aperçu, du

champ de la conscience.

Les idées obsédantes sont : les unes non-émotives, les

autres émotives. Quand il s'agit des premières, le moi se

trouve obligé de se concentrer sur une idée bizarre, tout à

fait en désaccord avec le reste de ses pensées, que dis-je,

formant un contraste brutal avec elles (Schuele) ; ce sera :

une épithète injurieuse, un blasphème, une idée stupide, une

impulsion à commettre un acle compromettant. C'est ce que

l'on observe chez les héréditaires.

L'idée obsédante émotive procède d'un état nerveux anté-

rieur dépressif. Exemples : les mélancoliques qui cherchent,

pendant la période douloureuse du début de leur affection,

sans cesse une explication à leur étal ; voici tout à coup

qu'ils se souviennent d'un événement effrayant, et cette idée

émotive va persister, maintenue par leur disposition mé-

lancolique. D'abord surpris, le moi n'y attache pas toute sa

valeur, mais est obligé de ruminer constamment cette idée

jusqu'à ce qu'elle s'incorpore à lui.

L'idée obsédante tend parfois à un acte épouvantable ; elle

pousse une mère au meurtre de son enfant. La conscience

reste d'abord étrangère à cette pensée qui éclate comme un

coup de tonnerre ; mais le sentiment douloureux, parfois

accompagné de sensations névralgiques, qu'elle éveille, la

fait triompher du raisonnement et du jugement, et le calme

n'apparaît qu'une fois que l'impulsion a été exécutée.

Est-il bien utile à présent d'insister sur les différences frap-

pantes qui existent enlre l'obsession et l'idée fixe ? Le sujet

en est très varié, la forme, multiple; rumination de problèmes

philosophiques, de mots, de questions métaphysiques, insi-

gnifiants au point de vue de la conduite de l'obsédé, ou

d'actes qui, en devenant incoercibles, peuvent aboutir à des

catastrophes sociales, telle en est l'échelle.

Ce qu'on ne saurait trop répéter, c'est que « le moi, dans

l'obsession, a toujours connaissance de ce qui se passe en

lui, et, ce qui le prouve d'autant mieux, c'est qu'il lutte avec

toutes les forces de sa volonté contre le phénomène qui

s'impose. Cette préoccupation démontre que celte nouvelle

idée qui entre, comme un coin, dans le champ de l'idéalion,

troublant le cours normal des états de conscience, lui esl

, l'idée fixe. , 23

étrangère et pénible ; ce qui est le contraire de ce qui se

passe pour l'idée fixe avec laquelle, inconsciemment, le ma-

lade s'identifie. » (Magnan et LEGR.11N. La pleine conscience

de l'état représente le grand caractère de l'obsession. Mais il

y a des obsessions normales. En quoi diffèrent-elles des obses-

sions pathologiques ? - ,

L'obsession normale, transitoire, ordinairement facile à

réprimer, n'entrave point les centres supérieurs qui ne per-

dent ni leur contrôle, ni leur influence modératrice, sur les

centres psycho-moteurs; elle n'aboutit point à l'impulsion

(Magnan).

L'obsession pathologique, elle, n'est point un incident

passager et sans importance de la vie ordinaire ; elle ne se

contente point du rôle de phénomène isolé dans le sein des

états psychopathiques, elle finit par se répéter et par être per-

sistante. Cette répétition et cette persistance tendent à inter-

rompre le cours régulier de la vie ; c'est un acte définitive-

ment psychopalhique, revenant par paroxysmes avec une

intensité croissante, qui devient irrésistible.

Plus elle revêt ce caractère, plus le malade lutte en pro-

testant contre le sujet de ces problèmes, de ces idées qui

l'assiègent et qu'il déclare absurdes, plus ses efforts sont vains,

plus il ressent douloureusement l'impuissance de sa volonté.

Chaque lutte nouvelle le plonge dans une angoisse progres-

sive; sa souffrance morale, extrême au prorata de la vigueur

du paroxysme, retentit bientôt sur la sphère physique et

provoque les phénomènes de l'angoisse matérielle : palpita-

tions de coeur, accélération du pouls, douleurs précordiales,

et autres sensations pénibles.

Retour incessant des accès d'obsession, - résistance inutile

du malade, irrésistibilité du phénomène, conscience

très nette de la manifestation morbide qui s'impose,-lutte

énergique du patient dans le but de s'en affranchir,-torture

morale de l'idée de son impuissance, retentissement phy-

sique de l'état réactionnel, soulagement. consécutif à la

satisfaction donnée aux.centres surexcités, - voilà les signes

de l'obsession dont l'état lucide de la conscience est à lui

seul pathognomonique.

Conception s'insinuant dans l'auto-conscience intacte, sans

que le malade en ait conscience, par suite de l'affaiblisse-

ment du jugement, et dominant toutes les pensées,-absence

24 CLINIQUE mentale.

de lutte et de rébellion contre l'idée nettement conçue, qui,

loin de paraître étrangère et pénible, est assimilée comme

vraie, s'identifie avec le malade complètement, celui-ci se

l'assimilant au point qu'elle devient la raison première

(Leitmotiv) de tous ses actes, voilà les signes de l'idée

fixe. -

Le mode d'origine psychique de l'idée fixe est clair; on

peut remonter à sa genèse conforme à la marche de l'asso-

ciation des idées et suivre l'enchaînement des idées déli-

rantes. L'obsession surgit confusément dans le domaine de

l'inconscient, n'est point conforme à la manière de voir,

de sentir, de concevoir habituelle ; elle y est même souvent

opposée : loin de satisfaire le malade, elle lui cause d'abord

dé la surprise, puis une pénible et inquiétante oppression.

Pitres et Régis ' croient que l'élément émotif domine l'ob-

session, tandis que l'élément intellectuel dominerait l'idée fixe

bien que, à en juger par la conduite des malades, la sphère

affective soit réellement prise dans les deux espèces mor-

bides. Seulement dans l'idée fixe, l'affectivité impressionne

le malade dans le sens d'une réaction agie en rapport avec

le sens de l'idée; il se soumet à celte idée et veut agir

comme le lui commande sa pensée dont il ne critique aucu-

nement le texte cependant faux (izhaltlicla (alsche), Dans

l'obsession, l'affectivité impressionne le malade dans le sens

d'une réaction contre le texte justement de l'idée qui lui est

soumise, et dont il critique la valeur grâce à l'intégrité de

son jugement conservé.

D. Evolution DE l'idée FIXE. - Quelle influence l'idée fixe

cxerce-t-elle sur les autres domaines de l'intelligence ?

a) Sphère psychomotrice. L'idée fixe pathologique est

considérée par le malade comme une idée réelle. Il est na-

turel qu'il y conforme ses actes. Il s'y conforme cependant

dans une certaine mesure. Cette mesure dépend-elle de son

caractère antérieur et de son tempérament primordial ? S'y

substitue-t-il, de par l'idée fixe, un tempérament et un carac-

tère qui n'étaient pas ceux du malade ? Y a-t-il des varian-

tes ? On ne sait au juste. On pourrait citer des exemples en

faveur' de la première manière de voir; on pourrait citer des

Congrès de Moscou, 1897.

L'IDEE FIXE, 25

exemples en faveur de la seconde. Il est patent qu'il y a des

malades qui s'adonnent plus ou moins à la mise en acte des

conséquences de l'idée fixe.

b) Sphère psychique. La conception des idées fixes

porte toujours sur l'ensemble des manières de voir et des

croyances intimes du sujet. Elle modifie certainement pro-

fondément les connaissances antérieures, concrètes ou

abstraites, qui étaient le produit des données de l'expé-

rience. De là des déterminations erronées, de là la folie

intellectuelle, le délire. Une foule de pensées délirantes

suivent ces modifications, et, par leur intermédiaire, s'orga-

nise une conception délirante, puis un délire qui transforme

radicalement la personnalité : le Moi sent, pense et veut

d'une façon toute différente.

C'est alors le système délirant. Tout ce que fait le ma-

lade a pour mobile son délire. Il dépense une activité souvent

prodigieuse pour affermir, parachever, asseoir, travailler ses

conceptions fausses. L'idée fixe laissait encore quelque répit

àl'idéation et à la volonté, relativement aux pensées et aux

actes qui n'avaient avec elle qu'un rapport éloigné. Le délire

systématisé absorbe l'être entier.

La stabilité du tableau pathologique qui, par suite de son

immobilité, mérite le nom d'idée fixe, et qui, en raison de sa

séparation, de sa circonscription relative, avait inspiré aux

savants les noms de délire partiel, de délire circonscrit,

d'auto-psychose circonscrite, n'appartient, en fait, généra-

lement qu'à un stade passager, puisque, dans la plupart des

cas, il s'y ajoute des conceptions délirantes d'explication

capables de prendre une extension progressive. Par suite de

corrections subsidiaires du contenu de la conscience, de

falsifications des souvenirs qui, sous diverses formes, pro-

duisent, de compte à demi avec l'idée fixe, une construction

délirante solidement charpentée, est enfanté un texte déli-

rant compliqué qui ne correspond plus à la cause originelle

relativement simple et insignifiante, voilée par le délire.

C'est pourquoi dans les cas anciens, on arrive à débrouiller

le délire sans pouvoir dépasser le champ des hypothèses

quant à l'idée prévalente qui en a constitué la pierre de

base; on en est également réduit aux suppositions quant à

l'événement qui a pu la provoquer. En cet état pas de gué-

rison possible.

26 CLINIQUE mentale.

Cet avis est aussi celui de Wernicke. Il affirme la possi-

bilité de la guérison d'une psychose qui s'en tiendrait à

l'idée prévalente ; il l'aurait obtenue en provoquant des con-

ceptions opposées correctrices puissantes, et il en cite deux

exemples chez des aliénés processifs. Ainsi, il leur aurait

fait honte de leur situation de malades, de fous, et les aurait

menacés de la nécessité de leur mise en tutelle, leur recom-

mandant après leur sottie de l'asile, d'éviter toute excitation

passionnelle.

Ce serait, du reste, d'après l'auteur allemand, le propre

des dégénérés, d'être hantés par des symptômes d'aliénation

mentale isolés, comme les idées prévalentes, ou peu intenses.

Ils sont sur les confins de la folie. Ce n'est pas à dire que des

individus non dégénérés ne puissent être affectés d'auto-psy-

choses circonscrites, à moins que « l'on ne s'obsline à regar-

der précisément celte forme mentale comme une preuve de

dégénérescence. »

Pour L.-A. Hotu, c'est quand les idées prédominantes n'ont

pas le caractère d'idées systématisées vraies, c'est quand,

malgré l'autophilie indéniable du sujet, elles ne se soudent

point en un système délirant bien coordonné, qu'elles indi-

quent une lare psychopathique congéniate (dégénérescence

vraie) ou acquise (de par l'alcool, par exemple). Ainsi en

est-il de celui qui vient raconter que sa femme est devenue

infidèle; de celui qui s'imagine avoir pour femme ou pour

fiancée, une personne qui en réalité lui est étrangère ou qu'il

connaît à peine, accusant, en sus, quelqu'un de la vouloir

débaucher ; du poète en imagination, qui vous récite une

poésie de Uhland comme étant de lui. Certains types mor-

bides ressemblent aux psychoses circonscrites, mais ils n'eu

ont point la systématisation vraie; il convient de les ranger

simplement à côté des délires systématisés. M. Kocu divise à

cet égard les délires des persécutés persécuteurs processifs

en trois catégories : 1° ceux dont le psuké est préalablement

intact; 2° ceux qui sont des dégénérés ayant subi la dé-

chéance psychopathique ; 3° les psychotiques à délire cir-

conscrit.

Nous ne pouvons entrer, sous peine de redites, dans l'ana-

lyse et l'élude critique des diverses opinions correspondantes.

Le moment est venu de classer ce qui nous parait topique

avec le plus d'impartialité possible.

l'idée fixe. 27

E. Documents cliniques. Les preuves de l'étude précé-

dente sont assez délicates à fournir, bien qu'on puisse les

trouver. Il faut pour cela avoir la chance d'observer l'idée

fixe à sa première période. Une fois, en effet, que les ma-

ladies mentales ont évolué pendant quelque temps, le mé-

lange de symptômes de toutes sortes ne permet plus d'en

concevoir, ni d'en démontrer l'enchaînement, la subordina-

iion. Nous avons observé l'idée fixe ou recueillie des obser-

vations péremptoires d'idée fixe dans les états suivants :

l° Idée fixe greffée sur la débilité et l'épuisement phy-

tiques.

a) Neurasthénie. - Toute apathie intellectuelle en rapport

avec une défaillance cérébrale fonctionnelle, durable ou tem-

poraire, peut produire de la sommation, de la stupeur, des

obsessions, des impulsions, des idées fixes, et aussi du délire.

Ces troubles, transitoires, disparaissent quand il n'existe

aucune autre cause de perturbation mentale, avec l'épuise-

menl du cerveau qui en a permis le développement.

Si c'est une idée fixe, elle sera mobile, et s'évanouira assez

rapidement. On pourra enregistrer une idée fixe hypochon-

driaque quelquefois nettement délirante.

Tel est le cas tiré de Krafft EIInc' et reproduit par Lau-

RENT dans sa thèse (p. 8).

Observation I. Idée {ire dans la neurasthénie. Guérison.

M. H...., inspecteur de gare, quarante et un ans, marié, est

amené à la clinique de Gratz, le 14 aoùl 1882 ; il se croyait le chef

de gare, et se comportait en conséquence.

Le malade se démène, confus et irrité, il demande à être amené

devant ses supérieurs, puisqu'il est chef de gare. Sa place n'est

pas ici. 11 ignore qu'il se trouve dans un hôpital, se sent tout à fait

bien portant et est irrité, à juste titre, que l'ancien chef ne veuille

pas lui transmettre ses fonctions de service.

Le malade a le crâne normal, il n'a pas de lièvre; il est visible-

ment épuisé, peut à peine se tenir sur ses jambes. Pouls petit,

fréquent et facile à déprimer. Tremblement des mains. Bientôt le

malade s'endort, fait un somme prolongé ; le 15, il est cliente,

mimiquement assez dégagé, mais il se croit toujours chef de gare

et prétend avoir trouvé le décret de nomination à ce poste, il y a

quelques jours, dans son armoire, chez lui. Il n'a pas réfléchi

1 Traité de psychiatrie. Édition française, page 536.

z8 CLINIQUE MENTALE.

.longuement sur la question de savoir comment ce décret était

parvenu dans son armoire et pourquoi ou ne le lui avait pas remis

par la voie officielle réglementaire.

Comme il était dit qu'il devait prendre immédiatement son nou-

veau service, il s'est rendu, dans ce but, au bureau; mais l'ancien

chef de gare, qui, de tout temps, lui fut hostile, l'avait accueilli

grossièrement et n'avait pas voulu lui transmettre son service. Il

est parti, s'est plaint chez des gens de sa connaissance, est revenu

vers l'ancien chef, mais celui-ci n'a pas voulu céder. Froissé, irrité

et perplexe, il est rentré chez lui et a tout raconté à sa femme.

Celle-ci l'a déclaré fou. Ensuite, le médecin est venu et a essayé

de le calmer. De ce qui s'est passé à partir de ce moment, il n'a

qu'un souvenir sommaire. Il sait qu'il a passé, la nuit du 13 sans

sommeil, contrarié et craignant de nouvelles vexations du chef;

il se sentait tout à fait malade par agitation et humiliation, n'avait

le coeur ni à manger ni à boire.

Le 14, on l'a amené à Gratz, où tout lui parait étrange.

Le 15, le malade est tranquille, mais toujours avec son idée fixe.

Il motive sa prétendue promotion par le fait que le Conseil de

direction des chemins de fer veut lui offrir une compensation pour

les mauvais traitements et la mauvaise situation matérielle qu'il a

dû supporter dans le passé; car, depuis deux ans et demi, il est

très surmené dans son service; il a une nombreuse famille et n'a

qu'un petit salaire, des dettes, des soucis pour vivre, et, par dessus

le marché, un chef qui lui fait des misères et des collègues qui lui

en veulent. Depuis quelque temps, il est devenu las, épuisé, irri-

table, oublieux jusqu'à perdre toute notion momentanément. Pour

comble, il avait encore cette préoccupation que dans cet état il

ferait des bévues et s'attirerait des amendes. Ces derniers temps,

il était particulièrement fatigué et épuisé et avait souvent à peine

le temps de prendre ses repas et de dormir, de plus, le sommeil

n'était plus réparateur.

Le 16, après avoir passé une bonne nuit, après un sommeil répa-

rateur, le malade demande, d'un air embarrassé, à rentrer chez

lui. Il voudrait savoir si l'histoire de sa nomination est exacte. Il

commence à rectifier ses idées. L'après-midi, il annonce, plein de

joie, que son idée fixe s'est éloignée. Dans la nuit du 12, il avait

rêvé qu'il était devenu chef de gare et que le décret de cette nomi-

nation se trouvait dans son armoire. Le matin, il s'était alors levé

plein d'émotion joyeuse et ne s'était pas donné la peine de s'assu-

rer si le fait était exact ou non. (Incapacité d'un cerveau épuisé à

rectifier des événements arrivés en songe.)

Les paroles bienveillantes des médecins, ainsi que leurs obser-

vations, l'ont mis en éveil et ont provoqué sa critique. Le malade

nie avoir une prédisposition héréditaire, avoir eu autrefois des

maladies; il affirme formellement ne s'être jamais alcoolisé. Il est

' L'IDÉE FIXE. 29"

visiblement épuisé, a beaucoup de mal à rassembler ses idées et à

les exprimer. Grâce- à de bons soins et à un bon sommeil, il se

remet rapidement et peut quitter la clinique, le 20 août guéri, sauf

quelques malaises neurasthéniques. '

b) Maladies générales. C'est encore le mécanisme de

l'épuisement du système nerveux.

Voici une observation de délire de persécutés persécuteurs;

cette observation est empruntée à M. Selle 1 ; il la considère

comme un exemple de dégénérescence acquise.

Observation IL - Idée fixe chez un homme affaibli matériellement.

Revendications contre l'Etat.

Homme de cinquante-huit ans. A fait les campagnes de 64, 66,

67, 70 et 71. En 1865, il a eu une fièvre typhoïde grave. En 1870,

il a eu un rhumatisme aigu, qui a duré quatorze jours. Depuis

cette dernière campagne, il éprouve des douleurs dans les bras et

les jambes. Incapable, dit-il, d'exercer son métier de-potier, il

demande l'assistance comme invalide. Plusieurs médecins l'ont

examiné et déclaré non fondé dans ses demandes. Il assiège con-

tinuellement les autorités de ses requêtes. Il est condamné 5 fois

pour avoir pénétré au ministère de la guerre de Berlin, et y avoir

fait du scandale. Il finit par croire qu'il est contreminé dans ses

projets par des ennemis et profère des injures contre la majesté

impériale, ce qui le fait amener à l'asile. A l'établissement il tra-

vaille assidûment, mais sans abandonner la légitimité de ses réclu-

mations. Il ajoute que si Sa Majesté ne tient pas compte des injures

qu'il avait proférées contre elle dans les écrits qu'il lui a adressés,

il collera ses factums à tous les coins de rues.

Nous croyons qu'il est rationnel d'en rapprocher une obser-

vation personnelle en rapport avec la migraine ophthalmique

Cette observation montre jusqu'à un certain point les rela-

tions qui peuvent exister entre l'idée fixe, les groupes d'idées

fixes, les idées fixes obsédantes. Elle semble un lien entre la

faiblesse irritable et l'excitation cérébrale spéciale que

M. Wernicke accuse de la disjonction du contenu de la con-

science, de l'ordre préétabli des associations d'idées.' L'idée

fixe peut en effet se rencontrer dans certaines névralgies par-

ticulièrement dans la migraine ophthalmique.

Loco cilalo. (.Allgemeine Zeitschrift (il Psychiatrie, LI, 1.)

30 CLINIQUE MENTALE.

Observation III. Idée fixe dans la migraine ophtalmique.

(Personnelle.)

H.... quarante ans, ingénieur, est atteint depuis l'Age de treize

ans, d'une migraine ophtalmique' ainsi caractérisée : l'accès

débute toujours par une diminution de l'acuité visuelle soudaine,

analogue à celle que cause la contemplation d'un objet brillant

ou des rayons solaires. Cette amblyopie, accompagnée d'éblouis-

scrnents, légère, s'accuse, suivant l'accès, davantage d'un côté ou

de l'autre. Elle n'empêche pas le malade de distinguer un ensemble,

mais elle nuit à la perception des détails, sur lesquels, au début

de l'accès, il semble que le sujet, qui en a parfaitement conscience,

soit obligé de diriger chacun des points de la rétine, et encore se

rend-il bien compte que dans son champ visuel il y a des lacunes,

des points noirs : puncla coca, Ce phénomène, toujours plus mar-

qué de l'oeil droit ou de l'oeil gauche, ne tarde pas à aboutir à une

hémiopie caractéristique verticale. Supposons que l'amblyopie

brusque affecte l'oeil gauche, elle gagne d'abord l'oeil droit, puis,

l'hémiopie, portant sur l'ensemble du champ visuel bilatéral ver-

tical, se classe comme il est habituel pour une hémianopsie homo-

nyme qui aurait son origine dans l'hémisphère gauche du cerveau.

Cette hémiopie s'accompagne de scotome scintillant bilatéral,

mais prédominant dans l'oeil gauche par lequel ont commencé les

accidents. Dans certains cas, l'accès s'arrête là. Mais il est fréquent

aussi de le voir se développer comme suit :

Il se produit de l'excitation intellectuelle caractérisée par une

profusion d'idées, d'ailleurs bien ordonnées, qui, pour cette raison,

ne rappellent en rien l'excitation maniaque. Chacune de ces idées,

normales du reste, s'accompagne de l'afflux obsédant et gênant de

conceptions relatives à un groupe de pensées similaires. Ces

conceptions constituent un vrai malaise mental, car elles s'accom-

pagnent d'un retentissement psychique : elles incitent le champ

de la conscience où elles se répercutent comme s'il y avait une

espèce d'écho cérébral, en vertu duquel il semble qu'elles soient

réfléchies dans le moi où elles provoquent des réflexions critiques,

correspondant à chacune d'elles, de la part du patient, forcé,

malgré lui, d'établir une sorte de contrôle mental sur chaque

phrase qui se présente à son esprit, de la soupeser et de con-

clure par oui ou par non sur les caractères des pensées qui lui

viennent. t.

C'est de la cogitation à double ou triple effet simultané à laquelle

il n'y a d'autre remède que le sommeil, les yeux bien clos, dans

un milieu sombre et calme; une sorte de rumination sur plusieurs

thèmes, dont l'un, ainsi qu'on le verra plus loin, est emprunté à

l'évolution de la maladie même dont M. H... est atteint.

. L'IDEE fixe. 31

Cette excitation spéciale s'accompagne bientôt, à son tour, de

légers troubles de la sensibilité dans les membres du côté droit

(noter que l'amblyopie dans l'accès envisagé a débuté par l'oeil

gauche). C'est une anesthésie comparable à celle que l'on éprouve

à la suite d'une compression, avec mêmes frémissements. Ces

troubles montent à la moitié droite de la face. La motilité est en

même temps touchée, bien que le malade réalise les mouve-

ments de translation, dans des conditions telles que personne ne

peut s'apercevoir qu'il est légèrement hémiplégique il droite, de

bas en haut.

A ce moment apparaissent des accidents aphasiques comprenant

à la fois de l'aphasie motrice (rappelons encore que l'accès a

débuté par l'oeil gauche), de la cécité verbale et de l'agraphie.

M. IL ? qui est très instruit, a longuement analysé ses crises, et

comme, pendant leur évolution, il jouit très nettement de ses

facultés, il connaît par là même la formule de ces perturbations.

Tout se dissipe environ au bout d'une heure : les images men-

tales des mots et des lettres reviennent. Pour s'en assurer, M. H...

prononce mentalement des phrases, et c'est ainsi qu'il s'aperçoit

de la netteté de sa vision mentale, de ses obscurités ou de ses

oscillations en mieux ou en pis. C'est précisément parce qu'il est

éclairé par une expérience déjà longue des allures des différentes

scènes des accès de migraine et de celles de leurs variétés, qu'au

début d'un accès, quand il éprouve l'excitation intellectuelle dont

nous avons parlé, il est également obsédé par le besoin de savoir

où en est sa vision mentale, de sorte qu'à la rumination psychique

dépendante de l'écho psychique vu plus haut, se joint l'analyse

personnelle du degré des images que suscitent les phrases en

question. -

Quand la migraine ophtalmique débute par l'oeil droit, l'hémio-

pie est inverse, plus accusée à droite, tout en conservant les

mêmes caractères. Il se produit ensuite de l'hémianesthésie et de

l'hémiplégie légères du côté gauche, mais il n'y a ni aphasie, ni

cécité verbale, ni agraphie. L'excitation intellectuelle est nulle ou

à peine marquée.

L'intelligence et la vigueur physique de Il ... n'ont aucune-

ment diminué. Depuis son jeune âge jusqu'à ce jour, il a suffi aux

exigences de sa carrière; il a écrit, il a produit les travaux néces-

sités par les diverses études qu'il lui a fallu faire, et' il a fourni

des travaux d'homme fait. Il apprend encore facilement et s'assi-

mile remarquablement, même les connaissances étrangères à sa

profession.

M. H... ajoute que, depuis quelques années, il tend à avoir un

bien moins grand nombre d'accès de migraine ophtalmique

qu'ils sont surtout aborlifs, et se rapprochent de plus en plus du

scotome scintillant exclusif, ne se répercutant point sur le corps

32 CLINIQUE MENTALE.. /

ou le cerveau, quelque soit le début de l'hémiopie, droit ou

gauche.

Même quand l'hémiopie apparaît par l'oeil gauche, il est bien

plus rare à présent que l'aphasie et ses variétés se mettent de la

partie; c'est tout au plus, si, à la phase d'acmé de 1'liéiiiiopie et

du scotome scintillant il se montre un peu d'affaiblissement des

images mentales. Quanl à 1' ! tYPcl'idéation obsessive, dont nous avons

parlé, il y a bien des années qu'elle ne s'est produite.

Aucune tare organique. Impossible de rien savoir sur l'hérédité.

Il ne parait y avoir ni tumeur cérébrale (intégrité du fond de l'oeil),

ni paralysie générale, ni syphilis, ni épilepsie. Aucun des symp-

tômes prémonitoires des premières affections n'a, du reste, été

relevé. Les traitements les plus divers, y compris le traitement

antisyphilitique, ont été institués sans amener de modification

notable. Le temps seul a transformé, atténué les accès aujourd'hui

courts et n'exigeant plus le sommeil.

Ce qui en revanche parait évident, c'est que le lendemain du

jour où M. Il... a séjourné dans un endroit chaud, en nombreuse

société, où surtout, dans ces conditions, il a fumé outre mesure,

sans avoir pris soin, en rentrant chez lui, de dormir la fenêtre

ouverte, souvent il a eu le matin en s'éveillant, ou dans la journée,

un accès de migraine ophthalmique. 11 faut encore remarquer que

les prodromes de l'accès se montrent quelquefois la nuit, éveillent

le patient et lui font s'apercevoir, à la lueur de la bougie, de son

hémiopie; il se recouche, dort, et le lendemain tout a disparu.

Enfin, quoique l'accès de migraine soit suivi d'une certaine

fatigue cérébrale, le travail consécutif est néanmoins possible et

efficace; il existe simplement un endolorissement céphalique cor-

respondant à l'hémisphère cérébral originaire des troubles. Cette

céphalée est comparable à une douleur obtuse qui s'exaspère par

l'ébranlement de la toux qui frappe comme d'un choc violent l'in-

térieur du crâne, le front, le temporal à droite et à gauche. Cette

céphalée se montre aussi parfois alors qu'il n'y a pas eu d'accès ;

elle est alors considérée par le malade comme le reliquat d'un

accès nocturne discret.

(A suivre.)

PATHOLOGIE MENTALE.

MYSTICISME ET FOLIE ' ;

Par le D'A. MARIE,

Médecin en chef de la Colonie de Dun.

CONSIDÉRATIONS HISTORIQUES ET 111ÉDIC0-LÉG1LCS.

Il faut arriver au xvltte siècle, pour voir les épidémies de

délires religieux à forme dépressive, faire définitivement place

à celles à forme théomaniaque. Antérieurement, on rencontre

bien dans l'histoire des cas d'illuminisme, mais ils sont isolés

et assimilés à la possession, par les lois civiles et religieuses

contemporaines. Jeanne d'Arc en est un bel exemple. Elle

devançait son temps de trois siècles. '

Au sortir des ténèbres du moyen âge, lorsque le Christia-

nisme triomphant des anciennes superstitions polythéiques

du paganisme, donne naissance à des religions nouvelles

schismatiques, la conception monothéique prévaut définitive-

ment. Nous trouvons le reflet de cette évolution mentale,

normale, dans les conceptions pathologiques des délirants.

Plus d'épidémie de lycanlhropie, les anxieux, jouets des

esprits inférieurs, c'est-à-dire reflétant les vieilles supersti-

tions de l'idolâtrie grossière primitive sont clairsemés et isolés.

Si l'on rencontre encore des démonopathes endémiques, ce

sont plutôt des obsédés que des possédés. La foi désormais

établie au Dieu sauveur tout-puissant, semble préserver la

personnalité des attaques du démon. Les individualités ne

sont plus entamées que tardivement et c'est Dieu lui-même

ou ses représentants qui viendront hanter les aliénés. Au lieu

des blasphémateurs qu'on livrait en masse au bûcher d'au-

trefois, c'est une armée de prophètes qui se lève et il n'est

pas toujours facile de distinguer les écrits des vulgaires lliéo-

1 Voir Archives de Neurologie, n° 40, t. VU, 1899, p. 257.

AnclII\'I : s,2o série, t. VIII. 3

34 PATHOLOGIE MENTALE.

mânes de ceux des prophètes écoutés comme Jean IIuss,

Luther ou Calvin.

On l'a dit, c'est un siècle de foi et d'exaltation religieuse

que celui où se produisent ces schismes tendant à ramener la

religion à sa pureté primitive. Les aliénés y seront des mys-

tiques convaincus de la présence de Dieu jusqu'en eux-mêmes.

A une phase intermédiaire de l'évolution se produisirent

ces épidémies d'envoûtement, de vampirisme, qui dénotent

déjà une plus grande résistance psychique, tandis que les

anciens zoanthropes et ensorcelés objectivaient la source de

leurs souffrances en deçà de lcur personnalité physique (inclu-

sion d'animaux), ceux qui accusent les goules ou les vampires

objectivent dans le monde extérieur, des entités imaginaires;

leurs personnalités physiques et morales sont attaquées, mais

résistent. L'évolution historique, on le voit, est conforme à

la gradation des faits cliniques. Cette évolution, hâtons-

nous de le dire, n'est pas spéciale au pays, à la race ni à l'ère

actuelle. On la retrouve dans l'histoire du développement de

tous les groupements humains sous toutes les latitudes, à

toutes les époques'.

« Primus in orbe deos fecit limon » dit Pétrone. En

effet, l'homme divinisa d'abord l'objet de ses terreurs, et le

culte naquit de la peur; l'homme apprit à craindre ses dieux,

avant de les adorer.

Les cérémonies primitives ont toutes pour but d'apaiser

une divinité toujours courroucée; il faut des victimes, des

sacrifices, et pour épargner sa vie, l'homme immole celle des

animaux ou même de ses semblables.

Les dieux sont d'abord les eaux, les nuages, les roches

dont les cataclysmes naturels mettent en danger l'humanité

naissante; c'est le culte naturaliste. Puis les animaux féroces,

tapis dans l'ombre des forêts, prennent sur l'autel du

temple la place du caillou primitif*.

Enfin, le symbole est dégagé de l'idole ; ce n'est plus l'ani-

mal même qu'on adore, mais la force qu'il représente, la

ruse, le courage, etc.

' J. Vinson. Les religions. Delahaye, Paris, 1888.

' Les Tarasques, les bêles du Gévaudan, sont remplacées ailleurs par

d'autres êtres; actuellement encore au Japon, les renards jouent le même

rôle que nos loups garons, et l'on peut observer des folies avec disso-

ciation de la personnalité et véritable possession par les renards (Kit-

suma-tsuki). V. A11P., s. 7, t. XV, p. r21. U Taret.

MYSTICISME ET FOLIE. 35

La période naturaliste prend fin, l'homme a pu abstraire

et dégager la propriété essentielle de sa figuration maté-

rielle. Le zoomorphisme n'est plus que symbolique, c'est le

mode d'expression d'une conception plus élevée, c'est un lan-

gage religieux. Enfin les dieux s'humanisent (autant au sens

littéral que figuré) ; les idoles ont encore des têtes d'animaux

exprimant telle qualité de la divinité, mais le corps est celui

de l'homme ou inversement (Egypte, Assyrie, etc.).

L'anthropomorphisme pur s'établit peu à peu; c'est alors

le panthéon grec avec ses mythes multiples. Le polylhéisme

a succédé au fétichisme primitif, la phase théologique com-

mence. Mais la conception en est encore imparfaite; les dieux

capricieux ne sont pas toujours propices à l'homme. Aussi les

peuples adoptent-ils de préférence telle divinité comme plus

favorable aux gens de l'endroit; c'est un acheminement vers

le monothéisme, mais auparavant se constitue la croyance à

deux principes opposés, le mal et le bien en lutte (Mani-

chéens, Albigeois, etc.). Ce dualisme fait enfin place au

monothéisme vrai, à la croyance en un seul Dieu tout-puis-

sant ami de l'homme.

Les spéculations philosophiques se dégageant de la théo-

sophie mystique repoussent finalement la révélation et croient

pouvoir établir seules l'existence d'un être suprême, c'est un

pas de plus en avant, c'est la phase métaphysique qui pré-

parc l'étape dernière scientifique et positive.

Si l'on compare aux différents stades de l'évolution précitée

les cas pathologiques que nous fournissent l'histoire et la

clinique, on verra qu'ils viennent à l'appui de la théorie

générale et se rattachent à l'une des phases théologique,

polytliéique ou fétichique.

« Les aliénés, dit Semerie 1, renversent le principe de la

transformation des hypothèses positives; méconnaissant ce

principe de philosophie première, ils tendent à former des

hypothèses toujours moins simples et moins exactes que

' Les hypothèses métaphysiques, dit de même Couard, consistent à

faire intervenir une cause indépendante des organes, existant tantôt en

dehors de l'homme (action divine ou démoniaque), tantôt dans l'homme

supposé double (corps et aime) ou triple (corps, principe vital et âme

pensante). La première de ces hypothèses n'appartient plus qu'à l'histoire.

Elle a disparu avec les derniers bûchers, mais on l'entend encore exprimer

par des aliénés qui expliquent ainsi les tourments et les hallucinations

qui les obsèdent. (Cotlard. De la folie, p. 213,)

36 PATHOLOGIE MENTALE.

celles qu'ils repoussent ; fermant les yeux à l'évidence et

dédaignant les opinions courantes, ils font eux-mêmes leur

théorie; mais ils n'inventent rien, et, croyant s'affranchir, ils

ne font que restaurer des idées abandonnées.

L'analyse de cet état mental se ramène à un excès de sub-

jectivité ; il s'ensuit que l'aliéné, en revenant à des hypo-

thèses trop subjectives, ne fait que parcourir à l'inverse les

différents, stades de l'évolution mentale normale; il passe

ainsi de l'état positif à l'état abstrait et de là à l'état fictif. Il

est en effet curieux de retrouver les hypothèses des aliénés

dans les théories abandonnées qui eurent cours en science

et en religions. La théorie du physiologiste V. llelmont sur

l'archée épigaslrique et la localisation de l'âme dans le dia-

phragme n'est-elle pas celle de nos hallucinés à voix épigas-

trique ' ? ?

Les explications adoptées par les hallucinés pour rendre

compte des phénomènes qu'ils étaient quelquefois les pre-

miers à constater sur eux-mêmes, ont pu varier suivant les

époques et les temps. Tant qu'on a cru que les dieux avaient

le pouvoir de descendre sur la terre, Jupiter, Mercure, Apol-

lon, Diane, Vénus apparaissaient très souvent aux aliénés ;

les personnes du sexe croyaient s'unir alors à des satyres, au

dieu Pan, à des dieux métamorphosés en serpents, en cygnes,

en taureaux.

A une époque plus rapprochée de nous, les anges et les

démons ont pris la place des dieux dans les conceptions

déraisonnables de l'homme et la singularité du délire des

cloîtres, du délire de la sorcellerie prouve que l'imagination

des poètes, si on la compare à celle des monomaniaques, est

bien loin de tenir le premier rang pour la fécondité et la puis-

sance de' l'invention 2.

Malgré celte diversité apparente, on peut ramener à deux

groupes les déités mises en cause selon que ce sont des esprits

malfaisants ou bienveillants, dieux ou diables. Or en somme,

l'évolution de l'idée diabolique, ditCh. ltichet, depuis le xviie

siècle, peut se résumer en un mot. Le diable a été vaincu. Il

n'y a plus de possession par les mauvais anges. Mais il reste

encore la possession par les bons anges.

4 Des symptômes intellectuels de la folie, P. Dclahayr, 1867.

Calmeil. De la folie (théories), t. 11, p. 115.

MYSTICISME ET FOLIE. 37,

Ce qui au xviio siècle, aurait fait brûler, aujourd'hui sanc-

tifie. Marie Alacoque, Marie Moerl de Kaltern, Louise Lateau,

si elles avaient vécu du temps de Bodin, auraient été exor-

cisées, peut-être brûlées. Mais les temps sont changés; on en

a fait des saintes, on ne les a ni exorcisées ni brûlées.

Saintes ou possédées, peu importe. Nous savons qu'elles

sont tout simplement des malades'.

Les convulsionnaires de Saint-Médard, les Ursulines de

Loudun étaient animées par des esprits étrangers, mais tandis

que pour celles-ci c'étaient des esprits mauvais, pour les

autres, c'était l'esprit de Dieu.

Il n'était pas sans intérêt de savoir laquelle : des deux

grandes divisions du christianisme, qui se partagent le monde

civilisé, du catholicisme ou du protestantisme, prédispose le

plus à ce genre d'aliénation mentale. D'après Elus, il y aurait

parmi les catholiques moins d'aliénés par suite de préoccu-

pations religieuses. Et en effet le catholicisme n'admet pas

de discussions : il est donné aux croyants qui l'acceptent sans

examen et sans que l'esprit ait à se préoccuper de sujets sou-

vent abstraits, douteux ou insaisissables. En Angleterre et

en Amérique et dans toutes les contrées protestantes, les

dogmes religieux sont un sujet de libre examen et de discus-

sions incessantes; les sectes se multiplient, la liberté de la

controverse excite les passions et entraîne toutes les forces

de l'esprit dans une voie souvent périlleuse. < 1

11 est à remarquer, dit d'autre part Bail (599), que l'idée

de la perdition sans autre complication et sans trouble sen-

soriel est incontestablement plus fréquente chez les protes-

tants que chez les catholiques. Et d'abord la doctrine de la

prédestination interprétée dans toute sa rigueur est faile selon

les théologiens pour tranquilliser l'esprit, mais c'est à la

condition de l'interpréter dans un sens favorable. Lorsque au

contraire on vient à l'interpréter en sens inverse, ce qui est

arrivé à plus d'un mystique, il en résulte une idée fixe qui

conduit presque infailliblement à l'aliénation mentale. Je ne

prétends point d'ailleurs qu'il s'agisse ici d'un rapport de

cause à effet. Il faut sans doute avoir l'esprit déjà malade

pour s'abandonner à des terreurs de cette espèce, mais enfin-,

pour les prédisposés la pierre d'achoppement est toujours là.

1 Cil, Iticlrt. L'homme cl l'intelligence, p. 550,553 ? ¡

38 PATHOLOGIE MENTALE.

Il faut y joindre une crainte qui surtout aux époques de fer-

veur religieuse a poursuivi bon nombre de protestants, la

crainte d'avoir commis le péché irrémissible.

D'après Marcé, le culte dans lequel a été élevé ou que pro-

fesse le sujet aurait une grande influence sur la forme du

délire ; voici comment s'exprime cet auteur : « Le délire,

dit-il, fanatique ou religieux du catholique et celui du pro-

testant, comme aussi des sectes qui se rattachent au protes-

tantisme n'offrent pas, dans la règle, le même caractère. Chez

le premier, il y a ordinairement crainte de manquer son

salut, syndérèse, appréhension de punitions célestes, terreur,

désespoir; chez l'autre, mysticisme, prétention de comprendre

et d'expliquer la partie symbolique de l'Ecriture Sainte,

orgueil, exaltation prophétique. En un mot, le catholique

devient fou parce qu'il se croit damné, le protestant parce

qu'il se croit prophète; l'un se regarde comme réprouvé,

l'autre comme envoyé du ciel. » D'après Marc, les mégalomanes

religieux se rencontreront donc surtout parmi les protestants

et les mélancoliques religieux, au contraire, parmi les catho-

liques. Il serait intéressant d'instituer sur ce point une vaste

enquête dans les asiles de France et de l'étranger.

Quoi qu'il en soit de ces opinions, la science manque de

documents positifs pour la solution de cette question : un seul

fait d'observation pratique doit être regardé comme acquis,

c'est que, chez les protestants, les préoccupations religieuses

portent en général sur des questions de controverse théolo-

gique, tandis que, chez les catholiques, la crainte d'une con-

fession incomplète, le remords d'une mauvaise communion

et des scrupules de conscience sont les idées qui prédominent

au milieu du délire religieux '.

Il en résulte que la mélancolie religieuse est plus fréquente

chez les seconds, la théomanie chez les premiers.

Or nous voyons dans l'histoire apparaître les théomanes

avec le grand schisme de la réforme, alors qu'auparavant

régnaient presque exclusivement les épidémies de possession.

Comme Calmeil le remarque à la fin de son étude philo-

sophique, de nouvelles erreurs menacent encore la patho-

logie encéphalique et mentale; or c'est du magnétisme et du

spiritisme que dérivent à nouveau ces épidémies de disso-

' Marcé. Médecine menlule, p. 100 et 101.

MYSTICISME ET FOLIE. 39

ciation de la personnalité dont l'Amérique protestante a donné

les premiers et récents exemples. Les esprits frappeurs rem-

placent ici le diable des possessions primitives, mais le méca-

nisme de la psychose est le même ainsi que sa contagion

rapide aux hystériques. Il est curieux de voir ainsi l'équiva-

lent de la démonopathic ancienne renaître dans des milieux

modernes et d'une confession différente.

J'ai vu, il y a quelques années, dit Bail, un homme fort

intelligent et d'un esprit cultivé. Il s'était adonné à des invo-

cations surnaturelles après avoir lu certains ouvrages de

spiritisme, et il avait fini par évoquer un mauvais esprit;

mais semblable à ces enchanteurs maladroits qui, faute de

connaître les formules sacramentelles, après avoir fait

paraître le diable, ne pouvaient plus se débarrasser de lui,

il était resté en tète à tête avec son persécuteur et se croyait

'lié par un pacte irrévocable, qui le rendait esclave du démon

auquel il avait voulu commander'. 1. -

Le déterminisme purement psychologique de la volonté,

dit Manouvricr, se trouve limité, contrarié, ou même annihilé

par l'autonomie des centres moteurs. Cette autonomie mécon-

nue par les sensualisles est la condition physiologique du

sentiment que nous avons de notre liberté intérieure=.

C'est inversement la condition pathologique des idées déli-

rantes de possession démoniaque ou théomaniaque, aussi

bien dans les délires religieux anciens que dans les psychoses

spiriles des néo-mystiques.

Aussi l'école italienne ne voit-elle dans tous ces phénomènes

que des manifestations d'atavisme. Les arabesques compli-

quées, les figures allégoriques, les gestes et les attitudes

cabalistiques, les interprétations fantastiques des faits natu-

rels, les jeux de mois, néologismes et idiomes particuliers

qui pullulent dans la paranoïa, en colorent le délire d'une

façon si vive et si grotesque, qu'ils nous font absolument

revivre dans les phases les plus éloignées de l'évolution his-

torique mentale. ,

Ils rappellent l'écriture cunéiforme et hiéroglyphique

comme expression absolument matérielle et figuration de

conceptions abstraites, la conservation des amulettes symbo-

1 Bail, p, 185.

* Revue philosophique, 1881, t. XVII.

40 PATHOLOGIE MENTALE.

lisant les âmes des trépassés (première manifestalion féti-

chique), les évocations d'outre-tombe, les mots de l'alchimie

du moyen âge et de la magie arabe, les cérémonies hiérati-

ques d'antique date, importés chez nous du mysticisme orien-

tal..... Ces phénomènes se rencontrent chez les paranoïaques

et chez les primitifs, ils sont l'expression d'une condition

psychologique commune.

L'hylozoïsme des astrologues, la mantique des thauma-

turges et des mages, la cartomancie, l'alchimie, la chirogno-

monie ainsi que la croyance à la mâle-nuit, au chevillage et

aux envoûtements se rencontrent dans le délire des aliénés

superstitieux actuels. La démonolâtiïe même n'est qu'une

religion abandonnée; Belzébuth et Belphégor ont eu leurs

temples (Baattzebuth et Baal de Pégor). Ce fétichisme des

aliénés est donc pour Tauzi de provenance atavique mani-

feste comme le symbolisme (Allegorismig) des psychologues

allemands. Il semble, dit M. Richet, que l'intelligence de

l'homme, toutes les fois que ses fonctions sont perverties,

revienne à l'état de nature et ne puisse trouver comme image

de terreur et de dégoût que les animaux malfaisants qui

excitaient la terreur et le dégoût des premiers âges de l'hu-

manité '.

Meynert, en 1884, étudiant la genèse de ces sortes de con-

ceptions morbides, les considère comme innées, immanentes

chez l'homme normal, à l'état inconscient. Elles apparaissent

et passent au premier plan, sous l'action dévastatrice d'une

maladie qui inhibe, les fonctions supérieures modératrices et

rectificatrices. Ces tendances mystiques, prennent alors l'in-

tensité des fonctions spinales, quand les fonctions corticales

sont supprimées.

La superstition existe à l'état d'élément inconscient dans le

cerveau normal oit elle se trouve en quelque sorte noyée et

couverte par le développement complet des facultés intellec-

.tuelles qui en effacent toute trace dans la conscience. Vienne

une perturbation, l'idée délirante peut acquérir alors l'éner-

gie suffisante pour apparaître et pour l'emporter.

L'affection mentale, « interrompant les associations nor-

inhales, facilite par là même la production des images men-

tales anormales qui prennent d'autant plus d'intensité qu'elles

1 II. et I., 188, 287.

MYSTICISME ET FOLIE. l11

ne peuvent se répandre sur les autres territoires inhibés pour

y être contrôlées. En d'autres termes ces tendances mysti-

ques qui restent inconscientes dans le cerveau sain, prendront t

par le seul fait de l'isolement, l'intensité et la prépondérance

que prennent les fonctions spinales quand les fonctions corti-

cales sont suspendues ».

Meynert continuant sa comparaison rapproche le dévelop-

pement de l'idée délirante de la prédominance de certains

muscles quand leurs antagonistes sont paralysés.

Il n'y a plus d'arrêt, de transformation, d'une partie des

processus associés, mais au contraire libre développement

dans le champ de la conscience d'une conception erronée par

suite de l'absence de notions correctrices.

Dès lors, ces interprétations délirantes sont la conséquence

d'un esprit inné, identique à celui qui a constitué et constitue

encore le fond mental de certains peuples, pour qui elles

représentent l'expression la plus élevée de la pensée ; elles

répondent au besoin d'expliquer la genèse de phénomènes

naturels, et donnent une certaine logique aux pratiques

superstitieuses de ces intelligences incomplètes.

Par rapport à l'évolution de l'espèce, nous naissons avec

une somme d'acquisitions, ou, comme dit Sergi, de stratifica-

tions ; que la couche la plus récente et la plus parfaite s'al-

tère, les couches sous-jacentes reparaissent et l'homme ainsi

diminué devient absolument l'analogue de son ancêtre, le

sauvage, confiant dans son gri-gri protecteur.

On peut ainsi définir ces délires, la réapparition d'une

superstition, subconsciente dans le cerveau- développé (Mey-

nert). Ceci revient à dire que l'éréthisme psycho-moteur et

sensoriel est objectivée lorsque la synthèse mentale incom-

plète amène l'automatisme involontaire et le défaut de subjec-

tivité.

CONSIDÉRATIONS MÉDICO-LÉGALES.

Les réactions médico-légales les plus fréquentes des mys-

tiques sont de deux ordres. Les unes divergentes en quelque

sorte, visant leurs semblables, les autres convergentes, les

atteignant eux-mêmes. Malheur aux simples mortels, si les

visionnaires s'avisent de croire qu'ils sont destinés à laver

dans le sang la tache originelle du péché, car on en a vu plu-

42 PATHOLOGIE MENTALE.

sieurs tuer avec joie pour opérer, disaient-ils, la plus glorieuse

des résurrections *. '

Un missionnaire, dit Pinel, par ses fougueuses déclama-

tions et l'image effrayante des tourments de l'autre vie,

ébranle si fortement l'imagination d'un vigneron crédule,

que ce dernier croit être condamné aux brasiers éternels, et

qu'il ne peut empêcher sa famille de subir le même sort que

par ce que l'on appelle le baptême du sang ou le martyre. Il

essaie d'abord de commettre un meurtre sur sa femme, qui

ne parvient qu'avec la plus grande peine à s'échapper de ses

mains. Bientôt après, son bras forcené se porte sur deux

enfants en bas âge, et il a la barbarie de les immoler de

sang-froid pour leur procurer la vie éternelle. Il est cité

devant les tribunaux, et, pendant l'instruction de son procès,

il égorge encore un criminel qui était avec lui dans le cachot,

toujours dans la vue de faire un sacrifice expiatoire. Son

aliénation étant constatée, on le condamne à être renfermé

pour le reste de sa vie, dans les loges de BicèLre. L'isolement

d'une longue détention, toujours propre à exalter l'imagina-

tion, l'idée d'avoir échappé à la mort, malgré l'arrêt qu'il

suppose avoir été prononcé par les juges, aggravent son

délire et lui font dès lors penser qu'il est revêtu de la toute-

puissance, ou, suivant ses expressions, qu'il est la quatrième

personne de la Trinité; que sa mission spéciale est de sauver

le monde par le baptême du sang et que tous les potentats

réunis de la terre ne sauraient attenter à sa vie.

Plus de dix ans s'étaient passés dans une étroite réclusion,

et les apparences soutenues d'un état calme et tranquille

déterminèrent à lui accorder la liberté des entrées dans les

cours de l'hôpital.

Quatre nouvelles années d'épreuves semblaient rassurer,

lorsqu'on vit tout à coup se reproduire ses idées sanguinaires

comme un objet de culte et une veille de Noël, il forme le

projet atroce de faire un sacrifice expiatoire, de tout ce qui

lui tomberait sous la main.

Il se procure un tranchet de cordonnier, saisit le moment

de la ronde du gardien, lui porte par derrière` un coup qui

heureusement glisse sur les côtes, coupe la gorge à deux

aliénés qui étaient à ses côtés et il aurait poursuivi le cours

4 Calmeil, p. 81. -

MYSTICISME ET FOLIE. 43

de ses homicides, si on ne fut promptement parvenu à s'en

rendre maître et a arrêter les suites funestes de sa rage

effrénée'.

Un malade que nous avons pu observer, au cours d'une

bouffée déliranle polymorphe avec idée d'inspiration divine

d'emblée et d'obsession démoniaque, a déliré à la suite de

tentatives de prosélytisme tendant à lui faire embrasser, la

religion protestante ; lorsqu'il a été interné, il se mettait en

devoir de trancher la tête à sa maîtresse qui cependant déli-

rait avec lui, mais ne se convertissait pas assez vite.

Ces malades se complaisent aux lecLures de l'ancien testa-

ment ; leur imagination est surtout frappée par les passages

tragiques et le récit des homicides religieux tels que le meur-

tre de Jephté ou le sacrifice d'Abraham. C'est ce dernier que

renouvelaient fréquemment les anabaptistes illuminés, si

l'on en croit Catrou ='.

« Deux frères, à la suite de prédications fanatiques, sont

pris de théomanie. L'un des deux explique à l'autre qu'il a

entendu la voix de Dieu et qu'il a reçu l'ordre de renouveler

sur lui, le sacrifice d'Abraham, et, du tranchant de son épée,

il coupe la tête' de son frère, la fait rouler aux pieds de ses

parents et de ses amis épouvantes. Le meurtrier sort aussitôt

dans la rue, portant encore dans sa main l'épée fumante du

sang de son frère; puis, d'une voix effrayante : « La volonté

« du Père céleste est accomplie ! -» s'écrie-t-il. »

Il est d'autres mystiques non plus plongés dans les textes

sacrés et occupés à revivre les temps bibliques, mais au con-

traire activement mêlés aux agitations politiques de leur

époque. Ce qui domine chez eux au point de vue mental,

c'est toujours le mysticisme, mais non pas seulement en tant

qu'exagération des sentiments religieux, mais comme ten-

dance pour ainsi dire instinctive à s'exalter des clioses de la

religion ou de la politique, à en nourrir un esprit déjà

malade pour aboutir en fin de compte à des conceptions et à

des déterminations véritablement pathologiques. C'est cet

état mental qui produit les régicides vrais, les sauveurs de

république par l'assassinat, ou encore les bienfaiteurs de

l'humanité par la dynamite.

4 F. Voisin. Causes des maladies mentales, p. 41.

2 Histoire des anabaptistes, 1700, t. 11, p. 251.

44 PATHOLOGIE MENTALE.

M. Régis dit de ces malades, que leur tempérament mys-

tique leur fait épouser avec ardeur la querelle politique ou

religieuse que l'occasion fait surgir. Alors ils s'exaltent et ils

en arrivent, par une initiation plus ou moins longue, à

transformer des idées de parti en idées véritablement déli-

rantes. --

C'est pourquoi le délire des régicides est un délire essen-

tiellement mystique, soit religieux, soit à la fois religieux et

politique, soit enfin, mais dans des cas plus rares, exclusive-

ment politique, suivant leur caractère et le milieu ambiant.

Dans sa forme habituelle, ce délire se traduit par la

croyance à une mission à remplir, mission inspirée de Dieu,

le plus souvent, et devant être couronnée par le martyre 1.

Ravaillac avait été longtemps obsédé par un esprit qui

l'assaillait et tourmentait de nuit, puis il eut des visions et

des voix intérieures. (Mathieu, Mort cl'lle2·i IV.)

Une nuit, J. Clément, étant dans son lit, Dieu lui envoya

son ange en vision, lequel avec une grande lumière se pré-

senta à lui et lui montra un glaive nu (Palma Cayet).

Le complément en effet de l'obsession homicide fréquente

chez ces mystiques est l'idée d'un martyre glorieux consé-

cutif, consistant dans le châtiment humain de leur crime,

châtiment qui doit hâter leur transfiguration dans l'autre

monde. C'est une sorte de suicide indirect caractéristique du

délire mystique; aux époques de propagande religieuse les

martyrs vont au-devant des bourreaux; Plolémé Philadelphe

dut défendre l'enseignement de l'immortalité de l'âme dans

ses États, dans la crainte de les voir se dépeupler ainsi.

Encore de nos jours les cérémonies religieuses de la Mecque

et de Jagernautb sont marquées par l'écrasement volontaire

de nombreux fanatiques sous les pieds des chevaux et les

roues des chars sacrés.

L'espoir d'une vie meilleure peut pousser au suicide, à plus

forte raison lorsque celui qui y a recours se croit l'émanation

directe de la divinité méconnue sur cette terre. Pour s'iden-

tifier plus complètement avec le Christ qu'ils croient être, des

illuminés, pratiquent sur eux-mêmes des mutilations et des

tortures rappelant de plus ou moins près les douleurs de la

Passion de Jésus. L'exemple classique de ce genre de réac-

1 Les régicides, p. 32.

MYSTICISME ET FOLIE. 4 S

lion souvent renouvelée depuis, est le cas classique de

Mathieu Lorat rapporté par Marc'.

Mathieu Lorat, cordonnier à Venise, dominé par des idées

mystiques, se coupa les parties génitales et les jeta par la

croisée. Il avait préparé d'avance tout ce qu'il lui fallait pour

panser sa plaie et n'éprouva aucun autre accident fâcheux.

Quelque temps après, il se persuada que Dieu lui ordonnait

de mourir sur la croix ; il réfléchit pendant deux ans sur les

moyens d'exécuter son projet, et s'occupa de préparer les

instruments de son sacrifice. Enfin le jour est arrivé : Lorat

se couronne d'épines, dont trois ou quatre pénétrèrent dans

la peau du front; un mouchoir blanc serré autour des flancs

et des cuisses couvre les parties mutilées; le reste du corps

est nu; il s'assied sur le milieu de la croix qu'il a faite et

ajuste ses pieds sur un tasseau fixé à la branche inférieure de

la croix, le pied droit reposant sur le pied gauche; il les tra-

verse l'un et l'autre d'un clou de cinq pouces de longueur

qu'il fait pénétrer, à coups de marteau, jusqu'à une grande

profondeur dans le bois; il traverse successivement ses deux

mains avec des clous longs et acérés, en frappant la tête des

clous sur le sol de sa chambre, élève ses mains ainsi percées

et les porte contre les trous qu'il a pratiqués d'avance, à

l'extrémité des deux bras de la croix et y fait pénétrer les

clous afin de fixer ses mains. Avant de clouer la main gauche,

il s'en sert pour se faire, avec un tranchet, une large plaie au

côté gauche de la poitrine. Cela fait, à l'aide de cordages

préparés et de légers mouvements du corps, il fait trébucher

la croix qui tombe en dehors de la croisée, et Lorat reste

suspendu à la façade de la maison. Le lendemain on l'y trouva

encore; la main droite seule était détachée de la croix et pen-

dait le long du corps. On détacha ce malheureux, on le trans-

porta aussitût à la clinique impériale. Aucune plaie n'était

mortelle : Lorat guérit de ses blessures, mais non de son

délire.

On remarqua que pendant l'exaspération de son délire, il

ne se plaignait pas, tandis qu'il souffrait horriblement pen-

dant les intervalles lucides. Il fut transféré à l'hospice des

insensés; il s'y épuisa par des jeûnes volontaires et mourut

phtisique le 8 avril 1806.

' Bibliothèque médicale, p. 76, 1811.

116 PATHOLOGIE MENTALE.

Le dernier exemple de crucifié volontaire offre, avec le

précédent, la plus complète analogie, il a été signalé à Koenigs-

bcrg le 5 avril 1898.

Un prêtre irlandais, que nous avons observe, était atteint

de délire mélancolique à teinte mystique; il se livrait publi-

quement à l'onanisme, puis se lamentait et cherchait opiniâ-

trement à se mutiler. C'est ainsi qu'il s'est en partie arraché

les testicules. A l'entrée il opposait un refus d'alimenta-

tion absolu, puis il a tenté par deux fois de se précipiter

du haut d'un escalier. Maintenu au lit, camisole et surveillé,

il s'est entaillé profondément la langue avec les dents; il a

ainsi rongé ses propres lèvres et entamé les commissures,

enfin il a dilacéré de la même façon les draps à la portée de

sa bouche pour en avaler les lambeaux et s'étouffer. 13ù11-

lonné, il est mort d'une perforation intestinale, due à des

corps étrangers antérieurement ingurgités.

Cette énergie sauvage, apportée à l'accomplissement du

suicide par les mystiques, est encore plus stupéfiante lors-

qu'elle affecte la forme collective et épidémique; on a observé

aux xvue, xviii0 et xix° siècles des suicides en masse, parmi

les fanatiques orthodoxes russes (incinérés volontaires dans

le Raskol Russe. Sapojnikow, Moscou 91) et tout récemment

encore une épidémie de suicides religieux par l'emnurcmcnt

et l'ensevelissement vifs, a sévi près de Tchernigow. La rela-

tion due au Dl' Sikorski nous montre là les prophéties habi-

tuelles et la présence d'une délirance active attachée à son

oeuvre de lugubre prosélytisme qu'elle clôt de son propre sui-

cide avec les derniers meneurs.

On le voit, ces réactions des mystiques sont caractérisées

par une ténacité, en quelque sorte surhumaine, pour

emprunter une expression à leur délire même. Les précau-

tions actuelles les plus minutieuses, comme le long espace

de temps écoulé, n'en viennent trop souvent pas à bout.

Quand on a affaire au lieu de délirants systématiques à des

mélancoliques religieux simples, les réactions n'en sont pas

moins dangereuses, ils tuent encore au cours de raptus où ils

se croient les instruments du démon, ou bien pour être à leur

tour exécutés ensuite, châtiment désiré mais mérité à leurs

yeux, qu'ils ne se sentent pas le courage de s'infliger eux-

mêmes.

Les mutilations, la castration surtout sont également fré-

MYSTICISME ET FOLIE. 47

quentes (cette dernière peut s'opérer en masse comme cela

se fait chez les Skoptsi Russes) 1 ; on connaît la tentative de

Mme de Bielfeld qui cherchait à s'ouvrir le ventre, se croyant

enceinte du diable.

Dans d'autres cas (démences, paralysies générales, etc.),

la mort est la conséquence accidentelle d'une hallucination

comme pour ce malade d'Esquirol (t. I, p. à à qui une

voix céleste dit : « Mon fils, viens t'asseoir à côté de moi ! » »

aussitôt il saute par la fenêtre et se tue. Un autre croit

entendre les harmonies célestes et voit un char lumineux qui

vient le prendre pour le porter au ciel, il ouvre sa croisée

pour entrer dans le char et se précipite. -

Ces quelques exemples suffisent à montrer que les fous

religieux sont, entre tous les aliénés, les plus constamment

dangereux pour eux-mêmes et pour leurs semblables.

Les mutilations, le suicide et l'homicide sont en quelque

sorte des réactions banales chez eux, il s'ensuit la nécessité

absolue d'un internement précoce.

A l'asile ils seront l'objet d'une surveillance incessante

tant au point de vue des attentats sur les autres malades

et le personnel qu'au point de vue des réactions vis-à-vis

d'eux-mêmes; il est des cas où les moyens mécaniques de

contention sont nécessaires, outre la surveillance attentive

et continue du personnel.

Au point de vue des sorties, on doit se souvenir du malade

de Pinel dont vingt années de calme n'avaient pas atténué

les tendances homicides. -

Au point de vue social, l'internement n'est pas moins indi-

qué pour éviter la contagion, le délire religieux étant le type

du délire communiqué le plus fréquent. Ce sera le moyen

thérapeutique infaillible de guérison pour les débiles ou, hys-

tériques contagionnés; le diagnostic du délirant actif prin-

cipal sera des plus importants; à son égard le pronostic est

en effet tout différent, la chronicité ordinaire de sa psychose

écarte le plus souvent l'hypothèse d'une guérison prochaine

et d'une sortie qui pourrait faire renaître l'épidémie première.

' Nos lecteurs consulteront avec fruit sur ce sujet, la très intéressante

brochure de notre ami Teinturier, intitulée : Les Skoptzy (étude méclico-

légale sur une secte religieuse qui pratique la castration). Pans, librairie

du Progrès médical.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

I. La rétraction de l'aponévrose palmaire chez les diabétiques ;

par le Dr Marécual. (jours. de Neurologie, 1899, n° 9.)

On trouvera dans ce travail la relation de deux cas de diabète

au cours desquels est apparue une rétraction bilatérale de l'apo-

névrose palmaire. Cette rétraction se présentait avec ses caractères

habituels : les deux derniers doigts de chaque main étaient en

flexion, la peau de la paume de la main adhérait fortement aux

tissus sous-jacents, etc. Etant donné que cette double rétraction

de l'aponévrose palmaire s'observe dans la goutte, le diabète, le

rhumatisme, etc., l'auteur croit qu'elle doit rentrer dans le groupe

des trophonévroses, attribuables soit à une altération des rameaux

nerveux périphériques, ou plutôt, en raison de sa bilatéralité, à

une lésion des centres nerveux. G. DERNY.

IL Un cas d'acromégalie en gant; par 1. CRocQ. (Joum, de

Neurologie, 1899, n" 9.)

Observation d'une femme de quarante-cinq ans qui, à la suite

de travaux de couture exagérés, est atteinte depuis plus de dix

ans, d'une atrophie avec déformation en griffe des deux mains.

Cette atrophie est exactement limitée aux muscles des mains et ne

dépasse pas les plis articulaires des poignets. Il n'existe aucune

modification de la sensibilité. L'auteur pense qu'il s'agit dans ce

cas d'une poliomyélite chronique et pour expliquer la localisation

de l'amyotrophie à l'extrémité du membre supérieur, il admet

que la lésion est elle-même localisée à Vêlage métamérique de la

main. G. D.

III. Des lésions compensatrices dans l'angine de poitrine; par le

D1' J. I'wvmsur, médecin en chef de l'Hôtel-Dieu de Varsovie.

(Gazela Lykarslui, janvier 1899.)

L'auteur a observé plusieurs cas où l'angine de poitrine fut

suppléée petit à petit par d'autres lésions qui diminuèrent notam-

ment le mauvais pronostic et les crises douloureuses de cette

funeste maladie. Ces lésions compensatrices peuvent selon M. Pa-

winski, évoluer dans deux voies, tantôt c'est une insuffisance

aortique qui parait, tantôt une insuffisance mitrale. Ces deux

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 49

lésions peuvent être relatives et absolues; elles ne sont que

passagères et aboutissent finalement à l'hypertrophie du muscle

cardiaque. L'insuffisance mitrale suite d'une angine de poitrine se

développe moins souvent que l'autre ; l'angine apparaît générale-

ment à l'âge où les artères deviennent athéromateuses, ce qui

provoque une insuffisance aortique. En général, ces lésions dimi-

nuent la tension artérielle et permettent aux artères coronaires de

se remplir plus facilement. La tension moins grande du sang dans

les artères excite moins les nerfs du coeur.

Si l'organisme se défend contre une maladie en se créant d'au-

tres portes, il faut que le médecin aide un peu la nature. L'auteur

est de cet avis qu'il faut donner à un coeur ainsi malade un sang

contenant beaucoup d'hémoglobine pour produire un travail plus

grand. C'est pourquoi le régime lacté n'est pas toujours bon. -

Il faut donner une nourriture substantielle et la viande convient

le mieux dans ce cas. Le coeur normal absorbe 3 p. 100 sur

10 p.. 100 d'oxygène total, le coeur malade en use 5 p. 100. On

voit de ceci quel danger présente pour le malade une nour-

riture peu substantielle. L'épuisement est parfois plus grand, si

avec le régime lacté on donne de grandes doses d'iodure ; on a

abusé des combinaisons iodées dans cette maladie. Le camphre,

caféine, digitale et une nourriture riche en albuminoïdes produi-

sent un plus grand effet.

La suppléance qui se fait en créant des lésions moins dange-

reuses est très importante au point de vue du travail que le malade

peut produire. Il faut qu'au moment de la production de nouvelles

lésions le malade garde le lit; le médecin doit être en éveil, quand

l'oppression et la douleur remplacent les crises d'angine de poi-

trine. En général, ces lésions, en augmentant le rythme du coeur,

produisent la dégénérescence graisseuse et sclérose des artères qui

au commencement bienfaisantes, peuvent envahir les coronaires, et

dans ce cas l'organisme ne trouve plus de salut. G. de \i,aEWSKA.

IV. Un cas de tremblement segmentaire dans la sclérose en

plaques ; par le professeur Grasset. (Revue Neurologique, avril.)

(Voir p. 395 du n°41.) .

V. Deux cas d'ophtalmoplégie externe chez deux frères jumeaux;'

par le professeur Homen.

Il s'agit de deux cas d'ophtalmoplégie externe, chronique et

progressive, d'une pureté peu commune et présentant un intérêt

tout spécial par le fait que les deux malades étaient frères jumeaux

et par l'opération qui fut exécutée sur eux, par le Dr Forselles,

constituant ainsi le premier essai de transplantation tendineuse

ou musculaire dans un pareil cas. >

Archives, 2" série, t. VIII. 4

sol REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

L'opération fut la suivante : incision horizontale au travers du

sourcil gauche, le long du bord de l'orbite. Quand on a pénétré

dans l'intérieur de celle-ci, le muscle releveur atrophié est

attiré et coupé en son milieu . Cela fait, la peau recouvrant

le muscle frontal est détachée jusqu'à mi-hauteur du front et

sur le muscle frontal ainsi mis à nu on fixe au moyen de

trois sutures au catgut l'extrémité libre de la partie périphérique

du muscle élévateur ; la plaie est refermée par des sutures cuta-

nées. Dans l'un des cas, il survint une infection de la plaie, qui

neutralisa totalement le succès de l'opération.

Dans le second cas, l'opération eut une utilité manifeste et les

résultats en auraient été encore plus efficaces si l'on n'avait craint

d'aller trop loin et si l'on n'avait fixé le tronçon périphérique de

l'élévateur un peu plus haut sur le muscle frontal. Cette opération,

facilement exécutable en pratique, serait à recommander dans les

cas du même genre, lorsque le ptosis atteint un degré trop

gênant. (Revue 12etti-ologigtie, mars 1899.) E. B.

VI. Les contractures et la portion spinale du faisceau pyramidal;

par le professeur Grasset.

- De tous les chapitres de localisations spinales, si brillamment

créés et développés par Charcot, aucun n'est resté plus discuté

dans son existence et plus difficile dans sa théorie que le chapitre

du cordon latéral et de ses rapports avec les contractures. Tout

d'abord, l'auteur démontre la réalité et la vérité de cette loi ana-

tomo-clinique (qui découle des premiers travaux de Charcot) : les

contractures permanentes et l'état pariéto-spasmodique d'origine

médullaire sont en rapport constant avec la lésion de la partie spi-

nale du faisceau pyramidal. Les preuves démonstratives de cette

loi anatomo-clinique se rencontrent dans les huit groupes de faits

suivants : 1" contracture tardive permanente des hémiplégiques ;

2° sclérose latérale amyotrophique; 3° tabès spasmodique; 4° tabès

combiné; 5° sclérose en plaques; fit compression de la moelle et

myélites transverses ; 7° hémiplégie spasmodique infantile ; 8° ma-

ladie de Little.

Admettant comme cliniquement démontrée la corrélation cons-

tante entre les contractures (et l'état spasmodique) d'une part et

la lésion du faisceau pyramidal, de l'autre, par quel mécanisme

la lésion ou l'absence des faisceaux pyramidaux entraine-t-elle la

contracture permanente ou l'état pariéto-spasmodique ?

Depuis Vulpian, Charcot et Brissaud, il est acquis que la con-

tracture est due à l'exagération du tonus. Le centre du réflexe

tonus est dans les cellules des cornes antérieures de la substance

grise. Les voies centripètes de ce réflexe sont les prolongements

cellulifuges des neurones ganglionnaires sensitifs et les voies cen-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 51

trifuges sont les prolongements cellulifuges des cellules antérieures

de la moelle.

- Au-dessus de ces cellules radiculaires, sont les cellules sem-

blables des étages supérieurs, qui agissent sur les premières par

les fibres courtes et plus haut il y a « quelque part » un centre

régulateur d'où part une action nerveuse double et antagoniste :

une action inhibitrice qui passe par les faisceaux pyramidaux

(Anton., P. Marie) et une action excitatrice qui passe par les voies

indirectes ponto-cérébello-spinales. (Van Gehuchten.) La contrac-

ture est le résultat de la suppression de l'action inhibitrice (des-

truction pathologique ou absence congénitale du faisceau pyra-

midal) avec conservation de l'action excitatrice (par les voies indi-

rectes ponto-cérébelleuses).

Voilà qui parait acquis définitivement. Reste un point à établir :

où est le centre régulateur d'où part cette double action inhibi-

trice et excitatrice sur le tonus ? Tous les auteurs disent : elle

est dans l'écorce cérébrale. Et alors à tous les auteurs on objecte :

pourquoi la contracture n'apparaît- elle que quand la lésion

atteint la partie sous-protubérantielles du faisceau pyramidal ?

Pour résoudre cette difficulté, il faut et il suffit que le centre

d'où part cette double action modificatrice du tonus ne soit pas

dans l'écorce, mais soit plus bas, dans la protubérance.

L'écorce cérébrale a certainement une action sur les réflexes et

sur le tonus; mais les réflexes complexes comme le tonus ont un

centre régulateur automatique, et c'est de ce centre automatique

que partent les actions inhibitrices et excitatrices en question. Or

ce centre automatique est tout à fait distinct du centre volontaire, .

comme il est distinct du centre réflexe simple inférieur (médul-

laire), et c'est ce centre automatique que le professeur Grasset place

dans la protubérance.

En résumé, la contracture d'origine spinale est bien liée à l'alté-

ration où à l'absence de la portion spinale du faisceau pyrami-

dal ; cette altération déterminant la contracture par la suppression

de l'action inhibitrice du tonus qui part de la protubérance et vient

aux cellules radiculaires par le faisceau pyramidal. (Revue neuro-

logique, février 1899.) E. B.

VIL Des paralysies généralisées dans la fièvre typhoïde ;

par le Dr Etienne.

Les cas de paralysies généralisées, diffuses, au cours de la fièvre

typhoïde, sont rares, mais tous sont loin d'être absolument com-

parables entre eux. L'auteur a eu la bonne fortune d'en recueillir

plusieurs observations qui peuvent servir à éclairer cette difficile

question de pathologie générale nerveuse.

La complication constituant les paralysies généralisées, observées

52 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

dans le cours ou dans la convalescence de la fièvre typhoïde, peut

se présenter sous trois types cliniques, trois syndromes, traduisant

l'action élective de l'agent pathogène sur le corps du neurone péri-

phérique ou sur son prolongement, ou bien sur le neurone péri-

phérique dans sa totalité.

1. Syndrome manifestant la poliomyélite antérieure suraiguë

ascendante, groupe auquel on peut conserver le nom, d'ailleurs

impropre, de maladie de Landry (secondaire).

IL Syndrome manifestant la polynévrite.

III. Paralysie généralisée de type mixte traduisant la lésion com-

binée des deux éléments du neurone périphérique. (Revue iieiii,olo-

gique, février 1899.) E. B.

VIII. Syphilis et tabes; par M. E. Touche. (Presse médicale,

15 mars 1899.)

Sur 23 hommes tabétiques soignés à l'hospice de Brévannes,

M. Touche en a trouvé 12 notoirement syphilitiques. Le tabes a

éclaté chez ces 12 malades à une époque très variable. D'après

le tableau donné par l'auteur, il est tout à fait impossible de pré-

voir, en se basant sur l'époque d'invasion de la syphilis, la date

de l'apparition du tabes. Le fait que la syphilis ait été traitée dès

le début, qu'elle ait été bien ou mal traitée, ne semble avoir sur

l'époque tardive ou prochaine de l'apparition du tabes qu'une

influence bien problématique. - A. FENA YROU.

IX. Myxoedème spontané infantile ; par M. Briquet. (Presse

médicale, 4 mars 1899.)

D'après l'auteur, il y a lieu de distinguer trois sortes de myxoc-

dème infantile : 1° le myxoedème congénital, comprenant les cas,

d'ailleurs rares, où le corps thyroïde parait manquer dès la nais-

sance ; 2° le myxoedème infantile spontané; celte variété corres-

pondait au myxoedème spontané de l'adulte, mais se caractérise-

rait par ce fait que l'altération ou l'atrophie du corps thyroïde,

est survenue à une époque quelconque de la croissance; 3° le

myxoedème infantile opératoire, désignant les accidents qui sur-

viennent après l'ablation du goitre, quand celle-ci est pratiquée

avant que le corps ait atteint son développement complet. M. Bri-

quet étudie le myxoedème spontané infantile qui se distingue du

myxoedème spontané de l'adulte, en ce que la suppression des

fonctions thyroïdiennes chez un enfant entraine immédiatement

un arrêt complet dans le développement de l'intelligence et un

ralentissement ou un arrêt dans le développement du squelette

(nanisme). A propos de l'étiologie de cette affection, il se demande

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 53

s'il faut incriminer, comme on le fait généralement, une thyroïdite

survie d'atrophie du corps thyroïde; en effet, d'ordinaire, cette

thyroïdite ne se manifeste par aucun symptôme, et il est bien

difficile d'en déterminer la cause. Peut-être pourrait-on admettre

dit-il (et, alors, il n'y aurait pas lieu d'établir une distinction entre

le myxoedème congénital et le myxoedème spontané), que, par

suite d'une malformation congénitale, certains sujets naissent avec

un corps thyroïde trop petit, insuffisant d'emblée (myxoedème

congénital), ou ne devenant insuffisant que plus tard, à un mo-

ment où les besoins de l'organisme en thyroïdine augmentent

(myxoedème infantile, myxoedème de l'adulte). L'idée d'une mal-

formation congénitale expliquerait, mieux que celle d'une thyroï-

dite infectieuse accidentelle, les cas où, dans la même famille, il

y a plusieurs sujets atteints d'affections d'origine thyroïdienne,

plusieurs, infantiles, par exemple. M. Briquet considère comme

moins plausible que la précédente, l'hypothèse d'après laquelle le

corps thyroïde manquerait ou serait insuffisant dès la naissance,

mais les accidents ne se produiraient qu'au moment où les organes

capables de les suppléer (thymus, glande pinéale), disparaîtraient

ou deviendraient eux-mêmes insuffisants, époque très variable,

selon les sujets. A. FENAYROU.

X. Névralgie paresthésique. Névrite du fémoro-cutané ; par

M. l ? A. Lop. (Presse médicale, 1 ? mars 1899.)

L'auteur rapporte une observation de l'affection décrite en 1895

par Bernhardt sous le nom de paresthésie du nerf fémoral cutané

externe, et dénommmée méralgie par Roth (Berlin, 1895). La ma-

ladie s'est développée, il y a un an, chez un homme de trente ans,

arthritique, exposé par sa profession à la fatigue et au froid

humide. Elle a débuté par de vives douleurs comparables à des

.cpups de canif, et survenant par accès (six à huit en 24 heures)

dans le tiers inférieur de la cuisse droite ; les crises douloureuses,

duraient en moyenne de 24 à 36 heures. La plus violente de ces

crises a eu une durée beaucoup plus longue. Elle est survenue

manifestement à la suite d'une grande fatigue et a provoqué des

douleurs telles qu'elles arrachaient des cris au malade ; le membre

était frappé d'incapacité fonctionnelle totale; la peau du tiers infé-

rieur de la cuisse était rouge, violacée, chaude, raidie; il était

impossible d'y faire un pli; il semblait au malade que cette partie

du membre était recouverte de carton dur. Il existait au tiers

inférieur de la face antérieure de la cuisse jusqu'à un centimètre

au-dessus de la rotule, et à la face externe de la même région

jusqu'au grand trochanter de l'insensibilité à la piqûre, à la cha-

leur et au froid et une hyperesthésie tactile très grande. Les dou-

leurs étaient exaspérées par la marche. A la suite du traitement

.54 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

mis en oeuvre (pulvérisations de chlorure d'éthyle, badigeonnage

d'essence de Wintergreen), les symptômes s'atténuèrent, mais ne

disparurent pas. Bien que le malade ait été antérieurement atteint

de fièvre bilieuse hématurique et de fièvre typhoïde, l'auteur rejette

l'hypothèse d'une névrite périphérique à cause de l'ancienneté de

ces infections. Il considère la fatigue et le froid humide comme les

causes occasionnelles de cette névrite et admet que ces facteurs

eux-mêmes ont agi à la faveur d'un agent prédisposant : l'arthri-

- trisme. A. FENAYROU.

' XI. Chorée variable; par M. E. BRISSAUD. (Presse médicale,

' 15 février 1899.)

L'auteur rapporte un cas remarquable de chorée variable, d'où

ressortent nettement les deux particularités suivantes : 10 mode

de début identique à celui de la chorée franche; 2° existence de

mouvements complexes simulant un tic d'habitude. La jeune fille

dont il s'agit, issue d'un père absinthique, et présentant elle-même

de nombreuses tares physiques (infantilisme, stigmates physiques

de dégénérescence) et une déséquilibration mentale manifeste, a

été atteinte des premiers symptômes de chorée, à l'âge de treize

ans et demi, cinq mois après avoir été atteinte d'un érysipèle. Les

mouvements nerveux consistaient au début, en un simple cligne-

ment convulsif des paupières; puis la malade se mit à tirer la

langue, et, enfin, peu à peu, les mouvements se généralisèrent.

Le diagnostic de chorée franche s'imposait alors. La première

crise dura quatre mois; elle cessa tout d'un coup, du jour au

lendemain. Après deux mois de rémission, une nouvelle crise

semblable à la première survint brusquement; elle fut suivie

d'une autre rémission. Et, depuis lors, jusqu'au momeiitoù elle

fut observée par l'auteur, c'est-à-dire pendant trois ans, cette

jeune fille présenta une série ininterrompue de crises et de rémis-

sions toujours approximativement égales en durée et en intensité.

Pendant le séjour de la malade dans le service de M. Brissaud, les

symptômes se modifièrent à diverses reprises ; les mouvements

devinrent plus rares, plus brusques, plus limités, se répétant tou-

jours à peu près sous la même forme (mouvements brusques de

projection des bras en avant, de haussement des épaules; geste

semblant avoir pour but d'écarter avec la main une mèche de

cheveux imaginaire); c'était presque à s'y méprendre la maladie

des tics. Les tics disparurent ensuite et furent remplacés par la

- coprolalie monosyllabique la plus classique ; enfin, celle-ci céda

elle-même la place à un nouveau tic consistant en un claquement

des doigts accompagnant un geste de vive impatience. La nature

dégénérative de cette névrose n'est pas douteuse; elle est surtout

attestée par la variété et la variabilité des mouvements choréiques.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 55

A raison de ces particularités, le terme chorée polymorphe des

dégénérés a paru à M. Magnan préférable à celui de chorée

variable. Cette dénomination aurait incontestablement l'avantage

d'éviter l'emploi d'un mot nouveau pour désigner le caractère

fondamental de cette névrose, caractère commun à tous les phé-

nomènes nerveux de la dégénérescence, le polymorphisme. Mais

comme l'expression, chorée variable, impliquant à la fois des va-

riations dans la forme et dans le temps, dans la durée, est plus

générale et plus précise que la première, M. Brissaud est tenté

de la conserver. A. Fenayrou.

XII. Tubercules de la couche optique; par MM. Démange

et Spillmann. (Presse médicale, 8 février 1899.)

Observation d'une jeune fille de dix-sept ans, soeur de plusieurs

tuberculeux, à l'autopsie de laquelle MM. Démange et Spillmann

ont trouvé dans l'hémisphère cérébral droit un vaste foyer de

ramollissement occupant la presque totalité de la portion centrale

du centre ovale, et une tumeur du volume d'une noisette siégeant

au milieu de la couche optique droite et touchant par sa péri-

phérie au bras postérieur de la capsule blanche interne ; l'examen

histologique a démontré que cette tumeur était un tubercule. Il

existait, dans la moelle, de la sclérose descendante du faisceau

pyramidal. Les poumons et le foie présentaient quelques lésions

tuberculeuses si peu prononcées que l'examen clinique n'avait pu

les révéler. La maladie avait débuté par des attaques épilepti-

formes avec convulsions localisées au bras et à la jambe gauches ; ,;

ces attaques, d'abord simples, s'accompagnèrent plus tard d'apha-

sie passagère ; puis survint de l'hémiparésie gauche, à laquelle

succéda bientôt une hémiplégie complète ; des phénomènes de

contracture ne tardèrent pas à apparaître. Pendant un an environ,

l'état de la malade resta stationnaire. Lors de son entrée à l'hôpi-

tal de Nancy, elle présentait une hémiplégie gauche totale avec

atrophie musculaire et contractures particulièrement accusées au

membre supérieur ; on constatait, en outre, des troubles de la sen-

sibilité musculaire, de l'hémianesthésie gauche et des troubles

visuels (diplopie, strabisme interne de l'oeil gauche par inter-

valles). Pas de céphalée ni de vomissements. Conservation de l'in-

telligence et de la mémoire. La situation s'aggrava progressive-

ment ; les troubles visuels surtout s'accentuèrent : perte de la

vision de l'oeil gauche ; constatation à l'ophtalmoscope, de neuro-

rétinite avec atrophie de la papille; puis les mêmes symptômes

apparurent à l'oeil droit et la cécité devint complète. La malade

mourut dans le coma, dix-huit mois environ après le début des

accidents.

La compression de la branche postérieure de la capsule interne

56 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

par la tumeur explique l'hémianesthésie, symptôme qui fait habi-

tuellement défaut en pareil cas, et la sclérose des faisceaux pyra-

midaux ; peut-être faut-il aussi lui attribuer la destruction de la

substance blanche depuis le point comprimé de la substance

blanche jusqu'aux régions postérieures de l'écorce cérébrale. Les s

auteurs pensent que les troubles de la vision sont probablement

dus à l'oedème lymphatique du nerf optique, lequel peut, à lui

seul, produire des lésions graves de ce nerf et conduire à la cécité,

sans qu'il soit nécessaire de faire intervenir l'hypothèse très pro-

blématique de toxines sécrétées par la tumeur. A. Fenayrou.

XIII. Sur le phénomène de Ch. Bell dans la paralysie faciale péri-

phérique et sur sa valeur pronostique; par MM. Bordier et

Frenkel. (Presse médicale, 11 janvier 1899.)

MM. Bordier et Frenkel reconnaissent volontiers que le phéno-

mène qu'ils croyaient avoir observé, les premiers, dans la para-

lysie faciale périphérique et dont ils ont donné la description

dans le numéro du 8 septembre 1898 de la Semaine médicale, avait

été signalé, mais incomplètement, avant eux par Ch. Bell, et

rapporté, après cet auteur, sans développement, par divers neuro-

logistes allemands. Ils constatent ensuite que la valeur pronos-

tique et l'interprétation du « phénomène de Ch. Bell u, telles

qu'elles ont été établies par eux, résistent aux critiques dont elles

ont été l'objet et restent exactes. A. Fenayrou.

XIV. Artérite syphilitique des deux sylviennes et du tronc basi-

- laire; par M. C. Bacaloglu. (Presse médicale, 1er mars 1899.)

Observation d'un malade de trente-quatre ans, qui, trois ans

et demi après avoir contracté la syphilis, fut atteint brusquement

d'hémiplégie droite. Cette hémiplégie disparut en quelques se-

maines. Le traitement spécifique fut prescrit au malade, mais

celui-ci refusa de s'y soumettre. Dix-huit mois plus tard, il fut

frappé d'hémiplégie droite avec aphasie, hémiplégie qui, cette fois,

se dissipa seulement aux membres pour se cantonner à la région

du facial inférieur avec persistance des troubles de la parole.

Malgré le traitement antisyphilitique énergique auquel il fut sou-

mis, il ne tarda pas à mourir, après avoir présenté une agitation

violente bientôt suivie de coma avec troubles respiratoires et vaso-

.moteurs, troubles des sphincters, et élévation extrême de la tem-

pérature. A l'autopsie, on constata, du côté droit, des lésions

d'endo-périartérite ancienne de.la cérébrale moyenne, et un foyer

de ramollissement périphérique au niveau de l'insula; du côté

gauche, de la thrombose de la sylvienne, au niveau où cette artère

fournit les perforantes antérieures et un foyer de nécrobiose au

SOCIÉTÉS SAVANTES. 57,

niveau de la partie antérieure et externe du noyau lenticulaire. La

circonvolution de Broca et les circonvolutions fronto-pariétales

étaient congestionnées, mais il n'y avait pas de ramollissement

périphérique ; la lésion était centrale, située au noyau lenticulaire.

Il existait en plus de l'artérite oblitérante du tronc basilaire, sans

nécrobiose du bulbe.

Cette observation montre la bilatéralité des lésions et leur

symétrie, ainsi que la précocité des lésions; celles-ci sont surve-

nues, en effet, dans le cours de la quatrième année après l'infec-

tion syphilitique. Elle montre aussi des lésions d'endo-périartérite

d'âge différent, évoluant successivement. Elle met enfin en relief

l'importance du traitement spécifique intensif, surtout après une

première atteinte. A. FENAYROU.

XV. Sur quelques variétés d'hémorragies méningées;

par le professeur BOINET,

Cet article a été analysé dans le numéro de juin des Archives de

Neurologie, p. 499.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.

Séance du 27 mars 1899. Présidence de M. J. Voisin.

Rétablissement du prix Esquirol.

Suivant les 'conclusions du rapport du secrétaire général, la

Société décide de rétablir le prix Esquirol dont elle prélèvera le

montant sur son propre fonds. M. B.

Séance du 24 avril 1899. PRÉSIDENCE DE M. J. Voisin.

L'hérédité dans les familles d'aliénés et la théorie générale

de l'hérédité.

M. Sollier donne lecture d'un rapport sur le mémoire commu-

niqué par M. Orchan=lki dans la séance de février. Le mémoire se

58 SOCIÉTÉS SAVANTES.

compose de deux parties : une de statistiques, statistiques très

nombreuses et portant sur des chiffres de familles examinées,

allant parfois jusqu'à deux cent cinquante et trois cents. Ce sont

ces statistiques qui présentent le plus grand intérêt.

Quant à l'autre partie, c'est de la théorie et de l'hypothèse, et

bien que les considérations auxquelles se livre l'auteur offrent une

certaine vraisemblance par la logique des déductions et l'argument

des remarques, il serait téméraire, dit le rapporteur, de porter sur

elles un jugement précis. Mais ce qu'il peut dire, c'est que le travail

de M. Orchanski met en relief bien des points de vue que soulève

cette question toujours d'actualité qu'est l'hérédité tant normale

que pathologique. M. Sollier propose, en conséquence, à la Société

de mettre en discussion les principales conclusions de l'auteur qui

ont, en dehors de leur intérêt théorique, un intérêt pratique au

point de vue de la prophylaxie des affections nerveuses et men-

tales en particulier, en montrant l'influence réciproque des deux

parents sur la ressemblance et l'évolution des descendants.

M. B.

Séance du 20 mars 1899. Présidence de M. J. Voisin.

Prix Moreau (de Tours).

La Société, acceptant les conclusions de M. BOISSIER, rapporteur

de la Commission du prix Moreau (de Tours), décerne ce prix à

M. Bernard-Leroy pour son mémoire sur L'illusion de fausse recon-

naissance. Une mention très honorable est en outre accordée au

travail de M. Wahl sur La descendance des paralytiques généraux et

à celui de M. Lalanne sur Les persécutés mélancoliques. Huit mé-

moires avaient été présentés pour le concours.

Prix Belhomme.

M. SOLLIEtt donne lecture du rapport de la commission du prix

Belhomme. Deux mémoires avaient été présentés. Le prix avec

une somme de 450 francs est accordé à M. J. Boyer, professeur à

l'Institut médico-pédagogique à Vitry. Une mention avec une

somme de 250 francs est décernée aux auteurs de l'autre mémoire,

MM. Rodier et Ameline, internes à l'Asile clinique. En 1901, les

candidats auront à traiter Du délire chez les idiots ci les imbéciles

ci l'exclusion des arriérés.

11h18 Roi3lNOWlTCII communique quelques observations d'aliénés

présentant des obsessions et diverses impulsions morbides. L'au-

teur conclut que l'isolement est le meilleur traitement qui con-

vienne à ces malades.

SOCIÉTÉS SAVANTES. z 59

La myoclonie épileplique.

M. Maurice Dide donne lecture d'un travail sur la myoclonie épi-

leptique. Le phénomène, impossible à produire artificiellement,

est toujours conscient. Les secousses myocloniques, dont la durée

ne dépasse pas une seconde, peuvent se montrer dans tous les

muscles. Elles préoccupent beaucoup plus les malades que les

attaques caractérisées et, comme celles-ci, s'améliorent par le

bromure. Elles peuvent précéder de plusieurs années l'apparition

du grand mal. Marcel BRIAND.

CONGRES DES ALIENISTES ET NEUROLOGISTES.

Xe Session. Marseille, avril 1899 '.

Pour compléter le compte rendu que nous avons donné du

Congrès de Marseille, nous croyons devoir donner le résumé

d'une communication de M. Mabille et d'une autre de

MM. Febvré et Picqué.

Psychoses POLYN1 : ,1'RIT1QUES.

M. L1BILLE. Comme M. Régis, je crois que les caractères men-

taux de l'affection décrite par ICorsakoff sous le nom de psychose

polynévritique ne diffèrent pas sensiblement de ceux qu'on ren-

contre dans les autres psychoses par auto-intoxication,. 6'est tou-

jours le même trouble à base de confusion mentale, le même

ensemble de phénomènes hallucinatoires à caractère plus ou

moins terrifiant, la même perte plus ou moins accentuée des sou-

venirs, troubles variant peut-être avec la nature ou la durée d'ac-

tion de l'agent toxique. La polynévrite peut elle-même, d'ailleurs,

exister sans les troubles mentaux.

Ce qui me paraît surtout dominant dans l'étude de ces psy-

choses par auto-intoxication, avec ou sans polynévrites, c'est la

persistance fort longue des troubles amnésiques, alors même que

les autres troubles, les troubles névritiques en particulier, ont

disparu. A l'appui de ma thèse, je puis citer deux observations

de malades qui ont guéri après avoir conservé pendant assez

longtemps des troubles de la mémoire.

' Voir le dernier numéro, juin, p. 476-506.-

,60 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Dans mes deux observations, le vin était l'agent toxique; ainsi,

chez ma première malade, il s'agit d'une femme originaire de l'île

de Ré, née de père et mère alcooliques. Alcoolique elle-même, elle

buvait au robinet du tonneau jusqu'à être ivre-morte; elle ne bu-

vait que du vin. A son entrée (novembre 1895), confusion mentale

avec intermittence de calme et d'agitation, troubles hallucinatoires

à forme zoophique, paraplégie symétrique bilatérale avec atrophie

des muscles des jambes et des cuisses, avec pieds en varus équin,

oedème des extrémités et peau luisante. Pas d'albumine, pas de

sucr.e, pas de stigmates hystériques. L'impotence fonctionnelle

s'amende graduellement et disparaît vers avril 1896 et l'état men-

tal s'améliore. Mais pendant plusieurs semaines, la perte de la

mémoire subsiste. Ma seconde observation est identique à la

première. Dans ces deux cas, les phénomènes d'ivresse et l'alcool

devin ont déjouer un rôle important. J'ajouterai que l'alcool

de vin a été rarement signalé dans l'étiologie de l'affection en

question.

Du RÔLE DE L'HYGIÈNE ET DE LA GYNÉCOLOGIE DANS LES SERVICES DE

femmes aliénées; par les Drs Picqué, chirurgien de la Pitié et des

asiles de la Seine, et FEBvRÉ, médecin de l'asile de Ville-Evrard.

Depuis quelques années, des réformes sérieuses ont été appor-

tées dans les services d'aliénés. Le vieil asile avec ses quartiers

toujours fermés et toujours symétriques, ses murs élevés, ses

moyens de contention, tend à disparaître pour faire place à un

régime de liberté qui, de jour en jour, prend plus d'extension. La

sélection entre les diverses catégories d'aliénés est venue à son tour,

et a permis l'essai de modes d'hospitalisation appropriés aux

diverses formes d'aliénation mentale observées. L'étude compara-

.tive de l'hospitalisation dans les asiles proprement dits, les asiles

colonies et les colonies familiales ou agricoles, basées sur des ex-

périences faites à l'étranger, est aujourd'hui l'objet de discussions

approfondies, tant à la Commission de surveillance des asiles de la

Seine, qu'au sein de la grande Commission organisée par le conseil

général de la Seine, en vue de la réforme des services d'aliénés. La

question de l'assistance des aliénés préoccupe à juste titre l'opi-

nion publique, qui s'est émue des critiques passionnées qui se sont

élevées contre nos établissements de traitement. Les asiles de la

Seine n'ont naturellement pas échappé à des attaques dont la vio-

lence exagérée a été heureusement tempérée par un examen im-

partial du fonctionnement des établissements hospitaliers similaires

de l'étranger.

Dans cet article, notre intention n'est pas d'aborder la question

de l'organisation en général des asiles d'aliénés; nous voulons

seulement nous borner à examiner un côté de la question, en nous

SOCIÉTÉS SAVANTES. 61

plaçant au point de vue de l'hospitalisation des femmes aliénées.

Notre pratique hospitalière déjà longue et les observations que

nous avons faites en commun, nous ont prouvé que, dans la com-

position actuelle des services d'aliénés on n'a peut-être pas tenu

suffisamment compte de certaines considérations d'ordre hygié-

nique et thérapeutique spéciales à la femme.

L'asile, construit toujours sur le même plan et pour un nombre

de lits fixé à l'avance, avec des bâtiments identiquement disposés

à l'intérieur, qu'il s'agisse de l'hospitalisation des hommes ou des

femmes, n'a été pendant longtemps qu'une « renfermerie », des-

tinée à éloigner de la société des êtres susceptibles de devenir une

cause de danger ou de trouble.

Depuis quelques années, les idées humanitaires qui se font jour

tendent à substituer à cette manière un peu primitive, pour ne pas

dire un peu barbare, de concevoir l'isolement des aliénés, une mé-

thode non plus uniforme, mais s'inspirant des conditions physi-

ques et intellectuelles présentées par les aliénés, suivant leur âge,

leur sexe, leur délire, leurs aptitudes, etc.

Néanmoins, il faut bien l'avouer, rien ou presque rien n'a été

fait pour donner à la femme aliénée certains soins hygiéniques

dont elle a absolument besoin et dont la privation constitue pour

elle un véritable supplice. On peut encore voir dans certains asiles

de province des sections comprenant plus de cent malades sans un

lavabo, des dortoirs de soixante malades et plus sans le moindre

filet d'eau destiné aux usages de la toilette. Les affections gyné-

cologiques chez les femmes aliénées sont cependant d'une extrême

fréquence, sur soixante-six malades examinées par M. le Dr Picqué

et par moi au point de vue gynécologique, sept seulement n'ont

présenté aucune lésion des organes génitaux, soit environ une

proportion de 89 p. 100 de femmes aliénées affectées de lésions de

l'appareil génito-urinaire. Nous devons dire que nous comprenons

sous ce titre toutes les lésions inflammatoires ou autres, en excep-

tant toutefois les altérations scléro-kystiques de l'ovaire et les

salpingites légères contre lesquelles nous n'avons jamais institué

un traitement chirurgical.

La question des interventions chirurgicales chez les aliénées,

agitée autrefois par Loiseau et Azam, à propos des folies sympathi-

ques, a été de nouveau soulevée le 31 aoùt 1897 à Montréal au

65° congrès de la Brit. med. Association (section de psychiatrie),

par MM. les D's Rohé et Hobbs. La statistique du Dr Rohé, méde-

cin en chef de l'asile de Maryland, porte sur 34 cas, et se décom-

pose ainsi : 11 guérisons complètes (état physique et état mental),

9 améliorations, il états stationnaires, 3 morts opératoires. La

statistique du Dr Ilobbs, médecin de l'asile de London (Ontario),

porte sur 80 cas et elle donne les résultats très favorables suivants ;

30 guérisons, soit 37 1/2 p. 100; 18 améliorations, soit 22 i/2p.100;

62 SOCIETES SAVANTES.

et 28 états stationnaires, soit 35 p. 100, 4 morts, soit 5 p. 100 du

total.

- Le Dr Russell, médecin directeur de l'asile d'aliénés d'Hamilton,

s'est déclaré l'adversaire résolu de toute intervention chirurgicale,

chez les aliénées, en s'appuyant sur l'opinion de 120 aliénistes de

la Grande-Bretagne et d'Amérique; mais il est facile de se con-

vaincre que, pour beaucoup de ces médecins, la question mal

posée laissait supposer qu'il s'agissait du traitement systématique

de la folie par la chirurgie.

En Belgique, le Dr Cuylitz a communiqué à la Société de Méde-

cine mentale de Bruxelles, un travail très important sur les opéra-

rations gynécologiques en médecine mentale ; mais il a paru sur-

tout envisager l'hystérie et l'épilepsie. Jacobs, tout en admet-

tant certaines relations sympathiques, est peu partisan de l'inter-

vention chirurgicale au cours des psychoses. - En Italie, Angelucci

et Pieraccini ont publié également un mémoire très important sur

la question.

En France, peu de chirurgiens se sont occupés de la question

lors de la discussion sur les psychoses. Quelques-uns ont émis

une opinion toujours peu favorable à l'intervention chirurgicale

chez les aliénées. D'autre part, des observations ont été publiées.

Terrillon a cité, il y a quelques années, une observation qui a

trait à ce sujet.

Le Dr Piéchaud, au congrès des médecins aliénistes de 1896, a

relaté deux observations relatives à des interventions chirurgicales

et suivies, l'une de guérison, l'autre d'amélioration de l'état men-

tal. Ces cas sont restés isolés. Aucun auteur n'a songé à en dé-

duire l'enseignement qu'ils comportent réellement. Enfin Cossa

(thèse de Montpellier) a consacré sa thèse à la question du traite-

ment chirurgical de la folie sympathique.

M. le professeur Joffroy, dans une leçon clinique très remar-

quable, a traité incidemment la question des rapports de la chi-

rurgie et de l'aliénation mentale.

Nous ne voulons pas nous étendre plus longuement sur l'histo-

rique de la question ; nous n'avons pas en effet l'intention de

revenir sur les théories émises à propos de la folie sympathique.

Le terme de folie sympathique est d'ailleurs un terme générique

vague, qui évoque simplement l'idée du retentissement à distance

d'organes éloignés et malades, sur le cerveau, et qui doit dispa-

raître pour faire place à des états intellectuels bien définis, liés ou

non à la dégénérescence. Nous croyons, toutefois, que la grande

chirurgie de l'abdomen qui a été jusqu'à ce jour peu pratiquée sur

les aliénées en raison de lacunes hospitalières, peut dans certains

cas aboutir à des résultats inespérés, en faisant cesser brusque-

ment des troubles organiques graves, survenus à la suite de lésions

organiques ou de néoplasmes très étendus. De même, nous pensons

SOCIÉTÉS SAVANTES. 63

que les aliénées doivent bénéficier de toutes les nouvelles données

gynécologiques, inconnues au moment où Loiseau et Azam pu-

bliaient leurs travaux sur la folie sympathique. '

L'importance des causes physiques dans la genèse du délire

ne saurait être niée ; elle a été mise en évidence dans les traités de

Pinel, de Marcé, d'Esquirol, qui ont toujours insisté sur le mode

de réaction du cerveau en présence de la souffrance physique.

Si, comme nous l'exposions dans un mémoire présenté à la Société

de chirurgie de Paris, certaines aliénées semblent jouir d'une résis-

tance très grande aux agents physiques, si, rarement, elles font

entendre une plainte ou accusent un malaise, elles n'en sont pas

moins impressionnées par les moindres causes extérieures, par de

simples variations atmosphériques. L'irritabilité constitue dès

lors l'élément le plus redoutable du délire, surtout dans les formes

de la folie dont les préoccupations hypochondriaques donnent la

note prédominante.

Ces quelques considérations prouvent surabondamment le rôle

tout humanitaire que nous voulons assigner à la gynécologie

appliquée aux aliénées. Nous avons été frappés par l'énorme pro-

portion des affections de l'utérus ou de ses annexes, chez les

femmes aliénées. Notre statistique donne le chiffre de 89 p. 100;

George Rohé, second surintendant à l'hôpital des aliénés de Syker-

ville (Maryland), déclare que 60 p. 100 des folles internées présen-

tent des lésions des organes pelviens. Isabel Dowenport, à l'hô-

pital Illinois à Iïaul : alcee, a trouvé une proportion de 80 p. 100, et

Hobbs, au congrès de Montréal, a donné le chiffre de 93 p. 100.

En présence de telles statistiques, les médecins ou chirurgiens

des Asiles peuvent-ils se désintéresser de la situation de malheu-

reuses aliénées, susceptibles d'être guéries ou améliorées par un

traitement bien dirigé ? Ont-ils le droit d'ignorer ou de laisser sans

soins des affections utérines curables, et de laisser s'ajouter à des

souffrances morales déjà si terribles, des souffrances physiques,

qu'il est en leur pouvoir d'atténuer ou d'éviter ? Pour notre part,

nous avons pensé qu'il était cruel de ne pas intervenir, et nous

sommes intervenus dans les conditions suivantes : -.

Jamais une aliénée n'a été examinée et ci plus forte raison opérée,

sans le consentement écrit de la famille. Toutes les interventions

gynécologiques ont été pratiquées avec les précautions antisep-

tiques et aseptiques qui sont de règle dans les hôpitaux de Paris.

Jamais une opération n'a été tentée sur un organe sain ou chez

des épileptiques ou des hystériques en vue de remédier à leur état de

nervosité.

Des installations particulières ont été réalisées à l'infirmerie de

l'asile de Ville-Evrard (division des femmes), afin de donner à

toutes les malades opérées ou à opérer des garanties de sécurité

presque absolues. Une sous-surveillante et des infirmières spécia-

64 SOCIÉTÉS SAVANTES.

lement affectées au service de gynécologie, ont été seules chargées

de donner des soins aux malades opérées ou à opérer.

A défaut de chambre d'opération, une chambre d'isolement bien

éclairée, absolument réservée à la chirurgie, a été utilisée et amé-

nagée pour toutes les opérations. ·

Notre intervention a toujours été justifiée. L'initiative que nous

avons prise, avec le consentement des familles, et en dehors de

toute idée préconçue sur les rapports qui peuvent exister entre les

maladies mentales et les lésions de l'appareil génital de la femme,

ne pouvait être que parfaitement légitime. Nous sommes intervenus,

soit médicalement, soit chirurgicalement, chez 22 malades, et nous

avons constaté par la suite : 11 guérisons, 3 états stationnaires,

7 améliorations, 1 mort.

Les observations de ces malades sont développées dans le tra-

vail que nous avons soumis à la Société de chirurgie et intitulé :

Du rôle de l'intervention chirurgicale, et en particulier des opérations

chirurgicales dans certaines formes d'aliénation mentale.

Ces observations sont réparties en trois groupes :

Le premier groupe comprend les malades chez lesquelles l'affec-

tion mentale a évolué parallèlement à la lésion des organes géni-

taux. La guérison, à la suite de l'intervention chirurgicale, a été

complète. Ces faits, favorables à la doctrine de la folie sympa-

thique, auraient été plus nombreux et utilisés parles partisans des

psychoses sympathiques, si.les aliénées avaient pu, à cette époque,

bénéficier des ressources de la chirurgie. Ils démontrent en tout

cas, l'influence des causes physiques au point de vue de l'éclosion

et du développement du délire.

Dans le deuxième groupe nous avons rangé des délires sura-

joutés à un délire primitif et développés à la suite d'obsessions

hypochondriaques. L'imagination, qui déjà chez l'homme sain est

un élément de dépression si accusé en face de la douleur physique,

est capable de créer, sous l'influence d'une cause irritante quel-

conque, sinon un vrai délire, du moins des interprétations déli-

rantes variées ou un délire secondaire surajouté au délire primitif.

Chez la femme douée d'une impressionnabilité excessive, l'atten-

tion toujours appelée vers certaines lésions des organes génitaux,

dégénère en une obsession capable de devenir angoissante et de

masquer, par sa prédominance, les anciennes idées délirantes.

D'où la nécessité de dissocier les souffrances morales et les souf-

frances physiques en supprimant si possible ces dernières. Sans

guérir l'état antérieur d'aliénation mentale, l'acte opératoire met

l'organisme en état de lutter efficacement contre le délire et contre

ses manifestations dangereuses ; en même temps, il prévient l'épui-

sement qui peut résulter de certaines lésions (fibromes avec

hémorragie) et il supprime, dans certains cas, les autres intoxica-

tions qui jouent dans la pathogénie de la folie un rôle prédominant.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 65

Le troisième groupe comprend les opérations faites dans le but

d'activer la convalescence mentale. Ce groupe est le plus impor-

tant ; il démontre les bienfaits de la gynécologie appliquée à des

lésions de peu d'importance mais susceptibles dé prolonger un état

de malaise indéfinissable, avec répercussion sur l'activité en

général et persistance d'une teinte de mélancolie en apparence non

justifiée. L'examen des organes génitaux, pratiqué à ce moment,

révèle parfois, soit une vaginite, soit une métrite,'soit des ulcéra-

tions d'une ou de deux lèvres du col de l'utérus. Quelques injec-

tions au permanganate de potasse, un simple curettage, une opé-

ration de Schroeder, triomphent de cet état de lassitude, dont l'ori-

gine est alors trouvée, et la convalescence mentale, un instant'

enrayée, marche rapidement vers une guérison définitive.

Nous nous proposons de suivre nos opérées ; mais dès à présent

nous attendons beaucoup de cette thérapeutique, uniquement

dirigée contre la douleur physique. Des résultats inespérés ont été

la conséquence d'opérations peu graves mais supprimant certaines

souffrances, certains troubles exagérés ou mal interprétés par des

imaginations en puissance du délire.

Aucun accident de chloroforme n'est survenu dans le service.

L'anesthésie, contrairement à ce qu'on serait tenté de croire, s'est

toujours produite rapidement, sans période d'excitation bien vive.

Au cours de la convalescence mentale, alors que la santé intel-

lectuelle est si fragile, l'appréhension d'une opération, les inhala-

tions de chloroforme, n'ont jamais amené de rechutes.

Cette remarque a son importance, au moment où les travaux

sur les folies post-opératoires tendent à faire rejeter les interven-

tions chirurgicales chez les aliénées.

Pour nous résumer, nous dirons que certaines réformes hospi-

talières s'imposent afin de doter tous les services de femmes aliénées

d'un petit arsenal chirurgical destiné aux interventions chirurgicales

de peu de gravité (curettages, opérations de Schroeder). Les infir-

meries, notamment, doivent être pourvues d'une salle aseptique,

d'une étuve Poupinel, pour désinfecter et aseptiser les instruments

et les objets de pansements (compresses, ouate, crins, etc.), d'ap-

pareils de balnéation et d'injection divers; elles doivent être

exemptes de parquets, de boiseries, d'objets impossibles à désin-

fecter et dont l'entretien par le frottement et l'époussetage ne peut

que propager des germes morbides.

Le personnel de surveillance de ces infirmeries doit être recruté

parmi les sous-surveillantes et infirmières diplômées, ayant déjà

accompli un long stage dans les autres services. L'asile ne doit

plus être, en un mot, un refuge destiné à abriter toutes les misères,

mais un hôpital de traitement, permettant par sa disposition et

par son outillage médical et chirurgical, de parer à toutes les

éventualités morbides d'ordre chirurgical ou médical.

Archives, 2e série, t. VIII. 5

66 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Il est illogique et cruel de se désintéresser de la situation de

malheureuses aliénées, dont le délire n'est souvent que l'expres-

sion de la douleur, atteintes de lésions organiques ou inflamma-

toires, dont elles seraient certainement débarrassées par une

intervention opportune si elles jouissaient de leur liberté. Il est

nécessaire, selon nous, d'éloigner de l'esprit de malades si acces-

sibles aux obsessions et aux interprétations délirantes, toutes les

causes capables d'entretenir, d'activer, d'étendre ou d'augmenter

le délire.

Les vaginites si nombreuses, dont nous avons parlé, sont loin

d'être toujours la conséquence d'une contagion gonococcique ;

elles sont, pour la plupart, placées sous la dépendance de l'absence

de soins hygiéniques. Les persécutées, sans cesse disposées à

cacher leurs souffrances ou à les attribuer à des agissements

occultes, donnent, en pareil cas, libre cours à leur imagination

douée d'une activité morbide, elles pensent il des attentais odieux

commis sur leur personne pendant la nuit, et se condamnent à

l'insomnie, afin d'échapper à des souillures dont elles voient les

traces dans certaines sécrétions qui ne sont que le résultat d'une

inflammation qu'elles ignorent. Les perversions génitales chez la

femme aliénée sont tellement fréquentes, tellement pénibles, elles

ont un tel retentissement sur son état général, qu'il est, de toute

nécessité d'en empêcher le développement ou d'en atténuer les

funestes effets, par des soins hygiéniques spéciaux 1,

Journée du dimanche 9 avril.

Réception à l'asile d'Aix. Inauguration du buste du Dr Pontier ? ,.

L'excursion à Toulon, placée avant la visite de l'asile d'aliénés

d'Aix en Provence, a eu pour conséquence de réduire un peu le

nombre des congressistes qui ont suivi cette partie du programme.

Ils ont été reçus à la gare par le Maire, M. le Dr Bertrand, par le

médecin directeur, le Dr Ph. Rey, par les Dy Chabrier, président et

Bourguet, membre de la Commission de surveillance. On s'est

rendu en voiture à l'asile situé à l'extrémité d'une des plus belles

avenues de la ville. Les assistants se sont réunis dans la salle de

la Bibliothèque de l'asile où il a été procédé à l'ouverture officielle

. Dans toutes les divisions des aliénées des asiles, les médecins doi-

vent se préoccuper de plus en plus des affections organiques de tout

genre et surtout des affections utérines et de l'hygiène sexuelle. (13.)

° Nous reproduisons cette partie du Compte rendu du Congrès de

Marseille parce que l'épreuve que nous avions adressée, pour corrections,

à notre ami le U' l'h. Itey, est parvenue trop tard à l'imprimerie pour

être corrigée. ¡(il,)

SOCIÉTÉS SAVANTES. 67

de l'Ecole professionnelle pour les surveillants et infirmiers, orga-

nisée par le médecin-directeur qui a exposé le programme des

cours et présenté un règlement et un livret d'instructions géné-

rales pour les agents du personnel de surveillance. Puis, M. Rey

a donné le mouvement de l'aliénation mentale dans les Bouches-

du-Rhône et quelques considéralions sur les formes de la folie.

L'alcoolisme a fait des progrès dans les centres ruraux. La popu-

lation de son asile, le 9 avril, était de 786 malades dont 407 et

379 femmes. Ces malades proviennent des Bouches-du-Rhône, de

la Corse et de l'Algérie; la moyenne des admissions a été de 197,

pour les trois dernières années.

M. Rey fournit ensuite des renseignements sur le compte admi-

nistratif, sur le régime alimentaire et les régimes spéciaux pour les

infirmeries, sur la transformation des services généraux devenus

insuffisants par suite de l'accroissement de la population qui a

amené l'encombrement de l'asile. De là, nécessité de nouvelles cons-

tructions, en particulier pour les travailleurs, une nouvelle infir-

merie pour les femmes, pour le pensionnat. Les locaux qui devien-

draient disponibles serviraient à désencombrer l'asile. Il y aura à

procéder à de grands mouvements de terrains pour dégager le

bâtiment d'administration et achever l'avenue. La situation finan-

cière de l'asile permet de réaliser tous ces projets.

La cérémonie d'inauguration du buste du Dr Pontier a eu lieu

ensuite dans la grande salle d'honneur de l'établissement décorée

pour la circonstance de trophées de drapeaux et de plantes vertes.

De nombreuses notabilités, invitées par l'aimable directeur, M. Rey,

avaient pris place, dès il heures, dans l'enceinte qui leur était

réservée. -- Le Dr Chabrier, président de la Commission de sur-

veillance, souhaite la bienvenue au Congrès, en excellents termes.

M. Doutrebente prend ensuite la parole et, dans un discours

très applaudi, rend un hommage ému à la mémoire de l'ancien

directeur-médecin.

Un choeur (hommes et femmes) composé de pensionnaires de

l'établissement, accompagné par un orchestre excellent, a exécuté

une cantate, composée pour la circonstance, que l'auditoire entier

a applaudie frénétiquement.

SI. Pontier fils, conservateur du musée et auteur du monument

qui va perpétuer le souvenir de son père, a remercié vivement le

congrès en quelques paroles empreintes d'une douce émotion. Le

buste remarquable est, nous assure-t-on, très ressemblant : il

repose sur un piédestal tout simple. La place définitive du monu-

ment sera dans la salle de la Commission, dans laquelle, à cause

de ses dimensions exiguës, n'a pu avoir lieu l'inauguration.

Un banquet de quatre-vingts couverts réunissait ensuite les con-

gressistes et les invités autour d'une table somptueusement ser-

68 SOCIÉTÉS SAVANTES.

vie. De nombreuses dames, pour la plupart femmes des membres

du congrès, en toilettes claires, piquaient çà et là sur la teinte

sombre des habits noirs des nuances gaies qui ajoutaient encore

à l'éclat de ce festin.

- Au Champagne, des discours ont été prononcés par MM. le

if Chabrier; Cotelle, sous-préfet; Leydet, sénateur; Perreau,

député; le Dr Rey, MM. les Drs Drouineau et Doutrebente et le

pasteur protestant, le Dl' Pichenot et le représentant de la Presse.

Ensuite, le groupe des danseurs de Saint-Cannat a. exécuté, au

son du tambourin, de vieilles danses provençales devant les invi-

tés. La musique des Touristes de l'Union a exécuté, durant cette

fête charmante, des morceaux variés de son répertoire.

Les malades,dont la table avait été particulièrement soignée, ont

pris part à toutes ces réjouissances.

Avant la cérémonie d'inauguration, les congressistes avaient visité

les différents quartiers de l'asile, guidés par le U' Hey, qui leur a

fait les honneurs de son établissement avec une exquise bonne

grâce. On a remarqué la nouvelle infirmerie pour la section des

hommes, l'installation récente également des bains-douches, et

les cellules capitonnées du quartier de traitement. Tous les quar-

tiers sont éclairés à l'électricité. Les lampes des dortoirs se

transforment en veilleuses au moyen de commutateurs spéciaux.

La population arabe offre un intérêt particulier, tant au point

de vue des formes mentales et des différentes manifestations du

délire qu'au point de vue anthropologique. Sur près de 80 de ces

malades, des deux sexes, il n'y avait, à ce jour, aucun cas de

paralysie générale.

Voici, en terminant, quelques renseignements sur le Dr Pontier,

créateur et premier directeur de l'asile d'aliénés du Mont-Perrin.

' M. Charles Pontier naquit à Aix le 6 mai 1809. En 1852, il fut

chargé de la direction du quartier d'aliénés, situé alors à l'hospice

d'Aix. Dans ces difficiles fonctions, il eut à donner maintes fois

des preuves de son inaltérable dévouement aux malades qu'il soi-

gna avec une sollicitude qui ne se démentit jamais.

Un peu plus tard, ayant réalisé des économies par une sage

administration, M. Pontier put faire l'acquisition du terrain sur

lequel s'élève l'asile actuel. Les travaux furent poussés activement;

mais, hélas ! la mort ne lui permit pas d'achever l'oeuvre qu'il

avait entreprise et le 15 mars 1878 il succombait, emporté à l'âge

de soixante-neuf ans par une maladie qui le minait depuis un

certain temps. Le monument érigé à la mémoire de cet homme de

bien n'est qu'une réparation qui élait due à celui qui consacra sa

vie entière au soulagement de ses semblables atteints par le plus

terrible des maux : la folie.

Pour compléter ce qui précède, voici quelques renseigne-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 69

ments sur l'asile d'aliénés d'Aix, en Provence, que M. le

Dr Ph. REY a bien voulu nous communiquer :

70 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Aumôniers :

1° Aumônier catholique, 2.000 francs, logé au dehors;

2° Pasteur protestant, 300 francs, logé au dehors;

3° Rabbin, 300 francs, logé au dehors '.

P7'ix de journée. - 1 fr. 20 pour le département des Bouches-du-

nhône; 1 fr. 20 pour celui de la Corse; 1 fr. 35 pour celui d'Alger.

Prix des pensions. 1'° classe, 1.600 francs, 4 fr. 38 par jour;

2° classe, 1,200 francs, 3 fr. 33 par jour; 3° classe, 800 francs,

2 fr. 19 par jour.

L'abonnement au trousseau est de 400 francs par an pour la

lro classe, 300 francs pour la 2° et 200 francs pour la 3°.

Balance du Compte financier de 1898 :

BIBLIOGRAPHIE. 71 1

L'asile d'Aix est parfaitement tenu, ainsi que nous l'avons

constaté dans notre visite, avec "'1. Pelletier, chef du service

des aliénés à la Préfecture de la Seine, dans notre visite par-

ticulière du 7 avril. Nous ne parlerons pas de l'encom-

brement et du remède à y apporter, espérant y revenir pro-

chainement à propos d'autres asiles, mais nous croyons

devoir signaler la situation pénible qui *est faite aux aliénés

de l'Algérie que l'on envoie à l'asile d'Aix. Il y a là une situa-

tion barbare à laquelle il conviendrait de remédier d'urgence.

Le directeur de l'Assistance publique en France, M. Monod,

accomplirait une réforme de premier ordre, vraiment répu-

blicaine, c'est-à-dire humaine, s'il prenait l'initiative de la

création d'un asile pour nos départements d'Algérie.

Rappelons en terminant les efforts faits par M. Rey pour

la création d'un asile-école interdépartemental pour les en-

fants idiots, imbéciles, arriérés et épileptiques de la région.

L'administration supérieure, ainsi que nous l'avons déjà dit

plusieurs fois, devrait également se préoccuper de cette

réforme. Dans ce but, elle devrait préparer le personnel

enseignant en créant, nous ne dirons pas une école normale,

mais des bourses pour un groupe d'instituteurs et d'institu-

trices, brevetés, qui passeraient successivement, durant un

temps à déterminer, à l'Institution nationale des sourds-

muets, à l'Institution nationale des jeunes aveugles ou à

l'école Braille, et à l'asile-école des idiots de Bicètre. La réa-

lisation de cette idée aiderait aussi à la fondation des classes

spéciales pour les enfants arriérés. BOUR\GVILLI ?

BIBLIOGRAPHIE.

1. Les myélites syphilitiques ; par Gilles de L TOURETTE,

(Collection des u Actualités médicales, J.-B. Baillière et fils.)

Ce petit volume, aussi agréable dans la forme que substantiel

dans le fond, constitue une suite de descriptions cliniques enchai-

nées dans un ordre méthodique et simple qui en rend la lecture

facile et l'assimilation certaine. 11 sera lu avec plaisir et profit,

72 BIBLIOGRAPHIE.

aussi bien par l'étudiant à qui il s'adresse spécialement, que par

le praticien et même le spécialiste.

L'auteur met en lumière, au début de son travail, toute l'impor-

tance pratique de son sujet, en affirmant avec l'autorité qui s'at-

tache à ses travaux, « qu'il reste certainement au-dessous de la

vérité en disant que sur dix affections médullaires plus de la

moitié reconnaît la vérole pour cause immédiate ». Mais si ces

affections découlent J'un même processus anatomo-pathologique,

à évolution plus ou moins rapide et généralement connu, les

localisations topographiques des lésions affectent une variabilité

et une irrégularité qui rendent très difficile la description des types

'cliniques et cette difficulté se trouve encore augmentée par ce fait

« que l'étude à laquelle nous sommes accoutumés des maladies

systématiques de la moelle a créé une certaine habitude d'observer,

une manière spéciale de raisonner dont l'esprit se défait difficile-

ment ». « Je ne serais pas étonné, pour ma part, dit M. Gilles

de la Tourette, que cette éducation particulière ait nui jusqu'à

présent, dans une certaine mesure, aux descriptions, à l'établisse-

ment des types cliniques de la syphilis médullaire, »

L'auteur glisse rapidement sur le mal de Polt syphilitique et les

gommes syphilitiques intnuventé6rule·, dont le diagnostic étiologique

relativement facile, impose le traitement, il passe successivement

en revue les grandes formes médullaires de la syphilis acquise : la

syphilis maligne précoce du système nerveux, les myélites aiguës,

les myélites chroniques, les myélites à formes irrégulières.

La seconde partie de l'ouvrage traite des déterminations spé-

ciales de la syphilis héréditaire : syphilis héréditaire congénitale,

syphilis héréditaire précoce et tardive.

Tous ces chapitres sont à lire en entier. Ils sont enrichis d'ob-

servations personnelles dont les résumés judicieux éclairent la

bizarrerie et la multiplicité des symptômes cliniques, la difficulté

fréquente des commémoratifs étiologiques, l'extrême importance

du diagnostic précoce, et la vérification même de ce diagnostic

par l'efficacité du traitement spécifique énergique.

Dans une troisième partie l'auteur développe la question du

traitement : indications générales, médication (mercure et iodure de

potassium à hautes doses). Le mercure devra dans la méthode de

choix être administré par les frictions cutanées, dans le cas d'ur-

gence par les injections sous-cutanées. L'iodure de potassium sera

absorbé par la voie buccale, dans les cas ordinaires, ou dans les

cas d'urgence par la voie sous-cutanée. L'ouvrage se termine par

quelques rapides considérations sur la durée du traitement, le

traitement général, l'utilité comme traitement adjuvant dans des

cas particuliers de l'électricité et de la révulsion, la médication chez

les enfants.

Je ne saurais mieux faire, en terminant cette importante et trop

BIBLIOGRAPHIE. 73

courte analyse d'un ouvrage essentiellement pratique, que de citer

ces mots de l'auteur : * Croyez-m'en, si vous avez des syphilitiques

dans votre clientèle, lorsqu'ils viendront de temps en temps vous

consulter et vous demander s'il ne serait pas bon de reprendre le

traitement, ne vous bornez pas, ainsi qu'on le fait très générale-

ment, à inspecter leur gorge ou leur tégument cutané, pour voir

s'il ne s'y trouve pas quelque lésion en activité. Percutez leurs

réflexes rotuliens, il vous arrivera plus souvent que vous ne pourriez

le croire, de les trouver exagérés ; demandez alors s'il n'existe pas

une sensation anormale de lassitude après une station debout un

peu prolongée, si la course n'est pas difficile, si la miction ne

nécessite pas des efforts. Et si vous relevez quelques-uns de ces

symptômes dont le malade oubliait même de vous parler, inter-

venez activement : « Vous ferez de bonne et utile besogne, vous

couperez en herbe des myélites qui allaient évoluer dans le sens

spasmodique. » t R. CHAROS.

IL Kliniske og aetiologiske studier over psykisk udviklingsmangler

/tûs6o ? 'H (Etudes cliniques et étiologiques sur le développement

défectueux de l'intelligence chez les enfants) ; par Carl LooFT,

docteur en médecine. Bergen, Norvège,'1897.

Dans le premier chapitre de ce livre de 184 pages, l'auteur a

décrit l'idiotie et l'imbécillité en général avec les renseignements

spéciaux à ces états chez les enfants norvégiens. Il a trouvé, que

20,6 p. 100 des garçons idiots et imbéciles (328 examinés) étaient

épileptiques et 12,1 p. 100 des filles (249 examinées). Il a trouvé,

que l'esprit, l'humeur et le moral et tous les instincts sont plus

souvent altérés chez les idiots et imbéciles épileptiques que chez

es mêmes non épileptiques, 38 p. 100 des garçons et 31 p. 100 des

filles étaient des héréditaires. '

11,27 p. 100 des idiots et imbéciles et 7,7 p. 100 des filles avaient

eu des convulsions infantiles, mais celles-ci n'avaient point, en

aucun cas, paru plus tard que dans la 14° année.

Dans le second chapitre l'auteur a décrit les arriérés, qu'il a

examinés dans les écoles publiques de Bergen (Norvège), il a aussi

fait la craniométrie et le mesurage du thorax et du corps des

arriérés et il a trouvé que tous les arriérés étaient moins déve-

loppés que les enfants normaux du même âge; ils avaient tous

des signes de rachitisme, qu'il a trouvés être la cause aussi du

développement défectueux des enfants arriérés.

16,8 p. 100 étaient des héréditaires et en 20,3 p. 100 des cas les

maladies infectieuses chroniques et les intoxications (alcooliques)

étaient les causes de la maladie.

Dans un autre chapitre (p. 92), l'auteur a décrit l'idiotie myxoe-

démateuse (l'idiotie crétinoïde). Après avoir rappelé les travaux du

74 BIBLIOGRAPHIE.

Dr Bourneville et des autres médecins français et anglais (Ireland,

Teleford-Smith, etc.), il publie cinq observations personnelles, les

premières qui ont été notées en Norvège, où il semble que ces

idiots ne sont pas aussi rares qu'on le croyait autrefois. Le

crétinisme endémique n'existe pas en Norvège.

Dans les derniers chapitres sont exposés les résultats des études

de l'auteur sur l'étiologie de l'idiotie et de l'imbécillité se basant

sur 539 observations.

Il a trouvé : 1° que l'hérédité mentale était la cause dans

17,4 p. 100; 2° l'alcoolisme chez les parents de 3,7 p. 100 et 3° la

tuberculose chez les parents de 9,1 p. 100; 4° la naissance pénible

et difficile, à l'accouchement, ont été les causes de l'idiotie dans

quelques cas (0,7 p. 100).

Dans un district de la Norvège (Bergens stift) l'auteur a trouvé

que les premiers-nés inanimés étaient lesplusuiombreux parmi les

idiots; en un autre district (llamar stift) la première et la quatrième

cause; en un troisième district (ICristiansands stift) la troisième et

la deuxième étaient les plus fréquentes. '

Les naissances de jumeaux et de trois jumeaux sont très fré-

quentes dans les familles où sont des idiots.

En Norvège l'auteur a trouvé jusqu'à 10 et 14 p. 100 des nais-

sances de jumeaux dans les familles où sont des idiots; dans

les autres familles on ne trouve que 1,3 p. 100; dans 4 à 5 p. 100 des

cas l'idiot était lui-même un jumeau.

Le rachitisme est, en Norvège, très souvent la cause de l'idiotie

,ct de l'imbécillité. L'auteur a examiné à propos de cette question

(p. 145-156), 76 enfants très rachitiques et il a trouvé que l'intelli-

gence était très peu développée chez 59 d'entre eux. Chez 19,4

p. 100 d'idiots et d'imbéciles 5 : 39 - il a trouvé le rachitisme

comme cause de l'état morbide.

L'auteur a fait des examens sur l'hygiène de l'enfance dans

10 districts divers de Norvège et il a fait le parallèle de celle-là et

de la fréquence de l'idiotie et de l'imbécillité (p. 166 et 167); là où

l'hygiène de l'enfance est mauvaise, où on trouve beaucoup d'en-

fants rachitiques, où les convulsions infantiles sont fréquentes, et

Ja mortalité des nourrissons grande, on rencontre aussi le plus

grand nombre d'idiots et d'imbéciles.

Les chiffres que l'auteur a empruntés il la statistique officielle

norvégienne et les courbes qu'il a dessinées, démontrent les corré-

lations. En Norvège, les garçons idiots et imbéciles sont plus

nombreux que les idiotes et les imbéciles (filles).

VARIA.

La diminution de l'emploi DE l'alcool ET ses résultats

EN NORVÈCLE '.

La production indigène de l'alcool, calculée à 50 p. 100 d'alcool

pur, avarié entre 7.868.000 litres en 1891, 4.943.000 litres en 1883

et 5.976.000 en 1896. Les quantités employées dans l'industrie et

aux usages pharmaceutiques ont atteint leur maximum, en 1876,

avec 12.268.000 litres et leur minimum, en 1896 avec 4.229.000 li-

tres, provenant surtout de l'importation, qui a largement dépassé

l'exportation de ces mêmes produits. La quantité d'alcool par

habitant a varié de 6,7 litres en 1876 et 2,3 en 1890.

La consommation de la bière a varié de 432.061 hectolitres

en 1891 à 214.261 hectolitres en 1871, et a été par habitant de

23,2 litres en 185r, 19,8 en 1894, 17,7 en 1895 et 16,2 en 1896.

L'importation du vin, grâce à la modification des droits de

douane pendant ces dernières années, a été en augmentant et a

remplacé l'alcool dans la consommation. L'importation, qui était

en moyenne de 1.672.sou litres pendant la période 1881-1885, a

atteint 2.967.300 litres en 1895 et 5,606.000 en 1897, portant prin-

cipalement sur des gros vins à bon marché qui remplacent l'alcool

dans la consommation; cependant au commencement de 1898

l'importation semble s'êlre un peu ralentie.

Une diminution sensible a été constatée dans le nombre des

accidents causés par l'alcoolisme depuis les quarante dernières

années, dans les campagnes plutôt que dans les villes ; les décès

causés par l'alcoolisme comptés pendant des périodes quinquen-

nales depuis 1856 jusqu'à 1896, ont été de 33, 22, 24, 29, 18, 10, 8

et 10,5 pour 10.000.

Pendant la période de 1856 à 1890, 13,7 p. 1C0 des aliénés étaient

des alcooliques; ce nombre a été ensuite en diminuant et descen-

dait à 7,6 p. 100 en 1891 et à 4,4 p. 100 en 1893. Les suicides, qui

avaient été en augmentant de 1826 à 1850, ont diminué depuis;

ils avaient été pendant la période 1846-1850 de 109 par million

d'habitants et par an, et pendant les trois périodes quinquennales

1881-1896, ils sont descendus à 68, 66 et 65 par million d'habitants

1 D'après le Reiclescctaei7er du I décembre 1898 et la Neddclelscl' fra

IPI slalislislé cerelmtlGuuerttc. '. " . .

76 FAITS DIVERS.

et par an. La durée moyenne de la vie semble aussi avoir aug-

menté.

La criminalité a également baissé : elle était en moyenne par

an de 194,5 par 100.000 habitants pendant la période de 1851

à 1855, elle n'était plus que de 180,3 pendant la période 1871-1874

et de 142,1 pendant la période 1891-1894. (Bulletin de l'Office du

Travail de février 1899.)

Un FOU furieux A la SALPÊTRIÈRE.

Un placier, Charles Simonnet, âgé de vingt-six ans, demeurant

28, rue Broca, atteint de la folie de la persécution, se présentait,

hier matin, à la visite de l'hospice de la Salpêtrière, et demandait

à voir immédiatement le médecin consultant, afin que celui-ci le

mit dans un cabanon pour le soustraire à ses persécuteurs. Comme

on n'obtempérait pas à son désir, il entra dans une indicible fureur

et se précipita dans la salle de visite où se trouvait M. le docteur

Voisin et engageait avec les infirmiers une lutte terrible au cours

de laquelle tout fut bouleversé dans la salle, causant un vif émoi

parmi les personnes venues à la consultation. On dut mettre la

camisole de force au malheureux qui, sur un certificat du docteur,

fut dirigé en hâte sur l'infirmerie spéciale du dépôt. (Le Soleil

du 28 mai 1899.)

Pourquoi ne pas l'avoir dirigé de suite sur l'Asile clinique puis-

qu'il u'y avait pas de doute sur la réalité de la folie, au lieu de le

trimballer à l'infirmerie du dépôt et de là audit Asile clinique ? 2

FAITS DIVERS.

UN bébé TUÉ par UNE fillette. Le Petit Parisien du 22 mai i

publie la dépêche suivante d'Alger :

Il y a quelques jours, disparaissait un bébé de trois ans, le jeune

Etienne Grecco, fils d'un jardinier employé à la ferme Raphaël,

près d'El-Affroun ; après de longues recherches restées infruc-

tueuses on eut l'idée de vider un immense bassin servant à ali-

menter des alambics destinés à distiller du géranium; un spectacle

horrible s'offrit à la vue : le cadavre gisait au fond du réservoir,

presque méconnaissable ; toute idée d'accident devait être écartée,

car ce bassin qui s'élève à deux mètres au-dessus du sol est her-

métiquement fermé.

FAITS DIVERS. 77 %

Pendant que la gendarmerie procédait à une enquête, le jeune

René, fils du fermier Kaci, est venu déclarer au brigadier que

c'était sa soeur Thérèse qui avait jeté le petit Etienne dans le réser-

voir et avait aussitôt refermé le bassin, menaçant son frère de

mort s'il la dénonçait.

La petite Thérèse, âgée de douze ans, qui à ce moment se tenait

cachée chez son père, ayant été appelée, a avoué son crime, et,

comme on la questionnait sur le mobile qui l'avait fait agir, elle

a répondu cyniquement : C'est une idée comme cela !

La jeune criminelle issue d'un père arabe et d'une mère espa-

gnole, est le vice incarné; on devait même l'enfermer dans une

maison de correction à la suite d'un vol important qu'elle avait

commis récemment.

Trois évadés de Ville-Evrard. Trois individus se présentaient

hier, dans l'après-midi, chez M. R..., marchand de vin, rue Prin-

cesse, et demandaient des absinthes. Ils n'avaient point de cha-

peau, l'un des trois était même vêtu simplement d'une chemise,

d'un pantalon et de sandales. Mais, comme ils avaient demandé

leurs consommations poliment, le marchand de vin les servit. Ils

ne se disaient entre eux pas un mot. Ils burent lentement.

Mais, lorsque l'alcool de la dangereuse boisson eut opéré son

effet, voici que les trois hommes se lèvent poussant des cris inco-

hérents, lancent verres et bouteilles contre les glaces, puis assail-

lent le marchand de vin, qui tombe bientôt atteint à la joue gauche

par un verre cassé, perdant le sang. Les consommateurs s'affolent,

appellent les gardiens de la paix. Il fallut tout le poste de perma-

nence de la mairie du sixième arrondissement pour se rendre

maitre des trois énergumènes. On les conduisit chez M. Lagaillarde,

commissaire de police du quartier de l'Odéon, qui les interrogea.

Calmes par instants, puis redevenant furieux sans motif et

menaçant le magistrat, ils contèrent leur odyssée. Louis OEillet,

Georges Charron, Jean Berlet, âgés de trente à trente-cinq ans, se

sont échappés de l'asile de Ville-Evrard vendredi dernier, au

matin. Ils ont gagné par le Perreux et Nogent-sur-Marne, le bois

de Vincennes, dans les fourrés duquel ils ont couché depuis lors;

ils ne se sont nourris que des débris de victuailles et de pain,

laissés dans les clairières par les promeneurs du dimanche et les

rôdeurs. Lassés de cet ordinaire, et surtout poussés par un besoin

irrésistible de boire de l'alcool, ils quittèrent le bois hier matin,

rodèrent par la ville, sans manger, toute la journée, et se déci-

dèrent, vers quatre heures, à entrer dans le débit de la rue Prin-

cesse. M. Lagaillarde a fait diriger ce matin sur la préfecture de

police les trois évadés, qui regagneront ce soir l'asile. (Le Temps

du 24 mai 1899). Signalons que le Temps met les noms des

malades en toutes lettres.

78 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

CONTRE L.1LCOOLISIfE ? Frappés des dangers que fait courir à

nos populations bretonnes l'usage immodéré de l'alcool, les méde-

cins de la marine résidant à Brest et les médecins du département

du Finistère viennent d'adresser à leurs compatriotes un appel

dans lequel ils déclarent que, ne pouvant rester spectateurs impas-

sibles du fléau, ils veulent éclairer les pouvoirs publics et prévenir

leurs concitoyens des dangers qu'ils courent. Cet appel se termine

ainsi :

« Nous adressons aux pouvoirs publics, tant civils que militaires,

un respectueux mais énergique appel, les sollicitant par tous les

moyens en leur pouvoir, de mettre un terme à l'invasion du pays

par l'alcool et de s'opposer à la dégénérescence nationale, certaine

et prochaine, si des mesures efficaces ne sont. pas bientôt prises.

Nous adressons à nos compatriotes les plus chaleureuses, les plus

pressantes, les plus patriotiques exhortations, les suppliant, s'ils

veulent que la France reste la France et que leurs fils puissent

encore être français, de se garder de l'alcool et des apéritifs

comme des plus dangereux de tous nos ennemis. » (Le Temps du

24 mai 1899.)

Morphinomane. Deux gardiens de la paix ont surpris, hier,

après-midi, dans un édicule de la cour de Home, à la gare Saint-

Lazare, une jeune femme paraissant âgée de trente ans, grande,

l'air distinguée qui, s'étant presque complètement déshabillée, se

faisait des piqûres de morphine sur le haut du corps... Conduite

au commissariat spécial de la gare, la malheureuse, qui tenait à

peine debout, déclara qu'elle était résolue à en finir avec la vie...

que des chagrins « mystérieux » la rongeaient, etc... Elle a donné

comme identité : Mmo Marchand, de l'Ermitage de Saint-Joseph,

demeurant rue de Flandre. M. Escourroux, commissaire spécial,

a fait transporter la pauvre malade à l'hôpital Beaujon, où elle a

été admise d'urgence. (La Lanterne du 30 mai 1889.)

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

HASLÉ (L.). Du bromure de camphre dans le traitement de l'épi-

lepsie. Volume in-8° de 8G pages. - Prix : 2 francs. Pour nos

abonnés : 1 fr. 35. Bureaux du Progrès Médical.

IIIRDLICKA (A.). Anthropological investigations on one Thousand

White and Colored Children of Both Sexes. The Inmates of the New-

York Juvénile Asylum. Volume in-8» de 86 pages, avec 12 figures,-

New-York, 1899. Wynkoof llallenbeck Crawlord C.,

- BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.- 79

JACI1·f0 de Léon. Polineurilis dolorosa toraco-braquial. Bro-

chure in-8° de 8 pages. Montevideo, 1898. Imprenta de « la Siglo ».

Kende (M.). Die acliolorlie de;' Tabès d01'salis. Brochure in-8° de

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KiitcunoFF (T.). Grundiss der psychiatrie /7 ? slztclierende und

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Wien, 1899. F. Deuticl;e.

LAMDOTTE (A.) et SANO (F.). - Section partielle du nerf médian. Suture.

Restauration fonctionnelle. Brochure in-8° de 1 pages. Bruxelles,

1899. Extrait du Journal de Neurologie. -

Marchand (L.). Pouls et température dans les accès épileptiques,

les vertiges épileptiques et les attaques h ? lsléro-épilepliques. Volume

in-So ùe \)6 pages. Paris, 1898. - Librairie Carré et Naud.

Mills (Ch.-K.). Some points of spécial inleresl in the study of Ihe

deep.s réflexes of Ihe Lotuer extrcmilies. Brochure in-4° de 30 pages,

avec 7 figures. 1'litladell)iiia, 1899. Chez l'auteur.

XOGUHS (E.) et Sirsoi. (J.). - Un cas fruste de tabès combiné. -

Brochure iti-8* de 12 pages. - touloupe, 1899. Imprimerie Mar-

ques et Cio, -

NoouÈs (E.) et Sirol (.1.). - Un cas de maladie d'AlYtn-Duchenne il.

marche anormale. Brochure in-8° de 8 pages. Toulouse, 1899.

Imprimerie 1< : l ! , Privât. ,

Nocuia (E.) et SIHOL (J.). Maladie de Thomsen il. forme fruste avec

atrophie musculaire. Brochure in-8° de 7 pages, avec une planche

hors texte. Pans, 1899. Librairie G. Basson.

PL.\1G1\.\HD-FL.\ISSIInEs (IL). L'état mental dans le goitre exophtal-

tique. Volume m-S° de 115 pages. Montpellier, 1599. Impri-

merie Firmin et 310ntane,

Rechenschaflsbericht ¡¡bel' die zill'chel'ische Kantonale Irrenheilans-

tait BU1',r¡/tÜlzti sur das Jahr 1898. Zurich, 1899. Buchdruckerei

Berichtbaus (Vorm. Ulrich und C°).

Revue philosophique. - Sommaire du numéro de mai 1S99 (2\,e année).

F. LE Dnwcc : La théorie biochimique de l'hérédité. - GOI3LOT : Fonc-

tion et finalité (le, article). J. PIIILIPPE : La conscience dans l'anes-

thésie chirurgicale. - IJUGAS : La dissolution et la conservation de la foi.

Analyses et comptes rendus. Revue des périodiques étrangers.

Livres nouveaux. Abonnement du 1°r janvier : Un an, Paris, 30 francs ;

départements et étranger, 33 francs. La livraison 3 francs. Félix

Alcan, éditeur, 108, boulevard Saint-Germain, Paris.

SANO (F.). ]let Tezzuwslels van den Mensch. Buste les Geschied-

kundig oce ! '= ! C/t/. Brochure in-8° de 2t pages.

Sano (F.). Un cas de paralysie d'origine scarlalineuse. Brochure

in-8° de 5 pages. Bruxelles, 1899. Extrait du Journal de Neuro-

logie.

Sajous (Ch.). Annual and analytical cyclopaedia of praclical

medicine. Tome Il, relié en 2 volumes formant ensemble 608 pages, avec

figures et planches hors texte.- New- York, 1898. Davis , publishers.

C'est là une très belle publication sur laquelle nous appelons toute

l'attention de nos lecteurs.

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Le rédacteur-gérant : Bourneville.

livrcui, Cli Ilémssev, imp. 799

Vol. VIII. Août 1899. N° 44

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE MENTALE.

L'IDÉE FIXE ' ; ;

Par le 1K P. KRRAVAL. '

Iéderin ,directeur de l'asile d'Armentlèl'(" (Nord),

2° Idée fixe dans la mélancolie. Les idées fixes sont en

général favorisées ici par ce fait que l'idéation du mélan-

colique est circonscrite et limitée. Mais, en même temps,' en

certains cas, il s'y associe des conceptions délirantes, et il

existe une sorte de systématisation. Les idées fixes sont en

outre, en tout cas, douloureuses et ressemblent quelquefois

à des obsessions.

En effet, le trouble et l'arrêt dans le débit des idées sont

favorables au développement des obsessions et des idées fixes.

C'est dans ces espèces-là que l'affectivité sera au plus haut

point atteinte, puisque la mélancolie même en est la maladie.

Observation IV. Idée fixe dans la mélrl11colie hypochondriaque : .'

. syphilophoLie. (Thèse LAUREAT, p. 64.)

H..., trente-trois ans, journalier, célibataire, prédisposé héré-

ditairement. Depuis quelque temps, le malade dépérit, devient

déprimé, peureux, croit qu'il va mourir, se sent abattu, tour-

menté d'angoisse cardiaque, se plaint de troubles divers et redoute

d'être atteint de la syphilis. De plus en plus déprimé, des actes

d'anxiété se produisent ; le malade est rempli, de l'inquiétude

qu'avec son corps pourri, il va infecter tout le monde ; il passe son

temps à regarder ses parties génitales, craint qu'on ne les lui

1 Voir Archives de Neurologie, n° 43, t. VIII, p. 1. 1899.

Archives, 2° sv ie, t. VIII. xi

S2 CLINIQUE MENTALE.

coupe, attend sa mort par pourriture et décomposition. Il vit dans

des émotions épouvantables et ne mange que par contrainte, se

disant indigne de vivre.

Au physique, leptocéphalie, grande anémie, nutrition ralentie,

du reste pas de traces de syphilis.

Sous l'action d'un traitement reconstituant et antisyphilitique, le

malade se remet peu à peu, la tension anxieuse disparait, l'amé-

lioration persiste et tend vers la guérison.

Observation V. Mélancolie avec idées de suicide. (SELLE,

loco cildo.)

Homme de quarante-deux ans, dépourvu de tare héréditaire. A

eu une blennorrhagie en 1890. Très sombre, il se considère comme

un homme très coupable et fait des tentatives de suicide. Conti-

nucllement déprimé, de-esperé, il est en proie à des hallucinations

de la vue. Prend part aux distractions des malades et travaille

assidûment. Il refuse de retourner chez lui, parce que, dit-il, il est

atteint d'une maladie sexuelle incurable. Il tient absolument à

cette idée p ? ,évctle7zte, et s'agile quand on lui dit que le médecin

n'a constaté aucun signe de celle-ci. Il s'y cramponne plus que

jamais, malgré l'insistance des siens à le faire retourner chez lui.

En dehors de ce thème, il est laborieux, gai, paisible.

3 Idée fixe chez les dégénérés. Ou bien elle débute

brusquement, et présente une évolution courte, ou bien elle

a une marche chronique ; ou enfin, elle se montre il l'origine

du délire systématisé des dégénérés.

, Observation YI (LEGIl.HN), Dégénéié. Idée fixe ambitieuse

d'apparition brusque. Durée courte. Guérison.

P..., Julien, trente ans.*

Vers le milieu de novembre 1885, P... se trouve quelque ressem-

blance avec le Prince Impérial, et il lui vient l'idée de se faire

passer pour ce dernier. Il s'accoutume peu à peu à cette idée et se

l'assimile si bien que, persuadé que Napoléon IV existe, que les

récits concernant sa mort sont mensongers, il écrit à l'Impératrice

en lui envoyant sa photographie, pour lui apprendre la vérité,

'pour lui dire que son fils lui est rendu. Voici la lettre qui édifiera

amplement le lecteur sur l'état mental de P... et sur la nature de

son délire. Nous lui laissons son style et son orthographe :

« A Sa lllnjcstait Eugénie, Impératrice des Français,

« ila chère mère, ci Chislehlll'st;

« Ma chère mère, -

a Je viens vous apprendre l'heureuse nouvelle que votre fils

l'idée fixe. 83

existe; pour mieux vous rassurer, il vient de se faire photogra-

phier à l'électricité avant d'aller au lit. Voilà six ans que vous

n'avez entendu parler de lui : j'ai quitté l'Afrique le 2 décembre

1879 pour me diriger vers l'Autriche, Vienne. Arrivant de là. j'ai

attrapé une grave maladie. Si, après la victoire, je n'ai pas démenti (i

ma mort, c'est que pour mon malheur, j'ai appris par la voix des

journaux que ma très chère mère a constaté ma mort, et pour ne

pas la compromettre, j'ai préféré souffrir et me faire l'esclave d'un

autre. J'ai quitté Vienne le 5 juillet, pour me rendre en Al;érie.

Arrivé le 9 juillet 1880 il Viutimillp, je vois un pauvre jeune homme e

bien triste, assis sur une banquette; je lui dis : « Que faites-vous

là ? » - « Je parle deutsch, j'arrive de Vienne, et je suis né

le 27 février 1863. à Presbourg (Hongrie) ; je vais trouver un de mes

oncles, qui est établi horloger-bijoutier à Marseille, une maison

très importante. Je suis horloger de mon état, et je vais travailler

chez lui. » « Le connais-tu ? » lui dis-je. « Non, il m'a vu

qu'à deux ans. » « C'est bien. » Il me ressemblait assez, et

je lui propose de me donner ses papiers et son passe-port; il

accepte, et je lui donne tout mon bien. Je l'ai quitté le 8 juillet

pour aller à Marseille. Arrivant il la gare le 1 1 juillet, tous ses

parents m'attendait; je les ai reconnu d'après la photographie, et

m'ont amené à la maison, croyant que j'étais leur neveu qui avait

travaillé dans l'horlogerie 5 ans, et moi qui n'avait pas l'habitude,

je n'arrivait à faire grand chose, je ne pouvais donc pas me bien

récomporter tout le temps, et ils me cherchaient dispute et me

traitaient tout sorte de chausses et ce qui était le plus embêtent

est qu'il fallait parler que le deutsch pendant un an, parce que

l'autre jeune homme qui est mort aujourd'hui, ne savait parler

que le deutcli. Enfin, je suis resté 4 ans dans la maison, et vous

dire ce que j'ai soufl'ert ! Pendant un an j'ai voyagé dans les pro-

vinces de France; j'ai quitté Marseille le 28 août 85 pour aller à

Presbourg, lieu de naissance de ce jeune homme pour lequel j'ai

passé. Arrivant à Vienne le 3 septembre 1885, j'ai cherché une

occupation, malheureusement je n'ai rien trouvé. J'ai quitté le

12 octobre pour venir à Paris. Enfin, maintenant, ma très chère

mère, je souffre le marlxre- de ne pas vous voir, car je suis dans

une situation pitoyable. J'espère que vous me tendrez la main, à.

votre fils, qui n'a cessé de penser à vous, et qui vous aime.

« J'ose espérer, ma très chère mère que vous accepterez celle

lettre de bon accueille, et que vous voudrez recevoir les baisers

d'un fils qui vous aime tendrement.

« Votre fils dévoué,

« Napoléon,

ç , Il Piiiice Impérial des Français. Il

84 CLINIQUE MENTALE.

«Voici mon nom sous lequel j'ai toujours voyagé :

« Jules P..., 5, rue...., Paris.

« Maintenant, ma très chère mère, si vous voulez venir à mon

aide, ici de me dire ce qu'il faut faire. M. Rouher où est-il ? Il n'est

pas à Paris. Ne fait pas attention à la lettre, je fais écrire par un

enfant, car je suis très faible. »

Il est inutile d'insister sur le tissu d'inconséquences que contient

cette lettre, ni sur l'absurdité des subterfuges employés par le

malade pour convaincre l'Impératrice de son identité. Le 1er décem-

bre 1885, n'ayant pas reçu de réponse à sa lettre, il se rend à la

Préfecture de police, et se présente au bureau de l'officier de paix

de la première brigade des recherches. Après avoir été introduit,

il s'exprime ainsi : « Monsieur, je suis le prince impérial et je

voudrais savoir si ma lettre, adressée par moi à l'impératrice

Eugénie, ma mère, est bien parvenue à destination. Je n'ai reçu

aucune réponse et je viens vous prier de faire des recherches. Oui,

je suis le prince impérial, fils légitime de S. M. Napoléon III et de

l'impératrice Eugénie. Au mois -de mai 1879, j'ai quitté l'Angle-

terre pour aller combattre les Zoulous. On m'a cru mort, je n'étais

que blessé et prisonnier, et j'ai pu me sauver déguisé en Zoulou. »

Toutes ces divagations étaient dites avec beaucoup de lenteur et

de calme.

Conduit au dépôt de la Préfecture, il est arrivé à Sainte-Anne

le 2 décembre. P... présente l'attitude extérieure et les signes phy-

siques de la dégénérescence mentale : oreilles très écartées de la

tête et très développées, lobule sessile, etc. Sa physionomie rappelle,

en beaucoup de points, celle du prince impérial; on le lui avait

probablement dit quelquefois. Il a toujours été mal équilibré; il

était peu stable dans les maisons où on l'occupait. Il travaillait

très irrégulièrement et laissait facilement le travail pour aller

s'amuser. Très peu intelligent, sa conversation était naïve et niaise.

A son arrivée à Sainte-Anne, il pleure et se lamente, déclare

formellement être le prince impérial et ajoute que M. 13ouher

devrait bien lui rendre des comptes, car il est sans ressources.

Il suffit de deux jours pour que le délire disparaisse.

Dès le 4 décembre, P... est tout confus et essaie, par divers

artifices, d'expliquer son délire. « C'est une bêtise que j'ai faite,

dit-il, je ressemble un peu au prince impérial. Je ne voulais pas

être prince, car on se serait aperçu de l'erreur à mon manque

d'instruction française. » Il prétend qu'on lui a fait dire qu'il était

le fils de l'Empereur et qu'une fois la chose dite, il l'a soutenue

devant les médecins.

Dans la suite, chaque fois qu'on lui parle de son idée ambi-

tieuse, on semble lui être particulièrement désagréable; il soutient

l'idée FIXE. 85

qu'il n'y a rien de vrai et qu'il n'a jamais voulu se faire passer

pour ce qu'il n'était pas. La guérison se maintient et le malade est

rendu à la liberté.

Observation VII (LEGnAin). Débile. Idée fixe à forme mystique.

Délire religieux. Evolution chronique.

S..., Elie, trente-quatre ans, entre à l'admission de Sainte-Anne

le 18 octobre 1885. Il vient de la prison de Mazas où il subissait

une prévention pour vagabondage. Une ordonnance de non-lieu a

été rendue. Son attitude, à l'arrivée, est bien caractéristique.

Tantôt il prend des poses de prédicateur et déclame des versets de

la Bible qu'il accompagne de commentaires appris par coeur, avec

une intonation spéciale dont la monotonie est rompue parfois par

des éclats de voix dans les passages pathétiques. Il a des larmes

dans la voix et ses accents dénotent une conviction profonde.

D'autres fois, il tombe dans une sorte d'extase; il prend des airs

penchés et inspirés; la tête, après avoir subi quelques oscillations,

tombe sur une épaule, et les yeux, tournés vers le ciel, s'humec-

tent de larmes. Pendant cette attitude contemplative, les bras

pendent le long du corps; le malade a l'attitude résignée. Il l'ait

part de son désir de contribuer à l'oeuvre d'évangélisation. Dieu

lui dit de suivre ses pensées. Il lui apparaît sous la forme créa-

trice. Il ne le voit pas réellement, il n'entend pas sa voix; mais il

se sent possédé et inspiré par lui.

Voici en quelques mots l'histoire de ses antécédents héréditaires

et personnels : .'

Antécédents héréditaires. Côté paternel : grand-père un peu

buveur ; père, soixante-huit ans, un peu emporté ; un oncle

buveur.

Côté maternel : grand'mère, intelligence très ordinaire, loquace :

au village, elle s'occupait de l'art de guérir et connaissait beau-

coup de recettes contre les maladies. La mère, cinquante-huit ans,

très émotive, grande faiblesse de caractère. Un cousin germain

faible d'esprit, idées mystiques. Dans les assemblées, il se levait

et annonçait l'évangile; il parlait au milieu de tout le monde sans

permission; on le traitait d'innocent.

Histoire du malade. Jusqu'à seize ans, peu de chose à signa-

ler. D'une intelligence très débile, il se faisait remarquer par une

timidité exagérée. Il avait déjà des sentiments de piété. De temps

en temps, il se masturbait seul. L'onanisme a d'ailleurs persisté

très longtemps, même après le mariage; il ne pouvait avoir de

relations avec sa,femme. Etant enfant et plus tard, pendant le

service militaire, il se rappelle très bien avoir voulu ramener ses

camarades et même ses supérieurs au respect de Dieu. D'ailleurs,

ces accès de prosélytisme ne duraient pas longtemps, car on se

moquait de lui.

86 CLINIQUE MENTALE.

Il y a plusieurs années, en 1878, en travaillant dans les caves

d'un marchand de vins, il eut, des accidents d'intoxication alcoo-

lique, dus en grande partie aux vapeurs qu'il respirait. Il rêvait

qu'il tombait dans un bassin, qu'il roulait dans l'eau, qu'il passait

dans des tuyaux ; sensations de chutes. Pendant plusieurs jours,

il éprouva des étourdissements, des lourdeurs de tête; les idées

s'embrouillaient : il allait et venait automatiquement. Il était

devenu très triste et voulait se débarrasser de la vie. C'est alors

qu'il se fit avec un rasoir des entailles au bras gauche et aux deux

jambes, vers le cou-de-pied. Il pensait, dit-il, être plus tôt réuni à

Dieu. Dans une lettre, il avait annoncé sa résolution d'en finir avec

ses jours ; il priait un ami de payer ses dettes. Il croyait aller au

ciel pour préparer, avec le Seigneur Jésus, des places à cet ami, à

tous ses parents et aux chrétiens. Ces accidents durèrent peu de

jours (mai 1878).

En juillet de la même année, il se marie. A cette époque, il

commence à s'occuper plus que jamais de l'évangélisation des

masses. A Nenchâtel, l'esprit de Dieu agissait sur lui. « Certes,

dit-il, ce n'est pas moi qui agissais. » Il quittait son travail et

allait au dehors propager l'Evangile. Il se rendait auprès des

employés de la police et leur demandait : « Vous ne connaissez

pas le Seigneur ? » Il n'a jamais entendu par les oreilles la voix

de Dieu; c'est par la pensée que celui-ci se manifestait à lui. i.

En 1882, il revient au pays natal sur le conseil de sa femme. Il

ne travaillait plus suffisamment pour entretenir son ménage;

il n'était plus occupé que de l'évangélisation et ne s'attirait que

des sarcasmes. 11 ne reste pas dans sa famille; il vient à Montauban,

colportant çà et là des bibles, dont il étudiait chemin faisant des

passages. A Montauban, il reste environ cinq mois, travaillant

dans la journée, et le soir, passant son temps à évangéliser les

voyageurs qui descendaient à l'auberge. Il est persuadé qu'il

accomplissait un devoir, en quittant sa femme et sa famille, et en

parcourant les routes, la Bible à la main.

Il se rend ensuite à Genève, en faisant la route à pied, portant t

un violon. En route, quand il passait dans un village, il réunissait

les habitants, les enfants surtout, et leur chantait des cantiques,

en s'accompagnant sur son instrument. Puis il faisait en public

la lecture de la Bible et la commentait. Il vivait de mendicité.

Comme ses prédications étaient peu lucratives, il faisait danser.

A Genève où il arrive en 1884, il est arrêté comme vagabond, puis

expulsé.

Revenu dans sa famille, il recommence à travailler, sans aban-

donner pourtant ses occupations religieuses. Puis, dans le courant

de 1885, repris de son humeur vagabonde, il part, vient il Paris,

en passant par la Suisse. 11 déclamait sur les routes, faisant de la

propagande pour l'Armée du Salut, récoltant des abonnements

l'idée fixe. 87 -1

pour le journal : En Avant ! se faisait donner de la nourriture et

des vêtements pour prix de ses exhortations. A Paris, il voulut

vivre des mêmes expédients, mais il ne tarda pas à être arrêté

comme vagabond.

Pendant son séjour à Sainte-Anne, du 13 octobre au 21 décembre.

il conserve la même attitude. Il n'a aucune conscience de son état.

Parfois, on le surprend dans un coin, en compagnie d'autres

malades, qu'il a rassemblés autour de lui, et auxquels il récite des

sermons appris par coeur. D'autres fois, il nous poursuit, et nous

demande de vouloir bien l'écouter, ou de lui indiquer les versets

qu'il doit apprendre.

Malgré -notre insistance, il n'arrive pas à comprendre qu'il doit

abandonner son existence de vagabondage, travailler pour vivre,

et rappeler sa femme auprès de lui. Il s'est attiré de la part des

chefs de l'Armée du Salut de sévères admonestations et une incul-

pation d'escroquerie, relativement aux placements du journal :

En avant ! Il ne se croit pas coupable, ainsi qu'il l'indique dans le

passage suivant d'une de ses lettres : « Je ne puis que maintenir

ce que je vous ai déjà dit, que j'ai reçu de la part de toutes les

personnes qui ont bien voulu m'accorder soit de l'argent, soit de

la nourriture, soit des vêtements qui pouvaient m'êlre utiles poui

mon voyage. Mais cela peut-il être considéré comme flagrant délit

d'escroquerie ? Je ne le crois pas du tout, car le Seigneur lui-

même nous dit : tout ouvrier est digne de son salaire. Et d'après

ces paroles, je me trouvais donc digne de recevoir des personnes

qui ne me refusaient pas de tendre attentivement l'oreille à mes

exhortations touchant les principes des saintes écritures, que j'ai

eu à coeur de leur annoncer. »

11 est dirigé sur Vaucluse dans le même état.

Observation VIII (Krafft-Ei>11ng). Dégénérée. Idée fixe « forme

érotiquc. Evolution chronique.

L.... Rose, quarante-cinq ans, est née d'un père religieux, excen-

trique et psychopathe. Puberté à l'âge de douze ans, sans

aucun malaise. Règles régulières. Jamais de conception.

Elle se maria à l'àge de seize ans. Le mariage ne fut pas heu-

reux. Elle prétend qu'à la suite d'une querelle de ménage, elle

n'adressa pas pendant quatre ans la parole à son mari. Après sept

ans de ménage, elle devint veuve. Elle vécut alors dans des condi-

tions modestes mais bien rangées; elle adopta deux enfants étran-

gers, une lillc qu'elle appelait « son petit brillant » et un garçon

qu'elle désignait sous le nom de « cousin doré ».

La malade parait une personne exaltée et originairement excen-

trique. De tout temps, elle eut beaucoup de goût pour la poésie,

la musique, le théâtre, mais pourtant n'embrassa pas la carrière

théâtrale parce que la position de comédienne ne lui paraissait

88 CLINIQUE MENTALE.

pas assez distinguée. Elle se peint elle-même comme une femme

ayant le coeur très tendre, très romanesque, sensible au bon et

au noble. Elle aurait été toujours bien portante. Pas de traces

d'hystérie. ,

Il y a cinq ans, elle fit dans le cercle de ses amies la connais-

sance d'un officier de grade supérieur. Il fit sur elle une profonde

impression. Comme une fois il l'appela bonne et gentille femme

(elle le prétend, du moins), demanda plus tard de ses nouvelles,

lui faisait dire le bonjour, elle crut qu'elle aussi ne lui était pas

indifférente. Obsédée par cette idée fixe, elle se rapprocha de lui,

lui envoya sa photographie, son adresse, des cadeaux, lui écrivit

des lettres. Tout revenait sans avoir été décacheté, et dans la rue

ce monsieur évitait soigneusement de la rencontrer. Elle en éprouva

un profond chagrin et pourtant elle ne put vaincre son profond

amour pour son « sanctuaire ». .

Un jour, elle remarqua que cependant, son « sanctuaire » la

désavouait publiquement; il y avait dans le journal, des annonces

adressées à elle. Elle reconnut au style, à de petits riens, par les

initiales des deux noms, que les annonces venaient de lui et lui

étaient adressées !

Ainsi'elle lut un jour : « Peux-tu songer à un coeur saignant qui

ne peut guérir que par ton traitement ? » Nouvelles tentatives de

rapprochement, lettres, etc., dont le résultat fut une annonce peu

polie dans le journal : « Que ne me laissez-vous pas tranquille !

Pas de réponse est aussi une réponse ». Alors elle fit insérer :

« Uans mon coeur il pourrait devenir fort ». Il y eut de nouveau

réponse grossière et enfin une réconciliation par « Myosotis ».

Comme réponse à une nouvelle annonce : « Conserve-moi mon

sanctuaire, ma lumière du ciel » elle lut : « Je suis ici, je suis à

Gratz ». La malade poursuit alors son « sanctuaire », le rencontre

enfin dans une promenade. Au lieu d'un abord aimable, elle

entendit ce monsieur s'écrier : « Vache ! » Alors elle s'évanouit de

douleur. Ce qui est surprenant, c'est que malgré tout, elle reçut

bientôt après des communications aimables par la voie du journal.

Malgré l'affront reçu, elle répondit avec la même amabilité par

des lettres et écrivait entre autres : « Ma chambre est très petite

et sans ornements, mais l'amour pour le sanctuaire la remplit

complètement ». A sa grande douleur, le sanctuaire ne faisait que

passer devant la maison (illusion) sans y entrer jamais. Un voyage

d'affaires nécessita son absence temporaire.

Quand elle rentra, ce monsieur était parti. Elle découvrit son

nouveau domicile et fit un voyage pour le rejoindre. Nouvelles

humiliations; nouveaux refus, bien qu'elle lui eût donné toute son

âme. Vivement chagrinée, elle partit pour Budapest. A peine

arrivée, elle trouva, dans le journal, cette annonce : « Prêt il tous

les sacrifices pous amener réconciliation ». Elle revient, envoie un

l'idée fixe. 89

oeillet avec ces mots : « Que le noble parfum de l'oeillet comble

l'abime qui est entre nous ! » De nouveau, profonde humiliation et

accès de syncope.

Sur la plainte de ce monsieur, elle dut se justifier devant la

police. On la congédia après l'avoir sermonée. Elle résolut d'éviter

l'infidèle. Bientôt après, elle lit de nouveau dans le journal : « Je

vous attends. » La malade, dit-on, a, de nouveau, en tenue décol-

letée, poursuivi ce monsieur, elle lui aurait même envoyé des pho-

tographies obscènes. Voilà pourquoi on l'a mise à l'hôpital pour

que son état mental fût observé. Là aussi, les annonces du journal

continuent : « Heureux avenir, tout est déjà arrangé ! » La malade

se résigne au fait inévitable. Elle ne peut pas s'expliquer la double

nature de l'homme, ni sa tromperie. Malgré toutes les déconve-

nues, elle aime toujours, avec enthousiasme, son « sanctuaire ! >

Elle est incapable de tout raisonnement critique.

Les hallucinations manquent absolument dans le tableau mor-

bide fait de rapports illogiques, d'interprétations délirantes et

d'illusions. ..

Observation IX (Laurent). Dégénérée. Idée fixe constituant seule

tout le délire pour aboutir, après de longues années, au délire des

dégénérés.

11°« X..., âgée de quarante-six ans, est examinée, pour la pre-

mière fois, en 1894. A cette époque, elle déclare être en proie à

une idée fixe, existant chez elle depuis quelques semaines après

son mariage, qui avait eu lieu en 1813. Le sujet de cette idée était

qu'elle devait être fatalement entraînée il tromper son mari un

jour ou l'autre. Elle ne peut voir un homme sans lui prêter la

pensée de songer à elle. Elle se figure qu'elle va être l'objet de

propositions déshonnétes, et il faut qu'elle garde tout son empire

sur elle-même pour ne rien laisser paraître de son trouble. Aussi,

appréhende-t-elle de recevoir un homme quand elle est seule, et

pourtant elle n'a jamais eu le moindre désir, la moindre pensée

d'adultère, elle est foncièrement honnête et tout son être se révolte

à la pensée d'appartenir à un autre qu'à son mari. Elle ne raisonne

pas son idée fixe, ou, du moins, elle ne réussit pas à se convaincre

que si quelqu'un voulait la violenter, elle aurait toujours, l'énergie

morale et physique nécessaire pour lui résister.

Il fallut de longs entretiens au sujet de sa santé, avant que

11 X... se dêcidàt à avouer la raison de ses tourments, et tant

qu'elle put elle dissimula l'existence de cette idée fixe. Le jour où

elle en parla, ce fut avec beaucoup de gêne et de contrainte et elle

fut très sobre de détails à son égard. Plus tard, elle se montra plus

communicative et on put être renseigné sur l'origine et l'évolution

de cette idée morbide. 'fout entière à ses pensées du moment, elle

90 CLINIQUE MENTALE.

ne s'était jamais donné la peine de réfléchir aux causes de son

malaise mental, et ce ne fut qu'en rappelant des souvenirs loin-

tains qu'elle précisa le fait que voici :

Histoire de la maladie. Etant à Nice, en voyage de noces, son

mari la laissa pendant quelques minutes à l'attendre devant un

magasin. A ce moment, un passant se permit de faire à son égard

une réflexion moitié laudative et moitié obscène : « Voilà une jolie

fille avec qui je voudrais bien coucher ». Tout d'abord simplement

troublée, elle n'y pensa guère, mais plus tard cette idée lui revint

et elle se mit à réfléchir à son sujet. Or, on peut se figurer les

réflexions qui peuvent s'éveiller en pareil cas dans l'esprit troublé

d'une jeune femme toute naïve.

Cette idée flottait de temps en temps devant elle, idée qu'elle

précisait mal alors et qui était à peu près celle-ci : « Comment

peut-il se faire qu'il y ait des femmes qui osent tromper leur mari ?

L'idée disparaissait ensuite pendant des mois pour revenir ensuite

pendant un temps plus ou moins long. Ce fut à peu près vers 1877,

trois ans après son début, qu'elle prit définitivement corps et que

Mrae X... commença à ne plus avoir un instant de repos, craignant,

dès qu'elle était avec un homme, de subir des propositions et d'être

entraînée à ce qu'elle ne voulait pas, et quand elle était seule, se

demandant avec inquiétude comment elle pourrait faire pour se

débarrasser de l'insolent s'il se présentait.

Arrivée à ce point, l'idée fixe en question devint un facteur

important dans la vie de Mme X..., et au bout de quelques années

finit par lui faire adopter une existence toute particulière.

Elle reste chez elle, sort le moins possible et seulement en voi-

ture, évite les réunions où elle sait devoir rencontrer des étrangers;

en un mot, elle se séquestre pour éviter la scène à laquelle elle

pense sans cesse et qu'elle redoute de voir survenir.

Elle se figure que son mari, à qui elle n'a pourtant jamais osé

avouer son délire, devine sa pensée secrète et va lui faire des

reproches sur la faute qu'elle n'a jamais commise et qu'elle

craint de commettre. Elle est souvent gênée devant lui et montre

le même embarras que si sa crainte s'était réalisée.

Vers 1888, autant que la malade peut préciser, commencèrent il

apparaître des troubles psychiques d'ordre neurasthénique si l'on

veut, mais rappelant aussi par bien des côtés le délire des dégé-

nérés : sensation de vide cérébral, fatigue intellectuelle rapide,

difficulté de soutenir de longues conversations à certains jours,

crainte de paraître bizarre, quasi-certitude que tout le monde devine

sa situation et la regarde d'une façon plus ou moins bienveillante.

Comme conséquence, sauvagerie beaucoup plus grande, et réclu-

sion plus complète. Avec des alternatives de mieux et de pis, ces

phénomènes vont en s'accentuant peu à peu depuis 1891 où leur

présence est constatée, ils n'ont fait que grandir.

l'idée fixe. 91

A côté de cette idée fixe principale, est venue progressivement,

et comme un corollaire obligatoire, s'en greffer une autre, d'un

genre de fixité tout autre, moins obsédante, mais certainement

aussi fatigante; celle de trouver remède à sa maladie.

Aussi cherche-t-elle de tous côtés un moyen de guérison; elle se

tient au courant de tout ce qui parait en médecine nerveuse; elle

lit les ouvrages de médecine et de science, elle s'emballe à la suite

du moindre progrès réalisé en thérapeutique mentale. Elle essaye

toutes les méthodes nouvelles, et frappe à la porte de tous les

guérisseurs. Ses nombreux échecs ne la rebutent pas, mais elle

s'indigne contre la science qui n'avance pas et les médecins qui

ne peuvent la guérir. A côté de cela, c'est une femme extrême-

ment intelligente, très lettrée et instruite, raisonnant fort bien sur

tout, et ne laissant jamais percer la moindre trace de ses pensées

intimes.

Antécédents. Sa santé physique est parfaite; elle n'a jamais

été malade de sa vie ; elle a cinq enfants tous bien portants. Tous

ses organes sont en bon état. Elle ne présente pas la moindre tare

physique.

Son hérédité n'est pas très chargée : son père était nerveux de

la même manière qu'elle, et parait avoir été en proie pendant

toute sa vie à des idées fixes ; il mettait, en tout cas, de l'entête-

ment à atteindre les buts qu'il se proposait. C'est un original,

disait-on; il était sujet aux migraines, avait eu de la chorée de

Sydcnham dans son enfance, et avait présenté à plusieurs reprises

des manifestations rhumatismales. Il mourut d'hémorragie céré-

brale à soixante et un ans. Sa mère était parfaitement équili-

brée, et mourut de pneumonie. Elle a trois frères et une soeur :

ses frères ne présentent aucune trace d'hérédité nerveuse, mais

ils ont eu les uns et les autres des manifestations arthritiques

diverses. Sa soeur a eu de l'hystérie convulsive dans les premières

années qui suivirent son mariage, et a conservé le caractère et les

allures d'une hystérique.

Commentaires. Depuis trois ans que cette malade est observée,

on assiste certainement à une évolution dans son délire. Il semble

que l'idée fixe perde un peu de sa puissance, et qu'à côté d'elle

viennent se greffer d'autres idées délirantes, comme, par exemple,

le souci de se soustraire à toutes les obligations mondaines, et la

recherche de plus en plus maladive de la guérison.

D'autres signes, moins précis, montrent que le délire s'étend,

perdant en intensité ce qu'il gagne en étendue; et il ne faudrait

pas être surpris que l'idée fixe vint un jour à disparaître au milieu

d'un chaos d'autres idées délirantes, et qu'un délire, d'abord très

coordonné, et plus tard moins systématique et même diffus, ne

vint à leur succéder.

92 CLINIQUE MENTALE.

Observation X (Personnelle). Dégénéré. Idée fixe ci forme omGi-

tieuse aboutissant au délire des dégénérés.

Th.... Georges, vingt-neuf ans, sans profession.

Antécédents. Rien de notable dans l'hérédité. Comme antécé-

dents personnels : aucune maladie grave; pas d'excès alcooliques.

Mais les signes de la dégénérescence ont pu être constatés de

bonne heure. Dès l'adolescence, il se fit remarquer par ses excen-

tricités. Devenu homme, bien que très intelligent et muni d'une

bonne instruction, mais d'une mobilité excessive, il fut toujours

un désoeuvré, incapable d'exercer une profession quelconque.

Outre son originalité, il était sujet à des impulsions, commettant

des fugues sans donner de ses nouvelles. Il disparut un jour brus-

quement, et, après de longues recherches, on le retrouve quelque

temps après dans une forêt de l'Algérie, la barbe et les cheveux

incultes, se nourrissant de racines et de plantes. De retour chez

lui, il continua la même existence de déséquilibré, inquiétant sa

famille par ses tendances délirantes de plus en plus accusées.

Histoire de la maladie. C'est vers 1895 que le délire fit sa pre-

mière apparition sous forme d'une idée fixe de grandeur. Cette

idée se développa de la manière suivante :

. Depuis longtemps, M. Th... avait été frappé de l'identité de son

nom avec celui que portaient les comtes de Champagne. L'idée lui

vint peu à peu qu'il était le descendant d'une famille ayant régné

sur la France. Un jour, en mettant son chapeau, il aperçut sur la

garniture intérieure, une couronne dorée. Ce détail insignifiant

fut pour lui une révélation. Dès lors, il ne douta plus que c'était

là l'emblème de la couronne qu'il devait porter et dont il était

dépossédé. 11 ne parla et n'agit plus qu'en prétendant au treille.

On dut l'interner (janvier 96).

Après avoir cherché sa généalogie qu'on lui avait dissimulée,

disait-il, son idée fixe se précisa, et depuis lors il s'intitule :

Georges Ier de Bourbon, 'fous ses écrits sont signés de ce nom et

portent la devise qu'il a adoptée : Ferro non auro. Henri IV est son

aïeul, et pour l'imiter il a changé de religion et embrassé la reli-

gion protestante. L'homme au masque de fer est son père, et il

écrit aux journaux pour les en informer. Il écrit aussi à la prin-

cesse Marthe de Guise, dont il prétend être le fiancé et qu'il appelle

sa chère cousine. Il revendique hautement ses titres de noblesse

royale et réclame sa libellé au nom du droit des gens. Lisons-le :

- Ferro non auro. . Asile public d'Armenlières, le 20 février 97.

« A Monsieur le Procureur de la République,

en son parquet, à Lille.

« Monsieur,

0 « J'ai eu l'honneur de m'adresser à vous, pour m'aider à me

l'idée fixe. 93

l'aire sortir d'ici, et vous ai même donné copie d'une lettre que

j'envoyai à S. M. le roi des Belges, dans laquelle je lui demandais

du service dans son armée. J'ai même pu écrire depuis que je

devais être considéré comme un de ses officiers (ceci est plus conven-

tionnel que réel, puisque je n'en reçus pas de réponse). J'avoue

d'ailleurs avoir eu tort de m'adresser à un autre pays que le mien,

ce qui peut paraître excusable, en considérant la situation des plus

pénibles dans laquelle je me trouve ici.

« Pour réparer cette faute, je viens d'écrire à M. le Ministre de la

Guerre afin qu'il m'autorise à servir ma Patrie.

« Cependant je ne puis toujours rester ici, et si je ne pouvais

obtenir une prompte solution, je vous prierais, M. le Procureur,

d'y mettre un terme, en usant de votre pouvoir, pour me faire

conduire à la frontière.

« A tous les points de vue, cette situation doit finir, je n'ai pas

eu le temps de liquider mes affaires, ce que je pouvais faire autre-

fois facilement sous le nom que je portais alors et que je ne puis

plus porter ni signer aujourd'hui.

« Je vais maintenant vous expliquer par quelle suite de circons-

tances. et quelles preuves je puis vous fournir pour me dire et avoir

le droit de porter le nom de Bourbon, si ma nature et ma religion

(protestante) ne suffisaient pas pour l'affirmer, après ce qui a déjà

eu lieu ici où on a essayé bien difficilement d'imiter le service mili- i-

taire (marques de mon linge G. T.).

« Vous n'êtes pas sans savoir absolument pourquoi j'ai été

interné puisque M. le D' M... m'a dit que vous avez bien voulu vous

occuper de moi.

« Je remonte à l'origine :

« Ayant trouvé à mon domicile, une assiette avec le blason des

comtes de Champagne, je me décidai à faire la généalogie du nom

que je portais alors et remontai ainsi jusqu'au bisaïeul dont il m'est

impossible de connaître l'ascendance.

« Ceci était resté dans cet état pendant quelque temps, lorsque

ayant eu besoin d'un chapeau, je trouvai imprimé dans la coiffe :

un casque en fer (le masque de fer), une couronne en or et un petit

drapeau blanc, avec ces mots écrits en anglais : F01'ked expressly for.

« Étant allé en demander compte au chapelier, bien que j'en

eusse déjà l'intuition en ce que depuis plusieurs jours je remar-

quais que l'on me regardait attentivement, je me rendis chez un

brocanteur.

« Mon attention fut alors attirée par un tableau (parchemin noir

avec ma devise : Ferro non auto) que j'achetai, trouvant une

grande analogie avec le masque de fer que je portais imprimé au

fond de mon chapeau. Evidemment ce tableau avait été placé là

pour moi. Il a dû appartenir certainement au bisaïeul dont j'ai

parlé tout à l'heure, et maintenant, cela ne fait aucun doute

94 i CLINIQUE MENTALE.

dans mon esprit, il descendait certainement des Bourbons par

Henri IV, Louis XIII et l'homme au masque de fer, le frère de

Louis XVI (d'une union que je suppose et puis presque affirmer

incestueuse).

« Portait-il à la Révolution le nom de Bourbon, et vit-il ses

parents monter sur l'échafaud, je l'ignore; toujours est-il qu'il dut

.prendre le nom de Th., comte de Champagne, qu'il avait peut-être

porté dans sa jeunesse, et dont il dissimule le litre. Puis s'étant

mésallié, il n'osa plus reprendre son nom de Bourbon et faire

valoir ses droits à la couronne de France. Comme c'est moi seul

qui ai découvert ceci, il est juste qu'à moi seul appartienne ce

parchemin.

« Je crois avoir à peu près terminé ce que j'avais à vous dire, et

;i force de trop prouver, on arriverait à bafouiller. J'espère cepen-

dant que vous devez être convaincu que je puis m'intituler comme

je vous l'affirme être le roi de France et de Navarre (in partibus

naturellement), et du droit de signer comme je le fait, après vous

avoir prié de m'excuser de vous avoir entretenu si longtemps et

en vous priant aussi de vouloir bien agréer l'expression de mes

sentiments les plus distingués.

« Georges 1 ? de Bourbon. »

Comme on peut en juger par ce qui précède, le délire sem-

ble se développer de plus en plus par extension progressive

de l'idée mère; mais il ne perd rien de sa physionomie pre-

mière, et ne subit pas de transformation notable.

Dernièrement des hallucinations de l'ouïe ont apparu, mais

elles restent rares. Leur sujet correspond à celui de l'idée fixe

première, et elles n'ont modifié en aucune façon le délire.

Voici maintenant un groupe d'observations analogues :

Observation XI (Neisser. Allgemeine Zeitschrift f. Psychiatrie :

LI, 1. 1894). Persécuté processif.

Un malade, à l'instigation du tribunal, a été mis et est eu ob-

servation à l'asile de Leubus. C'est à la suite d'un nombre infini de

requêtes de sa part et de réclamations processives qu'on a soup-

çonné l'existence de l'aliénation mentale. Il n'y a pas d'idées déli-

rantes ; il n'y a pas d'idées spéciales de persécution. Toute une

série fixe de conceptions en rapport avec une exagération intense

de l'émotivité, l'obsèdent et assiègent son idéation. Cet homme a

été il y peu de temps blessé à la tête; il est phtisique.

Observation (SELLE, loco cilalo). Délire de chicane tournant

autour d'une idée fixe.

Paysanne ; soixante ans. Depuis une émotion morale (son fils, par

l'idée fixe. 95

un acte infâme, a laissé passer son bien en des mains étrangères),

elle est tourmentée de Vidée fixe ou prêvalente que la vente est irré-

gulière, qu'il ne s'agit que d'un contrat apparent ; aussi s'adresse-

t-elle,.dès que cette conviction a pénétré dans son esprit, aux

tribunaux, qu'elle fatigue de ses réclamations. C'est une faible

d'esprit qui n'a jamais pu apprendre à lire et il compter; en

revanche elle a toujours présenté une exagération de la person-

nalité ; toujours prête à discuter, elle se montrait un peu irritable.

Une soeur de la malade est épileptique. Ses idées de persécution

consistent à se plaindre que les magistrats se soient tournés contre

elle et que les témoins se soient parjurés.

OIjSCn1'ATION tIII (SEr.Lr, loc. cit.). - Délil'e des paséclltés persécuteurs.

Une demoiselle de cinquante-huit ans, très tarée (héréditaire),

d'humeur violente, et très bizarre dans sa jeunesse, est en même

temps faible de corps. Son développement intellectuel a été très

lent. Jeune fille, elle a été souvent éprise, a manifesté des tendances

à l'exaltation religieuse. La perte de sa fortune l'a profondément

affectée et déprimée. Il s'est, chez elle, développé l'idée I)i-éraleî2le

qu'un M. de N... l'aime et veut l'épouser. Elle la conserve, en

dépit de toutes les contradictions, malgré l'intervention du mon-

sieur en question, qui lui a nettement fait comprendre qu'il

n'avait point ce dessein. Elle a importuné les autorités et a

demandé protection contre ses persécuteurs. Elle persiste à dire

qu'elle se mariera bientôt, et se plaint amèrement que ses parents

et les médecins soient cachés sous le toit.

4" Idée fixe dans le délire chronique. Elle naît par voie

conceptuelle. On enregistre alors une fiction à la base, sur

laquelle le malade échafaude un édifice d'erreurs, malgré la

correction apparente dans l'exécution de l'architecture de

celui-ci (DE KR.\FFT-EBI1W). C'est pourquoi la logique de ces

malades semble intacte; ainsi s'explique le nom ancien de

folie partielle usité en pareil cas. En réalité le sens critique

manque et c'est ce qui a entraîné l'erreur. L'idée fixe en cette

espèce morbide forme souvent un élément très net.

Elle naît quelquefois par voie hallucinatoire dès le début,

car nul n'ignore qu'il existe toujours des hallucinations dans

le délire chronique à une période avancée.

Le plus habituellement les premiers troubles se montrent

dans la sphère intellectuelle, et c'est alors qu'il n'est pas rare

de bien saisir à l'origine une idée fixe qui est le phénomène

pathologique initial.

C'est surtout à l'idée fixe du délirant chronique que se rap-

96. CLINIQUE MENTALE.

portent les développements nosographiques de ce mémoire.

Les prémisses du raisonnement étant fausses, certains anneaux

de la chaîne syllogistique- sont fréquemment faux ou les lacunes

sont comblées par des artifices d'imagination; l'aboutissant

est toujours, forcément, une série de conclusions vicieuses.

L'idée fixe, déraisonnable, insensée, subite, est le plus ordi-

nairement imputée par l'individu à sa propre personne vic-

timée, selon lui, ou sur le point de l'être. Après avoir duré,

généralement assez longtemps, elle mène à un système déli-

rant, plus ou moins coordonné, en engendrant d'autres idées

délirantes, qui se multiplient, s'agrègent, se combinent.

L'idée fixe de persécution notamment, d'abord posée par le

malade avee une certaine réserve (LASÈGUE) devient bientôt

tout à fait nette. Avec l'apparition des interprétations déli-

rantes ou des hallucinations de l'ouïe, l'idée s'affermit, devient L

de moins en moins variable, l'hésitation fait place à la certi-

tude. Le reste, on le connaît. C'est, quoi qu'il arrive, toujours

à l'origine un délire. circonscrit, roulant sur la même idée ou

sur une même série d'idées pour le même individu. Puis, l'or-

ganisation du délire le développe, en introduisant parfois

quelques variantes; invariablement la personnalité s'altère,

le Moi se transforme. A l'appui un beau type.

Observation XIV (personnelle). Idée fixe installée dès le jeune

âge sans trouble sensoriel (hallucinations apparues postérieurement)

pour aboutir au délire chronique systématique.

B... André, quarante ans, fumiste.

Rien à remarquer dans les antécédents héréditaires.

Antécédents personnels . - Méningite à l'âge de trois ans ( ? ).

Les troubles psychiques semblent remonter chez lui il son jeune

âge, ou tout au moins, il semble, dès sa jeunesse, avoir réagi

intellectuellement d'une manière anormale.

Voici, d'ailleurs, ce qu'il raconte : Vers l'âge de trois ans, ayant

fait une fièvre cérébrale, à ce qu'on lui a dit, le Dr S... qui le soi-

gnait, demanda à M"10 B..., qui se désolait de le voir si malade :

« Vous tenez donc tant que.ça à cet enfant ? » La dame B... répon-

dit qu'elle y tenait autant que la belle-fille du docteur pouvait

tenir à lui.

Plus tard, vers l'âge de sept ans, on rapporta un soir son père

mort, à la maison. Cette mort était des plus mystérieuses, selon

lui. Parti le matin bien portant pour la ville voisine, il était revenu

au dernier train le soir, on l'avait vu iL'la gare; le lendemain

matin, on le trouvait mort dans un remblai près de la station.

l'idée fixe. 97

Cette mort l'affecta beaucoup ; dès ce moment il conçut des

soupçons, et l'idée entra dans sa tête qu'un jour il aurait la preuve

que cet homme avait été assassiné.

A quelque temps de là, dans un conseil de famille, il entendit

le dialogue suivant entre l'aîné des B... et sa mère : « Qu'avez-vous

fait de ses papiers » Ce à quoi la mère répondit qu'elle les croyait

plus en sûreté chez M. le Curé. Le frère aîné répondit alors :

« Mère, vous avez fait son malheur. »

« J'étais loin de me douter alors qu'il était question de moi

raconte B... ; mais comme j'étais obsédé, depuis la mort de mon

père, par Vidée fixe qu'un jour je saurais pourquoi cet homme était

mort, j'en conclus par la suite, que le père Il... n'était que mon

père adoptif, et que, comme il ne voulait pas se départir de mes

papiers d'origine, les personnes qui avaient intérêt à les posséder

l'avaient fait disparaître, pour les obtenir de la mère. »

Déjà les paroles aimables des uns, les saluts respectueux des

autres, des allusions saisies au vol sur le secret de son origine,

la remarque qu'on lui a préféré de tout temps ses prétendus frères

et soeurs, avaient éveillé chez lui le soupçon qu'un mystère entourait

sa naissance et qu'il pouvait bien être le fils d'un personnage

historique, et voilà l'idée fixe définitivement installée et notre

malade persuadé que ceux dont il porte le nom ne sont pas ses

parents, mais seulement des parents adoplifs; que son père a été

assassiné pour lui ravir plus sûrement ses papiers d'origine; il

est entretenu dans sa conviction par d'incessantes interprétations

délirantes.

Telle est la base initiale de son délire : une idée fixe, installée

dès l'enfance dans son cerveau et s'y étant ancrée avec la puissance

des acquisitions faites à cet âge, sans l'intervention d'aucun trouble

sensoriel.

Dès lors, B... mène une existence des plus mouvementées.

D'une acuité psychique d'autant plus vive, que toutes ses facultés

sont tendues toujours vers le même objet, il scrute attentivement

tout ce qui se dit, tout se qui ce fait ; et dans toutes choses, par

une série de raisonnements plus ou moins logiques, il découvre

quelque ressort caché, quelque allusion à sa personne et à sa

situation.

Engagé à la légion étrangère, à vingt trois ans, on commença il

lui faire des misères ; un officier s'était acharné à sa perte et vou-

ut le faire passer au conseil de guerre. De retour à Paris, il exerça

sa profession de fumiste, mais toujours on le tracassait, on le

renvoyait de tous les ateliers ; les femmes s'en mêlèrent, tentèrent

de le pousser au vol, à la débauche, dans l'anarchie. Las de cette

existence il partit pour Buenos-Ayres ou il resta six ans, mais la

vie lui devint vite intenable, on l'empêchait de gagner sa vie, on

voulut l'assassiner. '

Archives, 2" série, t. VIII. 7

98 CLINIQUE MENTALE.

C'est vers cette époque, c'est-à-dire vers l'âge de trente ans, que

les hallucinations de l'ouïe firent leur apparition. On commença à

l'insulter dans la rue. Les journaux firent campagne contre lui ; il L

comprenait en lisant certains articles que c'était lui que l'on visait.

Ainsi maltraité, il se dit que s'il était un simple B..., on ne l'aurait

pas persécuté de la sorte.

Le délire s'étend, sous l'influence des hallucinations, les idées

de grandeur vont venir s'ajouter aux idées de persécution.

Revenu en France pour se faire rendre justice, il entendit une

voix, qu'il reconnut être celle du commandant du navire, l'appeler

Michel de Stephenson. Ce lut pour lui un trait de lumière ; le mys-

tère de son origine était éclairci. -

A son arrivée à Paris, il fut interné à Vaucluse; évadé on le

reprit à Bruxelles, puis à Tournai et enfin à Armentières où il se

trouve depuis trois ans.

Son état actuel est celui du délire chronique à son complet déve-

loppement ; il possède des biens immenses dont on voudrait

s'emparer. Les Orléanistes sont ses principaux ennemis. Les chefs

des partis dynastiques lui font toutes sortes de misères et s'en-

tendent pour le perdre. On agit par le spiritisme sur lui, sur sa

parole et sur sa pensée, on lui fait dire le contraire de ce qu'il

pense. On l'insulte incessamment de Hollandais, de Prussien, de

bête habillée en homme.

Les hallucinations ont envahi les autres sens et même la sensi-

bilité générale ; on met des poisons dans ses aliments, il les recon-

nait au goût et à l'odeur, on lui lance sur le corps des vapeurs

brûlantes.

Tout ce qui se dit et se fait a trait à sa situation ; la guerre

Turco-Grecque et le conflit Hispano-Américain, n'ont éclaté qu'à

cause de lui ; voici d'ailleurs un échantillon de ce qu'il écrit jour-

nellement :

« A leurs Excellences les Ambassadeurs des

puissances principalement intéressées dans la question

concernant ma situation.

« Excellences,

« Voyant que tout ce que j'emploie pour sortir de ma situation

et de la France ne me sert absolument à rien, et que vos puis-

sances deviennent la complice forcée du drame que la France s'est

plue de vous jeter sous les yeux, car si on me tient ici, ce n'est que

par tous les procédés qui ont été exercés sur moi depuis mon plus

jeune âge ; je propose à vos Excellences de me faire tirer au sort

et que le sort décide à quelle nation je dois appartenir. Comme ma

situation concerne toutes les puissances, j'espère que toutes les

puissances y ont le même intérêt que la France, car je ne resterai

l'idée fixe. \)\1

Français que si le sort m'y oblige ; sinon je me verrai forcé de

vous faire remarquer que je n'ai jamais vendu mon corps aux Fran-

çais, pas plus qu'au parti politique qui s'acharne contre moi. Je

vous ferai entendre par le même procédé qu'il m'est impossible de

faire face à ma situation politique.

« Reste donc la question première et si vous ne me rendez jus-

tice, sur ce que je vous demandais tout à l'heure, je vous ferai

remarquer que ces biens ne viennent nullement des pouvoirs

publics, et que leur seule provenance est l'accumulation de

l'agiotage.

« Vous ne pouvez m'obliger à faire du socialisme, vu que vous

le prohibez dans vos propres principes, et quand Ilothschild par-

tagera, je partagerai aussi. Si vous ne me rendez pas justice sur

ce point, je serai obligé de me considérer la victime d'un bandi-

tisme international vu que l'on agit avec moi pis que les bandits

de grand chemin, car ceux-là sont au moins sous l'action d'une loi

et ne sont pas exempts de l'impunité.

« Si je vous tiens ce langage, c'est parce que je m'y trouve

obligé, vu que je suis complètement à la merci de toutes les dro-

gues que les médecins me font absorber dans ma nourriture. Cela

est tout simplement inique et odieux, car ils savent bien que je ne

suis qu'un instrument entre leurs mains.

« J'ose espérer que vos Excellences daigneront me rendre satis-

faction et me tirer de la griffe de mes bourreaux, ou bien de me

faire transporter dans une ile, où au moins je n'aurai pas sous les

yeux le spectacle de tant d'ignominies.

« Je prie donc vos Excellences de bien approfondir toutes les

questions, et d'en finir avec une pareille existence, et de recevoir

mes sentiments de profond respect.

« IL.. dit de STEPIIENSON. »

Observation XV. Autopsychose circonscrite. Wernicke, in G ? 'lll1-

driss der Psychiatrie.)

Il s'agit d'un homme de soixante et un ans, qui se dit il l'asile

à cause des inaportunites dirigés contre lui au dehors. Ici il est

tout à fait à l'abri, se sent bien depuis quatre ans qu'il y est et

'espère bien y rester. Tous les essais de sortie qu'il a faits ont mal

tourné : les mêmes vexations ont abouti à l'intervention de la po-

lice et à son internement.

D'abord ce fut il cause d'un certain Monsieur qu'il ne connaît

que de nom, qui habitait dans son voisinage et qu'il rencontrait

fréquemment dans la rue. Ce Monsieur se tenait fixe en l'attendant

et avait l'air de compter les fenêtres d'une maison. Ayant quitté ce

côté de la rue, le malade remarqua que le même Monsieur parlait

au même endroit à une personne de sa connaissance, et sur son

100 CLINIQUE MENTALE.

compte, il en est convaincu bien qu'il ne pût entendre ce qu'il

disait. Il aborda alors ces deux messieurs et leur dit : « Vous

disiez peut-être quelque chose de moi ? » Puis il gagna sa demeure

tout en s'apercevant que les deux messieurs le suivaient et se

tenaient devant sa maison. Arrivé chez lui, il prit sa canne, alla il

la fenêtre et la brandissant il les interpella en disant : « Montez je

vais vous servir ». Une scène du même genre détermina les deux

messieurs à le suivre réellement jusque chez lui, à prendre son

nom et à se plaindre à la police. -

On constata alors l'existence d'un délire des rapports du Moi.

exclusivement dirigé contre un maitre charpentier. Celui-ci, frère

d'un monsieur que le malade connait bien, était, il y a six ans,

comme lui, habitué d'un marchand de vin désigné. Pendant des

années, le malade s'est intéressé à la fille de ce marchand de vin

et lui a fait des propositions matrimoniales, auxquelles il a coupé

court parce qu'il a constaté que le père de la jeune fille ne faisait

pas de bonnes affaires.Le charpentier a probablement dit à l'autre

Monsieur : « Voilà le coquin qui a autrefois lâché la jeune fille. »

On ne trouve pas chez notre homme d'autres symptômes psy-

chotiques. Mais il est et demeure convaincu de ce qu'il avance.

Sur sa demande il est mis en liberté quelques semaine plus tard;

il revient néanmoins pour la même raison, ressort, et rentre pour

la troisième fois. Et maintenant il ne veut plus quitter l'asile.

Les deux dernières aventures- concernaient des importunités plus

nombreuses dans lesquelles étaient intervenues d'autres personnes

encore et la police.

C'était toujours d'après lui, le maître charpentier qui, entre

temps, avait raconté l'histoire à d'autres, et la police était inter-

venue pour provoquer sa mise en observation et obtenir qu'il frit

taxé d'aliénation mentale.

A l'asile on ne constate aucune antre interprétation délirante,

aucune autre affection mentale.

M. Wiîrnicke fait remarquer que le début de l'affection a

été constitué par une idée prévalente ayant entraîné une ap-

préciation délirante qui mérite le nom de délire de relations

du Moi, de la personnalité. Ce délire s'est ensuite étendu,

puis est demeuré stationnaire ou plutôt il est devenu nul à

l'asile. L'origine de l'idée prévalente doit, selon lui, être cher-

chée dans le contraste entre la manière peu honorable dont

a agi le palient et son caractère autrement équitable. Il est

probable, dit-il, qu'il a fait sur ce sujet son examen de con-

science et s'est trouvé coupable, souillé moralement. Ainsi

préoccupé, il s'est offusqué d'un regard, de l'attitude expec-

tante d'un homme qui connaissait sa conduite, et il en a, par

l'idée fixe. 101 1

association d'idées, faussement interprété la portée. Toutes

ses idées ont alors constamment convergé sur le texte domi-

nant de son idée fixe, fausse non point quant à l'acte qu'il a

commis, mais quant à la valeur de cet acte. Il s'est exagéré

son action dans ses rapports avec les personnes qui l'entou-

raient, à l'exemple du héros de Dostoïewsky, dans Crime et

châtiment, qui croit que tout le monde lit son meurtre sur sa

figure et le lui reproche; le héros de Dostoïewsky est du reste

un névropathe. Comme lui, il se dénonce.

Observation XVI (personnelle). Idée fixe développée sans trouble

sensoriel aboutissant au délire systématique. Hallucinations tardives

et rares.

D... Alphonse, trente-sept ans, tisserand.

Rien dans l'hérédité.

Comme antécédents personnels, il y a à noter : des convulsions

dans l'enfance; des excès alcooliques fréquents.

Le début des troubles psychiques remonte à l'année 1834.

A ce moment D..., jusque la bien portant, commença à devenir

inquiet et soupçonneux. Il remarqua que dans les tissages où il

travaillait, on lui jouait de vilains tours, on dérangeait son métier

pendant son absence ; dans d'autres cas, il ne plaisait pas, on le

regardait de travers, mais ce qui le frappa le plus fut ce que sa

mère lui raconta au sujet de la vie de sou grand-père.

Ce dernier, enfant trouvé, fut élevé à l'Hospice général de Lille.

Le mystère de la naissance de son aïeul hanta l'esprit surexcité

de D... Il se dit qu'on lui cachait quelque chose et, dès ce moment

l'idée germa que le grand-père était peut-être le fils de quelque

personnage illustre et riche.

Obsédé par cette idée fixe, il se mit sans tarder à la recherche

de la parenté de son aïeul ; il se rendit à la mairie de Lille, puis à

l'Hospice général ; là il sut la date du dépôt de l'enfant, et un des

employés qui le renseignait prononça à voix basse le mot de la

Trémoille. Evidemment on voulait lui cacher l'origine de son

grand-père; mais il avait entendu le mot, et ce nom de la Tré-

moille se grava dans sa tête. C'était donc un représentant de la

plus vieille noblesse française qui avait déposé son aïeul enfant il

l'Hospice général de Lille; or, réfléchit-il, à ce moment il n'y avait

' aucun moyen de locomotion, et le marquis de la Trémoille ne se

serait certainement pas dérangé de si loin pour le fils de sa cuisi-

nière ou de son cocher ; c'est donc qu'il s'agissait d'un personnage

princier probablement ; et il en conclut que son grand-père était

un descendant des Buurbons à la maison desquels les la Trémoille

étaient attachés.

102 CLINIQUE MENTALE.

Voici d'ailleurs ce qu'il écrit il ce sujet.

' « Asile d'Armentières, 5 mars 1898.

(D'après le calendrier grégorien )

« Pour la Personne représentant la justice,

soit divine, soit humaine.

« La personne appelée Keraval m'empêche de sortir de l'asile

pour aller voir à l'Hospice général de Lille pour que l'on me four-

nisse des renseignements sur mon grand-père, déposé en cet éta-

blissement le le août 1799 par une ou plusieurs personnes dont

une se nommait la Trémoille, et c'est après avoir entendu ce

nom-là que je me suis dit : Alors ce doit être le petit-fils de celui

qu'on a appelé Louis Capet de Bourbon, roi de France, 160 du nom

donc si c'est cela je ne me nomme pas D... mais je suis un Bour-

bon, et je crois mes droits égaux aux leurs. Donc, si des moyens

quelconques appartenant aux D... ont été donnés au gouverne-

ment de la République sans leur assentiment, il me semble que la

justice la plus élémentaire est qu'ils doivent en être instruits.

Maintenant, si mes droits de naissance sont supérieurs aux leurs.

c'est à moi qu'il appartient de disposer et de discuter le bien ou

mal fondé de la chose en question à moins qu'il y aurait des

Bourbons d'Espagne dont les droits seraient supérieurs aux miens.

ce qui peut bien être sans que j'en aie aucune connaissance.

D'ailleurs. je voudrais bien que ce soit un autre Bourbon que moi

qui s'occupât de cette affaire délicate, car moi, je ne me crois pas

assez intelligent pour cela.

« S'il m'était possible de voir ici dans l'asile d'Armentières des

personnes représentant ou les personnes mêmes : 1° L'évêque de

Cambrai ; 20 Victoria de Cobourg ; 3° Prince de Galles ; 4U Baron

de Rothschild ; 5° Léopold de Cobourg ; 60 Félix Faure ; 7° le géné-

ral des Jésuites; 8° Alphonse XIII ; 9° le duc d'Orléans, et plusieurs

autres personnages, je pourrais leur dire et demander bien des

choses.

« Pour terminer, je tiens à vous prévenir que je ne suis pas plus

disposé à passer pour l'appelé D... que pour celui qu'on a appelé

et qu'on nomme Jésus-Christ, et je crie de tout coeur : Vive la

vérité et à bas les crapules ?

« Alphonse D...

« Arrière nelil-lils d'un homme qui ne s'appelait pas Il.... »

Les différentes démarches qu'il lit de divers côtés pour recher-

cher l'étymologie de son nom, et trouver sa généalogie, eurent

pour résultat de le faire interner (avril 189j). Son et(il actuel est le

suivant :

Bien que l'idée fixe primitive existe encore à la base du délire.

l'idée fixe. 103

celui-ci b'est considérablement étendu ; les idées de grandeur et de

persécution se sont accrues et développées ; les hallucinations ont

apparu.

Le doute, au sujet de son origine, existe encore, mais il ne peut

encore préciser de quel personnage il descend ; tantôt il signe :

Wilhelm de lioheuzollern; tantôt, Alphonse Capet de Bourbon, ou

bien, Emile Buonaparle. Etendant son délire dubitatif à tous ceux

qui l'entourent, il se pose des interrogations continuelles sur leur

identité, ne s'adressant à ceux qui l'approchent qu'en ces termes :

« L'appelé X..., ou la personne appelée X... » Cet état est entre-

tenu par des illusions de la vue qui lui font prendre, par exemple,

certains malades de son quartier pour sa mère; lui-même doute

de son sexe.

Les idées de persécution coexistent chez lui avec la mégaloma-

nie. Mais elles sont peu nettes et n'occupent guère que le second

plan. Les hallucinations, assez rares, existent depuis un certain

temps, et occupent la plupart des sens et la sensibilité générale.

On lui a ouvert la tête et accroché, à l'intérieur du crâne, une

clochette qu'il entend sonner à chaque mouvement. Voici com-

ment il raconte les différents troubles qu'il éprouve :

« Asile d'Armentières, 12 avril 1898.

« A la personne appelée Keraval,

« Quand je demeurais avec ma mère, à M..., j'ai entendu des

voix, et, ensuite, ayant réfléchi, j'ai été pris de frayeur ; c'est donc

en me tenant par la pensée que des gens que je ne connais pas

m'ont terrifié ainsi. De ces voix, l'une grave, me disait : « prends

autant d'hommes que Napoléon, » l'autre, voix de femme, s'écria :

« Au revoir Alphonse ! » J'en conclus que ma famille et moi,

sommes enserrés dans un filet à ne pouvoir en sortir, et cela par

des gens que je ne connais pas, et qui, malgré toutes les questions

que j'ai posées depuis que je suis à l'Asile, n'ont pas eu le courage

de se faire connaître.

« Maintenant si, avant de m'appeler Alphonse D... je portais un

autre nom, je veux le savoir; si, comme je l'ai eu dans l'idée, il

est possible que l'on donne une forme d'homme à un animal tel

que porc ou autre, et que je suis un produit de ce genre, recélant

en soi un objet quelconque tel que pierre, diamant ou clochette,

je veux qu'on me coupe la tête pour pouvoir prendre l'objet en

question, sinon je veux, à tout prix, savoir ce que l'on me veut,

en me mettant sous l'intluence de ce qu'on appelle des caloriques,

moulins et autres mécaniques endiablées, comme celle qui me fai-

sait penser que pour toutes les petites bêtises que j'avais commises,

j'allais être roué vif ou brûlé.

104 CLINIQUE MENTALE.

« Il faut vous dire que ce n'est que depuis que je suis dans l'asile

d'Armentières que je me suis aperçu que j'étais tenu par la pensée

et, comme je suis certain que ma pensée a changé de direction

depuis moins de cinq ans, je me demande pourquoi, et dans quel

but, moi qui avant l'année 1894, ne savais absolument rien concer-

nant ma filiation.

« Maintenant, je voudrais savoir pourquoi, depuis que je suis

ici, l'on m'a flanqué dans la tête, des idées que j'étais l'Etre

suprême.

« Il faut nécessairement que les gens qui inculquent ces idées-là

aux autres soient fous ou canailles.

« Comme je l'ai dit, je suis fatigué de tout cela et je veux à tout

prix savoir ce que l'on me veut.

« L'appelé : Alphonse D... »

L'observation suivante se rattache à celle des persécutés per-

sécuteurs mais sans dégénérescence mentale, ou tout au moins

elle peut être considérée comme intermédiaire au délire chro-

nique pur et au délire systématisé des dégénérés, M. WER-

NICKE auquel elle est empruntée la regarde comme un

exemple d'idée prévalente sexuelle aboutissant à la systéma-

lisalion.

Observation XVII. Délire des persécutés persécuteurs discret.

(WEHN1ChE in G1'll1 ! dl'iss, etc.)

Demoiselle de quarante ans, professeur de sciences dans une

école supérieure de filles, zélée, assidue, un peu surmenée dans sa

profession. Elle croit remarquer qu'un de ses collègues, céliba-

taire, avec lequel, durant des années, elle a entretenu commerce

d'amitié, nourrit des desseins sur elle. Ainsi, pendant qu'il enseigne,

il va souvent à la fenêtre de sa classe pour la voir, car de là il

peut la contempler dans sa classe à elle. Pendant ses heures de

liberté, il se tient fréquemment sur un palier par où elle doit

passer avec ses élèves pour se rendre à sa classe. Il la salue avec

une attention particulière, toutes sortes de rencontres accidentelles

la confirment dans son idée. Elle en est fort émue; elle passe des

heures de jour et de nuit il se demander comment elle doit agir, et

ce qu'elle doit faire pour que les élèves et le personnel ne s'en

aperçoivent point. Elle se surveille donc, combine toute espèce

d'expédients alin d'éviter des rencontres, arrive à ne plus le saluer.

Elle croit bientôt remarquer que les élèves s'en sont aperçues,

surprend des remarques ayant rapport à cela, et perçoit peut-être

quelques voix isolées qui disent : « Comme il parait chagrin ! »

Des collègues qui ne la voyaient guère auparavant la visitent à

présent plus souvent, et parlent bien fréquemment (c'est surpre-

l'idée fixe. 105

nant ! ) du jeune homme; les bonnes amies s'éloignent d'elle et

paraissent désapprouver 'sa relation. Le directeur lui-même s'en

mêle : il cause pendant les heures de loisir avec le professeur en

question et le retient éloigné d'elle à un tout autre endroit que

celui qu'il avait coutume d'occuper jadis. Quelque temps après le

professeur quitte l'école et s'en va à l'étranger. Pendant la visite

qu'il lui a faile pour prendre congé avant son départ, il s'est mon-

tré extrêmement troublé, il a confondu les couleurs, il lui a lancé

un long regard qui signifiait qu'il savait très bien ce qui se passait

en elle et qu'il répondait à son penchant. Quand il a été parti, elle

a été en butte à des pointes d'ironie, à des malices, à des plaintes,

à des attentions déplacées : ses rapports avec lui étaient évidem-

ment connus, car toutes les fois qu'il était question du professeur

parti, elle sentait des insinuations. Le directeur a dû en avoir fait

l'objet d'une allusion pendant une conférence, car elle l'a compris

à la mine des assistants un jour qu'elle y est venue. Telle est l'his-

toire des deux dernières années.

Ne recevant pas de nouvelles directes du fugitif, elle s'est mise à

douter qu'il fût un homme d'honneur. Elle a dû reconnaître que

sa manière d'être vis-à-vis de lui a pu le détacher; mais elle s'est

dit que lui, en homme loyal, eût dû s'expliquer. Pénétrée et outrée

du sacrifice qu'elle avait, par son attitude, fait à la discipline de

l'école, elle fait au directeur, dont elle n'a pas oublié l'intervention

indélicate, une scène violente; on lui impose un congé de six mois,

en lui conseillant de s'adresser à une maison de santé. Le direc-

teur de la maison de santé qu'elle fréquente constate alors un délire

de grandeur et de persécution et la croit incurable. M. Wernicke la

voit, trois ans après le début de sa maladie, dans une famille amie

dont elle était l'hôtesse et où elle se rendait utile en instruisant

les enfants.

Comme elle ne présente aucune anomalie, il atténue la sentence

précédente. Cette demoiselle, bien élevée, affinée, déclare carré-

ment qu'elle avait bien le droit de se conduire comme elle l'a fait

vis-à-vis du jeune homme et de l'école. Elle demeure persuadée

que le jeune homme a eu le dessein de lui faire une proposition de

mariage, et il ne lui a jamais dit un mot qui pût être interprété

différemment. S'il ne s'est pas franchement expliqué, c'est à cause

des intrigues et des interventions indélicates du directeur et de

tout le personnel enseignant; s'il ne s'est pas ouvertement déclaré

c'est pour ces motifs-la.

En vain M. Wernicke lui donne-t-il l'assurance que ce sont pures

suppositions de sa part, suppositions tenant à une idée préconçue

maladive, à une illusion. Elle ne le croit pas, mais se laisse con-

duire dans une maison de santé, où, d'ailleurs, elle ne reste que

quelques semaines. Maintenant deux autres années se sont écou-

lées et elle exerce sa profession dans une école particulière où elle

106 CLINIQUE mentale.

plait par son activité et sa diligence. Elle a cependant complète-

ment rompu avec tous ses parents qu'elle accuse en partie de ce

qu'elle ait été frustrée du bonheur de sa vie. Des conceptions

délirantes d'explications et des adultérations des souvenirs, sont

devenues les pierres angulaires d'un système organisé.

Les réflexions de 111. ,,\VERNICIOE ne sont pas moins intéres-

santes. 11 dit que, si au lieu d'une demoiselle bien élevée,

prude, pleine d'un tact exquis, on avait eu affaire à une per-

sonne tranchante, brutale, elle eût formulé des revendications

énergiques, et fût devenue une persécutée persécutrice.

Pour le professeur de Breslau, la pluralité des cas analo-

gues doivent être rapportés à des idées prévaleules, fixes,

quelconques. Si le fonds particulier du système demeure

caché aux observateurs, c'est à raison des préjugés de ces

derniers.

Chez cette demoiselle, il n'y avait pas de terrain psychopa-

thique sur lequel pût fleurir l'idée prévalente. Il faut accuser

l'époque critique, le surmenage mental, un mode d'existence

peu confortable ; telles ont été les causes de l'idée prédomi-

nante sexuelle. Nous terminerons par deux observations

dans lesquelles les hallucinations ont joué bientôt un rôle

indéniable.

Observation XVJII (Personnelle). Idée fixe développée avec des

troubles hallucinatoires, servant de base à un délire systématisé

chronique.

D.... Pierre, quarante-six ans, chef d'atelier.

Rien à signaler dans les antécédents héréditaires. Dans ses anté-

cédents personnels, il faut noter : une fièvre typhoïde à l'âge de

quatorze ans. De plus une de ses filles est idiote. L'origine de son

délire doit être cherchée dans une idée fixe qui s'est développée de

la manière suivante :

Il était bien portant et parfaitement heureux lorsque, son beau-

frère étant venu habiter chez lui, il devint soucieux et inquiet.

A plusieurs reprises, il remarqua certaines particularités qui éveil-

lèrent son attention et sa jalousie. L'idée germa dans son esprit

que sa femme avait des relations incestueuses avec son frère. Ceci

se passait en 1892.

Une phrase sans importance prononcée par ce dernier au cours

d'une conversation légère, le confirma dans ses soupçons. EII réllé-

chissant et en rappelant à lui ses souvenirs, il se remit en mémoire

certains faits qui avaient passé inaperçus et qui lui apparurent il

présent comme significatifs. Dès lors, il employa tous les moyens

l'idée fixe. 107

pour lui faire avouer sa faute. Il exerça une surveillance étroite de

tous les instants : le jour, quittant plusieurs fois son travail pour

rentrer chez lui à l'improviste, dans le but de les surprendre, la

nuit, ne dormant pas, toujours aux aguets.

Cette tension continuelle de l'esprit vers le même objet ne tarda

pas à éveiller les hallucinations de l'ouïe qui vinrent transformer

en certitude les soupçons de D....

Il déserta le lit conjugal et, à travers la cloison, entendait les

soupirs de volupté des deux coupables. Il se précipitait alors pour

les surprendre, mais ne trouvait jamais rien d'anormal. Il entendit

aussi des voix qui l'insultaient et parlaient de lui, principalement

celle de sa femme qui se moquait de lui, l'appelant cocu. Il alla

trouver le commissaire de police pour porter plainte et écrivit au

procureur de la République. Ne recevant aucune réponse, il accusa

sa femme de l'avoir interceptée. On l'interna en 1893.

Actuellement : Son idée fixe avec ses caractères érotique et

jaloux se retrouve dans son délire, mais les idées de persécution

dominent la scène. Sa femme le harcèle et le poursuit sans lui

laisser aucun repos. Elle s'est attiré la complicité de l'ingénieur en

chef de l'atelier pour le maintenir enfermé et se débarrasser de lui.

Son délire, on le voit, s'est étendu en même temps que les trou-

bles sensoriels ont envahi les autres organes des sens et la sensi-

bilité générale. Sa femme et ses complices actionnent une machine

électrique qui marche continuellement et de plus en plus fort,

paralysant ses organes et ses sens, le brûlant, le congestionnant,

provoquant la toux, le rire, des démangeaisons, etc. On lui fait

respirer de mauvaises odeurs, on lui donne des érections. Cette

machine, qui fonctionne depuis avril 1894, communique avec lui par

des fils invisibles. Il en fait la description dans des schémas qu'il

distribue aux médecins de l'établissement pour leur expliquer ses

souffrances. Il raconte tout ce qu'il endure, dans de nombreuses

lettres, où il se plaint amèrement des tortures qu'on lui fait

subir :

« D..., Pierre, ancien élève du collège de Saint-Malo.

ancien élève de l'école nationale d'Arts

et Métiers d'Angers, .

ous-clef d'atelier au matériel roulant

du chemin de fer du Nord,

« .l Monsieur le Procureur de la République,

« J'ai l'honneur de vous informer qu'Elvire P..., ma femme, est

coupable d'excitation de mineurs à la débauche (adultère avec des

petits garçons). Elle a des complices.

« J'aurais honte de vous mentir. Ce n'est point une exagération,

mes souffrances sont intolérables. '

108 CLINIQUE MENTALE.

« La machine fait craquer mes os, brider ma chair, se tordre et

se briser mes muscles et mes nerfs.

« Je suis assassiné, martyrisé, le jour par Elvire P..., la nuit

par ses complices. Elvire P..., qui fait des bâtards dans l'asile

(pour ses couches, elle s'alite), habite avec un interne dans le bâti-

ment d'administration. Les dimanches et fêles, je suis assassiné

par celui avec qui elle loge. Elle m'a déshonoré, elle a détruit la

dignité du foyer domestique, l'amour conjugal, l'amour filial et

l'amour maternel.

« Je suis né sur l'Ida, dans la neige éternelle,

« Son âpre souille, en mes larges poumons

" A versé l'air salubre et la sève des monts,

« La liberté, l'horreur de l'infidèle,

« Et pour l'immense azur, l'amour de 1'liiioiidelle.

« 11 est inadmissible que je reste dans la situation qui m'est

faite. Il y a plus de deux ans que je n'ai dormi, il y a quarante-

six mois que je n'ai mangé. 11 y a vingt et un mois que je vis avec

des gens qui n'ont plus rien de naturel, vingt et un mois que je suis

en butte à une persécution de la part des gens que je connais, sans

compter ceux que je ne connais pas. Aussi, mon existence est

devenue intolérable.

« Jamais je n'ai si bien compris la fausse position dans laquelle

se trouve un malheureux cerf assailli par une meute : c'est après

moi qu'on sonne l'hallali !

« Mon royaume n'est pas de ce monde.

« J'ai pour l'immense azur l'amour de l'hirondelle.

« Je suis saoul d'électricité, saoul d'entendre parler, saoul de

voir des singeries. Je suis devenu sourd de l'oreille droite. J'ai la

jambe gauche pleine de varices I

a Attention que la bande de crapules qui me torturent ne se

torchent pas avec mes lettres.

a Pierre D... Coucou. 'J

C'est Lien un délire de persécution avec son cortège d'hal-

lucinations multiples qui a succédé à l'idée fixe première. La

période de transformation de la personnalité n'est encore

qu'ébauchée, et ne se traduit que par quelques idées d'or-

gueil, perdues au milieu des idées de persécution.

Observation XIX (Personnelle). Idée fixe par interprétations

. délirantes. Hallucinations consécutives. Délire chronique.

M.... Georges, quarante ans, comptable.

A noter pour tout antécédent : une fièvre typhoïde à l'âge de

huit ans. 0

l'idée fixe. )OH

Le malade a puisé dans des chagrins domestiques peut-être,

d'ailleurs également imaginaires, l'origine de ses malaises. S'étant

aperçu en 1894, que sa femme entretenait des relations intimes

avec le frère de son patron, il quitta la maison où il travaillait à la

suite d'une scène de violence provoquée par ses soupçons. Puis,

comme il ne pouvait, à la suite de ce qui s'était passé, vivre en

bonne harmonie avec sa femme, il l'autorisa à se retirer dans sa

famille jusqu'après ses couches, ignorant qu'il existait aussi des

relations entre elle et son oncle.

Il la revit quatre mois plus tard sur son lit de mort à la suite de

ses couches. Une pièce qne sa femme croyait avoir près d'elle, et

qu'elle voulait lui remettre, avait disparu. Ce pouvait être un testa-

ment annulant celui de son oncle deux ou trois jours auparavant,

alors qu'il était encore à Paris. Le soir, elle mourait ayant auprès

d'elle sa famille qui s'était emparée de tout ce qui se trouvait chez

lui, argent, papiers, clefs.

Ne pouvant, dans la situation où il se trouvait, conserver son

enfant près de lui, il se décida, malgré les inquiétudes qui l'assail-

laient déjà, à le confier à une garde. Le lendemain du jour où il

l'avait apporté, il s'aperçut qu'on avait changé l'enfant ( ? ). Ce fut

pour lui un trait de lumière; tout s'expliquait, les manoeuvres de

la famille de sa femme et la substitution de l'enfant : le but était

de s'emparer d'une somme de 100.000 francs provenant du gain

d'obligations ( ? ) qui se trouvaient dans ce que sa femme lui avait

apporté en mariage ( ? ).

Voilà donc un homme d'abord simplement défiant et ombra-

geux, arrivant par une série d'interprétations délirantes à Vidée

fixe qu'on lui a changé son enfant dans le but de s'emparer de sa

fortune. -

Il commence dès lors à agir dans le sens de son idée et à com-

mettre des actes marqués au sceau de la folie et qui vont rapide-

ment amener son internement. 11 demande une enquête au

Procureur de la République, enquête qui, naturellement, ne donne

aucun résultat. Pour vivre, il se met à travailler à droite et à

gauche, mais déjà on le tracassait, on l'empêchait de gagner sa vie.

Les hallucinations de l'ouïe apparurent rapidement; on répon-

dait à sa pensée, on l'injuriait, on indisposait tout le monde contie e

lui.

On l'interna en 189.

Dans des rapports soigneusements rédigés et adressés à la Justice,

il expose ses griefs et réclame justice.

On a indignement abusé de sa confiance; on a fait ses affaires

en son lieu et place sans qu'il lui soit seulement possible d'en

avoir connaissance. Son avoué lui a extorqué sa signature et son

pouvoir et c'est muni de ce pouvoir qu'il a accaparé toutes ses

affaires.

110 CLINIQUE MENTALE.

Son état actuel est celui du délire de persécution à son complet

développement.

Il se joue autour de lui une comédie qui n'est qu'un odieux

chantage. Tous ceux qui l'entourent sont payés par la famille de sa

femme pour le faire disparaître, dans la crainte qu'il ne réclame

contre eux.

Ses persécuteurs ne lui épargnent aucune souffrance ; on « le fait

mourir à petit feu ».

Les hallucinations de l'ouïe ont augmenté de fréquence et le

trouble a gagné les autres sens et aussi la sensibilité générale.

Il est continuellement sous l'influence de l'hypnotisme, et c'est

de cette façon qu'on est arrivé à se rendre maître de lui; on lui

fait prendre du mercure, de la créosote, de l'arsenic, un tas de

drogues et de poisons dans les aliments. La nuit, il ne peut

dormir; on le viole, on le peigne, on lui provoque des fistules et

des hernies.

Le délire ambitieux occupe le second plan et est encore bien

effacé; il se borne à l'idée qu'on l'a voulu déposséder d'une somme

de 100.000 francs, patrimoine de sa femme, du moins le suppose-t-il,

car il ne fournit pas plus de preuves de cela que de la trahison de

sa femme et de la substitution d'enfant dont il parle; ses argu-

ments sont faibles.

1)0 Idée fixe dans l'hystérie. L'idée fixe dans l'hystérie

se confond avec l'étude des idées conscientes et subcons-

cientes circonscrites. C'est ce qu'a développé magistralement

P. JANET' dans ses recherches expérimentales, relatives « non

pas uniquement 11 des idées obsédantes d'ordre intellectuel,

mais à des états émotifs persistants, à des états de la per-

sonnalité qui restent immuables, en un mot à des états psy-

chologiques, qui, une fois constitués, persistent indéfini-

ment et ne se modifient plus suffisamment pour s'adapter aux

conditions variables du milieu environnant ». Tel est ce. que

M. JANET appelle l'idée fixe dans un sens fort large. C'est

également ce qu'on trouvera dans les travaux de G. Ballet - 2

et SOUQUES'. 3.

L'idée fixe s'y traduit le plus souvent par un symptôme

physique dont la nature est en rapport avec son objet.

Elle peut donner naissance, en passant de l'idée fixe pri-

mitive consciente à l'état d'idée fixe subconsciente, àdessymp-

1 Xévroses et idées fixes, t. I, Paris, 1898.

, Aúasiespal' oúsessionsel idées (i,1'e ? (Semail/e mérlicale, janvier 1898.)

3 Archives de 1\'1 ? I'oloflil', 189.'i.

ARRÊT DE DÉVELOPPEMENT DE L'IIUMÉRUS GAUCHE. 'I'I'l

tomes en apparence différents, tels que sommeil, somnambu-

lisme, insomnie, mais au fond des plus connexes. Le sommeil

sous forme de crise est une rêverie absorbante qui supprime

la perception des autres phénomènes et se rapproche beaucoup

des somnambulismes; on constate entre eux toutes les transi-

tions et on peut voir le même sujet passer de l'un à l'autre.

L'insomnie n'est qu'un phénomène secondaire, la conclu-

sion d'un rêve terrifiant qui, par les émotions et les mouve-

ments qu'il détermine, amène le réveil. Le fait essentiel est

le rêve et son développement exagéré. D'ailleurs en certains

cas les trois phénomènes se présentent chez le même sujet il

propos de la même idée fixe (P. JANET). 1

Peut-être ces recherches éclaireront-elles un jour les phé-

nomènes complexes de l'aliénation mentale proprement dite.

C'est encore un terrain à part.

RECUEIL DE FAITS

ARRÊT DE DÉVELOPPEMENT DE L'HUMERUS GAUCHE

DANS UN CAS D'HÉMIPLÉGIE CÉRÉBRALE INFANTILE ;

Par M. R wnon BEIINARD,

\Iéecin-major de =° classe, répétiteur à l'École du semée de santé militaire.

Chen... (Baptiste-Lucien) soldat de 2e classe au 97e régiment

d'infanterie entre à l'hôpital Desgenettes le 15 mars 1898, pour une

atrophie du hras gauche. Il est envoyé de Montmélian pour être

soumis à une observation complète et présenté, s'il y a lieu, à la

commission de réforme. La difformité date de l'enfance, elle est

très apparente ; mais la musculature du sujet étant vigoureuse, la

gêne fonctionnelle n'est pas très considérable.

Antécédents. Chen... est né à Artos (Isère) le 3 décembre 1876,

dans une famille robuste. D'après lui, son père est rhumatisant

sa grand'mère paternelle était rhumatisante, son grand-père

paternel est mort jeune par accident. Sa mère est très nerveuse,

elle a eu des attaques de nerfs, elle a une sorte de paralysie du

bras gauche accompagnée de troubles de la sensibilité : ce bras

'11 Z RECUEIL DE FAITS.

est faible et la main est maladroite, elle tient mal les objets et les

laisse échapper facilement. Il n'a pas de renseignements sur ses

grands-parents du côté maternel. Il a eu deux fières : l'un

plus âgé que lui est mort à six mois dans des convulsions, l'autre

plus jeune est bien constitué, on ne lui connaît d'autre infirmité

qu'une hernie apparue peu après sa naissance. Une SOEUI' qui

est vivante et bien portante.

Lui-même était bien conformé quand il est né. Sa mère avait eu

une frayeur pendant sa grossesse, mais il était arrivé à terme, et

ses deux bras sont restés égaux jusqu'à l'âge de dix-huit mois.

A cette époque, il a eu une maladie grave, des convulsions qui

ont laissé après elles une paralysie incomplète du côté gauche.

Chen... nous a montré une photographie où il se trouve repré-

senté il douze ans avec ses camarades de classe : il est au moins

aussi développé qu'eux, mais sa figure est déjà un peu asymé-

trique, la fente palpébrale gauche est un peu plus ouverte, et la

commissure labiale tombe un peu de ce côté.

En 1896, Chen.. a souffert d'une « fluxion de poitrine ». Des

convulsions se sont produites à cette occasion et la convalescence

a été longue, pénible, surtout à cause de maux de tête très persis-

'tantes : ces maux de tête sont fréquents chez Chen..., ils s'ajoutent à

toutes ses indispositions, à toutes ses fatigues il suffirait même de

quelques mouvements brusques (sauts par exemple) pour les rap-

peler : c'est le côté droit de la tête qui est le plus endolori.

Le 1 ? janvier 1898, Chen... étant en permission a été pris de

' La mère de Clien ? a bien voulu répondre par les renseignements

suivants aux questions qui lui ont été adressées pour préciser ce point

des antécédents de son fils. Au septième mois de sa grossesse, elle a été

serrée par un boeuf contre un mur et elle a eu grand'peur : elle a souf-

fert beaucoup du reste et a fait appeler le médecin par peur d'un avorte-

ment. Cependant l'accouchement s'est fait à terme et sans aucune

complication, quoique un peu long. Depuis l'accident elle est restée

souffrante. L'enfant était bien conformé à la naissance, on n'a constaté

aucune anomalie, aucune douleur, dans le membre supérieur gauche

jusqu'à la maladie convulsive indiquée par Chen... Ces convulsions rai-

dissaient tous le corps de l'enfant, surtout le côté gauche, et dans le

côté gauche surtout le bras. Pendant la convalescence il y avait de la

raideur de ce côté. On a remarqué tout de fuite qu'il était plus faible

que l'autre. L'enfant «grognait lorsqu'on voulait lui faire ployer le bras

pour l'habiller et lorsqu'on serrait un peu le côté gauche ». Deux mois

après (à vingt mois) on s'apercevait déjà que le bras gauche était plus

court que le droit. Ce membre est resté raule plus longtemps que les

autres membres, et moins actif dans ses mouvements. La jambe était

tordue jusqu'à l'âge de cinq ans, elle ne marchait pas, elle s'accrochait

il l'autre, « depuis l'âge de cinq ans elle est toujours allée en se redres-

sant insensiblement. » Il n'y a ni syphilis ni alcoolisme chez les

ascendants.

ARRÊT DE DÉVELOPPEMENT DE L'HUMÉRUS GAUCHE. 113

fièvre avec céphalalgie violente, courbature, anorexie, diarrhée,

épistaxis. Le médecin appelé parla de lièvre muqueuse ; mais il

délivra plus tard au malade un certificat constatant une ménin-

gite et établissant une relation entre les phénomènes cérébraux

actuels et l'impotence du bras gauche ( ? ) Chen... rentre mal remis

à Montmélian, se rétablit tout à fait à l'hôpital et arrive à Lyon en

bonne santé.

Etat actuel. C'est un garçon vigoureux et bien conformé pour

sa taille (1 m. ûi) ni amaigri, ni anémié : son teint est frais, ses

joues sont un peu creuses par suite plutôt d'une conformation

naturelle que d'une nutrition insuffisante. Toutes les fonctions

physiologiques s'exercent normalement et Chen... ne se dit pas

malade, mais seulement gêné par l'infirmité de son bras gauche.

L'inégalité de¡; deux bras est manifeste (voir les photographies),

le déficit du côté gauche est de 55 millimètres d'après les mensu-

rations faites il diverses reprises.

114

RECUEIL DE FAITS.

par l'intégrité des masses musculaires et par l'apparence tout il

l'ait normale de leur disposition anatomique. Les circonférences

ues deux bras sont du reste à

peu près égales.

Ces différences ne devien-

nent sensibles que si l'on

étudie en détail les divers

muscles et si l'on analyse leurs

mouvements.

Musculature. - Les mu=cles

du cou paraissent normaux.

Les sterno-mastoïdiens sont

égaux ; le trapèze gauche est

plus volumineux, son bord

supérieur est plus dur et plus

épais. Le grand pectoral au

contraire est plus épais et plus

résistant à droite; il en est

de même du grand dorsal

jugé par le volume de son bord

antérieur-et du rhomboïde :

il n'est pas possible d'apprécier

le volume de l'angulaire. Les

digitations du grand dentelé

sont visibles des deux côtés;

mais elles sont plus grêles et

plus molles du côté gauche.

Deltoïde. Pris à pleines mains

ce muscle ne paraît pas diffé-

l'ent à gauche de ce qu'il est

il droite : cependant la masse

des faisceaux musculaires est

moins épaisse à gauche, la dé-

pression sous-acromiale est

moins couverte, plus accessible

et cependant la silhouette du

moignon de l'épaule dessine

la même courbe : les deux pro-

fils sont superposables. C'est

que les couches superficielles

sont un peu plus flasques et

plus épaisses aussi à gauche.

11 est plus facile de plisser la

peau de ce côté et le pli est plus gros. Les fosses sus et sous-épi-

neuses sont plus apparentes à gauche, les muscles correspondants

sont moins volumineux et moins résistants.

IW fj. 1.

ARRÊT DE DÉVELOPPEMENT DE L'HUMÉRUS GAUCHE. 118

Biceps. La longue portion est plus grêle et plus molle à

gauche. La courte portion au contraire et le coraco-bracbial ont

plus d'epalsseur et de fermeté :

sur ce point, l'asymétrie des

deux bras est plus marquée.

Le triceps brachial gauche est

plus mince et moins résistant

que le droit. A l'avant-bras, les

différences d'un côté à l'autre

ne sont pas appréciables.

Toutes ces petites inégalités

se totalisent en une différence

d'aspect plus facile à constater

qu'à expliquer par des mensu-

rations précises. Les formes

dans leur ensemble sont plus

nettement masculines à droite,

à gauche elles tendent au fémi-

nismc.

Molilité. - Ces défectuosités

de la musculature ont pour

conséquence un affaiblisse-

ment relatif dont le malade

a le sentiment très net et dont

l'exploration au dynamomètre

donne la mesure approxima-

tive :

116

RECUEIL DE FAITS.

surtout quand la position est maintenue longtemps, met en

évidence l'inégal développement des muscles de l'épaule. Le

deltoïde a des faisceaux plus courts 'du côté gauche, et de ce

côté le faisceau antérieur est plus fort tandis que les faisceaux

moyen et postérieur sont plus grêles. Le triceps brachial est

vigoureusement contracté à droite, il l'est faiblement à gauche,

de ce coté aussi la brièveté de la masse musculaire est évidente ;

au contraire la longueur de la portion tendineuse du muscle est

égale à droite et à gauche. Dans ce mouvement on constate

encore que les muscles de l'avant-bras font un relief plus accusé

à droite. Chen... a beaucoup de peine à maintenir son membre

supérieur gauche dans cette position, il le laisse retomber peu à

l'iy. 3.

ARRÊT DE DÉVELOPPEMENT DE L'HUMÉRUS GAUCHE. 11 7

peu malgré ses efforts, et un tremblement léger apparaît. En

même temps l'aisselle gauche se baigne de sueur tandis que

l'aisselle droite est à peine moite. ij'ct)M)H du bras en abduc-

tion reste incomplète à gauche, il eu est de même de l'élé-

vation du bras au-dessus de la tète, malgré une forte contrac-

tion compensatrice du trapèze et un mouvement de bascule de

l'omoplate. Le mouvement de moulinet est complet à droite; à

gauche malgré une forte inclinaison du tronc vers le côté opposé,

le cône décrit par le bras reste orienté en avant, en dehors et un

peu en bas. La flexion de l'avant-bras sur le bras accentue l'asy-

métrie des biceps. A gauche le ventre de ce muscle parait déjeté en

dedans comme si, la longue portion étant inerte, tout l'effort por-

FifJ.4.

118 RECUEIL DE FAITS.

tait sur la courte portion et le coraco-brachial : le tendon bicipital

et son expansion sont plus forts à droite. La corde du long supi-

nateur est mieux tendue à droite.-La pronation et la supination

s'effectuent avec une égale facilité des deux côtés, mais on l'arrête

plus facilement à gauche. Il en est de même pour la flexion et

l'extension des poignets. -

Les mouvements du tronc, du bassin, des membres inférieurs

ne diffèrent pas d'un côté à l'autre. La marche se fait sans

aucune irrégularité.

L'asymétrie reparait dans le détail des mouvements de la face.

La fente palpébrale gauche paraît un peu plus longue et un peu

plus fermée, la pupille gauche au contraire est plus dilatée. Chen...

ne ferme pas facilement les yeux isolés mais il a moins de diffi-

culté à fermer le gauche- Ses élévateurs de l'aile du nez et de la

lèvre supérieure sont plus faibles que leurs congénères de droite :

cela se voit surtout dans le sourire et l'expression du mépris. La

langue n'est pas déviée au repos, ses mouvements sont normaux.

La luette est un peu déviée à droite.

Les mouvements réflexes peuvent être considérés comme nor-

maux des~deux côtés, bien qu'ils semblent relativement affaiblis à

gauche : l'examen a porté sur les réflexes plantaire, abdominal,

crémastérien, rotulien, calcanéen, olécrânien.

Mouvements involontaires. Il n'y a jamais eu chez Chen... de

mouvements athétosiques ou choréiques, mais il lui arrive souvent

quand il est immobile, de sentir de petits mouvements involon-

taires dans l'épaule gauche et dans le bras, jamais ailleurs. 11 s'agit t

de contractions fasciculaires qu'il est facile d'apercevoir quand on

fait rester le malade au repos. Chen... dit encore qu'il éprouve

parfois un léger tremblement dans le côté gauche, mais quelque-

fois aussi à droite.

La sensibilité est normale dans tous ses modes. L'acuité visuelle

et auditive est normale et égale des deux côtés : il n'y a pas de

rétrécissement du champ visuel.

Les troubles trophiques sont peu nombreux. L'humérus gauche

si raccourci est plus mince que l'humérus droit au moins dans la

partie diaphysaire. Cela est sensible à la simple palpation, et la

radioscopie montre bien qu'il ne s'agit pas d'une apparence. Les

extrémités de l'os au contraire sont normales; la tête de l'humérus

a le même volume des deux côtés. De plus il y a il gauche une

lésion ccrliculairs : dans les mouvements passifs de l'épaule on

constate déjà une résistance qui doit intervenir aussi pour une

part dans la limitation des mouvemenls actifs, quand ces mouve-

ments quels qu'ils soient sont un peu forcés. Chen... se plaint d'un

tiraillement douloureux dans la jointure; c'est une douleur qu'il

a toujours éprouvée depuis son enfance, il la ressent mieux depuis'

que, par son incorporation, il est obligé à des exercices actifs. Cette

ARRÊT DE DÉVELOPPEMENT DE L'HUMÉRUS GAUCHE. 119

ankylose incomplète de l'épaule est très apparente sur les radio-

graphies.

La gracilité de certains groupes de muscles a été signalée déjà.

Il s'agit plutôt d'un développement incomplet que d'une atrophie

car les réactions électriques sont les mêmes à gauche et à droite

pour l'excitation faradique : l'excitabilité galvanique des muscles

n'a pas été étudiée.

L'arrêt de développement porte aussi sur le système vasculaire,

l'artère radiale est plus fine à gauche, le pouls plus faible. Les réac-

tions vaso-motrices sont plus faciles de ce côté : le frottement de

la peau fait apparaître une raie rouge persistante ; l'aisselle est

constamment baignée de sueur à gauche, même au repos, tandis

que l'aisselle droite reste sèche. 11 n'y a pas de différence de tem-

pérature entre les deux côtés.

Chen... porte peu de stigmates de dégénérescence. Les oreilles, le

crâne, la bouche (dents, palais) sont bien conformés, les mains

aussi, il n'a pas d'oligodactylie cubitale, mais l'axe des deux der-

niers doigts décrit une légère concavité qui s'oppose à une conca-

vité des deux premiers. Cette faible anomalie est un peu plus appa-

rente à la main droite.

Les testicules sont bien conformés. Le testicule gauche est plus

petit, moins déclive ; il remonte souvent vers l'anneau inguinal.

I.e prépuce n'est pas long, le méat est largement ouvert par un

hypospadias qui s'arrête au niveau du sillon balano-prépucial. Le

système pileux est bien développé, il n'y a rien d'anormal sur la

peau : quelques noevi pigmentaires très clairsemés. Le fonctionne-

ment des appareils digestifs, circulatoire, urinaire, etc... est tout

il fait régulier.

Chen... sait lire et écrire, sa mémoire est assez fidèle; mais son

esprit n'est pas très vif et il n'a pas beaucoup de goût pour le tra-

vail intellectuel. La lecture, dit-il, le fatigue, elle aggrave des ver-

ti'ges et des défaillances auxquels il est sujet, et augmente un mal

de tête qui se cantonne avec ténacité dans la région pariétale

droite et qui résille à des doses répétées d'antipyrine. Chen... s'est

plaint souvent de cette céphalée.

Chen... a été réformé le 2S mai 1898.

Il s'agit en résumé d'un homme qui, des suites d'une affec-

tion nerveuse aiguë de l'enfance, a gardé une amyotrophie

hémilatérale gauche diffuse, à peine appréciable. Son humé-

rus gauche, au contraire, a subi un arrêt manifeste dans son

développement.

Ainsi présenté, le fait trouve une explication facile. Cepen-

dant le diagnostic a présenté quelques difficultés. Chen... a

été présenté à la Société de médecine de Lyon, devant la-

120 0 RECUEIL DE FAITS.

quelle, faute des renseignements précis fournis depuis par

la mère, il a fallu discuter certaines hypothèses.

Chen... affirmait, d'une manière très catégorique, que son

infirmité lui venait d'une maladie et non d'un accident ; il

n'y avait donc pas à s'arrêter à l'idée d'une fracture ou d'un

décollement épiphysaire. Ce dernier traumatisme entraîne

pourtant assez souvent une difformité toute pareille à celle

de Chen... On en peut voir des exemples décrits et figurés

dans un travail récent de P.-S. de Magalheies ' et dans les

mémoires plus anciens de Vogt", Bruns3, Jetter4, etc... L'hy-

pothèse de troubles trophiques consécutifs à une lésion arti-

culaire était plausible, puisque l'examen direct de l'épaule et

la radiographie s'accordaient à prouver l'existence d'une an-

kylose depuis longtemps douloureuse. La diffusion des trou-

bles constatés et surtout l'histoire de la phase aiguë et infan-

tile de l'affection ne vont pas avec une arthrite primitive.

Pour les mêmes raisons, on ne pouvait admettre une malfor-

mation congénitale méconnue par les parents pendant les

premiers mois de l'existence de l'enfanta C'est certainement

une affection du système nerveux qu'il fallait rechercher à

l'origine de cette infirmité.

Une névrite peut arrêter le développement des régions

innervées par le nerf malade 1. A cet âge, en l'absence des

facteurs étiologiqucs habituels, avec cette diffusion hémila-

térale des altérations, c'est une hypothèse peu acceptable.

Les deux maladies susceptibles d'expliquer le fait actuel

sont : la paralysie infantile et l'hémiplégie cérébrale infan-

' P.-S. de Magalheies. Un cas de raccourcissement considérable du

bras du côté gauche dû il un arrêt de croissance de l'humél'us COi 'l'es-

pondant (Revue de chirurgie, 1898, p. 412).

2 P. Vogt. Die traumalisclie 1,71)il)hyseiili-eiîiiiirl 2111tl cleueiz Eiiifliiss

auf"das Liingei ! U'achsthum ciel' ¡¡Ùlu'enknochel/ {Arch. de Lanf/enbeck, ISi8,

Bd. \lll, p. 3F3).

3 P. Bruns. Ueber traumalisclie Epiphysentl'enl/unrl {Arcli. de /"an-

geitbeek, 1882, Bd. XX\'lI, p. 210).

' G. Jetter, cité par de Magalheies.

Il Il y aurait même des atrophies professionnelles de l'humérus !

Duparcque. 31éi) ? . sur l'inégalité professionnelle de longueur des membres

supérieurs considérée comme cause d'erreurs diagnostiques et pronos-

tiques [Gaz. hebd., 23 janvier 1863, p. 5b).

6 L. Jacquet et Napieralski. Névrite prolongée du membre inférieur

droit avec arrêt de développement et hyperoslose calcanéenne (Soc. mécl.

hôp., 20 mai 1898, p. W 0).

ARRET DE DÉVELOPPEMENT DE L'HUMÉRUS GAUCHE. 121 1

tile. C'est à la paralysie infantile que l'on pense d'abord :

les déformations qu'elle produit sont communes, le sque-

lette est ordinairement atteint, quelquefois même il est

atteint presque seul, l'intégrité des muscles étant relative-

ment respectée. La participation de la face dans les alté-

rations n'était pas un argument important contre elle,

puisque les muscles innervés par le facial sont intéressés

quelquefois dans la poliomyélite antérieure aiguë des enfants'. '.

Mais l'état actuel des muscles, moins atrophiés qu'arrêtés

dans leur accroissement, la conservation des réflexes, la

répartition rigoureusement unilatérale des lésions, devaient

inspirer des doutes, et d'autres considérations amenaient à

conclure en faveur d'une sclérose cérébrale. L'intelligence de

Chen... peut être considérée comme moyenne, suffisante; ce-

pendant ses conceptions sont un peu lentes, son attention se fixe

avec peine, il n'a aucune curiosité ; en un mot il ne pense pas

beaucoup. On peut encore invoquer en faveur d'une lésion

superficielle du cerveau la céphalalgie presque constante dont

le malade se plaint, les petits mouvements involontaires

qu'on remarque parfois dans les muscles de l'épaule gauche.

L'absence de phénomènes spasmodiques a embarrassé un

moment, mais les renseignements donnés par la mère ont

appris qu'ils avaient existé pendant toute l'enfance de Chen ?

Le diagnostic de sclérose cérébrale semble bien légitime.

Au- reste, l'observation actuelle n'est pas absolument iso-

lée. M. Féré 2 décrit chez les hémiplégiques infantiles des

arrêts de développement des os tout à fait identiques à celui-

ci. Dans les faits étudiés par lui, le trouble trophique est plus

marqué aux membres supérieurs qu'aux membres inférieurs :

mais il n'est pas aussi étroitement localisé que chez Chen...

à un segment du squelette. M. Féréa résumé dans un tableau

les chiffres recueillis dans ses mensurations. Chez les sujets

normaux, le rapport entre les longueurs du bras et de

l'avant-bras est de 72,3 à 100 en moyenne. Chez les hémi-

plégiques infantiles, l'écart minimum a été de 91,66 à '100.

t llé( : Jère. Un cas de paralysie spinale infantile avec participation du

nerf facial (Soc. uécl. lrJh., 2 mars 1898, p. 269).

2 Ch. Féré. Sole sur l'arrêt de développement des membres dans l'hé-

miplégie cérébrale infantile el sur ses analogies avec des malformations

réputées congénitales {liée, de mécl.. 1896, p. 115); Du même. Les pro-

portions relatives des os du bras chez les hémiplégiques infantiles et les

dégénérés (Soc. de biol" 1897, p. 0).

122 1) RECUEIL DE FAITS.

Dans le cas actuel, le rapport serait de 101,87 à 100. On

voit que l'écart est considérablement réduit, puisque la pro-

portion est renversée : l'avant-bras est plus long que le bras.

L'anomalie est donc très marquée. Mais ce qu'il y a de très

particulier chez Chen..., c'est que le rapport en question est

éloigné des limites habituelles, même du côté sain. A droite,

en effet, le rapport entre les longueurs respectives du bras et

de l'avant-bras est de 100 à 88,7 ; c'est le rapport indiqué

comme normal pour le foetus par M. Feré (d'après llamy).

Faut-il croire que Chen... était déjà un dégénéré avant d'être

un hémiplégique infantile ? 11 semble plus logique de suppo-

ser que la lésion cérébrale a retenti sur l'autre côté en frap-

pant le côté hémiplégie, el que seule elle est responsable de

cette double anomalie dans l'évolution des membres supé-

rieurs. Ne voit-on pas chez les hémiplégiques adultes la force

musculaire amoindrie même dans les membres indemnes ?

Il y a certainement une part à faire au cerveau dans les

arrêts du développement de ce genre; et il ne serait pas sans

intérêt de rapprocher de pareils faits les lésions cérébrales

observées dans certaines monstruosités'; mais une simple

observation clinique sans examen anatomique ne comporte

pas une pareille discussion.

EPILEPSIE : DEUX TREPANATIONS. PERSISTANCE DES ACCÈS ;

Par M. JdUIiUaV,

iiiieiiie à l'asile S..lII1LPjcl'I'C (l<U'scillc).

Uucul..., vingt-trois ans, verrier, est entré le 22 septembre lScJ7

à l'Asile public d'aliénés de Saint-Pierre.

Antécédents héréditaires. - Père mort à cinquante ans, mère à

quarante-cinq ans. Trois frères et une soeur morts très jeunes.

Tuberculose du côté maternel. Pas d'épilepsie dans sa famille.

1 Troisier. Sole sur l'état de la moelle épillière dans un cils d'héllli-

JI/élie ztailhonaciqrte (.lrch. de llr ! /siol., IV, p. 72, 1871). - F. Dreyrolls,

Arrêt de développement des membres supérieurs. EC/l'Ut/ac ? ie. ,1/lél'll-

lion des méninges localisée à la région des centres moteurs (l'nogr. med.,

1878, p. 483). L. Edinger. /Uic/oel/I/Ull ? Ilild {;ehi"11 in eiiieiii Fuite voit

angebomem ilungel eines Yorderanns (AI'ch. f. poclleol. anal., LXXXIX,

p..i6, 188 ? ).

ÉPILEPSIE : DEUX TRÉPANATIONS. PERSISTANCE DES ACCÈS. 123

Antécédents personnels. - Variole à l'âge de cinq ans. A sept ans

et demi, premier accès. Un peu auparavant, il avait été très

effrayé par les gendarmes qui le poursuivaient parce qu'il prenait

du bois à la gare.

Au début, ces accès étaient peu nombreux, cinq à six par an.

Ils passaient inaperçus tant leur durée était courte (quelques

secondes). Il en a eu à l'école sans que l'instituteur s'en aperçoive,

car il ne tombait pas, restait assis sur son banc. A dix-sept ans,

il entre dans une verrerie. A partir de ce moment, les crises

deviennent de plus en plus fortes et de plus en plus nombreuses,

(trois ou quatre par jour). Il les sent venir : son caractère se

modifie, il est plein de mauvaises idées, dit-il, et surtout de l'idée

du suicide, il s'énerve ; il a des tremblements de tout le corps ;

c'est dans cet état qu'arrive l'accès. Lorsque celui-ci est terminé,

tout rentre dans l'ordre, D... redevient calme, il n'a plus de mau-

vaises idées. Il vit ainsi jusqu'à l'âge de vingt ans. A cette époque,

il se jette après un accès, par la fenêtre, s'écrase le nez, se fait

des contusions multiples ce qui l'oblige à entrer à l'hôpital de la

Conception. Pendant son séjour dans cet hôpital, il a de nouvelles

crises.

M. le De Poucel lui fait une trépanation de la partie supérieure

de l'occipital gauche (avril 18cl6). Après l'opération, l'état du

malade semble amélioré, il ne voit plus reparaitre les accès et se

croit complètement guéri. Six mois après l'opération, il est opéré

de nouveau du même côté (il est impossible de savoir quels ont

été les motifs de cette seconde opération; novembre 189tri). Quel-

ques jours après, les accès reviennent, mais avec moins d'intensité.

Il ne les sent plus venir, c'est-à-dire qu'il n'a plus, auparavant,

d'idées mauvaises (tentatives de suicide, d'homicide), ni d'énerve-

ment. Il sort de la Conception, sept mois après. Rentré chez lui,

les accès deviennent de plus en plus forts, s'accompagnent d'exci-

tation, ce qui l'engage à rentrer à la Conception où il reste quinze

jours et est amené ensuite à l'Asile (22 septembre 189 i). De ce

moment au 14 mars 1899, époque à laquelle il entre à l'infirmerie

où il est soumis au traitement par le trional, il a des accès nom-

breux avec agitation, environ 80 à 100 en un an.

Entré à l'infirmerie le 14 mars 1899, ce même jour à il heures

il a une crise qui n'a pas duré cinq minutes ; à 1 h. Si une autre

de dix minutes; à 3 h. 1/2 une troisième. Pendant la nuit du

14 au la, trois accès à 11 heures, 2 heures et 5 heures.

15 mars. Deux accès, l'un à 10 heures, l'autre à midi ; il a

senti venir le dernier, l'infirmier lui a donné immédiatement un

paquet de trional de 0,50, l'accès n'a duré que deux minutes. La

nuit a été tranquille. Depuis ce jour, les crises se sont succédé

à des intervalles plus ou moins réguliers, mais un fait à noter,

c'est qu'il n'y a plus d'agitation.

124 RECUEIL DE FAITS.

Etal actuel. Ce malade est plongé dans une prostration légère,

il parle peu, la face présente des cicatrices de la variole, le nez

est écrasé. Au niveau de l'occipital gauche se trouve une dépre,s-

sion de 8 à 10 centimètres de long sur 2 il 3 centimètres de hauteur.

A ce niveau, on perçoit les battements artériels; le cerveau est en

contact avec les téguments. Depuis quelques jours, ses crises

s'accompagnent de délire mystique; -il fait le mort, croit qu'il a

été crucifié et que des anges l'emportent vers Dieu.

Cette observation ne saurait être concluante sur les résul-

tats obtenus par le traitement de l'épilepsie par le trional.

La quantité donnée de ce médicament a été insuffisante et

irrégulièrement administrée. Peut-être pourrait-on attribuer

au trional la disparition de l'excitation qui accompagnait les

accès et qui n'a plus reparu depuis l'administration de ce

médicament. t.

Poursuivant notre enquête sur l'action thérapeutique de la

trépanation dans les maladies nerveuses, nous demandons

à nos collègues des asiles de bien vouloir nous communiquer

les cas de trépanation qu'ils ont dans leurs services et, dans

les visites des asiles que nous faisons de temps en temps,

nous demandons il voir les trépanés. C'est ainsi que, à l'asile

Saint-Pierre de Marseille, M. le ]Y Maunier nous a montré

le malade, sujet de l'observation qui précède et que son

interne, .11. Jourdan, a eu l'obligeance de nous transmettre.

Bien qu'elle offre quelques lacunes, elle n'en est pas moins

d'un réel intérêt. Il en ressort, point capital, que la trépana-

tion n'a pas guéri l'épilepsie. Il y a eu une rémission et,

comme dans cette opération, il y a toujours, malgré les pré-

cautions les plus minutieuses, un écoulement sanguin consi-

dérable, la rémission qui suit d'habitude mais non cons-

tamment l'opération, peut être, dans une certaine mesure

attribuée à cette perte de sang. Relevons la disparition de

l'aura psychique, l'action du trional, et signalons la nécessité :

1° de toujours relever très exactement le nombre des accès,

afin de bien juger l'action des traitements, médical et chirur-

gical ; 2° d'avoir une description des accès, ce qui n'est pas

toujours facile; 3° de faire, à l'occasion, une autopsie com-

plète de ces malades et de conserver la calotte crânienne pour

bien voir et décrire les lésions. Bourneville.

REVUE CRITIQUE.

1. Apuntes para el estudio estructural de la corteza visual del

cerebro humano (con b foto r.); par S. ltauov y Cual. (Reu.

Ibero-Americcoaa de cène. med., Marzo, 1S09. Madrid, 1899.)

Deux théories contraires dominent les conceptions actuelles de

la structure et des fonctions de l'écorce du télencéphale : celle des

uniciiles qui, avec Mèynert et l5LLIFiER, croient à l'unité structu-

rale et fonctionnelle de la cellule nerveuse et expliquent par les

connexions périphériques la diversité des propriétés des diverses

aires de l'écorce cérébrale ; celle des particularités qui, à l'instar

de muni, de FLEcHSic, de Nt ? SL, sans méconnaître l'importance

des connexions périphériques, c'est-à-dire de la structure des appa-

reils périphériques des sens, fait d'organisation et d'évolution

phylogénique d'où résulte tout ce qu'il y a de vrai dans la doc-

trine de la spécificité des sensations , considèrent comme histolo-

giquement fondée l'hétérogénéité fonctionnelle de chaque terri-

toire du cortex. C'est afin de pouvoir prendre position à son tour

dans ce débat, en toute connaissance de cause, que Raton y Cual

inaugure une série d'études sur la structure comparée des

diverses régions de l'écorce du cerveau humain.

L'examen histologique de cerveaux d'enfants de quinze, vingt et

trente jours, par les méthodes deWEiGERr, de GOLCI et de Nissl, lui

a déjà révélé quelques détails « nouveaux » qu'il fait connaître

dans cette première note sur les caractères morphologiques et

fonctionnels des éléments constituant les couches de l'écorce du

cuneus et de la scissure calcarine. Ce n'est qu'après avoir étudié

ainsi toutes les provinces de l'écorce que Cajal formulera son juge-

ment définitif sur la question. En attendant, ce n'est pas en vain,

on le conçoit, que l'oeil d'un Cajal a contemplé à son tour ces ré-

gions qu'avaient décrites à leur point de vue, avec les secours de

la technique du temps, Vicq d'Azyr, Gennari, 13aillarcer, Meynert.

Point de doute que l'écorce de la scissure calcarine ne se dis-

tingue des autres territoires corticaux par des caractères mor-

phologiques tout à fait particuliers. Tandis que, des huit couches

stratifiées de cette écorce, les trois premières, la couche moléculaire,

ou couche des panaches des pyramides, la couche des petites

pyramides et la couche des pyramides moyennes n'offrent rien de

spécial, la quatrième couche, celle des cellules étoilées ou strie de

126 REVUE CRITIQUE.

Gennari, caractérise éminemment au contraire la « rétine corti-

cale », comme nous l'avons souvent appelée après IIENSCIIEN. Là,

dans ce complexus de fibres myéliniques, où tant de prolonge-

ments nerveux sont mêlés, Cual a distingué : 1° des cellules ner-

veuses étoilées autochtones ; 2° des ramifications de fibres ner-

veuses de fort calibre montant de la substance blanche ; 3° des

ramifications d'axones ascendants de cellules des couches infé-

rieures (zone des grains, zone des pyramides géantes, zone des

corpuscules polymorphes) ; 4° des ramifications collatérales

d'axones de cellules des zones supérieures (couches des pyramides

petites et moyennes). Des éléments spéciaux de forme variée.

mitrale, semi-lunaire, etc., mais surtout étoilée, constituent donc

en fort grand nombre cette quatrième couche, cellules dont les

dendrites se ramifient exclusivement dans ce plexus nerveux.

L'observation toujours plus approfondie de cette zone a déjà per-

mis à Cajal de la subdiviser en deux (couches des grandes et des

petites cellules étoilées),et d'y décrire : 1° des cellules étoilées

géantes ; 2° des cellules étoilées moyennes à longs et forts axones

descendants, à épaisses collatérales ascendantes et à collatérales

destinées aux couches inférieures ; 3° des cellules petites à courts

dendrites variqueux, à axone court, descendant, ascendant ou hori-

zontal, et s'épuisant dans l'épaisseur même de la strie. De pyramides

proprement dites, CAJAL u'en a jamais aperçu en cette région.

Une autre particularité qui distingue l'écorce visuelle des autres

aires corticales, même de l'aire sensitivo-motrice, où elles sont

pourtant fort nombreuses, c'est le nombre des fibres ascendantes

de fort calibre qui montent de la substance blanche pour se rami-

fier horizontalement dans la quatrième couche. Comme ces fibres

conservent leur gaine de myéline jusqu'à leurs ramifications pri-

maires et secondaires, elles contribuent surtout à donner au

ruban de VicC D'Azvn sa coloration blanche. Les fibrilles de ces

axones ne laissent pas de contracter des rapports de contiguïté en

nombre infini avec les corps et les dendrites des cellules indigènes

de cette zone, c'est-à-dire de la couche des cellules étoilées,

comme elles ont fait d'ailleurs pour les tiges des pyramides et des

cellules des couches inférieures. Souvent ces longues fibres myéli-

niques croisent verticalement la strie de GE;>¡1\AIII et vont au delà,

jusque dans la couche des pyramides moyennes (troisième couche),

puis se recourbent brusquement en bas ou s'infléchissent sur de

grands espaces pour se résoudre finalement dans la couche des

cellules étoilées en collatérales et en prolongements axiles termi-

naux. L'aire de distribution de ces fibres est énorme; leurs rami-

fications ultimes entrent certainement en contact avec des cen-

taines de cellules nerveuses de la zone des cellules étoilées et avec

un nombre considérable de grandes, de petites et de moyennes

pyramides.

REVUE CRITIQUE. 127 7

A quelle espèce de cellules appartiennent ces fibres nerveuses ?

Sont ce des fibres optiques venues des centres optiques primaires,

des fibres de projection, ou des fibres d'association intercorticale ? ` ?

Il s'agit bien, selon Canal, de fibres optiques; voici les raisons sur

lesquelles repose cette présomption :

sont beaucoup plus délicates que ces fibres afférentes de la région

visuelle. Il n'y a pas jusqu'aux axones des pyramides géantes de

l'écorce qui ne soient moins épais que la plupart des fibres con-

sidérées.

« 2° Lesfibres blanches afférentes découvertes par nous en d'autres

territoires de l'écorce du cerveau (Ici fibres de Cipal, comme les

appelle KÕLL1KF.I\) ne manquent jamais dans l'écorce des régions

de la sensibilité générale ou spéciale (écorce sensitivo-motrice,

écorce acoustique, écorce visuelle, etc.); elles semblent au con-

traire faire défaut dans les aires corticales d'association.

a 3° La physiologie et l'anatomie s'accordent pour établir que la

région visuelle doit recevoir un courant considérable de libres

optiques ; il est donc naturel de considérer comme appartenant à

des faisceaux de cette nature les innombrables fibres myéliniques

qui se distribuent dans la zone des cellules étoilées, dès qu'on

admet que les puissants plexus nerveux que ces fibres contribuent

à former, constituent en quelque sorte le facteur spécifique de la

sphère visuelle. »

Enfin, de la couche sous-jacente, cinquième couche de cette aire

corticale, couche des petites cellules sphéroïdales {couche des grains)

ou couche des petites cellules ri axone ascendant, comme la dé-

nomme CAJAL, ainsi que de la septième couche des cellules 'polo-

morphes, montent d'innombrables axones qui, après avoir émis

des collatérales dans les couches inférieures se ramifient dans le

plexus optique, ou strie de Gennaiu, entre les cellules étoilées de

la quatrième zone. Ajoutez qu'en traversant cette région, les

axones ascendants destinés à la couche moléculaire y abandonnent

des collatérales, en même temps que nombre d'autres prolonge-

ments axiles de neurones des diverses couches stratifiées, et que,

à travers cette strie, passent les tiges des pyramides géantes de la

sixième couche et celles des corpuscule polymorphes, les dendrites

ascendants des grains et les fascicules d'axones descendant des

petites et moyennes pyramides des deuxième et troisième couches.

Les cellules de la couche des grains (cinquième couche ou

couche de petites cellules il axone ascendant) sont des cellules

petites, il dendrites descendants ou latéraux courts, dont un ou

plusieurs prolongements montent dans la zone des cellules étoilées,

à cylindraxe ascendant, émanant le plus souvent de l'extrémité

inférieure du corps cellulaire et finissant par pénétrer dans la strie

de Gennaiu où il s'arborise.

128 . REVUE CRITIQUE.

La couche cles cellules pyramidales géantes, ou sixième zone, est

formée d'une ou deux rangées de puissants neurones dont l'énorme

développement des dendrites basilaires frappe l'observateur ;

l'axone descend dans la substance blanche après avoir envoyé

deux ou trois collatérales dans la couche des cellules polymorphes.

La couche des cellules polymorphes, ou septième zone, renferme

quatre espèces d'éléments nerveux : 1° les plus nombreux sont des

cellules fusiformes, ovoïdes, triangulaires, dont l'axone se recouvre

en arc au-dessous des corps cellulaires avant de monter dans la

zone des cellules étoilées et de s'y ramifier et envoie quelquefois

un fin prolongement axile jusqu'à la substance blanche. Des colla-

térales sortent aussi de cet axone au cours de son trajet dans la

couche des grains, destinées aux couches inférieures. La tige pro-

toplasmique s'épuise dans la zone des cellules étoilées ; 2' cellules

fusiformes ou triangulaires; souvent de taille gigantesque, dont

l'axe traverse toute l'écorce et monte jusque dans la couche molé-

culaire, non sans abandonner des collatérales destinées aux plexus

de la zone de Gennaiu et il d'autres zones ; 3° cellules du deuxième

type de GOLGI, à cylindraxe court, s'arborisant dans cette même zone

des cellules polymorphes; 4° cellules-triangulaires ou fusiformes,

radialement orientées, dont l'axone pénètre dans la substance

blanche ; ces derniers axones sont fort rares et gisent souvent en

pleine substance blanche (8° couche). Dans le travail in caeM

qu'il prépare, l'éminent histologiste espagnol divise ainsi en deux

la couche des cellules polymorphes : 1° couche des grandes cellules

à axones ascendants ; 2° couches des cellules polymorplies propre-

ment dites ou couche des éléments fusiformes de IEYNEllT; la plu-

part'des axones de ces derniers neurones descendent jusque dans

la substance blanche.

Il semble bien résulter de cette première étude de morphologie

comparée des éléments nerveux constituant les diverses couches

stratifiées d'une aire fonctionnelle de l'écorce cérébrale, de l'aire

de la « rétine corticale », qu'il existe des types cellulaires définis,

à fonction également distincte et déterminée.

CAJAL décrit encore deux types cellulaires nouveaux qu'il a

découverts dans différentes régions de l'écorce.

Les cellules du premier type se rencontrent peut-être dans

toutes les zones stratifiées des circonvolutions, quoique jusqu'ici

CAJAL ne les ait vues que dans celles des pyramides moyennes de

l'aire corticale visuelle, dans l'aire motrice et dans l'aire acoustique,

où ces neurones sont surtout fort nombreux. Du corps cellulaire,

allongé, sortent deux panaches dendritiques fort longs, l'un

ascendant, l'autre descendant; les branches de celui-ci peuvent

descendre jusque dans la zone des cellules polymorphes. L'axone,

d'une finesse extrême, issu de la partie supérieure ou inférieure du

cytoplasma, se décompose rapidement en une infinité de filaments

REVUE CRITIQUE. 129

verticaux fascicules, ascendants et descendants, si longs qu'ils

traversent presque toute l'épaisseur de la substance grise. Cajal a

vu un véritable faisceau de filaments axiles s'appliquer aux tiges

protoplasmiques et aux corps cellulaires des cellules pyramidales

disposées en séries verticales ; il estime donc vraisemblable que

ces nouveaux éléments nerveux, d'une morphologie si curieuse,

appartiennent à la catégorie des neurones d'association, neurones

à axones courts dont l'office est d'associer dans le sens vertical

les pyramides situées dans des zones distinctes d'un territoire

cortical.

Les cellules du second type sont des éléments dont le volume

est presque aussi considérable que celui des grandes pyramides.

Du corps cellulaire, de forme étoilée ou triangulaire, sortent

trois ou un plus grand nombre de branches dendritiques horizon-

tales, fort étendues, d'où partent des rameaux ascendants qui se

divisent et se subdivisent sur de grands espaces dans l'écorce ;

point d'épines sur ces rameaux dont les expansions ultimes sont

très variqueuses. L'axone, puissant, à direction oblique ou hori-

zontale, émet sur son trajet une multitude de collatérales. La ter-

minaison de l'axone de ces neurones n'étant pas encore connue,

on ne saurait porter un jugement définitif sur leur nature. Cepen-

dant l'orientation de ce prolongement, ainsi que d'autres raisons,

rendent probable qu'ils représentent « une variété spéciale d'élé-

ments d'association iulracorlicaux, éléments destinés à établir, à

de grandes distances, des connexions entre des groupes de pyra-

mides très écartées », quoique appartenant à un même territoire

cortical. Bref, ces éléments seraient, dans l'épaisseur de l'écorce, ce

que sont, dans la couche moléculaire, les cellules de CAJAL et de

lii,,rzius.

Les fibres myéliniques à fort calibre dont Czar, a suivi les

ramifications dans la 4" zone de l'écorce de l'aire visuelle lui ont

rappelé celles qu'il a vues se distribuer dans l'aire sensitivo-

motrice et qui proviennent sans doute de la voie sensitive centrale.

Or là aussi aussi ces fibres se terminent électivement dans une

couche de l'écorce grise où abondent, quoiqu'en moins grand

nombre, des cellules étoilées spéciales. « Si, conclut CAJAL, ces

faits se confirmaient pour toutes les sphères corticales de la sen-

sibilité les zones d'association de Elixiisig demeurant en dehors

il serait légitime de considérer cette couche comme le facteur

anatomique spécifique de l'écorce sensitivo-sensorielle, et, partant,

comme le lieu d'élection où l'image du monde extérieur, recueillie

par les sens, est projetée et transformée en sensation. »

Jules Souri.

Archives, 2' série, t. VIII. 9

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

I. Le tribromure de salol; sa valeur comme hypnotique chez

les aliénés ;*par le D1' Yiallon.

Si le nombre des hypnotiques s'accroît chaque jour, malheureu-

sementla plupart de ces médicaments, si prônés au début, tombent

bientôt dans l'oubli. Parmi les nouvelles acquisitions, il convient

de signaler le tribromure de salol, médicament auquel les premiers

expérimentateurs ont accordé une action hypnotique des plus

importantes.

De l'expérimentation faite par l'auteur sur 3 aliénés, il résulte

que l'efficacité du tribromure comme hypnotique chez les aliénés,

se manifeste d'une façon particulière dans un seul groupe, chez

les agités chroniques, chez les débiles et déments avec périodes

d'excitation ; chez les autres malades, son action n'est guère

appréciable.

Aussi malgré son efficacité sur un certain groupe de malades, le

tribromure n'est-il pas, d'après les conclusions de M. Viallon, un

médicament à préconiser dans la thérapeutique des aliénés, à

cause : 1° de son action hypnotique très inconstante et peu pro-

noncée ; 2° de son insolubilité et, par suite, des nombreuses diffi-

cultés dans son administration chez les aliénés agités ; 3 de son

prix actuellement très élevé. {Annales médico-psychologiques,

avril 1899.) E. n.

II. Morphinomanie. Traitement par la méthode de sevrage rapide ;

par M. G. Comar. (Presse médicale, 15 mars 1899.)

L'auteur rapporte l'observation d'un homme de quarante-deux

ans, sans aucune tare nerveuse héréditaire et sans antécédents

spéciaux, qui, ayant été soumis, il y a huit ans, pour une otite

aiguë, à un traitement par le chlorhydrate de morphine en injec-

tions sous-cutanées, a continué depuis lors à user de ce médi-

cament et est arrivé à en absorber une dose quotidienne de

12 grammes. A plusieurs reprises, il a essayé de se démorphiniser

par la méthode lente ; il y est parvenu trois fois, à une période

où il ne prenait que des doses relativement faibles du toxique ;

mais la suppression a toujours été de courte durée (1 à 3 mois). Un

quatrième essai de démorphinisation lente a échoué; la dose quo-

tidienne absorbée par le malade était alors trop forte (5 grammes)

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 131

pour que cet essai pût réussir, et il n'a pu descendre au-dessous

de 50 centigrammes. Après cette tentative infructueuse, il a aug-

menté de nouveau la quantité quotidienne de morphine, et est

resté plusieurs années à 5 grammes ; puis, en l'espace de deux

mois, il est passé de S il 1 grammes. Il a absorbé pendant plu-

sieurs mois cette dose énorme ; à la suite d'ennuis, il a essayé, sans

succès, de s'empoisonner en s'injectant 25 grammes de chlorhy-

drate de morphine, et enfin, il est entré dans une maison de santé

pour s'y faire traiter. Il représentait à ce moment le type accom-

pli de la cachexie morphinique. M. Comar l'a traité par la sup-

pression brusque. En neuf jours, il a pu, sans accident, supprimer

totalement le poison. Un purgatif, au début de la cure et deux

injections de 25 centigrammes de caféine le dixième jour, ont été

les seuls médicaments qu'il ait fait prendre à son malade pendant

toute la durée du traitement. L'hydrothérapie froide fut employée

pendant la convalescence; celle-ci fut très rapide; le malade en-

graissa dans de très notables proportions, le sommeil reparut au

bout de quelques jours sans qu'il fût nécessaire de prescrire des

hypnotiques, et le malade put sortir de la maison de santé, en

excellent état au physique et au moral, deux mois après son

entrée.

L'auteur pense que, dans ce cas, l'emploi de la méthode lente

eût entraîné rapidement la cachexie et eût maintenu longtemps

le malade dans un état de faiblesse dont il n'eût pu faire les frais.

Il a remarqué la nécessité du bon fonctionnement du tube digestif

et de tous les organes qui doivent faire les frais des rénovations

glandulaires qui suivent la suppression du poison. La diarrhée,

les vomissements, les sueurs profuses, les urines abondantes, la

salivation, etc., sont des symptômes favorables et qu'il faut res-

pecter au cours de la démorphinisation. M. Comar admet avec

M. Sollier que l'emploi des adjuvants destinés à remplacer la mor-

phine ou à calmer la douleur pendant la suppression, ne fait

qu'entraver la rénovation glandulaire et doit être rejeté. Il consi-

dère l'emploi des hypnotiques comme inutile et dangereux.

A. FEXAYROU.

111. La morphinomanie ;'par M. le professeur DEBovE.

(Presse médicale, le, février 1899.)

De la leçon sur la morphinomanie, faite par M. le professeur

Debove dans son cours de pathologie interne, nous ne retien-

drons que les points suivants : tout morphinisé ne devient pas

morphinomane; pour devenir morphinomane, il faut une prédis-

position spéciale, qu'il est bien difficile de définir d'une manière

précise; certains sujets sont plus vulnérables que d'autre, maison

ne peut les reconnaître il l'avance; aussi, en pratique doit-on

132 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

agir, pour l'administration de la morphine avec autant de pru-

dence que si cette prédisposition était constante et se rappeler

que la morphinomanie peut toujours être créée par un emploi

prolongé des injections.

Au point de vue du pronostic, M. Debove distingue entre les

grands morphinomanes et les petits morphinomanes ; les premiers,

qui doivent leur état à une prédisposition plus accentuée, à une

morphinisation invétérée, aux doses considérables de poison

qu'ils absorbent, sont incurables ; ils seront, d'une façon intermit-

tente, les hôtes des maisons de santé, des hôpitaux, des asiles

d'aliénés ou des prisons ; les autres ont encore assez d'énergie

pour se guérir et se guériront par le traitement moral combiné à

la démorphinisation lente qui constitue pour cette catégorie de

malades la méthode thérapeutique de choix. M. Debove préconise

pour les grands morphinomanes l'internement dans une maison

de santé. Il rejette la démorphinisation brusque, à cause des

souffrances atroces qu'elle cause au malade et des dangers aux-

quels elle expose (collapsus, syncope mortelle), et la démorphini-

sation lente qui exigerait chez ces sujets une surveillance trop pro-

longée et trop difficile. Il est donc amené à adopter pour les grands

morphinomanes la méthode rapide, avec ou sans substitution à la

morphine (méthode substitutive) d'un autre poison plus facile il

supprimer. On peut, dit-il, se servir utilement d'alcool, d'opium,

d'antipyrine, pour soutenir les forces du malade et diminuer ses

souffrances pendant les premiers jours de la démorphinisation ;

mais il faut aussi avoir soin de ne jamais laisser ces substances iL

la disposition du malade, et en cesser l'emploi le plus rapide-

ment possible. Ilitzig, attribuant à l'hyperacidité du suc gastrique,

la plupart des accidents de la démorphinisation, conseille, pen-

dant cette période, l'emploi des lavages d'estomac; ce moyen

adjuvant, peut, d'après \I. Debove, être remplacé efficacement

par les alcalins ou le carbonate de chaux à haute dose.

A. FENAYROU.

IV. Traitement de la maladie de Basedow par l'ovarine;

par M. DELAUNAY (de Poitiers). (Presse médicale, 21 janvier 1899.)

L'auteur a eu l'idée de traiter par l'ovarine une malade chez qui

les symptômes du goitre exophtalmique s'étaient développées au

moment précis de la ménopause. L'administration de cette subs-

tance aux doses habituellement prescrites dans le traitement des

accidents de la ménopause, amena presque immédiatement, une

amélioration considérable, et bientôt une guérison qui semble

devoir être définitive. Diverses médications, entre autres la thyroï-

dine, avaient été employées antérieurement et n'avaient donné

qu'une amélioration insignifiante. A. rErinYftou.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 133

V. Sur le traitement du torticolis mental et des tics similaires ;

par MM. E. BRISS\l. : D et FElNDEL. (Journ. de Neurologie, 1899, n° 8.)

Après avoir relaté plusieurs cas de torticolis mental ou de tics

similaires qui ont été améliorés ou -guéris par des séances d'im-

mobilité et de mouvements appropriés, les auteurs concluent en

disant que tout traitement des tics pour être efficace doit tendre à

la rééducation de la volonté et à augmenter son pouvoir d'inhibi-

tion il l'égard d'actes purement automatiques. Pour obtenir ce

résultat, il faut s'attacher à établir une association entre l'image

motrice du tic qui est persistante et une image antagoniste cura-

tive qu'il s'agit de créer. Puis la suggestion, le repos absolu, 1 im-

mobilité, le silence, au besoin l'isolement, voilà les moyens théra-

peutiques qui, employés isolément ou combinés, permettent

d'espérer la guérison complète des tics d'habitude. Mais encore

faut-il que ces actions portent leur effort respectivement et toutes

à la fois sur l'état mental du sujet, car un tic, simple ou complexe,

et quelle que soit sa cause, est fatalement une maladie mentale.

G. D.

VI. Contribution à l'étude de l'épilepsie et de son traitement;

par Casimir W¡SLOCK1, médecin des consultations à l'hôpital

Saint-Hoch, de Varsovie. (K)'on : /M6<;cAt : )'s/.Y<, 15 mars.)

L'auteur considère l'épilepsie partielle ou essentielle comme le

résultat de l'irritabilité de l'écorce cérébrale. Cette irritabilité peut

être produite par une tumeur, comme dans l'épilepsie partielle ou

par un corps qui existe dans les liquides de l'organisme au mo-

ment de l'accès et qui agit sur l'écorce cérébrale, comme dans

l'épilepsie essentielle. Ici nous sommes en face de la théorie d'in-

toxication et d'autointoxication, qui soutient, que le corps irritant

peut venir du dehors, (syphilis, saturnisme), ou ètre le résultat de

la transformation des matières. Les corps qui agissent sur l'écorce .

cérébrale sont des leucomaïnes et toxalbumines; ce sont les pro-

duits de désassimilation des aliments azotés et de la désagréga-

tion des tissus. L'urine émise après l'accès contient en masse de

ces produits toxiques (Voisin, Houchard, Unverricht, Krainski).

Alors pour qu'il y ait un accès, il faut une irritabilité de l'écorce ou

la présence dans l'organisme des produits toxiques.

La thérapeutique a deux voies il suivre : 1° Diminuer l'irrita-

bilité de l'écorce, en opérant les tumeurs, calmer les systèmes ner-

veux, en donnant le brome; 2° agir sur les toxines de l'orga-

nisme par une nourriture appropriée.

La thérapeutique a fait beaucoup dans le premier cas, on fait

des opérations, on abuse du bromure. Selon l'auteur, pour agir

dans le second cas, il faut diminuer la consommation des produits

13 'k REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

azotés et les remplacer par-un véritable contre-poison des intoxi-

cations, le lait L'auteur pendant quatre ans a traité 30 cas d'épt-

lepsie essentielle par le régime lacté absolu; pour que ce régime

soit mieux supporté, il donne différentes préparations comme

le fromage blanc, koumys,. kéfir. Si pour quelques raisons le

régime lacté est mal toléré, le régime végétarien est celui qui se

supporte mieux sans donner de toxalbumines et leucomaines.

L'auteur à vu toujours les crises d'épilepsie diminuer; il cite le cas

d'un garçon qui, sous l'influence de son oncle un vieux maniaque,

a cessé tous les traitements; les accès devinrent excessivement

fréquents; le malade, il cause de sa langue couverte de morsures,

n'a pu prendre que du lait, les crises s'amendèrent; quand il était

fatigué du régime, il reprenait de la viande, les accès recommen-

çaient. Le malade effrayé recourait au lait.

L'auteur arrive a ces conclusions : que le lait ne peut amener

l'intoxication, comme on le voit à chaque instant avec le brome.

Qu'il ne peut produire de mauvais effet sur l'intelligence comme

le fait le brome. Que le lait est un des meilleurs contrepoison

contre les produits toxiques élaborés par l'organisme. Dans les

cas où le lait et le brome ne peuvent pas être donnés longtcmpas

on peut, pour mieux faire, les alterner. G. DE L1EV'Sha.

Vif. Un cas de tétanos chez l'enfant de trois ans guéri par le sérum

antitétanique; par le D1' Edouard 13;L\NIIAI\Dr (Gactu Lekll1 ? ka,

18 mars.)

L'auteur est d'a\is que chaque cas de tétanos guéri par le sérum

doit être publié, car selon lui, la réaction contre l'emploi de la

sériiintliérapie est trop grande (Gottstin, Kassowitz, l'urjesr) et

ceci peut nuire à la propagatiun de ces bons moyens qui ont

diminué la mortalité dans la proportion au moins de ;0 p. 100.

L'auteur a été appelé il la campagne près d'un enfant de tiois il

quatre ans, couché sur le ventre, la tête relevée en haut, le front

ridé, lèvres contractées, de temps en temps un rire sardonique.

Le tronc et les membres inférieurs sont tranquilles et normaux,

mais au toucher on sent une raideur extrême. Le moindre

mouvement produit des secousses tétamformes de tout le corps :

ces secousses duraient dix minutes dans les membres inférieurs,

elles sont moins longues au tronc et aux membres supérieurs.

L'alimentation impossible, la parole changée. L'enfant avalait

les liquides mais chaque déglutition forcée provoquait une con-

traction des muscles du visage et du pharynx.

L'inspection de la musculature antérieure impossible à cause de

la position de l'enfaut sur le \ entre. Facultés intellectuelles

intactes, température 35°, ; pouls, 10 à.

L'enfant regardait à la grange les travaux, son pied glissa et il

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 13

tomba. Le lendemain on a remarqué que l'enfant avait la tête un

peu de côté, après survinrent les secousses. Les portes d'entrée

du bacille de Nicolaïer étaient deux légères écorchures une

au niveau d'un tiers du cubital, l'autre sur la hanche. L'auteur

administra du chloral et seulement le cinquième jour reçut le

sérum de l'Institut Pasteur. Il a injecté seulement 3 centimètres

cubes (chaque tube est de 10 centimètres cubes), la température de

35° a monté à 38°; les secousses cessèrent. Le lendemain on injecte

le reste du flacon, l'enfant présente une éruption dans le genre

de rubéole. Le jour suivant, l'auteur injecte le contenu du tube

entier. L'enfant tousse, chaque fois expectore un liquide sangui-

nolent. On entend des râles dans la poitrine, les ganglions sont t

tuméfiés. Les mouvements passifs sont sans douleurs, mais les actifs

provoquent les crises. La première fois l'enfant se couche sur le dos.

A l'injection du troisième flacon les phénomènes s'aggravent,

le tétanos généralisé se montre, l'enfant refuse toute nourriture, la

période d'aggravation continue douze heures. Pour calmer l'exa-

gération nerveuse on donne trois fois par jour la solution de chlor-

hydrate de morphine de 0,003 p. 100 d'eau. L'état s'améliore,

l'enfant commence à avaler du pain.

On injecte le quatrième flacon, la période d'aggravation plus

forte que les précédentes dure vingt heures ; l'enfant était

presque froid, les secousses tétaniformes sont très fortes. Mais à

la fin l'enfant reprend la vie et semble marcher vers la guérison.

On avait pris du sérum pendant douze jours ; une semaine l'état

de l'enfant fut satisfaisant, mais après, les crises commencèrent,

on donnait de nouveau la morphine. Le douzième jour on injecta

le cinquième flacon. La période de réaction dura six heures et'

fut très inquiétante ; l'enfant était couvert de sueurs profuses, sur

tout le corps se montra une éruption. Mais le lendemain l'enfant

commença à marcher.

On injecte la moitié du sixième flacon, pendant deux jours la

douleur, les secousses apparaissent, la faiblesse est très grande,

mais après le troisième jour, tout disparait et l'enfant commence

à guérir. L'enfant guérit après trente-deux jours de traitement

antitétanique et trente-sept jours après l'apparition des premiers

phénomènes.

On voit qu'au commencement du traitement, l'organisme réa-

gissait bien, la température montait, les secousses disparaissaient,

mais avec l'emploi ultérieur la période réactionnaire dura plus ou

moins longtemps, mais l'organisme revenait à la santé après

chaque injection, d'une manière absolue.

L'auteur a recueilli 32 cas de tétanos connus jusqu'à ce jour,

où le sérum fut appliqué, pour juger si la période réactionnaire

dépend de chaque individu ou si elle est inhérente à la nature du

sérum. 1

136 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

On a observé cinq fois l'élévation de la température, trois fois de

l'urticaire, éruption pigmentaire deux fois, l'infiltration du lieu

de l'injection deux fois, l'inflammation du tissu conjonctif une

fois, l'inflammation des voies urinaires une fois, l'inflammation

glandulaire trois fois.

Parmi ces 32 cas, il y avait 12 décès. Avant l'emploi du sérum

la longueur de l'incubation influait beaucoup sur l'évolution du

tétanos, plus l'incubation était longue, plus on avait une meilleure

issue. Maintenant on peut dire que la guérison survient plus

sûrement si l'emploi du sérum est immédiat après l'incubation.

L'auteur arrive aux conclusions que : 1° le sérum diminue la

mortalité dans le tétanos au moins de 50 p. 100; 2° les phéno-

mènes accessoires quoique graves passent sans laisser de traces;

3° chaque praticien dans le tétanos de Nicolaïer doit administrer

le sérum. G. de \In.mvsr .

VIII. Quelques mots sur la nature et les indications de la théra-

peutique suggestive; par le D" Forel. (Heu, méd. de la Suisse

romande, 1898, n° 12.)

Par suggestion il faut entendre, d'après l'auteur, une représen-

tation consciente, vive et interne, qui actionne le cerveau et

produit d'une façon inconsciente, ou plus exactement subcon-

sciente, un dynamisme nerveux quelconque, central ou irradiant

la périphérie. Le dernier apparaît dans la conscience du sujet

d'jjne façon qui l'étonne. I.e sujet ne peut saisir le mécanisme

par lequel la suggestion, c'est à dire la représentation constante

actionnante, conduit au dynamisme, c'est à dire à l'effet, à ce

qu'on appelle la réalisation de la suggestion.

Ce n'est pas dans le traitement de l'hystérie et bien moins

encore dans celui des maladies mentales que la thérapeutique

suggestive exerce sa véritable influence. Son véritable domaine

est celui des troubles fonctionnels des' principaux appareils.

Il faut savoir en outre, en médecine comme en chirurgie, dis-

tinguer partout le facteur suggestif qui, selon les cas, s'ajoute

aux symptômes d'une maladie ou aux éléments d'une guérison,

ou se soustrait d'eux, et le traiter pour son compte, c'est à

dire par la suggestion. G. D.

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

I. Pathologie et criminalité; par E. Jentsch. (Cenlranl. f.

Nervenhcilk. XX. \. F., vin, 1897.)

Observation I. Délit passionnel chez une hystérique de vingt-

huit ans qui a itriolé un prêtre, son amant. Faiblesse d'esprit.

Observation Il. Dégénéré de dix-huit ans, illettré, puéril et

hardi, ayant volé un de ses camarades de concert avec deux

autres ouvriers, à la suite d'une débauche commune. Atrophie

congénitale du médius, de l'annulaire, et de l'auriculaire de la

main gauche; l'indicateur n'a que la première phalange.

Observation 111. Jeune fille de vingt-quatre ans; grand

nombre de vols et de leurres de toute espèce; mélange d'anomalies

congénitales (aspect crétinoïde de la face, index céphalique très

faible), de troubles intellectuels secondaires et de simulation.

Folie morale chez une héréditaire dégénérée.

Observation IV. Homme de soixante-deux ans, très méritant,

ayant une carrière hien remplie, qui a assassiné sa femme, le

jour même et au moment où, d'un commun accord, ils se pré-

sentaient tous deux au tribunal pour divorcer. Délire systématisé

dejalousie. Irresponsabilité; quelque excitabilité; quelque hérédité

uém opathique. P. Keraval.

II. Quelques réflexions sur les expertises, à propos de l'examen

médico-légal du meurtrier C.... et rapport sur son état mental;

par le Dl' S. Garnier.

Le maire d'une commune du Jura se promenait surle champ de

fête lorsqu'un individu se dirige vers lui et, sans dire un mot, sai-

sissant M. G... d'une main, lui plonge de l'autre son couteau dans

la gorge à plusieurs reprises.

L'assassin, à l'instruction, dit qu'il a tué \1. G... parce que cet

homme ne lui plaisait pas, « parce que, nommé par les Républi-

cains, il faisait mine de les mépriser et de marcher du côté de la

réaction. Du reste, en dehors de la politique, il n'avait rien à lui

reprocher. Son crime était un crime politique. »

M. S. Garnier montra que ce crime se trouve être en réalité non

un acte passionnel politique, mais un épiphénomène pathologique

d'une folie dont les éléments constitutifs délirants, greffés sur les

138 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

préoccupations habituelles de l'inculpé, c'est-à-dire la politique,

ont donné à cette folie sa caractéristique personnelle. En consé-

quence des conclusions du rapport légal, la Chambre des mises en

accusation rendit un arrêt de non-lieu.

Dès que celte décision fut connue, un journal de. la région, bien

connu pour son intransigeance réactionnaire, proclama que l'effet

produit par la décision de la cour était tout à fait affligeant. Dans

une série d'articles presque quotidiens, où toute mesure était

dépassée, le conseiller rapporteur et surtout le médecin expert

furent vilipendés avec une désinvolture et une mauvaise foi cyni-

ques : leur silence devant l'injure fut même qualifié de scandaleux.

L'auteur estime qu'une telle campagne de presse eût été rendue

impossible si le rapport médico-légal, avant l'arrêt de non-lieu,

avait pu être publié ou soumis à une commission médico-judi-

ciaire. (Annales médico-psychologiques, février iS9'J.) E. B.

III. Consultation médico-légale au sujet d'un internement ;

par le D'' Henry Bonnet.

i

Un nommé S..., ayant été interné il l'asile de Lehon, sortit

calme et non guéri par décision du tribunal de Dinan.

Mal conseillé, il crut devoir se servir de cette décision pour

attaquer en séquestration arbitraire, devant le tribunal de Saint-

Malo, un médecin des environs de cette ville qui avait donné le

certificat d'entrée.

Le tribunal de Saint-Malo, en déboutant S... de toutes ses

demandes, fins et conclusions, donna complètement raison à

toutes les déductions de la consultation qui avait été demandée à

l'auteur. (Annales médico-psychologiques, décembre 1898.) E. B.

IV. Médecine légale de l'alcoolisme; par le D' Lent ? (Il«ll. de la

Soc. de méd. ment, de Belgique, mars 1899.)

Il faut distinguer, d'après l'auteur, parmi les sujets qui s'adon-

nent à l'alcool : les buveurs d'habitude et les alcoolisés ou alcooli-

ques.

Chez le buveur d'habitude, étant donné qu'il ne présente encore

aucune trace d'intoxication, l'alcool n'a qu'une influence acces-

soire et ne doit guère entrer en ligne de compte au point de vue

de la responsabilité.

Les alcoolisée offrent deux types morbides bien déterminés :

l'intoxication alcoolique (aigué ou chronique) et les formes déli-

¡'antes alcooliques.

Dans l'intoxication alcoolique aiguë ou ivresse la responsabilité

doit rester entière, d'après M. Lenlz, si l'ivresse évolue d'une façon

normale. Les délinquants, au contraire, qui commettent des actes

. REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 139

répréhensibles au cours d'ivresses anormales caractérisées, soit

par une exagération de l'un ou l'autre des phénomènes ordinaires

de l'ébriété, soit par l'apparition de penchants ou d'instincts déré-

glés doivent jouir d'une irresponsabilité complète.

Dans l'alcoolisme chronique, c'est l'état de conservation ou de

déchéance des facultés intellectuelles qui devra servir de guide

pour apprécier le degré de responsabilité du sujet.

Quant aux formes délirantes alcooliques elles ne tirent de l'alcool

même ou de l'influence alcoolique aucune particularité de nature

il modifier la responsabilité des malades. Il en est de même dans

les états délirants, convulsifs, somnambuliques, etc., qui se déve-

loppent si facilement chez les dégénérés à la suite de quelques

excès alcooliques. G. D.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

1. Les phénomènes de la distraction cérébrale et les états dits

de dédoublement de la personnalité ; par le Dl' Lauits.

On peut supposer, dans le cerveau intelligent deux groupes de

centres : a) des centres de la mémoire et du langage intérieur,

centres subalternes, centres domestiques, normalement soumis

aux seconds et dirigeables par eux; b) des centres de coordination

intellectuelle supérieure, actionnés (hypothèse spiritualiste) ou

non (hypothèse matérialiste) par une force de nature spéciale, qui

font la pensée, dirigent et commandent les premiers : c'est, en

bloc, le centre supérieur.

L'inhibition exercée par le centre supérieur sur les centres

subalternes, inhibition qui est maxima dans les actes de la ie

ordinaire, qui s'atténue lors du sommeil normal, pour devenir

minima ou nulle lors de l'état hypnotique et des états analogues, '

peut, même à l'état de veille chez certains sujets, se trouver en

défaut, être diminuée et donner lieu à des phénomènes auxquels

on n'accorde peut-être pas une suffisante importance. 11 arrive

que tel être, comme s'il était hypnotisé, parle, agit, fait différents

actes souvent bien combinés, sans en avoir conscience.

Cet état se rencontre fréquemment : on l'observe surtout chez

les penseurs. On l'appelle diblraction : alors que le cerveau vit,

pense, que la personnalité, par conséquent, continue de s'affirmer

intérieurement, certains centres accessoires sont distraits du méca-

140 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE..

nisme cérébral pour lequel ils ne sont momentanément pas néces-

saires ; ils évoluent alors en vertu des associations habituelles;

leurs réflexes parfois bien combinés, bien synthétisés, sont provo-

qués par les objets, les sons, les images extérieurs, comme le sont

ceux des hypnotisés; ils s'harmonisent souvent entre eux d'une

façon suflisante pour amener l'apparition de pseudo-personnalités

qui ne sont que les schémas généralement simples, souvent d'une

grande banalité, sous la forme desquels les sujets observés avaient

emmagasiné dans leur mémoire l'expression de telle personnalité

existant ou ayant existé, Ilobespierre, Danton, 13onapa'rle, etc...

A l'état de veille cet état est appréciable chez les médiums; il

n'est autre qu'une distraction plus complète, survenant chez des

individus susceptibles par naissance ou par habitude, par exer-

cice, de les provoquer ou de les l'aire provoquer souvent chez eux.

Plus leur mémoire est riche, plns et mieux elle a été meublée

dans les états habituels par l'intelligence, plus aussi on peut les

trouver intéressants, car plus le schéma de la personnalité simulée

par les centres secondaires est complet ou varié, ou bien combiné.

Un médium ininstruit, stupide ne produirait qu'un Mahomet

pauvre d'esprit, un Jules César imbécile. un Descartes inintel-

ligent. (Annale* médico-psychologiques, décembre 1898 ) E. B.

IL La descendance des alcooliques. Influence de l'hérédité

paternelle; par les D' S.u,na-r.s et Brengues.

Les auteurs ont pu dresser l'arbre généalogique d'une lignée de

buveurs d'habitude qui s'étend jusqu'à la cinquième génération

inclusivement. L'arbre généalogique qui a été établi rend compte

du rôle joué dans ce cas par l'hérédité paternelle.

Depuis le trisaïeul jusqu'à la génération actuelle l'alcoolisme

sévit à tous les degrés et sous toutes les formes, avec ses funestes

conséquences. Il résulte de ces faits que l'alcoolisme des ascen-

dants n'aboutit pas nécessairement, ainsi qu'on l'a dit, à l'extinc-

tion de la famille, même à la quatrième génération, mais imprime

à la descendance, des stigmates profonds de dégénérescence phy-

sique, intellectuelle et morale, et cela alors même que la ligne

'maternelle ne joue aucun rôle effectif dans l'hérédité morbide.

(Revue neurologique, novembre 1898.) E. B.

III. La dermographie chez les aliénés ; par MM. Téré et Lance.

(jours. de Neurologie, 1898, nez 23.)

La possibilité d'écrire sur la peau en faisant saillir le derme a

été rencontrée par les auteurs de ce travail à des degrés divers

chez 48 aliénés sur 229. C'est chez les paralytiques généraux que

ce phénomène a été noté le plus souvent. Chez ceux-ci, comme

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. d41

en général chez les autres malades, l'intensité de l'urticaire artifi-

ciel est faible ou moyenne; dans deux cas seulement il s'est montré

fort : chez un paralytique général et chez un dément qui présen-

taient tous deux des phénomènes de dépression très marqués.

La dépression générale de l'organisme ne paraît donc pas

exclusive de la réaction vaso-motrice qui caractérise l'urticaire

artificiel. G. D.

IV. L'Occultisme scientifique; par S. Crocq fils. (.Tou·n. de

Neurologie, 1898, n° 19.) .

La conclusion de ce travail est que les phénomènes occultes se

relient intérieurement aux phénomènes spirites et que les expé-

riences et les faits sur lesquels on se base pour affirmer l'existence

de forces inconnues s'expliquent suffisamment par la fraude et

par l'automatisme psychologique ou pathologique. G. D.

V. Paralysie générale chez une imbécile; par le Dr CoLr.EanE.

Dans un mémoire sur la démence paralytique chez les imbé-

ciles, publié en 1897, M. Luigi Cappelletti dit n'avoir trouvé dans

la littérature spéciale que deux cas semblables à celui qui faisait

l'objet de son travail. L'auteur en signale un troisième, cité en

résumé dans la thèse d'un de ses anciens internes.

Chez cette imbécile, entrée à l'asile avec les signes cliniques

d'une paralysie générale associée, le cerveau proprement dit pesait

'73' ! grammes et l'encéphale entier 872. La paralysie générale ne

serait donc pas le monopole des gens d'esprit : M. Cullerre a ren-

contré, au contraire, de nombreux débiles parmi les parah tiques

de la classe rurale. (Annales médico-psychologiques, avril ld9g.)

E. R.

VI. Hallucinations religieuses et délire religieux transitoire dans

l'épilepsie ; par le D'' H. 1.1BILLG.

L'auteur rapporte quatre observations intéressantes qui démon-

trent amplement l'influence des crises épileptiques sur la nature

religieuse des hallucinations. Dans ces observations,* en effet, les

hallucinations paraissent presque aussitôt après la crise épilep-

tique ; elles se prolongent pendant un temps variable portant sur

la vue ou sur l'ouïe, et le malade en a conscience, peut en rendre

compte. Ces troubles de la sensibilité sont pour lui l'origine d'un

délire mystique transitoire qui dure parfois plusieurs jours. Le

délire religieux tend à disparaître en même temps que les crises

épileptiques, fait qui confirme les rapports étroits unissant les

crises aux hallucinations religieuses. (Annules médico-pschologiqucs,

février 1899.) E. B.

142 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

VII. Quelques contributions à la psychologie du sommeil chez les

sains d'esprit et chez les aliénés; par le De l'iLCZ.

D'une série d'observations faites sur ses propres rêves depuis plus

de cinq années, et d'autre part sur les aliénés de la cliniquê psy-

cbiatriqne de Vienne, l'auteur tire les conclusions suivantes :

1° Une périodicité ou régularité de l'intensité des 1 êves .IÚSt pas

démontrable ; 2° il y a une certaine corrélation entre la profondeur

du sommeil et la matière des rêves. Le sommeil le plus profond

est sans lèves. Dans le sommeil d'une profondeur moyenne, des

associations et des images plus anciennes apparaissent. Des im-

pressions nouvelles ne s'entremêlent dans les rêves que lors d'un

sommeil peu paisible; 3° dans le sommeil calme, chaque impres-

sion nouvelle n'est reproduite qu'après un temps assez long;

4° généralement les aliénés à formes chroniques ne rêvent pas de

leurs idées morbides. (Annales znédico-psgeleolo71qzzcs, février 1899.)

. , E. B.

VIII. Lèpre et aliénation ; par le professeur Kov ALEYSKY.

On a observé chez les lépreux les lésions suivantes : ménin-

rites. hydrocéphalies aiguës, apoplexie, épilepsie, hémicranif,

convulsions, maladies de la moelle, mélancolie, manie, démence.

Ces données permettent de poser les conclusions suivantes :

1° des lésions du système nerveux central ont été observées chez

des lépreux; 2° bien que rares, elles existent cependant; 3° il est

désirable que l'attention des observateurs soit plus sérieusement

dirigée sur cette question ; 4° la lèpre doit être admise comme

cause étiologique de l'aliénation ; 5° en fait de maladies mentales

chez les lépreux, on a observé la mélancolie, la manie, la démence,

l'amentia de Meynert.

A en juger d'après l'analogie de l'action des autres maladies

infectieuses sur la sphère mentale, il paraîtrait que la lèpre

pourrait plutôt faire naître l'amentia, que d'autres maladies

mentales. (Revue neurologique, mars 1899.) E. 13.

IX. Du sens algésique étudié chez les mêmes malades aux trois

périodes de la paralysie générale ; par le De MARANDON de

Montyel. (l3acll, de la Soc. de méd. mentale de Belgique, sep-

tembre 1808.)

M. Marandon de Montyel a étudié la sensibilité à la douleur au

moyen de la piqûre et du pincement chez 108 parai} tiques géné-

raux depuis le début de la maladie jusqu'à sa terminaison. Dans

65 p. 100 des cas le sens algésique a été trouvé affaibli, aboli,

exagéré ou simplement retardé. Ces modifications s'obsenent

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 143

surtout au début et à la période ultime de la maladie. Elles n'ont

du reste aucune valeur diagnostique car il n'est pas démontré

qu'elles précèdent les troubles moteurs et n'ont pas davantage de

signification pronostique. G. D.

X. Notes sur l'urobilinurie et l'hématoporphyrinurie toxiques

dans les maladies nerveuses; par le D1' IlAsco\ EC.

L'urobilinurie et l'hématoporphyrinurie ont été observées dans

quelques maladies nerveuses et souvent après l'empoisonnement

par le sulfonal : l'auteur cite deux cas de ce dernier genre.

L'urobiline et l'hématoporphyrine peuvent se trouver dans

l'urine à l'état normal mais c'est seulement dans les états

morbides qu'elles y apparaissent en grande quantité. Si on

observe l'urobilinurie et l'hématoporphyrinurie au cours d'une

intoxication sulfonalique, on ne peut pas affirmer qu'elles sont

dues à l'intoxication même, ni si elles ne sont pas un phénomène

occasionnel. Il est possible que le sulfonal crée, dans certains cas,

des conditions qui altèrent l'innervation normale des organes et

des tissus de l'organisme; alors apparaît un échange nutritif

anormal, à savoir l'urobilinurie ou l'hématoporphyrinurie. (Revue

neurologique, avril j1. E. U.

XI. Dégénérescence et stigmates mentaux; malformation de

l'ectoderme ; myoclonie épisodique (paramyoclonus multiplex

dans un cas de maladie de Recklinghausen) ; par MM. FEINDEL et

Froussard.

Observation intéressante de paramyoclonus mulliplex chez un

individu porteur des tumeurs cutanées et des noevi pigmentaires

qui caractérisent la maladie de Uecklinghausen. Dégénérescence,

stigmates congénitaux, maladie de Uecktinghausen, sont chez le

même sujet confondus, engrenés. C'est qu'ils sont une seule et

même conséquence du même phénomène : le trouble de dévelop-

pement embryonnaire du feuillet ectodermique, sous l'influence

de l'alcoolisme paternel.

Le feuillet ectodermique seul a eu son évolution troublée ; de là

les signes extérieurs de la maladie de Reckhnghausen ; mais la

partie de l'ectoderme incluse dans le crâne et le canal neural n'est

pas normale, elle n'a pas un fonctionnement parfait (défaut de

l'intelligence, etc.), un clioc peut faire éclater un trouble intense

de cette portion incluse et le choc (accident grave), dans le cas

actuel, a déterminé une myoclonie.

Cette observation est un argument en faveur de cette opinion

que : les signes physiques de la maladie de Recklinghausen sont

des stigmates de la dégénérescence, cette maladie représentant une

144 SOCIÉTÉS SAVANTES.

forme de dégénérescence. En résumé, le malade en question appa-

rait comme un dégénéré portant pour stigmates de sa dégénéres-

cence les symptômes physiques de la maladie de Recklinghausen

et la myoclonie dont il est atteint est un produit de sa dégéres-

cence. (Revue neurologique, janvier 1899.) E. Bu : >.

\II. Du rôle de l'hérédité dans l'étiologie de la paralysie générale;

par J. CROCQ. (JOUI'n de Neurologie, 1899, nos si et 7 )

D'après l'auteur, la paralysie générale ne serait qu'une des nom-

breuses manifestations nerveuses de l'état diatMsÏlfue c'est-à-dire

d'un état morbide éminemment héréditaire caractérisé par une

altération du système nerveux amenant à sa suite des troubles

nutritifs ou intellectuels plus ou moins profonds et donnant lieu

aux maladies diathésiques. A ce titre, les ascendants, comme les

descendants du paralytique général sont toujours profondément

diathésiques et comme tels présenteront une résistance organique

moindre et pourront, suivant la qualité des croisements qui auront

présidé à leur conception, être atteints d'affections diathésiques

plus ou moins graves. G. D.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ DE INEUROPATIIOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE

DE MOSCOU.

Dans la séance annuelle publique tenue par la Société le

21 octobre 1898, des discours ont été prononcés par : 1° le

Dr A. Iiorniloff, agrégé : Sur l'assistance des épileptiques : 20 le

professeur Kojevnikolf : Les troubles de la circulation sous l'in-

fluente des émotions psychiques; 3 le 0" Tokarsky : L'hypnotisme et

la suggestion au point de vue de la médecine légale.

Séance du 22 janvier 1899.

W. WOROUIEFF. - Contribution ci la question des particularités

stigmates) physiques des aliénés.

Parmi les particularités physiques, réputées comme stigmates

SOCIÉTÉS SAVANTES. '145 5

(physiques) de dégénérescence, l'auteur attire l'attention surtout

sur la conformation de l'oreille externe. Il a examiné sous ce

rapport, et d'après le schéma de Schwalbe, 325 ouvriers d'usine,

originaires du gouvernement de Riazan. Il a constaté en tout

314 anomalies, notamment chez 180 de ces ouvriers (sains), ou

57,23 p. 100, tandis que 119 individus examinés, ou 42,i7 p. 100,

ne présentaient aucune anomalie de conformation du côté des

oreilles.

En outre l'auteur a constaté parmi ces ouvriers de nombreux cas

de difformations diverses des dents (en tout 204 anomalies den-

taires chez 184 sujets). Pourtant ces deux catégories d'anomalies

ne concordent point, et le plus grand nombre d'anomalies auri-

culaires se trouvent parmi ceux qui ne présentent aucune anomalie

du côté des dents, et vice versa.

L'auteur en conclut que certaines anomalies auriculaires consi-

dérées comme stigmates de dégénérescence, n'ont pas d'autre

valeur que celle de simples particularités individuelles, ou d'ano-

malies du type anatomique de l'oreille, mais sans rapport

manifeste avec les troubles mentaux.

Discussion. \V. Jakovenko fait remarquer que l'insuffisance

quantitative des recherches de l'auteur n'autorise pas à en tirer

des conclusions catégoriques. D'autre part il n'a pas été fait

mention dans le travail de Worobieff sur les particularités

psychiques des sujets examinés. L. pense que la combi-

naison des stigmates physiques et psychiques de dégénérescence

n'est pas obligatoire chez le même individu. W. SHRBSKY croit

que les données de l'auteur permettent des conclusions inverses, à

savoir qu'il existe beaucoup de dégénérés parmi la population

ouvrière, d'apparence bien portante. A. 13E[i,'ZSTEI.\ ne croit pas

logique d'opposer la population saine en général à celle des asiles

d'aliénés, attendu que des deux côtés se trouvent également des

dégénérés et des personnes non dégénérées. W. Roth l'ait noter

l'importance des photographies dans ce genre de recherches.

S. NALBAKDOFF. Un cas de myotonie familiale (maladie de

7'/tCH : sM), compliquée de tabès.

N... présente deux frères, affectés de la maladie de Thomsen,

chez lesquels la maladie est prononcée d'une façon très faible, de

sorte qu'elle serait passée entièrement inaperçue, si l'aîné de ces

deux frères ne s'était pas adressé à l'hôpital pour des symptômes

tabétiques. Voici son observation succincte.

Georges L : ..., vingt-huit ans. bijoutier. Père alcoolique, mère morte

de diabète. Le malade se disait toujours bien portant. Il y a huit ans,

chancre avec tuméfaction indolore des glandes inguinales. Depuis

un an remarque de l'ataxie dans les mouvements des membres

inférieurs.

Archives, 2° série, t. VIII. 10

146 SOCIÉTÉS SAVANTES.

A l'examen on constate de l'ataxie manifeste, les signes de

Romberg et de Westphall et des troubles de la sensibilité (hypo-

esthésie). En outre, symptômes manifestes de la maladie de

Thomsen,dont le début se rapporte évidemment à l'âge de la pre-

mière enfance. L'exécution des mouvements faibles ou d'intensité

moyenne ne présente pas de difficultés, mais celle des mouvements

énergiques ou forts est difficile ou impossible au début; à mesure

que le mouvement s'exécute l'obstacle disparait. Un morceau du

muscle gastrocnémien excisé et examiné sous le microscope montre,

à côté de l'hypertrophie des noyaux, l'hypertrophie des fibres

musculaires.

Le frère du malade, Michel E..., âgé de dix-huit ans, présente

des symptômes plus prononcés de la myotonie. En effet, le malade

accuse la même difficulté des mouvements au début dans les

muscles de la face et notamment à la mastication et aux mouve-

ments des globes oculaires.

L'analyse des urines a montré chez les deux malades une

augmentation de créatinine et une diminution notable d'acide

urique. Les mêmes symptômes de myotonie se retrouvent chez

un troisième frère, interrogé par lettre. On a soumis à un examen

médical deux autres frères de ces malades (les plus âgés), et on

a constaté chez ceux-ci rien qu'une inégalité des pupilles, comme

chez les deux malades, et chez l'un d'eux un bruit à la pointe du

coeur, comme chez l'un des deux myotolliques.

L'auteur pense que la maladie de Thomsen est une affection

congénitale.

Secrétaires des séances : A. 13EI\;-¡STEli'i, W. Mouuawieff.

Séance du 19 février 1899.

P. HossoLmu. L'évolution récidivante de la polynévrite intersli-

lielle hypertrophique progressive de l'enfance.

Il s'agit d'une femme âgée de vingt-quatre ans, sans aucuns

antécédents personnels (pas d'infections, ni d'intoxications), qui

présente pour la troisième fois le même symptôme complexe,

qu'à l'âge de douze ans et de vingt et un ans. La durée des deux

premières atteintes fut de six mois. Le début de toutes les trois

atteintes fut progressif, de même que la terminaison des deux pre-

mières fut graduellement régressive. Dans les intervalles, guérison

presque complète. Les deux dernières récidives eurent lieu trois

mois et demi et un mois respectivement après des couches

normales (les grossesses furent également normales). Toutes les

deux fois, les principaux phénomènes du côté des membres furent

précédés d'une parésie de courte durée du nerf moteur oculaire

externe du côté droit. L'affection consiste en une parésie à évolu-

tion progressive de tous les quatre membres avec ataxie, atrophie

SOCIÉTÉS SAVANTES. 147

musculaire, secousses fibrillaires (notamment dans les membres

supérieurs); anesthésies légères dans les parties périphériques des

membres; certaine sensibilité à la palpation des troncs nerveux,

notablement gonflés et durs, et qui, aux membres supérieurs, pré-

sentent en outre des nodosités ; ensuite disparition des réflexes

tendineux, intégrité des organes pelviens, parfois inégalité pupil-

laire, allusion au signe d'Argyll Robertson, nystagmus horizontal

dynamique, cypho-scoliose, pied varo-équin, avec orteils en griffe

et plantes voûtées.

M. Rossolimo fait le diagnostic de la forme de Déjerine, de névrite

interstitielle, avec faible tendance à la généralisation et participa-

tion du nerf moteur oculaire externe, ayant déterminé les phéno-

mènes dégénératifs subaigus; les deux dernières récidives sont

dues à l'auto-intoxication puerpérale.

Discussion. Le professeur Hoth, qui a vu et examiné deux

malades de Déjerine, trouve que chez la malade, présentée par

Rossolimo. les troncs nerveux se comportent quelque peu autre-

ment à la palpation : chez ceux-là notamment ils sont seulement

plus consistants, plus durs, peut-être aussi uu peu gonflés. Du côté

clinique, la forme de Déjerine se distingue par son évolution pio-

gressive plus accusée, et les malades présentent des antécédents

héréditaires. -Prennent paît à la discussion en outre MM. le profes-

seur Kojewnikoffet Moltschanoff.

W. Iakowenko. La régularité du processus d'accroissement des

aliénés dans la population du gouvernement de Moscou, d'après

le recensement de 1893.

En 1893 il fut procédé au recensement de tous les malades

aliénés du gouvernement de Moscou. Tous ces malades furent

visités et examinés dans leurs domiciles par des médecins alié-

nistes ; les résultats de l'examen et de l'interrogatoire subis par

l'entourage des malades furent enregistrés sur des feuilles spéciales,

d'après un programme uniforme, très détaillé et établi d'avance.

Le nombre d'aliénés, relevé dans cette statistique, fut de 2.06, dont

1. t74 hommes et 852 femmes.

Quand on groupe ces malades d'api ès la durée ascendante de

leur affection mentale, on obtient le tableau suivant qui indique,

par période de dix ans, la période il laquelle remonte leur affection,

et le nombre des malades se rapportant à chacune de ces périodes

décennales :

11 résulte de ce tableau que d'après la durée de l'affection

le nombre des malades subit une progression décroissante,

dont le dénominateur est de 0,5. Uu tel groupement n'est pas,

selon toute vraisemblance, l'effet d'un simple hasard de com-

binaison des chiffres, mais constitue plutôt l'expression de la loi

de l'acc/'oissel1tenhles aliénés. Une pareille analogie s'observe dans

148

SOCIÉTÉS SAVANTES.

la loi d'accroissement de la population saine d'après l'àge, exprimé

également en périodes décennales, et où on voit également dans

les tableaux synoptiques dressés par divers pays, un groupement

SOCIÉTÉS SAVANTES. 149

par M. Jakowenko. Des observations ont été faites en outre par

MM. Boutzke, Postowoky et Worobieff.

T. IlTr3 : lhONr·. Sur les altérations du système nerveux central

dans les paralysies saturnines.

En introduisant des préparations saturnines chez les cobayes et

les lapins, l'auteur a obtenu des phénomènes parai) tiques très

accusés d'abord dans les membres postérieurs, ensuite dans les

membres antérieurs de ces animaux. La durée de l'intoxication,

auxquels ceux-ci furent soumis, variait entre cinq et soixante jours.

A l'examen microscopique on trouve des altérations manifestes

dans les cellules des cornes antérieures. Le corps des cellules parait

homogène ou granuleux, la substance clrromatoplrile disparait

souvent, à la périphérie ou même dans tout le corps cellulaire ;

dans les cas plus graves (plus longue durée de l'intoxication) on

voit des vacuoles apparaitre à l'intérieur des cellules, principale-

ment il la périphérie, vacuoles de volume et de nombre variables.

En outre on constate une hyperémie de la substance grise de

la moelle. Les nerfs périphériques restèrent indemnes dans presque

la moitié des expériences. Dans les autres cas on trouva des phé-

nomènes de névrite plus ou moins accusés, de caractère segmen-

taire.

M. Rybakoff penche à croire que les cellules médullaires sont

les éléments les plus sensibles à l'intoxication saturnine, et dans la

plupart des cas c'est dans leur altération qu'il faut chercher

la cause des phénomènes paralytiques.

Discussion. M. 1 ! 1 : \OR, en se basant sur un cas ancien, examiné

anatomiquement, admet que la paralysie saturnine relève de la poly-

névrite. M. Soukuanoff estime que les altérations expérimen-

tales qu'on observe chez les animaux ne sont pas obligatoires chez

l'homme. M. Moltciianoff regrette que M. Rjbakoff n'ait pas

suivi dans ses expériences le processus de la régénération des

cellules. En outre, ses propres expériences lui font croire que le

nombre de vacuoles reste le même, sur des préparations traitées

par le formol. M. KOR : \1 LOI'F croit que les altérations du système

nerveux peuvent également relever de la cachexie générale et par

conséquent être consécutives, secondaires. M. Mocravieff dit

que les altérations du système nerveux peuvent varier d'une espèce

animale à l'autre. M. Versiloff a trouvé une cllromalolyse

légère périphérique comme phénomène normal chez des pigeons

bien portants. Des observations ont été faites en outre, par

M. le professeur Kojewnikoffet )1. Savey-Vloâilevitclr.

Secrétaires des séances : W. MOUR\V1EFF ; N. VERSILOFF.

150 SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ ! IIIÉDICO-PSYCIIOLOGIQUE.

Séance du 26 juin 1899. Présidence DE M. J. Voisin.

Présentation d'un exhibitionniste.

M. Magn4n. Je vous demande la permission de vous présenter

un malade, un exhibitionniste, chez lequel l'exhibitionnisme affecte

certains caractères différents de ceux que l'on observe habituelle-

ment dans les cas de ce genre.

L'exhibitionniste, vous le savez, est un dégénéré syndromique

qu'envahit par accès paroxystiques l'idée obsédante d'exposer

les organes génitaux aux regards des femmes. Très lucide, se

rendant compte de l'absurdité et du caractère délictueux de l'acte,

il résiste d'abord, lutte contre cette idée qui, en raison même de

la résistance, devient plus pressante, plus impérieuse et fait naître

un état de malaise de plus en plus pénible, accompagné de palpi-

tations, de serrement, de barre épigastrique et d'une angoisse si

profondément douloureuse qu'elle finit par devenir irrésistible.

L'acte accompli, tout se calme, il ne reste plus qu'un grand soula-

gement, une grande satisfaction. 11 ne s'agit ici que des vrais

exhibitionnistes, il n'est point' question des déments séniles, des

paralytiques généraux, des déments avec lésion circonscrite, etc.,

qui sans nulle conscience se livrent à l'étalage génital.

Chez notre malade l'idée obsédante est continue, permanente,

c'est une sorte de besoin dont le malade ne peut s'affranchir, qu'il

subit, sa volonté n'ayant pas suffisamment d'énergie pour lutter

et résister. Aussi n'y a-t-il pas d'accès paroxystiques, mais le

sujet toujours prêt à s'exhiber succombe à la première occasion

favorable.

Voici l'histoire du malade :

T... est un dégénéré, fils d'une mère nerveuse dont la soeur est

hystérique il présente une notable asymétrie faciale. Toutefois,

dans son enfance, aucun trouble pathologique ne faisait prévoir

les perversions intinctives constatées plus tard.

A quinze ans, il commence à se livrer à l'onanisme et pendant

deux ans il s'y adonne sans la moindre réserve.

A dix-sept ans, il s'exhibe pour la première fois ; il était, dit il,

occupé à dresser des pierres pour repasser les instruments, quand

il aperçoit la bonne de la maison, il met hors du pantalou ses

organes génitaux plutôt pour riie, dit-il, et tout en continuant à

travailler, les étale au grand jour au moment où la jeune fille

SOCIÉTÉS SAVANTES. 1S1

passe près de lui. Celle-ci l'interpelle- vertement et continue son

chemin.

Il regrette aujourd'hui, dit-il, qu'elle ne l'ait pas fait arrêter

cette première fois, une leçon sévère l'eût peut-être corrigé à ce

momeut où l'habitude n'était pas encore prise et eut prévenu,

croit-il, la série de déplorables mésaventures qu'il a eu à subir.

Quoi qu'il en soit, il passe plusieurs mois sans renouveler l'acte.

Quelque temps après il a pour la première fois des relations

sexuelles avec une femme, mais sans grande satisfaction,

aflirme-t-il.

L'année suivante, âgé de dix-huit ans, il commence à éprouver

d'une façon obsédante le désir de s'exhiber; tout d'abord, il se

fait voir de loin, mais peu à peu il perd toute retenue et se montre

dès qu'il se trouve à portée d'une femme.

Dès cette époque 1879, il est condamné à un mois de prison pour

outrage public à la pudeur, il s'était masturbé devant une femme

au marché du Temple.

Cette condamnation n'enraya en rien ses tendances exhibition-

nistes ; peu de temps après sa sortie de prison, il recommença et

renouvela fréquemment l'acte, passant rarement un mois sans

exhibition.

En 1885, il est condamné à six mois de prison ; il s'était arrêté

dans la rue et avait exposé ses organes génitaux aux regards de

deux femmes qui étaient accoudées à une fenêtre ; le mari de l'une

d'elles et le concierge le firent arrêter.

Eu 1888, il subit une troisième condamnation, cette fois à treize

mois de prison, il s'était exhibé devant des jeunes filles.

En 1893, il est condamné à quinze mois de prison, il s'était

posté à une porte du marché du Temple, la verge pendante hors

du pantalon.

L'année suivante, il se marie espérant trouver là une sauvegarde

pour l'avenir ; il épouse une jeune fille pour laquelle il éprouvait,

dit-il, une vive affection. Ses relations conjugales sont normales;

deux enfants naissent dans les trois premières années du mariage,

mais malgré l'attrait de la famille, les satisfactions que lui procure

son intérieur, le besoin de s'exhiber n'en persiste pas moins et de

temps à autre il recommence ces pratiques étranges. Non seule-

ment il va s'exhiber au dehors, mais deux fois, il n'a pu s'empê-

cher d'exposer son organe viril aux regards des amies de sa lemme

en visite chez lui.

En 1895, il se fait encore arrêter après s'être exhibé, mais il est

l'objet d'un non-lieu après examen médico-légal et il est envoyé à

l'asile Sainte-Anne.

En ISOG, nouvelle arrestation dans le département de l'Yonne;

après un examen médico-légal il est placé à l'asile d'Auxerre.

Cette dernière aventure provoque de la part de la femme une

d52 SOCIÉTÉS SAVANTES.

demande en divorce. Désolé. de ne pouvoir se rendre maître de ces-

dispositions obsédantes, honteux et découragé, il fait une tentative

de suicide. 11 avait déjà en 18 19, lors de sa première condamna-

tion, essayé de se pendre dans sa cellule.

Le 2 novembre 1898, une dame D... vient déclarer au commis-

saire de police du quartier des Arts-et-Métiers qu'étant assise sur

un banc placé dans le square du Temple, elle a vu un individu

assis à côté d'elle montrer ses parties sexuelles à des enfants qui

jouaient aux environs. Quand il se voyait observé, dit-elle, cet

individu cachait sa nudité avec un journal. Quand il a vu arriver

le garde du square que j'étais allé prévenir, cet homme a pris

la fuite.

D'autre part, Mme S... dépose qu'elle a également vu l'individu

assis sur le banc dans le suare du Temple, montrer ses parties

sexuelles à des enfants qui jouaient il proximité. Cet individu qui

lisait un journal a placé ce journal sur son pantalon déboutonné

quand il a vu que nous l'observions.

Le 10 février 1899, 11m D... passant au square du Temple

aperçoit l'exhibitionniste du mois de novembre dernier et le fait

arrêter; c'était T... En même temps une jeune fille Mlle L... se

présente au commissariat et fait la déclaration suivante : « Je suis

envoyée par le garde du square du Temple il qui je me suis plainte

qu'un individu m'avait fait voir ses parties sexuelles aujourd'hui

à une heure du soir.

« Voici comment le fait est arrivé. Passant dans le square du

Temple, j'ai reconnu un individu qui, l'an dernier me poursuivait

dans le même square en cherchant à me faire voir ses parties.

N'étant pas bien sûre de le reconnaître, je me suis assise sur un

banc et je ne regardai plus cet homme qui, cinq minutes après,

vint s'asseoir près de moi, déboutonna sa brayette et, malgré

moi, j'aperçus toute sa nudité. J'allais aussitôt chercher un agent,

mais à mon retour l'individu avait disparu. >

Mise en présence de T... elle le reconnaît immédiatement et

celui-ci raconte alors au commissaire sa triste odyssée.

Sur les instances de la mère mandée au commissariat, T... est

laissé libre, mais celle-ci munie d'un certificat médical le place à

l'asile Sainte-Anne où sur ordonnance du juge d'instruction, il

devient l'objet d'une enquête médico-légale.

T... est très attristé et très affecté de ce qui lui est arrivé,

il raconte qu'il n'y peut rien, que le besoin de se montrer est chez

lui continu, permanent, que parfois le désir est plus fort, mais

que si un obstacle, la présence d'un agent par exemple, l'empêche

d'accomplir l'acte, il attend l'occasion sans éprouver de grands

malaises, sans spasmes ni palpitations, il peut même aller prendre

un repas sans avoir donné satisfaction au besoin d'exhibition. Il

n'a pas habituellement d'érection dans l'exhibition et ne recherche

SOCIÉTÉS SAVANTES. 153

pas d'ordinaire des femmes qui lui plaisent. Dans quelques cas

rares, il s'est onanisé et parfois l'éjaculalion est survenue sans

érection. Ce besoin d'exhibition ne s'accompagne pas, d'ailleurs,

du désir de copulation ; il ne cherche pas à séduire la femme et

ce ne serait pas là, dit-il, un moyen de lui plaire. Il ne recherche

pas non plus l'orgasme sexuel puisqu'il n'entre pas en érection

et qu'il n'a pas de pollution, mais son désir est d'attirer l'attention

de la femme, de voir les regards de celle-ci dirigés sur ses organes

et quand elle parait prendre plaisir à ce spectacle, il en est

heureux et éprouve une très grande satisfaction. Cette jouissance

a un attrait qu'il ne peut comparer, dit-il, aux relations conju-

gales qui ne sauraient l'empêcher de s'exhiber. D'ailleurs, c'est

préférable, ajoute-t-il, aux rapports intimes avec les femmes, qui

épuisent et ne peuvent se répéter que deux ou trois fois, tandis

que je puis dans une après-midi, me montrer huit, dix fois et

davantage, toujours avec le même plaisir.

Ce besoin étrange occupe tellement sa pensée que dans ses rêves

il se voit parfois s'exhibant devant des femmes qui le regardent et

souvent, contrairement à ce qui se passe à l'état de veille, il a

une érection suivie de pollution.

Pour se montrer, il lui est arrivé parfois de quitter le travail;

mais habituellement il profite des heures de repos pour s'exhiber.

Il va d'habitude dans une promenade, dans un square, s'assied

sur un banc déjà occupé par une ou plusieurs femmes, il déplie un

journal, lie conversation avec sa voisine sur des banalités, débou-

tonne le pantalon, sort ses organes et s'arrange, dit-il, de façon il

ce que la femme puisse le bien voir. Si quelqu'un approche, il

laisse retomber sur ses cuisses le jourual qui cache tout.

Parfois il se promène les organes sortis, recouverts par son par-

dessus et quand il passe à côté d'une femme, rapidement il

entr'ouvre les basques de son vêtement.

Sans qu'il choisisse précisément ses spectatrices, il s'adresse de

préférence aux femmes qui paraissent devoir être disposées à

plaisanter, les bonnes. les ouvrières ; une femme avec un enfant

lui inspirerait plus de retenue ; il ne se montre pas habituelle-

ment aux petites filles, mais parfois il s'adresse aussi bien aux

vieilles qu'aux jeunes, aux laides qu'aux jolies, sans avoir jamais

dans ces circonstances, le désir de relations sexuelles. « Chez moi,

dit-il, tout cela est idéal puisque ça ne me fait rien du côté des

organes génitaux et que je n'ai pas d'érection. » C'est, en effet,

un perverti sexuel psychique, un cérébral antérieur.

.Nous ne trouvons pas chez T... l'accès paroxystique des exhibi-

tionnistes ordinaires avec l'obsession. la lutte, la résistance,

l'angoisse douloureuse, l'irrésislibilité de l'impulsion, chez lui

c'est une obsession continue, une sorte de besoin qui l'obsède

mais qui n'atteint pas l'impulsion irrésistible; toutefois, l'acte

154 SOCIÉTÉS SAVANTES.

s'accomplit mais par faiblesse de la volonté qui, sans nulle

énergie, laisse le malheureux à la merci de la moindre occasion

qui se présente.

Notre rapport qui a été suivi d'un non-lieu ce terminait par les

conclusions suivantes :

1° T... est un dégénéré en proie à des perversions de l'instinct

sexuel ;

2° C'est sous l'influence d'une obsession morbide que ne peut

enrayer une volonté sans énergie, qu'il exhibe sesorganes génitaux

pour attirer les regards des femmes;

3° T... n'est pas responsable de l'outrage public à la pudeur qu i

lui est reproché, mais son état mental exige la continuation

du traitement dans l'asile d'aliénés où il est actuellement intenté.

M. ARNAUD demande quelle différence il y a au point de vue

psychique, entre cet exhibitionniste qui présente sa verge à l'état

flasque et les autres qui se montrent ordinairement en érection ? '1

M. Magnan. Celui-ci ne recherche aucune sensation tandis

que les autres sont des trotteurs. L'idée de s'exhiber ne s'accom-

pagne pas comme chez lui d'angoisse.

Présentation de pièces anatomiques.

11. DOUTREDFNTE présente un crâne d'idiot, mort à vingt ans avec

tous les caractères de l'infantilisme. Les sutures ne sont pas

ossifiées, ce qui prouve l'inutilité des opérations tentées pour

obtenir le développement du cerveau par la distension de la boite

crânienne.

Paralysie générale juvénile.

M. TOULOUSE communique l'observation d'une jeune fille consi-

dérée comme épileptique depuis son enfance jusqu'à l'âge de

dix-neuf ans et qui, à cet âge, a présenté de l'affaiblissement

intellectuel, de l'embarras de la parole et de l'inégalité pupillaire

ainsi que des accès épileptiformes en série. Quelques mois après

elle succombait et on trouvait à l'autopsie des lésions que M. Tou-

louse attribue à une paralysie générale juvénile. Pour lui la para-

lysie générale juvénile est plus fréquente qu'on le suppose. Il croit

que bien des cas considérés comme de la démence précoce chez

les épileptiques ne sont que des formes méconnues de paralysie

générale.

M. ARKAUD. Avant d'étendre le domaine de la paralysie géné-

rale, il conviendrait de la delimiter exactement au point de vue

histologique. Au point de vue clinique la malade de M. Toulouse

se présente jusqu'à l'âge de dix-neuf ans avec tous les caractères

de l'épilepsie classique sans aucun signe de paralysie générale.

Puis, brusquement, elle manifeste tous les symptômes de la para-

SOCIÉTÉS SAVANTES. ibis

lysie générale et meurt trois mois après et cependant les lésions

histologiques seraient celles d'une vieille méningo-encéphalite

diffuse. Il n'y a donc pas de concordance entre les faits cliniques

et l'autopsie. Il ne croit pas qu'il s'agisse de paralysie générale

juvénile.

M. TOULOUSE. Avant de délimiter le domaine de la paralysie

générale, il convient de connaître toutes les variétés. Je n'ai fait

d'ailleurs qu'émettre une hypothèse et je demande quel diagnostic

il conviendrait d'appliquer.

M. ARNAUD. Si la paralysie générale est encore dans une

période d'évolution, au point de vue de l'histologie, la clinique

en est faite. Le diagnostic, qui semble s'appliquer le mieux

à l'observation présentée, est celui d'une démence précoce chez

une épileptique.

M. Toulouse ne pense pas que l'histologie de la paralysie géné-

rale soit en voie d'évolution. Ce qui lui fait croire que sa malade

est bien une parah tique générale, c'est qu'elle avait des accè= en

série, qu'on ne rencontre pas chez les épileptiques et qui sont

fréquents dans les cas s'accompagnant de lésions organiques.

M. DoorsEUEVr n'a observé au contraire les accès en série que

dans l'épilepsie essentielle. Us sont relativement rares dans la

paralysie générale. Marcel Briand.

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE.

Séance du 0 juillet 1899. Présidence de M. A. JOFFROY.

M. le professeur JOFFROY ouvre la séance en donnant un aperçu

des travaux qui ont été accomplis en France et à l'étranger depuis

près d'un demi-siècle, dans la ueuro-patUologie. Il estime que l'hé-

rivage laissé par Charcot et Duclenne (de Boulogne) doit fructifier

entre les mains de leurs élèves et de tous ceux qui s'intéressent il

l'étude des maladies du système nerveux.

Surdité vc bale pure, de nature hystérique.

M. Raymond montre deux jeunes tilles, de vingt et de quinze ans,

qui sont atteintes de surdité verbale pure, elles ne comprennent

absolument pas la parole; elles entendent les sons, l'ouïe est nor-

male, mais la signification des mots leur échappe. La plus âgée est

'SOCIÉTÉS SAVANTES.

dans cet état depuis neuf ans, la plus jeune depuis dix mois. L'une

est fille d'épileptique, a un frère aliéné; l'autre n'a pas d'antécé-

dents névropathiques; toutes les deux ont des stigmates hysté-

i iques.

Quelle est donc la nature de cette surdité verbale ?

Ciiarcot croyait que l'aphasie hystérique n'existait pas. Pourtant

il admettait que le mutisme n'était en somme qu'une forme d'apha-

sie. Comment expliquer alors la surdité de ces deux jeunes filles ?

Aucune lésion organique ne la justifie : seule l'hystérie parait en

cause, l'opinion de Charcot est trop absolue. Dès lors, il ne faut

plus répéter que l'hystérie est impuissante à créer la surdité ver-

bale pure.

M. Gilles de L1 TOUftETTE demande si ces deux malades sont

sujets à la suggestion.

M. RAYMOND. Ces malades n'ont jamais été hospitalisés précé-

demment, aucune suggestion ne parait avoir été faite. La plus

jeune a eu, dans so-i enfance, une otite; cette affection l'effraya;

la crainte d'une opération fit que quelques jours après, elle pré-

senta les premiers stigmates hystériques : les crises convulsives.

Du phénomène des orteils dans l'épilepsie.

M. M.-J. Baiunski. Dans le dernier travail que j'ai publié sur

le phénomène des orteils j'ai rapporté un cas d'épilepsie jackson-

nienne où ce phénomène avait été constaté immédiatement après

la crise, du côté qui était le siège dse mouvements convulsifs, tan-

dis qu'en dehors des crises, le réflexe cutané plantaire était normal.

J'ai observé depuis des faits analogues.

Tout récemment, chez une malade atteinte de néoplasme intra-

crânien et sujette à des actes caractérisés par quelques mouvements

convulsifs généralisés par une perle de la connaissance, de l'incon-

tinence de l'urine et des matières fécales, j'ai noté pendant une

crise, outre une abolition de réflexe anal, le phénomène des orteils

des deux côtés, tandis que les réflexes tendineux ne présentaient

pas de modification; un quart d'heure environ après le début de la

crise, la malade ayant repris connaissance, le réflexe anal avait

reparu et le réflexe cutané plantaire était redevenu normal.

J'ai observé aussi le signe en question au moment de la crise

pendant un espace de temps d'une durée plus ou moins longue,

chez les individus sujets à des crises d'épilepsie dite idiopathique,

et chez lesquels le réflexe cutané plantaire était normal en dehors

des crises.

Le signe des orteils dans les cas de ce genre est tantôt unilatéral,

tantôt bilatéral; il est parfois accompagné de l'exagération des

réflexes tendineux et de trépidation épileptoide du pied, ainsi que

de l'abolition du réflexe anal.'

SOCIÉTÉS SAVANTES. -157

Dans l'hystérie, pendant les attaques, ainsi qu'en dehors des

attaques le phénomène fait constamment défaut. Il en résulte que

la constatation de ce signe pendant une crise chez un sujet dont le

réflexe cutané plantaire est normal en dehors des crises, permet

d'écarter l'hypothèse d'attaque hystérique et pourrait, dans un cas

douteux, servir à établir le diagnostic d'épilepsie. Je dois ajouter

que l'absence de ce signe ne prouverait pas que l'épilepsie n'est

pas en cause car le phénomène des orteils peut faire défaut dans

les crises épileptiques. -

Traitement chirurgical de la méralgie pareslhésique.

M. Souques. La méralgie paresthésique étant le plus souvent

rebelle iL tout traitement médical et quelques guérisons consécu-

tives à la résection du nerf fémoro-cutané ayant été publiées par

plusieurs auteurs, M. Souques a essayé ce traitement sur sa malade

âgée de 20 ans, qui souffrait d'une méralgie paresthésique occa-

sionnée par un travail excessif.

M. Mauclaire fit la résection du lémoro-culané ; les suites opé-

ratoires furent parfaites. Le nerf examiné histologiquement était

sain. Comme c'était à prévoir, l'anesthésie augmenta et dessina

exactement la zone du fémoro-cutané. Dix jours après l'opération,

la malade put se lever, marcher sans éprouver de douleurs, ce

qu'elle ne pouvait faire auparavant. M. Souques comptait donc

présenter ce cas à la Société de neurologie comme un exemple de

guérison de la méralgie paresthésique, après une résection du

fémuro-cutané, mais il apprend maintenant que depuis trois jour=,

quelques légères crises douloureuses sont survenues; mais elles le

sont beaucoup moins que les anciennes. Le traitement chirurgical

donne donc d'excellents résultats, non une guérison complète

dans ce cas, mais une amélioration très notable.

Claudication intermittente douloureuse.

M. Brissaud rapporte l'observation d'un homme de lettres,

russe, âgé de soixante ans, goutteux, migraineux, gros mangeur,

fumeur et buveur. Il y a deux» ans il fut atteint d'une sciatique

gauche dont il sembla guéri deux mois après. Puis, survint une

nouvelle douleur d'un caractère tout différent ; elle avait pour

siège le nerf fémoral cutané gauche, était superficielle, épider-

mique, et se trouvait exaspérée par le frottement ; de plus, elle

était nettement intermittente et subordonnée à la marche : régu-

lièrement, vingt minutes de marche la provoquaient : pour la

faire disparaître, un an et de dix minutes était nécessaire et suf- r-

fisant. Si le malade se remettait à marcher, la douleur reparais-,

sait au bout de vingt minutes, pour disparaître après dix nouvelles

158 SOCIÉTÉS SAVANTES. -

minutes de repos, et ainsi de suite. Depuis quinze mois l'état est

le même qu'au premier jour.

Au niveau du membre atteint, on constate une légère atrophie

musculaire. M. Brissaud pense qu'il s'agit d'une artérite goutteuse

qui détermine une forme spéciale de claudication intermittente ;

en effet, il n'y a ici ni boiterie,-ni crampe, ni engourdissement ;

le phénomène unique consiste en une douleur superficielle stricte-

ment cantonnée dans le domaine du fémoro-cutané.

11. Gilles de lv Toureite a observé un cas analogue, et il

demande à M. Brissaud combien de temps après le début de la

claudication est survenue l'atrophie. '

M. Brissaud répond que l'atrophie est survenue quinze mois

après.

Suites éloignées de la résection du sympathique dans l'épilepsie

essentielle.

M. Souques. Le traitement de l'épilepsie essentielle par la

résection du sympathique est à l'ordre du jour ; ce traitement

esl-il suivi de guérison ou au moins d'amélioration, la question

est délicate. Voici un cas qui pourra servir à la résoudre. Un

homme de quarante-trois ans, épileptique avéré, subit il y a six

mois la résection du sympathique ; les crises cessèrent, puis

reparurent; à l'heure actuelle, elles sont aussi fréquentes et aussi

intenses qu'antérieurement à l'opération.

M. Déjerine. Cette opération vantée contre l'épilepsie, parait

inutile, car elle n'a jamais donné de résultats indiscutables; et

dangereuse, car la résection des sympathiques, est toujours suivie

de troubles trophiques, surtout chez les sujets jeunes '.

m(;<omye'<<6 compliquant une section médullaire.

M. DEJËRiK. Le malade qui fait l'objet de cette communica-

tion, me paraissait au premier examen banal de paraplégie com-

plète : perte absolue de la motilité, de la sensibilité des réflexes

dans les membres inférieurs; un tt aumatisme, capable d'avoir

sectionné la moelle, expliquait ces symptômes. Mais en outre

existait sur la moitié droite du thorax, et sur la face interne du

bras droit, une dissociation syringomyélique de la sensibilité. Ce

fait assez difficile à comprendre, fut expliqué par l'autopsie. La

section siégeait au niveau de la première lombaire; au-dessus de

cette section, le canal cenlral était dilaté et formait une cavité qui,

à partir de la 9° paire dorsale, avait détruit complètement la

' Les deux cas que nous connaissons sont également défavorables à

cette opération. (13.).

SOCIÉTÉS SAVANTES. 159

corne postérieure droite; cette lésion persistait dans toute la hau-

teur de la colonne dorsale et diminuait peu à peu pour dispa-

raître au niveau de la 7° paire cervicale.

La dissociation syringomyélique de la sensibilité était donc

expliquée par ce fait ; mais ce qui est à remarquer, c'est que la

distribution de l'anesthésie était la même que celle qui serait

résultée d'une lésion radiculaire.

M. Brissaud. Celte lésion des fibres radiculaires existe peut-

être ; le refoulement produit par l'hématomyélie et la compression

qui en résulte rendent cette supposition légitime.

M. Déjerine. L'examen histologique ne permet pas de croire

que ce refoulement ait été assez énergique pour comprimer les

fibres radiculaires.

Hémiplégie gauche et paralysie alterne de l`c sensibilité.

M. Ballet. Il est assez difficile de localiser une lésion protu-

bérantielle. Un homme est atteint d'une hémiparésie gauche avec

intégrité des mouvements de la face ; une anesthésie complète à la

douleur et à la chaleur avec conservation du tact existe à droite.

Ces deux ordres de symptômes feraient songer à un syndrome de

13rown-SéIJuard traduisant une lésion de la moitié gauche de la

moelle cervicale. Une paralysie alterne de la sensibilité indique

une lésion dans la région supérieure de la protubérance, lésion

intéressant la bandelette de Reil et le trijumeau. Mais cette lésion

ainsi localisée n'explique pas les troubles de la moitié du bras et

de la jambe gauche. Faut- supposer une lésion unique intéressant

la bandelette de Reil et le trijumeau, d'une part, ou ayant gagné

le faisceau pyramidal, d'autre part, ou faut-il admettre deux

lésions distinctes ? Le problème est très probablement inso-

luble.

Délire toxique avec crises épileplil'om1Cs causées par le sulfate

. de cinchonidine .

.\1. BALLEr. M"lc X..., atteinte de névralgies, prit dernièrement

un cachet de 75 centigrammes de sulfate de quinine ; quelques

heures après elle eut une crise épileptiforme, suivie d'hallucina-

tions visuelles. Ce délire si manifestement hallucinatoire ne pou-

vait être qu'un délire toxique. 11 restait un second cachet ; on en fit

l'analyse et on trouva du sulfate de cinchonidine. D'où il suit que

l'ingestion de ce sel a été la cause du délire observé.

Considérations cliniques sur l'avenir des convulsifs infantiles.

M. Dufour. De l'étude de soixante-six cas, il tire les conclu-

sions suivantes : 1° Les convulsions infantiles du premier âge sont

160 SOCIÉTÉS SAVANTES.

d'origine épileptique; - 2° Elles ne se rencontrent pas chez les

hystériques non entachés d'épilepsie; 3° Tout convulsif infantile

est toujours disposé à réagir de façon épileptique à l'occasion des

causes multiples au nombre desquelles l'intoxication et l'infection

jouent le principal rôle ; 4° Pratiquement, la présence des con-

vulsions infantiles dans le cas de difficulté de diagnostic entre

l'épilepsie et l'hystérie doit faire admettre le diagnostic d'épi-

lepsie ; 5° Chez les convulsifs infantiles, la thérapeutique doit

s'attacher, plus que chez d'autres, à écarter toute infection,

intoxication ou auto-intoxication pour éviter cette réaction épi-

leptique.

L'absence des convulsions infantiles dans le passé des hystéri-

ques, même convulsifs, peut s'expliquer par ce fait que l'émotion,

qui est à la base des paroxysmes hystériques, manque à peu près

totalement dans le jeune âge.

M. Marie admet que les conclusions de M. Dufour sont en partie

légitimes : 75 à 80 p. 100 des épileptiques ont des convulsions

pendant leur première enfance. Mais M. Dufour croit que ces con-

vulsions sont déjà de nature épileptique. M. Marie ne partage pas

cette opinion. Ces convulsions résultent d'une infection ou d'une

intoxication ayant lésé plus ou moins les cellules cérébrales, et

c'est le reliquat de cette lésion qui, ultérieurement, crééra l'épi-

lepsie. Il y a, certes, une épilepsie essentielle, héréditaire; mais

les exemples en sont beaucoup plus rares qu'on ne le croit. Sou-

vent l'épilepsie a été créée par accident, par une action sur les

cellules corticales d'une infection ou d'une intoxication pendant

l'enfance.

M. HODDO cite à l'appui de l'opinion de M. Marie le cas suivant :

un enfant ayant subi une infection grave eut des convulsions, puis

mourut. On trouva, à l'autopsie, des lésions manifestes des cellules

pyramidales des zones motrices.

M. JOFFROY trouve considérable le rôle de l'hérédité. Il est prouvé

par la fatalité, qui pèse si lourdement sur la descendance des épi-

leptiques ; il est encore prouvé par cette prédisposition si spéciale

qu'il faut admettre pour expliquer pourquoi certains intoxiqués

par l'absinthe ou par d'autres poisons réagissent suivant le mode

épileptique, alors que d'autres supportent sans inconvénient des

doses doubles ou triples des mêmes poisons. A côté des épilep-

sies accidentelles, il y a,toujours l'épilepsie héréditaire.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 161

SOCIÉTÉ D'UYPKOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE.

Neuvième séance annuelle (Lundi 10 juillet 1899). Présidence

de M. Jules Voisin, médecin de la Salpêtrière.

Traitement psychothérapique des impulsions chez les aliénés.

M. STADELIfAnN (de Wurtzbourg) rapporte l'observation d'un

malade atteint de dégénérescence mentale et dont l'obsession était

caractérisée par de la pyrophobie. Le malade avait tellement

peur du feu qu'il se sentait obligé d'enterrer les bouts de ciga-

rettes, les débris d'allumettes, et qu'il vivait dans une anxiété

profonde à l'idée qn'il aurait pu mettre le feu. Après quinze jours

de traitement la guérison a été complète ; elle s'est maintenue

depuis treize mois. '

Incontinence d'urine et suggestion pendant le sommeil naturel.

M. Paul FAREz rapporte l'observation d'un jeune garçon de cinq

ans et demi atteint d'incontinence d'urine et guéri par la suggestion

pendant le sommeil naturel. Celui-ci est un état passif que nous

n'avons pas besoin de produire et que la nature nous offre tout

réalisé. Il faut se décider à en tirer parti, toutes les fois que le

sommeil hypnotique n'aura pas été accepté par la famille, ou que,

après avoir été accepté par cette dernière, il n'aura pas pu être

obtenu par le médecin. La suggestion pendant le sommeil naturel

est donc une sorte de succédané de la suggestion hypnotique ;

sans doute elle comporte une technique plus délicate, mais le

domaine en est plus étendu et l'efficacité tout aussi grande.

Un curieux cas d'incontinence urinaire spasmodique pendant le coït.

M. Paul Fanez. Une femme mariée, mère de famille, âgée de

30 ans, laisse échapper inconsciemment cinq ou six petits jets

d'urine, lors des coïts accompagnés de spasme vénérien et au

moment même où ce spasme survient. C'est qu'alors les contrac-

tions des muscles droits de l'abdomen agissent directement sur

une vessie distendue et forcent l'urine il s'échapper sous forme de

jets synchrones à ces mêmes contractions musculaires. Cette

femme est hystérique ; elle est atteinte de bégaiement urinaire,

c'est-à-dire que, par une sorte d'inhibition psychique, elle ne peut

vider sa vessie avant de se coucher, à cause de la présenee de son

mari. Grâce à l'hypnotisme, j'ai combattu cette phobie, obtenu la

déplétion de la vessie avant chaque coït et renforcé par suggestion

Archives, 2° série, t. VIII. Il

162 SOCIÉTÉS SAVANTES.

l'action constrictive du sphincter vésical pendant le rapport. Il y

a de cela quinze mois et, depuis, cette incontinence n'a pas reparu

une seule fois.

Applications thérapeutiques de l'aimant.

M. Paul Joire (de Lille). L'application des aimants détermine des

effets qui ne peuvent être le résultat ni d'une suggestion faite

par l'opérateur, ni d'une auto-suggestion du sujet. Sans doute, on

peut, par suggestion, obtenir le transfert d'une paralysie ou d'une

contracture, comme on peut aussi guérir ces affections par sugges-

tion. Mais, pour qu'il y ait suggestion, il faut que le malade sache

et comprenne ce qui doit arriver ; pour qu'il y ait auto-suggestion

il faut qu'il craigne ou qu'il désire l'objet de la suggestion. Or,

quand chez un malade, atteint, par exemple, de la paralysie d'un

membre, on applique l'aimant sur le membre sain, le malade, par

suggestion, pourra bien faire disparaître la paralysie, mais il ne

la fera point passer dans le membre sain. Il ne peut pas penser

que l'on commence par déplacer son mal, ce qui, à ses yeux ne le

guérit pas; il ne peut pas le désirer. Donc, quand ce phénomène se

produit, il y a autre chose que la suggestion. Il existe donc une

action spéciale de l'aimant sur le système nerveux. M. Joire

rapporte plusieurs observations de crises douloureuses, rebelles

aux diverses médications, et qui ont pris fin dès l'application de

l'aimant. Si l'on ajoute que ces applications de l'aimant ont été

faites chez des personnes peu sensibles aux procédés hypnotiques

ou présentant une grande résistance à la suggestion, on se rendra

compte de l'utilité de ce moyen thérapeutique.

Phobies neurasthéniques traitées par auto-suggestion.

M. Lépinay rapporte une série de phobies qu'il a observées sur

un homme de trente ans, telles que la peur de traverser les places,

de cheminer seul, de regarder par une fenêtre, etc. Ces phobies

étaient venues à la suite d'un accident de voiture et résistèrent à

différents traitements. Le malade se traita par auto-suggestion ;

par l'entraînement méthodique de sa volonté et par des exercices

variés, il put bientôt recouvrer graduellement toutes ses facultés

et vaincre ses différentes phobies. Il procéda à son traitement

.comme s'il avait reçu la suggestion d'autrui.

Tic nerveux traité avec succès par la suggestion hypnotique.

M. VL.1VIANOS (d'Athènes), rapporte le cas d'une malade atteinte

depuis trois ans et demi, d'un tic convulsif du cou et de la tête.

Elle n'a ni hérédité chargée, ni antécédents personnels morbides.

Au cours de cette affection, elle a eu deux rémissions à la suite

de deux émotions, une joie, puis une frayeur. Elle faisait le mou-

vement de non; le spasme était localisé aux muscles de la nuque

SOCIÉTÉS SAVANTES. 163

et au sterno-cléido-mastoïdien gauche. Elle fut endormie et dès

la deuxième séance elle fut améliorée; après la quatrième séance,

elle était complètement guérie.

Tabagisme et alcoolisme guéris par la suggestion hypnotique.

M. Bourdon (de Méru) cite plusieurs cas d'alcoolisme et de taba-

gisme guéris par la suggestion hypnotique plus ou moins long-

temps prolongée; la suggestion portait sur l'abstinence complète

d'emblée, plutôt que sur la diminution progressive. L'auteur a

aussi guéri parla psychothéraphie l'onanisme, l'onychophagie, la

passion du cabaret, du billard, etc. ; en rendant les jeunes gens

meilleurs et plus laborieux, il a ainsi fait de l'orthopédie morale.

L'onanisme et son traitement psychothérapique.

M. 13Lau.LOn. Les habitudes d'onanisme, lorsqu'elles revêtent

un caractère d'irrésistibilité, dénotent, chez les individus qui les

présentent, des perturbations fonctionnelles profondes des centres

cérébro-spinaux. Lors même que les sujets sont doués d'un

certain développement intellectuel, on peut toujours constater

qu'ils présentent toujours une certaine aboulie, par rapport à

l'habitude automatique dont ils sont atteints. En effet, ces sujets,

tout en ayant conscience des dangers que leur font courir les

pratiques d'onanisme, se déclarent absolument impuissants à y

résister. On a imaginé un grand nombre d'appareils de contention

pour réprimer les habitudes d'onanisme. En voici quelques

échantillons à titre de curiosité. Aucun d'eux n'a amené la

guérison de ces malades. Cela tient à ce qu'il importe avant tout,

non d'empêcher par des moyens mécaniques la réalisation de

l'impulsion automatique, mais bien de procéder à la rééducation

de la volonté et de créer chez ces malades de véritables centres

psychiques d'arrêt. On y arrive assez rapidement par l'application

de la suggestion hypnotique. Les sujets ne tardent pas à recon-

naître qu'ils sont capables de résister dans une certaine mesure à

l'habitude. Bientôt leur résistance s'organise et la guérison

s'établit. La durée du traitement varie nécessairement selon

l'ancienneté des habitudes et le terrain névropathique sur lequel*

elles se sont développées. Chez les onanistes dont le développement

intellectuel est normal et dont les stigmates de dégénérescence

sont peu accentués, la guérison de l'onanisme par la suggestion

est rapide et durable.

Communications diverses :

M. Jules Voisin. Un cas de délire de persécution avec hallucina-

tions religieuses et idées de possession. Action thérapeutique de

la suggestion. M. Letlu (de Sannois), Tic douloureux de la face

164 BIBLIOGRAPHIE.

datant de deux ans, traité avec succès par la suggestion hypno-

tique et l'auto-hypnotisation. M. Lionel Dauriac Les causes

d'erreur dans l'interprétation des phénomènes- psychiques. -

M. GISCARD. Étude psychologique sur les envies des femmes

enceintes. M. 13.1RADUC. Photographies de fluide vital.

M. GARNAULT. La ventriloquie comme procédé d'illusion religieuse

et magique. M. Bourdon (de Merlu). Accouchements sans

douleur d'après la méthode du D1' Paul Joire. -hi. COSTE DE

LAGRAVE. De l'auto-suggestion expérimentale. M. COUTAUD.

Manifestations du rire et des émotions chez quelques animaux.

BIBLIOGRAPHIE.

III. Revue des Thèses de la Faculté de Médecine de Bordeaux

(année 189T-1898); par les Des Régis et L. DE PERRY.

1. Etudes plélhysmopraplciques en psyeho-physiologie ;

par le Dl' L'IIEmmcn.

L'étude des phénomènes vaso-moteurs en psychologie, née avec

Mosso, est vaste et complexe : l'emploi de la méthode pléthysmo-

graphique met en relief un certain nombre de faits correspondant

aux divers états psychiques.

1° Les phénomènes intellectuels tels que : attention, mémoire,

association d'idées, raisonnement, imagination, travail cérébral

court, s'inscrivent tous sur le tracé pléthysmographique en vaso-

constriction. Cette réaction vasculaire suit une loi fixe : le phéno-

mène vaso-moteur est nettement secondaire et consécutif à l'acte

cérébral. Quant au temps perdu, à l'intensité et à la durée de

réaction, ils varient avec les individus.

Les réactions circulatoires peuvent se manifester seules ou s'ac-

compagner de phénomènes respiratoires : chez certains individus

les réactions respiratoires prennent une importance telle que les

sujets pourraient être classés en deux groupes réactionnels : type

respiratoire, type circulatoire.

2" Dans les phénomènes de volonté deux cas peuvent se pré-

senter : a) si le phénomène de volonté est purement cérébral, le

tracé pléthysmographique présente une chute en vaso-constriction;

b) si le phénomène de volonté a déterminé un effort physique, il

se produit une élévation du tracé.

bibliographie. 165

3° Les phénomènes de sensibilité, surprise, peur, douleur, don-

nent lieu à de la vaso-constriction.

Les émotions agréables provoquées volontairement (évocation

d'idées gaies) donnent lieu à un phénomène de vaso-dilatation.

Les émotions désagréables provoquées volontairement(idées tristes),

phénomène de vaso-constriction, parfois accompagné de réactions

respiratoires importantes. Les réactions agréables dont l'origine

remonte à la mise en action des organes des sens provoquent en

général des réactions vaso-dilatatrices. Les émotions désagréables

dues aux organes des sens provoquent des réactions inconstantes

surtout en ce qui concerne le goût et l'odorat.

Les bruits désagréables (grincement de bouchon, dissonnance,

audition musicale désagréable, donnent lieu à de la vaso-constric-

tion. Les auditions agréables (musique) donnent lieu à des réactions

diverses selon le morceau et l'aptitude du sujet à la musique.

4° Lorsqu'il s'agit de phénomènes tenant à la fois de l'intelli-

gence et de la sensibilité, le plus souvent le phénomène intellec-

tuel l'emporte, vaso-constriction.

2. De l'arthralgie hystérique du genou; par le De LEPINTE.

L'arthralgie hystérique du genou survient à la suite d'un trau-

matisme semblant agir comme suggestion. Elle présente deux

formes : to une forme pure dont les symptômes, la douleur et la

contracture, oflrent des caractères tout particuliers, sans phéno-

mènes locaux réactionnels; 2° une forme mixte ou hystéro-orga-

nique, constituée par l'association de l'arthralgie à une affection

préexistante de nature inflammatoire.

Dans la forme pure, l'articulation est d'ordinaire indemne de

toute altération; cependant il peut s'y produire diverses lésions

matérielles. Le diagnostic surtout dans la forme mixte est parfois

très difficile à établir : l'expectation est la meilleure conduite à

tenir. Quant au pronostic il est sérieux par la durée de l'affection,

par sa ténacité, par la possibilité de diverses complications et par

sa tendance fréquente aux récidives, et l'absence de traitement

absolument spécifique.

3. Traitement de l'épilepsie essentielle par les opérations pratiquées

sur le grand sympathique ; par le D1' Biuaxd.

Aucun fait nouveau à signaler dans ce travail.

4. Des psychoses dans leurs rapports avec les affections des reins;

par le D' 6U £ 'LOLI.

Les affections des reins agissent par auto-intoxication et peu-

vent donner naissance à la plupart des formes mentales connues,

qui varieront selon le terrain préparé parles prédispositions héré-

166 BIBLIOGRAPHIE.

ditaires. Les excès alcooliques, les intoxications en général, les

infections comme le paludisme viennent parfois combiner leur

action avec l'urémie et provoquer l'explosion de l'aliénation

mentale.

L'urémie délirante se révèle plus spécialement par de la stupeur

avec hébétude, ou confusion mentale et hallucination. L'hébétude

s'accompagne souvent de phénomènes cataleptoïdes quelquefois

extatiques. Enfin dans le cours d'une folie chronique, l'urémie

intercurrente se manifeste par des symptômes psychiques indé-

pendants, tels que l'hébétude et la stupeur ou même de la démence

qui devient définitive.

5. De la valeur thérapeutique des courants continus dans le traite-

ment de la névralgie du trijumeau; par le Dr MIAS.

Dans la plupart des névralgies faciales graves que l'on ne peut

rattacher ni à la syphilis ni à l'impaludisme, ni à une lésion locale,

la thérapeutique médicale ou chirurgicale est impuissante. 11

faut donc avoir recours au traitement galvanique par les hautes

intensités et les longues durées d'application. Ce traitement est

exempt de tout inconvénient et par suite de tout danger, de plus

il laisse le champ libre aux interventions ultérieures. Son action

ne relève nullement de la suggestion, elle est classée parmi les

effets électrolytiques du courant.

6. Contribution ci l'élude du bégaiement et de son traitement pratique;

par le D1' '1·nou.s-DEnEVOC.

Le bégaiement est une affection gênante qui met celui qui en

est atteint en état d'infériorité au pomt de vue social en l'annihi-

lant, pour ainsi dire, en paralysant ses autres facultés. Dans bon

nombre de cas, il disparait par un traitement simple dont l'appli-

cation est à la portée de tous les médecins. -

Ce traitement est basé essentiellement sur le rétablissement

d'une respiration vocale normale et quelques exercices peu com-

pliqués de gymnastique articulatoire destinés à rétablir l'harmonie

entre le cerveau qui commande et l'appareil phonateur qui doit

obéir. S'il y a complication spastique, le traitement pourra s'ad-

joindre la psychothérapie. Dans tous les cas surveiller l'état men-

tal du bègue, raffermir sa volonté, lui donner confiance, et l'ha-

bituer à se contrôler lui-même dans le but d'éviter les rechutes.

7. Essai sur la pathologie des sémites; par le D1' l3LRacD.

Dans ce travail consacré à la biologie et à la sociologie des

Israélites, l'auteur étudie les caractères principaux de celle race.

11 constate tout d'abord la précocité et la longévité. Mais ce qui

nous intéresse le plus c'est la pathologie juive, dont les facteurs

BIBLIOGRAPHIE. 167

dominants sont l'hérédité et la consanguinité. Dans les maladies

dues à la consanguinité nous relevons : 1° la surdi-mutité; 2° la

rétinite pigmentaire; 3° l'idiotie, qui indiquent un degré marqué

de dégénérescence.

Après avoir signalé, comme principale conséquence de l'hérédité

chez l'homme israélile, le neuro-artbritisme, l'auteur passe en

revue, mais de façon superficielle et beaucoup trop rapide, les

principales manifestations nerveuses, la neurasthénie, l'hystérie,

l'aliénation mentale.

8. Essai sur l'état mental dans l'abstinence; par le Dr LASSiGKAMOE.

L'abstinence, d'après Piorry, est une modification du régime

habituel consistant soit dans la privation totale d'aliments, soit v

simplement dans leur diminution. Deux phénomènes principaux

se rattachent à l'abstinence prolongée : la faim et l'inanition, inti-

mement liées l'une à l'autre.

On peut distinguer deux sortes d'abstinence : 1° l'abstinence

volontaire comprenant le jeûne expérimental des grands jeûneurs,

Succi, Merlatti ; le jeûne comme moyen de suicide employé par

Viterbi, Guillaume Granié; le jeûne religieux; 2° l'abstinence forcée,

qui comprend, en dehors de l'abstinence dans les maladies

(pyrexies, aliénation mentale, hystérie), les jeûnes déterminés par

la misère, les famines, les jeûnes accidentels causés par exemple

par les éboulements de mines, les jeûnes dus à des naufrages,

naufrage de la « Méduse » et celui plus récent de la « Ville-de-

Saint-Nazaire ». A l'appui de ces faits, des observations rigou-

reuses, en particulier la relation intéressante et inédite des délires

d'inanition observés par le D' Maire sur lui-même et ses compa-

gnons, dans le naufrage de la « Ville-de-Saiut-Nazaire ».

L'état mental créé par l'abstinence peut se résumer ainsi :

1° On constate un développement des facultés intellectuelles et

en particulier de l'imagination, si l'abstinence n'est pas trop pro-

longée et surtout si elle est volontaire et habituelle; 2° à un degré

plus marqué, il existe d'une part, un changement du moral ou du

caractère se traduisant par de l'irritabilité, de l'égoïsme, de la

cruauté, etc.; d'autre part des troubles intellectuels, diminution de

la mémoire, de la volonté, tendance aux impulsions irrésistibles et

parfois subites, instinctives; 3° puis viennent des troubles psy-

chiques nocturnes : mauvais sommeil, rêves, cauchemars, illu-

sions, hallucinations, délire et impulsions;

4° Des troubles psychiques diurnes marquent le maximum de

gravité : rêvasseries, illusions, impulsions et délire quelquefois

aigu; 5° enfin sous l'influence de ces troubles, et en particulier

des impulsions, des hallucinations, du délire, il peut se produire

des actes graves, surtout des violences, qui ont leur importance

168 BIBLIOGRAPHIE.

au point de vue médico-légal. Dans ces cas l'appréciation de la

responsabilité reste naturellement subordonnée à la constatation

des troubles psychiques et de leur gravité.

On peut 'établir un parallèle entre l'état mental de l'abstinence

et celui des intoxications. L'on trouve très peu de différence entre

les troubles mentaux de l'abstinence et ceux des intoxications :

mêmes modifications générales de l'intelligence et du moral,

mêmes troubles nocturnes, et à un degré plus marqué mêmes

troubles diurnes.

Le raisonnement, la clinique, l'expérimentation sont d'accord et

semblent établir que les phénomènes pathologiques de l'inanition

sont dus à un empoisonnement par autophagie, c'est-à-dire par

auto-intoxication, sans qu'il soit possible encore de préciser dans

quelles conditions exactes et par suite de quels troubles de nutri-

tion se produit cette auto-intoxication. '

9. L'éncrvement ; par le D1' ! lhnGA1N.

Il existe un syndrome clinique possible à déterminer et répon-

dant à ce que le public désigne sous le nom d'énervement. L'éner-

vement est caractérisé le plus souvent par la succession de deux

phases, l'une d'excitation, l'autre de dépression, mais dont la pre-

mière seule est caractéristiqne. Ces états peuvent donc être rappro-

chés des états neurasthéniques ou hystériques. Naturellement

l'énervement subit de notables modifications suivant les personnes

qui en sont atteintes, leur éducation, leur état de santé habituel

et aussi suivant les moments. Ce qu'il y a de vrai, c'est que l'éner-

vement peut résulter d'états neurasthéniques et hystériques,

comme il peut aussi conduire le sujet soit à l'hystérie, soit à la neu-

rasthénie. M. Régis considère l'énervement comme étant surtout t

une petite neurasthénie. ,

Quant au pronostic, il dépendra de l'état de santé habituel du

sujet, de ses tendances pathologiques, de la fréquence et de l'in-

tensité des crises d'énervement.

Comparant l'énervement avec l'alcoolisme, l'auteur tire cette

conclusion que l'énervement semble être le résultat d'une intoxi-

cation : l'étude de l'étiologie confirme cette opinion. Du reste le

traitement le prouve péremptoirement : tout ce qui parait être

une suppression des causes d'intoxication, diminue l'énervement.

L'éducation sérieuse de la volonté du sujet sera aussi un excellent

complément du traitement. (A suivre.)

IV. Névroses et idées fixes; par le professeur F. RAYMOND et le

Dr l'. Janet. 2° série, grand in-80 de 500 pages, avec 9 figures

dans le texte. Paris, F. Alcan, 1898. ZD

Cette deuxième série pour laquelle M. Raymond s'est joint à

BIBLIOGRAPHIE. 169

M. Janet vient encore donner corps à cet heureux procédé qui

consiste à amasser et à classer judicieusement des faits exacte-

ment relevés et décrits. Du nombre et du caractère de ces faits se

dégagent presque d'eux-mêmes des commentaires sobres mais

clairs, justes, sans subtilités ni hypothèses risquées et sans vaines

hardiesses. C'est la consécration d'une méthode autrement féconde

que celle des ouvrages théoriques. Le premier volume était le

fruit de l'observation concentrée, étude longue et profonde d'un

même sujet qui présente un double danger : de dressage du sujet

par l'observateur, et... celui de l'observateur par le sujet : plus

l'observateur croit à l'importance d'un fait, d'un détail, plus ce

détail grandit chez le sujet, et réciproquement, plus ce fait se

montre avec netteté et plus l'observateur croit à son importance. x

Ce second volume, au contraire, a pour base l'observation dispersée,

portant sur un grand nombre de malades examinés complètement,

mais d'une manière en quelque sorte extemporanée. Les inconvé-

nients de ces deux méthodes employées isolément sont visibles, mais

l'excellence de leur emploi simultané ou alternatif est évidente,

c'est ce que prouve ce second volume qui fait plus que compléter le

premier en donnant à l'ensemble de l'oeuvre sa véritable portée.

II s'agit ici des maladies produites par les émotions, des idées

obsédantes et de leur traitement. Que l'on songe à toutes les clas-

sifications laborieuses, mais éphémères ; aux nomenclatures cadu-

ques ; aux systèmes croulant avant la complète édification aux-

quels les faits de ce genre ont donné lieu, et l'on comprendra « le

diagnostic d'infirmière » auquel on est trop souvent obligé de

revenir en pareille matière, et le service rendu par un retour à

des méthodes plus naturelles et plus logiques, méthodes stables

parce qu'elles commencent par se donner une base, et sûres parce

qu'elles étudient les obstacles avant de vouloir les franchir. Cent

cinquante-deux observations touffues composent le livre de

1\i\i. Raymoud et Janet; il ne faut même pas songer à en résumer une

seule tant elles sont éloignées de tout inutile détail et de toute

digression accessoire ; chaque mot porte son idée, il y est dit

tout ce qui doit être connu et rien que cela. Cette concision n'est

même pas le moindre mérite des auteurs, et l'on sent avec satis-

faction que tout est à lire. Les auteurs procèdent toujours du fait

le plus simple aux faits les plus complexes, ils recherchent

d'abord un type pathologique pur, comme la nature en présente

quelquefois pour passer ensuite aux cas plus ou moins hybrides

pour lesquels l'énoncé bref du diagnostic caractérise plutôt la pré-

dominance d'un syndrome que la totalité de l'affection, en tant

qu'entité isolée et bien tranchée. Ainsi, pour les confusions men-

tales, nous trouvons d'abord une confusion mentale primitive

pure, puis une confusion mentale secondaire chez une hystérique,

ensuite une confusion avec délire, enfin une confusion mentale

]70 O BIBLIOGRAPHIE.

périodique, etc. Telle est la conduite de chacun des chapitres. En

tète des aboulies viennent encore les aboulies primitives consécu-

tives à une pyrexie ou arrivées graduellement au moment de la

puberté, puis les aboulies primitive^ avec idées fixes; les aboulies

secondaires psychiquenzent bien entendu, c'est-à-dire précédées

d'un trouble mental préalable qui leur a préparé la voie, tels que :

idées fixes, état émotionnel persistant ; enfin les aboulies pério-

diques qu'il ne faut pas confondre avec les délires circulaires dont

elles ne présentent pas la phase d'excitation.

Après- les aboulies les auteurs étudient les délires coenesthé-

siques, ces troubles subjectifs de la personnalité où les altérations

du moi sont éprouvées par le malade lui-même, et les délires

émotifs systématiques dont la tendance à la généralisation arrive

à constituer des délires émotifs généralisés, évolution que permet

de suivre très clairement cette-série d'observations. C'est dans ce

chapitre que se place la toujours suggestive étude des phobies et

des obsessions angoissantes donnant lieu à de si jolies dénomi-

nations : sidéro-dromophobie, triskaidekaphobie, enfin les obses-

sions impulsives et les impulsions formeut la transition entre la

première partie qui traite des troubles psychiques purs et la

seconde où on les voit se compliquer de troubles somatiques. En

effet, entre les idées fixes claires et manifestes, uniquement psy-

chiques dans leurs effets et celles plus dissimulées qui provoquent

des accidents physiques, on rencontre tous les degrés. On voit par

les travaux de M. Janet combien ces idées fixes subconscientes, si

difficiles à dépister et qu'il faut souvent chercher pendant l'hyp-

nose ont d'importance, et combien leur découverte a éclairé cette

question et rendu effective la thérapeuthique. Attaques de som-

meil, fugues, vagabondage ; troubles divers de la sensibilité et du

mouvement ; troubles du langage reproduisant avec plus de net-

teté encore ceux que provoquent les lésions centrales ; spasmes et

autres désordres viscéraux, vasomoteurs, sécrétoires et trophi-

ques, viennent complètement terminer cette attachante série de

faits. Chacun de ces 152 cas forme un tout qui porte en soi sa part

relative de conclusions, tandis que de l'ensemble se dégage, entre

bien d'autres idées générales, celle de l'émotion venant comme

un déclic déchaîner les accidents ou venant par sa violence ou sa

répétition, enfoncer l'idée fixe comme un corps étranger dans un

terrain rendu instable, malléable et fragile, par une hérédité où se

révèlent de nombreuses causes de déchéance, causes parmi les-

quelles l'alcoolisme de l'un au moins des ascendants est d'une

manière frappante la plus fréquente. Ce travail rendra donc de

féconds services à tous les hommes d'études par son fond si subs-

tanciel où il y a tant à puiser, comme par sa méthode si lumi-

neuse. Les cliniciens y trouveront leur part et aussi les psycho-

logues. F. Baissier.

BIBLIOGRAPHIE. 171 1

Y. De la phtisie et en particulier de la phtisie latente dans ses

rapports avec les psychoses; par J. Cuvrsricrs, ancien interne de

l'asile d'aliénés de La Roche-sur-Yon (Thèse de Paris, 1899).

Sur les conseils de M. Cullerre, M. Chartier a entrepris, dans sa

thèse inaugurale, de rajeunir cette vieille question des rapports de

la phtisie et de la folie. Il s'est attaché surtout à étudier les psy-

choses qui se développent chez les individus atteints de tuberculose

latente. Le bacille tuberculeux sécrète des produits solubles, des

toxines, qui prennent naissance au niveau des foyers bacillaires

et dont l'énergie nous est révélée par les effets de la tuberculine

de Koch. La production des désordres dynamiques tels que ceux

de la sphère psychique causés par les toxines tuberculeuses ne

saurait donc être mise en doute ; ils sont de même ordre que

tous ceux que l'on attribue à la diathèse tuberculeuse et qui

atteignent, par exemple, l'estomac et les reins. Si ces toxines

provoquent indiscutablement de la dyspepsie et de l'albuminurie,

il faut nécessairement admettre qu'elles sont aussi capables de

produire le délire, qui- est la manière de réagir de l'organe

cérébral.

Et quels sont les individus qui délirent sous l'influence de cette

infection ? Ceux qui sont très aptes à délirer naturellement, c'est-

à-dire les prédisposés, les héréditaires, les dégénérés. Aussi,

n'existe-t-il pas une forme spéciale de folie des tuberculeux.

Chacun délire avec son idiosyncrasie propre comme le prouvent

les nombreuses et intéressantes observations de M. Chartier. Ce

n'est qu'à une période avancée de la phtisie que la psychose peut

prendre des allures particulières plus en rapport avec le degré

d'intoxication de l'économie et dont la description bien connue de

Clouston peut donner une idée.

On sait que Bail, dans son étude de la folie tuberculeuse, en

décrit trois formes qui répondent aux conditions suivantes :

1° Les deux affections suivent une marche parallèle ;

2U La phtisie et la folie obéissent à la loi d'alternance et se

remplacent mutuellement ;

3° La folie remplace la phtisie dans les familles de tuberculeux

par une sorte de transformation de l'hérédité morbide.

M. Chartier passe en revue ces trois hypothèses. En ce qui

concerne la première, il reconnaît qu'elle est exacte et répond aux

cas les plus habituels. C'est il eux que s'applique la description de

Clouston.

Les faits d'alternance sont beaucoup moins fréquents, tout en

étant réels. Il s'agit dans ces cas, non pas de révulsion, comme le

pensait Bail, mais de perturbations nutritives qui atteignent alter-

nativement le cerveau où elles favorisent la naissance du délire,

172 VARIA.

et le poumon où elles préparent le terrain pour le développement

du bacille de Koch. Quant à la troisième hypothèse de Bail, elle

n'est pas le moins du monde justifiée. Il n'existeentre la tuberculose

et la folie frappant une même famille que le lien très général créé

par la dégénérescence. En matière de maladie infectieuse, il' ne

saurait s'agir, en effet, d'hérédité de métamorphose.

L'auteur consacre ensuite quelques pages au diagnostic. Après

avoir rappelé les signes qui révèlent la tuberculose à sa période de

germination, signes d'uue haute valeur pour l'aliéniste, M. Chartier

signale comme particulièrement significatives les crises de palpita-

tions nocturnes et les pertes séminales qui surviennent dans les

mêmes circonstances. Mais, à son avis, une des sources les plus

précieuses d'information réside dans les antécédents personnels et

héréditaires des malades : l'existence antérieure d'une pleurésie

ou même d'accidents pulmonaires moins caractérisés peut avoir

une réelle valeur inductive. Le fait d'appartenir à une famille

décimée par la tuberculose n'est pas moins important.

Un résumé sous forme de conclusions correspondant aux divers

problèmes abordés dans le cours de la thèse termine ce travail

intéressant dont nous n'avons esquissé que les parties principales.

VARIA.

LES drames DE l'alcoolisme.

Rue d'Uzès, le sieur Cottin, trente-deux ans, placier en

dentelles, rentrait ivre. Sa femme lui ayant fait des observations,

il la tua d'un coup de revolver. Il a été arrêté.

A Haspres (Nord), Simon Dhaussy, quatre-vingts ans, culti-

vateur, habitant avec son fils, quarante-cinq ans, célibataire, a

été trouvé dans un trou, à moitié décapité par un coup de hache.

Le fils, qui habitait avec lui, était dans un état complet d'ivresse.

Il a été arrêté comme auteur du crime.

Emile Sorel, né à Martigny, quarante-huit ans; sa femme,

née Delphine Guérin, originaire de Clécy, quarante et un ans,

et leurs fils Emile, dix-sept ans, et Albert, onze ans, habitaient à

Martigny, près Falaise. Sorel était presque toujours entre deux

vins. Mercredi, il était encore pris de boisson lorsque son fils

Emile revint de faire un charriage avec ses deux chevaux. Il l'aida

VARIA. 173

à les dételer. Il était six heures du soir. Soudain, le jeune homme

entendit un coup de feu dans la maison. Il y courut et vit sa mère

couverte de sang qui tomba comme une masse. « Elle en tient ! »

cria Sorel. En entendant son garçon appeler du secours, il se

sauva dans sa chambre où il se tira un coup de sa carabine dans

le côté. La mort a été aussi instantanée. On a trouvé sur l'assassin

deux autres cartouches. On en a conclu qu'il avait l'intention de

tuer ses deux fils ; mais rien ne le prouve. Ce crime ne peut être

attribué qu'à une fureur déterminée par l'alcool. (Bonhomme

Normand, 12-20 juillet.)

On nous mande de Lyon qu'hier, dans un accès de délire

alcoolique, le nommé Bazus, âgé de quarante-trois ans, typographe,

a frappé sa femme, Marie Simonetti, âgée de trente-deux ans, d'un

coup de couteau à la cuisse et lui a tiré un coup de revolver il la

tête; puis, croyant l'avoir tuée, il s'est appuyé contre la poitrine

la pointe du couteau et, se jetant contre un mur, s'est enfoncé

l'arme jusqu'à la garde dans le coeur. La mort a été instantanée.

La femme a été transportée à l'Hôtel-Dieu. On n'a pas pu extraire

la balle logée dans le crâne ; cependant, les médecins espèrent la

sauver. Les deux époux étaient sourds-muets. C'est leur petit

garçon, âgé de cinq ans, qui n'a pas hérité de l'infirmité de leurs

parents, qui a raconté la scène, il ne cessait de répéter : « Méchant

papa, il a fait bobo à maman » 11 a été recueilli par sa tante

maternelle. (Le Temps, du 7 juillet 1899.)

Pauvles petits ! - Pierre Martin, cinquante-huit ans, casseur

de cailloux à Notre-Dame-de-Courson, a eu quatorze enfants qu'il

n'a jamais corrigés outre mesure. Pierre Martin a la tête un peu

dérangée par suite d'excès de boisson. Quand il est gris, il prend

son plus jeune enfant dans ses bras, le dorlote, le berce; on dirait

qu'il veut lui donner le sein. Malheureusement, un soir, pendant

que Martin tenait son dernier bébé dans ses bras, il tomba avec

dans la cheminée. Une chaudière d'eau bouillante fut renversée et,

le pauvre petit fut tellement brûlé qu'il mourut peu de temps après.

Devant le tribunal, Martin fait le pantin et amuse fort l'auditoire

quand il dit au président : « Tu sais, moi, monsieur, j'sais pas,

j'étais gris. Quant à ma bourgeoise, j'sais pas... D'mande-lui.

L'principal, c'est qu'on s'arrange tous les deux. » Martin

attrape tout de même deux mois de prison pour homicide par

imprudence. (Bonhomme Normand, 27 juin.)

FAITS DIVERS.

Asiles d'aliénés. Nominations et promotions : JI. le Dl' S.\NTE-

noise, médecin adjoint à l'asile public de Saint-Ylie près Dôle, est

nommé médecin adjoint de l'asile de Dijon en remplacement de

M. le Dr ViALLON; - Par divers arrêtés M. le D'' DoDERO a été

nommé médecin adjoint à l'asile Saint-Ylie (Jura) ; M. le

D1' Keraval, directeur médecin à Armentières a été promu à la

classe exceptionnelle du cadre; Il. le De FAN), médecin adjoint

à la Roche-Gandon (Mayenne) est élevé à la classe exceptionnelle.

. Intérêts professionnels. Dans son audience du 10 juin 1899,

le Conseil d'Étal statuant au contentieux a décidé qu'un médecin-

inspecteur d'un asile départemental d'aliénés, élu député, et qui

se trouve avoir droite une pension de retraite par suite de la

suppression postérieure de son emploi, peut réclamer la jouissance

de cette pension ci dater de la cessation de ses fondions. C'est donc

à tort que, dans l'espèce, le Conseil général du département inté-

ressé avait pris une délibération portant que le médecin n'entre-

rait en jouissance de cette pension qu'à l'époque de la cessation

du mandat de député. (Sem. med. n° 25, 1899.)

Aliénés en liberté. M. Arnaudin, quarante et un ans, rece-

veur de l'enregistrement à Vimoutiers (Orne), qui était, depuis

quelque temps, obsédé par des idées de persécution, s'est tué en

se tirant un coup de fusil dans la tète. (Bonhomme Normand,

27 juin.)

Les chaleurs ont causé, à Paris, de nombreux cas de trans-

ports au cerveau. Une ancienne danseuse, Marguerite l'ouroy, a

été prise de folie, place Clichy. Au commissariat, elle enleva d'un

coup de pied les lunettes du commissaire. Pendant qu'on la

conduisait à l'infirmerie, elle brisa les glaces du fiacre et voulut

étrangler les inspecteurs, qui eurent toutes les peines du monde à

la maîtriser. A la station de la Porte-Maillot, un voyageur très

correct, M. S..., ingénieur, subitement pris d'un accès d'aliénation

mentale, se plantait sur la voie, au moment où un train venant de

Paris était en vue et levait l'index pour l'arrêter. Des employés

l'empoignèrent et le firent conduire au commissariat des Ternes.

Enfin, des agents ont arrêté, boulevard de Clichy, un cocher,

déséquilibré également, qui leur avait jeté sur la tête un seau

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 175

d'eau, probablement destiné à leur rafraîchir les idées. (Bonhomme

Normand du 20 juillet 1899.)

La folie. Pris d'un subit accès de folie, un nommé Fortet,

âgé de quarante ans, plongeur, tirait, hier matin, plusieurs coups

de revolver sur une boutique de blanchisseuse, rue Aumaire.

Arrêté et conduit au commissariat ce fou furieux a déclaré avoir

voulu se venger des blanchisseuses qui le narguaient et empoison-

naient son linge. Il a été envoyé à l'infirmerie du Dépôt. (La Fronde.

11 juillet 1899.)

Suicide d'enfant. Le jeune Georges Berliot, quatorze ans,

d'Amiens (Somme), craignant des reproches de ses parents, s'est

couché sur la voie ferrée et a été écrasé par un train. (Bonhomme

Normand, 20 juillet.)

Bechterew (W.-V.). lieben die 1,'e(letiliiil der gleichzeiligen

Anwendung hypnolischer Suggeslionen und Anderer Jlillel bei der

l3elzaadlun ! 3 des chronischen Alcoholismus. Brochure in-8o de 3 pages.

- Coblenz, 1899. - Librairie W. Groos.

Bechterew (W.-V.). 1-ebei- unwillhuiiichen IIal'l/abyany bcim

Lackerz. Urochure in-S° de 2 pages. Leipzig, 1899. Librairie

Veit et C ?

BECHTEKEW. i\'eue Beobachlungen und palholorliscTt-attatooaische

Unlersuclzrutrlen liber )7e ? ei< der l\ïl'belsÛub. Brochure in-S° de

13 pages, avec une planché hors texte. Leipzy, 1899. Librairie

W. Vogel. -

Bechterew. Veber periodische acide Paranoïa simplex cils besondere

form pel'iodischel' l'sychosen. Brochure in-8° de 14 pages. Berlin,

1899. - Librairie vou S. Karger.

Br.CIITLIIEW. Ein neues Algesimeter. Brochure in-S° de 5 pages,

avec 5 figures. Leipzig, 1899. Librairie Veit and C°.

130un...EvILLE. Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie,

l'hystérie el l'idiotie. (Compte rendu du service des entants idiots, épilep-

tiques et arriérés de Bicêtre pour 1S98), publiées avec la collaboration de

MM. Cestcln, Chapotin, Kalz, Noir (J.), Philippe, Sebihau et Boyer.

T. XIX de. la collection. - Un fort volume in-8° de t.xwvu-` ? 3'r pages,

avec 13 figures dans le texte et 13 planches hors teste.- Prix : 7 francs.

Pour nos abonnés : 5 flancs. Bureaux du Progrès médical. ,

Bm.uôFS CAIIVALIIO. Desequilibrio apparente entre a natalidade e a

mortalidade na cidade do l/iv-JaneÎ7'o. Brochure 111-81 de 23 pages.-

I\io-de-Janeiro, 1899.- Typographia Besuard frères. *

Cestin (R.). Le syndrome de Utile, sa valeur noologique, sa

pathogénie. Volume 111-8- de 131 pages. Paris, 1899. Librairie

G. Sleinheil.

'1'76 \ avis. ,

AVIS TRÈS IMPORTANT. - Depuis le 28 JUILLET

M. Il. DURAirD n'a plus aucune fonction au Progrès

Médical. Il est remplacé par M. Aimé ROUZAUD qui

est chargé exclusivement des annonces et de la partie

administrative.

AVIS A NOS ABONNÉS.- L'échéance du ICI' JUILLET

étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions

instamment nos souscripteurs dont l'abonnement cesse à

cette date, de nous envoyer le plus tôt possible le montant

de leur renouvellement . Ils pourront nous adresser ce

montant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur

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mentée des frais de recouvrement, à partir de

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tif des Archives de Neurologie et du Progrès Médical

est réduit à 30 francs pour la France et l'Étranger.

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nement de 1899. - A partir du le`' janvier 1900 le prix de

la collection complète (1880-1899) sera porté à CENT Cn\'-

QUANTE francs.

AVIS AUX AUTEURS ET AUX ÉDITEURS. -

Nous rappelons à nos abonnés, aux auteurs et aux éditeurs

qu'il est rendu compte dans les Archives de tous les ou-

vrages dont il est envoyé deux exemplaires. Les ouvrages

dont il ne sera adressé qu'un exemplaire seront simplement

annoncés.

le Le rédacteur-gérant : BOUR1OEYILLE.

l : vrew, Ch. Il''R1BEY, IInp. - 899

Vol. VIII. Septembre 1899. N° 45

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

PHYSIOLOGIE.

DOUBLE CClV1'ItB D'INNERVATION CORTICALE

o CUL 0 - [ 0 Till CE;

Par le D' .lowv ROUX.

Depuis quelques années, la question des centres corticaux

a notablement changé de face. Il ne s'agit plus de rechercher l'

dans l'écorce des territoires distincts, dont le rôle exclusif

soit de régler telle ou telle fonction, de commander à cer-

tains groupes musculaires, ou d'élaborer les impressions

centripètes venues d'une région déterminée. La doctrine des

centres autonomes et distincts, exclusivement moteurs ou

exclusivement sensitifs, a vécu.

Il n'y a plus que des centres réflexes (Exner) ou si l'on

préfère des centres sensillvo-moteurs.

Celte doctrine depuis déjà longtemps soutenue au point de

vue physiologique (voir les travaux de Schiff, Tripier, Bastian,

Dana, Luciani et Tamburini) a reçu sa consécration anato-

mique surtout des recherches embryologiques de Flechsig.

Le système nerveux est un chemin de la force, répète

volontiers le professeur Pierret. L'écorce cérébrale reçoit de

l'influx nerveux et en projette : pour cela des fibres ner-

veuses viennent s'y terminer ou y prennent naissance. On

distingue dans cette écorce deux sortes de zones : les zones

de projection et les zones d'association. Les premières com-

muniquent directement à la périphérie par des fibres centri-

pètes et des fibres centrifuges mélangées. Les secondes ne

Archives, 2° série, t. VIII. 12

178 8 PHYSIOLOGIE.

communiquent avec la périphérie qu'indirectement, par l'in-

termédiaire des zones de projection. Il n'existe pas de zones

n'ayant que des fibres centrifuges ou que des fibres centri-

pètes. Toute zone de projection est donc susceptible et de

recevoir de l'influx et d'en émettre, d'être et sensitive et

motrice.

Il y a longtemps qu'on savait qu'au niveau des circonvo-

lutions centrales, les fibres centripètes étaient mêlées aux

fibres centrifuges. Monakow avait déjà démontré aussi

l'existence de fibres centrifuges mêlées aux radiations

optiques centripètes. C'est à Flechsig que revient l'honneur

d'avoir établi qu'il s'agit là d'une loi générale : que toute

zone de projection est en rapport avec la périphérie dans les

deux sens centripète et centrifuge, ainsi s'est trouvé définiti-

vement établie la doctrine qui fait des centres corticaux, des

centres réflexes ou sensitivo-moteurs. De même que les

centres moteurs des anciens auteurs sont en même temps sen-.

sitifs, de même les centres sensoriels (vision, audition, etc.)

sont en même temps moteurs. Il m'a semblé que ces notions

nouvelles étaient susceptibles d'éclairer la question si contro-

versée de l'innervation corticale oculo-motrice, et permet-

taient de reviser les observations et doctrines anciennes il ce

sujet.

Nous étudierons successivement : 1° Le rôle de la corlica-

lité dans la physiologie normale des mouvements oculaires,

tel que nous permettent de le concevoir les données anato-

miques; '2" Les applications il la pathologie.

CHAPITRE PREMIER

RÔLE DE LA CORTICALll'É 1) ? ÇS LA PHYSIOLOGIE NORMALE

DES MOUVEMENTS OCULAIRES

Les mouvements oculaires réflexes et inconscients, tels

que le réflexe irien à la lumière, ne nous occuperont pas;

ils se passent entièrement dans les noyaux gris de la base;

l'écorce n'y a aucune part.

I. Mouvements réflexes conscients involontaires. - L'oeil

en tant qu'organe sensoriel (rétine) correspond à une zone

du cortex bien déterminée : le centre visuel cortical situé à la

DOUBLE CENTRE D'INNERVATION CORTICALE, ETC. 119

face interne et inférieure du lobe occipital (cuneus, lobe lin-

gual et lobe fusiforme d'après Déjerine et Viallet scissure

calcarine, lobe lingual et lobe fusiforme d'après Brissaud

la scissure calcarine seulement avec ses deux lèvres, d'après

Henschen).

L'oeil, avec ses muscles, en tant que doué de la sensibilité

générale (trijumeau) correspond à une autre zone de pro-

jection. Celle-ci doit faire partie de la zone de projection du

reste de la face : rien ne' nous autorise à l'en séparer

(hémianesthésie). Les fibres centripètes, faisant suite aux

filets du trijumeau, abordent la corticalité en un point

encore assez mal déterminé, mais correspondant vraisembla-

blement à la partie inférieure de la frontale ascendante, et

aux pieds des deuxième et troisième frontales '. Ces deux

zones peuvent être lésées isolément ou simultanément

(hémianesthésie, hémianopsie)

L'existence de deux zones de projection centripète, nous

permet déjà de concevoir l'existence de deux zones de pro-

jection centrifuge (motrice) superposées aux premières.

A. Rôle moteur du centre visuel cortical. Centre oculo-

moteur postérieur. Une vive lumière se produit à ma

droite : mon regard se dirige de ce côté, mes yeux, conver-

gent sur le point lumineux, ma pupille se conlracte au degré

nécessaire, mon cristallin accommode. Tous ces mouvements

ont été involontaires, réflexes, mais conscients 2. Que s'est-il

passé au point de vue physiologique ? La rétine a été impres-

sionnée fortement, l'impression s'est propagée par les nerfs

optiques, les bandelettes, les noyaux gris centraux, les radia-

tions optiques jusqu'au centre visuel cortical. Là s'est pro-

duite une sensation consciente : la vision d'une lumière à ma

droite; et c'est en cela que ce centre est sensitif. Puis l'im-

pression s'est réfléchie par les fibres nerveuses centrifuges,

mêlées aux radiations optiques centripètes, jusqu'aux noyaux

gris centraux, où par l'intermédiaire des oculo-moteurs s'est

produit le mouvement de latéralité des yeux à droite, la con-

vergence, la contraction irienne, la contraction du muscle

1 Dans cet article nous aurons en vue, moins d'établir des localisa-

tions précises que de donner une vue d'ensemble de la question, et mon-

trer le jour véritable sous lequel elle doit être envisagée.

- Au moins dans leur ensemble : j'ai conscience de regarder droite.

180 PHYSIOLOGIE.

de Brucke et peut-être des modifications au niveau de la

rétine '. Voilà autant de mouvements dont le point de départ

est le centre visuel cortical. Il est bien certain que ces mou-

vements ne sont pas le résultat de réflexes se passant dans

les noyaux de la base ; car ils ne se produisent plus lorsque

le centre visuel cortical est lésé'1 (hémianopsie et cécité

d'origine corticale). D'autre part, c'est bien par les fibres

centrifuges émanées du centre visuel cortical que celui-ci

agit sur les noyaux oculo-mofeurs car ces mouvements se

produisent encore lorsque les circonvolutions centrales dites

motrices sont lésées' (voir plus loin).

L'idée d'ailleurs n'est pas neuve de faire jouer un rôle

oculo-moteur à l'écorce du lobe occipital. Nous avons à ce

sujet un certain nombre de données expérimentales.

Bechterew excitant la deuxième circonvolution primitive ou

externe du chien entre le bord postérieur du gyrus sigmoïde et

la pointe du lobe occipital a vu : 1° la déviation des yeux du

côté opposé ; 2° une légère occlusion des paupières ; 3° le

rétrécissement des pupilles. Ce n'est pas, probablement, que

la face convexe du lobe occipital joue un rôle par elle-même.

Mais nous savons que les fibres qui se rendent au centre

visuel, ou en parlent, passent immédiatement au-dessous de

cette circonvolution. Il est vraisemblable que dans l'expé-

rience de Bechterew l'excitation a diffusé, est allé exciter les

fibres sous-jacentes allant du centre visuel aux noyaux gris

centraux.

Luciani et Tamburini avaient déjà fait une expérience

semblable. Ils furent les premiers à considérer le centre

visuel cortical comme un centre sensitivo-moteur. Schaefier6

a précisé davantage encore. Les yeux se dirigeaient en bas

par l'excitation de la zone supérieure du lobe occipital, en

haut par l'excitation de la zone inférieure, latéralement par

' Joanny Roux. Réflexes rélino-réliniens (arc. d'opht., juin 1898). Le

signe d'Argyll Robeolson (Province médicale, avril 1898). Mécanisme

analomique de l'attention (Arch. neurologie, décembre 1898).

2 Ceci pour répondre aux auteurs qui placent dans les noyaux gris de

la base le centre réflexe de ces mouvements. \

3 Ceci pour répondre à ceux qui prétendraient que le circuit réflexe

passe du centre visuel cortical aux circonvolutions centrales.

1 Schaeller. Experiznents on the eleclrical excitations of the visual

area of the cérébral cortex in the monkey (Bmin, avril 1888).

DOUBLE CENTRE D'INNERVATION CORTICALE, ETC. 181

l'excitation de la zone intermédiaire. Il note que les mouve-

ments étaient plus intenses lorsque l'excitation était portée

à la face interne du lobe occipital. Il admet que l'excitation

produit des images subjectives qui sont projetées dans la

partie correspondante du champ visuel : le regard est alors

attiré de ce côté comme dans l'exemple que nous avons donné

plus haut. Et ce qui prouve que l'excitation passe bien par

les fibres centrifuges mêlées aux radiations optiques, c'est

que les expériences donnent les mêmes résultats lorsqu'on

enlève les circonvolutions centrales dites motrices.

Des expériences analogues ont été faites par Unverrich,

Danillo, Munk. L'hypothèse des images visuelles subjec-

tives (Schoeffer) n'est pas nécessaire, car l'excitation de la

substance blanche du lobe occipital produit les mêmes mou-

vements (Danillo). La section du corps calleux ne change rien

aux résultats (Munk). La section de la couronne rayonnante

du lobe occipital empêche ces mouvements de se produire

(Munk). Même chez les oiseaux où l'entrecroisement optique

est complet l'excitation d'un seul lobe occipital produit les

mouvements des deux yeux (Steiner).

L'expérimentation et l'anatomie normale s'accordent donc

à faire de la face interne et inférieure du lobe occipital un

centre non seulement sensitif, mais aussi moteur. Nous

verrous plus loin que ces données concordent également

avec ce que nous apprend la clinique et l'anatomie patholo-

gique..

Voilà donc une première zone corticale jouant un rôle

dans les mouvements des globes oculaires et des paupières' :

c'est le centre oculo-moteur postérieur, ou si l'on préfère le

centre sensol'io-1notew' de la vision. Ce n'est qu'un centre

'réflexe : par son intermédiaire, c'est la rétine qui commande

et dirige elle-même ses déplacements.

B. Centre oculo-moteur antérieur. La zone de projec-

1 Toute cette élude nous montrera que les mouvements des paupières

sont, au point de vue de leur physiologie, inséparables de ceux du globe

oculaire : et cela non seulement pour le releveur innervé par la troisième

paire, mais aussi pour l'orbiculaire innervé par la septième paire.

J'approche vivement mon poing fermé des yeux ouverts d'un malade ;

ils se ferment vivement : le centre réflexe a été le lobe occipital. En effet,

ce réflexe est aboli dans la cécité corticale, conservé dans certains cas

de paralysie des mouvements des yeux (V. plus loin) dans la paralysie

pseudo-bulbaire.

'18 : 2 PHYSIOLOGIE.

tion correspondant à la sensibilité générale de l'oeil et de ses

annexes est-elle en même temps motrice ? S'il en était autre-

ment, cette région échapperait à la loi générale citée plus

haut : nous n'avons aucune raison de le supposer. Qu'un

corps étranger vienne se loger sous notre paupière : il pro-

voquerà d'abord un clignement purement réflexe se passant

dans les noyaux de la base; puis, en même temps qu'une sen-

sation consciente pénible, une série de mouvements des pau-

pières destinés à l'expulser. L'observation et l'anatomie nor-

male nous permettent de supposer que ces mouvements ont

pour centre la zone de projection sensitive, correspondant

probablement au pied de la deuxième frontale. L'expérimen-

tation et surtout la pathologie nous donneront des argu-

ments plus positifs.

D'après Mott et Schaeffer l'excitation du tiers supérieur de

cette zone produirait une déviation latérale, et un abais-

sement des globes ; l'excitation du tiers moyen, la déviation

latérale simple; l'excitation du tiers inférieur, la déviation

latérale avec élévation.

Fritsch et Hitzig, Ferrier, Beevor et Horsley, Munk, Steiner

ont aussi produit des mouvements des yeux par l'excitation de

l'écorce du lobe frontal. Le temps perdu serait moindre que

dans les mouvements produits par l'excitation du centre pos-

térieur.

A la partie postérieure du lobe frontal, probablement au

niveau du pied de la deuxième frontale, existe donc une

portion de l'écorce correspondant à la sensibilité de l'oeil et

de l'orbite et à la mobilité du globe oculaire et des paupières.

C'est le centre oculo-moteur antérieur ou sensiliuo-7tolear'.

11. Mouvements conscients et volontaires. Pour simpli-

fier cette étude, nous n'avons examiné jusqu'ici que les mou-

vements manifestement involontaires, réflexes, quoique cons-

cients. Les mouvements dits volontaires ne sunt eux aussi

que des mouvements réflexes, mais plus compliqués. Au

point de vue psychologique, ils se distinguent des mouve-

ments réflexes automatiques parce que : 1° ils sont précédés

de la représentation consciente des mouvements à exécuter ;

1 II est possible qu'au centre oculo-moteur antérieur corresponde la

migraine ophtalmoplégique, comme au centile postérieur sensorio-

moteur correspond la migraine ophtalmique.

DOUBLE CENTRE D'INNERVATION CORTICALE, ETC. lu

2° ils sont accompagnés d'une illusion qui nous fait croire à

notre libre arbitre.

Un bruit insolite venant de la rue frappe mon' oreille,

excite mon attention, éveille l'idée d'aller voir ; puis l'image

du mouvement à exécuter se forme en moi, je me lève et

dirige mon regard vers la fenêtre. J'ai, en même temps, l'illu-

sion d'agir librement. A quoi cela répond-il au point de vue

psychologique ? A un simple réflexe : excitation du nerf sen-

soriel, conduction à la première circonvolution temporale,

traversée du centre d'association, l'insula, du pied de la

deuxième frontale qui fait mouvoir mes yeux, des autres

circonvolutions motrices qui me font me lever et marcher.

C'est dans la traversée du centre d'association que sont ap-

parus ' les deux caractères que nous avons attribués plus

haut aux mouvements dits volontaires.

Ici une question se pose : ces mouvements dits volontaires,

dont l'excitation provient d'un centre d'association, peuvent-

ils passer indifféremment par le centre antérieur ou par le

centre postérieur ? Dans le premier cas, ils sont précédés de

l'image sensitivo-mot'ice du mouvement à exécuter; dans

le second cas d'une image sensorio-motrice. Lorsque je me

lève pour aller voir dans la rite, ai-je en même temps que

la représentation du mouvement à exécuter, celle des sensa-

tions qui résulteront de ce mouvement, ou bien celle du spec-

tacle que je m'attends à voir ? L'observation psychologique

est impuissante à répondre. La pathologie nous fournira

peut-être la solution demandée. (l'oy. plus loin')

111. Action bilatérale et symétrique de chacun de ces centres.

Les muscles dont l'action est habituellement synergique

de celle des mêmes muscles du côté opposé, obéissent à la

fois aux deux hémisphères : une lésion unilatérale ne les

paralyse jamais complètement. Il en est ainsi par exemple

des muscles du pharynx, du larynx, du tronc, etc. Cependant

ces muscles obéissent encore d'une façon prédominante à

l'hémisphère du côté opposé; aussi u sont-ils pas absolu-

ment intacts dans l'hémiplégie (Féré ef Lépine).

Les muscles moteurs du globe oculaire agissent toujours

d'une façon synergique : il nous est absolument impossible

1 Comment ? Nous n'avons pas à envisager cette question ici : c'est tout

le problème de lu conscience-

'L84 PHYSIOLOGIE.

de mouvoir un oeil isolément. Cela nous fait déjà prévoir que

nous ne trouverons jamais de paralysies de ces musles sur

uu seul oeil, dans les lésions corticales.

Les muscles moteurs des paupières (orbiculaire-releveur)

agissent habituellement d'une façon synergique ; mais nous

.pouvons cependant mouvoir isolément la paupière d'un seul

- oeil. C'est dire que là, comme pour le pharynx et le larynx,

nous pouvons trouver d'un seul côté des troubles légers de la

motilité dans les lésions unilatérales. C'est ce que va nous

apprendre la pathologie. '

. CHAPITRE II

APPLICATIONS A LA PATHOLOGIE

Nous aurons à examiner successivement : I, les troubles

des mouvements oculaires et palpébraux dans les lésions

unilatérales ; II, dans les lésions bilatérales des hémisphères.

I. Dans les lésions unilatérales. Deux ordres de faits

sont à considérer : 1° la déviation conjuguée des yeux ;

1° les troubles moteurs des paupières.

. g Je". Déviation conjuguée de la tète et des yeux.

Nous ne pouvons faire ici l'historique de cette question, et

citer les nombreux travaux auxquels elle a donné lieu (Cru-

veilhier, Foville, Millard et Gubler, Charcot, Vulpian, Pré-

vost, Landouzy, Coingt, Grasset, Wernicke, etc., etc.). Nous

rappellerons seulement que son origine peut être multiple :

périphérique (lésions du labyrinthe), bulbaire (lésion du noyau

de Deiter), cérébelleuse (Thomas), protubérantielle (lésion du

faisceau longitudinal postérieur), pédonculaire, capsulaire,

et enfin corticale. Nous n'envisagerons que les cas où elle est

.due à une lésion des hémisphères.

- a) Déviation conjuguée de la tête et des yeux associée il

l'hémianopsie latérale. Cette forme n'est pas décrite iso-

lément dans les traités classiques : cependant on peut dire

que dans l'hémianopsie latérale homonyme, elle ne manque

à peu près jamais. Seulement elle est souvent passagère, dis-

paraît quelquefois au bout de plusieurs jours; elle peut être

facilement corrigée, le malade tourne sa tête et ses yeux du

DOUBLE CENTRE D'INNERVATION CORTICALE, ETC. 185

côté opposé sans difficultés. Cependant non seulement elle

est presqne constante, mais chez les malades dans.le demi-

coma, c'est un excellent signe qui permet de soupçonner le

trouble de la vision. Son explication psychologique est très

simple : le regard est attiré du côté du champ visuel sain;

comme dans l'exemple cité plus haut, le regard est attiré du

côté d'une vive lumière.

Tous les mouvements que nous avons mis plus haut sous

la dépendanee du lobe occipital (mouvements de latéralité,

convergence, pupille, accommodation), sont abolis d'un seul

côté : une bougie placée dans la moitié obscure du champ

visuel ne les provoque plus'. 1.

- Les impressions lumineuses venant du côté du champ

visuel intact ne sont plus contre-balancées par celles venant

du côté opposé. Le tonus des muscles oculaires sollicités

d'un seul côté prédomine dans ce sens. Mais c'est là en

quelque sorte une modification simplement de la statique,

et non de la dynamique. Des quatre centres auxquels obéit

chaque globe oculaire, un seul est détruit, les autres suffisent

à assurer l'intégrité des mouvements. Cette déviation stati-

que des yeux' se rencontre aussi bien dans la lésion de la

substance blanche que de l'écorce. L'anatomie nous a en

effet précédemment appris que les fibres centrifuges du

centre visuel sont intimement mêlées aux fibres centripètes.

La déviation conjuguée des yeux associée à ,l'hémiano-

psie est sous la dépendance des lésions du centre postérieur

sensorio-moteu1', ou de ses fibres de projection centripètes

et centrifuges.

b) Déviation conjuguée de la léte et des yeux dans les

lésions du pli courbe. Grasset et Landouzy, presque en

même temps 2, établirent l'existence d'un centre cortical de

la déviation conjuguée de la tête et des yeux au pied du

lobule pariétal inférieur (Landouzy), sur la circonvolution

qui coiffe le fond de la scissure de Sylvuis et le pli courbe

(Grasset). Cette localisation fut admise par Henschen et

Wernicke, très discutée au contraire par Charcot et Pitres,

1 Cette bougie, par contre, provoque encore le réflexe irien lumineux,

bien différent du réflexe, irien de la vision rapprochée (V. Dr J. Roux,

Le signe d',Ii ? 7yll Roberlson, loc. cil.).

2 Grassel. Montpelliel' médical, lâî9.- Landouzy. Bulletin de la Soc.

anat., 1879.

186 PHYSIOLOGIE.

qui montrèrent qu'il y a un grand nombre de faits négatifs.

Peut-on aujourd'hui interpréter les faits d'une façon plus

rationnelle, à la lumière des notions nouvelles ? Les lésions

du pli courbe déterminent de la déviation conjuguée, mais

d'une façon inconstante. Rappelons d'abord que ces mêmes

lésions du pli courbe déterminent aussi d'une façon incons-

tante de l'hémianopsie par lésion des fibres blanches sous-

jacentes (Déjerine et Viallet). Or nous savons déjà que la

lésion de ces fibres blanches sous-jacentes détermine en

même temps que de l'hémianopsie de la déviation conjuguée

de la tête et des yeux. Faut-il généraliser et dire que si la

lésion du pli courbe détermine de la déviation oculaire, c'est

toujours par l'intermédiaire de la lésion des fibres sous-

jacentes ? Ce serait peut-être imprudent, car alors cette dévia-

tion s'accompagnerait toujours d'hémianopsie. Or quoique

celle-ci demande à être recherchée, passe facilement ina-

perçue, nous ne sommes pas autorisé à dire qu'elle a été

méconnue dans les cas où elle n'est pas signalée concorni-

tamment avec la déviation oculaire. Peut-on admettre d'autre

part que les fibres centrifuges parlies du centre visuel

puissent êlre lésées isolément, indépendamment des fibres

centripètes ? Non, puisqu'elles sont mélangées (Monakow,

Flechsig). Mais ce que l'on peut admettrec'est qu'elles soient

impressionnées à distance (compression, modifications circu-

latoires) plus que les fibres centripètes. Nous savons, en effel,

que les fibres centripètes. en présence d'une cause patholo-

gique, conservent leurs fonctions plus longtemps que les

libres centrifuges correspondantes. Nous serions donc tenté

d'admettre la progression suivante pour les lésions du pli

courbe : une lésion très superficielle et légère ne détermine

aucun symptôme du côté des yeux ; une lésion un peu plus

prononcée détermine de la déviation conjuguée, par action

sur les fibres centrifuges issues du centre visuel curtical; une

lésion profonde détermine à la fois de l'hémianopsie et de la

déviation oculaire.

Disons cependant qu'il n'y a rien d'irrationnel à prolonger

jusqu'au pli courbe le centre postérieur des mouvements des

yeux. 11 n'est pas prouvé, en effet, que cette région soit privée

de fibres de projection (V : Déjel'ine 1). D'autre part, quoique

1 Déjerine. Soc. de Biol., 1897.

DOUBLE CENTRE D'INNERVATION CORTICALE, ETC. 187 1

superposées, les régions motrices et sensitives n'ont pas tou-

jours les mêmes limites. Le territoire de la sensibilité géné-

rale dépasse bien en arrière le territoire moteur. Il n'y aurait

rien d'irrationnel à supposer que le territoire oculo-moteur

dépasse en avant le territoire oculo-sensoriel.

Ce n'est donc qu'avec réserves que nous formulerons la

conclusion suivante : La déviation conjuguée des yeux,

consécutive aux lésions du pli courbe, est due à la suppres-

sion fonctionnelle des fibres sous-jacentes, issues du centre

postérieur sensol'io-moteur.

c) Déviation conjuguée de la tête et des yeux par lésion

du centre oculo-moteur &tK<ë ? 'teM) ? II est un grand nombre

de faits où la lésion, tout en étant hémisphérique, respecte le

centre postérieur sensorio-moteur ainsi que le pli courbe. Il

s'agit alors d'une lésion soit des circonvolutions dites mo-

trices, soit de leurs fibres de projection. Il est inutile de rap-

peler ces faits, ils sont très nombreux. Si les observations ne

sont pas encore assez précises, les lésions assez limitées pour

localiser exactement le centre oculo-moteur antérieur, elles

permettent d'affirmer son existence, et confirment ainsi les

données de l'observation de l'anatomie normale et de l'ex-

périmentation.

La déviation conjuguée des yeux, habituellement asso-

ciée à l'hémiplégie motrice, sans lésion ni du pli courbe,

ni du lobe occipital, est produite par une lésion du centre

oculo-moteur antérieur.

Théoriquement, on devrait avoir alors de l'anesthésie

sensitive, de même que dans les cas précédents nous avions

de l'anesthésie sensorielle. De ce que les troubles objectifs

de la sensibilité manquent souvent en réalité, il ne faudrait

en conclure que la théorie a tort, car nous savons avec quelle

facilité s'établissent les suppléances, en ce qui concerne la

sensibilité générale

§ 11. Troubles de la motilité des paupières.

Les mouvements des paupières, avons-nous dit, sont, au

point de vue physiologique, inséparables de ceux des mou-

vements oculaires. Les uns et les autres peuvent avoir

' Voir en particulier Brissaud, Troubles de la sensibilité dans les

hémiplégies corticales (Leçons cliniques, 1895).

188 PHYSIOLOGIE.

pour point de départ une excitation sensorielle de la

rétine, comme une excitation sensitive du trijumeau. Nous

rechercherons donc quels sont les troubles produits soit

par une lésion du lobe occipital, soit par une lésion du

centre oculo-moleur antérieur.

a) Dans les lésions du, lobe occipital. Lorsque celles-ci

sont isolées, les troubles sont peu appréciables, car peu

nombreux sont les mouvements palpébraux ayant la rétine

pour point de départ et le lobe occipital comme centre de

réflexion.

C'est d'abord le clignement réflexe produit par une vive

lumière; il est aboli dans les lésions du lobe occipital : une

lueur intense produite dans la moitié abolie du champ visuel

d'un hémianopsique ne provoque plus l'occlusion des pau-

pières.

- C'est en second lieu le mouvement de la paupière supé-

rieure, associé au mouvement d'élévation des globes

occulaires '. Ces deux mouvements étant sous la dépendance

de chacun des deux lobes occipitaux, ne sont pas troublés

dans les lésions unilatérales. Peut-être le serait-il dans l'hé-

mianopsie horizontale supérieure ; mais l'existence de celle-ci

est trop discutable.

b) Dans les lésions du centre oculo-moteur antérieur2.

Lorsque celles-ci sont isolées et unilatérales, les troubles

sont encore peu importants. Dans l'hémiplégie motrice com-

plète il est fréquent de trouver une intégrité presque com-

plète de la musculature oculaire et palpébrale. On sait à

quelles discussions a donné lieu en particulier l'intégrité

apparente de l'orbiculaire (facial supérieur).

Pour expliquer cette intégrité il n'est peut-être pas suffisant

d'invoquer, comme on l'a fait, l'innervation symétrique et bila-

térale : les muscles oculaires et palpébraux obéissent non

pas à deux, mais à quatre centres, deux de chaque côté ; l'un

d'eux peul être supprimé sans que la motililé soit abolie.

Ce n'est pas à dire cependant que la suppression de ce centre

' On sait que la dissociation de ces mouvements dans le goitre

exophtalmique constitue le signe de de Graefe.

2 Cette partie de notre sujet vient d'être étudiée d'une façon magis-

trale par Miraillé (Arch. Neur., 1899. n° 1). Ce travail très complet nous

permettra d'être bref.

DOUBLE CENTRE D'INNERVATION CORTICALE, ETC. 189

ne doive provoquer aucun trouble; en fait, ces troubles exis-

tent, mais sont très légers. '

A l'état normal il nous est possible de fermer et d'ouvrir

un oeil isolément; dans l'hémiplégie organique, ces mouve-

ments isolés deviennent impossibles du côté paralysé (Revil-

lod). Brissaud et Souques ont contesté la valeur clinique de ce

symptôme, en observant qu'à l'état normal un certain nom-

bre d'individus n'ont pas la faculté de fermer un oeil isolé-

ment. Pugliese (Revista di Patologia Méiose et mentale,

janvier'1897, vol. VII, n° 1, p. 14) a fait remarquer que tandis

que ce signe ne s'observe que chez 27 p. 100 des individus

normaux, presque tous les hémiplégiques le présentent. De

plus, il en est qui affirment que son apparition date de

l'ictus.. '

Si après avoir fait fermer les yeux à un hémiplégique, nous

plaçons nos deux pouces sur ses paupières et que nous lui

ordonnions d'ouvrir les deux yeux, nous sentons manifeste-

ment que le mouvement s'exécute avec moins de force du

côté paralysé. De même, en s'opposant à l'occlusion de la

paupière, on sent que l'orbiculaire se contracte avec moins

de force.

Enfin, très souvent, il y a une modification de l'état sta-

tique, du tonus musculaire : tantôt un rétrécissement, tantôt

un élargissement de la fente palpébrale (Pugliese)'.

En résumé, l'existence dans chaque hémisphère d'un dou-

ble centre oculo-moteur nous explique très bien pourquoi

dans l'hémiplégie la musculature oculaire et palpébrale' 2

reste relativement indemne.

Plus difficiles à expliquer sont les cas où une lésoin unila-

térale a, contrairement à la règle, paralysé complètement

soit l'orbiculaire (Chvostek, Huguenin, Pugliese et Milla) 3,

soit le releveur (Grasset, Landouzy, Chauffard, Lemoine,

Surmont, Gianelli, etc.). Ce sont ces faits qui ont servi de

' V. Miraillé, loc. cit.

2 In Pughese, loc. cil.

3 Si les autres muscles innervés par le facial supérieur restent aussi

indemnes, c'est probablement qu'ils obéissent aux mêmes centres, et

que chacun des centres oculo-moteurs commande à tous les muscles

groupés autour de l'oeil. On connait d'ailleurs l'association fonctionnelle

qui existe entre le releveur et le frontal, association rompue dans le

goitre exophtalmique (signe de Joffroy).

190 PHYSIOLOGIE.

base à la conception d'un centre particulier pour le facial

supérieur et d'un autre-centre pour le releveur.

Le centre du releveur a été localisé par Grasset' et Lan-

douzy2 au niveau du pli courbe, par les auteurs anglais

(Ferrier, de Bono, Hartley Bunting) au niveau du pied de la

deuxième frontale ou de la partie inférieure de la frontale

ascendante. Le centre de l'orbiculaire (c'est-à-dire du facial

supérieur) est placé aussi au niveau de cette dernière ? - région

par la majorité des auteurs. Cependant Mendel le,localise

au pli courbe, en se basant sur des expériences d'Exner et

Paneth, qui, par l'excitation de cette région, obtinrent chez

les animaux des contractions de l'orbiculaire du côté opposé.

On peut mettre tous ces auteurs d'accord en admettantqu'il

existe non pas un, mais deux centres, et que chacun d'eux

commande non pas tel ou tel muscle, mais tout l'appareil

meteur de la vision. Ces deux centres sont l'oculo-moteur

antérieur et l'oculo-moteur postérieur. Ce dernier, il est vrai,

ne siège pas au niveau du pli courbe, mais à la face interne

du lobe occipital ; les fibres centrifuges qui en partent pas-

sent au-dessous du pli courbe, d'où les effets des lésions et

des excitations de cette région.

La lésion des deux centres (ou de leurs fibres de projec-

tion) du même côté peut ne produire que des troubles légers,

puisque ceux du côté opposé continuent à agir bilatérale-

ment. Mais chez certains individus ayant une synergie fonc-

tionnelle moins complète, par conséquent, une action bilaté-

rale des centres moins solidement établi ; une lésion unilaté-

rale pourra déterminer une véritable paralysie, de même

qu'une lésion unilatérale peut quelquefois déterminer des

troubles bulbaires assez accentués.

En résumé, la lésion isolée d'un des centres oculo-moteurs

ne produit que des troubles très minimes du côté des pau-

pières ; chez la plupart des individus, la lésion des deux

centres du même côté produit des troubles légers ; dans

quelques cas rares, la lésion des deux centres du même côté

peut produire la paralysie du releveur.

La plosis d'origine corticale nous paraît donc avoir, dans

la majorité des cas, comme condition anatomique, une lésion

' Grasse). Progrès médical, l8îG, p. 106.

s Landouzy. -1·cl. gén. de médecine, 18î7.

DOUBLE CENTRE D'INNERVATION CORTICALE, ETC. 191

atteignant les deux centres oculo-moteurs. Et en effet, le plus

souvent, on trouve à l'autopsie des lésions très étendues ou

multiples. Il est cependant quelques cas où la lésion étant

plus limitée, l'interprétation est plus difficile.

Nous ne pouvons reprendre ici d'une façon complète la

discussion de ces faits, elle a été faite ailleurs (Charcot et

Pitres', Lemoine 2, Surmont3). Contentons-nous d'examiner

les faits qui ont été considérés comme les plus démonstratifs

d'un centre unique. .

Dans le cas de Lemoine, le malade eut en même temps que

sa blépharoptose une parésie du bras gauche, el, l'autopsie,

en même temps, qu'un ramollissement du pli courbe, montra

une hémorragie du pied de la deuxième frontale. Celle-ci, il est

vrai, était récente, mais il est tout au moins impossible d'af-

firmer que cette région (correspondant précisément au centre

oculo-moteur antérieur) fût saine. Dans le cas de Grasset,

il y avait une méningite diffuse de la convexité des deux

hémisphères. Dans le cas de Chauffard, la lésion s'étendait

jusqu'à la pariétale ascendante, de même que dans celui de

Surmont. Dans les cas de Landouzy et de Gianelli il s'agis-

sait de tumeurs pouvant agir à distance.

Même dans ces cas, il n'est donc pas illogique que les deux

centres oculo-moteurs, ou leurs fibres de projection, aient

été lésés simultanément. Nous ne parlons pas des autres

faits oit les lésions étaient toujours multiples ou très éten-

dues.

Il n'est pas impossible cependant que la paralysie des mus-

cles palpébraux puisse être due à la lésion d'un seul centre,

du centre oculo-moteur antérieur. Il s'agirait alors d'une

sorte d'inhibition fonctionnelle, de modifications du tonus, etc.

Faut-il interpréter de même les cas où, contrairement à

la règle, le facial supérieur est paralysé par une lésion hé-

misphérique ? Faut-il voir là la conséquence d'une lésion des

deux centres oculo-moteurs ? Nous serons beaucoup plus

réserve à ce sujet à cause de la rareté des faits et leur an-

cienneté, du inanque de précision dans les observations.

' Charcot et Pitres. Bibl. Charcol-Debove.

Lemoine. Rev. de médecine, 188î, p. 5j9.

3 Surmont. Th. Lille, 1887.

' Gianelli. La blephnroplose d'origine corticale (lIil'is/11 qlrrimlicinale

cli l'sicologirr, l'sicl ? Se Il 1 ? 1 , 1 807. 1" mai. n° I. p. 4j.

192 PHYSIOLOGIE.

. II. Troubles des mouvements oculaires dans les lésions

hémisphériques bilatérales. Les lésions bilatérales des

deux centres postérieurs sensorio-moteurs nous arrêteront

peu. Ils déterminent en même temps que la cécité corticale

l'abolition des mouvements réflexes conscients étudiés plus haut

(mouvement réflexe de-latéralité, convergence, contraction

irienne de la vision rapprochée, accommodation) avec conser-

vation des mouvements réflexes inconscients (réflexe irien à

la lumière, clignement produit par la sécrétion lacrymale)

se passant dans les noyaux gris de la base, et des mouve-

ments dits volontaires se passant dans le centre antérieur

sensitivo-moteur.

Les lésions bilatérales du centre oculo-moteur antérieur,

ou de ses fibres de projection, sont beaucoup plus intéres-

santes, et nous y insisterons un peu plus longuement. Etant

donné les relations de voisinage de ce centre avec ceux de

la langue, des lèvres, du pharynx et du larynx, c'est dans

les paralysies pseudo-bulbaires que nous devions chercher

l'existence des troubles djs à une double lésion du centre

oculo-moteur antérieur. Ces troubles paraissent très rares,

peut-être parce qu'ils sont très facilement méconnus, comme

nous le montrerons dans un instant. Voici d'abord les obser-

vations que nous avons pu réunir.

Observai ion 1 (Tournier, Rev. de méd., 1898, p. 671).

Femme de quarante ans, est atteinte d'abord'd'hémiplégie droite

avec aphasie. Dix mois après, attaque convulsive suivie de mono-

plégie gauche, de paralysie complète des mouvements volontaires

de la langue, des lèvres, des muscles de la face, trismus, déviation

conjuguée de la tête et des yeux. Du côté des yeux on note une

« ophtalmoplégie ne portant que sur les mouvements volontaires avec

conservation des mouvements réflexes ». « La malade, dont l'intel-

lect et la volonté sont intacts, ne peut mouvoir volontairement ni

ses globes oculaires, ni ses paupières, ni son front, ni ses joues.

Par contre, de temps à autre, involontairement, sous une influence

réflexe probablement, sont obtenus quelques mouvements peu accusés

des globes oculaires et les yeux peuvent se fermer ».

Autopsie. - il droilea « foyer de ramollissement occupant tout le

segment externe du noyau lenticulaire, la capsule externe, et res-

pectant l'avant-mur. C'est un ramollissement qui a une couleur

jaune d'ocre. Sur la coupe qui porte sur la pariétale ascendante

et sur la face répondent exactement à la coupe précédente, on

\ .

DOUBLE CENTRE D'INNERVATION CORTICALE, ETC. 19 ? )

voit que le ramollissement contourne en somme suivant un trajet

rectiligne la face externe de tous les noyaux gris ».

A gauche, ramollissement occupant le segment externe du noyau

lenticulaire, et plus en avant la partie supéro-interne de la couche

optique. « Sur le pli de passage du lobule pariétal supérieur avec

la pariétale ascendante, on trouve une petite tumeur semi-hémi-

sphérique. très dure, de la grosseur d'un demi pois ».

Observation II (Tiling, Petersb. med. Zeil, 18-il, s. 2set in Wernicke

Arch. f. Psych. t. XX, p. 273).

Le malade atteint de paralysie pseudo-bulbaire présentait du

côté des yeux les symptômes suivants : « Les yeux sont déviés à

gauche et ne peuvent pas volontairement être dirigés à droite, en

haut ou en bas ; cependant ces mouvements peuvent se produire

d'une façon involontaire. En outre, le malade ne peut pas fermer

volontairement les paupières, mais l'occlusion réflexe se produit » .

A l'autopsie : « Dans l'hémisphère gauche grand foyer de

ramollissement gris jaunâtre comprenant les deux circonvolutions

centrales dans toute leur longueur, le lobule pariétal inférieur, et

la plus grande partie de la région postérieure des trois circonvolu-

tions frontales et de l'insula.

A droite : foyer analogue mais plus petit comprenant la base

des deux circonvolutions frontales inférieures et la partie adja-

cente de la frontale ascendante. Dans la profondeur la lésion

atteint à peine la substance blanche ».

Ces deux observations sont extrêmement intéressantes et

réalisent un tableau clinique tout particulier et qui mérite de

retenir l'attention. Dans celui de Tournier il y avait une

« ophtalmoplégie ne portant que sur les mouvements volon-

taires, avec conservation des mouvements réflexes ». La

malade qui « ne peut mouvoir volontairement ni ses globes

oculaires, ni ses paupières, ni son front, ni ses joues », pré-

sente cependant « de temps à autre, involontairement sous

une influence réflexe probablement quelques mouvements

peu accusés des globes oculaires et les yeux peuvent se

fermer.

Grâce à l'obligeance de M. Devic et de M. Tournier, il nous

a été permis d'examiner cette malade. Etendue dans son lit,

avec le masque immobile de la paralysie pseudo-bulbaire, la

malade n'attirait nullement l'attention du côté de ses yeux :

ceux-ci ne présentaient aucune déviation, pas de strabisme;

de temps en temps le clignement se produisait normalement ;

Archives, 2» série, t. VIII. 13

194 PHYSIOLOGIE.

son regard se fixait sur les personnes qui l'approchaient. Les

troubles du côté des yeux pouvaient très facilement passer

inaperçus. Tous les mouvements ayant pour origine une

excitation de la rétine (mouvements de latéralité, conver-

gence, constriction de la pupille, clignement produit par une

lumière, par l'approche du poing) s'exécutaient normalement.

Nous savons maintenant que ces mouvements ont leur centre

de réflexion«dans le lobe occipital. Si au contraire on com-

mandait à la malade de fermer les yeux, elle s'y efforçait en

vain, alors qu'il suffisait d'approcher la main pour obtenir

ce mouvement. Il en était de même si on lui demandait de

regarder à gauche ou iL : droite. Les mouvements oculaires et

palpébraux, chez cette malade, ne pouvaient plus être déter-

minés que par une impression rétinienne. Les sensations

venues d'ailleurs, l'excitation transmise par les centres d'as-

sociations (V. plus haut : Mouvements volontaires) restaient

inefficaces.

L'observation de Tiling est calquée sur la précédente. Dans

ces deux cas, il y avait une suppression des deux centres

oculo-moleurs antérieurs; les yeux n'obéissaient plus qu'aux

centres oculo-moteurs postérieurs. Mais comme ceux-ci sont

capables de provoquer des mouvements parfaitement C001'-

donnés, adaptés à un but, d'apparence volontaire, les trou-

bles auraient certainement pu passer inaperçus à un examen

superficiel; cela a dû certainement arriver très souvent, et

voilà pourquoi nous trouvons une telle pénurie d'observa-

tions. Les faits suivants sont beaucoup moins concluants,

quoique encore très intéressants.

Observation III (Magnus, résumée d'après Lépine. Rev. de méd.,

1877 ; p. 917).

Femme de vingt-cinq ans, atteinte de paralysie pseudo-bulbaire, à

la suite de plusieurs ictus. En ce qui regarde les mouvements des

yeux, nous citons textuellement. « Elle ne peut pas davantage fer-

mer les paupières ; mais comme le bulbe oculaire jouit de tous

ses mouvements ( ? ) ainsi que l'élévateur de la paupière supérieure,

les paupières ne sont pas absolument immobiles. Bien que les

paupières ne puissent être fermées volontairement, elles le sont et

d'une manière complète si l'on approche vivement la main des yeux,

si on expose les yeux à une vive lumière, ou bien dans l'éternue-

menl. Dans le sommeil les paupières sont aussi fermées parfaite-

ment ; les mouvements de l'iris sont intacts. La malade ne peut

DOUBLE CENTRE D'INNERVATION CORTICALE, ETC. 19o 11;

plisser le front et les sourcils ; elle ne peut davantage mouvoir les

ailes du nez, les joues et la peau du menton, etc. ». Il existait en

outre des troubles de la mastication, de la déglutition, de la

parole.

Autopsie (Froriep). « Dans l'hémisphère droit, au bord externe,

là où le lobe antérieur et le lobe moyen se confondent, kyste

hémorragique ayant détruit deux circonvolutions. La cavité pou-

vait contenir une petite noix ; la face interne était tapissée par

une membrane jaune. »

Observation IV (Grasset, in Leç. cliniques, 1898, p. 494).

Homme de quarante-cinq ans, entré le 9 décembre 1896 au n° 6

de la salle Bouquet : il ne parle pas, n'articule aucun mot. Il

aurait (d'après le dire de sa famille) perdu la parole le 11 no-

vembre 1896, après un ictus nocturne sans perte de connaissance

qui laissa une hémiplégie gauche sans aphasie. Deux jours après

un deuxième ictus entraînait la déviation de la bouche et l'apha-

sie.

Déjà trois ans auparavant il s'était produit un ictus avec sensa-

tion de gêne et de pesanteur dans le bras gauche, puis paralysie

de la jambe gauche avec hémianestésie. Un an après il y avait eu

une deuxième poussée; trois mois après une troisième avec hémi-

plégie gauche. Il en était résulté une gêne à mâcher et à mouvoir

la mâchoire.

Nous relevons donc cinq ictus. C'est de plus un alcoolique. On

ne trouve pas d'hérédité.

La physionomie est toute spéciale, sans expression de senti-

ments, c'est un masque figé; les lèvres supérieure et inférieure

sont paralysées; il y a impossibilité de siffler et de souffler. La

langue, non atrophié, ne peut pas dépasser les arcades dentaires ;

ses mouvements de latéralité sont complètement impossibles. Les

mouvements de la mâchoire inférieure sont très difficiles et limi-

tés. Les mouvements des muscles jugaux sont abolis. Les réflexes

de la luette et du voile palais sont conservés, le goût est conservé,

la sensibilité de la face aussi. -

Notre homme présente de la dysphagie ; s'engoue facilement.

11 refoule les aliments avec les doigts au lieu de la langue. Le

froncement des frontaux est impossible. Les yeux sont grands

ouverts. Il ne peut absolument pas les fermer volontairement ; cli-

gnote à la lumière et à l'approche brusque de la main ; dort les

yeux fermes. La vue est bonne; pas de lésions ophtalmosco-

piques.

Ces deux faits (Magnus, Grasset) sont absolument compa-

rables aux précédents (Tiling, Tournier); seulement les trou-

191) PHYSIOLOGIE.

bles sont limités aux paupières : est-ce parce que les mouve-

ments oculaires ont été insuffisamment explorés ? ` ?

Là encore nous trouvons une suppression des mouvements

volontaires avec conservation des mouvements réflexes. Là

encore il faut admettre une suppression des deux centres oculo-

-moteurs antérieurs avec conservation des centres oculo-mo-

tetirs postérieurs. Nous avons assez insisté plus haut sur le

rôle de ceux-ci pour qu'on ne nous objecte pas que ce cli-

gnement réflexe avait son siège dans les noyaux de la base :

nous'avons vu que ce clignement réflexe était supprimé quand

le centre postérieur était lésé : approchez le poing du visage

d'un hémianopsique, il restera impassible tant que vous res-

terez dans la moitié obscure de son champ visuel.

Ces quatre observations sont les seules vraiment probantes

que nous ayons trouvées. Wernicke ' cite bien encore un cas

d'Andral, et un autre de Thomson, mais l'examen des yeux

nous a semblé insuffisant.

On doit très probablement ranger dans la même catégorie

deux observations d'Oppenheim et Siemerling (Charité 11nna-

¡en, 1897). Dans le premier cas, il s'agissait d'un homme de

soixante-cinq ans atteint de paralysie pseudo-bulbaire, et

présentant une paralysie incomplète des mouvements de

latéralité des yeux. Dans le second cas, un malade âgé de

quarante-neuf ans, atteint également de paralysie pseudo-

bulbaire, présentait des mouvements de latéralité des yeux

incomplets à gauche. ' - -

Nous préférons ne pas faire usage de ces observations, car

dans les deux cas il y avait des lésions bulbaires. Dans le

premier : petit foyer de ramollissement dans le raphé, au

niveau des tubercules quadrijumeaux antérieurs. Dans le

second : petits foyers dont deux sont situés symétriquement

à côté des fibres descendantes de la sixième paire.

- Enfin on pourrait aussi à la rigueur invoquer un cas d'An-

derlya 2 : il s'agissait d'un malade de la clinique de Leyden.

âgé de cinquante-deux ans, charpentier, atteint après plu-

sieurs ictus de paralysie pseudo-bulbaire, et présentant une

impossibilité de porter le regard à gauche. Cette observation

nous a paru trop incomplète.

' Wernicke, loe. cil., p. 273 et 2îf.. - .. - .

- Anderlva. Dissertation inaugurale. Berlin, 1892.. (In Neur. Centr.,

1892, p. 473.) . '

DOUBLE CENTRE D'INNERVATION CORTICALE, ETC. 1K7

Nous nous baserons donc seulement sur les quatre obser-

vations de Tiling, Tournier, Magnus et Grasset, pour établir

l'existence d'un tableau clinique tout particulier caractérisé

par l'abolition des mouvements volontaires des globes ocu-

{aires et des paupières, avec conservation de mouvements

réflexes-variés, coordonnés, adaptés, pouvant en imposer

.pour des mouvements volontaires.

C'est ici le lieu de revenir sur un point de physiologie nor-

male que nous avons laissé dans l'ombre. Tout mouvement

est réflexe, avons-nous dit : le mouvement dit volontaire

est celui qui dans son circuit comprend un centre d'associa-

tion. Dans la traversée de celui-ci apparaissent les deux faits

de conscience qui caractérisent le mouvement volontaire : il

est précédé de la représentation du mouvement à exécuter,

et il s'accompagne de l'illusion de la liberté. Nous savons

qu'un tel mouvement peut passer par le centre oculo-moteur

antérieur. Les quatre observations que nous avons citées

nous répondent qu'il n'en est pas de même pour le centre

oculo-moteur postérieur. L'incitation qui met en action le

centre oculo-moteur antérieur peut venir non seulement de

la périphérie mais des centres voisins. L'excitation qui. met

en jeu le centre oculo-moteur postérieur vient directement

de la périphérie par les radiations optiques '. -

Wernicke 2 qui rapporte le cas de Tiling et y joint celui

d'Andral et celui de Thomson, avait parfaitement -vu .tout

l'intérêt du tableau clinique que nous avons décrit. Il assimile

absolument ces troubles aux paralysies pseudo-bulbaires, et

propose le nom d'ophtalmoplégie pseudo-nudéaire 3 : plaçant

le centre des mouvements des yeux dans le lobule pariétal

inférieur, il admettait que l'ophtalmoplégie pseudo-nucléaire

était due à une double lésion des lobules pariétaux inférieurs.

' Cette conclusion ne vaut que pour les quatre cas que nous avons

rapportés, il est possible que chez d'autres sujets, le centre uculo-motQUr

postérieur puisse jouer un rôle dans les mouvements volontaires. Cela

nous expliquerait pourquoi les troubles oculaires sont .si ' rarement

signalés dans les paralysies pseudo-bulbaires. , '

' Wernicke, loc. cil ?

3 Dans un travail fait en collaboration avec M. Levic, nous avions cru

trouver un exemple d'ophtalmoplégie pseudo-nucléaire (Rev de méde-

cine, 1896. p. 412). Nous rattachons aujourd'hui cette observation au

svndrome d'Erb. ' 1 1

198 PHYSIOLOGIE.

Il est inutile de renouveler ici les observations présentées

plus haut sur cette localisation. Nous ferons simplement

remarquer que l'observation principale (celle de Tiling), sur

laquelle il s'appuie, est peu favorable à cette opinion. En

. effet, si à gauche les lésions atteignaient le lobule pariétal

inférieur, à droite le foyer beaucoup plus petit respectait

celui-ci. Des deux côtés le siège probable du centre oculo-

moteur antérieur (pied de la deuxième frontale) était atteint.

L'observation est donc beaucoup plus favorable à notre

opinion.

Conclusions. 1° L'anatomie normale, l'expérimentation,

l'observation clinique et anatomo-pathologique, s'accordent

à démontrer que l'oeil possède au point de vue moteur, de

même qu'au point de vue sensitif, deux zones de projection

corticales. L'une, le centre oculo-moteur antérieur, corres-

pondant à la zone de projection de la sensibilité générale

(trijumeau), a son siège probable au niveau du pied de la

deuxième frontale. L'autre, le centre oculo-moteur posté-

rieur, correspond à la zone de projection sensorielle

(rétine) au niveau de la face interne et inférieure du lobe

occipital.

2° Chacun de ces centres agit bilatéralement, et tient

sous sa dépendance non seulement les muscles innervés par

les nerfs oculo-moteurs, mais aussi l'orbiculaire des paupières

(septième paire), c'est-à-dire en somme tout l'appareil moteur

de la vision.

3° La lésion isolée du centre oculo-moteur antérieur peut

produire : a) la déviation conjuguée des yeux; b) des troubles

légers des mouvements palpébraux.

4° La lésion isolée du centre oculo-moteur postérieur pro-

duit la déviation conjuguée des yeux, et l'hémianopsie. La.

lésion du pli courbe agit de même par l'intermédiaire des

fibres sous-jacentes provenant de la face interne du lobe occi-

pital.

5° Le ptosis d'origine corticale est peut-être dû à une

lésion simultanée des deux centres oculo-moteurs du même

côté.

6° Une lésion bilatérale et symétrique atteignant les deux

centres oculo-moteurs antérieurs ou leurs fibres de projec-

tion produit un tableau clinique tout particulier caractérisé

par l'abolition des mouvements volontaires des yeux et des

DE L'APOPLEXIE PROGRESSIVE. 199

paupières avec conservation de mouvements réflexes coor-

donnés, adaptés et conscients. Ces mouvements sont sous

la dépendance des centres oculo-moteurs postérieurs restés

intacts.

PATHOLOGIE NERVEUSE.

DE L'APOPLEXIE PROGRESSIVE

DE SA VALEUR EN TANT QUE SYNDROME ANATOMO-CLINIQUE SPÉCIAL;

Par F.-J. 1 ! OSC et V. VEDEL (de Montpellier).

L'hémorragie cérébrale ne se marque pas toujours par

l'attaque d'apoplexie brutale. En dehors des cas où elle peut

ne se traduire que par des troubles paralytiques, il en est

d'autres dans lesquels les phénomènes apoplectiques se

montrent graduellement pour n'aboutir que plus ou moins

tardivement au coma et it la mort.

C'est à cette dernière l'orme que l'on a depuis longtemps

déjà donné le nom d'apoplexie progressive « ingravescent

apoplexy ». Fletcher 1 la décrit en 1846 et William Gull 2- en

relate plusieurs cas typiques dans un mémoire de 1859 'sur

les anévrysmes des vaisseaux cérébraux. Pour Abercrombie

et Thomas Watson 3 qui en ont donné une description pré-

cise, les traits caractéristiques de cette forme d'apoplexie

consistent dans l'absence de perte de connaissance au début.

l'aggravation graduelle des symptômes : malaise, céphalée.

vomissements, confusion, paralysies, la terminaison fatale

dans le coma avec ou sans convulsions. - Cette symptomato-

logie correspondrait à une hémorragie abondante pouvant

se faire jour dans les ventricules. -

1 Fletcher. Ingravescent apoplexy (Med. Times London, 18f6, XIII, 415).

' William Gull. Cases of aneurism of lhe cérébral vessels (Guy's Ilo ? 1).

Reports, 1859, 281).

3 In Broadbent. On iayavescenl apoplexy (Med. chier. TraRSaU..

1876, LIX, 335).

200 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Broadbent ' a repris cette étude en 1876 en se basant sur

cinq observations personnelles. Cet auteur a voulu montrer

que l'apoplexie progressive n'est pas seulement en rapport

avec un épanchement de sang abondant, mais encore que la

localisation de l'hémorragie est constante. Le territoire

- hémorragique serait situé sur le côté externe du noyau strié

'1'Jz.JJ'a-ventriculairc, entre ce ganglion et la capsule externe,

et il existerait un rapport étroit entre la symptomatologie et

le siège de la lésion. -

Depuis ce travail qui tendait à faire de l'apoplexie pro-

gressive un syndrome anatomo-clinique spécial, la question ne

parait pas avoir attiré beaucoup l'attention. Cependant en

1889, M. Puech 2 et, peu de temps après, M. Mossé publient

chacun une observation d'apoplexie progressive, avec hémor-

ragie située sur la face externe du noyau ventriculaire et

venant ainsi à l'appui des idées de Broadbent.

Deux cas qui sont venus à notre observation et qui ont

présenté quelques particularités, tant au point de vue anato-

mique que symptomatique, nous ont amenés à reprendre

l'étude de cette question et à envisager surtout l'étroitesse

du rapport que Broadbent s'est proposé d'établir entre l'évo-

lution des symptômes et la localisation de la lésion.

Le tableau symptomatiq1te de l'apoplexie progressive

avait été déjà bien tracé dans les observations de William

Gull et dans la description de Thomas Watson : « Le coma

n'est pas le premier symptôme. La maladie commence ordi-

nairement par une douleur de tète soudaine et aiguë. Le

malade devient pâle, défaillant, vomit le plus souvent, et

quelquefois mais non toujours tombe dans un état syncopal

avec refroidissement de la peau et un pouls faible. Il peut

apparaître aussi quelques convulsions. Parfois le malade ne

tombe pas, la douleur de tète ne s'accompagnant que d'un

état de confusion passager. Dans les deux cas, ces symptô-

mes disparaissent au bout de peu de temps ; le malade revient

à lui et peut marcher, mais la douleur de tête persiste.

Après un temps qui peut varier de quelques minutes à quel-

' Broadbent : On ingnauescertl apoplexij. A contribution lo the locali-

station of cei-ebi,cil toMVe'co-c/t/r. Transactions, vol. L1Y, p. 335, 1876).

' Puech. Apoplexie progressive et hémorragie ventriculaire (Progrès

médical, 1889). - 1

3 JlosN..Soc. de mécl. et de chir. 7r·al. (Gaz. heGcl., Montpellier, 1889).

DE [ : APOPLEXIE PROGRESSIVE. 20f f

ques heures et plus, le malade devient lourd, oublieux^

incohérent et tombe dans le coma d'où il ne sortira pas.

Parfois apparaît une paralysie d'un côté, mais le plus sou-

vent il n'y a pas de paralysie » (Watson).

Broadbent a complété cette description. D'après lui, en

dehors de la modalité progressive de l'attaque qui en est le

caractère distinctif, il semblerait toujours se produire à un

moment donné comme symptômes principaux des vomisse-

ments, une hémiplégie avec hémianesthésie et du sopor. Il

attire l'attention sur un léger degré de paralysie faciale, sur

la déviation latérale des yeux presque constante, avec par-

fois déviation conjuguée de la tête et des yeux, sur la- forma-

tion rapide d'eschares et la mort dans le coma profond

pouvant s'accompagner de contractures des membres para-

lysés et de mouvements convulsifs des membres sains,

ces derniers phénomènes en rapport avec la pénétration du

sang dans le ventricule.

Les trois observations nouvelles que nous apportons repro-

duisent dans leur ensemble les caractères donnés par Broad-

bent comme typiques de l'apoplexie progressive, mais avec

toutefois, comme nous le disions plus haut, quelques parti-

cularités qu'il nous a paru intéressant de relever. -

Observation 1 (M. Mossé) '. -

Femme, soixante-dix-sept ans, hospitalisée à la Clinique des

vieillards, service de M. Mossé.

Ne présentait rien de particulier, lorsque le 1er mai 1888, après

une sortie en ville, elle rentre à 2 heures de l'après-midi taciturne,

la figure renfrognée. Sans rien dire, elle va se coucher directe-

ment, ne répondant pas aux questions de ses voisines. Vomisse-

ments verdâtres fréquents. A 8 heures, les vomissements

cessent, mais la malade présente de légères secousses convulsives

plus marquées du côté droit. Si on l'interroge, elle montre par

sa physionomie et des pressions de main qu'elle comprend, mais

elle ne peut parler. Chute des paupières,

Le 2 mai matin, on constate une hémiplégie droite avec anes-

thésie. Température 38°. Le 3, déviation de la tête et îles

yeux du côté gauche. Température 3'J,2 à droite, 38°,8 à gauche.

il. le professeur Mossé a bien voulu nous communiquer celte obser-

vation au sujet de laquelle il avait déjà présenta quelques réflexions à

.lu Société de médecine et de chirurgie pratique de Montpellier (Gaz. kebd.

de Montpellier, 1889). Nous sommes heureux de l'en remercier...

20' : 1 2 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Le 4, la tête et les yeux tournent brusquement à droite;

convulsions; mort à 8 heures du matin.

A l'autopsie, méninges un peu épaisses. A la partie antérieure

du lobe frontal gauche on trouve un caillot de 3 centimètres de

haut sur 4 centimètres de long, ayant dilacéré la substance céré-

brale et faisant saillie sous les méninges molles. A la palpation du

lobe frontal on est frappé de son peu de consistance; il se laisse

profondément déprimer. A la coupe, toute la partie antérieure de

l'hémisphère est creusée par un caillot qui a mangé la substance

cérébrale depuis la partie antérieure de la troisième frontale

jusqu'à la scissure de Rolando. Il s'étend en dehors jusqu'au

niveau du corps calleux et en arrière vient dilacérer la capsule

externe. '

Observation II (Vedel).

C... Léon, cinquante-cinq ans, tailleur d'habits, entre à la clinique

du professeur Grasset le 18 février 1898, salle Fouquet, n° 13.

Les renseignements fournis par les personnes qui l'accom-

pagnent nous apprennent que la veille vers les 2 heures de l'après-

midi, notre malade jusque-là en état de santé convenable, a

éprouvé un fort mal à la tête avec vertige et s'est laissé choir. Il a

pu se relever, demander secours, et l'on n'a constaté à ce moment

qu'une certaine difficulté d'élocution, la connaissance restant

entière. Dans la soirée la marche devint impossible et il se montra

de la somnolence. La connaissance cependant n'était pas abolie,

et dans la voiture qui le portait le lendemain matin il l'hôpital,

le malade put demander : « Où me conduisez-vous 1 »

A la visite, on se trouve en présence d'un homme qui ne peut se

faire comprendre verbalement. Il entend les questions qu'on lui

pose mais ne peut y répondre que par un bredouillement inintel-

ligible. La connaissance persiste mais elle est obnubilée.. Le

malade est en état de somnolence avec une respiration inégale

et ronflante, et dès qu'on s'arrête de le questionner, il s'endort aux

trois quarts.

11 existe de la déviation conjuguée de la tête et des yeux :

la tête est inclinée sur l'épaule gauche, le menton et les yeux

sont fixés à droite ; on constate en outre de la paralysie faciale

gauche : l'orbiculaire des paupières est intact, mais la com-

missure labiale est affaissée à gauche, le voile du palais est

pendant du même côté, tandis que la langue ne peut dépasser les

arcades dentaires. Les pupilles sont égales, myotiques et impas-

sibles. On note encore un certain degré de parésie et d'hypes-

thésie dans le côté gauche, les phénomènes étant plus marqués

au niveau du membre supérieur qu'au niveau du membre infé-

rieur. Les réflexes tendineux sont exagérés. Pas de contractures.

Température 38°,3, pouls 80.

DE L APOPLEXIE PROGRESSIVE 203

Dans la soirée surviennent des vomissements abondants. L'état

s'aggrave progressivement : la torpeur s'accentue, l'indifférence

devient complète, l'apoplexie se constitue. Température 38°,9.

Le 19 au matin, le tableau de l'apoplexie est réalisé. La connais-

sance a disparu. Le côté gauche de la face est complètement

affaissé. Le myosis persiste. La déviation conjuguée de la tête

n'existe plus. Le bras gauche est complètement paralysé, la

jambe restant un peu moins atteinte. Les réflexes demeurent

exagérés. Pas de contractures. Température 3cJ°,5. Poulsl20. Bientôt

survient du stertor. Le malade entre dans le coma et meurt vers

4 heures de l'après-midi avec 40°,5.

Autopsie. Pie-mère un peu épaissie. Vaisseaux de la base

fortement athéromateux. Sylviennes béantes, dures, avec plaques

d'athérome sur toute leur étendue. ·

Hémisphère droit. La pie-mère enlevée on trouve, à la partie

antérieure de la scissure de Sylvius, la surface corticale ramollie

et déchiquetée, d'aspect sanglant. Un examen plus attentif montre

que la substance cérébrale du pied de la frontale ascendante et du

tiers postérieur de la troisième frontale est détruite, dilacérée par

des caillots qui font légèrement hernie à l'extérieur.

Coupe préfrontale. Rien de particulier.

Coupe passant par le pied de la troisième frontale. Foyer

hémorragique faisant une légère saillie à l'extérieur puis s'enfun-

çant dans la substance blanche sous forme d'une bande étroite qui

n'atteint pas la corne antérieure du ventricule.

Coupe passant par le milieu de la frontale ascendante. Foyer

hémorragique volumineux dans la substance blanche en avant de

l'insula. Un deuxième foyer siège au-dessous, entre le premier et

la partie antérieure de la surface externe du noyau lenticulaire ;

mais l'hémorragie est séparée du noyau lenticulaire par une bande

de substance blanche et se porte en avant à travers le pied de la

couronne rayonnante pour aboutir à la corne antérieure du ven-

tricule, sans la perforer.

Coupe passant par le bord antérieur du sillon de Rolando. - Les

deux foyers de la coupe précédente sont réunis, formant une vaste

hémorragie qui siège surtout au-dessous des circonvolutions en

avant de l'insula. Elle se continue en arrière le long de la surface

externe du noyau lenticulaire par un prolongement qui reste

séparé de la surface même du noyau par une bande de substance

blanche et va en s'effilant sans dépasser son tiers postérieur.

Coupe passant par le milieu de la pariétale ascendante. A ce

niveau, l'hémorragie est surtout marquée en avant du noyau

lenticulaire en pleine couronne rayonnante. Elle s'étend en arrière

vers l'insula, mais plutôt sous forme d'infiltration, en particulier

du côté de la capsule externe qui est peu atteinte. 11 existe éga-

204 . PATHOLOGIE NERVEUSE.

lement à la partie moyenne du segment externe du noyau lenti-

culaire une infiltration hémorragique..

Dans les coupes postérieures, l'hémorragie a disparu.

Observation III (Rose).

X..., femme âgée de quarante-cinq ans; rien de particulier dans

ses antécédents héréditaires ; comme antécédents personnels on

note, vers dix-huit ans, des accès de paludisme peu sévères.

Le 3 janvier 1892, cette femme présente une attaque avec para-

lysie du côté droit. Insuffisance aortique d'origine artérielle.

Dans la suite, contracture du côté hémiplégie. '. -

Le 14 février 1894, à'6 heures du matin, la malade se lève et ne

présente rien d'anormal, lorsque brusquement elle tombe, perd

connaissance et présente des mbuvements convulsifs du côté droit,

pendant une dizaine de minutes. La résolution devient complète,

sauf pour le bras et la jambe du côté droit qui demeurent con-

tracturés ; les membres gauches sont en état de paralysie flasque

et les paupières sont abaissées. Déviation de la tête et des yeux à

droite; pupilles punctiformes, immobiles à la lumière. Respiration

très irrégulière et très pénible. -

La malade demeure immobile mais bientôt on observe le retour

partiel-à.la connaissance, car si on l'interpelle fortement, elle

soulève ses paupières et montre qu'elle entend. -

. Vers midi, vomissements répétés se faisait sans efforts et par

gorgées de liquide jaunâtre.

Température axillaire, 38° à gauche.

Le lendemain 14, même état de résolution; paupières'abaissées,

léger nystagmus latéral ; la déviation de la tête et des yeux a

disparu, mais on constate par moments un strabisme divergent

assez prononcé. La malade fume la pipe des deux côtés, affaisse-

ment des- deux commissures, paralysie flasque à gauche.

Dans la soirée, l'oeil gauche est dévié en dehors, le droit regar-

dant en avant ; la commissure gauche est maintenant plus

abaissée que la droite. La malade a repris une conscience plus

marquée; elle montre par sa physionomie et par de légers mou-

. vements du membre inférieur droit qu'elle comprend.

La sensibilité est diminuée fortement à gauche par rapport au

côté droit; quand on pique les membres droits, la physionomie

de la malade exprime la souffrance et elle fléchit légèrement sa

jambe droite; la piqûre du côté gauche, même forte, ne produit

qu'une légère grimace. Il existe donc une hémiplégie droite avec

contracture et une hémiplégie gauche flasque avec hémihypos-

thésie. Un point intéressant et des plus nets, c'est l'exagération

nette des réflexes des deux côtés, surtout des réflexes rotuliens.

Pouls 120, température axillaire 38°,8 à droite, 38°,2 à gauche.

DE L'APOPLEXIE PROGRESSIVE. 20S 1>)

Le troisième jour (le 16 au matin) : depuis hier soir vers 10

heures, la malade a perdu progressivement conscience du monde

extérieur. Elle est actuellement dans un coma complet. Paupières

abaissées; oeil gauche fortement dévié en dehors, mais de temps

à autre l'oeil revient par un mouvement très lent, dans l'axe

antéro-postérieur. Pupille droite dilatée au maximum ; la gauche

demeure punctiforme. Paralysie flasque totale à gauche ; la con-

tracture a diminué à droite. Réflexes rotuliens encore exagérés

des deux côtés mais un peu moins qu'hier. Pouls IbO, embryo-

cardie. Relâchement des sphincters. Le soir, température 40°,8 il à

gauche, 40°,0 à droite. Elle meurt à 7 heures, sans convulsions.

Autopsie. Bras droit contracturé, fléchi dans chacun de ses

segments et collé au thorax. Le crâne ouvert, la dure-mère pré-

sente son aspect normal. Les méninges molles sont vivement

congestionnées ; suffusions sanguines sous-pie-mériennes dans la

région sylvienne des hémisphères droit et gauche.

La pie-mère enlevée, on remarque que l'hémisphère droit s'af-

faisse et s'étale et qu'il existe une véritable fluctuation au niveau

de la base dans la région fronto-sphénoïdale.

Si l'on sépare les deux hémisphères par la section du corps

calleux, il s'écoule de l'intérieur des ventricules un sang noir

comme de la pulpe de rate, très abondant. Le sang s'écoule du

ventricule latéral de l'hémisphère droit ; ce dernier étant vidé,

l'hémisphère s'aplatit et la substance cérébrale ramollie subit, au

niveau de l'insula, une déchirure par laquelle s'échappent de gros

caillots noirs.

La plus légère pression déchire la substance cérébrale, pour

ainsi dire réduite en bouillie. En explorant avec attention la

cavité ventriculaire vidée, on voit qu'il y a inondation complète

avec prédominance de l'hémorragie dans le diverticule sphé-

noïdal. Ce dernier s'est vidé par la rupture produite au niveau de

l'insula. Les parois ventriculaires sont ramollies et dilacérées par

le sang. - .

Les coupes verticales, suivant le procédé de Pitres, montrent

l'existence d'un vaste foyer hémorragique ayant rejeté les noyaux

gris en dedans, ayant détruit la capsule externe et l'avant-mur et

une partie du noyau lenticulaire et s'ouvrant à travers la couronne

rayonnante dans le diverticule sphénoïdal. Les vaisseaux sont,

d ce niveau, athéromateux et criblés d'anévrysmes miliaires.

L'hémisphère gauche présente une consistance à peu près nor-

male. On trouve dans le ventricule latéral quelques caillots venant

de l'hémisphère droit.

Les coupes de Pitres permettent de constater un petit foyer ocré

(foyer hémorragique ancien) sur la surface externe (partie

moyenne) du noyau lenticulaire, au niveau de la pédiculo-frontalé.

206 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Un peu plus loin, le foyer s'accentue et on a une cavité remplie

d'un liquide pulpeux, ocreux, comprise dans le corps lenticu-

laire et venant faire saillie à sa surface externe, contre la capsule

externe.

Au niveau de la coupe frontale, il existe en même temps un foyer

ancien du volume d'un haricot, dans la couche optique, à sa sur-

face externe, contre la capsule interne. La coupe pariétale pré-

sente les mêmes lésions, mais plus étendues.

Au niveau de la pédiculo-pariétale, le foyer de la couche optique

a creusé presque toute la partie ventriculaire de cette dernière ;

le foyer externe s'étend tout le long de la capsule externe, en

dedans de l'avant-mur.

D'après l'ensemble des observations publiées, nous voyons

que le début se marque plusieurs fois par du malaise, des

,sensations de vertige et de fatigue. Le malade de l'observa-

tion IV de Broadbent fait 200 mètres ne se sentant pas très

solide ; celui de son observation III est dans un état d'ivresse

apparente. Nous retrouvons cet état dans notre observation 1 :

la malade marche devant elle, la physionomie inquiète et

avec une sensation de malaise et de fatigue. Dans d'autres

cas, après quelques troublés vertigineux, le malade tombe,

sans perte de connaissance, sans paralysie, avec seulement

une sensation de faiblesse ; ou bien encore il présente une

chute brusque, avec phénomènes paralytiques, hémianes-

thésie, déviation de la tête et des yeux, sans perte de

connaissance ; enfin' le seul symptôme de début peut être

une attaque de paralysie qui disparaît rapidement.

L'absence de perte de connaissance, quelle que soit la

brusquerie et l'intensité des phénomènes de début est un des

caractères essentiels de l'apoplexie progressive ; - c'est ce

que Watson exprimait en disant que le coma n'est jamais

primitif. Cependant notre observation III nous montre que

la période de début d'une apoplexie progressive dans son

ensemble, peut aller jusqu'à la perte complète de connais-

sance : la malade, en effet, tombe brusquement avec une

hémiplégie gauche flasque, de la déviation de la tête et des

yeux à gauche, des convulsions à droite, des pupilles ponc-

tiformes et un état comateux. Il est vrai que ce coma

primitif disparaît rapidement pour laisser ensuite la maladie

évoluer comme dans les cas les plus typiques. Ce cas est à

rapprocher de l'observation IV de Gull : en se promenant, la

malade s'écrie tout à coup : « oh ! ma tête » laisse aller sa

DE .L'APOPLEXIE PROGRESSIVE. 201 I

main gauche, vomit et s'évanouit pour revenir à elle après

un court intervalle.

La douleur de télé peut être un des premiers phénomènes

dont se plaint le malade ; mais parfois elle n'apparaît, dans

les cas dont le début se fait par une paralysie brusque

qu'après cette dernière ; elle n'est même pas signalée dans

plusieurs observations.

Les vomissements ne font pour ainsi dire jamais défaut,

mais constituent ou bien un phénomène de début accompa-

gnant le malaise primitif, ou bien ne se montrent, et cela

assez souvent, qu'au bout de quelques heures et même un à

deux jours, après la production des phénomènes paralyti-

ques. Parfois peu prononcés et réduits même à de simples

nausées, ils peuvent être violents, répétés, et persister jus-

qu'au moment où le coma terminal s'installe.

Dans les cas les plus typiques, la paralysie apparaît gra-

duellement tantôt par une paresse croissante de tout un

côté, tantôt par des paralysies partielles successivement

surajoutées. Ainsi dans l'observation V de Broadbent, il

se produit un léger engourdissement du bras droit puis

une paresse de la jambe du même côté plus prononcée, enfin

une hémiplégie totale. Au lieu d'une marche aussi régulière-

ment progressive on peut voir, trois jours pan exemple après

la disparition rapide d'une légère attaque de paralysie du

début, se produire brusquement une hémiplégie complète.

Enfin dans quelques cas (obs. Puech et obs. III person-

nelle) les phénomènes paralytiques peuvent atteindre leur

maximum d'intensité dès le début sous forme d'une hémi-

plégie flasque.

La paralysie pèut être précédée de phénomènes convul-

sifs. Ainsi dans notre observation I la maladie présente,

après du malaise et des vomissements, des secousses convul-

sives dans le membre supérieur droit et l'on constate le '

lendemain une hémiplégie droite. Dans plusieurs autres cas,

où l'on note des phénomènes convulsifs dès le début, ces der-

niers se produisent du côté opposé où se fera la détermination

paralytique ; il en fut ainsi dans notre observation III, dans

l'observation IV de Broadbent, et surtout dans l'observa-

tion V de Gull où ces convulsions persistèrent pendant

plusieurs heures. -

Lorsque l'hémiplégie totale s'est établie, elle ne présente

208 . PATHOLOGIE NERVEUSE.

pas de rétrocession ; elle est flasque bien qu'il puisse exister

dans sa période d'établissement une rigidité passagère qui

paraît aller de pair avec les mouvements convulsifs signalés

dans le côté opposé. Cependant dans l'observation V de Gull,

la rigidité persiste jusqu'à la fin dans le côté paralysé.

Dans la plupart des observations l'état des réflexes n'a

pas été noté ; dans les cas où on les a recherchés au moment

de l'apparition des phénomènes paralytiques, on constate

qu'ils sont exagérés (obs. II personnelle) ou tout au moins

conservés (obs. Gull).

L'hémiplégie est le plus habituellement accompagnée

41'héi ? 21a)iesthésie. Les troubles de la sensibilité suivent assez

généralement la marche des phénomènes paralytiques. Dans

les cas où l'hémiplégie se produit brutalement comme phé-

nomène de début, l'hémianesthésie est également complète

(obs. de Puech et obs. III). Dans les cas où la paralysie s'est

établie progressivement, la marche des troubles sensitifs

n'est pas toujours bien indiquée ; mais ordinairement on note

une diminution de la sensibilité qui s'accroît progressivement

jusqu'à l'hémianesthésie complète lorsque la paralysie est

totale, sans toutefois arriver toujours à ce degré : ainsi-dans

l'observation V de Broadbent on ne constate qu'une hémipa-

resthésie avec une hémiplégie complète. Il peut se faire au

contraire que les troubles sensitifs prédominent au début sur

les troubles moteurs : dans l'observation IV de Broadbent,

la malade après quelques minutes de malaise présenta une

diminution de la sensibilité, puis une hémianesthésie com-

plète au bout d'une heure. Dans l'observation II de Broad-

bent, alors que l'hémiplégie gauche est totale, on remarque e

que lorsque le malade sort de son assoupissement, la sensi-

bilité qui paraissait abolie reparaît. Dans notre observation

III la sensibilité abolie le premier jour, reparaît au second,

pour disparaître définitivement le troisième.

La déviation de la tète et des yeux du côté de la lésion,

est notée dans la plupart des cas ; lorsque l'hémiplégie est

brusque d'emblée elle existe toujours ; elle peut apparaître

dès le début coïncidant' avec l'hémiparésie (obs. I de Broad-

bent, obs. II) ou bien elle se montre plus tardivement quand

l'hémiplégie s'est établie (obs. V de Broadbent, obs. I de

Mossé). Il est remarquer que dans notre observation II en

particulier, la déviation, qui coïncidait avec l'hémiparésie,

DE L'APOPLEXIE PROGRESSIVE. 209

disparaît lorsque l'hémiplégie devient complète. Cette dispa-

rition paraît du reste marcher avec l'établissement du coma.

Dans l'observation I, la déviation de la tète et des yeux qui

s'était faite à gauche, se déplaça brusquement du côté droit

peu de temps avant les convulsions terminales.

Les pupilles sont ordinairement égales, fortement contrac-

tées et immobiles, mais on peut observer dans la suite des

variations dans leur diamètre : ainsi dans l'observation IV

de Gull, les deux pupilles sont d'abord contractées, puis la

pupille gauche se dilate, enfin les deux pupilles sont tantôt

dilatées, tantôt contractées, sans cause apparente.

Dans la plupart des cas, les malades présentent de l'embar-

ras de la parole plus ou moins accentué, sans aphasie. Ce

fait est en rapport avec le siège habituel des lésions hémorra-

giques à droite. Dans les deux cas où l'hémorrhagie siégeait

à gauche, on note dans un cas (obs. V de Broadbent) une

simple difficulté d'élocution et dans l'autre (obs. I) de l'apha-

sie vraie.

Broadbent signale fréquemment comme phénomène de

début un état de confusion cérébrale qui fait ressembler ces

malades à des personnes en état d'ivresse. Cet état peut

manquer dans les cas où le malade est frappé brusquement

par des phénomènes paralytiques ; l'intelligence peut être

parfaitement conservée, mais ces malades ne tardent pas à

tomber dans un état de somnolence qui s'accuse de plus en

plus. Ils s'endorment d'abord facilement, la connaissance

demeurant conservée lorsqu'on les éveille ; puis la confusion

augmente, la somnolence faisant place au stertor. Le coma

profond s'établit tantôt brusquement (obs. I de Broadbent),

tantôt d'une façon très progressive. Tandis que dans la plu-

part des cas la progression se fait d'une façon régulière .de la

somnolence au coma profond, il est noté dans quelques

observations des alternatives de prostration (pendant laquelle

il est très difficile d'obtenir des' réponses, même par des exci-

tations fortes) et de lucidité de durée variable.

Si l'on envisage la marche générale des symptômes l'on

voit qu'elle peut être régulièrement progressive et pendant

une durée de plusieurs jours, jusqu'à vingt-cinq dans un' cas

de. Broadbent (les cas I, II, III, V de Broadbent sont des types

de ce genre ; de même nos cas 1 et II). Après quelque malaise,

un sentiment de faiblesse, le malade présente de la céphalée,

Archives, 2° série, t. VIII. 14

210 PATHOLOGIE NERVEUSE.

des vomissements, un engourdissement d'un bras puis de la

jambe, de la difficulté de la parole. A la fin de la journée ou

le lendemain, une hémiplégie avec hémianesthésie s'établit ;

le bredouillement devient plus accusé ; une tendance au

sommeil, de la somnolence coupée de réveils lucides se mon-

trent ; le sommeil devient de plus en plus lourd; la confu-

sion est plus forte au réveil ; enfin le malade tombe dans le

coma et meurt, avec ou sans convulsions,

La mort est, en effet, la terminaison dans tous les cas que

nous avons réunis. Elle survient plus ou moins tôt, après

quelques heures dans les cas les plus rapides, jusqu'à vingt-

cinq jours dans les cas les plus prolongés. La régularité de la

progression n'est pas d'ailleurs directement en rapport avec

la durée de la maladie. Nous avons vu, en effet, qu'il peut

exister des périodes intercalaires de lucidité, une sorte

d'amélioration au milieu desquelles le coma peut survenir

tout à coup.

En résumé, si l'ingTavescent apoplexy peut constituer au

point de vue clinique une forme d'apoplexie, elle doit cette

distinction au caractère progressif de l'évolution des symp-

tômes et non aux symptômes eux-mêmes. Ces derniers se

retrouvent dans le tableau de l'apoplexie cérébrale en

général.

Dans l'apoplexie progressive, la production tardive du coma

permet aux symptômes d'apparaître successivement et avec

plus d'évidence : de telle sorte que l'on pourrait considérer la

période qui s'écoule entre les premiers accidents et le coma

comme une période prodromique très prolongée et progres-

sivement aggravée de l'attaque d'apoplexie. Il est à remar-

quer en effet qu'à côté des attaques d'apoplexie ordinaires

avec ictus instantané, il en est dans lesquelles quelques phé-

nomènes prodromiques annoncent l'ictus.

En outre, dans notre observation III, nous voyons que le

caractère indiqué comme essentiel, indispensable, pour que

l'apoplexie puisse être dite « apoplexie progressive », 1' « ab-

sence de coma primitif» peut ne pas exister et néanmoins le

cas, de par sa marche générale, doit entrer dans cette forme

ainsi la malade après un ictus rapide reprend connais-

sance et à partir de ce moment la maladie évolue comme

une apoplexie progressive type jusqu'au coma terminal.

Enfin, les symptômes relevés ne se reproduisent pas clans

DE L'APOPLEXIE PROGRESSIVE. 911

un ordre constant, mais d'une façon très irrégulière ; il n'y

a pas de règle dans la progression.

Dès lors, comme au point de vue des symptômes et de la

marche on trouve tous les intermédiaires entre l'apoplexie

progressive et l'apoplexie ordinaire nous pouvons dire que

l'apoplexie progressive ne se distingue pas essentiellement

de l'apoplexie ordinaire.

L'étude anatomo-pathologique va-t-elle corroborer celle

conclusion ou nous conduire, comme le pense Broadbent, à

admettre l'existence d'un syndrome anatomo-clinique distinct.

L'aspect extérieur du cerveau peut ne présenter aucune

particularité ; mais en général on trouve, en dehors de suffu-

sions sanguines sous les méninges molles, des modifications

de la surface cérébrale, notamment au niveau de l'insula et

du lobe frontal. Comme le dit Broadbent, l'apparence exté-

rieure fait penser à l'existence d'une pression interne éner-

gique produisant la distension de ces circonvolutions. Cet

aspect est surtout remarquable au niveau des circonvolutions

de l'insula; celles-ci sont aplanies, les sillons étant effacés de

telle sorte que l'insula apparaît comme une élévation ovale et

unie. Les circonvolutions frontales peuvent subir la même

distension qui les déplisse en forme de sac. En ces points, la

substance cérébrale distendue est ramollie, se laisse très faci-

lement déchirer, et de celte déchirure, parfois considérable,

s'échappe un caillot volumineux et du sang noirâtre. Si l'on

fait, avant que la déchirure ne se produise, une section sur

la surface qui bombe, l'on arrive immédiatement sur le foyer

hémorragique, à travers une très mince couche de substance

cérébrale ramollie. Dans certains cas cependant (Obs. I et II)

la déchirure peut se faire spontanément et l'on trouve à l'au-

topsie un caillot plus ou moins volumineux faisant hernie

sous la pie-mère. Dans l'observation I, il existait à la partie

antérieure du lobe frontal gauche un caillot faisant une sail-

lie de 3 centimètres de haut sur 4 de large ; à la palpation le

lobe frontal se laissait profondément déprimer et l'on voyait

s'échapper au niveau de la déchirure du sang coagulé et

liquide. Dans l'observation II, il existait au niveau des pieds

de la troisième frontale et de la frontale ascendante, une dila-

cération à bords irréguliers de la substance cérébrale ; ces

bords étaient distendus par un caillot noirâtre placé derrière

et qui venait affleurer en bouchon à la surface.

212 PATHOLOGIE NERVEUSE.

On peut encore trouver du sang dans la scissure de Syl-

vius, dans l'espace interpédonculaire, mais du côté opposé à

la lésion. En effet, le sang venant des ventricules latéraux,

passe à travers le plancher du quatrième ventricule, dans

l'espace interpédonculaire, et de là chemine sous l'arach-

. noide pour gagner la scissure deSylviusdu côté opposé, l'écou-

lement dans la scissure du côté de la lésion étant empêché

par la compression du foyer hémorragique.

Les ventricules latéraux sont tantôt à l'état de vacuité,

tantôt remplis par une quantité plus ou moins grande de sang

noirâtre partiellement coagulé. Broadbent fait remarquer que

lorsque le sang a envahi les ventricules latéraux, la corne

descendante du côté lésé est toujours vide, le sang ne pou-

vant y pénétrer par suite de la pression exercée sur elle par

le foyer hémorragique. Dans certains cas cependant on a

observé que cette corne pouvait aussi être envahie par le sang

(obs. III et obs. IV de Gull).

Lorsqu'on fait sortir le sang des ventricules, la surface du

cerveau s'affaisse dans les points qui faisaient saillie. Si l'on

examine alors la paroi ventriculaire on constate une déchirure

longitudinale plus ou moins étendue et siégeant à des niveaux

variables.

il la coupe de l'hémisphère, il n'y aurait pas seulement,

d'après Broadbent, une hémorragie abondante (ce qui est la

règle, qu'il y ait ou non inondation ventriculaire), mais

encore la localisation de celle-ci serait « dans certaines

limites » constante. Le foyer siégerait sur le côté externe du

corps strié extraventriculaire, entre ce ganglion et la capsule

externe, dans les fibres qui séparent celle-ci de l'insula.

Le noyau ventriculaire paraît détruit au premier abord,

alors qu'en réalité il n'est qu'à peine atteint. En fait, il est

complètement disséqué de la capsule externe et rejeté forte-

ment en dedans; il peut toutefois être un peu entamé par

l'hémorragie dans sa partie externe (putamen).

L'étude des observations mêmes de Broadbent, montre que

l'hémorragie siège, en effet, à la surface externe du corps

lenticulaire. Mais elle peut intéresser la substance blanche du

pied de la couronne rayonnante en s'incurvant rapidement

vers la corne antérieure du ventricule, et formant un gros

foyer situé immédiatement en avant du corps strié (à la par-

tie extrême de la capsule interne), ou au loin en pleine région

DE L'APOPLEXIE PROGRESSIVE. 213

frontale. L'hémorragie peut se faire ainsi complètement en

avant, ne recouvrant même pas toute la surface externe du

corps strié. Dans d'autres cas, l'hémorragie qui s'est faite en

avant jusque dans le ventricule, dépasse un peu en arrière le

noyau lenticulaire et forme ub foyer à la partie la plus pos-

térieure de la capsule interne; ou bien encore le foyer hémor-

ragique s'étend de la région antérieure jusque dans l'extré-

mité postérieure de la capsule interne comprimant la corne

descendante du ventricule et rejoignant une hémorragie de

la partie externe de la couche optique. Dans un cas, l'hémor-

ragie était limitée au bord tout à fait postérieur de la face

externe du noyau lenticulaire et avait envahi, à travers la

capsule interne, la corne occipitale du ventricule.

Dans nos cas, nous voyons (obs. I) l'hémorragie former un

foyer énorme situé entre l'insula et le noyau lenticulaire en

partie détruit, ne dépassant pas ce dernier en arrière, mais

coupant en avant la partie extrême de la capsule interne et

venant former un foyer volumineux dans la substance blanche

antérieure. Dans le cas III, l'hémorragie s'est faite également

entre l'insula et le corps strié ; mais au lieu de se propager

en avant, elle se continue en arrière du corps strié, coupe la

capsule interne (partie postérieure) et fait par là irruption

dans les cornes descendante et occipitale du ventricule. L'ob-

servation II est particulièrement intéressante au point de vue

de la topographie de l'hémorragie : le foyer principal siège

en avant du corps strié dans la substance blanche, et il envoie

deux prolongements, l'un en avant jusqu'au niveau de la

corne antérieure du ventricule qu'il effleure sans l'ouvrir,

l'autre en arrière entre l'insula et le corps strié. Toutefois

cette dernière partie de l'hémorragie, au lieu de se faire

directement à la surface externe du corps lenticulaire, se fait

en dehors, dans l'avant-mur et la substance blanche qui l'a-

voisine ; elle n'atteint la substance même du noyau lenticu-

laire que tout il fait à la partie postérieure de ce dernier, il

n'y a même là qu'une simple infiltration pluL()tqu'unc hémor-

ragie. Dans ce cas, le foyer primitif siège évidemment dans

le pied de la couronne rayonnante .

D'après Broadbent, l'abondance de l'hémorragie s'expli-

querait par la dimension du ou des vaisseaux rompus, et par

la résistance légère opposée en ce point par la substance

cérébrale à l'hémorragie.

214 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Quant à l'absence de coma primitif et il la marche pro-

gressive de l'apoplexie, on devrait les expliquer par ce fait

que jusqu'au moment où la quantité de sang devient très

considérable, il n'y a en réalité ni rupture de fibres ou déchi-

rure de la substance grise, ni compression violente de la

substance cérébrale, phénomènes par lesquels on explique

ordinairement la production de l'ictus. L'explication de cette

particularité serait donnée par la constitution même de la

capsule externe : les fibres de celte dernière ne se dirigent

pas perpendiculairement du noyau exlravenlriculaire vers

les circonvolutions de l'insula; mais, venant de la partie in-

férieure des ganglions, au lieu de continuer leur marche

vers la scissure de Sylvius, elles suivent une direction paral-

lèle à la face externe du corps strié extraventriculaire et vont

croiser les fibres qui émergent de la capsule interne. L'hé-

morragie se faisant ordinairement au niveau de l'artère de

Charcot, c'est-à-dire à la face externe du noyau lenticulaire,

les fibres de la capsule externe se sépàrent très facilement,

sans résistance, du noyau lenticulaire et offrent, par suite, un

chemin facile à l'hémorragie. La pression exercée sur la

substance cérébrale par le sang extravasé est empêchée par

la proximité de la scissure de Sylvius et de la corne descen-

dante du ventricule latéral. Le coma donc ne deviendra pro-

fond que lorsque la compression sera portée à son maximum

par l'épanchement. l.

Ainsi, progression de l'hémorragie dans un espace facile à

cliver, et au voisinage de cavités empêchant une distension

brusque de la substance cérébrale, telles sont les deux rai-

sons essentielles du caractère progressif. L'hémorragie se

faisant en avant rencontre, il est vrai, les fibres de la cou-

ronne rayonnante; mais ces fibres, entrelacées en apparence,

offriraient, pour Broadbent, moins de résistance qu'un plan

continu de fibres serrées et laisseraient l'hémorragie cheminer

jusqu'au ventricule.

L'étude des observations nous amène-L-elle il accepter les

conclusions de Broadbent ?

Y a-t-il tout d'abord un rapport constant entre l'apo-

plexie progressive et la localisation étroite indiquée par

cet auteur ? %

Dans un certain nombre d'observations, l'hémorragie est

tellement volumineuse que toute la substance qui sépare le

DE L'APOPLEXIE PROGRESSIVE. 215

noyau lenticulaire de l'insula et une grande quantité de subs-

tance blanche en avant et en arrière, sont entièrement

détruites. Dans d'autres cas, l'hémorragie ne se fait que par-

tiellement au niveau de la surface externe du noyau ventri-

culaire, et le foyer le plus volumineux se trouve dans la subs-

tance blanche, à la partie, antérieure ou postérieure. Dans

l'observation V de Broadbent, l'hémorragie aflleure à peine

le noyau lenticulaire et se fait, on peut dire tout entière,

entre ce noyau et la corne occipitale du ventricule ; c'est

sans doute pour ce motif que Broadbent ajoutait comme cor-

rectif à sa formule que « la localisation est, dans certaines

limites, constante ». Dans notre cas Il, nous avons vu que

l'hémorragie ne se faisait pas à la surface externe du noyau

extravenlriculaire, mais bien dans la couronne rayonnante

et qu'elle envoyait simplement un prolongement en arrière

dans l'avant-mur, laissant toute la capsule externe en contact

avec le noyau lenticulaire.

En somme, dans-l'apoplexie progressive, l'hémorragie peut

se faire dans celle région étendue que Gendrin, Charcot,

Bouchard ont montré être le territoire préféré de l'hémorra-

gie cérébrale. Elle se fait sur le parcours de vaisseaux volu-

mineux, en particulier l'artère de 1 hémorragie de Charcot, qui

longent la face externe du corps strié et la dépassent en avant

et en arrière. L'hémorragie pourra se faire en un point quel-

conque de ce trajet, soit le long du corps strié, soit au niveau

des houppes terminales en pleine substance blanche et au

voisinage d'une des cornes ventriculaires. Comme nous trou-

vons ces divers sièges de l'hémorragie dans nos cas d'apo-

plexie progressive, nous pouvons dire que dans cette forme

d'apoplexie, l'hémorragie n'a point originellement de siège

qui lui soit spécial.

Il nous paraît donc difficile d'invoquer une localisation

étroite de l'hémorragie dans celle région comme cause de la

marche progressive des symptômes. Cette conclusion est bien

en rapport avec ce que nous avait laissé penser certains

faits cliniques qui nous montraient des intermédiaires entre

l'apoplexie progressive et la folme ordinaire de l'apoplexie.

D'ailleurs, une observation de William Gull vient nous mon-

trer qu'il n'est même pas nécessaire que l'hémorragie se fasse

dans la région habituelle de l'hémorragie cérébrale. Chez

son malade, en .effet, qui présentait la symptomatologie

216 PATHOLOGIE NERVEUSE.

typique de l'apoplexie progressive, l'hémorragie siégeait au

niveau de la protubérance.

Voici le cas de William Gull. Cases of tlae cérébral vessels.

(Guy's IIospital Reports). Cas. II. Aneurism in the substance

of the pons variolii; ingravescent apoplexy.

W..., quarante-trois ans, femme de cabaretier se plaignait

depuis une quinzaine de jours de dyspepsie et de douleurs de

tête. Le 26 février 1858, il 7 heures du matin, servant ses clients,

elle s'écria brusquement : « Oh ! ma tête, je vais mourir ! » et elle

tomba. Après sa chute, elle ne put plus parler, mais elle demeura

partiellement consciente pendant déux heures, ouvrant sa bouche

quand on le lui demandait, mouvant son bras et sa jambe

gauches. A 9 heures, elle entra dans le coma, les pupilles con-

tractées et immobiles, la respiration stertoreuse, faisant des

efforts pour vomir qui aboutissaient au rejet d'un peu de mucus.

La mort survint trois heures et demie après la chute.

A l'autopsie, on trouva dans le tiers inférieur du pont de Varole

sur la ligne médiane, un caillot récent du poids de deux drach-

mes. Après avoir enlevé ce caillot, on aperçut un anévrysme

pyriforme qui faisait saillie du toit de la cavité produite par

l'irruption du sang. Rien de particulier dans le reste du cerveau.

Le caractère progressif de l'apoplexie ne parait donc pas

en rapport avec la localisation, dans un point précis, de la

substance cérébrale. La cause de la progression est-elle en

rapport avec la disposition structurale de la région dans

laquelle s'est produite l'hémorragie ?

Nous avons vu que Broadbent explique la progression par

la disposition particulière des fibres permettant un clivage

facile, et par le voisinage des ventricules et de la scissure de

Sylvius, empêchant la compression du cerveau. Mais étant

donné le point de départ variable de l'hémorragie dans l'apo-

plexie progressive, toutes les hémorragies se faisant dans le

territoire de l'artère de Charcot, devraient posséder une

symptomatologie également progressive !

Peut-être faut-il tenir un certain compte du processus ana-

tomique qui se passe au niveau des anévrismes artériels eux-

mêmes et qui permettrait, dans certains cas, une sorte d'usure

progressive du sac sans rupture brusque. Au début, une lente

extravasation de sang pourrait se faire entre les fibres de la

substance cérébrale, au lieu d'une issue brusque capable de

provoquer l'ictus. D'ailleurs un fait rapporté par M. Mossé

DE L'APOPLEXIE PROGRESSIVE. 217 "j

nous autorise à douter de l'existence d'un rapport entre la

progression et la structure même de la région envahie. Chez

un malade qui avait présenté le tableau de l'apoplexie pro-

gressive, on ne constata à l'autopsie aucune lésion hémorra-

gique, mais seulement un peu d'oedème cérébral avec épan-

chement de sérosité dans le ventricule. Peut-être est-on

autorisé, dans des cas de cet ordre, à attribuer le syndrome

de l'apoplexie progressive à des troubles cérébraux liés à

l'urémie ou à quelque autre auto-intoxication.

En conclusion, l'apoplexie progressive au point de vue cli-

nique peut être considérée comme une forme d'apoplexie,

mais qui n'est pas tellement distincte des autres formes

qu'on ne puisse trouver des intermédiaires qui les ratlachent.

D'autre part, l'étude des lésions nous montre que l'hémorra-

gie ne trouve pas strictement son origine au niveau de la face

externe du noyau lenticulaire, mais peut se produire dans un

point variable d'une zone plus large, constituant la région de

l'hémorragie de Charcot, et quelquefois même en des points

cxlrahémisphériques comme le pont de Varole.

Il nous paraît donc difficile d'admettre que l'apoplexie

progressive corresponde, comme tendrait à le laisser penser

Broadbent, à un syndrome anatomo-clinique .précis. Toute

sa caractéristique tient clans la formation progressive de

l'hémorragie.

L'explication de la progression de cette hémorragie est

malaisée. Peut-être faut-il l'attribuer à l'absence de rupture

brutale du sac anévrysmatique et à son ouverture par usure

avec passage lent du sang dans la substance cérébrale au voi-

sinage d'un point eompressible, comme un venlricule ou l'in-

sula.

ÉPILFPTIQUE brûlée vivr. - M"10 Catherine Canton, âgée de

soixante-quatorze ans, demeurant à Saint-Just, a été brûlée vive,

la nuit dernière, à la suite d'une imprudence ou d'un accident.

Elle était descendue de sa chambre, portant une bougie à la

main ; comme elle était sujette à des attaques d'épilepsie, on

suppose qu'elle est tombée et que le feu s'est communiqué à

ses vêtements. On. s'est empressé de lui porter secours; mais

il était trop tard. La malheureuse est morte dans d'atroces souf-

frances. (Le Journal, l8 juin 1899.) - D'où la nécessité d'une sur-

veillance constante et partant de l'hospitalisation. ,

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

1. Sur les causes de la cyclopie; parle professeur Francesco Leggb.

(Bull. délie scienze medicltc, n° 10, 1898.)

Recherches anatomiques portant principalement sur deux cas

de cyclopie chez l'agneau, et conduisant aux conclusions suivantes :

I. Les causes de la cyclopie dépendent d'une soudure précoce

des deux parties latérales du tube cérébro-médullaire qui se

rejoignent à la partie dorsale pour constituer la vésicule cérébrale

antérieure et, de l'époque plus ou moins précoce de cette soudure,

dépendent les divers degrés de cyclopie.

II. L'auteur n'admet pas que cette soudure puisse résulter d'une

pression exercée par le capuchon céphalique de l'amnios sur

l'extrémité céphalique de l'embryon, mais il croit que l'étroitesse

du capuchon céphalique, observée et décrite par Uarestc dans les

cas de cyclopie, défend des mêmes causes qui ont produit la

cyclopie et de l'airét de développement de la vésicule cérébrale

antérieure.

III. Ces causes auraient leur source dans l'atrophie des rameaux : \ :

artériels qui portent le sang dans l'extrémité céphalique de

l'embryon, d'autant plus que l'atrophie de la vésicule cérébrale

antérieure est toujours accompagnée de l'atrophie plus ou moins

profonde des arcs branchiaux et des autres organes de la face et

parties du crâne. 0

IV. Les diverses positions que peut présenter la trompe dans la

cyclopie, relalivement au bulbe oculaire, dépendent des nouveaux

rapports qu'affecte la vésicule oculaire primitive déplacée, depuis

le front jusqu'à l'ébauche nasale primitive, dans les divers cas de

cyclopie.. Il. Ctunox.

II. Recherches sur les lésions des centres nerveux consécutives

à l'hyperthermie expérimentale et à la fièvre ; par AI. le

Dr ALmaiaco.

On ne peut pas appliquer sans réserves les données de l'expéri-

mentation constatées chez le lapin, à la pathogénie humaine.

L'hyperthermie chez l'homme est très souvent, sinon toujours, in-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 219

fectieuse ou toxique et en cas de constatation des lésions dans les

centres nerveux, il faut savoir distinguer ce qui revient à l'hyper-

thermie de ce qui revient à l'infection; attribuer en bloc à l'hyper-

thermie seule toutes les lésions trouvées chez un individu mort

par suite d'hyperthermie, serait une erreur. Il est fort probable,

d'autre part, que la cohésion des granulations élémentaires qui

constituent les éléments cbromatophiles est plus grande chez

l'homme que chez le lapin. En outre l'âge de l'individu peut jouer

un certain rôle dans les altérations qui accompagnent les maladies

fébriles. L'étude attentive des lésions produites par la fièvre chez

l'homme permet à l'auteur d'émettre les conclusions suivantes :

1° La température inférieure à 10°, même quand elle se prolonge

pendant plusieurs jours, ne semble pas être suffisante pour pro-

duire des lésions semblables à celles que détermine l'hyperthermie

expérimentale ;

2° Dans des cas infectieux fébriles, où la température a dépassé

40°, il peut se rencontrer des lésions, lesquelles n'appartiennent

pas toujours à l'hyperthermie, parce que leur aspect diffère de

celui produit par l'élév, tion thermique ;

3° C'est surtout dans les cas où la température a atteint ! ¡ 1°, et

s'est maintenue à cette élévation pendant quelques heures, que

des lésions analogues à celles de l'hyperthermie expérimentale se

rencontrent. Elles ressemblent à celles qu'on réalise en faisant

varier la température de l'animal entre 43° et 4o : le corps cellu-

laire est tuméfié, ses éléments chromatophilea ne présentent plus

leur aspect normal; à la périphérie, ils font habituellement défaut, t,

alors qu'à la pallie centrale ils sont mal individualisés, réduits à

des granulations difficiles à définir. La cellule a perdu son aspect

stricochrome et prend une teinte plus ou moins foncée, opaque :

elle est plus pâle à sa périphérie. (Revue neurologique , jan-

vier 1899.) E. 13.

II1. Contribution à l'étude de l'anatomie pathologique des aliénés;

par les D"5 DouTnruEwe et GOD \ULT.

Le hasard des rencontres d'autopsie a permis aux auteurs de

trouver à peu de temps d'intervalle, deux malformations sem-

blables sons forme de diverticules intestinaux, peut-être à des

étapes différentes de leur développement. Leur structure, qui ne

révèle pas d'élément inflammatoire, leur histologie macroscopique,

qui témoigne de l'existence dans leurs parois des trois tuniques,

persistantes (obs. II) ou atrophiées (obs. I) et paraissant accom-

pagnées de leurs éléments glandulaires et vasculaires ; l'absence

de perturbation organique signalant leur évolution, leur innocuité,

tout concourt à leur attribuer une origine congénitale qui semble

confirmer le développement embryogénique de l'intestin.

220 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

Les difformités ou malformations viscérales doivent-elles être

considérées comme des stigmates internes de dégénérescence au

même titre que celles relevées sur la face, les membres, etc. ?

Peut-être les malformations internes ne-sont-elles plus rares que

parce que les observateurs ont négligé de les rechercher. (Annales

médico-psychologiques, avril 1899 '.) E. B.

IV. Les phénomènes de réparation dans les centres nerveux après

la section des nerfs périphériques; par A. van GEH UCHTEX.

(Presse médicale, 4 janvier 1899.)

L'auteur répond aux critiques formulées contre lui par M. Mari-

nesco, dans de récents travaux. S'appuyant sur ses expériences et

ses travaux personnels, il s'attache à démontrer que son contra-

dicteur soutient des opinions en désaccord avec des faits d'obser-

vations indiscutables. C'est ainsi que M. Van Gehuchten soutient

que la section d'un nerf moteur spinal, chez le lapin, n'est pas

suivie inévitablement de chromatolyse dans les cellules d'origine

des fibres sectionnées, contrairement il ce qui se passe pour tout

nerf moteur cranien dont la section entraine toujours une réaction

cellulaire précoce. M. Marinesco nie l'exactitude de cette proposi-

tion qui est cependant d'accord avec certaines de ses propres expé-

riences. D'après M. Van Gehuchten, il n'est pas prouvé, ainsi que

l'affirme M. Marinesco que la réparation des cellules nerveuses,

altérées par suite de la section du nerf correspondant, marche plus

vite quand les deux bouts du nerf parviennent à se mettre en

contact. L'auteur est même porté à penser, mais il ne saurait

actuellement le prouver par des faits, que la soudure des deux

bouts est sans effet sur les phénomènes de réparation cellulaire.

Mais cette soudure lui parait avoir une influence sur le sort

ultérieur des cellules du nerf lésé. Dans le cas où elle a lieu.

les cellules reviennent à l'état normal; dans le cas contraire,

après ce retour à l'état normal, elles s'atrophient et disparaissent.

M. Van Gehuchten admet qu'à la suite de la section d'un nerf

moteur cranien, les cellules d'origine des fibres lésées parcourent

d'abord une phase de dissolution des éléments cllromatoplliles,

bientôt suivie d'une phase de réparation des mêmes éléments.

Selon M. Marinesco, cette seconde phase n'est pas fatale. Cette

' Nous avons l'habitude, et nous ne sommes pas le seul. de faire aussi

complètement que possible l'autopsie de nos malades. C'est pourquoi il

nous a été donné d'observer un certain nombre de malformations des

organes internes, dont quelques-unes ont été consignées déjà dans la

collection des Comptes rendus de notre service de Bicc;tre de 1880 à 1898.

Malheureusement cette collection qui a coulé, à nous et à nos internes,

beaucoup sous tous les rapports, semble moins connue de nos confrères

français que' des médecins étrangers. (B.).

REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 221

divergence d'opinion provient sans doute de ce que M. Marinesco

a étudié les lésions cellulaires après l'arrachement et non après la

section des nerfs ; or, il est établi que ces procédés d'expérimenta-

tion entrainent des résultats dissemblables.

Ces auteurs sont encore en désaccord sur le point de savoir à

quel moment après la section de l'hypoglosse, l'hypertrophie des

cellules d'origine de ce nerf atteint son maximum. Selon M. Ma-

rinesco,ce maximum s'observe du 90° au 100e jour;M. Van Gehuch-

ten rapporte des faits établissant nettement qu'il s'observe du 15e

au 20° jour. A la suite de la section du nerf vague dans la région

cervicale, les cellules du ganglion noueux de ce nerf, après la

phase de chromatolyse, ne présentent pas, d'après M. Van Gehuch-

ten, la phase de réparation,- mais s'atrophient et disparaissent.

M. Marinesco a contesté ce fait dont M. Van Gehuchten maintient

l'exactitude, attestée d'ailleurs par les figures qui accompagnent

son travail. De même, la dégénérescence et la disparition des cellules

du noyau dorsal du nerf vague dans le bulbe, après la section de

ce nerf à la région cervicale, est admise par M. Van Gehuchten et

niée par M. Marinesco. Ils ne sont encore pas d'accord sur la nature

motrice ou sensitive de ce noyau dorsal du vague. M. Marinesco

tend actuellement à le regarder comme sensitif, tandis que M. Van

Gehuchten, d'après de récentes recherches, considère comme

démontrée sa nature motrice. A. 1 L,.aarlou.

V. Le système osseux chez les aliénés ; par J.-F. l3mscols (Alton

Hans). (l3ritislv med. Journal, 3 décembre 1898.)

L'auteur étudie successivement les fractures chez les aliénés :

fractures spontanées et accidentelles, l'ostéoporose, l'état des os du

crâne dans la paralysie générale, les hyperostoses, le ramollisse-

ment et les abcès chroniques des os, etc. Plusieurs illustrations

sont jointes à ce travail. A. M.

VI. Anatomie pathologique d'un cas de myélite syphilitique ;

par Wiliamson (de Manchester). (British met. Journal, décem-

bre 1898.)

Les lésions pathologiques peuvent se résumer comme suit :

endartérite et dégénérescence hyaline des vaisseaux spinaux et

méningés ; inflammation légère des méninges, infiltration gom-

meuse des colonnes antéro-latérales droites de la région dorsale

supérieure, sclérose périphérique généralisée à la région dorsale

dans les colonnes latérales surtout, plaques de sclérose irrégu-

lières, plaque gommeuse de la région dorsale inférieure et sclérose

descendante lombaire, sclérose ascendante cervicale dans les

colonnes médianes et postérieures. A. Marie.

222 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

Vif. Nouvelles études sur la physio-pathologie du cervelet; par

GATTA. ( ? tara Rivisla clÍ1zico : therapeulica, n° 2, 1899).

L'auteur trace tout d'abord avec concision et méthode l'historique

de cette question toujours discutée et qui a donné lieu à tant de

travaux, soulevé tant de discussions, et conduit aux conclusions

les plus divergentes en passant par deux grandes périodes : la

première commencée par Rolando et qui a été illustrée par Flou-

rens ; la deuxième commencée par Luciani et qui reste encore

ouverte à l'heure actuelle.

Il n'est plus guère aujourd'hui question de mettre en discussion

ce fait que les lésions du cervelet produisent des troubles plus ou

moins accentués de l'équilibre, mais ce qui reste encore indéter-

miné, au milieu des expériences contradictoires, c'est le méca-

nisme physiologique qui produit ces troubles. Le cervelet est-il,

pour ne parler que d'opinions récentes et solidement édifiées sur

l'expérimentation, « un organe homogène, de renforcement,

exerçant sur le système nerveux une influence neuro-musculaire

sténique, tonique et statique » (Luciani), ou bien « un centre

d'une réaction spéciale qui s'applique au maintien de l'équilibre

c'est-à-dire un centre réflexe de l'équilibre » (Thomas). Pour

contribuer à éclaircir ce point, l'auteur s'est proposé d'étudier

seulement, chez des chiens soumis à la destruction du lobe mé-

dian, d'une moitié latérale et à la destruction complète du cerve-

let : 1° les tracés de la marche ; 2° les tracés des contractions mus-

culaires. L'étude de ces tracés, à l'aide d'un myographe spécial,

et d'empreintes colorées a conduit l'auteur aux conclusions sui-

vantes : a) Le cervelet est un organe unique, homogène et non

un groupe d'organes; b) on ne saurait dire avec précision si n'est

un organe terminal ou un organe intermédiaire, parce que sa

destruction totale entraîne des phénomènes qui 's'expliquent éga-

lement dans l'un et dans l'autre cas ; c) dans la plupart des cas

l'action du cervelet se concrète dans une réaction mise en jeu par

des excitations périphériques et des impressions centrales et s'exer-

çant sur les muscles et appareils d'où dépendent les différentes

attitudes et les différents mouvements du corps. R. CHARON.

VIII. De la porencéphalie ; par A. IIICIITER (Ce2lil-tilbl(LIt f Nervenheil-

Iiii)zde, XU, N. F. 1s.18 : t8).

Il est des cas dans lesquels (porencéphalies avec idiotie) le défaut

de longueur du diamètre antéropostérieur du crâne fait basculer

les rochers de telle sorte que la fente du cervelet, qui s'y insère,

avec le segment postérieur de la faux du cerveau, se porte en bas

et en avant. Le corps calleux, et principalement sa partie posté-

rieure, entre, en s'accroissant, dans la faux, où il se comprime. Le

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 223

corps calleux est ainsi tué dans les hémisphères ; il dégénère en

tissu conjonctif qui prolifère. On comprend la portée du phéno-

mène, étant donné le rôle du corps calleux, foetal et infantile, du

cinquième mois de la vie intra-utérine jusqu'à la cessation du

développement de l'encéphale. C'est ce qui explique pourquoi

31 p. 100 des porencéphalies sont bilatérales et au=si symétriques

(Siegmund, 9893. Andry, 1888.)

Des deux nouvelles observations qu'il donne l'auteur tire ce qui

suit : 1° Du corps calleux comprimé, ou, du moins, dans la

direction de ce qui eût dû être le corps calleux, partent des trac-

tus de tissu conjonctif, qui pénètrent dans les circonvolutions

symétriquement unies par cet organe ; 2° Ces trousseanx de

tissu conjonctif vont clans les voûtes des circonvolutions former des

fourches séparées qui les dissocient. C'est comme cela que se

forment les trous de dehors en dedans ; 3° Les tractus de tissu

conjonctif sont déjà disjoints dans leur trajet et forment ainsi des

cavités porencéphaliques; 4° Partout l'on suit les membranes

des trous, à l'état de travées de tissu conjonctif jusqu'au corps

calleux ; 5° Ces tractus sont du tissu conjonctif encore inachevé,

qui a déjà proliféré ; - 0° Les tractus ne vont pas dans la capsule

interne; 7° Les trous pénètrent fréquemment dans les ventri-

cules latéraux parceque le corps calleux vers lequel se dirige la

membrane du ti ou est le couvercle du ventricule latéral ; - 8° Le

mécanisme de la formation de lacunes porencéphaliques tient : a) à

l'accroissement ultérieur du cerveau alors que le tissu du corps

calleux subit la dégénérescence conjonctive ou la prolifération

conjonctive, ? /) à l'hydropisie qui survient aisément par trouble de

la circulation de la veine de Galien qui se jette dans le sinus droit

sous le corpscalleux qui la comprime ; car tous les cerveaux d'idiots

à corps calleux mince ne deviennent pas porencéphaliques ;

9° Si les lacunes porencéphaliques sont rares dans le cerveau fron-

tal, cela tient à ce que le genou du corps calleux n'est pas com-

primé par la faux du cerveau.

Les porencéphalies dont nous venons de parler sont donc d'ori-

gine centrale, c'est-à-dire qu'elles sont produites par la pression

de la faux du cerveau contre le corps calleux. C'est ce que prou-

vent : il, La symétrie rigoureuse d'un grand nombre des trous

bilatéraux dont la genèse s'explique naturellement par le méca-

nisme que nous venons de décrire ; 2° l'irradiation des tractus

conjonctifs, provenant du corps calleux, dans les circonvolutions

autrement intactes, qui exclut toute explication péripliréique, ;

3° l'atrophie si complète du corps calleux, constituée par quelques

tractus de tissu conjonctif, qui ne peut être produite que par la

pression totale exercée sur la partie postérieure du corps calleux.

P. IIEft.\\'.1L.

224' i REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

IX. De la nature et de la genèse de l'hystérie ; par P. SOLL1EI.

(Cenlralbl. f. 11'rvenheilii., XXI, N. F. IX, 1898.)

Lettres de l'auteur à Erlenmeyer; corrigées et traduites par ce

clinicien, sur son livre publié par Alcan. P. K.

X. Contribution à la physiologie et à la physiologie pathologique

du labyrinthe chez l'homme ; par M. EGGER (Cellt2'ctlbl. f. Ne1'-

venheilk., XXII, N. F. X, 1899). -

Nous ne percevons un mouvement circulaire auquel nous sommes

soumis que s'il est accéléré en plus ou en moins ; tout mouvement

uniforme nous parait être Je repos. Nous perdons même rapide-

ment la sensation de ce mouvement circulaire accéléré, tandis que

la sensation de la position du corps par rapport à la verticale

persiste. C'est que, dit Mach, les canaux semi circulaires servent à

la sensation de la rotation de translation tandis que l'utricule est

l'organe de perception de la position du corps par rapport à la

verticale. Breuer ajoute : L'accélération progressive du mouvement

rotatoire n'exerce ancune influence sur le liquide inclus dans les

canaux semi-circulaires, la perception du mouvement en question

n'est donc pas transmise par le labyrinthe, elle a lieu par le dépla-

cement des otolithes sur les cils des cellules. Quand on imprime

à l'individu un mouvement accéléré en avant, les otolithes sont

déplacés en arrière ; le même phénomène a lieu par la rotation

dans le plan des canaux semi-circulaires antéropostérieurs. Un

mouvement passif accéléré en avant n'excite que les otolithes ou

organes de l'équilibre, en déplaçant en arrière l'otolilhe sur les

cils des cellules. Les mouvements accélérés circulaires, eux, pro-

duisent un mouvement des otolithes et en même temps un dépla-

cement des canaux semi-circulaires : c'est l'association des deux

excitations qui forme l'image sensorielle du mouvement rotatoire,

tandis que l'excitation de l'utricule seule est ressentie comme

mouvement de progression et donne la notion de la position du

corps. Voici les confirmations cliniques.

Observation I. H..., de quarante-trois ans, totalement sourd,

depuis peu ; perception par le crâne à peu près nulle. Carie syphili-

tique bilatérale de l'oreille interne. Dans l'oreille moyenne, rien,

sauf une légère sclérose des deux tympans. Réflexes patellaires,

achilléens et cubital, normaux. Aucune anomalie de la sensibilité

cutanée ou motrice, titubation très forte du patient dans la situa-

tion verticale. Signe de Romberg. Impossibilité de se tenir sur une

jambe même les yeux ouverts. Démarche extrêmement incertaine

et vacillante, malgré les efforts d'arriver au but à grands pas et

rapidement ; il tombe quand on lui ferme les yeux. Debout ou en

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 220

marche, s'il penche rapidement la tète en avant, en arrière, à

gauche ou à droite. il tombe du côté où il a fait ce mouvement; si

ces inclinaisons céphaliques sont exécutées lentement, le patient

parvient à se préserver d'une chute. Le saut de la faible hauteur

de 40 centimètres à peine lui fait plier les deux jambes. Incapable

de sauter en avant et en hauteur de 10 centimètres. Émaciation,

disparition de la force musculaire. Conservation des sensations des

mouvements totaux passifs accompagnés de nystagmus rotatoire.

Fait-on tourner ce malheureux sur une plaque à mouvement cen-

trifuge dans toutes les directions du plan des canaux semi-circu-

laires, il indique très bien la direction du mouvement, il la sent

même plus que normalement. A l'arrêt, se produit le vertige- de

rotation ordinaire, c'est-à-dire la sensation opposée au mouvement

de rotation du début. Conservation des mouvements des yeux

compensateurs. Diagnostic. Lésion de l'organe de station; conser-

vation des canaux semi-circulaires percepteurs des mouvements.

Observation II. Femme atteinte de tabes bulbaire ; lésion

des 3°, 5°, 7°, z,9 ? 10", if, 12° paires. En ce qui concerne l'oculo-

moteur commun, le droit interne de l'oeil gauche est seul paralysé.

Sensation auditive abolie des deux côtés, qu'il s'agisse de la

transmission par l'air ou par les os. Conservation des réflexes

patellaires, achilléens, du coude ; à droite absence du réflexe

radial. Pas de signe de Romberg ; elle se tient même sur une

jambe sans grandes oscillations. Démarche normale, non ataxique,

non titubante, sûre, même les yeux fermés. Pendant la marche en

avant, l'inclinaison de la tête de gauche à droite fuit perdre l'équi-

libre, la malade tombe alors du côté droit. Saut en avant et en

hauteur très restreint. Diminution de la force par atrophie muscu-

laire. Sur la plaque centrifuge, la malade ne sent, les yeux fermés,

aucune rotation, elle croit être en repos. Pas de nystagmus de

rotation, quelle que soit la position de la tête. Pas de vertiges de

rotation. Quand elle voit l'appareil tourner, elle est prise de ver-

tiges. Diagnostic. Les canaux semi-circulaires chargés de perce-

voir les mouvements passifs totaux et incitateuis de= mouvements

des yeux compensateurs sont détruits ; l'organe de la statique est

conservé, c'est pourquoi la fonction de la station et de la locomo-

tion est indemne.

Observation III. Femme atteinte d'une tumeur bulboprotubé-

rantielle ; lésion unilatérale du nerf vestibulaire gauche, de la S''

paire, du glossopharyngien, du pneumogastrique et de l'accessoire

du même côté. Anesthésie totale de la moitié gauche de la tête et

de la face et, en outre, uneothésie dans la région de l'ophthalmique,

de l'étage supérieur du nerf maxillaire supérieur. Diminution de

l'ouïe à gauche; acuité auditive normale à droite. Aucun signe

positif relativement à l'oreille moyenne droite ou gauche. Diminu-

ascuwra, 2' série, t. VIII. 15

226 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

tion de la sensibilité de contact et des deux tympans. Uiminu-

nution de la force musculaiie du côté gauche du corps. fous les

réflexes sont exagérés. Signe de Romberg extrêmement marqué;

elle tombe. Impossibilité de se tenir sur une seule jambe à droite

ou à gauche. Dans la marche en avant, titubation toujours vers la

-.gauche; l'occlusion des yeux détermine un mouvement de manège

à gauche. Toute modification de la situation du corps détermine

un fort vertige ; d est impossible d'étudier avec précision les mou-

vements oculaires compensateurs à cause de l'anesthésie des

deux globes oculaires. Sur la plaque centrifuge, les rotations à

droite sont aussitôt perçues, les rotations à gauche paraissent

tantôt être perçues comme repos, tantôt être perçues comme

un mouvement dont il est impossible à la malade de préciser la

direction. Le vertige auriculaire galvanique n'est produit que par

l'oreille droite. Preyer a dit que le système des canaux semi-cir-

culaires occupant les trois dimensions de l'espace sert à percevoir

la direction du son. C'est une bonne occasion de contrôler cette

assertion chez cette malade qui, n'ayant qu'une faible diminution

de l'acuité auditive à gauche, ne sent pas les mouvements de rota-

tion pour les rotations de droite à gauche. On l'assied, les yeux

fermés, le visage à la périphérie de l'appareil centrifuge. L'obser-

vateur, en dehors de l'appareil, fait tourner celui-ci, c'est-à-dire

la malade, lentement de droite à gauche; en même temps, il fait

entendre à un mètre de distance, un coup de sifflet aigu. Pour

l'oreille gauche, elle donne des indications fausses ; pour l'oreille

droite elle donne des indications exactes. P. KERA VAL.

XI. Des altérations de la moelle consécutives à la forcipressure

de l'aorte abdominale chez le chien; par M. Rotiimann (Neuro-

log. Centralblatt. XVIII, 1899).

Le pincement de l'aorte au-dessus de l'artère mésentérique supé-

rieure pendant une heure détermine une paralysie des extrémités

postérieures et l'animal meurt quelques heures plus tard de lésions

intestinales graves (exp. 1 et II). La même opération effectuée

immédiatement au-dessus de l'artère rénale droite (exp. III à V)

produit des troubles graves de la motilité et de la sensibilité dans

les membres postérieurs, mais point de paralysie complète.

L'anémie de la moelle lombaire et sacrée est manifestement plus

grande que lorsqu'on pince l'aorte au-dessous des artères rénales.

Toutefois il se produit une circulation collatérale par les artères

spinales situées plus haut; c'est pourquoi les troubles moteurs

sont bien plus marqués après un pincement d'une heure qu'après

un pincement d'une heure un quart ou d'une heure et demie, et

ont disparu le lendemain de l'opération. Les chiens opérés sous

l'éther associé à la morphine ne remuent pas du tout les pattes

REVUE D'ANATOLE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 227

de derrière, alors qu'au bout d'une heure et demie de forcipressure

ils font des mouvements déjà accusés dès la première heure : cela

tient à ce que la circulation collatérale de plus en plus complète

rétablit rapidement la fonction des cellules nerveuses endommagées

par l'anémie. Mieux s'établit cette circulation collatérale, plus

faible est la différence entre l'anémie initiale de la moelle et l'irri-

gation consécutive à la disparition de l'obstacle; sinon, l'augmen-

tation en ce moment de la pression sanguine viendrait encore

nuire aux cellules déjà affaiblies; c'est aussi pourquoi les chiens

survivent, en l'espèce, 11'jours et davantage à la forcipressure. Il

ne se produit d'altérations rénales qu'après une forcipressure

d'une heure et demie; elles sont les mêmes que celles qui se pro-

duisent après une forcipressure de l'artère rénale même (Litten).

Dans les huit premiers jours qui suivent l'intervention. les troubles

moteurs et sensitifs sont revenus à la normale. Le pincement de

l'aorte au-dessous de l'artère mésentérique supérieure donne les

mêmes résultats (exp. VI et VII) que le pincement au-dessus des

artères rénales, mais l'intestin est plus atteint, et, par suite, l'issue

mortelle plus rapide. Des expériences complémentaires (exp. VIII

et IX) établissent l'importance de la narcose; les chiens endormis

restant bien tranquilles pendant l'opération, n'imposent aucune

fatigue à leurs cellules nerveuses anémiées par la forcipressure.

Anatomie pathologique. Les altérations des cellules des cornes

antérieures de la moelle sacrée et lombaire sont très considérables

chez les animaux qui ont succombé dans les six heures consécu-

tives il l'opération (exp. 1); on constate : un aspect indécis des

granulations de Nissl, la substance chromatophile périnucléaire

étant plus colorée que celle de la périphérie plus ramollie et par-

semée de taches incolores appartenant à la substance fibrillaire

fondamentale - des tendances à la vacuolisation - des modifica-

tions de formes du noyau repou,ssé à la périphérie ou isolé au

milieu d'une anse échancrée de la cellule malade. Dix à douze

heures après l'opération (exp. II et VI) les granulations de Nissl

ont disparu, le protoplasma d'un bleu diffus laisse voir un fin

réseau bleu sombre; le noyau bleu pâle occupe le milieu de l'élé-

ment anatomique ou est rejeté au dehors, les parties périphériques

sont claires ou bien elles sont transformées en compartiments com-

parables aux rayons d'une ruche dont les cloisons bleu foncé limi-

tent des chambres décoloréss, et au milieu est un petit noyau à

boi : ds irréguliers à protoplasma foncé. En ce dernier cas, il y a

peu de prolongements protoplasmiques et l'élément anatomique

est recoquillé. A côté'de cela, certaines cellules sont réduites à des

ombres au milieu desquelles le noyau disparait presque à l'état de

silhouette dans laquelle un point obscur représente le nucléole.

Dès les vingt-huit heures qui suivent la forcipressure on voit

déjà des signes de réparation (exp. V111), ils s'accompagnent chez

228 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

les animaux examinés dans les quatre cinq jours consécutifs de

vascularisation exagérée. Au sur et à mesure qu'on monte de la

moelle sacrée à la moelle lombaire inférieure et de celle-ci plus

haut, l'liypervascnlarisation et l'altération des cellules décroissent

d'intensité. Nulle part il n'y a de dégénérescences secondaires.

Chez les chiens qui ont'survécu le plus longtemps, quatorze et

seize jours (exp. V et VI) les cellules sont en nombre normal, on

constate à peine quelque division diffuse de la substance chroma-

tophile finement grenue, parfois accumulée autour du noyau

normal, rarement marginal. Puis les cellules sont à peu près nor-

males, il n'y a guère qu'un tassement de la substance chroma-

tique des granulations de Nissl autour du noyau. Les vaisseaux

sanguins, les artères surtout, ont les parois épaissies et sont dilatées.

En résumé -après 6 heures, état flou des granulations de Nissl,

avec accumulation centrale de la substance chromatique et forma-

tion de vacuoles au bout de dix il douze heures, coloration

bleue diffuse avec formation réticulée dans le corps de la cellule

et dissociation de quelques cellules au bout de vingt-huit

heures, les granulations se pressent encore autour du noyau,

quelques cellules sont divisées en compartiments rayonnés - dans

les cinq jours qui suivent, tantôt il y a peu de déviation de la nor-

male, tantôt la substance chromatique est complètement atrophiée,

la cellule est tuméfiée quoique son noyau soit conservé, les vais-

seaux de la substance grise sont très développés dans les

quatorze à seize jours suivants il y a peu de chose sauf la dispa-

rition de la substance chromatique peu modifiée d'ailleurs.

P. Keraval.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

IX. De l'importance de l'emploi simultané de la suggestion hyp-

notique et d'autres médicaments dans le traitement de l'alcoo-

lisme chonique; par \ ? uei3ecnTLnw. (Centralbl. f. Nervenheilk.,

XXII, N. F. X, 1899.)

L'hypnotisme excelle chez les buveurs d'habitude; presque tou-

jours, il y a cessation subite des habitudes, ou bien ils cessent défi-

nitivement de boire après avoir ingéré des doses modérées

d'alcool pendant un jour ou deux. Il suffit, pour maintenir la tem-

pérance, de pratiquer de temps à autre de nouvelles suggestions.

Cela dépend de la gravité de chaque cas particulier, de la profon-

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 229

deur de l'hypnose, du degré de la suggestibilité. On fait d'abord

deux séances par semaines ; puis, on les espace, finalement il faut

les répéter au moins à quelques mois d'intervalle. Il arrive quel-

quefois que d'un seul coup on obtient la tempérance pour de

nombreux mois; malgré cela, il convient de répéter les sugges-

tions à des intervalles de quelques semaines ou de deux à trois

mois. Dans l'ivrognerie périodique, l'hypnose peut encore exercer

une action utile et durable, à la condition de répéter la sugges-

tion pour éviter les rechutes. La fréquence de la récidive dépend

et du degré de la dégénérescence et d'autres facteurs parmi lesquels

le milieu, et surtout l'entraînement, l'intolérance de l'économie à

l'égard des spiritueux.

L'hypnotisme peut être pratiqué en plein délire alcoolique à

moins que l'excitation du malade le rende insensible à cette pra-

tique ; sinon, les hallucinations ne sont point une contre-indica-

tion. L'hypnose peut alors améliorer à ce degré l'état subjectil' du

patient qu'il obéisse à la suggestion nécessaire de dormir profon-

dément.

L'emploi simultané d'autres médicaments s'explique par les

troubles de la nutrition du système nerveux et d'autres organes

concomitants. Bains, frictions généralisées, bromures associés à la

codéine, la digitale, l'adonis vernalis, toniques et en particulier la

strychnine, sont indiqués. L'hypnose agit sur les troubles fonc-

tionnels, notamment sur la volonté. P. KERAVAL.

X. Traitement de la sciatique par l'ichthyol; par S. Crocs.

(Jourrz. de Neurologie, juin 1899.)

L'auteur de cette note dit avoir obtenu, à la suite de l'adminis-

tration de l'ichthyol 1¡¡lus et extra dans 24 cas de sciatique grave,

14 guérisons, 4 améliorations très notables et 2 insuccès. Il pres-

crit 6 à 8 capsules par jour de ce médicament et des frictions avec

un liniment ichthyolé. Sans être un antidote de la sciatique,

l'ichthyol serait, d'après M. Crocq, le remède le plus efficace pour

combattre cette affection, dans la généralité des cas. G. Dknv.

XI. Vomissements incoercibles de nature hystérique, traités par

la méthode d'Apostoli; par M. DECROLY. de Neurologie,

mai 1899

Observation d'une jeune hystérique, atteinte depuis cinq ans de

vomissements survenant après chaque repas sans efforts ni

souffrance, et qui fut sinon guérie, du moins sensiblement amé-

liorée par la galvanisation des deux pneumogastriques au cou,

suivant la méthode d'Apostoli. G. D.

230 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

XII. De l'emploi des bains prolongés chez les aliénés ; par E. 130YEu.

(Centralbl. f. llTervenheilk., XXII, N. F. X, 1899.)

Dans les petits services, il n'y a rien de mieux que les bains

permanents à 28" Il entretenus à cette température du matin au

soir, en prenant toutes les précautions pour garantir et appuyer la

fête, bien alimenter le malade dans son bain, ménager la suscep-

tibi11té clela peau (bains garnis, peau enduite de vaseline aux endroits

qui portent).- en surveillant le pouls et la température du patient

dont préalablement on aura attentivement examiné les poumons

et le coeur, en modérant la congestion céphalique au moyen

de compresses fraiches;- en employant desiptirmiers bien stylés.

Pour cela il faut doter chaque section de surveillance continue,

chaque section d'agités et de gâteux, d'une chambre de bains, de

façon à disposer d'une baignoire pour deux ou trois malades;

chaque série de deux ou trois baignoires sera séparée de la sui-

vante par des demi-cloisons. Les locaux, bien éclairés, seront faci-

lement accessibles, les baignoires seront parfaites et confortables.

Ces bains permanents (on ne les interrompt que pour la nuit)

conviennent à tous les accidents gangreneux, phlegmoneux, ulcé-

reux, traumatiques, à tous les malades excités qui se salissent,

se déshabillent, tentent de se faire du mal. Il y en a très peu qui

répugnent à ces bains chauds ; il n'y a guère que ceux qui ont vécu

longtemps en cellules. On vainc leur résistance par l'injection

d'un peu d'hyoscine. Pas n'est besoin de moyens de contrainte.

Le bain permanent réussit surtout dans l'agitation maniaque

pure. Il n'agit qu'en certains cas contre l'agitation de la catatonie

et de la démence précoce, grâce probablement à la suppression des

excitants extérieurs et à l'influence du milieu calme. Il produit

un calme parfait chez le maniaque vrai à la condition qu'il soit

appliqué pendant plusieurs mois. Ou en obtient aussi des résul-

tats, quoique moins sûrs, chez les agités paralytiques, il a réussi

chez quelques alcooliques et épileptiques. Quant aux mélancoliques,

l'expérience est encore insuffisante, mais les autres moyens séda-

tifs sont moins recommandables.

Tel sera le traitement de l'avenir qui nous débarrassera des sec-

tions de surveillance continue pour agités, des cellules, des

chambres d'isolement, des divisions d'agités et de malpropres.

P. Keraval.

XIII. Contribution au traitement du tabes et de la paralysie géné-

rale ; par ADLEU, (Centralbl. f. 6e ? : /te ? XXII, N. F. X, 1899.)

Ces maladies, de même que les affections des nerfs, des vais-

seaux, des viscères, scléreuses à base de syphilis, se trouvent bien

de Ilg et de Ag. La pommade de Crédé à base d'argent colloïde

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 231

(argent soluble dans l'eau et les liquides albumineux) à la dose

de trois grammes, en frictions d'un quart d'heure à une demi-

heure sur la peau une fois par jour, est très active. On peut donner

aussi des pilules d'argent colloïde, contenant chacune un centi-

gramme de ce produit; deux à trois pilules par jour. On associe la

pommade à l'ingestion intérieure de préparations mercurielles.

P. K.

XI. Le traitement de l'inversion du sens génital et de la mas-

turbation par la suggestion ; par DE 13ECIITER13\\'. (Cenlralbl. f.

Nervenheilt, XXII, N. F. X, 1899.)

Deux observations très intéressantes dont une autobiographie.

Il s'agit de la forme grave d'homosexualité avec perversion des

instincts. Invertis, pédérastes passifs, automasturbateurs et mas-

turbateurs pendant la pédérastie passive, tels sont ces deux mal-

heureux. L'un d'eux, neurasthénique, obtient une amélioration

passagère relative du bromure associé à la codéine et à l'adonis

vernalis, renforcé par trois séances de suggestion hypnotique. Les

sensations anales anormales et la dépression qu'il accuse sont

notamment liés atténuées par ce traitement. Le second, mastur-

bateur solitaire ou pendant l'acte du coït buccal qu'il adore prati-

quer sur autrui, se trouve particulièrement bien de la suggestion

hypnotique. M. de Bechterew fait remarquer la nécessité de plu-

sieurs séances, la durée du traitement suggestif dépendant de la

gravité et de l'individualité de chaque cas, du degré de suggesti-

bilité de l'individu. Il faut, pour réussir, arriver à obtenir une

hypnose assez profonde. Ceci fait, on passe à la suggestion à l'état

de veille et à l'état de demi-sommeil ; on a auparavant annoncé au

patient que, pour produire la suggestion, il n'est pas besoin qu'il

dorme, il n'a qu'à fermer les yeux, à penser fermement à sa santé

et à songer à ce qu'on lui suggère. Cela donne du courage au

malade; la suggestion à l'état de veille est plus aisée, le résultat

cherché arrive. Il y a lieu, si la suggestion n'agit pas suffisam-

ment. d'employer concurremment, les bains, le KBr et autres

médicaments, suivant chaque cas spécial. P. KERAVAL.

XV. Le traitement orthopédio-chirurgical de la maladie de Little;

par Vinceslas SAPINSKI. (Gazeta Lekarsl,a, mars 1899.)

La maladie de Little est causée par les perturbations pendant

la vie intra-utèrine, pendant la naissance ou par l'affaiblissement

fonctionnel qui survient après.

Deux chirurgiens allemands Lorenz et Hoffa, se sont occupés

spécialement du traitement de cette affection. L'aspect caractéris-

tique c'est la contracture de quelques groupes musculaires des

232 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

membres inférieurs. Cette contracture frappe les adducteurs et

fléchisseurs de la cuisse et les fléchisseurs de la jambe. Les extré-

mités inférieures sont tombanles, fléchies dans les genoux, le

plus souvent le pied bot varus. Dans les cas graves on peut voir la

rotation interne avec une subluxation coxoléiiiortile en arrière.

Schultess fait voir que l'articulation du genou a un aspect spécial

'citez ces malades ; chez les individus normaux la partie saillante

est formée par le condyle interne et la rotule; chez les malades

atteinis de Little le sommet de l'articulation esl formé par la

rotule, l'articulation a la forme angulaire. Pour Sclultess l'allon-

gement du ligament rotulien en est la cause

La marche est difficile, ne peut se faire qu'avec des béquilles,

les genoux se croisent pendant la marche, les doigts trainent par

terre. Les membres supérieurs sont pris rarement.

Parfois les muscles du visage sont touchés, on rencontre du

strabisme, nystagmus, béna3'emeut. Rarement la cérébralité est

abaissée. La sensibilité, réaction électrique sont normales, les

réflexes exagérés. Les dstocies et les naissances avant terme

semblent être la cause prédominante de cette maladie.

Chez les enfants nés avant terme, le cerveau n'est pas suffisam-

ment développé, les parties motrices se développent plus tard

c'est pourquoi elles sont faibles chez ces enfants. Ca dépend de

la circulation ralenlie (Brissaud) dans les centres moteurs des

extrémités inférieures. Le lobe paracentral se développe en dernier

lieu pendant la vie intra-utérine, finit son évolution complète

aprèslanaissance, il est moins bien conformé chezles nouveau-nés.

Dans les dystocies il y a des hémorrhagies dans l'espace sous-

arachnoïdien à cause du chevauchement des os pariétaux. Les

centres moteurs des membres inférieurs peuvent être contusionnés,

ce qui peut expliquer les troubles dans les membres inférieurs.

Frend explique ainsi le phénomène de la maladie : deux neu-

rones entrent en jeu dans la voie motrice; l'un qui va de l'écorce

des zones motrices aux cellules des cornes antérieurs, l'autre de

ces cellules aux muscles. Le neurone périphérique produit le

reflexe, le mouvement volontaire dépend du central et de son

action sur le périphérique. Dans la maladie de Little l'action du

neurone central est affaiblie, il y a un désiquilibre entre l'inner-

vation du cerveau et l'innervation médullaire des muscles. La thé-

rapeutique peut tirer des données pratiquesde ce fait, il faut déve-

lopper l'énergie du neurone corlico-moteur et régulariser les

fonctions du périphérique.

Le médecin doit fortifier les mucles abducteurs et extenseurs et

affaiblir leurs antagonistes. Le traitement chirurgical, la science

systématique de la marche et l'orthopédie bien appliqués donnent t

de bons résultats. Le massage combiné avec la gymnastique est

bien en vigueur dans la clinique de Hoffa pour les malades atteints

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 233

de Little. Ce massage est fait par le médecin d'abord à l'articulation

du cou de pied, ensuite, le genou et l'articulation coxofémorale.

Le massage est suivi des mouvements de chaque articulation. Le

médecin veille sur tout. Le D'' Kratenberg fait faire la gymnas-

tique avec des appareils. Par le massage et la gymuastique on

augmente la force desmuscles affaiblis.

Lorenz et Hoffa font des ténotomies et tendectomies sous-cuta-

nées. Lorenz conseille l'opération non sanglante sous le chloro-

forme vaincre la résistance des adducteurs. D'après Lorenz il y a

dans ces cas une élongation et une myorrhexie.

Dans les cas d'extrême contracture des muscles adducteurs, il

éloigne ce groupe, en coupant le nerf obturateur, alors l'action

d'adducteur est faite par le couturier.

Après l'opération il faut faire la correction de la position

vicieuse et mettre un appareil plâtré pour six semaines. Parfois

le redressement se maintient difficilement. lloffa le fait petit à

petit en ôtant l'appareil Lorenz recourt à son ostéoktast redres-

seur et corrige les plus grandes contractures en une séance. Après

avoir ôté l'appareil Hoffa met les opérés sur une table spéciale

faite de deux planches sur lesquelles ou couche les opérés pendant

deux heures et deux fois par jour avec les jambes fixées. Lorenz

met sur les genoux des opérés des sacs lourds. Apres l'opération

il ne faut pas oublier la science systématique de la marche.

L'auteur a observé bien longtemps dans la clinique de Hoffa

deux enfants chez lesquels les résultats étaient très satisfaisants,

tous les deux marchaient seulement avec un bâton. L'auteur les

a vu opérer et a assisté il la science systématique de la marche.

G. DE Majewska.

XVI. Des'principes essentiels du diagnostic et du traitement de

l'épilepsie dite essentielle ; par W. LESZYNSKI (de New-York).

(Med. Record, 20 mai 1899.)

L'auteur conclut de son expérience que l'épilepsie peut être

traitée avec succès grâce il un traitement méthodique et entrepris

dès le début. Trop souvent les praticiens ordinaires méconnaissent

ces indications et les neurologistes ne sont appelés à traiter les

épileptiques que trop lard. Quant à la guérison, comme le disait

Séguin, on ne la peut affirmer qu'après une observation de cinq

années passées sans crise avec la diminution progressive de tout

traitement médicamenteux. A. Marie.

XVI Considérations sur les progrès récents apportés à la chirurgie

du cerveau ; par 0. i\HLL (de Belfast). (Lrilisla med. Journal, l,

novembre 1898.)

Après des considérations générales sur les localisations fonction-

234 SOCIÉTÉS SAVANTES.

nelles du cerveau, les aires motrices, les rapports entre la super-

ficie du crâne et les diverses circonvolutions, la technique

opératoire de la trépanation, l'auteur donne quatre observations

personnelles de fractures du pariétal et du frontal pour lesquelles

il a pratiqué le trépan avec succès. Il considère comme une règle

générale de pratiquer le trépan dans tous les cas de fracture des

- os du cràne avec dépression des fragments, qu'il y ait ou non des

complications cérébrales. Ces complications en effet peuvent se

manifester plus tard. A. V.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIETE DE NEUROP.THOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE

DE MOSCOU.

Séance du 19 mars 1899.

D1' BnouEHAXstY. Un cas d'encéphalite aiguë hémorragique (avec

présentation de la malade).

La malade est une jeune fille, âgée de vingt-sept ans, sàns anté-

cédents héréréditaires. Pas de syphilis ni d'alcoolisme. Il y a

cinq ans, affection stomacale de nature indéterminée. En octo-

bre 1897, la malade eut de grands ennuis à cause d'un mariage

manqué. Dans la deuxième moitié du mois de novembre 1897,

apparition de céphalées, de vertiges, de vomissements fréquents

et de constipation ; du côté de la sphère psychique, certaine

inquiétude, loquacité, sensation de goût et d'odeur désagréables,

incohérence d'idées. A partir du 13 décembre, confusion mentale

complète, excitation motrice, tendances agressives, gâtisme et

insomnie; émaciation; perte du réflexe lumineux des pupilles;

parésie du muscle droit interne de l'oeil droit et de la jambe

droite; ataxie des membres inférieurs plus prononcée du côté

droit. Pouls 100, quelquefois irrégulier. Température 36,8-37,5,

puis le 19, elle monte à 39°, en même temps qu'apparaît une

parésie de la main gauche et une parésie du facial droit inférieur;

dépression mentale très prononcée; refus d'aliments; pouls 100-110

SOCIÉTÉS SAVANTES. 235

faible et irrégulier. A partir du 6 janvier 1898, l'état s'améliore

sensiblement; la parésie faciale disparait tout d'abord, puis sur-

vient le rétablissement des mouvements du poignet et de la main,

de l'oeil, de la réaction pupillaire. La malade reprend toute sa

lucidité d'esprit, mais ne se rappelle pas les noms des objets

même usuels et comprend difficilement ce qu'elle ht. A partir du

mois de mars l'aphasie diminue, mais on observe le développe-

ment progressif de la démence, en même temps que de l'abaisse-

ment de la vue (des deux côtés) avec décoloration des pupilles.

13... admet qu'il s'agit dans ce cas d'une encéphalite hémorra-

tique, localisée dans l'écorce et dans les noyaux du nerf moteur

oculaire commun. Les troubles de la vue relèveraient d'une névrite

rétrobulbaire de la même origine, probablement infectieuse

(influenza ? ).

L'observation présenterait une forme mixte Strümpell-1'er-

nicke.

Discussion. M. MouRATOrr croit qu'il s'agit plutôt dans ce cas

d'une affection fonctionnelle ou toxique diffuse, que d'une encé-

phalite aiguë hémorragique. MM. Serbsky et Postovsky, qui ont

vu la malade, il y a un an, admettent la possibilité de la nature

hystérique des troubles psychiques, bien qu'une lésion organique

primitive du cerveau ne puisse guère être exclue. M. KOJEY-

NIKOFF croit plutôt à une encéphalite disséminée, peu profonde.

N. \'rnsn.or.c. Les dégénérations secondaires chez les animaux,

consécutives aux lésions expérimentales du cervelet (avec présenta-

tion des préparations microscopiques et des figures).

Les expériences ont été faites sur les chiens (cinq en tout), chez

lesquels on a fait l'ablation de tout le cervelet, d'un hémisphère

(deux cas), du lobe médian et de la substanoe blanche d'un

hémisphère (avec destruction du corps dentelé). Préparations

d'après la méthode de Hasch.

Voici les conclusions de V... :

1° 11 existe un seul faisceau descendant droit spinal, lequel prend

son origine dans les amas gris intracérébelleux et se dirige à tra-

vers la partie interne du corps restiforme dans la substance réti-

culaire du bulbe, où il se dispose au-dessus de l'olive; au niveau

de la partie inférieure de l'olive inférieure, ce faisceau s'écarte de

plus en plus en dehors, pour se loger au bord interne de la pyra-

mide et le long du cordon antéro-latéral de la moelle. On

peut le suivre sur toute la hauteur de la moelle, où il occupe la

place du faisceau marginal antérieur de Lo\venthal ; les fibres de

ce faisceau se mettent en rapport avec les cornes antérieures de la

moelle du même côté et en partie également du côté opposé. Il

est impossible de constater la continuation directe des fibres céré-

belleuses dans des fibres radiculaires ;

236 SOCIÉTÉS SAVANTES.

2° Les connexions du cervelet avec le bulbe sont des plus com-

pliquées. Le système le plus développé est celui des fibres se diri-

geant à travers la partie externe du corps restiforme vers lé noyau

du cordon latéral du même côté et en partie à travers les fibres

arciformes externes antérieures du côté opposé; ,

3° Il existe indiscutablement un système descendant de fibres

- destinées à relier le cervelet avec l'olive du même côté, princi-

palement avec l'olive du côté opposé, passant à travers les fibres

arciformes internes, externes et interpyramidales;

,\cru Par l'intermédiaire des fibres arciformes internes s'établit la

connexion du cervelet avec le fascicule longitudinal postérieur du

même côté, et en partie du côté opposé; et par l'intermédiaire de

celui-ci, avec les nerfs crâniens de la 12°, 10°, 9° et 8° paires;

50 Il existe un système descendant reliant le cervelet avec le

noyau de Bechterew et celui de Deiters, avec le noyau accessoire

du nerf acoustiquedu même côté (par l'intermédiaire de la racine

latérale du nerf acoustique), et celui du côté opposé (par l'inter-

médiaire du corps trapézoïde). Ce dernier corps trapézoïde 'sert

également à le mettre en rapport avec les olives supérieures des

deux côtés; 6° Les fibres du pédoncule moyen descendent en

partie vers les noyaux de la protubérance des deux côtés, en partie

sous forme d'un faisceau vertical qui remonte le long du raphé et

rejoint le noyau réticulaire du tégument du côté opposé;

7° Les fibres du pédoncule antérieur passent en partie (mais en

partie seulement) du côté opposé; quelques-unes s'interrompent

dans les cellules du noyau rouge, mais la plupart se dirigent vers

le corps optique, où elles se terminent dans les noyaux internes et

externes. Au delà du noyau rouge on ne rencontre pas de fibres

non entrecroisées ;

8° Par l'intermédiaire du faisceau longitudinal postérieur s'éta-

blit la connexion du cervelet avec les noyaux de la 7°, 6°, 5°,

et 4° paire crânienne, principalement du même côté ; les fibres

qui se détachent du pédoncule antérieur servent à le mettre en

rapport avec le noyau du nerf moteur oculaire du même côté,

mais principalement du'côté opposé. On n'a pas encore noté de

continuation directe des fibres cérébelleuses dans les nerfs cra-

niens ;

9° Il existe une connexion croisée avec les noyaux de Bechterew

et de Deiters principalement par l'intermédiaire des fibres se

détachant du noyau « tecti globosi »; 10° Le « faisceau en

crochet » sert à la connexion du cervelet avec le floculus du côté

opposé; 11° Après l'extirpation du lobe moyen du cervelet on

peut constater des dégénérations secondaires dans le système

cérébello-vestibulaire des deux côtés; 12° La méthode de Busch

est préférable à celle de Marchi par la netteté des images obte-

nues et la facilité de la technique préparatoire.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 237 Î

Dr 1'carnwcucrr. Sur les altérations pathologo-analomiqlles du

système nerveux central, dues à l'cmpoisonnement par le poisson.

L'auteur a observé deux [cas d'empoisonnements mortels dus

il l'ingestion du hareng. Le premier malade, âge de vingt-cinq ans

est mort le lendemain, le deuxième, àgé de trente-trois ans, est

mort au bout de cinq jours. Chez celui-ci on a observé une séche-

resse très accusée de toutes les muqueuses et de la peau; exulcé-

rations des amygdales; constipation, anurie, constriction thora-

cique, céphalée et vertiges, température normale, lucidité d'esprit

jusqu'à la mort, légère mydriase, ptosis léger; parole impercep-

tible ; pas de paralysies ni d'anesthésies; faiblesse et oppression

croissantes. A l'autopsie, les données macroscopiques ont été

négatives dans les deux cas. A l'examen microscopique du cerveau

et de la moelle, on trouve : hypérémie vasculaire, émigration des

leucocytes dans les espaces périvasculaires de la substance blanche

et grise médullaire. Les cellules des cornes antérieures et des

colonnes de Clarke présentent une dégénération granulo-pigmen-

taire très prononcée. Sur les préparations colorées par les couleurs

d'aniline on trouve des cellules sans prolongements ou avec des

prolongements lacérés, sans noyaux ou aux noyaux déformés et

déplacés ; on y observe également de la chromatolyse périnu-

cléaire, diffuse ou insulaire, etc., etc.

Dans les cellules du renflement cervical, on constate souvent des

vacuoles. Les cellules des noyaux bulbaires ont subi de graves

altérations. Chez l'un des deux malades, on a trouvé une hémor-

ragie dans les noyaux du nerf pneumogastrique. Des altérations

analogues ont été constatées dans les cellules des noyaux de la

protubérance, des corps quadrijumeaux et des hémisphères.

Les plus graves lésions, dues à l'intoxication par le poisson, se

trouvent dans le bulbe. Le cervelet est le moins endommagé. On n'a

pas constaté de microorganismes sur les préparations examinées.

Dans la discussion quelques remarques ont été faites par

MM. RossoLmo, SOUKIIANOFF, 11OOIiTOI'I·, Moi'RAYIEFF et KOJKW-

1-'F.

Secrétaires des séances : ·. llounwrer; G. ROSSOLI.)10.

SOCIÉTÉ D'IIYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE.

Séance du lundi 19 juin 1899. Présidente DE M. Jules Voisin.

Psychonévrose post-infectieuse guérie put suggestion. At. Paul

Parez rapporte l'observation d'une hystérique qui, à la suite d'une

238 SOCIÉTÉS SAVANTES.

broncho-pneumonie grippale a présenté des impulsions irrésistibles

au chant, des crises convulsives, du délire, etc., et qu'il a guérie

en deux séances de suggestion faites dans la même journée. Ainsi

que l'ont démontré quelques 'auteuis et, en particulier, Régis, la

suggestion est le traitement de choix de ces états mentaux

. post-infectieux. L'agent infectieux, en effet, agit ici, sur un terrain

prédisposé, à la manière de l'émotion ou du choc moral, comme

agent de dissociation et de désagrégation de la conscience. Dès

lors, la suggestion est efficace en tant qu'elle stimule et fortifie

le pouvoir de coordination et de synthèse mentale, qu'elle corrige

et redresse la mauvaise habitude qui est en train de s'installer,

qu'elle réalise, en somme, une véritable restauration fonctionnelle.

Réponse à diverses critiques récemment adressées à l'hypno-

tisme. il. ;\IIL : \E BR.\ : \1WELL (de Londres) soutient, avec Liébeault,

Forel, Wetterstrand et tant d'autres, que l'hypnotisme n'offre

aucun dangei'. A l'appui de cette affirmation, il cite les témoi-

gnages récents de Percy Smith, de Myers, de Woods, d'Outterson.

Les observations que l'on a rapportées et dans lesquelles l'hypno-

tisme a été représenté comme dangereux ont été l'objet d'un

examen insuffisant ; ou bien, lorsque les faits rapportés sont

exacts, ils ne permettent pas les conclusions et les interprétations

que l'on en tire; on peut s'en rendre compte sur l'analyse de deux

cas récents. Il termine en justifiant la valeur thérapeutique de

l'hypnotisme dans les cas suivants : hystérie, dipsomanie, enfants

vicieux ou dégénérés, obsessions, neurasthénie, troubles mens-

truels, aliénation; il montre qu'à Auguste Voisin revient l'honneur

d'avoir été un précurseur dans le traitement hypnotique de

certaines formes d'aliénation mentale.

L'hypnotisme et le traitement de l'agoraphobie. M. VLnwaNOs

(d'Athènes) présente un nouveau malade, âgé de cinquante-quatre

ans, alcoolique depuis l'âge de vingt ans, qui fut autrefois interné

à l'Asile clinique et qui était atteint d'agoraphobie, et en outre

de monoscophobie, de musicophobie et d'amaxopbobie. Grâce il

l'hypnotisme, les phobies et l'appétence alcoolique ont disparu, le

goût du travail est revenu, le caractère a été modifié heureuse-

ment ; c'est le malade lui-même qui, tout reconnaissant, raconte

ces excellents résultats.

M. Jules Voisin. Il s'agit en somme dans ce cas, comme en

beaucoup d'autres, de phobies spéciales développées au cours

d'une aboulie. Traiter l'aboulie, c'est, du même coup, se rendre

maître de ces phobies.

La lumière tolorée en thérapeutique nerveuse. M. Guignan

revient sur la communication faite précédemment par M. Ilafl'egeay

et signale, comme cause d'erreur expérimentale possible, l'insuffi-

sance de la spécification des couleurs ; par exemple, un verre

SOCIÉTÉS SAVANTES. 239

violet peut être presque rouge ou presque bleu. 11. Camille Flam-

marion a établi de.petites serres entièrement vitrées de verres de

couleurs, mais soigneusement vérifiés au spectroscope; on n'a pu

trouver dans l'industrie des verres violets ne laissant passer que

les rayons violets ; les verres rouges sont bien monochromatiques,

mais les verts laissent passer du jaune, etc. Les expériences effec-

tuées à Juvisy ont démontré l'effet sédatif (sur les plantes, il est

vrai) de la lumière bleu-indigo. Les fraises de la serre bleue

n'étaient pas plus avancées en octobre qu'en mai. Dans le bleu,

on ne vieillit pas, mais on ne vit guère ; c'est presque un sommeil.

M. Félix Regnault. Si les couleurs qui se rapprochent du

rouge sont excitantes, si le vert donne une joie tranquille, si

le violet, l'indigo et le bleu sont calmants, on peut, comme cela

a été fait en Amérique, diagnostiquer le tempérament d'une

personne d'après la couleur préférée. La sociologie apprend que

chez tous les peuples, surtout chez les sauvages, la préoccupation

des couleurs est extrême : les classes riches seules portent, ou

même ont le droit de porter, les couleurs brillantes, écarlates,

et en particulier la pourpre ; au contraire, à Home, par exemple,

les pauvres gens et les esclaves portaient des habits de couleur

brune ou noire. Les peuples du Nord ont un goût particulier pour

les couleurs reposantes et sombres. Les musulmans, gens sérieux,

ont un goût particulier pour le bleu, de même que les septen-

trionaux.

Absence de pouvoir modérateur chez un individu inculpé d'outrage

public à la pudeur. M. 13t;RILLO\. - Cet individu présente plu-

sieurs rétrécissements du canal de l'urèthre ; l'un est situé dans

la région pénienne, l'autre dans la région membraneuse ; on cons-

tate également un spasme de cette région. L'existence de ces

lésions donne l'explication des troubles nerveux réflexes pour

lesquels il est poursuivi. A certains moments, sous l'influence de

l'irritation de l'urèthre, il tombe dans des états d'éréthisme

génital qui entraine l'exécution d'actes obscènes accompli» auto-

matiquement. Sous l'influence de l'irritation des organes génitaux,

la moelle se trouve émancipée et soustraite à l'influence cérébrale

psycho-motrice ; les centres inférieurs sont indépendants et fonc-

tionnent alors d'une façon irrésistible. Cet homme étant dépourvu

de pouvoir modérateur, son contrôle sur lui-même est presque

anéanti ; dès lors, on ne saurait guère le rendie responsable

d'impulsions réflexes irrésistibles. Le traitement devra être doublé ;

il portera à la fois sur l'état local et sur l'état mental ; il suppri-

mera la cause des impulsions, et, d'autre part, il donnera le

pouvoir de leur résister. (L'accusé ne fut pas acquitté, mais

il bénéficia de la loi Bérenger.)

BIBLIOGRAPHIE.

VI. L'Esprit scientifique contemporain ; par le ur Foveau DE Cour-

telles. (Bibliothèque Charpentier, Fasquelle, éditeur, 1899.)

Sous ce titre l'auteur nous donne une sorte de revue rapide de

l'état de la science à l'heure actuelle. Suivant son expression il

« veut élever une colonne tombale destinée à perpétuerle souvenir

du mort »,,c'est-à-dire du six° siècle quis'éteint. Il rend hommage

avant tout à la théorie de l'évolution, qui se retrouve à la base de

tous les phénomènes et permet un développement incessant et un

perfectionnement continu. 11 parle du rôle prépondérances con-

ditions mésologiqnes qui favorisent la progression en avant. Parmi

elles, la science se substituant à l'empirisme aide puissamment au

perfectionnement du corps et de l'intelligence. M. Foveau de Cour-

melles passe alors en revue une grande quantité de questions et de

chacune il dégage le rôle de la science. Il parle de la chimie

transformant l'alimentation, des machines appliquées à l'industrie

et lui donnant un nouvel essor, de l'hygiène progressant avec les

recherches de Pasteur et de ses élèves. Il montre la médecine avec

ses nouvelles méthodes curatives. Dans un autre ordre d'idées, il

consacre des chapitres à la sociologie, à l'éducation, à la philoso-

phie, à la littérature, au théâtre, à la religion, etc., etc. Et par-

tout il impose cette idée que les savants et la science ont tout

envahi et règnent désormais en souverains maîtres. Il y a lieu de

féliciter chaudement M. Foveau de Courmelles de cette oeuvre

intéressante. D'abord en raison de l'esprit dans lequel elle a été

conçue, et qui vient démontrer que la science n'a jamais fait fail-

lite comme certaines voix, malheureusement trop écoutées, tendent

à le faire croire. Il faut ensuite le féliciter de continuer brillam-

ment son rôle de vulgarisateur scientifique. Je remarquerai toute-

fois que la multiplicité des questions qu'il fait passer sous les yeux

du lecteur a été la cause fatale d'une défectuosité de cette oeuvre ;

il lui est impossible de donner à chacune des limites nécessaires :

il ne peut qu'effleurer cet tains sujets. Aussi rencontre-t-on par

endroits un manque de précision scientifique. Certaines théories

sont exposées sans discussion ; certaines opinions restent sans

développements. Or.ce livre étant essentiellement un essai de mise

au point, il s'ensuit pour le lecteur non prévenu une connaissance

insuffisante d'un fait ou une idée fausse à son sujet. Pour prendre

BIBLIOGRAPHIE. 2'il 1

des exemples intéressant plus spécialement la neurologie, je lis il

la page 27 cette phrase : Les femmes, dont l'infériorité cérébrale

parait admise par la science contemporaine, etc. », et la discussion

continue sur cette simple constatation. Je sais bien qu'à la

page 325 seulement il y a cette autre phrase : « La variabilité du

poids de l'encéphale nous a demontré que les différences pour

l'homme et la femme étaient moins que significatives. » 11 n'en est

pas moins vrai que je ne vois exprimé nulle part le fait suivant si

important lorsqu'on veut comparer les cerveaux de deux individus

de même espèce ou d'espèces différentes : il est admis par nombre

de savants (Richet, Manouvrier, Dubois (de la Haye), etc.) que le

poids absolu du cerveau n'est rien ; le poids relatif seul est tout;

c'est dans ce sens qu'on va même jusqu'à dire, étant donné

certaines considérations évolutives, que le cerveau de la femme

est relativement supérieur à celui de l'homme. M. Foveau

de Courmelles s'étonne aussi que certains crânes préhistoriques

soient plus développés que les nôtres (page 89), qu'on ne puisse

évaluer l'intelligence (page 91) au poids de l'encéphale : c'est tou-

jours la même notion de l'influence de la masse du corps sur le

poids du cerveau que je ne vois signalée nulle part. Le poids du

cerveau est fonction de l'intelligence et de la masse du corps. Ces

deux parties ne pouvant pratiquement être scindées on obtient

uniquement deux chiffres exprimant plus ou moins nettement

l'importance des deux variables (intelligence et masse du corps)

dont le poids du cerveau est fonction. Le problème complet avec

les procédés actuels de la science est encore insoluble, mais il n'en

est pas moins vrai qu'on a l'explication de ces faits et qu'on sait

tout au moins qu'il y a un rapport établi. Je trouve aussi regret-

table de voir l'auteur énoncer certaines opinions manifestement

erronées. Ainsi (page 89) on lit : « L'homme qui actionne son cer-

veau est dolichocéphale alors que le paysan est brachycéphale à

encéphale moins développé. » En premier lieu il n'est pas prouvé

qu'un cerveau de brachycéphale soit moins développé qu'un cer-

veau de dolichocéphale. En second lieu, si une ville située dans un

pays à type brachycéphale, présente plus de dolichocéphales, cela

ne tient en aucune façon au développement intellectuel du

citadin. 11 est évident, 'en y réfléchissant un peu, et surtout en

observant, que le paysan conservera longtemps le type primitif de

sa race; mais, devenu citadin, il le perdra par suite de mélanges et

de croisements faciles avec les étrangers toujours plus nombreux

dans les villes. Inversement si le type autochtone était dolichocé-

phale les habitants des villes deviendraient plus ou moins brachy-

céphales. Tout cela est très simple, mais malheureusement moins

séduisant que cette prétendue transformation du crâne sous les

efforts de la pensée ! En citant cette opinion sans la discuter,

M. Foveau de Courmelles propage une erreur. Dans un autre ordre

Archives, 2' série, t. VIII. 1tj

242 BIBLIOGRAPHIE. '

d'idées je me demande s'il faut regarder comme une conquête

scientifique la pénétration des médecins dans le Parlement ? Je ne

vois pas pourquoi la profession médicale fournirait des aptitudes

spéciales à faire de la politique. De plus il faudrait établir que

les médecins actuellement ou députés ou sénateurs sont vraiment

.des hommes de science : je crois qu'on en trouverait peu à qui

donner ce titre dans le Parlement. Il faudrait en outre prouver

que leur science peut s'appliquer ou s'est appliquée il résoudre la

question sociale, comme l'indique l'auteur. Bien loin d'y voir une

conquête de la science, je crois que celle-ci n'a rien à y gagner.

Quoi qu'il en soit, ces critiques, je dois le dire, sont plutôt des

regrets que l'auteur n'ait pas approfondi certaines questions,

quitte à publier deux volumes sur l'esprit scientifique contempo-

rain..Cela m'aurait procuré le plaisir de lire plus longuement son

style si varié et si agréable, de goûter des idées neuves et des

jugements originaux. Il n'y a pas de savant qui ne puisse

apprendre beaucoup par la lecture de l'Esprit scientifique contem-

po1'Ctin. G. PAUL-13oNcouR.

Nous croyons utile, à propos de l'analyse dj notre colla-

borateur et ami, M. le Dr Paul-Boncour, de rappeler le pas-

sage suivant de Paul Bert.

« Vous m'avez profondément blessé, Monsieur l'Évoque ; mais,

laissez-moi vous le dire, bien que cela vous soit sans doute fort

indifférent, je ne vous en veux pas. Il est clair pour moi que vous

n'avez pas pu comprendre la valeur que prenaient, en s'appliquant

à un homme de science, les expressions par vous employées.

Calomniateur, falsificateur, imposteur, ce sont là, en effet, des mots

d'un usage fréquent dans la langue des thaumaturges, et que se

renvoient volontiers, sans y paraître attacher d'importance, ceux

qui vivent de la crédulité et de la sottise humaines. Qu'ils se

jettent à la tête le célèbre mentiris impudentissime, c'est affaire à eux.

« Mais ne savez-vous pas, Monsieur l'Évêque, ce qu'est un

homme de science; quel culte ardent et sans partage il a voué à la

Vérité, l'éternelle et sainte Vérité, qu'il invoque et poursuit, malgré

les anathèmes des superstitions effarées ? Ne savez-vous pas que

sa parole respectée vaut jusqu'à inscription de faux ? Ne savez-vous

pas que le moindre soupçon sur sa véracité lui inflige la plus san-

glante injure ; que le mensonge est pour lui ce qu'est la prévarifi-

cation pour le juge, et la lâcheté pour le soldat ? Non, à coup sûr,

vous n'êtes pas accoutumé de parler à des hommes de science. »

(La Morale des Jésuites, par PAUL l3rnr; Dédicace à M. Freppel,

évêque d'Angers qui avait publiquement traité P. Bert de calom-

niateur et de falsificateur de textes.)

BIBLIOGRAPHIE. : ¿ 3

VII. Revue des Thses de la Faculté de Médecine de Bordeaux

(année 1897-1898); par les D" Régis et L. DE l'ERRY'. 1.

10. Le suc ovarien. Effets physiologiques et thérapeutiques ;

par le D'' GESTION.

L'auteur conclut : 1° de ses expériences : le suc ovarien glycé-

riné ou aqueux est beaucoup plus toxique pour le mâle que pour

la femelle qui, dans la majorité des cas, résiste à des doses sem-

blables et ne succombe en général qu'avec des doses deux fois plus

fortes. Les femelles pleines succombent aux mêmes doses que les

mâles. Le suc ovarien de brebis est aussi actif que le suc ovarien

de truie.

2° De ses observations cliniques et de celles des auteurs. : les

symptômes pénibles de la ménopause naturelle ont disparu ou se

sont considérablement amendés par l'ingestion d'extraits d'ovaires,

sans aucune autre médication. Les mêmes résultats ont été obser-

vés dans les troubles qui suivent la castration ovarienne. L'amé-

lioration rapide observée chez les aménorrhéiques et les chloro-

tiques est constante.

L'influence de l'extrait d'ovaire sur les troubles mentaux qui

accompagnent les lésions génitales ou la castration est réelle.

En même temps qu'une amélioration de l'état local, se produit

toujours une amélioration de l'état général. C'est même un des

premiers résultats observés après l'ingestion d'un extrait d'ovaire,

suc ovarien ou extrait sec : l'appétit revient, les digestions sont

plus faciles et l'évacuation intestinale se régularise.

Les diverses préparations d'ovaires ont la même action tant sur

l'état local que sur l'état général. L'ovairine, en pilules, paraît

plus pratique que le suc ovarien; mais on n'est jamais très sûr de

l'asepsie de ces préparations, comme on l'est avec les extraits

liquides, qui ont subi la filtration.

Comme dose,on ne doit pas dépasser pour le suc ovarien 3 cen-

timètres cubes par jour, en commençant par 1 centimètre cube et

en augmentant la dose tous les huit jours. Pour les pilules (10 cen-

tigrammes) on doit en donner deux par jour au début et augmenter

la dose jusqu'à six par jour.

Il est bon de mettre en garde les praticiens contre l'emploi de

la médication ovarienne chez les femmes enceintes, le suc ovarien

ayant presque toujours provoqué la mort expérimentalement

chez les femelles pleines. Enfin, on devra toujours commencer par

le traitement ovarien, avant d'en employer un quelconque, dans

tous les cas où il est indiqué, c'est-à-dire dans les troubles de la

ménopause naturelle ou post-opératoire, dans la chlorose et aussi

' Voir Archives de Neurologie, t. VIIT, no H. p. 461.

- ) 1.,k BIBLIOGRAPHIE.

dans les troubles psychiques provoqués par un défaut de sécrétion

ovarienne.

11. Des impulsions et en particulier des obsessions impulsives ;

par le Dl' Le Gnolcrrec.

Jadis les auteurs considéraient les impulsions symptomatiques

comme des entités morbides : peu à peu les faits mieux étudiés se

précisèrent, et on rattacha aux diverses psychoses dont elles relè-

vent, les impulsions. L'obsession impulsive s'est dégagée à son tour

de cet ensemble. Les impulsions, dans les principaux états mor-

bides ont, en effet, des caractères propres qui permettent le plus

souvent par l'examen des circonstances qui précèdent, accompa-

gnent ou suivent l'exécution, de diagnostiquer l'affection. Parfois

la difficulté de reconnaitre l'insanité des actes délictueux et cri-

minels, est telle, que la nécessité absolue de l'examen médico-

légal s'impose. Entre l'obsession phobique et l'obsession impulsive

il n'y a pas de démarcation tranchée : elles sont toutes deux accom-

pagnées d'une tendance à l'acte. Quant aux obsédés à tendances

homicides, ils cèdent rarement à leurs impulsions, et seulement

quand d'autres facteurs apportent leur appoint à l'obsession (dégé-

nérescence, alcoolisme).

12. Des délires dans l'ienpalittlisine, par le Dr CIIABAL.

Les auteurs ont signalé des troubles psychiques imputables à

l'impnludisme. Ils ont toujours considéré ces troubles jusqu'ici

comme des délires d'aliénation commune, rentrant dans le cadre

des vésanies. Quelques auteurs même sont allés jusqu'à nier l'exis-

tence de ces délires qu'ils faisaient dépendre de l'alcoolisme, con-

fusion naturelle, car dans ces cas, l'on a affaire à. des troubles

similaires.

Le délire palustre est un délire toxique et comme tous les délires

toxiques un délire de rêve. Ce délire en effet est en tous points

comparable aux troubles délirants de l'alcoolisme, et l'on y

retrouve, malgré la fièvre qui peut changer la manifestation

toxique les trois périodes assez bien caractérisée.

L'ivresse palustre appartient à l'accès sans suivre pourtant

exactement son évolution, mais toujours elle prend naissance

pendant l'élévation de température. On y retrouve : une ébauche

de période d'excitation de courte durée, qui fait place à la seconde

période (éb1'iellse) avec perturbations de l'intelligence. La fin de

i'accès impaludique se termine, comme l'ivresse, par le sommeil

de la période comateuse : sommeil profond avec perte complète de

la connaissance et de la sensibilité.

Les délires de la convalescence peuvent présenter tous les degrés,

depuis un simple état de stupeur rêveuse jusqu'à la confusion

BIBLIOGRAPHIE. l, Il b

mentale hallucinatoire aiguë. On distingue le délire palustre sub-

aigu qui, comme le délire alcoolique, est un rêve éveillé ou de

jour, faisant suite à un rêve endormi ou de nuit. On y retrouve

aussi des hallucinations ; les visuelles sont plus fréquentes que

celles de l'ouïe.

Le délire palustre aigu, qui n'est que l'exagération du subaigu

peut se présenter sous forme dépressive ou sous forme agitée.

Dans la forme dépressive, la stupeur est profonde, les hallucina-

tions existent, mais plus effrayantes et toujours menaçantes, c'est

ce qui explique les fugues des malades. Parfois, à cet état, se joint

un vrai délire avec idées hypochondriaques et de persécution, d'où

tendance au suicide (lièvre chaude des anciens). La forme agitée

n'est autre chose qu'une sorte de delirium tremens. Le délire

palustre aigu est celui qui constitue la fièvre pernicieuse coma-

teuse. Il se présente sous deux formes différentes : la dépressive

(stupeur intense) et l'agitée (convulsions, puis coma).

Les troubles lointains de l'impaludisme n'ont pas de caractères

bien spéciaux : il faut noter la fréquence des hallucinations de

l'ouïe et du délire de persécution. On a signalé aussi des pseudo-

paralysies générales, dont les autopsies n'ont révélé en aucune

façon les lésions matérielles propres à cette affection.

13. Le délire dmac la jalousie affective ; par le D1' hmEnr.

La jalousie affective est une passion qui consiste à vouloir pos-

séder seul les sentiments et l'attention d'un autre être. Elle s'ac-

compagne de défiance, d'inquiétude, parfois même d'angoisse.

Mais la jalousie affective ne reste pas toujours à l'état de simple

passion : elle peut franchir un degré de plus et devenir morbide.

Entre les deux existent comme toujours des états de transition

difficiles à classer, surtout chez les enfants, les vieillards, les

névropathes, et au cours des diverses étapes de la vie génitale.

La jalousie affective morbide comprend plusieurs degrés qui

peuvent aller depuis l'obsession consciente mais irrésistible jusqu'à

la psychose complète en passant par l'idée fixe délirante intermé-

diaire. En dehors de ces formes de jalousie morbide, idiopathiques

pour ainsi dire, l'on peut rencontrer des idées délirantes de

jalousie à titre de symptômes ou de phénomènes accessoires dans

un certain nombre de maladies mentales, notamment dans l'exci-

tation maniaque pure, la folie à double forme, la paralysie géné-

rale au début, l'imbécillité et en particulier dans la folie systéma-

tisée progressive. Qu'il soit idiopathiquc ou symptomatique, le

délire jaloux est presque toujours en rapport avec l'un des trois

facteurs suivants : 1° névrose (hystérie, neurasthénie, épilepsie) ;

2° alcoolisme ; 3° dégénérescence. Ces trois facteurs sont tantôt

séparés, tantôt associés pour le produire.

246 6 BIBLIOGRAPHIE.

L'éliologie du délire de la jalousie affective est celle de toutes les

psychopathies additionnée de certaines causes occasionnelles spé-

ciales, puisées dans les circonstances et le milieu.

Quant au diagnostic, il comprend plusieurs points : 1° la distinc-

tion de la jalousie-passion de la jalousie-maladie ; 2° dans la

jalousie maladie, la distinction des délires idiopathiques et des

délires symptomatiques ; 3° la distinction dans chacun des deux

groupes de la'variété morbide. Souvent ces différenciations pré-

sentent des difficultés surtout lorsqu'il s'agit de distinguer la pas-

sion à son paroxysme de la maladie, et dans celle-ci l'obsession

consciente et l'idée fixe du délire circonscrit des persécutés-

persécuteurs raisonnants.

En général, le pronostic est grave ; il varie, non pas tant suivant

la forme et l'intensité du délire que suivant le l'acteur qui le com-

mande. C'est dire que dans l'hystérie et dans l'alcoolisme la

jalousie morbide est moins tenace et moins définitive que dans la

neurasthénie et la dégénérescence des persécuteurs raisonnants.

Enfin, au point de vue médico-légal, la jalousie morbide soulève

les problèmes les plus intéressants et les plus graves soit au civil

soit au criminel. L'étude de la capacité, de la responsabilité des

délirants jaloux est comme toujours avant tout, en médecine

légale, une question de diagnostic. Cette capacité et cette respon-

sabilité varient donc suivant la forme clinique du délire et son

intensité et aussi, dans chaque forme, suivant les individus. 11 n'y

a donc pas de règle générale fixe; c'est une question d'espèce et

de mesure, variable suivant les cas.

1 L Esssai sur le subconscient dans les ceicvres de l'esprit et chez leurs

auteurs : par le D1' Paul CHABANEix.

Il est des individus qui présentent à certains moments, soit le

jour, soit la nuit, un état particulier difficile à définir, tenant le

milieu entre le sommeil et la veille, entrele conscient et l'inconscient

sorte de rêve somnambulique, ou comme on dit, de subsconcient.

Dans cet état, la cérébration automatique s'exerçant en pleine

liberté peut engendrer à côté de rêvasseries vagues et confuses,

des conceptions suivies, des scènes vivantes et coordonnées, par-

fois même des productions achevées de l'esprit, qui apparaissent

le plus souvent à l'individu comme nées en dehors de sa volonté,

ou même en dehors de lui.

Étant donnée la fréquence chez les hommes de talent et de génie

du somnambulisme et de la névropathie, des hallucinations oni-

riques, il était intéressant de savoir s'ils étaient particulièrement

sujets au rêve subconscient, et si oui quelle part ce subconscient

pouvait revendiquer dans leurs créations.

Il ressort de l'étude de l'auteur que le subconscient parait se

BIBLIOGRAPHIE. 21 ï

retrouver avec une grande fréquence chez les hommes de talent et

de génie, et que chez beaucoup, il intervient dans les productions

à un degré plus ou moins marqué. Certains même ont la sensa-

tion d'être comme étrangers à leurs productions. t Je n'y suis

pour rien, disait Mozart. » '

Cette démonstration met en lumière l'une des conditions psycho-

logiques les plus curieuses dans lesquelles puissent se produire les

grandes oeuvres de l'esprit humain. Elle établit aussi que la per-

sonnalité des hommes de talent et de génie, si diversement inter-

prêtée, est plutôt faite d'éréthisme nerveux que de folie et que les

grands créateurs sont souvent, non des insensés, mais des dor-

meurs éveillés perdus dans leur abstraction subconsciente, en un

mot des êtres à part marchant vivants dans leur rêve étoilé.

1H. Contribution à l'élude (ILS ùbSCSSiOiIS-ii71l2bitioî ? s et en particulier

de l'inhiùition génitale; par le DI SAOTAREL.

L'obsession-inhibition est une lésion de la volonté d'action ; le

sujet essaie vainement de transformer une idée en acte, » sa

volonté n'est plus suffisante pour actionner son système moteur et

les efforts qu'il tente à cet égard n'aboutissent qu'à augmenter

son trouble et son angoisse » (Régis). Ce phénomène peut se pro-

duire soit par manque de désir, soit par impuissance à agir.

L'aboulie du pouvoir se présente sous une forme obsédante. On

a ainsi une obsession-inh'bition comparable en sens inverse à

l'obsession-impulsion. Tandis que celle-ci, en effet, consiste essen-

tiellement dans la lutte anxieuse contie un acte qui tend à s'im-

poser, l'obsession-inhibition, elle, consiste dans l'effort anxieux

pour accomplir l'acte désiré. Comme toutes les obsessions, l'obses-

sion-inhibition peut se présenter en clinique sous les formes les

plus variées : parmi les plus fréquentes il faut citer l'inhibition

vésicale et l'inhibition génitale. Cette dernière est le phénomène

qui agit sur les centres psychiques pour supprimer la fonction bien

qu'il n'y ait aucune lésion essentielle organique. La syncope géni-

tale peut se présenter sous trois formes : le puissance conservée

pour toutes les femmes ; ` ? ° puissance conservée pour toutes les

femmes, saut pour l'épouse légitime ; 3° puissance conservée pour

l'épouse légitime et abolie pour les autres. Comme toutes les

obsessions, les inhibitions sont, ou constitutionnelles ou acciden-

telles. Elles s'observent soit chez les hystériques, soit surtout chez

les neurasthéniques, et se différencient par des caractères propres.

Naturellement il importe tant au point de vue du pronostic que

du traitement, de distinguer les obsessions-inhibitions des phéno-

mènes analogues qu'on peut rencontrer dans divers états morbides,

et en particulier de l'aboulie des mélancoliques. Généralement le

diagnostic est assez facile : cependant il est des cas où il est ditti-

21b (S BIBLIOGRAPHIE.

cile; ce sont ceux où il y a mélange de neurasthénie et de mélan-

colie, et où l'aboulie, par suite, participe de l'une et de l'autre.

16. De la précocité et des perversions de 'l'instinct sexuel

chez les enfants ; par le D' PÉLOFI.

' L'hérédité est capable de subir des transformations qui sem-

blent la faire dévier de l'état premier. En se transformant, l'héré-

dité a le pouvoir de faire des précoces, il tous les points de vue,

des sujets qu'elle atteint, aussi bien dans le domaine physique que

dans le domaine intellectuel et moral. Cette précocité porte le plus

souvent sur une faculté hypertrophiée aux dépens des autres, en

somme précocité partielle. Elle peut affecter des modalités diffé-

rentes et si elle porte sur de grandes facultés comme la mémoire,

l'intelligence, l'imagination, elle est susceptible d'atteindre d'au-

tres territoires particuliers et porter ce qui est assez fréquent-

sur la sexualité. Cette précocité sexuelle ne s'affirme pas toujours

avec un caractère normal : le plus souvent, au contraire, elle affecte

le type des aberralions génitales. Suivent quelques observations

dont l'une intéressante, d'onanisme irrésistible et d'éveil sexuel,

chez une petite fille observée à la clinique des maladies mentales

de la Faculté.

17. Moyens de défense et psychothérapie dans les obsessions;

par le U' BELLE ?

Les moyens de défense chez les obsédés constituent un véritable

mode de réaction psychique, bien différent de la réaction de

défense des aliénés. Mais ces moyens protecteurs peuvent parfois

amener du soulagement chez ceux qui les emploient. Le plus ordi-

nairement ils présentent pour eux des inconvénients sérieux soit en

renforçant l'obsession existante, soit en la compliquant d'une nou-

velle. Ces moyens de défense sont susceptibles d'ètre classés en

moyens psychiques, en moyens symboliques, en moyens matériels.

Les obsédés sont très susceptibles de recevoir des influences

suggestives variées, venant du milieu et de l'entourage. Très sou-

vent aussi il serait indiqué de procéder à l'isolement du malade

sous une forme appropriée. Malheureusement, on se heurte en pra-

tique à de nombreux obstacles. L'isolement est surtout profitable

aux neurasthéniques ou hystériques chez qui la névrose d'angoisse

atteint une grande intensité.

La psychothérapie à l'état de veille entendue daus son sens

le plus large est d'une importance capitale dans le traitement

psychique des obsessions. Bien conduite elle amène parfois des

guérisons, toujours des améliorations très sensibles. Il faut cepen-

dant faire observer que, si la psychothérapie hypnotique est toute-

puissante quand elle est applicable, c'est-à-dire chez les hystéti- i-

BIBLIOGRAPHIE. 219 '

ques et les hystéro-neurasthéniques, elle échoue dans les états

obsédants constitutionnels, qu'on les envisage comme relevant de

la neurasthénie ou de la dégénérescence.

VIII. Thèses de la Faculté de Médecine de Paris (année scolaire

1897-1898) sur la neurologie et la psychiatrie.

Abricossoff (Glafira). L'hystérie aux xvu° et xvin0 siècles (étude

historique). Aghavnian (Krikoris). Contribution à l'étude des

troubles trophiques dans l'hémiplégie organique. Ameline (Mal'ius).

Energie, entropie, pensée. Essai de psychophysique générale basée

sur la thermodynamique, avec un aperçu sur les variations de

l'entropie dans quelques situations mentales.Amice (Toussaint).

Aphasie traumatique. André (Jules). De la sialorrhée. Arondel

(Auguste). Etude sur les hallucinations des moignons. Astié

(André). Contribution à l'étude de la névrite canzotrophique des

tuberculeux. Attal (Joseph). Des troubles vasomoteurs dans

l'hystérie. Audureau (Jules). A propos de quelques tumeurs encé-

phaliques opérées.

Baillet (Arsène-Auguste). Les paralysies urémiqucs. - Bakradzé

(Marie). Contribution à l'élude du traitement chirurgical du pied

bot paralytique. Ballard (Julien). Comment meurent les épi-

leptiques. Ballet (Victor). De la paralysie bulbo-spinale ctsllté-

nique ou symptôme ! l'Ea·b. Bargy (François). De l'alcoolisme

au point de vue de la prophylaxie et du traitement. Beigbédcr

(Félix). Du délire dans l'érysipèle. Bélianine (MllG Catherine).

Troubles de la parole dans l'hémiplégie infantile. Bloch (Isidore).

Contribution à t'élude de la syringomyéloe à type scapulo-huméral. -

Boissou (Pierre). Etude critique des interventions sur le sympa-

thique cervical dans la maladie de Bccsedotc. Bounus (Gaston).

Contribution à l'étude de la maladie de Friectreich à début tardif.

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d'oreilles. Bourgeois (Fernand). Contribution ci l'étude de la

claudication intermittente par oblitération artérielle. Bourggraff

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de l3use ! toiu. - Brasiano (Ohm). Etude sur l'atrophie musculaire

dans l'hémiplégie. Brun gruger). Contribution à l'élude des sar-

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2û2 VARIA.

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malade et médecin. - Vivier (Henry). Sur l'infantilisme. - Volper

(NI'le liaïssa). Des troubles trophiques dans la lèpre.

Wetterwald (Félix). La commotion du labyrinthe.

L'Administration des Archives de Neurologie s'offre à pro-

curer, dans la mesure du possible, les thèses ci-dessus à ses

abonnés.

VARIA.

La mvladih, de Bluse Pascal; par le Dr Binet-Sanulé.

Blaise Pascal fut un génie malade, de l'avis de tous ceux qui

l'étudièrent. Des critiques de talent, depuis Vict. Cousin jusqu'à

M. Havet, et un médecin, relatèrent les divers symptômes qu'il

présenta, mais ne purent porter le diagnostic de sa maladie, parce

qu'à l'époque où ils écrivaient le syndrome n'en était pas encore

classé. Tous les syndromes que présenta Blaise Pascal, la faiblesse

générale, la paraplégie transitoire, l'oesophagisme. les troubles

digestifs, les algies multiples et variées, céphalalgie continue.

VARIA. 2,'ir ! 11)

odontalgie à cessation soudaine, gastralgie, entéralgie. la suré-

motivité, la tristesse chronique, les troubles de la sensibilité psy-

chique, les phobies, les hallucinations, les troubles du jugement

et du raisonnement, les altérations périodiques de l'état général,

constituent un tableau assez complet de la neurasthénie grave.

(Annales médica-psychologiques, avril 1899'.) E. BLm.

De L\ PEDAGOGIE; par Let et Sano.

Courte note dans laquelle les auteurs démontrent la nécessité

de constituer une science de l'éducation qui devra servir de base

aux pédagogues de l'avenir. Dans ce but MM. Ley et Sano

réclament la création de laboratoires destinés à permettre les

études de pédométrie, de physiologie, de psychologie, etc., pou-

vant contribuer à la connaissance plus complète de l'enfant. Ils

insistent en outre sur la nécessité d'étudier parallèlement les en-

fants normaux et les enfants anormaux et proposent d'annexer

aux établissements d'instruction des écoles spéciales pour les en-

fants arriérés.

Les premières écoles de ce genre ont été organisées en Alle-

magne, puis en Suède, en Danemark, en Angleterre, aux Etats-

Unis d'Amérique, en Belgique, eriAustralie. « En Franceil n'existe

que des asiles pour les idiots et on ne peut regretter, ajoutent

les auteurs, de voir les vaillants efforts faits depuis plusieurs

années par Bourneville, dans le but d'obtenir la création d'écoles

spéciales, avoir aussi peu de succès 3. (Journ. de Neurologie. 1899.

n° 9.) 6. DF-iy.

S o c m T de Neurologie.

La Société de Neurologie a été fondée, à Paris, le 8 juin 1899.

Elle a pour but de réunir, en assemblées périodiques, les médecins

qui s'occupent des maladies du système nerveux. Elle se compose

de membres titulaires et de membres correspondants nationaux et

étrangers.

La Société de Neurologie se réunit en séances publiques, le

premier jeudi de chaque mois (excepté les mois d'août, septembre

et octobre), à la Faculté de médecine de Paris, salle îles Thèses,

n° 2, il neuf heures et demie du matin. Des communications et

' Voir : Léliii, /. 'Amulette de Pascal.

Y C'est ce que nous avions voulu faire à l'Orphelinat Prévost, à Cempuis

et ce qui nous a valu des accusations aussi violentes qu'injustifiées de

la part des réactionnaires cléricaux du Conseil municipal de Paris et de

leurs journaux. (B.J.

- Voir aux annonces : Lettre f'f .ll. Cit. nl/lJ1l ? sur la création de classes

spéciales pour les en fruits arriéré*.

2d4 ik FAITS DIVERS.

présentations de malades ou de pièces sont faites par les membres

de la Société.

Des communications et présentations de malades ou de pièces

peuvent être faites par des personnes étrangères à la Société ; elles

doivent être annoncées au moins huit jours à l'avance au bureau

qui donne, s'il y a lieu, l'autorisation nécessaire. La durée de

chaque communication ne doit pas excéder un quart d'heure ; sa

longueur ne peut dépasser une page d'impression. La Revue nelll'o-

logique, organe officiel de la Société, publie le 1¡} de chaque mois

les bulletins des séances.

Composition du bureau. Président : M. Joffroy ; vice-président :

.M. Raymond; secrétaire général : M. Pierre-Marie; secrétaire des

séances : M. Henry Meige ; trésorier : M. Souques.

Membres titulaires fondateurs. 11111. Achard, Babinski, Ballet,

Brissaud, Dejerine, Dupré (E.), Gilles de la Tourette, Gombault,

Klippel, Parinaud, Parmentier, Paul Richer '.

FAITS DIVERS.

Les aliénés en liberté. Sous ce titre : Un fou meurtrier,

l'Aurore du 2 juin publie ce fait :

« Depuis quelque temps, M. Honoré Parisot donnait des signes

non équivoques d'aliénation mentale. Pour se soustraire à ses

violences, sa maîtresse, Marie Raclot, l'abandonna pour aller

habiter 29, rue des Prairies. Dans la soirée d'hier il la rencontra

rue Le Bua et lui offrit un bock. Au moment où elle s'asseyait,

Parisot saisit une paire de ciseaux et l'en frappa au sein gauche.

La malheureuse a été transportée à l'hôpital Tenon. Le fou-

meurtrier, désarmé aussitôt, a été envoyé à l'infirmerie du Dépôt. »

- La cour d'assises de Riom a jugé hier l'affaire du meurtre

commis à l'école normale sur l'élève Quinty par l'élève Vacher.

Presque tous les témoins étaient des professeurs ou des élèves de

l'école. Ils ont tous défendu Vacher. M. Sicard, avocat, a plaidé

l'irresponsabilité de son client et a prétendu que le meurtre était

dû à une crise épileptifo,ine. Le jury a rendu un verdict affirmatif

seulement sur la question de coups et blessures. En conséquence,

Vacher a été condamné à deux ans de prison. (Le Soleil du

' Voir le Compte rendu de la première séance il la page 95 du nu-

méro d'août. '

FAITS DIVERS. 255

2 juin 1899.) Voilà encore un malheureux malade, aliéné

méconnu, qui n'aurait pas dû être condamné et envoyé en prison,

mais placé dans un asile et soigné.

On a trouvé pendu ce matin, dans sa chambre, un boulanger

de la place du Peyrou, à Toulouse, nommé Jonquières, âgé de

trente-huit ans ; le malheureux était atteint de la monomanie de

la persécution. (Petit Parisien.)

- Un employé des ponts et chaussées de Fontenay, le nommé

Eugène Le Bolay. âgé de vingt-trois ans, se trouvant à la Roche-

sur-Yon, chez M ? veuve Niveau, sa grand'mère, rentière rue de

Nantes, a tenté de se donner la mort en s'ouvrant la gorge avec

un rasoir. Le malheureux, qui est atteint d'aliénation mentale, croit

être une victime de l'affaire Dreyfus et que les gendarmes vont

venir l'arrêter. Son état est très grave. (Petit Parisien du 15 août.)

L'alcool. On nous mande de Pau qu'un ancien préposé des

douanes nommé Pierre Busson, retiré à Baigorry, après avoir, dans

un accès d'alcoolisme, essayé de tuer diverses personnes, notam-

ment sa soeur, un garde des bois de M. D. Abdadie et la proprié-

taire du jeu de paume, avait été désarmé par la gendarmerie.

Relâché, il s'empara du couteau d'une vieille mendiante, la tua et

blessa sa soeur et une voisine. Il se porta ensuite un coup à la

gorge, puis se jeta dans la Nive. Les gendarmes purent s'emparer

de lui et le mettre en lieu sûr. (Le Temps du 12 juin 1899.)

Un loueur de voitures de Quimper, le nommé Jean Rival,

âgé de cinquante-cinq ans, demeurant avenue de la Gare, s'est

suicidé en absorbant de l'arsenic; cet homme était alcoolique.

(Petit Parisien, 11 août.)

L'incendie de alancillcac. La femme Veilleraud est main-

tenue en état d'arrestation. Alcoolique incorrigible, elle aurait,

paraît-il, commis son crime dans un moment d'éb1'iété. (La Petite

Gironde, 14 août.)

Sous ce titre : L'Affaire du boulevard Ornano, le Petit Parisien

du 21 août publie le fait suivant :

« Dans l'après-midi d'hier, vers une heure, le gardien de la paix

Charles Grandjean, du dix-huitième arrondissement, était requis

par le chef de gare de la station du boulevard Ornano pour pro-

céder à l'expulsion d'un individu qui causait du scandale dans la

gare. L'agent se trouva en présence d'un ouvrier terrassier que

l'ivresse rendait furieux, et il fut accueilli par des coups de pied

et de poing. Plusieurs personnes ayant pris parti pour l'ivrogne,

la foule s'amassa, et le gardien de la paix dut se réfugier dans

une salle de la gare, tandis qu'au dehors plus de six cents per-

sonnes proféraient contre lui des menaces de mort. Attirés par la

i ? 6 avis.

rumeur publique, le sous-brigadier Bouchez et les agents Zorzi,

Thévenin et Enocq accoururent, mais ce ne fut qu'après une lutte

terrible qu'ils purent s'emparer de l'ivrogne, le ligoter et le con-

duire au poste de la rue du Mont-Cenis. Les représentants de la

police ont tous été très malmenés ; mais l'état de Grandjean, qui

a dû interrompre son service, est le plus grave. L'ouvrier arrêté

'n'a pas voulu faire connaître son identité. Il s'est contenté de

déclarer il M. Carpin, qui a procédé à son interrogatoire, que ce

n'était pas la première fois qu'il « décollait » un agent. Le cou-

pable a été écroué au Dépôt.

ERRATUM. - Page 121-, ligne 30 au lieu de l'opération, il faut

lire I'amélioration.

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7UCCARELLI (A.). Gli nomini di genio e la loro biografa clinica.

Brochure in-lG de 30 pages. Napoli, 1898. Tïpografia Molli e Juele

AVIS TRÈS IMPORTANT. - Depuis le 28 JUILLET

M. H. DURAND n'a plus aucune fonction au Progrès

Médical : IL est remplacé par 31. Aimé ROUZAUD, qui

est chargé exclusivement des annonces et de la partie

administrative.

Le rédacteur-gérant : T3oowewn.e.

lvrrm, 1 : 1. Ilfnmev. 11111). - qt'fI

Vol. VIII. Octobre 1899. N° 46

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE MENTALE.

RELATION D'UN CAS DE CONFUSION MENTALE

POSTOPERATOIRE;

Par le D' rwareoo,

- Iédccin-alljoinl de l'Asile d'aliénés de Limoges.

Malgré les nombreux travaux qui ont été consacrés en ces

dernières années à l'étude des troubles psychiques post-

opératoires, et les discussions importantes dont elle a été

l'objet en 1898 à la Société de Chirurgie et au Congrès des

médecins aliénistes d'Angers, l'accord est loin d'être fait

entre les auteurs sur cette question. Les divergences d'idées

portent non seulement sur l'étiologie et la symptomatologie

de ces désordres cérébraux, mais encore sur le sens précis

qu'il faut attribuer à l'expression de troubles psychiques

post-opératoires, et, par suite, sur la constitution de ce

groupe d'affections mentales. Trois opinions principales sont

en présence : d'une part, M. le De Picqué, chirurgien des

hôpitaux de Paris et des asiles d'aliénés du département de

la Seine ', éliminant les délires d'origine médicale, les délires

toxiques (délire alcoolique), les délires par intoxication mé-

dicamenteuse, et les délires dus à une intoxication septicé-

mique, survenus à la suite d'opérations chirurgicales, et

qu'il désigne sous le nom de faux délires post-opératoires,

n'admet, comme psychoses post-opératoires véritables, que

De L. Picqué. Du délire psychique post-opératoire. (Communication

à la Société de Chirurgie. Séance du 1" mars 1898.)

Archives, 2' série, t. V111. 17 ï

258 CLINIQUE MENTALE.

les cas dans lesquels le délire ne relève d'aucune des causes

déjà citées, et « survient sans fièvre chez des sujets qui ne

sont ni des malades ni des intoxiqués ».

D'après lui, dans ces derniers cas les troubles cérébraux

- se manifestent sous la'forme d'états d'excitation ou de

dépression. Les premiers de ces états apparaissent avec une

fréquence spéciale chez les enfants, les vieillards, les hysté-

riques, et surtout chez les malades atteints de prédisposition

héréditaire; ils peuvent être engendrés par toutes les opéra-

tions chirurgicales, même les plus simples. Quant aux états

de dépression, surtout fréquents chez les héréditaires et les

prédisposés, ils ne sont guère observés qu'à la suite de cer-

taines opérations déprimantes, telles que les amputations, la

castration, l'opération du varicocèle ayant entraîné l'atrophie

du testicule, la taille hypogastrique, l'établissement d'un

anus contre nature, etc.

M. le D'' Régis', au contraire, distingue, dans l'ensemble

des troubles psychiques post-opératoires, deux ordres de

faits : 1° les troubles psychiques survenant à l'occasion d'une

opération; 2° les troubles psychiques relevant, comme cause

fondamentale, de l'opération. Selon lui, les derniers, seuls,

doivent être retenus comme troubles psychiques post-opéra-

toires ; les autres sont des folies communes, des vésanies,

dues à la prédisposition, et n'ayant de commun avec l'opéra-

tion que la coïncidence. Contrairement à ce qui existe pour

ces vésanies qui affectent nécessairement une forme quelcon-

que, les vrais troubles psychiques post-opératoires répondent

à un même type clinique : la confusion mentale. Sur ce fond

de confusion mentale survient très fréquemment un état déli-

rant qui se présente avec tous les caractères de ce que

M. Régis appelle le délire onirique, et qu'il croit caractéris-

tique d'une intoxication endogène ou exogène.

Cet auteur classe les troubles psychiques post-opératoires

en trois groupes : 1° les troubles psychiques immédiats, qui

surviennent aussitôt après l'opération, et qui paraissent dus à

l'intoxication chloroformique agissant à la faveur du shock ;

2° les troubles psychiques secondaires, qui éclatent du

deuxième au dixième jour, et qui sont dus soit à la septicé-

' D' Régis. Les troubles psychiques post-opératoires. (Discussion au

Congrès des médecins aliénisles. Angers 1898. Compte rendu in La

Presse médicale, G août 1898.)

RELATION D'UN CAS DE CONFUSION MENTALE. 259

mie ou à une infection accidentelle, soit à une auto-intoxica-

tion déjà existante, ou réalisés chez certains individus moins

résistants par le shock opératoire : ce sont les plus nombreux

et les plus typiques; 3° les troubles psychiques tardifs, qui

n'apparaissent que plusieurs semaines après l'opération, et

que M. Régis attribue à l'asthénie de l'organisme produite

par diverses causes, telles que la déhilitation progressive, la

cachexie, la fièvre, à des pansements longtemps prolongés,

surtout à l'iodoforme, ou à la suppression d'un organe à

sécrétion interne tel que le corps thyroïde ou l'ovaire. Les

troubles psychiques post-opératoires sont donc, dans tous les

cas, d'après M. Régis, dus à un trouble de nutrition ou à une

intoxication de l'organisme.

Enfin, d'après une autre opinion, soutenue par M. le pro-

fesseur Joffroy et par M. le D'' Rayneau1, auteur du rapport

si documenté présenté au Congrès d'Angers, « il n'exibte point

un type spécial de psychose que l'on pourrait étiqueter folie

post-opératoire. Les troubles psychiques post-opératoires

présentent les symptômes les plus divers ». Ils sont le résul-

tat de l'action combinée d'une série de causes d'ordre psy-

chique ou physique sur des sujets prédisposés. L'action

pathogène de ces causes n'est d'ailleurs pas fatale, et la

constatation des groupements étiologiques, d'ordinaire les

plus puissants, ne permet pas de prédire avec certitude l'éclo-

sion de la folie post-opératoire. A plus forte raison ne per-

met-elle pas de « prévoir quelle serait la nature du délire,

la forme et la durée des accidents ».

En outre de ces différences essentielles que nous venons de

signaler dans la façon de concevoir les troubles psychiques

post-opératoires, on relève encore bien des divergences

d'opinion entre les aliénistes, sur ce sujet en général, et sur-

tout sur l'importance relative des divers facteurs suscep-

tibles d'être incriminés dans la pathogénie de ces désordres

cérébraux. M. Rayneau les a relatées, en détail, dans son

remarquable travail.

' De Rayneau. Les troubles psychiques posl-opéraloires. (Rapport au

Congrès des médecins aliénistes et neurologistes. Angers, 1898.) - Pro-

fesseur Jott'roy. Troubles psychiques post-opératoires. (Leçon clinique

publiée dans La Presse médicale, 19 mars 1898.) Troubles psychiques

post-opératoires. (Discussion au Congrès des médecins aliénistes. Angers,

1898.)

260 CLINIQUE MENTALE.

Seule, la clinique peut trancher définitivement la question.

Mais il est indispensable que les observations choisies comme

base d'appréciation, soient aussi précises et aussi complètes

que possible, et contiennent non seulement l'exposé des

-troubles délirants actuels, mais encore celui des antécédents

héréditaires et personnels des malades, et de toutes les parti-

cularités qui ont pu jouer un rôle dans l'étiologie de ces

accidents. Or, parmi la multitude des cas de troubles psy-

chiques post-opératoires qui ont été publiés, il en est un

grand nombre qui n'ont pas toute la précision de détails

désirable et qui, pour ce motif doivent être éliminés. Aussi

n'est-il peut-être pas inutile de relater de nouvelles observa-

tions. C'est ce qui nous a décidé à rapporter ici le cas sui-

vant :

Observation. Sommaire : Ligature de l'artère axillaire chez un

sujet prédisposé à la folie par une hérédité alcoolique et vésanique

et par une intoxication éthylique ancienne. Infection de la plaie

opératoire. Septicémie. Apparition des troubles mentaux huit

jours après l'opération. Confusion mentale avec délire onirique

et alternatives irrégulières d'excitation et de dépression. M bout

de huit mois, amélioration progressive. Troubles de la mémoire.

Guérison sans affaiblissement intellectuel.

C... (Jean), soixante ans, colporteur, est entré à l'asile d'aliénés

deNaugeat, le 6 avril 1898.

Antécédents héréditaires. Le père du malade est mort d'une

affection pulmonaire, à un âge assez avancé ; au cours de son

existence, il avait fait de sérieux excès de boisson, mais jamais

il n'avait présenté de troubles mentaux. La mère, décédée par

suite d'une affection cardiaque, a toujours joui de la plénitude de

ses facultés. C... a eu deux frères, dont l'un est mort en bas

âge, et l'autre a succombé à l'âge de vingt-six ans, par suite de

tuberculose pulmonaire. Une tante du côté maternel, décédée

à un Age très avancé, a été atteinte d'aliénation mentale pendant

les dix ou quinze dernières années de sa vie. Nous ignorons quelle

forme ont revêtu les troubles mentaux signalés chez cette parente

de notre malade.

Antécédents personnels. - C... a toujours eu une excellente

santé. Doué d'une intelligence moyenne, il s'est montré toute sa

vie très insouciant. Ami de la gaieté, ne songeant qu'à passer tran-

quillement le présent, sans se préoccuper de l'avenir, il a accepté

aussi philosophiquement que possible les rares événements malheu-

reux qui se sont produits pendant son existence.

RELATION D'UN CAS DE CONFUSION MENTALE. 261 1

Il a fait sept ans de service militaire en France ; pendant cette

période, il a mené joyeuse vie : il reconnaît qu'il a beaucoup bu

et qu'il s'est livré à quelques excès génésiques; mais il affirme

qu'il n'a pas contracté de maladie vénérienne.

Pendant quinze ans, C... a été employé en qualité d'infirmier

et de sous-surveillant à l'asile de Naugeat. Bien que l'exercice de

ces fonctions ne lui eût pas absolument fait perdre l'habitude de

boire d'une façon excessive, il accomplit son service dans des con-

ditions assez satisfaisantes, jusqu'au jour où une faute grave le fit

renvoyer de l'établissement. '

Il se trouva alors brusquement sans ressources et sans emploi,

obligé de chercher un moyen de subvenir à son existence et à celle

de son fils. La perspective de tomber dans une profonde misère ne

troubla pas un seul instant la tranquillité de son esprit. Son seul

souci fut de trouver un métier qui lui permit de gagner quelque

argent en conservant son indépendance et sa liberté. Il se fit col-

porteur. et, quoique les bénéfices qu'il retirait de ses ventes fussent

des plus minimes, il se trouva toujours, en cette situation, le plus

heureux des hommes. Il ne regretta qu'une chose : c'est que l'in-

suffisance de ses ressources l'empêchât presque toujours d'abuser,

et parfois même d'user des boissons alcooliques.

Au commencement de l'année 1898, C... remarqua qu'une gros-

seur apparaissait au niveau de la paroi antérieure de l'aisselle

gauche, en un point comprimé habituellement par la courroie

soutenant la boîte dans laquelle étaient renfermées ses marchan-

dises. Eu même temps que se développait cette grosseur, il res-

sentait des fourmillements dans le bras, et éprouvait une difficulté

croissante à mouvoir ce membre. Il dut cesser son travail; puis,

le volume de la tumeur s'étant accru dans de très notables pro-

portions, il se décida, à la fin du mois de février 189S, à entrer à

l'hôpital de Limoges. Là, il fut reconnu atteint d'un anévrysme de

l'artère axillaire, et la ligature de ce vaisseau fut jugée nécessaire.

Le malade accepta docilement les conseils du chirurgien, et ne fit

aucune difficulté pour se soumettre à l'opération qui lui fut pro-

posée. Son insouciance habituelle se manifesta encore en cette

circonstance; il ne se préoccupa pour ainsi dire pas des consé-

quences fâcheuses que cette affection et l'intervention chirurgicale

nécessitée par elle, pouvaient avoir pour un malheureux obligé,

comme lui, de travailler pour gagner sa vie. La perspective de

l'opération ne l'effraya nullement, et, le moment venu « il se mit,

dit-il, sur la table d'opération, comme il se serait couché sur son

lit pour se reposer après une grande fatigue ». La ligature de

l'axillaire fut pratiquée au commencement du mois de mars. Pen-

dant les premiers jours qui la suivirent, l'état mental de C...

n'attira nullement l'attention; sa santé générale, au contraire, fut

très sérieusement compromise; en effet, la plaie opératoire s'in-

26 CLINIQUE MENTALE.

fecta, une fièvre intense apparut, et le malade présenta les signes

ordinaires d'une septicémie aiguë.

Huit jours environ après l'opération, l'entourage de C... com-

mença à observer en lui des signes dénotant une légère altération

de ses facultés mentales. Plus impressionnable que de coutume,

il manifestait une émotivité anormale et, parfois, une véritable

sensiblerie; par intervalles, il prononçait des phrases bizarres ou

même vides de sens. Il ne semblait pas toujours se rendre bien

compte de ses actions, et certaines d'entre elles étaient empreintes

d'un cachet d'automatisme manifeste. Ses propos, ses gestes

même, semblaient, par moments, indiquer l'existence d'illusions

ou d'hallucinations de la vue. C'est ainsi qu'un jour, il dit il son

fils, au cours d'une visite de ce dernier : « Regarde là-bas ces gens

qu'on écorche ; en voici qu'on électrise », tandis qu'il n'y avait

dans la salle qu'un seul malade fort calme à qui on faisait un

pansement. En même temps que ces symptômes psychiques se

développaient, les troubles somatiques persistaient, au point de

compromettre même l'existence de C...; la fièvre était très pro-

noncée, les forces déclinaient rapidement, et un refus obstiné des

aliments et des médicaments aggravait encore la situation.

L'intensité des désordres cérébraux s'accrut graduellement. La

désorientation d'esprit déjà signalée chez C..., devint complète et

se manifesta par une incohérence absolue des propos et par des

actes désordonnés, accomplis sans but, avec une inconscience

évidente. Quoique très fatigué, épuisé par la fièvre et par une

abstinence prolongée, sinon absolue, il se levait parfois, courait

d'un lit à l'autre, se déshabillait, et errait nu dans le dortoir, inca-

pable de retrouver sa place sans le secours des infirmiers ou de

ses voisins. Il ne semblait pas se rendre compte de l'endroit où il

était et du temps qui s'était écoulé depuis son entrée à l'hôpital ;

il ne reconnaissait pas son entourage. Les illusions sensorielles et

les hallucinations persistaient, mais ne paraissaient pas de nature

terrifiante.

Dans les derniers jours du mois de mais, l'état physique s'amé-

liora sensiblement; la cicatrisation de la plaie fit de notables pro-

grès, et la fièvre diminua; mais C..., qui jusqu'alors avait été assez

calme, fut pris d'une vive excitation. Ses actes extravagants, sa

loquacité, 'sa turbulence diurne et nocturne, ne tardèrent pas à

nécessiter son admission à l'asile de Naugeat.

6 avril 1898. A son entrée dans cet établissement, l'état phy-

sique de notre malade attire tout d'abord notre attention; extrê-

mement amaigri, le teint pâle, terreux même, C... est dans un

état de faiblesse tel qu'un dénouement fatal nous parait imminent.

Le pouls est très rapide; on compte 116 pulsations par minute; la

langue est sèche et rôtie, mais il n'y a pas d'élévation de tempéra-

ture. L'auscultation du coeur ne révèle aucun bruit anormal; il

RELATION D'UN CAS DE CONFUSION MENTALE. 263

existe, cependant, une légère exagération du retentissement du

second bruit à la base. Les artères radiales et fémorales ne sem-

blent pas sclérosées. Les urines ne renferment pas d'albumine.

La plaie opératoire est à peu près cicatrisée; cependant, il per-

siste une fistule par laquelle s'écoule encore une assez grande

quantité de pus. Le membre opéré est considérablement

oedématié; la température en est sensiblement inférieure à celle

du membre sain , ses téguments sont violacés, cyanosés; sa sen-

sibilité est considérablement émoussée, mais le malade y ressent

fréquemment des fourmillements, et parfois même de vives douleurs

spontanées. Les mouvements du membre et en particulier ceux de

l'articulation de l'épaule sont très limités et très douloureux.

Dans la sphère psychique, les troubles ne sont pas moins

accentués. Un élément semble prédominer dans l'état mental du

malade : c'est la confusion des idées. C... parle presque continuelle-

ment ; ses propos ne sont qu'une suite de divagations incohérentes

formées par un assemblage de mots ou de membres de phrases

sans aucun rapport les uns avec les autres. Il s'exprime le plus

souvent sur un ton invariable, entrecoupant fréquemment ses

paroles de quelques instants de repos. De- temps à autre, il élève

la voix, et pousse des exclamations dont il est difficile de saisir

la signification ; ou bien il chante d'une façon monotone, ou plutôt

il psalmodie les mêmes incohérences.

Au milieu de ses divagations, nous relevons les phrases sui-

vantes : « Des machines me poursuivent... J'ai tout perdu » ; seuls

indices de l'existence d'un délire mélancolique et d'hallucinations

terrifiantes.

L'attitude, la physionomie du malade sont assez mobiles ; habi-

tuellement dépourvu d'expression, son regard s'anime lors des

paroxysmes de l'agitation. Souvent, cette exaltation, qui s'accom-

pagne d'ordinaire d'une gaieté bruyante, fait place, sans transi-

tion, à une grande dépression se traduisant par une attitude triste

et même par des pleurs. Les larmes et le rire se succèdent chez

lui avec une extrême facilité.

Ses actes sont, pour la plupart, empreints d'un cachet d'indiffé-

rence très marqué. C... fait des gestes bizarres qui paraissent

dépourvus de toute signification; il se couche dans les positions

les plus anormales, et, parfois, se place si près du bord du lit qu'il

lui arrive de perdre l'équilibre, et de tomber sur le sol; après sa

chute, il parait tout étonné de se voir étendu sur le parquet. Lors-

qu'on le laisse seul, il se lève et, machinalement, sans aucun but,

se promène dans le dortoir; puis, incapable de reconnaître son lit,

il se couche à la place d'un autre malade. En un mot, il a absolu-

ment les allures d'un automate.

11 parait, d'une façon générale, étranger au monde extérieur, et

ne prête que par intervalles une attention vague et fugitive à ce

264 CLINIQUE MENTALE.

qui se passe autour de lui. Toute l'attention dont il est capable,

est absorbée par ses idées délirantes et ses hallucinations, encore

que les unes et les autres ne soient ni très actives, ni même nom-

breuses. Ce n'est qu'avec peine que l'on parvient *a le tirer pour

quelques instants de ses rêveries, et à provoquer une réaction en

rapport avec les excitations que l'on fait agir sur lui. Lorsqu'on

-l'interroge, il est nécessaire de répéter plusieurs fois la même

question pour obtenir une réponse. Il faut, par l'intonation ou le

geste, stimuler énergiquement le malade pour réveiller son esprit

engourdi. La lenleur avec laquelle s'effectue le travail cérébral est

attestée par les longues hésitations qui précèdent chaque réponse;

la recherche de la solution attendue nécessite de la part du sujet

un effort considérable, mais encore souvent insuffisant.

C... éprouve de grandes difficultés à rappeler ses souvenirs;

certains d'entre eux paraissent réellement éteints, mais la plupart

persistent, plus ou moins vagues et incertains, il est vrai. C'est

ainsi qu'il est tout d'abord incapable de nous dire son âge; puis il

soutient qu'il a soixante-quatorze ans, et enfin il parvient à

trouver son âge véritable qui est de soixante ans. Alors qu'il a

habité l'asile de Naugeat pendant quinze ans et qu'il en connaît

très bien toutes les parties, il ne reconnaît pas le lieu où il se

trouve ; d'après ses réponses, il est manifeste qu'il se croit à

l'hôpital de Limoges; cependant, quelques instants après, il pro-

nonce quelques paroles prouvant qu'il comprend où il est. Il con-

fond les personnes, et ne semble pas reconnaitre ses anciens

camarades. Le jour de son entrée, il fait beaucoup de difficultés

pour s'alimenter. Il ne dort pas, malgré l'absorption de deux

grammes de chloral.

22 avril. L'état du malade ne s'est pas sensiblement modifié.

La confusion des idées persiste avec des alternatives irrégulières

d'excitation et de dépression. On ne distingue pas l'existence de

conceptions délirantes systématisées. Si quelques idées dé persécu-

tion se manifestent, à un moment donné, elles n'ont aucune con-

sistance, et sont tout à fait fugitives. Quant aux hallucinations,

elles paraissent en général dépourvues du caractère terrifiant

qu'elles ont, d'ordinaire, dans la confusion mentale. Ces constata-

tions, faites pendant la période aiguë de la maladie, ont été con-

firmées par les explications fournies par C... après sa guérison.

Le désordre des actes est toujours aussi accentué , l'insomnie

résiste aux hypnotiques prescrits quotidiennement. Le malade se

lève presque tous les jours, mais, il raison de sa faiblesse, il est

obligé de se recoucher au bout de quelques instants. Il s'alimente

d'une façon assez irrégulière ; cependant, il absorbe assez de nour-

riture pour qu'on puisse se dispenser de recourir au cathétérisme

oesophagien.

L'état physique s'améliore lentement; la plaie de l'aisselle con-

4 RELATION D'UN CAS DE CONFUSION MENTALE. 26D

tinue à suppurer, mais la quantité de pus qu'elle donne, a sensi-

blement diminué. Le teint reste pâle; le pouls est toujours pré-

cipité ; la température est normale.

21 mai. Pas de changement appréciable, ainsi que l'atteste la

conversation que j'ai eue aujourd'hui avec C... et dont voici quel-

ques fragments, textuellement reproduits (Les séries de points

indiquent les pauses faites par le malade) :

D. Y a-t-il longtemps que vous êtes ici ? "

il.... Plafond... Je vous la laisse... Blanc, noir... non... mais

c'est oui... Ri... fixe... arme... Non... toujours non... S... au plu-

riel... se... en face, portez armes... Pas... (long silence)... Oh ! je

sais votre nom... D'où êtes-vous 11 fait beau (Accès de rire)... du

côté que vous voudrez, écrivez, fixez... en face, bien en face... tour,

tourillon, rien.

D. Comment allez-vous ?

Il.... Près de moi... vous faites besoin... non... ah ! oui ? bien

heureux... malheureux, mais obligé... Touchez-moi, s'il vous plait

(Pleurs pendant une à deux minutes suivis d'éclats de rire subits).

D. Où êtes-vous ? -R. Fermez... (Éclats de rire)... nous ne pou-

vons pas.

D. N'avez-vous pas habité Naugeat autrefois ? -J'y suis revenu.

D. Comprenez-vous ce que je vous dis ? R... (Long silence)...

J'entends... (Il marmotte ensuite quelques mots inintelligibles, et

se met à faire des gestes; il joint les mains, puis remue les doigts,

et 'enfin se croise les bras. Sa physionomie est extrêmement

mobile.)

D. Connaissez-vous M. X... ? (fonctionnaire de l'asile qu'il a

connu jadis). R.... Oui... j'irais chez lui d ici là.

D. Avez-vous quelques ressources ? R.... Je n'ai rien... abso-

lument rien. (Exact.)

D. Depuis quand êtes-vous ici ? - R.... (Longue hésitation)... Je

n'en sais rien.

D. N'avez-vous pas subi une opération ? R.... On m'en a fait

plusieurs.

D. Quel âge avez-vous ? R. Quatre-vingt-dix-neuf ans.

Je renouvelle cette question, mais j'obtiens invariablement la

même réponse; quelques instants après, cependant, C... me dit

l'année exacte de sa naissance. 11 est donc manifeste que l'état

mental n'a guère changé ; la désorientation d'esprit et l'engour-

dissement de l'intelligence sont toujours très marquées ; on cons-

tate aussi les mêmes gesticulations bizarres et les mêmes actes

automatiques, sans but apparent. C... parait la plupart du temps,

ne pas avoir conscience de sa situation; en diverses circonstances,

cependant, il a prouvé que, non seulement il n'était pas tout à

fait étranger à ce qui l'entourait, comme on pouvait le soupçonner,

mais encore que, dans une certaine mesure, il se rendait compte

266 CLINIQUE MENTALE.

de sa position, et que son esprit était exceptionnellement capable

de fonctionner dans des conditions, sinon normales, du moins

assez satisfaisantes. C'est ainsi qu'il lui est arrivé à plusieurs

reprises de sortir spontanément de ses rêvasseries habituelles

pour donner aux infirmiers des conseils très sensés sur les mesures

provisoires à prendre à l'égard de malades devenus subitement

.agités ou violents.

La confusion des personnes existe toujours; C... prend un des

infirmiers pour un autre employé de l'asile, son ancien camarade

de travail et de fête, et donne aux autres personnes, dont plusieurs

étaient bien connues de lui autrefois, des noms de son invention.

Sur ce fond invariable de confusion mentale se greffent des

accès d'excitation et de dépression qui se succèdent il des inter-

valles très courts. Ces accès ont pour principaux caractères, leur

apparition et leur disparition soudaines ; leur durée est essentiel-

lement variable : tantôt ils ne persistent que quelques instants;

tantôt ils se prolongent pendant plusieurs heures ou même des

journées entières. L'excitation est généralement prédominante.

L'existence de ces accès parait subordonnée à celle d'hallucina-

tions visuelles et auditives plus ou moins actives, entretenant un

véritable délire onirique. C... a, du reste, après sa guérison, com-

paré spontanément à un rêve l'état dans lequel il se trouvait

alors.

A cause de sa faiblesse encore très grande, C... reste couché

presque continuellement; il se découvre fréquemment, est mal-

propre, crache sur les couvertures, renverse sur les draps la plus

grande partie des aliments qu'on lui présente. Il fait beaucoup de

difficultés pour manger. Les hypnotiques qui lui sont prescrits,

ne produisent pas d'effets appréciables, et le sommeil continue à

être rare.

Depuis quelques jours, le malade est atteint d'une légère bron-

chite, et présente des signes de congestion aux bases des poumons,

conséquence probable de refroidissements qu'il a contractés en se

découvrant dans son lit et en se promenant dans le dortoir dans

un costume des plus sommaires.

Malgré cette affection incidente, qui, du reste, parait bénigne,

l'état général tend à s'améliorer; C... recouvre ses forces lente-

ment, mais d'une façon régulière; il est toujours très amaigri;

son teint reste pâle. Aujourd'hui, à quatre heures du soir, le pouls

bat 95 pulsations par minute. La plaie de la région axillaire

est à peu près cicatrisée, et ne donne que quelques gouttes de

pus.

Juin. - L'état mental ne subit aucune modification. L'amélio-

ration de la santé générale se maintient et s'accentue. La plaie

opératoire est complètement guérie à la fin du mois.

Juillet. La confusion des idées persiste avec la même netteté.

RELATION D'UN CAS DE CONFUSION MENTALE. 267

On n'observe plus de dépression; l'excitation est encore très fré-

quente, mais semble avoir une tendance à décroître; cependant,

le malade est toujours bruyant la nuit. Mauvaise tenue. Malpro-

preté.

Amélioration de l'état physique; le malade se nourrit bien;

l'amaigrissement diminue. Impotence fonctionnelle à peu près

absolue du bras gauche. OEdème très accentué. Apparition d'ulcé-

rations au niveau de la face palmaire des phalangettes des qua-

trième et cinquième doigts, sans tendance à la réparation.

Septembre. - Le seul changement qui se soit produit, en ces

derniers temps, dans l'état du malade, consiste en une diminution

très notable des hallucinations et de l'excitation qu'elles entrete-

naient. La désorientation de l'esprit persiste avec les mêmes

caractères; elle est entrecoupée, cependant, de quelques instants

de lucidité relative. - L'état physique s'améliore de jour

en jour. Les ulcérations des doigts sont cicatrisées ; l'oedème du

membre supérieur gauche est toujours très accusé.

Octobre. Les facultés intellectuelles semblent sortir de la tor-

peur dans laquelle elles sont plongées depuis plusieurs mois. Le

malade se rend mieux compte de sa situation d'une façon géné-

rale. Les propos sont le plus souvent incohérents, mais les

moments de lucidité tendent à devenir plus fréquents et plus

prolongés. C... répond sensément à quelques questions, ou bien

il y répond par des jeux de mots ou des phrases à double sens,

attestant qu'il comprend bien ce qu'on lui dit (Il est à noter que,

de tout temps, le malade a eu coutume de faire des calembours

et de tenir des propos plaisants). Ce réveil de l'intelligence s'ac-

centue graduellement pendant les mois suivants. C... s'intéresse

tous les jours davantage à ce qui se passe auprès de lui ; il com-

mence à se préoccuper de sa position. Ses propos deviennent de

plus en plus sensés, ses actes plus raisonnables.

Décembre. A la fin du mois de décembre, la confusion des

idées a à peu près disparu, mais il existe encore une certaine

obnubilation intellectuelle et une lenteur anormale de l'idéation.

C... s'exprime raisonnablement; il fait beaucoup de jeux de mots,

comme avant sa maladie. Toute trace de délire s'est évanouie;

aucun symptôme n'indique plus l'existence d'hallucinations et

d'illusions sensorielles. Le malade ne commet plus d'erreurs de

personnalité; il a assez nettement conscience de sa situation

actuelle, et a recouvré la notion exacte du temps et des lieux. Mais

il est facile de constater qu'il y a, dans sa mémoire, d'importantes

lacunes ; l'étendue de ces dernières ne peut guère, en l'état actuel,

être déterminée avec précision, à cause de l'obtusiou mentale qui

persiste encore. Il semble cependant que le malade a conservé le

souvenir très exact de sa vie, jusqu'au jour où il a subi la ligature

de l'axillaire; l'amnésie ne porte que sur les événements qui ont

268 CLINIQUE MENTALE.

suivi l'opération; elle parait être absolue pour certains d'entre

eux, partielle seulement pour d'autres.

21 janvier. L'amélioration, constatée précédemment, s'est

accentuée d'une façon progressive, et le malade peut aujourd'hui

être considéré comme guéri de son accès de confusion mentale.

La crise, qui vient de se terminer, n'a laissé aucune trace fâcheuse

dans son organisation cérébrale, il n'existe pas d'affaiblissement

intellectuel appréciable.

C... se rend compte, depuis quelque temps, qu'il a été atteint

de folie. 11 n'a eu tout d'ahord que vaguement conscience de sa

situation présente, et n'a entrevu que d'une façon Liés indistincte

le tableau de l'ensemble des faits qui se sont écoulés pendant cette

période de trouble cérébral. Peu à peu, en même temps que son

intelligence recouvrait son ancienne vigueur, et que le travail de

la pensée devenait de plus en plus facile, sou état actuel lui est

apparu plus nettement, et ses souvenirs se sont étendus et précisés.

Mais cette précision est encore bien loin d'être parfaite. Les faits

les plus récents sont, d'une façon générale, ceux dont il a con-

servé la notion la plus exacte; ceux au contraire, qui remontent

à la période de début de son affection n'ont laissé, pour la plupart,

dans son esprit, qu'une impression confuse. Il est à noter, cepen-

dant, que le souvenir des idées délirantes et des hallucinations se

rapportant à cette époque, est beaucoup plus net que celui des

faits de la vie réelle. Cette particularité lient à ce que, par suite

de son délire et de la désorientation de son esprit, C... restait à

peu près, sinon absolument étranger à ce qui l'entourait, et que

les excitations reçues par ses organes des sens n'étaient pas per-

çues par le cerveau, ou ne l'étaient que très vaguement, et, par

suite, ne pouvaient laisser dans cet organe qu'une empreinte

nulle ou très légère. Par contre, certaines de ces hallucinations

l'ont assez vivement impressionné pour qu'il en ait conservé un

souvenir assez précis ; ce sont particulièrement les hallucinations

de nature triste ou terriliante, ainsi qu'il ressort des explications

qu'il a données sur l'état d'esprit dans lequel il a conscience de

s'être trouvé pendant sa maladie.

C... se souvient d'une façon très exacte des circonstances qui

ont précédé l'intervention chirurgicale; il se voit encore s'éten-

dant sur la table d'opération, et se soumettant aux inhalations de

chloroforme. Sous l'influence de cet agent, il a éprouvé des rêves

qu'il est incapable de raconter, mais qu'il croit avoir été des rêves

de voyages. Puis, il a perdu connaissance, et à son réveil il a été

surpris de se trouver dans son lit, et de constater qu'il ignorait

absolument ce qui s'était passé et la durée de son sommeil. Les

événements des premiers jours après l'opération n'ont laissé dans

son esprit qu'une trace très vague ; cependant, il se souvient d'avoir

conversé avec des malades couchés dans les lits voisins du sien, et

RELATION D'UN CAS DE CONFUSION MENTALE. 269

d'avoir appris par eux les incidents de l'acte chirurgical pratiqué

sur lui.

Il est incapable de dire comment et à quel moment ont apparu

les troubles mentaux. 11 ignore ce qui s'est passé à l'hôpital, à

dater du jour où il s'est mis à délirer, et n'a pas la notion de

la durée du séjour qu'il a l'ait dans cet établissement. Il se sou-

vient seulement d'avoir reçu la visite de son (ils; ce dernier est, du

reste, la seule personne qu'il ait toujours reconnue pendant la

période aiguë de sa maladie.

A l'asile, « il a été comme dans un rêve, dit-il. Le plus souvent,

il se croyait dans un pays étranger, ou dans un autre monde. Il

voyait le Malin esprit qui cherchait à le tenter pour l'emmener

avec lui en Enfer ; le Démon avait la forme d'un homme noir; il

n'en avait pas peur, au contraire il était bien résolu à lutter

contre lui, et à lui résister. Les médecins lui apparaissaient comme

des anges ; il était avec eux dans le paradis ou au purgatoire. Une

fois, il est allé au purgatoire pour voir un de ses amis auquel il

s'intéressait et qu'il croyait y être détenu.

« La religion jouait un grand rôle dans ses rêves ; cependant,

jamais il n'avait été dévot, et depuis longtemps il avait cessé toute

pratique religieuse. Dans son dortoir, se trouvait un autre malade

qu'il prenait pour un voleur; il l'a injurié maintes fois. Un jour, il

a vu une espèce de sang ; d'un homme, on voulait en faire deux ;

son fils était là pour quelque chose; il a voulu se sacrifier pour

lui.

« Une autre fois, il était allé jusqu'à Bordeaux ; en route, il

était entré dans une grange dont la porte était ouverte; les gen-

darmes l'ont arrêté pour s'être introduit dans ce bâtiment ; puis

on l'a conduit devant le tribunal, qui l'a jugé séance tenante. Un

étudiant qui s'est chargé de sa défense, a obtenu son acquittement,

en demandant lequel devait être rendu responsable des dégâts, s'il

en existait, de celui qui, détenteur de la clef, avait laissé la porte

ouverte, ou de celui qui, ayant trouvé le passage libre, s'était

introduit là sans intention malfaisante ». L'infirmier qui le soignait

a été confondu par lui avec un autre employé de l'asile, qu'il avait

connu jadis; C... n'a reconnu son erreur que le jour où il a réelle-

ment revu son ancien camarade.

« En général, dit-il, ses rêves étaient plutôt agréables que péni-

bles ; mais les cauchemars tristes ou terrifiants l'ont sans doute

impressionné plus que les autres, puisqu'il ne se souvient guère

que d'eux. Il était le plus souvent gai. Quelque chose lui disait

qu'il serait heureux. Parfois, cependant, il était triste et lar-

moyant. » -

C... insiste beaucoup moins sur sa désorientation d'esprit et sa

torpeur cérébrale, que sur ses hallucinations et ses illusions sen-

sorielles, et sur le délire entretenu par ces derniers symptômes.

270 CLINIQUE MENTALE.

Mais lorsqu'on le questionne sur la nature de ses pensées en

dehors de ses rêves, il répond spontanément « qu'il croit que la

plupart du temps, il ne pensait à rien ».

Au point de vue physique, l'état de notre malade est actuelle-

ment aussi satisfaisant que pos-ible; mais l'impotence fonction-

"nelle de son bras gauche est presque absolue. Cette situation, qui

le met dans des conditions défavorables pour gagner sa vie, ne

l'inquiète pas outre mesure. La philosophie qui l'a soutenu pen-

dant toute son existence, vient encore à sou secours et lui permet

de ne pas désespérer de l'avenir.

15 mars. L'élat du malade continue à être très satisfaisant.

Les lacunes de la mémoire, signalées plus haut, persistent sans

aucune modification.

L'observation que nous venons de rapporter est celle d'un

cas typique de confusion mentale. Avant de relater les parti-

cularités qu'elle a présentées dans sa symptomatologie et

son évolution, nous allons l'examiner au point de vue étio-

logique.

L'accès d'aliénation dont notre malade a été atteint à la

suite de la ligature de l'axillairc, a été la conséquence de

l'action combinée de l'hérédité, d'une intoxication alcoolique

ancienne et de l'infection post-opératoire.

Il y a lieu de rechercher quel a été le rôle de chacun de

ces éléments dans la genèse des désordres cérébraux.

Quoique son existence entière se fut passée sans rupture

de l'équilibre psychique, C... n'en était pas moins dans des

conditions favorables à l'éclosion de la folie. En effet, il était

fils d'un alcoolique, et dans la lignée maternelle une de ses

proches parentes avait présenté des troubles mentaux. Bien

que nous n'ayons pas eu connaissance de l'existence d'autres

tares dans sa famille, il n'en reste pas moins établi que notre

malade a subi l'influence d'une hérédité alcoolique et vésa-

nique.

L'action de l'hérédité alcoolique s'est manifestée pendant 1

toute la vie de C... par une tendance très prononcée à abuser

du vin et des liqueurs fortes. Pendant une longue série

d'années, il a pu, à son gré, satisfaire sa passion; son orga-

nisation cérébrale a subi alors, sans accident, l'action toxique

de doses considérables d'alcool; mais l'imprégnation prolon-

gée de son organisme par cette substance, a certainement

produit dans son système nerveux des altérations de nature

à diminuer encore sa force de résistance aux agents morbi-

RELATION D'UN CAS DE CONFUSION MENTALE. 271 1

fiques, modifications durables et non susceptibles de rétro-

céder après la cessation de l'absorption du poison.

L'influence de l'éthylisme sur la production des troubles

psychiques constatés chez notre malade, s'est donc traduite

par un accroissement de la prédisposition déjà existante à la

folie ; mais elle s'est limitée à cela, et on ne saurait voir

dans ce facteur la cause véritablement déterminante de

l'aliénation. Nous savons, en effet, que pendant les huit der-

nières années, C... a été obligé par le manque de ressources

de se soumettre, bien malgré lui d'ailleurs, à une abstinence-

sinon absolue, du moins relative, de sorte que, lorsqu'il a été

opéré, il était simplement un ancien alcoolique, et non un

intoxiqué actuel.

C'est huit jours après la ligature de l'artère axillaire pour

un anévrysme de ce vaisseau, que se sont manifestés chez C...

les premiers symptômes de folie. Ceux-ci ont apparu en

même temps que les signes d'une septicémie aiguë, consé-

quence de l'infection de la plaie opératoire, et il semble que

l'évolution des troubles psychiques ait été, dans une certaine

mesure, subordonnée à celle des troubles d'ordre physique ;

d'une part, les désordres cérébraux ont présenté un carac-

tère d'acuité très marqué pendant la période au cours de

laquelle la santé générale a été le plus gravement atteinte ;

d'autre part, leur physionomie ne s'est modifiée, et leur

intensité n'a commencé à décroître qu'à dater du jour où

l'état physique s'est amélioré. De .plus, la folie a revêtu chez

notre malade, la forme que certains auteurs, en particulier

M. le D'' Régis, considèrent comme caractéristique des états

toxi-infectieux : nous voulons parler de la confusion mentale

avec délire onirique. « Les délires toxi-infectieux ou auto-

toxiques, dit M. Régis ', ont tous pour formule clinique la

confusion mentale. Le délire toxi-infectieux, au moins dans

sa forme habituelle de confusion mentale subaiguë, est un

délire de rêve ou onirique... Le délire onirique correspond

très probablement, dans tous les cas, à une intoxication, et

semble en être la caractéristique clinique. »

Il nous paraîl donc légitime de penser qu'il n'y a pas eu

simplement un rapport de coexistence entre l'infection,

d'une part, et les désordres cérébraux, d'autre part, mais

1 D' Hégis. Sole sur les délires d'auto-intoxication et d'infection.

(Presse médicale, 3 août 1898.)

272 CLINIQUE MENTALE.

une relation de cause à effet. Mais, de ce que nous admettons

que l'infection a été la cause occasionnelle et déterminante

de la folie, il ne s'ensuit pas qu'on doive la considérer comme

le seul facteur important dans l'étiologie de la maladie.

L'action de l'inTection a- été manifestement subordonnée à

^celle de la prédisposition héréditaire et de la prédisposition

acquise par le fait d'une intoxication alcoolique ancienne.

Ces derniers éléments, dont l'influence sur la production de

la folie en général est bien connue, avaient préparé le ter-

rain, qui, sans eux, serait probablement resté stérile.

La participation de ces facteurs au développement des

troubles psychiques post-opératoires, ne constitue pas une

particularité spéciale au cas que nous étudions ; la plupart

des aliénistes sont d'accord pour reconnaître que c'est sur-

tout chez des héréditaires que se produisent, à la suite des

opérations chirurgicales, des désordres cérébraux qualifiés

suivant les cas et suivant les auteurs, de vrais ou de faux

délires post-opératoires, ou simplement de troubles psychiques

post-opératoires; de même, l'intoxication éthylique est fré-

quemment relevée dans l'étiologie de ces accidents, et il est

établi que, dans le sexe masculin, ceux-ci ne s'observent

guère que chez des alcooliques; mais, naturellement, la puis-

sance pathogène et l'action de cette cause varient suivant

l'intensité de l'intoxication et son ancienneté.

Peut-être l'état de faiblesse préexistant à l'opération et

aggravé par elle, a-t-il contribué, dans une certaine mesure, à

produire la folie chez notre malade ? Mais aucun fait ne nous

permet d'être affirmatif à cet égard.

La nature de l'opération et son siège ne sauraient être

incriminés, non plus que l'anesthésie chloroformique et

l'iodoforme employé pour les pansements.

L'influence de l'élément psychique semble aussi avoir été

réduite à son minimum. M. le professeur Joffroy ' attribue à

cet élément représenté par la « préoccupation qui précède et

accompagne une opération chirurgicale et par le choc moral

consécutif à un grand et brusque traumatisme, un rôle pré-

pondérant dans la pathogénie de la folie post-opératoire...

Dans la pathogénie de la production de troubles psychiques

consécutivement à une intervention chirurgicale, le rôle pré-

' Professeur Joffroy. Loc. cit.

RELATION D'UN CAS DE CONFUSION MENTALE. 273

pondérant nous paraît, dit-il, devoir être attribué à une

action psychique, à une activité pathologique de l'esprit,

à une suggestion, une auto-suggestion ou une inhibition,

c'est-à-dire à un processus que l'on n'a chance de voir se

produire largement, pathologiquement, que chez des prédis-

posés, des hystériques, des dégénérés ou des intoxiqués ».

Bien que notre malade fut sous l'influence d'une prédispo-

sition héréditaire manifeste, et d'une prédisposition acquise

résultant d'une intoxication éthylique ancienne, il a échappé

absolument à cette action psychique. L'insouciance, la tran-

quillité d'esprit, la confiance en l'avenir, qui ne lui avaient

jamais fait défaut au cours de son existence, ne l'ont pas

abandonné pendant le développement de la tumeur anévrys-

male, qui, pourtant, le mettait dans l'impossibilité de gagner

sa vie, et semblait devoir le plonger dans la plus profonde

misère. C'esl avec le plus grand sang-froid qu'il accepte de

se soumettre à l'opération jugée nécessaire; il n'a été ni

effrayé, ni même seulement préoccupé des conséquences

immédiates et éloignées de cette intervention chirurgicale,

et « il s'est mis, dit-il, sur la table d'opération, comme il se

serait couché sur son lit pour se reposer après une grande

langue ».

L'infection post-opératoire ayant été la cause occasionnelle

et déterminante de la maladie, et celle-ci ayant revêtu le

type habituel des folies toxiques, les troubles psychiques

constatés chez noire sujet, rentrent dans la catégorie des

faux délires post-opératoires de M. Picqué.

Pour les mômes raisons, ils se rangent dans le deuxième

groupe des vrais troubles psychiques post-opératoires de

M. Régis (groupe des troubles psychiques secondaires).

Pour nous, il nous paraît inutile d'adjoindre un qualificatif

à la dénomination de troubles psychiques post-opératoires.

Abstraction faite des cas où les troubles mentaux sont la

conséquence d'opérations pratiquées sur des organes à fonc-

tions spéciales, tels que la glande thyroïde et peut-être

l'ovaire, cas qui doivent être classés à part, il n'y a pas lieu

d'établir dans le groupe des psychoses post-opératoires, des

subdivisions basées sur l'étiologie.

Celle-ci tout entière est dominée par un élément auquel la

plupart des auteurs, et parmi eux MM. Joffroy et Rayneau,

attribuent un rôle prépondérant dans la genèse de ces trou-

ÀRCmvES, 2' série, t. VIII. 18

i 4 CLINIQUE MENTALE.

bles psychiques; cet élément, c'est la prédisposition hérédi-

taire ou acquise. Son influence est particulièrement nelte

dans le cas que nous venons de rapporter. L'action des

autres facteurs est, d'une façon générale, subordonnée à

l'existence de celui-ci. -

Il n'y a pas à cet égard de différence entre les causes

d'ordre psychique (préoccupation, choc moral, etc.), et les

causes physiques (infection, intoxication, cachexie, débilila-

tion générale de l'organisme, etc.). Par lui-même l'élément

toxi-infectieux, le seul véritable agent producteur des vraies

psychoses post-opératoires, selon M. Régis, n'engendre pas

plus fatalement des désordres cérébraux que les facteurs

d'ordre psychique auxquels M. Picqué attribue les troubles

mentaux qu'il appelle les vrais délires post-opératoires.

L'insuffisance de ces facteurs est démontrée par ce fait que

l'immense majorité des sujets atteints d'infection à la suite

d'opérations chirurgicales ne deviennent pas aliénés et que,

parmi les personnes que la perspective d'une opération et la

peur de ses conséquences préoccupent vivement et plongent

même parfois dans une véritable angoisse, un très petit

nombre seulement sont atteintes de folie.

Dans notre observation, nous n'avons relevé l'intervention

d'aucun facteur d'ordre psychique, mais il n'en est pas ainsi,

dans la majorité des cas ; le plus souvent, causes physiques

et psychiques se combinent suivant les modes les plus variés,

et il est impossible de déterminer avec certitude la part qui

revient à chacune d'elles dans la production de la folie post-

opératoire. Les mêmes éléments ne paraissent pas avoir

toujours la même influence ; ils n'agissent pas constamment

de la même façon et avec la même vigueur. Une foule de

circonstances peuvent intervenir, en effet, pour renforcer ou

atténuer leur puissance, soit directement, soit en augmentant

ou en diminuant la force de résistance de l'organe qui tient

sous sa dépendance la fonction psychique.

Si les diverses formes que revêt la folie post-opératoire

étaient toujours déterminées par les mêmes causes ou grou-

pes de causes, il serait légitime d'établir des subdivisions

dans cette classe de psychoses. Mais il n'est pas démontré

qu'il en soit ainsi. On tend à admettre avec M. Régis, que la

confusion mentale est le type habituel des folies toxiques ; et

notre cas en est un exemple bien net; cependant, d'une

RELATION D'UN CAS DE CONFUSION MENTALE. 275

part, il n'est pas encore prouvé que cette variété d'aliénation

est toujours d'origine toxi'infectieuse, et, d'autre part, il est

permis de penser qu'une infection ou une intoxication d'ori-

gine interne ou externe, peut jouer un rôle actif et même

décisif dans la production d'autres formes de folie. De même

que l'intoxication éthylique ne donne pas toujours lieu il la

folie alcoolique, mais contribue parfois à engendrer des

accès maniaques ou mélancoliques, de même une toxi-infec-

tion quelconque peut donner naissance à diverses vésanies,

à la manie ou à la mélancolie par exemple, aussi bien qu'à

Id confusion mentale.

Nous nous rangeons donc, en définitive, à l'opinion que

nous avons déjà citée plus haut, de-MM. Joffroy et Rayneau,

d'après laquelle « il n'y a pas un type spécial de psychose,

que l'on pourrait étiqueter folie post-opératoire ». Chez cer-

tains prédisposés, l'action combinée d'une série de causes

d'ordre physique ou psychique relevant d'une façon plus ou

moins directe de l'opération, détermine « l'éclosion d'une

bouffée délirante, le réveil d'un délire éteint, ou l'exaspéra-

tion d'une psychose actuelle. L'action pathogène de ces

facteurs n'est d'ailleurs pas fatale, et la constatation des

groupements étiologiques d'ordinaire les puissants ne per-

met pas de prédire avec certitude l'éclosion de la folie post-

opératoire. A plus forte raison ne permet elle pas de prévoir

quelle serait la nature du délire, la forme et la durée des

accidents ».

Nous n'insisterons pas sur les particularités qu'a présentées

dans sa symptomatologie et son évolution, le cas que nous

venons de rapporter. On trouve dans l'observation de C... les

caractères typiques de la confusion mentale. Pendant toute

la durée de la maladie, le symptôme fondamental de l'état

psychique du sujet a consisté en une désorientation très pro-

noncée de l'esprit, s'accompagnant d'une suspension par-

tielle du fonctionnement cérébral. Mais ce signe a été mas-

qué dans une certaine mesure, pendant une assez longue

période de temps, par un délire hallucinatoire (délire oni-

rique de M. Régis). De plus les conceptions délirantes, les

hallucinations et les illusions sensorielles, réagissant à leur

tour, suivant leur nature gaie ou triste, sur la manière

d'être du sujet, ont provoqué une série d'alternatives irré-

gulières d'agitation et de dépression, qui auraient pu, par-

276 CLINIQUE MENTALE.

moments, faire prendre pour des vésanies pures ces états

maniaques et mélancoliques symptomatiques.

Il est à noter que les hallucinations qui ont été la base du

délire onirique constaté chez notre malade, n'ont pas revêtu

^en général le caractère terrifiant ou simplement triste

qu'elles ont habituellement dans la confusion mentale. Les

renseignements donnés par le malade sont, à cet égard, des

plus nets. C... a conscience d'avoir eu des « rêves » plutôt

agréables que désagréables. « Quelque chose, dit-il, lui fai-

sait comprendre qu'il serait heureux. » Mais la plupart des

« rêves » agréables ou indifférents n'ont laissé dans son

esprit qu'un souvenir confus. Les « rêves » terrifiants ou

tristes, au contraire, paraissent l'avoir impressionné beau-

coup plus vivement; il se les rappelle avec une certaine pré-

cision dans les détails, ainsi qu'on peut s'en rendre compte

par la lecture de l'observation.

Le délire onirique a eu une évolution indépendante, jus-

qu'à un certain point, de celle de la confusion mentale..En

effet, celle-ci existait antérieurement à l'apparition du délire,

et a persisté assez longtemps après sa disparition.

La confusion mentale proprement dite s'est atténuée pro-

gressivement, jusqu'à la guérison complète. Le réveil de

l'activité cérébrale consciente et volontaire, s'est fait d'une

façon lente et graduelle. Le malade s'en rend bien compte

actuellement. Ses idées se sont éclaircies peu à peu; en

même temps, sa puissance d'attention s'est fortifiée; il a

recouvré d'abord vaguement, puis d'une façon de plus en

plus précise, la notion du monde extérieur. Il n'a eu tout

d'abord qu'une idée extrêmement confuse des particularités

de la crise qu'il venait de traverser; mais ses souvenirs se

sont précisés et étendus par la suite; cependant, quelques

lacunes, se rapportant pour la plupart à des faits qui se sont

passés, au début de son affection, ont persisté et persistent

encore dans sa mémoire.

Contrairement à ce qui s'observe dans la majorité des cas,

notre malade est sorti de cette longue crise complètement

guéri, sans affaiblissement intellectuel appréciable.

CLINIQUE NERVEUSE.

DEUX OBSERVATIONS D'HÉMIPLÉGIE AVEC Ht : \IIANESTIIÉSIE;

Par MM. MOXGOUR et GESTES (de Bordeaux).

La nature des hémianesthésies post-hémiplégiques est fort

discutée. Faut-il les concevoir comme des troubles purement

fonctionnels d'origine probablement hystérique ou bien

comme la résultante d'une lésion interrompant dans leur

trajet les fibres de conduction de la sensibilité ? Deux obser-

vations n'autorisent pas à prendre parti pour l'une ou

l'autre de ces hypothèses. Aussi, nous les donnons sans com-

mentaires. Nous ferons simplement remarquer que dans les

deux cas la lésion intéressait dans toute son étendue la par-

tie tout à fait postérieure de la capsule interne et que chez la

malade (Obs. I) qui a pu être suivie pendant plus de deux

mois, à l'anesthésie du début a fait suite une hypereslhésie.

Dans ces conditions on se demande s'il n'en eût pas été de

même dans l'hypothèse où 11. Bert... (obs. II) eut survécu

plus de six jours à son iclus. Chez ce malade dont la zone

motrice était inaltérée, les troubles de la motilité ne peuvent

s'expliquer que par une compression de la partie antérieure

de la capsule interne par le foyer hémorragique ; du reste

ces troubles de motilité diminuaient de jour en jour. Ne

pourrait-on pas également invoquer la compression comme

cause de l'hémianesthésie ? Les coupes ont été faites en

présence de M. le professeur Pitres qui a pu vérifier l'exac-

titude des schémas.

OBSERVATION I. Hémiplégie gauche complète. TIémianesthésie du

côté paralysé, suivie d'hyperesthésie. Mort. Autopsie.

Catherine D..., journalière, âgée de soixante-cinq ans, entre à

l'hôpital Saint-André le VA septembre 1898 dans le service de M. le

Dr Durand, salle 3, lit 19.

Cette malade, dont les antécédents héréditaires et personnels

n'offrent aucun intérêt, était en traitement pour troubles dyspep-

17S 8 CLINIQUE NERVEUSE.

tiques consécutifs à une distension de l'estomac. C'était une neu-

rasthénique sujette depuis longtemps aux vertiges, aux céphalées

et que l'on gardait dans le service par respect pour son âge et par

pitié pour sa misère.

Le 12 novembre 1898, elle fut atteinte d'une congestion pulmo-

naire des deux bases; son état fut grave pendant une semaine ;

après avoir présenté tous les signes d'une myocardite confirmée,

elle entra en convalescence et se trouvait à peu près guérie lorsque

le 11 décembre pendant 'son repas, elle fut prise à dix heures du

matin d'un ictus apoplectique sans perte de connaissance, qui laissa

à sa suite une hémiphégio gauche complète.

État de la malade le 12 décembre 1898. La commissure labiale

droite est tirée en haut; la commissure gauche est abaissée. Très '

légère déviation de la langue à gauche. Les piliers gauches du voile

du palais sont flasques et tombants. Facial supérieur intact. Au

membre supérieur gauche, la paralysie estcomplète avec début d'une

contracture en flexion de l'avant-bras sur le bras et des doigts dans

la main. Au membre inférieur gauche, l'inertie n'est pas absolue,

car à l'occasion d'une piqûre, la malade esquisse un très léger mou-

vement de flexion du minime amplitude. Pas de contractures.

OBSERVATIONS D'HÉMIPLÉGIE AVEC HÉ\fl.ANESTHÉSIE. 279

sensation douloureuse ou non. Même analgésie pour le thorax,

l'abdomen du côté gauche et pour la région cervicale gauche.

Seule la sensibilité à la chaleur est conservée à la face.

Odorat. Muqueuse pituitaire sensible à la piqûre et au contact.

Conservation de la sensibilité spéciale (épreuve de l'ammoniaque).

Gustation.-Conservation de la sensibilité générale sur les deux

moitiés de la langue. L'état de la sensibilité spéciale n'a pu être

recherché d'une manière suffisamment précise.

Vue. Conservation de la sensibilité conjonctivale. La malade

ne paraît pas avoir présenté de troubles de la vue. Nous n'avons pas

songé à rechercher l'existence de l'hémianopsie ; du reste, à aucun

moment l'examen du champ visuel n'eût été possible après l'ictus.

Ouïe. Intacte ; la malade ne s'est plainte d'aucun phéno-

mène subjectif. Pas de troubles de la parole. Pas d'aphasie. L'in-

telligence est évidemment obscurcie; néanmoins, la malade répond

assez nettement aux questions qu'on lui adresse et son examen est

relativement facile. Du côté droit non paralysé, nous n'avons à

signaler aucun trouble de sensibilité ou de motilité. La trépidation

épileptoïde signalée au début persiste seule.

15 décembre. Rotation conjuguée de la tête et des yeux à

droite, par conséquent du côté de la lésion encéphalique. Toute

tentative de redressement de la tête est extrêmement pénible ; il

est impossible de placer la face en position latérale gauche. Miction

et défécation involontaires. Depuis le début de l'ictus, la tempéra-

ture se maintient soir et matin au-dessus de 39°.

17. - La malade se plaint d'une céphalée frontale droite, ainsi

que de douleurs dans le coude et l'épaule du même côté. Elle

répond avec beaucoup de lucidité aux questions qu'on lui pose ;

mais, si on cesse de l'interroger, elle se met à délirer toujours sur

le même sujet ; elle raconte qu'une malade de la salle a placé dans

son lit un bras, qu'elle a mis à l'annulaire de la main un anneau

de mariage ; elle demande avec anxiété ce qu'elle va faire de ce

bras qu'elle croit sentir au pied du lit et insiste pour qu'on

l'enlève. Si on la découvre, elle dit en voyant son membre supérieur

paralysé : « Tiens ! voilà ce malheureux bras, enlevez-le ! » Elle

cherche à le prendre de la main droite, fait un effort pour le

soulever et s'écrie en le laissant retomber : « Mais, c'est le mien ! »

Ce délire qui est surtout nocturne s'accompagne de pleurs et de

lamentations sans fin.

19. Le délire a cessé en même temps que s'est produit

l'abaissement de la température. Sans avoir besoin de voir, ni de

toucher son membre paralysé, la malade se rend parfaitement

compte qu'il lui appartient et se lamente sur sa paialysie.

'31. Apparition dans la nuit d'un oedème blanc et mou qui

s'étend depuis la main jusqu'à l'aiticulation scapulo-humérale du

côté paralysé. Les mouvements imprimés aux articulations du

280 0 CLINIQUE NERVEUSE.

membre supérieur déterminent de vives douleurs sauf au niveau

des articulations métacarpo-phalangiennes et du poignet.

Au membre inférieur, l'oedème remonte jusqu'au genou où

apparait un début de contracture en flexion. Mêmes douleurs arti-

culaires sauf au niveau du cou-de-pied.

,6 janvier 1899. - Contracture en flexion du membre supérieur

et du membre inférieur gauche. Douleurs spontanées très vives,

surtout au niveau des petites articulations du pied. Disparition de

la rotation conjuguée de la tête et des yeux.

12. Les douleurs s'étendent au côté droit. Pas de modifications

dans les troubles de sensibilité.

19. En recherchant de nouveau l'état de la sensibilité chez la

malade, on constate que le pincement, la piqûre, l'impression du

chaud et du froid sont ressentis plus vivement du côté hémiplégie

que du côté sain, quel que soit du reste le segment de membre

examiné. Cet examen fait à plusieurs reprises a constamment

donné les mêmes résultats que l'on peut considérer comme exacts,

dans l'état intellectuel de cette malade. Les douleurs spontanées

sous la plante et sur le dos du pied gauche sont de plus en plus

vives ; des contractures sont nettement établies et l'on note pour la

première fois l'existence de la trépidation épileptoïde.

20. Les résultats fournis par l'examen de la sensibilité sont

des plus contradictoires, quelles que soient les précautions prises.

La piqûre fait éprouver à la malade une sensation douloureuse ;

quelques secondes après, l'anesthésie à la piqûre est absolue

toujours au même point. Le froid, la chaleur, le contact sontalter-

nati-vement perçus ou non perçus sans qn'il soit possible d'établir

des conditions précises modifiant la perception des impressions

douloureuses ou non.

Ce qui domine chez cette malade, c'est la variabilité de la

perception tantôt vive, tantôt nulle et à quelques secondes

d'intervalle, parfois même, elle rapporte au membre infé-

rieur droit les sensations qui ont pour origine une excitation

périphérique portée sur le membre inférieur gauche.

Cette malade vécut ainsi jusqu'au 19 février 1899. Depuis

le dernier examen, les troubles de la sensibilité ne se sont

pas modifiés. Du côté non paralysé, rien d'anormal ; du côté

hémiplégie nous constatons dans les mêmes régions tantôt

de l'hyperesthésie, tantôt de l'anesthésie à la piqûre ; depuis

un mois environ la sensibilité à la chaleur et au froid était

redevenue normale.

Autopsie. L'écorce de l'hémisphère droit parait intacte. On ne

remarque pas de vascularisation exagérée à la surface et aucun

OBSERVATIONS D'HÉMIPLÉGIE AVEC HÉMIANESTHÉSIE. 281

point n'est atteint de ramollissement. Il s'agit donc d'une lésion

centrale et c'est pour la mettre en évidence que nous avons fait la

coupe de Flechsig. Notre couteau a sectionné horizontalement l'hé-

misphère de dedans en dehors, il l'union du tiers supérieur et du

tiers moyen de la couche optique. C'est la surface de section du

fragment supérieur que nous représentons ici. Nous avons d'abord

décalqué la lésion sur un papier transparent, le cerveau préalable-

ment durci dans le formol et nous l'avons rapportée sur le schéma

ci-joint.

Les lésions sont les suivantes : Hémorragie cérébrale ayant détruit

le tiers postérieur au

noyau lenticulaire et de

la couche optique et les

deux tiers postérieurs de

l'avant-mur : le segment

rétro-lenticulaire et le

tiers postérieur du seg-

ment lenticulo-optique

de la capsule interne

(fit/, 5, A). Ne trouvant

point dans ces lésions

une raison suffisante

de l'hémiplégie qu'avait

présentée notre malade,

nous avons suivi le foyer

hémorragique qui s'en-

fonçait dans le centre

ovale, vers l'écorce céré-

brale, au niveau de la

zone rolandique, en con-

tournant le noyau caudé

en dehors. l'our nous

rendre compte de l'ex-

tension de l'hémorragie

de ce côté, nous avons fait des coupes de Pitres sur la frontale et

la pariétale ascendantes. Elles nous permettent de constater la

destruction, immédiatement au-dessus des noyaux centraux, au

niveau du pied de la couronne rayonnante de lieil, des fibres

unissant la capsule interne à la zone rolandique.

En résumé, il s'agit d'une hémorragie cérébrale ayant

détruit : 1° Au niveau du centre ovale : le pied de la cou-

ronne rayonnante de Reil; `3° Au niveau des noyaux cen-

traux : le quart postérieur du noyau lenticulaire et de la

couche optique, les deux tiers postérieurs de l'avant-mur ' ! % ig. 5.

a. substance grise; b, ,eulriculc5j c, lésions.

282 CLINIQUE NERVEUSE.

le segment rétro-lenticulaire et le tiers postérieur du segment

lenticulo-optique de la capsule interne.

Observation IL Hémiplégie droite complète. Hénzianesthésie

sel ? s itivo-se2tsoi-ielle du même coté.

M... Bertrand, soixante-huit ans, boulanger, entre à l'hôpital

Saint-André dans le service de M. le 1), Durand, salle 12, lit 1 i, le

18 mars 1899.

Antécédents héréditaires et personnels sans intérêt. Le 16 mars,

à 6 heures du matin, sans perte de connaissance, le malade s'est

aperçu en voulant se chausser que son bras droit était paralysé;

ayant voulu marcher, il constata une impotence complète du

membre inférieur du même côté. Ces accidents survinrent sans

troubles de la parole et se présentèrent dès le début avec l'inten-

sité qu'ils offrent aujourd'hui.

État actuel (19 mars). Paralysie faciale droite totale ayant

respecté les muscles innervés par le facial supérieur ; il semble

cependant que l'orbiculaire droit se contracte avec moins d'énergie

que l'orbiculaire gauche. Effacement des sillons et des plis de la

' face à droite ; déviation de la commissure labiale gauche en haut;

déviation de la langue du côté paralysé; légère ecchymose sur la

paupière droite.

Le voile du palais n'est pas atteint ; la luette est médiane; les

piliers ne sont pas plus tombants d'un côté que de l'autre et

paraissent se contracter avec la même énergie. Pas de reflux des

liquides par les fosses nasales.

État intellectuel. Le malade répond nettement aux questions

qu'on lui adresse ; il se rend compte de son état et cause avec

facilité.

Motilité. Membre supérieur droit. Impotence absolue de lout

le membre ; paralysie flasque. La température parait plus élevée

que celle du membre sain, la peau plus rouge et les veines plus

apparentes. Ecchymose au niveau de l'olécrâne.

Membre inférieur droit. -Impotence absolue. Paralysie flasque.

La température parait plus élevée. ,

Sensibilité. Tact. Nous touchons le coude gauche ; le malade

dit qu'on lui « prend le bras » ; pressé de préciser le point touché,

il répond « la main ». En recommençant quelques secondes après la

même manoeuvre, il déclare qu'on lui touche le ventre ; il n'en est

pas, du reste, très sûr, car il emploie les expressions suivantes : « il

me semble, je crois, etc. » Supprimant ensuite tout contact avec son

bras paralysé, il déclare que nous le touchons et inversement que

nous ne le touchons pas quand notre main repose sur son coude.

Les mêmes manoeuvres répétées sur le membre supérieur

gauche donnent des résultats tout différents. Le malade localise

OBSERVATIONS D'H1hIIPLÉGIE AVEC IiÉIL1\ESTHÉSIE. 283 3

très exactement le point touché. Avec sa main gauche, il explore

très bien les différentes régions de son membre supérieur droit

dont il apprécie fort bien l'élévation de température.

Au niveau du membre inférieur droil, résultat identique; le

sens du tact est absolument aboli ; il en est de même pour la

moitié gauche du tronc, du cou et de la face.

Sensibilité à la piqûre. Totalement' abolie au niveau de

l'avant-bras et de la main droite, elle semble légèrement conservée

au bras, à la moitié de la face et au membre inférieur; en tout t

cas, la sensibilité à la piqûre est incomparablement moins vive que

du côté sain. Si l'on pique fortement le membre inférieur droit, le

malade déclare éprouver une douleur légère qu'il rapporte au

membre inférieur sain.

Sensibilité au froid. Exactement superposée à la sensibilité à

la piqûre et avec les mêmes variations d'intensité.

La sensibilité à la chaleur paraît un peu mieux conservée tout en

étant notablement diminuée par rapport au côté sain.

Réflexes. Normaux à gauche, ils sont légèrement exagérés a

droite pour le membre inférieur (réflexe plantaire et rotulien). Au

membre supérieur droit, le réflexe des radiaux est très net.

Phénomène des orteils très évident.

21. Amélioration notable de la motilité, mais pas de modifi-

cation des troubles de sensibilité. Sous l'influence d'une piqûre Ou

d'un pincement un peu vifs, le malade réagit par des mouvements

assez amples du côté malade ; mais il n'accuse pas de douleur et

les pupilles ne subissent aucune modification.

Cependant si l'on prolonge l'examen il semble que par instants

M... éprouve une légère perception douloureuse très variable

d'intensité pourle même point examiné à différents intervalles, mais

parfois nulle. La contradiction dans les réponses devient telle

qu'on est obligé de suspendre l'examen et cette variabilité extrême

de la perception douloureuse est la constatation capitale en même

temps que l'exagération du réflexe moteur par rapport à ce qui se

passe du côté opposé sous l'influence d'une légère excitation péri-

phérique. Il convient d'ajouter que l'obuubilation mentale pro-

gresse de jour en jour. Cependant, M... ne présente aucune forme

d'aphasie, ni cécité verbale, ni surdité verbale. Il affirme qu'il

pourrait parfaitement écrire s'il avait la force de tenir une plume

ou un crayon ; il peut lire.

Sensibilité spéciale. Du côté de la langue, l'examen n'a donné

aucun renseignement précis, car il déglutit immédiatement les

aliments dont on voudrait lui faire apprécier la saveur. La moitié

droite de la langue est insensible à la piqûre.

Odorat. L'ammoniaque est sans action sur la muqueuse de la

narine droite qui ne perçoit pas la piqûre. Insensibilité de la con-

jonctive palpébrale du côté parahsé.

284

CLINIQUE NERVEUSE.

Il n'a pas été possible de prendre le champ visuel. Nous avons

cherché à nous rendre compte de l'existence ou non de l'hémia-

nopsie par un procédé primitif qui consistait à promener le doigt

dans toute l'étendue probable du champ visuel en veillant à la

fixité du globule oculaire. Dans ces conditions il ne nous a pas

paru exister d'hémianopsie, mais la méthode employée était trop

'rudimentaire pour que nous puissions conclure ferme des résul-

tats obtenus.

L'intelligence est très affaiblie ; elle est suffisante néanmoins

pour que l'on puisse ajouter foi aux réponses faites par M...

22. - Nuit très agitée ; le malade à tout-instant essaie de se

lever. A la visite du matin, le pouls est incomptable. Miction et

defécation involontaires; face turgide ; bredouillement continuel.

La motilité est toujours abolie. La sensibilité à la piqûre est

absolument nulle dans toute l'étendue du membre supérieur ; le

malade ne réagit même pas par un mouvement; au membre infé-

rieur, la piqûre est suivie d'une rétraction rapide, brusque, courte,

parfois même de mouvements de flexion du membre inférieur

sain ; mais il ne semble pas que M... perçoive de sensation dou-

loureuse, car, si l'on pique le membre gauche, il fait une grimace

syuuc : mve qui Il appu-

rait pas quand on pique

rait pas quand on pique

ou quand on pince le

membre droit.

La sensibilité est très

diminuée au niveau du

tronc, de l'abdomen et

de la face du côté droit;

elle existe cependant car

si l'on pique fortement

l'une quelconque de ces

régions, le malade porte

sa main gauche au point

blessé.

24. Anesthésie to-

tale pour le membre su-

périeur droit, et pour

le membre inférieur du

même côté. A gauche,

pas de troubles de la

sensibilité. Pas de trépi-

dation épileptoïde; pas

de trépidation rotu-

lienne. Pas de contrac-

tures. Pas de troubles trophiques. Mort dans la journée du 25 mars.

Autopsie. Pour la figuration des lésions, nous avons pris les

Fig. G.

a, subslance grise; G, ventricules; c, lésions.

SUR L'AMÉNORRHÉE D'ORIGINE NERVEUSE. 285

mêmes précautions que dans l'observation I. La coupe horizontale

qui est ici représentée (flg. 6) a sectionné en dedans la couche

optique à l'union de son tiers supérieur avec son tiers moyen, à

4 centimètres 1/2 du bord supérieur de l'hémisphère, pour

ressortir en dehors au niveau de la scissure de Sylvius.

Sans insister longuement sur la description des parties détruites

par l'hémorragie, nous ferons remarquer que la partie posté-

rieure et externe du noyau lenticulaire a disparu, qu'il en est de

même de la capsule externe, de l'avant-mur et surtout du quart

de la capsule interne. Enfin, le segment rétro-lenticulaire de Déje-

rine et le champ de de Wcrnicke sont aussi en grande partie

intéressés.

Pour nous rendre compte de l'étendue vérticale du foyer hémor-

ragique, nous avons fait une séiie de coupes superposées paral-

lèles à celle qui est représentée ici. Nous avons vu ainsi qu'il

s'arrête en haut.au niveau d'une coupe passant par le sinus du

corps calleux, en bas au niveau d'une coupe passant par la partie

la plus inférieme de la couche optique. L'extension vers l'écorce

cérébrale en dehors est de moins en moins grande à mesure qu'on

s'élève; cependant, il faut dire que partout où existe la lésion, les

parties essentielles (partie postérieure du noyau lenticulaire et de

la capsule interne) sont détruites.

En résumé, les lésions étaient les suivantes : 1° ramollis-

sement ancien avec la localisation et les dimensions sus-

indiquées ; 2° hémorragie ayant détruit essentiellement la

partie postérieure du noyau lenticulaire et le tiers postérieur

du segment lenticulo-optique de la capsule interne.

SUR L'AMENORRHEE D'ORIGINE NERVEUSE

Par le D' Euclxe COULOXJOU,

Interne de l'Asile d'aliénés de llontauban.

Notre attention a été plusieurs fois appelée, chez les sujets

atteints de psychoses diverses, sur la fréquence des troubles

de la menstruation. Ces troubles, chez les aliénées, revêtent

une allure un peu spéciale et nous semblent constituer un

point assez obscur et délaissé de la pathologie nerveuse. Il

serait cependant utile de se rendre un compte exact de la

nature et de la palhogénie de ces phénomènes ; peut-être

28G CLINIQUE NERVEUSE.

trouverait-on dans certains cas la raison des rapports encore

inexpliqués mais si fréquents qui existent entre certains

troubles psychiques et les fonctions vaso-motrices.

Ces rapports ne sont pas douteux; il est d'observation cou-

rante que toute modification psychique, même chez les sujets

normaux, a un retentissement sur la sphère vaso-motrice :

la peur, la joie, la colère, la mise enjeu de certains instincts

ou sentiments comme la pudeur, etc., amènent tantôt la

pâleur ou la rougeur des. téguments, les sueurs, et jusqu'à

l'angoisse précordiale. D'autre part, chez les sujets prédis-

posés, la frayeur ou les chagrins produisant une maladie

mentale, peuvent faire penser à une influence plus forle de

ces mouvements psychiques sur les vaso-moteurs ; et il est

hors de doute qu'un certain nombre de psychoses ont leur

origine clans les troubles de l'irrigation cérébrale. Ainsi s'ex-

pliqueraient par l'anémie ou va.so-constriction' des centres

nerveux les états mélancoliques et par l'hyperhémie ou

vaso-dilatation paralytique, les états congestifs ou mania-

ques.

Nous laissons de côté l'hystérie, qui entraîne si fréquem-

ment des troubles inexpliqués de la menstruation, comme de

bien d'autres fonctions. Mais, ayant rencontré chez plusieurs

malades qui n'ont aucun stigmate d'hystérie une aménorrhée

un peu spéciale, nous avons cherché à nous en expliquer les

causes. Pour arriver à un résultat certain, il est vrai, il fau-

drait connaître le mécanisme intime de la menstruation, ou

plus spécialement de l'écoulement sanguin accompagnant les

règles, et qui est le seul phénomène dont nous constatons la

disparilion. Or, les physiologistes ne sont guère d'accord sur

ce 'point. Les plus nombreux admettent que l'hémorragie qui

accompagne l'ovulation est due à la chute simultanée de

l'épilhéliun utérin; cette mue utérine serait sympathique du Li

développement de l'ovule, qui est aussi d'origine épithéliale.

Cette théorie ne rend pas compte des causes intimes du phé-

nomène, ni des relations prétendues entre les épithéliums

ovariens et utérins.

D'autres, avec Ch. Rouget, ayant constaté la présence dans

les ligaments larges de fibres musculaires lisses, admettent

une contraction périodique de ces fibres, entraînant à la fois

l'érection de l'ovaire, l'adaptation de la trompe et la conges-

tion artérielle intense par compression des veines ; ainsi s'ex-

SUR L'AMÉNORRHÉE D'ORIGINE NERVEUSE. 287 Î

pliqueraient la chute de l'oeuf, son arrivée dans la trompe, et

l'hémorragie par congestion. Mais on peut se demander

pourquoi dans certains cas d'absence de règles, l'ovulation

se fait quand même et aussi la fécondation; d'ailleurs, nous

ne voyons pas la cause de la contraction des fibres muscu-

laires.

11 est certain que l'innervation des vaisseaux joue un rôle

dans l'hémorragie menstruelle. Comment expliquer autre-

ment les cas si fréquents de déviation des règles ou d'hémor-

ragies supplémentaires par le nez, les oreilles, les poumons,

l'intestin, l'estomac. On pourrait alors admettre la théorie de

Yllüâer : « l'écoulement menstruel est un réflexe provoqué

par l'excitation des extrémités terminales des nerfs du folli-

cule, due à la distension de ce dernier. Cette action réagi-

rait sur les centres nerveux et amènerait par voie réflexe la

congestion des organes génitaux. » L'hémorragie serait due

à un réflexe, dont l'origine serait la distension périodique du

follicule. Cette explication rendrait compte de l'indépendance

fréquente des deux phénomènes des règles : ovulation et

hémorragie et viendrait à l'appui de la théorie de Beigel.

L'ovulation aurait toujours lieu ; l'hémorragie pourrait ne

pas se produire ou avoir lieu dans un autre endroit. Elle

aurait pour cause des phénomènes essentiellement nerveux

de vase-dilatation. Ces phénomènes ne se produiraient pas

dans certains états nerveux où les fonctions des centres sont

troublées (anémie) ou déviées (psychoses).

Nous admettons très volontiers cette explication : d'abord,

elle rend assez bien compte de la périodicité de l'écoulement

menstruel, lié à la maturité d'un ovule ; elle permet aussi de

comprendre les faits indéniables de fécondation sans règles.

Enfin, grâce à elle, nous allons pouvoir chercher une expli-

cation aux cas d'aménorrhée transitoire que nous avons

observés dans l'évolution des psychoses.

Nous possédons cinq observations, que nous avons recueil-

lies dans les formes suivantes : 10 Une mélancolie simple, sine

delirio, chez une jeune malade de quinze ans, peut-être dégé-

nérée ; 2° une manie aiguë, consécutive à une grippe infec-

tieuse, chez une malade de dix-sept ans ; 3° une manie chro-

nique, à sa troisième année d'évolution, chez une malade de

vingt-cinq ans ; 4° une imbécillité chez une malade de

vingt ans, qui avait toujours été bien réglée ; 5° une manie

288 CLINIQUE NERVEUSE.

intermittente, chez une malade de vingt-quatre ans, présen-

tant à chaque accès une aménorrhée transitoire.

Remarquons d'abord l'existence de l'aménorrhée dans des

formes mentales très différentes ; nous avons trois manies,

une mélancolie, une imbécillité. Chez aucune de ces malades,

~ il n'y avait de stigmates d'hystérie ; la première est peut-être

dégénérée, la dernière l'est certainement. Nous citerons seu-

lement l'observation de celle-ci, parce qu'elle en était à sa

troisième récidive et que, mieux que chez les autres, noua y

verrons bien établie la relation psycho-génitale.

Observation. : V. L ? vingt-quatre ans, domestique, origi-

naire du Tarn-et-Garonne, entre le 16 juin dans un état d'excita-

tion intense. C'est sa troisième séquestration, la première, il dix-

neuf ans, a duré trois mois; le deuxième à vingt ans a duré deux

mois et demi. Elle est sortie chaque fois guérie. Cette fois-ci, à la

suite de la peur d'un orage, trois jours avant, elle s'est mise à

délirer violemment; se croyait en feu, précipitée dans l'enfer,

voyait le diable ; refus de s'alimenter ; siliophobie, insomnies,

violences envers son entourage; prédominance d'idées mystiques ;-

besoin de marcher, de parler; hallucinations delà vue et de l'ouïe;

voit et entend son père mort depuis quinze ans; menace des per-

sonnes imaginaires.

Antécédents héréditaires. - Le père se suicide il cinquante-deux

ans, à la suite de chagrins après avoir présenté quelques troubles

mentaux. La mère et les six frères ou soeurs sont bien poi tants.

- -h : MeeH/sp<;)'.so) ! HC ? E)evée chez des religieuses, instruc-

tion assez bonne. A toujours été pn peu nerveuse, réagissait vive-

ment à toutes les impressions morales; cet état paraît attribuable

à l'anémie pour laquelle on l'a toujours traitée. Elle avait parfois

des crises très violentes de colère, avec tremblements, mais sans

perte de connaissance.- Les premières règles n'ont apparu qu'à

seize ans et seulement après les premiers rapports sexuels; elles

ont toujours été un peu irrégulières, avec des retards ou des

avances; lors de son premier internement elles ont été supprimées

pendant quatre mois; après sa sortie, la malade prit de l'armoise,

sur les conseils d'une vieille femme. Seconde suppression des

règles lors du second internement; elles reparaissent à la sortie,

à l'aide de quelques préparations ferrugineuses. Cette fois-ci, elle

n'avait pas eu ses règles, le mois de son entrée, elles avaient fort

diminué depuis quelques mois. La malade n'a jamais eu de forte

hémorragie; elle avait quelques pertes blanches qui ont disparu

depuis l'aménorrhée. Jamais d'épistaxis, ni d'autre hémorragie

supplémentaire.

Les troubles délirants du jour d'entrée disparaissent rapidement.

SUR L'AMÉNORRHÉE D'ORIGINE NERVEUSE. 289

Au bout de quinze jours, la malade est très calme, se rappelle son

délire, raisonne, travaille. Elle prend un peu d'embonpoint. Les

deux mois suivants se passent sans menstruation. Aux époques de

ses règles, il n'y a ni douleurs, ni hémorragies supplémentaires,

ni signes de rétention; toutes les autres fonctions s'accomplissent

bien. Au mois d'août, à l'époque présumée de ses règles, elle

prend de l'apiol : 0 gi. : ;0 par jour pendant trois jours, sans

résultat; Le traitement de la maladie mentale a consisté unique-

ment dans la balnéation journalière prolongée, et l'alimentation

artificielle les quinze premiers jours.

Ainsi, voilà une malade qui, ordinairement nerveuse,

emportée et anémique, présente, à chaque émotion un peu

forte, une crise de manie aiguë franche. Le suicide du père

après quelques troubles mentaux, il y a quinze ans, en fait

une dégénérée; il n'y a pas de crises, ni d'autres stigmates

d'hystérie. Nous sommes en présence d'une manie intermit-

tente chez une dégénérée. A chacun de ses trois internements,

la malade a rapidement recouvré ses fonctions psychiques ;

elle semble normale dans les intervalles. La forme mentale

ainsi établie en dehors de la névrose hystérique, il reste à

nous expliquer la suppression des règles survenant à chaque

accès de manie. Cette suppression peut être attribuée à trois

causes : l'état d'anémie; la congestion cérébrale ; les troubles

de l'innervation génitale.

La malade a toujours été considérée comme anémique ;

elle a longtemps avalé du fer, du jus de viande, du sang,

tout ce qui, dans son milieu, passe pour accroître le nombre

des globules. A vrai dire, aujourd'hui, elle ne présente pas

de signes d'anémie. Elle a le teint et les muqueuses colorés,

n'a pas de palpitations ni d'essoufflement, ni d'oedèmes; les

règles ont été supprimées brusquement et leur suppression

chaque fois coïncide avec la crise maniaque. De plus, une

anémique qui n'a pas ses règles, éprouve en général à leur

époque quelques symptômes douloureux se rapportant à

l'appareil de l'ovulation. Chez notre malade, il n'y a rien ;

les époques se succèdent sans modification.

Nous ne croyons donc pas à l'influence d'un état d'anémie

hypothétique. Peut-on attribuer l'aménorrhée à la déri-

vation sanguine provenant de la congestion cérébrale

maniaque ? Il y aurait anémie partielle des organes géni-

taux au profit des centres nerveux ; la congestion utéro-

ovarienne n'aurait pas lieu. Mais, outre qu'il est difficile

Archives, 20 série, t. VIII. 19

290 CLINIQUE NERVEUSE.

d'imaginer qu'un état congestif du cerveau soit assez pro-

noncé pour anémier à ce point les autres organes, pourquoi

la malade continue-t-elle à ne pas avoir ses règles lorsque la

congestion cérébrale n'existe plus ? Le délire a duré quinze

.jours ; mais deux mois après, la menstruation ne s'était pas

encore rétablie ; cependant la malade était calme, pouvait

être considérée comme normale. De plus, nous avons observé

la même aménorrhée dans des états mélancoliques, c'est-

à-dire d'anémie cérébrale. L'aménorrhée n'est donc occa-

sionnée ici ni par l'anémie générale, ni par l'anémie géni-

tale. Il reste la troisième hypothèse, celle des troubles de

l'innervation utéro-ovarienne, et voici l'explication que nous

en donnerons :

Périodiquement, un ovule arrive à maturité ; cette matura-

tion s'accompagne de phénomènes congestifs du follicule qui

l'entoure ; d'où, irritation intense des nerfs de ce follicule ;

ceLtè irritation est transmise par la moelle aux centres encé-

phaliques de perception, probablement par le faisceau latéral

mixte. Mais la perception ne se faisant pas, nous devons

admettre que le mouvement nerveux ne se transmet pas

jusqu'à l'écorce cérébrale. Il s'arrêterait au bulbe, sans

doute à l'endroit de l'entrecroisement des fibres du faisceau

latéral mixte ; là, par des fibres commissurales dont l'exis-

tence reste à mettre en évidence, il viendrait impressionner

les centres vaso-moteurs, que Schiff place dans la protubé-

rance et les pédoncules cérébraux. Le réflexe se produirait

alors, qui, par les voies descendantes (cordons anléro-laté-

raux) viendrait modifier la tonicité des vaisseaux. Cette mo-

dification consisterait, à l'état normal dans une excitation

des vaso-dilatateurs, d'où congestion génitale et hémorragie.

Supposons maintenant un état psychique anormal, entraî-

nant une perturbation dans les centres encéphaliques. Que

cet état soit accompagné de congestion ou d'anémie centrale,

nous devons admettre qu'il influe fortement sur certains

centres, en particulier sur ceux des vaso-moteurs. En effet,

dans les états psychiques, nous observons toujours une modi-

fication des réflexes de l'innervation des vaisseaux ; ils sont

tantôt exagérés, tantôt abolis, et les rougeurs émotives, les

sueurs réflexes, l'angoisse précordiale sont tantôt supprimées,

tantôt exagérées dans les psychoses. En règle générale, dans

la question qui nous occupe, il y aurait soit suppression du

IDIOTIE CONGÉNITALE ET HYPOSPADIAS. 291'

réflexe de la vaso-dilatation par inhibition, soit exagération

du réflexe contraire de la vaso-constriction.

Cette théorie permet de donner une explication à notre

cas ; cette explication est confirmée d'abord par le. fait de la

périodicité de l'aménorrhée, coïncidant toujours avec les

accès de manie et les fonctions rétablissant avec l'état

mental ; ensuite par l'inefficacité du traitement emména-

gogue suivi par la malade à plusieurs reprises.

, Nous en tirerons la conclusion suivante : l'hémorragie mens-

truelle est un réflexe, dont le point de départ réside dans les

nerfs du follicule et le point d'arrivée dans les vaso-moteurs

des organes génitaux. Nous sommes obligés d'admettre,

d'autre part, que la plupart des modifications psychiques ont

une répercussion sur les réflexes, tantôt pour les produire,

tantôt pour les empêcher. Pourquoi n'admettrions-nous pas

que le réflexe menstruel est identique à celui de l'angoisse

précordiale, par exemple, ou à celui de la sudation émotive,

c'est-à-dire capable d'être influencé par les mouvements

psychiques ? L'explication intime du phénomène nous

échappe ; mais ce n'est pas le seul cas où l'on ait à constater

des rapports constants entre des faits d'ordre très différent;

et l'histologie nerveuse, encore si incomplète, nous réserve

sans doute de grandes surprises au sujet des fibres incon-

nues qui relient les divers centres nerveux entre eux et avec

le système sympathique.

RECUEIL DE FAITS.

IDIOTIE CONGÉNITALE; HYPOSPADIAS

ET PSEUDO-IIEIt\IAPH110DIS\IE EXTERNE; i

Par ml. FAUCHER et BOURDIN,

Médecins l'Asile de la Chanté (Nièvre).

M... Gertrude, cinquante-trois ans, célibataire, sans profession,.

fille légitime, entre à l'asile de la Charité-sur-Loire, le 29 no-

vembre 1891, comme atteinte d'idiotie congénitale.

292 RECUEIL DE FAITS.

I. Antécédents héréditaires et personnels '. Les renseignements

nous font malheureusement défaut aussi bien sur les antécédents

héréditaires que personnels de notre malade ; c'est ainsi que nous

ne savons rien de son genre de vie, de ses habitudes, de ses

instincts, tous détails qui auraient eu cependant dans l'espèce

-une réelle importance. La malade a été conduite à l'asile par sa

nièce et un voisin ; aucun membre de la famille n'est venu

assister à l'enterrement.

Il. Etal physique. - M... est de petite taille (1 m. 50), de cons-

titution suffisamment robuste. Ce qui frappe au premier aboid d

dans sa physionomie, c'est la présence d'une barbe épaisse, d'un

noir foncé, qui lui donne un air rude et absolument masculin. Les

cheveux sont également noirs, longs et touffus. Le crâne est

aplati sur les côtés, rétréci par suite dans le sens transversal,

tandis qu'il est un peu allongé dans le sens antéro-postérieur

(dolichocéphalie). Le front est assez haut mais étroit; arcades

sourcilières saillantes ; sourcils noirs et fournis. La glabelle est

très accusée et détermine un sillon cutané assez profond au niveau

de la racine du nez. Celui-ci n'offre rien de particulier, non plus

que les oreilles, qui sont de dimensions moyennes, assez bien

ourlées, à lobule non adhérent. Les lèvres sont épaisses ; la

bouche un peu grande ; la voûte palatine est ogivale, la dentition

en mauvais état ; beaucoup de dents manquent, cependant les

incisives inférieures gauches existent encore, elles sont petites et

étroites, comme il est de règle dans le sexe féminin. Ajoutons que

la peau du visage est ratatinée, creusée de rides nombreuses et

profondes ; le regard terne, la physionomie dans son ensemble

peu expressive.

Le cou est gros et court (35 centimètres de circonférence) ; le

larynx mesure environ 8 centimètres de hauteur ; la saillie du

cartilage thyroïde (pomme d'Adam) est très prononcée. La voix de

la malade est absolument masculine.

Le thorax est peu développé; sa largeur, d'un acromion à

l'autre, est de 35 centimètres. La circonférence sous les aisselles

est de 85 centimètres. La hauteur approximative de la cage tho-

racique, mesurée verticalement du milieu de la clavicule au

rebord costal est de 32 centimètres. En arrière, la distance de la

crête de l'omoplate aux fausses-côtes est de 35 centimètres. La

poitrine de la malade est bombée en avant; on y constate la

présence de deux mamelles volumineuses, avec aréole brunâtre et

bien développée; les mamelons sont très allongés. A la palpation,

on sent de nombreux globules glandulaires ; cependant le réseau

veineux mammaire est peu apparent; pas de tubercules de Mont-

1 L'observation de cette malade, due à M. Margouhès, interne du

service, a été relatée dans le Rap. méd. de l'Asile de la Charité (1895).

IDIOTIE CONGÉNITALE ET HYPOSPADIAS. 293

gomery. La peau du thorax, comme aussi celle de l'abdomen, est

remarquable par sa blancheur et sa finesse; elle est absolument

glabre ; on ne trouve guère de poils que sous les aisselles.

Pas de déformation thoracique. A l'auscultation, signes d'em-

physème pulmonaire. Le coeur est un peu gros, sans lésion val-

vulaire. Ombilic normal ; les fesses sont plates ; pas d'ensellure

lombaire; pas de saillie bien marquée des hanches. La circonfé-

rence au niveau des crêtes iliaques est de 86 centimètres.

Les membres sont grêles, les muscles peu développés. Le bras,

à sa partie moyenne, mesure 21 centimètre à droite et 1 à gauche.

La main est petite, les doigts sont fins et allongés en fuseau; pas

de callosité de la face palmaire. La main droite mesure 18 cen-

timètres de longueur, la gauche 16. Les fémurs ne pré-

sentent pas l'incurvation ordinaire dans le sexe féminin; les

cuisses mesurent, à leur partie moyenne, 36 centimètres; la cir-

conférence au niveau des genoux est de 29 centimètres 1/2. La

longueur des cuisses, de l'épine iliaque antéro-supérieure à la

pointe de la rotule, est de 41 centimètres; celle des jambes, de la

rotule à la malléole externe, de 34 centimètres et demi. Ces

dimensions sont les mêmes à droite et à gauche. Le pied est petit,

bien cambré. La peau des membres rappelle de tous points celle

du tronc; comme celle-ci, elle est blanche, fine, et dépourvue de

poils, si ce n'est quelques-uns à la partie anté¡ o-extel'1le des

cuisses. La couche adipeuse sous-cutanée est relativement épaisse.

Organes génitaux : Au niveau de la symphyse pubienne, le sys-

tème pileux est très développé. Les poils sont longs, roides, d'un

noir foncé ; ils sont disposés en triangle, mais ce triangle est mal

délimité et l'on voit quelques poils aberrants de chaque côté dans

le pli abdomino-crural. Les poils se retrouvent au périnée, jusqu'en

arrière de l'orifice anal, qui est lui-même entouré d'une touffe

abondante.

Sur la ligne médiane, au-dessous du pubis, se voit un petit

organe qu'il est aisé de reconnaître pour une verge rudimentaire ;

elle mesure 6 centimètres de longueur de l'extrémité à la racine

des corps caverneux ; elle se termine par un petit gland avec

rebord cutané ou couronne bien net et caractéristique. Ce gland a

2 centimètres de longueur sur le. 1/2 environ de large, ce qui ne

laisse que 4 centimètres pour la verge proprement dite; encore

celle-ci ne fait-elle guère saillie que sur une longueur de 1 centi-

mètre 4/2 à 2 centimètres, la racine des corps caverneux étant

dissimulée sous le tissu adipeux de la région symphysienne. Le

gland est imperforé; cependant au point où devrait être norma-

lement le méat, on voit un petit cercle bleuâtre de 1 millimètre

environ de diamètre.

La peau recouvre la face supérieure et les faces latérales de la

verge, mais la face inférieure est à nu ; la peau forme donc une

394 RECUEIL DE FAITS.

sorte de pont, et va ensuite se confondre avec celle des régions

latérales. La verge ainsi recouverte d'un prépuce incomplet res-

semble assez à un clitoris coiffé de son capuchon; les deux petits

replis cutanés qui en se réunissant sur la ligne médiane forment

ce capuchon représenteraient les petites lèvres. Le prépuce

descend sur le gland, mais celui-ci peut être facilement découvert.

De chaque côté, deux larges replis cutanés, couverts de poils,

simulant grossièrement deux grandes lèvres, mais ils ne sont pas

réunis en avant, où ils laissent à découvert les petites lèvres, non

plus qu'en arrière, de sorte qu'ils restent accolés et pendants entre

les cuisses. Ils offrent chacun une saillie très apparente sur

laquelle nous reviendrons.

Si on écarte ces deux replis on découvre sur la ligne médiane,

au-dessous ou plutôt en arrière de la verge, une petite surface

rectangulaire, allongée dans le sens antéro-postérieur, où la peau

est recouverte d'une mince membrane rosée, présentant quelques

stries longitudinales. Cette surface a 3 centimètres de long sur

1 centimètre environ de large. Elle aboutit en arrière à une

ouverture linéaire par laquelle il est facile d'engager une sonde.

Cette sonde pénètre alors dans un canal et donne bientôt issue à

de l'urine; ce canal est donc l'urèthre, et l'orifice est le méat.

Mais ce méat est large, dilatable et n'offre aucunement l'apparence

d'un méat normal. Dès qu'on y introduit la sonde, il prend

l'aspect d'un triangle dont le sommet serait en avant. La base

postérieure est formée par une bride cutanée, de coloration rosée.

Cette bride cutanéo-muqueuse est tout ce qui existe de la paroi

inférieure de l'urèthre pénien ; la paroi supérieure est repré-

sentée par cette petite surface rectangulaire, recouverte d'une

mince membrane, que nous avons décrite en avant de l'urèthre ;

le méat n'existe pas, et est remplacé par l'orifice anormal où

s'engage la sonde.

Pour compléter l'examen extérieur de la région, disons que sur

les côtés, on trouve dans les replis cutanés simulant les grandes

lèvres, deux corps ovoïdes, mesurant, celui de droite 6 centi-

mètres de longueur sur 2 centimètres 1/2 d'épaisseur, celui de

gauche 6 centimètres 1/2 sur 3, et surmontés d'un corps allongé

qui leur est intimement uni et se continue avec un cordon s'en-

gageant dans le canal inguinal. 11 s'agit donc de testicules avec

épididyme et canal déférent. Le testicule gauche descend un peu

plus bas que le droit; de plus, on trouve au-dessous de lui, et

faisant corps avec lui, une masse arrondie, de la grosseur d'une

petite noix, lisse, rénitente, qui fait songer il une tumeur liquide

de petit volume. L'anus est large et ouvert, facilement dila-

table, en infundibulum : il est entouré de quelques petits nodules

hémorrhoïdaires. Le toucher rectal permet de sentir une prostate

.de faibles dimensions.

IDIOTIE CONGÉNITALE ET HYPOSPADIAS. 295

III. Fonctions. L'état général de notre malade à son entrée

est très 'satisfaisant ; elle est calme, mange et dort bien. La

sensibilité générale est un peu émoussée ; les mouvements

s'accomplissent avec assez de souplesse ; les réflexes sont nor-

maux. Pas de troubles sensoriels. Démarche un peu

lourde. La miction s'accomplit à croupetons; la conformation de

la région périnéale fait suffisamment comprendre qu'il n'en saurait

être autrement. Au point de vue de l'érection et de la copu-

ration, nous ne savons absolument rien, les renseignements font

absolument défaut sur les instincts et les tendances sexuelles du

sujet.

IV. Etat psychique. - Le vocabulaire de est très borné;

elle répond le plus souvent aux questions simplement par oui ou

par non, toujours en accompagnant ses réponses d'un sourire

niais. Elle ne répond même pas constamment, et il est à supposer

qu'elle ne comprend pas la plupart des questions qui lui sont

adressées. Elle reconnaît les personnes qui l'entourent, mais

est absolument incapable de fournir aucun renseignement sur sa

vie antérieure. Son attention est peu soutenue, sa mémoire très

faible. Depuis sa naissance, elle n'a jamais, parait-il, présenté une

lueur d'intelligence; elle n'a été susceptible d'aucune éducation

ni instruction. Elle est signalée conime très irascible; elle se fâche

pour les motifs les plus futiles et se montre alors prête à frapper

avec tout ce qu'elle trouve sous sa main. C'est ainsi qu'avant son

internement elle s'est livrée à des voies de fait sur un garde-

champêtre qui lui faisait des observations parce qu'elle faisait

aller les oies qu'elle était chargée de garder, sur les terres des

voisins. Ceux-ci eurent plusieurs fois à se plaindre de ses fureurs.

Le 24 janvier 1899, M... se plaint à la visite du matin de

souffrir de tout le corps, d'une façon d'ailleurs vague et sans

pouvoir donner, même par geste, une indication sérieuse. L'état

général est relativement satisfaisant ; rien au coeur ni aux

poumons, si ce n'est quelques signes d'emphysème. La malade

meurt subitement le lendemain, à 7 heures du matin.

V. Autopsie 1. Amaigrissement considérable ; la couche

adipeuse sous-cutanée est moins développée qu'à l'entrée de M...

à l'asile ; cependant la peau du tronc et des membres a gardé sa

blancheur et sa finesse et contraste étrangement avec la peau du

visage, ridée et flétrie, couverte d'une barhe noire et hirsute. Les

seins sont devenus flasques et pendants; les lobules glandulaires

ne sont plus sensibles au palper; la glande apparaît à la coupe

très atrophiée.

Tète : Les os du crâne sont peu épais. Pas d'adhérences des

1 L'autopsie a été faite vingt-six heures posl modem.

296 RECUEIL DE FAITS..

IDIOTIE CONGÉNITALE ET HYPOSPADIAS. 297

l'urèthre est de 3 centimètres. La portion spongieuse n'existe

guère que sur 2 centimètres 1/2 d'étendue ; c'est la longueur de

la bride cutanéo-muqueuse qui limite en arrière l'orifice uréthral.

Autrement dit, tandis que la paroi supérieure de cette portion

spongieuse mesure 4 à 5 centimètres, la paroi inférieure n'en a

que deux et demi, ce qui donne 8 centimètres 1/2 environ de

longueur réelle, et Il centimètres 1/2 de longueur apparente

jusqu'au niveau de l'angle pénien. Ajoulons enfin que l'ouverture

uréthrale est à 4 centimètres en avant de l'anus.

Les canaux déférents, les épididyncs sont normaux. Les testi-

cules sont bien développés ; ils offrent sur la coupe leur aspect

ordinaire, avec substance fondamentale gris jaunâtre, adhérente à

l'albuginée. Les hydatides pédiculées sont très apparentes, et à

long pédicule. La petite tumeur que nous avons signalée à gauche,

au-dessous du testicule, est intimement soudée à cet organe,

accolée à sa face inférieure. Cette tumeur est un petit kyste bilo-

culaire ; une des poches, la plus grande, ayant à peu près les dimen-

sions d'une noisette, contient un liquide clair et transparent ;

l'autre, un peu plus petite, est pleine d'un liquide blanchâtre,

lactescent. Le testicule gauche pèse 22 grammes, le droit 26.

La section de la verge montre la présence de deux corps caver-

neux imparfaitement développés. Au niveau du gland, la coupe

transversale révèle l'existence d'un petit cul-de-sac non ouvert à

l'extérieur; c'est ce cul-de-sac de 1 centimètre de long, sur

1 millimètre environ de diamètre, qu'on aperçoit par transparence

et qui donne à la peau, au point où devrait se trouver normale-

ment le méat, une coloration bleuâtre, au moins sur le cadavre.

Un petit pont cutané ferme donc en avant ce petit cul-de-sac.

Bassin : Ajoutons, pour terminer cette description, que le

bassin est bien conformé; il est peu élargi transversalement, ce

qui explique que les hanches soient peu saillantes. Les deux

moitiés semblent absolument symétriques. Les principales di-

mensions sont les suivantes :

D'une épine iliaque antéro-supérieure à l'autre : 25 centim. De

l'épine iliaque antéro-supérieure à l'épine pubienne : 14 cent'm.

Du promontoire au pubis : 10 centim. Du promontoire à la points

du coccyx (en flèche) : 12 centim. Du promontoire à chacune des

tubérosités ischiatiques : 16 centim. Hauteur du bassin (du pint

le plus élevé des crêtes iliaques au plan horizontal passant parles

tubérosités sciatiques) : 19 centim.

VI. Réflexions. 1° Il est regrettable qu'il n'ait pu nous

être fourni parla famille aucun renseignement sur les anté-

cédents de la malade. C'est malheureusement ce qui arrive

souvent dans nos asiles d'aliénés, malgré le soin que l'on

prend, en particulier à la Charité, de prier les médecins

298 RECUEIL DE FAITS.

signataires du certificat d'admission, de remplir eux-mêmes

la feuille de renseignements. Il est surprenant que le docteur

qui a examiné M... au dehors, et qui avait reconnu l'hypos-

padias, n'ait pas cru devoir fixer davantage son attention sur

ce point particulier ;

- 2° La partie surtout intéressante de l'examen physique

de 11..., c'est évidemment l'état de l'appareil génital. 11 s'agit

manifestement d'un cas d'hypospadias très accentué (hypos-

padias périncal de Bouisson, périuéo-scrotal de Duplay). On

sait que Bouisson admet quatre variétés d'hypospadias :

balanique, pénien, scrolal et pé2111éal, selon que l'ouverture

hypospadienne siège sur le gland, sur la verge, à l'angle du

pénis et du scrotum, ou au périnée. Duplay accepte cette

subdivision, mais appelle les deux dernières variétés : péno-

scrotale et périnéo-scrotale. Quoi qu'il en soit, c'est à la caté-

gorie périnéale qu'appartient notre sujet, puisque l'orifice

uréthral est situé chez lui à 3 centimètres en arrière de l'angle

péno-scrotal. Dugès(L : phéméridesdelliontpellier,lS ? 7) désigne

cette variété sous le nom d'hypospadias vulvif01'me, à cause

de.l'aspect plus ou moins comparable à une vulve, que pré-

sente le scrotum divisé sur la ligne médiane. Dans notre cas,

cette apparence est assez grossière; les deux moitiés du scro-

tum ne sont pas réunies en arrière, et la saillie des testicules

dans chacune des deux poches attire tout de suite l'attention;

Sans doute on pourrait songer à des ovaires en ectopie;

mais, outre la rareté du fait, la palpation dissipe vite toute

hésitation, puisqu'on sent facilement l'épidiUyme et le cor-

don en continuité directe avec l'organe.

Cet hypospadias a entraîné un arrêt de développement de

tout l'appareil génito-urinaire externe. Tandis que toute la

portion profonde de l'urèthre (urèthre postérieur) est bien

développé, comme l'a montré l'autopsie, il ne s'est formé, de

la portion spongieuse, que la paroi supérieure; il manque

presque toute la paroi inférieure, qui est réduite à un mince

lambeau cutanéo-muqueux de 2 centimètres et demi, environ

de longueur d'avant en arrière. L'enveloppe des bourses ou

scrotum est restée bifide; ses deux moitiés, contenant cha-

cune un testicule de dimensions normales, sont représentées

par les deux replis cutanés que nous avons décrits, et qui ne

rappellent vraiment que de très loin des grandes lèvres. Le

raphé médian n'existe pas; dans beaucoup de cas cependant,

IDIOTIE CONGÉNITALE ET HYPOSPADIAS. 299

il est signalé comme représenté par une bride médiane placée

sous la verge et s'étendant plus ou moins loin sur le périnée;

cette bride incurve alors la verge en bas. Rien de semblable

n'existe chez notre sujet; mais la verge est très petite, très

atrophiée; le gland, les corps caverneux sont rudimentaires,

et le méat n'est pas formé. Aucune trace d'orifice vaginal.

Comment s'expliquer l'erreur de sexe qui a été commise à

la naissance ? M..., en effet, est inscrite comme fille sur les

registres de l'état civil, et c'est comme femme également

qu'elle a été placée à l'asile. Cependant nous avons vu que

l'examen attentif des organes génitaux externes suffit pour

éviter l'erreur, du moins actuellement. En était-il de même à

la naissance ? Il est difficile de se prononcer; il semble peu

probable cependant que l'accouchement ait été fait par un

médecin. Toutefois, il faut tenir compte de la possibilité

d'une descente tardive des testicules : « Il n'y a personne, dit

Debierre, qui n'ait entendu parler de filles devenant subite-

ment garçons au moment où elles franchissaient un fossé ou

faisaient un effort violent. » C'est généralement à l'âge de la

puberté que se fait cette descente tardive des testicules,

néanmoins, elle a pu se faire à un âge plus avancé, et Lan-

douzy (de Reims) rapporte le cas de Marie Goulich, considérée

comme fille à sa naissance, et chez qui la descente des testi-

cules eut lieu à trente-trois ans.

Peut-on ranger M..., qui fait l'objet de notre observation,

dans la catégorie des hermaphrodites ? L'hermaphrodisme,

pour Geoffroy Saint-IIilaire, est la réunion, apparente ou

réelle, complète ou incomplète, des deux sexes sur le même

individu. L'hypospadias donne souvént lieu à des hermaphro-

dismes ; mais il ne suffit pas à lui seul à en constituer une

variété. Pour qu'il y ait hermaphrodisme, il faut que l'hy-

pospadias se complique (Klebs) de modifications dans l'habi-

tus général du corps telles que le type sexuel s'en trouve

altéré d'une façon notable. Or le mélange de ce qu'on appelle

les caractères sexuels secondaires, qui sont tous ceux non

tirés de l'état des parties génitales, est très complexe, et il

n'y a pas à compter sur eux pour classer le sujet dans l'un

ou l'autre sexe. C'est la glande génitale seule, ovaire ou tes-

ticule, qui détermine le sexe; Y hermaphrodisme vrai, c'est-

à-dire la réunion sur un même être de testicule et d'ovaire,

n'est pas admise par tous les auteurs pour l'espèce humaine.

300 RECUEIL DE FAITS.

S. Pozzi le nie formellement; tandis qu'IIerrmann, Debierre,

Lourent, et la plupart des auteurs avec eux l'acceptent.

On s'explique peut-être ces divergences d'opinion, si on se

reporte aux premières phases du développement embryogé-

nique ; il existe une période où ovaires ou testicules ne sont

pas encore nettement différenciés, et on a relaté des autop-

sies d'hermaphrodites chez qui les glandes génitales en étaient

restées, au moins l'une, à ce stade de l'évolution.

M... a, malgré les apparences, les organes génitaux exter-

nes d'un homme; les testicules sont même faciles à recon-

naître. De plus, l'autopsie ne nous a montré aucun vestige

d'organe sexuel féminin. Il n'y a donc pas le moindre doute

sur la sexualité; et cependant il serait impossible, par l'habi-

tus général du corps, d'affirmer le sexe. Le sujet était mâle

par la barbe, la voix, le larynx, par le bassin; il était femme

par la chevelure, la peau du tronc et des membres, la finesse

des dents, la gracilité des os, la forme du thorax, et surtout

par le développement des seins.

Nous plaçons ci-contre une photographie de M... due à

M. Rigal, interne du service, destinée à montrer l'aspect du

visage et des organes génitaux externes.

Nous pouvons donc ranger M... dans les pselldo-herma-

phrodites masculins, puisque l'hypospadias se complique

chez lui de modifications de l'habitus extérieur du corps,

pouvant jusqu'à un certain point induire en erreur pour la

détermination du sexe. Ces caractères féminins que nous

trouvons chez M... sont eux-mêmes dus à un arrêt de déve-

loppement, au moins d'après la théorie généralement admise.

Faut-il regarder le développement imparfait du tronc et des

membres comme la conséquence directe de l'hypospadias, ou

bien l'un et l'autre relèvent-ils d'une même cause efficiente

ayant simultanément produit un double arrêt de développe-

ment ? Cette dernière interprétation semble au premier abord

peu vraisemblable ; on connaît en effet les modifications

curieuses qui surviennent dans l'organisme à la suite de l'atro-

phie des organes génitaux. « On sait, dit Debierre, que, chez

les mâles privés de leurs testicules par la castration, les carac-

tères masculins ou bien ne se développent pas, ou bien s'étei-

gnent, de sorte qu'ils ne s'éloignent pas ou bien se rappro-

chent du type femelle. Les chapons n'acquièrent ni le plumage

ni le chant du coq; le cheval hongre perd sa vivacité et l'ar-

IDIOTIE CONGÉNITALE ET HYPOSPADIAS.

301

deur qui en fait à la fois la beauté et le danger; l'eunuque

des harems, comme jadis les chantres de la Chapelle Sixtine,

n'acquiert ni la corpulence ni la voix propre à son sexe.

Mais ce qu'il y a de plus curieux et de plus surprenant, c'est

que, par ces phénomènes inverses on voit des femelles

prendre, après l'ablation des ovaires, des caractères qui n'ap-

partiennent qu'aux màles : la vieille poule qui a passé l'âge

des amours prend un plumage brillant, des ergots acérés et

jusqu'aux instincts bruyants et belliqueux du coq. » Chez la

femme, après la ménopause, il n'est pas rare de voir appa-

raître une barbe plus ou moins épaisse, en même temps que

la voix prend un timbre absolument masculin.

Il est donc probable que la présence de caractères fémi-

nins chez un hypospade, chez notre sujet en particulier, n'est

pas le fait d'une coïncidence fortuite, mais que l'hypospa-

I"i,7. 7,

302 . RECUEIL DE FAITS.

dias est la cause même de l'apparition des signes féminins.

L'hypospadias étant créé, a entraîné un arrêt dans le déve-

loppement de l'habitus général.

3° La miction s'accomplissait chez M... dans la station

accroupie, comme chez la femme; le sujet d'ailleurs s'était

toujours considéré comme femme. Nous n'avons aucun ren-

seignement sur la possibilité chez lui d'érection et de copu-

lation : l'atrophie de la verge et des corps caverneux devait

rendre à peu près impossible, en tout cas très imparfaite,

l'érection. Nous en dirons autant de la copulation : quant à

la fécondation, elle est considérée généralement comme

incompatible avec ce degré d'hypospadias ; il y a lieu de

remarquer à ce sujet le développement des testicules, qui

ont tous deux le poids et le volume normal. La prostate, par

contre, est un peu petite.

4° L'autopsie a nettement révélé les causes de la mort, qui

ne peut être attribuée qu'à l'hémorragie cérébrale de l'hé-

misphère gauche. La pneumonie chronique, qui n'a jamais

donné lieu à des symptômes alarmants, a pu cependant débi-

liter le sujet et précipiter le dénouement.

A noter le poids de l'encéphale, sensiblement inférieur à

celui de la moyenne, surtout dans le sexe masculin; l'atro-

phie des circonvolutions frontales, l'athérome qui a été la

cause prédisposante de l'hémorragie du cerveau. Le coeur est

gros, ce qui peut s'expliquer par une lésion rénale possible

ou par la présence même des lésions athéromateuses.

Il est difficile de se prononcer, en l'absence d'examen

microscopique, sur la nature du petit kyste bilqculaire atte-

nant au testicule gauche. Il est probable que ce kyste était

congénital, et s'était formé aux dépens d'un diverticulum de

la queue de l'épididyme; peut-être l'une des deux poches,

dont le contenu est blanchâtre, d'aspect laiteux, contenait-elle

des spermatozoïdes dissous.

5° En ce qui concerne l'état psychique de notre malade, il

est permis de se demander s'il existe une relation de cause à

effet entre l'idiotie congénitale du sujet et l'hypospadias. La

question est anologue à celle que nous avons discutée à pro-

pos de l'état physique; mais ici le problème est singulière-

ment plus ardu.

L'idiotie congénitale est une lésion d'évolution, un arrêt

de développement de l'organisation psychique, comme l'hy-

IDIOTIE CONGÉNITALE ET HYPOSPADIAS. - ~ 303

pospadias est un arrêt du développement physique. Il existe

donc entre ces deux lésions une parité incontestable d'ori-

gine. Chez M..., l'idiotie semble tenir principalement à une

dysgénésie fonctionnelle; l'atrophie des circonvolutions, la

malformation crânienne, ne sont pas tellement accusées

qu'elles ne puissent se rencontrer chez un individu de men-

talité plus élevée. Nous ne trouvons point chez M... quel-

qu'une de ces grosses lésions comme en décrit M. Bourne-

ville : porencéphalie vraie ou fausse, hydrocéphalie, micro-

céphalie, plagiocéphalie, etc. Il est vrai qu'il faut tenir

compte des lésions histologiques probables; néanmoins on

peut dire que l'arrêt de développement de la masse encépha-

lique n'est pas des plus accentuée. Au contraire, nous avons

vu que le degré de l'hypospadias était des plus avancés. Dès

lors on doit admettre que le cerveau a poursuivi son déve-

loppement alors que depuis longtemps celui de l'appareil

génito-urinaire externe était arrêté. C'est environ à la quin-

zième semaine de la vie intra-utérine que se produit l'hypos-

padias vulviforme; le cerveau de M... s'est certainement déve-

loppé bien au delà de cette limite, mais la question est de

savoir si l'hypospadias une fois créé n'a pas pu nuire dans une

certaine mesure, par une espèce de sympathie encore inconnue,

au développement normal du cerveau, comme il a nui au dé-

veloppement régulier de l'habitus général du corps. L'hypos-

padias serait alors la cause provocatrice de l'idiotie. Il est évi

dent que cette relation causale est bien difficile à démontrer;

mais il ne répugne pas à l'esprit d'en admettre la possibilité.

On accorde plus généralement que l'idiotie et l'hermaphro-

disme sont les deux effets d'une même cause, la dégénéres-

cence héréditaire. L'hermaphrodisme à tous ses degrés n'a

que la valeur d'un stigmate physique de dégénérescence,

au même titre que la profondeur de la voûte palatine que

nous avons notée également chez M.... L'idiolie n'est que le

degré le plus avancé de la dégénérescence psychique : d'où

la relation que cette théorie établit entre les deux lésions. Il

est alors nécessaire d'admettre que la coïncidence n'est pas

fortuite, et que les hermaphrodites sont des débiles au point

de vue mental. C'est ce que dit en effet E. Laurent : « Au

point de vue intellectuel, les hermaphrodites sont presque

toujours des êtres inférieurs. A la dégénérescence physique

correspond bien souvent la dégénérescence psychique. »

304 RECUEIL DE FAITS.

Le Dr Pierre Louet (thèse de Bordeaux, 1889) a observé plu-

sieurs individus atteints de mono ou de cryptorchidie, une

des lésions les plus fréquemment causes d'hermaphrodisme,

qui étaient des imbéciles ou des débiles; il a vu en particulier

un hypospade scrotal qui était manifestement un déséquilibré.

-Magnan a signalé à la Société médico-psychologique deux cas

d'individus, hermaphrodites simples, et qui, au point de vue

intellectuel, étaient des débiles. Moreau (de Tours) a égale-

ment observé un être âgé de douze ans, réputé fille, gaiçon

en réalité, et atteint de débilité mentale. Christian, Legrand

du Saulle avaient déjà mis en relief l'importance des malfor-

mations génitales (cryptorchidie, hypospadias) sur le déve-

loppement des maladies mentales; Raffegeau, dans sa thèse,

étudie aussi l'influence éliologique de ces malformations

dans la genèse de certaines folies. Il s'agit, il est vrai, dans

ces cas, de folies acquises, qui se développent après la puberté,

lorsque le malheureux porteur de ces lésions comprend et se

préoccupe de la situation sociale qu'elles lui créent; mais on

peut admettre qu'il faut néanmoins une certaine prédisposi-

tion à la folie, et c'est ce que fait observer Raffegeau, qui

conseille aux médecins aliénistes et légistes de considérer

les sujets de ce genre comme des dégénérés et de les traiter

comme tels.

Ce sont surtout MM. Bourneville el Sollier qui ont étudié

la fréquence de la coexistence d'un certain degré de débilité

mentale et de malformations de l'appareil génital; or, parmi

les « anomalies sexuelles des épileptiques et des idiots »,

l'hypospadias à ses divers degrés est une des plus fréquentes :

il a été trouvé dix-sept fois sur 260 sujets, débiles, idiots ou

épileptiques, alors qu'à l'état normal il ne se rencontre guère

qu'une fois sur 300 individus (Rennes et Bouisson); encore ce

chiffre semble-t-il beaucoup exagéré.

Il est donc manifeste que l'hermaphrodisme, même dans

ses formes les plus simples, se complique fréquemment de

déchéance intellectuelle. Il est vrai que certains hermaphro-

dites ont été trouvés intelligents, actifs et laborieux; mais

tous seraient déséquilibrés par quelque point : ce seraient des

impulsifs, les uns mélancoliques jusqu'au suicide, les autres

maniaques. Chez notre sujet, il est remarquable de voir coïn-

cider une idiotie congénitale à peu près complète avec un

degré d'hermaphrodisme des moins avancés : il n'y avait

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 305

chez lui aucune dépression simulant plus ou moins un vagin

rudimentaire.

Nous devons par conséquent conclure qu'idiotie et arrêt

de développement des organes génitaux se trouvent fréquem-

ment associés chez le même individu, et relèvent d'une cause

unique, la dégénérescence héréditaire.

VII. Bibliographie. - Consulter principalement : 1° F. Guyon.

Vices de conformation de l'urèllhre chez l'homme ('thèse d'agrégation,

18G5) ; 2° S.Pozzi. Traité de gynécologie (1890) ; - 30 liaflegeau.

Du rôle des anomalies congéniales des organes génitaux dans le

développement de la folie chez l'homme (Thèse de Paris, 1884) ;

4° Bourneville et Sollier. Anomalies des organes génitaux chez les

idiots et les épileptiques (in Recherches clin, et thér«p. sur l'épilepsie,

l'hystérie et l'idiotie, 1888 t898) ; - 5° Sollier. Physiologie de l'idiot

et de l'imbécile (Paris, 1891) ; 6° Art. Idiotie, in Dictionnaire ency-

clopéclaque des sciences médicales, par Chambard ; - '7° Art. lIC1'JlW-

phrodisme, in Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, par

Ilermann ; 8° Km. Laurent. Les Bisexués (Gynécomastcs et ller-

mup/H'odttf) (G. Carré, 1894, Paris) ; - 0° EL surtout le petit ouvrage

si instructil' de notre savant maître, le Dr Debierre (de Lille) : <'/7er-

mapl ! 1'odisme (J.-B. Baillière, 1891, Paris).

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XVI. Une observation de pseudo-tabes; par le De \'Aux. (Union

médicale du Canada, nu 5, 1899.)

Communication au Comité d'Etudes de l'Université de Montréal,

avec présentation du malade guéri. Très fine observation clinique

sur un cas diagnostiqué tubes par un professeur anglais de neuro-

logie. Le malade vint trouver l'auteur, avec ce diagnostic découra-

geant et l'afliimation que la médecine ne pouvait rien faire pour

lui. Un examen 'minutieux décelait chez lui sept signes évidents de

tabes : 1° signe de Bomberg; 2° signe de Wesphal; 3° crises gas-

triques ; 4° douleurs fulgurantes; 5° engourdissement, fourmille-

ments, dérobement des jambes; 6° démarche ataxique; 7° défail-

lance génitale graduellement progressive. La recherche des

commémoratifs permettait de nier toute hérédité nerveuse', et

d'éliminer au point de vue personnel toutes les intoxications, la

syphilis et les traumatismes. Le bilan des antécédents comprenait

seulement : rougeole, variole, rhumatisme inflammatoire, inconti-

nence d'urine dans l'enfance, épistaxis dans l'adolescence, existence

Archives, `3e séné, t. YIU. ;0

306 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

très ancienne d'un point douloureux au creux épigastrique. Mais le

D1' Valin se tenait au courant des travaux de Charcot et de ses

élèves, et il pensa de suite à l'existence d'un pseudo-tabes hysté-

rique. Il rassura son client et lui déclara qu'il pensait pouvoir

l'améliorer et peut-être le guérir, et puis il le soumit à un traite-

ment électrique par les bains statiques biquotidiens. Dès les pre-

mières séances les symptômes tabétiques disparurent; au bout t

d'un mois de traitement le malade était complètement rétabli.

Depuis un an sa guérison se maintient complète.

« Vous savez, messieurs, dit l'auteur, combien nos confrères

anglais négligent tout ce qui ne sort pas de leur pays. Pour moi,

c'est avec un grain de science que j'ai pu en remontrer à un pro-

fesseur beaucoup plus savant que moi, et ce grain de science me

vient de France ». R. CnAMN.

XVII. Maladies du sympathique; par B. ROBERT,

(revissa de 111edicina y ccrugia, n° 553.)

On ne recherche pas assez en pathologie l'état des fonctions du

sympathique; il ne suffit pas de reconnaître l'importance du rôle

qu'il joue dans la migraine, l'hémiatrophie faciale, la maladie de

Basedow, la pseudo-hypertrophie musculaire, l'asphyxie locale.

Pour bien d'autres maladies des perturbations viscérales instables

et non rattachables aune lésion des organes intéressés doivent

faire porter les recherches vers la chaine ganglionnaire. Combien

de phénomènes cutanés, rénaux, hépatiques, oculaires, cérébro-

spinaux, etc., simulent des troubles organiques définis des viscères

correspondants ! Mais ces phénomènes qui disparaissent plus ou

moins subitement n'ont d'autre cause qu'une ischémie ou une

hyperémie capillaire locale, ou tout autre trouble plus intime

encore de l'innervation sympathique. Devant ces perturbations

dynamiques, on a trop vite fait de prononcer le mot d'hystérie

ou d'hystérisme sans approfondir plus avant. Certains signes

pourraient cependant différencier ce qui relève des troubles sym-

pathiques de ce qui appartient à l'hystérie pure. La thérapeutique

n'est pas univoque devant ces deux cas. Dans le premier, les agents

physiques, les médications analgésiques, vasculaires, bromurées

sont actives; inertes dans le second elles cèdent le pas aux moyens

suggestifs sans effet dans le premier. F. 1301SSIER.

XVIII. Note sur un cas de zona du nerf trijumeau (branche ophtal-

mique de Willis et nerf maxillaire supérieur) ; par le Dr VILCOQ.

(.%0211·lz. de Neurologie, 1899, n° 1.)

XIX. Sur un cas de psycho-esthésie ; par E. GUTIIRIE.

(Brain, LXXVII et L1V11L)

Il s'agit d'un épileptique de cinquante-deux ans, éprouvant la

- REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 307

sensation d'un courant d'air glacé sur la cuisse pendant les mou-

vements, toutes les sensibilités étant normales d'ailleurs, sauf une

hyperesthésie pour la sensation de froid. L'auteur fait à cette

occasion une revue complète des travaux relatifs 1l ce phénomène

et conclut à la syringomyélie ou à quelque lésion obscure de

l'écorce comme origine. F. B.

XX. Un cas de paralysie d'origine saturnine; par M. Sano.

(JOli1 ? de Neurologie, 1899, n° 5.)

Il s'agit d'un homme de quarante-deux ans, qui au septième

jour d'une scarlatine, fut atteint d'une paralysie progressive des

deux membres supérieurs, précédée de douleurs et accompagnée

de troubles de la sensibilité, d'atrophie musculaire et de réaction

de dégénérescence. Tous ces accidents rétrocédèrent peu à peu,

sans toutefois disparaître complètement. L'auteur incline à penser

qu'il a eu affaire dans ce cas à une polynévrite infectieuse du plexus

brachial, sans toutefois exclure la possibilité de lésions poliomyé-

litiques. G. D.

XXI. Insuffisance nasale hystérique ; par M. Lermoyez.

(Presse médicale, 25 janvier 1899.)

L'insuffisance nasale affecte habituellement l'un des deux modes

suivants : ou bien elle est objective et réelle, et dans ces cas, les

sujets qui en sont atteints, présentant une imperméabilité nasale

due à une tumeur adénoïde, à une déviation de la cloison ou à

toute autre cause, respirent exclusivement par la bouche, souvent

sans en avoir conscience ; ou bien elle est subjective ou fausse, le

nez étant en réalité perméable, mais le sujet, par une illusion res-

piratoire ou par interprétation vicieuse inconsciente d'un état anor-

mal de la muqueuse pituitaire, se plaignant d'nne dyspnée nasale

purement imaginaire. M. Lermoyez en a observé un troisième

type, qu'il n'a trouvé décrit nulle part, dans lequel les fosses

nasales étaient libres et, cependant, tellement imperméables à

l'air que, la bouche seule étant maintenue close, l'asphyxie se

produisait par apnée absolue. La jeune fille chez qui il a constaté

cette insuftisance nasale, n'avait jamais pu respirer par le nez

depuis son enfance, par suite d'une obstruction nasale produite

par un vice de conformation des cornets inférieurs. La résection

de la tête de ces cornets rétablit la perméabilité des fosses nasales

et du pharynx nasal ; mais, deux mois après l'opération, M. Ler-

moyez constata la persistance de l'impossibilité de respirer par le

nez, de renifler et de se moucher. Il pensa d'abord qu'il se trou-

vait en présence d'une dyspnée nasale imaginaire et que si la ma-

lade persistait à tenir la bouche ouverte, c'était par difficulté de se

défaire d'une habitude vicieuse datant de l'enfance ; mais l'occlu-

308 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

sion de la bouche seule produisant l'apnée complète, il dut reje-

ter cette hypothèse. Il s'assura aussi que cette impossibilité de

respirer par le nez ne tenait pas à un spasme fonctionnel du voile

du palais, et, ayant éliminé toutes les causes d'insuffisance nasale,

il en arriva à penser qu'il avait affaire à un trouble d'ordre psy-

chique et à soupçonner l'hystérie. Il reconnut alors l'existence

latente de cette névrose, attestée par les signes suivants : anesthé-

sie à tous les modes de sensibilité et presque généralisée à toute

la surface du corps et des muqueuses, rétrécissement du champ

visuel; perte du goût et de l'odorat, disparition de la perception

crânienne des sons. La nature hystérique de cette insuffisance

nasale a été confirmée par la constatation de ce fait, que, l'apnée

consécutive a la fermeture de la bouche, tenait, non à l'occlusion

de cette cavité, mais à l'immobilisation du thorax réalisée aussi-

tôt automatiquement par la malade elle-même. L'occlusion simu-

lée, mais incomplète de la bouche, produisait d'ailleurs, comme

l'occlusion parfaite, l'apnée absolue ; de plus, la nuit, la malade

dormait la bouche close, sans manifester pendant son sommeil le

moindre signe d'insuffisance nasale.

Ce fait peut être rangé parmi les aboulies motrices systématisées

permanentes; on sait que les aboulies motrices respectent les

mouvements physiologiques, respiration, digestion, etc., et frap-

pent surtout les actes volontaires, intentionnels, ou les actes nou-

veaux ou nouvellement appris, exigeant une synthèse musculaire

qui, pour être correctement exécutée, a besoin d'une certaine

attention. La malade observée par M. Lermoyez semble déroger à

cette règle, mais cette dérogation n'est qu'apparente : le nez de

la malade ayant été obstrué réellement pendant une longue

période de temps, la respiration nasale constituait en réalité, pour

elle, une fonction physiologique nouvelle, dont elle devait apprendre

à se servir. A raison de l'hystérie, elle a été incapable de l'effort

d'attention et de volonté nécessaires pour réaliser la mise en train

de cette nouvelle fonction; elle s'est ainsi conformée à la règle

qui veut que la volonté des hystériques se trouve principalement

impuissante vis-à-vis des actions musculaires où se rencontre quel-

que nouveauté des mouvemeuts. A. Fenaykou.

XXII. L'alcoolisme avant l'alcool; par M.' A. DLLpFUCu. (Presse

médicale, 3 décembre 1898.)

L'alcoolisme n'est pas né d'hier, comme son nom, et les méde-

cins les plus anciens dont nous connaissons les oeuvres (llippocrate,

Erasistrate, Rufus Soranus, Galien, Arétée, etc.), ont vu et décrit

les divers accidents que l'abus du vin peut provoquer chez l'homme.

Parmi ces accidents, M. Delpeuch mentionne spécialement la cir-

rhose alcoolique. Le fait que cette maladie existait longtemps avant

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 309

la découverte de l'alcool paraît à l'auteur un des arguments les

plus solides que l'on puisse apporter à l'appui de l'opinion émise

par Lancereaux; à savoir que, de toutes les boissons alcooliques,

c'est le vin qui doit être le plus particulièrement incriminé dans la

cirrhose alcoolique. A. IEa.wnou.

XXIII. Contribution à l'étude de la névrite ascendante ; par

M. G. Marinesco. (Presse médicale, 23 novembre 1898.)

L'auteur rapporte l'observation d'une femme qui a été atteinte

de névrite ascendante du nerf sciatique, produite par une infection

streptococcique. L'examen histologique de ce nerf, de ses racines

et de la moelle épinière a révélé l'existence des lésions suivantes :

Au niveau de la zone d'infection, le nerf présentait : 1° des alté-

rations interstitielles, consistant dans l'infiltration de sa capsule,

du tissu conjonctif interfasciculaire et de la gaine lamelleuse des

faisceaux nerveux par des streptocopes et des leucocytes; 2" des

altérations vasculaires (envahissement de la gaine externe des

artérioles et des veines par les mêmes éléments) ; 3° des altéra-

tions parenchymateuses (tous les degrés de dégénérescence de la

fibre nerveuse, depuis la tuméfaction légère du cylindre-axe jus-

qu'à la fragmentation et l'atrophie de ce filament). Au-dessus de

la zone d'infection, l'envahissement microbien diminuait progres-

sivement et finissait par disparaître, mais l'infiltration leucocytaire

persistait dans la gaine des faisceaux nerveux, dans lestravées

conjonctives intra et iuterfasciculaires et dans la tunique externe

de certains vaisseaux. Dans la moelle les lésions localisées au-

dessous de la IVe lombaire, du côté correspondant au membre

malade, étaient également asculaires, interstitielles et parenchy-

mateuses. Il existait une infiltration leucocytaire de la gaine

externe de ramifications vasculaires irriguant surtout la corne

latérale et le groupe postéro-externe de la substance grise; on

constatait aussi la présence de nodules interstitiels formés de leu-

cocytes et des cellules névrogliques. Nulle part, dans la moelle,

il n'y avait des microbes. Les lésions des cellules nerveuses, loca-

lisées principalement dans la corne latérale, étaient plus ou moins

prononcées ; elles allaient de la tuméfaction légère du cytoplasma

avec migration du noyau jusqu'à l'atrophie de la cellule. Parmi les

cellules altérées, les unes, celles qui se trouvaient près des grands

foyers d'infiltration vasculaire, étaient tuméfiées, augmentées de vo-

lume, surtout dans le sens d'un diamètre, avec noyau plus ou moins

central et chromatolyse plutôt centrale; d'autres, surtout celles

siégeant le plus loin de ces mêmes foyers vasculaires, présentaient

des altérations rappelant tout il fait le type des lésions décrites par

M. Marinesco sous le nom de lésions secondaires.

D'après l'auteur, les lésions du nerf dans la zone d'infection

310 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

sont dues en grande partie aux masses considérables de microbes

infiltrés dans ses éléments interstitiels. Mais les produits toxiques

de ces microbes, les toxines, se propageant de proche en proche

jusque dans la moelle, ont donné naissance aux lésions vascu-

laires, interstitielles et parenchymateuses constatées dans la partie

supérieure du nerf et dans son centre médullaire. Cette propaga-

tion s'est faite directement par les voies lymphatiques. Les lésions

parenchymateuses du nerf ont elles-mêmes réagi à distance sur

les centres nerveux, déterminant ainsi des lésions cellulaires

secondaires qui ont été constatées à côté des altérations parenchy-

mateuses primitives.

M. Marinesco pense avoir démontré que la conception analomo-

clinique de la névrite ascendante est absolument fondée. La cause

la plus fréquente, sinon l'unique, est une infection locale, infection

qui n'a pas grande tendance à la diffusion. Les agents de l'infection

se propagent, grâce aux espaces lymphatiques du nerf, de proche

en proche, jusque dans la moelle épinière, c'est-à-dire qu'à la phase

névritique vient s'ajouter la phase médullaire. Toulefois la des-

truction d'un certain nombre de fibres nerveuses par le microbe et

ses toxines, détermine, dans certains cas, une répercussion sur le

centre, avant même que la substance toxique se soit propagée à la

moelle. Si, au contraire, il s'agit de poisons très diffusibles, les

lésions centrales seront très accusées, avant même qu'il existe des

lésions manifestes dans les nerfs. A. Fenayrou.

XXIV. Atrophie musculaire et osseuse du membre supérieur droit,

consécutive à des traumatismes violents et multiples ; par

SAi3R.zÈs etMARsY (nous. Iconogr. de la Salpélriène, n° 2, 1899).

XXV. Le tabes labyrinthique ; par P. l3owEn. (I\ro2tv. Iconogr. de

la Sctllrc7lrière, n° 2, 1899.)

Dans la description de cette affection à manifestations si

variables, les observateurs tendent naturellement à établir des

variétés fixées par la prédominance des symptômes cliniques :

tabes dorsalis, tabes supérieur. L'auteur trouve ces expressions

impropres et trop vagues, mais il ne serait pas mauvais de carac-

tériser les formes par un symptôme dominant, et résultant nette-

ment d'une lésion métamérique bien déterminée. Le symptôme

labyrinthique (signe de liomberg, difficulté de la marche dans

l'obscurité, surdité, bourdonnement, vertiges, etc.), dû à la lésion

de la plus grosse, la plus active, la plus importante, la plus vigi-

lante des racines spinales postérieures, qui ne fait que rarement

défaut dans le cortège symptomatique du tabes, et souvent se

manifeste dès le début de l'affection, mérite à ces divers titres de

servir à désigner la forme ou la phase du tabes dans laquelle se

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 311 1

manifestent particulièrement les troubles du labyrinthe. L'impor-

tance de cette spécialisation reconnue, peut conduire dans la pra-

tique, à des pronostics et diagnostics à longue portée permettant

d'éviter des interventions locales au moins inutiles.

R. CHAI\ON,

XXVI. Incontinence d'urine d'origine hystérique ; par P. Rivant.

(Vouv. Iconog. de la Salpèlrière, n° 2, 1899.)

XXVII. Étiologie et fréquence de la méningite sporadique suppurée;

par L. Napoléon Boston (de Philadelphie). (Médical 1\'ews,

mai 1899.)

Cette étude repose sur la statistique des autopsies de l'hôpital

de Philadelphie d'avril 1894 à octobre 1898. Dans cet espace de

temps, 80 cas furent observés qui se décomposent comme suit :

312 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XXIX. Manifestations larvées de l'épilepsie; par SAUGER Unown.

. [Médical Record, avril 1899.)

Cinq observations... L'auteur signale entre autres les migrai-

nes, céphalalgies, cauchemars, comme des équivalents possibles

de la crise comitiale.

XXX. Un cas de spasme avec contraction hémiplégique sans

paralysie; par Gmnaccn Stewart. (British med. Journal, jan-

vier 1899.)

L'ancienneté de la contracture a produit une déformation per-

manente de la main et du pied (photographies et radiographies).

Le malade est un homme robuste d'âge moyen. L'auteur estime

qu'il y a une lésion au niveau de la couche optique, tout en

admettant la possibilité d'altérations corticales. Le traitement

employé fut l'iodure malgré l'absence d'antécédents spécifiques.

La suggestion hypnotique fut tentée sans le moindre résultat.

A. M.

XXXI. Sclérose en plaques. - Clinique du P1' de Rrnzi. (1'coua

Riuislc clinico therccp., n° 3, 1899.)

A l'occasion d'une observation de sclérose en plaques le maitre

fait ressortir toute l'importance que présentent pour lui au point

de vue diagnostic, les phénomènes spasmodiques des muscles des

membres, le tremblement qu'il attribue à une lésion des cellules

motrices cérébrales ou tout au moins du faisceau pyramidal intra-

cranien, les vertiges. Ces symptômes présenteraient une fréquence

et une fixité bien supérieures il d'autres signes comme le nystag-

mus et les troubles.de la miction et de la défécation. R. C.

XXXII. Sur les hémichorées ; par La Riva. (Académie de médecine

de Jladrid.)

Deux cas types d'hémichorée essentielle chez des enfants de

quatorze et quinze ans ne présentant pas trace d'hystérie, sans

aucune hémiplégie ni parésie et dont la marche évolutive a suivi

jusqu'à la guérison la marche inverse des chorées post ou pré-

hémiplégiques inspirent à l'auteur les remarques suivantes. La

chorée ne serait pas une névrose forcément généralisée à l'en-

semble du système nerveux, mais une névrose cérébrale pouvant

même n'intéresser qu'un seul hémisphère et dont le siège est en-

core douteux. Ce que l'on sait de l'anatomie pathologique des

hémichorées pré et post hémiplégiques : lésion de la partie posté-

rieure de la capsule interne affectant la couche optique, pourrait

tendre à chercher de ce côté la localisation de la cause de la cho-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 313

rée ; mais dans les deux cas de La Biva l'absence du signe de

Bechtereew (perte de l'expression réflexe des émotions dans la face

du côté opposé à la lésion thalamique) laisserait supposer que la

couche optique est indemne. Faut-il rechercher dans l'écorce la

localisation choréogène ' ? La question reste posée, en tout cas la

chorée essentielle serait une affection infectieuse du cerveau dont

le siège exact est à trouver (7}et)M<« de medicina y cirugia, na 572).

F. Boissier.

XI.\'111. Le délire dans les fractures du crâne ; par ARE1LZ \.

(Revisla de medicina y cirugia, 576.) .

A la période de commotion succède une période d'anémie aiguë

qui paraît indépendante de toute infection ou phlegmasie du

contenu crânien ; délire aigu. Après cette étape d'acuité survient

peu à peu un syndrome à marche lente en tout semblable à la

confusion mentale. Ces symptômes s'observent surtout dans les

fractures limitées ou propagées aux régions antérieures de la base,

ce qui semblerait devoir faire attribuer un rôle important pour

les fonctions psychiques aux circonvolutions orbitaires. Mais

contre ces conclusions milite l'expérience suivante à savoir qu'une

pression de 20 centimètres de mercure peut être supportée à la

base de deux lobes frontaux pendant un temps très long sans

aucune réaction psychique. F. Boissier.

XXXIV. Deux cas d'épilepsie jacksonnienne ; par II. Bmz.

Il s'agit de deux adultes présentant tout à coup de l'épilepzie

jacksonnienne typique s'établissant rapidement, début à la face,

puis successivement secousses dans les bras, enfin le membre infé-

rieur, pas de cri initial, etc. Recherche des antécédents, syphilis.

Guérison par le traitement mixte. (Revisla. med. cir., 5 î3.)

XXXV. Sur la paralysie diphtéritique ; par Frédéric BATTEURS.

(l31lisle med, Journal, 19 novembre 1898.)

Ce travail a été lu il la British association d'Edimbourg. Il porte

sur un cas de diphtérie où ont été appliquées les méthodes d'exa-

men de Marchi. L'auteur conclut à la probabilité de lésion domi-

nante dans les paralysies diphtériques, consistant en une

dégénérescence de la gaine de myéline des nerfs, dégénérescence

affectant également les fibres motrices et sensitives. A. Marie.

XXXVI. Diagnostic différentiel entre la sclérose en plaques et

l'hystérie ; par Thomas 13UZZ\I\D. (British med., mai 1899.)

L'auteur se borne à quelques remarques sur un certain nombre

314 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

de symptômes (réflexes du genou, anesthésies, contractures). Il

insiste en terminant sur la valeur du signe de Babinski sur le

phénomène des orteils.

XXXVII. Pathologie de la glande thyroïde; par Georges AfuaaAY

et CUIB, (British mcd. Journal, mars 1899.)

Cette étude comprend deux importants articles dans deux numé-

ros de journal et est accompagnée de microphotographies de pré-

paration histologiques de glande thyroïde. Des expériences de

thyroidectomie sur le singe ont permis de reproduire un myxoe-

dème caractéristique (2 photographies). Des déductions théra-

peutiques sur le crétinisme y sont développées avec photographies

à l'appui.

A signaler dans le Médical Record d'avril 1899 une étude

d'Hamilton sur les applications au traitement de la folie des

extraits des glandes thyroïdes et surrénales. A. Vigouroux.

XXXVIII. Syringomyélie; par CARSLAW (de Glascow). (British med.

Journal, décembre 1898.)

L'intérêt principal de ce cas consiste dans la distribution

spéciale des anesthésies, au froid et à la douleur. La dissociation

des sensibilités est généralisée. A. M.

XXXIX. D'un remarquable état de sommeil pathologique;

par F. Holzinger. (Neurolo. Centralblatt, XVIII, 1899.)

Il s'agit d'un homme de soixante ans, de la tribu de l'Oromo

dans le Choua (Ethiopie) qui, à peine assis(accroupi)se met dormir

profondément. Un appel ou un léger contact le réveille et il ouvre

les yeux comme effrayé, comme s'il sortait d'un profond sommeil.

Il dort ainsi au besoin toute la journée, sans demander à manger,

dès qu'on le laisse tranquille et se laisse d'ailleurs réveiller très

aisément. Il dit qu'il n'a rien autre chose que de se sentir conti-

nuellement fatigué, depuis deux ans. Le mouvement seul le tire de

cet état, sans l'en débarrasser. En revanche, la nuit son sommeil

est agité ; il a des visions d'une foule de gens autour de lui, aux-

quels il se met à parler sans en recevoir de réponses, il s'aperçoit

alors que ce sont des visions, prend peur et se met il crier. 11 se

croit possédé du malin esprit, empoisonné par ses ennemis, du

moins est-ce de sa part une supposition basée sur une croyance

populaire : syphilis légère ; jamais de maladies antérieures ni de

blessures. Quelque peu alcoolique, le malade ne se rend pas lui-

même compte s'il a la nuit rêves ou hallucinations vraies; il les

corrige il est vrai, mais elles reviennent toutes les nuits, et parfois

plusieurs fois la nuit; raison de plus pour qu'il croie aux sorciers.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 315

Il s'agit en réalité non d'une narcolepsie (attaques de sommeil)

mais d'une somnolence permanente; d'une léthargie d'Afrique,

décrite par Gowers d'après Gore, Gulrin, Mac Corthy. Il n'existe

ni épilepsie ni hystérie. P. Keraval.

XL. Des paralysies faciales récidivantes ; par M. UKRKuRDT.

(Nelll'olog. Cenlralbl., XVIII, 1899.)

11 s'agit des paralysies faciales périphériques survenant à plu-

sieurs reprises chez le même individu. L'auteur classe ses obser-

vations, donne neuf faits nouveaux, et dresse un tableau de 60 cas

personnels avec analyses correspondantes.

Conclusions. - 1° Elles représentent 7 p. 100 des paralysies

faciales; 2° Les hommes en paraissent plus fréquemment

atteints que les femmes; - 3° La récidive a lieu aussi bien avant

l'âge de vingt ans qu'après l'âge de cinquante ans, mais la plus

grande fréquence est entre vingt et cinquante ans. C'est aussi )'àge

des paralysies faciales périphériques; - 4° Le récidive a lieu soit

bientôt (quelques semaines) après la première paralysie, soit bien

des années après; '.i° Une seconde récidive ne se produit jamais

avant qu'il se soit écoulé un an ; c'est généralement au bout de

cinq ans, rarement sept ans; - 6° Le côté atteint par la première

paralysie n'est pas fréquenté par les récidives, mais il n'y a de

règle ni pour le côté pris par la première atteinte, ni pour les

récidives subséquentes; - 7° I.a plupart des observations témoi-

gnent d'une seule récidive; plus rarement il y a une seconde

récidive ; encore plus rares sont les troisième et quatrième réci-

dives ; - 8° Chez l'homme une seule récidive est plus fréquente

que chez la femme; 9° Une seconde récidive est plus fréquente

chez la femme que chez l'homme; - 10° Une seconde et une

troisième récidives ont lieu à égalité de fréquence chez l'homme

et chez la femme; 11° Les premières récidives constituent dans

la pluralité des cas des formes plus graves de paralysie (électri.

quement parlant) due les premières paralysies; 12° Un certain

nombre de paralysies faciales récidivantes (10 p. 100 à peu près)

dépendent d'inflammations chroniques ou de suppurations de

l'oreille moyenne, ou encore de lésions pathologiques de la base

du crâne. Dans ce cas, la récidive parait toujours occuper le coté

atteint à l'origine; 13° Une autre catégorie de paralysies

faciales récidivantes est formée par celles qui surviennent chez les

syphilitiques (6,6 p. 100), sans qu'on puisse dire que la syphilis

joue un rôle dans l'espèce; - HO Une troisième catégorie est celle

des paralysies faciales des diabétiques (5 p. 100); - 15° Une qua-

trième est constituée par les paralysies faciales des nerveux ou

héréditaires prédisposés (13,3 p. 100); - 16° Il reste 66,6 p. 100

de cas où on n'a pu constater les causes précédentes; - 17° Les

316 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

hypothèses de Despaigne, Philip, et autres, relatives à la structure

anormale des os du crâne et de la face chez les héréditaires et

prédisposés congénitaux, ne s'appliquent pas à la majorité des cas

de ce genre; - 18° L'origine infectieuse ou toxique des paralysies

faciales périphériques est très admissible mais non prouvée;

19° Une première atteinte de paralysie faciale confère-t-elle l'im-

munité ? La récidive si fréquente des maladies infectieuses de la

gorge et en particulier des amygdales inspire à cet égard un

doute d'autant plus justifié qu'une affection de l'oreille moyenne

et, par suite, du facial, est bien souvent amenée par une propaga-

tion du processus infectieux par la voie des trompes ; 20° Nous

n'avons donc point d'explication satisfaisante applicable à la plu-

ralité des cas de répétition d'une paralysie faciale périphérique

chez le même individu. P. 1\ ! : RA VAL,

XLI. Névralgie du trijumeau d'origine traumatique; par H \SClI.

V : cl1t1',ilbl. f. Nervcl1heill." XXI, N. F. IX, 1898.)

Il s'agit d'un forgeron qui pendant son travail a reçu sur le bord

supérieur de 1 orbite gauche un moine de quelques livres qui s'est

échappé du manche. Il y a eu lésion des parties molles, un peu

d'étourdissement. sans perte de connaissance. Quelques plaques

de pemphigus aigu sont survenues deux semaines après l'acci-

dent sur tout le terriloire du nerf atteint. Ce cas de névralgie

traumatique avec trouble trophique, rappelle à l'auteur une obser-

vation de psychose réflexe issue d'une cicatrice très gonflée, et

douloureuse, exactement située au niveau du trou sus-orbitaire,

Quelques semaines après l'excision de la cicatrice qui, d'ailleurs,

guérit le malade d'une psychose grave, datant déjà de près d'un

an, s'installait une furonculose assez incommode oècupant le ter-

ritoire de la peau innervée par le nerf et qui récidiva pendant assez

longtemps. P. KEil.H.\L.

XLiI. Contribution à la casuistique de l'astasie-abasie; parL. GOLD-

STEI,4. (l;enhcc(Gl. f. 1'emcvlccill ? XXI, N. 1 ? IX, 1898.)

L'auteur serait tenté de regarder l'astasic-abasie comme un

complexus symptomatique purement hystérique, de même que

Charcot. Un voici un cas qui rentre aussi dans l'hystérie. Il n'a

pas d'autre particularité que d'appartenir la forme pleinement

pure, typique. Il s'agit d'une vieille fille de trente-trois ans. Quoi-

qu'on ne pût découvrir aucune tare héréditaire, aucun stigmate

hystérique, le mutisme, les diverses sensations qu'elle éprouve, et

tout son air, indiquent l'hystérie. Cette astasie-abasie persistante

(elle dure depuis quatre ans), est une forme paralytique, à carac-

tères hystériques, elle a résisté parce que la malade a changé bien

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 317

souvent de médecins. « Nous lui suggérons, dit M. Goldstein, que

ceitainement l'électrisation la fera marcher et se tenir debout

dans cinq semaines, et lui fixons le jour; car le traitement lui don-

nera les forces nécessaires dans les jambes. Et c'est ce qui arrive.

Elle quitte le ht et se met à marcher comme un petit enfant à ses

débuts. Puis sous notre oeil, l'amélioration progresse graduelle-

ment ; sous l'influence des encouiagements, la voilà qui, quelques

semaines plus tard, descend l'escalier de son logement situé au

troisième étage. Deux mois après le début du traitement elle

nous rendait visite. » P. Keraval.

1LIII. Contribution au diagnostic électrique des paralysies de

l'oculomoteur commun; par J.-K.-A. WEIlTIIEIll-SALOMONSON.

(Neurolog.Centralbl., XVII, 18C8.)

1° Les muscles de l'oeil sont dits inaccessibles à l'examen électro-

diagnostique (C. Erb. ; Remah, Ilirt). Ziemssen indique qu'il a pu

chez les animaux provoquer, par l'excitation électrique, la con-

traction de l'iris. Mais on n'a point fait d'essais sur ce sujet chez

l'homme, dans les paralysies de l'oculomoteur commun. Pansier

(Electrothérapie oculaire, 1896) ne parle pas de l'examen électro-

diagnostique des muscles de l'oeil ; - 2° La cause de l'absence

de locomotion apparente du globe de l'ceil, quand on excite

les muscles de l'oeil par l'électricité, tiendrait, pour la plupart

des auteurs, il la faible résistance à la conductibilité électrique

du globe de l'oeil. La plupart des ondes du courant traver-

sent le globe, de sorte qu'une quantité infinitésimale seule en

atteint muscles et neifs. En vain excite-t-on les muscles à leur

insertion, après cocaïnisation de la conjonctive (procédé d'Eulen-

burg), on n'obtient pas d'excursion apparente du globe malgré

l'emploi d'un courant doué d'une force et d'une densité considé-

rables, de 0,50 milliampère,. malgré l'usage d'électrodes ayant

0,50 centimètre de surface. On devrait aller à 1 et 1,5 milliampère

pour atteindre le but, mais on risquerait de léser la rétine

(Ducbenne) ; - 3° Mais il est un muscle qui, en certaines circons-

tances, est accessible à l'excitation électrique percutanée, directe.

C'est l'élévateur de la paupière supérieure. Chez les individus nor-

maux il n'est excitable ni par le courant galvanique, ni par le

courant faradique ; non plus, chez les individus atteints de para-

lysie faciale périphérique. Dans le cas de blépharoptose paraly-

tique, il est parfois excitable, mais rien que par le courant

galvanique, à la condition, suivant les patients et les moments,

que ce courant ait une force de 0,03 à 1,4 milliampère^. Le point

excitomoteur git à quelques millimètres au-dessous du bord de

l'orbite et au milieu de celui-ci, c'est-à-dire au-dessous du point

le plus élevé du bord de l'orbite. L'électrode nécessaire, ronde, en

318 S REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

forme de bouton mesure 5 millimètres ; on la revêt de cuir ou de

flanelle. Il faut qu'on procède aux fermetures du courant à l'appa-

reil électrique et non sur le manche de l'électrode, sous peine de

croire à une contraction tandis qu'on déplace presque inévitable-

ment l'électrode. Mais on peut conserverie manche ordinaire parce

que l'électrode doit être fixée de la main gauche libre; 4° La

section d'un nerf moteur est suivie des phénomènes connus de la

réaction dégénérative, telle la modification de l'excitabilité galva-

nique directe qui apparaît déjà nettement dès le douzième jour.

On observe alors des contractions lentes ; quelques jours plus tard

elles se montrent sous l'influence d'un courant dont la force est

étonnamment faible. Ce qui a lieu pour tous les nerfs moteurs a

lieu aussi pour l'oculomoteur commun. Sa complète séparation

entraîne une exagération de l'excitabilité galvanique directe des

muscles innervés par celui-ci au bout d'environ trois semaines.

Et c'est pourquoi, à cette époque, l'élévateur se contracte tout à fait

lentement quand on pratique l'excitation galvanique directe au

point désigné supra. M. W... ajoute avoir observé des contractions

de l'élévateur dès le seizième jour après la production d'une para-

lysie de l'oculomoteur, que probablement il eut pu constater dès

le quatorzième jour. Il importe de se servir d'un courant de 1,2 mil-

liampère, dans la force duquel on n'est limité que par l'apparition

de contractions dans l'orbiculaire des paupières. A partir du qua-

torzième jour on peut diminuer la force du courant ; le vingt-cin-

quième jour un courant de 0,03' milliampère, fourni. par trois

éléments, produit la contraction minima. Fermez à la cathode et

vous avez le plus aisément du monde une contraction. Des cou-

rants plus forts se traduisent par une contraction à l'ouverture à

l'anode. Quelques jours plus tard apparaît aussi une contraction

à la fermeture de l'anode; elle est déjà bien plus forte que la con-

traction à l'ouverture de l'anode et peut être, encore plus tard,

produite au moyen d'une même intensité de courant que celle

qu'exige la fermeture à la cathode, iia U te est assez difficile à

obtenir et exige 1,4 milliampère. 5" Le reste de l'évolution cor-

respond, dans les divers cas, a l'évolution de la paralysie. Dans

les cas de moyenne gravité, l'excitabilité diminue très prompte-

ment avec l'apparition de la guérison. Dans les cas graves, l'excita-

bilité de l'élévateur subsiste assez longtemps. Au bout de huit mois

on parvient encore à produire des contractions, mais elles devien-

nent graduellement plus faibles et ne peuvent, en dernier lieu,

plus être obtenues, même avec les plus forts courants utilisables

de 1,4 milliampère; -' GO Les contractions sont toujours d'une

lenteur distincte, mais pas aussi lentes qu'on le voit dans les para-

lysies périphériques. La durée d'une contraction maxima est de

0,50 seconde le vingt-cinquième ou le trentième jour, c'est-à-dire

pendant la période d'excitabilité maxima. L'excursion de la pau-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 319

pière supérieure est, au début, très faible et ne comporte que des

fractions de milimètre. Plus tard elle augmente et peut atteindre

3 millimètres. '7° On peut obtenir des contractions de l'éléva-

teur dans les cas de-moyenne gravité et dans les cas graves de

paralysie périphérique de l'oculomoteur commun. Dans les cas

légers on ne peut produire de contractions quand la maladie dans

son ensemble a une durée de six semaines. Dans les paralysies

nucléaires et fasciculaires de l'oculomoteur commun on devait

à priori s'attendre à une excitabilité de l'élévateur correspondant

à la réaction dégénérative. Les faits n'ont pas confirmé cette pré-

vision ; en aucun cas de blépharoptose produite par une paralysie

fasciculaire ou nucléaire, il n'a pu être obtenu de contraction de

l'élévateur. Pas de contraction non plus dans un cas de blépha-

roptose congénitale. Aucune réaction, dans un cas de paralysie

de l'oculomoteur commun récidivante, malgré le développement

graduel d'une parésie permanente. (Voy. Psychititi-ische en 1tel ! ru-

logische llladen, 1898) ; 8° L'excitabilité de l'élévaleur de la pau-

pière supérieure est donc probablement un signe de réaction dégé-

nérative dans les paralysies de moyenne gravité et dans les para-

lysies graves de l'oculomoteur commun. La disparition rapide de

l'excitabilité indique le début de la guérison. L'excitabilité parait

manquer dans la blépharoptose produite par les paralysies

nucléaires et fasciculaires ainsi que dans les paralysies légères et

récidivantes ; - 9° L'impossibilité d'exciter les muscles du globe

de l'oeil doit être déterminée par la tonicité permanente de ces

muscles qui échappent à la détente volontaire du patient, en outre

des conditions défavorables de la résistance à la conductibilité

électrique (Ziemssen). C'est ce qui empêche l'excursion du globe

de l'oeil sous l'influence de l'excitation galvanique directe d'un

muscle de l'oeil paralysé. La lenteur indubitable de la contraction

ne peut vaincre la tonicité des muscles sains. Cela serait probable-

ment possible si le sujet était plongé dans une profonde narcose

chloroformique. C'est à voir de près. P. KEKAVAL.

XLIV. Deux cas d'ataxie de Friedreich; par P. Com. (Neurolog.

Centrulbl. XVII, 1898.)

Chez deux frères de onze ans et de treize ans et demi on cons-

tate une forme progressive caractérisée par : 1° de l'ataxie sta-

tique et locomotrice, 2° l'absence de réflexes patellaires et achil-

léens, 3° l'intégrité de la sensibilité cutanée, 4° des troubles dans

la notion de position, 5° l'intégrité des réflexes vésicaux et rectaux,

6° du nystagmus, '7° un léger trouble de la parole, 8° le pied de

Friedreich. En outre dans l'observation 1 il y a une lésion destruc-

tive chronique des poumons, dans l'observation Il il y a atrophie

du nerf optique. L'ataxie et la simultanéité de la même maladie

320 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

chez les deux frères attirent l'attention en première ligne; les

mouvements convulsifs rappellent bien la chorée infantile mais il

n'en saurait être question. L'auteur passe cependant en revue le

diagnostic différentiel d'avec : la sclérose en plaques, le tabe,

ordinaire ; la syphilis héréditaire ; la paraplégie ataxique de

Gowers; une tumeur cérébelleuse, l'hérédo-ataxie cérébelleuse de

P. Marie. Il ne se croit pas encoie en mesure de décider si, dans

la maladie de Friedreich, il y a, et à quel degré, des arrêts de

développement du cervelet, ni de préciser la localisation patliolo-

logique de la moelle. L'atrophie du nerf optique de l'observation Il

bien que particulière, n'exclut pas l'idée d'une maladie de Frie-

dreich ; c'est une maladie de Friedreich avec atrophie du nerf

optique, voilà tout.

C'est vraiment ici une maladie familiale puisqu'elle atteint deux

membres d'une même famille et tout jeunes (on sait que cette

maladie est rarement directement transmise); le père était un

ivrogne (fait noté par Ladame dans l'espèce). Les deux enfants

ont été atteints de scarlatine; cette maladie a pu exagérer la pré-

disposition à l'ataxie héréditaire et donner le coup de fouet à la

prédisposition latente.

Il est bon d'insister sur les mouvements irréguliers en forme

de tics (de la tête) des deux enfants, et sur ceux (des doigts) qui

rappellent l'athétose et la chorée. Les premiers survenaient seu-

lement dans la station debout ou quand la partie supérieure du

corps était dressée; ils tenaient peut-être à des efforts d'équilibre.

Les seconds apparaissaient déjà au repos (obs. II). 11 faut tous les

rapprocher des mouvements spontanés fréquemment associés à

l'ataxie, inconscients comme ces derniers, à cause des troubles du

sens musculaire.

Traitement. Alimentation reconstituante. Massage. Exercices

compensateurs de Frenkel. P. Keraval.

XLV. Un cas de contracture congénitale avec hypertrophie de l'ex-

trémité supérieure gauche; par S. KAUSCHER. (l'eurolo3. Cen-

lrulûlcatt, \'I1, 1898.)

C'est une contracture congénitale et permanente accompagnée

U'une augmentation de volume des muscles de l'avant-bras et du

bras qui sont durs et fermes, des éminences thénar et hypothénar

plus molle. L'hypertrophie atteint surtout les fléchisseurs et la

région du cubitus. Les os sont aussi un peu épaissis. Une convulsion

tonique permanente tend les interosseux, les longs fléchisseurs

des phalangettes, les fléchisseurs de la main du côté du cubitus.

Cette contracture permanente, en entraînant la flexion des doigts

et de la main, tournée en outre du côté du bord cubital, a aboli

la fonction du long extenseur des doigts. La fonction des muscles

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 321 1

innervés par le radial (long supinateur, triceps, extenseur du

carpe) est restée intacte ainsi que celle des extenseurs du pouce.

Pas d'atrophie visible des longs extenseurs des doigts. Les tendons

de l'extenseur commun des doigts, de l'extenseur de l'index et de

l'extenseur du petit doigt se contractent encore sous l'influence de

forts courants électriques. Il n'y a ni atrophie, ni impossibilité

fonctionnelle des éminences thénar et hypothénar, ce qui indique

une hypertrophie vraie. En un mot, il y a contracture de quel-

ques muscles innervés par le cubital et le médian, intégrité de

l'adducteur du pouce, de l'abducteur, de l'opposant du petit doigt,

du petit palmaire, innervés par le cubital ; dans le domaine du

médian, le fléchisseur sublime et le fléchisseur profond des doigts

sont seuls atteints.

L'hypertrophie atteint et les fléchisseurs contracturés et les flé-

chisseurs de lavant-bras (coraco-brachial, biceps), une partie des

extenseurs tels que le supinateur, l'extenseur radial et l'extenseur

cubital du carpe, peut-être aussi le triceps.

L'auteur insiste sur l'hypei trophie et le fonctionnement spontané

isolé du petit palmaire, en outre de l'influence exercée sur lui,

comme à l'état normal par l'excitation électrique du cubital. C'est

une anomalie physiologique.

La contracture congénitale de ce fait pourrait peut-être être

considérée comme d'origine intra-utérine (voy. le cas de Schuize).

Le diagnostic en est, en tout cas, simple quoiqu'il y ait des points

de contact avec la paralysie infantile cérébrale à forme monoplé-

gique, avec la contracture tardive post-hémiplégique, avec la dys-

trophie musculaire progressive, avec la tétanie et la myotonie,

avec les hypertrophies musculaires du surmenage des athlètes.

- P. KERAVAL.

XLVI. Notice historique relative à l'étude du tétanos céphalique

{tétanos hydropliobique, tétanos facial de Ed1 ? Rose); par M. 13ER;-¡-

iiardt. (7\'eu/'olog, Celltmnlatt, XVII, 1898.)

Edmond Rose, le créateur du type morbide n'a pas eu connais-

sance de la première observation de ce genre de Ch. Bell. Dans

son livre The nervous system of tlze lLtl))LCll2 body, Londres, 1830, on

trouve sous le n° 42 : observation de trismus compliqué de para-

lysie faciale. Elle a passé inaperçue et à Rose (t. VIII de la Chi-

¡'/t/'uie allemande, Stuttgart, 1897) et à Conrad Crunner (expert-

dentelle und lilinische Studietx «60' Tetanus, Tubiugue, 1894). Bell

l'ait remarquer que son observation ressemble à quelques obser-

vations de paralysie faciale locale puisque le malade ne pouvait

fermer l'oeil, mouvoir les lèvres et les joues, mais avec tétanisme

des masticateurs animés par la cinquième paire. Il mentionne un

cas d'hémiplégie faciale également produite par un coup sur la tête,

Archives, 2° série, t. VIII. 21

322 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

mais il repousse l'idée d'une lésion cérébrale, encore plus celle

d'une lésion' du nerf dans son trajet intra-osseux. Le trismus serait

dû, pour lui, à une lésion légère des téguments de la tempe chez

un sujet prédisposé. P. KERAVAL.

XL \11. Contribution à la pathologie des cellules des ganglions spi-

naux ; par 0. JULIUSI3URGER et E. MEYER. (iveuuolog. Centrulblatt,

XVII, 1898.)

1° Examen des cellules des ganglions spinaux dans la région

lombaire d'un idiot de dix-huit ans, mort subitement pendant une

période d'agitation apyrétique ayant duré depuis plusieurs jours.

Autopsie pratiquée quatre heures après la mort. Intégrité des organes

sauf un fort oedème pulmonaire. Durcissement dans l'alcool à 950 ;

inclusion dans la celloïdine. Les coupes sont colorées au bleu de

méthylène de Nissl, ou au vert d'iode additionné de fuchsine basi-

que (fuchsine basique 0,60 - vert d'iode 0,20 - eau distillée 100

- on colore pendant cinq à dix minutes et on décolore dans

l'alcool à 95° ou absolu). Le durcissement au formol et à la liqueur

de Millier et la coloration à la thionine, au rouge neutre, à l'alun

hématique donnent de très belles images.

Les cellules des ganglions spinaux sont entourées d'une capsule

de tissu conjonctif à la face interne de laquelle existe un endothé-

lium à une couche. Cette capsule est en rapport immédiat avec le

tissu conjonctif fibrillaire du ganglion, très développé ici, et carac-

térisé par une richesse nette de noyaux. Nombreuses cellules du

genre des cellules granuleuses, de deux espèces. A. Celles dont le

protoplasme semble diffus, contiennent des dépôts irrégulièrement

disposés de gros grains rouge vif (mélange de fuchsine et vert

d'iode); leur noyau, plus ou moins arrondi, présente de fines gra-

nulations vert bleuâtre. Les granulations protoplasmiques sont

plus nombreuses et d'un rouge qui tire sur le violet dans la colo-

ration à la thionine ; elles sont de couleur ocre, au rouge neutre.

B. Celles dont le protoplasme semble plus cohérent, plus limité,

contiennent des granulations infiniment plus fines, très serrées,

franchement violettes (par la fuchsine), bleues par la thionine,

rouge vif par le rouge neutre. Leur noyau est tout à fait semblable

à celui des cellules A. Dans les deux espèces le protoplasma

lui-même est incolore ; la grandeur des cellules est variable. Ce

sont surtout des cellules de l'espèce,A, qui ont été trouvées dans

le tissu conjonctif des nerfs périphériques, dans les trousseaux

extramédullaires des racines antérieures et postérieures, dans

l'écorce du cerveau; dans l'écorce elles occupaient même le voisi-

nage des vaisseaux et étaient en très petit nombre, à l'inverse des

nerfs et des racines.

Les cellules du ganglion spinal étaient surtout arrondies, quel-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.' 323

quefois allongées ou un peu anguleuses, le corps de la cellule res-

tant, comme à l'état normal contigu à la couche endothéliale. Il

n'y a qu'a confirmer les détails de Lenhossek ; les nuances qu'il a

décrites quant à leur constitution intime, tiennent aux variétés de

grosseur, de disposition, de nombre des « granules et mottes de

substance tigroïde » ainsi qu'à la variété de la constitution de la

substance fondamentale.

2° Examen de deux cas de tabes. Aucune anomalie de la substance

chromatique (Schaffer) ou tigroïde (Lenhossek) pas plus que chez

le jeune idiot qui n'avait présenté aucun symptôme spinal et dont

les cordons postérieurs étaient normaux. Rien non plus dans le

noyau ni le nucléole. Il semblait cependant y avoir davantage de

cellules petites et sombres que de cellules grandes et claires, plus

de cellules anguleuses, que normalement. Aucune multiplication

du tissu interstitiel ni des cellules granuleuses. Mais, de ce qu'il

n'y a pas d'altérations des petits grains et agrégats de petits grains

de la substance chromatique, il ne s'ensuit pas que la lésion du cor-

don postérieur ne dépende point d'un trouble primitif de la cellule du

ganglion spinal. En effet, le processus tabétique est lent. Quelque

opinion que l'on se fasse de la cause spéciale de ce processus, les

cellules des ganglions spinaux peuvent continuer à recevoir de la

périphérie une excitation qu'elles transforment de la manière qui

convient aux cordons postérieurs. Dès que les phénomènes d'exci-

tation normaux sont remplacés par des excitations anormales, la

capacité métamorphique normale de la cellule du ganglion spinal

est modifiée de telle sorte qu'au lieu qu'il se produise une méta-

morphose normale de l'excitation qui, de la périphérie, va à la

cellule, ait lieu une métamorphose anormale qui exerce sur les cor-

dons postérieurs une action nocive. Cette modification de l'activité

de la cellule du ganglion spinal aurait lieu non tout d'un coup

mais par accommodation progressive aux modifications des condi-

tions de la vie. C'est pourquoi on n'y trouve pas d'altérations de la

substance chromatique, qui ne sauraient résulter que de la réac-

tion plus ou moins aiguë de la cellule ou de son défaut d'accom-

modation. Il n'y a donc point d'altération essentielle de la sub-

stance fondamentale qui continue à exécuter sa fonction spécifique.

La modification de forme et le rapetissement de la cellule du

ganglion, s'ils étaient constants, montreraient simplement qu'il y

a lutte des organes à s'adapter aux nouvelles conditions de la vie

et que certains éléments meurent tandis que d'autres survivent et

continuent à prospérer. Rien ne prouve non plus qu'il y ait modifi-

cation primitive de la cellule en question, mais l'absence de lésion

anatomique ne permet pas d'en contester l'existence.

3° Examen d'un cas de paralysie générale. Il s'agit d'un homme

de quarante-neuf ans, ayant eu sept semaines avant la mort, à la

suite d'attaques congestives prédominant à gauche, une hémipa-

324 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

résie gauche persistante. Lésions des cordons postérieurs sem-

blables à celles du tabes sous deux aspects : 1° celui d'un pro-

cessus ancien (atrophie et disparition des fibres, multiplication

du tissu interstitiel) ; 2° celui d'un processus jeune. L'hémiparésie

doit être rattachée à la lésion primitive des cellules pyramidales

des ascendantes. Ce l'ait permet d'admettre que la lésion des

cordons postérieurs émanait d'un trouble primitif des cellules des

ganglions spinaux. P. Keraval.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

XIII. Recherches sur la glycosurie alimentaire dans les maladies

mentales au point de vue des rapports entre la folie et le dia-

bète ; par f3er.LCSmu. Institut psychiatrique de Naples. (Nuala

Rivisla clinico-lerapeut., n°4, 1899.)

Les expériences de Fauteur portent sur 29 malades examinés

dans deux manicomes et appartenant aux diverses formes men-

tales qui s'y rencontrent généralement. Il leur a été administré

par jour 5 grammes de glucose par kilogramme, soit environ

1 gr. 50 de plus que la limite extrême de destruction dont dispose

l'homme sain. Ces expériences très soigneusement .menées con-

duisent aux conclusions suivantes : 1° Les maladies mentales, par

elles-mêmes, ne sont pas capables de diminuer dans l'organisme

le pouvoir de destruction du sucre ; 2° Les convulsions épilep-

tiques, si intimes et répétées qu'elles soient, ne suffisent pas pour

déterminer positivement la glycosurie alimentaire ; 3° La glyco-

surie spontanée, non physiologique, doit être tenue pour un fait

exceptionnel dans les psychopathies ; 4° Elle est fréquemment

simulée par l'augmentation du pouvoir réducteur normal de

l'urine, dû probablement à l'augmentation des substances extrac-

tives éliminées. R. C.

XIV. Un cas de paralysie générale des aliénés chez une enfant; par

John THOllS0N et A. WELSH (d'Edimbourg). (British med. Journal,

avril 1899.)

L'observation se rapporte aune enfant entrée à l'Asile à onze ans

et morte à dix-sept et présentant tousles symptômes de la paralysie

générale. Syphilis congénitale chez quatre frères. L'autopsie con-

firme le diagnostic ainsi que l'examen histologique du cerveau.

A. M.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 325

XV. Symbolistes et décadents ; par le D' BGl-,OFF (de Moscou).

(Gd..IICLDG2LfG2U, 1899.)

L'auteur étudie le décadentisme comme mouvement littéraire

et esthétique récemment passé d'Europe occidentale en liussie.

En raison de ses manifestations bizarres et prétentieuses, l'auteur

croit pouvoir l'envisager comme un phénomène pathologique.

11 ne partage pas l'opinion de M. Nordau qui considère ce

mouvement comme signe de décadence. Il pense que ces ten-

dances mystico-symbolistes forment une réaction naturelle con-

tre le mouvement matérialiste utilitaire de notre fin de siècle.

Le succès de ce mouvement est dû à l'imitation. Les gens bien

portants imitent les malades et ces derniers créent autrement que

nous, justement parce qu'ils sont malades. Pour prouver sa thèse

l'auteur relate la vie de quelques représentants du décadenlisme,

dont presque tous ont été des gens neiveux et malades et dont

le physique porte souvent des stigmates de dégénérescence.

Il termine son exposé par les conclusions suivantes : dans

l'organisation évolutive mentale, le progrès s'opère par stratifica-

tions superposées, lés fonctions dernières venues sont les moins

stables et ne le deviennent qu'avec le temps; malgré leur déséqui-

libration fréquente, les hommes de génie sont en progénéres-

cences et non des névrosés ataviques.

Comme a dit Gladstone, ce qu'on prend pour ruine est la

matière réunie pour l'édifice futur. D. M.

XVI. Du délire dans l'intoxication par l'atropine; par E. DevEn

(Ccnlralbl. f. Nervcnheil/c, XXI, N. 1 ? IX, 1898.)

Homme de cinquante-sept ans, apporté à l'hôpital totalement

privé de connaissance. il y devient très agité. Pupilles extrême-

ment dilatées et insensibles à la lumière, langue tout à fait sèche,

voix enrouée croassante. Désordre complet et confusion des actes;

à ce qu'on lui demande ou à ce que l'on lui dit de faire, il répond

par un mouvement de tête, mais il est impossible d'obtenir de lui

ni l'exécution des ordres qu'on lui donne, ni aucune réponse for-

melle. Mouvements continus mais plutôt doux. Expression du

visage plutôt gaie, très souvent rire fugitif. De temps à autre il se

dispose à parler, mais n'émet que des sons inintelligibles, aux-

quels il ajoute des rires. Il semble parfois qu'il veuille interpeller

quelqu'un, en tournant la tête vers lui, et qu'il se dispose à écou-

ter, mais c'est tout. Deux fois il a uriné involontairement et

inconsciemment. Les pupilles très dilatées, sont insensibles à la

lumière, le visage est très rouge, la langue sèche, ainsi que les

lèvres. Pouls plein, dur, un peu accéléré. Pas de tremblement;

titubation, conservation de l'équilibre. Réflexes patellaires très

32G 6 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

vifs, réflexes abdominaux et crémastériens faibles. Bien de cer-

tain quant à l'état de la sensibilité. L'agitation augmentant vers

le soir. on fait deux injections de morphine, de chacune un centi.

gramme à 8 heures et à 10 heures du soir, qui procurent du som-

meil toute la nuit. Le lendemain matin, forte sueur. Au réveil,

quelque obtusion et quelque agitation dans les mains (mouvements

de préhension); mais il commence à parler, se rend compte de

l'endroit où il se trouve, sans avoir récupéré la mémoire.

Pupilles moins larges, sommeil réparateur pendant la journée et

la nuit suivante. Le lendemain matin, il se réveille tout à fait

valide et lucide.

Il raconte alors qu'occupé dans un [chantier de bûcherons, il a,

vers midi, bu la boisson rafraîchissante habituelle, une sorte d'in-

fusion préparée à l'aide de toute espèce de racines et de plantes.

Tous les travailleurs ont été frappés du goût de ce breuvage qui

les prenait à la gorge ; quelques-uns se sont tout à coup sentis

étourdis. Il en a bu de plus en plus ; plus il en buvait, plus il avait

soif. Il ne pouvait alors plus cracher dans ses mains comme d'ha-

bitude, il éprouvait une sécheresse de la gorge, de plus en plus

pénible, et se sentait comme ivre. Il ne se rappelle plus rien à par-

tir de ce moment. Ce n'est qu'en se réveillant le lendemain matin

qu'il a compris, en voyant les fenêtres grillées, où il était. Il a

guéri : c'était un buveur depuis plusieurs années, mais il n'avait

pas bu plus particulièrement en ces derniers temps,

P. KE1H VAL.

XVII. Des obsessions; par E. MENOEL. (neurol. Ccntral6l.,YVII, 4898).

L'obsession, ou conception irrésistible deWestphal. est une idée

qui s'impose à l'individu, en pleine conscience, son intelligence

demeurant d'ailleurs intacte; cette idée n'a rien à faire avec la

sensibilité affective. Elle résiste à toute tentative d'expulsion de

la part du patient, entrave le cours normal de ses pensées et

les heurte ; il ne cesse d'en reconnaître l'anomalie, la considère

comme un corps étranger auquel il résiste en pleine et parfaite

connaissance, en complète santé mentale.

On a depuis lors appliqué le nom d'obsession à des choses très

différentes. Et le rapport de Rehm au Congrès des naturalistes

allemands (session de Brunswick 1897) le montre nettement. On

ne doit appeler obsession que la sixième espèce de Rehm. En

effet, dans les cas purs, il ne doit y avoir de pathologique que le

fait suivant. Contre la volonté de celui qui en est atteint, prédo-

mine une association de conception qui se trouve en quelque sorte

poussée par un ou deux courants d'idées directeurs, par un ou

deux éléments qui chez l'homme normal sont réduits à un rôle

secondaire, à celui de satellite, comme cela a lieu dans le mécanisme

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 327 7

des contrastes psychiques normaux. La prédominance de ces idées

directrices refoule les autres : c'est ce que Morselli appelle la pa-

ranoïa rudimentaire. Cette expression est assez heureuse, dit

M. Mendel ; en effet dans la paranoïa développée, le point de

départ de la maladie est une association pathologique des idées.

Les éléments associés peuvent, en l'espèce, être parfaitement vrais;

ce qui fait qu'il y a idée délirante, c'est l'intervention d'idées, qui,

d'après les lois physiologiques de l'association des idées, ne de-

vraient pas coopérer. C'est d'autant plus acceptable que quelquefois

la paranoïa rudimentaire aboutit à une paranoïa indubitable ( ? )

P. KERAVAL.

XVIII. Délires menstruels périodiques; par le Dr TRÉNEL. (Annales

de Gynécologie et d'Obstétrique.)

Dans cette monographie intéressante, à plus d'un titre, le

Dr 'l'rénel décrit une forme de délire assez rare et dont la plupart

des traités de pathologie mentale ne parlent qu'incidemment. Il

étudie spécialement ces délires qui se reproduisent d'une façon

périodique au moment des époques menstruelles, l'état de la

malade restant normal dans l'intervalle des accès.

Reste à savoir quelle est la valeur de cet état normal et jusqu'à

quel point nous pouvons le considérer pur de toute manifestation

morbide. C'est là la question : la menstruation exagère-t-clle sim-

plement l'aptitude générale au délire ou bien peut-elle créer ce

délire de toutes pièces ? Krafft-Ebing adopte très nettement la

première opinion ; pour lui dans tous les cas de folie menstruelle

il s'agit d'un cerveau excitable dès l'origine d'une manière anor-

male et qui réagissait déjà d'une façon pathologique dans la

période prémorbide ainsi que dans l'intervalle des accès. Notre

collègue qui possède tous les éléments pour étudier cette question,

étant médecin dans un service de plus de 1.200 femmes, penche

en faveur de la seconde ; c'est du moins ce qui paraît ressortir de

son travail, bien que l'observation très complète présentée comme

type de délire menstruel ne soit pas tout à fait démonstrative. Il

mentionne dans cette observation quatre accès de délire menstruel

et convient d'ailleurs qu'il existe entre eux quelques différences

de détail dont la plus importante est une période intervallaire de

mélancolie continue.

Quoi qu'il en soit, le délire menstruel peut revêtir la forme

maniaque, mélancolique ou hallucinatoire ; souvent il débute

subitement il un moment variable des règles et se termine de

même. Les périodes intervallaires sont lucides en général dit le

D1' Trénel, l'affection est aiguc, subaiguë, prolongée ou chronique.

Elle débute à tous les âges (psychoses menstruelles primordiales,

communes ou climatériques). Son pronostic est relativement

328 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

bénin (08 p. 100 de guérisons) mais elle peut se terminer par la

chronicité, la démence, la transformation en une vésanie continue

vulgaire ou peut-être en une folie périodique vraie. Elle est sus-

ceptible de récidive.

' Quant au traitement, il est essentiellement variable. Dans les

accès maniaques et hallucinatoires les sédatifs et en premier lieu

le'bromure de potassium sont naturellement indiqués ; dans les

accès de forme dépressive et dans les périodes dépressives si fré-

quentes à la suite des accès maniaques il y aura lieu de relever

la nutrition et de surveiller en particulier l'alimentation. L'auteur

fait en outre observer qu'en raison de la courte durée des accidents,

les malades peuvent en général ètre soignés dans leurs familles

ce qui explique, en partie, la rareté relative de ces cas dans les

asiles. De Tiiivet.

XIX. Stupeur mentale intermittente; par le De Noble.

Il se rencontre fréquemment dans les asiles des cas anormaux

qui ne prennent place dans aucun des systèmes de classification

employés : tels sont certains cas de stupeur intermittente.

L'auteur rapporte tout au long un de ces cas de stupeur inter-

mittente à terminaison favorable après un séjour de onze mois à

l'Asile. La transition entre l'état normal et la stupeur ou récipro-

quement était absolument brusque : le même individu qui à dix

heures, par exemple, était plongé dans la stupeur la plus pro-

fonde nécessitant l'alimentation à la sonde, était à dix heures et

demie brillant, gai, plein d'intelligence et d'activité. Les inter-

valles lucides revenaient en moyenne tous les deux jours : le

temps passé en stupeur était prédominant. L'auteur ne se rat-

tache pas à l'opinion qui fait dépendre la stupeur intermittente

d'une disproportion entre l'appareil vasculaire et l'appareil ner-

veux : trop peu de cas de stupeur intermittente ont été observés

et étudiés pour qu'on puisse en tirer une théorie. (The Amel'ican

journal of izzsunlly, avril 1899.) E. Dux.

XX. Syphilis et folie; par le Dl' Collotti.

Dans une étude intéressante, l'auteur passe en revue les diverses

formes de folie qui peuvent tirer leur origine de l'infection syphi-

litique.

Au sujet de la paralysie générale, les opinions sont très parta-

gées. Un premier groupe d'aliénistes estime que la syphilis peut

donner naissance à la paralysie générale ; un second groupe refuse

à la syphilis la possibilité d'être une cause de paralysie générale,

admettant seulement une coïncidence entre les deux affections ; une

opinion intermédiaire considère que la syphilis ne donne pas

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 329

naissance à une paralysie générale vraie mais à une forme men-

tale qui lui ressemble tout en ayant des symptômes différents, une

évolution, une durée, des altérations différentes, la pseudo-para-

lysie générale.

Enfin depuis quelques années s'est produite une dernière théorie

éclectique d'après laquelle la syphilis peut conserver non seule-

ment la pseudo-paralysie générale, mais encore la paralysie géné-

rale vraie. Etroitement unie à l'histoire de la paralysie générale est

celle du Labes.

Sur 100 ataxiques, Beyer a trouvé 20 syphilitiques; Eulenburg,

25 ; Remak, 23; Bernhardt, 6; Erb, 50; Strumpell, 00; ;\Iobiu5,

80, et Fournier, 93.

Depuis les observations de Morgagni ont été publiées de nom-

breuses observations d'épilepsie vraie due à la syphilis. A côté de

nombreux auteurs qui trouvent défectueuse cette appellation de

syphilitiques appliquée à des symptômes qui ne'sont, en fait, que

des réactions du cerveau à l'égard de lésions probablement syphi-

litiques mais qui produiraient les mêmes symptômes si elles

étaient gliomateuses ou tuberculeuses, Fournier, hubino et d'au-

tres auteurs affirment l'existence d'une forme épileptique de

syphilis cérébrale secondaire qui peut être regardée non seulement

comme le résultat de lésions organiques, mais encore comme le

produit de troubles dynamiques qui en font une épilepsie para-

syphilitique.

La cborée syphilitique a été admise par les uns, niée par les

autres. Quelques cas de démence syphilitique améliorés par un

traitement spécial ont été rapportés par divers auteurs.

La question des psycho-névroses syphilitiques est une des plus

discutées et les opinions émises sont des plus discordantes. Apres

en avoir cité quelques-unes l'auteur regarde comme démontrée,

fondée sur des observations cliniques, l'existence d'une psycho-

névrose syphilitique des plus importantes à connaître en raison

du pronostic et de la thérapeutique. A l'appui de son opinion l'au-

teur rapporte cinq observations de psycho-névroses syphilitiques

dans lesquelles la cause et l'effet, le remède et l'amélioration sont

intimement et manifestement en rapport.

Le premier cas a trait à un malade atteint de manie aigué et

chez qui le traitement spécifique amène une amélioration rapide ;

le malade sort un mois et demi après ~son entrée. Il en est de môme

du second cas. Le troisième malade est un mélancolique avec

excitation par intervalle qui séjourne seulement deux mois a

l'asile. Même résultat rapide dans un cas de manie et dans un cas

de confusion mentale. (The alienist and nc2crologist, avril 1899.)

E. B.

330 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

XXI. L'imbécillité et la folie de l'imbécillité devant la loi

(Rapport médico-légal); par le D1' Hughes.

L'Etat de New-York a pris l'initiative de substituer au jury ordi-

naire, dans les cas criminels où la folie est invoquée par la défense

une commission composée d'experts ' médicaux particulièrement

compétents.

Cette juridiction a été employée pour le cas à propos duquel

l'auteur publie un intéressant rapport médico-légal : il s'agit d'un

faible d'esprit confinant à l'imbécillité et qui, le jour du mariage

de son frère, sur le reçu d'une lettre anonyme injurieuse pour sa

mère et sa soeur, tua son futur beau-frère. Quelque temps après

son incarcération, il tomba dans un état de dépression mélanco-

lique qui retarda son jugement de trois mois.

Les conclusions de la commission furent que l'assassin, en raison

de son imbécillité, était incapable d'apprécier la gravité de son

crime qu'il était non compos mentis.

A la suite du rapport médico-légal rédigé par le Dl' Hughes et

signé par tous les membres de la commission, chacun des cinq

membres de la commission a exposé, dans un rapport personnel

les raisons pour lesquelles il en est arrivé aux conclusions de la

commission. (The alienist and nell1'ologisl, avril 1899.) E. B.

XXII. Les trépidations et les phobies de la neuratonie cérébrale ;

par le or HUGHES.

Aux appellations ordinaires de neurasthénie ou de cérébras-

thénie, l'auteur préfère celle ne neuratonie. La cause primitive de

la neuratonie est la nutrition défectueuse de l'écorce cérébrale, en

particulier des neurones psychiques. Il peut arriver aussi que les

zones psychomotrices soient atteintes.

La mauvaise nutrition de la zone psychique peut tenir à l'ané-

mie, à la toxhémie, même -IL l'hyperhémie ou bien être due à une

défectuosité héréditaire du neurone qui peut conduire aux formes

graves des phobies confinant elles-mêmes aux idées délirantes de

la folie. La folie est toujours à craindre comme une terminaison

possible des phobies surtout lorsque celles-ci ne sont pas précédées

par des causes profondes d'altération du système nerveux ou un

grand shock psychique.

L'auteur cite quelques exemples de phobie : phobie chirogra-

phidue ou crainte d'écrire des lettres; phobie contagieuse avec

tremblement; phobie de contamination. (The alienist and neuro-

logist, janv. 1899.) E. B.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ 11ÉDICO-PSTCIIOLOGIQUE.

Séance du 31 juillet 1899. Présidence DE M. J. Voisin.

Démence épileptique paralytique spasmodique à l'époque de la puberté.

M. J. Voisin communique, en son nom personnel et au nom de

M. I.egros, cinq observations fort intéressantes de jeunes filles ou

adultes devenues démentes à la suite d'accès répétés d'épilepsie en

série et qu'un examen superficiel eût pu faire prendre pour des

paralytiques générales.

Ce qui caractérise surtout la démence dans les cas rapportés,

c'est qu'elle augmentait après les accès prolongés pour s'amélio-

rer relativement dans les espaces intercalaires. En même temps

que les observateurs constataient les troubles mentaux ; ils

notaient l'apparition de troubles physiques du côté delà démarche

et de la parole et même des paralysies fugaces. Ces malades

auraient pu être facilement prises pour des paralytiques géné-

rales. Cependant une observation attentive ne permettait pas de

confondre l'embarras de leur parole avec l'hésitation si caractéris-

tique qu'on observe dans la paralysie générale.

Ces cinq aliénées présentaient toutefois un rire niais, un aspect

béat ou bien un air ahuri et mélancolique. Elles avaient parfois

des idées de persécution, mais jamais d'idées de grandeur, de

richesse et leur démence n'offrait pas le caractère du délire mul-

tiple, non motivé et contradictoire de la paralysie générale.

Enfin, l'examen psychologique des lésions de l'encéphale a donné

dans les cinq cas, la preuve que ce dernier diagnostic, malgré cer-

taines apparences contraires, devait être écarté.

M. 1\nccorTE a fait l'examen histologique des lésions présentées

par deux des malades de M. J. Voisin. Sans parler de l'atrophie

du cerveau, qui pour lui n'a aucun caractère pathognomonique, il

a constaté que les vaisseaux étaient un peu dilatés partout; leurs

gaines très larges contenaient des amas pigmentaires, traces de

congestions répétées. Mais leurs parois ne présentaient pas la plus

petite infiltration de cellules anormales, ni la moindre trace d'in-

flammation. Il se base sur ce fait négatif pour conclure d'une façon

332 SOCIÉTÉS SAVANTES.

absolue que les cerveaux examinés n'appartenaient pas à des para-

lytiques générales.

M. TOULOUSE s'étonne que 11. Nageotte n'attache aucune impor-

tance à l'atrophie du cerveau comme signe de la paralysie générale.

At. Christian se montre surpris d'entendre soutenir une opinion

contraire. Il n'a jamais rencontré d'atrophie du cerveau dans les

nombreuses autopsies qu'il a pratiquées chez des paralytiques

généraux.

Histologie du myéloencéphale de Vacher.

M. TOULOUSE apporte le résultat de recherches histologiques

faites par 111f. Klippel, Philippe, Habaud, Lambroso par lui-même

et par son interne, sur le cerveau de' Vacher. Ces examens, un peu

différents dans les délails, se rapprochent par une conclusion com-

mune : On n'a pas découvert dans le cerveau de Vacher de lésions

pathologiques.

Observation d'acromégalie chez un dément épileptique. : \1. Farnarier communique l'observation d'un cas d'acromégalie

chez un dément épileptique du service de M. Sérieux. L'auteur

admet que l'hérédité neuro-arthritique ou vésanique offre un

terrain favorable au développement de l'acromégalie et que celle-

ci, à son tour, par les perturbations certaines qu'elle provoque

dans le fonctionnement des glandes à sécrétion interne comme

l'hypophyse réagit sur le système nerveux et détermine l'éclosion

d'affections nerveuses ou mentales variées.

, Un cas de paralysie générale avec hallucination.

M. Truelle donne lecture d'une observation de paralysie géné-

rale accompagnée d'hallucinations de l'ouïe et de la vue qu'il a

recueillie dans le service de M. Magnan. Il s'agit d'une femme de

trente-sept ans non syphilitique, mais fille d'une mélancolique et

elle-même un peu triste, qui présenta progressivement tous les

signes de la paralysie générale, en même temps que se montraient

des hallucinations de la vue et de l'ouïe sous l'influence desquelles

elle accomplit certains actes délictueux. Discutant ensuite la genèse

des hallucinations dans la paralysie générale, M. Truelle adopte la

théorie de M. Magnan qui les explique par la dégénérescence men-

tale dont sont frappés, avant l'apparition de la méningo-encépha-

lie chronique, les malades qui en présentent.

Ce cas offre une nouvelle confirmation de cette loi générale

formulée par M. Magnan qui veut que dans la paralysie générale

la vigueur du délire soit conditionnée par l'état de la lésion alors

que son existence ne l'est que par une prédisposition antérieure

Iarccll31\IAND.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 333

SOCIÉTÉ DE NEUROPATHOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE

DE MOSCOU.

Séance du 9 avril 1899.

Professeur FILATOFP. 'Encéphalite infectieuse chez deux frères.

F... Présente deux malades (frère et soeur) âgés de quatre et

cinq ans, alteiuts au mois d'août, à quatre jours d'intervalle, de

la même affection : début par frisson et fièvre, le lendemain, para-

lysie brusque des jambes et de la langue; ensuite, convulsions avec

perte de connaissance durant deux à trois heures. Chez la pre-

mière malade la fièvre cessa au bout de six semaines, reparut

quinze jours plus tard et continue jusqu'à ce jour. Pendant la

deuxième période fébrile elle eut souvent des .accès d'opistotonus

(une et même plusieurs fois par jour) ; dysphagie. Actuellement

la malade a perdu complètement la parole et la mimique, et ne

répond aucunement aux questions. Pas de paralysies, légère rigi-

dité dans les muscles des jambes ; ataxie et tremblement de

mains; parfois tremblement de la tête; intégrité de la sensibilité

et des céffexes; légère dysphagie.

Chez l'autre malade la fièvre dura quatre semaines : démarche

incertaine ; accès convulsifs avec perte de connaissance, en outre,

petits accès très fréquents consistant dans des chutes brusques,

le plus souvent sur le dos.

Le petit frère de ces deux malades présentés fut également

atteint à la même époque, de fièvre qui ne dura que quinze jours

et d'accès convulsifs, mais ne perdit pas la parole et guérit com-

plètement.

Après analyse des symptômes cliniques F... s'arrête au diagnos-

tic d'encéphalite, et notamment à la forme décrite par Leyden

et Goldscheider sous le nom d'encéphalo-myélite disséminée.

Discussion. 1. Mocratoff croit qu'il s'agit ici d'une affection

d'origine infectieuse : la longue durée de la fièvre peut bien tenir

1L la localisation du foyer dans le corps optique.

M. KOR1\ILOFF pense que l'affection pourrait êlre d'origine post-

infectieuse.

Le professeur IioAL1'i\Ih01·F croit à la possibilité d'une méningite

cérébro-spinale avec localisation ultérieure dans l'écorce cérébrale.

D1 PRLOBHAJh'1\bhY. - Deux cas de paralysies bizarres : .

P... présente deux malades (mère et fils) qui furent atteints

simultanément à la suite d'un empoisonnement alimentaire. Le

334 SOCIÉTÉS SAVANTES.

lendemain de l'ingestion des aliments suspects on constata chez le

fils la voix nasonée, des vertiges et une paralysie de tous les

quatre membres. Actuellement le malade présente une diplopie

avec ptosis double et parésie de tous les mouvements oculaires.

Figure en masque, parésie de la langue et du voile du palais, de

la déglutition et de la mastication ; parésie de tous les muscles,

des membres et du tronc sans H, D.; intégrité de la sensibilité,

des réflexes rotuliens et des organes pelviens (les autres réflexes

sont affaiblis), la température est normale. Après une aggravation

passagère des symptômes bulbaires, les phénomènes commencent à

s'améliorer. La mère présenta à peu près les mêmes symptômes

morbides et en plus un nystagmus horizontal.

A noter que la personne chez laquelle ces deux malades étaient

invités à diner, fut prise du même genre de troubles.

L'auteur croit qu'il s'agit ici d'une polyencéphalite analogue à

celle décrite par Oppenheim, par suite d'empoisonnement pto-

maïnique.

A la discussion ont pris part MM. KojEVKiKon-' et SEniiKY.

De STOU111NE. Des problèmes de l'organisation régulière du tra-

vail chez les aliénés.

Après une étude approfondie de la littérature de la question. S...

arrive à conclure que l'organisation du travail régulier dans les

asiles des aliénés s'impose sur la plus large échelle, comme mesure

a la fois hygiénique et thérapeutique.

Secrétaires des séances : S. HOSSOL1MO, V. Mouravieff. z

Séance du 30 avril 1899.

M. Rossolimo présente de nouveau la malade, atteinte de névrite

parenchymatellse subaiguë (troisième attaque, à la suite des couches)

greffée sur le terrain d'une polynévrite interstitielle hypertrophique

progressive infantile (Déjerine), malade présentée à la société il y a

deux mois. Actuellement, bien que l'affection fondamentale per-

siste (même hypertrophie des troncs nerveux) les phénomènes mor-

bides sont en grande partie bien atténués : la malade marche sans

être soutenue; l'ataxie est peu prononcée, la force motrice a aug-

menté, l'anesthésie est faible et peu étendue. Les autres symp-

tômes (voir la séance du 19 février 1899) sont restés in statu quo.

Professeur HOTH et D1' IvANOrr. Trois cas de cysticerques du

cerveau :

Observation I. Chaudronnier, âgé de trente-six ans. Malade

depuis quatre ans. Souffre d'accès de trois espèces : 1° accès épi-

leptiformes généralisés; 2° accès partiels à forme corticale, consis-

tant en secousses convulsives du bras droit avec inclinaison forcée

de la tète à droite ; 3° accès d'aphasie passagère avec tiraillements

de la langue du côté droit. En outre céphalées accompagnées sou-

sociétés savantes. 335

vent de nausées et de vertiges. Nombreuses tumeurs sous-cutanées

formées par des cysticerques,' du volume d'un petit pois ou d'une

noisette. Le malade est présenté à la Société.

Observation II. - Gardien d'usine, âgé de quarante-huit ans,

alcoolique. Accès épileptiformes généralisés à partir de l'année 1894

se répétant à intervalles éloignés. Depuis peu de temps accès de

convulsions partielles au bras droit, à la face et à la langue du

côté droit avec aphasie simultanée. Mort en état de mal épilep-

tique qui a duré six heures. A l'autopsie on a trouvé sous la pre-

mière cérébrale douze cysticerques, en partie calcifiés, en partie

encore vivants; l'un de ces cysticerques a l'aspect du soi-disant

« cysticercus racemosus ». Dans le voisinage des cysticerques on

constate les phénomènes d'une réaction inflammatoire plus ou

moins nettement accusée.

Quelques-uns des vésicules sont contenus dans une capsule

fibreuse consistante. La substance cérébrale est hypérémiée et

oedémateuse ; les ventricules sont dilatés. (Présentation des pièces

anatomiques.)

Observation III. - Ancien soldat, âgé de quarante-sept ans.

Souffre depuis vingt ans d'accès épileptiformes, se répétant une ou

deux fois par an. A l'autopsie on trouve à la surface convexe de

l'hémisphère droit des cysticerques du volume d'une petite noi-

sette, cause vraisemblable des accès convulsifs.

Les auteurs attirent l'attention sur l'absence totale de phénomènes

chez la plupart des malades atteints de cysticerques du cerveau

complètement développé, sur la diversité du caractère des accès

convulsifs chez le même malade, et enfin sur la rareté des phéno-

mènes d'abolition des fonctions cérébrales. Les symptômes céré-

braux irritatifs marchent probablement de pair avec l'intensité de

la réaction inflammatoire du voisinage de la tumeur ; ils relèvent

sans doute de celle-ci.

Discussion. M. Minor relate un cas de cysticerques multiples

observé par lui et qui évolua sous la forme d'une myélite par com-

pression à marche rapide, sans aucuns symptômes cérébraux. On

constata sous la peau la présence de nombreuses petites tumeurs

vésiculaires à cysticerques. L'autopsie révéla la présence d'un

énorme cysticerque sous la pie mère médullaire, au niveau de la

région dorsale de la moelle; en outre les ventriculaires cérébraux

contenaient toute une colonie de cysticerques libres.

M. Mouratoff, vu que les symptômes cérébraux font défaut

pendant la première phase de l'immigration des cysticerques et

n'apparaissent que dans les phases ultérieures, croit pouvoir en

conclure que la cause de ces symptômes réside dans la dégénéra-

tion de l'écorce cérébrale.

M. KOJEWNJKOFF pense que les phénomènes cérébraux orageux et

336 sociétés savantes.

graves qui éclatent brusquement dans les cas de cysticerques peu-

vent être mis sur le compte des mouvements actifs de ceux-ci ;

la réaction inflammatoire du voisinage joue naturellement aussi

un rôle important dans la pathogénie de ces troubles.

Des remarques ont été faites par MM. Korniloff et Minor.

M. Minor. Le groupe péronier des traumatismes médullaires

- (dite Peronealgruppe der Huckentraumen).

En se basant sur quelques données de la littérature et sur ses

observations personnelles, M... essaie de différencier un groupe

particulier de lésions médullaires, caractérisées principalement

par l'affection du nerf musculo-outané (peroneus). La localisation

présumée de l'affection se trouve dans ces. cas immédiatement

au-dessus du cône médullaire.

Oburvation I. Homme âgé de quarante-cinq ans. Chute

d'une hauteur de trois mètres. Immédiatement après l'accident

paraplégie inférieure complète, douleurs, abolition des réflexes

rotuliens ; intégrité des sphincters. Au bout de trois mois, guéri-

son complète à l'exclusion du nerf péronier gauche qui reste para-

lysé. La prédominance des douleurs et l'unilatéralité de.la paralysie

du péronier font admettre qu'il s'agit dans ce cas d'une lésion de

la queue de cheval. \

Observation II. Homme âgé de trente-deux ans. Chute d'une

hauteur de deux mètres sur la fese droite. Douleurs aiguës

d'intensité croissante pendant les premiers jours et paraplégie

motrice. Amélioration consécutive avec persistance de la paralysie

des nerfs péroniers (musculo-cutanés), ndtammeut du côté gauche,

où l'on constate aussi de l'hypoesthésie dans le domaine de ce

nerf. Les sphincters sont intacts.

Diagnostic : Lésion de la queue de cheval, principalement à la

hauteur de la première et de la deuxième racines sacrales.

Observation 111. - Homme âgé de trente-cinq ans. Chute de la

hauteur du 3° étage. Parésie bilatérale très accusée dans le

domaine du plexus sacral et du nerf musculo-cutané. Troubles de

la sensibilité très prononcés aux jambes et aux pieds, il dissocia-

tion s rinomyéltque, sauf à la plante du pied gauche où l'anes-

thésie est complète. Les réflexes rotuliens sont intacts. Les sphinc-

ters, touchés pendant le premier temps, redeviennent normaux.

Pas de douleurs. Le malade quitte l'hôpital au bout de deux mois

après l'accident avec paralysie bilatérale des nerfs péroniers.

Diagnostic : Hématomyélie centrale immédiatement au-dessus du

cône médullaire.

Observation tV. Homme âgé de dix-huit ans fait un faux pas

et tombe. Paralysie croissante des deux jambes; plus tard amélio-

ration progressive. Il reste une paralysie complète du nerf mus-

culo-cutané du côté droit et une légère parésie dans le domaine

SOCIÉTÉS savantes. 337

du même nerf du côté gauche. L'excitabilité électrique est pro-

fondément troublée. Hypoesthésie thermique aux régions postéro-

externes des deux jambes et aux plantes des pieds. Les sphincters

et les réflexes rotuliens sont intacts.

Diagnostic : Lésion probablement combinée et limitée (hémato-

myélie) de la moelle épinière et de la queue de cheval au niveau

de l'émergence de la première et de la deuxième racine sacrée.

Observation V. Homme âgé de dix-neuf ans, tombé d'une

hauteur de 14 mètres. Nombreuses contusions et fractures. Para-

plégie inférieure complète. Douleurs violentes au sacrum et aux

jambes : Rétention d'urine. Amélioration notable à partir de la

troisième semaine, mais on note encore une parésie très accusée

dans le domaine du plexus sacral, notamment des muscles fessiers

et une paralysie complète des deux nerfs musculo-cutanés. Au

bout de deux mois, le malade commence à marcher; sa démarche

a le type nettement péronier, plus balancement dans le bassin et

lordose (paralysie des fessiers). Abaissement de l'excitabilité élec-

trique dans le domaine du plexus sacral et R. D. dans le domaine

des nerfs jambiers antérieurs, surtout du côté droit. Abaissement

considérable de la sensibilité thermique dans le domaine des deux

nerfs musculo-cutanés, principalement du côté gauche.

Diagnostic : Hématomyélie centrale au niveau de la première et

de la deuxième racine sacrée.

Discussion. M. l\10URAVIEFF a observé plusieurs cas de lésions

médullaires du même type à évolution chronique.

M. LoUNTz relate deux observations personnelles analogues.

M. KOJEVNIKOFF montre que l'essai de M. Minor peut avoir une

grande valeur dans la symptomatologie des affections de la moelle

épinière. M. KORNILOFF prend part à la discussion.

Dr W. IIIOURl1'IGFF. Un cas d'apoplexie médullaire (avec présen-

tation du malade). Cocher, âgé de trente-neuf ans, toujours

bien portant. Pas de syphilis. Abus de boissons à partir de l'âge

de vingt-quatre ans. Il y a quinze ans, chute grave avec perte de

connaissance pendant une demi-heure et grande faiblesse générale

consécutive pendant un mois. La maladie actuelle débuta au com-

mencement de décembre 1896, en pleine santé apparente, par une

faiblesse et une paralysie brusque des deux bras. Il n'y eut ni ver-

tige, ni faiblesse des jambes. A l'examen, on constate une paralysie

complète des extenseurs de l'avant-bras des deux côtés, mais plus

prononcée à droite. Parésie incomplète des fléchisseurs. Certaine

faiblesse des muscles de l'épaule. Parésie très prononcée des mus-

cles qui ont pour fonction de rapprocher l'omoplate gauche vers

la colonne vertébrale. En même temps, on constate de l'atrophie

musculaire et de l'abaissement de l'excitabilité électrique, en pro-

Archives, 2° série, t. VIII. 22

338 SOCIÉTÉS SAVANTES.

portion directe avec le degré de la paralysie des muscles correspon-

dants. Hypoesthésie légère, tactile et douloureuse aux paumes de

la main ; certaine hypoesthésie thermique aux deux phalanges

terminales des trois derniers doigts de la main gauche. Les

réflexes tendineux des membres supérieurs sont exagérés ; le

réflexe rotulien est très abaissé du côté droit, et exagéré à gauche ;

les réflexes abdominal et crémastérien sont plus prononcés du

côté droit que du côté gauche. Les organes internes sont intacts.

L'apparition brusque des paralysies, la bilatéralité et le carac-

tère segmentaire de la lésion, dans l'absence de toute cause

d'embolie doit faire penser à une hémorragie médullaire, notam-

ment sur l'étendue du cinquième segment cervical jusqu'au pre-

mier dorsal inclusivement. Il s'agit sans doute d'une hémato-

myélie à forme tubulaire, ayant intéressé principalement les

groupes antérieur et interne des cellules des cornes antérieures ;

les cornes postérieures ne sont presque pas intéressées, puisque

les troubles de la sensibilité sont insignifiants. Il conviendrait

peut-être, d'après AI., de désigner ces cas sous le nom d'hémato-

myélie antérieure, en parallèle avec la poliomyélite antérieure.

MM. Versiloff, Kojevnikoff, Mouritoff et RossoLmo prennent

part à la discussion.

D,PopoFF.-Coiiii-ibiiiio71k la casuistique de la maladie de Duseclo2v.

P... relate deux observations de goitre exophtalmique avec

hémorragies de divers organes au cours de la maladie. La première

malade, âgée de trente-huit ans, a présenté tous les symptômes

classiques de Basedow, et en outre des hémorragies fréquentes

de l'utérus (la sphère génitale est normale), des gencives, des

lèvres, du nez et de nombreuses ecchymoses sous-cutanées. Au bout

de deux mois de traitement, tous les symptômes basedowiens se

sont amendés, et en même temps les hémorragies ont cessé.

La deuxième malade présente la forme fruste de la maladie

de Basedow, masquée par de multiples et fréquentes hémor-

ragies de l'utérus, du nez et de la gorge. La malade ne se

plaint que de ces hémorragies. On trouve en outre divers symp-

tômes d'hystérie. En présence des hémorragies variées sans cause

locale apparente, P... eut l'idée de rechercher les symptômes de

Basedow, et effectivement il constata une hypertrophie de la

glande thyroïde, une tachycardie, un tremblement généralisé et

une sensation de chaleur dans tout le corps. L'intérêt de cette

dernière observation réside purement dans ce que le symptôme

« hémorragies », qui passe pour un symptôme relativement rare

de la maladie de Basedow, a pu servir de point de départ pour

diagnostiquer la forme fruste de cette affection.

Discussion. - M. POSTOWSKY fait remarquer que la deuxième

malade de P... était sujette à des hémorragies dès l'enfance.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 339

M. KoJEVKmoFF pense que le rappoit causal entre les hémorra-

gies et le goitre exophtalmique n'est pas suffisamment élucidé

dans les observations de M. POPOFF. '

Secrétaires des séances : A. Bernstein ; N. VERSILOFF,

Séance du 14 mai 1899.

A. Beiistein. Contribution à la symptomatologie des signes

physiques des maladies mentales. (Communication préalable.)

Quand on porte avec le bout du doigt ou du marteau percuteur

un petit coup sec sur un muscle en état de relâchement, il se

forme parfois à l'endroit de la percussion, en même temps avec la

contraction librillaire habituelle ou en dehors de celle-ci, un bour-

relet dont l'axe long est perpendiculaire à la direction des fibres

musculaires (myoïdème, idiomnsculære Wulst). B... a examiné ce

phénomène sur le biceps de 123 aliénés. Le phénomène était net-

tement prononcé dans 44 cas sur 40 de démence précoce (IÜaepelin),

dans les 28 cas examinés de paralysie générale, dans 8 cas d'im-

bécillité congénitale. 11. manquait dans les 5 cas examinés.d'anzerztiia

(Meynert) etdans 0 cas SUl' 11 de psychoses émotives (dans les autres

5 cas de ces psychoses le bourrelet n'apparaissait qu'à la suite des

percussions répétées et disparaissait immédiatement). Les recher-

ches parallèles faites sur des malades atteints de diverses affec-

tions nerveuses ont permis de constater la présence de ce phéno-

mène dans tous les cas examinés d'épilepsie (8 cas), de syphilis

cérébro-spinale (6 ca), d'affections diverses du neurone moteur

' (névrite multiple, amyotrophie spinale, etc.) et de labes dorscclis.

Le phénomène faisait défaut dans les hémiplégies cérébrales (8 cas),

du côté malade, comme du côté sain et dans l'hystérie (4 cas). Les

recherches faites sur 10 personnes bien portantes ont toutes donné

un résultat négatif.

Discussion. M. IOURATOI'1 croit que la valeur du phénomène e

en question est très incertaine tant au point de vue théorique que

pratique, puisqu'on l'observe indifféremment dans nombre d'affec-

tions organiques et fonctionnelles du système nerveux, et dans les

états d'épuisement général. Le rapport de ce phénomène avec

l'affection du premier neurone moteur est douteux. Le bourrelet

musculaire tient plutôt à l'altération du tissu musculaire lui-

même. L'existence de la démence précoce, comme forme autonome,

n'est pas encore suffisamment démontrée, et en tout cas la pré-

sence du phénomène de bourrelet musculaire ne peut servir de

preuve d'autonomie de cette affection.

M. Korniloff dit que les nombreuses recherches qu'il a faites

pour élucider les conditions du phénomène de bourrelet muscu-

laire l'ont amené à des conclusions fermes. Le muscle qui se prête

mieux à l'étude de ce phénomène est le deltoïde.

340 SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. SERBSKY fait remarquer que le nombre de recherches fait

par Bernstein sur des personnes normales est insuffisant.

En outre, ont pris part à la discussion : MM. 13rB.xorF, Jaxo-

WENKO, KOJEVNIKOFF et POSTOWSKY.

M. Lioubouchine. - Un cas de démence organique chez une femme

' hystérique (avec présentation de la malade).

Couturière, âgée de vingt-huit ans, issue d'une famille d'alcoo-

liques et dont une soeur est hystérique. Depuis la puberté, ca-

ractère hystérique. En 1896, trois semaines avant ses couches,

éruption généralisée et rhinite persistante (syphilis ? ). Quinze

jours après les couches, première attaque hystérique Dix-huit

mois plus tard, deuxième attaque. A partir du printemps 1898,

les accès se répètent par séries. Chaque accès est suivi d'exci-

tation avec confusion mentale et hallucinations, parésies passa-

gères des membres supérieurs, parfois délire de possession. Sur-

dité. A l'examen, fait à l'entrée de la malade, le 8 décembre 1898,

on constate l'absence des réflexes rotuliens, symptôme de Romberg

peu prononcé. La parole et les pupilles ne présentent rien d'anor-

mal. Analgésies de tout le corps, sauf le plan du front. Absence

des réflexes pharyngés et plantaires. Surdité bilatérale (l'examen

objectif des oreilles donne un résultat négatif). L'humeur est très

variable, l'intelligence est intacte. Jusqu'au 9 décembre, la malade

eut six attaques. A partir de ce jour survient une série d'accès

apoplectiformes et épileptiformes avec hémiparésies passagères ;

affaiblissement progressif de l'intelligence, inégalité pupillaire,

trouble paralytique de la parole, assymétrie faciale. L'état de .

démence apathique est rarement remplacé par des hallucinations

avec excitation et délire de possession.

L... fait remarquer que la paralysie générale chez les hystériques

porte un cachet spécial qui dénote bien la présence de l'hystérie.

Ont pris part à la discussion : 111\i. 13orx,liocvwxorF et 1\IouRAToFF.

M. MOLTSCHANOFF. - Contribution à l'élude des affections blf11nOI'-

rhagiques du système nerveux (avec présentation de planches et de

préparations microscopiques).

Après avoir indiqué l'insuffisance de nos connaissances actuelles

relatives à la question de la pathogénie des affections blennorra-

giques du système nerveux, M... expose les résultats des expériences

qu'il a entreprises pour élucider le mécanisme de l'action du

gonocoque de Neisseret de sa toxine sur le système nerveux des

animaux : souris blanches, cobayes et lapins . La toxine gono-

coccique, employée par M., était extraite des cultures ensemencées

dans un milieu liquide (une partie de bouillon et une partie de

liquide de l'hydrocèle de l'homme), chauffées à 70° C. pendant un

quart d'heure.

L'intoxication chronique se manifestait par les phénomènes

SOCIÉTÉS SAVANTES. 341 1

suivants : 1° chez les cobayes, à partir de la troisième semaine de

l'injection, on observe une exagération des réflexes tendineux,

surtout de l'arrière-train ; à la fin du premier mois et au commen-

cement du deuxième, les réflexes disparaissent, pour réapparaître

au commencement du troisième mois; à la fin du premier et au

commencement du deuxième mois apparaissent des parésies et

des paralysies, principalement dans les extrémités postérieures,

accompagnées d'atrophies musculaires ; 2° chez les lapins tous ces

phénomènes se font jour un peu plus tard et sont moins pronon-

cés, mais on observe plus souvent un trouble du sens musculaire

des extrémités postérieures.

L'examen microscopique du système nerveux de 25 cobayes et

de 20 lapins ayant subi l'intoxication gonococcique a conduit M...

aux conclusions suivantes :

1° La toxine gonococcique produit dans le système nerveux des

altérations bien nettes et bien déterminées ;

2° Ces altérations, dans les cas d'intoxication aiguë, intéressent

principalement les cellules des cornes antérieures : chromatolyse

partielle ou généralisée, formation de vacuoles avec atrophie con-

sécutive de certaines cellules, etc., phénomènes qui ne présentent

du reste rien de spécial pour la toxine blennorragique. Ces altéra-

tions sont le plus prononcées chez les cobayes ;

3° Les cellules des ganglions spinaux subissent des altérations

analogues, mais un peu plus tard. Les cellules de l'écorce céré-

bi aie, des grands ganglions et des noyaux des nerfs crâniens sont

le moins atteintes ;

4° A côté des altérations cellulaires, on trouve une hypérémie

des méninges cérébrales et surtout médullaires, et une hypérémie

de la substance grise médullaire avec parfois des hémorragies à

l'intérieur de celle-ci ;

50 Le degré d'intensité de toutes ces altérations est proportion-

nel à la quantité de toxine injectée;

6° A partir de la troisième semaine chez les cobayes et de la

quatrième chez les lapins apparaissent des symptômes de névrite

dégénérative plus ou moins nettement prononcée ;

io A la fin du deuxième mois, et parfois même plus tard, se

développent des lésions dégénératives des racines postérieures et

des cordons postérieurs de la moelle.

La communication de L... a été accompagnée de démonstra-

tions micro-photographiques.

Discussion. M. HoTu a observé dans les intoxications des alté-

rations des capillaires. Des remarques ont été faites par JaaO\'E\60,

MOURAVOEFF, liOIiNILOFI, SOUEfL1N01'F, 1101E\\'NIf101'F.

Secrétaires des séances : G. ! 1osS0LDIO; N. VERSILOFF.

BIBLIOGRAPHIE.

IX. Le Syndrome de Utile : sa valeur 720SOt0/il2lP; sa pathogénie;

par le Dr IL CESTAN.

M. R. Cestan aborde, dans sa thèse inaugurale, deux questions

connexes de pathologie nerveuse, mises à l'ordre du jour en ce

moment, un peu partout : valeur nosologiqne du syndrome de

Little, et physiologie pathologique de la contracture vraie ou

organique.

Le travail commence par une mise au point des théories patho-

géniques du syndrome de Little; elles peuvent se grouper en

théories dualistes et en théories unicistes. Les dualistes (Seehg-

müller, Forster, Ruppreclt, Naef, Pierre-Marie, Brissaud, van

Gehuchten) y voient une maladie véritable, autonome, indépen-

dante des autres diplégies infantiles. C'est la dégéuération primitive

et isolée du faisceau pyramidal due à la naissance avant terme.

C'est une paraplégie spasmodique et congénitale des quatre mem-

brefs; plus prononcée aux membres inférieurs, appartenant en

propre aux enfants nés avant terme, caractérisée par l'état spas-

modique plus que par la paralysie, ne se compliquant ni de phé-

nomènes convulsifs, ni de troubles intellectuels, et susceptibles

sinon d'une guérison complète, du moins d'une amélioration pro-

gressive (I3rissaud). C'est une affection d'origine médullaire, exclu-

sivement due à l'absence de faisceaux pyramidaux dans la moelle

épinière, à cause de la naissance avant terme (van Gehuchten). Les

unicistes (Ross, Wolters, 0ler, llac Nult, Sachs, Freud, Raymond,

Massalongo), considèrent l'affection décrite par Little comme un

simple syndrome laisant partie du grand groupe des diplégies

cérébrales, au même tilre que l'hémiplégie spasmodique, l'hémi-

chorée congénitale, l'hémiathétose, l'athétose double, etc. L'auteur

défend cette dernière doctrine, en s'appuyant sur de nombreux

documents personnels, empruntés à la clinique du professeur

Raymond ou au service de M. Bourneville à l'hospice de Bicêtre.

Sur le terrain de l'observation clinique, l'étiologie et les symp-

tômes de la maladie de Little n'ont aucune spécificité. Accouche-

ments prématurés ou laborieux, simples convulsions, intoxications

héréditaires (syphilis ou alcoolisme) : voilà autant de causes étio-

logiques qui se rencontrent au début de la maladie de Little,

comme au début des diplégies cérébrales proprement dites. La

spasticité, la paralysie, les troubles intellectuels, les mouvements

bibliographie. 343

choréiques, athétosiques ou simplement post-hémiplégiques :

voilà autant de symptômes qui peuvent s'associer dans le syn-

drome de Little, comme dans les autres diplégies. Bref, en cli-

nique, tous les intermédiaires existent; c'est une suite ininter-

rompue de formes symptomatiques, depuis la simple rigidité

jusqu'à la paralysie avec idiotie totale. Il n'est pas possible d'isoler

une maladie qui serait caractérisée uniquement par la rigidité

spastique congénitale.

L'anatomie pathologique vient, d'ailleurs, renforcer cette con-

clusion unicistc, basée sur les observations cliniques. L'auteur

commence logiquement son étude par des recherches originales,

fort intéressantes, sur le développement et le parachèvement du

faisceau pyramidal : recherches qui complètent, tout en les modi-

fiant sur plusieurs points, les données publiées par Ilervouet

en 1881. A la naissance, le faisceau pyramidal est très spécial par

la finesse de ses cylindrés-axes, par la gracilité de ses gaines

myéliniques, enfin par le faible développement du stroma névro-

glique contrairement à l'opinion d'Hervouet. Ces notions d'histo-

logie normale permettent à M. IL Cestan de préciser avec plus de

netteté que les auteurs précédents, toutes les formules pathologi-

ques, qu'on peut rencontrer au niveau du faisceau pyramidal; il

étudie successivement la simple dysgénésie, la sclérose dense,

l'agénésie totale. Le matériel d'examen est considérable puisqu'il

comprend 15 cas, examinés aux principaux niveaux de la moelle,

du bulbe et de la protubérance, parfois même dans les circonvo-

lutions rolandiques, avec toutes les méthodes usitées en histo-

pathologie nerveuse (Weigert, Pal, Nissl, Marchi, etc ). La con-

clusion est que le faisceau pyramidal se trouve atteint de façon

très variable dans la maladie de Little. De plus, il existe toujours

une lésion cérébrale, mais très variée de siège, de nature et d'm-

tensité. En résumé, il n'y a pas une lésion unique, ainsi que l'exi-

gent les partisans de la théorie dualiste.

Dans la deuxième partie de sa thèse, M. Cestan, reprenant les

documents exposés plus haut, les fait servir à la discussion des

nombreuses théories pathogéniques de la contracture organique.

Nous ne saurions entrer dans le détail de toutes ces doctrines, dont

quelques-unes sont classiques.* L'argumentation, rigoureusement

conduite, et les critiques faites avec beaucoup d'à-propos et de

justesse, montrent aisément toutes les incertitudes qui empêchent

une solution définitive. L'auteur, très sagement, avoue ses hésita-

tions, tout en donnant ses préférences à la théorie d'Hitzig,

modifiée par von Monakow.

Ainsi, très variés, mais connexes, sont les sujets que l'auteur

aborde dans son travail inaugural. Sur chacun d'eux, M. Cestan a

su donner sa note originale, basée sur des faits cliniques et

anatomo-pathologiques, très heureusement choisis. Cette thèse

344 VARIA.

n'est donc pas seulement une mise au point, judicieusement con-

duite, des doctrines les plus récentes sur le syndrome de Little et

sur la pathogénie de la contracture; elle "constitue, avant tout, une

oeuvre personnelle dans laquelle le lecteur aura beaucoup à

prendre et à garder. Cl. Philippe.

X. Etude de la descendance des paralytiques généraux; par le

.- D1' L. WAHL. In-8°, Paris, Jouve et Boyer, 1898.

L'auteur ne prétend pas trancher cette question souvent abor-

dée mais qui n'a jamais été traitée à fond, il a assemblé un choix

de matériaux intéressants qui permettent d'esquisser d'impor

tantes conclusions et amorcent de nouvelles recherches. Ce travail

est donc surtout un copieux recueil de bonnes observations habi-

lement classées et précédées d'une revue générale de tout ce qui

a été dit à ce sujet. Les enfants de paralytiques généraux meu-

rent souvent dès le bas âge, ce qui est facile à comprendre eu

égard à la nature des causes de la maladie des ascendants : -.

syphilis, alcoolisme et surmenage ; ils sont d'autre part prédis-

posés aux affections du système cérébro-spinal (paralysie infantile,

affections convulsives), et à toutes les variétés des maladies men-

tales parmi lesquelles l'hérédité similaire est encore pour eux la

plus rare. Enfin, chez les descendants de P. G. les maladies men-

tales les plus communes sont la dégénérescence à tous ses degrés

depuis l'idiotie jusqu'à la simple instabilité. Les faits montrent

que loin de n'être exposés qu'à l'hérédité congestive par opposi-

tion à l'hérédité vésanique, ces sujets sont sous le coup de toutes

es maladies avec ou sans lésions du système nerveux.

P. 1301SSlER.

VARIA.

L'Union médicale DU Canada (nos 1 à 4, 1899).

Cette revue mensuelle, dont la forme et la langue sont celles de

notre pays et qui constitue l'organe officiel de la Faculté de Méde-

cine de Montréal, est riche en observations cliniques et en discus-

sions casuistiques. Bien que le n° 1 ne contienne aucun travail se

rapportant à la neurologie, je ne saurais le passer sous silence. Il

débute, en effet, par une simple relation de voyage du Dr Saint-

Jacques, intitulée « Universités allemandes Bonn », qui ren-

ferme surtout des observations et des critiques amicales dont a

médecine française peut faire son profit.

VARIA. 345

Assise sur le Rhin, adossée au Yennsberg, Bonn est une ville

charmante, mais Paris La science allemande est admirable,

mais nos savants français ! Quel dommage qu'en France on ne

rencontre point, avec des légions de professeurs et de privat-docen-

ten, d'immenses laboratoires et instituts, comme à Bonn ou à

Boston, où étudiants et praticiens trouvent pour travailler et arri-

ver, toutes les bonnes volontés et toutes les commodités désirables.

A Bonn, les hôpitaux, tous rassemblés autour de l'Université, sont

sous le contrôle exclusif du corps médical. Les gardes-malades

sont diplômées et soumises et un enseignement gradué. Le Il Saint-

Jacques a vu à l'oeuvre la religieuse catholique et les gardes-

malades laïques anglaises, américaines, françaises et allemandes.

Il estime que « comme vrai dévouement la soeur de charité est

au premier rang », mais à la condition d'avoir reçu un entraî-

nement sérieux. Il est heureux de constater qu'au Canada les reli-

gieuses commencent et se soumettre à un enseignement professionnel,

pour devenir des gardes-malades « modernes ». - Mais quelle

supériorité présente la nurse anglaise sur toutes les autres gardes-

malades par la sollicitude constante et éclairée, pour le bien-être

phy sique et moral je ne dis pas religieux - des malades.

L'Institut de pathologie de Bonn est colossal, ses collections

sont riches, mais elles sont loin d'égaler les musées Dupuytren et

Saint-Louis. ,

L'influence scientifique de l'Allemagne à l'étranger est considé-

rable surtout parce que la plupart des médecins allemands parlent

les langues étrangères, le français ou l'anglais souvent les deux.

« Si seulement en France, on se donnait la peine des langues

étrangères, dit le Dr Saint-Jacques, 'quelle influence la science

française à l'instar de l'art prendrait davantage à l'extérieur ! »

A bon entendeur, salut 1...

Suicides d'enfants.

Sous ce titre : Suicide d'un enfant de onze ans, on écrit de Reims,

au Petit Parisien :

« 11 y a trois jours, un enfant de onze ans et demi, Adolphe

Loth, demeurant chez son père, rue Jobert-Lucas, quittait la

maison paternelle en disant qu'il allait se noyer. On prêta peu

d'attention à ce propos, mais l'enfant n'étant pas rentré le soir, son

père, inquiet, commença des recherches. On fouilla le canal dans

la direction du pont de Saiut-Brice, où des passants avaient vu

l'enfant se diriger. Pendant deux jours les recherches restèrent

sans résultat ; ce matin elles viennent d'aboutir. Le cadavre du

malheureux enfant a été retrouvé dans le canal, exactement au

même endroit où sa mère s'était suicidée il y a environ un an. On

s'est souvenu alors que, depuis la mort de sa mère, Adolphe Loth

346 VARIA.

avait déclaré plusieurs fois qu'il irait « retrouver sa mère en mou-

rant comme elle ». Il paraitrait même qu'avant d'aller se jeter à

l'eau le pauvre petit désespéré s'était rendu au cimetière et avait

prié un instant sur la tombe de sa mère. »

- Un enfant de quatorze ans, le jeune Léon Gobin, garçon de

ferme à Saint-Sylvain, 'près Angers, a tenté de mettre fin à ses

jours en se tirant un coup de revolver dans la région du coeur ; il

reste peu d'espoir de le sauver.

A la suite d'une réprimande qui lui avait été faite par sa

mère, le jeune Louis Auguié, âgé de douze ans, habitant Assier,

près Cahors, s'est suicidé en se jetant sous les roues d'un train.

(Le Petit Parisien, 14 août.)

Société médico-psychologique : Prix BELHOMME fondé en 1882.

Prix triennal de 900 francs devant être décerné au meilleur

travail sur l'Idiotie.

1885. Moyens propres à développer la faculté du langage chez

les idiots : Pas de mémoire.

1886. De l'idiotie et en particulier des lésions anatomiques

des centres nerveux dans l'idiotie : M. Hricon (1.200 francs).

1889, - Hechercher s'il existe des signes anatomiques, physiolo-

giques et psychologiques propres aux criminels : Pas de mémoire.

1892. De la vision chez les idiots et les imbéciles : MM. Bonnet,

Marie. prix ; mention honorable : M. Armand Guibert.

1893. De l'audition chez les imbéciles et les idiots : Mention

très honorable avec 400 francs à MAI. Bonnet et Marie.

1895. Traitement hygiénique et pédagogique de l'idiotie

(arriérés, débiles, imbéciles, idiots) : M. Boyer, prix (700 francs) ;

M. Bonnet (100 francs), mention honorable.

1897. Du langage chez les idiots : M. Bonnet, prix (400 francs);

M. Maupaté, mention avec 200 francs.

1899. Du système musculaire chez les idiots et de son éduca-

tion : M. Boyer, prix (450 francs) ; MM. Bonnet et Marie, mention

honorable (avec 130 francs).

L'alcoolisme.

Un drame dans un escalier. Après avo : r passé la soirée chez

des amis, un ouvrier métallurgiste, M. Arthur Caleline, âgé de

trente-huit ans, qui occupe un petit appartement dans un hôtel

meublé tenu rue Basfroi par M. Lucadou, regagnait son domicile,

vers onze heures du soir, lorsqu'il croisa dans l'escalier un de ses

voisins, Jacques Drient, âgé de quarante ans, homme de peine.

Ce dernier, alcoolique invétéré, sortait de chez lui faisant un

vacarme épouvantable. L'autre s'effaça pour le laisser passer,

VARIA. 37

mais pris d'un subit accès de fureur, Drient s'élança sur lui et lui

porta plusieurs coups de couteau, le blessant grièvement et à deux

reprises au crâne.

Aux cris que poussait la victime, le logeur intervint, armé d'un

solide nerf de boeuf. A sa vue, Drient lâcha son premier adver-

saire qu'il tenait à la gorge, et bondit sur lui l'arme haute Une

lutte terrible s'engagea, à l'issue de laquelle l'alcoolique s'affaissa

poussant un cri sauvage et lâchant son arme. D'un coup de son

terrible bâton, M. Lucadou lui avait brisé le bras droit. A demi

assommé, grièvement blessé, Drient fut remis aux mains de gar-

diens de la paix qui le transportèrent à l'hôpital Saint-Antoine,

où il sera soigné et gardé à la disposition de M. Le-gonie; com-

missaire de police. Pendant ce temps, M. Cateline recevait dans

une pharmacie voisine les soins nécessaires, puis sur sa demande

était ramené à son domicile. (Petit Parisien, 16 août.)

Rue Ilry, à Neuilly, le nommé Gelineau, rentrant ivre, voulut

étrangler sa femme. Son fils Jules, seize ans, voyant sa mère en

danger, tua son père d'un coup de couteau. 11 a été arrêté. (boit-

homme Normand, 24 août.)

- Accident en ivresse. A Croix, près Roubaix, un ou-

vrier maçon nommé Joseph Erny, âgé de trente-trois ans, en état

d'ébriélé, voulut monter sur un tombereau en marche ; il s'y prit

si maladroitement qu'il tomba à califourchon sur le treuil et fut

pour ainsi dire empalé sur un crochet qui dépassait. L'infortuné

a été transporté à l'hôpital dans un état désespéré. (Petit Parisien,

25 août).

Tentative d'assassinat par une prostituée ivrognesse. Un

crime analogue à celui qui a ensanglanté il y a huit jours la com-

mune de Saint-Pol a failli se produire cour Codron, dans la rue

des Passerelles. Une fille de mauvaise vie, ivrognesse invétérée,

Léontine Pépin, a essayé de trancher la gorge de son amant avec

un rasoir. Le malheureux qui a pu se dégager en a été quitte

pour une affreuse balafre. Léontine Pépin qui était devenue subi-

tement folle a été conduite à l'hôpital où se trouve déjà la femme

Elisa Joachim, cette mégère qui a décapité son mari avec un

rasoir. (Petit Parisien, 27 août.) z

- Dans un accès alcoolique, la veuve Perrine Kerboul, âgée de

cinquante ans, demeurant rue de Sébastopol, à Brest, s'est ouvert

la gorge avec un couteau ; la mort a dû être presque immé-

diate. (Petit Parisien, 27 août.)

- Délire 'alcoolique 'et suicide. - Un soldat du 115° de ligne,

nommé Delaunay, de la classe 1895, qui venait d'avoir une discus-

sion avec un caporal, s'est dans un accès de délire alcoolique, pré-

cipité d'une fenêtre du deuxième étage dans la cour de la caserne

348 S VARIA.

Ernouf, à Alençon. La mort a été instantanée. Ce malheureux était

marié. (Petit Parisien, 3 sept.)

- Ivrognesse suicidée dans un violon. Une journalière nom-

mée Feron, âgée de trente-six ans, demeurant 08, rue d'Albanie,

au Havre, arrêtée pour ivresse place Notre-Dame, s'est pendue, à

l'aide de son mouchoir, dans le violon du poste de la rue des

Drapiers. Malgré tous les soins qui lui ont été prodigués, cette

fille n'a pu être rappelée à la vie.

Ivrogne incendiaire. Le Parquet de Saint-Brieuc s'est trans-

porté à Pléhedel et a mis en état d'arrestation le nommé Yves

Boscher, journalier, âgé de quarante et un ans. Ce triste individu,

ivrogne et paresseux, est inculpé d'incendie volontaire, de vols,

d'outrages publics à la pudeur et attentats sur la personne de ses

enfants qu'il forçait à mendier, les rouant de coups quand ils ne

lui rapportaient pas d'argent pour boire. Boscher a été écroué à

la maison d'arrêt de Saint-Brieuc. (Petit Parisien, 8 sept.).

LES aliénés en liberté,

Egorgé par sa femme, - Un terrible drame s'est déroulé la

nuit dernière, il Saint-Pol-sur-Ier, près Dunkerque. Une femme de

soixante-huit ans, Elisa Joachim, née Menez, a, d'un coup de

rasoir, tranché la gorge de son mari, Antoine Joachim, âgé de

soixante-dix ans; la mort a été instantanée, la tête ne tenait plus

que par les vertèbres.

La coupable est allée raconter son crime dans une boulangerie

et dans une épicerie voisines. Arrêtée peu après, cette femme a

déclaré qu'elle avait tué son mari parce qne ce dernier la trompait

avec une de ses voisines. Cette allégation est fausse. Très méchante,

la femme Joachim, qui était atteinte de la folie de la persécution,

rendait la vie très dure à son mari; ce dernier était un brave et

courageux ouvrier qui travaillait depuis quarante ans à la filature

Dickson. « C'est Dieu qui a voulu que je tue mon mari, a déclaré

la mégère. » (Petit Parisien, 21 août.)

Une folle. - Une dame de cinquante-cinq ans, appartenant

à une honorable famille des environs de Rennes, s'est présentée

hier soir devant le commissaire central, lui demandant une carte

d'entrée au conseil de guerre, afin, a-t-elle déclaré, « de pouvoir

tuer Dreyfus ». Cette femme, qui avait sur elle une somme de

700 francs, a été gardée à la disposition de la justice. Il est inu-

tile de dire qu'elle ne parait pas jouir de la plénitude de ses

facultés. La famille a été avertie. (Petite Gironde, 21 août.)

Au village de la Chabanne, commune d'Anville (Charente),

Mme Gaschet, âgée de cinquante et un ans, s'est suicidée en se

VARIA. 349

tirant un coup de fusil sous le menton. Depuis quelque temps la

pauvre femme donnait des signes de dérangement cérébral.

Le nommé Léandre Gesse, âgé de vingt-quatre ans, marin â

la Chaume, s'est pendu à un cormier à l'endroit dit « la Pièce-

Franche », commune du Château d'Olonne, en face la demeure

de sa fiancée. Ce jeune homme était atteint de la monomanie du

suicide. (Petit Parisien, août.)

- La nommée Marie Montandre, âgée de soixante ans, demeu-

rant à Aubeterre, près Barbezieux, vient de mettre fin à ses jonrs

en se pendant dans sa chambre à coucher. La malheureuse avait,

parait-il, manifesté à plusieurs reprises l'intention de se suicider.

(Petit Parisien, 12 sept.)

Suicide. Une malheureuse femme de cinquante et un ans,

qui ne jouissait pas de ses facultés mentales depuis quelque temps.

Marie Ferret, épouse Gaschet, cultivatrice à La Chabagne, com-

mune d'Anville, a mis fin à ses jours en se tirant un coup de fusil

sous le menton. (Petite Gironde, 15 sept.)

LES épileptiques ET LES IDIOTS.

Un jeune homme de dix-huit ans, Maurice Cotilleau, demeu-

rant aux Aubiers, près Niort, s'étant rendu à une mare située non

loin de la maison paternelle, dans le but de s'y livrer à la pêche,

s'y est noyé ; on suppose que le malheureux aura été pris d'une

crise d'épilepsie. (Petit Parisien, 2 sept.)

- La haine de l'argent. - Un pauvre idiot d'une quinzaine

d'années, Théodore Gueurlinger, demeurant chez son oncle, 4, rue

des Tanneries, était affecté depuis quelque temps d'une manie d'un

genre tout spécial. Il avait acquis, on ne sait pour quelle rai-

son, une haine féroce de l'argent, dont la seule vue le rendait fu-

rieux, et plusieurs fois on dut l'empêcher de déchirer les billets de

banque qu'il découvrait dans les meubles de son oncle. Plusieurs

fois aussi on le surprit jetant à l'égout les pièces de billon qu'il

recevait de part et d'autre pour des commissions. Cette lubie vient

d'avoir pour les parents de Théodore Gueurlinger une conséquence

des plus fâcheuses. Il y a trois jours, l'idiot parvenait à ouvrir une

armoire et dérobait les valeurs qu'elle contenait : deux billets de

banque de mille francs chacun, un reçu de mille francs du Crédit

foncier et unesommè d'environ 150 francs en or. Ne trouvant pas le

moyen pratique de faire disparaitre cet argent abhoré dans le voi-

sinage, l'infirme partit en campagne, cherchant un endroit sûr. Il

se rendit d'abord dans la plaine de Gentilly, où il déchira les

billets de banque et le reçu du Crédit foncier, dont les fragments

furent retrouvés par des passants qui les portèrent au commissa-

330 VARIA.

riat de police. Puis, rentrant dans Paris, le malheureux, arrivé

place Saint-Sulpice, engloutit dans un distributeur automatique

les 150 francs en or qui lui restaient.

Un agent, qui le voyait accomplir cette excentricité avec une

stupéfaction bien compréhensible, l'arrêta alors et le conduisit

- malgré ses protestations véhémentes, chez M. Yendt, commissaire

de police, où se trouvait déjà son oncle angoissé. Après explica-

tions, Théodore Gueurlinger a été envoyé par le magistrat à l'in-

firmerie spéciale du Dépôt, où il subira un examen médical. Les

fragments de billets de banque et l'or jeté dans le distributeur

de la place Saint-Sulpice ont été restitués à leur propriétaire.

(Petit Parisien, 15 sept.)

Enfants malades : voleurs ET incendiaires.

Voleur précoce. - Ces jours derniers, M. Dagiral, cordonnier

à Sainte-Même, près Châteauneuf, constatait la disparition de sa

montre, qu'il tenait suspendue au mur, dans son atelier.

11 s'enquit des personnes qui avaient pénétré chez lui et se rap-

pela avoir eu la visite d'un petit bambin-de onze ans, Joseph F...,

qui était venu faire mettre des clous à ses souliers. Comme l'en-

fant a déjà une très mauvaise réputation, les soupçons se por-

tèrent immédiatement sur lui, et, en le fouillant, on découvrit la

montre cachée dans ses vêtements.

Les parents du petit voleur, de fort braves gens, sont dans la

désolation et sont des premiers à demander son internement dans

une maison de correction, se jugeant impuissants il le corriger et

mettre un frein à ses instincts précoces de dépravation. La gen-

darmerie de Chàteaneuf a ouvert une enquête et dressé procès-

verbal. (Petite Gironde, 12 août.)

Ce n'est pas à la maison de correction qu'il faudrait envoyer

ce petit malade, mais dans une asile-école, organisé comme

les sections d'enfants de Bicêtre, de la Salpêtrière, de Vau-

cluse, de l'asile de la Roche-sur-Yon. Tous les départements

devraient avoir des asil'S-écoles pour les enfants idiots, ner-

veux, épileptiques et pervers.

La Petite Gironde du 23 août a publié une dépêche d'An-

goulême ainsi conçue :

La fillette Madeleine B..., âgée de sept ans, auteur de l'incendie

de Saint-Estèphe, a été écrouée à la maison d'arrêt d'Angou-

lême.

Lors d'une excursion récente en Eure-et-Loir, nous avons

eu communication du fait suivant dont on nous a montré

l'auteur.

faits DIVERS. 351

- A Faverolles (Eure-et-Loir) un enfant imbécile, âgé de huit

ans, fils d'un père ivrogne et d'une mère débauchée, a mis le feu,

en août, à une meule de blé. Quelques mois auparavant, il avait

mis le feu chez ses parents. Si, après le premier incendie on avait

placé cet enfant dans un asile-école (l'instituteur de la commune

n'en peut rien faire), on n'aurait pas eu le second incendie. Avant

de prendre cette mesure on attend probablement un troisième

sinistre.

Maires et préfets sont aussi coupables les uns que les autres.

Il y a aussi des responsabilités plus hautes.

FAITS DIVERS.

Les aliénés EN liberté. M. A..., commandant en retraite,

donnait depuis quelque temps des signes d'aliénation mentale; sa

femme avait introduit contre lui une instance en divorce. Hier

matin, alors que les avoués procédaient à l'inventaire, M. A...,

s'est frappé au ventre avec un couteau. Il a été transporté à l'hô-

pital du Mans. On pense que ses blessures ne sont pas mortelles.

(Petit Parisien.)

Le nommé Geneix, de Pons, âgé de ungt-trois ans, a été

conduit à la maison d'aliénés de Lafond. Pris d'un accès terrible,

il avait tout brisé chez lui. Plusieurs dévoués amis l'ont conduit au

chemin de fer ; ce malheurenx disait qu'il allait voir Dreyfus à

Paris. (Petite Gironde, 21 août.)

Suicide par injection sOUS-CUTA ! \ÉE, - Un brocanteur, M. Henri

Boulé, âgé de quarante-trois ans, demeurant 83, rue de Seine, a

mis fin à ses jours, hier soir, d'une façon étrange. Il se trouvait

dans un débit de vins situé au n° 81 de la rue de Ménilmontant, quand

soudain on le vit se piquer au bras droit avec une seringue dite

« seringue de Pravaz » et s'abattre aussitôt lourdement sur le sol.

Le malheureux fut transporté dans une pharmacie voisine,

mais tous les soins étaient inutiles, car il ne tarda pas à rendre

le dernier soupir. M. le Dr Viciot qui, avec M. Girard, commissaire

de police, a procédé aux constatations d'usage, n'a pu déterminer

d'une façon précise là nature du poison dont s'est servi le déses-

péré. Les motifs de ce suicide sont inconnus. M. Girard a fait trans-

porter le cadavre au domicile du défunt. (Petit Parisien du

27 juillet).

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Bourneville. Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie,

l'hystérie et l'idiotie. (Compte rendu du service des enfants idiots, él)ilep-

tiques et arriérés de Bicêtre pour 1898), publiées avec la collaboration de

MAI. Cestan, Chapotin, Katz, Noir (J.), Philippe, Sébiteau et Boyer.

T. XIX de la collection.- Un fort volume in-S° de i.x.\xvu-234 pages,

avec 13 figures dans le texte et 13 planches hors textes Prix : 7 francs.

- Pour nos abonnés : 5 francs. Bureaux du Progrès médical. - Prix

de la Collection complète : 100 francs.

Coulonjou (E.). De l'assistance des buveurs par l'internement dans

un asile spécial. - Volume in-8" de 88 pages. - Toulouse, 1899.

Imprimerie Marques et CI'.

Colonie nationale d'aliénés (le nouvel asile des portes ouvertes).

Discours prononcés par le Président de la République Argentine et le

Dr Carres. - Brochure in-8° de 18 pages. - Bueuos-Aires, 1899.

Imprenta de J. Peuser.

Grasset. - Diagnostic des maladies de la moelle (Siège des lésions).

Volume in-1G carré de 96 pages. Prix : 1 fi,. 50. - Paris, 1899.

Librairie J.-B. Baillère et fils.

KELLER (Clir.). Varcc svensha idiolaazslaller. - Brochure in-8° de

32 pages. Kobenhaven, 1898. Kyt Ttdsskrtft for Abnormwaesenet

omfattende Aanclssvage , Blinde, og Vanfre-Sagen.

111orncnnetven (J.). - Jolzctan Libeller og Johannes MoMen/taMet'.

Brochure in-8° de 21 pages, avec deux portraits. Kobenhavon. NU t

Tidsskrift for Abnormwaesenet.

Snxo (r.). La statistique des aliénés à Anvers. - Brochure in-8° de

16 pages. Gand, 1898. - Imprimerie Vander Baeghen.

Snso (F.). - Du régime des aliénés à Envers, Brochure in-8° de

24 pages. Anvers, 1899. - Imprimerie Buschmann.

Tissié (P.). Tics et toux spasmodique guéris ipar la gymnastique

médicale respiratoire. - Brochure in-8° de 16 pages. - Bordeaux, 1899.

Imprimerie G. Gounouilhou.

AVIS TRÈS IMPORTANT. - Depuis le 28 JUILLET

11. JI. DURAND n'a plus aucune fonction au Progrès

Médical. Il est remplacé par M. Aimé ROUZAUD qui

est chargé exclusivement des annonces et de la partie

administrative.

Le rédacteur-gérant : Bourneville.

Evreu\, Ch. ¡¡ÉIIISSEY, 107E1. - 1099

Vol. VIII. Novembre 1899. N° 47

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE.

SYNDROME DE LANDRY PAU LÉSIONS EXCLUSIVES

DES CORNES ANTÉRIEURES

(MYÉLITE ASCENDANTE A ? TLRIEURE-AIGU1 ?

Par )1H. PAUL COURMONT et BONNE (de Layon). ?

. ?

Bien que l'histoire des paralysies ascendantes aigtil5-se,

fasse plus complète de jour en jour grâce aux observations

et aux travaux récents, il n'est pas sans intérêt d'apporfar'iitet

nouvelles pièces au débat toujours pendant entre les parti :

sans de la poliomyélite et ceux de la polynévrite motrice

comme cause plus ou moins exclusive de ces paralysies. Il

ést aussi un certain nombre de points sur la pathogénie de

ces affections, sur leur bactériologie, sur l'étendue et la valeur

des lésions constatées par les méthodes histologiques

récentes, qui ne peuvent être complétés que par l'étude de

cas observés à tous ces points de vue .aussi exactement et

aussi consciencieusement que possible ; c'est dans ce but que

nous publions cette observation, recueillie à la clinique

du professeur Bondet, avec des résultats histologiques et

bactériologiques aussi complets que le permettent les mé-

thodes actuelles et accompagnée des considérations générales

que ce cas nous a suggérées. ,

I. Observation clinique.

Observation. - R... Guillaume, cinquante-huit ans, salle Saint-

Augustin, n° 3fi. Le 7 avril 1898, le malade est apporté à l'hôpital

Archives, `3° série, t. VIII. 23

354 CLINIQUE NERVEUSE.

complètement paralysé. Il vivait seul et n'était pas sorti de chez

lui depuis trois jours lorsque ses voisins le visitèrent et le trou-

vèrent dans l'état actuel. Il a des troubles de la phonation et

s'exprime difficilement, d'une voie faible et voilée. Il peut cepen-

dant raconter que sa maladie a commencé le i avril, brusquement,

par des troubles de la motilité des membres inférieurs ; ceux-ci

d'abord simplement parésiés devinrent bientôt complètement para-

lysés et le malade ne put quitter son lit ; en même temps, il eut

des troubles généraux, de la fièvre, de la céphalée, pas de

rachialgie. Rapidement les troubles paralytiques gagnèrent les

membres supérieurs, puis le larynx ; depuis un jour la parole

est gênée et très difficile. Pas de troubles subjectifs de la sensibilité.

Nous n'obtenons pas de renseignements sur ses antécédents

personnels ou héréditaires ; il peut nous dire cependant qu'il

n'était pas malade avant l'affection actuelle. Des parents nous ont

appris ultérieurement que c'était un homme sobre, rangé, non

alcoolique, jouissant d'une excellente santé et auquel on ne con-

naissait point de tare ni de maladie antérieure.

A son entrée. - Homme d'aspect robuste, grand, bien constitué.

Faciès coloré, fébrile, couvert de sueur. Les troubles paralytiques

attirent tout d'abord l'attention. Les membres inférieurs sont

totalement paralysés, les membres supérieurs également; cette

paralysie est flasque, sans contracture. Les muscles du tronc et

de la ceinture scapulo-humérale paraissent parésiés. La respira-

tion est rapide (30 respirât, par minute) et difficile. Le diaphragme

est nettement parésié, le thorax se dilate mal ; il y a du tirage

sus-sternal, de la dépression des creux sus-claviculaires à l'inspi-

ration pendant laquelle on ne constate pas de contraction des

muscles respirateurs de la ceinture thoracique. La face n'est pas

paralysée, les paupières sont mobiles ; les lèvres s'agitent quoique

faiblement, la langue peut à peine remuer et sortir des arcades

dentaires. La parole est très difficile par parésie laryngée et

linguale. La déglutition est possible, mais le malade avale souvent

de travers.

Inégalité pupillaire ; la pupille gauche est plus dilatée. Il est

difficile, à cause de la paralysie de juger de l'état de la sensibilité

cutanée qui paraît diminuée.

Réflexes patellaires abolis, réflexes plantaires conservés; aboli-

tion des réflexes crémastérien et abdominal. Pas d'atrophie des

masses musculaires. Pas de troubles vaso-moteurs sauf une conges-

tion très marquée de la face avec sueurs abondantes en ce point.

Troubles de relâchement des sphincters ; le malade urine sous

lui. On retire à peine de la vessie quelques gouttes d'urine pour

la recherche de l'albumine qui est négative. Pas d'oedème des

jambes.

Les facultés intellectuelles sont intactes ; le malade comprend

LÉSIONS EXCLUSIVES DES CORNES ANTÉRIEURES. 355

tout ce qu'on lui dit et s'efforce d'y répondre ; il se rend compte de

tout ce qu'on fait autour de lui et le contraste est frappant entre

cette lucidité intellectuelle et l'immobilité complète des membres

et de la plupart des muscles moteurs.

Température : 39°. Pouls : 120°, rapide, fort et bondissant.

Rien d'anormal au coeur, ni aux poumons.

Le 8 avril, l'état est considérablement aggravé. Persistance de

la paralysie flasque généralisée. L'aphonie est complète ; la

langue peut encore se mouvoir légèrement ; lorsqu'on interroge le

malade il tâche de répondre et on voit ses lèvres s'agiter sans

qu'aucun son soit émis. La connaissance est complète ; le malade

reconnaît ses parents et essaie de leur parler. La température

monte (39°.0 hier soir, 40°2 ce matin) ; la peau est chaude, la figure

colorée et couverte de sueurs. Même état des réflexes. Le malade

a vomi ce matin. La respiration est de plus en plus difficile. Le

pouls est rapide, ample mais dépressible (120 par minute). Pendant

la journée l'état continue de s'aggraver, la température monte

à 40°,0 et le malade meurt dans la nuit.

Autopsie, le 10 avril. Cerveau. - A l'ouverture de la boite

crânienne on constate un oedème très marqué des espaces mé-

ningés ; ventricules cérébraux très dilatés. L'examen extérieur et

les coupes ne révèlent rien d'anormal dans le cerveau, le cervelet,

la protubérance ni le bulbe.

Moelle. - Les méninges rachidiennes sont distendues par un

liquide très clair qui s'échappe en jet lorsqu'on incise la dure-mère;

pas de congestion ni de lésion apparente des méninges. Les coupes

de la moelle qui est ferme et d'aspect normal ne révèlent non plus

aucune lésion macroscopique.

Des fragments de moelle, de bulbe, de cerveau, de nerfs périphé-

riques sont recueillis pour l'observation histologique. L'ensemen-

cement du liquide rachidien,de parcelles de substance médullaire

et bulbaire à diverses hauteurs est fait avec toutes les précautions

nécessaires. L'examen macroscopique des viscères n'a révélé

aucune altération importante. Rien aux poumons sauf un peu de

congestion des bases. Coeur normal. Foie gros légèrement conges-

tionné. Aux reins : pas d'altérations macroscopiques manifestes,

pas d'adhérence de la capsule.

II. - Examen ET considérations uistologiques '.

Nous avons examiné comparativement par la méthode de

Nissl et les méthodes ordinaires les renflements lombaire et

cervical de la moelle, la partie inférieure du bulbe rachidien

1 Fait au laboratoire d'histologie générale.

356 CLINIQUE NERVEUSE.

(noyaux de l'hypoglosse et du vague) et les circonvolutions

motrices.

Nerfs. Notre attention étant spécialement dirigée vers les

altérations cellulaires, nous n'avons fait des nerfs périphériques

- qu'une étude restreinte bornée à quelques troncs nerveux : médian

et sciatique poplité externe de chaque membre. Ces nerfs examinés *

au Pal et au Marchi, en coupes longitudinales et transversales ne

nous montrèrent aucune fibre dégénérée. D'autre part leur colora-

tion au carmin ne permit de déceler aucune prolifération intersti-

tielle, ni infiltration inflammatoire, ni modification du tissu engai-

nant, ni enfin d'altération des vaisseaux.

Les circonvolutions motrices ne nous montrèrent non plus aucune

altération des cellules nerveuses, des méninges, ni des vaisseaux.

Moelle. La moelle nous offrit des lésions d'autant plus accu-

sées qu'on les considérait en un point plus inférieur du névraxe :

ce que faisait prévoir du reste, l'évolution clinique de J'affec-

tion.

Au niveau du renflement lombaire, les lésions sont très avancées,

particulièrement dans la corne antérieure, et semblables dans les

deux moitiés de la moelle. Le Nissl montre de grandes variétés

dans l'affinité des cellules pour le bleu de méthylène et l'on

pourrait y décrire tous les degrés de piknomorphisme et de

chromatophilie s'échelonnant de l'état de lati=ue à l'état de repos

complet au temps ou Nissl et l3enda discutaient sur la signifi-

cation de ces différents aspects. Nombreuses aussi et variées

sont les chromatolyses périnucléaires ou périphériques, diffuses

ou limitées en un point du corps cellulaire. Dans certaines cellules

les corpuscules se fondent en blocs beaucoup plus volumineux et

présentant pour le colorant des degrés d'affinité différents.

A côté de ces lésions, d'une interprétation si délicate et qui

varient suivant la technique employée, il en est d'autres plus

importantes et dont la signification est beaucoup plus claire :

l'état hyalin, l'apparence vitreuse se retrouvent dans un certain

nombre de cellules, coïncidant ou non avec des déformations du

corps cellulaire qui prend en certains points l'apparence d'un bloc

sans prolongements, au milieu duquel on ne reconnaît que diffici-

lement le noyau.

Des vacuoles plus ou moins larges, allongées ou arrondies, vides

ou contenant quelques particules colorées, se rencontrent dans un

grand nombre de cellules dont le protoplasma a gardé tout autour

son aspect ordinaire ou au contraire est devenu hyalin. Quelques

cellules en présentent un certain nombre : deux, trois ; elles se

retrouvent aussi bien dans les morceaux fixés au Mùller que dans

ceux qui ont été traités au Nissl : mais dans ce dernier cas elles

sont rendues moins frappantes par les déformations concomi-

LÉSIONS EXCLUSIVES DES CORNES ANTÉRIEURES. 357

tanles du corps cellulaire. Nous les retrouverons en parlant du

pigment. Quelques-unes de ces vacuoles s'ouvrent à la surface du

corps cellulaire et forment ainsi des fentes, des encoches plus ou

moins profondes. En aucun point ce processus n'est allé jusqu'à la

fragmentation complète du corps cellulaire.

Nous chercherons plus loin à interpréter certaines lésions qu'il

nous suffit de mentionner ici : nous avons en vue les déformations

du corps cellulaire et de ses prolongements, les déplacements

apparents du noyau, les ruptures des prolongements protoplas-

miques ou cylindraxile et les modifications dans la répartition du

pigment que l'on trouve à l'état normal dans la plupart des

grandes cellules de la moelle.

Au niveau du renflement ce1'vicalles lésions cellulaires sont beau-

coup moins accentuées : les cellules les plus altérées présentent

une transformation hyaline de leur protoplasma, localisée à

un certain point, ou généralisée à tout le corps cellulaire, des

vacuoles en petit nombre ou des affinités anormales (diminuées)

pour les colorants basiques : carmin, bleu de méthylène, etc.

Quant aux altérations que nous croyons devoir rapporter à l'action

des réactifs, elles se montrent aussi prononcées qu'au renflement

lombaire : cela seul semble indiquer que ces lésions ne sont

peut-être pas forcément d'ordre pathologique, et qu'on peut les

attribuer à autre chose qu'à une exagération artificielle d'altéra-

tions réelles mais invisibles par elles-mêmes.

Rulbe. Nous n'avons examiné du bulbe que la partie inférieure,

comprenant les noyaux de l'hypoglosse et du vague, notre malade

n'ayant pas présenté pendant sa vie de symptôme net dans le

domaine des autres nerfs crâniens.

Le noyau de l'hypoglosse est le plus altéré. Un grand nombre

d'expérimentateurs ont noté cette prédilection des processus infec-

tieux pour ce nerf cranien. Pareil fait est également consigné dans

presque toutes les observations de paralysie asceiipante où le

bulbe a été examiné. On ne sait à quoi t'attribuertimais il est

permis de remarquer 1t ce propos que de tous les noyaux bul-

baires, celui de l'hypoglosse possède les cellules de beaucoup les

plus grandes et les plus richement arborisées, et que par ces seuls

caractères ces cellules se rapprochent ainsi le plus de celles des

cornes antérieures que tous les processus myélitiques aigus frap-

pent avec prédilection.

Chez notre malade les lésions de l'hypoglosse étaient peu avan-

cées, moins marquées encore que les lésions de la moelle cervicale

et consistaient uniquement en l'état hyalin, la coloration diffuse

d'un petit nombre de cellules. D'autres étaient vacuolées. Ces

quelques lésions avaient à peu près complètement disparu au

niveau du tiers supérieur du noyau, particularité rencontrée aussi

par plusieurs observateurs (Ballet et Marinesco) qui ont étudié les

358 CLINIQUE NERVEUSE.

lésions secondaires des cellules d'origine de l'hypoglosse après

section ou arrachement de ce nerf.

Le noyau dorsal du pneumogastrique formé de cellules beaucoup

plus petites que celles de l'hypoglosse est encore moins altéré. Les

lésions sont en tout cas plus nettes que celles du noyau ambigu qui en

présente qu'un très petit nombre de cellules mal colorées ou vacuo-

laires. Quant aux autres groupes cellulaires de la région (noyau

grêle, cunéiforme, olives et parolives), leur aspect est absolument

normal. On pouvait cependant, parmi les cellules qui sont dissémi-

nées sous le plancher en dehors des noyaux, sensitifs des vagues,

en trouver quelques-unes légèrement déformées et mal colorées.

Contrairement aux éléments nerveux, les éléments conjonctifs

(méninges, vaisseaux) ne présentent que des lésions minimes

dans toute la hauteur de la moelle et du bulbe. H n'existe en

aucun point de trace de diapédèse autour des cellules nerveuses

altérées. Les vaisseaux ne présentent nulle part de lésion de leur

tunique interne. On trouve cependant autour de quelques petits

vaisseaux et surtout près des méninges des zones d'infiltration

limité, mais assez serrée de petites cellules rondes.

Notons enfin que des préparations au marchai des renflements

cervical et lombaire nous montrèrent dans celui-ci surtout, un

petit nombre de fibres dégénérées, de petit diamètre en général,

disséminées sans ordre dans les régions de la substance blanche,

les plus voisines de l'axe gris ; quelques boules de myéline dans

les cornes antérieures et le long du trajet intramédullaire des

racines antérieures. Le pigment des cellules nerveuses est, dans

'ces préparations, fortement coloré en brun foncé.

Reins. Les reins (Millier, gomme, carmin) montrent une pro-

lifération interstitielle avancée, de la néphrite glomérulaire desqua-

mative peu intense et restreinte à un petit nombre de glomé-

rules ; ceux-ci ne présentent pas de lésions de leurs bouquets

vasculaires ; les vaisseaux de la substance corticale sont fortement

congestionnés. L'épithélium des tubuli contorti est trouble, ses

noyaux se colorent peu ou pas. On remarque dans les cavités

tubulaires des détritus granuleux fortement colorés par l'urine, ou

de véritables cylindres épithéliaux ; catarrhe très léger des tubes

droits. Malgré l'incertitude qui s'attache à tout examen histolo-

gique d'un organe aussi délicat que le rein quand il est prélevé

longtemps après la mort; on peut conclure de ces lésions à l'exis-

tence de deux processus : un processus ancien, primitivement ou

secondairement interstitiel; un processus récent, saisi, pour ainsi

dire, en activité et dont on voit les traces dans les lésions inflam-

matoires des épithéliums sécrétoires. Il est rationnel de l'assimiler

au processus qui a causé dans la moelle et le bulbe ces lésions

électives des éléments nobles, lésions qui ont entraîné les symp-

tômes paralytiques et la mort du malade.

LÉSIONS EXCLUSIVES DES CORNES ANTÉRIEURES. 359

Considérations histologiques. -

Nous avons toujours eu soin de 'comparer les résultats

fournis par la méthode de Nissl (modifiée par Gothard) à

ceux que donnent les autres méthodes histologiques, celles

surtout qui reposent sur l'emploi d'un fixateur différent

(Muller, carmin, etc.). Si en effet on doit admettre, ainsi

qu'on l'a fait remarquer', que les réactions doivent rendre

visibles en les exagérant les modifications d'ordre patholo-

gique, il n'est pas moins vrai, d'autre part que pour aucun

des réactifs usuels, en particulier pour aucun des fixateurs

employés en technique nerveuse on ne possède un détermi-

nisme absolument établi de leur mode d'action ; on ne peut

faire exactement la part de ce qui relève des réactifs, l'alcool

par exemple ou le formol, et de ce qui est attribuable au

processus pathologique dans l'ensemble de certaines altéra-

tions : telles sont les déformations du corps des cellules, leur

degré de rétraction, leurs modifications de structure intime

qui l'éloignent du type généralement admis comme indice de

l'état sain, type qui n'est lui-même qu'une moyenne. Ainsi

que l'un de nous l'a rappelé à propos des ganglions rachi-

clients2@ l'aspect d'une cellule nerveuse prise dans un ganglion

spinal et examinée à l'état frais, avec ou sans coloration au

hleu de méthylène, à l'aide des méthodes de Dogiel diffère

considérablement de l'aspect de cette même cellule fixée à

l'alcool et colorée au bleu de méthylène ou au bleu poly-

chrome. Il en est de même pour les grandes multipolaires cle

la rétine. Avec les méthodes dites vitales la substance chro-

matophile se présente sous un aspect chagriné, en grains

excessivement fins et réguliers, également répartis et cachant

complètement la structure fibrillaire de la substance fonda-

mentale. Après l'action de l'alcool ces éléments ont conflué

et forment des blocs plus gros, irréguliers dans leur forme

et leur répartition ; corpuscules cliromatophyles de Nissl.

A l'état frais les cellules d'un même ganglion spinal ne

présentent entre elles aucune différence dans la structure

' Nageotte et OEltlinger. Presse médicale, 1898. (A propos des fissures

mises en évidence dans le protoplasma des cellules par la fixation au

formol.)

2 Bonne. Recherches sur les éléments centrifuges des racines posté-

rieures, (Thèse de Lyon. 189î.)

360 CLINIQUE NERVEUSE.

de leur protoplasma. Après fixation par l'alcool, en particu-

lier, elles présentent au contraire des apparences si variées

que Nissl, V. Gehuchten, Marinesco, ont cru devoir les

répartir en plusieurs types en se basant uniquement, non sur

l'agencement et le nombre des prolongements des cellules,

^ainsi que Dogiel l'a fait avec raison mais sur l'aspect du

protoplasma coloré par le bleu de méthylène. Peut-on dans

ce cas affirmer que l'alcool, et d'une manière générale,

l'ensemble de la technique employée, n'a fait qu'accentuer

des différences invisibles il l'état frais ? Et surtout peut-on

avancer que cette modification se soit produite dans le même

sens et au même degré pour toutes les cellules examinées ? ' !

On ne saurait donc trop multiplier les comparaisons et les

points de repère pour une méthode aussi incertaine que

celle de Nissl, méthode basée sur une réaction (la coagu-

lation par l'alcool) dont les conditions sont mal connues. Ce

n'est pas à ce procédé que l'on peut demander de nous faire

pénétrer dans l'intimité des altérations que l'on considérait

autrefois comme purement dynamiques et que beaucoup

considèrent aujourd'hui comme étant le substratum de nombre

d'états pathologiques ou fonctionnels. Seules des lésions pour

ainsi dire grossières : vacuoles, état hyalin, modifications du

noyau, perte de l'affinité ordinaire pour les colorants doivent

être considérées comme sûrement pathologiques, surtout

lorsqu'il s'agit d'examens faits sur des pièces prises long-

temps après la mort. Ces lésions du reste sont toujours

visibles, quoiqu'à des degrés très divers, quelle que soit la

technique suivie. Il faut donc contrôler l'une par l'autre les

différentes méthodes. Dans de récents articles sur les soi-

disant lésions nerveuses du tétanos, Paviot2 montra quelles

interprétations erronées on avait faites de l'aspect des cellules

colorées au Nissl et faisait remarquer une fois de plus la

nécessité de l'emploi des méthodes usuelles pour éclaircir la

nature vraie de certaines apparences fournies par la seule

méthode de Nissl.

Il est inutile, pour un organe aussi altérable que la moelle,

d'employer des fixateurs délicats pour des pièces prises

vingt-quatre heures après la mort. L'usage des fixateurs

1 Anal, .In : " vol. 12.

2 Courmont, Doyon et Paviot. Réserves sur la méthode de \'iasl. (.luclr.

de Physiologie, 1898.)

LÉSIONS EXCLUSIVES DES CORNES ANTÉRIEURES. 361

courants tels que le Millier est seul rationnel; après fixation

prolongée par ce liquide, les éléments délicats supportent

mieux qu'après l'alcool les vicissitudes des manipulations

ultérieures. Ils sont moins rétractés, et surtout, fait banal et

qui met en relief l'action désorganisatrice de l'alcool,

l'aspect de leur protoplasma est beaucoup plus voisin de

l'aspect qu'ils offrent à l'état frais ; un chagriné fin et

uniforme remplace les corpuscules chromatophiles qui

donnent un aspect si particulier aux cellules fixées par ce

réactif, quelle que soit la coloration ultérieurement employée :

hématoxylines, picrocarmin, carmin aluné : ce dernier en

particulier colore les parties figurées avec une élection

presque aussi-parfaite que le bleu de méthylène.

Les modifications de la forme des cellules sont toujours

plus rares et moins accentuées après fixation par les bichro-

mates qu'après action de l'alcool ; dans ce dernier cas les

cellules sont souvent plus ratatinées et souvent aussi, si

l'action a été trop brusque ou trop prolongée, ont quitté les

parois de leur loge névroglique ; leur corps prend des formes

anguleuses et se déforme encore par la rupture des prolon-

gements. Si de ces faits on rapproche cette autre particu-

larité : la variété infinie de formes et de dimensions des

cellules de la moelle, on voit combien délicate est l'estimation

de ces apparences sur lesquelles la technique a une si grande

influence.

Décrites d'abord par OEltinger et Marinesco puis par un

grand nombre d'auteurs, les ruptures des prolongements

protoplasmiques produites il des niveaux voisins du corps

cellulaire nous paraissent devoir être attribuées surtout à

l'action du fixateur (alcool-formol) et ne pas être la représen-

tation exacte d'un processus pathologique, à moins qu'on

n'admette que l'alcool, se contentant d'exagérer et de conti-

nuer un processus commencé, ne produise la rupture juste

au niveau d'une altération protoplasmique quelconque du

prolongement.

Certains auteurs (Mongour et Carrière) figurent et donnent

comme étant le premier degré de ce processus de rupture

des gonflements circonscrits des prolongements, avec dispa-

rition, à partir de ce point des corpuscules chromatophiles

allongés qui caractérisent les portions proximales de tout

dendrilc. Or nous n'avons pu trouver de relation constante

36 CLINIQUE NERVEUSE.

entre cette disparition, cet aspect chromatophile généralisé

et localisé, et les ruptures des prolongements. Celles-ci par

contre, de même que les déformations par ratatinement du

corps des cellules sont plus nombreuses dans les pièces qui

ont séjourné plus longtemps dans l'alcool, et dans celles

surtout dont nous avions à dessein, complété le durcissement

en laissant se prolonger plus longtemps que de coutume

l'éther du bloc de collodion, ou en immergeant ce dernier,

suivant les conseils de certains auteurs dans de l'alcool

fort additionné de chloroforme. Notre conviction se base

enfin surtout sur la particularité suivante. Quel que soit le

nombre des prolongements rompus et les circonstances

techniques qui ont empêché ou favorisé cette rupture, elle

se produit toujours au niveau du point oÙ le prolongement

pénètre dans le feutrage névroglique qui entoure la cellule.

La rétraction du corps cellulaire agissant dans le sens cen-

tripète, il est naturel que le prolongement cède au niveau du

point où il est fixé par les fibres névrogliques qui l'entourent

et par ses propres ramifications. Une fois libre dans la cavité

de la cage névroglique, le corps cellulaire se rétracte et se

déforme ; la partie périphérique du prolongement qui est

fixée en place continue à affleurer les bords de la cage, juste

en face, ou à quelque distance suivant les hasards des

rétractions du segment central. Du reste un examen

attentif de préparations au Golgi nous persuade que des

conditions analogues président presque toujours il la produc-

tion des ruptures artificielles des dendrites ou du cylindre-

axe.

Les déplacements du noyau, tiennent une grande place

dans les descriptions que l'on fait actuellement des lésions,

pathologiques ou expérimentales, ou même des simples

modifications fonctionnelles des cellules nerveuses (Lugaro).

Quelquefois ces déplacements paraissent réels ; on ne

peut du moins leur attribuer aucune cause évidente. Dans

les pièces fixées à l'alcool, il est souvent évident que ces

déplacements apparents tiennent avant tout à la rétraction

du corps cellulaire sous l'influence d'un fixateur insuffisant.

11 est d'abord facile de remarquer que les noyaux les plus

excentriques s'observent dans des cellules dont un prolonge-

ment ou plusieurs a été le siège d'une rupture, cellules

qui offrent ainsi plus de prise à l'action de l'alcool, la défor-

LÉSIONS EXCLUSIVES DES CORNES ANTÉRIEURES. 363

mation ne portant pas également sur les parties encore

fixées et celles qu'a libérées la rupture du dendrite, le corps

cellulaire prend une forme irrégulière, le noyau est ainsi

plus ou moins éloigné de la position voisine du centre qu'il

occupe ordinairement dans les grandes multipolaires.

On conçoit, d'un autre côté, que par sa situation au centre

de la cellule, son contenu plus homogène, sa forme plus

régulière, il soit moins accessible que la masse du cytoplasme

à l'action déformante de l'alcool. Il constitue ainsi une sorte

de point fixe autour duquel se mouleront les parties rétrac-

tées et flétries pour ainsi dire du corps cellulaire, de telle

sorte qu'il parait quelquefois faire hernie et sur le point de

rompre la membrane d'enveloppe de la cellule. Cette rupture

peut d'ailleurs s'observer, nous l'avons notée plusieurs fois

dans le renflement lombaire, mais elle coïncidait toujours

avec une désorganisation beaucoup plus profonde du proto-

plasma et du noyau.

Les amas de pigment jaune brun qu'on peut observer

dans toute cellule des cornes antérieures nous fournissent

des termes de comparaison très utiles à l'explication des

phénomènes'de pseudo-migration du noyau. Comme lui ils

représentent des points consistants qui servent de moule

aux fluctuations artificielles de la forme du cytoplasme, sur

les contours duquel ils forment quelquefois des reliefs nets,

comparables à ceux que dessine le noyau dans des circons-

tances analogues. Ces deux phénomènes dépendent, partiel-

lement au moins, de l'action des réactifs, dans des propor-

tions qu'il serait imprudent de chercher à déterminer ; ce

sont des phénomènes mécaniques, dans lesquels le noyau ne

prend pas une part plus active que les amas de pigment.

Ce pigment avait été pris à tort comme l'indice d'une dégé-

nérescence lente du protoplasma nerveux. Dans les processus

myélitiques ordinaires, ses réactions ne varient jamais.

Malgré cette inertie nous le considérons comme un excellent

réactif non pas du chimisme mais de la statique protoplas-

mique et des modifications artificielles ou pathologiques de

celle-ci. A l'état normal, les grains formant en effet un ou

plusieurs amas, plus denses à leur centre, plus clairsemés

à la périphérie et siégeant souvent entre les points d'émer-

gence de deux prolongements protoplasmiques, occupant

d'autres fois tout le corps cellulaire et allant même jusqu'à

364 CLINIQUE NERVEUSE.

masquer le noyau. Suivant les différentes modifications dont

le cytoplasme a été le siège, on voit les grains déformer le

contour de la cellule par une saillie plus ou moins accentuée,

ou bien se collecter dans une région de densité inférieure à

. celle de la masse, c'est-à-dire dans une vacuole. Dans tous

ces cas. on voit l'amas pigmentaire prendre des bords plus

nets que normalement en devenant plus condensé. Cette

particularité permet de déceler de simples fissures ou des

vacuoles qui sans elles pourraient passer inaperçues; tout

amas pigmenlaire à limites nettes et non estompées comme

un pointillé d'ombre, témoigne que la portion du protoplasma

où il est situé a été le siège d'un remaniement. Ce remanie-

ment peut consister en une simple diminution de densité,

en la formation de vacuoles, en rétractions, etc., pour ne

parler que des modifications mécaniques.

L'altération peut enfin être beaucoup plus grossière : les

grains de pigment, quoique très clairsemés, infiltrent tout le

corps cellulaire qui est alors profondément désorganisé et ne

présente plus sa structure habituelle ; ou bien, par le fait

d'une rupture de la membrane d'enveloppe artificielle ou

pathologique - les grains se répandent dans la cavité de la

cage névroglique ; la cellule est toujours alors profondément

désintégrée.

Toutes ces considérations nous dispensent de chercher,

parmi les lésions cellulaires que nous venons de décrire, les

critériums qu'on a donnés de la réparabilité des processus

pathologiques. Sauf les désintégrations profondes, les lésions

évidentes que les méthodes anciennes montrent avec plus de

netteté que la méthode de Nissl, les modifications qu'on

a décrites comme appartenant à des processus réparables ou

irréparables, sont de celles que la technique suivie peut

modifier au plus haut point ou même créer de toutes pièce»,

et que d'autre part les altérations cadavériques inévitables

peuvent masquer ou défigurer.

III. Examen ET considérations bactériologiques.

Les recherches bactériologiques dans notre cas ont porté-

sur le sang pendant la vie et sur le système nerveux après la

mort.

a) Examen du sang pendant la vie a été absolument négatif. Le

sang avait été recueilli, la veille de la mort, dans une veine-

LÉSIONS EXCLUSIVES DES CORNES ANTÉRIEURES. 365

du pli du coude avec toutes les précautions d'usage (seringue

stérilisée à l'autoclave, etc.). Trois centimètres cubes ensemencés

en plusieurs tubes de bouillon et à -)-37" n'ont donné aucune

culture.

b) Recherches à l'autopsie. Des ensemencements en bouillon

furent faits à l'autopsie, avec toutes les précautions ordinaires :

10 avec un fragment de la partie antérieure de la moelle dorsale ;

2° avec un fragment analogue recueilli au bulbe ; 31 avec du

liquide céphalo-rachidien recueilli par ponction à travers la dure-

mère rachidienne préalablement cautérisée. Les tubes ensemencés

avec des fragments de tissu nerveux ont donné des cultures mélan-

gées de cocci, de bacilles indéterminés, et de diplocoques

analogues au pneumocoque et restant colorés par le Gram. Au

contraire le liquide des méninges rachidiennes donna des cultures

pures de diplocoques analogues à ceux des cultures des centres

nerveux.

Étant donné les causes inévitables de contamination acciden-

telle dans l'ensemencement du tissu nerveux, réduites au mini-

mum au contraire dans la prise du liquide céphalo-rachidien,

nous avons considéré surtout comme significatives les cultures

obtenues avec ce dernier ; l'élément microbien fourni par ces

cultures se retrouvait d'ailleurs, mais mélangé à d'autres, dans les

cultures des centres nerveux. Les caractères de ce microbe furent

les suivants :

Cultures faciles à obtenir et, à propager en bouillon à + 3 î°,

donnant un trouble uniforme et très accentué, sans voiles ni pelli-

cules. Sur gélose à+ 37°, cultures maigres sous forme d'un mince

voile grisàtre à peine visible et translucide, analogues à des

cultures de streptocoques; sur gélatine pas de culture visible. '

Les caractères morphologiques des cultures en bouillon furent

ceux-ci : diplocoques à grains un peu allongés, ressemblant à

certaines formes des pneumocoques, et très courtes chaînettes ;

ces éléments se colorent facilement et restent colorés par la

méthode de Gram; pas de capsules.

Les inoculations à l'animal ne purent, pour des raisons indé-

pendantes de notre volonté, être faites qu'un mois après l'isole-

ment de ce microbe, c'est-à-dire avec des cultures probablement

atténuées.

Ces inoculations furent négatives pour le lapin (2 centimètres

cubes dans la veine de l'oreille) et le cobaye (3 centimètres cubes

dans le péritoine). Nous pensons que ces insuccès peuvent tenir

au vieillissement de nos cultures.

Ce microbe se rapproche par certains de ses caractères du

pneumocoque et du méningocoque de Weichselbaum, mais il en

diffère absolument par la longue végétabihté des cultures

366 CLINIQUE NERVEUSE. -

en bouillon que nous avons pu réensemencer avec succès même au

bout de six semaines. C'est surtout au streptocoque pyogène que

cet agent ressemble le plus soit par sa morphologie, soit par les

caractères de ses cultures sur milieux solides (agar, gélatine).

Nous pensons avoir eu affaire à une forme un peu spéciale

de streptocoque et nous croyons que tel est bien l'agent pathogène

de la maladie, étant donné sa présence exclusive dans le.liquide

médullo-rachidien, et associée il d'autres agents (probablement

d'infection cadavérique) dans les centres médullo-bulbaires. Il ne

nous a été possible de déceler aucun agent microbien par colora-

tion des centres nerveux médullaires après durcissement et

inclusion dans la paraffine.

Ces résultats de l'examen bactériologique, décelant un

microbe à rapprocher, par certains de ses caractères, du

pneumocoque et du méningocoque, et par d'autres du strep-

tocoque pyogène, ces résultats ne sont pas faits pour nous

surprendre. On sait que la pathogénie infectieuse de la

plupart des myélites ascendantes est aujourd'hui un fait hors

de conteste. De plus, dans les observations récentes, bien

étudiées, au point de vue bactériologique, c'est à des agents

microbiens tels que le pneumocoque (Roger et Josué), le

streptocoque (0 £ , ttii-i-ci et âlirinespo 2, Reiiilinger 1), ou même

le diplocoque infra-cellulaire (Piccinino ') que l'on attribue la

genèse des lésions. ,

Nous n'insistons pas sur ces faits auxquels se joint le nôtre

pour prouver une fois de plus la nature infectieuse de la

paralysie ascendante, mais de leur groupement nous tente-

rons de déduire une explication de certain point que la notion

générale d'infection des centres médullaires n'élucide qu'im-

parfaitement. Ce point que l'étiologie ou l'anatomie patholo-

gique n'expliquent pas, c'est la marche régulière de ces

paralysies, marche progressive de bas en haut, atteignant

successivement et infailliblement tous les centres moteurs

échelonnés le long de la colonne médullo-bulbaire.

Sans doute, la propagation de cellule en cellule par simple

voisinage tout le long de la colonne grise antérieure est la

première explication qui s'offre à l'esprit. Mais il suffit, à

4 Roger et Josué. Presse >7écl., 1897.

' Ol : ltinger et )Iariiiebco. Semaine méd., 1895.

1 Remlinger. Soc. de Biologie, 1896.

. Picciniuo..111111. di Nevrologia, fasc. 1.

LÉSIONS EXCLUSIVES DES CORNES ANTÉRIEURES. 367 I

défaut d'autre argument, de réfléchir qu'au niveau du bulbe

les noyaux gris sont plus ou moins séparés les uns des autres

sans que cela arrête la propagation, pour voir que l'hypo-

thèse est insuffisante.

On peut songer à une systématisation de l'infection par les

vaisseaux de la partie antérieure de la moelle; mais ces

vaisseaux n'irriguent pas exclusivement les cornes anté-

rieures, et l'on sait que dans la paralysie infantile, affection

où celte pathogénie vasculaire a été mise en avant, les

lésions sont précisément diffuses dans bien des cas aux

cardons blancs voisins et dites « pseudo-systématiques »

(Marie). Tel n'est pas le cas dans notre observation.

Enfin on peut soutenir que l'infection ou l'intoxication

généralisée ne frappe la colonne grise antérieure que parce

que celle-ci plus sensible, présentant une susceptibilité plus

grande, réagit la première et entraîne des troubles mortels.

Mais resterait toujours inexpliqué ce fait mystérieux de la

marche progressivement ascendante des lésions.

Sans vouloir rejeter absolument la part de vérité que ren-

ferme chacune des théories précédentes, nous voulons pro-

poser l'hypothèse pathogénique suivante. Dans un certain

nombre de cas le liquide des méninges rachidiennes a paru

spécialement infecté. Tels les cas si intéressants de Chante-

messe et Ramond '. Dans notre observation le microbe causal

était à l'état de pureté dans le liquide méningé, et ce dernier

présentait une augmentation de quantité et de tension telle

qu'il s'échappa en jet lorsqu'on incisa la dure-mère rachi-

dienne, alors que le cerveau était déjà enlevé.

Il semble d'après ces faits que l'on puisse, dans certains

cas du moins, faire jouer un rôle dans la progression des

phénomènes paralytiques de bas en haut à l'infection et

peut-être à la tension du liquide des méninges rachidiennes.

On peut concevoir que cette infection, débutant, pour une

cause quelconque, à la partie inférieure de la colonne lom-

baire, remonte progressivement. de bas en haut par la voie

ouverte du canal vertébral ; qu'une infection méningée atté-

nuée atteigne ainsi successivement les différents étages de la

colonne. antérieure motrice, la plus superficielle et la plus

sensible parmi les centres médullaires ; et qu'enfin la com-

1 Chantemesse et Ramond. Soc. de Biol., 23 juillet 1898. Épidémie de

paralysie ascendante d'origine infectieuse.

368 CLINIQUE NERVEUSE.

pression exercée sur la moelle par la tension du liquide

puisse favoriser cet envahissement des cornes antérieures au

sur et à mesure que ce liquide produit en quantité exagérée

s'accumule de bas en haut le long du canal vertébral.

Une pareille hypothèse est passible d'objections, dont la

- première est celle du petit nombre de faits dans lesquels

on a noté soit une altération, soit une infection des méninges

rachidiennes. On peut répondre que dans la grande majorité

des cas on n'a relaté ni l'état ni la quantité du liquide céphalo-

rachidien et qu'on l'a rarement ensemencé.

Depuis que, grâce à la ponction de Quinche, l'attention a

été attirée du côté de l'examen du liquide rachidien, des

faits bien suggestifs ont été notés. Tout récemment, Schultze' 1

par une ponction lombaire, dans un cas de paralysie infantile,

trouva du pneumocoque dans le liquide céphalo-rachidien.

Pourquoi n'admettrait-on pas que, dans ce cas, l'agent

pathogène a envahi les cornes antérieures par la voie du

canal rachidien en infectant d'abord les méninges ?

On pourrait ainsi concevoir que, par l'intermédiaire du

liquide des méninges rachidiennes, tantôt l'infection se géné-

ralise d'emblée en même temps à la plus grande partie de la

colonne motrice, et tantôt l'envahit progressivement de bas

en haut, donnant dans le premier cas une poliomyélite anté-

rieure plus ou moins généralisée (paralysie infantile... etc..)

et, dans le second, une paralysie ascendante. Une telle hypo-

thèse ne peut sans doute s'appliquer qu'au cas de paralysie

ascendante par myélite. Mais si l'on considère que, dans un

grand nombre de cas où l'examen bactériologique a été fait,

le microbe trouvé (pneumocoque, diplocoque à rapprocher

de celui de Weichselbaum) est un de ceux que l'on incrimine

dans la paralysie infantile (Schultze) ou dans^la méningite

cérébro-spinale, une telle conception aurait ce résultat inté-

ressant de rapprocher au point de vue pathogénique ces

différentes affections des méninges rachidiennes et de la

colonne motrice antérieure.

IV. Considérations générales.

Cette observation nous semble intéressante surtout par la

localisation exclusive des lésions aux cellules motrices des

1 Schultze. liùiieli. oaecl. \Voch., 1898, n" 38.

1 LÉSIONS EXCLUSIVES DES CORNES ANTÉRIEURES. 369

cornes antérieures de la moelle et des noyaux moteurs

bulbaires, sans adjonction d'aucune autre altération du

système nerveux, ce qui explique la pureté du type clinique :

myélite ascendante aiguë à forme exclusivement motrice.

On sait en effet que rien n'est plus variable que l'état du

système nerveux central ou périphérique dans les maladies

donnant lieu au syndrome « paralysie ascendante » ou maladie

de Landry. Ce dernier auteur n'ayant pas donné de subs-

tratum anatomique à l'affection qu'il décrivait, puisqu'il

croyait à l'intégrité du système nerveux dans ces cas, les

découvertes ultérieures et les progrès de la méthode anatomo-

pathologique ont permis de décrire sous le nom de maladie

de Landry ou de paralysie ascendante tous les cas où se

réalisait l'ensemble de ce syndrome quelles que soient les'

lésions constatées, médullaires ou névritiques. A l'heure

actuelle, comme l'indiquait le professeur Raymond dans une

de ses cliniques', l'examen du système nerveux dans les cas

de paralysies ascendantes a fourni les résultats suivants.

·1° Pas de lésions macroscopiques ni microscopiques. Cette

opinion qui était celle de Landry ne s'appuyait jusqu'à ces

derniers temps que sur des cas où l'examen par la méthode

de Nissl n'avait pas été fait. Une observation de Giraudeau

et Levai- est venu combler cette lacune.

2° Lésions exclusivement médullaires. La littérature médi-

cale de ces dernières années est fort riche en faits de ce

genre. Les lésions signalées sont d'ailleurs fort variables

comme siège, comme intensité, comme extension. Souvent

les faisceaux blancs de la moelle sont atteints en même temps

que les cellules des cornes antérieures ; les altérations des

vaisseaux (infiltration des parois, thromboses, hémorrhagies),

l'épaississement de la névroglie, la prolifération des cellules

épendymaires sont fréquemment notées. On voit que, rare-

ment, une systématisation, une élection des lésions pour les

seules cellules motrices des cornes antérieures, se rencontre

aussi parfaite que dans notre cas. L'observation de Roger et

JosuéJ peut seule en être rapprochée. A part ces deux cas

il n'en n'existe pas, croyons-nous, où les lésions des éléments

1 Raymond. Clinique des maladies du système nerveux, 1896.

, Giraudeau et Levi. Revue nelll'ol., 15 octobre 1898.

3 Roger et Josué. Presse médicale, 1898.

Archivas, 2» série, t. VIII. 't

370 CLINIQUE NERVEUSE.

nobles ne soient accompagnées d'altérations vasculaires

d'intensité variable.

3° Lésions des nerfs périphériques, soit seules, soit asso-

ciées à des lésions médullaires.

Ces lésions ont été mises en évidence, surtout par Eichorst,

- -Déjerine, Pitres et Vaillard, Nauwerk et Barth, etc.

S'appuyant sur ces résultats complexes, diverses théories

virent successivement le jour sur la pathogénie de la maladie

de Landry. Pour les uns elle ne serait jamais l'expression

d'une lésion des centres, mais toujours d'une polynévrite

périphérique.

Nauwerk et W. Barth ont soutenu cette opinion en 1889

« on n'a pas fourni la preuve certaine qu'une affection des

centres, de la moelle et du bulbe en particulier, peut donner

naissance au tableau d'une paralysie ascendante typique ».

J, Ross et S. Bury ont défendu encore plus formellement

l'identité de la polynévrite et de la paralysie ascendante aiguë.

Tout récemment encore, Krewer2 a tenté d'établir, d'après

quatre observations cliniques et anatomo-pathologiques que

la maladie de Landry « n'est autre chose que le deuxième

et troisième stade d'une névrite chronique multiple passée

par continuité à la moelle épinière ». La polynévrite chro-

nique serait une condition sina qua non de la paralysie de

Landry !

D'autres auteurs se sont au contraire rattachés exclusive-

ment à la pathogénie médullaire.

Pour Senator notamment on ne doit donner le nom de

paralysie de Landry qu'aux cas de paralysie extensive exclu-

sivement motrice sans troubles de la sensibilité, ni réaction

de dégénérescence, et seulement avec lésions médullaires.

C'est une question de définition.

A l'heure actuelle, la pathogénie exclusivement névritique

pour tous les cas de paralysie ascendante ne peut plus être

légitimement soutenue. Si elle était admissible en 1889, au

moment où Nauwerck et Barth faisant remarquer l'invrai-

semblable diversité des lésions médullaires décrites dans celte

affection en concluaient au peu de valeur de ces observa-

tions, elle ne saurait actuellement résister aux travaux où

' Nauwerk et Barth. Zierller's Bei ? Oye : /11' patlwl, anal., 1889, Bd, V.

- Krewer (Sain L-IlétersboLir,). Zeitschrifl sur lilitz. Dleclicin., 1897,

p. 11j.

LÉSIONS EXCLUSIVES DES CORNES ANTÉRIEURES. 3-il 1

sont notées une description minutieuse des altérations des

cornes antérieures et une absence complète de lésions de

polynévrites. Aussi l'opinion de Krewer nous paraît légère-

ment paradoxale à l'heure- actuelle. Les quatre faits qu'il

apporte peuvent uniquement démontrer que la paralysie

ascendante d'origine médullaire peut se greffer sur une

polynévrite antérieure plus ou moins accusée et que le

malade meurt avec des lésions étendues à tout son neurone

moteur périphérique.

' Nous pourrions d'ailleurs critiquer sur bien d'autres points

ce mémoire de Krewer. -Nous retiendrons simplement ceci :

qu'il procède à une généralisation inadmissible basée sur

l'étude de quatre observations et fait table rase de toutes

celles, publiées avant lui, où l'intégrité des nerfs périphé-

riques a été spécialement notée, avec ou sans altération des

cellules médullaires.

Notre observation vient s'ajouter à quelques autres pour

montrer que si les faits analogues à ceux de Krewer sont

possibles, il arrive aussi que les centres des neurones

moteurs périphériques sont primitivement atteint sans aucune

lésion du nerf périphérique lui-même.

Faut-il dès lors se rattacher à l'opinion de Sénator et

regarder comme un entité morbide les cas de paralysie

ascendante aiguë avec symptômes purement moteurs et

lésion exclusivement médullaire et lui réserver le nom de

paralysie de Landry ? Laissant de côté les cas complexes

où des lésions successives ou simultanées des différentes par-

ties du neurone moteur périphérique viennent compliquer le

tableau, faut-il distinguer deux formes de paralysie ascen-

dante, l'une névritique, l'autre médullaire, chacune avec ses

caractères distinctifs ?

L'une serait caractérisée par des phénomènes sensitifs sub-

jectifs, par la douleur à la pression des muscles et des troncs

nerveux, par une évolution plus lente et une guérison plus

fréquente.

La forme médullaire pure ne s'accompagnerait jamais de

troubles sensitifs, présenterait une marche plus rapide, une

extension précoce aux noyaux bulbaires. Notre cas serait un

des types les plus purs de cette forme médullo-bulbaire.

Boudin', dans sa thèse a tenté une catégorisation de ces typcs

' Bodin. Les paralysies ascendantes. (Thèse Paris, 189G.)

373 CLINIQUE NERVEUSE.

cliniques. Sans doute une telle division, outre qu'elle aurait

l'avantage de classer les faits et de satisfaire l'esprit pourrait

avoir quelque importance pratique au point de vue du

pronostic.

Cependant il ne faut pas se dissimuler tout ce qu'une

~ pareille classification aurait d'artificiel. Comme le fait

remarquer M. Raymond il n'est pas difficile de trouver des

transitions insensibles, toutes les transitions possibles entre

les types et « on en vient à se demander où sont dans la

réalité des choses, ces lignes de démarcation entre la paralysie

ascendante aiguë, la poliomyélite antérieure aiguë de l'adulte

et la polynévrite motrice »-

« En présence d'un syndrome qui reflète plus ou moins

fidèlement les traits de la paralysie de Landry, il est souvent

impossible de décider si nous avons ou si nous n'avons pas

devant nous des lésions de polynévrite, de poliomyélite ou

des lésions spinales quelconques*. »

D'ailleurs attacher le nom de maladie de Landry à la

forme médullaire pure de paralysie ascendante aurait le

grand inconvénient à l'heure actuelle de créer plutôt que

d'éviter une confusion, puisque des tableaux cliniques assez

différents et des lésions anatomiques multiples ont été décrits

sous ce nom qu'il est peut-être un peu tard de vouloir ratta-

cher à autre chose qu'à un syndrome clinique.

En tout cas il n'est pas sans intérêt (quitte il les classer

plus tard) d'accumuler les observations présentant cet avan-

tage de correspondre, comme la nôtre, à un tableau clinique

bien net, sans adjonction de symptômes accessoires, et surtout

des lésions aussi exactement systématisées aux cellules,

centres des neurones moteurs périphériques, avec intégrité

des nerfs des vaisseaux et du tissu conjonctif.

Si l'on doit distinguer des types pathologiques extrêmes

différenciés par leur allure clinique et leur systématisation

anatomo-pathologique, nous croyons que c'est à^de tels cas

qu'il faut se reporter et notre observation nous semble repré-

senter un des types les plus purs de ce que nous appelle-

rions : myélite antérieure ascendante aiguë avec lésions

exactement localisées aux cellules des neurones moteurs péri-

phériques et avec symptômes uniquement moteurs.

' Raymond. Presse médicale, 1896, p. 29. Clinique des maladies du

système nerveux, 1896.

HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES VERBALES. 373

Conclusions. - 1° Il est des cas de paralysie ascendante à

forme motrice pure, dus à des lésions exclusives de la colonne

motrice médullo-bulbaire, sans atteinte des vaisseaux ni de

la substance blanche ni des nerfs. (Myélite ascendante anté-

rieure aiguë.)

2° L'infection du liquide céphalo-rachidien constatée dans

certains cas de paralysie ascendante semble pouvoir expli-

quer, mieux que toute autre hypothèse, la marche ascen-

dante et progressive des lésions, la colonne motrice étant

touchée par l'intermédiaire du canal rachidien chemin tout

préparé pour la propagation de l'infection. Cette hypothèse,

s'appuyant d'autre part sur l'identité des microbes causant

ordinairement la paralysie ascendante, la méningite cérébro-

spinale et parfois la polyomyélite antérieure (pneumocoque.

streptocoque méningocoque), rapproche au point de vue

pathogénique ces affections de la moelle et des méninges.

CLINIQUE MENTALE.

LES HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES VERBALES

- DANS L'ALCOOLISME;

Par le De P. COLOLIAN,

Ancien interne des Agiles de la Seine.

Les multiples hallucinations des sensibilités spéciales ont

été étudiées depuis fort longtemps par les aliénistes français

et étrangers. Mais ce n'est que récemment qu'un trouble

hallucinatoire spécial, dénommé aujourd'hui hallucination

psycho-motrice, a attiré l'attention des psychiatres. Il existe

des malades de toutes catégories, qui prétendent avoir une

voix « sourde », sans timbre ni son, intérieurement, une voix

qui leur cause et se fait comprendre.

C'est Baillargerl qui différencia ce groupe d'hallucinations

1 13aillarger. Des hallucinations, 1S40. Physiologie des hallucina-

tions dans ses recherches sur les maladies mentales.

374 CLINIQUE MENTALE.

sous. le n4)m d'hallucinations psychiques. Après avoir exposé

la façon dont s'expriment les malades, il donne cette défini-

tion : « Ce sont des perceptions purement intellectuelles,

ayant leur point de départ dans l'exercice involontaire de la

mémoire et de l'imagination, et qui sont souvent assimilées à

tort par les malades aux perceptions sensorielles. »

Legrand du Saulle avait aussi remarqué que certains ma-

lades disent entendre « des idées, des voix secrètes, inférieures,

sans langage parlé ». Maudsley le premier nomma ce trouble

« hallucination motrice ».

Avant ces auteurs d'autres avaient observé ces faits sans

leur donner d'importance. Certains auteurs mystiques, par-

lant de ces voix, disaient : « les unes sont intellectuelles et

se font dans l'intérieur de l'âme, les autres corporelles. »

Leuret rapporte le cas du frère Gilles et du roi saint Louis

qui « se parlaient sans aucun bruit de parole », et celui de

filme Guyon avec le père Lacombe, son confesseur, qui se

comprenaient sans parler, de sorte que peu à peu elle se

trouva réduite à « ne lui parler qu'en silence ». De même

Calmeil a observé quelques hallucinés qui se persuadent que

les voix partent de leur poitrine, de leur ventre, d'un organe

essentiel à la vie.

Parmi les auteurs actuels il faut citer le nom de M. Séglas' J

qui a bien étudié la question en 1888, et formé trois groupes

d'hallucinations psycho-motrices verbales pures : 1° halluci-

nations verbales motrices pures ; 2° des hallucinations ver-

bales motrices combinées à des auditives verbales ; 3° de

simples représentations mentales motrices associées ou non.

MM. Ballet 2, Ritti3, Séglas et Londe \ Roubinovitch ',

.Janet 6, Pieracciui7, ont rapporté des cas d'hallucinations

1 Séglas. Progrès médical, 1888, nO' 33 et 31, et Congrès de méd.

mentale de Nancy, 1895.

5 G. Ballet. Semaine médicale (Leçon à l'hôpital Saint-Antoine), 1891.

3 Ritti. Stigmates psychiques de dégénérescence (Annales médico-

psycho" 1892).

i Séglas et Londe. Hallucinations verbales motrices dans la mélancolie'

(Archives de neurologie, 1892, mars et mai).

II Roubinovitch. Contribution à l'étude clinique des hallucinations

verbales psycho-motrices (Annales médico-ps ! Jclwl" 1893, p. 100).

° Janet. Revue philosophique, mars, avril 1892.

7 Pieraccini. Accès de mutisme, 1893.

HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES VERBALES. 375

psychomotrices verbales. M. le professeur Joffroy 1, dès sa

première leçon d'ouverture à la chaire de pathologie men-

tale aborda ce sujet; depuis, il y est revenu à plusieurs

reprises.

M. Magnan2 qui, dans ses leçons à Sainte-Anne parla plu-

sieurs fois des hallucinations motrices verbales surtout chez

les délirants chroniques, écrit de nouveau dans son dernier

traité : « A côté de ces modalités de l'hallucination de l'ouïe,

prennent place des troubles spéciaux, moins sensoriels que

psycho-moteurs, les hallucinations psychiques ou motrices

verbales ; des voix intérieures parlent silencieusement dans

l'estomac, dans la gorge ; ce sont des voix qui ne sont pas

des voix, qui ne résonnent pas aux oreilles. Ces faits s'ex-

pliquent par la propagation au centre moteur du langage de

l'excitation du centre auditif cortical. » Signalons encore la

thèse de Marson3 sur le même sujet.

Après l'étude d'ensemble des hallucinations psycho-motrices

verbales, les auteurs ont été amenés à les étudier dans les

différentes formes de vésanies, au hasard de la clinique.

Sont-elles d'abord compatibles avec la raison ? Certes oui.

L'hallucination à elle seule, comme phénomène transitoire,

ne suffit pas à provoquer du délire ; les cas sont nombreux

d'individus ayant des hallucinations de l'ouïe, qui se rendent

parfaitement compte de leur état et ne délirent point. Brierre

de BoismonL', pour revenir aux hallucinations psycho-

motrices verbales, cite le cas d'une femme de quarante ans,

saine d'esprit, qui « depuis cinq ans entend des voix qui tan-

tôt résonnent fortement aux oreilles, tantôt sont intérieures

et silencieuses ».

M. Ballet' rapporte une observation qui lui fut communi-

quée par Charcot, d'un homme de quarante-cinq ans, non

aliéné, ayant depuis douze ans des voix intérieures et exté-

rieures. Au moment où la voix intérieure parle, malgré le

malade sa langue se meut.

' Jofiroy. Progrès médical, 1893, p. 413. Hallucinations unilatérales

(Arch. de neurologie, 1896).

* Magnan. Leçons cliniques sur les maladies mentales, 1897, p. 17.

3 maison. Contribution à l'élude des hallucinations verbales psycho-

motrices (Thèse de Paris, 1897). -

* Brierre de Boismont. Hallucinations, p. 578.

6 Ballet. Le langage intérieur, 1886, p. 64.

331(6 CLINIQUE MENTALE.

MM. Séglas et Londe' ont publié des observations de mélan-

coliques atteints d'hallucinations psycho-motrices verbales.

On a observé des cas semblables dans la manie. l3aillar-

ger a eu le cas d'un maniaque en convalescence, qui durant

quinze jours avait une voix intérieure épigastrique. blairet- 2

"a rapporté un autre cas. Janet cite un excité demi-maniaque

qui prétendait communiquer à distance avec certaines per-

sonnes.

Les hallucinations psycho-motrices verbales existent et

sont fréquentes dans le délire chronique (Magnan), dans les

délires de persécution (Legrand du Saulle, Jotfi-o3-).

M. Sérieux ? a rapporté deux cas de paralytiques généraux

ayant des hallucinations motrices verbales. -

Dans les délires toxiques, surtout dans l'alcoolisme, les

cas d'hallucinations psycho-motrices verbales sont très

rares. M. Vallon*, qui en rapporte deux exemples, les avoue

exceptionnels. D'ailleurs, l'un des malades de M. Vallon est

sujet à critique, M. Vallon lui-même avoue que c'est un cas

douteux. 1

Nous avons nous-même rapporté un cas d'alcoolique ayant

eu des hallucinations psycho-motrices verbales, dans notre

thèse 3 inaugurale.

Nous sommes heureux d'y ajouter ici quatre observations

d'alcooliques, ayant eu au moment de leur délire, avec des

hallucinations multiples de l'ouïe et de la vue, des halluci-

nations psycho-motrices verbales. Les trois malades ont été

étudiés dans le service de notre maître, )[. Magnan, à l'admis-

sion de Sainte-Anne. On sait combien sont nombreux les

alcooliques qui y entrent chaque jour. Pourtant, en l'espace

d'une année, nous n'avons pu relever que trois cas.

Observation I. - Dégénérescence mentale et hérédité : grand'mère

aliénée. - Début des habitudes alcooliques à vingt-trois uns.

Signes d'alcoolisme chronique à trente-cinq uns. - Hallucinations

de l'ouïe, de la vue et psycho-motniees verbales en 18()G.

' Sellas et Londe. Loc. cil.

Mairet. Montpellier médical, 8 novembre 18 ? ).

' Sérieux. Hallucination psycho-motrice chez une paralytique générale

(AI'ch. de neurologie, mai 18Ui). - Gaz. hebdolilad" 189g, il- 19.

' Vallon. Annales médico-psychol., 189a, p. 97.

' Cololian. Les alcooliques persécutés (Thèse de Paris, 1898, p. 56).

HALLUCINATIONS PSYCO-MOTRICES VERBALES. 377 Î

11 ? B..., trente-six ans. - Grand'mère maternelle a'iénée; est

dans un asile en province. Pèie, alcoolique invétéré, coléreux et

batailleur, est mort tuberculeux. Sa mère, une brave femme, vit

et se porte bien ; elle s'est mariée deux fois et a eu treize enfants,

dix avec son premier mari, trois avec le second. Notre malade est

née du second lit. Nous n'avons pas de renseignements sur les

enfants du premier lit; du second, deux soeurs sont mortes, l'une

bacillaire, à vingt-sept ans; l'autre d'une méningite, très probable-

ment tuberculeuse.

Quant à notre malade, elle n'a eu aucune maladie grave dans

son enfance. A été réglée à quinze ans et depuis l'est toujours

bien.

C'était une fille d'une intelligence moyenne, mais travailleuse,

allant régulièrement à l'école, aimant beaucoup l'étude. D'une

nature plutôt triste, un peu misanthrope, recherchait la solitude,

les livres tristes; dans son entourage, on la trouvait trop sérieuse

pour son âge.

A vingt-trois ans, prise d'ennui, elle cherche une distraction,

fait la connaissance d'un employé de commerce, alcoolique, avec

lequel elle vit maritalement. C'est lui qui la pousse à prendre des

boissons alcooliques, pour la distraire. Elle y prend goût et

retourne souvent à sa consolation. Elle continue ainsi journelle-

ment à s'intoxiquer, soit avec du cognac, soit avec des apéritifs.

En 189G, elle a perdu tout appétit; double alors la dose des apé-

ritifs. La nuit, elle avait des cauchemars pénibles; le matin, des

pituites jaune verdâtre; ses mains tremblaient : C'est à cette

époque qu'elle a des troubles hallucinatoires. , -

Elle a eu d'abord des hallucinations de l'ouïe, entendait distinc-

tement par ses deux oreilles une ou plusieurs voix d'hommes, de

femmes qui lui faisaient des reproches : « Tu fais mal ton ménage,

tu ne balayes pas bien. » Ces voix avaient des réflexions sur tout

ce qu'elle faisait.

Dans la soirée, à la tombée de la nuit, elle voyait des fantômes

autour d'elle, des têtes grimaçantes. Mais les hallucinations de la

vue ne prédominaient pas, elles étaient fugaces et peu nom-

breuses.

Hallucinations psycho-motj'iccs verbales. - Les voix des oreilles

lui posaient aussi des questions, et, elle s'aperçut un jour qu'une

autre voix, non articulée celle-là, sans aucun timbre, qu'elle

entendait néanmoins, répondait aux questions posées par les voix

des oreilles. Ainsi s'établissait en elle un dialogue singulier de la

voix intérieure aux voix externes. '

Les voix externes disaient : « Tu n'as pas payé tes notes, tu

as des dettes partout. » - « Ce n'est pas vrai, répondait la voix

intérieure, je n'ai pas de dettes, j'ai tout payé. »

La malade s'étonnait que la voix intérieure parlât en son nom,

378 CLINIQUE MENTALE.

répondant comme pour elle; mais souvent cette voix parlait aussi

au nom d'un tiers : « Non, aflirmait-elle, elle est une bonne per-

sonne, vous avez tort, vous. »

Quelquefois la voix intérieure et les voix des oreilles ne tom-

baient pas d'accord : la malade, affolée, 'assistait alors à des dis-

cussions, les voix s'entrechoquaient; celles des oreilles criant tant

qu'elles pouvaient, la voix intérieure ne parvenant pas à se faire

entendre.

Mmc B... assistait, muette spectatrice, à cette bataille hallucina-

toire, incapable de bouger. Elle crut comprendre plus tard que la

voix intérieure était sa voix intime, causant, disputant malgré elle.

Elle parlait donc automatiquement; quand les voix des oreilles

l'accusaient, la voix intérieure répondait sans son assentiment :

« Non, je n'ai pas fait ça. »

Elle ne pouvait désigner d'où venait cette voix, où elle se faisait

entendre; c'était parfois il l'estomac qu'elle sentait la réponse.

« Je réponds par l'estomac, disait-elle, tandis que j'entends par

les oreilles les questions et les injures que l'on m'adresse. » Elle

ressentait au même moment une contraction épigastiique, mais

la langue ne remuait pas.

Elle était hallucinée déjà depuis plusieurs jours quand le 7 mai

1890 les voix des oreilles lui prédisent un grand malheur : elle

allait devenir folle. Désolée, elle se sauve, les voix la poursuivent,

« Jette-toi par la fenêtre, lui crie-t-on dans les oreilles », et c'est

ce qu'elle fait.

Relevée dans la rue dans un état pitoyable, on la transporte à

l'hôpital Beaujon où l'on oonstate une fracture du bassin et plu-

sieurs plaies sur la tête et sur le corps. Elle s'était précipitée d'un

3e étage.

A l'hôpital les hallucinations continuent quelques jours, puis

diminuent grâce au régime, et cessent finalement. Elle reste deux

mois à l'hôpital. En sortant, elle n'avait aucune hallucination,

mais aussitôt sortie, elle recommence à boire.

Trois semaines après sa sortie les hallucinations, les cauchemars,

les pituites, le tremblement des mains réapparaissent avec une

légère variante. Ainsi la zooptie est plus caractéristique cette fois,

la malade voit des figures dans des lunes, elle a des visions de

chiens, de grenouilles, de chats, de souris. Les voix des oreilles

sont moins nombreuses. Elles sont au nombre de trois, dont une

d'homme, une bonne celle-là qui la protège contre les deux autres :

des voix de femmes. La voix intérieure n'a pas changé de carac-

tère.

Ces hallucinations ont des alternatives d'intensité et d'apaise-

ment suivant la quantité de boissons alcooliques ingérées.

Les hallucinations de l'ouïe lui suggèrent l'idée du suicide :

« Tue-toi, jette-toi à l'eau », entend-elle constamment. Elle va

HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES VERBALES. 379

trouver le commissaire de police pour mettre fin à cette pénible

« poursuite », à cette « triste comédie ». Et elle est envoyée à

l'infirmerie du Dépôt, puis à Sainte-Anne, de là à Villejuif où elle

entre le 21 novembre 1806.

C'est une femme de petite taille, brune, elle pèse 50 kilogrammes.

Les traits sont assez réguliers, les lobules des oreilles sont adhé-

rents, les dents en mauvais état.

A des hallucinations de l'ouie, quoique bien moins depuis qu'elle

se trouve à l'asile de \'illejuif. Les hallucinations psycho-motrices

verbales ont cessé depuis son arrestation.

La première nuit, elle a très mal dormi, a eu des mauvais rêves,

on la précipitait dans un puits.

Tremblement des mains.

L'examen des poumons ne donne rien de particulier. La pointe

du coeur bat dans le 6" espace intercostal et un peu en dehors. La

radiale bat régulièrement. Bien au foie.- Pas d'albumine ni sucre

dans les urine ? .

Le lendemain et les jours suivants les hallucinations disparais-

sent, le sommeil revient, l'appétit est meilleur, les mains trem-

blent moins.

Quinze jours après, tout accident alcoolique a disparu. Mais la

malade reste triste, déprimée, elle redevient ce qu'elle était avant

ses excès alcooliques.

Réflexions. 111N B... sans aucun doute est une prédis-

posée. Une lourde hérédité pèse sur elle; sa grand'mère.

une aliénée, son père un alcoolique auraient dû lui servir de

leçon et la mettre en garde contre les boissons alcooliques.

Poussée par la dégénérescence qui lui enlève toute résis-

tance sérieuse, elle a commencé à boire. Chez elle la dégéné-

rescence prédomine, l'alcool a fait le reste.

Un des points intéressants de ce cas, c'est que l'éréthisme

du centre cortical moteur verbal produit chez la malade non

seulement la représentation motrice, mais aussi une sorte

d'articulation réelle qui lui fait croire que la voix intérieure

est la sienne, et qu'elle parle automatiquement.

Observation II (Service de M. le D' Magnan). - Dégénérescence

mentale; grand-père et père alcooliques. Habitudes alcooliques

depuis longtemps. - Troubles hallucinatoires nocturnes et diurnes

vers la fin de 1896; délire alcoolique avec hallucinations multiples

et pénibles quelques jours avant son entrée; hallucination psycho-

motrice verbale.

facteur il Paris, tlente-six ans.

380 CLINIQUE MENTALE.

Père alcoolique, mort; s'enivrait souvent. Mère morte; pas de

renseignements. Deux frères et trois soeurs bien portants. Une

soeur morte tuberculeuse.

Antécédents personnels. Aucune maladie grave, mais chétif :

a toujours été un peu bizarre; peu intelligent. Il vivait seul depuis

cinq ans. Prenait du rhum le matin avant le déjeuner et parfois de

l'absinthe; du vin en mangeant. Avait des cauchemars depuis

quatre à cinq mois, des pituites, des crampes dans les jambes.

Depuis le mois de février 1897. il avait des hallucinations de

l'ouïe ; on lui disait des gros mots, des insultes, il les entendait

des deux oreilles. Souvent, les voix étaient multiples, c'étaient

celles de toute une foule; d'autres fois, c'était une conversation

entre une voix et lui; même il entendait la voix et il lui répondait,

elle lui ordonnait de dire « oui. non M, de faire tel ou tel acte. 11

avait depuis à peu près un mois des hallucinations psycho-mo-

trices ; une voix non articulée, mais bien comprise lui parlait dans

l'estomac. Cette voix n'avait pas de timbre, elle était pourtant

nette comme expression : « Tu vois comme l'on s'amuse bien

vous aurez 20 francs, il faut jouer aux courses et vous gagnerez. »

11 répondait à voix basse à cette voix intérieure : « Je ne veux pas

jouer, je n'aime pas tricher»; la voix intérieure répliquait : « Il

n'y a pas de tricherie dans le jeu ; c'est au plus malin. » La voix de

l'estomac était beaucoup plus désagréable que la voix des oreilles.

Au moment où la voix psycho-motrice se faisait entendre. la

langue du malade remuait et devenait sèche ; il ressentait en même

temps une sorte d'angoisse dans la poitrine.

Hallucinations de la vue. 11 croyait voir des hommes, des as-

sassins-derrière la porte.

Idées de persécution. - Dans la rue, les passants faisaient des

signes pour lui nuire, pour le taquiner ; on le regardait « en des-

sous », « sa soeur voulait l'empoisonner ». Il avait aussi des idées

de jalousie morbide, sa maîtresse le trompait avec des individus

inconnus.

Pendant un mois il traina avec des cauchemars pénibles des

hallucinations multiples, puis son entourage le trouvant très

malade, on le fit interner. Il est arrivé à l'Asile clinique le 1-j mars

180T, nous l'examinons le lendemain. C'est un homme de taille

moyenne, bien musclé; pas de signes apparents de dégénérescence

si ce n'est l'adhérence des lobules des oreilles, et la voûte ogivale

du palais.

Il tremble des deux mains, et cause l'air inquiet, tournant la

tète dans tous les sens, prêtant l'oreille aux moindres bruits. Il

s'arrête parfois dans sa conversation et écoute ses voix hallucina-

toires. Il a encore, en effet, des hallucinations de l'ouïe, il entend

toujours la voix intérieure lui donner de mauvais conseils : « Tape

donc, vaurien; ne mange pas, je te le défends. »

HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES VERBALES. 381

Le foie est un peu gros, il déborde de trois travers de doigts les

fausses côtes; il est sensible à la pression. L'estomac clapote au-

dessous de l'ombilic. Le coeur est un peu gros. Bien dans les pou-

mons ; urines normales. Pas de lièvre.

Le lendemain de son arrivée il va déjà bien mieux; il a bien

dormi ; les voix ne le tourmentent plus autant. Les jours suivants

tout trouble hallucinatoire a disparu, M... est revenu à l'état nor-

mal et nous promet de ne plus boire.

1

Réflexions. Le cas est simple, ce fils et petit-fils d'alcoo-

lique devient alcoolique à son tour; il boit, son sommeil se

trouble, l'appétit se perd, et un jour il entend des voix par

ses oreilles qui l'insultent, l'injurient. Puis ce sont des voix

non articulées, non entendues, mais bien comprises qui lui

parlent, et sa langue remue au moment où elles parlent.

C'est bien une hallucination motrice verbale apparue au mo-

ment du délire alcoolique, et qui disparait avec la suppression

du poison.

01l-"IIV.TIO-i III (Service de M. Magnan, asile clinique). Dégrnr-

rescence mentale et lourde hérédité : grand-père et tante aliénés.

Habitude alcoolique depuis peu de temps, mais abus depuis le com-

mencement de 1897. Délire alcoolique quelque temps après,

avec hallucinations auditives et psycho-motrices. Idées de persé-

cutiorz. Idées mystiques.

'l'..., employé de commerce, trente-six ans. - Grand-père

paternel mort aliéné à Bicêtre. Tante paternelle morte à Sainte-

Anne. Père presque en démence, alcoolique, boit du rhum tous les

matins à jeun. Mère morte d'une affection cérébrale, encépha-

lite ( ? ) suivant les médecins qui l'ont soignée; elle a succombé

quelques jours avant l'internement de notre malade.

T... est venu au monde à terme. Il n'a pas eu de maladie grave

étant enfant. A été à l'école pendant sept ans. C'était un jeune

homme silencieux, concentré, causant peu avec ses camarades ;

assez studieux pourtant et un peu sentimental. Il a pu acquérir

une instruction assez suffisante pour lui permettre de gagner sa

vie ; il gagnait de 4 il francs par jour.

Quoique aimant vivre à l'écart, à la façon d'un misanthrope, il

s'intéressait beaucoup aux questions politiques, les discutait avec

ardeur, se mettant en colère facilement, et tremblant alors de

tout son corps. Il était pourtant aimé de ses camarades pour la

douceur de son caractère.

Il s'occupait aussi de littérature, lisait beaucoup de romans, et

aimait bien la musique.

382 CLINIQUE MENTALE.

On voit que T... chargé par une lourde hérédité, n'avait pas la

bizarrerie des dégénérés, en général, et conservait l'équilibre

mental. Il n'était point mystique, nous notons ce fait sur lequel

nous reviendrons au cours de cette observation.

Depuis 1887, T... prenait chaque matin un verre de rhum. Mais

depuis le commencement de 1897, voyant sa mère souffrante et

son père incapable de travailler, T... se désolait ; pour se donner

un peu d'énergie et de force morale, il allait, où vont en général

les pauvres dégénérés : au cabaret. Plus il buvait, plus il sentait

le besoin d'un réconfortant psychique, et dès lors, augmentait

peu à peu la dose des boissons alcooliques. Dans son entourage

on remarquait que T... changeait beaucoup : lui, si ponctuel à

son travail, il devenait irrégulier. On voyait que souvent il sem-

blait prêter l'oreille à des voix imaginaires. Toujours est-il qu'il

dormait mal, avait des cauchemars, et perdait de plus en plus

l'appétit. Toutefois il continuait à boire; les camarades pour le

consoler, le marchand de vins pour le fortifier l'excitent tour à

tour.

Au commencement de mars 1897, il ne peut plus travailler et

cesse toute occupation. Vers le 18 mars, il est pris d'hallucina-

tions multiples, surtout de l'ouïe, et envoyé au dépôt de la préfec-

ture le 19. Il entre dans le service le 21 au soir, nous le voyons le

lendemain matin.

C'est un homme petit, maigre, brun; légère asymétrie faciale.

11 parle d'une voix basse, l'air inquiet.

11 a plusieurs sortes d'hallucinations :

Hallucinations de la vue. - Il voit autour de lui des animaux,

des chiens, mais ce sont surtout des gens, ses parents, son pro-

priétaire, ses cousines qui passent et repassent devant lui. Il les

voit derrière les vitres, à sa porte. La nuit, dans ses cauchemars,

ils apparaissent toujours sur la scène hallucinatoire. Les halluci-

nations de la vue ont été tardives, elles sont apparues deux jours

avant son arrivée dans le service et ont disparu graduellement en

l'espace de trois jours.

Hallucinations de l'ouïe. - Elles jouent un rôle secondaire dans

le délire de notre malade. Elles ont dû apparaitre, d'après nos

renseignements, trois ou quatre mois avant l'éclosion du délire

alcoolique. Elles ne présentent aucune particularité, ce sont, comme

chez tous les délirants alcooliques, des voix multiples, connues et

inconnues, qui lui reprochent ses habitudes alcooliques, le traitent

de « canaille », de « propre à rien », etc.

Hallucinations pS ! Jcho-motl'ices. - Elles jouent le plus grand rôle

chez T... Voici comment il les décrit lui-même : « J'entends

comme un souffle, un fluide dans la poitrine, la gorge, dans la

tête, et pourtant je ne l'entends pas par les oreilles, ce n'est pas

une voix articulée, c'est un fluide divin, et je comprends, c'est

HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES VERBALES. 383

même drôle. » Plus tard, il écrivait : « Une voix, que je n'enten-

dais pas par les oreilles, mais qui semblait me venir de la gorge,

m'encourageait. »

C'est bien là une hallucination psycho-motrice verbale. T... avait

remarqué aussi que souvent, quand il entendait « la voix divine »,

« le fluide », sa langue remuait dans sa bouche. Cette voix était

de nature mystique, elle prononçait des mots brefs, des paroles

d'encouragement : « Courage, confiance, espérance, charité. »

Elle lui dictait parfois tous ses actes; ainsi quand il ne mangeait

pas, elle lui ordonnait de manger ; s'il marchait trop longtemps,

elle lui disait de s'asseoir, et ce qui « est plus drôle, écrivait-il,

elle m'appelait de mon prénom, Alfred ».

Plusieurs jours après son entrée, alors que les autres hallucina-

tions avaient disparu, la voix divine se faisait encore entendre dans

la poitrine ou dans la gorge. Elle lui disait de prononcer certains

mots qu'il répétait tout bas, mots qui, selon elle, devaient lui

donner de la vigueur pour résister. Ces mots, les voici : « Mur,

vent, eau, Dieu, ciel, arbre, nuage, barrière, cheminée, pla-

fond, etc. » C'étaient surtout les mots vent, terre et barrière, qui

devaient avoir le plus grand effet.

La nature de cette voix provoquait une sorte de mysticisme

chez T... qui n'était point pieux auparavant. Il parlait de Dieu, de

la Sainte Vierge, de la protection du ciel, de la confiance qu'il

avait en Dieu, et priait fort souvent.

Idées de persécution. - Il a eu en outre pendant le cours de son

délire, des idées de persécution. Il croyait que ceux qui l'entou-

raient lui voulaient du mal, désiraient lui jouer de mauvais tours,

le tuer même. On allait également tuer son père pour s'emparer

de sa boutique.

L'examen physique ne nous révèle rien de particulier dans les

' organes. Les urines ne contiennent rien d'anormal. Les mains

et les muscles de la face tremblent beaucoup.

Deux jours après son entrée il va déjà^ mieux, quoiqu'il ait

encore des cauchemars la nuit, des hallucinations de l'ouïe et qu'il

entende encore sa voix intérieure.

Le 26 mars, il est plus calme, il dort bien, il a toujours quelques

hallucinations auditives et psyeho-motrices. - Le 30, il va bien

mieux et se dit guéri.

Le 5 avril il est bien en effet moralement et physiquement, il se

rend parfaitement compte qu'il a eu du délire alcoolique et nous

promet de ne plus boire. - Envoyé en convalescence à Ville-

Lvrard le 17 mai.

Réflexions. Ces hallucinations psycho-motrices sont

fréquentes chez les dégénérés atteints de folie mystique. Ce

fait a été observé plusieurs fois. Comme le malade de M. Val-

384 CLINIQUE MENTALE.

Ion ', notre malade a eu des idées mystiques. Lui, qui n'était

pas pieux auparavant, il prie Dieu et tous les saints dans son

délire et durant son intoxication alcoolique.

Est-ce le délire mystique qui a provoqué l'hallucination

psycho-motrice verbale, c'est possible. Cependant nous fai-

sons remarquer que notre malade avait des voix intérieures,

quand les préoccupations religieuses ont apparu. Nous signa-

lons simplement la coïncidence.

Observation IV (Service de M. le Dr Magnan). - Dégénérescence

mentale et hérédité : frère aliéné. - Alcoolisme chronique. - Idées

de jalousie et de persécution . - Défina alcoolique avec hallucina-

tions psycho-motrices verbales, hallucinations de l'ouïe, de la vue :

troubles de la sensibilité générale.

B... Pierre, soixante ans, cultivateur.

Antécédents héréditaires. Père alcoolique fieffé, mort en prison;

arrêté pour vol. Mère morte également, pas de renseignements sur

la cause de sa mort; elle était peu intelligente. Quatre frères,

dont un mort en bas Age, les deux autres se portent bien, mais le

plus jeune est un être bizarre, extravagant ; le quatrième est

interné depuis plusieurs années dans un asile d'aliénés en pro-

vince. Une soeur morte, nous ne savons de quelle maladie.

Antécédents personnels. B... Pierre, a été à l'ecole de six à

douze ans; était d'un caractère calme, un peu apathique, et même

sombre parfois, il ne s'amusait pas avec les camarades de son

âge. Néanmoins il a acquis un peu d'instruction. En sortant de

l'école, il a été d'abord scieur de bois, puis agriculteur.

B... n'a eu aucune maladie dans l'enfance ni la jeunesse. Il s'est

marié avant son service militaire. Etait-il heureux en ménage, '

« oh ! non » répond-il, ils se disputaient à chaque instant, et se sont

même quittés à un moment donné. Cette séparation fut pour B...

le point de départ de l'alcoolisme. Fils d'alcoolique, frère d'aliéné,

comme tous les autres dégénérés, il chercha dans l'alcool la con-

solation des mésaventures matrimoniales. Il but. Mais ne pouvant

supporter sa tristesse solitaire et la vie sans disputes, il revint il

sa femme et aux querelles. -

Ce ménage en désaccord continue] a mis au monde huit enfants.

Tous, à i'age de raison ont quitté leurs parents pour aller vivre

ailleurs, de sorte que nous n'avons pas de renseignements sur

eux. 13... savait, ou croyait savoir que sa femme le trompait. Les

premiers temps il n'en était pas jaloux. En 1875 il perd deux

enfants, l'un de vingt, l'autre de dix-sept ans. Cela le chagrine

' Ch. Vallon. .11111. 7)édico-I)sycho., 1895, p. 91.

HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES VERBALES. 385

beaucoup. C'est encore le marchand de vins qui soulage cette

douleur. B... devient désormais un alcoolique chronique. Il boit

chaque jour un verre de rhum avant d'aller aux champs, un

apéritif avant le déjeuner, et autant avant le diner, et en outre un

litre de vin.

Peu à peu il double la dose des petits verres. Puis viennent les

cauchemars, les pituites, le pyrosis, des vomissements, des crampes

dans les jambes et le tremblement des mains. Quelques mois après

ce début, B... avait des troubles psychiques, de la jalousie mor-

bide, des idées de persécution, plus tard les hallucinations de

l'ouïe, de la vue et les hallucinations psycho-motrices verbales

apparaissent.

Idées de jalousie. Lui, si ^indifférent de l'honneur de son'nom,

après trente ans de ménage, devient jaloux de sa femme toute

ridée, comme un jeune Othello. Il ne veut plus qu'elle sorte seule,

croit qu'elle ira coucher avec tout le monde. Il se sent tellement

transformé qu'il met sur le compte d'autrui, ce changement de

caractère, il l'attribue à une influence magnétique. Parfois il se

rend compte que sa jalousie est une « chimère », mais c'est plus

fort que lui, il y revient. Les idées de jalousie ont ouvert la porte

aux idées de persécution.

Idées de persécution. Depuis un mois il lui semblait que sa

femme et ses enfants lui en voulaient : ils étaient comme chiens

et chats, dit-il, le regardant de travers, lui faisant de gros yeux et

toutes sortes de misères, l'empêchant même de soupirer. Dans la

rue, les passants en riaient. Il lui semblait quelquefois qu'on allait

le tuer, il bousculait alors tout le monde autour de lui, afin qu'on

ne l'approchât point.

Hallucinations psycho-motrices verbales. -Depuis trois semaines,

un mois, il remarquait une chose bizarre : « des fois, on me cause

dans la tête, je ne puis dire si c'est une voix d'homme ou de

femme, ça n'a pas de timbre. « Cette voix lui dit sournoisement

que sa femme le trompe, lui ordonne d'exécuter telle ou telle

chose. Il y répond parlois, même il se fâche, puis il se tait car il

n'arrive pas à la faire taire. « Je sais, affirme-t-il, que c'est une

voix imaginaire, mais tout de même c'est bizarre. » Au moment où

la voix parle dans la tête ou dans la poitrine, il éprouve une sorte

d'angoisse dans la région gastrique.

C'est souvent dans la bouche qu'il entend la voix : « tu vas voir

ce qui va t'arriver, lui crie-t-elle. tu vas voir la putain. » Il sent

aussi des frémissements dans les pieds qui remontent jusqu'au

ventre. La voix lui dit alors : « c'est la maternité qui veut ça. »

Hallucinations de l'ouïe. - Il entend des voix d'hommes qui lui

disent que sa femme a couché avec tel ou tel individu, où elle est,

où elle va. « Cet homme, lui dit-on, est allé avec ta femme chez

le marchand de vins. » Il entend des coups de sifflet. Il a remarqué

Archives, 21 séi ie, t. VIII 25

38G CLINIQUE MENTALE.

que le coup de sifflet perçu par l'oreille éveille la voix intérieure :

« Quand j'entends le sifflet, on me cause dans la poitrine. » Ce fait

se produit non seulement quand se fait entendre le sifflet halluci-

natoire, mais aussi avec le bruit d'un sifflet réel. Ainsi, au moment

de notre examen, nous entendons un coup de sifflet de locomo-

tive, il s'arrête et nous dit : « Tenez, on a sifflé, j'ai entendu par

`les oreilles, et maintenant on vient me dire dans la poitrine que

je suis cocu. » Ainsi donc une excitation périphérique provoque

l'hallucination psycho-motrice.

Hallucinations de la vue. - Il a eu, comme tous les alcooliques

délirants, des hallucinations nocturnes et diurnes ; il voyait des

hommes autour de lui, des femmes, et même sa femme dans les

bras d'hommes. Il voyait également des animaux.

B... avait en outre îles troubles de la sensibilité générale; il se

sentait électrisé et avait des fourmillements sur tout le corps. Il

mettait ce phénomène sur le compte de l'électricité : « ce sont les

fils télégraphiques des routes qui me donnent ça, concluait-il. »

A la suite d'une scène de jalousie, poussé par ses idées de per-

sécution, il frappa sa femme à la tête et l'aurait tuée, mais il prit

la fuite et se rendit chez le commissaire auquel il conta qu'on vou-

lait le mettre à mort chez lui. Il fut arrêté et envoyé au dépôt.

Arrivé à l'Asile clinique le 25 juillet 1897, nous le voyons le troi-

sième jour de son arrestation.

C'est un homme petit, maigre, hàlé par le soleil, miné par

l'intoxication alcoolique. Les traits sont très anxieux, il se méfie

et parle très doucement. Il se penche en avant, regarde le sol,

sans oser vous fixer.

Il nous raconte ses misères, en s'interrompant fréquemment.

Depuis deux jours, dit-il, il est plus calme, dort mieux, mais il a

toujours ces voix des oreilles et surtout la voix interne, la voix de

la bouche, qu'il nomme « voix mystérieuse », mais tout de même

« voix imaginaire ».

Tremblement des mains. Les artères radiales sont sinueuses,

dures; les battements lents, quoique réguliers. Le coeur est un

peu gros, le second bruit à l'aorte est dur, claquant. Bien aux

poumons. Foie-un peu petit. 'Traces d'albumine dans les urines;

elles ont disparu quelques jours après.

Le 27 juillet, B... se sent tranquille, il n'a plus autant de cau-

chemars et dort assez bien. Les mains tremblent toujours.

Le 1er août, B... est triste, il dit bien n'avoir plus d'hallucina-

tions, mais il reste en un coin, isolé des autres malades. Il a

quelques idées vagues d'hypocondrie : il ne guérira jamais, il ne

peut plus digérer. Régime lacté pendant cinq jours.

Le 5 août, son état mental est meilleur, mais B... est toujours

un peu sombre.

Le 3 septembre il est calme, dort bien, il écrit à sa femme pour

HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES VERBALES. 387

lui demander pardon, il avoue avoir trop bu et promet de ne plus

recommencer. Transféré à Yille-Évrard.

Réflexions. B..., comme tous les autres est un dégénéré

héréditaire : son père alcoolique n'a pu avoir que des enfants

faibles d'esprit ou aliénés. Ainsi préparé par sa prédisposi-

tion héréditaire, il fait des excès de boissons, et s'alcoolise à

son tour.

Parmi tous les troubles de l'alcoolisme, celui qui attire

notre attention, c'est l'hallucination psycho-motrice verbale,

c'est la voix intérieure, il l'entend un peu partout, elle se

déplace, se dégageant une fois de la tète, une autre fois de

la bouche, de la poitrine.

Elle est réveillée par les excitations externes, les coups de

sifflet réels. Ainsi, non seulement l'excitation du centre

auditif cortical se propage au centre moteur du langage,

mais même l'excitation périphérique provoque l'éréthisme

du centre moteur du langage. Cette excitation vient souvent

de loin, ce sont « des frémissements » dans les pieds, des

troubles de la sensibilité générale qui provoquent la voix

interne; mais cette hallucination périphérique indirecte,

dont l'excitation porte en dehors de la zone d'innervation du

système phonateur, produit des voix moins nettes et moins

précises, le malade s'en rend compte lui-même, « on lui

parle, dit-il, mais il ne comprend pas ».

Plusieurs points demandent à être éclaircis dans les précé-

dentes observations. Mais examinons d'abord ce que c'est que

l'hallucination motrice verbale.

Pour quelques auteurs la fonction du langage prend part

à la production de cette hallucination. Ed. Fournie'y voit

une hallucination de cette fonction. Pour M. Simone c'est

une impulsion de la même function : « Est-ce là, dit-il, une

véritable hallucination, nous ne le croyons pas, c'est une

impulsion plutôt qu'une hallucination. » Pour M. Séglas3,

c'est 'une hallucination intéressant la fonction du langage

dans ses éléments psycho-moteurs.

' E. Fournie. Physiologie du système nerveux, 1Si`3, p. 818.

2 Max Simon. Lyon médical, 1880, nez iS et 19, et Monde des réves,

1880, p. 100.

a Séglas, Progrès médical, 1888, p. 125.

388 v ' CLINIQUE MENTALE.

Il est indispensable de voir ce qui se passe dans notre

esprit à l'état physiologique, pour pouvoir donner une expli-

cation à ce phénomène pathologique. Normalement, quand

nous pensons à quelque, chose, nous faisons appel à nos

diverses mémoires. Les multiples souvenirs réveillent en

nous des images plus ou moins précises ou plus ou moins

effacées, qui nous servent à édifier psychiquement notre

pensée. Les images réveillées, de natures différentes, se com-

binent, s'associent, et c'est ainsi que nous entendons notre

pensée même avant de l'avoir exprimée. Ces images, souvent

effacées chez les individus visuels et auditifs, sont au con-

traire prépondérantes chez les moteurs qui, pendant la

réflexion, parlent mentalement leur pensée, au lieu de la

lire'. 1.

« Chez moi, dit M. G. Ballet, comme chez la plupart des

moteurs, quand je pense, la parole intérieure devient sou-

vent assez vive pour que j'arrive à prononcer à voix basse

les mots que dit mon langage intérieur; c'est là notre forme

d'images vives à nous moteurs 2. »

A l'état pathologique, l'hallucination motrice verbale n'est

autre chose que la reproduction des images sensitives, avec

une force morbide, de sorte que « le malade perçoit des

paroles sans l'intervention d'images auditives » (Sérieux) 3.

Nous avons remarqué chez presque tous nos malades ce

fait observé déjà par les auteurs, que les sujets, au moment

oit la voix intérieure se fait percevoir, accusent des mouve-

ments, des sensations spéciales. Ces mouvements sont géné-

ralement localisés dans la gorge, la bouche, la langue, les

lèvres, presque toujours dans la zone d'innervation des

nerfs phonateurs. Pourtant on a vu des malades prétendre

qu'on leur causait dans les intestins, dans les articulations

(Baillarger), dans l'estomac ou dans les yeux (Séglas).

Habituellement, c'est la langue qui est le siège des mouve-

ments localisés. Le malade sent remuer sa langue à l'instant

où la voix se fait entendre.

A l'état normal, quand nous prononçons des mots menta-

lement, nous sentons à l'état d'ébauche, des mouvements

musculaires d'articulation dans la gorge, sur la langue ou ! Séglas. Progrès médical, 1888, p. 126.

= G. Ballet. Le langage intérieur, 18S6, p. 32.

3 Sérieux. Archives de neurologie, tS0-'r, p. 333. -

HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES VERBALES. 389

les lèvres. Rien de singulier à ce fait. Ces sensations tactiles

et musculaires ne sont que les résidus des images kines-

thésiques que l'articulation des mots provoque.

Mais il faut aussi tenir compte des sensations kinesthé-

siques variées localisées au larynx, dans les muscles respi-

ratoires. C'est qu'en effet au cours de l'articulation des mots,

les sensations tactiles et musculaires de la langue et des

lèvres ne sont pas les seules qui se produisent (Sérieux).

« Les deux phénomènes musculaires (expiration volontaire-

ment réglée et mouvements phonateurs du larynx) qui pré-

cèdent et préparent l'articulation intra-buccale, sont aussi

indispensables qu'elle à la formation de la parole et font

partie intégrante et nécessaire de l'acte d'ensemble... Trois

actes aussi clairement volontaires et aussi indéniablement

cérébraux doivent être représentés dans l'écorce, dans des

zones distinctes, mais fonctionnellement réunies et anato-

miquement associées entre elles par un système de fibres

anastomotidues. » (P. Raugé .)

Ainsi, à l'état pathologique, l'hallucination motrice verbale

n'est autre chose qu'une reproduction d'une intensité mor-

bide des images sensitives, motrices et verbales. C'est ainsi

que l'éréthisme du centre cortical du langage articulé chez

les hallucinés de toutes les variétés, et chez les alcooliques

que nous avons étudiés, retentit sur les centres voisins (sen-

- silivo-moteUl ? respiratoires, etc.) avec lesquels il a des con-

nexités intimes.

Comme nous l'avons fait remarquer à propos de notre

observation I, certains malades croient parler automatique-

ment. L'éréthisme du centre cortical moteur verbal produit

aussi des mouvements réels d'articulation, de sorte que les

individus semblent parler automatiquement. Cela s'explique.

L'excitation du centre de Broca, ainsi que l'a démontré

M. Jules Soury, produit suivant l'intensité, des symptômes'

variables. Ainsi l'éréthisme de ce centre détermine :

1° La représentation des mouvements :

1° Un courant nerveux centrifuge qui, suivant le degré

d'irritation pathologique du centre considéré, déterminera

dans les nerfs et dans les muscles destinés à l'articulation,

1 P. nitigé. Sur les centres psycho-moteurs de la parole articulée.

(Bulletin médical, 2U juin ]89 ? )

390 CLINIQUE MENTALE.

ou des états faibles d'innervation périphérique qui, sans

qu'il y ait d'articulation véritable, provoqueront une sensa-

tion analogue pour la conscience; ou des rudiments d'arti-

culation perceptibles seulement pour le malade; ou des

mouvements réels, mais toujours sans qu'aucune parole soit

prononcée en réalité. Toutefois, avec la durée et l'intensité

du centre cortical, une émission des mots pourra se pro-

duire. » (Jules Soury'.)

Parfois c'est une excitation externe (obs. IV) qui réveille

l'hallucination motrice verbale, ou bien ce sont les voix des

oreilles qui commencent, puis la voix intérieure répond

(ohs. I).

L'excitation jusque-là portait directement sur les organes

de la phonation et de l'articulation, mais il est des cas où

cette excitation porte beaucoup plus loin, bien en dehors de

la région d'innervation des organes phonateurs comme dans

l'observation IV. Le malade éprouve des élancements dans

les jambes; et, à mesure que cette excitation augmente elle

se transforme en hallucination motrice verbale; la voix est

d'abord peu précise, mais aussitôt qu'elle arrive dans la zone

des organes phonateurs elle est plus nette.

Il faut donc, pour la production d'une hallucination ver-

bale psycho-motrice :

1° Une prédisposition spéciale. Nos observations nous le

démontrent. Nos quatre malades sont d'abord des hérédi-

taires, puis ont cette prédisposition que M. le professeur

Joffroy2 nomme hallucinogène.

2° Une excitation périphérique ou centrale des organes

sensoriels.

Et comment expliquons-nous ces cas. Nos malades, des

dégénérés et des héréditaires, tous, enfants d'aliénés et d'al-

cooliques, se trouvent dans des conditions hallucinogènes.

L'alcoolisme ne fait qu'augmenter chez eux la susceptibilité

de l'encéphale, et lentement, progressivement produit son

action morbide sur tout le système nerveux. Dans le délire

alcoolique, l'encéphale, sursaturé d'alcool, est dans un éré-

thisme considérable, les hallucinations apparaissent mul-

tiples, effrayantes. Un bruit, un rien fait sursauter le malade;

' Soury. Les fonctions du cerveau, ? étiit., 1890, p. 370.

' Joffroy. Hallucinations unilatérales. (Archives de neurologie, 189G.)

HYSTÉRIE DE L'ENFANCE. 391

les excitations externes provoquent chez quelques-uns de

nouvelles hallucinations. Donc rien de surprenant que l'exci-

tation de» centres se propage, intéresse le centre moteur de

la fonction langage.

Généralement, ces hallucinations déterminent chez les

malades un état de dépression mélancolique ; souvent elles

entraînent un dédoublement de la personnalité, et surtout

l'idée de possession qui en est la conséquence. Chez nos

alcooliques, les hallucinations psycho-motrices verbales

n'ont pas eu plus de retentissement sur l'ensemble des idées

délirantes, que les autres troubles hallucinatoires.

En Jéfintiive les hallucinations psycho-motrices verbales

existent dans l'alcoolisme au même titre que les autres hal-

lucinations. Elles sont relativement très rares. Elles sont

comme les autres troubles hallucinatoires, la conséquence

de l'éréthisme cérébral provoqué par l'intoxication alcoo-

lique.

RECUEIL DE FAITS.

HYSTÉRIE DE L'ENFANCE;

Par BOURNEVILLE et J. BOYER.

Le cas d'hystérie mâle de l'enfance que nous allons rap-

porter, observé à l'INSTITUT niiDico-rEUacoctQuL, s'ajoute à

ceux que l'un de nous a déjà publiés. Il s'est terminé par la

guérison, en un temps relativement court, comme les autres,

et mérite, à plusieurs égards d'attirer l'attention de nos lec-

teurs.

Sommaire. Père, excès de boissons, mort ci trente-huit ans d'une

mccladie zle poitricze altri6zcée ci l'ulcoolisme.- Fas de renseignements

sur la famille ¡Jutemelle. -1llèl'e, nerveuse, morte ci trente-deux ans

d'une affection cardiaque. - Grand'mère maternelle, crises net-

veuses, congestion cérébrale. Pas d'autres renseignements sur

la famille maternelle. - Frère arriéré. - il utre frère très nerveux.

Pas de consanguinité. - Inégalité d'âge de six ans.

Conception et grossesse : Désaccord dans le ménage. - Naissance

392 RECUEIL DE FAITS.

rien de particulier. Aucun détail sur révolution physique. Pas

de convulsions. - Intelligence normale. Début des attaques en

octobre.

1897. - Affaiblissement simultané de la mémoire, déchéance

intellectuelle, embarras de la parole, peurs exagérées et sans motif.

Description du malade ci treize ans. Traitement médico-péda-

gogique. Disparition des attaques. - Amélioration progressive

de l'elat intellectuel et moral. - Guérison.

Gabriel F..., né à Villers-Cotterets le 4 août 1885, est entré à

l'Institut médico-pédagogique le 9 février 1898.

Antécédents (Renseignements fournis par la grand'mère pater-

nelle et par le médecin de la famille). - Père, négociant en vins,

excellent sujet, mais à la suite de contrariétés, s'est mis à boire.

Il n'a jamais pu s'accorder avec sa femme. Mort à trente-huit ans

d'une maladie de poitrine causée, dit-on, par l'alcoolisme. Dans les

derniers temps il était très exalté. - Grand-père paternel aucun

renseignement. - Grand'mère paternelle, soixante ans, bien por-

tante, intelligente, nerveuse. Pas d'autres renseignements sur

la famille paternelle.

Mère « névropathe des plus accentuées », sans cependant avoir

des attaques de nerfs. Caractère peu commode. Morte onze jours

après son mari d'une affection cardiaque à trente-deux ans.

Grand-père maternel aucun renseignement. Grand'mère mater-

nelle encore vivante, a des crises convulsives qui durent quelque-

fois deux heures; elle a toujours été malade, a eu récemment une

congestion cérébrale. Un frère bien portant, sobre. Pas d'alie-

nés, etc., dans la famille.

Pas de consanguinité. Inégalité d'âge de six ans, père plus

âgé.

Quatre enfants : 1° Garçon de dix-sept ans et demi; « le pauvre

enfant est bien de corps, mais il est arriéré, c'est un véritable

enfant; ce n'est pas un déséquilibré, mais c'est un sujet à cases

vides. » 2° Garçon, mort d'une bronchite, pas de convulsions.

- 3° Notre malade. 4° Garçon, huit ans, intelligent, a très

souvent des cauchemars, « c'est aussi un candidat aux troubles

nerveux ».

Notre malade. Au moment de la conception, et durant la

grossesse désaccord dans le ménage. Pas d'autres détails. -

Accouchement à terme, naturel, par la tête ( ? ). A la naissance,

rien de particulier. Jamais de convulsions. - Aucun détail sur

l'évolution physique et intellectuelle de l'enfant. N'aurait rien

présenté d'insolite jusqu'en octobre 1897. - Était même très

intelligent. A cette époque (rentrée des classes) Gabriel se

figure qu'il ne peut suivre la classe où on l'a placé au collège de

HYSTÉRIE DE L'ENFANCE. 393

Soissons. La vue de son professeur qui avait, nous dit-on, la voix

brève et les yeux méchants l'effraie au point de déterminer chez

l'enfant une violente crise nerveuse qui dura de huit heures du

matm à dix heures. On nous a affirmé qu'il n'y a eu aucune vio-

lence exercée vis-à-vis de l'enfant. A partir de ce moment, Gabriel

à la moindre contrariété, au moindre ennui (leçon non sue, devoir

non fait) a des attaques de durée variable; en a eu jusqu'à neuf

par jour. La grand'mère paternelle, qui l'a gardé à sa charge a

dû le retirer du collège. En même temps l'enfant devient de plus

en plus énervé, on constate un affaiblissement de la mémoire et de

l'intelligence. Le Dr moufter conclut à l'hystérie. Ce diagnostic

est sanctionné par M. le D'' Gilbert Ballet qui voit l'enfant et con-

seille son placement dans un établissement spécial. La crainte de

quitter sa famille provoqua chez l'enfant une rémission ; mais

pendant le temps que dura cette rémission, Gabriel se mit à

bégayer et le bégaiement ne disparut qu'à la réapparition des

attaques. Dans l'impossibilité de garder plus longtemps l'enfant

avec elle, la grand'mère le conduit à l'Institut méclieo-pédago-

gique,

Etat a l'entrée. - a) Etat physique. La physionomie parait

intelligente, très éclairée. Les cheveux sont blonds, assez épais,

plutôt raides, bien plantés, sans épis, n'empiétant pas sur le front,

limités régulièrement.

Le crâne est ovoïde, peut-être un peu plus fort à droite qu'à

gauche. Le front est assez large, haut, un peu bombé, les bosses

frontales sont saillantes et rapprochées, légère dépression au-

dessus des arcades sourcilières, qui forment une saillie assez pro-

noncée ; les sourcils sont très blonds, peu épais, à peine visibles

surtout aux extrémités externes, solution de continuité ; les pau-

pièzes sont boursouflées, surtout la paupière supérieure et pré-

sentent un fort ourlet qui s'étend jusqu'aux commissures externes;

les cils sont châtains, longs, fournis aux paupières supérieures,

plus blonds, courts et clairsemés aux paupières inférieures ; les

yeux sont gros, saillants, l'iris gris marron, la pupille dilatée en

face la lumière; la racine du nez est large, le ne; court, légèrement

levé, les narines visibles de face, elliptiques, celle de droite un

peu plus ouverte, les ailes peu dessinées ; les pommettes sont sail-

lantes et colorées ; la lèvre supérieure est large et saillante ; la

relèvre inférieure déborde sur la supérieure; la bouche est un peu

large (5 millimètres) ; le palais est un peu ogival, les dents sont

assez régulièrement plantées, les incisives médianes supérieures

larges en fer de bêche; l'incisive latérale droite s'imbrique sur

l'incisive voisine, la canine supérieure droite ne fait que pointer.

la mâchoire inférieure ne présente rien de particulier ; le menton

est rond; les oreilles sont égales et symétriques (longueur 6 centi-

mètres), décollées, l'ourlet est très accentué, le lobule non adhé-

394 RECUEIL DE FAITS.

rent. L'ensemble de la face présente une légère asymétrie, le côté

droit est un peu plus fort et lorsque l'enfant rit la commissure

labiale gauche se relève un peu ; le visage est rond ; la peau est

fine.

Le cou est moyen, circonférence médiane, 32 c. 5.

Le corps tout entier est bien proportionné, un peu bouffi ; la

musculature est ferme, la peau est fine. Le thorax est un peu

aplati, la région pectorale peu développée, le dos un peu rond, la

colonne vertébrale régulière, le ventre assez gros. Les membres

ne présentent rien de particulier.

Ptibei té : pénil glabre, ainsi que les aisselles et le corps tout

entier. Bourses pendantes, de niveau. Testicules égaux de la

dimension d'un oeuf de merle; verge normalement développée, cir-

conférence, 4 centimètres, longueur, 4 centimètres ; prépuce un

peu long, gland découvrable, méat normal ; anus glabre.

b) Etat physiologique. L'enfant est très actif et bruyant ; tous

les mouvements articulaires s'exécutent normalement. Dans la

station debout, l'attitude assise, la marche, tendance à se voûter.

Lorsque Gabriel a eu plusieurs attaques consécutives, il marche

les cuisses serrées l'une contre l'autre, les genoux se touchant; à

ces moments les articulations du genou et de la hanche ne peu-

vent, même passivement, exécuter que des mouvements très

limités. Organe des sens ; vue, myopie assez prononcée, à la

distance d'un mètre ne peut lire des lettres de 3 centimètres de

long ; l'oeil gauche est plus faible que l'oeil droit ; l'ouïe, normale

à droite et faible à gauche ; rien à signaler sur le toucher, le goût

et l'odorat. La parole est libre ; rire ttès facile. Les fonctions

digestives s'accomplissent normalement.

Rien à l'auscultation des poumons et du coew'; le foie déborde

légèrement les fausses côtes. -

Clou hystérique très prononcé ; rachialgie prononcée de la sep-

tième cervicale à la dernière lombaire ; point hystérique au niveau

de la septième dorsale ; zone hystérique au niveau des flancs et

au-dessus des aines.

La sensibilité à la chaleur au frôlement, au pincement, est con-

servée et égale des deux côtés. Sensibilité au chatouillement un

peu exagérée.

c) Etat psychologique. L'intelligence parait d'abord de force

moyenne ; en observant l'enfant, dans l'exercice de ses facultés

intellectuelles, on sent qu'il y a chez lui, sinon déchéance, au

moins un peu d'obnubilation dans les idées. La nature de ses

fautes d'orthographe, de ses erreurs de calcul. fait supposer que

l'enfant a oublié beaucoup de ce qu'il savait. C'est ainsi qu'il a la

notion des règles d'accord, mais il les applique à tort et à travers;

de même en arithmétique il commence une multiplication, mais

HYSTÉRIE DE L'ENFANCE. 395

est incapable de la mener jusqu'au bout. Ne connait absolument

rien en histoire et en géographie ; là nous nous trouvons encore

en présence d'une perte de mémoire, puisqne, d'après sa grand'-

mère, en juillet 1897 Gabriel aurait pu subir avec succès les

épreuves du certificat d'études primaires. - L'attention est de peu

de durée, la réflexion impossible, la mémoire comme engourdie,

l'imagination paresseuse. Un peu d'incohérence, beaucoup de

naïveté dans le jugement et le raisonnement.

d) Etat instinctif et moral. Gabriel est plutôt gai, aime la

société de ses maîtres et de ses camarades avec lesquels il joue

peut-être un peu trop bruyamment. Instinct de la conservation

exagéré, a peur de l'obscurité, du moindre bruit insolile. Taquin,

mais sans méchanceté. Bavarde sans cesse. tendance à semer la

discorde entre ses camarades. Très expansif. A la notion du bien

et du mal; rien d'exagéré dans ses pratiques religieuses. Ona-

nisme supposé. Il est assez ordonné, a soin de ses affaires,

respecte celles des autres. - Volonté plutôt active mais facile à

entraîner.

Description d'une attaque. Gabriel est debout adossé au cham-

branle d'une porte, tout à coup, sans cri initial, sans aura, le

corps se raidit dans l'extension la plus prononcée, les bras se

collent contre le tronc, la face se congestionne, les traits se cris-

pent, les yeux sortent de l'orbite, restent grands ouverts, la

pupille te dilate au point que l'iris ne forme plus qu'une zone

presque imperceptible. Comme le corps se penchant vers la gauche

menace de tomber on étend le malade de tout son long à terre.

Mouvements tétaniformes limités aux membres supérieurs, se pro-

duisant toutes les douze ou quinze secondes. Les mains sont

fermées, le pouce en dedans. Une bave mousseuse très abondante,

formant comme une petite noix s'échappe par intermittence de la

commissure labiale gauche. On l'essuie et elle se reproduit à

intervalles rapprochées. La tête et le regard sont légèrement

tournés à gauche. Le corps est raide, on le soulève en entier,

en prenant les deux pieds. Tendance à l'incurvation des rems,

on peut passer la main entre le sol et les fesses de l'enfant.

A mesure que l'attaque se continue, la face tout en restant con-

gestionnée se couvre de sueurs, les yeux se remplissent de larmes.

Les paupières restent immobiles même si on fait passer un objet

devant les yeux. L'attaque proprement dite a duré dix-huit

minutes. Puis Gabriel après avoir eu une demi-minute une expira-

tion sifflante s'est mis à respirer bruyamment et la rigidité a cessé

aussitôt. L'enfanL reprend en partie connaissance, il peut nous

dire qn'il soutire un peu de la tête. Le corps est affaissé comme

brisé de fatigue. 11 ne fait aucun mouvement. Cmq minutes après

sans que l'enfant perde connaissance à nouveau et que son corps

39C RECUEIL DE FAITS.

se raidisse, les membres supérieurs se projettent en avant dans

une secousse tétaniforme en même temps que la face reprend la

physionomie de l'attaque. Les bras restent quelques secondes

raides mais la main est ouverte, les doigts écartés ; si on les fait

se rapprocher ils s'écartent de nouveau dès qu'on ne les maintient

-plus. On a pu compter jusqu'à treize de ces secousses se repro-

duisant à peu près à cinq minutes d'intervalles. Quelquefois elles

sont accompagnées d'un coup de tête en avant ; assis l'enfant ne

tombe pas, mais debout, il fait plusieurs pas en avant, le tronc

très incliné, on doit le soutenir pour éviter une chute probable.

Traitement . Bain toutes les semaines, douche froide sur le

dos jusqu'au 15, et douche complète à partir du 10, tous les jours;

gymnastique, travaux scolaires et manuels, traitement moral. '

Février. Le 10, trois attaques. - Le 13, une (décrite ci-dessus).

- Le 14, trois Le i 5, deux. Le 17, deux. - Le 18, deux.

Toutes ces attaques ont présenté les mêmes caractères que celle

du 13. Les dernières ont montré quelque différence dans la période

de résolution. Au lieu des secousses tétaniformes qui marquaient

la seconde phase de l'attaque, nous constatons après plusieurs

cris de joie alternant avec des pleurs et des gémissements plaintifs,

de véritables mouvements coordonnées. Gabriel prend son mou-

choir des mains de l'infirmier, le plie en triangle, le place sur la

table et appuie son front dessus; dans un mouvement involontaire,

il le fait tomber à terre, le ramasse aussitôt et le remet en place ;

on l'appelle, il ne répond pas, les paupières se ferment si on fait

passcr un objet devant les yeux. Le 19, l'enfant se plaint toute

la matinée de ressentir, au niveau de l'épigastre, la montée d'une

boule qui lui donne l'angoisse de J'étouffemenl. Quelques heures

après, attaque.

Le 2-1, deux attaques ; elles se sont succédées à une demi-heure

d'intervalle. La première a duré cinquante minutes : le début a été

semblable à celui des autres; au bout de cinq minutes inhalations

d'éther : la raideur persiste, la face reste convulsée, mais les mou-

vements des bras se produisent à intervalles très éloignés. On

cesse l'inhalation au bout de dix minutes, la raideur du corps

ayant disparu. Gabriel se replie sur lui-même, puis brusquement

projette les jambes et les bras de tous côtés et renverse la tète en

arrière ; à diverses reprises l'incurvation du corps est très nette.

Le malade;essaie de mordre tout ce qui est à sa portée, ses pro-

pres mains, ses bras, la jambe de l'infirmier, une serviette, etc. Il

fait les mouvements d'une personne qui se défend et qui attaque,

les poings sont fermés, l'avant-bras replié sur le bras, la physio-

nomie exprime tantôt la frayeur, tantôt la colère ; il ne bave plus.

La deuxième attaque a présenté les mêmes caractères en raccourci;

durée, dix minutes. Le 28, une attaque ; dans la période de

résolution, Gabiiel tout en poussant des cris de joie essaie de

HYSTÉRIE DE L'ENFANCE. 397

rapprocher ses deux mains dont il tient les doigts écartés comme

s'il voulait les frotter l'une contre l'autre ; mais on dirait qu'un

obstacle s'oppose à leur contact. - Toutes les fois qu'il y a eu

attaque dans la journée, la nuit l'enfant est très agité, il parait

avoir des cauchemars, cause à haute voix, mais on ne comprend

pas ce qu'il dit. Dès le mois de février on le fait travailler en

classe aussi régulièrement que le permet son état.

Mars. Même traitement. - Onze attaques en tout. Durée

moyenne quatre minutes. La rigidité est beaucoup moins accentuée.

A la fin du mois de mars le malade est capable de faire correcte-

ment la suspension à l'échelle convexe et horizontale, et tous les

mouvements d'ensemble. I ? n classe il acquiert de nouveau ce

qu'il avait oublié : l'orthographe est meilleure, les devoirs de style

possibles, il a réappris la multiplication et la division. Moins

taquin avec ses camarades.

Avril. - Le 1er, sorte de vertige caractérisé par la fixité du

regard, durée dix secondes. - Le 5, attaque complète durée

vingt minutes. -- Le '1, sommeil agité, l'enfant s'est levé en dor-

mant a traversé sa chambre, a été dans la pièce voisine, a essayé

de monter dans le lit d'un camarade, puis est retourné à son lit. Il

a dormi ensuite paisiblement. La déchéance intellectuelle paraît

enrayée ; Gabriel travaille de mieux en mieux en classe ; il fait de

petits problèmes et possède les notions élémentaires de géographie.

Mai. - Le 19, hoquet au moment de se coucher, pendant une

heure. Le 21, petit accès de tristesse qui a duré deux heures ;

l'enfant s'était taquiné avec un de ses camarades. - La mémoire

revient, l'enfant peut apprendre de petits morceaux de récitation.

La marche est maintenant normale. On constate la dispa-

rition du clou et des zones hystériques ainsi que de la rachialgie.

Juin. Aucun accident nerveux. Les progrès en classe et en

gymnastique continuent. Dans ses conversations l'enfant fait preuve

d'esprit de suite et de jugement. \'a plus peur de l'obscurité.

L'impressionnabilité s'est fortement atténuée.

Juillet. Aucun accident nerveux. - Persistance de l'amélio-

ration intellectuelle. Gabriel a acquis quelques notions d'histoire

et de sciences naturelles.

Le 8 août, l'enfant quitte l'Institut médico-pédagogique.

Poids à l'entrée 41 kilogr.

à la sortie : 44,200.

Taille à l'entrée : 1 ? 46.

à la sortie : 1 ? 49.

Depuis que Gabriel a quitté l'Institut médico-pédagogique, nous

avons eu l'occasion de recevoir de ses nouvelles soit par sa grand'-

mère paternelle avec laquelle il habite, soit par le médecin qui

nous l'avait amené. L'enfant n'a plus eu d'accident nerveux. Il est

retourné au collège, où il se conduit bien, et travaille régulière-

398 RECUEIL DE FAITS.

ment. Lui-même nous a écrit en mai dernier, et sa lettre est celle

d'un enfant raisonnable et reconnaissant qui tient à montrer qu'il

n'a pas oublié ceux qui se sont occupés de lui. Une tante mater-

nelle, que nous avons vue le 6 octobre lScJ9, confirme ce qui pré-

cède et dit que Gabriel a toujours pris des douches. Même attes-

tation par une lettre de sa grand'mère du 7 octobre.

TABLEAU DES ACCIDENTS NERVEUX

REVUE D'ANATOLE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 399

mémoire se raffermit, l'intelligence réapparaît et le malade

réapprend ce qu'il avait perdu. Il devient capable d'un

travail intellectuel et physique assidu, il retourne au collège,

et, tout nous permet de croire qu'il y a eu guérison, car les

attaques n'ont pas reparu depuis mai 1898.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES .

XII. Les voies centrales de la sensibilité générale (Étude anatomo-

c Unique) ; par le De Long. (Thèse de Paris, 1899, 280 pages,

î5 figures. Steinheil, éditeur.)

Travail du plus haut intérêt où l'auteur estime que, dans l'état

actuel de la science, il est nécessaire, pour l'étude des voies cen-

trales de la sensibilité générale, de revenir à la doctrine qui fut

défendue par les physiologistes, par Cl. Bernard et par Vulpian en

particulier ; en la complétant avec les acquisitions faites plus

récemment par la neurologie, on peut arriver aux conclusions sui-

vantes :

1° Les fibres afférentes à la moelle épinière se terminent en

s'arborisant autour des cellules de la substance grise, avec laquelle

elles ont des points de contact multiples, au-dessus et au-dessous

du plan d'implantation de chaque racine;

2° La substance grise qui reçoit les fibres centripètes des racines

rachidiennes postérieures et des nerfs sensitifs crâniens est un

élément fonctionnel très complexe ; ses connexions avec les autres

régions du système nerveux central sont multiples et, d'autre part,

ses divers étages sont eux-mêmes réunis par de nombreuses fibres

commissurales et d'association.

Parmi les fonctions qui incombent à cette substance grise, on

doit comprendre la conduction de la sensibilité générale dont les

impressions périphériques se transmettent de proche en proche

par des voies encore mal définies jusque dans les centres supé-

rieurs ;

3° Au delà du système des neurones périphériques on ne trouve

pas, dans la substance grise et dans les faisceaux blancs des cen-

tres nerveux, de voie indispensable à la transmission de la sensi-

400 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques.

bilité générale considérée dans sa totalité, ou à la transmission

d'une catégorie particulière d'impressions sensitives;

4° Le ruban de Reil médian représente un système complexe de

fibres. Il comprend d'abord des fibres ascendantes réunissant les

noyaux des cordons de Goll et de Burdach à la couche optique et

des fibres moins longues s'arrêtant en différents points de la subs-

tance grise;

5° Dans l'isthme de l'encéphale, l'étude des localisations céré-

brales tend à prouver que c'est principalement par la région de la

calotte que se fait la transmission de la sensibilité générale ; mais

on ne peut attribuer cette transmission au ruban de Reil seule-

ment ; il est nécessaire de faire entrer en ligne de compte la subs-

tance grise et les voies courtes de la formation réticulée ;

6° La couche optique constitue un relai pour les voies ascen-

dantes pédonculaires ; on sait en particulier que le ruban de Reil

médian s'arrête dans le noyau externe et le centre médian de la

couche optique ; -,

7° Les connexions de la couche optique avec l'écorce cérébrale

se font par le système des libres thalamo-corticales, mais il n'existe

pas, dans le segment postérieur de la capsule interne, de région

déterminée par laquelle ne passeraient que des fibres sensitives;

ces dernières sont en effet mélangées aux autres fibres verticales

ou transversales de la capsule interne ;

8° Sur l'écorce cérébrale, la motilité, la sensibilité générale et le

sens musculaire ont la même localisation ;

9° La multiplicité des moyens de transmission de la sensibilité

générale est en rapport avec l'importance des phénomènes de sup-

pléance qui jouent un grand rôle dans la physiologie normale et

pathologique des voies sensitives centrales. E. r.m.

XIII. Sur les altérations des grandes cellules pyramidales consécu-

tives aux lésions de la capsule interne ; par le Dr 11RIESCO.

En tenant compte de nos connaissances actuelles sur la réaction

des différents neurones après la section de leur prolongement

axillaire, l'auteur s'est demandé quel pouvait être le sort des

grandes cellules pyramidales après les lésions de la capsule

interne et, dans ce but, il a examiné le lobule paracentral, les

circonvolutions frontales et pariétales ascendantes dans six cas

d'hémiplégie due à des lésions plus ou moins anciennes de la cap-

sule interne.

Les altérations trouvées dans le lobule paracentral, du même

côté que le foyer destructif, portent exclusivement sur les grosses

cellules pyramidales; mais la lésion de celles-ci dépend, d'une

manière générale, de l'ancienneté du foyer et de son étendue. On

peut dire que plus le foyer est ancien, plus la dégénérescence et

REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 401

l'atrophie des cellules pyramidales sont avancées. Le protoplasma

de la cellule est transformé en substance jaunâtre, qu'on a appelée

à tort pigment et qui dérive par voie de transformation clinique,

des éléments chromatophiles. Cette réaction de la cellule nerveuse

pyramidale, allant jusqu'à son atrophie à la suite des lésions du

faisceau pyramidal dans la capsule interne, n'est qu'un cas parti-

culier que présente tout neurone moteur ou sensitif à la suite de

la destruction de son prolongement axillaire.

La dégénérescence progressive et invariable des neurones pyra-

midaux consécutive aux lésions en foyer de la capsule interne

nous démontre que ces lésions des cellules pyramidales sont irré-

parables. (Revue neurologique, mai ISH.) E. B.

XIV. Des différentes formes de paraplégie due à la compression

de la moelle épinière. Leur physiologie pathologique ; par

M. le professeur Van GEIIUCIlTE ? (Presse médicale, 10 mai 1899.)

D'après M. van Gehuchten, la production d'une paraplégie flasque

avec abolition des réflexes, à la suite d'une compression médul-

laire, est explicable, en l'état actuel de la science, par la seule

interruption anatomique ou fonctionnelle des fibres médullaires,

au point comprimé, et il n'y a pas lieu de la rattacher, ainsi

que le soutient M. Brissaud, il une dégénérescence des nerfs intra-

musculaires. Cela posé, l'auteur réunit dans le tableau suivant,

les formes les plus typiques de paraplégie due à une compression

médullaire.

402 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

qu'elles subissent ont lieu, tantôt dans le sens d'une aggravation,

tantôt dans le sens d'une amélioration. En somme, dans la symp-

tomatologie de la compression médullaire, tout dépend du degré

de compression que la moelle subit à un moment donné et du

nombre, et surtout de la nature des fibres nerveuses médullaires

momentanément ou définitivement mises hors de service.

Dans toute compression médullaire s'observent des troubles

moteurs; c'est que les fibres motrices sont plus sensibles au trau-

matisme que les fibres sensitives; mais ces fibres motrices elles-

mêmes ne sont pas également résistantes, les plus vulnérables

semblent être les fibres cortico-spinales et les fibres cérébello-spi-

nales. La compression de ces fibres produit la paraplégie spasmo-

dique avec exagération des réflexes (fer degré). Quand la compres-

sion augmente, et quelle interrompt automatiquement ou

fonctionnellement, en outre des fibres cortico-spinales et cérébello-

spinales, les autres fibres motrices provenant du mésencéphale,

de la protubérance annulaire et de la moelle allongée, la para-

plégie devient flasque et les réflexes tandineux sont abolis

(2° degré). Si la compression s'accentue encore, elle retentit sur

les fibres sensitives. Parmi celles-ci, les plus facilement atteintes,

sont celles du faisceau de Gowers, que M. Van Gehuchten consi-

dère comme servant à la transmission des impressions doulou-

reuses et thermiques. En effet, si, dans le cours d'une paraplégie

flasque, on voit survenir des troubles de la sensibilité, ceux-ci

retentissent tout d'abord sur la transmission des impressions dou-

loureuses et thermiques, transmission qui est affaiblie ou abolie.

Le fait que, dans certains cas, la sensibilité à la douleur est seule

atteinte, et que la zone d'analgésie s'étend parfois plus haut que la '

zone de thermo-anesthésie, permet de penser qu'il existe peut-

être dans le faisceau de Gowers des fibres distinctes pour la trans-

mission de la douleur et pour la transmission de la température.

Après la compression des fibres du faisceau de Gowers, on voit la

lésion médullaire amener la perte de la sensibilité musculaire

(compression des fibres du faisceau cérébelleux ou des fibres des

cordons postérieurs ? ). La sensibilité tactile (fibres des cordons

postérieurs ou fibres du faisceau cérébelleux ? ) persiste le plus

longtemps. Il est à remarquer que, de toutes les fibres de la

moelle, ce sont celles du faisceau cérébelleux et celles des cor-

dons postérieurs qui opposent au traumatisme le plus de résis-

tance, tandis que, dans la syphilis, ce sont les fibres des cordons

postérieurs qui paraissent les plus vulnérables.

La compression de la moelle épinière, à n'importe quel niveau,

ne retentit pas-toujours d'une façon systématique, d'abord sur

les fibres motrices et ensuite sur les fibres sensitives. A côté des

formes typiques, il existe des formes irrégulières, atypiques :

telles sont, par exemple, celles dans lesquelles les troubles sensi-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 403

tifs surviennent avant que la compression n'ait mis hors de fonc-

tion toutes les fibres motrices; ou encore, celles dans lesquelles

la compression exerce son maximum d'intensité d'abord sur les

fibres sensitives. Dans une de ces formes dont la production n'a

pas encore reçu d'explication physiologique certaine, on observe,

il côté de troubles moteurs plus ou moins accusés, une exagéra-

tion de l'une ou l'autre forme de la sensibilité. A. FENAYROU.

XV. Les phénomènes de réparation dans les centres nerveux après

la section des nerfs périphériques; par M. G. Marinesco. (Presse

médicale, 19 avril 1899.)

Réponse de M. Marinesco aux assertions formulées par M. Van

Gehuchten dans un travail sur le même sujet, publié dans le nu-

méro dn 4 janvier 1899 de la Revue médicale. A. Fenayrou.

XVI. La manière d'être des cellules ;des ganglions spinaux dans le

tabes éclairée par la méthode de coloration de Nissl ; par

h. Sciiaffer (Neurolog. Cenl1' £ llbl., XVII, 1898.)

Le type normal de ces organes a été exposé par Lenhossek in

Archiv. f. Jf<7t)'os/mp. Anatomie, 1897.

En ce qui concerne la matière colorable du protoplasma cellu-

laire que Lenhossek nomme avec raison tigroïde, c'est le subs-

tratum propre de la matière tinctoriale de Nissl. Ceci dit, dans

les ganglions spinaux normaux, le protoplasma est intimement

uni à la capsule épithéliale, et contient des mottes, de grosseurs

les plus différentes, de forme angulaire, grumeleuse, distordue.

Les grosses sont attachées à la périphérie du protoplasma (cou-

ronne de mottes marginales) et sont composées de la soudure de

plusieurs petites mottes ensemble. A l'intérieur du protoplasma,

fines, extrêmement fines granulations. On doit, en ce qui concerne

la grosseur et le nombre des mottes, distinguer trois espèces de

cellules : 1° La cellule claire qui possède presque toujours sa cou-

ronne de mottes marginales; 2° La cellule à grosses mottes qui

ne possède pas sa couronne de mottes marginales ; la substance

tigroïde représente des corps déchirés, floconneux, quelquefois les

plus grosses sont à gros angles ; 3° La cellule intermédiaire aux

deux premières espèces.

Dans les ganglions spinaux tabétiques, il n'y a guère de cel-

lules nerveuses à considérer comme pathologiques. La substance

chromatique et le noyau sont normaux ; même dans les cas de

tabes absolu avec dégénérescence extrême des racines posté-

rieures. Ce noyau forme, comme dans les préparations normales,

une vésicule claire entourée d'une claire lisière sans mottes. Il est

extrêmement rare que le noyau soit recoquillé ou présente une

i 404 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

forme anormale. La substance chromatique est normalement

colorée. Jamais de vacuoles. Peut-être la substance chromatique,

dans le tabes au début, se colore-t-elle d'une façon plus intense et

se sature-t-elle de matière colorante plus que dans le tabes absolu :

c'est tout. Pas de capsules vides, pas de cellules des capsules qui

prolifèrent. Cette constatation négative, contraire à celle de Mari-

nesco, prouve que la lésion initiale du tabes ne doit pas être cher-

chée dans les ganglions spinaux. P. Keraval.

XVII. Recherches sur la moelle et le cervelet des oiseaux ;

par A. FHIEDLÆNDER. (Nezcrolog. Ce21tî-albl. XVII, 1898.)

Etude chez le pigeon domestique des relations de la moelle et

du cervelet, qui n'est chez l'oiseau qu'un vermis, au moyen de la

méthode des dégénérescences. Soixante-dix opérations sur cet ani-

mal éthérisé. Analyse fine de l'anatomie normale du cervelet et

de la moelle ainsi que de leurs rapports connus jusqu'ici. Détails

relatifs : A) aux expériences de sections transverses de la moelle

destinées à décider s'il y a dégénérescence ascendante et de quelles

fibres, LI)amlésions de diverses parties du cervelet pour savoir s'il

y a des fibres cérébelleuses descendantes.

Résumé. - I. Faisceaux qui à la suite de l'hémisection latérale de

la moelle dégénèrent dans la moelle en haut et en bus. - 1° Il y a

des fibres qui, au-dessus et au-dessous de l'endroit vivisecté, dé-

génèrent dans les mêmes zônes. Il doit donc y avoir dans la plu-

part des conducteurs de la moelle des oiseaux des faisceaux dans

les deux sens. Mais c'est moins accusé dans les cordons postérieurs ;

ils envoient en bas de courtes dégénérescences radiculaires, tandis

qu'on constate une dégénérescence qui monte jusqu'au bulbe.

Seulement la zone de dégénérescence est de plus en plus pauvre,

ce qui permet de penser qu'une très faible partie des cordons

postérieurs arrive au petit cordon postérieur du bulbe. Dans la

moelle lombaire, le cordon postérieur se colle sur le côté du

sillon postérieur sous forme de cordon postérieur médian. Les fibres

qui sortent des racines sensitives dont la direction est le plus

tranversale, se placent à côté des fibres déjà incorporées : ainsi se

forment un cordon postérieur médian et un cordon postérieur latéral ;

2° le faisceau cérébelleux des cordons latéraux dégénère toujours

dans toute son étendue en haut et en bas ; 3° dans les cordons an-

térieurs et aussi dans les cordons latémux on trouve des fibres

dégénérées en haut et en bas qui, tout près de l'endroit sectionné,

occupent ces deux organes, tandis qu'à quelque distance de cet

endroit, elles se limitent essentiellement aux cordons antérieurs

et encore à leur zone médiane. Ces fibres sont indubitablement,

pour la plupart, d'origine endogène et de longueurs différentes.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 405

il se trouve cependant aussi parmi elles, un nombre de faisceaux

originaires du cervelet qui méritent le nom de tractus céré6cllo-

spinal antérieur médian. Sur les coupes transverses de la moelle

ces fibres ne peuvent guère se séparer des fibres à trajet intra-

spinal, car elles dégénèrent en bas avec elles. Il est probable qu'il

faut ranger parmi les faisceaux endogènes (intraspinaux) un long

faisceau qui occupe les cordons antérieurs et ne peut être suivi

jusque dans le bulbe.

II. Faisceaux qui après l'Ieémisectiott latérale de la moelle dégénè-

rent dans le cervelet. - Dans le cervelet ne se prolongent que les

faisceaux de la moelle qui occupent la périphérie du cordon laté-

ral. Une coupe antéropostérieure montre que toute la masse des

fibres s'enfonce dans le corps restiforme et s'en va en arrière avec

lui. La plus grande partie .se termine sans s'entrecroiser dans les

circonvolutions supérieures du vermis. Les fibres antérieures et

transversales demeurent libres. Sur les coupes en séries trans-

versoperpendiculaires on voit que le corps restiforme fournit

d'abord deux trousseaux. L'un d'eux, d'abord transversal, s'inflé-

chit en haut et en arrière pour s'enfoncer dans le cervelet ; grêle,

il correspond probablement au segment antérieur du faisceau

cérébelleux du cordon latéral (lî-(icizis cérébellospinul antérieur).

Le second fournit la plupart de ses fibres à l'écorce supérieure du

vermis ; le reste contourne la face antérieure des gros noyaux

médians du cervelet, s'entrecroise sur la ligne médiane et se perd

peut-être en partie dans ces noyaux, en partie également dans

l'écorce inférieure du vermis.

III. Faisceaux qui dégénèrent en descendant à la suite d'une lésion

du cervelet. A côté des courts faisceaux qui dégénèrent du côté

correspondant à l'opération (faisceaux d'association) et du côté

opposé (faisceaux commissuraux) et qui sont les faisceaux propre-

ment dits du cervelet on constate la dégérescence d'un long faisceau

croisé. Une petite partie de ce faisceau rayonne dans la région de

la zone acoustique d'Ahlbom. Sa plus grande partie, sous la forme

d'un large ruban, s'en va, par le pédoncule cérébelleux inférieur,

dans le bulbe et dans le cordon latéral. Ce long faisceau correspond

au tractus céré6ellospiual, composé de fibres antérieures et posté-

rieures du faisceau cérébelleux du cordon latéral. Les libres posté-

rieures de celui-ci occupent dans le bulbe, le segment cérébral du

corps restiforme; les fibres antérieures (ou faisceau de Gowers)

sont représentées par les fibres qui passent à la partie inférieure

des olives et du trijumeau.

On constate aussi, mais non toujours, la dégénérescence du

pédoncule cérébelleux supérieur, des libres arciformes externes et

internes du bulbe. Intégrité constante et complète du télencéphale

et du mésencéphale. P. 11ER.11'AL.

406 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

XVIII. Contribution au trajet des fibres des racines postérieures

dans la moelle cervicale de l'homme; par K. Sciiafter. (Neurolog.

Centrcalbl., XVII, 1898 )

Voici deux observations de lésion isolée des racines, très propres

à éclairer la question des rapports des racines postérieures avec

la structure des cordons postérieurs. Figures. On sait que les

lésions des racines, tant de la moelle dorsale supérieure que de la

moelle cervicale inférieure, entraînent une dégénérescence intra-

spinale descendante et ascendante. La dégénérescence descendante

en rapport avec les lésions transverses de la moelle (Mlestplial,

Schultze, Kahler et Pick) s'explique par la division en Y des fibres

radiculaires postérieures. Mais elle peut atfecter plusieurs formes,

par exemple la forme en virgule (Schultze) ou se traduire par la

dégénérescence du champ ovale du cordon postérieur.

Ces deux observations mettent en lumière la dégénérescence de

Schultze. Cette dégénérescence en virgule tiendrait, d'après les

uns, à une lésion de la substance grise, d'après les autres, à une

lésion radiculaire. A l'exemple de Schultze, M. Schaffer la rattacha

en 1894 à une lésion des branches descendantes des racines posté-

rieures ; il croit aujourd'hui que son observation eût plutôt pu

servir d'appui à la thèse de la dégénérescence descendante consé-

cutive à une lésion de la substance grise (Déjerine et Sottas, Gom-

bault et l'hilipp, Tooth et Marie). Tooth dit que la dégénérescence

en virgule ne s'observe pas dans la section transverse expérimen-

tale des racines postérieures, et pense qu'il s'agit plutôt alors de la

destruction de fibres commissurales. Une observation récente de

destruction transverse de la moelle par spondylite prouve la dégé-

nérescence descendante en virgule consécutive. Discussion des faits.

Voici comment il faut les comprendre. La dégénérescence des-

cendante des cordons postérieurs survient dans le cas de lésion

transverse totale de la moelle tout aussi sûrement que dans le cas

de lésion des racines postérieures. Puis, les faits anatomiques sont

en faveur des fibres radiculaires descendantes dans le cordon pos-

térieur, et l'on constate la dégénérescence de Schultze dans les

lésions purement radiculaires Par conséquent la dégénérescence

descendante des cordons postérieurs est explicable par une lésion

des fibres radiculaires descendantes et l'hypothèse de fibres ner-

veuses endogènes dans la formation du petit trousseau de Schullze

est superflue. Dans la lésion transversale de la moelle de l'homme,

les racines postérieures sont toujours simultanément atteintes,

quoique dans leur trajet intramédullaire. Cela n'attaque pas

l'opinion, d'après laquelle la substance grise donne naissance à des

fibres destinées aux cordons postérieurs, car les recherches rela-

tives à la ligature de l'aorte, qui lèse principalement la substance

grise, prouvent que les cordons postérieurs sont altérés surtout

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 07

dans leur segment antérieur. Mais la forme de la dégénérescence

est tout à fait différente dans la ligature de l'aorte et dans la lésion

des racines (Singer et ? lIÜnzer, Schaffer). Il y a donc lieu de for-

muler que dans la zone en virgule de Schultze il n'y a que les branches

descendantes des racines postérieures (Schaffer). Il est également

possible qu'il y ait aussi des fibres provenaut des cellules funiformes

de la corne postérieure (Lenhossek, Marie), mais cela n'est pas

démontré.

Dégénérescence ascendante. - Nos faits confirment les observa-

tions de Pfeiffer, Sottas, Déjerine et Thomas, les études expéri-

mentales de Singer et Munzer, les lois de Kahler et Singer. Les

prolongements intramédullaires des racines dégénérées s'échelon-

nent successivement en dedans, en quittant la zone d'entrée

radiculaire, à partir du niveau des racines lésées, vers le bulbe ; -,

les zones qui correspondent aux racines dégénérées de la moelle

dorsale supérieure et de la moelle cervicale inférieure sont en

dehors de la cloison paramédiane.

Conclusions. - 10 Les observations relatives à la dégénérescence

de la deuxième et de la troisième racine dorsale sensitive, ou de

la septième racine postérieure cervicale, confirment la loi de

Kahler et Singer sur le trajet de la branche ascendante des racines

postérieures ; 2° le cordon de Goll parait simplement, dans la

moelle cervicale, limité latéralement par la cloison paramédiane,

tandis qu'en avant il n'y a pas de ligne limitante visible. Ici le

cordon de Goll contient, outre les racines sacrées et lombaires, les

huit racines dorsales inférieures : cette conclusion se tire de la

constatation que, dans la dégénérescence des deuxième et troisième

racines dorsales, la zone de dégénérescence (abstraction faite d'un

très petit coin postérieur de substance nerveuse saine) est immédia-

tement accolée à la cloison paramédiane; 3° les raies du cordon

postérieur qui correspondent au trajet de quelques racines, ne

permettent pas de décider que certains plans longitudinaux exclu-

sifs leur seraient seulement réservés; les prolongements intramé-

dullaires des racines postérieures se confondent intimement avec

les voisins; 4° les lésions des racines postérieures sont, contraire-

ment aux prétentions de Tooth, Déjerine et Sottas, Gombault et

Philipp, très certainement suivies de dégénérescence descendante

dans le cordon postérieur ; c'est la dégénérescence en virgule de

Schultze qui occupe le milieu du faisceau de Burdach. Celle-ci a

déjà cessé au niveau de la racine inférieure la plus immédiate, et

est, par conséquent d'un court trajet. La vraie dégénérescence de

Schultze est exclusivement produite par la lésion des fibres radi-

culaires postérieures ; les fibres endogènes n'y prennent (c'est

prouvé) pas part. Du reste la dégénérescence de Schultze n'est

qu'une fraction de l'ensemble de la dégénérescence descendante

du cordon postérieur. P. KERAVAL.

408 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

La terminaison des nerfs dans les organes centraux;

, par L. AUI'.RB.1C11. (Newolog. Centralbl.. XVII, 1898.)

Il s'agit des relations de la cellule nerveuse avec les dernières

ramifications cylindraxiles. Dans tous les points du système nerveux

central les cellules nerveuses et aussi leurs dendrites sont enlacées

d'un réseau à mailles fort épais qui les enveloppe ; il est formé de

petites fibres nerveuses qui portent de petits nodules. Ce réseau,

par places inextricable, est constitué par les arborescences ter-

minales amyéliniques. La méthode de coloration à l'hématoxyline

et il l'argent permet de compter le long des bords des cellules et

de leurs dendrites chacun des petits boutons terminaux, de se

rendre compte de l'énorme profusion des arborescences terminales

de chaque cellule et des plus grands prolongements protoplas-

miques correspondants (Congrès des naturalistes et médecins alle-

mandes, Francfort, 1896). Les nodules bleus sont accumulés autour

des cellules en masse bien plus grande que ne l'indiquent les pré-

parations de Ileld : C'est un vrai réseau qui enveloppe en certains

points les cellules comme d'une toile à mailles et prend part à

leur approvisionnement d'arborescences terminales.

Les grosses cellules motrices sont ainsi encadrées d'une couronne

de forts cylindraxes dont une partie doivent leur origine aux arbo-

rescences terminales. Les arborescences terminales se rendent

ainsi en rayonnant à leurs points d'insertion, souvent après un

court trajet. D'autres cylindraxes pourvus de boutonnets termi-

naux, parmi lesquels ceux que fournissent les arborescences

peuvent être suivis sur une longue étendue, sans qu'ils entrent,

pendant ce long chemin, en relations avec d'autres fibres ner-

veuses ; ceux-ci ne fournissent ni lacis, ni réseau il mailles. Enfin,

çà Ft là, au voisinage des cellules nerveuses, un vrai réseau fermé

est formé de fibrilles bien plus fines qui, ne s'entrecroissent pas

mais s'anastomosent ; dans le système des mailles sont enchâssées-

de petites varicosités ayant la dimension approchée des bouton-

nets terminaux qui dessinent les points nodaux. Impossible encore

de dire s'il y a une catégorie de cellules pourvues de réseaux ter-

minaux, s'il en existe une autre, n'en ayant pas, si cette organisa-

tion, qui parait concourir à l'égale répartition du courant excitateur

de l'influx nerveux, est généralement répandue.

Dans les cornes postérieures, et plus particulièrement dans la subs-

tance gélatineuse de Rolando, il n'y a qu'un réseau à mailles parais-

sant ininterrompu, pourvu d'épais renflements très nombreux, de

formes irrégulières (Golgi. Fine structure du système nerveux central

et périphérique, p. 249 et 250).

La couche granuleuse du cervelet et ses fibres mousseuses comportent

un réseau à mailles diffus, gigantesque par son étendne et sa pro-

longation il de très grandes distances. Entre les amas de cellules

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 409

granuleuses du cervelet, il existe des corps très nombreux, bleus,

à contours irréguliers, dont la zone extérieure, plus pâle, se pro-

longe dans un plexus formé de fibres nerveuses mille fois anasto-

mosées, tandis que le centre à bords dentelés ou projeté en

rameaux touffus se détache de la zone en question à l'état de

noyau beaucoup plus foncé. En réalité ce sont des fibres mous-

seuses à deux zones, une zone externe, et une zone interne. La

zone interne (objectif à immersion de Siebert apochromatique de

2 millimètres, ap. 1,30, oculaire 18) contient des mailles bleu

foncé, assez larges, formées de tractus de fibres relativement assez

gros et à points nodaux qui représentent des épaississements

proportionnellement volumineux; à l'intérieur de ces mailles

existe une substance un peu moins bleue, épaisse, vague, dont

l'accumulation à la région centrale de l'organe qui nous occupe

contraste avec la zone bleu clair externe. La zone externe, proba-

blement moins riche en substance tingible, incomparablement

plus transparente, ressemble à un fin tissu à mailles plus lâches,

s'étend par son bord externe, sous forme de voile membraneux clair

qui, tantôt enveloppe partiellement une cellule granuleuse, tantôt

pénètre entre les amas de granulations et entoure simultanément

plusieurs cellules. Ce même tissu de la zone externe glisse au-dessus

des fibres détachées du réseau sus-décrit, qui, par suite paraissent

enlacées dans cette membrane ténue à l'état d'entrelacement

rétiforme. Ces tractus membraneux qui portent les réseaux de fibres

nerveuses se déploient à travers la couche granuleuse formant un

système continu. 11 est fréquent de voir les corps mousseux con-

fondre leurs mailles sans intermédiaire de longues fibres ner-

veuses. Ces membranes se collent très intimement aux voussures

des amas de granulations, ce qui fait supposer que la zone centrale

des renflements mousseux constitue des organes terminaux, sans

cependant qu'on puisse les comparer aux terminaisons cylin-

draxiles. En effet du réseau des mailles repartent de fines fibrilles

ayant tous les caractères de vraies terminaisons nerveuses puis-

qu'elles s'ajustent au corps des cellules granuleuses au moyen des

boutons terminaux typiques.

La théorie du contact de Hamon y Cajal et Kelliker ne parait pas

devoir être remplacée par la théorie de l'adhérence de Held. Car

nulle part, on n'observe de passage ininterrompu du protoplasme

des terminaisons nerveuses et des cellules nerveuses. Les coupes les

plus minces à la paraffine montrent une limite linéaire tranchée

entre les fibres nerveuses amyéliniques et la cellule nerveuse.

D'autre part il est certain que les terminaisons nerveuses ont une

structure plus ou moins grenue, les granules en sont très fins et

paraissent cimentés par une substance intermédiaire qui les

empêche de se distinguer les uns des autres. Tandis que la cellule

se compose de rayons à mailles. Ces rayons, comme ceux d'une

410 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

ruche, sont remplis d'un neurohyaloplasme. Mais nulle part la

substance fondamentale de la cellule n'est en rapport continu

avec les terminaisons cylindraxiles. Il n'y a donc pas adhérence,

Les arborescences terminales agissent, par le coussinet de leurs

boutons terminaux, sur le protoplasme de la cellule nerveuse

d'une manière que nous ignorons; les boutons terminaux s'ap-

puient, s'appliquent intimement sur la surface de la cellule. Mais

s'il se fait une union physiologique, il n'y a pas adhérence anato-

mique. Impossible non plus de songer à un mouvement amiboïde

puisque les arborescences terminales ne jouent pas sur les cellules

elles dendrites. Se fait-il pendant la vie une modification molécu-

laire portant à la fois sur les bouton nets terminaux et les cellules.

Se formet-il une unité fonctionnelle de ces deux éléments malgré

la persistance de la discontinuité anatomique ? Nous ne savons.

La théorie du treillis élémentaire formé par les fibrilles primitives

(neuropil) d'Apàthy et Bethe n'est pas davantage admissible. La

structure de la substance fondamentale de la cellule est bien réti-

forme et en rayons analogues à ceux d'une ruche. Mais la cellule

nerveuse des animaux supérieurs n'est pas un simple endroit de

passage des fibrilles primitives se rendant, sans perdre leur indi-

vidualité, au neuropil. Les boutonnets terminaux sans nombre de

n'importe quelle grande cellule et ses dendrites qu'on peut aisé-

ment suivre, montrent qu'il faut, dans les éléments qui revêtent

les nerfs comme d'un épais feutrage, chercher les organes qui, au

sein des cellules mêmes, produisent une activité soit en exerçant

une influence directe sur le eorps de la cellule, soit en agissant

sur les dendrites centripètes et récepteurs de l'excitation. Assuré-

ment les fonctions du système nerveux prennent, chez les animaux

supérieurs au moins, leur source dans la multiple variation des

états d'éréthisme de ces éléments, accompagnés de la participa-

tion active du protoplasma cellulaire; dans la combinaison insé-

parable des arborescences terminales d'une part, des cellules

nerveuses et des dendrites d'autre part. P. KERAV.4L.

XX. Observation de sarcome de la dure-mère spinale. Contribution

à la connaissance des dégénérescences secondaires, consécutives

à la compression de la moelle; par F. Quensel. (Nell1'olof}. Cen-

tralbl., XVIII, 1898.)

Inteiruption transversale de la moelle incomplète, siégeant à à

peu près à la hauteur ou immédiatement au-dessus d'une gibbo-

sité de la colonne dorsale, gibbosité dont la pointe occupait la

huitième apophyse épineuse. 11 y avait douleur à la pression sur

les côtés de cette région. Ceitains symptômes permettaient de

spécifierla hauleureracte de l'interruption. C'était d'abord une unes-

thésie totale au niveau du dixième et d'une partie du neuvième segment

REVUE D'1\ TO\IIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 411 I

dorsal qui indiquait que le maximum de la compression siégeait

en cette dernière région. Mais la compression devait remonter au

huitième segment dorsal, car l'anesthésie était partielle dans le

domaine de ce dernier. On constatait par contre une hyperesthésie

caractéristique de l'atteinte de la septième racine postérieure de la

moelle.

Quelle était la nature de la compression ? Un traumatisme an-

cien suivi, longtemps après, d'accidents paralytiques et de troubles

de la sensibilité lents et symétriquee, rapproché de l'existence

actuelle d'une gibbosité faible, comparée à la compression, per-

mettait de croire à une affection tuberculeuse de la colonne verté-

brale. Cette gibbosité disparaissait complètement par un change-

ment de position, de sorte qu'il était difficile de lui rattacher

directement l'interruption spinale. Mais il n'y avait aucun autre

signe d'affection tuberculeuse, et par contre les symptômes cons-

tatés ne pouvaient point être considérés comme appartenant à

une tumeur : ils pouvaient tout aussi bien tenir à une carie verté-

brale. Bientôt l'état général devenait inquiétant. Insuccès du

traitement anti-syphilitique, cystite incurable, fièvre rémittente ;

accidents gangreneux au sacrum. Le malade demandant une opé-

ration, on la pratiqua. Et c'est alors qu'on trouva une tumeur occu-

pant le niveau des septième et huitième vertèbres dorsales ; du

volume d'un oeuf de pigeon, elle siégeait en arrière et sur les côtés

de la dure-mère, absorbait les septième et huitième racines sensi-

tives, pénétrant avec la septième de chaque côté dans le trou inter-

vertébral. La dure-mère était du reste normale au-dessus et au-

dessous de la tumeur, présentant simplement quelques pulsations

au-dessus. L'énucléation se fit aisément : il fallut seulement résé-

quer la septième racine, la moelle n'étant ni enserrée ni modifiée

dans sa consistance. Le malade mourut de septicémie.

Autopsie. Ramollissement de la moelle limité au niveau des

neuvième et dixième segments sur une étendue de 2 centimètres.

Dégénérescence ascendante des faisceaux de Goll, indistincte des

faisceaux latéro-cérébelleux; dégénérescence descendante des fais-

ceaux latéropyramidaux. Au microscope (figures) on constate, au

même niveau, la déchéance des libres myéliniques, l'atrophie et

la destruction des cellules nerveuses; abondance de cellules à gra-

nulations graisseuses, de cellules- araignées, de vaisseaux dilatés;

l'interruption est presque totale. Les dégénérescences sont celles

de Hoche (Archivf. Psychiatrie, aIVIII) notamment les dégénéres-

cences descendantes.

' L'intérêt principal des dégénérescences ascendantes réside dans

le faisceau de Gowers auquel s'attachent les noms de Patrick,

Meynert, Flechsig, Westphal, Lceweuthal, Auerbach, Quensel, Held,

Monakow, Molt et les observations cliniques de Bruns, Pa-

trick, Hoche, de Soelder. Dans notre cas particulier, le faisceau

412 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

décrit par de Soelder provient en partie d'une région placée au-

dessous du niveau des neuvième et dixième segments dorsaux ; on

ne constate pas d'autres lésions dans la moelle cervicale, mais on

a réussi à suivre de ces fibres jusqu'aux cellules du noyau externe

de la couche optique ; -elles subissent donc, dans l'espèce, une

interruption en même temps qu'une partie des autres conducteurs

sensitifs. Il est à remarquer que dans un cas de Iloesel, dans le-

quel un kyste apoplectique ancien avait détruit le corps genouillé

interne, la partie inférieure du pulvinar, les parties postérieures

du noyau antérieur de la couche optique, notre faisceau était

presque seul conservé alors qu'il y avait dégénérescence complète

du ruban de Reil. P. KERAYAL.

XXI. De l'oreille interne dans l'anencéphalie; par 0. Veraguth.

(Neurolog. Centralb., XVII, 1898.)

Examen du rocher d'un anencéphale de sept mois. Fixation

dans la liqueur de Mueller. Réfrigération. Durcissement dans l'al-

cool. Inclusion dans la celloïdine. Coupes colorées à l'hématoxy-

line et à l'éosine, et, en partie, au carmin.

Entre le limaçon et les autres organes du labyrinthe, court, dans

le tissu cartilagineux, un mince ruban à raies parallèles. Il est

impossible de savoir si les fines lignes qui passent entre les cellules

à petits grains sont des fibres nerveuses ou un simple stroma con-

jonctif ; mais la situation de ce ruban correspond à celle du ra-

meau cochléaire de l'auditif. A l'intérieur de ce tissu, gros et pe-

tits amas de cellules nerveuses évidentes dont chacune est séparée

du tissu conjonctif environnant par un halo ; on y voit un proto-

plasma finement grenu, avec un noyau central entouré d'une zone

plus claire. Ce sont des cellules nerveuses, bien qu'elles n'aient ni

prolongements protoplasmiques, ni cylindraxes, car elles ont un

aspect tout à fait semblable à celui des cellules nerveuses de la

moelle anencéphale et des ganglions spinaux. Elles tranchent, par

leur grandeur, sur le tissu environnant. On en voit également

quelques-unes dans le tissu cartilagineux de l'axe du limaçon. Le

ganglion spiral existe donc. On voit nettement à l'oeil nu le limaçon

osseux transformé. Le limacon membraneux a atteint un certain

degré de développement. La membrane de Reissner est bien déve-

loppée, le ligament spiral aussi ; tous deux sont recouverts d'épi-

thélium sur la face qui regarde la lumière du conduit. Pour la

membrane, c'est un épithélium à une couche; pour le ligament,

c'est quantité de petites cellules cylindriques. La paroi tympa-

nique, déchirée sur la plupart des coupes dans la partie membra-

neuse, est, sur d'autres, entièrement continue, du limbe spiral au

ligament spiral. Le sillon spiral est nettement délimité. Sur le

limbe spiral on voit bien les élevures papilliformes du tissu con-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 413

jonctif, les dents auditives de Iluschke, entre lesquelles existent

des noyaux clairs à noyau franchement circonscrit. La lame spi-

rale membraneuse est dotée de sa membrane basilaire, de sa cou-

che de revêtement lympanique, de sa couche épithéliale, mais elles

sont incomplètement développées. La partie épithéliale du limaçon

membraneux a donné naissance à des éléments qui ne fussent pas,

ultérieurement, entrés en contact direct avec le nerf lui-même;

quant aux cellules auxquelles le nerf cochléaire eût dû envoyer ses

expansions terminales, elles ne se sont point différenciées.

. P. KER.V.IL.

XXII. Contributions expérimentales et anatomopathologiques à

l'étude de l'intoxication chronique par le sulfure de carbone ;

par G. KOESTER. (Ncuoolog. Cel1l1'olbl., XVII, 1898.)

Expériences sur sept lapins. Intoxication par inhalation pendant

quatorze jours, quatre semaines, deux mois, trois mois, trois mois

et demi. On prend des animaux en parlait état de santé. Ils gagnent

du poids pendant les premiers jours de l'intoxication, puis se

maintiennent en équilibre, et enfin diminuent de poids malgré une

nourriture bonne et surabondante. Un des animaux, empoisonné

pendant deux mois, s'accrut cependant jusqu'à sa mort. Parallèle-

ment à l'amaigrissement, survint une hyperexcitabilité graduelle

des muscles aux courants faradiques (expériences régulièrement et

mathématiquement conduites) ; l'hyperexcitabilité longue conduit

à la réaction de la fatigue nette du muscle. Puis, cette faiblesse

irritable fait, de la sixième à la septième semaine, place à une di-

minution graduelle de l'excitabilité, surtout marquée chez les

animaux devenus valétudinaires. Mais cette hypoexcitabilité n'est

pas inférieure à l'excitabilité électrique du début des expériences.

La phase d'hyperexcitabilité s'accompagne d'hyperesthésie des

membres. Chez deux animaux il y eut ensuite de l'anesthésie des

membres mais rien que des pattes. Forte dilatation des vaisseaux

de la tête, rougeur intense des oreilles, de la muqueuse nasale, des

conjonctives, avec chaleur vive; quelquefois, en sus, catarrhe chro-

nique conjonctival et bronchial. Mydriase avec perte de la réaction

pupillaire, parfois permanente (quatre cas), avec inégalité pupil-

laire continue (un cas). Chaque expérience était suivie de parésie et

d'ataxie, pendant une heure ou deux à peu près; la parésie finit

par subsister chez deux de ces animaux. On put constater nette-

ment également chez deux patients un état de stupidité consécutif

à l'agitation de la période d'hyperexcitabilité et d'hyperesthésie. En

résumé le début de l'intoxication se traduit par des phénomènes

d'excitation ; plus tard apparaissent des phénomènes de déficit.

L'autopsie ne révèle pas de lésions splanchniques ni musculaires,

pas de névrite. Quelque congestion et quelque ramollissement au

414 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

cerveau et à la moelle. Les cellules sont dégénérées. Les cellules des

ganglions spinaux présentent en effet une dilatation de l'espace pé-

ricellulaire, des échancrures et dentelures du noyau, par chroma-

tolyse du protoplasma qui se vacuolise autour du noyau. Celui-ci

se recroqueville ou la membrane du noyau se détache, ce qui peut

arriver au nucléole également. De sorte qu'à un moment donné,

toute la cellule s'émiette et se fond en un espace presque vide. Les

mêmes altérations existent dans les cellules des ganglions du grand

sympathique. En ce qui concerne les cornes antérieures, la chroma-

tolyse commence par les prolongements protoplasmiques des den-

drites des cellules qu'elle brise, ou bien elle monte dans la cellule

même. Finalement tous les prolongements sont détachés et des

restes rares et épais de protoplasma dégénéré, dans l'espace de la

cellule dilatée, marquent la place occupée autrefois par une cel-

lule bien développée. Fréquemment les arborescences terminales

c3lindraiiles qui entourent le corps de la cellule se détachent.

En même temps, les vaisseaux sont remplis et tendus, même les

plus petites anses capillaires péricellulaires.

Ces descriptions s'appliquent encore aux cellules de la protubé-

rance, du bulbe, du tronc, des hémisphères, des cornes posté-

rieures, ces dernières étant les moins affectées. Ce ne sont pas des

altérations post-morlem, car une seule et même espèce de cellules

présente des degrés variés de dégénérescence. Ces dégénérescences

se voient dans toutes les parties du cerveau, mais surtout dans

celles des couches corticales externes d'animaux morts-de bonne

heure, ou moins fortement intoxiqués. Ces différences disparais-

sent chez les animaux fortement et depuis longtemps empoisonnés.

Mêmes réflexions en ce qui concerne les cellules cérébelleuses

géantes de Purkinje.

Pathogénie. - Les troubles de la sensibilité sont donc d'origine

centrale, de là leur diffusion. Aux cellules des cornes antérieures,

il faut rattacher l'hyperexcitabilité, puis, 1 hypoexcilabilité élec-

trique, la réaction de fatigue, les parésies. Aux cellules du cerveau,

l'excitation, puis, la stupeur des animaux; on rapprochera de cette

constatation les psychoses polymorphes de l'intoxication chez

l'homme, explicables par les dégénérescences cellulaires des di-

verses couches corticales, dont les lésions permettent de déchiffrer

l'incurabilité. En cas d'intoxication faible, prédominance des phéno-

mènes d'excitation, réparation possible des lésions légères, à la

condition que le malade ne s'expose plus au sulfure de carbone.

P. K.

XXIII. Le faisceau optique médian du pigeon; par A. WALLEXBERG.

(Neurolog. Ceutoalbl., XVII, 1898.)

Dans la bandelette optique de l'oiseau, on distingue un groupe

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 415

de fibres médianes, que l'on peut suivre jusqu'à l'extrémité infé-

rieure du cerveau moyen, où il disparaît dans un gros amas, bien

limité, de cellules placées sur le côté du noyau du pathétique, que

l'on appelle ganglion de l'isthme (Edinger), ganglien optique pos-

térieur (Jelgersma).

Mais, la preuve de l'origine des fibres de ce faisceau dans le gan-

glion de l'isthme ? En détruisant le ganglion seul ou avec d'autres

organes tels que le cervelet, le pathétique, les parties supérieures

de l'isthme, on en obtient la dégénérescence. La méthode chromo-

osmique de Marchi permet de confirmer ce que l'on sait de sa si-

tuation à diverses hauteurs du cerveau moyen et du cerveau inter-

'médiaire. Par le ganglion de l'isthme, il fournit, à travers le cer-

veau moyen et la couche optique, des libres à l'écorce du lobe

optique, à la partie supérieure du corps genouillé thalamique,

ainsi qu'à un étroit noyau de cellules assez grosses qui s'intercale

entre le noyau rond thalamique et le pôle antérieur du corps ge-

nouillé externe. En arrière du chiasma, il se décompose en une

quantité de groupes étroits de fibres d'inégale épaisseur; sa masse

principale s'avance près de la limite postérieure du chiasma de

l'autre côté, tandis qu'une petite partie de ses fibres décrit, sur le

côté, un arc de conversion accentué pour se rendre à l'angle homo-

nyme. Malgré cela, ce dernier trousseau semble s'entrecroiser, car

on n'en trouve pas de fibres dans le nerf optique du même côté,

qui puissent être certainement tenues pour dégénérées. Du chiasma,

le faisceau optique médian gagne d'abord le bord externe du nerf

optique du côlé opposé ; puis, il oblique de haut en bas et de de-

hors en dedans sous la forme d'une couche grêle qui reste cepen-

dant à égale distance de la face supérieure et de la face inférieure

du nerf sans s'éloigner de la périphérie externe. L'examen d'une

coupe du nerf optique, bien perpendiculaire à l'axe, montre que

le faisceau en question est bien un groupe médian à faible excen-

tricité.

L'entrée du nerf optique dans le globe de l'oeil a lieu sous la

forme d'une étroite tige oblique, toujours dirigée de haut en bas

et de dehors en dedans qui appartient presque exclusivement au

segment de sphère interne, inférieur et postérieur de l'oeil. L'angle

que forme la papille avec la perpendiculaire est d'un peu plus de

30°. La tige de la papille et l'éventail qu'elle forme en faisant sail-

lie à l'intérieur du globe de l'oeil, décomposent celui-ci en deux

compartiments; un compartiment antérieur, interne, supérieur et

un compartiment postérieur, externe, inférieur. Or, le faisceau

optique médian se répand presque complètement dans le compar-

timent externe et postérieur, en pénétrant, avec les autres fibres

optiques, dans la rétine où il se termine entre les cellules de la

couche ganglionnaire. Quelques fibres isolées semblent pénétrer

par la couche moléculaire interne jusqu'au voisinage de la couche

41G REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

granuleuse interne. Chaque cellule est embrassée par les branches

terminales, comme par les branches d'une pince. Le territoire in-

nervé par le faisceau optique médian commence donc bien en dehors

de la papille et va jusqu'au voisinage de la macula, où cesse la couche

des fibres nerveuses. En dedans de la papille, on ne constate que

quelques dégénérescences éparses.

Le faisceau optique médian vient donc de l'isthme et se termine

dans la rétine autour des cellules de la couche ganglionnaire. Dans

ce trajet, il fournit aux postes de terminaison centrale du nerf op-

tique (lobe optique, corps genouillé thalamique, noyau à grosses

cellules).

D'autre part, l'écorce du lobe optique contient une couche de

cellules profondes qui fournissent des fibres de la substance

blanche profonde ; ces fibres forment quelques rameaux se ras-

semblant en bas et au milieu en un faisceau compact qui, en avant

de l'angle externe de la substance grise des cavités centrales de

l'isthme, s'incorpore au faisceau longitudinal latéral, et se dirige

en bas ; parvenu à la hauteur du noyau du pathétique, il oblique

en arrière et sur la ligne médiane vers le hile antérieur du gan-

glion de l'isthme autour des cellules duquel il se répand. C'est le

tractus isthinotectal. Les fibres originelles de ce faisceau dans la

substance blanche profonde du lobe optique ne reçoivent pas seu-

lement les fibres terminales du nerf optique, elles reçoivent encore

des fibres centrales des noyaux terminaux sensitifs et moteurs.

Le ganglion de l'isthme devient ainsi le centre d'un arc réflexe

dont la branche afférente (tractus isthmotectal) transmet les im-

pressions optiques, acoustiques et sensitives d'autres centres aux

cellules de ce ganglion; celles-ci les renvoient aux fibres du fais-

ceau optique médian qui représentent la branche efférente centri-

fuge de l'arc. Le faisceau optique médian se terminant dans la rétine

et dans les régions centrales du nerf optique, vient apporter et

coordonner les diverses impressions, dans le voisinage de la zone

dé la vision directe ; il renforce ou affaiblit, suivant les besoins, la

réceptivité de l'organe de la vue en certains points. C'est un appa-

1'cil d'accommodation de la rétine. P. KERAVAL.

XXIV. Le bulbe rachidien; parle professeur Mignault. (Union mé-

dicale du Canada, n° 5, 1899.) '

Début d'une série de conférences ayant pour but d'exposer l'ana-

tomie et la physiologie du bulbe, d'après les dernières données

histologiques.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

XVII. Un cas de méralgie paresthésique traité par la résection du

nerf fémoro-cutané ; par le D1' Souques.

Il s'agit d'une jeune fille de vingt et un ans, très bien portante,

d'aspect vigoureux, chez qui revenaient quotidiennement les trou-

bles suivants à l'occasion de la marche et surtout de la station

debout : c'est d'abord une sorte de frémissement douloureux qui

part de la région rétro-trochantérienne pour se propager en ligne

droite vers le triangle de Scarpa. Bientôt cette sensation pénible se

transforme en une véritable brûlure qui dépasse la zone précé-

dente en haut et en bas, allant de l'arcade de Fallope à la partie

moyenne de la cuisse ; cette sensation de brûlure s'accompagne de

douleurs térébrantes extrêmement vives. Chaque paroxysme dure

de dix à quinze minutes, rend toute marche impossible, oblige la

malade à s'asseoir ou à se coucher. La station assise calme et le

décubitus supprime la douleur, qui reparait dès que la malade se

remet debout, de telle sorte que les accès s'imbriquent et que la

douleur devient permanente.

En dehors des paroxysmes, il existe au niveau de la région

atteinle, une paresthésie persistante, même durant la nuit. Cette

situation intolérable a résisté aux méthodes thérapeutiques habi-

tuelles.

Pour expliquer la pathogénie de la méralgie, Roth admet une

compression du nerf fémoro-cutané. On peut supposer que la com-

pression s'exerce, dans quelques cas tout au'moins, soit au niveau

de l'arcade crurale. soit au niveau du canal du fascia lata. Dans ces

conjectures, la résection du nerf à ce niveau semble rationnelle.

Faite dans le cas présent par le D1' Mauclaire, elle a amené une

amélioration notable. (Revue neurologique, juillet 1899.) E. B.

XVIII. Traitement hydrique de l'aliéné ; par le De FOSTER.

L'hydrothérapie devrait être introduite dans les principales écoles

de médecine comme une branche régulière des études ; son impor-

tance thérapeutique est, en effet, telle qu'elle devrait être utilisée

aussi largement que possible par tous les praticiens en général et

non pas rester exclusivement dans les mains du spécialiste.

En ce qui concerne les aliénés, il n'y a pas de meilleur moyen

connu d'agir sur les modifications nutritives intracellulaires pré-

Archives, 21 série, t. VIII. 27

418 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

coces de la folie, que celle-ci soit le fait d'un effort fonctionnel, du

surmenage ou d'une influence toxique.

Sur 84 malades que l'auteur a traités par l'hydrothérapie, dans

l'année, 20 étaient atteints depuis moins d'un an ; de ceux-ci, 7 ont

guéri, 3 sont très améliorés et 4 améliorés notablement; parmi les

7 guéris il y avait 3 cas de manie aigué, 2 cas de confusion men-

tale, un cas de mélancolie aiguë et un cas de morphinisme. Sur

33 aliénés divers traités par l'hydrothérapie il n'en est pas un qui

n'en ait obtenu de bons effets.

L'auteur insiste sur l'épilepsie et la paralysie générale.

Il est à remarquer, pour l'épilepsie, que l'amélioration est moins

marquée dans les deux ou trois premiers mois que plus tard , il

faut être prévenu de cette particularité sous peine de considérer

comme nuls les effets de l'hydrothérapie qui sont cependant très

appréciables comme l'indique le tableau des Il cas cités dans le

travail. Quant à la paralysie générale, il n'existe pas de meilleur

témoignage de l'efficacité du traitement hydrique sur le cerveau

que dans cette affection. Sur 21 cas traités par l'hydrothérapie,

6 étaient, au bout de l'année, en rémission complète. (The American

Journal o/' ittscmily, avril 1879 '.) E. B.

XIX. Bains froids dans le delirium tremens; par M. M. Letulle.

(Presse médicale, 8 juillet 1899.)

M. Letulle rapporte l'observation d'un malade atteint de delirium

tremens, qu'il a traité avec succès par la balnéation froide. Ce mode

de traitement, qu'il a appliqué antérieurement dans deux autres

cas, ne lui a donné que des résultats favorables. Aussi estime-t-il

qne, de toutes les méthodes employées contre cet accident suraigu

de l'alcoolisme, la méthode de Brand est la plus sûre et la plus

efficace. A tout delirium tremens, dit-il, il donnerait sans hésiter,

et cela en toute sécurité, et il réitérerait des bains froids à 18°, dix

à quinze minutes durant, toutes les deux ou trois heures, suivant

la gravité du cas, jusqu'à cessalion complète et définitive du délire

et de l'hyperthermie. En agissant ainsi, il supprimerait « la bar-

bare camisole de force, ce moyen homicide par excellence ». A. F.

XX. Syndrome goitre exophtalmique survenu chez un goitreux. ,

Guérison par l'électricité ; par MM. VESLIN et Leroy. (Presse

médicale, 14 juin 1899.)

Les auteurs rapportent l'observation d'un homme de trente-

sept ans, fils et frère de névropathes, très impressionnable lui-

' Depuis vingt ans, nous employons dans le service des enfants de

l31cêire, les bains, les douches et les bromures, les purgatifs, d'une

façon méthodique, et nous y insistons dans chacun de nos Comptes

rendus. il.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 419

même et alcoolique, chez qui l'usage de la bicyclette amena

en 1894 la production d'un goitre. A la suite de courses longues

et rapides, se manifestèrent subitement, en août 1897, un en-

semble de signes réalisant bien nettement le syndrome du goitre

exophtalmique : douleur précordiale, palpitations, tachycardie,

éblouissements et sensation de congestion céphalique, augmenta-

lion brusque de volume du goitre, tremblement des doigts et

même du membre supérieur en entier, vitiligo, irritabilité et

surexcitation nerveuse, etc. A aucun moment, il n'y eut d'ophtal-

mie. Le diagnostic du syndrome goitre exophtalmique fut con-

firmé par la constatation d'une diminution considérable de la

résistance électrique. Le traitement institué fut le suivant : Sup-

pression des boissons alcooliques, de la bicyclette et de toute

fatigue; douches froides; deux électrisations par semaine, faites

de la manière suivante : une large électrode étant fixée sur la

nuque du malade, la petite ampoule était promenée sur la région

carotidienne et sur le goitre dans son ensemble. Les résultats du

traitement furent d'abord négatifs et on dut augmenter le nombre

des électrisations et remplacer les douches froides par des douches

tièdes quotidiennes. Au bout de deux mois et demi environ, une

amélioration notable se produisit. Mais une émotion violente

(frayeur) amena instantanément une rechute. Le traitement dut

être repris; sous son influence, les symptômes du goitre exophtal-

mique ne tardèrent pas à rétrocéder, le goitre diminua, les palpi-

tations disparurent, le sommeil redevint normal; le pouls tomba

à 100 pulsations. Un léger tremblement et des taches de vitiligo

persistèrent. Huit mois plus tard, l'état du malade continuait à

être très satisfaisant, mais le goitre subsistait toujours. A. F.

XXI. Des injections sous-arachnoïdiennes; par M. A. Slcalsn.

(Presse médicale, 17 mai 1899.)

Il est cliniquement établi que l'on peut introduire dans le

liquide céphalo-rachidien de l'homme, par la voie lombaire, des

sérums ou des substances salines, en quantités relativement assez

grandes, sans amener de réaction méningée vive et surtout persis-

tante. La diffusion, à travers toute la masse du liquide céphalo-

rachidien , des substances injectées en petite quantité dans la

cavité sous-arachnoïdienne lombaire et surtout cérébrale, s'opère

lentement ; en règle générale, le maintien de la substance active

au niveau des centres et des racines médullaires lombaires et son

échappée vers les centres nerveux supérieurs, restent subordonné

à sa nature, à sa densité, au taux de la dilution, à la quantité et

à la rapidité de l'injection. Au point de vue thérapeutique, la voie

sous-arachnoïdienne permet l'action directe et locale plus ou moins

persistante d'un agent médicamenteux sur les centre nerveux sous-

420 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

jacents; elle favorise, dans certaines conditions, la dissémination

de cet agent actif à travers tout l'axe nerveux cérébro-spinal.

Mais la valeur de cette méthode thérapeutique n'est pas encore

définitivement fixée et la plus grande prudence s'impose, du moins

pour le moment, dans son application. A. FENAYllOU.

y

XXII. De la méthode de traitement de l'épilepsie de Flechsig; par

LCUROEDER. (Centralbl. f. Nervenheilk., XXI, N. F., IX, 1898.)

Etude à l'aide de 24 observations. On commence à administrer

0,10 d'opium brut par jour en augmentant fous les six jours de

0,10 jusqu'à 0,80. On donne alors 0,80 pendant 10 jours. Tout à

coup on suspend l'opium et on donne d'emblée 10 grammes de

bromure (mélange d'Erlenmeyer). Chaque malade a pris ainsi en

quarante-cinq jours 22 grammes d'opium pur. Jusqu'à la dose de

0,40 on administre l'opium en deux fois, de 0,50 à 0,80 on l'ad-

ministre en trois fois ; à partir de 0,70 on couche le malade, on

l'alite aussi quand on passe de l'opium au bromure. On a soin de

bien alimenter, de donner des lavements préventifs et de bien sur-

veiller. Telle est la perturbation apportée dans l'économie que les

malades perdent considérablement de poids. On a dit que la capa-

cité de résorption de l'intestin était modifiée par l'opium et que,

grâce à cela, les doses de bromures étaient ainsi plus efficaces.

En tout cas, six semaines après la suspension de l'opium, sous

l'influence de la médication bromurée seule, le poids du corps

croit sans exception.

De l'étude des accès et de leur nombre, M. Schroeder formule

que les observations des divers observateurs ne sont pas compa-

rables entre elles, que les siennes sont également insuffisantes

pour qu'on puisse proposer ne varielur une méthode si énergique

et espérer un succès définitif. Elle parait cependant indiquée chez

les individus jeunes n'étant épileptiques que depuis peu. En tout

cas elle est exclusivement propre à des hôpitaux ou à des asiles,

car elle est dangereuse. P. KERAVAL.

XXIII. Contribution au traitement de la myotonie; par W. DE B'ECII-

TEREW. (Neurolop. Cenll'albl., XVI, 1898.)

Heureux effets de la gymnastique médicale et du massage dans

le traitement de cette maladie chez un médecin de quarante-six

ans en même temps goutteux. Sous l'influence de ces pratiques,

les mouvements involontaires disparurent presque complètement

et la santé s'est améliorée. Naturellement l'eau de Vichy et les

bains sont venus à la rescousse.

Mais la myotomie ne serait-elle pas l'effet d'un trouble dans la

nutrition du muscle puisqu'on trouve chez ces malades, même non

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 421

podagres, des altérations de l'urine et que leurs muscles révèlent

une hypertrophie des fibres musculaires devenu spisoïdes, ayant

perdu leurs stries transversales, ainsi qu'une multiplication des

noyaux du sarcolemme. Le massage et l'exercice, si salutaires

dans l'espèce, augmenteraient les échanges nutritifs du muscle,

le débarrasseraient de ses poisons et par suite de cette tension qui

le contracture. P. KERAVAL.

XXIV. Abus d'éther dans la Prusse Orientale; par Sommer.

(Neurolog. Centralbl., XVIII, 1899.)

Les classes pauvres de cette partie de la Prusse et de la Russie

contiguë, surtout les Lithuaniens, remplacent l'alcool par l'éther.

Depuis longtemps la liqueur d'Hoffmann est la grande panacée

de la région, mais c'est depuis 1887, époque à laquelle on a élevé

le prix de l'eau-de-vie, que la consommation en a considérable-

ment accru. L'alcool qui sert à la fabrication de l'éther étant

exempt d'impôt, l'éther sulfurique coûte meilleur marché que l'al-

cool. Dans le cercle deMemel, le litre d'eau-de-vie vaut 1 mark 30,

celui d'éther 1 mark (1 fr. 25) et il provoque, avec une sensation

de chaleur plus rapide, une ivresse plus agréable. On y a con-

sommé, tant en ville qu'à la campagne, officiellement, 8620 litres

d'éther en 1897. Dans le cercle d'Heydekrug, le détail au petit

verre en est quadruple au moins de celui de l'eau-de-vie à laquelle

l'éther est d'ordinaire mêlé dans la proportion de 1 à 2 ou 1 à 3 ;

on consomme aussi de l'éther pur dont on pourrait boire jusqu'à

25 centil. en une fois. Quand on parcourt le marché hebdoma-

daire de Memel on sent l'haleine éthérée des marchands et l'on

constate, en ville et ailleurs, la présence d'un bien plus grand

nombre d'ivrognes éthérés qu'autrefois. L'éther semble causer la ^

cirrhose hépatique et rénale, l'athéromasie, la dégénérescence

graisseuse du coeur et d'autres viscères. Les propagandes en

faveur de l'abstinence sont demeurées infructueuses. L'Etat a pour

devoir de classer l'éther parmi les produits pharmaceutiques pro-

hibés sans ordonnance médicale, et d'en augmenter l'impôt. -

P. KERAVAL.

XXV. Tabes et paralysie générale dans leurs rapports avec la

syphilis; proposition thérapeutique; par ADL>;R (Cenhoalbl. f.

Neroezheilk., XXI, N. F. IX, 1898).

Il existe un grand nombre d'altérations morbides produites par

la syphilis qui ont pour caractère la sclérose. La syphilis produit

ainsi la cirrhose de l'appareil respiratoire, l'artériosclérose, la

myocardite interstitielle, la cirrhose du foie, des reins et du testi-

cule, l'atrophie du nerf auditif et'surtout du nerf optique, le tabes

422 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

et la paralysie générale. Strumpell désigne le tabes et la paralysie

générale sous le nom d'affections, para, méta ou post-syphili-

tiques, qui sont à la syphilis ce que les[maladies nerveuses épiphé-

noménales sont aux maladies infectieuses aiguës, exemples : les

paralysies et ataxies post-diphtéritiques qui succèdent aux diph-

téries pharyngées préalables. Mais la plupart des affections tabé-

tiques progressent continuellement, il est cependant possible de

s'expliquer cette marche progressive quand on range le tabes et la

paralysie générale sur le même rang que les manifestations secon-

daires ou tertiaires de la syphilis. Pourquoi donc alors le mercure

donne-t-il de si piteux résultats ? Nous savons que les accidents

tertiaires ne cèdent pas aussi promptement au mercure que les

accidents secondaires, et qu'il nous faut, pour eux, associer l'iodure

de potassium au mercure. C'est pourquoi, pour combattre ces

lésions scléreuses d'origine syphilitique du tabes et de la paralysie

générale, on doit au mercure associer le protargol qui est une

combinaison chimique de l'argent à une matière proteique. Il est

bien supporté à la dose de 1 à 3 grammes par jour (Neisser) ; on

commencera par 0,30, trois fois par jour, en pilules, poudre ou

solution et l'on arrivera graduellement à 3 grammes. P. K.

XXVI. Contribution à l'étude des phénomènes paralytiques dans

les inoculations pasteuriennes; par L. 0. D.anscucwnrscu.(Vetv-

rolog. Centralbl., XVII, 1998.)

1° D'abord, le développement d'accidents survenus chez les

malades, doit-il être attribué aux inoculations qui ont été prati-

quées contre les morsures rabiques ? .

Il n'y avait pas d'auti-es causes d'accidents paralytiques en

dehors des inoculations en question. La première observation est

topique. 11 s'agit d'un individu en parfaite santé jusqu'aux inocu-

lations, dans le passé le plus immédiat duquel on ne trouvait

rien qui put expliquer les accidents paralytiques; point d'excès

alcooliques , point de syphilis. Une seconde observation

est celle de diplégie faciale ; on ne lui trouve aucune cause ; ni

syphilis, ni affection auriculaire ; point de signe de lésion des

méninges à la base, de lésion de la protubérance. Et d'ailleurs ce

n'était pas la marche d'une de ces diplégies-là. On ne peut songer

à des excès d'alcool : ni à l'époque du développement de la diplé-

gie, ni à la suite de la disparition de la paralysie faciale, on ne

constata de lésions d'autres nerfs périphériques. Et la diplégie

à frigorie ? c'est une maladie très,rare à Kasan ; depuis cinq ans,

l'auteur n'a pas vu un seul cas de diplégie faciale rattachable à

une polynévrite primitive et isolée. Les inoculations antirabiques

sont très probablement en rapport avec le développement, en

l'espèce, de la diplégie faciale.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. a'3

Dans les deux observations en question, il y avait polynévrite,

donc les accidents polynévritiques, consécutifs aux inoculations

antirabiques, peuvent être tout aussi bien produits par une myé-

lite que par une lésion du système nerveux périphérique.

2° Les accidents paralytiques consécutifs aux inoculations sont-

ils bien dus à l'inoculation ? Ne pourraient-ils résulter de l'intoxi-

cation rabique elle-même ?

Les inoculations peuvent en être la cause unique, car, dans la

seconde observation, le chien n'était pas notoirement enragé ; on

n'avait inoculé que par mesure prophylactique. Mais il est impos-

sible de comprendre la raison pour laquelle les inoculations

entraînent des paralysies puisque le malade fut inoculé en même

temps que deux de ses parents, et que seul il fut paralysé.

Dans les deux cas, les accidents paralytiques suivirent très rapi-

dement les inoculations. Ils apparurent chez le premier malade

cinq jours après la fin des vaccinations, huit jours après chez le

second malade. Dans les deux cas, en revanche, la paralysie fut

légère et le processus polynévritique, qui ne se propagea pas par-

tout, ne fut pas très marqué. P. Keraval.

XXVII. De l'importance des médicaments cardiaques dans le trai-

tement de l'épilepsie; parW. DE BECIITEREW. (Neurolog. Cent1'alb.,

XVII, 1898.)

L'auteur aurait guéri des épileptiques invétérés, jusqu'alors incu-

rables, par l'association de l'adonis vemalis aux bromures. Il donne

une observation qui concerne un homme de vingt-quatre ans pour

lequel on réclamait la trépanation. Au commencement de novem-

bre de 1892, de hautes doses de bromure demeurant sans résultat,

il ordonne :

424 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

ture de rhubarbe, des pilules de rhubarbe, ou un peu d'aloès. La

codéine est encore indiquée quand les attaques sont accompagnées

d'une extrême irritabilité sous forme d'excitation ou de dépres-

sion. Un bon succédané du mélange formulé plus haut est :

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. - 425

L'auteur en rapporte trois cas :

Dans le premier cas, tabes dorsal au stage paralytique, il y

avait évidence clinique d'un excès de liquide cérébro-spinal. Après

la ponction, au lieu d'une paralysie complète, il n'y a plus qu'une

ataxie modérée et les symptômes physiques s'améliorent.

Dans le second cas, tabes dorsal au stage ataxique, il n'y avait

pas d'évidence d'augmentation de la tension intra-durale, le diag-

nostic était rendu douteux par des fractures multiples et l'état

mental du malade. Aucune amélioration de l'ataxie.

Dans le troisième cas, tabes dorsal à la période pré-ataxique,

la ponction fut purement expérimentale et les effets consécutifs

tout à fait négatifs, les analyses bactériologiques et chimiques

furent négatives dans tous les cas.

De nouvelles expériences sont encore nécessaires pour détermi-

ner la valeur réelle de cette méthode. (The American journal o/'

insanity, avril 1899.) E. 13L1N.

XXX. Traitement médical de l'épilepsie; par le Dol HUGms.

Le traitement de l'épilepsie ne consiste pas seulement à empê-

cher le retour des crises mais encore à porter remède aux causes

et conditions qui amènent ces crises.

Il est probable que l'auto-intoxication joue un grand rôle dans

la production du paroxysme épileptique : la réputation que le

nitrate d'argent s'était acquise dans le traitement de l'épilepsie

tenait à la propriété qu'il possède de détruire les toxines intesti-

nales. -

Le traitement rationnel de l'épilepsie consiste à soigner le ma-

lade tout entier au moyen de tous les agents, de toutes les condi-

tions, mentales ou physiques, qui relèveront son tonus nerveux,

amélioreront sa stabilité nerveuse surtout dans les couches psy-

chomotrices du cerveau, et favoriseront son bien-être général.

Si les symptômes du grand mal sont relativement simples, son

étiologie est souvent un problème complexe : les états goutteux,

arthritiques, névropathiques, syphilitiques, paludéens, etc., doi-

vent être présents à l'esprit lorsqu'on étudie l'épilepsie et les

maladies épileptoïdes.

Emploi alternatif des bromures combinés et d'un seul bromure,

désinfection du tube digestif, digestion parfaite de son contenu,

retour de l'organisme dans les voies physiologiques de son action

partout où il en est sorti ; telle est la base scientifique et clinique

du traitement.

Tout le succès du traitement consiste dans le ménagement

rationnel de la convulsion, tandis que c'est une faute de recher-

cher uniquement la disparition des crises, car l'épilepsie aussi

.des aspects alternativement vertigineux, somnambuliques, psy-

426 6 BIBLIOGRAPHIE.

chiques et impulsifs, toute une cérébropathie, une neuropatho-

logie secondaires qui englobent souvent plus que le cerveau dans

la maladie. (Tlee alienist and neurologist, janvier 1899.) E. B.

XXXI. Un cas de tic traité par suggestion; par M. le D'' Félon.

(Journ. de Neurologie, 1899, nu ! 13.)

Il s'agit d'un tic du bras droit, du sterno-cléido-mastoïdien, du

trapèze et du deltoïde empêchant tout travail et qui fut traité par

la suggestion indirecte (iodure, pointes de feu) et par une sorte de

rééducation de la volonté et du pouvoir inhibiteur au moyen de

mouvements lents des membres supérieurs. L'amélioration a été

assez considérable pour permettre au malade de reprendre ses

occupations. E. B.

BIBLIOGRAPHIE.

XI. Archives d'anthropologie criminelle, de psychologie normale et

pathologique . A. LACASSAGNE et G. Tarde, directeurs; années 1898

et 1899. Éditeurs : Storck à Lyon; Masson et Cie à Paris.

1° Le tatouage médical en Egypte dans l'antiquité et à l'époque

actuelle; par le D1' FOUQUET. Le Dr Fouquet ayant enlevé les

bandelettes d'une momie de jeune Égyptienne de la Xdynastie,

observa sur le ventre des cicatrices linéaires saillantes, résultats de

scarifications, se détachant sur le fond bistré de la peau, les unes

en bleu, les autres en blanc. Il veut voir dans ce tatouage, une

pratique médicale, un mode de traitement. Nous savons, par des

statuettes découvertes par M. de Morgan dans des tombeaux pré-

pharaoniques, que les plus anciens Égyptiens connus, du moins

certains d'entre eux, connaissaient le tatouage ornemental. De

sorte que je ne vois pas pourquoi le tatouage qui couvre tout le

ventre de la momie dépouillée par M. Fouquet, ne serait pas pure-

ment ornemental comme les tatouages observés de nos jours sur

les mêmes parties du corps, chez des sauvages. Cependant M. Fou-

quet s'est assuré que de nos jours, en Egypte, diverses affections

sont traitées par de petits tatouages exécutés sur les parties ou au

voisinage des parties malades. Des femmes de petites tribus no-

mades, comparables à nos tziganes par leur misérable façon de

vivre, parcourent les rues en criant : yacloGl oua nitaleer : - Nous

tatouons et nous circoncisons. - Ceux qui se livrent à elles n'ont

BIBLIOGRAPHIE. 427 Î

pour but que de se faire imprimer sur le corps des motifs orne-

mentaux. Ce sont en général des musulmans. Chez les Coptes au

contraire, les tatouages exécutés par eux-mêmes ont un but thé-

rapeutique. Et c'est pour ce motif, sans doute, les Coptes passant

pour descendre des anciens Egyptiens, que 11. Fouquet les regarde

comme de tradition fort ancienne. Les opérateurs se servent de

plusieurs aiguilles, toujours en nombre impair, de trois à sept,

unies ensemble, « comme les tuyaux de la flûte de pan ». En sufi.

vant les lignes d'une esquisse tracée avec une pointe de bois trem-

pée dans un mélange de noir de fumée et de lait de femme, ils les

enfoncent obliquement dans la peau, en y faisant pénétrer ce

même mélange. Sur 97 observations relevées par M. Fouquet, les

tatouages médicaux avaient été faits 60 fois sur les tempes, 24 sur

les reins, 4 sur les pieds, 5 sur le tronc, 1 sur la nuque, etc.

Les maladies qu'ils avaient eu pour but de guérir étaient la mi-

graine et les névralgies, daus 60 cas; les lésions des os et des join-

tures dans 29 cas; des maladies d'estomac dans 4 cas; des mala-

dies de la peau dans 4 cas ; des tumeurs dans 2 cas.

2° Problèmes de criminalité ; par G. Tarde. - M. Tarde se de-

mande d'abord s'il y a une loi des transformations de la notion du

délit ? Il ne croit pas du tout à l'évolution unilinéaire des sociétés

progressistes, pas plus qu'à l'immutabilité absolue des sociétés non

progressistes. Il n'y a pas dans la vie des groupes sociaux, un

enchaînement de phases unique réglé une fois pour toutes par une

formule d'évolution. Cependant chez les Ossèthes du Caucase, par

exemple, des institutions primitives se sont admirablement con-

servées. Et d'après l'ouvrage de Kovalevski sur lequel j'ai moi-

même le premier appelé l'attention (Bullet. Soc. anthrop., 1896,

p. 101), M. Tarde pense que chez eux et chez toutes les nations

anciennes à l'état de clan, le crime était conçu non comme un

acte individuel, mais comme un fait collectif imputable à toute une

famille, ou toute une tribu, - non pas comme la violation volon-

taire d'un droit, mais comme un simple préjudice matériel.

L'impression que m'a laissée la lecture de l'étude de Kovalevski

est que chez les Ossèthes, n'étaient criminels que les actes suscep-

tibles de provoquer la vengeance de quelqu'un. Le premier souci

dans chaque famille était de s'assurer un héritier mâle, non pas

seulement pour le culte des ancêtres, mais pour avoir en lui un

vengeur. A l'égard de familles sans vengeur, les actes d'autres

familles n'entraînant aucune responsabilité effective, étaient mo-

ralement indifférents. La vengeance m'apparaissait donc comme la

base même de la notion de criminalité. La loi du talion a d'ailleurs

incontestablement un caractère universel.

M. Tarde cependant voit dans cette notion de criminalité basée

sur la vengeance et entraînant la responsabilité purement maté-

rielle, objective, d'une collectivité, famille ou clan, un résultat de

428 BIBLIOGRAPHIE.

l'état de guerre qui existait en permanence entre les clans fami-

liaux, les tribus. Et pour lui, sous le régime familial, les seuls

crimes, « dignes de porter ce nom », sont ceux commis dans le sein

même de la famille, entre parents. Ceux-là restent non vengés.

Ils ne comportent pas de réparation matérielle. Mais à eux s'atta-

che une réprobation morale tellement vive parfois, que leurs

auteurs sont obligés de s'exiler. « Toujours et partout, dit M. Tarde,

même dans notre Europe et de nos jours, il existe une conception

collective et tout objective du crime et une pénalité toute vindica-

tive qui lui correspond : dans les rapports des armées belligé-

rantes ou même des partis qui se disputent le pouvoir, la faute,

volontaire ou non, d'un seul, rejaillit sur tout son groupe et pro-

voque des représailles militaires ou politiques. Les relations d'ar-

mée à armée, de parti à parti, se sont substituées de la sorte à

celles de famille à famille, de clan à clan, qu'elles reproduisent en

les amplifiant. Mais en même temps, toujours et partout, même

dans les époques et les pays les plus sauvages, il existe une con-

ception individuelle et subjective du crime, à laquelle répond une

pénalité spirituelle,. bien plutôt épuratrice, parfois réparatrice et

pénitentiaire, que vindicative; celle-ci est née dans l'enceinte mu-

rée de la forteresse domestique »

Les transformations de la notion du crime ne seraient donc

guère plus qu'une apparence due à l'agrandissement successif du

cercle social qui, après n'avoir embrassé que des clans familiaux,

embrassent des nations de millions d'hommes.

On peut être séduit par la clarté et la simplicité de ces vues

quand on voit, en effet, les rapports entre nations civilisées comme

groupes séparés, rester si absolument au-dessous du niveau

moral atteint au sein de chacune d'elles. Mais elles auraient besoin

d'une démonstration ethnographique. Il y a bien des choses dans

la notion de crime et il y a eu des choses bien différentes :

M. Tarde se demande encore « s'il y a une formule générale, des

transformations subies, non plus par la notion même du crime, mais

par la nature des actes auxquels cette notion a été successivement

attribuée ». Par ce côté le problème des transformations de la cri-

minalité se saisit plus aisément. Nous savons bien en effet que des

actes, naguère envisagés comme les pires des crimes et châtiés

atrocement, sont devenus tout à fait indifférents. 'Et nous pré-

voyons qu'il en sera de même dans l'avenir de bien des actes au-

jourd'hui encore réprimés. Il est bien évident qu'une masse de

délits dépend de l'état de civilisation et des moyens de les com-

mettre. Mais M. Tarde admet une tendance générale commune

dans ces changements, « un ordre constant et irréversible malgré

sa multiformité ». Il ne peut pas nous dire si les crimes ont aug-

menté ou diminué graduellement. Et j'approuve fort sa réserve.

Les conditions climatériques et économiques ont une telle in-

BIBLIOGRAPHIE. 429 9

fluence sur la criminalité qu'elles peuvent réduire à rien celle des

changements dans l'état de civilisation. La criminalité est comme

nulle chez les peuples des régions arctiques. Et chez nous-mêmes

dans certains de nos départements agricoles, elle reste très faible,

alors qu'elle croit sous nos yeux en intensité et en quantité dans

nos grands centres urbains.

Mais au point de vue de la qualité il y a eu une modification

générale dans la criminalité, en rapport avec le développement de

notre civilisation industrielle. « A mesure qu'un peuple s'urbanise

et s'industrialise, dit exactement M. Tarde, sa criminalité devient

proportionnellement moins vindicative et moins violente, mais

plus cupide, plus astucieuse, plus voluptueuse. »

(A suivre.) ZABOROWSKI.

XII. Lettre à 31. Ch. Dupuy sur la création de classes spéciales pour

les enfants arriérés; par BOUItNEVILLG. (Publicat. du Progrès

médical, F. Alcan, éditeur, 1899, un brochure in-8° de 31 pages.)

En France, les amis des jeunes déshérités de la nature, des idiots,

arriérés de toutes sortes, se préoccupent vivement de l'issue de la

lutte engagée contre l'indifférence des pouvoirs publics, par les

partisans des méthodes médico-pédagogiques. M. Bourneville, qui

a fait plus que personne pour les enfants mentalement débiles,

adresse de temps à autre aux autorités compétentes un appel

pressant, documenté. L'opuscule qui vient de paraître indique

avec précision ce qui a été fait en Prusse et à Bruxelles dans une

voie où les Français « qui eussent pu être initiateurs » ne pourront

désormais être qu'imitateurs.

En Prusse, les enfants arriérés au nombre de 2.017 sont répartis

en 81 classes spéciales, dans 38 établissements créés en diverses

villes. L'éducation physique et technique a une place très impor-

tante dans les programmes, on surveille avec soin les progrès de

la psychose pour parer aussitôt que possible aux méfaits de l'épi-

lepsie. A Bruxelles, près de la moitié du temps de présence en

classe (11 h. 1/2 sur 29 h. 1/4) est consacré à l'éducation physique

et aux travaux manuels; les enfants arriérés classés d'abord selon

leur attitude en passifs et indisciplinés, sont répartis en petits

groupes aussi homogènes que possible et ne sont soumis au

régime commun que dans les deux dernières années de leur édu-

cation. Les résultats obtenus sont déjà probants ; beaucoup d'en-

fants sortent de ces établissements spéciaux capables d'exercer un

mètier.

L'opuscule de M. Bourneville, présenté sous forme de lettre au

ministre de l'intérieur, et comme réponse à une demande de ren-

seignements émanée du Directeur de l'enseignement primaire en

Italie, reproduit in extenso les documents communiqués par

430 NÉCROLOGIE.

M. Bossée, ministre de l'instruction publique en Prusse et par l'

M. Lacroix, directeur de l'École spéciale de Bruxelles. Des tableaux x

synthétisent un grand nombre de renseignements précis. Cette

publication fait souhaiter une fois de pins que des commissions

soient instituées pour étudier les moyens d'organiser en France

des classes spéciales pour les enfants arriérés '. DuraaT.

NÉCROLOGIE.

Le Dr DAUBY.

Nous avons le regret d'annoncer la mort du Dl' DaoBr, ancien

directeur-médecin en chef de l'asile d'aliénés d'Aix-en-Provence,

décédé le 10 août dernier, à l'âge de soixante-six ans.

Edouard Dauby naquit à Saint-Girons (Ariège), le 30 juillet 1833,

et commença ses études médicales à Paris. Il entra dans le service

des aliénés, en qualité d'interne à l'asile d'Auxerre, alors dirigé par

Renaudin. Il s'attacha à ce maître distingué et le suivit successi-

vement à Dijon et à Marseille. S'inspirant de ses idées en méde-

cine mentale, il écrivit sa thèse de doctorat intitulée : Quelques

considéi citions sur la menstruation dans ses rapports avec la folie;

elle fut présentée et soutenue le 29 août 1866. Dauby s'applique à

y développer l'idée émise dans la phrase suivante de Renaudin,

qu'il prend pour épigraphe : « La menstruation joue dans la vie

de la femme un rôle important dont il ne faut pas exagérer la va-

leur, mais auquel il faut donner une attention sérieuse comme

élément pathogénique assez fréquent de l'aliénation mentale. »

Quelques mois après, le 18 janvier 1867, Dauby était nommé

médecin-adjoint de l'asile de Pau; il n'y resta que deux ans et fut

nommé, en 1869, médecin en chef de l'asile de Fains (Meuse).

Se sentant surtout porté vers les questions administratives, il

sollicita et obtint, en 1872, le poste de directeur-médecin de l'a-

sile de Saint-Alban (Lozère); il l'occupa pendant près de quatre

ans et fut nommé ensuite en la même qualité à l'asile Sainte-

Catherine-d'Yzeure (Allier), où il ne fit que passer en quelque

sorte, car, le 23 mars 1878, il fut nommé directeur-médecin en

1 C'est le voeu que nous avons émis nous-même dans notre étude sur

l"Instabilité mentale et dans un article récent du Manuel général de

l'Instruction primaire.

. VARIA.. 431

chef de l'asile d'Aix-en-Provence. Il prenait la succession du

D''Pontier, fondateur de cet établissement; il continua l'oeuvre de

son prédécesseur et eut la bonne fortune de la terminer. Nos col-

lègues qui ont assisté au Congrès des médecins aliénistes et neu-

rologistes, tenu à Marseille en avril dernier, et visité la ville d'Aix,

ont pu constater qu'il était certes un des mieux compris parmi

les établissements d'aliénés. Des défauts, il en a sans doute; mais

où est la perfection en ce genre ?

Eu 1884, lorsque le choléra s'abattit sur la Provence, l'asile

d'Aix fut un des premiers atteints. Dauby, aidé par son personnel,

tint courageusement tête au fléau et parvint à enrayer le mal, à le

limiter, non sans des pertes sérieuses.

Dauby, que les questions administratives intéressaient tout par-

ticulièrement, a peu écrit : en dehors de sa thèse de doctorat, nous

ne connaissons de lui que deux rapports médico-légaux, publiés

dans les Annales médico-psychologiglles (1873 et 1875); son oeuvre

tout entière est dans le bel asile qu'il a contribué à édifier.

Notre regretté collègue prit sa retraite en mars 1890; il continua

de vivre à Aix où il s'était fait de nombreuses relations, grâce à la

droiture de son esprit et à l'aménité de son caractère. Rien en

avril dernier, où nous le vimes à la fête si gracieuse qui nous était

offerte par notre excellent confrère, M. Ph. Rey, aujourd'hui mé-

decin-directeur de l'asile d'Aix, rien ne permettait de prévoir que

la constitution si robusle en apparence de Dauby pouvait être

si sérieusement atteinte. Il souffrait en effet d'une affection hépa-

tique et une crise devrait l'enlever, en quelques'jours, à Aulus, où

il était allé chercher le repos et la santé. (Annales médico-psycho-

logiques, sept.)

VARIA.

L'alcoolisme.

Un drame qui révèle une cruauté vraiment incroyable s'est

déroulé, l'avant-dernière nuit, il Gennevilliers. On découvrait, hier

matin, dans cette localité, dans une maison du chemin du Pont,

le cadavre d'une jeune femme. Ce cadavre était tout contusionné;

il était recouvert de plaies, dont deux, l'une au bas-ventre et

l'autre au-dessous de l'oeil gauche, semblaient avoir été faites avec

un couteau ou quelque instrument tranchant. Des voisins établirent

bientôt l'identité de la victime. C'était une chiffonnière, âgée de vingt-

neuf ans, et nommée Barbara Hosmance.Aussitôt les soupçons des

432 - - FAITS DIVERS.

voisins se portèrent sur l'ami de la victime, un chiffonnier du nom

de Henri Lefèvre, et qui vivait avec elle depuis plus de quatorze ans.

Lefèvre fut arrêté; amené devant M. Kien, commissaire de police

d'Asnières, il ne tarda point à entrer dans la voie des aveux, et

voici, en résumé, le dramatique récit qu'il fit au magistrat :

Avec son amie, il rentrait hier soir, en voiture, à Gennevilliers.

Une dispute s'éleva entre eux. Le motif était des plus futiles : il

s'agissait d'une pièce de 20 francs. Pour discuter avec plus d'ai-

sance, on descendit de voiture, et, immédiatement, on en vint aux

coups. L'homme eut le dessus. Il terrassa la femme, la saisit par

les pieds et se mit à la traîner à travers les champs, les haies et

les fossés. Parfois il s'arrêtait, raconte-t-il, pour rouer un peu

plus sa malheureuse victime. Celle-ci, d'ailleurs, finit par s'éva-

nouir. Lefèvre, un gaillard d'une taille peu commune, la prit,

toute dégouttante de sang et souillée de boue, à demi nue, l'enleva

et la porta jusqu'à son domicile, peu distant. Il se coucha à côté

d'elle.

Mais vous n'aviez plus votre raison, lui dit le magistrat. -

Moi, monsieur, mais j'étais ivre. Et c'est ce matin seulement, à

mon réveil, que je me suis aperçu qu'elle était morte. M. Kien a

ouvert immédiatement une enquête, et il est établi que c'est bien

sur le compte de l'alcoolisme qu'il faut mettre ce drame horrible.

Lefèvre, en effet, était ivre à un tel point qu'il ne se rappelait

même plus ce qu'étaient devenus son cheval et sa voiture. Ceux-

ci ont été retrouvés dans la plaine de Gennevilliers, abandonnés

sur la route. '

Des constatations médicales il résulte que la femme Rosmance

n'a succombé que ce matin, à dix heures, après avoir souffert

atrocement toute la nuit. Son corps a été envoyé à la Morgue.

Quant au meurtrier, il a été dirigé sur le Dépôt. (Le Temps,

10" oct.)

FAITS DIVERS.

Faculté de médecine de Paris. MM. les D"s Roques, de FUR SAC et

Manheimer, anciens internes des asiles de la Seine, ont été nommés

chefs de la clinique des maladies mentales, à la suite du dernier

concours.

Le rédacteur-gérant : BOURNEVILLE.

Evreux, Ci]. liÉRI55EY, imp. - 1199

Vol. VIII. Décembre 1899. N° 48

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE.

FOYERS DE RAMOLLISSEMENT CÉRÉBRAL ET TROUBLES

PSYCHIQUES ;

'Par Je D' R.OiARON,

Médecin des Asiles publics d'aliénés, directeur de l'Asile de Saint-Atban (Lozère).

I. L'étude des rapports du ramollissement cérébral avec

l'aliénation mentale n'occupe, aussi bien dans les traités de

psychiatrie, que dans ceux de médecine générale, qu'une

place peu considérable et l'on y rencontre les opinions et les

observations les plus contradictoires.

Baillarger signale quelques cas de délire ambitieux, pré-

cédé d'accès d'agitation courte et violente, chez des malades

atteints de foyers d'encéphalite. Calmeil affirme que ces

lésions sont toujours suivies de délire mélancolique.

Cotard et Prévost, dans leurs Eludes physiologiques et

pathologiques sur le ramollissement cérébral, déclarent

brièvement qu'aux phénomènes physiques «.peuvent s'ajouter

des troubles intellectuels, tels que du délire, qu'on peut,

avant l'attaque, rattacher, comme l'étourdissement, à l'is-

chémie cérébrale » ; mais qu'en résumé, le délire est un

symptôme rare, qui n'a été mentionné que dans un très petit

nombre d'observations ; que « les troubles intellectuels

qu'on observe le plus souvent consistent dans un état de

stupeur ou d'affaiblissement progressif des facultés, lorsque

le début du ramollissement s'est fait d'une façon graduelle ».

Une petite contradiction est à relever dans le mémoire des

Archives, 2. série, t. VIII. 28

434 CLINIQUE NERVEUSE.

auteurs, car elle montre que la question n'a pas été éclaircie :

Cotard dit que les troubles psychiques qu'on observe le plus

souvent dans les cas de ramollissement cérébral en foyer

consistent dans un état de stupeur ou d'affaiblissement pro-

gressif et, quelques ""lignes plus haut, il déclare qu'il n'a

trouvé du délire nettement accusé que dans un cas (obs. XIX).

Or cette observation, d'ailleurs fort insuffisante, au point de

vue psycho descriptif, indique nettement un accès transitoire

d'agitation à forme maniaque.

D'après Luys les lésions du lobe cérébral droit sont pres-

que toujours accompagnées d'une excitation spéciale des

facultés émotives. Grasset nous donne plusieurs observations

complètes de ramollissement cérébral étendu (écorce et

centre ovale), avec troubles maniaques transitoires, corres-

pondant à la période de début du processus nécrobiotique.

« Les lésions organiques circonscrites du cerveau, dit Cul-

lerre, peuvent être suivies d'un affaiblissement intellectuel

progressif, compliqué ou non de conceptions délirantes, avec

des caractères absolument identiques à ceux de la démence

sénile. » Pour André, le ramollissement cérébral ne produit

pas de troubles intellectuels très marqués et ne se traduit

que par de l'affaiblissement intellectuel progressif.

Nothnagel, sur la question des troubles psychiques liés

aux lésions nécrobio tiques du cerveau, ne nous apprend

qu'une chose, c'est que le résultat, auquel conduit l'analyse

de tous les faits cliniques, est franchement nul. Un seul

résultat positif lui semble acquis (il serait peut-être plus

juste de l'appeler négatif), c'est que les petits foyers circons-

crits, localisés dans la substance blanche du centre ovale,

lorsqu'ils se montrent isolés, ne produisent pas de troubles

psychiques, quel que soit le segment dans lequel ils siègent

et que tout bien considéré - « c'est un chapitre de méde-

cine mentale qui reste à écrire ».

La formation successive de petits foyers lacunaires dans le

cerveau, conduit seulement chez les vieillards à la démence,

dit Brissaud, et, quant au diagnostic, «lorsqu'à la suite d'un

ictus apoplectique, on voit se produire des troubles psy-

chiques non systématisés, obnubilation définitive de la

mémoire, sans troubles moteurs, on a tout juste le droit de

suspecter un ramollissement de la région frontale antéro-

supérieure ».

RAMOLLISSEMENT CEREBRAL ET TROUBLES PSYCHIQUES. 435

Régis déclare nettement que, parmi les lésions circons-

crites du cerveau, le ramollissement cérébral est celle qui

produit les troubles intellectuels les plus prononcés; que ces

troubles comprennent généralement une période prodro-

mique avec tristesse ou excitation, hallucinations surtout

visuelles, suivies d'affaiblissement intellectuel souvent pro-

gressif et Krafft-Ebing s'exprime ainsi : « Les maladies céré-

brales en foyer, si elles n'affectent pas l'écorce, peuvent se

produire sans entraîner aucun trouble psychique, mais sou-

vent cette complication a lieu par excitation, pression, dégé-

nérescence secondaire. Le tableau clinique est, dans ces cas,

celui de l'imbécillité progressive avec atrophie et agitation

périodique passagère, causée par des irritations et des

troubles de la circulation. »

II. Les documents recueillis dans la pratique médicale

courante, ne paraissent pas devoir éclairer le sujet qui nous

intéresse. Le symbolisme suggestif qui s'attache aujourd'hui,

dans la littérature et le langage ordinaires, aux mots 1'amol-

lissement, ramolli, semble gagner la littérature médicale,

au détriment de la rigueur scientifique et il n'est point rare

de voir entrer dans les asiles des malades, porteurs de cer-

tificats médicaux qui, aussi bien que les enquêtes adminis-

tratives signalent comme cause de troubles psychiques (non

spécifiés d'ailleurs ! ), un ramollissement célébrai, sans autre

indication topographique. Or si les travaux classiques de

Virchow, de Charcot et de. leurs élèves ont bien définitive-

ment fixé la pathogénie du ramollissement, ce mot ne peut-

être considéré comme exprimant un diagnostic anatomo-

pathologique qu'à la condition d'être accompagné d'un

terme localisant le siège du foyer de nécrobiose.

Chez les aliénés, indiqués à l'admission comme atteints de

ramollissement cérébral, dont il nous a été donné de prati-

quer l'autopsie, nous n'avons rencontré le plus souvent, que

des lésions généralisées résultant d'anémie, d'hyperhémie,

d'inflammations, méningées, d'artério-sclérose généralisée ;

aucun d'eux ne présentait un véritable foyer de ramollisse-

ment.

Au cours de ces dernières années, nous avons recueilli

six observations complètes de ramollissement cérébral en

foyer, remarquables autant par la localisation des lésions

436 CLINIQUE NERVEUSE.

que par leur étendue. Cinq des malades sont décédées de

quelques jours à quelques semaines après leur internement ;

elles étaient bien en puissance de ramollissement au moment

de leur admission dans l'asile. La lésion nécrobiotique n'avait

été diagnostiquée pour aucune d'elles avant l'admission.

De fait le diagnostic, ramollissement cérébral est souvent,

dans la pratique ordinaire, erroné ou formulé abusivement

et il est certain qu'il reste parfois impossible à établir, dans

les cas, par exemple, où, malgré une étendue considérable

de l'infarctus, il ne se traduit par aucun symptôme clinique

localisé du côté des appareils de relation, tandis que, dans

la sphère psychique, par suite de l'absence de localisation

des facultés intellectuelles, il ne produit que des troubles

dont les caractères n'ont pas été, jusqu'à ce jour, différenciés

de ceux qui sont le propre des vésanies, des processus

inflammatoires aigus ou chroniques, d'évolution ou d'invo-

lution.

Existe-t-il un état mental, un enchaînement de troubles

psychiques particuliers, dont l'étude puisse conduire ou

aider au diagnostic de ramollissement cérébral en foyer ?

C'est ce que nous avons voulu rechercher dans les observa-

tions qui suivent, en laissant de côté tout ce qui regarde la

pathogénie de ces différents ramollissements et en restant sur

le terrain clinique.

Observation I. Femme de quarante ans, sans hérédité

connue, alcoolique. A été atteinte il y a trois ans de troubles qua-

lifiés « Fièvre cérébrale » par la famille. Les renseignements

recueillis près du médecin traitant éclairent très complètement ces

accidents déjà anciens. Il s'agissait d'un accès violent d'agitation

à forme maniaque s'étant déclaré subitement, avec hyperthermie

considérable, céphalée intense, troubles gastriques, mouvements

désordonnés et incoercibles, délire chaotique, troubles hallucina-

toires terrifiants. Cette agitation ne dure que quatre à cinq jours,

ainsi que l'hyperthermie; on s'aperçoit que les facultés intellec-

tuelles sont obnubilées et que la vue est très faible. Un mois après,

le médecin constate une cécité double complète (atrophie des

nerfs optiques), et un affaiblissement psychique profond. - Il y a

huit mois, nouvel accès d'agitation pendant trois ou quatre jours

avec les mêmes caractères que le premier, mais avec prédomi-

nance d'idées de persécution, et recrudescence des hallucinations

visuelles terrifiantes : se voit poursuivie par des hommes..

RAMOLLISSEMENT CÉRÉBRAL ET TROUBLES PSYCHIQUES. 437

A l'admission la malade est en état de démence complète. Elle

se meut encore assez facilement, mais avec des mouvements

ataxiques et du tremblement des extrémités. Cécité complète

(atrophie papillaire). État hallucinatoire terrifiant.

Dix jours après l'admission, plusieurs chutes à droite. Agitation

très violente pendant vingt-quatre heures. Paroles et cris incohé-

rents. Mouvements épileptiformes, plus accentués à droite. Hyper-

thermie : 40°,4. Troubles gastro-intestinaux. Saburration des voies

digestives supérieures, odeur fétide. Le lendemain : aphasie, état

dysplégique plus accentué à droite. Gémissements. Mâchonne-

ment. Gâtisme. Coma et mort, quatorze jours après l'admission.

Autopsie. - Le cerveau présente des zones de coloration très

différentes : les lobes occipitaux sont affaissés, complètement déco-

lorés, le système vasculaire périphérique est pour ainsi dire dis-

paru et n'est représenté que par des traces de filets complètement

vides, la pie-mère n'est pas isolable, la substance grise n'est plus

qu'un magma diffluent, qui se laisse entraîner sous un filet d'eau

avec la substance blanche sous-jacente. - Les deux lobes frontaux

compas jusqu'à la scissure rolandique, apparaissent avec une colo-

ration rosée qui tranche sur le reste du cortex; le gauche est moins

pâle que le droit. Il y a encore quelques traces du système vasculaire

surtout à gauche, mais la substance grise est ramollie, dissociée

et se laisse entraîner sous un lilet d'eau. Les autres régions cor-

ticales paraissent normales. Les coupes verticales montrent le

centre ovale normal dans sa partie antérieure et ramolli dans le

système de projection des lobes occipitaux. Athérome très pro-

noncé de tout le système artériel, particulièrement du système de

l'hexagone de 1'illis.

Observation II. - Femme de quarante-neuf ans. Hérédité vésa-

nique et congestive. Aurait eu une fièvre typhoïde il y a six mois,

suivie d'accès d'épilepsie. Renseignements pris, il s'agit d'un accès

d'agitation très violente, analogue à ceux que nous avons constatés

dnns l'observation précédente, avec hyperthermie. Saburration et

fétidité des voies digestives, mouvements convulsifs généralisés,

mais plus accusés à gauche et suivis d'hémiparésie et d'hémi-

hypoesthésie du même côté. L'agitation n'aurait duré que cinq à

six jours. Douleurs céphaliques.

A l'admission, on constate un état d'agitation avec réactions très

violentes, hyperthermie : 38°,5. État hallucinatoire, auto-intoxica-

tion. - Deux jours après l'agitation est tombée. Les troubles

moteurs, sensibles et sensoriels persistent avec un affaiblissement

intellectuel profond.

Huit jours plus tard, nouvel accès d'agitation chaotique pendant

douze heures, avec hyperthermie, 39°,3, troubles sensoriels péni-

bles, particulièrement de la vue et du goût. Contractures du côté

438 CLINIQUE NERVEUSE.

gauche, suivies d'une inertie absolue du même côté avec destruc-

tion des sensibilités et des réflexes et diminution à droite. Coma

et mort onze jours après l'admission.

A l'autopsie on trouve un foyer de ramollissement intéressant la

capsule interne à droite dans toute son étendue et se propageant vers

le centre ovale particulièrement dans sa partie antérieure. Les

différences de coloration et de diffluence du magma ramolli indi-

quent manifestement que la lésion a été constituée par des pous-

sées successives d'ischémie.

Observation III.Femme vingt-sept ans. Alcoolisme et débauche.

A été frappée subitement il y a deux mois d'un accès d'agitation,

avec réaction très violente, incohérence bruyante des idées.

Hyperthermie. Après cet accès qui a duré de douze à quinze jours,

la malade est restée calme, mais paraplégique avec accentuation

à gauche et obnubilation intellectuelle.

A l'admission, affaiblissement intellectuel profond, avec hallu-

cinations visuelles terriliantes. Hémiparésie gauche plus accentuée

pour le membre inférieur. Incoordination des mouvements avec

maximum à gauche. Tremblement des extrémités des muscles de

la face. Déviation de la langue à gauche. Inégalité pupillaire. Con-

vulsions épileptiformes fréquentes, plus accentuées à gauche. Dou-

leurs céphaliques profondes. Escharres fessières. Gâtisme. - Huit

jours plus tard, démence absolue, avec persistance des troubles

hallucinatoires et attaques épileptiformes fréquentes. Mort dans le

coma vingt et un jours après l'admission.

Autopsie. Ramollissement très étendu du centre ovale de l'hémi-

sphère cérébral droit, formant une cavité bifide en avant et s'éten-

dant à toute la partie supérieure de la substance blanche. La partie

postérieure de cette cavité vient jusqu'à la substance grise de la

frontale ascendante (moitié supérieure) et ses deux extrémités

antérieures s'évasent jusqu'à la substance grise de la partie la plus

antérieure des circonvolutions frontales. Il parait bien que le foyer

s'est établi à la suite d'une seule poussée d'ischémie.

Observation IV. Femme de soixante-huit ans. Hérédité

inconnue. Internée il y a plus de quarante ans pour imbécillité.

S'était toujours montrée calme, facile à diriger et très active,

quand il y a environ douze ans, elle a été atteinte d'un violent accès

d'agitation qui est noté sur le registre d'inscription et sur lequel

les infirmières peuvent donner des renseignements suffisants. Cet

accès très violent n'a duré que quarante-huit heures, s'est accom-

pagné comme dhns les cas précédents de fièvre et de céphalée. Les

facultés intellectuelles sont restées un peu obnubilées. Il n'a été

noté aucun trouble moteur.

En 1892, nouvel accès d'agitation à forme maniaque avec hyper-

thermie : 39°,3, troubles gastriques. Suburration et fétidité des

RAMOLLISSEMENT CÉRÉBRAL ET TROUBLES PSYCHIQUES. 439

voies digestives. Pas de symptômes moteurs. Obnubilation intel-

lectuelle un peu plus accentuée. Continue à s'occuper réguliè-

rement.

Trois mois plus tard, même année, nouvel accès d'agitation qui

présente les mêmes caractères que les deux précédents mais dure

huit jours, et laisse, après lui un certain degré de parésie et

d'hypoesthésie du côté gauche. Un quatrième accès identique aux

autres se manifeste en 1893, il dura quatre jours et l'on constate

à sa suite un affaiblissement intellectuel profond avec hémiparésie,

hémianesthésie intéressant la face du même côté (chute de la

paupière supérieure). En octobre 1893, la malade meurt dans une

attaque apoplectiforme.

L'aulolJsie montre un vaste foyer de ramollissement du centre

ovale intéressant tout le lobe frontal droit. La substance grise corti-

cale parait intacte. Tout le système de projection des frontales et

de la frontale ascendante ne forme plus qu'un magma sangui-

nolent et rempli de caillots. La malade a succombé à une hémor-

ragie de l'artère striée externe qui a fait irruption dans la cavité

ramollie. Après lavage, on distingue parfaitement que la lésion

s'est formée de plusieurs foyers juxtaposés, d'avant en arrière. En

avant la cavité est décolorée et présente une disposition kystique,

rn arrière au niveau de la frontale ascendante, les éléments ner-

veux ne sont pas encore dissociés complètement.

Observation V. Femme de soixante-douze ans. Antécédents

héréditaires inconnus. Alcoolique. Aurait eu il y a deux mois un

accès d'agitation violente, avec cris et gesticulations incohérents.

Mouvements convulsifs des membres à droite, plus accentués au

membre supérieur et suivis d'hémiparésie du même côté.

A l'admission, on constate un affaiblissement physique, avec état

parétique des membres droits, plus accentué au membre supérieur.

La malade ne profère que des sons inarticulés et se livre à une

gesticulation qui, en y regardant de près, n'est pas incohérente,

mais a pour but de suppléer à la parole. Elle est simplement apha-

sique, ne manifeste aucune idée délirante, s'intéresse à tout ce

qui l'entoure et se laisse très facilement diriger. On constate seu-

lement un peu d'affaiblissement de la mémoire. Elle réclame par

tous les moyens qui sont en son pouvoir, sa sortie qui est décidée.

Au moment de quitter l'asile elle meurt subitement par rupture

du coeur, six semaines après son entrée.

A l'autopsie : foyer de ramollissement ocreux intéressant le }ded de

la troisième circonvolution frontale, le tiers inférieur de la frontale

ascendante, cortex cl substance blanche sons-jaccnle.

Observation Vs - Femme de cinquante-six ans. Antécédents

héréditaires inconnus. Alcoolisme. Est internée pour un accès d'agi-

tation violente avec hallucinations terrifiantes et fièvre qui a dis-

440 CLINIQUE NERVEUSE.

paru au moment de l'admission. Il ne persiste que des signes

d'embarras gastrique, de violentes douleurs céphaliques, de l'ob-

nubilation intellectuelle très accentuée. Mort quinze jours après,

l'admission par suite de pneumonie.

A l'aulopsie on découvre un foyer de ramollissement de la grosseur

d'une noix et intéressant les substances grise et blanche de la partie

la plus antérieure des deux premières circonvolutions frontales à

gauche.

IV. Les observations qui précèdent n'ajoutenl rien,

sans doute, aux recherches qui ont été faites sur l'anatomo-

pathologie et la clinique somatique du ramollissement céré-

bral. Il n'est peut-être pas cependant, sans intérêt de faire

remarquer : z10 la distribution bizarre et l'étendue considé-

rable que peuvent affecter les foyers de nécrobiose, intéres-

sant la substance corticale de lobes entiers (obs. I), ou leur

système de projection (obs. IV el III); 2° l'existence, dans

tous les cas, de douleurs céphaliques, en même temps que

l'excitation cérébrale et, dans la plupart des cas, de symp-

tômes convulsifs, aussi bien dans ceux où le ramollissement

n'intéressait que la substance blanche que dans ceux où la

substance grise était intéressée. Ces convulsions épilepti-

formes se sont surtout montrées fréquentes et violentes, chez

les malades qui présentaient les signcs d'auto-intoxicalion a

les plus accentués (obs. 1, II, III).

Dans tous nos cas, où il s'agissait de foyers étendus de

nécrobiose, produits par une ou plusieurs poussées, succes-

sives d'oblitérations vasculaires, nous avons recentré le

même cortège de manifestations psycho-palhologiques : :

accès d'agitation à forme maniaque et à début brusque, se

traduisant par une incohérence extrême de la gesticulation

et des actes sans réactions motrices violentes, par un véri-

table chaos des idées avec insomnie, anorexie, hyperther-

mie et troubles gastro-intestinaux, auto-intoxication, troubles

hallucinatoires à forme terrifiante, particulièrement de la

vue, douleurs céphaliques internes et continues, durée très

courte de l'agitation (quelques heures à huit à dix jours),

all'aiblissement intellectuel consécutif et progressif pouvant

très rapidement conduire à la démence complète. Rappelons

que quatre de nos malades sur six étaient alcooliques

reconnues.

Le petit nombre de nos observations, l'extrême variété des

RAMOLLISSEMENT CÉRÉBRAL ET TROUBLES PSYCHIQUES. 441

symptômes objectifs de l'agitation maniaque, la relativité

même des impressions reçues au cours de l'examen de cette

forme pathologique si mobile, nous gardent de généraliser

hâtivement et de chercher à dresser le tableau clinique de

l'état mental qui accompagne les foyers de ramollissement

cérébral. Disons seulement que notre expérience personnelle

lorsque nous nous trouverons en face de l'enchaînement

psycho-pathologique résumé plus haut, particulièrement

chez des alcooliques - nous autorisera, toutes autres con-

sidérations cliniques mises à part, à considérer comme très

probable l'existence d'un foyer de nécrobiose cérébral, d'une

étendue importante et causé par des oblitérations inflamma-

toires des vaisseaux... et attendons des observations nou-

velles.

V. De ce qui précède découle une remarque importante

au point de vue de la pratique hospitalière qu'on a trop de

tendance à négliger, quand il s'agit d'aliénés. Toutes les

malades dont les observations précèdent, sauf une qui était

internée depuis plus de quarante ans pour démence congéni-

tale, ont succombé, de quelques jours à quelques semaines

après leur internement, dans un état de démence absolument

inoffensif. En présence de ces accès d'agitation violente avec

hyperthermie, indiqués plus haut, permettant au moins de

penser à un foyer de ramollissement, le médecin pourrait

donc être autorisé à pronostiquer la chute très rapide de

cette agitation et son remplacement par un état d'affaiblis-

sement intellectuel progressif. Qu'il se termine après quel-

que temps par la mort, ou qu'il dure, cet état ne nécessitera

pas ou au moins ne rendra pas urgent l'internement dans

un asile et il ne faudra pas se hâter de conclure à la séqeus-

tralion.

S'il est vrai que, d'une façon générale, l'inlernement pré-

coce constitue un des plus forts appoints du traitement des

maladies mentales, il ne faut point en prêcher la souverai-

neté avec un fanatisme aveugle qui tendrait simplement à

rayer la thérapeutique mentale du cercle des préoccupations

médicales, comme elle l'est déjà dans l'opinion publique. A

l'heure actuelle les asiles regorgent de malades et leur trai-

tement individuel est devenu, par suite de l'insuffisance de

médecins responsables, absolument impossible. Une poussée

d'opinions généreuses se manifeste depuis quelque temps

442 ) THÉRAPEUTIQUE.

devant les rigueurs d'application de la loi de 1838. On prête

une oreille plus attentive aux doléances de ces malheureux,

relégués dans les asiles loin de leurs familles et de leurs

pays. L'idée du traitement individuel reconnu nécessaire,

du traitement à domicile, des colonies familiales, et des

petits hôpitaux spéciaux, fait peu à peu son chemin. Le pro-

cès des grands asiles est entamé et le temps approche, sans

doute, où les victimes des maladies psychiques seront assis-

tées et traitées comme tous les autres malades.

C'est là l'oeuvre de l'avenir. Pour le présent, ne pourrait-

on pas, par une mesure simple et facile, protéger les malades

et sauvegarder la dignité des familles tout en enrayant un n

peu l'encombrement progressif des établissements spéciaux !

Cette mesure consisterait tout uniment à ériger le thermo-

mètre en critérium de l'internement. Nul malade (sauf

exceptions urgentes) ne pourrait être interné dans un éta-

blissement d'aliénés que sur la délivrance d'un certificat

médical constatant qu'en dehors des troubles psychiques, il

ne présente aucun symptôme d'inflammation aiguë, parti-

culièrement de Y hyperthermie.

THERAPEUTIQUE.

TRAVAIL ET ALITEMENT DANS LE TRAITEMENT

DES MALADIES MENTALES.

(notice historique) ;

p A H

P. SÉl21GUY, ET F, F,\ ! \XA ! 11EH,

Médecin des Asiles d'aliénés de la Seine. Interne des Asiles d'aliénés de la Seine.

Bien peu nombreux, et en général d'efficacité bien dou-

teuse, sont les moyens thérapeutiques que nous pouvons

opposer aux affections mentales : aussi la croyance à l'incu-

rabililé de ces maladies, bien que démentie chaque jour par

LE TRAITEMENT DES MALADIES MENTALES. 443 3

l'expérience, est-elle très répandue dans le public et même

chez nombre de médecins. Chose plus singulière encore, cette

conviction erronée paraît partagée par certains psychiatres

qui considèrent volontiers tous les aliénés comme « des am-

putes du cerveau ». Ce préjugé de l'incurabilité de la plupart

des psychoses a eu des conséquences déplorables : si l'assis-

tance et le traitement des aliénés sont encore à l'heure

actuelle si défectueux en France, il faut l'attribuer en grande

partie à l'influence des idées inexactes généralement accep-

tées sur la nature de la folie et son traitement. Longtemps

en effet, l'attention de la plupart des médecins d'asile fut

moins retenue par les procédés thérapeutiques susceptibles

d'être appliqués à la cure des malades aigus, que par les

moyens de placer dans les meilleures conditions d'hygiène

physique et morale le groupe de beaucoup le plus impor-

tant par le nombre des chroniques, des incurables et des

convalescents. Le travail a fourni sous ce rapport d'excel-

lents résultats : comme il avait en outre l'avantage d'utiliser

des sujets considérés jusqu'alors comme des non-valeurs et de

diminuer leurs frais d'entretien, on comprend l'enthousiasme

qu'il excita au début de ce siècle.

Il faut reconnaître d'ailleurs qu'un progrès considérable

fut réalisé du jour où l'on fit travailler les aliénés. L'applica-

tion de l'ope7z-dooî- devait fatalement suivre, et la transfor-

mation de la « prison médicale » de jadis en colonie agricole

n'était qu'une question de temps. Mais, répétons-le, c'étaient

surtout les aliénés incurables, les chroniques et quelques

convalescents qui étaient appelés à bénéficier des avantages

multiples et incontestables du travail. Quant aux aliénés

aigus, aux sujets curables - les plus intéressants sans con-

tredit - comme ils n'étaient pas justiciables de la seule

méthode thérapeutique considérée comme efficace, le travail,

ils furenl quelque peu perdus de vue.

A la fin du siècle dernier, on traitait les aliénés comme les

malades ordinaires, dans les hôpitaux : on les laissait habi-

tuellement au lit, dans la plus grande promiscuité, les privant

ainsi d'air, de lumière et d'exercice. C'est à Pinel et à Esqui-

rol que revient l'honneur d'avoir réagi contre ces errements

déplorables et d'avoir insisté sur les avantages du travail.

« Dans tous les asiles publics, comme les prisons et les

hospices, dit Pinel, le plus sùr et peut-être l'unique garant

444 THéRAPEUTIQUE.

du maintien de la santé, des bonnes moeurs et de l'ordre, est

la loi d'un travail mécanique rigoureusement exécutée. Celte

vérité est surtout applicable aux hospices des aliénés, et je

suis très fortement convaincu qu'un établissement de ce

genre, pour être durable et d'une utilité soutenue, doit porter

sur cetle base fondamentale. Très peu d'aliénés, même dans

leur état de fureur, doivent êlre éloignés de toute occupation

active... » Plus loin le médecin de la Salpêtricre déclare

qu'il n'a cessé « de faire les instances les plus réitérées pour

obtenir de l'administration un terrain adjacent pour le faire

cultiver aux aliénés convalescents et accélérer leur rétablis-

sement », et il propose « d'adjoindre à tout hospice d'aliénés

un vaste enclos, ou plutôt de le convertir en une sorte de

ferme, dont les travaux champêtres seraient à la charge des

convalescents »'. Remarquons en passant, que Pinel insiste

sur l'utilité du travail pour les convalescents.

Esquirol exprime sur l'utilité du travail une opinion ana-

logue. Il déclare qu'on ne peut trop multiplier les salles de

travail. « A la Salpêtricre, le mot travail retentit sans cesse

à l'oreille des femmes aliénées qui s'excitent les unes les

autres : c'est une idée dominante. En rappelant au travail les

aliénés, on distrait ces malades, on arrête leur attention sur

des sujets raisonnables, on les amène à des habitudes d'ordre,

on active leur intelligence, et l'on améliore le sort des plus

indigents ? ».

A la même époque, J.-P. Falret et Voisin 'avaient. cherché,

dans leur établissement de Vanves, à procurer leurs malades

tous les genres de promenades et d'exercices, ainsi que des

terrains cultivables où ils pussent s'occuper. « Après l'isole-

ment, disaient-ils, la loi d'un travail mécanique, d'un exer-

cice pris en plein air est sans contredit la condition la plus

favorable à la guérison des aliénés. » Devant la Commission

du Conseil général de l'Eure, J.-P. Falret, après avoir

exprimé son opinion concernant l'action bienfaisante du

travail au point de vue thérapeutique, exprime ses regrets

de voir qu'on ne cherche pas à suivre la même voie pour

toute la France3. Il ajoute que ce qui l'a rendu si chaud par-

' Pinel. Traité médico-philosophique sur l'aliénation mentale, 2' édi-

tion. Paris, 18U9.

. Esquirol. Des maladies mentales. Paris, 1838, t. Il, p. 5'3.

3 Lefebvre-Duruflé. Rapport présenté au Conseil général de l'Eure, 1839.

LE TRAITEMENT DES MALADIES MENTALES. 445

lisan du travail, c'est la visite qu'il a faite plusieurs années

auparavant à l'asile de Wakefield en Angleterre.

Les idées de Pinel se répandirent rapidement en Allemagne :

Reil (1759-1813), professeur de clinique interne à Berlin,

demande que les asiles d'aliénés possèdent un domaine agri-

cole, des jardins, du bétail : ils doivent être organisés sous

forme de fermes. Il recommande les occupations en plein air,

les travaux agricoles : « Le travail, dit-il, entretient la santé,

favorise le sommeil, il amène l'oubli des idées délirantes.

(Organisation des établissements destinés aux incurables,

1817). Ilorn, qui enseigna la psychiatrie jusqu'en 1818 à

Berlin, prescrit le travail comme un agent thérapeutique

actif chez les malades curables et un moyen palliatif chez

les incurables : « Le travail, dit-il, doit être assidu, nécessiter

toute l'attention du patient, être exécuté d'une façon régu-

lière et sous une surveillance constante '. »

Sous l'influence ,des médecins aliénistes de la première

moitié du siècle (Ferrus entre autres), on voit se développer

peu à peu la colonisation des aliénés, oeuvre éminemment

française, bien qu'elle ait reçu à l'étranger un développement

qu'elle n'avait pas atteint en France. En 1820 on obtient

d'excellents résultats en employant les malades de Bicêlre

aux travaux agricoles sur les champs voisins ; en 1832, la

ferme de Sainte-Anne est créée : c'est une colonie agricole

pour une centaine de malades. Nous n'avons pas à insister

sur l'histoire de la colonisation qui a atteint son épanouis-

sement dans les asiles - colonies du genre de celui d'Alt-

Scherbitz. Foville en a fait ressortir les avantages en termes

excellents : « C'est chose merveilleuse, dit-il, de voir avec

quel empressement ceux des malades qui ne sont pas nés

aux champs acceptent ces occupations qui leur sont tout à

fait étrangères ; au milieu des détails attrayants de cette vie

nouvelle, l'aliéné sent qu'il se rapproche des habitudes ordi-

naires de la vie; ce travail régulier, s'accomplissant au grand

air pur des champs, harmonise les fonctions, rétablit les forces,

tourne enfin au profit d'une santé générale trop souvent

altérée; ajoutons à cela l'immense bienfait qui résulte de

l'échange qui s'opère constamment entre l'asile et la colonie;

une foule d'indications médicales nouvelles en découlent, et

1 P. Sérieux. Notice historique sur le développement de l'assistance

des aliénés en Allemagne. (Arch. de Neurologie, 1895, no 105.)

446 THÉRAPEUTIQUE.

constituent, à notre sens, les plus précieuses ressources du

traitement. Entraîné par l'exemple, le mélancolique sort peu

à peu de sa torpeur; sous ce ciel qui l'égaye, il se prend de

zèle pour ces animaux, ces plantes qui réclament ses soins; il

finit par se soustraire à ses sombres préoccupations. Des idiots,

des déments deviennent des ouvriers dociles, laborieux; et la

vie active et disciplinée de la colonié métamorphose bien des

aliénés incurables, regardés jusque-là comme dangereux. S'il

n'y a pas guérison alors, il y a au moins quelque satisfaction

consolante donnée à la folie que la science abandonne. »

Toutefois, la campagne énergique menée en faveur du

travail, si elle a abouti à la colonisation des aliénés con-

quête précieuse de la psychiatrie moderne, -cette campagne,

ainsi que nous l'indiquions plus haut, a dépassé le but. On

en arriva à voir dans le travail, une véritable panacée, un

remède héroïque de la folie; et l'aliéné aigu, non suscep-

tible d'être soumis à ce moyen de traitement, fut sacrifié à

l'aliéné travailleur. « La loi d'un travail mécanique », d'un

exercice en plein air, était considérée comme la condition la

plus favorable de la guérison; le travail, comme la base même

du traitement de l'aliénation mentale.

C'est ainsi que pour le D'Lapointe, le « travail dans la majo-

rité des cas est presque l'unique moyen de traitement qui

puisse être mis utilement en pratique »'. Dans une récente

communication au Congrès de Nancy, le même auteur n'est

pas moins catégorique : « La thérapeutique ordinaire dans

un asile d'aliénés se réduit à peu de chose, et je ne doute pas

que sous ce rapport la plupart des aliénistes ne partagent

cette manière de voir. Mais il est une thérapeutique qui jouit

à mes yeux d'une haute importance, c'est celle qui consiste

dans ce que l'on peut appeler le traitement moralisateur,

ou mieux esthétique, je ne dirai pas de l'aliénalion mentale,

mais des aliénés que l'asile renferme. Au résumé, c'est donc

dans le travail que se confond la thérapeutique par excel-

lence des aliénés-. »

On en est même arrivé, dans certains asiles, à considérer

le travail moins comme un moyen de traitement que comme

' Lapointe. De la réunion des fonctions médicales el administratives

dans les asiles d'aliénés . (.I)ala. nxéclico-psyclz., mars 1891.)

Lalioiiite. De l'internement des aliénés dans les asiles. Congrès des

médecins aliénistes et neurologistes de langue française. Nancy, 189G.

LE TRAITEMENT DES MALADIES MENTALES. 447

une source de bénéfices. Les inspecteurs du service des

aliénés ont dû rappeler aux chefs d'établissements que le

travail ne devait pas être envisagé comme un moyen d'aug-

menter les ressources de l'asile, mais comme un moyen de

traitement et de distraction '.

Résumons l'histoire du travail considéré comme agent

thérapeutique dans les maladies mentales, en disant que cette

méthode a été un progrès décisif dans l'évolution de l'assis-

tance des aliénés, mais qu'appliquée d'une façon exclusive,

con-idérée comme un dogme intangible, elle a eu certaines

conséquences fâcheuses : elle a fait passer au second plan le

traitement médical proprement dit; elle a renforcé le préjugé

de l'incurabilité des maladies mentales; elle a fait perdre de

vue la catégorie des sujets - ceux atteints de psychoses

aiguës que la nature de leur affection rendait inaptes au

travail. On en arriva ainsi à oublier que l'asile d'aliénés devait

être avant tout un hôpital pour le traitement des maladies

du cerveau. La conception de l'asile considéré comme un

dépôt de chroniques, d'incurables et de sujets dangereux ou,

dans l'appréciation le plus favorable, comme une colonie de

travailleurs, cette conception s'imposa d'une façon exclusive

à l'opinion publique, aux autorités administratives et aux

médecins eux-mêmes.

Or si le pessimisme que professent quelques médecins à

l'égard des résultats du traitement des psychoses est justifié

dans beaucoup d'états chroniques, il n'en est plus de même

quand il s'agit de psychoses aiguës. De nombreuses recherches

statistiques, contre lesquelles ne saurait prévaloir le scepti-

cisme de certains, démontrent que, pour de telles affections,

la guérison survient dans environ 60 p. 100 des cas. Du

moins la tendance naturelle des psychoses aiguës vers la gué-

rison ne doit-elle pas être entravée; et, précisément, certains

agents hygiéniques comme le travail si précieux quand

il s'agit d'aliénés chroniques, valides au point de vue

physique, sont inapplicables ou contre-indiqués chez les

malades atteints d'affections mentales aiguës. Ces états sont

en effet toujours associés étroitement à des troubles soma-

tiques : tels sont par exemple les délires toxiques, les psy-

1 Constans, Limier et Dumesnil. Rapport général it ill. le ministre de

l'Inlériem sur le service des aliénés en 1871. Paris, Imprimerie Natio-

uale, 1 suis.

448 THÉRAPEUTIQUE.

choses puerpérales, les délires post-convulsifs (hystérique,

épileptique), les états maniaques et mélancoliques, les psy-

choses périodiques, la confusion mentale, les délires halluci-

natoires aigus; il faut y ajouter aussi les épisodes aigus qui

surviennent au cours des états chroniques (paralysie géné-

rale, démences, délires systématisés, ètc). Les sujets atteints

de ces affections doivent être considérés comme des malades,

non comme des infirmes, et les soins qu'ils réclament sont

d'ordre purement médical.

Parmi les méthodes thérapeutiques qui leur sont appli-

cables, il en est une qui, peu employée encore en France, est

usitée avec grand avantage depuis une trentaine d'années par

la plupart des psychiatres allemands : nous voulons parler de

l'alitement ou clinolhérapie (Bettbehandlung). Il faut, à notre

avis, considérer cette méthode nouvelle comme un progrès

considérable dans le traitement des maladies mentales.

Certes, le repos au lit n'est pas une panacée universelle ;

il ne peut guérir, à lui seul, tous les états aigus d'aliénation;

du moins estimons-nous, d'après notre propre pratique

comme d'après celle de nombreux médecins aliénistes étran-

gers, que le repos au lit doit être la base du traitement des

maladies aiguës du cerveau, comme il l'est pour les maladies

de n'importe quel autre organe.

Chez les malades atteints de psychoses aiguës, ce qui doit

en effet retenir avant tout l'attention du thérapeute, c'est

l'état d'épuisement du cerveau et de l'organisme. Ces sujets

sont des épuisés et des surmenés. Le surmenage cérébral

déterminé par l'éréthisme des centres sensitivo-moteurs et

sensoriels de l'écorce, l'épuisement de l'organisme tout

entier consécutif à l'agitation, à l'insomnie, à l'inanition,

exigent impérieusement le repos, le repos physique aussi

bien que le repos psychique. Le traitement par le lit répond

à ces indications pressantes.

Parmi les symptômes physiques qui réclament plus parti-

culièrement le repos au lit, citons : la dénutrition, l'amaigris-

sement, le refus d'aliments, la faiblesse générale, l'âge

avancé, l'état puerpéral, la chlorose, les anémies, les troubles

circulatoires, sans parler des états fébriles ou subfébriles. Or

ces divers symptômes se rencontrent assez fréquemment chez

les mélancoliques, les maniaques, dans les psychoses post-

infectieuses, toxiques, puerpérales, etc.

LE TRAITEMENT DES MALADIES MENTALES. 449

Quant aux indications du repos psychique, du repos du

cerveau, elles sont constantes dans les formes aiguës. Qu'il

s'agisse en effet d'états d'excitation, ou de dépression, ou de

confusion, ou encore de délires hallucinatoires aigus, peu

importe. Toutes ces psychoses sont en rapport avec des

troubles plus ou moins graves de la nutrition de l'écorce

cérébrale et parfois même du système nerveux en son en-

tier (psychoses oL2éueülicesl. Que le cerveau soit sur-

mené par le fonctionnement exagéré des zones motrices

(étals maniaques), sensitives (mélancolie), sensorielles (états

hallucinatoires), ou que son activité soit suspendue par l'ac-

tion d'un toxique (confusion) , dans tuus ces cas, il est urgent

de laisser reposer l'organe intoxiqué ou surmené, afin de

permettre le retour à l'état normal des mutations nutritives

du neurone. Or seul le séjour au lit permet le repos complet

du cerveau ; outre que par suite de la situation horizontale

la circulation cérébrale est facilitée et le cerveau mieux irri-

gué, l'alitement permet encore le relâchement complet de

tous les muscles de la vie de relation, et par suite le repos des

centres moteurs ; il a aussi pour résultat de restreindre au

minimum toutes les stimulations périphériques (thermiques,

visuelles, auditives, cutanées, etc.) et par suite toutes les

réactions motrices. Il favorise le sommeil ; il diminue l'acti-

vité des troubles hallucinatoires en restreignant les causes

provocatrices des hallucinations et des illusions.

De plus le séjour des patients au lit modifie d'une façon

favorable le milieu : dans une salle dont tous les malades

sont alités, l'ordre et le silence sont moins souvent troublés,

par suite de l'absence des causes d'excitation, de désordre,

liées ailleurs à la promiscuité des aliénés, à leurs allées et

venues. Le malade peut donc se reposer physiquement et

psychiquement.

Les résultats du traitement par le lit sont unanimement

admis. L'alitement atténue à n'en pas douter l'intensité des

symptômes les plus pénibles des maladies mentales aiguës

et écarte les redoutables complications physiques et psy-

chiques auxquelles il faut en général attribuer la terminaison

de ces psychoses par la mort, la démence ou le passage à

l'état chronique. Il permet en outre de restreindre l'emploi

des hypnotiques ; l'isolement en cellule dont on a tant abusé

devient exceptionnel ; les affections organiques incidentes ne

Archives, 21 série, t. VIII 29

450 THÉRAPEUTIQUE.

passent plus inaperçues, grâce il la facilité d'examen que

donne le séjour au lit ; la physionomie de l'asile se trans-

forme et tend à se rapprocher de celle d'un hôpital.

Si nous ajoutons qu'à côté de sa haute valeur thérapeu-

tique, la clinothérapie offre comme avantage d'être facile-

ment applicable, aussi bien dans la clientèle privée qu'à

l'asile, on comprendra sans peine l'intérêt d'ordre pratique

qui s'attache à celte méthode.

Toutes ces raisons, qui nous ont poussé récemment à étu-

dier l'alitement au point de vue de sa technique, de ses

effets physiologiques, de ses indications générales et spé-

ciales', nous engagent aujourd'hui à eu exposer l'historique ;

il nous semble, en effet, que l'excellence de ce procédé thé-

rapeutique reçoit un éclatant témoignage du nombre et de

l'importance des travaux qu'il a suscités, ainsi que de la

concordance des résultats obtenus par les auteurs qui l'ont

expérimenté.

Si cette méthode a été longue à se répandre, il faut en

chercher l'explication dans les considérations qui précèdent;

il n'est pas impossible, en effet, que le dogme de la nécessité

du travail dans le traitement des maladies mentales, et aussi

certaines conceptions erronées sur la nature de la folie, aient

longtemps fait écarter l'idée d'aliter les aliénés, comme on le

fait des individus atteints d'une affection viscérale quel-

conque, et de traiter par le repos complet de l'organe les

maladies aiguës du cerveau.

Deux mots encore avant d'aborder l'historique du traite-

ment par le lit : il n'est jamais entré dans notre esprit la

pensée d'opposer la méthode du repos au lit à la méthode

du travail; chacune d'elle a son mérite, ses indications, et

fournit, dans des cas déterminés, d'heureux résultats; l'une

complète l'autre. Loin d'être en effet l'antagoniste du travail

considéré comme agent thérapeutique, l'alitement vient

combler une lacune dans le traitement des maladies mentales,

puisqu'il est appliqué précisément chez les sujets qui ne

peuvent bénéficier des bienfaits du travail. Pour résumer en

une formule simple notre manière de voir, nous dirons que

le repos au lit est pour les malades aigus ce que le travail

1 P. Sérieux et F. Farnarier. Le traitement des psychoses aiguës par le

repos au lil. (Semaine médicale, 11 oct. 1899, p. 331.)

LE TRAITEMENT DES MALADIES MENTALES. 451

(colonisation agricole) est pour les convalescents, les chro-

niques, et les incurables'.

Deux périodes peuvent être distinguées dans l'histoire du

traitement par le lit. Dans l'une, il n'est question d'appliquer

l'alitement qu'à telle ou telle catégorie restreinte de malades :

presque toujours il s'agit d'états mélancoliques ou neuras-

théniques, plus rarement de délires maniaques subfébriles.

Dans la seconde période, au contraire, le traitement par le

lit est envisagé comme une méthode applicable d'une façon

systématique à la plupart des psychoses aiguës.

I. C'est dans les étals caractérisés par la dépression psy-

chique, par l'inertie, l'immobilité, qu'on eut, en premier

lieu, recours au séjour au lit. A Guislain * revient le mérite

d'avoir, en 18¡), introduit le procédé en question dans la

thérapeutique des maladies mentales. « Presque tous nos

mélancoliques, écrivait le célèbre aliéniste belge, sont cou-

chés dans leur lit. Je prescris le repos du corps... Le lit sera,

pendant toute la première période du mal, une des grandes

ressources du traitement. D'abord le patient sera couché la

nuit et une grande partie du jour. Il se lèvera de temps en

temps, restera assis pendant une heure, deux heures, puis se

couchera derechef... Les mélancoliques ont besoin de repos

et de beaucoup de sommeil... On ne saurait s'imaginer com-

bien le décubitus prolongé facilite, chez les aliénés, le retour

du calme... Je le dis avec une intime confiance, nul moyen

ne m'a fourni des résultats plus satisfaisants dans le traite-

ment de la mélancolie. »

En 1801" un aliéniste anglais, Conolly, recommande,

d'après Brosius, le séjour au lit dans les états maniaques et

les autres formes avec excitation.

'Les chiffres ci-dessous montant quelles sont, dans un établissement

où l'on pratique la clinolhérapie, les proportions respectives des malades

traités par le lit et des aliénés travailleurs. Les 209 malades de l'asile de

Leubus (Silésie) se répartissaient ainsi en 1893 : soumis au traitement

par le ht d'une façon permanente : ? j,6 p. 100; intermittente : 10,G G

p. 100 ; travailleurs : 31,4 p. 100 ; isolés, 1,1 : p. 100.

2 Guislain. Leçons orales sur les phrénopulhies, ou traité théorique el

pratique des maladies mentales, t. 111, 'p. 2. Gand, 1852.

irez THÉRAPEUTIQUE.

Griesinger', en 1861, considère l'alitement comme conve-

nable et nécessaire dans certains cas de mélancolie aiguë

avec diminution générale des forces. D'après Paetz, vers la

même époque, Koeppe, à l'asile de Nietleben, laissait les

mélancoliques couchés une partie de la journée el, après les

avoir fait déjeuner au lit, leur administrait un hypnotique

pour les faire dormir quelques heures.

J.-P. Fairet, en 1864, le premier en France, parle du trai-

tement par le repos au lit pour certains mélancoliques et

certains maniaques. Il déclare que si Pinel et Esquirol ont eu

raison de réagir contre la tendance que l'on avait, à leur

époque, de maintenir les aliénés au lit dans les hôpitaux,

cette réaction a été excessive. « Dans certains états

maniaques aigus semi-fébriles, dit-il, de même que dans les

états mélancoliques caractérisés parmi profond sentiment de

lassitude et une prostration physique et morale poussés à

l'extrême, nous partageons complètement l'avis de notre si

regretté confrère le docteur Guislain, et nous conseillons le

séjour au lit de ces malades, au lieu de les laisser circuler en

plein air comme les autres aliénés. Il faut poser en principe

que ces aliénés, soit maniaques, soit mélancoliques, doivent

être maintenus au lit pendant certaines périodes de leur

affection, considérés comme malades physiquement et soi-

gnés à l'infirmerie comme des fébricitanls 2. »

Aux Etats-Unis, en 1875, 'Weir Mitchell recommande pour

le traitement des femmes atteintes d'hystérie grave et de

neurasthénie une méthode reposant essentiellement sur le

repos au lit (Rest cure, Rest treatmenl) combiné avec l'isole-

ment, le massage, la suralimentation et l'électrothérapie 3.

' Griesinger. Traité des maladies mentales, p. 518-5G5. (Traduction

française.) Paris, ISfi5. -

3 J.-P. Falret,. Des maladies mentales el des asiles d'aliénés. Paris, 181 t. 1.

Introduction p. LVI.

Rappelons que, en 1838, un aliéniste anglais. Ellis (A lnealise on Ihe

nature, symploms, causes and 1;,ealmeiil of isanity) insistait, sans cepen-

dant parler du traitement pour le lit, sur la nécessité du repos : « Tant

qu'il existe quelque symptôme d'une circulation trop abondante dans le

cerveau, il ne faut permettre qu'un exercice modéré au patient; il faut

le tenir aussi inaclif que possible jusqu'à ce que ces symptômes aient

cédé au traitement médical.» Ce fait se trouve consigné dans le rapport

présenté au Conseil général du département de l'Eure dans sa session

de 1839, au nom de la Commission des aliénés, par Lefebvre-Duruflé.

' Wen' Mitchell. On rest in lltc lrealrnenl of nervous diseuses, in

LE TRAITEMENT DES MALADIES MENTALES. 433

Dans ces divers états d'épuisement nerveux, le neurologue

américain se proposait pour but de rappeler les forces « chez

les malades affaiblies, émaciées et dont le sang était devenu

trop fluide ». Le repos au lit devait être continué pendant la

plus grande partie du traitement; l'exercice passif obtenu par

l'électricité et le massage rendait possible la suralimentation.

En lus3, W.-S. Playfair recommande, en Angleterre, la

méthode de Weir Mitchell comme traitement systématique

de l'hystérie grave, de certaines formes de neurasthénie et

de la chorée intense '.

E.-C. Séguin (de New-York) recommande également le

repos absolu, physique et psychique, dans le traitement de

la chorée et de la neurasthénie 2.

En 1888, MM. Belle et Lemoine firent connaître les résul-

tats qu'ils obtenaient par l'application aux mélancoliques

anxieux de la méthode de \\'eir Mitchell . Les deux aliénistes

français se proposaient, par le séjour au lit, dans le décubi-

lus dorsal complet aussi prolongé que possible, de lutter

contre l'anémie cérébrale et de soustraire le malade aux

influences extérieures qui peuvent alimenter son délire. Leur

tentative, spécialisée d'ailleurs à une l'orme de mélancolie, ne

parait guère avoir été imitée. En effet, en 1890, le professeur

Ball, qui cite la méthode de l'alitement, en parle comme

d'une nouveauté expérimentée seulement en Allemagne, et

sur la valeur de laquelle il ne peut se prononcer \ Cullerro

considère le traitement de la mélancolie par le séjour au lit

comme ayant pour but principal de congestionner le cerveau,

et par là de combattre l'insomnie due à l'anémie cérébrale".

Seguin's seriesof zlmerican clinical lectures, t. 1. n°4, 1875. - Fal wHI

bloocl, and hom lo make llzenz. Philadelphie, 1877. (Traduction française

par U. Jennings, sous le titre. : " Du traitement méthodique de la

neurasthénie et de quelques formes d'hystérie. » Paris, 1883.)

Avant Weir Mitchell, un médecin américain, Samuel Jackson, avait

recommandé le repos au lit chez les femmes hystériques et neurasthé-

niques.

' Playfair. Cité par Weir Mitchell in Fat and Lloocl and how lo

make lltem.

2 li.-C. Séguin. Leçons sur le traitement des névroses (ti-ad. franc.).

Paris, 1893.

3 lielle et Lemoine. Traitement de la mélancolie anxieuse. (Annales

médico-psychologirues, 188S.)

1 Bail. Leçons sur les maladies mentales. ? e édition. Paris, 1890.

0 Cullerro. Traité pratique des maladies mentales, 1890.

II e7-ri THÉRAPEUTIQUE.

Régis ', Dagonet et Duhamel 2 signalent également le

repos au lit comme pouvant être appliqué au traitement des

mélancoliques. Chaslin en montre les avantages dans le trai-

tement de la confusion mentale 3.

II. Guislain, J.-P. Falret. Weir Mitchell, qui avaient eu le

mérite de saisir les indications du repos au lit dans diverses

formes psychopathiques, n'eurent pas la bonne fortune de

voir leur oeuvre poursuivie dans leur propre pays. C'est à

l'étranger que les idées émises par eux se développèrent et

aboutirent à la création d'une véritable méthode thérapeu-

tique. Le traitement systématique des psychoses aiguës par

le séjour au lit a pris naissance, il y a une quarantaine

d'années, en Allemagne ; mais c'est surtout dans ces vingt

dernières années que cette méthode a gagné du terrain et

qu'elle a suscité un nombre considérable de travaux. D'Alle-

magne le traitement par le lit se répandit dans les pays de

langue allemande, puis en Russie et enfin en France, où il y

a encore peu de temps l'alitement était chose inconnue.

Cette méthode fut appliquée à la cure des aliénés aigus

par Ludwig lIIeyer ? dès 1860, el, deux ans plus tard, par

Brosius 5. Snell l'introduisit à l'asile de llildesheim en '18vil,

Eschenburâ 1 Lubeck en 1874. A cette période se rattache

également un travail de Rabow0.

En '1871, à l'asile de Brème, les cellules d'isolement sont

supprimées, et le traitement par le lit est appliqué non seu-

lement chez tous les aliénés entrants, mais encore chez les

malades chroniques présentant des manifestations aiguës. La

même année, Hergt insiste sur la nécessité de l'alitement

' Régis. Manuel pratique des maladies mentales, 1893.

° Dagonet et Duhamel. Traité des maladies mentales, 1891.

3 Chaslin. La confusion mentale primitive. Paris, 1895, p. ? O.

, Ludwig 12yer. lJas .Yu-I'e,II'aint und die (leiiische l's ! /clricrlr·ie. (.Illg.

Zeilsch. f. l'sych., 1860, t. XX. p. 512.)

'"Brosius. (Irrenfreund, 1862. 6.) Die Jsyte Rendorf und SI/yn bel

Coblenz, nebsl Mc;) : e<7.'«/) ? eH uber CI/l'millet bei Irren. l3erlm. 181 ?

Die Bellhehuurllrtull lier Irren. (Siederldndische Vel'ein ? l'sychiccl.,

1890, et l'sychialrische l3larlers, t. VIII et IX.)

Il Rabow. Behanrllmrl de/' psychischen Erregungszuslânde. (Ilerlin,

klinis. ll'ochensch., l81li, n°23.)

7 Iler-t. Ein;fle, zur tiehandluny riel' ,;eeleiist6,iii ? geii. (.lll ! l. Zeilsch.

f. l'syclrial., t. 1\\lll, p. 803, 18'i'i.)

LE TRAITEMENT DES MALADIES MENTALES. 455

chez les mélancoliques- et va mémejusqu'à conseiller le main-

tien au lit par la fixation du malade.

En 1879, la méthode est appliquée à l'asile-colonie d'Alt-

Scherbilz par Paetz ', et à l'asile de Baie par Wille 2. A Alt-

Scherbitz les pavillons construits depuis cette époque sont

aménagés spécialement en vue du traitement du lit.

C'est surtout à partir de 1880 que la méthode se répand

dans les asiles allemands. Scholz dans de nombreuses publi-

cations en fait connaître les avantages ; contrairement à

l'opinion de ceux qui, à l'exemple de Koeppe, voyaient dans le

travail l'agent curatif le plus puissant, il montre que la place

de l'aliéné aigu est dans un lit d'hôpital et non à l'atelier ou

aux champs : le séjour au lit est un moyen de traitement sou-

verain ou mieux la mesure hygiénique la plus importante

pour amener la guérison. Les travaux ayant trait à l'alite-

ment se multiplient. Citons la thèse de rlerslieim3, les publi-

cations de Relier \ de Schùle 5, de L. Meyer °, de Paetz7, de

Scholz8.

CI. Neisser, en 1889, introduit le traitement par le lit à

l'asilede Leubus (Silésie). Le même auteur, au dixième Congrès

international des sciences médicales, vulgarise la méthode de

l'alitement et crée le niut Be/tbehandlung9. Il poursuit sa

campagne dans une série de publications 10.

1 Paetz. Berichl ilber die l'rov. le,i,eit(tîisl(tli 7< ? p)-«jj ? e/ie;'&t/ : sur

1880-S1, p. 6.

5 \\'ille. l3ericlel itber lorer7anslrtl l3asel, lSï9. ]1.27.

3 Flersheim. liie 13r·ltuncllunc/ cler Manie in der l3t·lllal/e. (Thèse de

Gottingue. 1881.)

* C.-F.-W. Roller. Die lleilanslrrll Johannisberg bei Kaisersxverlh,

1883, p. 3.\, et ï : i,

' Scliùle. Traité clinique des maladies mentales, 18li. (l'raLlllct. fran-

çaise de Duhamel et J. Uaonet. 1888.)

° Lever. Die l3ehamlhenJ cler ]Jsychischell 7)')'fy)) ? <f/ Depl'es-

sionscuslcintle. (Thempellt. 31oi(tlsh., J887,)

7 Paetz. Ueber die ls'imiclrlvn7 von l : ebel'u'ac1ll1ngss/alionen. (,111,q.

Zeilsch. f. l's ! Jch.. t. XLI y, p. 421. li3Sï.)

8 Scholz. Weber 1j'achablheilllllgen in 7;'re;in) ? f/e ? (.l11g. Zeilsch.

f. l'sych., t. XLVIII, p. : ! 3 : 5, 1888.)

" Neisser. Die l3ellbeharztllrtztr/ der Irren. (l3erlirr. klin. Il'ocher7.sch.,

'1 sept. 1890.)

Il Neisser. 13ellnuhe bel Epilepsie. (7'/<e)'ef/)..Vocrs/i., n° 38, mars 1893.)

- Soch einmal die l3ellelranclluzrg der ll'I'ell, (.I11g. Zeilsch. f. l'sy-

chiatrie, t. L, p. 111, 1[J'\'.)

45G THÉRAPEUTIQUE.

Enfin, dans ces dernières années ont paru en Allemagne

les travaux de Hebold', de Roller de lilinkc3, de Paetz v,

de Scholz5, de Kraepelin6, delleilbronner 7.

D'Allemagne la méthode pénètre en Russie. Nombreux sont

les aliénistes russes qui l'unt expérimentée et qui s'en décla-

rent partisans. Citons le docteur Timoféiev qui, au retourd'un

voyage d'études en Allemagne, fait connaître le traitement

par le lit et l'emploie le premier en z1892, à l'asile Alexan-

dre III près de Saint-Pétersbomg8. En 1895, le professeur

Korsakov et ses élèves Bernstein et Rybakov expérimen-

tent cette méthode à la clinique psychiatrique de Moscou.

A. Bernstein publie, en 1897, une note sur le rôle du séjour

au lit9; il signale la promptitude avec laquelle la plupart des

maniaques s'habituent au lit; l'agitation s'atténue considéra-

blement ; le pavillon cellulaire de l'établissement reste inoc-

cupé. Plus de ces scènes «auxquelles nous étions accoutumés

pendant le système de l'isolement dans les cellules... Les ma-

lades gardent, grâce à la mise en scène de l'hôpital, leurs

qualités humaines qui dégénéraient bien vite autrefois dans

l'emprisonnement solitaire des cellules. Le gâtisme par terre,

compagnon indispensable du séjour dans les cellules, dis-

paraît complètement. »

A Ekaterinoslav, le docteur Govséiev pratique l'alitement t

dès 1894, et fait connaître en 1896 le résultat de ses observa-

tions10.

' IIPbold. l3ellbehnrzcllttnr/ und Zelle. (Allg. Zeilsch. f. Psychiatrie.

t. XLVII, p. 686, 1891.) .)

2 C.-F.-W. Itolfer. Die FM)'s</. Lippe'sclte Ileil-untl Pilegeanslail

Dindenhalls in Dmlce bei Lemflo. Bielete1d, 1891, p. -iG-106.

3 Klinke. Zur I,eschickle der J'reien llehandlung und der .lnu'ellltanfJ

der Bellrulie bei f7e ! <M/t)'a;t/.e«. (.JllfJ. Zeilsch. f. Psychiatrie, t. XLiX,

p. 669, 1893.)

1 Paetz. Die Kolonisirung des Geisleskranken. Berlin, 1893, p. ? os- ? 15.

' Scholz. Die nfichsle Aufgabe der Il'l'enpfll'.7e. (Allg. Zeils. ? l'sil-

chiat., p. G'J0, t. L, 1894.)

Kraepeliii. (.1ll,'l. Zeils. f. l'sych., t. XLI.)

Heilltronner. Bellbehandlunq uni'. 7 ? H=e/ : <MH : e)'e/;a/i/i/). (Allq.

Zeitsch. f. j'sych., t. LUI, 18U7.)

8 Timoféiev. Méthode de traitement des aliénés, dite du lil (en russe).

AI ? hiv psikltictlr., t. XIX, p. 3.)

' Bernstein. Sur le rôle du séjour au lil dans le trai lemenl des aliénés.

(Annales ? net/'eo ? yc/t0<., janvier 1897.)

10 Govséiev. Le régime du lil el sa valeur dans le traitement des alié-

nés (en russe). (Obozr. psikhialr., 189G, p. 5.)

LE TRAITEMENT DES MALADIES MENTALES. 457

A la clinique de l'Académie militaire de médecine de

Saint-Pétersbourg, le traitement par le lit est appliqué, en

1896, par le professeur BeUiterev et ses assistants Trapezni-

kov et Osipov. Ces derniers auteurs arrivent à conclure que

les aliénés s'habituent très facilement au séjour au lit; que

ce mode de traitement ne diminue pas sensiblement la durée

de la maladie; qu'il a l'inconvénient de déterminer (W 1-

constipation et de l'anorexie 1. Pour le professeur BecUteayyr

le traitement par le lit est indiqué chez les aliénes agités 1'

(aigus et chroniques), dans la démence aiguë, la stupeur.^a

dépression, chez les patients faibles, malpropres et chez cè'u' ' :

qui se fatiguent rapidement 2. '

En Angleterre, la méthode ne paraît pas encore très

répandue et nombre de médecins la critiquent. Hâck Tuke ne

lui consacre que quelques lignes dans son dictionnaire mé-

dico-psychologique3. Clouston range le séjour au lit parmi les

moyens de contrainte et, malgré les tendances en faveur du

repos, recommande'1'exercice chez tous les aliénés, sauf chez

les sujets neurasthéniques, les vieillards et dans les cas de

psychoses puerpérales. J. Balty Tuke, au contraire, est par-

tisan du traitement par le repos au lit; il admet que, dans les

psychoses aiguës, il existe une hyperémie de l'écorce que

l'exercice ne peut qu'exagérer. Il recommande d'associer à

l'alitement les calmants, les bains, le massage. D'autres

auteurs, Rayner, Rivers, Nicolson, recommandent également

le Rest in lied'. r.

Aux Etats-Unis, lIurd. recommande le traitement par le lit

dans les psychoses aiguës, sauf la manie.

En Suisse, Rabow, élève de Ludwig Meyer, introduit l'ali-

1 TrapcZlllkov et Osipov. Sur le traitement des aliénés par le lil.

(Société médicale de Saint-Pétersbourg, ;, ! liai ! Si)7.)

2 l3ecliterev. Ueber die rlmocmlatrrl der 13ellruhe bei Geislesl,wotnl,eu.

(Cenlr.-Bl. f. Xervenheilk. u. Psychiatrie, août )89'7.)

3 Une); Tuke. Art. « 73es1 in bed » in Diclior7ary of psycltological

medicin. (Londres, 1892, t. II, p. 1314.)

Rest aii(l Exe-cise riz Ilie li-eal»zeil of Nei,voiis ciel(1 lle;zl(tl DiseÉtses.

A Rest and Exercise in the lrealmeul of Nel'l'OUS and Mental Diseuses.

A discussion opened by T.-S. Clouston, M. D.. a ! .d J. tiatty Tuke.

M. D., at the animal meeting of the medico-psycliological association ;

july 1895. (Journal of Mental Science, 1895, p. M9.)

° Ilurd. The M il/al' loealnzenl of insane Patients. (Alienisl and tteu-

1'010girl, oct. 1sus3.)

458 THÉRAPEUTIQUE.

tement à Lausanne dès 1876. Wille l'applique il Baie en 1879,

Burckardt à Neuchâtel (1882), Martin à Genève 1.

En\utriclie, Krayatch pratique l'alitement des 1895; Borek

l'introduit en Bohème ; von KraIT't-Ehing, dans son traité,

considère cette méthode comme la prescription médicale la

plus importante et la plus bienfaisante.

Depuis quelques années un mouvement parait se dessiner

en France en faveur de la vieille méthode de Guislain et de

Falret ainsi réimportée de l'étranger. En 1894, au cours

d'une mission dont l'un de nous fut chargé en : \llemagne, en

Autriche et en Suisse, il s'est rendu compte de visu des avan-

tages que présente l'alitement et il a recueilli sur cette im-

portante question, l'opinion des psychiatres les plus auto-

risés. Ces faits sont consignes dans les relations de ce voyage

d'études 2, ainsi qu'au cours de diverses publications sur le

traitement par le lit dans l'épilepsie, les délires toxiques, la

mélancolie, les psychoses aiguës 3. A partir de 1894, il eut

l'occasion d'expérimenter le traitement par le lit dans cer-

tains cas pendant quelques intérims à l'asile de Villejuif.

En 1896, au Congrès français des médecins aliénistes et

neurologistes. un confrère russe, M. Serbski, demande aux

membres de l'assemblée si le traitement par le lit est appli-

qué en France. Aucune discussion n'est engagée sur cette im-

portante question.

Il faut arriver à l'année 1897 pour voir la méthode adoptée

systématiquement pour la première fois, en France, dans les

services de MM. Magnanà l'admission de Sainte-Anne, Joilroy

à la clinique des maladies mentales, Briand et Toulouse à

l'asile de Villejuif, Sérieux à la maison de Santé de Ville-

Evrard l,. .

1 Hoeliricli. Du traitement par le lit chez les aliénés. (Thèse de

C;ellève, 1898.)

Il. Sériew. L'assistance des alcooliques en Suisse, en Autriche, en

Allemagne. Montévrain, 1891. Notice historique sur le développement

Éla l'assistance des aliénés en Allemaqne. (Arcli. de neurologie,

nov. 19.)

1 Il. Sérieux et llarinesco. Essai sur la pathogénie et le traitement de

l'épilppsie. (131111. (le de méd. de Belgique, 18U ? )

Il. Sérieux. Le traitement des mélancoliques par le repos au lil.

{Berne de psychiatrie, août 1897.) - Le traitement des psychoses aiguës

par le repos au lit. (Revue internat, de lhémpeul. ci de pharmacol.,

15 sept. 1897.)

* Consulter, dans le Rapport sur le service des aliénés du département

LE TRAITEMENT DES MALADIES MENTALES. 459

Bien qu'à l'heure actuelle l'alitement soit pratiqué chez

nous seulement dans quelques services d'aliénés, il a fait

l'objet d'un certain nombre de travaux. Citons les pages

que lui ont consacrées Roubinovitch et Toulouse dans leur

traité de la mélancolie'; différents articles du Traité de

thérapeutique appliquée de A. Robin-; une note de 111. Ma-

gnan qui pose en principe que no-restraint et alitement

sont les deux méthodes générales à appliqner à tous les cas

de manie3. Rappelons encore une revue générale de Manhei-

mye ! ' 4; un article de P. Kéra val5; la thèse de Lacombes. Cette

année même Magnant et son élève Pochon ont fixé des indi-

cations spéciales de la méthode ; Toulouse et Marchand ont

fait connaître le résultat de leurs recherches au point de

vue de l'influence de l'alitement sur la nutrition et la tempé-

rature 9.

Enfin, dans une récente revue générale 10, nous nous effor-

de la Seine pour l'année 1897 (Muntévrain, 1898), les rapports de

JI31. \lanan, li. a ? Jo(lroy, p. ïtl ; Lriand. h U; 'l'onlouse, J. 39 et

Sérieux, p. 198.

1 ! \ulllJillo\'itch et Toulouse. La Mélancolie, Paris, 1897, p. 389.

5 Voir les articles indiqués ci-dessous du Traité de thérapeutique

appliquée, de A. Robin : Alagnan et Seneux. Traitement de l'intoxication

alcoolique. Alagnan et Pecharman. Thérapeutique générale des mala-

dies mentales. Traitement de la folie intermittente, P. Chashn.

Traitement du délire hallucinatoire. - Traitement de la confusion men-

tale. Hitti. Traitement de la mélancolie. Blin. Traitement des états

nuniaques.

3 Alagnan. Traitement de la manie. [Revue de psychiatrie, juillet 1897.)

"Ianheill1el'. Le traitement des aliénés au lil. (Tribune méd., 1898,

n- 37.)

5 P. Keraval. Le traitement de l'aliénation mentale par le repos au

lit. [Progrès méd. 18 juin 1898.)

0 Lacombe. Contribution à l'élude du traitement des aliénés par le

repos au lit. (Thèse de Paris, 1898.) \

7 lagilan. Il/lemenl, Traitement par le repos au lil, dans les formes

aiguës el subaigucs de l'alcuolisme. [Dixième Congrès des médecins alié-

nisles einelll'ologisies de France, lenu à Marseille du 4 au S avril 1899.)

"Pochon. Elude sur le traitement des aliénés agiles par le repos au

III. (Thèse de Paris, 1899.)

'TonloHse et Iarc¡'and. (Comptes rendus de la Soc. de biol.. mars

et 8 juillet JS ! J9.)

10 P. Sérieux et F. Parnarier. Le traitement des psychoses aiguës, etc..

toc. cil.

460 THÉRAPEUTIQUE.

cions de mettre la question au point et de fixer aussi exac-

tement que possible les indications de la méthode.

Telles sont les diverses étapes parcourues par la méthode

de l'alitement.

Comme on le voit, l'idée de soigner par le lit les sujets

atteints de psychoses aiguës afait du chemin depuis les essais

partiels de Guislain et de Falret, : ou peut dire qu'actuelle-

ment, ce mode de traitement n'est même plus discuté dans les

pays de langue allemande; il est appliqué par la majorité des

psychiatres russes ; bon nombre d'aliénistes anglais, hollan-

dais et amél'icainss'en déclarent partisans; enfin, les trop rares

auteurs qui l'ont expérimenté en France enontretiré les meil-

leurs résultats. Nul doute que son emploi ne se généralise de

plus en plus, pour le plus grand profit des malades et des méde-

cins ; aussi, profondément convaincus des avantages de toute

nature que présente ce procédé thérapeutique, nous n'hésitons

pas àaflirmer qu'il est appelé à prendre rang, avec la suppres-

sion des moyens de contention (no-l'estraint), le traitement

en liberté (open-dom') et la colonisation, parmi les conquêtes

les plus précieuses de la psychiatrie contemporaine. ·

Le traitement par le lit entraine comme corollaire obligé

une modification radicale de noire système suranné d'assis-

tance des aliénés, système désormais condamné sans appel.

L'application générale de la méthode en question amènera

fatalement la disparition de nos asiles-prisons où les exi-

gences de la thérapeutique tiennent si peu de place et leur

remplacement par des hôpitaux de traitement pour les aigus,

par des colonies agricoles et par l'assistance familiale pour

les convalescents, les intermittents, les chroniques et les

incurables.

L'alitement consacrera ainsi, d'une façon pratique, l'éléva-

tion des aliénés à la dignité de malades, proclamée il y a près

d'un siècle par Pinel, et restée depuis lors formule sans appli-

cation ; seul le traitement par le lit en assurera le développe-

ment intégral. On ne se contentera plus d'interner les aliénés :

on les traitera. Et la clinothérapie permettra de rendre guéris

à la société bon nombre de malheureux, que les conditions

trop longtemps défavorables du traitement des maladies men-

tales ont seules jusqu'ici condamnés à l'incurabilité.

REVUE CRITIQUE.

SUR LE SENS MUSCULAIRE A PROPOS DE QUELQUES

TRAVAUX RÉCENTS; -

Par llewu VERGER,

Chef de clinique médicale à l'Unhcl'sile de Bordeaux.

L'étude du sens musculaire est une de celles qui peuvent le

mieux montrer comment une conception physiologique présentée

au début comme très simple peut devenir de plus en plus com-

plexe au sur et à mesure que les chercheurs viennent ajouter des

données nouvelles au problème et retardent d'autant sa solution

définitive. Cette expression de « sens musculaire» introduite dans

la science par Charles Bel, en 1833, n'exprimait alors que l'idée

vague de sentiment de l'action du muscle, et nous retrouvons cette

même conception dans les travaux de Landry, 1852. Les auteurs

qui suivirent ne tardèrent pas à s'apercevoir qu'en réalité le sens

musculaire était quelque chose de beaucoup plus complexe.

Dnchenne (de Boulogne), en 1852, distingua la « sensibilité mus-'

culaireD qui renseigne sur le mouvement en cours d'exécution et la

« conscience musculaire » qui entre en fonction au moment d'exé-

cuter ce mouvement. En même temps, du reste, d'autres auteurs

ramenant la question sur son vrai terrain tendaient à placer l'ori-

gine des sensations en question, non point dans les muscles, au

moins dans les muscles seuls, mais dans la peau et l'expression

de sens des mouvements substituée à celle de sens musculaire ne

s'appliqua plus à un sens spécial, mais à une modalité particu-

lière des sensations tactiles. C'est Schiff qui émit le premier cette

idée reprise plus tard par Vulpian. Trousseau étudiant l'ataxie

développa encore le rôle de la sensibilité tactile et parla le pre-

mier de sensibilité articulaire.

Dès cette époque le problème était nettement posé et les auteurs

contemporains n'ont fait qu'amplifier la question, et y ajouter de

nouvelles données. Notre intention n'est pas de faire ici un exposé

complet de ces travaux, désirant nous limiter à l'étude critique de

quelques publications récentes '. Tous les auteurs contemporains

1 Pour l'historique voir Sollier. Le .sens musculaire. (Archives de Neii-

l'ologie, 1887.)

462 REVUE CRITIQUE.

s'accordent à admettre l'existence non pas d'un sens musculaire

autonome tel que l'avait conçu Charles Bell, mais d'un complexus

d'impressions périphériques perçues à l'occasion des mouvements

et provenant de sources multiples. A ce complexus sensitif dont

les différents éléments ont donné lieu à des discussions nom-

breuses., on a donné des noms plus en rapport avec les idées nou-

velles. L'expression de « sensations kinesthésiques Cl rée par

Charlton Bastian est évidemment celle qui exprime le mieux la

pensée moderne puisqu'elle renferme l'idée de multiplicité d'ori-

gine et celle de phénomènes liés au mouvement. 11 semblerait donc

qu'elle dut avoir toutes chances de supplanter celle de « sens

musculaire » qui, prise dans un sens étroit, ne correspond plus à

la réalité des faits. Il n'en est rien. Une expression qui a servi

quelque soixante ans est difficilement rayée du vocabulaire. Nous

la prenons donc telle quelle avec la majorité des auteurs, tout en

la sachant mauvaise, reconnaissant avec Claparède « que ce terme

est si utile en pratique que ceux-là même qui n'ont pas assez de

reproches à lui adresser ne savent pas s'en passer ».

La classification des sensations élémentaires, dont l'ensemble

constitue le sens musculaire. la détermination de leur importance

respective et le rôle qu'elles jouent dans la genèse des mouvements

et la coordination volontaire tels sont à l'heure actuelle, les points

en litige. Ces questions ont été étudiées presque simultanément

dans plusieurs travaux récents qu'il est intéressant de comparer.

Ce sont les thèses d'.lLba', de 13ourdicault-Dumay 2, de Cher-

clie«-sl : i 3, de Claparède1.

I. Psychologie du sens musculaire.

Après Bastian, Lamacq en 1891 ;, admettait quatre notions élé-

mentaires ou quatre modalités des sensations musculaires 6.

C'étaient : 1° La notion des mouvements actils perçue à l'occasion

1 Abba. Elude clinique des troubles de la sensibilité générale, des sens

musculaire et sléréognostiquc dans les hémiplégies de cause cérébrale.

Thèse de Paris, 1>i96.

2 Bourdicault-Dumay. Troubles de la sensibilité générale, du sens murs-

eulaire el du sens stéréognostigite dans les hémiplégies cérébrales. Thèse

de Paris, 1894.

3 Cherechewslu. Le sens des altitudes. Thèse de Paris, 'tS7.

4 Claparède. Le sens musculaire el l'hémiulaxie pos-hémiplégique.

Thèse de Ceuève, 1897.

5 Lamacq Le sens musculaire. Thèse de Bordeaux, 1891.

° Nous ne comprenons dans l'étude du sens musculaire ni la sensation

pioduite par la pression des muscles, ni la sensation de courbature qui

se produit au niveau des muscles fatigués. '

SENS MUSCULAIRE. 463

des mouvements volontaires et aussi des mouvements réflexes des

membres toutes les fois que la contraction musculaire est cause du

mouvement ; 2" La notion des mouvements passifs lorsque les

membres sont mis en mouvement par une cause externe quelcon-

que, et sans qu'aucune réaction musculaire intervienne; 3° La

notion de position des membres qui renseigne sur leur situation

dans l'espace par rapport aux autres parties du corps, qu'ils aient

été amenés à cette situation par des mouvements volontaires ou

par des actions externes; 4° La notion de poids qui peut se con-

fondre avec la notion de résistance au mouvement.

l3ourdicault-Uumay et Claparède conservent cette classification.

Abba poussant plus loin l'analyse examine successivement : la

perception des mouvements passifs, la notion de position, la force

musculaire, la sensation de pression avec des poids différents, le

sens de l'orientation et le sens stéréognostique. Il est aisé de voir

que si cette division répond à des nécessités d'examen clinique,

elle doit être simplifiée au point de vue physiologique. Outre qu'il

n'y est point parlé des mouvements actifs, le sens de l'orientation

fait double emploi avec la notion de position dont il n'est qu'une

variante; et d'autre part la notion de la différence des poids sou-

pesés ressoit seule au sens musculaire tandis que la sensation de

pression avec différents poids ressort à la sensibilité tactile et à la

sensibilité musculaire profonde.

Pour Cherchewaki il n'y aurait qu'une seule espèce de sensa-

tions périphériques perçues à l'occasion des mouvements. )t ramène

tout le sens musculaire à une seule notion fondamentale, celle

des attitudes segmentaires ou totales, expression qui'correspond à

celle de notion de position des membres. La notion de mouvement

actif ou passif serait une notion complexe, formée par la succes-

sion dans le temps d'une série de notions de position en sorte

qu'on aurait la perception d'un mouvement uniquement par la

perception des déplacements successifs. Outre que pour expliquer

la sensation du mouvement actif et la ramener à la sensation

des attitudes successives Cherchewski est obligé de faire appel à

un facteur d'origine centrale sur lequel nous aurons à revenir, une

grave objection peut être faite à sa théorie. Nous même avons pu

maintes fois constater chez des hémiplégiques en étudiant la notion

de position qu'ils se rendaient compte d'un certain déplacement

de leur membre, mais qu'ils étaient Incapables de se rendre éga-

lement compte de la position où ce déplacement l'avait amené.

Puisque la sensation^brute de mouvement passif peut exister sans

que la position définitive du membre soit elle-même perçue, il

parait bien diflicile de faire de la sensation de mouvement la

résultante de sensations de position qui en l'espèce ne se pro-

duisent pas.

Claparède n'admet pas cette simplification du sens musculaire

464 REVUE CRITIQUE.

et il s'est attaché à déterminer les rapports des quatre notions

élémentaires que nous avons énumérées, entre elles et avec les

sensations d'autre nature.

Pour lui, la sensation de position des membres, la plus facile à

explorer cliniquement n'est pas due à une sensation primitive irré-

ductible. Une position donnée d'un membre suscite certaines sen-

sations sur l'origine desquelles nous discuterons plus loin, mais

dont l'ensemble est insuffisant à former à lui seul une représen-

tation mentale, une image. C'est par association avec des souvenirs

visuels antérieurs que se crée l'image mentale de la position du

membre et de fait cette image est une image visuelle. La notion de

position serait le résultat d'un jugement. Le mot est peut-être

inexact car jugement suppose une opération mentale active, une

comparaison. Tout en reconnaissant le bien fondé des arguments

l'explication psychologiquenous semble défectueuse. Il va éveil de

l'image visuelle par association, mais cette image visuelle apparaît

seule dans la conscience sans que l'esprit ait à intervenir active-

ment. Il n'y a donc pas jugement si l'on admet qu'un jugement

est à proprement parler un phénomène conscient.

Claparède fait de plus justement observer, et ceci est un argu-

ment contre la théorie de Cherchewski que la notion de position

ne saurait exister en l'absence du mouvement. Cette assertion

repose sur ce fait facile à vérifier qu'on a d'autant plus de peine

à se rendre compte de la position d'un membre, que ce membre

est immobile depuis plus longtemps comme cela arrive le matin

au réveil, car il suffit du plus léger mouvement pour éveiller la

notion absente. Tout en étant vraie d'une manière générale, cette

explication ne saurait être généralisée.

La sensation de mouvement passif est un élément irréductible

qui précède dans le temps la sensation de position et de direction.

Et ici- se place dans le travail de Claparède une discussion des

plus intéressantes, car elle a pour objet l'étude des organes d'où

provient cette sensation simple. Trois sortes d'organes sont àcon-

sidérer, la peau, les muscles et les articulations avec les tendons.

Or l'auto-analyse psychologique, si minutieuse qu'elle soit, est im-

puissante à nous révéler autre chose qu'une sensation de mouve-

ment ; elle ne peut en déterminer les sources. Wundt a dit à ce

propos : « L'analyse de toutes ces sensations est particulièrement

difficile car c'est leur association même que nous avons été. habi-

tués à rapporter aux mouvements des parties de notre corps.

Chaque sensation élémentaire n'ayant de signification qu'en tant

qu'elle fait partie du tout donné nous avons perdu la faculté de

les percevoir d'une façon indépendante. »

Goldscheider cité par Clapaccde a tenté de résoudre la question

par l'analyse expérimentale. Partant de ce fait que si on empêche

artificiellement lavant-bras de se fléchir sur le bras, malgré l'e f

SENS MUSCULAIRE. 465

fort du biceps on n'a aucune sensation de mouvement, il croit pou-

voir établir que les sensations musculaires proprement dites n'in-

terviennent pas dans la formation de la notion de mouvement.

Bien que faisant des réserves au sujet de cette expérience, Clapa-

rède admet que les sensations de mouvement proviennent pour la

plus grande partie des articulations : « Leur source véritable,

dit-il se trouve, dans le frottement, si léger soit-il, des surfaces

articulaires, dans la tension ou le relâchement des capsules et des

ligaments, dans l'extension ou le plissement de la peau, des tissus

mous, des muscles et de leurs tendons, en particulier dans la ten-

sion de certains muscles et le relâchement simultané de leurs

antagonistes ». Il y a donc chez lui un juste éclectisme, car tout

en admettant la suprématie des sensations articulaires il se refuse

à dénier toute participation aux sensations musculaires proprement

dites.

Dans la production de la notion du mouvement actif il faut faire

intervenir les mêmes sensations, mais avec quelque chose de plus.

A la suite de Johannès Muller ' beaucoup d'auteurs avaient été

amenés à admettre l'existence d'une sensation spéciale accompa-

gnant l'influx nerveux volontaire lancé par le cerveau. Cette théo-

rie de l'origine centrale du sens musculaire n'est plus guère ad-

mise en tant que théorie exclusive. Wundt lui-même en qui elle se

personnifiait parmi les contemporains admet les sensations mus-

culaires périphériques et ne fait intervenir la sensation centrale et

d'activité cérébrale qu'à l'occasion des mouvements actifs =.

Cherchewski a repris la même idée et pour lui la sensation du

mouvement actif est constituée par l'association de la sensation

d'innervation d'origine centrale avec la sensation des attitudes

segmentaires. Claparède se refuse à admettre cette sensation d'in-

nervation et il montre le mal fondé des expériences qui prétendent

prouver l'origine centrale du sens musculaire. Les sensations illu-

soires des amputés, ou Weir Abitchell avait vu cette preuve sont

d'origine périphérique; notre maitre, le professeur Pitres, a

montré qu'elles disparaissaient par la cocaïnisation du moignon.

En l'absence de cette sensation d'innervation c'est l'existence de

la représentation mentale du mouvement précédant son exécution

qui d'après Claparède donne à ce mouvement son caractère volon-

taire. Et il montre comment on peut concilier les deux théories.

« Dans la pratique, dit-il, cette idée de mouvement se trouve être

consciente au moment même où le mouvement s'exécute, et comme

il arrive alors de la périphérie un certain nombre d'impressions

musculaires cutanées et articulaires, le tout se fusionne dans la

conscience en un sentiment suieaeris, assez vague en réalité et

' llandbllch d. Physiologie, II, p. 500, 1850.

. Lelarbucle des Physiol. Psychologie I, 1893.

Ancuwua, 2° série, t. VIII. 30

466 REVUE CRITIQUE.

qui est celui pour lequel Johannès Muller et Wundt avaient cru

devoir forger une théorie spéciale. »

Les sensations fournies par les organes périphériques sont de

plus différentes dans le mouvement actif et le mouvement passif;

les sensations musculaires et articulaires sont plus vives dans le

premier cas..Mais cette différence est secondaire pour la différen-

tiation des deux notions dans la conscience. La notion de la direc-

tion du mouvement est une résultante formée de la notion de

mouvement propre, avec les notions des positions successives en-

gendrées par ce mouvement même.

La sensation ou notion de résistance que Beaunis, partisan con-

vaincu des idées de Wundt déclarait être simplement due à la

conscience que nous avons de notre activité motrice centrale,

trouve pour Claparède une autre explication en conformité avec la

théorie de l'origine périphérique du sens musculaire. Elle résulte

de plusieurs éléments qu'il classe ainsi :

« 1° Dans le cas où un mouvement actif rencontre.une certaine

résistance les sensations musculaires et articulaires qui donnent

lieu à la sensation primitive de mouvement acquièrent une inten-

sité anormale; 2° La sensation kinesthésique qui a coutume d'être

associée à ces impressions musculaires et à l'image qui les pré-

cède est absente puisque en fait le mouvement est empêché ;

3° La tension des muscles atteint une importance considérable,

bien plus grande que dans un mouvement non contrarié ; 4° La

pression cutanée contre l'obstacle intervient également, mais elle

peut être considérée ici comme une sensation de peu d'impor-

tance relativement à celles qui précèdent. »

Par conséquent la notion brute de résistance résulterait d'un

désaccord dans les associations habituelles. Elle nécessiterait elle

aussi un jugement, une comparaison. Les autres notions, d'effort,

de pesanteur seraient des variantes de cette notion de résistance.

Dans le cas d'effort, il y a en plus des sensations habituelles qui

indiquent la résistance, une série d'impressions de même nature,

mais de sources différentes provenant des articulations et des

muscles de la glotte et du thorax.

La notion de la différence de poids est due à des variations

quantitatives de cette notion de résistance et l'appréciation de ces

poids est le résultat d'une opération mentale beaucoup plus com-

plexe dans laquelle interviennent des processus d'association.

Nous pouvons maintenant résumer en quelques mots les idées

de Claparède. Il n'y a en somme pour lui que des sensations de

mouvement, éléments psychologiquement irréductibles. maiaphy-

siologiquement analysables, et dans la formation desquels les

sensations musculaires proprement dites entrent pour une large

part. Les notions secondaires de position, de résistauce, de mou-

vement actif ou passif sont des résultats soit de variations' quali-

SENS MUSCULAIRE. 467 Î

tatives de ces sensations de mouvement, soit de leur association

avec d'autres éléments sensoriels ou mnésiques.

La théorie de Claparède est donc une théorie simpliste,

surtout si l'on tient compte de ce fait qu'au contraire de Cher-

chewski, il n'admet que des éléments périphériques à l'exclusion

d'un élément central du sens musculaire. Par de nombreux côtés

son travail réalise un progrès sensible.

Le rôle des sensations musculaires proprement dites avait en

effet été trop complètement écarté en tant que facteur de la sen-

sation de mouvement. Pour notre part nous pensons que si dans

la production de la sensation brute de mouvement le principal

rôle est dévolu aux impressions articulaires et cutanées, il n'en est

pas de même dans la perception des variations quantitatives du

mouvement actif, c'est-à-dire dans l'appréciation des résistances.

C'est ici semble-t-il la perception des variations d'intensité de la

contraction musculaire qu'on doit surtout considérer. Notre maître

le professeur Pitres a dit à ce propos : « La contraction d'un

muscle est accompagnée d'une sensation toute particulière qui fait

apprécier exactement le degré de durcissement actif des fibres

musculaires'. Si l'on veut réfléchir que dans ce mouvement actif

quel qu'il soit, il y a toujours une certaine résistance représentée

au minimum par le poids du membre à mouvoir, il est aisé de

concevoir que la perception d'une résistance plus élevée est seule-

ment le fait d'une variation quantitative de la sensation et que la

notion de désaccord entre les associations habituelles qu'invoque

Claparède n'a pas sa raison d'être. En effet cette idée de désaccord

implique l'idée de la perception nette d'un empêchement au mou-

vement ce qui ne saurait se faire sans une opération mentale, sans

un jugement. Or il nous parait que dans le fait de la sensation de

résistance, aucun jugement n'intervient si, comme nous le disions

plus haut, on admet que le jugement est un phénomène cons-

cient. Le jugement est seulement nécessaire quand il s'agit de

comparer entre elles deux sensations de résistance données,

comme par exemple dans l'action de comparer entre eux des

poids différents.

En ce qui concerne l'origine centrale ou périphérique du sens

musculaire la question nous semble parfaitement élucidée par

Claparède et nous nous rallions pleinement à sa manière de voir.

11 semble bien en effet qu'il faille admettre à l'origine du mou-

vement actif un phénomène cérébral conscient, et que ce soit la

reviviscence mnésique d'une image motrice préalablement enre-

gistrée. Mais cette image motrice ne peut être elle-même qu'un

résidu de sensations musculaires antérieurement perçues. Or,

' .1. Pitres. Leçons cliniques siii l'hystérie. Paris, 1891, \ol. I,

p. 110.

468 REVUE CRITIQUE.

entre la conscience, d'une représentation mentale et ce que les

auteurs appellent sensation d'innervation, entendant par là la sen-

sation de l'activité consciente des centres moteurs, il n'y a pas

autre chose qu'une différence de mots pour désigner un fait iden-

tique. -

Ceci nous amène à parler de l'origine de ces images motrices

conservées dans la mémoire. Tout le monde est d'accord pour

penser que les premiers mouvements du foetus comme aussi pro-

bablement ceux du nouveau-né sont des mouvements réflexes. Or,

dit Claparède, pour passer du mouvement réflexe au mouvement

volontaire on tourne dans un cercle vicieux car « si l'on veut com-

prendre le mouvement volontaire il faut lui présupposer une image

motrice, mais cette image motrice ne pourra se former qu'à la

suite d'un mouvement conscient ».

C'est que Claparède admet que le mouvemeut réllexe est par

définition non accompagné de phénomènes psychiques conscients.

Il n'en est point tout à fait ainsi. Sans doute il peut y avoir mou-

vement réflexe en dehors de toute conscience, mais chez l'individu

normal les mouvements réflexes des membres donnent lieu à une

représentation consciente au même titre que les mouvements pas-

sifs. L'individu qui a les yeux fermés et dont on percute pourla pre-

mière fois le tendon rotulien a conscience de la projection de sa

jambe en avant, encore que ce mouvemont soit parfaitement invo-

lontaire. Le mouvement instinctif que Claparède admet après

Wundt et qui participerait à la fois du réflexe, car il ne pourrait

être déterminé que d'une manière possible et sans que la volonté

puisse y prendre part et du mouvement volontaire proprement dit

parce qu'il donne lieu à des impressions conscientes susceptibles

de laisser des traces dans la mémoire, nous parait donc un inter-

médiaire superflu. Les mouvements du foetus sont certainement

inconscients, mais les mouvements réflexes du nouveau-né donnent

déjà lieu à des images motrices qui seront l'origine des futurs

mouvements volontaires. (A suivre.)

1

RECUEIL DE FAITS.

UN CAS D'HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES

CHEZ UN PARALYTIQUE GÉNÉRAL;

Par le il Raoul LEROY,

Médecin adjoint de l'Asile des aliénés d'Eerew.

Si on élimine les troubles sensoriels d'origine alcoolique

que présentent souvent les paralytiques généraux, on peut

dire que les hallucinations propres à l'encéphalite intersti-

tielle difluse sont relativement assez rares. Falret, Millet,

Thomeuf, Fournier vont même jusqu'à en contester l'exis-

tence, mais la majorité des aliénistes les admettent soit en

les considérant comme rares (Lunier, Lasègue, Marcé, Bail-

layer, Dagonet, Westphall, Iiraffl-Gbing, Magnan) soit en les

regardant comme fréquentes (Michéa, Trélat. Morel, Brierre

de Boismont, Foville, A. Voisin, Girma, Luys, Christian et

Ritli, Claüs, Schiile, Obersteiner). Notre collègue el ami le

Dr Baruk, qui a examiné dans sa thèse les différentes opinions

des auteurs, arrive à cette conclusion que les hallucinations

chez les paralytiques généraux se présentent à peu près dans

le tiers des cas et que les sens les plus fréquemment affectés

sont ceux de la vue et de l'ouïe.

Les hallucinations psycho-motrices n'avaient guère été

observées avant '1894 que par M. le Dr Girma qui en rapporte

trois exemples dans sa thèse, en les notant simplement. C'est

à M. le Dr Sérieux que l'on doit le premier travail intéressant

sur ces faits', travail publié à l'occasion du cas d'une malade

paralytique générale qui présenta des hallucinations motrices

verbales, accompagnées de mouvements involontaires de

mastication ou de grincements des dents, et un délire des per-

sécutions entretenu par ces troubles psycho-sensoriels. L'au-

topsie montra, entre autres choses, des lésions de méningo-

1 Sérieux. Archives de Neurologie, mai 1891.

-470 0 RECUEIL DE FAITS.

encéphaliteloealisées au niveau du centre moteur du langage

et des centres masticateurs.

Nous avons eu l'occasion de suivre pendant deux ans, à

l'asile des aliénés d'Evreux, un paralytique général qui pré-

senta également des hallucinations psycho-motrices et dont

l'observation nous a paru intéressante.

Ce malade, dégénéré héréditaire, syphilitique, estatleintde

tabes en '1893, puis présente des symptômes de paralysie

générale en 1807. Sous l'influence d'excès alcooliques, il fait

un véritable délire hallucinatoire (hallucinations visuelles,

auditives, kinesthétiques), où les idées de grandeur les plus

absurdes se joignent aux conceptions les plus incohérentes.

Au bout de quelques mois ce délire cesse et est remplacé par

une période de rémission.

Pendant cette période de rémission, sans nouvel appoint

alcoolique, se manifeste un délire mélancolique avec idées de

persécution, délire accompagné denombreuses hallucinations

de l'ouïe et d'hallucinations psycho-motrices. Par intervalle,

ces troubles sensoriels devenant très actifs déterminent des

idées de suicide et de violentes impulsions. Cette complica-

tion délirante de la paralysie générale semble«due à l'héré-

dité du malade dont le père présenta également des idées

mélancoliques. « Ces troubles psychiques accessoires' ne sont

pas en relation avec telle ou telle des lésions anatomiques.

Celles-ci n'agissent qu'en produisant l'affaiblissement intellec-

tuel, grâce auquel peuvent, à leur tour et dans certaines cir-

constances, se manifester des états délirants. L'hérédité

psychopathique ne perd pas son influence et intervient plus

d'une fois dans la genèse d'un épisode délirant. L'alcool est

la pierre de touche de la résistance cérébrale ; il décèle les

prédispositions vésaniques latentes. Il en est de même de

l'encéphalite interstitielle : - à peine le cerveau est-il touché

par la lésion que les aptitudes délirantes dusujetse révèlent,

précédant ou masquant les signes d'affaiblissement intellec-

tuel : tels sont, par exemple, les accès mélancoliques qui se

montrent chez certains individus que leurs antécédents héré-

ditaires prédisposent à cette spécialisation vésanique. »

L'autopsie du malade révéla quelques faits intéressants au

sujet de la pathogénie de ses hallucinations psycho-motrices,

' .Magnan et Séiieux. La paralysie générale.

HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES. 471

qu'il attribuait à « du monde dans l'estomac ». Il mourut de

cancer de l'estomac et ses méninges présentaient des adhé-

rences au niveau de la troisième circonvolution frontale

gauche (siège du centre des images verbales).

Observation. - PCtl'alysie générale survenue chez un labélique. Dégé-

nérescence mentale héréditaire. Syphilis. Accès maniaque avec idées

incohérentes de grandeur et délire hallucinatoire très intense, sous

l'influence d'excès alcooliques. Rémission. Délire mélancolique avec

idées de persécution. Tentative de suicide. Hallucinations multiples,

auditives, visuelles, psycho-motrices. Mort par cancer primitif de

l'estomac et cancer secondaire du foie.

Autopsie : encéphalite chronique interstitielle avec adhérences mé-

ningées localisées à la partie antérieure de l'hémisphère gauche,

deuxième et troisième frontales, extrémité inférieure de la frontale

ascendante. Sclérose des bandelettes externes des cordons postérieurs

de la moelle.

Eugène X..., chauffeur mécanicien, est né en 1854. Son père est

mort de ramollissement cérébral à l'asile des aliénés d'Evreux où

il était entré pour démence sénile avec idées de grandeur et idées

de persécution; il avait des hallucinations de l'ouïe et croyait

qu'on allait le guillotiner. Sa mère, décédée encore jeune, avait

des crises convulsives de nature probablement hystérique. Une de

ses cousines germaines du côté paternel est internée à l'asile

d'Evreux depuis 1868 pour idiotie avec cécité. Le malade eut dix

frères et soeurs. La plupart moururent en bas Age, sauf un frère

paraissant jouir actuellement d'une santé satisfaisante et une soeur

mariée dont la fille est paralysée du côté gauche.

Eugène X... eut une enfance délicate, se développa tardivement

et présenta des convulsions à plusieurs reprises. Il contracta la

syphilis à l'âge de vingt ans en 1874 et fut soigné pendant huit

mois avec des préparations mercurielles et de l'iodure de potassium.

Marié l'année suivante, il eut deux enfants l'aîné mort-né et une

fille aujourd'hui mariée et bien portante.

Ce fut en 1893 que le malade se vit forcé d'interrompre son tra-

vail de mécanicien au chemin de fer à cause de crises gastriques

intenses, périodiques etde vomissements alimentaires puis muqueux.

Le médecin, en raison des habitudes éthyliques de son client,

pensa à une gastrite alcoolique et le mit au régime du lait. L'af-

fection était plus sérieuse. Les crises gastriques « si atroces, au

dire du malade, qu'il voulait s'ouvrir le ventre avec un couteau »,

durant trois à quatre jours et cessant tout à coup comme par

enchantement étaient le premier symptôme d'un tubes dorsalis.

Eugène X... éprouva au bout de quelques mois des douleurs ful-

gllmnles dans les jambes comparables au passage d'une étincelle

41 : 2 RECUEIL DE FAITS.

électrique, des douleurs en ceinture siégeant au niveau de la poitrine

et enserrant le thorax comme dans une cuirasse, des fourmille-

ments dans les membres inférieurs.

Sa famille inquiète le conduisit à la consultation de la Salpé-

trière où les Drs Souques et Dutil firent le diagnostic de tabes

dorsalis et lui ordonnèrent des pointes de feu sur la colonne ver-

tébrale, des pilules de nitrate d'argent à 1 centigramme et de l'io-

dure de potassium. Leur examen avait donné les résultats suivants :

(mai 1894).

Abolition du réflexe rotulien (signe de Westphal).

Impossibilité de se tenir debout les yeux fermés (signe de Rom-

berg).

Disparition du réflexe à la lumière et conservation du réflexe à

l'accommodation (signe d'Argyll Robertson).

Le D1' Trousseau des Quinze-Vingts, rédigea à la même époque

la consultation ci-jointe : « 11 n'y a au fond des yeux que de légers

staphylomes postérieurs. La pupille droite est dilatée. il y a une

parésie de la pupille et du muscle ciliaire. Pour le moment le

malade n'accuse aucune diplopie mais il voit double de temps en

temps, ce qui doit tenir à une parésie de la troisième paire droite. »

Eugène X... continue à suivre son traitement pendant l'année 189j

et peut, malgré son affection de la moelle, s'occuper comme chauf-

feur dans une usine. L'année 18% n'amène aucune diminution

dans les symptômes tabétiques. Par moments, les jambes du

malade fléchissent, le laissant tomber à terre dans la rue, dans sa

chambre, sans que rien ne puisse faire prévoir cette chute. Le sol

ne lui offre aucune résistance sous les pieds et lui donne la même

sensation que du sable. Eugène X... éprouve des engourdisse-

ments, des fourmillements dans les jambes et les pieds, voit des

mouches noires voltiger devant ses yeux et souffre fréquemment

de maux de tête comparables à des coups de marteau. -

C'est au commencement de 1897 que la femme est frappée du

changement survenu dans le caractère de son mari. Il se montre

tantôt sombre, agressif, taciturne, restant des journées entières

sans parler à personne, tantôt loquace, incohérent. L'intelligence

diminue, le malade raconte des faits contradictoires, oubliant ce

qu'on lui a dit la veille. Son langage est enfantin, niais et par

intervalle incompréhensible, certains mots ou certaines fins de

mots ne pouvant plus être prononcés distinctement.

De plus, le malade éprouve des besoins génésiques invraisem-

blables, et se met à boire d'une façon immodérée. En avril 1897,

ictus, la perte de connaissance dure environ cinq minutes.

Sous l'influence des excès alcooliques, Eugène X... devient subi-

tement délirant. Le 15 juin 1897, il se met complètement nu dans

sa chambre, se rhabille et va se promener dans la forêt voisine,

secouant les arbres, appelant les oiseaux et voyant courir dans les

HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES 478 c

herbes des milliers de couleuvres et de sangliers. Il part sur les

bords de la rivière et se met à pêcher sans ligne avec une simple

baguette. En revenant le soir à la maison, il embauche tout le

monde sur la route pour monter une usine colossale ; il est mil-

lionnaire, possède des châteaux, des usines dont les murailles sont

en or, se croit généralissime, prince, empereur, distribue libéra-

lement aux premiers venus titres, dignités et fortune fabuleuse ;

les wagons du chemin de fer lui appartiennent et lui apportent

des tonneaux d'or.

Quelques jours après ses extravagances, Eugène X... entre à

l'asile des aliénés d'Evreux avec le certificat suivant rédigé par

M. le Dr Colin, médecin du service des aliénés de- la maison cen-

trale de Gaillon : « Paralysie générale progressive, embarras de la

parole. idées de grandeur et de richesse, excitation généralisée^

dans ces derniers jours de maladie, a fait des excès 0 cénitaex-ét'

alcooliques. » î'-v

Au physique, c'est un homme petit, amaigri offrant de no)Q'

breux stigmates de dégénérescence : asymétrie faciale, malform a

tions dentaires, grandes oreilles détachées de la tête, mal ourlées,

voûte palatine rétrécie, asymétrique. Il est dans un état d'agitation

extraordinaire et se met, dès son arrivée. à mesurer le terrain de

l'asile pour l'acheter et y faire construire des usines gigantesques.

Isolé en cellule, le malade déchire ses habits, ses draps, casse les

carreaux, gâte sous lui et présente un délire hallucinatoire très

intense dont voici un aperçu sommaire :

X... aperçoit derrière le carreau de sa cellule le géant des îles,

c'est un de ses camarades qui lui dit être marié avec la reine Olga.

Dieu défait le carreau de la porte et entre dans la cellule, le malade

le prend par le pied, mais l'apparition monte an plafond et dispa-

rait. Une voix lui crie z passe ta paille sous la porte, je vais y

mettre le feu, tu prendras une corde jetée par-dessus le mur qui te

conduira jusqu'à Gaillon par la rivière de l'Iton, nous t'enlèverons

avec des ballons, nous mettrons le feu aux meules de paille sur

la route ».

Puis ce sont des wagons d'or qui entrent dans la pièce, traînés

par une locomotive sur laquelle il monte et qu'il conduit. Son père,

ses frères, sa mère, ses oncles, morts depuis longtemps, ressuscitent

et viennent se coucher à ses côtés. Il les voit, les palpe et assiste

à mille transformations fabuleuses. Ses parents se changent en

éléphants, en sangliers et ont tous des jambes de girafe. Son père

le regarde fumant sa pipe dans le ventre d'un cochon vivant, toute

la famille entre dans le ventre d'un éléphant couché sur le lit.

Sa femme et sa fille l'appellent par la fenêtre : « Viens à Paris,

disent-elles. Tu sais bien que tu as canalisé la Seine de Paris au

Havre, on va te brûler au four crématoire. Fais 400 fois le tour de

ta cellule et tu trouveras alors un trou pour sortir. Tu iras dans

474 RECUEIL .DE FAITS.

le ventre' d'une baleine où tu vivras 400.000 ans . et le malade fait

constamment le tour de sa cellule à grands pas. La baleine entre

dans la cellule escortée de ses parents, puis la scène change, il se

trouve au milieu de hautes montagnes taillées à pic.

D'autres jours, Eugène X... se promène sur la mer, visite les îles

inconnues, pêche des poissons fantastiques et marche sur du sable

parsemé de diamants. Ou bien à la tête de ses armées, il fait la

guerre à l'Allemagne, le canon tonne, la fusillade éclate, la multi-

tude innombrable des soldats l'acclame. Il arrive en Russie avec

ses généraux pour conclure un traité avec l'empereur Nicolas Il

qui le reçoit au milieu de sa cour et pousse la familiarité jusqu'à

lui donner une gifle. Il va ensuite à l'île du diable délivrer Dreyfus

attaché à un piquet, le gracie et a des relations intimes avec la

femme de ce dernier, relations qu'il décrit avec force détails.

Le malade vit constamment dans un monde imaginaire. Les

murs de sa cellule lui semblent des caveaux remplis de têtes

d'hommes ; il veut construire des maisons jusqu'aux nuages et

faire tourner la terre sur des galets. Des voix lui commandent

d'agrandir le soleil et d'y mettre un tube au centre. Dieu descend

du soleil avec une immense bande de toile blanche qu'il doit

vendre ; il se croit camelot, déchire ses draps, ses habits et les

vend à haute voix.

Le sommeil lui est impossible, il doit marcher toute la nuit la

tête couverte d'un drap, sinon les voix l'insultent : « fainéant.

fainéant, veux-tu te lever ». Le soleil lui dit : « fais 7 pas, crache

7 fois et tu guériras ta vérole ».

Cet état hallucinatoire avec agitation et gâtisme se calme assez

rapidement au bout de deux mois. Au commencement de sep-

tembre 1897, Eugène X... devient propre, recouvre le sommeil, ne

délire plus et n'accuse aucune hallucination de la vue et de l'ouïe.

Nous pouvons alors l'interroger et voici le résultat de notre

examen confirmant le diagnostic de paralysie générale :

Affaiblissement intellectuel avec perte de la mémoire, oublie

facilement ce qu'il a fait, répète imparfaitement un article de

journal qu'il vient de lire.

Achoppement syllabique très net.

Attention faible, idées mobiles et contradictoires.

Se rend compte du temps et du lieu et ne présente plus aucune

idée délirante de grandeur.

Légère inégalité pupillaire D > G, les pupilles ne se contractent

pas à la lumière, ni à l'accommodation.

Pas de ptosis, pas de diplopie, mouches volantes devant les

yeux.

Sifflements presque continuels dans l'oreille droite.

Léger tremLlement des lèvres et de la langue, tremblement plus

accentué des mains.

HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES. k 1 épi

Au point de vue des symptômes tabétiques nous notons :

Absence complète des réflexes du genou, du tendon d'Achille.

du coude et du poignet.

Impossibilité de se tenir debout les yeux fermés.

I roubles de la marche peu accentués, appréciables seulement

en faisant marcher le malade « au commandement » et en lui

ordonnant de descendre un escalier.

Fourmillement dans les deux derniers doigts des mains, surtout

dans le petit doigt de la main droite.

Sensibilité tactile retardée aux membres inférieurs ; sensibilité

thermique normale ; sensibilité à la douleur considérablement

diminuée; il existe même des plaques d'anesthésie à la plante des

pieds. Pas d'hémiparésie. Pas de troubles trophiques.

L'auscultation du coeur ne dénote aucun symptôme morbide,

sauf des bruits sourds et mal frappés. Les artères radiales sont

atliéromateuses ; les pulsations normales. En raison des antécé-

dents spécifiques du malade, on lui prescrit des frictions mercu-

rielles alternant avec de l'iodure de potassium.

Le mois d'octobre amène encore de l'amélioration et le malade,

entré dans une véritable période de rémission, va travailler aux

ateliers de serrurerie de l'asile où il s'occupe d'une manière satis-

faisante. Il accuse seulement de temps en temps des maux de tête

et quelques étourdissements avec engourdissements passagers du

bras droit.

Cet état de rémission se maintient pendant deux mois et

Eugène X... est rendu à sa famille le 29 novembre 18'.n, se portant

bien physiquement et ayant beaucoup engraissé. Il est calme, ne

délire pas, raconte en riant les hallucinations fantastiques des

jours d'agitation et conserve seulement comme troubles morbides

un certain affaiblissement intellectuel, quelques accrocs de la

parole, de l'inégalité pupillaire D > G et ses symptômes tabé-

tiques.

Dix jours après sa sortie, le malade est ramené à l'asile; l'amé-

lioration ne s'était maintenue que cinq à six jours et avait été in-

terrompue par un délire franchement mélancolique avec idées de

culpabilité et idées de persécution. Eugène X... nous revient

sombre, inquiet, tremblant, il est ruiné, perdu, déshonoré, il est'

un grand assassin et demande la mort ; des voix l'insultent, lui

reprochent ses crimes. Un tableau noir présent devant ses yeux

porte le nom du candidat pour lequel il doit voter aux élections

législatives et lui dicte sa conduite politique. L'agitation est extrême,

X... déchire ses draps, se roule à terre, frappe aux murs, entend

la voix de sa femme et des menaces terribles.

23 décembre 1897. L'excitation s'apaise et est remplacée par

un grand état de confusion mentale, le malade est inconscient,

obnubilé, demande où il se trouve et ne se rappelle pas sa dernière

476 RECUEIL DE FAITS.

crise d'agitation. Les idées de persécution sont aussi actives : on

veut l'empoisonner, on lui envoie du fluide sur la figure et des

mouches noires devant les yeux.

14 janvier 1898. Persistance des hallucinations de la vue et

de l'ouïe et des troubles de la sensibilité générale : des voix lui

disent que le déluge arrive, il entend le son des cloches, il voit des

curés qui dansent dans la cour et sur son lit. On lui envoie à la

figure des poignées de poudre blanche, on l'injurie.

L'aspect du malade est celui d'un enfant craintif, il se cache

sous les lits, sous l'escalier, sous les tables, craignant qu'on lui

fasse du mal. Ces troubles sensoriels déterminent parfois des accès

d'angoisse avec cris et agitation. X... manifeste alors des inten-

tions de suicide et demande du poison pour en finir avec la vie. Le

22 janvier son gardien le trouve à moitié asphyxié, étranglé par

sa cravate qu'il serre de toutes ses forces autour de son cou; on

doit le surveiller étroitement.

i février 1898. Nous constatons à la visite une violente crise

d'agitation, le malade s'est déshabillé complètement dans la cour

et lorsque nous lui en demandons la cause, il nous répond « qu'il

n'est pas libre de ses actions, qu'on le fait chanter, qu'on le fait

parler malgré lui et qu'il préférerait être guillotiné ». En poussant

plus loin l'examen, nous constatons la présence d'h(illuciii(ilio ? zs

psycho-motrices très nettes. Le malade se plaint d'avoir « du monde

dans l'estomac», ce monde lui parle, le pousse à dire ce qu'il dit

et l'a forcé ce matin à se mettre tout nu. Il est impossible de se

rendre compte si ces hallucinations psycho-motrices s'accom-

pagnent de mouvements de la langue, l'affaiblissement intellectuel

étant trop considérable.

Pendant les mois de février et mars 1898, nous observons à

maintes reprises la présence successive ou simultanée d'hal-

lucinations auditives communes (sonneries de cloches); d'hal-

lucinations auditives verbales (menaces entendues par l'oreille) ;

d'hallucinations motrices verbales(voix intérieures dans l'estomac).

Ces hallucinations psycho-motrices ont toujours un caractère

pénible en rapport avec le délire mélancolique du malade, délire

qu'elles contribuent à entretenir : on lui fait des reproches, on

l'accuse de crimes épouvantables et le malheureux répète « qu'est-

ce que j'ai fait, maie tuez-moi donc ». Eugène X... explique bien

que les personnes qui sont dans son estomac ne lui parlent pas à

l'oreille, mais qu'il les entend intérieurement, en dedans de lui-

même. On ne saurait, du reste, trouver chez un paralytique géné-

ral l'hallucination motrice verbale aussi bien décrite que chez le

délirant chronique qui a conservé toute sa lucidité d'esprit.

Nous ne saurions dire si ces hallucinations motrices se sont

reproduites pendant un temps prolongé car à partir du mois de

mai 1898 l'intelligence d'Eugène X... baisse considérablement. Il

HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES. z111 -1

est apathique, inconscient, indifférent à tout ce qui se passe autour

de lui, le gardien doit le mener à table et le faire coucher. Il a de

temps à autre des accès de violente agitation où les idées de per-

sécution deviennent très actives sous l'influence d'hallucinations de

l'ouïe plus intenses. Le malade entend dire qu'on va lui couper le

cou, le brûler, lui arracher les yeux. il prétend qu'on l'empoisonne,

que ses voisins l'iujurient et il se met à courir de toutes ses forces

au risque de tomber. Paifois même il se précipite subitement sur

un autre aliéné et essaie de le frapper.

En juillet 1898, l'affaiblissement intellectuel est de plus en plus

considérable, l'inconscience absolue. Les troubles physiques sont

les suivants : embarras de la parole très prononcé ; inégalité

pupillaire > G D; brouillards devant les yeux; sonneries dans

l'oreille droite ; vertiges fréquents, fourmillements dans les deux

mains, céphalée, gâtisme intermittent; symptômes tabétiques

stationnaires.

Vers la fin de l'année 1898, le malade, qui conserve les mêmes

idées de persécution avec hallucinations de l'ouïe, accuse des idées

hypochondriuqzees : sa gorge est obstruée, son estomac est bouché,

ses aliments ne passent pas. Il se cachectise, maigrit beaucoup et

sa peau prend une teinte terreuse. L'alimentation est cependant

bonne sans aucun trouble gastrique apparent, du reste X... a

toujours bien digéré et n'a jamais mangé gloutonnement comme

la plupart des paralytiques généraux.

L'épreuve de la glycosurie alimentaire est négative. Une injec-

tion de bleu de méthylène, faite d'après la méthode de MM. Achard

et Castaigne, indique une perméabilité rénale considérablement

diminuée.

L'année 1899 amène un état démentiel complet, le malade reste

toute la journée inerte, endormi, « assoupi comme une marmotte»

selon l'expression de son gardien, ne causant à personne, ne s'in-

téressant rien, son aspect est à peu près celui d'un mélancolique

en stupeur. Toutes les semaines environ, il présente des accès de

mélancolie avec violente agitation. Des voix l'accusent «de manger

l'aimant, d'assassiner les gens », on va le tuer, le faire rentrer en

terre, lui arracher les yeux, lui couper les jambes. Pendant ces

crises qui durent une ou deux heures, le malade est très agité et

violent, essayant même quelquefois de sauter à la gorge de ses

voisins et de les étrangler.

La déchéance physique suit la déchéance intellectuelle, l'amai-

grissement augmente, les jambes enflent et le malade s'alite en

juin 1899, pour des vomissements muqueux presque aqueux et une

diarrhée persistante. L'appétit est nul ; pas de douleurs stoma-

cales ; pas d'hématémèses ; la peau est absolument terreuse. La

palpitation du ventre indique un foie très volumineux, de surface

inégale, pas de tumeur épigastrique. Le 10 juillet, l'apparition d'une

478 RECUEIL DE FAITS.

phlegmatia alba dolens de la jambe droite, vient affirmer l'exis-

tence d'un cancer. La mort arrive le 2-1 juillet 1899.

Autopsie faite vingt-quatre heures après le décès. Crâne :

résistant, d épaisseur normale ; la dure-mère est dépolie, non con-

gestionnée, sans adhérences à la voûte cranienne.

hémisphère gauche, 625 grammes ; pas de suffusions sanguines.

Les méninges minces sur le lobe occipital, plus épaisses à la partie

antérieure présentent des opalescences le long des scissures. Elles

se décortiquent facilement sur la grande partie de l'hémisphère et

adhèrent seulement sur le lobe frontal. Les ulcérations caracté-

ristiques sont peu accentuées et se montrent sur la deuxième et

la troisième frontale ainsi que sur l'extrémité inférieure de la

frontale ascendante. Le ventricule latéral renlerme quelques granu-

lations épendymaires. Hémisphère droit, 631 grammes ; pas de

suffusions sanguines. Les méninges assez épaisses, présentent des

opalescences le long des scissures et se décortiquent facilement

sur toute la surface de l'hémisphère. Le ventricule latéral ren-

ferme quelques granulations épendymaires. A la coupe, le cerveau

est pâle et ne présente aucune lésion en foyer dans les hémisphères ;

pas d'ahérome artérielle appréciable.

Cervelet, 150 grammes; pâle, méninges minces non adhérentes;

pas de lésions en foyer. Protubérante, 17 grammes. Le qua-

trième ventricule offre de nombreuses granulations sur le toit et

sur le plancher. -Moelle. Dégénération grise des cordons posté-

rieurs au niveau des bandelettes externes. L'examen histologique

n'a pas été pratiqué.

Poumons normaux, emphysème des bords. CO ! 111', 258 gram-

mes ; petit, flasque, libres musculaires de coloration feuille morte ;

surcharge graisseuse du ventricule droit, les orifices sont normaux.

Aorte, légèrement dépolie, non dilatée ; artères coronaires

saines. Estomac : Tumeur cancéreuse volumineuse siégeant au

niveau de la petite courbure. Cette tumeur formée de masses gri-

sâtres, ulcérées, respecte les orifices. Foie énorme. 3.150 gram-

mes. La surface inégale montre de nombreuses saillies, les unes

arrondies, les autres déprimées et cupuliformes à leur centre. Ces

marrons cancéreux sont isolés et de dimensions variables, leur

délimitation est nette; trois d'entre eux situés dans le bord pos-

térieur du foie sont énormes, de la grosseur du poing et complè-

tement ramollis. A la coupe, ces nodosités sphéroïdales sont d'une

coloration blanc jaunâtre tranchant sur le fond rouge-brun du

parenchyme. Le tissu hépatique respecté est congestionné et

gras.

La capsule est adhérente et on constate des adhérences entre le

foie, l'estomac et les organes voisins. - Rate, 180 grammes,

normale. Rein droit, 118 grammes ; petit, congestionné, la

capsule épaisse s'enlève facilement, la surface de l'organe est rouge

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 419

et parsemée d'étoiles de Vereheyen. A la coupe, la substance

corticale est réduite d'épaisseur et a subi la dégénérescence grais-

seuse. - Rein gauche, 158 grammes, gros, bosselé, congestionné,

capsule épaisse; à la coupe, mêmes lésions de dégénérescence

graisseuse très accentuée.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE

L\'I11. Névrites hémiplégiques par intoxication oxy-carbonée.

Valeur de l'électro-diagnostic ; par P. LEREBOULLET et F. ALURD.

Les accidents nerveux qui surviennent à la suite de l'empoison-

nement par la vapeur de charbon sont nombreux et variés.

Ce qui vient compliquer la difficulté de leur diagnostic, c'est qu'à

côté des pai alysies névritiques, à côté des paralysies hémiplégiques

d'origine centrale, on peut encore en observer un autre groupe,

où l'hystérie joue le principal rôle. Dans cette intoxication comme

dans les autres (sulfure de carbone, plomb, mercure, etc.) l'hys-

térie peut venir, à la faveur de l'intoxication, provoquer divers

accidents d'allure souvent complexe, et dont la vraie nature peut

être difficile à reconnaître.

Or, dans ces cas où le diagnostic entre la névrite périphérique

d'origine toxique et la paralysie hystérique reste hésitant, l'examen

électrique peut trancher la difficulté.

C'est ainsi que dans l'intéressante observation rapportée par

MM. Lereboullet et Allard, relative,à un cas de névrite périphé-

rique à forme hémiplégique, il résulta de l'examen électrique que

l'hypothèse de monoplégie hystérique, cliniquement admise pour

le membre supérieur, devait être formellement rejetée, et qu'à ce

membre supérieur existait une névrite, à la fois motrice et sensi-

tive, frappant en même temps toutes les branches terminales du

plexus brachial. Au membre inférieur, la névrite était purement

motrice et localisée, comme l'examen clinique avait permis de le

constater, au nerf sciatique et particulièrement à la branche

poplitée externe.

L'examen électrique peut avoir aussi une valeur pronostique par

la constatation ou l'absence de la réaction de dégénérescence.

(Revue neurologique, juillet 1899.) E. Uux.

480 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XLIX. Quatre observations de tremblement; par le professeur

BOINET.

Dans le premier cas, il s'agit d'un officier chez qui, après des

- attaques de choléra est survenue une atrophie du membre supé-

rieur droit en même temps que se manifeste un tremblement com-

parable à celui de la sclérose en plaques. 11 est difficile desavoir si

cette atrophie du membre supérieur est due à la présence d'une

plaque de sclérose sur la moelle ou à une névrite périphérique

d'origine infectieuse.

Dans les trois cas suivants, le tremblement est d'origine hyst'é-

rique ; à type de sclérose en plaques dans la deuxième observa-

tion, parkinsonnien dans les deux autres. (Revue neurologique,

juin 1899.) E. B.

L. A propos de la chorée variable de Brissaud. Trois observations

de chorée; par Couvelaihe et Croupon.

En 1890, M. Brissaud décrivait à côté de la chorée mineure et à

côté de la chorée chronique progressive héréditaire un type nou-

veau de chorée qu'il appelait du nom de chorée variable des dégé-

nérés. Ce nouveau type était caractérisé par la multiplicité, la

variété des mouvements dans l'espace, par les rémissions et la

variabilité dans le temps, enfin, par la présence des stigmates de

dégénérescence chez les sujets atteints. Les trois observations

publiées qui présentent toutes le même caractère de tendance à la

chronicité et de variabilité des mouvements, forment, par leur

groupement, trois degrés intermédiaires à la chorée de Sydenham

et à la chorée variable des dégénérés. En elfet, tandis que la pre-

mière semble entrer dans le groupe de la chorée variable de

Brissaud, tandis que la troisième est une forme de la chorée de

Sydenham, la seconde est une forme de transition, une chorée

chronique non progressive de Ziehen. (Revue neurologique,

Juin 1899.) Il E. B.

LI. Hypertrophie pseudo-acromégalique segmentaire de tout un

membre supérieur, avec troubles syringomyéliques ayant la

même topographie; par A. Chauffard et V. Griffon.

L'augmentation des dimensions du bras droit est totale, depuis

la racine jusqu'à l'extrémité. Alors que le poignet droit a 22 cent. 1/2

de circonférence, le gauche n'en a-que 17 1/4; le bras droit a

33 centimètres de circonférence et le bras gauche 28 1/2 seule-

ment. D'autre part, la force dynamométrique donne 32 du côté

gauche et 24 seulement pour la main droite.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. ' 481 l

L'hypertrophie du bras droit parait porter surtout sur le sys-

tème osseux ; la peau a conservé son aspect normal.

En même temps, tout le long du membre supérieur droit, dans

la région de l'épaule, dans la partie droite du cou et la joue

droite, la sensibilité au contact se trouve diminuée, la sensibilité

à la douleur, au froid et à la chaleur est abolie.

Cette observation est particulièrement intéressante : d'une part,

par la coïncidence topographique exacte des troubles syringomyé-

liques et de l'hypertrophie ; en second lieu par ce fait que chez ce

malade il n'y a pas eu seulement chiromégalie, mais bien hyper-

trophie segmentaire de tout le membre supérieur jusques et y

compris la clavicule et l'omoplate : c'est la première fois que cela

ait pu être constaté. (Revue neurologique, mai 1899.) , E. B.

LII. Des fractures spontanées pendant les accès épileptiques ;

par le D1' Cuauon.

Si les fractures spontanées sont peu fréquentes, elles ne sont

pas absolument rares chez les épileptiques et elles présentent

quelques particularités qui permettent le plus souvent, sinon d'af-

firmer le diagnostic, au moins de le rendre très probable.

L'auteur a pu observer, chez des épileptiques, cinq cas de frac-

tures spontanées dont trois pour le fémur et deux pour l'hu-

mérus. Ces cinq cas comportaient comme symptômes communs :

siège de la fracture un peu au-dessous du tiers supérieur, direction

de la fracture très oblique de haut en bas et de dehors en dedans,

oedème de la région avec ecchymose très étendue occupant, pour

la cuisse, toutes les régions postérieure et interne ; pour les bras,

les régions antérieure et interne.

Au point de vue du diagnostic clinique, lorsque, chez un épilep-

tique avéré ou individu présentant des signes d'un accès convulsif

récent, on se trouvera en présence d'une fracture du fémur ou de

l'humérus, on devra songer à la possibilité d'une fracture sponta-

née ; lorsqu'on constatera que le siège de cette fracture est aux

environs de la partie médiane de l'os, que sa direction est oblique

de haut en bas et de dehors, en dedans, que la cuisse ou l'avant-

bras présente un oedème et une ecchymose considérables suivant

particulièrement la direction des grands muscles fléchisseurs et

adducteurs, qu'il n'existe aucune plaie ni contusion, indices d'un

choc ou d'une chute pouvant produire une fracture directe ou indi-

recte, on pourra déclarer la fracture très probablement spontanée;

si les commémoratifs ou l'examen personnel permettent de con-

sidérer comme certain que, au moment de l'accident, il existait

une immobilisation des extrémités supérieures des leviers osseux

(bassin ou épaule) et que les parties inférieures desdits leviers

(jambe, avant-bras) se trouvaient entravées dans leurs mouve-

AncmvES, 2° série, t. VIII. 31

482 '2 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

ments de flexion et d'adduction, on pourra affirmer la spontanéité

de la fracture.

Le diagnostic des fractures spontanées présente une grande

importance au point de vue de la médecine légale. (Annules

médico-psychologiques, août 1899.) E. B.

LUI. Théorie cérébrale de la respiration de Cheyne-Stockes;

par M. H \¡¡. (Presse médicale, 13 mai 1899.) -

A l'hypothèse, d'après laquelle la respiration de Cheyne-Stockes

serait due à un trouble de l'activité fonctionnelle du bulbe, siège

des centres moteurs de la respiration, tend à se substituer aujour-

d'hui une théorie qui attribue à ce phénomène une origine céré-

brale. D'après celte théorie, qu'admettent de nombreux auteurs,

en particulier M. le professeur Hichet et son élève Pachon, la fré-

quence et le rythme de la respiration ne dépendent pas exclusive-

ment de l'activité des centres bulbaires ; le cerveau exerce à l'état

normal une influence régulatrice sur ces centres et la diminution

ou la suppression de cette influence se manifeste par une respira-

tion irrégulière, intermittente, par le rythme Cheyne-Stockes. Il

est établi que, si ce mode respiratoire peut se produire au cours

des affections les plus diverses, lésions méningo-encéphaliques

(tumeurs, hémorrhagies, paralysie générale, méningites aiguës),

grandes infections (fièvre typhoïde, variole, pneumouie), intoxica-

tion, soit endogènes (urémies), soit exogènes (chloral, morphine,

oxyde de carbone); son apparition est toujours précédée, ou au

moins accompagnée par les symptômes d'une inhibition cérébrale

profonde, par les signes nettement accusés de la perte de l'influx

nerveux encéphalique.

La théorie cérébrale de la respiration de Cheyne-Stockes se

concilie fort bien avec l'hypothèse émise par MM. Stern et Pic, qui

fait de ce phénomène l'un des éléments d'un syndrome pério-

dique, caractérisé par l'évolution parallèle de ce mode respiratoire,

et d'un ensemble de symptômes qui relèvent de diverses sphères

de l'activité nerveuse (psychisme, motricité, sensibilité, vaso-

motricité) ; ces divers systèmes subissent de véritables éclipses

rythmiques de leur excitabilité, et, presque toujours, les périodes

d'excitabilité et de repos se succèdent, exactement synchrones aux

stades de polypnée et de pause respiratoire. A. Fenayuou.

LIV. Les plis cutanés formés par les adducteurs de la cuisse dans

la paralysie infantile, par J.-K.-A. WEl\TI ! 1M Salomonson. (Neuro-

log. Centrcclblatt, XVIII, 1899.)

Chez les jeunes enfants bien nourris, on trouve toujours à la face

interne de la cuisse, à trois ou quatre centimètres au-dessous du

périnée, un pli de la peau : c'est le pli des adducteurs. Chez les

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 483

enfants plus âgés et même chez l'adulte il devient une dépression'

légère à qui regardé les contours de la cuisse par devant. Cette

fossette correspond anatomiquement à l'endroit où les adducteurs

passent sous le couturier et le triceps crural, elle est en rapport

avec le lieu d'entrecroisement du bord supérieur du couturier et

des adducteurs. Nette chez les hommes musclés, elle l'est moins

chez les femmes grasses. Elle est située chez l'adulte aux deux tiers

ou aux trois quarts de la hauteur de la cuisse, à peine au milieu

chez les nourrissons. La fossette de l'adulte provient bien du pli

cutané des nourrissons car l'étude des enfants aux différents

âges montre qu'il est d'autant plus bas qu'ils sont plus âgés. Si

l'on constate des différences de hauteurs notables de ce pli chez les

nourrissons et les enfants.qui marchent, ces différences diminuent

progressivement chez les enfants plus âgés. L'abaissement du pli

cutané des adducteurs tient et à la modification de fonction des

extenseurs et au développement de la cuisse.

- Chez les enfants qui ne marchent point, les adducteurs et le

psoas iliaque l'emportent physiologiquement sur le triceps crural,

car ils reposent les genoux relevés. Le décubitus, les jambes

allongées, ne se voit que longtemps après qu'ils ont commencé à

marcher. L'extension suivant l'articulation des genoux est moins

puissante chez les nourrissons que la flexion suivant l'articulation

coxo-fémorale. A l'âge de quatre ans, et bien souvent avant, le

triceps crural l'emporte sur les autres muscles. Les adducteurs des

jeunes enfants sont plus actifs que ceux de l'enfant plus âgé, com-

parativement aux extenseurs de la jambe. Le développement de

la cuisse donne plus tard aux adducteurs un point d'application

moins favorable.

La paralysie infantile spinale, ou cérébrale, en portant atteinte

aux adducteurs et aux extenseurs de la jambe, modifie la forme et

la situation du pli cutané des adducteurs. Leur paralysie, dans la

poliomyélite, se traduit par un pli cutané plus superficiel et plus

bas que du côté sain ; il y a une différence de hauteur de un à

trois centimètres. Dans la paralysie d'origine cérébrale, il s'abaisse

de cinq à dix millimètres, et, parfois au-dessous, se forme un second

pli moins creux, ce dernier surtout chez les enfants bien nourris.

En tout cas, il existe un spasme considérable des adducteurs. Le

second pli doit tenir à la place où le bord inférieur du couturier,

en état de spasme, contourne le vaste interne, au mveau de la face

interne de la cuisse. P. 11ERAYAL.

LV. Contribution à l'étiologie des névroses fonctionnelles (hyslé-

rie et neurasthénie) ; par E. Biernacki. .M., par H. Vigouroux.

(Ncu1"olog. Cenlralbl., XVII, 1898.)

Dans la neurasthénie grave on constate parfois que le sang,

484 F REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

quoique chimiquement et physiologiquement normal, met autant

de temps que le sang défibriné à déposer et forme alors un plus

gros dépôt que normalement. Il semble y avoir oligoplasmie par

pauvreté de substances fibrinogènes. En réalité, le sang récem-

ment tiré de la veine est très dillicile il défibriner et on en extrait

macroscopiquement très peu de fibrine ; la quantité, au lieu de

2 p. 1000, n'atteint que 1,7 p. 1000 (4- observations). Inversement

chez une hystérique atteinte de mutisme et robuste, le sang con-

tenait deux fois plusde fibrine qu'à l'état normal ; il en était de

même chez un homme hystérique.

C'est pourquoi M. Biernacki a étudié méthodiquement la rapidité

avec laquelle le sang dépose spontanément en deux couches : celle

du plasma et celle du sédiment rouge (du sang non coagulé), dans

le sang défibriné. Il en expose les allures normales et montre

que dans cinquante cas d'hystérie et de neurasthénie, la teneur en

substances fibrinogènes, leur t) ans-formation cl leur régénération dans

le sang mort sont, comme le rapport de la quantité de fibrine à la

quantité de substances fibrinogènes, constamment anormaux.

Or que sont les substances fibrinogènes ? Ce sont des corps qui

donnent au sang les propriétés du tissu vivant, régularisent sa

capacité et son quantum d'oxygène ; la formation de la fibrine

marche de pair avec la fixation de l'oxygène libre. On doit les

tenir pour des matières albuminoïdes en voie d'oxydation. Si donc

le dépôt spontané du sang indique des anomalies dans le quan-

tum des substances fibrinogènes, c'est qu'il y a une anomalie dans

l'évolution des phénomènes qui se rattachent à la régulation et au

taux de l'oxygène, en un mot des phénomènes d'oxydation.

Chez certains neurasthéniques la coloration vive du sang vei-

neux, rapprochée du nombre normal des hématies, de la teneur

normale en eau et en hémoglobine et de la couleur du sang

non coagulé presque semblable à celle du sang artériel défibriné,

indique qu'il y a excès d'oxyhémoglobine. Puis, ce sont des ano-

malies de toute nature quant à l'oxygène libre dans le sang,

quant à l'hypercoagulabilité du sang, quant à la rapidité ou à la

lenteur de la sédimentation de ce liquide, rappelant des troubles

semblables dans les maladies fébriles, les affections des reins, les

maladies du coeur, ou autres affections organiques, mais en dif-

férant par ce fait qu'il n'y a pas généralement hydrémie dans les

névroses fonctionnelles qui nous occupent.

Rapprochant et différenciant ces signes des troubles d'oxydation

constatés dans l'hystérie et la neurasthénie, de ceux, du même

genre ou d'une nuance différente, de la chlorose, de la maladie de

Basedow, de l'arthritisme, de l'uricémie, des néphrites; l'auteur

en conclut que l'hystérie et la neurasthénie sont des complexus

symptomatiques, secondaires, consécutifs à l'action des produits

d'un trouble d'oxydation primitif sur le système nerveux. Elles

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 4b5

tiennent, comme le diabète sucré, la goutte, l'adiposité patholo-

gique, à des' processus d'oxydation anormaux de l'organisme. il

y a un trouble d'oxydation spécifique de l'uricémie, du diabète,

etc., il existe un trouble d'oxydation spécifique de l'hystérie. L'hys-

térie qui se produit dans la chlorose et la goutte existe parce

qu'il se produit simultanément un trouble d'oxydation hystéro-

gène ; l'hydrémie de la diathèse urique ne suffisant point.

Malheureusement on ne peut discuter ni les rapports opposés,

de l'hystérie et de la neurasthénie, ni le point de départ de ces

troubles d'oxydation névropathiques. Il doit y avoir vice congé-

nital (comme le dit Charcot) de l'appareil d'oxydation, qui reste

en équilibre dans les conditions habituelles, mais qui se déséqui-

libre très facilement, contrairement à ce qui- se passe chez un

individu normal. Les émotions morales précipitent alors les acci-

dents de la même manière qu'elles engendrent un accès de goutte,

qu'elles aggravent le diabète sucré. L'auto-suggestion vient de ca

que les produits de l'oxydation anormale hystéroneurasthénique |

modifient la suggestibihté.

Il ne faut pas, au surplus, oublier les grands symptômes maté-

riels des névroses fonctionnelles ; tels : l'hyperacidité, et l'ana-

cidité du suc gastrique, la prostatorrhée, les sueurs et la fièvre.

Tout cela devient facilement intelligible par l'action de toxines

produites par une oxydation anormale, qui, en même temps qu'elles

agissent sur le système nerveux central, exercent une influence locale.

L'évolution ressemble à celle de la goutte ; la guérison, souvent

même l'autoguérison, s'opère par équilibre temporaire des trou-

bles spéciaux d'oxydation.

R. Vigouroux rappelle, à cette occasion, ce qu'il a dit : 1° Dans

le traité élémentaire de Manqua (Paris, 3° édition, 1898), au

chapitre d'Electrothérapie écrit par lui au milieu de 1897 (t. II,

p. 914, 915, 916); 2° dans la neurasthénie de Levillain (appendice

thérapeutique, Paris, 1891) ; 3° dans neurasthénie et arthritisme

(Vigouroux. Paris, 1893, p. 2, 23, 39, 100, 109, fil).

P. 11CR : 1V1L.

LVI. De la paralysie phosphorée; par S.-E. HExscuEa. (Neurolog.

Cet'ft ? XVII, 1898.)

Observation purement clinique. Homme de soixante-dix ans

ayant été l'objet de plusieurs tentatives d'empoisonnement de la

part d'une servante. Vomissements de sang, affaiblissement néces-

sitant l'alitement pendant des mois. Dans l'espace d'un mois il a

éprouvé des douleurs podaliques qui ont été suivies de faiblesse et

d'une grande difficulté à marcher, mais les jambes, au lit, conser-

vaient leur mobilité. Puis est apparue de la paralysie des doigts.

Le patient ne put se lever que neuf mois plus Lard. Un an après

486 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

on trouvait encore de la faiblesse des mains et des pieds avec

diminution de la sensibilité tactile. Il y avait sensibilité à la douleur

des extrémités jusqu'au-dessus du genou et du coude, et sensibilité

musculaire. Les mains étaient bouffies, tandis que leurs muscles

étaient un peu atrophiés. Persistance des réflexes des muscles des

bras, mais disparition des réflexes patellaires. Kien du côté de la

~ vessie et du rectum. Difficulté de marcher : ataxie prononcée.

Aucun trouble psychique. L'auteur conclut : Il y a soit névrite,

soit altération de la moelle, rien de cérébral. Ce fait offre une

grande ressemblance avec l'intoxication arsénicale (douleur et

ataxie). En faveur d'une névrite phosphorée, nous trouvons :

grande sensibilité à la douleur, par compression des mnscles;

absence de réflexes patellaires ; atteinte des nerfs sensitifs et

moteurs; localisation des accidents surtout aux parties extrêmes

des membres. En faveur d'une myélite, l'ataxie, inexplicable par

l'anesthésie seule ; il est probable que de môme que dans les

lésions de l'intoxication arsenicale (Henschen, Elitzky et Rybalkin)

il faut craindre une atrophie des grandes cellules motrices, un

kyste hémorragique, la dégénérescence des faisceaux de Goll.

P. IERA ? 1L.

LVII. Observation de névrite optique avec cécité bilatérale, de

quatre semaines, terminée par la complète guérison ; par

H. Higier. ( ! ye1ll'olog. Centralbl., XVII, 1898.)

En sous-titre : Contribution à la clinique des névrites optiques

pures et concomitantes.

La plus fréquente des névrites optiques communes est la névrite

optique rétrobulbaire. Mais la névrite aiguë rétrobulbaire est pro-

portionnellement rare; et surtout la névrite aiguë bilatérale. En

voici une observation caractérisée par la perte foudroyante de la

vue, par l'apparition d'une papilUte dès le premier jour, par le

succès éclatant des injections sous-cutanées de pilocarpine, par le

retour complet de l'acuité visuelle malgré la persistance, durant

quatre semaines, d'une cécité bilatérale. Malade suivi pendant

nn an.

Il s'agit d'un homme de trente-huit ans, qui, à la suite d'une

émotion morale extrême (son fils est condamné à la déportation)

éprouve, le 5 juin 189G, de la céphalalgie et du scintillement devant

l'oeil droit. La douleur s'aggrave et des nuages obscurcissent les

deux yeux. Trois jours plus tard il est presque totalement aveugle.

Aucun trouble mental. Paresthésies diffuses dans l'occiput et la

tempe droite. Le mouvement des globes oculaires produit une

douleur intense notamment dans la partie médiane de la paroi

orbitaire ; ils sont sensibles à la pression. Ni exophthalmie, ni stra-

bisme. Paupières, conjonctives, cornées, et iris normaux. Milieux

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 487

de l'oeil transparents. Pupilles égales, mais fortement dilatées, ne

réagissant pas à la lumière, réagissant assez bien à la convergence.

Sens lumineux et acuité visuelle tout à fait éteints à l'oeil droit,

faibles à l'oeil gauche. Vision périphérique encore conservée en

haut et en dedans. Pas trace du sens des couleurs. Névrite optique

bilatérale, égale des deux côtés, rappelant la papille étranglée des

tumeurs cérébrales. Asymétrie faciale ; déviation de la luette à

gauche; plaques d'analgésie disséminées; exagération des réflexes

patellaires. Pas d'accidents cérébraux généraux. Ilien aux organes

internes. Apyrexie. Rien au pouls. Rate saine. Urines normales.

Appétit et sommeil bons. Aucune intoxication chronique; ni

syphilis, ni tuberculose. Aucun traumatisme. Famille névropa-

lhique ; les deux soeurs sont hystériques. Hepos dans une chambre

noire avec compresses chaudes sur les yeux fermés ; quelques

purgatifs, alimentation liquide, salicylate de soude et 1\1. Les phé-

nomènes s'aggravent. On essaie des frictions mercurielles qui

presque immédiatement déterminent de la stomatite. C'est alors

qu'on a recours à l'injection hypodermique d'une seringue par

jour, d'une solution de pilocarpine 0,20 pour 10. Après la sixième

injection, le vingt-quatrième jour de la maladie, le malade voit la

bougie qui brûle sur la table et distingue ; les pupilles réagissent

lentement mais nettement. A la suite de la quinzième et dernière

injection, il peut se promener seul dans la chambre, reconnait très

franchement les mouvements de la main de loin, déchiffre quel-

ques grosses lettres, compte les doigts à 50 centimètres de dis-

tance, distingue le blanc des couleurs vives ; la tuméfaction du

centre de la papille et de ses limites a complètement disparu.

Sept semaines après le début de l'affection, la vision périphérique

pour le blanc et les couleurs est seule tout à fait normale, mais il

n'y a guère que le rouge que l'oeil gauche perçoive bien distincte-

ment. Six mois après le commencement de la maladie, hyper-

métropie des deux yeux (1/2 D), acuité normale à gauche,

acuité d'un tiers à droite, réaction des pupilles à la lumière et à

l'accommodation, champ visuel tout à fait normal ; mais achro-

matopsie ; fond des deux yeux normal mais quelques éblouisse-

ments. On prescrit des pilules de strychnine et, en juin 4S9 î, acuité

normale et parfaite des deux yeux; plus du tout d'achromatopsie.

champ visuel complot, rien à la macula, papilles un peu pâles

dans leurs moitiés temporales, au pourtour légèrement pigmen-

tées ; le port de lunettes de conserve foncées supprime les éblouis-

sements.

Après examen des éléments du diagnostic relatifs à l'hystérie

aux embolies, thromboses, hémorragies, à l'urémie, aux

lésions centrales du cerveau (ou polioencéphalite) l'auteur conclut

à l'existence d'une névrite rétrobulbaire, ou plutôt intra-oculaire

(papillite aiguë), d'origine, vasomotrice par émotion morale intense.

488 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

Suit, à titre de comparaison, la nomenclature et le résumé

séméiologique des névrites optiques aiguës, à amaurose rapide : z

1° La névrite optique rétrobulbaire périphérique; 2° La névrite

optique à récidives ; 3° La névrite optique héréditaire et fami-

liale ; 4° La névrite optique au cours de la polynévrite ; 50 La

névrite optique dans le tabes dorsal; 60 La névrite optique de

l'encéphatite aiguë ; î° La névrite optique dans la myélite

aiguë ou subaiguë ; 8° La névrite optique dans la sclérose en

plaques ; 9° La névrite optique dans la maladie de Guerher

(vertige paralysant) et le koubisaguira japonais. P. KËRAVAL.

LVHL Des contractions de l'estomac, de l'intestin et de la vessie

pendant l'attaque d'épilepsie ; par W. Ossipow. (Nell1'olog. Cen-

tralbl., XVII, 1898.)

Expériences sur des chiens. Excitation au moyen du courant

induit de la zone motrice de l'écorce, ou bien injections hypoder-

miques d'essence d'absinthe cultivée. Enregistrement des phéno-

mènes : 1° Pendant l'attaque, il se produit des contractions sto-

macales, intestinales et vésicales qui, d'ordinaire, persistent pen-

dant un long espace de temps après. 2° Celles de l'estomac se

montrent dans environ 50 p. 100 des attaques ; elles se limitent

principalement au cardia et au pylore. 3u Les contractions de

l'intestin grêle, du gros intestin et de la vessie sont un accident

constant de l'attaque d'épilepsie : a) celles du jéjunum commencent

à la période clonique de l'attaque, un peu après la cessation des

convulsions des muscles striés; 1» celles de l'intestin grêle débu-

tent à peu près au milieu de la période clonique ; c) celles du gros

intestin apparaissent soit pendant la période tonique,'soit pendant

la période clonique ; elles se montrent assez souvent au début de

la période clonique ; d) celles de la vessie paraissent d'ordinaire

au début de la période tonique. 4u Les contractions intestinales

et vésicales sont très fortes ; elles ont le caractère d'une longue

contraction spasmodique, surtout en ce qui concerne le pros intes-

tin et la vessie. - 5° Entre deux fortes contractions et aussi après

la cessation de toutes les contractions produites par l'attaque d'é-

pilepsie, a lieu, dans la majorité des cas, une paralysie plus ou

moins longue (faible) des intestins et de la vessie.

Les conclusions suivantes se rattachent à des expériences con-

sécutives à l'ablation de la zone motrice de l'écorce pendant

l'attaque d'épilepsie; à la section transverse du tronc du cerveau à

diverses hauteurs de cette souche, et des nerfs périphériques

(nerf vague, grand splanchnique, phrénique) avec ou sans l'inter-

vention du curai e.

6° Les phénomènes relatifs à l'estomac, aux intestins, à la vessie,

observés dans le cours de l'attaque produite par l'influence du

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. * 489

courant faradique; dépendent non de l'excitation locale du centre

cortical de l'estomac, de l'intestin, de la vessie, mais de l'attaque

elle-même qui apparaît comme résultant d'une excitation d'en-

semble de la zone motrice de l'écorce cérébrale et des centres qui

y sont placés ; 7° L'asphyxie, qui se montre continuellement pen-

dant l'attaque d'épilepsie, est une cause adjuvante des contrac-

tions stomacales, intestinales, vésicales ; 8° L'estomac, comprimé

par le diaphragme et l'abdomen, de même que l'intestin et la

vessie se contracte pendant l'attaque d'épilepsie : 9° L'émission de

l'nrine et des matières fécales, si fréquente pendant l'attaque,

résulte a la fois de ces contractions et de la pression exercée sur

l'intestin et la vessie par la compression abdominale ; 100 II y a

analogie entre les convulsions épileptiques des muscles striés et

les contractions stomacales, intestinales et vésicales dé l'attaque ;

les unes et les autres dépendent de la zone motrice de l'écorce du

cerveau. - P. KERAvAL.

L11. Hystérie chez un chat et chez un serin; par IL IIigier.

(Ne1l1'otog. Ceîtti-albl., XVII, 1898.)

Petit chat de neuf mois bien portant, gai, aimable avec les

enfants, très intelligent. Un beau jour il est assailli par le chien du

concierge qui le mord profondément dans le dos. Il reste à terre

comme paralysé et pousse pendant quelques minutes des miaule-

ments plaintifs. Cinq à six semaines après on le voit paralysé du

train de derrière; paraplégie avec anesthésie totale des pattes'

postérieures et du tiers postérieur du tronc, sur toutes leurs faces :

analgésie presque absolue, insensibilité thermique. La moitié anté-

rieure du corps réagit bien. La queue est elle-même paralysée.

Pas de troubles de la nutrition, pas d'incontinence vésicale ou

rectale. On dirait d'une myélite transverse sauf les troubles recto-

vésicaux. Un beau matin la servante, pour se rendre compte de ce

qui allait advenir, jette la petite bête du rez-de-chaussée dans la

rue; comme tous les chats, elle se redresse sur les pattes et se met

à marcher, elle est instantanément guérie. Ce n'était qu'une

névrose traumatique. Les commémoratifs révèlent que sa mère

pendant qu'elle était pleine de lui, avait eu une sorte de chorée

(chorea gravidorum ? ).

C'est encore une émotion qui a agi sur l'oiseau. Un chat qui

s'était introduit dans la pièce jette bas la cage. On arrive attiré

par le bruit et l'on trouve, avant même que le chat ait pu agir,

l'oiseau étendu sur le plancher raide, immobile, comme mort.

Quelques gouttes d'eau froide le rappellent à la vie. Il récupère son

activité mais a perdu son talent de chanteur émérite : le voilà

aphone pendant six semaines et demie ; à cette époque il recouvre

ses capacités. Diagnostic : uévrose hystérique par terreur : perte de

490 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

connaissance, contracture tonique généralisée, mutisme par para-

lysie des adducteurs des cordes vocales. P. Keraval.

LX. Paralysie radiale consécutive à des attaques d'épilepsie ;

par Adlku. (Neu2'°loy. Centralbl., XVII., 189S.)

Chez deux épileptiques, paralysies post-paroxystiques, paraly-

sies totales du radial droit d'origine périphérique. On pouvait pen-

ser à une paralysie traumatique pendant un accès ou par com-

pression pendant le sommeil. Mais Gowers a signalé les paralysies

par contraction vive du triceps, pendant une extension soudaine et

violente du bras, ayant détermine une lésion du radial (Oppen-

heim). Gerulanus indique bien (Deutsche Zeitschrift f. Chirurgie,

XL VII, cah. 1) que le radial, dans son tiers moyen, est appliqué

sur le périoste dans une gouttière du tissu conjonctif, qui lui per-

met de se déplacer latéralement de plus de un centimètre; il y est

recouvert par le ventre musculaire du vaste externe du triceps. A

chaque contraction de ce muscle, le radial est donc comprimé sur

l'angle posléro-externe de l'os, mais il se déplace vers l'origine

tendineuse du muscle qui, en se tendant, le protège. Mais, que le nerf

soit l1é par les muscles de l'avant-bras et que brusquement le tri-

ceps se contracte, le radial peut être comprimé entre l'os et ce

muscle. Et bien, les contractions violentes et soudaines des mus-

cles pendant une attaque convulsive paraissent aptes à déterminer

la compression du nerf entre le muscle et l'os et à contusionner

le nerf.

Pourquoi donc la paralysie du radial est-elle néanmoins rare à

la suite des attaques d'épilepsie ? C'est que, probablement, pour

qu'elle ait lieu, il faut que le système nerveux ait perdu sa résis-

tance, comme chez le buveur, et que les convulsions musculaires

se succèdent dans le bras. Il faut, par exemple, que soudain se

produise une contraction du triceps pendant que les muscles de

l'avant-bras sont encore contractés et que le radial est fixé.

P. KERAYAL.

LXI. Un cas de monoplégie spinale de la jambe droite; par .1. Weil.

(Neurol. Ccnll'albl., XVII, 1898.)

La soudaine apparition d'une paralysie flasque de la jambe

droite, succédant à des douleurs instantanément disparues, l'ab-

sence de troubles de la sensibilité, sauf au courant faradique qui

n'est plus perçu, l'absence de troubles vésicaux, rectaux, sexuels ;

enfin la continuité de cet état, depuis dix-huit mois. tel est le ré-

sumé du complexus symptomatique. Il y faut ajouter une atrophie

progressive de tous les muscles insensibles au courant faradique;

c'est pourquoi l'auteur la rattache, de même que l'insensibilité

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 491

farado-cutanée et farado-musculaire, à la paralysie; pas de con-

traction sous l'action du courant, pas de douleurs non plus aux

forts courants faradiques. La paralysie comprend les muscles in-

nervés par les plexus lombaires et sacrés à partir de la troisième

racine lombaire jusqu'à la troisième racine sacrée ; il y a réaction

dégénérative. Enfin on constate une arthropathie du genou droit

par excitation mécanique en rapport avec le lancement de la jambe

droite.

Diagnostic. L'absence de fièvre exclut la poliomyélite anté-

rieure aiguë des adultes. L'examen de la région anale, et de la

colonne vertébrale élimine l'idée d'une tumeur. Une névrite ne

saurait se comprendre à raison de l'atteinte de deux plexus; de

plus, l'évolution ne la confirme point; intégrité de la sensibilité,

absence de paresthésies et de troubles trophiques correspondants.

Il ne reste plus qu'à croire à une apoplexie spinale; il doit y avoir

eu (le malade est artério-scléreux) une hémorragie des cornes anté-

rieures qui a fusé dans toute la région comprise entre la troisième

lombaire et la troisième sacrée. Cet accident, rare, expliquerait le

début subit, l'atrophie et la réaction dégénérative. Il s'agit, en

somme, d'un alcoolique qui s'est trouvé brusquement paralysé

pendant que, pesamment chargé, il montait un escalier. ' 1

P. KERAVAL.

LXII. De l'encéphalite hémorragique; par DEITERs.

(Neurolog. Cenl1'aZbl" XVII, 1898.)

Après un examen assez net de l'encéphalite aiguë non suppurée,

indépendante des foyers de ramollissement par oblitérations vas-

culaiies (\\'eruicke, 1881; Friedmann, 1889 ; Struempell, 1891),

l'auteur détaille une observation d'encéphalite hémorragique consé-

cutive à une thrombose préalable des veines, sans lièvre. Du moins,

est-ce son avis.

Il s'agit d'une femme de cinquante-deux ans, atteinte depuis

plusieurs années de folie systématisée, originaire de la méno-

pause, provoquée et entretenue par des hallucinations vives;

extrêmement excitée, fort défiante, elle se croit empoisonnée,

mange difficilement, tandis qu'à d'autres moments elle est tout

à fait sociable. A la fin juin elle est plus excitable que jamais et en

même temps apathique, muette, immobile. se nourrit extrême-

ment mal et s'amaigrit. Le 6 juillet elle se met au lit, devient tout

à fait inaccessible et renfermée; ratatinée sur elle-même, les extré-

mités froides, la tête un peu rouge, maussade, elle ne se laisse

point examiner. Elle s'engourdit peu à peu, le soir à 6 heures et

demie elle est prise de convulsions de la moitié gauche du corps

comprenant le bras, la jambe, la face; la tête est tournée à gauche

ainsi que les globes oculaires. Myosis punctiforme de la pupille

492

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

gauche; mydriase au maximum de la pupille droite; conservation

cependant de la réaction à la lumière. A 8 heures convulsions

dans le bras et la face du côté droit, coeur extrêmement accéléré,

pouls tendu, pas d'hyperthermie. Toute la nuit, sauf intervalles,

la malade est agitée de convulsions ; elle ne reprend pas connais-

sance. Le lendemain matin, elle est moribonde, le pouls, incomp-

table, est filiforme, la respiration, ronflante, prend le type Cheyne-

Stokes. Mort vers dix heures.

L'autopsie révèle les altérations dont il a été question plus haut

et une néphrite interstitielle. De nombreuses hémorrhagies céré-

brales, capillaires, comme celles que Friedmann a produites dans

ses expériences, ont provoqué une inflammation aseptique, méca-

nique du tissu nerveux, çà et lux côté de ces altérations et de

thromboses récentes de ces petits vaisseaux, on constate des throm-

boses veineuses de la pie-mère, anciennes. Il est à penser que

celles-ci ont en pour origine l'affection rénale commençante qui, se

greffant sur un mauvais état général, a altéré le sang, en a aug-

menté la coagulabilité. et provoqué la dégénérescence graisseuse

des cellules endothéliales des veines. De là les thromboses, les foyers

consécutifs, les phénomènes d'excitation, et la mort rapide pro-

duite par les oblitérations de plus en plus complètes.

\ P. IiEaavaL.

LXIII. Observation de surdité verbale après fracture de la base ;

parM. l3r.ocn et 11. L3«tscnowshr. (Ve2ll'Gloy. Cent#-tilbl.,XVII, 1898.)

Un cocher de quarante ans tombe de son siège sur le sol et

donne sur le pavé du côté gauche du crâne. Il demeure sans con-

naissance, et perd du sang par le nez, la bouche, l'oreille. Trois

quarts d'heure plus tard il revient à lui, vomit, s'en retourne à

pied chez lui, dine convenablement, lit le journal, cause et dort

tranquille. Le lendemain il semble entendre difficilement, et cela,

de plus en plus, les deux jours suivants, parle moins spontané-

ment, tronque parfois les mots ou les dénature. Visage rouge;

apyrexie, artériosclérose périphérique ; pouls ralenti (54 à 60),

régulier, fort et tendu. Rien autre si ce n'est rupture horizontale

des deux tympans. L'ouïe est bonné mais le malade ne comprend

pas les questions les plus simples ; il ne répond pas ou répond

quelque chose qui n'a pas de sens. Spontanément il parle très

peu mais parle bien, ou présente de la paraphasie verbale et

littérale. La fracture de la base est probable. Les deux autres

jours, la parole spontanée a disparu, ou bien il existe une para-

phasie inintelligible. Mais la connaissance est entière, il semble

souffrir de la tête, car il se saisit souvent le front. Marche lente,

mais progressive, le pouls se ralentit. On croit à un hématome

sous-dure-mérien au niveau du lobe temporal gauche et l'on

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 493

songe à une opération, quand, pendant la nuit du quatrième jour,

il se produit une attaque d'épilepsie corticale; brusque rotation de

la tête à gauche, avec convulsions cloniques violentes des extré-

mités et de la face du côté droit, perte de connaissance; stertor.

Trois attaques de quelques minutes entre chacune desquelles le

malade revient à lui. Tout à coup une quatrième un peu plus

longue emporte le patient. Autopsie : double fracture mastoï-

dienne.

Au niveau du pôle du lobe temporal gauche, la première tempo-

rale est transformée en une masse noire, molle, homogène. du

volume d'une cerise : cette bouillie bien limitée sur le territoire de

cette circonvolution, s'en va à deux centimètres en arrière, croise

obliquement d'avant en arrière la circonvolution en question.

s'enfonce dans sa substance blanche en se rapprochant de la base,

' pénètre obliquement de haut en bas la seconde temporale, en

pénètre aussi la substance blanche, et se termine à la limite de la

substance blanche et de l'écorce de la troisième temporale (figure).

Au microscope on constate une destruction hémorrhagique com-

plète de la pointe antérieure du lobe temporal gauche ; cette des-

truction se poursuit en bas sur une étendue de trois centimètres.

La'partie moyenne et postérieure des première et deuxième tem-

porales n'est point atteinte (figure).

11 y a donc eu une cécité verbale (aphasie sensorielle) simple,

sans paralysie, malgré l'extrême étendue du traumatisme. Les

symptômes ont marché progressivement, mais après un intervalle

de rétablissement apparent. Et cependant les lésions graves des

os avaient déchiré quelques branches de la sylvienne; il y avait eu

notamment une petite hémorrhagie de la pointe antérieure du

lobe temporale. L'hémorrhagie, dans la substance blanche des

première et deuxième temporales, ressemblait plutôt à un infarc-

tus ; là il y avait très probablement eu'hémorrhagie secondaire

par thrombose des vaisseaux originellement lésés.

La lésion des segments antérieurs des première et deuxième

temporales suffit donc pour produire la cécité verbale.

P. KERAVAL.

LXIV. Deux cas de tumeur cérébrale avec diagnostic précis de la

localisation; par L. Bruns. (.\-eurolog. Centrulbl., XVII, 1898.)

Observation I. - Sarcome à cellules rondes dans le lobe frontal

gauche.

Il s'agit d'une femme de quarante ans. L'hébétude indique déjà

la présomption d'une tumeur. L'hémiplégie droite, variable

comme l'hébétude, rapprochée d'une paraphasie dénotant une v

aphasie motrice, et de la sensibilité à la percussion du frontal

gauche, implique l'atteinte de l'hémisphère gauche. L'absence de

494 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

troubles sensitivo-sensoriels dénonce la moitié antérieure de

l'hémisphère gauche.

Où siège plus exactement cette tumeur frontale ? ' ?

Près des ascendantes' ? Non pas, car il n'y a pas de convulsion,

car l'hémiplégie droite varie en étendue et en intensité, parallèle-

ment au degré de l'obtusion intellectuelle (ce n'est qu'une affaire

de pression). Occupe-t-elle les parties antérieures du lobe temporal,

et, par suite, exerce-t-elle une pression sur la troisième fron-

tale (aphasie motrice) et sur les ascendantes ? Ce serait possible,

car l'hémiplégie droite est mobile, la jambe est très peu atteinte ;

il existe une sensibilité circonscrite il la percussion de la région

temporale gauche.

Bientôt apparaît une papille étranglée, à gauche, puis à droite,

bientôt apparaissent des vomissements, de l'amblyopie gauche,

des symptômes associés du côté des nerfs crâniens. C'est donc une

tumeur du lobe frontal gauche se développant vers la base où elle

comprime les nerfs qui entre le lobe frontal et la base se dirigent

dans la cavité oculaire.

Autopsie. La tumeur située sous le milieu de l'écorce du lobe

frontal paraît intéresser la substance blanche, du lobule orbitaire,

la partie orbitaire de la troisième frontale, le corps strié, les

parties limitrophes du centre ovale. Elle n'a pas touché aux par-

ties supérieures et supéro-externes du lobe frontal. Elle s'avance à

2 ou 3 centimètres en arrière du pôle frontal, s'amincit prompte-

ment en arrière, et, dans la partie postérieure du lobe frontal,

n'atteint que les éléments sous-jacents au plancher du ventricule

latéral; il existe un ramollissement dont le pourtour seul atteint la

zone des ganglions centraux et la capsule interne. Intégrité des

ascendantes, et de leur substance blanche, excepté tout près des

parties intérieures de ces circonvolutions. La tumeur s'est princi-

palement développée en bas et en dehors; elle a fortement com-

primé les parties orbitaires du lobe frontal en bas, ainsi que les

nerfs et vaisseaux sous-jacents. Intégrité de la substance grise.

Observation IL - Fongus de la dure-mère avec destruction du lobule

pariétal supérieur gauche.

Ici les troubles sensitifs du côté droit (hémi-anesthésie du tact de

la douleur, du sens du relief, de la notion de position), l'hémia-

nopsie du même côté, et l'aphasie sensorielle indiquent l'atteinte

de la partie postérieure de l'hémisphère gauche. S'agit-il du lobe

pariétal, du lobe occipital, du lobe temporal ? ?

Le caractère variable et peu intense de la cécité verbale exclut

les parties postérieures du lobe temporal. Ce n'est là qu'un symp-

tôme de voisinage. 1

Le lobe pariétal gauche serait plutôt atteint à cause des phéno-

mènes parétiques et de l'exagération des réflexes tendineux à

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 495

droite; il cause de l'existence d'une blépharoptose droite, c'est-à-

dire croisée par rapport à la tumeur (Landouzy) ; à cause des

symptômes permanents tels que les troubles de la sensibilité,

l'hémianopsie, la parésie légère du côté droit, et l'aphasie senso-

rielle. On arrive ainsi il penser que la tumeur siège au milieu de

l'ensemble des territoires en rapport avec ces symptômes, c'est-à-

dire dans le lobe pariétal gauche, et qu'elle produit en agissant

par voisinage : en arrière, l'hémianopsie droite ; en avant, l'hémi-

parésie droite ; en dehors, l'aphasie sensorielle.

Quel point du lobe pariétal gauche occupe la tumeur' ? L'absence

d'alexie proprement dite indique que le pli courbe est peu lésé, et

que, par suite, c'est le lobule pariétal supérieur qui est le plus

pris. L'absence de céphalalgie et l'absence de sensibilité à la per-

cussion sont en faveur d'une localisation dans la substance blanche

du lobule pariétal supérieur.

Les troubles du sens musculaire et de la perception du relief,

suivis d'hémi-analgésie du même côté (droit), rapprochés de l'hé-

mianopsie droite, engagent à penser qu'il y a eu aussi lésion de

la partie postérieure de la capsule interne et des irradiations

optiques adjacentes ou du corps genouillé externe.

L'autopsie met à nu un fongus, originaire de la dure-mère, à la

face interne de laquelle il adhère par un pédicule, qui, en végétant,

a profondément comprimé presque tout le lobule pariétal supé-

rieur gauche, a atrophié la pie-mère et la plus grande paitie de

l'écorce et de la substance blanche correspondante, a déplacé les

parties voisines surtout en arrière et en dehors, a déterminé de

l'oedème de toute la moitié postérieure de l'hémisphère gauche. Il

a aussi traversé de dedans en dehors la dure-mère, entre le

tiers moyen et le tiers postérieur de sa surface, et a alors usé le

pariétal gauche près de la ligne médiane en avant de la suture

lambdoïde ; cette végétation-là serait postérieure à l'autre.

P. KËRAVAL.

LXV. Sur une forme psychopathique particulière de rétention

d'urine; par W. de Bechterew. (1\'ezcroloc. Ceiztrulbl., XVII, 1898.)

La vessie et l'urèthre étant intacts, la miction est difficile, voire

impossible quand le sujet n'est pas seul. Efforts multiples impuis-

sants. Il suffit que le patient ne se croie pas observé, ou qu'il

arrive à détourner son attention ailleurs pour qu'il évacue sa

vessie bien et complètement. C'est l'émotion qui suspend ou arrête

l'évacuation commencée. Aucun trouble de ce genre ne se produit

en présence des proches vis-à-vis desquels le sentiment de la pudeur

est moins vif. Il n'existe aucune perturbation objective du système

nerveux, mais on constate une tare névropathique chez les

ascendants. L'influence de la masturbation est probable. M. Uay-

496 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE

mond a signalé des observations dans lesquelles le malade ne

pouvait pisser qu'à la sonde. C'est une dysurie émotive propre à

la jeunesse et à la puberté. '

Mécanisme. Pour uriner (.Tames,Janet, Raymond) on contracte

les parois vésicales et on détend le sphincter. Pour que le sphinc-

- ter demeure libre, il faut que l'attention du pisseur ne se porte

pas sur lui ; il faut qu'il oublie le muscle obturateur de la portion

membraneuse, surtout à la fin, pour que les dernières gouttes

'd'urine soient évacuées d'un coup de piston. Accorde-t-on trop

d'attention à cette fonction ou à celle du coït on ne fait rien qui

vaille. Toute préoccupation, surtout chez les prédisposés,

entraîne une contraction du sphincter. De là, épreinte, lourdeur,

douleur sourde dans la région périnéale (Guyon) et, finalement,

dysurie, anurie. '

Traitement. Détourner l'attention de ces organes, faire uriner

moins fréquemment pour que l'acte soit plus complet, cocaïniser

l'urèthre afin d'en diminuer la sensibilité. Il est des cas dans

lesquels rien ne fait, l'anurique devient hypochondriaque, éprouve

des sensations pénibles dans le périnée, ne pense qu'a sa vessie, et

souvent ne peut pisser qu'à la sonde (cas de Raymond avec

catarrhe vésical). Mais généralement KBr et les bains améliorent

l'émotivité, et, avec le temps, la maladie disparait (de Bechterew).

M. de Bechterew croit à l'existence d'une hyperexcitabilité

sphinctérienne avec dissociation fonctionnelle du sphincter et des

fibres vésicales désignées par les Allemands sous le nom de

detrusor urinât aussi irritées (d'où les épreintes urinaires). Il rap-

pelle que le centre du detrusor est, chez le chien, le bord mé-

dian du gyrus sigmoïde et en particulier son segment antérieur,

tandis que celui du sphincter est la partie postérieure de la

même circonvolution, tout près du centre du mouvement de la

queue. Le sphincter ne se détend pas quand le detrusor est déjà

contracté. L'attention est-elle détournée le sphincter se relâche,

l'urèthre est laissée libre, la vessie s'évacue. P. KERAYAL.

LXVI. Méningite ventriculaire chronique des adultes. Mort subite ;

par Bresler. (Nczcaôlog. Ccrztrv(Ll., VII, 1898.)

Il s'agit d'un individu présentant des crises d'épilepsie et de

l'alcoolisme. Des accès vertigineux succèdent aux accès convulsifs

et les remplacent. Plus tard on constate les signes d'une démence

paralytique avec obnubilation épileptoïde. Le diagnostic hésite

entre une épilepsie traumatique, une paralysie ou une pseudo-

paralysie générale alcoolique, et une tumeur cérébrale. L'autopsie

montre simplement une hydrocéphalie interne extrême avec gra-

nulations de l'épendyme, léger trouble de la pie-mère à la base.

L'auteur pense que l'alcoolisme chronique a provoqué les lésions

REVUE DE ^PATHOLOGIE NERVEUSE. 497

méningées et les granulations épendymaires. L'alcool, en engen-

drant une hyperplasie du revêtement des plexus choroïdes et de

l'épithélium épendymaire, a fait filtrer -une telle quantité de

sérosité qu'elle n'a pu s'écouler et a gêné l'écoulement du liquide

encéphalique. La pression intraventriculaire a comprimé la

substance cérébrale contre les parois du crâne, barré les veines et

les granulations de Pacchioni. Il y a donc eu accidents de pres-

sion cérébrale et à la fois symptômes convulsifs dus à l'influence

directe de l'alcool. '

Il est bon de remarquer qu'il ne s'est pas produit de papille

étranglée, qu'il ne s'est pas produit d'oedème du cerveau et qu'on

constate des traces d'une néphrite ancienne actuellement complè-

tement guérie. P. KERAVAL.

LXVII. Contribution à la critique de l'emploi de la notion trauma-

tique dans l'étiologie des maladies nerveuses ; par R. Gauppe.

(Cenlralbl. f. t1'envenlcillc , XXL N. F., IX, 1898.)

On a abusé du qualificatif traumatique dans la question de la

genèse des maladies nerveuses. Les inconvénients en sont évidents,

notamment au point de vue de la loi sur les accidents. M. Francke

vient par exemple de publier une observation de poliomyélite

antérieure aiguë consécutive à une chute sur le sacrum in Monats-

sclarifl f. Unfallheilkunde, 1898, n° 3. Or, c'est une névrite qui n'est

pas traumatique. A la suite de l'accident, le malade a souffert d'une

névrose traumatique, pas davantage. Bien plus tard, et tout à fait

indépendamment de l'accident, il a eu une affection organique.

En admettant l'exactitude du diagnostic de M. Francke, entre

l'hystérie et une affection spinale à lésion, il ne saurait y avoir de

relation étiologique. et, par conséquent, la seconde ne peut être

rattachée au traumatisme. On ne saurait dire, dans l'espèce, que

l'accident a affaibli les parties du système nerveux ultérieurement

lésées puisque l'hystérie est une maladie de l'encéphale et non de

la moelle. Impossible donc de parler alors d'une polioencéphalite

antérieure aiguë ou d'une névrite aiguë multiple consécutive à un

traumatisme.

Un traumatisme peut-il agir à plusieurs mois, à plusieurs an-

nées de distance et provoquer une maladie organique' ? On le dit

aujourd'hui, même quand, entre l'accident et la maladie, il s'est

écoulé un laps de temps de parfaite santé. On prétend vaguement

que le traumatisme a préparé le terrain à la maladie. C'est pos-

sible mais nous ne le savons pas. Si, en cas de doute, on incline à

favoriser le côté humain de la question des accidents, il ne faut

pas cependant exagérer et affirmer des hypothèses controversables.

P. 11LR : 1Y1L.

Archives, 2" série, t. VIII 3 :

498 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

LXVIII. Contribution à la pathologie des paralysies du médian

par M. Bernhardt. (Neurolog. Ces<)'< : /6 ? XVI, 1897.)

Il s'agit de ces cas où on enregistre une disproportion entre le

trouble moteur peu ou pas marqué et l'extrême altération de l'ex-

citabilité électrique. En voici un nouvel exemple. Les quelques

observations des auteurs et celles de M. Bernhardt (Cenlralbl. f.

Nenvenheilh., 1885) montrent que la lésion du médian au niveau

de l'articulation du poignet produit souvent des troubles plus

considérables de la sensibilité de la peau des doigts que de la

motilité des muscles de l'éminence thénar. Or il est constaté que

les éléments sensitifs et moteurs des deux nerfs (cubital et médian)

s'anastomosent les uns avec les autres; les faits cliniques semblent

donc indiquer, que dans un assez grand nombre de cas, les anas-

tomoses des fibres motrices remplissent plus complètement leurs

fonctions vicariantes que les anastomoses des fibres sensitives.

Est-il possible que les impulsions motrices prennent, en cer-

taines circonstances, une autre voie que la voie habituelle ? Oui,

d'après les expériences de sutures nerveuses croisées de Stefani

et Cavazzani, et l'opération de greffe nerveuse de Sick et Soenger.

Ou bien certaines parties motrices du canal encépllalo-médullaire

entrent alors en fonctions pour d'autres (Hemak); ou bien, pour

les fonctions motrices ainsi que cela a été constaté pour les fonc-

tions sensitives, de même qu'après l'ablation expérimentale de

zones corticales déterminées, d'autres éléments des mêmes zones

peuvent être dressés aux nouvelles fonctions comme suppléants

(Remak, Wundt). P. KE1\AVAL.

LXIX. Observation de névrite du fémoro-cutané externe ;

par W. V ? RD.1. ( ! \'el( ? '010g. Centralbl., XVI, 1897.) '

Il s'agit d'un homme de vingt-trois ans neurasthénique. Une

pérityphlite à exsudat étendu, avec fièvre modérée, nécessite l'ap-

plication d'un sac de glace sur la région iléocaecale. Il souffre

alors dans la région du fémoro-cutané externe gauche et se plaint

de douleurs spontanées, durant une à deux minutes, obtuses ou

violentes, accompagnées d'engourdissement et d'insensibilité.

Quatre semaines plus tard, dans la même région, diminution de

la sensation de contact ; le patient sent et localise une forte pres-

sion, mais peu les piqûres, peu le froid et le chaud, notamment

au centre de la zone en question. Il éprouve des douleurs sponta-

nées quand on lui a bien malaxé les téguments, accuse une ten-

sion nette en marchant et de l'engourdissement. Mais il n'a plus

d'accès douloureux. La pression au niveau de l'épine iliaque anté-

rieure et supérieure provoque des élancements; le cordon nerveux

y est perçu. Il se rappelle, trois mois avant la pérityphlite, avoir

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 499

perçu une sensation de velu au milieu de la même région ; depuis

il l'aurait encore éprouvée quelquefois mais passagèrement. Au-

cune cause de névrite en dehors de la bicyclette et de quelques

excès de morphine et de cocaïne sept ans auparavant pour rai-

sons morales pendant trois mois. Evidemment ce n'est pas la

pérityphlite qui a occasionné la névrite à gauche. Mais le sac de

glace peut l'avoir provoquée sur un nerf déjà malade. Il serait bon

de rapprocher de ce fait les paresthésies névralgiques de Bernhardt

survenues à la suite de fièvre typhoïde. P. KERA VAL.

LXX. Observation de paralysie traumatique du plexus brachial

(paralysie combinée du bras et de l'épaule de lE/'b); par Cuir.

RASCII. (Neccrolog. Centralbl., XVII, 1898.)

Paralysie soudaine du bras gauche par extension brusque en

arrière. Bras gauche pendant, flasque, le patient ne pouvant ni

rapprocher le bras de l'épaule, ni mouvoir l'avant-bras vers le

bras. Conservation des mouvements de la main et des doigts.

Atrophie des muscles paralysés qui poursuit son évolution pendant

dix mois. Violentes douleurs et paresthésies (fourmillements, en-

gourdissements, pattes de mouches, doigt mort) indiquant l'at-

teinte des fibres sensitives. Rougeur avec hyperthermie d'une zone

circonscrite de l'avant-bras malade, constituant un trouble vaso-

moteur fugitif et récidivant. lIyperhidrose unilatérale témoignant

de la participation du grand sympathique. Ascension centrale des

accidents caractérisée par : des douleurs irradiées de l'épaule au.

cou; de la sensibilité à la pression de la colonne cervicale; des

douleurs dans la moitié gauche de la tête et de la face; des névral-

gies dans le maxillaire inférieur du côté malade; des paresthésies

de la moitié gauche de la face (engourdissement, sensation de

peau adhérente) ; une diminution de la sensibilité céphalofaciale

du côté gauche; une extrême sensibilité à la douleur de tous les

points d'élection accessibles à la pression; un effacement du pli

nasolabial gauche; du nystagmus de l'oeil gauche, par accès; du

larmoiement, de la conjonctivite, de l'anesthésie de la cornée, du

coryza, toujours à gauche; de la douleur avec faiblesse du membre

inférieur gauche dont le sciatique est particulièrement sensible ;

de l'épuisement des réflexes tendineux patellaires; de l'hypoesthésie

cutanée de la jambe gauche. En un mot la plupart des uerfs cra-

niens et périphériques de la moitié gauche du corps sont atteints

par les progrès de l'irritation inllammatoire des cordons nerveux,

mais l'affection n'a point passé à droite. P. KERAVAL.

LXXI. Contribution à la pathologie du myxoedème ; par \\'. MURA TOW.

(Seurolog. Ce ? )0-ft ? XVII, 1898.)

Observation d'une fillette de six ans. Anatomie et histologie

d''7OO REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

pathologiques. On constate : 1° une lésion toxique des cellules de

l'écorce ; 2° des altérations secondaires (arrêt de développement)

des systèmes de l'encéphale et surtout des fibres arciformes ;

3° absence complète d'éléments développés, capables de fonction-

ner, dans la glande thyroïde ; 4° il s'agit d'une affection congéni-

tale, car la malade avait dès sa naissance l'aspect myxoedémateux.

L'état mental (idiotie) du myxoedème est donc expliqué par les

graves lésions anatomiques de l'écorce, et correspond aux symp-

tômes produits expérimentalement par Horsley qui observa une

diminution de l'activité de l'écorce chez les animaux thyroïdec-

tomisés. La glande thyroïde commençant à fonctionner du sixième

au huitième mois de la vie embryonnaire (Horsley) et les centres

nerveux supérieurs étant, à cette époque, en voie de développe-

ment, la toxine a, dans l'espèce, agi sur ces centres avant que le

développement n'en fut terminé ; elle a donc produit, non pas

seulement un trouble dans l'activité fonctionnelle, mais un arrêt

de développement. Le trouble de la nutrition des cellules a nui

aux fibres subordonnées. D'où l'atrophie prédominante des

faisceaux d'association supérieurs, des fibres arciformes, qui ne se

développent que plus tard et possèdent des fonctions exclusive-

ment psychiques. Les faisceaux conducteurs et le système des

libres du corps calleux ont été plus légèrement affectés. Ainsi

s'explique que l'état mental de l'enfant ait plus à souffrir que

celui de l'adulte et que la thyroïdinothérapie reste impuissante

chez le premier'. l'. IaFn.wAL.

LXXIf. Observation de sciatique bilatérale dans la néphrite paren-

chymateuse aiguë ; par M. Lapinsky. (Neurol. 1. Ceii tî ? X VI], 1898.)

Il s'agit, chez un homme de vingt-deux ans, d'accès douloureux

le long des sciatiques. Les troncs nerveux sont en effet très sensibles

au tiraillement et à la pression, mais il n'existe ni troubles fonc-

tionnels, ni réaction électrique anormale. C'est une névralgie. Au

microscope, les vasa nervorum sont dégénérés et oblitérés; le tissu

nerveux est hypérémiée ou infiltré de noyaux ou de cellules au

sein du périnerf et de l'endonerf ; déchéance de la- myéline par

places. Néphrite parenchymateuse aiguë. Toutes les branches prin-

cipales des sciatiques sont-prises. P. KERAVAL.

1.Y\III. Des attaques épileptiques et épileptoïdes revètant la forme

d'angoisse; par W. DE BFCIITEREW. (Nellrol. Centralbl., XVU, 1898.)

Les crises anxieuses ne sont pas absolument rares dans le cours

de l'épilepsie en général. Elles peuvent survenir sous la forme

' De nombreux faits montrent l'action puissante de l'emploi de la

glande thyroïde dans le traitement du myxoedème de l'enfant. (B.)

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 501

d'auraprae-épileptique ou à l'état d'accès complèlementautouomes,

qui alternent avec les attaques d'épilepsie. Il est plus rare de voir

l'angoisse constituer le symptôme le plus essentiel de la névrose

épileptique ; en ce cag, les attaques d'épilepsie proprement dites

diminuent nettement de fréquence, tandis que les crises anxieuses

se multiplient. D'ordinaire, les accès d'angoisse épileptique pro-

cèdent sans perte de connaissance et sans vertiges céphaliques. Ces

accès sont caractérisés par une grande opiniâtreté, et ils sont dif-

ficilement ou même point du tout accessibles au traitement par

les médicaments antiépileptiques. On les observe parfois encore

dans le cours des attaques congestives épileptiformes de la démence

paralytique. Ils se distinguent des angoisses neurasthéniques en

ce que l'angoisse épileptique ne se rattache aucunement à quelque

cause extérieure que ce soit telle que localité, tonnerre, foules,

comme cela s'observe dans la pathophobie. P. Keraval.

LXXIV. Observation d'hémiplégie hystérique; par GUT1'v.\n.

(Xeurolog. Ccntl'atbl., XVII, t898.)

Il s'agit d'une paysanne de soixante-deux ans, qui fit, il y a deux

ans, une chute dans un escalier. Elle accusait une terreur futile il

y a un an. A la suite de cette émotion. la voilà prise d'une aphasie

qui ne dure que quelques minutes. Quelques heures plus tard, appa-

rait une hémiparésie du bras et de la main gauches ; enfin, au bout

de quelques jours, parésie de la jambe gauche avec sensation de

froid et fourmillements. 11 existe de la douleur et un peu de rai-

deur dans la région occipitale et à la nuque, une diminution de la

mémoire et de l'acuité visuelle. Intégrité des nerfs craniens. Atro-

phie des muscles du bras et de la jambe gauches ; mouvements

spasmodiques dans le bras gauche; peut-être quelque diminution

de la force de ces membres. La sensibilité a diminué dans les ex-

trémités, mais elle présente des variations. Réflexes tout à fait

normaux. C'est tout au plus si, pendant la marche, on constate

un léger affaiblissement de la jambe gauche, et cet affaiblissement

n'existe évidemment pas toujours. Les mouvements passifs et ac-

tifs de toutes les articulations des quatre extrémités sont possibles

et efficaces, ils sont peut-être un peu moins vigoureux dans la

main gauche. Excitabilité galvanique et faradique régulière et

normale quant à l'étendue. L'intelligence est celle d'une sénile;

pensée moins vive, parole moins facile.

L'auteur fait remarquer que l'aphasie ne concorde pas avec le

côté atteint d'hémiplégie, et que, d'ailleurs, elle a disparu quelques

minutes après l'ictus, ce qui indique qu'elle est psychique. L'évo-

lution lente et graduelle des troubles parétiques ne saurait se rat-

tacher à un épanchement sanguin cérébral ou spinal, car la malade

dit elle-même qu'elle n'a éprouvé que de l'affaiblissement, qu'elle

502 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

a pu continuer à exécuter tous les mouvements, que, seule la force

nécessaire pour travailler lui a manqué (confirmé par son médecin);

il n'y a pas eu de paralysie flasque du tout. Il n'y a pas eu non

plus distorsion des traits du visage, paralysie faciale, paralysie du

voile du palais, paralysie de la langue. Il n'existe pas de contrac-

tures. En revanche, les spasmes musculaires légers ne sont pas

habituels dans la paralysie par apoplexie ; ce sont ces spasmes qui

entravent les mouvements et produisent la faiblesse. D'autre part,

la diminution de la sensibilité persiste ; elle varie; on la constate

tantôt du côté sain, tantôt du côté malade. A noter enfin tremble-

ments de la main gauche, paresthésies et atrophie des muscles du

côté gauche. Il s'agit donc d'une sénile affaiblie par l'âge et les

durs travaux, ayant subi un choc du fait d'une chute, tout en n'en

ayant pas conservé de traces apparentes. Un an plus tard, une

émotion. insignifiante détermine l'ictus et tous les phénomènes

qui, dans l'espèce, méritent le nom d'hystériques.

P. KERAVAL.

LXXV. Contribution à la symptomatologie et à l'étiologie des para-

lysies nerveuses périphériques de la région du cou; par A. 1101-F-

MANN. (Neuroloy. Centl'albl., XVIII, 1899.)

I. Paralysie périphérique de l'hypoglosse. Figure. On cons-

tate une paralysie atrophique isolée de la moitié gauche de la

langue, accompagnée de réaction dégénérative complèle chez une

personne saine sauf une otite moyenne chronique du côté gauche,

la tuméfaction de ganglions du cou, de fréquentes angines. L'évo-

lution, de concert avec l'existence de la réaction dégénérative,

indique que les racines ou le tronc de l'hypoglosse sont affectés.

Mais l'atteinte exclusive du territoire de l'hypoglosse, l'absence

de symptômes bulbaires, 1'uililatéralité éliminent une lésion

radiculaire ou nucléaire. Ce n'est point une lésion aiguë (hémor-

ragie circonscrite, ou poliomyélite) parce qu'il n'existe ni fièvre,

ni douleur, ni autre symptôme de ce genre, parce que la malade

(âgée de dix-sept ans) ne s'est aperçue de la paralysie qu'alors

que déjà l'atrophie de la langue était considérable, parce qu'enfin

les troubles ont continué à progresser. Une lésion bulbaire chro-

nique se fût accompagnée d'autres perturbations. C'est donc une

affection périphérique, difficile d'ailleurs à expliquer. Il s'agit

d'une névrite spontanée, par exemple rhumatismale, de l'hypo-

glosse ou d'une névrite ganglionnaire, non par compression (le

volume des ganglions et la région s'y opposent) mais par propa-

gation. L'affection pharyngée a enflammé les ganglions qui, a

leur tour, ont enflammé le nerf (Erb, Montesano, Marina, Dinkter).

Intégrité de la sensibilité et du goût ; l'application légère de la

cathode au cou provoque des deux côtés des mouvements de dé-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 503

glutition sous l'influence d'un courant de même force. La dé-

chéance de toute une moitié de la langue exerce peu d'action sur

le mouvement de cet organe; c'est que l'autre moitié peut la rem-

placer totalement. A ce sujet, il est intéressant de noter : l'existence

de convulsions fibrillaires et fasciculaires dans les deux moitiés

(lésion des trousseaux de libres qui traversent le milieu de la

langue) et de la parfaite dégénérescence sans aucune tendance à

la guérison au bout de douze mois de paralysie; -l'absence de

contracture de la moitié paralysée. Le raphé de la langue ne forme

pas de crochet, la langue ne s'incurve pas du côté paralysé. la

pointe revenant au côté sain; en un mot le raphé ne prend pas la

forme d'un S. « Il est probable, dit M. Hoffmann, que toutes les

fibres de l'b3'poglosse ne sont pas en tous les cas, simultanément,

et, dans une égale étendue, atteintes, ou que l'innervation com-

pliquée des muscles de la langue comporte des variétés indivi-

duelles. D'ailleurs quand progresse l'atrophie, la pointe propre-

ment dite de la langue c'est-à-dire la partie proéminente de la

langue n'est plus formée que par le côté sain, et lorsque le malade

retire sa langue, le côté paralysé retarde; ainsi se forme l'incur-

vation du raphé du côté sain contracté. »

II. Paralysie isolée du nerf axillaire. Figure. Etiologie par-

ticulière. Un jeune soldat de vingt-un ans en faisant l'exercice de

la lance à cheval, tombe sur son arme qui lui échappe ; la lance

pénètre à gauche du cartilage cricoïde, et ressort derrière le cou

près de la colonne vertébrale. Use produit une paralysie isolée de

la partie motrice de l'axillaire limitée au deltoïde. Et cependant le

malade peut élever le bras gauche en avant et latéralement, seule-

ment l'omoplate exécute une forte rotation lui faisant décrire un

angle de 45°. Or il est classique, que, dans la paralysie du deltoïde

le bras ne peut être éloigné du corps La galvanisation cursive du

muscle jointe à l'excitation faradique de l'axillaire permet bientôt

l'élévation du bras gauche jusqu'à la verticale en un mouvement

de fronde et son maintien en cette situation. Onze jours plus tard,

le bras peut être levé verticalement tranquillement en avant

comme sur le côté. Seulement, pour l'amener il l'horizontale, il

faut le concours d'une forte rotation de l'omoplate, d'une aussi

forte rotation que celle qui accompagne, pour l'omoplate droite,

l'élévation du bras droit à la position verticale. En effet, le mou-

vement d'élévation du bras gauche à l'horizontale se fait, dans

l'espèce, par les muscles de l'omoplate, et ce n'est qu'alors qu'in-

tervient le deltoïde pour l'élever jusqu'à la verticale. Telle est la

situation pendant un mois. Quatre mois plus tard tout est revenu

à la normale, si ce n'est que l'élévation de l'épaule gauche est

moins puissante que celle de l'épaule droite; si on donne au bras

gauche un haltère de six livres à soulever, on fait reparaître l'action

vicariante du grand dentelé; tant que le bras n'a pas atteint l'ho-

504 REVUE DE PATHOLOGIE NERVÈUSE.

rizoni 1 de il y a une forte rotation de l'omoplate, à partir de là le

deltuido reprend son activité.

La perforation totale du cou, sans lésion d'organe vital, est tout

aussi curieuse par la contusion entre la quatrième et la cinquième

cervicale de la branche motrice de l'axillaire, sans autre partici-

pation du plexus bracliial. La branche motrice de l'axillaire a été

lésée avant sa réunion au plexus brachial, ce qui donne à penser

que la branche sensitive correspond à une autre hauteur, ou qu'elle

est, tout au moins, séparée de la branche motrice, avant d'entrer

dans le plexus.

Le remplacement du deltoïde par le grand dentelé est une autre

curiosité. Normalement, le deltoïde porte le bras jusqu'à l'hori-

zontale, le grand dentelé complétant le mouvement de l'horizontale

à la verticale. Ici nous avons eu l'inverse. Mais il faut pour cela

'que le sus-épineux et le grand pectoral pressent énergiquementla

tête humérale dans la cavité articulaire. P. Keraval.

LXXVI. Contribution à la connaissance de la myélite aiguë

disséminée; par CUasTVEa. (Neurolog. Cet : <ra<6<., XVIII, 1899.)

Figure. Observation probable de myélite infectieuse à mar-

che particulièrement rapide. 11 s'agit d'une fillette de seize ans ; le

stade initial reste dans l'ombre. Quatorze jours avant l'admission,

il existe peu de fièvre, sensation anormale dans le dos, douleur

thoracique ; puis, se produit une parésie du bras droit et de la

jambe du même côté, finalement, du côté gauche, si bien qu'en

trois ou quatre jours la paralysie est généralisée. Quatre jours plus

tard, vomissements, insomnie, dysurie, rétention d'urine. On

diagnostique : hystérie. Elle entre le 2ï mai. On constate successi-

vement : inégalité pupillaire (la pupille droite est un peu plus

large que celle de gauche mais elle réagit bien) intégrité des

mouvements de la tête, du facial, de la langue, de la parole, de la

déglutition paralysie flasque des deux jambes faiblesse des

réflexes patellaires d'ailleurs égaux absence de réflexes cutanés

paralysie du bras droit et du bras gauche (celui-ci est moins

atteint) absence des réflexes du triceps brachial. Tous les mus-

cles réagissent à l'électricité; il existe : une anesthésie à la douleur

et au toucher des deux jambes; une diminution de tous les modes

de la sensibilité au tronc, à droite seulement; sensibilité normale

à la tête et au bras gauche, disparue à la partie inférieure du bras

droit. Vessie très pleine d'une urine alcaline (2 litres) non albumi-

neuse. Taches rouges multiples par pression sur les fesses. La

colonne vertébrale, non déformée, est libre de ses mouvements et

indolore à la pression. La température monte à 3 î°,8 et 40 ?

Accidents gangreneux du décubitus. P= : i24; Il = 2'\'. Intégrité des

poumons : quelque cyanose de la face avec macules blanches. On

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 503

note bientôt-0°,G-'r0°,8. Il se-produit de l'herpès labial. L'urine

devient trouble. P=1 ? G; ;Il. 26. On\entend des râles secs dans les

parties inférieures des deux poumons, les taches cyanotiques

faciales se multiplient. Délire nocturne, euphorie; tendance de la

malade à plaisanter; connaissance indemne. Rien au fond de

luit, rien dans le sang. Intégrité de la rate et des viscères. Le

2 juin, la tête penche un peu à droite; paralysie flasque des

deux bras ; pas de réflexes patellaires ; l'attention est difficile à

concentrer. Gâtisme : 40°,G ; P = 140, puis 1f ! r Délire nocturne;

légère parésie du facial droit ; pas de déviation de la langue; con-

servation de la réaction des pupilles. De temps à autre nystagmus

intentionnel. Les mouvements de la tête deviennent douloureux ;

la nuque est raide.l3=30. Grande obtusion intellectuelle; nom-

breux râles des deux côtés. P= 150, et plus. La fillette parle peu

et parait hébétée; elle délire et le nystagmus progresse. Dysphagie.

Tête rejetée en arrière et à droite ; raideur de la nuque; strabisme

divergent. T. 40°, 7. Mort en cet état le o.

Autopsie. Bronchopneumonie récente en foyers disséminés.

Pneumocoques. A diverses hauteurs de la moelle dorsale, foyers

disséminés ; infiltration de la pie-mère par de nombreuses cellules

rondes au niveau des zones d'entrée des racines. Ces foyers aug-

mentent en nombre et en dimension du renflement cervical à la

moitié de la moelle dorsale ; ils diminuent de là jusqu'au 1/3 de

la moelle lombaire où il existe encore un petit foyer dans le coi-

don latéral. Il est certain que la région moyenne de la moelle dor-

sale est séparée du reste de l'organe bien que peu de foyers s'éten-

dent de la périphérie au centre de la moelle ; généralement à la

périphérie il existe une lisière de substance nerveuse saine. Des

foyers qui avoisinent le centre partent deux ou trois vaisseaux

déjà altérés qui s'en vont dans la zone intacte. Les foyers, ceux

surtout qui occupent la substance grise, sont remplis de vaisseaux

pleins à éclater mais ne présentant point la forme de tire-bou-

chons ; on y constate aussi de nombreuses hémorragies récentes.

Les plus petits foyers lombaires renferment eux-mêmes un ou plu-

sieurs vaisseaux altérés qui en forment le centre. L'adventice en

est épaissie et lâche, la gaine lymphatique est remplie d'un liquide

et de grosses cellules à petites granulations, à noyau périphérique,

ordonnées en séries. Au lieu de nerfs on trouve des cellules gra-

nuleuses, eu séries régulières, séparées par des tractus de subs-

tance de soutènement, dont le protoplasma finement ou grossiè-

rement granuleux est parfois chargé de grosses mottes de myéline;

en outre, ça et là mottes de myéline, cylindraxes tuméfiés, et, en

certains points, tout se borne à des mailles vectrices de vaisseaux

sans traces de tissu nerveux. Ni dans la paroi des vaisseaux, ni

dans leur voisinage, il n'y a de collections de cellules rondes. A

partir du milieu de la moelle dorsale, le canal central est dilaté ;

506 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

ailleurs il semble divisé en deux ; tout près, cellules rondes accu-

mulées qui diffèrent (par la coloration) de celles des gaines vas-

culaires. La pie-mère participe peu au processus, ce qui élimine

l'idée d'une méningite suppurée, tuberculeuse, syphilitique. Evi-

demment les foyers sont en rapport avec les vaisseaux, c'est

pourquoi la substance grise est si atteinte, et qu'il y a eu

mobilisation si rapide de si nombreuses cellules granuleuses ser-

vant au transport d'abondants matériaux de destruction. Il est

impossible cependant de savoir d'où viennent ces cellules; les

éléments de la paroi des vaisseaux ne participant pas à l'altéra-

tion, il convient de se demander si les cocci et leurs produits

n'avaient pas produit quelque modification encore inconnue de

cette paroi, si les files de cocci, ceux notamment à capsules

n'avaient pas arrêté mécaniquement le cours du sangou de la

lymphe. Si l'on ne peut affirmer la myélite aiguë par invasion des

cocci, il est néanmoins probable qu'il y a eu infection puisqu'on a

trouvé des pneumocoques dans la substance de la moelle.

P. 11FR.1 ? 1L.

LXXVII. Contribution à la casuistique des tumeurs de la glande

pituitaire (sarcome angiomatode) ; par S. PEC11KI1 ? Z. (Neurolog.' ·

Centmlbl., XVIII, 1899.)

Observation complète, presque depuis le début des accidents

jusqu'à la mort, c'est-à-dire pendant plus de deux ans et demi.

Elle concerne un jeune homme de dix-sept ans ayant d'abord pré-

senté des accidents permettant de penser à une néphrite avec uré-

mie. Mais la lenteur du début, le développement lent et graduel

des symptômes, la longue durée de l'évolution, l'absence de signes

d'abcès ou autres affections (auriculaires ou nasales) expliquant

l'oedème, la non-existence de traumatisme, de maladies infec-

tieuses aiguës, l'apyrexie, l'exclusion forcée de la tuberculose ou

de la syphilis; tout cela milite en faveur d'un néoplasme. Il s'agit

de le localiser. Les deux nerfs optiques sont atteints dès les quel-

ques mois qui succèdent à l'apparition des céphalalgies ; cécité

complète d'un oeil avec hémianopsie de l'autre à la même époque;

atrophie bilatérale des papilles à une période plus avancée de la

maladie.^ Atteinte ultérieure des deux oculomoteurs communs ;

paralysie complète des muscles extrinsèques et intrinsèques des

yeux. Aucun autre sens n'est atteint. Il n'existe ni paralysie ni

convulsions localisées. Le néoplasme occupe donc la base et le

chiasma. Autopsie. Une tumeur colossale remplace la glande

pituitaire ; nulle part elle n'adhère à la base du crâne, sauf à la

partie basse du dos de la selle turcique. Elle se compose de trois

parties. La plus grosse, la plus ancienne, repose sur la selle qu'elle

a creusée d'une masse dure; un prolongement s'en va dans les ca-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 507

vités oculaires ; lisse brillant. sans adhérence avec la base du

crâne. La tumeur, irrégulièrement globuleuse sur la selle. couvre

le losange interpédonculaire, ainsi que les parties voisines, et pro-

jette un segment supérieur jusque dans le troisième ventricule,

tout en épargnant le cerveau simplement ramolli au pourtour. Les

masses, plus petites, cohérentes avec la portion moyenne, repo-

sent sur la base du cerveau, librement. Le corps pituitaire n'existe

plus. La tumeur est enfermée dans une capsule ayant à peu près

la structure de la dure-mère. C'est en effet celle-ci qui en est l'en-

veloppe, sauf au fond de la selle turcique où elle a été perforée.

La tumeur, originaire de la fosse moyenne du crâne, plus exacte-

ment de la glande pituitaire, est un sarcome; par suite, elle a

pris naissance dans le lobe postérieur de cette glande (Hertwig,

Schwalbe) a atrophié celle-ci, et les régions interpédonculaires,

s'est dégagée dans le troisième ventricule, a ramolli les parties cé-

rébrales adjacentes, et a produit des masses latérales, par infil-

tration de la capsule enveloppante. Aussi la capsule de ces der-

nières est-elle plus mince; elles sont elles-mêmes vascularisées. Il

y a eu ramollissement de la portion moyenne par dégénérescence

hyaline de ses vaisseaux ?

Tout énorme que soit le néoplasme, si vasculaire soit- il , il a

simplement envahi les cavités oculaires, comprimé et atrophié les

nerfs optiques et oculomotem communs; il y a eu (ce qui est

assez rare) infiltration de la gaine des nerfs optiques.

La compression, d'abord exercée sur la partie médiane du

chiasma qui contient les fibres entre-croisées de la bandelette op-

tique, explique I'A( ! unopAiC bitempontle, mais il est rare que les

choses restent en l'état, aussi nettement limitées, c'est pourquoi

l'on ne tarde pas, comme dans ce cas, à observer l'amalll'ose d'un

oeil associée à une hémianopsie de l'autre ; toute» les autres variétés

de troubles oculaires connues, dépendent de l'action plus particu-

lièrement exercée par la compression sur une moitié du chiasma,

une bandelette optique, les deux bandelettes optiques, les deux

nerfs optiques, la compression finale des fibres des nerfs optiques

aboutissant à l'ammt1'ose bilatérale complète. Les mêmes variétés de

troubles oculaires se voient aussi dans l'acromégalie; elles s'expli-'

quent juslement par l'hypertrophie concomitante du corps pitui-

taire ; mais l'inverse n'est pas vrai; l'acromégalie ne tient pas tou-

jours exclusivement à des lésions pituitaires,

Cependant nous avons eu chez notre malade une hypertrophie

des pieds, des extrémités inférieures et de la face, en imposant

pour l'oedème (sans empreinte à la pression) ; peut-être s'agissait-

il d'une simple augmentation de volume des parties molles (acro-

mégalie molle et non osseuse). Ceci permettrait aussi de croire

que le jeune homme avait une anomalie congénitale dans la struc-

ture de son corps pituitaire, s'étant accusée par des troubles nu-

508 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

tritifs (pachyacrie molle), de l'hypoplasie des organes sexuels, un

féminisme osseux, et que sur cette anomalie se serait développée

la tumeur maligne.

La névrite optique est le grand symptôme des tumeurs de cette

région. Elle se termine par une atrophie des nerfs optiques (Bath);

mais elle peut manquer quand la tumeur n'est pas assez volumi-

neuse pour exagérer la pression à l'intérieur du crâne, ou quand

elle comprime les gaines des nerfs optiques et empêche l'accès

dans ces gaines du liquide cérébro-spinal (Bath, Heusser, Hippel).

Les variétés de paralysies des muscles des yeux tiennent aux al-

lures variables de la tumeur dans ses rapports avec les divers nerfs

de l'oeil. Ici, quelques mois après le début de la maladie, les mou-

vements des yeux étaient conservés; la pupille droite réagissait

encore à la lumière et à l'accommodation, mais non la pupille

gauche. Dix-huit mois plus tard, les deux pupilles ne réagissaient

plus, les muscles extrinsèques de l'oeil n'étaient point paralysés.

Vingt-quatre mois après, les réactions pupillaires faisaient tout à

fait défaut, les mouvements des yeux étaient extrêmement limités,

mais l'examen précis était impossible parce qu'il y avait cécité

absolue et que le malade était somnolent.

La coexistence d'une néphrite (albuminurie) et d'une tumeur ma-

ligne de la selle lurcique rendait au début, dans l'espèce, le dia-

gnostic différentiel impossible, toutes deux génératrices de symp-

tômes urémiques et oculaires mutatis mutandis. L'image opWhal-

moscopique de l'urémie purement rénale est parfois identique il

celle d'une tumeur cérébrale. L'urémie et la tumeur cérébrale

peuvent produire : céphalalgies, vomissements, délire, convulsions,

épilepsie jacksonienne, hémiplégie, hémianopsie, amaurose, ralen-

tissement du pouls, attaques apoplectiformes, elc. La lenteur du

développement graduel et progressif a servi de boussole.

P. IiER.IV.1L.

LXXVIII. Tabes et surmenage physique ; par L. LOEWENFELD,

(Centralbl. f. Neruezzlreilh., XXI, N. F. IX, 1898.)

Aide relieur de trente-cinq ans. Le signe de Westphal, le signe

de Romberg, les douleurs lancinantes, les troubles subjectifs de la

sensibilité bilatéraux marqués aux pieds, l'ataxie en certaines cir-

constances, indiquent le tabes. Pas de symptômes pupillaires. Pas

de syphilis. Depuis quatre ans, il fait mouvoir avec les deux pieds

alternativement, pendant dix heures par jour, une lourde machine

à pédale en fer roide. Il travaille ainsi chaussé de cuir léger ou de

pantouffles. La maladie a débuté avec ce travail pénible, debout,

exigeant un effort considérable des jambes. C'est exactement le

même surmenage que celui de la machine à coudre, qui a agi à

l'égal d'une cause directe. P. KERAVAL.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ .\lJ DICO-Í)S YC H 0 LO G IQ U E.

Séance du 30 octobre 1899. Présidence de M. J. Voisin.

Le Président annonce la mort de M. Paul Janet, ancien président

de la Société et lève la séance en signe de deuil.

Le traitement des psychoses aiguës par le repos au lit.

M. Farnarier communique en son nom personnel et au nom de

M. SÉHIEUX une note sur la clinothérapie. Les effets physiologiques

de l'alitement encore peu étudiés paraissent, pense-t-il, être les

suivants : il modère et régularise les battements cardiaques et les

mouvements- respiratoires, élève la pression artérielle. abaisse la

température centrale, il diminue la destruction des globules

rouges; enfin il ralentit les processus d'oxydation intra-cellulaire,

par suite de la désassimilation, et amène l'augmentation du poids

du corps ; dans certains cas, cette économie sur les substances

brûlées serait peut-être compensée par une diminution de l'appétit,

entraînant un abaissement du poids du corps.

Les indications de la méthode peuvent se résumer en peu de

mots : elles se rencontrent chez tous les malades qui ont besoin

de repos, soit physique, soit psychique. C'est dire que l'alitement

est applicable à toutes les psychoses aiguës; que le cerveau, en

effet, soit surmené par le fonctionnement exagéré des zones

motrices (manie), sensitive (mélancolie), sensorielle (état halluci-

natoire), ou que son activité soit suspendue par l'action d'un

toxique (confusion mentale); dans tous ces cas il est urgent de

laisser reposer l'organe surmené ou intoxiqué, afin de permettre

le retour à l'état normal des mutations nutritives du neurone.

Ajoutons que sous le nom d'états aigus d'aliénation, nous com-

prenons à la fois les psychoses à évolution rapide et de date

récente (délire toxique, délire hallucinatoire, états maniaque et

mélancolique) et les épisodes aigus des affections chroniques

(paralysie générale, lésions cérébrales en foyers, délires systéma-

tisés chroniques).

Comme résultat, s'il ne parait pas absolument démontré que

510 SOCIÉTÉS SAVANTES.

l'on obtienne un chiffre de guérisons plus élevé que par les autres

méthodes, du moins diminue-t-on la durée de la maladie et

place-t-on le malade dans les meilleures conditions physiques et

morales de guérison. Un résultat appréciable de la clinothérapie,

c'est qu'elle supprime presque complètement l'isolement cellulaire;

elle modifie fort heureusement la physionomie de l'asile en subs-

tituant des salles d'hôpital, calmes et silencieuses, aux bruyants

quartiers d'agités, où les malades s'excitent mutuellement; enfin,

elle permet l'examen méthodique des malades par le personnel

médical.

Il n'existe pas de contre-indication absolue au traitement par le

lit, mais seulement quelques inconvénients facilement évitables :

tels que l'anorexie, la constipation, les amyotrophies et raideurs

mticulaires, etc.

En résumé, la méthode de l'alitement, par les résultats théra-

peutiques qu'elle donne, par les modifications heureuses qu'elle

apporte à la physionomie de l'asile, mérite de prendre place, avec

no-restraint et l'open-door, parmi les plus belles conquêtes de la

psychiatrie moderne. Il est permis d'espérer que le mode d'assis-

tance future des aliénés élevés à la dignité de malades comprendra

uniquement l'hôpital spécial pour les aigus, que l'on traitera '

comme des malades physiques, l'assistance familiale et la coloni-

sation pour les chroniques, les intermittents et les convalescents.

M. DooTREBENTE se montre surpris d'entendre dire que c'est

depuis qu'on les alite systématiquement que les aliénés sont élevés

à la dignité de malades. Il y a longtemps que Pinel, dit-il, leur a

rendu ce service. Le traitement au lit, ajoute-t-il, empêcherait la

déperdition des forces. Je ne vois pas trop comment ou a pu les

mesurer chez les maniaques. Si cette mensuration pouvait être

faite, on serait sans aucun doute étonné de leur conservation après

une période très longue d'excitation chez les maniaques non alités.

On nous dit aussi que l'alitement favorise l'examen des aliénés.

Dans tous les services auxquels j'ai pu être attaché, j'ai toujours

vu examiner très attentivement tous les entrants. Enfin les auteurs

nous avouent que ce traitement ne modifie pas la longueur de la

maladie. Alors à quoi bon changer de thérapeutique ?

Lorsqu'on a proposé de mettre à l'ordre du jour du Congrès

de 1900 le traitement des psychoses par l'alitement, j'ai l'ait

observer que si ces idées nouvelles venaient à se propager il fau-

drait démolir tous les anciens asiles. Je préférerais pour ma part

voir augmenter le nombre des chambres d'isolement où pourraient

être logés les aliénes turbulents qui deviennent une gêne pour

leurs voisins plus calmes et une cause de désordre.

M. Friand qui, un des premiers en France, a pratiqué la clinothé-

rapie et la pratique encore a d'abord couché et maintenues cou-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 511

chées toutes les entrantes de son service, sans distinction. 11 est

arrivé à cette conclusion que si cette thérapeutique donne dans

certains cas les meilleurs résultats elle n'est cependant pas appli-

cableindistinctement à tous les aliénés. En effet, dit-il, si la plu-

part des cas aigus sont favorablement amendés et si presque tous

les aliénés finissent par l'accepter il en est un certain nombre, et

ce ne sont pas les plus agités qu'il devient très difficile sinon

impossible de maintenir au lit, sans moyens de contrainte. Ces

malades finissent par concevoir contre le peisonnel de surveil-

lance une telle animosilé qu'ils deviennent non seulement un

élément d'agitation pour leurs voisins, mais un danger pour ceux

qui les approchent.

Après quelques jours d'essai le mieux est dans quelques cas de

ne pas persister à vouloir maintenir l'aliéné au lit quand sa résis-

tance se traduit par une lutte continuelle avec le personnel.

Si la multiplicité de chambres d'isolement est à désirer, on ne

saurait toutefois espérer qu'on pourra y traiter les agités au lit.

Le dortoir commun constitue un milieu spécial et en quelque sorte

une atmosphère nécessaire -IL cette thérapeutique dans laquelle

l'imitation complète la persuasion. Il se crée là une sorte de con-

tagion par l'exemple ou même une véritable suggestion agissant

tout aussi bien sur les malades que sur les agents de surveillance

qui s'étonnent du résultat obtenu.

Pour ce qui est du massage destiné à prévenir les ankyloses je

ne l'emploie pas parce qu'une semblable complication n'est guère

à craindre chez des malades qui, bien que couchées, n'en gesti-

culent pas moins pendant toute la journée et souvent même la

nuit.

M. SOLLIER a vu à IIeidelberg des agités maintenus au bain

depuis plusieurs mois. Il lui semble que cette pratique, si elle est

commode au point de vue de la surveillance qu'elle simplifie, ne

présente point les effets qu'on semble en espérer au point de vue

du traitement.

M. Doutrebente. -Il y a longtemps qu'en France on donne des

bains de quelques heures aux agités et plus particulièrement aux

paralytiques généraux. J'ai adopté, pour ma part, la méthode de

Foville père, qui mettait ses agités dans des bains prolongés à

partir de cinq heures du soir. On procure ainsi de meilleures

nuits aux malades les plus excités qui s'endorment plus volon-

tiers en sortant du bain.

M. FaaIvaLEa. M. Doutrebente nous objecte que nous n'ap-

portons aucun résultat ; cependant parmi les auteurs allemands

qui ont appliqué cette thérapeutique il en est qui ont constaté que

si la durée de la psychose n'était pas abrégée, les symptômes en

étaient moins pénibles. En ce qui concerne le massage j'ajouterai

512 ' SOCIÉTÉS SAVANTES.

que nous ne l'employons que chez les mélancoliques en vue

d'éviter les amyotrophies.

M. Christian lit très attentivement les rapports annuels du ser-

vice des aliénés du département de la Seine; il n'a pas vu que les

guérisons fussent plus nombreuses il Ville-Evrard que dans les

autres asiles.

M. Doutrebente a obtenu à Blois la guérison de 33 p. 100 des

aliénés traités en s'en tenant il l'ancienne thérapeutique.

.'IlARCEL Briand.

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE.

Séance du 9 novembre. Présidence de M. JOFFROY.

MM. DEJEUNE et l3cnNnEm. Un cas de paralysie radiale par com-

pression, avec autopsie. La malade présentait une paralysie

radiale, qui, par sa physionomie clinique et surtout par ses réac-

tions électriques (signe d'Erb), réalisait le tableau classique. Elle

mourut au bout de vingt-cinq jours. A l'autopsie, l'examen

macroscopique révéla l'existence d'une ecchymose située à 3 cen-

timètres au-dessous du point de bifurcation du nerf circonflexe :

ecchymose qui, longue de 1 cent. 1/2 à 2 centimètres, avait aplati

le tronc nerveux. Au microscope, on ne put déceler aucune lésion

histologique dans n'importe quelle branche périphérique ; seule,

la myéline paraissait être légèrement grenue et faiblement colorée,

altérations qui ne pouvait être mise sur le compte des manipula-

tions. Mais, il n'y avait pas la moindre trace d'une dégénération

wallérienne pathologique : çà et là à peine quelques tubes avec

boules, comme il s'en rencontre dans tous les nerfs examinés sur

le cadavre. Ainsi, M. Déjerine conclut que la technique histologique

moderne reste incapable de nous renseigner sur la lésion qui,

dans la paralysie radiale par compression, empêche l'excitation

électrique, portée au-dessus, de passer par les filets nerveux com-

primés. Il rappelle qu'il n'a jamais pu créer expérimentalement

une paralysie par compression, du type qu'on observe chez

l'homme.

M. JOFFROY fait remarquer que l'expérimentation ne peut repro-

duire toutes les conditions pathologiques réalisées chez l'homme

(intoxications diverses, surtout alcoolique ; infections variées). La

SOCIÉTÉS SAVANTES. 513

paralysie radiale par compression se déclare seulement chez cer-

tains individus, prédisposés par une tare antérieure.

M. B,BiNsKi a pu faire expérimentalement une paralysie qui,

par certains caractères, ressemblait à la paralysie radiale de

l'homme, mais les phénomènes étaient très transitoires, durant à

peine une demi-heure.

M. Babinski présente un malade atteint incontestablement d'une

lésion bulbo-protubérantielle, avec hémiplégie alterne sensitivo-

motrice, paralysie périphérique du nerf facial et kératite neuro-

paralytique par altération du nerf trijumeau. Mais, surtout, ce

malade offre des troubles particuliers de la marche : la station

debout est possible sans appui, les yeux ouverts ou fermés;

cependant, au bout de 2 à 3 minutes, il tombe toujours du même .

côté. Si l'on commande au malade de marcher, il lance les jambes

avec une incoordination manifeste, tandis que la partie supérieure

du corps reste immobile et entraîne ainsi le malade en arrière.

Or, l'on sait bien que, dans la marche normale, la partie supé-

rieure du corps doit se porter en avant, pour déplacer le centre

d'équilibre du corps. Le malade présente donc une asynergie mus-

culuire. Cette asynergie s'observe encore dans d'autres mouvements

volontaires des bras mais surtout des jambes, Elle doit être attri-

buée, suivant l'auteur, à une lésion cérébelleuse.

M. Robinson. Surdité verbale mentale. Observation détaillée

concernant un homme de quarante ans, présentant des stigmates

de dégénérescence et de la surdité verbale mentale. Cette observa-

tion est à rapprocher de celle des deux jeunes filles présentées par

le professeur Raymond à la dernière séance.

M. CIIIPAULT. Balle dans le corps calleux. Etat de mal épileptique.

Hémiplégie. Trépanation. Guérison. 11 s'agit d'un malade, qui

s'est logé deux balles de petit calibre, par la bouche. Les radio-

graphies montrent qu'une de ces balles se trouve au-dessus du

corps calleux entre les faces internes des deux hémisphères.

M. GUILL.11N. La circulation des liquides lymphatiques dans la

moelle épinière. L'auteur, à la suite de recherches entreprises

d'après les conseils de M. P. Marie, croit pouvoir conclure à une

direction ascendante de la part des liquides nourriciers dans la

moelle. La circulation lymphatique serait indépendante dans les

cordons postérieurs et les cordons antéro-latéraux.

Le canal de l'épendyme serait un collecteur lymphatique ; les

espaces lymphatiques seraient réglés par la disposition de la

névroglie :

A la suite d'injections de granulations aseptiques dans les cor-

dons postérieurs du chien, on peut amener une dilatation du

Archives, 20 série, t. VIII. 33

514 4 SOCIÉTÉS SAVANTES.

canal central, et des espaces lymphatiques des cornes postérieures

simulant la syringomyélie.

L'auteur se demande si des substances toxiques ou microbiennes

ne peuvent pas suivre la même voie et donner ainsi certaines

formes de syringomyélie.

M. Paul Londe. Sur les troubles moteurs du goitre exophtalmique.

Théorie de l'hypotonie. Chez les Basedowiens, les phénomènes

fondamentaux sont attribuables à l'asthénie, à la parésie : ce sont

des troubles de déficit. Ils peuvent coïncider avec un défaut de

tonicité musculaire, ce qu'on a appelé l'hypotonie.

M. Londe se demande si cette même explication ne peut s'ap-

pliquer au manque de tonus cardio-vasculaire dans certains terri-

toires auquel il accorderait raie importance plus grande qu'a

l'excitation du sympathique.

Le manque d'action tonique et régulatrice du cervelet pourrait

être invoqué d'après lui.-

),[\1. DUFOOR et DIDE. Tuberculine. Tuberculose et encéphalopa-

thies délirantes. Quels sont les rapports qui unissent la tuber-

culose aux délires ? Y a-t-il coïncidence fortuite ou relation de

cause à effet, dans les cas de délire chez les tuberculeux ? Il est

difficile de trancher cette question d'une manière absolue : toute-

fois, les auteurs ont soumis dix malades délirants, chez lesquels

on ne trouvait pas de signes permettant d'affirmer l'existence

d'une tuberculose pulmonaire, à l'épreuve de la tuberculine. Trois

d'entre eux ont réagi d'une manière positive. Ils cachaient donc

une tare organique bacillaire. Cette tare inaperçue pourrait donc

jouer un rôle important dans la genèse de ces délires.

M. IiLIPPEL. Abcès cérébral et méningite aiguë. L'auteur rap-

porte l'observation et des photographies de pièces, concernant un

homme de son service ayant présenté les signes d'une méningite

aiguë avec signe de Kernig manifeste. L'autopsie démontra qu'il

s'agissait d'un abcès cérébral situé à gauche dans le centre ovale,

sans la moindre lésion des méninges. Le pus, jaunâtre, non fétide,

fut inoculé sans succès à une souris. Le liquide céphalo-rachidien

n'a pas été examiné pendant la vie.

MM. Cl. Philippe et Jonia. Anatomie pathologique de l'écorce

cérébrale dans la sclérose en plaques. Les auteurs ont étudié les

localisations de la sclérose en plaques au niveau de l'écorce céré-

brale, en examinant dans trois autopsies, la plupart des circonvo-

lutions par toutes les méthodes histologiques (Weigert-Pal, Mar-

chi, Nissl ; picro-carmin et hématoxyline alunée). Les foyers cor-

ticaux, existent toujours, mais ils sont plus ou moins nombreux;

dans un cas, ils étaient très marqués au point d'avoir envahi

presque complètement la circonvolution et son centre ovale. Leur

SOCIÉTÉS SAVANTES. 51 0

topographie, leurs dimensions, leur âge, leurs caractères histolo-

giques (démyélinisation et prolifération névroglique) varient dans

des limites considérables, absolument comme au niveau de la

moelle et du bulbe. Les auteurs insistent, avant tout, sur une

lésion non encore décrite; une méningite corticale intense, surtout

fibro-plastique, qui évolue sans endartérite ni endophlébite.

Ces résultats histologiques permettent de penser que l'écorce

cérébrale et ses lésions entrent pour une large part dans la symp-

tomatologie générale de la sclérose en plaques. La méningite peut

expliquer les attaques épileptiformes ou apoplectiformes, assez

fréquentes au cours de la maladie ; elle constitue un argument

de plus en faveur de l'origine infectieuse de la sclérose dissé-

minée. Enfin, comme le disait Charcot, en 1892, il faudrait

rechercher les formes mentales de la maladie et ses symptômes

psychiques, encore si mal caractérisés.

MM. Cl. Philippe et 0131',R71lllli. Une lésion bulbaire constante

dans .la syringomyélie avancée : sa valeur clinique pour la palho-

génie des anesthésies syringomyéliques. Dans quatre autopsies

de syringomyélie avancée, il existait une lésion bulbaire placée

dans la corne postérieure et dans la substance grise située en

avant des noyaux de Goll et de Burdach. Cette situation, très par-

ticulière et constante, fait que la lésion coupe les fibres sensitives

émanées des noyaux, et produit une dégénération plus ou moins

complète, unilatérale ou bilatérale, du ruban de Reil. Les auteurs

attirent l'attention sur ce processus qui marque l'envahissement

du bulbe par la syringomyélie et qui continue la gliose des cornes

postérieures de la moelle, comme il est facile de s'en rendre

compte en examinant des coupes sériées. Au point de vueclinique,

cette lésion bulbaire, qui fait dégénérer la grande voie sensitive du

bulbe et de la protubérance, doit jouer un rôle de premier ordre

dans la palhogénie des anesthésies syringomyéiiques dont la phy-

siologie pathologique reste si obscure encore à l'heure actuelle.

M. SICARD. Les muscles abdominaux et l'orifice inguinal chez les

hémiplégiques organiques. L'auteur s'élève sur ce qu'a de trop

absolu cette proposition soutenue par les classiques : à savoir que

dans l'hémiplégie organique les muscles à fonction synergique

sont respectés des deux côtés.

Des recherches méthodiques dans les services de MM. Raymond

et Brissaud, portant sur vingt-deux hémiplégiques, lui ont permis

de constater, en faisant tousser les malades, les faisant respirer

largement, et en palpant avec soin leur orifice inguinal, qu'il

existait une parésie certaine des muscles abdominaux du côté

paralysé.

516 SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ D'HVPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance du 17 octobre 1899. Présidence DE M. Juliis Voisin.

Dédoublement de la personnalité et phénomènes subconscients

provoques par des manoeuvres de spiritisme.

M. BÉR(LLON présente une malade qui a fréquenté des réunions

spirites et n'a pas tardé à y jouer le rôle d'excellent médium à

réincarnations. Sous l'influence de la concentration de l'attention,

elle présentait des variations de personnalité analogues à celles

que l'on peut provoquer expérimentalement chez les hypnotisés.

Elle subissait inconsciemment la suggestion du milieu ambiant,

mais, à la fin de chaque séance, elle n'était ni réveillée ni

« déshypnotisée », comme cela doit toujours être fait après une

séance d'hypnotisme. Il en est résulté un état mental particulier

qui se manifeste par des phénomènes inconscients et automatiques

survenant à des intervalles de plus en plus rapprochés ; ses mou-

vements automatiques et ses actes impulsifs ont, pour un esprit

non averti, toutes les allures d'un délire maniaque. C'est ce qui

explique son séjour d'un mois dans un asile d'aliénés. Il s'agit, en

somme, d'une hystérique très dégénérée qui s'auto-hypnotise,

tombe dans un état de somnambulisme spontané, puis extériorise

les rêves qui surgissent dans son esprit. Tous ces états ont pu

être reproduits expérimentalement ; ils disparaissent aussi sous

l'influence de la suggestion. L'hypnotisme a déjà considérablement

amélioré cette malade, laquelle va continuer à être soumise à la

psychotérapie.

M. Jules Voisin. -'Cette malade est-elle tout à fait inconsciente

et ne joue-t-elle pas un rôle ? 1 1

M. Palll M1G : II'I. Elle a bien l'apparence d'une hystérique qui

simule et veut se rendre intéressante.

M. Paul Fanez. Elle a, en tous cas, très certainement la notion

au moins subconsciente du monde extérieur, puisque dans ses

diverses réalisations de types, elle évolue aisément dans cette salle

sans heurter ni tables ni chaises.

M. BÊRiLLON. Peut-être, au début, s'est elle prêtée avec com-

plaisance aux prétendues réincarnations ; sa vanité a pu être

agréablement chatouillée quand on lui a déclaré qu'un grand

médium venait d'éclore. Mais actuellement son état est devenu

insupportable et elle désire beaucoup en sortir, car il l'expose à

toutes sortes d'ennuis chez elle et dans les milieux qu'elle fréquente.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 517 7

Les états mentaux impliqués dans l'appréciation post-hypnotique

du temps.

M. Milne-Bramwel (de Londres). Après avoir rapporté les

études de Liégeois, Beaunis, Bernheim, Garney, sur ce sujet,

rapporte les nouvelles expériences faites par lui sur diverses per-

sonnes hypnotisées et dans lesquelles il suggérait d'accomplir tel

acte dans quatre mille quatre cent dix-sepl,... dix mille soixante-

dix,... onze mille quatre cent dix-sept... minutes, etc. Quarante-

cinq fois l'ordre fut exécuté à la minute ; dans huit cas il y eut de

légères différences qui n'excédèrent jamais cinq minutes.

Ghloroforme et suggestion.

M. Paul Farez. Tout récemment on a prétendu que la sugges-

tion après la chloroformisation était moins dangereuse que l'hypno-

tisation et devait toujours lui être préférée. C'est justement le

contraire qui est la vérité.

M. LE Menant des CiirsN,is. En effet, il faut renverser les

rôles. J'avais dernièrement une malade que j'ai essayé sept ou huit

fois d'hypnotiser : chaque séance me demandait au moins trois

quarts d'heure et me causait beaucoup de fatigue ; tous mes efforts

restèrent vains. C'est alors seulement que je me suis cru autorisé

à recourir à l'éther.

M. Fau de ST-atAxrm. Le chloroforme n'est excusable que

quand l'hypnotisme a échoué.

M. Félix REGNAULT. Si, comme on le prétend l'hypnotisme est

à ce point dangereux. la suggestion après chloroformisation pré-

- sentera à la fois les dangers de la suggestion et ceux du chloro-

forme. D'ailleurs, si, après échec de l'hypnotisme,' on décide de

- recourir à un hypnagogue, on est impardonnable de s'adresser au

chloroforme, puisqu'on dispose de l'éther. Et puis, l'art de la

suggestion est très complexe ; il comporte une série de précautions

parfois négligées ; ainsi le malade dort mieux le soir, à jeun, etc.

'Lorsqu'un malade est réputé réfractaire à la suggestion, cela tient

fort souvent bien moins à lui qu'au médecin.

M. Bérillon. Il convient aussi de préparer tout d'abord les

malades, de leur donner toutes sortes d'explications, d'aller au-

devant de leurs objections, de déployer une grande richesse

d'argumentation et de créer en eux une parfaite quiétude d'esprit.

Le succès est à ce prix.

M. Jules Voisin. Dans ma pratique j'évite aussi d'endormir

mon malade dès la première visite ; je le prépare ; je gagne sa

confiance, de manière qu'ensuite il demande de lui-même que

je l'hypnotise.

518 bibliographie.

Puissance de l'auto-suggestion.

MM. LEPIN \ et Bar\duc rapportent chacun un exemple de l'effi-

cacité de l'auto-suggestion.

BIBLIOGRAPHIE.

XIII. Education des dégénérés supérieurs. Réflexe de l'obéissance; par

H. Thulié. (Revue de l'Ecole d'Anthropologie, 13 janvier 1899.)

Pour faire l'éducation des dégénérés les moyens habituels sont

insuffisants. Ou se heurte à leur inertie maladive, à leur mauvaise

volonté. Leurs déplorables habitudes si elles ne sont pas innées

ont été souvent fortifiées par l'incurie ou l'aveuglement des pa-

rents. Avant de semer dans ce terrain ingrat, il faut le préparer

soigneusement. Suivant M. Thulié, c'est l'instinct de l'obéissance

qu'il faut créer; aussi il nuus donne une étude complète sur la

nature de cet instinctet sur la méthode à suivre pour le développer.

M. Thulié connaissant il fond le sujet, dont il nous entretient, il

serait désirable que sa' méthode fût généralisée. Un instinct étant

une action réflexe plus ou moins compliquée, à laquelle la cons-

cience ne prend aucune part, il faut décomposer l'instinct qu'on

veut créer en en faisant d'abord un réflexe conscient; puis en

multipliant la répétition des mêmes actes qui le .produisent, la

conscience devient de moins en moins nette, et finalement dis-

parait. A ce moment le réflexe est absolument instinctif : c'est un

véritable instinct créé ou mieux fixé par l'habitude, cette seconde

nature. Le but est donc d'amener le dégénéré à obéir automati-

quement. Comment faire naître cet instinct ? M. Thulié se rappe-

lant les merveilleux résultats obtenus à Bicêtre dans le service de

M. Bourneville chez des dégénérés inférieurs, emploie des moyens

analogues.il faut s'adresser à une fonction accessible à la discipline

la fonction du mouvement si facilement entraînée par le rythme et

par l'esprit d'imitation. De l'usage répété de l'exercice commandé,

du renouvellement continu d'un acte succédant à un ordre, 1 obéis-

sance se dégage sans que la conscience y prenne une part impor-

tante. D'ailleurs elle finit par disparaître en raison même de la

répétition de l'acte. La gymnastique des mouvements atteint ce

'but à l'exclusion de tout autre procédé. Les mouvements d'assou-

plissement en outre qu'ils sont excellents au point 'de vue hygié-

nique sont des mouvements d'ensemble par excellence. «'L'esprit

1 bibliographie. 519 q

d'imitation est une des causes les plus efficaces de l'entraînement. »

Enfin le rythme y joue un rôle important. L'exemple de ce qui se

passe dans le service de M. Bourneville prouve que les sensations

rythmiques s'imposent facilement aux intelligences les plus obs-

cures : elles fixent dans la mémoire les mouvements commandés.

Le son du tambour ou d'une musique épargne des oublis et main-

tient la cadence. Les dégénérés supérieurs subissent les mêmes

influences.

Lorsqu'une régularité inconsciente préside aux actes physiques,

la régularité intellectuelle s'en ressent. Un esprit disposé à obéir

au commandement du professeur de gymnastique ie sera égale-

ment à tout autre ordre; c'est une habitude que l'enfant prendra

d'une manière générale et dans toutes les circonstances de la vie,

à l'école comme dans la société, le réflexe de l'obéissance le sou-

mettra aux lois. M. Thulié ne s'est pas contenté d'exposer sa

théorie, il réfute chemin faisant les objections. Il s'attache princi-

palement à démontrer la supériorité des mouvements d'assouplis-

sement exécutés avec ensemble sur les autres méthodes de gymnas-

tique. Il rejette avant tout ces exercices acrobatiques si prisés dans

nos écoles, dont le résultat est opposé à tout raisonnement. Ils

fatiguent le corps et empêchent conséquemment tout effort utile

chez un enfant bien portant. Chez un dégénéré cet effet nuisible

s'accentue encore : c'est ce que nous avons constaté nous-même à

Bicêtre. G.-Paul BoNcouR.

XIV. Le corps et l'âme de l'enfant; par le Dr Maurice de FLEURY.

(Armand Colin, inédit., 1899.)

Venant après les constatations désolées de nos philosophes et de

nos éducateurs, qui signalent les vices de notre éducation sans

proposer ensuite aucun remède pratique, le livre de M. Maurice

de Fleury cause un réel plaisir. il trace aux parents ou à ceux

chargés de les remplacer près de leurs enfants une ligne de conduite

vraiment applicable et surtout vraimentraisonnable. Et cela, parce

que son point dedépart est solide : au lieu de se perdre, àl'e1(emple

de la plupart des traités pédagogiques, en considérations philoso-

phiques sur les facultés intellectuelles des enfants ou sur les fon-

dements de la morale, l'ouvrage débute simplement par l'étude

anatomique du cerveau, cette base indiscutable de toute activité

physique ou psychique. Une série de déductions montre ensuite

le mécanisme de la conscience, de la personnalité et de la volonté.

M. Maurice de Fleury essaie d'ailleurs, je dois le dire, de ménager

les susceptibilités spiritualistes de ses lecteurs. Y parviendra-t-il ?

C'est douteux malgré l'habileté qu'il y déploie : en tout cas son

livre n'a rien à y gagner. ,

Dans une suite de chapitres résultant toujours logiquement de

820 ' bibliographie.

ses constatations anatomiques- et physiologiques, il passe en

revue la colère, la paresse, la peur, le mensonge, etc. Il montre

la colère, cette explosion d'énergie accumulée sous pression

dans le cerveau. Il en décrit plusieurs formes variant suivant

les tempéraments. Naturellement il donne le traitement de cette

défectuosité et il le peut d'autant mieux qu'il l'a au préalable

analysée. Ses pages sur la paresse sont fort attachantes. Il n'y a

pas un paresseux mais des paresseux, c'est-à-dire des enfants qui

pour des raisons variables en arrivent à un état identique. C'est

donc une erreur grossière de dire : cet enfant est un paresseux sans

commentaire. Il faut remonter à la cause première pour s'aper-

cevoir que les uns sont paresseux par incapacité de travail, que

d'autres le sont par neurasthénie, que la mauvaise éducation et le

surmenage arrivent à des résultats similaires. Avec des notions de

ce genre le remède à apporter est simplifié. Ainsi il est facile de

s'apercevoir de l'inefficacité des punitions habituelles de nos lycées ;

elles sont uniformes bien qu'ayant pour but de redresser des vices

totalement différents. Ces quelques mots feront comprendre, je

l'espère, la conception particulière de l'ouvrage, mais il faut aussi

être informé de l'idée directrice qui a inspiré ces lignes d'un

intérêt si pratique. M. M. de Fleury est persuadé qu'il faut une

bonne souche pour faire une bonne race. Pour lutter dans la vie,

la force aussi bien physique que morale s'impose impérieusement.

Les considérations du début indiquent que cette énergie-ne tiendra

pas exclusivement du corps ou de l'âme. Cette dissociation serait

antiscientifique. « Les facultés de l'âme ne se distinguent en aucune

façon des fonctions de notre écorce grise », écrit M. de Fleury au

mépris ne toute conviction spiritualiste, affirmant ainsi qu'il

suffit d'étudier le corps pour arriver à des solutions pratiques. Les

parents trouveront un plan qui les dirigera dans leur rôle d'éduca-

teurs, ils pourront en faire une application intelligente, car ils

auront l'avantage manifeste d'en comprendre le pourquoi.

Les maîtres profiteront largement de cette oeuvre où ils n'auront

pas à redouter les introductions gonflées de psychologie trans-

cendante généralement inévitables dans tous les manuels pédago-

giques.

Pour ma pari, je sais gré il l'auteur d'avoir, tout en reconnais-

sant la supériorité de l'éducation anglo-saxonne, proposé des

moyens de s'en rapprocher. Il est évident que les Anglais ont des

qualités en partie puisées dans leurs écoles ou dans leur milieu

familial : mais comme il est impossible de bouleverser notre état

social pour mettre les jeunes Français dans des conditions iden-

tiques, il faut trouver des moyens d'éducation adaptés à notre

race. L'auteur en propose : il faut l'en féliciter. Il me semble su-

perflu d'ajouter que la compétence de M. M. de Fleury dans ces

questions d'hygiène morale et de neurologie a trouvé une occasion

NECROLOGIE. 521

nouvelle de se manifester brillamment. Parler de son style avec ses

qualités de clarté, de souplesse et d'élégance est également inutile,

chacun le connaît et l'apprécie. G.-PauL 130 : \COUR,

XV. Thérapeutique de la scoliose des adolescents;

parle D1' A. Chipault (Vigot frères, éditeurs).

- Le De Chipault, dont tout le monde juge à sa juste valeur

la haute compétence en matière de pathologie du rachis, donne

dans ce volume les résultats de son expérience personnelle pour

ce qui concerne la scoliose des adolescents. Après avoir dans le

premier chapitre, déclaré que cette affection doit toujours être

considérée comme grave, par les conséquences qu'elle peut entraî-

ner, surtout chez la femme (accouchements rendus impossibles),

l'auteur passe à l'étude des différents traitements appliqués à la

scoliose. Tous les procédés sont analysés et critiqués, avec une

parfaite impartialité et certainement avec une grande compétence.

L'adolescent est-il simplement menacé de scoliose ? c'est à une

thérapeutique préventive, mais sévèrement appliquée, qu'il faudra

s'adresser (massages, exercices, etc.). Au contraire l'affection est-

elle déclarée ? c'est alors contre la cause première du mal qu'il

faut s'appliquer à lutter. Aussi rejetant les procédés qui ne

s'attaquent qu'aux muscles en se basant sur la théorie qui incri-

mine dans la scoliose des lésions musculaires, l'auteur se déclare

partisan des procédés qui s'adressent directement au squelette

dont les lésions ont été constatées. Il emploie, en suivant une

technique qui lui est personnelle, la réduction suivie de conten-

tion. Cette technique, qu'il serait trop long d'analyser, a pour but

de détruire la polyankylose en position vicieuse et de la remplacer

par une polyankylose en bonne position. L'auteur est arrivé par

ce procédé à des résultats vraiment encourageants et la statistique

consciencieuse qui termine son livre est particulièrement instruc-

tive. ' X.

NÉCROLOGIE.

Le D'CALES.

Le D1' J.-G. Calés vient de mourir à l'âge de soixante et onze ans

à l'asile des aliénées de Cluteau-Picon, de Bordeaux, dont il était

le directeur depuis le 20 août 1889.

Issu d'une famille de médecins et longtemps médecin lui-même

à Villefranche-de-Lauragais, son pays natal, Calès avait ensuite

abordé la politique et avait été successivement nommé sous-

préfet, conseiller général et député de la Haute-Garonne.

Abandonnant la carrière législative en 1889, il avait été nommé

directeur de l'asile des aliénés de Bordeaux, à ce moment en voie

de reconstruction et de réorganisation, mais il avait conservé ses

fonctions de conseiller général, qu'il a remplies scrupuleusement

et fidèlement jusqu'au cours même de la session dernière.

Comme directeur de l'asile de Château-Picon, Calés s'est mon-

tré, en même temps qu'administrateur intelligent, homme bon et

dévoué au plus haut point ; aussi avait-il rapidement gagné à

Bordeaux les sympathies de tous.

On sait avec quelle amabilité cordiale il reçut en 1595 les

membres du Congrès des aliénistes et neurologistes à l'asile de

Bordeaux où une splendide réception leur fut offerte. 11 prononça

à cette occasion, une allocution pleine des généreux sentiments

dont il était animé vis-à-vis des aliénés et qui le peint tout entier.

Dans ces dernières années, la santé de Calés avait, à diverses

reprises, reçu des atteintes graves, mais rien ne faisait prévoir un

dénouement prochain, lorsque tout récemment, à peine à sa ren-

trée des vacances, il dut s'aliter et, en quelques jours, une con-

gestion pulmonaire l'emportait.

Cales fut à la fois un homme aimable et un homme de bien.

Tous ceux qui l'ont connu resteront fidèles à sa mémoire et gar-

deront de lui un bon et sympathique souvenir. E. Il.

VARIA.

Les cellules pour les aliénés dans les hôpitaux :

réformes URGLNTES.

« Voici un fait : Le soir de notre arrivée à Flaucourt, nous

apprenons qu'un de nos amis, jeune homme de vingt-six ans, en

entrant chez lui après une journée de travail dans les champs,

s'était senti malade, était monté se coucher et que dans la nuit

pris d'une fureur inexplicable il avait tout brisé dans sa chambre.

Le lendemain un médecin était venu, et sur le certificat que ce

dernier délivra et un deuxième certificat du maire il rentra à

l'hôpital le plus près : celui de Bourg-Achard.

« Naturellement notre premier soin en apprenant cette nouvelle

est d'aller rendre visite à ce pauvre jeune homme. Nous arrivons à

VARIA. S33

l'hôpital ; une religieuse nous ouvre, nous demande ce que nous

désirions ; après lui avoir dit l'objet de notre visite, elle nous prie

de la suivre, nous fait traverser un jardin, ensuite un bâtiment où

sont les salles des malades et nous dirige vers une petite bâtisse

derrière à droite, bâtisse qui nous fit l'effet d'une écurie. travers

les gros barreaux d'une toute petite fenêtre nous apercevons notre

malheureux ami endormi, étendu sur une paillasse, il élait cami-

solé et ses pieds nus touchaient les briques. Malgré l'insensibilité

que donne l'habitude d'être parmi les-personnes souffrantes nous

sentions les larmes nous venir aux }eux de voir un être humain,

un malade, dans un tel lieu, au-dessous d'une espèce de râtelier où

il y avait de la paille. 11 aurait pu dans un moment d'agitation se

fendre la tête contre les murs ou contre les barreaux puisqu'il

n'était pas attaché et qu'il n'y avait pas d'infirmiers pour le

garder. Nous pensions même qu'il aurait presque été humain

de l'enchaîner, au moins sa tête aurait été préservée.

« La religieuse s'apercevant de la bizarre figure que nous faisions,

nous dit alors, qu'il aurait était préférable de le conduire a Evreux

où il y a tout ce qu'il faut pour soigner ces gens-là. Mais vous

avez toujours bien un lit et un endroit autre que celui-ci. On ne

pourrait pas le tenir dans un lit.

« Décidément cette brave infirmière congréganiste aurait bien eu

besoin de suivre les cours professionnels pour apprendre la façon de

traiter les malades atteints de délire.

« Ce jeune homme était très intelligent, n'avait jamais présenté

aucun symptôme de dérangement cérébral, son attaque l'avait

pris si subitement qu'il ne pouvait guère être atteint que d'une

affection aiguë du cerveau, mais en supposant même que c'eût été

un fou chronique il n'était pas humain de le conduire dans un tel

lieu et de cette façon, même provisoirement. Nous comprenons

maintenant pourquoi les Normands ont une appréhension si vive de

l'hôpital. (L'Infirmier, 2 juillet 1899.)

Nous avons exposé dans le temps le Lrisle résultat de nos

visites dansles hôpitaux de province concernant la déplorable

situation des cellules affectées aux aliénés. A la suite de nos

dires, reconnus exacts, vérifiés par M. l'inspecteur Napias.

dont il. Monod avail fait l'objet d'une communication au

Congrès international de médecine mentale en '1889, M. Fal-

licres avait adressé aux préfets une circulaire pour faire

cesser les abus qui lui étaient signalés. Le fait ci-dessus

montre que la réforme est loin d'être complète et qu'il est

nécessaire d'appeler de nouveau l'attention de MM. les préfets

sur cette intéressante question d'assistance hospitalière.

B.

524 4 VARIA.

ASSISTANCE DES ENFANTS IDIOTS.

Sous le titre les Miséreux, le Petit Var du 11 novembre

rapporte le fait suivant :

Qui connaitra'jamais les misères insoupçonnées d'une ville ? Il

existe des créatures humaines qui vivent dans des conditions

lamentables, sans que l'on s'en doute. C'est le cas de deux enfants,

admis seulement hier à l'hôpital civil sur l'intervention et les

formalités de la police.

Dans un taudion de la rue Magnaque s'abritent trois personnes :

le père, journalier de l'arsenal, et ses deux fils Michel M..., âgé

de dix-sept ans, et Honoré M..., âgé de dix ans. Le père passait

trois sous par jour à ses deux enfants et c'est avec cela qu'ils

devaient vivre. Si encore ceux-ci avaient été doués comme tout le

monde ! Mais inintelligents, abêtis, ils n'avaient l'aîné comme

le plus jeune aucune initiative. Pour ainsi dire abandonnés,

livrés à eux-mêmes, ils erraient dans la rue, sans but comme la

bête, incapables même de parler.

Ces malheureux, atteints de crétinisme, étaient affligés en outre

d'une maladie de peau et vêtus de haillons. Chez eux, ils cou-

chaient sur les tringles de leur lit, à peine recouvertes de vieux

sacs. Pourtant, le père a, à sa disposition, un drap et une couver-

ture. Ces loqueteux ont fini par exciter la pitié de quelques gens

du quartier, lesquels ont signalé cette situation au commissaire

de police. Ce fonctionnaire s'est empressé d'y mettre un terme, en

ce qui concerne les jeunes Michel et Honoré M... Quant au père,

seul maintenant, il pourra se suffire.

Une meurtrière de douze ans. On mande d'Alger au Petit

Parisien : « 11 y a quelques jours, disparaissait un bébé de trois

ans, le jeune Etienne Grecco, fils d'un jardinier employé à la

ferme Raphaël, près d'El-rlffroun : après de longues recherches

restées infructueuses, on eut l'idée de vider un immense bassin

servant à alimenter les alambics destinés à distiller du géranium :

le cadavre gisait au fond du réservoir, presque méconnaissable.

Toute idée d'accident devait être écartée, car ce bassin, qui

s'élève à deux mètres au-dessus du sol, est hermétiquement fermé.

« Pendant que la gendarmerie procédait à une enquête, le

jeune René, fils du fermier Kaci, est venu déclarer au brigadier

que c'était sa soeur Thérèse qui avait jeté le petit Etienne dans le

réservoir et avait aussitôt refermé le bassin, menaçant son frère

de mort s'il la dénonçait. La petite Thérèse, âgée de douze ans, qui

à ce moment se tenait cachée chez son père, ayant été appelée, a

avoué son crime, et comme on la questionnait sur le mobile qui

l'avait fait agir, elle a répondu cyniquement : « C'est une idée

VARIA. 525

comme cela ! » La jeune criminelle, issue d'un père arabe et d'une

mère espagnole, est le vice incarné ; on devait même l'enfermer

dans une maison de correction à la suite d'un vol important

qu'elle avait commis récemment. »

Les deux faits qui précèdent indiquent la nécessité de l'hos-

pitalisation et du traitement des enfants idiots. Ce n'est pas

la maison de correction qu'il faut à la catégorie d'enfants

malades à laquelle appartient la fillette meurtrière mais

l'asile-école du traitement médico-pédagogique.

Tentative DE suicide d'un enfant A la prison.

Le Républicain Orléanais a rendu compte en son temps du juge-

ment du tribunal correctionnel de Gien en date du 19juilletdernier

qui acquittait comme ayant agi sans discernement, mais envoyant

en correction pendant trois mois le nommé Pinson (Louis- Maurice),

âgé de dix ans, domicilié à Châtillon-sur-Loire, qui avait soustrait

de l'argent et des bouteilles de liqueurs au préjudice d'un cafetier,

M. lforizet. Cet enfant qui est actuellement détenu à la prison de

Gien a tenté de mettre fin à ses jours dans les circonstances sui-

vantes :

Ce matin, vers cinq heures, quelques minutes avant le réveil des

prisonniers il a approché son lit d'une fenêtre et il a attaché à un

des barreaux son mouchoir dans lequel il a passé sa tête. Le gar-

dien, qui arrivait quelques instants après, ne voyant pas le jeune

Pinson dans son lit, examina la cellule et l'aperçut pendu au

barreau de la fenêtre. II s'empressa de le dépendre et de lui prodi-

guer les soins nécessaires. L'état de Pinson ne présente aucune in-

quiétude. (Le Républicain Orléanais du 4 août.)

Les réflexions précédentes s'appliquent également à ce

malheureux petit suicidé : traitement médico-pédagogique

dans une asile-école et non dans une maison de correction.

LES aliénés en liberté.

Un triple suicide. llemo Bussi, qui habite rue de la Véga avec

ses deux fillettes, l'une nommée Lucie et âgée de huit ans, la

seconde nommée Alice-Eugénie et âgée de trois mois, était depuis

quelque temps en proie au délire de la persécution. Elle se croyait

en butte à toutes sortes de machinations de la part d'ennemis

imaginaires. Le mari, ouvrier peintre, occupé actuellement à La

Rochelle, n'étant point là pour la rassurer, la malheureuse a perdu

tout à fait la tête : elle s'est asphyxiée hier avec ses deux enfants,

après avoir écrit au procureur de la République une lettre dans

526 VARIA.

laquelle elle lui faisait connaître sa funeste résolution. Des voisins,

inquiets de l'absence de 11 Bussi, pénétrèrent hier soir dans son

domicile et la trouvèrent étendue sur son lit, ayant à ses côtés ses

deux enfants qui étaient revêtus de leurs vêtements du dimanche.

Ni elle ni les fillettes ne donnaient signe de vie. Les voisins pré-

vinrent aussitôt le commissaire de police du quartier, qui informa

à son tour le malheureux mari. (Le Temps du 19 octobre 1899.)

Drame de la folie. Hier soir, veis dix heures, les gens qui

passaient devant le n° 9 de la rue Saint-Denis, entendirent des

coups de feu, puis virent s'élancer dans la rue une femme que

poursuivait un garçon d'hôtel criant : « Arrêtez-la ! A l'assassin !

La femme fut arrêtée par la foule, jetée à terre et piétinée. Elle

aurait été assommée sans l'intervention d'un ancien inspecteur de

la sûreté qui parvint à calmer les fureurs de la foule. Les gardiens de

la paix arrivèrent plus tard et on remit entre leurs mainslamalheu-

reuse qui fut conduite au poste delà rue des Prouvaires. Interrogée

parM. Bureau, commissaire de police, elle refusa de répondre. Tou-

tefois, on sait son nom : elle s'appelle Marie Boudon. De l'enquête

faite sur place par le commissaire se dégagent les faits suivants :

il y a une dizaine d'années, Marie Coutan, aujourd'hui âgée de

trente ans, avait épousé le fils de Mme veuve Boudon, propriétaire

d'un hôtel meublé, 9, rue Saint-Denis.

Le jeune ménage, installé, 59, rue Lhomond, vécut pendant

longtemps fort uni, la bru entretenant de bonnes relations avec sa

belle-mère. Une affaire de famille vint troubler cet accord, et

l'humeur de Marie Boudon changea soudain; elle se mit à hair sa

belle-mère. Evidemment sa raison avait chaviré; on surveilla la

jeune femme. Cependant, hier, elle échappa à cette surveillance,

sortit et se rendit chez l1-11 Boudon, mère, 9, rue Saint-Denis.

Celle-ci était dans le bureau de son hôtel en train d'écrire, assise

devant un secrétaire, lorsque sa bru entra brusquement et se mit à

l'injurier avec violence; puis, avant que la veuve eût le temps de

répondre, sa belle-fille tira de sa poche un revolver et fit feu à deux

reprises. 11 ? veuve Boudon glissant de la chaise sur laquelle elle

était assise, s'affaissa sur le parquet. Elle ne tarda pas à rendre le

dernier soupir, une balle avait traversé un poumon. Marie Boudon

a été envoyée au Dépôt. (Le Temps du 9 octobre 1899.)

Folie.- A onze heures du matin, hier, M. Foulègue, gardien de

phare à Saint-Mandrier, a réquisitionné les agents de la sûreté

Arnaud et Martel, pour pouvoir conduire un aliéné qui commet-

tait des extravagances et pouvait être un danger pour la sécurité

des voisins. Ce fou est un nommé Désiré M..., âgé de 27 ans. (Le

Petit Var, 24 septembre 1899.)

Un fois. - Hier matin, à sept heures, un homme élégamment

FAITS DIVERS. 527

vêtu, coiffé d'un chapeau haut de forme, escaladait les échafau-

dages de la gare de Lyon et s'installait commodément à une

dizaine de mètres de hauteur. Cet individu, qui n'était autre qu'un

malheureux aliéné, du nom de Eugène Lefèvre, se mit alors à

jeter sur les passants toutes sortes de projectiles.

Un rasssemblement formidable de curieux se forma et le com-

missaire de police du quartier, prévenu de ce qui se passait, dut,

dans l'impossibilité où il se trouvait de s'emparer du fou, prévenir

les pompiers. Ceux-ci, arrivés quelques instants après, ne purent

s'emparer du malheureux fou qu'après une heure d'efforts, et il a

fallu user de ruse pour le conduire à l'infirmerie spéciale du Dépôt.

(La France, 3a octobre 1899.)

La femme Truchet, de Loisé, près Mortagne, qui donnait des

signes d'aliénation, s'est noyée volontairement. (Le Bonhomme

Normand du 19 octobre 1899.)

Le nommé Edmond Chartier, trente-deux ans, de Pommartin

(Aube), sujet à des accès de folie, a tué sa voisine, la femme Fèvre,

soixante-deux ans, puis s'est donné la mort. (Le Bonhomme Nor-

11 ! wul, 20 octobre 1899.)

Tous ces laits montrent la nécessité de procéder à l'hospi-

talisation des aliénés dès que la folie est constatée : c'est

l'intérêt de la société car on éviterait les malheurs que nous

venons d'enregistrer; c'est l'intérêt des malades qui, soignés

dès le début, auraient plus de chances de guérison. B.

FAITS DIVERS.

Asiles d'aliénés. Nominations, promotions, etc. : M. DODERO,

médecin adjoint, nommé à Saint-Ylie (Jura), concours de Lyon

(juillet); M. Chaussinaud, directeur-médecin à Saint-Dizier

(Haute-Marne), élevé à la premiere classe du cadre; M. le

D1' Taule, directeur à l'Asile clinique (Sainte-Anne), admis à faire

valoir ses droits à la retraite pour infirmités à dater du leur octo-

bre 1899, est nommé directeur honoraire; M. GCILLOT (Maurice),

sous-chef de bureau au Ministère de l'Intérieur, chef du cabinet

de M. le conseiller d'État, secrétaire général du Ministère de l'In-

térieur, est nommé directeur de l'Asile clinique (Sainte-Anne)

528 FAITS DIVERS.

(septembre); M. le De CIIOCREAUX, médecin-adjoint il Alençon

promu à la classe exceptionnelle du cadre ? M. le or THIBAUD,

médecin adjoint à Quimper, est promu à la première classe du

cadre; M. le Dl' BELLAT, directeur-médecin à Brenty-la-Couronne

(Charente), est élevé à la première classe du cadrez. le

U aiLLAfAN, médecin-adjoint à Blois, esl promu à la classe excep-

tionnelle (octobre).

Asiles d'aliénés DE la Seine. Concours pour la nomination aux

plaees d'interne titulaire en pharmacie vacantes au ter janvier 1900

dans les asiles publics d'aliénés du département de la Seine, asile

Clinique, asiles de Vaucluse, Ville-Evrard et Villejuif. Le lundi

6 novembre 1899, à 1 heure précise, il a été ouvert, à l'Asile Clinique,

rue Cabanis, n°l, à Paris, un concours pour la nomination aux places

d'interne titulaire en pharmacie vacantes au ler janvier 1900, dans

lesdits Etablissements.

Concours de l'internat en médecine. Le jury, sauf modifications,

est ainsi composé : MM. Febvré et Legrain, médecins en chef de

Ville-Evrard. MM. Charpentier et J. Voisin, médecins en chef

de la Salpêtrière. M. Chaslin, de Bicêtre. M. B. Auger, chi-

rurgien de Beaujon. M. Thiroloix, médecin des hôpitaux.

Asile clinique. Clinique. des maladies mentales : M. le pro-

fesseur Joffroy, mercredi et samedi, à 9 h. 1/2. - ai. Magnan :

Exercices cliniques sur le diagnostic de la folie, le vendredi à 9 1/2.

Asile de Villejuif (Tramway Chatelet-Villejuif). Service de

lI1. Toulouse. - Le mercredi à 9 h. 1/2 visite du service. Confé-

rences cliniques au lit des malades.

Hospice de la SALPÊTRIÈRE. - Cours de clinique des maladies du

système nerveux (Professeur M. BAYUOND). M. Gilles de la Tou-

rette, chargé de cours, a commencé le cours de clinique des ma-

ladies du système nerveux le vendredi 24 novembre 1899, à dix

heures du matin (Hospice de la Salpêtrière), et le continuera les

mardis et vendredis suivants, à la même heure. Programme

d'enseignement supplémentaire : Séméiologie des maladies du sys-

tème nerveux. M. le Dr Cestan. Ilistologie normale et patholo-

gique du système nerveux. M. le Dl' Philippe. Psychologie cli-

nique, M. le Dr Janet. -Electrodiagnostic et électrothérapie. M. le

Dr liuet. Examen du larynx. M. le Dr Cartaz. Examen des

yeux. M. le Dr Sauvineau. Examen des oreilles. M. le D Gellé.

Une affiche ultérieure indiquera les jours et heures des confé-

rences supplémentaires.

Hôtel-Dieu. Pathologie mentale et nerveuse. - M. le Dr E.

Dupré, professeur agrégé, a commencé ses cours le vendredi

17 novembre 1899, à 10 heures du matin, dans le salon de la salle

FAITS DIVERS. 529

Sainte-Madeleine, et les continuera à la même heure, les mardis

et les vendredis suivants (Hôtel-Dieu).

Meurtrier inconscient. Le nommé Julien, habitant Latour-

Couzals, près Castres, qui s'était constitué prisonnier à la police

de Toulouse, s'accusant du meurtre de sa maîtresse, Félicie

Ducousseau, a fait preuve d'un cynisme surprenant lors de la

reconstitution de la scène du crime. Au moment où les magistrats

allaient se retirer, Julien, très calme, se tourne vers un domes-

tique de la maison et lui dit : « Donnez donc à ces messieurs des

serviettes pour s'essuyer les mains. » (Le Journal du Peuple,

13 octobre 1899.)

Fureur d'un alcoolique. Gervais Lagnel, trente-quatre ans,

était au service du sieur Eudeline, cultivateur à Campeaux. Pen-

dant la moisson, le fils Eudeline, soldat au 74°, en garnison à

Paris, vint aider son père. Il chargeait des gerbes d'orge pendant

que Lagnel et une servante les liaient. Eudeline, mécontent des

manières de Lagnel avec la jeune fille, lui en fit l'observation.

Pour toute réponse, Lagnel prit un râteau et en asséna trois coups

si violents sur la tête du jeune soldat que le râteau se brisa et que

l'une des dents pénétra dans les chairs et. resta dans la plaie.

Lagnel est un alcoolique qui a été interné trois fois au Bon-

Sauveur. Il est considéré comme un fou dangereux. Le tribunal

correctionnel de Vire ne l'a condamné qu'à un mois d'emprison-

nement. (Le Bonhomme Normand du 2C octobre 1899.)

Alcoolique. Le nommé Rousselet, âgé de M ans, disparu

depuis le 11 août dernier, a été trouvé dans la forêt d'Evreux par

le garde Lefèvre. Son cadavre était en décomposition. Rousselet

qui avait manifesté depuis longtemps l'intention de se suicider,

s'était en effet pendu à une branche d'arbre. C'était un alcoolique.

(Le Rappel de l'Eure du 2o novembre 1899.)

Alcoolisme DE l'enfance. Georges Bommert, cinq ans, dont

le père habite près le Mans (Sarthe), où il est bouilleur de cru,

avait bu, pendant l'abscence de ce dernier, une certaine quantité

d'eau-de-vie, fraîchement distillée. Le petit malheureux est mort

peu après dans d'horribles souffrances. (Le Bonhomme Normand,

9 novembre 1899.)

Une aveugle bachelière. Une jeune fille née aveugle et sourde-

muette, Mlle Hélène Keller, a passé un brillant examen de bacca-

lauréat au Rad-Cliff Collège de New-York. Elle a remporté le pre-

mier prix de grec, de latin, d'algèbre et de géométrie. (La Fronde

du 24 octobre 1899.) 0

Archives, 2" série, t. VIII. 3t

: 5 : 30 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

AVIS A NOS COLLABORATEURS. - Nous prions

instamment nos collaborateurs de bien vouloir nous ? 'en-

voyer, dans un délai de trois jours, leurs épreuves corrigées

et de toujours nous les adresser 14, rue des Carmes.

AVIS A NOS ABONNÉS.- L'échéance du ICI' JANVIER

étant l'une des plus importantes de l'année, noies prions

instamment nos sousc1'ipteu ? 'S dont l'abonnement cesse ci

cette date, de nous envoyer le plus tôt possible le montant

de leur renouvellement . Ils pourront nous adresser ce

montant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur

localité, qui leur remettra un reçu de la somme versée.

Nous prenons ci notre charge les frais de 3 p. 100 prélevés

par la poste, et nos abonnés n'ont rien à payer en sus du

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Nous leur rappelons que, à moins d'avis contraire, la

quittance de réabonnement leur sera présentée, aug-

mentée des frais de recouvrement, à partir de

ce jour. Nous les engageons donc Ù nous envoyer DE

SUITE leur renouvellement par un mandat-poste.

Afin d'éviter toute erreur, nous prions également nos

abonnés de joindre à leur lettre de réabonnement et à toutes

leurs réclamations la BANDE de leur journal.

- Nous rappelons à nos lecteurs que l'abonnement collec-

tif des Archives de Neurologie et du Progrès Médical

est réduit à 30 francs pour la France et l'Etranger.

- Jusqu'au 3U décembre, la COLLECTION COMPLÈTE

des Archives de Neurologie sera livrée à nos nouveaux

abonnés au prix de cent vingt francs, y compris l'abon-

nement de 1899. - A partir du 1 janvier 1900 le prix de

la collection complète (1880-1899) sera porté Ù CENT CIN-

QUANTE francs.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Asile punuc d'aliénés UR SAINT-¥ON, Rapport médical pour

l'année 1898. Brochure m-4° de z pages. Kouen, 1899. Impri-

merie Cagniard.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 531

AsH.n public d'aliénés de Qu.\RE-MARES. Rapport médical pour

l'année 1898. Biochure in-i°' de 20 pages. llouen, 1S99. Impri-

merie Cagniard.

Cariiieiî (Georges). Contribution it l'élude des obsessions el des

impulsions it l'homicide et au suicide chez les dégénérés. ln-8° de

19t pages. Prix : 3 francs; pour nos abonnés 2 Irancs.

Cuto 1Ui-T (A.). Thérapeutique de la scoliose des adolescents.

Volume in-18 de 261 pages, avec 07 figures. Prix : 4 francs. Paris,

1889. Librairie Vigot frères.

1)0\ATII. lier epileplische 11'azxdt·rlrich (Poriomanie). - Brochure

in-8° de 21 pages. Budapest. 1899. Chez l'auteur.

DOXATtI (J.). Beit1'lige zizi, Pathologie und Thérapie der l3asetlow-

schen /i.1'Unkheit. Brochure m-8'' de 14 pages. Budapest, )89 ! ).

Chez l'auteur.

Fyuretyvende 13ERET''(1)G Om. Aandssvageanslalten paa Gl Bn1·-

Kehusogebberodgaord vecl IveGer7havezz for 1(iî-et fra 1 april 1898, lil

31 maris 1899. - Brochure in-8, de 51 pages, avecS planches. Kebers-

haven, 1899. Tryki lios Nielsen and Lydlche.

Grasset. - La distribution segmentaire des symptômes en séméio-

10.'lie médullaire. (Leçons recueillies et publiées par Gibert.) Bro-

chure m-S° de 77 pages. Montpellier, 1899. Imprimerie 1)elord-

Boehm. -

GUE.RIN et Aimé (H.). Un cas de folie intermittente avec élude de

quelques éléments errologiques. Brochure in-8" de G pages. Nancy,

1899. Extrait de la Ile vue médicale de l'Est.

IIUALDR. (J.-B.) l'ro/itaxia de la toCU1'C/. Volume in-8° de 106 pages.

Buenos-Ayres, 1899. lmprentu Sau Jorge '.

(Iugon (E.). Massage thérapeutique. Volume in-18 de 300 pages.

Prix : franc". l'aris, 1599. Librairie Vigot frères.

Knu.rn (Chr.). De Kellershe laxzrlssza7e- : lzzslalfer.- Brochure in-8°

de 29 pages, avec 6 vues. Kobenhavn, 1899. Librairte Numa lr raen6el.

Le Uuicou (E.). Contribution LI l'élude du pronostic de l'épilepsie

chez les enfants. In-S° de aU pages. Prix : 2 fr. 50. Pour nos

abonnés : 1 fr. 25. Aux bureaux du Progrès médical.

It.4ULIN (J.-M.). Le .z;Ï1'e el les exhilaranls. Élude anatomique,

psycho-physiologique et pathologique. - Volume in 8° de xm '9 pages,

avec 100 photogravures et dessins. - Prix : 7 fr. 50.

Biche (A.). Va taxie des tabétiques el son ? Ot<emeM/. Volume

in-80 de 120 pages, aveu 9 planches et 5 ligures. - Prix : 1 francs.

SACHS (II.) und Irnrwo (C.-S.). - lJic E)7.'ra ? ! <-M)iye) ! des Nervensyslems

naclz Unfallen mil besonclerer Rerucksichtigung der Untersuchung und

l3egulaclrlun ? - Volume m-S° le : ,SI pages, avec 20 figures. Prix :

20 francs. Berlin, 1899. Librairie Fischer's.

SOUli1' (J.). Système nerveux central. Structure et fonctions. Histoire

critique des théories cl des doctrines. 2 volumes in-11 reliés formant

ensemble 1.863 pages, avec figures. Paris, 1899. Librairie Carré et

Naud.

Le rédacteur-gérant : BOUH ! OEVILI.¡;.

TABLE DES MATIÈRES

.-1. n \SIE. Contrihutlon il la casnistlque

de l'astasie -, par Goldeteiu, 316.

Abcès cérébral et méningite aiguë,

par Klippel, 514.

Abstinence. Essai sur l'état mental

clans l' -, par Lassignardie, 167.

ACROJIÉGALIE. Un cas d' - en gant,

par Crocq, 48.

Ai Fr : CTIO ! OE blennoriiiiagiques. Con-

tribtitioii à l'étude des - du sys-

tème nerveux, par Moltschanôff',

340.

Agoraphobie. L'hypnotisme et le

traitement de l' -, pur Vlavianos,

233.. ,

Aiguille. Désordres produits par

une-danslamain,parllaere, 511. 1.

Aimant. Applications thérapeutiques

de 1' -, par .Toire, 162.

Alcool. La diminution de l'emploi

le l' - et ses résultats en Nor-

vège, 75.

Alcoolisme Médecine légale de l ?

par Lentz, 138, Tabagisme et

guéris par la suggestion hypno-

tique, par Bourdon, 163. Dra-

mes de l' -, 172. De l'importance

de l'emploi simultané de la sug-

gestion hypnotique et d'autres mé-

dicaments dans le traitement de

l'- chronique, par de 13echterew,

228. L' - avant l'alcool, par Del-

peuch, 308. L' , 31n. L' 431.

Alcooliques. La descendance des-

Influence de l'hérédité paternelle,

par Sabrazès et Brengues. 140.

Aliénation. Lèpre et -, par Kova-

levsky, 142.

Aliénés. Contribution à la question

des particularités (stigmates) phy-

siques des -, par VorOI)ieff 144.

La régularité du processus d'ac-

croissement des dans la popu-

lation du gouvernement de Mos-

co ? d'après le recensement de

1893, par Jalcowenko, 117. Con-

tribution à l'étude de l'anatomie

pathologique des pai Doutre-

bentpet Gombault, 219. Le système

osseux chez les -, par eriqcoe,

221. De l'emploi des bains prolon-

gés chez les -, par 1J0yer, 230.

Les - en liberté, 174, 23, 3î8,

351, 525. Traitement hydrique de

l ? par Foster, zig.

Du sens -, étudié chez

les mêmes malades aux trois pé-

riodes de la paralysie générale,

par ! \1arandoll de Montyel, 142.

Aménorrhée. Sur l' - nerveuse, par

Conlon,jou, ? 85.

Anasthésies. paralysies et alllyotro-

pilles en tranches, par Crocq,

512.

A : OENCLPIIALIE. De l'oreille interne

dans l' - par Veragutb, 412.

Angine DE poitrine. Des lésions

compensatrices dansi ? par

l'awnsky, 4S.

Anthropologie. Archives d' cri-

minelle, de psychologie nolmale

et pathologique, par Lacassagne

et Tarde, 426.

Apoplexie. De l' progressive ,-

parlioscet Vedel, 199. Un cas d' -

médullaire, par Mouravieff, 337.

Arrêt DE développement. Dû l'hu-

mérus gauche dans un cas d'hé-

miplégie infantile, par Bernard,

111.

Arthrite syphilitique des deux syl-

viennes et du tronc basilaire, par

Bacaloglu, 56.

An'unnLCIr. De l' hystérique du

genou, par Lepinte, 165.

Asile D'tLnaGs, 174. Réception à

1' d'Aix. Inauguration du buste

du D' Pontier, 66-527.

Astasie. Contribution à la casuis-

tique de l' abasie, par Goglus-

tein, 310.

Ataxie. Deux cas d' de Fned-

reich, par Colin, 319.

Athétose. Un cas d' bilatérale,

par Campbell, 510.

Atrophie. Musculaire et osseuse du

TABLE DES MATIERES.

membre supérieur droit, consécu-

tive il des traumatismes violents

et multiples, par Sabrazès et l\1ar-

sy, 310.

.\ 1 ROP¡I,. Du délire dans l'intoxica-

tien par l' -, par Bey er, 325,

Bégaiement. Contribution à l'étude

du - et de son traitement pra-

tique, par Thomas Derevoge, J66.

I;ii311oGit,i,iiir, î1, 518.

Bnr nncnto : rN. Le - par illignault,

416.

Capsule interne. Sur les altérations

des grandes cellules pyramidales

consécutives aux lésions de la-,

par illarinesco, 100.

Cardiopathie (ou lleart Fear), par

Enlisch, 311.

CnT.rontc. Les symptômes de la -,

par Worcester, 501).

Cellules dans les hôpitaux et ré-

formes urgentes, par Bourneville,

522. -

Centres nerveux. Les phénomènes

de la léparatiun dans les - après

la section des nerfs périphériques,

par Marinesco, 403.

Cervelet. Nuuvelles études sur la

physio- pathologie du - par

Gain, 222. Les dégénérations se-

condames chez les animaux, con-

sécutives aux lésions expérimen-

tales titi -avec présentation des

préparations microscopiques et

des ligures, par Versllolf. 235.

Recherches sm la moelle et le

des oiseaux, par Fnedlander, 101.

CHHtLHGtE du cerveau. Considéra-

tions sur les progrès récents ap-

portés il la -, par Neill, 233.

Chloroforme et suggestion, par Fa-

rez, Le Menant des Chesnais, etc.,

517.

Chorée variable, par Brissaud, 54.

a propos de la de Brissaud.

Trois observations de la -, par

Couvelaire et Crouzon, 480.

Classes spéciales. Lettre ct \I. C. Du-

puy sur la création de- pour les

enfants arriérés, par Bourneville,

429.

Claudication intermittente doulou-

reuse, par Brissaud, 157.

Compression. Des différentes formes

de paralysie due à la - de la

moelle épinière. Leur physiologie

pathologique, 401.

Confusion mentale. Relation d'un

cas de post-opératoire, par

. Fenayrou, 257.

Congrès des aliénistes et neurolo-

gistes, 59.

Contracture. Un cas de congéni-

tale avec hypertrophie de l'extré-

mité supérieure gauche, par Ka-

lischer, 320.

Convulsifs. Considérations cliniques

sur l'avenir des infantiles, par

Du four, Marie, Iloddo, Joffroy, 159.

Corps calleux. Balle dans le , par

Chipault, 513.

Cot,cm : optique. Tubercules de la-,

par Démange et Spillmann, 55.

Criminalité. Pathologie et -, par

Jentsch, 137. Problèmes de la

par Tarde, 427.

CYCLONE. Sur les causes de la -.

par Legge, 218.

Décadents. Symbolistes et -, par

Ba,7elloff, 325.

Dédoublement. Les phénomènes de

la distraction cérébrale et les états

dits de de la personnalité, par

Laupts, 139.

Dégénérés. Education des supé-

rieurs, par Thulié, 518.

Dégénérescence et stigmates mpn-

taux. Malformation ue l'ectoderme;

myoclonie éptsodiclue, par Feindel

et Froussard, 1 13.

Délire. Le dans les fractures du

crâne, par AI eilza, 313. mens-

truels périodiques, par 'l'rénel,

327. Toxique avec crises épi-

leptiformes causées par le sulfate

de cinchol1ldll1p, par Ballet, 159.

DEt.iRiuo '1 HE'IES, Bains froids clans

le -, par Letulle, 418.

Démence. Un cas de organique

chez une femme hystérique, par

Lioubouchine, 340.

DERMOGRAPIIIE. La- chez les aliénés,

par Téré et Lance, 140.

Développement. Eludes cliniques et

étiologiques sur le défectueux

de l'intelligence, chez les enfants,

par Looft, 73.

Distraction. Les phénomènes de la

cérébrale et les états dits de

dédoublement de la personnalité,

par Lauuts. 139.

Dure-mère. Observation de sarcome

de la spinale; contribution à la

connaissance des dégénérescence

secondaire consécutives à la coin-

a34 Ir TABLE DES MATIÈRES.

pression de la moelle, par Ques-

nel, 410. Sur les titér"ltiolls

Empoisonnement. Sur les altérations

anatomiques du système nerveux

central dues il l' - par le poison,

par Tehe ! 'l1lcheff, 237. -

Encéphalite. Un cas d' aigué hé-

morragique avec présentation de

la malade, par Broukhansky, 23 ?

- infectieuse chez deux frères,

par F ilatoff, 333. - hémorragique,

par Deiters, 491.

Encéphalopathie et tuberculose,

par Dufour et Dide, 514.

Enervement. L ? par illargain, 168.

Enfants. Corps et âme de 1 ? par

de Fleury, 519.

E\1·'.1\1'S 11.1L.1DI : 5..\'oleurs et incen-

diaires, 350.

Epilepsie. Deux trépanations, per-

sistance des accès, par Jourdan,

122. Contribution il l'étude de l'-

et de son tl'a.tement, par Wis-

locki, 133. Suites éloignées de la

résection du sympathique dans

,1 - par Souques, 158. Des prin-

cipes essentiels du diagnostic et

du traitement de l' -, par Les-

zynsky, 233. Manifestations lar-

vées de l' -, par Brown, 3 12. Deux

cas d' - jacksonnienne -, par

Briz, 313. - de Flechsig. De la

méthode en traitement de l' -

de Feschsig, par Schroeder, ! r20.

De l'importance des médicaments

cardiaques dans le traitement de

l' -, par de Bechterew, 423. Trai-

tement médical de l' - pai

Huches, 425. Contraction de l'es.

tomac dans l' -, par Ossipow,

488. Paralysie radiale consécutive

il des attaques cI ? par Aduler ? 1tJ. Accès teianoiaes dans n -,

par Clark, 509, jacksonnienne

hystérique, par Crocq, 512.

Epileptique brûlée vive, 217. Dé-

mence - paralytique spasmo-

(11(lU(' à l'époque de la puberté,

par Voisin, 331. Observation d'a-

acromégalie, chez un fument,

par Farnaner, 332. Les - et les

idiots, 349. Des fractures sponta-

nées pendant les accès -, par

Charon, 484. Attaques - forme

d'angoisse, par de liechterew, 500.

Esprit SCIE nl'IOUE. L' contem-

plain, par Foveau de Cour-

melles, 240.

I : ruea. Abus d' - dans la l'russe

orientale, par Sommer, 421.

E\ adi'.s. Trois - de Ville-Evrard, 77.

HxniBti' ! 0.\ ! < ! srE.Prese ! )tation()'un,

150.

Faisceau optique. Le - médian du

pigeon, par Wallenberg, 424.

Faisceau pyramidal. Les contrac-

tures et la portion spinale du -,

par Grasset, 50.

Folie. Mysticisme et -, par Ma-

ne, 31. Syphilis et -, par Col-

lotti, 328. L'imbécillité et la -

de l'imbécillité devant la loi, par

Huches, 330.

Fou. Un

76.

Ganglions spinaux. Contribution àla

pathologie des cellules des -,

par Jullusbergel' et Meyer, 322.

Glycosurie. Recherches sur la -

alimentaire dans les maladies

mentales au point de vue ries

rapports entre la folie et le dia-

bète, par Btllisari, 32...

Goitre exophtalmique. Syndrome

survenu chez un goitreux. Guéri-

son par l'électricité, par Veslin et

Leroy, 115. Traitement du -

par l'ovanne, par Uelaunay, 132.

- par t'opou, 338. Troubles mo-

teurs dans le-,par P. Londe, 514.

Gynécologie. Du rôle de l'hygiène

et de la - dans les services de

femmes aliénées, par Picqué et

Febvré, 60.

Hallucinations religieuses et délile e

religieux transitoire dans l'épi-

lepsie, par Mabille. 141. Les -

psychomotllces verbales dans l'al-

coolisme, par Cololian, 373.

fIÉ' ! \TO)IY.L1E compliquant une sec-

tion médullaire, par Déjerine,

4. '8.

ti11T01'AI1PII5'RIfvUIIIE. Noies sur

l'urobilinurie et l' - toxiques

dans les maladies nerveuses, par

Ifascovec, 113.

IIÉ111CIioIiEES. Sur les -, par La

Riva, 312,

Hémiplégie cérébrale infantile. Arrêt

de développement de l'humérus

gauche dans un cas d' -, par

Bernard, 111. - gauche et para-

lysie alterne de la sensibilité

par Ballet, 159. Deux observations

TABLE DES MATIERES.

z35

il' - avec lvmiauethésie, par

Monnonr et Gentès, 277. - hysté-

rique, par Guttmann, 501. - al-

terne, par Babll1skl, 513.

Hémiplégiques. Muscles abdominaux

et orifice inguinal chez les -

par Sicard, 515.

Hémorragies méningées. Sur quel-

ques variétés'd ? par Bouet,57.

Hérédité. L' - dans les familles

d'aliénés et la théorie générale de

l'hérédité, par Sollier, '57.

Hygiène. Du rôle de l' - et de la

gynécologie dans les services de

femmes aliénées, par Picqué et

Febvré, 00.

Hyperthermie. Recherches sur les

lésions des centres nerveux con-

sécutives à l' - expérimentale et

à la fièvre, pal' il1arinesco, 228.

Hypertrophie. Pseudo-acroméga-

lique segmentaire de tout un

membre supérieur avec troubles

syrmgomyéliques ayant la même

topographie, par Chauffard et

Gtill'on, 480.

Hypospadias. Idiotie congénitale ; -

et pseudo-hermaphrodisme ex-

terne, par Faucher et 1J0unlin, 291.

HSTÉ111r. De la nature et de la

genèse de l' -, par Sellier, 2-Il.-

de l'enfance, par Bourneville et

lJoypr, 391. - chez un chat et un

serin, par lliier, 489.

Idée. L' - fixe, par Kéraval, 1-81,

et névrose, par Raymond et

/ Janet, 168.

Idiotie congénitale; hypospadias et

pseudo-hermaphrodisme externe,

par Faucher et Bourdin, 291.

Idiots. Les épileptiques et les -, 349.

Assistance des -, 524. Í.

Imbécillité. L'- et la folie de 1' -

devant la loi, par Ilughes. 330.

]%[P.tLUDISlF. Des délires dans l' -,

par Chabal, ait. 'J.

Impulsions. Traitement psychothéra-

pique des - chez les aliénés, par

Sladelmann, 161. Des - et en

particulier des obsessions impul-

sives, par Le Groignec, 2l\.

Incontinence d'urine et suggestion

pendant le sommeil naturel, par

Parez, 161. - Un curieux cas d'

spasmodique pendant le coït, t,

par Farez, 161. - d'oiigine hys-

par Bavant, 311. *

INOCULA'RIORS. Contribution à l'étude

des phénomènes paralytiques dans

les - pasteuriennes,"par Darks-

cllewltsct, f°2.

Inversion. Le traitement de l' du

sens génital et de la masturbation,

par la suggestion, par de Beeh-

terew, 231.

Jalousie. Le délire dans la affec-

tive, par Imbert, 215.

Labyrinthe. Contribution à la phy-

siolonie et à la physiologie patho-

logique du chez l'homme, par

Egger, 224.

Lèpre et aliénation, par Iiovalewsky,

142.

Lumière colorée. La en théra-

peutique nerveuse, par Grignan,

238, par Regnault et Bérillon,

239.

Maladie DE BASEDOW. Voir Goitre

exophtalmique

Maladie DE LI1TLE. Le traitement

orthopédio-chirurgical de la ,

par Lapmski, 231.

Maladies mentales. Contribution à

la symptologie des signes physi-

ques des -, par Bemstein, 339.

Travail et alitement dans le

traitement des -, par Sérieux et

Farnarier, 412.

LEDICO-LI.GAL. Quelques réflexions

sur les expertises à propos de

l'examen - du meurtrier C... et

rapport sur son état mental, par

Garnier, 137. Consultation au

sujet d'un internementpar Bonnet,

138.

Méningite. Etiologie et fréquence de

la sporadique suppurée, par

Boston, 311. syphilitique fron-

tale, par Sano, 315. ventri-

cutaue commune des adultes, par

Bresler, 496.

\I1`.n.LCm. Traltement cbirurical de

la paresthésique, par Souques

et Iauclaire, 157. Un cas de -

paresthésique traité par la rebec-

tion du nerf lémoro-cutané, par

Souques. 416.

Moelle. Des altérations de la -

consécutives il la forcipressure de

l'aorte abdominale chez le chien,

par llotbmanu, 226. Des difré-

rentes formes de paraplégie due à

la compression de la épinière.

Leur physiologie pathologique,

S36

TABLE DES MATIERES.

par Van Gehuchlen, 401. - Re-

cherches sur la - et le cervelet

des oiseaux, par Friedlaender, 40L

- Contribution au trajet des fibres

des racines postérieures dans la

ceivicale de l'homme, par

Schaffer, 406. Circulation Iympha-

tique de la -, par Guillain, 513.

Monoplégie spinale, par Weil, 490.

Morpiiinomanie. 78. Traitement par

la méthode de sevrage rapide, par

Comar, 130; , par Debove, 131.

1115·t : wccPn.t.e. Histologie du

de Vacher, par Toulouse, 332.

Myélites. Les syphilitiques, par

Gilles de la Tourette, 71. Ana-

tomie pathologique d'un cas de-

syphilitique, par \\'tlltamson, 2 ? 1.

aigué disséminée, par Fuers-

teiier, 504.

)IYOCLoNIE. La épileptique, par

Dide, 59. Dégénél esceuce et

stigmates mentaux; malformation

de l'ectoderme. - épisodique, par

Feindel et Froussard, 143.

)IYOTONIE. Un cas de - familiale

(maladie de Thomsen) compliquée

de tabes, par Nalbaiirioff, 1 45.

Contribution au traitement de la

- , par de f3ecbterew, 420.

1lsrrcrsuc et folie, par Marie, 31.

)1Y\OEDblE spontané infantile, par

Briquet, 52. Pathologie du -,

par lluratow, 199.

Nasale. Insuilisance - hystérique,

par Lermoyez, 307.

Nécrologie. 430. - Calés. 519. : \ERtS périphériques. Les phéno-

mènes de réparation dans les cen-

tres nerveux après la section des

, par van Gehuchten, 220 La

terminaison des - dans les organes

centraux, par Auerbach, 405.

Neurasthénie. Les trépidations et

les phobies de la cérébrale, par

Hughes, 330.

Névralgie paresthésique. Névrite du

fémoro-cutané, par Lop, 53. De

la valeur thérapeutique des cou-

- rants continus dans le traitement

de la du trijumeau, par 1111as,

166. du trijumeau d'origine

traumatique, par Hasch, 316. : 'ÍLvRIIE. Contribution à l'étude delà

ascendante, par Marinesco, 309.

parenchymateuse subaigus, par

Rossolimo, 334. hémiplégiques,

par intoxication o y - cal1;onée.

Valeur de l'électio-riiagnostic, par

Lereboullet et Allard, Í7f1.- olti-

que avec cécité bilatérale, par

Higier, 486. - du rémoro-cutané

externe, par \Varda, 498.

Névroses et idées fixes, par Ray-

mond et Janet, 168. Etiologie des

- fonctionnelles, par Blel'l1ackl,

483.

OBSESSIONS IJl[mT1OS. Contribution

à l'étude des - et eu particulier

de l'infibitton génitale, par Sati-

tarel, 247. - des -, par Mendel.

326.

Occultisme. L' - scientifique, par

Crocq, 1 U.

Oculomoteur commun, Contribution

au diagnostic électrique des pata-

lysies de l' -, par Weitheini-

Salomonsou, 317.

Ocm.o-nto'mcr.. Double centre d'Iuer-

vation corticale, par Roux, 177.

Onanisme. L' - et sou traitement

psychothérapique, par l3éi tllon,

163.

OYII't'AL\I07'LLGIE. Deux cas d' -

externe chez deux frères jumeaux,

par Homen, 49.

Oreille. De l' - interne dans

l'anencéphalie. par Veraguth, il2.

Orteils. Du phénomène des - dans

l'épilepsie, par Babinski, 156.

Paralysie. Sur les altérations du

système nerveux central dans la

- saturnine, par Rybakolf, l'r9.

Un cas de - d'ongine saturnine,

par Sano, 307. Sur )adinh-

térique, par 13d.tLers, 313. Cou-

tribution au diagnostic électrique

des de l'oculo-moteuruommun,

par Weriheim-Salomouson, 317.

Deux cas de bizarres, par

Prl'obrajenski. 333. Les plis cu-

tanés des inducteurs dans la

infantile, par Salomonson, 482.

De la - phosphorée, par llens-

cheu, 485. du médian, par

Bernhardt, î98. - traumatique

du plexus brachial, par Kosch,

î99. Symptomatologie et etioloye

des périphériques de la région

du cou, par Holilnann, 502.

radiale par compressions, par

11lJenue et Bernhetm. 512.

Paralysie nu'n.mr. Hémiplégie gau-

che et - sensibilité, par Ballet.

159.

TABLE DES MATIÈRES. S37

Paralysie faciale. Sur le phéno-

mène de Bell dans la - pénphé-

nque et sur sa valeur pronostique,

par Rordier et Frenkel, 56. Des

- récnlmantes, pal' Be ! nl>al'dt,

3La.

Paralysie générale chez une imbé-

cile, par Cullerre, 141. Du sens

algésique étudié chez les mêmes

malades au\ trois périodes de la

- . pal' Marandon de )lontyel. 1.>2.

17u rble de l'Uérédcté dans l'étio-

logie de la-. par Crocq, 1 H. -

pivénile, par Toulouse, 154. Con-

tribution au traitement du tabès

c't de la -, par Adler, 30. Un cas

rie ries aliénés chez une enfant,

324. Un cas de - avec hallucina-

tion, par Truelle. 322.

l'an u.w nnues ct : vi n,w. tude de la

descendance cles -, par 1'ahl.

311. - Un cas d'hallucinations

psycho-motiices chez un , pai

Leioy, 469.

Pascal. La maladie de Blaise -,

par Binet-Sanglé. 252.

Pathologie et criminalité , par

,Jentsch. J37.

l'ASTEUHIENto(ES. Contribution il

l'élude ries phénomènes paralyti-

ques dans les inoculations -, par

Ditrksclievntscli, 422.

Pédagogie. De la , par Ley et

Sano, 253.

Péromeh. Le groupe des trauma-

tismes médullaires, par Minor,

336.

)' ! ionn' : s.Lesnem'asthcnifjnes

traitées par auto-suggestion, par

Lépinay, 162. Les trépidations et

los - de la neuratome cérébrale,

par lluglies, 330.

Phtisie. Delà et en particulier de

la - latente dans ses rapports

avec les psychoses, par Chartier,

171.

l'ITLl1AIIIr.. Tumcurs de la glande-,

par Pechkranz, 500.

PI-ÉTIlY ! .)IOr.RAPIIIOU¡;S. Etude des -

en psycho-physiologie, par Lher-

Illll11er, 104. t.

I'ot.vn ! : v;me. L'évolution récidivante

de la - interstmelle Icypertro-

phique progressive de l'enlance,

par Rossolimo, 1 40.

Pom : nct`.ruac.ce. De la-, par Hichter,

22.

Ymv .t3elhomme, aS. Société mé-

dico-psychologique -, 346.

Esquirol. Bétablissement du -,

.)7. - Moreau, 58.

PSr.LDO-T13FS. Une observation de

- . par Valin, 30,5.

PS1C110-I : STII1351E. Sur un cas de -.

par Gulhne, 306.

Psychoses polynévritiques, par Ma-

bille, 59. Des - dans leurs

rapports avec les affections des

rems, par Guélon, 165. De la

phtisie et en particulier de la

phtisie latente dans ses rapports

avec les-, par Chartier, 171. Trahi-

tement des - par le repos au lit,

par Farnarier et Sérieux, 509.

Psychonévrose post-infectleuse gué-

rie par suggestion, par Farez, 237.

Psychothérapique. Traitement ries

impulsions chez les aliénés, par

Stadebnann, 161.

Ramollissement. Foyers de cé-

réblal et troubles psychiques par

Charon, 433.

Respiration de Cheane- Stockes.

Théorie cérébrale de la -, par

ISahé, 4S` ? . - pendant le som-

,,ici[ d'un choréique, par Bour-

riillon, 512.

Béteniton d'urine. Une foime psy-

chopatluque de la -, par de

l3ecloerew, 495.

HI : -I nACT1O. La de l'aponévrose

palmaire chez lesdiabétillues, pal

Maréchal, 48.

Saturnine. Un cas de paralysie

d'origine -, par Sano, 307.

SCI,Tliil i. Traitement de la ,

par l'ichthyol, par Croc'1, 22H.

bi'jterate dans la néphrite,

I,ttpillsiiy, 500.

Sclérose en plaques. Un cas de

tremblement segmentai ! dans

la -, par Grasset, 49. par

Henni, 312. Diagnostic différen-

tiel entre la et l'hystérie, par

Blizzard, 313. Ecorce cérébrale

dans la -, par Philippe et Jones,

514.

Scoliose ries adolescents, par Chi-

pault, 521. »

Sémites. Essai sur la pathologie

ries -, par Béraud, 166.

Sensibilité générale . Les voies

centrales de la -, par Long, 399.

Sens VUSCI,L : IInC. Sur le - à propos

de quelques travaux récents, par

Verger, 461.

538

TABLE DES MANIÈRES.

Société médico-psycholnnique, par

Briand, 57, 150, 231, 3'<6, 509.

de neuiopathologie et de psychia-

' trie de Moscou, lî4, 333, 23L -

de neurologie, 155, 213,' 512. -

d'1134ntolorle et de l,<;)chologie,

161, 237.516. -

Sommeil. Quelques contributions à

la psychologie du - clIez les

sains d'esprit et chez les aliénés,

par Pilez. 142. D'un remarquable

état de - pathologique, par

llolzinger, 314.

Sous-arachnoïdiennes. Des injec-

tions -, par Sicard 419.

SPASME. Un cas de - avec contrac-

tion hémiplégique sans paialvsie,

par Stewrt, 312.

SIIN,%-ljlrl]3A. Traitement du - par

l'incision suivie de la fermeture

du canal rachidien, par Yelver-

ton-Pearson, 424.

Spiritisme. Phénomènes provoqués

par le-. par Bérillon, jl6.

Stupeur mentale intermittente, par

Noble, 328.

Subconscient. Essai sur le - dans

les oeuvres de l'esprit et chez

leurs auteurs, par Chabaneix, 246.

Suc ovarien. Le -. Effets physio-

logiques et thérapeutiques, par

Bestion, 243.

Suggestive. Quelques mots sur la

nature et les indications (le

rapeutique , par Forel, 130.

.Suicides d'enfants, 345, par in-

jection sous-cutanée, 351. Tenta-

tive de - d'un enfant, 525.

Sulfure de carbone. Contributions

expérimentales etanatomio-patho-

logiques à l'étude de l'intoxication

chromqne par le -, par lirnster.

413.

Surdité verbale pure de nature

hystérique, 1 : JJ,1)arliaymond.-v il

la suite d'une fracturé du crâne,

par Bielkowskv, 402. - mentale,

par f3oblnson,Sl3.

Symbolistes et décadents; par Ba-

génon, 323. '

Sympathique. Traitement de l'épi-

lepsie essentielle .par les opél a-

tions pratiquées sur le grand -,

par 13riand, 16b. Maladies du -,

par Robent, 306.

Syndrome de LARDR)' par lésions

exclusives des cornes antérieures

(myélite ascendante antérieure ai-

guë), par Courmont et Bonne, 353.

1 S\).oDBO\lE de LITTLE. Le ; sa va-

leur nosologique ; sa pathogénie,

par Cestan, 342.

Sapiiilis et tabes, par Touche, 52.

- et folie, par Collotti,328.

SmvcowÉLte, par CarslaAv, 814.

Lésion bulbairedansla avancée,

par Philippe et Obertiiiit,, 515.

Tabagisme et alcoolisme guéris par

la suggestion hypnotique, 163.

il ABE. Syptitiset , par Touche, 52.

Contribution au traitement du

et de la paralysie générale par

Ailler, 230. Le labjlll1thique,

pal' Bounier, 310. La manière

d'être des cellules des ganglions

spinaux dans le-- éclairée par la

méthode de coloration de Nissl,

par Schafler, 403. et paralysie

générale dans leurs rapports avec

la syphilis; proposition théra-

peutique, par Adler, =r21. Symp-

tômes consécutifs à la ponction

lombaire dans le dorsal, par

Babcock, 424. et surmenage

physique, par Loewenfeld, 508.

cervical, par de Bucl : , 510.

Tatouage. Le - : médical en Ego pute

dans l'antiquité el il l'époque ac-

tuelle, par Fouquet, 426.

Temps. Appréciation post-hypno-

tique du -, par Bramwel, 517.

Tétanos. Un cas de chez l'en-

fant de trois ans guéri par le

sérum antitétanique, par Bern-

hardt, 13t. Notice historique

relative à l'étude du cépha-

lulue, pal Bernllardt, 321.

Thèses de la Faculté de médecine de

Paris (année scolaire 1897-1890 sur

la neurologie et la psychiatrie, 249.

Tiiaboi'de. Pathologie de la glande

- , par Murray, 314.

Tic traité avec succès par la sug-

gestion hypnotique, par Vlavia-

nos, 162. Un cas de traité par

la suggestion, par Féron.426.

Torticolis mental. Sur le traite-

ment du et des tics similaires,

par Ilrissaud et Feindel, 133.

Tremblement. Quatre observations

de -, par Boinet, 480.

Trépidations. Les et les phobies

de la neuratonie cérébrale, par

Ilugltes, 330.

Trihromure de salol. Le -; sa va-

leur comme hypnotique chez les

aliénés, par Viâilon, 130.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

539

Traumatique. Notion - dans l'etio-

logie ries maladies nerveuses, par

Gauppe. 497.

Tumeurs cérébrales avec diagnostic

rie la localisation, par Bruns,

493.

Tampanite gastrique, par W vald,

510.

Typhoïde. Des paralysies g-éném11-

sées dans la fièvre , par Etienne,

JI.

Urobilinurie. Notes sur l' - et

l'hématoporphyrinurie toxiques

dans les maladies nerveuses, par

Ilascovec, l 13.

Visuel. Structure du centre cortical

- du cerveau, par Hamon v Cajal

125.

Vomissements incoercibles de nature

hystérique traités par la méthode

d'Anostoli, par Decroly, 229.

Zona. Note sur un cas de - du

nerf trijumeau (branche ophtal-

mique de Willis et nerf maxillaire

supérieur), par Vilcoq, 300.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS

Adler, 230, 421, 490. 1

Allard, 4ï ! ).

Aroilza, 313.

Arnaud, 154.

Allerbach,408.

Babcock, 42 >,

liabinsl.i, 156, 513.

Bacaloglu, 56.

Bdgenotr, 325.

Ballet, 159.

Iiatters, 313.

Bechterew (de) , 228,

`131,420.423,493,500.

Bellet, 248.

Bellisari, 3 ? i.

Bemstein, 33 ! J.' l

Béraurl, 166.

Bérillon, 163, 239, 516.

Bernai d, 111,

Bornhardt,l3É,315,321,

498.

Bernheim. 512.

Bestion, 243.

Beyer, 325.

Bielschowsky, 492.

Biernacld, 183.

Binet-Sanglé, ` ? : 2.

Boinet, 57, 410.

Bonne, 353.

Bonnet, 138.

Bonnier, 310.

Bordier, 56.

Bosc, 199.

Bourdillon, 512.

Bourdin, 291.

Bourdon, 163.

Bourneville, 391, 429.

522.

Boyer, 230, 391.

Ilramwel, 517.

Brengues, 140.

BresÎer, 496.

l3riand,5î, 150, 231,310.

509.

Briquet. 52.

Bnscol 221.

Brissaud, 5 É, 133, 1jÍ.

Briz, 313.

Bruns, 493.

Broukhansky, 234.

Ilrowl1, 312.

Buck (de), 510.

Blizzard. 313.

Calés, 521.

Campbell, 510.

Carslaw, 314.

Cestan, 342.

Cliabal, 241.

Chabaneix, 216.

Charon, 433, 481.

Chartier, ni.

Chauffard, 480. '

Chipault, 513, 519.

Clark, 509.

Colin, 319.

Collotti, 328.

Cololian, 373.

Comar, 130.

Coulonjou, 285.

Courmont, 353.

Couvelaire, 180.

Crocq, 48,141, 14v, 9,

512.

Crouzon, 480.

Cullerre, 141.

Da.rkschewitsch, 422.

Daubv, 430,

Debove, 131.

Drcroly, 229.

Deiters, 491.

Déjerine, 158. 512.

Delaunav, 132.

Delpeuch 305.

Démange, 55.

Derevoge, 166.

Diode, 59, 514.

Doutrebente, 1(,1, 219.

Dufour, 159, 514.

Egger, 224.

Englisch, 311.

Etienne, 51.

Ewald, 510.

Farez, 161, 237, 517.

Farnarier, 332, 442, 509.

Faucher, 291.

Febvré, 60.

Feindel, 133, 143.

Feuayrou,25î.

Féron, 426.

ï)40 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

rllatofi, 333.

Fleury (M. de), 519.

Foret, 136. ·

Poster. 417.

Foveau de Gourmelles,

240.

Frenkel, 50.

Fnedlamder, 404.

Froussard, 143.

Fuerstner. 504.

Garnier. 137,

Gatta. 222.

Gauppe, 497.

Gelmcllten. 20, 401.

Gentôs, 277.

Gilles de la Tourette, 71.

Goldstein, 316.

Gomhault, 219.

Grasset, 49, 50.

Griffon, 480.

Grignan. 238.

Guélon, 165.

Guillain, 513.

Gutltrle, 306.

Ruthnatn],50).

Hascovec, Ii3.

Henschen, 48 : ).

Hiler. IS6. 'm9.

Ilûrijlo, 160.

Hoffmann, 502.

Holzin¡;er, 31 L

Homen, 42. '

Huches, 330, 425.

im'bert, 245.

Jakovenko, 145, ! 47.

Janet, 168.

.lentsclt, l3 ï.

'Joffroy, 160.

Joire. 102.

Jones, 51 4.

.lourdan. 122.

Jiiliusberger. 322.

Kalischer, 320.

Keraval, I. 81.

Klippel. 514.

Kcester. 'f 13.

Kosch, 499.

KûvaleAvsky, 142.

Lacassagne, -'120.

Lance, 1 \O.

Ldpinsln, 231, GOO.

La Riva, 312.

Lassignardie, 107.

Laupts, 139.

Lere, °18.

Le Groignae, 244. L

Lentz, 138,

1 Lépinay, 162.

Lepinte, 165.

Loreboullet, 479.

Lermoyez, 397.

Leroy, 41 ? sG9.

Leszynski. 233.

Letulle. : >18.

Lev. 2J3.

Lhérminier, 164.

Lioubouchine, 340.

Loewenleld, ;)O.

Loude. 51 'L

Long, 399.-

Loart, 73.

Lop, 53..

Mabille, 59. 111.

Maere, 511.

Marandon rie Montyel,

, t2.

Maréchal, 48.

Margain. 168.

.Marie, 33, 160.

\Iarnesco.2lS, 300,-i00,

403.'

lauclaire, 1;;7.

Mendel, 320.

Me\ rr, 322.

Mi as, 160.

Mignault, 410.

)11 uor, 336.

MoltschanofT, 340

hlongour; 'i7.

Mouravieff, 337.

MuratOAV, 499.

\lurray, 31 4.

Nalbaiirioff, 145.

Neill, 233.

Noble, 328.

Oherthur, 515.

OssipOAv, 488.

l'ml-Boncout t, 319, ;)1S,

520. '

Pawinski, 48.

Pechkrang, ;'06.

Pélofi, 248.

Perry (rle), 53.

Philippe, 514, 515.

Picqué, 60.

Pilez, I 42.

Pontier, 66.

Popofl, 335.

Preobrajensky,333.

Quensel, 410.

Rabé, 482.

Ramon y Calai, 123.

Hasch, 816. "9\ ! .

Bavant, 311.

Iiaymond. 15.ï, 1G8.

Régis, 243.

Régnait.239.

Renzi (de). 312.

IBchter. ? 2.

1\obel t, 306.

Roblllon 513.

Hosso ! imo,tK ! .33t 4

Hothmann. 226.

Roux. 17,.

BAbakolî. 149.

Sàbrazès, 1 10. ? L

Salomonsen, 482.

Sano, 253, 307, 511. I.

Sdlltarel, 217.

SChall"er, 103, 106,

Schroeder, 420.

Sérieux, 4 42, 509.

Sicar<I, 'r19, : I;i.

Solher, 57.

Sommer, 421 .

Souques, 157. 15S. 4 1 7

Splilmann, 55.

Stadelmann, 101.

Stewart, 31

Tarde, 426.

Tcherl1lchef ! . 23,

Téré, 140.

Thomson, 32 \.

Thulié, 518.

Touche. 52. ,

Toulouse, Ijl, 332

Trénel, 327.

Truelle, 332.

Valin, 305.

Vedel, 199.

Veraguth, 412.

Veiger. 461.

Versiloll. 235.

Veslin, 418.

Viallon, 130.

Vigouroux, 483.

Vil'coq, 306.

Vlavi`mos, -1G2, 233

Voisin, 331. 1

Wahl, 24 4.

Wallenberg, 414

Warda 498.

Weil, 490.

Welsh, 32f.

Wertheim Salomsun ,

317.

Wiliamson, 221.

Wislockl, 133.

Worcester, 509.

Woiobiefï, 144.

Yelverton-I'eartoii, 424-

Evrcua, Ch. IIERISSEY, pllnp. 12U