(1899) Archives de neurologie [2ème série, tome 07, n° 37-42] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales
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(1899) Archives de neurologie [2ème série, tome 07, n° 37-42] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales

ARCHIVES

DE E

NEUROLOGIE

AHCH1VËS

DE

NEUROLOGIE

KEVUE MENSUELLE

DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES

Fondéiî PAR J.-îll. CHAttCOT

l'UI31le,E SOUS I.A D111KC11ON ne niat.

A. JOFFROY

Fiofes·eur de clinique

des

maladies mentales

a la Faculté de médecine

de Paris.

V. MAGNAN

Membre de l'Académie

de médecine

Médecin de l'Asile clinique

(Sle-anuc).

F. RAYMOND

Professeur de clinique

des maladies

du système nerveux

a l.i Faculté de médecine

de P.iris.

COLLABU1UTBUIIS miNCIPAUX

Mil. ATHANASSIO, BAHINSKI, BALLET, BLANCHAH1) (1t.), BI.1N, UOISSIliU ( ! '.),

IIHIAND (i%l.), HIUSSAlil) (E.), ü11011A1tIWL (1'.), GA'RSAIIAS,

CHAIO.N, CIIIIISTIAN, CULLEItItR, 1)1-.110%'E (IIL), UENY,

l)t;VAY, U11C.111P, 11UVAL (Mjthiis), FEUE (Cil.), FENAYllOU, 1·'IsIt111E1t, FHANCOTTE

GILLES DE I,A TOUBETTE, CAIINICII (S.), G0111tAIILT, GRASSET,

ll1'tETiT, KKBAVAL, LA\UtSIZY, LEGITAIN, I/WOfF,

MABILLE, \IAltllt, 111'sItZEJf's\VSI(Y, J11RALLIÉ, , JUSCIAVF-(1,AY, N011t,

l'IEItItIST, PITRES, IIEC,[S, ItEGN.\Itll (f.l, IIEGNIEII (P.),

IIICIII : It (11.), BELLAY (l'.), ItOTII (W.), ROUX (J.), 5;ÙGI.AS. Sl» ? It[EI'X,SOLLII-lil,

5011()Uld>, sotiity fJ.), TEINTURIER (1 : .), TIIULIÉ (11.), URRIOLA,

VILLAIID, VOISIN (J.), YVO (P.).

Rédacteur en chef : IsOUItMIiVtI.I.C

Secrétaires de la rédaction : J.-Il. CIIAII( : 11T et J. NOIR

Dessinateur : LEUBA

Deuxième série, tome VII. 1899.

A\ect6 figures dans le texte et 5 planches.

' pAms

IIUIIKAI1X DU PROGRÈS MÉDICAL

1 É, rue des Carmes

1899

Vol. VII. Janvier lbV9. ? IN au

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE.

DE L'ÉTAT DU FACIAL SUPERIEUR ET UU MOTEUR

OCULAIRE COMMUN DANS L'HÉMIPLÉGIE ORGANIQUE ;

Par Crut. MIRALLIË,

ancien interne des hôpitaux de Paris, médecin suppléant des hôpitaux de Nantes.

S'il est une question qui semble résolue, et sur laquelle

tous les pathologistessont d'accord, c'est sans contredit l'in-

tégrité du facial supérieur dans l'hémiplégie cérébrale ba-

nale. Tous les classiques sont unanimes à cet égard : dans

l'hémiplégie cérébrale le facial inférieur seul est intéressé, le

facial supérieur est indemne, ou n'est atteint que dans des

cas très rares et exceptionnels. Tous les auteurs insistent sur

l'importance de cette intégrité du facial supérieur pour diffé-

rencier la paralysie faciale d'origine centrale de la paralysie

faciale périphérique. Cette intégrité est passée à l'état de

dogme, si bien que l'on a demandé à l'auatomie la cause de

cette anomalie apparente, et que l'on n'a pas hésité à décrire

pour le facial supérieur un centre cortical et un trajet intra-

cérébral complètement indépendants de ceux qui appartien-

nent au facial inférieur. Malgré l'unanimité des auteurs, la

question, à notre avis, mérite d'être reprise, et peut-être la

solution doit-elle être bien différente de celle aujourd'hui

admise.

Deux faits auraient dû mettre en garde les cliniciens : dans

l'immense majorité des cas, presque dans tous les cas d'liéiiii-

'plégie cérébrale infantile se montrant chez le nouveau-né, le

facial supérieur est paralysé, au même litre et au même

,lttcumrs, 2 série, t. VII. I

2 CLINIQUE NERVEUSE.

degré que le facial inférieur (Gibotteau). On compte les

observations où le facial supérieur est respecté. Pourquoi

celte contradiction absolue avec ce qui se passe chez l'adulte ?

Pourquoi ce qui est la règle chez l'un est-il l'exception chez

l'autre ? Il est inadmissible qu'il s'agisse uniquement d'une

question d'anatomie, et que cette lésion respecte toujours

chez l'adulte un centre qu'elle frappe toujours chez l'enfant ?

D'autre part dans l'épilepsie Jacksonnienne de la face, les

convulsions se montrent sur le facial supérieur comme sur le

facial inférieur. ·

D'ailleurs l'intégrité absolue du facial supérieur chez

l'adulte est loin d'avoir été admise par tous les auteurs.

Récamier le premier avait établi l'intégrité du facial supé-

rieur dans les lésions cérébrales comme signe différentiel

avec la paralysie faciale périphérique. Bientôt cependant

Mahot, Gubler avaient montré l'existence de la paralysie de

l'orbiculaire des paupières dans l'hémiplégie alterne. Legendre

note cette paralysie dans l'hémiplégie ordinaire et remarque

la chute de la paupière supérieure. Mais c'est à Duplay (1854)

que revient l'honneur d'avoir soutenu contre Récamier la

participation de l'orbiculaire à la paralysie, dans l'hémi-

plégie faciale de cause cérébrale, et d'avoir établi cette opi-

nion sur des faits cliniques avec autopsie. Ilency (1874)

signale l'impossibilité de fermer isolément l'oeil du côté

paralysé, symptôme que Simoneau (1877) remet en pleine

valeur. Contrairement à Landouzy (US76), Simoneau admet

la participation de l'orbiculaire des paupières à la paralysie :

« Dans l'hémiplégie de cause centrale, les malades peuvent

fermer les deux yeux, l'occlusion simultanée des deux yeux

se fait toujours; mais les malades sont incapables de fermer

l'oeil du côté malade tout seul, tandis qu'ils peuvent en

général fermer l'oeil sain isolément. Dans tous nos cas nous

avons trouvé de la paralysie de l'orbiculaire, qui ne pourra

plus être niée dans tous les cas d'hémiplégie de cause

centrale. »

Coingt(1878) fait rentrer la paralysie de l'orbiculaire dans

l'hémiplégie faciale ; elle est beaucoup plus fréquente qu'on

le soutient mais elle est le plus souvent latente et il faut user

d'artifice pour la mettre en lumière. 0. Berger soutient la

fréquence de la participation du facial supérieur à l'hémi-

plégie faciale.

L'ÉTAT DU FACIAL SUPÉRIEUR. 3

Hallopeau a vu que « plusieurs fois dans les hémiplégies

récentes l'occlusion des paupières se faisait plus difficile-

ment, plus lentement et moins complètement du côté malade

que du côté sain ». De son travail, Ilallopeau conclut que :

« si les filets de l'orbiculaire ne sont pas confondus avec ceux

qui se distribuent à la partie inférieure de la face, ils n'en

sont pas toutefois très éloignés. Les cas dans lesquels ces

filets ont été directement et complètement intéressés ne sont

pas très exceptionnels, car nous avons pour notre part ren-

contré, depuis trois ans, quatre malades chez lesquels il

existait une paralysie de l'orbiculaire en même temps qu'une

hémiplégie du même côté ». Au point de vue anatomique

« les filets de l'orbiculaire traversent le centre ovale, et pro-

bablement aussi la capsule interne ; ils passent dans le seg-

ment interne du noyau lenticulaire ou dans son voisinage

immédiat, et viennent se placer dans le pédoncule cérébral

avec le faisceau bulbaire en dedans du faisceau pyramidal ».

Récemment MM. Pugliese et V. Milla étudièrent soigneu-

sement la question et à eux revient l'honneur d'avoir attiré

de nouveau l'attention sur ce sujet : « Le facial supérieur ne

reste pas intact dans l'hémiplégie ; d'ordinaire il est frappé,

à un degré plus ou moins grand, et suivant le siège, l'étendue

de la lésion cérébrale et certaines dispositions individuelles.

Que le muscle frontal du côté paralysé dans le plus grand

nombre de cas d'hémiplégie soit lésé, cela n'est pas douteux.

La paralysie de ce muscle se traduit par le degré divers de

rugosité des deux moitiés du front, de la différence de hauteur

des deux sourcils pendant le repos et pendant la contraction

des muscles frontaux. Si le muscle est en contracture la peau

du front de ce côté est plus rugueuse, et le sourcil correspon-

dant plus élevé; si, d'autre part, on invite le malade à froncer

le front, on note que le sourcil du côté paralysé ne s'élève

pas autant que celui de l'autre côté et que la moitié corres-

pondante du front est moins froncée. D'autres faits témoi-

gnent de l'attei nte de l'orbiculaire des paupières : chez certains

malades la fente palpébrable de l'oeil du côté paralysé est plus

grande; chez d'autres, plus étroite que du côté sain; pendant la

' Rivista spei-i)2e ? ztale di fi,enati-ia, 4, 1896. Nous remercions bien sin-

cèrement M. Pugliese de l'extrême obligeance avec laquelle il nous a

communiqué son travail original. Qu'il reçoive l'expression de notre vive

reconnaissance.

4 CLINIQUE NERVEUSE.

fermeture synergique volontaire et réflexe des deux yeux, le

muscle orbiculaire de la partie paralysée se montre flasque

et tarde à se contracter. Enfin sur les 25 malades examinés,

22 fois la fermeture isolée de l'oeil du côté malade était

impossible. Ce pourcentage (96 p. 100) est beaucoup plus

élevé que celui que l'on rencontre chez les individus non hé-

miplégiques. La parésie des muscles innervés par le frontal

supérieur ne manque pour ainsi dire jamais dans l'hémi-

plégie. » On voit combien ces conclusions sont éloignées de

celles des classiques. Loin d'être l'exception, la paralysie du

facial supérieur est la règle dans l'hémiplégie. Dans un tra-

vail plus récent Pugliese confirme ses recherches anté-

rieures : « Les muscles supérieurs de la face participent d'or-

dinaire à l'hémiplégie comme les muscles inférieurs, mais

dans une plus légère mesure. Un certain degré de parésie ne,

manque pour ainsi dire jamais dans ces muscles, spéciale-

ment dans ces cas d'hémiplégie où les muscles inférieurs de

la face et ceux de la langue sont fortement lésés. Parfois cette

parésie peut aller jusqu'à la paralysie. Ces troubles du facial

supérieur confirment la loi qui règle laparticipation des divers

muscles dans l'hémiplégie : dans l'hémiplégie les muscles sont

d'autant plus affectés, qu'ils jouissent à un plus haut degré

del'asynergie fonctionnelle; par conséquent l'orbiculaire des

paupières du côté paralysé, considéré comme muscle à mou-

vement synergique, est parésie, considéré au contraire comme

muscle à mouvement dissocié, il est paralysé. » Telles sont les

importantes conclusions de ces travaux très remarquables, et

sur lesquels nous aurons encore à revenir.

Il nous a été facile de recueillir dans la littérature des ob-

servations d'hémiplégiques où le facial supérieur était peu ou

prou intéressé. Les rapporter serait allonger inutilement ce

travail. L'existence possible de la paralysie du facial supé-

rieur n'est niée par personne; sa fréquence et son importance

seules sont en jeu. Nous voulons seulement rapporter une

observation récente de Pandi"2 qui vient à l'appui des conclu-

sions de Pugliese : un homme de trente-cinq ans est atteint

de paralysie faciale centrale. Au repos tout le facial gauche

- Iiivisict di palologia nervosa el mentale, février 1898, p. 49.

- Pandi. Wien. lilizz. IVoch. Analysé m Neurolog. Ceizl)albl., 1897,

p. 220. On trouvera in Gazelle médicale de 11'azles, 1898-1899, plusieurs

observations anciennes.

L'ÉTAT DU FACIAL SUPÉRIEUR. 5

se montre paralysé, tandis que dans les mouvements volon-

taires le facial supérieur se montre bien innervé. Ce fait

confirme d'une façon évidente l'importance de la synergie des

mouvements dans la motilité du facial supérieur et explique

en partie comment l'intégrité du facial supérieur a pu être

soutenue.

11 est un fait certain, c'est que chez les hémiplégiques la

paralysie du facial supérieur n'attire pas immédiatement l'at-

tention. Tandis que la déviation de la bouche, la flaccidité

de la joue, l'asymétrie faciale montrent, même au repos, la

paralysie du facial inférieur, du côté du facial supérieur dans

la plupart des cas tout semble normal. Si l'on s'en tient à

un examen superficiel, la paralysie du facial supérieur n'ap-

paraît pas. Pour la mettre en évidence il faut user d'artifice.

Longtemps il fut admis dans la science que les muscles du

tronc étaient respectés dans l'hémiplégie. Aujourd'hui on sait

qu'ils sont atteints, mais à un degré beaucoup moindre que

les muscles des membres. Pour dévoiler cette paralysie

latente, il a fallu employer le moyen suivant : quand on met

le thorax du malade en état d'inspiration maxima et qu'on

mesure comparativement les deux moitiés de la cage thora-

cique, on voit que la moitié qui correspond au côté paralysé

est moins développée que celle du côté sain. Si au contraire

le malade fait une expiration maxima, la demi-circonférence

du côté sain est plus pelite que celle du côté paralysé. Donc,

du côté paralysé, le thorax se dilate moins dans l'inspiration,

et revient moins sur lui-même dans l'expiration; l'amplitude

de ses mouvements est en d'autres termes diminuée. La para-

lysie incomplète, l'état parétique n'est donc pas niable, et

cependant il s'agit de muscles jouissant uniquement des

mouvements synergiques.

Si pour le facial supérieur on emploie des procédés ana-

logues, on met facilement en évidence la parésie de ce nerf.

Voici comment nous avons procédé sur 30 malades de l'hos-

pice Saint-Jacques, avec la collaboration de MM. Arin et

Gautret, internes des hôpitaux, qui ont recueilli nos obser-

vations, et que nous remercions de leur précieux concours'.

' Nous sommes heureux de remercier notre excellent collègue et ami

Pérochaud de l'amabilité extrême avec laquelle il nous a accueilli dans

son service et permis d'utiliser les vieillards-femmes hospitalisées dans

ses salles. Qu'il reçoive l'assurance de notre bien cordiale reconnaissance ! i

6 CLINIQUE NERVEUSE.

En examinant avec soin le malade, en se plaçant bien en

face de lui, surtout à une petite distance, on note assez sou-

vent une différence de position des deux sourcils ; parfois les

rides du front ne seront pas semblables des deux côtés. Mais

pour se rendre mieux compte de différences à peine sensibles,

un point de repère est indispensable : nous avons choisi

l'angle externe et inférieur de la base de l'orbite. Cet angle

inféro-externe est toujours facilement perceptible sous les

téguments. Formé par l'os malaire, et situé à la rencontre

des bords inférieur et externe de la base de l'orbite, il est

toujours parfaitement net et arrête du premier coup le doigt

qui le recherche. Fixant l'index sur l'angle externe de chaque

orbite, il est facile de noter les différences de positions les

plus petites des sourcils et de relever l'écartèment qui sépare

la queue du sourcil de cet angle, et la direction plus ou moins

couchée du sourcil par rapport au bord externe de l'orbite.

Des nuances imperceptibles à l'examen direct seront ainsi

mises en lumière.

La fermeture isolée d'un oeil est parfois impossible chez des

individus sains. Mais comme le fait remarquer Pugliese, cette

impossibilité est beaucoup plus fréquente chez les hémiplé-

giques. Pour éviter toute cause d'erreur nous avons éliminé

systématiquement tous les hémiplégiques dont l'état mental

était trop affaibli pour obtenir des renseignements précis sur

leur état ancien et permettre un examen sérieux de leur état

actuel. Aux autres nous avons demandé s'ils étaient chasseurs,

s'ils avaient été soldats, si jadis ils pouvaient isolément fermer

chaque oeil. Nous n'avons utilisé que les cas où les rensei-

gnements étaient suffisamment précis.

Quand le malade fait exécuter des mouvements aux mus-

cles innervés par le facial supérieur, ce n'est pas seulement

à l'existence même du mouvement qu'il faut s'attacher ; il

faut en étudier tous les caractères : est-il aussi étendu du côté

paralysé que du côté sain ? est-il aussi rapide ? le mouvement

s'accomplit-il d'une façon régulièrement progressive ou au

contraire par saccades ? Quand le malade laisse ses muscles

frontaux au repos ou s'il contracte les muscles du facial su-

périeur des deux côtés on peut, en soulevant le sourcil avec

le pouce d'une secousse brusque, se rendre compte de l'état

de tonicité et de force des muscles des deux côtés et noter

parfois des différences appréciables. Le malade tenant les

L'ÉTAT DU FACIAL SUPÉRIEUR. 7

yeux fermés et résistant, on cherche à relever la paupière

supérieure : la résistance n'est pas la même d'un côté et de

l'autre. Ce sont toutes ces recherches que nous avons prati-

quées chez 30 de nos malades hémiplégiques et dont nous

allons exposer les résultats.

Observation I. T... Jacques, soixante-douze ans ; hémiplégie

droite remontant à six ans, presque complètement guérie ; il

n'existe plus du côté des membres droits que de la diminution de

la force musculaire, mais tous les mouvements sont possibles, bien

que plus faibles. Léger mouvement de faux de la jambe droite. Les

rétlexes roluliens sont à peine exagérés.

Le pli naso-génien droit est abaissé et très légèrement diminué

de profondeur. Les commissures buccales sont placées sur le même

plan horizontal : la langue est déviée à droite; le malade peut

siffler. La paralysie du facial inférieur est donc peu marquée. De

même pour le facial supérieur qui est pour ainsi dire indemne.

Les rides du front sont égales des deux côtés; les sourcils occu-

pent la même position; leur résistance aux mouvements passifs est

égale ; les sourcils se relèvent et se baissent également bien ; le

malade ferme isolément chaque oeil. Le seul fait à noter est que la

fente palpébrale droite est un peu plus grande que la gauche.

Observation IL H... Jules, soixante-dix-sept ans. Hémiplégie

gauche remontant à un an, très accentuée aux membres supérieur

et inférieur.

La joue gauche est flasque, la commissure gauche abaissée ; la

langue n'est pas déviée, le malade ne peut pas siffler. Les rides du

front sont égales des deux côtés ; les sourcils sont placés sur le

même plan horizontal ; la fente palpébrale gauche est plus petite

que l'autre. Le malade relève également bien les sourcils des deux

côtés, et ferme isolément l'un et l'autre oeil.

Observation III. C... M..., soixante-huit ans. Hémiplégie

droite avec aphasie à soixante-cinq aus. Paralysie prédominante

sur le membre inférieur ; contracture avec exagération des réflexes.

Diminution de la sensibilité sous tous les modes, surtout au mem-

bre inférieur.

A première vue, la face ne présente rien d'anormal; mais

quand le malade parle ou quand il veut siffler, on s'aperçoit que la

bouche se dévie du côté gauche. Le malade est d'ailleurs dans l'im-

possibilité de siffler. La langue n'est pas déviée. Les rides du front

sont semblables des deux côtés; les sourcils sont sur le même plan;

des deux côtés la queue du sourcil est à égale distance de l'angle

inféro-externe de l'orbite. La fente palpébrale droite est cepen-

dant un peu plus petite que celle du côté opposé. L'élévation des

8 CLINIQUE NERVEUSE.

sourcils ce fait aussi facilement d'un côté que de l'autre. Le

malade peut fermer isolément l'oeil gauche, mais pas l'oeil dioit.

Il ne peut aussi l'ouvrir isolément.

Observation IV. - S.... âgée de cinquante-cinq ans. Hémiplégie

droite survenue progressivement vers l'âge de vingt-cinq ait,.

Hémiplégie prédominante sur le membre supérieur. Sensibilité

intacte. Réflexes tendineux exagérés.

La face est très peu touchée. La malade n'aurait jamais présenté

de troubles de la parole. Cependant la commissure buccale droite

est un peu abaissée ; quand la malade parle, la commissure gauche

est plus tirée que la droite. Pas de déviation de la langue. Donc

très légère atteinte du facial inférieur. Le facial supérieur est à

peine touché. La malade exécute tous les mouvements, à volonté,

sans aucune différence d'un côté à l'autre. Cependant, les rides du

front sont peut-être un peu plus marquées à gauche qu'a droite.

La malade peut fermer isolément l'un et l'autre oeil, mais elle le

fait plus facilement et plus complètement pour i'oeit gauche que

pour l'oeil droit. L'oeil droit est un peu plus ouvert que le gauche.

Observation V. Ch..., veuve T..., cinquante-cinq anr, frappée

d'hémiplégie droite à cinquante-trois ans. Aphasie motrice en voie

d'amélioration. Paralysie prédominante dans le membre supérieur;

diminution et retard de la sensibilité. Contracture avec exagération

des réflexes.

Le facial inférieur est à peine touché ; la déviation ne se décou-

vre que quand la malade parle. La pointe de la langue se dévie

légèrement à droite. Le facial supérieur est atteint au prorata.

Les rides du front sont moins marquées à droite ; la queue du

sourcil droit, par rapport à l'angle inféro-externe de l'orbite, est

un peu plus basse que le gauche et la fente palpébrale est un peu

plus petite.

Observation VI. B..., veuve Le R..., soixante-seize ans, frappée

d'hémiplégie gauche depuis sept ans, à prédominance sur le mem-

bre supérieur. Contracture.

Le facial inférieur gauche est paralysé. La commissure gauche

est abaissée, le sillon naso-génien moins accentué, la langue se

dévie à gauche. Les rides du front sont égales des deux côtés, mais

le sourcil gauche est un peu abaissé par rapport au sourcil droit.

Pas de signe de Revillod.

OBERVATION VII. M... Jean-Pierre, quatre-vingt-trois ans,

attaque d'apoplexie il y a trois semaines. L'hémiplégie gauche, état

subcomateux. Le facial inférieur est paralysé ; la langue est déviée

à gauche; le pli naso-génien gauche est abaissé et elfacé. Le facial

supérieur est aussi touché : la paupière supérieure gauche est plus

l'état du FACIAL SUPÉRIEUR. 9

tombante que la droite ; les rides frontales du côté gauche sont

attirées en bas.

Observation VIII. B..., femme Q..., soixante-cinq ans. Hémi-

plégie droite : première attaque il y a dix-neuf ans. Deux ans après,

nouvelle attaque. Amélioration.

La commissure buccale droite est abaissée, mais légèrement;

quand la malade parle, la joue droite est soulevée par l'air expiré;

la langue est déviée vers le côté droit. Les deux sourcils sont sen-

siblement sur le même plan, les rides sont à peu près égales des

deux côtés. La malade ferme facilement et avec force l'oeil gauche,

mais elle ne peut pas fermer complètement l'oeil droit : Il persiste

malgré ses efforts une légère fente. Elle ne peut l'ouvrir isolément.

Observation IX. G... Françoise, soixante-trois ans. Hémiplégie

gauche avec hémianesthésie totale pour le tact et la douleur, incom-

plète pour le chaud et le froid.

Le facial inférieur est paralysé. La bouche est tirée à droite, le

pli naso-génien est plus marqué du côté droit; la langue est déviée

à gauche. Pas de troubles de la déglutition. Le facial supérieur est

beaucoup moins touché. La queue du sourcil est plus abaissée sur

le rebord de l'orbite à gauche qu'à droite. Pas de signes de

Revillod.

OBSERVATION X. P... Etienne, soixante-six ans, est frappé en

juillet 1897 d'hémiplégie droite, qui depuis cette époque va en

n'améliorant surtout du côté du membre inférieur.

La joue droite est tombante ; la commissure buccale droite est

abaissée, le voile du palais est légèrement tombant à droite ; le

malade peut siffler. Le facial supérieur est peu touché : les rides

du front sont sensiblement égales des deux côtés, la queue du

sourcil droit est plus abaissée que la gauche ; les mouvements des

sourcils sont égaux et symétriques des deux côtés. Le malade ne

peut. fermer isolément l'oeil droit, mais cela n'a aucune valeur

car le malade affirme qu'avant sa paralysie il était incapable de le

faire.

Observation XI. B..., femme R..., quarante ans. Hémi-

plégie droile syphilitique survenue à trenle-un ans. Contracture

très accentuée.

Le facial inférieur droit est paralysé. La commissure labiale de

ce côté est abaissée ; le pli naso-génien gauche est plus accentué

que le droit. Quand la malade parle et surtout quand elle rit, sa

bouche se dévie vers la gauche, ainsi que l'extrémité du nez. Le

facial supérieur n'est pas indemne. Le front est plus lisse à droite

au repos; quand le malade fronce les sourcils, les rides s'accusent

moins à droite Le sourcil droit est abaissé par rapport au gauche,

10 CLINIQUE NERVEUSE.

environ d'un demi-centimètre, Pas de signe de Revillod. Chez cette

femme la corde vocale droite est paralysée.

Observation XII. G... Félicité, cinquante-un ans, atteinte à

quarante-un ans d'hémiplégie gauche, encore aujourd'hui très

accentuée aux membres supérieur et inférieur ; troubles de la sen-

sibilité, contracture, exagération des réflexes.

La paralysie faciale serait, au dire de la malade, beaucoup moins

accentuée aujourd'hui que jadis La commissure buccale droite est

plus élevée que la gauche ; la déformation est surtout accentuée

quand la malade parle : les plis de la face du côté droit sont alors

beaucoup plus accentués que du côté gauche. Le facial supérieur

est aussi touché. Les sourcils sont au même niveau, mais les rides

sont beaucoup plus accentuées du côté droit du front au repos, et

surtout quand la malade ferme ou élève les sourcils. La ma-

lade ferme isolément l'aeil droit et ne peut le faire pour l'oeil

gauche. Elle peut ouvrir isolément l'un et l'autre oeil, mais avec

plus de difficulté et plus lentement pour l'oeil gauche.

Observation XIII.' B..., veuve S..., soixante-six ans. Hémiplégie^

droite remontant à dix-huit mois. Contracture surtout au membre

supérieur qui est de beaucoup le plus atteint.

Paralysie du facial inférieur. La commissure buccale droite est

abaissée; le pli naso-génien est moins profond; la langue est

déviée à droite ; la malade a d'ailleurs de la peine à la sortir de

la bouche et ne lui fait guère dépasser les arcades dentaires.

Troubles de la déglutition. Le facial supérieur est intéressé. Les

rides du front du côté gauche sont beaucoup plus accusées que du

côté droit. Du côté droit la queue du sourcil est plus rapprochée de

'angle inféro-externe de l'orbite que du côté gauche. La malade

n'a jamais pu, même avant son attaque de paralysie, fermer un

oeil isolément.

Observation XIV. - 111..., veuve H..., cinquante-cinq ans, frappée

vers quarante ans, d'hémiplégie droite, prédominante sur le

membre supérieur. Contracture. Pas de troubles de la sensi-

bilité.

Le facial inférieur droit est paralysé, La bouche est inclinée et

abaissée vers le côté droit ; le pli naso-gémen est exagéré; la face

semble tirée vers la gauche. Le facial supérieur droit est manifes-

tement paralysé. Le sourcil gauche est sur un plan plus élevé que

le droit, d'environ un demi-centimètre. Quand on dit à la

malade de froncer les sourcils ou de les élever, on voit que le

champ d'excursion du côté droit est très limité par rapport au côté

gauche.

Observation XV. R... Joséphine, cinquante ans. Hémiplégie

L'ÉTAT DU FACIAL SUPÉRIEUR. 11

gauche en janvier 1896. Contracture très accentuée surtout au

membre inférieur; paralysie prédominante au membre supérieur.

Crises de larmes involontaires, spasmodiques quand on l'interroge.

Paralysie du facial inférieur gauche. La commissure buccale

gauche est abaissée ; le pli naso-génien est effacé ; la langue est

déviée à gauche. Le facial supérieur est également pris. La queue

du sourcil gauche est plus abaissée que la queue du sourcil droit.

Le champ d'excursion du sourcil droit est plus étendu que celui

du sourcil gauche. La malade ferme isolément l'oeil droit mais

pas l'oeil gauche : elle affirme, d'ailleurs, que jamais elle n'a pu le

faire.

Observation XVI. L... Louis, était déjà hospitalisé dans le service

comme atteint de ramollissement cérébral avec gâtisme, quand il

fut frappé subitement d'une attaque d'apoplexie, qui le rendit

hémiplégique droit et aphasique moteur. Le facial inférieur droit

est paralysé; le facial supérieur est aussi atteint. La fente palpé-

brale droite est plus petite que la gauche. Le sourcil droit se

relève bien ; mais il se relève moins vite que le gauche et monte

par secousses.

Observation XVII. G... Jean-Yves, soixante-un ans ; frappé

d'hémiplégie droite à cinquante-six ans. Amélioration de l'hémi-

plégie, qui est encore très accentuée, avec contracture, et perver-

sion de la sensibilité. Aphasie motrice.

La joue droite est flasque et tombante, la commissure buccale

abaissée de ce côté, les rides sont moins profondes à droite. Le

malade est dans l'impossibilité de siffler. Légère déviation de la

langue à droite. Le facial supérieur est pris. Les rides du frout

sont, en effet, presque effacées adroite; la fente palpébrale est plus

petite de ce côté ; la queue des sourcils occupe sensiblement de

deux côtés la même position et est à la même distance de l'angle

inféro-externe de chaque orbite. Le sourcil droit s'élève moins vite

et moins haut que le gauche; de même il s'abaisse moins vite et

moins bas. Son champ d'excursion est donc limité. Le malade

ferme isolément l'oeil gauche et ne peut le faire du côté droit; il

ne peut ouvrir l'oeil droit isolément.

Observation XVIII. G..., soixante-sept ans. atteint depuis 1888

d'hémiplégie gauche avec contracture prédominant sur le membre

supérieur.

Paralysie nette du facial inférieur gauche. Les rides du front

sont semblables des deux côtés ; la queue du sourcil gauche est

plus basse que l'autre. La fente palpébrale gauche est plus petite

que celle du côté opposé. Le sourcil gauche se baisse et se lève

moins vite que le droit. Aucun des deux yeux ne peut se fermer

isolément.

12 CLINIQUE NERVEUSE.

Observation XIX. IL M..., quarante-cinq ans. Hémiplégie

droite avec aphasie motrice en 1895. Envoie d'amélioration. Con-

tracture très accentuée, surtout au bras.

Les traits de la face sont déviés vers la gauche. La commissure

buccale gauche est plus élevée que la droite ; le malade ne peut sif-

fler. Le facial supérieur droit est touché. Les rides du front de ce

côté ont disparu; la queue du sourcil gauche est abaissée; les

fentes palpélrales sont sensiblement égales des deux côtés. Le

malade peut relever les sourcils et froncer le front. Mais ces mou-

vements, au lieu d'être progessifs et continus comme à gauche,

se font a droite par secousses brusques, par à-coup.

Observation XX. Le L..., frappé d'hémiplégie gauche

en 1896.

La commissure buccale gauche est abaissée ; la joue gauche est

tombante et flasque; la langue est déviée à gauche; le malade ne

peut siffler. Les rides du front sont égales des deux côtes; les fentes

palpébrales sont égales; la queue du sourcil gauche est plus basse

et plus rapprochée de l'angle externe de l'orbite que le sourcil

droit. Le sourcil droit se relève et s'abaisse plus vite que le

gauche ; son champ d'excursion est aussi plus étendu. Le malade

ne peut fermer ni ouvrir isolément l'oeil gauche, ce qu'il fait faci-

lement à droite.

Observation 1\l. L..., soixante-trois ans, manoeuvre, hémi-

plégie gauche datant de trois ans, très améliorée.

Le naso-génien gauche est légèrement effacé; les commis-

sures buccales sont sensiblement à la même hauteur ; la langue

est très légèrement déviée à gauche. Les rides du front sont égales

des deux côtés. Le sourcil gauche est légèrement abaissé par rap-

port à l'angle inféro-externe de l'orbite ; la fente palpébrale

gauche semble plus petite. Le sourcil gauche se relève et s'abaisse

moins vite que l'autre. Le malade ne ferme isolément aucun des

deux yeux ; il ne pouvait d'ailleurs le faire avant sa paralysie.

Observation XXII. -J... Jean, hémiplégique gauche depuis dix

ans. Amélioration progressive.

Le pli naso-génien gauche est abaissé, mais non effacé, peut-être

même serait-il plus profond que du côté opposé. La joue gauche

est flasque et pendante ; la commissure buccale gauche est plus

tombante que la droite et sur un plan inférieur. La langue est très

légèrement déviée à gauche. Le malade ne peut siffler. Les rides

du front sont effacées à gauche ; la queue du sourcil gauche est

peut-être un peu abaissée par rapport à l'angle inféro-externe de

l'orbite; la fente. palpébrale gauche est plus petite. Le sourcil

gauche remonte moins haut que le droit, il traîne en arrière el

s'élève par secousses. Quand les muscles des sourcils sont contractés

L'ÉTAT DU FACIAL SUPÉRIEUR. 13

ils présentent aux mouvements passifs la même résistance. Le

malade ferme isolément l'un et l'autre oeil.

Observation 1XIII. D... Jean-François, quarante-deux ans,

paralysé du côté gauche depuis huit ans. lléniiatliétose.

La commissure buccale gauche est abaissée, la joue gauche est

flasque et tombante. Le pli naso-génien gauche est abaissé et

etiacé. La langue est déviée à gauche; le malade peut siffler. Les

rides du front sont effacées à gauche. La queue du sourcil gauche

est abaissée par rapport au rebord orbitaire; les fentes palpébrales

sont égales ; le sourcil gauche se lève et s'abaisse par secousses et

moins vite que le sourcil droit. La résistance des sourciis aux mouve-

ments passifs est égale des deux côtés. Le malade ferme isolément

i'uuetl'autreoeii. 1.

Observation XXIV. Ch... Auguste, soixante-cinq ans. Ilénii-

plégie droite avec aphasie motrice en décembre 1897.

Joue droite flasque et tombante ; le pli naso-génien droit est bien'

marqué, mais abaissé; la commissure buccale droite est légèrement

déviée ; la langue est déviée à droite. Le malade ne peut siffler.

Quand il rit, les muscles de lajoue droite se contractent brusque-

ment et attirent violemment en arrière la commissure buccale

droite. Donc tendance à la contracture dans le territoire du facial

inférieur. Les rides du front sont légèrement abaissées à droite,

mais elles sont plus marquées que du côté gauche. La queue du

sourcil droit est abaissée par rapport à l'angle externe et inférieur

de l'orbite. Les fentes palpébrales sont égales. Le sourcil droit

semble offrir une plus grande résistance aux mouvements passifs.

Ce sourcil se relève moins vite et moins haut, et s'abaisse moins

que le gauche. Il se meut aussi par saccades. Le malade, même

avant la paralysie, n'a jamais pu fermer isolément un oeil.

Observation XXV. G... François, soixante-cinq ans. Hémi-

plégie gauche il y a neuf ans. Amélioration très nette. ·

La commissure buccale gauche est abaissée ; la joue gauche est

pendante et flasque ; le pli naso-génien est abaissé, mais plus

profond qu'à droite ; la langue est déviée à droite, le malade ne

peut siffler. Les rides du front sont moins marquées à gauche, et

plus abaissées ; le sonrcil gauche est très légèrement abaissé ; les

fentes palpébrales sont égales ; le sourcil gauche se meut par

secousses, il s'élève et s'abaisse moins que le droit, son champ

d'excursion est limité. La résistance aux mouvements passifs

semble égale des deux côtés. N'a jamais pu fermer isolément un

seul oeil.

Observation XXVI. N... Jeanne, quarante-six ans ; hémi-

plégie droite, avec hëmianesthésie incomplète datant de deux an-.

14 CLINIQUE NERVEUSE.

Paralysie du facial inférieur droit. Le facial supérieur est aussi

atteint : la queue du sourcil est plus écartée de l'aiigle inféro-

externe de l'orbite du côté sain que du côté malade. Le champ

d'excursion du sourcil droit est limité; en outre, il se meut par sac-

cades. La malade ne peutfermer isolément l'oeil droit, tandis qu'elle

ferme bien l'oeil gauche. Ede peut, bien qu'avec peine et moins

facilement qu'à gauche, ouvrir isolément l'eeil droit.

Observation XXVII. - M... Louis, soixante-dix ans. Hémiplégie

gauche en 1895. Contracture très accentuée des membres.

Le pli naso-génien gauche est abaissé et très peu marqué ; la

commissure buccale gauche est abaissée; la langue est déviée à

gauche. Le malade ne peut siffler; quand il mange, les aliments

s'accumulent entre la joue et le maxillaire gauches. Les rides sont

abaissées et moins marquées au côté gauche du front ; la queue

du sourcil est plus rapprochée à gauche qu'à droite, de l'angle

inféro-externe de l'orbite. Le sourcil gauche exécute ses mouve-

ments d'abaissement et d'élévation moins rapidement et sur un

champ moins étendu que le droit; contracté, le sourcilier gauche

est moins épais et moins résistant que le droit. Le malade ne

peut fermer isolément l'oeil gauche, ce qu'il faisait bien avant son

hémiplégie. Il ne peut aussi l'ouvrir isolément.

Observation XXVIII. M... Florent, soixante-deux ans, a été

frappé d'hémiplégie droite avec aphasie motrice en 1896. Contrac-

ture très accentuée, surtout au membre supérieur. Marche très

péniblement et en fauchant.

Le pli naso-génien droit est abaissé et effacé ; la commissure

buccale droite est abaissée; la langue est légalement déviée à

droite ; le malade ne peut pas siffler. Les rides du front sont

abaissées du côté droit ; la queue du sourcil droit est abaissée ; la

fente palpébrale est rétrécie du même côté ; le sourcil est moins

épais et plus flasque à droite. Le sourcil droit se relève moins vite

et moins haut que de l'autre côté il s'abaisse aussi plus

lentement que le gauche ; en outre, il se meut par saccades. Cet

homme n'a jamais pu, même avant sa paralysie, fermer un oeil iso

lément.

Observation 1\IY. R..., femme Il.... cinquante-cinq ans.

Début de l'hémiplégie gauche à quarante-sept ans. Contracture très

accentuée. Mouvements du bras presque totalement abolis ; ne peut

marcher qu'à l'aide d'une chaise.

Paralysie du facial inférieur gauche avec tendance à la contrac-

ture ; la bouche au repos est déviée vers la droite. Secousses brus-

ques dans les muscles du côté gauche quand le malade parle ou

rit. Le facial supérieur gauche semble contracture : Les rides sont

plus accentuées de ce côté, le sourcil est relevé et presque

L'ÉTAT DU FACIAL SUPÉRIEUR. ' 15

immobilisé. La malade ne peut fermer isolément ni l'oeil droit ni

l'oeil gauche.

Observation XXX. A... Louis, soixante-huit ans, entre à l'infir-

merie de l'hospice pour une légère atteinte de grippe. On s'aper

çoit alors qu'il présente une déviation manifeste de la face dont il

ne s'était pas encore aperçu. Il affirme d'ailleurs que jusqu'à ces

derniers jours la déviation qu'on lui fait constater n'existait pas.

'Depuis quelques jours, nous dit-il, il souffrait de vertige, de

céphalalgie, et depuis trois jours il a de la difficulté à articuler

certains mots.

Etat actuel : Le pli génie-nasal gauche est presque effacé, la joue

gauche tombante; la commissure buccale gauche est tombante, la

droite relevée ; toute la partie inférieure de la face semble attirée

vers la droite. La langue est déviée du côté gauche. Le voile du

palais est étendu à gauche, affaissé, et la luette est déviée vers la

droite. Le malade ne peut siffler, ce qu'il faisait bien jadis. Les

rides sus-orbitaires et frontales sont abaissées à gauche, et sont

moins profondes de ce côté. La queue du sourcil gauche est plus

rapprochée de l'angle inféro-externe de l'orbite que la queue du

sourcil droit. Les fentes palpébrales sont sensiblement égales. Le

malade abaisse et élève facilement les sourcils, mais le mouvement

s'exécute moins vite à gauche : le sourcil gauche traîne et retarde

sur le sourcil droit. La résistance des sourcils aux mouvements

passifs est moindre à gauche qu'à droite. Le malade ferme isolé-

ment l'un et l'autre oeil.

Pas de troubles de motilité ni de sensibilité des membres, mai- !

exagération manifeste du réflexe radial et du réflexe rotulien du

côté gauche. Sensibilité intacte. Dysarthrie : le malade trouve

facilement tous les mots, mais accroche pour articuler certains

mots.

Les observations que nous venons de rapporter vont à ren-

contre de la théorie admise par tous les classiques, et

affirment au contraire le résultat des recherches de Duplay,

Simoneau, Coingt et Pugliese. Loin d'être l'exception, la

paralysie du facial supérieur est la règle dans l'hémiplégie

cérébrale vulgaire. Dans tous les cas d'hémiplégie que nous

avons observés et où le facial inférieur était touché, le facial

supérieur était aussi atteint; plus ou moins d'ailleurs, suivant

les cas : tantôt presque indemne, tantôt nettement frappé,

suivant l'état du facial inférieur. Quand le facial inférieur

est presque respecté, quand les muscles innervés par ce nerf

jouissent presque de l'intégrité de leurs mouvements, et sont

seulement parésiés, le facial supérieur est pour ainsi dire

16 CLINIQUE NERVEUSE. ,

indemne, et c'est à peine si l'on note dans ces cas une légère

différence d'un côté à l'autre malgré tous les artifices. Quand

au contraire la paralysie a aboli l'action du facial inférieur,

la paralysie du facial supérieur est aussi très nette, et facile à

mettre en évidence.

D'ailleurs le degré de paralysie du facial supérieur est

toujours beaucoup inférieur à celui de la paralysie du facial

inférieur. A cela rien d'étonnant. Il s'agit là de l'application

particulière de la loi générale bien connue de Broadbent et

et Charcot : dans l'hémiplégie les muscles des mouvements

associés sont affectés à un degré beaucoup moindre que les

muscles à mouvements asyuergiques. Les muscles innervés

par le facial supérieur sont des muscles essentiellement

synergiques. Pour la plupart des individus il est impossible

de froncer un seul sourcil, de relever et rider le front d'un

seul côté. Le seul mouvement asynergique qui dépende du

facial supérieur est la fermeture et l'ouverture isolée d'un

oeil, et encore beaucoup d'individus ne peuvent-ils exécuter

ce mouvement. Rien d'étonnant donc à ce que les muscles du

facial supérieur soient relativement respectés dans l'hémi-

plégie, au même titre que les muscles du tronc par exemple.

Pour tous ces muscles la paralysie existe, mais atténuée et

pour ainsi dire latente.

En tout cas, cette paralysie du facial supérieur dans l'hémi-

plégie cérébrale n'est pas aussi intense que celle que l'on

observe dans la paralysie faciale périphérique. Ici le facial

supérieur est paralysé au même degré que le facial inférieur ;

dans l'hémiplégie cérébrale il y a une différence considérable

dans l'intensité des troubles moteurs. Et si, à notre avis, on

ne peut plus parler d'intégrité réelle du facial supérieur dans

l'hémiplégie cérébrale, il existe bien cependant une intégrité

relative, intégrité relative telle qu'elle garde toute sa valeur

pour le diagnostic différentiel de la paralysie faciale centrale

et de la paralysie périphérique.

Latente, la paralysie du facial supérieur est masquée par

la déformation des traits inférieurs de la face. Elle ne saute

pas aux yeux, il faut la mettre en lumière. Voici comment

les faits se sont présentés à notre observation.

Le phénomène le plus net est l'abaissement du sourcil du

côté paralysé. Nous l'avons observé dans la plupart des caa.

Parfois cet abaissement est tel qu'il frappe au premier abord;

L'ETAT DU FACIAL SUPÉRIEUR. 17

d'autres fois, il est peu apparent, il faut le rechercher. Le

sourcil a perdu en partie sa courbe normale ; sa partie cen-

trale s'est affaissée, de sorte que sa direction générale tend

à se rapprocher de la ligne droite. La queue du sourcil s'est

rapprochée considérablement du rebord orbitaire et si l'on

prend comme point de repère la distance qui sépare l'angle

inféro-externe de l'orbite (toujours très facile à déterminer)

de la queue du sourcil, on sent que la queue du sourcil vient

du côté paralyse' presque au contact de ce point, tandis que

du côté sain elle en est distante parfois d'un demi-centimètre.

Ce moyen nous a permis à plusieurs reprises de mettre en

lumière un affaissement du sourcil qui n'apparaissait pas au

premier examen. Cet abaissement du sourcil est un des

signes les plus constants de la paralysie du facial supé-

rieur.

Les rides du front sont effacées, moins profondes du côté

paralysé ; la peau est plus lisse et moins rugueuse; dans leur

ensemble la courbe des rides est aussi affaissée, plus tendue,

plus rapprochée de la ligne droite.

Le malade peut le plus souvent froncer simultanément les

deux sourcils, il peut simultanément élever les sourcils. Mais

quand on examine avec soin le côté paralysé pendant ces mou-

vements on est frappé de ceci : le mouvement commence plus

. vite du côté sain que du côté paralysé ; le sourcil du côté para-

lysé se meut plus lentement que le sourcil du côté sain ; au lieu

de s'élever d'une façon continue progressive, il s'élève par se-

cousses, par à-coups ; il traîne et est en retard sur celui du

côté opposé ; enfin il s'arrête plus bas que celui du côté op-

posé. Si l'on ordonne au malade d'abaisser les sourcils

autant que possible, les mêmes phénomènes se reproduisent,

et le sourcil paralysé s'arrête plus haut que du côté sain. Le

champ d'excursion du sourcil paralysé est donc moins étendu

que du côté sain. Il y a là un phénomène absolument iden-

tique à celui que l'on observe dans les muscles du tronc du

côté paralysé.

Pour mieux mettre en évidence cette contraction du mus-

cle par secousses et cette diminution d'amplitude du champ

d'excursion, il suffit de faire répéter au malade, sans inter-

ruption, une série de mouvements d'abaissement et d'éléva-

tion des sourcils. *Du côté paralysé, la fatigue arrive vite,

exagérant les à-coups dans la contraction, le retard du mus-

jRciiivEs, 2° série, t. VII. 2

18 CLINIQUE NERVEUSE.

cle paralysé sur son congénère et la différence d'amplitude

des mouvements des muscles des deux côtés.

Quand les sourcils sont au repos ou en contraction, si avec

le pouce on cherche par une secousse brusque à se rendre

compte de leur état de tension, on reconnaît que du côté

paralysé les muscles sont flasques, moins tendus, moins

résistants (Legendre).

La perte de l'occlusion isolée de l'oeil, du côté sain, ne nous

a pas paru aussi fréquente qu'à Simoneau et Pugliese. Cepen-

dant quand il existe, ce symptôme a une grande valeur. Mais il

faut s'entourer de certaines précautions. Nombreux sont les

individus qui normalement ne peuvent fermer isolément un

oeil. 11 faut donc s'enquérir avec soin auprès du malade pour

savoir si jadis, avant sa paralysie, il pouvait fermer un oeil iso-

lément. Il ne faudra tenir compte que des cas où le malade sera

très affirmatif à cet égard. A défaut de ces renseignements,

même quand le malade ferme à-volonté l'oeil du côté sain, et

ne peut en faire autant du côté malade, le signe de Revillod

n'a pas une valeur absolue. Nous avons vu des individus nor-

maux qui pouvaient fermer isolément un oeil et pas l'autre.

Il y a donc là une cause d'erreur qu'il faudra éviter. Quoi

qu'il en soit, le signe de Revillod mérite d'être recherché, et

dans certains cas, quand le malade a perdu la faculté de

fermer isolément l'oeil du côté paralysé, alors qu'il le faisait

jadis, ce sujet est un indice certain de la paralysie du facial

supérieur.

Si le malade ne peut fermer isolément l'oeil du côté para-

lysé, il est aussi incapable de l'ouvrir isolément. On fait fer-

mer au malade les deux yeux ; si on lui commande d'ouvrir

isolément l'oeil du côté sain, il le fait facilement; du côté

paralysé, il est incapable de le faire ou ne- le fait qu'avec

beaucoup de difficulté. C'est là un symptôme qui nous a

semblé avoir une certaine valeur. Clavey a de son côté relevé

souvent ce symptôme.

Enfin relevons que dans un cas nous avons observé la con-

traction secondaire du facial supérieur. Dans ce cas les rides

sont plus accentuées du côté paralysé que du côté sain. Le

sourcil est relevé, sa courbe est accentuée. Les mouvements

d'élévation et d'abaissement du sourcil sont très diminués

1 Thèse Paris, 1897.

L'ÉTAT DU FACIAL SUPÉRIEUR. 19

et n'existent pour ainsi dire plus. Ces cas sont de beaucoup les

plus rares, et même exceptionnels. 1

La participation du facial supérieur à l'hémiplégie, son

parallélisme avec les troubles du facial inférieur viennent

combattre la conception du noyau du facial supérieur isolé

au pli courbe (Exner, Paneth, Landouzy, Dieulafoy). Les

expériences de Ferrier, Bartolow, Sciammana ; certains

cas d'épilepsie jacksonnienne (Weiner, Hitzig, Féré, Mar-

fan, etc.) permettaient de supposer que ce centre était

à la zone psychomotrice, tout près du centre du facial

inférieur. Plusieurs autopsies le démoutreut.Ilervey observe

un aphasique, atteint d'hémiplégie faciale avec participation

de l'orbiculaire des paupières. L'autopsie montre un foyer de

ramollissement sur la troisième frontale, et un second foyer

sur le bord antérieur du sillon de Rolando, dans le point où

se détache la troisième circonvolution frontale. Dans le cas

de Milla2 la paralysie totale du facial gauche tenait à la des-

truction du pied de la seconde circonvolution frontale,

et du tiers inférieur de la frontale ascendante du côté gauche.

Brissaud a observé une femme de 80 ans, frappée deux ans

avant d'une hémiplégie droite avec aphasie qui s'amendèrent

peu à peu, ne laissant qu'une paralysie faciale droite totale

occupant le facial supérieur comme le facial inférieur. L'au-

topsie montra une « lésion corticale unique, ramollissement

jaune, situé dans la région de l'opercule rolandique gauche,

juste en arrière de l'opercule frontal. Ce ramollissement

gagne dans la profondeur la rigole supérieure de l'insula.

Le lobule du pli courbe et le pli courbe étaient sains. Si l'ob-

servation qu'on vient de lire devait, en raison de l'exiguité de

la localisation, servir de document unique pour la détermi-

nation du centre des mouvements de la face chez l'homme,

il faudrait conclure que ce centre occupe exactement, sur

l'opercule, la portion de l'écorce située juste en arrière de

l'extrémité inférieure de la scissure de Rolando ». M. Bris-

saud considère son observation et les observations analogues

comme des exceptions. Nous croyons avoir démontré au

contraire que cette participation du facial supérieur est la

règle dans l'hémiplégie. Nous avons pu pratiquer l'autopsie

' Société analomique, 1874, p. 59.

- In Pugliese et Alilla, loco. cit.

30 0 CLINIQUE NERVEUSE.

de trois des malades qui ont servi de base à ce travail.

L'examen macroscopique des cerveaux a seul été pratiqué ;

nous nous proposons de les étudier, après durcissement, en'

coupes microscopiques sériées et colorées et nous en ferons

connaître le résultat. Voici dès maintenant ce que nous a

donné l'examen macroscopique.

Le premier cas concerne le nommé M... Pierre-Jean, 83 ans

(Obs. VII). Le facial inférieur était paralysé ; la paralysie

du facial supérieur se caractérisait parla chute de la paupière

et l'abaissement des rides. L'hémisphère droit présentait un

large foyer de ramollissement cortical. Ce foyer occupait le

pied des deuxième et troisième circonvolutions frontales, et

la partie adjacente de la frontale ascendante, l'opercule ro-

landique et la partie adjacente de la deuxième frontale, le

gyrus supermarginalis et la première circonvolution tempo-

rale. En arrière le foyer s'arrêtait nettement à la branche

ascendante du premier sillon temporal dont la lèvre posté-

rieure était intacte. Le pli courbe ne présente aucune espèce

de lésion. Sur la coupe de Flechsig on voit que le ramollisse-

ment de la substance corticale et sous-corticale s'étend du

pied des circonvolutions frontales à la pariétale inférieure,

mais sur cette coupe encore le pli courbe est intact, la lésion

s'arrête au premier sillon temporal.

En faveur de la localisation à la zone psycho-motrice, nous

pouvons encore invoquer un fait récent. Silva ' a publié un

cas d'épilepsie jacksonienne ; les crises débutaient par le

facial supérieur (frontal et orbiculaire), gagnaient le facial

inférieur et entraînaient la rotation conjuguée de la tête

et des yeux. L'autopsie montre un kyste appoplectique s'éten-

dant du pied de la deuxième frontale gauche jusque sur la

pariétale ascendante. En présence de tous ces faits, il nous

semble impossible d'accepter l'existence d'un autre moteur

cortical pour le facial supérieur localisé ou pli courbe. Tout

s'accorde pour démontrer sa non-existence ; rien n'autorise

à admettre la dissociation d'origine du facial inférieur et du

facial supérieur.

Les deux branches de la septième paire ont un centre com-

mun à l'opercule rolandique. Si l'hémiplégie frappe le facial

' Société médico-chirurgicale de Paris. Juin 1898. Anal, in Ileviie

neurologique, 1898, p. 786.

L'ÉTAT DU FACIAL SUPÉRIEUR. 21

inférieur et semble respecter le facial supérieur, ce n'est pas à

l'anatomie, mais à la physiologie qu'il faut en demander la

raison. Le facial supérieur doit son intégrité apparente à la

synergie fonctionnelle des muscles qu'il innerve.

Quel trajet suivent les fibres du facial supérieur dans l'en-

cépliale ? Il est facile de le déduire de ce qui précède. Elles

suivent les fibres du facial inférieur dans tout leur trajet. Les

autopsies de Chvosteket de Huguenin' le démontrent. Chvos-

tek a vu un foyer d'apoplexie du rayon lenticulaire entraîner

simultanément la paralysie du facial supérieur et inférieur,

évidemment par compression de la capsule interne. Hugue-

nin a trouvé un foyer nécrotique comprenant le lenticulaire,

la capsule externe, la capsule interne et la partie externe et

inférieure du noyau caudé comme cause d'une hémiplégie

avec paralysie du facial supérieur et inférieur.

Coingt a observé chez le professeur Charcot un hémiplé-

gique avec paralysie du facial supérieur tout entier (orbicu-

laire, facial, sourcilier) et ptosis. L'autopsie démontra l'exis-

tence d'un ramollissement du corps strié, intéressant la partie

antérieure de la capsule antérieure.

Nous avons pu pratiquer deux autopsies confirmatives :

La première concerne le nommé L... Louis (Obs. XVI). Ici

la paralysie du facial supérieur était assez marquée. Le cortex

ne présente aucune lésion, mais sur la coupe de Flechsig

nous voyons la lésion suivante : la partie antérieure du noyau

lenticulaire est transformée en un kyste à parois ocreuses,

qui détruit en même temps tout le segment antérieur,

de la capsule interne. Le genou et la partie antérieure du

segment postérieur de la capsule interne sont comprimés et

grisâtres. L'avant-mur et la capsule interne sont intacts.

Notre dernière autopsie est celle du nommé G... François,

soixante-cinq ans3 (obs. XXV). L'hémiplégie gauche avait rétro-

cédé ; mais le facial inférieur était nettement paralysé, la langue

était déviée. La motilité des muscles des sourcils et du front

était nettement altérée. A l'autopsie le cortex de l'hémisphère

gauche ne montre aucune lésion. Sur la coupe de Flechsig,

' Cité par Pugliese.

2 Nous remercions notre collègue, le Dr Aubry, qui a bien voulu nous

permettre d'examiner et nous confier pour une étude ultérieure le

cerveau de cet homme, décédé dans son service.

22 CLINIQUE NERVEUSE.

le noyau lenticulaire montre dans son segment moyen, em-

piétant un peu sur le segment interne, et au niveau du seg-

ment postérieur de la capsule interne un kyste ocreux, vestige

d'une ancienne hémorragie. Ce kyste, qui mesure environ un

centimètre d'avant en arrière, a comprimé le segment posté-

rieur de la capsule interne et entraîné une tache de dégéné-

rescence dans la partie postérieure du genou de la capsule

interne. L'avant-mur, la capsule externe sont absolument

normaux.

De même qu'il n'existe qu'un seul centre cortical du facial,

de même toutes les fibres qui en partent suivent le même

trajet, par le genou de la capsule interne. Le trajet des fibres

du facial supérieur par l'anse lenticulaire doit être rejeté

Tout le facial forme un seul nerf ayant même origine corti-

cale et même trajet cérébral.

Nous venons de voir les symptômes de la parésie du facial

supérieur dans l'hémiplégie. Dans un certain nombre de cas,

plus fréquent qu'il ne semblerait au premier abord, le releveur

de la paupière supérieure, innervé par le moteur oculaire

commun participe à la paralysie. La fente palpébrale est

maintenue ouverte par deux forces antogonistes : l'une qui

tend sans cesse à fermer l'ouverture palpébrale est repré-

sentée par l'orbiculaire des paupières ; l'autre qui maintient

ouvert la fente palpébrale, le releveur de la paupière. A l'état

normal que l'équilibre soit détruit, et les dimensions de

l'orifice palpébral varient.

Chez les hémiplégiques, la fente palpébrale du côté para-

lysé est plus ou moins ouverte suivant les cas. Souvent les

deux fentes sont égales et il est impossible de noter la

moindre différence entre elles. Assez souvent la fente palpé-

brale du côté paralysé est plus ouverte que du côté sain.

Mais ce qui est plus fait pour surprendre, c'est la diminution

de la fente palpébrale du côté paralysé. Au premier abord,

il y a là un paradoxe. Dans la paralysie faciale périphé-

rique, l'oeil du côté paralyse est largement ouvert et le

malade ne peut abaisser sa paupière. Le facial supérieur a

perdu toute action sur l'orbiculaire et le moteur oculaire

commun agit normalement sur le releveur palpébral dont

l'action n'est plus contre-balancée. Pourquoi n'en est-il plus

de même dans certains cas d'hémiplégie ? Parfois le rétré-

cissement de la fente palpébrale du côté hémiplégie est plus

L'ÉTAT DU FACFAL SUPÉRIEUR. 23

apparent que réel. Quand on examine avec soin les yeux

du malade, on se rend parfaitement compte que cet aspect

est dû alors à l'affaissement du sourcil du côté paralysé ;

celui-ci a perdu en partie sa courbe normale, et l'oeil par

suite de cet abaissement du sourcil, semble rétréci beaucoup

plus qu'il ne l'est en réalité. Cependant ce rétrécissement de

la fente palpébrale est réel, bien que peu accentué. Nous

l'avons relevé dans 8 de nos cas d'une façon nette. Une autre

fois nous avons vu la fente palpébrale rétrécie à certains mo-

ments, égale à d'autres. Dans ces cas il s'agit évidemment,

au point de vue clinique, d'un ptosis d'origine cérébrale.

Sans vouloir refaire ici tout l'historique de cette question,

rappelons que la coïncidence d'un ptosis et d'une paralysie

faciale chez un hémiplégique a été depuis longtemps signalée.

Durand Fardel lui attribuait de la valeur dans la symptoma-

tologie du ramollissement cérébral. Prévost' publie six obser-

vations de ptosis avec paralysie faciale chez des hémiplé-

giques ; Chouppe relate un cas remarquable où chez un

hémiplégique le ptosis s'allie à une paralysie du facial infé-

rieur et du facial Supérieur ; Pitons a signalé un fait célèbre

de ptosis et paralysie faciale avec lésion cérébrale très

combinée ; Landouzy 1 a consacré à cette question un cha-

pitre de sa thèse et y est revenu dans un mémoire qui fait

époque ; Coingt y y revient à plusieurs reprises ; Blanc 6 traite

ce sujet dans sa thèse, ainsi que Surmont' et Houeix de la

Brousse$. Beaucoup d'autres observations sont éparses dans

la littérature. Puglire relève le fait ; les classiques (Souques

in traité Charcot-Bouchard) signalent sa possibilité.

Le fait est- même beaucoup plus fréquent qu'on ne l'a dit.

Au début de l'hémiplégie, l'abaissement de la paupière supé-

rieure est presque de règle, mais très vite, il disparaît ; les

cas où il persiste sont beaucoup plus rares. Mais je suis

' Prévost. Thèse Paris, 1868. -

Cliotippe. Sociélé analocni jue, 1871, p. 559.

3 Pitos. Progrès médical, 1876.

' Landouzv. Thèse Paris, 1876 et Archives générales de médecine, 1877,

t. 11.

Coiiigt. Thèse Paris, 1878.

" Blanc. Thèse Paris, 1885-1886.

7 Surmont. Thèse Lille, 1886.

" Houeix de la Brousse. Thèse Paris, 1888.

24 CLINIQUE NERVEUSE.

convaincu que si l'on a l'esprit attiré de ce côté et qu'on

examine systématiquement à ce sujet tous les hémiplégiques

que l'on pourra suivre dès le début de leur affection, ce symp-

tôme apparaîtra comme très fréquent. Il peut exister isolé-

ment ; des observations avec autopsie en font foi ; mais

dans-l'immense majorité des cas il accompagne la paralysie

du facial. -

Comment peut on expliquer ce symptôme. Pour M. Bris-

saud le rétrécissement de la fente palpébrale n'a d'autre expli-

cation plausible que la paralysie même de l'orbiculaire : « De

même que dans la paralysie radiale, les muscles fléchisseurs,

innervés par le médian, se contractent avec moins d'énergie,

de même, dans la paralysie de l'orbiculaire, le releveur de

la paupière est insuffisant. Le défaut de tonicité de l'orbicu-

laire prive celui-ci du point d'appui nécessaire pour conserver

à la fente palpébrale sa largeur ordinaire. Il ne s'agit donc

pas d'une incapacité fonctionnelle réelle, mais d'une incapa-

cité relative et en tous cas apparente. Les faits de cet ordre

loin d'être exceptionnels relèvent d'une loi générale, appli-

cable à toutes les conditions normales ou pathologiques de

l'antagonisme musculaire, »

Nous ne saurions admettre cette manière de voir. La

comparaison avec ce qui se passe dans la paralysie ra-

diale est inexacte. Ici les extenseurs sont paralysés ; les flé-

chisseurs, débarrassés de leurs antagonistes, rapprochent

leurs deux points d'insertion, et c'est pour cela qu'ils se con-

tractent avec moins d'énergie. Dans la paralysie de l'orbicu-

laire, si l'assimilation était exacte, le releveur palpébral,

privé de son antagoniste, devrait rapprocher ses deux extré-

mités, c'est-à-dire élargir la fente palpébrale, de même que

dans la paralysie radiale les fléchisseurs, non contre-balancés

par les extenseurs, fléchissent le poignet ; il est impossible de

comprendre comment un muscle releveur de la paupière,

privé de son antagoniste, l'orbiculaire, agit dans le sens

contraire à son action propre et dans le sens de son anta-

goniste. La comparaison est donc inadmissible.

Une autre raison s'oppose à ce que l'hypothèse de NI. Bris-

saud puisse être admise : c'est l'état de la fente palpébrale

dans la paralysie faciale périphérique. Ici la fente palpé-

brale est toujours élargie, plus grande du côté paralysé que

du côté sain, et le malade est dans l'impossibilité de fermer

L'ÉTAT DU FACIAL SUPÉRIEUR. 25

' l'oeil paralysé. Or, dans la paralysie faciale périphérique, la

paralysie de l'orbiculaire est complète, absolue; le releveur

de la paupière est privé de tout antagonisme, de tout point

d'appui, le releveur devrait donc se contracter dans ce cas, si

la théorie de M. Brissaud était exacte, avec encore moins

d'énergie ; et la paupière devrait être tombante. Or, c'est le

contraire qui existe. Le releveur privé de son antagoniste.

comme les fléchisseurs dans la paralysie radiale, rapproche

ses deux extrémités et dans le cas actuel relève la paupière et

augmente la fente palpébrale. L'hypothèse de M. Brissaud.

malgré son analogie apparente, si séduisante au premier

abord, n'est pas admissible et ne résiste pas à une critique

sévère des faits.

En fait il existe que dans la paralysie faciale périphé-

rique la fente palpébrale est toujours élargie et que dans

certains cas de paralysie faciale centrale elle peut être dimi-

nuée, rétrécie.

Quelle différence y a-t-il entre les deux cas ? Dans l'un,

la lésion est périphérique ; elle a frappé exclusivement le

nerf facial, respectant les autres nerfs moteurs de la face.

Dans l'autre, il s'agit d'une lésion centrale, ayant frappé les

centres d'origine de tous les nerfs d'une moitié du corps. Le

moteur oculaire commun, bien que ne jouissant que de mou-

vements synergiques, est un nerf , volontaire ; par suite il a

une représentation corticale. Pourquoi ce centre cortical ne

serait-il pas atteint par la lésion qui donne l'hémiplégie au

même titre que celui du facial supérieur, et moins encore que

ce dernier puisque celui-ci possède quelques mouvements

asynergiques, tandis que le moteur oculaire ne jouit que de

mouvements synergiques ? Nerf synergique, le moteur ocu-

laire conserve l'intégrité complète de ses mouvements volon-

taires ; mais sa tonicité, par suite de la lésion centrale, est

diminuée du côté paralysé et sa prédominance d'action sur

le facial supérieur parésie est diminuée. Par son action syner-

gique, le moteur oculaire opposé supplée son homologue du

côté paralysé pour tous les mouvements synergiques des

yeux; mais celui du côté hémiplégie sera amoindri dans

son action, et diminué dans sa tonicité, d'où moindre relè-

vement de la paupière. En comparant le rétrécissement de

la fente palpébrale dans l'hémiplégie avec l'élargissement de

la fente palpébrale dans la paralysie faciale périphérique, il

26 CLINIQUE NERVEUSE.

est impossible d'expliquer cette contradiction paradoxale, si

on n'admet pas que la lésion cérébrale a frappé le centre

originel du moteur oculaire. En résumé la lésion cérébrale

paralyse du même coup toute la moitié du corps ; complè-

tement les muscles des membres dont les mouvements sont

asynergiques, moins complètement le facial inférieur dont les

mouvements sont au moins autant synergiques que asyner-

giques, très incomplètement le facial supérieur comme les

muscles du tronc dont les mouvements sont essentiellement

synergiques, bien qu'on puisse les faire agir asynergique- s

ment, etdiminue simplement la tonicité du moteur oculaire

commun dont presque tous les mouvements sont synergiques.

Nous rentrons ainsi dans la grande loi générale de Broad-

bent et Charcot, qui veut que l'hémiplégie respecte relati-

vement les muscles à mouvements associés. D'autres symp-

tômes font encore admettre la participation du moteur ocu-'

laire commun à la paralysie. Souvent (thèse Coingt) on voit

signalée l'inégalité pupillaire ; fréquente est la coïncidence

de la déviation conjuguée de la tête et des yeux. Exception-

nellement même on a vu une paralysie de l'oeil.

La participation du moteur oculaire commun à l'hémi-

plégie n'est pas fatale dans tous les cas. Quand la fente pal-

péhrale est plus largement ouverte du côté paralysé, c'est

que la paralysie a frappé davantage l'orbiculaire et que le

releveur de la paupière supérieure est ou indemne ou peu

touché. Le ptosis, par contre, indique qu'il y a prédominance

d'action de l'orbiculaire des paupières, et que par suite le

releveur de la paupière est plus paralysé que l'orbiculaire.

Le moteur oculaire commun ne présente qu'un seul muscle

dont les mouvements ne soient pas absolument synergiques.

Les globes oculaires fonctionnent toujours simultanément,

jamais isolément; leur intégrité n'a donc rien d'extraordi-

naire. Par contre, le releveur de la paupière supérieure est

relativement asynergique, tout au moins chez certains indi-

vidus qui peuvent, les deux yeux étant fermés, ouvrir isolé-

ment chaque oeil. On comprend donc pourquoi la parésie de

la troisième paire se manifeste seulement sur le releveur de

la paupière et encore chez certains individus seulement. ,

Comment le moteur oculaire commun peut-il être atteint

par la lésion ? Nous ne voulons pas faire ici toute la discus-

sion de la localisation corticale du ptosis que l'on trouvera

l'état DU FACIAL SUPÉRIEUR. 27

dans la thèse de Surmont (Lille, 1886). Rappelons seulement

que Charcot et Pitres, de la critique judicieuse des observa-

tions concluent que toute tentative de localisation du centre

du moteur oculaire commun est encore prématurée (1895)

et que si certaines observations tendent à le placer au pli

courbe, d'autres nombreuses contredisent à cette localisation

et le feraient placer plutôt à la zone psychomotrice, à la

partie inférieure des circonvolutions ascendantes.

Bosco le place au-devant du centre du bras, au-dessus de

celui de la face. Nos recherches cliniques nous inciteraient à

admettre cette opinion. Depuis notre communication à la

Société de Biologie (9 juillet 1898), Ilartley Bunting ' d'un

travail sur ce sujet conclut que le releveur de la paupière

supérieure possède un centre situé dans l'extrémité posté-

rieure de la deuxième circonvolution frontale, au-dessus et

avant du point où le place Bosco, un peu plus bas que celui

où Terrier l'indique. Ce centre en résumé serait très voisin

de celui de la face dont il fait en quelque sorte partie.

Depuis que ce travail a été donné à l'impression, nous

avons pu observer quatre nouveaux faits, qui confirment

tout à l'ait nos premières recherches et que nous avons com-

muniquées au Congrès de neurologie d'Angers.

11 nous reste à dire un mot de l'époque d'apparition et de

l'évolution des paralysies du facial supérieur et du moteur

oculaire commun chez les hémiplégiques.

Ces paralysies sont très fréquentes, nous n'osons dire cons-

tantes, au moment de l'apoplexie; elles se montrent quand

le facial inférieur est touché et jamais quand il est indemne.

Très vite elles s'améliorent, conformément à la loi de

Broadbent et Charcot. Il est exceptionnellement rare de voir

la paralysie du facial supérieur et du moteur oculaire com-

mun persister à un degré très accentué ; le plus souvent il

s'agit d'une parésie plus ou moins latente qu'il faut recher-

cher et mettre en évidence.

A mesure que l'hémiplégie guérit et surtout quand le facial

inférieur guérit, l'amélioration se fait rapide du côté du

facial supérieur et du releveur de la paupière supérieure.

Celui-ci reprend le premier l'intégrité de ses mouvements ;

le facial supérieur peut aussi reprendre toute son intégrité

' Lancet, 20 août 1898. Anal, u : Presse médicale, 1898, II, p. 324.

28 PATHOLOGIE MENTALE.

au bout d'un certain temps; c'est ce qui explique les diffé-

rentes opinions des auteurs et comment on a pu soutenir

qu'il échappait toujours à la paralysie.

Coaclzcsioas. - 1° Dans toute hémiplégie d'origine céré-

brale, la paralysie du facial supérieur est de règle toutes les,

fois que le facial inférieur est lui-même paralysé.

20 Cette paralysie du facial supérieur est toujours beau-

coup moins accentuée que celle du facial inférieur ; elle est

aussi beaucoup moins accentuée que dans la paralysie faciale

périphérique.

3° Dans l'hémiplégie, la paralysie du facial supérieur est

pour ainsi dire latente et demande à être recherchée.

4° Le rétrécissement de la fente palpébrale du côté para-

lysé ne peut s'expliquer que par la participation du moteur

oculaire commun à la paralysie.

5° L'intégrité relative du facial supérieur et surtout du mo-

teur oculaire commun ne tient pas à une disposition anato-

mique, isolant ces nerfs de la zone pychomotrice ; elle se

déduit physiologiquement du mode d'action synergique de

ces nerfs.

6° Le facial supérieur a le même centre cortical ou un

centre très voisin du facial inférieur. Les centres corticaux

du facial supérieur et du releveur de la paupière supérieure

sont placés dans la zone psychomotrice.

PATHOLOGIE MENTALE.

LES MÉLANCOLIQUES.

(ÉTUDE clinique) ;

Par le D' Alex. ATIIANASSIO,

Ancien chef de clinique mentale,

Médecin adjoint à l'hospice d'Aliénés Marcoutza (nucarest).

Dans un asile d'aliénés les mélancoliques forment un

groupe à part de malades par l'aspect clinique, l'attitude et

LES MELANCOLIQUES. 2U

les allures bien caratéristiques qu'ils présentent; leur pro-

noaic offre des considérations propres quant à la guérison;

le traitement mérite une attention sévère et continuelle.

Leur attitude, leurs mine, faciéset regard les fontfacilement

distinguer des autres aliénés. En effet, nous n'avons pas ici

l'air hautain, méfiant et soupçonneux du délirant chronique;

ni l'air bonasse, satisfait et content du paralytique général ;

lloeil et le regard brillant et hagard, continuellement en

mouvement et agitation, discourant sans trêve, incohérent du

maniaque; ici non plus l'air hébété de l'épileptique ; ni la

mine et l'air niais et goguenard de l'imbécile, bête et stupide

de l'idiot.

Tout autrement se présentent les mélancoliques : ils ont

l'aspect triste, la tête baissée, les bras pendants, la physio-

nomie altérée, les traits tirés, le visage amaigri et blafard,

l'expression douloureuse, le regard morne, éteint, sans

expression et vivacité, le front ridé; les muscles sourciliers se

désinent et proéminent, leur réunion de chaque côté forme

un oméga grec, la bouche contractée ; ils sont immobiles,

inertes et passifs ; il faut les habiller, les faire lever, marcher, .

manger, etc, sans cela ils ne bougeraient pas. Ils sont par-

fois pris tout à coup d'une espèce de crise impulsive pendant

laquelle ils se livrent automatiquement à des violences et actes

dangereux, crise désignée sous le nom de raptus melancolicus.

Ils peuvent encore se présenter sous un aspect tout à fait

contraire, le visage inquiet, le regard brillant, l'air anxieux

et terrifié. Ils profèrent des pleurs, des cris, des gémissements,

des plaintes entrecoupées, des gestes saccadés, des actes pure-

ment mécaniques et constamment les mêmes. Ils se débattent,

font des inclinations, se déssabillent, se déchirent, se tordent

les doigts, les lèvres, s'écorchent les mains et la face sans

rien sentir et sans y prêter attention.

La première forme clinique constitue la mélancolie simple

ou la mélancolie avec stupeur ; la dernière, la mélancolie

agitée ou anxieuse.

La mélancolie a été rangée parmi les psychoses, sa lésion

anatomique n'étant pas encore connue.

Les centres nerveux paraissent absolument indemnes. On

note parfois des troubles circulatoires (ischémie ou congestion

passive), ou des altérations viscérales qui par sympathie pro-

duisent des troubles cérébraux.

30 PATHOLOGIE MENTALE.

La mélancolie est l'opposé de la manie où il y a une irrita-

bilité très grande de la couche corticale et des centres ner-

veux ; les malades sont très mobiles, expansifs, exubérants

dans leurs idées et actes, incohérents dans leurs discours, et

continuellement en mouvement ; le contraire arrive dans la

mélancolie où il y a une dépression, une sorte d'assoupisse-

ment de l'activité de la couche corticale et des centres ner-

veux. Cet état peut être aussi symptomatique ci d'autres

affections cérébrospinales comme, par exemple dans la

neurasthénie ou dans la paralysie générale à début mélanco-

lique et hypochondriaque.

Le point de départ, l'origine, la cause de cet état de

dépression de l'activité cérébrale paraissent dus à une altéra-

tion soit vasculaire. soit essentielle des neurones de la région

sensitive et sensorielle, qui s'étend plus tard et affecte la sen-

sibilité morale et psychique de l'individu.

La mélancolie est une affection connue depuis bien long-

temps : ainsi le mot mélancolie était déjà usité par Ilippocrate

pour désigner une espèce de folie caractérisée par un délire

. triste. Ce mot a été aliéné (altéré) dans son vrai sens primitif

par des auteurs qui sont allés jusqu'à admettre une mélan-

colie gaie (sauvages) ; Senert et Aretée lui donnèrent la vraie

signification qui fut bien établie par Esquirol, qui désigna la

mélancolie sous le nom de lypéîîiaizie.

Les doctrines humorales de Galien, qui considérait la

mélancolie comme produite par l'altération d'une ou deux

des quatre humeurs et spécialement la bile et l'atrabilc,

opinion qui fut partagée par beaucoup d'auteurs, et même le

nom de mélancolie, trouvait son explication dans la traduc-

tion par bile noire.

La mélancolie est parfois due à une sympathie patholo-

gique, les diverses altérations morbides des viscères et

organes, surtout ceux qui siègent dans l'abdomen, sont sus-

ceptibles de déterminer une folie sympathique ; le cas est

surtout manifeste pour l'hypochondrie qui n'est qu'une variété

de mélancolie.

La mélancolie est caractérisée par une forte dépression

morale douloureuse. Le sentiment pénible douloureux est

lié avec une dépression, torpeur des forces et de l'activité

intellectuelle ; conscient de cet état le malade arrive au

découragement le plus complet ; bientôt l'irritation et l'allé-

LES MÉLANCOLIQUES. 31

ration des centres sensoriels, de l'idéation, du psychique. lui

font commettre des actes désordonnés.

Quand le grand sympathique prend part aux irritations et

altérations des centres nerveux, les malades sont pris

d'anxiété, angoisse précordiale, ont des névralgies diverses :

intercostales, viscérales, etc. ; les centres thermiques et vaso-

moteurs étant intéressés, nous assistons aux troubles de la

température, aux troubles vasomoteurs (cyanose et refroidis-

sement des extrémités, etc.). L'arrêt complet de l'activité

psychique produit la stupeur qui n'est souvent qu'apparente,

l'individu étant très actif dans son for intérieur.

Le sentiment douloureux est lié à une idée d'impuissance

physique et morale qui donne naissance aux idées tristes de

désespoir, de dégoût, manque de confiance en soi-même,

absence de toute initiative, de décision, détermination ; la

volonté en un mot fait complètement défaut; les malades

sont continuellement dominés par leurs idées tristes, inter-

prètent défavorablement les phénomènes et événements

extérieurs, prennent des personnes indifférentes ou amies

pour des ennemis; le moindre événement insignifiant est un

malheur ou la cause et l'origine d'une infortune.

Les faits ne sont plus vus et considérés à leur juste valeur

et comme il faut. Rien ne leur fait plaisir; tout les aigrit, les

fâche, les indispose et les fait souffrir. Ils arrivent à ne plus

être en état de faire quoi que ce soit. Le début de cette

maladie, et surtout la ;mélancolie simple, s'observent plus sou-

vent dans les familles, plus rarement dans les hospices et

asiles d'aliénés où on observe surtout la mélancolie anxieuse

et la mélancolie avec stupeur confirmée.

Les malades, en cherchant une explication à leurs senti-

ments douloureux, se posent la question : Pourquoi est-ce que

je souffre ? Alors surgit l'idée de damnation, punition, culpa-

bilité, criminalité, une faute commise, une simple incorrec-

tion ou inconduite dont l'idée tourmente parfois les malades.

D'autres sont tourmentés par l'idée de ruine; qu'ils ne sont

plus bons à rien, indignes de vivre (humilité) ; d'autres, par

l'idée qu'ils sont malades (délire hypochondriaque, noso-

manie), leur estomac est plein, leurs intestins bouchés; ils ne

peuvent plus rien avaler, ils arrivent à ne plus manger (sitio-

phobie) : ce dernier délire est quelque fois dû au fait qu'ils se

croient indignes de manger. Souvent il y a des hallucinations

112 PA'1HOLOGlIs' mentale.

et des illusions surtout internes, viscérales, qui ont leur ori-

gine dans une perversion ou diminution de la sensibilité gé-

nérale et spéciale. Ces hallucinations et illusions entretien-

nent le délire, lequel à son tour contribue aL soutenir et à

renforcer les hallucinations et illusions; nous avons alors

un cercle vicieux constituant la mélancolie hallucinatoire.

. Le caractère psycho-moteur que prennent parfois les hallu-

cinations nous explique pourquoi les malades qui jusqu'ici

étaient immobiles, apathiques, deviennent subitement très

impulsifs et dangereux et commettent des actes désordonnés

et terribles, des meurtres; détruisent parfois tout ce qui se

présente dans leur chemin, parfois commettent des suicides,

homicides, parricides etc.

La mélancolie anxieuse est caractérisée entre autres symp-

tômes par une angoisse précordiale qui paraît due à une irri-

tation du pneumogastrique; une hypéresthésie, dysesthésie et

enfin une anesthésie des sens et de la sensibilité générale, ce qui

explique la fréquence des blessures et des mutilations que

s'infligent à eux-mêmes les mélancoliques; des névralgies

diverses surtout intercostales et du trijumeau, qui servent à

fixer l'idée mélancolique; elles entretiennent la marche du

délire ou l'état d'angoisse.

Les organes des sens paraissent souvent pervertis dans leurs

fonctions; ainsi le goût et l'odorat leur donnent des sensa-

tions écoeurentes de toute nature. L'organe de la vision, siège

des illusions, plus rarement des hallucinations, exploré d'une

façon minutieuse nous a révélé les particularités suivantes :

Le tonus de l'oeil parait diminué, surtout dans les cas de

mélancolie avec stupeur.

Le regard est terne, fixe immobile; les mouvements du

globe oculaire et surtout le mouvement d'élévation se font

très lentement et difficilement, la réaction pupillaire à la

lumière et à l'accommodation est aussi notablement ralentie.

Les pupilles sont dilatées dans la majorité des cas. L'examen

ophthalmoscopique du fond de l'oeil nous montre une colo-

ration gris-jaunâtre du champ rétinien, que nous croyons

due à un oedème qui envahit la rétine; cela s'observe surtout

dans les cas de mélancolie avec stupeur, quand nous consta-

tons aussi une dilatation des vaisseaux veineux et, par contre

une atrésie des artères de la rétine. La papille est normale

comme coloration, elle n'a pas paru excavée.

LES MÉLANCOLIQUES. 33

Le pouls est habituellement ralenti, ou petit, filiforme,

contracté ; le tracé sphygmographique nous le montre à petit

plateau et ligne de montée très peu élevée, les caractères

d'un pouls à forte tension. Chose explicable si on se rap-

pelle l'état de contraction dans lequel se trouve le système

musculaire du mélancolique, ce tracé nous offre quelques

analogies avec ce que Mantegazza a trouvé dans la douleur; le

tracé pris alors nous donne aussi un pouls diminué d'ampli-

tude, ressemblant beaucoup avec celui du mélancolique, dont

le pouls indiquerait donc par ses caractères une douleur qui

est bien réelle au moins au point de vue psychique.

Dans les états d'agitation comme on les observe dans la

mélancolie anxieuse, le pouls devient accéléré ; de même que

la respiration, le nombre des pulsations peut atteindre 100-

120 par minute, n'étant dans les autres cas de mélancolie

simple ou avec stupeur que bien ralentis, à peine à 35-40 pul-

sations par minute.

La respiration est superficielle, ralentie, incomplète, pro-

portionnellement inférieure au rythme cardiaque, dont les

battements sont aussi ralentis. L'hématose se fait mal, d'où t

la fréquence des congestions passives des poumons. La cir-

culation veineuse se fait mal et l'on observe très fréquemment

l'a;dème des malléoles et des pieds. La température du corps

est abaissée surtout à la périphérie où elle peut descendre

de 2-3 degrés. Les extrémités, mains, nez , oreilles, sont re-

froidies, cyanosées, violacées.

On observe des troubles des fonctions organiques et prin-

cipalement des fonctions digestives. Il est habituel de ren-

contrer de la'dyspepsie avec hyperchlorhydrie ; un enduit sa-

bural épais recouvre la langue ; il existe de la flatulence, de

la constipation, les selles sont extrêmement fétides. Comme

conséquence ! la perte de l'appétit et le refus des aliments qui

amène de l'amaigrissement général. L'haleine des mélanco-

liques est forte, mauvaise, surtout celle des malades qui ne

mangent pas. Les sécrétions sont aussi diminuées, de même

que l'activité génitale. Enfin ils présentent des troubles du

.sommeil, ce qui constitue parfois un des premiers symptômes;

le sommeil est douloureux, pénible, coupé par des rêves, des

.cauchemars et des hallucinations. Les malades caractérisés

par leur attitude, leur contracture et immobilité générale,

leur passivité, ne se mouvant et ne marchant pas, n'accom-

Arciiives, 21 série, t. VII. 3

34 PATHOLOGIE MENTALE.

plissant qu'a peine leurs besoins, finissent par devenir incon-

tinents, gâteux, sales.

On distingue trois degrés dans la mélancolie : 10 mélanco-

lie simple sans délire proprement dit, sans hallucinations ni

illusions ; c'est une forme passive, de même que 2° la mélan-

colie avec stupeur où il y a un arrêt complet de l'activité céré-

brale, cette dernière forme souvent confondue avec la confu-

sion mentale. Mais ici malgré l'apparence d'abolition de toute

activité cérébrale du mélancolique avec stupeur, d'après cer-

. LES MÉLANCOLIQUES. 35

tains auteurs, il existe une activité mentale intense, consti-

tuée par un délire interne caché. Les malades sont minés par

des idées de tristesse, de ruine, d'humilité, de culpabilité, et

3C PATHOLOGIE MENTALE.

à la suite des hallucinations et illusions ils arrivent par

appréhension, méfiance, à un arrêt complet de toutes les for-

mes et manifestations d'activité cérébrale dans un état de

LES MÉLANCOLIQUES. 37

stupeur complète. 3° La mélancolie anxieuse est une forme

active avec agitation ; ici il y a des hallucinations psychomo-

trices qui suivent quelque fois la sensation d'angoisse pré-

cordiale, laquelle se propage plus haut aux centres moteurs

céphaliques ; c'est alors que les malades commettent diffé-

rents actes désordonnés (meurtres, suicides, destructions, se

jettent par la fenêtre). Cette dernière forme est encore assez

fréquente ; c'est elle qu'on observe surtout dans les asiles où

ces malades sont surtout amenés pour sauvegarder la sûreté

publique et pour être soumis à une surveillance indispen-

sable et souvent impossible dans les familles.

Les sensations, délires et hallucinations des malades peu-

vent être isolés ou rouler dans un même ordre d'idées, comme

par exemple dans la mélancolie religieuse ou nrédomine le

délire religieux ; les malades, et ce sont surtout les dévots

qui en sont atteints, prient continuellement ; ils disent que

Dieu les abandonne, que les démons les ont saisis, possédés,

etc. ; dans la forme nosomane et hypochondriaque, ce sont

les préoccupations de leur santé, les sensations et hallucina-

tions internes, viscérales, organiques qui prédominent ; les

malades ont peur des maladies : exemples, syphiliophobie,

phobie, des intoxications, et toutes leurs sensations se con-

centrent autour de ces idées. Donc, selon les idées, délires,

sensations qui prédominent, nous aurons des formes diverses

de mélancolie.

Lamélancolie est une affection curable : ai0 et plus p. 100

de guérisons. Il n'y a que les formes qui se prolongent trop

longtemps : plus que six à huit mois, époque vers laquelle

on peut espérer encore la guérison de la mélancolie ; après

cette durée, la mélancolie tend à devenir chronique et a finir

par la démence si une affection intercurrente ne vient hâter

la fin du malade. L'apparition d'un délire spécial, ainsi

nommé délire de négations, délire d'immortalité, dénote

l'incurabilité. Tout manque à ces malades ; ils n'existent

plus, n'ont plus d'organes ; ils ne mourront plus jamais , ces

délires apparaissant tardivement dans la mélancolie sont

caractéristiques de l'incurabilité.

Malgré les formes curables, il est à noter que la dépression

morale dont sont atteints les malades se répercute aussi sur

les actes physiques et physiologiques ; ils ne respirent plus

suffisamment, se nourrissent mal ; l'assimilation ne se fait

38 ' PATHOLOGIE MENTALE.

pas, la circulation est en défaut (pouls ralenti, cyanose des

extrémités, température abaissée) ; ces divers troubles abou-

tissent à la misère physiologique, qui amène et favorise

l'éclosion de la tuberculose, une terminaison fréquente des

mélancoliques.

La sitiophobie et le délire qui la produit doivent être

combattus à toute force, étant donné que cette phase déli-

rante peut se modifier et la maladie changer favorablement

son caractère et la guérison survenir. De même la tendance

au suicide doit être l'objet d'une surveillance attentive et

continuelle.

11 faut ne pas oublier aussi que, sous le masque de l'im-

passibilité, de la concentration, de l'immobilité (stupeur), se

cache souvent un délire des plus actifs, et ce tableau extérieur

des plus trompeurs cache souvent des tendances destructives,

terribles, inattendues et subites; cette fureur dangereuse

constitue le raptus melaucolicus qu'on observe surtout dans-

la forme anxieuse de la mélancolie.

On combattra la sitiophobie, refus de manger en nour-

rissant artificiellement les malades par la sonde oesophagienne -

ou nasale, ce qui vaut mieux que les lavements nutritifs.

On arrivera bien difficilement, et la peine sera presque

toujours inutile en voulant persuader les malades de l'inanité

de leur délire, qui occasionne la sitiophobie, c'est-à-dire

qu'ils n'ont pas d'estomac ou que ce dernier, ainsi que leurs

intestins, sont pleins, bouchés, collés, ou encore ce qui arrive

chez d'autres malades qui ne mangent pas parce qu'ils se

croient indignes de vivre, qu'ils sont coupables, criminels,

damnés, etc.

Comme traitement médicamenteux, l'opium à doses pro-

gressives, 0,10 centigrammes et plus par jour, ainsi que les

injections hypodermiques de morphine trouvent ici leurs

indications souvent efficaces. Les toniques et stimulants

généraux seront aussi un utile adjuvant. L'hydrothérapie

consistant en des bains de vapeur suivis de douches froides,

affusions, ainsi que l'électricité, snrtout la frankiinistion,

douches électriques seront essayés, parfois avec un réel

bénéfice. '

Observation I. La nommée Guiselle Gr..., âgée de cinquante-

huit ans, ménagère, entre à l'hospice le 4 janvier 1895.

Jitat physique. Débilité marquée. Tremblements légers aux

LES MÉLANCOLIQUES. 39

membres supérieurs. Les pupilles sont égales, mais réagissent len-

tement. Le réflexe pharyngien normal, le réflexe rotulien exagéré.

Les réflexes des extenseurs et des fléchisseurs aux membres supé-

rieurs normaux. Pas de tremblements de la langue. La parole est

normale.

La sensibilité cutanée à la douleur et à la température complè-

tement abolie.

Les battements cardiaques exagérés, mais courts, les artères sclé-

reuses. Les autres organes normaux.

Etat psychique. - L'aspect de la malade dénote la tristesse et

l'abattement, elle tient la tête penchée sur la poitrine et se lamente

sans cesse. Parfois elle se couche par terre et refuse de se mettre

au lit. Aux questions que nous lui posons elle répond directement

et sans hésiter. Les réponses données correspondent aux questions

posées. La mémoire est complètement conservée tant pour les

faits récents qu'anciens. La malade nous répond exactement aux

questions de son âge, du nombre de ses enfants, sur l'époque de

la mort de son mari.

Demandée pourquoi elle se plaint toujours ? Elle nous répond

qu'elle a commis des péchés, mais elle n'est pas en état de nous

donner des renseignements sur les faits dont elle s'accuse. Malgré

toute insistance pour apprendre le moindre détail sur ses péchés,

on n'obtient que la réponse invariable : j'ai commis des péchés.

Les premiers jours de son entrée, la malade a eu des hallucina-

tions, surtout la nuit, elle voyait, disait-elle, des Turcs et des

Grecs, etc. Aujourd'hui les hallucinations ont disparu. Les senti-

ments moraux affectifs ainsi que le sentiment de la pudeur et de

la propreté sont conservés. Le sommeil est troublé d'une façon

notable, la malade ne dort pas sans hypnotiques.

Le 25 janvier, survient un affaiblissement marqué, la malade

n'est plus en état de se tenir debout, et couchée, elle n'est pas en

état de se lever.

Les facultés intellectuelles sont aussi amoindries, la malade n'est

plus en état de donner une réponse, quelque insistance que nous

mettons à la questionner.

Les yeux et le regard troubles, dirigés en bas. On note aussi un

léger mouvement fébrile.

Observation II. Le nommé C. Putride, m'é de vingt ans, entre

à l'hospice le 27 janvier 1895.

Etat physique. Constitution faible.

Antécédents héréditaires. Rien à noter.

Antécédents personnels. Le malade a eu, dans son enfance,

plusieurs abcès scrofuleux dont on voit encore les traces et cica-

trices dans la région cervicale. Dans ces derniers temps, il a eu

aussi des écoulements d'oreille. Le patient vivait toujours retiré,

40 PATHOLOGIE mentale.

était très déprimé et émotif. Les parents supposent qu'il se donnait

à la masturbation et qu'il avait contracté la syphilis dernièrement.

Au commencement de sa maladie mentale qui s'est déclarée il

y a une année, le malade a eu des vertiges et une peur inexpli-

cable, il était souventagité et même impulsif; puis est survenue une

période de dépression quand il fut amené à l'hospice.

A l'examen, rien à noter d'anormal du côté du crâne et de la

face, il n'y a pas d'asymétrie appréciable. Les lobules des oreilles

sont adhérents, la voûte palatine est profonde. On observe quel-

ques irrégularités dans l'implantation des dents.

Sur toute l'étendue du thorax nous trouvons une éruption acnéi-

forme. Les pupilles sont égales, dilatées, le réflexe lumineux est

conservé, de même le réflexe cornéen. Le réflexe pharyngien est

diminué. On observe des légers tremblements de la langue. La

parole, quoique traînante et paresseuse, n'est pas hésitante ni

difficile. Les extrémités supérieures offrent des tremblements, les .5

mouvements des membres sont lents. La force musculaire est

notablement diminuée. Les réflexes rotuliens diminués. La marche

est lente et difficile di cause de la diminution de la force muscu-

laire.

Le patient présente un tremblement presque continuel de la tête,

nous observons de même des mouvements continuels de la langue,

comme s'il était à goûter quelque chose. La sensibilité générale au

toucher, à la température et à la douleur est un peu diminuée et

retardée. La sensibilité spéciale paraît bonne, mais l'état mental

du malade ne permet pas de s'en rendre un compte exact. La lan-

gue est chargée, saburrale ; la peau sèche. Les battements du coeur

tantôt trop puissants, tantôt trop faibles. Rien à noter du côté des

autres organes, excepté les poumons qui paraissent suspects. Le

patient mange bien, sans modifier toutefois son état de dénutri-

tion très avancée. Incontinence des matières fécales et de l'urine.

Après un séjour à l'hospice sans amélioration bien notable, il est

repris par la famille le 19 juin 1895.

Observation III. La nommée S.-Meh. Bad..., âgée de trente

ans, mariée, entre à l'hospice le 17 février 1895.

Etat physique. Lamalade est de faible constitution, le système

musculaire et osseux peu développés. Les pupilles sont inégales, la

droite un peu plus dilatée, elles réagissent bien à la lumière et à

l'accommodation. La malade distingue bien les couleurs. La langue

offre des légers tremblements. La parole est claire. Le réflexe pha-

ryngien normal, le réflexe rotulien un peu exagéré. Les membres

supérieurs présentent des tremblements très marqués. Les réflexes

des extenseurs et des fléchisseurs normaux. La sensibilité générale

à la douleur et à la température, normale. Le sens musculaire

ainsi que les sens spéciaux ne sont pas altérés. Les ovaires sont

LES MÉLANCOLIQUES. 4't

douloureux à -la pression. La marche est normale. Les autres

organes sont sains. La malade avoue des abus alcooliques et nous

dit qu'elle aime encore les liqueurs et surtout le kirsch ?

Etat psychique. L'aspect de la malade est triste, le regard fixe

et surtout dirigé en bas. La tête penchée et inclinée vers le tho-

rax, elle ne se meut que provoquée et garde longtemps la même

position.

Elle se soumet très docilement à l'examen, sans prononcer aucun

mot. Elle répond difficilement aux questions posées, elle paraît

réfléchir longtemps à la réponse et c'est seulement après un long

intervalle de réflexion et si nous répétons plusieurs fois la demande

qu'elle nous répond enfin à la question posée. Les réponses sont

très courtes, les plus longues réponses consistent dans une proposi-

tion simple. La mémoire est très altérée, autant pour les faits ré-

cents qu'anciens. La malade ne se rappelle plus combien d'enfants

elle a eu, elle ne sait plus ce qui est arrivé avant son interne-

ment à l'hospice. Elle arrive bien difficilement à se rappeler les

noms de ses parents et de ses frères. Interrogée sur son âge, elle

nous répond, quinze ans. Si elle a encore une soeur ? Elle répond

qu'elle a encore une soeur plus petite, nommée Zoé, âgée de dix-

huit ans. En lui demandant comment est-il possible que sa soeur

ZoC. de dix-huit ans, soit plus petite qu'elle, qui a quinze ans ? Elle

répond : Ma soeur a dix-huit ans, moi, je n'ai que quinze ans, ma

soeur Zoé est plus petite que moi. On voit par cette réponse que le

raisonnement est altéré. La malade n'a pas d'hallucinations ni

d'illusions. Les sentiments affectifs et de pudeur ne sont pas alté-

rés. Le sommeil est troublé et interrompu par des rêves, mais la

malade ne peut pas nous préciser la nature de ses rêves, elle nous

dit seulement que quand elle se réveille, il lui semble qu'elle soit

tombée de quelque part.

Observation IV.- La nommée St. Lambr. Ghet, âgée de trente-

cinq ans, ménagère, entre a l'hospice le 10 mars 1895, ne présen-

tant rien de pathologique du côté physique; la marche est un peu

difficile, ce qui tient à l'état psychique de la malade, comme nous

le verrons dans la suite. A noter une légère hypertrophie gan-

glionnaire dans les régions inguinales. Les autres organes se trou-

vent à l'état normal.

Etat psychique. L'attitude de la malade dénote la tristesse,

l'abattement et l'anxiété, la figure contractée. le front ridé. Tout

dans sa mine exprime l'anxiété et l'inquiétude. Elle se soumet dif-

ficilement à l'examen, ayant peur qu'il ne lui arrive quelque chose

de mal.

Elle répond très difficilement aux questions, nous devons insister

près d'une demi-heure pour avoir une réponse et alors elle ne nous

dit qu'un seul mot, après ce mot obtenu, il est même impossible

42 PATHOLOGIE MENTALE.

d'arracher un seul autre mot à la malade, malgré toutes les insis-

tances possibles ; ainsi que, nous ne pouvons pas nous rendre

compte de l'état de la mémoire, de la perception et du raisonne-

ment de notre malade, ainsi que de ses sentiments ou délires.

. La malade se plaint et soupire continuellement, se retire dans

un coin ou lieu isolé, se couche par terre et reste ainsi des heures.

entières. Quand quelqu'un s'approche de la malade, on observe

qu'elle est saisie par la peur, l'inquiétude, elle se serre alors contre

elle-même comme si. quelqu'un la menaçait. Autant on insiste de-

plus avec les questions et l'examen, autant l'anxiété et l'inquiétude

de la malade augmentent, et quand nous nous retirons de notre

examen médical, la malade soupire profondément comme soulagée

et comme si elle avait échappé à un grand mal.

Observation V. La nommée Berthe Silherg..., âgée d'environ

vingt-six ans, entre à l'hospice le 2T mai 1895.

Antécédents personnels . A la suite d'une fièvre typhoïde qu'elle

a contractée en 1893, la malade resta atteinte dans ses facultés

intellectuelles, puis graduellement s'est installé un état de stupeur

avec mutisme, interrompu de temps en temps par des états d'agi-

tations impulsives.

Etat physique. Constitution faible, les muscles les os et les

téguments à l'état normal, peu développés. Les pupilles sont dilua-

tées, réagissent bien à la lumière et à l'accommodation. La langue

n'offre pas de tremblements. La sensibilité générale à la douleur

et à la température est légèrement diminuée. La sensibilité spé-,

ciale normale. Le pouls petit, filiforme. Les pieds et les mains

(extrémités) sont froids, cyanoses. Les ovaires ne sont pas dou-

loureux à la pression. Il n'existe pas de zones hystérogènes. Il n'y

a pas d'hypertrophie ganglionnaire dans aucune région Les organes

thoraciques et abdominaux sont sains.

Etat psychique. La malade se présente avec un air triste et

abattu, elle reste des heures entières immobile, la tête appuyée sur.

la poitrine, les yeux fixés en bas. Elle garde un mutisme absolu,

il est impossible de lui arracher un seul mot de sa bouche, malgré

toutes les insistances possibles. Il est donc impossible de rien

apprendre sur l'état de ses facultés intellectuelles et sur son état

moral. Ce mutisme est de temps en temps interrompu par des

périodes d'agitation impulsive, quajid la malade profère des mots

dénués de sens, émet des cris déchirants et .frappe de tous les

côtés.

Elle refuse absolument le manger, on est forcé de la nourrir à

la sonde oesophagienne. Elle fait normalement ses besoins physio-

logiques et est relativement propre. Elle est presque toujours cou-

chée et dort longtemps. Elle ne parait pas avoir d'hallucinations

ni d'ill usions.

LES MÉLANCOLIQUES. 43

Observation VI. Le nommé Pierre Naftica, laboureur aux

champs, âgé de trente-deux ans, entre à l'hospice le 3 août 1895.

Etat physique. Le malade est haut de taille, de constitution

moyenne. Les pupilles sont dilatées, égales, réagissent bien à la

lumière et à l'accommodation. La langue offre des légers tremble-

ments. La parole normale, ne présentant aucune difficulté. Le ré

ilexe pharyngien est conservé. Il n'y a pas de tremblements aux

lèvres, ni de contractions dans les muscles de la face. Les membres

supérieurs ne présentent pas de tremblements aux extrémités. La

force musculaire est diminuée. Les réflexes des fléchisseurs et des

extenseurs sont augmentés.' La marche est bonne. Les réflexes

rotuliens exagérés. La sensibilité générale à la douleur est un peu

obtuse, le malade ne localise pas bien la place où il a été piqué. La

sensibilité spéciale n'offre rien de particulier. Le coeur n'offre rien

d'anormal. Le pouls est petit, filiforme, les extrémités et la face

sont froides et cyanosées. Le tube digestif n'offre rien de patholo-

gique. A la bouche, les gencives sont congestionnées, et par place

ulcérées, les dents présentent un liséré noirâtre. Le foie est aug-

menté de volume, mais il n'est pas douloureux à la pression. Les

ganglions inguinaux augmentés de volume.

Etat psychique. Le malade se présente convenablement,

humble, modeste, l'air triste, le regard dirigé en bas, les mouve-

ments lents. La perception est bonne, le malade répond de suite à

nos queslions, mais la réponse ne correspond pas aux questions que

nous lui posons. La mémoire est diminuée tant pour les faits ré-

cents qu'anciens. Le raisonnement du malade est altéré, il croit

être amené ici (à l'hospice) pour expier les péchés et sacrilèges

qu'il a commis. L'idéation et l'association des idées sont réduites.

Le malade est déprimé, découragé, toujours la tête penchée, incli-

née en ha*, en faisant des gestes curieux ; il a un délire d'auto-

accusation, il s'incrimine d'avoir commis des actes bestiaux, des

attentats génitaux sur les animaux, des choses qui ne sont pas per-

mises aux hommes et que Dieu va punir, qu'il est enfin indigne

qu'un homme comme lui vive, etc.. La volonté est abolie, il ne

manifeste aucun désir, rien ne peut le faire sortir de son état de

torpeur.

Observation Vlf. Le nommé Jeau-Tudor Petros...,' âgé de

vingt-six ans, cordonnier, entre à l'hospice le 18 octobre 1895.

Etat physique. Le malade est de petile taille, le système mus-

culaire et osseux bien développés, ne présente pas d'asymétrie du

crâne ou de la face. Les lobules des oreilles ne sont pas adhérents,

les dents régulières bien implantées, la voûte du palais est pro-

fonde. Les pupilles sont dilatées, le réflexe lumineux et accommo-

dateur se fait normalement, La figure est congestionnée. Il n'existe

pas de troubles moteurs dans les muscles de la face et de la langue.

44 if PATHOLOGIE MENTALE.

La parole est bonne, mais toujours lente, il parle en tenant la

bouche fermée. Les extrémités des membres supérieurs froides et

légèrement cyanosées. Nous observons des légers tremblements en

masse des mains. La force musculaire est diminuée. Le réflexe

rotulien est normal. La marche n'est aucunement troublée. La sen-

sibilité générale au toucher, à la température et à la douleur est

conservée. On observe pourtant que la sensibilité à la douleur est

un peu émoussée, le patient supporte facilement les piqûres qu'on

lui fait, les localise bien. La sensibilité spéciale conservée dans

toutes ses manifestations. Rien d'anormal aux autres viscères et

organes. Les ganglions inguinaux sont un peu augmentés de

volume. "

.Ë'<6ttp')/c/t ! <y ! fe.L'attitude et l'expression du malade dénotent la

dépression et la tristesse. La perception est gardée. L'association

des idées et le jugement sont atteints. La mémoire est altérée. La

volonté est en défaut.

Aux interrogations, le malade ne nous répond pas le plus sou-

vent, il ne nous donne que des réponses bien rares, et alors il ne

prononce qu'un seul mot et très lentement. Il reste loutela journée

couché dans son lit et enveloppé sous sa couverture. On ne recon-

naît pas de motifs sérieux à sa tristesse, toutefois il parait cou-

vaincu que ses facultés mentales sont ébranlées. Souvent il pleure,

en nous disant qu'il désire sa mère et qu'il ne sait pas où elle est.

L'acte médico-légal qui a motivé son internement dans l'hospice,

mentionne deux tentatives de suicide, et qu'il s'est laissé aller à

commettre des actes impulsifs envers sa mère et d'autres personnes.

Après une année de séjour à l'hospice, un beau jour très agité et

sous l'empire d'un délire, en état de raptus melancolicus, le malade

vole un couteau qui servait à l'atelier de cordonnerie, se cache et

s'ampute toute la verge; l'écoulement de sang très abondant et la

douleur qu'occasionne cette mutilation, le font crier et avouer au

surveillant et à l'interne ce qu'il a fait, sans donner les motifs ou

raisons qui l'ont poussé à commettre cet acte.

Observation VIII. Le nommé Jonita Popp..., âgé de vingt ans,

entre à l'hospice le 28 décembre 1895.

Etat p/i ? Me.Taiile moyenne, les tissus musculaire, osseux et

cellulaire sous-cutané peu développés. Les téguments pâles. On

'observe un léger degré d'asymétrie faciale. La voûte du palais est

excavée. Les pupilles sont égales, le réflexe lumineux se produit

normalement, le réflexe accommodateur ne se fait pas complète-

ment. Le réflexe pharyngien est diminué. Il n'existe pas de trem-

blements fibrillaires de la langue et des lèvres. La parole est nor-

male. Il n'y a pas de tremblements aux membres supérieurs. La

force musculaire est diminuée. La marche est normale. Le réflexe

rotulien est aboli. La sensibilité générale à la douleur et à la tem-

LES MÉLANCOLIQUES. 48

pérature est notablement diminuée. Les sens spéciaux normaux. Il

n'y a pas de signes de syphilis. Le foie, le coeur et tous les autres

organes de la vie végélative sont normaux. Rien à remarquer du

côté des organes génitaux, qu'une conicité du gland, le patient

s'étant adonné beaucoup à la masturbation.

Etat psychique. Le malade parait très peu inquiet et préoc-

cupé. En imprimant au malade diverses positions, il les garde

(calatonie) et cela pendant longtemps sans se fatiguer. Ainsi en lui

dirigeant la main en haut verticalement ou horizontalement en

avant, il garde cette position très longtemps, de même en donnant

à sa tête une situation penchée, inclinée dut droite ou à gauche,

renversée en arrière, il ne change pas cette position. Les traits de

la figure sont altérés, le regard est éteint, les mouvements sont

lents. Tout son extérieur dénote une dégradation intellectuelle et

physique. La perception se fait bien. Quoiqu'il comprenne bien ce

qu'on lui demande, il ne répond qu'à la suite des menaces. L'asso-

ciation des idées est bonne, chaque fois que nous arrivons à avoir

une réponse de lui, on observe une cohérence entre ses idées. A

cause de son mutisme relatif, nous ne pouvons nous faire une idée

sur l'état de ses facultés intellectuelles et sur sa mémoire. La mé-

moire pour le calcul paraît bonne, il est en état de faire des petits

calculs, surtout des opérations à un seul chiffre, sans trop de com-

plications. En général, tout travail psychique, toute manifestation

intellectuelle est une grande peine pour lui. Une grande paresse

intellectuelles le domine. Il parait tout à fait indifférent au milieu

qui l'entoure, et ne manifeste pas le désir de quitter le service. Il

n'a pas d'illusions, ni d'hallucinations d'aucun sens spécial ou

internes. Il est congédié en 1896.

' Le malade est ramené à l'hospice, le 30 juillet 1897, présentant

les mêmes symptômes que la première fois, en exceptant pourtant

les états catatoniques, qui paraissent cette fois beaucoup moins

accentués; les autres symptômes; au contraire, bien plus accen-

.tués.

Ainsi, le patient est amené à la suite d'une agitation et désor-

' dination extrême, comme il l'avoue lui-même; il cassait les vitres,

mangeait des excréments, ne parlait rien. Il est très récalcitrant.

' Les sentiments affectifs diminués. Questionné s'il désire les siens,

il nous répond qu'il ne désire personne. Il est incontinent des ma-

tières fécales et de l'urine ; fiés sale; dort bien.

31 juillet. - Le malade est dans l'immobilité, dans un état de

mutisme absolu; inconscient, très sale; on ne remarque rien de

nouveau.

3 août. - Le même état. On n'arrive à avoir un mot de lui que

par des menaces.

5. Il commence à répondre aux questions, quoique avec

quelques hésitations; il. demande des journaux, qu'il lit en se pro-

46 PATHOLOGIE MENTALE.

menant dans le jardin. Il rit quand nous le questionnons un peu

plus longtemps et nous donne des réponses, quoique bien courtes.

15. Même état. 5-20 octobre. Il parle plus, n'est plus si

retiré, ne reste plus seul. ,

Observation IX.- La nommée Zili Glassb, âgée de trente ans,

ménagère, entre à l'hospice le 5 janvier 1896. Des antécédents de

la malade, nous n'apprenons que ce seul faitquiotfrequelque inté-

rêt : que la malade a tenté deux fois le suicide en se coupant le

cou avec un couteau.

Etat physique.- Constitution faible, les systèmes musculaire os-

seux et le li.-su cellulaire sous-cutané médiocrement développés;

elle présente à la région antérieure du cou une cicatrice linéaire,

les suites d'une coupure faite avec un instrument tranchant.

Les pupilles sont égales et réagissent bien à la lumière et à l'ac-

commodation. Les réflexes des membres supérieurs et le réflexe

rotulien sont normaux; elle n'a pas de tremblements de la langue

ou des lèvres, mais elle présente de légers tremblements des

doigts. La sensibilité culanée à la douleur est obtuse. La pression

de la région des ovaires est un peu douloureuse. Les battements

du coeur sont normaux. un peu diminués et éloignés. Le pouls est

petit, presque filiforme.

Etat psychique. La malade a l'aspect triste, est très abattue,

elle reste retirée, ne parle pas, répond avec grande difficulté seu-

lement à quelques questions, surtout à celles qui se rapportent à

son état moral; elle nous dit alors : c qu'elle est une pécheresse,

une malheureuse, qu'elle regrette de n'être pas morte lorsqu'elle

s'est coupé le cou, qu'elle ne doit pas manger, pour plusieurs rai-

sons : 1° pour mourir; 21 parce que son estomac est trop plein

d'aliments ». Parfois elle dit qu'elle n'a pas d'estomac, d'autres

fois elle demande à lui ouvrir l'estomac pour en extraire des ali-

ments qui y sont en trop grande quantité. Elle a des hallucinations

visuelles, elle voit passer devant elle des foudres, des flammes, etc.

L'intelligence n'est pas normale, le raisonnement est altéré par

le fait,que la malade soutient que; si elle ne mangeait pas, elle

vivrait plus longtemps, et que si elle mangeait, nous serions forcés

de lui opérer l'estomac pour lui extraire les aliments. La mémoire

est boune : elle se rappelle qu'elle s'est coupé le cou, nous dit Je

nom de son mari et de ses enfants. L'affection pour ses enfants

est exagérée, elle pleure quand on lui eu parle et demande qu'on

la laisse partir pour voir ses enfants. Elle mange très peu et après

de longues insistances. Elle dort bien la nuit et est propre. La

malade succombe le 13 mars à la suite.de la tuberculose.

Observation X. La nommée Sophie Tassovici, élève, âgée de

dix-huit ans, entre à l'hospice le 26 janvier 1896.

. LES MÉLANCOLIQUES. 47

Stigmates physiques. Une asymétrie faciale : l'arcade zygoma-

tique et l'os malaire du côté droit plus proéminents. Des stries

longitudinales sur la face antérieure des dents incisives, qui sont

rares. La voûte palatine, ogivale et profonde. Les lobules des

oreilles sont pour ainsi dire absents, tellement ils se continuent

avec la peau voisine, de même l'hélix qui paraît s'insérer directe-

ment à la surface cutanée.

Antécédents personnels. tntettigente et studieuse, mais d'un

caractère irritable, d'après ce que nous écrit la famille; la malade,

après avoir terminé les cours de l'école professionnelle de Bue...,

ayant à passer l'examen de diplôme, s'est surmenée beaucoup en

travaillant et étudiant des nuits entières, continuellement inquiète,

pleurant souvent de peur d'échouer à l'examen.

Le 13 août 1895, vers minuit, la malade tombe de son lit,

criant : « Je suis un fantôme ! Je suis empoisonnée. » Après trois

jours d'agitation, la malade commence à se calmer, mais elle est

alors prise de vomissements; la malade était constipée depuis

cinq jours. ,

Jusqu'au 20 septembre, elle mangeait encore, mais à partir de

cette époque elle commence à refuser les aliments, et même les

médicaments. A partir du 15 janvier 1896, elle ne parle plus, et on

observe que la salive s'écoule de sa bouche sur ses habits.

Examen physique. La patiente est de stature moyenne, de

constitution débile; le système osseux bien développé; le système

musculaire et le tissu cellulaire sous-cutané un peu moins. La face

est couverte de nombreuses pustules d'acné et de comédons. Il n'y

a pas trace de lésions externes. Les extrémités thoraciques et abdo-

minales sont froides et cyanosées. La salive s'écoule abondamment

et continuellement de ses lèvres, la bouche étant entr'ouverte. Les

pupilles sont égales et réagissent lentement à la lumière. Le pouls

est petit, déprimé (110 pulsations par minute). Les battements du

coeur sont forts et sonores; la respiration superficielle et lente. La

sensibilité générale à la douleur esteonservée; la malade commence

à pleurer quand nous la piquons avec une épingle, et après insis-

tance à nous montrer l'endroit où elle a été piquée, elle dirige

lentement sa main vers l'endroit piqué. Les réflexes pharyngien,

rotulien et des extenseurs du bras sont exagérés.

L'alimentation se fait difficilement, la malade se montre indif-

férente et refuse les aliments. Le sommeil est bon. Pas de tremble-

ments de la langue, des lèvres et des doigts.

Examen psychique. La malade se présente dans une tenue

absolument négligée; sale par les aliments et la salive; dans une

immobilité absolue; la figure contractée, douloureuse; prête à

pleurer; le regard fixé vers un point, triste; les sourciliers et orbi-

culaires contractés; les sillons naso-géniens prononcés; la lèvre

supérieure relevée; le corps incliné; les mains pendantes. z

48 PATHOLOGIE MENTALE.

La malade est en état de rester des heures entières dans cette

position. Elle garde un mutisme absolu malgré toutes nos ques-

tions, que nous répétons souvent ; très rarement elle chuchote

quelque chose d'incompréhensible, gémit, soupire et est prête à

pleurer; les yeux s'humectent. Elle paraît ne pas comprendre, ou

au moins comprendre difficilement ce que nous lui disons. La

volonté lui manque; cela s'observe surtout quand nous lui com-

mandons d'exécuter un mouvement, qu'elle exécute très tardive-

ment et lentement, et, parfois, pas du tout. La patiente est indilfé-

rente à tout ce qui se passe autour d'elle, et même pour ses be-

soins physiologiques si elle n'est pas poussée. Elle ne mange pas;

on est forcé de lui introduire les aliments dans la bouche, et encore

elle y met de l'opposition.

Le 20 février, nous observons un changement notable. L'expres-

sion de la figure est plus variée, plus expressive; quand la malade

nous voit, ou quand nous lui adressons la parole, elle commence à

sourire et tâche essaye- de nous répondre, mais si faiblement,

et en chuchotant, que nous ne pouvons pas la comprendre. Les

extrémités ont commencé à reprendre leur coloration naturelle.

Elle ne refuse plus les médicaments et les aliments, et mange seule.

Observation XI. La nommée Sophie Veiner, ménagère, âgée

de vingt-quatre ans, entre à l'hospice le 15 janvier 1896.

Antécédents personnels . Cinq semaines avant son entrée à l'hos-

pice, la malade rentrant chez elle, de retour de son atelier, trouve

la porte de sa maison fermée, mais l'intérieur étant éclairé, elle

s'est effrayée ; depuis ce moment, son état mental devient anormal,

en présentant les symptômes suivants : une agitation toute la

nuit; elle accuse les autres filles de l'atelier de l'avoir ensorcelée

et qu'elles vont l'empoisonner; elle fait des choses désordonnées;

ainsi, vers une heure après minuit, elle commence à blanchir du

linge; elle consomme une boite d'allumettes en essayant- d'allu-

mer une bougie; elle court dans la rue. paile sans aucune cohé-

rence, frappe et abime tout, ditdcs injures, finalement tombe dans

un état de dépression et ne prononce plus aucun mot à haute

voix, mais chuchote de temps en temps des mots qu'on entend à

peine et qui sont dénués de tout sens.

. Etat physique. La malade est petite de taille, prognathe, les

dents sont irrégulièrement implantées, les systèmes musculaire et

osseux médiocrement développés, ne présente aucune trace de

lésions ou violence. Les pupilles égales, réagissent % la lumière et

à l'accommodation. Les réflexes' des membres supérieurs et les

réflexes rotuliens sont normaux. Il n'est pas possible de constater

l'état du réflexe pharyngien, ni si la malade présente des tremble-

ments de la langue et des doigts, la malade s'opposant à cet

examen.

LES MÉLANCOLIQUES. 49

La sensibilité cutanée n'est pas normale; on constate une plaque

d'anesthésie au bras droit, de même des points anesthésiques sur

diverses régions du corps, où la sensibilité à la douleur est exagé-

rée, exemple aux régions mamellaires et ovariennes. Les batte-

ments du coeur sont précipités, mais les bruits sont normaux. Rien

à noter du côté delà respiration.

Etat psychique. - L'altitude de la malade est très abattue, le

faciès exprime la tristesse, la douleur, l'anxiété, la peur; il parait

qu'elle ne trouve pas sa place, elle fuit d'un lit à un autre, d'un

coin dans un autre; de sa bouche s'écoule une bave fétide et

abondante, que la malade laisse s'écouler involontairement; elle

ne s'essuie pas; ainsi que ses vêtements, les draps de son lit sont

humides. Il est impossible de juger sur l'état de sa mémoire, de

ses idées, de son intelligence et de son raisonnement, la malade

gardant un mutisme obstiné à toutes nos questions, sauf quelques

chuchotements incompréhensibles.

La visite de ses parents ne lui fait aucune impression, ainsi que

celle de son mari, auquel elle tenait beaucoup jadis. La patiente a

gardé le sentiment delà pudeur, elle serre les jambes quand nous

la découvrons. Le sentiment delà propreté, absent. Incontinence

des matières fécales et de l'urine.

Observation XII.Le nommé Jean Huzum, âgé de trente ans,

entre à l'hospice, le 10 mars 1896.

Etat physique. Le patient, de taille moyenne, de constitution

robuste, présente une légère asymétrie faciale, le côté gauche plus

développé; la voûte palatine est profonde; pas de trace de violence (

sur toute l'étendue du corps. Les pupilles sont égales, contractées,

réagissent bien à la lumière, à l'accommodation et par réaction

sensitive.

Il ne présente aucun signe pathologique nerveux (signe de

Romberg, signe de Biernacki, etc., absents). Légers tremblements

de la langue et des doigts. La parole courante et normale. La

marche est bonne. Le réflexe pharyngien parait un peu diminué,

le réflexe cubital, des extenseurs et fléchisseurs des doigts, le réflexe

rotulien sont conservés ; de même le réflexe plantaire et crémasté-

rien.

La sensibilité générale au toucher et à la température, conservée;

la sensibilité à la douleur est un peu diminuée; le malade ne peut

indiquer d'une façon précise l'endroit où on le pique. L'odorat et

le goût sont normaux. Les ganglions inguinaux paraissent engor-

gés de deux côtés, mais pas bien classiques, de la syphilis. Les

clavicules et les tibias sont réguliers. Rien de pathologique à no-

ter du côté des viscères et des autres organes. ZD

Etat psychique. L'attitude du malade est très tranquille, con-

venable; le regard fixe; la figure triste, déprimée; les extrémités

Archives, 2° série, t. VII. 4

50 RECUEIL DE FAITS.

un peu cyanosées. Il se lient toujours à l'écart, et c'est à grand'-

peine que nous l'amenons pour l'examiner. Il exécute avec diffi-

culté ce qu'on lui dit et répond difficilement, et seulement après

insistance, aux questions qu'on lui pose. Si nous persistons plus

longtemps dans notre examen, il se fâche, s'irrite et devient im-

pulsif. On observe pourtant un manque d'énergie et de volonté

dans tous ses actes. La mine dénote une peur de tout ce qui l'en-

toure, et le regard continuellement scrutateur.

La volonté est amoindrie, la perception conservée. L'association

des idées et l'idéation sont altérées. Il ne présente aucun délire

mélancolique, ni un délire bien systématisé quelconque : de per-

sécution, etc. Il parait pourtant avoir des hallucinations auditives.

L'intelligence et le jugement sont conservés, de même que la mé-

moire ; la sphère morale, en bon état. L'affectivité, pourtant, est

un peu diminuée.

Le malade dort bien sans hypnotiques. Il n'a pas de zoopsies.

Il se tient tranquillement et proprement; mange bien et convena-

blement. (A suivre.)

RECUEIL DE FAITS.

ALCOOLISME DE L'ENFANCE ; INSTABILITE MENTALE;

IMBÉCILLITÉ MORALE ;

Par HOURNEVILLE et J. BOYER.

SoMMA)nE. Père, soixante et un ans, asthmatique, très nerveux.

Mère, quarante-cinq ans, rien ci signaler. Tante paternelle,

morte d'apoplexie. - Autre tante paternelle, morte des convulsions

de l'enfance- Frère mort ci dix-sept ans de coxalgie, méningite

terminale.

Conception : graves ennuis du père. Premières convulsions ci

quatre, ans. Diminution de l'intelligence. - Scoliose. - rl douze

ans, modification du caractère. Manies. Accès de colère. -

Perle des sentiments affectifs. - Tentatives de suicide. - Fumait

beaucoup en cachette. Crises It ! lsléi-ifoî-nies. Menaces ci

l'adresede ses parents. Excès de boisson. Héméralopie.

René 0..., né le 20 juillet 1883, est entré à l'Institut médico-

pédagogique, le 1G juillet 1896.

ALCOOLISME DE L'ENFANCE. 51

Antécédents {^enseignements fournis par la mère). Père,

soixante et un ans, asthmatique, très nerveux, pas de convulsions

de l'enfance, démangeaisons de la peau vers quarante ans, pas de

rhumatismes, ni de dartres, ni de syphilis, éclmutfement à vingt

et un ans. - Grand-père paternel, mort à soixante-dix-huit ans,

d'une entérite, sobre, jamais malade. - Grand'mère paternelle,

morte à soixante-seize ans, d'une affection chronique de la poi-

trine et de diabète. Oncle paternel, mort d'une cholérine ?

Tante paternelle, morte asthmatique. Autre tante paternelle,

morte d'une attaque d'apoplexie en un jour. Autre tante pater-

nelle morte des convulsions de l'enfance. Pas d'aliénés ni de

nerveux, ni de bègues, ni de ticqueux dans la famille paternelle.

Nèra, quarante-cinq ans, bien portante, n'aurait pas eu de

convulsions. -Pas d'autres renseignements sur la famille mater-

nelle.

Pas de consanguinité. Inégalité d'âge de seize ans.

Six enfants : 1° une fille de vingt-deux ans, bien portante, un

peu nerveuse, mariée, a un enfant de treize mois bien venant ;

21, un garçon, mort a dix-sept ans de coxalgie, pas de convulsions,

intelligent, aurait eu une méningite terminale ( ? ); 3° un garçon, dix-

neuf ans, bonne santé, très travailleur, candidat à l'Ecole centrale ;

4° une fille, dix-huit ans, bien portante ; 5° notre malade ; 6° un

garçon, bien portant, pas de convulsions, apprend convenable-

ment.

Notre malade. A la conception, le père dit « qu'il avait le

sang en révolution », ce qui était dû à des ennuis; la mère était

bien portante. Grossesse bonne, mère très impressionnable.

Accouchement naturel, à terme, présentation de la tète « il n'y a

que pour l'aînée qu'on a eu besoin de fers ». A la ? zaissa ? ice, l'enfant

n'était pas « très fort », pas d'asphyxie. Nourri au sein par la mère.

Rien de particulier jusqu'à l'âge de quatre ans.

Vers quatre ou cinq ans, premières convulsions, consécutivement

diminution de l'intelligence. « Il a toujours été très dur pour

apprendre. » N'aurait pas eu d'autres accidents nerveux jusqu'à il

y a huit mois. A la suite des convulsions, bégaiement très pro-

noncé.

A huit ans, l'enfant a été mis dans une petite pension où il est

resté jusqu'en décembre z. Puis en sixième au lycée de Ver-

sailles. Il apprenait mal, conduite passable, tenue physique défec-

tueuse, avait une épaule qui se nourrissait plus mal que l'autre.

On le soumet à une gymnastique spéciale.

Depuis le le, janvier 1896, le caractère s'est modifié ; l'enfant est

devenu entêté, menteur, sombre, avait des accès de colère à la

moindre contrariété ; a été traité au bromure (de 1 à 6 grammes

par jour) par le docteur Bertrand; refus de suivre le traitement.

52 RECUEIL DE FAITS.

Fin janvier 1896, à la suite de reproches faits au collège, vio-

lente crise nerveuse : le corps s'est raidi, puis l'enfant s'est écrié :

tjevais mourir » ; il ouvraitles yeux démesurément, se penchait en

arrière et serait tombé si on ne l'avait pas retenu. Durée, moins

d'une minute. La même crise s'est reproduite cinq fois, de janvier

à j iiillet 1896. Le caractère a dès lors continué empirer, le

crises de colore sont devenues plus fréquentes. Une fois, chez sa

soeur, qui habite à Paris, il a dit qu'il voulait s'en retourner seul

chez ses parents à la campagne. Il descend vivement l'escalier, sa

soeur le suit, sur le pont d'Austerlitz, colère violente, crie, a les

yeux hagards, veut se jeter sous les roues des voitures, puis dans

la Seine, s'accroche au parapet, aux réverbères. La crise a duré

une heure et demie. Reconduit chez sa soeur, il s'est évanoui cinq

minutes. En revenant à lui, il est tout étonné et demande ce

qui vient de se passer. - A diverses reprises, a eu des idées de

suicide, mais sans tentatives sérieuses. Le langage de l'enfant

devient très grossier; il fait des menaces de mort à tous les mem-

bres de sa famille : « Demain, vous ne vous réveillerez pas tous, je

vous tuerai cette nuit. » Tantôt, il menace du couteau ou de la

canne, tantôt, il veut se frapper lui-même si on ne cède pas à ses

caprices.

Les fonctions digestives paraissent se troubler, indigestions avec

douleurs de tête, se plaint d'avoir mal aux tempes, reste huit

jours sans manger; a des douleurs dans les coudes, les genoux, les

pieds, avec lièvre. Cependant le sommeil reste bon, sans cauche-

mars. Pas d'étourdissements. Se figure que sa soeur lui en veut.

Pleure quelquefois avant la crise, quelquefois après. Se plaint

d'étouffer « ça part du ventre et ça remonte à la gorge >. Pas de

paralysie d'un côté du corps. Pas de période d'incontinence d'urine.

Aime beaucoup rester au lit, on ne constate pas d'onanisme.

Devient plus instable que jamais, après vingt minutes de travail,

ça ne va plus.

On ne sait à quoi attribuer ces accidents. Durant l'année 1895,

René s'est mis à fumer avec frénésie, jusqu'à dix cigarettes de

suite, il fumait même la pipe. Comme on essaie de l'en empêcher,

il s'est mis à chiquer avec passion pendant quinze jours. Voulait

toujours se promener seul, sans doute pour fumer plus à l'aise.

Aurait fait des excès de boisson, modérés mais réels, était souvent

altéré, descendait seul à la cave pour y boire surtout du cidre pur,

ne parlait jamais à la pêche, qu'il aimait beaucoup, sans emporter

avec lui un litre de bière ou de cidre. 11 n'a jamais présenté de

tendances pyromaniaques.

Etal à l'entrée. Etat physique. La physionomie paraît intel-

ligente c futée » ; les cheveux sont châtain foncé, assez bien plan-

tés, quelques épis autour du front; le front est découvert, symé-

ALCOOLISME DE L'ENFANCE. 53

trique, arrondi, bosses frontales peu saillantes; le nez est aquilin,

bien fait, sans déviation; les sourcils sont bruns, peu fournis; les

yeux sont bien ouverts, très fendus, iris marron ; les paupières

présentent un bourrelet très régulier, teinte bistrée très prononcée

autour des paupières ; la lèvre supérieure est assez forte, le sillon

médian est régulier ; la lèvre inférieure est en saillie sur la supé-

rieure ; le menton est rond, la bouche moyenne, les pommettes

peu saillantes sans coloration précise, le visage est ovale, les oreil-

les moyennes symétriques ; le crâne est ovoïde, régulier ; le teint

est mat, légèrement hâlé. Le thorax est bien proportionné,

bombé en avant, région pectorale très développée; en arrière

le thorax est également très bombé ; cet aspect diminue sensible-

ment quand les bras sont élevés au-dessus de la tête, pas de malfor-

mation des omoplates; un peu de dépression entre la pointe des

omoplates et le rebord des fausses côtes ; à la partie inférieure de

la région dorsale, légère convexité à droite ; les membres sont

symétriques, assez bien faits, un peu grêles; les pieds et les mains

n'offrent aucune particularité.

l;lcci plesiologiq2ce. - Très grande activité, René aime les jeux

violents. Debout et assis, l'enfant a une tendance à pencher en

avant le haut du corps ; les articulations exécutent passivement et

activement les mouvements les plus étendus. Les fonctions

respiratoires et circulatoires paraissent normales ; les fonctions

digestives ne sont pas régulières ; tendance à la constipation,

appétit très capricieux. L'ouïe, l'odorat, le goût et le toucher

sont normaux, vue faible, 'légère myopie, l'enfant ne distingue

rien dans la demi-obscurité (héméralopie) ; parole normale.

Etat psychologique. L'intelligence n'est pas celle d'un enfant

de son âge au point de vue scolaire. L'écriture est très irrégulière,

les lettres ne sont pas liées entre elles, les traits sont durs ; l'ortho-

graphe est très faible, les mots les plus usuels sont incorrectement

écrits et de façons différentes dans le même [devoir; connaît les

quatre règles, mais ne peut faire le moindre problème; les connais-

sances usuelles sont très limitées, l'enfant ne cherchant même pas

à se rendre compte de ce qui l'entoure ; aptitudes particulières

pour le dessin et la musique. L'attention et la réflexion sont à

peu près impossibles, l'imagination est très bornée ; la mémoire en

général, est faible, sauf la mémoire auditive qui parait très déve-

loppée ; jugement très variable : tantôt naïf, tantôt assez juste en

apparence ; raisonnement peu développé. L'instabilité incoercible

qui se manifeste dans toutes les opérations intellectuelles aussi

bien que dans tous les autres modes d'activité, parait être la véri-

table cause de l'arriération intellectuelle de l'enfant.

Etat instinctif et moral. René est très gai quand il n'est pas,

toutefois, sous l'influence d'un accident nerveux; aime beaucoup

54 RECUEIL DE FAITS.

rire, jouer, taquiner ses camarades. Ne reste jamais seul, à moins

qu'il ne soit sous le coup d'une crise de colère. Désordonné,

indifférence personnelle à l'égard des objets lui appartenant.

D'une sensibilité exagérée à l'endroit des réprimandes qui déter-

minent chez lui soit des crises de colères, soit des accès de mélan-

colie. Les sentiments affectifs paraissent disparus. Volonté

négative énergique. Sens moral disparu.

16 juillet. Le jour de son entrée, violente crise de colère

quand il a appris qu'on voulait le laisser : il porte, en poussant des

cris rauques. les deux mains à la tête et se précipite sur un banc en

essayant de se cogner la tête. On essaye de le maintenir, il donne

des coups de pied de tous les côtés, visant surtout son père ; il se

frappe la tête de ses poings, raidit tout le corps, porte le tronc en

avant ; la face est congestionnée, les yeux fixes et hagards, les

lèvres entr'ouvertes, la salivation abondante; au bout de deux

minutes René se débat (on le maintient toujours), il pleure à

chaudes larmes et crie à perdre baleine : c Non, je ne veux pas

voir de médecins ! ... ce sont des charlatans... ils vous font du

mal... je ne suis pas malade... qui donc a inventé la médecine ? ...

qui ? ... qui ? ... c'était un imbécile celui-là... mais laisse-moi,

papa... cré-nom d'une pipe, je me sauverai bien ! Ah ! vous voulez

me mettre dans une maison de santé ! ... Vous verrez ce qui vous

arrivera... je veux me tuer ! ... ne me fais pas voir au médecin, car

tu sais, tant pis, je frapperai et tu verras... lâche-moi ! Tu ne veux

pas me lâcher... un...deux...trois...Ah ! tu me laisses dire trois...

tu verras... lâche-moi donc ! » Son père nous quitte et c'est à nous

qu'il s'adresse alors : « Lâchez-moi... vous n'avez pas de droits sur

moi... je veux m'en aller... au secours, on m'assassine. » On dut le

porter jusqu'à la pelouse des jeux. Là, tout en veillant à ce qu'il

ne se fasse pas de mal, on le laisse libre de ses mouvements. Il

reste un moment étendu sur le gazon, les jambes allongées, les

bras en croix, les yeux grands ouverts, fixes ; au bout de cinq mi-

nutes, il pleure en croisant les bras sur la figure, se lève, fatigué,

se traînant et va s'asseoir sur un banc. Durée totale de la crise de

colère : une heure trois quarts.

René ne mange rien à dîner, il est sombre et ne desserre pas

les dents. Il se couche sans rien dire. La nuit a été bonne.

17. René ne mange rien au premier déjeuner ; à midi et le

soir, ne prend qu'un peu de potage. Se plaint dans la journée que

a l'estomac » lui fait mal ; il parait avoir des difficultés pour res-

pirer, cela a duré deux minutes et s'est produit à deux reprises.

18. La nuit a été bonne, bien que l'enfant, en se couchant,

se soit encore plaint de douleurs dans l'épigastre. Ne mange pas au

premier déjeuner; mange très pou à midi. Première douche : il

faut le déshabiller malgré lui, il se débat, donne des coups de

ALCOOLISME DE L'ENFANCE. 55

pied et des coups de poing, injurie grossièrement tout le monde;

ou ne cède pas. Le soir il n'a pas voulu dîner. 11- s'est couché sans

difficulté et a bien dormi.

10. - Ne mange pas de la journée, il est resté sombre et taci-

turne, ne parlant à personne, évitant tout le monde. A la douche

se produit la même scène que la veille. A bien dormi la nuit.

20. Ne mange pas au premier déjeuner, veut écrire à son

père à qui il adresse une lettre incohérente et pleine de menaces :

«Je te donne jusqu'à jeudi pour venir me chercher, même pas...

si tu ne viens pas, gare, etc.. » Ces deux phrases sont soulignées

plusieurs fois. Se laisse entraînera jouer un peu du violon, parait

heureux de l'attention qu'on a pour lui, demande qu'on lui pro-

mette de le laisser faire de la musique de temps en temps. A midi,

il mange très bien. A chaque plat qu'on lui offre il prétend ne pas

avoir faim, mais il mange tout de même. A deux heures, il joue du

violon tandis qu'un de ses camarades l'accompagne sur le piano.

A l'heure des douches, refuse de suivre ses camarades et comme

on se dispose à l'entraîner malgré lui, il s'écrie : « Lâchez-moi,

j'irai tout seul. » Il entre dans le pavillon des douches, se désha-

bille et se laisse doucher comme les autres. Il cause même gaie-

ment avec ses camarades.

24. Crise à la suite d'une invitation à écrire une lettre à ses

parents. René se couche par terre, fait semblant de dormir; au

bout de quelques minutes, quelques contorsions, puis raideur des

membres, surtout a droite ; les dents sont serrées, les lèvres écar-

tées, les yeux fixes et grands ouverts. Durée deux minutes. Rémis-

sion de trois minutes, puis nouvelles contorsions pendant une

minute, sans raideur consécutive. L'enfant reste couché un quart

d'heure sur l'herbe, sans dormir et retourne auprès de ses cama-

rades.

Le 25, à table, petit accès de mélancolie d'une durée de cinq

minutes environ.

A partir du 26, l'enfant ne présente aucun accident nerveux et

suit régulièrement le traitement suivant : un bain par semaine ;

une douche par jour; gymnastique; travaux du jardin; travaux

scolaires; traitement moral. '

A partir du mois d'août l'enfant prend deux douches par jour.

Août. On a de la peine à obtenir de l'enfant qu'il ne soit pas

bruyant en classe : il quitte à chaque instant sa place, interpelle

son maître ou ses camarades, taquine ses voisins ; on est obligé à

chaque moment d'intervenir pour éviter une rixe, prend ce qui lui

tombe sous la main pour se défendre. Au jardin, il ne fait rien qui

vaille.

Septembre. Toujours taquin avec ses camarades. S'est mis

une fois en colère. En classe se tient tranquille quand on lui fait

56 RECUEIL DE FAITS.

une observation, mais recommence aussitôt. Au jardin, s'acquitte

assez bien des petits travaux qu'on lui fait faire (brouette, ratissage

des allées).

Octobre. L'enfant ne taquine plus que dans les jeux. Gai et

encore bruyant. Travaille bien en classe, à la gymnastique et au

jardin.

'Novembre. Pour le récompenser, ses parents le font sortir du

31 octobre au 2 novembre. René s'est très bien comporté et n'a pas

causé le moindre ennui; il est rentré sans difficulté. Aurait été

témoin, nous dit sa mère, d'un accident de tramway (un petit

enfant renversé par les chevaux). René en a été si impressionné

qu'il a tremblé durant vingt minutes. Il n'y a pas eu d'autre

suite. Le 20, on constate un peu d'inflammation du prépuce.

Onanisme supposé, surveillance spéciale.

Décembre. Bon mois, pas de colère. L'inflammation du pré-

puce a complètement disparu.

. 1897. Janvier. Il sort huit jours avec ses parents à l'occasion

du jour de l'an. A sa rentrée, ses parents nous font des éloges sur

sa bonne tenue et sa docilité.

'Février. Un mouvement de colère, le 1 ? veut se précipiter

sur un de ses camarades qui l'avait contrarié. Regard méchant. A

été vite calmé.

Mars.- L'enfant sort à l'occasion du mardi gras, il est restédix

jours dans sa famille; n'a eu ni l'ombre d'une crise, ni la moindre

velléité de désobéissance. Fait docilement et très bien tous les

exercices de gymnastique (échelle convexe, échelle horizontale,

anneaux, mouvements d'ensemble). Au jardin, travaille avec

goût; tout ce qu'il fait est proprement fait. En classe, travaille

régulièrement, a fait quelques progrès en orthographe, en calcul,

a acquis quelques notions élémentaires mais très précises sur la

géographie delà France et sur l'histoire de la Révolution. Son

instabilité et son étourderie ont considérablement diminué. z

S'est mis avec goût à l'étude du violon où il fait tous les jours des

progrès. Le caractère s'est bien amélioré, l'enfant n'a eu aucun

mouvement de colère, bien qu'il ait été plusieurs fois taquine par

un de ses camarades.

Avril. Le 6, les parents le ramènent chez eux. Les mensura-

tions de la fête à l'entrée et à la sortie n'accusaient qu'une aug-

mentation d'un millimètre. Poids : à l'entrée, 39,100 ; à la sortie,

ï ? 00 ? faille : à l'entrée, 1,50; à la sortie, l.oi ? Uynamomctre :

à l'entrée, D. xi; G. 9; à la sortie, D. 30; G. 25. Depuis sa

sortie, nous avons eu l'occasion de voir René, en décembre 1897;

ses parents, que nous rencontrons, nous disent que l'enfant va

ALCOOLISME DE L'ENFANCE. 57 Î

très bien, qu'il n'a plus eu de crise, qu'il est en pension à D... où

on est très content de lui. - La physionomie de l'enfant est

fraîche; en causant avec lui on s'aperçoit que l'enfant est tout à

fait calme, et l'affection qu'il nous témoigne nous fait supposer

qu'il a conservé un très bon souvenir de son passage à l'Institut

médico-pédagogique. Enfin, en avril 1898, la mère nous dit

qu'elle a été très surprise des changements survenus chez René.

Réflexions. I. Les renseignements concernant l'hérédité

sont insuffisants, surtout dans la lignée maternelle. Du côté

du père,~une tante est morte d'une attaque d'apoplexie. Un

frère aurait eu. une méningite ( ? ).

II. L'enfant aurait été tout à fait normal jusqu'à quatre

ans. Entre quatre et cinq ans sont apparues des convulsions

suivies d'un affaiblissement de l'intelligence et d'un bégaie-

ment très prononcé. De huit à onze ans, il apprenait mal.

A partir de janvier 1896, le caractère s'est modifié : l'enfant

est devenu entêté, menteur, sombre et sujet à des accès de

colère. A la fin de janvier 1896, il a eu ,une première crise

nerveuse, hystériforme. De là, jusqu'à juillet 1896, il a eu

cinq autres crises. Puis, le caractère s'empire, les crises de

colère se multiplient. 0... menace de se suicider, de tuer les

membres de sa famille, sans qu'il y ait une tentative vrai-

ment sérieuse. Le travail intellectuel devient de plus en plus

difficile. L'instabilité mentale augmente. Abus du tabac

(cigarettes, pipes et chiques),ils'yjointdes excès de boissons.

C'est pour l'ensemble de ces faits qu'il est placé à l'Institut

médico-pédagogique.

111. Durant les premiers jours de son admission, René a

eu des crises de colères, a refusé de manger, et adressé des

injures à tout le monde. Au bout de plusieurs jours, la pé-

riode d'excitation s'est progressivement atténuée. L'élat mé-

lancolique iutermitleut a disharu.

IV. Sous l'influence de l'isolement et du traitement médico-

pédagogique, ainsi que de la suppression des boissons et du

tabac, René est devenu tout à fait calme et raisonnable; les

accès de colère ont tout à fait disparu; et il est sorti au

bout de dix mois, guéri; nous disons 'guéri, car, nous avons

eu l'occasion de revoir sa mère en avril 1898, c'est-à-dire un

an après sa sortie; elle nous a assuré qu'il était redevenu

58 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

tout à fait naturel, laborieux, et s'est montrée très satisfaite

des résultats obtenus. Les tendances à boire ne se sont pas

manifestées de nouveau.

V. Les cas de ce genre ne sont pas rares et appartiennent

à l'histoire de l'alcoolisme de l'enfance. Ils peuvent guérir en

général assez facilement, à la condition, qu'on ait recourt sans

hésitation à l'isolement et qu'on applique avec méthode et

avec suite le traitement médico-pédagogique.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

I. Paralysie du voile du palais et du facial inférieur droit avec

parésie du pneumogastrique et du phrénique dans un cas d'an-

gine diphthérique; par VARNALI (de Bucarest). (Presse médi-

cale, 13 août 1898.)

Observation d'un cas d'angine diphthérique compliquée de

névrite périphérique des nerfs pneumogastriques, phréniques et

facial inférieur droit. Les troubles uerveux observés ont consisté

en une paralysie complète du voile du palais et des muscles du

pharynx ; une parésie du diaphragme s'accompagnant de mou-

vements ataxiques de ce muscle, et produisant une gêne notable

de la respiration; des troubles cardiaques (tachycardie); les signes

classiques de la paralysie du facial inférieur droit, et enfin des

troubles subjectifs de la sensibilité (sensation de froid, fourmille-

ments). Il est à remarquer que toutes les ramifications du pneu-

mogastrique n'étaient pas envahies par le processus [morbide :

taudis que les branches actionnant le voile du palais, le pharynx

et' le coeur étaient atteintes, celles destinées à l'innervation du

larynx étaient intactes. Cette dissémination irrégulière des altéra-

tions dans les ramifications nerveuses est uu des caractères les

plus constants des polynévrites. A. Fenayrou.

Il. Un cas de paralysie ascendante aiguë ; par MM. Roger

et JosuL. {Presse médicale, 27 juillet 1898.)

Observation d'un malade atteint de paralysie ascendante aiguë.

à l'autopsie duquel des lésions très notables ont été constatées dans

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 59

la moelle épinière : altérations d'intensité variable des cellules de

la substance grise, particulièrement des cellules des cornes anté-

rieures (noyau moins net et déplacé, parfois même disparu;

nucléole refoulé à la périphérie du noyau; cliromatolyse plus ou

moins accentuée ; disparition du réticulum protoplasmique).

Absence de congestion sanguine. Prolifération des cellules névro-

gjiques. Les parties des racines rachidiennes comprises dans les

coupes paraissaient normales. Ces lésions, très prononcées au

niveau du renflement lombaire, existaient encore, mais moins

accusées, dans la moelle cervicale. L'examen bactériologique a

permis d'établir que la maladie avait été produite par le pneumo-

coque. Cette observation est la première dans laquelle ce microbe

soit signalé comme l'agent pathogène de la paralysie ascendante

aiguë. Elle temps à confirmer l'opinion généralement admise

aujourd'hui, mais non encore définitivement établie, d'après

laquelle la maladie de Landry serait une poliomyélite suraiguë que

peuvent déterminer les agents microbiens les plus variés.

A. FENAYROU.

III. Un cas de paralysie faciale double d'origine bulbaire;

par 11. lirlLLY. {Presse médicale, 27 août 1898.)

MM. Hordier et Frenkel (de Lyon) ont décrit un signe clinique

nouveau des paralysies faciales d'origine périphérique. Ce signe

consiste essentiellement en ce que le sujet ne peut pas fermer les

paupières du côté paralysé, sans dévier en même temps le globe

oculaire en haut et légèrement en dehors. Selon M. Mally, ce symp-

tôme ne saurait prendre place à côté de ceux dont l'existence et

l'exactitude sont démontrées d'une façon indiscutable. Il résulle,

en effet, des recherches de l'auteur, que la révulsion du globe

oculaire en haut et en dehors s'observe chez un grand nombre de

sujets sains et qu'un certain nombre de paralysés ne présentent

pas celle déviation. Au point de vue thérapeutique, M. Mally cou-

seille de s'abstenir de traiter par l'électricité les malades atteints

de paralysie faciale grave, c'est-à-dire avec réaction de dégéné-

rescence complète d'emblée. Chez ces sujets, ce mode de traite-

ment est toujours inutile; il peut même être dangereux en favori-

sant l'apparition des contractures. L'emploi de l'électricité doit être

réservé aux cas de paralysie faciale avec réaction partielle de dégé-

nérescence ou sans altération de l'excitabilité électrique. La

recherche de l'excitabilité électrique a permis à l'auteur, dans un

cas qu'il rapporte, de prévoir l'évolution de la maladie. Il s'agis-

sait d'un homme atteint de paralysie faciale double. Selon les

prévisions de M. Mally, une amélioration s'est rapidement produite

du côté droit où l'excitabilité électrique était normale, tandis que

60 REVUE DE l'A'l'llOLOGIE NERVEUSE.

la paralysie a persisté, avec peu de tendance à la guôrison, du

côté gauche où l'on constatait l'existence de la réaction complète

de dégénérescence. , - A. FrriAYROU.

IV. L'hypotonie musculaire dans le tabes ; par M. 1 ! nLru.ur., de

Heiden (Suisse). {Presse médicale, 20 juillet 1898.)

L'auteur étudie sous ce titre un phénomène consistant en ce

que, par suite de la diminutton du tonus de certains groupes mus-

culaires, et en dehors des troubles de la coordination, des mouve-

ments anormaux peuvent être exécutés par des tabétiques, ou bien,

que l'on peut donner à leurs membres des positions impossibles

chez l'homme normal. C'est ainsi, par exemple, que la jambe en

extension, qui, dans les conditions normales ne peut être élevée

volontairement que dans une mesure très restreinte, est suscep-

tible de subir chez les tabétiques, par suite de l'hypotonie des flé-

chisseurs de la jambe, une élévation plus considérable, telle,

parfois, que ce membre touche la face du malade. M. Frenkel

indique le moyen de constater l'hypotonie et d'en mesurer le degré

pour une série de groupes de muscles (extenseur de la jambe,

adducteurs de la cuisse, muscles des membres supérieurs, muscu-

lature du ventre, etc.). En dehors de l'ataxie locomotrice progres-

sive, l'auteur n'a constaté que deux fois ce phénomène; il croit

pouvoir affirmer que c'est un symptôme constant et initial du

tabès, qui, fait son apparition, à peu d'exceptions près, dans la

période préataxique et peut servir à diagnostiquer le tabès au

début. L'hypotonie musculaire n'est pas nécessairement liée à la

mollesse ou à la flaccidité des muscles. L'existence de ce phéno-

mène peut rendre la démarche anormale et il y aurait lieu de

rechercher dans le mouvement dit ataxique, ce qui dépend de

l'hypotonie musculaire et do l'ataxie proprement dite. Lorsque

l'hypotonie est très accentuée, il est possible de la reconnaître chez

le malade au repos par suite de l'attitude plus ou moins anormale

qu'elle imprime aux membres. L'état pseudo-parétique des muscles

hypotoniques pourrait peut-être expliquer certains troubles ocu-

laires (paralysie apparente de certains muscles de 1'0-,il avec inté-

grité absolue ou à ou à peu près complète de ces mêmes muscles),

ou laryngés (paralysie des cordes vocales avec troubles respira-

toires et intégrité de la voix), observés chez les tabétiques. Les

troubles de la vessie et du rectum chez ces malades sont plutôt de

nature hypotouique que parétique; il en est sans doute de même

de certains troubles cardiaques ou vasculaires, en particulier de la

tachycardie.

La cause de l'hypotonie musculaire est encore indéterminée. On

a voulu la trouver dans la diminution des impulsions réflexes qui,

venant des racines postérieures, tiennent les cellules motrices

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 61

dans uu certain degré d'excitation. Mais diverses particularités

cliniques tendent à faire rejeter cette hypothèse. A. FENnYRoU.

V. Méningite cérébro-spinale épidémique. Quelques cas observés

à la clinique du professeur C.-P. Delyannis; par M. D. Assnns

(d'Athènes). {Presse médicale, 28 mai 1898.)

Relation de quelques cas de méningite cérébro-spinale observés

au cours d'une même épidémie. La maladie a revêtu, tantôt la

forme comateuse, tantôt la forme syncopale et pétéclliale, d'autres

foi5, une forme abortive. Dans plusieurs cas, elle a eu une évolu-

tion foudroyante. Six malades sur seize ont succombé. Une parti-

cularité clinique digne de remarque réside dans ce fait que la

présence d'albumine dans les urines a été constatée jusqu'à la

mort, dans tous les cas funestes, tandis que ce symptôme a dis-

paru au bout de quelques jours, dans tous les autres cas. L'examen

bactériologique de l'exsudat des méninges et du sang de divers

organes, pratiqué après l'autopsie de deux sujets, a permis a

l'auteur de constater l'existence d'un microbe ayant la forme d'un

coccus sphéroïde, tantôt isolé, tantôt groupé en diplocoque, extra-

cellulaire, à grains inégaux, ne prenant pas le Gram. M. Assimis a

retrouvé ce même agent dans le sang de trois malades pendant

leur vie. Ce microbe a pu être cultivé sur pomme de terre et sur

bouillon ; il s'est montré inoffensif pour la souris et le lapin, même

en inoculation intra-péritonéale et intra-pleurale. Il diffère par-

ces deux points du microhe trouvé par \1'eiscbselbaum dans la

même affection, lequel ne se cultiverait pas sur pomme de terre

et bouillon et serait pathogène pour la souris. A. Fenayrou.

YL Localisation élective des éruptions cutanées sur le côté

intéressé par une affection nerveuse unilatérale d'origine cen-

trale ; par M. G. Etienne. (Presse médictde, 10 septembre 1898.)

L'auteur rapporte plusieurs observations de malades atteints

d'affections nerveuses unilatérales d'origine centrale (hémiplégie

avec ou sans contractures, sclérose eu plaques disséminées à forme

hémiplégique, névralgie faciale droite, etc.). Des éruptions cuta-

nées, variables selon les sujets (éruption huileuse, pustules vario-

liques ou vaccinales, furoncles, acné, etc.), se sont manifestées ou

ont été provoquées à un moment donné, chez ces malades ; ces

éruptions ont présenté cette particularité, qu'elles se sont localisées

du même côté que les troubles nerveux préexistants. M. Etienne

rapproche ses observations de celles, publiées récemment par

MM. Charmeil et Boulogne, dans lesquelles les exanthèmes de la

syphilis et des fièvres éruptives apparaissant chez des malades

atteints d'affections spnsmo-paralytiques, ont respecté, complète-

612 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

ment ou presque complètement, les téguments des membres para-

lysés. L'étude de ces faits ne permet pas d'établir avec précision le

mécanisme de ces localisations cutanées; il est seulement mani-

feste que, ni la nature de l'éruption, ni les phénomènes de con-

tracture, ne jouent un rôle dans la détermination de la localisa-

tion au membre sain ou malade. A. Fenayrou.

VII. Rapports entre la maladie du sommeil et le myxoedème ;

par M. Briquet (d'Armentières). {Presse médicale, 7 septembre 1898.)

La symptomatologie de la maladie du sommeil et celle du

myxoedème présentent de nombreux points de ressemblance.

L'anéantissement des forces, l'apathie, l'obnubilation de l'intelli-

gence, l'abaissement de la température du corps, la sécheresse de la

peau sont des signes communs à ces deux affections. L'assoupisse-

ment existe aussi dans la maladie du sommeil comme dans le

myxoedeme;itest, seulement, beaucoup plus prononcé dans

celle-là que dans celui-ci. Les hydropisies, symptôme important du

myxcedème, semblent rares dans la somnose, mais ont été signalées

dans certains cas ; un auteur anglais, Ciark, donne même à la

maladie du sommeil le nom de a sleeping dropsy», hydropisie qui

endort. Dans les deux affections, s'observent des troubles menstruels.

L'une et l'autre ont une évolution lente avec possibilité de rémis-

sions. On a prétendu que la maladie du sommeil est héréditaire ;

cela a été signalé aussi pour le myxoedeme. Le fait que la somnose

s'observe presque exclusivement chez des sujets d'origine africaine,

ne pourrait suffire à établir une différence radicale entre celle

affection et le myxoedème, si l'existence d'un lieu de parenté entre

les deux affections était bien démontrée. Mais cette démonstration

ne sera faite que lorsqu'on aura élucidé la pathogénie, encore très

obscure, de la maladie du sommeil.

L'auteur estime que, alors même que de nouvelles recherches

permettraient d'affirmer que les deux maladies sont absolument

distinctes et que la suppression fonctionnelle du corps thyroïde

n'est pour rien dans l'étiologie de la sommose, on est en droit

d'espérer qu'on retirera grand profit, dans la maladie du sommeil,

du traitement thyroïdien, grâce à son pouvoir accélérateur de la

nutrition. A. Fenayrou.

VIII. Un cas de paralysie juvénile avec syphilis héréditaire ;

par le D' SPOmTO.

Le cas rapporté par le Dr Saporito porte à 75 environ les cas

aujourd'hui connus de paralysie générale juvénile avérée : il cons-

titue, en outre, le premier apport de l'Italie au bilan clinique de

plus en plus riche de la maladie. ·

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 63

11 s'agit d'un syphilitique héréditaire de dix-huit ans, chez qui

l'affection a revêlu une forme rapide : en effet, la durée n'a été

que de onze mois, y compris la période préparalytique. Les

symptômes physiques ont dominé la scène : du côlé mental, il n'y ?

eut qu'une simple démence, croissant progressivement du début à

la fin de la maladie, sans délire, ou au moins avec pâles concep-

tions délirantes. Le diagnostic n'en reste pas moins démontré par

l'ensemble des symptômes, la marche de la maladie et la des-

cription anatomo-pathologique. {Annales médico-psychologiques,

août 1898.) ' ' E. B.

IX. Conditions pathologiques comparables au myxoedème

chez le nègre ; par le 1)'' J. BEitRiiy.

Alors que le myxoedème était considéré, jusqu'à présent comme

une maladie inconnue dans la race nègre, l'auteur a pu recueillir

chez le nègre huit cas d'épaississement particulier de la peau,

ayant la particularité d'être localisé, niais identique sous tousses

aspects, à part le caractère de diffusion, à celui que présentent les

observations de crétinisme sporadique chez la race caucasique.

Sur les huit cas, quatre se trouvaient chez des idiots, un chez

une femme démente paralytique à la troisième période, un chez

un maniaque aigu et deux chez des affaiblis. Chez tous ces mala-

des, l'épaississement de la peau était localisé aux téguments du

cuir chevelu et du cou.

Dans deux des cas les cheveux étaient, au niveau des parties

myxoedémateuses, gros, clairsemés et rudes.

Les sécrétions de la peau ne paraissaient pas altérées et même,

au niveau des zones myxoedémateuses, la peau ne présentait pas

cette sécheresse, cette rudesse qui est une des principales caracté-

ristiques de la maladie. Les plis de la peau avaient disparu au ni-

veau des parties atteintes.

Au palper, les parties myxoedémateuses avaient une consistance

ferme, non élastique, comme si de la gélatine avait été injectée

sous la peau : la pression au doigt ne laissait pas de trace, mais il

y avait comme un léger rebondissement quand la pression cessait.

Dans sept cas sur huit la glande thyroïde était ou atrophiée ou in-

férieure à la normale. L'examen du sang ne montra aucune modi-

fication de la forme ou du diamètre des globules rouges, altéra-

tions que Kraepelin avait trouvées dans le myxoedème.

Les résultats obtenus par l'administrai ion de l'extrait thyroïde

ont péremptoirement prouvé que cet épaississementgélatiforme de

la peau du cuir chevelu et du cou était de même nature que dans

le myxoedème, car sous l'influence de cette médication l'améliora-

tion fut rapide. Non seulement il n'y eut pas d'accident pendant

l'administration de l'extrait thyroïdien, mais encore il y eut, chose

64 lui» REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. ,

intéressante à noter, amélioration de l'état mental. (lnzer ican jour-

nal of insanity, janvier 1898.) E. li.

X. Lèpre anesthésique ; par le Dr Hersman.

L'auteur a pu observer un cas de lèpre anesthésique à l'hôpital

de Pittsburgh.Un examen des tissus malades lui montra les bacilles

de la lèpre. Ces bacilles n'étaient pas réunis en masses denses

dans les cellules lépreuses comme on les rencontre dans la lèpre

tuberculeuse, mais dispersés, comme on les observe ordinairement

dans les formes anesthésiques.

L'observation de ce cas confirme les idées de limiter sur la lèpre

à savoir que cette maladie est purement locale, non héréditaire, à

proprement parler, transmissible par inoculation seulement, et

causée par un bacille spécifique qui trouve ses conditions d'exis-

tf,iice dans le sol. {The Alienist and ivcuî,ologist, janvier 1898.)

Xi. Syphilis cérébrale avec lésions étendues des nerfs crâniens ;

par le D1' Preston.

Intéressante observation de' syphilis cérébrale chez un nègre de

trente-sept ans.

Les manifestations de l'affection sont multiples : hémiplégie

droite et hémianopsie du côté droit, d'origine centrale probable-

ment, avec atteinte du nerf facial droit, du nerf olfactif gauche,

du trijumeau gauche et du gfosso-pharyngien gauche. Il parait

s'agir là d'une leptoméningite gommeuse, à tendance envahis-

sante, irrégulièrement répartie mais avec prédominance des lésions

du côté gauche. (The .tentst and iyeui-ologist, janvier 1898.) l. 13.

XII. Sur la chorée d'Huntington ; par M. Cr.nr;E.

(Rruin, part. LXXVII.)

Héréditaire, frappant les adultes et souvent plusieurs membres

d'une famille pour aboutir généralement à l'aliénation mentale,

cette chorée a été rarement décrite avec autopsie : t°J. T..., peintre,

cinquante-quatre ans, aspect sénile; une tante et deux oncles pater-

nels morts aliénés, un oncle paternel choréique à cinquante ans

avec intermittences d'aliénation, un autre choréique à trente ans,

aliéné à trente-trois, tous précocement séniles ; ni alcoolisme, ni

syphilis, ni choc, ni trauma ; à quarante-neuf ans, secousses dans

le pied droit, puis dans le bras droit, étendues enfin à tous les

membres; depuis six mois diminution de la mémoire, intervalles

d'agitation avec incohérence ; extension de la chorée à la face et

à la langue s'exagérant pendant les mouvements et cessant pen-

dant le sommeil. Yeux et pupilles indemnes. Sensibilités diverses

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 65

et réflexes normaux. Pas de troubles trophiques ni viscéraux, affai.

blissement des facultés sans délire.

2° Frère du précédent malade, plus jeune, même aspect, même

état, irritabilité, agitation suivie de psychose calme à caractère

démentiel, mort de broncliopneumoiiie. Autopsie : lordose lombaire,

crâne mince, injection des méninges sans adhérences. Ecorce

1/5 plus mince que normalement, couche granuleuse foncée;

couche de petites cellules pyramidales altérée surtout dans la

région psychomotrice, cellules rabougries et trop pigmentées ;

légères extravasations sanguines, prolifération névroglique ; isthme

et moelle indemnes.

3° Homme, quarante-six ans (père choréique à trente-neuf ans,

mprt d'accident à quarante-trois), deux soeurs choréiques avec

sénilité précoce, le malade choréique '.identiquement aux deux cas

ci-dessus, même forme, même marche, senium précoce, démence,

a une fille athétosique. D'après ces trois cas, ceux de Diller,

Suckling, Sinkter, Reynolds, Oppenheim, Dana et ceux de Krou-

tal et Kalischer, sur un total de 174 personnes appartenant à

diverses familles, 38 furent atteintes à un âge moyen de 33,3 ans

et moururent à un âge moyen de 41,2 ans. Les hommes sont plus

souvent atteints. A l'autopsie on trouve une certaine prolifération

névroglique avec épaississement de la paroi des vaisseaux, dégé-

nérescence cellulaire surtout des petites pyramidales de la région

psychomotrice, et de la colonne de Clarke. Rapprochant ces don-

nées des cas graves de chorée ordinaire avec hypérémie corticale

de l'aire motrice quelquefois compliqués de manie, l'auteur pense

que des deux côtés la localisation morbide prédominante sur l'aire

motrice détermine le syndrome choréique. F. Boissier.

XIII. Des symptômes précoces du tabès dorsal; par W. DE Bech-

TEREW. (Cenh-a. f. Nervenheilk, XXI, N. F. ix, 1898.)

Les réflexes cutanés, notamment abdominaux et épigastriques,

paraissent dans les périodes de début du tabes, notablement-exa-

gérés, tandis que les réflexes tendineux, achilléen et patellaire,

sont épuisés dèsle commencement de l'affection. Cette coïncidence

est pathognomonique du stade initial. Elle peut servir à distinguer

le tabès du pseudotabes, mais cela demande une observation plus

complète. L'analgésie du cubital au coude (signe dé Bernatzki) man-

que fréquemment au début du tabes ; la simple compression de ce

nerf avec la main suffit pour s'en rendre compte. Par contre,

l'insensibilité à la pression du sciatique poplité interne dans le creux

poplité, l'articulation du genou étant à demi fléchie, est plus fré-

quente que l'analgésie du cubital ; on la trouve quelquefois de

très bonne heure alors qu'on ne rencontre pas le signe de Ber-

natzlii. L'insensibilité du muscle à la compression, entre les doigts,

Archives, 2e série, t. VIL 5

66 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

surtout au mollet, apparaît parfois aussi dès les premières périodes

de la maladie, alors que la sensibilité musculaire proprement dite

et la sensibilité cutanée ne présentent point de de modifications

essentielles. P. Keraval.

XIV. Myokymie dans un cas de paralysie saturnine ; par 0. BuuEn.

· (Neurolog. CenlrulGl., XV1, 1897.) : Il s'agit de contractions parfois fugaces, iudoleutes et sans effet

moteur, qui parcourent tous les muscles du corps ; le plus habituel-

lement le malade ne s'en aperçoit qu'à l'occasion de certains actes,

celui de se vêtir par exemple, ou bien quand, ce qui arrive de

temps à autre, il éprouve des crampes douloureuses, mais générale-

ment les contractions sont de courte durée. Elles courent en ram-

pant soit parmi les fibrilles, soit parmi les gros faisceaux, soit dans

toute la masse des muscles épargnés par le plomb, et pour cette

raison hantent les membres inférieurs. Tout à coup on voit se pro-

duire une bosse dure qui subsiste pendant plusieurs secondes,

puis se ramollit sous l'influence de convulsions cloniques répétées

s'affaiblissant graduellement. La contraction est-elle exagérée, le

malade s'en aperçoit par une douleur. La station debout, l'effort,

les coliques augmentent. L'amélioration de la paralysie saturnine

coïncide avec une amélioration correspondante du jeu de la contrac-

tihté musculaire disséminée. L'examen des muscles atteints par le

plomb fournit : inexcitabilité faradique par action directe ou

indirecte ; réaction dégénérative galvanique avec contraction lente

des deltoïdes, biceps, extenseurs ; inexcitabilité galvanique des

supinateurs et muscles de l'éminence thénar. Dans les deux triceps

on trouve une diminution de l'excitabilité galvanique et faradique

directe ou indirecte, avec, par instants, tétanos prolongé. La géné-

ration par sauts des accidents myokymiques, leur ressemblance

avec les allures des muscles dans le cours de l'atrophie musculaire

spinale progressive et de la syringomyélie, et surtout, la rareté de

la myokymie dans le saturnisme concordant avec la rareté rela-

tive des lésions spinales antérieures dans la paralysie saturnine,

permettent de supposer une irritation spinale. P. K 1, Il. %'.% L.

XV. Les causes de l'ataxie dans le tabès dorsal ; par Frenkel.

(Neurolog. Ceiiii-tilbl., XVI, iSOî.)

. Si l'on s'en tient à l'examen approfondi de tabétiques certains,

on dégage les caractères spécifiques de l'ataxie tabétique et l'on

peut essayer de chercher une explication complète dans les mani-

festations cliniques et anatomiques du tabes. C'est ce qu'a fait

M. Freiiiiel sur cent cinquante malades, soit à l'établissement

d'Heiden, soit à la clinique de Charcot-Raymond à la Salpêtrière.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 67

Après avoir longuement analysé leurs particularités, il en vient à

la théorie qui lui parait rationnelle.

Deux faits cliniques renversent la théorie centrale d'un centre

coordinateur du système nerveux. L'ataxie s'exagère ou apparaît

quand elle élait passée inaperçue, lorsqu'on fait fermer les yeux au

malade, non seulement dans la station verticale, mais aussi dans

le décubitus dorsal. Cette influence de la vue ne s'exerce pas dans

la maladie de Friedreich et dans les affections cérébelleuses. Le

genre et le degré de l'ataxie varient encore selon les circonstances

extérieures. La théorie de l'activité anormale des centres psychiques

élevés (perversion delà conscience et de l'imagination) est renversée

par ce fait que la modification de l'ataxie selon les circonstances

extérieures est précisément une adaptation au changement des

conditions extérieures.

Théorie de la sensibilité. L'ataxie est en rapport avec les mem-

bres dont la sensibilité est le plus atteinte. Là où existe le plus

grand trouble de la sensibilité, existe la plus grande ataxie. Les

exceptions ne sont qu'apparentes et s'expliquent par des compli-

cations telles que l'hypotonie de quelques groupes musculaires.

Mais cette hypotonie, constante dans le tabes, n'influe sur'.le degré

de l'ataxie que lorsqu'elle est assez vive pour permettre d'exagérer

l'excursion d'une articulation, par flaccidité de la capsule articu-

laire. La capacité de la marche s'aggrave quand l'hypotonie est

inégalement grande des deux côtés. Une forte ataxie du tronc peut

gêner la capacité de la locomotion avant que l'ataxie des jambes

n'ait atteint un degré élevé.

La vue sert à renseigner et orienter le malade sur la situation

de ses membres avant le début du mouvement, puis sur leur état

pendant chaque phase du mouvement ; c'est ainsi qu'il peut dans

certaines limites le corriger, tandis que lorsqu'il a les yeux fermés

et est atteint de grands troubles de la sensibilité, il ne le peut plus.

Quand le trouble de la sensibilité n'est encore que faible, l'exagé-

ration de la tension des muscles lui sert d'indicateur, les yeux fer-

més, et lui fournit des renseignements correcteurs, aussi n'est-il

ataxique que pour les mouvements difficiles. C'est en réagissant

sur le trouble de la sensibilité du système musculaire et articulaire

que le patient est ataxique.

L'amélioration de l'ataxie tabétique n'en prouve point l'origine

centile ; sans doute le réapprentissage de la coordination amé-

liore la sensibilité, mais ce n'est pas constant, et le degré de cette

amélioration n'est pas suffisant pour autoriser une telle conclusion.

Il n'est pas rare de voir la coordination améliorée, malgré la per-

sistance de troubles sensibles extrêmes ; l'exercice augmente

mécaniquement la capacité de réaction des appareils coordinateurs

et habitue les appareils centraux régulateurs à se contenter d'un

minimum d'impressions sensibles. Pas plus que l'apprentissage

gaz REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

d'un travail de coordination manuelle n'affine chez un homme sain

la sensibilité objectivement mesurable, pas plus la rééducation des

mouvements coordinateurs perdus de l'ataxique n'améliore néces-

sairement sa sensibilité. P. Keraval.

XVI. Quelques manières de voir relatives à l'étiologie et au trai-

tement du tabès ; par F.-A..HOMFN. (IYeU7'010g Ceiiti-albl.,XVI,1897.)

L'auteur indique qu'il a suivi et traité 47 malades. Huit n'avaient

eu ni chancre mou, ni signes constatables de syphilis, quoique celle-

ci fût extrêmement probable chez trois et peut-être chez quatre

d'entre eux. Sept avaient eu très probablement des chancres mous.

Trente-deux, soit 68 p. 100, étaient certainement syphilitiques.

Trente et un parmi ceux-ci avaient subi un traitement tout à fait

insuffisant pour une syphilis d'ailleurs légère. On constatait en outre

des causes adjuvantes telles que le refroidissement et les fatigues.

Une seule observation concerne une femme qui fut infectée par

son mari peu de temps après son mariage, et encore la nature de

la maladie ne fut-elle pas reconnue immédiatement ; le tabès

débuta vingt ans après l'infection. Le meilleur traitement du

tabès est la gymnastique passive avec exercices de coordination, la

méthode de Frenkel. P. KERAVAL.

XVII. Hyperhidrose unilatérale ; par H. TEUSCUER. (Ncurolo.

Centralbl., XVI, 1897.)

Classification et étude critique des hyperhidroses unilatérales de

Raymond et Kaiser. Aux hyperhidroses dues à des affections du

système nerveux, l'auteur ajoute une observation d'épileptique

alcoolique de quarante ans. Aux hyperhidroses réflexes (cl. IV) :

a) il joint des formes en rapport avec la dégénérescence mentale ; ce

serait l'hyperhidrose dégénérative par migraine, hystérie, mala-

die de Basedow, hypochondrie, neurasthénie ; il en rapproche

l'éphidrose unilatérale par maladie infectieuse sans autres symp-

tômes du côté du système nerveux ; b) il joint encore l'hémidrose

d'apparence idiopathique qui n'est pour lui qu'un symptôme de

dégénérescence ; observations à l'appui de Berger, Ollivier,

Raymond.

Trois observations personnelles sont destinées à montrer que

certaines sueurs unilatérales jusqu'ici autonomes sont bien en rap-

port avec la dégénérescence mentale. P. IEIlA1'AL.

XVIII. La neurasthénie et le commerce du monde;

par M. L.-O. GR.1NIIOLM.

Comme une cause principale de la neurasthénie l'auteur

regarde les rapports trop étendus et trop fréquents avec le monde.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 69

L'effet d'une telle vie est stimulant par les sensations et les impres-

sions différentes et multiples. Il s'ensuit un état d'excitation qui

se continue encore quelque temps après'chaque commerce, et si

ceux-là se répètent trop souvent il en résulte une excitation per-

manente où l'individu perd de plus en plus la domination sur son

système nerveux. Conformément à l'effet des autres matières sti-

mulantes il s'établit une nécessité de cette vie inquiétante et l'indi-

vidu devient incapable d'occupations régulières. Le défaut du

repos nécessaire affaiblit la résistance de tout l'organisme. Surtout

chez les enfants on peut observer les troubles nerveux d'une vie en

commun. Sans que l'enfant ait trop veillé, il est le lendemain

nerveux et irrité. On voit que malgré le repos normal de la nuit

l'excitation persiste encore. Il va sans dire que la première étape

du traitement d'un tel cas doit être de ramener le malade aux

habitudes réglées. Il peut être nécessaire d'employer une cure

d'isolement. (Tinska Lalearesalls-Kapets HcMi'Ho', n" 10,

octobre 1898, p. cxix.)

XIX. Contribution à la connaissance de l'ophthalmoplégie externe ;

par le D'' E.-A. Homes.

Après un précis historique des doctrines de l'oplitlialmoplénie,

'l'auteur cite deux cas d'une ophthalmoplégie externe progressive,

chronique, d'une pureté rare et sans complications. Ces cas

offrent un intérêt encore plus spécial parce que les deux malades

étaient jumeaux et par l'opération pratiquée pour améliorer leur

état consistant dans une transplantation musculaire. *

Les malades, deux hommes, furent inscrits dans le service de

l'auteur à la clinique universitaire. Leur âge est de vingt-sept

ans ; point de dispositions héréditaires. Avec grande probabilité

les parents n'ont pas été syphilitiques, non plus les deux garçons,

comme les données de recherches et d'examens minutieux l'ont

prouvé. A l'âge de quinze à dix-sept ans, presque simultanément et

sans aucune cause connue ou acceptable, on a remarqué chez

tous les deux une diminution dans la capacité de lever les pau-

pières supérieures qui commençaient à pendre. Bientôt on observa

encore une diminution de la motilité des globes des yeux. Depuis

ce temps l'affection paralytique des muscles oculaires a augmenté

progressivement jusqu'au degré "présent, sans que les malades

aient jamais vu des images doubles.

Chez l'un, les paupières supérieures étaient pendantes à peu

près au même degré des deux côtés ; l'ouverture était de

4 à 5 mm. En ridant encore plus le front elle arrive à 7 mm. envi-

ron. La motilité des bulbes des yeux est aussi très réduite ; le ma `

lade n'est capable de les remuer de côté que tant que le bord

cornéo-scléral se rapproche et s'éloigne de a commissure exté-

70 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

rieure à 1 à 2 mm ; vers le haut et le bas la motilité est encore

inférieure.

Chez l'autre frère la paupière droite est un peu moins pendante,

mais la gauche davantage. La motilité des bulbes, surtout du

côté droit est un peu plus grande que chez le frère.

L'accommodation est chez tous les deux normale ; aussi aucune

insuffisance dans la réaction pupillaire pour la lumière et la con-

vergence n'est observable. Surtout chez le premier malade il y

avait une légère parésie du nerf facial, spécialement de sa pre-

mière et deuxième ramification du côté droit. Les autres nerfs

crâniens sont intacts. Aucun trouble non plus dans l'intelligence,

les autres organes des sens, la motilité, la sensibilité, les actions

réflexes ou dans les organes intérieurs.

Comme traitement, on a employé l'iodure de potassium et

l'électricité. On a aussi traité le premier cas par si ictions mercu-

rielles mais sans aucun effet.

N'ayant obtenu qu'une amélioration très minime par le traite-

ment, on a pratiqué une transplantation musculaire afin d'aug-

menter la motilité des paupières. L'opération fut exécutée sur la

demande de l'auteur par le Dr A. Forselles, d'après une méthode

inventée par lui-même. Premièrement, on a opéré l'oeil gauche

du second malade, puis le même mil du premier. L'opération

fut pratiquée en détachant le bout périphérique du muscle

releveur de la paupière et en le fixant par des sutures de catgut au

muscle frontal.

Dans le cas premièrement opéré, on a obtenu une guérison pri-

maire et le malade peut maintenant lever sa paupière jusqu'à

environ un centimètre. Dans le second cas le résultat fut troublé

par une infection de la plaie.

Vu le commencement lent de la maladie, sa progression conti-

nuelle presque égale des deux côtés, sans images doubles, et enfin

vu le fait que les muscles oculaires intérieurs sont intacts, l'auteur

regarde l'affection comme une ophthalmoplégie de nature

nucléaire, qui pendant dix ans s'est tenue dans une pureté excep-

tionnelle, à part la participation légère du nerf facial, surtout ses

deux branches supérieures du côté droit, dans le premier cas.

Le fait que les malades étaient jumeaux et que la maladie avait

commencé simultanément et de la même manière sans cause

connue, et qu'elle a pris une marche tout à fait égale, rend pro-

bable la supposition d'une affection congénitale ou héréditaire.

Le résultat de l'opération, une transplantation tendineuse ou

musculaire, prouve qu'elle est bien exécutable et mérite d'être

pratiquée dans les cas où le ptosis a atteint un très haut degré.

(Fiiislia Loeliaressclls/iapets Handlingar, nu 10, octobre 1898,

p. cxlv.)

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

I. Du délire psychique post-opératoire ; par le Dr Picqué.

En examinant l'historique de la question, on voit, d'une part, les

psychologues et les médecins tendre, avec plus ou moins de parti

pris, à aggraver la responsabilité de l'acte opératoire, dans la pro-

duction des divers délires ; d'autre part, les gynécologistes admet-

tent une relation étroite et abusive entre les psychoses et. les

opérations qui portent sur la sphère génitale; enfin on voit les

chirurgiens généraux borner leur élude aux délires qui suivent de

près l'intervention chirurgicale, et constituer un groupe trop res-

treint de psychoses post-opératoires.

Sous la dénomination générale de délire post-opératoire, on

doit désigner tout trouble intellectuel qui peut survenir à la suite

d'une opération, quelle que soit la forme ou l'origine réelle de ce

trouble psychique.

Lorsqu'après une opération un malade délire, il faut, pour

rechercher la cause de ce délire, envisager :

1° Les délires d'origine médicale, dépendant d'une affection

antérieure du malade (les centres nerveux exceptés) : 2° le délire

toxique, dont le type est fourni par le délire alcoolique ; 3° les dé-

lires par intoxication médicamenteuse(chloroforme et iodoforme);

4° les délires dus à une intoxication septicémique; 5° le délire

psychique proprement dit, ou mieux psychose post-opératoire vé-

ritable qui survient sans fièvre chez des sujets qui ne sont ni des

malades ni des intoxiqués.

Les diverses variétés du délire d'intoxication ou faux délires post-

opératoires sont faciles à reconnaître ; ce sont ou des états transi-

toires d'excitation, ou plus rarement de dépression; tantôt le dé-

lire qui en est l'expression est systématisé (délire alcoolique),

tantôt il est incohérent et confus. Dans la psychose post-opéra-

toire vraie, on retrouve encore les états d'excitation qui caractéri-

saient les formes précédentes, mais on trouve, d'autre part, des

états dépressifs qui lui sont propres et qui, contrairement aux pré-

cédents, semblent porter plus facilement à la chronicité. Les états

d'excitation sont caractérisés surtout par des formes maniaques

avec ou sans délire, pouvant être engendrées par toutes les opéra-

tions chirurgicales, même les plus simples, et survenant générale-

ment dans les premiers jours qui suivent l'opération. Contraire-

72 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

ment aux états d'excitation, les formes mélancoliques ou anxieuses

ne s'observent généralement qu'à la suite de certaines opérations

déprimantes, amputations, castration, taille hypogastrique, éta-

blissement d'anus contre nature.

Ces états dépressifs surviennent parfois peu de jours après l'opé-

ration ; le plus souvent, ils ne se montrent que tardivement, alors

que le malade a été perdu de vue ; ce n'est plus le chirurgien qui

les observe, comme dans les cas d'excitation, mais bien le médecin

aliéniste, à l'asile. Ces états dépressifs s'accompagnent souvent de

tendance au suicide.

A côté de ces états d'excitation et de dépression, il existe une

forme spéciale de délire qui ne s'observe que dans une catégorie

toute particulière de malades. Ce sont des aliénés anciens, atteints

de folie morale, et qui ne sont pas internés par ce fait que leur

délire parait logique et qu'ils raisonnentfortbien. Ce sontlespersé-

cutés persécuteurs que les chirurgiens doivent connaître et recon-

naître pour ne jamais pratiquer chez eux que la chirurgie

d'urgence. En effet, leur maladie d'abord, leur opération ensuite,

deviennent un aliment nouveau à leur délire; ils y concentrent

toutes leurs pensées ; la moindre sensibilité de cicatrice devient

pour eux l'occasion de délires graves qui les amènent à l'asile.

L'opération n'a constitué qu'un épisode dans leur histoire patholo-

gique. {Annales médico-psychologiques, août 1898.) E. BLIN.

IL L'hérédité comme facteur dans l'étiologie de la folie ;

par le Dr Putnam STEARNS.

Dans ses travaux sur l'hérédité, Weismann suppose qu'a une

certaine phase du processus de l'évolution les cellules se divisent

en deux variétés : d'une part, les cellules, de reproduction, aux-

quelles est dévolue la préservation de l'espèce et les cellules soma-

tiques, auxquelles incombent la préservation de l'organisme et l'ac-

complissement de ses fonctions.

Si la cellule-germe détermine primitivement le caractère des

colonies variées de cellules somatiques, ces cellules somatiques

n'auraient que bien peu d'influence sur la cellule-germe, en sorte

que les diverses modifications qu'elles subissent du fait du milieu

ou des influences variées ne pourraient se transmettre au futur

organisme.

L'auteur s'élève contre cette division trop tranchée et montre

par divers exemples, que les causes extérieures agissant sur les

cellules somatiques, en particulier sur le cerveau, non seulement

peuvent, mais doivent se répercuter sur la cellule germe et modifier

son caractère.

L'hérédité paraît reposer sur ce fait que la cellule-germe pos-

sède dans sa structure compliquée un grand nombre d'éléments

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 73

qui constituent les représentants du futur organisme, non seule-

ment dans ses parties physiques, mais encore quelques caractéris-

tiques de ses mouvements organiques aussi bien que de ses quali-

tés intellectuelles.

Il est probable que les connexions entre l'écorce cérébrale et les

ovaires sont plus ou moins intimes suivant les personnes, les

familles, les races, et c'est ce qui explique que quelques personnes

ou familles sont plus aptes que d'autres à transmettre les carac-

tères de la famille et de la race ; c'est ce qui explique aussi la dis-

parition ou l'atténuation possible chez le descendant d'un caractère

pathologique acquis chez l'un des parents. (Americ«n Journal of in-

sahity, octobre 1897.) E. B.

111. Rapport préliminaire, clinique et pathologique, sur un cas

de démence progressive ; par les D,s K. Mils et A, SCIIIVELY.

L'histoire clinique de la malade était la suivante : femme de

soixante-quatre ans, toujours nerveuse ; crise de manie après la

naissance de son premier enfant ; à vingt-trois ans, une crise de

chorée ; vers cinquante-quatre ans, elle devient sujette à.des

périodes d'excitation avec idées vagues de persécution ; elle ressent

de violents maux de tête toujours localisés à la région pariétale

droite ; peu à peu sa mémoire s'affaiblit en même temps que sur-

viennent des vertiges et que son intelligence baisse ; quelque temps

avant sa mort elle en était arrivée à un véritable état de démence.

A l'autopsie on trouve la dure-mère épaissie, la pie-mère et l'arach-

noïde opaques ; les vaisseaux de la base sont athéromateux.

L'examen microscopique montre les modifications pathologiques

suivantes : les particules chromophiles des corps cellulaires et des

noyaux sont inégalement répartis; leur disparition par endroits

donne au corps cellulaire une apparence vacuolaire. Les dendrites

basilaires présentent sur leur parcours des dilatations momli-

formes ou présentent des extrémités en forme de massue. Le den-

drite du sommet est rugueux et déformé dans son contour ; le

cylindre-axe est intact ; les grandes cellules pyramidales sont les

plus atteintes.

Les vaisseaux présentent des altérations de leurs parois.

Il existe en même temps plusieurs zones de ramollissement au

niveau de la région pariétale droite. Enfin les fibres à myéline sont

altérées à divers degrés dans la région pariétale, dans le chiasma,

la protubérance et la moelle. Dix ligures hors texte reproduisent

ces diverses lésions. (lnenicccz Journal of insanity, octobre 1807.)

il,. B.

INAUGURATION

D U

MONUMENT DE J.-M. CHARCOT

(4 DÉCEMBRE 1898.)

C'est par un temps brumeux, froid, humide, que le dimanche

4 décembre, à 10 heures du matin, a eu lieu devant la Salpêtrière

l'inauguration du monument élevé à la mémoire de notre illustre

Maître, Charcot.

Malgré ces mauvaises conditions climatériques, une foule nom-

breuse et choisie entourait l'estrade et la statue voilée, oeuvre de

Falguière.

M. LEYGUES, ministre de l'Instruction publique, présidait la céré-

monie, assisté de M. Loekroy, ministre de la Marine; de M. de Selves,

préfet de la Seine; de M. Navarre, président du Conseil municipal

de Paris. M. le Président de la République s'était fait représenter

par le commandant Meaux Saint-Mars; l'Institut avait délégué

MM. Bertrand, Guyon, Lannelonnue; l'Académie de médecine, son

président, le professeur Jaccoud, son secrétaire perpétuel et MM. lier-

geron, Empis, Hervieux, etc.; M. le D'' Kapias, directeur de l'Assis-

tance publique. Nous devons encore signaler la présence de M. le

professeur Chauveau, du professeur Lépine (de Lyon), du professeur

Grasset et du professeur agrégé Rauxier, venus exprès de Montpel-

lier pour assister à la cérémonie. Le personnel médical et admi-

nistratif de l'hospice de la Salpêtrière et un petit groupe de surveil-

lants, de surveillantes et d'infirmières, enfin, pour employer les

expressions de notre ami Laborde, tout un parterre de dames,

parmi lesquelles nous avons reconnu Mmos Paul Brouardel, F. Ray-

mond, Goujon, Déjerine-Klumpke. Nou renonçons à énumérer,

crainte d'erreur, les notabilités politiques et scientifiques qui ont

tenu à porter au Maître un hommage posthume et à assister à son

apothéose.

La famille de Charcot était représentée par son fils, le Dr Jean

Charcot et sa fille, 11 ? A. LI)WAIIDS; par son frère, M. Martin Char-

cou ; son autre frère, le commandant Charcot, étant empêché par

une grave maladie, enfin par Jean Charcot et M. A. Edwards.

La doyen de la Faculté, M. Brouardel, a remis à la Ville de Paris

le monument de celui qu'il considère comme une gloire nationale.

76 6 BIBLIOGRAPHIE.

Ce mot de gloire nationale que M. Brouardel a appliqué à Charcot

avec un noble sentiment de fierté, nous allions dire d'égoïsme pa-

trictique, ne suffit pas, selon nous, à son mérite; il fut plus qu'une

gloire nationale, tous les peuples civilisés réclament une place à

l'apothéose de-pareils hommes de science qui sont l'honneur de

l'humanité entière. Et ceci est d'autant plus vrai pour Charcot que

la souscription de son monument a été couverte à moitié par des

élèves ou des amis étrangers. ,

Néanmoins, M. Brouardel a eu raison de revendiquer pour la

France, pour Paris, pour la Faculté de médecine, la gloire de Char-

cet. les savants de cette envergure sont trop rares pour que l'on n'en

soit pas jaloux et l'on n'a pas tous les jours l'occasion d'inaugurer

la statue d'un véritable'grand homme, en cette époque de médiocres

où la notoriété suffit à perpétuer des visages qui n'ont guère valu

plus que leur bronze.

M. le Dr NAVARRE, au nom de Paris, a accepté le monument.

M. le professeur RAYMOND, qui a brillamment succédé à Charcot

dans son enseignement clinique à la Salpêtrièrs, et M. le professeur

Cornil, un de ses premiers élèves et collaborateure, son second

interne à la Salpêtrière, ont fait successivement l'éloge du Maître.

M. le ministre LEYGuEs a clos la série des discours. En montrant

le visage grave et expressif du grand neurologiste, M. Leygues a

trouvé le mot juste pour caractériser Charcot : c'est le visage d'un

apôtre et d'un apôtre de la Vérité. La statue de Charcot se dresse

majestueusement à gauche de l'entrée de la Salpêtrière, non loin

de celle dePinel, cet autre apôtre : de la science et de l'humanité. Une

place reste vacante à droite ; ce n'est pas, hélas ! nous qui verrous

surgir dans la science médicale, celui qui sera capable de servir de

pendant à Charcot.

. A la fin de la cérémonie, M. Leygues, aux acclamations des assis-

tants, a remis la croix de la Légion d'honneur a notre excellent

ami et collaborateur, M. le Dr Gombault.

BIBLIOGRAPHIE.

I. Clinique des maladies du système nerveux ; par le professeur

Raymond (3° série). Doin, éditeur.

Le professeur Raymond fait paraître la troisième série de ses

leçons cliniques, professées pendant l'année scolaire 1897-1898. Les

BIBLIOGRAPHIE. 77 f

premières leçons sont consacrées à l'étude des tumeurs de l'ancé-

phale. Trois faits de tumeur de la zone rolandique ; un cas de

tumeur de la base du crâne comprimant à gauche la racine sensi-

tive du trijumeau, sa branche motrice, le moteur oculaire com-

mun, le pathétique, et les nerfs optiques ; un cas de tumeur du

cervelet avec hémiplégie flasque et amyotrophie; un cas de tumeur

du cervelet avec triade complète et paralysie double de la sixième

paire ; un cas de tumeur du cervelet avec perte totale de la vue et

de l'ouïe ; un cas de tumeur du centre ovale avec des périodes

d'évolution, l'un à forme cérébelleuse, l'autre simulant l'hémiplé-

gie avec hémianesthésie ; un cas de tumeur de la protubérance

avec paralysie alterne : paralysie des sixième et septière paires d'un

côté, hémiplégie de l'autre ; un second cas de paralysie alterne

avec paralysie des sixième, septième et douzième paire à droite,

hémiplégie et hémianesthésie à gauche servant de bases à l'étude

complète et raisonnée du diagnostic des tumeurs cérébrales, La

plupart des observations ci-dessus sont suivies des résultats de

l'autopsie avec renseignements précis sur le siège et la nature de

la lésion.

Ce chapitre diagnostic constitue une véritable synthèse des

leçons précédentes. Le siège de la tumeur, l'âge du malade peuvent

servir d'indice pour la nature de la tumeur. Pratiquement, il im-

porte de faire un diagnostic précoce. Certains symptômes s'ob-

servent avec des tumeurs encéphaliques de n'importe quel siège. La

céphalalgie tenace et violente, continue et exacerbante, constitue

la manifestation la plus fréquente et la plus fréquente des tumeurs

cérébrales; les vomissements ressemblent plutôt à de simples

régurgitations et sont sans relations fixes avec l'alimentation ; les

attaques convulsives sont sans caractères fixes, partielles ou géné-

ralisées mais toujours il faut se défier de ces attaques convul-

sives qui, simulant les attaques de l'épilepsie vulgaire, survien-

nent sans cause apparente chez une personne plus ou moins avan-

cée en âge et ayant en tout cas dépassé la trentaine. Les facultés

intellectuelles vont en s'affaiblissant. L'oedème de la papille, faci-

lement reconnaissable à l'ophthalmoscope, s'observe environ dans

90 p. 100 des cas. Ces symptômes permettent de faire le diagnostic

de tumeur encéphalique.

Mais tel quel, ce diagnostic est insuffisant. Le clinicien doit

préciser le siège du mal ; alors seulement le chirurgien pourra

aller à sa recherche et essayer la seule thérapeutique possible :

l'ablation du néoplasme. Ce diagnostic topographique repose sur

les localisations cérébrales, dont il nécessite la connaissance appro-

fondie. Nous ne suivrons pas le savant professeur dans cette étude

si complète et nette, où il passe en revue successivement chaque

lobe et chaque circonvolution cérébrale, chaque fonction du cer-

veau. Si beaucoup de localisations sont nettes et précises, d'autres

78 BIBLIOGRAPHIE.

malheureusement sont encore bien indécises et soumises à la

discussion.

La maladie de Friedreich est une maladie essentiellement fami-

liale. Le professeur Raymond présente d'abord un cas typique,

complet, de celte affection. Quatre autres malades présentent une

forme fruste de cette maladie où l'incoordination motrice constitue

le seul symptôme constant. Nosographiquement « elle se place eu

quelque sorte au centre d'un trépied dont les trois angles seraient

occupés par le tabes dorsalis, par la sclérose en plaques, par

l'ataxie cérébelleuse ». C'est donc avec ces trois affections qu'il

faut s'efforcer de faire le diagnostic ; c'est ce que le professeur

Raymond, avec sa précision et sa netteté habituelles, établit en

tableaux parallèles.

Quelles sont les relations de la maladie de Friedreich avec le

tabès de Duchenne ? Que faut-il penser du labes héréditaire ? A

ces questions sont consacrées les leçons suivantes. Un père est

atteint de tabes dorsal classique ; le fils présente une affection

hybride qui emprunte ses traits à la fois au tabès vulgaire et à la

maladie de Friedreich. S'agit-il ici d'un tabès infantile ? Mais le

labes infantile est fort rare et ne diffère en rien cliniquement du

tabès de l'adulte. L'hérédité directe du tabès est aussi exception-

nellement rare, et alors le tabès ne revêt pas de caractères parti-

culiers, insolites. Le fils ici n'a hérité que d'une tare neuropathique

générale, et non du tabès paternel. Son cas est un hybride.

L'atrophie héréditaire de la papille est une affection héréditaire

et familiale encore peu connue. Le professeur Raymond a pu en

montrer à ses auditeurs quatre cas, et présenter une cinquième

observation. Suivent deux leçons sur la maladie de Little, et deux

leçons consacrées à la sclérose latérale amyotrophique à début

bulbaire. Ces deux leçons ont déjà été analysées dans ces Archives

(1897, II).

A propos d'un cas d'hémisection traumatique de la moelle, le

professeur expose magistralement, au point de vue de la physiolo-

gie, de la médecine légale et de la clinique, le syndrome de

Brown-Séquard (Anal, in Archives de Neurologie, 1898). Fait inté-

ressant bien mis en lumière, et qui semble contraire aux idées

reçues, les suites d'une hémisectiou traumatique de la moelle ont

une tendance à s'améliorer progressivement jusqu'à disparaître

dans bien des cas.

La leçon suivante est consacrée à l'étude d'un malade qui, devenu

syphilitique en septembre 1894, présenta une paralysie syphili-

tique avec dissociation syringomyétique de la sensibilité en avril

1895 et vit se développer ensuite une maladie de Thomsen. La

syphilis n'a pas agi comme cause directe, mais en accentuant la

fragilité native qui faisait des muscles et du système nerveux de

cet homme un locus minoris resiatenlix.

BIBLIOGRAPHIE. 1H )

Chez une femme, une intoxication de nature indéterminée, peut-

être l'infection tuberculeuse, a déterminé une monoplégie du

membre inférieur droit par paralysie radiculaire, avec un éry-

thème polymorphe. A une seconde étape de la maladie, la para-

lysie envahit le membre inférieur gauche, les sphincters se pren-

nent et l'autopsie révèle une tuberculose infiltrée des nerfs de la

queue de cheval.

La diplégie faciale est rare. M. Raymond a pu en présenter à

ses élèves un cas où la maladie a évolué en deux temps. D'origine

périphérique, elle s'est développée sous l'influence commune du

froid et d'une infection indéterminée, ainsi que le zona qui a

accompagné son apparition.

Un cas de polynévrite subaiguë est une occasion pour le pro-

fesseur Raymond d'établir le diagnostic d'avec la polimyélite, dia-

gnostic souvent délicat et toujours si important ; cette polynévrite

était intéressante en outre par sa marche extensive qui la rappro-

chait de la maladie de Landry, syndrome clinique plutôt qu'entité

morbide. L'autopsie a montré une polynévrite avec transformation

scléreuse, véritable névrite interstitielle hypertrophique, et lésions

cellulaires sur toute la hauteur de la moelle.

La névrite apoplectiforme ne mérite pas d'être élevée au rang de

modalité spéciale. La seule autopsie où la cause fut un épanche-

ment sanguin est celle de M. Dejérine. Le seul caractère commun

des cas publiés est leur début brusque. 1

La sclérodermie appartient à la pathologie nerveuse. Elle rentre

dans le cadre des affections névrotrophiques. L'association avec la

maladie de Basedow pourrait faire soupçonner un rôle patho-é-

nique de la glande thyroïde. Enfin le volume se termine par

l'étude de deux cas d'hystérie mâle. Le premier malade présente

une monoplégie du bras avec névrite traumatique du cubital et

du médian ; le second une monoplégie inférieure d'origine trau-

matique.

Cette analyse rapide montre 1 importance de ces leçons qui

touchent les points les plus divers de la neuropathologie. Ecrites

dans un style clair et précis, elles sont dignes de leurs devan-

cières et dignes de l'Ecole de la Salpêtrière. Miraillé.

II. Leçons de clinique thérapeutique sur les maladies du système

nerveux; par Gilles DE la Tourette. Pion et Nourrit, éditeurs.

Ces leçons de clinique thérapeutique portent comme tous les

ouvrages du même auteur, le cachet de son maître Charcot dont

M. Gilles de la Tourette, élève fidèle et reconnaissant, a toujours

su, même dans ses créations les plus personnelles, suivre l'inspira-

tion et la méthode.

Les leçons actuelles présentent un intérêt tout particulier, car elles

80 BIBLIOGRAPHIE.

montrent que, si, dans les affections du système nerveux le traite-

ment est souvent ingrat, il y a des cas pourtant, où une thérapeu-

tique bien menée peut déterminer sinon une guérison absolue,

tout au moins un soulagement et une amélioration qui peuvent

quelquefois même être considérés comme un équivalent de gué-

rison.

Presque aussi important que le traitementest le pronostic, mais,

pour l'un comme pour l'autre il faut d'abord un diagnostic; aussi,

l'auteur établira-t-il longuement, pour toutes les affections dont il

s'occupera dans ce volume, un aperçu clinique et diagnostique où

nous rencontrerons fréquemment des opinions, résultats d'obser-

vations toute personnelles.

Première leçon. Diagnostic et pronostic de Vhémorrhagie cérébrale

et des états ahohlectifonmes. Traitement des hémiplégiques L'auteur

commence par un exposé détaillé de l'étiologie et de la patho-

génie de l'hémorrhagie cérébrale où nous notons des recherches

inédites sur la structure des artères cérébrales, suivi d'un tableau

clinique de l'attaque d'apoplexie. Le pronostic se fera surtout par

l'emploi judicieux du thermomètre préconisé par Bourneville, puis

par la recherche d'éléments d'appréciation tels que la contracture

précoce, la déviation conjuguée de la tête et des yeux, le décubitus

acutus, tous symptômes alarmants.

L'auteur insiste ensuite sur le diagnostic différentiel des états

apoplectiques ou comateux qui peuvent simuler l'ictus de l'hémor-

rhagie cérébrale et divise ces états apoplectiques en : 1° état apo-

plectique lié à une lésion organique des centres nerveux; 2° état

apoplectique sous la dépendance d'un simple trouble fonctionnel

ou d'une maladie générale, intoxication ou autre dont la localisa-

tion principale se fait sur le système nerveux central. Parmi les

premiers, les néoplasmes intra-craniens où la marche de la tempé-

rature peut être la même que dans l'hémorrhagie cérébrale, mais

qui sont différenciés par les antécédents, les symptômes prémoni-

toires, les localisations précoces; les traumatismes crâniens où la

température, comme d'ailleurs dans l'épilepsie, pourra régler le

pronostic, mais dont les signes différentiels sont nombreux. Dans

les seconds qu'il vaut mieux désigner sous le nom d'états coma-

teux, nous trouvons au contraire un abaissement de température

dont la chute aggrave le pronostic. Parmi ceux-ci, l'intoxication

alcoolique qui peut se présenter sous la forme de délirium tremens

ou sous celle d'ivresse; l'intoxication par l'opium avec les pupilles

reserrées, le pouls petit, les vomissements; l'intoxication par la

digitale, l'aconit, la jusquiame et la belladone caractérisées par

l'état du cojur et, pour la dernière, la dilatation permanente des pu-

pilles ; surtout le coma urémique ou diabétique, question qui sera

généralement tranchée par l'examen des urines; enfin l'attaque

BIBLIOGRAPHIE. 81

hystérique à forme apoplectique ou comateuse où, dans l'absence

d'antécédents nets, la situation sera éclaircie par une température

normale, le frémissement vibratoire des paupières qui ne fera pres-

que jamais défaut et souvent la présence d'une zone hystérogène.

Après l'attaque d'apoplexie, due à l'hémorrhagie cérébrale, sur-

viendra en général si le malade ne succombe pas, l'hémiplégie

qu'il sera important de pouvoir localiser si possible avant son appa-

rition complète. Celle-ci sera bénigne et transitoire si les réflexes

au bout de quelques jours restent normaux, très grave s'ils sont

abolis, définitive si vers le cinquième ou sixième jour ils sont exa-

gérés. L'auteur, dans l'étude de. l'hémiplégie, insiste tout particuliè-

rement sur l'arthrite scapulo-humérale qui se développe presque

toujours, sinon toujours, dans l'hémiplégie abandonnée au elle-

même; cet accident est très douloureux, et plus encore que la con-

tracture met obstacle tout au moins aux mouvements provoqués.

Cette arthrite est due simplement à l'immobilisation et entraîne

une atrophie musculaire dans le territoire trophique de l'articula-

tion lésée *.

Le traitement prophylactique de l'hémorrhagie cérébrale aura

surtout pour but d'empêcher nn excès de pression dans les artères

lésées ; éviter le travail intellectuel, les émotions, les grands écarts

de température, les excès de toute nature. Quant à l'accident lui-

même, s'il n'y a pas de traitement véritablement efficace, bien

que l'on puisse toujours essayer d'abaisser la pression artérielle

par les frictions, une saignée, des purgatifs, il y aura en tous les

cas des précautions consécutives à prendre, comme de surveiller

la vessie, d'empêcher l'infection de la cavilé buccale et secondaire-

ment des poumons, d'alimenter le malade dès que cela sera pos-

sible. Quant a l'hémiplégie, en l'absence de traitement curatif, on

pourra cependant diminuer jusqu'à un certain point l'intensité de

la paralysie et de la contracture, et éviter complètement l'arthrite

si douloureuse et l'atrophie presque obligatoire qui l'accompagne

par la mobilisation précoce et par un massage léger; quant à l'é-

lectricité si on l'autorise il ne faudra toujours l'appliquer qu'avec

lesplus grands ménagements. Enfin, il faudra chercher par des exer-

cices répétés à rééduquer si possible les mouvements et au besoin

l'aphasie, besogne toujours longue, minutieuse et souvent ingrate.

Deuxième leçon. Les états neurasthéniques et leur traitement.

Il faut avant tout faire la différence entre l'état neurasthénique

vrai et celui qu'avec Charcot l'auteur qualifie de neurasthénie à

forme héréditaire, de neurasthénie constitutionnelle.

Après quelques considérations historiques des plus importantes

' Voir dans la llev. phol. des hôp., 1871, notre mémoire sur les riotlerop.

conséc. aux maladies du cerveau et de la moelle. (B.)

Archives, 2* série, t. VII. 6

8 : 2 BIBLIOGRAPHIE.

pour la compréhension exacte du sujet, l'auteur passe en revue avec

beaucoup de détails les principaux symptômes de l'état neurasthé-

nique vrai, insistant sur les stigmates, céphalée, craquements de

la nuque, état des pupilles, plaque sacrée, vertige, sur les troubles.

des fonctions viscérales, en particulier sur la fausse angine de poi-

trine qui ne se distingue guère de la vraie que par l'état du pouls,

sur l'état mental, et montre comment ces symptômes se groupent

parfois suivant des modes assez particuliers pour constituer des

variétés dans le type général. Il cite ensuite des exemples illustrant

les différentes formes cliniques de cérébrasthénie etdomyélasthé-

nie et montre la fréquence d'associations morbides, d'hystéro-

neurasthénie en particulier, et enfin d'états neurasthéniques secon-

daires ajoutés.

A cet état neurasthénique vrai, il faut opposer une calégorie

d'états qualifiés de neurasthéniques qui doivent être complètement

différenciés, parce que chez eux l'hérédité et souvent l'hérédité

similaire est forcément présente et que, s'il parait exister de

nombreuses ressemblances dans la forme entre ces deux affections :

état neurasthénique vrai et neurasthénie constitutionnelle ou

héréditaire elles sont en réalité séparées par des différences incon-

testables dans la nature. Le pronostic en outre peut être bénin

dans le premier cas, alors qu'au contraire il est grave dans le

second ; le pronostic d'ailleurs pour le neurasthénique vrai dépend

souvent de l'état social du malade.

Le diagnostic différentiel doit se faire d'abord entre les états

neurasthéniques, puis avec les états mélancoliques ou hypochou-

driaques, enfin, et il y a lieu d'insister sur ce point,avec la paralysie

générale, diagnostic différentiel souvent si difficile au début, quel-

quefois même impossible, et avec l'hystérie, surtout avec les crises

d'hystérie qui peuvent être confondues avec les c paroxysmes an-

goissaiils » qui accompagnent parfois la neurasthénie. L'hystéro-

neurasthénie d'ailleurs n'est point rare et il sera bien difficile dans

beaucoup de cas de faire la part de l'un et de l'autre dans l'en-

semble symptomatique.

L'importance du diagnostic des états neurasthéniques est d'autant

plus important qu'il est indispensable pour instituer un traitement

avec quelques chances de succès.

Ladouche froide remplacée quelquefois parla balnéation tiède,

l'électricité statique devront relever la dépression physique. Contre

les phénomènes nerveux le bromure de potassium à faible dose

qu'on emploiera tantôt isolé, tantôt en même temps que le sulfo-

nal, le laudanum ou le chloral pour combattre les insomnies;

veiller à l'alimentation et, enfin, éloigner le sujet de ses occupations

habituelles et des causes provocatrices de son état morbide.

Dans l'hystéro-neurasthénie plus que partout ailleurs, il faudrait

déplacer et isoler le malade ; malheureusement en général il s'agit

BIBLIOGRAPHIE. 83

de mécaniciens, d'ouvriers ou manoeuvres qui se trouvent tempo-

rairement mis dans l'impossibilité de gagner leur vie, chez qui la

thérapeutique perd ses droits et qui finissent par tomber dans une

profonde déchéance et faire partie des déclassés des grandes villes.

Troisième leçon. Diagnostic et traitement de l'épilepsie. - Les

coriiiliaux ne doivent plus être divisés en deux catégories suivant

que le début est précoce ou tardif, car l'épilepsie tardive et l'épi-

lepsie précoce sont une seule et même affection. Toutefois l'épilep-

sie développée dans l'enfance présente quelques particularités

d'étiologie parmi lssquelles l'hérédité, les accouchements laborieux,

les maladies infectieuses de l'enfance; dans l'évolution il existe

également des particularités et notamment, au début, avant l'ap-

paiition du premier accès, les crises de colère fréquentes, les

absences, les vertiges. Tous ces éléments devront entrer dans le

diagnostic ainsi que les heures d'apparition des crises, l'aura, l'ac-

cès lui-même sur lequel l'auteur insiste longuement ainsi que sur

le diagnostic différentiel avec l'hystérie qui en dernier ressort

pourra être tranché par l'examen des urines. L'accès d'épilepsie

en effet élève pendant vingt-quatre heures le taux de tous les élé-

ments solides de l'urine, l'attaque d'hystérie au contraire ainsi que

M. Gilles de la Tourette l'a établi avec M. Cathelineau abaisse le

taux du résidu fixe et de plus le rapport des phosphates terreux

aux phosphates alcalins est renversé. Enfin dans les accès subin-

trants, ainsi que l'a indiqué M. Bourneville, la température s'élève

dans l'épilepsie et ne dépasse pas la normale dans l'hystérie

Le seul traitement véritablement efficace de l'épilepsie est le

bromure de potassium associé avec les bromures de strontium et

d'ammonium, ainsi que cela a été préconisé par Charcot. Ce trai-

tement doit toujours être énergique et sévère quelle que soit la

forme de l'affection, mais en se guidant sur la tolérance de l'indi-

vidu au médicament. Aussi, l'auteur développe-t-il avec détails les

accidents provoqués par l'intolérance au bromure et les moyens

d'éviter ces accidents ou de les rendre supportables. Les doses de

bromure doivent être progressives et administrées d'après l'heure

habituelle d'apparition des accès, elles doivent surtout être données

en doses suffisantes et sans cesser un seul jour. Si les accès s'éloi-

gnent et disparaissent il faudra diminuer mais nonpas cesser, sauf

dans des cas malheureusement exceptionnels.

Quand le bromure n'est pas efficace l'auteur préconise d'admi-

nistrer en même temps des doses progressivement croissantes de

bromure et des doses progressivement décroissantes de borate de

soude et vice versa alternativement.

Quatrième leçon. Traitement de l'hystérie. Dans cette leçon

remarquable, qui est d'une importance capitale, M. Gilles de la

84 BIBLIOGRAPHIE.

Tourette montre le rôle considérable que doit jouer le médecin

presque dès la naissance pour ainsi dire d'une enfant qui peut, de

par son hérédité, être soupçonnée de tendance l'hystérie ; il

montre la nécessité d'éloigner cet enfant de toute influence mor-

bide pernicieuse, et la direction que doit prendre son éducation.

Enfin, la conduite à tenir suivant les cas au moment où un

mariage devient possible, puis plus tard les conseils à donner au

sujet de la grossesse, de l'allaitement, etc.

Si malgré toutes les précautions, surviennent des symptômes

alarmants tels que le somnanbulisme nocturne, les touxquintcuscs

passagères, il faudra abandonner le traitement prophylactique pour

le traitement de l'hystérie en général eu se souvenant qu'en matière

d'hystérie il est plus facile de prévenir les accidents que de les

faire disparaître lorsqu'ils existent.

Le traitement curatif de l'hystérie est général ou particulier ;

mais avant tout il faut se mettre en garde contre la pratique de

l'hypnotisme si dangereuse entre des mains inexpérimentées et

qui n'est autorisée que lorsqu'il existe des accidents graves et qui

ont résisté à tous les autres moyens curatifs.

L'élément le plus important du traitement psychique consiste

dans l'isolement de ces malades des personnes de leur entourage.

Le traitement physique externe sera l'hydrothérapie qui peut être

appliquée sous différentes formes et l'électricité. Quant au traite- '-

ment médicamenteux en dehors des préparations ferrugineuses et

des amers utiles pour relever les forces et combattre l'anémie il

faudra se contenter de la médecine d'imagination qui peut parfois

donner de très remarquables résultats.

Enfin l'auteur entre dans d'intéressents détails sur les traite-

ments nécessités par des' phénomènes hystériques particuliers tels

que les attaques, les paralysies, les contractures, les troubles tro-

phiques et l'hystérie viscérale avec l'accident le plus grave de tous

lorsqu'il n'est pas énergiquement soigné à temps, l'anorexie.

Cinquième leçon. Diagnostic el traitement du tic douloureux de la

face et de la migraine. S'appuyant sur un fait clinique, M. Gilles

de la Tourelle décrit les symptômes du tic douloureux de la face,

affection éminemment paroxystique et qu'il faut différencier de la

névralgie faciale simple tout en admettant cependant des formes

de transition. L'étiologie est peu connue, bien que l'hérédité

semble jouer un certain rôle, le pronostic est sombre, le diagnostic

en général facile sauf toutefois avec les paroxysmes hystériques à

forme de névralgie faciale où il faut souvent un oeil exercé pour

faire la différence basée sur les phénomènes de l'aura, la longue

durée du paroxysme, son peu de fréquence relative, la présence

dans le domaine de la cinquième paire d'une zone hypéresthétique

hystérogène et la terminaison habituelle de la durée morbide par

BIBLIOGRAPHIE. 85

une crise convulsive accompagnée et suivie de phénomènes psy-

chiques.

Il n'y a jusqu'à présent qu'un seul moyen thérapeutique qui

unisse efficacement contre celte douloureuse maladie, c'est celui

préconisé par Trousseau et adopté par Charcot consistant dans

l'administration à haute dose de l'extrait ihébaïque. Donné au

début à la dose de 6 centigrammes à 8 centigrammes on augmen-

tera progressivement et l'on pourra dépasser la dose de 25 centi-

grammes. Ce traitement est généralement très bien supporté mais

il doit cependant être soigneusement surveillé. C'est une thérapeu-

tique palliative et non pas malheureusement curative. Si le sujet

est syphilitique il faut mettre en oeuvre la médication spécifique.

Dans cette même leçon l'anteur différencie les migraines

simples des migraines graves ou des migraines ophthalmiques

accompagnées dont il donne un exemple. Le traitement dans ces

cas sera identique à celui de l'épilepsie, c'est-à-dire l'administra-

tion progressivement croissante et décroissante du bromure de

potassium ; en mémo temps il faudra prescrire l'abslinence de

toutes boissons fermentées et n'autoriser que de l'eau très légère-

ment rougie.

Sixième leçon. La morphinomanie et son traitement. Après un

exemple clinique de démorphinisation rapide l'auteur passe rapi-

dement en revua les symptômes de l'intoxication par la morphine

qui peut être divisée en trois périodes : i° la période d'euphorie

dont la durée est variable suivant les doses; c'est la période où la

morphine semble apporter du bien être, mais, dès que son action

a cessé les oppressions, les malaises nécessitent de nouvelles

piqûres. Le malade à celle période pour user moins de la morphine

ajoute souvent à cette première intoxication celle produite par

la cocaïne, la spartéine, l'alcool ; 2° la période intermédiaire est

marquée par l'usage de 25 à 30 centigrammes de morphine,

l'organisme donne des signes de défaillance, l'appétit se perd,

l'amaigrissement et l'insomnie surviennent ; 3° à la période cachec-

tique l'organisme est saturé, la morphine ne produit plus d'effets,

le malade en ressent tous les inconvénients sans en éprouver le

moindre bénéfice, c'est la période terminale marquée par des

syncopes, souvent des abcès, la cachexie générale et enfin la mort.

Il y a trois méthodes pour traiter la morphinomanie. La sup-

pression brusque, rapide et lente. La' suppression brusque expo-

sant à de graves accidents doit être rejetée à moins de circons-

tances exceptionnelles, si par exemple l'iutoxcication est de date

récente, l'état général satisfaisant et le taux quotidien ne dépas-

sant pas 25 à 30 centigrammes. La méthode la meilleure est sans

contredit la démorphinisation rapide. Comme pour toutes les

autres d'ailleurs le malade avant de commencer cette démorphi-

86 bibliographie.

nisation doit être soumis à un traitement prémonitoire d'une hui-

taine de jours au moins destiné à faciliter l'élimination et qui

consistera en régime lacté, purgations, toniques du coeur, régle-

mentation des piqûres, repos au lit; on profitera également de ce

moment pour déshabituer brusquement le malade des intoxica-

tions surajoutées.

Mais, une des conditions les plus importantes pour la réussite

de la démorphinisation est l'isolement dans un établissement spé-

cial, avec un personnel habitué à ce traitement. Le traitement

effectif consistera à supprimer le premier jour la moitié de la

dose quotidienne habituelle et arriver à la suppression complète

en quatre ou en six jours suivant la dose. Les accidents de la démor-

phinisation doivent être suivis de très près ; à une période d'excita-

tion que l'on cherchera à combattre par les bains chauds, le bro-

mure de potassium, succédera souvent une période de dépression,

accompagnée de troubles gastro-intestinaux, de sialorrhée ; le

coeur doit être surveillé car la syncope est à craindre et celle-ci, si

elle semble grave, doit être combattue par une injection de mor-

phine. Pendant la, période de convalescence, il y a de temps à

autre des crises éliminatoires éloignées et le médecin doit redou-

bler de surveillance tant pour empêcher le malade de retomber

dans ses habitudes que pour parer aux accidents possibles.

La méthode de la suppression lente ne donne pas en général de

très bons résultats; on est pourtant obligé quelquefois d'y avoir

recours. On substitue dans ce cas l'extrait thébaïque à la morphine

puis on débarrasse assez facilement le malade de sa nouvelle habi-

tude d'opium.

Septième leçon. Le vertige de illenière et son traitement. L'au-

teur avec des faits cliniques à l'appui fait une étude détaillée, du

vertige de Menière. Après un aperçu historique, il entre dans

l'étude delà physiologie du labyrinthe pour montrer que la patho-

génie du vertige réside dans 1'liyperexcitabilité labyrinthique et

que les causes étiologiques sont surtout les lésions de l'oreille

moyenne et quelquefois celles de l'oreille interne et externe, lésions

dont la cause est évidemment multiple mais plus généralement

l'artério-sclérose.

Il fait ensuite un tableau précis du vertige, montrant la diffé-

rence entre le vertige aigu et le vertige chronique et abordant la

question diagnostique, montre que l'on peut presque considérer

que le vertige de Menière a pris la place du vertige dit stomacal;

le diagnostic différentiel doit être fait avec l'ictus laryngé, les

vertiges des diabétiques, le vertige épileplique, le paroxysme

hystérique à forme de vertige labyrinthique.

Le traitement est entièrement dû à l'intuition de Charcot.

Avant tout il faut faire procéder par un spécialiste à l'examen de

BIBLIOGRAPHIE. 87

l'oreille, mais ne permettre d'intervention que s'il s'agit d'un

bouchon du cérumen ou d'une maladie aiguë de la caisse, l'iuterveu-

tion locale qu'elle qu'elle soit ne ferait autrement qu'exagérer

l'hyperexcitabiiité. Le traitement même du vertige consistera à

faire absorber par le malade, pendant quinze jours, une dose

variable de sulfate de quinine suivant le sujet, mais d'environ

75 centigr. par jour. L'auteur insiste sur les avantages incontes-

tables de ce mode de traitement et réfute tous les arguments qui

lui ont été opposés. 1

Huitième leçon. Pathogénie et traitement des pieds bols. L'au-

teur combat la tendance de la chirurgie moderne, en ce qui regarde

les pieds bols, à rester confinée, dans l'étude des lésions squeletti-

ques et du manuel opératoire à leur opposer; il est de la plus

haute importance de ne pas oublier que la lésion est d'ordre

secondaire, que c'est un trouble trophique qui prend sa source dans

le système nerveux.

Les pieds bots doivent être divisés en congénitaux et non congé-

nitaux. Les congénitaux eux-mêmes ,se présentent avec ou sans

impotence, spasmodiques ou paralytiques.

La preuve que ceux-ci sont liés à une affection du système ner-

veux n'est plus à faire pour les pieds bots avec impotence. Ceux

non accompagnés d'impotence doivent également être rattachés à

une lésion du système ne' : veux développée chez le foetus et qui dans

la suite a pu s'atténuer ou disparaître. Le pied bot non congénital

est également toujours d'origine nerveuse et l'auteur passe en

revue les formes principales.

Dans l'un comme dans l'autre cas, le traitement doit être guidé

par la pathogénie et, dans cette leçon particulièrement importante

parce qu'elle est unique, M. Gilles de la Tourette indique avec soin

les cas où il faut intervenir et ceux qu'il faut respecter. Il insiste

particulièrement sur le pied bot de l'hémiplégie infantile qui doit

être respecté, sur celui de la contracture hystérique, des myélites

spasmodiques, de la paralysie infantile, des polynévrites.

Enfin, l'auteur émet l'opinion personnelle que tout au moins, dans

bien des cas, le pied plat valgus ne devient douloureux que lorsque

le malade a contracté une blennorragie qui produit de l'arthrite

subaiguë et surtout de l'inflammation des- bourses séreuses et des

synoviales de l'avant-pied et du talon.

Neuvième leçon. Formes cliniques et traitement des myélites syphi-

litiques. Cette leçon est peut-être la plus importante du livre et

cela non seulement par ce que les myélites syphilitiques compren-

nent plus de la moitié des affections de l'axe spinal, mais encore

parce que les idées émises et 1 a méthode d'étude suivie sont presque

entièrement personnelles à l'auteur ; nous ne pouvons donner

88 BIBLIOGRAPHIE.'

qu'un résumé rapide et insuffisant de cette leçon qui contient une

description clinique détaillée et des notions pathogéniques et

anatomo-pathologiques d'un grand intérêt. -Les myélites syphiliti-

ques doivent être considérées suivant qu'il s'agit de syphilis

acquise ou de syphilis héréditaire. En considérant la syphilis

acquise, on doit se souvenir que les premières notions sur la

syphilis médullaire datent de 1797 avec le mémoire de Portai

sur le mal de Pott syphilitique, et il est bon de remarquer que

quelques cas de pachyméningite cervicale hypertrophique peu-

vent être rattachés à la syphilis. Dans la syphilis maligne pré-

coce du système nerveux, et que Charcot appelait anatomique-

ment la syphilis tigrée, il y a cliniquement un grand luxe de

symptômes, le système cérébro-bulbaire ayant concurremment

avec la moelle participé au processus. Puis viennent les myélites

aiguës et les myélites chroniques d'emblée, parmi lesquelles la

forme si fréquente connue sous le nom de -paraplégie spinale spas-

modique syphilitique d'Erb, déjà décrite par Charcot, et qu'il con-

viendrait mieux d'appeler forme syphilitique commune. A côté de

cette forme on doit en placer une autre décrite par M. Gilles de la

Tourette, et qui consiste cliniquement dans l'ensemble symptomati-

que suivant; douleurs parfois à type fulgurant, paralysie des

sphincters, inégalité pupillaire, parfois diplopie et signe de Rom-

])erg, mais en même temps exagération des réflexes rotuliens et

parfois trépidation spinale. Enfin, des formes irrégulières, et parmi

celles-ci, la forme amyotrophique.

La syphilis héréditaire de la moelle appartient presque en tota-

lité à M. Gilles de la Tourette et à son élève, M. Gasne.

Les accidents par lesquels elle se manifeste seront congénitaux,

précoces ou tardifs. Les cas congénitaux comprennent : 1° les

enfants mort nés avant terme ou à terme ou qui n'ont vécu que

quelques jours ou quelques semaines ; 2° les enfants vivants nés à

terme ou avant terme, présentant les manifestations cliniques d'une

syphilis congénitale de la moelle épinière. Les cas précoces sont

ceux où la détermination médullaire s'effectue pendant l'enfance.

Enfin, les cas tardifs, c'est-à-dire ceux où les accidents apparaissent

après l'adolescence.

L'auteur, enfin, insiste sur le traitement qui nécessite quelques

indications générales; lui-même comportera l'emploi du mercure

et de l'iodure de potassium ; suivant les cas, il faudra administrer

le mercure an moyen de frictions ou d'injections. Le traitement

chez les adultes et chez les enfants ne différera que par les doses

qui devront être plus modérées chez les seconds. Enfin, les révulsions

(pointes de feu) le long de la colonne vertébrale pourront être

quelquefois utiles ainsi que l'application de l'électricité faradique

dans les paralysies flasques et l'électricité galvanique dans les myé-

lites spasmodiques surtout, accompagnées d'atrophie.

BIBLIOGRAPHIE. 89

DixOEEn.çoN. Diagnostic et traitement de l'ataxie locomotrice.

Dans cette dernière leçon, l'auteur passe en revue, après quelques

considérations générales sur les causes et la nature du tabès, les

symptômes cardinaux : crises douloureuses, troubles urinaires,

troubles oculaires, abolition des réflexes rotuliens, incoordination

motrice; puis les troubles trophiques : mal perforant, arthropathies,

atrophie musculaire. Il insiste ensuite sur le diagnostic du tabès

avec les névrites périphériques, le pseudo-tabes hystérique et neu-

rasthénique, la myélite syphilitique à forme pseudo-tabétique.

Le traitement du tabes est en général ingrat ; on peut toutefois

dans bien des cas soulager les tabétiques : le traitement médicamen-

teux ne donnera pas grand chose, l'hygiène aura une certaine

importance et le traitement évidemment sera variable avec les

différents accidents. Mais, de toutes les méthodes de traitement,

celle qui certainement a donné les meilleurs résultats est celle de

l'elon-ation de Moczuhkovski qui a été modifiée encore à son avan-

tage par M. Gilles de ta Tourette, qui par le système employé agit direc-

tement sur l'axe médullaire et évite un certain nombre d'accidents

à craindre avec la suspension. Cette méthode s'est montrée surtout

efficace sur le ? douleurs en ceinture, les crises gastriques, les dou-

leurs dans les membres inférieurs, la parésie vésicale et l'incoordi-

nation motrice. J.-B. CHARCOT.

III. Recherches cliniques et thérapeutiques snr l'épilepsie, l'hystérie

et l'idiotie; par Bourneville, t., XVIII. Paris, in-8°, 1898. Librairie

du Progrès médical et Félix Alcan, éditeur.

La première partie, comme d'habitude, donne l'histoire pendant

l'année 1897 du service de Bicêlre et de la fondation Vallée. On y

trouve un travail sur le patronage des aliénés et des enfants

arriérés, sur la construction d'un asile dans l'Hér«2clt et sur l'édifica-

tion du cinquième asile de la Seine.

La seconde partie {Clinique et anatomie pathologique) , se compose

de seize observations. L'histoire du Conscrit de l31cët·e traite des

rapports de la débilité mentale avec le service militaire. Elle est

d'un intérêt social des plus vifs. Faut-il rayer des cadres de l'armée

tous les individus susceptibles de présenter des troubles intellec-

tuels quelconques ? Nous avons ouï dire que cela se faisait main-

tenant couramment, au moins en certains corps d'armée. Y a-t-il

au contraire des réserves à faire ? Qu'on lise les lignes écrites par

M. Bourneville.

Les autres observations concernent : la diarrhée chronique

séreuse traitée au salicylate de chaux ; l'épilepsie due à l'onanisme ;

la pseudo-porencéphatio et la porencéphalie vraie ; l'idiotie par

méningo-encéphalite chronique; l'alcoolisme ayant entraîné l'hé-

miplégie gauche, et l'épilepsie, par sclérose atrophique, pachymé-

90 VARIA.

nin-ite et méningo-encéphalite; l'imbécillité et l'épilepsie symplo-

matiques de méningite récente avec état chagriné des circonvolu-

tions ; l'idiotie et l'épilepsie symptomatiques de sclérose trophique

dés deux lobes frontaux; l'idiotie hydroccphaiique acquise; l'état

de mal épileptique ; l'épilepsie consécutive à la fièvre typhoïde;

l'influence heureuse du traitement médico-pédagogique sur un cas

très curieux d'idiotie congénitale complète.

Une liste des travaux scientifiques élaborés dans le service de

1880 à 1896 complète heureusement ce volume illustré de 20 figures

et de 20 planches hors texte.

L'une des observations, intitulée : Idiotie et épilepsie symptoma-

tique de sclérose trophique des deux lobes frontaux, mérite d'être

signalée d'une façon particulière. Il s'agit d'une fille âgée de

onze ans qui, normale jusqu'à six mois, fut prise alors de convul-

sions qui se reproduisirent pendant quinze jours et durant chaque

fois deux à trois heures. Consécutivement, accès d'épilepsie. Pas

de paralysie, mais idiotie complète. Durant les six premiers mois

de 1897, elle a 42 accès et 30 vertiges, se cachectise progressi-

vement et meure.

A l'autopsie, on trouve un épaississement considérable des os

frontaux (pl. I), et une atrophie complète des lobes frontaux. (PI. 11,

III, IV et V.) 1'. KEttAVAL.

VARIA.

Assistance des aliénés : vieille femme SÉQUESTRÉE.

« On télégraphie de Bergerac que les époux Breton, cultivateurs,

viennent d'être arrêtés sous l'inculpation de séquestration de leur

mère et belle-mère. La gendarmerie, mise en éveil par une dénon-

ciation anonyme, a trouvé dans un chai la femme Breton attachée

à l'aide d'une forte chaîne passée deux fois autour de sa ceinture

et fixée à une marche d'un escalier. La pauvre femme gisait sur

une paillasse en mauvais état et était vêtue sommairement d'une

chemise et d'un jupon en loques.

« La malheureuse, âgée de soixante-dix ans, est excessivement

faible et n'a pu répondre aux questions qui lui ont été posées.

Breton prétend que sa mère ne jouit plus de la plénitude de ses

facultés et qu'il l'avait enchaînée pour l'empêcher de fuir et de

commettre quelque méfait. La pauvre femme était ainsi séques-

VARIA. 91

trée depuis quatre mois, de l'aveu même de ses enfants. » {France,

août.)

Les séquestrations de ce genre persisteront tant que les Pré-

fets et les Conseils généraux entoureront de difficultés les place-

ments dans les asiles au lieu de les encourager, comme le permet

la loi et le veut l'humanité.

Les aliénés EN liberté.

Sous ce titre : Un fou dangereux, le Petit Parisien du 16 septem-

bre rapporte le fait suivant :

« Un ouvrier charpentier, Auguste Gomaind, âgé de quarante-

neuf ans et demeurant rue Croulebarbe, donnait depuis quelque

temps déjà des signes évidents de dérangement cérébral. Hier ma-

lin, pris d'une soudaine crise de folie furieuse, le malheureux

descendit dans la rue, armé d'un long compas de charpentier, aux

branches triangulaires, aiguisées comme des lames de poignard,

et d'un énorme couteau de cuisine. Il se ruait sur les passants, qui

s'enfuyaient, naturellement, avec une vélocité sans pareille, et

tenta même de frapper un petit garçon qui passait par là, et qui

n'échappa que par miracle à ses coups.

a Six gardiens de la paix, requis par les deux frères de l'aliéné,

tentèrent de s'en rendre maîtres. Ils ne purent le faire qu'après un

quart d'heure d'une lutte acharnée, et surtout après que l'un

d'eux eut désarmé le fou en lui frappant les poignets à coups de

plat de sabre. Le fou, dans sa fureur, avait porté des coups ter-

ribles. Bref, c'est'étroitement ligoté que le malheureux a été porté

au poste, et, delà, dirigé sur l'infirmerie du Dépôt. »

On vient de trouver pendu dans un bois de Noroy, aux envi-

rons de Clermont (Oise), au lieu dit * la Vieille-Carrière », le corps

de M. Davenne, cultivateur à Koroy. M. Davenne était atteint

depuis quelque temps déjà de troubles cérébraux et avait mani-

festé à plusieurs reprises l'intention d'en finir avec la vie. (Petit

Parisien, 20 septembre.)

Asile de 2frcH<t/ (Charente). Le nommé Georges Raganaud,

âgé de trente-deux ans, étant pensionnaire à l'asile de Brenty,

s'est échappé de l'établissement et est allé se jeter dans la rivière

la Drome, où son cadavre a été retrouvé. Le malheureux s'était lié

les pieds avec une bretelle, au bout de laquelle il avait fixé une

énorme pierre. {Petit Parisien, 20 septembre.)

Le Petit Parisien du 2H août publie la dépêche ci-après, de

Bruxelles, sous le titre :

Une fillette étranglée par sa mère. « La femme Verstraeten qui,

à Jette-Saint-l'ierre, a étranglé sa fillette âgée de deux ans, s'est

9q FAITS DIVERS.

ainsi que nous l'avons annoncé, rendue à Malines, où demeurent

ses parents. C'est là qu'elle a été arrêtée. Soumise à un examen

médical, elle a été reconnue atteinte d'aliénation mentale et con-

duite dans une maison de santé. »

Faculté DE médecine DE TOULOUSE.

Thèses neuro-pathologiques soutenues pendant Vannée scolaire 1897-1898,

M. IOISSEL : Contribution à l'étude du diagnostic des paralysies

hystériques et de la pseudo-paralysie syphilitique chez l'enfant.

M. Soocail : Contribution à l'étude des lésions spinales dans la pa-

ralysie générale. M. MAURtN : La folie alcooliquelà Marseille.

M. CUGUILLi;RE : Les lépreux et les léproseries de Toulouse. z

M. Maisol : De l'hémiplégie spasmodique infantile d'origine lléré-

do-syphilitique. M. COSTES : La vie psychique des hystériques et

leur responsabilité devant la loi pénale. M. BiBENT : L'hystérie

simulant les affections organiques chez l'enfant et l'adolescent.

M. BÉRA : Étude sur les « aliénés processifs ». M. Derbertrand :

Contribution à l'étude de la rupture du sinus circulaire. M. AN-

drieu : Contribution à l'étude des tumeurs crâniennes d'origine

congénitale (variété de pseudo-encéphalie). M. Bares : Étude de

la gangrène des membres chez les neuroarthritiques. M. PELLE-

Qui.4 : L'amoeboïsme nerveux.

FAITS DIVERS.

Concours pour une place DE médecin suppléant A 13lGI : r(C. Ce

concours que nous avons annoncé (p. 529 de 1898) vient de se

terminer par la nomination de M. l3oonlNOwrrGn.

Suicides d'enfants. On a trouvé, ce matin, arrêtée à la vanne

du moulin d'ArL.,ences, près d'Evreux, sur la rivière d'Iton, le

cadavre d'une jeune bonne, âgée d'une quinzaine]d'années, au ser-

vice des époux Jouai), cultivateurs. On se trouve en présence d'un

suicide dont on ignore la cause.

Le jeune Pierre Bouju, âgé de treize ans, domestique chez un

cultivateur de Iiouillon, aux environs du Mans, s'est pendu, avec un

licol, à la porte de l'écurie. Le corps de l'enfant a été transporté

chez ses parents, au Mans. Jamais il n'avait manifesté l'intention de

se suicider.

FAITS DIVERS. , 93

LE SUICIDE d'une folle. Une rentière de la rue de Condé, à Paris,

Mille D.... atteinte depuis quelque temps d'aliénation mentale, a été

trouvée pendue au baldaquin de son lit, hier soir, vers dix heures.

Dans une lettre laissée en évidence, Mme D... disait qu'elle se

tuait volontairement, et que Dieu, sachant à quel mobile elle obéis-

sait, lui pardonnerait. M. Lagaillarde, commissaire de police, a

procédé aux constatations d'usage. (Le Soleil, du 26 septembre.)

Drames de l'alcoolisme. Le général Pottier, commandant la

place de Saint-Denis, a fait arrêter et interner, dans la prison

militaire de la caserne de Saint-Denis, le casernier du nom de

Mondane qui. dans un accès de fureur alcoolique, avait tiré

à coups de revolver sur une bande de gamins qui le suivaient en

le sifflant, et avait blessé un passant.

Ce premier drame vient de se compliquer d'un second non

moins tragique. La femme de Mondane, sans nouvelles de son

mari, avait hermétiquement fermé les locaux du casernement.

Les militaires du poste, intrigués, prévinrent l'adjudant-major

de service, et M. Mazurier, commissaire de police, fit ouvrir la porte

d'entrée par un serrurier. Un spectacle lamentable s'offrit aux

yeux. Sur le plancher, la femme Mondane était étendue raide

morte, une bouteille de rhum à la main. Elle avait succombé à

une congestion provoquée par l'ivresse. (Le Soleil, du 17 octo-

bre 1898.)

Les épileptiques. Le conducteur des voitures de factage de

M. Liesnard, Paul Croisy, a disparu depuis lundi soir sans que son

patron ait eu de ses nouvelles. Il avait déposé tous ses livres à la

gare et ils sont parfaitement, en règle. Croisy avait une terrible

maladie qui l'affectait beaucoup : il était épileptique. On nous dit

au dernier moment qu'il a écrit à un de ses parents lui disant

qu'il était parti pour Rouen, où il se suiciderait. On donne, dans

le public d'autres motifs de cette disparition. (Rappel de l'Eitre,

12 nov.)

Assistance DES aliénés. c Encore un suicide dans le canton

de Nonancourt, dit le Rappel de l'Isure (12 nov.). Le nommé

Tranchant, Alexandre, âgé de soixante et onze ans, cultivateur à

Panlatte, a été trouvé pendu dans sa grange. Ce malheureux avait

la manie du suicide, car il y a deux ou trois mois il s'était jeté

dans sa mare avec un poids de dix kilos au cou. » - Son isolement,

en temps opportun, à l'asile d'Evreux, où il aurait pu être soigné,

aurait peut-être guéri ce malheureux de sa folie de suicide.

Un pou meurtrier. Un ouvrier nommé Chancerelle, habitant

rue Caulaincourt avec une jeune femme, Marie Lesage, s'est levé

ce matin en proie à une agitation extrême. Tout à coup il a tiré

94 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

un couteau de sa poche, s'est précipité sur sa compagne et l'en a

frappée violemment à plusieurs reprises. La malheureuse, atteinte

au coeur, est tombée pour ne plus se relever. Les voisins, attirés

par le bruit, sont intervenus, mais trop tard pour la victime. Ils

se sont empares'de Chaucerelle, qui a été dirigé sur l'infirmerie

du Dépôt. (Le Temps, du 21 octobre).

La suppression DE la PEINE DE MORT. La deuxième commission

d'initiative a été saisie d'une proposition de loi, présentée par

M. Dejeante, tendant à abolir la peine de mort. Cette commission,

« après avoir examiné sérieusement cette proposition de loi », est

d'avis, à l'unanimité, qu'il y a lieu de la prendre en considération.

(Le Temps, du 15 novembre 1898.) C'est là une loi à voter rapi-

dement.

L'ESPRIT DES autres. « Le césarisme veut la servitude des

corps, le cléricalisme veut la servitude des âmes. » (Clémenceau,

l'Aurore, 27 septembre.)

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Asile public d'aliénés de Maréville (Rapport du médecin en chef (le -il

division des hommes à M. le préfet de llLeurthe-et-loselle). Aunée 189j.

Brochure in-8° de 25 pages. Nancy, 1898. Imprimerie Berge r-

Levrault. t.

13h : l ? \IO-ERD31<1NN und Dodge (R.). Psychologische unlersuchungen

tuber (las lesen auf experimenleller Volume in-S° de

360 pages. Prix : 15 fr. flaile-sur-Stale, 1898. Librairie Max

Niemeyer.

CAL%0 ? du Pin e AL)11,,ID.%. - Degenerados ci,i) ? iîiosos. Volume

in-8° de 134 pages. balisa, 1898. Imprimerie Oliveira et C ?

Colucci (C.). Conloibulo alla diagnosi del cosi </e</o Morbo (li

Raynaud (Casi clinici e considerazioni). Brochure in-S° de 16 pages.

- 9lilan,1898.- F. Vollardi.

Comccf (C.). Ricerche sull'nzialomirc e ? Ha fisiologia f/c : ce ? )')

visivi cerebrati. - Brochnre 111-4" de 93 pages, avec 28 figures.

Napoh, 1898. z C. A. Tocco.

CoNTO (M.). Dos espasmos iios affecçôes dos Ceiiti-os Nervosos.

Volume in-4" de 135 pages. llio-rle-Janeiro, 1898. - Cumparchia

typographica da Braril. 1.

Dallemagne. Pathologie de la volonté. Volume in-18 de 190 pages.

Paris, 1898. - Librairie 0. Alasson. 0

Dannemann (A.) et SoMEK. Die psychialrische Kliizik giessen. -

Volume in-8° de 120 pages, avec 12 ligures. Prix : 5 francs ! lierliii,

1898. Librairie von S. Karger.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 95

Dei.agÉiN'ière (IL). Chirurgie de l'utérus. - Volume in-8° de xn-467

pages, avec 378 figures. Prix : 10 francs. Paris, 1898. Institut

de bibliographie scientifique.

DoïE\. Sur (Lettre ouverte ti M. Tutf·ier.) Bro-

chure iu-8°, avec 12 figures. Paris, 1898. Imprimerie de la Cour

d'appel.

Elmer LEF. The frequencat of 21poplexy (t21oi ? rl lhe higlier classis

millt srtgqeslio»s for ils prévention aiitl escape from falalily. Bro-

chure in-S° de 7 pages. New- York, 1898. Chez l'auteur.

Gilles de la Tourette^ Leçons de clinique thérapeutique sur les

maladies du système nerveux. Volume in-a", de 482 pages. Paris,

1898. Librairie Pion et Nourrit.

GoLDsenEtDEn (A.). (iBSrt7n9nelle abhandlungen. Tome II : Physio-

loyie des Mushelsinnes. Volume in-8" de 323 pages, avec figures.

Prix : 10 francs. Leipzig, 1898. Librairie Johann-Ambrosius Barth.

KovALEVSKY (P.). - Psychoses primaires (Esquisses de psychiatrie

médico-légale). Brochure in-8° de 56 pages. Varsovie, 1895.

Chez l'auteur.

ICOYALEVSIiY (P.). - De l'épilepsie au point de vue clinique et médico-

légal. Brochure in-S de 57 pages. Paris, 1898. Extrait des

Annales znéclico-psychologiques. 1

IaOVALEVSIV1' (l'.). Die arlerioslderose des Ge/ttt'n. Brochure in-8°

de 7 pages. Leipzig, 1898. Xeurologisches CcntrotlGlall.

Iis.nrz. (11.). Diagvose uncl thérapie ilei- ieîv6seit F2-(iicok-aill.-hei-

leii infolge geslorter Mechanik der sexuel organe. Volume in-8° de

106 pages. Wiesbaden, 1898. Veriag Bergmann.

lteuarcr de Fleuhy. L'âme du criminel. - Volume in-18 de xvt-

192 pages. Prix 2,50. Paris, 1898. Librairie F. Alcan.

Paris (A.). L'Assistance des aliénés : organisation médicale des

asiles, assistance familiale. Traitement moral, etc. Brochure in-8°

de 58 1)a-es. - Nancy, 1898. Imprimerie Ber-er-Levrault et Cie

Raymond (F.) et Janet (P.). Névroses et idées fixes. Tome II : Frag-

ments des leçons cliniques sur les névroses, les maladies produites par

les émotions, les idées obsédantes et leur traitement. Volume in-8° de

x-558 pages, avec 97 figures.- Prix : 14 francs. Paris, librairie F. Alcan.

Raymond (le professeur F.). Leçons sur les maladies du système

nerveux faites à la Salpêtrière pendant l'année scolaire 1896-1897, re-

cueilles et publiées par M. le Dr Ricklin. Un beau volume de 760 pages,

avec 130 figures dans le texte et6 planches en couleur. Prix : 18 francs.

Paris, On. Doin, éditeur.

Revue clinique des maladies nerveuses, à l'usage des praticiens,

paraissant le 10 de chaque mois. Rédacteur en chef : M. le Dur Levillain,

à Nice. Administration : Librairie Maloine, 21, place de l'Ecole-de-

Médecine. Un an 6 francs.

RussELL (R.). Contribution to lhe stztclll of soi ? 2e of Ilie afférent ai ? d

afférent Tracts in //te Spinal Corol. Brochure in-8° de 35 pages, avec

12 figures. London, 1898. J. Baie sons et Danielsson. b

Sciiwehdt (C.). De ? , Morbus l3aseclovü. Brochure in-8° de 34 pages.

Munchen, 1898. Librairie F. Lehmann.

Scripture (Ed.-W.). Sludies fronz the Me Psychological Labora-

tory. Volume in-8<> de 105 pages, avec 32 figures. New Haven, 1898.

Yale University. 0

96 AVIS A NOS ABONNÉS.

Jeuerely-eirllrlla nraranal Report of lhe Direclors n/' llre Dundee Royal

Asylum for liiii(ilics. Brochure in-8" de 43 pages, avec un tableau.

Dundee, 1898. - Royal lunatic Asylum.

TATS (Th.) et jAcnoïK. Maladie du jeune chien, 7'a)Y ? t'e infan-

tile et chorée. Lésions microbiennes du système nerveux central.

Biochure m-8" de12 pages. Lyon, 1S9S. Librairie L. Savy.

Tn ! \EMK(P.). Co ? ! e;'e/te(;e/ Automatisme (Solution du problème de

la conscience dans la doctrine automatrste).=f3rocbnre in-10 de 16 pages.

Prix : 1 franc. Paris, 1S9S. Société d'éditions scientifiques.

Wli.13[iA ? D und Saenger. Die Neurologie des Anges. Eu; hanclbuch

sur Vo)'t)e ? <-M);d augenarzle. Volume in-S" de vxm-30(i pages, avec

63 figures. Wiesbaden, 1898. Verlaj Hergmann.

Zccaev (Th.). Psycliopliysiologische Isrltennlnisllreonie. Volume

in-8° de 105 pages. Iena, 1898. Verlan G. Fischer.

AVIS A NOS ABONNÉS. L'échéance du 1"' JANVIER

étant la plus importante de l'année, nous prions instaot-

ment nos souscripteurs dont l'abonnement cesse ci celle

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mentée des frais de recouvrement, à partir du

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SUITE leur renouvellement par un mandal-posle.

Afin d'éviter toute erreur, nous prions également nos

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Nous rappelons à nos lecteurs que l'abonnement collectif

des Archives de Neurologie et dit Progrès Médical

est réduit à 30 francs pour la France et l'Étranger.

Le rédacteur -gérant, Bourneville.

livrcus, Cli. Ilémsser, imp. - 19 ! ).

Vol. VII. Février 1899. ? 30

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE MENTALE.

RECHERCHES SUR L'ANALGÉSIE DU CUBITAL

(signe de Biei,zachi) CHEZ LES ALIÉNÉS ; -

PAR LES DOCTEURS

P. KERAVAL, et T R.-G. LAURENT,

Médecin en chef de l'Asile 3'Armentieres Interne a l'Asile d'Armentières.

(Nord).

En 1894, Biernacki1 appelait l'attention sur un nouveau

symptôme qu'il avait observé dans le tabes, et qui consis-

tait en ceci : lorsqu'on comprime suffisamment fort le tronc

du cubital dans la région de l'olécrâne, le bras étant en

demi-flexion, position la plus favorable, il peut se produire

soit successivement, soit simultanément, selon les circons-

tances, trois réactions différentes :

1° Une réaction motrice, dans les muscles desservis parle

nerf : flexion des premières phalanges et extension des der-

nières, mouvements d'adduction du pouce, et mouvements du

petit doigt dépendant de l'action des muscles de l'éminence

hypothénar ; ,

2° Une réaction purement sensible consistant dans la dou-

leur généralement connue : fourmillements par irradiation

dans la région du petit doigt, et aussi de vagues douleurs

locales ;

3° Une autre et dernière réaction, qui consiste en flexion

du bras, contorsions de la face, ou autres expressions de

1 Ne2vrologisles Cenlralblall, 1894.

Archives, 2e série, t. VU.

98 CLINIQUE MENTALE.

douleur, voire même des exclamations de souffrance. Bier-

nacki a désigné cette troisième réaction sous le nom mal

choisi de réflexe.

Disons sur le champ qu'on ne peut que s'associer à Cra-

mer' quand il repousse cette désignation qui tendrait à faire

croire qu'il s'agit de phénomènes semblables au réflexe

patellaire. Il ne s'agit, ici, en effet, que de phénomènes mo-

teurs extrêmement variables qui se passent tanlôt dans le

domaine d'un muscle, tantôt dans un autre, et dont l'unique

cause est la sensation douloureuse. Ces mouvements ne sont

pas le moins du monde une réponse spécifique à l'excitation

du cubital ; ce sont au contraire des mouvements de défense

dans le sens le plus large du mot. Il n'en sera donc plus

question dans la suite, et nous ne parlerons que de la pré-

sence ou de l'absence de la réaction douloureuse.

Tel est le signe décrit par Biernaclci sous le nom d'anal-

gésie du cubital au coude comme symptôme du tabès.

Cramer2 considérant les rapports multiples qui existent au

pointde vue symptomatique entre le tubes et paralysie géné-

rale se propose de rechercher dans cette dernière maladie

le symptôme de l'analgésie du cubital. - "

Il croit que ce symptôme existe au moins chez les trois

quarts des paralytiques, tandis qu'il serait, pour lui, absent

chez le plus grand nombre des aliénés non paralytiques.

Des expériences de contrôle ont été faites par les Dr3 Bce-

deker et Falkenberg3 sur les malades de l'établissement de

Hertzberg, service du Dr Moeli, dans le but de savoir au

juste, si réellement le symptôme de l'analgésie ulnaire exis-

tait aussi fréquemment chez les paralytiques et aussi rare-

ment chez les aliénés non paralytiques et s'il était possible

d'en tirer des conclusions au point de vue d'un diagnostic

différentiel quelconque.

Ces recherches se rapportent raz100 paralytiques hommes,

à 25 femmes et à 300 aliénés non paralytiques. Les paraly-

tiques chez lesquels le diagnostic n'était pas douteux ressor-

tissaient aux différents stades de la maladie.

,Iliieizelteiiei- medizinische Wochensclirifl, l8rJ,ï.

- Loco cilcclo.

3 Allr/emeine %eil.scln·if1 filr l'sycliktlrie, t. LU.

RECHERCHES SUR l'aNALGÉSIE DU CUBITAL. 99

Voici les résultats auxquels ils arrivèrent :

Sur 100 paralytiques hommes, après des expériences mul-

tiples on constata que : chez 58 d'entre eux, toute réaction

douloureuse était absente ; chez 35 d'entre eux la réaction

douloureuse existait à différents degrés. Chez les 7 autres,

le résultat était douteux, soit parce que les expériences répé-

tées à différentes reprises avaient donné des résultats con-

tradictoires, soit parce que les résultats des recherches indi-

viduelles ne semblaient propres à aucune interprétation.

Chez 35 paralytiques femmes, les chiffres correspondaient

aune proportion de 56/100 sans réaction douloureuse, 36/100

avec réaction douloureuse et 8/100 douteux : résultat presque

identique a celui fourni par les hommes.

Quant aux aliénés non paralytiques, les expériences ont

porté sur 280 malades hommes pris au hasard, et 100 femmes

seulement atteintes de toutes les formes de psychoses. Sur

les 200 hommes, 0/100 présentaient une réaction doulou-

reuse perceptible, 39/100 ne sentaient rien. Chez les

100 femmes, les rapports numériques sont semblables, dans

07/100 réaction douloureuse perceptible ; 33/100 témoignent

d'une absence de réaction. Il y a donc une petite différence

en faveur de la réaction douloureuse, ce qui peut s'expliquer

par une plus grande sensibilité chez la femme.

Enfin, il faut encore mentionner que parmi les paralytiques,

il s'en trouva 31 qui présentaient des altérations du cordon

postérieur, et chez lesquels le réflexe patellaire manquait ;

or, chez ces malades, 23, soit 74/100 montrèrent l'absence de

la réaction douloureuse en question. Ce nombre vient con-

firmer les données de Biernacki pour le tabes.

Ces résultats, conformes à ceux de Cramer, indiquent que

la réaction douloureuse du cubital manque plus souvent

chez les paralytiques que chez les aliénés non paralytiques ;

mais, considérant que le paralytique réagit généralement

moins aux excitations douloureuses, MM. Boedeker et Fal-

kenberg, déclarent qu'il leur est impossible de donner à

leurs résultats l'importance que prétend leur attribuer Cra-

mer, et ils concluent que l'analgésie dit tronc du cubital ne

peut pas être considérée comme un signe typique de para-

lysie générale, et que, par conséquent, elle ne peut servir

d'élément en matière de diagnostic différentiel.

Cramer, en discutant ces données au Congrès psychia-

100 CLINIQUE MENTALE.

trique de Berlin (1895) exposa ses études anatomiques sur le

cubital dans le cas d'analgésie partielle.

A l'examen microscopique, on ne perçoit aucune altéra-

tion, ni sur les coupes longitudinales, ni sur les coupes

transverses ; par conséquent, il semble que l'analgésie

ulnaire puisse se présenter sans lésions de la moelle épi-

nière ni des nerfs périphériques.

Aussi, Cramer regrette-t-il qu'on refuse toute importance

diagnostique différentielle à l'analgésie du cubital. Si l'on

réfléchit, dit-il, à l'importance généralement attribuée à

l'absence du réflexe rotulien dans la paralysie générale,

alors que ce réflexe ne manque que chez 20/100 des paraly-

tiques généraux, et que sur 63 cas d'aliénés non paralytiques,

8, c'est-à-dire 12/100 ne présentent pas de réflexe rotulien, il

faudra bien admettre que des résultats d'après lesquels

l'analgésie cubitale existe chez plus de la moitié des paraly-

tiques, tandis qu'elle manque chez une bonne moitié des

non paralytiques, ne sont pas indignes de toute attention.

Typique, le phénomène ne l'est certainement pas, et d'ailleurs

la paralysie générale ne possède pas de signes pathogno-

moniques ; mais rapprochée d'autres signes de paralysie

générale, l'analgésie cubitale aura toujours une certaine

importance. C'est pourquoi il faut d'autres expériences pour

corroborer les premières et conclure.

illendel relatant ses expériences personnelles dans sa

polyclinique de Berlin, sur le tabes, la paralysie générale et

différentes névroses, a trouvé ce symptôme sans grande

importauce dans ses recherches.

Les mémoires de Sarbo (Neu·ologisclces CezL·alblalt,189G);

W. Geebel (1'ezcrologisclaesCentaLblaLL, 1895); B. Greiden-

berg (Neurologisches Cezt·alblatt,1895) solliciteraient plutôt

la curiosité du clinicien. C'est pourquoi nous avons fait des

recherches sur les aliénés de l'asile d'Armentières. Elles

ont porté sur 626 malades hommes : 84 paralytiques géné-

raux et 542 autres aliénés.

Sur les 84 paralytiques généraux dont l'affection était

nettement confirmée, 44 présentaient le signe de Biernacki,

32 avaient une sensibilité cubitale normale, 8 donnaient un

résultat douteux.

1 Congrès psycliialriqiie de lierlin, 1805.

RECHERCHES SUR L'ANALGÉSIE DU CUBITAL. 101

Si nous divisons ces paralytiques généraux d'après la

période de leur maladie, les résultats sont les suivants :

102 CLINIQUE MENTALE.

Le nombre de nos paralytiques généraux qui présentent le

signe de Biernacki, nous donne la proportion de 53/100,

légèrement inférieure à la leur qui est de 58/100. Pour les

aliénés non paralytiques, elle est de 42/'100, chiffre sensible-

ment égal au leur/c'est-à-dire à 39/'100.

Si l'on jette maintenant un coup d'oeil sur le tableau d'en-

semble de ces derniers, il est facile de constater que le signe

de Biernacki ne donne pas d'indications nouvelles au point

de vue de la sensibilité générale des malades. Les troubles

de la sensibilité sont, en effet, très fréquents chez les alié-

nés ; mais l'on sait que l'insensibilité et l'analgésie, se ren-

contrent de préférence dans les maladies mentales à type

dépressif, et principalement dans les affections à lésions soit

d'organisation, soit de désorganisation. C'est bien ce que

confirme notre tableau.

Nous trouvons le plus d'analgésiques chez les déments

(lésions de désorganisation), où la proportion est de 87/100,

et chez les idiots (lésions d'organisation) où elle est de

85/100.

Viennent ensuite, mais à une grande distance, les dégéné-

rés divers avec une proportion de 40/100 et les mélancoliques

avec une proportion de 32/100.

Dans les autres formes de psychoses, le nombre de ma-

lades qui présentent de l'analgésie est beaucoup moindre,

souvent infime. Il est encore de 30/100 chez les délirants

chroniques ; mais dans les états de manie, il tombe à 19/100;

à''l0/100 chez les alcooliques. Enfin il est nul, dans la mala-

die où domine l'héréthisme nerveux : l'épilepsie.

Conclusions. Quelle est la conclusion légitime de cette

statistique ?

Nos résultats pour la paralysie générale sont-ils de nature

à faire admettre avec Cramer, qu'il faille accorder au signe

de Biernacki une valeur quelconque au point de vue du dia-

gnostic différentiel de la paralysie générale ? ou, faut-il con-

clure avec Boedeker et Falkenberg que l'analgésie du cubi-

tal n'a pas de valeur en matière de quelque diagnostic diffé-

rentiel que ce soit ?

Cramer pensait que les trois quarts des paralytiques, au

moins, présentaient ce symptôme, tandis qu'il le croyait

absent chez le plus grand nombre des aliénés non paraly-

tiques. -

RECHERCHES SUR L'ANALGESIE DU CUBITAL. 103

Or, avec les proportions de 53/100 pour les paralytiques

généraux, et de 42/100 pour les autres aliénés, nous sommes

loin de ce compte, et il est impossible d'accorder à un symp-

tôme qui existe, il est vrai, dans une grosse moitié des cas

de paralysie générale, mais qui atteint chez les autres alié-

nés la proportion de 42/100, l'importance que veut lui attri-

buer Cramer.

Si l'on réfléchit, en outre, comme le font judicieusement

remarquer Boedeker et Falkenberg, que cette réaction de

Biernacki n'est pas inaccessible aux objections; que nous ne

possédons aucune mesure objective, aucun point de repérer

ni pour savoir le degré de pression à déployer chez un indi-

vidu déterminé, ni pour connaître sa sensibilité et sa réac-

tion normales à la douleur ; qu'il s'agit fréquemnent de ma-

lades indociles ou difficiles à interroger sur une sensation

aussi délicate, qui peuvent exécuter pendant l'expérience

des mouvements variés et troubler ainsi le jugement de

l'expérimentateur désireux de fixer avec certitude la pré-

sence ou l'absence de la réaction en chaque cas particulier,

on est bien obligé de conclure :

Qu'un symptôme aussi incertain ne peut avoir de valeur

réelle pour un diagnostic différentiel quelconque.

Cette réserve faite, nous admettons volontiers avec Cramer

que : réuni à d'autres symptômes de paralysie générale, le

signe de Biernacki pourra constituer un élément déplus en

faveur du diagnostic.

PATHOLOGIE' MENTALE.

LES MÉLANCOLIQUES '.

(étude clinique) ;

Par le D' ALEX. ATIIANASSIO,

Ancien chef de clinique mentale,

Médecin adjoint à l'hospice d'Aliénés Mareoutzi (Bucarest).

Observation XIII. La nommée Mina Panaites, âgée de vingt-

huit ans, ménagère, entre à l'hospice le 7 avril 1896.

Etat physique. - Taille haute, constitution faible, le crâne bien

conformé; les dents mal implantées, surtout celles de la mâchoire

inférieure. On observe sue le côté gauche du cou une cicatrice ver-

ticale, restes d'anciens ganglions strumeux suppurés. Les téguments

sont pâles, le système musculaire peu développé; tesystème osseux

normal ; les extrémités froides et cyanosées. La sensibilité générale

est diminuée; elle ne peut pas localiser l'endroit piqué. La vision

normale; elle distingue bien les couleurs; le goût et l'odorat nor-

maux. Les pupilles réagissent bien directement et par association.

Le réflexe pharyngien est aboli; les réflexes des extenseurs et des

fléchisseurs, normaux, de même le réflexe rotulien. Il n'y a pas

d'ovarie. Au coeur il n'y a pas de bruits pathologiques, mais le

pouls est petit et lent (64 pulsations par minute). Rien à noter du

côté des aatres viscères et organes.

Etat psychique. La malade garde une attitude humble, son

regard est sans expression et abattu. Elle prononce de temps en

temps des mots à voix basse et dans un Ion plaignant. Elle répond

difficilement aux questions posées. Elle est complètement dépour-

vue de volonté et d'initiative. L'intelligence est très obtuse, l'affec-

tivité diminuée; la mémoire est affaiblie; l'association des idées et

,1e jugement absents.

Observation XIV. Le nommé Jean Motoca, âgé de cinquante

ans, entre pour la seconde fois à l'hospice, le 7 juin 1896.

Etat physique. Le malade est haut de taille, de constitution

forte, bien musclé et développé, gras; pas de trace de violence;

1 Voir Archives de Neurolortie, no 37.

Fig. 9. Groupe de mélancoliques (hommes). '

106 PATHOLOGIE MENTALE.

une' ancienne cicatrice adhérente à l'os, probablement de nature

tuberculeuse. Quelques stigmates de dégénérescence : les lobules

des oreilles adhérents, les pavillons appliqués au crâne. La voûte

du palais profonde : les dents cariées, les supérieures sont tombées ;

la pupille droite contractée, la gauche uu peu dilatée; elles réa-

gissent bien. Des tremblements de la langue.

Les réflexes des fléchisseurs et extenseurs des doigts, normaux;

le réflexe rotulien exagéré, le réflexe plantaire diminué, le rétlexe

crémastérien aboli. La sensibilité générale est diminuée, mais il

parait que le malade, quoique sentant un peu la douleur, souffre

sans réagir.

Au coeur, les battements sont lents et les bruits cardiaques

faibles. Rien aux autres organes et viscères. Les ganglions ingui-

naux pris de deux eûtes, ont les caractères des ganglions engorgés

spécifiques de la syphilis. Les os tibias ont leurs crêtes irrégulières.

Etat psychique. Attitude caractéristique de la mélancolie, le

malade reste couché, absolument immobile, sans énergie et sans

volonté pour exécuter quoi que ce soit. Aux questions qu'on lui

pose, il est impossible d'avoir un mot de réponse malgré toutes les

insistances que nous employons. Absolument inerte, on doit le

soulever avec les bras et le tenir avec grande difficulté pour pouvoir

l'examiner.

La volonté est beaucoup diminuée, la perception parait cou-

servée, malgré qu'il ne répond pas aux questions. On ne peut pas

découvrir un délire, ni rien savoir sur l'état de ses facultés iutellec-

tuelles, à cause du mutisme absolu dans lequel il s'enferme. Il ne

parait pas avoir des hallucinations. Il dort bien sans l'aide des

hypnotiques. Il mange bien et convenablement, mais on doit

insister longtemps pour le faire manger. Il est propre.

20 juillef. - A la suite du traitement par l'opium, on observe

une légère amélioration dans l'état de ses facultés mentales. Il

reste pourtant toujours couché, absolument immobile, nous don-

nant comme cause à cette attitude la peur d'être soulevé comme

nn moineau s'il se levait debout. Il n'a pas d'auto-accusations.

25 octobre. L'état mental est complètement rétabli. Il parle

et répond immédiatement aux questions. Il ne garde plus cette

immobilité opiniâtre, mais au contraire il se promène et aide

même aux travaux de l'asile. Il manifeste le désir d'être libéré,

disant qu'il veut voir ses enfants. Interrogé sur la cause de son

internement, il l'attribue au maire de son village qui le croyait

complice dans une affaire d'assassinat commis sur une femme.

Observation XV. Le nommé Spir... Voie..., âgé de trente ans,

facteur postal, entre à l'hospicc le 24 juillet 1896.

.Ep/tf/Me.Le malade est moyennement développé, consti-

tution plutôt faible, présente comme stigmates de dégénérescence :

LES MELANCOLIQUES. )07

la suture sagittale très proéminente, les pavillons des oreilles per-

pendiculairement implantés, les lobules adhérents. La face trian-

gulaire, la base du triangle occupant le front. Le crâne est aplati

(pla-iocépliale), forme caractéristique de la syphilis héréditaire. La

voûte du palais est excavéc. Les dents supérieures sont presque-

toutes tombées, les inférieures irrégulières. Il y a une asymétrie

faciale, le côté gauche est plus développé. Déviation du nez à

droite. Un peu de prognathisme.

Les pupilles sont contractées, la gauche est un peu dilatée et

irrégulière, réagissant un peu faiblement. Le malade connaît et

distingue bien les couleurs, mais ne peut pas bien différencier les

nuances du bleu. L'odorat et le goût sont normaux.

Des tremblements de la langue, laquelle garde les impressions

dentaires. Des tremblements des doigts des deux côtés. Le signe

de Biernaclii existe aussi de chaque côté. Le réflexe cubital des

extenseurs et fléchisseurs conservé. Le réflexe pharyngien

normal; les réflexes rotulien, plantaire etcrémastéricn diminués.

Il n'y a pas de trépidation épileptoïde.

La sensibilité générale est conservée pour le toucher, la tempé-

rature et la douleur (cette dernière paraît même un peu exa-

gérée); mais le malade ne peut pas localiser d'une façon précise

le point piqué.

Au coeur, on constate un souffle au premier temps avec maxi-

mum à la pointe. L'hypochondre droit est un peu douloureux à la

pression. Rien de pathologique aux autres viscères et organes. Les

ganglions inguinaux sont pris de deux côtés sans être pourtant

absolument spécifiques.

Antécédents probables : la syphilis et l'alcoolisme.

Etat psychique. L'attitude du malade est très tranquille, cor-

recte, il se soumet avec quelque difficulté à l'examen, il exéculelen-

tement ce que nous lui demandons de faire. Le regard fixe; la

figure pâle exprime la douleur, la souffrance, la dépression. La

perception conservée. L'association des idées, l'idéation sont alté-

rées, le malade a l'idée qu'il est faible, malade, indigne, etc. L'in-

Lelligeuce et le jugement complètement altérés. La mémoire est

affaiblie autant pour les faits récents que les faits anciens; de

même le pouvoir d'abstraction est amoindri. La volonlé est

diminuée, la sphère morale gardée, les sentiments affectifs amoin-

dris.

Le malade est propre, dort bien sans l'aide des hypnotiques. Il

ne présente pas d'hallucinations, ni de zoopsies. Il refuse à

manger, on doit insister longtemps pour le faire manger; mais

cette insistance l'irrite et le rend impulsif et agressif.

OBSERVAT)0 ! fXVL Le nommé Jean Pdrv..., âgé de 32 ans,

pâtissier, entre à l'hospice [e 27 juillet 1896.

108 PATHOLOGIE MENTALE.

De ses antécédents nous apprenons qu'il a toujours eu un carac-

tère mélancolique, qu'il a une soeur aliénée, un père mort

d'apoplexie. Sa maladie date depuis huit mois, quand il a eu le

malheur de perdre un enfant âgé de huit mois, syphilitique.

Notre malade est de taille moyenne, présente un peu d'asymé-

Liie faciale, les lobules des oreilles adhérents. La voûte du palais

profondément excavée. Les dents très mal implantées et usées.

Les pupilles égales réagissent bien. Il n'y a pas de tremblements

de la langue, des lèvres ni des doigts. Le réflexe pharyngien

'conservé. Les réflexes des extenseurs et des fléchisseurs exagérés.

Les réflexes plantaire et crémastérien conservés. Le réflexe rotulien

exagéré. Il n'y a pas de trépidation épilepsoïde.

Les ganglions inguinaux, axillaires et cervicaux sont pris, sans

être pourtant absolument spécifiques. Au tibia on sent la crête

irrégulière et avec des aspérités nombreuses. Les clavicules

semblent épaissies, surtout la gauche, vers son extrémité interne.

Les poumons sont normaux, mais la respiration se fait plus lente-

ment et incomplètement. Les battements cardiaques sont lents et

éloignés, mais on ne constale pas de bruits anormaux; pouls

faible, 60 pulsations par minute. Le foie est augmenté de volume

et douloureux. La sensibilité générale est un peu diminuée aux

jambes, mais il localise assez bien. '

La sensibilité spéciale est bonne; le malade ne distingue pour-

tant pas assez bien les couleurs. Le goût est un peu émoussé mais

conservé.

Etat psychique. L'aspect du malade est humble, les larmes

aux yeux, si es émotif, il s'accuse d'avoir injurié Dieu et d'avoir

volé des gâteaux. En cas d'être jugé, il préfère qu'on le condamne.

Sa mémoire est assez bien conservée. Les sentiments affectifs et

pudiques conservés. Il a parfois des hallucinations auditives.

En somme une dépression générale de ses facultés, une paresse

.dans tous ses actes ! Il est indécis et anxieux et' ne présente aucun

délire, bien systématisé. Il dort sans hypnotiques. Le sommeil est

pourtant interrompu par des rêves terrifiant-. Il est propre.

Le 10 janvier 1897, survient une attaque confestive, avec

plusieurs (13) accès épileptiformes complets, qui débutent par la

moitié droite. La figure est cyanosée, les conjonctives sont con-

gestionnées. La miction et la défécation sont involontaires à la fin

des accès.

Les pupilles inégales, la gauche beaucoup plus dilatée, les

;globes oculaires déviés en haut et à droite, les pupilles rigides. La

sensibilité générale à la douleur complètement abolie, de même

les réflexes. On lui met douze ventouses scarifiées et on applique le

traitement décongestif habituel. L'état comateux dure jusqu'à

trois heures de l'après-midi, quand le malade succombe.

LES MELANCOLIQUES. 109

Observation XVII. Le nommé Constantin-G. Coman, âgé de

trente ans, entre à l'hospice le 3 août 1896.

Etat physique et stigmates. - On observe de l'asymétrie crâ-

nienne et faciale, la bosse pariétale gauche est plus prononcée.

Les lobules des oreilles adhérents, très petits. Les dents assez bien

implantées, éloignées les unes des autres surtout à la mâchoire

supérieure. La voûte du palais très excavée. Les ganglions lympha-

tiques tous pris, mais sans présenter de caractères spécifiques.

Les clavicules épaissies de deux côtés surtout au tiers moyen

symétriquement, mais sans caractère syphilitique. Sur la jambe

droite une cicatrice irrégulière, étendue, adhérente à l'os. L'os

est épaissi, à la suite d'une ostéite de nature probablement tuber-

culeuse, elle date depuis l'âge de dix ans.

Les pupilles sont égales, réagissent bien directement (isolément)

et par association. Le réflexe pharyngien aboli, le réflexe cubital

est normal. Les réflexes des fléchisseurs et des extenseurs un peu

augmentés. Il n'y a pas de tremblements de la langue, des lèvres

ni des doigts. Il y a tendance aux états -catatoniques. Le réflexe

rotulien très augmenté; le réflexe plantaire est aboli, le réflexe

crémastérien bien diminué.

La sensibilité générale à la douleur est retardée et bien dimi-

nuée sur toute l'étendue du corps, localise mal. Le goût et l'odorat

pervertis. La marche lente et sans sûreté.

Comme parole il est à noter que le malade. répond très difficile-

ment, après de longues insistances nous obtenons quelques mots

incomplets. Les poumons sont normaux, la respiration se fait

lentement, elle est rare et incomplète. Les battements du coeur

sont rares et éloignés. Le pouls est très faible, diminué comme

fréquence. Les autres organes sont normaux.

Etat psychique. L'attitude du malade est humble, il est

continuellement couché par terre, sans parler, sans manifester

aucune impression de ce qui arrive autour de lui ou de ce qu'on

lui dit. Il se prête facilement à l'examen médical, mais sans bonne

volonté et sans résignation. Il reste les yeux fermés, ne veut pas

répondre aux questions, ainsi il nous est impossible d'apprendre

s'il a un délire systématisé, au contraire il ferme obstinément la

bouche, en se mordant la lèvre inférieure et en faisant la grimace.

Observation XVIII. Le nommé G. Fion..., àcé de vingt-six

ans, tapissier, entre à l'hospice le 17 septembre 1896.

Etat physique. Le malade est de taille moyenne, de bonne

constitution et bien développé; présente quelques stigmates de

dégénérescence : de l'asymétrie faciale, le côté gauche plus déve-

loppé, le crâne trop développé par rapport à la face, la région

occipito-pariétale plus large que la frontale, crâne natiforme,

hérédosyphilitique. Les oreilles perpendiculairement insérées. Les

110 PATHOLOGIE MENTALE.

dents irrégulières et usées. La voûte du palais est très excavée.

Les pupilles contractées égales, la droite est irrégulière; elles

réagissent bien directement et moins par association.

Le malade ne distingue pas bien les diverses nuances des

couleurs. L'odorat et le goût sont conservés. La langue offre de

légers tremblements et garde les impressions dentaires. La parole

n'est pas altérée. Les doigts tremblent moins. Le réflexe pharyn-

gien diminué ; les réflexes des fléchisseurs et des extenseurs sont

normaux; le réflexe rotutien est diminué à droite, les réflexes

plantaire et crémastérien presque abolis. Il n'y a pas de trépida-

tion épileptoïde. La marche est normale. La sensibilité générale

conservée pour le toucher et la température, celle à la douleur

diminuée aux jambes, où le malade ne peut pas préciser l'endroit

où il a été piqué. Aucun souffle au coeur. Les autres organes sont

sains. Les ganglions inguinaux pris des deux côtés, paraissent

spécifiques. Les tibias et clavicules sont réguliers.

Etat psychique. L'attitude du malade est très tranquille, il

reste retiré, le regard triste, la figure contractée, attitude et regard

caractéristiques de la mélancolie, les mains froides et cyanosées,

le pouls petit, refuse les aliments, se soumet à l'examen, mais

exécute difficilement ce qu'on lui demande, un manque d'énergie

et volonté caractéristique. Le patient se tient à l'écart et s'éloigne

des autres malades, il lie sa verge avec des chiffons et du fil

jusqu'à produire une congestion veineuse. Peut-être que cet acte

est en rapport avec son délire mélancolique. '

La perception est conservée. L'association des idées et l'idéation

semblent altérées, mqis on ne découvre pas de délire bien systé-

matisé, il accuse pourtant un de ses voisins qui voulait lui faire

du mal et qui lui chuchotait des menaces, ce qui prouve des

hallucinations auditives mais non caractéristiques. Il ne présente

pas d'auto-accusations.

L'intelligence et le jugement sont conservés. La mémoire

semble diminuée surlout pour les faits récents. Le pouvoir

d'abstractiou intact. Les sentiments affectifs et la sphère morale

diminués. Il est propre, dort bien, n'a pas de zoopsies ni halluci-

nations. Il mange, mais après bien des insistances.

Obsfiivation XIX. La nommée Athène Madgear, âgée de

quarante ans, entre à l'hospice le 1 ? novembre 1896.

Etat 'physique. Taille moyenne, très faible, la couleur des

téguments jaunâtre, terreuse. La face est légèrement asymétrique,

le côté droit plus développé que le gauche. Les oreilles insérées

perpendiculairement, les lobules larges, minces, non adhérents.

La voûte du palais large et peu profonde. Les dents gâtées man-

quent en grand nombre, même les molaires. Les incisives supé-

rieures tout à fait usées.

LES MELANCOLIQUES. '111

Les pupilles égales, dilatées, réagissent directement et par asso-

ciation. Il n'y a pas de tremblements de la langue ni des lèvres.

Le réflexe pharyngien conservé. Les réflexes des extenseurs et des

fléchisseurs conservés. 11 n'y a pas de tremblements des doigts.

Les réflexes rotulien et plantaire conservés. Il n'y a pas de trépida-

tion épileptoïde.

La sensibilité générale est exagérée pour le toucher et la

douleur. La sensibilité spéciale conservée, la malade reconnaît

bien les couleurs et distingue les nuances.

Légère ovarie. Les mouvements respiratoires lents. Le pouls

très faible et à peine perceptible. Les extrémités froides et cyano-

sées. Odeur fétide de l'haleine. Le foie est augmenté de volume,

dépasse les fausses côtes, la pression sur l'hypocondre droit est

douloureuse, de même celle de l'épigastre. Les ganglions ingui-

naux sont petits, durs, nombreux, mais non spécifiques. Les

tibias et clavicules réguliers.

Etat psychique. La malade garde une attitude tranquille et

convenable, le regard est vague, scrutateur et timide. Elle se

soumet difficilement à l'examen et est récalcitrante aux questions.

La volonté est conservée, mais elle exécute très difficilement ce

que nous lui disons. Elle nous répond négativement à toutes nos

questions, en disant qu'elle a déjà répondu à d'autres docteurs ce

que nous lui demandons. La mémoire paraît conservée. L'idéation

et le raisonnement sont profondément altérés.

Fig. 10. Groupe de mélancoliques (femmes).

111) PATHOLOGIE MENTALE.

Elle a un délire hypocondriaque; elle dit qu'elle est collée à la

colle forte, à la glu, que tous ses organes sont malades, qu'elle

veut mourir parce qu'elle a commis un péché devant Dieu, avec

' son cousin, elle dit qu'elle a souffert et souffre encore beaucoup à

cause de ce péché et qu'elle veut mourir à cause de cela. Elle nous

dit encore que le plus grand bien que nous ferons sera de la tuer

pour qu'elle échappe à tant de souffrances. Elle a des hallucina-

tions; il lui semble que quelqu'un l'appelle la nuit quand elle

dort, qu'elle parle à Notre-Dame. Elle n'a pas de zoopsies. Elle

mange peu. Ne dort pas trop bien. Elle est propre.

Observation XX. Le nommé Jean-D. Coudrutz, âgé de trente-

six ans, laboureur aux champs, entre à l'hospice le 30 novembre

1896.

Etat physique et stigmates. Le malade est de taille moyenne,

bien constitué et développé, présente comme stigmates de dégé-

nérescence : le crâne très développé globuleux, mais sans asymé-

trie, la région occipitale proéminente, la bosse frontale gauche

déprimée; la moitié gauche de la face plus développée que la

droite, la commissure naso-labiale droite effacée.

Les oreilles insérées presque perpendiculairement, l'oreille

gauche un peu plus grande que la droite. Les lobules à moitié

adhérents, le lobule gauche plus grand que le droit. La voûte du

palais est très excavée. Les dents supérieures et inférieures usées.

La luette petite déviée à gauche. Les pupilles contractées, égales,

la droite est irrégulière, elles réagissent bien directement et par

association, à la lnmière et à l'accommodation. Il ne connaît pas

la couleur bleue et ses nuances. Le goût conservé, l'odorat perdu

pour certaines odeurs, excepté l'élher.

Des tremblements de la langue, qui'garde les impressions den-

taires, elle est un peu déviée à droite; on constate aussi des trem-

blements aux lèvres quand le malade montre ses dents et quand il

tire la commissure labiale gauche en dehors; il y a aussi des trem-

blements des doigts. Le signe de 131ernachi existe de deux côtés.

Il y a aussi un commencement de signe de Romberg. Le réflexe

pharyngien aboli, les réflexes des extenseurs et des fléchisseurs

conservé ; le réflexe rotulien exagéré et surtout à gauche, le réflexe

plantaire bien diminué, le réflexe crémastérien un peu diminué à

droite.

La sensibilité générale est conservée pour le toucher et la tem-

pérature; à la douleur un peu retardée, le malade ne peut pas

localiser l'endroit où nous le piquons. Il n'y a pas de trépidation

épileploïde. Le malade a des pituites matinales et du pyrosis. Les

bruits du coeur sont rudes, parcheminés ; les battements cardiaques

rare=, le pouls petit, étroit, 60 pulsations par minute. Les ganglions

inguinaux sont pris des deux côtés, mais sans présenter les carac-

LES MÉLANCOLIQUES. 113

tères spécifiques. Les clavicules et les crêtes des tibias un peu

rugueuses.

Les autres organes et viscères sont sains.

Etat psychique. Attitude convenable, humble, la figure con-

tractée exprime la tristesse, le regard dirigé en bas, le malade est

toujours debout, retiré dans un coin et éloigné des autres malades.

Il se soumet à l'examen, exécute ce qu'on lui demande, mais avec

beaucoup de lenteur, un manque d'énergie et de volonté est mani-

feste dans tous ses mouvements et tous ses actes. Il répond à nos

questions, mais seulement après de longues insistances et après

que nous ayons répété plusieurs fois la même question. L'associa-

tion des idées et l'idéation sont altérées. Ils'accuse d'être coupable,

mais sans spécifier de quelle faute, et demande qu'on lui donne

une autre punition, qu'on l'envoie en prison; car pour ses fautes

il n'est pas assez puni d'êlre retenu à l'hospice et de rester

continuellement debout.

Il semble avoir des hallucinations auditives. Il a eu et a des

zoopsies. L'intelligence et le jugement conservés, de même que la

mémoire. Les sentiments affectifs et la sphère morale ne sont pas

altérés. 11 dort bien sans l'aide des hypnotiques. Il mange, mais

seulement après insistance, il refuse la viande parce qu'elle le rend

malade. Demande à faire maigre.

Observation XXI. La nommée Rosa Cleisch, âgée de trente-

trois ans, ménagère, entre à l'hospice le 6 mars 1897.

Etat physique. La malade est de taille moyenne, constitution

débile, les téguments pâles, le système osseux et musculaire peu

développés. Présente comme stigmates de dégénérescence : la

bosse frontale droite déprimée, le dos du nez présente une proémi-

nence qui n'est pas normale. Elle n'offre pas d'autres asymétries

faciale ou crânienne. Les lobules des oreilles sont adhérents. Les

dents supérieures et inférieures petites et usées, les incisives supé-

rieures éloignées, une partie des molaires cariées. La voûte du

palais très excavée.

Antécédents. Malade depuis le 10 février 1896. Le père de la

malade est mort il y a huit ans, probablement à la suite d'une

paralysie générale, d'après ce que raconte la mère de la malade

qui nous dit qu'il avait le délire des grandeurs (il disait qu'il avait

beaucoup de bétail, beaucoup d'argent, etc.; la parole élait

altérée). La mère de la malade est bien portante, n'abuse pas des

alcooliques. La malade a encore trois soeurs qui vivent et sont

bien portantes. La malade a eu dix enfants, dont trois avorte-

ments, deux sont morts une semaine après la naissance et un

autre plus petit a été tué par sa mère.

Dix jours après le dernier accouchement elle a subi une grande

peur, par le fait que la maison voisine prit feu. Après l'accouche-

.lncEnves, 2° série, t. VII. 8

114 PATHOLOGIE MENTALE.

ment, son caractère commençait à changer, elle devient triste,

soupçonneuse ; elle se plaignait que son mari tarde beaucoup le

soir, peut-être qu'il a une amoureuse.

Elle aimait beaucoup ses enfants, mais dernièrement elle est

devenue indifférente. La maladie lui est venue graduellement,

mais le 10 février-elle devient plus prononcée; elle n'était pas

impulsive, ne proférait pas des expressions triviales; elle se tenait

plutôt retirée, indifférente à ce qui l'entourait, de temps en

temps elle prononçait le mot « diable » qu'elle répétait chaque fois

qu'elle voyait une personne étrangère. Elle refuse les aliments

ainsi qu'on est forcé à la nourrir.

A l'examen physique ou constate que la malade présente deux

cicatrices au niveau de l'union du manche du sternum avec son

corps, de même une autre cicatrice à la partie interne et supé-

rieure de la jambe droite. Les pupilles égales, régulières, réagis-

sent directement et par association; le réflexe pharyngien est

diminué, les réflexes des extenseurs et des fléchisseurs normaux;

les réflexes rotulien et plantaire ne sont pas augmentés. Il n'y a

pas de trépidation épileptoïde. La marche normale.

La sensibilité générale paraît relardée pour le. toucher et pour

la douleur; normale pour la température. Elle n'offre pas des

tremblements de la langue, des lèvres ni des doigts. Le goût est

perverti, elle dit que l'acide citrique a un goût amer. Odorat est

normal. Pas d'ovarie. Les ganglions cervicaux et inguinaux sont

de volume habituel. Les clavicules et les crêtes des tibias sont régu-

lières. Les bruits du coeur sont lents, mais on n'entend pas de

souffle. Le pouls est petit, rare (62 pulsations par minute). Les

extrémités sont froides et cyanosées. Les poumons sont normaux.

Le foie ne dépasse pas les fausses côtes, mais il est douloureux à la

pression.

Etat psychique. L'attitude de la malade est très abattue, le

regard fixe et dirigé en bas, rien ne l'inléresse de tout ce qui l'en-

toure. La perception est normale, elle répond aux questions avec

beaucoup de difficulté et seulement si nous insistons longlemps sur

la même question. La parole très lente et basse, presque imper-

ceptible. La mémoire de quelques rares réponses que nous recueil-

lons paraît conservée. Elle exécute ce que nous disons de faire,

mais bien difficilement. Nous ne pouvons préciser si elle a des

illusions ou des hallucinations.

Après bien des insistances, elle nous avoue avoir égorgé son der-

nier enfant, mais qu'elle a fait cela dans un moment de folie et

après avoir rêvé la nuit une tête d'enfant. Les sentiments affectifs

paraissent diminués, parce que, en lui demandant si elle veut que

nous lui amenions ses enfants pour les voir, elle reste indifférente.

Nous arrivons de même à n'avoir aucune réponse si elle

regrette le crime commis. Nous n'avons pas pu découvrir un

LES MÉLANCOLIQUES. 115

délire quelconque; elle ne présente pas d'auto-accusation. Elle n'a

pas de l'incontinence, pas d'insomnie. Elle sort bien améliorée en

janvier 1898. -

Observation XXII. La nommée Safla Dem. Stef, ménagère,

âgée de trente ans, entre à l'hospice le 22 août 1897.

Etat physique. De taille moyenne, constitution et développe-

ment faibles. Comme stigmates de dégénérescence : la bosse parié-

tale droite déprimée; asymétrie faciale, le côté gauche est mieux

développé. Les oreilles ont les lobules adhérents. La voûte du

palais est excavée. Les dents supérieures et inférieures bien

implantées. Les inférieures usées, les supérieures éloignées les

unes des autres.

La malade présente une ulcération à la jambe gauche; plusieurs

petites ecchymoses aux membres inférieurs. Des vergetures abdo-

minales s'étendant sur la partie supérieure des cuisses.

Les pupilles sont dilatées, égales, régulières, réagissent bien

directement et par association, par réaction sensitive, c'est-à-dire

en piquant la malade sur le corps. Le réflexe pharyngien est

conservé. Il y a des tremblements de la langue, moins des lèvres.

La contraction idéo-musculaire est un peu augmentée, de même

les réflexes des extenseurs et des fléchisseurs sont augmentés. Le

réflexe rotulien est conservé. Le réflexe plantaire est aboli. La

sensibilité générale au toucher et à la doulenr paraît conservée,

quoique la malade ne puisse pas préciser si nous la piquons avec la

tête ou la pointe de l'épingle; de même elle ne localise pas bien et

parfois se retient à souffrir des piqûres profondes. A l'esthésio-

mètre, au tronc et aux membres elle répond à une distance de

6-8 centimètres. Elle reconnaît bien les couleurs et différencie les

nuances. L'odorat et le goût normaux. 11 n'existe pas d'ovarie, pas

de trépidation épileptoïde.

Du côté des organes respiratoires rien à noter. Au coeur, les

battements sont rares, faibles, éloignés. Le pouls faible. Rien de

pathologique du côté des autres organes. Les ganglions inguinaux

pris de chaque côté, surtout du côté gauche, à cause de l'ulcé-

ration de la jambe. Pas de signes de syphilis.

Etat psychique. L'attitude est tranquille, la mine un peu

triste et plaignante. Elle se soumet à l'examen, mais exécute bien

lentement et sans énergie ce qui nous lui disons. Elle répond à

nos questions mais seulement après de longues insistances et tou-

jours en soupirant. L'attitude dénote encore l'humilité, le regard

est fixe et immobile. En cherchant un délire quelconque, nous

trouvons de l'auto-accusation. La malade répète continuellement

qu'elle n'a tué personne, mais qu'elle a mis le feu à de la paille

qui se trouvait à la maison, mais plus tard elle nous dit que ce

sont ses enfants qui y ont mis le feu et pas elle. Une autre fois,

116 PATHOLOGIE MENTALE.

elle a détruit une cheminée; elle a fait tout cela à cause d'une

douleur qui lui est venue à la tête, elle avait perdu la vue, son

mari l'a battue, ensuite ses filles l'ont liée.

Elle déclare avoir vécu toujours en bonne intelligence avec son

mari, malgré qu'il arrivât parfois ivre à la maison, elle avoue des

habitudes alcooliques mais non des abus. Elle nous dit qu'elle a

eu huit enfants, trois garçons sent morts, il lui reste encore cinq

filles vivantes ! Elle ne sait pas nous dire la cause de la mort de

ses enfants. Elle n'a eu aucun avortement, elle a eu deux accou-

chements gémellaires. La mémoire paraît diminuée pour le pré-

sent et le passé. Les sentiments affectifs sont conservés pour son

mari et pour ses enfants. Elle dort bien sans l'aide des hypno-

tiques. Elle mange bien et convenablement. Elle est propre. On ne

constate pas d'hallucinations ni de zoopsies. Elle n'a pas d'impul-

sions. Elle parle continueilement, pleurant de temps en temps,

même étant seule; à voix basse et faible, elle raconte tout ce qui

lui est arrivé. La malade succombe le 5 juillet 1897.

Observation XXIII. La nommée Dorothea Oelhausen, gou-

vernante, âgée de vingt-sept ans, entre à l'hospice le 27 juin 1897.

Etat physique. La malade est de taille moyenne, de faible

constitution, ne présente pas à la surface du corps des traces de

violence. Comme stigmates de dégénérescence : il n'y a aucune

asymétrie crânienne ou faciale, les pavillons des oreilles bien

conformés, les lobules adhérents, la voûte du palais excavée, les

dents bien implantées.

Les pupilles sont égales, dilatées, régulières, réagissent direc-

tement et par association à l'accommodation et par réaction sensi-

tive. Le réflexe pharyngien est un peu diminué. Les réflexes des

extenseurs et des fléchisseurs normaux. Le réflexe rotulien légè-

rement augmenté. Le réflexe plantaire conservé ainsi que la con-

traction idéo-musculaire.

La sensibilité générale conservée pour le toucher et la douleur,

toutefois elle paraît un peu retardée. Elle n'a pas de plaques anal-

gésiques ou anesthésiques. Elle ne répond pas pourtant à l'esthé-

siomètre. Le goût et l'odorat conservés. Elle reconnaît bien les

couleurs et différencie les nuances. Elle n'a pas d'ovarie, ne pré-

sente pas de trépidation épileptoïde. Les bruits du coeur sont nor-

maux. le pouls est tout petit; les extrémités froides. Le foie

normal, ainsi que la rate. Rien de pathologique à noter du côté

des autres organes. Pas de signe de syphilis.

Etat psychique. - La malade se tient habituellement à l'écart,

ne fraie et ne parle pas avec les autres malades. Sa figure dénote

la souffrance, son regard est fixe, elle ne parait pas s'intéresser à

ce qui l'entoure. Elle parle très peu, répondant avec grande peine

à ce que nous lui demandons et c'est à peine perceptible. Elle dit

LES MÉLANCOLIQUES. 117

qu'elle ne s'appelle pas Dorothea Oelhausen, mais Mina Klapen-

bach, qu'on a changé son nom. Elle a des auto-accusations; ainsi

elle nous dit qu'elle n'est pas digne de vivre, elle nous dit encore

qu'elle a des ulcérations, qu'elle est une prostituée, etc.

La mémoire est conservée, mais elle ne peut pas nous donner

des indications depuis quand elle est malade et comment la

maladie lui est venue. Elle demande avec insistance à partir à la

maison, disant qu'elle veut aller chez son mari. Elle n'a pas d'illu-

sions ni d'hallucinations. Elle refuse les aliments, à ce point qu'on

est forcé de recourir pour la nourrir à la sonde. Elle dort très peu.

Elle contracte une stomatite infectieuse intense, son état général

empire beaucoup, on la traite par des lavages antiseptiques, etc.

Comme état psychique, elle se trouve dans un état d'inquiétude

continuelle, demandant à partir chez elle. Elle succombe le 13 sep-

tembre 1897.

Observation XXIV. - La nommée Bosa Otoleac, domestique,

âgée de cinquante ans, entre à l'hospice le 28 juillet 1897.

Etat physique. La. malade est de taille moyenne et dévelop-

pement médiocre; rien de bien particulier à noter comme symp-

tômes physiques. De pouls est petit et lent; les extrémités froides.

Des réflexes et la sensibilité sont à l'état normal. La malade pré-

sente de nombreuses cicatrices provenant des plaies. qu'elle se fait

elle-même pour calmer les piqûres qu'elle sentait comme des

aiguilles qui lui traversaient le corps. Pas de signe de syphilis. Quel-

ques stigmates de dégénérescence à noter : le crâne volumineux,

le front petit, la bosse frontale gauche un peu déprimée, les

régions pariétales très développées. Elle a les pavillons des oreilles

perpendiculairement insérés, les lobules grands et non adhérents.

Les dents irrégulières, l'incisive moyenne gauche surpasse en

longueur les autres dents voisines, le maxillaire supérieur est

étroit, irrégulier; les molaires en partie absentes. La voûte du

palais excavée. ·

Etat psychique. La malade est retirée d'habitude, elle ne

parle pas aux autres malades. Sa figure exprime la souffrance.

Elle se considère comme coupable, car étant née par sa mère pour

devenir a Soleil » et pour monter au saint Dieu; mais n'écoutant

et n'obéissant ni à Dieu ni à ses parents, elle est restée femme.

Elle s'accuse d'avoir mangé, car elle ne devait manger que ce

que Dieu lui donnait. Elle nous dit que le soleil doit changer de

cinquante ans en cinquante ans. Elle dit qu'elle a commis tant de

péchés qu'on ne peut plus en parler, entre autres elle dit avoir

péché envers son mari. Elle n'a pas été convenable devant les

hommes, car elle chante et rit sans parler. Elle s'accuse encore

que sa mère l'a envoyée à l'école et qu'elle n'a rien appris. Dieu

a parlé avec elle et l'a réprimandée d'avoir fait tant de maux;

118 PATHOLOGIE MENTALE.

même les images saintes pendues aux murs parlent avec elle. On

voit par là qu'il existe des hallucinations. La mémoire est bien

conservée. Le raisonnement et l'association des idées sont bien

altérés. Les sentiments affectifs sont gardés, de même le sentiment

de la pudeur. Elle mange, mais le plus souvent forcée. Elle dort

bien.

Après quelque temps de séjour à l'hospice, l'état de la malade

parait un peu amélioré, elle dit qu'elle est mieux chez nous, elle

répond plus rapidement aux questions. Elle mange et de bon

appétit. Ce mieux est pourtant éphémère et trompeur, car la

malade succombe le 12 octobre 1897.

Ce cas entre dans la forme de mélancolies décrites sous le nom

de mélancolie religieuse (Dagonet). On pourrait aussi bien le

placer dans le cadre des dégénérés à délire mystique.

Observation XXV. La nommée Maria V. Mardare, ménagère,

âgée de quarante-cinq ans, entre à l'hospice le 10 août 1897.

Etat physique. De taille moyenne, de bonne constitution, ne

présente pas des traces de violence sur le corps.

Comme stigmates de dégénérescence : le crâne petit, le front

de même; elle ne semble pas avoir des asymétries crânienne ou

faciale; les lobules des oreilles adhérents dans toute leur étendue;

l'arcade dentaire supérieure dépasse l'inférieure, les dents supé-

rieures larges, les inférieures irrégulières. La voûte du palais n'est

pas excavée. La malade présente au grand doigt de la main droite

une plaie presque cicatrisée, provenant d'après ce que dit l'acte

médico-légal d'une morsure.

Histoire de la maladie. La malade âgée de quarante-cinq ans,

mariée depuis vingt ans; son père était alcoolique et est mort il y

a douze ans. De son mariage sont nés cinq enfants, dont trois gar-

çons et deux filles. Sa maladie date de l'automne 1896, quand elle

sentit une pesanteur et une douleur à la région épigastrique et

précordiale, s'irradiant vers la lête, disparaissant pour revenir de

nouveau. Elle se plaint encore maintenant de douleur de tête.

Le 20 juin 1897, étant à la maison avec un de ses enfants, âgé

de onze ans, malade de la fièvre, elle le prit de son lit, le porta

dans une hutte voisine et le pendit à une corde. Dans la lutte qui

doit avoir eu lieu entre la mère et l'enfant, ce dernier la mordit au

grand doigt de la main droite. L'acte médico-légal dit que la ma-

lade accomplit ce crime parce qu'il lui semblait que l'enfant était

un chien.

Maintenant malgré toutes nos insistances pour nous dire le motif

qui l'a poussée à commettre cet acte, elle ne nous dit rien prétex-

tant qu'elle-même ne sait pas comment cela lui est venu.

Etat psychique. La malade est dans un état d'inquiétude con-

tinuelle, son regard est.interrogateur, elle se plaint pendant tout

LES MÉLANCOLIQUES. 1 J 9

le temps de notre examen, en nous demandant de la laisser partir;

lui demandant pourquoi elle pleure, elle nous dit qu'elle n'en sait

rien ; mais en amenant la conversation sur ce qui est arrivé, elle

tâche d'en éviter le pénible souvenir, et nous avoue qu'elle est cou-

pable. Son front est continuellement ridé, probablement parce que

l'idée et l'image du crime lui sont toujours présentes. La mémoire

paraît conservée, elle se rappelle les noms de ses enfants; mais en

la questionnant plus longtemps, elle nous dit qu'elle ne peut plus

rien nous dire, étant occupée maintenant par d'autres pensées.

Le jugement et l'association des idées ne semblent pas bien alté-

rés. Elle se plaint et se lamente de temps en temps en serrant

les poings. On ne constate aucun délire. Elle n'a pas de zoopsies,

nie les abus alcooliques.

Les sentiments affectifs paraissent conservés, la malade désirant

voir ses enfants et son mari. Elle dort peu la nuit, se promenant

dans la chambre et se lamentant. Elle soupire souvent en se frap-

pant la tête. Elle mange bien et est propre.

Observation XXVI. Le nommé Mincou (G. Barzéo), laboureur

des champs, âgé de trente-deux ans, entre à l'hospice le 18 novem-

bre 1897.

Etat physique. Le malade est de taille moyenne, de constitu-

tion forte en apparence. Le système musculaire, le système osseux

ainsi que le tissu cellulaire très bien développés. Les téguments ne

présentent pas d'autres altérations, qu'une perte de l'élasticité de

la peau qu'on observe au dos des mains, le malade ayant souffert

antérieurement de la pellagre. Comme stigmates de dégérescence

à noter :

Une légère asymétrie crânienne ; la partie supérieure de la

région fronto-pariétale gauche est plus déprimée que la partie cor-

respondante du côté opposé.

On constate de même une asymétrie faciale, la joue gauche est

plus allongée que la droite. Sous la commissure labiale gauche

existe une dépression cicatricielle (à la suite d'un abcès, d'antrax

d'après ce que nous dit le malade). Les dents incisives inférieures

sont disposées d'une façon vicieuse, elles chevauchent les unes sur

les autres. La voûte du palais est excavée. Le petit orteil du pied

gauche manque, à la suite d'un traumatisme, d'après ce que nous

dit le malade.

La pupille gauche semble plus dilatée que la droite. Les pupilles

réagissent lentement et difficilement à la lumière et à l'accommo-

dation. Il n'y a pas de diplopie. Le malade distingue bien les cou-

leurs et les nuances. Le sens de l'ouie est diminué. Le goût et

l'odorat sont conservés mais notablement affaiblis.

La langue présente de légers tremblements et garde les impres-

sions denlaires. Le sens du toucher est conservé. La sensibilité

'120 0 ' PATHOLOGIE MENTALE.

cutanée est diminuée, mais il n'y a pas de plaques d'anesthésie. Le

réflexe pharyngien est conservé. Les réflexes rotulien et plantaire

bien diminués, presque abolis.

Il n'y a pas de trépidation épileptoïde. La marche est difficile.

Le malade marchant les yeux fermés, est pris d'oscillations (signe

de Romberg). Il ne peut pas rester sur un pied. Il présente aussi

de légers tremblements des doigts. La force musculaire est très

diminuée.

L'appareil respiratoire est normal. Le coeur est normal ; mais le

pouls est petit, contracté, filiforme.' Le malade accuse des douleurs

dans la région de l'hypochondre et de l'épigastre. Le foie et la

Fi,q. 11. - linc. Bazy (mélancolie avec stupeur).

LES MÉLANCOLIQUES. '21

rate sont normaux. Le malade souffre de la constipation. La

vessie est énormément dilatée par paresse des muscles vésicaux; on

retire par la sonde un litre et demi d'urine.

Etat psychique. Le malade est très déprimé. La mémoire est

diminuée tant pour les faits récents qu'anciens. Il répond difficile-

ment aux questions. L'attention lui manque. Il nous dit qu'il a eu

huit enfants, dont trois sont morts, mais il ne peut pas nous dire

la cause de leur mort. Les sentiments affectifs sont diminués. Il

nous dit qu'il est pauvre et qu'il vit de son travail. Il ne peut pas

faire un calcul, il n'a pas la notion du temps. L'idéation est dimi-

nuée. Il nous répond à un seul mot, il ne peut pas former une

phrase, souvent il ne fait que répéter lentement ce que nous lui

disons.

Le malade doit être forcé pour manger.

Ses mouvements sont très lents, en imprimant divers mouve-

ments à ses membres, en les mettant dans diverses positions, ils

restent fixes, figés ; le malade semble privé de volonté, et ne change

de position qu'après quelque temps, bien tard et bien lente-

ment ; il semble même que ses membres tombent et reviennent à

leur situation normale plutôt grâce à leur propre poids que par

ordre des centres moteurs.

La perception est très réduite. Le malade parait éprouver une

très grande difficulté et déployer un travail notable dans son cer-

veau, pour pouvoir mettre ses lèvres en mouvement et pour parler.

Observation XXVII. La nommée Smaranda-J. Radulex,

âgée de trente-trois ans, entre à l'hospice le 1S janvier 1898.

Etat physique. La malade est de taille moyenne, de bonne

constitution et bien développée; le système osseux et musculaire

ainsi que le tissu cellulaire sous-cutané amplement développés.

Comme stigmates de dégénérescence : une légère asymétrie crâ-

nienne, le côté gauche étant plus déprimé que le droit. Les dents

sont régulières, à remarquer seulement que l'arcade dentaire supé-

rieure recouvre l'inférieure. La voûte du palais est normale. Les

lobules des oreilles adhérents, petits; les pavillons sont bien con-

formés et normalement insérés. La malade présente quelques

ecchymoses à la région fessière droite produites par la chute, mais

ces ecchymoses sont sans importance.

Les pupilles sont égales, dilatées, régulières ; elles réagissent

tardivement à la lumière, directement et par association. La vue

est conservée et normale, la malade reconnaît bien les couleurs et

différencie les nuances. Le réflexe pharyngien est conservé. Le

réflexe rotulien est normal, le réflexe plantaire diminué. Il n'y a

pas de tremblements de la langue ni des doigts. La sensibilité gé-

nérale est diminuée, elle parait pourtant bien localiser l'endroit

où elle a été piquée, mais il nous est impossible d'avoir une

122 PATHOLOGIE MENTALE.

réponse de la part de la malade, nous ne pouvons rien apprendre

de bien précis.

Il n'y a pas de plaque d'analgésie, d'anesthésie, d'hypéres-

thésie, etc. On ne peut pas se rendre compte si le goût et l'olfac-

tion se trouvent à 1'état normal. Il n'y a pas de signe de syphilis.

Etat psychique. La malade se tient dans une attitude penchée,

en priant; elle ne veut pas absolument être examinée, elle nous

repousse et ne se laisse pas loucher ; c'est seulement avec la force

et à grand'peine que nous avons obtenu quelques points, données

d'examen physique; elle est incapable de nous dire quelque chose.

L'expression de la figure est bien caractéristique d'une mélan-

colique en stupeur. Inerte, immobile, figée. Elle fuit le monde, les

autres malades, les infirmières, etc. Elle se tient retirée dans un

coin, sans prononcer une parole, sans demander la moindre chose

même la plus nécessaire et indispensable. Elle refuse de se coucher

dans son lit, on est forcé de lui appliquer la camisole et la tenir

liée à son lit. On la nourrit à la sonde.

Observation XXVIII. La nommée Anastasie Dragan, ména-

gère, âgée de quarante-cinq ans, entre à l'hospice le 22 jan-

vier 4SJ8.

Etat physique. La malade est de taille moyenne, le tissu cel- z

lulaira complètement disparu, le système musculaire médiocre, le

système osseux bien conformé. La tête ne présente pas d'asymé-

trie. Les oreilles sont petites, perpendiculaires, les lobules petits et

adhérents. La voûte du palais est ogivale. De nombreuses dents

manquent.

Les pupilles légèrement dilatées, réagissent bien à la lumière,

mal à l'accommodation. Il n'y a pas de nystagmus ni de diplopie

monoculaire. Le sens chromatique est normal. Le goût paraît un

peu diminué. Il y a des tremblements de la langue et des doigts.

Le réflexe pharyngien est conservé.

La sensibilité générale à la douleur est conservée en grande

partie, la malade précise bien les attouchements faits avec la tête

d'une épingle et les piqûres de la pointe. Il y a des plaques d'anes-

thésie et d'analgésie à la jambe gauche et à la fesse droite ; aux

bras la sensibilité est normale. Il n'y a pas d'ovarie.

Du côté des organes thoraciques nous trouvons aux sommets des

poumons une expiration rude et une expiration prolongée. Les

battements du coeur sont éloignés, le pouls est rare et faible. Le nez

et les extrémités sont froids.

Comme antécédents. -La malade nous apprend qu'elle a eu sept

enfants, dont un seul est vivant (quatre avortements).

Les parents de la malade sont morts, mais elle ne sait pas de quoi.

La malade n'abusait pas des alcooliques, tout en en usant modé-

rément. i

LES MÉLANCOLIQUES. 123

Etat psychique. La malade est continuellement agitée, elle

pleure sans cesse, nous dit qu'elle est malade, attaquée de la poi-

trine, que le Dr Asaky a dit cela, que nous ne pourrons rien lui

faire; que Dieu ne pourra lui venir en aide et encore moins nous.

Les bruits que font les autres malades de l'hospice] sont tout de

suite interprétés par elle dans le sens de son délire, c'est-à-dire

que les malades lui crient qu'elle est attaquée. Continuellement

elle tâche de nous persuader qu'elle est atteinte d'une maladie con-

tagieuse, qu'elle doit être désinfectée, qu'elle va mourir, qu'elle

est perdue.

L'expression de sa figure nous montre le découragement et

même le désespoir, surtout au moment de l'auto-accusation : quand

elle nous dit qu'elle doit mourir pour son nom, quoiqu'elle ne

sait pas ce qu'elle a fait, parce qu'on l'a endormie, on l'a enfumée

et qu'elle ne peut pas s'en rendre compte. La parole n'est pas

altérée. Les réponses sont claires et nettes. Elle est continuellement

dominée par ses idées hypochondriaques, se demandant sans

cesse : Où aller ? Quoi faire pour échapper, quoiqu'elle sache qu'elle

va mourir. Elle sait et sent qu'elle va périr; elle sent que tout son

corps n'est qu'une vermine, qu'elle est toute pourrie. Elle nous dit

continuellement qu'elle exhale une odeur putride.

De son délire d'auto-accusation nous déduisons les observations

suivantes : la malade se plaignant nous dit qu'une grande honte

plane sur elle et consiste dans le fait qu'on a édité une brochure

contre elle; que tout le monde est contre elle; qu'étant enfant de

quatre ans elle a eu des relations avec un garçon, puis qu'elle est

accusée d'avoir eu des rapports avec les animaux et que c'est à

cause de cela qu'elle est tombée malade et qu'elle souffre tant et

qu'elle cherche à échapper à cette vie ; surtout que tout le monde

a mis un pulvérisateur pour se désinfecter de son approche ; tous

les magasins sont fermés, parce qu'elle est contagieuse et donc à

quoi bon vivraitelle encore ? elle nous prie de la tuer pour qu'elle

échappe à la honte, et puis elle est aussi attaquée et pourrie.

Elle pleure sans cesse qu'elle n'a pas de repos, qu'elle est perdue.

Elle nous repousse de près d'elle, parce qu'elle sent mauvais. La

mémoire est bonne, elle nous dit qu'elle est née à la Saint-Pierre.

La malade nous raconte assez bien ses antécédents. Elle n'a pas

bien la notion du présent; elle ne sait pas le jour, le mois et pas

même l'année dans laquelle nous sommes. En la mettant à faire

des calculsmême un peu compliqués, elle nous répond exactement.

Le raisonnement est altéré. Elle nous dit qu'elle, est ici dans un

autre hôpital, où on soigne de toutes les maladies et qu'elle est

aussi dans un asile d'aliénés, et qu'ici on amène des malades qui

n'ont pas les moyens de se soigner à la maison, et si elle a été

amenée dans un hospice d'aliénés, c'est pour les folies qu'elle a

commises étant enfant. Elle nie absolument être folle maintenant;

124 PATHOLOGIE MENTALE.

mais peut-être que la maladie qu'ella a, lui a troublé le cerveau et

comment en pourrait-il être autrement quand toutes les malades

crachent quand elles la voient ?

Elle n'a aucun délire systématisé quelconque, de persécution, de

grandeur, etc. Elle a des hallucinations nocturnes avec caractère

terrifiant; elle voit des ours et d'autres animaux qui l'attaquent.

Des hallucinations auditives aussi à caractère terrifiant. Les sen-

timents affectifs sont conservés. Elle est très émotive. Elle n'a pas

d'illusions. Continuellement agitée, inquiète. Elle mange seule et

est propre.

Elle ne dort pas et a des tendances au suicide. On institue le trai-

tement opiacé à doses progressives, ainsi que des injections de

morphine de temps à autre, qui amènent une notable amélioration

au bout de deux mois.

Observation XXIX. Le nommé Costea Constantin..., âgé de

vingt-huit ans, ouvrier, entre à l'hospice le 11 février 1898.

Etat physique.- Le malade est de taille moyenne, très amaigri ;

des lésions de décubitus aux deux régions trocantériennes; ten-

dances au décubitus à la région sacrée. Plusieurs cicatrices dans

la région des épaules et sur le dos; leur coloration est cuivrée, mais

elles ne sont pas adhérentes à l'os ; à la jambe et au pied droits

une éruption pustuleuse, plusieurs excoriations sur le thorax et

l'avant-bras droit.

Comme stigmates de dégénérescence : le crâne est brachycé-

phale, présentant la région occipito-pariélale plus saillante à

gauche. Le front étroit; les oreilles petites, perpendiculairement

insérées ; les lobules sont-adhérents. La voûte du palais est pro-

fonde. Les dents sont régulières ; la face est symétrique.

Les pupilles un peu dilatées, égales, régulières ; réagissent bien

directement et par association à l'accommodation et par réaction

sensitive. Le malade reconnaît les couleurs et leurs nuances. Peu

de tremblements de la langue, mais plus manifestes aux doigts.

Le goût et l'olfaction sont conservés. L'excitabilité des nerfs cubi-

taux est exagérée, la pression des troncs nerveux est doulou-

reuse.

Le réflexe pharyngien est diminué, le réflexe rotulien est exagéré,

le réflexe plantaire aboli, le réflexe testiculaire diminué. II n'y a

pas de trépidation épileptoïde.

La sensibilité générale au toucher, à la douleur et à la tempé-

rature conservée partout. Le sens musculaire est conservé. Le

malade ne répond pas normalemement à l'esthésiomètre. Le

pouls est petit, faible, filiforme. Le'nez et les extrémités sont

froids et un peu cyanosés. Les battements cardiaques sont irré-

gulier.

Les ganglions inguinaux sont spécifiques de la syphilis, les

LES MÉLANCOLIQUES. 125

crêtes tibiales rugueuses. Les clavicules épaissies. Les autres or

ganes et viscères sont sains.

Etat psychique. L'attitude du malade est humble, sa figure

exprime une profonde dépression ; elle trahit une grande anxiété

avec concentration interne ; le front fortement ridé montre une

grande inquiétude et préoccupation. Déprimé au physique et au

moral, sans énergie dans ses actes ; en le questionnant il tourne .

son regard d'un autre côté, et ne fait aucune attention à ce que

nous lui disons.

Le malade se trouve dans une immobilité absolue et garde un

mutisme complet, le regard fixé à terre, sans répondre à aucune

de nos questions ; nous ne pouvons même pas le décider à nous

faire un signe d'affirmation ou de négation.

Insistant dans nos questions et nous adressant d'une façon bien

douce, ou en le menaçant, tout est en vain, nous n'arrivons pas à

le faire sortir de son mutisme. Au plus si nous arrivons à le faire

prononcer quelques mots, mais si bas et chuchotés qu'ils sont

incompréhensibles.

Il est bien difficile déjuger sur son état psychique, et s'il a un

délire d'auto-accusation caractéristique de son état mélancolique,

délire qui parait exister, mais que le malade refuse à nous avouer.

On ne peut pas savoir s'il a des hallucinations visuelles ou audi-

tives ; seul, le malade garde la même immobilité, humilité, mu-

tisme. Malgré cet état grave de mélancolie, le malade mange

assez bien, mais il ne dort pas et est incontinent.

Observation XXX. Le nommé Démitre Georg..., prêtre, âgé

de trente-deux ans, entre à l'hospice le 20 mai 1898.

Etat physique. Le malade est petit de taille, constitution et

développement faibles, sans traces de violence. Il présente seule-

ment les traces d'un séton qu'on lui a appliqué à la région cervi-

cale. Comme signes de dégénérescence à noter : une asymétrie fa-

ciale. Les oreilles perpendiculaires, les lobules adhérents ; la

voûte du palais ogivale ; les dents usées, régulières.

Les pupilles sont dilatées, égales, régulières; elles réagissent

bien directement et par association à la lumière et à l'accommo-

dation et par réaction sensitive. Il n'y a pas de diplopie monocu-

laire, pas de nystagmus ni de dyschromatopsie. Le goût et l'olfac-

tion normaux. Quelques légers tremblements de la langue et des

doigts. Le signe de Biernacki existe à droite et à gauche à l'état

commençant. Le réflexe pharyngien est bien diminué. La contrac-

tion idéo-musculaire est conservée; les réflexes des extenseurs, des

fléchisseurs et des cubitaux sont augmentés; les réflexes rotuliens

surtout bien augmentés; les réflexes plantaires sont diminués, 'es

réflexes erémastériens conservés. Il n'y a pas de trépidation épi-

leptoïde.

126 PATHOLOGIE MENTALE.

La sensibilité générale au toucher est conservée ; la sensibi-

lité à la douleur un peu diminuée aux bras, sur les parties exter-

nes des cuisses et des jambes où le malade ne peut pas localiser

les piqûres. A l'esthésiomètre le malade répond à 4 centimètres

au tronc et aux membres supérieurs ; à t)' centimètres pour les

cuisses et la jambe gauche ; à 8-10 centimètres pour la jambe

droite. Il n'y a pas de signes de syphilis. Le foie douloureux à la

pression, de même l'épigasfre ; il a des pituites matinales et du py-

rosis. Les autres organes et viscères n'offrent rien de pathologique.

Etat psychique. Le malade est convenable, l'altitude est

tranquille, il est obéissant; il répond aux questions, mais il s'ar-

rête parfois au cours de sa narration sans vouloir continuer. Il

nous dit qu'il a eu la jaunisse il y a sept ans. Il avoue lotîtes les

querelles de famille à cause de la dot de sa femme et avec ses

Fiy. 12. Prêtre Georg. Déni... (mélancolie simple).

LES MÉLANCOLIQUES. 12 "1

frères à cause de l'héritage des parents, chose pour laquelle il

croit qu'il fut amené à l'hospice. Il nous déclare encore qu'il s'est

querellé à l'église, il y a quatre ans, avec son beau-père pour la

dot de sa femme ; depuis lors il sentit son esprit se troubler, qu'il

était étourdi, qu'il ne pouvait plus faire son service divin, car il

observa qu'il ne pouvait plus avoir une suite et un ordre dans ce

qu'il faisait. Il a consulté alors plusieurs médecins : tous lui ont

conseillé de s'abstenir des alcooliques ; mais lui, croyant que les

médicaments qu'on lui donnait étaient empoisonnés, a continué à

prendre des alcooliques.

Après cela il fut transporté au monastère de Tziganesci, où on

lui fit des lectures saintes. Étant au monastère il lui sembla que sa

mère voulait le vendre aux Juifs ou le tuer, fait qu'il déduisit à

cause d'une querelle qu'il observa entre les nondes du monastère ;

alors il frappa sa mère avec une chaise à la tête et cela au milieu

de l'église. 11 a des idées de persécution ; il accuse toute sa famille

au sujet de sa fortune, ainsi qu'un de ses voisins auquel il acheta

quelques terres ; à cause de ce voisin il évita de se quereller avec

sa femme de peur que le voisin ne lui fasse de sorcelleries. Il avoue

des abus des boisson alcooliques.

Ramené de nouveau au monastère, il dit que des hommes ve-

naient chez lui avec des couteaux pour le surveiller; il vit alors

l'un d'eux faire de l'oeil à sa femme et lui demander s'il faut ou

non le frapper avec le couteau. Il a des zoopsies. Il voyait régu-

lièrement le diable tous les soirs se mouvoir sur les murs ; il lui

semblait alors qu'il s'enfonçait dans la terre et que le diable vou-

lait vendre ses enfants pour leur faire prendre le sang. Il n'a pas

d'hallucinations auditives. 11 avait et a encore une peur inexplicable.

L'intelligence est conservée ; le raisonnement est défectueux,

faux ; il nous dit qu'il a été amené à l'hospice pour qu'on lui

prenne l'interrogatoire et la déclaration, car le monde l'accus

d'avoir cassé la tête à sa mère.

La mémoire est conservée. L'orientation dans le temps est erro-

née, il ne se rend pas compte du jour et de la date à laquelle nous

sommes. Il se rappelle le nombre de ses enfants. 11 a encore deux

frères, dont un a été interné dans une maison de santé. Etant à la

maison il a commis plusieurs tentatives de suicide : une fois il a

voulu se pendre, une autre fois s'empoisonner avec de la créoline.

Il avoue l'habitude de la masturbation. Autrement rien de morbide.

Après cette phase qui présenta tous les caractères d'un délire de

persécution et qui dura pendant cinq ans, le patient tomba dans

un état de dépression, sa figure exprime la tristesse et l'abattement.

Le regard est pensif, la tête est penchée ; il répond bien aux ques-

tions que nous lui posons, bien que très lentement. Il n'accuse

aucune douleur, mais dit qu'il est souffrant, malade et dans cet

état de mélancolie depuis six ans.

128 PATHOLOGIE MENTALE.

Il se plaint aussi de souffrir de la constipation, qu'il reste cinq

jours, jusqu'à une semaine, sans aller à la selle; que cet état allerne

avec de la diarrhée. Autrement il mange bien, et toujours de

bon appétit. Il dort bien la nuit et est propre. Ses sentiments sont

bien diminués, il n'exprime aucunement le désir de retourner

chez lui pour voir~sa femme et ses enfants. La mémoire ne parait

pas bien atteinte ; il se rappelle encore toutes les péripéties par

lesquelles il a passé il y a six à huit ans, pendant sa phase de

délire de persécution.

Cette dernière observation est surtout intéressante pour

nous montrer une mélancolie qui a fait suite à un délire de

persécution chez un alcoolique.

Anatomie pathologique. Du relevé de 50 autopsies de

mélancoliques faites dans ces dix dernières années à notre

hospice, nous pouvons tirer les conclusions suivantes :

La psychose mélancolique trouve, comme altération patho-

logique : une anémie des centres nerveux encéphaliques et

peut-être médullaire, plus rarement une congestion que nous

avons trouvé pourtant dans quelques cas ; un liquide céphalo-

rachidien abondant dans les ventricules cérébraux, remplis-

sant les anfractuosités et sillons des circonvolutions, oedème

de la pie-mère, de l'arachnoïde et de la substance cérébrale.

Cette lésion surtout fréquente est presque caractéristique de

la mélancolie avec stupeur. Les veines dilatées, engorgées,

les artères rétrécies.

Dans 3 p. 100 environ des cas, nous avons trouvé les

lésions confirmées de la paralysie générale ; ici la mélancolie

n'a été que le tableau clinique extérieur (l'Itabitus clinique)

d'une paralysie générale dépressive à début mélancolique.

Comme lésions viscérales dont l'influence sympathique est

admise par beaucoup d'auteurs, nous avons trouvé en effet

que le foie était atteint et malade dans pi,esqite tous les cas :

soit une congestion marquée ; soit une altération, régression

granulo-graisseuse ou graisseuse ; soit une hypersécrétion

biliaire, des calculs.biliaires, etc.

Les poumons étaient souvent pris; environ 80 p. 100 des

malades ont succombé à la suite de la tuberculose dont on a

trouvé les lésions à l'autopsie. Dans un cas nous avons trouvé

des ecchymoses scorbutiques, multiples, cutanées, périphé-

riques et viscérales de l'intestin et des séreuses.

RECUEIL DE FAITS.

NOTE SUR UN CAS D'HÉRÉDITÉ RÉGRESSIVE;

PAR LES DOCTEUBS

S. GARNIER*, et A. SANTENOISE,

Médecin en chef, directeur de l'Asile Médecin adjoint de l'Asile de Saint-Ylie.

de Saint-Ylie.

Un hasard tout à fait exceptionnel nous a permis d'obser-

ver récemment un exemple si net de.régénérescence, ou

comme on dit encore d'hérédité régressive qu'il nous a sem-

blé utile de le publier.

Morel a supposé que la dégénérescence de l'espèce était

une déviation maladive d'un type primitif et il a écrit qu'à

moins de circonstances exceptionnelles de régénération,

les produits des êtres dégénérés offraient des types de dégra-

dation progressive, qu'enfin il n'était pas nécessaire que ces

types atteignissent le dernier degré de la dégradation pour

qu'ils restassent frappés de stérilité.

Dans notre observation, il s'agit d'un cas positif de véri-

table régénération. En effet, le sujet qui, d'après Morel,

aurait dû être stérile ou tout au moins donner naissance à

un produit tout à fait taré, a, au contraire, donné le jour à

un rejeton mâle tout à fait normal, dont l'existence ne nous

a été révélée fortuitement que par sa visite aussi inopinée que

tardive à sa mère internée. Sans cette circonstance, nous

eussions sans doute continué à penser que cette dernière,

puisqu'elle avait été jadis rendue mère, n'avait pu accoucher

que d'un enfant idiot, tandis que le rejeton en question est

manifestement intelligent et bien constitué. Etant sous-

officier en activité de service, il a été en outre soumis au

corps à une certaine sélection. Il est bien entendu que nous

n'avons aucun renseingnement précis sur le géniteur mâle

ni sur les conditions 'dans lesquelles la conception a eu lieu.

Tout ce que nous pouvons donner, ce sont les quelques détails

qui suivent sur la malade elle-même.

Archives, 2e série, t. VU. 9

130 RECUEIL DE FAITS.

R..... 11... ? fille-mère, d'âge inconnu à l'entrée, a été admise à

l'établissement des aliénés du Jura, le 10 janvier 1878. Elle a été

notée comme idiote et en effet, outre les nombreux signes de dégé-

néresce qui vont être relevés, elle ne possédait alors aucune notion

des choses les plus élémentaires et ne pouvait répondre qu'aux

questions les plus simples. Au point de vue de la mentalité, elle a

constamment présenté depuis, des accès intermittents d'agitation

maniaque pendant lesquels on la voit déchirer ses vêtements,

pousser des cris. Elle est d'ailleurs grossière, malpropre et inca-

pable, dans les périodes de calme, de toute occupation.

Aujourd'hui âgée de cinquante à cinquante-cinq ans, sa consti-

tution physique offre les stigmates et les particularités ci-après :

asymétrie faciale ; prognathisme ; voûte palatine en ogive ; dents

disparues à l'exception des quatre incisives inférieures ; mains et

doigts courts ; ongles larges et courts ; poitrine aplatie latéra-

lement ; saillie des côtes à la jonction de l'os et du cartilage

costal ; chapelet rachitique costal ; genu valgum des deux côtés;

genoux gros ; tibias recourbés ; pieds dirigés en dehors ; impos-

sibilité actuelle de marcher autrement que sur les. mains' et les

genoux.

Les quelques mensurations ci-après ont pu être faites.

NOTE SUR UN CAS D'HÉRÉDITÉ RÉGRESSIVE. 131

supérieur . De cette manière la régénérescence du type

s'accomplit d'une manière obscure, mais certaine ; ce qui

explique comment la dégénération de l'espèce humaine doit

être beaucoup plus lente qu'on ne le pense généralement.

Au surplus, le fait que nous relatons, donnerait jusqu'à un

certain point raison à la théorie de Veissmann. Cet auteur

nie, en effet, l'hérédité des caractères acquis et distingue

dans l'organisme humain deux parties distinctes : d'une part

l'organisme de l'individu lui-même ; d'autre part le plasma

Fiif. 13..

Iû2 RECUEIL DE FAITS.

germinatif (spermatozoïdes et ovules). Tandis que le premier

serait pour une cause ou pour une autre, atteint de dégéné-

rescence, le second pourrait néanmoins demeurer intact et

normal.

Quoiqu'il en soit de cette théorie et d'autres hypothèses

que peut suggérer la constatation de notre cas de régénéra-

tion. celui-ci n'en apparaît pas moins comme un fait rare et

d'autant plus intéressant qu'il constitue précisément une

exception bien nette à la loi de More ! , d'après laquelle, la

malade que nous avons observée, en raison de son propre

Fig. 1 î

ASILES D'ALIÉNÉS DE FRANCE, D'ANGLETERRE, ETC. 133

degré de dégénérescence, aurait dû être frappée de stérilité,

ou tout au moins, en cas de grossesse, accoucher d'un pro-

duit des plus tarés et dont l'existence aurait dû être très

limitée.

ORGANISATION DES ASILES.

LES 'ASILES D'ALIÉNÉS DE FRANCE ET LES ASILES

D'ALIÉNÉS D'ANGLETERRE ET D'ECOSSE; "

Par le Dr TAGUET. ·

7« Les asiles étrangers s'affirment, sur les nôtres par une écra-

sante supériorité. Les médecins étrangers qui, en fait d'assis-

tance, n'ont plus rien à apprendre chez nous, nous saluent,

comme on salue une nation qui s'en va. Ici tout est vieux, par

delà l'Océan ou les Vosges, tout est progrès. »

Ces trois phrases résument, assez bien, tout ce qui a été dit et

écrit, dans ces dernières années, sur nos services d'aliénés et ont

servi de thème pour demander aux pouvoirs publics une refonte

complète de notre législation.

Justement ému par un état de choses qui menaçait le bon

renom de nos institutions d'assistance, le Conseil général de la

Seine, dans sa session de novembre 1897, nommait une commis-

sion chargée d'étudier l'assistance des aliénés en Angleterre et en

Écosse. Son rapport vient d'être déposé. Eh bien ! qu'on se ras-

sure, il se passera encore bien des années, avant que nous soyons

tributaires de l'étranger, ainsi qu'on va en juger.

Mais, tout d'abord, qu'il nous soit permis de rendre l'hommage

le plus mérité à la droiture, à la sincérité du rapporteur, M. le

Dr Toulouse, il a eu d'autant plus de mérite à mettre les choses

au point, qu'il s'était fait, un peu inconsciemment peut-être, le

champion d'un état de choses qu'il ne connaissait que très impar-

faitement. Son rapport sera une véritable déception pour les

réformateurs qui prennent leurs inspirations à l'étranger. Encore

une mission et notre confrère de Villejuif et ses amis passeront

dans le camp des vieux bonzes (les vieux bonzes ce sont hlAl. Chris-

tian, Rilti, Doutuebente et moi qui avons le mauvais goût de ne pas

partager complètement les idées de M. Marandon de Montyel) où

134 ORGANISATION DES ASILES.

ils apporteront leurs jeunes et ardentes aspirations, nous les sui-

vrons avec l'expérience que donne l'âge, et l'habitude des hommes

et des choses.

En France, les placements d'office, les seuls dont nous aurons à

nous préoccuper dans cette analyse, sont ordonnés, à Paris, par

le préfet de police, et dans les départements par les préfets sur la

production d'un certificat médical dûment motivé. Les ordres des

préfets doivent énoncer, en outre, les circonstances qui les auront

rendus nécessaires.

En cas de danger imminent, attesté par le certificat d'un méde-

cin, ou par la notoriété publique, les commissaires de police

à Paris, et les maires dans les départements, peuvent ordonner à

l'égard des personnes atteintes d'aliénation mentale toutes les

mesures provisoires nécessaires, à la charge d'en référer dans les

vingt-quatre heures au préfet, qui statuera sans délai.

« En Angleterre, lorsqu'un officier de charité apprend qu'une

personne indigente ou non indigente, considérée comme aliénée

est négligée ou maltraitée par ceux qui l'ont en garde, il doit en

informer l'autorité judiciaire qui examine ou fait examiner le

malade par deux médecins... Les aliénés indigents non maltraités

sont placés d'une manière analogue. Lorsque le médecin des

pauvres a connaissance qu'un indigent résidant dans son district

est ou paraît être aliéné, il en donne avis au commissaire des

pauvres ou, à son défaut, à l'inspecteur de la paroisse. Celui-ci

en informe le juge qui, en recevant cet avis, mande la personne

aliénée devant lui ou devant un autre juge. Ce dernier examine le

malade où il veut et le fait visiter par un médecin ; après telles

enquêtes qui lui paraîtront convenables, s'il est convaincu de la

folie de l'individu et de la nécessité de l'interner, il délivre un

ordre de placement. »

Il peut arriver que les malades soient interrogés par le juge en

audience publique, mais c'est exceptionnel, ajoute 11, le Dr Tou-

louse : Je le crois sans peine ; outre que cette comparution en

justice est anti-médicale, elle peut, suivant certaines circons-

tances être immorale au dernier degré. Et dire que cette dispo-

sition de la loi anglaise ligure, sans aucune restriction, dans le

projet de révision de la loi du 30 juin 1838 présenté par MM. Ma-

gnien et Gambetta à une époque, il est vrai, où la loi scélérate

était, du matin au soir, sur la sellette !

Un ordre d'internement peut encore être signé par des commis-

sionners au nombre d'au moins deux, si après avoir soumis à

l'examen médical un indigent supposé aliéné, ils sont convaincus

que la personne est réellement aliénée. Prise ainsi entre deux

pouvoirs, civil et judiciaire, la liberté individuelle ne court pas

grand risque ; mais n'est-il pas étrange que la loi enlève toute

responsabilité, même morale, aux médecins qui ne sont consultés

ASILES D'ALIÉNÉS DE FRANCE, D'ANGLETERRE, ETC. 135

qu'à titre d'experts ! Ne peut-on pas se demander, en outre, si la

lenteur apportée dans le placement, par suite de formalités aussi

nombreuses que variées, est sans danger pour le malade et pour

la société, et l'on sait que la folie n'attend pas.

Maintien. Enfin, voilà l'aliéné interné ; il s'écoulera un mois

avant que le médecin ne soit appelé à constater officiellement son

état mental; mais par contre, l'autorité administrative aura exercé

son contrôle ,de toutes les manières, sans compter que la loi

anglaise édicté à la fois son traitement et le régime auquel il est

soumis, c'est ainsi qu'elle défend l'application des moyens méca-

niques sans nécessité « et dans ce cas le médecin doit motiver

l'emploi de ces procédés sur un registre spécial. Tous les trois

mois une copie de ce registre est envoyée aux commissionners.

Toute infraction à cette obligation constitue un délit ».

Décidément, on se fait en Angleterre, une étrange idée des

médecins pour qu'il soit nécessaire de les contraindre, je ne dirai

pas à faire leurs devoirs, mais encore aux convenances, au respect

qu'ils se doivent à eux-mêmes. M. le Dr Toulouse trouve cette

disposition de la loi très juste et il nous apprend qu'en France,

dans certains asiles non laïcisés de province, on fait de véritables

abus de la camisole de force. C'est possible, mais ce n'est certes

pas la faute du règlement du 20 mars 1857. « Le droit d'ordonner

l'emploi des moyens de contrainte, dit l'article 105, appartient

exclusiment au médecin en chef. Si dans un intérêt de sûreté, les

infirmiers ou les infirmières se trouvent forcés de recourir d'ur-

gence à l'emploi d'un de ces moyens, ils doivent en rendre compte

immédiatement au surveillant ou à la surveillante en chef qui

sont tenus d'en informer dans le plus bref délai possible le méde-

cin en chef. » Le rapport journalier qui est remis, chaque matin,

au médecin et au directeur, relate fidèlement le nombre et la

nature des moyens mécaniques employés et les diverses circons-

tances qui les ont motivé.

Comme moyens de traitement, la loi anglaise préconise : 1° le

travail dans les ateliers ou dans les champs. Si le rendement,

là-bas, est bien supérieur à celui que nous obtenons dans nos

asiles de la Seine, bien que le travail y soit absolument gratuit,

alors que chez nous il reçoit une rétribution qui varie de 10 à 30

centimes par jour, cela tient à des circonstances que nous avons

fait connaître ailleurs et dont le remède est tout entier dans cette

proposition : subordination dans une mesure à déterminer des

chefs d'atelier au service médical ; 2° les promenades régulières et

journalières dans les jardins auxquelles prennent part tous les

malades, sauf les infirmes et les malades agités ; alors que, chez

nous, ces promenades n'ont lieu que deux fois par semaine.

Je reconnais que ces promenades peuvent constituer un puissant

moyen de traitement et faire très agréablement diversion à l'exis-

136 ORGANISATION DES ASILES.

tence monotone de nos préaux qui n'ont guère que le quart de

l'étendue qu'ils devraient avoir ; 3° les jeux de toutes sortes, les

bals, les concerts, les pique-niques, des visites dans les foires.

Autant je suis partisan des promenades, des jeux et, à la rigueur,

des concerts, des représentations théâtrales, bien qu'elles n'aient

pas donné en France les résultats qu'on pouvait en attendre,

autant je suis l'ennemi déclaré des exhibitions des malades dans

les foires, dans les assemblées publiques. Par contre, la loi

anglaise qui, cependant, a tout prévu, est muette sur le traitement

médical proprement dit, cela nous explique comment il se fait

que le traitement hydrothérapique et pharmaceutique soit presque

inconnu, dans les asiles d'Outre-Manche. On sait qu'à force de

vouloir tout réglementer, on arrive à paralyser toute initiative et

tout progrès.

Une heureuse disposition de la loi anglaise qui n'existe pas chez

nous, nous dit M. le Dr Toulouse, est celle qui accorde au malade

la liberté d'écrire à qui.bon lui semble, « quiconque s'oppose à

cette prescription légale est passible d'une amende que n'excède

pas 500 francs ». Toujours pratiques ces bons Anglais ! La loi

française se borne, en effet, à déclarer que l'on ne pourra retenir

les lettres adressées à l'autorité judiciaire ou administrative. Mais

s'en suit-il qu'ils ne puissent librement écrire à leurs parents, à

leurs amis, et si ces lettres ne partent pas toutes, cela tient à des

questions de convenance, ou de secret médical. Quant à répondre,

comme cela existe en Angleterre, à toute personne qui, par un

sentiment de curiosité, s'imniscie à des affaires qui ne la regardent

pas, c'est une autre affaire.

Les commissionners, au nombre de onze pour toute l'Angle-

terre, sont tenus de visiter les asiles au moins une fois par an, et

comme le chiffre des administrés atteint près de cent mille, on

voit à quoi peut se borner leur contrôle. En France, le préfet ou

son délégué, le président du tribunal et le procureur de la

République du ressort dans lequel est placé l'asile, le maire delà

commune, peuvent pénétrer, à chaque heure du jour et de la nuit

dans nos asiles, sans parler des inspections spéciales relevant du

ministère de l'Intérieur. Ces visites, ces inspections, ne se font pas,

dira-t-on, d'une manière régulière, mais est-ce la faute de la loi

si on ne s'applique pas ? mais l'autorité administrative, de qui

relèvent les aliénés en France, n'est pas moins mise au courant de

l'état du malade par les certificats médicaux de vingt-quatre

heures et de quinzaine, par les notes mensuelles, par les rapports

individuels et, dans les asiles de la Seine, par une visite spéciale

d'un médecin inspecteur de la préfecture de police. Si avec ce

surcroît de formalités, de précautions, il existe dans nos asiles je

ne dirai pas des personnes séquestrées indûment, mais des

oubliées, c'est qu'on y aura mis de la complaisance et de la ténacité.

ASILES D'ALIÉNÉS DE FRANCE, D'ANGLETERRE, ETC. '1 : 37

En France, un aliéné amélioré ou non, est toujours autorisé à

faire des promenades extérieures, s'il est accompagné d'un infir-

mier, ou confié à un parent, à un ami. A l'asile de Vaucluse, les

malades qui sont autorisés à sortir dans ces conditions atteignent,

dans mon service, un chiffre très respectable.

En Angleterre, les aliénés peuvent également sortir de l'asile

mais sous certaines réserves. « Si des personnes résidant dans le

voisinage de l'asile se plaignent que les malades sortent sans un

nombre suffisant de gardiens, ou errent sans surveillance, les

commissionazers peuvent faire une enquête et édicter telles pres-

criptions que le directeur ne peut enfreindre sans se rendre cou-

pable. Cette disposition légale a été votée dans un amendement

postérieur à la loi et semble dirigée contre la pratique de l'open-

door qui n'est pas très en faveur en Angleterre ». On nous avait

pourtant dit que l'open-door y fleurissait dans toute sa beauté !

Sorties. Les congés d'essai, en Angleterre, sont de deux

sortes : ceux qui n'excèdent pas quarante-huit heures sont accor-

dés par le médecin; ceux qui ont une durée illimitée ne peuvent

l'être que par deux visiteurs, ou par un commissionner, sur l'avis

du médecin. Un parent, un ami, peuvent toujours provoquer les

sorties à titre d'essai d'un aliéné, sous la réserve de lui assurer

tous les avantages moraux et physiques qu'il peut trouver dans

l'asile ; par contre ils reçoivent une allocation journalière. Sous

ce rapport la législation anglaise est bien supérieure à la nôtre ;

en France, en effet, les sorties à titre d'essai, n'ont pas force de

loi, elles sont simplement tolérées et encore ne le sont-elles pas

partout. Contrairement à ce qui se passe en Angleterre, ces sorties

ne sont soumises à aucune formalité, si ce n'est à un engagement

moral. Le malade est maintenu sur les contrôles de'l'asile qui

continue, ainsi, à percevoir ses frais d'entretien, du moins dans

les asiles de la Seine, de telle sorte que tout est bénéfice pour

eux; il y a là une réglementation qui s'impose.

En France, toute personne placée dans un asile d'aliénés cesse

d'être retenue aussitôt que le médecin déclare que le malade est

guéri, ou qu'il peut vivre au dehors sans danger pour lui-même

ou pour les autres, d'où deux sortes de sorties : sorties par guéri-

son, sorties par amélioration.

En Angleterre, les sorties sont faites à la diligence des fonction-

naires, visiteurs ou commissionners, qui ont fait le place-

ment. Ici, le médecin traitant n'est consulté qu'à titre d'expert,

il peut faire opposition à la sortie, mais c'est une opposition

purement platonique, du moment qu'on peut passer outre. En

France, les tribunaux ont le même pouvoir, et s'ils en usent

rarement c'est que chat échaudé craint l'eau chaude, tout comme

en Angleterre probablement.

Service médical. A la tête de chaque asile, il y a un Supérin-

138 ORGANISATION DES ASILES.

tendant ou directeur-médecin, nommé par le Comité dont il n'est

que le délégué. Dans une communication au Congrès aliéniste

d'Angers du mois d'août dernier, M. le D1' Brunet nous apprend

qu'il n'a jamais consacré plus d'un quart d'heure par jour à ses

fonctions administratives durant ses trente-quatre années de direc-

tion médico-administrative. Qu'on ne croie pas que c'est là

une simple boutade. On se fait dans le monde une étrange idée

des fonctions d'un directeur administratif. Je n'oublierai jamais la

déconvenue du Dr Deschamps, conseiller général de la Seine, en

visite dans les asiles du nord, à la recherche d'arguments pouvant

justifier, en apparence du moins, la séparation des fonctions

médico-administratives dont il s'était fait le champion. Comme

toutes les personnes étrangères à la vie d'asile, il avait cherché le

directeur et n'avait trouvé que le médecin, suivant l'expression si

juste de Falret, et il avait le bon esprit de le dire.

Ici encore, les partisans, ou pour parler plus justement les demi-

partisans de la séparation des fonctions, car ce n'est plus qu'une

affaire de degrés, n'ont pas manqué d'invoquer ce qui se passait

à l'étranger. Eh bien ! que l'on compare la besogne écrasante du

directeur-médecin anglais avec celle du directeur-médecin de nos

asiles et personne, cependant, ne parle, là-bas, de la séparation

médico-administrative. Il a, nous dit M. le D1' Toulouse une série

d'obligations administratives dont voici les principales :

Dans le journal médical il mentionne chaque jour tous les faits

importants à signaler au Comité et souvent ce rapport au sous-

comité à chaque réunion. Il tient ou fait tenir sous sa responsa-

bilité, le livre d'observations. Il tient personnellement le livre des

restreints où il mentionne les noms de tous les malades qui ont été

isolés ou attachés, et explique les motifs de ces mesures.

Il prépare et signe un certificat médical de tout nouvel entrant,

il signale au Comité tous les cas de malades reçus à l'asile en état

de restreint mécanique, s'ils présentent des blessures, etc... Il fait

tous les six mois un relevé de l'état physique et mental des indi-

gents et chaque année un rapport détaillé qui correspond à notre

compte moral médical et administratif.

Il inspecte personnellement les quartiers, soit le soir, soit la nuit. Il

désigne seul les malades qni peuvent assister aux exercices religieux,

il les y accompagne ou s'y fait représenter. Il désigne ou il fait soigner

le personnel, appelle un chirurgien dans les cas où il le juge néces-

saire. Il fait une enquête touchant le caractère de tous les candidats

à un emploi d'infirmier. Il surveille la situation financière et écono-

mique de l'asile, etc., etc..

La population des asiles publics varie de 2 000 à 2 500, et veut-on

savoir quels sont les collaborateurs du superintendant ? Six ou

huit médecins assistants suivant les asiles. Tout le passage qui les

concerne est à citer, c'est une réponse aux partisans des petits

ASILES D'ALIÉNÉS DE FRANCE, D'ANGLETERRE, ETC. 139

services, 300 au plus, dit M. Marandon de Montyel, 100, dit M. Le

Filliatre, toujours à l'instar de ce qui passe à l'étranger.

« Placés sous l'autorité du superintendant, ils dépendent aussi

individuellement du Comité des visiteurs de chaque asile. Ils repré-

sentent à la fois nos internes et nos médecins-adjoints. Ils doivent

être, à l'exception du premier assistant, célibataires ; c'est le pre-

mier assistant qui remplace le superintendant absent. lisse rendent

dans leurs sections respectives au moins une fois par jour et durant

la nuit, suivant les circonstances. En l'absence du superintendant,

ou s'il est présent, avec son autorisation, ils font des visites dans

les quartiers à des heures variables. Ils ne peuvent, sans l'autori-

sation du superintendant faire aucune modification à l'égard des

gardiens. Ils doivent, pour le traitement des malades, suivre les

instructions qui leur sont données par le superintendant... »

..... Les assistants ont un rôle plus actif que nos médecins-

adjoints, mais ils n'ont guère plus d'initiative et sont astreints

a une discipline à laquelle on ne pourrait en France soumettre des

internes. »

M. Marandon de Montyel qui appelle dédaigneusement nos

médecins-adjoints des porte-queue, trouvera-t-il une expression qui

rende sa pensée en parlant des médecins assistants anglais ?

La moyenne des services, dans les conditions que nous venons

de rappeler, est de 340 malades et, cependant, les guérisons y sont

sensiblement inférieures à celles de nos asiles de la Seine qu'on

nous représente comme des fabriques d'incurables, dont nous

sommes les chefs inconscients ; c'est là, il est vrai notre justifi-

cation. Mais avec les petits services les guérisons augmenteront

dans des proportions considérables, c'est du moins ce que nous

promet notre collègue de Ville-Evrard, mais il faudrait commencer

par débarrasser les services des idiots, des déments, des paralytiques

généraux qui constituent les 9/10e de la population de nos asiles.

Est-ce qu'on a la prétention de guérir ces malades ? Gela peut se

dire dans un journal politique, mais on ne l'écrit pas dans un

recueil scientifique. Les statistiques ont parfois quelque chose de

bon, que M. Marandon se donne donc la peine de les consulter et

de comparer les sorties des grands services avec les petits, toute

proportion gardée; que ne consulte-t-il les siennes.

Nous n'aurions pas relevé toutes ces contradictions et toutes ces

erreurs si elles n'avaient eu pour résultat de jeter le doute dans

l'esprit des assemblées délibérantes. La conséquence de cette cam-

pagne, dont notre collègue de Ville-Evrard s'est fait le porte-

drapeau, a eu pour premier résultat d'amener récemment la sépa-

ration des fonctions médico -administratives dans deux asiles

d'aliénés, à Grenoble et à Rennes. Mais à côté de cela, constatons

que les médecins-adjoints qu'on avait convié à un assaut de l'unité

140 ORGANISATION DES ASILES.

des services tels qu'ils existent, n'ont pas suivi ; on s'est trouvé en

face d'un état-major sans soldats.

Asiles écossais. Les formalités de séquestration sont les

mêmes, qu'il s'agisse d'un malade à placer dans un asile privé ou

dans un asile public ; c'est en cela, surtout, que la législation

écossaise se distingue des législations anglaise et française ; mais

tout compte fait, elle se rapporte encore beaucoup plus à la notre

en ce qui concerne les placements d'office, les seuls, nous le répé-

tons, dont nous nous occupons dans cette analyse.

« En cas d'urgence, le malade peut être reçu à 1 asile d'emblée,

sur la production d'un certificat médical, sauf régularisation par

une ordonnance du shérif dans un délai de trois jours. C'est là un

placement provisoire ». C'est, à quelque chose près, la reproduc-

tion de l'art. 19 de la loi du 30 juin 1838. Dans les autres cas, tout

placement est soumis à une ordonnance du shérif, sur la production

d'une demande ou pétition du Board et sur le vu de deux certificats

médicaux établis par deux médecins différents, qui ne jouent ici,

tout comme en Angleterre, que le rôle de simples experts. Disons,

en passant, que l'utilité de ce double certificat a paru si contes-

table qu'il ne figure plus dans le projet de révision de la loi sur

les aliénés, dont il avait été, tout d'abord, un des principaux élé-

ments. Pas plus qu'en France, le représentant de la loi ne fait

d'examen personnel.

Guéri, ou simplement amélioré, le malade peut quitter l'asile

sur le simple avis du médecin, lorsqu'il s'agit d'un malade placé

dans un asile privé. S'il s'agit d'un indigent ou d'un malade réputé

dangereux, la sortie, dans le premier cas, ne peut être autorisée

que par le Conseil de la paroisse ; dans le second, par le bureau

des aliénés ou par procureur fiscal, suivant la situation pécuniaire

des malades.

Les congés ou les sorties à titre d'essai, sont accordés dans les

mêmes conditions qu'en Angleterre, leur durée varie d'un mois à

un an. Leur nombre n'est pas très élevé : 138 pour une population

de 6.500 malades. Mais il y a lieu de remarquer que les placements

dans lés familles tendent à diminuer considérablement le nombre

des congés. C'est surtout en Ecosse, et peut-être exclusivement, que

se pratique le système de l'opei2-dooi, qui dans ces derniers mois a

été l'objet de discussions aussi violentes que peu courtoises à la

Société médico-psyclcologique.

« On entend par par ces mots, dit le Dr Toulouse, un mode d'as-

sistance qui laisse un certain nombre libres, sur parole, de circuler

dans ou hors des asiles, dont les portes sont ouvertes ».

M. le Dr Toulouse a étudié Vopen-door dans les trois principaux

asiles d'Ecosse, et comme rien n'est brutal comme un chiffre, nous

allons donner le nombre des malades des deux sexes qui jouissent

de ce mode de traitement, en dedans et en dehors des asiles. Mais

ASILES D'ALIÉNÉS DE FRANCE, D'ANGLETERRE, ETC. 141

constatons, tout d'abord, que, seuls, profilent de cette liberté, les

déments travailleurs, certains aliénés lucides et quelques conva-

lescents, surtout des convalescents alcooliques, après une sélection

des plus rigoureuses et, constamment, sous la menace d'en être

privé à la moindre infraction.

« Il ne faudrait pas croire, dit Foville, que les malades sont

libres de circuler ainsi et qu'ils soient livrés à eux-mêmes sans

ordre et sans discipline. Loin de là, nulle part l'ordre ne paraît plus

réel ; seulement les obstacles matériels ostensibles sont remplacés

par la précision dans l'emploi du temps et dans l'enchaînement

des occupations, et surtout par la vigilance qui doit diriger les

aliénés dans tous les détails de leur existence journalière. »

Lors de la visite de la sous-commission du Conseil général, il y

avait à l'asile de Murthley un tiers des malades hommes libres,

sur parole, dans l'intérieur de l'asile ou de ses dépendances, et un

huitième seulement pour les femmes, pour une population à peu

près égale.

A l'asile Larbert, les proportions sont plus faibles pour les

hommes et plus élevées pour les femmes. A l'asile de Morningside,

la population libre est d'un quart pour les hommes et d'un dixième

pour les femmes.

Les malades qui ont la liberté de sortir hors de l'asile après les

heures de travail pour lequel, nous l'avons dit, ils ne reçoivent

aucune rétribution, se répartissent de la manière suivante : Lar-

bert, 47 hommes et 4 femmes sur une population de 500 malades ;

à Morningside, 20, et à Murthley, 4 ou 5 sur 160. C'est à quelque

chose près la proportion de malades absolument libres qu'on trouve

dans certains asiles de province, qui font de l'open-door sans le

savoir; mais avec cette différence que leur entrée est constatée par

le concierge, alors que ce fonctionnaire, dont le professeur Lasègue

faisait malicieusement l'âme de nos asiles, manque absolument

dans certains asiles écossais.

Que nous voilà loin de l'opeiz-tiooi, préconisé et mis en pratique

idéalement par M. Marandon de Montyel, ce qui ne l'empêche

pas d'écrire : « L'open-door est si peu pratiqué que je l'applique en

entier dans mon service depuis dix ans et que non seulement je

n'ai pas eu de son fait le plus petit malheur à déplorer, Ville-

Evrard est l'asile de la Seine qui, durant ces dix dernières années

a eu le moins d'accidents, compte le plus grand nombre de travail-

leurs et a réalisé les plus gros bénéfices ». M. Josse parle d'or, on

voit qu'il est orfèvre, mais à cela il faudrait des faits.

Tout ce qui e-t pratiqué dans l'open-door est ancien et tout ce

qui est nouveau n'est plus pratique, a dit le Dr Brunet. Essayez

donc, par exemple, de laisser circuler librement dans nos asiles

comme cela existe en Ecosse, les hommes et les femmes, alors

même qu'ils prendraient l'engagement solennel ne ne pas se parler,

145 ORGANISATION DES ASILES.

et vous verrez le joli cri d'indignation que vous soulèverez dans le

public, sans parler d'autres choses.

Par sa disposition, par son affectation à un seul sexe, le 5° asile

se prêtera on ne peut mieux au système de l'open-doon, de l'open-

door appliqué à une plus grande catégorie de malades, par suite

de dispositions des locaux.

Les conclusions de M. le D' Toulouse jurent un peu avec ses

prémisses et je ne saisis pas bien en quoi la liberté individuelle est

plus garantie en Angleterre et en Ecosse que chez nous en ce qui

concerne les indigents, par exemple. Quant aux malades placés

dans les asiles privés, je me demande si cet appel orbi et urbi est

bien nécessaire et serait bien accueilli en France, mais je reconnais

volontiers que de ce côté il y a quelque chose à faire.

L'enseignement des maladies mentales est plus avancé en Ecosse

que chez nous, mais il est presque nul en Angleterre, il y a com-

pensation, mais nous avons, sur les deux, l'avantage en ce qui

concerne le traitement pharmaceutique et hydrothérapique.

A l'institution des visiteurs, des commissionners, n'avons-nous

pas à opposer nos commissions de surveillance qui tendent de

plus en plus, et avec raison à être des commissions administratives,

et nos inspecteurs généraux. Si le contrôle s'exerce à l'étranger

d'une manière plus utile que chez nous, il ne faut pas s'en prendre

à nos règlements.

M. le D1' Toulouse demande pour le département de la Seine une

organisation spéciale, la centralisation de tous les services d'assis-

tance, aliénés, enfants assistés, vieillards et infirmes, placés dans

les maisons de retraite, entre les mains d'un directeur général,

comme cela existe pour les services relevant de l'assistance

publique. Mais quelle nécessité d'une double direction ? une seule

ne suffirait-elle pas du moment qu'on désire une centralisation

complète ? Le système préconisé par M. le Dl Toulouse et celui que

j'indique, ont été pris et abandonnés tour à tour ; y reviendra-t-on,

il ne faut répondre de rien, car les services d'aliénés offrent cette

particularité très remarquable qu'on ne s'aperçoit jamais de la

disparition de rouages jugés momentanément nécessaires. Qui se

souvient, en effet, de l'inspecteur général spécial aux asiles de la

Seine ? Sait-on seulement qu'il existe, près le Ministre de l'Intérieur,

des inspecteurs généraux d'assistance ? La loi du 30 juin 1838

place les aliénés sous la dépendance du Ministre de l'Intérieur ; la

nouvelle loi soumise aux Chambres, les fait relever du Ministère

de la justice, voilà ce qui s'appelle une refonte de la législation

dont on ne voit pas très bien les avantages.

La création des colonies familiales, l'assistance familiale, la

création d'hospices incurables, sont là des questions trop com-

plexes pour être étudiées ici, mais nous y reviendrons dans un

article spécial.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 143

Tout est bien qui finit bien, et, tout compte fait, M. le Dr Tou-

louse n'a pas eu de peine à établir que nos asiles de la Seine peu-

vent souffrir la comparaison avec les asiles anglo-écossais qui ne

sont, sans beaucoup de rapports, que des « établissements indus-

triels » que le personnel médical y est mieux organisé, que nos

gardiens sont plus stables et ont une instruction spéciale supérieure

à celles de leurs collègues étrangers, que nos malades sont anssi

bien traités et mieux nourris.

Est-te à dire que nous n'ayons rien à apprendre à l'étranger ?

Non; mais il semble que ce sont plutôt les architectes que les

médecins ou les malades. Est-ce à dire encore que notre législation

ne soit susceptible d'aucun progrès, d'aucune réforme ? nous ne le

pensons pas. Quoi qu'il en soit, l'assistance des aliénés est devant

les Chambres et devant une Commission nommée par le Conseil

général de la Seine, où chaque médecin est appelé à exposer net-

tement etloyalement ses idées et ses aspirations. Cette Commission,

dont les travaux sont déjà commencés, apportera, j'en suis per-

suadé, des réformes aussi utiles que stables, mais ne ferait-elle

qu'étendre et sanctionner légalement certaines mesures que ce

serait déjà quelque chose.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

' PATHOLOGIQUES.

1. Sur les altérations des cellules nerveuses, de la cellule

pyramidale en particulier, dans la paralysie générale ; par le

D' Anglade.

La méthode de Golgi, précieuse pour les recherches d'anatomie

normale, ne parait pas apte à fournir des renseignements précis

sur les altérations pathologiques des éléments qu'elle imprègne.

Les résultats fournis par la méthode de Nissi, appliqués à la

paralysie générale, donnent des indications dignes d'intérêt.

Dans un cas de paralysie générale à marche rapide, les prépara-

tions faites par l'auteur, de l'écorce grise de la circonvolution fron-

tale ascendante et de la partie antérieure du lobe frontal du cer-

veau gauche ont montré que pas une des cellules nerveuses n'avait

conservé ses caractères normaux.

La substance chromatique est la première atteinte. Dans la plu-

144 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

part des éléments, elle a perdu ses caractères : granulations et

striations spéciales. La substance achromatique, plus difficile à

étudier, paraît représentée par les fines travées qui se voient dans

l'intérieur des cellules dont les granulations chromatophiles ont

disparu.

La destruction de ces travées s'annonce par la formation de

vacuoles, au pourtour de la cellule, vacuoles qui s'agrandissent peu

à peu, jusqu'à ce que la destruction de la substance soit complète.

Le noyau, qui reste le plus souvent dans le corps cellulaire, se com-

porte de deux façons différentes.

Tantôt atteint par la chromatolyse centrale, il est détruit sur

place, fondu tout comme les granulations. Son espace clair est

comblé par la substance chromatique dissoute ; le nucléole se

vacuolise très nettement et disparait. Tantôt, au contraire, le

noyau quitte le centre de la cellule, vient s'adosser contre la paroi

où il prend des formes très irrégulières. Ainsi comprimé et rata-

tiné, il attend la fin de l'oeuvre de destruction qui s'accomplit dans

l'intérieur du corps cellulaire.

L'enveloppe de la cellule est parfois rompue. Elle a visiblement

éclaté sous l'influence d'une tension considérable. Les contours

sont toujours irréguliers. Les prolongements sont comme brisés,

ou bien tortueux. Le prolongement protoplasmique principal est

augmenté de volume.

En somme, il semble que, sous l'influence d'un agent nocif quel-

conque, la cellule voit disparaître successivement sa substance

chromatique et sa trame achromatique. Lorsque celle-ci est dé-

truite, le corps cellulaire ne garde plus sa forme; le noyau ne

peut se maintenir à sa place. La cellule est frappée à mort, si le

noyau disparaît complètement. Elle se régénère peut-être si

celui-ci garde son intégrité. (Annales iiiétlico-psychologiqties, août

1898.) " E. B.

Il. Modifications des cellules nerveuses de l'écorce cérébrale

dans un cas de délire aigu et dans un cas de delirium tremens ;

par le D'' A. Ilocri.

Les maladies somatiques peuvent produire des modifications dans

la structure des cellules nerveuses; aussi une autopsie complète

est-elle nécessaire pour interpréter les lésions rencontrées dans ces

cellules. Dans les deux cas qui font l'objet de ce travail, l'autopsie

complète démontra l'absence d'aucune autre maladie, d'aucune

autre lésion organique en sorte que les altérations cellulaires

constatées paraissent nettement se rattacher au processus patholo-

gique ayant donné naissance à la psychose. Dans le cas de délire

aigu se rencontre, dans les cellules nerveuses de l'écorce, une

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 145

altération presque uniforme consistant essentiellement dans la dis-

parition de la substance chromatique de la cellule.

Le corps cellulaire et ses prolongements présentent une couleur

générale uniforme; le noyau est diminué, de forme ovale ou

triangulaire, homogène, de couleur sombre ; la membrane nu-

cléaire est invisible. Le nucléole est fréquemment élargi.

Ces altérations se présentent dans beaucoup de cellules deldiffé-

rentes parties de l'écorce. Toutefois dans les petites cellules pyra-

midales l'aspect est un peu différent : le corps cellulaire a l'aspect

d'un réseau, d'un gâteau de miel, aspect que présentent aussi, en

partie, les prolongements.

Dans le cas de delirium tremens, les altérations cellulaires sont

les suivantes : le corps cellulaire est souvent en forme de massue ;

sa substance chromatique a disparu : sous l'influence de la colora-

tion il ne paraît ni homogène, ni granuleux, mais finement et in-

distinctement tacheté. Le noyau est soit élargi, soit de dimensions

normales; il présente de nombreuses granulations brillantes et la

membrane nucléaire est plus apparente qu'à l'état normal ; le

nucléole n'est pas élargi. Est-ce à dire que les altérations cellu-

laires constatées dans le délire aigu et le delirium tremens soient

caractéristiques de ces deux affections ? Nullement puisque ces alté-

rations se retrouvent dans d'autres maladies somatiques. Ce qu'on

peut dire, d'une façon générale, c'est que les symptômes qu'elles

déterminent sont la somnolence et le coma.

Il paraît probable que ces modes d'altération des cellules ner-

veuses sont dus à une intoxication, sans qu'on puisse dire si cette

intoxication fait partie du processus de l'affection ou si elle est

secondairement amenée par lui. (American Journal of insanity,

avril 1898.) E. B.

III. De l'excrétion de l'urée et de l'acide urique dans la

mélancolie ; par le Dr nICLVILLE-Hfi3UnD.

Depuis cinq années l'auteur a poursuivi ses recherches sur l'ex-

crétion de l'urée et de l'acide urique dans la mélancolie.

Les conclusions sont les suivantes :

1° La quantité de l'urine sécrétée et des matériaux solides qu'elle

contient est généralement diminuée dans la mélancolie : elle

augmente quand survient l'amélioration de la maladie; 2° sa den-

sité est normale; 3° l'urée et. l'acide urique sont en plus faible

proportion qu'à l'état normal ; 4° la diminution des excrétions

nitrogènes est due, dans la plupart des cas, à une diminution

dans l'ingestion des substances protéiques ; 5° le rapport de l'acide

urique à l'urée n'est pas en relation constante avec l'état mental

(American Journal of insanity, avril 1898.) E. B.

Archives, 2' série, t. VII 10

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 147 Î

V. Méthodes actuelles de préparation du système nerveux ;

par le Dr J. BERHLEY.

Les méthodes de coloration pour l'examen du tissu nerveux dans

sa structure la plus délicate, ont fait, au cours de ces dernières

années, l'objet de nombreuses recherches. L'auteur donne une

revue détaillée et intéressante qui pourrait servir d'introduction à

un traité d'anatomie du système nerveux. Après avoir indiqué les

divers procédés de conservation et de durcissement du cerveau ou

du tissu nerveux, d'examen des tissus frais, d'inclusion pour les

coupes, de fixation, il étudie par le détail chacune des méthodes

de coloration employées, jusqu'aux plus récentes. C'est ainsi que

sont décrites les méthodes de simple coloration par l'hématoxy-

line, le carmin, le picro-carminate, les couleurs d'aniline ; puis

les méthodes spéciales : méthode de Nissl, de Rossolimo, de Rehm,

d'Ehrlich ; les méthodes do coloration des gaines de myéline

des fibres nerveuses, méthodes de Weigert, de Pal, de Vassale,

de Marchi ; les méthodes aux sels de chrome et d'argent, méthode

de Golgi. de Cajal, de Cox ; les imprégnations aux sels d'oi·,métho-

des de Ranvier, de Golgi, d'Upson ; enfin les méthodes de colora-

tion des terminaisons nerveuses et des vaisseaux sanguins. (American

'OM'Ha<0/'M ! MH : <'< ? ) E. B.

VI. Rapport préliminaire sur l'examen bactériologique de l'écorce

et du liquide cérébro-spinal dans quarante-sept cas de folie ;

par le Dr Tomlinson.

En 1896, le D1' Babcock, dans un cas de délire aigu, trouva des

streptocoques et des pneumocoques dans le liquide cérébro-spinal,

ce qui l'amena à attribuer les conditions inflammatoires du cer-

veau à la présence de ces bactéries comme cause spécifique. Les

recherches cliniques de l'auteur et ses études microscopiques sur

les modifications de l'écorce dans la folie aiguë, en relation avec

les conditions pathologiques des viscères thoraciques et abdomi-

naux, l'ont conduit à une opinion différente, à savoir que la pré-

sence de micro-organismes dans le liquide cérébro-spinal et l'écorce

implique leur préexistence dans quelque autre partie de l'orga-

nisme, et leur existence au cours d'un trouble mental aigu n'a avec

ce trouble mental qu'un rapport d'association, et non de causalité.

Les recherches bactériologiques pour le liquide cérébro-spinal

et l'écorce ont porté sur 2 cas de délire aigu, 1 cas de stupeur

aiguë, 4 cas de paralysie générale, si cas de folie séuile et 31 cas

de démence terminale. Dans un des cas de délire aigu on trouva

des streptocoques; dans l'autre cas de délire aigu et dans la stu-

peur aiguë, il y avait des colibacilles. Dans aucun des quatre cas

de paralysie générale ne se trouvait le même micro-organisme.

148 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

' Dans deux des cas de folie sénile, le liquide cérébro-spinal était

stérile ; dans deux autres se trouvaient des pneumocoques et dans

les deux derniers des bacilles pyocyaniques. Parmi les 34 cas de

démence terminale, dans 7 le liquide cérébro-spinal était stérile, et

dans le reste des cas se trouvaient huit formes différentes de mi-

cro-organismes, tantôt séparées, tantôt réunies en deux ou trois

variétés.

En résumé, c'est le pneumocoque qui fut trouvé le plus fréquem-

ment, puis le staphylocoque ; mais en se reportant aux conditions

mentales des malades chez qui se trouvèrent ces micro-organismes,

la présence de ces derniers n'a aucun rapport avec le trouble

mental et n'a de rapport plus ou moins constant qu'avec l'exis-

tence d'une maladie organique. (American Journal of insanity, oc-

tobre 1897.) E. B.

VII. Psychologie et physiologie ; par HERBER Nichols.

L'auteur, s'appuyant sur divers exemples, estime que les livres de

physiologie sont remplis de traditions scolastiques qui non seule-

ment écartent la science de ses voies les plus larges, mais encore

l'égarent dans ses détails et dans ses problèmes pratiques.

C'est ainsi que chacun des processus « sensations viscérales »,

« folie», c émotions », « instinct», « personnalité », «l'incons-

cient >, « le sub-conscient », c le conscient », représente une

sphère pratique de la physiologie restant entourée d'une grande

obscurité et mal comprise en raison des notions absolument pri-

mitives qui sont venues jusqu'à la science présente sans être criti-

quées et que la science actuelle se refuse à examiner par crainte

d'en arriver à des spéculations métaphysiques. Et ces exemples ne

sont pas exceptionnels, car la physiologie pratique et, en particu-

lier, la psychiatrie pratique, en sont remplies.

A l'heure actuelle s'impose l'union cordiale, généreuse, de la

physiologie avec la psychologie, afin de déblayer le terrain de cette

dernière de la scholastique primitive qui l'encombre. (American

journal of iiisaiity, octobre 1897.) E. B.

VIII. Le développement des centres supérieurs du cerveau;

par le Dr STEWART PATON.

Déjà Anaxagore avait dit que si l'homme est plus intelligent que

l'animal, c'est que son esprit emploie des organes plus développés.

De fait, il existe des relations intimes entre le développement ana-

tomique des centres cérébraux supérieurs et leur expression fonc-

tionnelle physiologique.

En étudiant comparativement le développement des centres

cérébraux dans la série des vertébrés, on voit que les centres céré-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. '149

braux inférieurs ont subi chez les mammifères un processus de

rétrogression, et il est probable que l'importance de ces centres a

diminué tant au point de vue fonctionnel qu'au point de vue de la

structure. C'est ainsi que les corps opto-striés, chez les vertébrés

supérieurs, sont relativement plus petits que chez le poisson ; mais

d'autre part, la simple couche épithéliale qui forme le manteau de

l'hémisphère chez le poisson, présente chez les mammifères une

structure des plus complexes.

Les recherches les plus récentes décrivent quatre couches à cette

écorce des hémisphères chez le mammifère : la couche moléculaire,

la plus extérieure; les deux couches des petites et grandes cellules

pyramidales ; et enfin la couche des cellules polymorphes. Mais il

est impossible de dire que parmi les éléments qui constituent

cette écorce cérébrale, aucun, soit fibre, soit cellule, soit carac-

téristique de l'importance fonctionnelle de l'écorce.

Jusqu'à présent, aucune caractéristique de l'activité psychique

n'a été découverte dans l'analyse minutieuse de la structure cellu-

laire : sans doute les cellules pyramidales ont quelque relation,

directe ou indirecte, avec la production de la pensée, mais il est

impossible de définir leur fonction comme psychique. Ce n'est que

d'une façon très générale qu'on peut inférer les possibilités psy-

chologiques uniquement du fait de la disposition des centres corti-

caux.

Les centres cérébraux supérieurs peuvent être considérés comme

un tout complexe : du vertébré le plus inférieur jusqu'à l'expres-

sion la plus élevée du type mammifère, on trouve un type de

structure cérébrale varié mais, progressivement complexe, en même

temps que s'accroît l'activité fonctionnelle. (American Journal of

insanity, octobre 1897.) E. B.

IX. Psychro-aesthésie (sensations de froid) et psychro-algie

(douleurs de froid) ; par le Dr DANA.

Les sensations de froid constituent une forme rare de pares-

thésie et ont été décrites sous le nom de psychro-cesthésie. Ces

sensations de froid ne sont pas ordinairement très pénibles, et,

bien qu'elles soient quelquefois décrites comme des douleurs de

froid, elles ne sont en rien comparables, au point de vue douleur

avec les sensations de chaleur.

L'auteur rapporte sept cas de psychro-oesthésie : chez les malades

atteints, il fut impossible de découvrir aucun signe de maladie

organique du système central ou périphérique. Il existe deux

classes de sensations de froid. , Dans la première, le symptôme n'est

pas limité à certaines zones, mais disséminé aux extrémités des

membres et associé à d'autres paresthésies ou à des douleurs, et

souvent à des troubles vaso-moteurs évidents.

150 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

Les psychro-oesthésies de cette nature se rencontrent dans les

formes légères de névrite, névrite alcoolique sciatique, dansl'ataxie

locomotrice et dans la première période de la syringomyélie;

elles correspondent à une lésion du neurone sensoriel périphérique

sur l'un des points de son parcours.

La seconde classe de sensations de froid, la psychro-cesthésie

proprement dite. est constituée par une sensation tout à fait loca-

lisée. le plus souvent sur la jambe ou la fesse, quelquefois sur le

mollet ou la face et correspondant plus ou moins exactement avec

la distribution d'un nerf.

Cette sensation est superficielle : il semble au patient qu'un objet

froid repose sur la partie sensible.

Ce trouble peut être déterminé par un traumatisme, combiné

avec une disposition rhumatismale ou une constitution névropa-

thique. (T7te alienist ai2d ? tezii-ologist, avril 98.) E. B.

X. Relations physiologiques.et pathologiques entre le nez

et l'appareil sexuel ; par le Dr NoLaND M.ICKENZIE..

Au point de vue physiologique, les rapports suivants peuvent

être constatés entre l'appareil sexuel et le nez, et plus spécialement

le tissu érectile intra-nasal : 1° un certain nombre de femmes ont.

au moment de leurs règles, un engorgement du tissu caverneux

nasal ; 2" quelques femmes peuvent présenter des règles supplé-

mentaires nasales ; 30 au cours de l'excitation sexuelle ou pen-

dant le coït peuvent se présenter des phénomènes dépendant de la

muqueuse nasale, comme des épistaxis, des éternuements, l'oc-

clusion des narines ou autres actes réflexes ; 4° il existe dans

certains cas une dépendance entre l'irritation génito-urinaire et

les affections des fosses nasales ; 5° l'histoire des parfums montre

le rôle important de l'impression olfactive pour provoquer l'éré-

thisme des organes reproducteurs.

Ces relations physiologiques entre le nez et l'appareil reproduc-

teur s'expliquent en partie parle lien de sympathie qui existe entre

les divers tissus érectiles du corps.

Au point de vue pathologique, on peut constater que : 1° chez

certaines femmes atteintes d'une affection nasale, la maladie est

aggravée au moment des règles ou pendant l'excitation sexuelle;

20 des excès vénériens peuvent déterminer une irritation de la

muqueuse nasale ou l'aggraver lorsqu'elle existe ; 3° la coexis-

tence d'une maladie utérine ou ovarienne exerce parfois une

influence importante sur l'histoire clinique d'une affection

nasale.

Les recherches de Fleiss semblent montrer que la douleur,

l'abondance, l'irrégularité des règles peuvent, dans certains cas.

dépendre d'une cause intra-nasale. '

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 151

Ce dernier auteur cite quelques cas dans lesquels la douleur de

certaines formes de dysménorrhée a été temporairement dissipée

par l'application de cocaïne sur la muqueuse nasale.

Seuls le cornet inférieur et le tubercule de la cloison auraient

une relation spéciale avec les douleurs dysmenorrhéiques : aussi

a-t-on donné à ces deux localisations le nom de zones génitales.

L'auteur a pu observer un grand nombre de cas cliniques relatifs à

ces rapports entre le nez et l'appareil sexuel. (The alienist and

neurologisl, avril 98.) E. B.

XI. Investigations expérimentales des racines cervicales et thora-

ciques au sujet du torticolis ; par R. RUSSELL. (Brain, part.

LXXVII et LXXV11L)

La section musculaire dans le torticolis spasmodique est à aban-

donner ; celle de la branche externe du spinal a donné quelques

résultats, mais elle ne suffit pas, puisque les muscles mêmes

qu'elle anime reçoivent des branches du plexus cervical. D'autre

part, l'innervation individuelle de chacun des muscles du cou est

extrêmement complexe, les données de Quaiu jettent sur cette

question plus de lumière que celles très insuffisantes des autres

auteurs, mais sont elles-mêmes à compléter. M. Russell, avec toute

la minutie et les plus rigoureuses précautions requises, a cherché

sur le macaque la solution des questions suivantes : 1° le nombre

exact des racines rachidiennes dont l'excitation détermine des

mouvements de la tête sur le tronc ; 2° la position exacte de la

tête déterminée par le groupe des muscles innervés par chacune

de ces racines prise individuellement ; 3° dans combien de ces

racines se trouve représenté chaque muscle pris isolément ;

4° quels sont les muscles représentés dans chaque racine prise a

part. Même résumée en un tableau, la réponse à ces questions

représente une ampleur telle que force nous est de renvoyer le

lecteur à l'article lui-même, ne fût-ce que pour une seule de ces

questions ; chaque muscle exige à lui seul tout un tableau. Mais les

conclusions générales ne sont pas sans intérêt. Comme pour les

muscles des membres un segment seulement (longitudinal ou

latéral) d'un même muscle répond à l'excitation d'une racine, par

exemple : le segment supérieur à la C,, le moyen à la G", l'infé-

rieur à la C1". A l'exception des muscles très petits comme les

droits et obliques de la tête, tout muscle est commandé par plu-

sieurs racines. Les racines en relation avec les mouvements de la

tête sont toutes les cervicales et les deux premières (quelquefois

les quatre premières) thoraciques. Les premières commandent les

mouvements directement, les dernières indirectement. Après la

destrulion complète d'une racine, le mouvement d'abord aboli se

rétablit rapidement dans un muscle correspondant, ce qui suggère

152 REVUE D'ANATOMIE ET DE- PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

à l'auteur quelques hypothèses : la cellule corticale commandant

les mouvements de ce muscle lui envoie son influx par l'intermé-

diaire de plusieurs racines ; une de celles-ci étant coupée la cellule

corticale est du coup frappée d'inhibition ; mais une fois rétablie

dans son activité cette cellule transmet ses ordres au muscle par

les racines restées intactes dont celui-ci reçoit des ramifications.

Ou bien la somme d'énergie d'un centre moteur, distribuée avant

la section radiculaire à toute l'étendue du muscle, se porte main-

tenant-tout entière sur la portion du muscle restée en relation

avec ce centrefce qui établit une compensation. Ou encore, la par-

tie du muscle qui seule reste excitable aux influx des centres

après la section incite elle-même mécaniquement de proche en

proche les fibres de la partie énervée de ce muscle.

F. BOISSIER.

XII. Pseudo-appendicites et affections pseudo-viscérales; parle

professeur Albert Abrams. (Occidental médical Times, juin 1898.)

Souvent des névralgies lombo - abdominales peuvent simuler

l'appendicite. Début brusque, point douloureux de Mac Burnay,

symptômes gastriques, etc.; de même des névralgies intercostales

amenant la contraction du muscle pectoral simulent des tumeurs

du sein par exemple. L'auteur apporte quatre observations où le

diagnostic était difficile , mais a été rendu possible par la

«congélation». Par ce traitement, en effet, la douleur disparait

ainsi que le spasme musculaire. A. V.

XIII. La castration complète implique-t-elle l'incapacité totale

de procréer; par le Dr STURGIS (de New-York). (Tite médical

ivews, octobre 1898.)

Après avoir fait l'historique des opinions à ce sujet depuis

Aristote jusqu'à nos jours, avoir relaté les expériences nombreuses

faites sur les animaux et les observations cliniques; l'auteur

arrive aux conclusions suivantes : 1° chez l'animal après la castra-

tion complète, des spermatozoïdes ont été trouvés dans les vési-

cules séminales après un laps de temps variable ; 2° cette période

varie chez les différents animaux, six jours pour le chien, sept pour

le chat, quatorze pour le cochon d'Inde ; 3° chez l'homme, des cas

cliniques montrent que la femme peut être fécondée par un

homme castré. Dans un cas, du Dr Pruneteau, des spermatozoïdes

vivants furent trouvés dans le sperme d'un eunuque ; 4° par ana-

logie avec le chien et le chat on peut admettre qu'un homme

castré puisse être capable de procréer dans les premiers jours qui

suivent la castration. A. V.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 1S3

XIV. L'époque pubère à travers les us et coutumes des peuples ;

par A. MAMO. (Rivista tlloderna, F. iv, 1898.)

L'auteur auquel on doit l'importante étude médico-psycholo-

gique de la puberté chez l'homme et la femme, fait ici l'étude

comparative et ethnographique des différents modes de constata-

tion et de consécration de la majorité pubère parmi les princi-

pales races humaines et leur variétés. Après une importante revue

historique où il recherche l'âge et les conditions diverses auxquel

l'homme était déclaré majeur dans l'antiquité (civis romain,

éphèbe grec, etc.), il passe en revue les peuples primitifs sous les

diverses latitudes dans les cinq parties du monde.

Australiens, Boschimans, Indiens, Malais, Abyssins, Cafres, etc.,

sont étudiés; les Kabyles et Touaregs également, les épreuves

variées touchant l'endurance physique, l'initiation générale aux

qualités capitales réclamées par les milieux divers en vue de la

conservation de l'espèce sont particulièrement signalés (acuité

visuelle pour les peuples des déserts, conservation du feu chez les

Mélanésiens par exemple). Enfin l'auteur arrive aux groupes

sociaux de notre Europe occidentale contemporaine ; là il montre

l'insuffisance actuelle de l'action sociale qui se désintéresse trop

du passage des jeunes gens à l'état de citoyens et de l'initiation

nécessaire aux droits et devoirs qui en résultent.

L'unique préparation sociale qui marque encore le passage à

l'état pubère confirmé tend à se réduire à l'épreuve de la disci-

pline militaire, laquelle n'est pas générale et est loin de porter les

jeunes gens au niveau physique et moral qui devrait être requis

pour avoir le titre de citoyens.

Dans le domaine physique même, l'instruction militaire tend à

perdre de ses avantages; elle met cependant le jeune homme à

l'épreuve des fatigues du camp et du Champ de Mars. Du côté

moral la discipline militaire se réduit à enseigner l'obéissance aux

règlements et aux supérieurs ainsi qu'à supporter sans riposte les

observations et châtiments. On ne saurait nier qu'ainsi réduite

l'épreuve virile de discipline militaire n'ait encore quelque utilité, le

physique et le moral doivent s'aguerrir aux épreuves, mais pour

toutes les vertus civiques positives sur lesquelles repose la vie

sociale moderne si complexe, l'état n'a aucun moyen réel d'initia-

tive et s'en remet entièrement aux familles.

L'unique sélection physique qu'il ébauche par l'examen des

jeunes mâles pubères n'a d'autre but que d'écarter du service mili-

taire les incapables notoires. Or pour l'exercice de la fonction

reproductrice, il ne reste d'autre limitation (encore n'est-ce que

pour le mariage) que la limite d'âge des mineurs et le consensus

des parents jusqu'à majorité complète. Cependant c'est là que

154 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

devrait s'exercer l'action sociale en vertu du droit de défense pré-

ventive : on éviterait avec d'opportunes prescriptions l'arrivée d'êtres

fatalement destinés au délit ou à la folie en empêchant les indi-

vidus tarés de transmettre leurs tares dégénératives.

- A. Marie.

XV. Nouvelles recherches sur la formation de la substance

blanche dans les lobes cérébraux de l'homme ; par P. FLE-

cRsiG (Neurologische Centnulblatt, XVII, 1898.)

M. Flechsig en est à l'étude de quarante-huit hémisphères céré-

braux comprenant ensemble vingt-huit cerveaux, depuis le foetus

de sept mois jusqu'à l'enfant de quinze mois. Il en tire ceci :

to les gaines de myéline se développent dans les lobes du cerveau

à des époques et en des endroits ayant force de lois exactement

comme pour la moelle, le bulbe, le cervelet, le cerveau moyen;

2° les gaines de myéline se forment simultanément autour de

libres équivalentes, mais sous cette réserve que les collatérales se

développent, sans exception, plus tard que les fibres fondamen-

tales ; il se forme donc des systèmes de diverses valeurs qui sui-

vent une loi sériaire ; 3° les systèmes de fibres dont le dévelop-

pement n'a pas lieu en même temps, par exemple, les fibres

radiaires de la deuxième pariétale et celles de la pariétale ascen-

dante, qui se développent à trois mois de distance et davantage,

ne peuvent avoir la même fonction ; 4 cette loi fondamentale

s'impose chez les embryons venus avant terme qui ont vécu un

temps relativement long; ainsi, chez les foetus de sept mois qui

ont vécu un ou deux mois. Le caractère anatomique des trousseaux

de fibres distincts y apparaît des plus évidents, bien plus net que

chez les foetus à terme mais morts-nés. La notion des conducteurs

sensoriels est principalement basée sur l'examen d'embryons

avant terme ayant vécu pendant un certain temps ; 5° le dévelop-

pement des manchons de myéline des lobes du cerveau commence

deux mois et demi à trois mois avant l'accouchement normal ou

avant la maturité. Les premiers systèmes sont la radiation du

ruban de Iteil et la bandelette olfactive ; ce sont donc indubitable-

ment, des conducteurs sensibles ; à ce moment il n'y a nulle part

de fibres myéliniques disséminées dans les lobes du cerveau. Les

fibres d'association ne se développent point en même temps que

ces fibres de projection là; 6° le développement de la substance

blanche de l'écorce se limite d'emblée à des endroits tout à fait dis-

tincts; les autres endroits sont tout à fait exempts de fibres [myé-

liniques même à trajets complètement isolés. Le progrès ulté-

rieur en a lieu par zones ou par trousseaux.

L'écorce se compose donc de zones sjoëcMt/e embryogéniques dont

chacune est caractérisée par l'époque spéciale du développement

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 155

de ses fibres nerveuses ; chacune aussi a ses particularités propres

quant aux communications conductrices.

Il y a ainsi quarante zones corticales et peut-être plus. Deux

nouveaux centres sensoriels en porte le nombre à sept. Les quatre

centres d'association sont décomposés en trente-trois. M. Flechsig

en indique par des,chiffres la place sur deux schémas de circon-

volutions ; mais en réserve la description minutieuse à un ouvrage

d'ensemble sous presse. Il fait remarquer que la zone 1 reste

toute la zone motrice de Charcot (les ascendantes), la zone 5

constituant le territoire visuel de Vialet (coin et partie connexe

postéro-inférieure du lobe occipital).

Ces zones, d'après l'époque de leur développement, doivent être

réparties en trois groupes. -

a). Les territoires primordiaux, qui se forment, invariablement.

avant la maturité de l'embryon. Ce sont tous les centres sensoriels

déjà décrits, pourvus de myéline bien avant que les territoires

terminaux contiennent une seule fibre myélinique. Tels : les

ascendantes (surtout la pariétale) ; les lèvres de la fissure calcarine

et la première occipitale ; le gyrus uncinatus ; la circonvolution

olfactive interne ; la corne d'Ammon; le subiculum cornu Am-

monis ; le gyrus fornicatus (principalement son tiers moyen) ; les

circonvolutions transverses du lobe temporal; toutes zones cons-

tituant des centres sensoriels primaires.

b). Les territoires intermédiaires commencent, au besoin, un

mois après l'accouchement parfaitement à terme, et sont, en

partie des centres sensoriels, en partie des centres d'association.

Exemples : le pied de la première frontale; la partie orbitaire de

la troisième frontale ; le pied de la troisième frontale ; le gyrus

subangulaire (zone 13, entre la deuxième temporale et les occipi-

tales) ; centres sensoriels secondaires qui se développent avant

la partie postérieure de la première temporale, le tiers antérieur

de la première temporale etc., qui ne sont que les zones mar-

ginales de centres sensoriels, mais sont aussi des territoires inter-

médiaires.

c). Les territoires terminaux. Ils se forment plus d'un mois après

l'accouchement normal, et sont, exclusivement, des centres d'as-

sociations déjà décrits. La myélinisation y commence quatre mois

à quatre mois et demi plus tard que dans les territoires primor-

diaux. Première et deuxième frontale ; circonvolution pariétale

inférieure ; deuxième et troisième temporale ; une partie du gyrus

fornicatus. Ces territoires, qui distinguent le cerveau humain

de celui des anthropoïdes, déterminent la forme du cerveau de

l'homme.

Il est bon de noter que la troisième frontale n'est jamais un

territoire terminal.

le56 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

D'après ces nouvelles recherches, la première frontale se com-

poserait de quatre zones corticales, la troisième frontale, de trois

zones. La partie triangulaire de celle-ci appartiendrait aux terri-

toires intermédiaires de maturité tardive, tandis que sa partie

orbitaire relèverait des centres sensoriels primordiaux. La deuxième

pariétale comprendrait quatre zones ; une, petite, tout à fait

antérieure, serait placée dans l'opercule (centre sensoriel secon-

daire) ; une zone postérieure formerait une voie de passage à la

deuxième occipitale; une zone, contiguë au tiers moyen de la

pariétale ascendante, constituerait, pour la plus grande partie, le

lobule pariétal inférieur actuel (Mp)'6t ? ? Mt'(/t ? : a/) ; la quatrième

correspondrait principalement au pli courbe. Celle-ci seule serait

un territoire terminal ; toutefois, la zone qui forme la plus grande

partie du lobule pariétal inférieur ne se développerait que peu

de temps avant les territoires terminaux. L'avant coin serait

décomposable en quatre zones corticales, dont un territoire ter-

minal qui, généralement, appartiendrait un gyrus fornicatus, et

deux zones marginales. L'insula aussi serait de quatre zones, dont

l'une, sorte de transition entre les territoires intermédiaires et

les territoires terminaux, occupe la moitié inférieure de l'insula,

surtout en arrière ; une autre représente un territoire primordial

muni de fibres de projection éparses, qui est placé immédiate-

ment à côté des ascendantes.

Chaque zone corticale tire son caractère de l'ordonnancement

de la myélinisation. Dans telle catégorie de zones, ce sont les

fibres de projection qui commencent à s'entourer de myéline, dans

telle autre, ce sont les fibres d'association ; ce qui permet déjà de

distinguer les zones en centres de projections et en centres d'asso-

ciation. Les fibres les premières mûres s'appellent s.aèmes pri-

maires et, ainsi de suite, on a des systèmes secondaires, tertiaires,

quaternaires, suivant leur ordre de développement. Or les sys-

tèmes primaires sont tantôt des systèmes de projection, tantôt

des systèmes d'association (notamment en ce qui concerne le

corps calleux). Dans aucune zone il n'y a genèse simultanée des

deux catégories de fibres.

Le sens dans lequel se développent les fibres indique le sens

dans lequel elles sont conductrices.

Le système primaire des territoires primordiaux se développe,

sans exception, des ganglions de la base vers l'écorce; ceci est

surtout apparent pour la radiation optique primaire qui, chez un

enfant né un mois et demi ou deux mois avant terme, et mort à

l'àge de douze jours, n'avait de myéline qu'à mi-chemin du corps

genouillé externe et de l'écorce. Et tous les systèmes de fibres pri-

maires des territoires primordiaux sont au point de vue embryogé-

nique, des conducteurs corticopètes. '

Dans les territoires terminaux, au contraire, les fibres corticales

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 16-1 Î

se revêtent de leur myéline d'abord dans le voisinage de l'écorce ;

les systèmes de fibres primaires y sont corticofuges. Mais ce ne sont

pas des fibres de projection motrices, ce sont plutôt des fibres du

corps calleux.

Les fibres de projection motrices ne se développent nulle part

les premières ; elles ne se myélinisent que dans les zones corticales

déjà munies de conducteurs sensibles ou corticopètes myéliniques.

M. Flechsig admet cependant des variétés individuelles de zones

corticales embryogéniques, des types inverses de développement

myélinique, tout en mettant en garde contre l'anomalie patholo-

gique. Il s'étend longuement sur les variétés d'allures du ruban

de Reil de l'étage inférieur du pédoncule cérébral. Ce ruban se com-

pose de deux trousseaux : 1 ? un trousseau de fortes fibres du

ruban de Reil principal, se développant avec les fibres correspon-

dantes du cordon postérieur, pénétrant dans la substance noire,

où elles se terminent tout en filant en partie jusqu'au noyau lenticu-

laire ; 2° un autre trousseau, plus tardif, sortant, avec le faisceau

pyramidal, de la capsule interne, gagnant le pied du pédoncule

cérébral, se dirigeant en bas et s'appliquant au ruban de Reil prin-

cipal, pour se confondre avec lui. Ce second trousseau est donc un

ruban de Reil pyramidal dont les fibres parviennent à la protubé-

rance ; les uns s'entrecroisent dans le raphé ; les autres point,

mais elles arrivent toutes aux noyaux moteurs de la cinquième

paire, du facial, et de l'hypoglosse. Le ruban de Reil pyramidal est

donc moteur. C'est lui qui présente les deux variétés de trajet que

voici, a) Il peut accompagner le faisceau pyramidal jusque dans la

protubérance et même jusqu'à la partie supérieure du bulbe, et

ne parvenir à la formation réticulaire de la calotte ou au raphé que

dans la région de l'olive supérieure pour se rendre aux noyaux

moteurs des nerfs. 6) Il peut gagner la surface du pied du pédon-

cule cérébral en dedans, se placer en dedans du faisceau d'Arnold

(cortico-protubérantiel de Flechsig) et constituer un trousseau

allant du pied du pédoncule à sa calotte au sein du ruban de Reil

principal dans la protubérance. Il occupe alors ici, en avant du

ruban de Reil médian, la place de fibres qui, d'ordinaire, sont

fournies par la partie la plus interne du faisceau d'Arnold. C'est

l'étude de la myélinisation qui permet de distinguer ces organes et

de noter les irrégularités dans le trajet des conducteurs. La variété

des trajets du ruban de Reil pyramidal explique le grand nombre

des variétés du trajet des fibres à la surface du pied du pédoncule

cérébral et de la protubérance (Henle).

Il peut donc y avoir aussi dans les lobes du cerveau des variétés

dans le trajet des fibres myéliniques ; il peut donc arriver que des

régions décrites jusqu'ici comme dénuées de fibres de projection

soient un beau jour munies d'un puissant trousseau de fibres de

la couronne rayonnante.

158 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

La question de la disposition des sillons, qui rend souvent la

topographie des circonvolutions bien délicate, devient insignifiante

par la substitution aux dénominations ayant cours des zones cor-

ticales embryogéniques composantes.

Le reste du mémoire est consacré à la légitimation des centres

d'association mais sous réserve d'autres examens plus complets et

plus finis des zones embryogéniques.

Les territoires terminaux ont, dit l'auteur, évidemment une tout

autre fonction que les territoires primordiaux. Le développement

du gros de la masse des fibres s'accompagne presque en même

temps, surtout dans les territoires terminaux, du développement

de longs systèmes d'association particulièrement fournis dans les

territoires terminaux. Les courts systèmes d'association se déve-

loppent bien plus tôt, suivant qu'ils joignent entre elles diverses

parties d'un territoire primordial, ou des centres sensoriels à leurs

zones marginales. Mais, à côté de cela, il n'est pas rare de voir

plusieurs centres sensoriels, celui, par exemple, de la sphère

tactile, et de la sphère visuelle, envoyer concurremment des conduc-

teurs à la zone 39 (pli courbe et partie supérieure de la première

temporale), sans qu'il y ait union directe des centres sensoriels.

Quant au cingulum, dans lequel, à l'origine, M. Flechsig plaçait un

centre d'association direct de diverses sphères sensorielles, il

constitue surtout un système de projection.

N'empêche que la clinique ne montre la relation de troubles de

la sensibilité ou de la motilité avec l'altération exclusive et cons-

tante de régions dans lesquelles chez le foetus et le nouveau-né,

on peut suivre des conducteurs sensoriels, tandis que la lésion

d'autres territoires s'accompagne le plus habituellement de troubles

d'association. Si imparfaite que soit encore la doctrine des locali-

sations, le dépouillement méticuleux des faits publiés, fournit de

plus en plus d'exemples en faveur de cette hypothèse que les

territoires terminaux commandent à des fondions d'association.

S'il est vrai que les centres d'association en question soient

aussi innervés par des fibres de la couronne rayonnante, il reste

à décider du véritable trajet, dans la couche optique, des fibres qui

vont aux territoires terminaux, des origines et des sens des cou-

rants de celles-ci. Toutes les fibres de la couronne rayonnante

doivent-elles être considérées comme des fibres de projection cons-

tituant des conducteurs intercalés entre les organes terminaux et

l'écorce du cerveau ? La couche optique en tout cas se distingue

des autres émissaires de conducteurs sensoriels tels que le corps

genouillé externe et le renflement olfactif. C'est un appareil plus

compliqué, composé de six territoires divers puisqu'ils se myéli-

nisent à diverses époques. Le globus pallidus est un système

unitaire. Le noyau du ruban de Reil, tout petit, reçoit beaucoup

de fibres corticofuges(Koelliker). Le zone 39, qui correspond prin-

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. '159

cipalement au pli courbe, est aussi carticofuge, et, probablement

thalamopète ; or elle ne produit pas du tout de troubles de la

sensibilité ni du sens musculaire. Est-il vraiment possible de consi-

dérer les conducteurs en rapport avec ces zones comme des fibres

de projection ? Les fibres du lobule pariétal inférieur, qui vont soi-

disant à la radiation optique, gagnent, en réalité le tapetum direc-

tement, et sont, les unes des fibres du corps calleux, les autres des

fibres d'association.

La bibliographie ne contient pas un seul fait qui, sûrement,

prouve que les territoires terminaux et un certain nombre de ter-

ritoires intermédiaires prennent une part considérable à la

couronnne rayonnante. Discussion des faits.

Rôle de ruban de Reil qui se termine exclusivement dans les

ascendantes et exceptionnellement dans le segment supéro-anté-

rieur de la première pariétale ; de là les troubles du sens muscu-

laire en pareils cas, etc., etc. P. Keraval.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

1. Un cas de résection totale et bilatérale du sympathique cer-

vical comme traitement de l'épilepsie essentielle; par OTERO

ACEVEDO. (Siglo Medico, n° 2315.)

Après avoir passé en revue les idées de Alexander et de Barac et

les faits de Kummel, Jacks, Boydoneck, Lépine, Jeaboulay et

Jonesco, l'auteur décrit les sept temps de l'opération comme il la

comprend et relate son cas : homme vingt et un ans, attaques

depuis une peur survenue à l'âge de dix ans, très fréquentes et

revêtant parfois la forme grave (coma durant dix heures). Toute

médication échoue et la fréquence moyenne de trois crises par jour

se maintient. Opération en deux séances sans incident, mais dont

on ne peut donner encore que les résultats physiologiques immé-

diats. Au moment de la résection, le pouls monte de 75 à 130

(excitation mécanique) ; quelques heures, après chute à 80, et ascen-

sions régulières à 120 pendant les digestions stomacales; pas de

modification thermique du corps, mais élévation thermique de la

face du côté opéré ; hypersécrétion nasale et lacrymale, ptosis,

myosis et rougeur de la face au moment de la résection du gan-

glion cervical supérieur. Disparition graduelle de ces phénomènes

de quelques heures à une semaine après. Retrait de l'oeil dans

160 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

l'orbite. Pas d'attaque immédiatement après, une petite seulement

quelques jours après l'opération du sympathique gauche et un

accès de délire mystique après l'opération droite. Pendant les

quarante-cinq jours écoulés depuis la deuxième opération, cinq

attaques seulement, la plus longue de vingt-cinq minutes, la plus

courte de moins d'une minute. Les troubles physiologiques ont

tous disparu, seul le coeur, qui reste à 80 pulsations, monte à

120 pendant la digestion stomacale. L'auteur pense qu'une revi-

sion de la physiologie des nerfs cardiaques venus du sympathique

cervical est indiquée '. F. 13orsstsa.

IL Contribution à l'étude de la théorie de la fonction de la

glande thyroïde et de la thérapeutique de la maladie de Base-

dow ; par C.-F. de TRACZENSKI. (Neurolog. Cent·nlbl., XVI, 1897.)

Chez les animaux thyroïdectomisés la viande crue, le bouillon

et la viande bouillie exercent une action défavorable sur leur

santé. La viande crue, plus que la quantité correspondante de

viande bouillie avec son bouillon. Il est probable que la cuisson,

en modifiant la viande, modifie aussi la qualité des substances

constitutives nuisibles. La viande bouillie avec son bouillon agit

plus défavorablement que le bouillon seul, et le bouillon plus que

la viande bouillie. Quelle est la toxicité des sels de potasse et des

phosphates du bouillon ? Les sels de potasse entraîneraient surtout

des symptômes absents dans la cachexie thyroïdienne. Quant aux

phosphates, les phosphates calciques sont presque insolubles ; le

phosphate de magnésie produit facilement la diarrhée; le phos-

phate acide de soude, soluble, peu coûteux, et facile à obtenir,

entraîne toujours la cachexie, toutes les fois qu'on le donne aux

animaux thyroïdectomisés qui n'ont conservé de la glande

thyroïde que ce qu'il leur en faut pour vivre sans présenter de

symptômes pathologiques. Leur fait-on absorber continuellement

de ce phosphate, on produit l'atrophie de ce qui leur reste de

glande; il cachexie, quand on le donne en grandes quantités, ceux

qui ne sont pas opérés. Les femelles grosses partiellement

thyroïdectomisées éprouvent, sans qu'il soit besoin de leur donner

du phosphate, des phénomènes cachectiques jusqu'à leur accou-

chement; deux jours après l'accouchement elles sont libres de

tout trouble ; ces animaux sont toujours rachitiques. Dans la

maladie de Basedow, la femme éprouve une grande amélioration

pendant la grossesse. La glande thyroïde augmente toujours de

volume au cours de la grossesse, ce qui paraît indiquer que l'éco-

nomie a alors grand besoin de suc thyroïdien. La femelle grosse

' Mais il ne nous paraît pas que l'opération le soit... au moins comme

moyen curalif de l'épilepsie. B.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 161

pertiellement thyroïdectomisee manque de suc thyroïdien, d'où les

accidents cachectiques jusqu'à l'accouchement; la femme grosse

hasedowienne utilise son surplus de suc thyroïdien, ce qui

l'améliore.

Généralement la maladie de Basedow est hystérique (Charcot),

c'est pourquoi on ne trouve pas de lésions. Mais elle peut être due

parfois à des toxines ayant agi sur le système nerveux (intoxi-

cation nerveuse), issues de maladies infectieuses ; elle est alors

aussi purement fonctionnelle (légères lésions du plancher du

quatrième ventricule). Elle peut encore émaner du tabes avancé;

lésion du faisceau solitaire de Mendel.

La théorie de la modification fonctionnelle du plancher du

quatrième ventricule est séduisante ; c'est de là que partent les

nerfs de la thyroïde. De là, excitation anormale de la glande, son

hypersécrétion qui agit défavorablement sur le système nerveux

central. C'est un cercle vicieux qu'on peut interrompre en donnant

des phosphates qui neutralisent le suc thyroïde. On empêche ainsi

la cachexie. Ce traitement a très bien réussi à Berne ; Meebius, dans

sa monographie sur la maladie de Basedow, vient d'en confirmer

l'efficacité. P. KERAVAL.

III. De l'emploi du repos au lit chez les aliénés ; par V. DE BECH-

terew. (C<' ? t<m ? JVerue) ! /t6t, XX. N. F. vin, 1897.)

C'est la communication faite par l'auteur à la Société des Neuro-

pathologistes et Aliénistes de la clinique de Saint-Pétersbourg, en

novembre 1896. Voyez Pi-ogrès médical, VII, 23, 18 juin 1898.

P. KERAVAL.

IV. Du traitement de l'alcoolisme par l'hypnotisme; par F. Rrea-

KOFF. (Vralch, 1898, n° 18, p. on-579.)

L'auteur a eu l'occasion de traiter par l'hypnotisme 15 alcoo-

liques dont quelques-uns seulement étaient hospitalisés; de l'élude

de ces 15 cas il tire les conclusions suivantes : 1° les alcooliques

sont très facilement hypnotisables ; 2° l'hypnotisme est un bon

agent thérapeutique de l'alcoolisme ; 3° l'action favorable de la

suggestion se manifeste par l'amélioration de l'état général, la dis-

parition de l'abattement, de la mélancolie et de l'apathie, par

l'affaiblissement du penchant pour le vin, par la disparition de

l'alcoolisme; 4° quelquefois, après la première séance, on réussit

d'arrêter l'abus habituel des boissons alcooliques et même de cou-

per un accès d'alcoolisme ; 5° la répétition des suggestions retient

quelquefois l'ivrogne de la satisfaction de ses penchants pour un

temps assez long, le temps de l'abstinence varie beaucoup avec les

malades ; 6° la guérison définitive est assez rare, les rechutes, au

Archives, 2° série, t. VII. Il

162 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

contraire, fréquentes. Tout dépend du degré de dégénérescence du

malade ; 7° les rechutes s'observent plus souvent lorsque le traite-

ment n'a pas été assez prolongé ou lorsque le médecin n'a pas été

exact aux séances qu'il a fixées; 8° il faut être très ponctuel et très

attentif quant au temps fixé pour les séances ; 9° pour que les ré-

sultats soient plus durables, il faut prolonger le traitement assez

longtemps (jusqu'à un an au moins); 10° on peut hypnotiser à

n'importe quel moment de la maladie, mais il est préférable de le

faire lorsque le malade n'est pas ivre. Il est contrindiqué d'hypno-

tiser pendant l'accès du delirium et lorsque l'alcoolique

est agité; l'insuccès presque certain dans ces cas aurait une mau-

vaise influence sur la confiance qu'inspire le médecin et sa méthode

au malade. , E. Margouliès.

V. Le suicide comme agent de préservation; par le Dr IIUGIIES.

Sans proclamer le suicide comme un remède, l'auteur estime

que les débiles mentaux ou moraux, les criminels et les vicieux

qui se suicident, paient une sorte de dette à la nature et procurent

un bénéfice à l'humanité.

Pourquoi ne pasapprouver le suicide, qui met ainsi fin à la des-

cendance d'un être lorsque cet être est notoirement dégénéré,

mentalement ou moralement ? Le bon grain pousse mieux quand

les mauvaises herbes ont été arrachées du champ. Le suicide pré-

coce d'un imbécile moral ou mental est une sorte de grâce pour

la société qui se trouve préservée de toute une progéniture de

créatures semblables. (The Alienist and Neurologist, janvier 1898.)

E. B.

VI. Goitre exophthalmique et médication thyroïdienne; par

M. Odilon MARTIN. (Presse médicale, 13 juillet 1898.)

Selon M. Odilon Martin, il n'y a pas lieu, comme le soutiennent

la plupart des auleurs qui ont étudié celte question, de prohiber

systématiquement la médication thyroïdienne dans le goitre

exophthalmique. D'une part, une prohibition aussi absolue ne

saurait s'appuyer sur la pathogénie de cette maladie ; celle-ci, en

effet, est encore loin d'être fixée; il est devenu à peu près impos-

sible de considérer le goitre exophthalmique comme une entité

morbide ;' il y a, non une maladie de Basedow, mais des Base-

dowiens, susceptibles d'être rangés en des groupes très différents.

D'autre part, cette thérapeutique compte à son actif un certain

nombre de succès. Aux cas déjà publiés, où la médication thyroï-

dienne a donné de très sérieux résultats, ou même des guérisons,

l'auteur joint l'observation d'un malade atteint de goitre exoplithal-

mique qu'il a soumis à ce mode de traitement, grâce auquel il a

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 163 i

été très notablement et très rapidement amélioré. M. Odilon Mar-

tin pense que, dans tous les cas de maladie de Basedow, on est en

droit de tenter pendant quelque temps la médication thyroï-

dienne, quitte à l'abandonner, si on n'en retire pas d'avantages.

A. FENAYROD.

VU. La médication thyroïdienne dans le traitement du goitre

exophthalmique; par M. L. Weiller (de Saint-Dié). Presse médi-

cale, 27 août 1898.)

Observation d'un cas de goitre exophthalmique, contre lequel

les médications habituelles avaient été employées sans résultat, et

qui a été très notablement amélioré par le traitement thyroïdien

Pendant trois mois environ la malade a absorbé 25 centigrammes

à 1 gramme d'iodolhyrine en comprimés. Au bout de ce laps de

temps, les symptômes de la maladie de Basedow avaient diminué

à tel point que l'on pouvait considérer la guérison comme à peu

près complète. Deux mois après la cessation du traitement, l'état

de la malade continuait à être très satisfaisant.

L'auteur pense que, si le nombre des Basedowiens améliorés par

le traitement thyroïdien est encore peu élevé, c'est uniquement

parce que cette médication est très rarement appliquée. L'observa-

tion qu'il rapporte s'ajoute à celles qui ont déjà été publiées, pour

établir que ce mode de traitement peut dans certains, cas donner

d'excellents résultats. A. FENaYRoU.

VIII. Traitement par la glande thyroïde; par le Dr Williams

E.MOSGLEY, de Baltimore. (The Médical wews, septembre 1898.)

L'auteur traita par l'injection de glande thyroïde cinq cas d'hé-

morragie utérine de causes diverses, dont il rapporte les observa-

tions. Il obtint de bons résultats et il conclut que la glande thy-

roïde doit être absorbée à des doses très variables suivant les

individus, qu'elle a une action marquée sur les hémorragies et

que la santé générale est améliorée par son usage. L'examen du

sang de ses malades avant et après le traitement thyroïdien accom-

pagne ce travail.. · " A. V.

IX. La démorphinisation. Mécanisme physiologique. Conséquences

au point de vue thérapeutique; par M. Paul Sollier. (Presse

médicale, G juillet 1S98.) .

M. Sollier tire de sa théorie sur le mécanisme physiologique de

la démorphinisation les indications suivantes du traitement de la

morphinomanie : « provoquer et favoriser le plus possible les sécré-

tions de toutes les glandes, sevrer aussi rapidement que possible

de la morphine, n'intervenir ensuite que pour entretenir l'élimina.

164 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

tion des éléments cellulaires altérés par l'intoxication, et surveiller

les morphinomanes pendant toute la période nécessaire à la répa-

ration glandulaire ». Il considère, en effet, la démorphinisation

comme caractérisée par une véritable desquamation épithéliale et

endothéliale des muqueuses imprégnées par la morphine et dont

les glandes ont cessé de fonctionner sous cette influence. Au

moment de sevrage, la violente réaction organique que produit la

reprise de l'activité glandulaire, amème l'élimination de la plus

grande partie des cellules altérées par le poison. Il se produit

ensuite pendant une période de six semaines à deux mois eu

moyenne, une série de desquamations des mêmes organes glandu-

laires, se manifestant par des crises éliminatoires d'intensité

décroissante au cours desquelles se montre le désir de morphine. Le

sevrage rapide constitue le traitement de choix de la morphino-

manie, parce que produisant une excitation vive et soudaine de

l'organisme, il provoque une réaction énergique. Mais cette réaction

qui aboutit à l'élimination des cellules glandulaires^altérées doit

être facilitée et préparée par la mise en oeuvre d'agents (purgatifs,

diurétiques, sudorifiques, destinés à exciter l'activité des

glandes. Grâce à l'emploi de ces moyens, on évite les accidents

toujours possibles et parfois très graves de la pseudo-démorphini-

sation, engendrés par les efforts excessifs, bien que encore insuffi-

sants dans certains cas, que doit faire l'organisme pour se débar-

rasser du poison, si on ne vient à son aide par un traitement appro-

prié. Les médicaments calmants entravent l'élimination et doivent

être rejetés. Quant aux substitutifs, ils n'ont qu'une valeur absolu-

ment illusoire.

L'auteur explique la gravité des récidives précoces de la morphi-

nomanie, plus graude que celle des récidives tardives, par ce fait

que les éléments organiques de nouvelle formation sont d'autant

plus facilement et plus profondément altérés par l'agent toxique

qu'ils sont plus jeunes et par suite moins résistants. - A. Fenayrou.

X. Deux cas de tumeurs cérébrales opérées avec succès et suivis

de guérison; parles D''s Thomas Omra et Georges Wiliamsok.

(British Médical journal, 26 novembre 1898.)

La première observation concerne-un homme de trente-quatre

ans qui depuis deux ans souffrait de maux de tête avec exacerba-

tions matitutinales et de vertiges. Quelques semaines avant son

entrée à l'hôpital, il eut un évanouissement et fit une chute en se

frappant la tête contre un encoignure. Il resta trois jours sans

connaissance et quand il revint à lui, il était paralysé du côté

gauche, bras, main et jambe. La paralysie d'abord incomplète à

la jambe progressa rapidement. Il eut ensuite des vomissements

et des convulsions du côté gauche. Depuis deux ans il éprouvait

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE, 165

des piqûres dans le côté droit aussi par la sensation d'eau chaude

lui coulant sur la peau ; l'examen révélait de l'anesthésie et de

l'analgésie au niveau du bras el de la main gauches, et une dimi-

nution de la sensibilité à la jambe. Pas de syphilis dans ses anté-

cédents. Réflexes parcellaires exagérés, convulsion clonique du pied

gauche. Névrite optique bien caractérisée, mais n'empêchant pas

la vue. Autres fonctions organiques normales. Le diagnostic de

tumeur comprenant l'aire rolandique fut porté avec d'autant plus

de certitude qu'il existait des troubles sensitifs et que déjà le

Dr Oliver avait soutenu que la région rolandique avait des fonc-

tions à la fois sensitives et motrices.

L'opération vérifia le dignostic et permit l'extraction d'une

tumeur de la grosseur d'une demi-orange. C'était un sarcome à

cellules rondes.

Les suites opératoires furent très bonnes. Le malade recouvra

le mouvement dans le côté gauche six jours après l'opéra-

tion, et huit mois après il ne lui restait plus qn'une légère parésie.

Cependant une attaque convulsive survenue dans l'intervalle laisse

subsister des doutes sur la possibilité d'une récidive.

La seconde observation se rapporte à une femme de vingt-trois

ans qui présentait une paralysie partielle de la jambe droite et

une paralysie totale du bras droit avec flexion des doigts sur la

paume de la main. L'apparition de cette paralysie avait été pré-

cédée par des maux de tête, des vomissements et des attaques

convulsives. La partie inférieure de la face était touchée et la

langue déviée sur la droite. Pupilles égales, névrite optique à la

première période. Réflexe rotulien exagéré. La sensibilité est

émoussée : la peau de la main est en moiteur. Supprsesion des

règles. Urine normale, etc. Le diagnostic de tumeur située au

niveau de la sphère motrice de hémisphère gauche fut posé, et

l'opération fut effectuée avec plein succès. La tumeur enlevée était

une angiome. Les suites de l'opération furent très bonnes, mais la

malade présenta le phénomène curieux d'aphémie post-opératoire.

Immédiatement après l'opération elle ne pouvait répondre que

par oui et non, mais elle ne présentait ni cécité verbale ni surdité

verbale ; elle pouvait lire et écrire et comprenait ce qu'on lui

disait. L'usage des mots lui revint progressivement ; elle a encore

cependant de la peine à trouver le mot propre.

La paralysie de la partie supérieure du bras a totalement dis-

paru, mais il n'en est pas de même de celle de l'avant-bras et du

bras ou de celle de la face. Cette dernière est due à ce que par

l'opération, les fibres nerveuses motrices ayant été séparées, les

cellules pyramidales ont dégénéré. De même on peut se demander

si l'aphasie a été produite par une lésion du centre ou par la

section des fibres unissant le centre cortical au centre bulbaire

d'articulation. A. VIGOUROUX.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ .11LU1C0-S1'1C(IOLOGIQUI : .

Séance du 28 novembre 1898. PRÉSIDENCE de M. Meuriot.

Le Président annonce la mort de M. Semelaigne, père, dont il

prononce l'éloge funèbre.

LE Secrétaire général donne lecture du discours qu'il a prononcé

sur la tombe au nom de la Société. La séance est ensuite levée

en signe de deuil.

Séance dit 28 novembre. -PRÉSIDENCE de M. Meuriot.

Etiologie de la paralysie générale (suite de la discussion).

M. Vallon. Lorsque M. Sollier vous a communiqué son obser-

vation de paralysie générale d'origine licrédo-sypliiiitique, je vous

disais avoir observé un jeune paralytique général dans l'hérédité

duquel je n'avais pu déceler la syphilis ; j'étais mal servi par ma

mémoire. Ce jeune homme, en effet, paralytique général, depuis

trois ans, quand il est mort à l'âge de vingt-deux ans, dans mon

service, a pu avoir des antécédents de famille syphilitiques . En

effet, la mère et une tante maternelle étaient aliénés et la mère,

soignée dans le service de mon collègue, M. l3riand, a succombé à

des accidents épileptiformes d'origine syphilitique possible. Le

diagnostic de paralysie générale, de mon jeune malade avait été

porté par M. l3riand, dix-huit mois avant qu'il se soit placé. Sa

maladie a évolué sans rémission, non pas parce que le sujet était

jeune, mais plutôt parce que le malade n'a jamais présenté aucune

trace de délire. On sait, en effet, que les rémissions se montrent

surtout dans la forme délirante de la P. G.

On prétend que la paralysie générale n'exerce aucune influence

sur la descendance des paralytiques ; je crois le contraire, préci-

sément parce que j'admets J'étiologie hérédo-sypliili tique. Per-

sonne ne conteste, en effet, la tare que fait porter la syphilis sur

plusieurs générations successives.

M. Ballet. Je proteste, avec la conviction la plus entière,

SOCIÉTÉS SAVANTES. 167

contre l'opinion de M. Vallon. Il y a là, en effet, un point de doc-

trine délicat sur lequel nous avons chaque jour à donner un avis.

Je ne crois pas que le fils d'un paralytique général ait plus de

chance que tout autre de verser dans la folie. Il est bien entendu

que j'excepte les. enfants conçus pendant la maladie. Si j'avais un

lils à marier je n'hésiterais pas à lui laisser épouser une fille de

paralytique générale, conçue avant l'éclosion de la méningo-encé-

phalique.

M. Vallon. La distinction faite par M. Ballet est très impor-

tante, mais j'ai observé des faits qui prouvent que des enfants nés

avant la maladie des parents ont eu des tares intellectuelles.

M. Ballet. M. Vallon s'appuie sur l'étiologie hérédo-syphi-

litique pour conclure à l'hérédité de la paralysie générale. Il se dit

que si la syphilis est assez maligne pour déterminer la paralysie

générale elle pourra tout aussi bien déterminer des troubles ner-

veux chez les enfants des paralytiques. Je crois, pour ma part,

que ce sont au contraire les syphilis bénignes qui aboutissent à

la méningo-encéphalite.

M. Vallon. Il me semble que le jour où une syphilis bénigne

produit la paralysie générale elle cesse d'être bénigne.

M. BRI.IND demande à M. Ballet si la terminaison de la syphilis

par la paralysie générale est liée à la bénignité même de l'infection

ou plutôt a cette considération, qu'étant d'apparence bénigne, la

syphilis a été mal soignée ou peut-être méconnue au début ?

M. Ballet. -Peut-être ? Mais je ne pourrais répondre avec cer-

titude à la question de M. Briand ; ce que je peux dire, c'est que

j'ai vu un grand nombre de paralytiques généraux dont la syphilis

avait été régulièrement soignée.

M. Joffroy. On rencontre'souvent des lésions de syphilis ter-

tiaire associées aux lésions habituelles de la paralysie générale.

On peut invoquer ces faits en faveur du peu d'influence de la

syphilis sur l'étiologie de la paralysie générale et les considérer

comme une simple coïncidence, quand on se trouve en présence

d'un syphilique avéré devenu paralytique général. Je crois cepen-

dant, comme M. Ballet, que si l'on fait une enquête sur la syphi-

lis des paralytiques généraux on rencontrera le plus souvent des

accidents infectieux au début très bénins.

M. Taquet. Dans le Morbihan, la syphilis est très commune

et cependant sur 400 aliénés il n'y a que 3 paralytiques généraux.

M. Ballet. La coexistence des lésions tertiaires avec celle de

la méningo-encéphalique chronique est très rare et n'infirme

nullement cette formule que les syphilis qui conduisent à la para-

lysie générale sont plus souvent bénignes. Ce n'est d'ailleurs pas

168 SOCIÉTÉS SAVANTES.

à toutes périodes de l'infection qu'on devient paralytique, c'est

entre dix et quinze ans après le chancre.

M. JOFFr0Y. La syphilis n'est certainement pas sans exercer

une certaine influence sur l'éclosion de la paralysie générale ; mais

son rôle se borne là.-On ne peut pas dire que la méningo-encé-

phalite chronique soit une quatrième période de la diathèse spé-

cifique. Les lésions de la paralysie générale sont des lésions ana-

logues à celles que peuvent produire toutes les toxines. C'est tout

ce qu'à l'heure actuelle peut répondre l'anatomie pathologique.

M. Vallon. Puisque les lésions de la paralysie générale sont

dues à une toxine et que nous constatons l'existence d'un état

infectieux, pourquoi ne pas admettre que la syphilis est l'agent

producteur de la toxine ?

M. JoFFROY. La paralysie générale se montre quelquefois

moins de deux ans après le chancre et d'autres fois vingt-cinq ans

après comme j'en viens d'observer un cas. Peut-être cette infec-

tion, de même que l'alcool, le surmenage, le manque de sommeil,

créée-t-elle une prédisposition en diminuant la résistance de la

cellule nerveuse à la fatigue ?

M. Ballet. Je ne veux retenir de toute cette discussion que

ce seul fait, à savoir que les lésions- de la paralysie générale

paraissent procéder d'une toxine et je prends acte de cette décla-

ration de M. Joffroy.

Séance du 26 décembre 1898. Présidence DE M. Meuriot.

M. GAPNIER donne lecture d'un rapport des candidatures, à la suite

duquel M. Legras, médecin de l'infirmerie spéciale de la préfecture

de police, est élu membre titulaire.

Elections : Après les élections, le bureau est ainsi composé pour

l'année 1899 : président : M. J. Voisin; vice-président : M. Magnan ;

secrétaire général : M. IilTT1 ; trésorier : M. Brunet ; secrétaires

annuels : MM. Semelaigne et SOLLIER.

Conseil de famille. Le conseil de famille est composé des

membres du bureau auxquels sont adjoints les deux derniers

présidents : MM. GARNIEN et D1CU(tIOT. 1 z

Comité de 72lbficatiort : M11. Ballet, BOUCIIEREAU et Vallon.

Commission des finances : MM. CHRISTIAN et Falret.

M. Magnan remercie la Société de l'honneur qu'elle lui l'ait en le

désignant pour la vice-présidence. Elle le conduira pour la seconde

fois.à la présidence de la Société, pendant le Congrès de médecine

mentale de 1900. Il n'aurait pas assumé celte lourde tâche s'il

n'était assuré du précieux concours du secrétaire général qui

l'aidera à tenir haut et ferme le drapeau de la médecine mentale.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 1G9

Folie sympathique. Laparatomie. Guérison des troubles

intellectuels.

M. Febvré donne lecture d'une observation de folie sympathique

recueillie par lui et par M. Picqué, chirurgien des asiles. « Dans les

Annales médico-phychologiques (t. XVII, n° de janvier et février

1â93) dit-il, nous avons déjà insisté sur la disparition possible de

certaines interprétations délirantes surajoutées à un délire primitif

et survenues à l'occasion de souffrances physiques intimement liées

à deux néoplasmes ayant nécessité une double intervention

chirurgicale.

c Aujourd'hui notre observation a une importance considérable car

le délire en entier a disparu, grâce à une grave intervention chirur-

gicale. Après plus de deux ans d'observation, la guérison s'est

maintenue complète, définitive. L'origine sympathique de l'aliéna-

tion mentale ne pourrait, à notre avis, être niée ou mise en doute.

Notre opinion s'appuie sur une observation prise avec un soin méti-

culeux et poursuivie pendant deux ans après la sortie de l'asile. »

Il s'agit d'une femme âgée de quarante-huit ans, d'une consti-

tution robuste et sans antécédents héréditaires connus. Elle pré-

sentait cependant quelques signes de dégénérescence et notam-

ment de l'asymétrie faciale, de l'adhérence des lobules des oreilles

et un rétrécissement apparent du diamètre transverse du crâne.

Son affection mentale était essentiellement caractérisée par des

symptômes de mélancolie anxieuse avec exacerbation délirante

périodique coïncidant avec l'arrivée des règles.

Une laparatomie rendue nécessaire par son état physique a été

pratiquée le 19 juin sans incident notable et n'a élé suivie d'aucune

complication, malgré la persistance de l'agitation et du délire.

L'amélioration dans l'état mental est survenue par degrés, sui-

vant pas à pas l'amélioration de la santé physique, et ne s'affirmant

définitivement qu'au moment des dernières souffrances physiques,

coïncidant pour ainsi dire avec la cicatrisation complète de la plaie

abdominale.

« Le terme de folie sympathique ou de délire sympathique a été,

ajoute M. Febvré, abandonné par la plupart des médecins alié-

nistes ; il évoque l'idée vague du retentissement à distance de cer-

tains organes les uns sur les autres ; mais il consacre en revanche

l'importance des causes physiques dans la genèse du délire. »

S'il en est ainsi, les femmes aliénées doivent bénéficier dans

l'avenir des immenses progrès faits par la gynécologie. M. Febvré

pense que des réformes hospitalières s'imposent pour doter les

services de femmes d'installations chirurgicales. Il se propose

de publier prochainement les heureux résultats qu'il a obtenus

avec M. Picqué à la suite de simples curetages, d'opérations de

Schroeder, etc. Marcel l3ai.nn.

BIBLIOGRAPHIE.

IV. Le Myxoedème; par G. Tiil.BIERGE. (Monographie clinique, n° 12,

Paris, 1898, G. Masson, éditeur.)

L'auteur démontre que sous ses différentes formes (myxoedème

infantile, opératoire spontané de l'adulte, ou congénital endémique

(crétinisme), le myxoedème a toujours une caractéristique iden-

tique, l'existence des lésions thyroïdiennes- que la. glande soit

atrophiée, absente par agenèsie ; qu'elle ait été enlevée par le

chirurgien ou qu'elle soit le siège d'une tumeur goitreuse, elle ne

se trouve jamais dans des conditions normales.

Atrophie, absence, extirpation sont physiologiquement équiva-

lentes : l'augmentation de volume pourrait en être l'inverse, si

elle n'était due au développement d'un tissu pathologique qui se

substitue à la glande et l'annule physiologiquement tout en la

doublant anatomiquement.

Absente ou annulée fonctionnellement la glande thyroïde produit

le myxoedème comme le rein dégénéré produit l'urémie, comme

le foie étreint par le tissu fibreux ou dégénéré cause l'ictère grave.

Le myxoedème n'est pas une entité morbide relevant d'une cause

pathogène chimique ou microbienne toujours identique, mais un

syndrome relevant de l'absence de fonctionnement du corps thyroïde.

Ce n'est pas une maladie à proprement dire, c'est l'aboutissant de

malformations, de traumatismes, de maladies diverses. Après un

tableau clinique, tracé de main de maitre, du myxoedème spontané

de l'adulte, l'auteur décrit les aspects cliniques du myxoedème

opératoire, du myxoedème infantile et du myxoedème endémique.

L'historique de chacun de ces chapitres est bref, mais clairet

complet. Baillarger et les rapports sardes et français d'il y a

cinquante ans sur la question du crétinisme en Savoie, lteverdin

et Koeherpourla cachexie strumiprive, Bourneville pour le créti-

1 Voir tourneville : Note sur un cas de 7nyxoe(lèi ? 2e ou cachexie pachy-

clerznique (avec d'Ollier, 1880). De l'idiotie compliquée de cachexie

pachydermique (avec Bricon, 1880); Nouveaux cas d'idiotie myxoedé-

maleuse, 1888, 1889, 1SJ0, 1891, 1895. Tous ces travaux, parus dans le

Progrès médical ou dans les Archives de Neurologie ont été réimprimés

dans les Comptes rendus de 731cëlr·e; Trois cas d'idiotie myxoidé-

matecrse traité par l'ingestion lliyroidienne (Congrès des aliénistes et

neurologistes, Bordeaux, août 180à); Six cas d'idiotie myxoedémaleme;

BIBLIOGRAPHIE. 171

nisme sporadique; enfin à propos des cas d'infantilisme opposé à

la cachexie parathyroïdienne, les idées nouvelles de Brissaud sur

le nanisme sont rapidement indiquées.

Les recherches expérimentales de physiologie comparée, les

études de chimie biologique sur les éléments contenus dans le

tissu glandulaire sont à leur tour résumés.

Les applications thérapeutiques découlant de ces recherches, la

thyroïdothérapie forme le dernier chapitre et en quelque sorte la

conclusion naturelle de l'exposé précédent qui se recommande par

sa clarté parfaite. A. Marie.

V. Les enfants arriérés, leur traitement éducatif; parle D'LEY.

(Anvers, 1898, brochure in-80 de 16 pages.)

Après avoir constaté avec regret que le médecin ne s'occupe que

trop rarement de l'éducation des enfants en général, l'auteur fait

un court historique de la question touchant l'amélioration des

faibles d'esprit; il reporte sur Itard et sur Séguin le mérite d'avoir

les premiers montré la possibilité d'élever « l'être anormal à une

intellectualité plus grande».

La classification adoptée par le Dr Ley est celle de Demoor, qui

divise les anormaux en deux grandes classes : les arriérés médi-

eaux, les arriérés pédagogiques.

Sous la première dénomination l'auteur comprend les idiots

complets, les idiots simples, les imbéciles. Sous la seconde, les

arriérés, les instables, les pervers, ceux que nous désignons sous

le nom d'imbéciles moraux. Cette classification paraît faire suppo-

ser que parmi les anormaux il existe certains sujets relevant plus

particulièrement de la médecine, et certains autres relevant plus

particulièrement de la pédagogie. Il est cependant de toute évi-

dence que, quel que soit le degré de gravité de leur affection, tous

les deshérités de l'intelligence appartiennent aux médecins dont

les instituteurs doivent seulement être les auxiliaires.

Pourquoi ne pas s'en tenir à la seule dénomination d'idiotie,

quitte à en reconnaître ensuite plusieurs sortes : l'idiotie physique,

l'idiotie intellectuelle et l'idiotie morale ? Les idiots complets présen-

teraient les trois idioties; les idiots simples, les arriérés ne seraient

atteints que dans, leur intelligence et leur sens moral; quant aux

instables et aux pervers, ils ne se distingueraient des enfants ordi-

naires que dans la manifestation de leurs instincts, de leur carac-

traitement par l'ingestion de la glande thyroïde (Communication à

la Société médicale des hôpitaux, séances du 17 -janvier 1896 et du

22 janvier 1897) ; Ue l'action de la glande thyroïde sur la croissance

el l'obésité chez les obèses icliols et myxoedemaleux ou al teints de

nanisme (Communication au Congrès des aliénisles et zzeurologisles,

session de Nancy, 1896).

172 VARIA.

tère, de leur volonté. Que de subdivisions pourrions-nous encore

établir dans chacune de ces idioties !

L'auteur reconnaît deux sortes d'arriérés pédagogiques : les

autoritaires, qui correspondent à nos instables et à nos pervers, et

les passifs, qui ne-sont que des idiots simples et des arriérés.

A l'adresse des premiers, nous regrettons que le D1' Ley soit d'avis

qu'aucune marque de sympathie ne doive leur être manifestée.

Comme si on pouvait améliorer ces antisociaux sans leur inspirer

l'amour de la société, dont leurs éducateurs, médecins et institu-

teurs, sont les plus visibles représentants.

L'auteur dans sa brochure n'a en vue que les arriérés pédago-

giques. Les quelques conseils qu'il donne sur leur traitement sont

tirés du livre de Séguin ou, tout au moins, inspirés de sa mé-

thode ; nous n'y trouvons que des énumérations incomplètes;

cela s'explique par le peu d'étendue du travail : M. Ley a simple-

ment voulu donner à ses confrères le sens des indications à fournir

aux familles, qui les consulteraient sur le cas de ces malheureux

enfants malades. *

Il est regrettable que l'auteur n'ait pas eu à sa disposition les

comptes rendus de Bicêtre, publiés chaque année depuis 1880, et

dans lesquels M. Bourneville indique les nouveaux procédés intro-

duits par lui et ses collaborateurs. J. 'broyer.

VI. Thèses neuro-pathologiques soutenues à la Faculté de médecine

de Lille pendant l'année scolaire 1897-1898.

M. Favier. Le cazi7, dans la chorce ; M. Fichaux. Épilepsie larvée

à forme gastrique.

VARIA.

Xe Congrès des médecins aliénistes et NEUROLOGISTES.

Le dixième Congrès annuel des médecins aliénistes et neurolo-

gistes français s'ouvrira à Marseille, le mardi 4 avril 1 899, sous la

présidence de M. le 1)" Do u trebeii te, médecin en chef, directeur de

l'asile de Biois.

Le programme comprendra : 1° questions mises à l'ordre du

jour : Pathologie mentale : Délires systématisés secondaires. Ray-

porteur le D1' Anglade, médecin-adjoint de l'asile de Braqueville.

Pathologie nerveuse : Psychoses y)Oly72wl'itiq2ces. Rapporteur

VARIA. Il -1 ,

Dr Dutil, villa Verdier, Nice. Médecine légale : Aliénés méconnus

et condamnés. Rapporteur Dr Taty, à la Tour-de-Salvagny (Rhône) ;

20 lectures, présentations, travaux divers; 3° visite de l'asile

d'aliénés de Marseille; 4° assemblée générale de l'Union des Alié-

nistes français ; 5° excursions ; 6° impression et distribution des

travaux du Congrès. Prix de la cotisation : 20 francs.

LES aliénés en liberté.

Un individu paraissant figé d'une quarantaine d'années montait

hier matin, place du Louvre, sur la plate-forme du tramway faisant

le Louvre à Vincennes et de là se mettait à haranguer la foule :

« Mesdames, messieurs, chers frères et chères soeurs, s'écriait-il,

l'affaire Dreyfus est finie, bien finie, et les temps heureux com-

mencent. Tous nous pourrons manger tant que nous voudrons et

l'absinthe coulera à toutes les fontaines publiques. »

Une centaine de personnes entourèrent bientôt l'orateur, dont

le discours fut interrompu par des agents qui le conduisirent au

commissariat de police, où il déclara se nommer Pierre G...,

ébéniste, demeurant au ciel. Il a été envoyé à l'infirmerie spéciale

du Dépôt. (Le Soleil, 17 déc.) ·

L'alcoolisme.

Une foule considérable s'amassait hier matin, dit le Radical du

5 janvier, devant un hôtel de la rue Montmartre, attirée par des

cris « au secours » et de violentes protestations. Des agents de

police, requis aussitôt, entrèrent dans l'hôtel et bientôt le calme

fut rétabli.

Voici ce qui s'était passé : depuis quelques jours, habitait là

un jeune homme, M. C..., fils d'un commerçant de la rue Mont-

martre, souvent en proie à des crises d'alcoolisme. Ce jeune

homme se livrait alors à toutes sortes d'excentricités ; trois fois

déjà il avait dû être interné à l'asile d'aliénés de Clermont.

Hier matin, deux agents de cet établissement se présentaient à

l'hôtel et demandaient à parler à M. C... Mis en présence de

celui-ci, ils lui présentèrent une lettre de son père réclamant son

internement et un certificat de médecin justifiant l'utilité de la

mesure réclamée.

A la vue de ces pièces, le jeune homme entra dans une violente

colère, poussant des cris, se débattant et refusant de suivre les

deux agents. Ceux-ci alors réclamèrent l'intervention de deux gar-

diens de la paix qui, sur le vu des pièces, vinrent leur prêter

main-forte. M. C... fut alors emmené; hier soir il a été dirigé sur

Clermont.

- Une femme de quarante-quatre ans, nommée Henriette Faldein,

174 FAITS DIVERS.

dite 4'Pbéo D, originaire de Genève, demeurant 7, rue d'Aus-

terlitz, vivant avec un ouvrier nommé Jules B..., avait pris depuis

fort longtemps la mauvaise habitude de boire plus que de raison.

Avant-hier soir encore. elle fut trouvée ivre-morte dans la

rue par une de ses. amies, nommée Berthe M..., qui la ramena à

- son domicile.

Hier matin, après le départ de B..., une voisine pénétrant dans la

chambre où dormait Henriette Faldein la trouva morte, baignant

dans une mare de sang. Elle alla aussitôt prévenir le commis-

saire de police qui lança immédiatement, à la poursuite de celui

que l'on considérait déjà comme l'assassin, deux agents de la

Sûreté. Arrêté au sortir de son atelier, il fut amené devant le

commissaire de police, à qui il jura ne s'être point livré sur sa

maîtresse à des actes de violence. Néanmoins, malgré ses dénéga-

tions, il allait être envoyé au Dépôt, en attendant qu'on statuât

sur son cas, lorsque M-c Berthe M..., qui avait appris ce qui se

passait, vint relater à ce magistrat dans quel état elle avait trouvé,

la veille, la défunte. Un médecin aussitôt mandé, ayant examiné

le corps de la malheureuse, reconnut alors que la mort avait été

provoquée par une congestion cérébrale. (Le Soleil du 14 décembre

1898.) Voici encore un cas dans lequel on ne semble pas avoir

appliqué la loi sur l'ivresse.

Deux enfants tués par l'alcool.

Dans un numéro du commencement de janvier, le Petit

Parisien a publié une dépêche de Rouen, ainsi conçue :

Pendant que les époux Delestre, domestiques de la ferme de

M. Lepicard, à Saint-Wandrille-Rancon, vaquaient à leurs occupa-

tions, leurs trois enfants, restés seuls à la maison, un garçon de

cinq ans, un autre de quatre ans et une fillette de trois ans, s'em-

parèrent d'une bouteille d'eau-de-vie et d'une bouteille de rhum.

Les deux garçons en burent une partie et moururent peu de temps

après, malgré les soins qui leur furent prodigués. La fillette n'avait

pas voulu boire. On ne s'explique pas l'acte de ces enfants qui ne

buvaient jamais de liquides alcooliques. (Janvier 1899.)

FAITS DIVERS.

Asiles d'aliénés. Nominations et promotions : Par arrêtés des

mois d'octobre et novembre 1898 ont été nommés : M. LEmcu,

FAITS DIVERS. 175

conseiller de préfecture honoraire de la Seine, directeur de l'asile

de Saint-Méens. près Rennes ; M. le D' DUP.11N, médecin adjoint

à l'asile d'Alençon, médecin en chef à l'asile de Saint-Méens;

M. le Dr Fessières, médecin directeur de l'asile de Saiat-Alban,

directeur médecin de l'asile d'Évreux ; M. le De Nicolan, direc-

teur médecin de l'asile d'Auch, médecin en 'chef de l'asile de

Cadillac; - AI. le Dr Coucou, médecin adjoint à l'asile Sainte-

Gemmes, médecin adjoint à l'asile d'Alençon; M. le Dr Papillon,

médecin adjoint à l'asile de Montdevergues; M. le D" Mahon,

médecin adjoint à l'asile Sainte-Cemmes; M. le Dl' BOURDIÇ,

médecin adjoint à l'asile de la Charité ; M. le De BaRUIC, médecin

adjoint à l'asile de Condillac a été élevé à la première classe;

ai. le Dr CHEV.1LIER-LAVlOx, médecin adjoint à l'asile d'Aix a été

nommé médecin directeur de l'asile d'Auch; ilf. le Dr Charon,

médecin adjoint à l'asile de Bailleul a été nommé médecin directeur

de l'asile de Saint-Alban ; M. le Dr Bonnet, médecin en chef de

l'asile de Saint-Robert; M. le Dr \Io\GT1ER, médecin adjoint à

l'asile de Lafond, est nommé médecin adjoint à l'asile de Montde-

vergues ; ont été élevés : à la classe exceptionnelle : M. le Dr Paris,

médecin en chef à l'asile de Maréviile ; à la 1 ? classe : M. le

1)' Bran, médecin en chef à l'asile de Bron ; à la 2e classe : mé-

decin directeur de l'asile de Pau ; à la 1 ? classe : M. le De Marie,

médecin en chef, chargé de la direction de la colonie de Dun-sur-

Auron ; 11. le Dr Malfilatre, directeur médecin de l'asile de Saint-

Lizier ; AL le Dr Nicolau, médecin en chef de l'asile de Cadillac ;

à la classe exceptionnelle : Ai. le De Dubourdieu, médecin adjoint à

l'asile de Pau.

Un assassin DE seize ANS. On télégraphie de Reims : La cour

d'assises de la Marne avait à juger hier un garçon de seize ans,

nommé Justin, qui, le 15 juin dernier, rencontrant dans les champs

la veuve Lettrée, âgée de soixante-trois ans, débitante de boissons

à Saint-Martin-aux-Champs (Marne), l'assassina à coups de fau-

cille. On n'a pu établir le mobile auquel avait obéi ce jeune gre-

din. Justin a été condamné aux travaux forcés à perpétuité. (Le

Temps, du 26 novembre 1898.)

L'enterrement d'un buveur. On mande du Mans qu'un enterre-

ment peu banal vient d'avoir lieu a Montbizot, une petite commune

de la Sarthe. Un vieux disciple de Bacchus, le « père Gervais »,

décédé le verre en main, était conduit à sa demeure dernière. Pour

obéir à une volonté que ce buveur invétéré avait exprimée en pré-

sence de nombreux témoins, le cortège s'est arrêté, avant d'entrer

au cimetière, au hameau des Forges. Le cercueil a été déposé sur

deux chaises. On a placé sur le drap mortuaire plusieurs rangées

de verres pleins d'eau-de-vie. Et porteurs, parents, amis, invités

176 bulletin bibliographique.

ont bu et trinqué à la mémoire du défunt. La cérémonie mortuaire

s'est ensuite terminée sans nouveaux incidents. (Le Temps du

27 janvier 1899.) '

BAROxo'<i(R.).T/o'MHtomMe/tes ? f/tfp'eecMeteKM.

Brochure in-8° de 30 pages. Nocera Inferiore. 1898. Tipografia del

Manicomio.

Danien (G.). Orthopédie mentale. Enfants arriérés. Brochure

in-8" de 20 pages. Bruxelles, 1898. - Librairie H. Lamertin.

DiiÉnÉ (c.) Recherches sur la variation des centres nerveux en

fonction de la taille. Volume iu-8° de 68 pages, avec une planche

hors texte. Paris, 1898. Librairie Jonn et Boyer.

FARAur.ur (P.). Contribution u l'élude de la physionomie chez les

aliénés. Volume in-8° de 9à pages. Paris, 189S. Imprimerie Mare-

theux.

7'' ? /'</t Animal Report of the Board, of Managers of Craig Colony to

the btate board of choritics, Volume in-8° de 96 pages, avec planches

hors texte. - Buffalo, 1898. The Matthews Northrup C°.

Fifty-firsl arzzzual report of Ilie trustées of the Dlassacleusselfs School

for the feeble-nxinclecl at Wattham for thé year cuding september 30,1898.

Brochure in,8- de 39 pages. Boston, 1899. Wright and Potter

printing C°.

7''or<)/ eiglit Annual Report, of the Managers of the Syracuse State

Institution tbr Feebie-Miuded Children, for ttie year, 1898. Volume

in-18 de 98 pages, avec planches. New-York and Albany, 1898.

Wynkoop flallenbeek Crawford C".

f'UN.11OLI (P.). Cozrlributo alto studio délia microcefalia pM ? 'a.

Brochure in-8° de 24 pagres, avec 6 planches hors texte. Siena, 1898.

Nava AU' Inse-tia dell'Ancora.

Jahresbricht über die Leislrrngen und Fortschritte aiif den gebiale

der Neurologie 2111(l Psychiatrie (1°'Jahrgang, 1897).-Volume in-8" de

1.568 pages. -Berlin, 1898. Verla- von S. Karger.

ICllLL.1 (Th.) et Dardel (AL). - Des soins à donner aux êpilepliques

(instructions pour les garde-malades). Brochure in-8° de 23 pages.

Neuchatel, 1898. Imprimerie Delachaux et Nicollé.

Leclercq (J.). Les traitements actuels du tabès. Volume in-8° de

216 passes, avec 13;) figures. - Prix : 6 francs. Paris, 1898. Librairie

J.-B. Baillière et (ils.

MARRO (N.). La cura (tel delirio aculo colle lavalure 7aslrichc. -

Brochure in-8° de 10 pages. Torino, 1898. Tipografia Spandre et

Lazzari.

Le rédacteur- gérant, Bouhneville.

livres, Cil. Hérissey, imp. 299.

Vol. VII. Mars 1899. ? 39

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

LA TOXICITÉ DU SANG DANS L'ÉPILEPSIE;

Par le Dl P. COLOLI : 1\T, ·

Ancien interne des Asiles de la Seine.

Le complexas symptomatique de l'épilepsie, parait résul-

ter, d'une part, d'une maladie-de l'écorce cérébrale, hérédi-

taire' ou individuelle, d'autre part, de causes occasion-

nelles. Parmi ces causes dernières, on a noté, de tout temps,

les intoxications diverses, l'alcoolisme-, le saturnisme (Mar-

tin Solon, Tanquerel des Planches, Leuret, Grisolle, Nivet,

Bernard de Montessus). Mais l'observation démontre que bon

nombre de sujets, d'apparence indemnes de toute intoxica-

tion externe, ont des attaques épileptiques très fréquentes ;

et en effet, pas d'alcoolisme chez eux, pas de saturnisme, ni

autre cause provocatrice d'attaques. Les recherches de ces

' Desilles. N'olice sur l'épilepsie considérée sous le rapport de l'héré-

(lité, th. de Montpellier, 1855. Fdville. Recherches cliniques et sialis-

tiques sur la transmission héréditaire de l'épilepsie (Ann. mégi. psych.,

1868, t. Xi, p. 203). Dusart. Hérédité de l'épilepsie, 1865. Dmvnd.

De la transmission héréditaire de l'épilepsie (Ann. iiiétl. psycb., 1878,

t. XII, p. 279). Féré. Les épilepsies el les épileptiques', 1890, p.'2t0.

- J. Voisin. L'épilepsie, 1897, p. 6. Bouchot et Cazanvielh. De l'épilepsie

considérée dans ses rapports avec l'aliénation mentale (Ar. gêné.,

liée. 1825 et janv. 1826). J. Moreau. De l'étiologie de l'épilepsie.

(Mém. Ac. de mé ? t. XVIII, 185t.)

* Motet. Considérations générales sur l'alcoolisme, th. de Paris 1859.

Marce. Note sur l'action toxique clé'l'es's. d'absinthe (C. R. A. des

Se., 1864). Magnan. Recherches sur les centres nerveux, 1876, p. 73.

Guillemin. Elude sur l'épilepsie alcoolique, 1877. - , ' ' - - -

Archives, 2° série, t. VU. 12

178 physiologie pathologique.

derniers temps, physiologiques et cliniques, démontrent

pourtant qu'une intoxication existe, et paraît être la cause

quoique secondaire mais réelle de l'attaque. Ce sont les subs-

tances toxiques, produites journellement dans l'organisme,

et mal éliminées-en raison des anomalies des échanges nutri-

tifs, qui remplissent le rôle de l'intoxication externe, en

excitant l'écorce cérébrale prédisposée et provoquant

l'attaque.

Il y a longtemps déjà qu'on a recherché cette toxicité chez

les épileptiques. Dès '1854, Seyfert signale la présence de

l'albumine en abondance dans l'urine de quelques épilep-

tiques, après l'attaque. Bazin 2 trouve qu'elle est fréquente

surtout après les grandes crises. Iluppert 3, de Witt 4, Nothna-

gel °, Furstner6, Rabow7, Otto 8, Fiori9, Klendgeu10, Ilallar-

ger", I>tieliter 12, labille 11, Karrer1* à l'étranger et Chris-

tian15, Mabille 16, Bowett17, enfin surtout MM. Jules Voisin et

Pérot18 en France, ont fait des recherches sur l'albumine

des urines des épileptiques. D'après MM. Voisin et Péron,

l'abuminurie post-paroxystique existe dans la moitié des

cas, surtout dans l'état de mal.

1 Seyfert. Dublin quarterly Journal, 1854.

8 Bazin. Thèse de Paris, 1861.

3 Iluppert. YVirchow's Arclz., Bd LIX, et Arch. sur P8ych., Bd VII.

* De Witt. Albit ? zinaî,ia as Io syi)2pt. ofepilepsia paroxysm (the

American Journal of 2)zed., avril 1875).

Notliiiacel. Zieinsseit 77a ? : &t<c/t, art. Epilepsia.

° Furstner. 4 ? -c/t. für Psych., Bd VI.

7 Rabow. Arch. sur Psych., Bd Vit.

8 Otto. Beolin, IClin. IVoch., 1875.

9 Fiori. Italia A/e : ca, 1881.

10 Klendgen. Arch. /M7' Psych. Bd XI, 1881.

41 Hallarger. Post. epilep. albuminuria (Nord Med. ark. Stoekolm;

1889).

'q Richter. Arch. sur Psych. Bd XI.

" Rabeneau. Arch. sur Psych. Bd XII.

" Karrer. Berlin. Klinisch. Illock., 1875.

40 Christian. Gaz. ined., Paiis, 1881.

40 Mabille. Aztales neclico ? scla., 1880.

" Bowell. Thèse de Paris, 1877. ,

49 J. Voisin et Péron. De l'albuminurie post-pai-oxystiqtie, Arch. de

Neurologie, n° 69, 1890.

LA TOXICITÉ DU SANG DANS L'ÉPILEPSIE. 179

Puis on s'est occupé de la toxicité proprement dite des épi-

leptiques. Parmi ceux qui se sont livrés à ces recherches

citons MM. Denys et Chouppe, Féré, et ces temps derniers

MM. Voisin et Petit 1, Maire et Bosc 2, Mairet et Vires',

D'après M. Voisin et son élève, il y a hypotoxicité urinaire

avant et pendant les accès, et hypertosicité à la suite des

accès, donc élimination des toxines après ces accès. Pour

MM. Mairet et Vires, il existe un stigmate permanent dans

la névrose, en dehors de toute attaque : l'hypotoxicité uri-

naire, qu'il s'agisse d'épilepsie convulsive ou d'épilepsie

larvée. On peut même s'en servir, ajoutent-ils, pour diagnos-

tiquer la névrose-épilepsie dans nombre de cas, ainsi que

pour étudier, avec un critérium nouveau, l'épilepsie larvée.

Ces résultats ont encouragé à poursuivre les recherches sur

la toxicité des différents milieux épileptiques.

Le sang, le sérum sanguin des épileptiques ont été égale-

ment étudiés. MM. Voisin et Petit ont fait l'examen bactério-

logique du sang, et se sont demandés si, en dehors de l'auto-

intoxication, il ne fallait pas incriminer les produits solubles

des staphilocoques qui , insuffisamment éliminés, s'accu-

mulent dans le sang et y déterminent des altérations £ .

D'autres auteurs ont poussé leurs recherches dans une

autre voie. Chevalier Lavaure, Régis, Massiou, ont reconnu

l'hypertoxicité du sérum sanguin, dans les névroses paroxys-

tiques, la crise épileptique, les convulsions.

Tout dernièrement, MM. Mairet et Vires 3, dans une com-

munication à la Société de biologie, ont donné le résultat de

leurs expériences, d'après lesquelles le sérum sanguin des

épileptiques paraît être moins toxique que celui de l'homme

sain. C'est dans le but de rechercher cette toxicité que nous

avions entrepris ces quelques expériences, déjà en 1896, dans

le service de M. Briand, à l'asile de Villejuif.

' Archives de Neurologie. De l'intoxication dans l'épilepsie (nos 98 à

102), 1893.

° Mairet et Bosc. Recherches sur la toxicité de l'urine des épilep-

tiques. Soc. de biol., 1895, et Arch. de physiologie, 1896, n- 2. - Re-

cherches sur la toxicité de l'urine normale el palhol., 1891.

' Mairet et Vires. Un stigmate permanent de l'épilepsie. (Bull. méd.,

1897, p. 83.)

4 Jules Voisin. L'épilepsie, 1897, p. 149.

àlairet et Vires. Note sur la toxicité du sérum sanguin des épilep-

tiques, Soc. de biol., 25 juin 1898.

180 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

Nous ne nous sommes pas bornés à chercher la toxicité du

sérum dans l'intervalle des attaques, mais aussi avant, pen-

dant et immédiatement après. De cette façon seule, on peut

se rendre compte de la toxicité du sérum sanguin des épilep-

tiques.

Nos expériences, faites avant la communication de IIJI. Mai-

ret et Vires, ne s'accordent pas avec les leurs. Ces auteurs

trouvent une toxicité moindre du sérum sanguin chez l'épi-

leptique que chez l'homme sain. Nous avons au contraire

constaté que cette toxicité paraît toujours supérieure à celle

de l'individu bien portant.

Nos expériences étaient simples . Elles consistaient à

prendre du sang d'un épileptique, à laisser reposer ce sang

vingt-quatre heures afin d'obtenir du sérum, que nous injec-

tions à de jeunes animaux.

- Nous avons en premier lieu choisi la souris dont le poids

varie de 12 à 18-20 grammes. Mais les observations étaient

très délicates, on ne pouvait rechercher l'état des pupilles ni

prendre la température, et surtout l'injection était sous-cutanée,

l'action lente. Aussi avons-nous préféré de jeunes lapins.

Disons immédiatement que l'antisepsie et l'asepsie la plus

rigoureuse ont été mises en pratique : les parties d'où l'on

devait recueillir le sang étaient lavées et aseptisées avec

soin ; le flacon contenant le sang, était bouché par un petit

tampon de ouate hydrophile aseptique et conservé dans un

endroit frais.

Nous prenions d'abord le sang directement dans les veines

au moyen d'une seringue ; puis, craignant des embolies,

nous avons essayé de recueillir le sang au moyen de ven-

touses scarifiées : ce système présentait encore plusieurs

inconvénients. Nous nous sommes enfin trouvé satisfait de la

piqûre du doigt. On fait une légère incision à la partie

externe du petit doigt, une incision de 1 centimètre, et l'on

met un flacon à large embouchure au-dessous du doigt. Le

sang coule lentement.

Ce sang est poisseux, noirâtre et se coagule très facilement,

surtout à la suite de l'état de mal. Cette particularité avait

été remarquée par les auteurs, elle est bien semblable à la mo-

dification du sang qu'on observe dans diverses intoxications

ou infections. Pendant qu'on recueille le sang, il faut de

temps en temps, avec la pointe du bislouri, faire tomber les

LA TOXICITÉ DU SANG DANS L'ÉPILEPSIE. 181

caillots qui se forment dans la plaie, et au besoin même

l'approfondir.

Au bout de dix, quinze, vingt minutes, on obtient suffi-

samment de sang, ou du moins nous en avons assez obtenu

pour nos expériences. Nous passons maintenant à ces expé-

riences.

I. - La toxicité sanguine chez l'homme normal.

Après les expériences si concluantes du professeur Bou-

chard, il ne nous reste rien à dire ; néanmoins nous avons

expérimenté chez l'homme sain, afin de comparer la toxicité

du sang chez le sujet bien portant et chez l'épileptique, par

des expériences faites dans les mêmes conditions. Nous

n'avons pas poussé nos expériences jusqu'à la mort de l'ani-

mal ; nous voulions simplement savoir si les mêmes quan-

tités de sérum d'épileptique et d'homme sain avaient le

même degré de toxicité. Dans les quelques expériences que

nous résumons ici, nous voyons que z, 6, 7 ce. de sérum

sanguin sont absolument inoffensifs quand ce sérum pro-

vient d'hommes sains, tandis que des quantités moindres de

sérum sanguin d'épileptiques (comme nous le verrons plus

loin) suffisent pour tuer un kilog d'animal.

Expérience I. 21 août, lapin de 525 gr., sérum 5 ce. négatif.

Expérience Il. - 29 août, lapin 738 gr., sérum 6 ce. négatif.

Expérience III. - 30 août, lapin 640 gr., sérum '7 ce. négatif.

Dans la communication de MM. Mairet et Vires, nous voyons

que le coefficient toxique pour déterminer la mort d'un lcilog.

d'animal avec du sérum sanguin d'homme sain est de 15 ce.

Nous étions donc bien au-dessous.

II. La toxicité du sang des épileptiques

pendant l'intervalle des attaques.

Expérience IV. Le 21 avril, '1 ce. de sérum sanguin d'épilep-

tique, est injecté à une souris de 12 gr. Souris morte.

Expérience V. 25 avril, 1 ce. de sérum sanguin d'épilep-

tique, injecté à souris de 15 grammes. Survie.

Expérience VI. 25 avril, 1 ce. de sérum sanguin d'épileptique.

injecté à souris de 17 gr. 50. Survie.

Expérience VII. 15 mai, 1 ce. 1/2 de sérum sanguin d'épilep-

tique, injecté à souris de 13 gr. Très malade, survie.

182 ) PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

ExrÉniEXCE VIII. 21 mai, 1 ce. 1/2 de sérum sanguin d'épi-

leptique, injecté à souris de 15 gr. Survie.

D'après ces expériences, le sang des épileptiques parait

peu toxique dans l'intervalle des attaques, c'est-à-dire les

malades n'ayant pas eu d'attaques au moins douze heures

avant et après l'expérience. Néanmoins il existe une toxicité,

puisque, dans un cas, le sérum sanguin d'épileptique a provo-

qué la mort dans des convulsions, et dans un autre cas, un

grand malaise qui a duré plusieurs heures de suite, avec des

secousses convulsives des quatre membres. Dans l'expérience

ci-dessous, nous ne trouvons pas non plus une forte toxicité

au sang d'epileptique.

Expérience IX. 3 août, lapin 555 gr. sérum sanguin d'épilep-

tique, 4 ce. Survie.

Quelle est donc la toxicité vraie du sérum sanguin de

l'épileptique pendant l'intervalle des attaques, Nos expé-

riences très peu suffisantes ne nous le disent pas. Le sang

de l'épileptique paraît toxique, mais nous ignorons encore

à quelle dose il peut tuer un kilog. d'animal.

III. La toxicité du sang immédiatement

avant l'attaque ep<7e ? Me.

Expérience X. 11 avril, 3 h. 20 du soir. Sérum recueilli une

demi-heure avant une attaque épileptique, injecté à souris de 1j gr.

L'injection est sous-cutanée, au-devant des deux membres posté-

rieurs. La quantité est 1 ce.

Dix minutes après, la souris a brusquement des secousses épi-

leptiformes dans les quatre membres ; ces secousses durent à

peine une minute; les membres postérieurs sont anesthésiés.

L'animal ferme les yeux; ralentissement de la respiration avec

arrêt momentané. Un peu plus tard (à 3 h. 50), la respiration est

irrégulière, la souris est paralysée du coté gauche (hémiparésie

gauche), puis elle tombe avec quelques secousses dans les

membres, elle reste étendue sur l'abdomen, la tête sur le plancher,

les yeux fermés. Elle demeure dans cet état comateux pendant

longtemps. Quand nous la quittons (a 5 h. 1/2), elle est toujours

dans la même position. Elle est morte dans la nuit du 11 au

12 avril.

L'autopsie ne nous a rien donné. D'ailleurs l'exiguïté de l'animal

rendait difficile toute recherche cadavérique.

LA TOXICITÉ DU SANG DANS L'ÉPILEPSIE. 183

Expérience Il 23 mai, 2 heures du soir. Sérum sanguin pris

quarante-cinq minutes avant une attaque de très courte durée.

Injection de 3 ce. de ce sérum à un lapin de 880 gr.

Au début de l'injection la température rectale du lapin est

de 39 ? 5 minutes après, accélération respiratoire ; la contrac-

tion pupillaire commence 15 minutes après ; myosis à 2 h. 1/2. La

respiration se ralentit; un peu plus tard elle devient irrégulière

avec des arrêts momentanés. La température est descendue à 3G°6'.

Pas de convulsions. Le lendemain l'animal se porte bien.

Nous n'avons que ces deux cas, et nous ne pouvons dire,

en outre, que le sang fût immédiatement d'avant l'attaque.

Nos deux malades avaient eu des attaques seulement une

demi-heure et quarante-cinq minutes après la piqûre.

On ne peut donc pas considérer nos expériences comme

précédant immédiatement l'attaque. Pourtant ce sang paraît

assez toxique, plus toxique que chez l'homme bien portant,

plus toxique que chez les épileptiques dans l'intervalle des

attaques. Il a suffi, en effet, d'un ce. de sérum pour tuer

une souris de 15 grammes et de 3 ce. pour abaisser la

température d'un lapin de 880 grammes, faire contracter

ses pupilles et irrégulariser sa respiration.

Quant à la toxicité du sang ait moment même de l'attaque,

nous ne la connaissons pas. Les attaques épileptiques sont

de courte durée et l'on arrive toujours trop tard auprès du

malade.

IV. Toxicité du sang immédiatement

après l'attaque épileplique.

Expérience XII. 29 avril. 1 ce. sérum du sang recueilli une

heure après une attaque épileptique, injecté à souris de 17 gr.

Grand malaise, secousses convulsives. Survie.

Expérience XIII. 5 mai. 1 ce. 1/2 du sérum sanguin recueilli

2 heures après une attaque épileptique, injecté à souris de 20 gr.

Malaise, torpeur, secousses dans les membres. Survie.

Expérience XIV. La malade E... a eu une attaque épileptique

le 20 mai. Vingt minutes après la crise nous avons pris du sang.

L'injection du sérum, 4 ce, a été faite le 21 mai à 4 heures,

dans la veine auriculaire d'un lapin de 782 gr.

La température rectale du lapin avant l'injection était de 3906'.

Au début de l'injection elle est descendue à 39°3'. Dix minutes

après l'injection la contraction pupillaire commence. Perte des

réflexes palpébraux et cornéens une demi-heure après. Quelques

184 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

convulsions très courtes dans les membres à 4 h. 50'. Grande

faiblesse après ces convulsions. Température 36°5'. Anesthésie des

quatre membres. Somnolence. A 5 heures, le lapin reste flasque

la respiration est lente, irrégulière, la température baisse toujours,

340,5. Myosis, nystagmus.

Mort à 7 heures (3 heures après l'injection) dans le coma : A eu

des convulsions généralisées avant la mort. A ce moment la tem-

rature est à 38°9'. Le coeur continue à battre pendant quelque

temps après l'arrêt de la respiration.

A l'autopsie pas d'embolie.

Expérience XV. La malade le,... a eu une attaque le 3 juin, à

4 heures de l'après-midi. Dix minutes après l'attaque nous prenons

le sang.

Le 4 juin, à 5 heures, nous injectons 5 ce. du sérum dans la

veine auriculaire d'un lapin de 902 gr.

La température rectale du lapin avant l'expérience était 39°.

Immédiatement après l'injection nous n'observons rien d'anormal.

Dix minutes plus tard la respiration ralentit, les pupilles se coin-

tractent, l'animal ne semble pas à son aise, il ne bouge plus.

A 5 heures et demie, au moment d'introduire le thermomètre, le

lapin s'arrête une seconde, hébété, les pattes de devant fléchissant,

et il tombe; la respiration se ralentit considérablement, la tempé-

rature atteint en ce moment 36°5. Myosis. L'animal s'affaisse tout

à fait, et soudain les quatre membres sont agités par des convul-

sions cloniques et toniques. La tête est renversée, tout le corps

fait un demi-cercle. Les convulsions durent une minute ; pendant

cette attaque la température remonte à 39, et la respiration s'arrête.

Deux à trois minutes après, une seconde attaque de convulsions

épileptiformes qui n'a pas duré plus d'une minute. Tempéra-

ture : 39°5'. Une troisième attaque, plus forte et plus longue est

survenue quelques minutes plus tard, et le lapin est mort à G h. 1/4.

Avant la mort, il a lancé quelques cris très aigus. Le coeur continue

à battre encore quelques secondes après l'arrêt de la respiration.

L'autopsie a été faite le lendemain matin. Elle ne nous a rien

révélé : pas la moindre embolie dans le coeur ou dans les vaisseaux.

Légère congestion des méninges et du cerveau. Congestion des

deux poumons.

ExpERiEKCEXVI.La malade F... a eu un vertige le 7 septembre,

à 5 h. 20 du soir. Nous avons le sang 15 minutes après le vertige.

Le 8 septembre, à 5 heures, nous injectons 4 ce. 1/2 du sérum

clair, jaunâtre dans la veine auriculaire d'un lapin de î25 gr. -

Au début de l'expérience la température du lapin était 39°,1;

treize minutes après l'injection, le lapin a subitement des convul-

sions cloniques et toniques dans les quatre membres, la respiration

s'arrête, le coeur bat très vite. Cette attaque épileptiforme dure

LA TOXICITÉ DU SANG DANS L'ÉPILEPSIE. 1 8o

quelques secondes ; immédiatement après l'attaque, la température

était à 39°6 ; elle descend lentement ensuite.

Le lapin est alors tout à l'ait affaissé, il est dans le coma, reste

étendu sur le flanc gauche, les paupières fermées; la peau est

complètement anesthésiée. Les pupilles sont contractées, égales ;

les globes oculaires sont retournés en dedans et en haut. Ralentis-

sement considérable de la respiration avec un arrêt momentané.

Température 34°8.

Cet état comateux a duré 1 h. t/2. Pendant tout le temps la

température s'est maintenue à 345, mais vers 6 h. 1 ? F, elle

s'est relevée lentement, et dès ce moment la respiration s'est légè-

rement accélérée. A 7 heures moins le quart, la sensibilité se

réveille et le lapin se tient sur ses pattes.

Nous l'avons quitté à 7 heures, la température était à 3801', la

respiration était normale, les pupilles restaient toujours un peu

contractées.

Le lendemain le lapin vivait encore, mais semblait un peu

malade. Le surlendemain il se portait bien.

Expérience XVII. Le malade K... a eu une attaque de courte

durée à 5 heures moins 20 (24 septembre).

Le lendemain, à 4 heures, nous injectons le sérum recueilli la

veille vingt minutes après l'attaque.

Quantité du sérum : 3 ce. Poids du lapin : 495. Tempéra-

ture : 38°9. Dix minutes après l'injection, contraction des pupilles,

ralentissement de la respiration. Somnolence. La température

s'abaisse : 36°4.

Vingt-cinq minutes après, le lapin a quelques secousses convul-

sives très courtes ; il ne peut plus se tenir sur son train postérieur

dont la peau est anesthésiée. La température descend jusqu'à 33°,

et le lapin tombe dans le coma; il reste étendu sur le flanc, les

pattes allongées, la tête entre les pattes antérieures, les paupières

closes. La respiration est lente.

Nous le quittons à 7 h. 1/2 dans cet état. Il est mort dans la

nuit. Autopsie faite le 26 septembre. Pas d'embolie ni au coeur, ni

aux poumons.

Quelques considérations sur ces expériences nous semblent

nécessaires.

Les deux premières (XII et XIII) sur les souris ne prouvent

qu'une légère toxicité du sang épileptique après la crise.

Et ce sang a été recueilli une a deux heures après l'attaque.

Le résultat des autres expériences est plus satisfaisant,

plus concluant. Le sang recueilli de dix à vingt minutes

après l'attaque est toxique puisque 5 ce. de sérum, réus-

'186 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

sisent à intoxiquer un lapin de 900 grammes, à provoquer

des convulsions et la mort (exp. XIII).

Ainsi, d'après ces quelques expériences, le sang des épi-

leptiques paraît toxique. Et c'est ici que nous ne sommes

pas d'accord avec MM. Mairet et Vires. Dans notre expé-

rience VIII, 2 ce. du sérum sanguin ont suffi pour donner des

malaises, des signes d'intoxication à un lapin de 880 gram.,

tandis que 6 et 7 ce. du sérum sanguin d'un individu bien

portant n'ont absolument rien provoqué.

Le sang des épileptiques paraît donc plus toxique en géné-

ral, même chez ceux qui n'ont pas eu d'attaque depuis plu-

sieurs heures, toxique avant l'attaque, mais surtout toxique

après l'attaque.

Dans les expériences faites immédiatement après l'attaque,

nous trouvons une toxicité bien plus élevée, puisqu'il faut

4 ce. pour tuer un animal de 782 grammes (exp. XIV), 5 ce.

pour 902 (exp. XV), 4, 5 ce. pour 925 (exp. XVI), 3 ce.

pour 495.

Il faut donc pour tuer un kilog. d'animal :

LA TOXICITÉ DU SANG DANS L'ÉPILEPSIE. 187

D'autre part, le professeur Depaul invoque la congestion

cérébrale, la lésion rénale et l'altération du sang pour expli-

quer l'éclampsie puerpérale. M. Delors (de Lyon) pense

également qu'il existe des toxines bactériennes qui ne peuvent

s'éliminer par les reins atteints, d'où accumulation de toxi-

cité dans le sang. MM. Doleris 3 et Blanc 3 ont pu isoler des

microbes dans des cultures d'urine. Eux aussi concluent à

l'intoxication.

PourHermannde Berlin', l'origine infectieuse de l'éclamp-

sie puerpérale n'est pas douteuse. M. Hergott (de Nancy) "

admet deux ordres de causes à l'éclampsie de la grossesse :

- 10 l'auto-intoxication ; 2° l'hétéro-intoxication due aux poi-

sons microbiens. >-

La présence des toxines dans l'éclampsie puerpérale ne

fait pas de doute aujourd'hui. Il y a donc une toxicité pro-

duite soit par des microbes, soit par le ralentissement des

échanges nutritifs ; puis, stase et augmentation de cette toxi-

cité en raison de l'altération des filtres rénal et hépatique.

Voilà donc une affection convulsive, que plusieurs auteurs

ont rapproché de l'épilepsie, dont on a dit même qu'elle

était de l'épilepsie aiguë (Vogel, Jacquemier s) ; voilà donc

une affection épilepliforme qui a, pour cause occasionnelle

du moins, l'intoxication. Et nous venons de voir que l'intoxi-

cation existe également dans l'épilepsie. Nous y trouvons la

même production de toxines dans l'éclampsie comme dans

l'épilepsie, il y a donc une toxicité.

Que se passe-t-il alors dans l'un et l'autre cas ? La présence

des toxines dans l'organisme fait-elle à elle seule éclater

l'attaque ? Evidemment non. Il faut qu'il existe surtout et avant

tout une prédisposition cérébrale, sur laquelle M. le professeur

Jotiroy a si souvent insisté dans ses leçons et travaux. C'est

par cette prédisposition qu'on peut expliquer l'épilepsie

expérimentale. Ainsi pourquoi la même dose de furfurol 7

' Delore. Congrès cleBlois, septembre 1881.

s Doléris. Société de Biologie, 1885 et 1886.

3 Blanc. Arch. de toxicologie, 1889.

' Xeumann. Société de médecine de Berlin, janvier 1892.

B Hergott. Gaz. hebdomadaire de met. et de chic, 1893.

° Jacquemier. Manuel d'accouchement, 1816, t. II, p. 200.

Joflroy et Ser\'( : aux. fc; : sto'c ! <t0)t de la toxicité du furfurol. (Arch.

e ? ? 2é(i. expérim. el cl'.lnal. pallaol., 1" mars 1896.)

188 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

donne-t-elle chez des lapins ou des chiens de même poids,

ayant l'apparence de conditions identiques, chez les uns

des secousses, des attaques, tandis qu'elle ne produit aucun

trouble chez les autres.

Pourquoi la morphine' dans les mêmes conditions de

dose, de poids, provoque-t-elle ici quelques convulsions iso-

lées, et là de vraies attaques épileptiques avec crise initiale ?

Pourquoi toutes les femmes en couches albuminuriques

n'ont-elles pas de crises éclamptiques ? Parce que, et tou-

jours, il faut qu'il y ait une conformation de l'écorce telle

que des toxines non éliminées suffisent pour exciter les

zones épileptogènes. Telle est aussi l'avis de M. L.-W. Weber

qui conclut, dans une longue étude sur l'épilepsie, qu'ils

faut : 1° une prédisposition héréditaire ; 2° une prédisposi-

tion individuelle, c'est-à-dire des dommages de toute sorte qui

peuvent porter sur le système nerveux central depuis la nais-

sance ; 3° une cause occasionnelle à retours périodiques qui

provoque l'explosion de chaque paroxysme, en irritant

l'écorce cérébrale endommagée par les causes précédentes.

Et il range parmi la prédisposition individiduelle et les

causes occasionnelle, les substances toxiques qui sont pro-

duites périodiquement dans l'organisme par suite des ano-

malies des échanges nutritifs.

1 JofTroy et Serveaux. L'équivalent toxique de la morphine. (li-ch. (le

mécl. expénina. et cl'anat. pallaol., 1"' juillet 1898.)

' L.-W. Weber. Miiiieh med. Vocle., n° 26.

Conséquences DE l'alcoolisme. Depuis deux ans, le nommé

François 'l'assely, luthier à la Couture-Boussey, s'adonnait à

Vivrognerie, et sa femme avait dû quitter le domicile conjugal,

emmenant ses deux enfants. Désespéré de cet abandon, le malheu-

reux s'est tiré, mardi matin, un coup de revolver dans la tempe

droite et s'est fait une blessure à laquelle il a succombé trois jours

après. (Rappel de l'Eure.)

Rue Ordener, à la suite d'une violente discussion, le nommé

André Bret, trente-huit ans, menuisier, étant ivre, a saisi un vase

de nuit, en a frappé sa femme à coups redoublés et lui a fracturé

le crâne. Quand on l'a emmené au poste, la foule l'a frappé et a

déchiré ses vêtements. On n'espère pas sauver la femme tiret.

PATHOLOGIE MENTALE.

DU SENS TACTILE ÉTUDIÉ CHEZ LES MÊMES MALADES

AUX TROIS PÉRIODES DE LA. PARALYSIE GÉNÉRALE ' ; ;

Par le D E. MARANDON DE MONTYEL,

Médecin en chef des asiles publics d'aliénés de la Seine.

Nous avons vu plus haut que les auteurs faisaient jouer un

certain rôle à l'anesthésie et surtout à l'hyperesthésie dans

la genèse des conceptions délirantes, plus particulièrement

des conceptions délirantes génitales. Que nous apportent à

cet égard nos observations ? Des 72 constatations avec affai-

blissement, 21 soit 30 p. 100 seulement coïncidaient avec un

état anormal de la personnalité physique, seulement une

des 28 avec abolition soit 6, 2 p. 100 et 28 des 43 avec exa-

gération, soit 84 p. 100. Il est évident par ces chiffres que

c'est surtout l'hyperesthésie qu'on constate le plus et l'anes-

thésie totale le moins dans les cas de troubles de cette per-

sonnalité ; mais il n'est pas pas moins certain que dans

16 p. 100 des exagérations 70 p. 100 des affaiblissements

et 84 p. 100 des abolitions, celle-ci est normale. D'un autre

côté si nous serrons de plus près la question, nous relevons

dans nos 1.256 constatations 862 altérations expansives de la

personnalité physique et 174 altérations dépressives ; or, des

premières 364 existaient et des secondes 162 avec un état

normal du tact. Ainsi donc, sans conteste, le tact peut être

altéré sans altération corrélative de la personnalité physique,

et réciproquement celle-ci peut être altérée sans altération

corrélative de celui-là. Mais nos observations nous montrent

encore que si nous avons rencontré exclusivement de l'exa-

gération du tact 14 fois, avec un vrai délire de cette person-

nalité, 14 fois aussi quand il n'y avait que de la self-satis-

faction physique, par contre 21 fois nous avons relevé son

' Voir Archives de Neurologie, n° 35, t. VI, 1893, p. 376.

190 PATHOLOGIE MENTALE.

affaiblissement manifeste du sens tactile chez des paralytiques

qui avaient à un haut degré cette sel f-salis faction. De même

si 8 fois nous avons eu l'abolition avec un délire hypochon-

driaque dépressif, 8 fois également nous avons eu l'exagéra-

tion du tact avec ce-même délire.

Il serait bien difficile dans ces conditions de ne pas conclure

que dans l'immense majorité des cas les altérations expan-

sives ou dépressives de la personnalité physique existent

avec un état normal du tact et de ne pas incliner à croire

que, quand celui-ci est altéré, il n'y a peut-être que simple

coïncidence, d'autant plus qu'on trouve l'altération en moins

avec les variétés expansives et l'altération en plus avec les

variétés dépressives. Un seul détail est susceptible d'entraîner

une certaine hésitation, ce sont les 84 p. '100 d'exagération

du tact existant en même temps qu'un trouble de la person-

nalité physique, mais il ne faut pas oublier que cette altéra-

tion est surtout fréquente dans les formes agitées et que dans

celles-là il y a toujours un état anormal de cette personnalité.

D'ailleurs le fait, d'avoir toujours rencontré le tact normal

sous toutes les formes mentales dépressives pures et même

dans les formes mentales mixtes quand elles ne s'accompa-

gnent pas d'agitation, laissait prévoir les présentes constata-

tions.

Les observations que nous pourrions invoquer sont nom-

breuses et concluantes. Bornons-nous à en citer quelques-

unes. C'est ainsi que le tact était normal chez deux paraly-

tiques qui prétendaient, l'un pouvoir renverser d'un coup de

poing une maison de six étages, l'autre porter à bras tendu

durant vingt-quatre heures un poids de 500 kilos tandis qu'il

était exagéré chez d'autres qui n'avaient qu'une bonne opi-

nion de leur santé. Egalement normal le tact chez un para-

lytique qui affirmait ne pas pouvoir tenir dans son lit tant

son corps était devenu énorme et chez un autre qui durant

cinq jours resta immobile, refusant de remuer et répondant

à toutes les questions : je suis mort. Par une étrange contra-

diction, ce dernier indiquait nettement tous les endroits du

corps où nous le touchions, sans doute par suite d'une habi-

tude contractée dans les recherches antérieures. Cette même

normalité du sens tactile, nous l'avons retrouvée même dans

les cas de délire génital, par exemple chez un sujet qui pré-

tendait que le traitement lui avait supprimé la verge et qu'il

LE SENS TACTILE ET LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 191

n'était plus un homme ; il affirmait que son corps miné était

sans force et il réclamait avec instance le système Raspail

pour se restaurer. Egalement chez un second qui avait au

contraire la plus haute opinion de ses organes génitaux et de

sa virilité ; il pouvait, à l'entendre, déflorer cinq cents

vierges au moins par nuit et dans l'état d'érection son gland

était aussi volumineux que la tête du gros chat du quar-

tier.

Est-ce à dire que jamais nous n'avons eu occasion de cons-

tater une altération du tact coïncidant avec une altération

adéquate de la personnalité physique ? Certainement non ;

comme les auteurs que nous avons cités, il nous est arrivé de

trouver le sens tactile exagéré avec un trouble expansif de

cette personnalité, affaibli ou aboli avec un trouble dépres-

sif, mais ce fut l'exception, et étant donnée, je le répète, la

masse énorme de cas où le fait ne s'est pas produit et ceux où

il s'est produit en sens inverse, je me demande s'il ne s'agit

pas de simples coïncidences, non d'un lien de cause à effet.

Voici quelques-uns des cas les plus nets que nous ayons cons-

tatés :

Le tact était un peu exagéré chez un paralytique qui avait

un délire très accusé des forces physiques : il se vantait de

tuer un boeuf d'un seul coup de poing, d'étrangler un lion en

le serrant dans ses bras et de ne pouvoir écrire qu'avec une

queue de billard. Un autre sujet, qui prétendait que tout le

côté gauche de son corps ne lui appartenait pas et se livrait

sur ce côté à des sévices parfois graves, avait le sens tactile

normal sur tout le corps ; ce sens s'exagéra et l'altération

de la personnalité physique disparut pour reparaître quand à

l'exagération succéda l'abolition. Mais nous avons ici la preuve

probable d'une simple coïncidence, permettant d'appliquer

le : ab uno disce omnes. Le trouble de la personnalité était

unilatéral, or l'abolilion du tact siégeait des deux côtés. Je

citerai encore le cas d'un malade qui eut une aberration

étrange, une aberration de poids : il ne pouvait rien supporter

sur lui ; la chemise la plus légère pesait au moins vingt kilos,

affirmait-il. Quand il était habillé, il déclarait ne pas pouvoir

remuer, écrasé par le poids des habits. Le tact resta normal,

puis s'exagéra lors d'une crise d'agitation et alors le malade

n'eut plus cette bizarre sensation qui d'ailleurs ne reparut

plus après le retour du sens tactile à l'état normal.

192 PATHOLOGIE MENTALE.

Que prouvent ces divers faits ? Etablissent-ils une relation

entre les altérations du tact et les altérations de la person-

nalité physique ? J'en doute fort. Sans doute pris isolés, ils

semblent avoir cette signification ; mais si on a la patience

et la constance de-suivre les mêmes malades en assez grand

nombre à toutes les périodes de la maladie, on arrive aux

constatations rapportées plus haut et qui ne permettent guère

d'établir une telle relation.

Serons-nous plus heureux si nous essayons de rapprocher

des altérations du tact non plus les altérations de la person-

nalité physique, mais les sensations subjectives ressenties par

les malades dans la peau, engourdissements, fourmillements,

décharges électriques, pincements, tiraillements ? Nullement.

En effet, quinze de nos sujets chez lesquels le sens tactile a pu

être bien vérifié ont eu ces sensations subjectives et chez un

seul elles ont évolué parallèlement à un affaiblissement de ce

sens. Le paralytique qui fait l'objet de cette unique observa-

tion se plaignait de fourmillements dans les jambes qui dispa-

rurent au sur et à mesure que le tact, très affaibli, revint à

l'état normal. Quelques mois après, retour de l'affaiblissement

et retour des fourmillements qui se généralisèrent par tout

le corps et parurent influencer l'état mental, car le malade

passait une grande partie de la journée à se tâter le corps

en répétant sans cesse et dans le même ordre ces trois mots :

nom de Dieu, merde, empoisonné. Le fait est isolé, car chez

nos 14 autres sujets le tact est resté normal ; 8 avaient des

fourmillements dans les jambes, 3 des pincements et des

tiraillements, 2 des décharges électriques dans la peau, un

dernier la sensation d'une constriction comme si les membres

étaient serrés avec une corde. Des 8 qui eurent le tact normal

avec des fourmillements à la peau, il en est un, je dois

l'avouer, qui les sentit cesser quand survint de l'anesthésie et

c'était sans conteste celui qui ressentit au plus haut degré

cette sensation, laquelle était répandue par tout le corps,

mais plus spécialement localisée aux genoux que le malade

frictionnait durant des heures entières.

La seule concession, en présence de tous ces faits, à

laquelle nous nous résignerions serait d'être éclectique et de

conclure que dans l'immense majorité des cas il n'y a aucun

rapport entre les altérations du tact et les aberrations de la

personnalité physique, ainsi que les sensations subjectives de

LE SENS TACTILE ET LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 193

la peau dans la paralysie générale et qu'un rapport entre ces

choses n'est constaté qu'à litre exceptionnel.

On sait combien est fréquente chez les paralytiques l'ha-

bitude de se dépouiller de leurs habits; il n'y en a guère qui à

un moment ou à un autre de leur maladie on ne soit obligé de

rhabiller plusieurs fois par jour, et qui, si on les abandonne

à eux-mêmes, ne seraient constamment nus. C'est sur-

tout aux périodes intermédiaires de l'affection paralytique

qu'on constate cette bizarre tendance, et le curieux est que

les malades sont presque toujours incapables d'en fournir

l'explication. On dirait qu'ils se déshabillent sans savoir

pourquoi ; même ceux qui sont encore en état de renseigner

ne fournissent sur ce point aucun éclaircissement. A la troi-

sième période, quand ils sont confinés au lit, ce sont les

couvertures et les draps qui les recouvrent que sans cesse ils

jettent à terre, ne gardant souvent même pas leur chemise.

Le tact serait-il altéré dans ces cas ? Dans 208 de nos consta-

tations nous avons noté qu'à ces moments nos sujets ne gar-

daient pas leurs habits; nous laissons de côté, bien entendu.

ceux qui enlèvent leurs vêtements pour les lacérer, ne tenant

compte que de ceux qui se déshabillent uniquement pour se

mettre nus. Malheureusement de ces 208 constatations il n'en

est que 96 qui aient fourni un résultat, quant au tact, 192 fois

il nous a été impossible d'arriver à vérifier avec assez de cer-

titude l'état de ce sens.

Or, nos 9t< résultats se décomposent : 72 normaux, 6 exagé-

rations, 14 affaiblissements et 4 abolitions. Ces chiffres prou-

vent surabondamment, il me semble, que la manie qu'ont

beaucoup de paralytiques de se déshabiller pour se débar-

rasser de leurs vêtements comme si ceux-ci les gênaient ne

dépend pas d'une altération du tact et est due à d'autres

causes.

Que les troubles du tact croissent parallèlement aux

troubles de la motilité, c'est ce qui ressort nettement d'un

tableau précédent, lequel montre l'augmentation progressive

de ces troubles avec le développement de la maladie. Mais

aux deux premières périodes de la paralysie générale, à la

première surtout il existe une grande différence entre l'étal

de la motilité des sujets : les uns ont celle-ci très atteinte,

d'autres ne présentent de ce côté que des désordres modérés,

enfin chez certains l'altération motrice est légère; on trouve

- 21 séiie, '. VII, i : "

19ît Il PATHOLOGIE MENTALE.

même des sujets gâteux, par conséquent à la deuxième

période de l'affection paralytique, avec un minimum de

troubles moteurs. Voyons donc si les altérations du sens

tactile se développent ici encore en raison directe de la moti-

lité, si on trouve pour les deux premières périodes le paral-

lélisme constaté dans l'ensemble de la maladie. Les deux

tableaux qui suivent répondent à cette question par l'affirma-

tive. Certes, dans l'immense majorité des cas nous avons

dans nos constatations trouvé le tact normal à la première et à

la seconde période, non seulement quand les troubles moteurs

sont légers et modérés, mais encore quand ils sont marqués

et excessifs; mais il n'est pas moins certain qu'à ces deux

premières phases les altérations du sens tactile se sont ren-

contrées d'autant plus nombreuses que la motilité était plus

atteinte. Il suffit, en effet, d'un regard sur nos deux tableaux

pour constater la diminution progressive de la normalité du

tact à mesure que les troubles moteurs sont plus accusés et

la marche croissante de l'anormalité avec l'accentuation de

ceux-ci. Il est même remarquable que c'est surtout avec les

troubles moteurs excessifs que l'écart est fortement accentué.

Le fait est surtout frappant à la première période. Si on

envisage les troubles légers et modérés de la motilité à celte

phase, on ne trouve pour les altérations du sens tactile

qu'une différence de 1 p. 100; entre les troubles modérés'et

les troubles marqués l'écart est un peu plus accusé, 2 p. 100;

mais entre les troubles marqués et excessifs on voit cet écart

'élever brusquement à 11 p. 100. A la seconde période les

écarts sont, selon le degré d'altération de la motricité, de

8 p. 100, p. 100 et 7 p. 100.

Ajoutons à cela que c'est seulement à la seconde période

et avec les troubles excessifs de la motilité que nous consta-

tâmes l'abolition tandis que l'exagération se rencontra de

préférence non seulement à la première période, mais encore

chez les paralytiques dont les troubles moteurs n'étaient pas

excessifs. De cet ensemble de constatations il appert nettement,

je crois, que les altérations du sens tactile aux deux premières

périodes de la paralysie générale sont l'apanage des sujets à

troubles moteurs accusés.

Voir nos deux tableaux détachés, ci-contre.

Plusieurs auteurs, avons-nous vu plus haut, seraient assez

disposés à croire que les troubles du tact chez les paralytiques

Première période.

196 PATHOLOGIE MENTALE.

LE SKKS TACTILE ET LA PARALYSIE GENERALE. 197

avec de telles constatations de ne pas reconnaître à la syphilis

el à l'alcool une part tout au moins prépondérante dans le

développement de ces altérations ; je dis prépondérante et

non pas exclusive, car nous avons vu plus haut que les trou-

bles du sens tactile croissent parallèlement aux progrès de

la maladie. Si ces deux éléments écologiques étaient tout,

l'alcool surtout, c'est la marche inverse que nous aurions

trouvée : le maximum des altérations se rencontrerait à la

première période et le minimum à la phase dernière de la

maladie; il est certain que le paralytique général est beau-

coup moins alcoolisé à la troisième période qu'à la période

initiale. J'estime en conséquence qu'il y a pour ce motif une

part à accorder à la maladie.

Notre tableau établit en troisième lieu que dans les consta-

tations opérées on rencontre plus souvent les altérations

du tact chez les paralytiques alcooliques que chez les para-

lytiques syphilitiques : la différence en faveur de ceux-ci est de

"21 p.'100. Ce fait confirme le rôle joué par ces deux éléments,

car on sait la fréquence des troubles du sens tactile chez les

buveurs. En quatrième lieu nous noterons ce fait intéressant

que les altérations en plus sont particulières aux syphilitiques

et les altérations en moins aux alcooliques. En effet, chez les

premiers nous n'avons jamais relevé d'abolition et seulement

un chiffre minime d'affaiblissement tandis que ce sont les

seconds qui ont présenté toutes les abolitions avec 20 p. 100

d'affaiblissement et pas une seule exagération. Un cinquième

et dernier détail auquel on ne s'attendrait pas est l'absence à

peu près complète de troubles du tact chez les paralysés

généraux qui ont à la fois à leur actif la syphilis et l'alcool.

A priori on aurait cru que l'association de ces deux éléments

aurait pour résultat d'accroître le nombre des altérations de

ce sens. Or. dans notre tableau à la colonne consacrée à cette

association il n'y a ni exagéralion ni abolition, mais seule-

ment 4 p. 100 d'affaiblissement. On dirait que ces deux élé-

ments, dont la caractéristique d'altération est opposée, se

neutralisent l'un et l'autre. Ce fait que nous trouvons pour

le tact d'une perturbation en plus chez les paralysés généraux

syphilitiques et en moins chez les paralysés généraux alcoo-

liques a d'ailleurs déjà été signalé pour les réflexes dans cette

maladie'.

' Voir à ce sujet les quatre mémoires que nous avons déjà publiés sur

198 PATHOLOGIE MENTALE.

Il nous reste à nous demander si les altérations du tact

peuvent être de quelque utilité pour reconnaître la maladie

et en prévoir l'évolution, de quelque secours en un mot pour

le diagnostic et le pronostic.

En ce qui concerne le diagnostic, les troubles du sens

tactile que nous venons d'étudier n'apportent pas grande aide,

car ce sont ceux de la maladie confirmée. Il est une seule

altération du tact qui serait réellement utile : c'est celle

signalée par mon oncle, le Dr du Crozant dont nous avons

parlé plus haut et qui permettrait de reconnaître la maladie

avant l'apparition des troubles moteurs.

Mes constatations tendent ensuite à établir que les para-

lysés généraux, dans lesquels on constate à la première

période des troubles du tact, n'auront ni une marche aiguë

ni une longue évolution de leur maladie; il semble que ces

troubles seront l'apanage de ceux dont la maladie est destinée

à évoluer dans les limites habituelles. En effet, nos sujets,

-qui présentèrent à la première période les altérations du

tact relevées dans nos constatations, étaient au nombre de

douze ; or, l'affection paralytique a eu pour deux une durée

d'un an, un an et demi, deux ans et deux ans et demi; et

,pour quatre une durée de trois ans, ce qui donne une

moyenne de deux ans et deux mois environ. Il ne nous a

.pas semblé que la nature des altérations rencontrées com-

portât un élément de pronostic; nous voyons, il est vrai,

'deux malades avec de l'altération en plus survivre trois ans,

mais la même survie est constatée pour deux autres avec de

l'altération en moins, tandis que deux chez qui le tact fut

successivement diminué et exagéré, la durée de la maladie

a été de deux ans et demi. Quant aux six restant, qui, tous,

présentèrent l'altération exclusivement en moins, leur ma-

ladie a évolué en un an, un an et demi et deux ans, chacune

de ces évolutions pour deux d'entre eux.

Tels sont les résultats que nous avons obtenus par une

étude suivie du sens tactile chez les mêmes paralysés géné-

raux du début à la terminaison de la paralysie. Ils apportent,

les réflexes étudiés chez les mêmes malades aux trois périodes de la

paralysie générale : Crémaslérien in Archives de physiologie, 1895 ;

Pharyngien in iLiclen,1807;-l'alellaire in Arch. illéclic. Psycho., 1898;

Evolution comparée de ces trois réflexes in Bulletin de la Soc. de

blécl. ment, cle 13e1ligae, 1897.

LE SENS TACTILE ET LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 199

croyons-nous, quelques faits nouveaux, précisent certains

autres contestés ou douteux, et surtout fournissent des

appréciations basées sur des chiffres tirés d'un très grand

nombre de constatations effectuées chez les mêmes malades

à toutes les phases de la maladie. Nous les résumerons dans

les conclusions suivantes :

I. En suivant les mêmes malades aux trois périodes de

la paralysie générale, nous avons réussi dans 70 p. 100 de

nos recherches relatives à la constatation de l'état du tact.

Nos échecs ovni, été d'autant plus nombreux que la maladie

était à une phase plus avancée : 3 p. 100 à la première

période, 15 p. 100 à la seconde, 5-1 p. 100 à la troisième.

II. Nous n'avons trouvé le tact altéré que dans la pro-

portion de 12 p. 100 de nos constatations au maximum.

III. Les altérations que nous avons rencontrées ont

toujours été des altérations simples : exagération, affaiblis-

sement, abolition, retard chez les paralysés généraux purs,

exempts de toute complication, nous n'avons jamais constaté

aucune espèce de paresthésie.

IV. Les altérations du tact par nous rencontrées chez

les paralysés généraux purs, exempts de toute complication,

ont toujours été des altérations généralisées, jamais loca-

lisées.

V. Des altérations constatées, la plus rare a été l'exagé-

ration (1,5 p. 100) et la plus fréquente, l'affaiblissement

(6 p. '100) ; entre les deux se placent l'abolition (2,2 p. '100),

et le retard (1,8 p. 100) ; ce dernier, le plus souvent associé

à un état normal du tact, plus rarement avec de l'affaiblisse-

ment, jamais avec l'exagération.

VI. Nous avons noté dans l'affaiblissement et l'exagé-

ration des degrés divers : léger, modéré, marqué; mais que

le sens tactile fut altéré en plus ou eu moins, ce sont tou-

jours les degrés légers qui ont été les plus rares.

VII. Nous avons vérifié la progression croissante de

l'état anormal du tact avec les progrès de la maladie; rares

à la première période, une fois moins rares à la seconde, les

altérations du sens tactile ont été notées dans plus de la

moitié des constatations à la phase ultime.

- )00 PATHOLOGIE MENTALE.

VIII. D'après nos constatations parmi les anomalies du

sens tactile, l'exagération et le retard d'un côté, l'abolition

de l'autre se montrent en sens inverse aux diverses périodes

de la paralysie générale ; les deux premiers, avec leur maxi-

mum de fréquence à-la première période, deviennent de plus

en plus rares avec les progrès de la maladie pour disparaître

complètement à la troisième période, tandis que celle-ci, au

contraire, tout à fait absente à la phase initiale, augmente

de fréquence à mesure que l'affection paralytique marche

pour atteindre son maximum à la période terminale. Quant

aux affaiblissements, leur marche s'est relevée plus capri-

cieuse et parait échapper à toute règle fixe ; il en a été de

même pour les divers degrés des altérations.

IX. Nous avons toujours trouvé le tact normal lors des

rémissions à l'inverse de ce que nous avons souvent constaté

pour les réflexes.

X. Nous avons rencontré le sens tactile beaucoup plus

souvent altéré d'une manière générale dans les phases d'agi-

tation que dans les phases de calme, soit trois fois plus.

XI. Contrairement à notre attente, nous avons toujours

noté l'état normal du tact dans les formes purement dépres-

sives avec conception délirantes exclusivement hypochon-

driaques. Quant à celles-ci s'associent d'autres conceptions

délirantes expansives, si le sujet était calme, le tact restait

normal et ne s'est jamais altéré que lors des crisesd'agitation.

XII. Durant les périodes de calme, nous n'avons jamais

relevé ni exagération ni abolition ; ces deux troubles n'ont

été notés que durant les crises d'agitation, tandis que l'affai-

blissement a été constaté quel que fût l'état des malades.

XIII. C'est dans la forme expansive que les troubles du

tact sont les plus fréquents, d'après nos constatations;

ensuite viendrait la forme mixte agitée, et enfin la forme

démentielle, tandis que, dans les formes purement dépres-

sives et mixte calme ainsi que dans les rémissions, le tact a

toujours été trouvé normal.

XIV. Dans l'immense majorité des cas, le tact a été

trouvé normal avec les altérations soit expansives, soit

dépressives de la personnalité physique, et aussi avec les

sensations subjectives ressenties dans la peau par les malades ;

LE SENS TACTILE ET LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 201 1

c'est seulement à titre tout à fait exceptionnel qu'un rapport

a été constaté entre ces divers états délirants et les altérations

du sens tactile.

XV. Il ne nous a pas été possible de constater un rapport

entre les états du tact et l'habitude qu'ont beaucoup de

paralytiques de se dépouiller de leurs vêtements comme si

ceux-ci les incommodaient.

XVI. Les altérations du sens tactile aux deux premières

périodes de la maladie ont été constatées de beaucoup le plus

souvent chez les sujets dont les troubles moteurs étaient

les plus accusés.

XVII. Dans l'immense majorité des cas, le tact a été

trouvé normal, quelles que fussent les causes de la maladie ;

toutefois les altérations de ce sens n'ont jamais été constatées

en dehors de l'alcoolisme et de la syphilis. Elles ont été plus

fréquentes chez les alcooliques paralytiques que chez les

paralytiques syphilitiques; en outre, celles en moins sont plus

spéciales aux premiers et celles en plus aux seconds, tandis

que l'état normal fut habituel chez les sujets porteurs de ces

deux éléments étiologiques.

XVIII. Il est une seule altération du tact qui serait d'un

grand secours pour le diagnostic précoce de la paralysie

générale, c'est l'anesthésie transitoire'précédant les troubles

moteurs que signala le Dr de Crozant; mais ce fait intéressant

ne peut être recherché qu'en dehors des asiles.

XIX. Les altérations du tact que nous avons constatées

semblent indiquer, quand ellesexistent à la première période,

à en juger par l'évolution de nos cas, que la marche de la

paralysie générale ne sera ni suraiguë ni à longue évolution;

elles comporteraient le pronostic d'une évolution moyenne,

celle la plus habituelle, de deux ans à deux ans et demi, quelle

que soit la nature de l'altération, en plus ou en moins.

RECUEIL DE FAITS.

CONDITIONS BIOLOGIQUES DES FAMILLES

DES i : PII,I;P1'IQUGS;

Tarie Dr Gaston BÉCIlr1',

Ex-interne des asiles de la Seine.

J'ai eu l'occasion d'étudier dans ma thèse inaugurale les

conditions biologiques des familles des paralytiques géné-

raux. Aujourd'hui, je me propose de faire le même travail

pour les familles d'épileptiques, d'après une méthode iden-

tique. Quarante familles d'épileptiques ont été étudiées avec

le plus grand soin pendant notre année d'internat à Ville-

Evrard. Si quelque erreur, inhérente à tout travail de ce

genre, s'est glissée dans cette étude, nous croyons néanmoins

serrer la vérité d'aussi près que possible. Nous étudierons les

familles des épileptiques aux quatre points de vue suivants :

1° Longévité ; 2" Natalité 3' Vitalité ; 4° Morbidité. Ce plan du

reste ne nous appartient pas. Nous l'avons emprunté à

MM. Bail et Régis qui dans le journal l'Encéphale, 1883, ont

fait paraître une série d'articles sur le môme sujet.

PREMIÈRE PARTIE

A. Longévité. Première génération (gaacls-pa·eals).

Sur les 160 grands-parents appartenant aux 40 familles

d'épileptiques que nous avons étudiées, 25 nous sont restés

complètement inconnus.

Des '135 sur lesquels nous avons obtenu des renseigne-

ments 5 sont encore vivants, 130 sont morts. L'âge moyen de

ces 130 grands-parents, pris au moment de leur décès, est

de 69 ans. En séparant les grands-parents du côté paternel

de ceux du côté maternel, on trouve : du côté paternel,

30 grands-pères donnant comme moyenne d'âge, au moment

CONDITIONS BIOLOGIQUES DES FAMILLES DES ÉPILEPTIQUES. 203

de leur mort, 67 ans et 32 grand'mères donnant, elles, 72 ans,

ce qui porte la moyenne pour l'ensemble des grands-parents

du côté paternel à 69 ans et demi.

Du côté maternel,35 --rand s-pères donnant commemoyenne

d'âge au moment de leur mort 69 ans, 38 grand'mères don-

nant 68 ans, ce qui porte la moyenne pour l'ensemble des

grands-parents du côté maternel à 68 ans et demi. En sépa-

rant les grands-parents du sexe masculin des grands-parents

du sexe féminin, on trouve, pour les grands-parents du sexe

masculin, 30 grands-pères paternels donnant 67 ans,

35 grands-pères maternels donnant 69 ans, en moyenne

68 ans. Les grands-parents du sexe féminin se répartissent

en 32 grand'mères paternelles donnant 72 ans, et 38 grand'-

mères maternelles donnant 68 ans, ce qui porte leur moyenne

d'ensemble à 70 ans.

Résumons ces résultats :

Age moyen des grands-parents réunis, 69 ans.

Côté paternel.

204 RECUEIL DE FAITS.

Deuxième génération (parents).

Sur les 80 parents d'épileptiques, 37 sont encore vivants à

l'heure actuelle, 42 sont morts, 1 nous est resté inconnu. Les

42 morts se répartissent de la façon suivante : 2S pères don-

nant au moment de leur mort oxo ans, 17 mères donnant

45 ans ; soit ensemble 50 ans.

On y trouve :

CONDITIONS BIOLOGIQUES DES FAMILLES DES ÉPILEPT1QUES. 203

nir les renseignements les plus précis sur le nombre d'indi-

vidus issus des grands-parents, c'est-à-dire sur le nombre

d'individus nés dans la deuxième génération. Le nombre est

de 30, ce qui donne comme moyenne pour chaque famille,

le chiffre de 7,62. ·

206 RECUEIL DE FAITS.

la moyenne est plus élevée que dans les familles normales.

Dans ces dernières, en effet, cette moyenne est seulement de

4,38, d'après 1111. Ball et Régis. Par contre, à la quatrième

génération, le chiffremoyenétant de 2,73 dans chaque famille

normale, il tombera '1,16 dans la famille des épileptiques.

Nous pouvons donc conclure : Lesépiteptiques appartiennent

à des familles dont l'énergie de reproduction est considérable,

notablement supérieure à celle des familles normales. Mais

par contraste, la puissance reproductive de leurs ascendants

et de leurs collatéraux, fléchit brusquement chez eux pour

tomber à un niveau sensiblement inférieur à celui de la

moyenne des familles normales ; les épileptiques tendent à

la stérilité.

TROISIÈME PARTIE

C. Vitalité. Troisième génération (parents).

Sur les 80 parents des épileptiques que nous étudions,

'1 nous est resté inconnu, 42 sont morts et 37 vivants. Soit

G3,1G p. 100 morts et 46,83 p. 100 vivants.

Dans les familles normales, MM. Bail et Régis donnent :

57 p. -100 morts et 42,5 p. 100 vivants.

Les 42 morts se composent de 25 pères et de 17 mères.

Les 37 vivants se composent de -14 pères et de 23 mères. Soit

37,83 p. 100 pères vivants et 62,16 p. 100 mères vivantes.

Dans les familles normales, nous trouvons : 31 p. 100 pères

vivants et 54 p. 100 mères vivantes.

Troisième génération (frères et scas9·s).

Sur les 245 individus nés à la troisième génération, épilep-

tiques compris, 105 sont morts à l'heure actuelle et 140 vi-

vants, soit : 42,85 p. 100 morts et G7,'l ! p. 100 vivants. Les

- 105 morts se répartissent de la façon suivante au point de

vue de l'âge auquel ils ont succombé.

CONDITIONS BIOLOGIQUES DES FAMILLES DES ÉPILEPTIQUES. 207

Soit sur 245 frères et soeurs, épilepliques compris :

208 RECUEIL DE FAITS.

Soit :

CONDITIONS BIOLOGIQUES DES FAMILLES DES ÉPILEPTIQUES. 209

sions, la méningite sont fréquentes chez leurs descendants.

Les névroses et la folie. sont, d'après nos recherches,

remarquablement rares dans les familles des épileptiques.

Ces résultats confirment, on le remarquera, l'opinion bien

connue de Lasègue, que l'épilepsie n'est pas héréditaire.

Conclusions générales. 1° La durée de la vie ou longé-

vité est sensiblement inférieure chez les ascendants des épi-

leptiques à celle que présentent les familles normales.

20 La moyenne des naissances ou natalité est plus élevée

dans les familles d'épileptiques que dans les familles nor-

males. Les épileptiques appartiennent généralement à des

familles nombreuses. Mais, par contraste, si les épileptiques

sont susceptibles d'engendrer, tout comme les individus nor-

maux, cette puissance reproductive tombe à un niveau sensi-

blement inférieur à celui de la moyenne des familles nor-

males. Les épileptiques tendent à la stérilité.

3° La puissance de vie ou vitalité est beaucoup inférieure

dans les familles d'épileptiques à celle qu'on trouve dans les

familles normales. L'époque de la vie ou la vitalité est le

moins forte, est le bas âge dans les familles d'épileptiques

comme dans celles d'individus normaux. Mais ce défaut de

vitalité en bas âge s'accuse d'une façon notable chez les épi-

leptiques.

4° La morbidité, c'est-à-dire la fréquence des diverses

maladies dans les familles d'épileptiques présente des carac-

tères bien spéciaux. Les maladies pulmonaires, la phtisie en

particulier, sont très fréquentes chez les ascendants des épi-

leptiques. Les affections cérébrales, la méningite en particu-

lier, se rencontrent souvent chez leurs descendants. Les

névroses et la folie sont d'après nos recherches, remarqua-

blement rares dans les familles des épileptiques. Ces résultats

confirment l'opinion bien connue de Lasègue, que l'épi-

lepsie n'est pas héréditaire.

ARCIIIVES, 2* sét@ie, t. VII. Il c

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

IV. Les dermatophobies; par M. G. Tiiidierge.

(Presse médicale, 9 juillet 1898.)

Parmi les troubles nerveux dont le point de départ réside dans

l'appareil cutané, il en est qui rentrent dans la classe des phobies.

Ces désordres physiques, réunis sous la dénomination générale de

dermatophobies, ne se développent que chez des sujets tarés au

point de vue cérébral, chez des nerveux, des neurasthéniques, des

hystériques et surtout des dégénérés. Ils consistent essentiellement

en des craintes excessives provoquées, le plus souvent par l'existence

de lésions cutanées, et quelquefois mais rarement par la possibilité

du développement de celles-ci. Les affections cutanées qui engen-

drent le plus souvent et le plus facilement des phobies sont les

affections parasitaires, celles qui peuvent faire craindre aux malades

d'être atteints d'une affection parasitaire, et celles qui occupent le

visage ou les organes génitaux. Parmi les parasiiophobies, l'acaro-

phobie ou crainte de la gale occupe la première place. Certains

cas de dermatophobie dus à la présence de rougeurs sur le visage

ou à la peur de voir des taches rouges se développer dans cette

région, doivent être distingués de troubles provoqués par la crainte

de la congestion faciale (érythrophobie de Mil. Pitres et Régis);

ceux-ci, en effet, ne dépendent pas d'une affection cutanée, mais

sout la conséquence de l'exagération d'un phénomène émotif. La

trichophobie, spéciale à la femme et provoquée par une hyperthri-

cose réelle ou par la crainte de cette dernière affection, au visage

ou sur toute autre partie du corps, mérite d'être mentionnée; il eu

est de même de la crainte de la chute des cheveux, de la pelado-

phobie. L'herpès génital est de toutes les lésions des organes géni-

taux externes, celle qui engendre le plus souvent des phobies ; l'état

mental des malades qui en sont atteints, est caractérisé surtoutpar

des tendances mélancoliques et de la syphiliphobie. Comme toutes

les phobies et obsessions, les dermatophobies présentent dans leur

intensité, leur gravité et leur ' signification pronostique de nom-

breuses variétés. Chez certains sujets, qui se rangent dans la classe

des dégénérés, l'obsession cutanée n'apparaît que comme un épi-

phénomène d'un état psychique grave, relevant de l'aliénation

mentale. -

Parmi les conditions susceptibles de modifier le pronostic de ces

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 213

dermatophobies, il faut signaler l'état psychique de l'entourage des

malades; cet élément joue un rôle prépondérant dans la produc-

tion des cas de dermatophobie à deux ou à plusieurs et de phobie

altruiste (sous ce dernier terme, l'auteur désigne les faits dans les-

quels une mère névropalhique est obsédée par la crainte justifiée ou

non du développement d'une lésion cutanée sur le visage de sa fille,

obsession qu'elle peut arriver à faire partager par cette dernière).

M. Thibierge recommande d'associer le traitement des lésions

cutanées existantes et des troubles fonctionnels réels, au traitement

moral, à la suggestion à l'état de veille par le raisonnement seul

ou aidé de la suggestion médicamenteuse. Il n'a pas expérimenté

la suggestion hypnotique. Les toniques peuvent être prescrits utile-

ment, mais, dans tous les cas, il faut traiter par des médications

appropriées, an ti neurasthéniques, nervins, hydrothérapie, le système

nerveux ébranlé des malades. A. FENAYRori.

V. Note sur les délires d'auto-intoxication et d'infection ;

par M. E. Régis. (Presse médicale, 3 août 1898.)

L'auteur a résumé lui-même ce travail dans ses conclusions ainsi

formulées : 1° les délires toxi-infeclieux ou auto-toxiques sont

analogues aux délires exo-toxiques, dont le délire alcoolique est le

type; 2° ces délires ont tous pour formule clinique la confusion

mentale, sous l'une quelconque de ses variétés ; 3° le délire toxi-

infectieux, au moins dans sa forme habituelle de confusion men-

tale subaiguë, est, comme le délire alcoolique, un délire de réoe ou

onirique; 10 ce rêve délirant n'appartient pas au sommeil normal,

mais au sommeil pathologique. Il constitue, par ses caractères, un

véritable accès de somnambulisme ; 5° l'hypnose, lorsqu'elle est pos-

sible chez les individus atteints de délire Loxi-infectieux, permet de

leur rendre le souvenir, en général, plus ou moins perdu de leur

crise, et, parfois même, les replonge spontanément dans leur délire ;

6° la suggestion peut également être employée thérapeutiquement

chez ces malades. Elle parait réussir surtout dans les cas où, à la

suite d'auto-intoxications et d'infections intenses, persistent des

idées délirantes isolées et fixes, puisées, comme chez beaucoup

d'hystériques, dans le subconscient du rêve somnambulique ; î° le

délire onirique correspond très probablement, dans tous les cas, à

une intoxication, et semble en être la caractéristiqae clinique.

A. t' N\.11'ROU.

VI. Les formes atténuées de la folie périodique ;

par le Dr Hoche.

Entre les formes graves de la folie périodique et les oscillations

physiologiques de l'équilibre psychique se rencontrent des formes

214 jl REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

de transition qui constituent des formes plus ou'moins atténuées de

la folie périodique.

Les individus atteints de ces formes atténuées de la folie pério-

dique ne sont pour ainsi dire jamais traités dans un asile d'aliénés

et sont à peine considérés comme malades. C'est dire que c'est sur-

tout au médecin de famille qu'incombe le diagnostic, la thérapeu-

tique et surtout la prophylaxie de ces formes mentales. Ces der-

nières, qui se rencontrent toujours sur un terrain dégénéré, ne

sont pas moins dangereuses pour la descendance que les formes

sévères ; elles le sont même davantage car, en raison de l'insigni-

fiance apparente des symptômes, elles ne sont pas considérées, à

l'origine, comme un obstacle au mariage.

Toute dépression mélancolique ou agitation maniaque survenant

pour la première fois peut devenir une maladie périodique ; cette

possibilité s'accentue lorsqu'il existe une lourde hérédité nerveuse.

Un début rapide, une intensité modérée des symptômes, une gué-

rison en apparence subite indiquent un caractère périodique. Une

crise de dépression mélancolique légère et de courte durée surve-

nant comme premier désordre psychique chez un adolescent, est

particulièrement suspecte d'être la première phase d'une folie cir-

culaire.

En général, une agitation maniaque peu intense se guérissant

rapidement chez un jeune homme n'est pas une folie circulaire,

mais peut être suivie d'autres crises d'agitation maniaque. Lorsque

les alternatives d'excitation et de dépression surviennent entre

quarante et cinquante ans, surtout chez un homme, elles peu-

vent faire penser à un début de paralysie générale. Le pronostic

des désordres mentaux périodiques est favorable en tant que termi-

naison de la crise, mais défavorable pour l'ensemble des crises.

La thérapeutique n'offre que bien peu de ressources ; mais le

devoir du médecin est de s'attacher le plus tôt possible à la pro-

phylaxie et, dans ce but, de s'opposer au mariage des nerveux, des

hystériques, des épileptiques, surtout lorsque les deux parties sont

suspectes.

Dans l'enfance, la prophylaxie médicale constituera dans un trai-

tement préventif des désordres nerveux et mentaux.

Lorsque surviendra la première crise, le traitement devra être

institué sur l'heure.

En dernier lieu, l'auteur insiste sur les difficultés que peuvent

présenter ces états atténués, au point de vue médico-légal. (TAe

calienist and 72eztî-ologist, avril 1898.) E. B.

VII. Diagnostic précoce de la paralysie progressive;

pau le U Iloca.

Quand on songe aux dangers que peut faire courir à la société

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE 215

un homme occupant une haute situation et atteint de paralysie

générale au début, quand on réfléchit aux dommages de toutes

sortes, moraux et matériels que peut causer à sa famille et à lui-

même un paralytique général au début, on comprend l'insistance

avec laquelle l'auteur attire l'attention sur le diagnostic précoce

de la paralysie générale.

M. Hoche étudie tout d'abord les rapports du tabès et de la para-

lysie générale pour conclure que le tabes et la paralysie générale

sont deux affections différentes mais possédant de nombreux

points de contact et pouvant, dans nombre de cas, coïncider chez

le même individu. Les divers signes du début sont ensuite décrits

et analysés : inégalité pupillaire, troubles de l'accommodation,

modifications des réflexes, trépidation épileptoïde, attaques apo-

pleetiformes, crises épileptiformes, migraine ophtalmique, parésie

motrice, tremblement, troubles de l'articulation des mots, de

l'écriture, céphalées et insomnies rebelles à tout traitement, mo-

difications du caractère, émotivité, perte de la mémoire, du juge-

ment, du sens moral, idées extravagantes de grandeur, etc. Puis

se trouve discuté le diagnostic différentiel de la paralysie générale

au début avec la neurasthénie, diagnostic parfois fort difficile ;

avec l'alcoolisme chronique, les troubles cérébraux consécutifs aux

traumatismes crâniens, la démence sénile, la sclérose en plaques,

etc. En même temps qu'il empêche le malade de ruiner sa famille

ou de causer des scandales, le diagnostic précoce de la paralysie

générale évite aussi pour lui les excès de tout ordre auxquels il

ne manquerait pas de se livrer et favorise l'apparition d'une ré-

mission, en permettant de lui procurer le facteur thérapeutique le

plus important, le repos absolu. (The lilietist and Neurologist,

janvier 1898.) E. B.

VIII. De l'auto-érotisme ; par le D1' l3avrocu-LLIS.

Sous le nom d'auto-érotisme, l'auteur comprend le phénomène,

de l'émotion sexuelle spontanée produite en l'absence du stimulant

extérieur, direct ou indirect, d'une autre personne.

L'auto-érotisme est actif ou passif : actif lorsqu'il est provoqué

par divers instruments spéciaux dont l'énumération serait longue,

par certains objets usuels, comme les épingles à cheveux intro-

duites dans l'urètre, par certains jeux ou certaines occupations

comme les chevaux de bois, la machine à coudre, la bicyclette,

par la pression des cuisses, par la rêverie, cette sorte d'onanisme

psychique qui n'est souvent que le prélude de la masturbation ;

mais à côté des formes d'auto-érotisme dans lesquelles le sujet prend

une part volontaire, il en est dans lesquelles le sujet est en

quelque sorte passif, ce sont celles qui se rapportent à l'orgasme

sexuel pendant le sommeil

216 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

L'auteur, dans une intéressante élude, passe en revue toutes ces

formes de l'auto-érotisme après avoir fait remarquer que s'il a créé

ce nom d'auto-érotisme, c'est que le terme de masturbation, géné-

ralement employé pour désigner ces manifestations est absolument

impropre en ce sens qu'il ne s'applique bien qu'à une partie

limitée du vaste champ de l'auto-érotisme.

Le résultat le plus fréquent et le plus caractéristique de l'auto-

érotisme est l'exagération de la conscience de soi-même sans

accroissement simultané de l'estime de soi-même. Toutefois, il est

certain que les symptômes de la masturbation, et ses résultats per-

nicieux ont été beaucoup exagérés; la masturbation modérée, chez

un individu sain, sans tare héréditaire, n'a pas de mauvais résul-

tats et même dans certains caQ, chez des gens normaux, ayant

passé l'âge de la puberté, la masturbation, loin d'être une forme de

vice, peut, pratiquée modérément, être salutaire par le soulage-

ment physique et moral qu'elle procure.

. A un certain point de vue, on peut dire que tous les phénomènes

auto-érotiques sont anormaux, puisque le but de l'impulsion

sexuelle est la réunion des sexes et que toute pratique qui empêche

cette réunion est contre nature. Mais nous ne vivons pas dans un

état de nature qui permet de répondre librement aces impulsions

et du moment que nous mettons obstacle au libre cours de l'impul-

sion sexuelle vers les fins sexuelles naturelles, dès lors, inévitable-

ment, se produisent les phénomènes auto-éroliques. (7'/tg alienist

and iieiil-ologist, avril 1898.) E. Eux.

IX. Sur trois cas d'impulsion chez des dégénérés ;

par le Dr ISCOVESCO.

Ces trois observations sont réunies par l'auteur sous la même

rubrique à cause de l'identité du terrain sur lequel les troubles

mentaux de ces malades ont évolué et parce qu'elles peuvent

donner une idée nette des différents aspects que peut revêtir, chez

un seul individu, l'acte impulsif.

Dans le premier cas, l'impulsion morbide est consciente et ne va

pas jusqu'à l'acte. Il n'en est pas de même dans le second cas. où

l'impulsion morbide est de deux sortes : tantôt consciente, repré-

sentant l'impulsion de la dégénérescence simple, tantôt incons-

ciente, en raison de l'état vertigineux du sujet. Le troisième cas

présente un exemple des délires surajoutés chez un même malade :

il existe en effet des hallucinations visuelles nocturnes, des idées

de jalousie morbide, des actes de violence conscients, de nature

alcoolique, et, d'autre pari, des fugues et des actes impulsifs

inconscients, de nature épileplique. Mais ces désordres évoluent

sur un terrain préparé, un terrain de dégénérescence. (Annales

médico-psychologiques, août 1898.) E. B

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 2L7

Les paralysies générales progressives ; par Klippel. (Mono-

graphie de l'oeuvre médico-chirurgicale, de Critzman, n° 2.)

L'auteur reprenant l'ancienne entité de Bayle, cherche à en tracer

un tableau conforme en son ensemble aux plus récentes décou-

vertes de la pathologie et de l'histogie pathologique. Les nombreux

mémoires antérieurs publiés dans le même sens par M. Klippel

l'ont placé au premier rang des chercheurs originaux sur ces

questions.

Il pousse l'analyse des lésions histologiques des centres nerveux

et des viscères jusqu'à y distinguer des groupes de lésions dont

chacun a une origine et une valeur spéciale et comporte, par le fait,

un enseignement particulier. Il distingue les altérations selon

qu'elles sont primitives ou, au contraire, évoluent à titre d'infec-

tions secondaires greffées sur les premières.

L'autre passe en revue les différents types histologiques qui

commandent un même syndrome alors que ces types se distinguent

néanmoins par leur lésion, leur aspect clinique, leur diagnostic.

Les altérations périphériques du système nerveux ne sont point

omises et les lésions viscérales sont l'objet d'un examen non

moins attentif.

Enfin, M. Klippel applique à la physiologie pathologique de

l'affection la théorie du neurone et fait intervenir les auto-infec-

tions microbiennes comme causes de l'encéphalite dans les cas où

celle-ci est de caractère nettement inflammatoire.

C'est ainsi qu'il groupe les paralysies générales en trois grandes

classes : paralysies générales inflammatoires primitives ; para-

lysies générales secondaires ou associées ; paralysies générales

dégénératives, parfois spécifiques ; un paralytique à forme dégéné-

'rative peut rentrer d'ailleurs ultérieurement dans le groupe des

formes inflammatoires. 0

L'auteur tire de sa théorie des paralysies générales secondaires

parauto-intoxication une explication rationnelle des rémissions si

fréquentes et des fausses guérisons de ce qu'on appelait antérieu-

rement les pseudo-paralysies générales. Les altérations constatées

du système nerveux sympathique et les troubles vaso-moteurs

secondaires donnent la clef des ictus transitoires si fréquents au

début comme au cours de ces affections, ainsi que des variétés en

apparence contradictoires et disparates des formes expansives et

euphoriques ou, au contraire, dépressives et mélancoliques.

Les recherches histologiques de M. Klippel lui permettent de

rapporter à des lésions distinctes les symptômes paralytiques et

démentiels simples d'une part, et les symptômes délirants d'autre

part,ce que Baillarger pressentait cliniquement il y a quarante ans.

Au chapitre diagnostic, l'auteur décrit le syndrome paralytique

218 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

fugace, non paralytique proprement dit par son évolution

même, mais qui touche aux frontières de la paralysie générale

puisqu'un alcoolique non traité à temps peut d'un syndrome fugace

passer à l'encéphalite confirmée avec symptômes persistants. Avec

les lésions spinales, les formes tabétiques, scléreuses, névritiques,

amyotrophiques et bulbaires de la paralysie générale sont passées

en revue ; enfin, dans tous les tissus et les viscères dépendant du

sympathique, l'auteur montre la constance du processus vaso-

paralytique caractérisé toujours par congestion capillaire, hémor-

ragies miliaires, dégénérescences pigmentaires, etc. A signaler

au traitement la proposition neuve d'injections intra-cramennes

anti-toxiques. A. Marie.

XI. Délire aigu ; par le D1' H.-R. CosTON. (Médical ivews,

octobre 1898.)

L'auteur rapporte trois observations personnelles de délire aigu.

Deux de ses malades moururent : l'une au bout de deux semaines,

l'autre au bout de quatre jours; la troisième guérit et l'améliora-

tion apparut à la fin de la seconde semaine.

Les principaux symptômes qu'il observa furent : début brusque,

pas d'hérédité, élévation de température, augmentation du nom-

bre des pulsations, insomnie absolue, céphalalgie intense, dimi-

nution de la vue avec hallucinations, délire violent : vision de

rats, de scorpions, grande excitabilité musculaire : le malade est

toujours en mouvement, il s'arrache les cheveux, s'égratigne; il

peut reconnaître ses amis, mais il est incapable de leur parler

raisonnablement et il oublie de suite qu'il les a vus. Au bout de

huit à dix jours il tombe dans la stupeur et succombe dans le

coma, si l'amélioration ne se produit pas. L'amaigrissement est

très rapide ; pas de paralysie, ni de troubles gastriques ; il y a de

la constipation et de la rétention d'urine.

Le diagnostic du délire aigu est à faire avec la fièvre typhoïde

qui s'en distingue par la marche régulière de la température,

l'éruption, la diarrhée etc.; avec l'hystérie où on ne trouve pas

d'amaigrissement rapide, d'élévation de température, etc.; enfin

avec la manie aiguë qui se reconnaît à la moins grande gravité

des symptômes, à l'absence de fièvre, au caractère conscient du

délire, à ses prodromes, à sa marche, etc.

L'anatomie pathologique est mal connue et l'auteur n'a pu faire

les autopsies de ses malades; il croit cependant que la mort est

causée par l'action d'un microbe sur les cellules nerveuses ou au

moins par l'action des ptomaïnes sécrétées par ce microbe. Bien

des médications ont été essayées, le chloral, le bromure de

potassium, sulfonal, trional, etc., etc.; la morphine et l'hyoscine,

données en injections hypodermiques, lui semblent les plus iudi-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 219

quées et les meilleures; la saignée serait peut-être bonne, mais tout

à fait au début. Il faut toujours chercher à alimenter le malade

qui dépérit très vite, faire l'antisepsie de l'intestin par du calomel

et des lavements, et vider la vessie par le cathétérisme.

A. Vigouroux.

XII. De la mélancolie au début; par le Dr J. Ponton.

La curabilité de la folie dépend en grande partie de son dia-

gnostic et de son traitement précoces ; et comme, d'autre part,

un grand nombre de formes mentales débutent par des phéno-

mènes de dépression mentale, on comprend l'intérêt qui s'attache

au diagnostic et au traitement précoces de la mélancolie.

La mélancolie est ordinairement précédée d'une période d'incu-

bation de durée variable avant de se caractériser par les signes

suivants : dépression mentale; insomnie persistante; céphalalgie

ou psychialgie reportée ordinairement à la région occipitale;

diminution du poids du corps; changements de l'attitude et de la

physionomie; diminution de l'appétit et constipation; introspec-

tion morbide avec tendances égoïstes; phobies. Tels sont les signes

de la mélancolie simple au début.

Doit-on traiter un mélancolique au début dans un asile d'aliénés ?

Pour soigner et guérir un tel malade, il suffit d'une atmosphère

saine, d'un entourage sain. Ces conditions, d'après l'auteur,

seront mal remplies dans un asile. Le lieu de choix pour le trai-

tement de la mélancolie au début est un sanatorium.

Pour le traitement de ces malades, devraient être créés des hôpi-

taux spéciaux, intermédiaires entre l'hôpital ordinaire et l'asile

d'aliénés, et dans lesquels le mélancolique au début serait surveillé

et soigné jusqu'à ce que la question de la curabilité ait été déter-

minée. De cette façon, les familles hésiteraient moins à faire pla-

cer leurs malades, à la période la plus curable de l'affection.

D'autre part, ces hôpitaux spéciaux pourraient recevoir les cas

douteux. (The a ? e) : ts< and 12eil,ologist., oct. 1898.) E. B.

XIII. Manie rapidement mortelle dans la maladie de Graves;

par le De Bauton JACUBS.

Dans les cas mortels de maladie de Graves, la mort peut sur-

venir : 1° soit, ce qui est le plus fréquent, sous l'influence du ma-

rasme, de la consomption lente, de l'affaiblissement graduel du

coeur avec ou sans oedème et albuminurie; 2° soit par arrêt subit

du coeur, le malade mourant en syncope; 3° soit par épuisement

rapide après des vomissements incoercibles; 4° en raison delà

suffocation par la pression du goitre; 5° par épuisement à la suite

de délire ou d'excitation maniaque

220 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

L'auteur, dans le présent travail, rapporte deux observations

personnelles intéressantes d'excitation maniaque rapidement mor-

telle dans la maladie de Graves et résume ensuite huit cas sembla-

bles recueillis dans divers auteurs. (American journal of insanity,

juillet 1898.) ~ E. B.

XIV. Étude séméiologique de l'agitation; par le Dr Cololun.

Le qualificatif « agité » est appliqué aux aliénés de diverses

sortes qui, soit momentanément, soit d'une manière continue,

exécutent des mouvements ou des actes violents et rapides, ou

bien à ceux que la maladie rend loquaces.

Après avoir fait une étude d'ensemble des troubles élémentaires

psychiques (accélération des représentations psychiques, troubles

du langage écrit et parlé, troubles de la mimique, troubles de la

volonté, troubles de l'attention) et des troubles organiques de

l'agitation, l'auteur, dans un travail intéressant, passe en revue

les affections mentales au cours desquelles peut se présenter

l'agitation, affections qui constituent trois grands groupes, les

psychoses, les folies toxiques et les folies organiques.

C'est ainsi que l'agitation, avec ses caractères particuliers est

examinée au cours du délire aigu, de la manie, du délire hal-

lucinatoire aigu, de la mélancolie, de la folie intermittente, de la

dégénérescence mentale, de l'épilepsie, de l'hystérie, de la chorée,

de l'alcoolisme, du morphinisme, de la paralysie générale, de la

démence sénile. (Annales médico-psychologiques, déc. 1898.)

E. B.

XV. Des psychoses post-opératoires. Du rôle que la nature de

l'opération chirurgicale peut jouer dans leur production; par

les D's PicQu et Briand.

Les observations qui démontrent l'influence des opérations gyné-

cologiques sur la production des délires sont bien exceptionnelles,

si tant est qu'il en existe réellement. La plupart des faits publiés-

sont incomplets ou ont traita des délires fébriles ou relèvent d'une

cause étrangère à l'opération gynécologique.

Si on ne peut contester d'une façon absolue l'existence du délire

post-opératoire après les opérations gynécologiques, on peut

affirmer qu'il est exceptionnel.

Il faut, dans les opérations gynécologiques, distinguer deux

groupes :

1° Celles qui s'adressent aux grosses lésions de l'utérus ou des

annexes : à celles-là correspondent les délires toxiques. Fréquentes

autrefois, elles tendent à devenir de plus en plus rares;

2° Celles qui s'adressent aux troubles subjectifs accompagnant

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 221

des lésions souvent insignifiantes et qui constituent le domaine de

la petite chirurgie gynécologique (opération d'Alexander, de

Scbrueder, colporraphies diverses).

A celles-là correspondent le plus grand nombre de psychoses;

mais, le plus souvent, on saura, en les examinant, qu'il s'agit

d'aliénées anciennes, et on devra leur refuser l'intervention.

(Ananles mélico-psyc)vologiques, oct. 1S9S.) E. B.

XVI. Homicide subconscient et suicide, leur physiologie psycholo-

gique ; par le D P. 13.,IiNCROFr.

C'est chose bien connue qu'un homicide peut être commis dans

le somnambulisme et l'état épileptique, la conscience de l'individu

étant totalement ou particulièrement suspendue. De pareils faits

sont invariablement accompagnés d'amnésie; ils sont ordinaire-

ment sans motifs et si impulsifs qu'ils paraissent avoir une ori-

gine réflexe.

La question se pose de savoir si pareille chose ne peut se ren-

contrer dans d'autres conditions que l'épilepsie ? La conscience

normale ne peut-elle être assez modifiée par des conditions céré-

brales physiologiques ou toxique*, pour qu'elle soit obscurcie ?

Les deux observations rapportées par l'auteur sont en faveur de

la théorie de la désagrégation de la conscience avec une telle

diminution du champ normal que le sujet devient psychiquement

anesthésique et amnésique. Dans le premier cas, il s'agit d'un

homme de cinquante ans, interné pour un état mélancolique, après

deux tentatives de suicide. Il se rappelait ses idées de suicide mais

nullement les tentatives : hérédité très chargée.

Dans le second cas, il s'agit d'un homme de cinquante et un ans

qui, rentrant chez lui après son travail, dine avec sa femme avec

qui il était en fort bonne intelligence, puis au moment de se cou-

cher tire sur elle deux coups de revolver. 11 est arrêté quelques

instants après, au moment où dans la chambre à coucher il cares-

sait doucement son petit enfant. Il parait fort surpris de son

arrestation, n'ayant aucun souvenir de l'homicide qu'il a commis.

Cet homme est alcoolique.

La suspension de la conscience ou la désintégration de la

conscience normale pendant la période de temps où un tel homi-

cide peut être accompli, est un des problèmes les plus difficiles de

la psychologie. Dans l'écorce cérébrale existe outre les cellules des

connexions multiples, fonctionnelles mais non anatomiques, et il

n'y a pas de doute qu'une conscience entière, normale, dépende

non seulement de l'action associée des différentes voies nerveuses,

mais encore de l'intégrité d'action de toute l'écorce. En consé-

quence la dissociation des aires corticales amène la désagrégation

de la conscience et la dissolution de la personnalité physique.

222 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

Pareille désagrégation de la conscience peut être produite artifi-

ciellement par l'hypnotisme.

Une division de même nature avec amnésie ne peut-elle se

produire en conséquence d'un trouble psychologique profond des

centres supérieurs .d'un cerveau instable ? et les poisons de cer-

taines fièvres aussi bien que de d'alcool, une émotion intense, un

shock, ne peuvent-ils produire cette dissociation des aires corti-

cales ? Si du fait de quelqu'une de ces causes 1 intégrité fonction-

nelle des centres supérieurs est lésée, ne peut-on assister à la

désagrégation de la conscience et à l'amnésie ? C'est dans ces

conditions subconscientes, dues à la désagrégation des aires

corticales, que se produisent ces faits de suicide et d'homicide

inexplicables. L'amok des Malais est, sans aucun doute, une de

ces explosions subconscientes.

Ces psychoses ne peuvent se produire chez l'individu sain : elles

ne se produisent que chez les aliénés, chez les intoxiqués par

l'alcool, comme le second malade, dans les cas de fièvre spécifique

et particulièrement chez les gens à hérédité nerveuse très chargée,

comme était le premier malade. Dans les deux cas 1 apportés la

condition subconsciente fut instantanément produite, comme

dans l'impulsion épileptique. Dans le second cas, il est probable

que la suspicion jalouse si caractéristique de l'alcoolisme avait

depuis longtemps troublé l'esprit du malade : puis lorsque les

effets toxiques de l'alcool eurent désagrégé les centres supérieurs,

la première idée impulsive qui vint, l'inhibition ayant disparu,

fut instantanément réalisée par un malade en état subconscient.

(American jourrzal o/' 212SCLJ2lG, octobre 1898.) E. B.

XVII. Mélancolie de la lèpre; par le D'' A. Asnaran.

Dans le journal de l'Association des médecins américains du

20 février 1898, le D1' Ilansen, à propos de la communication du

D1' Ashmead sur la lèpre au congrès de 13ci-lin, disait que la mélan-

colie de la lèpre est une découverte du D1' Ashmead, et que per-

sonne en Norvège n'a aucune idée de l'existence d'une pareille

affection, pour la bonne raison que le cerveau n'eat,jamais affecté

par la lèpre. C'est à celte critique que répond l'auteur dans le

présent article : les résultats de nombreuses autopsies faites par

différents auteurs établissent nettement que le cerveau peut être

touché dans la lèpre et par conséquent qu'il peut y avoir une

mélancolie de la lèpre. Du reste, si la lèpre est une maladie micro-

bienne, ses lésions et ses symptômes primordiaux sont localisés

dans le système nerveux et indépendants du microbe.

Si le Dr Ilansen n'a pas observé de mélancolie de la lèpre en

Norvège, cela tient à diverses conditions physiques et psychiques

particulières au pays et dont l'auteur trouve l'énumération dans

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 223

un ouvrage du Dr Wolff(de Strasbourg). Au congrès de Moscou de

1897, le professeur Mesehedes (K5nigsberg) en rapportant l'histoire

d'un cas de psychose chez un lépreux disait qu'à son avis la lèpre

exerce une influence directe sur le développement de la démence

du fait de lésions irritatives du système nerveux produites soit par

le bacille de Hansen, soit par ses toxines. (The alienist and neuro-

logist, juillet 1898.) E. B.

XVIII. De la folie à son début; par Crochley CLAPHANS. (Quarlcrlz

médical journal, juillet 1898.)

Le début de la folie est la période où cette maladie est le plus

curable. Souvent par préjugé que la folie est honteuse, on la cache

avec soin sans l'avouer au médecin : alors qu'à ce moment un

spécialiste expérimenté pourrait parfois obtenir la guérison sans

avoir recours à l'internement. Quand le changement de milieu

s'impose, doit se faire, s'il est possible, dans une famille amie ou

dans une famille rétribuée : dans le cas de tendances suicides,,

homicides ou destructives il faut interner le malade dans un

asile.

Le plus souvent le médecin de la famille appelé à donner les

premiers soins emploie le bromure de potassium avec plus ou

moins de discernement. Si le bromure rend de grands et réels ser-

vices dans les cas d'insommie due à l'byperhémie cérébrale accom-

pagnée de mélancolie et de tendance au suicide, il est dangereux

dans les cas d'insommie provoquée par l'anémie cérébrale qu'il

aggrave. L'opium associé au tartre siribié, le paraldéhyde, le

cliloral, le sulfonal, le trional, combattent avec succès certaines

formes d'insomnie. Mais il ne faut pas négliger l'hygiène et le

régime qui souvent seules arrivent t perdre le sommeil. De même

pour les fonctions intestinales, les purgatifs peuvent être rem-

placés avec avantage par un régime alimentaire exproprié, du

massage abdominale avec ou sans électricité.

Il a aussi des cas de folie se développant chez des adolescents (folie

morale) qui peuvent être améliorés par l'isolement à la campagne

l'exercice physique et un régime alimentaire. Les folies puerpé-

rales survenant avant ou après l'accouchement, la folie de la lac-

tation d'un pronostic variable bénéficient également d'un traite-

ment à domicile lorsqu'elles sont traitées à leur début par un

médecin expérimenté.

D'une manière générale on peut dire que la folie au début

pourrait être traitée d'une façon avantageuse sans que les malades

soient frappés du « stigmate de la folie » qu'apporte le certificat.

C'est dans cet esprit qu'on a demandé qu'une clause concernant

la folie au début fut annexée à la loi sur les aliénés. Grâce à cette

clause les malades, au début de leur accès d'aliénation ou dont

224 4 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

l'état de folie ne serait pas encore confirmé, pourraient être soi-

- nés pendant un temps limité sans qu'il soit nécessaire d'en aviser

les commissaires et les magistrats. Un certificat médical affirmerait

que la folie n'est pas confirmée et qu'un isolement de six mois au

plus est nécessaire. Pareille loi est en vigueur en Ecosse où elle

rend de grands services. A. Vicounoux.

XIX. Aliénation mentale commençante; par Crochley Claphxn.

(Qzici7,te ? ly médical journal, juillet 1898.)

L'auteur signale une proposition de loi et un assez grand nombre

de cas de folie maintenus en famille, en observation spéciale et en

traitement avant déclaration définitive de folie et mise en surveil-

lance officielle. Il estime que bien des cas de folie pris tout au

début pourraient être avec fruit traités de bonne heure et vite

guéris, en évitant le stigmate de l'internement et la flétrissure

fâcheuse de la déclaration officielle de folie, cause de chocs mo-

raux profonds pour les familles et les malades. Marie.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XX. Sur une épidémie de béribéri à l'asile de Richmond, de Dublin;

par CONOLLY-l';OR)1 ? N. (1litish med. Journal, 25 septembre 1898.)

Cette épidémie est intéressante en ce qu'elle a éclaté dans une

région tempérée, dans un milieu manicomial où l'étiologie est

restée obscure. L'encombrement, les défauts d'hygiène tenant a

l'ancienneté des constructions et à la modicité des ressources

d'entretien et à certaines insuffisances de régime, s'y tradui-

saient antérieurement par l'endémie physique et dysentérique.

L'asile prévu pour 1 000 malades en contenait 1 400. Les eaux ne

sauraient être incrinimées étant les mêmes que pour la ville de

Dublin. Peut-être le poisson scarlet a-t-il pu apporter de Terre-

Neuve le germe infectieux dans les aliments. L'affection, étendue à

534 malades en trois épidémies, affecta la forme de névrites péri-

phériques aigus avec myosites, oedèmes, paralysies et rétractions

atrophiques avec contractures consécutives ; mortalité de 8,2 p. 100.

Une récente épidémie semblable, étudiée à l'asile d'Angers par

M. Chantemesse qui en a publié l'étude bactériologique complète,

donne à cet article un intérêt particulier. D, Marie.

Rt ? U1 : DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 225

X\1. Du myxoedème et des troubles qui s'y rattachent ; par W. Ord.

'1;iitish ? ed.,8 8 septembre 1898.)

L'auteur étudie dans une série de paragraphes successifs le dia-

gnostic et les symptômes à différents degrés de l'affection, les

modifications locales et mentales consécutives, les altérations

intimes de la glande thyroïde et des tissus, les symptômes secon-

daires et complications, hémorragies, etc. Enfin il termine par le

traitement qu'il préconise par ingestion directe de la glande

même. Tableau des modifications urinaires corrélatives au trai-

tement. D1' A. Marie.

N\11. Un cas de myomiélie ; par le Dr Théodore Miller. (Médical

nets, octobre 1898.)

L'auteur rapporte l'observation d'un homme de trente-neuf ans

qui présenta d'abord de la faiblesse dans 'les muscles de l'épaule,

puis de la paralysie et de l'atrophie de ces mêmes muscles; ensuite

apparurent la thermo-auesthésie, des troubles trophiques des

mains, de la scoliose et la dissociation des sensations. Cette dis-

sociation, bien qu'elle ne soit plus regardée comme pathognomo-

nique de la syringomyélie puisqu'elle a été décrite dans l'hystérie,

la névrite et la myélite, est un symptôme de gravité importante.

Deux diagrammes accompagnent l'observation montrant les loca-

lisations des diverses anestbésies. A. V.

XXill. Trois cas de torticolis spasmodiques ; par Il.-II. Parry.

(Brit. Médical Journal, novembre 1898.)

La première observation concerne un homme de trente-cinq

ans admis à l'infirmerie royale pour un torticolis spasmodique.

Trois ans auparavant il tomba en arrière sur un bloc de bois et

se contusionna la nuque. La douleur fut peu vive et ne l'empêcha

pas de continuer son travail; ce furent ses camarades qui s'aper-

çurent que sa tête était secouée et tournée du côté gauche. Pro-

gressivement en quelques mois la douleur et le spasme augmen-

tèrent et finirent par l'empêcher de travailler. Un premier traite-

ment fut essayé à Glascow : un nerf fut sectionné du côté gauche

du cou, puis le nerf accessoire du spinal droit fut réséqué sans

succès. Un traitement médical n'eut pas de meilleur résultai :

massage, extension, galvanisme, tout échoua et son cas fut réputé

incurable. '

A son entrée à l'infirmerie royale il présentait les symptômes

suivants : la tête était tournée vers la gauche à un degré tel que

la face regardait par-dessus l'épaule gauche; et si à l'aide des deux

mains il mettait sa tète en bonne position, la contraction du sterno-

AncmvES, 2" série, t. VII. la

226 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

mastoïdien, du splenius et du trapèze la plaçait dans la position

première. Le sterno-mastoïdien droit était flasque et ne prenait

aucune part à la formation ni au maintien de la difformité.

Quand le spasme cessait, la douleur était très vive. Pendant le

sommeil chloroformique le spasme cessait et la tête était faci-

lement tournée à droite.

L'auteur se décida à sectionner les nerfs du groupe gauche des

muscles occipitaux. L'incision fut faite en arrière du bord posté-

rieur du sterne-mastoïdien gauche dont les fibres furent section-

nées jusqu'au splenius qui fut aussi coupé, ainsi que le com-

plexus. Le nerf grand occipital fut soulevé, et sa troisième et qua-

trième branche furent coupées. Les suites opératoires furent

bonnes, et le malade guéri put reprendre son travail abandonné

depuis deux ans.

La seconde observation a beaucoup de points communs avec la

première ; même analogie, même difformité, mêmes essais in-

fructueux de traitement.

L'opération consista en la résection d'une partie du nerf acces-

soire du spinal droit qui amena peu d'amélioration ; l'attention

ayant été portée sur les muscles de l'autre côté, ceux-ci furent

massés complètement et en peu de mois la guérison fut complète.

Un troisième cas en ce moment en traitemenisubit la même opé-

ration (section de l'accessoire du spinal), et grâce au massage des

muscles de l'autre côté l'amélioration se manifesta.

De ces observations l'auteur tire ces conclusions : 10 dans le trai-

tement des torticolis spasmodiques deux sortes de muscles doivent

être traitées, d'un côté le sterno-mastoïdien, de l'autre les muscles

occipitaux ; 2° le traitement médical, qui dans ce cas, a duré plu-

sieurs mois, n'a eu aucune influence sur la maladie; 3° quand la

section du nerf accessoire n'a pas provoqué d'amélioration, le

massage du groupe occipital opposé doit être pratiqué avec per-

sévance et il peut être utile de sectionner les nerfs innervant ces

muscles. A. Vicounoux.

XXIV. Hérédité et circoncision ; par Eugène 'J'AI,130'1'. (Médecine,

Détroit, juin 1898.)

L'auteur, se basant sur de nombreuses observations, tend à

admettre la transmission héréditaire des effets de la circoncision.

Contrairement à Weissmann, qui dans sa théorie de l'hérédité

n'admet pas que les mutilations puissent se transmettre aux

descendants et, en ce qui concerne le cas particulier de la circon-

cision, prétend que l'absence congénitale du prépuce s'observe

également chez les peuples qui. pratiquent la circoncision et chez

ceux où ce rite n'est pas en usage, 'l'albot estime que l'hérédité

constitue un facteur important dans la production de celte ano-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 227

ilialie. A l'appui de son dire, il cite les statistiques de plusieurs

médecins israélites de Chicago. Le Dr Cahen, qui en l'espace de

vingt ans a pratiqué dix mille circoncisions, a trouvé le prépuce

absent cinq cent l'ois; dans deux mille cas, il était peu développé.

P. I ELL : 1 Y.

XXV. De la Spondylose rhizomyélique ; par P. Marie. (Revue de

médecine, 1898.)

M. Marie appelle ainsi une affection chronique à évolution très

lente et caractérisée par une rigidité extrême du rachis et une

soudure progressive des articulations coxo-fémorale et scapulo-

humérale.

Les observations de cette affection sont encore peu nombreuses;

l'auteur n'en a encore observé que trois cas dont deux très carac-

téristiques. Quelques cas recherchés par lui chez des auteurs

étrangers semblent se rapporter à cette maladie ; un squelette du

musée Uupuytren présente des lésions semblant se rapporter une

évolution identique. En' somme les documents peu nombreux

jusqu'à présent ne permettent pas encore d'établir une symptoma-

tologie définitive. Dans son ensemble cette affection débuterait vers

l'adolescence (15 a 20 ans) ; les premiers symptômes seraient des

douleurs dans les articulations des membres inférieurs; ce n'est

que longtemps après que survient l'anl3losc ? Lorsque celle-ci est

déclarée, l'attitude du malade est caractéristique. Il semble comme

soudé, comme empalé. Le tronc est projeté en avant par ankylose

en flexion de l'articulation coxo-fémorale ; les articulations du

genou prennent seules part à la marche et le malade, pour éviter

une position fatigante, est obligé pour marcher d'appuyer les mains

sur les cuisses, les genoux étant en demi-flexion.

Le petit nombre de cas observés ne perm -t pas encore de fixer

la marche de la maladie. Jusqu'ici aucune autopsie n'a pu être

faite.

La présence, dans deux des cas observés, des nodosités de Bou-

chard tendrait à éliminer au point de vue étiologique toute cause

infectieuse et à faire de celle maladie une affection par trouble de

nutrition.

Spilliiiez et 1,'Iientie viennent de donner tout récemment

l'observation d'un nouveau cas. Le début de la maladie remonte-

rait à l'âge de 4 ans ; le sujet qui a actuellement 53 ans présente

des symptômes à peu près identiques à ceux décrits par M. Marie :

ankylose progressive des articulations coxo-fémorales, soudure du

rachis, flexion du tronc en avant, etc. Même début lent et insidieux.

M. II l31EL.

228 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XXVI. Trois nouveaux cas d'amyotrophie primitive progressive

dans l'enfance ; par IL1\SILaLTEn. (Revue de médecine, 1898.)

Trois observations portant sur des cas d'amyotrophie précoce à

début insidieux et à développement relativement rapide. Ces cas

rentreraient dans des formes intermédiaires aux diverses formes

classiques décrites. M. Hamel.

XXVII. Note sur la narcolepsie épileptique; par Ch. FEUE. (Revue

de médecine, 189S.)

C'est une réponse à un travail récent de M. Lamacq qui tout en

admettant la narcolepsie comme symptomatique,critique le terme

de narcolepsie qui semble rappeler l'invasion brutale de l'attaque

d'épilepsie. D'après M. Lamacq le début brusque n'existe pas et la

narcolepsie n'est d'ailleurs jamais symptomatique de l'hystérie,

ni de l'épilepsie. Ce n'est pas l'opinion de M. Féré qui, rappelant

certains cas où l'invasion brusque du sommeil était manifeste,

rapporte trois observations d'épileptiques chez qui les attaques

brusques de sommeil accompagnaient ou même remplaçaient les

attaques, et s'éloignaient avec elles sous l'influence du traitement

bromure. M. Il.

XXVIII. Hypothèses sur la pathogénie des paralysies hystériques;

parle Dr Guinaiid (Revue de médecine, 1898.)

Deux hypothèses différentes ont été récemment émises par

M. Lépine et M. Branly sur la pathogénie des troubles moteurs chez

les hystériques. L'hypothèse de M. Lépine est tirée des travaux de

M. Mathias Duval et Itamon y Cajal sur le neurone.

Les paralysies passagères tiendraient à un défaut momentané de

contiguïté des arborisations terminales du neurone et à une

entrave consécutive à la transmission de l'influx nerveux.

A cette explication physiologique M. Gerest dans un travail

.récent, sous l'inspiration des travaux de Al. Branly sur les « radio-

conducteurs », oppose une hypothèse toute psycho-physique. Il

compare les neurones à une série de grains métalliques noyés dans

une gangue isolante très faible et pouvant perdre par de simples

conditions physiques (choc brusque, etc.) leur conductibilité élec-

trique. Pour que la transmission électrique se produise, il suffit

que cet arrêt cesse et il est inutile pour cela que les neurones

entrent en contact.

Tout en rendant justice à l'ingénieuse hypothèse de M. Branly,

l'auteur de l'article pense qu'en l'état actuel de la science les

éléments manquent à l'interprétation rationnelle de cette hypo-

thèse et préfère provisoirement se rallier à celle des mouvements

cellulaires du. neurone. 1. Il.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 229 9

XXIX. Entraînement suggestif actif ou dynamogénie psychique ;

par Biïrniieim. (Revue de médecine, 1898.)

La suggestion thérapeutique ne consiste pas toujours à endormir

le malade en lui faisant croire qu'il est guéri. Cette suggestion ne

réussit pas constamment et peut être avantageusement remplacée

dans certains cas par un entraînement suggestif, à l'état de veille,

de la volonté du sujet.

C'est ce que l'auteur appelle entraînement suggestif actif.

Plusieurs guérisous ou améliorations ont été obtenues par l'auteur

dans des cas de paralysies rebelles, principalement chez des neuras-

théniques et des hystériques. M. II.

XXX. Accès répétés de monoplégie brachiale fugace pendant quinze

ans. Epilepsie jakcsonienne ; par le Dr Boucuaud. (Journ. de

Neurologie, 1898, 110 20.)

Pendant dix ans environ la malade dont l'observation est relatée

dans ce travail n'a présenté qu'une paralysie limitée au bras droit,

apparaissant sous forme d'accès de courte durée et disparaissant

sans laisser de traces; plus tard se manifestèrent quelques trou-

bles de la sensibilité et une paralysie qui persista et s'étendit aux

deux membres du même côté ; enfin quinze ans après le début de

l'affection, survinrent des attaques convulsives épilepliformes qui

débutèrent dans le membre supérieur du côté paralysé et s'accom-

pagnèrent de perte de connaissance. Rien, ni dans les antécédents

de la malade, ni dans la marche des accidents, n'a permis de

soupçonner une lésion syphilitique. L'auteur croit pouvoir expli-

quer les accidents de cette malade par l'existence dans le cerveau

d'une tumeur gliomateuse. Ce gliome a pu au début, étant sous-

cortical, comprimer le centre des mouvements du bras ou une des

artères qui l'alimentent el déterminer une paralysie ptssagere du

membre par le fait de la compression ou de l'anémie. Plus tard en

augmentant de volume, il aurait amené une altération profonde

du centre moteur et par suite une paralysie permamente. Enfin,

dans les derniers temps de la vie, en excitant les cellules motrices

de la région, il aurait provoqué les crises convulsives. G. D.

XXXL La fausse réminiscence dans l'aura de la migraine;

par Ch. Féré. (Journ. de Neurologie, 1898, n° 18.)

Observation d'une femme de trente-six ans, migraineuse, qui

dans la période prémonitoire de chacun de ses accès croit recon-

naitre des objets ou des scènes que certainement elle voit pour la

première fois. Ce sont surtout les impressions brusques survenant

au cours de la dépression prémigraineuse qui provoquent l'illu-

? 30 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

sion : un étranger qui se présente, un objet qui tombe, une mala-

dresse d'un domestique ou une escapade des enfants, une rumeur

dans la rue etc. L'illusion est essentiellement éphémère; elle dure

très peu de temps, quelques minutes au plus et cesse dès que la

douleur sus-orl)itait,equi marque le début de l'accès a apparu.

G. D.

XXXII. Rapports entre la maladie du sommeil et le myxoedème;

par MM. E. Régis et N. Gaide. (Presse médicale, 1er octobre 1898.)

A propos de l'article de M. Briquet (d'Armentières) sur les rap-

ports de la maladie du sommeil et du myxoedème, paru dans le

numéro du 7 septembre 1898, de la Presse médicale, M. Itéâis rap-

porte l'observation d'un cas d'hypnosie traité par M. Gaide, méde-

cin delà marine, au mois de décembre 189G; au Soudan français.

La médication thyroïdienne a été seule employée; M. Gaide a été

amené à l'utiliser par l'analogie frappante qui lui a paru exister

entre les symptômes de cette affection et ceux des états myxoedé-

mateux et crétinoïdes. Le malade a succombé avec des signes de

oléninâo-encéphalite, le cinquième jour de son entrée a l'infirmerie.

. M. Hégis fait suivre cette observation de quelques réflexions

clu'il déclare sujettes à contrôle. Il constate que ce cas réalise cli-

niquement, de la façon la plus nette, le tableau des maladies

toxi-infectieuses graves terminées par méningo-encéphatite et en

conclut qu'il y a lieu de supposer que la maladie du sommeil

n'est qu'une toxi-iufection. Selon lui, on est autorisé à penser que

la somnolence pathologique es', d'une façon générale, un symp-

tôme d'intoxication, mais qu'elle n'appartient pas exclusivement à

une intoxication particulière. On ne saurait donc s'appuyer sur

son existence dans le myxoedème et l'hypnosie pour admettre

l'identité de ces deux affections. Au reste, tandis que la tendance

au sommeil est le symptôme constant et caractéristique de l'hyp-

nosie, elle ne s'observe que rarement et accessoirement dans le

myxoedème, où domine, ce qui est bien autre chose, la torpeur

physique et mentale. L'hypertrophie du corps thyroïde, de même

que l'hypertrophie de tout le système ganglionnaire parait être,

dans la maladie du sommeil, secondaire et non primitive, consé-

quence et non cause. Il s'agit la, sans doute, comme dans nombre

d'infections, d une accumulation élective de poison, en vue de sa

neutralisation ou de son atténuation. Dès lors, le myxoedèmeétant

une auto-intoxication d'origine thyroïdienne , l'hypnosie serait

plutôt une exo-intoxication, avec retentissement sur l'ensemble

des appareils glandulaires, thyroïdien et lymphatique. C'est à ce

titre et pour aider à l'activité antitoxique de ces organes que le

traitement thyroïdien pourrait être tenté et donner, peut-être,

quelques résultats. A. 1"ENAYROU.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 231

XXXHL Deux cas de paralysie radiculaire obstétricale du plexus

brachial. Examen et traitement électrique ; par M. F. Allard.

(Presse médicale, 21 septembre 1898.)

L'orateur rapporte les observations de deux enfants atteints de

paralysie radiculaire obstétricale du plexus brachial, du type de

Duchenne-Erb, qu'il a traités avec succès par l'électricité. Il exis-

tait dans les deux cas une diminution parallèle des excitabilités

galvanique et faradique ; la réaction de dégénérescence faisait

défaut, ce qui indiquait que la lésion des racines nerveuses

avait été relativement légère. Le traitement a consisté d'abord en

applications galvaniques, puis, lorsque l'examen électrique a

révélé une augmentation sensible de l'excitabilité faradique, en

applications galvaniques et faradiques combinées. Dans un cas, il

a été entrepris quatre mois après la naissance de l'enfant, et a

nécessité cinquante séances d'électrisation, réparties en un laps

de temps de trois mois et demi ; dans l'autre, où il a été mis en

oeuvre un mois après la naissance, il a duré deux mois environ et

a comporté trente séances semblables en tous points aux précé-

dentes. Les faits relatés par M. Allard, établissent que ce mode de

traitement, très facilement supporté par les nouveau-nés, agit

d'autant plus rapidement qu'il est institué d'une façon plus pré-

coce. Si l'intervention thérapeutique est trop tardive, l'impotence

fonctionnelle devient définitive. Le pronostic est facile à établir en

se basant, non sur la violence du traumatisme, cause de l'affection,

mais sur l'état de l'excitabilité électrique des nerfs et des muscles ;

la réaction de dégénérescence, même partielle, est un signe défa-

vorable ; le syndrome de dégénérescence totale indique l'incurabi-

lité de la lésion. En tous cas, il est nécessaire de continuer long-

temps le traitement, même si les résultats paraissent nuls; car

souvent l'amélioration est tardive. A. Fenayrou.

XXXIV. Maladie du sommeil et myxoedème ; par M. Ch. )10NGOUR.

(Presse Médicale, 21 septembre 1898

L'auteur rapporte l'observation d'un homme de cinquante ans,

d'apparence robuste, et pesant 110 kilos, qui a présenté, pendant

deux ans sans cause connue, un laisser aller au sommeil consti-

tuant une véritable maladie. L'existence de cet homme, depuis

l'apparition decesymptôme, n'était qu'un sommeil continu, entre-

coupé de courts instants de veille pour accomplir des actes phy-

siologiques indispensables ou pour traiter quelques affaires n'exi-

geant ni beaucoup de temps, ni beaucoup de peine. L'intensité de

ce sommeil était tout à fait anormale; pour éveiller, le sujet il

fallait le remuer énergiquement et avec persistance. Malgré l'exis-

tence de certaines particularités, (aspect lunaire de la face, joues

232 - REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

pendantes, lèvres légèrement retroussées et présentant une mu-

queuse sensiblement hypertrophiée), cet homme ne pouvait être

considéré comme un myxoedémateux. Néanmoins. M. Mongour

eut l'idée de le soumettre à la médication thyroïdienne, non pour

combattre le sommeil, mais pour lutter contre l'obésité. Celle-ci

résista au traitement ; mais la maladie du sommeil fut rapide-

ment améliorée et même guérie.

L'ingestion de corps thyroïde vint encore rapidement à bout

d'un nouveau retour offensif des crises de sommeil, survenu

quelque temps après.

Cette observation semble justifier l'hypothèse, émise par M.

l3riquet(d'lrmentières), (Presse médicale, 7 septembre 1898), d'après

laquelle le myxoedème et la maladie du sommeil relèvent peut

être d'une même cause et sont justiciables l'une et l'autre du trai-

tement thyroïdien. A. Fenayrou.

XXXV. Un cas d'hémianopsie latérale consécutive une blessure

pénétrante du cerveau; par S.-B. Uiee. (Occidental Médical Times,

mai 1898.)

L'auteur relate l'observation d'une jeune fille de dix-neuf ans

qui présentait de l'hémianopsie droite provoquée par une blessure

pénétrante subie à l'âge de trois ans. A cette époque elle s'était

enfoncée une pointe de fourche en fer dans le crâne en arrière de

la suture coronaire entre les sutures sagittales et squameuses.

Il fallut déployer beaucoup de force pour arracher cette pointe et

une sonde pénétra à une profondeur de six « inches » dans la

plaie. Il n'y eut pas d'hémorragie ; une hémiplégie droite appa-

rut un moment pour disparaître progressivement. L'hémianopsie

persista accompagnée de maux de tète. Cette observation est

précédée d'une étude intéressante sur la localisation de cette

affection et par une revue de cas semblables.

XXXVI. L'alcoolisme; ses conséquences pour l'individu, l'état et

la société; par AL le professeur DEuovE. (Presse médicale, 16 et

19 novembre 1898.)

M. le professeur Debove joint sa voix à celle des nombreux mé-

decins qui se sont occupés de cette question, pour signaler le péril

national résultant des progrès incessants de l'alcoolisme en notre

pays. Il constate que la France tient le premier rang parmi les

nations européennes, pour la consommation de l'alcool, et que

cette consommation augmente chez nous, tandis qu'elle diminue

dans plusieurs autres états; il déplore aussi que les femmes et les

enfants, suivant l'exemple funeste donné par les hommes, pren-

nent, en certaines contrées, l'habitude d'user largement et même

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 233

d'abuser des boissons alcooliques. Suivant lui, il n'y a pas de bois-

sons alcooliques hygiéniques. Le vin, le cidre, le poiré, les bières,

ainsi dénommés, sont toujours toxiques; dilué ou non, l'alcool pro-

duit toujours ses effets ; comme pour un médicament donné en

potion ou en pilule, ce qui importe surtout, c'est la dose et non la'

dilution. Que l'alcool éthylique soit nuisible par lui-même ou par

les impuretées qu'il contient, il n'en est pas moins vrai qu'il

est toxique, et il est regrettable que le privilège accordé aux bouil-

leurs de crû, en encourageant et facilitant la production de quan-

tités considérables d'alcool, contribue à augmenter encore, dans

une certaine mesure, la consommation de cet agent toxique.

Parmi les effets bien connus que l'alcool exerce sur les individus,

M. Debove mentionne d'une façon plus particulière, l'augmenta-

tion de la morbidité et de la tendance à l'aliénation mentale et au

crime; son influence sur la race se traduit par une diminution de

la natalité, non que l'alcoolique soit fatalement stérile, mais parce

que ses enfants sont d'ordinaire des dégénérés inférieurs et que sa

famille s'éteint le plus souvent après la troisième génération. On

peut affirmer que l'alcoolisme est une des causes les plus actives

de la dépopulation de la France. Il use, en quelque sorte, la race

par les deux bouts, en augmentant la mortalité et en diminuant

la natalité ou en ne produisant que des dégénérés. L'auteur s'élève

contrôla fâcheuse habitude de lèter le mariage par une noce, c'est-

à-dire par des excès de table. Seule, la Venus genitrix doit pré-

sider aux cérémonies del'hyménée; il ne faut pas lui associer

Bacchus.

Diverses considérations, pour la plupart d'ordre électoral, s'op-

poseront sans doute longtemps à l'adoption des moyens publics,

lois et réformes, capables de lutter efficacement contre le fléau.

En attendant, il ne faut pas négliger les moyens individuels. M. le

professeur Debove recommande aux jeunes médecins auxquels il

s'adresse dans son cours, de prêcher la sobriété par leurs paroles

et par leurs acles, convaincu qu'ainsi, ils pourront contribuer

puissamment à changer l'opinion publique et à sauver le pays

auquel l'alcoolisme fait courir le plus grand danger qu'il ait jamais

couru. A. 1 ENAYROU.

XXXVII. Paralysie alcoolique et polynévrite infectieuse ;

par le D'' Tiling. -

Korsakov a montré qu'à côté de l'alcool, des auto-intoxications

variées peuvent produire le type de la polynévrite, avec désordres

mentaux d'amnésie.

De nouvelles observations permettront d'établir si les névrites

avec amnésie de l'état puerpéral, de la fièvre typhoïde, de la

231 Il REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

gangrène, etc. correspondent exactement avec la névrite ou la

paralysie alcoolique chronique, généralement incurable.

La névrite alcoolique, en effet, parait différer par un plus Ion"

stage prémonitoire et par l'état de faiblesse psychique et soma-

tique dans lequel elle laisse les malades, des névrites infectieuses

post-typhoïde, puerpérale, etc ? tandis que, pour ces dernières,

l'amnésie et une certaine parésie ou perte de la force ne parais-

sent pas être de règle.

L'auteur accompagne son travail d'une observation de névrite

alcoolique qui peut servir de description à cette affection. (Ame-

rican Journal of insanity, oct. 98.) E. B.

XXXVIII. Hystérie traumatique. Double pied-bot hystérique.

Amnésie rétro-antérograde ; par 11\I. Slc.nn et Riche. (Presse

médicale, 15 octobre 1898.)

Observation d'un cas d'hystérie traumatique survenu chez un

jeune homme de dix-neuf ans, à la suite d'une chute d'une hau-

teur de huit mètres. La maladie a présenté les particularités

suivantes : contracture des membres inférieurs, lesquels sont

croisés en X, avec double pied-bot en varus équin, contrac-

ture moins prononcée dans la station assise et le décubitus hori-

zontal, sans troubles des sphincters; hypoesthésie et anesthésie

cutanées segmentaires ; anesthesie kinesthésique des membres

supérieurs, et symptômes d'amnésie rétro-antérograde. Sous l'in-

fluence seule du traitement psychique par suggestion, la contrac-

ture a cédé rapidement, et le malade a recouvré la mobilité absolue

de ses membres inférieurs, en même temps que disparaissaient,

d'une manière complète, les symptômes d'amnésie.

A. IENraoo.

XXXIX. Paralysie faciale guérie en trois semaines par le salicylate

de soude; par M. Catiiin. (Revue médicale, 8 octobre 1898.)

Observation d'un cas de paralysie faciale survenue chez un

jeune homme de dix-huit ans , deux mois environ après une

atteinte de rhumatisme articulaire aigu. La maladie a présenté,

dans sa symptomatologie, un certain nombre de particularités :

déviation de la luette du côté paralysé, immobilité du pilier du

voile du palais du côté sain, diminution de l'acuité auditive, anes-

thésie cornéenne. La constatation des signes suivants : provoca-

tion de mouvements fibrillaires par la percussion des muscles para-

lysés, retard et diminution de la sudation du côté malade après

les injections de pilocarpine, déviation de la luette et de la langue,

déviation du globe oculaire en haut et en dehors quand le malade

voulait fermer les yeux, douleur de la région frontale, anesthésie

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 235 5

cutanée et crânienne, hypoacousie*tout à fait anormale, permet-

tait de penser que l'on se trouvait en présence d'un cas sérieux, et

de poser un pronostic fâcheux. Néanmoins la guérison a été obte-

nue en moins d'un mois. Le traitement a consisté uniquement en

l'administration de 74 grammes de salicylate de soude, ingérés en

vingt-trois jours. L'existence d'un rhumatisme antérieur, jointe

aux heureux résultats du traitement par le salicylate de soude,

autorisent à supposer que la maladie était due au germe du rhu-

matisme articulaire aigu. A. Fenvyrou.

XL. Trois cas de névralgie du trijumeau d'origine dentaire non

accompagnée de mal de dent ; par Waiter M. Tuonx. (Occidental

médical, Times, mai 1898 )

L'auteur rapporte trois observations de sujets atteints de

névralgies rebelles sans que l'examen des dents puisse éclairer le

diagnostic. L'éclairage par transparence des dents à la lumière

électrique permit cependant de découvrir des dents gâtées ; et leur

extraction amena la guérison de la névralgie. A.-M.

XLI. Sur l'ataxie locomotrice; par l ? F. ÏKEELY.\r<. M.D. London.

(Quarlerhj médical journal, juillet 1898.)

L'auteur apporte douze observations très résumées de tabétiques

dans la période préataxique, dans la période ataxique et dans la

dernière période. Il étudie l'étiologie du tabes, syphilis, hérédité,

chaleur, traumatisme; passe en revue certains symptômes ocu-

laires, l'atrophie tabétique, etc., et insiste sur la fréquence des

maladies cardiaques ou artérielles dans le tabes. Pour lui tous les

traitements étiologiques ou symptomatiques, antisyphilitiques,

hydrothérapie, électricité, révulsion, suspension, etc., doivent

êtres tentés et étudiés avec soin, car à l'heure actuelle, certains

cas de tabes même pris à leur début sont réfractaires à toute

médication. * A. M.

Ophtalmies sympathiques ; par MM. Shaw et G. Ferdinand.

(Brithh. médical journal, juin 1898.)

Le premier article tendrait à renverser dans ses conclusions la

théorie d'infection migratrice secondaire à des toxémies par pro-

pagation, pour lui substituer celle d'une irritation réflexe secon

daire des nerfs ciliaires avec troubles vasotrophiques consécutifs.

Le deuxième article (D1' C,. Ferdinand) a trait à des ophtalmies

sympathiques survenues très longtemps, (vingt ans) après l'énucléa-

tion de l'oeil opposé pour lésion accidentelle traumatique. Dans

une observation l'ophtalmie sympathique se déclara à l'occasion

236 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

de l'application d'un oeil artificiel du côté opposé sur un mognon

nerveux résultant d'énucléation totale.

Dans le même numéro, une observation de tumeur du pont de

Varole, par II. 111UDORD, discutable parce qu'elle n'a pas été opérée,

ni contrôlée anatomiquement ? A. Marie.

L'hystérie chez les enfants; par le D1' Bruns.

Dans une monographie des plus documentées, l'auteur examine

d'abord les modifications que subissent chez les enfants les symp-

tômes de l'hystérie tels qu'ils son ! décrits chez l'adulte.

C'est ainsi que sont successivement passés en revue, les para-

lysies, les contractures, les réflexes tendineux, l'astasie et l'abasie,

ce trouble fonctionnel des membres inférieurs beaucoup plus

fréquent chez les enfants que les paralysies et les contractures,

l'aphonie, le blépharospasmc, le tremblement, les tics convulsifs,

la chorée rythmique, les crises, les troubles vésicaux, dont le type

est l'incontinence d'urine, les ttoubles trophiques, les désordres

psychiques, etc.

L'hystérie se présente aussi souvent chez les garçons que chez

les filles.

Quant à l'opinion que l'hystérie chez les enfants, ainsi que les

maladies nerveuses en général, est une résultante de l'excessive

civilisation de nos jours, elle est infirmée par l'expérience de

nombreux auteuis, car le plus grand nombre des cas d'hystérie

grave, les paralysies et contractures, l'astasie-abasie, et surtout

les cas types de chorée rythmée, s'observent proportionnellement t

plus souvent chez les enfants de la campagne, en particulier des

villages isolés, que chez les enfants des grandes villes.

Les erreurs de diagnostic à l'égard de l'hystérie peuvent avoir

deux causes : soit qu'un trouble organique grave, particulière-

ment du système nerveux, soit considéré par erreur comme

hystérique, soit qu'un trouble organique du système nerveux, de

l'estomac, du larynx, du poumon, etc., ait été diagnostiqué, alors

qu'il s'agit d'hystérie.

C'est dire que dans les cas difficiles le diagnostic d'hystérie

exige des connaissances approfondies de toutes les branches de la

médecine, chirurgie, pathologie interne, neuropathologie, ophtal-

mologie, otologie, etc. ; aussi la réunion de plusieurs spécialistes

est-elle souvent nécessaire.

La simulation intervient souvent aussi dans l'hystérie, en parti-

culier chez les enfants; mais il reste à se demander si la simula-

tion elle-même n'est pas déjà une condition psychique morbide et

si, un symptôme étant simulé, la base morbide, l'hystérie, n'en

existe pas moins.

Si l'hystérie chez les enfants ne se différencie pas d'une manière

REVUE d'assistance ET DE LÉGISLATION. 237

essentielle de l'hystérie chez l'adulte, au point de vue du diagnos-

tic, il n'en est pas de même à l'égard du pronostic. Ce dernier est

beaucoup plus favorable, en effet, chez l'enfant, pourvu qu'un trai-

tement effectif soit institué à temps et le traitement rationnel

doit d'abord commencer par l'éloignement du malade de sa

famille.

L'éloignement seul fera cesser les manifestations morbides dans

certains cas : c'est ce qui se présente souvent pour les symptômes

paroxystiques.

Mais en outre, en même temps que l'hydrothérapie et l'électricité

interviendra le traitement psychique dont l'auteur décrit les deux

variétés : 1° méthode psychique de surprise, à l'arrivée à l'hôpital,

qui réussit bien dans toutes les formes de paralysie et de contrac-

ture, dans l'astasie-abasie, l'aphonie, le mutisme; 2° la méthode

d'inattention intentionnelle à l'égard du malade.

Quant à l'hypnotisme, il pourra rendre aussi des services, bien

que l'auteur ne l'ait jamais employé chez les enfants hystériques.

Lorsque les divers procédés thérapeutiques ont échoué, on a

alors le devoir de ne pas aggraver le pronostic par une tentative

plus longtemps continuée. L'enfant doit être confié à un autre

médecin qui pourra obtenir un meilleur résultat.

En tous cas, les enfants doivent être maintenus en traitement

longtemps encore après la disparition des manifestations hysté-

rrques. (The Alicnisl and newologist, juillet 1898-) E. Il.

REVUE D'ASSISTANCE ET DE LÉGISLATION.

I. La situation de l'assistance des aliénés dans le duché de Bade;

par KROEt'ËUN. (Centralld. f. Ntrvenhcilk, XX. N. F. van, 1897.)

Historique. - L'asile de PFOn7lll,,IM, construit en 1817 pour

remplacer un vieil hospice d'incurables, contenait un bâtiment sape-

cial destiné à recevoir les turieux. Au commencement du siècle on

avait logé ailleurs orphelins et détenus,'de sorte qu'il n'y était

resté qu'aliénés et infirmes. Le premier médecin nommé pour ces

malades ftil Iloller, qui prit son service en 1801. En 1826, on trans-

féra les aliénés à Ileidelberg en des locaux tout à fait insuffisants ;

cela dura néanmoins jusqu'en 1842. L'asile d'Illenau fut le

premier asile construit et ouvert exprès pour les aliénés (1842); il

devait graduellement devenir insuffisant. En 1864 on dressait les

238 REVUE D'ASSISTANCE ET DE LÉGISLATION.

plans d'un asile de 600 malades, destiné à remplacer celui de

Pforzheim ; la Diète ne les acceplapas. En 1874 fut proposé le plan

d'une clinique d'aliénés à Heidelbkrg, qui fut terminée en 1878.

Les projets simultanés d'une clinique à Fribourg et d'un petit asile

pour chroniques, près de Fribourg et près d'Ileidelberg, ne furent

pas exécutés ; on préférait un grand asile près de Fribourg, pou-

vant servir en même temps à l'enseignement. Ce plan rencontra

également des difficultés, de sorte qu'en 1886 on construisit la

clinique DE Fribourg, et en 1s89 le grand asile d'aliénés d'Ejimen-

DI1VGEN, qui est principalement une colonie agricole.

C'est ainsi qu'en 1897 on disposait de 2 210 lils. Mais le chiffre

d'atiénésavaitpfus que doublé en ces vingt dernières années. Déjà

nous sentons les avant-coureurs de l'insuffisance de l'assistance.

En effet, il faut faire attendre les aliénés, on ne peut les recevoir

couramment, les transferts des incurables des deux cliniques et

de l'asile d'Illeiiau dans les asiles de Pforzheim et d'Emmendin

gen n'ont plus lieu régulièrement à cause de l'encombrement de

ceux-ci.

Comment cela se fait-il ? Parce que la population est plus portée

que jadis à faire soigner ses aliénés dans les asiles et qu'elle com-

prend mieux l'utilité des établissements et leur rôle bienfaisant.

Loellr, en étudiant la statistique de 1852 à 1890, avait pensé qu'il

fallait en Allemagne un lit pour 500 habitants au moins. Or, le

grand duché de Bade ne possède pour le moment qu'un lit pour

818 habitants et il semble qu'il faille aller plus loin que Loehr, qu'il

serait nécessaire de posséder 3.000 lits. L'encombrement des asiles

acluelf, l'accumulation des malades agités en des établissements

qui ne sont pas installés pour cela, l'agglomération dans le pays

d'aliénés qui attendent des vacances, sont démontrés par des

chiffres (voir le mémoire). Il en est de même de l'accroissement

du nombre des aliénés à soigner par rapport à l'augmentation du

chiffre de la population. Chaque année, dans la province du Illlin,

le nombre des aliénés ayant besoin d'être placés augmente de

6 p. 100, tandis que la population ne croit que de 1,7 p. 100, ce

qui représente annuellement un surplus de 200 malades à hospita-

liser. Dans le duché de Bade il faudrait, chaque aimée, être en

mesure de recevoir peut-être 67, au moins 50 aliénés nouveaux.

La séquestration des malades atteints de troubles intellectuels

acquis y a crû de 122, de 4889-1895. Dès maintenant cinq à six

cents malades sont prêts à remplir un nouvel a<i)e et tous les

deux ans il conviendrait de compter sur un accroissement mini-

mum de 100 malades.

Le simple agrandissement des asiles existants ne suffirait pas.

L'asile d'Emmendingen supporterait, au besoin, un agrandisse-

ment pour 100 lits ; celui de Pforzheim qui est destiné aux chroni-

ques a depuis longtemps dépassé ses limites d'extension. L'assis-

REVUE D'ASSISTANCE ET DE LÉGISLATION. 239

tance privée des aliénés (asiles privés utilisés par l'Assistance

publique) n'est pas recommandable parce qu'elle échappe à la sur-

veillance administrative ; partout on est revenu de ce symptôme.

Quant à placer des aliénés dans les hospices de cercles (Kreisp-

/ ! t : <yMHM(«M6n) voici comment la question peut être comprise. Ces

établissements ont bon renom dans le duché de Bade : à la fin de

1896, ils contenaient 41,11. p. 100 d'aliénés parmi lesquels des crétins

des idiots, des imbéciles, des buveurs, des épileptiques, des dé-

ments et 25 p. 100 d'aliénés par folie acquise. La proportion géné-

rale des aliénés dans ces établissements varie de 12,1 à 39,6 p. 100

suivant la disposition de leurs édifices, le volume de l'hospice, la

nature de la direction qui partout n'est pas médicale. Les malades

aliénés y jouissent d'une certaine liberté, y sont utilement occupés

mais ils y sont mal installés, mal surveillés, mal clos. L'action du

médecin n'y est pas permanente, le personnel y est rare, les res-

sources y sont limitées. Aussi ne peut-on utiliser ces hospices que

pour les aliénés qui pourraient être soignés chez eux s'ils avaient

des parents. Quant aux agités et aux gâteux intermittents, ils y

sont attachés faute d'agencements convenables et de personnel ins-

truit. Tout récemment M. Thomann, de Fussbach, signalait que

les gardiens y alimentaient à la sonde parce que le médecin habi-

tait à quelques kilomètres delà. Malgré ces inconvénients on a été

obligé d'y placer des aliénés de plus en plus. Aussi de 1889 à 1895

la proportion de ces derniers de 24,8 p. 100 atteignait 25,9 p. 100,

et les infirmités physiques dans le même espace de temps progres-

saient de 6,7 p. 100, tandis que les infirmités mentales crois-

saient de 12,3 p. 100. Ces hospices deviennent donc des demi-asiles

d'aliénés sans en posséder les installations correspondantes.

Il faut construire un nouvel asile d'aliénés pour chroniques, un

J ? eeu ? ! 4'<(.t/<, surtout destiné aux incurables. On débarrassera ainsi

les autres établissements ; on n'aura pas besoin d'y introduire les

installations coûteuses d'un lleilanstalt ou asile d'aigus, et l'on

donnera ainsi des lits vacants aux autres asiles, notamment à celui

d'Emmendingen, pour leurs malades difficiles et susceptibles d'amé-

lioration.

Dans un asile d'aigus, le lit coûte près de 5.000 francs; dans le

nouvel asile de chroniques il reviendrait à 2.500 francs. et même à

moins; le prix de journée y serait aussi moindre. Il ne recevrait

que l'excédent des autres asiles, c'est-à-dire des malades déjà

examinés et calmes, déments, faciles à conduire'. La construction

pourrait en être confiée au service des aliénés ce qui réduirait les

dépenses, mais l'Etat se réserverait naturellement la surveillance et

' Cette manière de voir, prônée il y a quelques années en Allemagne,

n'est plus aujourd'hui, en Allemagne même, du goût de tous les spécia-

listes, 1 juste raison, suivant nous. P. K.

240 REVUE D'ASSISTANCE ET DE LÉGISLATION.

le droit de confirmer la nomination du directeur dont on exigerait

des connaissances psychiatriques suffisantes,

Afin d'éviter les graves inconvénients de l'accumulation dans

nos établissements d'aliénés de malades dangereux et criminels,

auxquels il ne sied-pas d'affecter des asiles spéciaux, on annexerait

au nouvel établissement des pavillons de surveillance et de sécurité

particulières. Construire deteisservicesà Emmenclingen est impos-

sible à raison de sa colonie, de ses dimensions. Une annexe pour

j0 criminels et dangereux est tout ce qu'il faut ; on la construirait

en construisant l'asile en question. On } pourrait encore faire

l'essai d'une colonisation chez les nourriciers, quoique la population

du duché de Bade ne semble pas propre à ce moded'Iiospitaih

sation.

Enfin il serait bon d'instituer dans le duché de Bade un conseil

de spdcialislescomposc par exemple, comme dans le Wurtemberg,

par des réunions annuelles de directeurs-médecins. Ce conseil s'oc-

cuperait de questions d'assistance et de questions de droit et d'or-

ganisation. examinait, par exemple, si la région comporte lacréa-

tion de nouveaux lits - s'il faut opérer de nouvelles constructions

ou agrandir les asiles- s'il faut et comment il faut pratiquer l'as-

sistance familiale s'il est bon de construire des asiles pour buveurs

de quelle manière s'impose l'organisation du personnel des

infirmiers s'il est utile d'augmenter le nombre des médecins

d'asiles Les conditions d'admission des aliénés méritent une

réforme, principalement en ce qui concerne les cliniques. Nous

n'avons pas l'admission volontaire. Un malade ramassé par la

police ne peut être reçu tant qu'une autorité administrative, en

l'absence d'autres personnes autorisées, n'a pas établi de réquisition.

On ne peut personnellement se présenter pour se faire traiter de

troubles intellectuels conscients dans une clinique. Aucun établis-

sement d'aliénés n'a le droit d'admettre des malades dépourvusde

parents qu'il serait urgent de traiter, en dehors des heures de ser-

vice du fonctionnaire du district : ce qui n'empêche, qu'en cas de

nécessité, on ne les enferme dans une cellule municipale en atten-

daut que les foruralrtés voulues aient élé remplies. Les voici donc

séquestrés dans des conditions déplorables, arbitrairement, sur le

rappolt d'un agent de police ou d'un concierge, parce que la loi a

peur de les confier d'emblée à l'assistance régulière et bien ordonnée

d'une clinique ou d'un asile.

Les transferts comportent des modifications rationnelles. Ainsi

à Emmendingen ou à Pforzheim, il est prescrit de recevoir les ma-

lades atteints d'un trouble psychique compliqué d'affaiblissement

intellectuel ou de démence. Il faut que le bulletin spécifie l'un de

ces deux symptômes. L'asile d'Etat n'est pas distingué du grand

asile. Les asiles régionaux sont, par définition, destinés à l'aliénalion

mentale ancienne et aux malades avant besoin de l'assistance d'un

REVUE D'ASSISTANCE ET DE LÉGISLATION. 241

grand asile. La clinique ne doit contenir que des psychoses à mar-

che rapide jusqu'à la fn. A Emrnendingen on enverra plutôt les

aliénés valides et supposés capables de travail ; à Pforzheim surtout

les aliénés faibles, malpropres.

Pour opérer les transferts on use de formalités cérémonieuses et

lentes alors que la rapidité devrait être tout autant de mise que

dans l'admission d'un malade pour la première fois.

Les réformes sont urgentes quand on aura fait cesser l'encom-

brement et elles seraient du ressort du conseil a créer dont nous

avons parlé plus haut. P. KERAVAL.

IL Une visite à l'Asile de Comté du Wisconsin; par le Dr Bonn.

A propos d'une visite à l'Asile de Comté du Wisconsin, l'auteur

fait sur le système des Asiles de Comtés les critiques suivantes :

1° Absence de l'idée d'hôpital;

2° Manque de direction médicale; .

3° Soins insuffisants donnés aux malades, particulièrement aux

gâteux, aux affaiblis et aux épileptiques;

4° Nombre insuffisant d'infirmiers, ce qui force les malades à

rester enfermés, particulièrement l'hiver;

5° Manque d'une surveillance efficace de l'Etat;

6° Manques fréquents dans la direction locale tenant d'une part

à l'ignorance des besoins des aliénés et, d'autre part, au désir

prépondérant de montrer des comptes financiers avantageux aux

commissions de surveillance. (American journal of tt : s6tn ?

octobre 1898.) E. B.

III. Fonctionnement de la Colonie de Craig depuis deux ans

et demi; par le De William SPRATLING.

La Colonie d'épileptiques de Craig a été établie sur un domaine

de 757 hectares, dont 258 de forêts, acheté à une société de

Shakers.

Deux anciens bâtiments ont été réparés, aménagés en 1895. de

façon à pouvoir recevoir 200 malades.

Ces bâtiments sont distants d'un demi-mille l'un de l'autre.

En 1896 a été construit un hôpital pour les cas aigus, médicaux

et chirurgicaux. Cet hôpital contient, en outre, un service de

consultation externe.

En 1897 ont été construits un bâtiment administratif, des cot-

tages pour les médecins et les employés, des écuries, des étables,

un grand bâtiment industriel avec des ateliers de charpentiers, de

menuisiers, de tapissiers, etc., puis une école.

75 p. 100 des hommes sont employés aux travaux de la Colonie,

en particulier aux travaux de la ferme et des champs.

Archives, 2e série, t. VII. 16

242 REVUE D'ASSISTANCE ET DE LÉGISLATION.

81 p. 100 des femmes sont employées aux travaux de couture,

buanderie, etc.

Toute la viande consommée à la Colonie y est tuée et préparée.

Le régime alimentaire est, pour la plus grande partie, composé

de légumes, pain, lait et oeufs, tous produits fournis par la Colonie

elle-même.

Un examen des plus complets du malade est fait à son entrée à

la Colonie, en même temps que les antécédents sont recherchés

auprès de la famille.

A chaque malade correspond une fiche où les crises sont

notées.

Il arrive souvent qu'r leur entrée à la Colonie les malades sont

en quelque sorte intoxiqués par des doses énormes de bromure

prises depuis longtemps.

Dans ce cas, la suppression immédiate du bromure, en même

temps que l'exercice au grand air, une bonne nourriture, donnent

de remarquables résultats.

En ce qui concerne le traitement pharmaceutique, le remède

souverain de l'épilepsie est encore à trouver.

Le bromure, dont la valeur est vantée, n'a qu'une tendance à

faire disparaître les phénomènes convulsifs, mais il n'a pas d'effet

curatif sur l'affection elle-même en éloignant la cause.

L'exercice systématique, qui active la circulation, fait bien

digérer, donne un bon sommeil; voilà, avec une nourriture saine

et bien préparée, le véritable facteur du traitement de l'épilepsie,

et c'est pour réaliser cet exercice sous toutes ses formes qu'ont

été créées les installations variées de la Colonie.

Aucun malade ne sort de la Colonie comme guéri avant que

deux ans se soient écoulés depuis sa dernière crise.

Prochainement sera réalisé le projet de créer de nouvelles

constructions et de répartir les malades dans divers cottages dont

chacun constituera un tout pouvant se suffire.

Il y aura 8 cottages de chacun 12 femmes ; 2 de chacun 30 enfants

et un certain nombre de cottages comprenant chacun 10 à 12

hommes. (.2mericnn joumzal of insanily, octobre 1898.) E. B.

IV. Le second hôpital pour les aliénés de l'Etat de Maryland;

par le D' Roué.

Ce nouvel hôpital pour les aliénés représente le tvpe de l'Open

door. Il se compose d'un bâtiment central pour les services géné-

raux et de trois cottages éloignés l'un de l'autre, disséminés dans

un parc de 291 hectares.

Les divers groupes d'habitation sont reliés par un petit tunnel

souterrain pour le passage de l'électricité, de l'eau chaude, du

téléphone, etc

SOCIÉTÉS SAVANTES. 243

Aucune des portes ou fenêtres du rez-de-chaussée des cottages

n'est fermée à clef et, malgré cela, le nombre des évasions ne

s'est pas élevé à plus de 5 p. 100.

L'hôpital actuel est construit pour 200 malades. (American

journal of insanity, juillet 1898.) E. B.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.

Séance du 29 janvier 1899. PnÉStDEXCE DE MEURIOT et Voisin.

M. Meuriot, avant d'abandonner le fauteuil de la présidence,

passe en revue, dans une allocution très documentée, les travaux

de la Société, au cours de l'année qui vient de s'écouler et résume

avec impartialité les discussions auxquels ils ont donné lieu. Il

invite ensuite M. Voisin à le remplacer et lui souhaite la bien-

venue.

M. J. Voisin remercie la Société dont les suffrages l'ont appelé

à la présidence.

M. Christian, rapporteurde la Commission des comptes, demande

leur approbation et émet le voeu que la Société, dont les finances

sont prospères, rétablisse le prix Esquirol en prenant à sa charge

les frais qu'entraînera la distribution de ce prix.

M. le Trésorier craint qu'on ne puisse le décerner cette année,

en raison de l'obligation où il se trouve d'acheter un meuble de

bibliothèque.

M. Charpentier préférerait que cet argent fut employé à rendre

bimensuelles les Annales médico-psychologiques. La Société charge

le Bureau d'examiner la proposition de la Commission des finances

relative au prix Esquirol.

La descendance des paralytiques généraux.

M. Arnaud a relevé la descendance de 60 paralytiques généraux

et a trouvé 18 fois des tares vésaniques ou névropathiques. Une

première conclusion se dégage donc des faits, abstraction faite de

244 SOCIÉTÉS SAVANTES.

toute théorie : de par son hérédité le paralytique général peut

être un danger pour sa descendance. Un autre fait incontesté, c'est

la fréquence de la syphilis dans les antécédents personnels du

paralytique. Par là aussi leurs enfants peuvent être exposés aux

manifestations de l'hérédo-syphilis.

La question ne lui semble pas d'ailleurs comporter une réponse

générale. Au lieu de considérer les paralytiques en bloc, il faut

les distinguer par catégories, suivant la nature de leurs antécé-

dents héréditaires. Il y a là une question d'espèce. C'est pourquoi

M. Arnaud demande à la Société de maintenir à son ordre du jour

la question de la descendance des paralytiques généraux.

M. Briand voudrait que lorsqu'on parle de la descendance des

paralytiques généraux, on fit tout d'abord, ce qui n'a pas été

indiqué dans la statistique de M. Arnaud, le départ entre les fils

de paralytiques dont les pères sont eux-mêmes exempts de toute

tare héréditaire et ceux sur lesquels pèse une hérédité antérieure

à la paralysie générale. Pour que les faits qui pourront être appor-

tés en faveur de l'influence de la paralysie générale sur la descen-

dance soient probants, il faudra aussi démontrer que si le fils est

taré, il est bien réellement le fils du paralytique et aussi que

l'autre ascendant qui lui a donné le jour est indemne de toute

hérédité vésanique. Enfin et surtout il faudra distinguer les enfants

conçus avant la syphilis, de ceux conçus postérieurement à elle,

mais avant l'éclosion de la paralysie générale et de ceux conçus

après l'apparition des troubles mentaux.

M. Arnaud croit, en effet, que cette distinction est nécessaire.

M. Charpentier. J'ai vu comme tout le monde ici des fils de

paralytiques généraux qui étaient sains d'esprit et d'autres qui

étaient des idiots.

M. Vallon. C'est une idée trop généralement répandue qui

fait croire que les fils des paralytiques n'ont rien à craindre pour

eux. Cet optimisme est dangereux. Beaucoup plus souvent qu'on

ne le pense, en effet, les paralytiques donnent le jour à des enfants

dont le système nerveux est lésé d'une façon quelconque.

M. JOFFROY. J'ai observé, depuis cinq ou six ans, une dizaine

de paralytiques généraux dont les parents avaient été manifeste-

ment atteints eux-mêmes de paralysie générale. J'ai pu me con-

vaincre du diagnostic relatif aux parents en consultant des docu-

ments officiels où figuraient des certificats signés d'aliénistes dont

la compétence était indiscutable. Pour ce qui est de celui des

enfants, j'ai pu le vérifier moi-même. Le paralytique général peut

donc engendrer un paralytique général.

M. Curistian trouve la question intéressante, mais d'une solution

difficile. Il ne comprend pas comment ceux qui admettent l'étiolo-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 245

gie syphilitique peuvent expliquer qu'une diathèse, si manifeste-

ment héréditaire, perde ce caractère chez les paralytiques géné-

néraux.

Pour M. CHRISTIAN, si les enfants naissent avant l'éclosion de la

paralysie générale, ils seront indemnes. S'ils naissent après que

le père a été frappé de méningo-encéphalite, ils n'ont rien à crain-

dre, car ils ne sont pas de lui : l'impuissance est en effet l'un des

premiers symptômes de la terrible démence. HIARCEL l3nr : nn.

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance du lundi 20 février 1899. Présidence de M. Jules Voisin.

M.Jules Voisin, vice-président et M. BÉRILLON, secrétaire général,

lisent les discours qu'ils ont prononcés aux obsèques de M. le

D, Dumontpallier, président de la Société.

M. VL : 1VIANOS présente une malade atteinte d'agoraphobie et

traitée avec succès par l'hypnotisme. Il expose à ce propos toute

la question des phobies en général et de l'agoraphobie en parti-

culier. Il rappelle que cette dernière a été très bien décrite par

Hippocrate. Les phobies les plus variées décrites sous des noms

multiples doivent trouver place dans les traités de maladies ner-

veuses et mentales; c'est dans ce cadre qu'il faut faire rentrer les

crampes professionnelles, comme la crampe des écrivains ou

graphopho61e, le bégaiement, la peur de parler ou 1(iliophobie, la

peur de coudre ou )'ttpop/to6t'e, etc.

M. LE Secrétaire général rappelle le cas d'une agoraphobique

qui rasait les murs et ainsi usait ses vêtements du côté gauche.

Ces sortes de malades sont souvent des abouliques et c'est la ré-

éducation de la volonté qu'il faut d'abord tenter pour rendre effi-

cace le traitement suggestif de l'agoraphobie.

M. Bérillon présente une hystérique qui, il y a six mois, à la

suite d'une violente émotion a eu une crise d'étouffement et est

restée quatre jours sans manger, depuis lors, ses règles n'ont pas

reparu. Son pouls a marqué à cette époque 150 pulsations ; il est

maintenant à l5. Après suggestion pendant le sommeil hypnoti-

que, le pouls se ralentit et tombe à 115, 110, 100. C'est ce que prou-

vent de nombreux tracés sphygmographiques. Il y a donc là une

nouvelle preuve du pouvoir que peut exercer l'hypnose sur un cer-

tain nombre de phénomènes circulatoires.

246 SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. PAU DE SAINT-nIARTI1`I rappelle que dans sa thèse soutenue en

18 10, il a déjà signalé le ralentissement du pouls pendant le som-

meil hynotique, sans qu'il y ait suggestion verbale. Le sommeil

hynotique est donc capable de produire des effets physiologiques

en dehors de la suggestion verbale.

SOCIÉTÉ DE NEUROPATHOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE

DE MOSCOU.

Séance du 24 avril 1898.

G. Rossolimo. Ataxie cérébelleuse héréditaire (avec démonstra-

tion des malades).

L'orateur a eu l'occasion d'observer trois malades, une soeur et

deux frères (les deux derniers ont été présentés à la Société),

atteints de la même affection, et dont l'hérédité, en dehors de

l'alcoolisme du père, ne présente rien d'anormal. Personne dans

leur famille ne présente de strabisme ou de démarche titubante.

Les malades ont encore une soeur et deux frères, tous bien por-

tants.

Voici leurs observations résumées.

I. Olga S... (2e enfant), âgée de vingt-neuf ans, née à terme,

sans dystocie, se développait lentement, toujours d'une intelligence

médiocre et peu habile dans ses mouvements. A l'âge de vingt-

deux ans, traumatisme violent du genou droit, à la suite du-

quel a commencé à remarquer, en même temps qu'une certaine

faiblesse de la jambe droite, que sa démarche devenait de plus en

plus incertaine et vacillante. Plus tard, tremblement et mala-

dresse des mouvements des mains. Depuis quelques mois seule-

ment, diplopie.

Etat, présent. Front étroit et déclive, occiput aplati; petits

doigts courts. Tremblement des mains avec incertitude dans

leurs petits mouvements ; écriture irrégulière (ataxique) avec

tremblement léger. Démarche ataxique cérébelleuse. Instabilité,

impossibilité de se tenir sur un pied. Développement, considérable

de la musculature des membres inférieurs. Sentiment de lassi-

tude dans les jambes. Exagération des réflexes rotuliens. Parésie

des muscles obliques supérieurs droits.

II. Michel S... (5" enfant), vingt-quatre ans, né à terme, sans

SOCIÉTÉS SAVANTES. 247

dystocie, se développait normalement. Depuis l'âge de quatorze ans

jusqu'au dernier temps, il s'adonnait à la masturbation. A l'âge

de dix-huit ans, maladie fébrile de deux mois de durée, à la suite

de laquelle la démarche devint vacillante, plus tard, maladresse

des mouvements des mains. A l'âge de dix-neuf ans, le strabisme

externe qui avait existé auparavant s'accentua, en même temps

qu'apparut de la diplopie. Intelligence toujours médiocre.

Etat présent. Front bas et déclive. Parésie de la mimique asy-

métrique, exagérée. Rire niais. Parésie du muscle droit interne

(oculaire) des deux côtés. Maladresse dans l'exécution des petits

mouvements des doigts, écriture légèrement ataxique. Faculté

d'hyperextension de la deuxième phalange de l'index gauche.

Plantes voûtées. Instabilité des jambes, impossibilité de se tenir

sur un seul pied. Démarche ataxique cérébelleuse. Développement

considérable de la musculature des membres inférieurs. Sentiment

de lassitude dans les jambes. Exagération des réflexes rotuliens,

léger clonus des pieds. Hémicranie. Parole irrégulière, sacca-

dée.

III. Nicolas S... (6° enfant), dix-sept ans, né à terme et sans

dystocie, se développait normalement ; intelligence médiocre.

Depuis l'âge de dix jusqu'à l'âge de treize ans, pratiques de mas-

turbation. A partir de l'âge de treize ans, démarche vacillante à

évolution progressive. A l'âge de quatorze ans, parole ralentie.

Etat présent. Occiput aplati, front déclive, mimique exagérée,

secousses cloniques choréiformes, de courte durée dans les

muscles inférieurs de la face ; contractions intentionnelles dans

les muscles supérieurs de la face.

Parole irrégulière, par à coups et saccades, zézaiement ; voix de

tête, aiguë. Rire facile. Maladresse dans les petits mouvements des

mains. Ecriture ataxique. Instabilité des jambes, impossibilité de

se tenir sur un seul pied. Démarche ataxique cérébelleuse. Senti-

ment de lassitude dans les jambes. Exagération des réflexes rotu-

liens, clonus des pieds. Plantes voûtées. Hypertrophie vraie des

muscles des cuisses et des jambes. Parésie du muscle droit ocu-

laire interne et du côté droit. Hémicranie.

Diagnostic. Ataxie cérébelleuse héréditaire.

Particularités familiales du cas : 1° Parésie des muscles droits

oculaires internes (obs. Il et III) et du muscle oblique supérieur

(obs. I) (dans les observations précédentes des auteurs on notait

plus souvent la participation du muscle droit externe) ; 2° hyper-

trophie vraie des muscles des membres inférieurs, par suite d'un

exercice exagéré (hyperfonction) en vue de la conservation de

l'équilibre; 3° l'éclosion de l'ataxie est précédée par d'autres affec-

tions : traumatisme du genou (chez la malade 1); maladie fébrile

(chez la II) ; masturbation prolongée (chez les malades Il et 111).

248 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Discussion : M. le professeur KojEWNmow rappelle l'observation

de Pelizoeus de sclérose disséminée familiale, qu'on peut rattacher

à cette catégorie d'observations. Il parait nécessaire d'admettre

que dans les cas d'ataxie cérébelleuse héréditaire, l'arrêt de déve-

loppement s'étend en dehors du cervelet à d'autres régions du

système nerveux (là moelle épinière dans le cas de Nonne), et

notamment aux régions motrices.

II. S. Nalbandow. Contribution ci la symptomatologie de la

syringomyélie (type Morvan). -

Nalbandow présente une jeune femme qu'il avait d'abord exa-

minée dans la clinique du professeur Kojewnikow. Son affection

a débuté vers la fin de 1895, par des panaris multiples, douloureux,

Ceux-ci apparaissaient aux doigts et aux orteils, en même temps

avec d'autres troubles trophiques (bulles, gangrène des phalanges

terminales), et se répétaient jusqu'au dernier temps. Parmi

d'autres symptômes en dehors de ceux de l'hystérie, on note un

abaissement de tous les modes de la sensibilité, des paumes et

des plantes, et dans le domaine des branches supérieures du tri-

jumeau.

L'auteur fait le diagnostic de la syringomyélie et s'arrête sur la

valeur des panaris douloureux comme un des symptômes initiaux

de la syringomyélie, pouvant précéder tous les autres. Le fait

de l'existence du panaris douloureux comme symptôme isolé,

permet de croire qu'il existe dans la moelle un centre trophique

ou vasomoteur, nettement différencié et localisé.

PIIÉOBII JI : NSKI, Rolu etMouRATOw prennent part à la discus-

sion.

III. L. Minor. DtSSOCMt'OH s< ? tt : o ! H)/tue de la sensibilité

dans les myélites transverses (à propos d'un travail récent de

M. Marinesco). ,

L'orateur rectifie une inexactitude qui s'est glissée dans un

travail de M. Marinesco, publié dans la Semaine Médicale, 1898,

n° 20. Dans ce travail, M. Marinesco prétend que la dissociation

syringomyélique de la sensibilité n'a encore jamais été notée

dans les myélites transverses. Or. M. Minor avait parfaitement

noté l'existence de ce symptôme au cours des myélites transverses

dans son rapport fait au XIIO congrès international de Moscou.

Secrétaires des séances : A. 13ERIVSTG11V, B. MOUn,1\vIE\V.

Séance du 18 septembre 1898.

I. N. ScHOS;N. Deux cas d'infantilisme.

L'orateur rappelle d'abord l'observation du malade D... (âgé de

vingt-un ans et ayant l'air d'un enfant de dix ans) qu'il a présenté

à la séance du 20 mars dernier et chez lequel le traitement thy-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 249

roïdien institué pendant un mois, n'a donné aucun résultat appré-

ciable.

11 présente ensuite une autre malade S... âgée de quatorze ans

et demi, issue d'une famille de dégénérés et qui a subi un arrêt

de développement général à l'âge de deux ans et demi à trois ans.

Sa taille, avant le traitement, était de 88 centimètres. La malade

présentait des signes non équivoques de myxoedème, des altéra-

tions rachitiques du squelette, une série de signes de dégénéres-

cence, un manque de développement des organes génitaux ; du

côté psychique : apathie et idiotisme. Les épreuves radiographiques

montrent l'arrêt du processus d'ossification.

Après un traitement par la thyroïdine, continué pendant quatre

mois, la taille a rapidement augmenté, elle est maintenant de

93 cent. 5 ; les membres supérieurs se sont allongés de 18 p. 100

de leur longueur initiale, les paumes des mains de 36 p. 100, les

jambes, de 23 p. 100; les plantes, de 13 p. 100. Le mont de Vénus

s'est couvert de poils. L'état psychique a subi également un chan-

gement très prononcé.

En comparant ses observations à celles des auteurs français,

l'orateur rattache le malade D, au type Lorain, bien que certains

signes le rapproche du type myxoedémateux, tandis que la malade

S... appartient à la catégorie des infantiles myxoedémateux. Il

rappelle l'hypothèse de Hertoge, qui admet une étiologie générale

et unique pour tous les cas d'infantilisme et caractérisa la patho-

génie de ce phénomènes par le terme « dysthyroïdie ».

Discussion : M. Mouratow ne pense pas que le 1 ? malade D...

présente des symptômes de myxoedème ; par contre, la 110 ma-

lade S... est plutôt une myxoedémateuse qu'une infantile. Le

terme « infantilisme » ne saurait guère être appliqué à des cas

pareils.

M. KOJL ? W.41KOW pense que l'infantilisme reconnaît des causes

pathogéniques multiples et qu'il n'est pas rationnel de généraliser

diverses formes d'arrêt de développement sous un même terme

d'infantilisme.

1111. VonomEr.r et SERBSKY prennent également part à la discus-

sion.

II. K. ADELHEIU présente le nouveau périmètre du Dr Ascher.

111. L. Minor. Courte notice à propos delà lettre du professeur

Pick sur les troubles de la sensibilité dans les myélites transverses.

Le travail de M. Marinesco, qui se croit être le premier à avoir

signalé l'existence de la dissociation de la sensibilité dans les

myélites transverses, a provoqué, en dehors de la note de M. Minor

toute une série de contestations de la part de van Gehuchten,

Brissaud, Bruns et Pick. Dans sa lettre, publiée dans le Neurol.

250 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Centralbl., 1898, n° 13, le professeur Pick reproche à M. Minor

d'avoir à son tour oublié que c'est lui, Pick, qui le premier a

décrit, il y a longtemps déjà, des troubles syringomyéliques de la

sensibilité au-dessus de la zone de l'anesthésie complète dans un

cas de myélite transverse.

Or, le cas de M. Pick est fort ancien, il a été publié il y a dix-

huit ans et caché dans un travail volumineux qui porte un titre

fort obscur et sans la moindre allusion au point controversé (Nou-

velles contributions à la Pathologie et à l'Anatomie du système ne)'.

veuee central). Il a donc parfaitement pu passer inaperçu par lui et

par les autres auteurs, ce qui est arrivé en effet. Le reproche que

M. Pick adresse à M. Minor est donc peu justifié, tandis que le cas

de M. Marinesco est très différent. En effet, le travail de M. Minor

où se trouvent signalés les troubles syringomyéliques dans les

myélites transverses, est tout récent, datant à peine de sept mois ;

il a été lu en présence de M. Marinesco ; les conclusions et les

thèses de ce travail ont été publiées dans le même journal

(Semaine Médicale) où parut plus tard le travail du M. Marinesco.

En outre, M. Minor a remis à M. Marinesco une série de prépara-

tions se rattachant à ce travail, et cette remise a été accompagnée

d'explications très détaillées. M. Minor est donc bien en droit de

reprocher à M. Marinesco d'avoir oublié son travail et d'avoir omis

de reconnaitre que M. Minor avait signalé avant lui l'existence de

la dissociation de la sensibilité dans les myélites. '

Secrétaires des séances : G. HOSSOLIMO, N. VERSILOFF.

Séance du 9 octobre 1898.

I. N. Solovtzow. Hydrocéphalie et hydromyélie comme source

de diverses monstruosités du système nerveux central.

La syphilis congénitale, qui dans les organes internes apparait

sous forme de gommes miliaires, se révèle dans le système ner-

veux central par des inflammations chroniques des vaisseaux, ce

qui amène un trouble dans la sécrétion de la lymphe et aboutit à

une dilatation des vésicules primitives du névraxe.

Selon que le processus atteint l'une ou l'autre de ces vésicules

les déformations tératologiques diffèrent de siège et d'aspect.

L'hydrocéphalie se généralisant à toutes les cinq vésicules céré-

brales, aboutit à l'absence complète de la voûte crânienne et à

l'arrêt de développement de tout le cerveau, lequel apparait alors

sous forme d'une vésicule ou d'une pellicule mince couvrant la

base du crâne.

L'hydrocéphalie se limitant à la première vésicule cérébrale,

il en résulte l'absence des hémisphères; se limitant à la deuxième,

troisième, quatrième ou cinquième, elle aboutit respectivement à

l'absence des couches optiques ou à la dilatation, voire même à

SOCIÉTÉS SAVANTES. 281

l'ouverture de l'aqueduc de Sylvius, ou enfin à l'absence ducerve-

et. En outre, la perte d'une vésicule quelconque entraine fatale-

ment celle des système nerveux qui y prennent leur origne ou qui

s'y terminent; de même que la perte des centres, d'où partent ces

systèmes de fibres. Ainsi l'absence du cervelet entraine l'absence

du faisceau cgrébelleux direct, des fibres arciformes, etc ! , etc. La

perte des hémisphères et des couches optiques entraîne celle des

pyramides, de la couche extraolivaire, du laqueus et de toutes les

fibres qui forment le pied du pédoncule. L'oedème du canal cen-

tral de la moelle donne lieu soit à l'hydromyélie, soit à la forma-

tion du spina bifida, ce qui de son côté provoque l'abaissement de

la partie dorsale du bulbe (dans le spina bifida de la région dor-

sale) ou seulement du vermis ( dans la spina bifida de la région

sacrale).

Discussion : M. Minor attire l'attention sur les conditions méca-

niques qui accompagnent les manipulations de l'extraction de la

moelle pendant l'autopsie, et qui peuvent donner lieu à des dépla-

cements ou des dédoublements de la moelle épinière, surtout chez

les nouveau-nés.

Il regrette en outre que l'orateur n'ait pas fait l'examen de

l'épithélium du canal central dans les cas sur lesquels il s'appuie.

M. MOURATOW ne croit pas qu'on puisse expliquer les diverses

monstruosités indiquées par M. Solovtzow par le seul fait de la

compression exercée par le liquide épanché. D'autre part le rôle

delà syphilis dans les cas de S..., n'est pas suffisamment démon-

tré. Dans ses recherches microscopiques, M. S... a eu le tort de

négliger l'examen de la névroglie.

M. KojEWNiEOw ne peut pas admettre que les altérations vascu-

laires dans les cas de M. S... soit de nature syphilitique. Elles

peuvent être secondaires, consécutives au manque de développe-

ment de la substance nerveuse.

IL T. RYBAKOFF. Contribution à la pathologie de la M/Me ner-

veuse et de ses prolongements.

L'auteur a examiné d'après la méthode de Golgi, les cellules de

l'écorce cérébrale des cobayes qui avaient subi un empoisonne-

ment plus ou moins prolongé (de cinq à trente jours) par le

plomb. Les altérations consistent généralement en ceci que les

prolongements perdent leurs contours réguliers et uniformes, ils

présentent des renflements multiples, fusiformes ou sphériques ;

dans quelques cas, on voit le prolongement se désagréger en une

série de petits tronçons, ayant l'aspect de gouttelettes ; en même

temps les petites épines qui à l'état normal garnissent les prolon-

gements des deux côtés disparaissent plus ou moins. Ces altéra-

tions sont plus prononcés dans les couches superficielles et

252 SOCIÉTÉS SAVANTES.

affectent surtout les panaches protoplasmiques. Elles commencent

par les plus fines branches des dendrites et s'étendent graduelle-

ment aux troncs plus épais jusqu'à atteindre le corps cellulaire

lui-même, lequel se déforme alors, se gonfle et se recoqueville.

Des faits analogues ont été observés par divers auteurs dans des

circonstances pathologiques très différentes.

L'auteur pense que toutes ces altérations tiennent à l'action

directe sur la cellule de la substance nocive, quelle que soit la

nature de celle-ci. Il s'agit d'un processus destructif sans doute,

pourtant dans les cas légers la restitution ad integrum du prolon-

gement peut s'opérer.

MM. Mourawieff et KOJEWNIKOW prennent part à la discussion.

III. Vu. Mourawieff. Un cas de désagrégation aiguë de la ntyé-

line dans le système nerveux central et périphérique ; sarcomes mul-

tiples.

Malade âgé de vingt-deux ans; pas de syphilis; abus d'alcool;

chancre mou il y a un an. Pendant un séjour à la clinique a pré-

senté une série des troubles du côté de l'appareil neuro-muscu-

laire et des articulations des membres inférieurs. A l'autopsie on

trouva une sarcomatose étendue de la peau et des organes

internes; en outre tumeur sarcomateuse large et peu proémi-

nente de la dure-mère cérébrale, et une autre tumeur molle de

la dure-mère spinale dans la région dorsale moyenne. Dans tous

les nerfs périphériques examinés sous le mircroscope, on a cons-

taté une désagrégation de la gaine de myéline en segments irrégu-

liers, ce qui constitue le premier stade de la névrite. Dans la

substance blanche de la moelle et du cerveau, on voit sur des

préparations faites d'après la méthode de Busch, un grand

nombre de petits tronçons, provenant d'une désagrégation de la

myéline. En outre, on a trouvé une dégénération des racines et

des cordons postérieurs. L'auteur explique cette désagrégation

aiguë de la myéline par une auto-intoxication, par suite de l'ex-

tension de la sarcomose, vu l'absence de tout autre facteur étio-

logique plausible. Les muscles des membres inférieurs présen-

taient le tableaude la myosite interstitielle, avec atrophie et désa-

grégation partielle des éléments musculaires.

Diseussio2î : M. Kojewnikow fait remarquer que les altérations

décrites par l'auteur ont pu se produire sous l'influence du ma-

rasme général.

Secrétaires des séances : G. Rossolimo, N. VERSILOFF.

BIBLIOGRAPHIE.

VII. 77tsBuMe<M ! of the Ohio Hospital for Epileplics. January, 1898.

Cette publication, qui doit paraitre à intervalles irréguliers, est

consacrée aux travaux faits dans l'asile des épileptiques de Galli-

polis. Le premier numéro contient un extrait du Rapport annuel

de l'administrateur, un médecin ; une description du labora-

toire pathologique, communs tous les médecins (avec figure) ;

la relation détaillée de six cas d'épilepsie avec autopsie, par Ohlma-

cher (3 pi.); de la ressemblance des cas précédents d'épilepsie

avec certaines maladies associées à une hyperplasie thymique,

par le même; l'assistance des épileptiques par les colonies, par

Butter; -l'établissement d'un institut pathologique d'État, par le

même; - deux cas de méningite typhoïde, par Ohlmacher; -

technique microscopique et cas d'abcès cérébelleux consécutif à

un abcès de l'oreille moyenne, parle même. - Comme on le voit,

ce premier fascicule est intéressant. Nous donnerons le sommaire

des numéros suivants dès qu'ils nous seront parvenus.

VARIA.

Statistique DES idiots dans LES pays Scandinaves.

Insuffisance DE renseignements EN France.

Nous avons reçu la lettre suivante : ,

Copenhague. Danemark, le 7 janvier 1899.

Mon cher confrère,

Dans le nouveau Journal Scandinave pour l'assistance des idiots,

aveugles et estropiés, je désire publier un rapport international

comparatif du nombre des places pour imbéciles et idiots dans les

établissements spéciaux de l'Europe. Je vous prie de m'aider à

répondre à la question relative à la France.

Le Danemark a maintenant une population de deux millions

d'habitants et 1,200 places (dans deux établissements) pour les

idiots, c'est-à-dire 1 p. 1.666. En Norvège, la population est de

deux millions et le nombre des places pour imbéciles (dans quatre

établissements) est de 450, c'est-à-dire 1 p. 4.444. En Suède, il y

2b4 VARIA.

a 813 places pour imbéciles et la population est de cinq millions,

c'est-à-dire 1 p. 6.150.

En France, la population est de 38 millions. Combien y a-t-il de

places pour les idiots dans les établissements spéciaux ?

J'ai lu votre rapport de 1894 avec un grand intérêt. Dites-moi, je

vous prie, si les chiffres sont les mêmes qu'en 1895 ? - Je suis votre

Christian Seller,

Médecin en chef de l'Institution Keller.

Nous sommes humilié de ne pouvoir répondre à notre

honorable correspondant. Les renseignements que nous

avons donnés dans notre Rapport de 1894 ont été rassemblés

par nous et sans l'aide de l'Administration qui n'a pu rien

nous fournir. Bien des fois nous avons réclamé d'elle des

statistiques sur les enfants anormaux, en particulier sur les

idiots, et cela tout à fait en vain. Le devoir de l'Adminis-

tration est pourtant de se renseigner, de connaître exacte-

ment la situation, afin d'éclairer les législateurs, les éduca-

teurs et le public. Si la loi sur l'obligation de l'instruction

primaire était appliquée comme elle devrait l'être, on

connaîtrait tous les anormaux et on pourrait se rendre

compte de ce qu'il y a à faire pour eux. B.

Nécessité de l'hospitalisation ET DU traitement DES IDIOTS.

Le Petit Var du 12 février rapporte le fait suivant :

Trois jeunes gens de La Seyne, C..., F... et 0..., dit le Petit Var

du 12 février, sont inculpés de coups et blessures. Le jeune homme

0., qui est faible d'esprit, était en butte aux taquineries continuelles

de ses camarades qui abusaient de son imbécillité. Un beau jour, il

s'est rebiffé et a donné un léger coup de canif à ses agresseurs C.

et F., qui l'ont alors roué de coups. M° Leenaerts plaide pour le

malheureux 0. qui s'en tire avec trois mois de prison effacés par

le bénéfice* de la loi 13érencrer. Les peu intéressants C. et F. sont

gratifiés de six jours de prison.

Nouveau fait à joindre à beaucoup d'autres et qui vient

montrer une fois de plus la nécessité de la réforme hospita-

lière que nous réclamons depuis si longtemps : création

d'asiles départementaux pour l'assistance et le traitement

médico-pédagogique des idiots. Nous profitons de l'occasion

pour rappeler que les idiots de toute catégorie, enfants ou

adultes, doivent être considérés comme des aliénés, dans la

VARIA. 255

grande majorité des cas; qu'ils sont sujets à des périodes

d'excitation, à des impulsions qui les rendent dangereux ;

qu'ils commettent des actes de violences, griffent, mordent,

battent les autres enfants, qu'ils sont destructeurs, ont des

instincts pervers, etc. A cet égard, même des enfants de deux

ou trois ans doivent être séparés de leurs familles et hospi-

talisés. B.

L'alcoolisme CHEZ LES enfants.

Nous avons eu souvent l'occasion de relater des observations

d'idiotie due à des lésions méningitiques ou encéphaliques, consé-

cutives à l'alcoolisme chez les enfants et aussi de relever des faits

sommaires consignés dans les journaux politiques. A tous ces faits

dont les plus récents figurent dans notre précédent numéro, nous

en ajouterons un nouveau, cité par le Bonhomme Normand (17 fév.) :

« Un enfant de trois ans, de Mainsec (Charente), est mort pour

avoir bu le quart d'un litre de rhum que sa mère avait laissé sur

la cheminée. » .

Plus qu'autrefois, les médecins, en présence d'accidents céré-

braux chez les enfants doivent songer, comme étiologie, à l'inter-

vention de l'alcoolisme. B.

UNE VISITE A la clinique psycuutrique DE GIESSEN

(Grand duché de Hesse) ; par le Dr LAMAME.

D'après M. Sommer, les avantages de l'asile clinique de Giessen,

où le no-restraint est en honneur, peuvent se résumer dans les

points suivants :

10 L'abondance des locaux pour les recherches scientifiques et

pour l'enseignement psychiatrique ;

2° La multiplicité des salles spécialement aménagées pour la

surveillance continue ;

3° L'annexe à la salle de surveillance de locaux de réunion, de

cabinets de bains et de water-closets ;

4° L'organisation d'un cabinet spécial pour l'examen scientifique

des malades, à côté de la salle de surveillance;

5° La connexion étroite de cette salle avec les cellules d'iso-

lement ;

6° La situation des appartements des médecins à proximité des

salles de surveillance continue.

Il est bon de noter qu'on trouve à Giessen un infirmier pour

trois malades et qu'outre le professeur de clinique, qui remplit

les fonctions de directeur-médecin en chef, il y a quatre médecins

assistants; l'asile peut recevoir 100 malades, mais le nombre habi-

tuel des malades présents pendant les derniers mois a oscillé entre

50 et 62. (Annales ? Ht;dMO-ps</c/M<09 : <M, déc. 1898.) E. BuN.

FAITS DIVERS. '

Asiles d'aliénés de France. Asile de Bron. Le concours de

l'internat de l'Asile s'est terminé par les nominations suivantes :

Interne titulaire, M. Faure. Internes suppléants, MM.' Tissot,

Lhoste, Buvat, Vires et Maussire. (Gazette Médicale de Paris, du

18 février 1899.)

Nécessité DE l'Assistance DES Aliénés. Mmc Louise Brissaud,

soixante ans, épouse Vivial, demeurant à Gensac, a été brûlée

vive pendant l'absence de son mari. Cette malheureuse ne jouissait

pas de toute ses facultés mentales et on suppose qu'elle aura voulu

jouer'avec le feu. De la l'accident. La gendarmerie en a dressé

procès-verbal. (Indicateur de Cognac, 12 janvier 1899.)

Alcoolisme : Ses conséquences. A Longueville (Seine-Infé-

rieure), le nomme'Henri Ansont, 23 ans, ivrogne et mauvais sujet,

avait bu avec Jean Duhamel, 62 ans, journalier. Ils.se. grisèrent

et se querellèrent. Alors Ansont assomma lé vieillard d'un coup de

pelle à feu sur la tête, puis il porta le cadavre dans un champ où

on le retrouva. Ansont, ayant été arrêté, a avoué son crime.

(Bonhomme Normand, février.)

Un journalier, Victor Leprince, âgé de quarante-six ans, a

été trouvé pendu hier matin dans le bois de Chamasson, près

Limours. Ce désespéré se livrait à la boisson.

A Pussay, près d'Angerville, M. François Dorgère, âgé de

soixante-seize ans, garde champêtre, s'est pendu à un arbre. On

attribue ce suicide à l'alcoolisme. (Petit Journal, 22 novembre.)

Traitement DES imbéciles ET des épileptiques. Le Local Gover-

nement Bord a sanctionné l'acquisition d'un vaste domaine faite

par le Leicester Bord of Gardians dans le but de faire une expé-

rience pour le traitement des imbéciles et des épileptiques qui

sont actuellement dans le Workhouse de Leicester. Le projet en

question est le résultat d'une enquête instituée sur le. Continent

par le Chorhozz Bord of Gardians avec l'intention de se rendre

compte des avantages de la méthode de traitement adoptée en

Belgique et en Allemagne. '

Le rédacteur-gérant, Bourneville.

4Nretl%, IIIIP. - 399

Vol. VII. Avril 1899. ? 40

ARCHIVES DE NEUROLOGIE .

CLINIQUE MENTALE.

MYSTICISME ET FOLIE 1 ; !

Par le D' A. MARIE,

Médecin en chef de la Colonie de Dun.

Sous la dénomination de délires mystiques on ne saurait

tenter une réhabilitation de l'entité morbide que les anciens

auteurs décrivaient sous le nom de folie religieuse. Elle a

vécu comme les monomanies qui ont fait place aux délires

systématisés. Nous pensons donc qu'il y a lieu de l'attacher

les psychoses où se rencontrent des conceptions délirantes

de nature religieuse à des types cliniques mieux définis, dont

les délires mystiques ne sont que des modalités ; aussi avons-

nous seulement en vue ici une question de séméiologie.

Nous esquisserons d'abord un court résumé des conditions

générales de milieu, de temps, de lieu, d'éducation et d'héré-

dité, qui favorisent l'éclosion des délires mystiques.

En ce qui concerne les psychoses religieuses du moyen

âge, les causes furent vraisemblablement les mêmes que

pour les psychoses identiques qu'on peut encore observer de

nos jours bien qu'exceptionnellement. Elles ont été maintes

fois étudiées et nous nous contenterons de renvoyer aux

documents historiques que nous indiquerons à la fin de ce

travail. La synthèse en a d'ailleurs été magistralement faite

' La mise à l'étude pour le Congrès de des délires syslé-

matisés secondaires, nous a engagé à écrire cet article qui s'appuie sur

deux études antérieures publiées avec M. le Dr Vallon, in 1 ? -ch. de iveti-

rologie, 1896-1897, n" 12, 13, 15, et 1898, n°5 29 et 30.

Archives, 21 série, t. Vil. 17

2S8 CLINIQUE mentale.

par Calmeil dans un traité de la folie considérée sous le point

de vue pathologique, philosophique, historique et judiciaire.

(Paris, 1845.) Nous y avons puisé largement.

Mais un côté dqja question qui a été peu abordé jusqu'ici,

c'est l'étude des milieux particuliers, où se développent

encore des délires mystiques, elle pourrait permettre d'in-

duire à quelles conditions générales, étiologiques, ces psy-

choses ont dû d'éclater simultanément dans certains pays

éloignés, à certaines époques et de s'y reproduire ensuite

avec persistance, jusqu'à nos jours. Car un fait à noter,

c'est qu'à l'heure actuelle, les régions qui paraissent pro-

duire des aliénés mystiques, sont précisément celles où

régnèrent au moyen âge les psychoses religieuses à l'état

endémiques.

Comme on l'a dit', l'ignorance est la mesure de la reli-

gion ; toutes deux vont et suivent de compagnie. A l'accrois-

sement de la science, correspond l'amoindrissement de la

foi. Ces paroles peuvent s'appliquer au délire religieux

qui sévit encore de nos jours dans les régions où l'instruc-

tion est le moins développée.

D'une façon générale les facteurs étiologiques qui nous

occupent sont de deux ordres ; les unes extrinsèques tenant

au milieu ambiant, les autres intrinsèques tenant aux ma-

lades eux-mêmes, aux conditions de procréation et de déve-

loppement individuel, etc.

Les régions montagneuses ou peu accessibles et peu fré-

quentées, amènent une vie confinée très propre à la perpé-

tuation des vieilles superstitions du fétichisme primitif le

plus grossier.

La misère physique s'y faisait particulièrement sentir,

aux époques des grandes famines du moyen âge; il en est

de même des jeûnes exgérés commandés par le fanatisme

religieux. Enfin la misère psychique résultait fatalement de

l'ignorance superstitieuse invétérée. Le peu d'instruction

répandue était purement religieuse ; il ne pouvait que pré-

parer le terrain à l'action désastreuse des prédications terri-

fiantes faites au cours de missions tendant à cathéchiser les

populations arriérées. Celles-ci manquaient leur but par le

zèle intempestif des cathéchistes comme cela se voit encore

' André Lefèvre. Dictionnaire des sciences anthropologiques, article

Religion.

mysticisme ET FOLIE. 239

parfois pour les néophytes des missions coloniales. (Possédés

de Coc7ziaclaiae, Calmeil, II, 417, LC.)

« On a vu, dit Calmeil, le délire éclater à la suite de con-

fessions mal dirigées, de sermons sur les peines de l'enfer

dans lesquelles l'orateur avait cru devoir frapper l'esprit à

l'aide de descriptions extravagantes et coloriées à plaisir,

déjeunes et de privations poussées au delà des limites de la

prudence. »

« Une cause fréquente de délire religieux, dit M. le

D, Ballarger, ce sont les missions, les sermons véhéments et

les prédications qui peignent en vives couleurs les calamités

de l'Église... En Irlande, une épidémie de délire mystique se

manifesta ainsi il y a quelques années à la suite de prédica-

tions, destinées à amener un réveil religieux'. » »

Une épidémie contemporaine, dans l'ouest où nous avons

encore pu observer l'un des malades éclata de même à la

suite d'une mission prêchée dans la localité. Ajoutons que

les missions se multipliaient aux époques de calamités

publiques, pendant les famines notamment.

L'absence de croisements et la consanguinité des ascen-

dants accumulent trop souvent la dégénérescence, multi-

pliant les tares similaires neuro-psychopathiques et autres,

elles préparent les délires endémiques. Plusieurs de nos

observations personnelles portent sur des malades de

l'Ouest.

Les campagnes fournissent dans ces régions un apport

considérable d'aliénés. Or dans ce milieu les infirmités céré-

brales l'emportent constamment sur les affections délirantes

vraies comme si la dégénérescence héréditaire y parcourait

plus rapidement l'échelle régressive descendante... C'est que,

dans ces campagnes malgré l'application de vingt années de

service militaire pour tous, le paysan est resté confiné, ne

s'alliant volontiers qu'aux familles du même village ou

d'alentour. Il en résulte la fréquence du même nom dans

certain îlot du département et la. coexistence fréquente à

l'asile d'aliénés portant même nom, parents éloignés à leur

insu, autant au point de vue pathologique que patrony-

mique 2

' P. Bail. Traité des maladies mentales, p. 492. Edition 1887.

' La Roche-Gandon. Rapport 91, p. 12, D's Friese et Marie.

260 CLINIQUE mentale.

Ajoutons la débilité physique par privations et mauvaise

hygiène sociale et la débilité mentale congénitale, compli-

quées de causes dépressives occasionnelles. (Chocs moraux,

toxiques, stupéfiants.)

Une pratique fréquente dedémonolâtres et de lycanthropes

consistait à s'enduire le corps de certaines pommades et à

boire des breuvages compliqués où entrait la belladone.

Encore de nos jours on trouve trace de ces pratiques '.

1° Délires systématisés. Au point de vue séméiologique,

une première distinction est à faire selon que les conceptions

délirantes mystiques sont ou non systématisées. On peut

classer en deux sous-groupes distincts les affections mentales

où s'observe un délire systématisé de teinte mystique.

D'une part les cas où les idées religieuses sont l'expression

d'un fond mental congénital ou acquis particulier; l'aberra-

tion progressive en entraîne l'évolution systématique et la

complexité croissante, suivant une marche cyclique.

D'autre part, les psychoses ordinaires non progressives

ainsi que les folies toxiques, organiques, névropathiques, etc.,

pouvant s'accompagner d'idées délirantes religieuses. Ces

dernières ne constituent alors qu'un des éléments multiples

et variables du cortège symptomatique; mais elles prennent

une importance particulière au point de vue du diagnostic

avec les précédentes.

Arrêtons-nous un instant tout d'abord sur ces psychoses

religieuses systématisées à évolution chronique. Aux délires

mystiques répondant à peu près au type établi par M. Ma-

gnan dans son délire chronique, on peut opposer des espèces

morbides analogues comme début et chronicité mais à évolu-

tion diamétralement opposée. Nous voulons parler des déli-

res systématisés dits secondaires 1, en particulier des mélan-

coliques chroniques à idées de damnation et de possession,

dont on doit la synthèse délicate à M. Cotard3.

1 Voir l'observation citée plusloin : P. Regnard, les Sorciers, 1887, p. 22;

13ourneville et Teinturier, le Sabbat des Sorciers. (Bibliothèque diabo-

lique.) P. M.

Séglas. La Para ? to7a, p. 33, t. III, 1887. (Arch. de Neur., n° 39.)

An. Md. Psy., janvier 1889 et juillet 1889. Progrès Médical,

n° 4G, p. I, 16 novembre 1889. (Caractères généraux des délits

mélancoliques.)

' Cotard. drch. de Neurol., 41 et ! 2, 1882.

mysticisme ET folie. 261

En ce qui concerne les formes de délires systématisés pri-

mitifs, nous rappellerons que M. Magnan rejette le délire

mystique comme entité distincte, mais l'admet comme variété

du délire chronique, puisqu'il en trace l'évolution compara-

tive parallèlement au délire chronique type'.

D'autre part si nous passons en revue les principales

nomenclatures étrangères en psychiatrie, nous y voyons

également des délires religieux figurer comme variété d'autres

grands groupes.

C'est ainsi que Griesinger = (1845-·1867) que nous aurons

plusieurs fois l'occasion de citer (édit. 1873, p. 361, 363, 687),

au sujet de la théorie de la possession, décrivait des « Scon-

dare Verrucktheit » à teinte 'mystique (délires systéma-

tisés secondaires démono-mélancoliques). Plusieurs observa-

tions de cette dernière classe sont typiques à notre point de

vue. Il leur oppose en dernier lieu les formes primitives

de Snell, pouvant affecter une forme religieuse exaltée ?

Hertz, Ripping, Nasse et Samt ('1874) distinguent aussi ces

Werrucktheit ou "Wahnsinn4 primitives et secondaires. Samt

en particulier place les délires religieux comme sous-variété

de la forme originaire, de Sander, qu'il divise en hallucina-

toire dépressive ou exaltée' ;

Avec Mendel6 la terminologie se transforme et la paranoïa

remplace les Werrucktheit ou 'Wahnesinn. Mais Kraffl-Ebing

lui applique la même distinction que les auteurs précédents ;

pour lui il y a une paranoïa secondaire (née le plus souvent

d'états mélancoliques) et une paranoïa primitive; il en étudie

les variétés religieuses7.

' Magnan. Leçons cliniques. (l'ro. Dléd., 1887, p. 182.)

5 Griesinger. Maladie mentale, 65. Trad. Daumie et drch. of I'sych.,

M. I, li8, et édition 1873, p. 361, 363, 367.

3 Snell. Uber monoman als prizzzare forme der Talenslorung, 186.ï,

Birh.

* Hertz, Nasse. (lllp. Geitztn7 0/' l'scla.) Bd. XXXIV, p. 167, 1878.

5 Saint. Die cilioiiwiseiieh. Méthode ttt der 7'cAM/ret, Berliu, 1871,

p. 38-42.

° llemlel. Ettletzbttrg's Encilclopetlie, nov. 1883. B6t'<t)tC)'CeeMs-

'luift f. l'sy. tendclz z\'erue Ziïzung, 9 avril 1883. Nleui-ol. Ceiilj,(tlblall,

5,1883.

'Kratt't-Ebing. Lehrbuch der Psych. Slullgard. - Id.,1879, Bd. lI, -

lrl., 1881 et 1888. - Irrenfreund, XX.

262 CLINIQUE mentale.

Kroepelin distinguant aussi des formes primaires de délires

systématisés et d'autres secondaires, surtout aux états mélan-

coliques décrit les délires religieux du premier groupe'.

Witkowski insiste- sur les formes secondaires et établit des

modalités de transition entre la mélancolie vraie et ces Wer-

rucktheit « ce sont les gens déprimés en permanence néga-

teurs, sceptiques, pourris, damnés, immortels 2 ».

Schüele enfin divise en deux ces délires systématisés 3 :

1° idées délirantes nuisant au moi, le rapetissant, exemple :

personnalité attaquée par le démon ; 2° idées délirantes élar-

gissant le moi ; exemple : idées religieuses aboutissant à la

mégalomanie.

En Amérique, Spitska (1883) décrit deux sortes de délires

systématisés : a) expansifs, 3° sous-variété, délire systématisé

de caractère expansif religieux b) dépressif, à sous-variété

religieuse également.

En Italie, Morselli8et Buccola (1883), distinguent aussi

plusieurs formes de paranoïa; et à côté du délire des persé-

cutions proprement dit(Querulenti e litiganti) ils décriventune

seconde forme de couleur érotique ou religieuse. Amadei et

Tonnini13 (1883) opposent en outre à ces paranoïa dégénéra-

tives des formes psychoneurotiques; le délire religieux figure

dans leur classification dans l'un et l'autre groupe à titre de

sous-variété de chaque forme (originaire, primitive, tardive,

hallucinatoire ou non). Riva et Tanzi7 dans leur tableau de

sept formes de paranoïa, rangent la folie religieuse en troi-

sième lieu après les formes à délire de persécution ou ambi-

tieux, et avant les formes érotiques. Pour eux, comme nous

' Kroepelin. Compendriens der Psych., 1883, Leipsik, id., derne-

dit., 1889.

' Witkowski. Congrès annuel des aliénés allemands, Bd., 1885, et Alg.

Zeilung f. Psych., Bd. XLII, 6, 1886.

1 Schule. Klinische l'sychialria. Speeielle Pathologie und thérapie

der Geislerkrank. Leipsik, 188G. Traduction française de MM. Duha-

mel et Dagouet, P., 1888.

' Spitska. Lzizaite delzzsions. (Journal of nem and mental dizcises,

1881.)

' Morsetti et Buccola. La piazzia sislemalizzalce. (Giornale délia Il.

Acad. et Iiev, sperinz. de l'renalricz, 1882, p. 80.) (Torino, 1883-210.)

1 Amadei et Tonuini. La Paranoïa e le sue forme. (Archietal per le

mal, nervo, 1883-1884.)

7 Riva et Tanzi. Rev. sperim, di Frenalria, 1884, 1885, 1886.

mysticisme ET FOLIE. 263

le reverrons dans la suite de notre étude, le fond mental dé-

génératif est de règle pour les autres paranoïaques.

EnRussie l la même idée est développée par Rosenbach, tan-

dis que Greidemberg admet à côté des formes héréditaires,

d'autres non dégénératives. les idées religieuses pouvant

exister dans l'un et l'autre cas ?

En Belgique, Guislain oppose au délire religieux combiné

à la mélancolie (p. 129 et 187), la mégalomanie religieuse incu-

rable. « Ces dieux, ces saints, ces papes, etc., ne guérissent

pas, à moins que les idées relatives à ces transformations, ne

soient fournies par une mélancolie ou une manie 3... » Avant

d'en finir avec ces questions délicates de nomenclature nous

croyons devoir préciser à quoi correspondent, suivant nous,

les termes de délires systématisés primitifs ou secondaires

souvent employés. Chez le mélancolique, on l'a dit, le délire

est secondaire et consécutif à l'état affectif ; chez le délirant

chronique, le délire est essentiel et primordial 4.

La mélancolie, proprement dite, n'est pas un délire systé-

matique. Lorsque cette vésanie passe à l'état chronique et

qu'un délire systématisé vient se greffer sur l'état primitif,

ce délire est secondaire.

La mélancolie type, religieuse ou non, a en effet, pour

base un trouble du fond émotionnel qui change absolument

l'état moral du sujet. Les idées délirantes par suite, lors-

qu'elles arrivent en second lieu, se trouvent en contradiction

avec le caractère, et les idées antérieures. Il y a déjà chan-

gement du ton de la personnalité, d'où, le délire à marche

divergente; tandis que le persécuté reste toujours le même,

lorsqu'il délire et présente un délire convergent sur lui-même ;

par suite de l'origine primitive des idées délirantes et des

troubles psycho-sensoriels qui les accompagnent.

Ces expressions primitives ou secondaires ont été l'objet

de confusions nombreuses entre les auteurs, tant en France

qu'à l'étranger les uns considèrent l'expression de délire pri-

maire comme synonyme de systématisation d'emblée, par

opposition à la systématisation progressive ; d'autres, consi-

' Rosenbach. Messager Russe, 1884.

' Greidenberg. Messager Russe, 1885.

3 Guislain. Leçons orales sur les névropalhies. Gand, 1852.

' Magnan et Sérieux, p. 110.

264 CLINIQUE mentale.

dérant avec Morel la période d'inquiétudes (ancienne période

hypocondriaque) comme l'équivalent de l'accès mélancolique

primitif des psychoses secondaires, décrivent tous les délires

systématisés comme secondaires.

'Cependant, les délires de persécution systématisés (à teinte

mystique'ou non) sont des délires primitifs, car ce sont des

troubles primitifs de l'idéation, se combinant à des phéno-

mènes sensoriels ; ils ne représentent en somme que l'exa-

gération, la constatation et la traduction délirante des ten-

dances particulières, natives et premières de l'individu.

On pourrait distinguer encore parmi les délires dits secon-

daires, aux états mélancoliques, selon la variété de mé-

lancolie primitive (formes hypocondriaques, anxieuses ou

avec idées de persécution, etc.).

Ces sous-distinctions n'ont pas peu contribué à la confusion

précitée ; on a parfois décrit comme consécutives aux délires

de persécution des formes en réalité secondaire à la mélan-

colie avec idées de persécution :

Des psychoses décrites comme secondaires à un état mani-

que n'étaient que consécutives à un état anxieux de mélan-

colie agitée. Aussi, sans entrer dans ces distinctions spécieu-

ses, nous en tiendrons-nous aux catégories ordinaires, c'est-

à-dire, aux mélancolies chroniques (délires systématisés dits

secondaires, Cotard) et aux délires de persécution (délire dit

chronique, Magnan) (à systématisation primitive, Séglas), dont

nous signalons les variétés religieuses.

Le mysticisme, dans sa signification la plus générale

est cette prétention de connaître sans intermédiaire et en

quelque sorte face à face, la divinité (V. Cousin). Le mot

divinité est ici pris dans son sens le plus large, c'est-à-dire,

désignant aussi bien les déités bienfaisantes ou malfaisantes,

dieux et diables.

Chez les aliénés, celte croyance à des rapports surnaturels

s'étaie sur des hallucinations et des interprétations délirantes

qui leur font attribuer aux phénomènes fortuits une origine

mystérieuse et une signification fatidique. L'objectivation

délirante qui constitue le fond de cet état menlal de l'aliéné

n'est que l'extériorisation d'un dynamisme psycho-sensoriel

ou moteur. L'éréthisme sensoriel pousse le malade à attribuer

More). Traité des maladies mentales, p. 703, 1860.

MYSTICISME ET FOLIE. 265

à des êtres fictifs, ses [impressions imaginaires. L'éréthisme

moteur fait qu'il attribue à des volontés étrangères ses

mouvements en quelque sorte imaginaires et virtuels, ou ses .

impulsions automatiques inconscientes.

Les deux sortes de phénomènes moteurs et sensoriels exis-

tent souvent, mais leur ordre d'apparition paraît d'une im-

portance considérable en ce que de lui dépend le sens dans

lequel s'opérer a la systématisation.

Si les troubles psycho-moteurs sont primitifs, la person-

nalité tendra à se dissocier, s'anéantir. Au contraire l'éré-

thisme sensoriel primitif provoquera l'exagération, l'hyper-

trophie du moi, comme on l'a dit, et la mégalomanie vraie

avec ou sans dédoublement consécutif.

La possession par le bon ou mauvais ange est donc renon-

ciation par le malade, d'une même vérité psychologique, à

savoir, la constitution d'un dynamisme réalisant une force

supérieure à l'individualité première. Aussi comprend-on

qu'on observe cliniquement la coïncidence ou la succession

des deux (possession diabolique et inspiration par incarnation

divine). Mais ce serait une erreur de croire que toujours le

démoniaque se transforme en théomane, il paraît au contraire

y avoir deux ordres de systématisation opposés bien que partis

d'un état initial identique en apparence.

Donc dans un groupe, on peut ranger les délires religieux

à formes dépressive (systématisation des mélancolies chro-

niques). Les troubles psycho-moteurs y sont primitifs par

rapport aux troubles sensoriels consécutifs et non constants,

désagrégation de la personnalité d'emblée.

Dans l'autre groupe, viennent les délires religieux à systé-

matisation (sans états mélancoliques ou hypocondriaques

vrais antérieurs). Évolution vers la théomanie, troubles sen-

soriels, primitifs, par rapport aux troubles psychomoteurs

secondaires possibles (dédoublement tardif ou objectif de la

personnalité). Notre premier groupe comprend les formes

complètes des délires de négation, le deuxième, les formes

religieuses du délire chronique de M. Magan. Les hallucina-

tions motrices paraissent le lien unissant ces deux groupes

opposés, et les différenciant eux-mêmes du type principal

auquel ils se rattachent respectivement.

Cette distinction équivaut cliniquement à la distinction

psychologique de Morel. Pour lui, le délire religieux peut

266 " CLINIQUE MENTALE.

résulter effectivement, soit de] l'exagération de l'amour de

Dieu (théosophes et prophètes, formes délirantes exubé-

rantes), soit de la crainte de sa loi (formes dépressives) '.

Au point de vue psychologique il serait plus juste de dire

autopliilie, amour de soi-même, qu'exagération de l'amour

de Dieu, car, ainsi que le fait remarquer Moreau de Tours

(p. 227) : « Qu'est-ce que la théosophie, suivant Gerson,

Boehm, etc. ? C'est une théologie, une métaphysique, une cos-

mologie, la science des sciences révélée.... Théosophe, c'est-

à-dire plus que philosophe et plus que théologien, c'est-à-

dire encore savant de la science de Dieu même. Au théosophe,

les écritures révèlent d'elles-mêmes, leur sens mystérieux, la

nature ses plus secrets symboles; l'âme ses mystères ; tous

les voiles tombent devant ses yeux, il saura tout, sans avoir

rien appris, il raillera la science humaine, si défectueuse et

si tenter

« Même dans les passions de l'amour et des sentiments reli-

gieux, l'aliéné reste ordinairement égoïste, dit aussi Fabret3;

il est en proie à des préoccupations toutes personnelles de

damnation, et croit qu'il a été choisi par Dieu pour remplir

une mission divine.... »

Aussi, les théomanes sont-ils souvent en opposition avec les

croyances religieuses de leur pays, et c'est surtout aux mi-

nistres du sacerdoce que s'adresse leur haine et la fureur de

leurs vengeances. « Comment souffrir les prétentions d'un

nouveau Christ, d'un nouvel apôtre saint Jean, d'un nouvel

Elie, quand on lui répète depuis le matin jusqu'au soir, que

le temps de purger l'hérésie est arrivé ; que c'est Dieu lui-

même qui parle, qui ordonne par cette bouche * ! » »

2° Délires mystiques non systématisés. D'une façon

générale, les idées délirantes religieuses peuvent encore

s'observer comme symptômes d'états maniaques ; dans les

états démentiels, elles peuvent être consécutives à la sénilité

ou exister antérieurement.

La paralysie générale et les intoxications peu vent s'en accom-

pagner ainsi que les névroses (épilepsie et surtout hystérie).

1 Morel. Traité de maladies mentales, 1860. P. ! Moreau de Tours. Psychologie morbide, p. 227.

3 J. Fabret. Etudes cliniques sur les maladies mentales, P., 1889.

4 Calmeil. De la folie, p. 81.

MYSTICISME ET FOLIE. 267

Parmi les états congénitaux, l'idiotie et l'imbécillité pré-

sentent peu d'intérêt à notre point de vue, en revanche la

débilité et la dégénérescence héréditaire offrent un terrain

propice à l'éclosion des délires religieux, on peut observer

une transition insensible entre ces derniers délires mystiques

et ceux des délirants systématisés types.

Manie. Nous avons vu les idées religieuses, dans les

états mélancoliques, et dans les délires systématisés primitifs.

Pour en finir avec les vésanies, où peuvent s'observer ces

conceptions délirantes, il nous reste à dire quelques mots

des états maniaques.

« Il n'est aucune forme de maladie mentale, dit Cotard ',

où les troubles de l'activité motrice se manifestent avec

autant d'évidence que dans la manie. Tous les auteurs ont

décrit cette excitation pathologique que porte à la fois sur

les mouvements extérieurs, sur la parole et sur les mouve-

ments intérieurs de la pensée. Le développement consécutif

des idées de force, de talent, de puissance et de grandeur,

ainsi que des sentiments de joie et de bonheur, a été claire-

ment indiqué par Pinel et par la plupart des'observateurs.

Le plus souvent, dans l'excitation maniaque franche, lors-

qu'il n'y a pas d'autres éléments combinés, l'7aperhizésie

est rapportée au moi, comme l'est l'activité volitionnelle

normale. C'est le moi qui veut, c'est le moi qui assume la

responsabilité des actes et s'en glorifie ; ce sentiment de la

personnalité s'exalle dans la mêmeproporlion que l'acti-

vité motrice.

« De l'exagération du pouvoir moteur par lequel nous

agissons sur les images du monde extérieur, par lequel nous

les faisons nôtres, et par lequel, nous prenons, en quelque

sorte possession de ce qui nous entoure, dérivent les idées de

richesse dont Destutt de Tracy plaçait déjà l'origine dans la

volonté. « Le maniaque connaît tout, possède tout et peut

tout. Il vit dans un miracle perpétuel. De là, l'absurdité de

son délire secondaire mais non systématisé au sens propre

du mot : il n'y a ni raison ni logique pour un être tout-

puissant, capable de maintenir en équilibre et sans effort

apparent les constructions mentales les plus instables. » (Pas

de systématisation donc, en principe.)

' Cottird. Loc. cit., p. 422 et 423.

268 CLINIQUE MENTALE.

L'éréthisme moteur des anxieux, présente un caractère

tout particulier ; il est automatique, violent, impulsif et s'ac-

compagne de phénomènes inhibitoires. L'excitation franche

d'emblée des maniaques est absolument différente. Le ma-

niaque, comme les déprimés, éprouve le sentiment d'une puis-

sance intérieure, mais tandis que chez ce dernier, c'est une

puissance adverse malfaisante, infernale et diabolique, le ma-

niaque, lui, offre plutôt l'analogie avec le tlléomane et l'exalta-

tion qu'il éprouve reste sienne. Mais ce sentiment de puissance

intérieure il le manifeste d'une façon incohérente et con-

tradictoire. Il est Dieu, ou le Diable indifféremment, voire

même l'un et l'autre ensemble.

A côté de ces formes de l'exaltation maniaque « dans les-

quelles les divers éléments psychiques s'associent dans un

même dynamisme synergique et où se produisent, au moins

momentanément, une harmonie et un bonheur parfait »,

Cotard ' place celles toutes différentes, dans lesquelles prédo-

minent l'irritabilité, la taquinerie, les dispositions agressives,

le besoin de destruction et la fureur.

« Ces formes irritables et violentes de la manie, sup-

posent dans le conflit entre les divers éléments psychiques

un antagonisme qui rapproche ces formes de la manie des

états impulsifs et hallucinatoires, et aussi, de la mélancolie

agitée avec laquelle elles se confondent par des nuances

insensibles. »

Les mêmes idées religieuses que l'on rencontre dans la

mélancolie peuvent, par suite se montrer dans ces formes

maniaques.

La longue citation de Cotard suffit à faire comprendre

les analogies et les différences des idées religieuses dans les

états aigus, maniaques ou mélancoliques.

Quant à la manie chronique, si elle peut conserver quelque

teinte mystique, le délire n'en tire le plus souvent aucun

caractère digne d'être signalé. La logorrhée, les fuites d'idées

et les autres symptômes classiques ordinaires de ces états

suffisent d'ordinaire à établir le diagnostic.

Démences. Dans la démence sénile et dans la démence

liée à une lésion cérébrale circonscrite (ramollissement,

hémorragie, tumeur), les préoccupations religieuses sont

' Cotard, p. 421, 425.

MYSTICISME ET FOLIE. 269

fréquentes ; le souci du salut, la crainte de la mort, amènent

une recrudescenre des manifestations extérieures de la dévo-

tion ; il peut même se produire des idées délirantes reli-

gieuses qui ont pour caractères d'être morbides, incohé-

rentes et diffuses, ces idées délirantes, consécutives à la

démence se rapprochent par leurs caractères, des concep-

tions analogues des déments paralytiques l.

Il y aura donc lieudans ces cas, de faire le diagnostic avec

la paralysie générale et aussi avec les psychoses tardives

ordinaires 2. Les éléments positifs en seront fournis par l'âge,

les antécédents, l'état somatique (motilité), l'émotivité si

spéciale des circonscrits 3. Quant aux démences séniles gref-

fées sur un état délirant, elles présentent aussi des carac-

tères qui les différencient entre elles, ainsi que des précé-

dentes.

Lorsque la psychose religieuse systématisée se stéréotype,

le malade, par suite de complication progressive de son

délire, arrivée à un état de pseudo-démence, comme dit

M. Christian4, où la dissociation du système n'est qu'appa-

rente. Le langage incompréhensible et les néologismes

compliqués de ces malades n'excluent pas la conservation

parallèle du langage et de l'écriture normaux.

En face de réponses en apparence incohérentes, d'atti-

tudes et de gestes bizarres, on devra se rappeler le vieux

théomane de Calmeil qui, malgré de tels symptômes, put

donner pendant vingt-cinq années une traduction invariable

et compréhensible de son délire. Mais ce sont parfois là des

confidences délicates à obtenir du malade qui s'isole de plus

en plus dans son délire ; absorbé par son système, il en

arrive à perdre les notions ordinaires de temps et de lieu.

Si on peut le replacer sur le terrain de son délire, on est

parfois étonné de la persistance et de la précision des souve-

nirs et des conceptions stéréotypées. Il semble que ces der-

nières résistent plus que les éléments moins atteints de la

mentalité.

' Thivet. De l'état mental des vieillards. (Thèse, Paris, 1889.)

Séglas. Progrès médical, 1888, n« 43. Psychoses séniles et la ? --

dives.

Lwoff. De l'état mental dans les lésions circonscrites du cerveau.

(Thèse, Paris, 1890.)

Christian. Archives de Neurologie.

270 CLINIQUE MENTALE.

Bien que cela paraisse une assertion paradoxale au pre-

mier abord, c'est cependant un fait d'observation qui pour-

rait peut-être trouver son explication dans la théorie géné-

rale de la régression^

Les mélancoliques chroniques possédés sont également

susceptibles de subir les atteintes de la sénilité et de l'affai-

blissement démentiel qui en résulte : tout tend alors à s'effa-

cer dans leur mentalité dissociée par un long délire préa-

lable.

Ils sont bien alors les automates qu'ils disaient être, c'est une

machine qu'on habille chaque matin et qui vit mécanique-

ment, comme cette vieille mélancolique dont parle M. J. Da-

gouet, qui ne se souvenait pas qu'elle existait la veille; non

seulement il n'y a plus de présent, mais le passé lui-même

s'est évanoui.

Les lésions en foyer peuvent à leur tour survenir et entraî-

ner la mort plus ou moins rapide.

Paralysie générale. Chez les paralytiques généraux un

des caractères du délire paraît fourni, dit Cotard, « par la

prépondérance des idées de force, de capacité, de calcul, de

puissance. Le malade ne doute ni n'hésite, tout lui est facile,

jamais il ne se décourage, jamais l'idée d'un échec ou d'un

insuccès ne se présente à son esprit. Un paralytique, con-

vaincu qu'il est capable de voler comme un oiseau, se jette

par la fenêtre ; l'absurde ne l'arrête pas, il est tout-puis-

sant.

« Il semble que ce délire soit développé sur un état mala-

dif des centres moteurs ou volitionnels. Le malade est d'une

activité exubérante, il est toujours en mouvement, parle

sans cesse, ne connaît ni le repos ni la fatigue, il y a là une

maladie de la volonté aussi bien que dans l'aboulie : c'est,

qu'on me passe l'expression, une hyperboulie. » M. Klippel a,

depuis, donné comme substratum organique de ces états, la

vaso-dilatation généralisée.

Ce caractère propre hyperboulie du délire des paralytiques

engendrera facilement, on le conçoit, des idées de toute-puis-

sance et une sorte de théomanie. Les paralytiques Dieu ou

fils de Dieu ne sont pas rares. La genèse de ces idées s'ex-

plique autant par l'hyperboulie que par l'affaiblissement

intellectuel.

« Beaucoup de déments, non moins affaiblis que les para-

MYSTICISME ET FOLIE. 271

lytiques, sont loin d'atteindre le même degré d'absurdité, et,

ce degré d'absurdité se manifeste chez certains paralytiques

aune époque où l'affaiblissement des facultés est peu consi-

dérable, de même d'ailleurs que chez certains circulaires

qu'on ne peut soupçonner de démence'. »

La ressemblance de ces conceptions ambitieuses de cou-

leur 'plus ou moins mystique, avec les conceptions ana-

logues des maniaques simples, est ici une cause d'erreur que

l'examen somatique permet d'éviter.

Dans les cas ordinaires et de méningo-encéphalite sans

excitation maniaque, avec simple exubérance, les malades

offrent toujours de ces contrastes typiques dans leurs divers

titres. Tel ce malade qui était à la fois Dieu puissant et con-

cierge du Trocadéro 2.

On le voit, tous les états exubérants ont entre eux un trait

commun qui est la prédominance de l'éréthisme moteur avec

idée de toute-puissance incohérente et non coordonnée.

Dans la paralysie générale à forme dépressive mélanco-

lique ou hypocondriaque les délirants peuvent revêtir

plus ou moins la forme religieuse , quelquefois même on

observe des idées de possession Ces malades ont d'ailleurs

une vaso-constriction inverse des précédents (Klippel).

Intoxications. Dans les formes les plus ordinaires où la

panophobie avec zoopsie l'emporte, le rêve de l'alcoolique

offre aussi parfois, un caractère religieux. Le malade lutte

avec acharnement contre les démons, ou se croit transporté

au sabbat et assiste à un grouillement fantastique d'animaux

monstrueux.

Suivant M. P. Regnard 3 les sucs des solanées vireuses,

mandragore, belladone, etc., provoquaient des hallucinations

de ce genre et c'est à leur usage que devraient être rappor-

tées en partie, les hallucinations des sorcières légendaires,

Epilepsie. More ! 1 a signalé la mélancolie religieuse des

épiteptiques au début de leur affection et fait ressortir ce fait

' Cotard. Loc. cil., p. 371.

' Dupain. Loc. cit. Obs. LXV.

3 Le Sabbat des Sorcières (Bibliothèque diabolique). Les Sorciers.

P. Regnard, 1887, p. 22. Ch. Richet. L'homme el l'intelligence,

p. 500.

4 B.-A. More). Traité des maladies mentales, p. 701.

272 CLINIQUE MENTALE.

que l'inactivité de ces malades est fréquemment dirigée dans

l'esprit des pratiques religieuses les plus exagérées. Morel,

après s'être demandé souvent si les dispositions puisées dans

le milieu où ces malades ont vécu antérieurement ne sont

pas pour beaucoup dans ces tendances religieuses, reste con-

vaincu que la névrose épileptique a une influence propre sur

ces manifestations intellectuelles.

D'après M. Magnan', dans la folie épileptique le délire est

souvent de nature mystique.

Kraft-Ebing rapporte plusieurs cas de ce qu'il appelle Post-

epileptisches religios-expansives delinizcnz et 'p ! 7ep'sc/ies

circulaires ii,î,esei)z2.

On conçoit que les raptus automatiques et les impulsions

irrésistibles qui constituent d'ordinaire l'équivalentpsychique

des crises convulsives, invoquent à l'esprit de l'épileptique

l'idée d'une force supérieure à laquelle il attribue l'acte dont

il ne se sent pas responsable. M. Dupain en a rapporté un bel

exemple -1.

Hystérie. Le délire religieux est fréquent dans l'hystérie.

Un certain nombre de cas de possession démoniaque rappor-

tés par les anciens auteurs appartiennent à l'hystéromanie

épidémique. Avec les délires systématisés, l'hystérie est, en

effet, l'affection où la dissociation de la personnalité s'ob-

serve le plus fréquemment.

Le rôle important de cette névrose dans les psychoses en-

démiques du moyen âge a fait l'objet de travaux multiples

dans ces dernières années; en particulier, l'école de la Salpê-

trière a publié des études magistrales sur ce sujet.

Qu'il nous suffise de rappeler les titres de quelques-uns

des plus récents de ces ouvrages.

Sans remonter plus haut que 1887, nous citerons de Charcot

et de ses élèves :

Les Démoniaques dans l'Ait (1887), puis les Malades et

les difformes dans l'Ai-1 (1889), l'Elude clinique sur la

grande hystérie, et l'Hystérie dans l'Histoire (P. Richer).

Enfin Soeur Jeanne des Anges, supérieure des Ursulines à

' Magnan. Leçons cliniques sur l'épilepsie, 1883, p. 44.

' Krafït-Ebing. Lerbuclt der l'sych., t. III, 1830. Observations 79, 81,

82 et 88.

' Dupain. Loc. cit. Observation 52.

MYSTICISME ET FOLIE. ' 273

Loudun (Légué et Gilles de la Tourette) et le reste de la

collection Bourneville, bien connue sous le nom de Biblio-

thèque diaboliqîo; le Sabbat des sorciers; Françoise 1% oa-

laiîze; la Possession de Jeanzze 7-'e ? ' ? ? la Dernière sorcière

de Genève. Ajoutons le récent Traité clinique de l'hystérie

(Gilles de la Tourette).

Nous ne pouvions songer ici, à présenter un résumé de ces

ouvrages où tout est à lire ; c'eût été, d'ailleurs, franchir les

limites de la Psychiatrie et empiéter sur celle de la Patho-

logie nerveuse proprement dite. Mais, si le rôle considérable

de l'hystérie dans ces folies communiquées, est maintenant

un fait acquis et élucidé, celui des psychoses autres, n'a

peut-être pas été aussi bien mis en lumière. Cependant, il ne

parait pas avoir une importance moindre. Il est de notion

élémentaire, en effet, dans les cas de folie communiquée,

que l'on peut distinguer deux sortes de délirants; les uns,

actifs, imposant leurs convictions délirantes que subit la

foule passive des autres. Si l'on étudie les épidémies de pos-

session, on voit que dans chacune il y avait quelque service,

cause initiale de la possession, qui avait dû appeler le pre-

mier, le démon. Ce sorcier est le délirant principal dont la

folie entraîne celle des prédisposés voisins, en particulier

des hystériques, par une sorte de suggestion imitatrice.

« Il y a, dit M. Gilles de la Tourette, dans l'état mental des

hystériques, quelque chose d'absolument spécial, qui se

résume en ce mot gros de conséquence : la suggestibilité

(Traité clinique de l'Hystérie, p. 492-493).

M. P. Janet a bien montré l'extraordinaire crédulité des

hystériques mise en oeuvre par la suggestibilité, qui est la

caractéristique de leur état mental (p.S`3). L'hystérique peut

être, à ce point de vue, mise en opposition avec les vésa-

niques. Son cerveau ne se prête pas aux combinaisons de

longue durée, elle est esclave de la suggestion du moment ;

c'est le moule où s'imprègne une suggestion inconsciente

(l. c., p. S28).

Les vésaniques actifs, au contraire, sont généralement des

délivrants systématisés, à la différence des débiles, ou des

hyslériques sugguables. Les phénomènes cliniques que pré-

sentent ceux-ci, sont alors, le reflet, la copie plus ou moins

exacte des symptômes cliniques essentiels de ceux-là. Il est

difficile, rétrospectivement, de faire cette distinction avec des

Archives, 1° série, t. VII, is

274 CLINIQUE MENTALE.

documents historiques insuffisants. Cependant il est possible

en étudiant après les relations historiques de relever des faits

correspondant assez exactement à ceux de nos vésaniques.

Pour ces derniers-vésaniques il s'agit indubitablement de

psychoses caractérisées en dehors de l'hystérie coexistante

possible. ,

Si, dans l'observation directe pour les cas simples, la dis-

tinction qui nous occupe est aisée, il n'en est plus de même

lorsqu'on se trouve en face de cas complexes, d'hybrides

combinant les psychoses plus ou moins dégénératives, à un

fond mental hystérique.

Dans ces cas, on pourrait objecter que les troubles psycho-

moteurs, par exemple, relèvent de l'hystérie seule, mais,

pour cela, il faudrait démontrer qu'ils n'existent pas en

dehors d'elle ; or le contraire paraît établi.

D'ailleurs l'hystérie n'exclut pas les psychoses systématisées

chez le même malade. Pouvant se développer sur un fond

mental dégénératif, celles-ci peuvent coexister avec cette né-

vrose qui n'est qu'une forme de dégénérescence.

Ainsi que le dit Brodie, « l'hystérie doit être considérée

comme une affection dynamique. Il y a inhibition, anéan-

tissement, ou perversion des sphères de la volition; ce ne

sont pas les muscles qui n'obéissent pas à la volonté, c'est

la volonté elle-même qui n'entre pas en jeu. » (Gilles delà

Tourette, p. 26. Briquet, p. 23.)

Si l'on compare à ce point de vue les malades à délire

mystique systématisé avec les hystériques, on remarque, entre

eux, une analogie; au début, souvent, la ressemblance

commune avec les mélancoliques hypocondriaques, et, d'une

façon générale, les perturbations presque constantes de la

motilité volontaire.

Il n'y a, d'ailleurs, rien qui doive étonner dans ces points

de contact entre l'hystérie et les psychoses ; c'est parce côté

que la neuropathologie confine à l'aliénation mental ; il

s'agit là, certainement, de phénomènes identiques comme

localisation, la question de leur nature exacte et distincte,

étant mise à part.

Congénitaux. Chez l'idiot et l'imbécile, les idées reli-

gieuses qui parfois les préoccupent, ne présentent pas un

caractère assez actif pour mériter le nom de délire reli-

gieux.

MYSTICISME ET FOLIE. 210

Le plus souvent, leurs pratiques de dévotion, ne sont qu'i-

mitées ou commandées; comprenant, d'ailleurs mal, ce qu'ils ,

entendent, ils agissent de travers et sans bien se rendre

compte de ce qu'ils font, ils' se livrent alors à des extrava-

gances religieuses entachées de niaiserie et d'absurdité. A

un niveau moins inférieur de développement intellectuel, les

débiles sont encore d'une extrême crédulité. « Ils sont lamproie

des sorciers, des magnétiseurs, des diseurs de bonne aven-

ture.... les croyances religieuses s'implantant chez eux, très

facilement'. »

Un malade de ce genre que nous avons cité avec M. Vallon

a présenté un première bouffée délirante en 1882 à l'âge de

vingt-six ans, la contagion s'étendit en même temps à cinq

autres membres de sa famille (le père et la mère, un frère et

deux soeurs). Cette petite épidémie de démonopathie fit alors

l'objet de deux études détaillées, l'une insérée au numéro de

juillet 1882 dans les Annales, due à MM. Reverchon et Pages,

l'autre publiée par M. Lapointe.

Nous avons nous-mêmes suivi celui d'entre ces malades

dont les troubles mentaux ont persisté. Il figure au rapport

de 1891 sur l'asile de La Rochegandon : « Le nommé L. P...,

dit M. le docteur Friese, est entré pour la sixième fois, après

être sorti il y a à peine trois mois; c'est un dégénéré hérédi-

taire, qui depuis des années présente un enchaînement inin-

terrompu de périodes de dépression mélancolique puis

d'excitation maniaque avec des rémittences plus ou moins

longues. Les dernières rechutes arrivant à des intervalles de

plus en plus rapprochés doivent faire redouter l'incurabilité

et la démence prochaine » (p. 22).

On le voit, l'évolution progressive manque ici, il y a bien

une psychose chronique mais sans systématisation suffisante ;

au contraire les accès paroxystiques homologues se ressem-

blent tous, affectant même début, même marche et terminai-

son brusque. Pendant l'accès, le malade est dans un état

anxieux avec panophobie, il voit le démon dans tous ceux

qui l'approchent et s'agite alors d'une façon extraordinaire.

Au début, dans les accès où sa famille a déliré avec lui, le

point de départ aurait été une mission prêchée dans le voisi-

Legrain. Thèse Paris, 1886, p. 27.

Aî,chives de N'eiii-oloqie, 1897, 11- 15.

276 CLINIQUE MENTALE.

nage; puis s'y adjoignirent, les pratiques d'un rebouteur

consulté sur leurs malaises, qui prescrivit une décoction de

belladone et d'absinthe. Ces six malheureux complètement

nus parcouraient- la campagne jetant des pierres et cassant

des vitres ; ils se réunissaient la nuit dans les cimetières,

allaient à l'église maltraiter ceux qui s'y trouvaient, ou pour-

suivaient les gens en pleine campagne, comme les lycanthro-

pes d'antan. Une nuit, ils firent une sorte de sacrifice sabba-

lique, en simulant regorgement d'un bouc sur une peau

d'outre.

La terminaison de cette épidémie de délire religieux, est

intéressante. Les deux soeurs, hystériques à stigmates, guéri-

rent les premières ainsi que le père et la mère, les deux

frères se calmèrent à leur tour et tous sortirent. La vie com-

mune et l'échéance du deuxième accès de notre malade fit

reparaître les mêmes accidents non seulement chez lui, mais

chez tous. Cette fois, grâce aux conseils du médecin de l'Asile

l'isolement fut suivi à la sortie de la dispersion des membres

de la famille; les soeurs allèrent à la ville avec le père et la

mère, le fils cadet changea de pays; notre malade isolé dès

lors délira seul périodiquement; ses accès, où la phase dé-

pressive prédominait tout d'abord, devinrent seulement plus

rapprochés avec le temps et marqués par une agitation plus

grande. '

Les autres membres de la famille, restés depuis indemnes

étaient l'élément passif, dans cette folie communiquée; notre

malade représentait le chronique qui marque l'épidémie au

coin de son délire.

La prédisposition héréditaire commune se manifestant par

l'hystérie et aussi par la dégénérescence mentale ordinaire,

est assez nette ici pour qu'il ne soit pas besoin d'y insister.

Dans le cas précité les conceptions délirantes sont demeu-

rées frustres, malgré le passage à l'état périodique et chro-

nique ; il n'en est pas toujours de même chez les débiles où

l'on peut observer un certain degré de systématisation. D'une

façon générale le degré de coordination logique et métho-

dique des conceptions délirantes systématisées paraît en

raison inverse de l'état dégénératif congénital. Mais entre les

deux types extrêmes on rencontre toute une série d'intermé-

diaires parmi lesquels se rangent la plupart de nos délirants

mystiques systématiques.

MYSTICISME ET FOLIE 277

L'existence de ces types de transition à antécédents héré-

ditaires plus ou moins nets a d'ailleurs été signalée tant en

France qu'à l'étranger, les auteurs mêmes qui opposent aux

psychoses des héréditaires des formes de délire pathognono-

miques d'un état non dégénératif. C'est ainsi que Greidenberg

on l'a vu, admet des paranoïa systématisées progressives, hé-

réditaires, et d'autres non dégénératives.

M. Magnan. décrit de même le délire chronique comme

pouvant se développer chez les dégénérés. Nous lui avons

emprunté plusieurs observations de cette catégorie.

La durée d'évolution dela'psychose paraît en raison inverse

des tares; plus celles-ci sont nombreuses, moins le malade

résiste en quelque sorte à son délire; et s'attarde à systéma-

tiser ses conceptions; aussi sont-elles moins bien coordon-

nées. La lésion anatomique semble plus étendue dès le début.

l'érétllisme atteint à la fois, les sphères sensorielles et mo-

trices au lieu de se propager successivement des unes aux

autres; on l'a dit, ces dégénérés sont de « mauvais accumu-

lateurs m (Féré1), aussi ne capitalisent-ils pas leurs excitations

psyclio-seiisorielles; ils les transforment plus vite en phéno-

mènes moteurs ; leur délire est d'emblée ambitieux, et l'on

observe par exemple en même temps la théomanie inspirée

et l'obsession démoniaque. De là, le polymorphisme des con-

ceptions morbides religieuses.

D'une façon générale, le degré de coordination logique et

méthodique des conceptions délirantes systématisées paraît

en raison inverse de l'état dégénératif congénital. Mais entre

les deux types extrêmes où remonte toute une série d'inter-

médiaires parmi lesquels se rangent la plupart de nos déli-

rants mystiques systématiques. -

Il n'y a donc pas lieu au point de vue spécial des malades

qui nous occupent (mystiques), d'établir une opposition tran-

chée entre les cas à hérédité psychopathique et ceux où elle

manque.

Tout ce qu'on peut dire d'après les faits précités, c'est que

les malades chez lesquels se trouve une hérédité accumulée,

n'ont que des bouffées polymorphes sans cohésion, ni systé-

matisation réelle, aveec rémittences ou même guérison. Au

contraire, ceux à tares héréditaires moins nombreuses coor-

' Feré. Sensation et mouvement.

278 PATHOLOGIE MENTALE.

donnent plus soigneusement leurs conceptions délirantes et

peuvent fournir une psychose d'évolution plus ou moins

rapide à phases plus ou moins distinctes. (A suivre.)

AVIS A NOS LECTEURS. Nous prions instam-

ment nos abonnés qui ne nous ont pas encore fait parvenir

le montant de leur réabonnement de bien vouloir le faire

sans retard. Nous leur rappelons que nous sommes à leur

disposition pour compléter leurs collections dans les con-

ditions les plus avaaztagezcses.- Tout nouvel abonné pourra

se procurer la collection complète au prix très réduit

de 120 francs au lieu de 380 francs. A partir du

le, janvier 1900, le prix de la collection sera porté à

150 francs.

PATHOLOGIE MENTALE.

LES PSYCHOSES D'AUTO-INTOXICATION.

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES';

Par le D' E. RÉGIS,

Chargé du Cours des maladies mentales à l'Université de Bordeaux.

Arrivé au terme de cette étude si longue, bien qu'encore si

incomplète, il nous reste à la résumer dans son ensemble et

à préciser, en une brève synthèse, les faits principaux qui s'en

dégagent. C'est ce que nous allons maintenant tenter.

Il n'est pas douteux que la doctrine des auto-intoxications

trouve dans les maladies mentales une de ses plus impor-

tantes applications. Les empoisonnements, d'où qu'ils vien-

nent, quels qu'ils soient, ont une prédilection marquée pour

le système nerveux et on s'étonnerait à bon droit que seuls,

les poisons internes fassent exception à la règle. A priori on

1 Neuvième et dernier chapitre d'un mémoire qui a obtenu en 1895, le

prix Aubanel de la Société medico-psychotogique.

- - LES PSYCHOSES d'auto-intoxication. 279

est donc forcé d'admettre qu'il y a des psychoses par auto-

intoxication.

C'est ce qui explique pourquoi, dès la promulgation reten-

tissante des théories de Bouchard, les recherches se portèrent

de ce côté. Bettencourt-Rodrigues et mon élève Chevalier-

Lavaure furent les premiers initiateurs, l'un au point de vue

clinique, l'autre au point de vue expérimental.

Séduisante d'allures et pleine de promesses scientifiques

immédiates, l'expérimentation attira d'abord et fut en vogue;

mais, exposée à des variations et à des erreurs nombreuses,

elle ne donna, malgré des tentatives louables, que des résul-

tats sans grande portée.

C'est ce que démontra le Congrès de La Rochelle qui eut

pour effet, nous l'avons vu, de corriger le mouvement com-

mencé et de l'aiguiller désormais dans sa véritable direction.

Est-ce à dire pour cela, que l'étude expérimentale de la toxi-

cité des humeurs, chez les aliénés, n'ait rien produit et qu'il

faille complètement l'abandonner ? Nous ne le pensons pas.

Certes, des notions nouvelles fournies jusqu'ici par cette

étude il ne reste assurément pas grand'chose d'absolument

certain; mais elle a ouvert la voie, ce qui est bien quelque

chose, et elle a servi pour ainsi dire d'amorce aux travaux

de toute sorte venus depuis.

D'autre part, ce serait tomber d'un excès dans l'autre, si,

après avoir abusé de la méthode des injections intra-veineuses

et l'avoir outre mesure exaltée, on la laissait maintenant,

comme tant d'autres, tomber dans l'oubli. Nous avons dit

et nous répétons que, perfectionnée et dégagée de certaines

causes d'erreur, telles que la coagulation, elle peut rendre de

réels services, mais à la condition de n'être employée qu'à

bon escient, de façon suivie, avec toute la rigueur désirable

et simplement comme corollaire ou complément de l'obser-

vation clinique.

Quant à l'analyse chimique, à laquelle on semble davan-

tage revenir, elle a déjà fourni des indications précieuses et

elle parait susceptible d'en fournir de plus précieuses encore.

Sans parler des ptomaïnes, dont la recherche est des plus

difficiles, il est certain en effet que dans une psychose parais-

sant due à une' auto-intoxication, la présence d'éléments

anormaux dans l'urine constitue une sorte de confirmation.

Il y a plus, et nous croyons qu'à chacune des grandes formes

280 PATHOLOGIE MENTALE.

d'auto -intoxication correspond pour ainsi dire un chimisme

particulier, décelable par l'analyse. Ainsi l'auto-intoxication

gastro-intestinale se traduit'plus spécialement par des quan-

tités plus ou moins considérables d'indican, d'acétone,' d'acides

diacétique et p oxybutirique, de tyrosine, de sulfo-conjugués

dans l'urine. L'auto-intoxication hépatique se manifeste par

l'hémaphéisme, l'urobilinurie, l'épreuve positive de la glyco-

surie expérimentale, l'albuminurie. L'auto-intoxication

rénale, enfin, par la diminution de la quantité d'urine, la

présence de cylindres et de tubes, l'albuminurie, l'hémoglo-

binurie, etc. Ce sont là, pour ainsi dire, autant de formules

différentes et spécifiques d'auto-intoxication. L'analyse chi-

mique non seulement nous renseigne donc sur la réalité d'un

état d'auto-intoxication dans les psychoses, mais encore elle

nous révèle, dans bien des cas, la nature de l'auto-intoxica-

tion dont il s'agit. Pas n'est besoin d'insister, par conséquent,

sur la nécessité, pour les aliénistes, de poursuivre les recher-

ches dans ce sens, et il serait a désirer qu'il y eût dans chaque

grand asile, un laboratoire d'analyses chimiques.

Nous ne mentionnerons que pour mémoire l'analomie

pathologique et la bactériologie qui n'ont pas donné mal-

gré quelques tentatives heureuses, de résultats [définitifs.

L'étude du système nerveux central et notamment des lésions

des cellules dans les infections et les auto-intoxications est

cependant poussée activement depuis quelques années, et on

connaît déjà, grâce à certaines méthodes perfectionnées,

quelques-unes des fines altérations des éléments nerveux

réalisés dans les cérébropathics toxhémiques'. N

C'est encore la clinique qui constitue ici l'élément d'étude

le plus important et le plus fructueux.

On a vu comment, tout d'abord, la clinique fut négligée

pour l'expérimentation et comment les premières recherches

portèrent presque toutes sur la détermination de la toxicité

urinaire des aliénés. Or, la clinique ne tarda pas à prendre

sa revanche et tandis que l'expérimentation, ayant tenu

moins qu'elle n'avait promis, passait au second plan, la

clinique, elle, s'élevait d'emblée au premier en raison des

résultats immédiats et inattendus qu'elle apporta. C'est cer-

tainement une des particularités les plus intéressantes et les

' Ballet. Lésions corticales el médullaires dans la psychose polynévri-

liqiie (La Presse médicale, 1898, n" 20).

LES PSYCHOSES d'auto-intoxication. 281

c

plus piquantes de l'histoire des auto-intoxications dans les

maladies mentales que la concordance absolue de toutes les

données fournies par l'observation en face de la variabilité

des résultats des méthodes expérimentales. Jamais peut-être

il n'y avait eu sur un point de la médecine une telle unani-

mité d'opinion au point de vue nosologique.

Il résulte en effet de tous les travaux, sans exception, qui

ont paru sur la matière, que les psychoses des auto-intoxica-

tions ont une symptomatologie particulière et un type ca2,ac-

téristique. Nous allons essayer, sous une forme concise, de

les mettre en lumière l'un et l'autre.

A. SI111P1'03t.\TOLOGIE.

Les psychoses d'auto-intoxication ont, disons-nous, une

symptomatologie particulière. Nous ne voulons pas dire par

là que tous les symptômes qui les composent n'appartien-

nent qu'à elles, mais bien que certains de leurs symptômes

ne se retrouvent pas habituellement ainsi dans les vésanies.

Symptômes physiques. - Un des symptômes physiques

qui frappent le plus, par sa fréquence et son importance,

dans les psychoses d'auto-intoxication, c'est la céphalalgie.

On peut assurément observer la céphalalgie dans l'aliénation

mentale proprement dite, mais elle y est relativement rare et

s'y présente plutôt sous la forme de sensations subjectives

variées, traduites par les sujets dans le langage le plus

imagé.

Dans les psychoses d'auto-intoxication, au contraire, la

vraie céphalalgie est pour ainsi dire la règle. Très souvent

elle ouvre la scène, se prolonge dans le cours de l'accès,

arrachant parfois des plaintes ou des gestes de souffrance

aux malades jusque dans leur inconscience, et persiste d'ha-

bitude plus ou moins longtemps après la guérison, à la façon

de ces résidus, de ces reliquats céphalalgiques qu'on observe

si souvent durant des années après les infections, la fièvre

typhoïde et la grippe, par exemple. Cette céphalalgie est

intense, pénible, gravative, si violente dans certains cas que

ce sont ses paroxysmes mêmes qui paraissent créer le délire

et en tout cas le précédent immédiatement.

C'est là, à notre avis, un signe de la plus haute valeur et

qui, à lui seul, lorsqu'il se présente avec des caractères bien

nets au début ou dans le cours d'un délire, doit éveiller

282 PATHOLOGIE MENTALE.

l'attention sur la possibilité d'un état toxique, en particulier

d'une infection, ou d'une auto-intoxication gastro-intestinale

ou rénale. Il s'y joint parfois d'autres phénomènes doulou-

reux de névralgies ou de névrites. A côté de la céphalalgie,

nous devons signaler l'insomnie qui est également un signe

de début à peu près constant.

Un autre symptôme physique moins fréquent, sans doute,

mais cependant assez significatif, lui aussi, est constitué par

l'existence d'attaques, avec ou sans convulsions. Ces attaques

peuvent présenter tous les degrés et tous les types, en parti-

culier le type hystérique, épileptique, comateux, et survenir

à toutes les périodes de la maladie. Nous avons noté, on l'a

vu, dans une de nos observations personnelles, une attaque

d'aphasie transitoire.

De ces attaques, on peut rapprocher certaines raideurs mus-

culaires, des spasmes, des contractures, des accidents tétani-

ques et catatoniques, et surtout des attitudes cataleptoïdes,

plus spéciales à l'auto-intoxication rénale.

L'inégalité pupillaire, avec état variable des réflexes lumi-

neux et accommodatif, s'observe souvent dans les psychoses

d'auto-intoxication. Elle y offre cette particularité curieuse,

indiquée par Chaslin, par Séglas et par moi-même, qu'elle

est très changeante et se modifie d'un jour à l'autre et jusque

dans la même journée. Il en est de même des autres réflexes

tendineux et cutanés, très variables, mais plus souvent

exagérés.

Un symptôme assez caractéristique est le tremblement,

sorte de trémulation générale, analogue à celle de l'alcoo-

lisme, et provoquant du côté des mains et de l'écriture, du

côté des lèvres, de la langue et de la. parole, des phénomènes

ataxiformes qui rappellent de plus ou moins près la paralysie

générale.

Signalons enfin : les troubles gastro- intestinaux (état

saburral, inappétence, constipation, fétidité de l'haleine et

des matières fécales), les troubles circulatoires (altérations

du coeur et du pouls, cyanose et refroidissement des extré-

mités), les troubles des sécrétions et des excrétions (anhy-

drose, hyperhydrose, sialorrhée, polyurie, anurie), l'aspect

général (teint terreux et blafard, subictère, apparence typhi-

que), l'amaigrissement, la dénutrition, la peau chaude,

sèche ou visqueuse, la dépression ou au contraire Y agitation

LES psychoses d'auto-intoxication. 283

avec mouvements coordonnés d'actions imaginaires, souvent

professionnelles, enfin l'hypert7aernae ou, par une sorte de

contraste avec l'acuité de l'état, l'hypothermie, surtout dans

l'insuffisance hépatique.

Nous ne parlons pas, bien entendu, des signes tirés de

l'analyse chimique des humeurs, souvent, comme nous l'avons

vu, tout à fait probante.

Symptômes psychiques. Les symptômes psychiques

plus spéciaux aux psychoses d'auto-intoxication et qui leur

donnent une physionomie à part, sont essentiellement : la

torpeur, la confusion, Y amnésie, l'onirisme hallucina-

toii,e.

La torpeur est très fréquente; dans certains cas, à elle

seule elle est caractéristique. Du jour au lendemain on voit

des individus, jusque-là d'une intelligence active, alerte et

vive, s'alourdir tout à coup et demeurer plongés sans éton-

nement, avec indifférence, dans l'inaction cérébrale la plus

complète. Très souvent cette torpeur va jusqu'à l'hébétude,

la stupeur, la stupidité, c'est-à-dire jusqu'à la suspension des

opérations mentales. D'autres fois, comme des vieillards

sénilisés, les malades somnolent à tout instant, dans un vague

assoupissement, ou sont pris d'un besoin irrésistible et con-

tinu de sommeil On dirait et cela doit être qu'ils sont

sous l'influence d'une narcose toxique.

Avec la torpeur cérébrale, existe un état particulier des

facultés qu'on ne peut mieux désigner que sous le nom d'ob-

litsio)z ou de confusion. Qu'il s'agisse de souvenirs, d'appré-

ciations de sensations, de questions à saisir, d'idées à expri-

mer, tout est diffus, dissocié, incoordonné : on dirait que

l'intelligence est très affaiblie, parfois même abolie. Les

sujets expriment les plus grosses absurdités, ils ne reconnais-

sent plus leur milieu, leur entourage, ne peuvent fournir

aucun renseignement. Et cependant, au milieu de celte

incohérence et de ce néant, on est tout surpris de voir appa-

raître des lueurs d'esprit; derrière ces épais nuages, on

s'aperçoit que l'intelligence, simplement obnubilée, existe

encore. Elle n'est pas éteinte, elle est comme lointaine, comme

absente.

Un des signes les plus caractéristiques de cette obnubiiation

' Régis et Gaide. Rapports entre la maladie du sommeil et le 2 ? zyxoe-

dème. (La Presse médicale, 1 ? octobre 1898.)

284 PATHOLOGIE MENTALE.

est l'amnésie. Cette amnésie, en effet, est toute spéciale. Ce

n'est pas la diminution de la mémoire classique, celle des

démences simples et vésaniques, qui débute par de légères

défaillances et qui s'étend progressivement à toutes les acqui-

sitions, suivant un ordre déterminé. Ce n'est pas non plus

l'amnésie des ictus cérébraux, incomplète et plus ou moins

systématique. C'est un mélange de souvenirs exacts, précis,

délicats, et d'oublis absurdes, extravagants, poussés au

comble. Le malade aura parlé correctement, sans erreur, de

faits passés; en même temps, il ne se rappelle plus ce qu'on

vient de lui dire, ce qu'il vient de faire, demande un objet

qu'il tient dans la main, veut dîner quant il sort de table,

être couché quand il est au lit, etc. Si on lui signale sa

méprise, il accepte la rectification, mais peu d'instants après

il y revient et ainsi de suite plusieurs fois, sans se rendre

compte. 11 y a là, comme on le voit, un état à part, qui n'est

pas seulement la perte de mémoire des événements anciens

ou récents, comme dans les démences, mais une véritable

amnésie rétrograde et surtout anlérograde ou actuelle, c'est-

à-dire portant sur les choses du moment et se rapprochant

de celle analogue des traumatismes ou. des névroses. On la

trouve plus particulièrement marquée dans certaines intoxi-

cations, notamment dans la psychose polynévritique, où elle

a été signalée par Korsakoff et Charcot et dans la psychose

éclamptique 1.

Une autre particularité des psychoses d'auto-intoxication

au point de vue de l'amnésie, c'est que le souvenir de l'accès

est très souvent plus ou moins complètement perdu après la

guérison. On sait que dans les vésanies pures il n'en est pas

généralement ainsi et que les malades, une fois revenus à la

raison, se rappellent parfois avec une lucidité merveilleuse et

jusque dans leurs moindres détails, les diverses péripéties de

la crise. Il est rare au contraire, qu'au sortir d'un délire

d'auto-intoxication, le sujet en ait la notion pleine et entière;

ou il y a du vague, des lacunes, ou l'amnésie est absolue.

Telle, pour n'en citer qu'un seul exemple, cette femme d'une

de nos observations personnelles qui, après plusieurs mois

d'une psychose post-infectieuse grave, ne se souvient plus

1 K. Régis. La Psychose éclamptique, leçon recueillie 1ar le D' Gi-

bert (Revue mensuelle de chirurgie, de gynécologie el de pédiatrie de

Bordeaux, 1899).

LES psychoses d'auto-intoxication. 285

des hôpitaux où elle a passé, des médecins qui l'ont traitée,

ni même d'avoir été malade et croit simplement avoir été

enceinte et avoir accouché.

A côté de cette amnésie générale, portant sur l'ensemble

des souvenirs présents ou récents, j'ai noté chez une malade

que je suis actuellement et qui est convalescente d'un délire

post-éclamptique, une amnésie des mots absolument telle

qu'on l'observe dans l'amnésie verbale ou aphasie amnésique

d'origine organique'. La malade se souvient assez bien de

tout et elle connaît tous les objets, mais elle ne peut dire le

nom de la plupart, à moins qu'ils ne lui viennent spontané-

ment. Si on les lui indique, elle les oublie aussitôt.

Le dernier des principaux symptômes psychiques des psy-

choses d'auto-intoxication est ce que nous appelons l'oni-

vrai dire, il s'agit plu tôt d'un état que d'un symptôme.

Nous entendons par onirisme un état d'automatisme céré-

bral analogue au rêve, mais à un rêve extériorisé. Cet oni-

risme peut être nocturne et il consiste alors en troubles du

sommeil : rêves, cauchemars, illusions et hallucinations,

surtout de la vue, mobiles, changeantes, professionnelles ou

terrifiantes, excitation, délire. C'est un premier degré, dans

lequel les phénomènes morbides n'apparaissent. que le soir,

pour disparaître chaque fois au réveil.

A un degré plus marqué, l'onirisme se prolonge dans la

journée et se mêle, en proportions variables, à la réalité

éveillée, qu'il domine complètement, dans certains cas. Il y a

là comme une sorte de dédoublement, comme deux vies

coexistantes et accolées : la vie onirique, somnambulique

ou subconsciente et la vie normale. Et ce qui le prouve, c'est

que, à un degré léger, le sujet passe alternativement d'un

état et l'autre suivant qu'il ouvre ou ferme les yeux; c'est

qu'aussi, et un degré plus marqué et sauf les cas où l'agita-

tion ou la stupeur sont trop intenses, on peut le plus sou-

vent, par une brusque interpellation, par une secousse

énergique, le faire sortir de son onirisme et le ramener à

la réalité. Mais ce retour ne dure qu'un instant; comme

dominé par un sommeil irrésistible ou sous le coup d'un

narcotique qui le stupéfie, le malade retombe, aussitôt

abandonné à lui-même, dans son rêve.

' A. Pitres. Leçons sur l'Aphasie amnésique (Progrès médical, 1898).

286 PATHOLOGIE MENTALE.

Voilà ce que nous entendons par onirisme et voilà ce qui

s'observe, au plus haut point, dans les psychoses auto-

toxiques.

Il va sans dire que dans ces conditions, on ne rencontre

guère, dans ces psychoses, de délire caractérisé. Les concep-

tions sont celles que créent les rêves, les cauchemars, les

illusions, les hallucinations; par suite, elles sont essentielle-

ment mobiles, variables, contradictoires, entremêlées, et on

peut y trouver simultanément ou séparément, des idées

ambitieuses, de persécution, de culpabilité, de ruine, etc.,

avec cependant une note mélancolique prédominante. Par-

fois, et cela a lieu surtout lorsque le rêve constitue un thème

suivi, stéréotypé, il y a nécessairement, comme conséquence,

délire systématisé, circonscrit, limité dans certains cas à

quelque idée fixe qu'on a vu, dans ces conditions, persister

après la guérison, comme persiste chez les hystériques une

idée fixe isolée, produit d'une suggestion hypnotique ou d'un

rêve. C'est une sorte de paranoïa secondaire à l'onirisme

délirant.

B. TYPE CLINIQUE DES PSYCIIOSES d'auto-intoxication.

Il va nous être facile, maintenant, de dégager le type cli-

nique des psychoses d'auto-intoxication. Devant l'ensemble

des symptômes que nous venons d'énumérer, personne ne

saurait contester, en effet, qu'il s'agit là de confusion mentale.

La chose est tellement frappante qu'aucun des auteurs qui se

sont occupés de la question n'a hésité. Partout et toujours,

ils ont conclu de même que les psychoses auto-toxiques se

présentaient sous forme de confusion mentale. Les diverses

descriptions que nous avons données dans le cours de notre

travail et les observations qui les accompagnent ne peuvent

non plus, laisser de doute à cet égard.-

Nous n'avons pas à refaire ici la description de la confusion

mentale qui a été magistralement tracée par M. Chaslin, son

rénovateur en France, aidé surtout de M. Séglas. Il y aurait

peut-être des réserves à faire au sujet de la division, pure-

ment provisoire d'ailleurs, des confusions mentales en primi-

tives idiopathiques , primitives symptonaaliques et secon-

daires. Mais ce n'est là qu'une question purement théorique.

Ce qui importe, c'est que la psychose des auto-intoxications

répond trait pour trait au tableau de la confusion mentale

LES PSYCHOSES d'auto-intoxication. 287

/ z

donné par Chaslin. La confusion mentale est donc le type

clinique des psychoses d'auto-intoxication.

Ce type lui est-il exclusif, c'est-à-dire la confusion mentale

n'appartient-elle qu'à l'intoxication ? est-elle, comme on dit

aujourd'hui, fonction d'intoxication ? Le fait n'est pas encore

établi, mais pour ma part, je le considère comme probable

et je crois qu'on arrivera à le démontrer dans l'avenir. Ce

qui semblerait indiquer qu'il en est bien ainsi, c'est que,

lorsque l'auto-intoxication survient dans le cours d'une psy-

chose déjà établie, elle a pour effet, ainsi que nous l'avons

vu, d'adjoindre à la symptomatologie existante un élément

nouveau, qui est précisément l'élément confusion. C'est assu-

rément là un argument probant.

Il va de soi, d'après cela, et c'est ce qui résulte de l'en-

semble de notre travail, que la confusion mentale peut affec-

ter, dans les psychoses auto-toxiques, une quelconque de ses

variétés. Bien que l'accord ne soit pas absolument fait encore

sur la détermination de ces variétés, incomplètement isolées,

on peut cependant reconnaître : 1° une. confusion mentale

simple ou asthénique; 2° une confusion mentale aiguë et

subaiguë; 3° une confusion mentale avec stupeur ou stupidité

aiguë; 4° une confusion mentale suraiguë, méningitique,

ou délire aigu, typhomanie; 5° enfin, si l'on veut, une con-

fusion mentale pseudo-paralytique.

Toutes ces variétés, quelles qu'elles soient, sont suscepti-

bles d'être observées dans chaque forme d'auto-intoxication.

Il semble néanmoins, que les confusions mentales du délire

aigu se rencontrent plus souvent dans les auto-intoxications

gastro-intestinales et les confusions mentales de la stupeur

dans les auto-inloxications hépatiques et rénales. Mais il

n'y a là, en réalité, qu'une différence du plus au moins.

Nous venons d'établir que la forme clinique des psychoses

d'auto-intoxication est la confusion mentale. Nous voudrions

montrer maintenant, les analogies qui existent entre les

psychoses d'intoxications externes ou endogènes et les psy-

choses d'intoxications externes ou exogènes, dont le type

est l'alcoolisme. ·

Cette démonstration ne nous arrêtera pas longtemps, car

la similitude saute aux yeux. Nous avons, comme le dit

Chaslin dans son livre, constamment insisté sur ce point dans

notre Rapport au congrès de La Rochelle. Legrain, Jacobson

288 pathologie mentale.

et beaucoup d'autres ont fait de même. Et déjà Delasiauve,

quand en 1831 il décrivait la confusion mentale stupide, sans

se douter que de longues années après on en ferait une psy-

chose toxique, la rapprochait du délire alcoolique.

Nous nous bornerons à rappeler que dans les auto-intoxi-

cations on trouve la même symptomatologie et les mêmes

formes morbides que dans l'alcoolisme, depuis le tremble-

ment, le rêve, le cauchemar, l'hallucination visuelle terri-

fiante, le délire professionnel, jusqu'aux psychoses subai-

guës, stupides, démentes, jusqu'au, délire aigu et à la

pseudo-paralysie générale. C'est absolument le même tableau

clinique. Nous arrivons donc déjà à cette première conclusion

que les délires d'intoxication interne et les délires d'intoxica-

tion externe sont similaires et que, par suite, la confusion

mentale est le type de tous les délires toxiques, quels qu'ils

soient.

Il nous reste maintenant à prouver que ce type a pour

caractéristique d'être un état de rêve ou onirique. Cette opi-

nion, qui s'était pour ainsi dire imposée à nous dès les pre-

miers faits observés, nous l'avons formulée de la façon la

plus nette au congrès de Clermont en 1894, à propos de la

discussion sur les rapports de l'hystérie et de la folie. Voici

le passage, que nous demandons la permission de repro-

duire.

a ..... P1. Ballet aurait peut-être pu insister non seulement

sur le délire des hystériques, sorte de rêve, mais aussi sur

certaines de leurs hallucinations essentiellement visuelles,

variables parfois avec la position des paupières, surtout noc-

turnes, oniriques comme je les appelle et dont j'aurai occa-

sion de reparler dans une prochaine communication.

« Mais l'hystérique n'a pas la spécialité de ces délires et de

ces hallucinations. On les retrouve dans les intoxications,

notamment dans l'alcoolisme, dont Lasègue a pu dire depuis

déjà longtemps : « Le délire alcoolique n'est pas un délire,

mais un rêve » on les retrouve également dans les auto-

intoxications et dans les infections. Je poursuis actuellement

et depuis longtemps l'étude clinique du délire dit fébrile ou

infectieux, dont l'observation a échappé dans une certaine

mesure à l'attention des aliénistes, en raison du milieu hos-

pitalier où il évolue et, ce qui m'a frappé le plus, jusqu'à ce

jour, c'est que ce délire est une sorte de rêve allant, suivant

LES psychoses d'auto-intoxication. 289 9

son degré d'intensité, depuis le rêve immobile et muet, jus-

qu'au rêve d'action, en passant par le rêve simplement parlé.

Ecoutez et regardez attentivement un malade qui délire sous

l'influence de la fièvre typhoïde, du typhus, de l'érysipèle, de

l'influenza, etc., et vous croirez assister à un rêve porté à son

maximum. Comme le rêveur hypnagogique, ce malade, si

gravement atteint qu'il soit, fait entrer la réalité ambiante

dans sa conception hallucinatoire, et si vous le secouez ou si

vous lui adressez une brusque interpellation, il revient à lui,

vous répond correctement, puis retombe aussitôtdans sa fan-

tasmagorie, absolument comme le rêveur qu'on arrache à

son sommeil ou l'alcoolique à son délire,

« Or, tous ces états, remarquons-le, sont des empoisonne-

ments par des voies différentes, de- l'organisme, de ces étals

dont 1'liisto-eliimie, comme disait notre président, M. Pierret,

donnera peut-être un jour la formule pathogénique exacte.

Il semblerait donc et j'appelle l'attention sur ce point

que le délire de rêve ou délire onirique soit comme la

caractéristique des intoxications, d'où qu'elles viennent, et

que, par ce côté-là encore, l'hystérie puisse être considérée

comme une intoxication, ainsi que certains auteurs, et tout

récemment encore M. Grasset, l'ont soutenu, en s'appuyant

sur des considérations d'ordre différent.

« La seule question à se poser serait celle de savoir si ces

rêves délirants constituent des sommeils identiques ou non au

sommeil ordinaire. Je ne saurais aborder en ce moment ce.

point si délicat du problème et je me borne à. dire que les

intoxiqués, les hystériques, les délirants fébriles, paraissent

avoir des rêves de caractères spéciaux, en ce sens surtout

qu'ils appartiennent à des sommeils incomplets, hypnago-

giques, où la persistance d'action de l'automatisme mental

et somatique est des plus remarquables. Et il serait intéres-

sant à ce point de vue de rechercher si, comme cela existait

chez l'hystérique de M. Pitres, le souvenir des rêves délirants

des alcooliques et des infectieux peut être perdu à l'état de

veille et recouvré dans le sommeil ordinaire ou le sommeil

hypnotique'. »

Depuis cette époque, toutes nos recherches et toutes nos

observations n'ont fait que confirmer et préciser cette manière,

1 K. Régis. Congrès des aliénisles el i ? eiiî,oloqisles, Clermont-Perranci,

1894 (Compte rendu de la Tribune médicale).

Archives, 2° série, I. VII. 19

290 pathologie mentale.

de voir. Nous l'avons exposée tout à fait en détail dans nos

leçons cliniques de 1893-1896 sur les délires toxiques et infec-

tieux et aussi dans la thèse de l'un de nos élèves, le

Dr A. Pichon. (Contribution à l'élude des délires oniriques

ou délires de rêve. Délires infectieux et toxiques. Thèse de

Bordeaux 1896.) Voici les conclusions de ce travail qui résu.

ment notre pensée :

« 1° Les symptômes psychiques des délires infectieux et des

délires toxiques sont identiques; ils présentent les caractères

de l'état de rêve.

a) Le délire est d'abord et surtout nocturne; il se mani-

feste principalement dans les périodes hypnagogiques, et se

prolonge dans le sommeil ou après le réveil.

b) Il est formé par rappel d'images ou de souvenirs anté-

rieurs.

Il y a intervention de la réalité ambiante dans le délire.

c) Il présente des hallucinations surtout visuelles : elles

sont généralement terrifiantes.

d) Il se compose de scènes de rêve, mobiles, variées, mais

suivies. '

e) Le malade est acteur, il est comme dans un rêve sont-

nambulique.

f) Le délire peut être suspendu par une intervention exté-

rieure.

g) Le malade perd la notion de temps.

li) La guérison est fréquemment suivie d'amnésie, portant

sur la totalité ou une partie du délire.

Ces délires sont donc des délires oniriques ou délires de

rêve.

2° L'identité des délires infecteux et des délires toxiques

est un argument de plus et un argument puissant en faveur

de l'origine toxique du délire infectieux.

Il est donc permis de supposer que tous les délires oniriques

sont dus à une intoxication. » -

Ainsi, pour nous, le délire des infections et des auto-

intoxications est un délire de rêve. Les simples conclusions

précédentes, qui rappellent ses principaux caractères le

prouvent, sans qu'il soit nécessaire, comme nous l'avons fait

LES PSYCHOSES D'AUTO-INTOXICATION. 291

ailleurs, de nous étendre longuement sur chacun des points

de cette démonstration. Mais il y a plus : Notre opinion est

qu'il ne s'agit pas là d'un rêve ordinaire, tel qu'on l'observe

dans le sommeil normal, mais d'un rêve pathologique, som-

nambulique, d'une sorte d'état second, analogue à celui de

l'hypnose. C'est pourquoi, dès 1894, nous nous étions de-

mandé, on l'a vu, s'il ne serait pas possible d'arriver à hyp-

notiser les malades atteints de psychoses infectieuses ou

auto-toxiques et, en cas de succès, si ces malades ne recou-

vreraient pas, dans le sommeil artificiel, le souvenir perdu

de leur délire.

Mettant cette idée à exécution, nous avons été assez heu-

reux, dans quelques cas, notamment dans celui rapporté au

chapitre des psychoses d'auto-intoxication gastro-intestinale,

pour mettre les sujets en état d'hypnose et conformément à

nos espérances, chaque fois le souvenir perdu de l'accès

reparaissait dans l'état hypnotique, pour disparaître à

nouveau au réveil. Nous avons pu ainsi endormir un homme,

qui n'avait jamais présenté le moindre symptôme d'hystérie,

presque jusqu'aux phases ultimes de sa maladie ; et alors

que déjà il ne répondait plus, dans l'état délirant, à aucune

question, tellement son obtusion était extrême, dans l'état

hypnotique, plus actif et plus éveillé, s'il est permis de

s'exprimer d'une façon aussi paradoxale, il parlait sans diffi-

culté et racontait qu'il avait rêvé que son ami Octave le

trompait avec sa femme, ce qui le désolait. Maintes fois nos

élèves ont assisté à ces expériences, bien faites, on le com-

prend, pour les intéresser.

Un autre malade, alcoolique avec poussées d'auto-intoxi-

cation hépatique, était pris, à chaque accès, de rêve délirant

de jalousie avec hallucinations visuelles. Une nuit, il se pré-

cipita sur sa femme avec une telle violence que son fils, en

le maintenant, lui foula un doigt de la main droite. La crise

passée, cet homme ne sachant d'où lui venait sa contusion,

racontait de bonne foi qu'il avait été victime d'un accident

professionnel. Mis en état d'hypnose, il se rappela tout ce qui

s'était passé. Et depuis dix-huit mois, on peut ainsi à volonté

provoquer de sa part l'une ou l'autre version, suivant qu'il

est éveillé ou endormi.

C'est là une preuve en faveur de la nature somnambulique

du délire auto-toxique et de sa similitude avec le somnam-

292 PATHOLOGIE MENTALE.

bulisme hypnotique. J'ai eu, d'ailleurs, une preuve plus

topique encore de cette similitude chez un ancien paludéen

non buveur qui, à chaque retour de ses accès, faisait un rêve

délirant où il revivait les scènes de la campagne de Tunisie

dans laquelle il avait contracté ses fièvres. L'ayant endormi,

il tomba spontanément dans le même rêve et, tout d'un coup,

se mit à nous parler comme si nous étions ses camarades

et les officiers de son régiment, au milieu d'un combat.

L'hypnose avait déterminé chez lui exactement le même rêve

d'action que l'accès de paludisme.

Chez quelques autres malades, atteints de fièvre typhoïde

et de typhus exanthématique avec délire, car pendant long-

temps nous nous sommes astreint à observer tous les cas de

ce genre à l'hôpital Saint-André, comme à l'hôpital d'isole-

ment de Pellegrin, nous avons pu faire cesser ou faire revenir

le délire à volonté en leur ouvrant les yeux ou en les fermant.

Un typhique entre autres, placé dans le service de notre

ami le professeur Arnozan, et très agile la nuit, revenait à

lui le jour, mais à la condition d'avoir les yeux ouverts ; dès

qu'il les fermait il s'assoupissait, et se croyait dans sa

maison, occupé à son travail. Il nous fut facile, chez cet

individu, de provoquer artificiellement ces deux états et

nous le faisions passer ainsi successivement et rapidement de

la vie consciente ou éveillée à la vie suhsconscicnle ou oni-

rique, de la raison au délire, absolument comme on le fait

chez les hystériques hypnotisés.

Je crois donc pouvoir dire que le délire toxi-infectieux

n'est autre qu'un état second, un délire somnambulique,

analogue aux autres états de somnambulisme, spontanés ou

provoqués.

- De là à essayer la suggestion comme procédé thérapeu-

tique, il n'y avait qu'un pas. J'ai cru pouvoir le franchir.

Les faits que j'ai ainsi recueillis ne sont pas encore extrê-

mement nombreux, mais ils sont probants. A plusieurs

reprises, j'ai traité et guéri de la sorte certains malades

atteints de délire toxi-infectiew. Il va sans dire que c'est

surtout dans la période d'état ou de déclin se prolongeant

outre mesure, bien plutôt que dans les phases de début que

ce traitement trouve son application. Mes meilleurs succès ont

été chez les individus qui, convalescents d'une infection ou

d'une auto-intoxication, restaient dominés par des idées

LES psychoses d'auto-intoxication. 293

déliranles isolées et fixes, d'une ténacité extrême et dont

aucun raisonnement, aucune évidence, aucune médication ne

pouvaient triompher. La suggestion arrivait assez facilement

à détruire ces idées délirantes, en même temps qu'elle en

démontrait l'origine onirique. Il y a donc là, dans' les

conditions de réserve et de prudence nécessaires, un trai-

tement rationnel à utiliser.

Certes, nous ne prétendons pas que tous les délirants

auto-toxiques soient hypnotisables, il s'en faut. Mais nous

pensons que quelques-uns, parmi ceux surtout qui sont

atteints de confusion mentale subaiguë avec délire d'action,

peuvent être endormis et que chez ceux-là l'amnésie du

délire, .qui existe habituellement, disparaît dans l'hypnose.

Nous pensons aussi que cet état de rêve existe dans tous

les étals de confusion mentale, même quand ceux-ci sont

trop aigus pour le laisser apparaître, comme le délire aigu

et la stupeur et que, par conséquent, le délire de rêve

somnambulique ou onirique constitue la caractéristique

des psychoses d'attio-iî2toxicatioîî et par suite de la con-

fusion mentale. '

Cette idée de faire du délire des intoxications un délire de

rêve, qui au premier abord peut paraître étrange, n'a rien

au fond que de très logique et nous pourrions montrer que

de lout temps on a pressenti la vérité à cet égard par la

façon dont ont été envisagées la stupidité et la confusion

mentale.

Déjà Gcorget disait en 1820, à propos du Délire .aigu : .'

« Le malade presque toujours assoupi, somnolent, paraît

rêver (le mot est souligné par Georget lui-même) quand il

fait quelque effort intellectuel. Les délirants une fois guéris,

ne se souviennent plus que d'une manière fugace d'un petit

nombre de circonstances de leur situation passée '. »

Dans les premières descriptions de Delasiauve, on voit

poindre çà et là quelques comparaisons, quelques rappro-

chements avec le rêve. A un moment même, Delasiauve e

prononce le mot, bien qu'ayant l'air de s'en défendre. « Il

est certain, dit-il, que sous l'oppression cérébrale, les rêves,

qu'on me passe celle expression, ne doivent pas être couleur

de roses. L'essentiel est de discerner quand, tristes ou non,

Geoi ? et. De la folie, p. 238. Paris, 1820.

294 PATHOLOGIE MENTALE.

les perceptions vicieuses appartiennent à un sentiment

altéré ou correspondent à une confusion intellectuelle ; or

ce dernier cas est celui de la stupidité 1. »

Baillarger, s'il n'est pas d'accord avec Delasiauve sur la

nature et la place nosologique de la stupidité, dont il fait

une variété de mélancolie, n'hésite pas à déclarer que cet

état parait avoir beaucoup d'analogie avec l'état de rêve.

Et il développe les raisons qui militent en faveur de celle

analogie. Nous ne citerons que le passage suivant : « Ce qui

me fait insister sur cette analogie de l'état de rêve et de

l'état morbide que j'ai décrit, c'est surtout la manière dont

les malades rentrent dans le monde réel au moment de la

guérison. C'est véritablement une sorte de réveil, mais un

réveil qui se fait lentement. Rien do plus curieux que de

voir l'aliéné reconnaître d'un air étonné tout ce qui l'entoure,

ressaisir un à un tous ses souvenirs à mesure qu'il s'éloigne

de sa maladie.

« Rien de plus net que la manière dont quelques conva-

lescents caractérisent leur état mental antérieur. Il me

semble, dit une femme à M. Etoc, que je sors d'un long

assoupissement (c'est celle qui au milieu d'une infirmerie se

croyait dans un désert et voyait autour d'elle des voitures

chargées de cercueils)'(Obs. VII); la malade qui fait le sujet

de la quatrième observation, et qui a si bien rendu compte

de son état, me dit qu'elle ne peut mieux comparer ce

qu'elle a éprouvé qzt'à un mauvais rêve.

« Sans doute tous les aliénés ne s'expriment pas aussi

nettement que je viens de rappeler ; mais ce qu'ils ne disent

pas, on le voit sur leur physionomie étonnée; on peut le

conclure des questions qu'ils font, mais surtout des détails

qu'ils donnent sur l'état dont ils sortent. Ils éprouvent,

mais plus lentement, ce qu'on éprouve quelquefois lorsqu'on

s'éveille en voyage dans un lieu où l'on a couché pour la

première fois : on est alors un instant à se reconnaître, à

rassembler ses souvenirs, et le réveil complet se fait d'une

manière graduelle 2. »

'l'outefois, Baillarger ajoute un correctif à ce rapproche-

' Delasiauve. Du diagnostic différentiel de la 1 ? émveie (Annales

»iéel. pscleol.. 18bl, t. III).

2 Baillarger. De l'étal désigné sous le Mont de stupidité, 1843.

LES psychoses d'auto-intoxication. 295

ment. Il termine en effet en disant : « Je ne signale ici que les

analogies ; car à part l'état morbide, il y a entre la stupidité et

les rêves des différences nombreuses qu'il est inutile de faire

ressortir. »

Sauze, traçant en 1852 les règles du traitement moral des

malades atteints de stupidité aiguë, au moment où ils sortent

un peu de leur confusion, dit à cet égard : « Quand l'intelli-

gence recommence à fonctionner, quand arrivent les rémis-

sions, il faut activer sans relâche les opérations cérébrales; il

faut interroger les malades, fixer leur attention, insister quand

leur réponse est ou trop lente ou trop peu précise. On doit

s'attacher à leur faire comprendre qu'ils sortent d'une maladie

grave : on les voit presque toujours être dans l'étonnement,

ne pas se rendre compte des diverses circonstances de leur

maladie, ni du changement qui s'est opéré en eux, comme

un individu qui pendant son sommeil, transporté dans des

lieux inconnus, mettrait un certain temps à reprendre ses

sens. Quelques-uns nous ont dit qu'il leur semblait sortir d'un

lony sommeil. A ces malades qui se réveillent, il faut expli-

quer tous ces détails, les éclairer sur leur position, rappeler

leur mémoire, leur poser de petits problèmes et leur en

demander^plus tard la solution. Cet exercice intellectuel,

répété chaque jour sans interruption, en procédant' des

choses simples aux questions plus difficiles, ramène peu à

peu toutes les facultés à leur activité première ; c'est comme

un enfant dont l'intelligence se développe progressive-

ment'. »

Ilitti, parlant de la curabilité de la stupeur, même au bout

d'un long temps, s'exprime ainsi : « On en a vu se réveiller,

pour ainsi dire, après cinq, huit et même dix ans, sans pou-

voir dire ce qui s'est passé en eux durant ce long sommeil 2. »

Depuis que la confusion mentale a été ressuscitée à

l'étranger par les Allemands, en France par Chaslin, la plu-

part des auteurs qui en ont parlé sont revenus sur cette

comparaison avec le rêve.

Meynert dit que le mécanisme des stades de confusion des

épileptiques et des alcooliques s'explique par analogie avec

la rêve dans lequel les images les plus frappantes de la

1 Sauze. De la stupidité. Thusc de Paris, 1862.

Rilli. Art. Mélancolie avec stupeur du Dicl. encycl. des sciences

médicales.

î96 ' PATHOLOGIE MENTALE. -

journée sont remplacées : par d'autres appartenant à des

époques plus lointaines. La théorie psychologique de Meynert

sur la confusion mentale, si ingénieuse et si bien exposée

par Chaslin dans son livre, est en quelque sorte, du reste,

une théorie onirique. On sait, en effet, que Meynert attribue

cet état pathologique à un affaiblissement de l'écorce avec

excitation des centres sous-corticaux, d'où résulte le sommeil

du, moi conscient avec déchaînement de l'automatisme 1.

Scimie dit que tout le groupe de la « Wahnsinn » confine

en grande partie aux étals physiologiques du rêve 2. Mayer

rapproche l'état de demi-rêve qu'on observe chez certains

sujets névrosés ou épuisés par une longue maladie du type

de l' « amentia transitoire » de 1. 3. -

Kraepelin donne les définitions suivantes des diverses

variétés admises par lui des psychoses asthéniques : confu-

sion mentale, délire de collapsus, démence aiguë. Le délire

de collapsus est un état de confusion profond à développe-

ment excessivement rapide, avec trouble des sens analogue

s celui du rêve, avec idéorrhee, variation de l'émotion et

excitation motrice vive. La démence aiguë est caractérisée

par la paralysie profonde et rapide de toutes les fonctions

psychiques les plus élevées. Enfin la confusion mentale,

pour ainsi dire intermédiaire aux deux autres, est un état de

confusion en forme de rêve avec perversion par illusion ou

hallucination de la perception, état aigu développé par

suite de l'atteinte portée par une cause extérieure nui-

sible ?

" Chaslin, dans son ouvrage8, bien qu'il n'établisse pas spé-

1 Les théories histo-psychotogiqucs actuelles sur l'existence dans le

cerveau de centres sensitivo-moteurs de projection et de centres psychiques

d'association (Flechsig) susceptibles dans certaines conditions déterminées

de fonctionner de façon indépendante, les tliéoiies également en voie de-

formulation à l'heure actuelle sur la communication des neurones au

moyen de prolongements protoplasuuques qui se rétracteraient dans le

sommeil et dans certains états d'intoxication (Pupin, Hegcr) sont au fond

assez analogues à la théorie de Xeyuert.

Scli iile. Zur l'ttranoïa-1·'tttr/c. (Allg. Zeilsch. sur 7c/t., L. L.)

3 Mayer. Sechzehit 1,'illle voit Ilalblraum-Zuslande (laltrb. sur l'syclt.,

t. XI, 1802).

4 Kraepelin. Psychiatrie, 1896.

Gliisliii. La Confusion mentale primitive. Paris, 189u.

LES PSYCHOSES D'AUTO-INTOlIC.TION. 291

cialement de comparaison entre la confusion mentale et le

rêve, parait rapprocher à diverses reprises ces deux états.

Au chapitre de la Psychologie pathologique, à propos de la

désagrégation mentale des sujets il dit : « A un degré de plus

l'incohérence est telle que deux images successives ne

paraissent plus avoir de relations entre elles. La suite est

facile à prévoir, c'est l'état de rêve à tous ses degrés.

Çà et là on trouve encore d'autres allusions. Par exemple :

« Lorsque le trouble pathologique est à son plus haut degré,

il semble que le malade ait perdu tout rapport avec le

monde extérieur et que la pensée soit réduite à son minimum

comme dans le sommeil (p. 119). » Et encore : « Quelquefois

la guérison arrive avec une très grande rapidité et le malade

semblant s'éveiller d'un profond sommeil s'oriente peu à

peu et recouvre l'intégrité de son intelligence. »

M. Séglas a, lui aussi, été frappé du caractère onirique de

la confusion mentale et dans maints endroits, notamment

dans son article du 17 mars 1897 de la Presse Médicale

il dit que « son délire ressemble à un rêve ».

Le professeur Francotte, dans un article tout récent,

s'exprime ainsi au sujet de ce qu'il appelle le délire gé2lé-

ralisé, affection qui correspond jusqu'à un certain point, à la

confusion mentale des Français, à la Vei,ivii-theit des Alle-

mands, à l'Aiîie2lict de Meynert : « ..... L'idéation subit un

trouble plus ou moins prononcé parce qu'elle n'est plus

dirigée par l'attention consciente, mais en quelque sorte,

livrée aux hasards de l'automatisme ; il en résulte, ou bien

des discours décousus et sans suite, ou bien, une véritable

incohérence, c'est-à-dire que les mots eux-mêmes n'offrent

plus entre eux de rapports appréciables ; le malade est dans

un état analogue à celui du rêveur '. »

M. Marandon de 111ontyel, dans sa Revue générale sur la

Confusion mentale primitive et secondaire (Gazette des

Hôpitaux, novembre-décembre 1897), cherchant à identifier

la lypémanie stupide de Baillarger et la confusion mentale,

s'appuie tout particulièrement sur leur analogie, reconnue

de tous, avec le rêve.

Le D1' Marro, dans une récente étude sur les délires d'oi,i-

gine hypnagogique, diurnes aussi bien que nocturnes, après

1 l'rancotte. Classification (l3ull. de la Société de méd. mentale de

Belgilue, septembre 1807).

298 PATHOLOGIE MENTALE.

avoir montré par quelques cas frappants que ces délires sont

souvent dus au surmenage psychique, au choc moral, au

surmenage physique, rappelle que dans ces divers états,

il existe une auto-intoxication due à des substances nuisibles

fabriquées qui produisent une irritation des centres nerveux,

d'où, comme conséquence, le délire'.

Le Dr Santé de Sanctis enfin, dans sa communication :

« Psychoses et Rêves » au congrès de Bruxelles (Journal de

Neurologie et cl'llp2oloie, 5 et 20 décembre 1897), dis-

tingue parmi les états intermédiaires entre la veille cons-

ciente et le sommeil complet : les états de Traùmerei, de

rêverie, étals hypnoïdes voisins des états hypnagogiques, se

rapprochant du sommeil physiologique et qui peuvent se

rencontrer même chez des individus normaux ; les vrais

« stati sognanli », « Traumzustaude », qui eux sont patho-

logiques et se rapprochent du type de l'a2îieiitici, de la con-

fusion, n'ayant avec le rêve de l'individu normal que des

rapports de ressemblance, basés essentiellement sur des

caractères cliniques communs. Et devant ce fait que la

notion du « stato sognante », du « Traumzustândo » ne se

base que sur un rapport de ressemblance entre la folie et le

rêve et que ces termes sont vagues, l'auteur se demande s'il

ne conviendrait pas d'abandonner cette dénomination qui n'a

pour elle que l'excuse d'un usage déjà fort long, pour les

remplacer par ceux de confusion mentale, amentia, paranoïa

aiguë, qui désignent des états analogues.

Nous avons gardé, pour en parler en dernier lieu et à part,

un article publié par le Dr Joanny Roux, ex-interne des hôpi-

taux de Lyon, dans la Province médicale du 22 mai 1897.

Dans cet article, qui a pour exergue ces mots de Pitcains :

« Le délire est le songe de ceux qui veillent », notre confrère

raconte la très intéressante histoire d'un délire de quatre

jours qu'il a eu lui-même, durant un érysipèle grave.

Or, bien placé pour apprécier ce qui s'est passé en lui à ce

moment, il montre comment, avec des manifestations exté-

rieures d'agitation et d'apparente incohérence, il s'est agi en

réalité chez lui d'un véritable rêve parfaitement coordonné,

suivi et qui s'est déroulé logiquement dans toutes ses péripé-

ties, en s'assimilant les êtres et les choses de l'entourage. A

1 Jlarro. Contribution à l'élude des délires d'origine hpnzaogique,

Annalli cli /)enictlriu, 1807, f. 2.)

les psychoses d'auto-intoxication. 299

ce point que, par l'analyse de son propre cas, l'auteur arrive

à cette conclusion, but de son travail, que « le délire fébrile

peut, dans certains cas, être assimilé à un rêve se produi-

sant à l'état de veille et se mélangeant à des doses diverses à

la réalité extérieure », c'est-à-dire exactement à l'opinion

que nous avions formulée antérieurement et qu'il n'a connue

que depuis.

Il n'est pas possible, croyons-nous, de trouver un argu-

ment plus probant.

Nous venons d'établir -que le délire des auto-intoxications

est un délire de rêve. Mais nous avions déjà montré aupara-

vant, que le délire des auto-intoxications est analogue au

délire alcoolique. Il faut donc nécessairement, si ces données

sont exactes, que le délire alcoolique soit, lui aussi, un

délire de rêve.

Nous insisterons peu sur ce point pour cette bonne raison

que la démonstration a déjà été faite avant nous par un

maître illustre, par Lasègue, dans son article si connu : Le

délire alcoolique n'est pas un délire, mais un rêve. Dans cet

article, dont le titre seul est d'une signification si précise,

Lasègue prouve que le délire alcoolique est, chronologique-

ment et symplomatiquement, la suite d'un rêve. L'idée de

Lasègue est plus ou moins implicitement admise par tous

aujourd'hui et Klippel, entre autres, regarde le type de

« rêve prolongé » comme caractéristique du délire alcoolique.

Les exemples cliniques abondent ici et nous n'aurions que

l'embarras du choix si nous voulions en rapporter. Nous nous

bornerons simplement citer en quelques mots l'histoire de

ce malade, venu ces jours derniers à notre consultation de la

Faculté en étal d'insuffisance hépatique avec ictère et qui

nous fit le récit détaillé et curieux d'un accès de délire alcoo-

lique pour lequel il avait été interné l'année précédente.

En apparence, il avait été atteint de manie aiguë, avec in-

cohérence et agitation désordonnée ; en réalité il avait vécu

un rêve. Ayant en effet commencé par mal dormir, après un

mois ininterrompu de « noces ahsinlliiques et liquoreuses »

(c'est son expression) il rêva, une nuit, qu'il avait volé dans

une maison, à Toulouse. Ce rêve, au lieu de se dissiper au

matin, persista comme une réalité et à dater de ce moment,

devint le point de départ de toute une série de déductions s'y

rattachant. Le malade se croyait recherché par la police ; on

300 PATHOLOGIE MENTALE.

l'arrêtait, on le mettait en prison, on le condamnait et, pen-

dant ce temps, son père, déshonoré, se suicidait. Tout cela se

déroula successivement, comme une sorte de trame, avec

identification complète du malade à son rêve, jusqu'au jour

où, déjà moins confus, il sortit de son sommeil et revint à la

réalité à l'asile, en face de son père, qu'il croyait mort.

Point important à signaler : le délire proprement dit ne

dura qu'une semaine ou deux ; mais pendant plusieurs mois

encore, le malade, tout à fait lucide le jour, continuait la

nuit d'avoir des rêves, des cauchemars, des hallucinations

caractéristiques. Cela prouve que, si, comme l'a montré

Lasègue, on entre dans le délire alcoolique par le rêve, on

en sort aussi par le rêve, le délire n'étant entre les deux

qu'une sorte de maximum, d'intermédiaire diurne. Cela

prouve aussi que si ce qu'on appelle le délire alcoolique est

essentiellement transitoire et ne dure que quelques jours, il

fait partie d'un tout symptomatique qui persiste pendant

des mois et qu'on ne peut en somme déclarer un alcoolique

guéri que lorsqu'il a cessé d'avoir non pas seulement de

l'onirisme diurne, mais aussi de l'onirisme nocturne.

On nous pardonnera, nous l'espérons, ces longs dévelop-

pements sur le caractère onirique ou de rêve des délires auto-

toxiques et toxiques. Nous les avons considérés comme indis-

pensables pour donner une idée aussi exacte que possible de

la façon dont nous comprenons, cliniquement, ces délires.

Nous pouvons maintenant, pour finir, être très bref. Le

délire auto-loxil2ce et, par suite, la confusion mentale,

n'est pas la vésaitie, la folie commune. Des caractères très

importants et très tranchés l'en séparent, comme nous

l'avons vu. C'est ce qui explique sans doute pourquoi les

vraies psychoses d'auto-intoxication ne s'observent générale-

ment pas dans les asiles. Sur un total d'une trentaine de

malades de ce genre que j'ai connus, dans ces dernières

années, deux seulement furent internés et encore temporai-

rement. La plupart appartiennent à ma consultation de la

Faculté ou à ma clientèle de ville. Les cas publiés par les

autres auteurs, en particulier par M. Séglas, ont été observés

dans les mêmes concluions. On ne reçoit guère, dans les

asiles, que des cas dans lesquels l'infection, l'auto-intoxic ?

tion génératrices de la psychose ont passé inaperçues, ou

certains délirants aigus des hôpitaux que leur agitation n'a

LES PSYCHOSES d'auTO-INTOXICATION. 301

pas permis de garder, ou enfin des malades devenus chro-

niques. Il est certain en effet que lorsque la psychose d'auto-

intoxication reste pure, elle peut parcourir son évolution

sans qu'il soit nécessaire de recourir à l'internement.

Cependant, et c'est là un point de clinique intéressant qui

mériterait d'être examiné, les psychoses d' auto-intoxication

ont des rapports avec les vésanies. Sans parler des délires

d'auto-intoxication qui peuvent survenir dans le cours de

vésanies déjà existantes et dont nous avons dit un mot, on

peut avoir affaire encore à deux ordres de cas : ceux où le

délire onirique, caractéristique de l'auto-intoxication, s'ac-

compagne d'emblée de symptômes vésaniques ; et ceux, plus

fréquents, où le délire d'auto-intoxication au lieu de dispa-

raître après avoir terminé son cours, finit, au bout d'un cer-

tain temps, par se modifier et se continue ou se termine par

une véritable vésanie, manie, mélancolie ou paranoia secon-

daire. Ces cas, les derniers surtout, présentent de grandes

difficultés en pratique et il est très malaisé de déterminer à

quel moment précis un délire auto-toxique cesse d'être lui-

même, pour devenir de la folie. J'observe en ce moment un

fait de ce genre, celui que j'ai rapporté dans le chapitre des

auto-intoxications rénales et j'en suis à me demander à

l'heure actuelle si la confusion mentale aiguë du début ne

tourne pas chez la malade, à la mélancolie simple avec

idées de culpabilité imaginaire. II est évident que la prédis-

position vésanique joue le rôle capital dans cette association,

au délire auto-toxique, de la folie.

Diagnostic. Lorsque le diagnostic entre une psychose

auto-toxique etla vésanie pure partîlindécis, l'examen soma-

tique, l'analyse chimique des sécrétions et excrétions, l'ex-

périmentation peuvent être utiles et lever tous les doutes.

Nous signalerons à cet égard la très ingénieuse initiative

récente de M. Taty qui, grâce à l'emploi de la séro-réaction

de Widal, a pu, dans un cas, préciser le diagnostic et recon-

naître sous le masque d'une mélancolie anxieuse, une forme

larvée de la fièvre typhoïde avec confusion mentale halluci-

natoire. A noter, dans ce très intéressant travail qui mérite

d'être lu, qu'au moment de l'amélioration il semble au malade

qu'il se réveille peu à peu d'un long cauchemar dont il a

peine à se tirer. Il raconte que toutes les personnes qui

l'entouraient ou passaient près de lui le regardaient avec des

302 ) PATHOLOGIE MENTALE.

yeux étranges, qu'on le soupçonnait d'être la cause d'une

série de catastrophes, les unes réelles auxquelles il avait

assisté auparavant, les autres imaginaires, et il faut lui affir-

mer avec énergie qu'il n'est pour rien dans les premières et

que les secondes il les a rêvées '.

Pronostic. Nous ne dirons rien du pronostic des psy-

choses auto-toxiques, en ayant déjà parlé à maintes reprises

dans le cours de ce travail et nous nous bornerons à rappeler

que suivant les cas, ces psychoses peuvent se terminer par la

mort, par la guérison; par la chronicité et le passage à la

folie. La guérison est cependant la plus fréquente des termi-

naisons, et elle a lieu souvent même après des mois et plu-

sieurs années.

Traitement. Quant au traitement, il comporte une infi-

nité de points différents et il serait nécessaire de lui con-

sacrer un chapitre entier, ce que nous ne pouvons faire ici.

Bornons-nous à répéter, avec tous les auteurs, que

l'indication dominante consiste, nécessairement, à combattre

la cause première, c'est-à-dire l'auto-intoxication ou l'infec-

tion : d'où l'utilité capitale des purgatifs et des laxatifs

répétés, des médicaments anti-toxiques, des lavages de l'es-

tomac, des diurétiques, de la saignée, des injections intra-

veineuses, surtout dans les phases de début, lorsque l'empoi-

sonnement est à son maximum. En même temps, et suivant

les cas, on administre les sédatifs, les bains, les toniques, etc.

Nous avons essayé une fois, chez un malade atteint de

confusion mentale aiguë prolongée, le séjour au lit systé-

atcttq2ce préconisé par les étrangers et malgré notre peu de

confiance dans ce moyen, qui ne nous paraissait guère appli-

cable en raison de l'agitation, nous avons été surpris de

l'heureuse influence qu'il a eue, en entretenant pour ainsi

dire le malade dans une vague idée qu'il était atteint de

quelque fièvre, en arrêtant la dénutrition, qui se faisait rapi-

dement et en amenant le calme. Nous avons depuis renouvelé

cette tentative et nous nous en sommes chaque fois bien

trouvé, surtout comme moyen de calmer l'agitation et de

préserver l'état général, souvent très précaire dans les cas

de ce genre. Nous n'hésitons donc pas à nous joindre à

M. Chaslin, à M. Sérieux et aux auteurs étrangers qui préco-

' Tnty. (le Il';(/(Il dans un cas de l'.sclro.sc. (Lou mégi-

M/, ! 897.)

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 303

nisent le repos au lit systématique dans le traitement de la

confusion mentale.

Lorsque les périodes d'agitation aiguë sont passées et que

surviennent celles d'asthénie physique et psychique qui vont

souvent jusqu'à la cachexie, le traitement doit changer de

face et il faut alors s'appliquer à régénérer, à reconstituer

l'organisme par un ensemble de moyens appropriés visant à

la fois l'hygiène, l'alimentation, les médications internes et

externes. Parmi ces dernières, les pratiques hydrolhé-

rapiques et électrothérapiques, les frictions, le massage, la

gymnastique, les injections de sérum artificiel, l'eau oxygénée,

l'opothérapie, les reconstituants du système nerveux, peu-

vent rendre les plus grands services.

Quant au traitement de l'intelligence en particulier, il

offre ici quelque chose de spécial, en raison de la faiblesse

mentale dans laquelle se trouvent la plupart des malades au

sortir de leur crise et on peut dire que dans aucune autre

psychose l'intervention personnelle du médecin n'est plus

indiquée et plus efficace. On a vu plus haut les très judicieuses

indications formulées déjà autrefois par Sauze à cet égard.

Il faut y ajouter tout ce que les progrès des méthodes psy-

chothérapiques nous permet aujourd'hui de réaliser. J'ai

déjà dit, et j'insiste sur ce point, parce qu'il a, me semble-l-il,

une réelle importance, que dans nombre de cas on pouvait,

par la suggestion hypnotique, faire disparaître l'amnésie et

les idées délirantes consécutives à l'accès et activer ainsi la

guérison.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

XVI. Sur les phénomènes de réparation dans les centres nerveux,

après la section des nerfs périphériques ; par M. G. Marinbbco.

[Presse médicale, 5 octobre.)

A la phase de réaction a distance, qui se produit, à la suite

de la section d'un nerf périphérique, dans les cellules où il prend

son origine, succède une phase de réparation. Celle-ci a été étu-

304 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

diée en détail par M. Marinesco sur les cellules du noyau de l'hy-

poglosse de lapins, sacrifiés, au bout d'un nombre de jours

variant entre vingt-quatre et cent onze, après la section de ce

nerf. Les phénomènes de réparation sont déjà manifestes au bout

de vingt-quatre jours, alors que la réunion des deux bouts du nerf

commence à se faire ; ils s'accentuent progressivement et attei-

gnent leur maximum au bout de cent jours, période à laquelle

s'effectue le retour à l'état normal. Ils se manifestent tout d'abord

par la coloration foncée du corps cellulaire et par l'augmentation

de volume des cellules ; l'aspect foncé de la cellule tient à la den-

sité et à l'augmentation de volume des éléments chromatophiles;

il se produit une néoformation de granulations chromatiques, sié-

geant le plus souvent autour du noyau, que celui-ci soit central

ou excentrique. Les éléments chromatiques deviennent ensuite

encore plus abondants et plus réguliers comme dimensions et

comme topographie. L'hypertrophie cellulaire est à son maximum

au quatre-vingt-dixième jour (cellules géantes) ; après le centième

jour, la cellule diminue progressivement de volume. Contraire-

ment à l'opinion généralement admise, l'auteur a constaté que

les modifications cellulaires dues au processus de réparation

portent, non seulement sur la substance chromatique, mais encore

sur la substance achromatique. Les mailles du réseau formé par

le spongio-plasma se dilatent, probablement à cause de la grande

quantité de substance chromatique qu'elles doivent loger; plus

tard, elles reviennent insensiblement à leurs dimensions primi-

tives. Ces constatations établissent qne l'extensibilité et la rétrac-

tilité du spongio-plasmasout les agents du changement de volume

de la cellule nerveuse. La réparation se fait, d'une façon générale,

d'autant plus rapidement que l'animal est plus jeune ; elle varie

aussi suivant l'espèce de l'animal. Enfin, elle est influencée par la

précocité plus ou moins grande de la réunion des deux bouts du

nerf sectionné ; la régénérescence des nerfs périphériques est la

fonction de la réparation cellulaire, et celle-ci dépend de la première.

Il est démontré que les neurones sensitifs réagissent, à la suite

de la section de leurs prolongements périphériques, de la même

façon que les neurones moteurs (chromatolyse, migration du

noyau, tuméfaction du corps cellulaire). Mais, tandis que Van

Gehuchten admet que ces éléments subissent, après la phase de

réaction, une phase de destruction ou de, dégénérescence abou-

tissant à la disparition des cellules profondément altérées, M. Ma-

rinesco s'appuyant sur les résultats d'expériences pratiquées par

lui sur le pneumogastrique du chien et du lapin, soutient que les

neurones sensitifs, comme les neurones moteurs, ont des tendances

naturelles à réparer leurs lésions; toutefois, le processus de répa-

ration est plus lent et plus pénible dans les neurones sensitifs.

A. Fenaybou.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 30S

XVII. Etude microscopique de la moelle dans deux cas de Mal de

Pott ; par William G. SPILLER, professeur de Pathologie nerveuse

à la polyclinique de P7tiladelphie. {Bulletin de l'hôpital de Jo7tn

Hopkins, juin 1896.) , -

L'auteur présente des préparations de moelle de deux-sujets

morts du mal de Pott. Dans le premier cas la moelle a été peu

comprimée par la vertèbre déplacée, dans le second cas la com-

pression était grande et due au déplacement de la vertèbre et à un

abcès tuberculeux intra-duremérien. Des considérations sur le

traitement du mal de Pott font suite à l'exposé des lésions, et six

photographies de préparation de la moelle accompagnent ce

travail.

XVIII. Le réflexe viril ou bulbo-caverneux; par le Dr Huches.

En mai 1890, Otianoff avait communiqué à la Société de Biologie

un travail établissant l'existence à l'état normal d'un réflexe ischio

et bulbo-caverneux sous l'influence d'une irritation de la surface

dorsale du gland; il montrait aussi que, dans les cas de troubles

des fonctions génitales, la présence de ce réflexe indique une ori-

gine dynamique et permet un pronostic favorable alors que l'ab-

sence du réflexe est un signe de lésion organique et aggrave' le

pronostic. Peu de temps après, en janvier 1891, et sans connaître

le travail d'Onanofî, l'auteur publiait sur ce même réflexe un

mémoire intitulé : « Note sur le réflexe viril. » Il joint, du reste,

au présent travail, deux lettres de Brown-Sequard, relatives à

cette question d'historique.

Depuis les premiers travaux sur ce réflexe, M. Hughes a trouvé

une meilleure méthode pour le provoquer.

Le patient étant couché sur le dos, les jambes allongées, le mé-

decin tient avec lui une conversation sur un sujet érotique, puis,

tenant le prépuce entre le pouce et l'index, au niveau du méat

urinaire, le tire, l'allonge avec force; dans ces conditions, le

réflexe est, ou provoqué normalement, ou exagéré, ou ne se produit

pas, suivant que la virilité du malade est normale, exagérée ou

absente ou résultante d'un état morbide du centre génito-spinal ou

de l'âge. ,

Ce réflexe demande, pour être recherché, une certaine expé-

rience, car il est bien plus souvent senti que vu. L'importance de

ce signe peut être grande dans les questions de viol, de paternité

ou de capacité sexuelle. (T/teA<teH : 5<NKdiYe : < ? 'oM<, janvier 1898.)

E. B.

Archives, 2° série, t. VII. 20

306 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

XIX. Section ancienne du médian. Suture. Prétendu retour im-

médiat de la sensibilité; par A. L\MBOTTE et Sano. (./0 ! <f) : . de

Neurologie, 1898, n" 17.)

Il résulte de l'observation qui fait l'objet de ce travail que seize

mois après une section complète du nerf médian au poignet chez

un homme de quarante-six ans, la résection du névrome consécu-

tif à la blessure et la suture des deux extrémités du nerf ont été

suivies au bout de quarante-huit heures d'un retour partiel de la

sensibilité tactile et d'un retour complet de la sensibilité articu-

laire. Pour expliquer ce fait, l'auteur admet que la névrome en-

voyait vers les centres des sensations perturbatrices continuelles qui

gênaient les perceptions.'

Après la résection du névrome les sensations recueillies par les

anastomoses récurrentes, que le radial et le cubital donnent au

territoire du médian ont permis au malade d'apprécier presque

immédiatement les impressions du monde extérieur. G. D.

XX. Abolition du réflexe rotulien malgré l'intégrité relative de

la moelle lombo-sacrée ; par F. Sano. (Jounn. de Neurologie,

1898, n° 10.)

Sur les six faits relatés dans ce travail quatre concernaient une

lésion de la partie cervicale de la moelle et deux une lésion de la

partie dorsale supérieure.

Trois fois le début a été brusque et la moelle complètement sec-

tionnée : dans ces trois cas, la paralysie flasque avec abolition des

réflexes s'est produite d'emblée et s'est maintenue jusqu'à la mort

survenue quarante heures, sept jours et sept mois et demi plus

tard. Une fois il y a eu érection continue, une autre fois les ren-

seignements manquent, une autre fois il n'y avait érection, les

deux premiers mois et demi de l'affection que quand on sondait le

malade.

Trois fois le début a été lent. La paralysie flasque' a toujours été

précédée d'un état spasmodique, et s'est toujours accompagnée

d'une abolition des réflexes tendineux. Dans les six cas la moelle

lombo-sacrée n'était le siège d'aucune altération. G. Devr.

XXI. Les centres et voies de communication de la parole et de

l'écriture ; par J. Rosa. (Celatnulbf. f. JV6)'ueH/te</A., XXI, N. F. ;x,

1898.)

Travail de patience exécuté par un professeur non médecin.

L'esprit humain, dit l'auteur, associe souvent des conceptions dispa-

rates dans l'intention de rappeler l'une de ces conceptions à l'aide

d'une autre. Cette conception chargée d'en rappeler une autre est un

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 307

signe. La conception rappelée par l'autre est l'image objective. C'est

ainsi qu'un noeud fait à mon mouchoir de poche est un signe qui

me rappelle une commission (idée objective) que j'ai à faire à un

ami. Les signes, ce sont les images phonétiques (idées des mots

entendus) et les images graphiques (idées des mots vus). Pour

reproduire oralement une image phonétique (mot intérieur que

nous seuls entendons), il nous faut avoir aussi l'idée des mouve-

ments musculaires qui doivent être exécutés au moyen des organes

de la parole pour arriver à émettre les sons qui composent le

mot en question, et pour placer les sons dans un ordre déterminé

(image motrice). Pour fixer une image phonétique au moyen de

l'écriture, il nous faut avoir l'idée des mouvements de la main

nécessaires pour représenter l'image graphique.

Pour parler et pour écrire, cinq groupes d'idées sont indispen-

sables : 1° les images objectives (conceptions relatives aux choses

dont on parle ou sur lesquelles on écrit) ; 2° les images phoné-

'tiques des mots entendus (conceptions verbales acoustiques inté-

rieures qui ne sont perçues que par nous) ; 3° les images gra-

phiques des mots vus (conceptions verbales optiques que nous

obtenons par la lecture des caractères écrits ou imprimés)1; 4° les

images motrices des mots parlés, c'est-à-dire des mouvements

nécessaires pour reproduire oralement les images phonétiques ;

5° les images motrices des mots écrits, c'est-à-dire des mouve-

ments nécessaires pour reproduire par écrit les images graphiques.

L'auto-observation nous apprend, continue M. Rosa, qu'il y a

une certaine indépendance entre les images objectives et les

images phonétiques (les mots). La clinique nous apprend la loca-

lisation cérébrale en divers endroits du cerveau des diverses espèces

d'images (déjà connu). Ces centres sont reliés entre eux par des

voies de communication. Là est le but des nouveaux schémas.

En ce qui concerne les images objectives, tout élément non

optique d'un objet (auditif et tactile) s'en irait d'abord trouver

l'élément optique de cet objet pour de là aboutir à son image

phonétique.

Les images phonétiques et graphiques s'effectueraient comme

suit : Ag est l'oeil; oE l'élément optique d'une conception objective;

K l'image phonétique correspondante ; Sch l'image graphique.

Par 1 oeil nous obtenons, au moyen de la voie a les éléments

optiques des conceptions objectives, ou en utilisant la voie b les

images graphiques, la voie oe+o qui unit l'image objective à

l'image graphique, et la voie ' + k, inverse, conduisant l'image

graphique à l'image objective possèdent un point nodal commun

K qui est l'image phonétique.

Le schéma se complique quand il s'agit de déterminer les images

Voyez sur ce sujet : langage écrit, par Keraval. Paris, in-8", 1897.

308 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

motrices et les centres destinés à Vexéculion mécanique de la parole

et de l'écriture.

Ici la voie de la parole r-f- qui va de l'image phonétique l

au centre d'articulation A passe, dans l'intervalle, parle centre des

mouvements B. La voie u-r-y qui va de l'image graphique Sch au

centre d'exécution mécanique de l'écriture A' passe par le centre

intermédiaire des mouvements de l'écriture B'. La voie zz est la

voie de perception par l'ceil des mouvements que font les organes

de la parole pendant l'acte de la parole, elle passe par le centre 111

des conceptions des mouvements de l'instrument de la parole qui

accompagnent le son du mot.

Un enfant qui copie d'après l'abécédaire sans savoir encore lire

se sert- de 6, v, y.

Un enfant qui lit sans articuler un motet l'écrit utilise b, l, o, v, y.

Un enfant qui écrit ce qu'il a lu en silence et compris se sert

de 6, l, A, v, y.

Tel est le principe du schéma ; mille variétés pédagogiques sont

successivement étudiées : lecture à haute voix d'un mot étranger

incompris; lecture à haute voix d'un mot étranger compris;

dénomination d'un objet ; exclamation de l'enfant surpris qui voit

une hirondelle au ciel et s'écrie : « une hirondelle » ; travail intel-

lectuel de l'homme devenu sourd qui répète un mot qu'il lit sur la

bouche d'un ami et comprend, etc., etc. Sont enfin examinées les

voies de transmission anormales des sensations auditives et tactiles

des choses lorsqu'elles déraillent sur les autres voies de transmis-

Fig. 15.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 309

sion qui ne leur appartiennent pas et où les vibrations ne devraient

pas aller comme il a été dit supra : ici on obtient un complexus

schématique qui nécessiterait une épure à une grande échelle. Les

cas cliniques classiques des auteurs sont illustrés par ces réseaux.

P. Keraval.

XXII. Influence microbienne, et des toxines dérivées dans la genèse

des affections nerveuses centrales et périphériques; par Th.

Blizzard. (Bi-ilish med. Journal, 8 octobre 1898.),

L'auteur étudie successivement à ce point de vue les paralysies

F.16.

310 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

de l'enfance, les affinités électives de certaines toxines pour les

centres nerveux (diphtérie par exemple). 11 passe ensuite en revue

les scléroses en plagues ou diffuses s'appuyant sur l'opinon de

P. Marie concernant l'origine infectieuse fréquente des premiers.

Les névrites périphériques et myélites systématisées, ainsi que les

infections spécifiques, font l'objet d'autant de paragraphes spéciaux.

Discussion au cours de laquelle le D1' Bramwell signale l'origine

micro-organique de la polio-myélite antérieure aiguë.

Dr A. Marie.

XXML Porencéphalie occipitale symétrique; par CLUIC11. (Bi,itislt

médical Journal, le, octobre 1898.)

C'est l'observation d'une femme de dix-huit ans placée à l'asile de

' Durham.

L'autopsie montra l'ectasie postérieure ventriculaire transformant

les lobes occipitaux en kystes bilatéraux (trois figures photographi-

ques). L'étiologie congénilale de ces lésions semble pouvoir être

rapportée à un accouchement difficile et prolongé (hémorragies

cérébrales postérieures). Cliniquement les lésions occipitales se

traduisirent particulièrement par le strabisme interne avec nystag-

mus, l'atrophie optique et l'imbécillité. D' Marie.

XXIV. Un cas de lésion localisée du quatrième ventricule;

par Water CARR. (British med. Journal, 8 octobre 1898.)

Observation, sans nécropsie, d'ophtalmoptégie incomplète causée

probablement par un -foyer localisé au plancher du quatrième ven-

tricule aux points classiques et dû à l'athérome ou à la trombose

(schéma explicatif). Dr A. Marie.

XXV. Tumeurs intra-craniennes ; par D. FleRRIEII. (British inctl.

Journal, 8 octobre 1898.)

Étude d'ensemble au point de vue anatomo-topographique et

localisation en vue du traitement. L'article contient le pronostic

général des tumeurs cérébrales, les proportions de celles qui sont

opérables, les résultats opératoires moyens, le tout basé sur les

statistiques de l'hôpital des épileptiques et paralytiques de Londres.

Discussion. A. Marie.

XXVI. Contribution à l'anatomie pathologique de la psychose

polynévritique et de certaines formes de confusion mentale pri-

mitive ; par 111\1. 6. Ballet et M. FAURE. (Presse médicale, 30 no-

vembre 1898.)

Les auteurs rapportent les observations de deux malades atteintes

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 311

de confusion mentale primitive, à l'autopsie desquelles ils ont

trouvé des lésions cérébrales importantes. Ces malades, du sexe

féminin, étaient des alcooliques avérées; elles étaient en même

temps tuberculeuses et présentaient de la dégénérescence du foie

avec lésions de cirrhose ; chez toutes deux, la symptomatologie

mentale était la même, associée chez l'une à des signes manifestes

et à des lésions accusées de polynévrite. Les lésions cérébrales

constatées sur des coupes colorées par la méthode de Nissl, con-

sistaient en des altérations des grandes cellules pyramidales et des

cellules de Betz : tuméfaction et déformation plus ou moins mar-

quées des corps cellulaires ; noyau peu visible, se déplaçant vers

la périphérie, chromatolyse d'intensité variable, allant depuis la

simple dissolution de quelques granulations cliromalophiles autour

du noyau, jusqu'à la chromatolyse complète. Il n'existait pas de

lésions vasculaires, de diapédèse, ni de prolifération interstitielle.

Chez la malade atteinte de psychose polynévritique, ont été obser-

vées des lésions (déformation cellulaire, migration du noyau,

chromatolyse) de la plupart des cellules des cornes antérieures de

la moelle épinière. Les nerfs des membres inférieurs présentaient

une dégénérescence à type wallérien, surtout accusée à la péri-

phérie de ces nerfs ; quelques tubes. seulement des nerfs des mem-

bres supérieurs présentaient la même altération.

L'absence de lésions vasculaires, l'intégrité de la gangue névro-

nique et la prédominance des lésions au niveau des régions de la

moelle correspondant à l'origine des nerfs les plus malades, con-

courent, avec les caractères de la chromatolyse (chromatolyse à

siège central), bien qu'il soit démontré que ce dernier signe n'a

qu'une valeur très relative, à établir que les lésions médullaires

étaient des lésions secondaires, c'est-à-dire consécutives à la poly-

névrite et engendrées par elle. Les lésions cérébrales aussi n'étaient

peut-être pas primitives; il n'est pas certain qu'elles fussent le

résultat d'une injure faite à la cellule parla substance toxique qui,

quelle qu'elle soit, doit être incriminée. 11 pourrait se faire que

l'agent toxique ait, au cerveau, comme au niveau des nerfs des

membres, porté primitivement son action sur les fibres à. myéline

et que les altérations cellulaires aient été la manifestation de la

réaction à distance qui se produit dans toute cellule dont le pro-

longement cylindraxile est altéré.

La nature de l'agent toxique, producteur des lésions constatées

n'a pas été déterminée avec précision; on était en droit d'incri-

miner à la fois la tuberculose, les lésions hépatiques et l'alcoolisme ;

mais il n'a pas été possible d'établir la part qui revient à chacun

de ces facteurs dans la pathogénie de ces altérations.

A. Fenayrou.

312 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

XXVII. Sur un cas de paralysie ascendante aiguë sans lésion histolo-

gique des nerfs et de la moelle; par les D18 GmAUDEAuet LL ? 1.

11 s'agit d'un malade de 25 ans, atteint trois mois auparavant

d'une fièvre typhoïde traitée par le sérum antityphique et qui, au

cours de sa convalescence, fut pris d'une paralysie ascendante

aiguë. L'affection commença par les membres inférieurs, envahit

le tronc puis les membres supérieurs, enfin les muscles de la res-

piration.

La paralysie fut complète, avec atteinte des sphincters. La sen-

sibilité était émoussée au niveau des membres paralysés. 11 n'exis-

.tait pas d'atrophie. La mort survint dix jours après le début des

premiers accidents. '

L'étude histologique du système nerveux a fait constater l'inté-

grité des nerfs périphériques et des racines antérieures. La moelle

examinée suivant les différentes méthodes, ne s'est pas montrée

altérée.

Les cellules bulbaires, au niveau du noyau des nerfs mixtes, ne

laissaient apercevoir aucune lésion. Le cerveau était normal sur

les coupes.

' Il faut donc supprimer la possibilité, soit d'altérations histolo-

giques inaccessibles encore aux procédés actuels, soit d'altérations

d'un autre ordre, décelables par d'autres méthodes.. Il est bon,

d'ailleurs, de remarquer que même dans certains cas de maladie

de Landry avec lésions, il n'y a pas de parallélisme entre l'évolu-

tion clinique et l'état anatomique. (Revue neurologique, oct. 1898.)

' E. Blin.

XXVIII. Sur un cas d'atrophie unilatérale du cervelet ; par les

Drs Laxkois- et PAVIOT.

. Observation intéressante d'atrophie du lobe gauche du cervelet

chez un malade épileptique qui avait été soumis à la sympathec-

tomie. L'épilepsie paraît avoir été en rapport avec l'atrophie céré-

belleuse, mais, au point de vue clinique aucun signe ne permet-

tait de songer à une affection cérébelleuse.

Un point très spécial indiqué par le malade était la conservation

habituelle de la conscience pendant l'attaque épileptique. Il existe

enfin une atrophie croisée du cerveau très appréciable puisque

l'hémisphère droit ne pesait que 440 grammes contre 5GO grammes

pour l'hémisphère gauche. Histologiquement, l'atrophie cérébel-

leuse est caractérisée par la disparition, par la fonte sans processus

inflammatoire ou nécrobiotique apparent des éléments constituant

le manteau gris cérébelleux, couche des grains et cellules de l'ur-

kinje, atrophie sans lésion vasculaire. (Revue neurologique,

oct. 1898.) E. B.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 313

XXIX. Les champs névrogliques endothéliformes chez les mammi-

fères ; par C. Bonne.

Les fibres névrogliques se terminent sur la limitante marginale

du névraxe d'un mammifère de la même façon que sur celle du

névraxe amyélinique d'une lamproie ou sur celle d'un névraxe

foetal de n'importe quel vertébré : c'est-à-dire par des plateaux

bas et soudés ensemble en ordonnance épithéliale. La méthode de

Golgi mettant en évidence les pieds élargis en entonnoir, et pre-

nant appui sur la marginale, des cellules épendymaires du névraxe

foetal en train de devenir névrogliques, montre que, dès le début

de la différenciation,. le dispositif de revêtement épithélial vrai

prend naissance à la surface interne de la vitrée.

Ce dispositif persistant à travers toute la série des vertébrés et

dès le début de la phase foetale jusqu'au terme du développement

le plus compliqué, reste ainsi le témoin invariable de la significa-

tion primitive du névraxe : celle d'un épithélium disposé en une

couche de revêtement continu sur la ligne de base. (Revue neurolo-

gique, sept. 1898.) E. B.

XXX. Contribution à la connaissance des courants oscillants à

haute tension; par le professeur E. Jendrassik.

A l'expression courants de haute fréquence employée par

M. D'Arsonval, l'auteur préfère celle de courants de haute ten-

sion : la fréquence est le résultat des dimensions des appareils et

est donnée par une certaine installation alors que la tension varie

dans une certaine mesure selon l'intensité du courant générateur

et les résistances dans le circuit.

Dans le présent travail, M. Jendrassik ne s'occupe que des qua-

lités physiques de ces courants.

Pour les courants oscillants, la conductibilité des différentes

substances est altérée dans des mesures différentes, souvent oppo-

sées à ce qu'on voit ordinairement et, principalement, la résisti-

vité de l'épiderme ne semble pas être plus grande que celle des tis-

sus sous-jacents et la résistance entre les deux mains d'un homme

adulte est de beaucoup moindre que celle d'un gros fil métallique

de la même longueur. La conductibilité relativement grande du

corps humain pour ces courants oscillants explique l'innocuité de

ces courants qui peuvent allumer des lampes à incandescence après

avoir traversé le corps humain : la résistivité du corps humain

étant trop petite, l'énergie électrique passe à travers l'organisme

sans y produire un effet sérieux. (Revue ncurooiqu·, août 1898.)

E. B.

314 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

XXXI. L'élément conducteur du système nerveux et ses relations

topographiques avec les cellules; par le professeur H. ALIATIIY.

L'idée fondamentale de ces théories nouvelles est la suivante :

Apathy n'a jamais vune interruption soit centrale, soit péri-

phérique, dans la continuité de la fibre primitive conductrice. Le

système nerveux est anatomiquement ininterrompu, au même

titre que le système circulatoire.

Les cellules ganglionnaires et nerveuses sont essentiellement

différentes. Les cellules nerveuses sont analogues à la cellule

musculaire et produisent une substance conductrice, la fibre ner-

veuse, absolument comme la cellule musculaire produit un élément

contractile, la fibre musculaire.

Quant aux cellules ganglionnaires, elles sont introduites dans le

tractus conducteur comme le sont, dans une batterie électrique,

les éléments qui engendrent le courant.

Les cellules ganglionnaires produisent l'impulsion qui doit être

conduite et les cellules nerveuses produisent la substance conduc-

trice.

Une cellule nerveuse est généralement en connexion avec plu-

sieurs cellules par une ou plusieurs fibres primitives; une cellule

ganglionnaire peut, de même, être en relation avec plusieurs

cellules nerveuses; mais une cellule sensorielle n'est en relation

qu'avec une seule cellule ganglionnaire.

On ne voit aucun réseau dans le protoplasma périnucléaire des

cellules nerveuses. Dans le corps de la cellule ganglionnaire la

fibre primitive conductrice forme un réseau mais n'a aucune

connexion avec le noyau. (American jour, ol' iizsu ? 21ly, j juillet 1898.)

E. B.

XXXII. Modifications des cellules nerveuses dans les maladies

somatiques ; par le D1' Ilocii.

En étudiant les altérations des cellules nerveuses dans le labo-

ratoire du Dr 1\issl, à Heidelberg, l'auteur a été frappé de la

fréquence des modifications des cellules nerveuses de l'écorce

dans les maladies les plus variées : les modifications possibles de

ces cellules dans les diverses maladies somatiques sont impor-

tantes à connaître, en raison de l'interprétation à donner sur de

pareilles lésions rencontrées sur des cerveaux d'aliénés.

Dans le présent travail, le Dr IIoch expose ses recherches sur un

seul mode d'altération cellulaire, qu'il appelle le retrait cellulaire.

Cette altération cellulaire a été rencontrée dans deux cas de dégé-

nérescence du myocarde, dans un cas de kyste hydatique du foie

avec perforation de la cavité abdominale, dans un cas de tubercu-

lose avancée et dans un cas de méningite tuberculeuse.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 315

Les cellules sont modifiées dans leur aspect : elles sont tordues

et ridées; les contours des corps cellulaires entre les prolonge-

ments sont si rétractés qu'une partie du corps cellulaire parait au

premier abord faire partie du prolongement. Le corps cellulaire

ridé, d'aspect sombre, a une structure analogue à un rayon de

miel : cette apparence peut se montrer aussi dans le prolonge-

ment cylindraxile.

Le noyau est très coloré, diminué de grosseur, et souvent

tordu : il apparaît homogène dans les préparations de Nissl et le

plus souvent la membrane nucléaire est invisible. Le nucléole est

quelquefois élargi, souvent de forme ovale et déporté vers le bord

du noyau.

A côté de cette altération cellulaire spéciale, se rencontrait, dans

quatre des cas examinés, une autre altération caractérisée par

une imprégnation spéciale de la matière colorante qui se répartit

souvent sous forme de poussière à la périphérie delà cellule, alors

que le centre de la cellule est très faiblement coloré en bleu, et le

noyau se détachant peu distinctement sur ce fond bleu à cause de

l'absence de la membrane nucléaire.

Ces deux types d'altérations cellulaires s'étant rencontrés côte à

côte et présentant chacun des altérations nucléaires comparables

par la disparition de la membrane nucléaire, il était permis de sup-

poser que des rapports communs les attachaient l'un à l'autre :

les expériences imaginées par l'auteur sont venues confirmer cette

manière de voir.

Des fragments d'écorce cérébrale de lapin plongés, aussitôt

après la décapitation, dans de l'eau distillée ou dans de l'eau salée

pendant douze ou vingt-quatre heures, puis durcis à l'alcool, ont

montré, en effet, dans les cellules des altérations semblables à

celles qui ont été décrites..

D'autre part, le processus opératoire de ces expériences repro-

duit des conditions similaires à l'oedème : on peut donc en déduire

que les altérations décrites sont dues à de l'oedème des cellules.

Le fait que les diverses affections dans lesquelles ont été trouvées

ces altérations étaient des affections favorisant l'oedème, est en

faveur de cette hypothèse.

Une autre influence peut être exercée sur les cellules par

l'extraction rapide de l'eau, dans le durcissement à l'alcool.

Puisque ces modifications expérimentales ont été produites non

sur des cervaux vivants, mais sur des tissus déjà morts, il faut en

déduire que ces altérations ne sont pas dues à des modifications

vitales, mais à des actions mécaniques et qu'elles sont en quelque

sorte artificielles.

La conclusion à tirer de ce travail est que de telles altérations

rencontrées dans les cellules de l'écorce cérébrale d'un aliéné

devront être considérées comme n'ayant aucun rapport avec le

' 316 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES

processus pathologique de la psychose. (American journal of insa-

121ly, octobre 1898.) ' E. B

XXXIII. Validité de la doctrine du neurone ; par le Dr F. BARIER.

Il y a sept ans que la publication du travail célèbre de Waldeyer

fit connaître la doctrine du neurone. Cette conception de l'indivi-

dualité de l'unité cellulaire est-elle encore entière ? a-t-elle subi de

sérieuses modifications, ou encore a-t-elle été reconnue fausse ?

Bien que la doctrine du neurone ne puisse expliquer tous les faits

connus, bien que quelques biologistes attirent l'attention sur son

insuffisance, on doit cependant reconnaître que le contrôle institué

par des centaines d'histologistes a confirmé la conception que

le neurone est une unité au sens de Waldeyer.

Contre la validité de la conception du neurone, on a fait valoir

les recherches de Held et celles d'Apathy.

Held admet que chez l'embryon et chez le jeune animal, les

neurones sont entièrement indépendants les uns des autres :

lorsque l'extrémité terminale d'un cylindraxe arrive en contact

avec le corps cellulaire d'un autre neurone, la ligne de démarca-

tion est toujours visible car elle est plus réfringente que le proto-

plasma adjacent. Mais plus tard la continuité s'établirait entre les

deux neurones. Toutefois, même chez l'adulte, Held reconnaît

qu'on peut distinguer, grâce à la ligne réfringente de séparation,

ce qui appartient aux terminaisons cylindraxiles d'un neurone

et ce qui. appartient au protoplasma cellulaire ou dendritique de

l'autre : il n'y aurait, en somme, dans ce travail qu'une confirma-

tion de la doctrine du neurone.

Pour Apathy, le système nerveux est composé de deux variétés

d'éléments cellulaires entièrement différents l'un de l'autre, les

cellules nerveuses et les cellules ganglionnaires. Une fibre nerveuse

sort du prolongement d'une cellule nerveuse et traverse un certain

-nombre de cellules ganglionnaires de structure compliquée, avant

de se distribuer dans une fibre musculaire.

L'apparente nouveauté des résultats obtenus par Apathy tient

d'une part à ce que les tissus d'invertébrés qui servent aux descrip-

tions sont peu familiers aux neurologistes, et d'autre part à ce

que les préparations faites d'après des procédés de coloration

spéciaux, sont décrites sans aucun lien de comparaison avec les

résultats obtenus par les autres auteurs par les procédés ordinaires

de coloration.

En somme, la doctrine du neurone est trop solidement établie

pour être ébranlée par ces travaux dont les résultats demandent

encore à être revus comparativement avec ceux que fournissent

les procédés courants. (meniccea journal of insanily, juillet 1898.)

- . E. B.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.- 317

XXXIV. Sur les lésions des cordons postérieurs dans la moelle

des lépreux; par les D's JEANSELME et P. Marie.

Les conclusions de ce travail sont les suivantes : 1° dans certains

cas de lèpre, il existe des lésions des cordons postérieurs occupant

avec une prédilection particulière les cordons de Goll, les faisceaux

en virgule, les Uiangles cornu-marginaux; 2° ces lésions coïnci-

dant avec un minimum d'altérations des racines postérieures et du

réticulum des colonnes de Clarke sont très vraisemblablement

d'origine endogène. (Revue neurologique, novembre 1898.) E. B.

XXXV. Des difformités congénitales du système nerveux central

par Nicolas SOLOVTZOFF. (Noua. Iconogr. de la Salpétrière, n° 5,

1898.)

L'auteur a pu rassembler 12 cas d'hydrocéphalie interne et a pu

étudier, spécialement au point de vue anatomo-pathologique, les

différents stades de cette affection. Ce travail, appuyé sur des

coupes macroscopiques et microscopiques et rehaussé de nom-

breuses photographies, conduit aux conclusions suivantes :

1° L'hydrocéphalie interne provoque différentes difformités du

système nerveux central : absence de l'écorce, du pulvinar et des

corps genouillés, des pyramides des systèmes frontal et temporal

du pont de Varole, du ruban de Reil et des faisceaux internes

accessoires; 2° à un degré plus accentué, elle supprime non seule-

ment l'écorce cérébrale, mais la voûte crânienne. 11 ne reste que

la moelle épinière et parfois une partie du bulbe ;

3° Si le processus se propage du côté du canal spinal, on observe

en outre : ou bien une hydromyélie très prononcée ou bien une

ouverture complète de la colonne vertébrale; 4° cette même cause,

jointe à l'anencéphalie, engendre parfois la cyclopie; 5° dans

toutes ces difformités, les cellules des cornes antérieures restent à

un stade de développement embryonnaire. Fait à noter : tous les

monstres observés par l'auteur (12) appartiennent au sexe féminin.

R. C.

XXXVI. Sur une variété de paralysie associée du muscle grand-

dentelé (grand-dentelé et trapèze scapulaire) ; par Souques et DUVAL.

(Nouv. Iconogr. de la Sulpélriène, n° 0, 1898.)

Dans le cadre très vaste des paralysies associées qui intéressent

le grand-dentelé, il en est une, la paralysie du grand-dentelé

associée à celle du trapèze scapulaire, qui présente un intérêt tout

spécial, qui mérite d'être considérée comme une véritable entité

pathologique. Elle n'est point fortuite en effet et les auteurs qui

ont pu en observer un cas très intéressant montrent, au cours

318 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

d'une description clinique des plus complètes, toutes les raisons

anatomiques qui permettent d'établir la palhogénie propre de

cette affection. Les conclusions suivantes résument très clairement

ce travail :

1° Il existe une variété particulière de paralysie associée du

muscle grand-dentelé et du trapèze scapulaire (portion moyenne

et inférieure du trapèze) qui, par sa fréquence, son mécanisme et

ses caractères cliniques, mérite une place spéciale dans le cadre

des paralysies du grand-dentelé; 2° le trapèze scapulaire forme

un muscle distinct anatomiquement, physiologiquement et patllo-

logiquement du trapèze claviculait-e.

3° Le trapèze scapulaire est synergique du grand-dentelé. La

synergie fonctionnelle de ces deux muscles explique probablement

leur solidarité pathologique; 4° leur association paralytique

semble en effet déterminée, dans certains cas, par leur contraction

simultanée, capable de produire un tiraillement de leurs nerfs

respectifs; 5° les caractères de cette paralysie associée varient sui-

vant l'attitude du bras : si le bras est au repos, on constate des

déformations scapulo-humérales peu accusées qui sont : abaisse-

ment du moignon de l'épaule, élévation en masse de l'omoplate,

obliquité de son bord spinal, éloignement de ce bord spinal par

rapport à la ligne médiane, écartement de ce môme bord par

rapport au thorax. Si le bras s'élève volontairement , les troubles

sont très accusés : impossibilité d'élever les bras au delà de la

ligne horizontale, élévation en masse de l'omoplate obliquité de

son bord spinal, rapprochement de ce bord spinal par rapport à la

ligne médiane, situation en aile du scapulum;

6° A côté de ces déformations scapulo-bumérales, il existe des

déformations de la paroi thoracique, qui surviennent dans l'éléva-

tion du bras et consistent essentiellement en une asymétrie du

thorax (modifications), du creux de l'aisselle et voussure de la

paroi thoracique proprement dite, du côté paralysé. R. C.

XXXVII. Le nerf spinal et le nerf moteur de l'estomac; par le

Dr BATTELL1. (BIIII. méd. de la Suisse romande, 1898, n° i.)

On sait que Chauveau, ayant excité directement dans le crâne

les fibres d'origine du spinal et du pneumogastrique, a constaté

que seule l'irritation des fibres du pneumogastrique produit des

contractions de l'estomac.

D'après M. Battelli, au contraire, chez le chat et le lapin, l'exci-

tation dans le crâne des racines des neuvième, dixième et onzième

paires, du côté où le spinal a été arraché, ne produit jamais de

contractions stomacales, qui sont au contraire bien nettes quand

on irrite les fibres d'origine du spinal. Toutes les racines parais-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 319

sent agir, mais l'action sur la motilité de l'estomac devient plus

énergique à mesure que l'on s'adresse aux racines les plus infé-

rieures.

Chez le chien, comme chez le chat et le lapin, les fibres appar-

tenant nettement au pneumogastrique n'ont aucune action sur les

mouvements de l'estomac. Les racines bulbaires du spinal excitées

provoquent des mouvements de l'estomac qui sont de plus en plus

énergiques, à mesure que l'on s'adresse aux branches d'origine

les plus inférieures. Chez tous les animaux, les racines médullaires

du spinal n'ont aucune action sur la motilité stomacale.

. G. Dent.

XXXVIII. L'alcool et la nutrition; par le De 0. IULLER. (Revue M ?

de la Suisse romande, 1898, n° 3.)

Il résulte de ce travail que l'alcool n'est ni un aliment d'épargne,

ni un tonique, ni un apéritif, ni un anesthésique. L'alcool est

surtout un poison respiratoire et exerce en outre une action des-

tructive sur les cellules vivantes organiques. Enfin, il n'y a pas

d'accoutumance à l'alcool et sa suppression immédiate et défini-

tive, quand on en a fait un usage même abusif, ne présente aucun

danger pour la santé. G. Derny.

XXXIX. Note sur deux cas de névrite périphérique avec résultats

expérimentaux comparatifs de dégénérescence et d'altérations

cellulaires; par Il. FLE1%11,NG. (73rain, LlaVl1 et LXXVI11.)

Il s'agit de deux femmes mortes dans le marasme après un

temps assez court de faiblesse générale et de troubles parétiques

avec perte du réflexe patellaire, altérations des sensibilités, para-

lysie du diaphragme pour l'une et dysphagie pour l'autre. A

l'autopsie, dégénérescence des cellules nerveuses médullaires dans

les groupes correspondant-aux nerfs les plus intéressés avec petits

thrombus et légères hémorragies interstitielles. Dans les nerfs

atrophie marquée des fibres fines se rendant aux vaisseaux, alté-

rations légères au contraire des grosses fibres ayant plutôt souffert

de la compression produite par une abondante diapédèse de leu-

cocytes et par des suffusions sanguines périvasculaires fréquentes

surtout dans le périnèvre et l'endonèvre. Altérations tout à fait

analogues dans des cas'de névrites diabétiques. Au contraire, dans

les moignons d'amputés et les sections expérimentales, pas de

lésions vasculaires, mais seulement-dès cellules et des fibres aussi

bien des grosses fibres que des petites qui n'ont ici rien de par-

ticulier et n'entraînent pas l'altération des vaisseaux correspon-

dants. Donc, dans les névrites infectieuses ou toxiques, il y a lieu

d'admettre l'action de la toxine agissant directement et sur l'élé-

320 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

ment nerveux et sur l'élément vasculaire. Enfin les progrès de

l'âge et les maladies qui accroissent le tissu conjonctif soutenant

les fibres fines précipitent de ce chef la dégénérescence artérielle.

F. Boissier.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XLIV. Goitre exophtalmique avec symptôme oculaire unilatéral;

par J. Huishelwood. (British. médical journal, 25 juin 1898.)

C'est une observation analogue à celles rappelées au récent

congrès d'Angers par M. Brissaud.

Dans le cas d'Huishelwood la rétraction de la paupière supé-

rieure (symptôme de Stellwag) disparut tandis que le signe de

Groefe persista, c'est-à-dire la dissociation des mouvements d'a-

baissement de la paupière et de l'oeil. L'auteur se rallie à l'hypo-

thèse du spasme du muscle de Muller (non strié et innervé par le

sympathique) ainsi qu'à celle d'une lésion concomitante au moins

fonctionnelle du noyau central ventriculaire de la troisième paire.

A. Marie.

XLV. Un cas d'acromégalie avec hémianopsie bitemporale et

inférieure; par I)IO.4'rEVrRDI et TORRACtir. (Riv. sp. di /ren., fasc. 2,

1897.)

XLVI. Un cas d'anarthrie capsulaire avec autopsie; par J. ABDIE,

Il s'agit d'un malade ayant présenté tous les signes de la pré-

tendue aphasie motrice sous-corticale : la prononciation des mots

était, chez lui, réduite à un bredouillement incompréhensible, à

un grognement. Il savait fort bien ce qu'il voulait dire ; il avait

conservé la représentation mentale des mots, il pouvait indiquer

par gestes le nombre de syllabes ou de lettres qu'il était incapable

d'articuler distinctement. Il pouvait même écrire ces mots.

A l'autopsie, on trouve, pour expliquer la perte de l'articulation

des mots, deux foyers situés symétriquement dans chaque hémis-

phère au niveau de la région capsulo-striée, détruisant complète-

ment chacun la moitié antérieure de la capsule interne correspon-

dante.

Malgré cette destruction très étendue des faisceaux capsulaires,

le malade n'avait pas d'aphasie ; il ne présentait que celle variété

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 321 1

d'anarthrie indûment appelée par eertains auteurs aphasie mo-

triée sous-corticale, expression doublement erronée, d'abord parce

qu'elle rattache à l'aphasie un syndrome clinique'qui ne doit pas

être confondu avec elle, ensuite parce que la lésion qui le provoque

est non pas sous-corticale, mais bien capsulaire. '

L'auteur pose les conclusions suivantes, pour servir à la détermi-

nation des localisations fonctionnelles de la capsule interne : les

lésions destructives de la capsule interne ne donnent pas lieu à de

l'aphasie vraie. Elles provoquent de la dysarthrie passagère si elles

sont unilatérales, de l'arthrite persistante si elles sont bi-latérales.

(Revue neurologique, juillet 1898.) . E. B.

XLVII. Notes sur les chocs céphalalgiques chez les épileptiques;

par le D1' FÉR ?

On peut observer dans l'épilepsie des algies cutanées par accès

plus ou moins durables. Les phénomènes paroxystiques douloureux

sur lesquels l'auteur appelle l'attention et dont il cite deux obser-

vations intéressantes, se présentent sous la forme d'un choc brus-

que dans la région céphalique, donnant au malade la sensation

d'une attrition, sensation qui persiste pendant quelques minutes,

puis disparaît tout aussi brusquement.

Il n'existe pas de sensibilité locale, ni pendant le paroxysme, ni

après.

La parenté de ces chocs avec les manifestations épileptiques

pourrait être établie seulement par leurs rapports de succession

et de coïncidence chez les mêmes malades, et par l'influence

qu'exerce sur eux la médication anti-épileptique. (Revue neurolo-

gique, sept. 1898.) E. B.

XLVIU. Syndrome d'Erb. Une observation nouvelle; par L. Roques.

L'histoire de la malade rapportée par l'auteur se rapproche des

faits décrits sous des dénominations diverses, mais compris sous la

dénomination générale de « syndrome d'Erb ». Ce qui frappe sur-

tout chez elle, et ce qui a permis d'établir le diagnostic, c'est la

myasthénie dont elle est un type remarquable, myasthénie à la-

quelle s'associent la blépharoptose, la fatigue de la nuque, les

troubles de la parole et de la déglutition.

A noter l'absence d'atrophie et de contractions fibrillaires.

Depuis le début de la maladie, qui remonte à près d'un an, il n'y

a pas eu d'aggravation considérable : la santé générale n'est pas

atteinte, il n'y a pas eu de crises de dyspnée, et la malade s'en-

goue rarement. (Revue neurologique, sept. 1898.) 1 ? 1. B.

Archives, 2' série, t. VII. 21

322 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

1L1\. Un cas de tétanos suivi d'autopsie; par le De DoNETn.

Ayant pratiqué l'autopsie d'un cas de tétanos 13 heures après

la mort, l'auteur a trouvé à l'examen histologique la coexistence

d'une myélite centrale aiguë et de l'atrophie des cornes anté-

rieures avec destruction de grosses cellules pyramidales.

Les lésions principales ont leur siège dans la substance grise

péri-épendymaire : ces lésions se localisent surtout à la région

dorsale et leur nature est inflammatoire. C'est secondairement

qu'on trouve des lésions des cornes grises antérieures et des

grosses cellules.

D'après les remarques de différents auteurs, le tétanos est une

infection qui peut toucher le système nerveux de façons diffé-

rentes et dans les points les plus divers. C'est ainsi que dans

l'observation citée, les produits toxiques respectant les nerfs et

leurs dépendances ont porté leur action sur les centres, ce qui est

du reste presque la règle dans le tétanos. {Revue neurologique,

sept. 1898.) E. B.

L. L'hystérie dans ses rapports avec les émotions sexuelles;

par le Dr Havelock Ellis.

C'est une question depuis longtemps controversée que celle des

rapports de l'hystérie avec les émotions sexuelles conscientes ou

inconscientes. Déjà les Grecs plaçaient l'hystérie dans l'utérus,

d'où son nom.

En 1018, un médecin français, Carolus Piso, rompant avec toutes

les erreurs entassées jusque-là sur cette affection, émit cette idée

révolutionnaire pour l'époque, que l'hystérie peut se présenter à

tout âge et dans les deux sexes, et que son siège n'est pas dans

l'utérus, mais bien dans le cerveau. Cette idée violemment com-

battue à l'origine, fut confirmée par Willis, et en 1681, Sydenham

donna une bonne description de l'affection.

Il n'était pas possible de maintenir plus longtemps la théorie

utérine de l'hystérie dans la forme primitive d'Hippocrate; mais

nombre d'auteurs continuèrent à trouver des rapports nombreux

entre l'hystérie et les émotions sexuelles.

Briquet et surtout Charcot s'élevèrent contre cette théorie et

montrèrent qu'il n'existe aucune connexion entre l'hystérie et les

faits de la vie sexuelle, tant physique que psychique.

La conception des causes de l'hystérie, si fortement établie par

Charcot et son école commence cependant à paraître incomplète.

Et pourtant il faut reconnaître que cet état incomplet de la con-

ception était nécessaire : il fallait, en effet, réagir vigoureusement

contre une idée généralement admise de l'hystérie, idée non

seulement fausse mais encore injustement dégradante pour les

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 323

victimes de cette affection. Il était nécessaire de montrer que

l'hystérie est un désordre physique défini et que le mensonge, que

la dissimulation, si généralement attribués à l'hystérique n'étaient

que le résultat d'une interprétation non scientifique, ignorante,

de la maladie : c'est ce que l'école de Charcot a établi d'une façon

définitive. Il est dorénavant inutile de démontrer que l'hystérie

n'est pas plus déshonorante que toute autre maladie; et si, comme

l'ont montré les recherches récentes de Brener et de Freud, l'ana-

lyse psychologique délicate des cas qu'elle présente amène à

cette conclusion que le trouble des émotions sexulles joue un rôle

important dans l'étiologie de l'hystérie, il n'y a plus à craindre

maintenant de jeter par cette constatation le mépris sur l'hysté-

rique. Il est probable que les progrès- qui se feront dans l'étude de

l'hystérie, seront dus aux analyses psychiques minutieuses en

même temps qu'à la corrélation intime de ces analyses avec les

signes physiques de la maladie, établis par Charcot d'une façon

magistrale. (The alienist and neurologist, oct. 1898.) E. B.

LI. Pathologie de l'épilepsie; par le Dr Kawse5·.

La cause des crises d'épilepsie ne doit être cherchée ni dans

l'acide urique ni dans son accumulation dans le sang. L'élimina-

tion de l'acide urique doit sans doute être regardée comme un

produit et une indication de réactions spéciales de l'organisme de

l'épileptique, réactions qui nous sont encore inconnues mais qui,

après avoir atteint une certaine intensité, se manifestent par des

crises.

Les recherches de l'auteur montrent que l'effet toxique qui

cause les manifestations épileptiques ne doit pas être attribué à

l'acide urique comme tel, mais à une des substances qui le for-

ment, probablement au carbamate d'ammonium qui reste dans

le sang et s'y accumule jusqu'à ce qu'il produise une crise.

Pendant ce temps il est transformé en urée avec perte d'une

molécule d'eau, laquelle urée est excrétée sous forme d'acide

urique. L'expérimentation a montré que l'organisme peut vite et

entièrement se libérer de petites doses de carbamate d'ammo-

nium, soit par l'excrétion ordinaire, soit par sa transformation

en urée. Mais si la quantité de sel est trop grande, l'organisme ne

peut détruire ou éloigner le poison et le premier stade de l'intoxi-

cation, la dépression, survient et dure jusqu'à ce que le poison

ait été éliminé de l'organisme. Comme le premier degré de l'em-

poisonnement par le carbamate d'ammonium est identique au

premier degré de l'intoxication par le carbonate d'ammonium, il

est à présumer que le carbamate d'ammonium dans son absorp-

tion, est transformé en carbonate d'ammonium et que c'est sous

cette forme qu'il est rejeté de l'organisme. Si la quantité de car-

324 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

bamate d'ammonium est trop grande pour que ce corps puisse

être transformé en carbonate d'ammonium, l'intoxication se pro-

duit rapidement et la crise épileptique apparaît.

Reste à savoir quelle est, dans le carbamate d'ammonium, la

substance active ? D'après M. Krainsky, ce n'est pas l'acide carba-

mique mais l'ammoniaque qui produit l'intoxication. Quelle que

soit la forme sous laquelle il est introduit dans le tissu cellulaire

sous-cutané ou dans le sang, l'ammoniaque est transformé dans

l'organisme en carbonate ou carbamate d'ammonium par l'action

du carbonate de soude contenu dans le sang; mais, selon toutes

probabilités, c'est sous la forme de carbamate d'ammonium qu'il

manifeste ses effets.

En dernière analyse, la nature de l'épilepsie consiste dans une

formation périodique de carbamate d'ammonium dans l'orga-

nisme, lequel produit les crises : au cours de ces dernières, il est

décomposé en urée et eau. Cette théorie permet d'expliquer l'effet

thérapeutique favorable des bromures dans l'épilepsie : en effet,

le bromure de potassium et le bromure de sodium décomposent

mutuellement le carbamate d'ammonium en formant du bromure

d'ammonium et du carbamate de potasse ou de soude, lesquels

corps, à même dose que le carbamate d'ammonium, sont com-

plètement inoffensifs.

Mais la neutralisation constante du poison formé ne peut pré-

venir sa nouvelle formation; c'est dire que le problème de la

thérapeutique de l'épilepsie ne sera résolu qu'autant que seront

découverts la cause et le lieu d'origine de ces réactions anormales

de l'organisme épileptique. (The alienisG andneurologist, oct. 1898.)

E. B.

LU. Sur la dysostose cléido-crânienne héréditaire; par les

· Dl*s P. Marie et Sainton.

La malformation décrite pour la première fois par les auteurs,

sous le nom de dysostose cléido-crânienne héréditaire, et dont il

n'existe encore que quatre observations, présente comme carac-

tères essentiels :

1° Un développement exagéré du diamètre transverse du crâne

coïncidant avec un retard dans l'ossification des fontanelles;

2° une aplasie plus ou moins prononcée des clavicules, lesquelles

Sont en partie remplacées par du tissu fibreux; 3° la transmission

héréditaire de ces malformations. En effet, les quatre sujets se

répartissent ainsi : un père et son fils, une mère et sa fille; les

premiers n'ayant, d'ailleurs, avec les secondes aucun lien de

parenté. (Revue neurologique, décembre 1898.) E. B.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 35

LUI. Paralysie pseudo-bulbaire; par le D1' Lad. HASK-OVEC. '

Les points importants de l'observation rapportée par l'auteur

sont les suivants :

i° Hémiplégie' du côté gauche avec paralysie des branches infé-

rieures du nerf facial du même côté en 1896.

2° Après une année, hémiplégie droite, suivie d'une hémihy-

peresthésie et d'une paralysie de toutes les branches du nerf facial

du même côté. Symptômes bulbaires sans lésions respiratoires et

circulatoires sérieuses. Symptômes psychiques.

3° Disproportion entre la dysarthrie persistante et entre le degré

de la parésie du voile du palais et l'affaiblissement de la langue.

Léger rétrécissement concentrique du champ visuel.

4° Amélioration complète des symptômes moteurs, sauf un léger

affaiblissement des muscles masticateurs, de la langue et une

légère parésie du voile du palais. Exagération des réflexes tendi-

ueux, hémihyperesthésie droite. Aucune lésion des sphincters.

Pas de lésions des muscles de l'oeil. Accès de rire forcé.

5° Artériosclérose généralisée. Il s'agit ici d'un cas de paralysie

pseudo-bulbaire partielle d'origine cérébrale.

Le syndrome pseudo-bulbaire est dM le plus souvent aux lésions

du noyau lenticulaire et de la capsule interne : parmi les symp-

tômes cliniques, la disproportion entre la fonction musculaire et le

degré de la parésie musculaire est très intéressante et elle semble

être très importante dans le diagnostic de la paralysie pseudo-

bulbaire d'origine cérébrale. (Revue neurologique, décembre 1898 )

E. B.

LIV. De la myosite ossifiante progressive; par A. Weil et J. Ntssm.

(Nouv. Iconogr. de la Salpétrière, nos 2, 3, 4, 5 et 6, 1898.)

Travail d'analyse minutieux, comprenant les SI observations

complètes qui constituent la littérature de cette affection depuis

celle de Jonh Frecke (1740) jusqu'à celle de Burgerhout (1898) en

passant par celle de Munchmeyer (1869) qui consacre l'appellatien

de « myosite ossifiante progressive » et laisse son nom à la

maladie.

Les auteurs passent en revue toutes les modalités de cette

curieuse « maladie de Munchmeyer », ses variétés cliniques et les

opinions diverses auxquelles elle a donné naissance, relativement

à son étiologie et à son anatomie pathologique. De cette revue

très intéressante, renforcée d'une observation personnelle, se

dégagent une série de conclusions, qui constituent la synthèse de

cette monographie :

1° La myosite ossifiante progressive est une affection de tout

l'appareil locomoteur ; elle se caractérise par le dépôt de masses

326 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

osseuses dans le tissu conjonctif des muscles, dans les tendons, les

aponévroses, les ligaments et les os; 2° anatomiquement, la mala-

die de Munchmeyer offre trois stades : stade d'infiltration embryon-

naire, stade d'induration fibreuse et stade d'ossification; clinique-

ment, ces trois périodes sont moins distinctes, elles se confondent

successivement l'une dans l'autre;

3° La myosite ossifiante peut se montrer à un âge avancé, mais

elle est surtout fréquente dans l'enfance; 4° elle est plus fréquente

chez les garçons que chez les filles, dans la proportion de trois

pour une; 5° les races germanique et saxonne sont plus prédispo-

sées que les autres; 6° la myosite ossifiante progressive semble

provenir d'une lésion des centres nerveux ; le processus ossifiant

constitue un trouble trophique particulier;

7° Le début de la maladie se présente sous deux formes dis-

tinctes ; il est aigu avec léger mouvement fébrile ou chronique

d'emblée; 8° la maladie débute en général par la nuque ou la

partie supérieure du dos; 9° elle détermine secondairement l'atro-

phie des muscles ; elle ankylose les articulations dont la position

est régie par l'action des muscles les premiers atteints; 10° il est

des muscles qui sont très fréquemment envahis par les ossifica-

tions (dos, nuque, poitrine, etc.), d'autres le sont rarement (paroi

abdominale), quelques-uns le sont exceptionnellement (muscles de

la mimique, du pharynx, etc.), enfin il en est qui ne le sont jamais

(coeur, diaphragme, sphincters); 11° l'affection offre un épaississe-

ment de tout le système conjonctif de l'appareil locomoteur;

12° elle progresse par poussées aiguës entrecoupées de pousses

apparentes plus ou moins longues. Les traumatismes jouent un

certain rôle dans l'éclosion^les poussées;

13° La myosite ossifiante progressive s'accompagne très souvent

d'une anomalie congénitale (microdactylie, absence de phalanges,

ankylose des doigts; 14° le traitement médical est nul; le traite-

ment chirurgical au début reste sans résultats éloignés, la récidive

de la tumeur est la règle. R. CHARON.

LV. Hémihypertrophie faciale; parSABHAzÈs et CAB.INi\E5. (Noua.

Iconogr. de la Sulpétoière, n° 5, 1898.)

L'hémihypertrophie faciale est le plus souvent congénitale;

acquise elle est des plus rares. Une revue des cas observés et des

opinions émises sur la pathogénie de cette affection montre qu'elle

ne s'accompagne pas de troubles intellectuels, qu'elle n'est pas

héréditaire, qu'elle n'entoure pas des anomalies de volume du

cerveau ou des nerfs crâniens, que les viscères et les os du côté

facial hypertrophié sont également augmentés de volume. On a

cherché la clef de ces hypothèses, dans les troubles de la circula-

tion veineuse et lymphatique, ou bien dans une déviation du

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 327

processus d'ossification. Pour les auteurs, l'hypertrophie congéni-

tale est simplement une anomalie par excès, qui peut être le résultat

de conditions foetales ou anatomiques spéciales, difficiles à déter-

miner. '

La pathogénie de l'hypertrophie hémifaciale acquise est toute

différente. L'élude des 5 cas seulement qu'elle comporte dans la

littérature médicale, montre qu'elle survient après un trauma-

tisme, une névralgie du trijumeau, un abcès, etc., survenu dans

le jeune âge (de deux à douze ans). La langue est toujours intacte.

R. C.

LVI. Énorme noevus angiomateux de la face avec hémiplégie spas-

modique et épilepsie; par Ltr4 ? ors et BERNOUD. (Nouv. Iconogr.

de la Salpétrière, n° 6, 1898.)

Fille de vingt ans, débile, ayant des accès convulsifs depuis l'âge

de neuf ans, et présentant depuis les premiers jours de sa nais-

sance de l'hémiplégie gauche et une hypertrophie considérable de

tout le côté gauche de la face, hérédité alcoolique et congestive.

Les caractères de cette tumeur, énorme et molle, sont ceux d'un

noevus angiomateux qui donne à la malade un aspect monstrueux

et bestial fixé dans une photographie. L'auteur rapproche son cas

de ceux qui ont été déjà publiés sur cette question, et il remarque

un ensemble de faits suffisamment concordants pour permettre

d'établir un rapport entre les noevi étendus, surtout ceux de la

face, et les lésions cérébrales se traduisant par l'idiotie, les affec-

tions spasmo-paralytiques et l'épilepsie. R. C.

LVII. Sur un cas de chorée variable avec contractions fasciculaires

des deltoïdes et craquements articulaires; par Ch. FrR. (Nouv.

Iconogr. de la Salpétrière, n° 6, 1898.)

Observation intéressante au point de vue étiologique, par le rôle

provocateur joué par l'irritation d'une lésion nasale (polype) et

par l'alcoolisme aigu, qui est immédiatement suivi de la généra-

lisation des spasmes choréiques ; au point de vue sy Diplomatique,

par la succession des manifestations spasmodiques, depuis le

monospasme (chorée d'habitude), se transformant en chorée vul-

gaire avec poussée de délire mélancolique et suicide, puis aryth-

mie, spasme du globe oculaire et de l'iris, déplacement des

maxima qui poussent successivement de droite à gauche (chorée

variable de Brissaud) et enfin (phénomène le plus original) loca-

lisation stricte des spasmes aux deux deltoïdes et discordance

des contractions de ces muscles, produisant les craquements arti-

culaires. R. C.

328 8 [REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

LVIII. Sur un cas de tachypnée hystérique secondaire; par le

Dr Sofa. (Nouv. Iconogr. de la Salpêli,ièi,e, no 6, 1898.)

Cette observation, détaillée et intéressante, n'est, en somme,

qu'un cas de tachypnée hystérique, vue par Lasègue et décrite par

Charcot et Weir-Mitchell; mais cette tachypnée s'est manifestée

au cours d'une lésion pulmonaire véritable (pleurésie diaphrag-

matique), simple cause occasionnelle. L'auteur pense que cette

observation autorise à inscrire la tachypnée hystérique secondaire à

côté de la tachypnée primitive de Charcot. il. C.

LIX. De l'analgésie épigastrique profonde chez les tabétiques;

par M. Pitres. (Jo2cmc. de Neurologie, 1898, n° 21.)

On sait que chez le sujet sain, la compression brusque du creux

épigastrique détermine une sensation douloureuse très spéciale

accompagnée d'angoisse et de défaillance lipothymique. On sait

également que dans un bon nombre de cas d'hystérie il existe au

contraire une analgésie profonde de la région épigastrique. Cette

analgésie s'observe également dans un certain nombre de cas de

maladies organiques du système nerveux, notamment dans la

paralysie générale, dans la sclérose en plaques et plus fréquem-

ment encore dans le tabes. Il résulte en effet des recherches de

M. Pitres que dans près de la moitié des cas de tabes l'épigastre

est moins sensible à la pression et aux coups qu'à l'état normal et

que, dans un cinquième environ des cas, il est complètement

analgésique. M. Pitres a en outre remarqué que l'affaiblissement

ou l'abolition de la sensibilité profonde de l'épigastre chez les

tabétiques n'était pas nécessairement accompagnée d'analgésie ou

d'anesthésie superficielle des téguments et, en second lieu, qu'il

n'y avait aucun rapport entre l'apparition de l'analgésie épigas-

trique profonde et l'exagération, la conservation ou la perte du

réflexe abdominal. Il n'y a pas non plus de rapport nécessaire

entre l'existence antérieure de crises gastralgiques et la produc-

tion de l'analgésie épigastrique profonde. Le seul trouble fonc-

tionnel lié le plus habituellement à ce phénomène est la perte de

la sensation de la faim.

Il est probable, sans qu'on puisse l'affirmer, que l'analgésie

épigastrique profonde des tabétiques est due, comme les anes-

thésies de la vessie, du rectum, etc., à des névrites viscérales.

G. D.

LX. Tabes et traumatisme; parle Di, DO4.DI EU-1,AVIT (deLamalou),

ancien interne des hôpitaux.

Un ataxique, incoordonné depuis deux ans, tombe et se casse

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 329 9

la jambe droite. Après une immobilisation de trois mois, la conso-

lidation paraît parfaite et notre malade en état de marcher. Vaine-

ment, on essaie de le soutenir et de lui faire faire quelques pas : il

s'affaisse comme une masse sur des jambes de coton.

111. V... marchait avant la chute; il ne marche plus après le

traumatisme. C'est donc le traumatisme et l'immobilisation consé-

cutive qui ont entraîné la paraplégie absolue. L'étude du membre

fracturé explique cette impotence.

Les troubles de la motilité (incoordination) et de la sensibilité

(anesthésie plantaire absolue) sont plus marqués à la jambe frac-

turée. De plus, le cal volumineux, l'oedème dur éléphantiasique,

l'arthropathie tibio-tarsienne, l'ostéopathie tabétique du pied droit-

siègent au membre où le traumatisme et l'immobilisation ont

particulièrement porté leur action. De plus, un état psychique spé-

cial vient se greffer sur ces diverses lésions (basophobie) et enrayer

cérébralement la marche. C'est donc le traumatisme et l'immobi-

lisation qui ont été la cause occasionnelle des troubles moteurs,

sensitifs et trophiques, ostéo-articulaires -qui sont venus se

surajouter aux troubles tabétiques généraux et déterminer l'impo-

tence. Les bas élastiques, le massage, l'élongation de la moelle, la

cure thermale, la gymnastique de Frenckel, ont donné des résultats

tels que notre ataxique marchait, huit mois après la chute, aussi

bien qu'avant la chute. Tous les symptômes du tabès avaient reculé

sans disparaître.

Conclusions. Le traumatisme peut faire émerger le tabès (voir

Bibl.); presque toujours, il exagère avec l'immobilisation les trou-

bles ataxiques. L'immobilisation doit être réduite au minimum, en

cas de nécessité. La mobilisation, si utile chez l'ataxique non trau-

matisé, l'est bien plus encore chez l'ataxique immobilisé par trau-

matisme. La gymnastique de Frenckel, les marches et exercices

réglés et bien dirigés, le massage, la bicyclette jumelle avec un

domestique bien stylé, le tricycle sont absolument indiqués. La

bicyclette simple entraine trop souvent des chutes et doit être

souvent interdite. (Archives provinciales de médecine, mars 1899.)

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ 11L,UlCO-l'S1CHOI,OGIQU1;.

Séance de janvier 1899. Présidence de AI. J. Voisin.

Types de criminels russes. M. ORciiANsKi, faisant passer sous

les yeux de la société une collection de photographies de crimi-

nels russes, constate que, contrairement à l'opinion de Lombroso,

on ne peut assigner aucune physionomie spéciale, aucun type au

criminel. Son faciès n'a rien de typique ni de caractéristique. Les

photographies présentées ressemblent à des photographies quel-

conques. A côté de visages aux traits grossiers, on trouve des

physionomies fines et délicates ; des figures débonnaires se mêlent

à des types rébarbatifs; des-visages aux lignes peu accusées se con-

fondent avec d'autres dont les contours sont anguleux; les physio-

nomies intelligentes sont aussi nombreuses que les faces bestiales.

L'impression générale qu'on éprouve, c'est la banalité du type et

l'absence d'individualité caractéristique.

M. Orchanski en arrive à ces deux conclusions, que les criminels

russes, appartenant à la population rustique, ne présentent aucun

type spécial, soit dans leur physionomie, soit dans la configuration

de leur crâne, mais qu'on retrouve en eux le type très accusé des

différentes nationalités (russes, tartares, juifs, etc.) auxquelles ils

appartiennent.

M. Magnan estime qu'on s'exposerait à de nombreuses erreurs,

si l'on prétendait, comme Lombroso, préjuger par l'aspect delà

physionomie des tendancce psychiques des individus.

M. CII.4.111'ENTIER. Les signes physiques de la dégénérescence

mentale ne sont pas plus fixes que ceux de la criminalité.

M. MAGNAN croit que les signes physiques de dégénérescence ont

une importance en pathologie mentale ; mais cette importance est

beaucoup moindre que les particularités de l'état mental du sujet,

observé avant l'apparition des troubles plus apparents de l'intelli-

gence ou pendant ses intervalles lucides.

M. Orchanski fait observer qu'il existe dans sa collection une

famille de tziganes criminels dont les traits sont cependant des

plus réguliers.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 33U

Commissions des prix.

Prix Bclhomme (deux mémoires). Commissaires : MM. BoucuE-

veau, BOURNEVILLE, Briand, SGLAS, Sollier.

Prix Moreau (de- Tours) (huit mémoires). Commissaires : -.

MM. ARNAUD, Ballet, BoiSSIER, Moreau (de Tours), Vallon.

Marcel (3nI : lnD.

SOCIÉTÉ DE NEUROPATHOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE

DE MOSCOU.

Séance du. 20 novembre 1898.

MM. Soukhanoff et N. Orloff présentent un malade atteint de

psychose polyneuritique. L'observation détaillée sera communiquée

à une des séances prochaines.

P. PnÉoi3RAirNsKy. Deux cas f : <'«)'</tt'OpCt</t : 'MS;/) ? )M/0))'</eMeS :

Observation I. Paysanne, âgée de cinquante-cinq ans, dont

le père, nerveux, était affecté d'une scoliose. Parésie du bras droit

datant de l'enfance. Il y a trente ans, elle eut les premiers panaris

aux doigts de la main gauche, en nombre de onze-treize, notam-

ment au pouce, à l'index et au médius. Vers la même époque

apparut une ulcération à la plante du pied gauche. Depuis un

mois, douleur et tuméfaction de l'articulation du genou gau-

che. ZD

clie.

A l'examen on trouve : Légère hypoesthésie au genou gauche.

Inégalité pupillaire avec paresse du réflexe à la lumière. Cypho-

scoliose, à concavité dirigée à gauche. L'articulation de l'épaule

gauche est augmentée de volume et déformée. Atrophie des mus-

cles des deux membres supérieurs, avec diminution notable des

réflexes tendineux. Le genou gauche est tuméfié et déformé ; il

présente une exulcération à la surface externe, d'où s'écoule un

liquide séro-purulent; luxation de la jambe en arrière aux mou-

vements de flexion du genou ; pas d'esquilles à l'intérieur de

l'articulation, mais une simple crépitation pendant les mouve-

ments. Le réflexe rotulien droit est exagéré. Mal perforant à la base

de la troisième phalange du gros orteil gauche. La malade meurt

de pyémie. m 0

A l'autopsie on trouve à l'intérieur de la moelle une cavité cen-

trale qui s'étend du bulbe jusqu'au cône terminal et qui, dans

332 SOCIÉTÉS SAVANTES.

certains endroits, a réduit la substance médullaire jusqu'aux

dimensions d'une mince pellicule. La tête de l'humérus présente

de nombreuses croissances de couleur jaune, légèrement transpa-

rentes. Les deux condyles du fémur sont fortement usés, la surface

articulaire du genou (gauche) l'est encore davantage. La surface arti-

culaire du péroné est dépourvue de cartilage et légèrement usée.

Observation II. -Paysan, âgé dequarante-sept ans, sans anté-

cédents connus, a été reçu à l'hôpital dans un état demi-comateux.

La température est de 38° 5-380 7. Strabisme externe de l'oeil

gauche, parésie faciale inférieure du même côté. Atrophie dés

muscles du thénar et de l'hypothénar et de l'avant-bras du côté

gauche. L'articulation de l'épaule gauche est tuméfiée et limitée

dans ses mouvements. Mort.

A l'autopsie on trouve : Leptoméningite tuberculeuse. Gliomatose

de la moelle épinière; cavité centrale au-dessous du renflement cer-

vical. La tête de l'humérus présente des excroissances osseuses,

encore plus prononcées que dans le premier cas.

La communication de M. Préobrajensky a été accompagnée de

présentation de pièces macro et microscopiques. ZD

Discussion. M. KojEWNOEOW fait remarquer que le processus

suppuratif constaté chez la première malade dans le cours de

l'arthrite du genou n'est pas caractéristique pour les arthropathies

d'origine syringomyélique.

S. TCHERNISCUEFF. Recherches analomo-pathologiques dans tin

cas de rage chez l'homme.

Voici le résumé des constatations de l'auteur :

Dans les régions dorsale et lombaire de la moelle épinière :

hyperémie intense des vaisseaux de la substance blanche et surtout

de la substance grise, en même temps qu'infiltration des espaces

périvasculaires par des éléments lymphoïdes. Sur des coupes faites

d'après le procédé de Bousch on trouve beaucoup de petites agglo-

mérations noires à la périphérie de la substance blanche, de

même qu'une dégénération pigmentaire des cellules des cornes

antérieures et des colonnes de Clarke.

Les préparations colorées par des couleurs d'aniline basiques

font voir de nombreuses cellules des cornes antérieures et des

colonnes de Clarke déformées et altérées, présentant une chroma-

tolyse insulaire ou diffuse, périphérique et périnucléaire; leur

noyau est déplacé vers la périphérie et dépourvu de sa membrane,

il se colore parfois d'une façon plus intense que le corps de la cel-

lule lui-même ; quelques cellules ont leurs prolongements cassés.

Toutes ces altérations sont encore plus prononcées dans le renfle-

ment cervical et dans le bulbe. Au fond du quatrième ventricule on

trouve même des hémorrhagies.

Les lésions sont moins prononcées dans la protubérance, l'écorce

- SOCIÉTÉS SAVANTES.. 1133

et les gros ganglions des hémisphères. Le cervelet est l'endroit le

moins affecté.

S. POPOFF. Un cas d' ankylose de la colonne vertébrale.

Jeune homme, âgé de vingt-trois ans, cultivateur, à la suite

d'un refroidissement, accuse des douleurs rhumatismales aux

genoux et aux reins. La douleur des genoux disparaît bientôt,

celle des reins remonte le long de la colonne vertébrale. Au bout

de trois semaines le malade remarque que son tronc se courbe en

avant; au bout de deux mois, bien que les douleurs aient complè-

tement disparu, la colonne vertébrale est complètement immobile

et courbée en avant. Au cours de la maladie, le pouce se prend

également, il devient douloureux et gonflé, mais revient à l'état

normal au bout de six semaines. A noter encore qu'il y a six ans

le malade eut une arthrite des deux poignets qui s'était terminée

par l'ankylose complète.

A l'examen du malade on constate que l'ankylose comprend

toute la colonne vertébrale, à l'exception de la moitié supérieure

de la région cervicale ; la courbure occupe toute la région dorsale.

Le sternum est obliquement dirigé d'avant en arrière; dans la

région épigastrique les parois abdominales forment trois plis

transversaux. Le type de la respiration est abdominal. Les douleurs

au dos sont insignifiantes. Pas de troubles sensitifs, pas d'amyo-

trophies, pas de troubles des réflexes. La démarche est normale.

Ankylose des articulations des deux poignets. Au bout de quatre

mois de traitement les phénomènes se sont amendés en ce sens que

les plis abdominaux ont disparu et l'excavation de la colonne ver-

tébrale a diminué.

En se basant sur l'étiologie, l'évolution rapide et le tableau cli-

nique de l'affection, l'auteur la considère comme rhumatisme

articulaire de la colonne vertébrale, développé sur un terrain

arthritique. Il adopte l'opinion de Baiumler sur la pathogénie de

l'ankylose et il croit en outre que c'est principalement l'élément

douleur qui est la cause de la voussure forcée de la colonne verté-

brale, d'où immobilisation et ankylose consécutives. L'auteur

pense que tous les cas, décrits dans la littérature, 'de déformation

de la colonne vertébrale avec ankylose sont de la même origine

pathologique. Quant au substratum anatomique, les documents

nous manquent encore à cet égard.

Discussion.- M. Sciiatalow croit que le caractère de l'immo-

bilité de la colonne vertébrale dépend de la localisation initiale

du processus, compliqué en outre par la participation d'autres

articulations qui maintiennent la position du tronc.

M. le professeur KoJEwmKow croit que l'ankylose des vertèbres

peut tenir à différentes causes anatomiques.

Secrétaires des séances : N. Versiloff et V. IOURAWIEW.

334 sociétés savantes.

SOCIÉTÉ D'HYPiVOLOGI1J ET DE PSYCHOLOGIE.

Séance du 20 février 1899. Présidence DE M. Jules Voisin.

Hypnotisme et sommeil prolongé dans un cas de délire alcoolique.

M.Paul Fanez rapporte le cas d'un délire alcoolique polymorphe

avec hallucinations de l'ouïe et de la vue, état de rêve diurne,

hyperesthésie psychique et sensorielle, agitation extrême, insomnie,

refus de prendre des médicaments, etc. On va imposer l'interne-

ment immédiat. Toutefois, avant d'y consentir, M. Farez veut

recourir à la suggestion hypnotique. Après avoir endormi le

malade, il le rend tout à fait calme et le fait dormir pendant trois

jours consécutifs, n'autorisant le réveil que pour la satisfaction des

besoins physiologiques et pour les repas. Au bout de ce temps la

sédation est complète, la lucidité de l'intelligence est revenue et le

malade peut reprendre ses occupations. Celui-ci, en outre, grâce

à la suggestion, est prémuni contre le retour offensif de l'alcoo-

lisme chronique. Depuis plus de trois mois, cet homme n'a pas bu

un seul verre d'alcool : une surveillance incessante, quoique très

discrète n'a pas pu le prendre en défaut une seule fois. Certes, on

ne peut pas dire encore que la guérison soit définitive, mais tels

qu'ils sont, les résultats obtenus méritent d'être rapportés. Ce fait

confirme l'efficacité delà suggestion dans les cas d'alcoolisme aigu

ou chronique ; il met en outre en lumière l'utilité du sommeil

prolongé, comme agent héroïque de sédation.

Catalepsie spontanée chez une /tsM)' : (/ue.M.BËRiLLOK. Depuis

deux ans, la malade est sujette à des crises d'hystéro-épilepsie qui

surviennent sous l'influence d'une émotion vive ou d'un trouble

digestif. Elle présente de l'hémianesthésie sensitive et sensorielle

du côté gauche. Récemment elle nous donne le spectacle d'une

crise convulsive complète avec secousses toniques et cloniques. Les

mouvements terminés, la malade tombe dans un état de sommeil

profond dans lequel elle se montre indifférente à toutes les exci-

tations périphériques. Les membres sont extrêmement souples et

gardent les attitudes paradoxales qu'on leur impose comme par

exemple la forme de V et l'équilibre sur la position iscliio-sacrée

par extension des membres inférieurs et flexion du corps. Cette

attitude est modifiée avec la plus grande facilité, car tout le sys-

tème musculaire est dans l'état de flaccidité cireuse caractéristique

de l'état cataleptique-franc. Daus ce cas, la crise d'hystérie, en

déterminant l'inhibition des régions psycho-motrices de l'écorce

1 VARIA.. 335

cérébrale, place le sujet dans un état analogue à l'état d'hypno-

tisme provoqué.

L'exercice illégal de la médecine en matière de magnéto-hypnotisme.

M. Vidal passe en revue les divers arrêts des cours et tribunaux

qui ont eu à intervenir dans cette question ; il interprtèe juridi-

quement l'article 16 de la loi du 30 novembre 1892 ; puis, au nom

des anciennes traditions judiciaires, de la législation actuelle et

des données de la science médicale, il conclut que le magnétiseur

doit être considéré comme exerçant illégalement la médecine.

VARIA.

Prix DE l'académie DE médecine.

Pria; Civrieux : 1.000 francs. Question : Des obsessions en

pathologie mentale. Un prix de 800 francs est décerné à M. le

Dr Fécbarman, médecin-adjoint à l'asile d'aliénés de Clermont

(Oise). Une mention honorable avec une récompense de 200 francs

'est accordée à MM. les D`S Marie (A.), directeur, et Vigouroux (Au-

guste), médecin de la colonie familiale de Dun-sur-Auron (Cher),

Une mention honorable est accordée à M. le Dr Athanassio (de

Bucharest).

Pria; Baillarger .-L'Académie accorde : Un prix de 1.000 francs à

M. le Dr Garnier (Paul), de Paris. Une récompense de 500 francs à

MM. les Des Cololian (P.), de Paris, et Lalanne (R.), de Maréville

(Meurthe-et-Moselle); une récompense de 500 francs à MM. les

1)" Vigouroux, médecin de la colonie de Dun-sur-Auron (Cher), et

Colin (Henri), médecin de l'asile d'aliénés criminels de Gaillon

(Eure) ; une mention honorable à M. le De Paris (Alexandre), de

Marévitie (Meurthe-et-Moselle).

Prix Charles Boullarl : 1.200 francs. Un prix de 800 francs

est décerné à M. le D1' Gilbert Ballet, de Paris ; une récompense

de 400 francs est accordée à M. le Dr Manheimer (Marcel), de

Paris.

Prix Portai : 600 francs. Question : Des lésions des centres

nerveux et des reins, causées par la toxine du tétanos et par celle de

la diphtérie. L'Académie ne décerne pas le prix. mais elle accorde :

Une récompense de 400 francs à M. le De Claude (H.) (de Paris) ;

une récompense de 200 francs à MM. les Dri Enriquez et Hallion

(de Paris).

Prix Falret : 900 francs.- Question : Les somnnnzbulistes. L'Aca-

démie ne décerne pas le prix, mais elle accorde un encoura-

gement de 700 francs à M. le D1' Laurent de Perry (de Bordeaux).

336 FAITS DIVERS.

Pria; de l'Académie : 1.000 francs. Question : Des myélites

infectieuses au point de vue clinique et expérimental. L'Académie

décerne le prix à M. le Dr Jacquemart, de Paris.

C0NGnÈS~DES ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES.

Mardi soir, 4 avril. 1° Punch offert par la Ville de Marseille,

dans les salons de l'Hôtel de Ville.

Mercredi matin, 5 avril. 2° Réception gracieuse offerte par

l'Asile des Aliénés, suivie d'une visite des Iles, de la Quarantaine

et de l'Estaque, si le temps le permet.

Mercredi soir. 3° Punch offert par la Société Médico-Chirur-

gicale des Hôpitaux de Marseille.

Jeudi soir, 6 avril. Banquet par souscription du Congrès.

Vendredi soir, 7 avril. Clôture du Congrès.

Samedi. 8 avril. Excursion à Toulon. Visite de la rade, de

l'hôpital St-Mandrier, d'un cuirassé et déjeuner aux Sablettes. La

promenade en mer est naturellement subordonnée au temps. Pour

le voyage de Toulon, aller et retour, le 1/2 tarif sera demandé

à la Compagnie P.-L.-M. MM. les Congressistes n'auront à sup-

porter que les frais du banquet par souscription à Marseille, et du

prix du chemin de fer aller et retour à Toulon..Toutes les autres

dépenses seront couvertes par les allocations du Département et

de la Ville.

Dimanche, 9 avril. Excursion à Aix; Visite à l'Asile d'aliénés;

Inauguration du buste de M. Pontier, ancien directeur-médecin;

Banquet; Concert et fête dans les jardins de l'Asile ; Visite de la

ville.

Asiles d'aliénés. -lVominaliol2s et mutations : M. le Du CH1CRE : IUa,

médecin-adjoint à l'asile de Bailleul, est nommé médecin-adjoint

à l'asile d'Alençon; M. le D1' Maupaté,; médecin-adjoint à l'asile

d'Armantières est nommé médecin-adjoint à l'asile de Bailleul ;

M. le DrDEZwasTE,médecin-adjointà à l'asile de Clermont estnommé

médecin-adjoint à l'asile de Bailleul; M. le De ilusi,4 est nommé

médecin-adjoint à l'asile d'Armentières ;M.Ie D'CouLON,médecin-

adjoint à l'asile d'Alençon, est nommé médecin-adjoint à l'asile de

Clermont ; M. le De Monestier, médecin-adjoint à l'asile de Mont-

devergues, est nommé, médecin-adjoint à l'asile d'Aix ; M. le

D1' LEVET, médecin-adjoint à l'asile de Fains est nommé médecin-

adjoint à l'asile de Montdevergues; M. le De Briciie est nommé

médecin-adjoint à l'asile de Fains. Ont été élevés à la classe

exceptionnelle : MM. le Dr CIIAN113ArtD, médecin en chef à l'asile de

Clermont ; De TRENEL, médecin-adjoint à l'asile Saint-Yon ;

Le rédacteur-gérant, 13ouwEVmue.

Evrew, Cil. Il€msser, imp. - 499

Vol. VII. Mars 1899.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE MENTALE.

DÉGÉNÉRESCENCE MENTALE. ÉTAT 1VÉYROPA1'IIIQUE.

APPOINT ALCOOLIQUE. DÉLIRE HALLUCINATOIRE';

Par M. le IJr 'l'LiUI : LL1;,

Interne des asiles de la Seine.

(Service de M. Asile clinique Sainte-Anne.)

Mm0 IL ? Marie, âgée de trente-cinq ans, sans profession, entre

pour la première fois à l'Admission, le 27 avril 1898.

Très excitée à l'arrivée, elle est immédiatement couchée au dor-

toir d'alitement. L'après-midi du 27, la nuit qui suit et le len-

demain 28, l'état d'agitation se maintient sans interruption, très-

violent, identique à lui-même.

um° H... présente un délire particulièrement incohérent, activé-

par une série de troubles sensoriels multiples et variés, avec

prédominance visuelle manifeste; mais ces troubles sont en grande

partie masqués par une exaltation cérébrale intense. Par instants,

la malade pousse de toutes ses forces des cris de frayeur ou d'appel,

cherche à se lever, à s'enfuir ; elle étend les bras en avant, se débat,

les yeux fixes, l'aspect effrayé, comme en proie à une vision terri-

fiante. A d'autres moments, elle chante des obscénités, ou se met à,

psalmodier, d'une voix monotone, les mêmes mots plusieurs fois

répétés : « Ali Marie, Ah ! Marie, etc.. ».

11 est à peu près impossible de fixer son attention : elle répond

enchantant et sans aucune précision aux questions qu'on lui pose;

en même temps, elle se livre à une série de mouvements désor-

donnés : lève les jambes en l'air, montre le poing, crache, rit, tira

la langue, grimace, secoue la tête dans tous les sens, se roule suc

son lit; ou bien elle repousse violemment les personnes qui l'ap-

prochent, par des mouvements brusques, malcoordonnés, véritableg

Archives, 2° série, t. l'II, . 22

338 CLINIQUE MENTALE.

réflexes de défense, en rapport avec ses illusions et hallucinations

pénibles.

La peau est chaude, le visage vultueux, la langue blanche mais

humide, les lèvres sèches, fendillées, les dents fuligineuses ; le pouls

est faible, rapide, presque incomptable; température : 38°,2, le

matin; 38 ? r, le soir; léger tremblement des mains, tremblements

à oscillations courtes et rapides, l3·péresthésie cutanée au contact

et à la douleur généralisée; l'ovaire gauche parait un peu plus

sensible à la pression que le droit; insomnie complète malgré trois

grammes de chloral en potion donnés le soir à 9 heures; consti-

pation. Pas d'éruption cutanée; ventre souple, pas de symptômes

de dénutrition, l'alimentation, quoique irrégulière, est cependant

suffisante et spontanée; pas de signes d'auscultation aux poumons,

battements du coeur précipités mais réguliers, pas de souifle. Rien

d'anormal dans les urines, les pupilles sont égales et réagissent

convenablement à la lumière et à l'accommodation les réflexes

patellaires sont normaux.

Dans la nuit du 28 au 29, l'agitation tend à se calmer; la

malade, après ingestion de trois grammes de chloral, dort pen-

dant cinq heures d'un sommeil assez tranquille, entrecoupé seule-

ment par quelques cris ou déclamations. Au réveil, l'agitation

motrice est presque complètement tombée; il ne reste plus guère

qu'une exaltation cérébrale, considérable encore, il est vrai; le

délire offre un caractère moins pénible; le regard est vif et bril-

lant ; la malade rit fréquemment et sans motif apparent; elle con-

tinue à débiter force mots orduriers; elle tutoie tout le monde,

croit reconnaître les personnes qui l'entourent et leur donne le

nom de gens autrefois en relation avec elle. Elle a, par moments

encore, quelques réactions violentes quand on l'approche; de

temps. en temps, elle pousse des cris perçants, mais d'une into-

nation banale et n'indiquant plus l'effroi comme ceux des pre-

miers jours. Le 29 et le 30, métrorrhagie peu abondante.

Dans l'après-midi du 30 avril, l'agitation redevient à nouveau

extrême avec les mêmes caractères que lors de l'entrée de la

malade : cris de frayeur, mouvements désordonnés, actes de vio-

lence. Néanmoins, grâce à 3 grammes de chloral, Mule H... dort

cinq heures pendant la nuit d'un sommeil tranquille. Au matin

elle est à nouveau plus calme, l'agitation motrice est sensiblement

atténuée, l'incohérence moins grande, l'exaltation cérébrale légè-

rement diminuée ; par contre, les troubles sensoriels, principa-

lement ceux de la vue, qui, les jours précédents, étaient comme

étouffés au milieu de l'exaltation générale de la malade, sont

aujourd'hui beaucoup plus nets : elle a fréquemment des mouve-

ments d'effroi, de répulsion, comme si elle avait devant elle

quelque tableau effrayant ; elle voit des animaux, parle de cra-

pauds, de poissons, de serpents qui rôdent sur son lit.

DÉGÉNÉRESCENCE MENTALE. ÉTAT NÉVROPATHIQUE. 339

Dans les jours qui suivent, la malade continue à se calmer

progressivement, mais incomplètement, elle répond assez correc-

tement à quelques questions simples; les hallucinations avec

troubles de la sensibilité générale persistent, au contraire : géné-

ralement atténues, ces désordres vont éclater plus violents à cer-

tains moments, comme de véritables bouffées qui saisissent la

malade dans un raptus d'une intensité souvent extrême.

Dans les périodes d'accalmie, Il H... reste étendue sur son lit,

immobile, ou bien assise l'après-midi dans le jardin, elle répond

par petites phrases courtes, mais d'une façon assez exacte, quand

on l'interroge. Puis, brusquement survient un raptus hallucina-

toire, alors la malade gémit, s'agite, ses traits se contractent,

expriment la frayeur la plus intense ; les regards fixés vers un

point qu'elle désigne du doigt, elle se livre à une série de mou-

vements de défense plus ou moins désordonnés, secoue son lit,

déplace ses oreillers qu'elle rejette loin d'elle, roule ses couvertures,

cherche à quitter sa chemise, se passe plusieurs fois la main sur

les membres, comme pour en chasser certains contacts désa-

gréables ; elle se cramponne à son lit pour ne pas tomber : « .le

glisse, je glisse, crie-t-elle, je vais tomber dans la mer ! » Elle

soulève son matelas, regarde dessous : « 11 y a quelqu'un là-dessous,

c'est M. F... (un médecin qui la soignait en ville), je vais l'étouffer,

ôtez-le, voyons, ôtez-le. » Sa parole est brève, saccadée, impé-

rative. Un instant après, elle retombe sur son lit, comme épuisée

des efforts qu'elle a faits; elle soupire, semble se reposer un

instant, mais, bientôt, surgit une nouvelle hallucination : il y a des

chats, des poissons, des reptiles sur son lit : « Tenez, là, les

voyez-vous ? » dit-elle ; et, elle passe la main dans ses cheveux

avec un geste de dégoût, ou semble tirer avec ses doigts quelque

chose de sa bouche entr'ouverte. 1 d'autres moments, on la brûle,

on la viole, il y a quelqu'un couché sur elle, et effectivement, elle

reste étendue sur le dos, essayant péniblement de soulever la tête,

comme clouée sur son matelas.

Toutefois, ces symptômes tendent à s'effacer de plus en plus et

n'éclatent qu'à des intervalles relativement rares. La situation dès

le 10 mai ne rappelle en rien celle du début; les nuits notamment

sont assez tranquilles ; on est bien obligé de recourir encore de

temps en temps au chloral pour provoquer le sommeil, mais

celui-ci dure régulièrement cinq à six heures par nuit. L'état

général est redevenu satisfaisant, la température, qui le 6 mai,

est tombée à la normale, s'y maintient; le pouls est bon, la langue

humide et rosée, le faciès plus reposé ; il n'y a plus de tremble-

ment des mains. La malade s'alimente suffisamment; elle garde

volontiers le lit, prend régulièrement et sans difficulté 3 grammes

de bromure de sodium et un bain de deux heures chaque jour.

A partir du 13 mai, on supprime définitivement jusqu'au 23 le

340 CLINIQUE MENTALE.

chloral de la nuit et on fait prendre le soir un bain prolongé de

quatre heures, dont l'effet sédatif est remarquable : il arrive

souvent que la malade, mise très agitée dans son bain, s'y calme

rapidement; sortie de l'eau à 8 heures, et recouchée aussitôt, elle

s'endort d'un sommeil profond et paisible, pour ne s'éveiller qu'au

matin.

Il semble donc que nous voici arrivés à une période de conva-

lescence ou tout au moins d'accalmie notable, lorsque, presque subi-

tement, le 20 mai, à quatre heures du matin, après une nuit trou-

blée seulement par quelques hallucinations et quelques cris d'effroi,

Mm0 H... est prise d'un raptus hallucinatoire des plus intenses qui

va persister jusqu'au moment du bain du soir : elle se met

debout sur son lit, pousse des cris de douleur, piétine ses draps,

secoue sa chemise qu'elle enlève et remet à plusieurs reprises :

« Tenez, en voilà encore un de passé, crie-t-elle, je les sens bien,

parbleu, tous ces couteaux qu'on me glisse partout... Depuis ce

matin, quatre heures, que je suis en train de me défendre toute

seule [contre cette bande de ripailles ... Non, mais regardez-les,

tous ces outils qui montent après moi ! » Sans une minute de

répit, elle cherche à se défendre contre ces sensations pénibles qui'

l'assiègent de toutes parts.

Interrogée sur la cause de sa frayeur, elle répond : « J'étais

tranquille ici, mais après l'opération qu'on a faite à la dame hier

au soir (lavement de chloral donné à une voisine), j'ai bien vu que

ça allait venir à moi. »

Cette nuit, à deux heures, son mari est venu la trouver, elle a

vu ses cinq enfants à qui on a coupé la tête, là, près de son lit ;

« Parbleu, je l'ai bien vu le sang qui coulait ! ... »-

La nuit suivante, sans hypnotique, elle dort pendant cinq heures.

Le lendemain, le calme relatif persiste, entrecoupé seulement de

quelques troubles sensoriels du même caractère pénible. Par

moments, percent quelques idées confuses de persécution : « Ils

sont là qui font des bêtises et à dire que c'est moi... Pourquoi

m'en voulaient-ils comme cela, tous les voisins ? ... » Elle reçoit

très mal son mari qui vient la voir, l'accusant d'être la cause de

ses souffrances.

Dans les jours qui suivent, les troubles sensoriels généralisés

persistent; 111 ? H... est constamment aux prises avec ses sensa-

tions pénibles : elle rejette son oreiller, son traversin, puis se

tenant couchée sur le dos, les cuisses écartées et derni-iléchies,

elle prend ses draps à la poignée, les soulève, regarde avec pré-

caution par dessous, disant : « Ils sont toujours là qui veulent me

faire du mal... ils me mettent un buse dans la matrice... ils

sont en train de faire mon autopsie... tenez, regardez ! ... J'ai

plus de cinq paires d'aiguilles dans les épaules ! ... » Interrogée

sur sa santé au milieu de ses hallucinations, elle répond assez

DÉGÉNÉRESCENCE MENTALE. ÉTAT NÉVROPATHIQUE. 34'1

correctement : « Ça va un peu mieux, j'ai pris un bain hier, ça

m'a calmée. » Puis, aussitôt, elle repart : « Oh ! oh ! ce sont les

enfants de M. F..., qui sont là-dessous. »

D. « Qui est M. F... ? »

11, « C'est un médecin qui habite rue de la Gaieté. » (Fait exact).

Et, sans transition, d'un air profondément effrayé : « Oh ! Oh !

ôtez-donc ! ..., ôtez-donc ! D

D. « Qu'est-ce qu'il y a à ôter ? »

Il. « Je n'en sais rien, » répond-elle et elle se met à sourire :

« Je suis décorée, qui est-ce qui dit cela ? ... J'en ai encore trois

dans mon lit... Mais vous ne les voyez donc pas, vous avez donc

de la m..., aux yeux, sauf votre respect ? ... » Le Président de la

République est dans sa chemise, elle est entre le bon Dieu et

la sainte Vierge ; elle est couchée sur quelqu'un qu'elle étouffe ;

c'est M. F..., et 111°l B..., qu'elle écrase; elle cherche à se soule-

ver sur son lit. Ou bien elle fait un paquet de ses draps, le prend

dans ses bras, le lève lentement, puis le dépose avec mille pré-

cautions sur son lit, lui parlant comme à un enfant. Elle envoie

des sourires et des baisers au plafond, regarde en l'air, répond :

« Oui, attends-moi ». Fréquemment, elle se plaint de mauvaises

odeurs ; elle sent le vieux poisson, les oeufs pourris, les mets qu'on

lui sert ont un goût atroce. A d'autres moments, quand les

troubles sensoriels sont moins prédominants, elle se met à chanter,

construisant des rimes par assonnance :

« Ses petits enfants sont avec lui. »

Oui, oui, oui.

« Sa femme est gentille, »

Oui, oui, oui.

Le 23 mai, les règles apparaissent et durent trois jours, modé-

rément abondantes, sans apporter de modification notable dans

l'état de la malade.

Le 26 mai, dans un moment de calme, elle avoue qu'il lui

semble que les yeux des personnes qui la regardent ne sont pas

toujours les mêmes, que les figurent changent ; elle s'imagine

qu'on se moque d'elle, elle entend causer de tous les côtés, mais

ne peut savoir de qui sont ces voix.

Le 28, nouveau raptus hallucinatoire diurne ; elle quitte sa che-

mise, refuse de la remettre, disant : « Je n'en veux pas, j'ai un

uniforme... La sainte Vierge qui vient là-haut ! ... » Un instant

après, elle se laisse facilement revêtir, pour presque aussitôt

sauter précipitamment de son lit, désignant du doigt le milieu

de son matelas, elle s'écrie d'un ton plein d'effroi : Oh ! non,

je ne veux pas, je ne veux pas ! ... »

Cet état persiste avec des périodes plus ou moins longues de

calme relatif, et dure encore actuellement, offrant généralement

342 1) CLINIQUE MENTALE.

le même caractère pénible. Les nuits continuent à être ordinaire-

ment assez tranquilles, la malade dormant, en moyenne, quatre

à cinq heures ; l'alimentation est toujours suffisante ; l'état géné-

ral satisfaisant, la température oscille d'une façon régulière entre

3T" et 3-il 5. Le poids qui, dans les huit premiers jours, avait

baissé de trois livres, s'est relevé et se maintient actuellement à

son point de départ.

Nous nous trouvons donc ici en présence d'un état baltuci-

natoire non systématisé ou très imparfaitement systématisé,

compliqué d'un certain degré de confusion mentale avec,

dans les sphères alfective et motrice, des réactions qui sont

en rapport avec les perceptions fausses de la malade.

Passons rapidement en revue les différents diagnostics qui

peuvent se discuter, à ne s'en tenir simplement qu'à ce

tableau clinique. ,

De la Mélancolie, il ne peut en être question que pour

l'éliminer aussitôt : si, en effet, à certains moments,

SI"10 Il ... présente une attitude déprimée, voire même demi-

stupide, cet état cénesthétique n'est, de toute évidence, que

le reflet du caractère pénible et déprimant des troubles

sensoriels du moment.

Il en serait de même de la Manie, l'agitation désordonnée

de la malade n'étant, elle aussi, qu'une réaction secondaire

et la fuite des idées n'étant, en réalité, qu'une fuite des per-

ceptions fausses, s'il n'avait été décrit, à l'étranger, une

forme spéciale de cette maladie, la Manie hallucinatoire

(Mendcl), dans le cadre de laquelle notre cas pourrait, à la

rigueur, se ranger. Mais cette forme est loin d'être admise

en tant qu'entité morbide par tout le monde, nous y revien-

drons dans la suite.

Devons-nous étiqueter cette observation Confusion mentale ?

Outre que la confusion mentale est loin, elle aussi, d'être

reconnue par tous autrement que comme syndrome commun

à plusieurs affections de nature très différente, la confusion

n'est manifestement pas ici le symptôme prédominant; bien

plus, elle est loin d'être absolue, puisque nous voyons notre

malade fournir, au plus fort de son raptus hallucinatoire,

des réponses qui ne manquent pas de précision ni d'à pro-

pos. Il suffit, du reste de se reporter à la définition de

M. Chaslin pour écarter immédiatement ce diagnostic :

« La confusion mentale primitive, idiopathique, est une

DÉGÉNÉRESCENCE MENTALE. ÉTAT N1 : VROPATÜIQUE. 343

affection habituellement aiguë, consécutive à l'action d'une

cause ordinairement appréciable, en général, une infection

qui se caractérise par des phénomènes somatiques de dénu-

trition et des phénomènes mentaux ; le fond essentiel de ceux-

ci, résultat premier de l'état somatiquc, est constitué par une

forme d'affaiblissement et de dissociation intellectuels, confu-

sion mentale qui peut être accompagnée ou non de délire,

d'hallucinations, d'agitation, ou, au contraire, d'inertie

motrice, avec ou sans variations marquées de l'état émo-

tionnel'. »

Reste alors ce qui a été décrit sous le nom de Confusion

mentale hallucinatoire (Hallucinatorische ireî-ivii-iilieit).

Kreepelin2 range celle affection parmi les états aigus d'épui-

sement, à la suite de Collapsdelirium, de la Folie asthénique,

de la Démence aiguë. Le tableau clinique que trace Krcepe-

lin de cette maladie correspond assez bien, en effet, à notre

cas, sauf le mode de début, que nous étudierons par la suite.

La cause de la confusion hallucinatoire réside ordinairement

dans des influences physiques débilitantes, la prédisposition

psychopathique, principalement l'alcoolisme, y joue un rôle

important, le développementen est rapide : il y a une période

prémonitoire d'inquiétude, de confusion, d'angoisse, qui fait

perdre au malade la conscience nette des choses ; puis l'éclo-

sion se fait assez brusquement, ordinairement la nuit ; c'est

un assaut de troubles sensoriels multiples, visions de feu,

d'animaux, d'anges, hallucinations de l'ouïe ; coups de ton-

nerre, menaces insultes; troubles de la sensibilité générale ;

idées délirantes d'ordre mélancolique ou mégalomaniaque,

réactions en raison de ces troubles multiples et polymorphes ;

de temps en temps, moments de lucidité, où l'on peut avoir

une conversation suivie, sommeil ordinairement troublé,

dénutrition rapide. L'évolution se fait en plusieurs semaines,

ou en plusieurs mois, l'amélioration survient graduellement,

la terminaison habituelle est la guérison.

Mais si Kroepelin, si Meynert3 admettent comme entité

morbide la Confusion hallucinatoire décrite pour la pre-

1 Chaslin. La confusion mentale primitive. Paris, 1895.

5 Kroepelin. Psychiatrie. Leipzig, 1889.

3 Meynert. Die aculen hallucinalorischen Formen des Wahnsinn uns

ihr Venlauf. ( ? i)'6«e/t. fiii, Ilsych ? 1880.)

344 CLINIQUE MENTALE.

mière fois par Fritsch', d'autres auteurs, de non moins grande

valeur, ne la reconnaissent pas ou ne lui assignent pas la

même place dans la Nosographie mentale et désignent, sous

un autre nom, les faits qui s'y rapportent.

C'estainsi que Konrad2 lui donne le nom de Verworrenheit.

Mendel 3, contrairement à l'opinion de Meynert, se refuse à

faire de ce délire hallucinatoire une affection dégénérative.

Kraft-Ebing* est du même avis, puisqu'il range parmi les

psychonévroses fonctionnelles primitives, c'est-à-dire parmi

les psychoses du cerveau complètement développé, cette

forme qu'il désigne sous le nom de lValansizia hallucinatoire)

et sous cette dénomination il comprend les maladies corres-

pondant en grande partie à celles que d'autres auteurs ont

décrites sous le nom de démence primaire aiguë (Westphal),

de confusion hallucinatoire (Mendel), de manie hallucina-

toire (Mendel), dedelusional stupor(Newington). PourKraft-

Ebing, c'est-là une entité morbide primitive, « une maladie

parasitaire et accidentellement acquise, chez unin dividudont

les fonctions cérébrales étaient jusque-là normales, et dont la

maladie n'était pas à prévoir, maladie due à une prédispo-

sition temporaire (par exemple affection physique grave et

causes occasionnelles puissantes coïncidant) ; si, dans la

psychonévrose, les prédispositions héréditaires ne sont pas

impossibles, elles n'existent, du moins, qu'à l'état latent, le

cerveau est seulement facile à affecter, mais normal dans ses

fonctions ».

Mayser3 trace encore de cette affection un cadre plus large ;

il fait rentrer dans la folie hallucinatoire, la manie halluci-

natoire de Mendel, le désordre dans les idées hallucinatoires

de Fritsch, le désordre dans les idées pseudo-aphasique de

Meynert et de Schlaugenhausen, le premier groupe de la

folie aiguë partielle de Kretz, les délires d'épuisement de

Voigt, certains cas de folie systématique de Buch.

Fritscli. Jahrbiicher sur Psych. Bd. II, p. 27, 1880.

5 Konrad. Zur Lehre voîi cler ccculecz hallucinal. Verworrenheit. (Arch.

sur Psych. XVI, 2, p. 252.)

1Aleiidel. FerrMC/f//te ! 7 in Real Encycloped. cl. gesanznzl. 77e : M'Me.

Bd. XIII, p. 507.

4 Kraft-Ebing. Lehrbuch (le), Psychiatrie, S'édition. Vienne, 1897.

a Mayser. 77aHMCtonsc/ie<' Wahnsinn. oeil, sur Psych.

Bd. XLII, 1, 1885.)

DÉGÉNÉRESCENCE MENTALE. ÉTAT NÉVROPATHIQUE. 348

Schûle 1, s'il fait rentrer la Wahnsinn aiguë sensorielle

dans les psychoses de l'individu complètement développé,

établit cependant cette distinction d'avec la manie ou la

mélancolie que c'est là une forme de psychose chez un cer-

veau invalide. On voit par là combien, à s'en rapporter aux

classifications allemandes, il est difficile d'étiqueter sous un

nom précis l'observation que nous venons de rapporter.

D'ailleurs, à un examen plus détaillé, il semble bien qu'il

y ait eu dans l'affection de M-11 II... deux phases distinctes :

une première, au début, où l'exaltation cérébrale masquait

en partie les troubles sensoriels, où les symptômes somatiques

étaient assez marqués, où l'on notait, en particulier, du trem-

blement des mains et un état légèrement saburral des voies

digestives, puis, après un intervalle très court de calme

relatif, une deuxième phase de troubles sensoriels prédomi-

nants, avec réactions concordantes, mais troubles multiples,

variés, mobiles, polymorphes.

L'embarras où nous nous trouvons n'est qu'une preuve de

plus que« la teneur du délire ne fournit au diagnostic que de

bien vagues indications et est incapable, par elle-même, de

donner un diagnostic complète).

Voyons donc si, par l'étude de la genèse et de l'évolution

de la psychose, si, par la connaissance des antécédents de

notre malade, nous serons plus heureux.

Antécédents héréditaires. Les renseignements fournis par le

mari nous apprennent que le père de 111°1° H... a toujours été très

nerveux et excentrique ; en outre, il faisait fréquemment des excès

de boisson ; à la mort de sa femme, il a fait des spéculations mal-

heureuses, a mené une vie assez dissipée, et a fini par se ruiner

complètement. La mère de notre malade, qui était également très

nerveuse, est morte de tuberculose pulmonaire. Une tante mater-

nelle est également morte tuberculeuse.

Antécédents personnels. Mmc H... a toujours été, de l'aveu de

son mari, très vive et exaltée, s'emportant facilement, d'une émo-

tivité exagérée ; elle était bouleversée par le moindre ennui.

Etant enfant, elle a eu, à plusieurs reprises des accès de somnam-

bulisme. Mariée à vingt et un ans, elle eut dans les premiers temps

de son mariage des crises nerveuses caractérisées par une sensa-

tion d'ctounément et de constriction à la gorge, suivies de perte

1 Schùle. 7Hi') : Me/i.rc/;M ! < ? e. Leipzig, 1886.

* Magna.n. Leçons cliniques sur les maladies mentales. Paris, 1897.

346 CLINIQUE MENTALE.

de connaissance, avec contracture généralisée, durant quatre à

cinq minutes. Cela n'a d'ailleurs été que transitoire. Pourtant, un

mois avant son séjour ici, elle a eu de nouveau, à la suite de cha-

grins domestiques, une sensation de boule qui l'étouffait ; elle

portait la main à sa gorge, disant à son mari : Arraclie donc,

j'étouffe ! »

Elle a eu, de ce mariage, cinq enfants tous élevés au sein, et

bien portants jusqu'ici : l'aîné est âgé de quatorze ans, le plus

jeune de trois ans. Ni au moment des grossesses, ni au moment

des accouchements, ni pendant l'allaitement, Mm0 Il ... n'a présenté

de trouble mental.

Depuis quinze mois environ, Mm0 II... était souffrante; elle se

plaignait fréquemment de douleurs abdominales; ses règles,

devenues très irrégulières, n'apparurent que deux fois dans ces

quinze mois. Depuis plus d'un an, elle s'était mise, en outre, à

faire des excès de boisson : il lui arrivait de se griser pendant

deux ou trois jours, puis tout rentrait dans l'ordre, mais pour

recommencer la semaine suivante ; elle prenait ordinairement du

vulnéraire chaque matin à jeun ; de temps en temps, après le repas,

un petit verre de rhum, environ tiois quarts de litre de vin pur

à table.

Huit jours avant le début de l'accès délirant, les règles appa-

raissent, plus abondantes que de coutume ; vers la même époque,

elle apprend, coup sur coup, la mort de deux de ses amies aux-

quelles elle était très attachée.

C'est deux jours plus tard, c'est-à-dire six jours avant son

admission à Sainte-Anne, qu'elle commence à paraître étrange;

elle s'attribue les faits divers ou les aventures du roman-feuilleton

du Petit Journal; par moments, elle semble inquiète, tressaille au

moindre bruit, se figure qu'on frappe à sa porte. Mais tout cela

n'était qu'ébauché et elle continuait, comme par le passé, à s'oc-

cuper de son ménage.

Lorsque le 27 avril, à cinq heures du matin, après que son mari

l'eût quittée comme d'ordinaire, pour se rendre à son travail,

sans avoir rien remarqué de particulier, elle se lève tout à coup,

descend en chemise dans la rue, criant qu'elle est possédée du

démon, qu'elle a le diable dans le corps, qu'elle veut aller voir le

Dr F... Elle appelle ses enfants, leur crie : « Venez vite, nous

sommes sauvés ! »

Ce fut cette sortie qui amena son placement d'office à l'asile

Sainte-Anne.

Dès lors, la question du diagnostic s'éclaire d'un nouveau

jour; nous sommes en présence d'une héréditaire, à caractère

mobile et versatile, à émotivité exagérée, jouissant, en un mot,

DÉGÉNÉRESCENCE MENTALE. ÉTAT NÉVROPATHIQUE. 347

de cet état mental, que l'on sait être si souvent le substratum

mental desdégétiérésl; en outre, 1-e H... aprésenté àplusieurs

reprises des symptômes d'hystérie (somnambulisme, crises

à forme de contracture, sensation de boule). Cette dégénérée

hystérique commet à un certain moment des excès de boisson,

elle subit, coup sur coup, la perte de deux amies dévouées ;

rien d'étonnant dès lors qu'un délire éclate; et ce délire revêt

précisément, dès l'emblée, l'aspect du délire chez les dégé-

nérés : ce n'est pas un état maniaque franc, ni ce qu'on a

décrit sous le nom de folie hystérique ; ce n'est pas non

plus un délire alcoolique pur, mais bien un mélange de ces

trois états. Au bout de quelques jours, l'appoint alcoolique

tend à s'effacer, le tremblement disparaît, l'exaltation ma-

niaque elle-même se calme ; mais, et c'est là précisément le

point particulier de cette observation, les troubles sensoriels

persistent et ils persistent avec un caractère ordinairement

pénible, comme dans l'alcoolisme, avec une prédominance

marquée de troubles de la vue comme dans l'alcoolisme et

dans l'hystérie, avec un mélange de tendances à la persé-

cution, au mysticisme, aux idées de grandeur; en un mot,

avec un polymorphisme inextricable, comme chez les dégé-

nérés.

C'est, en effet, un fait bien établi - que cette persistance,

avec souvent même, une aggravation marquée du délire

chez les dégénérés alcoolisés, sous forme d'hallucinations ou

plus fréquemment d'illusions, d'interprétations délirantes, de

délire plus ou moins imparfaitement systématisé, ordinaire-

ment à type de persécution, à type plus rarement mégaloma-

niaque ; cela s'explique d'ailleurs naturellement, par la

moindre résistance chez ces malades, du cerveau, qui, ébranlé

pour un temps par l'alcool, ne retrouve pas son équilibre,

l'action du poison passée, mais continue à rester sous le coup

des troubles sensoriels primitifs, et peut, dès lors, partir de là

pour échafauder tout un système de délire.

Nous avons actuellement, dans le service, deux autres

malades chez qui l'on peut facilement reconnaître cette

évolution.

' Magnan. L'étal mental des dégénérés. {Revue Neurologique, 4891.)

Leçons cliniques sur les maladies mentales, 1893, 1897.

2 Magnan. De l'alcoolisme. Paris, 1871. Leçons sur les maladies men

taies. Paris, 1893, 1897.

348 CLINIQUE MENTALE.

La première est une femme de trente-deux ans, entrée le

14 mars 1898, en plein délire alcoolique, avec hallucinations de

la vue mobiles et pénibles, hallucinations de l'ouïe, à prédomi-

nance nocturne, tremblement des mains. Rapidement, en quatre

ou cinq jours, le tremblement disparaît, les hallucinations visuelles

tendent à s'effacer, mais les troubles de l'ouïe persistent, accom-

pagnés de nombreuses illusions et interprétations fausses et,

actuellement, c'est-à-dire trois mois après le début de l'affection,

la malade est encore en plein délire ; elle s'éloigne des autres, se

tient assise dans un coin faisant des gestes de répulsion quand ou

l'approche; souvent, on la voit rire sans motif apparent ou entre-

tenir des conversations avec ses voix.

Or, la mère de cette malade était très nerveuse, elle avait fré-

quemment des crises d'étouffement avec sensation de boule à la

gorge ; elle faisait ordinairement usage du vulnéraire chaque

matin. Notre malade, elle-même, a toujours été fantasque,

emportée, recherchant la solitude, sombre sans motif, ou bien,

au contraire, d'une gaieté exubérante ; elle était sujette a des accès

de colère au cours desquels elle se roulait à terre, en poussant des

cris perçants.

L'autre est une femme de trente-huit ans, atteinte d'alcoolisme

chronique, entrée le 4 juin 1898, sous le coup d'un accès subaigu,

avec hallucinations multiples, à caractère pénible, zoopsie, du

tremblement dans les mains, des crampes dans les jambes, un

certain degré d'hypéresthésie musculaire. Depuis une dizaine d'an-

nées elle faisait des excès de rhum, de cognac, de vulnéraire, d'ab-

sinthe ; elle en est, d'ailleurs, à sa troisième attaque de délire

subaigu : les deux premières n'ont duré que fort peu et ont été

suivies d'une guérison complète, mais ce dernier accès, au con-

traire, tend à s'éterniser ; voici plus de vingt jours, en effet, qu'il

dure, et actuellement la malade est encore très fortement déli-

rante : jour et nuit, elle brasse ses draps et ses couvertures, en

proie à des troubles sensoriels manifestes, s'imaginant qu'elle

lave son linge (elle est blanchisseuse de son état), qu'elle tient

la République entre ses mains, qu'il y a du monde dans son lit,

qu'elle entend des voix qui l'insultent. Son père était un alcoolique

franc et est mort, à trente-neuf ans, d'une attaque de delirium

tremens.

Ainsi, nous sommes amenés à considérer ce soi-disant

délire hallucinatoire que présente M"10 II... non plus comme

une entité morbide autonome, mais bien comme un syndrome

d'une affection plus générale : la dégénérescence mentale, et

à en faire une variété de ces délires que l'on observe secon-

dairement chez les dégénérés alcoolisés.

DÉGÉNÉRESCENCE MENTALE. ÉTAT NÉVROPATHIQUE. 349

Du même coup, nous pouvons affirmer au point de vue du

pronostic que c'est là une forme transitoire et curable, sans

toutefois pouvoir en préciser la durée d'une façon certaine : ce

qu'on peut affirmer, en tout cas, c'est que consécutivement à

ces troubles hallucinatoires, notre malade ne présentera vrai-

semblablement pas le moindre affaiblissement intellectuel.

On ne peut pas davantage certifier qu'une rechute n'aura

pas lieu dans un temps plus ou moins éloigné, sous une forme

ou sous une autre de psychose, si certaines causes prédispo-

santes viennent agir sur la malade ; car le délire actuel dis-

paru, nous resterons évidemment en présence du fond dégé-

néralif, terrain toujours favorable à l'éclosion d'un délire.

Quant au traitement, on devra, bien entendu, puisqu'on

a affaire ici à une psychose aiguë, instituer le traitement

au lit en toute liberté, tel qu'on le pratique dans le service

de l'Admission, pour les formes aiguës et subaiguës de la

folie, calmer l'éréthisme du système nerveux par des moyens

appropriés : balnéation prolongée à 33°, bromures alcalins ;

favoriser le sommeil par des hypnotiques; veiller au bon

fonctionnement du tube digestif.

Au point de vue prophylactique, recommander, autant que

possible, une vie calme et surtout proscrire absolument

l'usage des boissons excitantes, alcooliques ou fermentées 1.

1 Depuis le temps qui s'est écoulé entre la rédaction et la publication

de cette observation, 1-- H... a guéri de son accès délirant, qu'il nous

soit donc permis d'indiquer en quelques mots cette terminaison.

Après une phase d'état qui s'étend du mois de juin au mois d'octobre,

phase pendant laquelle se succèdent d'une façon très irrégulière, et cela

plusieurs fois dans la même journée, des alternatives rapides d'accalmie

et d'excitation, avec une tendance progressive des troubles sensoriels à

s'effacer pour faire place à une forme plus franchement maniaque, sur-

vient enfin la convalescence, mais convalescence très tourmentée, très

décevante aussi par les sautes brusques de l'état mental. Il y a, par

exemple, des journées entières où la malade paraît complètement sauvée,

causant de choses et d'autres avec lucidité, s'occupant iL des travaux de

crochet, descendant au jardin où elle se tient fort bien, reconnaissant

qu'elle a été malade; puis, subitement, éclate une crise d'exaltation avec

discours incohérents, agitation extrême et désordonnée, actes de violence

subits et non motivés.

Peu à peu ces dernières lueurs d'un délire qui s'éteint vont elles-

mêmes disparaître; et à la fin de la première semaine de janvier, on

peut regarder la guérison comme assurée. Une journée seulement, la

malade a présenté une tiès légère dépression mélancolique.

Jusqu'au 25 janvier,, M1»0 bien que ne couchant plus au dortoir

RECUEIL DE FAITS

NOUVEAU SYNDROME CONSÉCUTIF A UNE BLESSURE

DE LA MOELLE;

Par Ciro L. URRIOLA (de Panama).

Entre les syndromes médullaires, le plus connu est celui

de Brown-Séquard, caractérisé par une hémiparaplégie avec

hémianesthésie croisée, auquel on assignait pour cause une

hémisection de la moelle du même côté que l'ltémiparalysie,

s'appuyant sur la théorie soutenue par cet auteur de la

décussation au niveau de cet organe des conducteurs de la

sensibilité; mais les importantes et nouvelles expériences de

Mott paraissent renverser cette théorie, qui du reste ,a été

repoussée par son illustre créateur dans la lettre publiée peu

de temps avant sa mort et recueillie par la presse scienti-

fique, et où il assure faire faire un progrès à la physiologie,

déclarant s'être trompé en soutenant le principe de la décus-

sation. Dans le cas que nous allons signaler ici cas que

nous considérons comme la confirmation de la doctrine de

Mott, c'est-à-dire de la conduction directe des impressions

sensitives à travers la moelle par suite d'une blessure

faite avec une arme tranchante entre la septième et huitième

d'alitement, y passe cependant la plus grande partie de ses journées,

aidant le personnel dans les soins à donner à ses anciennes compagnes,

cela le plus naturellement du monde; car il est un fait à noter, c'est que,

malgré le souvenir presque complet de son accès passé, elle n'a conservé

aucune impression trop fâcheuse de son séjour à l'asile.

Il est un autre point sur lequel nous voulons insister, c'est l'embon-

point, l'état de santé florissant de la malade, au soi tir d'un accès d'agi-

tation aussi long et aussi intense. Le poids, en ellet, qui était de 8"ô,500

à l'arrivée, est au moment de la guénson de 6 kilogrammes; et il n'est

pas douteux que ce soit au système du séjour au lit qu'on doive attribuer

ce résultat. C'est en effet une règle générale de voir les maniaques aigus

traités au lit conserver un embonpoint qu'on n'était pas accoutumé de

leur voir quand on les maintenait debout en cellule.

SYNDROME CONSECUTIF A UNE BLESSURE DE LA MOELLE. 351

côte droite, à 6 centimètres des apophyses épineuses des ver-

tèbres dorsales, il se déclara chez une femme un syndrome

consistant en une paraplégie flasque avec hémianesthésie du

même côté de la blessure et hyperesthésie du côté opposé.

De tels symptômes, provenant de la blessure en apparence

unilatérale de la moelle, sous bien des rapports, méritent

d'être discutés à la lumière des nouvelles idées. Voici les

circonstances qui ont accompagné ce fait.

Julienne Munoz, âgée de quarante ans, multipare. Le 10 juin 1896,

était occupée à laver dans un endroit appelé Cocoli, à quelques

kilomètres de la ville de Panama, quand subitement elle était

blessée, d'abord à l'épaule gauche et ensuite entre la septième et la

huitième côte droite, à six centimètres des apophyses épineuses

des vertèbres dorsales. L'agresseur était son amant, duquel elle

s'était séparée quelques jours avant et qui par jalousie avait juré

de se venger. A la seconde blessure, la femme tomba abattue sur

le sol avec les membres abdominaux paralysés. L'arme tranchante

était un « machete » court, qui resta dans la blessure médullaire

d'où il ne fut extrait que quelques minutes après, sur le théâtre

même des événements. Il n'y eut pas d'hémorragie apparente par

cette dernière blessure. Dans les premières heures de la nuit, on

transporta cette femme en ville, et vers les 10 heures l'inspection

des blessures fut faite par le médecin de la police. La blessure du

dos mesurait trois centimètres dans le sens vertical, un demi-

centimètre transversalement et trois de profondeur, au moment de

la première inspection. Dans les trois jours qui suivirent, la vessie

n'a pas fonctionné, mais au bout de ce temps on obtient par la

sonde une grande quantité d'urine normale ; le cinquième jour le

rectum fonctionna après un lavement. Depuis ce jour cet organe

ainsi que la vessie ont marché régulièrement.

Motilité. Dans les membres abdominaux existe une para-

plégie flasque complète. En élevant les jambes sur le plan du lit,

elles tombent comme un corps inerte; elles sont froides, mais

conservent leurs couleur et volume habituels. Les pieds sont tom-

bants et les jambes n'opposent aucune résistance aux mouvements

passifs de flexion et d'extension.

Sensibilité. Dans le membre abdominal droit existe une anes-

thésie complète de toutes les sensibilités depuis le niveau de l'ar-

ticulation coxo-fémorale jusqu'à l'extrémité des doigts ; durant la

première semaine se produisit le phénomène de l'allochirie sen-

sorielle.

En effet, si en bandant la malade on lui applique un corps

chauffé sur le genou droit insensible à cette excitation, elle dirige

352 RECUEIL DE FAITS.

la main gauche sur le genou du même côté et réfère à ce dernier

point la sensation de brûlure. Dans le membre abdominal gauche

se notait une hyperesthésie telle que le toucher le plus léger au

moyeu d'une pointe d'aiguille ou avec un corps chauffé lui faisait

éprouver une vive douleur. Au début il existait sur le dos un point

très sensible à la pression, à trois travers de doigt au-dessous de

la blessure ; deux semaines après ce point se trouvait dans la

région sacrée, à six centimètres à droite de la colonne.

Un autre phénomène attirait l'attention chez cette malade :

quand la pointe d'une aiguille pénétrait dans la région antéro-

externe de la jambe droite ou dans la partie dorsale du pied cor-

respondant, nonobstant qu'elle ne ressentait pas le contact ni la

douleur que pouvait lui causer l'aiguille, la malade mouvait le

pied dans le sens de l'extension dorsale et la jambe était prise de

soubresauts. Dans la même région toutes les excitations de la peau

reproduisaient-le même phénomène. Cela a persisté plusieurs

mois.

Réflexes. Le patellaire n'existe plus d'aucun côté et le plan-

taire seul existe dans le pied gauche.

Rectum et vessie. Depuis ce que nous avons, signalé plus haut,

ces organes ont fonctionné régulièrement.

Tels ont été les symptômes qu'a présentés cette malade dans les

deux premières semaines qui ont suivi l'accident, mais avant de

chercher à les expliquer, nous avons cru convenable de résumer

l'histoire de cette malade pendant les deux aus qu'elle a été l'objet

de nos observations.

La motilité a reparu plus vite dans le membre inférieur droit

que dans le gauche, et dans les deux, les mouvements ont com-

mencé d'abord à la racine, puis aux extrémités. On a observé

aussi que les mouvements de flexion ont été plus faciles et plus

énergiques que ceux d'extension. En octobre 1896, le membre

abdominal droit jouissait de tous ses mouvements, tandis que le

gauche pouvait à peine faire ceux de flexion du pied et des doigts,

ceux d'extension étant impossibles. Cependant on a pu se rendre

compte à plusieurs reprises différentes que pendant son sommeil

la malade pouvait communiquer à son membre des mouvements

de flexion et d'extension dont il ne jouissait pas à l'état de veille.

Dans le mois suivant elle commença à faire les premières tenta-

tives pour marcher, mais il arrivait qu'à peine le corps reposait-il

sur un des membres inférieurs, ceux-ci étaient pris d'un fort trem-

blement. Ce tremblement a toujours été plus prononcé dans le

membre inférieur gauche que dans le droit. Dans le cours de ces

dernières années, ce tremblement a disparu complètement dans le

membre droit et a augmenté dans celui de gauche, arrivant à se

contracturer de telle manière que tous ses segments apparaissent

SYNDROME CONSÉCUTIF A UNE BLESSURE DE LA MOELLE. 353

en extension forcée, et le pied, dans la marche s'appuie seul par

les extrémités des doigts (équinisme).

Dans la note correspondant au 11 juin 1898 on lit : « Le membre

inférieur gauche est contracté ainsi que tous ses segments en

extension. Les mouvements d'extension dorsale du pied et des

doigts sont nuls ; le réflexe patellaire gauche est très exalté ; clo-

nus du pied. Le membre inférieur droit jouit de tous ses mouve-

ments ; le réflexe de ce même côté est légèrement augmenté ; on

ne provoqué pas le clonus du pied. 11 n'existe pas d'atrophie pro-

noncée dans aucun des membres inférieurs. »

Quant à l'anesthésie, elle disparut rapidement au commen-

cement dans certaines zones, mais depuis elle s'est fixée à d'autres

et existe toujours au bout de deux années sous la forme de pla-

ques. Un mois et demi après la blessure médullaire l'anesthésie

comprenait le pied droit et la jambe correspondante jusqu'à deux

centimètres au-dessus de l'articulation du genou ; quelques mois

plus tard elle avait presque totalement disparu de la surface de la

jambe, excepté dans une zone étroite située dans sa partie posté-

rieure qui s'étendait depuis le talon jusqu'à quelques centimètres

au-dessous de l'articulation du genou; dans cette partie l'anes-

thésie était complète. Dans le pied, l'anesthésie a persisté long-

temps dans la région dorsale et dans le bord externe ; et en ce qui

concerne la plante, la sensibilité a réapparu de la partie antérieure

à la partie postérieure.

Le 11 juin 1898, la distribution de l'anesthésie était la suivante :

sur la partie dorsale du pied à partir d'une ligne située à quatre

centimètres au-dessous de l'articulation tibio-tarsienne, sur tout le

gros doigt du pied et dans un coin étroit correspondant à la peau

située au-dessous du malléole interne.

Les réflexes patellaires qui au début étaient abolis, s'exaltèrent

par la suite (le 23 juillet 1896 ce phénomène pouvait se vérifier

déjà) de chaque côté, quoique d'une façon plus marquée dans le

côté gauche. Cette exagération de réflexes était accompagnée du

clonus du pied, clonus qui a disparu peu à peu dans le côté droit

pour persister uniquement dans le gauche, en même temps que la

contracture envahissait de plus en plus le membre du même côté.

Dans le cours de ces deux années, on n'a observé aucun phéno-

mène trophique ni vaso-moteur. Pour ce qui concerne l'atrophie,

à peine si elle se note et on peut l'attribuer à la longue immobilité

à laquelle a été condamnée la malade.

Il résulte donc de ce qui a été exposé que, immédiatement

après la blessure médullaire, il se produisit une paraplégie

flasque, accompagnée dans le membre droit d'une anesthésie

complète depuis le niveau de l'articulation coxo-fémorale

Archives, 20 série, t. VII. 23

354 RECUEIL DE FAITS.

jusqu'aux extrémités digitales, et dans le gauche de l'hyper-

esthésie ; que durant la première semaine de l'accident le

phénomène de l'allochirie sensorielle était absolument cer-

tain ; que dans les premières semaines les réflexes profonds

furent nuls, mais qu'ils revinrent plus forts en même temps

que se provoquait le clonus du pied; qu'avec le temps ce

dernier symptôme, complètement disparu du côté droit, se

maintenait dans le gauche où la contracture a envahi le

membre correspondant; que dans l'espace de deux ans la

motilité a réapparu complètement dans le membre inférieur

droit, tandis que dans l'opposé elle est très limitée dans le

pied et les doigts; que l'anesthésie n'a pas disparu complète-

ment dans le membre inférieur droit et qu'il n'y a aucune

perturbation trophique ni vaso-motrice dans aucun des mem-

bres atteints.

Ayant ainsi complété l'histoire de cette malade, nous allons

tâcher de donner quelques explications -sur les symptômes

observés.

Si nous acceptions la théorie primitive de Browu-Séquard

de la décussation des conducteurs de la sensibilité au niveau

de la moelle, il faudrait admettre que la blessure causée par

la pénétration de l'arme tranchante à 6 centimètres à droite

de la colonne vertébrale, produisit dans la moitié gauche de

la moelle une hémisection complète, et comme conséquence,

l'hémiparaplégie du même côté et l'hémianesthésie du côté

opposé, et sur la moitié droite, c'est-à-dire du même côté où

pénétra l'arme, seulement une lésion circonscrite au faisceau

pyramidal, d'où l'hémiparaplégie du membre abdominal

droit. Cette explication, en parfait- accord avec tout ce qui a

été soutenu autrefois par un grand nombre d'observateurs

de différents pays, appuyée par les classiques expériences de

Brown-Séquard, ne parait pas être conforme avec la réalité

des faits qui se sont produits dans le cas actuel ni avec ce que

les expériences d'autres savants tendent à démontrer d'autre

part.

En effet, en vertu de quel mécanisme l'arme qui blessa la

moelle de droite à gauche a-t-elle pu respecter les cordons

postérieurs de la moitié droite de cet organe et produire une

hémisection complète dans la moitié gauche ? Comment l'arme

a-t-elle pu avoir une déviation pareille ? Il faut avouer que

dans ce cas cela n'a pu se produire.

SYNDROME CONSÉCUTIF A UNE BLESSURE DE LA MOELLE. 355

On connaît dans la littérature médicale quelques cas, en

particulier celui de Millier, chez lequel la blessure de la

moelle s'est produite du côté opposé à la pénétration de

l'arme; mais dans ce dernier cas le point d'accès de l'arme

était situé à une très petite distance de la droite delà colonne

et sa direction étant de droite à gauche, devait produire

forcément l'hémisection de la moitié gauche de la moelle.

Dans le cas de la Munoz, l'arme a pénétré depuis un point

situé à 6 centimètres à droite des apophyses épineuses et

dans la direction de droite à gauche; et il est logique de sup-

poser que n'existant aucune cause pour faire dévier l'arme

de sa direction primitive, celle-ci a dû blesser, en premier

lieu, la moitié droite de la moelle, et avec la pointe, ou la

partie plus étroite, à peine une partie de la moitié gauche de

ce même organe. Quelle partie ? Evidemment la partie antéro-

latérale de la moitié gauche de la moelle. Si nous rappelons

les circonstances dans lesquelles fut blessée cette femme,

nous pouvons rétablir parfaitement les faits.

Elle fut blessée d'abord, par derrière, à l'épaule gauche et

immédiatement après au point du dos que nous connaissons.

A la première blessure elle a dû tourner la tête et le tronc

vers le côté d'où le coup lui était porté, c'est-à-dire du côté

gauche. Et c'est dans cette attitude qu'elle reçut la seconde

blessure, de droite à gauche, d'arrière en avant; attitude qui

rendait plus vulnérable la moitié droite de la moelle et la

partie anléro-latérale de la moitié gauche. Admettant cela,

on comprendra facilement que l'arme a dû produire dans la

moitié droite de la moelle une hémiseclion complète et dans

la moitié gauche intéresser uniquement la partie que la

pointe a dû atteindre, c'est-à-dire, la région intéro-latérale,

qui comprend le faisceau pyramidal. Avec de pareilles

lésions, comment expliquer les symptômes observés ? Pour

cela, il suffit de rappeler les expériences de IoLt 1. Selon le

neurologiste anglais, pendant que dans le côté opposé à celui

de l'hémisection de la moelle, il ne se produit aucun phé-

nomène moteur, ni sensitif, dans le côté de l'hémisection, il

se développe dans le membre correspondant une hémianes-

thésie et une hémiparaplégie accompagnée d'allochirie sen-

' Frederick W. Mott. Results of Hémiseclion of llee spinal Co"(1 il,

Honkeys. Philosophical 1'rausaclions of lhe Royal Society of Lonclon.

Vol. 183, 1892. -

356 RECUEIL DE FAITS.

sorielle. Ces belles expériences, que garantissent le nom de

l'auteur et la rigueur scientifique avec laquelle elles ont été

conduites, comme aussi la publique et solennelle approbation

que leur donna^son illustre prédécesseur dans ces mêmes

études, rend parfaitement compte des symptômes observés

chez cette malade dans le membre abdominal droit, où,

comme nous avons vu, il y a eu hémianesthésie et hémipara-

plégie accompagnées d'allochirie sensorielle, conséquence de

l'hémisection du même côté de la moelle. Quant à la para-

lysie du membre opposé et à la contraction qui, plus tard,

s'y développa, on peut seulement l'expliquer en acceptant,

comme nous l'avons établi, que la pointe du machete arriva

à blesser dans la moitié gauche de la moelle le faisceau pyra-

midal, blessure qui a engendré dans ledit faisceau une dégé-

néralioii descendante et, comme suite, la contraction du

membre du même côté.

La théorie de la décussation des conducteurs de la sensibi-

lité au niveau de la moelle, complètement détruite par les

expériences du savant anglais et remise enfin par son princi-

pal propagateur Brown-Séquard, ne rencontre pas non plus

d'appui solide dans l'anatomie normale ni dans la patholo-

gique. Les fibres centripètes provenant des ganglions rachi-

diens en arrivant au cordon postérieur ne s'entrecroisent pas,

comme le faisait supposer la théorie de la décussation, mais

se bifurquent en Y se continuant avec les fibres du cordon

postérieur, pour terminer après un trajet plus ou moins long

par des arborisations libres dans la substance grise de la

corne postérieure L'anatomie pathologique n'a pas démon-

tré de son côté l'existence des fibres dégénérées dans le cordon

postérieur opposé à l'hémisection; cependant lllott et Mari-

nesco sont arrivés à découvrir quelques cellules altérées

dans la corne postérieure opposée à l'hémisection, fait qui,

d'après la manière de voir du dernier de ces deux auteurs,

démontrerait qu'il y a des fibres, probablement sans myéline,

qui, partant d'un côté delà corne postérieure, vont se terminer

à l'opposé. Mais en tout cas, on ne peut assigner à ces fibres,

qu'aucun procédé n'a révélées jusqu'à présent, le rôle de trans-

mettre à un côté de la moelle les impressions qui lui arrivent

'Ramoii y Cajal. Nitevo Concept de la hislolorlia de los ceizli-os ner-

villsos, p. 13 et suivantes.

* G. Marinesco. Lettres d'Angleterre {Semaine Médicale, 1896).

L'OE,11, DES mélancoliques. 357

du côté opposé, sinon la fonction hypothétique de conduire

les impressions allochiriques.

Dans le cas de Munoz, nous croyons que dans l'espèce se

sont vérifiées les célèbres expériences réalisées par Mott sur

le singe; et la symptomatologie se serait-elle circonscrite au

membre inférieur droit, nous aurions désigné le syndrome

avec le nom de l'observateur anglais; mais apparaissant plus

complexe et n'ayant trouvé dans la bibliographie que nous

avons consultée aucun cas pareil, nous l'avons considéré

comme nouveau dans la littérature neuropathologique et

comme tel nous l'avons nommé.

L'OEIL DES MÉLANCOLIQUES;

Par le D' ALeX. ATOANASSIO,

Ancien chef de clinique mentale, médecin adjoint à l'asile d'aliénés Marcoutza

(Buc9resl).

La mélancolie constitue une psychose relativement rare

dans nos asiles d'aliénés. Les mélancoliques ne forment, en

effet, que bien à peine 8 p. 100 de la population totale des

aliénés.

Nous savons l'importance clinique qu'offre l'examen de

l'oeil chez les paralytiques généraux. [L'exploration de l'oeil

chez les mélancoliques, bien que ne nous présentant pas une

valeur symptomatologique si grande, offre néanmoins des

points intéressants qui n'ont pas été. encore bien remarqués

par les observateurs.

Ainsi, en considérant le regard des mélancoliques, nous

l'observons abattu, triste, abaissé, souvent la paupière supé-

rieure ferme complètement l'oeil. Cet oeil, tout en ne lar-

moyant que dans quelques rares cas, offre bien l'aspect d'un

oeil affecté et qui pleure.

Les paupières sont parfois rouges à leurs bords libres. Les

mouvements du globe de l'oeil se font difficilement, surtout

les mouvements d'élévation. Cette immobilité est plutôt

l'effet d'une aboulie que d'une paresse véritable. La pupille

est dilatée dans la majorité des cas, bien qu'on observe des

exceptions.

358 RECUEIL DE FAITS.

Les phénomènes de l'accommodation nous offrent ce

caractère particulier qu'ici nous observons bien souvent le

signe d'Argyll Robertson (ou de Vincent) renversé, c'est-à-

dire que la pupille ne réagit pas à l'accommodation de dis-

tance, le réflexe lumineux étant complètement conservé. Ce

dernier signe assez caractéristique et d'une constatation rela-

tivement facile chez une espèce de malades qui nous oppo-

sent souvent bien de la résistance pour l'examen.

En ordonnant à nos malades de regarder et fixer notre

doigt à une distance de 15 à 20 centimètres : punctumproxi-

muni, nous n'observons aucune contraction de la pupille,

leur disant ensuite de regarder au loin, par exemple dans

la cour, punctum remotum, la pupille ne réagit pas, elle ne

se dilate pas, reste immobile, presque invariable.

Cette immobilité de la pupille n'existe pas si nous sous-

trayons l'oeil à l'influence de la lumière en le cachant avec

notre main ou en le fermant par l'abaissement de la paupière

supérieure ; si ensuite nous l'exposons brusquement à la

lumière en l'ouvrant, la réaction pupillaire de resserrement

consécutif à une dilatation antérieure est bien manifeste.

Donc, l'abolition du réflexe accommodaleur et la persis-

tance du réflexe lumineux méritent de figurer dans la

symptomatologie de la mélancolie.

Comment expliquer ce fait ? Nous savons que ce qui domine

dans la psychose mélancolique c'est l'aboulie, comme dans

le phénomène de l'accommodation à distance la volonté in-

tervient d'une façon notable pour sa production il s'ensuit

bien naturellement que cette accommodation soit donc abolie

ou au moins diminuée ; le contraire a lieu pour le réflexe

lumineux qui est un phénomène bien plus physique et phy-

siologique et en dehors de la volonté du malade. Le phéno-

mène de l'accommodation à distance est déjà un acte psycho-

logique et volontaire.

Nous observons encore que le tonus oculaire est légère-

ment augmenté dans le cas de mélancolie avec stupeur et

dans quelques cas de mélancolie anxieuse.

L'exploration ophtalmoscopique nous a montré de même

plusieurs fois chez les mélancoliques avec stupeur le champ

rétinien d'une coloration jaunâtre probablement due à une

anémie ou plutôt à un oedème de la rétine. Les vaisseaux

veineux de la pupille sont dilatés, les artères peut-être un

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 359

peu rétrécies. La papille du nerf optique est normale, on

n'observe pas d'excavation ou autre déformation.

La détermination de l'étendue du champ visuel laisse bien

à désirer, à cause des difficultés que nous rencontrons dans

son exploration chez des malades qui sont bien obstinés dans

leur mutisme ou qui ne nous donnent que de rares réponses,

souvent fausses et suggestionnées par nos demandes. Chez

les quelques malades où nous avons pu obtenir des réponses,

le champ visuel a été normal ou rétréci d'une façon insigni-

fiante.

Le champ du regard est modifié, ainsi l'oeil regarde fixe-

ment d'une façon atone, dirigé surtout en bas, les mouve-

ments de latéralité se font avec lenteur, le mouvement d'élé-

vation se fait aussi comme nous l'avons vu, avec beaucoup de

lenteur, le mouvement d'abaissement de l'oeil est prédomi-

nant et permanent. Le sens des couleurs a été trouvé

normal. °

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

LXI. Myopathie primitive et progressive avec autopsie (Forme

tardive; type huméno-scnpiclo-Jiccical) ; par Sabrazès et BaENGUEs.

(Nouv. Iconogr. de/6[S«e'të)'g, n° 1, 1899.)

Homme de cinquante-huit ans, avec antécédents personnels et

héréditaires tuberculeux. Est atteint d'atrophie musculaire parvenue

à un degré extrême et ayant débuté à l'âge de vingt ans, par le

bras droit. Cette atrophie a gagné successivement et lentement,

le bras gauche, les avant-bras, les membres inférieurs, la face, le

thorax et l'abdomen. Le malade succombe aux progrès de la

phtisie, parvenu à un état d'émaciation squelettique. L'autopsie

montre une véritable destruction d'un grand nombre de muscles ;

les grands pectoraux, les biceps, les brachiaux antérieurs, etc.,

sont réduits à quelques tractus aponévrotiques; les muscles super-

ficiels sont amaigris. Les racines nerveuses et les prolongements

périphériques jusque dans les muscles atrophiés, les tissus cérébral

et médullaire ont conservé leur aspect, leur consistance, leur

constitution normaux. Au microscope, les cellules des cornes anté-

rieures apparaissent rapetissées, les débris de fibres musculaires

360 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

ont l'apparence de feuilles de membranes hydatides et présentent

à la coloration les signes de la dégénérescence polychromatophw-

lique des globules sanguins ; les terminaisons nerveuses dans ces

débris musculaires sont dépourvues de bouton. Il. Ciiaron.

LXII. L'hydrocéphalie et l'hydromyélie comme causes des diffé-

rentes difformités congénitales du système nerveux central;

par Nicolas SOLO-fZOI11. (1OLLU. Icoaogr. de la Sulpétrière, n° 1,

1899.)

Poursuivant ses recherches sur les difformités congénitales du

système nerveux central, l'auteur présente quatre nouvelles obser-

vations de cas tératologiques rares dans lesquels l'analyse macro-

et microscopique parait reconnaître comme cause immédiate, non

pas un arrêt de développement, mais une hydrocéphalie interne

avec hydromyélie dans deux cas.

La cause de toutes ces difformités est l'hydropisie des ventri-

cules latéraux et du canal central de la moelle épinière. L'accrois-

sement énorme du liquide céplialo-rachidien à l'époque de la vie

intra-utérine rompt mécaniquement quelques unes des vésicules

cérébrales, entrave la formation d'une partie correspondante du

cerveau et même du crâne, si les cinq vésicules sont atleintes'd'hy-

dropisic simultanément.

L'étiologie et la pathogénie trouvent leur explication dans les

révélations du microscope, qui dénotent dans tous les cas toutes

les lésions fines de l'artérite chronique.

De cette artérite chronique, entraînant des néo-formations vascu-

laires, résulte la déformation des éléments nerveux, l'exsudation

du liquide lymphatique dans le cerveau et la moelle. L'auteur

pense que cette artérite généralisée dépend de la syphilis et con-

clut que toutes les difformités congénitales du système nerveux

central ont pour cause la syphilis héréditaire. R. Ciiaron.

LXIII. Trois cas d'ataxie cérébelleuse héréditaire dans la même

famille ; par G. Rossolimo. (11'olcu. Iconor. de la Salpétrière,

n° 1, 1890.)

Les observations de cas multiples de cette affection, suivis en

même temps dans la même famille, sont encore très rares. L'au-

teur a eu l'occasion de rencontrer deux frères et une soeur présen-

tant l'ensemble symptomatique (lui caractérise la maladie de Marie

et d'en faire une analyse clinique minutieuse. Le tableau classique

décrit par Marie se retrouve intégralement dans tous les cas, mais

rehaussé de quelques touches qui constituent probablement la

marque de famille, sur laquelle l'auteur appelle particulièrement

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 361

l'attention (distribution particulière de l'affection des muscles des

globes oculaires atteignant les droits internes et obliques supé-

rieurs, le développement considérable de la musculature des

membres inférieurs, les phénomènes pathologiques ayant précédé

l'éclosion de l'ataxie héréditaire traumatisme, affection fébrile,

masturbation forcée.) R. Ciiaron.

LXIV. Le syndrome de Little et la syphilis héréditaire ; par Tommasi

DE Amicis. (iVouu. Iconogr. de la Salpétrière, n° 1, 1899.)

Père et mère syphilitiques, ayant eu, avant l'infection, trois

enfants bien portants. Au cours des accidents spécifiques, la mère

fait trois avortements après lesquels elle est soumise à un traite-

ment mercuriel et termine une nouvelle grossesse par un accou-

chement normal. L'enfant présente dès sa naissance de la rigidité

spasmodique des membres inférieurs qui s'accentue progressi-

vement sans s'accompagner d'aucun autre trouble physique ou

intellectuel. R. Cii.Ro".

LXV. Polynévrite et polyomyélite ; par le professeur RAYMOND.

(Nouv. Iconogr. delà Scclpcstoière, n° 1, 1899.)

Leçon clinique fort intéressante tendant à répandre cette notion

encore peu connue : « Une paralysie grave, plus ou moins géné-

ralisée, à marche aiguë ou subaiguë, accompagnée de douleurs

spontanées ou provoquées, souvent très vives et de bien d'autres

manifestations pénibles ou inquiétantes, aboutissant à une atro-

phie musculaire plus ou moins prononcée, à des rétractions tendi-

neuses irrémédiables, peut être l'expression d'une simple névrite

périphérique et d'une névrite radicalement curable. » Autrefois et

souvent encore aujourd'hui cet ensemble symptomatique était

mis sur le compte d'une myélite. Les conséquences de cette erreur

peuvent être des plus regrettables et le point de diagnostic diffé-

rentiel établi par le maître de la Salpêtrière est des plus impor-

tants. R. Ciiaron.

L1V1. Maladie de Thomsen à forme fruste et avec atrophie muscu-

laire ; par E. 1\'ocuia et SIROL. (Nouv. jfcoïoyr. de la Sulpêtrière,

n° 4, 1899.)

Observation d'un cas délicat pouvant en imposer pour la myo-

pathie primitive progressive. Quelques détails du tableau symp-

tomatique judicieusement mis en relief, ont permis aux auteurs

d'affirmer le diagnostic de maladie de Thomsen. R. Ciiaron.

362 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

.Lv,VII. Symptômes de myxoedème au début chez une femme anté-

rieurement atteinte de goitre exophtalmique; parle Dr Gautier.

(Rev. métl. de la Suisse romande, 1898, n° 11.)

Le développement du myxoedème après la maladie de Basedow

a été observé plusieurs fois dans ces dernières années. Chez la

malade qui fait l'objet de ce travail l'apparition des symptômes

myxoedémateux, quelques mois après la guérison d'une maladie

de Basedow, parait avoir coïncidé avec une atrophie fibreuse de

la glande thyroïde. On s'explique ainsi qu'une insuffisance de la

fonction thyroïdienne ait succédé chez elle à une excitation de la

même fonction. Le traitement thyroïdien a. du reste, enrayé chez

cette malade le développement des antécédents myxoedémateux.

G. D.

LXVIII. Sur un cas d'hydrocéphalie hérédo-syphilitique ; par le

Dr AUDEOUD. (Reu. méd. de la Suisse romande, 1899, n° 1.)

Observation d'un enfant, issu d'une mère syphilitique, qui,

quatre mois après sa naissance, fut atteint d'un coryza, de syphi-

lides maculeuses et de plaques muqueuses. Ces accidents disparu-

rent sous l'influence de l'iodure et du mercure. A l'âge de quatre

mois se montrèrent les symptômes d'une hydrocéphalie (augmen-

tation du volume de la tête, nystagmus, perte de l'intelligence, etc.),

qui guérit au bout d'un an grâce au traitement spécifique.

G. D.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

XI. Un cas de tic rotatoire guéri par la psychothérapie; par M. v.w

INE.NTFltGlIEM. (Journ. de Neurologie, 1898, n° Il.)

Il s'agit d'un homme de quarante-deux ans qui était atteint d'un

spasme des muscles sterno-mastoïdien et trapèze du côté droit.

Tous les moyens de traitement, y compris l'élongation du nerf

-spinal, ayant échoué, on eut recours à des séances de suggestion

pratiquées à l'état de veille et pendant le sommeil hypnotique, et

le malade fut complètement débarrassé de son infirmité.

G. D.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 363

XII. Autothérapie psychique. Le recueillement. Utilisation de

l'élément affectif ; par M. P. Lévy. (Presse médicale, 8 oc-

tobre 1898.)

La psychothérapie tout entière repose sur le principe suivant :

toute idée acceptée par le cerveau tend à se faire acte : toute idée

est un acte à l'état naissant (Bernbeim, Liébault). Elle comprend

un ensemble de procédés qui permettent d'exercer, par la seule

direction imprimée à l'élément esprit, une action, souvent extrême-

ment puissante, soit sur les troubles psychiques, soit sur les

troubles physiques. Ces procédés se divisent en deux grands

groupes, suivant qu'ils sont mis en oeuvre par une personne autre

que le sujet ou par le sujet lui-même ; ce sont l'hétéropsychothé-

rapie, d'une part, avec l'hypnotisme et 1'1)étéro-su-aesLion comme

procédés fondamentaux ; l'auiopsychothérapie, d'autre part, dont

l'auto-suggestion verbale, sans préparation, à l'état de veille, est

l'élément le plus simple. L'autopsychothérapie, moins puissante

que l'hétéropsychothérapie, mérite cependant d'être utilisée; l'au-

teur en a fait la base d'une éducation rationnelle de la volonté.

L'action de l'autosuggestion verbale peut être renforcée par

divers moyens. M. Lévy consacre son travail à l'étude de deux

d'entre eux, le recueillement et l'utilisation de l'élément affectif.

Par le recueillement, état analogue à l'état de « charme » de Lié-

bault, le sujet met à profit l'augmentation du degré de suggesti-

bilité qui se produit chez lui dans un sommeil naturel léger. Ce

sommeil léger est facile à obtenir, à n'importe quel moment, en

s'isolant, en plaçant ses muscles dans un relâchement aussi com-

plet que possible, et en concentrant toute son attention sur l'idée

de dormir. Le sujet se trouve alors dans un état analogue au

demi-sommeil du soir, quand on commence à dormir, ou du matin,

quand on commence à s'éveiller. En s'isolant de tout ce qui peut

amener la distraction des sens, il met en disponibilité la somme

d'attention, auparavant consacrée à la production de sensations,

de mouvements et d'idées. Que cette attention, ainsi rendue dispo-

nible, rencontre une idée sur qui elle puisse s'accumuler, et cette

idée ainsi renforcée, verra s'augmenter, dans une très large mesure

sa puissance de réalisation. Dans le recueillement, la concentration

de l'esprit est dirigée sur les suggestions que le sujet se fait.

Ces suggestions, celui-ci les formule mentalement ou de préfé-

rence à voix haute ou demi-haute, les matérialisant pour ainsi

dire, à l'occasion, par des attouchements ou des frictions de la

région souffrante. Si léger que soit le sommeil, l'esprit sera tou-

jours capable d'une concentration plus grande qu'à l'état de veille.

La répétition de ces exercices de sommeil léger et d'auto-sugges-

tion facilite cette concentration et donne aux suggestions une plus

grande efficacité.

364 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

Le deuxième moyen de renforcer l'auto-suggestion, étudié par

l'auteur, réside en l'utilisation de l'élément affectif. Le sujet cherche

à se rendre maître de ses émotions, de ses sentiments, de quelque

nature qu'ils soient, à les arrêter, à les provoquer, ou à les faire

dévier de leur cours-normal, de façon à endiguer, pour ainsi dire,

l'énergie, la force nerveuse qu'ils représentent et qui, sans cela,

resterait le plus souvent inutilisée ou même se transformerait en

actes nuisibles. Cette énergie, ainsi endiguée, pourra être utilisée

dans un but thérapeutique d'ordre physique ou psychique et servir

à renforcer des idées, des suggestions préalablement choisies.

A. Fenayrou.

XIII. Trépanation dans l'épilepsie.

Le Central Blatt sur Nervenheil kunde und psychiatrie de janvier

dernier, à propos du compte rendu de la thèse de notre collabo-

rateur M. liellay, intitulé : Esscii sur le traitement chirurgical de

l'épilepsie, fait la remarque suivante : « Les résultats furent natu-

rellement mauvais, ce qui ne surprendra aucun neurologiste, en

Allemagne. » 11 ressort de cette citation que dans ce pays, la tré-

panation comme traitement de l'épilepsie, n'est pas en grand bon-

heur.

XIV. Médication thyroïdienne; par R. Hutciiinson et William Mac

LEwAU. (l)-itsh médical journal, juillet 1898.)

Ce sont deux articles distincts, le premier au point de vue géné-

ral et pharmaceutique, l'autre plus spécialement clinique et concer-

nant l'action de la thyroglandine dans l'obésité et myxoedème.

Dans les mêmes numéros de juillet, deux cas de médication séro-

antitoxique pour le tétanos, par Haie et B. Margon. A. Marie.

XV. Trépan et épilepsie traumatique ; par Crawford REUTon.

(Qualerley Médical journal, juillet 1898.)

L'auteur relate quatre cas d'épilepsie Jacksonnienne. Le trépan

a servi à l'évacuation de collections sanguines récentes et la plnq2ce

osseuse a été remise en place, pratique constante que préconise l'au-

teur et qui distingue absolument son opération de la craniotomie.

Il recommande l'examen préalable des urines pour éviter d'opérer

des malades en puissance d'accidents inflammatoires. A. M.

XVI. Myopathie primitive. Examen électrique. Amélioration par

le suc musculaire; par Félix ALLARD.

Histoire clinique d'une myopathie primitive progressive chez un

enfant de 10 ans, et notablement améliorée par des injections de

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 365

liquide musculaire obtenu par une macération au 50. Chose remar-

quable, l'amélioration porte surtout sur les muscles les plus gra-

vement atteints.

La coexistence chez le malade des troubles trophiques muscu-

laires et de certaines malformations congénitales (hernie ingui-

nale, ectopie testiculaire) vient à l'appui de l'hypothèse souvent

soutenue par M. Brissaud, à savoir que les atrophies musculaires

peuvent être, comme les arrêts de développement, commandées

par une altération des centres trophiques remontant à la période

foetale. (Revue neurologique, oct. 1898.) E. B.

XVII. Chirurgie chez les femmes aliénées au Canada ;

par le Dr BUCKE.

Les affections utéro-ovariennes sont susceptibles d'intervenir

comme cause dans la folie et, dans un certain nombre de cas leur

guérison peut amener la disparition du trouble mental. Les statis-

tiques de l'auteur apportent une contribution intéressante à l'his-

toire des opérations chirurgicales chez les aliénées. Sur 1G hysté-

rectomies, il y eut 4 guérisons du trouble mental et 3 améliora-

tions ;

Sur 12 ovariotomies, il y eut 7 guérisons du trouble mental et

4 améliorations;

Sur 22 redressements de l'utérus, il y eut 4 guérisons du trouble

mental et 9 améliorations;

Sur 30 opérations relatives au col de l'utérus, principalement des

amputations, il y eut 13 guérisons du trouble mental et 9 amélio-

rations ;

Sur 21 curettages de l'utérus, il y eut 12 guérisons du trouble

mental et 2 améliorations ;

Enfin sur 8 opérations pour des lésions vaginales, il y eut seule-

ment 3 améliorations du trouble mental.

Les affections les ovaires, du col utérin et de la muqueuse

utérine paraissent donc avoir dans la production des troubles

mentaux un rôle plus actif que les autres affections utéro-ova-

riennes, puisque leur guérison a été plus fréquemment accom-

pagnée de la guérison ou de l'amélioration du trouble mental.

(Arnel-icel2z joiii,ital of iiisanity, j juillet 1898.) E. B.

XVIII. Trois cas de pollakiurie psychopathiques guéris par

suggestion; par J. CRoc(,i. (Journ. de neurologie, 1898, n" 24.)

SOCIÉTÉS SAVANTES.

CONGRÈS DES ALIÉNISTES ET NEUROLO GISTES

Xe Session. Marseille, avril 1899.

La première séance du Congrès de Marseille s'est ouverte

mardi, à 10 heures, sous la présidence de M. le D1' 1 laissières,

maire de Marseille, au Pharo, dans le grand amphithéâtre

de l'Ecole de Médecine. M. Floret, préfet des Bouches-du-

Rhône, M. Cossac, procureur de la République, M. le DLivon,

directeur de l'Ecole de Médecine, M. Drouineau, inspecteur

général des Asiles, M. le D' Doutrebente, président du Con-

grès, et M. le Dr Boubila, secrétaire général, sont assis au

bureau. Un grand nombre de médecins et de notabilités de

la ville sont venus souhaiter la bienvenue aux congressistes.

Dès l'ouverture de la séance, M. Flaissiéres, maire de Marseille

prononce le discours suivant :

Mesdames, Messieurs,

J'ai le très grand honneur d'ouvrir la dixième session de votre

Congrès. Vous vous êtes réunis plus nombreux que jamais; cha-

cun d'entre vous apporte une égale volonté à contribuer à l'oeuvre

commune. Vous venez apporter à l'édifice scientifique le résultat

loyal de vos recherches patientes, éclairées. Vous proposerez à

l'examen critique de tous, le fruit de vos travaux personnels, de

votre expérience de chaque jour, et, avec ce désintéressement

absolu dont s'honore la science, vous aurez ajouté de nouvelles et

précieuses formules destinées à combattre, à vaincre la maladie.

Vous, messieurs les médecins neurologistes vous étudiez et

soignez les maladies nerveuses qui n'altèrent pas, du moins en

apparence, l'état intellectuel et mental de l'individu. Vous aurez,

sans doute, apporté un contingent important à l'oeuvre du Congrès.

Ample doit être, en effet, pour vous la moisson, en cette fin de

siècle dont le surmenage ne sera pas un des moindres caractères

se traduisant par une infinité de formes au milieu de conditions

sociales multiples ! Mais combien j'ai hâte d'ajouter que l'impor-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 367

tance que vous avez prise dans le tournoi scientifique est due à

d'autres causes que la multiplicité des sujets que vous étudiez et

que vous soignez ! Votre haute valeur fait l'admiration des savants;

elle inspire aux malheureux malades la confiance et l'espoir; c'est

avec joie que je rends hommage aux praticiens éminents, aux pro-

fesseurs déjà célèbres qui représentent, avec tant d'autorité, la

neurologie et que je vois prenant part à votre Congrès.

Vous avez su, chers confrères et maîtres, pénétrer les secrets

restés si longtemps insondables des maladies du cerveau et de la

moelle. Il n'est pas un symptôme que vous n'ayez analysé, auquel

vous n'ayez donné sa nette et véritable signification. Vous avez

pénétré avec la micrographie dans les molécules elles-mêmes des

organes qui font l'objet de vos études, vous vous êtes approprié

bien promptement, pour les appliquer à la guérison des maladies,

toutes les découvertes de la physiologie. Et, qui pourrait affirmer

que vos savantes inductions n'ont point, à leur tour, servi de guide

à la physiologie elle-même dans son évolution et éclairé bien des

points obscurs dont se trouve parsemée cette science des phéno-

mènes mystérieux de la vie ? Aussi suivez-vous avec sûreté la voie

qui vous est tracée ; aussi voyons-nous chaque jour la précision

se substituer à l'à-peu-près dans votre diagnostic, tandis que

vous fixez judicieusement les indications du traitement, faisant

ainsi succéder la période rationnelle à la période du tâtonnement

et du hasard.

Au surplus, si le fonctionnement normal du cerveau et de la

moelle, si les maladies de ces organes recèlent encore quelques

problèmes non résolus, si en raison d'une science incomplète,

l'homme doit subir encore, sans défense utile, certains assauts de

la maladie, l'union des médecins neurologistes et aliénistes, dans

une étude commune, hâtera certainement la solution favorable.

Votre ardeur à chercher la vérité, Messieurs les médecins alié-

nistes, est égale à celle de vos collaborateurs, et je salue ici, à la

l'ois, les savants, les hommes de coeur dont les fonctions consti-

tuent un véritable sacerdoce, et qui honorent autant l'humanité

par leur dévouement, leur abnégation, qu'ils honorent la science

par l'éclat de leur savoir ou de leur enseignement.

Est-il rien de plus triste, de plus digne de pitié, que le sort

des malheureux que vous recevez dans vos asiles ' ? Mais est-il rien

de plus admirable, de plus consolant, que la sollicitude dont vous

les entourez ? Combien nous sommes loin, par la science, des con-

ceptions erronées que se faisaient de l'aliénation mentale, ou les

anciens qui l'attribuaient aux dieux, ou les populations du Moyen

Age terrorisées parles visions de l'au-delà et qui la mettaient sur

le compte du diable ! 1 Combien aussi, nous sommes loin, et heureu-

sement, des méthodes de traitement, inertie ou tortures inspirées

par de telles conceptions ! A Pinel, à Esquirol, a Aubanel, à Sauze,

368 SOCIÉTÉS SAVANTES.

à leurs disciples, la reconnaissance des générations qui les sui-

vront.

Honneur à vous, Messieurs, qui continuez l'oeuvre de science

et d'humanité ! Merci pour ceux auxquels votre expérience éclairée

rend quelquefois la raison, merci plus encore pour ceux que la

maladie, la maladie implacable a frappés pour jamais, devenus

objets inertes, repoussants ou redoutables, et auprès desquels

votre inépuisable bonté se manifeste comme un suprême témoi-

gnage de la solidarité dans la souffrance humaine...

Et voilà pourquoi, Messieurs, au nom de la généreuse popu-

lation de Marseille, éprise de tout ce qui est beau et grand, je suis

heureux de vous souhaiter la bienvenue parmi nous ! 1

M. Doutrebente répond, dans le discours suivant très

apprécié et coupé par de nombreux applaudissements :

Mesdames, Messieurs,

Le premier devoir du président du 10° Congrès de Médecine

mentale et de neuropathologie est de remercier, en votre nom, le

président du congrès d'Angers, M. le D1' Motet, qui après avoir

dirigé vos travaux l'an dernier avec tant de tact, de dignité et de

charme, a bien voulu étendre son action tutélaire à la préparation

et à l'organisation du Congrès actuel.

Je n'ignore point que de tels précédents sont redoutables et

faits pour intimider les plus vaillants; j'en fais aujourd'hui l'expé-

rience.

Appelé par vos suffrages à prendre la situation où M. leD1' Motet

a bien voulu me conduire et m'installer de sa main à l'étreinte

loyale et quasi paternelle, j'ose m'inspirer des exemples et des

conseils dont il fut prodigue à mon égard, en toute circonstance,

depuis trente années.

Pénétré de l'idée qu'on peut lui succéder sans songer à le rem-

placer, je me résigne à tenir le rôle modeste et relativement facile

d'un élève respectueux de la tradition et des exemples du maitre

incomparable dont vous appréciez tous les relations aussi agréables

que sûres et cordiales.

Que si, jusqu'à présent, nos Congrès annuels ont réussi au delà

de toute espérance, une grande part vous en revient assurément

mes chers collègues ; mais vous n'ignorez pas et j'estime avec

vous, que la réussite a toujours été préparée et assurée par les

dévoués secrétaires généraux que furent MM. Parant, Régis,

Giraud, Hospital, Mabille, Vernet et Petrucci.

Il en sera de même à Marseille où votre président a eu la bonne

fortune de rencontrer, comme secrétaire général, un excellent con-

frère et ami de la veille, le D1' Boubila ; il savait, en effet, qu'il

SOCIÉTÉS SAVANTES. 369

pouvait en toute sécurité escompter à l'avance, son activité, son

intiative, son influence locale, que le temps et l'ancienneté des

services rendus, dans le même lieu, procurent à ceux, qui comme

lui dévoués à leurs malades et aux intérêts de notre corporation,

contribuent aussi à en relever le niveau moral par la dignité de

leur vie.

Dans chaque région, nous avons toujours trouvé l'indispensable

cheville ouvrière du congrès, le secrétaire général ; mais il est

encore un élément de succès chaudement apprécié et que nous

savions également exister à Marseille ; je fais allusion, Mesdames,

au rôle gracieux que vous savez si bien tenir dans nos congrès et

que vous tiendrez ici avec le concours précieux de Mmc Boubila dont

je signale respectueusement la présence à cette séance d'inaugu-

ration.

Je ne sais, mes chers collègues, si vous avez souvenance d'un

toast porté, en un précédent congrès, à la maîtresse du médecin.

Vous vous rappelez certainement combien fut grande notre anxiété

pendant quelques minutes et avec quels soupirs de soulagement

nous accueillîmes le nom de cette maîtresse, c'était la Science,

c'est qu'on pouvait s'y tromper, on nous en connaît au moins une

autre avec laquelle Puissants et Ilumbles, doivent aujourd'hui

compter sinon flirter, c'est la Presse.

Disons tout de suite qu'elle nous fut toujours fidèle, qu'elle a

constamment pris soin d'annoncer nos congrès, de publier tous

les documents et les renseignements dont les congressistes pou-

vaient avoir besoin et qu'enfin, sans mesurer jamais le nombre et

l'étendue des communications, elle en a publié des comptes ren-

dus aussi attrayants qu'impartiaux. ,

Nous comptons sur vous, Messieurs de la Presse, comme vous

pouvez compter sur tous les membres du bureau pour vous faci-

liter les devoirs pénibles de votre profession, devoirs qui se conti-

nuent souvent aux heures où vous auriez bien le droit de vous dis-

traire ou reposer.

Mesdames, Messieurs,

Marseille n'est pas seulement la grande ville, la métropole indus-

trielle et commerciale où se font les grands échanges économiques

des produits récoltés ou manufacturés dans le nouveau et l'ancien

continent, le Nord et le Midi, l'Orient et l'Occident ; c'est aussi la

ville antique, riche en gloire et en souvenirs historiques, où les

arts, les sciences et les lettres sont cultivés avec un soin jaloux.

le n'en veux pour preuve que l'empressement que tous ici, admi-

nistrateurs, médecins ou corps élus ont mis à accueillir les congrès

scientifiques de l'avancement des sciences en 1891, de gynécologie

en 1898 et le nôtre enfin en 1899.

C'est qu'en effet, à Marseille, sans parler plus longtemps de ce

Archives, 2" série, t. VII. 24

370 SOCIÉTÉS SAVANTES.

qui n'est pas relatif à notre spécialité, nous trouvons dans le.passé

et le présent des hommes de science, dont le savoir et le dévoue-

ment ont contribué dans une large part à l'extension de notre

domaine scientifique et à l'amélioration du sort des aliénés.

Aubanel et Sauze, parmi ceux qui ne sont plus, attirent tout

d'abord l'attention et s'imposent à nos souvenirs.

Aubanel, né à Auriol (Bouches-du-Rhône) le .4 novembre 1811,

étant fils et petit-fils de médecin vint habiter Parisien 1833 pour

y étudier la médecine; interne des hôpitaux en 1836,il sollicita et

obtint une place dlinterne à Bicètre dans le service de Ferrus, à

l'époque où l'enseignement du maitre était recherché par un

grand nombre d'élèves, qui devinrent plus tard les chefs de service

dans les asiles d'aliénés de France dont Ferrus a.dirigé et surveillé

la création ou la réorganisation.

Initié par Ferrus à la pratique des maladies mentales, Aubanel

fut,en 1840 nommé médecin adjoint.du D1' Guiaud, qui seul jus-

qu'alors avait été chargé du service médical des hospices Saint-

Lazare et Saint-Joseph,.où étaient placés les aliénés de Marseille

et des environs.

La comparaison entre la condition des aliénésfà 131cètre et à la

ferme Sainte-Anne avec ce qu'elle était aux hospices Saint-Lazare

et Saint-Joseph, fut des plus pénibles pour Aubanel,; il en fut

révolté, indigné, et fut cependant assez heureux pour décider

l'administration des Bouches-du-Rhône à la création de l'asile

Saint-Pierre. Le Dr Guiaud ayant pris sa retraite, Aubanel fut

nommé médecin en chef du nouvel asile en 1843 et même, par

suite de la, terreur qu'inspirait au directeur Domadieu, le trans-

fert des aliénés d'un établissement à,l'autre, Aubanel fut directeur

intérimaire pendant la période d'installation, et ce n'est qu'après

avoir tout prévu, tout organisé et mis en marche, qu'il demanda

luirmeme à être relevé de ses fonctions de directeur en faveur d'un

homme qui sut s'inspirer de son exemple et de ses conseils.

En récompense de ses éclatants services, Aubanel était nommé

chevalier de la Légion d'honneur en 1852 ; secrétaire, puis prési-

dent de la Société de médecine de Marseille, il fut encore placé à

la tête du Comité médical des Bouches-du-Rhône, une oeuvre de

bienfaisance en faveur des médecins éprouvés par des revers de

fortune ou la maladie. Pour cette oeuvre Aubanel se dépensa

largement; il en était pendant sa vie le bienfaiteur anonyme et

pour que le bien qu'il avait fait fut continué après,lui, il légua à

ce comité médical une somme de 4.000 francs.

Les dernières années d'Aubanel furent pour lui terribles et par-

ticulièrement douloureuses, il eut le malheur de voir successive-

ment mourir ses deux filles, ce dont il demeura inconsolable. Enfin,

une plainte en séquestration arbitraire faite contre lui par un méde-

cin- de Marseille vint mettre le comble à ses chagrins. Un instant

SOCIÉTÉS SAVANTES. 371 Il

Aubanel sembla se raidir contre la mauvaise fortune, il porta la

question devant le' Conseil d'État qui, après en avoir délibéré, mit

la haute honorabilité d'Aubanel en dehors de toute atteinte. Le

23 janvier 1803, Aubanel, âgé de cinquante-deux ans seulement, fut

emporté par une' hémorrhagie cérébrale foudroyante.

i\Im0 Aubanel, en souvenir de son mari, a fondé sous ce nom un

prix triennal à la Société médico-psychologique de Paris. Si j'ai

exposé aussi rapidement la vie d'Aubanel, c'est à contre-coeur ; car

rien ne me paraissait plus facile à faire que l'éloge du savant, de

l'homme de bien et du fonctionnaire idéal, imbu des principes

éternels de vérité, de justice et de solidarité humaine; mais il m'a

semblé que ce qui avait été fait et d'une façon si' complète et si

remarquable, une première fois à Marseille en 1863 par Dr Barthé-

lémy et une'seconde fois à Paris, en 1876, par M. le Dr Motet, par-

lant au nom de la Société médico-psychologique, ne devait plus

être tenté sans porter atteinte au' souvenir a d'une existence faite

tout entière de volonté patiente, d'honnêteté, de droiture, où les

vertus domestiques transportées de lavie privée dans la pratique

de la médecine, semblent avoir également servi à se bien conduire

et à travailler bien ». (Motet, Éloge d'Aubanel.)

LeD''Thore, un ami de la première heure, a publié, lui aussi, une

esquisse nécrologique et une élude'sur les'travaux scientifiques

d'Aubanel, elle a paru en 1863 dans les Annales médico-psycho-

logiques ; on y trouve avec des considérations d'ordre supérieur

des indications pratiques en matière de médecine légale des

aliénés.

'Parmi les collaborateurs-d'Aubanel,-nous trouvons le D1' Sauze,

bien connu des médecins aliénistes de notre génération. Sauze

(Jehain-Victor-Alfred), est né à Marseille, le'16 janvier 1828 ;-son

père, homme d'une grande érudition, était chef de division à la pré-

fecture ; il consacrait ses loisirs à l'éducation et à l'instruction de

son fils, qui termina ses études secondaires au lycée de Marseille.

A vingt-quatre ans, Sauze, après du brillants examens, obtenait

son diplôme de docteur à la faculté de médecine de Paris et était

en 1852 nommé médecin adjoint à l'asile Saint-Pierre; il ne fut

nommé médecin en chef que dix-sept ans plus tard, c'est-à-dire

en'1869, à l'époque où il s'était créé à Marseille une brillante situa-

tion comme médecin des prisons, des postes, des douanes, et

comme secrétaire de la Société de médecine de'Marseille.

L'administration centrale, en le 'nommant un jour directeur-

médecin de l'asile de Chàlons, lui donna l'occasion de se rendre

indépendant en abandonnant la carrière pour laquelle il était si

bien préparé.

Placé en-congé illimité, il eut la générosité, pour déférer' aux

désirs de'l'administration, de faire pendant plusieurs années un

service quotidien'au quartier des'femmes de'l'asile Saint-Pierre.

372 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Pourvu du titre de médecin honoraire des asiles d'aliénés, Sauze,

qui n'avait jamais voulu quitter Marseille, où il était né et où il

s'était marié, fondait en 1876, au Canet, la première maison de

santé consacrée au traitement des maladies mentales et nerveuses;

son initiative et ses efforts furent couronnés de succès bien légiti-

mement acquis.

En 1878, Sauze devint adjoint au maire de Marseille en raison de

l'estime et de la considération générale dont il jouissait dans sa

ville natale, exception louable et toute en sa faveur. Les publica-

tions scientifiques de Sauze, trop longues à énumérer et étant

d'ailleurs bien connues de vous, mes chers collègnes, j'ai tenu à

vous en éviter la lecture ; je me contenterai de vous indiquer que

les faits observés par Sauze et les remarquables considérations,

cliniques qui les accompagnent sont de toute actualité, puisqu'il

s'est particulièrement préoccupé des rémissions déconcertantes qui

surviennent dans le cours de la paralysie générale confirmée et

surtout des paralysies progressives avec ou sans délire qu'on

observe de préférence dans la clientèle de ville et les hôpitaux

ordinaires, ajoutons enfin que son mémoire sur la stupidité

publié en 1854, contient en substance ce qui parait aujourd'hui sous

le nom de confusion mentale.

Le D'' Sauze mourait prématurément en 1884, à l'âge de cin-

quante-six ans, entouré de l'estime de ses concitoyens, de ses con-

frères de Marseille et de tous les aliénistes de Paris et de la pro-

vince ; l'homme privé a laissé des souvenirs inoubliables et des

amitiés non encore lassées ainsi que me l'a écrit le Dr Audiffrentet

me l'ont affirmé tant d'autres, qui m'ont vanté l'aménité de son

caractère, son esprit cultivé et primesautier et enfin ses sentiments

exquis de bonne confraternité.

Il ne reste pas seulement de Sauze des travaux scientifiques,

amis fidèles, il reste mieux encore, il reste des souvenirs et

des témoignages vivants, des parents, une fille, en tout point

digne d'un tel père et mariée à un grand industriel, chevalier de

la Légion d'honneur, bien connu et hautement apprécié dans le

tout Marseille ; c'est un remarquable représentant de cette caste, la

seule admissible de nos jours, la caste des hommes utiles.

Dois-je encore vous dire, mes chers collègues, qu'avec des savants

comme le regretté. Prosper Despine, on retrouve à Marseille un

élève direct et favorisé qu'Auguste Comte enleva à l'École poly-

technique pour lui faire étudier la médecine ; j'ai nommé le

D'' Audiffrent.

Vous parlerais-je du D'' Lachaux, un de nos doyens, élève de

Morel, dont ce dernier me parlait souvent et qu'il avait en grande

estime ; son fils, ancien interne des asiles de la Seine, a consenti à

prendre dans le comité d'organisation les ingrates fonctions de tré-

sorier. Je vous livre leurs noms en vous souhaitant de les connaître

SOCIÉTÉS SAVANTES. 373

pendant votre séjour à Marseille. Je n'oublie point le Dr Grenier,

qui, malade et alité, m'a exprimé tout le chagrin qu'il avait de ne

pas suivre vos travaux ; au nom de l'Association des anciens

internes des asiles de la Seine, je lui adresse les voeux les plus sin-

cères pour le prompt rétablissement de sa santé.

Je devrais peut-être aussi vous signaler tous nos confrères de

Marseille qui forment au comité d'organisation une escorte nom-

breuse, utile, précieuse et fort enviable ; mais je ne veux pas plus

longtemps mettre votre patience à contribution.

Monsieur le Maire,

Nous ne pouvons pas aujourd'hui, dans un congrès médical,

oublier que le maire de Marseille est un médecin, un confrère ;

nous savons tous qu'il apporte dans l'exercice de ses fonctions

municipales, avec les sentiments humanitaires, dont tout médecin

est imprégné, une grande élévation d'esprit, un grand amour de

la justice et qu'il s'efforce de réaliser les idées prédominantes

actuelles : la recherche du mieux dans l'amélioration du sort de

choqzie ciloyell.

Ces idées sont les nôtres, Monsieur le Maire, et nous les appli-

quons aux plus deshérités, aux plus incapables, aux êtres privés

du plus noble de nos attributs, la Raison.

Au nom du comité d'organisation et des membres du congrès,

nous vous prions, Monsieur le Maire, de recevoir et de faire agréer

aux conseillers municipaux de Marseille notre salut cordial et nos

sentiments de gratitude pour les témoignages d'intérêt que nous

avons reçu par votre généreuse intervention.

Monsieur le Préfet,

Je ne saurais trop vous remercier de l'empressement que vous

avez mis à nous faciliter l'organisation du Congrès actuel et de

l'accueil bienveillant que vous avez bien voulu faire au président

du congrès lorsqu'il vint à Marseille tâter le terrain, prendre pied

et entrer en relation avec les membres du comité d'organisation ;

vous avez aplani, par votre intervention, nombre de difficultés et

consenti, malgré la précipitation de nos démarches, à nous appuyer

et à rendre possible une tâche qui, tout d'abord, paraissait au-des-

sus de nos forces.

La plupart d'entre nous, venus de tous les points du territoire

français, sont des fonctionnaires dévoués aux institutions qui nous

régissent et sont très honorés de saluer en vous le représentant du

gouvernement de la République dans le département des Bouches-

du-Rhône.

Monsieur le Président du Conseil général,

Nous avons la mission bien agréable de vous exprimer notre

374 -il SOCIÉTÉS SAVANTES.

gratitude pour,la gracieuse et'importante subvention' qui nous a

été allouée par le Conseil général; cette délicate attention nous

démontre que vous vous intéressez aux travaux que nous pour-

suivons en commun, l'amélioration du sort des aliénés.

Recevez donc nos remerciements et1 veuillez faire agréer aux

conseillers généraux du département'l'hommage respectueux des

membres du .congrès.,

Monsieur l'Inspecteur général,

Monsieur le Ministre de l'Intérieur, qui s'intéresse toujours à

nos travaux, vous a désigné cette année pour le représenter à

Marseille, comme il l'avait déjà fait pour les congrès de la Rochelle

et de Toulouse.

Nous sommes enchantés de vous revoir au milieu de nous, cher

monsieur Drouineau, toujours aussi actif, prêta partager nos tra-

vaux et à nous prodiguer les bons conseils et les encouragements.

Et vous tous, mes chers collègues, adhérents du Congrès, au

nom du Comité d'organisation, recevez toutes nos félicitations ;

merci d'avoir répondu à notre appel, d'avoir compris qu'avec

l'intention bien arrêtée de travailler sans relâche à l'extension de

notre domaine scientifique, vous n'avez pas oublié que, pour tra-

vailler utilement, l'union est nécessaire dans toutes les corporations,

que le travail en commun s'impose souvent et qu'il a, en tout cas,

l'avantage primordial de nous présenter les uns aux autres, de

créer entre nous des relations suivies, de nous faire connaître et,

par suite, estimer réciproquement à notre juste valeur.

Puis, au nom du Gouvernement qu'il a mission de repré-

senter, M. le D'' Drouineau félicite les congressistes qui sont

accourus de tous les points de la France.

Le président, avant de lever la séance, annonce que la

prochaine réunion, aura lieu à 2 heures très exactement :

Formation du bureau, exposé du rapport du T)1 Anglade.

Séance du 4 avril (soir). Présidence DE-,)I : D6utriîbente.

La deuxième séance a eu lieu à 2 heures et sa première

partie a été occupée par là formation du bureau et la nomi-

nation des vice-présidents. M. le Dr Petrucci, secrétaire

général du Congrès d'Angers, a rendu ses comptes de gestion

et, en l'absence du D'' Motet, président du Congrès d'Angers,.

M. le D'' Ritti, ancien président, a présidé à l'installation du

nouveau président, M. le D'' Doutrebente.

Ont été nommés présidents d'honneur : M. le Ministre de

SOCIÉTÉS' SAVANTES. 375

l'Intérieur, M. Monod, directeur de l'Assistance publique,

M. le Dr Livron, directeur de l'École de médecine, M. le

Dr Kackenko, de Nijni-Novgorod, M. le D'' Martin de Juove,

Genève, etc.; vice-présidents : MM. les Dl', Manille, Audiffrent,

Rey et Maunier ; secrétaires des séances : MM. les Drs An-

theaume, Fenayrou et M. Caussa.

Une commission comprenant MM. Ballet, Ritti, Joffroy,

Régis, Arnaud, est également chargée de choisir les questions

mises à l'étude pour le prochain Congrès de 1901 et de désigner

les rapporteurs. Après une légère discussion, il est décidé qu'il'

est préférable d'attendre, pour désigner les sujets mis à l'élude,

la fin du Congrès international de 1900.

M. le Président adresse ses remerciements au D'' LivON,

directeur de l'École de médecine, qui a bien voulu avec tant

de bonne grâce et de cordialité, nous ouvrir toutes grandes

les portes de l'École de médecine. Au nom de tous les mem-

bres du Congrès, je lui adresse publiquement l'expressiomde

notre gratitude pour le service incomparable qu'il veut bien

nous rendre.

Sur- la demande de M. DOURSOUT, directeur médecin de

l'asile de Naugeat, Limoges est choisi pour-le Congrès de 1901.

La parole est ensuite donnée à M. le Dr Anglade, qui expose'

son rapport avec une grande clarté et beaucoup de précision.

DES DÉLIRES SYSTÉMATISÉS SECONDAIRES

111 : Anglade, rapporteur, a insisté sur les notions de pathologie

générale qui pouvaient aider à mettre un peu d'ordre dans une

question aussi complexe, cette question l'est certainement ; car,

les éléments de sa discussion se dispersent à travers la médecine

mentale tout entière. Bien plus, ces-éléments n'ont pas pour tout'

le monde la même valeur. Aussi, la variété des solutions qu'elle

a reçues n'est-elle peut-être que le résultat d'un malentendu.

Pour le faire cesser, il faut se placer assez haut, et regarder

d'assez loin pour embrasser, d'un même coup d'oeil, toute l'éten-

due du sujet. Faire de la pathologie générale ne s'appelle point'

faire de la psychologie pure. L'auteur a voulu faire de la-synthèse

clinique. Les opinions et les faits, discutés à la lumière de saines'

notions de pathologie générale, lui semblent perdre de leurobscu-

rité et il paraît'possible de se reconnaître même dans cette ques-'

tion des délires- systématisés secondaires. Elle peut se résumer-

376 SOCIÉTÉS SAVANTES.

sous forme de conclusions qui doivent servir de base aux discus-

sions du Congrès.

il existe des délires systématisés, développés sur des états secon-

daires aux principales formes d'aliénation mentale, notamment à

la manie, à la mélancolie, à la folie à double forme, aux névroses

et aux intoxications. La réalité clinique de ces formes psychopa-

thiques est admise par la majorité des aliénistes de tous les pays.

Dans notre psychiatrie même, où les délires systématisés secon-

daires ne sont pas en honneur, ils y sont cependant représentés

par le délire des négations, de conception essentiellement fran-

çaise. Mais on ne s'accorde pas sur le degré d'importance qu'il

convient de leur attribuer. 11 suffira de comparer l'opinion de

Krafft-Ebing, qui les considère comme des formes de démence, à

celle de Tonnini qui les assimile à la paranoïa. La vérité se trouve

peut-être entre ces deux opinions extrêmes.

1° Délires systématisés secondaires à la manie. Ils se manifes-

tent après un ou plusieurs accès de manie et se caractérisent par

la fixité d'une ou plusieurs conceptions délirantes. Ces idées déli-

rantes se systématisent faiblement et isolément. Elles ne s'asso-

cient jamais entre elles, se contredisent même souvent. Par leur

nature, elles représentent les préoccupations antérieures du

malade ou les idées délirantes nées pendant l'accès psychonévro-

tique. Cette systématisation rudimentaire s'effectue, non a la faveur

de la démence proprement dite, mais de la déchéance des facultés

d'association, de critique, etc. Les délirants systématisés post-

maniaques sont, le plus souvent, des mégalomanes dépourvus de

sentiments affectifs, de sens moral et social. Ils gardent leur

mémoire intacte, conservent leur activité physique, et s'ils arri-

vent à la démence, ce n'est qu'après être demeurés longtemps dans

un état stationnaire.

2° Délires systématisés secondaires ci la mélancolie. Ils sont, de

tous les délires systématisés, les plus importants et les plus nom-

breux. La mélancolie, sous toutes ses formes et à ses diverses

périodes, se complique de délires systématisés dont la systémati-

sation est quelquefois si parfaite, que le diagnostic entre la mélan-

colie et la paranoïa, présente des difficultés. En ne tenant compte

que des délires qui apparaissent secondairement à l'accès psycho-

névrotique, on peut les diviser en trois groupes :

A. Les délires systématisés post-mélancoliques représentant

une ou plusieurs des conceptions délirantes développées pendant

le stade psychonévrotique, qui survivent à la psychonévrose, quel-

quefois même aux troubles sensoriels dont elles sont l'interpré-

tation. Ces formes, les plus simples et les moins graves, pourraient

être, à la rigueur, considérées comme la suite naturelle d'un accès

psychonévrotique dont quelques-unes des idées délirantes s'attar-

dent et se systématisent avant la guérison. Nous sommes endroit

SOCIÉTÉS SAVANTES. 377 -1

de les considérer aussi comme des formes de transition entre les

mélancolies franches et celles qui aboutissent à des délires systé-

matisés secondaires plus parfaits et plus stables, avec d'autant plus

de raison que le passage de l'une à l'autre de ces formes s'observe,

chez le même malade, après plusieurs accès.

B. Les délires systématisés secondaires à la mélancolie et qui

prennent les allures des psychoses systématisées progressives. Ces

délires, dont l'existence ne saurait être mise en doute, offrent un

intérêt clinique considérable. Ils proviennent de la mélancolie et

tendent à rentrer dans le cadre de la paranoïa et ne sont, en

somme, à leur place ni dans l'une ni dans l'autre de ces maladies

mentales. En fait, ce sont des délires mixtes parce qu'ils résultent

de l'association, chez un même individu, des éléments de la para-

noïa et de ceux de la psychonévrose mélancolique. Comment

reconnaître la paranoïa, distinguer ce qui revient à la psychoné-

vrose ? Il faut s'entendre d'abord sur la valeur du terme paranoïa.

Il n'est pas synonyme de délire systématisé. Paranoïa veut dire :

une constitution spéciale éminemment favorable à l'éclosion d'un

délire systématisé qui en est le symptôme le plus fréquent mais

non constant. En des termes différents, cette constitution spéciale

est reconnue parlapresque unanimité des aliénistes. Ses caractères

sont : orgueil exagéré, méfiance excessive. Développement de

l'instinct de la conservation aux dépens de l'instinct social ; affai-

blissement de la faculté de jugement, de critique, etc... La para-

noïa est une anomalie psychique héréditaire sur laquelle germe,

sans môme une cause occasionnelle, un délire systématisé primitif.

La psychonévrose mélancolique est le résultat et la manifestation

d'une dégénérescence acquise. Celle-ci exerce sur l'individu une

influence dépressive qui vient se joindre aux effets de la dégéné-

rescence paranoïenne. L'association et la combinaison de ces deux

ordres de dégénérescence rendent compte de tous les faits de

délires systématisés secondaires post-mélancoliques. Si l'élément

psychonévrotique l'emporte sur l'état paranoïen, le délirant sera

plus mélancolique qu'orgueilleux. Il parlera comme un mégalo-

mane et réagira comme un mélancolique lorsque l'élément para-

noïen aura le pas sur l'élément psychonévrotique. Il est des cas

où les deux éléments se tiennent en balance. De la connaissance

parfaite du rôle de ces deux éléments, découlent le diagnostic et

le pronostic d'un délire systématisé post-mélancolique.

C. Un troisième groupe comprend les délires post-mélancoliques

caractère exclusivement dépressif. Le délire des négations en

est le prototype. Ces délires offrent des caractères communs. Ils

se manifestent, après plusieurs accès de mélancolie, chez des

sujets à antécédents héréditaires chargés. Les troubles de la sen-

sibilité générale et spéciale y occupent la première place. Ces

Roubles de la sensibilité correspondent évidemment à des altéra-

378 SOCIÉTÉS SAVANTES.

tions anatomiques du système nerveux périphérique et central. Le

délire interprète des sensations réelles. Ces altérations du système

nerveux sont peut-être la conséquence d'auto-intoxications. Leurs

caractères ne sont pas faits pour contredire cette manière de voir.

Il est possible que -les troubles viscéraux,, qui se rencontrent fré-

quemment au début des'psychonévroses mélancoliques, favorisent

la production des poisons organiques. Ces poisons frappent le sys-

tème-nerveux périphérique et central, créant des sensations péni-

bles dont l'interprétation constitue le délire. En sorte que la psycho-

névrose serait à la fois la cause et\le résultat des lésions nerveuses.

Jl faudrait alors faire intervenir, dans la production des délires

mélancoliques, un troisième élément : l'élément toxique. Car

l'élément paranoïen ne fait jamais défaut. Il explique la systéma-

tisation du. délire et : son évolution vers la transformation de la

personnalité. ·

3° Délires systématisés secondaires à 1(t folie à double forme. Les

délires systématisés affectionnent particuhèrementles formes inter-

mittentes de la folie. Cela est vrai aussi pour la folie à double

forme. On y a observé des délires de négation. Nous avons nous-

même rapporté l'observation d'un malade qui, après quelques

accès de mélancolie et de manie, est devenu un délirant systéma-

tisé. Et le délire empruntait ses caractères aux formes post-mania-

ques et aux formes post-mélancoliques.

4° Délires systématisés secondaires aux névroses et aux il2toxie(t-

tions. Les névroses sont une source de sensations pénibles. Ces

sensations, chez un sujet prédisposé, peuvent être le point de

départ d'un délire qui se systématisera d'autant mieux que

l'élément paranoïen sera plus accentué. Cela veut dire qu'un

délire systématisé, lié à une névrose, se reconnaîtra toujours aux

troubles de la sensibilité. Ceux-ci porteront le cachet de la névrose

dont ils dépendent. Les intoxications, l'alcoolisme, par exemple,

influencent le système nerveux périphérique, éveillent des sensa-

tions pénibles dont l'interprétation pourra donner lieu à un délire

systématisé. Mais, encore ici, le trouble sensoriel seul dépend de

l'alcoolisme. L'interprétation et la systématisation délirantes sont

fournies par l'appoint'paranoïen. Les mêmes considérations s'ap-

pliquent aux maladies viscérales, aux diathèses, etc. A'. MARIE.

M. Vallon proteste contre l'interprétation, que lui prête le rap-

porteur, de la pensée de Cotard au sujet du. délire des.négations.

Au contraire, il pense que Cotard ne considérait le délire des,néga-

tions que comme une phase de l'évolution du délire mélancolique,

il n'a pas dit que Cotard considérait ce délire comme une entité

morbide. De reste Cotard n'admettait pas un seul mais plusieurs-

délires chroniques. La. différence radicale quiisépare les délires

systématisés secondaires à à la manie et ceux consécutifs à la

SOCIÉTÉS' SAVANTES. 379

mélancolie, c'est que dans les premiers le. délire se réduit à

quelques idées,qui restent seules du délire primitif. Tandis que

chez les mélancoliques.il y a une véritable systématisation qui se

fait par une évolution lente et progressive..

Enfin, dans son-rapport, M. Anglade avance que l'École française

admet que le délire chronique évolue sur un terrain normal ; ceci

est l'opinion de M. Magnan et cette opinion a été vivement com-

battue à la Société médico-ps3cholbgique par MM. Bail, Falret,

Séglas, Doutrebente, M. le Dr Magnan ne représentant pas à lui

seul toute l'École ' française ; et même sur cette question itous-les

élèves de M. Magnan ne sont pas. d'accord avec leur maître. Ainsi

M. le Dr Legrain a établi que des délires systématisés progressifs

pouvaient évoluer sur des terrains dégénératifs, et ce faisant, il n'a

fait que mettre au point l'étal de la question.

M. Régis répond en quelques mots au rapport du D1' Anglade.

Son attention a été attirée depuis longtemps sur les délires systé-

matisés secondaires par l'examen des vieux mégalomanes des Asiles

dont beaucoup n'étaient que d'anciens maniaques. Il a signalé et

décrit sommairement dans son Traité des maladies mentales (2° édi-

tion, 1892), l'es délires systématisés secondaires post-maniaques et

post-mélancoliques, tels que les entendent les aliénistes étrangers ;

il n'est donc pas tout à fait exact, comme le dit M. Anglade dans

son historique, qu'a aucun moment, la question des délires secon-

daires n'a été envisagée en France jusqu'à ce jour.

La doctrine de la constitution paranoïenne des auteurs italiens,

que le rapporteur a clairement exposée et à laquelle il s'est rallié

au moins dans son principe, n'est encore qu'une pure théorie.

Elle rend l'explication des faits logique et facile, mais elle repose

essentiellement sur une hypothèse, celle d'une constitution spéciale

qu'il est difficile de reconnaitre par des signes précis avant la

manifestation. du délire.

Cette théorie même, .malgré son élasticité,. ne saurait expliquer

tous les faits. Contrairement à l'opinion du rapporteur et d'accord

en,cela.avec certains étrangers, Régis croit que les délires systé-

matisés post-maniaques sont plus fréquents que.le délire systéma-

tisé post-mélancolique. Il est important à ce point de vue de

distinguer les délires secondaires en précoces et tardifs. Les pre-

miers, ceux qui surviennent au bout de quelques semaines ou de

quelques mois, n'ont, en effet, ni les mêmes- caractères,, ni la

même gravité que ceux qui n'apparaissent qu'après plusieurs

années. Or, si,les précoces sont plus fréquents;après la mélancolie,

les tardifs, les plus typiques et les plus vrais pour lui, se ren-

contrent le plus souvent. après la manie. Une enquête faite sur les

vieux psychonévrotiques des asiles pourrait le démontrer.

Il existe pourtant des mélancoliques qui font du délire systé-

380 SOCIÉTÉS SAVANTES.

matisé secondaire après de longues années, mais ils sont rares.

Régis n'en a observé qu'un cas se rapportant à un prêtre, hérédi-

taire, qui, après un an de mélancolie franche, a commencé de mani-

fester des idées de persécution liées à des hallucinations multiples

et très actives et finalement des idées de grandeur, tout en conser-

vant un fonds mélancolique avec paroxysme aigu rappelant la

lypémanie du début.

Ce cas montre, ainsi que l'ont dit 111\I. Séglas et Anglade, que

les délires systématisés post-mélancoliques sont en rapport avec

des troubles sensoriels intenses. 11 prouve aussi que, contraire-

ment à l'opinion de Krafft Ebing, ces malades ne sont pas des

déments, carie sujet en question, à 60 ans d'ape, et après 30 ans

de délire, a pu, entre autres choses, apprendre et retenir une

langue étrangère.

En ce qui concerne le délire des négations, on ne saurait le

considérer comme constituant essentiellement un délire systématisé

secondaire, il est souvent, en effet, primitif, notamment chez ces

malades négateurs d'emblée dont a parlé le rapporteur, et qui

sous l'influence de l'auto-intoxication ou d'autres causes ont des

troubles gastro-intestinaux, de l'anesthésie viscérale, ou. même

des lésions du système nerveux. Ici, il est incontestable que le

délire des négations est primitif et qu'il a pour cause primordiale

et efficiente un substratum anatomo-pathologique dont la guérison

suffit à faire disparaître le trouble mental. Que devient, dans ce

cas, la constitution paranoïenne supposée nécessaire pour produire

de tels délires ?

Il existe également un délire systématisé secondaire à la confu-

sion mentale. Les auteurs étrangers qui l'ont signalé, ont surtoutvisé

les états passagers de confusion qui surviennent au début d'une para-

noïa le plus souvent à forme aiguë. Mais on observe aussi des délires

systématisés à la suite d'une confusion mentale vraie : les uns sont

de vrais délires vésaniques secondaires, tandis que les autres, les

moins connus, ne sont autre chose que des reliquats monoïdéiques

de ce véritable état second qu'est la confusion mentale tonique,

en tout point comparable aux idées fixes post-hypnotiques des

hystériques. La preuve en est, que, comme celles-ci, ces délires

peuvent disparaître par la psychothérapie et la suggestion. Ici

encore, nous trouvons un argument contre la conception trop

absolue de la constitution paranoïenne.

En résumé, M. Régis croit qu'il serait prématuré d'adopter, en

ce qui concerne les délires systématisés secondaires, une théorie

pathogénique définitive. Contenions-nous de constater que ces

délires existent bien, qu'ils peuvent survenir sous des formes et

dans des conditions différentes, après toutes les psycho-névroses

et même la confusion mentale. Pour l'instant il est bon de s'en

tenir là et de ne pas chercher à édifier quand même une concep-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 381

tion trop hypothétique. Restons fidèles à la méthode d'observa-

tion, à cette méthode anatomo-clinique, qui est la méthode fran-

çaise par excellence et qui a permis de réaliser tant de progrès

dans le domaine des maladies du système nerveux.

M. le D'' Lalanne (de Bordeaux) apporte une observation sur un

cas de délire systématisé secondaire consécutif à un état neuras-

thénique. Pour lui il n'y a pas de si grandes différences que l'on

croit entre la neurasthénie délirante et la mélancolie, d'un côté

c'est l'hypocondrie physique qui prédomine, de l'autre c'est l'hypo-

condrie morale. Il croit que des délires systématisés peuvent être

consécutifs à des obsessions, à des phobies, etc.

IlAtIEL et Vigouroux

Réception à l'Hôtel de Ville.

Le soir, à 9 heures, les congressistes ont été reçus à l'Hôtel

de Ville, luxueusement décoré et illuminé pour la circons-

tance, par M. le Maire et les membres du Conseil municipal.

M. Flaissières recevait lui-même les invités, ayant à ses

côtés le président du Congrès et M. Dubois, le sympathique

et distingué secrétaire général de la Mairie. Remarqué, parmi

la nombreuse assistance, la présence de :

MM. Floret, Préfet des Bouches-du-Rhône; Scllrameclc.

secrétaire général; Chanot, Président du Conseil général; 1

Eugène Fëraud, attaché au cabinet du maire; Causeret, ins-

pecteur d'aeadémie; le contre-amiral Besson, commandant

de la marine ; Bonnaud, commissaire central; Girard-Cor-

nillon, président de la Commission administrative du Bureau

de bienfaisance; Livon, directeur de l'École de médecine ;

Paul Gourret, directeur de l'Ecole de pêche; Edouard

Gourret, conseiller d'arrondissement du 2° canton : Schurrer,

conseiller d'arrondissement du 4° canton ; le De Mazade, ins-

pecteur des Enfants assistés; Bayle, conseiller d'arrondisse-

ment du 1er canton; Thourel, conseiller général; la plupart

des congressistes et nombre de membres du corps médical

de la ville. Le président du Congrès, M. Doutrebente a

remercié la municipalité.

111 ? rlaissières a fait les honneurs de la soirée avec une

bonne grâce aisée et charmante à laquelle tout le monde s'est

plu à rendre hommage. 1VI ? le et M. Flaissières méritent les plus

chaleureuses félicitations pour la brillante réception faite aux

congressistes, qui emporteront certainement un excellent sou-

venir de leur séjour dans la ville de Marseille.

382 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Journée du 5 avril.

Visite à l'asile d'aliénés de Saint-Pierre.

A 10 heures du matin, MM. Boubila et.Maunier, médecins

en chef de l'asile Saint-Pierre, secondés par M. Plaignard-

Flaissières, interne des. hôpitaux, par ses camarades et par

leurs externes, .recevaient les congressistes à l'asile, qu'ils

leur faisaient.visiter en- détail. Commencée par l'examen du

service des femmes, que dirige M. le )D' -Boubila, cette .visite

fort intéressante s'est terminée par't'examen du service des

hommes, placé sous la direction de M. le D1' Maunier.

M. Bresson, directeur administratif de l'asile, a eu l'obli-

geance de nous fournir les renseignements qui suivent sur

l'asile et son fonctionnement :

Population aliénée :

SOCIÉTÉS SAVANTES. 383

Service médical : .'

2 médecins en chef, à 8.000 francs,, logés, avantages en'.nature,

chauffage, éclairage. Un médecin adjoint, 2.600 francs, logé,

avantages en nature, chauffage, éclairage. Internes en méde-

cine,1 ? année 700 francs; 2° année 800 francs; 3° année, 900 francs;

logés, nourris, chauffés, éclairés. 2 externes, 500 francs, le repas

de midi. Un pharmacien en chef, 1.800 francs, logé, nourri,

chauffé, éclairé. 2 internes en pharmacie, 500 francs, logés,

nourris, chauffés, éclairés. Un secrétaire, 20 francs par mois.

le repas de midi ( partage son temps entre le service médical et la

recette).

Nous devons relever, d'une façon spéciale, l'existence

d'externes à l'asile de Marseille. Il y aurait un grand intérêt,

en attendant mieux, à avoir, même en plus grand nombre,

des externes dans tous les asiles voisins d'une Faculté ou

d'une École préparatoire de médecine. Il y aurait ainsi' moins

de médecins incompétents, en fait d'aliénation mentale.

Personnel DE surveillance (Hommes).

Un surveillant en chef, 3.100 francs, logé, chauffé, éclairé,

habillé. Un sous-surveillant en chef, 90 francs par mois, logé,

chauffé, éclairé, habillé et nourri.

88 surveillants infirmiers, de 20 à 45 francs par mois, logés,

chauffés, éclairés, habillés et nourris. Ils débutent à 20 francs.

Augmentations trimestrielles de 2 fr. 50 à 5 francs, suivant les. cas.

Personnel DE surveillance (Femmes).

Une surveillante en chef, supérieure des infirmières religieuses.

28 surveillantes infirmières de la Congrégation de Saint-Augustin.

L'indemnité allouée pour les religieuses, y compris la supérieure,

est de 200 francs par an, pour chacune.

78 surveillantes ou bonnes laïques débutant à 18 francs par mois.

Le maximum de salaire est de 35 francs.

Reposantes et reposants.

5 religieuses dont 3, retirées dans la maison-mère de la congré-

gation, reçoivent chacune de l'asile 300 francs par an. Les 2 autres,

logées, nourries, etc., dans l'asile, ne reçoivent aucune indemnité

en argent. 5 bonnes laïques, logées, nourries, etc., dans l'asile,

touchant par an 150 francs chacune, comme prix des quelques menus

services qu'elles rendent encore. 2 i hommes, j même situation,

touchent chacun,200'francs.

384 -il SOCIÉTÉS SAVANTES.

Aumôniers.

Aumônier catholique, 1.600 francs, logé, chauffé, éclairé.

Pasteur protestant; grand rabbin, chacun 200 francs.

D<)'6["<to ? ! S et-fétes. Spectacles; concerts ; fête du 1 Il. juillet;

fête de l'asile en octobre.

Permissions de sortie. De 1 jour à 8 jours; nombreuses et

fréquentes, principalement à Noël, le" j -,ttivier, jours gras, Pâques.

Pentecôte.

Chaque année un repas de gala est donné dans'la maison, aux

malades travailleuses (buandières, lingères, etc.). De même aux

malades travailleurs ; mais pour ceux-ci le repas a lieu à l'extérieur,

dans la banlieue.

Bibliothèque. Elle comprend plus de 500 volumes. Mais la

plupart sans intérêt pour la grande généralité des malades : ce

sont en effet des ouvrages d'histoire, de haute littérature,

de critique littéraire et de science. Les romans d'aventures sont les

plus lus, particulièrement ceux d'Alexandre Dumas; aussi faut-il

les renouveler souvent, car, au bout de peu de temps, ils nous

reviennent dans le plus pitoyable état. Il en est de même des jour-

naux illustrés. Les journaux de Marseille pénètrent librement

dans la maison.

Prix dejozi7, ? îée. - 1 fr. 30 pour le département des Bouches-du-

Rhône; t fr. 50 pour les autres départements.

Prix des pensions. Classe exceptionnelle 13 fr. 50 par jour;

4 ? classe 8 fr. 50 ; 2' classe 5 francs ; 3° classe 3 francs ; 4° classe

(régime commun) 1 fr. 50.

Balance du compte financier de 1898.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 385

2 heures, déposent tout le monde à l'embarcadère de la Com-

pagnie Chambon.

Le Salinier reçoit congressistes, invités et invitées qu'il

transporte, non sans certains incidents de traversée dont le

mistral et la houle sont les auteurs responsables, dans le

port du Frioul.

Reçus et guidés par M. Catelan, le très aimable et distingué

directeur de la Santé, les promeneurs s'initient aux mille

détails intéressants de l'installation sanitaire du port de

Marseille (Lazaret du Frioul),admirablement réorganisé depuis

quelque temps.

Quelques rafraîchissements sont offerts par M. Catelan et

acceptés avec plaisir, car il fait chaud ; puis l'on embarque à

nouveau sur le Salinier, qui ramène les congressistes en ville

en passant par l'lJstaclue et les bassins, leur permettant ainsi

d'admirer, après le magnifique panorama delà rade, le spec-

tacle de la vie commerciale de la grande cité phocéenne.

Punch de la Société médico-chirurgicale.

Le soir, à 9 heures, un punch était offert aux congressistes,

dans les salons Linder, par la Société médico-chirurgicale

de Marseille, dont le président, M. le D'' Arnaud, a porté de

façon charmante la santé de ses hôtes. Le président du

Congrès l'a remercié en ces termes :

Messieurs et chers confrères,

J'aurais voulu, pour répondre dignement au toast que le Prési-

dent de la Société médico-cinrurgicale vient de porter aux membres

du Congrès, que l'un des maîtres éminents, qui nous assistent et

nous entourent, ptît la parole en cette circonstance, n'ayant

d'ailleurs, pour le l'aire, d'autre titre que celui de Président du

Congrès que je tiens du libre suffrage de mes collègues; cela suffit

cependant, je le sais et j'en suis très fier.

En me désignant à ce poste d'honneur, mes collègues m'ont

comblé de joie et m'ont donné la plus haute marque d'estime ; je

me considère dorénavant comme largement récompensé de ce que

j'ai pu faire pendant toute ma carrière.

En faisant un retour sur moi-même, un examen de conscience,

il m'a semblé que ce qui m'avait désigné à leur choix, c'est sim-

plement parce que, en toute circonstance, j'ai tenu à me confor-

mer aux règles les plus strictes de la Déontologie médicale que je

résume ainsi : respect absolu des maîtres, confraternité pratiquée

Archives, 2" série, t. VII. 25

386 SOCIÉTÉS SAVANTES.

sans défaillance, encouragements, conseils et services rendus aux

jeunes dans la plus large mesure.

Je me suis conformé à ce programme et je ne cherche pas à en

tirer vanité, n'ayant eu qu'à suivre les exemples et la pratique de

mon grand-oncle Baillarger et de mon oncle Lunier ; c'était donc

simplement une tradition de famille à continuer.

Je lève mon verre en l'honneur du Président, le docteur Arnaud

et des Membres delà Société médico-chirurgicale de Marseille, et,

au nom des Membres du Congrès, je les remercie cordialement de

la belle et sympathique réception qu'ils viennent de nous offrir.

Nous sommes heureux de profiter de l'occasion pour

remercier vivement nos confrères marseillais de leur accueil

sympathique. B.

Séance du 6 avril. Présidence DE M. 1)oU1'(tEISI,1TE.

M. SIC[tD, à l'occasion de la lecture du procès-verbal et au sujet

de la discussion qui a suivi le rapport de M. Anglade, demande à

dire quelques mots sur certaines de ces formes délirantes mono-

iliéiqnes, que M. Régis classe dans les délires systématisés secon-

daires, consécutivement à la confusion mentale primitive aiguë, et

qui sont susceptibles d'un traitement efficace, par l'hypnose ou

une psychothérapie appropriée. Il croit qu'il ne s'agitdans ces faits

que de la persistance d'une idée fixe subconsciente, de nature

hystérique, telles que les travaux de MM. Haymond et Janet nous

l'ont fait connaître, idée fixe subconsciente qui peut persister pen-

dant un temps, du moins u la suite d'une confusion mentale primi-

tive, elle-même de nature hystérique, et prenant naissance à

l'occasion d'un état fébrile, d'une infection, d'une intoxication qui

développent l'hystérie chez certains sujets prédisposés.

PSYCHOSES POLYNËVm'nQUES

M. Dutil (de Nice) ayant été empêché de faire son rapport sur

les psychoses polynévritiques, M. le professeur Ballet fait, en ces

termes, un remarquable exposé de l'état actuel de la question :

M. Ballet. Lorsqu'en 1889 Ko'rsakofl' décrivit les troubles

mentaux accompagnant les polynévrites, un sentiment de surprise

accueillit cette opinion ; l'association de troubles cérébraux et

d'une lésion polynévritique parut singulière, mais bientôt la réa-

lité de cette conception fut mise en évidence par de nombreuses

observations. On s'aperçut même que Charcot avait entrevu cette

psychose, car dans ses leçons il faisait observer l'existence de

troubles amnésiques dans les polynévrites alcooliques. Cette am-

nésie n'était qu'une des formes de cette psychose dont aujourd'hui

SOCIÉTÉS SAVANTES. 387 I

on admet la multiplicité. Tout d'abord que faut-il entendre par

psychose polynévritique ? On doit comprendre sous ce nom des

troubles mentaux à physionomie clinique variée qui s'associent

d'habitude aux lésions et symptômes delà polynévrite et qui recon-

naissent toujours la même cause que la polynévrite elle-même.

En effet, les lésions névritiques et les lésions cérébrales produi-

sant les troubles mentaux ne sont que deux manifestations juxta-

posées souvent mais parfois isolées de la même origine. Cette

origine e=t d'ordinaire un agent toxi-intectieux qui peut produire

isolément soit les troubles polynévritiques, soit les troubles céré-

braux. Les formes cliniques de la psychose polynévritique peuvent

se ramener à trois groupes : Il Délires systématisés, idées fixes

consécutives à des rêves rappelant la physionomie du délire oni-

rique. Ils consistent en subdélire le soir, analogue au délire exo-

toxique (alcoolisme), en rêvasserie la nuit pouvant persister le jour,

rêveries objectivant l'intoxication de la cellule cérébrale. C'est dans

cette forme que l'on observe les délires systématisés dont nous a

parlé 111. Iégis. Ils ne méritent peut-être pas le nom de systématisés,

mais ce ne sont pas non plus les idées subconscientes dont nous a

entretenu M. Sicard. Il reste dans la conscience une idée fixe dont

le point de départ se retrouve dans un rêve. Exemple : un homme,

après une fièvre typhoïde avec délire pendant la convalescence, a

conservé de son rêve délirant la seule idée qu'il est décoré et qu'il

a rapporté des richesses du Tonkin. Il raconte comme un roman

vécu ce roman rêvé, et cependant il ne présente aucun symptôme

d'hystérie. 2° La deuxième forme clinique est la confusion men-

tale dans sa forme classique avec association vicieuse des idées,

insuffisance de la perception, apparence de dépression mélan-

colique, excitation maniaque, allure stupide, etc., qui peut durer

de quelques jours à quelques années et même se terminer par la

démence. 3° La troisième forme est la forme amnésique : altération

mentale, accompagnée ou non de délire, amnésie singulière,

différente des autres amnésies (paralytiques généraux, vésaniques,

séniles, amnésies pures avec conservation de la logique, et associa-

tions normales des idées, c'est-à-dire des souvenirs existants; pas

de défectuosité dans le raisonnement si on ne fait appel qu'aux

événements du moment. Ces trois formes cliniques se confondent

souvent et forment des variétés intermédiairas très nombreuses.

Quelle est maintenant la palhogénie de pareils troubles ? Il est

évident que ces troubles sont d'origine toxique (toxi-infectieux,

endo-toxiques, exotoxiques). Ils accompagnent les polynévrites

consécutives aux fièvres typhoïdes, à l'alcoolisme, etc. Ils sont la

conséquence de l'empoisonnement de la cellule. Mais il semble que

ces troubles ne devraient durer qu'autant que les toxines agissent

sur la cellule et qu'une fois ces dernières éliminées, ils aient dû

disparaître. L'observation journalière prouve le contraire et

388 SOCIÉTÉS SAVANTES.

a priori, on pouvait induire que ces toxines avaient causé une alté-

ration matérielle non réparable du jour au lendemain, si tant

est qu'elle soit réparable complètement. Ces lésions existent-elles ?

On les a recherchées et jusqu'en 1896 on avait décrit l'oedème de

la pie-mère, les congestions des méninges, des altérations pigmen-

taires des cellules, mais on n'avait pas trouvé la véritable lésion

cérébrale. M. Ballet a eu la bonne fortune de trouver trois cas de

polynévrites présentant des délires oriniques et dont il a pu exa-

miner histologiquement les lésions. L'examen des nerfs décela

les lésions banales de la polynévrite : dégénérescence wallérienne,

segmentation du cylindraxe, etc...; l'examen de la moelle et du

cerveau (lobule paracentral) montra les mêmes altérations cellu-

laires. Ces lésions cellulaires présentent trois grands caractères :

déformation des cellules, déplacement du noyau vers la périphérie,

déplacement qui peut aller jusqu'à la projection hors de la cellule

et chromatolyse. Ces lésions limitées aux grandes cellules pyrami-

dales sont les mêmes que celles produites dans la moelle par la

section d'un nerf périphérique (Nissl, Marinesco, Dutil et Ballet).

M. BALLET fait voir ces lésions par de nombreuses et très belles

projections. Une seconde question se pose, plus délicate, c'est de

savoir si la substance toxi-infectieuse a déterminé les lésions en

agissant directement sur la cellule parla réaction à distance sur

le cylindraxe. Les expériences de Marinesco, de Ballet et de Faure

ont montré que la cellule cérébrale se comporte comme la cellule

médullaire vis-à-vis des nerfs. Les cellules cérébrales s'atrophient

sans qu'on puisse dire cependant si le processus est le même et on

ne peut actuellement se prononcer avec certitude sur le fait de

savoir si la lésion cérébrale est primitive ou secondaire. Cette

seconde hypothèse est la plus vraisemblable : si la toxine a une

affinité spéciale pour le cylindraxe, elle l'aura également pour la

fibre blanche. On peut donc dire qu'il existe des lésions cérébrales

dans les psychoses polynévritiques. Existent-elles toujours ? Non.

M. Ballet, dans certains cas, n'a pas trouvé de lésions cellulaires.

Dans un cas, dont il donne l'observation, la mort du sujet avait été

accidentelle et rapide; peut-être la cellule qui pourtant avait souf-

fert, n'avait-elle pas eu le temps d'être altérée profondément.

En résumé, ces lésions ont une grande importance au point de

vue de la conception des maladies mentales. Peul-être arrivera-t-on

par la connaissance plus profonde des lésions histologiques des

cellules cérébrales à diviser ces maladies en deux grandes caté-

gories : 4°les psychoses accidentelles, comprenant toutes les intoxi-

cations cérébrales y compris même la paralysie générale ; 2° les

psychoses constitutionnelles dues à un défaut non encore connu de

développement ou d'organisation de la cellule. Peut-être cette

conception ferait-elle descendre la médecine mentale où l'a placée

la métaphysique, mais elle n'a rien à y perdre.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 389

M. Vallon rappelle, à propos des idées fixes observées au cours

de la psychose polynévritique, que des symptômes du même genre

se rencontrent dans l'alcoolisme subaigu. Alors que tout le délire

a disparu, seule une idée délirante persiste. Ces faits ne sont pas

rares et il en a observé lui-même un cas typique. Baillarger avait

déjà signalé ces faits et les comparait aux îlots qui subsistent après

la désagrégation d'une couche de glace.

M. Régis a été heureux d'entendre M. Ballet adopter sans res-

triction les caractères cliniques du délire onirique, caractères

qui se reproduisent dans les délires hystériques et post-hypno-

tiques. 11 s'agit bien là de délire post-infeclieux et non de délire

hystérique. C'est la meilleure réponse à faire à M. Sicard. L'hys-

térie n'a pas le monopole de ces idées fixes plus ou moins

systématisées : l'hystérie ne doit pas envahir toute la pathogénie

des délires infectieux et toxiques. Il serait peut-être plus logique

de renverser les termes et de comprendre les états hystériques

parmi les états infectieux ou toxiques.

M. Régis accepte complètement la distinction que fait M. Ballet

entre les délires toxiques et les délires vésaniques, accidentels et

constitutionnels. Il ne pense pas qu'il y ait une différence fonda-

mentale entre les trois variétés de délires qu'il indique dans la

psychose polynévritique, ces trois délires ne sont que les variétés

d'une même espèce clinique : la confusion mentale avec son symp-

tôme fondamental : l'amnésie.

11 trouve également que la psychose polynévritique est très mal

nommée, car il existe des psychoses polynévritiques en l'absence de

toute polynévrite. Il a cité un de ces faits d'apparence paradoxale

au Congrès de Clermont : la psychose polynévritique s'était mani-

festée plusieurs mois avant les symptômes de pol névrite. Polyné-

vrite et délire sont deux symptômes non fatalement associés d'une

même infection.

Il en est de même des psychoses post-éclamptiques : ce sont

des psychoses qui peuvent survenir en dehors de toutes manifes-

tations éclamptiques. Les psychoses post-éclamptiques ou polyné-

vritiques n'ont aucun caractère clinique spécial, ce sont des

psychoses infectieuses, elles ont les mêmes symptômes que les-

délires de la lièvre typhoïde, etc.

A Moscou, M. Joly (de Berlin) a proposé d'appeler la psychose

polynévritique, maladie de Korsakoli'. Cette dénomination n'est

peut-être pas très juste, puisque nous venons de montrer que cette

psychose n'est pas une entité morbide, mais bien un syndrome lié

à un état infectieux.

Le D1' Anglade demande à poser quelques questions à M. Ballet

à propos des lésions cellulaires qu'il a décrites.

Quel est le degré de spécificité que M. Ballet attribue aux divers

390 .SOCIÉTÉS SAVANTES.

ordres de lésions qu'il nous a décrites comme formant un subs-

tratum anatomique aux psychoses polynévritiques ? La chromato-

lyse semble indiquer seulement la disparition d'un aliment de

réserve de la cellule. La déformation de celle-ci est plus impor-

tante sans doute et résulte de la destruction de la trame achroma-

tique, expansion~du cylindraxe. Cette lésion est importante sans

doute, mais elle s'observe dans un grand nombre d'affections

mentales, notamment dans la paralysie générale, dans l'épilepsie,

l'éclampsie. M. Ballet pense-t-il que ces lésions suffisent à expliquer

les psychoses polynévritiques' ?

M. Ballet, répondant à M. Anglade, admet avec lui que les gra-

nulations chromatophiles ne sont pas des éléments de réserve.

C'est la trame fondamentale de la cellule qui a la plus grande

importance, mais on n'est pas encore en possession d'un moyen

permettant de reconnaître des lésions de cette trame. La chroma-

tolyse constatée indique seulement que la cellule a souffert; il

est impossible de définir le rôle des diverses intoxications dans

les lésions qu'il a constatées dans les cellules. Des causes multi-

ples peuvent les produire.

Polyezévi,iqzte post-iiiflite2zzique.

M. le D'' L.1AROBSSINIE. Il y a quelque temps, j'étais appelé en

consultation, par un de mes confrères, auprès d'une malade qui,

après une attaque d'influenza, présentait, disait sa famille, des

symptômes de paralysie. Le début de l'attaque d'influenza remon-

tait à deux mois environ : 11 ? 1... avait été gravement atteinte;

elle avait eu une pneumonie, des troubles gastro-intestinaux et,

disait-elle, n'avait jamais pu se remettre entièrement. Elle raconte

qu'une quinzaine de jours après la disparition des accidents thora-

ciques, alors qu'elle souffrait encore beaucoup de l'appareil digestif,

elle avait éprouvé, dans les membres inférieurs, des fourmilla-

ments, des douleurs ; elle se sentait un peu faible sur ses jambes ;

elle se plaignait maintenant de ressentir les mêmes symptômes

dans les membres supérieurs.

L'attaque d'influenza avait duré un mois et demi environ et

c'est au moment où la malade se sentait mieux que les troubles,

dont j'ai parlé ci-dessus, ont apparu.

Il serait évidemment trop long et fastidieux de présenter une

observation faite jour par jour, je résumerai donc autant que

possible :

Quand nous voyons 111 ? X..., elle se plaint surtout de ce qu'elle

appelle une très grande fatigue. La marche est pénible ; il me

semble, dit-elle, que les mouvements de mes bras se font moins

facilement. Ces quelques indications, quoique devant faire penser

SOCIÉTÉS SAVANTES. 391

évidemment à l'existence d'une névrite, n'étaient pas suffisantes

pour que je pusse porter un diagnostic certain.

Peu à peu, les accidents s'aggravèrent : quatre mois après le

début de l'influenza, quand on plaçait la malade dans une position

horizontale, le pied se plaçait en extension ; son bord externe est

abaissé et les phalanges fléchies les unes sur les autres et sur le

métatarse. La démarche devint celle du stepper, signalée par

Charcot. Il y avait, en réalité, paralysie des fléchisseurs, coïnci-

dant avec celle des extenseurs des orteils.

Il devint impossible à Mmo X... de mouvoir les orteils, de relever

le bord externe du pied; il lui était très difficile, pour ne pas dire

impossible, de fléchir le pied sur la jambe. Le pied était ballant

sur la jambe, quand on saisissait cette dernière et qu'on la

secouait. Peu à peu, les muscles de la partie antérieure de la

cuisse furent pris à leur tour ; la marche devint alors absolument

impossible. Aux membres supérieurs, les extenseurs anti-brachiaux

furent aussi envahis, entraînant les accidents ordinaires ; les doigts

finirent par se fléchir dans la paume de la main et l'on dut prendre

des précautions pour que les ongles ne produisissent pas d'ulcé-

rations.

Les muscles de la partie antérieure du bras se prirent à leur

tour, puis les grands dentelés, les grands dorsaux, les rhomboïdes

et les angulaires. Le bras finit par être appliqué contre le tronc et

les mouvements devinrent impossibles.

Rien ne put arrêter l'évolution du mal et la malade, qui restait

sur un fauteuil, fut obligée de s'aliter, car les muscles du tronc

furent atteints à leur tour.

11 ? ... avait, bien entendu, perdu son centre de gravité et pré-

sentait une incurvation de la colonne vertébrale par laquelle, ainsi

que l'a signalé Duchenne, elle cherchait à remédier au défaut de

stabilité ; mais bientôt elle dut, ainsi que nous le disons, rester

dans la position horizontale. Enfin, les muscles du cou furent

atteints ; cela est, on le sait, très rare. Chez la malheureuse ma-

lade dont je rapporte l'histoire, les extenseurs de la tète furent

véritablement détruits, à tel point que la tête se fléchissait sur la

poitrine et que pour la soutenir dans la position normale, on fut

obligé de faire passer sur le front une serviette, qui était fixée à

un crochet planté dans la muraille, derrière le lit de M"10 X...

Du côté de l'appareil de la vision, elle eut du strabisme interne

de l'oeil gauche; donc, paralysie du droit externe. De plus, nous

avons constaté l'existence du signe d'Argyll Robertson.

Nous attirons l'attention sur la présence de ces symptômes, dont

nous discuterons la valeur tout à l'heure. Enfin, il y eut un affai-

blissement marqué de la vision. Du côté de l'appareil digestif, il

se produisit une parésie du voile du palais; la déglutition était

difficile, sinon impossible, car il n'y eut jamais paralysie complète.

392 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Rien à l'estomac, ni aux intestins. Du côté de l'appareil urinaire,

il y eut aussi de la parésie peu prononcée de la vessie ; le cathété-

risme ne fut jamais nécessaire.

Quant à l'appareil respiratoire, la malade avait de la dyspnée,

dès qu'elle essayait de faire un mouvement quelconque ou dès

qu'on la remuait ; au repos, rien d'anormal ne se produisait. Ce

n'est que dans les grandes inspirations que l'on constatait les

symptômes indiqués par Duchenne (dépression de l'épigastre et

des hypocondres, au moment de l'inspiration, et dilatation de la

poitrine; mouvements opposés pendant l'expiration). Il y avait

donc parésie du muscle et non paralysie. Bien entendu, il y eut

atrophie musculaire ; la main se présentait sous le même aspect

que dans l'atrophie musculaire progressive, type Aran-Duchenue.

Mm0 X... se plaignit au début, ainsi que nous l'avons dit, de

fourmillements dans les membres et aussi d'une sensation de froid

presque continue; un peu plus tard, elle eut des crises doulou-

reuses qui duraient souvent plus de vingt-quatre heures et qui

étaient surtout localisées sur le trajet des nerfs.

Ces douleurs siégeaient principalement aux membres supé-

rieurs ; elles étaient lancinantes et d'une violence telle -qu'elles

arrachaient des cris à la malade, qui ne pouvait supporter le

moindre contact. Cette souffrance atteignait aussi les membres

inférieurs, mais elle était moins intense.

En ce qui regarde la sensibilité, la malade percevait le contact

d'un corps appliqué surlapeau, déterminait le siège de ce contact,

mais n'appréciait pas l'intensité d'une pression ou d'une traction

exercée sur les téguments. La température des objets était mal

ressentie ; pas de dissociation de la sensibilité. Pas de réflexe

plantaire; abolition des réflexes tendineux.

Iu° 1... présente aussi des troubles mentaux graves ; presque

dès le début de son mal, elle était anxieuse : « J'ai peur, disait-

elle, et je ne sais pourquoi. » Pas d'agitation, mais des halluci-

nations de la vue : elle voyait des sphères de flammes, des êtres

-informes, disait-elle.

Peu à peu, il se développa une véritable confusion mentale; la

malade parlait, sans qu'on put établir de lien entre ses phrases;

elle ne répondait que très mal aux questions posées. Amnésie,

absence absolue de volonté; la malade tombait dans un véritable

état de stupeur. Huit mois après le début des accidents, I ? Y...

présenta, du côté des appareils respiratoire et circulatoire, des

phénomènes caractérisés par de la lenteur des inspirations, avec

augmentation de durée de la pause respiratoire ; des palpitations

cardiaques très vives; de la dyspnée; puis, se développa une con-

gestion pulmonaire ; enfin, brusquement une syncope vint clore

la scène et la malade succomba. Les pneumo-gastriques, ou du

moins leurs noyaux d'origine, avaient été atteints.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 393

Telle est donc l'histoire résumée de la maladie qui a frappé

notre cliente. Avions-nous affaire à une névrite alcoolique ? Ainsi

que nous l'avons dit plus haut, si les membres supérieurs et les

membres inférieurs étaient envahis, les premiers semblaient plus

frappés, puisque les douleurs étaient beaucoup plus vives à leur

niveau. La motilité était plus atteinte quela sensibilité; cependant,

on trouvait chez notre malade certains symptômes qui pouvaient

faire penser à l'existence de l'alcoolisme : ainsi le steppage,

l'amyotrophie, la paralysie d'un des muscles du globe oculaire,

les troubles psychiques. -Toutefois, j'acquis la conviction que

jamais )1-0 X... n'avait présenté des signes d'intoxication éthylique.

Le confrère qui, avant moi, lui avait donné des soins et qui était

son médecin depuis de longues années, était absolument affirma-

tif sur ce point. Pendant son attaque d'influenza, on n'avait pas eu

recours aux boissons alcooliques ; il ne pouvait être non plus

question de névrite saturnine, ni de névrite diphtérique.

Dans la névrite lépreuse, on retrouve certains des symptômes

que nous avons signalés chez notre malade, tels que l'atrophie

des éminences thénaret hypothénar, la griffe Aran-Duchenne, etc.

Mais rien n'était en faveur de cette maladie, qui d'ailleurs. une

durée beaucoup plus longue, durée se comptant par des années

(vingt ans et plus). Bien entendu, nous n'avons pas songé au béri-

béri. Une question se posait :

Avions-nous affaire à une névrite d'origine périphérique ou à

une affection de la moelle ? Chez notre malade, les membres para-

lysés n'étaient pas flasclues, ainsi qu'on l'observe d'ordinaire chez

les polynévritiques ; pas d'exagération des réflexes tendineux, au

contraire; pas de trépidation épileptoïde du pied; pas de dé-

marche spasmodique, mais du steppage. Donc, raisons pour et

contre la polynévrite, mais certainement pas de paraplégie spas-

modique.

Nous trouvions-nous en présence d'une paraplégie flasque ? Il

n'y avait pas d'anesthésie marquée ; pas de syndromes de Brown-

Sequard (hémiparaplégie avec anesthésie croisée) ; pas de troubles

de la vessie et du rectum ; pas d'eschares de la région fessière ou des

talons; la sclérose en plaques devait évidemment être abandonnée.

Avions-nous affaire à la poliomyélite antérieure aiguë ? Cette

affection se développe souvent à la suite d'une maladie infectieuse ;

mais le mode de début de cette poliomyélite est brusque, ce qui

est rare dans la névrite périphérique .

Dans la poliomyélite antérieure, la paralysie laisse souvent in-

demmes les extrémités des membres et il est rare que les nerfs

crâniens soient frappés, au contraire de ce qui arrive dans la

névrite. L'exploration électrique nous dévoila l'existence de la

réaction de dégénérescence, mais elle ne nous servit pas pour faire

notre diagnostic entre la poliomyélite antérieure aiguë.et la névrite,

394 SOCIÉTÉS SAVANTES.

car aucun des muscles atteints ne recouvra sa motilité volontaire.

Dans la poliomyélite antérieure les douleurs sont moins vives

que dans la névrite. Chez notre malade, il y avait de l'oedemedes

membres, ce qui se voit souvent dans la polynévrite et pas de

coloration violacée ni d'abaissement de la température, comme

dans la poliomyélite antérieure. D'un autre côté, il y eut des

troubles psychiques, ce qui ne se voit guère dans la poliomyélite.

J'écarte également le diagnostic de sclérose latérale amyotro-

phique et la syringomyélie.

Je devais évidemment songer a l'existence du tabes. En faveur

du tabes, je me trouvais en présence des symptômes suivants :

sensation d'engourdissement, de fourmillement sur le trajet du

cubital, puisque, ainsi que je l'ai dit, les nerfs de l'avant-bras se

trouvèrent pris ; signe d'Argyll Robertson, paralysie de la sixième

paire, enfin certains symptômes du côté du pneumogastrique.

En faveur de la névrite périphérique, j'avais la douleur provo-

quée par la pression surles troncs nerveux et la masse musculaire,

la réaction de dégénérescence, la paralysie, l'amyotrophie, la

position du pied, le steppage, de la maladresse dans les membres

supérieurs au début, de l'oedème des membres inférieurs, de l'af-

faiblissement de la vision, atteignant les deux yeux, des troubles

psychiques qui ne ressemblent en rien à ceux qui se montrent

dans l'ataxie locomotrice, quand elle s'accompagne de méningo-

encéphalite ; enfin, le tabes a une durée beaucoup plus longue que

le mal qui avait frappé notre malade. Pour toutes ces raisons,

nous conclûmes que nous avions affaire à une polynévrite, mais

cette polynévrite était-elle seule ou associée à une autre affection .'

En effet, les membres inférieurs furent les premiers atteints.

puis les membres supérieurs et, enfin, le tronc et la partie supé-

rieure du corps. Il est bien difficile d'admettre qu'il y ait eu

une névrite ascendante à la fois dans tous les nerfs malades. Il

semble, je crois, qu'il y ait eu aussi myélite ascendante, et nous

aurions l'association d'une myélite et d'une polynévrite d'origine

interne. Au sujet de la polynévrite, nous devons dire que nous ne

croyons pas devoir lui attribuer les accidents psychiques que nous

avons signalés.

Les maladies infectieuses produisent souvent des phénomènes

semblables et les psychoses que l'on observe dans de tels cas

affectent surtout la forme de la confusion mentale ; pour notre

part, nous ne comprenons guère qu'une polynévrite pût à elle

seule déterminer des troubles cérébraux, et quand on lit les ob-

servations de psychoses polynévritiques qui ont été publiées, on

s'aperçoit que le malade a été victime d'une intoxication ou d'une

auto-intoxication. Nous croyons que c'est encore ici la maladie

primitive qui est la cause de tous les accidents.

Nous nous sommes trouvé en présence d'une maladie infectieuse

SOCIÉTÉS SAVANTES. 395

qui a atteint non seulement les nerfs, mais encore et surtout les

centres. Nous ne nous dissimulons pas que l'absence d'examen

post mortem constitue une grave lacune dans notre observation ;

mais, comme il arrive presque toujours pour les malades de la

ville, la nécropsie fut refusée par la famille. Il nous a semblé néan-

moins qu'il serait peut-être intéressant d'apporter notre contribu-

tion il l'étude des accidents nerveux de l'influenza : c'est pourquoi

nous avons eu l'honneur de vous soumettre ce travail.

Un cas de tremblement segmentaire dans la sclérose en plaques.

M. Grasset (de llontpellier). Quoique déjà fort avancée et

richement documentée, l'histoire de la distribution mélamérique

ou segmentaire des symptômes nerveux ne parait pas achevée.

Cette étude a principalement et à peu près exclusivement porté

sur les symptômes trophiques, comme les zonas et certaines der-

matoses, et sur les troubles sensitifs, tels que les anesthésies, to-

tales ou dissociées. Mais les symptômes moteurs ont été bien moins

étudiés au point de vue de leur distribution mélamérique ou seg-

mentaire. C'est sur cette lacune que je voudrais attirer l'attention

des cliniciens en relatant d'une manière sommaire un cas de trem-

blement à distribution segmentaire chez une femme de quarante

ans atteinte de sclérose en plaques.

La maladie a débuté, il y a deux ou trois ans, par des vertiges.

Puis sont survenues une impotence de la jambe gauche avec

raideur, une liémianesthésie gauche et un tremblement du bras

droit. Plus Lard, la parole devient et reste scandée, spasmodique,

monotone. Le tremblement, tout en étant toujours beaucoup plus

marqué au bras droit, s'étend, notamment à iatëte qui, lorsqu'elle

n'est pas appuyée, est agitée de mouvements de oui, de non et de

latéralité. Dans les membres gauches 1 hémiauesthésie a disparu,

il y a un tremblement intentionnel (moins marqué qu'à droite) et

surtout une diminution de la force musculaire avec atrophie de

certains muscles; en outre, attitude du pied en équin, douleurs

spontanées et à la pression des troncs nerveux, exagération des

réflexes tendineux ainsi que diminution de l'excitabilité faradique

et galvanique sans réaction de dégénérescence.

Le tremblement du membre supérieur droit, qui seul nous inté-

resse ici, est nettement intentionnel ; il n'apparaît jamaisau repos.

Quand on ordonne le mouvement classique de poiler le verre à la

bouche, de boire et de répéter l'acte, la malade tremble beaucoup;

elle tremble de plus en plus si l'on déplace le verre et qu'on rende

plus long et plus difficile l'acte de le saisir. Une fuis le verre bien

saisi, elle le porte à la bouche sûrement, sans trembler, et, même

en répétant cet acte une série de fois, elle le fait correctement.

.Mais si, le verre étant près de la bouche, elle cherche à faire les

396 - SOCIÉTÉS SAVANTES.

mouvements nécessaires pour boire, le tremblement reparaît; Il

augmente si l'on fait répéter cet acte particulier, non de porter le

verre à la bouche, mais de le vider.

Il est aisé d'analyser cette particularité qui, tout d'abord ferait

croire que le signe classique de la sclérose en plaques n'existe pas

chez notre malade, puisqu'on somme elle porte correctement un

verre à la bouche.

En réalité, elle a le tremblement intentionnel de la sclérose en

plaques avec ses caractères classiques ; toutefois, ce tremblement

est limité aux mouvements des doigts et de la main sur Pavant-

bras, de sorte qu'il apparaît nettement quand ces mouvements

interviennent pour saisir le verre ou pour le vider; mais il ne se

montre pas du tout lorsque, le verre une fois saisi, les mouvements

de l'avant-bras et du bras interviennent seuls pour porter le verre

de la table à la bouche. De même, la malade est incapable, à

cause du tremblement, d'enfiler une aiguille, de coudre, d'écrire;

mais, si on lui immobilise le poignet et les doigts sur un crayon,

elle trace bien une ligne horizontale droite, à la condition de ne

mouvoir que le coude et l'épaule.

En somme, il s'agit ici d'un tremblement segmentaire, en gant,

ce qui n'est ni classique ni fréquent dans la sclérose en plaques.

A ces deux points de vue, le tremblement de notre malade est

l'opposé du tremblement classique de la sclérose en plaques. Au

lieu d'être massif, il est segmentaire et, au lieu de porter sur la

racine du membre, il en affecte exclusivement l'extrémité. A cela

on pourrait objecter que cette femme n'est qu'une hystérique et

n'a pas de sclérose en plaques. Je reconnais que l'hémianesthésie

transitoire et l'émotivité de la malade pourraient faire penser à

l'hystérie. Mais les vertiges, les troubles de la parole, les patésies

durables à gauche, la persistance et la marche progressive du trem-

blement, l'atrophie musculaire, le pied en équin, la diminution de

l'excitabilité galvanique et faradique prouvent qu'il va une lésion.

Peut-être avons-nous affaire à une association bysléro-orgamque ;

toutefois la lésion organique parait aussi certaine que possible pour

une malade encore vivante. Et s'il y a lésion, ce ne peut être qu'une

sclérose en plaques.

En tous cas, alors même qu'on n'accepterait pas ce diagnostic,

un fait reste acqms : c'est que nous avons là un tremblement net-

tement segmentaire, c'est-à-dire limité aux doigts et à la main. Or,

quand on analyse un tremblement, on tient compte de la fré-

quence de ses oscillations à la minute et de l'influence que les

mouvements exercent ou non sur son intensité, mais on ne s'oc-

cupe pas de sa distribution. C'est là, ce me semble, un troisième

caractère qu'il faudra, à l'avenir, rechercher chez tous les trem-

bleurs. On arrivera ainsi à localiser, mieux qu'à l'aide des autres

caractères, le siège de la lésion, en distinguant le tremblement

SOCIÉTÉS SAVANTES. 397

nerveux périphérique, le tremblement radiculaire et le tremble-

ment segmentaire spinal.

Séance du jeudi (soir). Présidence DE M. DOUTREBENTE.

On procède tout d'abord à la nomination du président du

Congrès de Limoges en 1901. il. le Dr Gilbert Ballet est élu.

Note sur l'asile des aliénés de Marseille : son passé, son présent, son

avenir; par 111. BOUBILA, Maunier et Cossa.

Messieurs, vous avez visité hier l'Asile Saint-Pierre. Construit en

1838 pour 800 malades au maximum sur un plan qui avait le

mérite de l'unité et de la symétrie, il répondait à l'idéal que l'on

se faisait alors d'un asile modèle. Mais combien sont nombreuses

les imperfections que l'hygiène relève aujourd'hui au double

point de vue du bien-être physique et moral de l'aliéné !

Vous avez vu ces cours étroites, bornées, sans liorizon, sans

ombrages en été, véritables cours de prison où l'on semble avoir

voulu mesurer parcimonieusement à l'aliéné, comme au détenu,

l'air, la lumière et surtout la vue des champs, si utiles pour le

traitement des vésanies ! Vous avez vu ces chambres d'isolement,

ces anciennes cellules où le soleil entre si peu, qui s'ouvrent sur

un couloir obscur et ne prennent le jour que par une fenêtre sur la

cour de la division. Que nous sommes loin de cet idéal d'un asile

construit dans un site riant, un peu surélevé, dominant la cam-

pagne, avec un large horizon et de grands jardins !

Vous avez vu aussi, Messieurs, l'encombrement de toutes nos

divisions et particulièrement de nos divisions de gâteux où nous

sommes dans la nécessité d'entasser pèle-mile des déments, des

agités et des impotents. Et cet encombrement ne fait qu'augmen-

ter tous les jours avec le chiffre toujours croissant de nos ad-

missions ! Nous avons réuni en un tableau comparatif les chiffres

de la population masculine et féminine de l'Asile Saint-Pierre

depuis 1887 Nous y avons ajouté, en regard, le tableau de la

population de Marseille. L'étude comparative de ces tableaux vous

montrera le nombre des aliénés s'élevant, tous les jours, d'un

mouvement plus rapide que celui de la population ; et cet accrois-

sement doit éveiller l'attention de l'Administration supérieure,

car il menace de déborder l'enceinte trop étroite de notre asile.

Sur l'initiative du service médical, la Commission administra-

tive de l'Asile a dû se préoccuper depuis longtemps de cette situa-

tion. Elle a paré au plus pressé en construisant des quartiers sup-

' Noire statistique ne remonte pas avant 1887 parce qu'avant cette date

l'asile Saint-Pierre llospnalisait les malades du département du Var

internés aujourd'hui à l'asile de Pierrefeu.

398 SOCIÉTÉS SAVANTES.

plémentaires : le pensionnat des hommes et son quartier de

traitement ; les bâtiments actuels de l'administration pour installer

dans ses anciens locaux le pensionnat des Dames ; la division des

épileptiques femmes, etc..... Et ainsi depuis vingt ans, elle a dit

verser tous les cinq ou six ans dans nos bâtiments supplémentaires

le trop-plein des quartiers anciens. Récemment encore, elle a mis

en adjudication la construction d'une infirmerie de femmes qui va

être entreprise sous peu. Mais cette méthode a des inconvénients;

ces constructions annexées pour les besoins du moment à l'ancien

plan de l'asile n'ont fait qu'en exagérer les défauts primitifs : elles

ont rétréci les cours déjà trop étroites, borné l'horizon déjà trop

restreint, et, si l'on ne se décide à adopter une méthode plus clair-

voyante, on aura, dans quelques années, une agglomération dis-

parate de bâtisses disposées sans ordre ni symétrie et, ce qui est

plus grave, défectueuses comme hygiène '.

Cette situation, nous ne l'ignorons pas, n'est pas spéciale à l'Asile

Saint-Pierre : on a dû se préoccuper un peu partout, mais surtout

dans les asiles qui sont aux abords des grandes villes, de l'aug-

mentation inquiétante du chiffre des aliénés. On a signalé depuis

longtemps les inconvénients que présentent, tant au point de vue

administratif que médical, ces énormes agglomérations de 1200,

1;00 et même 1800 malades. On est d'accord sur ce principe qu'il

ne faut pas que la population totale d'un asile dépasse le chiffre

de S ou 600 malades et qu'un même médecin en chef ait dans son

service plus de 300 aliénés. Or, à Saint-Pierre, nous avons près de

1100 malades, et chacun de nos services en compte plus de 000 !

Nous avons pensé qu'il était du devoir des médecins de l'Asile

de signaler cet état de choses à l'attention des pouvoirs compé-

tents et d'emprunter la publicité du Congrès pour donner plus de

portée à notre voix. Il n'a pas échappé, du reste, à la prévoyance

de nos administrations à qui il incombe de l'améliorer. Il serait à

désirer que Ion entrât résolument dans la voie des réformes, car

la situation ne fait que s'aggraver de jour en jour.

Plusieurs projets ont été proposés pour y remédier : la création

de fermes suburbaines où l'on pourrait évacuer tous les chroniques

valides; l'aliénation des terrains de l'Asile Saint-Pierre et la cons-

truction d'un ou de plusieurs asiles dans les environs de Marseille...

Il ne nous appai tient pas de discuter en détail l'économie de cha-

cun de ces projets, mais nous croyons devoir dire quel est celui

qui nous parait répondre le mieux à toutes les exigences de l'hy-

giène aux nécessités d'une bonne administration et au besoin de

1 Nous reviendrons sur cette punique déplorable qui consiste à ajouter

toujours et sans cesse aux asiles de nouveaux bâtiments de malades,

sans penser qu'au sur et à mesure les services généraux deviennent

insuffisants, (l.)

SOCIÉTÉS SAVANTES. 399

l'enseignement de l'aliénation mentale à Marseille dont nous ne

devons pas nous désintéresser.

Il est en effet, Messieurs, une idée chère aux Marseillais, c'est

celle de voir un jour Marseille dotée d'une faculté de médecine.

L'administrateur chargé de solutionner l'hospitalisation des aliénés

doit se préoccuper de réserver aux abords de la ville une clinique

pour l'enseignement des maladies mentales. Le premier des pro-

jets dont nous avons parlé plus haut, celui qui consisterait à créer

des fermes suburbaines, diminuerait, sans doute, l'encombrement

de l'Asile, mais il n'apporterait aucun remède aux défectuosités

que nous y avons signalées. Le second projet, celui qui trans-

porterait l'Asile en totalité dans la banlieue, se heurterait à cette

difficulté que l'enseignement deviendrait impossible à cause de

l'éloignement.

Il existe un second projet qui semble répondre à tous ces be-

soins, à toutes ces préoccupations ; il se résume ainsi : laisser à

Saint-Pierre un service d'administration où seraient retenus, pour

les besoins de l'enseignement, les malades aigus et, parmi les

chroniques, ceux qui seraient justiciables d'une intervention thé-

rapeutique ; transporter les incurables à la campagne, soit dans

des fermes ou colonies, soit dans un asile construit avec tous les

perfectionnements de l'hygiène moderne. Le chiffre des malades à

garder pour le service de l'admission à Saint-Pierre pourrait être

réduit à 100 ou 150 au maximum. On pourrait, par des modifica-

tions au plan actuel de l'Asile, en démolissant une partie des an-

ciens locaux, en améliorant le reste, les loger confortablement. Il

ne nous appartient pas d'étudier ce projet au point de vue budgé-

taire ; il nous suffit, à nous médecins de l'Asile, de signaler par la

voie du Congrès combien ce problème de l'hospitalisation des

aliénés à Marseille est digne d'intérêt et d'indiquer la solution qui

nous parait le mieux répondre à toutes les exigences de la situa-

Lion ..... (Voir p. 38 ? ).

Dégénérescence et neurasthénie.

M. HmoN. - Le dégénéré est un être qui, en présence d'obstacles

à son évolution, n'a pu se développer dans le sens du progrès de

l'espèce, a dévié vers des formes pathologiques dout l'enchaîne-

ment conduit à sa disparition ou à celle de sa descendance. Le

neurasthénique a perdu l'équilibre du système nerveux. Un surme-

nage quelconque (fonctionnel, émotif, toxique, etc.) a fatigué le

point trop excité d'abord, puis tout l'appareil nerveux. Mais pour

cela il a fallu une prédisposition acquise ou héréditaire que la

statistique de mes 200 observations permet de classer 10 44 fois

il n'y avait pas d'hérédité morbide appréciable : ici la neurasthénie

débute tardivement, de trente à quarante ans, au plus fort de la

400 SOCIÉTÉS SAVANTES.

concurrence vitale, et le plus souvent elle est peu grave. Dans les

cas où il y a hérédité morbide, le début de la neurasthénie est pré-

coce ; il a lieu 45 fois avant vingt ans. Par contre, l'hérédité apo-

plectique est celle qui révèle le plus tardivement son action. 2° Sur

cette prédisposition héréditaire, ou acquise les causes occasionnelles

font germer la neurasthénie. Le surmenage professionnel agit

53 fois, les chagrins 27, les excès génitaux 17, la grippe 17, les

soucis d'affaires 19, l'alcoolisme 3 fois. Enfin, dans 19 cas, je n'ai

pas trouvé de cause. Ici encore l'intensité delà cause déterminante

nécessaire est en raison inverse de la prédisposition héréditaire.

3° La neurasthénie a donc des parentés étiologiques avec la dégé-

nérescence. L'étude de la descendance des neurasthéniques le

montre. Sur mes 200 malades, 51 sont célibataires et 149 mariés.

Sur les 129 ménages, 42 sont stériles, soit 28,18 0/0, proportion peu

inférieure à la moyenne. Les autres ont 132. enfants que l'on peut

classer ainsi : 1 supérieur, 32 normaux, 24 morts d'éclampsie, 20 à

troubles physiques (5 ont de l'arthrilisme, 4 de la débilité, 3 des

paralysies infantiles, 2 sont tuberculeux, 2 chlorofiques, 2 scrofu-

leux, 1 obèse et 1 acropathique). 87 ont des tares psychiques

(35 bizarres ou impulsifs,15 bystériques, 7 ueuraslhéniques, 5 idiots,

4 mélancoliques, 3 dipsomanes, 2 bègues, 1 vagabond). Cela prouve

que la neurasthénie est, comme on l'a dit, une porte d'entrée de

la dégénérescence. Toutes les deux du reste paraissent êlre la con-

séquence d'une même cause dyscrasique, l'arthritisme, qm fait

périr en quelques générations toutes les familles urbaines qui ne

savent pas se régénérer par des apports de sang rural.

Fausse angine de poitrine consécutive ci un rêve subconscient.

M. Paul Fartez. Une dame âgée de trente-cinq ans, mariée,

mère de famille et manifestement hystérique, se plaint de palpita-

tions et d'angoisse précordiale. Elle se croit atteinte de cardiopa-

thie ; en réalité, il s'agit de topoalgies qui cèdent facilement

à la suggestion. Mais ces topoalgies récidivent avec ténacité.

C'est qu'elles sont sous la dépendance d'un rêve terrifiant, toujours

le même, oublié au réveil mais persistant à l'état subconscient

et susceptible d'être retrouvé pendant le sommeil hypnotique.

Grâce à la suggestion, ce rêve est inhibe, Je sommeil naturel de-

vient exempt de cauchemar et la santé générale se rétablit. Mais,

quelques mois après, de violentes émotions surviennent, la vie de

famille est désorganisée et cette même dame souffre d'une crise

angineuse très intense. Il s'agit d'une fausse angine de poitrine

pour la triple raison suivante : 1° symptomatologie spéciale : 2° ter-

rain hystérique; 3° absence de toute lésion cardiaque. Or, cet

accès angineux a été la copie fidèle et la reproduction exacte d'un

rêve survenu pendant la nuit qui a précédé la crise, mais oublié,

SOCIÉTÉS SAVANTES. 401

lui aussi, pendant la veille normale et resté à l'état subconscient;

une circonstance de peu d'importance a suffi pour donner le

branle et lâcher la bride à tout le complexus d'associations qui

s'étaient peu de temps auparavant systématisées sous la forme

onirique.

Ainsi en présence d'une fausse angine de poitrine hystérique, on

a le devoir de rechercher systématiquement si elle ne comporte

pas une origine psychique, consciente ou subconsciente, comme,

par exemple, un rêve. Le syndrome angineux n'a qu'une valeur

séméiologique; le traitement et la prophylaxie exigent un diag-

nostic non pas seulement nosologique, mais éliologique ; il ne suf-

fit pas de convaincre le malade qu'il ne présente aucune lésion

cardiaque, il faut encore et surtout le prémunir contre la réappa-

rition de la cause souvent morale qui a engendré ce syndrome.

Enfin l'hypnotisme peut assurer la découverte de cette cause soup-

çonnée ; il permet d'en extirper le souvenir et d'en prévenir le re-

tour ; il rétablit le calme dans ces organismes troublés; il est ca-

pable de réaliser à lui seul cette thérapeutique morale dont Huchard

a dit avec tant de raison qu'elle était, dans ce cas, plus efficace que

toute intervention médicamenteuse.

Les lésions Itisiologiqiies du système nerveux central dans la chorée

chronique héréditaire.

M. Rtsi'AL (de Toulouse) a eu l'occasion de praliqner l'examen

histologique du système nerveux central d'un sujet atteint de cho-

rée chronique héréditaire avec démence et ayant succombé à une

attaque apoplectiforme. Lamétliode de Nissl a permis de constater

une diminution du nombre des cellules pyramidales des deuxième

et troisième couches de l'écorce cérébrale dans les zones psycho-

motrices, une atrophie dégénérative plus ou moins avancée de la

plupart de celles qui subsistent, et enfin une infiltration intersti-

tielle très abondante de petites cellules rondes de nature vraisem-

blablement névroglique dans les parties profondes de l'écorce et

principalement autour des cellules pyramidales en voie d'atrophie.

L'existence de lésions à la fois parenchymateuses et interstitielles

de l'écorce permet d'expliquer la production des mouvements cho-

réiques et des troubles mentaux dans la maladie d'Huntington.

Interventions chirurgicales chez les aliénés.

M. FEBVRÉ présente en son nom et en celui de M. PicouË un rap-

port sur l'amélioration et même la guérison qui ont suivi certaines

opérations faites dans son service de Ville-Evrard.

Nous publierons une analyse détaillée de cette très inté-

ressante communication.

Archives, 2° série, t. VU. 26

402 SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. Vallon cite un cas de paralysie générale qui s'est amendée à

la suite d'une opération chirurgicale.

M. Febvré, répondant à M. Régis, dit que dans les cas rapportés

il ne s'est jamais agi d'enlever d'organes sains, on n'a appliqué

que les soins chirurgicaux qui sont appliqués ordinairement dans

les hôpitaux. Il demande simplement si le Congrès juge utile qu'on

emploie cette pratique avec toutes les précautions employées dans

les hôpitaux.

M. Vallon. Au fond, la question de la chirurgie des aliénés

se ramène à un point de vue simple : il faut simplement traiter

les aliénés comme des gens ordinaires, la folie n'étant pas une

contre-indication.

M. ltoosr a observé une femme qui se plaignait d'avoir un ser-

pent dans le vagin; elle avait des ulcérations sur le col. Après cau-

térisation et guérison, les idées délirantes disparurent.

M. Bidon pense que les lésions utérines sont tantôt causes, tantôt

simplement coexistantes des idées délirantes..

M. Mabille dit qu'il serait utile que chacun fit dans les asiles

la statistique des guérisons obtenues par suite d'une opération

chirurgicale.

Sclérose en plaques médullaire consécutive ci une arthrite

tuberculeuse de l'éparcle.

L-jLuNois et IPAVIOT rapportent l'histoire d'une femme de

16 ans, porteur depuis 30 ans d'une arthrite tuberculeuse de

l'épaule droite. Elle était entrée pour une hémiplégie dioite pro-

gressive ayant débuté vers l'âge de 40 ans, sans ictus, ayant res-

pecté la face, ne s'accompagnant pas d'atrophie : réflexes exagérés

et trépidation épileptoïdes plus marquée à droite. Pas de troubles

de la sensibilité, mais dans les derniers temps quelques douleurs à

caraclère fulgurant. Le bras gauche commençait à se prendre

lorsque la malade commença à présenter les phénomènes bulbaires

qui amenèrent brusquement la mort dans un accès.

A l'autopsie, rien au cerveau, pas de lésions de la colonne verté-

brale ni des méninges médullaires. Sclérose en plaques typique :

plusieurs petites plaques grisâtres, d'aspect gélatineux, sur la

moelle dorsale de l'un et l'autre côté. A la partie supérieure delà

moelle cervicale double tache scléreuse ne respectant que le pyra-

midal croisé et, dans les faisceaux postérieurs, plaque égale-

ment symétrique, ne laissant indemnes que les parties latérales du

faisceau de Burdach. Au niveau du renflement brachial et au-

dessous, la plaque est limitée au côté droit, etc. Pas de plaques sur

le bulbe ni sur le renflement lombaire. Sur toutes les coupes pré-

sentées, on retrouve une périartérile très manifeste. Les auteurs,

après avoir indiqué les particularités cliniques du cas, insistent sur

SOCIÉTÉS SAVANTES. 403

les rapports de l'arthrite tuberculeuse et de la lésion médullaire.

Ce fait leur paraît une démonstration nette de l'origine infectieuse

de la sclérose en plaqnes (Kahler et Pick, P. Marie).

Paralysie alterne supérieure MM cours d'une méningite tuberculeuse-

Ramollissement du pédoncule central par thrombose de la veine

basilaire.

M. Léon D'ASTROS. Un enfant de 13 ans fait pendant quelque

temps de la tuberculose pulmonaire et surtout ganglionnaire

trachée-bronchique, lorsque quelques symptômes cérébraux se

montrent : tristesse, inertie, etc. Un mois après son entrée, le

petit malade est pris d'un engourdissement de la jambe gauche et

de secousses convulsives localisées qui font diagnostiquer une

plaque de méningite dans la région paracentrale. Huit jours après

se développe, en 12 heures, une paralysie alterne supérieure

(syndrome de Weber) constituée par une hémiplégie droite com-

plète portant sur la face et les membres avec exagération du

réflexe tendineux et d'autre part du côté gauche un ptosis avec stra-

bisme externe et dilatation pupillaire avec immobilité ; on rapporte

ce syndrome nouveau à un ramollissement du pédoncule cérébral

gauche. L'enfant succomba au bout de cinq jours. L'autopsie

démontra une tuberculose très avancée des ganglions bronchiques

dont quelques-uns ont acquis le volume d'un oeuf, ainsi qu'une

petite caverne daus le poumon droit. L'examen du cerveau fil

constater ainsi qu'on l'avait prévu : 1° des plaques de méningite

tuberculeuse sur la région paracentrale symétrique, mais beaucoup

plus marquée à droite ; 2° un ramollissement du pédoncule céré-

bral gauche s'étendant à la partie inférieure de la couche optique

et à l'extrémité de la corne sphénoïdale. Les régions ramollies

présentaient à leur surface une teinte ecchymotique, et la patho-

génie de ce ramollissement du pédoncule cérébral relève très

habituellement d'oblitération artérielle portant soit sur le tissu de

la cérébrale postérieure, soit sur les branches qui en naissent à

son origine. Ici le système artériel fut trouvé coriiplètemeiilititact.

Par contre, il fut constaté une thrombose complète de la veine

basilaire gauche, tronc important qui reçoit les veinules du pédon-

cule et va se jeter dans la veine de Gahen. Quant à la cause de

cette thrombose, elle relève probablement de lésions tuberculeuses,

mais elle n'a pu être démontrée avec certitude.

M. 1)'ASTR09 dépose un rapport sur un cas de paralysie alterne

supérieure survenue chez un enfant de treize ans au cours d'une

méningite tuberculeuse : hémiplégie droite de la face et des

membres, ptosis avec strabisme interne et dilatation pupillaire;

mort au bout de cinq jours. A l'autopsie, ramollissement du

pédoncule cérébral par thrombose de la veine basilaire.

404 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Albuminurie après les crises épilepliq2aas.

MM. Lannois et MAYET. 50 cas observés. L'albuminurie a tantôt

été constante, tantôt inconstante ou nulle; d'autres fois il y a eu

albuminurie avec lésions rénales. Toutefois cette albuminurie n'est

ordinairement qu'un phénomène fugace. Les auteurs pensent que

la présence de l'albumine dans l'urine de certains malades est

liée à l'intensité de l'asphyxie plus ou moins grande qui accom-

pagne la crise, la constriction vaso-motrice des artérioles, le

ralentissement du cceur et la stase veineuse dans la phase tonique

réalisent les meilleures conditions pour le passage de l'albumine à

travers le rein.

M. IGIR : 1UD présente au nom de M. Samuel Garnier (de Dijon),

un rapport sur un aliéné incendiaire méconnu et condamné après

expertise médico-légale.

Traitement de l'attaque d'épilepsie par le trional.

M. 111AOnu. : n (asile Saint-Pierre de Marseille). Après quelques

considérations sur l'étiologie, la pathogénie, la physiologie patho-

logique, la description de la folie épileptique, communication sur le

traitement nouveau par le trional. Les observations sont divisées

en trois groupes : 10 celles dans lesquelles le trional agit en sup-

primant l'attaque, la chute proprement dite ; 2° celles dans les-

quelle il agit en supprimant les troubles psychiques, l'excitation,

la fureur épileptique ; 3° celles dans lesquelles il agit en suppri-

mant, en modifiant les attaques et l'excitation consécutive. Le

trional est donné à la dose de 0 gr. 50 centigr., 1,2 et 3 grammes

suivant les cas, dans du thé chaud ou en injection hypodermique

en solution dans 1 éther, l'alcool ou la glycérine. Il est important

d'administrer le trional en temps voulu. Dans la première obser-

vation, type du premier groupe, les attaques précédées d'aura

motrice sont suspendues. Dans celles du quatrième groupe, la

fureur épileptique ne s'est pas reproduite depuis un an, alors

qu'antérieurement à l'institution du traitement par les bromures,

le malade entrait dans un état de fureur redoutable qui nécessitait

son isolement dans une cellule matelassée. Les attaques qui se

produisaient jadis au nombre de 240 à 2 : ! 0 par an, ont été réduites

dans cette dernière année à 58. Dans celle du troisième groupe,

le malade soumis au traitement par le trional depuis un mois

environ, les attaques ainsi que l'excitation violente, la fureur ont

été suspendues.

Des observations cliniques nouvelles sont à recueillir, des expé-

riences physiologiques doivent être faites.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 1105

Deux cas d'astasie et d'abasie : M. Grasset (de Riom).

Recherches cliniques sur la chorée de Scler7lvanc : M. le Dr ODDO.

Traitement thermal du labes : M. le Dr BELUGOU (de Lamalou).

Les insensés au 117111'c siècle 11JI. Cossa et Mouton.

Traitement des névrites périphériques par le massage et les

vibrations mécaniques : AI. le D1' Buisson.

Quelques cas d'obsession urinaire ; maux perforants plantaires

précurseurs de l'attixie dans le tabès : M. le D1' Reynès.

BANQUET DU CONGRÈS

A 8 heures du soir, dans les grands salons de la Maison

Dorée, un banquet intime réunit soixante à quatre-vingts

convives. M. Flaissières, maire de Marseille, assistait à ce

banquet ainsi que M. Schrameck, secrétaire général de la

préfecture, et M. le D1' Livon, l'aimable directeur de l'École de

médecine. Une cordiale animation règne. Plusieurs toasts

sont portés par MM. Doutrebentc, Flaissières, Régis, Vallon,

Gilbert-Ballet qui a été élu président du Congrès de Limoges

en 190J. Nous reproduisons le toast de M. Douthebente :

Mesdames, Messieurs, -

Je vous propose de porter la santé du représentant du gouver-

nement de la République, secrétaire général de la Préfecture des

Bouches-du-Rhône, dont le prestige à nos yeux est accru par ce

fait qu'il appartient, de très près, à la famille médicale par sa

parenté étroite avec le professeur Bernheim qui fut souvent notre

collègue et nous a donné, à plusieurs reprises, des preuves cer-

laines d'amitié et de sympathie.

Nous osons espérer, Monsieur le Secrétaire Général, qu'en accep-

tant pour vous l'assurance de nos sentiments dévoués, vous infor-

merez votre très estimé parent, leprofesseur Bernheim, du témoi-

gnage ardent de confraternité et d'admiration que nous professons

pour sa personne et ses travaux scientifiques.

Monsieur le Maire,

Il s'est produit à Marseille, en notre faveur, grâce à votre inter-

vention et aux relations de notre collègue, le docteur Boubila, un

mouvement rapidement généralisateur qui s'est propagé des corps

administratifs et électifs, au conseil général, au conseil municipal

et au corps médical Marseillais.

Vous avez tenu, Monsieur le Maire et aussi vos collègues du

406 SOCIÉTÉS savantes.

conseil municipal, à démontrer que rien de ce qui intéresse le

mouvement scientifique ne vous était indifférent et vous avez voulu

l'alfirmer mardi soir à des philanthropes passionnés, dont la sphère

d'action se borne à prendre soin des êtres choisis parmi les plus

malheureux et les plus déshérités de l'espèce humaine.

Si, d'un côté, vous pensez sans cesse à développer les conditions

du bien-être de chaque citoyen en lui facilitant les moyens de

s'instruire et de développer ses facultés physiques, morales et

intellectuelles, en lui donnant, en un mot, la préparation néces-

saire à la lutte pour l'existence ; nous avons, nous, d'un autre côté,

la noble mission de recueillir, consoler et souvent de guérir les

vaincus, les blessés de cette lutte, les faibles ou les dégénérés.

Nous poursuivons donc, en réalité, en des circonstances diffé-

rentes, le même idéal, le même but philanthropique, humanitaire

et social ; nous devions nous rencontrer un jour, car nous avons

aussi la même devise, la fraternité avec et pour sanction pratique

et tangible, la solidarité.

A votre santé, Monsieur le Maire ; nous garderons de la soirée

passée à l'Hôtel de Ville, un long et agréable souvenir.

Je lève aussi mon verre en l'honneur de notre excellent ami et

digne collègue, le docteur Bouhila, l'organisateur réel dece Congrès

et j'ajoute que je ne puis le séparer, en ce toast, du secrétaire

anonyme et discret que fut 11 ? Boubila. Bien souvent je me

suis reproché d'avoir apporté, depuis six mois, dans leur vie

intime et si loyalement unie, le trouble occasionné par les préoccu-

pations multiples et incessantes de la préparation d'un congrès;

mais je m'en réjouis aujourd'hui, puisque la réussite a couronné

leurs efforts et, qu'ainsi, ils sont largement récompensés dj leuis

peines.

A votre santé, mon cher Boubila et à celle de votre digne com-

pagne, 11 ? Boubila.

Je lève encore mon verre en l'honneur du docteur Anglade, qui,

à l'occasion d'un rapport sur les délires systématisés secondaires

a fait un travail de longue haleine, dont on ne saurait trop louer

la valeur intrinsèque, l'importance et les conséquences ultérieures;

il a dû mettre au point, et il a réussi, l'une des questions les plus

discutables et des moins étudiées on ne sait pourquoi, de la patho-

logie mentale.

Que nous disait-on jadis, à propos des médecins-adjoints, qu'ils

ne faisaient rien en province, et que n'a-t-on pas dit du docteur

Anglade lui-même qui, modeste médecin-adjoint en province savait,

comme le juste, se contenter de son sort et demandait à se recueil-

lir et à travailler dans le silence et le calme du laboratoire. Nous

l'avons arraché à ce silence et à ce calme, pour notre plus grand

profit à tous ; il nous a, en effet, donné un travail qui fera époque

dans notre spécialité.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 4Û*

' Le docteur Anglade a su, par l'étendue de ses connaissances

bibliographiques, nous faire connaître les travaux faits àl'étranger,

et il a réussi par une heureuse combinaison de ses qualités de

psychologue, de clinicien et d'histologiste à nous initier à la réalité

et à la multiplicité des délires systématisés secondaires.

A votre santé, cher monsieur Anglade, et à celle de votre premier

maître en médecine mentale, le docteur Régis de la Faculté de

Bordeaux.

Je porte encore la santé du De Taty, chef de clinique du pro-

fesseur Pierret (de Lyon), l'un de nos rapporteurs''qui prendra

demain la parole à la séance matinale ; nous le connaissions

depuis longtemps et nous savions qu'en le désignant pour traiter

la question des aliénés méconnus et condamnés, il saurait pro-

duire un travail, que mieux que personne, il était en mesure de

mener à (in, puisque déjà médecin aliéniste, il a tenu à faire son

droit.

A votre santé, mon cher collègue et aussi à celle de votre savant

maître, le professeur Pierret.

Dans quelques jours, les pouvoirs du Président du Congrès

actuel cesseront, mais déjà le succès du congrès de Limoges est

assuré par la nomination du De Gilbert Ballel, que \ous avez

nommé Président, il y a quelques heures, avec une si touchante

unanimité. Ce résultat, Messieurs, était attendu par nous, et il

m'autorise presque à ne pas remercier le De Ballet du service

immense qu'il a rendu au Congrès, en traitant ce matin avec l'au-

torité incontestable et incontestée, qui lui appartient, la question

des psychoses poly-névritiques ; ce qu'il y avait à faire, vous l'avez

fait, Messieurs, et je ne saurais mieux faire.

Mesdames, Messieurs, je porte la santé du De Gilbert Ballet,

professeur agrégé à la Faculté de médecine et médecin des hôpi-

taux de Paris, président du congrès de Limoges en 1901.

M. le Dr BOUBILA a pris ensuite la parole :

Mesdames, Messieurs.

Avant de répondre aux paroles trop flatteuses de notre éminent

Président, permettez-moi de lever mon verre à vous, Mesdames,

qui avez bien voulu honorer ce banquet de votre présence.

Vous avez pu tous admirer dans notre palais de Longchamps,

les immortelles fresques du maître Puvis de Chavannes, si épris

de la beauté antique. Ne penserez-vous pas avec moi, Messieurs,

qu'un Phocéen, fondateur de cette cité, un des joyaux de la

patrie, réveillé de son sommeil séculaire et mis en présence de

ces pages sublimes, les contemplerait avec la sensation d'une

chose vécue. Il y reconnaîtrait ses compagnons, ses soeurs, et s'il

408 SOCIÉTÉS SAVANTES.

pénétrait dans cette enceinte, il vous croirait, Mesdames, descen-

dues du cadre.

Notre Président, que vos suffrages ont élevé à cette fonction

enviée de présider une élite, et qui le mérite si bien par ses quali-

tés de science, de-parole et de coeur, a bien voulu m'honorer de

ses éloges. Je les accepte volontiers, mais, en les portant plus

haut.

C'est a le Préfet, le Président du Conseil général, le maire,

le directeur de l'École de médecine que vous auriez dû vous

adresser, mon cher Président. Ce sont eux qui méritent vos éloges

et notre reconnaissance pour le haut appui moral qu'ils ont apporté

au Congrès à sa naissance et pour les subventions qu'ils nous ont

votées et qui ont permis au nouveau-né de parcourir une carrière

qui méritera, je l'espère, votre approbation. '

Permettez-moi de lever mon verre en leur honneur, sans oublier

le Corps médical marseillais tout entier, dans lequel je suis fier

de compter de si nombreux amis.

Je vous prierai de m'autoriser en votre nom à remercier la

Société Médico -chirurgicale des Hôpitaux, si brillamment représen-

tée par son Président M. le professeur Arnaud.

Nos confrères des hôpitaux, dont la science est si connue et le

dévouement aux déshérités si apprécié, ont voulu vous donner

une éclatante marque de leurs sentiments de bonne confraternité

en vous invitant hier à une brillante et cordiale réception.

Je suis sur d'être l'interprète de tous mes collaborateurs, notre

dévoué trésorier le 1), Lachaux, mes collègues de l'Asile et mes

confrères de la ville qui, au nombre de plus de 50, ont répondu a

notre appel, en vous disant que nous ne désirons qu'une récom-

pense, c'est que vous emportiez un souvenir durable de votre

visite à Marseille.

Permettez-moi, au nom du Congrès, d'adresser à Monsieur le

Ministre de l'Intérieur, nos respectueux remerciements pour l'hon-

neur qu'il a bien voulu nous faire en déléguant à nos séances

M. le Dr Drouineau, Inspecteur général, qui a apporté au Congrès

la valeur éminente de sa personne et de ses fonctions.

Je bois à la santé des maîtres de la science aliéniste et neurolo-

giste dont la parole autorisée a jeté un si vif éclat sur nos séances.

' Nous avions espéré posséder ce soir au milieu de nous, Mme et

M. Paul Boude, tille et gendre du savant aliéniste, le regretté

Sauze. Ils n'ont pu, à leur crand regret et au nôtre, accepter l'in-

vitation qui leur avait été a lressée. Qu'ils veuillent bien agréer

tous les deux notre reconnaissance émue pour le don gracieux

qu'ils ont bien voulu faire au Contres du Menu artistique placé

sous vos yeux et qui représente fidèlement les traits d'Aubanel

et de la photographie de Sauze que vous trouverez plus tard dans

le volume du Congrès.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 409

Vous m'en voudriez certainement, Messieurs, si je terminais

sans adresser de chaleureux remerciements à MM. les docteurs

Motet, de l'Académie de médecine et Petrucci, directeur médecin

qui nous ont si magistralement précédé dans le dernier Congrès

d'Angers, que nous craignons d'être restés au-dessous de notre

tâche.

Le médecin-chef de l'asile Saint-Pierre, M. Boubila, a su

bien organiser les choses. Grâce à son zèle infatigable, il a

été possible de suivre le développement d'un programme

dont l'ordre n'est troublé par nulle fâcheuse lacune. B.

(A suivre.)

SOCIETE DE NEUROPATHOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE

DE MOSCOU.

Séance du 27 novembre 1898.

\'. VFRSILOI1 ? Les fonctions du cervelet (recherches expérimett-

tales), avec présentations des animaux, des pièces anatomiques et des

dessins.

Dans la première série de ses expériences, Versiloff procédait à

des excitations mécaniques, chimiques et électriques du cervelet

après l'ablation des hémisphères. En voici les conclusions :

1° Tous les phénomènes qu'on observe à la suite de l'excitation

directe du cervelet se rapportent exclusivement à la fonction du

mouvement ; 2° Les phénomènes moteurs sont de la même nature

que ceux produits par l'excitation de l'écorce cérébrale ; ce sont

notamment des contractions cloniques ou toniques de divers

groupes musculaires ; 3° En ce qui concerne les localisations mo-

trices du cervelet, il résulte que la moitié droite du cervelet se

trouve en rapport avec la moitié droite du tronc; la moitié gauche

du cervelet correspond au côté gauche du tronc : le lobe moyen se

trouve en rapport indistinctement avec les deux côtés du tronc ; le

vermis supérieur correspond aux membres inférieurs ; sa partie

postérieure et inférieure correspond aux membres supérieurs ;

4° En outre le cervelet se trouve en rapport avec les muscles de la

peau ; 5° Les mouvements oculaires se trouvent sous le contrôle

direct du cervelet ; des points bien déterminés de l'écorce céré-

bellense commandent les différents mouvements des globes ocu-

laires ; 0°Les mouvements oculaires sont des mouvements associés ;

410 SOCIÉTÉS SAVANTES.

'7" L'excitation du cervelet produit des mouvements nystagmi-

formes des globes oculaires; ces mouvements très variés se pro-

duisent principalement dans les quatre directions suivantes :

nystagmus horizontal, vertical, diagonal et rotatoire les mouve-

ments nystagmiformes sont toujours bilatéraux ; 8° En plus des

mouvements oculaires habituels, on observe encore de la propul-

sion et de la rétropulsion des globes oculaires ; 9° Les mouve-

ments de clignotement des paupières peuvent être exagérés ou

arrêtés complètement; 10° On note encore du côté des yeux quel-

ques phénomènes vasomoteurs, à savoir une certaine hyperémie

de la conjonctive et de la cornée du même côté ; 11° Il existe une

relation très intime entre le cervelet et le cerveau, et notam-

ment avec les centres corticaux ; 12° 11 s'agit d'un rapport croisé,

et qui se révèle dans ce sens que l'ablation préalable d'une hémis-

phère du cervelet entraîne une hyperexcitabilité de l'hémisphère

opposée du cerveau, et vice versa (l'ablation d'un hémisphère

cérébral amène une hyperexcitabilité de l'hémisphère cérébel-

leux du côté opposé) ; 130 L'ablation des centres corticaux ou

d'un hémisphère du cervelet n'altère pas la nature des phéno-

mènes qu'on obtient en excitant divers territoires du système ner-

veux ; elle ne fait qu'en exalter l'excitabilité.

Les phénomènes de défaut de fonction du cervelet ont été étu-

diés par l'auteur sur quatre chiens opérés de la façon suivante :

section sagittale du cervelet sur la ligne médiane chez le pre-

mier ; ablation du lobe moyen chez le deuxième, ablation de

l'hémisphère gauche du cervelet chez le troisième, et ablation

totale du cervelet chez le quatrième. Voici les conclusions :

1° Le phénomène principal lié à l'ablation partielle ou totale du

cervelet consiste dans le trouble de l'équilibre très prononcé au

commencement, et qui s'atténue progressivement pendant des

mois jusqu'au rétablissement complet même dans les cas d'abla-

tion complète du cervelet; 2° Le trouble de l'équilibre tient appa-

remment à la perte du tonus musculaire, insuffisamment com-

pensé par le cerveau ; 3° Les phénomènes de faiblesse musculaire

n'apparaissent pas immédiatement après l'opération, lorsque

prédominent les phénomènes spasmodiques, mais plus tard, et ils

leur succèdent ; 4° Les mouvements ataxiques de la tête et du

tronc qu'on observe à la suite de l'ablation partielle ou totale du

cervelet, de même que le tremblement qui augmente à l'occasion

des mouvements volontaires et porte le caractère du tremblement

intentionnel ne peuvent guère s'expliquer uniquement par l'insuf-

fisance de la compensation du côté du cerveau, comme le pensent

certains auteurs; 5° L'extirpation totale ou partielle du cervelet

augmente l'excitabilité réflexe; 6" Tous ces phénomènes se trou-

vent en rapport de localisation précise avec telle ou telle partie du

cervelet, à savoir que chaque hémisphère du cervelet correspond à

SOCIÉTÉS SAVANTES. 411 1

la moitié du tronc du même côté; le vermis répond aux deux

côtés; 7° Le cervelet n'a pas de rapport chez les animaux avec la

sensibilité cutanée; 8° L'ablation du cervelet a une grande influence

sur l'état général de l'animal et entraîne une cachexie rapide qui

amène souvent la mort; 9° L'ablation du cervelet amène des

troubles graves de la sphère psychique ; l'animal opéré devient

très excitable, très peut eux, caressant, il cherche la solitude et

cesse d'aboyer. L'auteur se propose de poursuivre ces recher-

ches expérimentales.

Au cours de la discussion, des remarques ont été faites par

1111. lloonnrow et KOJEVNIKOW.

Le Comité de la Société des Médecins Russes en mémoire de

ilT.-1. Pirogo/J' ayant demandé à la Société de 1\'europulholoyie et de

Psychiatrie de Moscou d'émettre un avis sur la nécessité tl'ii2ti-o-

duire la folie parmi les causes légales du divorce, celle-ci a formé

une Commission sous la présidence de M. le professeur S. Korsakoff.

Voici le résumé du rapport de la Commission à ce, sujet, présenté

par M. 1011S1EOFF, président :

Après avoir fait l'historique de la question d'après les données

de la législation et de la littérature russe et étrangère, le rappor-

teur formule les arguments les plus importants des adversaires de

ce projet de loi, lequel : 1° ne répondrait pas à l'idéal du mariage ;

2° nuirait aux intérêts des malades et des partis contractants

d'autant plus que, 3° il est difficile de préciser les maladies qui

excluent toute aptitude à une cohabitation conjugale physique ou

morale, et que, 4° ifest facile de commettre des erreurs en décla-

rant une maladie incurable. Mais à cela il y a lieu d'objecter les

raisonnements suivants :

1° L'idéal du mariage n'est guère réalisable pour tout le monde,

et les mesures législatives ne suffiraient pas à relever l'idée du

mariage; 2° Dans la plupart des cas, l'aliéné incurable n'a pas

conscience de ses droits, n'en jouit pas et ne sent pas le besoin de

les exercer, sans parler que la natalité est très faible dans ces cas.

Même si le divorce devait porter atteinte à l'état du malade, il

serait difficile de mesurer exactement le degré du mal, tandis que

l'utilité de la séparation est incontestable et évidente pour l'époux

bien portant, surtout lorsqu'il s'agit d'un malade violent et dange-

reux ; 3° Dans les cas difficiles, les experts ne manqueront pas à

formuler leurs hésitations, ce qui ne leur empêchera pas de pro-

noncer catégoriquement dans les cas simples et précis; 4° Les

erreurs d'expeitise sont possibles dans d'autres questions judi-

ciaires jugeant le divorce ; il faut seulement que les erreurs médi-

cales ne soient pas plus fréquentes que les autres.

Après avoir émis un avis favorable à l'admission de la folie

comme cause légale du divorce, le rapporteur conclut qu'il faut la

412 SOCIÉTÉS SAVANTES.

réserver aux cas : 1° incurables et, 20 rendant impossible la coha-

bitation conjugale. Ces deux questions doivent être décidées par

des experts, au nombre de trois au moins, désignés parle tribunal,

et après une observation du malade pendant trois mois au moins,

La demande en divorce ne pourra être soulevée que lorsque la

maladie aura existé pendant cinq ans au moins, cependant pour

les cas d'évidence extrême la durée de la maladie pourra être

réduite à trois ans.

Discussion. M. BOUTZRE croit que la nouvelle loi, très judicieuse

au point de vue théorique, sera très difficile à appliquer et n'at-

teindra pas le but proposé.

M. SEnu'=KY croit qu'il ne suffit pas d'émettre un avis favorable,

mais qu'il faut déclarer la nouvelle loi comme absolument indis-

pensable, en la réservant toutefois aux seuls cas où la personnalité

du malade a subi de graves altérations et qu'il est devenu indiffé-

rent aux conditions extérieures. Le nombre d'experts pourrait

être réduit à deux lorsque leurs avis sont identiques. La durée de

la maladie au lieu de cinq ans devrait être réduite à un an ; dans

les cas douteux elle pourrait être de deux ou trois ans et même

plus.

Secrétaires des séances : A. Bernstein et G. Rossolimo.

Séance du 18 décembre 1898.

L. Minor. Présentation d'un cas de pse 2t(lo - ltype i-1 i,oi)hie anus-

caluioe.

Le malade est âgé de dix-sept ans, sans antécédents héréditaires,

ni personnels. Se développait bien jusqu'à l'âge de onze ans, époque

à laquelle on constata un affaiblissement des facultés intellectuelles;

le malade négligea ses études, devint apathique et frileux ; sa voix

changea. Encore auparavant, il éprouvait une lassitude et une

faiblesse musculaire, il lui arrivait souvent de tomber et il se rele-

vait avec difficulté. Depuis un an il ne peut plus marcher seul; pour

s'asseoir sur le lit, il est obligé de descendre les jambes à l'aide

de ses mains.

Etalprésenl. Intelligence et mémoire bien affaiblies; quel-

ques consonnes sont mal prononcées. Rougit facilement. Le pli

naso-labial est quelque peu effacé. Impossible de siffler. La force

des membres supérieurs est affaiblie. Les muscles pectoraux sont

atrophiés, de même qu'on remarque une certaine atrophie des

épaules et des bras, surtout en ce qui concerne les biceps. Les

petits muscles de la main fonctionnent assez bien. Parmi les mus-

cles du tronc on constate surtout une hypertrophie des muscles

infraspinaux, long dorsal et sacro-lombaires. Encore plus hyper-

trophiés sont les muscles fessiers et ceux de la cuisse, surtout le

vaste externe. Les gastrocnémiens atteignent un volume colossal et

SOCIÉTÉS SAVANTES. 413

produisent l'impression des tumeurs. A la palpation les muscles

sont d'une consistance molle, graisseuse. Le diamètre des cuisses

est de 39, celui des mollets est de 43 centimètres. Malgré ce

volume, la force musculaire du tronc et des jambes est insigni-

fiante. L'excitabilité électrique est diminuée : les contractions gal-

vaniques sont parfois paresseuses. Les réflexes rotuliens font

défaut. La sensibilité est normale. On note du dermographisme,

d'aspect variable dans les diverses parties du corps, et notam--

ment : rouge dans la partie supérieure du tronc, et blanc dans la

partie inférieure, plus prononcé aux endroits hypertrophiés.

La coïncidence des lésions musculaires avec l'affaiblissement des

facultés intellectuelles suggère à M. Minor l'idée de l'analogie qui

pourrait exister entre les atrophies musculaires et le myxoedeme,

l'ostéomalacie, la maladie de Basedow, etc. Peut-être les dystro-

phies musculaires reconnaissent-elles la même origine toxique

que ces dernières affections. a

Discussion. M. Rossolimo affirme que dans un cas d'atrophie

musculaire progressive de type de Landouzy-Uéjerine, le traitement

thyroïdien lui a donné un résultat objectif positif.

P. Préobrajensky. Un cas de pSei<0-Aype)'Op/tt'e iiiiiseil-

lai,e.

Malade, âgé de douze ans, né d'un père alcoolique. Six enfants

sont morts de causes inconnues. Des six autres restés en vie, un

frère, âgé de 29 ans est atteint de la même affection que le malade,

l'affection ayant débuté chez celui-là à l'âge de 12 ans et l'ayant

conduit à l'impotence absolue. Le malade a supporté dans l'enfance

une maladie infectieuse. Depuis deux ans a commencé à perdre

les forces et à se fatiguer de plus en plus vite.

A l'heure actuelle on constate une certaine faiblesse des membres

et de l'incertitude dans les mouvements surtout en ce qui concerne

les jambes. Les réflexes rotuliens sont à peine esquissés. Les gas-

trocnémiens sont augmentés de volume. La façon de se lever du

tapis est très caractéristique. Le malade répond lentement, parle

peu, ayant visiblement de la peine à réfléchir et orienter ses

pensées. Pendant son séjour à l'hôpital le malade contracte la

dysenterie et en meurt.

A l'examen microscopiqne on trouve une dégénération graisseuse

très prononcée des fibres musculaires des muscles : biceps, fléchis-

seurs de l'avant-bras, fessiers, gastrocnémiens, oblique abdominal.

Les parois des vaisseaux musculaires sont épaissies. Le tissu adi-

peux est peu développé, mais le tissu connectif intermusculaire

est très hypertrophié. Les plus atteints sont les grands fessiers et

les gastrocnémiens ; là on trouve la plupart des fibres très amincies,

fusiformes, se terminant par des bouts effilés et recourbés; entre

les fibres, une grande quantité de tissu adipeux; parfois les fibres

- 414 SOCIÉTÉS SAVANTES.

se dichotomiosent sur l'un des deux bouts, ou se présentent fendues

dans leur longueur sur une certaine étendue. Les nerfs tibial et

médian présentent une légère hyperplasie du tissu connectif intra-

fasciculaire. Dans les fibres du muscle cardiaque, on constate en

partie les phénomènes d'atrophie ou de dégénération graisseuse.

Le foie et les reins sont également atteints de dégénérescence

graisseuse.

La moelle épinière présente les phénomènes de syringomyélie.

L'auteur ne croit pas devoir mettre la dégénérescence graisseuse

de tous les organes internes sur le compte de la dysenterie, qui a

été d'une durée insignifiante et non accompagnée d'hyperthermie.

Il lui parait plus juste de rattacher tous les phénomènes de dégé-

nération graisseuse des organes internes et du système musculaire

à la diathèse graisseuse généralisée. D'autre part l'atrophie

musculaire progressive peut être due à une auto-intoxication

spéciale. a

Discussion. 11.'VloonaTOr.r ne reconnaît pas de syringomyélie

sur les préparations présentées par M. Préobrajensky. Selon lui, il

s'agit seulement d'une anomalie du canal central. Quanta la dégé-

nérescence des organes internes, elle est la conséquence de la

toxémie. M. Mourawieff ne croit pas non plus à une relation

entre la dégénérescence graisseuse des organes internes et l'affec-

tion du système musculaire. M. Kojewnikoff invite l'auteur à

donner une description plus détaillée des lésions médullaires dans

le cas en question.

S. SOUIirIAN01·r· et N. Orloff. Contribution ci l'élude de la psy-

chose j)o/HCt))'tt ! f/ : t6.

Après avoir indiqué les points controversés de la question, les

auteurs s'efforcent de démontrer que les troubles mentaux et

notamment ceux de la mémoire dans la psychose polynévritique

ont une marque spéciale et bien originale ; ceci a d'autant plus

d'importance que les symptômes cliniques de polynévrite peuvent

souvent être très peu prononcés et passer presqu'inaperçus. A

l'appui de cette thèse ils citent quatre nouvelles observations dont

voici le résumé :

Observation I. Malade âgé de soixante ans, sans antécédents

héréditaires ni personnels. Parfois il se montre de la glycosurie.

En automne 1897 le malade supporta une affection fébrile, à la

suite de laquelle il accuse de l'amnésie et des faux souvenirs.

A l'examen, fait le 3 novembre 1898, on trouve une certaine faiblesse

généralisée. Les réflexes rotuliens sont diminués ; les plantes des

pieds sont oedémateuses ; les nerfs périphériques sont légèrement

douloureux à la palpation. Du côté psychique, trouble de la mémoire

sous forme d'amnésie et de faux souvenirs. Le malade ne se rap-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 415.

pelle pas les vingt dernières années de son existence. Depuis le

commencement de la maladie l'état psychique n'a pas changé.

Observation 11.- lialade âgé de cinquante-deux ans. Alcoolisme

chronique. Au mois de juin 1897, il devient très irritable, en même

temps apparaît un oedème des pieds. Plus tard s'ajoute de

l'amnésie et des douleurs aux jambes. La faiblesse augmente bien

que le malade cesse l'usage d'alcool.

Etat présent. 30 I. 1899. Disparition des réflexes rotuliens; parésie

atrophique des membres inférieurs ; les troncs nerveux sont dou-

loureux. Affaiblissement de la mémoire; amnésie pour les événe-

ments présents et récents.

Observation 111. Malade âgé de quarante-six ans, alcoolique

avéré. 11 y a quatre ans eut un accès de délirium tremens. Il y a

deux ans contracta la syphilis, laquelle récidiva au mois de jan-

vier 1898. Au mois de mai 1898, le malade eut une attaque avec

perte de connaissance, mais ne tarda pas à se rétablir bientôt. Au

mois de juin apparut une faiblesse croissante des membres infé-

rieurs ; au mois d'août s'ajoutèrent des phénomènes psychiques,

notamment l'amnésie et de faux souvenirs. En outre on nota une

légère rétention d'urine et de la constipation.

Etat présent. 2 IX. 1898. Ptosis léger à gauche ; parésie des

membres droits supérieur et interne du même oeil ; la pupille

gauche est plus large que la droite. Atrophie des muscles du

mollet. Abolition des réflexes cutanés, crémastérien et abdominal.

Les troncs nerveux sont souvent douloureux à la palpation.

Légère rétention d'urine et constipation. Les réflexes rotuliens

sont exagérés. Du côté psychique, troubles de la mémoire sous

forme d'amnésie et de faux souvenirs, caractéristiques pour la

psychose polynévritique. Amélioration progressive de tous les

symptômes somatiques et psychiques à partir du mois de novem-

bre dernier, sous l'influence du traitement anti-syphilitique institué

au mois de septembre. Les phénomènes oculaires ont presque

complètement disparu. Le 13 décembre 1898 survint une hémi-

parésie gauche avec participation des nerfs facial et lingual.

Les auteuis rappellent que les troubles des sphincters et l'exagé-

ration des réflexes peuvent se rencontrer dans la polynévrite

(entre autres, observations de Ballet et Faure). D'autre part les

troubles psychiques dans ce cas sont caractéristiques pour la psy-

chose polynévritique. L'hémiplégie peut être mise sur le compte

d'un ramollissement cérébral d'origine alcoolique.

Observation IV. Malade âgé de quarante-cinq ans, alcoolique

avéré. A partir d'automne 1892, affaiblissement de la mémoire,

amnésie, douleurs aux membres inférieurs et incontinence d'urine.

Au mois de novembre 1892, on constate des symptômes névritiques

et des troubles psychiques caractéristiques. Ensuite survient une

416 SOCIÉTÉS SAVANTES.

aggravation progressive, avec abattement, somnolence et fièvre.

Mort en février 1893. A l'autopsie on constate, à côté de signes

de polynévrite parenchymateuse, des foyers de ramollissement

étendus dans l'écorce du lobe frontal et temporal droits et dans la

substance blanche adjacente. Il est intéressant à noter que dans

plusieurs cas de Wernieke des symptômes polynévritiques ont été

constatés à côté de ceux de polioencéphalite.

En terminant, MM. Soukhanoff et Oloff ajoutent que Y évolution

de la psychose polynévritique est très variable, en rapport avec des

complications individuelles et des associations de facteurs étiolo-

giques de nature diverse. La vieillesse donne un pronostic défavo-

rable. L'association de la tuberculose amène un dénouement fatal

à brève échéance.

Discvssion. M. Srni3siiy considère la troisième observation des

auteurs comme un cas de syphilis cérébro-spinale, tant au point

de vue des symptômes cliniques, qu'en raison du succès du trai-

tement spécifique. M.MouRATOwne considère pas non plus ce cas

comme un cas de polynévrite. M. KOJLIW.NIKOFF croit à l'associa-

tion de la syphilis et de l'alcoolisme dans ce cas. M. Tokarsky

ne croit pas l'amélioration des troubles de la mémoire comme un

signe pathognomonique. M. Minor dit que la description de la

troisième observation sous l'étiquette de la polynévrite peut donner

lieu à des malentendus. M. Roth rappelle entre autres un cas

de psychose polynévritique à début apoplectiforme.

Secrétaires des séances : N. Versiloff et B. Mouravieff.

SOCIÉTÉ D'IIYP\OLOG11; ET DE PSYCHOLOGIE.

Séance du lundi 17 avril 1899. Présidence de M. Jules Voisin.

L'hypnotisme cl le traitement de l'alcoolisme.

M. VLAVIAKOS s'appuie sur le cas, récemment rapporté par

M. Farez, ainsi,que sur deux cas personnels, pour exposer et jus-

tifier l'emploi de l'hypnotisme dans le traitement de l'alcoolisme;

les objections que l'on a faites à cette intervention sont sans fon-

dement. Au récent Congrès international contre l'alcoolisme,

M. Foret (de Zurich) a proclamé à nouveau l'efficacité de la sugges-

tion hypnotique contre l'alcoolisme.

M. Jules Voisin. C'est à tort que l'on a dit : tel alcoolique a eu

BIBLIOGRAPHIE. 417

des rechutes, donc l'hypnotisme est inefficace. A ce titre, toutes

les médications mériteraient le même reproche, car toutes les

affections sont susceptibles de rechutes, si l'on n'y prend point

garde. 11 faut que l'alcoolique amendé par l'hypnotisme reste pen-

dant longtemps soumis à cet agent thérapeutique et que, surtout,

il y ait recours aussitôt après chaque rechute. D'ailleurs, il faut

distinguer nettement l'alcoolique et le dipsomane. Le premier boit

par occasion, par goût, par habitude ; la dipsomanie est une véri-

table psychose toujours précédée d'un état dépressif et mélanco-

lique.

M. Bérillon. Pour rendre la suggestion curative plus efficace,

il faut faire intervenir le traitement psycho-mécanique. Lorsque

l'alcolique est endormi, on lui met en main un verre qui est censé

contenir une liqueur quelconque; on invite le malade à porterie

verre à ses lèvres, mais on arrête le bras à temps et l'on crée ainsi

un contre-arrêt, comme je l'ai fait déjà avec succès pour l'onycho-

phagie.

M. von SCLIRENK-lOT71NG (de Munie))), rapporte les observations

de deux alcooliques qu'il a guéris aussi grâce à la suggestion hyp-

notique.

M. Liégeois (de Nanc3·).-A Nancy l'on a soigné avec succès par

l'hypnotisme un grand nombre d'alcooliques dont la guérison a

été durable.

BIBLIOGRAPHIE.

VIIL Des soins à donner aux épdcpliques ; instructions pour les gardes-

malades; par le Dr WILDEnMUl-11. (Traduit de l'Allemand par les

Drs Kotte et Dardel.) ln-8' de 24. p. Neufchâlel, 1898.

Voici l'énumération des paragraphes sommaires qui composent

cette intéressante brochure : les crises épileptiques; prodromes'

le pressentiment avant la crise, l'aura; la crise proprement dite ;

l'état de mal; les crises épileptiques sous forme de psychoses; les

crises incomplètes; l'état des épileptiques dans l'intervalle des

crises; la dégénérescence mentale de l'épilepsie; des soins à donner

aux épileptiques; l'aération; l'alimentation des malades; les médi-

caments ; les soins de la peau et de la bouche; vêtements des

malades; le traitement pendant la crise; le traitement psychique

des épileptiques; la manière d'observer les épileptiques.

Arcuimis, 2° série, t. VII. 27

418 ô BIBLIOGRAPHIE.

Nous trouvons là les mêmes instructions que celles qui figurent

dans le Manuel de l'infirmière et de la garde-malade et dans le

guide que nous donnons à tous les infirmiers et infirmières de

notre service de Bicétre et que nous avons reproduit dans le volume

XV de nos Contptes ·enclus (1891,p. 7t). Il va de soi que, chaque

fois que l'occasion s'en présente, par exemple lorsque l'infirmière

nous lit les notes prises par elles, nous en profitons pour fournir

des explications nouvelles afin de faire comprendre l'intérêt de ces

notes et leur utilité pour les malades. IL

IX. La confusion mentale; par le Dr G. Gombault. (Thèse Paris,

janvier 1898.)

La confusion mentale n'est, d'après l'auteur, qu'un syndrome

comme la stupeur; sa forme accentuée absorbe même un certain

nombre de cas autrefois rangés sous le nom de la stupeur.

Il faudrait même réserver ce mot pour désigner les cas où l'ac-

tivité des facultés est conservée mais opprimée par un délire terri-

fiant. La confusion mentale a un domaine plus vaste; par sa forme

moyenne et légère, elle englobe beaucoup de cas divers où l'on

avait remarqué de la dépression et de la confusion des idées.

Elle consiste en un désordre plus ou moins accentué des facultés,

allant de la torpeur intellectuelle à la stupidité complète. C'est un

état morbide de l'esprit mais non un délire.

Il y a 3 formes, légère, moyenne et accentuée. Associée à des

idées délirantes, elle n'est plus qu'un syndrome, faisant partie d'un

état plus complexe comme les délires associés. La confusion men-

tale pouvant se retrouver dans les états diver=, a cependant une

sorte de personnalité clinique. La symptomatologie permet de la

considérer indépendamment de l'état délirant ou névrosique qui

l'accompagne. L'anatomie pathologique en est inconnue (l'cedème

cérébral signalé n'est pas constant).

L'étiologie est aussi indécise; dans sa forme isolée, elle est sou-

vent d'origine toxique (de lfontyel).

Associée aux délires, elle est souvent accompagnée de troubles

trophiques organiques nets (Séglas et Chaslin), souvent on ne

relève que de l'épuisement nerveux avec ou sans altération céré-

brale organique présumable, enfin il faut faire la part des réac-

tions individuelles (hérédité).

L'évolution varie souvent il y a guérison même dans les

formes accentuées; quelquefois il subsiste de l'affaiblissement des

facultés. Au contraire, elle peut évoluer vers la démence, associée

à des idées délirantes ou à des états psychiques particuliers, elle

peut disparaitre seule ou avec l'état mental morbide qu'elle accom-

pagne pour enfin évoluer avec lui vers la démence commune.

A. Marie.

BIBLIOGRAPHIE. 419 q

X. L'Iiistabilité mentale, essai sur les données de la psycho-patho-

logie ; par G.-L. Duprat (1 vol. in-8°, Félix Alcan, éditeur, 1899).

L'auteur lui-même a le soin de nous prévenir qu'il ne faut pas

voir dans son ouvrage autre chose qu'un essai philosophique. Il

estime que si la biologie peut expliquer un grand nombre de

troubles psychiques, il est des psychopathies premières, qui relè-

vent de la seule psychologie. Telle est l'instabilité mentale qui ne

sera pas considérée comme une forme larvaire de troubles mieux

déterminés et plus connus, mais comme la caractéristique d'un

genre entier de psychopathies.

La pensée tend à varier sans cesse, il s'ensuit qu'en l'absence

d'un principe constant de systématisation, la pensée tend à la dis-

continuité, et que pour mettre obstacle àcette instabilité naturelle,

il faut la permanente intervention d'une énergie psychique qui

dirige l'évolution mentale.

Chercher à expliquer par la biologie seule tous les désordres

psychiques touchant à l'instabilité serait aussi prétentieux que de

vouloir les étudier à la lumière de la seule psychologie. Les deux

sciences se doivent un mutuel appui, tout en reconnaissant un

droit naturel de priorité à celle qui s'occupe des rapports de

subordination des centres psychiques les uns aux autres et à un

centre unique, rapports qui constituent l'unité de l'individu.

Tout état de conscience est une synthèse irréductible à des élé-

ments communs ou susceptibles de subsister par soi ; sans aller

jusqu'à dire qu'ils se succèdent dans des rapports de causalité, il

faut reconnaître que le précédent renferme virtuellement le sui-

vant, et que ce dernier emporte un reflet de celui qui l'a précédé.

Ces états de conscience dans leur succession présentent une multi-

plicité de moments relativement distincts, mais il ne faut pas voir

dans la durée une pure hétérogénéité, pas plus qu'une pure conti-

nuité. Tout état de conscience a une durée et des limites.

Le fait d'admettre entre les divers états de conscience le bien

psychique qui unit leur diverse durée l'ait naître à côté du concept

de durée, le concept de devenir, lequel concept est à son tour insé-

parable de l'appétition et de la finalité. Mais dans cette évolution

mentale, dans ce devenir mental, il se présente des solutions de

continuité : non pas la véritable discontinuité mentale, qui ne

saurait se produire, mais des solutions de continuité, dans la série

des aperceptions.

La vie psychique normale ne présente pas toujours en effet la

même activité : le devenir mental est constitué par une sorte de

progression suivie de régression. A la jeunesse correspond le pre-

mier stade, à l'âge mûr l'épanouissement complet, à la vieillesse,

le second. Même dans le cours de cette marche suivie de recul,

430. BIBLIOGRAPHIE.

l'activité n'a pas toujours la même intensité. A la veille succède le

sommeil, c'est-à-dire un affaiblissement de la vie psychique, mais

non une suspension. Le travail mental ne peut se poursuivre uni-

formément, l'attention subit un rythme, la volonté ne peut persister

dans une affirmation identique ; mais comme tous ces divers

états tendent à la réalisation d'un système unique, la vie mentale

est continue.

Cette continuité psychologique avec ses progression, régression

et ralentissement, constitue la stabilité de l'esprit, parce qu'elle

est systématique. Le premier caractère d'un fait pathologique est

d'être asystématique. L'instabilité présente avant tout ce caractère;

constituant dans le devenir normal une solution de continuité,

elle est une véritable désagrégation mentale et entraîne comme

conséquence l'automatisme des centres inférieurs et la désagréga-

tion physiologique.

Nous étudions ici les troubles psychologiques indépendants de

tous troubles biologiques, bien qu'ils aient souvent avec eux un

rapport de simultanéité. Ces psychopathies, psychonévroses de

Krafft-Ebing, peuvent être héréditaires ou acquises; mais leur gra-

vité n'est pas en raison de leur origine. L'éducation peut avoir

augmenté ou conservé une énergie psychique, grâce à laquelle

s'est maintenu le pouvoir de systématiser et de faire durer les

synthèses morales. La discontinuité mentale se mesure à la fré-

quence des hiatus et à l'éloignement psychologique des états

successifs.

Toute psychopathie caractérisée est une habitude morbide; mais

tandis que certaines habitudes tendent constamment à varier, les

autres au contraire affirment d'une façon de plus en plus nette des

caractères morbides persistants. L'habitude morbide de varier sans

cesse constitue la véritable instabilité mentale.

L'instabilité mentale se présente sous des formes variées. Elle

peut être intellectuelle; sous l'action de la discontinuité mentale

provoquant distraction et confusion, les apérceptions sont incom-

plètes et donnent lieu à des représentations fausses, tronquées ou

confuses, à des erreurs d'interprétation aboutissant à des idées

délirantes, à des illusions, à des hallucinations, à des souvenirs

chaotiques, à des amnésies plus ou moins prononcées, a une im-

puissance de synthèse donnant lieu à des troubles du jugement et

du raisonnement.

Elle peut s'attaquer aux tendances : toute tendance, parce qu'elle

repose sur l'établissement d'un rapport entre l'état présent et un

état à venir, crée un lien entre les moments conscients et coor-

donne les états successifs. Après s'être transformée peu à peu et

réalisée, elle disparaît pour faire place à une nouvelle tendance

qui la complète. Cet enchaînement des tendances successives est la

condition de la vie normale. L'instabilité dans les tendances est

BIBLIOGRAPHIE. 421

donc pathologique : on l'observe chez l'enfant au moindre trouble

psychique, chez le maniaque désordonné dans ses désirs comme

dans ses pensées, chez le dégénéré aux impulsions inexplicables,

aux contradictions étonnantes, chez l'être dépourvu de sens moral,

chez le minus habens incapable d'inclinations supérieures.

L'instabilité est émotionnelle. Le plaisir et la douleur produisent

des états affectifs instables de leur nature; on comprend'que la

plus légère modification les puisse transformer en états patholo-

giques. De l'instabilité émotionnelle font partie le misonéisme et la

panophobie des dégénérés, en même temps que l'indifférence mor-

bide, l'analgésie et l'anhédonie de M. Ribot.

L'inslabildé dans les actions est une conséquence de l'instabilité

de la pensée et du sentiment ; mais il est des modes patholo-

giques dans lesquels la discontinuité des actes apparaît plus nette-

ment que celle de l'intelligence ou de la sensibilité; tels les

convulsions, les tics, les troubles de la marche, les paralysies

psychiques, qui ne peuvent pas toujours être attribués à des

causes physiologiques, comme les troubles de l'innervation, mais

qui peuvent trouver leur explication dans une conception motrice

trop vague, trop peu aperceptive, trop incomplète pour déterminer

des mouvements normaux.

Ce n'est pas seulement par des inhibitions que se manifestent

les troubles psychiques de la motricité : c'est encore et plus sou-

vent par des déviations. Les troubles de la parole, de l'écriture,

les atechnies font partie de cette nouvelle catégorie de psychopa-

thies. Ils sont, comme les autres, consécutifs à la discontinuité

mentale qui a fait disparaître l'aperception nette de la finalité de

ces mouvements et de leur rapport avec l'excitation psychique qui

les fait naître d'habitude. Au point de vue particulier des atechnies,

ces troubles de la motricité poussent le malade à vouloir changer

d'occupations, de métier, et l'instabilité intellectuelle et affective

vient s'ajouter à l'instabilité pratique.

Les troubles mentaux étudiés jusqu'ici ne doivent pas être con-

sidérés isolément, ils doivent être rattachés à un état morbide de

la personnalité entière, à des manières d'être pathologiques du

moi, que nous allons envisager.

Les faibles d'esprit se trouvent aux confins delà vie normale et

delà vie pathologique ; guidés dans leur activité par des habitudes

.acquises, ou des préjugés qui ne sont pas toujours en parfaite

harmonie, il n'y a chez eux en dehors de ces préjugés et de ces

habitudes, qu'instabilité.

Les dégénérés ont une volonté entachée de faiblesse, ils s'aban-

donnent au courant qui les entraine, d'où désagrégation psycho-

logique et partant instabilité.

Un devenir normal fait essentiellement défaut aux imbéciles et

aux idiots : la tendance qui devrait donner le branle à leur acti-

4M ) BIBLIOGRAPHIE.

vite psychique est insuffisante, aussi se produit-il chez eux arrêt

de développement psychique et biologique ; l'absence d'appétitions

systématisées, de tendances coordonnées vers un idéal quelconque,

les empêche de souffrir de leur défaut d'adaptation.

Durant certaines phases de l'évolution physiologique, telles que

la puberté, la menstruation, la grossesse, la ménopause, consécu-

tivement à certaines maladies infectieuses, à l'intoxication alcoo-

lique, toutes les fois en un mot qu'il y a diminution de vitalité du

système nerveux, la volonté et l'attention peuvent faiblir, et peut

apparaître l'instabilité mentale.

L'épilepsie est encore une forme d'instabilité. Elle est dans la

plupart des cas,exception faite de l'épilepsiejacksonienne, un véri.

table trouble psychologique, dont l'intoxication, la compression

ou l'anémie cérébrale ne sont que des causes occasionnelles.

Dans l'hystérie, comme dans l'épilepsie, des crises viennent inter-

rompre le devenir normal de la personnalité et substituer un moi

nouveau au moi primitif. Il n'y a pas dans l'hystérie que des phé-

nomènes physiologiques. Le moi seul est conscient ou ne l'est pas.

Frend reconnaît que l'hystérie est caractérisée par l'irrésolution,

la contradiction, l'instabilité du ton émotionnel, trois formes

essentielles de l'Instabilité pathologique. Pierre Janet dit encore

que l'hystérie est constituée par la pluralité des moi. Cette insta-

bilité du moi donne précisément la suggestibilité. Si les phéno-

mènes d'hypnose, ne se rencontrent pas seulement chez les hysté-

riques, c'est qu'il est des hystéries larvées. La léthargie se produit

quand l'activité mentale devient nulle en apparence, et il y a cata-

lepsie quand le sujet semble en état de monoïdéisme. Charcot

attribué ce dernier état à l'isolement dans lequel se trouvent les

idées suggérées à l'abri du contrôle des idées personnelles accu-

mulées qui composent le moi. De l'avis même des grands neuro-

logues, il faut donc voir dans tous ces phénomènes, des troubles

psychiques, et le somnambulisme, qui n'est en somme que l'actua-

lisation de la tendance hystérique aux changements de person-

nalité, relève également de l'instabilité pathologique.

De même la confusion mental ? , qui conduit à toutes les formes de

l'aliénation, présentant comme caractères distinctifs, l'impossibilité

de fixer l'attention, l'impulsivité, l'incohérence des paroles et des

actes, l'alternance de la loquacité et du mutisme, l'indifférence ou

l'absence de but apparent, doit être identifiée à l'instabilité mentale.

On pourrait croire à première vue que certaines psychopathies,

telles que la monomanie, l'obsession, le délire systématisé,

l'extase, etc., ne relèvent pas de l'instabilité mentale. Il n'en est

rien : si le monomane parait distrait, cette distraction n'est pas la

conséquence de sa préoccupation, elle est primitive et c'est si cause

d'elle que le sujet est constamment obsédé. Nous sommes ici en

présence d'une sorte de stabilité morbide.

BIBLIOGRAPHIE. 423

C'est ainsi que l'entêtement des faibles d'esprit n'est pas une

preuve de volonté : vouloir, ce n'est pas seulement se déterminer, ,

c'est essentiellement se déterminer après une délibération réelle,

efficace ; cet entêtement est la conséquence de l'impuissance à fixer

son attention sur tous les facteurs d'une saine résolution.

La neurasthénie est une névrose conservative, elle est continue et

progressive. Les malades qui en sont atteints sentent qu'ils ont un

grand nombre d'idées à la fois, vagues et fuyantes ; ils en déduisent

que leur force psychique est amoindrie, et cette déduction les

amène, par exemple, à la crainte de devenir fous. Cette obsession

non réfrénée grandit; par suite de leur instabilité les neurasthé-

niques ne peuvent se ressaisir ; naissent alors les idées fixes.

Toute conception délirante trouve son explication dans l'insta-

bilité : le sujet est incapable de s'arrêter aux impressions du

dehors qui pourraient modifier son état pathologique ; cette

stabilité morbide a débuté par une faiblesse de la force psychique

qui aurait dû donner aux idées représentatives leur importance

pour ainsi dire hiérarchique.

La stabilité apparente de la léthargie, de la catalepsie et de

l'extase ne vient-elle pas également d'une anesthésie à l'égard de

toutes les impressions extérieures et ces états de monodéisme

ne sont-ils pas la conséquence d'une distraction absolue' ? Ainsi la

stabilité extrême nait dans la plus grande instabilité, et dans

la démence, forme la plus grave de l'aliénation mentale, nous

trouvons la discontinuité psychique la plus complète.

L'irritabilité psycho-pathologique revêt diverses formes selon

l'âge, le sexe et le milieu social. Chaque âge a ses psychoses :

l'enfance, la chorée ; la jeunesse, l'hystérie, l'hébéphrénie, les per-

versions sexuelles; l'âge mûr, la manie; la vieillesse, la mélan-

colie et le délire systématisé. La femme présente moins d'énergie

mentale, moins d'esprit systématique, moins de puissance de

volonté, que l'homme, mais peut-être le type féminin que l'expé-

rience nous fait constater, est moins un type naturel, qu'un type

social, créé par nos préjugés et par l'éducation mal comprise à

laquelle la jeune fille est soumise. Les psychoses chez l'homme

sont plutôt une conséquence du rang social qu'il occupe, des occu-

pations auxquelles il se livre, qu'un apanage de son sexe. C'est

chez les instables que la contagion morale fait le plus de ravage ;

ce sont eux qui aggravent les paniques de la foule; exacerbent les

enthousiasmes populaires et fournissent les recrues de l'anarchie

inspirée par « un altruisme exagéré joint à la néopbilie. »

Pour arriver à la connaissance complète de la psychologie

normale, qui nous donnera la raison de devenir mental, il faut

non seulement étudier les faits psychiques chez.l'enfant, le vieillard

et l'être en état de sommeil, mais encore recourir à la psycho-

pathie, auxiliaire naturelle de la psychogénèse.

1 12 1 BIBLIOGRAPHIE.

Comme conclusion à cette étude nous devons nous demander

s'il est possible de guérir l'irritabilité. En tant qu'être moral, il

est difficile d'espérer arriver chez l'irritable à une réelle améliora-

tion ; en raison même de son irritabilité nous ne pouvons créer

chez lui que des états passagers, et si nous réussissons à lui donner

des idées conformes à la moralité générale, il est à craindre que

ces idées ne soient bientôt supplantées par d'autres qui leur seront

opposées. C'est donc du côté de sa mentalité qu'il faudra agir.

Pourquoi n'existerait-il pas une thérapeutique mentale à côté

de la thérapeutique du corps. Les plus grands médecins, Pinel en

tête, ne l'employaient-ils pas ? C'est au moyen d'une rééducation

véritable de l'attention et de la volonté en particulier, qu'on peut

arriver à réfréner l'irritabilité ; devons-nous ajouter que c'est

surtout aux débuts de ses manifestations que nous devons inter-

venir ? Il faut se méfier de la suggestion hypnotique, la suggestion

pédagogique à l'état de veille a plus de chance de réussir. La

musique, considérée par Leuret comme- un agent thérapeutique,

doit aussi être tenue en suspicion ; elle favoriserait plutôt l'irrita-

bilité. On a fait des tentatives de thérapeutique mentale et on 1' : ).

appliquée en particulier aux enfants. En France, sous la direction

de M. Lourneville, en Allemagne, en Angleterre, aux L,iats-Uuis,

dans les Pays scandinaves, il existe des écoles de redressement, où

l'on obtient de sérieux résultats. Partout s'affirme la possibilité

de guérir les psychopathies naissantes, sans autre remède qu'une

pédagogie appropriée.

La pédagogie devrait être à la psychiatrie, ce que l'hygiène est

à la médecine du corps ; c'est à elle qu'il appartient de prévenir

l'irritabilité mentale. L'éducation telle qu'elle est comprise aujour-

d'hui, n'est pas encore ce qu'elle devrait être; une pédagogie

rationnelle ne doit pas s'occuper seulement de l'intelligence de

l'enfant, mais surtout de son coeur et de sa raison. En France, la

pédagogie est peut-être un peu trop intellectuelle ; à ce point

de vue elle est inférieure à la pédagogie anglaise, qui cherche à

développer l'endurance et l'énergie. Elle devrait à la fois discipliner

l'enfant et lui laisser en même temps une liberté relative, par

laquelle il pourrait suivre ses inclinations. Les jeux où seraient

mélangés les sexes viendraient en quelque sorte terminer l'éduca-

tion solide de l'enfant.

« Le devoir du philosophe est de ne pas abandonner exclusive-

ment aux médecins l'étude des troubles de l'esprit » ; la péda-

gogie doit venir en aide à la psychiatrie, et de même que l'hygiène

place le corps dans les conditions les plus favorables au dévelop-

pement physique du corps humain, la pédagogie rationnelle en

prévenant les troubles psychiques, même et surtout chez l'enfant

fera naitre « la fermeté, de la volonté et du caractère, qui fait la

puissance de la pensée et la grandeur de lame P.

BIBLIOGRAPHIE. 425

L'auteur nous parait aller un peu loin, lorsqu'il essaie de rame-

ner à l'instabilité mentale tous les troubles psycho-pathologiques;

il existe certainement entre les troubles psychiques et les troubles

biologiques des rapports qui ne sont pas seulement de simultanéité.

Les attributions des désordres mentaux suivant les âges est aussi

critiquable. Chez les enfants et les adolescents on peut trouver

u peu près toutes, sinon toutes les formes de la folie' en particulier

la manie ordinaire, la manie hystérique et épileptique, la mélan-

colie, la démence précoce, le délire mystique, l'alcoolisme, la

dipsomanie, etc., et l'on y rencontre très souvent les mêmes

caractères que chez l'adulte; il n'y a guère qu'une différence

de nuance. Mais où nous sommes complètement d'accord avec

l'auteur, c'est lorsqu'il nous parle de thérapeutique mentale, et

qu'il expose les principes d'une pédagogie rationnelle qui pourra

seule atténuer chez l'adulte et prévenir chez l'enfant les troubles

psychiques.

Ce livre, très documenté, est d'une lecture intéressante pour tous

ceux qui s'occupent de psychiatrie et de pédagogie. J. l3ora.

XI. Les alcooliques persécutés ; par le D'' Cololian.

La question de l'alcoolisme est plus que jamais d'actualité et la

thèse de M. Cololiau vient à son heure combler une lacune dans la

description des différentes modalités cliniques qui relèvent de

l'intoxication par les boissons spiritueuses. Ce travail a le mérite

d'étudier le délire de persécution alcoolique en cherchant à le dé-

gager des autres variétés du délire de persécution avec lesquelles

il a pu être confondu.

L'auteur divise les malades qu'il a observés en deux catégories :

les dégénérés et les héréditaires. Chez les premiers la dégérescence

est la cause originelle du délire de persécution et l'alcool ne four-

nit qu'un nouvel appoint au terrain morbide. « Tant que l'influence

des causes accessoires est contrebalancée par une résistance céré-

brale assez puissante, on n'observe que les épisodes caractéris-

tiques de l'état mental des déséquilibrés ; mais dès que cette ré-

sistance se trouve affaiblie par une raison quelconque, l'équilibre

se rompt définitivement, la raison s'obscurcit, le délire s'installe. »

Or l'alcool, mieux que toute autre cause, précipite chez les dégéné-

rés l'invasion du délire.

Chez les non héréditaires, le terrain favorable est dû à l'alcool

' M. Duprat cite dans son ouvrage l'observation que nous avons publiée

avec M. Bourneville, de C... C..., dans les Archives de Xeurologie, 1896,

tome I, page 199, et qui a été reproduite dans le Compte rendu de l31cêlre

lit; 1806. 11 en aurait trouvé beaucoup d'autres dans la collection des

t'omp(es neml«s cle 131culne de 1880-1898 qui contiennent des exemples'

de la plupart des formes de la folie de l'enfant et de l'adolescent.

426 BIBLIOGRAPHIE.

lui-même, qui lentement, progressivement, provoque une prédis-

position mentale. Les troubles psychiques succèdent à la longue

aux phénomènes physiques de l'alcoolisme. Parfois aussi l'intoxi-

cation ne fait que relever une prédisposition latente marquée par

des conditions biologiques noimales.

Au point de vue clinique, les malades diffèrent : chez les dégé-

nérés héréditaires, ce sont les troubles psychiques qui ouvrent la

scène, les symptômes somatiques n'arrivent qu'en second lieu.

Ainsi on observe d'abord un changement de caractère, quelques

idées de jalousies, des idées de persécution et puis seulement des

signes physiques d'alcoolisme. Chez les chroniques, c'est le con-

traire qui se produit : au début et pendant des années, on cons-

tate les symptômes somatiques ordinaires (pituites, pyrosis, ano-

rexie, crampes, etc.) et à la longue seulement apparaissent d'une

manière insidieuse des troubles mentaux.

La symptomatologie est à peu près la même dans tous les cas

lorsque le délire est constitué et l'auteur assigne à l'évolution

de ce délire trois périodes distinctes (trop distinctes peut être, car

en réalité la première et la seconde sont bien souvent confondues),

ce sont : 1° l'incubation ou invasion pendant laquelle on observe

le délire de jalousie, la dépression mélancolique, les idéos de : ui-

cide ; 2° la période d'état caractérisée par la persécution et les

hallucinations (hallucinations de l'ouïe beaucoup plus fréquentes

que les autres troubles sensoriels) ; 3° la guérison ou la terminai-

son par la démence.

Le pronostic est en général défavorable, étant donné que les

malades, les héréditaires par leur penchant morbide et les alcoo-

liques chroniques par l'affaissement de leur volonté sont facile-

ment des récidivistes. Nous ne partageons pas tout à fait l'opinion

émise par l'auteur en ce qui concerne les alcooliques chroniques

dont les idées de persécution réapparaîtraient à chaque rechute

plus actives et plus systématisées ; nous croyons plutôt que cette

systématisation s'atténue en même temps que les facultés intellec-

tuelles s'obscurcissent; les idées délirantes perdent peu à peu leur

netteté et ne tardent pas à revêtir le caractère démentiel.

Signalons ! e chapitre desapp)icationsmédico-Iéga)es auxquelles

donne lieu l'étude du délire de persécution alcoolique : le rôle du

médecin légiste sera d'établir les faits, de faire ressortir la nature

pathologique des actes commis par le persécuté, de démontrer les

relations des troubles hallucinatoires avec ces actes.

Après avoir rappelé tout ce qui a trait à l'hygiène et à la médi-

cation particulière de l'alcoolique persécuté, M. Cololian insiste

d'une façon toute spéciale sur le traitement moral. « On en fait peu

de cas, dit-il, dans nos asiles et à tort, car il est d'importance

première dans les psychoses... Ainsi on guérit le buveur adulte

en gouvernant sa passion, en le dirigeant, en modifiant son carac-

VARIA. M7 7

tère... » Hélas ! les louables intentions de l'auteur et les nôtres se

heurteront le plus souvent à cette volonté débile ou défaillante

qu'il a si bien mise en lumière et l'alcoolique (persécuté ou non)

sera peu sensible aux arguments développés pour le convaincre.

Leibnilz, dont les conseils sont cités à ce propos, prescrivait un

voyage, entrepris tout exprès, pour guérir un amour malheureux.

Nous ne savons pas si ce genre de traitement a produit d'heureux

résultats ; nous nous. permettrons d'en douter et nous inclinons à

penser que les voyages ont guéri de leur amour ceux-là seulement

qui n'en étaient pas bien malades. De même pour les alcooliques,

le traitement moral n'aura d'effet qu'au début de l'intoxication et

ne ramènera dans le bon chemin qu'un bien petit nombre d'égarés.

Aussi est-ce surtout à la prophylaxie que nous adresserons nos

préférences, par la propagande privée et par l'éducation de la jeu-

nesse qui seules dans la lutte contre l'alcool ont déjà remporté des

succès. Au surplus, nous ne perdrons pas courage, et si la tâche

est ingrate, nous nous inspirerons en présence de l'alcoolique invé-

téré des préceptes de Kowalevsky : « Tantôt, dit Kowatevsky, le

malade réclame de l'indulgence, de la bonté ; tantôt il doit être

traité avec sévérité et on se montrera inflexible à son égard;

d'autres fois encore on lui tiendra un langage aimable ou rail-

leur... » Cela demande sans doute une grande habitude des

malades, un sens clinique exercé ; mais le professeur russe exige

encore de nous une somme de perfection qui, si elle était réalisée,

produirait assurément des merveilles ; « Le médecin aliéniste sera

nécessairement observateur, fin, spirituel ; il saura conserver le

calme, le sang-froid, la présence d'esprit au milieu des circons-

tances les plus difficiles... » En résumé, le travail de M. Cololian

renferme plus d'un chapitre intéressant, la division en est claire,

méthodique, les observations toutes personnelles sont judicieuse-

ment choisies ; il sera consulté avec fruit. L. Thivet.

VARIA.

Statistique des bègues en France.

Le bégayement est considéré dans tous les pays comme un cas

d'exemption du service militaire. On peut être surpris au premier

abord, que cette affection ait paru assez grave à l'autorité mili-

taire pour justifier l'exemption. ,

Si l'on y réfléchit, on voit que le bègue, étant inhabile à parler,

428 VARIA.

peut malaisément fournir les explications qu'on peut avoir besoin

de lui demander et que, par la, il peut être une cause de désordre.

Mais il y a plus. Comment confier à un bègue le rôle de sentinelle ?

il y a gros à parier que lorsqu'il faudra crier : « Qui vive ? » il aura

beaucoup de peine : 'i s'acquitter de sa tâche. Et peut-êlre même

que, paralysé par l'émotion qui ne manquerait pas de le saisir

dans une occasion un peu troublante. il ne dirait rien du tout

lorsqu'il faudrait au contraire parler et risquerait ainsi de com-

promettre la troupe qu'il serait chargé de protéger. On voit donc,

que finalement, la mesure est dictée par le bien du service.

Le ministère de la guerre publie, chaque année, les procès-ver-

baux des conseils de révision. On y trouve pour chaque départe-

ment le nombre des conscrits exemptés comme atteints d'infir-

mités rendant impropre au service militaire.

C'est à ces sources officielles que M. Chervin a pris les rensei-

gnements qui lui ont servi à dresser la statistique et la répartition

géographique du bégayement en France.

Pour étudier la fréquence d'une infirmité, il faut comparer le

nombre des conscrits exemptés pour cette infirmité à celui des

examinés. M. Chervin a fait porter ses recherches sur une période

de dix ans, 1886 à 1895. Ce qui est remarquable, tout d'abord,

c'est combien les départements sont diversement frappés. Le

département à moyenne minimum, la Seine, présente une

proportion de 1 bègue pour 1.000 conscrits examinés ; le départe-

ment à moyenne maximum, les Côtes-du-Nord, en a près de 30.

Les proportions se suivent assez régulièrement de 1 à 10 p. 1000

puisque 71 départements sont compris dans cette limite. Les

moyennes s'élèvent ensuite rapidement jusqu'à 20 p. 1.000 conte-

nant seulement 13 départements dans cet autre limite de 10 unités.

Puis des soubresauts très marqués apparaissent et l'on passe

successivement de 20 à 25, 26 et 29 p. 1.000. Il va sans dire que

ces trois dernières moyennes sont tout a fait exceptionnelles.

En somme, sous le rapport du bégayement, la France se par-

tage en deux moitiés égales et diversement frappées.

La moitié méridionale, et notamment le sud-est, est très sensi-

blement la partie la plus maltraitée. La moitié septentrionale

d'une manière générale est, au contraire, dans des conditions

favorables. L'Artois, la Flandre, la Lorraine, la Franche-Comté,

la Bourgogne, le Nivernais, la Champagne, l'Orléanais, la Tou-

raine, l'Anjou, l'Ile de France et la Picardie ont des moyennes

faibles. Seules la Normandie, la Bretagne et le Poitou ont des

moyennes élevées. Dans la moitié méridionale se trouvent les

régions à forte moyenne : le Limousin^ le Dauphiné, la Savoie, la

Provence et le haut Languedoc.

Quelle est l'explication de cette curieuse répartition géogra-

phique ? Si l'on compare le cas d'exemption du service militaire

VARIA. ' 429 9

pour cause d'affection nerveuse à ceux d'exemption pour bégaye-

ment, l'on voit que les deux statistiques présentent de nombreux

points de ressemblance et que la silhouette générale est absolu-

ment la même.

Au fond la chose ne présente rien que de très naturel, car le

temps n'est plus où l'on considérait le bégayement comme dû à

un vice de conformation de la langueou à la présence de tumeurs

adénoïdes dans les fosses nasales, etc. L'expérience scientifique

montre plus clairement, chaque jour, que le bégayement est une

affection nerveuse. Dès lors il n'y a rien d'extraordinaire à lui

voire suivre la marche des affections nerveuses.

La statistique a montré à M. Chervin que 1.000 conscrits environ

sont exemptés complètement chaque année du service militaire

ou versés dans le service auxiliaire; cela fait une proportion de

i,50 p. 1.000 examinés. C'est une moyenne déjà assez élevée, mais

elle ne représente qu'un minimum, car les instructions ministé-

rielles ne prescrivent l'exemption que lorsque le bégayement est

assez prononcé pour empêcher de crier : « Qui vive ? » ou de

transmettre intelligemment une consigne. Dans le cas contraire,

il est classé dans le service auxiliaire. (Revice scientifique,

22 octobre 1898.)

Internement D'UN .1LI1 : 1 : ; R13SISTNCE DU maire DE sa commune.

Le Bonhomme normand (22 avril) reproduit le fait sui-

vant :

Un jeune homme de l'arrondissement de Bayeux, atteint d'un

mal nerveux, a été interné à l'asile du Bon-Sauveur de Caen et y

a été maintenu malgré l'avis défavorable du maire de la com-

mune. Ce jeune homme est-il devenu réellement fou ? Beaucoup

de ceux qui le connaissent en doutent. Une enquête, seule, pourrait

les convaincre. A la suite de cet internement, le maire a été mis

en demeure par la préfecture de signer un mandat pour la contri-

bution de la commune dans la dépense due au Bon-Sauveur. Les

communes doivent, assurément, payer lorsque la famille de l'in-

terné est dans l'indigence. Tel n'est pas le cas, car la famille du

jeune homme interné n'est pas dans la misère ; son père touche-

rait même une pension de retraite assez élevée. C'est à vérifier.

Ce cas n'est malheureusement pas isolé. Au lieu de provo-

quer l'internement des aliénés pour rendre la guérison plus

facile, beaucoup de maires, afin de ne pas obérer leur com-

mune, le retarde le plus longtemps qu'ils peuvent.

Voici un autre fait qui vient a l'appui de l'opinion que

430 FAITS DIVERS.

nous venons de formuler au sujet de l'indifférence des maires

en ce qui concerne l'assistance des aliénés :

Au milieu des lâchetés et des défaillances de l'heure actuelle,

il est bon de trouver des actes de probité, de dévouement et d'hon-

neur. On ne saurait les passer sous silence et les signaler est un

plaisir en même temps qu'un devoir.

Dans un village de l'Ardèche, 'CL Saint-André-de-Cruzières, une

fillette idiote perdit son père et sa mère, et resta seule au monde.

Nos paysans sont peu compatissants, la commune n'est pas riche,

le curé était plus occupé des affaires du ciel que de ses ouailles,

et la pauvre malheureuse, abandonnée et rebutée, n'avait plus

qu'à crever de faim sur le bord d'une route, comme un animal.

Elle trouva une providence dans l'institutrice communale laïque,

M"0 Froment, qui l'a recueillie, s'est chargée de la nourrir, de la

vêtir et de lui donner tous les soins réclamés par son état en

attendant son admission dans un asile. (L'Aurore du 24 avril.)

FAITS DIVERS.

Les épileptiques. Le nommé Marius A..., jardinier, âgé de

25 ans, demeurant à Dardennes, passait hier, après midi, sur le

boulevard de Strasbourg. Pris soudain d'une violente crise épi-

leptique, le malheureux est tombé lourdement sur le sol et s'est

fait quelques blessures, heureusement sans gravité. Un certain

nombre de curieux s'étaient groupés autour du malade qui a

repris enfin connaissance un bon moment après, et a pu rega-

gner son domicile. (Petit Var, 12 avril.) 0

Abus de l'hypnotisme. Un marchand d'objets de sainteté, de

Montmartre, a hypnotisé la fille d'un de ses amis et a abusé d'elle.

Aujourd'hui la jeune fille est enceinte. (Bonhomme normand,

22 avril.)

L'Assistance des aliénés. Sous ce titre : Sauvée par un chien,

le Petit Parisien relate le fait suivant :

« Au n°24 de l'avenue Faidherbe, aux Lilas, habitait une femme

Eugénie Monteille, atteinte de la monomanie du suicide. Hier ma-

tin, voulant, pour la quatrième fois en finir avec la vie, elle alla

se jeter dans un puits situé au fond du jardin de la maison qu'elle

habite. Mais il était dit qu'elle ne réussirait pas davantage cette

fois. En effet, à un mètre environ au-dessus du niveau de l'eau,

son jupon s'accrocha à un énorme morceau de fer fixé dans la

FAITS DIVERS. 431

paroi du puits. Ainsi suspendue au milieu de l'abîme, la malheu-

reuse se mit à pousser des cris horribles qui n'attirèrent l'attention

que du chien de garde de la maison.

L'intelligent animal vint alors se placer devant l'orifice du puits,

appuyant ses pattes de devant sur l'extrémité de la'margelle et se

mit a aboyer avec furie. La persistance de ses aboiements amena

enfin l'intervention d'un voisin, M. l'..., àgé de trente-sept ans, qui,

en arrivant auprès du puits, perçut enfin les cris que poussait la

pauvre femme, et la vit se débattant au-dessus de l'eau. Aussitôt

il courut chercher de l'aide et se fit descendre. Il n'était que temps.

Sous le poids delà femme, ses vêtements accrochés au morceau

de fer se déchiraient peu à peu et allaient céder. M. P... saisit la

femme Monteille après bien des difficultés et parvint, aidé par

plusieurs ouvriers, à la remonter dans le jardin.

Pour prévenir toute nouvelle tentative de suicide, M. Clément,

commissaire de police, a fait diriger la malheureuse aliénée sur

l'infirmerie spéciale du Dépôt, non sans avoir chaudement félicité

son sauveteur. » D'où il suit qu'on aurait dû provoquer plus tôt

l'internement de cette malheureuse.

Aliénés en liberté. Un fotc assassin. On écrit de Saint-Etienne

au Progrès de Lyon du 4 avril :

La commune des Tarentaises, but d'excursions de nombre de

Stéphanois pendant la saison estivale, a été dans la nuit de samedi

à dimanche le théâtre d'un drame delà folie. Un habitant de cette

localité, le nommé lilochon, qui avait été, il y a un an, interné à la

suite d'actes de folie, de nature à faire craindre pour son entourage,

a été pris d'un nouvel accès et a tué sa femme d'un coup de fusil.

Alcoolique meurtrier. A Nancy (3 avril) , un cordonnier

d'origine italienne, Salvator Desgardin, âgé de dix-huit ans, se

trouvait dans un débit de boissons, au coin de la rue et du pas-

sage Victor, en compagnie d'un tailleur d'habits. Louis Zigan, et

de plusieurs camarades. Une discussion futile commença, qui

s'envenima par suite de l'état d'ébriété où se trouvaient tous ces

individus. Soudain, dans un accès de fureur alcoolique, Desgar-

din, tirant de sa poche un couteau à lame mince et effilée, en porta

un coup à Zigan qui tomba frappé au coeur.

Le meurtrier s'enfuit. Quelques instants après on l'arrêtait chez

sa soeur, 111 ? Rèche, chez qui il fumait tranquillement une ciga-

rette. Il a l'ait des aveux complets. Desgardin a la plus déplorable,

réputation dans son quartier. Quant à Louis Zigan, qui est mort

sur le coup, il était veuf et père de deux enfants, âgés de qua-

torze et de dix ans. (Petit Journal, 4 avril.)

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Revue philosophique. Sommaire du numéro de mars 899 (21° année) :

Il. Bois : La conservation de la, foi (11, articlel. - A. Fouillée : I,a psy-

chotogie religieuse dans Michelet. J.-J. Van )iiE ! t\ ! .mr : L'homme

droit et l'homme gauche (2° ar)ic)e).Bévue générale; V. Ill ? Niti : Les

travaux récents de z (tin). Analyses et comptes rendus.

Bévue des pétiodiques étrangers. Livres nouveaux. -Félix Alcan,

éditeur, 108, boulevard Saint-Germain, Paris.

Le rédacteur-gérant, Bouiixeville.

livrew, IIéhis&eï, inip. U99

Vol. VII. Juin 1899. No 42

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

PATHOLOGIE MENTALE.

LE DÉLIRE SYSTÉMATIQUE PRIMITIF D'AUTO-ACCUSATION ;

Par le D' J. SÉGLAS,

i)lédecin de 1'liosl,ice de Bie(ltre.

Le délire d'auto-accusation a été longtemps considéré

comme caractéristique de la mélancolie. Aujourd'hui encore,

le terme de délire mélancolique est bien souvent employé,

par un véritable abus de langage, comme synonyme de délire

d'auto-accusation; et pour peu que ce délire s'accompagne

d'un état de dépression ou d'anxiété plus ou moins accentué,

d'idées de suicide, etc., le diagnostic de mélancolie parait

indiscutable.

Il est loin cependant d'en être toujours ainsi. Car, ce n'est

pas tant la simple notation de ces symptômes qui importe,

que la détermination de leur mode d'apparition et d'enchaî-

nement.

Puis, le délire d'auto-accusation n'est nullement caractéris-

tique d'une forme mentale déterminée et peut se rencontrer

dans bien des circonstances différentes, au même titre que

tout autre délire.

Si l'on considère, en particulier, les formes systématiques

de ce délire d'auto-accusation, nous savons d'une part qu'il

peut se présenter à titre de délire systématisé secondaire,

consécutif à une phase de mélancolie aiguë.

D'autre part certains auto-accusateurs, plus ou moins dépri-

més ou anxieux, ne sont plus regardés aujourd'hui comme

ARCIIIVES, 2° série, t. vII, 28

434 Il PATHOLOGIE MENTALE.

atteints de mélancolie, mais sont classés à juste titre parmi

les délirants systématiques primitifs, aigus ou chroniques.

Il est à remarquer que, dans les cas de ce genre envisagés

jusqu'ici, un des éléments de diagnostic a été le polymor-

pibisîiîe du délire; les idées d'auto-accusation se manifestant

avec d'autres idées, hypochondriaques, de persécution, plus

ou moins étroitement reliées l'une à l'autre, présentant la

note habituelle aux délirants systématiques; ou bien se mon-

trant, accompagnées d'autres symptômes (anxiété, halluci-

nations, sitiophobie, suicide) à titre d'épisode aigu et tran-

sitoire, au cours d'un délire systématique préexistant, de

formule différente. La distinction avec la mélancolie se trou-

vait ainsi singulièrement facilitée.

Or, il est d'autres cas, tout à fait analogues, où cet élément

important de diagnostic fait défaut, les idées d'auto-accusa-

tion constituant à elles seules le délire. Ce sont des faits de ce

genre, désignés quelquefois du nom, assez impropre à notre

avis, de mélancolie des dégénérés et représentant en quelque

sorte le type pur du délire systématisé primitif d'auto-accu-

sation, que nous nous proposons d'étudier spécialement au-

jourd'hui'. Depuis plusieurs années, nous avons pu en réunir

un certain nombre d'exemples (10) qui nous serviront de

guides dans cette description.

Si l'on envisage l'aspect symptomatique et l'évolution de

l'affection, on peut distinguer : 1° des cas à évolution chro-

nique; 2° des cas aigus revêtant la forme de délires d'emblée

plus ou moins prolongés ou de simples bouffées délirantes.

1. Voyons d'abord les cas à évolution chronique.

Le début des accidents délirants est déjà par lui-même

assez caractéristique. Il rappelle exactement celui de formes

de délires systématisés primitifs qui nous sont plus familiers,

tels les délires de persécution.

Tantôt, en effet, les conceptions délirantes se manifestent

1 On pourra trouver quelques indications à ce sujet dans les travaux

suivants : Witkowski. AU. Z. sur Psych. Bd XLII, 6, 1886. Koch. Guide

de psychiatrie. Kraepelin. Compendium de psychiatrie. Schuele.

Traité des maladies mentales. Marandon de Montyel. Aîin. médico-

psych., 1890. Ballet. Art. Psychoses in Traité de médecine Charcol-

l3ouclarcl. Séglas. Leçons cliniques sur les maladies mentales et

nerveuses, et communications au Congrès d'Angers, 1898. Roncoroni.

L(tpci-(ilypéi ? zaiiieitiAizît.dil'ieii.,1898. -

DELIRE SYSTÉMATIQUE PRIMITIF D'AUTO-ACCUSATION. 435

subitement, sans avoir été précédées de ces différents symp-

tômes, somatiques ou psychiques, qui marquent le début des

accès de mélancolie'. Tantôt, elles se sont développées d'une

façon insidieuse, sans que l'attention de l'entourage ait été

attirée sur l'existence d'une affection mentale avant l'appa-

rition du délire.

L'explication de ce mode de début se trouve tout naturelle-

ment dans la constitution^psychique même des sujets. Ce sont

en général des héréditaires plus ou moins tarés, qui, anté-

rieurement déjà, ont pu présenter des signes divers de désé-

quilibration mentale. Souvent même on retrouve chez eux

certains traits de caractère particuliers. Ce sont des individus

peu communicatifs, timides, indécis, scrupuleux, sans cesse

défiants et mécontents d'eux-mêmes, rêvant d'un idéal chi-

mérique, sujets aux désillusions et au découragement, en un

mot présentant déjà en germe des tendances que leur délire

ne semble que traduire plus tard d'une façon exagérée. En

même temps, leur caractère par d'autres traits, notamment la

susceptibilité, l'orgueil, l'entêtement, l'égoïsme, la méfiance

rappelle quelque peu celui des délirants systématiques ordi-

naires.

Le symptôme le plus saillant de l'affection une fois cons-

tituée, se trouve dans l'existence des idées d'indignité, d'inca-

pacité, de culpabilité, etc., en un mot du délire d'auto-accu-

sation. Mais ce délire se présente sous un aspect, avec des

caractères intrinsèques très différents de ceux du délire d'auto-

accusation de la mélancolie. Il se manifeste à titre de phé-

nomène primitif et prédominant, au lieu d'être, comme dans

la mélancolie, un phénomène secondaire. Il n'est pas l'expres-

sion délirante d'un changement dans les conditions de la

personnalité du malade, mais ne représente que l'exagération

dans le même sens de certains traits d'une personnalité déjà

anormale.

Aussi n'a-t-il pas non plus ce caractère pénible, de peine

morale, que le délire du mélancolique puise dans l'un des élé-

ments fondamentaux de la maladie, la douleur morale. Ici la

perturbation affective primordiale est absente; et la seule

note émotionnelle que l'on peut saisir, souvent très nette, dans

l'attitude, les discours même du malade, est celle de l'amour-

propre vexé, du mépris affecté de soi-même, de l'orgueil

impuissant. Aussi pourrait-on presque dire que l'humilité du

436 PATHOLOGIE MENTALE. '

délire n'est qu'une étiquette trompeuse, qu'elle n'est pas une

humilité sincère, mais ne traduit souvent qu'un sentiment

d'humiliation et par suite d'orgueil, de vanité blessée.

D'autre part, il est à remarquer que ce délire d'auto-accu-

sation ne présente pas cette espèce de rayonnement centri-

fuge du délire du mélancolique. Le malade n'envisage pas

les conséquences que peuvent avoir son indignité, son inca-

pacité, sa culpabilité, etc. sur l'avenir des siens. Il fait preuve

au contraire d'un profond égoïsme, reste confiné dans l'ana-

lyse subjective, la contemplation désespérante de son moi.

Loin d'avoir cette fixité monotone qui fait du délire mélan-

colique une sorte de litanie, les conceptions délirantes revê-

tent un caractère de systématisation des plus nets. Les moin-

dres faits sont interprétés par le malade dans le sens de ses

idées et deviennent autant de preuves à l'appui de ses convic-

tions. A tout instant il fait preuve d'un manque de critique

absolu, ne se rend à aucun argument et, dans l'édification

de son système délirant, il ne se borne pas à chercher des

preuves dans le présent, mais il remonte dans son passé pour

y trouver à chaque pas de nouvelles preuves de son indi-

gnité et de ses fautes.

Ce délire d'auto-accusation repose essentiellement sur des

interprétations délirantes : dans les cas de forme chronique

que nous avons observés, nous n'avons pu relever d'halluci-

nations. Cela d'ailleurs n'infirme nullement la possibilité de

leur existence.

Lorsque l'on examine l'état mental sur lequel repose ce

délire, on n'y retrouve aucune de ces modifications si carac-

téristiques qui accompagnent le délire d'auto-accusation chez

le mélancolique. Ici les facultés intellectuelles ont conservé,

dans leur exercice, toute leur vivacité. L'attention, la per-

ception, la mémoire, l'association des idées ne témoignent

nullement de cet arrêt psychique habituel à la mélancolie.

En dehors de leur délire partiel, les malades conservent toute

leur lucidité, toute leur vivacité d'esprit; et beaucoup d'entre

eux peuvent même continuer à s'acquitter comme devant de

leurs occupations ordinaires.

Au point de vue émotionnel, il n'y a rien qui rappelle la

douleur morale profonde et fondamentale du mélancolique.

Tout au plus peut-on noter dans les paroxysmes, à l'état

passager, un peu de dépression ou d'agitation anxieuse. Mais

DÉLIRE SYSTÉMATIQUE PRIMITIF D'AUTO-ACCUSATION. 437

il est très aisé de se rendre compte qu'il ne s'agit là que de

simples phénomènes réactionnels, tels qu'on les observe sou-

vent par intervalles chez les persécutés systématiques.

En parlant des réactions de ces malades, nous devons une

mention toute particulière aux tentatives de suicide qui,

mûrement réfléchies, bien combinées, exécutées avec déci-

sion, sont souvent des plus dangereuses et déjouent la sur-

veillance la plus attentive.

Il y a là une certaine différence avec ce qu'on observe chez

les mélancoliques qui, mûrissent sans doute très longtemps

leurs projets de suicide, inventent toutes sortes de plans,

mais en remettent l'exécution de jour en jour; chez lesquels

ce luxe de combinaisons ne fait, en réalité, que cacher un

manque absolu de décision et d'initiative, inhérent à leur

condition même de mélancoliques ; et dont les tentatives de

suicide n'aboutissent que sous le coup d'un raptus anxieux,

de terreurs panophobiques, d'une impulsion subite.

Au point de vue somatique, comme au point de vue psy-

chique, on ne retrouve encore rien de l'état mélancolique.

L'état général reste bon, les fonctions organiques s'accom-

plissent normalement. La physionomie, l'attitude, le langage

ne rappellent non plus en rien ceux des mélancoliques.

Si rapide qu'il soit, l'exposé précédent suffira, je l'espère,

pour montrer combien, par le mode de début, les caractères

du délire, l'absence de tout symptôme, somatique ou psy-

chique, d'un état mélancolique fondamental, ces cas diffèrent

de la mélancolie pour se rapprocher au contraire de la folie

systématique.

Voici d'ailleurs un exemple entr'autres qui me paraît bien

démonstratif.

X... est un jeune homme de vingt-cinq ans, de taille moyenne,

régulièrement constitué ; son aspect physique, au moment même

où il nous est amené, ne trahit nullement un état de souffrance

de l'organisme. Sa physionomie, son attitude ne nous révèlent au

premier abord rien de bien particulier. Il nous apparaît seulement

comme très émotif, timide, embarrassé.

Peu prolixe, volontiers même réticent, il émet cependant très

nettement des idées paiticulières, dont la formule générale

mérite dès l'abord de fixer notre attention.

C'est ainsi qu'il se considère comme un être inférieur à tout le

monde, une sorte de rebut de l'espèce humaine. Rien de ce qu'il

fait n'est bien ou suffisamment bien : et malgré tous ses efforts,

438 PATHOLOGIE MENTALE.

il n'arrive pas à se maintenir au niveau d'un homme ordinaire. Il

n'est qu'un propre à rien, un mauvais employé, un être inutile,

incapable de subvenir à ses besoins, à ceux de sa famille, d'élever

son enfant. Il est un menteur, un fourbe, un hypocrite, un

lâche, etc... Il n'est qu'un « fantôme d'homme ».

Par leur caractère d'auto-accusation généralisée, les concep-

tions délirantes offrent ainsi de grandes ressemblances avec celles

des délirants mélancoliques ordinaires. Mais, en les analysant

de plus près, elles semblent se distinguer par quelques notes très

particulières.

C'est ainsi qu'elles n'ont pas ce caractère pénible, de douleur

morale profonde, qui marque d'une empreinte si caractéristique le

délire du mélancolique. Le malade se sent simplement humilié

de son infériorité et le sentiment qu'il en ressent est avant tout

celui de l'amour-propre vexé. Cela est très nettement mis en

lumière par son attitude, le ton général de son discours, le mépris

presqu'affecté avec lequel il se traite, ses interjections, ses hausse-

ments d'épaule lorsqu'il parle de lui-même, et certaines de ses

phrases où par exemple il déclare dédaigneusement n'être « qu'un

fantôme d'homme, qui n'est seulement pas capable d'être le

maître chez lui ».

Ce n'est plus le sentiment d'humilité vraie du mélancolique qui

transparaît dans la formule du délire, mais un sentiment d'humi-

liation, et par suite d'orgueil.

D'ailleurs, bien que ce délire soit un délire d'auto-accusation, il

n'a point le rayonnement centrifuge de celui du délirant mélan-

colique. Le malade reste absorbé dans l'analyse subjective de son

moi moral, dans la contemplation de son état d'infériorité et

d'abjection. Mais, malgré les apparences, il n'en tire pas de consé-

quences pour ceux qui l'entourent; et ses aspirations à un idéal de

perfection morale ne sont que le voile sous lequel se cache un

égoïsme extraordinaire, et un orgueil profond.

Bien que les idées délirantes revêtent toutes la même formule

uniforme d'auto-accusation, le délire ne se présente pas avec le

caractère de fixité, de monotonie du délire mélancolique. Il est

empreint au contraire d'une systématisation des plus évidentes.

Le malade ne se contente pas d'affirmer son infériorité, de se

lamenter sur son incapacité; mais les plus petits faits, les moindres

de ses actes sont interprétés dans le sens de ses convictions

erronées et invoqués comme preuves à l'appui. Il discute tous les

arguments qu'on peut lui opposer. En vain sa femme déclare ne

manquer de rien, et trouver que les ressources du ménage les

mettent à l'abri du besoin; il ne se laisse pas convaincre Ce sont

de vaines paroles dites pour le rassurer, et en admettant même que

sa femme soit sincère, cela prouve qu'elle s'aveugle sur tout, sur

la vie, sur les hommes, en particulier sur lui. Que ses chefs

DÉLIRE SYSTÉMATIQUE PRIMITIF D'AUTO-ACCUSATION. 439

soient contents de lui, il est possible qu'ils le disent, mais leur

témoignage n'a aucune valeur : car il est mille petits détails de son

service qu'ils ignorent et par suite ils ne peuvent juger de son

incapacité réelle. L'avancement qu'on songe lui donner ne signifie

rien non plus, puisqu'on s'abuse sur son compte, et qu'il ne le

mérite pas; et il faudra bien que tôt ou tard on s'en aperçoive. Que

son confesseur trouve ses scrupules de conscience exagérés, qu'est-

ce que cela peut signifier ? Son rôle n'est-il pas d'être indulgent,

de consoler, de ne pas décourager ses pénitents ? Ses scrupules

sont vrais et justifiés, il ne fait que le mal ; et alors même qu'il

semble faire quelque chose de bien, cela est faux parce qu'il a

toujours le mal en tête depuis son lever jusqu'à son coucher.

Lorsqu'il est à bout d'arguments, il ne persiste pas moins dans

ses opinions, se contentant de déclarer « qu'il y voit clair et qu'il

n'y a que lui qui y voie clair ».

En face de cette prétention exagérée, il n'est pas sans intérêt de

faire remarquer un fait qui met au contraire bien en lumière le

manque absolu de critique de la part du malade, opposé à l'ana-

lyse qu'il fait de son « état d'àme et qui pourrait en imposer.

Nous avons émis tout à l'heure l'opinion que ses idées d'auto-

accusation n'étaient que le masque d'un orgueil profond. Voilà

une chose qu'il se refuse absolument à admettre et il est curieux

de voir cet individu, qui semble se juger avec la dernière sévérité,

s'attribuer toutes sortes de défauts, ne pas admettre ceux qu'il a

réellement et que tout le monde autour de lui lui reconnaît, la

susceptibilité, l'orgueil, l'entêtement.

Il est à noter aussi qu'il supporte très mal la contradiction : toute

discussion l'impatiente ; à la moindre objection il hausse les

épaules, regarde son interlocuteur d'un air quelque peu dédaigneux,

élève la voix, devient irritable, s'anime, et répon«a.vec vivacité,

d'un ton brusque, mécontent, presque colère.

D'après ce qui précède, le caractère de systématisation du

délire semble déjà évident. Il apparaîtra encore plus net, lorsque

l'on saura que le malade apprécie de la même façon, non seule-

ment les faits de sa vie actuelle, mais encore ceux de toute sa vie

passée; et vis-à-vis des uns comme des autres s,e montre rebelle à

toute interprétation différente de la sienne. Par ? exemple, si lors

de son service militaire il a rapidement conquis les galons de

sous-officier, ce n'est pas une preuve qu'il fût bon soldat. Mais ses

chefs se sont abusés sur son compte parce qu'il était un hypocrite

et s'il fût resté au service on aurait bien été obligé de reconnaître

son incapacité et son hypocrisie ; on l'eût certainement cassé de

son grade. Si je me borne à citer ce fait, cela ne veut nullement

dire qu'il soit isolé. Au contraire le malade aujourd'hui juge delà

même façon tous les détails, même les plus éloignés, de sa vie anté-

rieure : et, dans cette analyse rétrospective, refait ainsi toute son

440 PATHOLOGIE MENTALE.

existence dans le sens de ses convictions actuelles, la jugeant

avec la même sévérité.

Aussi que lui importe l'avenir ? il n'a pas d'illusions à se faire à

cet égard et sait bien à quoi s'en tenir. L'avenir sera ce que fut le

passé, ce qu'est -le présent, si ce n'est pis encore. Peut-il être

jamais autre chose qu'un incapable, lâche, hypocrite et men-

teur.

Malgré tout, le malade ne semble pas se résigner volontiers à

cette perspective. Tout en faisant peu de cas de l'utilité de ses

efforts, il ne semble pas abandonner son rêve de perfection idéale.

Maintenant encore il continue à remplir, plus exactement et plus

scrupuleusement que jamais, ses devoirs religieux; il se rend cha-

que jour à ses occupations, s'occupe de ses fonctions journalières

avec le plus grand zèle et ses chefs déclarent -spontanément être

aussi satisfaits que possible de ses services ; il est même question

pour lui d'un avancement.

Les considérations précédentes nous montrent que le délire

de ce malade, soigneusement analysé, ne présente pas les

caractères habituels du délire d'auto-accusation mélanco-

lique, mais se rapproche au contraire, par bien des côtés du

délire de la folie systématique (paranoïa) primitive.

Parmi les caractères différentiels du délire de la mélan-

colie et de la paranoïa primilive, il en est un fondamental,

qu'il nous reste à examiner chez notre malade, celui de l'ori-

gine secondaire ou primitive.

Quel a donc été chez lui le mode d'apparition et de déve-

loppement des idées délirantes qu'il émet aujourd'hui ?

L'étude des anamnestiques nous fournira à ce propos des ren-

seignements de première importance.

Notons d'abord que le père de ce jeune homme est mort

dans un .asile d'aliénés ; un oncle, frère du père, a présenté

également des symptômes d'aliénation mentale.

Rien de particulier dans son enfance. Intelligent, mais.

apathique, il a toujours été d'un caractère méticuleux, scru-

puleux, indécis, timide et en même temps orgueilleux, très

entêté, triste, peu communicatif, se défiant des autres aussi

bien que de lui-même. Plus lard, il fit preuve d'un véritable

état d'instabilité mentale, changeant de métiers sans motif

sérieux, sans but défini, se laissant aller à l'aventure, sans

initiative personnelle, au gré des suggestions du moment,

pris d'enthousiasme au moindre propos pour une chose nou-

velle et tombant de même tout aussi vite dans la désillusion

DÉLIRE SYSTÉMATIQUE PRIMITIF D'AUTO-ACCUSATION. 444

et le découragement. Malgré les fatigues et les veilles suppor-

tées dans différentes places, il lisait beaucoup, mais n'im-

porte quoi, sans suite et sans projet, sous le coup de vagues

aspirations à un idéal obscur de supériorité intellectuelle et

morale.

A dix-huit ans, onanisme pendant dix-huit mois. A vingt

et un ans, il a fait son service militaire et est sorti du régi-

ment avec le grade de sous-officier. Toujours scrupuleux,

sans cesse mécontent de lui-même, ne trouvant jamais qu'il

faisait assez ni assez bien, il était en revanche très aimé de

ses camarades et très estimé de ses chefs.

A vingt-trois ans, une fois libéré du service, il a connu

par hasard, dans les relations de sa mère, une jeune orphe-

line qui, élevée par des parents libres-penseurs, venait de se

convertir et d'entrer au couvent. Après quelques entretiens

seulement avec elle, lui, qui jusqu'ici s'était toujours assez

peu soucié de la religion, se met à pratiquer avec exagéra-

tion. C'est à partir de ce moment que les idées délirantes,

sans être précédées ni accompagnées d'aucun autre symp-

tôme particulier, ont commencé à se manifester d'une façon

apparente pour la famille qui cependant n'y attacha pas

grande importance. Dans les sociétés dont il faisait partie,

comme dans l'administration où il était employé, le malade,

en raison même de ses scrupules, n'était que plus estimé,

considéré comme un excellent sujet, animé des meilleurs

sentiments, d'une conduite tout à fait édifiante.

Depuis, les conceptions erronées n'ont fait que se dévelop-

per progressivement; elles ont pris surtout une extension

plus rapide, en même temps qu'une ténacité plus grande,

depuis le mariage du malade, il y a neuf mois déjà.

Au point de vue de son origine, le délire d'auto-accusation

nous parait bien, d'après ce qui précède, mériter ici le quali-

ficatif de primitif. Il n'est plus, comme dans la mélancolie,

l'interprétation secondaire de phénomènes primordiaux

(troubles cénesthésiques, douleur morale, arrêt psychique),

dénotant une modification profonde survenue à un moment

donné dans toute la personnalité du sujet. Il se développe

insidieusement, progressivement, en ne représentant que

l'exagération d'un caractère indécis, instable, scrupuleux,

toujours à la poursuite d'un idéal que son manque d'équilibre

natif ne lui permet pas d'atteindre; malheureux de son

442 PATHOLOGIE MENTALE. ,

impuissance, qu'une certaine dose d'orgueil lui fait d'autre

part considérer comme une humiliation.

En même temps que la genèse du délire d'auto-accusation,

,cela nous fait très bien saisir certaines des nuances particu-

lières de ce délire que nous avons tout à l'heure cherché à

mettre en relief.

Les caractères actuels du délire, son mode de développe-

ment nous portent déjà à le considérer comme se rattachant

plutôt à une forme particulière de folie systématique primi-

tive qu'à la mélancolie.

D'autre part, on ne retrouve pas chez le sujet les traits fon-

damentaux de l'état mélancolique vrai.

C'est ainsi que du côté psychique, les facultés intellec-

tuelles ont conservé, dans leur exercice, toute leur vivacité.

L'attention, la perception, la mémoire, l'association des

idées ne semblent nullement atteintes à un degré quelconque,

de cet « arrêt psychique » qui est une des caractéristiques de

la mélancolie.

An point de vue émotionnel, il n'y a rien qui rappelle la

douleur morale profonde du mélancolique. Par instants seu-

lement, le malade 'éprouve quelqu'angoisse, mais cela n'est

que passager, et' manifestement secondaire à un paroxysme

d'exacerbation des préoccupations délirantes.

Au point de vue physique, on ne constate aucun des symp-

tômes qu'on rencontre d'ordinaire dans la mélancolie. L'état

général est excellent. La circulation, la respiration, la diges-

tion, etc., sont normales, et le malade n'accuse aucune sen-

sation particulière du côté des différents appareils orga-

niques.

La physionomie, l'attitude ne sont pas non plus celles du

mélancolique. Nous avons déjà vu que le malade continuait

à travailler aussi facilement, aussi activement qu'autrefois et,

dit-il, sans plus de fatigue. Au cours des interrogatoires, il

apparaît comme un timide, mécontent, susceptible, émotif,

facilement irritable, peu communicatif, mais jamais comme

un mélancolique déprimé, apathique, résigné ou anxieux.

Les considérations précédentes sur le mode de développe-

ment de l'affection considérée dans son ensemble et dans ses

rapports avec l'état mental antérieur du sujet, le tableau

clinique actuel, l'analyse précise des symptômes considérés

en eux-mêmes et dans leur filiation, leurs rapports réci-

DÉLIRE SYSTÉMATIQUE PRIMITIF D'AUTO-ACCUSATION. 443

proques nous permettent de retrouver ici les traits fonda-

mentaux de la folie systématique primitive. Seule, la formule

d'auto-accusation particulière du délire eût pu éveiller au pre-

mier abord l'idée d'un cas de mélancolie. Mais nous savons

aujourd'hui que la formule d'un délire, quelle qu'elle soit, ne

suffit pas à caractériser un état morbide, que le délire d'auto-

accusation, en particulier, n'est nullement pathognomonique

de la mélancolie, mais peut se rencontrer dans bien d'autres

formes vésaniques au même titre que les autres délires de

persécution, de grandeur, mystique, érotique, etc. Le diagnos-

tic d'une forme vésanique quelconque ne doit pas reposer seule-

ment sur l'existence de tel ou tel délire, mais sur l'ensemble

total des symptômes, leur évolution, leurs rapports intrin-

sèques, la connaissance du fonds particulier sur lequel ils se

manifestent. Ce n'est pas la teneur des idées, mais leur genèse

qui permet de rapporter un délire à la mélancolie ou la folie

systématique.

C'est ainsi que, dans le cas actuel, le délire d'auto-accusa-

tion ne peut être rapporté à la mélancolie délirante aiguë.

Il ne peut même pas être considéré comme une forme de

délire systématisé secondaire, consécutif à la mélancolie,

puisqu'à aucun moment, même au début de la maladie, il n'y

a eu de symptômes d'un état mélancolique.

Il se manifeste au contraire comme un symptôme relevant

de la folie systématique primitive à laquelle il donne seule-

ment, dans la circonstance, une teinte un peu particulière,

mais sous laquelle on retrouve néanmoins les traits fonda-

mentaux et caractéristiques de cette affection.

Quel est, en pareil cas, l'avenir des malades ?

Dans la forme chronique que nous, avons en vue, le délire

se systématise progressivement, puis persiste sous une forme

stéréotypée. Parfois surviennent, au bout d'un certain temps,

d'autres idées délirantes, de persécution, de grandeur, dont

l'adjonction au système délirant d'auto-accusation ne fait que

confirmer le diagnostic. Quelques malades au contraire pas-

sent du délire d'auto-accusation à un délire de négation sté-

réotypé. Cette forme délirante peut-elle aboutir à la démence ?

Le fait est possible, mais les observations que nous avons

relevées ne nous permettent pas de l'affirmer catégorique-

ment.

444 PATHOLOGIE MENTALE.

II. Passons maintenant aux cas aigus.

Si nous nous bornions à énumérer les différents symptômes

que l'on peut rencontrer quand l'affection est une fois consti-

tuée, nous retrouverions à peu près tous ceux que l'on observe

dans la mélancolie aiguë délirante. Aussi nous semble-t-il

préférable de mettre surtout en lumière les différences et les

contrastes principaux. Tout d'abord, il importe de noter que

là encore l'affection se développe sur ce terrain spécial, que

nous avons indiqué plus haut, et la plupart du temps sous l'in-

fluence de causes occasionnelles, extérieures, insignifiantes.

a. Le début est brusque, parfois subit, toujours très rapide

et c'est toujours aussi le délire d'auto-accusation sous ses

diverses teintes qui apparaît d'emblée, primitivement. Jamais

il n'est précédé ni préparé par une période de dépression

physique, morale, intellectuelle, ni d'anxiété simples.

Une fois le délire installé, le malade peut se montrer

déprimé ou anxieux. Mais il ne s'agit pas là de manifestations

permanentes, continues comme dans la mélancolie. Ce ne

sont plus que de simples épisodes réactionnels en rapport

avec l'exacerbation du délire. Cette mobilité, cette variabilité

du ton émotionnel est de la plus haute importance. Elle est

d'ailleurs des plus faciles à constater, et se reflète dans l'atti-

tude, la physionomie, le langage du malade, tantôt déprimé,

triste, anxieux, presque muet, tantôt indifférent, ou presque

souriant et causeur, en un mot « ondoyant et divers », comme

disait un de nos malades.

Les mêmes variations qui existent dans le ton émotionnel

se retrouvent dans l'activité des différents processus intellec-

tuels. Jamais on ne constate d'une façon permanente ce

ralentissement, cet arrêt psychique fondamental du mélan-

colique. A part certains intervalles où les sujets semblent

absorbés, distraits dans la rumination de leurs conceptions

erronées, la plupart du temps, même en plein accès, ils font

preuve dans la conversation d'attention, de mémoire, d'une

idéation étendue; ils s'occupent, lisent, écrivent des lettres;

nous en avons même vu faire de la musique et chanter. ,

Si l'on envisage les conceptions délirantes en elles-mêmes,

on y retrouve souvent la plupart des caractères que nous

avons essayé de mettre en lumière pour les formes chroni-

ques. Nous n'insisterons pas; nous dirons seulement que,

même dans les cas aigus, on s'aperçoit 'encore souvent que

DÉLIRE SYSTÉMATIQUE PRIMITIF D'AUTO-ACCUSATION. 44b

l'humilité de ce délire peut n'être qu'apparente. Mais le fait

capital, c'est que le délire d'auto-accusation n'a jamais la

fixité monotone de celui du mélancolique, et revêt tou-

jours un caractère, d'ailleurs variable, de systématisation,

reposant sur un ensemble d'interprétations précises, de soi-

disant preuves dont le sujet est toujours prêt à démontrer la

réalité.

Les hallucinations sont rares : lorsqu'elles existent, elles

sont presqu'exclusivement auditives et se présentent toujours

comme la traduction sensorielle du délire.

Tout en s'obstinant dans ses convictions erronées, le

malade ne fait d'ailleurs pas preuve d'ordinaire, à tout propos,

de cet entêtement, de cet esprit de résistance systématique

souvent signalés chez les mélancoliques, en raison même de

cette mobilité de caractère que nous avons signalée plus

haut.

Enfin, il est à remarquer que les signes somatiques font

défaut : les fonctions organiques continuent à s'accomplir

normalement et la santé générale reste bonne.

M. B..., âgé de quarante ans, fils d'un père nerveux, exalté, très

original, et d'une mère hypochondriaque,a toujours été lui-même

très nerveux, très impressionnable, fort intelligent d'ailleurs,

extrêmement instruit, mais d'une délicatesse de sentiments pres-

qu'outrée et qu'il se complaît en quelque sorte à raffiner. Comme

il le dit lui-même, il a toujours été un « sensitif ». Dans l'accom-

plissement de ses devoirs divers de fonctionnaire, de chef de

famille, il s'est toujours montré méticuleux, très scrupuleux, ap-

portant dans les moindres détails le souci de la perfection; sans

cesse mécontent de lui-même et voyant dans la moindre négligence,

la moindre erreur de sa part, une atteinte possible à sa réputation,

à sa dignité, à son autorité. Facilement enthousiaste, très suscep-

tible, autoritaire, sévère pour les autres comme pour lui-même, se

sentant froissé lorsqu'ils ne paraissaient pas manifester soit à

son égard, soit encore en dehors de lui, cette délicatesse de sen-

timents dans laquelle il se complaît, mais néanmoins toujours

obligeant et serviable. -

Dans le courant de l'année 1893, M. B... eut à subir des con-

trariétés très sérieuses à propos de rapports de famille, dont il se

montra quelque peu affecté, non sans raison d'ailleurs.

En même temps, certains de ses collègues ayant eu des démêlés

avec l'administration à laquelle il était attaché, il eut à en res-

sentir le contre-coup ; et les journaux politiques ayant entamé à ce

propos une polémique, il se trouva mêlé indirectement à cette

446 ' PATHOLOGIE MENTALE.

affaire. Il n'avait rien à se reprocher pour sa part ; aussi fut-il

d'autant plus sensible à ces événements. Et c'est alors que subite-

ment, sans avoir présenté d'autres troubles psychiques préalables,

il commença à émettre des conceptions véritablement délirantes

d'auto-accusation.- Il s'accusait d'être un incapable, un indigne,

considérant sa position comme perdue, voyant l'avenir de sa

famille compromis à cause de lui. Il était déshonoré ;. toute la

presse parlait de lui, sûrement il allait être mis à pied, et les

siens resteraient sans ressources, condamnés par sa faute à la

ruine et à la misère.

En vain cherchait-on à lui prouver la fausseté de ses idées, il

s'attachait à démontrer par toutes sortes d'arguments qu'il avait

raison et ne se rendait à aucune preuve.

L'état physique restait bon, l'appétit convenable, les digestions

régulières, le sommeil à peu près normal.

Au bout d'un mois environ, ne voyant se produire aucune amé-

lioration, bien que le malade eut été envoyé à la campagne et isolé

de son milieu habituel, les médecins qui le traitaient déterminèrent

la famille à le placer. C'est alors que nous pûmes l'observer.

A ce moment, le malade émettait toujours les mêmes idées

délirantes d'auto-accusation. Mais nous ne pûmes trouver chez lui

aucun signe qui nous permit de les rattacher à la mélancolie.

Leur mode d'apparition était déjà très particulier, bien diffé-

rent de celui des idées d'auto-accusation qui relèvent de la

mélancolie.

Nous avons déjà noté que, dans ce cas, les conceptions déli-

rantes s'étaient montrées subitement et les recherches les plus

minutieuses auprès des membres de la famille qui n'avaient pas

quitté le malade ne nous ont pas permis de retrouver avant elles

ces troubles particuliers qui constituent l'état mélancolique pro-

prement dit et qui, dans la mélancolie vraie, servent de fondement

au délire. Pas de troubles physiques, pas de désordres coenesthé-

tiques, pas de dépression, pas d'anxiété : le malade simplement

préoccupé, comme tout son entourage des ennuis dont il avait à

subir le contre-coup, ne s'était mis à délirer qu'à la suite de la

lecture de ce journal dont nous avons parlé. Jusque-là il avait con-

tinué à remplir les fonctions assez délicates dont il était chargé,

comme à l'ordinaire, sans plus de difficulté ni de fatigue.

Ces constatations rétrospectives nous semblaient mériter d'au-

tant plus de foi qu'elles concordaient absolument avec celle de

l'examen direct.

Bien que le délire fut toujours à ce moment aussi actit qu au

début, nous ne pouvions relever aucun signe qui nous permit de

le rattacher à la mélancolie.

Rien dans l'extérieur du malade ne révèle l'aliéné. Son attitude,

DÉLIRE systématique primitif d'auto-accusation. 447

sa démarche, sa physionomie n'ont absolument rien de celles si

caractéristiques des mélancoliques vrais. ,

La santé physique parait excellente : de fait, n'y a pas d'amai-

grissement, pas de troubles vaso-moteurs, digestifs, etc.; le som-

meil laisse seul un peu à désirer, mais le malade n'a jamais été un -

grand dormeur. Il ne se plaint d'aucune sensation douloureuse

et déclare se sentir tout aussi vigoureux qu'autrefois. Il n'accuse

non plus aucun trouble émotionnel permanent, qui ressemble

même de loin à la douleur morale du mélancolique.

Il s'exprime aisément, suit notre interrogatoire sans fatigue

aucune ; il répond sans difficulté; devient même volontiers prolixe

dans ses explications ; et, loin de ressasser d'une façon monotone

la même idée à la façon du mélancolique, s'ingénie à chercher des

preuves à l'appui de ses dires, invoque mille petits détails, entre

dans des discussions minutieuses, s'attache à réfuter tous les argu-

ments contraires au lieu de s'obstiner purement et simplement

dans une litanie monotone et ne se tient jamais pour battu. Tout

le délire d'ailleurs se borne aux idées d'auto-accusation, sans

mélange d'aucune conception délirante de teinte différente.

Le mode de début de ce délire, ses caractères particuliers,

l'absence des signes pathognomoniques de l'état mélancolique, ne

pouvaient nous autoriser à conclure qu'il s'agissait là d'un accès

de mélancolie délirante. Rien non plus ne pouvait nous faire

admettre un état mélancolique symptomatique de l'alcoolisme par

exemple, de paralysie générale, etc... Et nous fûmes ainsi amené

à porter par élimination le diagnostic de folie systématique avec

délire, de teinte particulière, d'auto-accusation.

L'observation ultérieure ne fit que confirmer ce dia-

gnostic.

Pendant un mois environ, l'état de M. B... reste stationnaire.

La santé physique se maintient excellente sous l'influence de

l'isolement, le sommeil s'améliore, ce qui même ne laisse pas de

vexer quelque peu le malade qui trouve là une nouvelle preuve de

son indignité, de son manque de coeur.

Au point de vue mental, le délire ne s'est nullement modifié ;

les idées d'auto-accusation sont toujours le symptôme prédominant

et même exclusif. Il n'y a pas de troubles émotionnels perma-

nents. Par intervalles seulement, le malade se montre irritable

lorsqu'on le contredit dans ses idées délirantes ou d'autres fois se

met à pleurer, à se lamenter sur son triste- état. Mais ce sont là

manifestement de simples réactions émotionnelles, très passagères

d'ailleurs, provoquées par une sorte de paroxysme délirant, ana-

logues à celles qui se manifestent transitoirement chez les persé-

cutés systématiques.

448 pathologie mentale.

En règle générale, il n'y a ni dépression, ni anxiété : loin de

rester inactif, isolé, ruminant ses tristes idées ou de s'agiter dans

une anxiété sans but, M. B... se mêle très volontiers aux autres

malades. Il en est même qui l'intéressent ; il les étudie, les

observe et fait même souvent sur leur état des remarques très

fines et très spirituelles. Bien que son délire soit resté aussi actif,

il lit, fait de la musique, sort à bicyclette, avec son domestique, va

se promener ou faire de petits achats; il reçoit très volontiers les

visites de parents, et écrit à sa femme des lettres très correctes où

il ne parle pas même de ses idées, ne voulant pas, dit-il, susciter de

nouvelles discussions et l'inquiéter sur une situation dont l'avenir

se chargera de lui montrer l'exactitude. Lorsqu'il n'est pas engagé

sur son thème délirant, il se montre causeur agréable, instruit, très

observateur, etc. Souvent même il s'anime dans la conversation et

se met à sourire. Ce contraste avec ses préoccupations habituelles

n'est pas sans le frapper lui-même et plus d'une fois il nous fit

remarquer combien il se montrait « ondoyant et divers ».

Dans les semaines suivantes, une amélioration progressive se

manifeste dans les troubles mentaux, sans qu'ils aient d'ailleurs

changé de caractère.

Les idées d'auto-accusation deviennent moins tenaces ; elles se

dissocient petit à petit. M. B... reconnaît d'abord que ses craintes

sont peut-être exagérées ; puis, il discute lui-même ses idées et

admet que beaucoup d'entre elles sont fausses.

11 parle de rentrer à son foyer, de reprendre ses occupations.

Mais il manifeste la crainte que toute cette aventure ne lui ait nui

auprès de ses supérieurs, de sa famille. Jouira-t-il de la même

considération ? Pourra-t-il encore être le chef de sa famille, le

maître chez lui ? Ne sera-t-il pas considéré comme un homme

« diminué » ? C'est là sa préoccupation prédominante actuelle-

ment, et elle mérite à notre avis d'être notée; car elle montre bien

un côté particulier du caractère du malade et peut taire tout au

moins soupçonner que ses conceptions délirantes d'auto-accusa-

tion n'étaient peut-être que le reflet d'un sentiment d'orgueil humilié

plutôt que d'humilité vraie.

Quoi qu'il en soit, le malade ne tarda pas à rentrer dans

sa famille, à reprendre sans accidents sa vie antérieure. Son

accès délirant avait duré en tout environ quatre mois.

Plus de deux ans se sont écoulés depuis lors sans nouvel

incident.

p. Parmi ces délires d'emblée d'auto-accusation, les uns

durent un temps assez long, sous l'aspect que nous venons

d'indiquer, les autres se présentent sous l'aspect de simples

bouffées délirantes ne durant que quelques jours.

DÉLIRE SYSTÉMATIQUE PRIMITIF D'AUTO-ACCUSATION. 449 9

Dans ces conditions, le tableau symptomatique est un peu

différent et ressemble à celui d'un délire systématisé aigu

hallucinatoire.

Le début est toujours subit, les conceptions délirantes appa-

raissent d'emblée en quelques heures. Ce sont des idées

d'auto-accusation, de culpabilité, la crainte de poursuites,

d'une arrestation, de la prison, etc. Elles ne tardent pas à

s'accompagner d'hallucinations diverses, de l'ouïe et de la

vue, de caractère pénible. Ces différents symptômes déter-

minenten générât une nnxiété réactionnelle, souvent intense,

et parfois un certain degré de confusion secondaire des idées.

L'insomnie est fréquente : parfois on note du refus d'aliments;

les tentatives de suicide sont à craindre.

Par le mode de début brusque, le caractère primitif du

délire, la fréquence des hallucinations, l'anxiété réaction-

nelle, ces faits se distinguent aisément de la mélancolie et se

rapprochent au contraire très nettement îles délires systéma-

tisés aigus forme de bouffées délirantes.

Il est d'ailleurs un fait qui vient à l'appui de cette inter-

prétation, c'est leur observation possible à titre d'épisodes

transitoires dans le cours d'autres variétés de délires systé-

matiques chroniques tels que ceux de persécution.

Les bouffées délirantes disparaissent au bout de quelques

jours. Mais il est à remarquer que ces formes aiguës du délire

systématisé d'auto-accusation, qu'il s'agisse de délires d'em-

hlée prolongés, ou de simples bouffées délirantes, si elles

guérissent, sont sujettes à récidives et souvent sous la même

forme. L'observation suivante en est une preuve.

Mmc ..., âgée de vingt-cinq ans, était accouchée depuis plus de

six semaines, sans aucun incident et avait déjà repris ses habi-

tudes de vie ordinaire lorsqu'elle lit dans un journal le récit de

l'incendie du Bazar de la Charité. Elle s'en montre très frappée,

en parle toute la soirée, dort mal la nuit,et dès le lendemain matin

se met à délirer. Elle est une coupable, elle a commis toutes

sortes de crimes ; elle est indigne, incapable d'élever ses enfants.

C'est par sa faute que le Bazar de la Charité a brûlé ; elle craint

qu'on ne l'en accuse, qu'on l'arrête, qu'on la mette en prison.

Pas d'hallucinations. Insomnie la nuit suivante. Pas d'alcoolisme,

ni d'hystérie.

Le lendemain ses craintes sont encore plus vives, car elle com-

mence à entendre des voix qui lui reprochent tous ses crimes, en

particulier l'incendie du Bazar; de plus elle voit des individus

Ancmvrs, 2 séric· t. \·If. 29 ,

1150 THÉRAPEUTIQUE.

armés qui viennent la tuer pour la punir. Anxiété réactionnelle.

elle n'accepte aucune discussion de ses idées : à partir de ce mo-

ment, les hallucinations se présentent le jour comme la nuit, mais

sont plus fréquentes la nuit.

Quatre jours plus tard, retour des couches. Dès lors, un mieux

sensible se produit surtout du côté des hallucinations, moins fré-

quentes, notamment le jour. La malade commence à dormir.

Deux jours après, elle commence à discuter ses idées, puis très

rapidement, dès le lendemain, les déclare fausses ainsi que ses

hallucinations. Ces accidents ne se sont pas reproduits.

La bouffée délirante avait en tout duré neuf jours.

L'influence de l'accouchement, du retour de couches qu'on

pourrait invoquer dans ce cas, ne nous parait avoir eu en

réalité qu'une importance très secondaire, du moins en ce qui

concerne la forme clinique revêtue par les troubles déli-

rants. En effet, deux ans auparavant la malade avait eu un

accès tout à fait semblable de délire, ayant débuté subite-

ment sans cause connue, et duré six semaines avec les mêmes

idées délirantes d'auto-accusation, les mêmes hallucinations

apparues postérieurement au délire. Nous n'avons pu avoir

de renseignements précis sur les antécédents héréditaires.

THÉRAPEUTIQUE.

APERÇU GÉNÉRAL DE PATHOLOGIE ET DE THÉRAPEUTIQUE

DES VICES DE LA PAROLE ;

Par le D' LADtsi.AS OLTUSXEVSKI (de Varsovie),

Direcleur de l'Inslilu6 pour les 6ruLles de I,t larnle el Ics nffectinc

naco-pliary ngiennec.

L'étude des vices de la parole l'ut longtemps liée à la mé-

decine générale et ne s'en est séparée que vers le commence-

ment de notre siècle. Ensuite, il vint une période de silence

pendant laquelle ces questions sont tombées dans l'oubli, en

laissant le champ libre a divers préjugés. C'est seulement, en

APERÇU GÉNÉRAL DES VICES DE LA PAROLE. 451

1877, que nous voyons paraître l'ouvrage classique de Kussmaul

qui, malgré bien des erreurs à notre point de vue actuel,

embrasse la pathologie de la parole presque entière. Depuis

cette époque, on a publié beaucoup de travaux importants

surtout au sujet du bégayement ; pourtant la logopathologie

offre encore bien des points obscurs, et un vaste champ de

travail y resté toujours ouvert aux investigateurs.

Nous basant sur nos études logopathologiques d'un côté',

et des observations personnelles cliniques de l'autre (1050 cas

de vices de la parole)-, nous tâcherons de présenter une nou-

velle classification des vices de la parole, des considérations

sur leur pathogénie et thérapeutique, sur l'importance de la

Iogopatho)ogie, les rapports de cette science avec les autres

branches de la médecine, et le rang qu'elle occupe parmi ces

dernières.

Il faut avoir en vue quatre troubles principaux de la parole :

le nudisme, le balbutiement, y compris la prononciation

vicieuse, le nasonnement et le bégayement. Au lieu de la clas-

sification psychologique de Kussmaul, nous en accepterons

une anatoino-pathologique, suivant laquelle les anomalies de

la parole se diviseront en deux classes : '1° d'origine corticale ;

2° d'origine subcorticale, c'est-à-dire avec lésions de la subs-

tance blanche du cerveau, celles du bulbe, de l'oreille ou des

organes de l'articulation.

Pour arriver à la véritable définition du mutisme et expli-

quer les différentes variétés de ce vice, il faut connaître la

psychologie de la parole. Or, les mentions que nous trou-

vons ;t ce sujet dans les auteurs qui ont écrit sur l'aphasie

' Du bégayement et balbutiement (JMyci, 181)2). Abriss lier l'ly-

sioiogie der Spracbe mit besoudetcr der Laute des

polnisclen alplutbets (.llorzulvclri/l iw rlie r/esanz(e Jlmaclaheill,wole, I S93).

Die Hntwickehmg der 5yraclre bei dem Kimle und das Verltaltniss der-

selben zu seiner Inteligenz. Berlin, 1806. De l'hygiène de la parole (en

polonais), 1896. Allgemeiner kurzer Abriss uber die Sprach stürungen

(Theraji. Monalsliefte, 1898). Von der Bedeutung der Associationscentren

von mir (leur Entwickeliing des Geites, der Sprache,

der Psychologie der Spraclm, w ie auctt der Lehre von der SprachlosigUeit

(Xeitrologiscltcs Ceiilrulblall, nos 4 et 5, 1898). Du rapport des paralysies

cérébrales chez )'enfant avec diverses catégories des vices de la parole

(Guzela Leharska, 1898).

8 Fiinf Iteitr;iae zur Lehre von den Spraciistùrungen (.llonalshe/le f. ? f/M ? )c/t/;e'7 ? <H</e, 1894, 1895, 1896, 1897,1898). Sixième contribu-

tion aux anomalies delà parole (Dleclycyza, 1898).

452 THÉRAPEUTIQUE.

depuis Broca jusqu'à nos jours, sont souvent erronées et ne

concernent la psychologie de la parole que d'une façon indi-

recte, car il s'y agit avant tout d'expliquer théoriquement la

production de telle ou telle autre variété de l'aphasie. Vernieke

et Lichtheim envisageaient d'une manière trop matérielle,

sous la forme de schémas artificiellement construits, les mé-

moires verbales et leurs associations psychiques; en outre,

séparaient-ils à tort les processus de mémoire inhérents à

l'écorce des voies de communication (extra-corticales), croyant

que ces dernières ne servaient qu'à l'association des souvenirs

verbaux. Kussmaul comprenait le mécanisme de la parole

d'une façon plus large comme un ensemble d'associations qui

se font uniquement dans l'écorce cérébrale, avec le concours

de mémoire et d'attention; cet auteur niait les localisations.

Charcot et ses disciples n'admettaient point d'associations

entre les centres particuliers du langage et donnaient par

contre beaucoup trop d'importance aux mémoires verbales,

devant suffire par elles-mêmes à l'acte de la parole. Enfin, la

nouvelle école psychologique depuis l3astian Grashey jusqu'à

Prend, Goldscheider, etc., tient bien moins à la théorie des

localisations, et tout en reconnaissant les mémoires verbales,

insiste particulièrement sur les associations purement psy-

chiques sans base matérielle. D'une grande portée sont ici

les derniers travaux de Flechsig qui a démontré, par des

raisons anatomiques, une différence fondamentale entre les

centres sensoriels et ceux de l'association, par conséquent,

en ce qui concerne l'acte de la parole, la différence entre

la mémoire verbale sensorielle qui sert à rappeler les

impressions respectives des sens et la mémoire des asso-

ciations qui est destinée à relier les impressions sensorielles

à certaines idées de l'esprit, afin de constituer les conceptions

verbales.

Sans nier la valeur des travaux ci-dessus mentionnés, nous

croyons toutefois que la psychologie rationnelle de la parole

ne saurait être approfondie, (leconsidérei-la basepsyclio-

pliysiologique du développement du langage chez l'enfant,

question totalement négligée par les auteurs que nous venons

d'énumérer. Nos recherches personnelles, faites à' ce sujet,

démontrent que le centre d'association moyen est une région

où, non seulement s'accomplissent les associations entre les

centres auditifs, les moteurs et les tactiles, tous actifs dans le

APERÇU GENERAL DES VICES DE LA PAROLE. loi)

mécanisme de la parole (Flechsig), mais qui possède la faculté

d'émettre automatiquement les souvenirs emmagasinés des

mots, sans le concours du centre postérieur. Par conséquent,

nous attribuons au centre moyen un rôle fort important dans

la parole intérieure qui consiste 1L relier les conceptions ver-

bales aux souvenirs automatiques des mots.

A la période initiale du développement du langage chez

l'enfant, le centre moyen joue le même rôle psychogénique

qui appartient dans la suite au centre postérieur. Avant que

l'acte de la parole ne devienne automatique, l'enfant doit,

pendant un temps très prolongé, associer consciemment cer-

tains sons et .bruits (mots) avec des mouvements appropriés

de l'appareil articulateur, afin d'acquérir une provision de

souvenirs verbaux indispensables pour parler automatique-

ment. La même chose se passe quand on apprend à lire ou

à écrire; le centre moyen doit alors associer les images opti-

ques ou ensemble avec elles, les mémoires motrices avec des

images vocales, et puis rappeler automatiquement ces images.

Ces fonctions ne sont conscientes qu'au début.

En rapport avec ce qui vient cl'élre dit, voici quels sont les

points fondamentaux delà psychologie de la parole. Les mé-

moires sensorielles verbales, inhérentes à des centres de la

sensibilité rendent les services suivants : 1° font exécuter

divers mouvements nécessaires pour l'articulation des sons

ou l'écriture (mémoire motrice) ; 3° reçoivent les excitations

du monde extérieur qui accompagnent l'acte d'écouter la

parole, car chaque mot est composé de sons et de bruits

(mémoire auditive), ou bien la lecture, c'est-à-dire l'action de

percevoir les lettres (mémoire optique). Les mémoires senso-

rielles font partie de la mémoire organique ou automatique,

dans laquelle nous rangerons également la mémoire d'associa-

tion du centre moyen. Pour comprendre la parole etl'écriture,

ainsi que pour parler et écrire spontanément, il faut se servir

du centre psychique postérieur. La parole, dans le vrai sens

du terme, n'est point un réflexe; c'est un processus psy-

chique consistant en une série d'associations qui s'accomplis-

sent dans l'écorce avec le concours indispensable de mémoire

et d'attention. Ce processus se distingue des autres processus

psychiques, tels que l'observation par exemple, par une

plus grande complexité, car les mémoires sensorielles doi-

vent d'abord s'associer dans le centre moyen pour produire

4o4 THÉRAPEUTIQUE.

la parole automatique, tandis que pour faire des observa-

tions, il suffit de mettre en rapport les différentes régions de

l'écorce dans le centre postérieur. Deux mécanismes peuvent

donc être actifs dans l'acte de la parole psychique : l'un, infé-

rieur, à peu près automatique, siège dans l'insula de Reil;

l'autre, supérieur, destiné aux conceptions verbales, est loca-

lisé dans la région du pli courbe (gyrus supramarginalis et

supraangularis).

Les différentes opinions sur la psychologie de la parole

avaient leur pendant dans la façon d'envisager le mutisme et

ses varités. Ainsi, l'école analomo-localiste de Vernicke-Lich-

theim décrivait l'aphasie corticale, extra-corticale et subcor-

ticale en rapport avec le siège de la lésion dans les centres ou

dans les faisceaux de communication. Kussmaul qui donnait

plus d'importance aux processus dynamiques (mémoire el

association) propres exclusivement à l'écorce, niait les va-

riétés extra et subcorticale; le premier, il mit en évidence

l'aphasie amnestique. Charcot négligeait les associations entre

les centres, et, pour lui, le mutisme devait être classifié sui-

vant le siège de la lésion dans tel ou tel autre centre de mé-

moire verbale. L'école psychologique actuelle a remis les

associations en valeur et attiré l'attention sur les variétés du

mutisme purement fonctionnelles que la théorie des localisa-

tions ne saurait expliquer. Enfin, Flcchsig a séparé avec rai-

son l'aphasie sensorielle de celle d'association.

Pour nous, le mutisme constitue un trouble de la mémoire

verbale sensorielle (auditive, optique ou motrice) ou bien de

la mémoire d'association (centre moyen ou postérieur). C'est

ce qui empêche ou supprime, tantôt les mouvements des

organes articulateurs, tantôt l'excitation des centres senso-

riels, tantôt les vestiges des souvenirs verbaux emmagasinés

dans le centre moyen ou enfin les processus d'association du

centre postérieur.

Outre la distinction du mutisme en celui des adultes et des

enfants d'origine corticale et extra-corticale (lésions de l'o-

reille moyenne ou interne), nous proposons la classification

suivante : Le mutisme d'origine corticale peut être sensoriel

ou d'association et chacune de ces deux variétés peut être

organique ou fonctionnelle. Dans les mutismes sensoriels

organiques, il faut ranger : .

1e L'aphasie motrice, consécutive aux lésions de la troisième

APERCU GÉNÉRAL DES VICES DE LA PAROLE. 455

circonvolution frontale. La parole intérieure est conservée,

les sujets peuvent lire et écrire sans pouvoir parler ' ;

3° L'aphasie auditive (surdité verbale) due aux lésions de

la première circonvolution temporale. Par défaut du contrôle

normal de la part du centre auditif le sujet ne comprend pas

la parole qu'on lui adresse, parle, lit et écrit paraphatique-

ment ; .

3° L'alexie isolée (cécité verbale) survenant en cas de

lésion de la scissure interne (flissura calcarina). Le sujet voit

des lettres, mais sans les reconnaitre, ni pouvoir les nommer,

par conséquent il ne comprend pas l'écriture.

L'aphasie organique du cenlre d'association moyen cor-

respond à l'ccphasie motrice avec alexie et agraphie. Le

sujet ne peut pas parler spontanément, ne comprend pas

l'écriture et n'est pas capable d'écrire, car il est privé de

souvenirs automatiques des mots qui forment l'élément le

plus important de la parole intérieure. Le mutisme orga-

nique du centre postérieur comprend : 1° l'aphasie auditive

d' association se produisant dans les lésions de la circonvolu-

tion du pli courbe (g. supramarginalis). Malgré le pouvoir de

répéter machinalement les mots entendus, de lire et d'écrire

aussi machinalement (action automatique du centre moyen)

la parole reste incomprise, le sujet parle, lit et écrit parapha-

tiqtiemetit 1 .)" Y alexie d'association ou cécité verbale d'asso-

citation en cas de lésions du pli courbe (g. supraangularis).

Le malade lit les lettres et les mots. mais sans y rattacher

la signification qu'ils comportent (action automatique du

centre moyen) ; 3° Yaphasie optique ; 4° la cécité mentale.

La même classification s'applique aux mutismes fonction-

nels ou amnestiques. Nous y distinguons entre autres les

variétés sensorielles suivantes : 10 aphasie motrice dite aupa-

ravant aphasie mot. traiiscorlicale ; 2° aphasie auditive com-

prenant l'aphasie de Grashey et les cas, où l'affaiblissement

de la mémoire auditive empêche de comprendre les paroles

et les phrases qu'on prononce ; 3° alexie avec impossibilité

de lire les mots quoiqu'il soit possible de lire les lettres, ce

dernier processus étant moins compliqué que le premier ;

dans d'autres cas de ce trouble, il est impossible de faire la

lecture à haute voix malgré qu'on comprenne ce qu'on lit ;

1 Cette variété portait le nom d'aphasie motrice subcorticale.

456 THÉRAPEUTIQUE.

il arrive également que le sujet, tout en pouvant lire, est

incapable d'écrire, car il ne retient pas chaque mot le temps

nécessaire pour l'écrire ; 4° dyslexie, caractérisée parce que

le sujet lit d'abord bien, mais au bout d'un moment il

s'arrête court, la lecture lui devenant impossible.

Le mutisme fonctionnel A' association du centre moyen

comprend l'aphasie motrice sans alexie et agraphie. Le

centre n'agit pas spontanément; il faut qu'il soit provoqué

par les images des lettres ou des mouvements'. Enfin, il

existe des formes mixtes dans lesquelles les lésions orga-

niques se compliquent de symptômes purement fonctionnels.

Mutisme des enfants. C'est la catégorie la moins étu-

diée dans sa pathobénie et la plus importante pour le logo-

pathologiste. Il faut y distinguer Y établissement tardif de la

parole et la mutilé proprement dite. Le premier tient à ce

que les mémoires verbales sont affaiblies par suite d'un vice

quelconque de la nutrition de l'écorce cérébrale. Le mutisme

véritable est pour la plupart dû à Y arrêt de développement

mental ; si l'intelligence est plus ou moins intacte, on peut

incriminer la paralysie infantile qui provoque l'aphasie

motrice, le mutisme extra-cortical et la sit2di-2 ? iztlilé. On

ne connaît en littérature logopathologique que la variété

par arrêt de développement et celle de Coen (llurstummheil)

observée chez des enfants assez intelligents mais incapables

de parler spontanément quoiqu'ils comprennent la parole

des autres. Pour nous c'est de l'aphasie motrice.

Dans les cas un il est impossible d'agir sur la cause même

de l'affection, le traitement du mutisme consiste à dévelop-

per la mémoire verbale sensorielle ,ou coordinatrice ; celle

d'association chez les enfants à intelligence arriérée, il faut

avant tout en outre développer cette dernière. Nous avons

obtenu des résultais favorables non.seulement chez des sujets

normaux mais chez des imbéciles et des idiots. Le mutisme

extracortical ne fut pas non plus rebelle au traitement. Sui-

vant notre expérience personnelle, le plus facile à guérir est

le mutisme infantile, parmi ceux des adultes le mutisme

fonctionnel.

' Ce mutisme se distinguerait de l'aphasie motrice sensoiielle orga-

nique en ce que la perte de la parole spontanée tient dans la première

aux troubles de la mémoire motrice sensorielle, et dans la seconde, à

l'allaiblissement de la faculté de se rappeler spontanément les mots.

APERÇU GÉNÉRAL DES VICES DE LA PAROLE. 457 -

On appelle balbutiement un vice de la parole aussi

important que le mutisme et qui consiste à altérer la pro-

nonciation des mots jusqu'à les rendre incompréhensibles.

La littérature ne nous donne aucune explication rationnelle

de la nature de cette anomalie'. Il en existe deux principales

variétés : le balbutiement cortical (dysphasie) et le balbutie-

ment subcortical (dysarthrie). Le balbutiement d'origine

corticale ne se laisse expliquer que si l'on prend en considé-

ration le balbutiement que nous avons appelé « physiolo-

gique » et que chaque enfant présente jusqu'à la fin de la

troisième année ; ce trouble tient alors à la faiblesse tempo-

raire des mémoires verbales sensorielles et à l'irrégularité

consécutive de l'automatisme de la parole. Le balbutiement

pathologique d'origine corticale, n'est parfois que la prolon-

gation oulre mesure de l'état physiologique, mais le plus

souvent il est dû à l'arrêt de développement mental ou à

l'aphasie motrice en voie de décroissance. Le vice, abandonné

à lui-même, peut durer jusqu'à l'âge scolaire ou au delà.

Le balbutiement d'origine subcorticale chez les enfants

très jeunes est habituellement provoqué parles affections du

labyrinthe ou de l'oreille moyenne, par les excroissances

adénoïdes ou encore la perforation du palais.

Il faut distinguer du balbutiement la prononciation vi-

cieuse d'une ou de plusieurs lettres, la parole restant absolu-

ment compréhensible. L'origine de cette anomalie peut éga-

lement être corticale (dysphasie) ousubcorlicale (dysarthrie);

dans le premier cas, nous avons affaire à du balbutiement

physiologique persistant, à des restes du balbutiement pa-

thologique, ou encore à l'imitation de l'entourage ; dans le

second, il existe des lésions de l'oreille et de l'appareil arti-

culateur.

La prononciation vicieuse doit être combattue pour des

raisons d'esthétique, mais son traitement n'est pas si urgent

que celui du balbutiement, car les enfants atteints de ce der-

nier vice ne peuvent pas faire des études. Il faut donc leur

apprendre à émettre des sons qui leur manquent, à prononcer

plus correctement ceux qu'ils disent d'une façon irrégulière,

et à connaître l'ordre dans lequel les sons se succèdent.

1 Le balbutiement des adultes soit d'origine corticale comme dans la

paralysie générale, soit d'origine subcorticale comme dans la paralysie

tabio-giosso laryngée, n'est pas susceptible de traitement.

458 THÉRAPEUTIQUE.

En ce qui concerne le nasonnement, la logopatllologie ne

s'occupe que de la variété dite nasonnement ouvert (rhino-

lalia aperta), car le nasonnement fermé (rhinolalia clausa)

qui se produit dans l'occlusion de la cavité naso-pharyn-

gienne n'appartient pas aux vices de la parole proprement

dits. Le nasonnement ouvert consiste en ce que la cavité buc-

cale n'est pas complètement séparée par le voile du palais

de la cavité naso-pharyngienne, l'air expiré sort alors par le

nez et les sons qui exigent la délimitation exacte des deux

cavités ne peuvent être prononcés distinctement. La parole

devient tout à fait incompréhensible.

Le nasonnement d'origine corticale chez les enfants se

trouve, suivant nous, en rapport avec un mutisme en train de

disparaître et de passer au balbutiement ; il tient par consé-

quent à la dépression fonctionnelle des centres moteurs de

l'écorce ou à l'abréviation de la voûte palatine qui est un des

signes de dégénérescence. Le nasonnement d'origine subcor-

ticale est dû à la faiblesse de l'ouïe, à la division du palais,

aux processus adénoïdes ou à d'autres causes quelconques

empêchant la délimitation entre la cavité buccale et l'arrière-

gorge.

Autrefois le nasonnement était considéré comme incu-

rable ; maintenant on le traite avec succès par la gymnas-

tique du voile du palais et les procédés destinés a combattre

le balbutiement. On doit recourir à cette méthode même en

cas de perforation palatine, car l'opération la mieux réussie

ne donnerait pas le résultat désiré sans une gymnastique

appropriée du voile du palais. Le nasonnement doit être

traité énergiquement dans l'intérêt du développement intel-

lectuel de l'enfant.

Le bégayement appartient aux vices dysphatiques de la

parole et doit être considéré comme une névrose se caracté-

risant par des contractions spasmodiques dans l'appareil de

l'articulation, c'esl-ïl-dire dans les cordes vocales, les muscles

des lèvres et de la langue. Ces contractions peuvent atteindre

les organes de l'articulation en totalité ou en partie. Les

données recueillies sur l'étiologie du bégayement, mettent en

évidence deux causes prédisposantes principales : l'hérédité

dans la plus large acception du terme et l'âge de deux à

quatre ans, celui où s'établit le langage. Les causes pro-

vocantes telles que traumatisme, frayeur, contagion psy-

APERÇU GÉNÉRAL DES VICES DE LA PAROLE. 459

chique, etc., ont également une influence, mais à condition

de trouver un terrain favorable.

La thérapeutique du bégayement comprend d'une part les

moyens qui agissent sur le système nerveux en général, de

l'autre, elle cherche à faire disparaître les contractions vi-

cieuses à l'aide de la gymnastique respiratoire, vocale et

phonétique, que le sujet doit exercer avec conscience jusqu'à

ce qu'il parvienne à parler correctement sans y mettre de

l'attention. Notre expérience nous autorise à considérer le

bégayement comme un vice parfaitement curable.

Maintenant, quelques mots à propos de notre matériel cli-

nique. De juillet zips9 ? à juillet 1898 nons avons observé

,1.050 sujets atteints de vices de la parole. Sur 217 muets,

9 (3 adultes, G enfants) ont subi le traitement complet; tous

avec bon résultat. Sur 234 cas de balbutiement, y compris la

prononciation vicieuse (58 balbutiements et 176 prononcia-

tions vicieuses), il y eut en traitement 5-4 personnes (6 balbu-

tiements, 48 prononciations vicieuses) et chez toutes le

résultat désiré a été obtenu. Sur 53 cas de nasonnement

ouvert, nous avons traité 9 sujets avec succès complet. Enfin

sur 537 bègues, 108 ont suivi tout le traitement et l'on a

obtenu 99 guérisons et 9 améliorations.

L'étude des observations recueillies nous fait voir que la

majorité des cas de vices de la parole se rapportent à la

famille des dégénérés dans la large acception du terme ; il

y en a peu qui tiennent aux lésions pathologiques du tissu

célébrai en l'absence des troubles mentaux. C'est en seconde

ligne seulement qu'il faut incriminer les causes accidentelles :

les troubles de l'ouïe, les affections de la cavité naso-pha-

ryngienne, etc. Voilà ce qui rapproche la logopathologie de

la psycho et neuropathologie, dont elle formera bientôt un

chapitre; elle est seulement en relation indirecte avec la

rhinologie et l'otiatrie.

En résumant tout ce qui vient d'être dit au sujet de la

logopathologie, nous voyons que cette science nous rend des

services importants au point de vue de la théorie et de la

pratique : c'est ainsi qu'elle élucide les vices de la parole

chez les enfants tels que le mutisme et le balbutiement et

fournit la base de leur thérapeutique; elle explique ensuite

la pathogénie du nasonnement d'origine corticale ou subcor-

ticale, indique comment il faut traiter les cas regardés jus-

460 RECUEIL DE FAITS.

qu'ici comme incurables ou difficiles àgucrir; elle détermine

la nature du bégayement et identifie avec lui l'alfection dite

« aplionie spasmodique'». De concours avec la philosophie,

la psychologie de la parole, les lois de son évolution chez

l'enfant et l'étiologie de ses anomalies, la logopathologie

amène à créer l'hygiène rationnelle de la parole. Par consé-

quent, elle ne cède pas en importance aux autres branches

de la médecine pratique et mérite bien une place à part.

Pour que les recherches logopathologiques soient vraiment

fructueuses, il faudrait que le monde médical s'y intéressât

davantage, en contribuant à la propagation des idées justes

sur l'hygiène de la parole et les vices de cette dernière. On

verrait alors disparaître sans retour les préjugés tels que le

bégayement vient d'une mauvaise habitude, que 'le mutisme

et le balbutiement des enfants sont dus à la brièveté du

frein, etc. Or ces préjugés sont fort nuisibles, car à cause

d'eux on néglige la cure rationnelle du vice et pourtant cette

cure, rendrait un certain nombre d'enfants aptes au dévelop-

pement intellectuel et le nombre des membres utiles de la

société serait d'autant augmente.

RECUEIL DE FAITS. -

HYSTÉRIE MALE.

MUTISME. AMAUROSE. ACCÈS MÉLANCOLIQUE. ÉTAT SECOND;

Il.% f

Cn. VALLON,

Médecin de l'Asile de ViHcjuH.

Fl 1

.1. ROGUES DE PUIISAC,

Interne des Asiles de la Seine.

Sommaire. Homme sans antécédents héréditaires, porteur de stig-

mates d'hystérie. Pendcmt l'enfance et l'adolescence : santé

excellente; pas de convulsions ni de manifestations hystériques

' Cette question est traitée en détail dans notre travail : Spaslische

Aphonie. (I'he)». Uo7<«/6/tf/<e, 1898 )

HYSTÉRIE MALE. 461

d'aucune sorte. Dans l'âge adulte : existence des plus nzozme-

menlées. - A trente-deux ans : syphilis. - A quarante-deux ans :

première manifestation hystérique sous forme d'un accès de mu-

tisme sans paralysie, sans cécité et sans surdité verbales, sans trou-

bles de l'écriture; début brusque, terminaison brusque, durée qua-

rante-cinq jours. A quarante-sept ans : amaurose bilatérale,

apparition el disparition brusques, durée trente-huit jours.

A cinquante-un ans : second accès de mutisme semblable au pre-

mier d'une durée de deux mois. A cinquante-trois ans : court

accès mélancolique amenant le placement ci l'Asile de Ville juif, état

second pendant cinquante-sept jours, troisième accès de mutisme

identique aux précédents durant cent jours et jugé par une épis-

taxis, plyalisnze, amnésie, portant sur toute la durée de l'état

second. Sortie de l'Asile après un séjour de plus de six mois.

Grand, robuste, bien constitué, P... est âgé de cinquante-trois

ans. Son père avait des habitudes d'intempérance, il est mort à

soixante-dix-neuf ans d'une maladie de vessie. Sa mère, après avoir

joui toute sa vie d'une bonne santé, a été emportée à l'âge de

soixante-quinze ans par une attaque d'apoplexie. Les grands-

parents de l'un et de l'autre côté ont tous atteint ou dépassé

soixante-quinze ans.

P... a perdu un frère et une soeur. Le frère, son aine, est mort à

quatre ans, il ignore de quoi ; la soeur, sa cadette, est moi te à qua-

rante-trois ans, paralysée lui a-t-on dit, il ne la voyait plus depuis

longtemps. Il lui reste une soeur migraineuse, mariée et mère de

quatre filles bien portantes.

P... est lui-même marié. Il a eu 3 garçons : l'aîné, mort à dix-

sept ans, de croissance ( ? ), avait paraît-il, 2 m. 10 de taille; le

second a été emporté à l'âge de quatre ans par une méningite ; le

troisième actuellement âgé de huit ans et demi est bien portant.

Pendant l'enfance, P... n'a été atteint ni de convulsions ni d'au-

cune maladie grave, il s'est seulement fait en tombant au gymnase,

une fracture de cuisse qui a guéri sans laisser de trace.

Jusqu'à l'âge de huit ans, P... reste chez ses parents, fréquen-

tant,l'école primaire où il paraît avoir été un de ces élèves moyens

dont on ne dit rien. A huit ans, il devient enfant de troupe. A dix-

sept ans il s'engage dans les Voltigeurs de la Garde, parvient en

dix-huit mois au grade de sous-officier, puis rend ses galons pour

passer aux tirailleurs algériens. Il reste pendant plusieurs années

en Algérie où il est atteint du choléra et du typhus. Redevenu

très vite sous-officier, au bout de quelques années de grade, il est

nommé sous-lieutenant dans un régiment en garnison à Paris. La

même année (1811) il se marie avec une jeune fille qui lui apporte

900.000 francs de dot. Il se met à fréquenter les cercles et en quel-

ques années perd au jeu toute sa fortune. Il est cependant promu

462 recueil de faits.

lieutenant, mais en 1877 il est mis en réforme pour dettes. Sa

femme demande et obtient la séparation de biens.

La même année il contracte un chancre de la verge que Ilicord

déclare syphilitique; il quitte'alors sa femme dans la crainte de la

contaminer mais reste cependant en correspondance avec elle. Au

moment des accidents secondaires, il consulte Diday qui le déclare

également atteint de syphilis. En 1878, éruption de pustules à la

face, il va se faire soigner à Bruxelles. Le médecin consulté institue

le traitement antisyphilitique et P... amélioré revient en France

pour s'engager à la Légion étrangère. Le médecin-major ne

l'accepte pas. Il se fait soigner à l'hôpital du Midi par IIorteloup;

il guérit, s'engage enfin dans la Légion étrangère (1879) et gagne

vite les galons de sous-officier. En 1882, nouvelle éruption a la

face. On l'envoie aux Eaux-de-Guagno, en Corse ; il guérit et revient

à son régiment. En -1883, troisième éruption, toujours au visage.

Il est envoyé à Earèges d'où il revient guéri. Nommé adjudant, il

part pour le Tonkin avec son régiment. Il y reste quatre mois; ses

hommes ayant commis des actes d'indiscipline, son colonel lui

déclare qu'il ne le proposera jamais pour le grade de sous-lieute-

nant. 11 quitte alors l'armée et s'établit marchand de tabac à

Saigon où il reste jusqu'en juillet 1885. Dans l'espace de quelques

mois il gagne 15.000 francs. 11 rentre en France et après de

nombreuses démarches, obtient du ministère de la guerre une

retraite de 9o0 francs. Il devient alors crieur aux Halles.

En 1885, par une matinée très froide, comme de coutume, il

annonçait sa marchandise en criant, quand tout à coup il ne peut

plus parler; il est dans l'impossibilité absolue d'articuler une

seule parole soit à haute voix, soit à voix basse, et tousses efforts

n'aboutissent qu'à l'émission d'un cri rauque et inarticulé toujours

le même. Les jours précédents sa santé était excellente : ni cépha-

lalgie, ni bégaiement, rien qui pût faire prévoir un semblable

accident. Le mutisme dura quarante-cinq jours et cessa brusque-

ment : P... se trouvant avec des amis se mit tout d'un coup à

parler comme avant, d'une façon nette et correcte. Pendant toute

la durée de son accès, il comprenait très bien ce qu'on lui disait,

lisait et écrivait parfaitement.

Il quitte alors les Halles et reprend la vie commune avec sa

femme. A la fin de 1888, il lui nait un petit garçon.

En 1890, il prend en cachette à sa femme 12.000 francs, va jouer

aux courses et perd la plus grande partie de cette somme. Sa

femme déclare qu'elle ne veut plus le voir ; il se rend donc à

Bruxelles dans l'intention de s'engager dans la Compagnie du

Congo ; on le refuse à cause de son âge.

En février 1890, après quinze jours d'une existence désordonnée

et d'excès génitaux considérables; il est frappé d'amaurose. A l'en

croire pendant ces deux semaines il avait pratiqué le coit en

HYSTÉRIE MALE. 4G3

s

moyenne quatre fois par jour et le jour même de huit heures du

matin à quatre heures du soir il avait eu sept rapprochements

sexuels. Il se trouvait dans la rue avec des amis quand il perdit

subitement la vue ; les jours précédents il n'avait éprouvé aucun

trouble du côté des yeux ; il se sentait seulement très fatigué par

ses excès. Rentré chez lui, il lit appeler un médecin qui le prit pour

un simulateur; un second médecin fut du même avis que le pre-

mier. La cécité persista pendant trente-huit jours, elle était com-

plète, il y avait impossibilité de distinguer le jour de la nuit; elle

disparut brusquement. Un matin P... se réveilla voyant parfaite-

ment des deux yeux. Une huitaine de jours plus tard, il s'aperçut

qu'il n'entendait plus de l'oreille gauche. Cette hémi-surdité a per-

sisté et existe encore aujourd'hui.

P... quitte alors Bruxelles, retourne en Cochinchine où il reste

trois mois; puis il rentre en France, voyage de droite et de gauche

et occupe successivement des emplois fort divers. En 1892, la sépa-

ration de corps demandée par sa femme est prononcée. Rien de

particulier à signaler jusqu'en 1894.

Le 28 décembre de cette année, P... était en train de jouer à

Monte-Carlo quand il est pris subitement d'un accès de mutisme

en tout semblable à celui de 1885. Depuis quelques jours il avait

une sorte d'appréhension vague ; il avait fait des excès génitaux et

se rappelant que l'hiver, et particulièrement le mois de décembre

lui avaient déjà été funestes, il craignait de perdre de nouveau ou

la vue ou la parole. Cet accès dura deux mois, comme le premier,

il cessa brusquement et ne s'accompagna ni de paralysie, ni de

surdité et de cécité verbales, ni de troubles de l'écriture.

Aussitôt guéri, P... revient à Paris; sans argent, il emprunte

une somme assez considérable en contrefaisant la signature de sa

femme. Poursuivi pour faux, il passe aux assises, mais il bénéficie

d'un acquittement, grâce, pense-t-il, à ses bons antécédents et aussi

au peu d'honorabilité de son créancier.

A la fin de 1895, il obtient une place de caissier. Pour tirer des

amis d'embarras il leur prête de l'argent de sa caisse. Le détour-

nement est découvert, P... est poursuivi et condamné par le tribunal

correctionnel à un an de prison avec bénéfice de la loi de sursis

(mars 1896).

De mars à novembre 1890, il reste inoccupé et vit chez des amis

aux environs de Paris, sans trop s'inquiéter de l'avenir. A cette

époque il manque une bonne place à cause de son casier judiciaire;

cela l'affecte beaucoup.

Le 7 décembre, il se présente au palais de justice et demande à

parler au substitut de service. Introduit devant ce magistrat il lui

tient les propos suivants : « J'ai perdu au jeu tout ce que je possé-

dais ; j'ai été condamné à un an de prison avec la loi Héranger.

mais je veux faire ma peine ; arrêtez-moi ou bien je vais faire un

464 . recueil de faits.

crime dans la rue. » P... est très surexcité, on le conduit devant

le commissaire de police auquel, tout en pleurs et tremblant de

tout son corps, il fait la déclaration suivante : « Je suis à Paris

depuis le 30 novembre, étant venu pour toucher le trimestre de ma

pension, soit °39-fr.50. J'ai joué aux courses et perdu cet argent.

Non content de cela, j'ai emprunté sur mon titre un autre tri-

mestre dont j'ai perdu également le montant au jeu. Punissez-

moi ( ? ) j'ai besoin d'être purgé. Je veux subir ma peine et obtenir

un emploi en prison. Je vous assure que je me conduirai bien. Si

vous ne m'emprisonnez pas, si vous me laissez sortir, je tuerai ma

femme et je me tuerai ensuite, je veux mourir. »

Envoyé à l'infirmerie spéciale de la préfecture de police, P... est

examiné par M. le D1' Garnier qui l'envoie à l'Asile clinique avec

le certificat suivant : a Mélancolie. Lamentations. Idées d'in-

dignité. Condamné en mars dernier pour abus de confiance avec

bénéfice de la loi Béranger il demande à faire sa peine, déclarant

qu'il est un malheureux, indigne de pitié et qu'il doit se réhabiliter

par le travail dans la prison. »

De l'Asile clinique, P... est transféré le lendemain a Villejuif avec

un certificat de M. Magnan ainsi conçu : « Mélancolie; sentiment

d'impuissance; découragement, pleurs, tendances au suicide. »

A son arrivée, P... est déprimé, son attitude est un peu étrange,

sa physionomie exprime la tristesse, il ne manifeste pas d'idées

délirantes, il ne fait entendre aucune plainte, il n'a pas d'halluci-

nations. Quand on lui pose des questions sur les faits actuels,

par exemple sur l'état de sa santé, il répond sans trop de difficulté

bien que laconiquement, mais dès que les questions portent sur

sa vie passée, sur les circonstances qui ont motivé son interne-

ment, il garde le silence. Il n'a pas l'air de comprendre ce qu'on

lui demande, ni de se rendre compte de l'endroit où il se trouve,

bien que nous ayons soin de lui dire qu'il est dans un hôpital ; ses

facultés intellectuelles paraissent obnubilées. La respiration, la

circulation, la digestion s'accomplissent régulièrement, il existe

seulement un peu de constipation. P... ne mange pas volontiers

mais avec un peu d'insistance on arrive à lui faire prendre ses

repas avec les autres malades. Nous posons le diagnostic de

dépression mélancolique.

Les jours suivants, pas de changement bien appréciable ; le 23

seulement nous notons une légère amélioration : P... est moins

triste, moins déprimé, il s'occupe un peu dans le.quartier.

Le 10 janvier, l'amélioration s'est notablement accentuée, l'acti-

vité est plus grande. Il existe cependant encore un peu d'obnubi-

lation intellectuelle, le malade continue, semble-t-il, à ne pas se

rendre compte de sa situation et du lieu où il se trouve. Il ne

répond toujours pas quand nous le questionnons sur ses antécé-

dents, mais nous n'ajoutons pas grande importance à ce fait, nous

HYSTÉRIE MALE. 465

croyons que nos questions éveillent en lui des souvenirs pénibles

et nous n'insistons pas. Il est envoyé dans les bureaux de la

Direction ; on lui confie des petits travaux d'écriture dont il

s'acquitte convenablement.

Le 20 janvier, il travaillait comme d'habitude quand tout d'un

coup il ne peut plus parler ; il et pour la troisième fois frappé de

mutisme. Les jours précédents, contrairement à ce qui s'était

passé lors des accès antérieurs il avait été pris d'un bégaiement

assez marqué. Pendant quatorze jours, malgré tous ses efforts, il

lui est impossible d'articuler une seule parole; il parvient seule-

ment à émettre un son guttural toujours le même, absolument

comme dans les accès de 1885 et de 1891. Il comprend parfaite-

ment tout ce qu'on lui dit et répond très bien à l'aide de l'écri-

ture. 11 reste aux bureaux et continue à travailler comme avant.

Le 3 février, sans cause appréciable il se produit un changement

brusque dans l'état de P... Tout d'un coup il déclare aux employés

du bureau qu'il lui semble sortir d'un rêve, qu'aujourd'bui seule-

ment il se rend compte de sa situation ; il comprend qu'il est à

Vllle,juif dans un asile d'aliénés et il demande pourquoi. Jusque-

là il voyait bien sur les pièces qu'il recopiait : « Villejuif,

asile d'aliénés » ; mais malgré cela il n'avait aucune idée de sa

situation.

Nous l'interrogeons : sa physionomie est plus éveillée que les

jours précédents ; il répond par écrit avec facilité et précision'à

toutes les questions que nous lui posons sur ses antécédents. Mais

à partir du 8 décembre jusqu'au moment présent, il existe dans

sa mémoire une lacune complète : de tous les événements se rap-

portant à cette période il n'a gardé aucun souvenir; il ne se rap-

pelle ni sa démarche au Palais de Justice, ni son arrestation, ni

son passage à l'infirmerie spéciale de la Préfecture de police et à

Sainte-Aune, ni son arrivée à Villejuif, ni ce qui s'est passé

depuis, notamment le début de son présent accès de mutisme. Il

nous exprime son étonnement de ne pouvoir pas paller.

L'état reste le même jusqu'au 1 ? mai. Ce jour-là à deux heures

du malin. P.. est pris d'une épistaxis assez abondante, et une

heure plus tard il avait recouvré la parole. Ce troisième accès de

mutisme s'est donc terminé brusquement comme les autres et

parait avoir été jugé par une bémorrhagie nasale.

La disparition du mutisme nous permet de converser plus faci-

lement avec P... et de l'interroger plus à fond. C'est alors qu'il nous

raconte son histoire jusqu'au jour de son arrestation telle que

nous l'avons exposée.

L'examen physique donne les résultats suivants : les mouve-

ments vulgaires de la langue et des lèvres sont conservés; P...

peut diriger la langue dans tous les sens, la porter à droite, à

gauche, la faire sortir de la bouche, puis la faire rentrer. Cepen-

AiiciuvES, 2" série, t. VII. 30

466 RECUEIL DE FAITS.

dant il prétend avoir de la peine à mastiquer, par suite de la

difficulté qn'il éprouve à ramener les aliments sous les arcades

dentaires. La déglutition au contraire, phénomène purement

réflexe, s'exécute parfaitement. Il existe une légère salivation qui

manquait les jours précédents et qui est apparue au moment où

P... a repris possession de lui-même.

Le réflexe pharyngien est conservé ; le réflexe rolulien est exagéré

des deux côtés; les autres réflexes, tendineux et cutanés sont nor-

maux. Les pupilles sont égales et réagissent bien à la lumière et à

l'accommodation.

L'examen de la sensibilité cutanée fait constater la présence

d'une zone d'hyperesthésieà la face dorsale de l'avant-bras gauche,

et d'une zone d'anesthésie, de la largeur de la main, à la région

scapulaire droite. Cette hyperestliésie et cette anesthésie portent

toutes les deux uniquement sur la sensibilité à la douleur ; la sen-

sibilité au toucher et à la température est normale.

Il existe une rachialgie intermittente siégeant à la région lom-

baire ; le malade l'a fait disparaître instantanément en se ceignant

les reins de plusieurs tours d'une très longue ficelle. Il n'existe

pas de zone hystérogène. Le champ visuel est notablement

rétréci des deux côtés.

L'nuïe, normale du côté droit, est abolie à gauche; de ce côté

le malade n'entend même pas une montre appliquée sur l'oreille,

mais il l'entend très bien si on la place sur l'os frontal. Cette hémi-

surdité s'accompagne d'anesthésie du pavillon et du conduit au-

ditif du côté correspondant. Le goût et l'odorat sont intacts.

Les organes génitaux sont normalement conformés, mais très

développés. La pression testiculaire n'est pas douloureuse, P...

assure ne s'être jamais livré à l'onanisme et avoir seulement fait,

comme nous l'avons dit, de grands excès de coït.

Son intelligence parait moyenne. La mémoire est fidèle, sauf en

ce qui concerne la période de cinquante-sept jours, s'étendant du

commencement de décembre 1890 au 3 février 1897 ; le jugement

est correct ; il y a absence de toute idée délirante.

P... n'a pas une instruction très développée, il ne connaît bien

que le métier militaire. Il n'a jamais été buveur, assure-t-il. Son

grand défaut, celui qu'il considère avec raison comme la source

de toutes ses infortunes, est la passion du jeu.

Depuis ce moment, la santé de P... n'a cessé d'être excellente,

tant au point de vue mental qu'au point de vue physique. Il a tra-

vaillé aux bureaux de la direction où il s'est bien acquitté de tous

les petits travaux qu'on lui a confiés. Pondant son séjour il a

donné l'impression d'un homme au caractère doux, obligeant,

aimant à rendre service. Il est sorti le 9 juin, guéri de son accès

mélancolique, présentant toujours les mêmes stigmates d'hystérie

et la même lacune dans la mémoire.

HYSTÉRIE MALE. 67

Le 8 septembre, P... nous a écrit une lettre dans laquelle il nous

disait que depuis sa sortie il n'avait pu trouver aucune occupation

lui permettant de gagner sa vie. Il ajoutait : a Aujourd'hui, quoi-

qu'ayant complètement ma raison, je viens vous demander en

grâce de m'admettre dans votre service où vous me garderez le

temps que vous jugerez convenable. D'ici un an ou deux j'aurai,

par suite de ma séquestration, l'argent nécessaire pour pouvoir

quitter le continent et aller vivre en Corse avec ma modeste pen-

sion. Mais il me faut un billet de mille francs d'avance que je ne

pourrai jamais arriver à mettre décote étant dehors, surtout ne

travaillant pas et ayant toujours, je l'avoue, le vice du jeu des

courses qui me ronge. »

Naturellement nous n'avons pu faire droit à la demande de P...

et recevoir dans un service d'aliénés un homme exempt de

troubles mentaux. Depuis nous n'avons plus eu aucune nouvelle

de lui.

Remarques. Nous avons intitulé notre observation hys-

térie mâle; ce diagnostic,' en effet, nous paraît s'imposer.

Notre homme était porteur de stigmates permanents d'hys-

térie : troubles de la sensibilité cutanée et rétrécissement du

champ visuel, sans compter de l'hémi-surdité et de la rachial-

gie ; de plus il est resté pendant près de deux mois en état

second comme nous allons le démontrer; or, l'état second

n'est autre chose qu'un état hystérique; enfin il a présenté

des phénomènes pathologiques : accès de mutisme, amaurose

transitoire qui s'expliquent bien par l'hystérie et ne peuvent

s'expliquer que par elle.

Le diagnostic d'hystérie étant établi, examinons en détail

les diverses manifestations morbides auxquelles a donné lieu

la grande névrose.

P... est entré à Villejuif avec deux certificats de M. Garnier

et de M. Magnan, le déclarant atteint de mélancolie, nous

avons porté le même diagnostic; P... était bien en effet dans

la dépression mélancolique mais il était de plus en état

second.

Dès l'arrivée, jusqu'au jour où, suivant son expression, il

est sorti comme d'un rêve, P... était capable de nous ren-

seigner sur son état présent, mais, de sa vie passée, il n'avait

gardé aucun souvenir ou plutôt il se souvenait seulement des

actes que nous accomplissons suhconsciemment tels que :

manger, marcher, écrire, etc. Si par exemple nous lui

disions : « Comment allez-vous ? » il nous répondait : « Je

468 RECUEIL DE FAITS.

vais bien. » Mais, si nous lui demandions : « Où habitiez-vous

avant de venir ici ? » nous n'obtenions aucune réponse. Dans

la mélancolie on n'observe jamais cette dissociation de la

mémoire des faits actuels et de la mémoire des faits anciens.

Dans la mélancolie avec stupeur, le malade ne répond pas il

est vrai quand on l'interroge, mais il reste muet, que les

questions portent sur son état présent ou qu'elles aient trait

à sa vie antérieure. Dans les formes légères de la mélancolie,

comme celle présentée par P..., le malade est en état de ren-

seigner aussi bien sur ses antécédents que sur son état actuel.

C'est là un premier fait, en voici un deuxième : P... qui pendant

cinquante-sept jours avait correctemement effectué un travail

de bureau et vécu d'une vie en apparence normale, a perdu

brusquement et complètement le souvenir de tout ce qu'il

avait pu dire ou faire pendant cette période. Une pareille

amnésie ne saurait non plus être imputée t la mélancolie.

Le mélancolique stupide, une fois guéri, ne conserve parfois

aucun souvenir de tout ce qu'il a éprouvé pendant son accès;

il n'en est pas ainsi dans les cas de simple dépression

mélancolique comme celle dont a été atteint notre malade :

les souvenirs se rapportant à celle période peuvent être

obnubilés mais jamais abolis. Enfin troisième fait : en même

temps que toute une période de son existence s'effaçait de sa

mémoire, P... recouvrait le souvenir de toute sa vie anté-

rieure momentanément disparu.

L'état de P...... pendant toute la période qui s'étend

du 8 décembre 1896 au 3 février 1897, n'était donc pas un

état mélancolique, il ne saurait recevoir d'autre qualification

que celle d'état second; pendant ces cinquante-sept jours en

efl'ct, P... a revêtu une nouvelle personnalité ignorant l'an-

cienne et qui devait rester ignorée d'elle. Les impressions

règnes pendant celle période ne se sont pas agrégées à son

ancienne personnalité mais se sont groupées pour en consti-

tuer une nouvelle qui réapparaîtra peut-être un jour, si

pour une raison quelconque, P.... retombe dans son état

second.

L'activité intellectuelle du sujet est généralement plus

grande dans l'état second que dans l'état prime; chez P...,

il en a été tout autrement, l'état second s'est accompagné de

dépression mélancolique.

Il est à remarquer que P... est entré dans l'état second, à

HYSTÉRIE MALE. 1169

la faveur d'une crise délirante. Or, dès 1877, M. Gille» de la

Tourette a émis, comme on sait, cette opinion que l'état

second n'est qu'une attaque délirante prolongée, de nature

hystérique, le somnambulisme étant un véritable délire.

Notre observation vient donc à l'appui de la manière de voir

de M. Gilles de la Tourelle.

D'après les renseignements très précis qu'il nous a donnés,

notre malade est resté atteint, pendant dix-huit jours, d'une

cécité complète qui a apparu et disparu subitement : l'hys-

térie seule est capable de produire une amaurose présentant

ces caractères. La perte de la vue n'a pas été, semble-t-il,

précédée d'une attaque ainsi que cela aurait presque toujours

lieu, d'après M. Gilles de la Tourette. L'amaurose unilatérale

est relativement fréquente, on le sait, mais il n'en est pas de

même de l'amaurose bilatérale; M. Gilles de la ToureLLe dit

en avoir vu quelques cas seulement et il rappelle les suivants :

deux de Landouzy, trois de Briquet, un de Marlow, un de

Wundermann ; un de Lévy observé à la clinique de Mendel.

Presque toujours la cécité hystérique n'est que temporaire,

d'après M. Gilles de la Tourette elle durerait quelques heures

et, au maximum, quelques jours. On voit donc que chez notre

malade elle a eu une durée anormale. Il est vrai que dans un

Cas rapporté par Ilarlan , elle persista pendant six années.

Trouble purement fonctionnel, la cécité hystérique donne

souvent lieu à des méprises. Ne constatant pas de lésions

organiques de nature à expliquer la cécité, les deux médecins

de Bruxelles qui ont examiné P... au moment de son amau-

rose l'ont considéré comme un simulateur; ils ne connais-

saient peut-être pas l'amaurose hystérique. M. Ballet a pré-

senté en 189-1, à l'une de ses leçons de l'hôpital St-Antoine,

un jeune garçon hystérique amaurotique d'un oeil, il avait

été examiné à, diverses reprises par plusieurs oculistes qui,

ne découvrant aucune lésion, crurent à de la simulation ; il

s'agissait en réalité d'une amaurose hystérique.

Des trois accès de mutisme les deux premiers ont éclaté

brusquement, le troisième a été précédé pendant quelques

jours par du bégaiement. Ce bégaiement prémonitoire se

rencontre assez fréquemment, comme on sait, et Charcot en

a cité plusieurs exemples. Les trois accès se sont terminés

1 Gilles de la Tourelle. Traité de l'hystérie, t. 1, page 337.

470 O RECUEIL DE FAITS.

brusquement, le malade recouvrant entièrement tout d'un

coup la- parole perdue depuis plusieurs semaines. Ces accès

de mutisme ne se sont accompagés ni de paralysie, ni de

cécité et de surdité verbales, ni de troubles de l'écriture :

cela montre bien leur caractère purement fonctionnel, leur

origine hystérique.

Dans le troisième accès de mutisme, le seul qu'il nous a

été donné d'observer, nous trouvons deux symptômes qui

n'auraient pas existé dans les précédents. Ce sont les troubles

de la mastication et le ptyalisme.

Les troubles de la mastication, très légers, se bornaient à

une difficulté qu'éprouvait le malade à ramener les aliments

sous les arcades dentaires au moyen de la langue, bien que

les mouvements de cet organe ne fussent en rien altérés. Il

s'est probablement produit la un de ces phénomènes psycho-

logiques subconscients si fréquents dans l'hystérie. Le malade

ne pouvait pas parler, ce qui lui a fait croire que sa langue

était paralysée; à cette idée s'est associée inconsciemment

ou plutôt subconsciemment, l'idée qu'il ne pouvait pas non

plus remuer la langue pour ramener les aliments sous les

arcades dentaires. Celle explication se trouve corroborée par

ce fait que les troubles de la mastication sont survenus seu-

lement quinze jours après le début du mutisme (l'état mélan-

colique avait alors complètement disparu, en sorte qu'on ne

saurait voir la une simple idée hypochondriaque) ; et surtout

par cet autre fait que la déglutition, acte dans lequel la

langue joue un rôle aussi important que dans la mastication,

mais purement réllexe, s'accomplissait d'une façon tout à fait

normale.

Ce troisième accès de mutisme a encore présenté ceci de

particulier, qu'il semble avoir été jugé par une cpistaxis,

hémorragie qui n'est pas rare chez les hystériques.

Il faut noter enfin que ce troisième accès de mutisme s'est

développé au cours de l'état second, et que malgré le retour

à l'état prime, il a persisté encore pendant quatre-vingt-sept

jours.

La salivation doit être rapportée à un trouble vaso-moteur

comme on en rencontre si souvent chez les hystériques, ana-

logue t ceux qui provoquent chez eux les sueurs, la polyurie.

En résumé, l'hystérie s'est révélée chez notre malade par

un grand nombre de syndromes : amaurose, mutisme, état

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 471

second, ptyalisme, hémi-surdité ; il faut noter cependant

qu'il semble n'y avoir jamais eu ni grande ni petite attaque.

Une dernière remarque : 'foute sa vie, P... s'est conduit

comme un déséquilibré. Il a exercé successivement les pro-

fessions les plus diverses, il a été tour à tour soldat, officier,

puis de nouveau simple soldat, marchand de tabac, crieur

aux halles, caissier, etc., etc ; il a dissipé dans les cercles la

grosse fortune que sa femme lui avait apportée en dot et

encore aujourd'hui, dominé par une passion maladive du jeu,

il lui arrive de perdre en un seul jour tout un trimestre de sa

pension; expulsé de l'armée, il est passé une fois aux assises,

il a été condamné une fois, en police correctionnelle, sa

femme a dû se séparer de lui de biens, d'abord, de corps

ensuite. P... s'est donc toujours conduit comme un déséqui-

libré, mais c'est à quarante-deux ans seulement qu'il s'est

révélé hystérique. A quoi attribuer l'apparition tardive de

la névrose jusque-là latente ? Il serait difficile de le dire. On

ne saurait, semble-t-il, incriminer la syphilis : le chancre

s'est produit dix ans plutôt et il n'existait aucun accident

syphilitique au moment où s'est produit la première manifes-

tation hystérique sous forme d'accès de mutisme. Mais s'il

est rare de voir l'hystérie apparaître aussi tardivement, il est

commun, par contre, de la voir se développer sur un fond

de dégénérescence mentale du genre de celui qui existait

chez notre malade : M. Ballet et ses élèves MM. Marquezy,

Tabaraud, floubiiiovileh ont bien mis ce fait en lumière,

particulièrement en ce qui concerne l'hystérie mâle.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.'

XL. Contribution à l'étude des localisations des noyaux moteurs

dans la moelle lombo-sacrée et de la vacuolisation des cellules

nerveuses; par les L)I, Van Cishuciu'en et de l3uci..

Les auteurs ont pu utiliser un cas de désarticulation de la hanche

1 ? REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

pour faire de nouvelles recherches sur les localisations des noyaux

moteurs dans la moelle lombo-sacrée.

Les faits observés concordent entièrement avec ceux qu'ils avaient

constatés dans un premier cas : il existe donc, à en juger par la

localisation de lachromatolyse consécutive à la section des nerfs,

au niveau de la moelle lombo-sacrée, deux groupements de cel-

lules nerveuses ou noyaux qui sont en rapport avec l'innervation

motrice de la jambe et du pied, un premier noyau postéro-latéral

allant depuis la partie supérieure du 5° segment lombaire à la

partie inférieure du 3" segment sacré et. un second noyau, posté-

rieur au premier, allant de la partie supérieure du 2° segment

sacré à la partie inférieure du 4'' segment sacré.

Un certain nombre des cellules cbromatolysées présentaient,

en nombre variable, des vacuoles de petit volume, sous forme de

cavités rondes semblant taillées à l'emporte-pièce au sein du pro-

toplasma cellulaire.

La question de la vacuolisation du protoplasma des cellules ner-

veuses ne peut pas recevoir, dans l'état actuel de la science, de

solution nette et précise. (Revue neurologique, août 1898.)

E. 13L ?

Les porencéphalies (licherclec· leisloloyicucs);

par le 1)" F. Gangitano. (11. Morgagni, nu 7, 1898.)

La. manque de connaissances exactes sur les causes étiologiques

de la porencéphalie est cause de la variété et de la multiplicité des

dénominations, des subdivisions, des classifications qu'on rencontre

chez les auteurs qui se sont occupés de cette question. Toutes ces

formes et variétés pourraient bien être sous la dépendance d'un

processus anatomique unique, pouvant se produire dans la vie

indépendante aussi bien que dans la vie intrautérine. C'est de cette

hypothèse, acceptée par les uns, combattue par les autres, qu'est

parti l'auteur au cours de ses recherches histologiques sur les

porencéphalies. 11 passe en revue la littérature de son sujet, riche

déjà au point de vue clinique, assez pauvre au point de vue

anatomo-pathotogique. 11 insiste tout particulièrement sur un

travail récent de halhden portant sur dix cas de porencéplialies

avec recherches histologiques et donne les deux observations com-

plètes sur lesquelles s'appuie son travail. L'histoire clinique ne

permet pas de douter qu'il s'agisse dans l'une et l'autre de poren-

céphalie acquise : l'examen macroscopique et microscopique

confirme ce diagnostic en reconnaissant comme cause du porus :

dans le premier cas, un ramollissement cérébral trombosique

datant de longues années, dans le second cas une hydrocéphalie

consécutive à des tumeurs tuberculeuses et relativement récente.

Dans le premier cas l'auteur rencontre une membrane de néofor-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 473

mation complètement organisée, telle qu'elle constitue pour les

auteurs en général le caractère anatomique de la porencéphalie

acquise.

Dans le deuxième cas. qui narait dépourvu de membrane, il

constate, au dessus de la cavité, les éléments histologiques des

tissus de néoformation. Ces éléments sont épars et semblent

rayonner les uns vers les autres, selon une disposition analogue à

celle qui a été constatée dans le premier cas. La comparaison des

signes anatomiques et microscopiques soigneusement recueillis

dans les deux cas, semble donc démontrer clairement l'existence,

dans l'un comme dans l'autre, de la membrane néoformée, parvenue

dans le premier cas à la période d'état, dans le deuxième cas à la

période initiale. D'où il se dégage naturellement cette opinion, que

l'existence au-dessus de la cavité porencéphalique d'une membrane

de néoformation pourrait bien ne pas avoir comme on le croit

généralement de valeur réelie au point de vue du diagnostic

pathogénique, mais seulement du diagnostic chronologique.

B. Ciimion.

XL11. Une singulière infection cérébro-spinale expérimentale, avec

altérations policellulaires évidentes et profondes ; par G. DADDi

et SII,E ? Til],Nl. (Lu Sperirnentule, n° 3, 1898.)

Au cours de recherches expérimentales sur les virus rabiques,

les auteurs ont isolé un micro-organisme de forme nettement

bacillaire', se présentant généralement accouplé ou en chaînettes

de 3-'r-5 éléments, doué de mouvements oscillatoires lents et peu

étendus, se colorant avec les couleurs communes d'aniline,

pullulant rapidement dans les milieux de culture ordinaires, doué

d'une vitalité extraordinaire et résistant à la température de 70°.

Les inoculations pratiquées sur un grand nombre de lapins, de

chiens, de rats, à l'aide des cultures de ce bacille ont démontré une

action pathogénique toute particulière. Par les voies sous-cutanée,

péritonéale, pleurale, ces inoculations n'ont produit aucun effet

morbide; mais par la voie soûs-duremérienne, elles ont produit

dans tous les cas un ensemble de symptômes pathologiques très

particuliers : les uns à forme aiguë, les autres plus ou moins

graves à forme chronique : contracture de la tête en opistotonos,

tremblement exagéré par le stimulus le plus léger, extrême exci-

tabilité réllexe, difficulté considérable à reprendre l'équilibre

perdu, mouvements ataxico-parético-spasmodiques des membres,

épuisement très notable de l'énergie, faiblesse du sens musculaire.

Par les symptômes particuliers de l'infection cérébro-spinale qu'il

produit, par ses caractères morphologiques et culturaux, le micro-

organisme en question diffère donc de tous les autres micio-orga-

nismes décrits antérieurement, et en particulier de celui de la rage,

4îl 1 REVUE D ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

puisque les animaux inoculés à l'aide des cultures de ce ba-

cille, ne se sont pas montrés plus tard réfractaires au virus

rabique. L'action de ce bacille nouveau se porte spécialement sur

les cellules nerveuses, dont les auteurs décrivent les lésions dans

le cerveau, le cervelet et la moelle épinière (augmentation de

volume du protoplasma granuleux, modification finement granu-

leuse de la substance cbromalopbile, déformation variqueuse des

prolongements).

Les auteurs proposent, pour fixer le caractère de localisation

tout particulier de ce micro-organisme, au point de vue clinique,

de le désigner sous le nom de d/po6MC<( ! )'t'<; cncéphalo-myélophile.

B. Chahon.

Section partielle du nerf médian. Suture. Restauration

fonctionnelle; par A. el SANO. de Neurologie.

1890, n° 4.)

Cette observation concerne un enfant de Paris qui, en cassant

une vitre avec la main, se lit au poignetune blessure qui intéressa

le tendon du petit palmaire, celui du long fléchisseur du pouce et

les deux tiers externes du nerf médian. La suture de ces deux

tendons et des fibres sectionnées du médian fut suivie du retour

rapide de la sensibilité : celle-ci disparut, il est vrai, au bout de

quelque^ jours, mais pour reparaître définitivement peu de temps

après. Quant à la mobilité des doigts, elle n'avait pas été modifiée

par la blessure du médian : l'auteur conclut de cette particularité

que le faisceau qui contient les libres motrices au niveau du

poignet se trouve dans la partie interne du nerf. G. DFNY.

XLIV. Lésion de la bandelette optique et du pédoncule du côté

gauche; par A. llanem. (Journ. de Neurologie, 1899, n° 4.)

XLV. Un cas de tabes incipiens avec exagération des réflexes

rotuliens et abolition du réflexe du tendon d'Achille des deux

côtés ; par Van Gehucuten. (Journ. de Neurologie, 1899, nu 5.)

L'auteur croit pouvoir conclure de celte observation que l'affai-

blissement ou l'abolition du réflexe du tendon d'Achille a une

aussi grande importance pour le diagnostic du tabès que le signe

de Westphal.

f

XLVL Des altérations des cellules nerveuses provoquées par l'ar-

senic ; par le Dr SouMi.4Kon ? de Neurologie, 1899, n° 3.)

Il ressort de ce travail que des doses toxiques d'une solution

d'arsenite de potassium injectées à des cobayes, déterminent assez

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 475 'J

rapidement des altérations des cellules nerveuses de la moelle qui

peuvent se résumer ainsi : 1° Coloration diffuse du corps cellulaire

avec désagrégation des corpuscules de Nissl et turgescence de

toute la masse du protoplasma ; 2° dissolution partielle de la

substance chromatique (apparition de taches noires) ; 3° vacuoli-

sation. G. D.

XLVII. Recherches sur l'origine réelle des nerfs crâniens (nerf

pneumogastrique); par le Dr V.\x Geiiuchten. (JOUI-11. de Neuro-

logie, 1899, il,' 2.)

11 résulte de ces recherches : 1° que les libres motrices du nerf

vague présentent deux noyaux d'origine :

a) Un noyau moteur ventral ou noyau moteur à grandes cellules,

constituant le noyau ambigu. Ce noyau appartient en propre aux

libres de ce nerf.

b) Un noyau moteur dorsal ou noyau moteur à petites cellules.

Ce noyau~appartient à la fois aux fibres du vague et aux libres

bulbaires du nerf de Willis.

2" Que les fibres sensitives du nerf vague pénètrent dans le

bulbe jusqu'au niveau du faisceau solitaire. Là, elles se recour-

bent en bas pour devenir les éléments constituants de ce faisceau.

Ces fibres peuvent se poursuivre jusque dans l'extrémité supé-

rieure de la moelle cervicale. Elles se terminent par des ramifi-

cations collatérales et terminales dans la substance grise gélati-

neuse voisine. Celle-ci représente donc le noyau terminal des

fibres du faisceau solitaire ainsi que le noyau sensitif du nerf de

la dixième paire. G. D.

XLVIII. Deux cas de porencéphalie ; par Wigihïswout.

(l3rccin L\VItct L\V111.)

I. Homme de vingt-quatre ans (père alcoolique) normal jusqu'à

treize ans ; affaiblissement intellectuel depuis cet à ? c avec attaques

épileptiques et faiblesse du bras droit; essai de traitement médical

amélioration puis aggravation progressive, mort en état de mal.

Hémisphère gauche pesant 115 grammes de moins que le droit,

vaste perte de substance sans communication ventriculaire, inté-

ressant tout le pourtour des deux tiers supérieurs de la Se. de

Sylvius, déformation du lobe frontal qui parait accru, atrophie

droite du cervelet. L'auteur fait remonter la production de la lésion

au septième mois intrautérin. II. Jeune homme présentant des

symptômes analogues, mort, hémisphère gauche déformé dans ses

deux tiers antérieurs, aplati latéralement, destruction des circon-

volutions préfrontales. Pour ces deux cas, l'auteur repousse toute

hypothèse de tuberculose, d'embolie ou d'encéphalite comme ori-

476 sociétés savantes.

gine. Pour le premier cas il croit à un développement défectueux

aggravé par un traumatisme intraulérin, pour le deuxième à un

simple traumatisme remontant probablement à la parturition.

l. l3oissiLn.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

CONGRÈS DES ALIÉNISTES ET INEUIIOL061STES

Y° SLSSCON. - Jlurscille, uvril 1599'. 1.

Séance du vendredi 7 avril (matin). Présidence DE M. DOUTREBENTE.

ALIÉNÉS MÉCONNUS EP CONDAMNÉS

M. Tatï, rapporteur. Les aliénés méconnus et condamnés

peuvent être réunis en deux groupes : les uns ont été totalement

méconnus, le magistral n'ayant pas jugé utile d'avoir recours à un

examen médical ou n'ayant pas soupçonné leur maladie ; les

autres ont subi un examen médico-légal, qui ne les a pas empê-

ches d'être méconnus. Dans ce dernier cas, l'erreur peut provenir

des experts qui se trompent dans leurs conclusions ou relever du

magistrat qui ne tient pas compte dans son jugement des indica-

tions de l'expert.

A ces deux groupes d'aliénés il faut ajouter ceux qui, reconnus

aliénés par les médecins-experls, bénéficient d'une ordonnance de

non-lieu et qui, une fois à l'asile, laissent le médecin s'apercevoir

de leur responsabilité ou avouent eux-mêmes pour obtenir leur

sortie. Ce groupe comprend de nombreux sujets et beaucoup de

médecins d'asiles pourraient en signaler des exemples.

Ce sont eux qu'a décrits M. Charpentier sous le nom de pseudo-

irresponsables, et on peut en rapprocher ceux qui, d'après

M. Vallon, font de l'aliénation préventive, excuse anticipée de

leurs méfaits à venir.

Malgré les progrès de la psychiatrie et les relations entre la

médecine légale et la magistrature, on constate encore trop fré-

quemment à notre époque la condamnation d'aliénés indiscutables

(paralytiques généraux, déments, persécutés, etc.). Ces faits regret-

tables peuvent et doivent être évités.

. ' Voir le dernier numéro, mai, page 366-109.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 4 Î Î

Des individus a lares psychiques, capables certainement de

commettre des infractions sous l'influence nette de ces tares ou

d'un délire surajouté, mais aussi d'en commettre d'autres à carac-

tère moins nettement pathologique et même de se servir de ces

tares ou de ces phases délirantes comme d'un moyen de dégager

ultérieurement leur responsabilité, sont encore souvent condamnés;

les antécédents de ces individus comportent des condamnations

et des internements dans les asiles, antérieurs ou postérieurs à ces

condamnations, prouvant qu'ils étaient aliénés au moment de

l'infraction et que la condamnation a frappé un aliéné méconnu '.

Les médecins, les magistrats et le législateur doivent rechercher

et appliquer tous les moyens propres à empêcher à l'avenir les

condamnations pour infractions nettement symptomatiques d'un

état quelconque d'aliénation mentale et à faciliter la critique

médico-légale des infractions épisodiques commises par des

individus à antécédents pathologiques douteux, de façon qu'on

n'ait plus à regretter de voir punis des aliénés criminels ou délin-

quants dans les cas où la maladie mentale est la cause indiscutable

de l'acte incriminé. Ces moyens sont préventifs ou réparateurs.

Les moyens préventifs consistent dans le développement de

l'enseignement des maladies mentales permettant aux médecins de

remplir auprès des tribunaux de première instance l'office d'experts

suffisamment aptes à diagnostiquer les cas d'aliénation faciles et

à éveiller l'attention des magistrats dans les cas difficiles. Il serait

en outre nécessaire d'étendre cet enseignement aux étudiants des

Facultés de droit, futurs avocats ou magistrats instructeurs, de

façon à les mettre en état de mieux reconnaître les cas dans

lesquels un doute peut planer sur l'intégrité des facultés intellec-

tuelles des prévenus. A cela, ajoutons l'organisation d'un service

médical, partout où il sera possible, chargé de visiter tous les

prévenus incarcérés et pouvant être mis à la disposition des

prévenus en liberté et poursuivis sur citation directe, une visite

suffisant en général pour supprimer la moitié des erreurs judiciaires

relevées et permettant de soulever, dans les autres cas, des doutes

capables de légitimer une expertise plus sérieuse. Des garanties

devraient être données à la société et aux individus par les mesures

suivantes : les expertises contradictoires ; l'intervention de la

magistrature pour le placement d'office des prévenus reconnus

aliénés ; la nécessité pour le jury de statuer sur l'irresponsabilité

des accusés; la création des asiles de sûreté, sous difrérentes

réserves, -notamment sous celle que le placement n'y sera effectué

que sur avis médical motivé et quand l'asile ordinaire sera reconnu

insuffisant. Tous ces moyens ont pour but d'empêcher la con-

' Nous avons relaté un certain nombre de cas de ce genre dans nos

Comptes rendus de (le 1880 à 1898. (Il.).

478 SOCIÉTÉS SAVANTES.

damnation d'un aliéné. Les moyens réparateurs consisteraient dans

les mesures suivantes : '0 lorsque la condamnation s'est produite,

réformation du jugement par la voie de l'appel, et action d'office

des procureurs généraux qui jouissent, dans ce but, d'un délai

exceptionnel de deux mois ; 2" quand enfin la condamnation

est devenue définitive, intervention de l'inspection psychiatrique

des prisons pour placer le malade dans un asile ordinaire et non

dans un asile spécial.

M. le 1)" GnNjux. Il m'a semblé que l'on pourrait peut-être

trouver des éléments d'appréciation importants pour l'étude de

cette question si grave « les aliénés condamnés n, d'une part, dans

la connaissance exacte de ce que deviennent au point de vue de

l'aliénation mentaleles militaires condamnés, et, d'autre part, dans

la comparaison de ce qui se passe au point de vue mental chez

eux et chez leurs camarades n'ayant pas eu maille à partir avec

la justice. Je vais avoir l'honneur de vous exposer les résultats

auxquels je suis arrivé en suivant cette voie.

Comme les recherches statistiques ne valent que par la confiance

qu'inspirent les travaux sur lesquels elles reposent, je dois

déclarer, avant tout, que je me suis servi exclusivement d'un docu-

ment dont l'impartialité s'impose, « la statistique médicale de

l'armée », rédigée au Ministère de la Guerre d'après les rapports

établis par le service de santé. Mes calculs, basés sur des données

officielles, en tirent toute leur valeur. Comme vous le savez, sans

doute, les résultats de l'action de la justice militaire peuvent se

résumer ainsi :

a) Les militaires condamnés par les conseils de guerre subis-

sent leurs peines soit dans des prisons, soit dans des pénitenciers,

soit dans les ateliers de travaux publics.

b) Indépendamment des conseils de guerre, les hommes de troupe

sont justiciables des conseils de discipline régimentaires, qui ont

qualité pour prononcer l'envoi dans les compagnies de discipline

vulgairement appelées biribi où sont envoyés directement les

mutilés volontaires.

c) A leur sortie de prison les militaires sont dirigés sur les

bataillons d'infanterie légère d'Afrique appelés en argot mili-

taire bat d'af ou joyeux où sont reçus dès leur incorporation

les jeunes soldats déjà frappés par la justice civile.

Or, grâce à la statistique médicale de l'armée il est facile de

savoir combien chacun de ces groupes a subi de réformes du fait

de l'aliénation mentale, par conséquent comment il se comporte

vis-a-vis d'elle. On peut avoir aussi facilement les mêmes rensei-

gnements pour le reste de l'armée. Voici ces données :

1° Prisons, pénitenciers et ateliers des travaux publics. Dans ce

groupe on a réformé pour « aliénation mentale, paralysie géné-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 479

raie, idiotie » : En 1803, si hommes sur un effectif de li.935, soit

1,2 p. 100; en 1894, G sur 3.204, soit 0,9 p. 100 ; en 1895, 10 sur

5.02 ? soit 2 p. 100; en 1896, 6 sur 4.09G, soit 1,5 p. 100. Ainsi

donc dans les prisons, pénitenciers et ateliers de travaux publics

on réforme annuellement pour aliénation 1 homme 1/2 sur 1.000.

2° Compagnies de pionniers et de fusiliers de discipline. Pour

les motifs ci-dessus indiqués, on a réformé dans ces corps d'épreuve :

en 1893, personne sur un effectif de 77 ; en 18991n. 2 sur 875, soit

z,3 p. 100 ; en 1895, 4 sur 902, soit 4,4 p. 400 ; en 1890, 5 sur 717.

soit 0,9 p. 100. Conclusion : même en comptant l'année 1893 où

aucun aliéné n'a été trouvé parmi les disciplinaires, on réforme

actuellement, pour aliénation, 3,4 de ces hommes sur 1.000.

3° Bataillons d'infanterie légère d'Afrique. On y a réformé

toujours pour les mêmes affections : En 1893, 5 chasseurs sur un

effectif de i.8Gl, soit 1 p. 100; en 1891,3 sur 5.532, soit 0,5 p. 100;

en 1895, 0 sur 0.495, soit 0,9 p. 100; en 1896, sur G.5''î, soit0,9

p. 100. On réforme donc aux bataillons d'Afrique pour aliénation

mentale en moyenne chaque année 0,8 d'homme pour 1.000.

4" Armât', moins les prisonniers et les corps d'épreuve. Si de la

statistique totale de l'armée on décompte tout ce qui est afférent

aux trois groupes précédents, on voit que « l'aliénation mentale,

la paralysie générale, l'idiotie » ont nécessité pour le reste des

troupes : en 1893, 202 réformes sur un effectif de 459.284, soit 0,4

p. 100; en 1891. 217 sur 180.002 présents.soit0,4.p.100; en 1893.

203 sur 477.345 présents, soit 0.5 p. 100; en 1896. 215 sur un

effectif de 497.505; soit 0,4 p. 100. On réforme donc pour aliéna-

tion dans l'armée, déduction faite des prisons et des corps

d'épreuve, en moyenne 0.4 pour 1.000 présents.

Si l'on rapproche les résultats précédents, on voit que l'aliéna-

tion mentale nécessite chaque année : 1.5 réforme dans les pri-

sons ; 3/4 réforme dans les compagnies de discipline ; 0,8 réforme

dans les bataillons d'Afrique; 0,4 réforme dans le reste de

l'armée.

Ces chiffres peuvent se traduire parles énoncés suivants : 1° Il y

a. aux bataillons d'Afrique, deux fois plus d'aliénés que dans le

reste de l'armée; 2° il y a dans les prisons, pénitenciers, ateliers

de travaux publics, quatre fois plus d'aliénés que dans le reste de

l'armée ; 3° il y a aux compagnies de discipline huit fois et demie

plus d'aliénés que dans le reste de l'armée. Comment peut-on

interpréter la prédominance de l'aliénation mentale dans les pri-

sons et dans les corps d'épreuve ?

Quatre hypothèses seulement nous paraissent admissibles :

1° La première serait que les réformes auraient été prononcées à

tort, et l'aliénation simulée. Il est hors de conteste que dans les

prisons, pénitenciers, ateliers de travaux publics, bataillons

d'Afrique, compagnies de discipline, la simulation est en honneur;

480 SOCIÉTÉS SAVANTES.

il y a là des méthodes habiles secrètement transmises, des procé-

dés qui se modernisent, et avec lesquels le médecin doit compter.

Mais en supposant que la bonne foi de l'expert soit surprise, ce

ne peut être que de temps à autre; et les réformes ainsi escamotées

ne sauraient être bien nombreuses, étant donné surtout la difficulté

avec laquelle le commandement les accorde pour cette catégorie

de militaires. C'est donc un facteur dont il faut tenir compte, mais

qui n'est pas suffisant, à lui seul, pour fournir l'explication

cherchée.

20 En second lieu, on pourrait se demander si ce n'est pas le

régime des prisons et du corps d'épreuve qui fait éclore ces nom-

breux cas d'aliénation chez des gens non prédisposés. Nous ne con-

naissons aucun fait certain, aucun document probant qui puisse

justifier cette hypothèse, dont la réalité serait si honteuse pour

' notre armée ; nous le disons avec d'autant plus de conviction que,

chargé à deux reprises différentes du service 'de santé dans des

prisons militaires, nous n'avons jamais rien vu qui pût justifier une

pareille accusation.

3° On peut rechercher si le régime des prisons et corps d'épreuve

n'est pas de nature à faire éclore des troubles psychiques chez des

héréditaires prédisposés qui. jusqu'alors, n'avaient donné lieu à

aucune manifestation pathologique bien caractéiistique. On sait,

du reste, combien d'individus de cette catégorie sont embarras-

sants pour des aliénistes de carrière au point de vue du dia-

gnostic.

li-0 Enfin, on peut se demander si des aliénés avérés ou débu-

tants ne seraient pas méconnus lors de leur comparution en con-

seil de guerre ou de discipline, et envoyés par suite dans les éta-

blissements pénitentiaires ou corps d'épreuve.

Nous croyons, pour notre part, que c'est l'apport des individus

de ces deux dernières catégories qui peut expliquer la prépondé-

rance de l'aliénation mentale dans les prisons et corps d'épreuve,

et voici sur quoi nous basons cette opinion :

En réalité, les manifestations du déséquilibre mental qui se pro-

duisent dans l'armée peuvent être divisées, quant aux suites

qu'elles ont pour leurs auteurs, en deux catégories suivant qu'elles

semblent ou non constituer des actes d'indiscipline.

Dans le premier cas : absence illégale, injures, refus d'obéis-

sance, rébellion, voies défait, etc., le commandement trouve dans

l'indiscipline une cause si naturelle et expliquant si bien tous les

événements, qu'il ne peut se demander s'il y a autre chose d'au-

tant que la notion de cette autre chose lui est étrangère. Si ce

soi-di-ant indiscipliné est, par hasard, un cérébral, son état sera

méconnu, car les fugues et les impulsions des épileptiques, l'état

second des hystériques, les actes extravagants des dégénérés, et.

plus particulièrement, des fous moraux, les formes de débuts de

SOCIÉTÉS SAVANTES. 481

l'aliénation et surtout de la paralysie générale, l'alcoolisme dans

ses manifestations si multiples, sont ignorés des chefs militaires,

alors qu'ils sont loin d'être rares dans cette armée où trop de

parents, qui la prennent pour une maison de correction, glissent

des enfants réputés incorrigibles, et vous savez ce que cache sou-

vent cette étiquette.

Si, au contraire, les actes de l'individu ont frappé par leur bizar-

rerie, s'ils n'ont pas de relations avec le service, ou si même s'étant

produits dans le service, ils n'ont pas porté atteinte à la disci-

pline, dans ce cas l'homme est envoyé à la visite du médecin du

corps.

En résumé, les actes commis par des militaires entrant dans

l'aliénation sont jugés en premier ressort exclusivement par les

officiers. De ces faits les uns sont fatalement considérés comme

des actes d'indiscipline, et, à l'heure actuelle, il ne saurait en être

autrement; leurs auteurs ne sont point soumis à un examen médi-

cal et sont l'objet de punitions ou de condamnations. Personnelle-

ment, dans les nombreuses années que j'ai passées dans les corps

de troupe, jamais je n'ai été appelé à me prononcer sur l'état men-

tal d'individus traduits en conseil de guerre ou de discipline.

Seuls des actes non taxés d'indiscipline, et de ceux-là seulement,

le commandement se décharge sur les médecins.

Telle est la façon dont les choses se passent ; elle explique,

croyons-nous, comment les prédisposés et les aliénés peuvent aller

dans les prisons et dans les corps d'épreuve.

A cette situation, si regrettable à tous égards, il serait,

croyons-nous, facile de porter remède. L'afflux des aliénés dans les

prisons et corps d'épreuve tient nous venons de le démontrer

à l'absence d'un filtre capable d'arrêter les cérébraux au seuil des

conseils de guerre ou de discipline. On mettrait donc fin à cet état

anormal, en construisant le barrage en question. Eh bien, rien

n'est plus simple. Il suffirait de prescrire que, dorénavant, aux

nombreuses pièces exigées pour la comparution d'un homme au

conseil de guerre ou de discipline, serait joint un rapport médico-

légal dans lequel le médecin-major ne bornerait pas ses investiga-

tions au séjour de l'homme au corps, mais tenterait d'établir, par

une enquête médicale, ses antécédents.

Nous ne prétendons pas que les médecins de régiment pourront

trancher au pied levé toutes les questions de responsabilité; loin

de la ; il y aura toujours nombre de cas embarrassants, demandant

une observation attentive, prolongée, et faite dans un milieu spé-

cial ; mais les signaler est déjà chose capitale. Le but à attendre

de l'examen que nous réc, niions est non pas de résoudre complè-

tement et définitivement des questions d'essence si complexe,

mais d'éclairer la religion des juges militaires, de faire faire les

enquêtes et études nécessaires, enfin de ne pas laisser prendre des

Archives, 2° série, t. VII. 31

482 SOCIÉTÉS SAVANTES.

malades pour des coupables. Tout ce que nous venons de dire

peut, en définitive, se résumer dans les conclusions suivantes :

1° La statistique médicale de l'armée établit que le nombre des

aliénés est, par rapport au reste de l'armée, double dans les ba-

taillons d'Afrique, quadruple dansles établissements pénitentiaires,

et huit fois et demi plus considérable dans les compagnies de dis-

cipline ;

2° La raison en est que nombre de prédisposés, d'aliénés con-

firmés ou au début sont fatalement méconnus lors de leur compa-

rution aux conseils de guerre ou de discipline;

3° On empêcherait, sinon totalement, du moins en grande partie,

de pareilles erreurs, en prescrivant que tout homme en prévention

de conseil de guerre ou de discipline serait soumis à un examen

médico-légal de' la part du médecin du corps;

4° 11 est désirable que cette mesure, si facilement réalisable,

devienne rapidement obligatoire.

M. Giraud appelle l'attention sur les cas déjà cités par M. Taty,

où l'aliéné a été méconnu parce que les experts ont méconnu les

troubles mentaux. Il en rapporte un cas au nom de M. Samuel Gar-

nier. lien a lui-même observé plusieurs cas. Il a, entre autres, eu

l'occasion de faire une expertise sur un jeune homme arrêté au

Havre pour toute une série de vols. Il présentait les caractères les

plus nets de folie morale avec antécédents personnels et hérédi-

taires. Dans son enfance, il avaitfait sans motif plausible un grand

nombre de fugues la suite desquelles il ignorait souvent comment

il avait employé son temps. Eh bien ! ce jeune homme avait déjà

subi plusieurs condamnations antérieures et avait été déclaré res-

ponsable sur un rapport de M. Paul Garnier. Tout le monde con-

naitla haute compétence de M. Paul Garnier, ce qui prouve simple-

ment que, dans une simple expertise, aucun aliéniste n'est à l'abri

d'une erreur, surtout pour ces cas spéciaux de folie morale.

Il faut dire, toutefois, que ces erreurs sont fort rares, et M. Gi-

raud, parmi toutes les admissions qui ont passé entre ses mains,

n'a encore jamais vu d'aliénés transférés de la prison et ayant été

l'objet d'un rapport médical antérieur. Quant aux aliénés directe-

ment méconnus par les tribunaux, c'est surtout aux tribunaux cor-

rectionnels qu'ils sont imputables. Il serait bon que l'éducation des

magistrats fut un peu plus faite à ce point de vue.

Enfin il y a lieu aussi d'appeler l'attention sur les enfants aliénés

ou dégénérés envoyés dans les maisons de correction. Il y en a un

certain nombre de méconnus. A la rigueur on peut dire que les

maisons de correction ne sont pas une peine disciplinaire, mais

néanmoins la contagion peut avoir un effet déplorable sur les en-

fants et il est absolument fâcheux de voir qu'on y envoie encore

souvent des malades, comme des épileptiques par exemple. M. Gi-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 483

raud a déjà observé pour son compte 7 jeunes filles envoyées de la

maison de correction à l'asile Saint-Ion'. '.

M. Vallon rapporte deux observations d'aliénées méconnues

appartenant à la catégorie des imbéciles avec tendance au vaga-

bondage. Elles ont été condamnées, l'une 12 fois, l'autre 27 fois, et

comme elles sontatteiules d'imbécillité et non de simple débilité, la

condamnation aurait pu être facilement évitée par une expertise. Il

ne faut pas espérer faire de tous les médecins des aliénistes, mais

il serait à désirer que tous aient des notions suffisantes de médecine

mentale pour pouvoir constater l'anormalité psychique des pré-

venus et attirer sur elle l'attention des spécialistes.

Dans la Seine les expertises sont devenues extrêmement fré-

quentes. Les magistrats appellent plus facilement à leur aide le

médecin aliéniste que les magistrats de province. Au petit Par-

quet, on a fait faire 52 expertises pour des motifs d'apparence

futile qui n'auraient pas attiré l'attention en province; 11 seulement

de ces expertises étaient motivées et furent suivies d'ordonnance de

non-lieu. Donc il n'y aurait pas à modifier la loi; il suffirait que

les chefs de Parquet recommandassent à leurs subordonnés d'or-

donner un plus grand nombre d'expertises.

M. Rey. S'il y avait des asiles spéciaux pour ces sortes de

malades, les tribunaux et le jury enverraient peut-être plus faci-

lement à l'asile des malades dont ils craignent l'évasion dans les

asiles ordinaires.

M. 1.1131LLE. il m'est donné souvent d'observer une catégorie

de malades militaires la plupart venant des compagnies de

discipline du château d'Oléron. Et je dois reconnaître que le dia-

gnostic de leur affection est souvent difficile, car il peut arriver

que cette affection soit simulée, ainsi d'ailleurs qu'il m'a été donné

de l'observer. Un certain nombre de ces aliénés qui me sont

adressés me semble toutefois appartenir à la catégorie des dégé-

nérés, sans qu'il soit bien facile de démontrer qu'ils étaient atteints

de troubles mentaux antérieurement à leur condamnation. A mon

sens, les condamnations de déments ou d'idiots signalés dans le

rapport devraient être évitées facilement.

11 n'en est pas de même lorsqu'il s'agit de formes mal définies et

comme M. Giraud, je crois que les erreurs dans ces cas sont sou-

vent difficiles à éviter, cela d'autant mieux que les médecins les

plus habitués aux choses de la médecine mentale éprouvent eux-

mêmes quelque hésitation lorsqu'il s'agit de bien trancher la ques-

tion de responsabilité.

Je crois devoir néanmoins insister sur la fréquence des condam-

nations dont sont frappés quelques aliénés atteints de cette forme

1 Nous avons eu, à Bicètre, un certain nombre de cas analogues. (li.)

484 SOCIÉTÉS SAVANTES.

de délire de persécution que M. Régis a appelée « délire de dépos-

session ». La plupart de mes « aliénés méconnus » appartiennent

à cette catégorie et j'ajouterai que dans un de ces cas l'aliénation

a été soupçonnée par les magistrats, et'que ce n'est qu'après de

nombreuses expertises médicales, qui n'avaient fourni qu'un résultat

négatif, qu'il m'a été possible de démontrer par une observation

prolongée à l'asile de Lafond, l'aliénation de l'inculpé « dépossédé »

dangereux.

A côté des aliénés méconnus qui sont condamnés il y a les

aliénés qui font condamner. J'en ai cité plusieurs exemples au

Congrès de La Rochelle. La connaissance des faits de ce genre

démontre amplement l'utilité d'un enseignement plus approfondi

des choses de l'aliénation mentale.

M. DnoUINC : 1U. Il estévidemment utile que les magistrats aient

une connaissance un peu plus grande des aliénés, mais l'instruc-

tion qu'ils pourront recevoir à ce sujet restera toujours toute per-

sonnelle et on ne voit guère de moyen de la généraliser. Ce qui

importe surtout, c'est de vulgariser l'étude de l'aliénation mentale

dans les Écoles de Médecine; en outre, l'expertise devrait être

absolument réservée à des médecins spéciaux, alors même que le

médecin ordinaire aurait fait un stage plus ou moins long dans un

asile au cours de ses études médicales.

Dans le projet de loi Dubief, peut-être la spécialisation de l'ex-

pertise sera-t-elle demandée. Il apparaît d'ailleurs de plus en plus

nécessaire de créer des asiles de sûreté, la seule difficulté à laquelle

on puisse se buter, c'est que ces asiles devront être des asiles

d'Etat, et le Parlement peut refuser les crédits d'une dépense assez

considérable.

M. Régis a fait, comme M. Granjux, une statistisque des aliénés

méconnus par les tribunaux militaires. La statistique de M. Gran-

jux n'est peut-être pas tout à fait complète. Elle ne comprendpas

les épileptiques. Beaucoup d'aliénés méconnus n'ont pas été

réformés, et d'autres, examinés et déclarés responsables par des

médecins militaires, ont été plus tard reconnus aliénés. Certains

enfin, quoique aliénés, ont été portés comme réformés pour une

autre cause.

M. Régis demande qu'il y ait un examen préalable avant l'incor-

poration. La connaissance de l'aliénation mentale par les méde-

cins militaires devraitétre plus développée. Enfin, il devrait y avoir,

dans,l'expertise, adjonction d'experts civils spécialistes. M. Régis

propose au congrès de voter le voeu suivant : « 1° Que l'expertise

médicale au point de vue mental soit organisée devant les tribunaux

militaires de terre et de mer, comme elle l'est devant les tribunaux

civils; 2° qu'en particulier l'examen mental de tout militaire, en

prévention du conseil de discipline ou de conseil de guerre, soit

.SOCIÉTÉS SAVANTES. 485

pratiqué par les médecins du corps avec adjonction possible, sur

leur demande, d'experts civils pris sur la liste dressée chaque

année parles tribunaux du ressort. »

Ce voeu est adopté à l'unanimité.

M. Rey profite de la discussion en cours, pour rappeler les ten-

tatives qu'il a faites, en qualité et de médecin et de conseiller

général de Vaucluse pour l'hospitalisation, le traitement et l'édu-

cation des enfants idiots et arriérés et demande au Congrès de

l'aider dans sa lâche en adoptant le voeu suivant : « Qu'il soit donné

suite au projet de créer des établissements pour enfants arriérés

dans la région du Sud-Est. »

M. le Président estime que cette question ne se rattache pas à la

question en discussion et qu'elle devrait être ajournée quand celle-

ci sera terminée.

M. Rourneville appuie énergiquement la proposition de111. Bey.

M. le Président estimant que cette proposition ne vient pas, peut-

être, d'une façon opportune, M. B... ne rappellera pas, comme il

en avait l'intention, tous les arguments, et ils sont nombreux, qui

plaident en faveur de l'hospitalisation, du traitement et de l'édu-

cation des enfants idiots, imbéciles, arriérés ou atteints d'imbécil-

lité morale, d'instabilité mentale, etc.

Il se bornera à prendre, dans la discussion qui vient d'avoir lieu,

des arguments péremptoires en faveur du voeu de M. Rey et qui

montreront que ce voeu n'est pas un hors-d'oeuvrc.

Parmi les conscrits qu'on envoie aux compagnies de discipline

parce que, auparavant, c'est-à-dire dans l'adolescence, ils ont eu des

condamnations, beaucoup, s'ils avaient été examinés avec soin,

auraient dû être traités comme malades.

Quant aux enfants aliénés ou dégénérés, dont a parlé M. Giraud,

leur place n'est nullement dans les maisons de correction où ils ne

sont pas l'objet d'une éducation et d'un traitement médical appro-

priés à leur situation physique et mentale et où leur état s'aggrave

au lieu de s'améliorer. Leur place est dans les asiles-écoles.

Les mêmes remarques s'appliquent aux disciplinaires, dont a

parlé M. Mabille. Lors du Congrès de la Poclielle, nous avons eu

l'occasion de voir avec nos collègues les malheureux, internés dans

le pénitencier de l'île de Ré, rangés dans une cour, et tous nous avons

pu constater que la très grande majorité d'entre eux présentaient

des signes très accusés de dégénérescence qui les rendaient com-

parables avec beaucoup de nos malades aliénés, hospitalisés dans

les asiles. Si nous avions pu comparer leurs antécédents hérédi-

taires clpersonnels avec ceux des aliénés, il est probable que nous

serions arrivés à cette conclusion qu'un grand nombre d'entre

eux sont, comme les aliénés, des malades.

Si, dès la constatation des actes anormaux, on avait procédé à

486 SOCIÉTÉS SAVANTES.

une expertise médico-légale, on aurait constaté que ces adoles-

cents n'étaient pas responsables au sens légal du mot, car il n'y a

pas de responsabilité absolue pas plus que de libre arbitre absolu.

Les enfants arriérés sont justiciables d'établissements spéciaux et

non des maisons de correction. Cette conclusion s'impose. Il appar-

tient au gouvernement, aux administrations départementales et

municipales de créer les asiles-écoles où ces enfants doivent être

traités et éduqués et d'où la plupart sortiront améliorés ou même

guéris. En réalisant cette réforme, ou économisera les frais d'en-

tretien dans les maisons de correction, dans les dépôts de mendi-

cité, dans les prisons civiles et militaires.

Le voeu de M. Pli. Rey est ensuite adopté.

Syndrome urinaire neurasthénique. '

M. SÉET. Chez trois neurasthéniques graves nous avons pu

retrouver un ensemble de symptômes qui justifient le titre de notre

publication et ce qui nous a paru intéressant, c'est que les symp-

tômes urinaires s'atténuent et reparaissent selon que l'on note

des améliorations ou des rechutes dans la maladie. Les tableaux

que nous joignons à ce travail le montrent d'une façon très nette.

Chez nos trois malades il existait de la polyurie, avec augmen-

tation de la densité, élimination considérable d'urée et surtout

d'acide phosphorique. La polyurie est constante, il ne s'agit pas

ici d'une de ces polyuries intenses que l'on observe chez les hysté-

riques ou chez certains dégénérés ; la quantité d'urine émise

dépasse rarement 2 litres, mais se maintient d'une façon cons-

tante au-dessus de la quantité normale oscillant entre 1.150 ce. et

2.000 ce; pendant les périodes d'amélioration le chiffre descend

à 1.500 ce. et au-dessous, pour s'élever de nouveau à la moindre

rechute. En somme chez nos 3 neurasthéniques nous retrouvons : *

polyurie légère, augmentation de la densité de l'urine, élimination

considérable d'urée et surtout phosphaturie.

Myélite tra7svc'se avec paraplégie fiasque.

MM. Nocuès et Sirol (de Toulouse). Observation d'une femme

de 58 ans, qui, sans antécédents héréditaires et personnels d'au-

cune sorte, est atteinte après un refroidissement d'abord de

fourmillements et de douleurs vagues dans le membre inférieur

gauche, puis de paralysie avec atrophie en masse et hypoesthésie

à tous les modes ; trois mois plus tard le membre inférieur droit

se paralyse à son tour et s'atrophie, mais plus rapidement

(15 jours environ). A ce moment la paraplégie flaccide est

complète, l'abolition des réflexes est absolue, l'atrophie muscu-

laire considérable. L'examen électrique fait constater de la dimi-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 487 7

nution de l'excitabilité, mais il n'existe pas de RD. Paralysie des

réservoirs. Pas de troubles trophiques. Pas de déformation rachi-

dienne. 1

A propos de cette observation les auteurs passent en revue les

diverses affections pouvant présenter le tableau symptomatique

constaté : paralysie hystérique, toxique ou infectieuse, polyné-

vrite à forme de polyomyélite, polyomyélite antérieure subaiguë,

et, par élimination, ils concluent qu'il ne peut s'agir que de myélite

transverse dorso-lombaire dont la lésion doit être située au niveau

ou au-dessous du centre des réflexes et qui, très probablement, a

pour substratum anatomique une altération de la substance

grise, des racines et des nerfs. Ces lésions expliqueraient, d'après

M. Brissaud, sans être obligé d'invoquer une localisation mé-

dullaire précise, la paraplégie flasque d'emblée, alors que le

plus souvent celle-ci, dans la myélite transverse, est d'abord spas-

modique.

Vendredi (soir). Présidence DE M. DOUTREBENTE.

A l'ouverture de la séance, M. Tzar, répond aux observa-

lions faites le matin par MM. Drouineau, Régis et Vallon.

M. le Président félicite M. Taty au nom du Congrès.

M. Manille émet le voeu suivant : « Le Congrès des médecins

aliénistes et neurologistes, réuni à Marseille, émet le voeu que

les expertises médico-légales ayant trait à l'examen mental

des inculpés soient toujours confiées à des médecins aliénistes.

Il adhère en outre aux dispositions légales présentées par

M. Dubief à la Chambre des députés et qui ont trait au place-

ment obligatoire dans des asiles qui pourront être spéciaux,

des inculpés non poursuivis ou acquittés par les tribunaux

ou le jury, en raison de leur irresponsabilité.» Le Congrès

adopte.

Présidence DE M. IABILLE.

Étude photographique sur les effluves humaines.

MM. Icard et SÉPER. Dans une communication faite à la

Société de physiologie, M. Baraduc annonça qu'il avait pu fixer

sur des plaques sensibles des radiations lumineuses produites

par un fluide qui s'échapperait de l'organisme vivant au niveau

des extrémités nerveuses, nerfs périphériques et organes des sens.

Nous avons pu constater la réalité des faits énoncés par ce savant

physiologiste, mais des expériences complémentaires nous per-

mettent d'interpréter ces phénomènes d'une façon tout à fait diffé-

rente. Voici en effet les expériences que nous avons entre-

488 SOCIÉTÉS SAVANTES.

prises : 1° Lorsque dans l'obscurité la plus complète, l'on lient la

main pendant une durée de 15 minutes au-dessus d'une plaque

sensible (plaque Lumière) immergée, gélatine en dessous, dans

une cuvette remplie d'une solution à l'hydroquinone, l'on obtient

une épreuve photographique consistant en cinq ombres à contours

non définis, ombres rappelant grossièrement la forme des doigts.

Pour M. Baraduc cette image résulte de l'action du fluide vital sur

le sel d'argent de la plaque impressionnable. 2° Nous avons

répété la même expérience avec la main d'un cadavre. Le dispo-

sitif employé et le temps de pose ont été exactement les mêmes.

Au développement l'image obtenue a été exactement semblable à

celle que nous avait fournie la main d'une personne vivante. 11

nous paraît donc difficile de voir dans ce phénomène dont nous

conslatons l'existence la preuve d'un fluide vital qui se mani-

festerait aussi par un phénomène physico-chimique indiscutable.

Spiritisme et folie.

MM. Marie et Vigouroux. A toutes les époques les délirants

ont emprunté les éléments surajoutés de leur délire aux préjugés

régnants et aux préoccupations du moment. Le spiritisme devait

fournir à la folie son contingent de systèmes délirants explicatfis

de troubles hallucinatoires. De plus, la médiumité spirite, qui

n'est qu'un entraînement à l'automatisme inconscient, amène

certains prédisposés à une dissociation telle que les déhanchements

automatiques deviennent spontanés, puis l'état de conscience

venant à disparaître complètement, le malade entre de plain-pied

dans le délire. Nous avons observé des malades répondant à ces

différents stades.

Paralysie pse2tdo-bulbaire.

MM. Marie et ViGOUROux. Les auteurs rapportent trois obseo-

vations de malades présentant des paralysies d'origine d'apparence

bulbaire.

La première concerne une femme de cinquante-sept ans ayant

eu deux attaque-; nerveuses présentant le tableau clinique com-

plet de la paralysie pseudo-bulbaire de Rrissaud, avec paralysie de

la langue, parésie du voile du palais, troubles de la respiration,

rires et pleurs spasmodiques, etc.

La deuxième se rapporte à une femme de cinquante-quatre ans,

qui, depuis sept ans, à la suite d'une paralysie des quatre membres,

présente une abolition totale des mouvements phonétiques de la

langue et divers troubles trophiques.

La troisième présente une ophtalmoplégie externe et une

parésie faciale du côté droit, et des certificats antérieurs appren-

nent qu'elle a été aphasique. De plus, elle a de la polyurie.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 489

Elle présente, en outre, des obsessions et des phobies très cu-

rieuses.

Note sur les aliénés en Russie et en Alleinag7ze; par A. MARIE.

Note sur la colonisation familiale.

MM. Marie et VIGOUROUX. La colonie de Dun, créée en 1892,

compte aujourd'hui 500 malades ; la colonie de Bussy-Wyzerolles,

créée en 1894, compte 50 placements. Enfin, la colonie d'Anay-le-

Chàteau, en formation en ce moment, compte 30 malades et peut

facilement en contenir 200. Trois points intéressants ont fait

l'objet de voeux spéciaux au rapport du Conseil général de la

Seine : 1° Extension de l'assistance familiale aux déments hom-

mes ; 20 Extension de l'assistance aux convalescents à titre de

patronage transitoire ; 2° Fondation d'une colonie agricole pour

les aliénés chroniques, imbéciles et épileptiques.

M. DOUTREBE1'E demande à MM. Marie et Vigouroux de le

rassurer sur l'existence possible de dangers créés par le placement

familial. M. Vigoureux répond que les malades envoyés à Dun-sur-

Auron ont déjà séjournes dans les asiles et qu'ils ont été choisis

par les médecins; les malades agités sont renvoyés à Bourges.

Personne ne demande l'application des asiles à portes ouvertes

pour tous les malades.

Alitement (traitement par le repos au lit) dans les formes aiguës et

sub-aiguës de l'alcoolisme.

M. Magnan. Le délire alcoolique est la forme mentale à

laquelle convient le mieux le traitement par le repos au lit.

Permettez-moi de rappeler, d'abord, l'alcoolisme expérimental

qui fournira des indications utiles à ce mode de traitement basé

sur une surveillance continue, persistante, permettant de réaliser

promptement la nuit, les conditions favorables dans lesquelles se

trouve le sujet pendant le jour. Si l'on soumet un chien à l'action

de l'alcool, il présente, pendant dix à douze jours, les mêmes phé-

nomènes d'ivresse sur lesquels je n'ai pas à insister '.

Mais si l'on continue à administrer quotidiennement le poison,

d'autres symptômes apparaissent dénotant des transformations

plus profondes du sujet. Dès le quinzième jour de l'intoxication,

il survient une susceptibilité nerveuse, une impressionnabilité

remarquables. L'animal est inquiet, triste ; il écoute, se tient aux

aguets ; le moindre bruit le fait tressaillir, si la porte s'ouvre, pris

' Magnan. De l'alcoolisme, des divers formes du. délire alcoolique et

de leur traitement. Paris, 1874, p. 9 et suivantes.

400 0 SOCIÉTÉS SAVANTES.

- d'une vivo frayeur, criant et laissant sur son passage une traînée

d'urine, il court se blottir vers le coin le plus obscur de la salle;

il ne répond plus aux caresses, s'éloigne, se cache, cherche à

mordre dès qu'on veut le saisir et pousse des cris aigus à la

moindre menace.

Cette disposition craintive augmente chaque jour, et dès la fin

du premier mois, des illusions et des hallucinations venant s'y

ajouter, elle se transforme en véritable délire. Au milieu de la

nuit tout étant calme, il se met à aboyer avec force, élevant et

multipliait les cris comme à l'approche d'un agresseur; d'autres,

fois, il pousse des gémissements plaintifs, la voix, l'appel sont

insuffisants pour le rassurer, il faut intervenir avec la lumière ;

la clarté l'apaise et le tranquillise.

De même que l'animal, l'homme, au bout de peu de temps.

change de caractère, se montre irritable, inquiet, impressionnable;

il n'a plus de sommeil ; il devient le jouet d'illusions et d'halluci-

nations, et lorsque, après des excès répétés, il dépasse la limite de

saturation, ou qu'il est soumis'a quelque autre cause d'excitation,

il est pris d'un accès de délire alcoolique.

Les phénomènes intellectuels consistent surtout en troubles hal-

lucinatoires, de nature pénible, s'étendant à tous les sens, rappe-

lant les préoccupations dominantes du moment, les occupations

journalières avec surtout leurs accidents et leurs désagréments.

Ces hallucinations, suivant la disposition du sujet, suivant aussi

leur degré d'intensité, donnent lieu à des réactions différentes,

capables de changer complètement la physionomie du malade :

tout d'abord, il entend des injures, des provocations; puis il voit

des voleurs, des gens armés, des animaux; ou bien il entend la

voix de ses parents, de ses amis qui l'appellent, qui l'avertissent

d'un danger, qui invoquent son secours; il voit sa femme entou-

rée de misérables qui lui font subir le dernier outrage. Aiguil-

lonné par ces excitations, le malade répond, injurie, se querelle,

court, s'élance, devient furieux, tout autant d'actes qui provoquent

chez lui une manifestation bruyante, un état maniaque. C'est la

forme qui prédomine habituellement dans les accès de delirium

tremens, où les troubles hallucinatoires, d'une vivacité extrême,

s'associent au tremblement de tout le corps, à la trémulation

générale de tout le système musculaire.

Dans d'autres circonstances, l'alcoolique se voit en prison,

devant un tribunal, il est accusé de différents ci fines, il s'imagine

les avoir commis, être menacé de subir d'affreuses mutilations ; il

assiste à l'enterrement de ses parents. Sous le coup de ces tristes

impressions, il est sombre, inquiet, déliant; il se plaint, il est

effrayé, il cherche à fuir, quelquefois même il conçoit des idées

d'homicide ou de suicide ; il se présente en un mot sous l'aspect

d'un mélancolique. Enfin, à un degré plus élevé, il se voit chargé

SOCIÉTÉS SAVANTES. 491

de chaînes, au pied de l'échafaud, il a devant lui les cadavres en-

sanglantés de ses enfants ; tout est en feu ; il va être englouti, etc.

Ces images l'out attéré, épouvanté, terrorisé, il reste immo-

bile dans un état complet de stupeur. De ces trois formes stupide,

mélancolique, maniaque, cette dernière est de beaucoup la plus

fréquente.

C'est ordinairement la nuit que se montrent tout d'abord ces

accidents et s'il est difficile de préciser leur mode d'évolution à

cause du souvenir un peu confus qu'en gardent les malades, on

peut du moins indiquer avec certitude leur mode de disparition.

Les hallucinations, d'abord persistantes le jour et la nuit, com-

mencent à disparaître le jour, pour continuer à se produire la

nuit avec la même intensité ; devenant moins nettes, elles se

montrent plus tard à ce moment intermédiaire à la veille et au

sommeil, depuis longtemps signalé par Baillarger comme favo-

rable à l'éclosion des troubles hallucinatoires. On ne trouve

ensuite que des cauchemars qui persistent quelques instants quand

l'individu se réveille, puis de simples rêves et le malade finit par

apprécier avec une certaine exactitude ces fausses perceptions

sensorielles qui ne tardent pas à disparaître complètement.

Quoi qu'il en soit, l'alcoolisé habituellement très halluciné et

agité à son arrivée, était autrefois isolé la nuit dans une cellule ;

là, constamment sous le coup de visions effrayantes, de- menaces

terrifiantes, il ne dormait pas, se tenait debout, poussait ou frap-

pait les parois capitonnées de la cellule, s'agitait, criait, appelait

au secours, interpellait des ennemis, s'épuisant en efforts stériles,

s'arc-boutant contre un mur qui va tomber, contre une porte que

poussent des assassins imaginaires, et quand les veilleurs ou le

médecin intervenaient, on le trouvait haletant, couvert de sueurs,

dans un état d'affolement extrême, et pour lui procurer quelques

heures de repos, il fallait employer de très hautes doses de chlo-

ral.

Actuellement, les choses ont complètement changé. La présence

continue des infirmiers de nuit les rassure, attire leur attention,

les rappelle par instants à la réalité ; mais si néanmoius les hallu-

cinations persistent, se montrent actives, pressantes, on ouvre les

becs de gaz et on éclaire largement la salle. La vive clarté, les

paroles bienveillantes des veilleurs ne tardent pas à les rassurer.

Leurs yeux perçoivent nettement tous les objets qui les environnent,

il n'y a plus d'ombres, plus de demi-lumières, plus d'images dou-

teuses, il voit en plein éclairage les infirmiers qui lui parlent et le

sujet, comme en plein jour, se calme, rassuré par la substitution

aux hallucinations des excitations physiologiques normales des

sens : objets bien éclairés, paroles distinctes, interpellations pres-

santes et intervention de l'entourage, etc. Dans ces conditions, il

ne tarde pas à s'endormir et dès qu'il se réveille, le veilleur le tran-

493 1. SOCIÉTÉS SAVANTES.

quillise et habituellement il se calme de nouveau, se voyant dans

une salle d'hôpital et se sentant surveillé et protégé.

Le séjour des alcoolisés dans les salles d'alitement, atteint par-

fois mais dépasse rarement une semaine ; les hallucinations ne

tardent pas à disparaître même la nuit et le malade peut alors être

installé dans la section des tranquilles

Sur 1.024 femmes traitées par l'alitement dans mon service de

l'admission du mois d'avril 1897 au 30 novembre 1898, les alcoo-

liques délirantes ont été au nombre de 10a. Chez les hommes du

mois d'octobre 189 jusqu'au 30 novembre 1898, sur 1.062 malades

soumis à l'alitement, 392 étaient atteints de délire alcoolique.

Pour tous ces alcoolisés j'ai eu rarement recours au chloral et je

n'ai jamais dû intervenir avec le chlorhydrate d'hyoscine.

Je dois faire observer qu'alitement ne veut pas dire immobilité

et fixité au lit, le maniaque lui-même, au bout de peu de temps,

reste le plus souvent assis ou étendu dans son lit, mais les pre-

miers jours, il s'agite, remue, s'agenouille, 'se dresse, saute et

danse, jette oreiller, couverture et traversin; ces mouvements

désordonnés sont d'habitude de courte durée et le malade finit par

se glisser dans les draps et se repose quelques instants pour

recommencer encore. Une grande difficulté au début est d'habituer

le personnel à rester spectateur attentif mais presque toujours

passif et à n'intervenir que dans les cas, d'ailleurs peu fréquents,

où le malade sort du lit et est porté à frapper ses voisins et à bri-

ser les objets qui l'environnent, ou bien encore quand certains

mélancoliques excités sont anxieusement poussés au suicide. Ces

moments sont d'habitude de courte durée et quand, exceptionnel-

lement, ils se prolongent, c'est le surveillant ou la surveillante qui

interviennent en attendant le médecin. Si dans ces cas tout à fait

rares, l'isolement momentané dans une chambre, ou bien le bain

ou le drap mouillé ne suffisent pas, une injection d'hyoscine

ramène le calme. Le chlorhydrate d'hyoscine est un excellent mé-

dicament dont nous avons largement usé depuis 1888, mais avec

le traitement par le repos au lit, nous en avons réduit intention-

nellement l'emploi, pour faire tomber la légende de la camisole

chimique des adversaires de l'alitement.

Si comme nous venons de le voir, l'alitement est utile dans

l'alcoolisme, ses avantages n'en sont pas moindres dans toutes les

formes aiguës ou sub-aiguës de la folie et nous pensons en termi-

nant les résumer de la façon suivante : surveillance plus attentive ;

soins plus continus; examen médical plus facile et plus complet;

diminution et bientôt disparition de la phase sub-aiguë de la ma-

nie et de la perplexité angoissante et douloureuse de la mélan-

colie ; sommeil et repos meilleurs ; réparation plus rapide des

pertes subies par l'organisme soit par la dépense motrice du

SOCIÉTÉS SAVANTES. 493

maniaque, soit par la dénutrition du mélancolique; gâtisme très

réduit et plus de barbouillage; destruction presque nulle d'objets

mobiliers et de la literie ; intervention moins dangereuse pour le

personnel dans les cas de plus en plus rares, d'ailleurs, de vio-

lences ou d'agression des malades ; transformation heureuse de

l'asile par la substitution de la salle d'hôpital au quartier cellu-

laire.

D'autre part, on a reproché à l'alitement de provoquer la cons-

tipation, l'anémie, des habitudes d'onanisme, de pousser à l'abus

des médicaments hypnotiques.

Tous ces inconvénients ont été fort exagérés. Il est facile, en

effet, de surveiller le régime, de régulariser les digestions quand

elles sont troublées ; du reste, tous les matins, le cahier de rapport

avec les divers renseignements des veilleurs sur l'état du malade

la nuit, le sommeil, la température, signale s'il y a eu ou non des

garde-robes, leur nombre, leurs caractères.

Quant à l'anémie, à l'amaigrissement, sauf quelques cas excep-

tionnels dus à des causes spéciales (tuberculose par exemple), c'est

l'inverse que l'on observe, les malades pesés tous les huit jours

augmentent généralement de poids. Quand les mélancoliques hypo-

chondriaquesou persécutés refusent les aliments ou en prennent des

quantités insuffisantes, on recourt à l'alimentation artificielle ;

d'autre part, les salles sont largement aérées et chaque jour,

presque tous les malades passent suivant leur état, de i à 4 heures

en plein air dans les jardins.

Dans les cas très rares où des pratiques d'onanisme semblent

vouloir devenir habituelles, les malades sont levés, mais passent

leur journée soit dans les salles d'alitement, soit dans les jardins

pendant les heures consacrées à la promenade des alités où la

surveillance est continue. Pour résumer nous dirons :

1° Le délire alcoolique, fait presque entièrement d'illusions,

d'hallucinations, de troubles de la sensibilité générale, s'exagère

dès que le sujet, isolé dans l'obscurité, ne perçoit plus de sensa-

tions extérieures ;

2° Les perceptions illusoires de l'alcoolique s'amendent par l'ap-

parition dans les centres sensoriels d'images extérieures nettement

dessinées; celles-ci en rapport avec la réalité des faits plus fixes,

plus vivaces, se substituent aux images maladives toujours mobiles

et ne tardent pas à changer le cours des idées délirantes;

3° L'alitement en permettant de placer le sujet dès que son

délire se réveille dans la réalité des faits devient dans l'alcoolisme

aigu et sub-aigu, le plus puissant agent thérapeutique et per-

met en général de laisser de côté tous les hypnotiques de la ma-

tière médicale.

494 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Myélite syphilitique diffuse; par L\FFARGUR.

Un cas de névralgie ovarienne guérie par la suggestion;

par PUJOL.

Circulation chez les sujets hypnotisés ; application de la

méthode graphique.

M. Bérillon. Le dicrotisme apparaît sous l'influence de l'état

hypnotique : si le pouls est fréquent, il baisse en fréquence. A

l'état de veille, par exemple, si l'on voit le pouls à 140, une fois le

sommeil provoqué, il tombe successivement de 110 à 120, 106 : 9G;

au réveil il remonte à 140.

Délire systématisé des grandeurs dans la convalescence de la

' fièvre typhoïde.

M. DuFOUR. Parmi les formes de délire posl-typhique, on note

surtout la monomanie ambitieuse. Marcé et More ! la regardent

presque comme caractéristique de ce délire. Ilanot et Bucquoy

l'ont aussi signalée comme très fréquente. Le D1' Pagliano en a

observé huit cas sur quarante observations. On a appelé l'atten-

tion sur le peu de consistance de cette monomanie ambitieuse,

sur sa mobilité et sa transformation en délire lypémaniaque.

D'après Régis, notamment, les conceptions délirantes mégaloma-

niaques ont chez ces malades un cachet spécial de niaiserie,

d'absurdité : on croirait entendre radoter déjeunes vieillards et il

n'y a pas chez eux.de systématisation. L'observation que je cite

ne vient pas corroborer cette opinion : l'idée délirante y est net-

tement systématisée et le malade raisonne parfaitement son

délire. Trois particularités à retenir : En premier lieu, pas d'an-

técédent vésanique ou névropatiiique. En second lieu, l'idée déli-

rante s'est manifestée au moment même où la température est

revenue à la normale et où tous les phénomènes généraux se sont

amendés. Le fait le plus saillant, c'est la systématisation de l'idée

délirante chez le malade : l'idée d'un héritage qu'il vient de faire

est chez lui bien ancrée et il en lire des conséquences logiques.

On est donc loin de la superficialite du délire post-typhique

signalée par Hanot et Bucquoy. Il est fort possible que, dans la

majorité des cas, les idées délirantes de la convalescence de la

fièvre typhoïde soient superficielles et changeantes; mais il faut

reconnaître aussi qu'elles peuvent être nettement systématisées et

c'est sur ce point que l'observation présente un réel intérêt.

Chute émotionnelle et généralisée du système pileux. Claudication

hystérique; par Bidon. ·

SOCIÉTÉS SAVANTES. 498

Délires systématisés secondaires ci un état neurasthénique ;

' par Lalanne.

Méningite tuberculeuse de l'adulte à forme claoréo-ntlcétosique.

M. Boinet. Marie M..., âgée de dix-huit ans, indemne de

syphilis, légèrement alcoolique, entre le 20 juillet t898 à 1'llôtel-

Dieu pour une tuberculose pulmonaire aiguë, offrant le type de la

grauulie à type clinique d'embarras gastrique fébrile. Le 18 août,

céphalalgie violente, continue, avec vomissements et constipation.

Cette poussée méningitique s'accompagne de mouvements jack-

sonniens convulsifs localisés aux membres supérieur et inférieur

droits. Le 2 ces mouvements sont lents, désordonnés, arythmi-

ques, choréiformes et limités au'membre supérieur droit. Les

doigts de la main droite sont animés de mouvements at/tfMttfes

étendus, analogues à ceux des danseuses javanaises ; ils passent

lentement de la flexion à l'extension forcée avec reptation étendue;

à son tour, la main se fléchit sur l'avant-bras qui exécute à

son tour des mouvements successifs de pronation, de supination,

de flexion sur le bras. Le deltoïde droit a des contractions spon-

tanées, brusques, en masse ; la moitié droite de la face est grima-

cante : la commissure labiale droite fortement tirée en haut et en

dehors, laisse rythmiquement et par intermittence, les dents à

découvert et donne à cette moitié de la face l'expression des mas-

ques antiques; l'aile du nez est soulevée en même temps. Mâchon-

nement incessant, grande difficulté pour, parler, bredouillement,

acuité auditive et visuelle diminuée du côté droit. Douleurs de tête

toujours très intenses, elles occupent surtout la région frontale,

s'irradient parfois vers l'occiput. Les mouvements du membre

inférieur droit sont moins étendus, moins fréquents, plus lents ;

les oileils esquissent des mouvements athétosiques ; ce sont leurs

mouvements d'extension qui sont surtout accentués. Les diverses

sensibilités sont exagérées à droite, la raie méningitique y est plus

accusée. Il existe aussi quelques troubles vaso-moteurs.

Le 2 septembre. Les mouvements cliorëiformes, jaclaonniens,

du membre supérieur et de la moitié droite de la face persistent ;

les mouvements athétosiques de la main droite ont cessé ; la

jambe droite est le siège de quelques mouvements spontanés

clioréiformes; le pied droit exécute des mouvements incessants de

flexion, d'extension avec écartement considérable du gros orteil.

Le tremblement épileptoïde fait défaut et le réflexe rotulien droit

est aboli. Les masses musculaires sont douloureuses à la pression.

La température vespérale oscille entre 39°,5 et 40°, tandis que,

le matin, le thermomètre descend à 38°. Le 3, les mouvements

athétosiques de la main droite reparaissent avec une nouvelle

intensité. Le poignet droit exécute des mouvements successifs de

496 SOCIÉTÉS SAVAKTLS.

flexion et d'extension en même temps que l'avant-bras se fléchit

sur le bras en passant de la pronation la plus complète à la supi-

nation exagérée ; enfin le membre supérieur présente, dans son

ensemble, des mouvements de reptation, de torsion, augmentés

encore par l'élévation brusque et en masse de l'épaule. Afin d'évi-

ter ces contorsions si fatigantes et involontaires, qui se renou-

vellent plusieurs fois par minute, la malade immobilise son mem-

bre supérieur droit en se couchant dessus. La commissure labiale

droite est incessamment attirée en arrière. La jambe droite fléchie

sur la cuisse contracturée est le siège de contractions rythmiques

limitées et d'une hyperesthésie cutanée et musculaire considérable.

Réflexes rotuliens abolis, pupilles dilatées. Le 5, la tête exécute

des mouvements d'oscillation, d'inclinaison, de rotation vers la

droite; les globes oculaires se dirigent rythmiquement dans la

même direction trois ou quatre fois par minute. Les paupières ont

des oscillations convulsives, parallèles. Le 6, les mouvements cho-

réiformes sont tels que la malade tombe de son lit. Trismus,

mâchonnement, raideur de la nuque. Le 8, mouvements athéto-

siques de la main gauche exagération de l'hyperesthésie cutanée

et musculaire. Le 10, disparition des mouvements athétosiques,

on constate les signes d'une caverne au sommet du poumon

gauche; cette malade devient gâteuse, elle ne peut conserver ni

ses urines ni ses matières. Le 14, les mouvements athétosiques

prédominent à gauche, paralysie complète des sphincters. Le 21,

abattement extrême, subdélire, elle essaye de manger ses excré-

mentis ; elle meurt le 23.

Autopsie. Caverne au sommet du poumon gauche, infiltra-

tion de tubercules miliaires dans les autres parties des deux pou-

mons. Foie et reins graisseux. A l'ouverture du crâne, peu de

liquide, infiltration gélatineuse, blanchâtre, opalescente, molle, à

la surface des circonvolutions frontale et pariétale ascendantes

surtout dans la profondeur et sur les bords du sillon de liolando ;

les lésions prédominent vers la partie supéro-interne de ces deux

circonvolutions et empiètent sur le lobule paracentral. Il existe en

outre une plaque jaunâtre au niveau du tiers moyen du sillon de

Ilolando atteignant la partie correspondante de la frontale ascen-

dante. Plaques de congestion sur la face externe du lobe occipital,

au-dessous du gyrus temporalis. Ces localisations expliquent les

symptômes indiqués. On ne trouve que très peu de tubercules. A

l'examen histologique, on voit que ces exsudats librino-purulents

sont infiltrés de globules de pus, de cellules embryonnaires ; les

vaisseaux sont fortement dilatés ; les circonvolutions correspon-

dantes sont le siège d'une encéphalite superficielle avec dégénéres-

cence graisseuse et prolifération nucléaire. Nous rappellerons que

Boucarut a publié un cas analogue dans le Nouveau Montpellier

médical du 31 juillet 1898.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 497 7

Un eus de paralysie de Landry.

M. Bo)NET. Il s'agit d'un ouvrier, âgé de trente-six ans, non

syphilitique, non alcoolique, qui n'a eu ni refroidissement récent,

ni maladie infectieuse. 11 est pris sans prodromes, sans cause

appréciable de fourmillements, d'engourdissement, de faiblesse

dans les deux pieds. Le lendemain, il ne peut marcher, les jambes

fléchissent. A partir de ce moment, cette paralysie bilatérale pro-

gresse rapidement ut symétriquement, de bas en haut, et atteint

les groupes musculaires dans l'ordre indiqué par Landry. Dans la

soirée, la paralysie flasque des deux jambes est complète. Nous

voyons le malade deux jours après le début de cette affection.

Etat général bon, pas de fièvre, intelligence normale, paralysie

complète et flasque des deux membres inférieurs, abolition presque

complète des réflexes rotuliens, pas de convulsions, pas de con-

tracture, contractilité musculaire nette et énergique sous l'influence

de courants induits de moyenne intensité, sensibilité à la piqûre, à

la température légèrement émoussée, masses musculaires des

cuisses et des jambes douloureuses à la pression ; pas d'atrophie,

pas de troubles trophiques ; intégrité des sphincters, urines nor-

males. La paralysie suit une marche rapidement ascendante, mais

respecte la face. Le lendemain, elle atteint les doigts, les main ?

les avant-bras ; pendant la nuit, elle gagne les muscles des deu e

épaules puis des deux bras. Au niveau des membres inférieurs, la

sensibilité au contact et à la douleur est diminuée. Les muscles du

cou, de la nuque et du tronc ne sont pris que quelques heures

plus tard. Alors surviennent des phénomènes de paralysie bulbaire :

déglutition difficile presque impossible; voix faible, chuchotée,

respiration embarrassée, crises de dyspnée et de suffocation; la

paralysie des inspirateurs et du diaphragme en particulier fait

de rapides progrès ; mort par asphyxie quatre jours après le début

de cette paralysie ascendante aiguë.

Autopsie. - Congestion des poumons, des reins, des centres

nerveux. L'examen histologique de la moelle montre un aspect

vacuolaire anormal des cellules des cornes antérieures, mais la

conservation des pièces dans le liquide de Millier n'a pas permis

d'appliquer la méthode de Nissl à la recherche des modifications

dégénératives, de la chromatolyse, de la désintégration moléculaire

de la, substance achromatique, etc., décrites par OEttinger, Mari-

nesco, Ballet, Hemlinger, Bailcy et Ewing, Marie, Piccinino, Miils

et Spiller, etc. Les mèninijes spinales sont épaissies. Ce sont les

lésions de névrite périphérique qui prédominent sur la couche

transversale de quelques nerfs rachidiens, on voit une assez grande

quantité de tubes nerveux dégénérés. Sur un certain nombre de

points du sciatique et du médian, la myéline est fragmentée ; elle

a disparu par place ; ailleurs, elle a un aspect granulo-graisseux.

Archives, 2c série, t. VU. 32

498 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Parfois le cylindre-axe est interrompu et entouré de boules réfrin-

gentes. Pas de multiplication des noyaux.

En résumé, la polynévrite n'est pas douteuse et étant donné l'as-

pect anormal de la moelle, il est probable que l'emploi de la mé-

thode de Nissl aurait décelé des lésions dans les cellules des cornes

antérieures. C'est plutôt un défaut de technique, qu'une absence

réelle d'altérations qui souvent a fait affirmer l'intégrité des nerfs

et surtout delà moelle dans la maladie de Landry. Elle est parfois

d'origine infectieuse comme dans les cas de Galleta. On voit sur les

coupes de la moelle de notre malade, quelques rares bacilles minces

auxquels l'absence de culture et d'inoculation ne permet pas d'at-

tribuer un rôle pathogène.

Syndrome de Litlle d'origine obstétricale.

Amyolrophie tardive des membres supérieur et inférieur gauches.

M. BotNHT. Ce petit garçon, âgé actuellement de trois ans et

deux mois, estné à terme, mais l'accouchement a été extrêmement

long et laborieux; il a duré vingt-quatre heures. Il existait une

présentation de la face en première position. Naissance asphyxique

avec cyanose et boursouflement des paupières, des lèvres, de la

l'ace qui a une couleur lie de vin. Le nouveau-né reste inerte, as-

phyxié pendant un quart d'heure ; mais il reste flasque, les mem-

bres sont ballants, sans tonicité, pendant une quinzaine de jours,

au dire de l'accoucheuse. Ce n'est qu'au bout de deux semaines

que cet enfant peut maintenir sa tête presque droite, jusqu'alors

elle se balançait inerte ; les muscles du cou n'étaient pas capables

delà soutenir. Pas de convulsions. Fonctions normales et régulières

Excellent état général ; il pesait près de 7 kilogrammes à sa nais-

sance. Le placenta et le cordon étaient normaux. Parents indemnes

de syphilis et d'alcoolisme. La mère a eu six autres enfants bien

constitués également à terme. Elle ne s'aperçoit de la contracture

des deux membres inférieurs que trois semaines environ après la*

naissance. Les cuisses loi tement serrées l'une contre l'autre et pla-

cées dans l'adduction forcée ne peuvent être écartées même sous

l'influence d'un effort considérable; cette contracture était perma-

nente, elle ne s'atténue pas pendant le sommeil. La sensibilité est

intacte.

Vers l'âge de six mois, l'eniant peut à peine remuer les mem-

bres inférieurs. Les membres supérieurs sont moins contracturés;

ils n'exécutent que quelques mouvements maladroits, après une

certaine éducation. A sept mois, il ne jouait qu'avec l'auriculaire

droit; quelques semaines plus tard il parvint à se servir de l'auri-

culaire. Il a parlé aussi vite que ses frères et soeurs. Il est intelli-

gent, sa mémoire est bonne. A deux ans et demi, il présente tou-

jours une contracture intense des deuxmembres inférieurs, prédo-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 499

minant au niveau des adducteurs. Les cuisses sont rapprochées,

fixées l'une contre l'autre en adduction forcée avec rotation en

dedans. Il est difficile de les écarter modérément même pendant le

sommeil. Les deux pieds sont dans l'extension avec adduction, en

équin varus; leur pointe et leur bord externe sont seuls', pendant

la marche, en contact avec le sol qu est raclé, pour ainsi dire, à

chaque pas. Les pieds s'entrecroisent, exécutent des mouvements

de rotation autour l'un de l'autre sans pouvoir être portés fran-

chement et directement en avant, comme dans la locomotion habi-

tuelle. Réflexes rotuliens exagérés. Sous l'action des courants de

haute fréquence continués pendant trois mois, la rigidité symé-

trique et bilatérale des membres inférieurs diminue ; cette amélio-

ration est plus marquée aux jambes ; mais la marche est toujours

difficile, et lorsque, tenu parles mains, cet enfant veut faire un pas

il glisse péniblement son pied qui. en décrivant autour de l'autre un

mouvement de spire, racle le sol qu'il ne quitte pas. Depuis trois

mois, les membres inférieur et supérieur gauches se sont atrophiés

ils sont plus mous, plus flasques que les membres correspondants.

Le pied gauche glisse mieux sur le sol que le droit. Lorsqu'on lui

fait serrer les doigts des mains, on trouve que l'effort musculaire

est moins marqué à gauche. L'exagération des réflexes a diminué.

Sensibilité normale.

En résumé, il ne s'agit pas, dans ce cas, d'un défaut de dévelop-

pement des faisceaux pyramidaux. La syphilis doit aussi être éli-

minée. Ce fait peut être rangé dans la formecéé6ro-spizznle décrite

par Little, en 1862. Elle dépend de lésions survenues pendant les

accouchements difficiles. Il est donc probable que, chez notre petit

malade, cette asphyxie des nouveau-nés s'est accompagnée d'hé-

morragies méningées qui ont été suivies de lésions scléreuses,

comme dans les cas analogues de Sarah Mac lutt, de Railton.

L'amyotrophie secondaire et tardive des membres supérieur et infé-

rieur gauches cadre bien avec cette interprétation. Enfin, pour

éviter les confusions, il conviendrait de réserver le nom de maladie

de Litile aux états paréto-spasmodiques survenant chez des enfants

nés avant terme et dus à l'absence ou à l'arrêt de développement

de la portion spinale du faisceau pyramidal.

Très bonne observation qui aurait pu être le point de

départ d'une utile discussion.

Sur quelques variétés d'hémorragies méningées : trépanations

sans succès.

M. Boinet. 1. Hémorragie sus-clure-mérienne par rupture li-ait-

matique de l'artère méningée moyenne. M..., cinquante ans,

amaigri, tombe d'une hauteur de 2 m. 50 sur la région pariéto-

500 SOCIÉTÉS SAVANTES.

temporale droite. Plaie cutanée, petite et superficielle. Etat coma-

teux, perte de connaissance, respiration bruyante, stertoreuse. A

son entrée dans le service du Dr l'luyette, on constate une paralysie

complète de tout le côté gauche, face comprise, une déviation

conjuguée de la tête et des yeux. Le malade regarde sa lésion.

Pupilles très resserrées, température normale. Pas d'écoulement

sanguin ou séreux par l'oreille droite. L'ensemble de ces symp-

tômes permettant de conclure à l'existence d'un caillot comprimant

la zone rolandique droite, M. Pluyette applique sur ce point trois

couronnes de trépan qui mettent directement à jour un vaste caillot

mou, noir, friable, situé entre la face interne des os du crâne et la

face externe de la dure-mère. On n'enlève que quelques fragments de

ce caillot, on ne poursuit pas l'opération par crainte d'une nouvelle

hémorragie. Le malade meurt dans la soirée et, à l'autopsie, on

trouve un caillot pesant 75 grammes, placé entre la face externe

de la dure-mère et les os crâniens ; il comprime et aplatit la zone

rolandique droite, d'où hémiplégie de tout le côté gauche. Cette

hémorragie provenait de la déchirure de l'artère méningée

moyenne par le bord tranchant d'un fragment quadrilatère déta-

ché de la table interne du temporal. Cette lame osseuse, mesurant

2 centimètres sur 3, avait un bord taillé en biseau qui avait sec-

tionné nettement les trois quarts de la circonférence du tronc de

l'artère méningée moyenne. Le trait de fracture se continuait jus-

qn'à la base du crâne. Ce cas peut être rapproché de celui de

Ransohoff qui, en présence de rupture de la méningée moyenne, a

trépané le temporal, évacué le foyer sanguin et lié, sans succès, la

carotide primitive. Cette opération a aussi été pratiquée par

Bentlee. Alexander, Gaingée.

Que le lecteur note, au passage ces deux cas de trépana-

tion, pour des hémorragies méningées, suivis de mort.

IL Traumatisme violent de la région temporo-pariélale droite,

contracture secondaire et permanente des membres supérieur et infé-

rieur gauches. R..., trente et un ans, ni syphilitique, ni alcoo-

lique, sans stigmates hystériques, tombe d'une hauteur de

5 mètres; on le relève sans connaissance et on constate, dans la

région pariétale droite, à 5 centimètres au-dessus de l'oreille, une

plaie contuse, puis un écoulement séreux et blanchâtre par

l'oreille droite. A ce moment, d'après les notes recueillies parM.Ray-

naud, toute la moitié gauche du corps était paralysée et fortement

contracturée. Cet état comateux dura vingt-quatre heures ; le

malade reprend connaissance et se souvient qu'alors son bras

gauche était fixé contre le thorax, que l'avant-bras était fléchi sur

le bras, que la main était en pronation et en flexion, enfin que les

doigts étaient repliés dans la paume de la main. Tout mouvement

SOCIÉTÉS SAVANTES. 501

spontané de ce membre était impossible. La jambe gauche était

fléchie sur la cuisse, en rotation externe, de sorte que le pied

venait toucher le milieu de la jambe droite ; les orteils étaient

également rétractés. il ne peut ni marcher, ni se tenir debout : dès

qu'il veut faire exécuter à ses membres contractures le moindre

mouvement, ils sont pris d'un tremblement rapide. La face a été

respectée, mais la tête, dit-il, était inclinée à gauche. Ces contrac-

tures disparaissent pendant le sommeil chloroformique. Le

15 septembre 1898, il entre dans le service de clinique médicale

dont nous étions chargé. Le membre supérieur gauche peut exé-

cuter quelques mouvements brusques, saccadés, sans atteindre le

but visé. Les doigts, fortement fléchis dans la paume de la main,

saisissent difficilement les objets. Les réflexes sont exagérés. La

sensibilité à la pression est un peu diminuée, les autres variétés de

sensibilité sont normales ; on note une anesthésie en manchette au

poignet gauche. La peau du membre supérieur gauche parait plus

froide; la raie dermographique persiste pendant plusieurs heures.

Excitabilité électrique normale, pas de réaction de dégénérescence.

Les mouvements du membre inférieur gauche sont très brusques

et iucoordonués. La jambe gauche est légèrement fléchie, le pied

en extension. Les réflexes, en particulier les réflexes rotuliens,

sont exagérés. Le clonus épileptoïde se produit aisément. La sen-

sibilité est conservée. La démarche est brusque, saccadée, mal

assurée; elle n'est possible qu'avec l'appui de deux aides qui sou-

tiennent le malade de chaque côté. Le membre inférieur droit n'est

jamais porté au-devant de l'autre, il sert de pivot, de point d'appui,

il quitte à peine le sol et il est placé légèrement en équerre. Le

membre inférieur gauche décrit un mouvement spiroïde, s'appuie

à peine sur le talon, est plus contracture et présente un tremble-

ment marqué. Le côté gauche de la face est asymétrique et les

muscles correspondants sont le siège d'une légère atrophie.

Quelques séances d'hypnotisme et de suggestion n'amènent aucun

résultat favorable. Après une trentaine de séances de pendaison,

les mouvements des membres supérieurs et inférieurs gauche sont

moins brusques, moins saccadés. Quatre mois après sa sortie de

l'hôpital, c'est-à-dire deux ans et demi après le début de sa con-

tracture, aucune amélioration n'est survenue. Il est difficile de

dissocier exactement la part qui revient à 1'llystéio-traumatisiiie

et aux lésions méningo-corticales. Néanmoins, l'intensité du

traumatisme nous a engagé à rapprocher ce cas du précédent.

111. Pachyméningite. Hémorragie iiiti,,i-ai,achizoïdie2ziîe. Hématome

comprimant la zone rolandique gauche. F. F..., cinquante et un

ans, non syphilitique, légèrement alcoolique, éprouve depuis deux

mois, des douleurs de tête plus accentuées au niveau de la région

temporale gauche ; son intelligence et sa mémoire diminuent.

502 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Brusquement, il est pris de vertiges avec perte de connaissance

de courte durée, de paralysie incomplète du membre supérieur

droit, augmentant progressivement ; le membre inférieur du

même côté ne se paralyse que huit jours plus tard. On l'apporte à

l'Hôtel-Dieu deux semaines après ; marche impossible, stupeur

marquée, intelligence obtuse, il ne comprend pas ce qu'on lui

demandé ; aphasie, hémiplégie droite complète avec paralysie

légère de la moitié correspondante de la face ; pupilles contractées,

déviation conjuguée de la tête et des yeux à gauche. Il regarde sa

lésion. Sensibilité abolie'au niveau des membres paralysés. Quel-

ques jours plus tard, contracture du membre inférieur droit avec

exagération des réflexes rotuliens ; elle est moins prononcée à

ganche. Incontinence complète des urines et des matières ; urines

normales. Pas d'élévation de température. Au bout de huit jours,

escarre sacrée médiane gagnant rapidement en surface et en pro-

fondeur. L'état général s'aggrave, coma, mort.

Autopsie. La face interne de la dure-mère correspondant à

la zone rolandique de l'hémisphère cérébral gauche, est tapissée

par un hématome dur, noirâtre, très adhérent, mesurant 16 centi-

mètres sur 11. Le caillot a une épaisseur d'un centimètre vers son

centre, il s'amincit sur les bords ; il est formé d'une série de

strates et porte l'empreinte des circonvolutions fronto-pariétales

correspondantes qui sont aplaties, déprimées, congestionnées. La

coupe de l'hémisphère cérébral gauche montre un piqueté rouge

considérable et une forte hyperémie. Noyaux gris centraux nor-

maux. Liquide abondant dans les ventricules. Petit foyer hémor-

rhagique, gros comme un pois, sur la partie inférieure gauche de

la protubérance. Quelques plaques d'athérome sur les sylviennes

et sur les artères de la base du cerveau. Coeur volumineux ; pou-

mons très congestionnés; néphrite interstitielle. A l'e;Mm6) : ? ? ttcr<M-

copiqtie de cet hématome, on voit une série de feuillets fibrineux

stratifiés en rapport avec des méninges épaissies et infiltrées de

cellules embryonnaires. On trouve encore des espaces lacunaires,

des sortes de lacs sanguins, des diverticules communiquant avec

le foyer hémorragique principal. On constate enfin, dans l'épais-

seur des méninges, un grand nombre de petits vaisseaux, à struc-

ture embryonnaire, dont la rupture facile explique l'étendue de cet

hématome.

IV. llénzalorachis. Veuve B..., quarante ans, sans antécédents

pathologiques, se fatigue plus vite depuis deux mois, perd ses

forces et son appétit. Elle va rendre visite à une voisine et, pen-

dant la conversation, elle ressent des crampes, de l'engourdisse-

ment dans le membre inférieur gauche ; elle s'affaisse, sans ver-

tige, sans perte de connaissance. Le 1)" Uoulet qui voit cette

malade deux heures plus tard, constate une hémiplégie gauche

SOCIÉTÉS SAVANTES. 503

incomplète, le côté correspondant de la face est indemne. Huit

heures après, cette parésie augmente ; il existe une paralysie très

prononcée des membres supérieur et inférieur gauches ; enfin le

côté droit est le siège d'un état parétique analogue à celui qui

avait atteint, quelques heures avant, le côté opposé. Pas de fièvre.

Le lendemain, paralysie complète, flasque, sans convulsions, ni

contractures des quatre membres ; face respectée, pas de douleurs,

pas de vertiges : intelligence et mémoire intactes. Téguments

pâles, froids; peau glacée, vaso-constriction considérable, absence

de sueurs. Réflexes rotuliens abolis. Pieds en équin varus. Sensi-

bilité diminuée aux membres inférieurs. La paralysie gagne les

muscles du cou et de la nuque : déglutition difficile, voix éteinte,

sensation de constriction à la gorge, pupilles normales, pas de

troubles soit du côté de l'intelligence, soit du côté des organes des

sens. Elle urine par regorgement. Absence de sucre» et d'albumine,

cinquante-six heures après le début de ces accidents, les symp-

tômes de paralysie bulbaire augmentent ; voix affaiblie, soufflée,

contraction difficultueuse, pénible, des muscles inspirateurs avec

tirage, gêne croissante de la respiration, cyanose avec refroidisse-

ment ; pouls filiforme, intermittent, pupilles punctiformes ; les

quatre membres sont toujours inertes, flasques, glacés. Elle ne

perd pas connaissance, assiste à son agonie, meurt à 2 heures du

matin.

Autopsie.- Coeur sain, congestion et su"-iliitioiisdes poumons;

hépérémie des méninges cérébrales et des plexus choroïdes. Héma-

torachis fort abondant. Les méninges rachidiennes correspondant

à la partie cervicale et lombaire sont infiltrées de sang noir, en

partie liquide ; il est très abondant sur certains points et empêche

de voir la moelle; sa partie inférieure et la queue de cheval sont

recouverts de caillots de formation récente. A 7 centimètres au-

dessous de la protubérance et sur un trajet de 9 centimètres,

caillot intra-méningé correspondant à la partie antérieure de la

moelle, occupant sa partie latérale sur une longueur de 5 centi-

mètres et demi et sur une largeur d'un centimètre et demi et se

prolongeant avec un caillot qui entoure complètement l'axe médul-

laire sur un parcours de 4 centimètres. De là, le caillot descend sur

la face postérieure de la moelle sur un trajet de 17 centimètres

et se continue avec un dernier foyer hémorragique qui recouvre

les parties antéro-latérales de la moelle sur un parcouis de 18 cen-

timètres. Le cerveau et la moelle ne présentent pas d'altérations.

La disposition anatomique, le siège, l'étendue de ces foyers

hémorragiques, leur formation successive, leur propagation, leur

localisation exclusivement rachidienne expliquent bien la brus-

querie du début, la rapidité d'évolution de ces paralysies par com-

pression médullaire. Le point de départ de cet hématorachis reste

douteux. L'examen histologique montre que les gros vaisseaux

504 SOCIÉTÉS SAVANTES.

sont normaux et qu'il existe des traces de pachyméningite dans

la région cervicale.

V.- Nous avons enfin observé à l'autopsie d'une vache surmenée

qui s'affaissa brusquement avec une paralysie du train postérieur,

une infiltration hémorragique considérable sous la pie-mère spi-

nale, dans l'arachnoïde, dans l'épaisseur et à la surface de la

durs-mère correspondante, autour des éléments de la queue de

cheval et des racines rachidiennes. Infiltrations sanguines ne sont

pas rares chez les chevaux surmenés qui succombent avec des

phénomènes paraplégiques. Les hémorragies intra-médullaires

sont beaucoup plus rares. Nous en avons communiqué un cas au

Congrès pour l'avancement des sciences (Marseille, 1891, p. 756).

La paralysie atteignit progressivement les deux pieds, les deux

jambes, les deux cuisses ; elle suivit la même progression ascen-

dante du côté des membres supérieurs. Ce malade succomba avec

des phénomènes de paralysie bulbaire semblables à ceux qui exis-

taient dans notre observation IV et la marche progressive de cette

paralysie ascendante pouvait faire songer à l'existence d'une para-

lysie de Landry 1.

Arthrite suppurée, rhumatisme pzolyarliculaire et manifestations sli-

iiales d'origine 6leztzorrleagiqtce. Présence du bacille pyocy unique

dans le sang veineux recueilli vingt-quatre heures avant la

mort.

M. BOINET, -Marie J..., âgée de dix-sept ans, contracte une

blennorrhagie intense avec métrite : quinze jours après, elle est

prise de douleurs très vives dans l'articulation coxo-fémorale

droite; elles s'irradient dans la région trochantérienne qui devient

rouge, chaude, empâtée. Rhumatisme blennorrhagique, à gauche,

au niveau du genou, du cou de pied. Cette localisation ne dure que

deux semaines. L'arthrite coxo-fémorale augmente d'intensité,

coeur et poumons sains, écoulement blennorrhagique vaginal abon-

dant, urines rares, chargées de pus, diarrhée fétide. Au bout de

deux mois, état général mauvais, escarre au niveau du sacrum,

qui augmente rapidement en surface et en profondeur ; les os sont

mis à nu; langue dépouillée, rouge vif; vomissements fréquents,

diarrhée incessante. Cinq jours plus tard, cet état infectieux devient

très accusé, subdélirium. L'articulation coxo-fémorale est toujours

très douloureuse, la bouche est tuméfiée. Atrophie considérable

des deux membres inférieurs, paraplégie complète, marche impos-

sible, pieds tombants; la malade ne peut se tenir debout, troubles

' Voir sur les hémorragies méningées : Clarcot, OEuvres complètes,

t. IX, p. 102. Voir aussi Comptes rendus de la Société de biologie,

t. XXIV, 1872, p. 2-3.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 505

de la sensibilité cutanée peu marqués. Un mois plus tard, l'es-

carre srcrée n'a aucune tendance à se cicatriser; urines purulentes,

diarrhée profuse, gonflement du genou droit. L'articulation coxo-

fémorale est toujours tuméfiée, douloureuse, les mouvements sont

fort difficiles. L'atrophie des membres inférieurs a encore aug-

menté. Hébétude, délire. Le sang puisé avec toutes les précautions

d'usage dans une veine du pli du coude et ensemencé dans du

bouillon, donne, au bout de quelques jours, des cultures vertes de

bacille pyocyanique mélangé à du coli-bacille. Le délire et les phé-

nomènes infectieux s'accroissent, et la malade succombe dans un

état comateux, trois mois et vingt et un jours après avoir contracté

sa blennorrhagie.

Autopsie. - L'articulation coxo-fémorale contient beaucoup de

pus sanguinolent ; la tête fémorale est abrasée, usée, rongée,

privée de son cartilage articulaire, la cavité cotyloïde est rouge;

baignée de pus. L'articulation fémoro-tibiale droite est atteinte

d'arthrite sèche, plastique, sans pus. Poumons congestionnés, foie

et reins graisseux. Rate volumineuse ; des ensemencements faits

avecla pulpe splénique donnent des cultures de coli-bacille.

Examen histologique. Les nerfs rachidiens pris à l'extrémité

inférieure de la queue de cheval, présentent par places, des points

de dégénérescence gratiulo-graiseuse avec aspect vermiliforme.

Les méninges rachidiennes sont épaissies. Les vaisseaux de la

moelle sont dilatés, surtout au niveau des cornes antérieures;

quelques-uns sont entourés de cellules embryonnaires. La conserva-

tion de cette moelle dans le liquide de Mutier, n'a pas permis

d'employer la méthode de Nissl. On trouve quelques cocci irrégu-

lièrement disséminés dans les coupes de la moelle et des méninges

Barie a vu, dans un cas analogue, des streptocoques. Chez notre

malade, ces manifestations spinales, sur lesquelles la thèse de

Lustgarten (Paris, 1898) donne les indications les plus récentes,

paraissent dépendre non du gonocoque, mais des infections secon-

dairesàunebtennorrttagieextrémementvirutente.

Pseudo-oévralgie neurasthénique, migraine (i aura ;

par Lasiacq-Dounoy.

Un cas de paralysie infantile traité par l'électricité ; par Citoz.

Les cellules de l'écorce grise dans l'éclampsie.

11JI. Aac ? ne et Poux. Dans l'écorce grise du cerveau d'une

éclamptique qui a succombé après une série d'attaques (30 en deux

jours) étudiée par les procédés ordinaires et notamment par la

méthode de Nissl, ils ont pu constater : Io l'altération des cellules

pyramidales ; 2° la présence, autour de ces cellules, d'éléments

anormaux. On observe deux degrés d'altérations cellulaires La

506 SOCIÉTÉS SAVANTES.

disparition des grains chromatiques correspond évidemment à

l'épuisement de la cellule. Sa déformation parfois très accusée, est

la conséquence d'un processus destructif. Ces lésions n'ont rien de

spécifique. Autour des cellules pyramidales, mais non exclusive-

ment autour d'elles, on voit de petites cellules rondes fortement

colorées. Elles sont disséminées un peu partout, pénètrent dans la

loge de la cellule pyramidale et s'appuient contre ses parois. Ces

éléments n'offrent d'anormal, ici, que leur nombre. C'est à tort,

selon eux, qu'on leur a attribué un rôle dans quelques maladies,

notamment dans la chorée chronique. Plus spéciale parait être la

présence, dans les diverses couches de l'écorce grise et notamment

autour des cellules pyramidales, des cellules rondes ou ovales plus

volumineuses et moins colorces. Elles ont une paroi propre, un

contenu granuleux. Un, quelquefois deux grains plus volumineux

représentent le noyau. Ces éléments entourent les cellules pyra-

midales les pénètrent évidemment et semblent se substituer à celles

qui sont détruites. Ces cellules ne se rencontrent, dans les mêmes

conditions, que dans l'écorce de sujets morts en état de mal épi-

leptique. On serait tenté de leur attribuer un rôle excitant, vis-à-vis

de la cellule motrice. Quant à la nature on peut se demander si ces

éléments ne représentent pas des leucocytes émigrés des vaisseaux.

Ramon y Cajal, qui en a figuré de semblables récemment, affirme

qu'il s'agit de corpuscules névrogliques, et Lugaro est de son avis.

Sur un cas d'hydrocéphalie aiguë; par ENGELHARDT.

Journée du samedi 8 avril.

Excursion à Toulon.

Aujourd'hui, excursion à Toulon, comprenant une prome-

nade aux Sablettes, la visite de l'hôpital Saint-Mandrier. La

Préfecture maritime, à défaut d'un cuirassé de l'escadre, a

accordé aux congressistes l'autorisation d'assister aux expé-

riences du Gzcstaae-Zédé, le bateau sous-marin.

A la fin du déjeuner qui a eu lieu aux Sablettes, M. le

D Boubila a prononcé le toast suivant :

Mesdames, Messieurs,

Mes fonctions vont expirer dans quelques instants. Je suis un

secrétaire général in extremis, mais avant de mourir, je tiens à

vous remercier d'avoir répondu si nombreux à mon appel, et à

vous dire non pas adieu, mais au revoir.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 507

Journée du dimanche 9 avril.

Visite à l'asile d'Aix.

L'excursion à Toulon, placée avant la visite de l'asile d'aliénés

d'Aix en Provence, a eu pour conséquence de réduire le nombre

des congressistes qui se sont rendus à la visite médicale. Ils ont

été reçus à la gare par le Maire, M. le D Bertrand, par le médecin

directeur le Dr Ph. Rey, par les DTS Chabrier et Bourguet, membres

de la Commission de surveillance. Les assistants se sont réunis

dans la salle de la Bibliothèque de l'asile où il a été procédé à l'ou-

verture officielle de l'Ecole professionnelle pour les surveillants et

infirmiers, organisée par le médecin-directeur qui a exposé le pro-

gramme des cours. Puis, M. Rey a donné le mouvement de l'alié-

nation mentale dans les Bouches-du-Rhône. La population de son

asile, le 9 avril, était de 786 malades dont ]407 et 319 femmes.

Ces malades proviennent des Bouches-du-Rhône, de la Corrèze et

de l'Algérie.

M. REY fournit ensuite des renseignements sur le compte admi-

nistratif, sur le régime alimentaire et les régimes spéciaux pour les

infirmeries, sur la transformation des services généraux devenus

insuffisants par suite de l'accroissement de la population qui a

amené l'encombrement de l'asile. C'est ainsi que l'un des dortoirs

renferme 35 malades, alors que le nombre des lits réglementaires

est de 28. Delà nécessité de nouvelles constructions, en particulier

pour les travailleurs, une nouvelle infirmerie pour les femmes,

pour le pensionnat. Les locaux qui deviendraient disponibles ser-

viraient à désencombrer l'asile.

La cérémonie d'inauguration du buste du Dl Pontier a eu lieu

ensuite dans la grande salle d'honneur de l'établissement décorée

pour la circonstance de trophées de drapeaux et de plantes vertes.

De nombreuses notabilités, invitées par l'aimable directeur, M. Rey,

avaient pris place, dès t heures, dans l'enceinte qui leur était t

réservée.

M. Doutrebente prend ensuite la parole et, dans un discours

très applaudi, rend un hommage ému à la mémoire de l'ancien

directeur.

Un choeur (hommes et femmes) composé de pensionnaires de

l'établissement, accompagné par un. orchestre excellent, a exécuté

une cantate que l'auditoire entier a applaudie frénétiquement.

M. Pontier fils, conservateur du musée et auteur du monument

qui va perpétuer le souvenir de son père, a remercié vivement le

congrès en quelques paroles empreintes d'une douce émotion. Le

buste remarquable est, nous assure-t-on, très ressemblant : il

repose sur un piédestal tout simple. La place définitive du monu-

508 SOCIÉTÉS SAVANTES.

ment sera dans la salle de la commission, dans laquelle, à cause

de ses' dimensions exiguës n'a pu avoir lieu l'inauguration.

Un banquet de quatre-vingts couverls réunissait ensuite les con-

gressistes et les invités autour d'une table somptueusement ser-

vie. De nombreuses dames, pour la plupart femmes des membres

du congrès, en toilettes claires, piquaient çà et là sur la teinte

sombre des habits noirs des nuances gaies qui ajoutaient encore

à l'éclat de ce festin.

Au Champagne, des discours ont été prononcés par MM. le

Dl Chabrier; Cotelle, sous-préfet; Leydet, sénateur; Perreau,

député; le D Rey, MM. les D's Drouineau et Doutrebente et le

pasteur protestant.

Ensuite, le groupe des danseurs de Saint-Cannat a exécuté, au

son du tambourin, de vieilles danses provençales devant les invi-

tés. La musique des Touristes, de l'Union a exécuté, durant cette

fête charmante, des morceaux variés.

Avant la cérémonie d'inauguration, les congressistes avaient

visité les différents quartiers de l'asile, guidés par le Dr Iley, qui

leur a fait les honneurs de son établissement avec une exquise

bonne grâce. Voici, en terminant, quelques renseignements sur le

Dr Pontier, créateur et premier directeur de l'asile d'aliénés du

Mont-Perrin.

M. Chartes Pontier naquit à Aix le 6 mai 1809. En 1852, il fut

chargé de la direction du quartier d'aliénés, situé alors à l'hospice

d'Aix. Dans ces difficiles fonctions, il eut à donner maintes fois

des preuves de son inaltérable dévouement aux malades qu'il soi-

gna avec une sollicitude qui ne se démentit jamais.

Un peu plus tard, ayant réalisé des économies, par une sage

administration, M. Pontier put faire l'acquisition du terrain sur

lequel s'élève l'asile actuel. Les travaux furent poussés activement;

mais, hélas ! la mort ne lui permit pas d'achever l'oeuvre qu'il

avait entreprise et le 15 mars 1878 il succombait, emporté à l'âge

de soixante-neuf ans par une maladie qui le minait depuis un

certain temps. Le monument érigé à la mémoire de cet homme de

bien n'est qu'une réparation qui était due à celui qui consacra sa

vie entière au soulagement de ses semblables atteints par le plus

terrible des maux : la folie.

Cette excursion médicale, très intéressante, a clos la ses-

sion de Marseille du Congrès des aliénistes et neurologistes

dont les travaux peuvent marcher de pair avec ceux des

sessions précédentes. Peut-être aurons-nous l'occasion de

faire quelques remarques en vue de l'organisation des Con-

grès futurs. 1 B.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 509

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance du lundi 15 mai 1899. Présidence DE M. Jules Voisin.

Vertige de la locomotion .

M. Paul FARL'7. Au mois de novembre 1898, je vous ai rap-

porté l'observation d'une demoiselle qui ne pouvait voyager ni en

omnibus, ni en chemin de fer, sans éprouver les symptômes du

mal de mer. Je l'avais traitée par la suggestion et rendue réfrac-

taire à son malaise habituel. Or, tout récemment, à l'occasion des

vacances de Pâques, elle a pu voyager un jour et une nuit en che-

min de fer sans éprouver le moindre malaise. Ce fait vient témoi-

gner à nouveau de la- solidité des guérisons dues au traitement

psychique.

L'hypnotisme dans la pratique médicale antique.

M. Félix Regnault. Cette thérapeutique était aux mains des

prêtres. L'accès du temple n'était accordé qu'après de longues et

nombreuses pratiques : rites, formules, usages, bains, sacrifice,

diète de quinze jours, etc. En outre, des trucs ingénieux avaient

pour but de frapper l'imagination : son de trompettes, ouverture

automatique de portes par d'ingénieux mécanismes à pression

hydraulique ou à air comprimé. Le prêtre parlait dans un long

tuyau qui aboutissait derrière la statue du dieu et la voix semblait

venir du dieu lui-même. De nombreux ex-voto en terre cuite repré-

sentent les divers organes guéris par l'intervention de la divinité.

Sur le développement de la mor phinomanie.

M. Paul FAREz. La Société de médecine légale s'est tout récem-

ment occupée des mesures qu'il conviendrait de prendre pour

assurer la guérison des morphinomanes. Or, rien ne s'oppose au

développement de la morphinomanie : la plupart des pharmaciens

délivrent delà morphine sans ordonnance médicale; on en peut

acheter des quantités considérables chez les droguistes ; le mor-

phinomane qui serait embarrassé n'aurait qu'à ouvrir le Bottin à

la rubrique Morphine. Bien plus, des ouvriers devenus morphino-

manes dans les hôpitaux, par suite de la coupable complicité de

quelque infirmier, continuent à se morphiniser après leur sortie.

Dans certains quartiers de Paris, des individus ont la spécialité de

5)0 SOCIÉTÉS SAVANTES.

faire à la dérobée des piqûres aux gens du peuple sur les bancs

du boulevard, des squares, des promenades publiques ou dans les

urinoirs. Cette petite industrie est fort lucrative ; celui qui s'y livre

l'ait payer d'ordinaire cinquante centimes par piqûre et cela lui

permet de vivre bien à l'aise. -Il serait bon que ce fait fût signalé

aux pouvoirs publics. (La Société, à l'unanimité, se range à cet

avis.)

Sur quelques effets de l'hypnotisme.

M. BÉR1LLON. Il élève considérablement la tension artérielle ;

c'est un des meilleurs agents qui conviennent aux malades en

hypotension. Chez les mélancoliques, les déprimés, les abou-

liques, il ne faut pas suggérer d'emblée des émotions gaies : il est

plus efficace de produire d'abord une sorte de réflexe moteur et

de créer une association synergique entre les muscles qui concou-

rent au rire automatique. Cela s'obtient facilement par l'électricité

statique (étincelles dans la région des aisselles). Les phénomènes

psychologiques s'adaptent alors aux phénomènes physiologiques

et l'émotion gaie succède naturellement au rire. Parla suggestion,

il ne suffit pas d'atteindre le symptôme prépondérant ; il faut sur-

tout s'occuper de la thérapeutique générale et : 1° suggérer de bien

dormir la nuit, 2° susciter des idées gaies et même faire renaître

le goût du chant, 3° réveiller l'instinct de la conservation. (Je me

trouve très bien de lire et de commenter quelques passages de

John Lubbock). 11 faut parler à l'hypnotisé longtemps et avec

conviction ; il faut être un avocat qui plaide chaleureusement une

cause. 11 suffit de faire entendre à certains sujets certains airs

de musique pendant leur sommeil hypnotique pour que aussitôt ils

éprouvent des émotions gaies très intenses, accompagnées de gestes

correspondants.

Communications diverses : M. PUJOL (de Marseille) communique

un cas de Névralgie utéro-ovanienne guérie par la suggestion hyp-

notique ; M. Paul FKREZ fait part d'un cas de Fausse angine de poi-

trine consécutive à un rêve subconscient; M. H. Bidon (de Mar-

seille) rapporte une observation de Claudication hystérique guérie

par la suggestion ; M. l31sRILLOIV présente un appareil destiné à

favoriser l'hypnotisation en utilisant à la fois la fixation du regard,

le strabisme convergent, la fatigue des yeux et la constriction du

crâne.

Alcoolisme. La Société médicale des hôpitaux de Paris vient

de nommer une commission à l'effet d'étudier les progrès de l'al-

coolisme en France. Sont nommés membres de cette commission :

MM. Debove, Joffroy, Le Gendre, Jacquet, Courtois-Suffit, Triboulet,

Marie, Beclère, Siredey.

BIBLIOGRAPHIE.

XII. Du bromure de camphre dans l'épilepsie; par le D'' Louis Haslé.

(Thèse de Paris, 1899, aux bureaux du Progrès Médical, 14, rue

des Carmes.}

La lecture de ce travail nous a particulièrement intéressé, pour

cette raison que, nous aussi, nous nous sommes occupé du bromure

de camphre dans notre thèse inaugurale' en nous appuyant éga-

lement sur des observations prises dans le service de notre maître.

M. le Dr Bourneville, à Bicêtre.

Le docteur Louis Haslé, ancien interne de l'hôpital Saint-Michel

entre en matière par des « Considérations sur quelques causes

déterminantes et le pronostic de l'épilepsie », laquelle maladie est

dans l'état actuel de nos connaissances, symptomatique d'un

trouble organique ou dynamique du système nerveux, d'une ma-

nière accessible ou non à nos moyens actuels d'investigation. L'au-

teur poursuit par les recherches modernes sur l'état gastrique,

l'urine, le sang des épileptiques avant, pendant et après les accès

et les vertiges, et par l'opinion de J. Voisin, quant au pronostic

de l'épilepsie générale.

Dans le chapitre I, il est question des innombrables médications

proposées jusqu'à ce jour contre l'épilepsie, sans oublier la trépa-

nation dans l'épilepsie traumatique, ou non, etc., ni les injections

de liquide testiculaire. Mais c'est le chapitre II qui est la clef de

voûte de cette thèse en donnant maints détails sur les propriétés

physiques, chimiques et physiologiques du bromure de camphre,

ainsi que sur le mode d'administration et le dosage (p. 36). Le

camphre monobromé n'a d'ailleurs pas été employé à titre exclusif

dans l'épilepsie, mais aussi avec des succès variables, dans le deli-

rium tremens (Deneffe, de Gand), les troubles génito-urinaires, en

particulier dans la blennorrhagie avec érections douloureuses

(Bourneville), ainsi que dans la rétention d'urine par hypertro-

phie prostatique. De même, dans la spermatorrlzée (Desnos), les

troubles de dentition de l'enfance, la coqueluche, la chorée, l'hys-

térie, voire même dans la tuberculose (Crinon). La thèse de M. Haslé

s'étaye en définitive sur une dizaine d'observations très bien prises

comme on les prend à Bicêtre. Les conclusions de l'auteur sont

' Thèse de Paris, 1889, publiée par le Progrès Médical.

512 varia.

celles que nous prévoyions, savoir : que le bromure de camphre,

dont l'action est douteuse dans les accès épileptiques seuls, utile

dans l'épilepsie avec accès et vertiges, est d'une efficacité incon-

testable dans le petit mttl, le .plus dangereux pour les facultés

intellectuelles; en un mot il diminue d'abord le nombre des

vertiges et enfin les fait très souvent disparaître complètement.

En résumé il s'agit d'un travail bien fait qui corrobore tout ce qui

est déjà dit sur le bromure de camphre, en apportant en outre

un certain nombre de données nouvelles, d'où il ressort que le

bromure de camphre est un médicament d'une utilité incontes-

table dans un grand nombre de maladies du syslème nerveux, à

la condition qu'on le prescrive à doses convenables, progressives,

et durant un temps suffisant. Dr P. Cornet.

XIII. L'Antisémitisme; par Cesare LomBRoso, traduit delà deuxième

édition italienne par les D''s A. Marie et M. HAMEL, médecins des

Asiles publics de la région de Paris, avec une préface de Paul

Brousse, 1899. Paris, V. GIARD et E. BRIÈRR,, éditeurs, 1 vol. in-8.

M. Lombroso a d'abord exposé les causes historiques, politiques,

psychologiques, etc., de l'antisémisme, sans négliger, ce qui, dans

le caractère des Juifs, peut servir parfois de prétexte aux persé-

cutions dont ils ont été ou sont encore victimes dans certains pays

d'Europe. Puis.il s'occupe longuement de la question au point de

vue anthropologique; sa conclusion, originale, soulèvera sans

doute des discussions parmi les spécialistes ; pour lui, l'antisémi-

tisme serait une psychopathie épidémique des foules. Les derniers

chapitres sont consacrés au rôle des Juifs dans l'évolution écono-

mique et à la part qu'ils ont prise au mouvement général de la

civilisation. L'ouvrage est précédé d'une excellente préface de

M. Paul Brousse, qui a montré que l'histoire de l'antisémitisme

en France confirme pleinement les thèses de l'éminent professeur.

Medici.

VARIA.

Meeting DE L1 Britisii Association (section de psychologie)

(Bi,itish ii2edical Joiii-n(il, 10 septembre 1898.)

Cette section spéciale du Congrès anglais ayant fait l'objet d'une

analyse spéciale antérieure (août 1898), nous nous bornerons à

rappeler les principales communications relatées à ce propos :

VARIA. 513 c

Nature de l'hypnotisme et ses formes (M. Bramwell). Du suicide

( statistique Silbald). Extraits de rate et de thyroïde en clinique

(Bois et Kerr). Troubles oculaires et paralysie générale (Dawson

et Rambaud). Assistance familiale (Hogben et Marie). Délire

alcoolique et médecine légale (Sutherland). A. M.

Rapports DES aliénistes ET DES neurologistes dans l'étude DE la

. psychiatrie ET DE la neurologie; parle 1), ESKRIDC.E.

- La psychiatrie et la neurologie sont communément regardées

comme deux spécialités ayant quelques rapports l'une avec l'autre :

l'auteur montre qu'en réalité leurs rapports sont si intimes qu'il

n'y a là qu'une même spécialité. L'aliéniste ne peut pas plus pour-

suivre avec fruit l'étude de la psychiatrie sans une connaissance

approfondie de la neurologie que le neurologiste ne peut 'devenir1

expert en neurologie sans' avoir des idées précises sur lés mala-

dies de l'esprit et leur traitement. (Amener journal of, iîzsilnity,'

octobre 1898.) C'est la thèse que les Archives ont toujours Soutenue.

' E. B. -,

. LES effets DE l'alcoolisme. . ,

Nous empruntons les deux faits suivants au Bonhomme

normand du 22 avril : '

Les nommés Guillemin et Béchet, soldats au 26e régiment d'ar-

tillerie au Mans, en convalescence chez leurs parents à Ecouclié

(Orne), avaient absorbé trois quarts de litres d'eau-de-vie. Béchet,

devenu fou furieux à la suite de cet excès, s'élança sur le sieur

Lathélize, qu'il rencontra dans la rue, le saisit par le bras, cher-

chant à lui donner un coup de tête dans le ventre ; puis il saisit

son sabot et lui en. porta un coup qui lui fendit la lèvre supé-

rieure. Quelques instants après, Béchet s'élançait sur le sieur Fran-

çois Hobbé, jardinier à Lisieux. Heureusement que le garde cham-

pêtre se trouva là et retira Hobbé des mains de ce forcené, qui

fut arrêté ivre-mort chez ses parents.

' Le sieur Léon Charlemaine, 26 ans, s'est pendu dans le gre-

nier de la ferme occupée par son père, cultivateur à Saint-Gatien-

des-Bois, près Honfleur. Dernièrement, il avait eu affaire avec la

justice pour violences exercées sur son père. Les causes de sa fu-

neste détermination sont attribuées à l'abus des boissons alcoo-

liques. '

Ai;cfmHa, 2° série, 1. VU. 3-'

FAITS DIVERS.

Asiles d'aliénés. Nominations et promotions : 11. le De Maiion,

médecin-adjoint à l'asile public de Saint-Gemmes, est nommé méde-

cin-adjoint à l'asile de Lafond ; M. le D1' BARUK, médecin-adjoint à

l'asile de Lesvellec, est nommé médecin-adjoint à l'asile de Saint-

Gemmes ; M. le Dr NoLÉ, directeur-médecin de l'asile Sainte-

Catherine (Allier), est élevé à la lre classe ; M. le Dr Singer

est nommé médecin-adjoint à l'asile de Lesvellec en remplacement

de M. BARUK, nommé à Saint-Gemmes ; M. le Dr ROUSSET, mé-

decin-adjoint à l'asile public de Bron, est nommé médecin en chef

de la section des hommes en remplacement de M. le Dr Brun,

admis à la retraite ; M. le De VIALLON, médecin adjoint à l'asile

de Dijon, est nommé médecin-adjoint à l'asile de Bron ; M. Jos-

SERAND, directeur de l'asile de Bron est nommé directeur de l'asile

de Montdevergues, en remplacement de M. Raoul, nommé direc-

teur de l'asile de Bron; M. le De SANTENOISE, médecin-adjoint à

l'asile public de Dôle, est nommé médecin-adjoint à l'asile de

Dijon. Sont élevés à la 1 ? classe du grade : M. le 0' Malfilatre,

directeur-médecin de l'asile de Saint-Lizier (Ariège) ; M. le

Dr Nicoulau, médecin en chef de l'asile de Cadillac. A la classe

exceptionnelle, M. le D1' DuBAUDiN, médecin-adjoint de l'asile de

Pau.

SUICIDE d'un enfant. Un enfant de onze ans, nommé Marcel

Roger, s'est pendu hier au domicile de ses parents, 21, rue de

Chartres. L'enfant vivait assez solitairement ; son père, garçon de

magasin, et sa mère, femme de ménage, partant chaque jour de

bon matin. Il allait seul à l'école et, revenu à la maison à quatre

heures, il s'occupait à ses devoirs en attendant ses parents, qui ne

rentraient qu'assez tard. Quelquefois, une fillette de la maison,

Estelle Redolri, âgée de douze ans, venait jouer avec lui. C'est elle

qui a la première constaté le suicide du jeune désespéré. On ne

sait à quoi attribuer cette mort navrante. L'enfant avait-il été ré-

cemment grondé par ses maîtres et cette pensée lui 'était-elle

encore insupportable ? C'est ce que l'enquête établira. (L'Aurore,

du 3 mai 1899.)

Les aliénés en liberté. Un nommé Chalopin-Scordel, demeu-

rant à Saint-Loup-sur-Aujon (Haute-Marne), est entré dans la

avis A NOS abonnés SIS b

petite église de Neuilly-sur-Suize, et avec un éteignoir, a brisé les

vitraux, les statues et les candélabres, puis il a renversé les autels.

Les dégâts sont évalués à 3.000 francs. Chalopin a été arrêté. Il est

atteint d'aliénation mentale. (Le Temps du 29 avril 1899.)

- Des épilepliques et de leurs accès. Rôle de l'infirmière.

Brochure in-18 de 20 pages. Pri\ : 0 fr. 60. Pour nos abonnés :

0 fi,. 40 - Bureau ? du Progrès médical.

Cii.iicl (A.) Pt )l 1 DrA (E.). - La ? ialcillia di Parkinson e l'eredo-fanzi-

liartlu (otecHiMchp). Brochure 111-8', de 23 pages. .Milan, 1899.

·1·amlort et ( ?

Couto 11,a, (A.). Consideracoes sobre as polinevriles encaradas a

liiz do moderne eottcepcao. Volume 111-8- tic 03 pages. Baliia, 1898.

Itnprcnsa popular.

cttna. - Rapport sur le traitement familial des aliénés. Bro-

chure m-S° de 18 panes.- La Ituche-sur-Yon, 1898. - lvonnet, imprimeur.

Graiiam U3nows (J.). on lhe of diseases of tlte non

vozis syslei2. - Brochure 111-8» de 12 pages. - lidinburgh, 1899. - The

Scoltish Médical and iiârgical Journal.

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étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions

instamment nos souscripteurs dont l'abonnement cesse à

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- Nous rappelons à nos lecteurs que l 'abonnement collec-

tif des Archives de Neurologie et du Progrès Médical

est réduit à 30 francs pour la France et l'Étranger.

Le rédacteur-gérant, Bourneville.

EXPLICATION DES PLANCHES.

Planche I

Coupe du crâne dans un cas d'atrophie considérable des lobes

frontaux du cerveau.

Planches II, III, IV, V

Elles représentent l'atrophie scléreuse, à un très haut degré, des

lobes frontaux du cerveau.

TABLE DES MATIÈRES

AKAS)E.Deuxcasd'astasieetd ?

par GI asset, 05.

ACnOHI : G1LIE. Un cas il'- avec hémia-

nopsie bi-temporale et inférieure,

par Monteverdi et Torracln, 320.

Agitation. Elude séméiologique de

l ? par Cololian. '

Alcool. Deux enfants tués par l ?

174. L'- et la nutrition, par

Huiler, 319.

Alcoolisme de l'enfance. Instabilité,

- , imbéclllité morale, par l3ourne-

ville et Boyer, 59. Drames de

il-, 93. Du traitement de l'- par

l'Ilylmotisme, par ltibal : olt, 161.

L ? 173. L' ; ses conséquences

pour l'individu, l'État et la société,

par Debove, 232. L'- chez les en-

fants, 255. L ? ses conséquences,

256. L'hypnotisme et le traitement

de l ? par Flavianos, 416. Alite-

ment dans les formes aiguës de

1' ,par Magnan,489. Les effets de e

513.

Alcooliques. Les persécutés, par

Cololian, 42;). L' meurtrier, 431.

Aliénation mentale. L' commen-

çante, par Croohley Clapam, 224.

1 Cliirui,gie eliez les flliiryies

au' Canada, par Duché, 365.

Assistance des -; \ieille femme

séquestrée, 90. Les- en liberté, 91.

Assistance des -, 93. De l'emploi

dureposauhtcheztcs,par de

Becli terew, 161. Les - en liberté,

173,514. La sil nation de l'assistance

des -dans le duché de Ilade, par

Kroel)eliii, 237. Le second hôpital

pour les de l'Etat de;llaryland,

par Rohé, 242. Asile d' de

France, 256. Nécessité de l'assis-

tance des -, 256. Interventions

chirurgicaies chez les -, par Feb-

vré et Picqué, 401. Internement

d'un -; résistance du maire de

sa comm; : ne, ? 9. L ? Assistancc

des -, lt30. - eu liberté, 431.

méconnus et condamnés, par

'l'aLy, f76.

AuLMSTEs. Bapportsdes etlesneu-

ro)ogis)es,parEsktidge,513.

AuW slerétro-antérograde, parSicard

et Biche, 234. -

AIfYOTHOPI11E. Trois nouveaux cas

d'- primitive progressive dans '

l'enfance, par Ilaushalter, 228.

AKALGÉS ! E.Del'épigastrique pro-

fonde chez les tabétiques, par

Pitres, 328. - -

A1.41;THHIE. Un cas d ? capsulaire

avec autopsie, par Abadie, 320.

Angine. Fausse de poitrine con-

sécutive à un rêve subconscient,

par Farez, 400.

Ankalose. Un cas d'- de la colonne

vertébrale, par Popoft, 333.

Arthropatiiies. Deux cas d'- syriu-

gomyéliques, par Préoblajanslcy,.

331. i.

Asile d'aliénés. Les de Fiance et

les d'Angleterre et d'Ecosse, par

Taguet, 133, 171. Unevisiteàf du

comté de Wisconsin, par Burr, 241.

Note suri'de tfarseiiie; son passé,

son présent, son avenir, par Bou-

bila, Maunier et, Cossa. Visite t

l'- d'Aia, G07. -, 513..

Assassin. Un de seize ans, 175.

AST151E. Deux cas d'- et d'abasie.

par Grasset, 405.. ,j

.ITAxIS célébelleuse héréditaire, par ?

Ilossoliino, 246. Trois cas d' céré-

belleuse héréditaire dans la .même '

famille, par Hossohmo, 360. Suri ?

locomotrice, par Trevelyaii, 235.

Aulo-ACCusATMN. Délire systémati-

que primiuf d ? par Séglas, ·'f33.

Auto -intoxication. Les psychoses

d'- considérations générales,

par Régis, 278.

HEGUES. Statistique Lies- en France,

427.

Bibliographie,. 253, 417.

BtcLTae. Concours pour une place

de médecin suppléant à -, 92.

Buveur. L'enterrement d'un-, 175.

518 TABLE DES MATIÈRES.

C\str\tion. La complète iinplique-

t-elle l'incapacité totale de ill.-

créer, par bturgis, 152.

CELLULES nerveuses. Modifications

z les maladies soma-

tiques, par Hocb, 314. Des altéra-

tions des causées par l'arsenic,

pir Souklranoff, 474.

Centres nerveux. Sur les p Il 61101llè-

nes de réparation dans les

après la section des nerfs périphé-

riques, par Marinpsco, 303.

Ck'.RÉ13RO-SPI ? ILE. Singulière infection

expérimentale, par Daildl et Sil-

vestnni, 473.

Cerveau. Le développement des cen-

ties supérieurs du -, par l'aton,

418.

Cervelet. Sur un cas d'atrophie uni-

latérale du -, par Lannuls et

l'aviot, 312. Les fonctions du -

recherches expérimentales avec

présentation des animaux, des piè-

ces anatomiques et des dessins, par

Versilofy, 409.

Champs névrogliques. Les en-

dolhéhlormps chez les mammi-

lères, par Bonne, 313.

Ciiarcot. Inauguration du monu-

ment de J.-)) ? 74.

CHOIIEE. Sur la d'Hunllngton, par

Clal l : a, 9+, Le coeur dans la-par ha-

vier, 172. Sur un cas de-variallle

avec contractions fasclculaires des

deltoïdes et craquements arucu-

lalres, par Féré, 327. Les lésions

histologiques du système nerveux

central dans la - chronique téré-

ditaire, Ilispal, 401. Recller-

ches cliniques sur la - de Syde-

nham, par Oddo, 405.

Circoncision. Hérédité et -, I)at- 'J'al-

bot, 226.

Clinique PSSCIILI7111QLE. Une visite à

1.1 - de Giessen, par Ladame, 255.

Colonie. Fonctionnement (le la -

z depuis deux ans et demn,

par William 21l.

Colonisation familiale, par Marie et

Vigoureux, 489.

Colonne vertébrale. Un caS d'anky-

lose de la - -, par Popolf, 333.

Confusion mentale. La -, par Gom-

bault, 418. '

Congrès des aliénistes et neurolo-

gistes, par Hamel et Vigoureux,

17` ? , 336, 366. 0

t : nrrcavTS. Contribution à la connais-

sance des - oscillants à haute

tension, par Jendrassik, 313.

Criminels. Types de - russes, par

Orcllansl : i, 330.

Cubital. Recherches sur l'analgésie

du - chez les aliénés, par lera-

val et Laurent, 97.

Dégénérés. Sur trois cas d'impulsion

chez des -, par Iscovesco, 216.

Dégénérescence mentale. Etat nevro-

pathique, appoint alcoolique, dé-

lire hallucinatoire, par Truelle, 337.

Di'générescencc et neurasthénie, par

Bidon, 399.

Délire aigu, par Coston, 213. Modi-

liuatiun Hescrllules nerveuses dans

un cas de et dans un cas de

delirmn tremens, par Ilocll, 141.

Délire alcoolique. Hypnotisme et

sommeil prolongé dans un cas de

- -, par Farez, 334.

DI : LUU; psychique. Du -- post-opé-

t'atoii,e, par Ilie(ILie, 71.

Délires. Des - systématisés selon

dailrs, par Anglade, 375. -

tématisés dans la convalescence de

la lièvre typhoïde, par Dufour, 490.

Démence. Rapport préliminaire, cli-

nique et pathologique sur un cas

de - progressive, par 311lis et

Schively, 73.

UÉ11GRI'HI\IS.lTlov. Mécanisme phy-

siologique, conséquences au point

de vue thérapeutique, par Solller,

163.

DEII%I. £ TOI'110BIES. Lf's, pattu-

bierge, 212.

D1'\.1JIOGI : 11E. )J'nll'aillrlTlent Sllrt ?

tif, aclif ou - psychique, par Ber-

nheim, 229.

DYSOSTOSE. Sur la - CIr'I(IO-Cl'd-

nienne héréditaire, par P. Mai le et

Saiutou, 321.

Eclampsie. Cellules de l'écorce grise

dans l' . par et l'ons. : 0j.

Km.uES. Etude photographique

des humains, par lcard et

Sépet, 487.

\F ? 1\l'S .1111117 : Itis, i.ec - , leur

traitement éducatif, par Lcy, 171.

SLiici(les (I' -, 92.

lirml : ulc. Sur une épidémie de bel l-

Ilrri à l'asile de Iliclitnoti(l de Du-

liliii, 21.

Epilepsie essentielle. Un cas de ré-

section totale et bilatérale rln wm-

TABLE DES MATIERES. 519

puthiquc cerwcal comme traite-

ment de il -, par Aceveilo, 159.

- larvée à tonne gastrique, par

Fiohaux, 172. Recherches clini-

ques et thérapeutiques sur l' -

1'liystt',iie et l'idiotie, par Bourne-

ville, '99. - La toxicité du sang

dans l' -, par Coldiiiiii, 1-17. -

jakcsomenne, par l3uucliaud, 229.

Pathologie de l' . par Ivrain·ky, ? 23. Trépanation dans l' . 36'r.

frlyan et - traumatique, par

lleulon, 361. Traitement de l'at-

taque d' - par le trional, par

Maunier, 404.

Epu.EE'unuES. Les -, 93-430. Con-

ditions biologiques des familles

des -, par Béchet, 202. Albumi-

après les crises -, par

Lannois et Ma) et, 40t. Des soins

adonner aux , instructions 1)0111,

les gardes-malades, par Milder-

muta. 417. Notes sur les chocs

céphalalgiques chez les -, par

Féré, 321.

1 poque pubère. L' - - u travets

les us et coutumes des peuples,

par Marro, 153.

1 ? nonsve. De Faute ? pari)awe-

locl : -l : llls, 15.

Eruptions. Localisation élective des

ciitatiéeq sur le côté intéressé

par une affection nerceuse unila-

térale d'origine centrale, par

Eoeuue, 61.

Faciale. Einihypcitroplne , par

Sabrazès et Cahannes, 3 ? fi.

Folie. Rapport préliininairesiir l'exa-

incil bactériologique de l'écorce ei

du liquide cérébro-spinal dans 17

cas de -, par 'l'omlmsou, 1 i ï.

\Lysucisme et -, par Manu, 27.

De la - son début, par Croch-

les' Claplrans ? ? 3. Les formes allé-

nules de la - périodique, par

Hoche, 213. - sympathique. La-

paratomie. Guérison des troubles

intellectuels, par Febvré, 169.

1-OI.Lr. Le suicide d'une. -, 93.

1-'ou. Un - meut trier, 93.

C ! .\\L)E11mtODE. Contribution à

I élude de la théorie de la fonction

de la et de la thérapeutique

de la maladie de par

Tiaciewsky, 160. Traitement de

la , par Williams Nose-

lecc, 163.

Goitre exophtalmique et médication

thyroïdienne, par lllartin, 162. La

médication thyroïdienne dans le

traitement du - -, par \Veiller,

963. - avec symptôme oculaire

unilatéral, par lluishelwood, 320.

Symptômes de myscrtlème au dé-

but chez une femme antérieure-

ment atteinte de , par Gau-

tier, 362.

Gawn nenEl.i. Sur une variété de

paralysie associée du muscle

- , par Souques et Duvai, 317.

HÉMiANOPSiE. Un cas d' latérale

consécutive à une blessure péné-

trante du cerveau, par Mike. 232.

Hémiplégie. De l'état facial supé-

rieur et du moteur oculaire com-

mun dans 1' organique, par

Mirallié, 1.

H6 : lu;nrrc. L' comme (acteur dans

l'étiolonie de la Iolle, par Stearns,

72. - Note sur un cas cl' - ré-

gressive, par Partner et Sante-

noise, 129. - et circoncision, par

Talliot, 226.

Homicide subconscient et suicide ;

leur physiologie psychologique,

par Rancrolt, 221 .

HYunocÉPH\HE et Ilydromyélle

comme source de diverses mons-

z du système nerveux cen-

iral, par Solovizow, 250. L' et

l'hulromyélie comme causes des

différentes difformités conéni-

tales du système nerveux central,

par Solovtzolf. 336. Sur un cas

d' hérédo-syphilitique, par

Andeoud, 362.

111'DIiOit'LIG. 1,'tiv(li et l' -

comme cause des différentes dif-

loruiités congénitales du système

nerveux, 360. Hydrocéphalie et-

comme source de diverses mons-

truosllés du système nerveux

central, par Sulowzow, 250.

li I'Fnw uaosE uuilatérale, par Teuss-

cher 68.

Hm'nologie. Société d' et psycho-

logis, 215.

llmvolma. Cilculation chez les

par lléiillon, 490.

HraoTISvE. Ahus de l' - 430, et

sommeil prolonge dans un cas de

délire alcoolique, par l'ai-ez, 334.

HvsTémE. L' chez les enlauts, par

Bruns. '216. I.' - dans ses rap-

nntts avec les émotions sexuelles

50 TABLE DES MATIÈRES.

par Ellis, 322. Recherches clini-

ques et thérapeutiques sur l'épi-

lepsie, 1' et l'idiotie, par Bour-

neville, 89. - traumatique; dou-

ble pied-bot hystérique. Amnésie

;rétro-antérograde, lar Sicard et

-Riche, 23t. mâle, par Vallon et

Roques de Fursac, 460.

Hysierique. Catalepsie spontanée

chez une -, par Bérillon, 33+.

Imbéciles, Traitement des - et des

épileptiques,256.

Idiotie. Recherches cliniques et thé-

rapeutiques sur l'épilepsie, l'Il,s-

térie et l' -, par Bourneville, 9.

Idiots. Nécessité de l'hospitalisation

'et du traitement (les -, 251. Sta-

tistique (les - dans les pays

Scandinaves ; insuffisance de ren-

seignements en France, 253.

Infantilisme. Deux cas d' -, par

Scholu, 58.

Influence microbienne et des toxi-

nesdélivees dans la genèse des

affections nerveuses centrales et

périphériques, par Blizzard, 309.

Insensés. Les - au XM ? siècle,

par Cossa et Mouton, 405.

Instarilité mentale. L' - essai sur

les données de la psycho-patho-

logie, par Duprat, 19.

I.N'10\ICITIO,l et infection. Note sur

les délires <l'auto - et d'infection,

par Régis, 213.

Lèpre anesthésique. par Ilersmau,

6î.

Lépreux. Sur les lésions des cor-

dons postérieurs dans la moelle

des ,parJeansetme et P. Marie,

317.

Lnu.s. Le syndrome de - et la sy-

pliilis héréditaire, par Tommasi,

361. Syndrome de d'origine

-obstétricale, par Boiiiet, 198.

Lobes cérébraux. Nouvelles recher-

ches sur la formation de la subs-

tance blanche dans les de

l'homme, parFlechsig, 154.

IrIG\E'r0-III't'\OT1S\(E. L'evercice illé-

gal de la médecine eu matière de

, par Vidal, 335.

.Maladie de GnAtLS. Manie rapide-

ment mortelle dans la , par

Bat ton Jacobs, 219.

Maladie DE BA&EDOW. Contribution ? t l'étti(le de la tliéoi-ie de 1-t folie-

tion de la glande thyroïde et delà

thérapeutique de la -, par Trac-

zewshi, 160.

Mal de PoTT. Etude microscopique

de la moelle dans deux cas de ? par Spillei,, 305.

Médian. Section ancienne du -; su-

ture ; prétendu retour immédiat

de la sensibilité, par Lambotte et

Sano, 306. Section partielle du nerf

- , par Lambotte et Sano, 474.

Mélancolie. De la au début, par

Ponton, 219. De l'excrétion de

l'urée et de l'acide urique dans la

, par Melvilie-Hibbard, 145.

de la lèpre, par Ashlneah, 222.

Mélancoliques. L'oeil des , par

Atl ! anasslo,35ï. Les-, par Atha-

nassio, 28, 105.

Méningées. Sur quelques variétés

d'hémorragies , par Boinet, 499.

Méningite Cél'éb ! '0-Splilale épidémi-

que. Quelques cas observés à la

clinique du professeur P. Delati-

nis, par Assimis, 61. Paralysie

alterne supérieure au cours d'une

tuberculeuse. Ramollissement

du pédoncule central par throm-

bose de la veine basilaire, par

d'Astros, 403. tuberculeuse de

l'adulte à forme choréo-athétosi-

que, 495.

Migraine. La fausse réminiscence

dans l'aura de la , par Féré.

229.

Moelle. Noiveau syndrome consé-

cutif à une blessure de la -, par

Urriola, 350. Etude des localisa-

tions des noyaux moteurs de la

lombo-sacrée par Van Gehucliten

et de Buck, 471.

Monoplégie. Accès répétés de

brachiale fugace pendant quinze

ans. Epilepsie jacksonnienne, par

Bouchaud, ? 9.

Myéline. Un cas de désagrégation

aiguë de la- dans le système ner-

veux central et périphérique. Sar-

comes multiples, par Mourawielf,

252.

avec paraplégie flasque, par

Vogues et Sirol, 486. sypliili-

tique diffuse, par La(Targue, 190.

'11O\ ! ! I : LIE. Uu cas de -, par Th.

Miller, 225.

Myopathie primitive et progressive

avec autopsie, par Sabrazès e

Brengues, 359.

TABLE DES IATIÈRES..1; 1-) I

.lOSITE. De la ossifiante progres-

sive, par Weil et Nissim, 325.

Myopathie primitive. Examen élec-

trique. Amélioration par le suc

musculaire, par Allard, 361.

Myxoedème. Conditions pathologi-

ques comparables au - chez le

nènre, par Berkley, 63. Le -, par

Tbibierge, 170. Rapports entre la

maladie du sommeil et le -, par

Briquet, 62. Du - et des troubles

qni s'y rattachent, par \\ ? Ord,

225. Rapports entre la maladie du

sommeil et le par Régis et

Gaide, 230. Maladie du sommeil

et , par Mongour, 231. Symp-

tômes de - au début chez une

femme antérieurement atteinte de

goitre exopttthaimique, par Gau-

tier, 362.

Mysticisme et folie, par A. Marie, 257.

Narcolepsie. Note sur la épilep-

tique, par Féré, 228..

Neurasthénie. Dégénérescence et-,

par Bidon, 399. La - et le com-

merce du monde, par Granholm,

68.

Neurasthénique. Syndrome urinaire

- par Sépet, 486. Délire systéma-

tisé secondaire dans un état .

J)a ! LIlaill)e, 491.

Neurone. Validité de la doctrine du

- , par Barker, 31G.

Névralgies. Trois de cas du triju-

meau d'origine dentau'e non ac-

compagnée de mal de dents, par

Walter il. Tliol-ii, 235. - ova-

rienne guérie par suggestion, par

Bérillon, 490.

Névrites périphériques. Traitement

des par le massage et les

vibrations mécaniques, par Bouis-

son, 405. Note sur deux cas de

avec résultats expérimentaux com-

paratifs de dégénérescence et d'al-

térations cellulaires, par Flem-

mins, 319.

NOEVUS ANGtOMATEUx. Enorme

de la face avec hémiplégie spas-

modique et épilepsie, 327.

Obsession. Quelques cas d' uri

naire ; maux perforants plantaires

précurseurs de l'ataxie dans le

tabes, par Beynès, 405.

Ophtiialmies sympathiques, par

Sliaw et Ferdinand, 235.

OPIITIIALSfOI'LIG1E. Contribution a la

connaissance de l' externe, par

Homen, 6G.

Optique Lésion de la bandelette,

par Maheim, 474.

Parmasie. Un cas de ascendante

aiguë, par Roger et Josué, 58.

du voile du palais et du facial

inférieur droit avec parésie du

pnenmon- gastrique et du phré-

nique dans un cas d'angine,

diphtérique, par Varnali, 58.

Un cas de faciale double d'ori-

gine bulbaire, par Malty, 59.

Un cas de - juvénile avec syphi-

lis héréditaire, par Saporito, 62.

)1%oli,mie dans un cas de-

saturnine, 66. Sur un cas de

- aseendante aiguë sans lésion

histologique des neifs et de la

moelle, par Giraudeau et Lévi,

312. - llypotllèse sur la pathogé-

nie des hystériques, par Gui-

nard, 228. - alcoolique et poly-

névrite infectieuse, par Tllln ,

233. Deux cas de obstetriucale

du plexus brachial, par Allard. ? 31.-alcoolique et-mfectleuse,

parTilma, 235.-pseudo-bulbaire,

par Haskovec, 325. faciale gué-

rie en trois semaines par le salicy-

late de soude, par Catrin, 234.

pseudo-bnlbaire, par Marie et

Vigouroux, 188. Un cas de

de Landry, pai Boinet, 497.

Paralysie générale. Du sens tactile

étudié chez les mêmes malades

aux trois périodes de la ,par

iniai-atidoii de bloiityel, 189. -

Sur les altérations des cellules

nerveuses de la cellule pyrami-

dale, en particulier dans la - z.

par, Anplade, 143. Diagnostic

ptécoce de la par Hoche.

Les ? parKlippel, 217.

Paralytiques généraux. La descen-

dance des - -, 243.

Parole. Pathologie et thérapeutique

des \ices de la , par Oltus'ewski,

450. Les centres et voies de

communication de la et de l'é-

criture, par Itosa, 306.

Pathologie de la cellule nerveuse.

Contribution à la et de ses

prolongements, par Rybakoff, 251.

Peine DE mort. La suppression de la

- , 94.

Physiologie. PSYCHOLOGIE et , par

Nichols, 148.

ïj'2"2 1), TABLE DES MATIÈRES.

PjED-Bor. Double hystérique, par

Sicard et Riche, 234.

Pileux. Chute émotionnelle du sys-

tème, par Bidon, 490. -

PoLLnriDrsIE. Trois cas de psycho-

pythiques guéris par suggestion,

-par Crocq, 365.

Polynévrite post-influenzique, par

Larroussi mle,90-et polyomélyte,

per liaymond, 361.

POL1'\F.VRITIQUI : . Contribution à l'a-

iiatomie 1)zttliologiqie, de la psy-

chose - et de cet Unies formes

de confusion mentale primitive,

par Ballet et Famé, 310.

Porencépiui.ie occipitale symétrique,

par Ciiiieli, 310. - Les-, parGan-

gitano, 472.

Ps'vciiosE , 331, 386. Contribu-

tion à l'étude de la , par Souk-

llanoff et Orloff, 41 f.

Pseudo -appendicites et affections

pseudo-viscél alcs , par Abrams,

152.

PsEUDO-nYpr : nTnopH ! E. Présentation

d'un cas de - musculaire, par

Minor, 412. Un cas de mus-

culuire, par préohrajenshi, 413.-

Psychique. Autotlléraple -. Le re-

cueillement de l'élément effectif,

par Lévy, 363.

Psychologie pt plivsiologie, par Ni-

chols, 148.

Psychoses, Des - post-opéra-

tolre;. Du rôle que la nature

de l'opération z peut

jouer dans leur production, par

·Plcqué et Ili-iaii(l, 220. - polyné-

vritique, par Ballet, 386.

Psychso-algie, douleurs de froid, par

Uana, 419.

Psvcuno - oestiiésie. Sensations de

froid, par Dana, 149.

Racines cervicales. Investigations

expérimentales des et thoraci-

ques au sujet du torticolis, par

Itussell, 151.

Rage, liecheicnes anatomo-patholo-

giques -dans un cas de - chez

l'homme, par Tscllerniscllell, 332.

Réflexe. Le viril ou bulbo-caver-

neux, par Hughes, 305. Abolition

du - rotulien malgré l'intégrité

relative de la moelle lombo-sa-

crée, par Sano, 306.

Relations physiologiques et patllo-

logiques entre tenez et l'appareil

sexuel, par inlacliellsie, 150.

Sclérose en plaques. Un cas ' de

tremblement segmentaire dans la

- , par Grasset, 395. - médul-

laire consécutive à une arthrite

tuberculeuse de l'épaule, par Lau-

nois et Paviot, 402.

Sensibilité. Comte notice propos

de la lettre du professeur Pick

sur les troubles de la dans les

myélites transverses, par Miuor,

249. Dissociation syringomyélique

de la dans les myélites trans-

verses, par Minor, 218.

Société médico-psychologique, 166,

233. - de neuropatholoye et

de psychiatrie de Moscou, 246,

331, 4U9. - d'Itypoloie et psy-

chologie, 215, 334. d'llypnolo-

rie, ilti.

Sommeil. Rapports entre la maladie

(lu - et le m\'xoede[ne, par Cri-

quet, 62, par Mongour, 231.

Spinales. Manifestations d'oi-i

gitie blennorrhayque, Boinet,

50 i.

Spiritisme, et folie, par Marie et

Vigoureux, 488.

Spt.fAL.Lenerfet te nerf mo-

leur de l'estomac, par Baltelli, 318.

SPOVDYf.OSE. Delà rhizoniyélique,

par Mat le, 227.

Suicide. Le - comme agent de pré-

servation, par Hugues, IG2,-tl'nn

enfant, 514.

Syndrome D'EriB. Une observation

nouvelle, par Roques, 321.

Syphilis cérébrale avec lésions éten-

dues des uelfs crâniens, par Pres-

ton, 61.

Système nerveux. Clinique des ma-

ladies du -, par Raymond, 16

Leçons de clinique thérapeutique

sur les maladies du -, par Gilles

de la Tonrette, 79. L'élément con-

ducteur du - t-t ses relations topo-

glaphiques avec les cellules, par

Apathy, 3t'r. Des difformités con-

génitales du-central, parSolov-

tzoff, 317. Méthodes actuelles de

préparation du , par Berkiey,

147.

Syringomyélie. Contribution à la

symptomatologie de la , par

111allaudow, 248.

Tabès. L'hypotomie musculaire dans

le , I)ai-Fi,enlel, 60. Les causes

de l'ataxie dans le - dorsal,

par Freukel, ou. Des symptômes

TABLE AUTEURS ET DES DES COLLABORATEURS..1)123

précoces du - dorsal, par de

l3oclUerew, 65. Quelques ma-

mères de voir relatives à l'étio-

logie et au traitement du -, par

Homen, 68. - et traumatisme,

par Donadieu-Lamt, 328. Traite-

ment thermal du -, par Belugon,

405. Un cas deincipiens,pa !

van Gelnichien, 474.

Tabétiques. De l'analgésie épigas-

trique profonde chez les -, par

Pilres, 328.

Taciiypnée. Sur un cas de - hysté-

rique secondaire, par Soca, 328.

Tétanos. Un cas de suivi d'au-

topsie, par Donetti, 322.

Thèses neuro-pathologiques soute-

nues à la Faculté de médecine de

Lille pendant l'année scolaire

1897-1898, 172.

Tiiomsen. ttatadiedeàforme

fruste et avec atrophie musculaire

par Noguès et Sirol, 361.

Thyroïdienne. Médication -, par

llutchinson et Leunau, 364.

Tic. Un casfterotatoeg'uén

par la psychothérapie, par Neu-

terghem, 362.

Torticolis. Trois cas de- spasmo-

riique, par Parry, 225.

'rRMIBLE31ENT. Un cas de - segrnen-

taire dans la sclérose en plaques,

par Grasset, 395.

Tumeurs cérébrales. Deux cas de

opérées avec succès et suivis de

guérison, par Oiver et Williamson,

164.

Tumeurs 1\TPA-CRAIC\\ES, par Fer-

rier, 310.

Ventricule. Un cas de lésion loca-

lisée du qnatneme ventricule, par

Carr,3t0.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS

Abailie. 320.

Abrams, 152.

Aceve,clu, 159.

Allard. 231, 36î.

An,-Iacle, 143, 375, 389,

505.

Apalhv. 314. li.

Aslimcad, 222.

Asti,os (d'), 403.

Assimis, 61.

Athanassio,8, IOi,357.

Audeoiid, 362.

Ballet, 310, 386, 388, 390-

liaticioil, 221.

13allei, 316.

Barton Jacobs, 219.

Battelli, 315.

Béchet, 202.

Bechterew (de), 03, 161.

Belugon, 405.

Beiklev , 63, 117. 1 -

Bérillon,33S, il7, 194.

Bernheim, 229.

Bernoud, 327. 1.

Bidon. 399, 402, 494.

Boinet, 195, li97, 498,

499,50t. É.

Bonne, 313.

Botibila, 397, 407, 506.

Bouchauil, 229.

Bouisson, <().').

Bourneville, 50, 89, 485.

Boyer, 50.

Rrengues, 359.

Brland, 200.

Briquet, 62.

Bruns, 236.

Buber, 66.

Buck (de), 471.

liucl : e, 3Ga.

Burr, 211.

Blizzard, 309.

Cabanne·, 3` ? G.

Carr, 310.

Catrm, 235.

Charcot, 74.

Claphans, 223,2-2 ?

Claïke, 61.

Cluich, 310.

Cololian, I ïl, ==0, 2a.

Conolly, 224.

Cossa, 397, 405.

Costoli, 218.

Crocbley, 223, 224.

Crocq, 365. z

Clos, 505.

Daririi, 473.

Dana, 119.

Debove, 232.

Uonadieu-Lavit, 328.

Donetti, 322.

Doutrebente, 368, 397,

403, 489, 507.

Drouineau, 484.

Dulotir, 49î.

Duprat, 419.

Dun), 386.

Duval, 317.

Ellis, 322.

Engelhardt, 506.

Eskridge, 513.

Etieiiiie, 61.

Fartez, 400.

Faure, 3t0.

Famer, I ï2.

Febvré, 109, 401.

Ferdinand, 235.

Péré, 228, 2` ? g, 3° I , 307.

Ferrier, 310.

Fichaux, 172.

Flaissièi,es, 36G.

Flechsin, 15 : r.

Flemmmg, 319.

Frenkel, 60, 66.

Gaide, 230.

Gangitano, 472.

324 Il TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

Garnier t28.

Gahuclaen (Van), 471,

474.

Gautier, 362.

Gilles de la l'otireite, 79.

Giraud, 482.

Giramicau, 312.

Gombault, 418.

Graultolm, G8.

Grasset, 395. 401. i.

Guinard, 228.

Hanshalter. 228.

'Hamel, 330, 3CC,.

Haskovec. 325.

llavelock-EUis, 215.

Ilersman, 64.

Hocli, 144, 314.

Hoche, 213, 211. î.

Homeu, 68, 69.

Hughes, 102, 305.

Huishelwood, 320.

llutchinsson, 361.

Picard, 487.

Iscovesco, 216.

lacohs (Barton), t,19.

.leanselme, 31 ï.

.lendrassk, 313.

.losué, 58.

Keraval, 97.

Klippel, 217.

KoewnU : off, 1G.

Korsakoir, 411. I.

Krainsky, 323.

Laffargue,t9t.

Lalanne, 381.

Lan,ac, Do ? oy, 5n.

Lambotte, 30G, -f7r.

Lannois, 312, 327.

Lai-vouissimie, ? ,90.

Launois, 102, '0 i.

Laurent, 97.

Lennau, 364.

Lévi, 312.

Lévy, 3G3.

Ley, 971.

Liégeois, 417.

111abille, 402, f83.

Mackenzie, 150.

Magnan, 489.

Maheim, 474.

llfally, 59.

Marandon de Montyel,

189.

A.Marie, 227, 2a7, ! tSB,

489.

P. Marie, 317, 324.

Marinesco, 303.

Marro, 153.

Martin, 162.

Maumer, 397, 14011.

Melville-Hibbard, 145.

Meuriot, 213.

mixe, 232.

Miller, 225.

Mills, 73.

\linor, ltl2, .11G. -

Mirallié, 1.

Mongour. 2 il.

\loutatoll', 411, 410.

lour.ivielT, 412, 410.

)Io,eley, 7G3.

Monteverdi, 320.

Mouton, 403.

Buller, 319. - -

Nentergbem, 362.

Nichons, 148.

Nissim, 325.

Noguès, 361,486.

Nurinan, 224.

Oddo, 405.

Oliver, 161.

Olluszevski, 430.

Orchanski, 330.

Ord, 225.

orloff, 331, 414.

Parry, 22 : i.

Paton, 148.

I'aciot, 312, 40 ? .

f'icqué, 70, 22(, '10 l.

Pitres, 328.

Popoli. 333.

Poux, 305.

l'réobrajensl : y, : 331, 113.

Presto n, 64.

Ravmond, 76, 361.

Régis, 213, 230, ` ! i8,

379, 389, l8'r.

Reuton, 364.

liey, 483, 185, 507.

Iteynès, 405.

Uibakoff, 161.

Riche, 231.

Rispal, 401.

Itofier, 58.

Rohé, 242.

Roques de Fursac, 321,

460.

Rosa, 306.

Rossolimo, 360.

Rotii, 416.

Rouby, 402.

lltisseil, 151.

Sabrazès, 326,3 ?

Sainton, 324.

Sano, 305, 474.

Santenoise, 128.

Saporito, 62.

Scliively, 73.

Sclirenz-Notzimr. 417.

Séglas, 433.

Serbslcy, 41G.

Sépat, 486, 487.

Slliw, 235.

Sicai,(I, 23, 386.

Silvestrini, 473.

Suol, 361, 486.

Soca, 328.

Suulhanoff, 331. 51 i,

474.

Sollier, 163.

Solovtzoff, 317, 360.

Souques, 317.

Spratling, 241.

Spiller, 305.

Sturgis, 152.

Tawuet, 133.

Talbot, 226.

'f.Ity, 181.

Tcbernischoff, 332.

Teuselier, 68.

'ftnbierge, 1 î0, ` ? 12.

Tlllino, 233.

Tokarsky, 410.

Tommasi, 361.

Tomlinson, 117.

Torrachi. 320.

Traczewski, 160.

Trevelyan, 235.

Truelle, 337.

Urriola, 351.

Vallon, 166, 378, 389.

402, '160, 483.

Varnali, 58.

VersilotT, 409, 41G.

Vigoureux, 336, 36(;.

488, 489.

Vlaviaiios, 416.

Voisin, 243, 245, 416.

\Valter ( : 1L-Tborn), 235.

Wiel, 325.

Weilher, )63.

Wildermuth, 417.

Williamson, 164,

Evreux, Ch. Hhmscst, iiii ? 69 ?